K O U LTO U R A
Du 6 au 20 mars 2009
Le Courrier de Russie
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Mikhaïl Yasnov : « J’ai ainsi intégré, par amour et désir pour la rime, le goût de la kacha » Le traducteur de Rimbaud et Verlaine explique pourquoi les enfants français préfèrent la bande dessinée à la poésie On raconte qu’il y avait à New York, sur le pont de Brooklyn, un mendiant aveugle. Un jour, quelqu’un lui demanda combien les passants lui donnaient par jour en moyenne. Le malheureux répondit que la somme atteignait rarement deux dollars. L’inconnu prit la pancarte que le mendiant portait sur la poitrine, et sur laquelle était mentionnée son infirmité. Il la retourna et écrivit quelques mots sur l’autre face. Un mois plus tard, il revint voir le mendiant qui se jeta à son cou : - Monsieur, comment vous remercier ? Je reçois maintenant dix et jusqu’à quinze dollars par jour. C’est merveilleux. Qu’avez-vous écrit sur ma pancarte ? » - C’est très simple, répondit l’homme, il y avait « aveugle de naissance », j’ai mis à la place « le printemps va venir, je ne le verrai pas ».
(histoire rapportée par Roger Caillois dans Art poétique).
Le Courrier de Russie : Georges Nivat nous disait récemment que la poésie russe était mal traduite en français. Qu’en pensezvous ? Comment cela s’explique-t-il ? Mikhaïl Yasnov : Nous avons souvent des discussions assez animées avec Georges sur le sujet. Les regards russe et français sur la traduction de la poésie sont en effet totalement différents ! L'école russe veut que l'on traduise en gardant le rythme et la rime, au risque d'une exactitude moindre, alors que les Français cherchent à rendre au plus près le sens, dans des traductions plus précises mais le plus souvent en prose. Pour les Russes, le rythme et la rime sont le sel de la poésie ! Et les traductions françaises font plutôt penser à des travaux universitaires. Je ne sais pas quelle est la meilleure solution, je cite souvent Mkhaïl Lozinsky qui disait : « la traduction est un art de la perte ». En traduisant, on renonce nécessairement à quelque chose à condition, bien sûr, de servir le but fixé. LCDR : Les lecteurs russes ne connaissent-ils pas mieux la poésie française que l'inverse? M.Y. : Si, bien sûr ! Mais la tradition est différente : nous traduisons des poètes français depuis trois cents ans. André Markowicz, l’un des meilleurs traducteurs du russe actuels, me disait à propos de Pouchkine : « Je peux traduire Baratynski, Viazemski, Derjavine... mais pas Pouchkine. Pour la bonne et simple raison que, traduit « en rythme et en
rime », Pouchkine a l'air d'une comptine.» Depuis, il a publié une traduction d'Eugène Onéguine, qui est magnifique. C’est la première traduction correcte de Pouchkine en français. LCDR : Vous avez écrit de nombreux livres pour les enfants, avec qui vous travaillez souvent. Les Russes vivant à l’étranger peinent souvent à transmettre leur langue à leurs enfants… M.Y. : C’est un problème qui ne touche pas seulement les émigrés : la maîtrise de la langue russe se perd chez les nouvelles générations… L'entourage est un facteur essentiel. Si, dans la famille, on s’occupe de l’enfant, il parlera russe. La poésie joue aussi un rôle majeur : je me revois, à un an ou deux, assis sur une chaise haute et mon bavoir autour du cou, devant une assiette de kacha. Je détestais ça ! Ma mère avait pourtant trouvé un moyen infaillible pour me la faire avaler : elle me donnait une cuillérée en prononçant : « Prom'nons-nous dans les bois Pendant que le loup n’y est – la cuillère se retrouve dans ma bouche – pas, si le loup y' était, il nous man… – rebelote – …gerait, etc.» J’ai ainsi intégré, par amour et désir pour la rime, le goût de la kacha. Je sentais qu’il y avait certainement quelque chose de beau et d’harmonieux caché derrière ! LCDR : Qu’en est-il de la poésie pour enfants en France ? M.Y. : L’éducation poétique n’existe pratiquement pas en France : dans le meilleur des cas ce sont des comptines, des jeux comme « à dada », ou des chansons. En Russie, le première poème pour enfants – un alphabet illustré – a été publié en 1634. Trois cent cinquante ans ! En France, la tradition est tout autre : on a toujours adapté des fragments de poèmes pour adultes – sur les oiseaux, le vent, les fleurs – pour les enfants… C’est seulement à partir de la première moitié du XXe siècle qu’apparaissent les premiers poèmes pour enfants véritablement populaires, avec Desnos ou Prévert par exemple.
Regardez aujourd’hui : ce sont non seulement les traducteurs, mais même les poètes contemporains qui écrivent en prose ! Comment peut-on écrire sans rime pour les enfants ? LCDR : A l’inverse, le genre de la bande dessinée est peu populaire en Russie… M.Y. : On se demande quelle niche pourrait occuper ce genre en Russie : ce n’est pas tout à fait un livre, pas tout à fait un album non plus… et puis c’est trop cher ! Certes, il y a eu des essais de traduction de Pif, d’Astérix et Obélix… mais cela n’a jamais marché. En France, la BD a des racines profondes : pensez aux images d’Epinal ou, plus loin encore, aux fresques des églises catholiques. Et puis, en France, un ado peut aller dans une librairie, et lire tranquillement sa BD assis dans un coin. Essayez de poser un coin de fesse par terre dans une librairie moscovite, vous verrez comment vous serez reçu ! Le texte a aussi son importance : le langage de la BD ne fonctionne pas en russe ! Prenez ne serait-ce que les onomatopées – les vlan ! smack ! et autres gulp ! –, en russe, elles ont l’air parfaitement stupides lorsqu’elles sont imprimées en toutes lettres. La poésie enfantine et la bande dessinée sont deux façons de s’approprier le langage et, comme dans le cas des écoles de traduction, il ne faut pas essayer d’imposer à tout prix une tradition dans un pays dont elle n’est pas issue. La BD peut en revanche avoir du sens pour des enfants qui ont une double culture franco-russe. Propos recueillis par Daria Moudrolioubova
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D.R.
Voilà qui exprime parfaitement ce qu’est la poésie ! s’exclame Mikhaïl Yasnov, l'un des plus grands traducteurs de poésie française et poète luimême, récemment couronné par le prestigieux prix « Master » de la Guilde des traducteurs littéraires de Russie pour ses traductions des poèmes d’Apollinaire et de Picasso. Dans un café de la Rive Gauche, la discussion nous emmène sur les chemins de la poésie et de la langue russe.
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