LVS Décembre 2016

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44e année volume 3 – Décembre 2016 – Kislev 5777

FÉDÉRATION CJA

100 ans au cœur de la communauté

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Entrevue du 5 juillet 2016

Gail Adelson-Marcovitz, Jack Hasen, présidents, Centenaire de la Fédération CJA Quelles sont les raisons qui vous ont motivés à accepter la présidence du Centenaire de la Fédération CJA ? Gail Adelson-Marcovitz – J’ai accepté ce rôle parce que je veux partager l’enthousiasme et la passion que j’éprouve pour notre communauté. Je crois sincèrement que nous avons la chance de vivre dans la meilleure communauté juive d’Amérique du Nord. Et c’est important que nous nous en rendions tous compte. Il peut nous arriver de penser que l’herbe est plus verte chez le voisin, mais en vérité, notre jardin est magnifique et florissant. Il est en somme une merveilleuse toile de fond pour la vie juive. Nous avons devant nous un énorme potentiel et un superbe avenir. Je désire passer toute une année à mettre en lumière nos forces et les réalisations que nous avons accomplies ensemble au cours du siècle qui vient de s’écouler. Jack Hasen – Je suis entièrement d’accord avec Gail. J’aimerais cependant ajouter qu’au cours du dernier siècle, nous avons accompli une multitude de grandes choses. Avec le passage des générations, notre force s’est décuplée, ce qui nous a permis de bâtir la dynamique communauté dans laquelle nous vivons aujourd’hui. Je veux participer à la vie de la communauté dans son ensemble, mais je veux aussi participer à celle de la prochaine génération de leaders. Je veux en fait que nous soyons encore plus forts à l’arrivée de notre deuxième centenaire. La passion qui me pousse à m’engager à fond dans la célébration de cette année charnière est personnelle, bien sûr, mais elle est issue de la force que nous partageons tous en tant que membres de notre communauté.

Selon vous, où notre communauté trouvet-elle sa force? Pourquoi un si grand nombre d’autres communautés d’Amérique du Nord nous envient-elles ? G. A.-M. – Au fil du temps, notre communauté a évolué. Notre sentiment identitaire réussit à s'épanouir à Montréal. Nous avons développé un véritable sens de l’unité et de la communauté. Je crois que ces valeurs sont essentielles à la vie de famille. Nous possédons un incroyable réseau d’écoles, de camps de vacances et de programmes juifs – des éléments qui contribuent à l'expression d'un profond sentiment de vie juive. Notre communauté est bilingue, en particulier les jeunes générations, et ouverte tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de ses rangs. De plus, notre Fédération est un moteur unique en matière d’unification de la communauté. J. H. – En fait, la Fédération CJA n’est pas la communauté en soi. Elle est plutôt la fondation d’où la communauté tire sa force. Sans une fondation solide, une maison ne peut pas être solide. Notre communauté est très unie.

Elle trouve en grande partie sa force dans les nombreuses différences qui nous unissent – ce qui nous distingue des autres communautés. Notre communauté est spéciale. Elle est la plus altruiste. Elle a le plus grand cœur. Elle est la plus bienveillante et a, avec Israël, une relation sans pareille. Si elle se démarque dans tous ces domaines, c'est parce qu’elle est engagée. Ses membres s'en préoccupent, s’y impliquent et nous font part des améliorations qui devraient y être apportées. Ils nous poussent à toujours essayer d’aller plus loin. G. A.-M. – Nous avons une communauté qui n’hésite pas à investir en elle-même. Jetez un coup d’œil aux programmes qui ont été mis en place ces dernières années – par exemple, la communauté a investi dans une Méga Mission en Israël, et deux ans plus tard, elle était prête à répéter l’expérience. Ces programmes sont la preuve tangible de la volonté de la communauté à bien s’enraciner dans son milieu. Voilà qui pourrait expliquer ce pour quoi Jack et moi avons accepté cette fonction. Nous sommes persuadés que nous pourrons continuer de progresser.

À quand remonte votre engagement bénévole dans la communauté ? J. H. – Mes parents étaient des immigrants. Ils ont eu recours à JIAS (Services d’aide aux immigrants juifs) à leur arrivée au pays. Ils croyaient fermement à l’éducation juive et aux séjours dans les camps d’été juifs. Au début, leur contribution financière était modeste, mais ils tenaient à faire leur part malgré tout. Les années passaient et ils aidaient de plus en plus, et ce, jusqu’au jour où ils sont devenus des leaders communautaires. L’engagement philanthropique a fait partie de mon environnement depuis mon enfance. Mes parents m’ont pavé la voie. Mes enfants m’ont par ailleurs dit que c’était en nous observant, ma femme Pascale et moi, qu’ils avaient compris l’importance de donner au suivant. Sans que nous les ayons forcés, ils ont repris flambeau et sont impliqués à la Fédération CJA et dans diverses autres organisations qui leur tiennent à cœur. Pour ma famille, l'engagement communautaire est l'affaire de trois générations. Quand on pense à célébrer les cent ans de la communauté juive organisée à Montréal, les cent ans de la Fédération CJA, le passage du relais d’une génération à l’autre est essentiel. G. A.-M. – Nous savons tous que les enfants apprennent par l’exemple, et que l’exemple s’imprègne en eux. Mes enfants sont fiers de mon engagement et de mon dévouement envers la communauté depuis plusieurs années. J’ai semé des graines en eux, et je suis persuadée que ces graines fleuriront quand le temps sera venu.


44e année volume 3 – Décembre 2016 – Kislev 5777

DOSSIER SPÉCIAL L'islamisme est-il une fatalitÉ ?

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La gestion philanthropique : solutions pratiques et Efficaces sur le plan fiscal Kathy R. Assayag , B.A., IAS.A - Directrice générale de la Fondation communautaire juive de Montréal

Quelle est la meilleure façon de gérer un programme philanthropique familial? Les gens animés d’un esprit communautaire et engagés envers la tzedakah me demandent souvent quelle est la meilleure façon de gérer leurs œuvres philanthropiques. Fondamentalement, deux voies s’offrent à eux : créer une fondation privée ou créer un fonds philanthropique au sein d’une fondation publique telle que celle de La Fondation communautaire juive. Il est important de faire comprendre, aux familles, certains aspects cachés des fondations privées. Si ceux-ci ont déjà une fondation privée, leur expérience peut les amener à se demander s’il n’existe pas une meilleure façon d’atteindre leurs objectifs. Il arrive parfois que le fardeau administratif lié à la gestion d’une fondation privée et que les questions soulevées par une succession incitent les détenteurs de fonds à rechercher des solutions plus avantageuses et durables.

Les règles, qui régissent les fondations privées, imposent certaines contraintes à l’émission de subvention ou au choix d’investissement. De plus, elles sont assujetties à des quotas de déboursement annuels. Cela signifie la préparation d’états financiers annuels, une tenue de livres régulière et la possibilité de problèmes de conformité. Cela demande beaucoup d’efforts. Au lieu d’être assujettis au quota de déboursement de don annuel fixe requis par l’Agence du revenu du Canada, les détenteurs de fonds de La Fondation communautaire juive peuvent, selon leur bon vouloir, choisir le montant qu’ils veulent attribuer chaque année.

Quels sont les avantages d’une fondation publique?

Au Canada, les fondations privées ne sont pas vraiment « privées ». L’information les concernant est disponible au public et facile à obtenir dans les bases de données en ligne et sur le site de l’Agence du revenu du Canada. Cette information comprend les actifs de la fondation, ses revenus, ses dépenses, les noms des bénéficiaires de dons ainsi que les noms et adresses des fiduciaires. Les fondations privées n’offrent donc pas une véritable confidentialité.

• Entière confidentialité. Une fondation publique comme la Fondation communautaire juive soumet des données agrégées à l’Agence du revenu du Canada de sorte que les détenteurs de fonds profitent d’une entière confidentialité. À la différence d’une fondation privée, aucune information ne peut être obtenue en ligne. • La tranquillité d’esprit est un aspect très avantageux lorsqu’on transige avec une fondation publique. Au fil des ans, les fiduciaires d’une fondation privée peuvent changer. Les fiduciaires peuvent également modifier la mission et l’orientation de leurs dons. À la Fondation communautaire juive, les clients peuvent laisser des directives détaillées de manière à ce que leurs priorités philanthropiques soient respectées à long terme.

Gérer une fondation privée peut s’avérer laborieux. À tout le moins, cela nécessite un soutien administratif, la préparation d’états financiers audités, l’émission de chèques, la préparation de rapports pour Revenu Canada et la gestion des problèmes de conformité.

• Réduction des fardeaux et des coûts. Pas de problème de conformité, de frais administratifs généraux, d’états financiers ou d’émission de chèques.

Quels sont les principaux problèmes associés aux fondations privées?


• La loi fiscale canadienne n’autorise pas le don d’actions d’entreprises privées à une fondation privée. Tant qu’elles ne sont pas converties en argent, ces actions sont considérées comme un don non admissible aux fins de l’impôt. En revanche, une fondation publique comme la nôtre peut accepter des actions d’entreprises privées et délivrer des reçus pour don aux fins de l’impôt. Une grande partie de la richesse canadienne est investie dans les entreprises privées. Par conséquent, donner à une fondation publique s’avère un geste philanthropique intelligent comportant de nombreux avantages fiscaux. • Les clients continuent de faire appel à leurs conseillers financiers tout en profitant de l’expertise de la Fondation communautaire juive et de son équipe. Cela inclut de la souplesse en matière d’investissement. • Par le biais de notre programme philanthropique familial, nous travaillons avec la prochaine génération en impliquant les enfants et, éventuellement, les petits-enfants dans le processus d’attribution de dons. Ainsi, les enfants et petits-enfants se sentent appuyés, impliqués, engagés et désireux de poursuivre le legs des fondateurs.

Pourquoi choisir la Fondation communautaire juive de Montréal? La Fondation communautaire juive de Montréal est une fondation publique sans but lucratif. Nous existons pour inspirer, faire la promotion et innover en matière de philanthropie. De plus, nous aidons les philanthropes à atteindre leurs objectifs d’une façon concrète et efficace. La Fondation communautaire juive collabore étroitement avec les détenteurs de fonds et avec leurs conseillers financiers pour s’assurer que toutes les solutions possibles sont envisagées. La Fondation communautaire juive gère plus d’un milliard de dollars en actifs, offrant à plus de 1 800 personnes, familles et institutions détentrices de fonds des conseils en matière de taxation et de planification fiscale, une entière confidentialité ainsi que de la souplesse en matière d’investissement et d’émission de subvention. Cela permet, aux détenteurs de fonds, d’atteindre leurs objectifs tout en évitant les fardeaux associés aux fondations privées, et ce, en toute confiance et tranquillité d’esprit.

Avantages d’une fondation publique : • Centraliser tous ces gestes philanthropiques en une seule place et réduire tout le fardeau administratif. • La garantie d’une supervision à long terme des fonds. • La définition de critères clairs qui seront suivis à perpétuité. • L’assurance que les vœux du fondateur seront respectés au fil des ans, donc la tranquillité d’esprit. • La capacité DE choisir le nom de la fondation de manière à conserver le même legs et la même identité qu’une fondation privée.

Ouvrir un fonds auprès de la Fondation communautaire juive réduit les tâches administratives et permet aux détenteurs de fonds de centraliser leurs œuvres philanthropiques en un seul endroit. C’est comme s’ils avaient un compte de banque pour tous leurs gestes de tzedakah. La Fondation communautaire juive émet tous les mois des chèques à leurs œuvres caritatives préférées et les appuie dans l’atteinte de leurs objectifs. Pour de plus amples renseignements, contactez Mme Kathy R. Assayag, directrice générale de la Fondation communautaire juive de Montréal. Sa passion : promouvoir la philanthropie en maximisant les avantages fiscaux. Vous pouvez la joindre : Kathy.assayag@jcfmontreal.org 514 345-6414, poste 3368.


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Les jeudis du 26 jan. au 16 fév. 11 h à 13 h • 4 sessions • 74 $ Charles Schulman

ARTISANAT ET CAFÉ Les jeudis du 2 au 23 fév. 13 h à 15 h • 4 sessions • 50 $ Gaby Orbach, BA

DANSE ISRAÉLIENNE Les mercredis du 8 fév. au 29 mars 11 h à 12 h • 8 sessions • 70 $ Maurice Perez

COURS D'ANGLAIS CONVERSATIONNEL POUR DÉBUTANTS Les mardis du 14 fév. au 14 mars 10 h à 11 h 30 • 5 sessions • 25 $ Agneta Hollander

YOGA Les lundis et mercredis du 9 jan. au 5 avril 16 h 30 à 18 h (lundi) 17 h à 18 h 30 (mercredi) 26 sessions • 234 $ Deborah Chalom

CHAGALL

NOUVEAU

COULEUR ET MUSIQUE:

VISITE DU MUSÉE ET CONFÉRENCE*

FAITES DES RENCONTRES

En avant-première de l’exposition Chagall, couleur et musique, le Centre Cummings vous propose une conférence sur la vie du peintre et son univers. De son enfance à Vitsbeck, sa ville natale, à son parcours artistique à travers le monde, cette conférence nous racontera la passion de Chagall pour les couleurs et la musique.

Tous les lundis et mardis de 12 h à 15 h, nous nous réunissons pour partager un après-midi de détente

La semaine suivante, nous visiterons l’exposition consacrée à Marc Chagall (1887-1985), au Musée des beaux-arts. Cette exposition multidisciplinaire de grande envergure traite, pour la première fois, du lien profond unissant Chagall à la musique.

CLUBS SOCIAUX

FOYER DU LUNDI Les lundis • 12 h à 15 h Bingo, sorties, films Rafraîchissements Coût en fonction des activités

CLUB DU MARDI Les mardis • 12 h à 15 h Conférences, sorties, théâtre Rafraîchissements Coût en fonction des activités

Conférence : Mardi 7 mars 13 h • 5 $ (conférence seulement)

CLUB DU LIVRE

Visite au Musée des beaux-arts : Mardi 14 mars Départ à 10 h du Centre Cummings • 18 $  (Comprend conférence, transport, entrée au musée, visite guidée de l’exposition et lunch)

Lundi 30 janvier, 27 février et 27 mars 13 h à 15 h 3 rencontres 12 $ pour la session

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MOT DU PRÉSIDENT

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DOSSIER SPÉCIAL

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ÉDITORIAL

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lvsmagazine.com

L'ISLAMISME EST-IL UNE FATALITÉ ?

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Qu’en est-il de la menace islamiste au Canada ?

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Les djihadistes sont des héros maléfiques du XXI siècle

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Islamophobie : mythe ou réalité ? La bataille des mots, le combat des idées

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Quel avenir pour l’Islam au Québec ?

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De l'Islam à l'islamisme

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Hommage à deux femmes et deux hommes, Elham Manea, Maryam Namazie, Raïf Badawi et Kacem El Ghazzali

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De l’évolution de l’Islam dans le monde d’aujourd’hui

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L’islamisme en Israël

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Mektub or not Mektub ?

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Entretien avec Stéphane Berthomet par Sonia Sarah Lipsyc e

Entretien avec Boris Cyrulnik par Elias Levy Entretien avec Eric Yaakov Debroise par Annie Ousset-Krief

Par Aziz Farès

Entretien avec Mohamed Ourya par Sonia Sarah Lipsyc Disponible uniquement en version numérique

Par David Bensoussan

Par Julien Bauer Par Maurice Chalom

Monde juif

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Ils nous ont quittés cette année : Elie Wiesel, Shimon Peres et le Grand Rabbin Joseph Haim Sitruk

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Dylan et le prix Nobel de littérature : de héraut à héros

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VIE JUIVE CANADIENNE Hommage à Leonard, Cohen dans l’art

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Le Musée du Montréal juif, une entreprise originale au service de l’histoire et de la culture juives

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PAGE 56

Par Sonia Sarah Lipsyc

coup de projecteur sur nous autres

L'auteur Joseph Elfassi et l'homme de théâtre Ariel Ifergan

Par Sonia Sarah Lipsyc

CULTURE JUIVE & ISRAÉLIENNE Apprendre l’hébreu par des jeux de mots et… en souriant !

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Israël est un projet de société encore inachevé

CULTURE SÉPHARADE

Entretien avec Daniel Kenigsberg par Sonia Sarah Lipsyc

Entretien avec Michal Govrin par Elias Levy

Nouvelleue ! rubriq

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Bonnes feuilles de Rose de Chaouen

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Michele Sarde, Revenir du silence

PAGE 62

Par Annie Ousset-Krief

Nouvell !e rubrique

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PAGE 60

Par Annie Ousset-Krief

Par Amnon J. Suissa

50

PAGE 54

Par Nelly Roffé

Par Elie Benchetrit

ITINÉRAIRES DE JEUNES SÉPHARADES D'ICI ET D'AILLEURS

62

Paris-Casablanca (le retour imprévu)

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Réfugiés Yezidis - Exilés-Damnés dans une Europe ébranlée. Tentative de témoignage par le théâtre

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! u a e uv o N dées recettes

Des i re r et à fai e p u o c é àd chez soi.

DÉCOUVERTE DES FIGURES DU MONDE SÉPHARADE Le poète et commentateur Abraham Ibn Ezra (12e siècle)

Par Adiel Caspi

JUDAÏSME Un Piyout pour la fête de Hanouca

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« Va mon bien-aimé »

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Par Avishag Zafrani

Chronique de Miléna Kartowski-Aiach Disponible uniquement en version numérique

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PAGE 66

Par Évelyne Abitbol

Par David Bensoussan et Daniel Lasry

Par David Bensoussan

Vie communautaire Nouvelles communautaires

Recueillies par Martine Schiefer

page 69 Recettes


Ensemble, animés par le souci de la bonne gouvernance, nous avons mis en place de nouvelles balises tant au niveau du contrôle des dépenses que de la revue des programmes. Suite à ces mesures et à des efforts soutenus, la situation financière de la CSUQ s’est nettement améliorée, ainsi, la dette globale sera effacée en 2018 et le déficit au bilan passerait passera de 720 534 $ à moins de 400 000 $ au 31 mars 2017. Nous avons bon espoir que très bientôt, nous pourrons allouer nos ressources à la relance de nouveaux programmes qui répondent à nos besoins prioritaires.

MOT DU PRÉSIDENT Je suis heureux d’annoncer la nomination de Daniel Amar en tant que directeur général de la Communauté sépharade unifiée du Québec. Daniel a commencé sa carrière à la CSUQ il y a une trentaine d’années. Il a été par la suite attaché politique puis directeur de cabinet de divers ministres avant d’être nommé conseiller pour les Affaires internationales au bureau du Premier ministre. Il a également assumé, dans le secteur communautaire, les fonctions de directeur du Comité Canada-Israël, région du Québec et directeur général du Congrès juif canadien, région de l’est. Dans le secteur privé, Daniel a travaillé pour diverses firmes spécialisées en financement d’entreprises. Autre changement dans l’organisation, Benjamin Bitton, coordonnateur des programmes de collectes de fonds et de la formation des cadres, qui a cumulé 15 ans d’ancienneté à la CSUQ, a été promu au poste de directeur général adjoint. Nous avons aujourd’hui un duo particulièrement qualifié et une équipe de professionnels motivés pour conduire la CSUQ vers de nouveaux sommets. À la sortie de ce numéro de LVS, nous aurons vécu le Festival Sefarad de Montréal. Je vois et je vis toute la frénésie, les heures de préparation et toute la logistique mise en place pour faire de notre Festival un succès retentissant. Le programme est copieux, ambitieux et fait une grande place aux jeunes. Le Festival est devenu une superbe vitrine de nos réalisations, à Montréal, mais également au niveau international avec des artistes et conférenciers de grand renom. Un grand bravo au président du Festival, Dave Dadoun et à toute son équipe qui ont travaillé d’arrache-pied pour nous offrir un programme qui fait notre fierté et contribue tant à notre rayonnement.

À cet égard, dans le dernier numéro du LVS, j’ai mentionné l’étude sociodémographique sur notre communauté. Cette étude nous permet d’ores et déjà, de mieux préciser nos priorités. À titre d’illustration, 33 % des familles monoparentales gérées par des femmes vivent sous le seuil de la pauvreté. Cette situation impacte grandement les enfants. De plus, 540 enfants de moins de 15 ans et 645 enfants de 15 à 25 ans vivent sous le seuil de la pauvreté. Comment briser le cycle de la pauvreté et assurer un avenir à ces enfants ? Voilà une priorité. La plus forte croissance de notre population se fait dans des secteurs tels que Lachine, LaSalle, Verdun, la Rive-Nord et la Rive-Sud où il n’y a pas de garderie et d’écoles juives et quasiment pas de synagogues. Environ 52 % des enfants sépharades ne fréquentent aucune école juive. Bien sûr, il y a matière à réflexion sur les coûts élevés des écoles juives. À cet égard, quel devrait être notre action comme communauté ? Nous répondrons à ces questions dans les prochains mois en fonction des conclusions et recommandations du comité d’affaires stratégiques de la CSUQ. Nous réitérons notre appel à tous les jeunes professionnels bénévoles et aussi aux jeunes retraités qui veulent s’impliquer dans l’édification de notre communauté de nous contacter. Nous voulons renforcer les programmes pour les jeunes de 5 à 14 ans et de 15 à 25 ans, celui de la formation des jeunes cadres et de la relève communautaire. Le programme de la citoyenneté espagnole va bon train et je remercie vivement un bénévole, Raphael Abisror, un ancien ingénieur d’Hydro-Québec d’avoir pris en main ce dossier. Sa rigueur et son sens de l’organisation force l’admiration. Qu’il soit ici remercié. Hanouca, nous rappelle qu’il faut lutter contre l’assimilation, contre la disparition. Nous avons identifé plus haut des éléments qui doivent nous mettre en garde, et pour réussir dans notre mission qui est entre autre de préserver notre judaïsme et notre héritage sépharade, nous devons mobiliser toutes nos forces pour surmonter ce défi. Je vous souhaite à tous, de très joyeuses fêtes de Hanouca et que son message soit toujours présent à notre esprit.

En début de mandat, une de mes priorités était l’assainissement des finances de la CSUQ. Un comité de Finance, Audit, Administration présidé par Ilana Edery a été constitué avec de jeunes et brillants professionnels qui s’avèrent être d'anciens gradués de l’école Maimonide et d'anciens participants au programme de formation des cadres de la CSUQ. Je me félicite de leur engagement et de leur contribution à la résolution des défis organisationnels auxquels nous sommes quotidiennement confrontés. Ilana Edery, Michel Dahan et Marc Oliel incarnent la relève et assurent la pérennité de notre communauté.

Henri Elbaz

MAGAZINE LVS

hannouca 2016

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LVS PRÉSIDENT CSUQ Henri Elbaz

PRÉSIDENT LVS Joseph Amzallag

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RÉDACTRICE EN CHEF Sonia Sarah Lipsyc

COLLABORATEURS David Bensoussan Maurice Chalom Elias Levy Annie Ousset-Krief Martine Schiefer

RÉVISION DES TEXTES Martine Schiefer

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ABONNEMENT Agnès Castiel

DESIGN ET GRAPHISME Élodie Borel

Prix de vente par numero : 1 $ IMPRIMEUR/ PRINTER Accent impression Inc. 9300, boul. Henri Bourassa O. Bureau 100 Saint-Laurent H4S 1L5

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Convention postale 40011565 Retourner toute correspondance ne pouvant être livrée à : 5151, Côte Ste-Catherine, bureau 216 Montréal, Québec, Canada H3W 1M6 Le présent numéro est tiré à 6 000 exemplaires et acheminé par voie postale au Québec, en Ontario et aux États-Unis. Des exemplaires sont également déposés dans différents endroits stratégiques à Montréal.

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ÉDITORIAL Notre dossier spécial pour ce numéro de Hanouca porte sur « L’islamisme est-il une fatalité ? ». En effet, alors que les commémorations des attentats terroristes se déroulent ici et là et que, sur le terrain Daech décline, l'islamisme reste une menace partout dans le monde. Nous avons voulu savoir ce qu'il en était ici au Canada ainsi qu’en Israël. Stéphane Berthomet, chercheur au Québec, spécialiste du terrorisme et de la sécurité intérieure et le professeur Julien Bauer nous ont répondu à ce sujet. Quant à Éric Yaakov Debroise, historien, il déconstruit le terme d’islamophobie et analyse la collision de certaines sensibilités politiques avec l’islamisme. Nous avons aussi voulu comprendre pourquoi le djihad attirait des jeunes dont les origines pouvaient être très diverses. Le célèbre neuropsychiatre Boris Cyrulnik, de passage à Montréal, a accordé sur ce point un entretien à Elias Levy. Il nous importait de donner la parole à nos compatriotes musulmans; l’écrivain Aziz Fares et l’universitaire Mohamed Ourya ont réagi sur la réalité de l’islam au Québec et sur le glissement possible de certains, heureusement minoritaires, vers l’islamisme. Nous tenions d’ailleurs à mettre en valeur ces musulmans qui combattent cet extrémisme sanglant : le texte d'Évelyne Abitbol leur rend hommage et celui de David Bensoussan souligne le combat de certains dirigeants arabes contre l’islamisme. Enfin la chronique de Maurice Chalom clôt ce dossier. Nous espérons ainsi avec toutes ces collaborations contribuer à la compréhension d'un phénomène dont nous sommes contemporains et contre lequel il faut se défendre et se battre. Une autre manière de faire briller des lumières dans l’obscurité comme l’exige la fête de Hanouca que nous célébrons en cette fin d’année civile. Pour la dimension sépharade de notre magazine, vous retrouverez dans notre chronique « Itinéraires de jeunes sépharades d’ici et d’ailleurs », un beau texte de la philosophe Avishag Zafrani sur ses réflexions lors d'un voyage à Casablanca et la suite des carnets de route de Milena Kartowski-Ayache, de retour de l'Île de Leros en Grèce où elle a rencontré les migrants de la communauté Yezedi. L’Israélien Adiel Kaspi nous propose un portrait du célèbre commentateur biblique Abraham Ibn Ezra (12e siècle) pour la rubrique « Découverte des figures du monde sépharade ».

Nous avons eu à cœur, en la matière, d’ajouter deux nouvelles rubriques. Ainsi dans « Coup de projecteur sur nous autres » nous mettons l’emphase sur les femmes et les hommes de notre communauté sépharade qui rayonnent dans notre cité montréalaise, notre belle Province du Québec et parfois au-delà. Vous (re)découvrez ainsi l'acteur Ariel Ifergan et le nouvel auteur Joseph Elfassi. « Culture sépharade » nous montre toute l’étendue de la créativité des gens de notre communauté et d’ailleurs. Cette fois-ci, la poésie de la Montréalaise Nelly Roffé à l'occasion de la publication de son ouvrage et une critique littéraire sur le livre de Michèle Sarde, une Française dont la famille est originaire de Salonique, de notre collaborateur et néanmoins ami Elie Benchetrit qui signe ici son retour dans nos colonnes. « Le Monde juif » et « Vie juive canadienne » rendent hommage à des figures centrales du judaïsme ou de la culture juive, d’hier ou d’aujourd’hui. Annie Ousset Krief nous parle de quelques figures marquantes qui nous ont quittés cette année comme Elie Wiesel, Shimon Perez ou l’ancien Grand Rabbin de France, Joseph Sitruck. Je rends également hommage au Juif montréalais, Leonard Cohen. Amnon Suissa signe un beau portrait de Bob Dylan, cette année, prix Nobel de littérature. Nous avons également un article sur le Musée juif de Montréal que peu connaissent et qui est pourtant actif dans notre cité et avec qui nous souhaitons développer des collaborations. Dans « Culture juive et israélienne », nous retrouverons un portrait de l'écrivaine Mikhal Govrin par Elias Levy qui continue ainsi à nous initier à toute une galerie de créateurs littéraires israéliens. « Apprendre l’hébreu par des jeux de mots et en souriant » à partir d’une méthode de Daniel Kenigsberg nous a semblé une judicieuse idée de cadeau pour enfants et adultes. La rubrique « Judaïsme » propose une traduction d’un piyout, poésie religieuse, chantée à Hanouca dans les communautés sépharades et la présentation du dernier livre de David Bensoussan sur un chant de shabbat. Enfin, nous avons ajouté une page « Recettes de cuisine » qui aura, à n'en pas douter, ses adeptes... Bien sûr, «  Vie communautaire  » conclut ce magazine en offrant diverses informations sur notre communauté sépharade québécoise. Je vous remercie de votre fidélité et de l’intérêt que vous portez à ce magazine qui se veut à la fois un journal francophone de qualité dans le paysage québécois en rendant compte de toutes les dimensions de la vie et de la culture juives ainsi que votre journal communautaire. Je vous rappelle que pour que ce magazine continue de vous satisfaire, nous avons besoin de votre contribution. Vous pouvez ainsi faire des dons en libellant votre chèque au nom du LVS et en nous l’envoyant au 5151, chemin de la Côte-Sainte-Catherine, bureau 216, Montréal, Québec H3W 1M6. Bonne fête des Lumières, bonne fête de Hanouca à toutes et à tous. Sonia Sarah Lipsyc

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DOSSIER SPÉCIAL

L'ISLAMISME EST-IL UNE FATALITÉ ?

Qu’en est-il de la menace islamiste au Canada ?

