Estate Planning (13 juin 2024)

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Estate planning

SUPPLÉMENT DE L’ECHO DU 13 JUIN 2024

ALAIN-LAURENT VERBEKE PROFESSEUR EN DROIT PATRIMONIAL FAMILIAL

‘La

planification n’a pas pour but de déterminer qui, dans la famille, obtiendra un poste dans l’entreprise’

© DEBBY TERMONIA

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Rédaction finale: Ewa Kuczynski

Illustrations: Trui Chielens

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Éditeur responsable: Peter Quaghebeur

4 Philanthropie

Pas besoin d’un million d’euros pour devenir philanthrope

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Trois scénarios pour votre succession

Nos conseils en cas de déménagement, d’expatriation ou de donation d’entreprise

14 Gérez votre succession

Quid si vous héritez d’un compte bancaire à l’étranger?

18 Interview

Les considérations fiscales ne peuvent être le seul moteur d’une planification

22

Le mandat extrajudiciaire

Quelle est son utilité dans le cadre de votre planification successorale?

26 Conflits entre héritiers

Aucune famille n’est à l’abri d’un mauvais scénario successoral

3 L’ECHO JEUDI 13 JUIN 2024
planning
Estate
Table des matières

Pas besoin d’un million d’euros pour devenir

philanthrope

Les problématiques de notre temps, multiples et pressantes, inspirent les philanthropes, suscitant toujours plus de vocations. Un engagement mûri, très personnel, pour un impact optimal.

4 L’ECHO JEUDI 13 JUIN 2024 Estate planning Philanthropie

Estate planning

Le moteur de la philanthropie est plus que jamais le fruit d’une réflexion et d’une envie d’améliorer quelque chose dans le monde. Toujours plus de personnes, de tous profils et horizons, s’engagent dans cette belle aventure, sans plus attendre l’heure du décès. Chacune avec ses moyens. Les crises successives, qui ont marqué les esprits.

Tous publics

Grâce à l’évolution des technologies, des outils et moyens d’action innovants sont mis en place, tandis que les nouvelles façons de communiquer ont révolutionné les modes de récolte et de redistribution des dons.

Aujourd’hui, les jeunes n’agissent plus par tradition familiale, mais dans le cadre d’une démarche personnelle où le must est de voir les fruits de son action.

Une grande avancée qui a permis de rallier d’autres publics, désireux que les choses s’accélèrent. Les troupes de philanthropes s’étoffent et se rajeunissent.

Les jeunes n’agissent plus par simple tradition familiale, mais dans le cadre d’une démarche personnelle volontaire où le must est de participer et voir les fruits de son action. «Les jeunes générations de philanthropes – ¬30-50 ans – ont soif de positivité et de constater l’impact de leur engagement. Ils sont moins motivés à participer activement à de grandes associations qui existent depuis toujours. Ils ont besoin d’innovation et veulent explorer des voies alternatives pour optimaliser un projet. Ce qui les motive, c’est moins l’ampleur du problème que la force de la solution», résume Marie Logé, cofondatrice de Better, plateforme digitale destinée aux néo-philanthropes.

La philanthropie s’impose également comme projet intergénérationnel. «De plus en plus de familles offrent en cadeau à leurs enfants une fondation et leur confient sa gestion», constate Ludwig Forrest, Directeur Philanthropie à la Fondation Roi Baudouin (FRB). Parfois, ce sont les enfants qui prennent l’initiative, pour valoriser le patrimoine que leurs parents ont construit et acquis durant leur vie.«Le fait de réfléchir ensemble sur ces sujets rassembleurs, positifs et qui font du bien, cimente les familles», se réjouit-il.

«De plus en plus de familles offrent en cadeau à leurs enfants une fondation et leur confient sa gestion.»

DIRECTEUR

PHILANTROPIE

À LA FRB

La FRB assiste également à l’arrivée d’un autre type de philanthropes, désireux d’investir dans les entreprises sociales, les entreprises et investissements à impact, la venture philanthropie (accompagner des associations et leur offrir une expertise pour les aider à se professionnaliser, à améliorer leur organisation et leur gestion). «Ces nouvelles façons d’agir pour générer un maximum d’impact sont en croissance», observe Ludwig Forrest. «Elles illustrent bien le caractère complémentaire, agile et innovant de la philanthropie.»

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Estate planning Philanthropie

Les entreprises sont elles aussi de la partie, depuis le covid. «La direction, le CEO ou la famille souhaite prolonger une action qui a été initiée au niveau personnel. Les collaborateurs sont eux aussi souvent à l’initiative. Ou alors des chefs d’entreprise qui ont revendu leur affaire, et qui ont parfois envie de changer de registre en développant une action plus axée sur l’intérêt général», poursuit-il. «Sans compter que la philanthropie contribue à façonner l’image et la responsabilité sociétale de l’entreprise. Des atouts évidents aux yeux des (futurs) collaborateurs.»

Professionnalisation

Un engouement aussi enthousiasmant que bienvenu, face auquel les acteurs du secteur mesurent la nécessité d’une parfaite transpa-

«Le fait de réfléchir ensemble sur ces sujets rassembleurs, positifs et qui font du bien, cimente les familles. Cela préserve le lien.»

LUDWIG FORREST

DIRECTEUR PHILANTROPIE

À LA FRB

rence et de sérieux. «Nous avons une triple responsabilité: à l’égard des philanthropes qui nous confient leurs moyens pour l’intérêt général, à l’égard de l’État qui encourage ces démarches (avantages fiscaux, droits de succession réduits) et à l’égard de la société qui apprécie ces gestes», souligne Ludwig Forrest.

D’ailleurs, les associations se professionnalisent de plus en plus, constate Marie Logé. «Il y a davantage d’équipes sur le terrain, et davantage de professionnels que de bénévoles. C’est une bonne chose, l’efficacité s’en trouve accrue, mais les coûts s’envolent. Il y a 30 ans, dans les couples, en général, la femme ne travaillait pas. On disposait d’une armée de bénévoles disponibles durant de belles plages horaires. Aujourd’hui, on a moins de temps à donner. Il

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un léger
la
a retrouvé ses niveaux habituels. © RUNGROJ YONGRIT
Le curseur des dons et legs, après avoir enregistré
coup de mou durant
crise,

Immobilier en privé ou via une société: posez-vous les bonnes questions

La fiscalité sera-t-elle plus favorable si l’on achète un bien immobilier en tant que personne privée ou via une société? La réponse n’est pas univoque, prévient Nicolas Chauvin, Head of Estate Planning Brussels & Wallonia chez Degroof Petercam.

“Connaître le traitement fiscal de l’acquisition, de la détention et de la transmission d’un bien immobilier est important, mais pas suffisant pour répondre à la question d’un achat en privé ou en société”, souligne Nicolas Chauvin. “Si l’on veut brosser le tableau à grands traits, les résidences principales, secondaires et les biens destinés à des locations privées devraient plutôt être acquis en personne physique, tandis que les biens affectés à des fins professionnelles ou nécessitant de gros travaux auraient avantage à être achetés en société. Chaque cas est particulier. Nous travaillons en analysant les ‘pour’ et les ‘contre’, fiscaux et non fiscaux, au moment de l’acquisition, durant la détention ainsi qu’à l’occasion de la cession. Par exemple, je pose souvent à mes clients la question de l’intérêt de la génération suivante pour le patrimoine immobilier. Beaucoup d’enfants qui ont vu leurs parents courir après les loyers, effectuer d’incessantes réparations, etc., ne souhaitent pas reproduire ce modèle. S’ils projettent de céder rapidement ce patrimoine quand il leur reviendra, mieux vaut le reconfigurer pour leur éviter une transmission d’immobilier assez fortement taxée.”

TENIR COMPTE DE LA BASE IMPOSABLE

Investir en privé signifie être soumis à l’impôt des personnes physiques, aux taux progressifs jusqu’au plafond de 50%, alors que l’impôt sur les sociétés, forfaitaire, est de 25% ou, le cas échéant, de 20%. “La base imposable compte au moins autant”, nuance toutefois Nicolas Chauvin. “Bien que les sociétés soient imposées sur le revenu réel – les loyers, en l’espèce –, elles peuvent déduire de nombreux frais. Et attribuer ces revenus à l’actionnaire ou à l’associé entraîne souvent un ‘frottement fiscal’ de plus – un précompte mobilier de 25% sur les dividendes que me versera ma société, par exemple. Les particuliers ne peuvent quasiment pas déduire de frais, mais leur base imposable repose sur le revenu cadastral,

moins élevé que le montant des loyers et ce, depuis plusieurs décennies.”

NE PAS NEGLIGER LES DROITS

D’ENREGISTREMENT

Des droits d’enregistrement sont dus par l’acheteur au moment où il réalise son acquisition. Ces droits font partie des frais déductibles pour une société, mais ce n’est pas le cas pour un particulier. Des régimes de faveur existent dans chaque Région pour faciliter l’acquisition du logement familial. A Bruxelles et en Wallonie, cela prend la forme d’abattements sur la base de calcul des droits d’enregistrement. La Flandre a pour sa part opté pour un taux réduit qui peut se révéler encore plus intéressant en cas de rénovation énergétique.

« En matière de droits d’enregistrement, la destination du bien peut également se révéler importante », précise l’expert. « Si j’apporte à ma société un immeuble acquis préalablement en privé, je risque de payer des droits d’enregistrement une seconde fois si le bien n’est pas destiné à un usage professionnel.”

INTÉGRER LA PLUS-VALUE POTENTIELLE

La plus-value réalisée à la revente obéit également à

des règles distinctes. Elle est toujours taxable quand on est en société, même si elle peut, à certaines conditions, se faire de manière étalée. En fonction de la période de détention du bien, elle peut être exonérée d’impôts pour les particuliers. “La plus-value issue de la cession d’une habitation familiale occupée par le vendeur pendant au moins un an n’est pas taxée.» Une mise en garde: la détention de plusieurs biens immobiliers peut potentiellement exposer les propriétaires privés à une requalification des loyers perçus en revenus professionnels. “Dans certains bureaux de contrôle, on tique à partir de trois biens détenus. Mais j’ai connu un particulier qui, bien que percevant plus de 90 loyers, n’avait jamais été inquiété!”

Vous envisagez de réaliser un investissement immobilier?

Découvrez la vidéo de notre expert à ce sujet et prenez rendez-vous :

UNE INITIATIVE DE
offre aux entreprises, organisations et organismes publics l’accès au réseau de L’Echo, pour partager leur vision, leurs idées et leurs solutions avec la communauté de L’Echo. Degroof Petercam est responsable du contenu.
STUDIO DANN
PHOTO Nicolas Chauvin, Head of Estate Planning Brussels & Wallonia chez Degroof Petercam

Estate planning Philanthropie

est difficile de mobilier les bénévoles au-delà d’une heure ou deux heures par-ci par-là. Les plannings sont compliqués à gérer et les coûts de fonctionnement augmentent», constate-t-elle.

Le don

plutôt que le legs

Le curseur des dons et legs, après avoir enregistré un léger coup de mou durant la crise, a retrouvé ses niveaux habituels. «Les petits donateurs avaient mis leur action sur ‘pause’, mais les grands donateurs traditionnels, conscients de leurs responsabilités, avaient compensé», indique Marie Logé.

«Au niveau belge, les dons représentent environ 70% des montants. Et cela ne tient pas compte du temps que les personnes donnent (bénévolat)», précise Ludwig Forrest, Directeur Philanthropie. Près de 60% des personnes qui ont fait un ou plusieurs dons ont donné jusqu’à 250 euros. Le pourcentage de petits dons a eu tendance à diminuer.

De nouvelles thématiques émergent

Quant aux thématiques les plus mobilisatrices, si «la recherche

«À la FRB, au niveau belge, les dons représentent environ 70% des montants.»

LUDWIG FORREST

DIRECTEUR PHILANTROPIE À LA FRB

scientifique et la santé, la pauvreté, la précarité, la santé, la culture et le patrimoine restent les grands classiques, la démocratie, le climat et la biodiversité s’imposent progressivement», constate Ludwig Forrest. Lequel insiste en outre sur l’intérêt de s’attaquer aux effets conjoints de problématiques (par exemple, le climat et la précarité) et d’adopter prioritairement une approche transfrontalière afin d’optimiser l’impact.

Du côté de Better, on retrouve en tête des préoccupations le climat, l’éducation et la jeunesse, qui sont très complémentaires. «Le leitmotive, c’est l’inclusion dans l’éducation», déclare Marie Logé, qui cite par exemple le projet «Debateville» qui vise à réunir des enfants (8-14 ans) de tous horizons pour développer leurs compétences oratoires et leur apprendre à construire un argumentaire, en vue de leur apprendre à débattre. L’objectif? Favoriser leur ouverture d’esprit et l’acquisition de vocabulaire avant qu’ils soient formatés. «À partir du moment où l’autre n’est plus quelqu’un qu’on ne comprend pas, toutes les idées sont bonnes à discuter», conclut-elle.

En pratique

À la FRB, vous pouvez créer un Fonds avec un capital à votre nom, à partir de 75.000 euros. La philanthropie ne se limite cependant pas à alimenter une fondation. «Pour œuvrer à l’intérêt général, les gens peuvent donner du temps, des moyens, du mobilier, de l’argent et des compétences», ajoute Ludwig Forrest.

Via un abonnement solidaire digital (à partir de 5 euros par mois), les abonnés à Better participent au changement qu’ils veulent voir dans le monde et découvrent, sur un an, 12 associations soigneusement sélectionnées qui apportent des solutions concrètes à leurs préoccupations.

Les dons aux ASBL disposant de l’agrément fédéral ouvrent le droit à une attestation fiscale qui permet de récupérer 45% du montant (min. 40 euros par année civile, par institution) via la déclaration d’impôt. Si l’argent est légué par testament, au décès du légataire des droits de succession réduits (7% en Wallonie et à Bruxelles, voire de 0% en Flandre depuis juillet 2021) sont prélevés.

Si vous n’avez que de la famille éloignée – qui sera donc fortement taxée – envisagez le legs en duo. Cette technique consiste à léguer une partie de son patrimoine à cette personne et l’autre partie à une association ou une fondation, bien plus faiblement taxée, qui se chargera de payer la totalité des droits de succession. Attention, la Région flamande a mis fin en 2021 au legs en duo et instauré des droits à taux zéro pour les legs aux associations et fondations.

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La lutte contre le changement climatique est l’un des combats privilégiés par les philanthropes. © FELIX SCHMITT/GREENPEACE

particuliers

Vous rêvez de passer vos vieux jours en Espagne, mais qu’adviendrait-il de votre planification successorale si vous viviez à l’étranger? Quid si votre enfant s’expatriait également? Qui paierait les impôts à votre décès et dans quel pays? Mais encore, quelle est la meilleure structure juridique pour transmettre votre entreprise à la génération suivante, tout en gardant le contrôle sur vos biens?

Trois scénarios pour votre succession

9 L’ECHO JEUDI 13 JUIN 2024
Estate planning Cas

Estate planning Cas particuliers

Expatriation, déménagement, donation d’entreprise…

Comment dessiner les contours de votre planification successorale?

Planifier sa succession ne s’improvise pas, et encore moins lorsque l’on change de Région ou lorsque l’on part vivre à l’étranger. Voici quelques conseils et pistes de réflexion pour vous guider.

LIEVEN DESMET

SCÉNARIO 1

Vous planifiez votre succession dans un autre pays

Le marché unique de l’Union européenne ignore tout des droits de succession et de donation. Et lorsqu’un héritage ou une donation implique plusieurs pays, l’affaire se complique.

