l’intelligent JEUNE AFRIQUE
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 45 e ANNÉE
n° 2329 • du 28 août au 3 septembre 2005
BURUNDI
La paix en ligne de mire
FRANCE
Bertrand Delanoë : Paris tenu !
CONGO
Disparus du Beach : les dessous du procès
ALGÉRIEMAROC Détente cordiale ?
CÔTE D’IVOIRE
QUE PEUT FAIRE
DOUE ?
Interview exclusive
ÉDITION AFRIQUE SUBSAHARIENNE ET INTERNATIONALE
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• France 3 € • Afrique du Sud 29,95 rands (tax inc.) • Algérie 120 DA • Allemagne 4 € • Autriche 4 € • Belgique 3 € • Canada 5,25 $ CAN • Danemark 32 DK • DOM 3 € • Espagne 3,60 € • Finlande 4 € • Grèce 3,60 € • Italie 3,60 € • Luxembourg 3 € • Maroc 20 DH • Pays-Bas 3,60 € • Portugal cont. 3,60 € • Royaume-Uni 3 £ • Suisse 5,50 FS • Tunisie 2,5 DT • USA 5,25 $ US • Zone CFA 1 500 F CFA • ISSN 0021 6089
Mathias Doué, ex-chef d’état-major de l’armée ivoirienne. M 01936 - 2329 - F: 3,00 E
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Dans
l’intelligent et nulle part ailleurs JEUNE AFRIQUE
POLITIQUE, ÉCONOMIE, CULTURE
28
CE QUE JE CROIS Béchir Ben Yahmed interrompt la publication de son éditorial pendant quelques semaines. Vous le retrouverez en septembre (n°2332).
MAGHREB
LA SEMAINE
4 L’actualité en bref CONFIDENTIEL
6 Politique, économie, société et culture
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CÔTE D’IVOIRE
FOCUS
10 Algérie-Maroc Un ambassadeur nommé Belkheir Voir la liste des autres articles en p. 10 L’ENQUÊTE
Après neuf mois de silence, Mathias Doué l’ancien chef d’état-major se dit décidé à faire partir le président Gbagbo « par tous les moyens ». Quelles sont ses intentions réelles ? Et sur quelles forces peut-il compter pour y parvenir ?
15 Procès du Beach Reality show à Brazzaville MONDE
PHOTOS DE COUVERTURE : A. SENNA/AFP ; G. BARNUS/PANAPRESS REUTERS MAXPPP ; IMAGINE CHINA
Libération des derniers prisonniers marocains détenus par le Polisario, tournée régionale de l’envoyé spécial de George W. Bush : l’Amérique veut résoudre le conflit du Sahara. Et réconcilier Rabat et Alger.
INTERVIEW
18 Israël Questions sur un retrait 21 Ce jour-là 2 septembre 1945 : le Japon capitule 22 Allemagne Angela Merkel, la revanche de « la petite » 24 France Delanoë à qui perd gagne ?
Pourquoi en vient-on, au nom de sa foi, à massacrer des innocents ou à sacrifier sa vie? Dans la seconde partie de l’entretien qu’il nous a accordé, le psychanalyste tunisien Fethi Benslama s’efforce d’apporter quelques éléments de réponse.
AFRIQUE DU NORD
28 Maghreb Washington prend les choses en mains 31 Football Désespérance de Tunis 32 Maroc Célibataires : solo, mais pas trop ! 37 Ces femmes qui comptent Nadia Lamlili 38 Tunisie-Israël Chronique d’une relation discrète (suite) LE PLUS DE L’INTELLIGENT
43 La Chine à la conquête de l’Afrique AFRIQUE SUBSAHARIENNE
67 Côte d’Ivoire Mathias Doué, pompier ou pyromane ? 71 Angola En attendant les élections 73 57 bis, rue d’Auteuil Martin Ziguélé 74 Burundi Faut-il croire à la paix ?
78
La parution d’Ecofinance est suspendue jusqu’à la fin août. Elle reprendra dans le n° 2330 daté du 4 au 10 septembre.
LIRE, ÉCOUTER, VOIR
76 Tendance Des écrivains sur la Toile 78 Fethi Benslama L’islamisme, ou le délire qui tue
RUBRIQUES Arrêt sur image 5 Ils ont dit 14 ● Kiosque 20, 34 ● Ça vous intéresse 57 ● Notre sondage du mois 86 ● Agenda 87 ● ●
VOUS & NOUS
84 Adieu John Johnson 85 Votre courrier POST-SCRIPTUM
88 La faute à la rentrée ! Par Coumba Diop
l’intelligent CONTACTEZ-NOUS ABONNEMENTS Groupe Jeune Afrique SERVICE ABONNEMENTS: B.P. 6, 59718 LILLE CEDEX 9 Tél.: 33 3 20121134; Fax: 33 3 20121112 Courriel: jeuneafrique@cba.fr VENTE AU NUMÉRO Groupe Jeune Afrique SERVICE DIFFUSION: 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris Tél.: 33 1 44301960; Fax: 33 1 45200967 Courriel: ventes@jeuneafrique.com
l’intelligent Le devoir d’informer, la liberté d’écrire JEUNE AFRIQUE
J.A./L’INTELLIGENT N° 2329 – DU 28 AOÛT AU 3 SEPTEMBRE 2005
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LA SEMAINE (DU 21 AU 26 AOÛT) P RÉSENTÉE
PAR
É LISE C OLETTE
FRANCE Incendie meurtrier à Paris
Dix-sept personnes, au moins, originaires en partie d’Afrique de l’Ouest ont péri dans l’incendie de leur immeuble, apparemment très vétuste, situé dans le 13e arrondissement de Paris, dans la nuit du 25 au 26 août. Une trentaine d’autres ont été blessées. Les causes du sinistre restaient au 26 août inconnues. Cette catastrophe intervient quatre mois après l’incendie de l’hôtel Paris-Opéra, le 15 avril dernier. Vingt-quatre personnes y avaient trouvé la mort.
IRAK Les pertes de la coalition
Le Wall Street Journal faisait, le 23 août, le bilan suivant des pertes de la coalition en Irak :
NUCLÉAIRE Musharraf accable Khan
Le président pakistanais, le général Pervez Musharraf, a reconnu, le 24 août, dans une interview accordée à l’agence de presse japonaise Kyodo, que le savant Abdul Kadeer Khan, le « père de la bombe atomique islamique », avait fourni des centrifugeuses, « en morceaux et complètes », à la Corée du Nord. Ces livraisons illégales, qui se seraient faites à l’insu du gouvernement et de l’armée, n’auraient cependant pas joué de rôle majeur dans le développement de l’arsenal nucléaire de Pyongyang.
SCANDALE À L’ONU
Un air de famille
Après le fils, on demande le frère. Kofi Annan, le secrétaire général des Nations Unies, n’en a pas fini avec le scandale « Pétrole contre nourriture ». Son fils, Kodjo, avait été mis en cause par la commission d’enquête indépendante pour avoir été rémunéré par la Cotecna, une entreprise suisse ayant remporté en 1998 le marché de la vérification des biens entrant en Irak en vertu du programme humanitaire. C’est désormais son frère, Kobina Annan, l’actuel ambassadeur du Ghana au Maroc, qui est dans le collimateur des enquêteurs. Un prochain rapport est attendu début septembre.
ÉTHIOPIE
Certifié non conforme
La mission d’observation de l’Union européenne, qui a supervisé les législatives éthiopiennes du 15 mai, a rendu son verdict : le processus électoral ne s’est pas
déroulé selon les standards internationaux, a été entaché de nombreuses irrégularités, et le traitement des plaintes déposées par l’opposition a été inéquitable. L’EPRDF, la coalition du Premier ministre Mélès Zenawi, a remporté la majorité absolue, avec 296 des 547 sièges du Parlement. Depuis, des manifestations, violemment réprimées, ont fait 37 morts.
ÉGYPTE
Charm el-Cheikh, connais pas !
Le 24 août, les autorités égyptiennes ont décidé d’imposer un silence médiatique absolu autour de l’enquête sur les attentats sanglants de Charm elCheikh, qui avaient fait entre 67 et 88 morts le 23 juillet dernier. Les journaux locaux ont désormais l’interdiction de publier la moindre information relative à l’enquête, dont le déroulement, confus et contradictoire, déroute les observateurs. Après avoir accusé, à tort, des Pakistanais, les policiers égyptiens ont pointé du doigt les Bédouins du Sinaï, et nient désormais toute implication du réseau al-Qaïda dans cette affaire.
MINES
La Comilog serat-elle brésilienne?
Dessin de Oliphant paru dans le International Herald Tribune (quotidien, Paris). 4
La Compagnie Vale do Rio Doce (CVRD) veut s’approprier le manganèse du Gabon. Le groupe minier brésilien est actuellement en pourparlers pour le rachat du français Eramet, qui détient la Compagnie minière de l’Ogooué (Comilog). Celle-ci exploite notamment le manganèse extrait du gisement de Moanda (2 millions de tonnes par
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KENYA
Vinci pointé du doigt
Près de 700 personnes ont défilé au nord de Nairobi, le 22 août, devant le siège de la filiale du groupe français Vinci, Sogea Satom, pour dénoncer des faits de corruption durant l’embauche du personnel local, ainsi que des abus sexuels. L’entreprise de BTP réhabilite une route en direction de l’Ouganda. Ce chantier s’élève à 50 millions d’euros. « Ce n’est pas une affaire de corruption […]. Pour 200 emplois, nous avons reçu 5 000 demandes alors que les responsables politiques locaux avaient promis que ce chantier donnerait du travail à toute la région », affirme le directeur de Sogea Satom, Daniel Campo, qui reconnaît toutefois des « cas de favoritisme au profit de parents des agents recruteurs ».
BANQUE
Feu la Belgolaise
Coup double aux Pays-Bas le 25 août. Le groupe belgonéerlandais Fortis annonce un bénéfice de 37 % de son activité bancaire, à 1,5 milliard d’euros, en même temps que sa décision de démanteler la Belgolaise, sa filiale spécialisée sur l’Afrique subsaharienne. Il cherchait à la vendre en totalité depuis le début de l’année, mais n’aurait trouvé aucun repreneur. La Belgolaise sera donc revendue par appartements. Fortis garde quelques activités qu’il juge stratégiques,
MARK TONG/EPA/SIPA
an), dans le Haut-Ogooué. Le montant de la transaction, si elle devait aboutir, pourrait dépasser 2 milliards d’euros. CVRD deviendrait ainsi le numéro un mondial du ferro-manganèse, composant essentiel de l’acier.
ARRÊT SUR IMAGE Passages cloutés: s’abstenir… En Chine, les vols de gaz naturel se multiplient dans la province du Henan. Les paysans se rendent directement sur les puits de la compagnie d’extraction pétrolière locale pour capturer le combustible. Ils le ramènent ensuite dans de grands sacs en plastique. Mieux vaut éviter de gratter une allumette auprès de ces préservatifs géants: au contact du feu, leur précieux liquide est aussi mortel que le virus du sida. comme la salle des marchés, et se sépare des participations minoritaires dans son réseau africain.
RD CONGO
Le pont KinshasaBrazza en suspens
La RD Congo acceptera le projet de « Pont route-rail » (élaboré par le Nepad) entre Kinshasa et Brazzaville audessus du fleuve Congo à condition que la construction d’un port en eau profonde à Banana soit étudiée. Selon Kinshasa, cette ouverture vers l’océan est vitale pour concurrencer le port de Pointe-Noire du Congo voisin. Les autorités de RDC reconnaissent toutefois que leurs arriérés de cotisation auprès des organisations internationales bloquent les programmesd’infrastructures, notamment la modernisation du barrage hydroélectrique d’Inga, dans l’ouest du pays. Les retards de paiement du gouvernement auprès de l’UA sont évalués à plus de 11 millions de dollars.
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CULTURE
Trois mille langues en perdition
Selon des experts mandatés par l’Unesco, 6 000 langues seraient parlées sur notre planète, dont 1 995 sur le seul continent africain. La moitié des idiomes perdent cependant des locuteurs. Près de 97 % de la population pratique 4 % seulement des langues du monde. Et 600 d’entre elles sont parlées par moins de 100 personnes. Cette tendance, dénoncée par le linguiste Claude Hagège, pourrait entraîner le remplacement de la moitié au moins des langues minoritaires par les idiomes dominants – le chinois, l’hindi, l’arabe, l’anglais… – d’ici à la fin du siècle.
TANZANIE
Le club des dix
Au 21 août, jour du lancement officiel de la campagne électorale pour la présidentielle du 30 octobre, dix candidats s’étaient
déclarés. Pour la première fois dans l’histoire du multipartismetanzanien (depuis 1992), une femme tentera de briguer la magistrature suprême : Anne Claudia Senkoro, qui se présente sous les couleurs du Parti du progrès de la Tanzanie (PPT). Elle a cependant peu de chances de l’emporter, tout comme ses huit concurrents, puisque Jakaya Kikwete, l’actuel ministre des Affaires étrangères et candidat du parti au pouvoir, le Chama Cha Mapinduzi (CCM), est donné grand gagnant. Le président sortant, Benjamin Mkapa, a mis en garde les partis politiques contre les risques de violence qui peuvent éclater d’ici octobre, notamment sur l’île semiautonome de Zanzibar.
Les rendez-vous du 1er au 4 septembre Voir l’agenda du mois de septembre page 87. 5
CONFIDENTIEL Condoleezza Rice devrait conduire la délégation américaine lors du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI), à Tunis du 16 au 18 novembre. La secrétaire d’État profitera, dit-on, de l’occasion pour prononcer un « discours d’orientation » consacré aux réformes et à la démocratie dans le monde arabe. Elle s’était déjà exprimée sur ce thème, le 19 juin, devant un millier d’invités à l’Université américaine du Caire.
Mandela à Rabat L’ancien président sud-africain s’est rendu en visite privée au Maroc du 24 au 26 août. Selon la Fondation NelsonMandela, il répondait à l’invitation du prince Bandar Ibn Sultan, ancien ambassadeur d’Arabie saoudite à Washington. Il n’a officiellement rencontré aucun responsable marocain. Les relations entre les deux pays sont notoirement mauvaises depuis qu’en 2004 l’Afrique du Sud a reconnu la République arabe sahraouie démocratique (RASD).
Houngbédji à Paris Ancien président de l’Assemblée nationale (1991-1995), ancien Premier ministre (19961998) et probable candidat à l’élection présidentielle béninoise de mars 2006, Adrien Houngbédji (63 ans) sera à Paris du 13 au 20 septembre pour la sortie du livre Il n’y a de richesse que d’hommes qu’il publie aux éditions L’Archipel. Il y évoque son itinéraire politique et expose les grandes lignes de son programme.
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POLITIQUE TOGO Air Faure Manifestement désireux d’élargir son réseau de reconnaissances internationales, le président togolais Faure Gnassingbé aura beaucoup bougé pendant le mois d’août. Il s’est rendu tour à tour en Éthiopie, au Ghana, au Burkina et en Libye. Le 15 septembre, il sera à New York pour l’Assemblée générale de l’ONU. Faure Gnassingbé. Sur le chemin du retour, deux escales sont prévues, à Paris et à Bruxelles. Pendant ce temps-là, dans la capitale togolaise, le Premier ministre Edem Kodjo peine manifestement à trouver ses marques et à se ménager une marge de manœuvre : toutes les décisions se prennent en effet à la présidence. Quatre hommes forment ainsi la « garde rapprochée » incontournable de Faure Gnassingbé : son frère Kpacha, son directeur de cabinet Pascal Bodjona et ses conseillers Charles Debbasch et Pitang Tchalla (ancien ministre de la Communication d’Eyadéma).
CÔTE D’IVOIRE Communication défaillante Médiateur de l’Union africaine dans la crise ivoirienne, Thabo Mbeki n’a pas réagi aux menaces récemment lancées à l’adresse de Laurent Gbagbo par le général Mathias Doué, l’ancien chef d’état-major des forces armées (voir pp. 67-70). Ce que déplorent les membres de la mission onusienne à Abidjan. Même s’ils ne peuvent se permettre de critiquer publiquement le président sud-africain – dont ils ont trop besoin –, ces derniers aimeraient quand même qu’il communique davantage et accepte de mieux coordonner son action avec la leur. Pierre Schori et Antonio Monteiro, les hauts représentants de l’ONU en Côte d’Ivoire, s’en sont ouverts à lui lors de leur visite à Pretoria, le 15 août. L’enjeu n’est pas mince puisque les sanctions décidées par le Conseil de sécurité contre un certain nombre de personnalités ne pourront être appliquées sans l’accord de Mbeki.
MAURITANIE Ould Taya en son exil Moins d’un mois après son renversement, le 3 août, l’ancien président mauritanien Maaouiya Ould Taya est désormais un homme seul. Tour à tour contactés, le Maroc et la France ayant posé pour l’accueillir des conditions jugées par lui inacceptables (pas de politique pour le premier, pas de garanties judiciaires contre d’éventuelles poursuites pour la seconde), c’est finalement au Qatar qu’Ould Taya a trouvé asile – sur le conseil et avec l’appui des États-Unis. D’abord logé dans une suite de l’hôtel Sheraton, à Doha, pratiquement sans contacts avec l’extérieur, il devait emménager le 27 août dans une villa d’hôtes sécurisée mise à sa disposition par l’émir Hamad Ben Khalifa al-Thani. Son directeur de cabinet, Maalaïnine Ould Toumy, ayant regagné Nouakchott le 24, seuls demeurent à ses côtés, outre Aïcha, son épouse, et leurs quatre jeunes enfants, deux gouvernantes et un religieux, son lecteur attitré du Coran. J.A./L’INTELLIGENT N° 2329 – DU 28 AOÛT AU 3 SEPTEMBRE 2005
V. FOURNIER/J.A.I.
VISITES Rice à Tunis
LIBYE Projets londoniens pour Kaddafi
NOMINATIONS David Dunn
Mouammar Kaddfi se rendra-t-il dans le courant du mois de septembre à Londres, où il n’a plus mis les pieds depuis les années 1960, pour assurer la promotion de la version anglaise de son livre d’entretiens avec l’universitaire et africaniste français Edmond Jouve (paru l’an dernier à Paris, chez L’Archipel, sous le titre Dans le concert des nations) ? Des négociations en ce sens ont eu lieu dans le courant du mois d’août entre les autorités britanniques, des représentants de la Jamahiriya libyenne et John Blake, l’éditeur du livre. En toute occurrence, il ne pourra s’agir que d’une visite strictement privée, a précisé le Foreign Office. La version anglaise, qui compte 263 pages, paraîtra sous le titre My Vision. Selon The Sunday Times, Kaddafi aimerait mettre à profit son éventuelle venue dans la capitale britannique pour assister à un match de football de la Premier League.
Ce diplomate de carrière a été nommé par le président George W. Bush ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire des États-Unis auprès de la République togolaise. David Dunn était jusqu’ici consul général à Johannesburg (Afrique du Sud) après avoir été ambassadeur en Zambie. Il a également dirigé le Bureau des affaires est-africaines au département d'État.
ÉTATS-UNIS Vers un sommet Sharon-Abbas Pour prolonger « la dynamique de paix » créée par l’évacuation des colonies juives de la bande de Gaza (voir pp. 18-20) et donner un coup de pouce à son ami le Premier ministre israélien, George W. Bush s’efforce d’organiser en marge des travaux de l’Assemblée générale des Nations unies (New York, 15 septembre) une rencontre au sommet entre Ariel Sharon et Mahmoud Abbas, à laquelle seraient conviés un certain nombre de dirigeants arabes modérés : ceux dont les pays entretiennent des relations avec Israël (Égypte, Jordanie), des Maghrébins et quelques autres. Une sorte de Charm el-Cheikh bis, en somme.
Pascal Collange
V. FOURNIER/J.A.I.
Le général Larbi Belkheir ayant été nommé ambassadeur au Maroc, qui sera appelé à le remplacer comme directeur de cabinet de la présidence algérienne ? Les noms les plus fréquemment cités sont ceux d’Abdelmalek Sellal et d’Abdelaziz Belkhadem. Actuel ministre des Ressources en eau, le premier fut le directeur de campagne du candidat Abdelaziz Belkhadem. Abdelmalek Sellal. Bouteflika lors de l’élection présidentielle d’avril 2004. Le second est secrétaire général du Front de libération nationale (FLN), ministre d’État et représentant personnel du président.
TUNISIE Magistrats en colère Les mutations décidées début août par le Conseil supérieur de la magistrature, un organisme dépendant du pouvoir exécutif, ont provoqué la colère de l’Association des magistrats tunisiens (AMT). La nomination de Kalthoum Kennou, secrétaire générale de l’association et conseillère à la Cour d’appel de Tunis, comme juge d’instruction à Kairouan (Centre), et celle de Wassila Kaabi, membre du bureau exécutif et conseillère auprès de cette même Cour, comme juge d’instruction à Gabès (Sud), ont été ressenties comme des sanctions déguisées et une « manœuvre pour paralyser l’activité du bureau ». Depuis l’élection, le 12 décembre 2004, d’un bureau indépendant et l’accession à la présidence d’Ahmed Rahmouni, les relations de l’AMT avec le ministère de la Justice se sont passablement dégradées. L’association qui, au mois de mars dernier, avait protesté contre l’envahissement par la police du Palais de justice lors du procès de l’avocat dissident Mohamed Abbou réclame un statut plus protecteur pour les magistrats tunisiens. Contrairement à leurs collègues français, ces derniers ne jouissent pas du privilège de l’inamovibilité et peuvent donc être déplacés au gré des humeurs des autorités. J.A./L’INTELLIGENT N° 2329 – DU 28 AOÛT AU 3 SEPTEMBRE 2005
V. FOURNIER/J.A.I.
ALGÉRIE Après Belkheir, qui ?
Vétéran de l’Agence française de développement (AFD), pour laquelle il travaille depuis quinze ans, Pascal Collange (39 ans) a été nommé directeur régional pour le Cameroun, la Guinée équatoriale et la République centrafricaine, en remplacement de Cyrille Berton. Il était en dernier lieu chargé de mission auprès de Jean-Michel Severino, le directeur général de l’agence, à Paris.
ANTITERRORISME L’Europe investit L’Union européenne va considérablement augmenter le budget qu’elle consacre à la lutte antiterroriste : de 15 millions d’euros actuellement à 250 millions d’euros en 2007. Les entreprises européennes seront évidemment les premières à profiter de ce marché estimé par les experts à plus de 100 milliards d’euros. Dassault Aviation, Thalès ou encore EADS ont déjà signé des premiers contrats avec la Commission européenne.
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E BL OIS U O M O D EUX R MÉ TE D U N VEN EN
Impossible denepas lire lenuméro
d’août/septembre • TEMPÊTE SUR LE ROYAUME MAROCAIN. On conteste le principe monarchique. Mais Mohammed VI a toutes les cartes en main. Saura-t-il poursuivre la transition démocratique, déjà amorcée ? • AU BÉNIN, UNE PAGE SE TOURNE. Le président Kérékou ne se représentera pas, en mars 2006. Du coup, on soupèse les chances des prétendants à la succession. • MAGIC SYSTEM N’AVAIT PAS ENREGISTRÉ D’ALBUM DEPUIS QUATRE ANS. Voilà le groupe ivoirien de retour, avec son tube, « Bouger bouger ». Objectif : bouger bouger l’Afrique et la France, mais surtout faire encore mieux que « 1er Gaou » ! • CHANTEUSES PULPEUSES ET HYPER SEXY, elles trustent les hitparades et font tourner la tête du monde oriental. Am vous présente, en photos, les nouvelles reines de la chanson arabe. • ET PUIS AUSSI, DANS CE NUMÉRO DOUBLE, une visite guidée de Lagos, le New-York du Nigeria ; l’histoire des Lions du Sénégal, qui ne mordent plus dans le ballon rond comme auparavant ; le témoignage de Roger Auque, ex-otage à Beyrouth ; et des portraits de Azouz Begag, Kamel Ouali, Pierre Akendengué, Joey Starr...
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CONFIDENTIEL (Suite)
GÉNOCIDE ARMÉNIEN Esquisse de dialogue
V. MAYO/AP SIPA
Abdullah Gül, le ministre turc des Affaires étrangères, aurait accepté de prononcer le discours d’ouverture de la conférence internationale sur « la question arménienne », qui doit se tenir dans les universités Bogaziçi et Sabanci, à Istanbul, du 23 au 25 septembre. La conférence, qui abordera le sujet ultrasensible du génocide arménien de 1915, avait été annulée en mai, plusieurs responsables politiques la qualifiant de Abdullah Gül. « coup de poignard dans le dos du peuple turc ». Ankara s’obstine à nier l’existence d’un génocide et parle de massacres commis dans le contexte troublé de la Première Guerre mondiale. Sous la pression de l’Union européenne, qui la presse de normaliser ses relations avec l’Arménie, la Turquie accepte pourtant peu à peu de lever ce tabou et réclame désormais la constitution d’une commission d’historiens indépendants. « Nous n’hésiterons pas à défendre notre point de vue dans toutes les conférences, la tête haute. Il n’y a aucune raison d’éluder le débat comme si nous étions coupables », estime Gül. Si elle a peu de chances d’apaiser Erevan, cette déclaration a au moins le mérite d’ouvrir officiellement la discussion, après quatre-vingt-dix ans de silence.
ÉCONOMIE CAMEROUN Sauvé par le brut ? Une délégation du Fonds monétaire international (FMI) doit séjourner jusqu’au 8 septembre à Yaoundé afin de mettre au point son prochain programme d’aide triennal. De son côté, le conseil d'administration de l’institution devrait se réunir dans la seconde quinzaine de mois d’octobre pour statuer sur le « cas » camerounais. Les conditions requises pour que ce pays puisse bénéficier de l'annulation d'une partie de sa dette extérieure conformément aux décisions du G8 (et atteindre le « point d’achèvement », comme on dit dans le jargon) pourraient être enfin réunies au cours du premier semestre 2006. Du coup, le ministère camerounais de l'Économie et des Finances s’efforce de faire oublier les contre-performances de l’an dernier et annonce une augmentation de 113 milliards de F CFA des recettes budgétaires au cours des cinq premiers mois de l'exercice en cours. Cette performance est essentiellement due à la flambée des cours du brut sur les marchés internationaux, mais pas seulement puisque les recettes non pétrolières ont elles aussi augmenté (+ 20,5 %). Les recettes pétrolières s’élevaient à la fin du mois de mai à 135,8 milliards de F CFA, contre 107 milliards de F CFA un an auparavant (+ 27 %).
AFRIQUE AUSTRALE La RDC paie ses dettes La République démocratique du Congo a réglé à la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) ses arriérés de cotisation, soit 1,2 million de dollars. « C’est un gros effort, mais, si nous ne l’avions pas fait, nous risquions sinon d’être sanctionnés », a reconnu le 24 août Raymond Ramazani Baya, le ministre congolais des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, de retour de Gaborone, au Botswana, où il a assisté au 25e anniversaire de l’organisation. Plusieurs projets de développement seraient actuellement à l’étude entre Kinshasa et la SADC. J.A./L’INTELLIGENT N° 2329 – DU 28 AOÛT AU 3 SEPTEMBRE 2005
GHANA Coup de pousse de la Banque mondiale Un crédit de 125 millions de dollars a été accordé au Ghana par la Banque mondiale, le 25 août, pour aider ce pays à lutter contre la pauvreté. Il s’agit du troisième volet d’un programme engagé en 2002 qui vise notamment à promouvoir la croissance, la création d’emplois, la bonne gouvernance et une réforme de l’État. Cette année, l’accent est plus spécialement mis sur le développement des politiques sociales. Le revenu ghanéen par habitant est de 380 dollars par an, contre 490 dollars dans l’ensemble de l’Afrique subsaharienne.
GABON Programme routier en panne La Banque mondiale et l’Union européenne s’inquiètent du retard pris dans la mise en œuvre, au Gabon, du Fonds d’entretien routier de la deuxième génération (FER2), dont le montant s’élève à 34 milliards de F CFA. Lancé en 1998, ce programme a été reconduit en 2001, mais les autorités gabonaises tardent à verser l’intégralité de leur quotepart (24 milliards de F CFA). La Banque et l’UE sont d’autant plus impatientes que seuls 30 % de l’objectif du FER2 – qui est de construire 1 500 km de routes – ont été atteints. Certains tiraillements entre partenaires public et privés concernant l’autonomie de gestion du Fonds ne sont sans doute pas étrangers à ce retard.
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FOCUS
12 Royaume-Uni « Tournez sept fois votre langue... » 13 Zimbabwe Mbeki durcit le ton 13 Retrait de Gaza L’arbre qui cache la forêt ? 14 Niger Kofi Annan répond à MSF
LES DERNIÈRES NOUVELLES DU MONDE
ALGÉRIE-MAROC
Un ambassadeur nommé Belkheir Général à la retraite, directeur de cabinet du président Abdelaziz Bouteflika depuis septembre 2000, il est l’un des piliers du régime algérien. Sa nomination au poste de chef de la mission diplomatique à Rabat pourrait accélérer la normalisation des relations entre les deux pays. Cherif Ouazani
L
es uns le disaient boudeur, traînant les pieds pour se rendre aux cérémonies officielles, affichant sa mauvaise humeur durant ses sorties publiques. Un de ses plus proches collaborateurs avait même confié à J.A.I. que Larbi Belkheir, pierre angulaire du régime, général à la retraite, directeur de cabinet du président Abdelaziz Bouteflika depuis septembre 2000, était contrarié par les récentes décisions du chef de l’État, qui, en quelques mois, a bouleversé la haute hiérarchie militaire. Les autres affirmaient que son retrait était dû à son état de santé. Malgré de nombreuses alertes cardiaques, Belkheir continuait pourtant de fumer cigarette sur cigarette. Le 23 août, ces rumeurs ont essuyé un sérieux démenti : Larbi Belkheir est officiellement nommé ambassadeur de la République algérienne auprès du royaume du Maroc. Ébruitée quelques jours plus tôt par un quotidien algérien indépendant, cette nomination ne sera pas sans conséquences sur la vie politique nationale, mais aussi et surtout sur les relations algéro-marocaines. Le choix de l’homme n’est pas fortuit. Au cœur du
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pouvoir depuis le début des années 1980, il passe pour être l’un des meilleurs connaisseurs des dossiers qui alimentent le contentieux entre Alger et Rabat. Cette décision intervient également au moment où Washington fait montre d’un agacement sur le retard pris dans l’édification de l’ensemble maghrébin, multipliant les pressions pour parvenir à une solution de la question du Sahara occidental, pomme de discorde principale entre les deux pays (voir pages 28-30). Durant près d’un demi-siècle, les relations entre les deux voisins ont connu de vives tensions, alternant avec d’éphémères périodes d’accalmie : un conflit armé en 1963, une rupture des relations diplomatiques en 1975 et de longues années de fermeture des frontières terrestres. D’ailleurs, ces dernières le sont encore, depuis 1994. Quant aux périodes d’accalmie, elles ont permis, entre autres, le bornage des frontières, scellé à Ifrane, en 1972, entre Hassan II et Houari Boumedienne, ou encore, la proclamation, en 1989, à Marrakech, de l’Union du Maghreb arabe (UMA, regroupant, outre les deux États, la Libye, la Mauritanie et la Tunisie). La visite à Alger, le 22 mars dernier, du roi Mohammed VI augurait déjà d’un réchauffement. La balade pédestre accomplie par le souverain marocain, sans autre forme de protocole, dans les artères de la ville avait touché les Algériens. Bouteflika avait même mis à la disposition de son invité et de son importante suite sa propre résidence officielle. Lors des discussions entre les deux hommes, qualifiées de franches et sincères, le monarque avait demandé à son hôte de dépêcher à Rabat son Premier ministre, Ahmed Ouyahia, pour une visite de travail afin d’accélérer l’examen des dossiers bilatéraux. Le président algérien donne immédiatement son accord et la date du voyage est arrêtée au 21 juin. Mais les espoirs nés du séjour algérois de Mohammed VI sont ruinés le J.A./L’INTELLIGENT N° 2329 – DU 28 AOÛT AU 3 SEPTEMBRE 2005
NEWPRESS
BIO EXPRESS
Larbi Belkheir à la résidence d’État Djenane el-Mithaq, à Alger, en mai dernier.
17 juin. Alors que les ministères des Affaires étrangères des deux pays planchent sur le programme de travail d’Ouyahia à Rabat, un communiqué officiel marocain qualifie la visite d’inopportune. La réaction du gouvernement algérien est plus tendre que celle de l’opinion, qui y voit une nouvelle humiliation. Ce jour-là, un ministre algérien en visite à Paris soupire en privé : « C’est reparti pour dix ans. » À Zoudj Beghal, poste frontière algérien proche de Maghnia, on arrête de repeindre les murs en prévision de la réouverture des frontières. Cette nouvelle crispation sera battue en brèche par un message royal à « Boutef », le 5 juillet, à l’occasion de la fête de l’indépendance. La réponse sera aussi lyrique que la lettre du souverain marocain. Bouteflika récidive le 29 juillet, à l’occasion de l’anniversaire de l’intronisation de Mohammed VI. À la mi-août, le gouvernement marocain décide de changer d’ambassadeur à Alger et sollicite l’agrément pour un nouveau diplomate. Alger répond en trente-six heures, une célérité peu habituelle. Le 20 août, qui est une date importante pour les Algériens [commémoration de l’insurrection généralisée du 20 août 1955 J.A./L’INTELLIGENT N° 2329 – DU 28 AOÛT AU 3 SEPTEMBRE 2005
■ 1938 Naissance à Frenda, à 280 kilomètres à l’ouest d’Alger. ■ 1946 Début de scolarité à Fès. ■ 1950 Retour en Algérie, études secondaires au lycée de Sidi Bel-Abbès. ■ 1956 Dirige, en mai, un mouvement de grève lycéen à l’appel de l’Union générale des étudiants maghrébins. Arrêté par les autorités coloniales, il est incorporé d’office par « devancement d’appel ». ■ 1958 Déserte de l’école militaire de Saint-Maixent et rejoint le FLN à Tunis. ■ 1959 Prend le commandement du 45e bataillon de l’ALN, à Ghardimaou (Tunisie). ■ 1960 Première rencontre avec Abdelaziz Bouteflika, alias Abdelkader el-Mali. ■ 1964 Suit une formation à Frounze, en URSS. Il a le grade de capitaine. Il se fait un ami égyptien, un certain Mohamed Hosni Moubarak. ■ 1973 École de guerre de Paris. Est ensuite affecté à la 2e région militaire à Oran sous le commande-
ment du colonel Chadli Bendjedid. ■ 1975 Lieutenant-colonel, il assure la direction de l’Enita, prestigieuse école militaire dans la banlieue d’Alger. ■ 1978 Décès de Boumedienne. Il joue un rôle déterminant dans la succession, écartant Bouteflika au profit de Bendjedid. ■ 1979 Patron du Haut Conseil de sécurité, puis directeur de cabinet du président Chadli. ■ 1990 Ministre de l’Intérieur, organise les premières élection pluralistes et participe à l’interruption de celles de janvier 1992. ■ 1992 Assassinat, le 29 juin, du président Mohamed Boudiaf. Il démissionne et se met en retrait de la vie publique. ■ 2000 En septembre, il est désigné directeur de cabinet du président Bouteflika. ■ 2005 Le 23 août, il est officiellement nommé ambassadeur à Rabat.
dans le Nord-Constantinois] mais pas une fête officielle, le roi du Maroc envoie un nouveau message au chef de l’État algérien pour réaffirmer sa volonté de renforcer la coopération politique et économique entre les deux pays. La décision de nommer Larbi Belkheir en qualité d’ambassadeur à Rabat n’est pas le fruit du hasard. Le général a demandé, en juillet, à Bouteflika de le décharger de ses fonctions pour qu’il consacre plus de temps à sa famille et à ses petits-enfants. Boutef a su trouver les mots pour le convaincre d’accepter ses nouvelles tâches. Les deux hommes connaissent l’importance de l’enjeu stratégique d’une amélioration durable des relations avec le Maroc. Belkheir présente le profil idéal pour cette mission. Il avait été, en 1987, l’un des artisans, en compagnie de Cheikh Ali Ben Messelem, directeur de cabinet de feu le roi Fahd d’Arabie saoudite, de la rencontre entre Chadli Bendjedid et Hassan II. Pour avoir été le principal interlocuteur des émissaires marocains durant les grandes périodes de crise entre les deux pays, Larbi Belkheir, qui a accompli une partie de sa scolarité dans la médina de Fès, après la Seconde Guerre mondiale, a même été accusé, au sein du sérail algérien, d’être l’œil de Rabat à Alger. Correspondant attitré de Driss Basri, l’ancien ministre de 11
ALGÉRIE-MAROC (SUITE)
l’Intérieur de Hassan II, il a assisté à toutes les réunions bilatérales de haut niveau. D’après un proche collaborateur de Bouteflika, les réticences de Belkheir sont vite balayées. La demande d’agrément est transmise le 23 août 2005, à 10 heures, au ministère marocain des Affaires étrangères. Neuf heures plus tard, la réponse tombe : le gouvernement chérifien donne son accord à la nomination de Belkheir en qualité d’ambassadeur plénipotentiaire de la République algérienne démocratique et populaire auprès de royaume du Maroc. Neuf heures seulement de temps de réaction : les Marocains ont fait mieux que les Algériens. Et ce n’est pas tout. Contrairement aux usages, ce n’est pas Mohamed Benaïssa, chef de la diplomatie marocaine, qui a signé la lettre d’agrément, mais Sa Majesté elle-même. Autre première : la télévision algérienne a fait de la nomination de Belkheir un élément de la une de son journal de 20 heures. Le désormais ex-directeur de cabinet de Bouteflika dispose de nombreux atouts pour réussir sa mission, qui consiste à parvenir le plus rapidement à une normalisation des relations avec le Maroc. « Son parcours, sa parfaite connaissance du dossier du Sahara occidental et sa pondération, précise-t-on dans les couloirs du palais d’ElMouradia, sont de nature à lui faciliter une tâche des plus
ardues. » Le principal écueil étant l’affaire du Sahara, Belkheir a sa petite idée pour concilier l’inconciliable : « L’accord de Madrid en 1975 avait réparti l’ancienne colonie espagnole entre le Maroc et la Mauritanie. Les trois parties signataires étaient d’accord sur ce partage. Aujourd’hui, le Maroc est intransigeant sur sa souveraineté territoriale et refuse le plan Baker, qui préconise un référendum d’autodétermination dont l’issue favorable aux indépendantistes ne fait aucun doute. Sortir de l’impasse équivaut à chercher une autre solution, qui passe par des négociations directes entre Rabat et le Polisario sur un partage du territoire. » Une solution aussi audacieuse que complexe, car il s’agit d’y rallier les autorités marocaines, les indépendantistes sahraouis et Alger. Un pari osé qui soulève une importante interrogation : Boutef a-t-il donné carte blanche à Belkheir ? Ce dernier, qui a annoncé qu’il rejoindrait Rabat « probablement en octobre », semble en tout cas résolu à relever le défi, comme il l’a déclaré au journal Le Monde, le 25 août : « Ma priorité sera d’établir des relations de confiance avec le Maroc, et surtout une véritable communication entre les deux pays. Cela fait trop longtemps que nos relations passent par des hauts et des bas. Or le Maroc est notre voisin et le restera. Nous sommes condamnés à nous entendre. » ■
ROYAUME-UNI « Tournez sept fois votre langue... » règles du jeu Royaume-Uni. Et le ministre teurs de Hyde Park, les prone pas refouler les personnes « es ont changé », de préciser que les premières priétaires de sites Internet et risquant la torture et autres
L
avait prévenu Tony Blair, le 5 août, un mois après les attentats sanglants de Londres. Le 24 août, un pas de plus dans la lutte contre les prédicateurs islamistes a été franchi avec la divulgation par le ministre de l’Intérieur, Charles Clarke, d’une liste des « comportements inacceptables » justifiant l’expulsion ou l’interdiction d’entrer sur le territoire britannique d’un ressortissant étranger. Ainsi, les « fomenteurs de violence terroriste », ceux qui « la justifient et la glorifient », ceux qui « cherchent à provoquer des actes criminels » ou encore tout individu qui « incite à la haine susceptible de créer des tensions entre les communautés » sont désormais persona non grata au 12
expulsions auront lieu « dans les prochains jours ». Dix personnes arrêtées le 11 août, dont Abou Qotada, considéré comme le chef spirituel d’al-Qaïda en Europe, risquent de tomber sous le coup de ces nouvelles dispositions. Omar Bakri, l’un des prédicateurs les plus médiatiques du « Londonistan », actuellement « en vacances » au Liban, ne sera pas non plus autorisé à regagner la Grande-Bretagne, où il vivait depuis 1986. Face à l’ire des organisations de défense des libertés et des droits de l’homme, le chef du Home Office a précisé qu’il ne s’agissait pas « d’étouffer la liberté d’expression ou le débat légitime sur les religions ». Les célèbres ora-
autres membres d’associations diverses et variées n’ont qu’à bien se tenir.
Pour la Commission islamique des droits de l’homme, ces propositions « ne vont faire qu’amplifier l’islamophobie » ambiante – un million et demi de musulmans résident en GrandeBretagne – et se résument au final à « une criminalisation de la pensée ». Amnesty International s’inquiète aussi du « caractère vague et large des termes de “conduite inacceptable” et de “terrorisme” ». Un représentant de la Commission des droits de l’homme des Nations unies, Manfred Novak, est également monté au créneau en rappelant « l’obligation internationale [selon la Convention de Genève de 1951] de
abus » dans leur pays. Ce à quoi Charles Clarke a rétorqué que « les droits des victimes des attentats du 7 juillet étaient plus importants que ceux des auteurs de ces attaques ». Les Britanniques sont eux aussi divisés. Si l’opposition conservatrice et libérale approuve la fermeté du gouvernement travailliste, le maire de Londres, Ken Livingstone, craint des dérives. « Si ce texte avait été en place il y a vingt ans, s’est-il interrogé, les partisans de Nelson Mandela auraient-ils été expulsés de notre pays au prétexte qu’ils soutiendraient la campagne d’attentats à la bombe contre le régime raciste d’apartheid en Afrique du Sud ? » ■
Muriel Signouret
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FOCUS ZIMBABWE Mbeki durcit le ton devons tous est on ne peut plus clair. (FMI) était en mission « ous comprendre Le 19 août, dans la d’observation à Harare.
N
que ce que nous faisons dans chacun de nos pays a un impact sur le reste de la sous-région. Nous coulerons ou nous nagerons ensemble. » Le rappel à l’ordre adressé – publiquement, une grande première ! – par le président sud-africain Thabo Mbeki à son homologue zimbabwéen Rober Mugabe
« Lettre du président », qu’il édite chaque semaine sur le site Internet du parti au pouvoir, le Congrès national africain (ANC – www.anc.org.za), Mbeki a enjoint à Mugabe de comprendre que sa politique pouvait avoir des conséquences sur ses voisins, au moment même où une délégation du Fonds monétaire international
Le Zimbabwe doit 240 millions d’euros d’arriérés au FMI, à qui il a arrêté de rembourser ses prêts depuis juin. L’institution de Bretton Woods menace de l’exclure si les réformes économiques ne sont pas mises en œuvre au 9 septembre. Afin d’éviter à son voisin de se retrouver au ban économique des nations, après
être tombé en disgrâce aux yeux de la communauté internationale, Pretoria a proposé à Harare de lui prêter de quoi rembourser la dette. À une condition : que les réformes économiques et la normalisation politique soient mises en œuvre au plus vite. La « diplomatie discrète » que Thabo Mbeki prônait à l’égard de son voisin du Nord, à l’inverse de celle des Britanniques dite « du mégaphone », a vraisemblablement fait long feu. ■ Élise Colette
RETRAIT DE GAZA L’arbre qui cache la forêt ?
A
signifier à Ariel Sharon que le retrait de Gaza n’est que la première étape d’un long processus. Il ne doit pas se laisser berner par le Premier ministre israélien et apporter sa bénédiction à une occupation indéfinie de la Cisjordanie.
FINANCIAL TIMES
riel Sharon semble penser que le retrait de la bande de Gaza permettra de gagner du temps afin de consolider les positions d’Israël en Cisjordanie. Même les membres les plus libéraux du Likoud – le très conservateur parti du Premier ministre israélien –, qui s’étaient prononcés pour l’abandon de ce territoire, l’affirment désormais : loin d’être le point de départ d’un quelconque processus, ce qui vient de se passer dans les territoires occupés est bien plutôt une fin en soi. Le chef de cabinet d’Ariel Sharon a dit récemment que le principal objectif du retrait de Gaza était d’écarter définitivement la revendication nationale palestinienne de la table des négociations. En d’autres termes : « concéder » Gaza au président George W. Bush pour bénéficier d’un relâchement des pressions américaines et se maintenir en Cisjordanie…
Dessin d’Ingram Pinn paru dans le Financial Times.
Des sirènes auxquelles la Maison Blanche ne doit surtout pas céder. La feuille de route pour la paix au Proche-Orient suppose, en effet, qu’Israël travaille de concert avec les élus palestiniens en vue de mettre en place un plan de retrait. Elle rappelle aussi aux Palestiniens qu’il est de leur responsabilité de faire cesser toute forme d’acti-
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vité terroriste contre les Israéliens. Selon le document, le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, doit, notamment, prouver par des actes qu’il a les moyens de brider les extrémistes du Hamas, qui pensent – à tort – qu’ils parviendront un jour à détruire l’État hébreu. George W. Bush doit donc très clairement
Grand architecte de la politique de colonisation israélienne, Sharon aurait sans doute préféré laisser un tout autre héritage à son pays. Il restera pourtant dans l’histoire comme le dirigeant israélien qui a su imposer le plan de démantèlement des colonies de Gaza à la Knesset, en défiant, avec succès, les membres les plus radicaux de son parti. On doit le féliciter pour cela. Mais il faut également lui adresser cet avertissement : pour que la paix ait une chance de s’installer durablement au ProcheOrient, de très nombreuses étapes restent à franchir. ■ © The New York Times et J.A./l’intelligent 2005. Tous droits réservés. 13
FOCUS NIGER Kofi Annan répond à MSF
L
’aide alimentaire au Niger est-elle bien répartie ? Non, estime Médecins sans frontières (MSF). « Les distributions de nourriture ne portent pas secours en priorité à ceux qui en ont le plus besoin pour survivre : les enfants de moins de 5 ans dans les zones les plus touchées », constate l’ONG, présente dans le pays. « Dans les trois départements de Maradi, seulement 10 % de la population reçoit des vivres alors que dans les régions stabilisées, 90 % de la population profite de l’aide », précise Thierry Allafort du Verger, responsable des urgences pour MSF. Quant au président de l’ONG, Jean-Hervé
ILS ONT DIT
Bradol, interviewé par le quotidien français Le Monde, il met en accusation « l’ONU, qui persiste dans l’erreur » en évaluant la vulnérabilité des populations en fonction de la production agricole. Or la situation nutritionnelle obéit à d’autres paramètres, comme l’organisation de la filière céréalière, les systèmes de vente et, en dernier ressort, l’accès à l’aide pour les plus démunis. Ces attaques en règle interviennent au moment même où le secrétaire général de l’ONU effectuait une visite de deux jours au Niger « pour voir ce qui se passe et ce qu’on peut faire tous ensemble ». Arrivé le
La polémique lancée par MSF contribuera-t-elle à réveiller la conscience internationale ? Ou ne risque-telle pas plutôt de brouiller le message ? Les prochaines semaines le diront, mais cette catastrophe humanitaire doit, de toute manière, inciter chacun à s’interroger sur la pertinence des « systèmes d’alerte précoce » mis en place au Sahel. Car au Niger, cela n’a pas fonctionné. ■ Philippe Perdrix
Annik Roure
DANIEL BARENBOÏM
▼
CHUCK HAGEL comment sortir d’Irak. Notre engagement a déstabilisé le Moyen-Orient. Et plus nous restons, plus la déstabilisation s’accroît.
GUILLAUME SORO Secrétaire général des Forces nouvelles ivoiriennes ■ Pour qu’il y ait des élections trans-
ARIEL SCHALIT/AP/SIPA
Sénateur américain, héros de la guerre du Vietnam. ■ Nous devons commencer à savoir
Chef d’orchestre israéloargentin ■ J’attends le vrai
leader israélien patriote qui osera dire : « Les Palestiniens méritent ce que nous avons depuis 1948, une chose à laquelle ils ne pourraient pas renoncer : l’indépendance. »
MAHMOUD ABBAS Président de l’Autorité palestinienne ■ Je suis résolu à continuer d’instiller
la culture de paix au sein du peuple palestinien. Le djihad contre Israël est fini.
GEORGE WEAH Ancien international de foot, candidat à la présidence du Liberia ■ Je n’ai pas besoin d’expérience
parentes, démocratiques et ouvertes à tous, le principal obstacle à la paix et à la réconciliation qu’est Laurent Gbagbo doit être écarté.
VICTORIA BECKHAM
politique pour vous donner des écoles, pour vous donner l’électricité et l’eau et pour me rendre compte que les routes sont mauvaises.
MAMADOU TANDJA
Épouse du footballeur anglais David Beckham ■ Je n’ai jamais lu un livre de ma vie. En
TONY BLAIR
Président du Niger ■ [La situation au Niger] est un léger défi-
cit vivrier que les gens veulent coûte que coûte transformer en une famine noire.
GEORGES FRÈCHE Président français du conseil régional du Languedoc-Roussillon ■ Chirac a une qualité que les Français
aiment : il est sympathique.
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23 août à Zinder, Kofi Annan a visité l’hôpital de la ville, le centre de « renutrition » de MSF, avant de se rendre dans le village de Madara. « J’ai vu des enfants décharnés, entre la vie et la mort », a-t-il déclaré, tout en se refusant à tout commentaire sur les critiques émises par MSF. Le lendemain, à Niamey, après un entretien avec le président Mamadou Tandja, il s’est en revanche montré plus bavard. « Ce débat est regrettable. Nous aurons le temps après la crise de discuter de qui a fait quoi », a-t-il tranché, après avoir demandé une accélération de l’aide internationale pour éviter une aggravation de la crise alors que les pre-
mières récoltes sont seulement attendues pour la fin septembre. Les Nations unies ont lancé un appel aux dons de 80 millions de dollars, mais seulement la moitié de cette somme a été réunie. Plus de 2,5 millions de personnes sont menacées, dont 32 000 enfants en « danger de mort ».
fait, je n’ai pas le temps, je préfère écouter de la musique, même si j’aime les magazines de mode.
EMMANUEL III DELLY Patriarche chaldéen irakien ■ Il y a des chrétiens en Irak. Il faut donc
une Constitution qui n’incline ni d’un côté ni de l’autre, et que la loi musulmane soit une source mais pas la source unique.
Premier ministre britannique ■ J’emploie souvent le terme de multicul-
turalisme mais, franchement, je ne sais pas vraiment ce qu’il veut dire.
ALAIN SOUCHON Auteur, compositeur, chanteur français ■ J’écris mes chansons en marchant.
Dès que je m’arrête et que je me colle à un bureau, je m’endors.
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L’ENQUÊTE PROCÈS DU BEACH Après un mois de spectacle judiciaire qui a passionné les Congolais et permis aux familles d’exprimer leur douleur, la leçon paraît évidente : même contesté, même imparfait, le procès des disparus du Beach aura été un exercice – et un exorcisme – salutaire.
C. VIOUJARD
Salle d’audience du tribunal de Brazzaville, le 11 août.
Reality show à Brazzaville François Soudan, envoyé spécial
C
e qui était, à l’origine, une promesse explicite faite par Denis Sassou Nguesso à Jacques Chirac – organiser à Brazzaville un procès « crédible » sur l’affaire des disparus du Beach afin de conforter a posteriori la décision de la justice française d’annuler toute procédure en ce domaine – est devenu, un mois durant, la série culte de la télévision congolaise. Mieux qu’un feuilleton brésilien ou nigérian, aussi captivant qu’un match des « Diables rouges », ce procès public et éminemment politique aura réuni autour des écrans et des postes de radio, chaque après-midi ou presque, une bonne partie de la population de la capitale. Malin, le général Norbert Dabira, inspecteur général des forces armées, mais aussi patron de la chaîne privée DRTV – qui retransmettait elle aussi les débats en direct –, a, dès le lendemain du verdict, mis sur le marché l’intégralité du procès en 36 DVD. Prix du J.A./L’INTELLIGENT N° 2329 – DU 28 AOÛT AU 3 SEPTEMBRE 2005
lot : 500 000 F CFA. Détail piquant : Dabira est lui-même l’un des acteurs de cette saga puisqu’il figurait sur le banc des accusés ! En cette période de saison sèche au ciel laiteux, entre chopes de bière et verres de molengue (vin de palme), les Congolais ont donc vécu au rythme d’une pièce de reality show judiciaire qui prit parfois des accents de conférence nationale et rappela par instants, aux plus anciens, le procès des assassins présumés de Marien Ngouabi, il y a une trentaine d’années. Vue de l’extérieur, la conclusion du procès – l’acquittement, pour chacun des quinze accusés – peut laisser croire que tout était ficelé et décidé d’avance. Ceux qui défendent cette thèse, essentiellement les ONG et les plaignants à l’origine de la procédure française, ont, il est vrai, pour l’étayer quelques arguments de poids : instruction trop rapide, Cour nommée par le pouvoir, avocats des inculpés pris en charge par l’État, audition souvent 15
L’ENQUÊTE
EBONGO/PANAPRESS/MAXPPP
expéditive des parties civiles, etc. À l’évidence, les conditions d’une totale impartialité à l’anglo-saxonne (si ce n’est à la française) n’étaient pas réunies au tribunal de Brazzaville. Pour autant et au vu des débats, non seulement ce procès imparfait n’aura pas été inutile, mais son issue même n’était pas aussi prévisible, dans l’esprit des accusés, qu’on pourrait le croire. Un mois d’audiences auront ainsi permis de lever une bonne partie du voile de silence qui recouvrait jusqu’ici les événements de mai 1999. En six convois d’un millier d’individus chacun, des Congolais réfugiés en RD Congo retraversent alors le fleuve pour rentrer à Brazzaville dans le cadre d’une opération co-organisée par le gouvernement congolais et le Haut-Commissariat aux réfugiés de l’ONU (grand absent
d’un procès auquel il a refusé de venir témoigner). Le contexte est extrêmement tendu puisque au même moment les rebelles Ninjas du pasteur Ntoumi multiplient les actions de guérilla dans la région du Pool et jusqu’à la périphérie nord de Brazzaville. Or la totalité des réfugiés appartiennent, à l’instar de Ntoumi et de ses Ninjas, à l’ethnie larie. Un tri a lieu à leur arrivée au Beach de Brazzaville, où opèrent, selon les attendus du jugement, « des unités hétérogènes et sans grande discipline ». Plusieurs dizaines de présumés suspects seront alors arrêtés et disparaîtront sans laisser de traces. Cela, qui est le cœur du drame, la Cour criminelle de Brazzaville l’a dit et reconnu puisqu’elle a condamné l’État congolais, jugé responsable, à verser à une soixantaine de parties civiles des indemnités compensatoires – 10 millions de F CFA par famille de disparu, sommes jugées insuffisantes par ces dernières, qui ont décidé de se pourvoir en cassation auprès de la Cour suprême. Avec cette reconnaissance de responsabilité, une partie de l’abcès a donc été vidée. Les audiences auront permis aux victimes – et à leurs avocats – de parler, de verser des larmes et de faire état de l’autisme, voire du mépris, auquel elles se sont souvent heurtées pendant plus de six ans. Surtout, elles auront offert à l’opinion le spectacle de généraux et de colonels assis pendant des heures, serrés les uns contre les autres 16
sur le banc des accusés, contraints de déshabiller leur vie en public, de se confronter aux témoins à charge et de répondre au simple qualificatif d’« accusé untel ». Dans un pays, dans une culture, où la forme compte autant (si ce n’est plus) que le fond, la vision de ces intouchables redoutés, préalablement déchus de leurs grades et de leurs décorations par décret présidentiel, réduits à l’état de simples inculpés, avait quelque chose de surréaliste. Impitoyables, les téléspectateurs en redemandaient, au point que lorsque l’avocat le plus pugnace des parties civiles, Hervé Ambroise Malonga, annonça avec fracas qu’il se retirait d’un procès qualifié par lui de « parodie » en enjoignant à ses clients de l’imiter, nombreux étaient ceux qui espéraient qu’il ne serait pas suivi afin que le show puisse continuer – ce qui, effectivement, a été le cas. Un spectacle, donc. Avec ses acteurs, bons ou moins bons, et ses stars du barreau, parfois brillantes, parfois confuses et guère avares d’effets de manches. Les Congolais Pena Pitra, Nkouka, Mongo, Petro, Galiba, Quenum, les Français Versini Campinci, Saint Pierre, Richard, Devillers, le Béninois Dossou : tous ces avocats sont devenus des vedettes locales à l’instar du procureur général Jean-Armand Mbemba, qui a requis contre les accusés, mais aucun n’a atteint le degré de notoriété du président de la Cour criminelle, Charles-Émile Charles-Émile Apesse. Cet origiApesse (au centre), naire du Nord, homme de président de la confiance du pouvoir puisqu’il Cour criminelle. dirigea la Commission électorale nationale en 2002, est parvenu, dans le cadre qui lui était imparti, à faire oublier (ou presque) les circonstances controversées de sa nomination. Habile, volontiers pédagogue, passant non sans talent d’un registre à l’autre – tour à tour instituteur, moraliste, philosophe, juriste et caporal chef –, Apesse a crevé l’écran. Lui-même victime, il y a quelques années, alors qu’il était magistrat à Pointe-Noire, d’un abus des forces de l’ordre, le président de la Cour a assuré la police des audiences sans ménager quiconque. D’où sa popularité dans les ngandas (bars) de Brazza: question de forme plus que de fond, encore une fois. C’est cette volonté de crédibiliser le procès qui a poussé Charles-Émile Apesse à différer au 17 août l’énoncé d’un verdict que chacun attendait au plus tard pour la veille du 15 – jour de la fête nationale. Ce délai a d’ailleurs plongé certains des accusés dans les affres de l’angoisse et leurs partisans dans celles de la colère. Certes, en se cantonnant strictement aux faits survenus dans le périmètre du port de Brazzaville en mai 1999 et en refusant d’ouvrir la boîte de Pandore, éminemment dangereuse pour l’unité d’un pays fragile, des guerres civiles de 1997 et 1998, la Cour ne pouvait que constater l’absence de J.A./L’INTELLIGENT N° 2329 – DU 28 AOÛT AU 3 SEPTEMBRE 2005
De dr. à g., dans le box des accusés, les généraux Norbert Dabira, Blaise Adoua, JeanFrançois Ndenguet, Guy Pierre Garcia et les colonels Marcel Ntsourou et Emmanuel Avoukou.
C. VIOUJARD
preuves directes à l’encontre des tisans, tant dans la capitale qu’au « village », susceptibles inculpés. Tout au plus certains de bouger. À la veille du verdict, une tension palpable d’entre eux pouvaient-ils être régnait d’ailleurs tant dans Brazzaville – et pas seulement considérés comme « respon- dans le quartier lari de Bacongo – que dans la partie sepsables mais pas coupables » – tentrionale du pays. une thèse d’ailleurs reprise à son Seul, en définitive, Denis Sassou Nguesso sait si, compte par le procureur, qui a dans cette affaire, on a frôlé le pire ou simplement joué fait appel dans son réquisitoire à se faire peur. Conscient de l’extrême délicatesse du à l’intime conviction des juges sujet, le président congolais s’est efforcé, durant ces trois et des jurés. Il n’empêche: après semaines, d’apparaître au-dessus de la mêlée et de donavoir écarté le chef d’inculpation, il est vrai intenable, de ner le change. Lors de son discours du 8 août sur l’état « génocide », Jean-Armand Mbemba a requis des peines de la nation, il s’est contenté de souhaiter que de ce prodont la lourdeur a fait craindre le pire aux proches de cès « jaillisse toute la lumière, toute la vérité, toute la certains accusés : plus de cinquante années de prison au justice » sur l’affaire du Beach. Le 15, jour de la fête total. N’allaient-ils pas être sacrifiés sur l’autel d’un règle- nationale, sous un chapiteau dressé à Impfondo, en pleine ment arrangé ? Tout le paradoxe de ce procès est là : ce forêt équatoriale, il a dansé la rumba jusqu’au bout de n’est pas tant le choc que risquait de provoquer au sein la nuit, comme si de rien n’était, au son du célèbre des parties civiles – et par-delà, dans la région du Pool orchestre cubain Aragon. Et c’est en toute discrétion qu’il et parmi les Laris – un acquittement général que pou- a reçu, le 22, en sa résidence de Mpila, les quinze exvaient craindre les responsables de l’ordre public, mais accusés préalablement rétablis dans leurs grades et leurs bien plutôt celui qu’auraient La Cour n’a pu que constater l’absence de déclenché des condamnations, même avec sursis, d’accusés qui preuves directes à l’encontre des inculpés. sont pour l’essentiel des piliers du pouvoir en place et que l’on sentait fort peu enclins à décorations. Lors d’une courte allocution, il leur a jouer le rôle de boucs émissaires. Des généraux comme demandé de se taire, de n’accorder aucune interview et Blaise Adoua ou Guy Pierre Garcia, qui n’ont accepté de de ne pas commenter le verdict. Rien qui puisse rescomparaître qu’à reculons, sont ainsi considérés comme sembler à du triomphalisme et laisser à penser qu’un des héros de guerre par toute une partie des Congolais, camp l’a emporté sur un autre. Pour deux raisons : Denis et leur collègue Jean-François Ndenguet est celui qui a Sassou Nguesso sait qu’en France l’affaire n’est pas tout ramené l’ordre et la sécurité dans la capitale en sévissant à fait éteinte puisque la Cour de cassation se prononsans états d’âme contre les ex-miliciens de tous bords, y cera en février 2006 sur l’annulation de la procédure compris ceux de son propre camp. Tous trois, à l’instar prise par la Cour d’appel de Paris. Il sait aussi que l’exorde treize accusés sur quinze, sont originaires de la même cisme, même partiel, dont le tribunal de Brazzaville a région que le chef de l’État et tous trois ont ce qu’on été le théâtre pendant un mois, a un prix : celui de la appelle à Brazzaville des « écuries » – c’est-à-dire des par- modestie. ■ J.A./L’INTELLIGENT N° 2329 – DU 28 AOÛT AU 3 SEPTEMBRE 2005
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MONDE ISRAËL L’évacuation réussie des colonies de Gaza et du nord
de la Cisjordanie est presque unanimement saluée comme une victoire de la démocratie. C’est sans doute aller un peu vite en besogne...
Questions sur un retrait Steve Mantaux
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D. GUTTENFELDER/AP SIPA
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’évacuation des colonies, totale et beaucoup mais les actes – isolés ou collectifs – de refus ou de déserplus rapide que prévu, constitue bien une vic- tion ont été, à l’évidence, plus nombreux que d’orditoire personnelle pour Ariel Sharon. Les obser- naire. La presse israélienne civile et militaire a pris vateurs en déduisent que la démocratie israé- soin d’éviter de s’en faire systématiquement l’écho. lienne vient de faire la preuve de sa vitalité. Certes, les écoles religieuses militaires (hesder yeshiUne conclusion peut-être un peu rapide… vot), véritable « armée dans l’armée », sont restées dans Certes, les forces de sécurité l’ont emporté sans leurs casernes. Il faut dire que Dan Haloutz, chef d’étatcoup férir sur les plus récalcitrants des colons. Pouvait- major des Forces de défense d’Israël, les avait menacées il en être autrement ? On s’attendait au pire, les auto- de dissolution en cas de refus de servir ou de mutinerie. rités et l’armée ayant notoirement exagéré le danger Les plus optimistes y verront un ralliement opportuniste des opérations de désengagement. En parallèle, l’ac- à la discipline, les autres craindront que ces unités cès des médias à Gaza a été particulièrement favorisé, d’un genre particulier se réservent pour une crise surtout dans les zones les plus hostiles et auprès des réfractaires les plus « spectaculaires ». Pourtant, mis à part l’aspect symbolique et affectif, les expulsions les plus délicates n’ont, sur le plan technique, pas posé davantage de problèmes que l’éviction de squatteurs dans une ville occidentale. Les colons connaissaient les limites à ne pas dépasser : ils ont pris soin de mesurer l’intensité de leur résistance (projection de peinture, liquides, légumes et objets divers) alors que, d’ordinaire, les plus extrémistes d’entre eux sont toujours armés… Cette fois, chaque camp a « joué son rôle ». Certes, l’armée a exécuté les ordres, ce qui paraît aller de soi dans un État démocratique moderne. Les appels à la désoLa police israélienne maîtrise un colon sur son toit à Gadid, le 19 août 2005. béissance civile ont été peu suivis,
TRENTE-HUIT ANS D’OCCUPATION La bande de Gaza et la Cisjordanie étaient occupées par Israël depuis la guerre de 1967 (voir le Kiosque page suivante). Les gouvernements israéliens qui se sont succédé après la victoire sur l’Égypte ont systématiquement encouragé, par des crédits et des subventions, la création de colonies qui devaient jouer un rôle capital, mais soigneusement occulté, dans la politique de sécurité du pays. En Cisjordanie, les colonies — habitations des colons et logements des militaires — ont été installées au
sommet des collines pour contrôler les vallées environnantes où s’étaient réfugiés les Palestiniens. Dans la bande de Gaza, elles faisaient office de zones tampons entre les territoires palestiniens ou face à l’Égypte. À Gaza comme en Cisjordanie, les colons vivaient de cultures souvent maraîchères ou allaient travailler en Israël. Lors des Intifadas, les Israéliens ont renforcé leurs postes de contrôle pour permettre aux colons d’aller directement de leurs zones d’habitation
J.A./L’INTELLIGENT N° 2329 – DU 28 AOÛT AU 3 SEPTEMBRE 2005
militairement protégées en Israël, en évitant pratiquement tout contact avec la population palestinienne. Un système coûteux et fragile qui, outre les pressions extérieures, a décidé le Premier ministre Ariel Sharon à organiser l’évacuation, malgré l’opposition de beaucoup d’Israéliens, dont son ministre Benyamin Netanyahou. Typique était le cas de la colonie de Netzarim, où vivaient 400 colons, mais qui n’en sortaient jamais sans une lourde escorte militaire. 19
MONDE
Gaza, avant et après
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aza, bande de terre de 40 km de long et de 10 km de large, faisait partie de la Palestine sous mandat britannique après la chute de l’Empire ottoman. Elle n’a jamais appartenu à l’État sioniste envisagé par le plan de partage des Nations unies qui a abouti à la création d’Israël en 1948. À ce moment-là, cinq pays arabes ont immédiatement attaqué le nouvel État, mais Gaza n’était même pas parmi les territoires en possession desquels est entré Israël après la signature des trêves de 1949. La bande de Gaza a accueilli des centaines de milliers de Palestiniens qui fuyaient Israël, et l’armistice conclu par l’État hébreu avec l’Égypte en 1949 l’a placée sous le contrôle de l’Égypte. Lors de la guerre israélo-arabe de 1967, Israël a pris Gaza et la péninsule du Sinaï à l’Égypte, ainsi que la Cisjordanie à la Jordanie et les hauteurs du Golan à la Syrie. Israël a rendu le Sinaï à l’Égypte après la signature du traité de paix, mais le sort de Gaza est resté en suspens : le président égyptien Anouar elSadate n’en a pas demandé la restitution. Un autre accord prévoyait de négocier une éventuelle autonomie palestinienne. Gaza représente le pire aspect de la colonisation palestinienne. Sur ses 363 km2 s’entassent 1,3 million de Palestiniens, pour la plupart des réfugiés ou des descendants de réfugiés. Jusqu’à la semaine dernière, les colons juifs en occupaient 33 % de la surface. En raison du blocus instauré par les Israéliens à la suite de la première Intifada de 2000, les Palestiniens qui vivent à Gaza ont généralement été dans l’impossibilité de se rendre en Israël pour y travailler. Les postes de contrôle militaires israéliens, installés pour faire échec aux attentats terroristes, compliquent également les déplacements des Palestiniens à l’intérieur même de Gaza. Le chômage est estimé à 45 % de la population active, et la plupart des familles palestiniennes vivent avec moins de 2 dollars par jour.
Une personnalité israélienne qui cherchait à expliquer pourquoi Israël avait tant tardé à évacuer Gaza a déclaré récemment que les dirigeants israéliens n’avaient jamais eu l’intention de conserver Gaza et qu’ils voulaient simplement l’utiliser comme un atout dans une négociation. « Le problème, a-t-il ajouté, est qu’ils en sont tombés amoureux. » Et ont autorisé les colons juifs à s’approprier les meilleurs endroits. Il n’est pas agréable de se faire chasser de chez soi par des soldats. Et il y a toutes les raisons de s’inquiéter de la façon dont le nouveau Gaza sera administré. Mais il est grand temps – après trente-huit ans d’occupation, exactement – de donner aux Palestiniens qui s’y trouvent une chance de vivre un peu mieux. ■ 20
autrement plus grave… Obéissant d’abord à leurs rabbins et à leurs convictions religieuses, refusant la mixité et la proximité de troupes « laïques », ces unités ont été dispensées des opérations de désengagement. Une marque de défiance qui en dit long sur la cohésion d’une armée qui compte de nombreuses unités de ce type. Certes, on peut désormais critiquer plus ouvertement l’armée et les forces de sécurité en général. Jusque-là, le caractère presque « sacré » de Tsahal rendait l’exercice délicat, au mieux pas très bien vu. Le tabou est tombé, il n’y a plus de limites. On peut désormais invectiver, appeler à la désobéissance et l’insoumission, molester soldats et policiers, sans autre sanction que la réprobation des autorités, de la presse et de l’opinion. Il y a eu peu d’arrestations consécutives aux opérations
E. MORENATTI/AP/SIPA
THE NEW YORK TIMES Quotidien, États-Unis
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KIOSQUE
Les forces de sécurité maculées de peinture par les opposants au retrait à Kfar Darom, le 18 août 2005.
de retrait, il n’est pas sûr que des condamnations suivent malgré les menaces des autorités. Est-ce vraiment un signe de la vitalité de la démocratie israélienne ? Certes, la crise n’a pas causé de fractures nouvelles dans la société israélienne, mais les opposants les plus farouches et les plus dangereux n’en font pas vraiment partie. Les sionistes religieux les plus extrémistes s’arcboutent à leur conception théologique du « Grand Israël », en marge du système démocratique, les écoles militaires religieuses n’obéissent qu’à leurs chefs spirituels, les jeunes radicaux peuvent impunément s’approprier pour les dévoyer les symboles de la Shoah (étoile orange, tatouage de numéros, etc.) Certes, enfin, la société israélienne résiste à ces dangers qu’il semble opportun et bienvenu de minimiser en ces lendemains d’évacuation réussie. Mais s’il advenait que Sharon soit contraint à de nouvelles concessions territoriales – ce qui, il est vrai, est loin d’être assuré –, il n’est pas sûr que les éventuelles évacuations se passent aussi bien. ■ J.A./L’INTELLIGENT N° 2329 – DU 28 AOÛT AU 3 SEPTEMBRE 2005
CE JOUR-LÀ
2 septembre 1945
KEYSTONE
Sur le Missouri, Mamoru Shigemitsu, chef de la délégation japonaise, et le général Humesa (au premier rang) attendent la signature de l’acte de reddition.
Le Japon capitule
A
bord du cuirassé américain Missouri ancré dans la rade de Tokyo, le général Douglas MacArthur et le ministre des Affaires étrangères japonais Mamoru Shigemitsu signent l’acte de capitulation de l’empire du Soleil-Levant. Il est 9h25, le 2 septembre 1945. La cérémonie a duré dix-huit minutes. Le 7 mai, à Reims, en France, le général Alfred Jodl avait accepté la reddition sans condition de l’Allemagne. Ce 2 septembre, la Seconde Guerre mondiale prend donc fin. « La mort ne tombe plus du ciel », déclare MacArthur, qui tenait à prononcer les premières paroles du temps de paix. L’hécatombe a été terrible depuis le début de 1945. En Europe, en février, à Dresde, les bombardements anglais ont fait 150000 victimes. Sur le front asiatique, les chiffres sont encore plus impressionnants. La conquête de l’île de Iwo Jima en mars par les Américains a entraîné la mort de 30000 Japonais. Celle d’Okinawa, en mai-juin, y a ajouté plus de 200000 victimes: 12520 Américains, 94136 militaires japonais, 94000 habitants de l’île, le quart de la population. À quoi il faut additionner les 900000 morts, dont 100000 à Tokyo, qu’a provoqués la destruction systématique des 66 principales villes japonaises par les bombardiers B-29. Le plus spectaculaire fut évidemment l’enfer du feu nucléaire: la bombe Little Boy, lâchée du B-29 Enola Gay piloté par le colonel Paul Tibbets sur Hiroshima le 6 août à 8h15, et la bombe Fat Man lancée sur Nagasaki le 9 août à 12h01 par le B-29 Great Artist piloté par le major Charles Sweeny. Bilan: 140000 morts à Hiroshima dans les premières heures et 70000 à Nagasaki, quelque 350000 au total dans les décennies qui ont suivi, des suites des radiations. « Je considérais la bombe comme une arme militaire et je n’ai jamais douté un seul instant qu’il fallait l’utiliser », a écrit le président Harry Truman, qui avait succédé à Franklin Delano Roosevelt en avril. « Je n’ai jamais eu la moindre suggestion qu’il ne fallait pas le faire », a déclaré, de son côté, Winston Churchill. J.A./L’INTELLIGENT N° 2329 – DU 28 AOÛT AU 3 SEPTEMBRE 2005
Parallèlement, le 8 août, l’URSS a déclaré la guerre au Japon et envahi la Mandchourie. Le 10 août, le Conseil suprême japonais accepte les conditions de l’ultimatum émis par les Alliés à la conférence de Potsdam le 26 juillet, à condition que les prérogatives de l’empereur Hirohito soient maintenues. Le 14 août, le Mikado annonce luimême à la radio la capitulation de son peuple. C’est la première fois de l’histoire du Japon que ses sujets entendent la voix de l’empereur, qui ne s’est jamais montré en public. « Mettre fin à la guerre est le seul moyen de rétablir la paix du monde et de soulager la nation de la terrible détresse qui pèse sur elle », a dit Hirohito. Il est vain d’épiloguer sur ces carnages ou sur les millions de victimes asiatiques dues à l’expansionnisme nippon de l’avant-guerre. L’intéressant est que la sortie de la Seconde Guerre mondiale a été nettement mieux négociée que celle de la Première. Les traités de paix de 19191920, et notamment le traité de Versailles du 28 juin 1919, « ne répondaient qu’imparfaitement aux besoins profonds des peuples et des gouvernements » (Duroselle). Dès le lendemain de leur signature, on s’attendait à de nouveaux conflits. La « der des ders » fut une obsession des années 1920 et 1930. Après 1945, l’Europe et le monde durent affronter quatre décennies de guerre froide, mais Jean Monnet, de Gaulle et Adenauer jetèrent les bases de ce « couple franco-allemand » qui agace tellement les Britanniques. L’Europe se compte aujourd’hui à vingt-cinq. Quoi qu’on dise de l’Organisation des Nations unies (ONU), elle joue un beaucoup plus grand rôle que la Société des nations (SDN). En Extrême-Orient, grâce notamment à MacArthur mais aussi à l’article IX – « la clause de non-guerre » – qu’il fit introduire dans la Constitution démocratique japonaise, « l’occupation américaine devait se révéler... la plus belle réussite de la politique asiatique des États-Unis dans les années d’après-guerre » (Edwin Reischauer). ■ René Guyonnet 21
MONDE
C. CHARISIUS/REUTERS
ALLEMAGNE À quinze jours des législatives, la candidate chrétiennedémocrate, une fille de pasteur élevée derrière le rideau de fer, caracole en tête des sondages. Mais le chancelier Gerhard Schröder reste en embuscade.
Bataille d’affiches, à Hambourg, le 16 août.
Angela Merkel
la revanche de « la petite » Joséphine Dedet
I
l est grand et large d’épaules. Elle est frêle et pâlotte. Il joue les dandys, fume le cigare et fascine les médias. Elle, naguère mal fagotée et coiffée au bol, ne suscitait que leurs sarcasmes. Du coup, elle a renoncé aux talons plats et accepte un soupçon de rouge à lèvres : la chancellerie fédérale vaut bien quelques concessions à la mode! Lors des législatives du 18 septembre, Gerhard Schröder, champion du Parti social-démocrate (SPD) et chef de la coalition Rouge-Verts, affrontera Angela Merkel, candidate de la très conservatrice CDU-CSU, dans un duel sans pitié. Pourtant largement distancé dans les sondages, le chancelier sortant compte sur son charisme et, comme lors des élections de 2002, sur un miracle pour changer le cours des évé22
nements. De fait, Angela Merkel, qui caracolait en tête depuis le mois de mai, ne cesse de perdre du terrain, desservie par ses piètres prestations publiques et par son projet, très impopulaire, de relever de deux points le taux de la TVA. Le 25 août, les derniers sondages ne créditaient plus la CDUCSU que de 42 % des intentions de vote (soit un recul de 7 points en deux mois), contre 30 % pour le SPD. Leurs alliés respectifs, les libéraux du FDP et les Verts, se neutralisent, avec respectivement 7 % et 8 % des intentions de vote. Schröder exclut farouchement de s’allier avec le Linkspartei, formé par l’ancien Parti communiste d’Allemagne de l’Est et par des socialistes dissidents emmenés par Oskar Lafontaine (10 %), ce qui ne lui assurerait d’ailleurs pas nécessairement une ma-
jorité absolue. Si ces tendances devaient se confirmer, le SPD et la CDUCSU seraient contraints de former une grande coalition, même si, bien sûr, leurs leaders se refusent pour l’instant à l’envisager. Ce sera ou tout ou rien, affirmait, le 9 août, une Merkel bien décidée à réformer l’Allemagne en profondeur. Il est vrai qu’avec 5 millions de chômeurs, une croissance atone et un déficit budgétaire abyssal, son adversaire ne peut se targuer d’un bilan glorieux. Prenant acte des revers électoraux de sa coalition (notamment en Rhénanie du Nord-Westphalie, le 22 mai) et de l’hostilité que suscitent ses réformes, Schröder avait décidé de provoquer des élections anticipées dans l’espoir de prendre de court « la petite souris de l’Est ».
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MONDE « Angie » n’a pourtant rien d’un Premier ministre de la RDA, qui para- du mal à se cantonner aux seconds ange. C’est même un satané petit dé- phera le traité d’unification. Élue au rôles, joue loyalement le jeu. Ce qu’elle mon, comme en témoigne son par- Bundestag, elle est remarquée par le doit parfois regretter: en pleine camcours. Car il a fallu un sacré toupet à chancelier Helmut Kohl. Pour l’Alle- pagne, le Bavarois a commis la terrible cette femme venue de l’Est, protes- magne réunifiée, quel meilleur sym- gaffe de qualifier ses compatriotes de tante, divorcée (et vivant, à l’époque, bole qu’une femme de l’Est à un poste l’Est de « frustrés »! en union libre) pour s’imposer à la tête ministériel ? Kohl confie à celle qu’il Mais Merkel elle-même n’est pas à d’une CDU réputée pour son ma- surnomme, un brin condescendant, l’abri des bévues. Le 31 juillet, elle a par chisme et pour en imposer à la très ca- « la petite », celui de la Jeunesse et de exemple confondu publiquement satholique CSU, sa branche bavaroise. la Condition féminine. À 36 ans, Mer- laire brut et salaire net. Même l’expert Il est vrai qu’elle a longtemps vécu à kel devient la plus jeune de sa propre « équipe de Tremplin, une ville du Brandebourg. ministre de l’histoire alle- On la croyait compétences » n’est apTremplin… ça ne s’invente pas! mande. On la croit effacée paremment pas sur la proche Angela Merkel naît le 17 juillet 1954 et timide? Erreur! Elle obmême longueur d’onde à Hambourg. Elle est encore un nour- serve et apprend. Ministre de Sarkozy. qu’elle à propos de la risson lorsque son pasteur de père dé- de l’Environnement en TVA ! On comprend Et voilà cide de partir vivre en République 1994, elle travaille dur et qu’elle ait prudemment démocratique d’Allemagne (RDA), de assoit son autorité. Elle va qu’elle cour- refusé un second débat l’autre côté du rideau de fer, pour par- vite se révéler intelligente, télévisé avec ce roublard tager les souffrances de ses compa- pragmatique, directe, par- tise Chirac ! de Schröder ! Lequel a triotes placés sous la férule fois brutale. Elle ne prend beau jeu d’exploiter cet communiste. À Tremplin, les Merkel, pas de gants pour virer son secrétaire aveu de faiblesse et de se gausser de suspects de dissidence, vivent en d’État, jugé incompétent, et n’hésite son inexpérience… marge. Angela, par nécessité comme pas à se montrer favorable au nucléaire En matière de politique étrangère, par tempérament, veille à ne pas se dans un pays qui ne cesse de lui ma- Merkel affirme vouloir restaurer une faire remarquer. Bonne élève, elle est nifester son hostilité. relation transatlantique mise à mal, excellente russophone (elle ira même En 1998, après la défaite de la CDU, lors de la crise irakienne, par la constireprésenter son pays à deux « olym- Wolfgang Schaüble, le dauphin de tution d’un axe Berlin-Paris-Moscou. piades », ces concours de langue pour Kohl, la propulse au secrétariat géné- Du coup, Schröder brandit la menace étudiants étrangers organisés en ral. Les fédérations de l’Ouest tiquent, d’une nouvelle guerre « bushienne », URSS). Elle ne fume ni ne fréquente les mais l’heure n’est plus à ce genre de contre l’Iran cette fois, pour dissuader boîtes de nuit. Pour sauver les appa- considérations : la CDU est éclabous- une opinion très majoritairement parences, elle adhère aux Jeunesses com- sée par le scandale. Accusé d’avoir reçu cifiste de voter pour son adversaire. munistes et se lance dans des études des dons occultes pour alimenter les Sur le dossier de l’Union européenne scientifiques. Car, comme elle le dira fonds secrets de son parti, Kohl refuse aussi, Merkel a paru tâtonner. Après plaisamment par la suite, « même sous de livrer les noms de ses « amis ». C’est avoir donné l’impression d’accorder le socialisme, 2 + 2 font 4 ». Son doc- Merkel qui va lui porter le coup de moins d’importance à l’alliance francotorat de physique de l’université de grâce. En 1999, dans un article publié allemande que ses prédécesseurs, puis Leipzig en poche, elle travaille à l’Aca- par le Frankfurter Allgemeine Zeitung, déclaré que l’Allemagne devait dédémie des sciences de Berlin-Est et di- le grand quotidien conservateur, elle fendre davantage les intérêts des petits vorce après trois ans de se pose en chevalier blanc pays, elle a choisi pour conseiller dimariage. En 2000, elle et proclame la fin de l’ère plomatique le francophile Wolfgang En 1999, épousera en secondes Kohl. Elle fait le ménage Schaüble et s’est employée, lors d’une elle porte avec tant de zèle qu’en fé- visite à Paris, à établir de bonnes relanoces Joachim Sauer, un professeur de chimie dont le coup de vrier 2000 66 % des mili- tions avec Jacques Chirac – pourtant elle partageait la vie detants l’estiment capable grand ami de « Gerhard » – après avoir grâce à puis dix-sept ans. Cette de donner un nouvel élan plutôt manifesté un penchant pour Nianticonformiste n’a pas colas Sarkozy et Tony Blair. Elle qui ne Kohl, son au parti. d’enfants. Bref, on est loin Elle accède à la prési- cesse de clamer son hostilité à l’adhéex-mentor. dence de la CDU deux sion de la Turquie à l’UE et préconise de la règle des « trois K » (Kinder, Kirche, Küche: enfants, église, mois plus tard, mais s’efface habile- la mise en place avec « ce pays ami » cuisine) que l’Allemagne traditionnelle ment derrière Edmund Stoiber, le chef d’un simple partenariat privilégié pourprétendait imposer aux femmes. de la CSU, lors des législatives, deux rait trouver un terrain d’entente avec le Angela entre en politique en no- ans plus tard. Battu sur le fil par Schrö- président français: ex-fervent soutien vembre 1989, lors de la chute du mur der, celui-ci n’a donc pu, cette année, d’Ankara, celui-ci a fait volte-face après de Berlin. Sans être une figure de faire autrement que de lui renvoyer le référendum français sur la nouvelle proue de la dissidence, elle est membre l’ascenseur. Au passage, Merkel a Constitution européenne… d’une communauté de citoyens, l’Éveil réussi à écarter tous ses rivaux potenQuoi qu’il en soit, Angela Merkel a démocratique. Un an plus tard, elle ad- tiels : Schaüble, bien sûr, mais aussi intérêt à rester vigilante: même si elle hère à la CDU et devient la porte-pa- Friedrich Merz, un brillant expert fi- s’en rapproche, elle n’a pas encore remrole de Lothar de Maizière, le dernier nancier. Même Stoiber, qui a pourtant porté la chancellerie. ■ J.A./L’INTELLIGENT N° 2329 – DU 28 AOÛT AU 3 SEPTEMBRE 2005
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MONDE
FRANCE Sa popularité n’a apparemment pas
souffert du retentissant échec de la candidature olympique de « Paris 2012 ». À mi-mandat, le maire de la capitale peut encore espérer une éventuelle réélection en 2008. Bilan après inventaire.
Delanoë
à qui perd gagne? Alexandra Singh-Pauliat
A
près l’échec de la candidature de Paris à l’organisation des jeux Olympiques de 2012, l’heure des comptes a sonné. Pour la France, bien sûr, pour la capitale, mais aussi pour Bertrand Delanoë, son maire, qui, bien décidé à réussir là où ses prédécesseurs – Jean Tibéri et Jacques Chirac himself – avaient échoué, avait fait de « Paris 2012 » l’une des priorités de son mandat. Et la pierre angulaire de son éventuelle réélection, en 2008. Il est le premier socialiste à diriger de l’Hôtel de Ville depuis la Commune, en 1871... Sa réaction a été à la mesure de sa déception. Après l’annonce de la victoire de Londres, le « capitaine » de la candidature parisienne a accusé son heureuse rivale d’avoir « franchi la ligne jaune ». En d’autres termes, d’avoir usé de moyens illicites pour convaincre les membres du Comité international olympique (CIO). Dénoncé par la presse française et étrangère, ce manque de fair-play a déçu jusque dans les rangs de sa majorité municipale. Mais sa popularité ne semble pas en avoir souffert. Un sondage Ipsos/Le Point du 20 juillet le plaçait même en 24
tête des hommes politiques français avec 65 % d’opinions favorables, soit sept points de mieux que le mois précédent (il est retombé à 60 % le mois suivant). Cette faveur populaire, il l’explique par « la sincérité » de ses relations avec les citoyens. Et par le bilan de l’action qu’il mène depuis plus de quatre ans. En mars 2001, lors de sa campagne victorieuse, le candidat Delanoë s’était
engagé à restaurer l’éclat de la Ville lumière, singulièrement terni par les « affaires » – du financement occulte du RPR à l’attribution clientéliste des logements sociaux – dans lesquelles la droite s’était engluée. « Aujourd’hui, Paris ne fait plus les gros titres en raison de scandales politico-financiers », se réjouit Pierre Schapira, l’adjoint au maire chargé des relations internationales et de la francophonie.
« TOUS PARISIENS,TOUS CITOYENS! »
T
el est le slogan du Conseil consultatif des Parisiens non communautaires (CCPNC) mis en place en 2001. Désignés parmi six cents candidats, ses quatre-vingt-dix membres (originaires de trente-six pays) s’intéressent à toutes les questions municipales, mais plus spécialement à celles qui concernent les étrangers. Algériens, Chiliens, Chinois ou Sénégalais, ils présentent chaque année leur rapport au conseil municipal. « Nous avons répondu favorablement à certaines de leurs propositions, comme l’augmentation du nombre des traducteurs, la rénovation des foyers de travailleurs immigrés ou l’ouverture d’un lieu dédié aux cultures étrangères, qui sera installé dans le palais de Louxor, dans le quartier de Barbès », explique Khédidja Bourcart, adjointe chargée de l’intégration. L’initiative a été reprise par deux arrondissements, les 19e et 20e, qui ont créé leur propre Conseil des résidents étrangers (CRE). « La citoyenneté locale est une première étape vers l’intégration », explique le Malien Boubacar Diaby, secrétaire du CRE du 19e, qui vit à Paris depuis trente ans. Mais la droite parisienne dénonce « un calcul politique pour exhorter le Parlement et le gouvernement à ouvrir le droit de vote aux étrangers lors des élections municipales ». Un droit auquel Bertrand Delanoë et son équipe se sont, pour leur part, toujours déclarés favorables. ■ A.S.-P. J.A./L’INTELLIGENT N° 2329 – DU 28 AOÛT AU 3 SEPTEMBRE 2005
Bertrand Delanoë, fin juin à Paris, dans son bureau de l’Hôtel de Ville.
Sans doute, mais la capitale a-t-elle pour autant retrouvé son prestige international? L’échec de sa candidature olympique incite à en douter. Pourtant, Delanoë est parvenu à mettre en place une véritable diplomatie municipale, grâce notamment aux réseaux de villes. Il préside l’Association internationale des maires francophones (AIMF), héritée de l’ère chiraquienne, qui rassemble plus de cent vingt métropoles, de Montréal à Hanoi en passant par Tunis ou Lomé, et copréside l’association Cités et gouvernements locaux unis (CGLU), fondée en mai 2004 à Paris par deux mille cinq cents maires et élus locaux venus du monde entier. Cette dernière pourrait être appelée à devenir le porte-parole des grandes villes, notamment auprès de l’ONU. Mais les ambitions internationales de Delanoë ne s’arrêtent pas là. Outre qu’il reçoit à l’Hôtel de Ville, comme il est de tradition, les chefs d’État et de gouvernement en visite officielle en France, il multiplie, comme Chirac avant lui, les déplacements à l’étranger. Au Proche-Orient, par exemple, où il s’est rendu en 2003 pour rencontrer Ariel Sharon et Yasser Arafat. En retour, des responsables israéliens et pa-
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lestiniens ont été reçus l’année sui- de bouche ». Des coupes franches ont vante dans la capitale française. « C’est été opérées dans le budget (téléphone, le rôle de Paris d’essayer de rapprocher parc automobile, réceptions) et pluces communautés », explique Scha- sieurs dizaines de millions d’euros écopira, qui réfute toute accusation de di- nomisés. Ce qui a permis de rompre plomatie parallèle. Dans les rangs de spectaculairement avec l’ère Tibéri l’opposition municipale, on ironise vo- tout en envoyant un signal fort aux lontiers sur « l’ego surdimensionné » électeurs. Mais les détracteurs du du maire. Et l’on guette ses « déra- maire ne voient là que démagogie. Il pages » – ou supposés tels. L’attribution est vrai que ces économies ne reprédu titre de Citoyen d’honsentent qu’une goutte neur de la ville de Paris d’eau dans l’océan. Et que Fini le à Mumia Abou Jamal, budget – pharaonique temps des le l’ancien militant des – de l’Hôtel de Ville est en BlacksPantherscondamné « affaires ». constante augmentation. à mort aux États-Unis dépenses de foncMais gare Les au terme d’un procès tionnement (plus de à la dérive 5 milliards d’euros) ont contesté, a par exemple fait l’objet de virulentes budgétaire. ainsi progressé annuellecritiques. ment d’environ 4 % deSi, en matière diplomatique, l’équipe puis 2001. Cette dérive budgétaire a Delanoë ne rejette pas en bloc l’héri- valu au maire quelques mises en garde tage chiraquien, il n’en va pas de même au sein même de sa majorité de sur le plan strictement municipal. Là, « gauche plurielle ». la rupture se veut complète. Adepte de Autre concept phare de ce mandat : la « transparence », l’un des maîtres la démocratie de proximité. Tous les mots de sa mandature, le maire se rend Parisiens sont invités à prendre part à la fin de chaque année dans les vingt à la vie de leur ville en rejoignant les arrondissements de la capitale pour y nombreux conseils consultatifs qui ont présenter un compte rendu chiffré de été mis en place. Tous, y compris les son action. Désormais, plus question cent soixante-dix mille étrangers qui, de passe-droits ni de vertigineux « frais n’étant pas originaires d’un pays de
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l’Union européenne, ne conquête ». Le ton a été bénéficient pas du droit donné, au début de l’ande vote. « Depuis la née, par la publication création, il y a quatre ans, d’une brochure intitulée Le d’un Conseil de la ciParis perdu de Bertrand Detoyenneté des Parisiens lanoë, véritable livre noir non communautaires, ces dans lequel l’opposition derniers ont enfin la municipale accuse le parole », explique Khémaire, son équipe et sa podidja Bourcart, adjointe litique d’à peu près tous les chargée de l’intégration, Bain de foule algérois, au mois d’avril: en 2003, maux. Delanoë y est déelle-même d’origine algé- les deux villes ont conclu un accord de coopération. peint comme l’élu des rienne. Cette dernière a « bobos », ces « bourgeois été chargée par Delanoë bohèmes » de plus en plus de mettre en place une nombreux dans une capidélégation destinée à protale désertée par les mouvoir les droits des pocouches populaires et pulations immigrées et à même la classe moyenne combattre les discriminaen raison de l’augmentations. Mission accomplie. tion vertigineuse des prix « Nous assistons à un vrai de l’immobilier. À quoi l’inchangement de politique, téressé – qui ne peut sédans le discours comme rieusement être tenu pour dans les actes », se félicite responsable de ce phénoAziz Tabouri, sous-direcmène global – réplique teur de l’association Inter que plus d’un quart du Service Migrant, qui bébudget municipal est néficie désormais d’une consacré au social. subvention municipale. La guerre des chiffres Elle n’est pas la seule. bat son plein. Dans son Entre 2003 et 2004, Séance de signature de son dernier livre programme, la gauche les sommes allouées à (La Vie, passionnément), à Tunis, en décembre 2004. plurielle s’était engagée à ce type d’association ont créer 4500 places suppléglobalement augmenté de 50 %. Mal remise de son échec de 2001, mentaires dans les crèches munici« Paris est une ville fière de son iden- la droite parisienne reste en proie à de pales. La mairie affirme aujourd’hui tité, reconnaissante d’avoir été enrichie graves divisions. Du coup, ses attaques tenir le cap: quelque 2500 places aupar les couleurs, les spiritualités, les in- contre la municipalité de gauche n’ont raient été créées entre 2001 et 2004. fluences culturelles de l’humanité », jusqu’à présent rencontré qu’un écho Ce que l’UMP conteste formellement: aime à répéter, avec un brin d’em- limité. Mais la fin prématurée de à l’en croire, ce chiffre doit être divisé phase, Delanoë, qui a passé son en- l’aventure olympique pourrait changer par deux, voire davantage. fance à Bizerte, en Tunisie. Au-delà des la donne. D’autant que l’UMP semble Par ailleurs, la demande de logemots, une série de décisions symbo- bien avoir engagé son « opération re- ments sociaux est en constante augliques ont été prises ou devraient l’être prochainement. Le nom de l’émir Abdelkader, premier résistant à la coaris entretient des relations « diplomatiques » avec plus de deux cents lonisation et père de la nation algévilles étrangères. Dans le cadre de l’Association internationale des maires rienne, devrait ainsi être donné à une francophones (AIMF), que subventionnent à parts égales (1,8 million d’euplace de la capitale. Une plaque a par ros) l’Hôtel de Ville et le Quai d’Orsay, mais aussi par le biais d’accords bilatéailleurs été apposée en souvenir des raux. Comme avec Alger, où Bertrand Delanoë s’est rendu pour la deuxième tragiques événements du 17 octobre fois en visite officielle, au mois d’avril, accompagné de son adjoint Pierre Scha1961, au cours desquels près de deux pira, un Algérois de souche. La coopération entre les deux villes concerne au cents Algériens furent tués et jetés dans premier chef un projet de création d’un tramway à Alger, mais elle est appelée à la Seine par la police française. Préfas’étendre à d’autres secteurs, comme l’urbanisme ou le nettoiement. cier, en 2003, dans le cadre de l’année À l’Hôtel de Ville, on se félicite des résultats de cette « diplomatie de proxide l’Algérie en France, d’un livre intimité », qui permet de mener à bien des projets concrets, comme la construction tulé Paris arabe, Delanoë convie d’un centre de soins à Bamako ou la mise en place d’un service info-sida dans chaque année les musulmans parisiens les grandes villes marocaines. Mais les Verts souhaiteraient qu’elle comporte à rompre le jeûne du ramadan sous les également une « dimension morale ». En clair : une dénonciation des pratiques lambris de l’Hôtel de Ville. Une initiaantidémocratiques de certains dirigeants, comme l’explique Yves Contassot, tive qui, on l’imagine, est loin de faire adjoint à l’environnement. ■ A.S.-P. l’unanimité.
DIPLOMATIE DE PROXIMITÉ
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Sur le vélo d’un employé du service
mentation: plus de cent mille dossiers sont, à ce jour, en attente. Pourtant, la mairie construit ou, plus encore, acquiert chaque année quatorze mille nouveaux appartements. Y compris dans les quartiers chic, au nom du principe de la mixité sociale défendu bec et ongles par la majorité. Quel qu’en soit le coût. « C’est un problème insoluble, se lamente un élu socialiste. Nous ne pouvons tout de même pas racheter tous les immeubles parisiens ! » La droite, pour qui cette stratégie est « économiquement délirante », souhaiterait davantage d’investissements dans la construction, quelque peu délaissée, il est vrai, depuis 2001. « Sur les 14000 logements programmés par la majorité municipale, plus de 9500 sont le fruit d’opérations de préemption ou d’acquisition. En dehors du fait (passablement ridicule) que ces opérations concernent des logements déjà habités, la politique du tout-acquisi-
pour tenir ses engagements, Delanoë est contraint de recourir à l’emprunt. Autre dossier sensible : les transports. Le vent écologiste qui souffle sur la capitale depuis l’arrivée aux affaires de l’équipe rose-vert-rouge satisfait apparemment la majorité des Parisiens. Mais la politique visant à réduire la place de la voiture, priorité affichée de sa campagne, est loin de faire l’unanimité. Hostile au « tout-voiture », la municipalité est, dans un premier temps, parvenue à réduire de 10 % la circulation automobile – ce qui n’est pas rien. Mais elle semble aujourd’hui résolue à aller beaucoup plus loin. Et c’est là que le bât blesse. De la réduction du nombre (déjà insuffisant) des places de parking dans les immeubles en construction au projet d’interdire (d’ici à 2012) la circulation dans le centre-ville, tout est mis en œuvre pour décourager les automobilistes. Sans augmentation notable de l’offre de transports publics. Même si la construction de couloirs permet une meilleure circulation des autobus. Et si une ligne de tramway doit être mise en service dans le sud de la capitale, en 2006. Changer l’image de la ville : tel est bien le leitmotiv de la politique municipale et du concept de « Paris-Village », aux antipodes du développement effréné, voire anarchique, de nombre de mégapoles. L’objectif affiché est d’améd’entretien de « Paris-Plage ». liorer la qualité de la vie des Parisiens tion débouche automatiquement (notamment de l’air qu’ils respirent) et sur une hausse de la spéculation im- de « dépoussiérer » la culture en orgamobilière », accuse-t-elle dans son livre nisant des manifestations festives telles noir. Reste à savoir où et comment que Paris-Plage ou les Nuits Blanches, construire dans une ville qui ne dispose dont raffolent les fameux bobos. que de très faibles réserves de terrain. « Delanoë a mis en place une poliEt dont les habitants, consultés dans le tique de paillettes. Paris ne fait preuve cadre du Plan local d’urd’aucundynamisme, rien banisme, ont rejeté l’idée Le centre- ne se construit, nous de bâtir de nouvelles dans un procesville sera-t-il sommes tours. sus d’asphyxie », accuse un jour Au sein même de la mal’UMP Pierre Lellouche, jorité municipale, le dé- interdit à la élu du 9e arrondissement et candidat à la primaire bat sur le logement fait circulation qui, l’an prochain, désirage. Les Verts ne cachent pas leur volonté de passer automobile? gnera l’adversaire du maire sortant en 2008. À à la vitesse supérieure, tant en matière d’acquisition que de condition, bien sûr, que celui-ci se reconstruction et de rénovation. Quitte présente. Force est de reconnaître qu’il à augmenter les impôts locaux. Solu- manque au Paris de Delanoë un protion que le locataire de l’Hôtel de Ville, jet de grande envergure qui marquequi a parfois du mal à contenir son tur- rait son ère. Les jeux Olympiques bulent allié, se refuse à envisager. Pro- étaient censés combler cette lacune. messe électorale oblige ! Résultat : Las, le CIO en a décidé autrement! ■
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AFRIQUE DU NORD MAGHREB Libération des derniers prisonniers
de guerre marocains détenus par le Polisario, tournée régionale de l’envoyé spécial de George W. Bush : l’Amérique met tout son poids dans la balance pour résoudre le conflit du Sahara. Et réconcilier Rabat et Alger.
Washington prend les choses en mains
Samy Ghorbal
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Sur le tarmac de l’aéroport d’Agadir, l’émotion est à son comble.
