Sabato Spécial Knokke (L'Echo)

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SPÉCIAL KNOKKE

LE MAGAZINE DU WEEK-END DE

24.06.2017

LE SURF EST LE NOUVEAU GOLF La mer pour terrain de méditation escapiste, quitte à DOMPTER LES VAGUES. L’entrepreneur Didier Engels: «Dès que la vague parfaite est là, it’s time to deliver.»

Pourquoi l’artiste américain KEITH HARING a-t-il eu un coup de foudre pour Knokke? Retour sur l’été mythique de ’87.

+ EXTRA

LE JOURNAL DE KEITH HARING À KNOKKE

3 X POOLHOUSE PORN Dark City. Knokke vue par Bieke Depoorter, photographe de l’agence Magnum C’est la maison qui régale: The Pharmacy ouvre un bar à cocktails à Mexico



68 Nouvelle vague Bigger splash 56 Les poolhouses, revue de détails

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Quatre CEO qui préfèrent le bleu au green

36 Revisited L’été ‘87 de Keith Haring à Knokke

État de grâce Une silhouette estivale toute en noblesse

22 Le soleil, la mer et Catzand Visite de courtoisie à la voisine de Knokke

L’œuvre au noir Bieke Depoorter, de Magnum à Knokke

88 La loi du marché Quelle est la cote 52 de Keith Haring?

Downtown Manhattan. Sur la 13th street se trouvait un club gay qui, aujourd’hui, est devenu un LGBT Community Center. Un lieu réservé aux lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres. Et aux amateurs d’art bien informés. En effet, dans une pièce qui, avant, était une douche publique, tous les murs sont recouverts de dessins de Keith Haring. Il les a faits en 1989, alors qu’il n’avait plus que quelques mois à vivre; pourtant, ces murs baignent dans le sexe. Le souvenir que Knokke a gardé de lui est complètement différent. Au cours de l’été de cette année 1989, il est revenu dans la station balnéaire pour la dernière fois. La première, c’était en été 1987, il y a trente ans exactement. En nous basant sur son journal, nous avons minutieusement remis en scène le séjour du streetartiste à Knokke et retrouvé tous ceux qui ont joué un rôle à cette occasion. Dans les eighties, tout le monde voulait un petit morceau de Keith Haring et il disait rarement non. On lui présentait un T-shirt, une serviette, une planche de surf et, hop!, il les noircissait de dessins. Cela n’a pas changé: aujourd’hui encore, le monde entier veut son petit morceau de l’artiste, et de préférence comme ça lui convient. Pour le LGBT Community Center, Keith Haring était l’instigateur d’une fête païenne et jubilatoire. Les Knokkois le décrivent plutôt comme un chouette gars qui, déjà, valait de l’or. Nous accommodons l’histoire en fonction de nos croyances ou de notre patrimoine. Gerda Ackaert, rédactrice en chef

Sabato fait une pause estivale. Rendez-vous le samedi 2 septembre.

Collaborateurs: An Bogaerts, Cara Brems, Iris De Feijter, Thijs Demeulemeester, Jan Scheidtweiler, Margo Vansynghel, Bert Voet Photo: Ellen Adam, Thomas De Bruyne, Karel Duerinckx, Wendy Huygebaert, Alexander Popelier, Cici Olsson, Jeroom Vanderbeke, Tim Van de Velde, Thomas Vanhaute Cover: Karel Duerinckx Rewriting: Natacha Boulvain, Muriel Michel Coordination & rédaction photo: Nathalie Warny Rédactrice en chef: Gerda Ackaert Art Director: Philip Van Bastelaere Traduction: Liliane Tackaert Abonnements: tél. 0800/55050, abo@lecho.be Annonces: Trustmedia, avenue du Port 86c, bte 309, 1000 Bruxelles, tél. 02/422.05.11, fax 02/422.05.10, info@trustmedia.be Éditeur responsable: Frederik Delaplace Sabato est imprimé chez Remy Roto

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Le 17 juin 1987, Keith Haring est arrivé en Belgique, invité par Roger Nellens dans le cadre d’une exposition au Casino.