Le principe général stipule que l’héritage dépend de la dernière résidence du défunt (testateur), mais cette règle ne tient pas compte de nombreux cas de figure. «Un pays peut se baser sur le lieu de résidence du donateur ou du testateur pour prélever l’impôt afférent, tandis qu’un autre pays se fondera sur la résidence du bénéficiaire ou sur la localisation des biens concernés», explique Evelyne Van der Elst, associée chez LegacyAdvocaten. Par ailleurs, chaque pays a son propre régime de droits de succession et de donation. Et il n’existe quasiment pas de conventions de la prévention de la double imposition (à l’exception de la France, des États-Unis et de la Suède) qui permettent d’éviter à vos héritiers de payer deux fois les droits de succession. Heureusement, la double imposition ne s’applique

pas toujours. «S’agissant des droits de succession, la législation belge prévoit un mécanisme d’imputation (compensation)», explique Niko Hostyn (Head of Estate Planning Flanders chez DegroofPetercam). «Lorsque des droits de succession sont dus à l’étranger sur les biens d’un testateur qui résidait en Belgique au moment de son décès, la Belgique accorde une réduction des droits de succession dus chez nous, égale à la valeur de ces mêmes droits payés à l’étranger sur le même bien». Mais ce mécanisme de compensation n’existe pas pour les droits de donation. Les donations internationales s’exposent donc à un risque de double imposition. Dans ce cas, se faire assister par un expert n’est pas du luxe. «La législation évolue, cela peut avoir un impact sur votre planification successorale», explique Niko Hostyn. «Dans certains cas, il est préférable d’effectuer des donations lorsque que toutes les parties concernées vivent encore en Belgique, afin de profiter des taux réduits des droits de donation».

Comme certains pays n’appliquent pas de droits de succession, il peut donc être avantageux de résider dans un pays autre que la Belgique. «Mais attention», prévient Peter Meeuwssen, avocat associé chez Moore Law Belgium. «Si vous émigrez uniquement pour des raisons fiscales, votre changement d’adresse doit être réel. Aujourd’hui, le fisc dispose de nombreux moyens de contrôler votre lieu de résidence réel». «Et puis», com-

Les donations internationales s’exposent à un risque de double imposition.

plète Steven Van Geerts, associé chez Bannister Lawyers, «de nombreuses personnes finissent par revenir en Belgique à un moment ou à un autre parce qu’elles préfèrent passer leurs derniers jours près de leur famille et de leurs amis.» Faisons le point sur les principaux pays concernés.

France

Les Belges sont très nombreux à aller vivre en France. Mais effectuer une donation à un enfant qui y réside n’a rien d’une sinécure, explique Evelyne Van der Elst. «Outre les éventuels droits de donation en Belgique, le Belge résidant en France devra également s’acquitter d’un impôt hexagonal du même type s’il y a vécu au moins six ans endéans les dix ans précédant la donation».

La France permet cependant de réduire les droits de donation dus du montant des droits dus en Belgique, dans la mesure où des biens non français ont été donnés! Entre parents et enfants, les droits de donation français prévoient une exonération fiscale (abattement) de 100.000 euros. «Cette exonération s’applique par donateur et peut être réutilisée tous les 15 ans», précise Niko Hostyn. «Ces droits de donation vont de 5% pour la tranche inférieure à 8.072 euros, à 45% à partir de 1,8 million d’euros en ligne directe et entre époux.»

Pour éviter ce prélèvement considérable, on recourt souvent à «l’avancement d’hoirie» (une avance

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sur héritage). «Supposons que vous ayez deux enfants (dont l’un vit en France): vous pouvez également donner la part destinée à l’enfant vivant en France à l’enfant vivant en Belgique», explique Evelyne Van der Elst. «Cette donation, qui est donc en réalité destinée à l’enfant résidant en France, est alors considérée comme une avance, avec l’obligation de rapporter la donation au moment du décès du donateur en faveur de l’enfant résidant en France.»

La valorisation des donations rapportées dépend de la manière dont elles ont été effectuées. S’il s’agit d’une donation en pleine propriété, la valeur sera déterminée au moment de la donation (plus une indexation). Si la donation ne porte que sur la nue-propriété, la valeur sera évaluée au moment de l’extinction de l’usufruit, normalement au décès du donateur.

Niko Hostyn ajoute: «De nombreux Belges utilisent une Société Civile Immobilière (SCI) pour acheter des biens immobiliers en France. Jusqu’à récemment, la SCI était exclue du champ d’application de la taxe Caïman. Désormais, cette dernière s’applique, principalement dans le cas où le bien n’est pas mis en location. Cet élargissement de la base taxable illustre bien la nécessité d’un suivi constant d’une législation évoluant sans cesse.»

Italie

«L’Italie est un pays magnifique, et pour les successions également», explique Niko Hostyn en souriant. «L’Italie exonère le capital légué jusqu’à un million d’euros, au-delà duquel les droits de succession ne s’élèvent qu’à 4%. Pour leur perception, le critère déterminant est le lieu de résidence du testateur.»

Pour en profiter dans le cadre

100.000

Entre parents et enfants, les droits de donation français prévoient une exonération fiscale (abattement) de 100.000 euros.

d’une planification successorale, il suffit donc d’y émigrer.

Estate planning

Aux ÉtatsUnis, ce n’est pas la fiscalité mais la réglementation bancaire qui pose problème.

Royaume-Uni et États-Unis

Si vous faites une donation à un enfant résidant au Royaume-Uni, il n’y a pas de risque de double imposition parce que le pays n’applique aucun impôt sur la transmission de patrimoine à titre gratuit, précise Evelyne Van der Elst. «Dès lors, les droits de donation ne devront être payés qu’en Belgique, pour autant que la donation ait été enregistrée en Belgique». Mais, attention, dans certaines situations, une donation au Royaume-Uni peut donner lieu à un impôt sur les plus-values pour le donateur. «Si le donateur réside luimême au Royaume-Uni, une période de risque de sept ans s’applique à toute donation, ce qui signifie que le donateur doit rester en vie au moins sept ans pour éviter des droits de succession ultérieurs.»

Une disposition similaire s’applique aux États-Unis, qui n’imposent pas les donations dans le chef du bénéficiaire. Les résidents américains sont cependant soumis à une obligation de déclaration s’ils reçoivent une donation d’un donateur étranger. Evelyne Van der Elst précise que «c’est aux États-Unis que nous rencontrons le plus de problèmes lorsque les bénéficiaires y vivent et que la banque belge est obligée d’ouvrir un compte à leur nom. Ce n’est pas la fiscalité, mais les règles de ‘compliance’ bancaires qui sont sources de complexité.»

Espagne

Les parents qui souhaitent faire une donation à un enfant domicilié en Espagne doivent savoir que la donation est soumise à l’impôt en Belgique (sous réserve d’enregistrement) et en

Espagne. Peter Meeuwssen explique qu’un résident espagnol doit payer l’impôt espagnol sur tout ce qui est donné, «indépendamment du lieu de résidence du donateur et de la localisation du bien en question». Par ailleurs, «le montant de l’impôt en Espagne dépend de la région où vit le bénéficiaire de la donation». Par exemple, Madrid, Valence et l’Andalousie bénéficient d’une quasi-exemption de l’impôt sur les donations, ce qui n’est pas le cas des îles Canaries ou de Murcie.

SCÉNARIO 2

Vous planifiez votre succession dans une autre

Région du pays

En Belgique, les droits de succession et de donation relèvent des Régions. Pour déterminer la Région compétente dans laquelle l’impôt sera prélevé, c’est le domicile du testateur (droits de succession) ou du donateur (droits de donation) qui est pris en compte. «Par domicile, nous entendons la résidence effective, continue et réelle du défunt», explique Steven Van Geert (Bannister Lawyers). Il s’agit du lieu où le testateur avait son foyer, sa famille, sa maison et le centre de son activité privée et de sa vie affective. En général, ce domicile réel coïncide avec le domicile légal, ‘officiel’. C’est le lieu où le testateur a été inscrit au registre de la population».

«Lorsqu’un Bruxellois est propriétaire d’un appartement à la Côte, ce sont les droits de donation ou de succession bruxellois qui continuent

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Estate planning Cas particuliers

à s’appliquer», souligne Evelyne Van der Elst (LegacyAdvocaten).

La situation change si vous emménagez dans une autre Région et que vous y décédez. Dans ce cas, c’est le régime de la Région où vous avez vécu le plus longtemps au cours des cinq dernières années qui s’applique. «Supposons que vous déménagiez dans votre appartement à la Côte et que vous y décédiez. Dans ce cas, le régime fiscal flamand ne prendra effet qu’à partir de 2,5 ans plus un jour», explique Peter Meeuwssen, avocat-associé chez Moore Law Belgium. «Vous aurez donc vécu le plus longtemps en Flandre au cours des cinq dernières années. Si vous décédez avant, c’est le régime fiscal de votre ancien lieu de résidence qui s’appliquera».