A. SENNA/AFP
l était environ 19 h 30, ce jeudi 18 août 2005, lorsque l’avion gros-porteur en provenance de Tindouf (Algérie), affrété par les autorités américaines, s’est posé sur le tarmac de l’aéroport El-Massira, à Agadir. À son bord, les 404 derniers militaires marocains détenus par les indépendantistes sahraouis du Front Polisario. Avec leur libération, résultat d’efforts diplomatiques discrets mais intenses déployés ces dernières semaines par les États-Unis, se referme l’un des chapitres les plus douloureux de l’interminable conflit du Sahara occidental (voir J.A.I. n° 2324). Ces soldats, considérés comme les plus anciens prisonniers de guerre du monde, étaient détenus, pour certains depuis plus de vingt ans, au mépris du droit international humanitaire, aux confins de l’Algérie, dans les camps de Tindouf et de Rabouni. Le parlementaire républicain Richard Lugar, président de la Commission des affaires étrangères du Sénat américain, et envoyé spécial de George W. Bush pour le Maghreb, a joué un rôle capital dans leur élargissement, qu’il a supervisé de bout en bout, et qui illustre l’implication grandissante de Washington dans la région. Environ 2 200 soldats marocains ont été faits prisonniers par le Front Polisario, armé et soutenu par l’Algérie, entre février 1976 et septembre 1991. La conclusion, à cette date, d’un cessez-le-feu, après l’acceptation par les belligérants d’un plan de règlement des Nations unies, aurait normalement dû entraîner une libération immédiate et inconditionnelle des prisonniers, et ce des deux côtés. Mais pour faire pression sur le Maroc et obliger le royaume à entamer des négociations directes, les indépendantistes sahraouis ont choisi d’utiliser leurs captifs comme monnaie d’échange, en liant leur sort à la tenue du référendum d’autodétermination qui devait être organisé sous l’égide de l’ONU. Après avoir prolongé de plus de huit ans le calvaire de ces malheureux soldats, délabrés psychologiquement
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A. SENNA/AFP
Envoyé spécial de Bush pour la région, Richard Lugar, qui accueille ici les ex-captifs à leur descente d’avion, a supervisé l’opération de bout en bout.
et physiquement, tant par la durée de leur détention que se résolurent, à partir de la fin de 2004, à communiquer par les brimades, humiliations et mauvais traitements qui sur le scandale et à mobiliser la population en surfant sur ont longtemps constitué leur lot quotidien, le Polisario, com- le sentiment patriotique. Une série de manifestations prenant que le Maroc ne céderait pas à ce « chantage furent organisées, avec leur aval, entre mars et juillet 2005, ignoble », a fini par se résoudre à libérer, par tranches de aussi bien à Rabat que dans plusieurs capitales euro100 à 200, les plus anciens de ces prisonniers, à partir de péennes (Paris, Berlin, Rome, Madrid), ainsi qu’à 1999 et ce jusqu’en 2004. La technique dite du « saucis- Washington, devant les ambassades d’Algérie, pour exisonnage des libérations », cruelle pour ceux qui partent ger la libération immédiate des 404 derniers « séquestrés en laissant derrière eux leurs camarades et plus encore pour de Tindouf ». Dans le même temps, le royaume multiplia ceux qui les voient partir sans savoir à quel moment ils les actions de lobbying afin de sensibiliser les décideurs pourront eux-mêmes recouvrer la liberté, obéissait cepen- américains au problème des prisonniers de guerre. dant à des arrière-pensées politiques bien précises. Et ne La visite d’une délégation d’anciens détenus marose faisait jamais sans contrepartie, financières, diploma- cains, conduite par le capitaine Ali Najab, organisée à tiques, ou même médiatiques. L’importance du lot de pri- Washington en mai 2005 à l’initiative du CPMA (Centre sonniers libérés était fonction de la qualité des médiateurs, politique marocain-américain), a sans doute permis de de leur influence ou de leurs moyens financiers. Tour à débloquer la situation. Interpellé par leur témoignage, le tour, des pays comme l’Espagne, On parle déjà d’un sommet l’Allemagne, la Libye ou encore le Qatar réussissaient à faire sortir quelques cenBouteflika-Mohammed VI, à New York. taines de vieux soldats. Et le Polisario, à faire baisser, un peu, la pression internationale. sénateur républicain John McCain, aviateur, vétéran de En avril 2003, la Fondation France Libertés, présidée la guerre du Vietnam, et lui-même ancien prisonnier de par Danielle Mitterrand, la veuve de l’ancien président de guerre, promit d’user de son entregent auprès de l’admila République française, qu’on savait entièrement acquise nistration Bush et du Congrès pour mettre la pression sur à la cause de l’autodétermination du peuple sahraoui, l’Algérie et le Polisario. Sentant le vent tourner, les respubliait un rapport accablant sur les camps de prisonniers ponsables algériens, soucieux de ne pas compromettre leurs de Tindouf et Rabouni, et décidait de suspendre son aide excellentes relations avec les États-Unis pour une cause au Polisario. L’existence même des camps devenait contre- difficilement défendable, ont-ils incité Mohamed Abdelaziz, productive et commençait à desservir franchement la lutte le dirigeant du Front Polisario, à faire volte-face ? Toujours sahraouie. Parallèlement, avec l’avènement de est-il que, prenant tout le monde de court, celui-ci annonMohammed VI et les premiers témoignages des rescapés çait, le 13 juillet, dans une interview accordée à la fois au des camps, l’opinion marocaine, longtemps restée dans une journal français Le Monde et au quotidien espagnol El País, relative ignorance, s’est faite plus revendicative. la libération imminente des derniers prisonniers marocains. Comprenant enfin tout l’intérêt qu’elles pourraient avoir Les Américains, voyant là l’occasion inespérée de provoà exploiter politiquement l’affaire, les autorités du royaume quer un rapprochement entre Rabat et Alger, en froid J.A./L’INTELLIGENT N° 2329 – DU 28 AOÛT AU 3 SEPTEMBRE 2005
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depuis avril, se sont engouffrés dans dence, leur voix porte beaucoup la brèche. Et ont dépêché un émisplus que celle des dirigeants eurosaire de poids en la personne de péens, il est vrai assez timorés et Richard Lugar à Alger, pour une englués dans leurs divisions internes. entrevue avec le président Abdelaziz On se souvient, à ce propos, que Bouteflika, et à Tétouan, à la résic’était l’intervention du secrétaire dence d’été du roi, pour y rencontrer d’État de l’époque, Colin Powell, Mohammed VI. Rien n’a filtré de ces pendant l’été 2002, qui avait permis entretiens, hormis le fait que les de faire retomber la tension entre le sujets des relations bilatérales, du Maroc et l’Espagne de José María Sahara occidental et de la lutte contre Aznar, après la réoccupation, par le terrorisme ont été abordés. Lugar des militaires marocains, de l’îlot s’est rendu ensuite, les 19 et 20 août, méditerranéen contesté de en Libye, dernière étape de sa tourPersil/Leila. Dans l’affaire du Sahara née, où il s’est entretenu avec occidental, les Américains ne détienMouammar Kaddafi pour évoquer nent pas de recette miracle. Ils ont une normalisation définitive et l’étavoulu profiter de l’ouverture qui se Conférence de presse de Richard blissement de relations diplomaprofilait du côté d’Alger et de Lugar, le 20 août, à Tripoli. tiques avec ce pays, après vingtTindouf, avec la libération des derquatre ans d’interruption. niers prisonniers de guerre maroDepuis le 11 septembre 2001, les États-Unis considè- cains, pour pousser les protagonistes à reprendre langue. rent le Maghreb comme une région stratégique et y redou- En insistant sur la nécessité de négociations directes blent d’activité. Ils rêvent d’y imposer une Pax americana. « pour un règlement du contentieux dans le cadre de Alliés de longue date du Maroc, ils ont entrepris, ces der- l’ONU », Richard Lugar a trouvé une formulation de nières années, un spectaculaire rapprochement avec nature à ne braquer aucune des deux parties, qui se sont, l’Algérie. Très présents économiquement dans le secteur chacune, félicitées de sa médiation. Mohamed Abdelaziz des hydrocarbures, ils considèrent le pays de Bouteflika a même souhaité « une meilleure implication du présicomme un État pivot dans la guerre contre le terrorisme dent Bush dans le règlement du conflit du Sahara ». et ont intensifié leur coopération militaire avec l’armée algé- Lugar ne s’est du reste pas privé d’esquisser quelques pistes rienne, allant jusqu’à organiser toute une série de lors d’un entretien accordé, le 19 août, à la chaîne de télémanœuvres conjointes dans le cadre de l’Otan et multi- vision arabe Abu Dhabi TV, pour apurer le contentieux plier les livraisons de matériel sensible, au grand dam des algéro-marocain en souhaitant « la réouverture des postes Marocains, qui ont un temps redouté de faire les frais du frontières, un échange de visites de hauts représentants nouveau tropisme algérien de Washington. Les Américains des gouvernements des deux pays et la reprise des relasouhaitent que les frères ennemis du Maghreb arrivent à tions commerciales ». Alger a saisi la balle au bond et dépasser le contentieux historique qui les oppose à pro- annoncé la nomination d’un nouvel ambassadeur au pos du Sahara, car il menace la stabilité de la région, nuit Maroc, en la personne de Larbi Belkheir, l’ancien tout-puisà la coordination des actions de lutte antiterroriste et sant directeur de cabinet du président Bouteflika (voir compromet la perspective d’une zone de libre-échange à pp. 10-11). Un geste fort et symbolique, que Rabat s’est l’échelle maghrébine, qu’ils ne cesUne offensive qui s’inscrit dans le projet sent d’appeler de leurs vœux depuis l’initiative Eizenstadt, du nom de sousde remodelage du Grand Moyen-Orient. secrétaire d’État de l’administration Clinton, Stuart Eizenstadt, qui s’était, le premier, pro- empressé d’accepter et qui peut en laisser présager noncé en faveur de la création d’un grand marché magh- d’autres. Le Maroc, lui, venait d’annoncer la nomination, rébin ouvert aux produits US. C’était en 1996… La volonté en la personne d’Abdallah Belkziz, spécialiste des affaires de remodelage du Grand Moyen-Orient, ce vaste ensemble maghrébines, et jusqu’alors en poste à Tunis, d’un nougéopolitique qui s’étend des rives de l’Atlantique aux vel ambassadeur à Alger. Après avoir soufflé le chaud et confins orientaux du Pakistan, explique aussi l’intérêt de le froid, peut-être pour des raisons de politique intél’administration Bush pour le Maghreb. Cette zone, rela- rieure – ménager la sensibilité nationaliste de l’armée, toutivement à l’écart des turbulences du conflit israélo-arabe, jours très vivace –, l’Algérie paraît décidée à reprendre peut servir de champ d’expérimentation pacifique aux l’initiative diplomatique. Personne ne s’en plaindra. On réformes politiques et économiques que les Américains sou- parle déjà d’un sommet Bouteflika-Mohammed VI, en sephaitent promouvoir dans le monde arabo-musulman. Et, tembre, à New York, en marge de l’Assemblée générale partant, leur permettre de redorer un blason passablement annuelle des Nations unies. Si la prudence reste éviterni dans la région, après les invasions de l’Irak et de demment de mise, tant les protagonistes nous ont habil’Afghanistan, et de damer définitivement le pion aux tués au régime de la douche écossaise, il semble touteEuropéens au sud de la Méditerranée. fois qu’il se passe quelque chose entre les deux capitales. Ont-ils une chance de réussir ? Une chose est sûre, les Et, quoi qu’il advienne, les Américains auront frappé les États-Unis se considèrent de plus en plus comme les esprits et marqué des points, et s’imposent, de plus en plus, dépositaires « naturels » de la stabilité au Maghreb. À l’évi- comme un acteur obligé de la politique maghrébine. ■ 30
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FOOTBALL Faute d’un projet technique cohérent, le club le plus populaire de Tunisie n’est plus que l’ombre de lui-même. Au grand dam de ses nombreux supporteurs.
Désespérance de Tunis Faouzi Mahjoub
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HICHEM
orsque, dans la soirée du 20 août, Khartoum pour y affronter Al-Hilal en entraîneur : Mrad Mahjoub, un barouau stade du 7-Novembre à Ra- Ligue des champions. La veille du dé- deur qui, depuis vingt ans, navigue dès, l’arbitre libyen Abdulhakim part et à l’issue de l’ultime séance d’en- entre les clubs locaux et ceux du Golfe. Shelmani siffle la fin du match traînement, Andrey est agressé par un L’effectif est remanié. Deux valeurs entre l’Espérance sportive de Tunis supporteur dans l’enceinte même du sûres partent : Jawhar Mnari et Issam (EST) et l’Étoile sportive du Sahel (ESS), club. Au Soudan, l’EST est battue (0-2). Jomaa. Sont recrutés sept éléments, les milliers de supporteurs tunisois ré- De retour à Tunis, Tlemçani, avec l’aval dont le Camerounais Frank Olivier et signés rangent leur attirail et leurs illu- du président Zouhir, « met fin aux fonc- le Togolais Emmanuel Mathias. sions: leur club, tenu en échec (1-1), est tions d’Andrey en tant qu’entraîneur de Mahjoub débute le 16 juin. L’EST est bel et bien éliminé de l’édition 2005 de l’équipe seniors ». Didi n’est pas li- en lice pour les demi-finales de la Ligue la Ligue des champions d’Afrique. Une mogé : on ne lui confie pas de tâche et des champions, « priorité absolue du déception de plus au terme d’une saison son salaire lui est versé jusqu’en juin. club », dixit Zouhir. Le 2 juillet, elle tient calamiteuse. Son contrat sera rompu, sans indem- tête à l’Étoile à Sousse (0-0). Mais le 10, La série noire du club le plus elle concède, à Tunis, le nul (0-0) populaire de Tunisie commence face à l’Asec d’Abidjan. Le 24, le 14 novembre 2004 au stade au Caire, elle résiste au Zamalek d’El-Menzah. Ce jour-là, en (1-1). Une semaine plus tard, elle demi-finale retour de la Ligue entame le championnat de Tunides champions, l’Espérance bute sie par une défaite, au Kef, face sur les Nigérians d’Enyimba et à un promu, Jendouba Sports laisse filer la qualification à l’is(0-2). « Le meilleur est à venir! » sue de la séance des tirs au but. martèle, optimiste, Mahjoub. Ses Une semaine plus tard, les protégés reçoivent, au stade d’El« Sang et Or » disputent la finale Menzah, Zamalek. En l’espace de de la Coupe de Tunisie face au quatre minutes, les Cairotes insClub sportif sfaxien (CSS). Ducrivent deux buts et remportent rant les prolongations, ils plient les trois points (2-1). Conspué et finissent par rompre : 0-2. par le public, Tlemçani jette C’est la défaite de trop. Slim Chil’éponge. « Il a voulu, commente boub, emblématique et omniun familier du club, faire du Chipotent président de l’EST, subit boub sans Chiboub. Il a tout l’ire de la foule. Ulcéré et déstaraté. » Mahjoub est poussé à la bilisé, il démissionne. démission. L’ancien international Aziz Zouhir, capitaine d’inKhaled Ben Yahia répond « à l’apSlim Chiboub et ses joueurs après la défaite en dustrie de 51 ans et ex-champel du devoir » et accepte de finale de la Coupe face à Sfax, en novembre 2004. pion de tennis, lui succède. prendre, au pied levé, la relève. L’équipe première est placée Le 20 août, son équipe livre sous la responsabilité du nouveau vice- nités, le 1er juillet. Le Genevois a saisi la une bataille acharnée mais ne gagne président, l’ex-international Zied Tlem- Fifa, qui devra trancher. pas. Zouhir, qui recherche un « psychoTlemçani est désormais seul maître logue sportif », s’en prend à l’arbitre. çani, qui promet de réabonner l’EST au succès. Il met en place un organi- à bord. Première échéance : la finale de L’EST quitte sans gloire la Ligue des gramme d’affidés dont il cherche à ex- la Coupe de Tunisie, le 22 mai, face à… champions, qui la fuit depuis 1999 et clure l’entraîneur en place, le Suisse l’Espérance sportive de Zarzis, un mo- dont elle sera absente en 2006. Avec Claude Andrey, surnommé « Didi », en- deste club de division I. À Radès, les fi- un bilan négatif en 2005, elle rentre gagé en septembre 2004 par Chiboub. nales se suivent et se ressemblent : les dans le rang en dépit d’un effectif pléTechnicien hors pair, Andrey affiche des « Sang et Or » sont à nouveau défaits thorique où, il est vrai, on ne compte conceptions de jeu non conformistes et (0-2). Courageux, Tlemçani se défausse qu’un seul joueur de valeur : le gardien entend préserver son domaine. Mais sur les joueurs: « Nous autres dirigeants de but ivoirien Jean-Jacques Tizié. Tlemçani est insatiable : manager, di- avons fait notre devoir, pas les joueurs. Faute d’un projet technique cohérent, recteur technique et agent, voilà qu’il Nous ne pouvions aller sur le terrain elle ne semble plus en mesure de proprend place sur le banc d’où il veut tout pour marquer des buts à leur place ! » duire un jeu agréable et conquérant, et gérer. Début mars, l’EST se déplace à Zouhir réagit en engageant un nouvel de faire rêver ses supporteurs. ■ J.A./L’INTELLIGENT N° 2329 – DU 28 AOÛT AU 3 SEPTEMBRE 2005
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AFRIQUE DU NORD
MAROC Évolution profonde des mentalités oblige, un nombre croissant de jeunes adultes font désormais de leur épanouissement personnel une priorité. Et choisissent de convoler en justes noces le plus tard possible. Enquête.
Célibataires:
solo,mais pas trop!
Yasmina Lahlou, envoyée spéciale
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epuis quelques années, on constate au Maroc un net recul de l’âge du mariage et une augmentation importante des divorces. Conséquence : les Bridget Jones et autres Bachelor version locale sont pléthore. De plus en plus d’hommes et de femmes âgés de 25 à 40 ans (voire davantage) semblent bouder le mariage, au point que le célibat longue durée est devenu un véritable phénomène de société. En dépit de leurs efforts pour concilier tradition et modernité, les « solos » marocains, déboussolés, sont en quête de nouveaux repères. L’âge moyen du mariage est passé de 17 ans en 1960 à 28 ans en 2004 chez la femme, et de 19 ans à 32 ans chez l’homme. La réforme de la Moudawana (code de la famille), en élevant à 18 ans l’âge minimal du mariage des jeunes filles,
a peut-être accentué la tendance, mais ces chiffres n’en sont pas moins révélateurs d’une évolution profonde des mentalités et des schémas matrimoniaux classiques. Le mariage précoce est en voie de disparition, de même que l’endogamie. L’appartenance à la même tribu ou à la même famille n’étant plus un critère prépondérant, les célibataires se trouvent confrontés à la difficulté de choisir « le bon parti ». À l’époque, on distinguait deux sortes de mariage, le mariage d’amour (« je t’aime, tu m’aimes, marions-nous ! ») et le mariage traditionnel arrangé par les parents : ould en-nass (« le fils de bonne famille ») épousait bent ennass (« la fille de bonne famille »), qui lui était naturellement prédestinée. On leur assurait que « l’amour vient avec le temps », ils vivaient heureux et avaient beaucoup d’enfants.
Aujourd’hui, la vie conjugale a tendance à relever moins de la sphère publique ou familiale, et à devenir une affaire privée. Plusieurs facteurs, aussi bien économiques que culturels, expliquent pourquoi le célibat a pris une telle ampleur. Les jeunes adultes en âge de se marier font de leur épanouissement personnel une priorité et aspirent à vivre pleinement leur indépendance. Mehdi résume ainsi la vie rêvée des célibataires : « Habiter seul, avoir un métier solide, de l’argent, une voiture. Faire des sorties entre amis, partir en week-end sur un coup de tête, vivre sans contraintes. Être libre tout simplement! » Les célibataires se trouvent surtout dans les grandes villes, en particulier à Casablanca. La capitale économique offre en effet des opportunités d’emploi qui attirent les
SPEED DATING ET CYBERMARIVAUDAGE
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ariage, relation sérieuse ou aventure éphémère, les célibataires multiplient les occasions de faire des rencontres. Certains restaurants et bars branchés de Casablanca ont ainsi organisé des speed dating, des soirées exclusivement destinées aux célibataires. Le principe est simple et se veut convivial: les animateurs invitent un nombre égal d’hommes et de femmes à faire connaissance et à discuter à tour de rôle avec un interlocuteur du sexe opposé au cours d’entretiens individuels de sept minutes chacun. Le concept a été inventé en 1998 par un rabbin new-yorkais qui, mécontent de voir les membres de sa communauté se perdre dans des mariages mixtes ou s'éterniser dans le célibat, a eu l'idée d’organiser des « rencontres rapides » (speed dating). Ce phénomène a connu un grand succès et n'a pas tardé à s'exporter dans le monde entier. Au Maroc, l’initiative, certes originale, a fait long feu. Ces soirées risquaient d’inciter à la polygamie plutôt qu’au mariage, les filles étant beaucoup plus nombreuses à y participer que les garçons. Selon Aïcha Zaïmi-Sakhri, directrice de
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la revue Femmes du Maroc, les participants « rationalisent la rencontre et cherchent l’amour comme ils cherchent un emploi. Le caractère formel du speed dating ne laisse pas de place au naturel et à la spontanéité. » Les cybercafés, eux, ouverts sept jours sur sept jusque tard dans la nuit, ne désemplissent jamais. Les célibataires, adeptes des sites de rencontre et du chat sur Internet, les fréquentent avec assiduité. Hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, la clientèle est hétérogène. Même si les hommes s’y adonnent plus volontiers, le libertinage virtuel n’est pas leur apanage. Des femmes aussi peuvent chercher le partenaire d’un soir, mais les plus nombreuses sont généralement en quête d’une relation sérieuse, voire plus si affinités. « Le Net cartonne par manque d’espaces de rencontre réels ; il a remplacé les marieuses d’antan. Il y a beaucoup de filles voilées qui cherchent un mari. Leur approche étant plus pragmatique, je suppose que leur taux de réussite est plus élevé que la moyenne », précise Aïcha Zaïmi-Sakhri. ■ Y.L. J.A./L’INTELLIGENT N° 2329 – DU 28 AOÛT AU 3 SEPTEMBRE 2005
P. PARROT/CORBIS SYGMA
Étudiants à la terrasse d’un café face à l’université Hassan II-Aïn Chock, à Casablanca.
de prix, nous devons épargner. Je solitude me pèse. Le problème, c’est préfère patienter plutôt que d’habi- que la vie active rend les opportuniter chez mes beaux-parents ! » tés de rencontre difficiles, on a les explique Zineb. inconvénients de la modernité sans Mais plus que l’aspect matériel, il y ses avantages. Je travaille de 8 heures a les freins psychologiques: la peur de à 23 heures, et après 23 heures, il n’y divorcer est beaucoup plus grande a pas tellement de femmes recomque celle de ne jamais se marier (les mandables. » De leur côté, les femmes solos considèrent qu’il est vivent leur célibat plus beaucoup plus difficile de Âge moyen douloureusement que les refaire sa vie après un parce que le du mariage : hommes divorce, a fortiori lorstemps presse, horloge 28 ans chez b i o l o g i q u e o b l i g e . qu’on a des enfants). Le modèle unique du directrice d’une la femme, Hanane, mariage pour la vie, qui agence de communicaa perduré jusque dans les 32 ans chez tion (34 ans), regrette années 1980, est décrél’homme. d’avoir éconduit ses prédibilisé par l’augmentatendants : « Entre 23 et tion inquiétante du nombre de 27 ans, j’ai refusé des demandes en d i v o r c e s . L a r é f o r m e d e l a mariage, je me trouvais trop jeune, Moudawana visant à mieux protéger je voulais terminer mes études, puis les droits des femmes, en interdisant je me suis consacrée en priorité à ma notamment la répudiation, semble carrière… Le piège, c’est qu’on ne avoir comme effet « pervers » d’en- voit pas les années passer ! » Salwa, tretenir la phobie du mariage chez les cardiologue, a définitivement fait son hommes. « En cas de divorce, deuil du mariage, le jour où elle a l’homme perd tout, tandis que la « fêté », si l’on peut dire, ses 40 ans, femme garde les enfants et le domi- mais son désir de maternité est plus cile conjugal », déplore Mohamed fort que jamais. Comme toutes les (40 ans), sans rejeter pour autant « célibattantes », Hanane et Salwa l’idée de se marier, car après avoir sont confrontées à la situation suigoûté aux joies du célibat, il est main- vante: plus une femme a de diplômes tenant en plein désarroi. « Au début, et de responsabilités professionnelles, j’étais heureux, mais à la longue, la mieux elle gagne sa vie, et
J.A./L’INTELLIGENT N° 2329 – DU 28 AOÛT AU 3 SEPTEMBRE 2005
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jeunes originaires des autres régions du royaume. Loin de leur famille, ils vivent seuls ou en colocation, leur semaine est rythmée par les sorties (restaurant, cinéma, pub, discothèques), et leur vie amoureuse est parfois aussi bien remplie que leur agenda. L’épanouissement sexuel fait également partie des nouvelles revendications. Avec l’évolution des mœurs et le développement de la contraception, la sexualité préconjugale s’est banalisée chez les filles comme chez les garçons, qui composent désormais avec les interdits moraux ou religieux. La virginité des filles n’est plus une exigence absolue, du moins pour certains… Asma, comme bon nombre de ses congénères, déplore le décalage entre le mode de vie des hommes célibataires et leur conception du mariage : « Ils papillonnent puis décident un jour de se ranger, et là, ils veulent une pucelle. » Les études universitaires poussées suivies d’une entrée tardive dans la vie professionnelle, le chômage et les difficultés financières expliquent aussi le recul de l’âge du mariage. Nombreux sont les jeunes couples dont la période de fiançailles s’éternise, à l’instar de Hicham et Zineb, fiancés depuis plus de deux ans. « Comme les appartements sont hors
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AFRIQUE DU NORD
LE MATIN DU SAHARA Quotidien, Maroc
Quatre filles mères sur cinq abandonnent leurs bébés
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«
ous étions deux jeunes ouvrières travaillant dans une usine à Casablanca à tomber enceintes du même homme. Pour éviter le scandale et le déshonneur de la famille, chacune d’entre nous a tenté de le convaincre de nouer des relations légales et de reconnaître son futur bébé. En vain… », nous ont déclaré Hayat, 17 ans à peine, et Nawal, 19 ans. Elles symbolisent le cas de mères célibataires en situation de détresse, vivant un drame de société où le droit de la famille repose exclusivement sur l’institution du mariage et sur les rapports de filiation légitime. Quatre mères célibataires sur cinq abandonnent leur progéniture dans une maternité. D’autres s’en séparent définitivement sur la voie publique. Au moins cinq bébés « sans père » naissent chaque jour à Casablanca, selon les chiffres des hôpitaux. La plupart des mères célibataires sont de jeunes servantes agressées sexuellement par leur employeur. Dès l’enfance, elles sont placées par leurs parents dans des familles aisées. En manque d’amour, ces adolescentes se font engrosser par le premier venu qui leur promet le mariage. Il arrive aussi qu’elles se fassent violer. […] Dès lors, soit elles demandent à l’homme de les épouser, soit elles se font avorter ou, s’il est trop tard, vont accoucher incognito, loin de chez elles, là où personne ne peut les reconnaître. Si beaucoup sont de crédules petites domestiques venues des campagnes, elles peuvent aussi être des étudiantes ou travailler dans une quelconque usine. Le géniteur peut être le patron ou son fils, un Promesse homme accueillant rencontré un jour d’errance, de mariage mais aussi « le prince charmant ».
non tenue,
Une enquête réalisée par l’Insaf (Institut nainceste, tional de solidarité avec les femmes en détresse) prostitution, démontre que 50 % de ces mères célibataires ont été victimes d’une promesse de mariage non tenue, viol... tandis que 28 % d’entre elles avouent que la grossesse est survenue à la suite d’une relation amoureuse. La prostitution arrive en troisième place (14 %), suivie du viol (7 %). S’agissant du niveau scolaire, l’enquête menée par l’Insaf révèle que 42 % des mères célibataires sont analphabètes, 35 % ont suivi des études primaires, 14 % ont atteint le collège et 7 % le lycée. Le taux des mères célibataires se réduit avec l’âge et à mesure que le niveau de scolarité augmente. L’Insaf a été fondée en 1999 par Meriem Othmani et des membres de la société civile qui ont décidé de poursuivre le programme initié par l’ONG suisse Terre des hommes. Cette structure tente de prévenir l’abandon des enfants et l’infanticide, et de favoriser la réinsertion familiale et socioprofessionnelle des femmes en détresse. Cette action passe par l’accompagnement post- et préaccouchement: appui médical et psychologique, règlement des frais d’hospitalisation, d’accouchement, de médicaments, distribution de vêtements, layette, lait, biberons, couvertures… L’institut accompagne administrativement les femmes en les aidant à établir les papiers d’identité et le livret de famille, et à faire face à la justice. Elle les aide aussi dans la recherche d’emploi. D’autres associations se préoccupent du sort de ces éternelles exclues. Aïcha Ech-chenna dispose d’une grande expérience dans le combat pour la levée du tabou sur les mères célibataires, souvent des petites filles victimes de viols ou d’inceste. Selon elle, ces femmes sont tout simplement victimes d’un système. […] À travers son association Solidarité féminine, fondée en 1985, Mme Ech-chenna prend en charge veuves, divorcées et mères célibataires, ainsi que leurs nourrissons et les aide à se réintégrer au sein de la société ou de leur famille. ■ El Mahjoub Rouane 34
moins elle se marie. D’une part parce que sa réussite fait peur aux hommes, d’autre part parce qu’ellemême est très exigeante dans le choix du conjoint. Autrefois, la société tolérait mieux le zoufri (« ouvrier », et par extension « voyou, coureur de jupons ») que la bayra (« vieille fille »). Le terme péjoratif de bayra est aujourd’hui remplacé par âzba (« célibataire », plus neutre), pour désigner celle dont le célibat se prolonge après l’âge de 25 ans. Les femmes doivent surmonter les résistances de leur entourage lorsqu’elles décident d’habiter seules. « Toute ma famille était contre, à cause du qu’en-dira-t-on. Une fille qui vit seule est considérée comme une prostituée », témoigne Imane, 30 ans. Car, hommes ou femmes, les célibataires sont encore l’objet de suspicion (les propriétaires évitent par exemple de leur louer un logement par crainte de le voir transformé en lupanar), et quand on ne se méfie pas d’eux, on les plaint. Entre méfiance et compassion, ces solitaires sont perçus comme une population à part, inclassable, étrange. Le célibataire fait figure de meskine (« malheureux »), et tant qu’il n’a pas trouvé l’âme sœur, il apparaît comme un être incomplet, inachevé. Refusant de céder au pathos ambiant, il dissimule son désarroi en attendant de se marier, seule façon d’acquérir un statut légitime, mais refuse néanmoins de céder à la pression familiale : « Ça tourne au harcèlement. Oncles, tantes, cousins, tout le monde y va de ses conseils et s’arrange pour me présenter une épouse potentielle. Mes parents vivent mon célibat comme un échec, leur échec ! Ils en souffrent plus que moi ! » explique Youssef, un consultant de 33 ans. Le célibat a beau se prolonger, devenir « un provisoire qui dure », il n’est pas éternel pour autant, c’est une simple période de transition entre l’entrée dans l’âge adulte et le mariage. Les célibataires aspirent encore à tomber amoureux, à vivre en couple et à fonder une famille. En somme : solos, oui… mais pas trop ! D’autant qu’ils vivent dans un pays arabo-musulman où l’union libre et la procréation hors mariage sont aussi taboues que marginales, et où le mariage demeure une institution sacrée… pour le meilleur et pour le pire. ■
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AFRIQUE DU NORD
CES FEMMES QUI COMPTENT
Nadia Lamlili Cette jeune journaliste marocaine de 31 ans a décroché, le 25 juin, le prix CNN de la presse francophone. Chapeau bas !
J.A./L’INTELLIGENT N° 2329 – DU 28 AOÛT AU 3 SEPTEMBRE 2005
D.R.
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lle a plutôt l’habitude de parler des autres. Mais, une fois n’est pas coutume, ce sont les autres, cette fois, qui ont parlé d’elle. Elle, c’est Nadia Lamlili, de l’hebdomadaire marocain L’Économiste. Cette Casablancaise d’origine berbère a reçu, le 25 juin, le prix de la presse francophone de la chaîne américaine CNN, qui organise chaque année un l’hebdomadaire en 1998. D’abord au bureau de Rabat, grand concours pour distinguer les meilleurs journaoù elle est chargée de suivre les questions macroécolistes du continent africain. Un prix qui lui a été nomiques pendant quatre ans. Par la suite, la direction décerné lors d’une cérémonie prestigieuse à l’hôtel la nomme responsable de la section desk au siège de Safari Park de Nairobi par la Camerounaise Shasha l’hebdo, à Casablanca. Elle s’occupe, depuis un an, de Ndimbie, éditrice indépendante, consultante et préla rubrique « Analyses », où elle est chargée des sujets sentatrice du journal télévisé de la Cameroon Radio politiques et diplomatiques, notamment l’émigration Television Corporation (CRTV). clandestine, le conflit du Sahara, la vie des partis, les « Lorsque j’ai débarqué au Kenya, je ne savais pas relations avec l’Amérique latine. que c’était l’hiver dans cette partie de l’Afrique. Alors, « Ce métier est formidable ! Chaque matin, on se je n’ai pas emmené mes tricots… Mais quand le jury sent nul et, le soir, un peu moins bête », soutient Nadia, a prononcé mon nom, j’ai senti qu’il faisait très chaud et que c’était l’été », a plaisanté Nadia, trophée en main, l’œil qui pétille. Professionnellement, elle a fait de l’humilité l’une de ses premières règles. Elle écoute à la tribune. Ce qui n’a pas manqué de déclencher les donc, consulte, lit beaucoup avant de se forger une rires des six cents invités présents. opinion. Ses supérieurs disent qu’elle écrit « avec ses Première Nord-Africaine à être primée dans cette tripes » et qu’elle est aussi modeste que sans complaicompétition, la Marocaine a été consacrée pour son sance. Elle peut aussi parfois être naïve pour aller article « Quand je serai grand, je veux être migrant », jusqu’au bout de la vérité, mais toujours intransigeante paru dans L’Économiste du 21 septembre 2004, qui quels que soient les faits. Nadia souhaite se consacrer décrypte la psychologie des hommes et des femmes à sa vocation le plus longtemps possible et espère que en quête de nouveaux destins, les routes qu’ils la presse marocaine va continuer à s’émanciper et à se empruntent, l’inefficacité des mesures prises pour les en dissuader et la « Ce métier est formidable. Chaque matin, on mafia des passeurs. Un article pour lequel se sent nul et, le soir, un peu moins bête. » elle a mené une développer. Si elle passe le plus clair de ses journées longue enquête et qui met les responsables politiques à la rédaction, cette célibataire de 31 ans a également africains et européens devant leurs responsabilités. une vie en dehors du journal. Elle aime se retrouver en D’où ce commentaire flatteur du jury : « Sa spécificité famille – son père est enseignant, sa mère, femme au est d’offrir des solutions ou pistes de solution pour foyer, et son frère, en formation à Kénitra pour devenir résoudre les problèmes migratoires en Afrique. Que caïd (responsable administratif) – mais aussi lire, sortir, doivent faire les gouvernements pour empêcher les aller au cinéma, et surtout voyager, au Maroc, en citoyens de quitter leur pays ? Réduire le chômage, la Afrique et partout à travers le monde. « Je suis curieuse pauvreté, la corruption ?… C’est une analyse très d’apprendre comment les gens vivent au niveau culturel riche, bien écrite et documentée. » et social », explique-t-elle. Nadia n’est pas seulement « Ce prix est un honneur pour moi et mon une investigatrice et une « faiseuse d’histoire », journal », dit celle qui est attachée plus que tout à elle est aussi une femme d’action, comme en témoigne L’Économiste et qui a déjà refusé des propositions son engagement durable au profit de l’association beaucoup plus avantageuses. de bienfaisance de l’orphelinat de Sidi Bernoussi, Après une licence en langue et littérature françaises à Casablanca. ■ Pascal Airault et des études de journalisme, elle intègre l’équipe de
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AFRIQUE DU NORD
TUNISIE-ISRAËL Après la présentation des grandes lignes de l’ouvrage de Michael M. Laskier retraçant l’histoire du dialogue entre les deux pays (voir J.A.I. n° 23272328), voici le récit détaillé des contacts officieux et de l’émigration juive.
Chronique d’une relation discrète
(suite)
Ridha Kéfi, correspondant à Tunis
Premières rencontres (1952-1964) : ce qu’ils se sont dit
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ROGER-VIOLLET
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es premiers contacts entre nationalistes tunisiens et dirigeants israéliens remontent à l’été 1952. Ils ont probablement été arrangés par deux Américains : le sénateur Herbert H. Lehman et le membre du Congrès Emmanuel Celler, tous deux de New York. Ils ont commencé, en tout cas, après que les deux parlementaires eurent introduit Bahi Ladgham, alors membre influent du bureau politique du Néo-Destour et futur Premier ministre de la Tunisie, auprès de Merdechai Namit, chef de la Fédération des travailleurs israéliens (Histadrout), et de Gide’on Rafael, de la mission israélienne auprès des Nations unies. Ainsi donc, le 25 juin 1952 – alors qu’Asiatiques et Latino-Américains essayent de faire aboutir à l’ONU la question de la souveraineté tunisienne –, Bahi Ladgham rencontre à New York Gide’on Rafael, qui saisit l’occasion pour soulever le problème des juifs tunisiens, surtout à la lumière des incidents survenus du 14 au 16 juin 1952: boutiques mises à sac, biens saccagés et, plus grave, assassinat d’un jeune israélite dans le quartier juif de Tunis. Ladgham assure Rafael que les membres du Néo-Destour ont toujours encouragé une entente entre juifs et musulmans et se sont fermement opposés à toute forme d’extrémisme. Il se garde cependant de soulever la question d’un possible soutien d’Israël aux aspirations nationales tunisiennes à l’ONU. Il se contente d’expliquer que le Néo-Destour est partisan d’une politique de coopération entre les Arabes et l’Occident et appelle à la paix avec Israël. Il promet aussi qu’une fois in-
Ya’akov Tsur (à dr.), ambassadeur d’Israël à Paris, rencontrera, en 1956, plusieurs responsables tunisiens, dont Bourguiba, Masmoudi et Nouira.
dépendante la Tunisie permettrait une émigration sans limitation des juifs vers Israël, s’opposerait au boycottage politique et économique d’Israël par les Arabes et pourrait même servir de médiateur entre Arabes et Israéliens. Le 9 février 1953, Rafael rencontre Salah Ben Youssef, membre fondateur du Néo-Destour et, depuis le milieu des années 1950, adversaire politique de Bourguiba. C’est lui qui a sollicité la rencontre, mais, à la différence de Ladgham, il reproche à Israël de n’avoir
pas soutenu le bloc asiatique et latinoaméricain à l’ONU*, alors que le NéoDestour était l’unique mouvement dans le monde arabe à avoir affiché une attitude positive à l’égard d’Israël. Hédi Nouira, qui avait remplacé Bourguiba comme secrétaire général du Néo-Destour après l’exil de ce dernier au Caire, est l’un des mieux disposés à l’égard d’Israël. Interviewé en avril 1953 dans son bureau de la Casbah, à Tunis, par le journaliste israélien Amos Eilon, le futur Premier
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Habib Bourguiba (à g.) avec son Premier ministre Bahi Ladgham.
ministre cherche à dissiper les craintes israéliennes à propos du nationalisme tunisien, parle avec confiance des futures relations tuniso-israéliennes et écarte la possibilité d’un alignement du Néo-Destour sur la politique antiisraélienne de boycottage politique et économique, allant jusqu’à émettre des doutes sur la possibilité que la Tunisie puisse rejoindre un jour la Ligue arabe. Nouira pense qu’il est plus prudent pour la Tunisie de participer aux efforts de paix au Proche-Orient (Ha’aretz, 10 avril 1953). Les rencontres entre Habib Bourguiba et Alex Easterman, membre du Congrès juif mondial, commencent en août 1954 au château de la Ferté, près de Paris, où le leader du Néo-Destour est assigné à résidence. Durant la première rencontre, le 9 août, Bourguiba affirme que la Tunisie n’a d’autre choix que de rejoindre bientôt la Ligue arabe, mais prie son interlocuteur de ne pas interpréter cette déclaration comme une adhésion à la ligne de cette organisation vis-à-vis d’Israël. Le
leader tunisien fait aussi remarquer que, en tant qu’observateur extérieur, il pouvait s’identifier au sionisme israélien, mais que, en tant qu’Arabe, il considère Israël comme un avantposte de la colonisation : une entité étrangère responsable de l’usurpation de la terre de Palestine et de l’expulsion de ses habitants arabes. Bourguiba précise cependant que la Tunisie ne s’alignera pas, pour des raisons pragmatiques, sur les forces qui appellent à la destruction d’Israël. L’objectif de son pays étant de promouvoir la paix au Moyen-Orient et en Méditerranée, son entrée à la Ligue arabe pourrait lui permettre d’exercer une influence modératrice dans cette direction. Easterman sort de cette rencontre avec la ferme conviction que Bourguiba veut observer une stricte neutralité dans le conflit israélo-arabe. C’est en tout cas ce qu’il explique dans ses notes au Premier ministre et ministre des Affaires étrangères israélien Moshe Sharett. Ces rencontres non of-
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ficielles, intermittentes, directes et indirectes, entre Tunisiens et Israéliens se poursuivent jusqu’en 1956. Elles sont entreprises avec l’approbation des Français, qui ne trouvent rien à redire aussi longtemps qu’elles restent infructueuses et ne sont pas conduites dans leur dos. À partir de 1955, date de l’octroi de l’autonomie interne à la Tunisie, qui préfigure l’indépendance totale du pays, les membres du gouvernement israélien, aussi bien que les diplomates israéliens à Paris, commencent à courtiser le Néo-Destour. En parallèle, dès le début de la phase de l’autonomie, des juifs tunisiens issus de l’élite de gauche et liés au Néo-Destour ou à certains membres de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) jouent le rôle de médiateurs entre la Tunisie et Israël. C’est le cas notamment d’Elie Cohen-Hadria, représentant des socialistes français à Tunis, qui jouissait d’une bonne réputation au sein du Histadrout et de la direction du parti travailliste israélien Mapaï. Cohen-Hadria contacte d’abord Mohamed Masmoudi, secrétaire d’État dans le gouvernement de transition présidé par Tahar Ben Ammar et futur chef de la diplomatie (19701974). Il évoque avec lui la possibilité d’établir des relations entre l’UGTT et le Histadrout. Masmoudi n’accepte ni ne rejette la proposition, suggérant seulement d’attendre le congrès du Néo-Destour – il ne s’était pas réuni depuis 1937 – où les projets communs israélo-tunisiens seraient plus sérieusement discutés. Cohen-Hadria relève la même hésitation chez Aziz Djellouli, influent homme d’affaires et membre du même gouvernement, qui ne cache pas son désir de visiter Israël dans le cadre d’une mission d’observation pour prendre connaissance directement des projets industriels et étudier l’investissement financier, les méthodes d’irrigation et les politiques d’implantation des populations. Djellouli insiste cependant sur la nécessité d’entourer cette visite du secret absolu afin de ne pas susciter l’ire de certains États arabes. La rencontre de Cohen-Hadria avec Ahmed Ben Salah n’est pas plus fructueuse. Le leader syndicaliste, qui a adhéré au Néo-Destour dans les années 1940 avant de s’engager plus 39
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mane » œuvrant à la déstabilisation 31 ans – nourrit envers Israël des sendes leaders arabes progressistes. « Je timents contradictoires : il reproche connais bien les Égyptiens, explique à l’État hébreu de ne pas avoir souBourguiba. Je n’ai jamais vu autant de tenu l’indépendance tunisienne mais misère et de pauvreté [durant ma pé- admire l’esprit socialiste et progresriode d’exil là-bas]. Malgré tout cela, siste qui anime ses dirigeants. Masles Égyptiens financent Ben Youssef et moudi montre aussi un certain intérêt ses amis. » Bourguiba et Tsur tombent pour les techniques israéliennes d’ird’accord sur le fait que l’accord mili- rigation et les expériences agricoles taire signé en septembre 1955 entre des kibboutzim et des moshavim. l’Égypte et l’Union soviétique constitue « L’enthousiasme de Masmoudi pour un danger aussi bien les progrès éconopour Israël que la Tunimiques d’Israël est sie, le Tunisien craipresque égal à celui de gnant sérieusement la propagande sioqu’une partie des armes niste », affirme Tsur, ne parvienne jusqu’au qui essaye de dissuaMaghreb et n’aggrave der son interlocuteur l’instabilité de la région. d’appliquer l’expéBourguiba ne rience des kibboutzim manque pas de relever dans son propre pays, que la guerre de 1948 où elle a toutes les et la naissance d’Israël chances… d’échouer. sont à l’origine de la siMasmoudi, dont l’hostuation pénible des rétilité envers Nasser Elie Cohen-Hadria, fugiés palestiniens : dépasse celle de Bourreprésentant des socia« Cette grande injustice guiba, approuve enlistes français à Tunis. accable le monde suite le projet d’envoi arabe. » Mais il n’en d’une délégation de rend pas moins hommage à Israël, qui l’UGTT en Israël et l’accueil – non ofa su « accomplir son destin national », ficiel – de représentants du Histatout en critiquant les leaders arabes, drout à Tunis. Les deux hommes qui n’ont pas fait montre de pragma- conviennent cependant que ces deux tisme: « La guerre ne les mènera nulle points doivent être étudiés avec les part. […] Si j’avais écouté les franges responsables de la centrale syndicale extrémistes de mon propre camp et re- tunisienne. jeté l’idée d’un accord avec la France, Hédi Nouira, ministre des Finances, rien n’aurait pu être accompli en Tu- rencontre l’ambassadeur israélien le nisie. » Bourguiba a aussi loué, au pas- 3 octobre 1956, à Paris. Il sollicite l’assage, Pierre Mendès France, l’ancien sistance d’agronomes israéliens pour Premier ministre français « d’origine former des fermiers tunisiens et les aijuive », « ce grand homme auquel le der à mettre en route des coopérapeuple tunisien vouera toujours une tives. Cette discussion avait été grande admiration, qui a osé démolir précédée d’une réunion, le 14 seple mur séparant les Français et les Tu- tembre, à Rome, entre des diplomates nisiens ». israéliens et des officiels tunisiens, qui Bourguiba ayant écarté la possibi- évaluent la possibilité d’envoyer des lité de nouer des relations diploma- stagiaires pour quelque temps en Istiques avec Israël à cause des raël afin d’étudier les méthodes de « pressions politiques exercées par les cultures agricoles. Les ambassadeurs extrémistes », la conversation s’oriente d’Israël à Paris et à Rome reçoivent sur les potentialités de coopération aussitôt pour instructions de rééconomique entre les deux pays, no- pondre favorablement aux demandes tamment dans les domaines technique tunisiennes. À l’issue de la rencontre et agricole. Mais « tous les arrange- Nouira-Tsur, il est décidé que l’amments futurs devront demeurer non bassade d’Israël à Paris mettra sur officiels », précise le Tunisien. pied une unité chargée de coordonDes réunions entre Tsur et Mas- ner des projets de développement moudi ont lieu durant les mois sui- communs sous la responsabilité du vant l’indépendance de la Tunisie. Le ministre israélien du Commerce et de jeune vice-Premier ministre – il a alors l’Industrie Pinhas Sapir. D.R.
tard dans l’UGTT, vient d’être élu, en cette année 1954, secrétaire général de la centrale ouvrière – il occupera plus tard les fonctions de ministre du Plan dans le gouvernement de Bourguiba et sera directement responsable de plusieurs plans de développement. Ben Salah explique à Cohen-Hadria les difficultés qu’il a rencontrées à mentionner le nom d’Israël dans le journal Esprit, l’un des organes du Néo-Destour dont il était le responsable. Ben Salah déclare cependant qu’il est prêt, malgré tout, à publier photos, documents et articles sur l’organisation sociale des kibboutzim (ferme collective) et moshavim (coopérative agricole de petits propriétaires terriens) israéliens. Il demande aussi à Cohen-Hadria de le mettre en contact avec les leaders du Histadrout. Il veut demander à ces derniers de soutenir la candidature de la Tunisie à l’organisation de la conférence de la CISL (Confédération internationale des syndicats libres, basée à Bruxelles), prévue en 1957. Il promet d’y inviter officiellement une délégation du Histadrout, en dépit du tollé qu’une telle invitation pourrait provoquer au sein des délégations syndicales arabes. En février 1956, alors que les nationalistes tunisiens sont en train de mettre au point les derniers détails de l’accord pour recouvrer leur entière souveraineté, l’ambassade d’Israël à Paris saisit l’occasion de leur présence dans la capitale française pour nouer de nouveaux contacts. C’est l’ambassadeur Ya’akov Tsur qui est chargé d’organiser ces rencontres. Ainsi, de février 1956 jusqu’au déclenchement de la guerre de Suez, huit mois plus tard, Tsur confère avec Habib Bourguiba et ses plus proches collaborateurs, dont Masmoudi et Hassan Belkhodja. Ce dernier est alors le représentant permanent du Néo-Destour à Paris. Lors de sa première rencontre avec Bourguiba, le 6 février, Tsur dit la joie qu’il ressent de parler avec le leader du Néo-Destour, que le gouvernement israélien considère comme le représentant d’un nouveau courant de pensée arabe. Bourguiba oriente la discussion vers ses problèmes avec Salah Ben Youssef, son grand rival, qui avait obtenu l’asile politique au Caire. Bourguiba qualifie Nasser de « mégalo-
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Mohamed Masmoudi (à g.) conversant avec Ahmed Ben Salah.
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La guerre de Suez, déclenchée le nisien au moment où ce dernier 29 septembre 1956, et ses consé- cherche à obtenir une aide éconoquences réduisent à leur portion mique des États-Unis et de l’Europe. congrue les contacts diplomatiques Honorant la promesse qu’il avait non officiels entre Tunisiens et Israé- faite à Cohen-Hadria, Ahmed Ben Saliens. À partir de là, la lah invite Israël au Tunisie fait relayer ses congrès du CISL. La démessages par le biais légation du Histade Comité juif internadrout, conduite par tional (CJI) ou de Re’uven Barkat, secrél’Agence de l’émigrataire général du parti tion juive à Tunis. Mapaï, n’est cependant Deux rencontres diplopas associée aux délimatiques ont lieu, cebérations. Le drapeau pendant, à New York, israélien n’est pas non en avril 1957 entre plus hissé aux côtés de Ahmed Mestiri, secréceux des autres pays taire d’État tunisien à participants. Mais le la Justice, et Arye Ilan, geste desTunisiens est Hédi Nouira, ministre membre de la mission néanmoins très apprétunisien des Finances israélienne à l’ONU. cié à Tel-Aviv. en 1956. Mestiriavait été chargé En 1964, Israël espar Bourguiba de transmettre à Ilan saie de rétablir les contacts, presque une demande pressante tunisienne totalement rompus au lendemain de pour qu’Israël cesse d’utiliser publi- la guerre de Suez et les événements de quement le terme d’« hostilité arabe » Bizerte. Il veut demander aux autoridans les réunions internationales. Car tés tunisiennes d’accélérer les procécette généralisation, qui met tous les dures pour fournir des passeports aux États arabes dans le même sac, peut juifs tunisiens voulant émigrer vers Iscauser du tort au gouvernement tu- raël. Il tente aussi d’exploiter la reprise
des tensions entre Égyptiens et Tunisiens pour renouer des relations avec ces derniers. C’est ainsi que le ministère israélien des Affaires étrangères envoie Easterman à Genève, où Bourguiba est venu passer des vacances. Les deux hommes se rencontrent le 2 septembre 1964. Après de longues discussions, le président tunisien accepte de lever les restrictions sur les passeports, tout en faisant observer ceci : « Vous savez que je ne me suis jamais dressé sur le chemin des juifs qui voulaient quitter la Tunisie pour Israël. Les départs se sont poursuivis. Je suis le seul chef d’État dans le monde arabe qui n’ait jamais essayé d’empêcher les juifs d’émigrer vers Israël. J’ai poursuivi sur cette voie à travers les années, en faisant face souvent aux pressions de ceux qui voulaient que je change d’attitude, mais je n’ai pas changé. » ■ * À ce refus de l’État hébreu, deux raisons : les Israéliens ont besoin de temps pour mener à terme l’émigration des juifs tunisiens. Ainsi, lorsque le Premier ministre français Pierre Mendès France annonce, en 1954, que la Tunisie pourrait accéder à l’autonomie interne dans un délai d’un an, les diplomates israéliens expriment le souhait que l’administration coloniale garde de larges prérogatives et, de préférence, le plus longtemps possible. L’autre raison tient au développement des relations entre Paris et Tel-Aviv : des officiers israéliens sont alors entraînés sur le sol français et les deux pays négocient la fourniture d’armement français aux Forces de défense israéliennes. Vers la fin de 1954, la France indique même pour la première fois qu’elle espère vendre à Israël des avions de combat Mystère. Ni l’Agence juive, responsable de l’aliyah, ni le gouvernement israélien ne pouvait donc s’aliéner la France en soutenant les revendications des nationalistes tunisiens.