L’ÉTÉ DE KEITH À KNOKKE ‘REVISITED’

Il y a 30 ans, Keith Haring passait son premier été à Knokke. Aujourd’hui, Sabato retrace le séjour en Belgique du célèbre street-artiste new-yorkais. En nous référant à des extraits de son journal de l’époque et à des photos en exclusivité nous avons reconstitué son réseau knokkois de 1987. Ceux qui l’ont rencontré et côtoyé de près, ses amis, se souviennent et racontent. Quel homme était-il? Qui a découvert sa séropositivité? Pourquoi le conteneur qu’il a peint a disparu? Comment créait-il? «Un artiste? Pour nous, il était avant tout un pote qui faisait des petits dessins.» REPORTAGE: THIJS DEMEULEMEESTER


D E S SI NS , R ENCO N TR ES & M ON DANIT ÉS : KE ITH HAR ING À KN OK K E

ummer 87» a été l’été où tout a changé. Du moins à Knokke-leZoute. Lorsqu’on a conseillé à Roger Nellens, knokkois d’origine, artiste, collectionneur d’art et, à l’époque, organisateur des expositions du Casino de Knokke, d’inviter pendant la haute saison l’artiste new-yorkais Keith Haring (1958-1990), personne ne pouvait imaginer que les conséquences seraient aussi radicales, profondes et permanentes. Tout d’abord, pour Haring luimême, pour qui Knokke était devenu le seul endroit où, selon ses propres dires, il se sentait ‘chez lui’. Mais aussi pour tous ceux qui l’ont côtoyé durant cet été. Grâce au journal de l’artiste disparu, Sabato a retracé minutieusement les ‘vacances d’été’ de Haring. Nous avons rencontré les principaux protagonistes de l’époque, ses amis et connaissances, mais aussi sa galeriste et même son médecin. Qu’en est-il ressorti? Trente ans après, les souvenirs sont encore vivaces. À l’époque, tout le monde voulait posséder un petit quelque-chose de Keith, ne fût-ce qu’un dessin, une signature sur un vêtement, un conteneur, un souvenir. Aujourd’hui, les choses ont peu changé: ceux qui, à l’époque, faisaient partie de son entourage, revendiquent toujours de l’avoir connu, ne fût-ce qu’à travers leurs récits. «Il a parfaitement trouvé sa place à Knokke. Il était accessible à tous», explique Xavier Nellens. «En même temps, il avait la capacité de garder ses distances. Ce que j’appréciais beaucoup: Keith restait lui-même, il n’appartenait à personne.»

bonne raison pour se rendre au plat pays. Tous deux étaient en contact depuis quelques temps: en 1983 déjà, Haring présentait son travail dans la galerie que Tob exploitait avec feu Monique Perlstein à Anvers. En 1987 et 1989, lors de ses passages en Belgique, Haring y expose à nouveau. «Nous avons découvert Keith au début des années 1980. Nous l’avons rencontré dans son atelier de New York, grâce à son galeriste, Tony Shafrazi. Nous avons tout de suite été frappées par son énergie débordante et son envie de dessiner. C’est aussi ce qui a marqué le public belge. Il attirait surtout un public de jeunes qui venaient avec leurs parents. Et pas le contraire», ajoute la galeriste. «Keith aimait énormément Anvers et la Belgique. Il a même fait venir sa mère pour qu’elle visite le pays. Et, lorsqu’il était ici, nous allions toujours manger à l’Euterpia, un restaurant traditionnel du boulevard Cogels-Osy. Nous achetions ses pinceaux à côté de l’Académie. Au MuHKA, le Musée d’art contemporain d’Anvers, il a peint un mur dans la cafétéria. Il s’y trouve toujours. Dans notre galerie, il a peint une porte, mais, depuis, elle a disparu.» «Dans ma garde-robe, j’ai encore un jeans qu’il a peint au Dragon, son lieu de résidence à Knokke, dans le jardin de Roger Nellens. Il a organisé en 1987 une grande exposition au Casino. Les trois étés qui ont suivi, Keith est revenu à Knokke. En février 1990, il est décédé des suites du SIDA. J’étais présente à ses obsèques à Harlem. Après, j’ai perdu le contact avec sa famille, mais ses œuvres et son souvenir sont restés intacts.»

Vol pour Bruxelles. À 13h, on vient nous chercher et nous allons acheter la peinture et les pinceaux avec Emmy Tob. 14h30: Je commence à peindre la fresque murale dans la cafétéria du musée d’Art contemporain d’Anvers. (…) Je finis la fresque en cinq heures. La dame du restaurant est amusante, mais a l’air vraiment épatée (…). Elle n’arrête pas de m’offrir des boissons, de la bière et de la nourriture. (…)

Je fais mes valises et me fais conduire à Knokke. Nous visitons l’endroit qui me servira d’atelier -un vieux salon de thé appelé le Pingouin. Il est situé juste à côté du Casino, devant l’océan, avec les fenêtres qui donnent sur la rue. (…) L’un des employés de la maison est en train de suspendre un sanglier sauvage que Roger Nellens a tué cette nuit (…). Il y a tellement d’oiseaux ici que c’est impressionnant. Je suis assis dehors sur une table faite par Niki de Saint Phalle, et deux immenses personnages sculptés y sont aussi installés. Je suis assis en face du Dragon, là où nous habitons. C’est vraiment surréaliste.