Ce dispositif vise à éviter qu’une personne ne s’installe rapidement ailleurs pour des raisons fiscales. Les taux, le mode de calcul et les principes diffèrent en effet d’une Région à l’autre.

«Vlaamse splitting» en

Flandre

Une première différence majeure entre la Flandre et les autres Régions est le concept de «Vlaamse splitting». «En Flandre, le taux des droits de succession est appliqué séparément, d’une part, à l’actif net des biens immobiliers, et d’autre part, à l’actif net des biens mobiliers, et non à l’ensemble de la succession. Cela permet d’utiliser deux fois les taux les plus bas, ce qui n’est pas possible dans les autres Régions», explique Evelyne Van der Elst.

Concrètement, chaque héritier peut hériter de 50.000 euros de biens immobiliers au taux de 3% et, en outre, hériter de 50.000 euros de biens mobiliers, également au taux de 3%, soit au total 100.000 euros au taux de 3%. Les biens mobiliers et

immobiliers du testateur sont donc imposés séparément.

Droits de succession avantageux en Flandre et à Bruxelles

En Flandre et à Bruxelles, les partenaires bénéficient de taux de droits de succession avantageux applicables entre époux et cohabitants légaux. Par partenaire, on entend le conjoint survivant, les ex-partenaires matrimoniaux ou anciens cohabitants, le cohabitant légal, mais aussi le cohabitant de fait qui a fait ménage commun avec le défunt pendant au moins un an. En Région wallonne, seul le «cohabitant légal» bénéficie du taux réduit.

Donations mobilières et immobilières

Les taux de droits des donation en matière immobilière sont les mêmes dans les trois Régions. Ce qui n’est pas le cas des taux applicables en matière mobilière. Il s’agit de taux fixes. Par ailleurs, un déménagement en Belgique peut avoir une incidence (négative) sur les planifications établies, notamment dans le cas d’un déménagement de la Flandre vers Bruxelles et la Wallonie dans le cadre d’un achat scindé. «Lors d’un achat scindé, les parents acquièrent l’usufruit d’un bien. Les enfants deviennent nue-propriétaires grâce à l’argent qu’ils ont reçu de leurs parents. Si l’opération a été bien exécutée, l’accroissement de l’usufruit en nue-propriété sera exonéré de droits de succession au moment du décès du parent ou de l’usufruitier», détaille Evelyne Van der Elst. «Pour ce faire, la Flandre exige que les enfants disposent des fonds nécessaires avant l’acquisition du bien, au plus tard lors de la signature de l’acte d’achat.»

Les taux des droits de donation en matière immobilière sont aujourd’hui les mêmes dans les trois Régions.

À Bruxelles et en Wallonie, en revanche, il faut que les fonds aient déjà été donnés avant la signature du compromis ou de la promesse d’achat si un acompte doit être versé. «Si une personne effectue un achat scindé en Flandre et ne donne les fonds aux enfants qu’au moment de signer l’acte d’achat, et qu’il déménage ensuite à Bruxelles, l’avantage dans la succession ultérieure pourrait être perdu», prévient Evelyne Van der Elst.

SCÉNARIO

3

Vous transmettez votre entreprise mais voulez en garder le contrôle

En principe, la donation directe d’actions d’une société doit toujours être notariée. La donation de biens mobiliers est en général soumise aux droits de donation.

En Région wallonne, la transmission d’entreprise à titre gratuit, par voie de donation ou par voie de succession, est exonérée d’impôts.

En Région bruxelloise comme en Région flamande, le taux est fixé à 3% (ligne directe ou entre partenaires) ou 7% (entre toutes les autres) pour les successions et à 0% pour les donations.

Pour profiter de ces taux avantageux, il faut toutefois remplir et respecter une série de conditions qui varient légèrement selon les Régions.

«Si vous donnez votre entreprise, l’État part du principe que l’opération ne devrait pratiquement rien coûter pour éviter de la fragiliser en devant sortir des fonds pour régler

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l’ardoise fiscale», explique Stijn Lamote (avocat associé chez Lamote Stragier Lawyers). «Ce régime favorable a été bien pensé.»

Il arrive très souvent cependant que le propriétaire qui souhaite transmettre son entreprise veuille en conserver le contrôle. «Pour éviter que le père de famille ne soit plus autorisé à entrer dans l’entreprise ou qu’il ne puisse soudainement plus avoir son mot à dire sur la gestion actuelle et future de l’entreprise, on organise souvent des transmissions contrôlées», explique Liesbeth Franck, associé chez LegacyAdvocaten.

Donation avec réserve d’usufruit

La technique la plus connue est la donation des actions avec réserve d’usufruit. En ne donnant que la nue-propriété à la génération suivante, les parents se réservent les droits de vote ainsi que certains droits aux revenus (dividendes). À la fin de l’usufruit, par exemple en cas de décès, de renonciation à l’usufruit ou d’expiration de la durée convenue, le nu-propriétaire obtient en principe la pleine propriété et peut disposer pleinement du bien donné.

«À cet égard, il faut relever que la réforme du droit successoral de 2018 a introduit deux éléments importants», pointe Liesbeth Franck. «Pour les donations avec réserve d’usufruit après le 1er septembre 2018, si le donateur était marié au jour de la donation, l’usufruit passe automatiquement au conjoint survivant au décès du donateur. En Flandre, cet usufruit ultérieur accordé par la loi est soumis aux droits de succession. Mais si la poursuite de l’usufruit n’est pas souhaitée, le donateur peut l’exclure par testament.»

Un enfant peut recevoir une

donation en guise d’avance sur l’héritage. Dans ce cas, le donateur n’entend pas favoriser cet enfant (comme il en aurait le droit). Depuis le nouveau droit successoral, on tient compte de la valeur du bien au moment de la donation, qui est ensuite indexée sur l’indice des prix à la consommation au moment du décès du donateur.

Depuis le 1er septembre 2018, pour toutes les donations (mobilières et immobilières), le rapport se fait sur base de la valeur du bien le jour de la donation indexée jusqu’au moment du décès. Si les donations n’ont pas été faites au même moment, l’indexation compensera ainsi la durée de jouissance. Seule exception: les donations avec réserve d’usufruit. Dans ce cas, la valeur à prendre en considération pour le rapport est celle du bien au moment de l’extinction de l’usufruit (en général au décès de l’usufruitier). Autrement dit, au moment où la personne peut jouir de la pleine propriété.

Stijn Lamote plaide, à titre personnel, pour une société de droit commun (SDC). «C’est une société assez simple que vous constituez au-dessus de la société familiale (SA). Vous donnez vos actions de la SA à vos enfants qu’ils doivent apporter à la SDC. Vous veillez à avoir également quelques pour cent d’actions de cette SDC et vous rédigez les statuts de manière à bétonner votre fonction de gérant de cette société».«En votre qualité de gérant, vous conservez des pouvoirs étendus, en gros sur tout ce qui est susceptible de déstabiliser le patrimoine de la société».

C’est d’autant plus important que le patrimoine procure souvent un rendement. L’objectif est également qu’une partie de celui-ci revienne aux parents. «C’est ce que l’on appelle la réserve de revenu», explique M. Lamote. «Un parent qui fait don

«Un parent qui fait don de son entreprise souhaite souvent qu’un certain pourcentage (1 à 2%) de la valeur du capital lui revienne sous la forme d’une sorte de rente.»

de son entreprise souhaite souvent qu’un certain pourcentage (1 à 2%) de la valeur du capital lui revienne sous la forme d’une sorte de rente. Si vous n’avez pas le contrôle des actifs, vous ne pouvez pas contrôler ce rendment et vous risquez donc de ne pas l’obtenir.»