L’émigration des juifs tunisiens vers Israël (1948-1967)
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n 1948-1949, l’aliyah (émigration des juifs vers Israël) à partir de la Tunisie est organisée par le Mossad le‘Aliyah Bet, qui n’avait pas obtenu de statut légal en Tunisie, mais les autorités coloniales françaises ont toujours fermé les yeux sur ses activités tant que ses agents faisaient montre de discrétion. Ainsi, près de 6200 émigrants juifs tunisiens ont pu rejoindre
Israël via Alger et Marseille durant ces deux années. Au début de 1950, le département de l’émigration de l’Agence juive remplace le Mossad le-‘Aliyah Bet en Tunisie. La France accepte alors d’accorder un statut légal à ce nouvel organe afin de permettre à Israël de conduire les opérations d’émigration dans de meilleures conditions. Cette année-là, 3 725 juifs tunisiens
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émigrent en Israël. Les années suivantes, ce chiffre passe à 3 414 (1951), 2 548 (1952), 606 (1953), 2 651 (1954), 6 104 (1955) et 2 362 (1967). Avec la légalisation de l’émigration juive par la Résidence de France, l’Agence juive ouvre un bureau spécial à Tunis dirigé par Nahum Dwinger, puis des annexes dans d’autres villes du pays. Ces bureaux, animés 41
AFRIQUE DU NORD Ainsi, vers la fin de 1950, 50 hommes ont déjà reçu une formation à Tunis et 60 autres nouvelles recrues sont entraînées. La cellule de Tunis possède revolvers, mitraillettes et fusils. Ce groupe collabore, par ailleurs, avec un pharmacien local qui fabrique des grenades artisanales. À Sousse, un non-Israélien est en charge de l’opération, assisté par sept instructeurs. Le nombre de sta-
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par des Israéliens et des activistes juifs locaux, organisent l’émigration d’une majeure partie des populations juives de Sousse, Sfax et Tunis, aussi bien que du Sud (Ben Guerdane, Médenine, Gafsa, Gabès et Djerba). D’autres départements de l’Agence juive, engagés dans l’éducation sioniste, l’émigration des jeunes et le mouvement des scouts, sont égale-
Juifs et Arabes sur la place du marché, à Djerba, dans les années 1960.
ment actifs, avec l’accord tacite de l’administration française, au sein de ces communautés entre 1950-1951. Parmi ces départements, celui des juifs du Moyen-Orient, chargé de mettre en place des dispositifs pour la formation en matière d’autodéfense. Ce département, qui fonctionne dans d’autres pays du Maghreb et du Moyen-Orient, préparait les jeunes juifs à protéger leurs communautés contre les violences dont elles pouvaient être la cible, particulièrement après la guerre de 1948. Les forces d’autodéfense – formées principalement à Sousse, Gabès, Djerba et Tunis – sont illégales et clandestines. À partir de 1952, c’est Moshe Hababo-Arnon, un Israélien originaire du kibboutz de Regavim, qui prend leur direction, avec l’assistance de juifs locaux dont il avait assuré personnellement l’entraînement. 42
giaires y atteint une vingtaine en novembre 1950. Ils ont à leur disposition revolvers et mitraillettes. Le dispositif mis en place à Sfax est plus modeste : un instructeur en charge d’une quinzaine d’hommes utilisant trois revolvers. À Gabès, il y a cinq instructeurs locaux et dix-huit activistes, qui ont aussi des armes en leur possession. La ville émerge, dès la fin des années 1940 comme un important centre de la Jeunesse sioniste et des nationalistes du Néo-Destour. Le plus important centre de la région est cependant basé à Djerba, où le nombre d’activistes atteint la cinquantaine. À Tunis, le QG clandestin des forces d’autodéfense est très actif. Sous la conduite de Hababo-Arnon, aidé par son adjoint local Zvi Tanoudji, les activistes juifs impriment des documents pour vulgariser les
techniques d’autodéfense. Tanoudji a une autre responsabilité : prendre contact avec les marchands d’armes. Quant aux exercices de tir, ils sont menés dans des terrains vagues hors de Tunis. Trente-six heures sont consacrées chaque mois aux entraînements de judo et à l’utilisation de couteaux et de triques. Un journal secret est aussi publié, qui reproduit messages codés pour les activistes des différentes communautés. Une fois lue et décodée, la publication est aussitôt détruite. Chaque activiste recruté au sein des cellules clandestines signe un engagement dans lequel il fait serment de rester fidèle aux principes de l’organisation. Le document est ensuite détruit à son insu. Un comité spécial est aussi formé pour punir ceux qui violent le code d’honneur, informent les autorités de leurs activités ou dénoncent leurs camarades. En 1952, après l’émigration en Israël de leurs principaux responsables, ces cellules sont démantelées. Elles seront ressuscitées par le Mossad et son bras armé connu sous le nom de Misgeret (« Structure »). Misgeret entre en scène en 1955, après que la France eut déjà garanti l’autonomie interne à la Tunisie. Les opérations d’entraînement à l’autodéfense ont leur quartier général spécial à Paris, responsable de tout le Maghreb. Comme lors des précédentes opérations du début des années 1950, Misgeret envoie des émissaires israéliens pour entraîner les juifs à protéger leurs communautés en pleine guerre d’indépendance tunisienne. Les émissaires du Mossad préparent les jeunes recrues au sein du Misgeret clandestin créé au sein des communautés juives les plus importantes. Dans un entretien réalisé par Laskier avec Shlomo Havillio, commandant en chef du Misgeret à Paris entre 1955 et 1960, ce dernier admet que, rétrospectivement, les craintes initiales à propos d’éventuelles réactions des nationalistes tunisiens à l’égard des juifs étaient beaucoup plus imaginaires que réelles. Les Tunisiens n’ont rien tenté en définitive pour nuire aux juifs. La seule crainte pouvait venir de la présence de révolutionnaires dans la société tunisienne après l’indépendance. ■
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UN HEBDO EN PLUS DE L’HEBDO
LEdePLUS l’intelligent JEUNE AFRIQUE
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Au cœur de Pékin, la Cité interdite, autrefois résidence impériale.
La Chine
IMAGINE CHINA
à la conquête de l’Afrique
PRÉLUDE
Dîner de gala Par François Soudan
46 Politique
Le modèle chinois 49 Mention bien
Une conquête en catimini 50 Économie
Le triomphe des nouveaux capitalistes 52 Interview
Lü Guozeng : « Le développement de l’Afrique dépend des Africains » 54 Sénégal
Dakar aux mains des marchands 56 Migrations
Du sud vers le nord 57 Ça vous intéresse
L’ombre des triades 58 Et pour conclure
Ambivalence et contradictions m
Directeur général : DANIELLE BEN YAHMED Rédacteurs en chef : JEAN-DOMINIQUE GESLIN et PATRICK SANDOULY Rédaction: PASCAL AIRAULT, RONAN MORIN-ALLORY et ZHENG RUOLING Publicité DIFCOM 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris, France. Fax : 33 (0) 1 44 30 19 86 et 33 (0) 1 45 20 08 23
LES NOSTALGIQUES DES ANNÉES 1970, de l’esprit de Bandoung et du non-alignement se souviennent avec émotion de la Chine de Mao exportant en Afrique ses médecins, ses agronomes et ses techniciens dans les interstices de la guerre froide. C’était l’époque glorieuse du Tanzam – le chemin de fer TanzanieZambie –, du port de Nouakchott, des palais du peuple et des stades de l’amitié livrés clés en main. Celle aussi, moins avouable, des armes offertes aux adeptes de la Troisième Voie, de Savimbi à Mengistu, du Panafricanist Congress d’Afrique du Sud aux rebelles mulelistes du Zaïre. Trois décennies plus tard, tout a changé sauf l’essentiel: la Chine reste, sur le continent, une puissance autonome et un recours, même si ses intérêts n’ont plus rien d’idéologique. Au Petit Livre rouge se sont désormais substitués les carnets de commande de l’import-export. Le quart des importations chinoises de pétrole provient d’Afrique et Pékin absorbe 60 % des exportations de bois tropicaux du continent. Pêche, minéraux, cultures de rente: le fantastique marché chinois engloutit tout ce qui est à sa portée, via les quelque 700 sociétés d’État implantées du Cap au Caire. La Chine, c’est une autre façon de faire du business. Des crédits à long terme et à très faible taux d’intérêt, des dons en nature, des investissements dans des gisements a priori peu rentables, des caprices de chef d’État en mal d’« éléphants blancs » satisfaits, sans états d’âme, une opacité à toute épreuve et surtout une règle d’or: on travaille avec le pouvoir en place quel qu’il soit et on ne se mêle pas de ses affaires intérieures. Légitimistes et fétichistes de la souveraineté nationale, les Chinois sont une bénédiction et une planche de salut pour les régimes en froid avec les critères – économiques, politiques ou les deux à la fois – de la bonne gouvernance. Dans cette catégorie cohabitent des pays en détresse financière comme la Centrafrique et le Togo, des « États parias » comme le Soudan, le Zimbabwe ou la Côte d’Ivoire, mais aussi des pétroliers séduits par la religion de la non-ingérence en vigueur à Pékin : Angola, Gabon, Congo. Au Conseil de sécurité de l’ONU comme à la Commission des droits de l’homme de Genève, tous peuvent être assurés du veto chinois dès que le mot sanctions se profile à l’horizon. On dira certes qu’en échange la coopération chinoise ne va pas sans risques. Ni la transparence financière ni le respect de l’environnement ne figurent dans sa charte de conduite, encore moins la préservation des emplois locaux sinistrés par l’invasion des produits made in China. Ceux qu’inquiète la concurrence de l’empire du Milieu – Français, Américains, Britanniques… – lui font reproche et se plaignent de ne pouvoir lutter à armes égales. Sont-ils pour autant qualifiés à lui donner des leçons de morale, après des décennies de pillage sans partage? C’est loin d’être sûr. « La révolution, disait Mao, n’est pas un dîner de gala. » Le commerce non plus. ■
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LE PLUS DE L’INTELLIGENT CHINE-AFRIQUE
POLITIQUE
Partenariat économique, appui aux projets de développement, relations diplomatiques... la coopération sinoafricaine s’est fortement accrue à la fin des années 1990, au point de concurrencer la France dans son pré carré.
Le modèle chinois Pascal Airault
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A. SALLANGO/EPA/SIPA
bservez bien… Les officiels n’en ont que pour l’ambassadeur de Chine… » Vexé et agacé, le diplomate qui glissait cette remarque à son voisin lors de la réception marquant l’indépendance de la République du Congo en août 2004, s’est ensuite éclipsé rapidement. En moins de dix ans, les émissaires chinois se sont taillé une place de choix dans les différentes cérémonies organisées par les dirigeants africains. Faut-il s’en étonner ? L’empire du Milieu a fait de l’Afrique une de ses priorités et ne ménage pas ses efforts pour aider financièrement le « continent oublié ». Un appui pour le moins intéressé… Afin de soutenir sa croissance, Pékin a besoin des matières premières africaines, et particulièrement de son pétrole, les groupes américains ayant largement accaparé les ressources du Moyen-Orient. La Chine mène donc une politique active en Afrique du Nord (Algérie, Égypte, Libye, Soudan) et dans le golfe de Guinée (Angola, Congo, Gabon, Nigeria) pour gagner des parts dans le marché des hydrocarbures… Et elle n’hésite pas à taper du poing sur la table pour peu que ses intérêts soient malmenés. En octobre 2004, elle a menacé de brandir son veto au Conseil de sécurité des Nations unies pour s’opposer aux sanctions pétrolières contre
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le Soudan. La puissante China National Petroleum Corporation (CNPC) y développe un important champ à Muglad, qui produit plus de 500 000 barils par jour, ainsi qu’une raffinerie capable de traiter 2,5 millions de tonnes par an. Quelques mois plus tôt, en janvier et février 2004, le président Hu Jintao avait effectué une longue tournée – aux allures de prospection pétrolière – en Égypte, au Gabon et en Algérie pour appuyer les efforts de ses sociétés pétrolières, en quête de nouveaux partenaires. Objectif: importer 50 millions de tonnes de brut par an pour éponger les besoins toujours croissants du pays (plus de 100 millions de tonnes en 2004). La tournée du président chinois a été suivie de nombreuses visites ministérielles dans les pays afriCinq cents Casques bleus envoyés par Pékin au Liberia en 2003.
D. MINKOH
Omar Bongo Ondimba à Pékin, en septembre 2004, lors de sa huitième visite officielle en Chine en trente ans.
cains – notamment en Afrique du Sud en juin de la même reconnaissance d’une Chine unique. Ainsi, Pékin entretient année – et de la réception de plusieurs chefs d’État et mi- d’excellentes relations avec des pays largement mis au ban nistres africains en République populaire. Avec, pour thème des autres nations et aux potentialités économiques limirécurrent, la coopération commerciale. Partant du principe tées. Nombre de dirigeants africains, boudés par l’Occident, que les guerres ne font pas bon ménage avec les affaires, ont toutes les raisons d’apprécier cette mansuétude. Au lenla Chine s’implique également dans la mise en œuvre des demain du coup d’État de mars 2003 en République cenprocessus de paix sur le continent. Elle a participé au fi- trafricaine, la Chine a accordé une aide de 1,5 milliard de nancement des programmes somaliens et soudanais de pa- F CFA (6,5 millions d’euros) au général président Bozizé, cification, envoyé 500 Casques bleus au Liberia en 2003 et pour l’aider à faire face aux dépenses publiques. Un ap220 en République démocratique du Congo en 2004. pui renouvelé à maintes reprises, la République populaire Car on ne saurait réduire la politique africaine de Pé- de Chine ayant notamment offert, à la fin de l’année derkin à de simples intérêts économiques. En litige avec l’Oc- nière, du matériel de construction d’une valeur de 2 milcident sur de nombreux points, comme les liards de F CFA. Le Togo bénéficie également droits de l’homme ou la question de Taiwan, de l’aide de Pékin, qui lui a octroyé en dé44 % de la Chine cherche des soutiens, particulièrecembre 2004 pour 150 millions de F CFA son aide ment depuis la fin de la guerre froide et l’efde dons en produits informatiques et pharfondrement du monde bipolaire. En mai maceutiques, et qui a réaffirmé son appui au extérieure 1996, l’ex-président Jiang Zemin a effectué régime de feu le président Eyadéma. Pékin consacrée une tournée dans six pays d’Afrique avec, en est toujours, par ailleurs, la dernière grande point d’orgue, un grand discours prononcé au continent puissance à rester fidèle à Robert Mugabe, devant l’Organisation de l’unité africaine à le président zimbabwéen. Ce dernier s’est africain. Addis-Abeba, véritable plaidoyer pour le rendu en visite officielle en Chine du 23 au renforcement des relations politico-écono29 juillet dernier. Son homologue Hu Jintao miques et le respect des souverainetés nationales. Plus ré- lui a apporté un soutien politique indéfectible et une procemment, lors du sommet de l’Union africaine à Syrte, les messe d’appui économique alors que son pays traverse une 4 et 5 juillet dernier, le président Hu Jintao a adressé un crise financière sans précédent. message aux chefs d’État africains dans lequel il leur fait De manière croissante, les diplomates chinois chaspart de son soutien pour qu’ils obtiennent deux sièges per- sent sur les terres francophones, avec une prédilection manents au Conseil de sécurité des Nations unies. pour la Côte d’Ivoire et le Cameroun, les deux portes d’enLe gouvernement chinois ne manque pas, non plus, trée de Paris vers l’Afrique de l’Ouest et du Centre. En noune occasion de rappeler que sa coopération n’est assor- vembre 2004, seule la Chine a aidé le président Gbagbo tie d’aucune condition de démocratisation ni de bonne gou- dans la tourmente en le gratifiant de 1 milliard de F CFA vernance et exige seulement de ses partenaires la pour les projets de développement de son pays. On murJ.A./L’INTELLIGENT N° 2329 – DU 28 AOÛT AU 3 SEPTEMBRE 2005
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AP/SIPA
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Arrivée du président chinois Hu Jintao à l’aéroport d’Alger, en février 2004.
mure, dans les couloirs du palais présidentiel, que l’aide de Pékin aurait servi à payer les fonctionnaires. Une manière de soutenir le régime en place, qui a de plus en plus de mal à boucler ses fins de mois. Aux Nations unies, où elle dispose d’un siège permanent, la Chine tente également d’atténuer les sanctions prises à l’encontre des responsables politiques ivoiriens. La diplomatie chinoise s’est donc fait une spécialité d’aider les États isolés sur le plan international et en difficulté économique. Une stratégie payante, ces mêmes États n’hésitant pas à soutenir les positions de Pékin dans les instances
internationales ou à favoriser l’implantation des entreprises chinoises et la commercialisation de leurs marchandises. Dans les années à venir, l’influence du géant asiatique, n’en déplaise aux Occidentaux, se fera de plus en plus sentir sur le continent. Que ce soit sur le plan politique ou économique, la Chine et l’Afrique ont de nombreux intérêts communs à défendre. Pékin a retrouvé la rhétorique « tiersmondiste » qu’elle avait délaissée dans les années 1980 et ses diplomates n’hésitent pas à ressortir des tiroirs le vieil adage chinois selon lequel « la distance ne peut pas tenir de vrais amis éloignés… ». ■
SIMPLICITÉ ET EFFICACITÉ
E
n matière de coopération internationale, la Chine n’a plus rien à envier aux grandes puissances. L’une de ses armes, très appréciée par les États africains, consiste en une aide financière accordée sans contrepartie – hormis la non-reconnaissance de Taiwan – à des projets qui permettent d’accroître le bien-être des populations locales (construction d’hôpitaux, d’écoles, de logements à bas prix, forage de puits…). Les autorités chinoises procèdent également à des remises de dette – 1,27 milliard de dollars fin 2003. Pour privilégier le développement en matière de commerce, Pékin a mis en place un dispositif aux multiples fa-
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cettes. En facilitant l’octroi de crédits et en finançant la formation des gestionnaires et techniciens locaux, les banques publiques chinoises favorisent les projets d'entreprises cogérées ou à capitaux mixtes. Elles accordent en outre aux États des prêts bonifiés préférentiels. Résultat, les partenariats commerciaux se multiplient, dans des domaines aussi variés que l’électronique en Afrique du Sud ou la pêche au Maroc. Dans vingt pays du continent, ZTE et Huawei, les deux principaux équipementiers chinois de télécoms, se sont associés à des compagnies africaines pour installer de nouveaux réseaux de communication.
Pour intensifier les relations économiques, Pékin organise le Forum de coopération Chine-Afrique. Cet événement, dont la deuxième édition s’est déroulée à Addis-Abeba en décembre 2003, permet aux dirigeants chinois et africains de dresser les grandes lignes de leur partenariat et aux entrepreneurs économiques de se rencontrer pour parler « affaires ». « Avec la Chine, tout est simple. Elle nous octroie des remises de dettes ou des prêts à long terme, sans intérêts ni conditions », se plaît à dire Jean Ping, ministre des Affaires étrangères du Gabon. L’empire du Milieu consacre aujourd'hui 44 % de son aide extérieure à l’Afrique. ■ P.A.
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MENTION BIEN Officiellement, 10000 travailleurs chinois vivent en Égypte. Un chiffre largement sous-évalué, témoigne Amira Doss, de la revue « Al-Ahram Hebdo ».
Une conquête en catimini
J
usque dans les années 1980, les seuls inSelon les chiffres officiels, le nombre de Chinois prédices de la présence chinoise en Égypte se li- sents en Égypte est estimé à 10000. Mais ce chiffre ne mitaient à quelques échoppes dispersées ici tient compte que de ceux présents légalement sur le terriet là dans certains quartiers du Caire et toire. Ils travaillent dans la centaine d’entreprises chid’autres grandes villes du pays. Les enseignes noises ou égypto-chinoises du pays et sont spécialisés indiquaient : « Exposition d’art chinois » et les dans le domaine de l’électronique, des télécommunicaÉgyptiens avaient pour habitude de s’attarder face à ces tions ou de l’industrie. D’autres occupent des postes vitrines bien garnies, admiratifs des objets exposés. Le officiels dans les services de leur ambassade très active. client, séduit, se penchait de plus près sur les articles ou Au cours des cinq dernières années, plusieurs accords se contentait d’échanger un petit sourire avec le venont été signés entre la Chine et l’Égypte, ouvrant de noudeur. Aujourd’hui, dans chaque quartier, chaque centre velles perspectives de coopération bilatérale aussi bien commercial, club, et même dans les universités, il est ha- dans le commerce que dans la culture. Vers la fin des anbituel de croiser un Chinois qui se balade, fait ses nées 1990, le nombre des délégations chinoises ayant courses ou vend sa marchandise made in China. Aucun participé à des festivals de cinéma, de théâtre, de chanmarché populaire ne leur échappe. Et ne soyez pas surson a doublé. L’ouverture, en 2002, d’un Centre culturel pris si l’un d’eux vient un jour frapper à votre porte. Les chinois a prouvé l’importance politique accordée par Pévendeurs ambulants n’hésitent pas à faire le tour de la kin à l’Égypte. Un intérêt qui a ouvert la voie aux jeunes capitale, se déplaçant d’une maison à l’autre, portant un Chinois désireux de se rendre dans un pays accueillant et énorme sac à dos rempli de marchanune destination privilégiée où ils peuvent dises. « Al-Salamo alaykom », annoncentfacilement réaliser leurs rêves. Tra« Au début, plus ils avec un sourire charmeur dès qu’on vailleurs robustes et disciplinés, ils sont méils sont une thodiques et dotés du sens des affaires. leur ouvre la porte. Li a 20 ans. Tous les vendredis, elle se Entreprenants, la plupart d’entre eux n’hésivingtaine dirige vers le marché populaire de Moski, tent pas à monter de petits projets. à partager s’approvisionne en vêtements chinois Dans le quartier résidentiel de Maadi, qu’elle achète au kilo, remplit ses deux les immeubles Nirco abritent un nombre imle même sacs et choisit sa destination. Cette seportant de Chinois. Arrivés en groupes, ils logement. » cherchent tous à se loger dans le même maine, elle n’a pas hésité à se rendre dans la ville nouvelle de Dar Al-Salam, située sur quartier. C’est ce qu’observe Adel, un courla route d’Ismaïliya, une zone habitée par une population tier. « Leur nombre va en augmentant et ceci grâce à leur modeste. Ses articles très bon marché séduisent sans système d’entraide remarquable. Ils font venir d’autres mal les habitants de la localité. La philosophie de Li est compatriotes. Les nouveaux venus sont logés provisoirede vendre chaque pièce à un très bon prix, mais de ment chez les plus anciens et il arrive souvent qu’une vendre en très grande quantité. « J’ai tout ce dont vous vingtaine de personnes occupent le même appartement pouvez rêver: pull-overs en laine, pantalons en velours, et se partagent le loyer. Et dès que les choses vont pyjamas pour enfants, lingerie fine et même chaussettes mieux, ils se séparent pour vivre plus à l’aise. » ou chaussures », dit-elle en prononçant avec difficulté les Tchouang est arrivé en Égypte il y a deux ans avec quelques mots d’arabe qu’elle connaît. Elle devient beau- un visa d’étudiant. Mais il n’a en fait jamais assisté aux coup plus habile lorsqu’il s’agit de parler chiffres. Elle a cours de l’Université d’Al-Azhar. Décrocher un diplôme appris à négocier comme le font tous les Égyptiens, et universitaire n’est pas son objectif. Il a ouvert un petit reslorsqu’elle estime qu’un client marchande trop elle intertaurant à Maadi et vit aujourd’hui dans l’aisance. Il parle la rompt les négociations par un « ma yenfaach » (« imposlangue des quartiers populaires, contrairement à la plusible »). Elle ramasse alors ses articles pour frapper à une part des Chinois qui ont des difficultés à communiquer autre porte. Des jeunes comme Li, on en rencontre un avec le monde extérieur, faute de ne parler ni arabe ni anpeu partout en Égypte. La plupart d’entre eux sont englais. Du coup, ils s’intègrent mal à la société. Certains pensent que cet isolement n’est que provisoire. Convaintrés dans le pays avec un visa à durée déterminée et cus que l’Égypte accueillera dans les années à venir un s’y sont installés. Sans titre de séjour ni autorisation nombre de plus en plus important de Chinois, ils ont esde travail, ils exercent leur activité en toute illégalité et poir que la coexistence se fera naturellement. ■ vivent reclus en communauté.
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ÉCONOMIE Pratiquant des tarifs qui défient la concurrence occidentale, les commerçants chinois poussent leurs pions avec succès sur le continent. Quitte à faire de l’ombre aux opérateurs et industriels locaux.
