Diagnostic et drainage souterrain des terres agricoles
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DRAIN MÉGA 3 250 MICRONS
CONTRÔLE DE NAPPE* *Contrôle électronique en développement
RÉSERVOIR
Soleno
soleno.com
Soleno inc. 1160, route 133 Saint-Jean-sur-Richelieu, QC J2X 4B6 Canada T 800.363.1471 clientele@soleno.com
Ce projet a été réalisé grâce à une aide financière du Programme Innov'Action agroalimentaire issu de l'Accord Canada-Québec de mise en œuvre du Partenariat canadien pour l'agriculture.
DROITS D’AUTEUR Il est interdit de reproduire, de traduire ou d’adapter cet ouvrage sans l’autorisation écrite du Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec afin de respecter les droits d’auteur et d’encourager la diffusion de nouvelles connaissances. AVERTISSEMENTS Au moment de sa rédaction, l’information contenue dans le présent ouvrage était jugée représentative des connaissances acquises sur les cultures de couvertures au Québec. Son utilisation demeure sous l’entière responsabilité du lecteur. Les éléments de publicité insérés dans ce document concrétisent l’appui du milieu à la parution de l’ouvrage. Leur présence ne signifie toutefois pas que le Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec en approuve le contenu ou cautionne les entreprises et organismes concernés. Les marques de commerce mentionnées dans ce guide le sont à titre indicatif seulement et ne constituent nullement une recommandation de la part des auteurs ou de l’éditeur. Dans le présent document, le masculin englobe le féminin et est utilisé uniquement pour alléger le texte.
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2018-2023
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AUTEURE PRINCIPALE Rosanne Chabot, agronome, ingénieure, Ph. D., directrice, Aménagement de parcelles, Logiag inc. COLLABORATION À LA RÉDACTION ET RÉVISION Jean Caron, agronome, Ph. D. physique du sol, professeur, titulaire de la Chaire CRSNG en conservation et restauration des sols organiques, Directeur scientifique du réseau québécois d’agriculture durable, Département des sols et de génie agroalimentaire, Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation, Université Laval (sols organiques, canneberges, tourbe de sphaigne) Bruno Garon, ingénieur, Conseiller en machinisme agricole et en conservation des sols, Direction régionale de la Montérégie, ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, Saint-Hyacinthe Mikael Guillou, agronome, M. Sc., Direction des pratiques agroenvironnementales, ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, Québec (Partie 8. Aspects environnementaux, irrigation souterraine) Robert Julien, vice-président, Association des entrepreneurs en drainage agricole du Québec (évent d’équilibre de la pression) Daniel Laberge, consultant Robert Lagacé, ingénieur, agronome, professeur titulaire, Département des sols et de génie agroalimentaire, Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation, Université Laval (structure du guide, matériaux filtrants) Odette Ménard, ingénieure et agronome, M. Sc. M.B.A., Conseillère en conservation des sols et de l’eau, Direction régionale de la Montérégie, ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, Saint-Hyacinthe (colmatage des drains par les racines) Valérie Petit, ingénieure, conseillère en génie agricole, Direction régionale du Centre-du-Québec, ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, Nicolet (au moment de la rédaction) Victor Savoie, ingénieur, conseiller en génie agroenvironnemental, Direction régionale du Centre-du-Québec, ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, Nicolet (approche diagnostique)
Merci aussi à Éric Blond (consultant), Jacek Mlynarek (Groupe CTT), François Pépin (Soleno textiles), Jacques Gallichand (Université Laval), l’Association des entrepreneurs en drainage agricole du Québec et Soleno pour leur collaboration à la réalisation de ce guide.