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© Alexander Popelier

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C’est par ces premières lignes que Keith Haring débute son parcours en Belgique. Qui est Emmy Tob? Elle était sa galeriste à Anvers. Il ne faut donc pas s’étonner qu’elle soit allée l’accueillir personnellement à Zaventem. Quelques œuvres de Haring étaient aux cimaises de la Galerie 121, voilà donc une première

Le Pingouin n’existe plus, contrairement à la maison de Nellens. Tout comme la maison de jeux, le fameux

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nouvelle vague

4 C EO QUI P RÉFÈRENT LE B L EU AU GR E EN

‘Everybody’s gone surfin’. Surfin’ CEO.’ Ces 3 entrepreneurs envisagent les vagues comme des opportunités, la mer comme une méditation escapiste et leur surf comme un tremplin vers un avenir durable. «Les sports nautiques m’apportent un supplément d’âme que je n’ai jamais connu avec le golf.» REPORTAGE: THIJS DEMEULEMEESTER PHOTO: KAREL DUERINCKX


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«Le surf, c’est une séance de purification.»

Nathalie Van Reeth est architecte d’intérieur et fondatrice de 9D, un bureau d’architecture anversois spécialisé dans les projets résidentiels exclusifs en Belgique et à l’étranger. «Quand j’ai commencé la planche à voile, j’avais 12 ans. Avec une planche qui pesait si lourd qu’il fallait presque être à trois pour la traîner dans l’eau. Et la voile, il fallait la tirer hors de l’eau avec une corde, tellement elle était imposante! Au cours de l’été 1987, lorsque Keith Haring était à Knokke, je lui ai demandé de dessiner sur ma planche. Ce fut une planche rose avec un kangourou jaune. Je l’ai toujours, mais à l’époque, je n’étais pas encore l’amatrice d’art que je suis aujourd’hui.» «Maintenant, je fais du kitesurf, mais quand ce sport a fait son apparition, il y a 15 ans, il me faisait peur. Mon mari n’a pas hésité à se lancer, mais j’ai préféré attendre que l’équipement soit plus sûr. Lui, c’est un early adopter parfait: il avait déjà été l’un des premiers à pratiquer la planche à voile ici, à Knokke. Ce qui me fascine le plus dans le kitesurf et la planche à voile? On est constamment en mouvement. Et puis, il y a le kick et aussi le fait d’être sur l’eau, loin de tout et de tout le monde, en communion avec la nature pour prendre de bonnes vagues. Une sensation merveilleuse!» «Si vous savez faire de la planche à voile ou du kitesurf sur la mer du Nord, vous savez en faire partout! Ici, la mer est mouvante et imprévisible, le vent peut souffler fort. Et comme il n’y a pas beaucoup de houle, c’est plus difficile de maîtriser ce sport. Pour la planche à voile, on a besoin de grosses vagues et il y en a parfois à Knokke, mais, en fait, je préfère aller à Zeebruges, surtout pendant les tempêtes. Jusqu’à 6 Beaufort, c’est génial, parce que vous avez une petite voile: ça vous donne un vrai sentiment de légèreté!» «Je vois de nouveau plus de windsurfers, à Hawaï et à Tarifa également. À un moment donné,

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La famille Van Ongevalle: le père Jan et sa fille Noa (qui fera cet été ses premiers pas dans l’entreprise), sa fille Hannah (élue meilleure bartender de Belgique il y a trois ans), son fils Ran (gagnant du prestigieux concours ‘Bacardi Legacy) et son amie Janah.

UN TRAIT DE FAMILLE

D E TH E PH A RM AC Y À KN OK KE À L A COPLA À MEXICO

Ils se présentent comme la ‘famille von Trapp’ des cocktails. Après le succès de The Pharmacy, à Knokke, Jan, Hannah, Ran (et son amie Janah) et Noa Van Ongevalle inaugureront un nouveau bar cet automne, Le Copla, à Mexico. «Ils nous trouvent très rock’n’roll.» REPORTAGE: AN BOGAERTS PHOTO: WENDY HUYGEBAERT

eur nom de famille suggère peut-être le contraire, mais ces derniers temps, la famille Van Ongevalle (accident en néerlandais) se porte à merveille: le bar The Pharmacy à Knokke est devenu un concept dans le monde des cocktails; la benjamine, Noa (19 ans), fera cet été ses premiers pas dans l’affaire -elle y est entrée en novembre dernier- et sa sœur, Hannah (30 ans), qui a été élue ‘meilleur bartender’ du pays il y a trois ans, a écrit un livre sur les cocktails. Leur frère, Ran (25 ans), vient de gagner le prestigieux concours ‘Bacardi Legacy’. Plus de 10.000 barmen et barwomen venus du monde entier étaient en lice, dont seulement 38 ont pu participer à la finale à Berlin, où ils devaient réaliser un cocktail classique à base de rhum. Ran a surpassé ses concurrents avec le Clarita, un