Stéphane Berthomet

Sonia Sarah Lipsyc

Entretien avec Stéphane Berthomet par Sonia Sarah Lipsyc

Stéphane Berthomet est analyste en affaires policières de terrorisme et de sécurité intérieure et collabore à de nombreux médias. Codirecteur de l’Observatoire sur la radicalisation et l’extrémisme violent (OSR), il est aussi chercheur associé au Centre interuniversitaire de recherche sur les relations internationales du Canada et du Québec (CIRRICQ) et chercheur au Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Son dernier ouvrage s’intitule : « La fabrique du djihad. Radicalisation et terrorisme au Canada », Édition Édito, Québec 2015. Dr Sonia Sarah Lipsyc est rédactrice en chef du LVS et directrice de Aleph - Centre d'études juives contemporaines.

Pouvez-vous nous rappeler les attentats terroristes islamistes de ces dernières années au Canada ainsi que ceux qui ont été déjoués ? L’attaque ayant coûté la vie à l’adjudant Patrice Vincent, menée par Martin Couture-Rouleau à Saint-Jean-sur-Richelieu le 20 octobre 2014 et, deux jours plus tard, la fusillade du Parlement à Ottawa par Michael Zehaf-Bibeau, dans laquelle le caporal Nathan Cirillo a trouvé la mort, sont les deux actes les plus récents au pays. Il est par ailleurs difficile de dire combien d’attentats ont pu être déjoués puisque les corps policiers ne communiquent jamais complètement sur ces éléments, mais on se souvient tout de même, en août dernier, d’Aaron Driver qui a été intercepté par la GRC alors que, selon les autorités, il s’apprêtait à commettre un attentat dans une ville du pays.

Qu’en est-il de ces personnes, souvent jeunes, garçons et filles, qui sont candidats au Djihad et se rendent en Syrie rejoindre Daech, l’État islamiste ? Les cas récents de départs vers la Syrie les plus notables sont évidemment ceux des jeunes qui ont quitté ou tenté de quitter en groupe, en deux vagues, la région de Montréal pour se rendre en Syrie ou en Irak au début 2015. Il y a, ailleurs au pays, mais aussi au Québec, plusieurs cas individuels de tentatives de départ souvent stoppées par les policiers. L’ajout récent au Code criminel d’une infraction constituée par le fait de vouloir rejoindre une organisation terroriste (formellement identifiée comme telle) a beaucoup « aidé » les policiers à empêcher les candidats au départ. Je place « aider » entre guillemets puisque dans le même temps cela a conduit à rendre criminel ce qui ne l’était pas auparavant et à faire exploser les statistiques d’actes reliés au terrorisme entre 2014 et 2015, soit 126 % de plus. D’autre part, l’effet pervers de cet article de loi est qu’il peut conduire ceux qui ont été empêchés de partir à vouloir conduire une attaque sur le sol canadien comme ce fut le cas pour Martin Couture-Rouleau. Pour ma part, même si je comprends le besoin des policiers de disposer « d’outils », je regrette un peu qu’on joue fort sur la criminalisation avec des jeunes qui ont été manipulés et endoctrinés, alors qu’on est beaucoup plus prudents et ouverts aux réponses alternatives dans d’autres domaines comme les gangs. 30

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Diriez-vous que le Canada est moins exposé au terrorisme islamiste par rapport à d’autres pays, plus touchés, par exemple, la France, si oui, pourquoi ? Certains éléments nous protègent en effet, comme notre situation géographique par rapport aux pays qui sont des zones de conflit et donc des endroits où sont installés les camps d’entraînement. Je dirais aussi qu’en Europe, certaines circonstances aggravent le risque et le rendent bien plus opérationnel que chez nous. Un pays comme la France, dans lequel il existe depuis des dizaines d’années des réseaux structurés dans la mouvance terroriste djihadiste ou la Belgique – qui a toujours été considérée comme une plateforme pour le trafic d’armes en provenance de l’Europe de l’Est – sont fragilisés par ces éléments opérationnels. Historiquement, le Canada a toujours été un peu plus éloigné que l’Europe des enjeux qui sont utilisés comme des arguments d’endoctrinement et d’embrigadement par les recruteurs des grands réseaux terroristes. Même si c’est en train d’évoluer, ça a son importance. Il faut aussi prendre en compte les problématiques liées au climat social, les questions identitaires et plusieurs autres paramètres qui ne sont pas, chez nous, aussi dégradés que dans plusieurs pays d’Europe. Qu’est-il possible de faire, en amont, dans le cadre de la prévention et en aval, dans celui de la déradicalisation pour endiguer ce danger ? Est-ce que selon vous, toutes ces mesures sont suffisamment prises au Canada et tout particulièrement dans notre Province, au Québec ? Le Canada et le Québec font preuve de beaucoup de bonne volonté en la matière, même si je regrette qu’on ne mise pas encore plus sur le travail très en amont des phénomènes radicaux, en particulier au niveau scolaire. Il faut aider les plus jeunes à appréhender et comprendre le monde dans lequel ils vivent, les aider à aiguiser leur esprit critique et leur donner les outils pour ne pas tomber dans les discours haineux ou radicaux qui foisonnent sur les réseaux sociaux. Voilà, ce qui est de la véritable prévention. Le recrutement et l’embrigadement passent désormais beaucoup à travers la propagande et il faut donc y apporter des réponses adaptées tant au niveau des médias que des réseaux sociaux. Mais le Canada et le Québec travaillent activement à comprendre et décortiquer les processus qui conduisent les plus jeunes à la violence et de ce point de vue c’est très encourageant.


L’ISLAMISME EST-IL UNE FATALITÉ ? Est-ce que certaines Provinces du Canada, certaines fonctions (soldat, policier) ou certaines communautés notamment juives sont davantage ciblées par les terroristes islamistes ? Des menaces spécifiques ont en effet été proférées par les organes de communication de Daesh. Il est bien difficile cependant de dire s’il existe vraiment des catégories de gens qui sont plus ciblées quand on voit le mode opératoire des attentats en Europe qui visent autant des communautés spécifiques comme dans le cas du musée Juif de Bruxelles en 2014 ou l’Hyper Cacher à Paris que des gens dans un stade, une salle de spectacle ou sur le bord de mer niçois. Cependant, on constate que chez nous, Zéhaf-Bibeau et CoutureRouleau ont visé des militaires et les institutions. C’est assez symptomatique des mouvements terroristes dans leur « première période » où on vise en premier lieu les symboles de l’État. Ce que je veux dire par là, c’est que l’expression violente du terrorisme djihadiste au pays est à un stade bien moins avancé que dans les pays où les anciens combattants de Bosnie, d’Afghanistan ou d’Irak reviennent pour frapper les pays occidentaux. On voit bien que les attentats en Europe sont arrivés au paroxysme de la violence en frappant toutes sortes de cibles et s’attaquant directement aux citoyens, quels qu’ils soient.

Diriez-vous qu’il existe un « djihad juridique » – le fait de traîner en justice quiconque critiquerait l’islamisme – comme certains le pensent, par exemple, au sujet du procès intenté récemment à l’essayiste québécoise Djemila Benhabib1 ? Je ne commenterai pas ce cas en particulier. D’une façon plus générale, on a déjà pu constater comme ces groupes intégristes « testent » les limites de nos systèmes juridiques et n’hésitent pas quand ils le peuvent à tenter de se glisser dans les failles du système. Leur objectif n’est pas seulement de repousser les limites de la démocratie ou d’essayer d’imposer une vision politico-religieuse de la société, il est aussi de faire pression sur les musulmans qui vivent au pays. L’enjeu est ici de savoir comment nous pouvons repousser les tentatives extrémistes ou intégristes sans stigmatiser les musulmans qui vivent au Canada. Je voudrais dire à ce sujet que beaucoup de musulmans qui sont venus au pays l’ont fait pour fuir la violence islamiste et qu’ils sont donc tout à fait conscients des dangers de ces dérives radicales dont ils sont les premiers à avoir souffert dans leurs pays d’origine. Peut-être devrions-nous essayer de les associer un peu plus à cette lutte sociale que nous devons mener contre une idéologie radicale et rétrograde.

Considérez-vous qu’un État de droit, démocratique, est vulnérable face à des intégristes prônant le refus de la démocratie, l’inégalité hommes-femmes ou l’homophobie ? A-t-on renvoyé des imams du Canada pour de tels propos ou d’autres incitants à la haine ? La démocratie est un modèle toujours plus difficile à imposer que les idéologies radicales qui, elles, ne s’embarrassent pas de nos précautions. Mais le modèle d’une société juste et égalitaire est celui que nous voulons pour ce pays et nous croyons fermement que c’est sur ces bases que nous devons construire l’avenir. C’est pourquoi nous devons apprendre à le défendre tout en respectant nos valeurs, même si ce n’est effectivement pas simple. Je ne veux pas m’aventurer ici sur la question de la Charte canadienne des droits et libertés parce qu’il faudrait y consacrer tout le sujet de l’entrevue, mais nous devons accepter que nous allons devoir nous montrer doublement vigilants : à la fois pour lutter contre l’intégrisme et en même temps pour conserver toutes les libertés qui font la beauté de notre système. C’est un beau défi.

DOSSIER SPÉCIAL

Internet est un outil formidable que les islamistes cependant détournent pour leurs projets funestes. Quelles seraient les mesures à prendre dans ce domaine ? Précisions une chose : Internet n’est pas l’unique moyen de radicalisation en Occident, car dans beaucoup de situations on constate, et on en sait quelque chose au Québec, qu’il y a des individus qui endoctrinent directement les jeunes attirés par l’idéologie djihadiste terroriste. Mais Internet est un formidable vecteur de transmission des messages haineux, de violence ou de propagande extrémiste (qu’elle quelle soit d’ailleurs). Force est de constater qu’Internet est devenu une zone de non-droit où le harcèlement, la diffamation, les propos haineux, le racisme et les propagandes violentes de toutes sortes s’expriment bien plus librement et hors du contrôle de la loi que dans la « vraie vie »… Imaginez une cour d’école où il se tiendrait le genre de propos que les jeunes peuvent trouver sur Twitter ! Ce serait scandaleux. Et pourtant cela existe dans cet univers dématérialisé. Au colloque2 qui s’est déroulé à Québec la semaine passée, j’animais un atelier avec de jeunes adultes et j’ai été frappé de voir combien ils exprimaient le besoin que nos systèmes éducatifs préparent mieux les jeunes à se comporter, agir et interagir dans ce monde virtuel. Après tout, Internet fait désormais partie de la vie sociale des jeunes générations. Il faudrait donc bâtir des ponts entre l’école et ces mondes virtuels pour qu’on y enseigne ce qui est bien ou mal, ce qui est injuste, blessant, violent ou même criminel. On revient à ma réponse à l’une de vos précédentes questions  : l’éducation. L’éducation, qui est peut-être la seule véritable prévention contre la haine de nos sociétés dans laquelle les idéologues du djihadisme violent essayent d’entrainer nos enfants.

1 Djemila Benhabib fait l’objet d’une poursuite civile de 95 000 $ par l’établissement

scolaire privé portant le nom d’Écoles musulmanes de Montréal (EMMS). En 2012, lors d’une interview à la radio avec le journaliste Benoit Dutrizac, sur le 98,5, l’essayiste avait déclaré au regard d’un dépliant promotionnel de cette école : « Il n’y a pas une grande différence à mon avis entre l’endoctrinement qu’on fait dans ces écoles à Montréal ou les écoles que ce soit au Pakistan ou en Afghanistan ». Le procès s’est déroulé en septembre dernier, Mme Benhabib était défendue par Me Marc-André Nadon alors que Me Julius Grey défendait les plaignants. Jugement en attente (ndr). 2 L’UNESCO a organisé, du 31 octobre au 1er novembre dernier une conférence internationale à Québec, intitulée « Les jeunes et l’Internet : combattre la radicalisation et l’extrémisme ». À l’occasion de cette rencontre, il a été annoncé la création prochaine au Québec d’une chaire de recherche sur la radicalisation sous l’égide de l’UNESCO.

Stéphane Berthomet, La fabrique du djihad

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DOSSIER SPÉCIAL

L'ISLAMISME EST-IL UNE FATALITÉ ?

Les djihadistes sont des héros maléfiques du XXIe siècle

Boris Cyrulnik

Elias Levy

Entretien avec le célèbre neuropsychiatre Boris Cyrulnik par Elias Levy

Le Dr Boris Cyrulnik est indéniablement l’une des personnalités scientifiques les plus célèbres et les plus admirées de France et de la Francophonie. Survivant de la Shoah, ce neuropsychiatre et éthologue renommé, spécialiste mondialement conndu phénomène de la résilience, dont il a été le premier théoricien, a consacré sa vie à aider des milliers d’« âmes blessées » affligées par le malheur, la pauvreté ou la guerre. Le Dr Boris Cyrulnik est l’auteur de nombreux ouvrages qui ont tous été d’immenses succès, notamment « Un merveilleux malheur », « Les vilains petits canards », « Parler d’amour au bord du gouffre »… Il a publié récemment un livre remarquable, « Ivres paradis, bonheurs héroïques » (Éditions Odile Jacob), dans lequel il analyse avec brio le bsoin social de s’identifier à des héros. « Les héros nous apportent l’espoir, le rêve, la force. Mais quand les héros se laissent pervertir, ils se transforment en planteurs de haine et en pourvoyeurs du pire », explique-t-il. Nous avons rencontré le Dr Boris Cyrulnik à Montréal, à la fin de l’été, au lendemain de la brillante conférence de clôture qu’il a prononcée dans le cadre d’un Colloque mondial sur la résilience qui s’est tenu à Trois-Rivières, dont il a été l’invité d’honneur. Elias Levy est journaliste à l'hebdomadaire The Canadian Jewish News (CJN). Vous rappelez dans votre livre que les « héros » ne sont pas toujours synonymes de « bravoure », « bonté » ou « résilience ». Il y a deux types de héros : les héros bénéfiques et les héros maléfiques. L’héroïsation est une procédure psychosociale. Quand une nation traverse des périodes difficiles au niveau socioéconomique, elle est encline à voter démocratiquement pour un « sauveur », qui s’avère souvent un dictateur. Hitler, Pétain, des dirigeants actuellement au pouvoir dans des pays arabes du Moyen-Orient, depuis la Révolution du « Printemps arabe »… ont été élus démocratiquement. Ces héros maléfiques constituent la preuve d’une défaillance sociale et culturelle.

« On parle très peu des victimes d'actes terroristes alors que l'on connaît tout de la biographie des terroristes »

Aujourd’hui, les djihadistes ne sont-ils pas les « héros maléfiques » du XXIe siècle? Oui, sans le moindre doute. Mohammed Merah, qui a commis en 2012 des crimes effroyables dans une école israélite de Toulouse et assassiné deux militaires de confession musulmane qu’il considérait comme des « traîtres collaborateurs », a été héroïsé par les médias. Des journalistes ont souligné son « courage », son « action physique », du fait qu’il s’est lancé à l’assaut d’une cinquantaine de membres du GIGN - Groupe d’intervention de la Gendarmerie nationale française - qui l’ont abattu. Un bon nombre de jeunes musulmans avec qui 32

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j’ai discuté dans les quartiers nord de Marseille m’ont dit sans ambages que, pour eux, Mohammed Merah est un héros. Plusieurs d’entre eux n’ont pas hésité à passer à l’acte. En effet, dans les semaines qui ont suivi les crimes crapuleux perpétrés par Mohammed Merah, il y a eu en France une épidémie d’attentats antisémites. Ce djihadiste a servi de héros à ces jeunes déroutés. Dans le passé, on s’identifiait aux vainqueurs. Désormais, contrairement à ce que pensait Freud, on s’identifie aux « vaincus », que certains s’acharnent à défendre aveuglément. On parle très peu des victimes d’actes terroristes alors que l’on connaît tout de la biographie des terroristes. On légitime ainsi le terrorisme. « Ils ont tellement été humiliés qu’il est normal que ces damnés de la terre se rebellent », entend-on régulièrement. Les coupables ce ne sont pas les terroristes, c’est vous, c’est moi, c’est nous. L’attrait incontestable que le djihadisme exerce sur de nombreux jeunes musulmans occidentaux n’est-il pas une preuve patente de leur mal de vivre dans des sociétés où ils se sentent exclus et marginalisés ? C’est vrai. En Occident, on ne propose plus aux jeunes des projets de société mobilisateurs et attrayants. Malheureusement, aujourd’hui, aux yeux de beaucoup de jeunes occidentaux musulmans, ou qui se sont convertis à l’islam, le djihadisme est un « projet de société juste », car il a pour but ultime la « quête de la justice et de la vérité ». Ces jeunes se font berner par des marchands d’illusions fondamentalistes. Désormais, le jeune terroriste est tellement bon marché et facile à recruter avec une simple campagne publicitaire sur les réseaux sociaux qu’il n’est plus nécessaire de salarier et de former de grandes armées. La typologie des gosses français qui partent faire le djihad, de plus en plus nombreux, est surprenante. La grande majorité d’entre eux sont des jeunes bien éduqués ayant grandi dans des familles fort respectables. Environ 40 % sont des Musulmans parmi lesquels 80 % d’entre eux ont grandi au sein de familles musulmanes pratiquantes, environ 40 % sont des Chrétiens convertis à l’islam, environ 19 % sont des jeunes sans Dieu et environ 1 % sont des Juifs


L’ISLAMISME EST-IL UNE FATALITÉ ?

DOSSIER SPÉCIAL

« En France, la parole antisémite s'est libérée. Nous assistons à une résurgence du racisme anti-arabe, qui pour moi n'est pas plus supportable que l'antisémitisme » qui ont adhéré à la religion de Mahomet. Un groupe de recherche que j’ai dirigé pour étudier ce phénomène a constaté que les mères de ces jeunes musulmans sont malheureuses que leurs enfants, bien élevés, soient partis en Syrie pour s’engager dans le djihad. Ces Musulmanes sont souvent dénigrées par leurs voisins qui leur reprochent d’être les seules responsables de la radicalisation de leurs rejetons. Mais force est de rappeler que les attentats djihadistes ne sont pas perpétrés que par de jeunes musulmans éduqués et élevés dans de bonnes familles. Il est vrai que des attentats ont été aussi commis par des jeunes musulmans fragiles, mal élevés, avec de grandes carences éducatives. Ces jeunes désarçonnés perpètrent parfois des attentats très meurtriers que les djihadistes s’empressent de récupérer alors que ceuxci n’ont probablement pas commandé ces crimes abjects. Les djihadistes s’empressent alors de claironner fièrement : « ces jeunes combattants ont milité pour nous, ce sont nos héros ». Pendant la Deuxième Guerre mondiale, les nazis considéraient comme des héros les citoyens français antisémites qui « avaient le courage » d’aller dans un commissariat pour dénoncer des Juifs qui se cachaient. J’ai dirigé un travail de recherche où on a retrouvé le barème établi par les nazis pour « primer » la dénonciation des Juifs. Pour un « Juif intéressant », c’était souvent un Israélite qui avait combattu dans l’Armée française et reçu la Légion d’honneur, la prime était de 300 euros actuels, environ 400 $ canadiens. Pour un enfant juif, la prime versée était de 50 euros actuels… Moi aussi j’ai été dénoncé pendant la guerre. Je connaissais l’identité de celui qui m’a livré aux nazis. C’était un ami d’un des fils de la famille catholique qui m’a caché. À la Libération, j’aurais pu facilement demander qu’on institue une enquête et que la justice le condamne. J’ai préféré ne pas donner suite à cette funeste affaire. Le choix, pour moi, n’est pas entre punir ou pardonner, mais entre comprendre pour gagner un peu de liberté ou se soumettre pour éprouver le bonheur dans la servitude (cf. Le Discours de la servitude volontaire de La Boétie). Haïr, c’est demeurer prisonnier du passé. Pour s’en sortir, il vaut mieux comprendre que pardonner.

Le retour en force de l’antisémitisme dans les sociétés française et européennes vous surprend-il ? J’ai commencé ma vie en subissant un discours totalitaire. Ironiquement, j’arrive au dernier chapitre de ma vie en voyant réapparaître un autre discours totalitaire. Ce n’est pas le même discours, mais la structure Z Or, on voit réapparaître un discours antisémite infâme colportant les mêmes slogans que j’ai entendus quand j’étais enfant : « le complot juif », qui remonte à l’époque de l’antisémitisme tsariste; « les Juifs sont partout, ils occupent des positions-clés dans les médias, les universités, le monde médical…  »; « les Juifs veulent prendre le pouvoir  »… En France, la parole antisémite s’est libérée. Nous assistons aussi à une résurgence du racisme anti-arabe, qui pour moi n’est pas plus supportable que l’antisémitisme.

Vous pourrez lire la version intégrale de cette entrevue avec le Dr Boris Cyrulnik sur le site Web de LVS : www.lvsmagazine.com

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DOSSIER SPÉCIAL

L'ISLAMISME EST-IL UNE FATALITÉ ?

Islamophobie : mythe ou réalité ?

Éric Yaakov Debroise

Annie Ousset-Krief

La bataille des mots, le combat des idées Entretien avec Éric Yaakov Debroise par Annie Ousset-Krief

Depuis les attentats du 11 septembre 2001, le mot « islamophobie » a envahi les discours politiques et les médias. L’ambiguïté du terme – désigne-t-il une peur de l’islam ou l’hostilité envers les musulmans comme le définit Le Petit Robert  ? – a généré une multitude de débats contradictoires qui tendent à minimiser les questions posées par l’intégrisme musulman. C’est une véritable bataille sémantique qui est en cours, avec en arrière-plan un combat idéologique entre ceux qui souhaitent débattre de la modernisation de l’islam et ceux qui tentent d’empêcher toute critique. Neuf auteurs, français et québécois, apportent leur contribution à ces questions et analysent les différents enjeux dans un ouvrage dirigé par Jérôme Blanchet-Gravel et Éric Debroise, tout simplement intitulé « L’islamophobie » (Éditions Dialogue Nord/Sud, Montréal, 2016). Éric Yaakov Debroise nous a accordé un entretien. Maître en science de l’information et candidat à la maîtrise en histoire à l’Université de Montréal, il publie régulièrement dans le Huffington Post Québec et France et le Times of Israël. Il est aussi fondateur de Vigilance Laïque Canada et de la société Aventis en gestion de la diversité dans les organisations. Annie Ousset-Krief est maître de conférence en civilisations americaines à l'Universite de la Sorbonne Nouvelle à Paris.

A O-K - Cela fait une dizaine d’années que le débat sur l’islamophobie occupe la scène. Pourquoi avoir produit ce livre maintenant ? É. Y. D. - Aujourd’hui le monde musulman est en crise, en recherche de lui-même, et l’islamisme est le signe de cette crise. Les islamistes profitent de cette quête de sens et des failles dans les systèmes politiques démocratiques pour imposer leur intégrisme. Alors pourquoi ce livre ? Parce qu’il ne faut pas aller au choc des cultures, mais créer des ponts. Ce livre est l’occasion de dire aux progressistes du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord qu’on les soutient. Les auteurs de ce livre sont de sensibilités politiques différentes, de religions et de cultures différentes. La philosophe française Elizabeth Badinter a écrit que la laïcité était prise en tenailles entre le communautarisme et la xénophobie. À mon sens, c’est exactement ce que vivent beaucoup de musulmans. Il faut faire éclater ce schéma. Quelle définition donneriez-vous de l’islamophobie ? Quel terme serait plus adéquat pour décrire les situations de discrimination ou d’hostilité à l’encontre des musulmans ? La définition la plus commune est la haine envers toute personne musulmane. Mais je m’oppose à cette définition. Dans la préface de notre ouvrage, le jeune Palestinien Waleed Al-Husseini, militant libre penseur, emprisonné dans les geôles de l’Autorité palestinienne parce qu’il était considéré comme un apostat, quelqu’un qui aurait renié sa foi, dit très clairement que l’accusation d’islamophobie à son encontre aujourd’hui en Occident, c’est exactement l’accusation de blasphème qu’on utilisait contre lui au Moyen-Orient1. À mon sens, l’islamophobie, c’est le retour du délit de blasphème dans nos sociétés. Bien sûr, ici personne ne parle de blasphème. Les médias et les intellectuels disent plutôt qu’il ne faut pas « choquer la sensibilité des musulmans ». Mais en disant cela, on nous appelle à nous censurer. Il faut comprendre qu’aujourd’hui on tue au nom de l’islamophobie, comme on tuerait au nom du blasphème. L’islamophobie2 amène à taire les critiques de l’islam et de l’islamisme – qui est l’utilisation politique de l’islam. Le mot islamophobie crée 34

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également une confusion sémantique entre arabe et musulman : on peut être arabe et non musulman, et musulman sans être arabe. Je préfère qu’on utilise à la place le terme de racisme anti-arabe, ou de haine antimusulmane. Donc selon vous, l’islamophobie est un instrument politique utilisé par les intégristes qui vise à empêcher toute critique sur l’islam ? Il y a une sacralisation du terme islam, que l’on ne peut plus critiquer. À chaque attaque terroriste, les politiciens insistent sur le fait que « ce n’est pas ça, l’islam ». Pour eux, il y a d’un côté la religion, qui est pure, pacifique, et de l’autre côté, l’aspect politique, qui est violent. Mais le monde musulman ne fonctionne pas sur cet antagonisme entre le politique et le religieux. L’islam est une théologie profondément politique – ou une politique profondément théologique. L’islamophobie verrouille la critique envers l’islam, mais aussi envers l’islamisme. On parle de plus en plus d’islamisme radical, et non plus d’islamisme, en dessinant des distinctions entre divers groupes – les uns plus violents, les autres seraient pacifiques, non activistes. Mais ces derniers demeurent tout de même des radicaux, des agents d’idéologie, qui préparent le terrain à l’islamisme, qui désarment les mots pour désarmer les esprits. Vous démontrez dans votre article, en utilisant les statistiques gouvernementales, que les musulmans du Québec et du Canada ne sont pas les plus visés par les crimes haineux. Pourquoi donnet-on dans les discours politiques et les médias l’image d’un climat islamophobe ? Je me suis intéressé au Canada, car c’est l’un des pays qui a les statistiques ethniques parmi les plus précises – avec les ÉtatsUnis. J’ai analysé le discours d’islamophobie à partir des statistiques officielles du gouvernement – car dans les descriptions qu’on me faisait de l’islamophobie, j’avais l’impression que la situation ne cessait d’empirer. Ce qui n’est pas le cas. Le chiffre d’actes haineux anti-arabes ou antimusulmans est très inférieur aux actes de haine envers d’autres minorités.


L’ISLAMISME EST-IL UNE FATALITÉ ? Les premiers visés sur le plan racial ou ethnique sont les Noirs – dont on ne parle à jamais ou si peu – les Arabes sont en quatrième position, après les Juifs (55 % des crimes haineux sur le plan religieux) et les minorités sexuelles. Si islamophobie il y a, ce n’est pas prouvé par les statistiques. Donc des associations créent leurs propres statistiques, par exemple le Collectif contre l’islamophobie en France3. La journaliste Isabelle Kersimon a prouvé que ces statistiques sont totalement fallacieuses et servent un but idéologique. Ces organisations enregistrent comme actes islamophobes des actes qui n’en sont pas, par exemple l’expulsion d’un imam radical qui tenait des discours homophobes. Quant aux politiciens qui utilisent le terme islamophobie, ils veulent jouer le rôle de l’apaisement, ou le font par souci électoraliste. Les médias, quant à eux, cherchent à faire de l’audience, sans effectuer les vérifications nécessaires. Et certains intellectuels et universitaires participent aussi de cette manipulation idéologique. Tous les auteurs de cet ouvrage dénoncent la collusion entre intégristes musulmans et extrême-gauche. Comment expliquez-vous cette connivence ? Cette convergence entre islamistes et extrême-gauche est passée parle prisme de la Palestine, tel qu’il est défendu dans ce milieu. Et, à mon sens, les plus grands défenseurs de la Palestine sont aussi les plus grands défenseurs du concept d’islamophobie. Les idéologues d’extrême-gauche sont dans un rejet de l’Occident, dans le rejet d’Israël, qui est considéré comme tête de pont de l’Occident – ou même comme la poursuite de la colonisation occidentale. C’est donc par le prisme de la Palestine que toutes les gauches ont convergé et par ce biais que s’est distillée l’idéologie des islamistes. Et ils utilisent le concept d’islamophobie pour accabler l’Occident d’un poids, d’une erreur que pour l’instant l’Occident n’a pas commise. Comme le montre Claude Simard dans notre livre, le terme islamophobie n’existait pas auparavant. Il a pris son essor après les attentats islamistes du 11 septembre 2001. Les auteurs de ce livre sont français et québécois. Est-ce que la situation est similaire dans les deux pays ? Du point de vue idéologique, les extrêmes-gauche se ressemblent. Du point de vue sociétal, il y a des différences : la société québécoise fonctionne par consensus, alors que la société française fonctionne plutôt par tensions. Les Québécois vont être très critiques, d’autant plus qu’ils ont connu une Église catholique très puissante, un intégrisme chrétien, qui a disparu il y a peu – à la différence de la France qui a peut-être oublié cette phase de son histoire. Ils ne veulent pas revivre cette situation. Et les immigrants musulmans qui ont connu l’intégrisme musulman dans leur pays d’origine le comprennent très bien. La société québécoise va donc essayer de trouver des solutions sans pour autant nier ses valeurs. La question des accommodements raisonnables est discutée et est d’ailleurs de plus en plus décriée, car certains y voient une faiblesse à l’égard des intégrismes. D’autre part, le racisme ordinaire est moindre qu’en France, les musulmans du Québec sont relativement mieux intégrés. C’est une société qui peut mieux résister, et de laquelle nous pouvons beaucoup apprendre.