COORDINATION, ÉDITION ET MISE EN PAGE PAR LE CRAAQ Joanne Lagacé, B. Sc., chargée de projets Danielle Jacques, M. Sc., chargée de projets aux publications Lyne Lauzon, chargée de projets aux publications Véronique Michaud, graphiste
PHOTOGRAPHIES Hélène Bernard (MAPAQ), Jean Caron (Université Laval), Rosanne Chabot (Logiag inc.), Valérie Dulude (Logiag inc.), Célia Duquesnay, Enbridge inc., Véronique Gagnon (MAPAQ), Jean-Christophe Hébert (Logiag inc.), Info-Sols (MAPAQ), Benoit Massicotte, Odette Ménard (MAPAQ), Iké Nault (Logiag inc.), Louis Robert (MAPAQ), Victor Savoie (MAPAQ), Soleno
Six vidéos ont été réalisées en complément de ce guide. •
Diagnostics de problèmes de drainage
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La conductivité hydraulique des sols
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L’évaluation des risques de colmatage des drains par l’ocre ferreuse
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La granulométrie des sols au champ
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L’analyse granulométrique en laboratoire
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Les sols organiques
Ces vidéos ainsi que l’abaque intitulé Dimensionnement des collecteurs (fichier Excel) sont accessibles au lecteur via son compte CRAAQ sur le site www.craaq.qc.ca. Pour toute question, communiquer avec le service à la clientèle du CRAAQ au 418 523-5411 (ou 1 888 5352537) ou par courriel à client@craaq.qc.ca.
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TABLE DES MATIÈRES PRÉAMBULE..................................................................................................................................................................................... iix
PARTIE 1 - INTRODUCTION 1. DÉFINITIONS ET OBJECTIFS............................................................................................................................................... 2 2. PRINCIPES DE DRAINAGE ................................................................................................................................................... 4 2.1. Drainage souterrain systématique ou partiel................................................................................................... 4 2.2. Drainage souterrain, drainage de surface et réseau hydraulique............................................................. 4
PARTIE 2 - APPROCHE DIAGNOSTIQUE 3. ÉTAPES DE L’APPROCHE DIAGNOSTIQUE...................................................................................................................... 8 3.1. Rencontre avec le producteur................................................................................................................................ 8 3.2. Documents et références utiles............................................................................................................................. 8 3.3. Visite sur le terrain...................................................................................................................................................... 9 3.3.1. Profils de sol................................................................................................................................................... 9 3.3.2. Évaluation du réseau hydraulique et des aménagements de surface...................................... 10 3.4. Diagnostic...................................................................................................................................................................... 10 4. NOTIONS ESSENTIELLES POUR LE DIAGNOSTIC......................................................................................................... 12 4.1. Couleur du sol.............................................................................................................................................................. 12 4.2. Marbrures...................................................................................................................................................................... 12 4.3. Odeur.............................................................................................................................................................................. 13 4.4. Distribution des racines............................................................................................................................................ 13 4.5. Distribution de l’eau................................................................................................................................................... 14 5. CORRECTION DES PROBLÈMES D’ÉGOUTTEMENT.................................................................................................... 15 5.1. Nappe phréatique trop élevée............................................................................................................................... 15 5.1.1. Problématique............................................................................................................................................... 15 5.1.2. Correctifs......................................................................................................................................................... 15 5.2. Nappe perchée............................................................................................................................................................ 15 5.2.1. Problématique............................................................................................................................................... 15 5.2.2. Correctifs......................................................................................................................................................... 16 5.3. Écoulement hypodermique.................................................................................................................................... 16 5.3.1. Problématique............................................................................................................................................... 16 5.3.2. Correctifs......................................................................................................................................................... 18 5.4. Dépression.................................................................................................................................................................... 18 5.4.1. Problématique............................................................................................................................................... 18 5.4.2. Correctifs......................................................................................................................................................... 18 5.5. Approche globale....................................................................................................................................................... 20
PARTIE 3 - MODÈLES DE DRAINAGE 6. MODÈLE PHYSIQUE D’UN SYSTÈME DE DRAINAGE.................................................................................................. 24 7. MODÈLES MATHÉMATIQUES ............................................................................................................................................ 27 7.1. Modèle de Guyon....................................................................................................................................................... 27 7.2. Modèle de Hooghoudt............................................................................................................................................. 28 7.3. Autres modèles pour des sols complexes.......................................................................................................... 28 7.4. Profondeur équivalente de drainage.................................................................................................................. 29
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PARTIE 4 - CONSIDÉRATIONS CULTURALES 8. CULTURES TRADITIONNELLES........................................................................................................................................... 32 9. PRODUCTION MARAÎCHÈRE EN SOL ORGANIQUE.................................................................................................... 34 10. CANNEBERGES........................................................................................................................................................................ 38 11. TOURBE DE SPHAIGNE....................................................................................................................................................... 42 12. VIGNES...................................................................................................................................................................................... 42
PARTIE 5 - INVESTIGATION 13. COLLECTE DES INFORMATIONS ET DES DONNÉES DISPONIBLES........................................................................ 46 13.1. Entrevue avec le producteur.................................................................................................................................. 46 13.2. Ressources utiles......................................................................................................................................................... 47 14. ÉTUDE DES SOLS.................................................................................................................................................................... 49 14.1. Texture............................................................................................................................................................................ 49 14.2. Conductivité hydraulique saturée........................................................................................................................ 49 14.3. Évaluation du risque de colmatage par l’ocre de fer...................................................................................................52 14.4. Autres propriétés........................................................................................................................................................ 55 14.4.1. Profondeur de la couche imperméable............................................................................................... 55 14.4.2. Porosité équivalente de drainage.......................................................................................................... 55 14.4.3. Sols sensibles au remaniement lors des travaux.............................................................................. 57
PARTIE 6 - DESIGN DU SYSTÈME DE DRAINAGE 15. RELEVÉ TOPOGRAPHIQUE.................................................................................................................................................. 60 16. DESIGN D'UN RÉSEAU DE DRAINAGE............................................................................................................................. 63 16.1. Limites d’application du drainage souterrain.................................................................................................. 63 16.2. Profondeur des drains............................................................................................................................................... 63 16.3. Écartement entre les drains latéraux................................................................................................................... 64 16.4. Pente des drains.......................................................................................................................................................... 65 16.4.1. Pente maximale des drains latéraux.............................................................................................................65 16.4.2. Pente maximale des collecteurs............................................................................................................. 65 16.4.3. Pentes minimales des drains latéraux et des collecteurs............................................................... 65 16.5. Disposition des drains............................................................................................................................................... 66 16.5.1. Réseau de drainage..................................................................................................................................... 66 16.5.2. Drain latéral intercepteur.......................................................................................................................... 67 16.5.3. Drain latéral protecteur.............................................................................................................................. 68 16.6. Diamètre des drains................................................................................................................................................... 