"Demain" N° 09 - Décembre 2020

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ACTUALITÉ ÉCONOMIE ET POLITIQUE

Quelques pistes pour lutter contre le « coronablues » La pandémie de Covid-19 qui perdure plombe le moral des collaborateurs, sur site comme en télétravail. Les constats d’une spécialiste de l’accompagnement en milieu professionnel et ses conseils pour surmonter cette période pour le moins difficile. Crises d’angoisse, accès de panique avec arrêts maladie, voire burnout : la crise du coronavirus n’est pas sans conséquences sur les employés. Des entrepreneurs nous rapportent de plus en plus de cas de collaborateurs impactés dans leur santé. Directrice de la Clinique du travail, établissement qui accompagne des entreprises dans la mise en place de programmes de prévention de la santé, Carole Wittmann n’observe pas de « déferlante de personnes complètement angoissées au sens premier du terme. Les motifs d’inquiétude ont trait principalement à la mise en place du télétravail, à l’organisation familiale, à la solitude de ceux qui étaient à l’arrêt, à la crainte de perdre son emploi, et à la confrontation au deuil. » Elle constate toutefois que la clinique, sise à Morges, prend en charge de plus en plus d’employés. Lors du premier semi-confinement, l’institution a mis en place une cellule de soutien pour les entreprises qui ne disposaient pas, à l’interne ou à l’externe, de personnes de confiance, afin de soutenir les collaborateurs qui étaient en télétravail, sur site, ou au bénéfice des RHT. « La difficulté a consisté à réinventer notre métier, basé sur l’humain, relève Carole Wittmann. Nous avons dû créer le lien par visioconférences, ce qui n’était ni facile ni adéquat pour tout le monde. »

« UN CERTAIN RAS-LE-BOL » La plupart des entreprises ont tenu le choc lors du premier semi-confinement. Mais qu’en sera-t-il du second, notamment pour les PME ? Certains employés, qui ont conservé leur emploi, pourraient craindre de le perdre cette fois-ci. La deuxième vague de la pandémie, plus violente, induit par ailleurs de nouvelles mesures assez strictes. « On sent un certain

ras-le-bol, une fatigue, une frustration face à leur côté liberticide, note-t-elle. La limitation des réunions de famille, c’est très intrusif ! On était en mode sprint lors du premier semi-confinement, c’était nouveau, presque sympa pour certains. Le second, c’est plutôt un marathon ; mais là, nous n’avons encore aucune idée de sa longueur… » Pour la directrice, les signes avant-coureurs d’un problème lié à la situation du Covid-19 sont similaires à ceux de l’épuisement professionnel. Dans le cas présent, il y a la peur d’attraper le virus et de contaminer des proches. « La maladie a un lien avec la mort : les médias ne cessent de nous donner le nombre de contaminations et de décès. Les ruminations par rapport à ce climat deviennent constantes, parfois incontrôlables. » Des tensions apparaissent alors au sein du couple et de la famille, la qualité du sommeil se péjore, la motivation baisse, un ennui qui peut également se traduire par un état dépressif. Des idées noires, voire potentiellement suicidaires, se font jour. La spécialiste observe que les réseaux sociaux jouent un rôle néfaste avec l’accumulation de mauvaises nouvelles et de fake news. « L’usure va augmenter, c’est probable, d’autant que l’on va arriver à la fin de l’année, qui rime avec fatigue. Et puis il y a les Fêtes, qu’une moitié des gens déteste et que l’autre adore… » Les conséquences à long terme sont difficiles à estimer selon elle, car tout peut changer rapidement en fonction des mesures prises par les autorités.

lièrement vigilant en matière de télétravail : « On ne gère pas une équipe sur site de la même manière qu’à distance. Certains collaborateurs vont se débrouiller seuls, d’autres auront besoin d’avoir tous les jours un point sur les projets en cours, des objectifs. Il convient de garder des contacts réguliers par visioconférence et, aussi, d’établir avec ses collègues un lien informel, comme le café au bureau. » Enfin, gare aux heures supplémentaires ! La directrice identifie deux catégories de collaborateurs : ceux qui vont se surinvestir par peur de perdre leur emploi, d’être mal jugés, et ceux qui auront tendance à se faire happer par plein d’autres choses que le travail : frigo, TV, réseaux sociaux, enfants… Carole Wittmann, sans vouloir peindre le diable sur la muraille, conclut que cette expérience peut hypothétiquement se répéter quand le cas du Covid-19 sera réglé : « Il faudra peut-être se préparer à une autre situation pandémique ou à autre chose en gardant cette agilité. Les entreprises, aujourd’hui, doivent intégrer cet aspect sous l’angle de la durabilité. »

POUR ÉCHAPPER À LA SINISTROSE Carole Wittman recommande de s’en tenir strictement aux annonces officielles et de limiter impérativement les connexions aux réseaux sociaux, très anxiogènes. On doit aussi veiller à conserver les liens, par téléphone ou par visioconférence. « Pour ce qui est du télétravail, il faut garder un rythme, se trouver une routine, s’organiser un espace de travail, s’aérer et bouger. » Lorsque l’on est à l’arrêt, elle rappelle que « le meilleur fitness, ce n’est ni Facebook ni Netflix : il faut donc privilégier la lecture, l’apprentissage d’une langue, la musique, etc., s’intéresser à des activités mises de côté par manque de temps. L’idée est d’aller vers ce qui fait du bien. »

GARDER DES CONTACTS RÉGULIERS L’employeur doit rassurer les collaborateurs autant qu’il peut le faire. Il doit être particu-

TEXTE JEAN-FRANÇOIS KRÄHENBÜHL JEAN-FRANCOIS.KRAHENBUHL@CVCI.CH


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