7 minute read
Expérimentations de projets
de la ville » (Geddes 1970, p. 325), rendant possible cette « éducation au regard » (Ferraro 1998) qui peut refonder la « planification urbanistique en tant que dessin organique de la ville » (Geddes 1970, p. 330). La ville est donc toujours un corps physique et un corps social, avec des particularités spécifiques (dans les deux dimensions) qui dépendent de la personnalité du lieu10 . La composante universitaire contribue également à cet objectif. Elle, « pour être réformée […] doit renaître de la ville et de son travail » (Geddes cit. in Paba 2010, p. 11). La recherche, l’action et la formation de la citoyenneté s’entremêlent dans un cercle vertueux : « notre ville de la pensée doit fusionner avec la ville des faits et des actions pour devenir une seule et unique chose » (ivi). A cet egard Lewis Mumford, dans le chapitre de La culture des villes consacré précisément à la « politique du développement régional », définira l’enquête (survey) et le plan comme des instruments de « éducation communautaire », déclarant que la tâche du régionalisme est « d’éduquer les citoyens : leur donner les outils pour agir, préparer un environnement pour l’action, et suggérer des tâches socialement importantes, à servir de buts pour l’action » (Mumford 1999, p. 395).
Expérimentations de projets Au cours des dernières années, des expériences de projets ont été développées au niveau européen pour tester l’application de l’approche biorégionaliste urbaine, en particulier sur le thème des politiques alimentaires sur les réseaux de proximité (Matarán, Yacaman 2020), sur la mise en œuvre de projets locaux comme levier pour la constitution de modèles de développement post-crise (Mavrakis et al. 2020) et sur la construction de scénarios agroécologiques. Il convient de souligner les recherches menées en France (Berland-Berthon 2011), notamment dans la région bordelaise et en Ile-de-France. Dans la première, le projet Biorégion Aquitaine a vu un partenariat italo-français très large (Universités de Florence et de Bordeaux, les collectivités régionales, les écoles d’Architecture et de Paysage de Bordeaux, le PNR Landes de Gascogne, Pays Médoc, le Conseil
10 De l’activation de ce lien entre l’espace physique et le lieu en tant qu’entité sociale et culturelle, découlent les solutions de conception les plus efficaces et durables, comme on peut le constater des interventions de Geddes en Inde. On pense, par exemple, au projet du Garden Village à Indore, né pour accueillir des travailleurs de la nouvelle Cottontown, avec la création d’une épine centrale de jardins à gestion partagée, fertilisés selon le principe de « everything to the soil » (appartenant à la culture traditionnelle indienne), sur lesquelles se greffent les parcelles d’habitation. Ou à la récupération des piscines sacrées de Balrampur, considérez un danger en tant que foyers potentiels de la malaria et pour cela susceptibles d’être asséchés. Geddes les relit, par contre, comme élément multifonctionnel historiquement présent dans le tissu urbain aux fins de régulation du niveau des eaux du réseau hydrographique de la ville, d’irrigation, de refroidissement de l’air. Il propose donc un entretien actif de la piscine qui inclut l’élevage de canards et de poissons (qui se nourrissent des moustiques vecteurs de l’infection) et qui offre également des incitations à la population, tels que l’utilisation des boues pour fertiliser les potagers et la possibilité d’utiliser une partie du poisson (Ferraro 1998).
Général de la Gironde, le SySDAU) et a lancé une série d’initiatives de planification participée. Parmi les résultats de cette recherche on peut citer : l’élaboration d’atlas patrimoniaux du territoire de la Gironde ; l’identification des criticités potentielles et en cours qui affectent la reproduction du patrimoine territorial ; l’identification de projets stratégiques pour la réorganisation polycentrique de l’aire métropolitaine, pour la mise en place de réseaux agro-alimentaires de proximité, pour la fermeture du cycle de production-consommation d’énergie, pour le réaménagement multifonctionnel de la lisière urbaine-rurale, pour la constitution d’un parc agricole multifonctionnel dans la zone du Parc des Jalles bordelais. Enfin, l’inclusion de la soi-dite « métropole biorégionale » parmi les scénarios de projet fournis par le Scot (Schéma de cohérence territorial) de Bordeaux. Dans la région Ile-de-France, le projet Biorégions 2050. L’Ile-de-France après l’effondrement (Sinai et al. 2020) simule un scénario dans lequel le modèle basé sur le métropolisation s’effondre d’ici 2050 et une nouvelle structure physique et socioéconomique du territoire est établie. Les points d’appui de cette transformation sont : un rééquilibrage démographique entre les centres urbains et ruraux, un renforcement significatif de la gouvernance au niveau local, une relative autosuffisance en termes d’approvisionnement énergétique et de production alimentaire et la révision radicale des modes de déplacement. L’Ile-de-France « explose » ainsi en différentes biorégions rendant le contexte le plus métropolitain de France globalement plus résilient et habitable. En Italie, de nombreuses recherches-actions ont été menées dans des contextes régionaux spécifiques présentant des caractéristiques très différenciées, tant en termes de valeurs patrimoniales que de criticité (De Bonis, Fanfani, Schilleci 2019). Parmi celles-ci, la zone interne sarde de l’Ogliastra (Colavitti 2020), la portion de territoire du Latium relevant de la zone pontine (Budoni et al. 2018), la zone métropolitaine milanaise et son système agro-alimentaire (Scudo, Clementi 2020). Dans les Pouilles, l’élaboration du plan paysager territorial approuvé en 2015 a joué le rôle de laboratoire d’expérimentation particulièrement actif sur de nombreux thèmes repris dans l’approche biorégionale : de la reconnaissance des valeurs patrimoniales comme dépositaire des règles de planification, à l’identification de différentes formes de proximité entre ville et campagne utiles pour restructurer leur relation mutuelle; de la constitution d’un réseau écologique polyvalent, à la reconnaissance (formalisée dans les normes techniques d’application) de l’institut de la participation des habitants à la production sociale du plan et du paysage. La Toscane est la région italienne où a été mis en place le plus grand nombre de plans et de projets d’orientation biorégionale, notamment grâce à l’impulsion donnée par les recherches d’approche analogue menées dans le milieu académique à ce sujet. La recherche qui a lancé
cette série d’expérimentations a été le Programme de recherche d’intérêt national « Le parc agricole : un nouvel outil pour la planification territoriale des espaces ouverts », coordonné par Alberto Magnaghi entre 2005 et 2007 (Magnaghi, Fanfani 2010). L’unité de recherche florentine a produit un scénario de projet axé sur la définition de la biorégion urbaine de la Toscane centrale, structurée par le système d’implantation polycentrique (ladite « ellipse » des villes) et par les espaces ouverts agricoles et naturels qui constituent le green core. Il en résulte l’identification d’une vaste matrice agro-environnementale qui devient, dans l’idée de fond, le siège de l’institution d’un grand système de parcs agricoles, pouvant valoriser le rôle multifonctionnel de l’agriculture en tant que génératrice de biens communs et de services d’utilité collective. Le parc agricole remplit ainsi le double rôle d’instrument permettant de définir et de mettre en œuvre, d’une part, un projet stratégique pour le territoire (définissant le schéma spatial du scénario), et, d’autre part, les politiques nécessaires. La dimension évoquée par le scénario de la biorégion urbaine toscane est celle du « pacte » entre les différents sujets (institutionnels et autres) impliqués, mais aussi entre la ville et la campagne. L’importance de ces questions dans le contexte régional a également contribué à créer un contexte favorable à la réalisation de certaines avancées fondamentales sur le plan normatif, à savoir l’approbation de la loi régionale 65/2014 « Norme per il governo del territorio » et du Piano d’Indirizzo Territoriale avec la valeur de plan paysager (2015). Les deux instruments, liés dans certaines parties sous la forme d’une disposition combinée, agissent pour la préservation du territoire non urbanisé par des nouvelles consommations de sol (obtenant des résultats qui, comme toujours dans la comparaison avec la pratique de planification, montrent clairement des marges d’amélioration). En identifiant les quatre invariants structurels, le Pit réaffirme la fonction de châssis du réseau d’installation polycentrique qui a historiquement incardiné le territoire régional, ainsi que celle de la fourniture de services écosystémiques assurés par l’ensemble du territoire ouvert, considéré du point de vue hydro-géomorphologique, écosystémique et agricole. Les expériences menées en Toscane selon l’approche biorégionaliste se sont principalement concentrées sur la plaine florentine et de Prato, avec le projet pour le parc agricole de Prato (Magnaghi, Fanfani 2010) et pour le parc agricole péri-fluvial « Coltivare con l’Arno » (Poli 2019). En plus il faut rappeler nombreuses expériences de formation et recherche (Gisotti 2015). Toujours au sein de la biorégion de la Toscane centrale, nous pouvons également placer le travail de recherche-action réalisé pour la construction d’un bio-district sur le territoire du Montalbano et la recherche menée pour la Città Metropolitana de Florence « Un sistema di bioregioni urbane, policentriche, autosostenibili e resilienti », qui s’est concentré sur une nouvelle interprétation des services écosystémiques selon l’approche patrimoniale, les déclinant en « services éco-territoriaux ». La recherche a ainsi favorisé une nouvelle centralité des zones marginales du territoire