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Le monde anglo-saxon se base beaucoup plus sur l’origine ethnique, raciale ou religieuse. Le multiculturalisme favorise tout à égalité, même ce qui est inégalitaire et ne devrait pas être valorisé. Nous voyons certains hommes politiques visiter des mosquées radicales, intégristes, parce que pour eux, c’est une question de tolérance. Dans le multiculturalisme, chaque minorité vit dans son espace, une bulle, qui est fermée. C’est la perpétuation de groupes minoritaires. Ce que nous souhaitons avec ce livre, c’est créer des ponts avec d’autres personnes, qui soient de cultures, religions, ethnies différentes, et leur dire qu’on peut travailler ensemble. Nous appelons les musulmans à se distancer de ce discours sur l’islamophobie, car nous avons conscience qu’on les instrumentalise de manière politique. Ce livre s’adresse donc à eux, et aussi à tous ceux qui veulent avoir les outils pour répliquer aux attaques en islamophobie. C’est un travail de longue haleine… Nous envoyons aussi un message aux Français : nous vivons une réalité plus apaisée au Québec, mais le discours idéologique qui sévit est le même qu’en France. Nous espérons, en déconstruisant le concept d’islamophobie, produire les outils pour aider dans cette bataille des idées. Je suis fondamentalement optimiste ! Ont contribué à cet ouvrage : Caroline Fourest, Hassan Jamali, Isabelle Kersimon, Renart Léveillé, Fiametta Venner, Claude Simard, Annie-Ève Collin, Alban Ketelbuters. Préface de Waleed Al-husseini.

1 L’écrivain Waleed Al-husseini a été emprisonné en 2010 par l’Autorité palestinienne

sous l’accusation de blasphème. Il vit à Paris depuis 2012. Il est l’auteur d’une autobiographie, Blasphémateur ! Les prisons d’Allah (éditions Grasset, 2015). 2 Dans son article, le professeur Claude Simard souligne que le mot entre dans le vocabulaire courant après les attentats du 11 septembre 2001. Caroline Fourest relève par ailleurs que le mot avait été utilisé par les Mollahs iraniens à la fin des années 1970 pour fustiger les femmes qui refusaient de se voiler. 3 Alexandre Devecchio, « Islamophobie : les chiffres du CCIF ne sont pas fiables », Le Figaro , 21 janvier 2016.

Ouvrage sous la direction de Jérôme Blanchet-Gravel et Éric Debroise

Qu’attendez-vous de cet ouvrage ? J’espère qu’on va pouvoir ouvrir des débats pour bousculer les communautaristes inclusifs et rappeler qu’il y a un modèle de société, basé sur la citoyenneté, qu’on peut créer. Ce livre est contre le multiculturalisme, et valorise plutôt un esprit républicain, fondamental dans la culture francophone : considérer l’Autre dans sa pleine altérité, et voir les convergences, non les différences.

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L'ISLAMISME EST-IL UNE FATALITÉ ?

Quel avenir pour l’Islam au Québec ?

Aziz Farès

Par Aziz Farès

Aziz Farès est né à Alger et vit à Montréal. Auteur, journaliste, producteur pour la radio et la télévision, il a travaillé pour Radio Canada International et la Radio Télévision Algérienne. Il collabore actuellement avec le quotidien Le Soir d’Algérie. Passionné de spiritualité vivante et d’études soufies, il est l’auteur de deux ouvrages parus en Algérie en 2009, La tangente impossible et j’ai failli égarer Dieu. Son dernier ouvrage publié au Québec, « L’encre des savants est plus sacrée que le sang des martyrs », est paru cette année aux éditions XYZ. Depuis 2011, il produit l’émission Au cœur du monde sur Radio VM (ex-Radio Ville-Marie).

Évoquer l’avenir de l’Islam implique, pour beaucoup, de faire d’abord un voyage à rebours pour retrouver le fil conducteur d’une religion née, il y a quinze siècles dans le désert d’Arabie. Mais ce voyage comporte le risque de renouer avec un passé fantasmé qui entretient l’illusion d’une histoire mythique. Comme le faisait remarquer l’écrivain marocain Driss Chraïbi : « Aurons-nous un jour un autre avenir que notre passé ? »1 Que savons-nous, réellement, de cette histoire aujourd’hui sublimée ? Quels témoignages avons-nous conservés des premiers moments de la révélation coranique? Des objets, des vestiges archéologiques ? Même la maison du Prophète à La Mecque a été rasée; des textes ? Oui ! Un texte, Le Coran, qui faut-il le rappeler n’a jamais été rédigé tel que nous le connaissons du vivant du Prophète. C’est donc à la lueur de nos modestes connaissances que nous devons tenter de retrouver l’empreinte d’une religion ubiquitaire, mais dont, curieusement, nous n’avons aucune trace historique. Il nous faut chercher à comprendre comment l’islam qui a su et pu conquérir d’immenses territoires, créer des empires et une brillante civilisation est devenu aujourd’hui une ombre menaçante ? De nombreux croyants affirment avec justesse que Islam (racine sémitique slm) signifie aussi paix. Que s’est-il donc passé pour que cette religion ait dérivé au point où elle représente, tant pour le monde musulman que pour le reste du monde, un danger ? Les musulmans ne sont-ils pas les premières victimes d’un islamisme aveugle ? La paix, prônée par des musulmans sincères ne peut, malheureusement, faire face à la violence qui entache cette noble religion. Nombreux sont ceux qui affirmeront, arme favorite, « Il n’y a pas de contrainte en religion »2. Ce verset, particulièrement ambigu, permet de prétendre que rien ne peut être imposé à l’individu… même à celui qui impose sa propre loi. Ce mouvement de plaques tectoniques a généré un tsunami qui déferle sur la planète, emportant tout sur son passage et le monde musulman oscille entre un passé merveilleux qui l’empêche de se projeter dans le futur et un présent embarrassant. 36

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Il nous faut donc nous extirper d’une image virtuelle qui tente de nous faire croire que la paix « tombera du ciel » car « il en est ainsi ! » La paix se construit ! Or nous assistons à une destruction systématique de tout référent au passé, à une sorte de castration symbolique de la mémoire. La mémoire du logiciel qui fait fonctionner l’Islam est vacillante et sa mémoire vive est constamment effacée. Ce qui n’était pas le cas au moment de la révélation coranique ni des premiers siècles qui ont suivi la disparition du Prophète. Cette mémoire irriguait en permanence la pensée d’un monde qui avait pressenti qu’il lui fallait sortir de l’ignorance. C’est en repoussant ses frontières que l’Islam s’est épanoui en s’enrichissant des cultures rencontrées. « LIS ! » C’est la première injonction adressée à Mahomet. Lis pour apprendre, pour comprendre, pour te cultiver. Le Coran est avant tout une parole vivante qui a été confinée dans un carcan qui ne lui laisse aucune liberté. N’est-ce pas Platon qui disait : « L’écriture est parricide ». J’entends déjà les voix stridulantes qui crient au blasphème. Le Coran est « la parole de Dieu ! » Indiscutable ! Aussi je discuterai, sans l’imprimatur des gardiens du temple, de ce que chacun croit comprendre. Ce qui par contre serait blasphématoire, c’est de croire que le Coran se lit comme un roman policier. Le Coran ne se lit pas; « On ne s’y promène pas, on le gravit. Et le gravir requiert, dans un premier temps, d’être guidé » écrit Mahmoud Hussein3. Mais ces « guides  » qui prétendent diriger viennent de Suisse, du Maroc ou du Pakistan... avec un agenda exclusivement politique sans faire l’effort de connaître et encore moins de comprendre la nature profonde de la société québécoise. Des individus affublés du titre ambivalent d’imam ont élevé la voix pour proclamer une nouvelle révélation qui leur conférerait le droit absolu de « guider les âmes perdues  » avec pour credo une litanie d’interdits dont la source, souvent apocryphe, est sujette à une interprétation exégétique absconse.


L’ISLAMISME EST-IL UNE FATALITÉ ?

Aziz Farés, L' encre des savants est plus sacrée que le sang des martyrs

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Les exemples irakiens, libyens, syriens et afghans sont assez éloquents pour que nous soyons autorisés à douter de ces deux options. Par ailleurs, des régimes autocratiques, bailleurs de fonds de l’islamisme sont liés, par une étrange invraisemblance, au monde occidental. Le Québec et le Canada, en promouvant leur philosophie multi culturelle et communautariste, se sont éloignés des réalités nouvelles du monde musulman qui considère la démocratie, la liberté des femmes, la laïcité contraires à l’Islam. La laïcité est frappée de l’anathème d’athéisme et ne trouve que peu d’arguments face au « sacré » de la religion.

Le Prophète ne disait-il pas qu’il fallait aller chercher le savoir même en Chine ? C’est ce qu’ont fait ses successeurs, développant les sciences, l’astronomie, les mathématiques, la littérature, la médecine... Encyclopédistes, savants, écrivains... ont bâti une brillante civilisation à travers un empire qui s’étendait de l’Atlantique aux confins de l’Asie. En Andalousie, la pensée résolument moderne d’Averroes4 a influencé le monde médiéval qui a su s’emparer de textes philosophiques qui ont conduit l’Europe aux portes des Lumières. Il existe d’ailleurs un averroïsme latin. Cette transfusion des connaissances a paradoxalement tari la source qui nourrissait la pensée musulmane et quinze siècles de conquêtes et de découvertes ont été réduits à leur plus simple expression donnant de l’Islam le visage d’une religion anachronique de sociétés arriérées. Cette triste réalité est chaque jour confirmée par des actes barbares et inhumains; assassinats sauvages diffusés dans des mises en scène macabres qui visent à frapper les imaginations, destruction des Bouddhas de Bâmiyan, Palmyre... Nous sommes devant une énigme. Même l’âge d’or de l’Islam, de Grenade, de la culture et du raffinement ne remporte plus les suffrages de groupuscules qui ont fait main basse sur la religion musulmane brandie comme un trophée sanglant et la période de la révélation coranique est devenue la pierre d’achoppement d’une idéologie autoritaire qui pratique la politique du vide. La spiritualité a disparu de la pensée musulmane et la théologie a été kidnappée par des docteurs dont la foi suspecte et les connaissances théologiques imparfaites bloquent toute velléité sinon de lectures du moins de relecture du texte coranique. Cette relecture s’est pourtant faite durant les vingt années de l’apostolat du Prophète et certains versets, s’ils peuvent paraitre contradictoires au profane, mettent en lumière l’actualisation permanente d’une pensée alors vivante qui suivait l’évolution de la société. « En vérité, Allah ne change pas l’état d’un peuple tant que celui-ci ne change pas ce qui est en lui-même.5 » Tout le problème semble se situer à ce niveau. D’une part une idéologie, l’islamisme qui veut imposer un diktat à des peuples tous plus différents les uns que les autres et d’autre part un monde occidental qui prétend apporter la démocratie au nom de la « liberté ».

Le Québec, qui s’est affranchi pacifiquement de la tutelle de l’église en faisant une révolution tranquille qui l’a propulsé dans la modernité sans pour autant renier le fond culturel de la religion, se voit confronté de nouveau à une croyance qui, cette fois, n’est pas celle de la société. Par un assèchement de la pensée, l’Islam s’est recroquevillé dans une bulle idéologique qui lui fait croire qu’il peut prêcher dans ce Québec qui n’est pas un désert, mais qui pense, qui construit, qui tolère, qui existe par une volonté citoyenne. L’Islam doit avoir une conviction qui transcende la foi et dépasser un dogme qui se résume à un rituel mécanique. Au-delà d’une croyance religieuse, les musulmans doivent croire en eux et accepter de relire le seul texte à leur disposition, Le Coran, à la lumière des connaissances actuelles. Il n’est pas question, cela serait utopique de le penser, de réécrire le texte révélé ou les hadiths du Prophète. Quand bien même nous le voudrions, cela serait impossible. Ce que l’Islam et tous les musulmans sincères, et ils sont nombreux, doivent et ils peuvent le faire, c’est retrouver le sens et l’essence du texte coranique en ne se laissant rien imposer comme une fatalité. D’ailleurs il est dit : « Dieu ne vous impose rien que vous ne puissiez supporter  »6. L’avenir de l’Islam au Québec est encore imprécis, car il se positionne en termes d’affrontement. Les exemples, loin d’être anecdotiques, du voile, du niqab, des accommodements raisonnables témoignent d’une incompréhension, d’une ignorance des préceptes religieux et de la culture islamique tant dans la société québécoise que dans les sociétés musulmanes issues d’Afghanistan, d’Irak, d’Algérie, du Pakistan, d’Indonésie... autrement dit de cultures, de traditions et de langues différentes. Le danger est de promouvoir le faux semblant d’une religion unie, uniforme qui serait la même partout en entretenant le mythe d’une société idéale. Pour envisager le futur, l’Islam doit se réconcilier avec son passé, vivre pleinement l’instant présent dans la spiritualité, et au lieu de se lancer dans un djihad juridique à coups de fatwas improvisées, faire avec le Québec un effort fondé sur la réflexion pour enfin vivre ensemble dans la paix et le respect tout en ayant la foi... en l’avenir. 1 Dans son livre Vu, lu, entendu, Denoël, 1998, p18 2 Coran, Sourate 2 verset 256 3 Mahmoud Hussein, Ce que le Coran ne dit pas, Grasset 2013 4 Célèbre philosophe, théologien, juriste et médecin musulman né à Cordoue

en Andalousie (Espagne) en 1126 et mort à Marrakech en 1198. 5 Coran, Sourate 13 verset 11 6 Coran, Sourate 2 verset 286

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L'ISLAMISME EST-IL UNE FATALITÉ ?

Hommage à deux femmes et deux hommes, Elham Manea, Maryam Namazie, Raïf Badawi et Kacem El Ghazzali, figures de proue de la résistance des musulmans à l’islamisme

Évelyne abitbol

Par Évelyne Abitbol

Née au Maroc, Évelyne Abitbol a consacré une grande partie de sa carrière au dialogue des cultures et des civilisations et travaillé au sein d’organisations internationales qui œuvrent dans les domaines de la coopération. Elle est actuellement directrice générale et cofondatrice de la Fondation Raif Badawi pour la liberté.

Résister c'est s'engager à refuser la volonté du plus fort lorsqu'elle bafoue les valeurs humaines. Toutes les religions ont été tentées par ces dérives. Au sein de l'Islam, tout un courant de pensées animé par des hommes et des femmes, ont défendu très tôt une vision de l'islam ouverte, humaniste et tolérante qui va d’ Al-Fârâbi (IXe siècle) à Averroès (XIIe siècle) ou à des femmes poétesses, comme Wallada (XIe siècle) et Maram Al-Masri (XXIe siècle). Il est difficile de faire un choix parmi les milliers de personnes, célèbres ou anonymes, qui résistent aujourd’hui à l’islamisme actuel. Raïf Badawi, Kacem El Ghazzali, Elham Manea et Maryam Namazie sont ceux qui, à mon avis et pour des raisons différentes, tiennent le flambeau de la volonté arabe de s’inscrire dans le grand livre de la modernité. Tous quatre ont reçu des menaces, des insultes, pour leurs prises de position. Parmi les autres résistants contre la radicalisation, nous aurions pu citer les champions et championnes européens, canadiens, américains ou arabes, chiites ou sunnites, emprisonnés ou en exil. Ani Zonneveld, américaine/pakistanaise, l’une des rares femmes imams dans le monde, Waleed Al Husseini, l’essayiste palestinien athée en exil en France, fondateur du Conseil des ex-musulmans de France, Hussein Jawad, président de l’organisme des droits de l’homme de Bahreïn exilé en France avec sa famille après avoir été torturé, fils de Parweez, toujours emprisonné et torturé, Fatima Al Hawachi qui défend son père, Khalil Al Halwachi, arrêté arbitrairement, toujours emprisonné et torturé à Bahreïn alors qu’il détient un permis de résidence émis par la Suède. Et il y a la sœur de Raïf Badawi, Samar Badawi, mariée à l’avocat de Raïf, Waleed Abulkhair toujours en prison, qui s’est vue interdire le droit de vote aux élections municipales de 2011 et qui a poursuivi le régime saoudien. Elle qui a reçu des mains de Michelle Obama et de Hillary Clinton, le prix du courage 2015.

Deux hommes : Raïf Badawi et Kacem El Ghazzali « La liberté d’expression est l’air que respire tout penseur, ainsi que le combustible qui enflamme sa pensée… (…).L’observateur de la société arabe la voit gémir et ployer sous le joug d’un ordre théocratique qui attend seulement d’elle qu’elle s’incline devant les hommes du clergé et leur obéisse aveuglément. » 38

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Ces mots, Raïf Badawi – celui qui, par sa détermination, a osé vouloir libérer la parole, ce penseur athée et laïque devenu le symbole de la liberté d’expression, de religion et de la presse dans le monde – les a écrits sur son blogue, le Réseau libéral saoudien, et ont par la suite été publiés dans son livre. Le récipiendaire du Prix Sakharov 2015, en prison depuis maintenant 4 ans et demi, a eu ce courage pendant et peu après le printemps arabe de tenir un blogue suivi par des millions de personnes et dans lequel il défendait les valeurs laïques.

Que prônait-il exactement ? Son idée maîtresse est de poser la question fondamentale, à savoir si le libéralisme théologique est l’ennemi de la religion? « Le libéralisme, affirme-t-il, garantit l’expression de toutes les libertés individuelles, y compris le libre exercice du culte, sans infliger à la société la tutelle ou la tyrannie d’une doctrine (…) ceux qui s’y opposent, ce sont les islamistes, et une poignée de membres de l’extrême-droite réactionnaire européenne qui se réclame du Moyen-Âge, détractrice de la Révolution française, et loyale à l’église et au féodalisme. » Ce que Raïf déplore et ce qui reste en filigrane à la lecture du recueil de textes, c’est le fait que les pays arabes, en l’occurrence en Arabie saoudite, la pays auquel il fait référence, nulle culture ou loi autre que celles du Coran et de la Charia n’est acceptable. Raïf est toujours en prison en attente de révision à la Cour suprême qui ne respecte ni les lois internes ou nationales ni les conventions internationales ratifiées par les pays amis selon Irwin Cotler, son conseiller juridique et Avocats sans frontières. Il a été soutenu par les parlementaires européens qui lui ont octroyé le prix Zakharov 2015 et par d’autres : le président du parlement européen, Martin Schulz, Ulrike Lunacek, la vice-présidente; la Chambre des communes du Canada, qui a voté à l’unanimité pour demander sa libération, l’Assemblée nationale du Québec qui a remis à Raïf un certificat de sélection d’immigration. « Ce que je crains le plus, c’est que de brillants esprits arabes s’exilent en quête d’air pur, là-bas, loin des sabres de l’autoritarisme religieux.1»


L’ISLAMISME EST-IL UNE FATALITÉ ? Partir, c’est ce qu’a fait Kacem El Ghazzali, jeune Marocain exilé de 26 ans, qui vit maintenant en Suisse. Président de l'Association des ex-musulmans de Suisse, il est l’un des rares Marocains à afficher publiquement son athéisme. Il est directeur adjoint scientifique de la Fondation Raïf Badawi pour la liberté. À 24 ans, El Ghazzali lançait une pétition aux Nations Unies, comme représentant de l’Union Internationale Humaniste et Éthique (5 millions de membres) en demandant à l’ONU d’interdire la charia au nom de la Déclaration des droits de l’homme. Il ira plus loin en affirmant que la religion, pas uniquement l’Islam, est l’un des plus grands obstacles sur la voie de la modernité. « Le non-sens est de discourir de droits humains et par ailleurs appeler au meurtre des infidèles, à l’intimidation des femmes et à l’oppression des minorités.2» Dans un récent texte, l’Islam n’est pas une religion de paix dans les sociétés où la foi fait la loi, publié dans le Huffington Post le 6 mai 2016, El Ghazzali confirme sa position envers les pays arabes avec statistiques et chiffres à l’appui. « L'extrémisme islamique et le terrorisme ne peuvent être combattus efficacement sans soulever la discussion au sein des sociétés musulmanes elles-mêmes, en appelant à un islam de tolérance à l'égard des non-croyants… Est-ce que la tolérance et la paix sociale prévalent dans les pays à majorité musulmane qui enchâssent « l'Islam » dans le droit ? Aujourd'hui, dans la plupart de ces pays, les athées, les apostats et ceux qui se convertissent à une autre religion sont persécutés. (…) Selon l'ONG, l’Union Internationale Humaniste et Éthique, il y aurait 13 pays où, exprimer son athéisme est passible de la peine de mort. Ce que ces pays ont en commun, en dépit de leurs différences : l'Islam comme religion d'État. » Kacem El Ghazzali a multiplié ses interventions aux Nations Unies. Lors de sa dernière intervention aux Nations Unies au mois de septembre 2016, soutenue par la Fondation Raïf Badawi, les Arabs Humanist et l’Organisation Adhoc organisation civile pluraliste, moderne, internationale non gouvernementale, fondée dans le but de lutter contre l'extrémisme et le terrorisme, et de diffuser la culture de la liberté, de la raison et des différences, il a demandé l’abolition de toutes les lois sur le blasphème : « Un État n'a pas le droit d'être préoccupé par ce que les gens croient ou pensent, il devrait plutôt garantir à quiconque le droit de penser et d'exprimer ses opinions et ses idées sans crainte de représailles ou de censure. Nous nous opposons fondamentalement à l'idée que le « blasphème » soit considéré comme une infraction pénale et nous appelons tous les États mentionnés ci-dessus – les pays musulmans d’Asie et du Moyen-Orient ainsi que l'Europe à forte concentration de minorités musulmanes – par le biais de ce conseil de se conformer à leurs obligations en matière de droits de l'homme, et abolir toutes les lois sur le blasphème.3 » Il craint que le terme trop galvaudé d’islamophobie soit si confus qu’il entrouvre la porte à la chasse aux sorcières et force la condamnation des individus pour blasphème.

Deux femmes : Elham Manea et Maryam Namazie

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à revendiquer leurs droits plutôt qu’attendre passivement que quelque chose se produise. Audacieuse, elle a même tenté de répondre par la poésie à la haine au lendemain des attentats de Charlie Hebdo. Son poème en arabe a été publié sur le site arabophone : Lettre d’amour à celui qui m’a menacée de mort ! Sa principale revendication, outre les droits des femmes, est de défendre les musulmans modernes qu’elle appelle à lutter contre le fondamentalisme. Au mois de mai dernier, Elham Manea a officié dans une mosquée. Comme pour les trois religions monothéistes, officier pour une femme dans un lieu du culte est interdit ou difficilement acceptable sauf dans des lieux modernes ou réformistes. Elle a expliqué son geste en ces termes : « une mosquée sans femmes reflète une société où les femmes sont invisibles. » Elle a, par la suite, d’ailleurs, reçu des menaces de mort et a été accusée d’apostasie. Ce qui l’a profondément blessée « je prie et vous m’accusez d’hérésie ?  » a-t-elle lancé pendant une entrevue rapportée sur Memri. Depuis quelques semaines, elle s’active à dénoncer les exactions commises au Yémen par l’Arabie Saoudite en rappelant l’histoire de ce pays. Maryam Namazie est une femme tenace et très active. Née en Iran et vivant en Grande-Bretagne, elle est la porte-parole de Iran Solidarity et de One law for All, fondé pour s’opposer à ce que, en Grande Bretagne, les tribunaux islamiques, légifèrent sur les affaires familiales ou commerciales en vertu de la charia, malgré l’Arbitration Act de 1996; dénonçant par le fait même les abus et la discrimination faites aux femmes. Bien que je ne partage pas du tout ses opinions et revendications sur la Palestine et Israël, je tenais à la citer pour son travail d’ardente défenseure de la laïcité et de l’égalité homme - femme. Elle a également joué un rôle important dans la création du Conseil central des ex-musulmans de Grande-Bretagne. Ainsi que dans la production d’un film venant en aide aux ex-musulmans ou encore à la défense des droits des femmes. Elle avait été une des signataires du nouveau Manifeste des douze, publié par Charlie Hebdo en mars 2006 : « Ensemble contre le nouveau totalitarisme », avec Ayaan Hirsi Ali, Chahla Chafiq-Beski, Caroline Fourest, Bernard-Henri Lévy, Irshad Manji, Maryam Namazie, Mehdi Mozaffari, Taslima Nasreen, Salman Rushdie, Antoine Sfeir, Philippe Val, Ibn Warraq. L’équipe de Charlie Hebdo, initiateur du projet du Manifeste des douze, a été lâchement assassinée le 7 janvier 2015. Ce sont eux les figures de proue pour contrer l’Islamisme par l’humour : Charlie Hebdo. Il faut leur donner le mot de la fin puisque ces mots sont plus que jamais d’actualité. Ce manifeste débute ainsi : « Après avoir vaincu le fascisme, le nazisme, et le stalinisme, le monde fait face à une nouvelle menace globale de type totalitaire : l’islamisme ». Et se termine par : « Nous plaidons pour l’universalisation de la liberté d'expression, afin que l’esprit critique puisse s’exercer sur tous les continents, envers tous les abus et tous les dogmes. Nous lançons un appel aux démocrates et aux esprits libres de tous les pays pour que notre siècle soit celui de la lumière et non de l’obscurantisme. » 1 Toutes les citations sont extraites de Badawi Raïf, 1000 coups de fouet parce que

Elham Manea a la double nationalité, yéménite et suisse. Humaniste reconnue, elle est la directrice scientifique de la Fondation Raïf Badawi. La différence entre elle et les trois autres, c’est qu’elle est croyante libérale et féministe. Elle ne cesse d’appeler les femmes

j’ai osé parlé librement, Éditions Kero, Paris, 2015, page 29, 30 et 34. Idem page 30 2 Extrait tiré du texte intitulé « L’Islam peut-il être réformé », traduction de l’allemand

d’une entrevue au Die Welt publiée sur le site Poste de veille, daté du 12 mars 2013. 3 Toutes ces citations sont tirées de « L’Islam n’est pas une religion de paix dans

les sociétés où la foi fait la loi ». Huffingtonpost, 06.05.2016

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L'ISLAMISME EST-IL UNE FATALITÉ ?

De l’évolution de l’Islam dans le monde d’aujourd’hui

DAVID BENSOUSsAN

Par David Bensoussan

David Bensoussan est ingénieur, écrivain et blogueur sur Huffingtonpost et Times of Israël, en version française. Ancien Président de la CSUQ, il est notamment récipiendaire du prix Haim Zafrani (2012). Nous avons recueilli ses propos. Y a-t-il des voix modérées dans l’islam ? Nous vivons une époque où les médias accordent une trop grande place aux discours extrémistes. C’est pourquoi on entend plus parler des dérives radicales tout comme Al-Qaeda ou l’État islamique. La raison ? Les médias idolâtrent la cote d’écoute et, en un sens, cette fin de sensationnalisme justifie toutes les attentions médiatiques. Or, cela contribue à donner une place beaucoup trop grande à des mouvances radicales et aussi à créer un effet d’entraînement. Ainsi et à titre d’exemple, les médias ont renchéri de propos scandaleux de Donald Trump et l’ont placé au cœur de l’actualité électorale américaine. Or, il existe et elles sont plus nombreuses qu’on le croit, des voix musulmanes qui tentent de faire prédominer un islam modéré. Cela dit, et pour répondre à la question, il faut établir la différence entre voix individuelles, voix religieuses et voix institutionnelles.

(1224-1274) pour le christianisme et Averoès (1126-1198) pour l’islam. En son temps, Maimonide a été encensé par les uns et âprement critiqué par les autres, mais a fini par être accepté dans le judaïsme comme le parangon de la pensée religieuse. Par ailleurs, le questionnement est fondamental dans le judaïsme et dans le Talmud, et ce questionnement est propice à l’éclosion de la pensée scientifique.

Qu’en est-il donc au niveau individuel ? Dans les pays autoritaires, on cache sa pensée, on la tait, car des propos peuvent être interprétés comme étant séditieux. Beaucoup de musulmans ne se sont pas libérés de cette habitude de prudence même lorsqu’ils ont émigré en dehors de la sphère islamique. Par contre, les voix radicales se font entendre au grand jour, car elles perpétuent une tradition visant à maintenir l’ordre établi dans un contexte dictatorial, tout comme si elles n’avaient pas encore pris conscience du fait que les populations immigrées vivent dans un nouveau contexte dans lequel la société d’accueil majoritaire est généralement laïque. Elles deviennent la mascotte des médias et c’est ainsi que l’opinion publique se fait une idée fausse de la réalité.

Dans le cas de l’islam, Averroès a demandé de réinterpréter les Écritures islamiques si elles contredisaient la raison. Il a été sévèrement critiqué, mais a été réhabilité à la fin de sa vie. Mais qui se soucie d’Averroès aujourd’hui? Ses travaux sont étudiés par une minorité d’érudits, mais cette étude reste confinée au sein de cercles très restreints tout comme à l’université Al-Azhar et sa pensée ne fait pas tache d’huile. Depuis l’âge d’or andalou, soit du Xe au XIIe siècle, la liberté de penser, de philosopher, de critiquer et de remettre en question est pratiquement absente de la majorité des institutions religieuses islamiques qui sont préoccupées par la transmission itérative de traditions ou même de débats théologiques datant d’un autre âge et non pas par la critique synthétique et encore moins par la conciliation syncrétique. Le courant mystique soufi fait exception, mais son acception ne fait pas l’unanimité.

Il existe cependant un courant progressiste voire réformateur dans l’islam depuis longtemps. Au XIXe siècle, le mouvement salafiste (terme qui avait alors une tout autre signification que celle de radicaux ou de djihadistes inspirés par le wahhabisme) visait à redonner une interprétation moderne de l’islam qui ne soit pas asservie par les interprétations du passé. La séparation de l’islam et de l’État a été instituée par Kemal Atatürk en Turquie et a perduré près d’un siècle. Des formulations modérées de l’islam ont été exprimées par le roi Hassan II dans l’ouvrage La voix de la modération. Enfin, il existe un grand éventail d’auteurs modernes tels que Mohammed Arkoun, Soheib Bencheikh, Abdennour Bidar, Malek Chebel, Abdelwahab Meddeb ou Rachid Benzine qui appellent à repenser et à réformer l’islam. La pensée religieuse islamique s’est-elle sclérosée ? Trois grands penseurs des religions ont tenté de réconcilier la foi et la raison. Maimonide (1135-1204) pour le judaïsme, Thomas d’Aquin 40

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Dans le cas du christianisme, Thomas d’Aquin a été condamné par l’évêque de Paris en 1277, car les thèses rationalistes entraient en contradiction avec l’axiome de la Création et de la révélation. Le Vatican a néanmoins béatifié Thomas d’Aquin 60 ans plus tard. Au fil des siècles, les institutions religieuses chrétiennes sont devenues des universités indépendantes de l’Église et sont préoccupées par l’avancement du savoir et de la science.

Qu’en est-il des voix politiques institutionnelles ? Le président égyptien al-Sissi et le roi du Maroc Mohammed VI ont avancé des propos bien tranchés en regard de la dérive radicale de l’islam. S’adressant aux leaders du centre islamique d’Al Azhar, al-Sissi a déclaré : « il est inconcevable que l’idéologie que nous sanctifions soit pour une nation entière une source de préoccupation, de danger, de meurtre et destruction partout dans le monde... Contester les textes sacrés est devenu très difficile au point d’être hostile au monde entier. Est-il concevable que 1,6 milliard de musulmans puissent vouloir tuer une population mondiale de 7 milliards afin qu’ils puissent vivre dans leur monde ? Vous, leaders religieux, ne pouvez voir les choses avec clarté quand vous êtes enfermés dans cette idéologie. Vous devez en sortir et regarder de l’extérieur et marquer votre opposition avec détermination. Nous avons besoin de changer radicalement notre religion.1 »


L’ISLAMISME EST-IL UNE FATALITÉ ?

« L'islam, comme on le sait, n'autorise aucune forme de suicide pour quelque motif que ce soit... »

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Le roi du Maroc, Mohammed VI

Le roi du Maroc, Mohammed VI

En parallèle à ces propos, le gouvernement mène une lutte ouverte contre les Frères musulmans. En Égypte, 27 000 mosquées sont obligatoirement fermées en dehors des heures de prière et le gouvernement a annoncé son intention de limoger 12 000 imams non certifiés2. Le gouvernement a pris en charge la formation des imams et standardisé les sermons hebdomadaires. Le roi du Maroc qui porte le titre de commandeur des croyants, titre accordé aux premiers califes de l’islam, s’est prononcé contre l’imposture des radicaux de l’islam. « Nous condamnons vigoureusement le meurtre d’innocents… Les terroristes qui agissent au nom de l’islam ne sont pas des musulmans et n’ont de lien avec l’islam que les alibis dont ils se prévalent pour justifier leurs crimes et leurs insanités… L’islam, comme on le sait, n’autorise aucune forme de suicide, pour quelque motif que ce soit… Ceux qui incitent au meurtre et à l’agression, qui excommunient indûment les gens ne font que colporter le mensonge… Ils instrumentalisent certains jeunes musulmans, plus particulièrement en Europe, et exploitent leur méconnaissance de la langue arabe et de l’islam véridique pour relayer leurs messages erronés et leurs promesses dévoyées. Face à la prolifération des obscurantismes répandus au nom de la religion, tous, musulmans, chrétiens et juifs, doivent dresser un front commun pour contrecarrer le fanatisme, la haine et le repli sur soi sous toutes leurs formes.3 » On ne peut être plus clair. Ceci dit, bien que le Maroc ait signé le Pacte international relatif aux droits civils et politiques dont l’article 18 affirme la liberté de conscience, le Conseil supérieur des Oulémas qui a été appelé à donner un avis, a émis une fatwa affirmant que le musulman qui s'apostasie en se convertissant à une autre religion mérite la peine de mort.

Est-ce que l’islam est en voie de se libérer… de l’islamisme ? Point encore. Dans beaucoup de pays, les droits de la personne sont souvent considérés comme une entrave voire une menace à l’unité religieuse ou étatique. Bien que le Coran stipule qu’il n’y a pas de coercition en matière de croyance, l’apostasie est interdite et sévèrement condamnée. L’islam ne s’est pas libéré de ses contradictions. Le christianisme a connu les réformes protestantes, le judaïsme a également connu des mouvances qui ne se rangeaient pas du côté de l’orthodoxie. L’islam moderne n’a pas encore pu générer une pensée contestataire et encore moins créer un milieu propice à l’éclosion de la pensée ouverte, critique et libérée. Les sociétés saoudienne ou iranienne pour ne citer que celles-ci paient le prix fort en termes de liberté et de moralité, car elles sont prises dans l’étau des rigorismes antinomiques du wahhabisme et du chiisme. Même les mouvements séculiers de l’Égypte nassérienne, du Baath en Syrie et en Irak ou le Front de libération nationale algérien sont demeurés des régimes autoritaires fermés au pluralisme. Le printemps arabe a ouvert la voie à la mise en question de l’autorité politique. Ce phénomène libérateur a toutefois été étouffé par les islamistes qui ont profité de l’opportunité démocratique et de l’instabilité pour le récupérer à leur profit et s’imposer. Or, si dans une démocratie, chaque personne a droit à une voix, dans une théocratie, chaque personne a droit à une voix, mais une seule fois. De là la contre-réaction violente à l’emprise islamiste. Peut-on avancer que l’islam se libère ? Il ne peut y avoir de libération que par une autoémancipation, c’est-à-dire qu’elle viendra des musulmans eux-mêmes. Elle tarde à venir, mais fait des progrès tout de même.

Le président égyptien al-Sissi

1 http://www.memri.fr/2015/01/06/le-president-egyptien-al-sissi-a-al-azhar-nous-devons-revolutionner-notre-religion/. 2 Voir http://foreignpolicy.com/2015/06/02/sisis-islam-egypt-muslim-brotherhood-arab-spring/ 3 http://www.bladi.net/discours-mohammed-6-revolution,46115.html

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L'ISLAMISME EST-IL UNE FATALITÉ ?

JULIEN BAUER

L’islamisme en Israël Par Julien Bauer

Julien Bauer est professeur de science politique à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Fellow de l’Institut canadien de recherche sur le judaïsme (ICRJ). Pendant des siècles, la plupart des Musulmans ont vécu dans l’Empire ottoman. Deux titres symbolisaient le pouvoir : le Sultan, pouvoir politique, et le Calife, pouvoir religieux. Les non-Musulmans vivaient sous le régime du millet. Les minorités, Grecs orthodoxes, Arméniens, Juifs, etc., étaient représentées par leur leader religieux (le Haham Bachi pour les Juifs) jouant un rôle officiel dans l’appareil de l’État. Tant que ces minorités, perçues sous l’angle religieux, acceptaient la souveraineté du Sultan, payaient les impôts, respectaient les législations ottomanes, elles conservaient une relative autonomie, gardaient leur religion, leurs langues, leurs coutumes, etc. Tout ce système s’écroule après la Première Guerre mondiale. Ataturk, le père des Turcs, prend le pouvoir dans ce qui reste de l’Empire ottoman, la Turquie; il abolit le Sultanat en 1922, puis le Califat en 1924. Ceci crée une « onde de choc parmi les Musulmans sunnites pour qui le Califat était un symbole d’unité religieuse »1. Ataturk établit une république laïque. Toute manifestation extérieure de religiosité est interdite : vêtements, appels du muezzin, langue arabe remplacée par le turc. Les puissances occidentales découpent le Moyen-Orient en États avec des frontières arbitraires et sans cohésion nationale – Irak, Jordanie, Liban, Syrie, etc. – privilégiant les Arabes musulmans, reconnaissant des droits à deux autres peuples : les Arabes chrétiens du Liban et les Juifs qui allaient recréer leur foyer national. Tous les autres peuples, en particulier les Kurdes, passent sous la houlette des Arabes musulmans. Face à ces bouleversements, disparition conjointe du Sultanat et du Califat, création d’États arabes, les Arabes du Moyen-Orient devaient s’ajuster. Deux grands courants émergèrent, le panarabisme et l’islamisme.

Panarabisme et islamisme Le panarabisme, dont les fondateurs sont des Arabes chrétiens qui voulaient se faire pardonner de ne pas être musulmans, insiste sur l’arabité pour être accepté, dans une vision nationale laïque des choses. Tous les Arabes, musulmans et chrétiens, font partie du peuple arabe et ont droit à des États arabes. C’était plus ou moins le pendant du nouveau nationalisme turc. En même temps apparaissent les Frères musulmans. Pour eux l’identité était religieuse et l’aspect national était secondaire. L’objectif était, d’une façon ou d’une autre, de recréer le Califat, mais dans une forme intransigeante, sans respect pour les autres religions. 42

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Lorsque le panarabisme crut qu’il pouvait emporter la grande victoire et supprimer le seul pays non arabe du Moyen-Orient, Israël, et se trouva confronté à une humiliante défaite, il ne resta pas grand-chose des rêves panarabes. Les Frères musulmans prirent la relève : nous avons perdu la guerre, car nous avons copié les Occidentaux modernes, laïques, mécréants . Retournons à nos racines exclusivement musulmanes, remontons non pas au Califat d’Istamboul, trop modéré, mais aux trois premières générations après la fondation de l’Islam, avec une politique expansionniste sans compromis. Même si l’Iran n’est pas arabe et son chiisme est mal vu des sunnites, il montrait cependant la voie à suivre. Le Coran, tel que nous l’interprétons, sans concession au monde moderne, à la démocratie, nous assurera la victoire. Ceux qui allaient devenir les Palestiniens utilisèrent les deux approches. Nous sommes arabes, part de la nation arabe, et ne pouvons accepter que des Juifs aient leur État. C’est une guerre entre deux peuples. Le premier leader, Al Husseini, mufti de Jérusalem, était un religieux. C’est au nom de l’Islam qu’il a lancé des appels au meurtre contre les Juifs, encouragé la formation de régiments SS musulmans et organisé la révolte arabe en 1936. La Guerre d’ Indépendance, aussi bien dans sa version politique, arabe, que religieuse, musulmane, loin d’annihiler Israël le vit victorieux. Pendant les premières années d’Israël, 1948-1967, les Arabes musulmans en majorité et chrétiens en minorité, devenus citoyens israéliens, vécurent et vivent encore largement dans un système qui s’apparente au millet : leurs tribunaux religieux font partie de l’appareil d’État, leur langue, l’arabe, est enseignée dans leurs écoles, leur calendrier religieux est respecté, etc. À partir de 1967, aux Israéliens arabes musulmans s’ajoutèrent, en Judée-Samarie et à Gaza, des Palestiniens qui s’autodéfinissent comme exclusivement arabes et massivement musulmans. Les Israéliens arabes devaient décider comment vivre la nouvelle situation. Fallait-il s’intégrer à la société israélienne et, tout en gardant leur autonomie, chercher à devenir membre à part entière d’Israël ou, au contraire, refuser la légitimité d’Israël, étant donné que c’est un État ni arabe ni musulman, et rester en marge de la société en attendant le grand jour, celui de la disparition d’Israël. Politiquement les Israéliens arabes se comportèrent comme les Israéliens juifs et se divisèrent en de multiples courants et


L’ISLAMISME EST-IL UNE FATALITÉ ? partis : communiste, panarabe, d’allégeance Frères musulmans. Une bonne partie des électeurs, surtout les chrétiens, votèrent pour des partis non arabes (Parti travailliste, Mapam, ancêtre de Meretz, plus surprenant Parti religieux national), les musulmans votant soit pour les partis de gauche soit pour les partis arabes. Lorsque les règles électorales changèrent et que les partis n’obtenant pas un minimum de 3,25 % des voix n’auraient plus de député à la Knesset, les partis arabes existants, tout en maintenant leur autonomie, présentèrent une liste commune, la Liste arabe unifiée, composée de communistes, de nationalistes arabes, d’intégristes musulmans, unis autour d’une idéologie commune, une hostilité viscérale envers Israël. Depuis 1967, les Israéliens arabes ont vécu une double évolution, souvent contradictoire. Leurs contacts avec les Arabes de l’Autorité palestinienne, la propagande émanant de Ramallah les ont poussés à se radicaliser, à parler de victoire, en fait la destruction d’Israël, et non pas de paix entre deux États, radicalisation encouragée par l’Union européenne par ses votes – abstention à l’Unesco sur la motion niant tout lien entre judaïsme, peuple juif et Jérusalem –, ses contributions financières, bref tout ce qui pousse les Arabes à refuser une solution politique. Leurs contacts avec les autres Israéliens, leur conscience de ce qui se passe dans les pays arabes, leur réalisation qu’Israël est en train de gagner les poussent à une vision plus moderne, plus ouverte sur le monde, plus intéressée à voir leur société et leurs enfants s’épanouir plutôt que de s’épuiser dans un combat sans fin. Ces deux visions s’expriment publiquement. Dans une telle situation, quelle est la place de l’islamisme ? Comme dans tous les États où vivent des musulmans, l’islamisme essaye de se propager, de faire des recrues, de recourir à la violence pour assurer la venue du grand jour où la terre entière sera soumise à la loi d’Allah telle qu’interprétée par les islamistes eux-mêmes. Aux divisions entre les sunnites et les chiites, s’ajoutent les querelles d’interprétation théologique et d’objectifs et de moyens politiques. Pour nous, l’islamisme est l’utilisation de l’islam pour déterminer un objectif, la soumission à l’islam par tous les moyens, y compris la violence, et la création du Califat. Les musulmans en Israël sont d’autant plus susceptibles d’être attirés par l’islamisme qu’ils se sentent au cœur de l’islam, que Jérusalem est une ville sainte, qu’ils entendent sans cesse que les Juifs sont des usurpateurs, qu’ils ont une longue tradition de triomphalisme religieux (interdiction aux Juifs de dépasser la septième marche du Caveau des Patriarches à Hébron) que leurs héros nationaux sont des prêcheurs de la haine et de la violence (mufti de Jérusalem), etc. Mais conscients de ce qui se passe autour d’eux, autant en Israël, chez les Juifs qu’ils exècrent, que dans les sociétés arabes, les islamistes israéliens sont divisés en deux branches, celle du sud et celle du nord.

L’islamisme du nord et du sud d’Israël L’islamisme du sud comprend une idéologie islamiste visant au Califat mondial, l’une des étapes étant la destruction d’Israël, mais dans une approche pragmatique. L’idée est de rentrer dans le système, d’y participer concrètement sans lui accorder de légitimité, d’en obtenir le maximum d’avantages pour les musulmans, subventions pour l’éducation, les services sociaux, d’augmenter ainsi son influence et de créer une spirale qui entraînera la victoire, perçue comme inéluctable, de l’islam. Cette attitude s’apparente à celle des Frères musulmans en Égypte – où ils seraient encore au pouvoir s’ils n’avaient pas imposé une accélération trop rapide de l’islamisation –, en Jordanie, etc.

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L’islamisme du nord comprend les purs et durs, ceux qui refusent tout compromis avec l’ennemi, avec Israël, ceux qui méprisent les philosophies contemporaines, en particulier la démocratie, ceux qui estiment que les femmes sont des êtres inférieurs, bref ceux qui veulent un retour à un passé idéalisé où Mohammed répandait l’islam par la terreur. Participer à la société, encore plus à ses institutions politiques, à ses élections démocratiques ne fait pas avancer la cause, comme le prétendent ceux du sud, mais entraîne le risque que les musulmans acceptent des accommodements avec le mal absolu, représenté par les Juifs. Toutes les idéologies extrémistes, y compris l’islamisme, font face à des contradictions. D’un côté, ses tenants veulent projeter l’image d’invincibles combattants, refusant toute concession, toute légitimité aux autres, de l’autre côté ils vivent dans la société et, sauf quelques psychopathes, veulent continuer à y vivre, serait-ce au prix d’accommodements avec le ciel. L’opposition entre islamisme du nord et islamisme du sud fournit-elle une opportunité d’essayer d’affaiblir l’islamisme pur et dur en faisant la promotion de l’islamisme plus « modéré » par une politique de concessions ? Rien n’est moins sûr. Toute concession est perçue comme un signe de faiblesse et ne peut qu’encourager l’intransigeance. On peut se demander si l’opposition n’est pas plus tactique que stratégique, une répartition des rôles entre « good cop - bad cop », gentil islamiste-méchant islamiste. Si, comme nous le croyons, la seconde hypothèse est la bonne, aucune politique israélienne ne satisfera jamais les islamistes, du nord et du sud, tant que le Califat n’aura pas été créé et Israël détruit. L’appui extérieur à l’islamisme joue également un rôle. De façon, on l’espère inconsciente, l’Union européenne s’aligne sur le discours islamiste (vote à l’Unesco sur Jérusalem). Plusieurs États financent les islamistes à travers le monde et, bien entendu, en Israël : Iran, Arabie saoudite qui est en train de réévaluer sa politique autodestructrice et coupe les fonds aux Frères musulmans, une des principales organisations islamistes. Certains mouvements islamistes continueront cependant à jouir de l’aide politique et financière de l’extérieur. Israël est confronté à une menace qui demande une réponse ferme et subtile. Fermeté, c’est la mise hors-la-loi des dirigeants islamistes du nord, l’arrestation des imans qui prêchent la guerre sainte, la fermeture des comptes bancaires de ces mouvements, le tout sans tenir compte des condamnations à prévoir de l’Union européenne, des pays arabes, etc. Subtilité, c’est d’octroyer aux musulmans, et non pas aux islamistes, des avantages matériels conditionnels : développement des villages arabes, logement, éducation, services sociaux qui s’arrêteront si les récipiendaires lancent des appels à la guerre sainte et planifient des actes de violence. L’islamisme en Israël n’est pas prêt de disparaître. Le support qu’il reçoit de la population peut être considérablement affaibli si le prix à payer est élevé. La réponse que nous préconisons ne règle pas le problème, mais limite les conséquences du problème. Viser à réduire les conséquences de l’islamisme n’est qu’un premier pas, mais un premier pas indispensable.

1 Julien Bauer, Politique et Religion, Presses Universitaires de France, Que sais-je ?,

1999, p. 35

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L'ISLAMISME EST-IL UNE FATALITÉ ?

Maurice Chalom

Mektub or not Mektub ? Par Maurice Chalom, Ph.D

Fatum, disent les Latins : c’était dit; Mektub, disent les Arabes : c’était écrit. Je ne sais pas pour vous, mais moi, je n’en sais fichtrement rien si l’islamisme est une fatalité, un épiphénomène ou un effet pervers de la mondialisation. La seule fatalité empiriquement vérifiée que je connaisse, c’est que nous irons tous ad patres. Que l’on soit Juif, Chrétien ou Musulman, anachorétique ou hédoniste, croyant ou mécréant, sceptique ou convaincu, darwiniste, créationniste ou descendant d’extra-terrestres, nous partirons tous les pieds devant. Et nous avons beau vouloir lui faire la nique, la dribbler, l’esquiver ou faire comme si, la grande faucheuse, patiente, attend son heure. Pour le reste…

De l’ivraie au vrai ? Pour plusieurs doctes penseurs, l’Islam serait une religion qui n’est pas venue au monde pour vivre en paix avec le Judaïsme et le Christianisme, ses consœurs prédécesseures, mais une religion universelle qui doit les effacer et s’emparer du monde. L’Islam se définirait comme la vraie religion : Din al-Haqq, alors que le Judaïsme et le Christianisme ne seraient rien de moins que Din al-Batil : de fausses religions. On ne fait pas dans la fioriture. Exit respect des anciens, tolérance et droit d'aînesse ! C’est ce qui ferait, selon ces mêmes doctes penseurs, de l’actuel « choc des civilisations », le fondement d’une lutte théologique dont la source serait l’incapacité de l’Islam en général et de l’Islamisme en particulier à reconnaître l’histoire et les droits religieux des croyants non-musulmans qui seraient appelés à disparaître, tout simplement. Sûr qu’avec pareille appréhension, le dialogue interreligieux en prend pour son rhume. Et moi qui croyais que toutes les religions portaient en elles l’amour du prochain… Pour Boualem Sansal, « l’islamiste est un musulman impatient ». Avec cette formule lapidaire, l’écrivain et essayiste algérien déboulonne la supposée fatalité de l’Islamisme. Car si c’est écrit, pourquoi se presser, à moins de ne pas être sûr de son coup. Une Fatwa se profile à l’horizon… Quant à l’Islamisme, est-il à mettre dans la même lessiveuse que l’Islam ? Là encore, doctes penseurs et doctrinaires ne sont pas prêts de s’entendre; ce qui a l’heur des éditeurs, car jamais l’Islam ne s’est aussi bien vendu qu’au jour d’aujourd’hui. Pour certains, il n’y aurait guère de différences entre l’Islam et l’Islamisme car, depuis son origine, l’Islam ne serait pas qu’une simple religion, mais également un code juridique, une politique et une idéologie. Au plan sémantique, le terme Islamisme, issu du mot Islam voulant dire soumission, aurait été forgé au 18e siècle afin d’obtenir ses lettres de noblesse et de reconnaissance, au même titre que les autres religions. Bref, un nécessaire vernis de légitimité, comme si Allah n’était pas assez grand pour défendre Mahomet tout seul. 44

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Pour d’autres, il y aurait une différence fondamentale entre Islam et Islamisme. L’Islam serait une foi possédant ses règles de vie et de conduite, mais certainement pas une politique, contrairement à l’Islamisme qui serait, comme le communisme en son temps, une idéologie et un projet de société. Il y aurait un puissant conflit, souvent gommé voire tu, au sein de l’Islam entre les musulmans islamistes et les autres musulmans ainsi qu‘entre la République et l’Islamisme. Alors que le communisme, avec son slogan rassembleur et fédérateur « Prolétaires du monde entier, unissez-vous », sa promesse d’un monde meilleur et ses lendemains qui chantent après la lutte finale, s’est planté dans les grandes largeurs en moins d’un siècle, pas même l’équivalent de durée de Planck (tp) à l’échelle du temps cosmique; je vois mal comment l’Islam, avec ou sans isme, dans sa complexité et, si j’osais le dire, dans sa cacophonie, pourrait être le destin et l’avenir de l’humanité. Soyez attentifs, car même une chatte n’y retrouverait pas ses petits. On reconnait 4 principaux courants dans l’Islam. Le Sunnisme, avec près de 80 % de la population musulmane mondiale; le Chiisme duodécimain représente quelque 10 % des croyants, dont la majorité vit en Iran, en Irak, en Azerbaïdjan, au Bahreïn et au Liban; le Zaïdisme, avec plus ou moins 8 millions de croyants, est exclusivement présent au Yémen et l’Ibadisme, avec ses 5 millions de fidèles surtout à Oman, Zanzibar et dans quelques régions de Lybie, d’Algérie et de Tunisie. Jusqu’ici, tout baigne mais pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

Bazar et balagan Le Sunnisme, courant majoritaire, se divise en plusieurs écoles de droit musulman, dont les principales sont le Hanafisme, le Malikisme, le Chaféisme et le Hanbalisme. Par manque d’espace, je ne peux élaborer. À vous de fouiller. Comme il est hors de question que l’on me traite d’islamophobe, je m’en voudrais de zapper l’Ismaélisme avec ses 15 à 30 millions de fidèles; l’Alevisme, branche du soufisme, principalement établi en Turquie, représente entre 10 et 20 millions de fidèles; L’Ahmadisme regroupe de 10 à 20 millions de croyants répartis autour du monde indien et de sa diaspora; le million de Druzes, surtout présents au Liban, sans oublier l’ultra-minoritaire Nation de l’Islam, cette organisation politicoreligieuse américaine, avec ses 20 000 à 40 000 membres et sympathisants. Sans oublier les Alouites, considérés comme Chiites, avec quelque 4 millions d’adhérents, principalement en Syrie et en Turquie. En espérant n’avoir oublié personne. Malgré ses cinq piliers qui essaient de maintenir l’Ummat islamiyya, la nation islamique pas trop de guingois, à voir ces tentatives répétées de greffes entre nationalités et cultures disparates, ces liens


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sanguins qui maintiennent en selle les mêmes familles dynastiques et politiques, ces courants opposés les uns aux autres, ces chapelles et leurs sous-chapitres qui se font une concurrence dévoyée promettant, à qui mieux mieux, monts et merveilles, et ces rivalités qui minent la religion révélée; je vois mal comment l’Islamisme serait l’aboutissement inéluctable de notre humanité. Vu de l’extérieur, ça a tout d’un joyeux bazar et je me demande si Mahomet avait prévu le coup.

jeunes, peu insérés dans l’emploi et vivent dans les quartiers sensibles des grandes agglomérations, ces fameux territoires perdus de la République. Ils se définiraient davantage par l’usage qu’ils font de l’Islam pour signifier leur refus d’appartenance, que par leur connaissance des textes. Cette minorité se caractériserait également par un manque de reconnaissance sociale et par une fragilité identitaire. C’est dans ce terreau que l’Islamisme labourerait son sillon.

Certes, comparaison n’est pas raison, mais ce bazar aux pays du Levant ressemble au balagan juif. Sans remonter à Mathusalem, un bref rappel certainement incomplet. Après le retour de Babylone, les Israélites se scindent entre Judéens et Samaritains. S’ensuivit une débandade scissionniste : Hasmonéens, Saducéens, Pharisiens, Esséniens, Zélotes, Minim, Nazaréens, Sicaires, Boéthusiens, Soferim. Surtout, n’allez pas croire que ces conflits et ruptures fratricides auraient pris fin avec le mouvement des lumières. Que nenni. Il n’y a qu’à voir les dissensions entre judaïsme orthodoxe, massorti et réformé, les rivalités entre Loubavitch, Satmar, Gour, Betz, Amchinov, Bobov ou Breslav, la foire d’empoigne entre mitnagdim lituaniens et haredim versions Néturei Karta ou Lev tahor, sans parler du judaïsme reconstructionniste, loin d’être en odeur de sainteté dans les milieux ortho. Bref, en Islam comme dans le Judaïsme, la surenchère, entre dénonciations du fourvoiement d’autrui et détenteurs de LA vérité, continue de croître à la manière d’un indice boursier. Tant qu’il y aura ces chicanes de clochers, ces dissensions exégétiques, ces interprétations divergentes et cette foisonnante hétérodoxie, la fatalité devra ronger son frein et prendre son mal en patience. Ce n’est pas demain la veille que le ciel nous tombera sur la tête.