68 16.6.1. Drains latéraux.............................................................................................................................................. 68 16.6.2. Dimensionnement des collecteurs........................................................................................................ 68 Débit unitaire d’un drain.............................................................................................................................. 68 Capacité hydraulique d’évacuation d’un drain.................................................................................... 69 Calculs hydrauliques...................................................................................................................................... 69 16.7. Longueur des drains latéraux................................................................................................................................. 70 16.8. Tuyaux............................................................................................................................................................................. 70 16.8.1. Tuyaux rigides................................................................................................................................................ 70 16.8.2. Tuyaux non perforés................................................................................................................................... 70 16.9. Drainage dans les sols à forte teneur en ocre de fer..............................................................................................71 17. MATÉRIAUX FILTRANTS........................................................................................................................................................ 73 17.1. Types de colmatage................................................................................................................................................... 73 17.2. Sols et ensablement des drains............................................................................................................................. 75
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17.3. Sols et drains nécessitant un matériau filtrant................................................................................................. 76 17.3.1. Sols problématiques................................................................................................................................... 76 17.3.2. Enveloppes filtrantes et géotextiles...................................................................................................... 76 17.3.3. Sols et sélection des filtres géotextiles................................................................................................. 77 18. STRUCTURES SPÉCIALISÉES ET AMÉNAGEMENTS COMPLÉMENTAIRES............................................................ 78 18.1. Sortie de collecteur.................................................................................................................................................... 78 18.2. Évent d’équilibre de la pression............................................................................................................................. 80 18.3. Avaloir et puisard........................................................................................................................................................ 81 18.4. Tranchée filtrante et puits d’infiltration.............................................................................................................. 85 18.5. Contrôle de nappe...................................................................................................................................................... 87 19. STATION DE POMPAGE......................................................................................................................................................... 90 20. MODIFICATION ET RÉPARATION DE RÉSEAUX EXISTANTS...................................................................................... 96 21. PLAN ET RAPPORT DE DRAINAGE................................................................................................................................... 96 22. IRRIGATION SOUTERRAINE................................................................................................................................................. 98 22.1. Calcul de l’écartement............................................................................................................................................... 98 22.2 Paramètres spécifiques à l’irrigation souterraine............................................................................................ 99 22.2.1. Profondeur de la nappe d’eau naturelle.............................................................................................. 99 22.2.2. Profondeur de la couche de sol imperméable.................................................................................. 99 22.2.3. Conductivité hydraulique du sol............................................................................................................ 100 22.2.4. Uniformité du profil de sol........................................................................................................................ 100 22.2.5. Profondeur d’enracinement des cultures............................................................................................ 100 22.2.6. Hauteur de la frange capillaire........................................................................................................................101 22.2.7. Débit capillaire.............................................................................................................................................. 101 22.2.8 Profondeur de contrôle de la nappe..................................................................................................... 102 22.2.9. Qualité de l’eau d’adduction............................................................................................................................103 22.2.10.Contenu du rapport pour un projet d’irrigation souterraine...................................................................103