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cocktail à base de rhum, sherry, crème de cacao, absinthe, distillat d’eau de mer et huile d’olive. Malgré ce succès, le jeune homme de 25 ans garde les pieds sur terre. «J’ai encore beaucoup à apprendre», déclare-t-il, en pensant à son expérience à l’étranger. En octobre, il partira d’ailleurs avec sa compagne Janah (30 ans) pour un tour du monde d’un an. Pour voyager mais surtout pour trouver de l’inspiration et acquérir du savoir-faire. Ils feront étape à Mexico, où le pater familias, Jan (52 ans), se consacre au lancement du ‘Bar Copla by The Pharmacy MX’, le premier mais certainement pas le dernier projet mexicain de la famille belge. «Il y a environ deux ans, je me suis retrouvé au Mexique un peu par hasard, pour une mission», explique Jan «J’ai été époustouflé par la beauté et l’énergie de ce pays.»


SHAKE, SHAKE, SHAKE! LES COCKTAILS À LA MEXICAINE FAVORIS DE LA FAMILLE VAN ONGEVALLE Hannah intervient: «C’était une évidence. Via WhatsApp, il nous a inondés de photos. Il m’a tout de suite proposé d’y retourner avec lui, ce que nous avons fait un peu plus tard, et, ensuite, il y est encore retourné avec mon frère Ran.»

Révélation culinaire Au fur et à mesure de ses séjours, la famille se découvre une affinité avec ce pays attirant. «En matière de bars et de restaurants, c’est top. Et étonnant: on se trouve dans une rue miteuse et, là, on tombe sur le plus beau des restaurants», explique Jan. C’est lors d’une séance photos pour le magazine Esquire qu’il a eu l’idée de fonder son entreprise. «Je bavardais avec l’équipe à propos de notre passion, de notre famille et du plaisir que nous avions à travailler avec des chefs. Cela n’a pas échappé à la jeune chef Gabriela Ruiz (propriétaire du restaurant Gourmet MX, élue révélation culinaire du Mexique en 2014 — NDLR), et c’est ainsi que la conversation s’est engagée. Elle rêvait d’ouvrir un restaurant avec bar dans le prestigieux quartier de Polanco à Mexico et, plus précisément, dans le bâtiment où la Deutsche Bank, Facebook et Spotify ont leurs bureaux. Le bar sera aménagé sur une mezzanine, au rez-de-chaussée.» Si, au départ, les choses commencent par une simple mission de conseil, Jan s’est très vite retrouvé à la table des investisseurs et il a été impliqué à chaque étape. Désormais, il est responsable d’une franchise à part entière du Copla (La copla, ou ‘couplet’, est un poème mexicain de quatre vers à double sens). «Nous dessinons le bar, définissons une stratégie, embauchons les bonnes personnes et assurons le suivi de l’ensemble du projet», explique-t-il. «Nous pouvons nous connecter en ligne au système de caisse et voir 24 heures sur 24 ce qu’il s’y passe.» Jan se rendra à Mexico à la fin de l’été pour participer au lancement de Copla, après quoi il y passera une semaine tous les deux mois. «L’objectif est que Hannah, Ran et Noa aillent de temps en temps au Mexique pour suivre ce projet.» S’installer au Mexique n’est, pour l’instant, pas à l’ordre du jour. «En ce moment, nous avons encore trop de projets ici, en Belgique», déclare Jan. «Et ça dépendra un peu aussi des petits-enfants.» Ce à quoi Hannah répond en fronçant ostensiblement les sourcils. «L’idée de départ, c’était d’amener The Pharmacy à Mexico, mais je l’ai abandonnée assez vite. L’ancien

JAN VAN ONGEVALLE LE COPLA, HOMMAGE À LEUR PROJET MEXICAIN. INGRÉDIENTS - mescal - jus d’ananas grillé - agrumes - 1 cl sirop d’estragon mexicain - 1 trait de bitter au chocolat Servir dans une ‘cantinero cup’.

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Sabato Spécial ‘Knokke’. Ce samedi, gratuit avec L’Echo.


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