Un mode de transmission encore plus simple est la donation, en créant au préalable différentes catégories d’actions dans votre entreprise. «En détenant des actions qui vous donnent plus de droits de vote et éventuellement un pourcentage plus élevé des bénéfices, vous pouvez conserver à la fois la majorité des droits de vote et des bénéfices. Ce système pourrait éventuellement poser des problèmes en cas de vente effective de l’entreprise. Si une SDC vend l’entreprise, l’argent lui revient et vous restez le «contrôleur» des actifs. Lorsque vous donnez des actions, vous en perdez le contrôle, y compris sur la partie des actifs qui les remplace en cas de vente», poursuit Stijn Lamote.

Fondation

Transmettre sa société familiale par le biais d’une fondation mérite également que l’on s’y arrête, selon Liesbeth Franck. «Les détenteurs d’actions ordinaires ont droit à des dividendes et à des droits de vote. En constituant une fondation privée destinée à gérer les actions de la société, vous séparez les deux (dividendes et droits de vote): les actions sont transférées à la fondation, qui en retour émet des certificats, donnés par exemple à la génération suivante. Ces destinataires obtiennent le droit de percevoir des dividendes sur les actions, tandis que vous continuez à exercer le contrôle sur la société par le biais des droits de vote de la fondation.»

13 Estate planning L’ECHO JEUDI 13 JUIN 2024

Gérer votre succession

Que faire si vous héritez d’un compte à l’étranger?

Au chagrin causé par un décès dans la famille s’ajoutent de fastidieuses démarches administratives. Des tracas qui se corsent si le défunt possède un compte à l’étranger.

Dès qu’un membre de votre famille proche décède, toute une machine administrative se met en route. Un médecin doit tout d’abord constater le décès et établir un certificat médical qu’il faut envoyer ensuite à différents destinataires, tels que l’état civil de la commune, l’employeur du défunt, la mutualité, la Direction de l’Immatriculation des Véhicules (DIV) et les compagnies d’assurance. Les héritiers doivent également contacter les banques du défunt. Ce qui exige de leur part de déterminer les banques dont ce dernier était client, mais également de rechercher le bon interlocuteur dans chacune d’elles. Pour les banques belges, cela ne pose pas de problème, mais cela devient plus complexe si le défunt était client d’une banque étrangère. Or, quelque 350.000 ménages belges possèdent aujourd’hui un compte à l’étranger.

L’ECHO JEUDI 13 JUIN 2024 14 Estate planning

Estate planning 1

Comment savoir si le défunt possède un compte à l’étranger?

La fédération bancaire Febelfin propose un service (payant), «Bankresearch». Il permet de localiser, sur simple demande, toutes les banques dans lesquelles le défunt était client. Ce service est limité aux banques belges.

Si vous souhaitez savoir si le défunt possédait un compte à l’étranger, vous devez vous adresser au Point de contact central (PCC) de la Banque nationale.

Cette base de données contient tous les numéros de comptes belges nationaux et étrangers. Vous ne pouvez consulter le PCC que pour vous-même. Pour une personne décédée, vous devez faire appel à un notaire.

«Le PCC permet aux notaires et à leurs collaborateurs d’effectuer une recherche dans le cadre d’une déclaration de succession. Cette recherche payante donne un aperçu de toutes les institutions financières belges et étrangères (si elles sont déclarées à l’impôt des personnes physiques) auprès desquelles le défunt (et son conjoint survivant) avait un compte à la date du décès. L’application offre également la possibilité de contacter les institutions financières indiquées pour demander les soldes des comptes les plus récents auprès de ces institutions», explique la notaire Goedele Vandekerckhove.

Dès que vous êtes en possession d’une liste complète des comptes dont disposait le défunt, vous devez en informer les banques concernées. «Cette responsabilité incombe en effet aux héritiers», insiste le fisc. Si vous avez fait appel à un notaire, celui-ci vous y aidera. Une fois la banque informée du décès, elle bloque le compte. Les banques étrangères doivent faire de même. «Dès qu’un client décède, nous bloquons le compte du défunt jusqu’à ce que nous connaissions l’ensemble des héritiers légaux», souligne-t-on chez le courtier en ligne allemand Trade Republic, qui compte plusieurs milliers d’investisseurs belges parmi ses clients. 2

Comment débloquer un compte?

Pour débloquer un compte, vous devez présenter un certificat d’hérédité qui reprend l’ensemble des héritiers. Ce certificat peut être établi dans un bureau d’enregistrement ou chez le notaire. Mais si le défunt avait un contrat de mariage ou un testament, il est obliga-

«Le Point de contact central permet aux notaires d’obtenir un aperçu de toutes les institutions financières belges et étrangères auprès desquelles le défunt (et son conjoint survivant) avait un compte à la date du décès.»

GOEDELE VANDEKERCKHOVE NOTAIRE

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16 Estate planning

Gérer votre succession

Si le compte étranger du défunt est conservé, vous devrez également le reprendre dans votre déclaration fiscale.

toire de se rendre chez le notaire. Il examinera alors les volontés du défunt pour déterminer qui sont les héritiers et quelle est la part qui leur revient.

Lorsque la banque dispose du certificat d’hérédité, elle peut débloquer les comptes. Le courtier en ligne néerlandais BUX, qui compte également des milliers de clients belges, décrit la procédure. «S’il y a encore des avoirs sur le compte, nous effectuons des vérifications sur la base de l’acte de décès et de la preuve d’identité de l’héritier. Si tout est en ordre, les actifs peuvent être vendus et l’argent transféré sur un compte de l’héritier ou sur le compte lié de la personne décédée».

De fait, deux possibilités se présentent à vous. Soit vous conservez le compte, désormais à votre nom (et à celui de vos éventuels co-héritiers), soit vous le clôturez et l’argent est transféré sur votre propre compte. Dans les deux cas, vous devez signaler le changement au Point de contact central (PCC) de la Banque nationale. Si le compte étranger du défunt est conservé, vous devrez également le reprendre dans votre déclaration fiscale. 3

L’argent détenu à l’étranger sera-t-il transféré facilement sur mon compte

Depuis le début de cette année, une régularisation fiscale n’est plus possible par le biais du Point de contact Régularisations (PCR).

fonds. La réglementation relative à la lutte contre le blanchiment d’argent interdit en effet aux banques d’accepter de l’argent dont il ne peut être prouvé qu’il a été soumis à un régime fiscal normal. En clair, si la banque soupçonne que l’argent sur le compte ou ses revenus ont été soustraits à l’impôt et qu’aucune régularisation fiscale n’a eu lieu entre-temps, elle ne peut accepter cet argent. Vous devrez alors vous adresser à l’Inspection spéciale des impôts pour régulariser la situation. Depuis le début de cette année, une régularisation fiscale n’est plus possible par le biais du Point de contact Régularisations (PCR).

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De combien de temps disposez-vous pour la déclaration de succession?

Vos démarches d’héritier ne s’arrêtent pas au déblocage des comptes. Vous devrez également déposer une déclaration de succession. L’existence de comptes étrangers peut ralentir l’obtention des documents nécessaires à son établissement. En principe, vous devez avoir rempli cette déclaration dans les quatre mois qui suivent le décès, sauf si le défunt n’est pas décédé en Belgique. Dans ce cas, vous disposez d’un mois (décès dans l’Espace économique européen) ou de deux mois (décès en dehors de l’Espace économique européen) supplémentaires. Si vous ne remettez pas votre déclaration dans les délais, vous vous exposez à des majorations des droits de succession. Plus le retard sera important, plus les majorations seront élevées. Cette majoration peut atteindre jusqu’à 20% à partir de 18 mois de retard. Ainsi, si les droits de succession sont de 27%, ils pourront grimper jusqu’à 32,4%. Si vous pensez ne pas pouvoir compléter le dossier dans les délais impartis, vous pouvez toujours demander un report, mais cela ne vous exonèrera pas d’une majoration d’impôts. 5

Quelles données du compte dois-je indiquer ans la déclaration de succession?

Dans votre déclaration de succession, vous devrez mentionner les soldes des comptes nationaux et

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étrangers. Les règles d’évaluation d’un compte étranger sont similaires à celles d’un compte belge. L’épargne détenue sur un compte à vue, un compte d’épargne ou un compte à terme est évaluée selon la valeur à minuit la veille du décès.

