4 minute read

Le projet local auto-soutenable

Le lien entre les invariantes structurelles et le patrimoine, interprété – nous le répétons – comme « ensemble des structures de longue durée produites par la coévolution entre l’homme et l’environnement », est crucial. Les structures qui composent le territoire ne peuvent pas toutes être conceptualisées comme invariantes pour d’évidentes raisons, la première parmi toutes étant celle d’une durabilité qui doit être non seulement environnementale (la plupart des structures du paysage traditionnel ont cette caractéristique) mais aussi économique et sociale. La distinction entre structures et invariantes territoriales est donc d’une importance fondamentale14 afin de ne pas courir le risque d’instances de gel du territoire ou de ses portions (scénario parfois involontairement et pourtant inévitablement évoqué par le même terme « invariantes »).

Le projet local auto-soutenable La conception du lieu comme produit stratifié de processus de coévolution et la réinterprétation de ses principes générateurs comme règles conceptuelles en mesure d’en préserver et de reproduire des identités de longue durée et des fonctionnements vertueux conduisent à un projet alternatif à celui promu par l’urbanisme et la planification conventionnels. Le projet local exposé par Magnaghi (Magnaghi 2000) va dans ce sens et se présente comme une alternative radicale au modèle de développement actuel et à ses dysfonctionnements. A l’origine de l’idée de développement local auto-soutenable promue par Magnaghi se situe un ensemble d’études économiques qui ont mis l’accent sur la valorisation des ressources et des particularités des lieux comme la base pour la production de modèles alternatifs de développement (Dag Hammarskjold Foundation 1975 ; Sachs 1981 ; Hettne 1996). Ces études ont commencé à détourner l’attention pour passer de paramètres de mesure de la richesse purement quantitatifs à des paramètres plus complexes et inclusifs (par exemple l’actuel BES). Autorégulation économique et environnementale des systèmes territoriaux, réactualisation du projet implicite dans le territoire même (Dematteis 1995), promotion de systèmes territoriaux locaux (Dematteis, Governa 2005) et de modèles d’autogouvernance dans lesquels les communautés locales jouent un rôle proactif constituent les piliers théoriques sur lesquels se fonde le projet local auto-soutenable. Dans la réflexion territorialiste, le empowerment des habitants-producteurs de territoire est considérée comme l’une des conditions préalables du projet local, car elle permet d’engager la reconstitution du rapport même de soin entre communautés installées et territoire

14 Dans le plan paysager territorial régional des Pouilles il existe une distinction claire et efficace entre structures et invariantes territoriales. Également dans le texte de la loi toscane 65/2014, alors que dans le plan paysager régional (qui constitue un combiné disposé par la loi), structures et invariantes sont souvent utilisés comme synonymes.

(Decandia 2004), découpé dans les modèles d’implantation contemporains. A ces fins, à partir des années 1990, les expériences de recherche développées par l’école territorialiste se sont souvent entremêlées avec l’élaboration d’instruments d’urbanisme et de planification à caractère fortement participatif (décrites à partir de Magnaghi, Paloscia 1992), en définissant un parcours de réflexion dont il est possible d’approfondir la connaissance notamment à travers les écrits de Giancarlo Paba (dont nous nous bornons à citer Paba 1998 et Paba et al. 2009). Dans le même temps, les parcours de recherche se sont entrecroisés avec ceux de la formation universitaire, menée plus avant notamment au sein de la soi-dite école d’Empoli (où ont eu lieu, jusqu’en 2020, les deux cours de licence en Planification et conception de la ville, du territoire et du paysage de l’Université de Florence, qui se tiennent aujourd’hui à Prato). Recherche, action et formation ont constitué un cercle (non exempt de passages problématiques) au sein duquel explorer les possibilités d’expérimentation et de mise en œuvre d’une approche qui a toujours vu même dans la production du conflit un moment maïeutique et producteur de « territorialité active » (Dematteis, Governa 2005)15 . La dimension de l’écoute active, de la conception concertée de projet, de la promotion de l’autogouvernance utilise une pluralité d’instruments, parmi lesquels la réalisation de représentations de rôle heuristique, visant non seulement à comprendre mais aussi à rendre expressément visibles de caractères patrimoniaux, figures territoriales, règles invariantes (Carta 2011b ; Lucchesi 2016 ; Zetti 2017)16. Il s’agit de cartes qui remontent clairement à une longue tradition chorographique (des tableaux de Léonard de Vinci aux cartes de Giovanni Inghirami ou d’Attilio Zuccagni Orlandini) dont ils visent à reprendre la pictorialité et l’expressivité. Dans le même temps, elles conservent un statut rigoureux quant à la fiabilité topographique et géométrique, à la géo-référenciation et à la construction méthodologique, et c’est la raison pour laquelle elles peuvent être utilisées comme instruments de valeur normative dans le cadre des plans urbanistiques et territoriaux. Les cartes de la représentation identitaire et statutaire expriment le passage d’une conception de territoire comme une feuille blanche sur laquelle disposer de nouveaux volumes et infrastructures, à une conception patrimoniale car « une nouvelle idée du

15 Parmi les réflexions les plus récentes sur ce sujet, voir Baratti et al. 2020. 16 Dans les années 1990 s’amorce, en Italie, un renouvellement des modalités de représentation du territoire même grâce à quelques innovations législatives comme : la loi régionale d’urbanisme de la Ligurie n. 36/1997 qui prédispose, parmi les contenus de la planification provinciale et communale, la description fondative, entendue comme tressage des connaissances environnementales, historique-territoriales et socio-économiques, destinée à devenir base commune et partagée pour la gestion des transformations ; et la loi régionale toscane n. 5/95 (Norme pour le gouvernement du territoire) qui identifie dans le diagnostic la base commune des procès de plan et à lui attribue un rôle déjà de projet, comme siège de l’identification de valeurs consolidées et collectivement partagées qui seront formellement reconnues dans le Statut des Lieux. Sur ces avancées, voir Cinà 2000.

This article is from: