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Télétravail : m ise à jour des aspects transfrontaliers
I Introduction
Ce document a pour objectif de répondre aux principales questions juridiques soulevées par le télétravail transfrontalier, notamment au sujet des conséquences qu’il entraîne en matière d’assurances sociales et de fiscalité. Nous examinerons ici la situation qui s’appliquera à compter du 1er juillet 2023. Tout d’abord, il y a lieu de définir deux notions qui permettent de mieux appréhender cette nouvelle pratique. Le frontalier est la personne qui a sa résidence dans un Etat et qui exerce une activité salariée sur le territoire d’un autre Etat en retournant à son domicile en principe chaque jour ou au moins une fois par semaine. Si le travailleur frontalier exerce une partie de son activité salariée en télétravail dans son Etat de résidence, cela entraîne un changement d’assujettissement au régime de sécurité sociale et d’imposition, changements que nous allons brièvement parcourir ici.
II. ASSUJETTISSEMENT AUX ASSURANCES SOCIALES
Lorsqu’une entreprise occupe un travailleur frontalier, elle doit déterminer quel Etat est compétent pour percevoir les cotisations sociales. En principe, pour les ressortissants européens résidants dans l’UE/AELE, la perception des cotisations sociales se fait dans l’Etat du lieu de travail.
Qu’en est-il lorsque le travailleur frontalier exerce son activité dans plusieurs Etats, par exemple en cas de de télétravail ? Depuis le 1er juillet 2023, deux régimes seront applicables.
A. Nouvel accord étendant les possibilités de télétravail (1er juillet 2023)
Certains pays de l’UE/AELE ont décidé de conclure un accord dérogatoire multilatéral, prenant effet au 1er juillet 2023, permettant aux travailleurs frontaliers d’exercer jusqu’à 49,9 % de leur activité depuis leur pays de résidence sans que cela n’ait d’impact sur les règles de sécurité sociale. La compétence de l’Etat du siège de l’employeur est ainsi maintenue.
A ce jour, les pays voisins que sont l’Allemagne, le Liechtenstein et l’Autriche ont manifesté leur intention de ratifier l’accord. La liste est régulièrement mise à jour et peut être consultée sur le site de l’OFAS. En résumé, dès le 1er juillet 2023, les travailleurs frontaliers occupés par un employeur suisse qui télétravaillent jusqu’à 50 % (au maximum 49,9 % du temps de travail) depuis l’Allemagne ou le Liechtenstein peuvent rester assurés en Suisse.
Pour que l’accord s’applique à leurs salariés, les employeurs suisses doivent demander une attestation A1 (validité maximale de 3 ans, renouvelable) à leur caisse de compensation.
B. A pplication des règles ordinaires pour les pays non-signataires
En cas de télétravail sur le territoire d’un Etat qui n’a pas signé l’accord ou pour un employeur ayant son siège dans un Etat qui n’a pas adhéré à l’accord, les règles ordinaires applicables avant la pandémie seront à nouveau en vigueur. Cela signifie que les frontaliers ne peuvent pas télétravailler plus de 24,9 % de leur taux d’activité, soit un jour par semaine pour une personne dont le taux d’activité est fixé à 100 % , et pour autant que le frontalier n’exerce pas d’activité accessoire dans le pays voisin concerné. Si ce plafond est atteint ou dépassé, les personnes salariées sont alors soumises à la sécurité sociale de leur pays de résidence, et ce pour l’entier de leur activité.
III. ASPECTS FISCAUX
La fiscalité des collaborateurs frontaliers est un sujet complexe qui varie en fonction des cantons. Le principe est que l’employé frontalier est imposé et remplit sa déclaration d’impôt dans son pays de résidence. A Genève et dans les cantons qui ne font pas partie d’un accord international (Fribourg par exemple), l’employeur d’un frontalier doit néanmoins prélever un impôt à la source. Dans les cantons de Vaud, Valais, Neuchâtel, Jura (ainsi que Berne, Bâle-Ville, Bâle-Campagne, et Soleure), l’employeur n’a pas à prélever cet impôt pour autant qu’il fournisse à l’autorité fiscale une attestation de domicile que doit lui procurer son employé.
A. A ccord fiscal – France
Le 22 décembre 2022, la France et la Suisse ont conclu un accord relatif au volet fiscal des travailleurs frontaliers leur permettant de continuer à pratiquer le télétravail jusqu’à 40 % de leur temps de travail (annualisé) sans que l’Etat d’imposition du revenu ne change. En revanche, cet accord a également introduit une particularité selon laquelle le travailleur frontalier ne peut pas effectuer plus de 10 jours de voyage d’affaires par an, faute de quoi le statut de frontalier risque d’être perdu. A ce jour, des précisions sur les modalités d’application sont encore attendues.
B. Autres pays
En règle générale, les pays voisins admettent la pratique du télétravail jusqu’à un jour par semaine maximum. Si le frontalier dépasse ce seuil, il risque de perdre son statut de frontalier. L’entreprise devra alors prélever un impôt à la source pour le travail effectué en Suisse. Il est vivement conseillé de vérifier le régime fiscal applicable auprès de chaque Etat concerné.
IV. NOS CONSEILS
Concernant la France, nous déconseillons vivement d’autoriser plus d’un jour de télétravail pour les collaborateurs frontaliers en raison de la non-signature de l’accord dérogatoire par cet Etat. Dans le cas contraire, l’entreprise suisse s’exposerait au paiement de la sécurité sociale française, nettement plus élevée que les charges sociales suisses, ainsi qu’à d’importantes contraintes administratives.
Au sujet des Etats signataires de l’accord dérogatoire en matière de sécurité sociale, il est là aussi conseillé aux employeurs suisses de ne pas dépasser un jour de télétravail par semaine quand bien même l’accord prévoit une possibilité d’exercer du télétravail jusqu’à 49,9 % . En effet, ces Etats n’admettent généralement, sur le plan fiscal, qu’un jour de télétravail par semaine pour les collaborateurs frontaliers de telle sorte qu’en cas de taux supérieur, le frontalier risque de perdre son statut.