Le compte-titres est évalué différemment. Comme la valeur des placements peut fluctuer considérablement, vous avez le choix entre trois moments clés pour déterminer le cours de clôture: date du décès, mois après le décès ou deux mois après. Cela devrait vous éviter de payer des droits de succession, comme ce fut le cas lors de la crise financière de 2008, sur des investissements dont la valeur a chuté quelques semaines plus tard. Notez toutefois que la date d’évaluation doit être la même pour tous les titres de la succession.

Dans votre déclaration de succession, vous devrez mentionner les soldes des comptes nationaux et étrangers. Les règles d’évaluation d’un compte étranger sont similaires à celles d’un compte belge.

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Estate planning

Quand doit-on payer les droits de succession?

Tant que le délai du dépôt pour la déclaration de succession n’est pas dépassé, vous pouvez encore y apporter des modifications. Le fisc ne se saisira en effet du dossier que quatre mois après le décès. Il faudra ensuite compter un mois pour son traitement. Vous devriez recevoir l’avis d’imposition environ cinq mois après le décès. Vous disposerez alors de deux mois, suivant la réception de cet avis d’imposition, pour régler les droits de succession.

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18 Estate planning Interview

ALAIN-LAURENT VERBEKE, EXPERT EN DROIT PATRIMONIAL FAMILIAL

«La planification n’a pas pour but de déterminer qui, dans la famille, va obtenir un poste

dans l’entreprise»

Nous sommes encore trop nombreux à vouloir planifier notre succession sur base de considérations fiscales. Pourtant, «un bon montage fiscal n’apporte pas nécessairement les réponses à toutes les questions qui se posent lors d’une telle opération», souligne le professeur Alain-Laurent Verbeke. Cela notamment dans le cadre de la transmission d’une entreprise.

Alain-Laurent Verbeke se passionne pour le droit patrimonial de la famille, la médiation et la négociation depuis le début de sa carrière académique, entamée à la fin des années 1980. Mais sa vision de la planification successorale s’est façonnée dès son enfance, lorsque la fabrique de brosses d’Izegem et l’usine de chaussures que son grand-père avait développées à partir de rien ont fait faillite après son décès. «Cet échec est le résultat du manque de préparation de la génération qui en a pris les rênes.

Je n’avais que huit ans à l’époque, mais je n’ai que trop bien compris l’origine du problème. Aujourd’hui encore, j’en garde une certaine amertume.»

Votre grand-père était-il resté trop longtemps seul maître à bord?

Alain-Laurent Verbeke: «Peut-être, puisqu’il est décédé inopinément à l’âge de 66 ans. Autrefois, la planification successorale était entre les mains du chef de famille, dont l’autorité était absolue, et le motif de ces opérations était essentiellement fiscal. Les droits de succession étaient déjà élevés, comme c’est encore le cas aujourd’hui

Bio

Alain-Laurent Verbeke (59 ans)

> Professeur à la KU Leuven, Harvard et Tilburg University

> Expert en droit patrimonial familial, médiation et négociation

Dès lors, il est difficile de ne pas élaborer une planification successorale sans partir de considérations fiscales. Pour laisser un capital digne de ce nom à ses héritiers, même les détenteurs d’un patrimoine peu élevé se voient contraints d’effectuer des donations de leur vivant. Ce qui n’est pas sans risque pour les donateurs à une époque où nous vivons tous plus longtemps, où les frais médicaux augmentent et où le financement de la pension légale paraît fragile.»

Cette ingénierie fiscale ne deviendrait-elle pas superflue si l’on réduisait les droits de succession?

«Selon moi, on ferait tout aussi bien de supprimer les droits de succession en ligne directe et entre époux. Ou, à défaut, de relever suffisamment le plafond d’exonération. En Italie, par exemple, le conjoint survivant et les enfants sont exonérés jusqu’à un million d’euros par héritier. Et tout ce qui dépasse ce montant est taxé à 4%. Un tel dispositif permettrait à 99% des Belges de ne pas payer de droits de succession. Au passage, de nombreux citoyens y gagneraient aussi en tranquillité d’esprit.»

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Estate planning Interview

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Avoir l’esprit serein pour ses vieux jours est un peu le fil conducteur de vos publications… «C’est vrai. Dès le début de ma carrière, j’ai plaidé, dans plusieurs publications, pour passer de la planification fiscale à la planification successorale. Qu’est-ce que les entrepreneurs pour leur patrimoine lorsqu’ils ne seront plus là? À qui doit-il revenir? Quel est leur objectif et quelles valeurs veulent-ils transmettre? Répondre à ces questions permet d’avoir l’esprit tranquille. Mais c’était encore un raisonnement

largement fondé sur le point de vue de l’entrepreneur et du propriétaire.»

Et pour vous, il faut aller plus loin désormais?

«Vous connaissez le dicton: la première génération bâtit, la deuxième développe et la troisième dilapide. Le livre “Preparing Heirs: Five steps to a successful transition of family wealth and values” l’illustre parfaitement. Je l’ai lu en 2007. L’ouvrage analyse plus de 3.000 familles d’entrepreneurs américains. Les auteurs montrent que le transfert d’une entreprise de la

«En Italie, le conjoint survivant et les enfants sont exonérés jusqu’à un million d’euros par héritier. Un tel dispositif permettrait à 99% des Belges de ne pas payer de droits de succession.»

ALAIN-LAURENT VERBEKE PROFESSEUR À LA KU LEUVEN

première à la deuxième génération échoue dans 70% des cas. Lorsque vous arrivez à la troisième génération, ce pourcentage grimpe encore à 90%. En d’autres termes, la probabilité que votre petit-enfant hérite de l’entreprise et la poursuive avec succès n’est que de 10%.»

«Autre conclusion intéressante de cet ouvrage: dans 3% des cas seulement, l’échec pouvait être attribué à de mauvais conseils juridique, financiers ou fiscaux. Dans tous les autres cas, le manque de communication et de confiance, la confusion et l’am-

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© DEBBY TERMONIA

20 Estate planning Interview

biguïté des rôles sont à l’origine de la défaillance. Aussi, à partir de là, je suis devenu un fervent partisan, non plus de la planification successorale, mais de la planification familiale.»

Qu’entendez-vous par là précisément?

«Il faut envisager la situation concrète dans toutes ses dimensions: la famille dans son ensemble, les différentes générations ainsi que les intérêts sousjacents, les émotions et l’identité de chacun. Nous devons réfléchir ainsi à la manière d’impliquer et de faire en-

tendre la voix de tout le monde. Comment pouvons-nous veiller à ce que le patrimoine — modeste ou élevé — soit transmis de manière durable et responsable? Que devons-nous faire pour que les membres de la génération suivante deviennent des actionnaires durables?»

«Il ne s’agit donc pas du tout de savoir qui devient le nouveau patron de l’entreprise ou qui de la famille obtient un poste dans la société. Certes, ces questions peuvent se poser, mais elles sont en fait secondaires. Ce ne sont pas des points cruciaux. La vraie

grande question est de savoir comment parvenir à la fois à une planification débouchant sur un actionnariat responsable et une solution dans laquelle chacun se retrouve et a la tranquillité d’esprit nécessaire.»

«Il importe donc que les membres de la génération suivante qui ne conviennent pas pour l’entreprise familiale soient respectés comme les autres. Le planification permet de conserver la cohérence du patrimoine, mais il faut aussi veiller à ce que tous les enfants et petits-enfants y trouvent leur épanouissement. Ils «

La famille doit intégrer dans son ADN une communication empathique, connectée et constructive.»

ALAIN-LAURENT VERBEKE PROFESSEUR À LA KU LEUVEN

doivent avoir ce que l’on appelle un “jardin privé” où ils peuvent faire ce qu’ils veulent.»

«Si vous respectez ces deux éléments lors de la planification, la famille tout entière en sortira gagnante. Lorsque tous ces membres partagent l’objectif, la vision et la mission de l’entreprise, mais aussi les dispositions concrètes en termes de règles, de rôles et de gouvernance, ils pourront se référer à cette boussole familiale lorsqu’il s’agira de naviguer dans les eaux incertaines et agitées de l’avenir. Et cette incertitude n’est pas seulement économique, elle est également personnelle et familiale. Tout et tout le monde évoluent.»

Comment appliquer cela en pratique?