Ces résultats montrent que : 1) il n’y a aucun rapport entre les silencieux majoritaires et les conservateurs, et les autoritaires, 2) l’Islam, pratiqué par la majorité des Musulmans de France est soluble dans la République et s’accommode de ses valeurs fondamentales et 3) au même titre que ses consœurs prédécesseures, l’Islam est loin d’être ce monolithe rigide et inébranlable, souvent mis de l’avant et caricaturé. Ces résultats s’apparentent à ceux d’un récent sondage mené auprès d’étudiants de huit cégeps du Québec. Entre autres résultats, il semblerait que les personnes ne se réclamant d’aucune religion ou nées ici de parents immigrants seraient « plus à risque de radicalisation » que celles pratiquant une quelconque religion ou des immigrants de première génération. Ces résultats laissent à entendre que l’observance et une pratique religieuse non ostentatoire seraient l’antidote à toute dérive extrême. Séduisante hypothèse…

Modération, l’antidote ? Mais revenons à l’hypothétique fatalité de l’Islam et/ou de l’Islamisme. Celle-ci reçoit un nouvel éclairage, du moins dans l’Hexagone, suite aux résultats d’une enquête réalisée auprès des Musulmans de France. Selon l’enquête «Trajectoires et Origines », menée conjointement par l’INSEE et l’INED et publiée en 2015, ils seraient 4 710 000, soit 7,5 % de la population française. Pour plusieurs, cette estimation est à prendre avec circonspection, dans la mesure où la loi française interdit le chiffrage des populations par religion. Ceci dit, on est loin du nombre fantasque de 11 millions que certains martèlent, en agitant le spectre du remplacement de la population de souche par les Musulmans. Au sein des nationaux (nés en France) et des étrangers (immigrants) de culture et de confession musulmane, l’enquête fait la distinction entre trois groupes, des plus modérés aux plus autoritaires. La « majorité silencieuse » représenterait 50 % des nationaux et des étrangers de confession musulmane. Leur système de valeurs serait en adéquation avec celui de la société dans laquelle ils vivent. Soit dit en passant, cette majorité silencieuse, définie également comme majorité sociologique et idéologique, on la retrouve également parmi les Juifs, les Chrétiens et les laïcs. Après les « silencieux », les « conservateurs », mus par l’Islamic Pride représenteraient quelque 25 % de la population musulmane française. Revendiquant leur fierté d’être Musulmans, ils acceptent la laïcité et rejettent sans autre équivoque le niqab et la polygamie, tout en revendiquant l’expression de leur appartenance religieuse dans l’espace public et au bureau, par le port du voile, entre autres. Très pieux, ils adoptent la « norme hallal » dans leur quotidien. Les « autoritaires » représenteraient 25 % des Musulmans de France et n’adhèreraient pas aux valeurs de la République. Ils sont souvent

Douter en toute liberté Sans être de béats naïfs, reconnaissons cependant que dans nos sociétés libérales, là où une majorité d’individus de confession musulmane a une pratique religieuse traditionnelle voire soft plutôt que rigoriste, une OPA islamiste n’aurait guère de chances de voir le jour. Cette majorité s’accommode des valeurs fondamentales de nos démocraties libérales, où le droit à la critique, voire au blasphème, a droit de cité au même titre que la laïcité, le pluralisme, l’égalité entre les hommes et les femmes, la liberté de culte et d’expression, ou la liberté de presse. Cette majorité décode, s’adapte et se conforme aux règles, devoirs et obligations de nos démocraties, et souscrit au contrat moral. Bien sûr, des voix s’élèvent pour dénoncer la mollesse de nos sociétés par trop libérales voire laxistes selon ces dites voix qui se laissent envahir et d’autres, pour revendiquer davantage d’accommodements et une plus grande reconnaissance du droit à la différence. Mais l’un dans l’autre et même si l’Islam serait davantage qu’une simple religion, il se pratique pourtant comme telle par la majorité de ses fidèles : en privé. Force est de reconnaitre que la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation entre les Églises et l’État en faveur d’une laïcité sans excès est largement reconnue, de même que la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire est respectée. Et que dire du rôle d’intégration voire d’assimilation que jouent l’école, les médias, le monde du travail, sans parler de l’hétérogénéité et de la fragmentation de cet Islam protéiforme. Si l’islamisme  – l’Islam des impatients  – avait une quelconque chance d’avènement, ce ne pourrait être qu’en vase clos, en milieu homogène, à l’abri des regards et par l’asservissement. Et encore là, rien n’est moins sûr, à voir la déliquescence de Daech et de son projet illusoire d’un Dawlat islamiya fi’iraq wa sham, un État islamique en Irak et au Levant qui tourne en eau de boudin; son avènement n’est pas pour demain. Alors une fatalité, l’islamisme ? Tel un miroir aux alouettes, il ne serait qu’un leurre attirant une minorité de déboussolés en quête d’absolu. Aussi, aux certitudes, préférons le doute et à la fatalité, la liberté. Et puis, ce n’est pas parce que c’est écrit que c’est vrai. MAGAZINE LVS

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Monde juif

Ils nous ont quittés cette année Elie Wiesel, Shimon Peres et le Grand Rabbin Joseph Haim Sitruk Par Annie Ousset-Krief

Elie Wiesel

Il s’installa aux États-Unis en 1955, enseigna à l’université de Boston, écrivit une soixantaine d’ouvrages (romans, pièces de théâtre, essais), et porta inlassablement à travers le monde son message contre l’oubli. Elie Wiesel est celui qui a dit l’indicible, qui a redonné une voix aux six millions de Juifs assassinés pendant la Shoah. La culpabilité d’avoir survécu lui enjoignait de témoigner, encore et toujours : « Ayant survécu », écrit-il dans la préface de La Nuit, « il m’incombe de conférer un sens à ma survie ». Elie Wiesel était la mémoire, celui qui pouvait empêcher l’histoire d’être oubliée : « Pour le survivant qui se veut témoin, le problème reste simple : son devoir est de déposer pour les morts autant que pour les vivants, et surtout pour les générations futures. Nous n’avons pas le droit de les priver d’un passé qui appartient à la mémoire commune. L’oubli signifierait danger et insulte. Oublier les morts serait les tuer une deuxième fois »1, écrit-il.

ELIE WIESEL (1928-2016) : une grande voix s’est tue. Elie Wiesel s’est éteint à New York le 2 juillet 2016. Avec lui disparaît l’un des derniers témoins du mal absolu que furent le nazisme et son univers concentrationnaire. Elie Wiesel était né le 30 septembre 1928 à Sighet, petite ville de Roumanie, dans une famille orthodoxe (son grand-père maternel était un Hassid). Il n’avait que 15 ans lorsqu’il fut déporté à Auschwitz, en avril 1944, avec ses trois sœurs et ses parents. Sa mère et sa petite sœur furent immédiatement assassinées dans les chambres à gaz. Le jeune Elie et son père furent déportés à Buchenwald quelques mois plus tard, en janvier 1945. Son père mourut sous les coups des SS quelques semaines à peine avant que le camp soit libéré le 11 avril 1945. L’adolescent fut recueilli par l’OSE (Œuvre de Secours aux Enfants) et hébergé dans un orphelinat en Normandie. Il y fut plus tard réuni avec ses sœurs aînées qui avaient, elles aussi, survécu. Elie Wiesel poursuit alors des études de philosophie à la Sorbonne, devient écrivain et journaliste. Mais il lui faudra dix ans pour pouvoir écrire sur l’horreur des camps : « Si pénible était ma peine que je fis un vœu : ne pas parler, ne pas toucher à l’essentiel pour au moins dix ans [...] Assez longtemps pour regagner la possession de ma mémoire. Assez longtemps pour unir le langage des hommes avec le silence des morts ». C’est donc en 1955 qu’il écrit son récit sur la Shoah en yiddish, Un di Velt Hot Geshvign (Et le monde se taisait). Ce premier ouvrage sera traduit et adapté trois ans plus tard en français et publié sous le titre La Nuit. 46

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Barack Obama a salué « un mémorial vivant », « une des grandes voix morales de notre temps et, à bien des égards, la conscience du monde ». Car Elie Wiesel ne cessa de dénoncer, tout au cours de sa vie, les massacres perpétrés dans le monde, que ce soit au Cambodge, au Rwanda, au Darfour, ou au Kosovo. Son action fut reconnue et célébrée par le comité Nobel, qui lui décerna le Nobel de la paix en 1986. Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, qu’Elie Wiesel avait toujours soutenu, a rendu hommage au « maître des mots », à un homme devenu « un faisceau de lumière, et un exemple d’humanité ». « Se souvenir est devenu un devoir sacré », avait déclaré Elie Wiesel au Président Barack Obama, lors de leur visite de Buchenwald en 2009. Elie Wiesel aura consacré sa vie tout entière à la perpétuation de la mémoire de la Shoah. Sa voix nous manquera.

SHIMON PERES (1923-2016) Mort du dernier Père fondateur de l’État d’Israël. Shimon Peres s’est éteint le 28 septembre 2016, à l’âge de 93 ans. Avec sa disparition s’achève « l’ère des géants », déclare le président israélien Reuven Rivlin. Shimon Peres était en effet un géant, un homme exceptionnel dont la vie se confondait avec toute l’histoire d’Israël. « Je suis l’enfant d’une génération qui a perdu un monde et s’est attachée à en bâtir un autre », écrivait-il. Cette génération pétrie d’idéal, qui a su redonner un pays au peuple juif.


Monde juif Shimon Peres (son nom de naissance était Szymon Perski) est né dans le petit village polonais de Wiszniewo (Vishnyeva, aujourd’hui en Biélorussie). Sa famille émigra en 1934 à Tel Aviv – la Palestine était alors sous mandat britannique – lorsqu’il n’avait que 11 ans. Il étudie l’agriculture à Ben Shemen2. Il fondera quelques années plus tard le kibboutz Alumot en Galilée, pour concrétiser un grand rêve : « bâtir une nouvelle société égalitaire, qui ennoblirait chacun de ses membres »3. Il milite dans des organisations sionistes de gauche et s’engage dans la Haganah4 en 1947. Ben Gourion lui confie la responsabilité de l’approvisionnement en armes. Après l’indépendance d’Israël, Il deviendra en 1949 chef de la délégation du ministère de la Défense aux États-Unis. Ce sera le premier poste officiel d’une longue carrière au service de l’État d’Israël. De retour en Israël en 1952, il va alors occuper les postes les plus importants au sein du gouvernement et sera élu député du parti Mapai (le futur parti travailliste) à la Knesset en 1959, où il siègera jusqu’en 2007. Il sera, à diverses périodes, ministre de la Défense, ministre des Finances, des transports, trois fois ministre des Affaires étrangères, vice-premier ministre et deux fois premier ministre, et, ce qui sera l’apogée de sa vie et sa carrière, il sera élu par la Knesset, président de l’État d’Israël le 15 juillet 2007. Ce fut un parcours politique exceptionnel, impressionnant, qui lui confèrera un prestige international inégalé. Il était « l’homme indispensable d’Israël  », a écrit à son sujet, l’ancien premier ministre canadien Stephen Harper. Shimon Peres, c’est aussi l’homme des accords d’Oslo de 1993, pour lesquels il reçut l’année suivante, avec Yitzhak Rabin et Yasser Arafat, le prix Nobel de la paix. Cet homme qui, enfant, voulait devenir « le poète des étoiles » avait gardé son optimisme et ses rêves de paix. C’est le message qu’il adresse aux Israéliens lorsqu’il devient président5 : « Permettez-moi de demeurer optimiste. Permettez-moi d’être un rêveur. Permettez-moi de montrer le côté ensoleillé de notre État. Et si parfois l’atmosphère est automnale, et si aujourd’hui, la journée semble devenir soudain sombre, le président qu’Israël a choisi ne se lassera jamais d’encourager, de réveiller et de rappeler – car le printemps nous attend. Le printemps viendra assurément ». Des milliers de personnes se sont rassemblées sur le Mont Herzl pour assister à ses funérailles. Chefs d’États présents et passés, têtes couronnées, des représentants du monde entier étaient présents pour honorer la mémoire de Shimon Peres. Le chef de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, était là, lui aussi – un hommage à l’homme d’espoir et de paix qu’était Shimon Peres.

JOSEPH HAIM SITRUK (1944-2016) Une grande figure du judaïsme français disparaît. « Le rabbin est un allumeur de réverbères. Il y a, chez les jeunes surtout, d’immenses besoins de spiritualité, et je porte la flamme là où elle est le plus nécessaire. » L’ancien Grand Rabbin Joseph Haim Sitruk est décédé à Paris, le 25 septembre 2016. Des milliers de personnes ont assisté à ses funérailles sur le Mont des Oliviers à Jérusalem, rendant ainsi hommage à celui qui, pendant des décennies, fut le leader spirituel de la communauté juive française. Joseph Sitruk (le prénom Haim, « la vie », a été rajouté après son attaque cérébrale en 2001) est né à Tunis, le 16 octobre 1944. Sa famille s’installe à Nice en 1958. L’adolescent s’engage avec passion chez les Éclaireurs israélites, et renoue avec une forme orthodoxe du judaïsme. Après ses études au Séminaire israélite, il devient rabbin à Strasbourg en 1970. Cinq ans plus tard, il devient le Grand Rabbin de Marseille, puis sera élu Grand Rabbin de France en 1987, réélu en 1994 et une nouvelle fois en 2001. Joseph Sitruk voulait « rejudaïser » les Juifs français, en les ramenant dans les synagogues. C’était un homme habité par la conviction qu’il pouvait redynamiser la communauté juive de France, consolider la foi et restaurer la pratique religieuse. Avant d’accepter la charge du Grand Rabbinat, il avait demandé l’avis de ses maîtres spirituels en Israël, qui l’avaient encouragé à accepter : « Pour le rav Schach6, il était important qu’un rabbin si proche du monde des yeshivot (écoles talmudiques) devienne grand-rabbin… Il pensait que le message de la Torah pouvait enfin «passer» dans le grand public »7. Il avait lancé « Yom Hatorah », le Jour de la Torah, en 1993, une grande fête du judaïsme français, qui attirait des milliers de personnes. « La foi qu’il nous a transmise a été permanente. Il a aimé profondément sa communauté… L’élan qu’il a donné à la communauté reste avec nous, et c’est sur cet élan qu’on construit aujourd’hui », a déclaré le Grand Rabbin de France, Haim Korsia. « Il nous laisse un héritage d’éducation, de transmission et de joie ».

Shimon Peres 1 La Nuit, préface (les éditions de Minuit,1958/2007). 2 Kfar Hanoar Ben Shemen, Le village des jeunes

Ben Shemen, a été créé en 1927 pour donner à la fois une éducation sioniste et une formation en agriculture. 3 Discours prononcé lors de l’attribution du prix Nobel de la paix à Oslo, 1994. www.nobelprize.org 4 La Haganah était l’organisation de défense clandestine juive en Palestine mandataire de 1920 à 1948. Elle devint l’Armée de Défense d’Israël à la proclamation de l’indépendance de l’État. 5 Discours d’investiture prononcé devant la Knesset, 15 juillet 2007, Haaretz.com 6 Le rabbin Elazar Schar (1899- 2001) a été en Israël, l’un des leaders les plus importants du monde « haredi » (ultra orthodoxe) de tendance non hassidique (ndr). 7 Entretien avec Claude Askolovitch, 1997.

Grand Rabbin Joseph Haim Sitruk

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Dylan et le prix Nobel de littérature : de héraut à héros

AMNON J. SUISSA

Par Dr Amnon J. Suissa

Dr Amnon J. Suissa est professeur à l’École de travail social de l’UQAM. Il nous a adressé la version courte d’un texte sur Bob Dylan à qui il rend ici hommage1.

Énorme surprise, le 13 octobre 2016, Sara Danius, la secrétaire générale de l’Académie annonce que le prix Nobel de littérature est attribué à Bob Dylan. Citant les belles paroles de ses chansons « Visions of Johanna » (Visions de Johanna) et « Chimes of Freedom » (Carillons de la liberté), elle souligne que Dylan crée une nouvelle forme d’expression poétique inscrite dans la grande tradition de la musique américaine. Certains écrivains estiment la littérature bafouée par cette nomination, jugeant que cela relève plus de la chanson que de la littérature au sens classique. Qu'entend-on par littérature classique ? Être écrivain, est-ce seulement écrire des livres ? Loin d’être tranchées, ces questions continuent de faire l’objet de débats. Doit-on mesurer la qualité d’un écrivain ou d’un artiste par l’impact et l’influence qu’il a exercés sur la société ? Si oui, Dylan est largement en tête. Parmi les réfractaires, cette réaction de l’écrivain membre de l’académie Goncourt et romancier français Pierre Assouline : « C’est méprisant pour les écrivains ». Idem pour l’écrivain écossais Irvine Welsh, qui a déclaré : « Ce prix est le choix de vieux hippies baragouinant aux prostates rances ». On peut effectivement réfléchir au fait que cela met en veilleuse de très grands écrivains comme Philip Roth ou Joyce Carol Oates qui attendent d’être récompensés. D’autres écrivains, Alain Mabanckou, Salman Rushdie et Joyce Carol Oates, au contraire, applaudissent la nomination. Selon eux, jouer avec les mots, c’est susciter des émotions, c’est ce que fait la littérature et c’est ce que fait Dylan. Rushdie, auteur de best-sellers et candidat au prix Nobel, estime que Dylan était un super choix : « Il est un brillant héritier de la tradition des bardes ». Pour les amoureux de la langue de Molière, on peut se demander si, en leur temps, Brassens ou Brel n’auraient pas mérité aussi ce prix. De Stephen King à Barack Obama et Léonard Cohen, tous se disent ravis par cette nomination et expriment respectivement : « La culture littéraire de Dylan est indéniable », « Il n’y a pas de plus grand géant dans l’histoire de la musique américaine », « Pour moi, c’est comme accrocher une médaille au mont Everest pour dire que c’est la plus haute des montagnes ».

Un peu d’histoire Les grands-parents de Dylan ont fui les pogroms d’Europe de l’Est à la fin du 19e siècle pour s’installer à Duluth, au Minnesota, où naît Dylan en 1941. De confession juive, de son vrai nom Robert Zimmerman, l’origine de ce pseudonyme s’inspire du poète gallois Dylan Thomas que Bob appréciait. Gamin aux allures de vagabond, 48

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Dylan prétend être un orphelin du Nouveau-Mexique pour s’intégrer au décor beatnik et hippie du début des années 60. À travers David Whittaker, un étudiant de gauche avec qui il devient ami, il découvre le chanteur Woody Guthrie qui le fascine au plus haut point. Il dévore son autobiographie Bound for Glory (pour la gloire) et admire sa fameuse chanson « This land is your land », (Cette terre est ta terre) un genre d’hymne national qui a inspiré le roman Les raisins de la colère de John Steinbeck. Dylan est au chevet de son mentor Guthrie lors de son décès et c’est à ce moment précis que le père fondateur du folk américain lui reconnaît un certain talent. Cette rencontre fait partie du mythe fondateur de la scène Folk Song. Rappelons que Guthrie a été un fervent défenseur des droits des travailleurs et dénonçait les conditions d’exploitation lors de la grande dépression et des diverses colonisations dans l’Ouest américain. En janvier 1961, Dylan arrive à New York et s’installe à Greenwich Village. Avec sa voix monotone, rauque et nasillarde, Dylan parvient à épouser les caractéristiques du chanteur folk et est repéré par des critiques musicaux du New York Times et par des agents qui le font jouer en première partie du grand bluesman John Lee Hooker. À partir de cette période, Dylan surprend l’Amérique et le monde entier avec sa prestation « Blowin in the Wind » (Souffler dans le vent). Cette chanson incarne tellement les défis de l’époque qu’il est aux côtés de Martin Luther King lors de son grand discours politique sous le signe « I have a dream » (J’ai un rêve) à Washington. En 1979, il flirte avec le christianisme, et met entre parenthèses ses origines juives. Contrairement à Léonard Cohen qui assume entièrement sa judaïté, on peut dire que Dylan a quelque peu vacillé avec son identité. Bar-mitsva2 en 1954, il eut un regain de son identité juive durant les 2 guerres en Israël, celles des 6 jours en 1967 et de Kippour en 1973. Durant cette période, il alla en Israël à 3 reprises et se recueillit devant le Mur de lamentations à Jérusalem. Dans les années 2000, il a donné un spectacle pour le mouvement hassidique Habad et pour le pape au Vatican il chanta « Knocking on Heaven’s Door » (Frapper à la porte du ciel). En 2016, en hommage à Woodie Guthrie, Bob Dylan a inauguré un musée, regroupant six mille articles issus de ses œuvres à Tulsa, Oklahoma, lieu de naissance de Guthrie. Honoré par ces archives, Dylan se dit heureux de collaborer avec l’Université Helmreich Center for American Research et la ville de Tulsa, reconnue pour son histoire de classe ouvrière, plutôt que de s’associer avec de grandes villes américaines.


Monde juif

Bob Dylan avec les «tefillin » (phylactères)

Bob Dylan au mur Bob Dylan Prix Nobel des lamentations

Mon Bob Dylan Pour moi, Dylan est un phénomène à part. S’il a erré et continue de le faire encore à 75 ans avec son harmonica et sa guitare, c’est qu’il réussit, pour emprunter une expression à l’écrivain Robert Musil « à féconder nos pensées ». En me replaçant dans le contexte de la fin des années 60, j’ai été bouleversé par la justesse de ses poèmes qui critiquaient très justement les inégalités de l’époque. Dylan répondait également à ma condition de jeune adulte en quête de sens en Israël. Quand j’écoutais « How does it feel to be without a home like a complete unknown like a rolling stone »3, cela résonnait très bien dans ce que je vivais. Entre ma réalité et ma quête de sens et ce qu’il décrivait, il y avait une belle adéquation, une vraie symbiose. Initié à ce chanteur et poète que je qualifie d’extraordinaire, c’est grâce à lui que je comprends mieux la vie américaine et ses enjeux sociaux et politiques d’hier à aujourd’hui. Dylan symbolise la quête d’une liberté plus égalitaire, plus universelle. Dans cette foulée, des chansons comme « Everybody must Get Stoned » (Tout le monde doit être « lapidé » dans le sens de gelé avec des psychotropes) ou « Mr Tambourine man » (Monsieur tambourin) ciblent bien les quêtes d’une meilleure société sans oublier le chaos des relations privées avec « Just Like a Woman » (Juste comme une femme) et « She Belongs to me » (Elle m’appartient). En pointant du doigt les écarts sociaux, économiques et raciaux, Dylan ne propose pas directement, mais ne décourage pas non plus, le recours aux hallucinogènes comme espace de résistance et de changement social.

En mai 2016, le Musée de la Diaspora en Israël (Bet Hatfoussot) a consacré une exposition en son honneur. Cette même année, Dylan n’hésite pas à 75 ans à créer son 37e album. Énigmatique jusqu’au bout des ongles, le génie de sa langue poétique est qu’il transgresse l’ordre établi tout en évitant de tomber dans le piège de la morale. Quand on écoute « Mr Tambourine Man » (Monsieur tambourin) ou « Tangled up in Blue » (Enchevêtré dans le bleu), on ne peut que se réjouir de l’imaginaire dans lequel il réussit à nous transporter, un monde qui respire l’altérité et la réflexion. Dans ce sens, Dylan rend en fait un grand service à la littérature, car il fait vivre et revivre des mots, mais surtout des émotions. Il est aussi généreux, car il partage avec nous ce qu’il a de plus cher, son intériorité. Je crois sincèrement que les poètes sont des avant-gardistes capables de voir, de près et de loin, pour mieux observer le monde complexe dans ce qu’il ne dit pas à l’œil nu. Prophètes, plus justes et plus vrais que les grands politiciens de ce monde, ils sont souvent capables d’annoncer ou de nous sensibiliser de manière claire, voire lucide. Pour l’empathie et l’écoute active, je ne trouve pas mieux que : « I wish that for just one time you could stand inside my shoes and just for that one moment I could be you » (je souhaite que juste pour une fois tu sois dans mes chaussures afin que durant ce moment je puisse être toi)4. Il n’est pas seulement un poète et un créateur, il est un passeur. 1 La version longue de ce texte est accessible sur le site https://hakeshet.wordpress.com

À la fin des années 60, de mon petit coin de Kibboutz du désert israélien au Néguev, je m’identifie très fort à ces questions où Dylan défend les moins nantis et les plus faibles. Il y a sans doute un lien étroit, conscient ou pas, entre ces valeurs et celles que j’ai plus tard choisies dans ma carrière professionnelle, le travail social. En 1975, Dylan fait une tournée intitulée Rolling Thunder Review et fait un stop au Forum à Montréal. Maquillé en clown avec un chapeau et une plume amérindienne, Dylan donne un spectacle généreux hors du commun. D’une durée de 3 heures et demie, Joan Baez, Leonard Cohen et la grande poétesse canadienne Joni Mitchell sont présents, c’est le rond-point des poètes nord-américains qui chantent et dansent sur scène spontanément, un régal historique et musical. Fan invétéré, je l’ai aussi revu partout où il passait du Théâtre St-Denis durant sa « phase chrétienne » dans les années 80, au parc Jarry à l’Auditorium de Verdun et dernièrement au Centre Bell.

/2016/10/28/dylan-le-passeur/ (28.10.16) 2 Cérémonie marquant la majorité religieuse d’un garçon à l’âge de 13 ans. 3 « Qu’est ce que ça fait de se sentir sans foyer complètement inconnu comme

une pierre qui roule », tiré de la chanson « Like a rolling stone ». 4 « J’aimerais que juste une seule fois, tu puisses être à ma place et que juste pour

un moment je puisse être toi », tiré de la chanson « Positively 4th Street »

Bob Dylan au mur des Lamentations à Jérusalem

À mon humble avis, Dylan est le poète ayant le plus marqué l’Amérique. C’est Rimbaud, Boris Vian et Baudelaire mélangés à la sauce américaine. D’ailleurs, Dylan lisait ces auteurs et s’en inspirait. MAGAZINE LVS

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VIE JUIVE CANADIENNE

Leonard Cohen sur scène

Hommage à Leonard, Cohen dans l’art Par Sonia Sarah Lipsyc

L'une des dernières photos de Léonard Cohen Son grand-père maternel était le rabbin Salomon Klinitsky-Klein avec qui il conversa souvent. Ce dernier était prénommé « le prince de la grammaire », auteur d’ouvrages sur les mots de langue hébraïque et sur la tradition juive. L’une de ses œuvres, Otsar Taaemi Hazal (Recueil des interprétations de nos sages), Thesaurus of talmudical interpretations était l’un de ses livres qui trônait dans la chambre de Leonard à côté d’autres textes de la littérature anglaise offerts par son père, ou La divine comédie de Dante. Sa famille paternelle était très engagée dans la vie juive montréalaise. Son arrière-grand-père, Lazarus Cohen, était Président de Shaar Hashomayim, ce que poursuivit Lyon Cohen, son fils et donc le grand-père de Leonard Cohen. Lyon fut également le Président du Congrès juif canadien et à l’origine d’autres institutions juives, en particulier philanthropiques.

Lorsqu’un juste – en yiddish, on dira un mensch (quelqu’un de bien, d’intègre) – quitte une ville, un endroit, quelque chose d’intime, au sens vrai de ce monde, disparait ou s’absente. C’est ce que nous apprenons de la Torah au sujet de Jacob : «Jacob sortit de Beer-Sheva et se rendit à Haran ». Et le commentateur Rachi de Troyes (12e siècle) d’interroger : « Il aurait suffi d’écrire simplement « Il alla à Haran ». Pourquoi mentionner son départ de Beer-Sheva ? C’est pour nous apprendre que le départ d’un juste laisse une (forte) impression dans l’endroit qu’il quitte. Aussi longtemps que le juste se trouve dans une ville, c’est lui qui en est la beauté, l’éclat, la majesté » (Genèse 28;10). Et c’est ce que je ressens au sujet de Leonard Cohen. Et, apparemment, je ne suis pas la seule, tant de nombreuses autres personnes expriment, partout, – et notamment à Montréal où les émissions se succèdent et les personnes se recueillent sans interruption devant son domicile – à la fois leur tristesse et leur reconnaissance pour l’homme et l’artiste. Comme cet autre poète, le Roi David, auquel Leonard Cohen faisait référence dans la chanson « Hallelujah »1, il a su, au travers de sa vie personnelle, ses amours, ses égarements, ses doutes, ses blessures et ses joies, dire une façon d’être humain dans laquelle on se reconnait. Leonard Norman, – Eliezer de son prénom hébreu, – Cohen, était sans conteste l’un des si ce n’est le Juif montréalais le plus connu au monde. Il a grandi dans une famille juive aisée, d’origine russe et polonaise, à Wesmount, le quartier cossu et anglophone de la ville. Descendant d’une lignée rabbinique et d’une famille très impliquée dans la communauté, il fréquenta durant toute son enfance et son adolescence, la Congrégation ashkénaze Shaar Hashomayim (devant les portes du ciel), l’une des plus anciennes synagogues de la cité. 50

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Son arrière-grand-oncle paternel, Zvi Hirsch Cohen était reconnu comme le rabbin de Montréal et même aux yeux de certains comme le Grand rabbin du Canada bien que cette fonction n’existât pas2. On dit que Léonard avait hérité de sa voix grave et profonde. Leonard Cohen fréquenta l’université McGill, devint ami avec cet autre poète juif montréalais anglophone Irving Layton (1912-2006) et sortit son premier livre de poésies Let Us Compare Mythologies (Comparons les mythologies) avant de déployer ses ailes. Et d’avoir la carrière et les amours qu’on lui connait. Il eut deux enfants, Adam et Lorca, de son union avec Suzanne Elrod, juive originaire de Californie. Son éducation juive fut importante et jamais son judaïsme ne le quitta même lorsqu’il devint moine bouddhiste… « Leonard Cohen dit avoir affiné son héritage juif au contact de la culture zen. C’est d’ailleurs à son maître zen Kyozan Joshu Sasaki qu’il dédie le livre Book of Mercy (Livre de la miséricorde), 1984. Pour l’écrire, il s’est immergé encore davantage dans la pratique juive : port des tefillin (phylactères), observation des fêtes, lecture de la Torah, du Talmud, du livre de prières juives (siddour ndr), recherches plus ésotériques de la kabbale.3 » Il fut présent pour Israël, et n’hésita pas à quitter son île grecque de Hydra où il avait une maison, pour se rendre dans l’Etat hébreu lorsque la guerre de Kippour éclata en 1973. « J’irai arrêter les balles égyptiennes », déclara-t-il et il chanta pour les soldats de Tsahal. « Je n’ai jamais dissimulé le fait que j’étais Juif et que je serais toujours là en cas de crise en Israël », disait-il en 1974. « La survie du peuple juif fait partie de mes engagements »4. À titre personnel, je suis touchée par « Dance me to the end of love » où je perçois des résonnances du Cantique des Cantiques : « Oh laissemoi contempler ta beauté quand les témoins seront partis (…) Montre-moi lentement ce dont je connais seulement les limites ».


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Leonard Cohen

Il y a bien sûr « le Partisan » et ses quelques vers en français : « Les Allemands étaient chez moi. Ils m’ont dit : « résigne-toi ». Mais je n’ai pas peur. J’ai repris mon âme. » Ou encore, l’une de ses dernières chansons « You want it darker » qui peut s’entendre comme un kaddich (prière de sanctification dite notamment en la mémoire d’un défunt); son dernier dialogue terrestre avec Dieu, avant l’autre ultime face à face auquel il se préparait. Dans cette chanson, il reprend cette disposition du patriarche Abraham, s’exprimant dans ce terme hébraïque, « hinéni », me voici, prêt à être, au-delà de tous les entendements, présent là, ici et maintenant. « Que ton nom sacré soit magnifié, sanctifié. Dans le cœur humain, vilipendé, crucifié. Un million de cierges brûlent dans l’espoir d’un secours jamais trouvé. Tu veux rendre les choses encore plus noires. Hinéni, hinéni (me voici). Je suis prêt, mon Dieu ». Le dernier refrain est chanté par le hazan, le chantre, Gideon Zelermyer précisément de Shaar Hashomayim. Chacun dira par quoi il a été touché, sa dignité, sa voix, sa masculinité à la fois tendre et virile, (« I am your man » réconcilie plus d’une avec la gent masculine…)5, son respect des femmes, sa tentative d’être dans ce monde. Et nous n’épuiserons pas les termes car un être humain tient à la fois dans un hommage et le transcende.

L'une des dernières photos de Léonard Cohen

1 « J’ai entendu qu’il y avait un accord secret. Que David jouait et cela plaisait au Seigneur.

Mais la musique te laisse tout à fait indifférente, N’est-ce pas ? Ça fait un peu comme cela, la quarte, la quinte. L’accord mineur tombe et l’accord majeur s’élève. Le roi déchu compose Halleluyah ». Les traductions des chansons de Leonard Cohen sont tirées notamment des sites lacoccinelle.net/cocinnelles, paroles2chansons. lemonde.fr/ou sont personnelles. 2 Pour toutes ces références biographiques, voir : Ira B. Nadel. Leonard Cohen, Le canadien errant, Boréal, Motréal, 1997 ; Ira Robinson, Rabbis and their Community. Studies in the Eastern European Orthodox Rabbinate in Montreal. 1896-1930, Calgary Press, 2007 ; Chantal Ringuet : « Leonard Cohen, un beau ténébreux chez les « nevi’im » (prophètes)» sur le site Jewpop. 3 Jacques Julien, Leonard Cohen, Seul l’amour. Édition Triptyque, Montréal, 2014 p 103. 4 AFP, « Israël se souvient de la solidarité de Leonard Cohen », 11.11.16, TimesofIsraël 5 « Si tu veux un partenaire, prends ma main. Ou si tu veux m’emmener en promenade, tu sais que tu le peux. Je suis ton homme (…). Et si tu devais dormir un moment sur la route, je te guiderai. Et si tu veux arpenter seule cette route, je disparaîtrais pour toi. Si tu veux un père pour ton enfant ou seulement marcher avec moi un moment au travers des sables, je suis ton homme ».

Mais peut-être est-ce ce vers d’influence kabbaliste, de sa chanson « Anthem » qui dit le mieux cette tentative d’être, comme un héritage : « Il y a une fissure en toute chose. C’est ainsi qu’entre la lumière. » En tout cas, on comprend pourquoi après avoir arpenté le monde, il souhaita reposer à Montréal. Sa alvaya, ses funérailles eurent lieu à Shaar Hashomayim par le rabbin Scheier et Leonard Cohen fut enterré dans la plus stricte intimité, dans l’un des cimetières juifs de Montréal, sur un flanc du Mont Royal autour duquel s’étend la ville. Leonard portait bien son nom de Cohen, prêtre en hébreu, car son aura et son souci du monde dépassaient sa communauté comme il se doit au regard même de la tradition juive.

Leonard Cohen sur scène

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VIE JUIVE CANADIENNE

Le Musée du Montréal juif, une entreprise originale au service de l’histoire et de la culture juives

Zev Moses

Par Annie Ousset-Krief

Le Musée du Montréal Juif (MMJ) a vu le jour en 2010, alors que la communauté juive de Montréal fêtait ses 250 ans. Musée original puisqu’il s’agissait d’un musée numérique sur Internet1 et qu’il n’avait, jusqu’à ce jour, aucune réalité physique (un « musée sans murs », comme le décrit son créateur). Le MMJ est né de l’initiative d’un jeune urbaniste montréalais, Zev Moses. Réalisant que la ville recélait de centaines de lieux juifs dont les traces s’effaçaient petit à petit, il a souhaité répertorier et cartographier tous ces endroits qui appartiennent à l’histoire juive de Montréal. Il a alors créé « un musée virtuel et mobile de la communauté juive de Montréal », projet qui a pu se concrétiser grâce à des subventions de diverses fondations, des fonds gouvernementaux ainsi que des donations privées. Basé sur l’interface de Google maps, le Musée permet aux visiteurs d’explorer la ville « en ligne ». Quelque 125 points d’intérêt figurent sur la carte : un simple clic vous renseigne sur le lieu et vous dirige sur d’autres sources complémentaires. Depuis le mois de mai 2016, le MMJ a désormais un ancrage sur le Plateau : il occupe le rez-de-chaussée d’un ancien atelier de vêtements au 4040, boulevard Saint-Laurent, cœur historique de l’immigration juive d’Europe de l’Est au début du XXe siècle à Montréal. Le MMJ accroît ses activités et espère ainsi transmettre la richesse de l’expérience juive montréalaise. Nous avons rencontré Zev Moses, le fondateur et directeur du MMJ.

A O.K - Comment avez-vous conçu ce projet d’un musée virtuel ? Z. M - Mon projet initial était juste de cartographier le Montréal juif. Je voulais faire revivre ces lieux où avaient vécu les immigrants juifs, retrouver les liens avec le passé. Il y a 5 ou 6 ans, les applications numériques commençaient à vraiment se développer, et on pouvait envisager l’idée de créer une infrastructure digitale pour la ville tout entière et relater son histoire. De simple cartographie, la structure a évolué ensuite en musée. Car c’est la ville tout entière qui est notre musée ! En partant de ce projet, nous avons ajouté d’autres expériences : conférences, visites thématiques guidées sur le Montréal juif2, etc. Et on a ensuite monté des expositions temporaires dans des galeries. Le 1er mars 2014, nous avons organisé « Parkley Clothes, 1937 », une exposition sur les ouvriers qui travaillaient dans le shmatte, l’industrie du vêtement, durant la Nuit Blanche de Montréal. En 2015, nous avons consacré une exposition3 à Samy El-Maghribi, ancien hazzan (chantre) à Montréal, mais aussi vedette de la chanson populaire au Maroc.

Pourquoi êtes-vous passé à un musée physique ? Un espace physique permet d’aborder plus de thèmes et d’avoir une vraie présence. Mais ce n’est pas un musée traditionnel, une sorte de panthéon de la communauté juive. Le musée reste un outil éducatif. L’espace est ouvert, et est utilisé pour traiter de la diversité de l’expérience juive. C’est pourquoi nous avons un café dans cette salle, le Fletchers, où les visiteurs peuvent goûter à toutes sortes de nourritures – traditions culinaires ashkénaze ou sépharade. Pendant la journée, le café accueille les visiteurs, et le soir, nous ouvrons l’espace à des manifestations événementielles en lien avec le judaïsme. Par exemple, il y a un mois, le musée a accueilli une exposition de photos en hommage à Bernd Jager, professeur de psychologie à l’UQAM, décédé en 2015, qui était originaire de Hollande, et dont la famille avait sauvé des Juifs pendant la Shoah. De même, nous souhaitons travailler avec des festivals qui ont des thématiques reliées au judaïsme – et pourquoi pas avec le Festival Sefarad.

Qui a travaillé avec vous sur ce projet de musée ? J’ai commencé avec l’aide de quelques chercheurs, notamment Stéphanie Schwartz, qui travaillait sur les Juifs sépharades et leurs liens avec Montréal. Aujourd’hui, nous sommes toute une équipe, une vingtaine de personnes, dont cinq permanents. Nous nous sommes vraiment développés depuis le mois de juin avec l’acquisition de cet espace, mais l’entreprise est encore expérimentale. Nous voulons accueillir la communauté juive, mais aussi bâtir des ponts entre les communautés et toucher la population non juive qui souhaite s’informer sur la culture juive. Car à Montréal, beaucoup de gens pensent que le judaïsme, c’est le hassidisme d’Outremont. Nous voulons bien sûr célébrer la culture hassidique, mais ce n’est qu’une face du judaïsme. Il est important de montrer le judaïsme ashkénaze, sépharade, toutes les variantes culturelles et religieuses. Les Juifs sont venus de tous les coins du monde et ont laissé des traces, des influences sur la ville. Montréal a été définie en partie par ces influences juives, qui peuvent être encore source d’inspiration.

Avez-vous une idée de la fréquentation du musée ? Depuis le mois de juin, nous avons eu plus de 7 000 visiteurs, y compris ceux qui ont participé aux visites guidées. Parmi ces derniers, beaucoup venaient du reste du Canada et des États-Unis. Ce quartier était essentiellement ashkénaze, ce qui attire beaucoup les Juifs américains – à la recherche de leur propre mémoire. Montréal est un peu le Lower East Side4 du Canada. Mais beaucoup de non-Juifs participent aussi à certains événements, par exemple jeudi 20 octobre, nous avons organisé un dîner pour Souccot, en accommodant des plats québécois à la mode juive – fusion des cultures et traditions culinaires qui a eu un grand succès.

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Vous insistez sur le côté interactif du musée en ligne. Comment cela fonctionne-t-il ? Nous avons une application Internet qui permet aux gens d’intervenir directement, par exemple pour partager une histoire. Dans les deux dernières années, nous avons rassemblé une quarantaine de récits.


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Même si la technologie peut encore être améliorée, cela fonctionne assez bien et offre une bonne occasion à chacun d’être un acteur du musée. Car c’est un musée construit à partir de la communauté. Nous cherchons à raconter l’histoire en partant de la base, des expériences individuelles. C’est donc un travail toujours en cours et nous lançons un programme de volontariat pour développer notre entreprise. Si parmi vos lecteurs certains sont intéressés, cet appel s’adresse aussi à eux ! Nous cherchons des volontaires de tous les milieux, des gens qui pourraient raconter leur expérience, leur vie quotidienne, leur immigration, leur vie à l’école, au travail… Chaque histoire que nous enregistrons est une histoire qui ne sera jamais perdue ! Le musée est largement consacré aux Juifs ashkénazes, qui ont fondé la communauté de Montréal. Quelle place donnerez-vous aux Juifs sépharades, d’immigration plus récente ? J’ai mentionné précédemment l’exposition consacrée à Samy Elmaghribi, exposition pour laquelle nous avons travaillé avec, entre autres, Yolande Amzallag, la fille de Samy Elmaghribi et directrice de la fondation Samy Elmaghribi, et avec la professeure Yolande Cohen. J’étais très fier de cette exposition, c’est l’une des meilleures choses que nous ayons réalisées. Elle a attiré un millier de visiteurs, et fait intéressant, environ 60 % des visiteurs n’étaient pas juifs. Peu de gens connaissent le judaïsme sépharade, c’était l’opportunité de populariser la culture de cette communauté qui elle-même est multiple : Juifs originaires du Maroc, de Tunisie, d’Égypte… Toutes ces composantes enrichissent la communauté juive. Notre travail est de rendre

compte de la diversité de la ville et dans le futur, nous allons montrer davantage le côté sépharade. Nous avons déjà répertorié des points d’intérêt en lien avec la communauté sépharade. Par exemple, un point rouge signale la résidence de l’un des fondateurs du département francophone du YM-YWHA, Cabri (pseudonyme de James Dahan), Juif marocain arrivé au Québec en 1968, et qui joua un rôle fondamental dans le développement de la communauté sépharade de Montréal. Une fiche et des photos sont accessibles en cliquant sur ce point. Dans les lieux répertoriés figure également la Spanish and Portuguese Synagogue : cliquez sur le point rouge, et vous aurez tout l’historique du lieu, des photos, ainsi que des explications sur l’une des figures essentielles du XIXe siècle, le rabbin Abraham de Sola. La fiche explicative est complétée par des photos d’archives, une liste de sources bibliographiques, et des liens vers d’autres sites, qui complètent l’information. Nous avons donc un panorama complet du lieu et de sa signification, ainsi qu’un accès à des informations supplémentaires. De plus, lorsque nous faisons visiter les quartiers ashkénazes, nous parlons toujours des Sépharades dans les origines de la ville, et bien sûr de l’immigration des années 1950-1960. Nous espérons démarrer des visites guidées du quartier de Côte-des-Neiges l’été prochain, afin d’explorer l’histoire sépharade de la Cité, comme nous le faisons pour la Main5. C’est l’une de nos priorités : faire pour les Sépharades l’équivalent de ce que nous avons fait avec l’histoire ashkénaze. Redonner vie à l’histoire, en explorant tous les aspects, religieux, culturels, linguistiques… Il y a tant à préserver et à partager ! Un musée est une inspiration pour l’avenir, une deuxième naissance. Musée du Montréal Juif, 4040, boulevard Saint-Laurent mijm.ca

1 http://imjm.ca 2 « Au-delà du bagel : Tour gastronomique », « Tur malka : Montréal réimaginée », « Laisser leurs traces », « Rabbins, écrivains et militants radicaux ». Les visites sont en

anglais et en français. Pour des visites en groupe ou privées, vous pouvez écrire à tours@imjm.ca ou téléphoner au 514 840-9300. 3 « Sacré Profane : Samy Elmaghribi », 25 février-6 mars 2015. Edifice Belgo, 372, rue Sainte-Catherine Ouest. 4 Le Lower East Side : quartier de Manhattan où s’installèrent des centaines de milliers d’immigrants juifs venus d’Europe orientale à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. 5 La Main : nom donné au boulevard Saint-Laurent, lieu d’installation des immigrants tout au long du XIXe siècle, et au début du XXe

« Cliquez sur le point rouge et vous aurez tout l'historique du lieu, des photos ainsi que des explications (...) » Carte virtuelle du Montréal juif du MMJ

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coup de projecteur sur nous autres

L'auteur Joseph Elfassi et l'homme de théâtre Ariel Ifergan Par Sonia Sarah Lipsyc

Pour la première de cette nouvelle rubrique, nous avons le plaisir de présenter deux artistes de notre communauté, Joseph Elfassi et Ariel Ifergan qui vient, bien sur, au Québec

Joseph Elfassi

Ariel Ifergan

© crédit photo Michel Paquet

Joseph Elfassi, est né aux États-Unis d’un père d’origine francomarocaine et d’une mère française. Il a vécu à Paris, Montréal, Rouyn-Noranda (en Abitibi au Québec) et Toronto. Ses études en journalisme à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) l’ont mené à travailler pour les médias Vice, Voir, pour l’ONF (Office National du Film du Canada) et la chaîne de télévision TFO. Il a déjà collaboré à notre magazine La Voix Sépharade de 2008 à 2012 et avait d’ailleurs gagné le prix Lys de la relève au premier Gala de la Diversité en 2013. À trente ans, Joseph est déjà un journaliste confirmé. Grand lecteur aussi bien en français qu’en anglais, sa propre plume est drôle et créative. Il vient de publier son premier roman « Le Prix de la chose » chez Stanké, à Montréal qui sera suivi, à n’en pas douter, par d’autres écrits. « Une fable jouissive où l’on interroge habilement les liens entre sexe et argent » annonce la quatrième de couverture. Le texte peut paraître sulfureux, mais il est écrit avec humour et élégance. Et il faut, je crois, le prendre pour ce qu’il est : une déclinaison érotique et amusante qui interroge les rapports de genres (l’amour, la séduction, le pouvoir, etc.). On attend avec impatience de lire d'autres de ses récits ou fictions. Homme de théâtre, Ariel Ifergan, est le fils de Meir Ifergan qui, durant les vingt dernières années de sa vie, prépara des garçons et des jeunes filles à leur bar ou bat mitsva (cérémonie marquant 54

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la majorité religieuse) au sein de la Congrégation Dorshei Emet où il fut également hazan (chantre) et de Jacqueline, professeur de musique. Il commence dès 1999 sa carrière en tant qu’interprète et ne cesse depuis d’être sur scène puisqu’il a déjà joué dans près d’une vingtaine de productions. À la télévision, on a pu le voir notamment dans le feuilleton Trauma, ou Virginie dans lequel il interprétait le personnage de Mohamed. Au grand écran, il a joué dans deux courts métrages : Sur la ligne de Frédéric Desager et Next Floor de Denis Villeneuve qui remporta la palme du meilleur court métrage à Cannes en 2008. En 2002, il écrit et met en scène T’as aucune chance qui sera présenté pendant six ans dans les écoles secondaires du Québec et récompensé par le Masque des enfants terribles. En 2006, il fonde, avec Alexandre Frenette, la compagnie de théâtre Pas de Panique. En 2013, Pas de Panique amorce une association avec le Centre Segal qui s’est concrétisée maintenant par une résidence de création de 3 ans dans ce théâtre. Ariel Ifergan y a déjà signé deux mises en scène, L’Augmentation de Georges Perec et Le Visiteur, d’Éric Emmanuel-Schmidt en 2016. L’année 2017 s’annonce riche puisque Ariel fera partie de la distribution de Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ? mis en scène par Denise Filiatrault au Théâtre du Rideau Vert et sera en tournée partout au Québec. Il reprendra également Z comme Zadig, une adaptation du conte philosophique de Voltaire co-écrite avec la metteure en scène Anne Millaire dans laquelle il incarne une quinzaine de personnages. « Nous voilà happés, charmés, amusés, fascinés, étonnés, gagnés ! On s’abandonne au plaisir et à la réflexion, puis on ressort (...) le cœur léger, le pas allègre, l’esprit en éveil », écrit au sujet de ce spectacle, le critique Raymond Bertin dans Cahier théâtre JEU. Toutes ces activités créatives n’empêchent pas Ariel Ifergan d’être impliqué dans la communauté juive. Il s’est ainsi occupé, il y a des années, d’une troupe de théâtre amateur au Centre Hillel à Montréal et a été plus récemment membre du comité d’administration du Congrès juif Canadien région du Québec. Il garde un souvenir marquant de ce passage dans cette institution dans laquelle il a rencontré des gens très divers, religieux, laïques, francophones, anglophones engagés dans des actions caritatives, culturelles ou politiques pour la communauté juive. Ariel Ifergan est le conjoint de l’actrice Karyne Lemieux et père de deux enfants, la jeune Elia 8 ans et Isak, 4 ans.


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Joseph Elfassi et Ariel Ifergan ont accepté de répondre à notre mini questionnaire à la Proust à la sauce juive et… sépharade 1. Nous les remercions de ce « baptême » pour cette rubrique que nous retrouverons régulièrement. Parmi tous les textes de la littérature juive, de la Bible en passant par le Talmud jusqu’aux auteurs contemporains (Albert Cohen, Philippe Roth, Bob Dylan, par exemple), quel est le texte ou l’auteur qui vous inspire et pour quelle raison ? J.E - Définitivement Philip Roth. Dans ses premières œuvres, je reconnais mes angoisses et mon héritage culturel, et dans sa série sur son personnage Nathan Zuckerman (American Pastoral, Human Stain), il établit avec brio une histoire lucide et inusitée de l’Amérique. Un géant auquel je reviens toujours. A.I - Marek Halter m’a diverti et fait rêver. Primo Levi m’a bouleversé. Mais j’ai une immense admiration pour Albert Cohen. Il a une plume tellement théâtrale de par sa démesure, son opulence et ses personnages. Il consacre son immense talent littéraire, son érudition et son intelligence à nous peindre une critique de la petitesse des hommes face à l’immensité des sentiments qui les submergent, en particulier la peur et l’amour. La personnalité du monde juif, tous siècles confondus, qui vous a le plus marqué ? J.E - C’est un mix : Leonard Cohen, Woody Allen et Jerry Seinfeld. A.I - J’aime Jacob pour l’épopée de sa vie comme symbole positif pour toutes les diasporas du monde. J’aime Albert Einstein pour sa capacité à faire cohabiter les sciences, la mystique et l’imaginaire. Avec la mise en scène de la pièce Le Visiteur de Éric-Emmanuel Schmitt, j’ai eu l’occasion d’en apprendre un peu plus sur Sigmund et Anna Freud au sujet desquels j’entretenais, sans m’en rendre compte, certains préjugés. La vie de Freud, son œuvre et son rôle de pionnier me sont apparus tout à fait admirables. Y a-t-il une citation de la culture juive qui vous viendrait à l’esprit ? J.E - « Vivre bien. C’est la plus grande vengeance. » Ça vient du Talmud, et ça me semble assez sage. A.I - Euh... Les brillantes citations sont très nombreuses, mais difficiles à retenir, à vérifier et à contextualiser. Tel un verre d’eau qui fait tant de bien lorsqu’on a soif, les citations me font du bien sur le coup, mais je trouve difficile de les transporter avec moi et de les resservir par la suite.

Quelle est la fête juive qui vous touche particulièrement ? J.E - J’ignore si on peut la qualifier de fête en soi, car il s’agit d’une célébration hebdomadaire, mais le shabbat reste un moment de communion festive et de festin commun. C’est pour moi la rencontre familiale, et la célébration de ce qu’on a de plus glorieux :   le quotidien. A.I - Kippour pour l’automne, la solitude, l’introspection, les résolutions... une petite mort et un renouveau. Pessah pour le printemps, la collectivité, la famille, les questions. La traversée du désert ressemble à la traversée de l’hiver avec ses beautés et ses défis, et Pessah arrive comme une promesse. Le trait de la culture sépharade que vous mettriez en avant ? J.E - Juste un ? A.I - Ce qui me plaît et me fascine de notre communauté, c’est certainement sa complexité et sa diversité. Diversités au pluriel, car elles sont linguistiques, religieuses, culturelles... Cette complexité est partie intégrante de l’identité juive et de l'identité sépharade : française, hispanique, arabe, moyen-orientale... Malgré certains épisodes difficiles, la cohabitation harmonieuse des communautés juives dans les pays musulmans représente un fait historique d’une grande valeur, car porteur d’espoir. Dans toute culture moyen-orientale ou nord-africaine, la part de l’oralité est très importante. C’est touchant, c’est magnifique mais c’est aussi très fragile. Je crains que de grands pans de mémoire de la vie juive en terre musulmane soient menacés de disparition, par l’islamisme radical, mais également, par un penchant global à vouloir tout simplifier. Après les nourritures spirituelles, les nourritures terrestres... Quel est votre plat préféré de la cuisine juive ? J.E - Le couscous de ma mère ! A.I - J’ai le bonheur de compter dans ma famille de somptueux cuisiniers et cuisinières qui font des merveilles. Je pourrais citer plusieurs grands classiques  : dafina, artichauts farcis, mais pour être original, je pense que je vais choisir l’assortiment d’entrées et de salades cuites tout à fait remarquables, parfois parfumées à l’huile d’argan. Joseph Elfassi, Le prix de la chose

1 Ce questionnaire rendu célèbre par Proust fut

remis au goût du jour par le journaliste français Bernard Pivot pour son émission littéraire « Bouillon de culture » et par James Lipton, l’animateur de l’émission télévisée « Inside the Actors Studio ».

Ariel Ifergan, dans Z comme Zadig MAGAZINE LVS

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CULTURE JUIVE ET ISRAÉLIENNE

Apprendre l’hébreu par des jeux de mots et… en souriant !

Daniel Kenigsberg

Entretien avec Daniel Kenigsberg par Sonia Sarah Lipsyc

Daniel Kenigsberg est comédien et vit à Paris. Son parcours artistique, autant au théâtre, au cinéma qu’à la radio est des plus créatifs. Depuis quarante ans sur les planches, il a aussi tourné récemment sous la direction de Christian Duguay dans « Un sac de billes » et pour la télévision avec Serge Moati, « De Gaulle, l’autre guerre ». Il participe régulièrement à des émissions sur France Culture comme « La fabrique de l’histoire » et est lecteur pour des événements scéniques au Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme à Paris (MAHJ). De surcroît, il a mis tranquillement, au fil de ses billets, sur une de ses pages Facebook, une méthode pour apprendre du vocabulaire en hébreu par des jeux de mots en français. Et ce qui commença comme une distraction, voire un hobby finit... par une méthode séduisante pour apprivoiser la langue hébraïque. Original comme vous le verrez dans les exemples ci-dessous suivis des réponses de Daniel Kenigsberg à nos questions. Il y en a pour tous les goûts et sur de nombreux thèmes : La vie de famille, La vie autour de la machine à café, la vie du jardin, etc. Vous sourirez plus d’une fois en lisant ces jeux de mots franco-hébraïques et retiendrez aisément les termes qu’ils nous enseignent. En tout cas, une bonne idée de cadeau pour la fête de Hanouca ou à d’autres occasions, pour soi comme pour les autres.

Comment vous est venue l’idée de cette méthode humoristique pour s’initier à l’hébreu ? Je suis comédien. Depuis toujours, le goût de la langue, le jeu des mots, l’humour comme forme de commentaire pour dire ma perception du monde, me constituent. Dans mon métier, la mémoire est un souci permanent. La mémorisation du texte est une tâche quotidienne à laquelle je m’affronte, calmement, avec méthode. Mais il n’y a pas de méthode unique. Alors, on furète, on farfouille, à l'affût de tous les pansements et pense-bêtes mnésiques ou mnémotechniques. Il y a quelques années, je me suis passionné pour « l’art de la mémoire » et son enseignement qui nous vient de l’Antiquité. Je m’en suis inspiré : je propose des phrases en français dont le sens, l’humour, la poésie et les images « agissantes » qu’elles suscitent, associées à la phonétique d’un mot hébreu, permettront de le mémoriser. « Tafrit » n’est pas une méthode d’apprentissage de la langue, il contribue à apprendre du vocabulaire, à faire sourire ou émouvoir. Vous-même, êtes-vous hébraïsant? Un tout petit hébraïsant, mais qui fait de l’hébreu tous les jours. Mes mots de « Tafrit » proviennent toujours d’une rencontre, soit avec un mot dans un article de journal, soit avec un mot dans un sous-titre de film. Je le rencontre, nous faisons connaissance et parfois nous nous possédons. Ce n’est jamais systématique ni volontaire. Comme un mot d’esprit qui affleure et se donne. Vous avez commencé à publier ses propositions langagières sur une page Facebook ? Oui, j’ai créé cette page et ce groupe en 2012 : « Pour les petits malins qui ont des difficultés à mémoriser du vocabulaire d’hébreu 1». Groupe participatif où chacun peut publier ses propositions langagières, et qui dispose aujourd’hui d’archives assez conséquentes. Le principe est d’apprendre en apprenant aux autres avec le plus grand sérieux et sans se prendre au sérieux. Les membres du groupe sont un peu comme des piliers de bar, content de se retrouver, où il ne manquerait que Pierre Dac2 pour constituer un mynian (quorum de dix personnes nécessaires à la tenue de certaines prières publiques ndr). On m’a souvent suggéré de faire un livre avec mes propositions. Anne Collongues est devenue ma complice, et grâce à elle, nous l’avons fait. Où peut-on se procurer votre livre « T’as frites au menu »? En ligne, à cette adresse : http://www.thebookedition.com/fr/t-as-frites-au-menu--p-340736.html À Paris à la librairie du MAHJ et à celle du Mémorial de la Shoah. À Tel-aviv à la Librairie du Foyer et à la Librairie du Bauhaus Center. À Jérusalem à la Librairie Vice Versa. Directement par moi en m’écrivant : d.kenigsberg@hotmail.fr Et au Canada avec plaisir... je vous en mets combien ?