PARTIE 7 - INSTALLATION DU RÉSEAU DE DRAINAGE SOUTERRAIN 23. RECOMMANDATIONS RELATIVES À L'INSTALLATION................................................................................................ 106 23.1. Avant, pendant et après les travaux..................................................................................................................... 106 23.1.1. Avant les travaux.......................................................................................................................................... 106 23.1.2. Pendant les travaux..................................................................................................................................... 108 23.1.3. Après les travaux........................................................................................................................................... 110 23.2. Sols sensibles au remaniement lors des travaux............................................................................................. 110
PARTIE 8 - ASPECTS ENVIRONNEMENTAUX 24. DRAINAGE SOUTERRAIN ET QUALITÉ DE L'EAU.......................................................................................................... 114 24.1. Volumes d’eau, débits et drainage....................................................................................................................... 114 24.2. Matières en suspension et drainage.................................................................................................................... 115 24.3. Nitrates et drainage................................................................................................................................................... 116 24.4. Phosphore et drainage............................................................................................................................................. 116 24.5. Solutions potentielles pour limiter les pertes de nutriments et de sol................................................... 117 24.5.1. Gestion des sols et des intrants............................................................................................................... 117 24.5.2. Aménagements complémentaires aux réseaux de drainage...................................................... 118 24.6. Conclusion..................................................................................................................................................................... 120 RÉFÉRENCES.................................................................................................................................................................................... 121 ANNEXE 1. Profondeur équivalente de drainage pour un drain de 10 cm de diamètre..................................... 128 ANNEXE 2. Grille de Thien.......................................................................................................................................................... 129 ANNEXE 3. Abaques de Van Beers........................................................................................................................................... 130 ANNEXE 4. Longueurs de drain en fonction du débit unitaire du diamètre du tuyau et des pentes................. 132 Diagnostic et drainage souterrain des terres agricoles
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PRÉAMBULE Alors que les engrais de synthèse, les pesticides, la mécanisation et la puissance accrue des équipements ont permis d’augmenter les rendements des cultures et l’efficacité du travail au champ au cours des dernières décennies, il demeure que cette agriculture a des impacts majeurs sur la santé des sols (structure, biodiversité, etc.). Une bonne structure est essentielle au mouvement efficace de l’eau et de l’air à travers tout le profil du sol. Or, nos sols sont de plus en plus compacts et la gestion de l’eau en est grandement affectée. Une structure adéquate fournit aussi un habitat optimal aux microorganismes, centre névralgique du sol, qui décomposent les matières organiques fraîches, nourrissent les plantes, recyclent les éléments nutritifs et contribuent à la stabilité de la structure. Il faut dès lors repenser nos zones d’intervention et considérer le sol comme un allié, un partenaire à part entière qui devrait se retrouver au centre des décisions1. C’est définitivement à travers la dynamique entourant les caractéristiques physiques et biologiques du sol que la capacité de rétention en eau de celui-ci est optimisée. D’où l’importance d’un bon diagnostic de l’état du sol et de la justesse des choix que fait le producteur agricole pour l’améliorer. Le drainage fait partie des pratiques visant à optimiser la gestion de l’eau dans le profil du sol. Des surfaces de sol laissées à nu, des rotations déficientes, de la machinerie trop lourde sont tous des éléments qui handicapent significativement et souvent de manière irréversible non seulement la santé des sols, mais aussi l’efficacité attendue du système de drainage souterrain. Une fois identifiées les causes réelles d’un drainage déficient, il sera possible d’établir un plan de drainage efficace, parfaitement adapté au champ visé. Ce guide met l’accent sur l’importance du diagnostic de l’état du sol et propose des solutions aux problématiques observées. Les bonnes pratiques décrites en matière de conception et d’installation d’un système de drainage tiennent compte de l’évolution des connaissances, de l’expérience acquise, des avancées technologiques et des nouveaux outils disponibles depuis la parution du Guide de référence technique en drainage souterrain et travaux accessoires en 2005. Le drainage de cultures spécifiques comme les cultures en terres noires, la canneberge, la tourbe de sphaigne et la vigne est également discuté de même que les nouvelles préoccupations environnementales telles que : •
la qualité de l’eau de drainage; des idées commencent à surgir, en France notamment, concernant les fossés enherbés et les marais filtrants;
•
la protection des cours d’eau en lien avec les sorties de collecteurs;
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la conservation de l’eau dans les sols pendant la saison sèche par l’utilisation de contrôles de nappe;
•
la récupération de l’eau pour l’irrigation de cultures comme la canneberge.
Grâce à ce guide, les conseillers seront en mesure d’élaborer des plans de drainage et d’aménager des installations qui amélioreront la rentabilité des entreprises agricoles tout en ayant un impact positif sur l’environnement. Toute notion ou technique étant appelées à évoluer, les utilisateurs de ce guide sont toutefois invités à rester à l’affût des développements et des formations offertes dans le domaine.