«La famille doit intégrer dans son ADN une communication empathique, connectée et constructive. Au sein de chaque génération, mais aussi entre les générations. Je fais la distinction entre l’empathie et la sympathie, car l’objectif n’est pas nécessairement d’être d’accord avec l’autre, mais de montrer que l’on peut comprendre son point de vue.»

«Il faut parvenir à un dialogue respectueux entre les générations. Cela peut s’apprendre, par exemple dans le cadre d’ateliers organisés par des experts en communication. Certaines familles le font déjà pour les enfants de dix à douze ans. Mais en général, on commence à partir de 18 ans.»

Cela paraît simple en théorie... «Oui, mais en pratique, cela demande du temps et de l’énergie. Et cet état d’esprit ne doit pas faiblir pas à la longue. C’est souvent là que les choses se gâtent. Certains entrepreneurs considèrent cela comme un coût ou comme quelque chose d’évanescent qui ne rapporte rien. Je peux le comprendre. Et pourtant: investir dans sa famille et dans la communication entre les membres de la famille peut représenter une “perte à court terme”, mais si l’on s’y prend bien, je pense que cela peut générer un gigantesque “bénéfice à longue échéance”.»

L’ECHO JEUDI 13 JUIN 2024
© © DEBBY TERMONIA
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Estate planning

Mandat extrajudiciaire

Le mandat extrajudiciaire, un élément clé des donations et des ventes immobilières

Dans une planification successorale, un mandat de protection extrajudiciaire est souvent un passage obligé pour vendre des biens immobiliers et effectuer des donations.

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Estate planning

En 2023, pas moins de 100.451 Belges ont signé un mandat de protection extrajudiciaire, tandis que 500.000 personnes en ont rédigé un depuis ses débuts, il y a dix ans. Les Belges sont manifestement de plus en plus nombreux à bien saisir toutes les possibilités qu’offre le document. De fait, un mandat de protection extrajudiciaire indique qui gérera vos affaires si vous n’êtes plus en mesure de le faire vous-même. Vous pouvez choisir vous-même cette ou ces personne(s). Dans le jargon, vous êtes le mandant et la personne qui vous assiste est le mandataire.

Examinons les spécificités du mandat extrajudiciaire de plus près.

1. Protection judiciaire

Vous ne pouvez établir une telle procuration que si vous disposez encore de toutes vos facultés mentales. Si vous veniez à être atteint de démence sans avoir pris vos dispositions au préalable, vous intègreriez le système de protection judiciaire.

Une demande de protection judiciaire peut être introduite par n’importe quelle personne inquiète au sujet de votre situation, mais vous pouvez également en introduire un une vous-même.

Si vous êtes déclaré inapte, un juge de paix désignera «un administrateur» qui vous représentera et vous aidera dans vos choix.

L’administrateur désigné peut être le conjoint, mais aussi un membre de la famille. Dans certains cas, on désigne un tiers, qui est souvent un avocat. Si vous êtes apte à le faire, vous pouvez également établir une déclaration de préférence chez votre notaire et désigner cette personne vous-même.

2.

Démarches et frais

Si le mandat extrajudiciaire ne porte que sur des biens mobiliers, le document peut être établi sous seing privé. «En revanche, s’il concerne des biens immobiliers (dans le cadre

«Si le mandat extrajudiciaire concerne des biens immobiliers (dans le cadre d’une vente, par exemple), il est obligatoire de passer devant un notaire.»

vente, par exemple), il est obligatoire de passer devant un notaire», souligne l’avocat Mark Delboo. «Pour les donations notariées de biens mobiliers, la procuration doit également être notariée», précise-t-il.

Rinse Elsermans, associée au cabinet d’avocats Cazimir, note que dans la pratique, presque tous les mandats extrajudiciaires sont établis par un notaire. «Un notaire vous prodigue des conseils indépendants et pointus, ce qui est crucial pour une procuration de ce type.»

Pour une procuration notariée, les honoraires sont fixés à 211 euros. S’il y a deux mandants, le tarif est de 319 euros. Par ailleurs, selon Fednot, les notaires facturent toujours des frais administratifs d’environ 200 euros par dossier standard. À cela s’ajoutent un droit d’enregistrement de 50 euros et un droit d’écriture (impôt fédéral sur les actes) de 50 euros. Au total, vous payerez donc pour un mandant quelque 650 euros et pour deux mandants environ 800 euros.

Un mandat de protection extrajudiciaire ne se conserve pas dans un tiroir. Le document doit être enregistré au Registre central des contrats de mandat (RCC). L’inscription au RCC coûte 19,40 euros par mandant.

Si vous êtes passé chez le notaire pour votre procuration, c’est lui qui se chargera de l’enregistrer. Si le mandat a été établi sous seing privé, vous pouvez aller l’enregistrer auprès du greffier du juge de paix.

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© KRISTOF VADINO
DIRK SELLESLAGH

Estate planning Mandat extrajudiciaire

Dans ce cas, vous ne payez que les frais d’enregistrement. «Mais c’est une procédure assez lourde. Le greffe exige que toutes les signatures soient légalisées à la commune», explique l’avocat Mark Delboo. «De plus, un tel mandat ne confère pas la même sûreté qu’une procuration passée chez le notaire, qui lui, vérifiera toujours si les signataires sont sains d’esprit. Et, rappelons-le, pour les biens immobiliers, une procuration notariée est de toute façon obligatoire.»

3. Planification successorale

Le mandat extrajudiciaire s’avère utile dans de nombreux cas. En général, le mandataire se charge d’effectuer vos opérations bancaires à votre place. Il gère aussi votre portefeuille de titres et rédige votre déclaration d’impôts. Vous pouvez également le solliciter pour déterminer qui est apte ou non à prendre des décisions concernant vos soins et votre lieu de résidence.

Un mandat de protection extrajudiciaire permet de confier au mandataire bien plus de tâches que l’exécution des opérations financières courantes ou l’assistance quant au choix du logement et des traitements médicaux. Une telle procuration peut également être cruciale dans le cadre d’une planification successorale.

Le mandant peut continuer à disposer de ses biens jusqu’à son décès (ou presque), tout en épargnant à ses héritiers des droits de succession.

«L’un des conjoints ne peut pas faire don de biens provenant du patrimoine commun sans le consentement de l’autre. En l’absence d’une procuration, aucun bien du patrimoine commun ne peut donc faire l’objet d’une donation.»

RINSE ELSERMANS

ASSOCIÉE AU CABINET D’AVOCATS CAZIMIR

Le mandataire a en effet le droit d’effectuer une donation au nom du mandant.

Par ailleurs, si vous souhaitez continuer à effectuer des donations alors que votre conjoint n’est plus apte, un mandat extrajudiciaire est, dans la grande majorité des cas, indispensable. «Supposons que les deux conjoints soient mariés sous le régime légal», explique Rinse Elsermans. «La loi stipule explicitement que l’un des conjoints ne peut pas faire don de biens provenant du patrimoine commun sans le consentement de l’autre conjoint. Par conséquent, en l’absence d’une procuration, aucun bien du patrimoine commun ne peut faire l’objet d’une donation. »

«Mais si l’un d’entre eux», ajoute Mark Delboo, «effectue tout de même une donation, l’autre conjoint a un an pour l’annuler. Mais ce n’est pas possible dans le cas dont on parle, puisque l’autre est atteint de démence. Les héritiers pourront donc également invalider la donation après le décès. Mais ils ne le feront pas s’ils ont reçu chacun une part égale.»

Sans avoir établi un mandat de protection extrajudiciaire, il est donc impossible d’effectuer valablement une donation d’un bien issu du patrimoine propre d’une personne inapte. «Mais s’il s’agit de biens propres de l’autre conjoint, c’est possible», explique Mark Delboo, «à moins que cela ne mette en péril les

intérêts du ménage ou que cela ne concerne la maison familiale.»

Dans ce cas, l’autre conjoint pourrait contester la donation. Mais comme il est dément, cela ne sera pas possible. Ses héritiers pourront donc également contester la donation. Mais là encore, ils ne le feront pas si personne ne se sent lésé. Dans le cas contraire, le risque de contestation est réel.»