1 https://www.facebook.com/groups/Zikaronot/ 2 Pierre Dac (1893-1975) célèbre humoriste français, comédien ancien résistant durant la Seconde Guerre mondiale, de son son vrai nom : André Isaac (ndr)

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CULTURE JUIVE ET ISRAÉLIENNE

« T’as frites au menu ? menu = tafrit = ‫» טירפת‬ Daniel Kenigsberg

Oum la la ! Comme elle est malheureuse ! malheureuse = oumlala = ‫אומללה‬ Léa ! Cesse d’hésiter ! Hésiter = lehassès = ‫להסס‬ Elle me dit « Je vais faire simple » et elle se déshabilla. Simple = pachout = ‫פשוט‬ Se simplifier, se déshabiller = lehitpashet = ‫להתפשט‬ Il voulait maigrir. Il commença par le plus facile, il rasa sa barbe qui pesait son poids. Maigrit = rasa = ‫רזה‬ Maigrir = lirzot = ‫לירזות‬

Il refusait ses rêves. Refusait = sèrev = ‫סרב‬ Refuser = lesarev = ‫לסרב‬ Ce rouge à lèvres me fait gonfler les lèvres ! Un oedème ? Rouge à lèvres = odem = ‫אודם‬ Pour l’aider dans l’escalade, ti pousses ses fesses. Escalade = tipouss = ‫טיפוס‬ Au tennis, quand la balle est out, on dit faute, en fait on devrait dire erreur. Erreur = ta’out = ‫טעות‬

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Israël est un projet de société encore inachevé

Michal Govrin

Entretien avec l’écrivaine israélienne Michal Govrin par Elias Levy

Née en 1950 à Tel-Aviv, Michal Govrin est l’une des grandes écrivaines et intellectuelles d’Israël. Romancière, poétesse et directrice de théâtre, elle est l’auteure d’une dizaine de livres, parmi lesquels plusieurs romans. Deux de ses romans les plus encensés par la critique et le public, « Sur le vif », qui a obtenu en Israël le prestigieux Prix littéraire Akum, et « Amour sur le rivage », ont été traduits en français et publiés aux Éditions Sabine Wespieser. Son œuvre poétique est présente dans de nombreuses anthologies, en hébreu et en plusieurs autres langues. Michal Govrin a également édité en 2005, en hébreu, les « Mémoires de son père », Pinhas Govrin, Nous étions comme des rêveurs. Une saga familiale. Auteure d’une thèse de doctorat écrite et soutenue à Paris sur le théâtre sacré contemporain, elle a dirigé des mises en scène très remarquées dans le domaine du théâtre juif expérimental, et aussi des adaptations d’auteurs renommés comme Samuel Beckett, Martin Buber ou Jean-Claude Grumberg. Après avoir enseigné à l’École de Théâtre visuel de Tel-Aviv, elle dirige actuellement, à l’Institut Van Leer de Jérusalem, un groupe de recherche sur la transmission de la mémoire et la fiction. Elle enseigne le théâtre à l’Université de Tel-Aviv et est titulaire de la Chaire du Département théâtral du Emunah College à Jérusalem. Mariée et mère de deux filles, elle vit à Jérusalem. Présentez-vous à nos lecteurs. Mon père, Pinhas Govrin, fut l'un des fondateurs de l’État d’Israël et du Kibboutz Tel Yosef, situé dans le nord-est d’Israël, près de la vallée de Jezreel. Ma mère était une survivante de la Shoah. Tous les membres de ma famille paternelle quittèrent l’Ukraine en 1921, alors que les pogroms contre les Juifs se multipliaient, pour réaliser un très vieux rêve : vivre en Eretz Israël (terre d’Israël). Mon arrière-grand-père était issu d’une longue lignée de Rabbins. Ce hassid -Juif très observant- mystique s’installa à Méa Shéarim, le quartier ultra-orthodoxe de Jérusalem. Mon grand-père, qui parlait déjà l’hébreu lorsqu’il arriva dans la Palestine mandataire britannique, a été pendant de nombreuses années le directeur d’une école juive orthodoxe à Jérusalem. Mes parents vivaient dans un Kibboutz. Quel est votre rapport à la religion juive ? Dans le milieu laïc où j’ai grandi, j’ai eu, d’une certaine façon, une enfance hassidique. Quand j’étais petite, on allait passer le Shabbat chez mon oncle à Tel-Aviv. Ce laïc invétéré était un membre très actif du Parti travailliste. Mais, pendant le Shabbat, l’après-midi, tout ce petit monde, qui fumait, roulait en voiture… et transgressait avec joie les injonctions halakhiques, se mettait à chanter des chants hassidiques. C’était irréel et très hilarant ! Au début des années 70, vous êtes partie à Paris pour étudier le théâtre. Dans la Ville Lumière, vous avez côtoyé deux éminentes figures de l’intelligentsia française, feus les philosophes Emmanuel Levinas et Jacques Derrida – vous étiez une proche amie de ce dernier. Quand je suis partie faire des études à Paris, j’étais essentiellement Israélienne. J’en suis revenue Juive. Je ne suis pas retournée vivre dans ma ville natale, Tel-Aviv. J’ai décidé de m’installer définitivement à Jérusalem, car cette ville trois fois sainte m’a toujours hantée. Le conflit israélo-palestinien et Jérusalem occupent une place prépondérante dans la trame de votre roman très poignant Sur le vif, qui est un condensé de l’Histoire tumultueuse d’Israël. 58

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On ne peut pas éluder une réalité chaque jour plus criante : Israéliens et Palestiniens vivent corps à corps dans le même espace. Il y a quelque chose de tout à fait charnel dans ce conflit idéologique et passionnel, où l’éros occupe une place très importante. À Jérusalem, Israéliens et Palestiniens revendiquent fougueusement les mêmes sites religieux, qu’ils appellent par des noms différents. Pour moi, Jérusalem a toujours été la figure de la femme désirée par le monde entier, mais qu’on ne peut pas partager. Il faudrait une révolution mentale pour que dans les cultures juive et arabe on accepte l’idée que l’on puisse posséder une femme sans la posséder exclusivement, qu’elle puisse être l’objet de plusieurs désirs qui ne soient pas nécessairement incompatibles. Ilana, l’héroïne de mon livre, qui est déchirée entre deux amours – celui qu’elle voue à son mari, dont elle s’éloigne chaque jour un peu plus, et la passion brûlante qu’elle éprouve pour Saïd, son amant palestinien – propose une manière radicale, peut-être choquante, de penser la féminité et la notion de possession. Dans votre très beau roman Amour sur le rivage, une bouleversante histoire d’amour et d’amitié qui se déroule dans un dancing de la plage d’Ashkélon au début des années 60, vous explorez en filigrane la condition des Sépharades dans un Israël à ses premiers balbutiements confronté à plusieurs défis titanesques, dont l’intégration de centaines de milliers de nouveaux immigrants. Ce roman porte un regard sur la condition des Sépharades pendant les années 60, une période très ardue pour Israël – difficultés économiques, attaques terroristes perpétrées par des fedayins palestiniens… Le personnage sépharade de ce récit, Moïse Derand, est un jeune homme dérouté, qui vit à Paris – il est retourné en Israël pour enterrer sa mère –, nostalgique de son Maroc natal et très critique à l’endroit du nouvel État hébreu qui, selon lui, accueille avec peu d’empathie les nouveaux immigrants sépharades arrivés du Maroc. Sa famille est allée vivre dans un moshav (ferme agricole où certains moyens sont mis en commun, ndr). Son beau-frère, Nissim, est un Sépharade résolu à changer son destin et à ne pas être victime des vicissitudes de l’Histoire. Ce rêveur ne veut pas être un Sépharade soumis. Il luttera inlassablement pour chambarder son destin.


CULTURE JUIVE ET ISRAÉLIENNE

Michal Govrin, Sur le vif

« Quand je suis partie faire des études à Paris, j'étais essentiellement israélienne. J'en suis revenue juive.  » Michal Govrin, Amour sur le rivage

C’était le début des fougueux combats civiques menés par des Sépharades victimes de discriminations sociales. C’est ce qu’on a appelé la « révolte du Second Israël ». Dans les années 50 et 60, la condition des Sépharades d’Israël fut très ardue. Ce n’est que quelques décennies plus tard que l’establishment politique ashkénaze reconnaîtra publiquement les énormes erreurs qu’il a commises au chapitre de l’accueil et de l’intégration des Sépharades originaires des pays arabes. Le personnage de Nissim est à l’image de tous ces valeureux maires de petites villes du sud d’Israël, majoritairement peuplées de Sépharades, qui ont gravi un à un les échelons sociaux et politiques grâce à leur labeur acharné. Plusieurs d’entre eux ont transformé des cités déshéritées en des villes très dynamiques qui doivent leur prospérité à l’industrie de la haute technologie que ces maires déterminés ont attirée dans leur terroir. Mais, dans l’Histoire moderne d’Israël, le Séphardisme n’a pas toujours été synonyme d’« échecs ». Les Sépharades n’ont pas été les seuls citoyens discriminés dans l’État d’Israël naissant. Les survivants de la Shoah qui sont arrivés en Israël après la Seconde Guerre mondiale ont aussi connu leur lot de difficultés sociales et de discriminations. Les Sépharades des villes du sud du pays ont démontré au fil des années leur grande capacité de résilience. Ils ont aussi grandement contribué au développement social et économique d’Israël. Les écrivains israéliens sont-ils encore aujourd’hui des « phares éclaireurs » de la société israélienne ? Les écrivains israéliens, qui, en l’espace de six décennies – un laps de temps très court dans le curseur de l'Histoire –, se sont frayés une place très honorable sur la scène littéraire mondiale, ont deux grands privilèges : écrire dans une langue merveilleuse, l’hébreu, qui n’arrête pas de renaître et de se réinventer, et pouvoir raconter, dans des récits exceptionnels, l’Histoire très mouvementée de leur pays par le biais de la « petite histoire » – avec un petit « h » –, c’est-à-dire en relatant des parcours de vie très singuliers. C’est ce qui confère à la littérature israélienne sa spécificité et son universalité. La littérature israélienne contribue aussi à écrire le récit national d’Israël. Celui-ci n’est pas l’apanage exclusif des politiciens. À travers leurs visions, souvent très contrastées, de leur pays, les écrivains israéliens proposent d’autres possibilités de récits, de nouvelles manières d’explorer les réalités sociohistoriques, politiques et identitaires qui ont cours en Israël. La majorité des écrivains israéliens ont revisité l’éternel conflit israélo-palestinien par le truchement de personnages qui nous rappellent que nous sommes trop enclins à regarder ce contentieux sous la stricte lorgnette du présent en oubliant la dimension dramatique de l’Histoire.

Comment envisagez-vous l’avenir d’Israël? En dépit du fait que les Israéliens vivent à l’ombre d’une menace constante, ils ont appris au fil d’épreuves existentielles souvent funestes à relever un grand défi : savoir vivre le présent comme si de rien n’était. Je suis optimiste en ce qui a trait à l’avenir d’Israël. Mon père est arrivé en Eretz Israël en 1921. Il devait sécher les marécages dans la vallée d’Israël. Quand je me promène dans cet endroit aux paysages magnifiques et majestueux, je me dis : « c’est incroyable ce que nous avons réalisé ces cent dernières années ». J’espère que les générations futures pourront en faire autant. Israël est une aventure humaine unique et inouïe. C’est un laboratoire humain bouillonnant, où des ethnies provenant des quatre coins du monde ont appris à cohabiter. À une époque où l’heure est à la coexistence et au dialogue interculturels, le modèle sociétal israélien devrait être une référence pour toutes les autres nations du monde. Votre optimisme semble inébranlable ? Quand les Israéliens ne réfléchissent pas d’une manière égocentrique et bornée et regardent les défis auxquels ils sont confrontés avec lucidité, c’est l’optimisme juif qui revient au galop. C’est vrai que cet optimisme ne nous est pas d’une grande aide le lendemain d’un attentat terroriste sanglant. Mais, tout au long de l’Histoire juive, peuple d’Israël a toujours rimé avec espoir. Il ne faut jamais perdre l’espoir. C’est la magistrale leçon de vie que nos parents et grands-parents nous ont léguée. Perdre l’espoir, c’est trahir le rêve caressé par nos aïeux pendant plusieurs millénaires. L’Histoire juive nous rappelle constamment que le peuple juif est toujours dans une trajectoire, dans un projet, encore inachevé. D’après la Kabbale, le monde a été créé et brisé en même temps. C’est notre devoir d’aider Dieu à reconstruire un monde qui n’est pas encore achevé. C’est la pensée la plus juive possible. La création de l’État d’Israël, c’est l’achèvement de l’Histoire et aussi le début d’une nouvelle Histoire porteuse de grandes promesses.

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CULTURE SÉPHARADE

Bonnes feuilles de Rose de Chaouen

NELLY ROFFÉ

Par Nelly Roffé

Nelly Roffé est née au Maroc, mais vit à Montréal depuis 1967. Après avoir suivi des études en Littérature comparée à l’Université de Montréal, elle travaille comme traductrice de l’espagnol vers le français. Elle a traduit de nombreux auteurs argentins, mexicains, espagnols ou cubains comme Mercedes Roffé, Rodolfo Häsler, Pura Lopez Colomé, Myriam Moscona, Pedro Enriquez, Graciela Arraoz, Luisa. Elle a également traduit du français vers l’espagnol, des nouvelles de Nadine Ltaif , poète libanaise (« Exil andalou ») et de Louise Warren, poète du Québec (Le poème in situ) pour La Maison de la Poésie de Québec. Nelly Roffé publie également dans des revues littéraires québécoises telles que Exit, Estuaire, et internationales comme Contre-Jour, Galerna (New York), Ficcione (Espagne), Translit (Canada), des poèmes en traduction ainsi que ses propres textes et critiques de livres. Son premier recueil de poésies « Rose de Chaouen » vient de paraître aux Éditions de l’Harmattan. Nous avons le plaisir de publier ci-dessous quelques poesies extraites de cet ouvrage. « N’oublie pas que tu es le noyau d’une rupture » Edmond Jabès1.

La clé de Chaouen 2

Entre givre et jasmin

Tricot-bicyclette

Quitter les lieux entreprendre le long voyage de retour à la recherche d’un sens qui encore m’échappe changer de cap ou être capturée par le regard de la méduse

Le grand fleuve plonge Dans le ciel argenté Autour de moi Le désert blanc.

Qu’elle reste là assise, si pâle j’ignore quoi faire de son âge de son souffle si court j’ai toute ma vie esquivé la sienne me suis montrée si peu attentive que ses soupirs, sa peine sont des voix limites un son blême que mes oreilles n’ont su entendre.

Cette petite boîte sur la table de chevet renferme la clé donnée par mon père « tiens, a-t-il dit, c’est la clé de la maison à Chaouen » à moi d’inventer un destin pour cette clé désormais au creux de ma main.

Tandis que la nuit lente s’étire le long du rivage les saules aux branches frileuses dansent comme des flammes. Je lève les yeux vers la course légère des nuages un croissant de lune incise le ciel. J’aurai vécu sans soleil, sans chaleur dans le crépuscule des livres et l’entre-deux d’une langue de givre et de jasmin.

Berceuse

Dans les souvenirs de mon pays j’entends chanter ma mère et le cliquetis de sa machine à tricoter. L’homme penché sur ses livres c’est mon père j’aime son regard tranquille nos balades à bicyclette à la sortie du lycée.

Ouvre les tiroirs les plus secrets de ta mémoire tu baignes dans la langue de ton enfance. Une voix douce et familière chantonne cette berceuse sépharade « En la casa hay una reja en la reja una ventana en la ventana una nina » « Dans la maison il y a une grille dans la grille une fenêtre à la fenêtre une petite fille. » 1 Poète et écrivain juif français né au Caire (1912-1991). 2 Ville arabo-andalouse au Nord de Tétouan (Maroc)

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Elie Benchetrit

CULTURE SÉPHARADE

Michèle Sarde, Revenir du silence Par Elie Benchetrit

Romancière, essayiste et biographe, Michèle Sarde, agrégée de lettres et professeure de littérature et culture françaises à Georgetown University (Washington DC), a consacré une large partie de ses livres à l’observation des femmes. Les liens entre l’écriture et la vie ainsi que la mémoire personnelle et historique hantent son œuvre. Revenir du silence est son dernier roman paru chez Julliard, 2016. Elie Benchetrit, journaliste et consultant en traductions.

« Dans le récit que j’entreprends, je ne veux introduire aucun personnage inventé, ma mère est ma mère » Lydie Salvayre1, Née en Bretagne à la veille de la Seconde Guerre mondiale, Michèle Sarde a longtemps tu ses origines juives. À travers le récit tardif de sa mère Janja, devenue Jenny lorsqu’elle émigre en France avec ses parents, elle reconstitue le parcours de sa famille, de l’exil de Salonique et de l’installation à Paris en 1921, à l’assimilation réussie dans la France des années trente. Mais les persécutions de l’occupation nazie et le zèle antijuif du régime de Vichy contraignent Jenny et les siens à se cacher et à dissimuler leur identité. S’embarquer dans la lecture de ce roman, c’est également, surtout pour le lecteur juif, s’identifier par intermittences à la saga « hors normes d’une tribu méconnue, les Sépharades de l’Empire ottoman qui, chassés d’Espagne par les Rois Catholiques, s’étaient installés quatre siècles durant en terre musulmane avec leur religion et leur langue », comme le spécifie la quatrième de couverture de l’ouvrage. Ce sont aussi les retrouvailles avec des noms de famille emblématiques qui ont marqué l’histoire de cette communauté aux racines castillanes, andalouses ou catalanes, arrachée à ses terres ancestrales pour être transplantée dans l’Orient ottoman qui l’avait accueillie. Les Benveniste, Senior, Modiano, Nahoum, Amon, pour ne citer que celles-ci et que l’on retrouve tout au long du récit. Mais c’est surtout le rappel à l’histoire non seulement d’un exil, mais aussi de la déportation et du massacre des 50 000 juifs de Salonique, la « Jérusalem des Balkans » qui d’ottomane redevient grecque après le démembrement de l’Empire. Un éclatement qui aboutit à l’éclosion de nouvelles nationalités pour les juifs des Balkans, qui se retrouvent Bulgares, Grecs, Italiens, parfois même Espagnols ou Portugais et pour certains, Français, ce qui ne les sauvera pas du naufrage nazi. La découverte de traditions immuables dans le quotidien de ces familles, au cours de leurs fêtes, de leurs mariages, de leurs cuisines traditionnelles, les sempiternelles « borequitas » et « pastelikos » ou « huevos haminados »2 souvent présentes dans le récit. La formule respectueuse avec laquelle on s’adresse au père : « mi sinyor padre », (Monsieur, mon père). Les classes sociales, « La gente alta » puis la : « La gente buena »3, la classe moyenne et enfin la plèbe.

Elie Benchetrit

Un monde que les grands-parents de la romancière vont devoir quitter lors de leur exil à Paris à la suite du grand incendie qui ravage Salonique en 1917. La résilience à vouloir se reconstruire coûte que coûte dans cette douce France, phare de liberté que leur a fait miroiter l’enseignement de l’Alliance israélite universelle, mais surtout un attachement indéfectible aux traditions sépharades héritées du vieux pays. Janja, la mère devenue Jenny, fréquente l’école laïque où elle excelle. La fille, Michèle, est née en Bretagne, un plus dans son CV de « Française de souche ». Et puis la guerre, la déroute de l’armée française, l’occupation et ses privations, suivies des lois iniques de Vichy tout d’abord à l’égard des Juifs apatrides, les indésirables de la République, puis appliquées à l’esemble des Juifs, l’obligation du port de l’étoile jaune, la confiscation et l’expropriation de leurs biens destinés à être « aryanisés  », le marché noir, les rafles suivies des déportations vers les camps de la mort. Le départ enfin de la famille Benrey en zone libre à Nice. Un semblant de répit dans cette ville ensoleillée malgré l’absence des grandsparents restés cachés à Paris. L’invasion de la zone libre par les troupes allemandes et un nouveau départ pour un refuge plus sûr, le Vercors, fief de la résistance avec des épisodes tragiques comme les exécutions sommaires aussi bien des résistants que des villageois pris en otage. Par-dessus tout, l’insouciance d’une fillette qui voit la guerre se dérouler devant elle sans trop comprendre ce qui se passe. La fin de la guerre, le retour tant espéré à Paris, retrouver une vie normale et le souhait de Jenny que sa fille Michou devienne une Française de souche « dont l’origine du produit était omise » et qui devient Michèle-Marie, baptisée dans la paroisse de Saint-François-Xavier. Michèle Benrey devenait ainsi une Juive du silence à qui sa mère Jenny au crépuscule de sa vie avouait sa vraie origine. 1 Extrait du roman Pas pleurer , Ed. du Seuil, Prix Gongourt 2014. 2 Borekitas, du mot börek, gâteau salé en pâte feuilletée, originaire des Balkans,

farci de viande ou de fromage; pastelikos, du ladino, petits gâteaux; huevos haminados, oeufs que l’on a fait cuire toute une nuit dans le hamim, le plat traditionnel du shabbat chez les Juifs de Turquie et du Moyen-Orient, un peu la réplique des œufs dorés de la dafina, plat traditionnel du shabbat de la cuisine juive d’Afrique du Nord. 3 Gente alta : (espagnol), les gens de la Haute. Gente buena : (espagnol), les gens de bonne famille.

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ITINÉRAIRES DE JEUNES SÉPHARADES D'ICI ET D'AILLEURS

Paris-Casablanca (le retour imprévu)

Avishag Zafrani

Par Avishag Zafrani

Docteure en philosophie, Avishag Zafrani, chercheuse au sein du laboratoire PHILéPOL (philosophie, épistémologie et politique) et pour la Fondation pour la mémoire de la Shoah, est chargée de cours à l’Université Paris Descartes.

Le 22 mai 2016, je prends l’avion pour le Maroc, dix-huit ans après mon dernier voyage à Casablanca, où j’avais l’habitude de rejoindre mes grands-parents maternels et paternels, qui habitaient la même rue, nommée alors rue du commandant Cottenest. Mes étés d’enfant et d’adolescente, je les ai passés sur les toits de la ville blanche, sur les plages de la côte atlantique, dans les souks de la médina, et aux terrasses des anciens cafés européens à jouer aux dames avec mon grand-père. Il est difficile de partager ces souvenirs intimes, et de rendre publiques des bribes de mon histoire familiale, qui bien qu’auréolée de la douceur de vivre du pays du couchant, renvoie également à un drame que je tiendrai secret. Le Maroc appartenait depuis au passé, et peut-être me manquait-il obscurément. Aussi appréhendais-je ce retour aux sources, inconsciemment taries par le quotidien occidental, qui ces dernières années notamment, en France particulièrement, fut marqué par des tragédies successives, surgies de conflits identitaires. Je n’ai pas pris la décision de partir seule. J’étais invitée par l’Association des amis du musée du judaïsme marocain et le gouvernement du Maroc, avec d’autres descendants de Juifs marocains, à découvrir le pays de nos ancêtres – mais il fût le mien un temps aussi. De Rabat à Casablanca, en passant par Tanger, Asilah, Fès, Meknès, nous avons visité – puisque c’est ainsi : la vie juive au Maroc appartenant dorénavant plus à la muséologie – les synagogues vides, les anciens mellahs, et les cimetières. Ces immenses cimetières, blancs, sans organisation interne, avec les sépultures de rabbins, les tombes sur lesquelles étaient gravés des noms familiers. Il est étrange de se sentir chez soi dans un cimetière. Je me souviens du cimetière israélite de Tanger, gardé par une famille musulmane. À l’entrée, les femmes étendaient le linge au-dessus des tombes ou à même la pierre chauffée par le soleil, qui a manifestement l’avantage de simultanément repasser le linge. On ne fait pas la même chose au cimetière du Père-Lachaise, pour des raisons climatiques évidentes. À partir de cette image d’une vie qui s’accommode de la mort, parce qu’elle n’est pas une destination terminale, j’ai pris conscience – mais ce fut progressif – que je cherchais à l’instar de descriptions d’Albert Camus, ici, par ce retour, au sein des hivers symboliques de la mémoire disparue, un « été invincible »1. Pourtant, il me faut dire qu’une part de moi cultive une révolte intérieure contre le pathos de la nostalgie. Ce qui a été ne sera plus, et loin de languir avec force mélancolie les images d’un temps révolu, j’essaie de songer à un héritage heureux, augmentant ma perception du présent, et nourrissant mes espoirs pour l’avenir. Le romantisme du XIXe siècle a, dans une certaine mesure, valorisé le sentiment nostalgique d’un ailleurs, utopique, ou concrétisé dans les engouements nationalistes de

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l’époque, mais aussi dès lors, permis en sourdine le développement d’un ressentiment, ou d’un spleen, succédant aux désillusions que le réel ne manque pas d’apporter. Mais surtout, l’orientalisme est une configuration du romantisme, et il ne me concerne pas dans la mesure où l’orient n’a pas été un ailleurs, mais le foyer plurimillénaire d’une partie des Juifs. Le philosophe Vladimir Jankélévitch, avant d’en venir à ce qu’il nomme la nostalgie métaphysique, décrit les effets douloureux de l’exil, en utilisant l’analogie d’une plante qui dépérirait si l’on modifiait son environnement. La douleur de cet arrachement est largement compensée chez les hommes par la conscience, capable de se libérer des déterminismes matérialistes. Il faut un peu de temps bien entendu, afin que la mémoire se transforme en histoire, qu’aux départs traumatiques succèdent des sublimations suffisantes. Mais le travail de deuil n’est-il pas nécessaire ? En outre, en pensant à cette comparaison, je ne peux m’empêcher de me remémorer le groupe de jeunes Juifs canadiens qui nous accompagnaient, et qui n’avaient rien perdu des coutumes marocaines, dérogeant à la loi de l’accent québécois, grâce à la mélodie opposée de l’accent chantant d’Afrique du Nord. Le thermomètre inversé du Grand Nord n’a pas eu d’effet sur les traditions marocaines, bien qu’apparemment un régénérant voyage annuel en Floride de plusieurs semaines soit ajouté à ces traditions. Il faut dire que les Juifs marocains furent certainement moins que les Juifs tunisiens ou algériens, soumis à un départ dramatique, inexorable et brutal. Et puis, n’est-ce pas aussi le gouvernement marocain qui nous a permis de faire ce voyage ? Un pays arabe, arabo-berbère, officialise ici pour sa part, sa propre nostalgie des Juifs. Pas seulement le gouvernement. Je ne suis pas sociologue et je n’ai pas de statistiques sur un état des lieux de la population à cet égard. Mais j’ai quelques récits. J’ai prolongé le voyage sans le groupe, avec mon ami qui me rejoint de France, pour revenir dans la rue de mes grands-parents, à Casablanca, dans la ville de mes arrières grands-parents, à Essaouira.

Casablanca.

La ville, ma ville, qui juste après Ashkelon en Israël, m’a donné un point de vue sur l’océan et la mer et certainement le goût de la contemplation. À l’entrée de la rue, je revois l’épicerie qui a troqué son ancienne publicité murale Coca-Cola pour le très moderne Coca-Cola zéro, nous longeons les trottoirs de petits carreaux fissurés, et je reconnais les quelques immeubles restants. Mais la plupart sont en ruine. Et notamment la maison de mon grandpère. Personne n’y habite à nouveau. La terrasse fleurie n’existe plus. Ai-je rêvé le figuier devant la maison ? Il n’y est pas. Je prends quelques photographies, me demandant si je les montrerais à ses enfants,


ITINÉRAIRES DE JEUNES SÉPHARADES D'ICI ET D'AILLEURS

Cimetière juif de Tanger, 2016

« De Rabat à Casablanca, en passant par Tanger, Asilah, Fès, Meknès, nous avons visité – puisque c’est ainsi : la vie juive au Maroc appartenant dorénavant plus à la muséologie – les synagogues vides, les anciens mellahs, et les cimetières. » mes oncles et tantes, pour qui ce sera encore plus douloureux. En face, la synagogue Magen David. Je frappe à la porte et c’est Mahjoub qui m’ouvre, le gardien musulman. Il me reconnaît et me demande des nouvelles de Michel, mon oncle qui est le dernier à avoir quitté le Maroc. Il n’a rien oublié. Il me dit aussi que mon autre grand-père, de 85 ans, revient d’Israël pour les fêtes afin de prier dans cette synagogue. Il me semblait que c’en était une autre, confinée dans la médina. Nous parlons un peu, et j’apprends que Mahjouba, la femme qui s’occupait de notre maison, tant aimée par ma famille, et qui fut aussi ma nourrice, n’habite pas loin. Je ne m’attendais pas du tout à la retrouver. Mahjouba, fluette comme toujours, portant le voile à la manière bédouine, douce comme personne, me prends dans ses bras. De toutes les façons, je n’aurai pas les mots justes pour décrire combien elle m’a manqué, et quelle joie ce fut de la retrouver. C’était hier, j’étais encore dans la cuisine avec elle, en train de goûter toutes ses préparations, dans le salon, en train de regarder avec elle des soaps marocains en arabe, sur la terrasse, en train de lustrer l’argenterie. Nous parlons autour d’un thé, évidemment, et je ne sais pas comment du fond de ma mémoire, je comprenais à nouveau sa langue, puisqu’elle meparlait en arabe et je lui répondais en français. Elle ausi se souvient de tout. Elle, et Mahjoub, sont les gardiens de la vie juive d’antan au Maroc. Et Malika, à Essaouira. Attendent-ils que les Juifs reviennent ? Ils me semblent plus tristes que nous de ce départ, c’est toujours plus difficile pour ceux qui restent. Essaouira, la ville juive ainsi décidée par le Sultan, parce que ville portuaire et commerciale, et parce que les Juifs parlaient plusieurs

langues et qu’ils avaient des liens avec la diaspora; la mondialisation avant la mondialisation. Trente-huit synagogues, plus que deux aujourd’hui, dont celle du Rav Haïm Pinto2. À l’entrée, Malika toute de voile et de djellaba vêtue donne une kippa à mon ami pour qu’il se couvre la tête. Elle m’indique un portrait du Rav et me dit, « cet homme, il n’est pas très loin de Dieu ». Le culte des saints est respecté tant par les musulmans que par les Juifs. Elle dispose de deux réfrigérateurs, un pour le lait, un pour la viande, afin de cuisiner casher, quand les Juifs reviennent. Son père était déjà le gardien de la synagogue, c’est une histoire de famille n’est-ce pas ? Après tout nous sommes cousins. Et comme on le sait, si jamais une dispute arrive dans une famille, c’est le conflit le plus difficile à défaire. À quand remontent nos disputes entre Juifs et musulmans ? Pourquoi sontelles si dramatiques en France ? Il nous faudrait un Freud sépharade, et œcuménique, pour cette thérapie intercommunautaire.