1. Caravane Santé des sols, MAPAQ.
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Photo : Victor Savoie, MAPAQ
PARTIE 1. INTRODUCTION
1.
DÉFINITIONS ET OBJECTIFS
Le drainage souterrain est une technique d’assainissement des terres agricoles qui abaisse la nappe phréatique à un niveau optimal pour le développement des cultures et pour permettre la circulation de la machinerie, tout en protégeant la structure du sol. Les conditions d’excès d’eau dans les terres du Québec surviennent principalement au printemps, l’automne et à la suite de précipitations intenses ou prolongées durant l’été. De plus, certains terrains présentent des nappes d’eau élevées en raison de leur emplacement, comme au pied d’une pente ou dans une dépression. Un surplus d’eau dans la zone racinaire est néfaste pour la croissance et la survie de la plupart des végétaux lorsqu’il se prolonge dans le temps et qu’il survient à des périodes critiques de la saison de croissance. Dans ces conditions, les racines ne se développent pas en profondeur et les cultures deviennent plus sensibles à la sécheresse. Cet excédent d’humidité constitue aussi un milieu idéal pour la prolifération des maladies, la dénitrification du sol et le pourrissement des racines. Il compromet par ailleurs l’utilisation de la machinerie et l’efficacité des opérations au champ. Les sols travaillés dans des conditions trop humides deviennent de plus en plus compacts et difficiles à égoutter. L’installation de drains souterrains pour abaisser le niveau d’eau sous la zone racinaire en moins de 2 ou 3 jours représente une solution. Les bénéfices du drainage souterrain sont multiples. Les effets d’un sol bien drainé sont perceptibles sur le développement des cultures, sur la qualité du sol et sur l’efficacité des opérations au champ. Ultimement l’amélioration des conditions d’humidité permet d’augmenter les rendements des cultures et de 2
générer une plus grande rentabilité des opérations de la ferme à long terme. Dans les sols bien aérés, les racines respirent mieux et l’accumulation de dioxyde de carbone (CO2) et de gaz toxiques dans le sol est réduite. Ces conditions favorisent un bon développement des racines et la capacité de celles-ci à absorber les nutriments. Les racines peuvent ainsi fournir un apport suffisant d’éléments nutritifs à la plante. L’efficacité des engrais s’en trouve aussi améliorée. Le drainage souterrain aère les sols dont les pores seraient autrement remplis d’eau. Un volume de sol saturé est plus difficile à réchauffer que ce même volume de sol ressuyé. L’évaporation de l’eau dans les premiers centimètres du profil entraîne une grande consommation énergétique et retarde le réchauffement du sol au printemps. La température d’un sol drainé peut être de 2 à 5 °C supérieure à celle d’un sol non drainé à la même date. L’aération et le réchauffement du sol accroissent l’activité microbienne nécessaire à la décomposition des fumiers et des résidus, lesquels améliorent la fertilité du sol. La vie microbienne en pleine activité permet, entre autres, que plus d’azote soit fixé dans les nodules des légumineuses. Par ailleurs, après la mise en place d’un système de drainage, la structure du sol s’améliore : le sol devient plus friable et il se forme plus d’agrégats et de macropores. Un sol aéré est moins sensible à la compaction, l’infiltration de l’eau y est meilleure et sa capacité d’aération est accrue. Toutes les activités agricoles retardées à cause de conditions trop humides du sol ont aussi un effet négatif sur les rendements des cultures. Les semis, les
1. Définitions et objectifs pulvérisations, le contrôle mécanique des mauvaises herbes ou les récoltes doivent être réalisés en temps opportun afin d’obtenir une levée égale, un contrôle adéquat des insectes, des maladies et des mauvaises herbes, et une maturité optimale des cultures. Des travaux agricoles réalisés en conditions d’humidité du sol inadéquates détériorent le profil de sol et diminuent l’efficacité de la machinerie par manque de traction ou par enfoncement des pneus; au bout du compte, le coût de ces travaux s’en trouve augmenté.
Diagnostic et drainage souterrain des terres agricoles
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2. 2.1.
PRINCIPES DE DRAINAGE Drainage souterrain systématique ou partiel
Le drainage souterrain peut être réalisé de façon systématique ou partielle. Le drainage d’un champ comportant une nappe phréatique qui se maintient à un niveau trop élevé sur toute la superficie est généralement réalisé avec un réseau de drainage souterrain systématique. Dans ce cas, le réseau de drains forme un système complet sur toute la surface du champ. Il comporte des lignes de drains latéraux se déversant dans des collecteurs qui se déversent eux-mêmes dans un exutoire, principalement un fossé ou un cours d’eau. Le drainage de certaines terres peut toutefois se limiter à l’installation de quelques drains dans les secteurs présentant un excès d’humidité, comme dans le fond des coulées et les dépressions, ou pour drainer une source souterraine. Puisque la superficie entière ne comporte pas de nappe phréatique haute qui crée des problèmes de croissance des cultures, il n’est pas nécessaire que des drains soient installés sur toute la surface. Seules les zones trop humides peuvent être drainées. Ce drainage est qualifié de partiel. Un diagnostic (PARTIE 2) doit être réalisé afin de s’assurer du besoin et du type de drainage adapté aux problématiques rencontrées sur la parcelle. Il permet d’utiliser les techniques appropriées, d’investir judicieusement et de rentabiliser l’argent investi. Un drainage systématique est généralement requis sur une terre relativement plate, alors que le drainage partiel se trouve plutôt sur une terre comportant un 4
relief vallonné. La réalisation d’un diagnostic permet d’éviter qu’un réseau de drainage systématique soit installé dans une situation où un drainage partiel serait suffisant ou, à l’inverse, d'éviter l’installation de seulement quelques drains isolés qui ne règleront pas les problèmes d’excès d’eau rencontrés. Les investigations sur le terrain en vue de la réalisation d’un plan de drainage pour du drainage partiel peuvent être moins importantes que pour du drainage systématique. Une analyse adéquate doit tout de même être faite afin, entre autres, de s’assurer de bien dimensionner le collecteur selon la situation rencontrée et d’utiliser le type de drains adéquat.