4. Immobilier

Dans le cas de la vente d’un bien immobilier, un mandat extrajudiciaire peut également s’avérer nécessaire. «Ici encore, partons de la situation standard: le couple est marié sous le régime légal et la maison fait partie du patrimoine commun», explique Rinse Elsermans. «Dans ce cas, l’accord des deux conjoints est nécessaire pour vendre la maison. Si le mari est atteint de démence, il ne peut plus donner son accord et, par conséquent, la maison ne peut en principe plus être vendue.»

«Dans une telle situation, il faut s’adresser au juge de paix pour désigner un administrateur, généralement le conjoint», enchaîne Mark Delboo. «Cette personne devra ensuite demander au juge de paix l’autorisation de vendre le bien, en accompagnant cette requête d’une estimation de la valeur à laquelle il peut être vendu. Ce n’est qu’après le feu vert du juge que la vente pourra avoir lieu.»

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Conflits entre héritiers

Aucune bonne famille n’est à l’abri d’un mauvais scénario successoral

MURIEL MICHEL

Les conflits successoraux peuvent gangrener n’importe quelle famille. L’incapacité des héritiers et actionnaires de la famille Van Hool à régler leurs conflits vieux d’un demi-siècle a ainsi tristement précipité la chute du fleuron industriel flamand.

Le fondateur, Bernard Van Hool, avait décidé de confier les rênes à ses huit fils et d’exclure ses deux filles… Cela a irrémédiablement déchiré la famille. L’illustration de ce qu’il ne faut surtout pas faire.

La gestion des conflits, les estate planners l’abordent invariablement en mode «prévenir plutôt que guérir» et ne semblent pas vouloir envisager ce «pire». Pourvu que les dossiers arrivent dans leurs mains à temps, ils pourront analyser, conseiller, laisser le temps de la réflexion et agir proactivement.

Car une succession, c’est d’abord et surtout une affaire de personnes où un rien suffit à faire naître ou à exacerber tensions et ressentiments. «Transmettre son patrimoine impose de réunir tous les membres de la famille pour se poser des questions qui dépassent largement le cadre strict des biens que l’on possède et évoquer des situations parfois difficiles. Dans la transparence et la confiance», cadre Bernard Goffaux, Responsable Estate Planning chez Banque de Luxembourg Belgium.

«Il faut prendre le temps de déterminer les souhaits de chacun, de cartographier précisément le patrimoine, ce qui a déjà été donné et être transparent», confirme Benoit Frin, directeur estate planning &

lending, chez BNPP Fortis, insistant lui aussi sur la nécessité de mettre en confiance tous les intervenants. «Une fois les souhaits exprimés, nous expliquons leurs conséquences civiles, puis seulement leurs implications fiscales, au besoin individuellement ou par branche», poursuit-il.

«Ce n’est qu’une fois le contexte émotionnel dépassé que les outils juridiques (donation-partage, testament ou le pacte successoral) pourront pleinement produire leurs effets et sceller les accords qui permettront de prévenir tout risque de conflit lors du décès», embraye Bernard Goffaux. Et il faut suivre le dossier. «L’absence de monitoring d’une planification,

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Estate planning

Les conflits successoraux peuvent gangrener n’importe quelle famille. L’incapacité des héritiers et actionnaires de la famille Van Hool à régler leurs désaccords vieux d’un demi-siècle a ainsi tristement précipité la chute du fleuron industriel flamand.

alors que la situation des membres de la famille a changé et que toutes les parties prenantes n’ont pas intérêt à voir bouger les choses peut également faire des dégâts», relève Benoit Frin.

Les sources de conflit

«Les conflits sont souvent en lien avec des événements qui se sont produits il y a des années, voire dans l’enfance des personnes concernées», note Katrin Eyckmans, membre de la direction de Delen Private Bank. Des petits déséquilibres qui n’ont jamais été réglés, des attentes de gratitude non satisfaites, le sentiment d’un manque de reconnaissance peuvent compliquer la prise de décisions importantes et déboucher sur un conflit».

«Le déséquilibre dans la répartition des biens, qui apparaît lors de la succession sans explication compréhensible, est l’une des principales sources de conflit», constate Benoît Frin. L’absence d’anticipation, de planification ou d’implication de la génération suivante génère reproches, frustration et défiance.

«Les sujets de discorde peuvent porter tant sur la valorisation des biens successoraux que sur le partage des objets personnels ou familiaux, ou naître de conceptions différentes de la notion d’égalité ou d’équité», note Bernard Goffaux.

Comme ce couple, qui en faisant une donation directement à ses cinq petits-enfants, va favoriser la branche de sa fille qui a trois enfants, au détriment de celle de son frère qui n’en a que deux. Ou qui a fait donation à sa fille d’un appartement à Bruxelles dont la valeur aura doublé à leur

«Le déséquilibre dans la répartition des biens, qui apparaît lors de la succession sans explication, est l’une des principales sources de conflit»

décès, alors que la maison familiale ardennaise d’une valeur initiale identique que le fils a reçue n’en a pas pris. Si le sujet n’est pas abordé en amont, souvent, le mal est fait. Or, les parents ne partagent pas systématiquement toutes les informations avec (tous) les enfants. «Pas par mauvaise volonté, en général, mais parce que cela leur semblait l’approche la plus pragmatique à ce moment-là. Mais les conséquences à long terme peuvent être très négatives», constate Katrin Eyckmans.

Détecter les points sensibles Pour Banque de Luxembourg Belgium, le travail en amont commence lors des conseils de famille qui se tiennent plusieurs fois par an. «Nous discutons de choses qui ne concernent pas directement la succession. Cette ouverture est l’une des caractéristiques de notre métier», confie Bernard Goffaux. «Nous jouons le rôle de facilitateur, en mettant en scène les différents protagonistes et en suscitant leur dialogue».

Détecter les conflits potentiels entre les héritiers et tenter de les prévenir nécessite un dialogue au cours duquel chacun doit pouvoir faire valoir son point de vue. Une fois le contexte familial vidé de son contenu émotionnel, il ouvre la voie à des solutions dans lesquelles chacun trouvera son compte. Les familles clientes depuis des générations, plus rompues à ce type d’exercice, avec des conseillers qui ont construit une relation de confiance, sont plus rarement exposées à des conflits, constate-t-on chez Delen Private Bank.

La transmission d’une entreprise familiale

Le risque de tensions, de disputes et de conflits est nettement plus élevé dans les familles qui possèdent une entreprise, note Katrien Eyckmans. «Trouver un équilibre sain entre les intérêts de l’entreprise, de la famille et des actionnaires est crucial. La communication est la clé. Un savant dosage entre oser dire les choses et discuter de ce qui unit et sépare la famille, de ce qui se joue, du passé, du présent et de l’avenir... sans tabous ni arrière-pensées». Ces dossiers plus complexes sont gérés par une équipe dédiée «qui cartographie les rôles de chacun, avec les intérêts, attentes et défis y relatifs. Cela permet de déceler les tensions et les problèmes potentiels avant qu’ils ne dégénèrent».

Chez BNPP Fortis, les spécialistes du service

Family Business Governance sont formés à la médiation. «Nous rencontrons chaque membre individuellement afin d’entendre et d’identifier leurs souhaits, leurs ambitions, leurs frustrations et les tensions entre branches ou entre personnes. Nous les accompagnons jusqu’à la mise en œuvre d’une charte familiale, pour identifier les rôles que les uns et les autres souhaitent jouer dans l’entreprise familiale», détaille Benoit Frin.

Delen Private Bank peut faire appel à un réseau de médiateurs, conseillers familiaux, avocats et psychologues. «Cela a un coût, que nous considérons plutôt comme un investissement pour la famille, car il est plus que compensé par sa valeur ajoutée et ses avantages financiers lorsqu’on sort de l’impasse». Il arrive que ces rebondissements très éprouvants retardent voire provoquent l’arrêt total du processus de planification ou du règlement de la succession. Le temps peut s’avérer salvateur pour donner de l’oxygène et guérir les blessures. «Il arrive qu’après une pause de quelques mois ou plus, les discussions reprennent et qu’une solution finisse par émerger», témoigne Katrien Eyckmans.

27 L’ECHO JEUDI 13 JUIN 2024

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