Je suis rentrée le 4 juin 2016, mais ne suis toujours pas revenue de ce retour. Comme le dit mon oncle, la nostalgie renseigne plus sur la psychologie de celui qui l’éprouve que sur l’objet de la nostalgie elle-même. Depuis, j’accumule des lectures sur le Maroc, son histoire et aussi mon histoire, des origines berbères, aux mélanges arabes et andalous. L’érudition, la mystique, l’art culinaire, la musique, la joie, l’humour, un judaïsme libéral et parfois extravagant digne des romans d’Albert Cohen – connaissez-vous l’histoire de ce rabbin alchimiste du XIXe siècle à Essaouira ? – la langue et les dialectes, les liens avec les musulmans, avec les Européens…, dessinent aisément une culture qui transforme le passé nostalgique en narrations infinies.

1 Dans L’été, « Retour à Tipasa », 1937. 2 Rav Haïm Pinto (1748-1845), grand rabbin d’Essaouira (anciennement Mogador). Sa tombe, élevée au centre du cimetière israélite, est le lieu d’un pèlerinage annuel,

une hilloula réunissant de nombreux Juifs pour l’occasion. Comme on le sait, la hilloula concerne les Tsaddikim (les justes), et est une commémoration joyeuse.

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DÉCOUVERTE DES FIGURES DU MONDE SÉPHARADE

Le poète et commentateur Abraham Ibn Ezra (12e siècle)

adiel Caspi

Par Adiel Caspi

Née à Alger en 1937, Adiel Caspi, après des études littéraires et financières à Paris, a été conseiller de deux banques parisiennes en matière de placements à Wall Street. Il vit en Israël depuis 1975. Il est l’auteur, notamment, en 1981 de « Rue des Juifs », une version romancée de la vie et des rencontres de Abraham Ibn Ezra aux éditions de l’Ophel qu’il a fondées à Jérusalem et dont le but est la publication en français de livres sur des Sages du judaïsme. L’auteur s’est aussi spécialisé dans la médecine homéopathique et il a ouvert une clinique à Efrat, près de Jérusalem. Abraham Ibn Ezra est né vers 1089 dans une Espagne en guerre, en partie occupée par les Almoravides, guerriers musulmans venus d’Afrique du Nord. Devenu un brillant érudit, et un génial poète, il vécut la première moitié de sa vie dans plusieurs villes de son pays natal, là où il pouvait trouver un peu de calme. Vers 1146, il décida de quitter l’Espagne à cause des persécutions des nouveaux conquérants, les Almohades, tribus fanatiques venues également du Maghreb. La seconde partie de sa vie, il la passa à voyager en Afrique du Nord ainsi qu’en France et en Italie, peut-être ailleurs, visitant les communautés juives des grandes cités, pour mieux connaître leurs rabbins et pour les faire bénéficier de son immense savoir, tout imprégné de la culture judéo-arabe alors à son zénith. Il semble que lors de ses multiples pérégrinations, ses poèmes, commandés par d’importants personnages de la diaspora, aient constitué la plus grande part de ses maigres revenus. Mais l’essentiel de son activité – et de sa notoriété postérieure en Europe latine – il la doit à la publication de ses nombreux traités. Il rédigea ainsi plus d’une centaine de livres consacrés à l’astrologie, à l’astronomie, aux mathématiques, à la philosophie, à la grammaire hébraïque, à la poésie, et évidemment, à son fameux commentaire de la Bible, que l’on trouve aujourd’hui dans la plupart des éditions hébraïques du TaNaCh, de la Bible hébraïque, à côté de celui de Rachi (12e siècle) À quoi fut dû le grand succès de son commentaire biblique ? D’abord à son style si vivant et si plein d’esprit. Puis à son souci de ne pas s’écarter du pchat, l’explication simple ou littérale, grammaticale, souvent opposée aux commentaires basés sur les anciens midrashim1 du Talmud ou sur des textes rabbiniques enseignés dans les écoles juives. Ce qui ne veut pas dire que tout est clair dans le commentaire de Ibn Ezra de la Torah : il s’y trouve de petites phrases mystérieuses qui ont peut-être contribué à leur succès, et qui se terminent parfois par les mots « Ha mevine yavine » : celui qui sait comprendra. Qui sait quoi ? Il s’adresse à ceux pour qui ses allusions sont plus claires, et qui comme lui ont étudié les traités philosophiques d’Averroès (12e siècle) et d’autres philosophes arabes de son temps, grands admirateurs d’Aristote, notamment les textes de Abou Ma’shar (9e siècle) qu’il cite si souvent. 64

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Mais cette formule sibylline, « Ha mevine yavine », fait aussi allusion à des explications rationnelles des Écritures qui auraient choqué des lecteurs très attachés à leurs anciennes traditions. Le philosophe Spinoza (17e siècle) arriva à la conclusion que Ibn Ezra s’approcha peut-être de la vérité quand il nota que certains versets de la Torah étaient anachroniques : ces derniers prouvaient, selon lui, que Moïse n’était pas l’auteur de la totalité des versets de la Torah ou du Pentateuque, et que certains passages étaient donc dus à des auteurs postérieurs. À noter que Ibn Ezra cite assez souvent des commentaires de Karaïtes (pour qui la loi orale n’est pas d’origine divine) : il le fait, en général, pour rejeter la légèreté de leurs explications. Mais certains lui ont reproché de faire bien trop de cas de ces écrits Karaïtes, et même d’être parfois influencé par leurs opinions hérétiques. Ce sujet fut longtemps débattu. On ne sait pas grand-chose de la vie familiale de Abraham Ibn Ezra, sinon qu’il eut un fils, nommé Yitstrak, dont la mère aurait été la fille de son ami, le célèbre poète Yehuda Halevi, né lui aussi à Tudele. Tous deux utilisèrent la même forme de poésie musicale, le muwashah des poètes arabes2. Une légende veut que Yehouda Halevi s'endormît un jour avant de terminer le verset d’un poème commençant par la lettre hébraique reish. Quand il se réveilla, il vit qu’une main avait terminé le verset. Il s’écria : seul un ange ou bien Abraham Ibn Ezra aurait pu écrire d’une telle façon… Les poèmes d’Abraham révèlent souvent un profond mysticisme, et certains ont été repris dans la liturgie des jours sacrés. Ce qui différencie les deux hommes est que les poèmes et les prières de Yehuda Halevi sont pleins de sa nostalgie pour Sion et le Temple de Jérusalem, et attendent la renaissance prochaine du peuple juif, tandis que les vers de Ibn Ezra sont davantage imprégnés de sa recherche tout intérieure du Créateur et de ses mystères, cachés dans les Écritures saintes.

1 Enseignements sous formes de récits ou paraboles (ndr). 2 Poésie de cinq à sept strophes à rimes variées (ndr).


JUDAÏSME

Un Piyout pour la fête de Hanouca

Daniel Lasry

Par David Bensoussan et Daniel Lasry

Un Piyout de Hanouca du Rabbin Hayim Pinto À mon Dieu unique en son essence, Je fais des louanges pour célébrer Un prodige fait à la descendance De Matatiahou le Macchabée === Il a sauvé une communauté errante Le monde est empli de Sa majesté Remerciez D. car Il est bonté Et Sa bonté est permanente === Les Hellènes se sont concertés Ensemble à dessein Pour cruellement nous écarter Des commandements divins. ===

À nous la fierté et la réjouissance Car de Sa bonté Il nous a inondés Remerciez D. car Il est bienfaisance Immarcescible est Sa générosité Les Hellènes vinrent au sanctuaire Souiller les huiles consacrées. Les Macchabées vérifièrent et trouvèrent Une minuscule fiole d’huile sacrée. === Fiole fermée et scellée Par le Pontife apprêtée À l’Éternel les louanges exaltantes Car sa bonté est omniprésente === Il y en avait pour une journée Du Très-Haut la bénédiction Plana octroyant l’onction Par miracle octuplée

Le piyout est un poème liturgique chanté ou récité à diverses occasions. Le piyout ci-dessous est l’un de ceux qui sont chantés lors de la fête juive de Hanouca dans les communautés sépharades et son auteur est Rabbi Hayim Pinto (19e siècle).Merci au hazan (chantre) Daniel Lasry de la Congrégation Ohr Hayayim (Montréal) de nous l’avoir suggéré. Vous retrouverez d’ailleurs son interprétation sur la version Internet de notre magazine. Merci également à David Bensoussan pour sa traduction.

Ils se multiplièrent et excellèrent Grâce à l’intervention divine sublime Louez Dieu car Il est magnanime Et Sa bonté est pérenne. === Ces jours furent depuis fêtés Avec reconnaissance Car des ennemis ils furent délivrés Grâce à Sa prédominance === Chantez et exultez À la gloire de L’Éternel Remerciez-Le pour Sa bonté car Sa sollicitude est éternelle

« Va mon bien-aimé » Par David Bensoussan Nous nous sommes servis pour cette brève présentation de ce dernier ouvrage de notre collaborateur au LVS, David Bensoussan, de sa présentation en 4e de couverture de son livre. Au 16e siècle, le piyout ou poème liturgique « Lékhâ dodi » (Va mon bien aimé), composé par le rabbin Salomon Alkabetz à Safed a conquis le monde juif. Il a été adopté dans la liturgie juive et on le chante, dans toutes les communautés, le vendredi soir à la synagogue à la tombée de la nuit pour accueillir le shabbat. « Viens mon bien aimé, au devant de ta fiancée, le shabbat paraît, allons le recevoir ». Cette adoption unanime de ce piyout qui se chante sur des airs différents selon les rites sépharades ou ashkénazes, montre que ce poème a touché la corde sensible du peuple juif, car il exprime l’espoir de la fin de l’exil, la reconstruction de Jérusalem et la rédemption de l’humanité à l’ère messianique. David Bensoussan nous présente, dans ce court ouvrage, une traduction et une analyse de ce piyout très populaire à la lumière de la symbolique rabbinique. Cette présentation vise à en dégager la puissance évocatrice, symbolique et mystique qui est emblématique de la condition et des espoirs juifs au travers des âges. MAGAZINE LVS

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Vie communautaire

La Mission de solidarité et le projet des bar-mitzvot se portent à merveille !

La Mission de solidarité, sous la présidence de Marcel Elbaz, dirigée par Benjamin Bitton et coordonnée par Sabine Malka, s’est déroulée du 14 au 24 novembre dernier. Cette année, entre cette mission de l’automne et la mission éclair effectuée en février dernier, un total de 118 bar-mitzvot ont été célébrées au Kotel à Jérusalem. Outre ce projet, la Mission comprend également du bénévolat effectué par les participants dans la région de Beer-Sheva, ville jumelée à Montréal. Ainsi des garderies, des cuisines populaires, des centres alimentaires et des centres pour personnes handicapées ont bénéficié du dévouement et de la générosité de ces participants. La Mission de solidarité et son projet des bar-mitzvots existent depuis plus d’une dizaine d’années grâce aux fonds recueillis, notamment lors du Bazar annuel tenu chaque année et surtout grâce aux généreux donateurs invités du Gala annuel de la Mission.

Le prochain Gala annuel de la Mission aura lieu le 5 mars 2017 à 17 h 30 dans les Salons Chagall, 6501, chemin Kildare, Côte-Saint-Luc, sous la présidence de Mme Sonia Ohnona. Si vous désirez vous aussi participer en offrant une bar-mitzvah à un enfant d’une famille démunie ou un orphelin de Beer-Sheva, notez ce prochain rendez-vous dans votre agenda 2017. Vous ne regretterez pas votre présence à cette magnifique soirée !

Pour toute information, vous pouvez contacter Sabine Malka  : 514 733-4998, poste 8230 ou smalka@csuq.org

Hessed et les paniers des fêtes Cette année encore plus de 520 familles, soit 2 500 personnes en difficulté, ont pu bénéficier des paniers que Hessed prépare et distribue lors de la période des fêtes. L’année 2016 a été exceptionnelle puisque cet organisme de la CSUQ a effectué deux distributions, soit la veille des fêtes de Roch-Hachana et de Souccoth. Ceci a pu être possible grâce à la générosité de M. Marc Kakon, président de Hessed, qui a sollicité de nombreux donateurs de notre communauté et des membres de sa Congrégation sépharade de Naar Chalom à Hampstead. Nous tenons à remercier tout particulièrement Mme Rachel Elbaz pour ses efforts et son dévouement à la collecte de fonds.Il faut souligner toutefois que l’organisme a besoin d’une aide récurrente, car malheureu66

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sement ces familles sont dans le besoin toute l’année, et pas uniquement au moment des fêtes. C’est pourquoi nous comptons sur votre générosité. Hessed a pour mission de soutenir les personnes les plus démuniesde notre communauté, à Montréal, prises avec des situations d’urgences ponctuelles ou des demandes qui ne répondent pas aux critères d’assistance des organismes d’aide sociale. Nous distribuons les fonds recueillis directement aux bénéficiaires notamment en aide récurrente, aide en résidence et aide d’urgence.


Vie communautaire

Semaine de relâche Des enfants au camp, des enfants contents

Si vous cherchez comment occuper vos enfants pendant la semaine de relâche scolaire, pensez au camp du département jeunesse de la CSUQ. Le camp de la semaine de relâche est offert aux enfants de 5 à 12 ans pendant leur congé scolaire de février, soit du 20 au 23 février 2017, de 8 h 30 à 16 h 30. Les activités comprennent : la glissade sur tubes, Arbre en Arbre, Lasertag et jeux d’hiver. Pour toute information ou inscription, vous pouvez écrire à Éric Choukroun à echoukroun@csuq.org ou le joindre au 514 733-4998, poste 8135

Yahad 2017

Yahad est un programme de leadership du département jeunesse de la CSUQ destiné aux jeunes du secondaire 3, 4 et 5. Ce programme de trois semaines du 27 juin au 17 juillet 2017 comprend une semaine de bénévolat avec des jeunes Israéliens dans la région de Beer Sheva-B’nei Shimon et des visites organisées dans tout le pays qui permettent de découvrir les principaux sites touristiques d’Israël. À leur retour, les participants s’impliqueront activement dans les programmes du département jeunesse de la CSUQ.

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n est une associatio e c n e ri e p x E h Kesher Jewis emble les étudiants juifs de Montréal

tréal ncophone de Mon sur les campus fra s ur lle ai d’ ux et ce technique tréal, HEC et Poly l’Université de Mon

• Reconnu officiellement par l’Université de Montréal

• Encourage le développement de leadership et renforce l’identité juive étudiante afin de développer un sentiment d’appartenance à la communauté juive de Montréal

qui fait le lien et

rass

• Offre une variété d’évènements et programmes éducatifs, sociaux et culturels • Repas de Shabbat et des fêtes

www.kesher.ca

Kesher Jewish Experience

La rentrée de ALEPH s'est effectuée le dimanche 18 septembre avec une journée de réflexions sur « Migrations comparées de Juifs et Musulmans d’Afrique du Nord au Québec » organisée conjointement par r D Sonia Sarah Lipsyc (ALEPH/CSUQ), Dr Perla Serfaty Garzon (Faculté d’Aménagement de l’Université de Montréal) et la professeure Yolande Cohen (groupe Histoire Femmes Genre et Migrations-HFGM- de l’UQAM). Cette journée, dans le cadre du projet « Pour une citoyenneté canadienne réussie des Juifs et Musulmans originaires d’Afrique du Nord au Québec », subventionnée par Citoyenneté et Immigration Canada, a proposé de 10h à 16h des conférences avec le Professeur Sébastien Lord (UDM), Souad Larbi Messaoud, architecte et doctorante (UDM) et des témoignages avec Khadija El Bouhali, Nuzha Tahiri, Leila Lesbet, Charles Bensimon, Sydney Saadia Elhadad et David Sultan. Dr Rachida Azdouz a conclu cette journée qui a réuni de façon conviviale presque 100 personnes. Quatre autres rendez-vous dans le cadre de ce projet suivront d'ici mars 2017 dont l’activité au cours du Festival Sefarad, « Hospitalité et rapport à l’autre ou apprendre (de) l’autre » et un colloque en mars sur « Engagement citoyen et valeurs de la démocratie au Canada ».

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• Une expérience du judaïsme, dans un environnement chaleureux, dynamique et inspirant sans porter de préjugés

438.985.4709

Journée du 18 septembre 2016

Aleph a été, une fois de plus présent au Festival Sefarad au travers notamment de «  la journée commémorative des réfugiés juifs des pays arabes et d’Iran » ou des conférences avec le rabbin Ilan Acoca sur l’origine des coutumes sépharades et Jacques Attali. Le programme plus spécifiquement d'études juives de ALEPH reprendra de janvier à juin. Il y aura notamment une soirée d'études régulière : « Si le Talmud nous était conté », une fois par mois avec le Dr Sonia Sarah Lipsyc et le cycle très efficace : « Comment apprendre à lire l’hébreu en dix leçons » avec le rabbin Mellul (dates à déterminer). Si vous êtes intéressés par ces activités, faites-le nous savoir en écrivant à slipsyc@csuq.org (Attention ! Nombre limité d’inscription pour le cours d’hébreu).

infopub


RECETTES DE CUISINE POUR TOUS LES JOURS ET JOURS DE FÊTES

Poisson au four

Compote pomme, miel, figue et vanille

Recettes

Churos espagnols

Beignets de Casablanca


Poisson au four par Gilberte Cohen Scali

Compote pomme, miel, figue et vanille par Stéphanie Borel

1

Dorade ou mérou. 4 pommes de terre coupées en rondelles. 2 citrons entiers coupés en rondelles. 2 tomates tranchées en rondelles. 2 têtes d’ail épluchées et tranchées. ½ bouquet de coriandre émincée en deux parts. ½ bouquet de persil émincé en deux parts égales. Sel, poivre, safran, ¼ t. d’huile, ¼ t. d’eau.

5 pommes 3 poires 10 abricots secs 5 figues sèches 50 g de miel 1 gousse de vanille

Laver le poisson. Pour le dernier rinçage, utiliser une eau vinaigrée, puis rincer aussitôt, saler et laisser égoutter.

Éplucher et couper les pommes en petits morceaux, les mettre dans une sauteuse.

Dans un plat allant au four, déposer les pommes de terre, les citrons, l’ail, la coriandre, le persil, l’huile et le sel. Ajouter un peu d’eau et passer au four à 350 oF. Quand les ingrédients sont mi-cuits, y déposer le poisson après avoir retiré une couche de pommes de terre.

Couper les fruits secs en petits morceaux et les ajouter aux pommes.

Ajouter le poisson en le couvrant de pommes de terre; Décorer avec des rondelles de citrons, des tranches de tomates, la seconde part de persil et de coriandre, un filet d’huile et enfourner pendant 10 minutes; Remplacer le safran par du curcuma et du poivre si désiré.

Ajouter le miel et faire compoter pendant 30 minutes.

Fendre la gousse de vanille en deux et racler la pulpe. La mettre dans la sauteuse.

1 La

Beignets de Casablanca

par Gilberte 1 Cohen Scali

1 Retrouvez

Pour 2 pers.

Pour 4 pers.

Pour 4 pers.

Pour 4 pers.

1 kg de farine tout usage. 3 œufs. 3 /4 t. d’huile. 3 /4 t. de sucre. 1 carré de levure de bière (30 g). 1 à 2 cuillère à thé de sel 3 tasses ou plus d’eau tiède. Huile pour friture. Dans un grand bol, mélanger tous les ingrédients en ajoutant de l’eau au fur et à mesure, de façon à obtenir une pâte très légère. La couvrir de plastique et d’un linge. Laisser lever une heure environ. Former de petites boules de pâte et les déposer sur une surface farinée. Couvrir d’un linge et laisser lever à nouveau. Prendre les boules une à une. À l’aide du pouce, ouvrir un large trou au milieu pour former les beignets, et les plonger aussitôt dans une huile chaude. Les faire frire des deux côtés. Égoutter les beignets dans une passoire, puis les déposer sur du papier absorbant. Les disposer sur un plat de service et les saupoudrer de sucre fin. Servir aussitôt : ces beignets se mangent chauds. 1 La

cuisine sépharade marocaine des grands jours et du quotidien, édition Communauté Sépharade Unifiée du Québec, Montréal, 2011.

toutes les recettes de Stéphanie sur sa page Facebook @stephncookchef

Churros espagnols par Elie Benchetrit

Découpez et collectionnez vos recettes préférées

cuisine sépharade marocaine des grands jours et du quotidien, édition Communauté Sépharade Unifiée du Québec, Montréal, 2011.

1

1

400 g de farine blanche Un sachet de levure sèche 10 g de sel 400 cl d’eau tiède à 40 degrés Huile de canola ou de tournesol pour la friture Mettre la farine dans une terrine, ajouter la levure et bien mélanger, puis ajouter le sel et bien remuer le tout. Faire chauffer l’eau, il ne faut pas que celle-ci soit bouillante, seulement tiède. Verser l’eau dans la terrine et bien mélanger jusqu’à obtenir une belle pâte lisse. Couvrir et laisser le processus de fermentation s’activer pendant une heure. Chauffer l’huile (elle doit être abondante) dans une bassine. Mettre la pâte levée dans une manche à douille. Serrer bien la manche et faire tourner pour évacuer la pâte sur l’huile bien chaude tout en tournant afin d’obtenir une spirale de pâte que l’on doit retourner une fois que la partie du dessous est bien dorée. Retirer de la bassine et poser sur du papier absorbant afin d’éliminer l’excédent d’huile. Couper en morceaux et saupoudrer de sucre ou tremper dans du miel et déguster. En Espagne, on mange les churros tout en savourant une bonne tasse de chocolat chaud. 1 Nous

attendons avec impatience son livre de recettes


LA TRADITION CONTINUE AU CLUB DE GOLF HILLSDALE

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LUNDI

12 juin 2017

ABONNEMENT L’équipe LVS vous remercie pour votre soutien et générosité Trois dollars seront affectés annullement à l’abonnement

LVSmagazine.com/donation-abonnement

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LE CONSEIL D’ADMINISTRATION DES OBLIGATIONS D’ISRAËL CANADA/CANADA-ISRAËL VALEURS MOBILIÈRES LIMITÉE A LE PLAISIR D’ANNONCER LA NOMINATION DE

RAQUEL BENZACAR SAVATTI

CONSEIL D’ADMINISTRATION Canada-Israël Valeurs Mobilières Limitée

«

Président du conseil Israel Maimon Administrateur et secrétaire Barry Zagdanski Administrateur et trésorier Mike Florence

Administrateur Robert B. Issenman Administrateur Israel (Izzy) Tapoohi Administrateur et chef des finances Jeff Pollack Administratrice et chef de la direction Raquel Benzacar Savatti

Nos parents et nos grands-parents ont investi dans les Obligations d’Israël pour aider à développer et bâtir le pays, afin de donner un foyer à des Juifs du monde entier. Aujourd’hui, nous investissons en Israël pour soutenir une nation dont l’esprit d’innovation profite à ses citoyens ainsi qu’à ceux de pays proches et lointains. Je me réjouis de réintégrer l’organisation des Obligations d’Israël et j’ai hâte de renouer avec notre communauté d’investisseurs dévoués, qui reconnaissent le pouvoir et la promesse d’un placement dans le développement de l’État d’Israël.

»

Administrateur George A. Cohon Administratrice Ora Stolovitz

AU POSTE DE CHEF DE LA DIRECTION

Mme Benzacar Savatti réintègre l’équipe des Obligations d’Israël après une pause de deux ans durant laquelle elle a assumé la direction générale de Ezer Mizion au Canada. Au cours de son mandat, elle a sensibilisé la communauté à cette importante organisation israélienne de services de soutien à la santé, ainsi qu’à son Registre de moelle épinière, en développant les relations avec les donateurs, nouveaux et anciens, et en faisant connaître l’organisation au moyen d’événements et de campagnes de large envergure. Raquel mettra à profit une riche expérience dans ses fonctions de chef de la direction des Obligations d’Israël. Elle a débuté sa carrière aux Obligations d’Israël Canada en 2001, à titre de directrice des divisions des femmes et des synagogues. Au cours des treize années qu’elle a consacrées à l’organisation, elle a occupé divers postes de direction, dont : directrice de division, directrice des ressources humaines, chef du service à la clientèle et chef de l’exploitation. « Raquel a gagné le respect et l’admiration de ses collègues, ainsi que de donateurs, d’investisseurs et de dirigeants communautaires partout au pays. Nous sommes confiants qu’elle contribuera à perpétuer notre succès », a déclaré le président et chef de la direction mondial des Obligations d’Israël, M. Israël Maimon. Les Obligations d’Israël sont vendues toute l’année au Canada exclusivement par Canada-Israël Valeurs Mobilières Ltée.

L’Association des écoles juives (AJDS) est à la recherche d’un professionnel senior dynamique, expérimenté, pour occuper le poste de directeur général. AJDS est une association d’écoles privées indépendantes dévouée au développement de futurs citoyens de la communauté fortement et solidement enracinés dans leur identité juive et bien préparés académiquement pour leur avenir.

Résumé de l’offre Relevant du Conseil d’administration, le directeur général représente les intérêts de ses écoles et assure la liaison entre le gouvernement, les organismes communautaires et les membres de l’association.

Responsabilités : •

Représente ses membres devant une grande variété de publics afin de promouvoir les priorités et les intérêts de AJDS à l’échelle locale et provinciale, y compris le gouvernement et les organismes communautaires;

Agit comme conseiller cadre auprès de l’exécutif et du Conseil d’administration sur toutes questions actuelles et émergentes posant des défis dans le secteur de l’éducation au Québec qui pourraient affecter ses membres;

Supervise la mise en œuvre des décisions du Conseil d’administration et de ses comités;

Offre un leadership pédagogique et des conseils à ses écoles membres afin de promouvoir les meilleures pratiques et encourager la planification coopérative;

Cherche des sources de financement supplémentaires au profit des écoles membres;

Supervise la gestion des ressources humaines et financières de l’association.

Félicitations

Minimum requis de qualification : •

Diplôme universitaire dans un domaine d’étude pertinent;

10 ans d’expérience de haute direction, de préférence dans un environnement éducatif;

Compétences en français et en anglais à l’oral et à l’écrit;

Excellentes aptitudes en communication et en relations interpersonnelles;

Habilités prouvées à travailler en collaboration et à bâtir de solides relations de travail avec les parties prenantes internes et externes;

Compréhension du cadre éducatif québécois, y compris les aspects juridiques, pédagogiques et financiers.

Les candidats qualifiés sont invités à faire parvenir leur candidature avant le 31 janvier 2017 à : info@ajdsmontreal.org

Lior à Arielle et Patrick Bensoussan pour la naissance de leur fils Lior Yehuda le 26 septembre 2016


TENDRE LA MAIN AUX AUTRES Je trouve très gratifiant de travailler avec les personnes qui ont des pertes de mémoire.

- Julie Morneau

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Carnet de la communauté C’est avec une immense tristesse que nous vous faisons part du décès de

Madame Aida Znaty Bat Fréha Z’L qui s’est éteinte le 6 octobre 2016 à Montréal. Mère de Henri Znaty, Juliette Rubio, Paul Znaty et Stella Kadoche.

Monsieur Isaac Israël Z’L qui s’est éteint le 12 octobre 2016. Conjoint de Mme Ofelia Martinez. Père et beau-père de Meir Israel et Samantha Benedek. Grand-père de Joshua et Arielle. Frère et beau-frère de Jose Israel, Mimi et Isaac Abitbol, Vidal et Rachel Israel, Yolli Israel.

Épouse de Prosper Lévy, photographe bien connu à la Plaza Côte-des-neiges et à Casablanca. Éliane Lévy Z”L Née Bénitah 20 novembre 1935 - 5 août 2016 À notre mère, grand-mère, épouse et tante adorée. Pour toujours dans notre cœur. Merci maman, notre pilier, meilleure amie et inspiration. Exemplaire par ton amour indéfectible de la Tsedaka et du Shabbat. Chérie par papa, un amour de femme, si belle, une reine pour nous tous.

Madame Flory Benbaruk Z’L qui s’est éteinte le 10 novembre 2016 Épouse de feu de M. Salomon Banbaruk Z’L

Monsieur Hanania Nezri Z’L qui s’est éteint le 05 novembre 2016. Conjoint de Mme Simy Wizman. Père et beau père de Yvonne et Sam Abittan, Joseph et Betty, Sam et Judith, Jeanine et François Bensimon. Grand-père de Muriel, Stéphanie, Eva et Karine Abittan; Vanessa, Jonathan, Laura et Olivia Nezri; Nathaniel, Hannah, Leah, Sarah, David, Eliyahou, Noah et Yaël Nezri; Michael et Natasha Bensimon.

Nous présentons aux familles éprouvées nos condoléances très émues.

HEVERA KADISHA de Rabbi Shimon bar Yohaï Confrérie du dernier devoir

Nous informons la population que la Communauté Sépharade Unifiée de Québec possède un cimetière communautaire à Beaconsfield avec des lots à prix très abordables.

URGENCE ?

Appeler M. David Benizri 514-824-7573

Pour toute information appelez 514-733-4998




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