2.2.
Drainage souterrain, drainage de surface et réseau hydraulique
Le drainage souterrain, le drainage de surface et le réseau hydraulique sont complémentaires; l’un ne peut donc pas remplacer l’autre. Le drainage souterrain abaisse la nappe phréatique à un niveau optimal. Le drainage de surface permet, quant à lui, d’évacuer le surplus d’eau de surface d’un champ, ainsi que l’eau qui stagne à la surface du sol dans les dépressions ou les bas de pentes. Il comprend les travaux de nivellement et les structures hydroagricoles comme les avaloirs, les puisards, les tranchées filtrantes et les puits d’infiltration ou de captage. Pour sa part, le réseau hydraulique permet l’évacuation des eaux de surface et souterraines. Il inclut principalement les cours d’eau, les fossés, les voies d’eau, les rigoles d’interception et les raies de curage.
2. Principes de drainage L’abaissement naturel de la nappe phréatique est souvent trop long dans les cultures intensives pour permettre des semis tôt au printemps et des récoltes tard à l’automne dans de bonnes conditions hydriques. Même pendant la saison de croissance, sans drainage souterrain, la nappe phréatique descend trop lentement, ce qui nuit aux cultures. Plusieurs jours de temps très sec sont nécessaires pour obtenir un abaissement de la nappe équivalent à ce que le drainage souterrain peut réaliser en une ou deux journées. Reste que, pour certaines cultures, par exemple les pâturages naturels permanents, le drainage souterrain peut s’avérer moins essentiel étant donné qu’il n’est pas nécessaire d’abaisser rapidement la nappe phréatique.
Le drainage de surface et le drainage souterrain évacuent leurs eaux vers le réseau hydraulique. Ce réseau doit donc être fonctionnel ou, au besoin, corrigé ou réaménagé. Il doit, entre autres, être assez profond pour recevoir les eaux d’une sortie de collecteur d’un réseau de drainage souterrain ou du drain d’un avaloir. Par la suite, son propre écoulement doit être efficace afin qu’il ne déborde pas et ne crée ni zone humide sur les terres adjacentes ni zone d’érosion. Il est à noter que certaines règlementations peuvent exister concernant la réalisation de travaux au niveau des cours d’eau : elles doivent impérativement être vérifiées et respectées.
Photo : Rosanne Chabot, Logiag inc.
Rabattre la nappe par des fossés profonds est une alternative qui requiert un investissement initial moins élevé que le drainage souterrain. Cependant, ces fossés nécessitent un entretien périodique et sont susceptibles d’entraîner une grande quantité de sédiments vers les cours d’eau. Ils occasionnent aussi une perte de terrain et compliquent la circulation de la machinerie. Par conséquent, le rabattement de la nappe par ce moyen est aujourd’hui une solution de moins en moins utilisée, sauf dans certains types de sol où l’installation d’un système de drainage souterrain n’est pas indiquée en raison de contraintes importantes du sol (Figure 1) ou de la topographie.
L’importance du drainage de surface est incontestable dans les sols peu perméables, par exemple les argiles lourdes et peu structurées où le taux d’infiltration de l’eau est très faible. L’eau de pluie, sur ces sols, s’évacue en grande partie par ruissellement de surface. Ces sols nécessitent donc un nivellement précis, qui ne laissera aucune dépression ou accumulation d’eau en surface. Si le nivellement n’était pas possible ou trop coûteux, l’eau de surface devrait être concentrée en un point et évacuée par une rigole d’interception, un avaloir ou une tranchée filtrante. Une attention particulière doit également être portée, dans ces cas, aux aménagements proposés afin de s’assurer de minimiser les risques d’érosion.
Figure 1. Creusage d'un réseau de fossés dans un sol présentant des risques de colmatage très élevés des drains Diagnostic et drainage souterrain des terres agricoles
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Photo : Victor Savoie, MAPAQ
PARTIE 2. APPROCHE DIAGNOSTIQUE
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