Le triomphe des
nouveaux capitalistes Ronan Morin-Allory
«
E
objectifs sont clairs : étancher la soif du géant chinois en matières premières. Ses besoins s’avèrent considérables… En 2003, il a consommé 50 % de la production mondiale de ciment, 30 % de celle de charbon et 36 % de celle d’acier. Pékin puise 25 % de son pétrole
démantèlement de l’accord multifibre, début 2005. Autre ambition de Pékin : s’assurer une position dominante dans les secteurs clés (construction, pétrochimie, transports, énergie électrique, hydraulique, télécommunications, technologie indus-
SEYLLOU/AFP
nrichissez-vous ! » Chaque jour, la célèbre formule lancée en 1992 par Deng Xiaoping semble se concrétiser davantage. Les Chinois se sont lancés à l’assaut du grand marché planétaire. L’Afrique n’échappe pas à leur appétit et tend même à devenir leur nouvel eldorado. Une expansion favorisée par une volonté politique très forte des autorités chinoises, qui incitent les entreprises à investir le marché africain et ont décidé de se donner les moyens de leurs ambitions. Depuis 2000, le gouvernement s’est doté d’un instrument de promotion, le Forum de coopération ChineAfrique, qui lui permet de lutter à armes égales avec les Occidentaux. Différentes mesures d’ordre commercial et fiscal (suppression de Les produits la double taxation des produits, harmonisation des politiques commerciales, accords de protection des investissements, aide à la création de joint-ventures…) ont été prises pour promouvoir les échanges. Parallèlement, le gouvernement chinois a mis en place un « tarif zéro » à l’importation de plusieurs produits en provenance de 34 pays africains parmi les moins avancés. Les 50
made in China sont généralement 30 % moins chers.
sur le continent africain, pêche dans les eaux poissonneuses du golfe de Guinée, exploite les bois tropicaux d’Afrique centrale, ouvre des mines au Gabon et au Zimbabwe et importe de la fibre de coton du Sahel. De quoi faire tourner à plein son industrie textile. Ses produits envahissent le marché mondial sans entrave, ou presque, depuis le
trielle). En Afrique, les Chinois sont aujourd’hui devenus incontournables dans le secteur du BTP. Chaque mois, ils remportent de nouveaux appels d’offres au nez et à la barbe des Occidentaux (notamment parce que leurs prix sont généralement 30 % moins élevés) et comptent déjà pas mal de réussites à leur actif : l’hôtel Sheraton d’Alger, des
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LE PLUS DE L’INTELLIGENT CHINE-AFRIQUE logements sociaux de Guinée, les aux mains des citoyens de l’empire Assemblées nationales de Djibouti du Milieu. L’implantation se fait et du Gabon, le ministère des toujours de la même manière. Des Affaires étrangères du Mozambique éclaireurs – coopérants, employés et le stade Léopold-Sédar-Senghor de grandes entreprises ou aventude Dakar. Un sondage réalisé par le riers – montent une boutique ou ministère chinois du Commerce un entrepôt d’import-export qui sert extérieur et de la de « cheval de Troie » Coopération éconoà l’implantation des mique reflète ce dyna- Des entrepôts activités et à la venue misme et cet intérêt des compatriotes. d’importpour l’Afrique. Sur 100 nsuite, tout est export leur Eaffaire entreprises chinoises, de négociation servent 32 ont déclaré que le avec les autorités continent était leur pour obtenir de « cheval locales zone prioritaire de les visas, les autorisade Troie ». développement à t i o n s d ’ e x e r c e r, l e l’étranger. dédouanement des Mais ces entrepreneurs ne se marchandises… Pour s’imposer sur c o n t e n t e n t p a s d e s g r a n d s le marché, ces commerçants n’héouvrages… Les commerçants chi- sitent pas à casser les prix… sans n o i s s o n t s u r t o u s l e s grande difficulté, car ils s’approvicréneaux : produits de première sionnent directement dans les nécessité, biens de grande consom- industries de la République popumation, équipements électroména- laire, le « grand atelier du monde ». gers… Signe de la formidable per- La recette est partout gagnante : de cée chinoise, le fret maritime vers plus en plus la ménagère africaine, le continent africain a augmenté dont les revenus sont limités, achète de plus de 20 % en 2003-2004. chinois. Dakar, Libreville, Johannesburg Le président Hu Jintao l’a bien c o m p t e n t d é s o r m a i s l e u r compris. Lors de sa tournée en « Chinatown », quartier d’affaires Égypte, au Gabon et en Algérie en
février 2004, il a mis en avant la complémentarité des économies chinoise et africaine. Une ligne politique qui ne trompe plus grand monde… Pékin a intérêt, comme les Occidentaux, à vendre ses produits manufacturés, qui constituent une bonne valeur d’échange, contre les ressources naturelles africaines dont elle a besoin. « L’Afrique consomme depuis longtemps des produits made in China. Maintenant, ce dont nous avons besoin, c’est d’un accès au marché chinois pour vendre nos produits », s’est irrité l’ancien président mozambicain Joaquim Chissano, à l’occasion du II e Forum de coopération ChineAfrique en 2003. Or, dans le secteur forestier, par exemple, la Chine ne souhaite importer que des grumes et non du bois déjà transformé, ce qui va à l’encontre de la politique d’industrialisation poursuivie par plusieurs pays d’Afrique centrale. À l’avenir, les échanges sinoafricains devraient continuer à progresser. Mais, si les pays du continent ne défendent pas leurs intérêts bec et ongles, les fruits de ce commerce continueront en grande partie à leur échapper. ■
TROIS QUESTIONS À… MARTIN ABÉGA
M
artin Abéga, secrétaire exécutif du Groupement interpatronal du Cameroun (Gicam), dénonce la concurrence déloyale des produits chinois qui perturbe les activités des opérateurs nationaux.
Comment ces produits entrent-ils au Cameroun ? Malgré le fléau de la contrebande, la grande majoJ.A./L’INTELLIGENT N° 2329 – DU 28 AOÛT AU 3 SEPTEMBRE 2005
rité des produits d’origine chinoise pénètre officiellement au Cameroun par voie portuaire. Mais certains commerçants, chinois ou camerounais, minorent la valeur du contenu de leurs conteneurs pour payer moins de taxes. C’est pour cela que, compte tenu de la structure des coûts difficile à maîtriser, les entreprises citoyennes plaident pour le respect des bonnes pratiques commerciales.
V. FOURNIER/J.A.I.
JEUNE AFRIQUE/L’INTELLIGENT : Quelles sont les filières les plus touchées par le commerce illicite des produits chinois ? MARTIN ABÉGA : Il ne faudrait pas qualifier tout le commerce avec la Chine d’illicite. Les circuits de fraude sévissent dans d’autres pays. Toutefois, les marchandises d’origine chinoise qui ne respectent pas la réglementation douanière, et dont la structure des coûts de production et les modes de commercialisation sont difficiles à cerner, concurrencent de manière déloyale les produits camerounais. Parmi les filières les plus touchées, il faut citer les textiles, les piles électriques, les chaussures, les articles en plastique, etc. Par exemple, la société Pilcam subit de plein fouet les importations de piles chinoises, moins chères, qui envahissent le marché. La Cotonnière industrielle du Cameroun (Cicam), entreprise de tissage et filature, est frappée par la contrefaçon des pagnes.
Pourquoi un tel engouement de la part des consommateurs ? La raison essentielle tient au prix des marchandises, parfaitement adapté au faible pouvoir d’achat de la population. Même si les produits d’origine chinoise sont parfois de moindre qualité, ils permettent aux Camerounais d’acquérir du mobilier, des appareils électroménagers ou encore des équipements informatiques à moindre frais. ■ P.A. 51
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INTERVIEW Lü Guozeng, ministre assistant des Affaires étrangères, plaide pour un renforcement des liens entre Pékin et le continent.
« Le développement de l’Afrique dépend des Africains » Propos recueillis par Zheng Ruolin
I
D.R.
l est le « monsieur Afrique » du président Jiang Zeministère chinois des Affaires min, qui a été remétrangères. Lü Guozeng a fait placé par Hu Jintao, toute sa carrière dans la a-t-il modifié de diplomatie chinoise. Après une quelque façon que ce formation universitaire aux resoit la politique afrilations internationales, il rentre caine de la Chine ? au ministère en 1976 – il a alors L’essentiel de la poli25 ans – et s’occupe des questique africaine de la Chine tions africaines. Un an plus tard, reste inchangé. La nouil part faire ses armes en Guinée. velle équipe dirigeante a À son retour, en 1981, il gravit affirmé à maintes reprises un à un les échelons et devient sa volonté de redoubler chef du service Afrique. De 1988 d’efforts pour consolider à 1992, il exerce ses talents de et approfondir les relaconseiller auprès de l’ambassationstraditionnelles d’amideur chinois à l’île Maurice. tié et de coopération Nommé directeur Afrique en sino-africaines. D’ailleurs, 1994, il participe à la relance de Hu Jintao a réaffirmé les la coopération sino-africaine. En grandes lignes de notre 1997, devenu ambassadeur en politique africaine lors de Lü Guozeng, « monsieur Afrique » depuis 1994. Tunisie, il prend également en sa tournée sur le continent charge les relations avec la Paen février 2004. lestine. En 2000, il est promu ministre tuels, se consultent et se concertent Quelles sont les grandes lignes assistant, ce qui l’amène à multiplier constamment dans le cadre des de cette politique ? ses déplacements sur le continent. grandes questions internationales. De La politique africaine de la Chine Dans cette interview, Lü Guozeng nombreux progrès sont régulière- s’en tient aux cinq principes de la coplaide pour le renforcement des liens ment enregistrés en matière de co- existence pacifique*. Notre pays s’atavec les pays africains, mais fait l’im- opération économique, culturelle, tache à fournir, dans la mesure de ses passe sur deux aspects importants de éducative, médicale et technico- moyens, une aide qui ne soit assortie la coopération sino-africaine, le pé- scientifique. Pour prod’aucune condition poli« Des trole et les matières premières. Malgré mouvoir nos échanges, tique, à développer la col’ouverture du pays, la langue de bois nous avons mis en place opération économique et relations diplomatique conserve ses droits ! des commissions mixtes technique et à favoriser le régulières dialogue entre les États du ✸ économiques et comJEUNE AFRIQUE/L’INTELLI- merciales. Nous avons continent, ainsi que la avec 46 GENT : Êtes-vous satisfait de enfin lancé, en 2000, le construction de l’Union l’état des relations sino- Forum Chine-Afrique, des 53 États africaine (UA) et la mise africaines ? qui est devenu une im- africains. » en œuvre du Nepad (NouLÜ GUOZENG : À l’heure actuelle, portante plate-forme de veau Partenariat pour le la Chine entretient des relations di- partenariat dans le domaine de l’agri- développement de l’Afrique). Nous enplomatiques et un dialogue régulier culture, de la construction des infra- courageons, par ailleurs, la commuavec 46 des 53 pays d’Afrique, parti- structures et de la valorisation des nauté internationale à accorder une culièrement à travers le mécanisme ressources humaines. Nous sommes plus grande attention au développede consultations politiques entre mi- donc pleinement satisfaits du déve- ment de l’Afrique et à la résolution des nistères des Affaires étrangères. La loppement des relations sino-afri- conflits par la voie négociée. Nous Chine et les États africains se témoi- caines et nous croyons en leur avenir. nous fixons comme objectifs d’acgnent compréhension et soutien muLe départ à la retraite du croître les aides et les investissements 52
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LE PLUS DE L’INTELLIGENT CHINE-AFRIQUE tout en réduisant les dettes, et de souDe combien et sous quelle tenir la participation, sur un pied forme ? d’égalité, des pays africains aux réIl le fera graduellement, parallèleunions internationales. Si la Chine est ment au renforcement de sa puissance le plus grand pays en développement, économique. Ces cinquante dernières l’Afrique en regroupe le plus grand années, la Chine a fourni des assisnombre. Nous formons donc un couple tances sous forme de dons et de prêts complémentaire. sans intérêt ou à taux bonifiés. Elle a Les progrès de la Chine sont mené à bien quelque 900 projets en manifestes tandis que Afrique, dont 722 projets « Nous ne complets dans 48 pays, l’Afrique reste un continent sous-dévedans des domaines aussi nous loppé. Le modèle chidivers que l’agriculture, immisçons l’élevage, la pêche, le nois est-il transposable ? pas dans la textile, l’artisanat, la L’essor de l’Afrique désanté, le sport, l’énergie, politique pend essentiellement des l’industrie minière, les inefforts des Africains. Il intérieure. » frastructures et l’hydron’existe pas de modèle électricité. Son aide en unique de développement, valable matière de technique et de formation partout. Chaque nation doit adopter lui a permis de jouer un rôle important une voie adaptée à ses spécificités. De- dans l’évolution de la vie politique, puis le lancement de la politique chi- économique et sociale de ces pays. Le noise de réforme et d’ouverture il y a chemin de fer Tanzanie-Zambie et de vingt-cinq ans, nous avons obtenu des nombreux autres projets construits succès remarquables en améliorant la par la Chine – routes, stades, hôpitaux, productivité de nos entreprises et la vie installations d’approvisionnement en de nos citoyens. Nous sommes prêts à eau – sont là pour en témoigner. faire profiter les États africains de notre L’Europe et les États-Unis reexpérience en ce qui concerne la ges- prochent à la Chine de ne pas tion des affaires publiques, le progrès être regardante en matière de économique et la lutte contre la pau- droits de l’homme et de corvreté. Les pays développés, qui en ont ruption pour l’attribution de la responsabilité et le devoir, doivent son aide… également accroître leur soutien poliLa Chine veille avant tout à satistique et financier. Le gouvernement faire les besoins réels des pays africhinois a prévu, pour sa part, d’aug- cains. Très attentive à leurs requêtes, menter son aide au développement. elle n’a d’autre souci que de les aider
à développer l’économie, à promouvoir le progrès social et à assurer le bien-être de leurs peuples. Elle respecte leur droit de choisir en toute indépendance leur système politique et leur voie de développement. Elle n’assortit jamais son aide de conditions politiques et ne s’immisce pas dans les affaires intérieures. Les entreprises occidentales et africaines se plaignent fréquemment de la contrefaçon chinoise, qui exerce une concurrence déloyale sur les marchés. Comment comptez-vous remédier à ce problème ? Nous appelons les entreprises chinoises au respect scrupuleux de la loi locale, à la plus grande loyauté dans l’exécution des contrats, la garantie de la qualité et de la crédibilité. Nos produits, par leur rapport qualité-prix hors du commun, leur élégance et leur commodité, répondent parfaitement à la demande des consommateurs africains. Nous sommes disposés à intensifier la coopération avec nos partenaires pour résoudre tous les différends commerciaux par voie de consultations amicales, dans un esprit d’entente mutuelle et de concessions réciproques. ■ * Coexistence pacifique : respect mutuel de la souveraineté et de l’intégrité nationale, non-agression mutuelle, non-ingérence dans les affaires intérieures, égalité et bénéfices réciproques.
ÉCHANGES MULTIPLIÉS PAR TROIS EN QUATRE ANS
L
e commerce entre la Chine et l’Afrique ne cesse de croître. Pour s’en convaincre, il suffit de se rendre dans n’importe quel petit commerce à Dakar, Conakry, Lagos, Nairobi, Kinshasa, Johannesburg ou encore au Caire, et de regarder la provenance des produits sur les étalages. Entre 2000 et 2004, les échanges sino-africains sont passés de 10 à 28,5 milliards de dollars. Ils n’étaient que de 760 millions en 1978, date du début de la réforme de la politique chinoise et de l’ouverture économique sous Deng Xiaoping. L’Afrique du Sud est le premier partenaire de la Chine. Le volume d’affaires entre les deux pays est légèrement inférieur à 4 milliards de dollars. En juin 2004, les deux pays ont renforcé leur coopération en signant des accords sur le commerce et les investissements. Pékin fait de la nation Arc-en-Ciel un partenaire privilégié en raison de son niveau de développement et de l’ouverture qu’elle donne sur le reste de la région. Exemple : la compagnie chinoise HiSense s’est associée dans les années 1990 avec des partenaires
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locaux pour conquérir le marché de l’Afrique australe. Elle a ouvert une usine de téléviseurs en 1996 et ses produits ont trouvé un débouché naturel dans les chaînes de grands magasins. Dans les pays à forte croissance, en Algérie et au Ghana, la progression du commerce s’est élevée respectivement à près de 275 % et 195 % entre 2000 et 2003. En l’espace de trois ans, la Chine est devenue le premier fournisseur du Nigeria, devant les partenaires traditionnels d’Abuja que sont les États-Unis ou le Royaume-Uni. Les activités des partenaires occidentaux ont tendance à stagner ces dernières années, voire même à diminuer. En termes d’investissements, la Chine est en train de rattraper le Japon et de s’imposer comme le premier partenaire asiatique des pays africains. Les flux de capitaux chinois vers le continent ont atteint 54,35 millions de dollars pour les neuf premiers mois de 2004. Quelque 674 entreprises chinoises sont implantées en Afrique dans de nombreux secteurs d’activité. ■ Ronan Morin-Allory 52
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SÉNÉGAL En moins de cinq ans, les ressortissants de l’empire du Milieu ont investi la capitale du pays. Et leurs commerces prospèrent.
Dakar
aux mains des marchands Pascal Airault, envoyé spécial
T
ableau nocturne dans un bar de Dakar, à deux pas du port. Au beau milieu de l’assistance, composée de joyeux fêtards, tous originaires de l’empire du Milieu, une jeune fille aux formes graciles entonne le refrain d’une chanson de là-bas. Le visage poudré de blanc, les yeux cerclés de rouge et noir, vêtue d’une tunique rouge vermillon, la chanteuse virevolte gracieusement, prenant tour à tour les convives par le bras, provoquant rires et désirs. Charmeuse, sulfureuse
même, la courtisane chinoise est en réalité une jeune Africaine nommée Awa. Son rôle ? « Accompagner » les commerçants venus du pays de Mao. La belle a débuté il y a quatre ans, à l’arrivée des premiers marchands chinois dans la capitale… « Nous étions six à Dakar en 2000, nous sommes aujourd’hui plus de cent cinquante », explique Yan Jun, le président des commerçants chinois du Sénégal. Ce qui représente une population totale largement plus importante : « S’il est vrai qu’ils
détiennent quelque cent cinquante commerces, il faut compter au moins cinq personnes par famille », explique l’un de leurs employés. En moins de cinq ans, les marchands chinois ont envahi certains quartiers de la capitale, comme les allées centenaires du boulevard du Généralde-Gaulle ou le rond-point Faidherbe, où ils tiennent jusqu’à 80 % des boutiques. Ils se sont également éparpillés dans la banlieue proche, à proximité des HLM et des « parcelles assainies ». Chaque mois s’ajoutent de nouveaux arrivants en quête de réussite économique. Ils tissent patiemment leur toile : un magasin d’abord, un autre à côté, puis en face… Ils louent au prix fort – environ 500 000 F CFA par mois (760 euros) – les boutiques existantes, mais aussi des maisons particulières ou des garages… Pour s’imposer sur le marché sénégalais, les commerçants chinois ont cassé les prix. Sans grande difficulté… S’approvisionnant directement en Chine, ils vendent toutes sortes de babioles (jouets, lampes, miroirs, etc.), des vêtements et des chaussures, mais aussi des meubles, des appareils électroménagers et des
UN MODE DE VIE FAMILIAL ET COMMUNAUTAIRE
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uelque 500 travailleurs chinois sont arrivés à rue Faidherbe, quant à elle, compte pas mal d’originaires Dakar en 1984 pour assurer la construction du de la province de Liao Ning. La plupart ne resteront pas stade Léopold-Sédar-Senghor, confiée à l’entreau Sénégal. Ils rapatrient d’ailleurs l’essentiel de leurs prise Henan Chine, et travailler pour la Soachip (Société gains dans leur pays. « Ils changent leurs CFA contre des chinoise de pêche), aujourd’hui Sénégal pêche. La plupart dollars avec les agents informels. Et partent par avion sont retournés dans leur pays. Henan Chine a toutefois avec des sacs à main remplis de billets », explique un de maintenu une cellule de veille, constituée de quelques leurs employés. D’autres commerçants auraient des hommes, pour prospecter de nouveaux marchés. D’autres comptes en Gambie pour transférer leurs bénéfices. vagues d’ouvriers et de techniciens sont Les Chinois de Dakar ont un mode de vie arrivées à la fin des années 1980 et dans très familial et communautaire. Ils se fréquenIls les années 1990 pour appuyer le développetent en fonction de leur appartenance géogracherchent phique. Les relations avec les Sénégalais se ment de la société qui a réalisé de nombreux ouvrages en Afrique de l’Ouest : la discrétion limitent au business. Ils cherchent la discréstades, routes, ponts, bâtiments. Avec la et évitent les conflits. Leurs seules et évitent tion réintégration de Hong Kong dans le giron de distractions semblent être le karaoké, l’inforles conflits. matique et le jeu. Ils parient de l’argent au la République populaire en 1997, quelques hommes d’affaires sont également venus majong et remplissent les casinos, où ils tâter le terrain, le Sénégal ayant accordé des visas aux affectionnent particulièrement la roulette, le black-jack et ressortissants qui voulaient échapper au contrôle de les bandits manchots… « J’ai déjà vu un Chinois dépenser Pékin. Jusqu’ici très circonscrite, la véritable vague plus de 30000 dollars en une soirée », témoigne un d’immigration massive est en cours. Depuis l’ouverture Sénégalais, amateur de jeux de hasard. Mais, vu le dynades frontières de la Chine en 2000, les commerçants de misme commercial des Chinois de Dakar, la mafia coml’empire du Milieu s’installent progressivement à Dakar. mence à s’intéresser à leurs bénéfices. Certes, le phénoLes ressortissants de la province de Henan, les plus mène, trop récent, est loin d’avoir l’importance qu’il revêt nombreux, se concentrent dans la zone du Centenaire. La en Afrique du Sud. Mais il pourrait se développer. ■ P.A.
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DJIBRIL SY/PANAPRESS
Yan Jun (au centre), président de l’Association des commerçants chinois de Dakar, dans son restaurant.
équipements électroniques ou informatiques, à des prix défiant toute concurrence. « Chez eux, la paire de baskets ne coûte que 1 200 F CFA. Avant, je n’avais pas de quoi acheter de chaussures à mes enfants », explique cette ménagère. Les clients s’arrachent leurs marchandises qu’ils vendent au détail, mais aussi en gros. « Des camions viennent de Mauritanie, du Mali et de Gambie pour acheter nos produits. Certains font même le voyage depuis le Nigeria », précise un de leurs employés. Cette réussite rapide suscite des réactions très virulentes chez les commerçants libanais et sénégalais. « Ils exercent une concurrence déloyale, ne payent pas leurs taxes et proposent des produits de mauvaise qualité, accusent les responsables de l’Union nationale des commerçants et industriels du Sénégal (Unacois). Si le gouvernement ne fait rien, les conséquences sociales seront terribles. » Face à ces attaques, les prétendus maquignons ont reçu un soutien de poids : « La plupart sont en règle. Ce qui n’est pas le cas des nationaux, qui vendent, par exemple, des produits sous-dosés ou périmés », souligne Momar Ndao, président de l’Association des consommateurs du Sénégal (Ascosen). Les pratiques des commerçants chinois sont-elles plus répréhensibles
que celles des marchands libanais lation du travail. Certains d’entre ou sénégalais ? Certainement pas. eux sont excédés d’être utilisés pour Ils se sont simplement très bien les basses besognes, leurs employeurs accommodés des combines exis- les chargeant notamment de « négotantes, notamment pour minimiser cier » avec les agents publics pour leurs charges. « Nous déclarons par- payer leurs patentes de la « main à fois 1 000 pièces à la douane dans un la main ». conteneur alors qu’il y en a 50 000, Conscientes du danger d’explosion explique un de leurs sociale, les autorités employés. D’autres sénégalaises suspendent Entre déclarent des importarégulièrement l’attributions sous le régime des 3 millions et tion de visas aux ressorpièces détachées alors tissants chinois. Toute 5 millions qu’il s’agit de produits officielle qu’elle soit, la de F CFA quasi finis, les éléments mesure reste symbone demandant qu’à être de recettes lique : dans la pratique, emboîtés. » Au final, les les fameux droits d’enpar jour. retombées financières trée continuent d’être sont juteuses. Les accordés par certaines meilleurs font des recettes de 3 mil- personnes bien placées qui ont trouvé lions à 5 millions de F CFA par jour là une activité très lucrative : « Un visa et les plus « petits » de 1 million à d’un an se négocie à près de 600000 F 2 millions. Des sommes qui donnent CFA », explique un Sénégalais implile tournis à leurs employés, qui ne qué dans le trafic. La moitié ira dans cachent pas leur amertume. « Nous la poche de son intermédiaire et ne gagnons que 40 000 F CFA par l’autre dans la sienne. Pompeusement mois pour une présence qui peut dénommé « conseil consulaire », son aller jusqu’à dix heures par jour, se commerce illicite pourrait ne pas plaint l’un d’eux. Mon patron m’a longtemps résister… à la concurrence montré la photo de sa résidence en chinoise ! Les plus anciens Chinois Chine, il a pu se faire construire un de Dakar ont également leurs entrées palais. » Pour défendre leurs inté- au ministère et obtiennent euxrêts, les employés sénégalais des mêmes le fameux sésame pour leurs commerçants chinois ont créé une proches. Le ministère de l’Intérieur, association. S’ils ont défendu leurs qui reconnaît la présence de 300 p a t r o n s l o r s d e s a t t a q u e s d e Chinois au Sénégal, est au fait de la l’Unacois, ils font dorénavant pres- pratique mais, pour le moment, il sion pour qu’ils respectent la légis- ferme les yeux. Jusqu’à quand ? ■
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MIGRATIONS Historiquement présente dans l’océan Indien et en Afrique du Sud, la diaspora chinoise – la plus importante du monde – étend son influence.
Du sud vers le nord Ronan Morin-Allory
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sants avec leur pays d’origine, ravivés lors des vagues d’immigration successives et par le développement des échanges commerciaux. Afrique du Sud. La communauté chinoise en Afrique du Sud est estimée à 300 000 personnes. Des archives relatent l’arrivée d’immigrants chinois dès 1650, peu après l’établissement des Hollandais dans la région du cap de Bonne-Espérance. Plusieurs vagues se sont ensuite succédé, notamment sous la domination anglaise, sur le territoire qui allait devenir l’Afrique du Sud. Le RoyaumeUni fit venir de nombreux travailleurs
C. VIOUJARD/J.A.I.
es Chinois sont partout… » L’antienne, maintes fois ressassée en Afrique et ailleurs, n’en revêt pas moins une grande justesse. Près de 100 millions de sujets – sur une population de 1,3 milliard – vivent hors de Chine, ce qui constitue la diaspora la plus importante du monde. Cinq cent mille d’entre eux – Taiwanais et Hongkongais inclus – ont choisi de se fixer sur le continent. Le succès des communautés chinoises en Afrique tient principalement à leur ardeur au travail. Malgré l’éloignement, toutes ont su conserver leur culture, leur système de valeurs et des liens puis-
chinois dans les mines d’or du Transvaal. Bien qu’un grand nombre d’entre eux aient été rapatriés après 1910, certaines communautés se sont établies à travers le pays, surtout autour de Johannesburg et de Port Elizabeth. La minorité chinoise a souffert dès le XVIIe siècle d’un mauvais accueil et d’une mauvaise perception dans la société sud-africaine. Selon Melanie Yap et Dianne Leong Man, auteur d’un livre traitant de la minorité chinoise en Afrique du Sud (Colour, Confusion and Concessions, Hong Kong University Press, 1996), les Chinois, n’ayant la peau ni assez foncée pour être Noirs ni assez claire pour être Blancs, ont dû se faire discrets, et vivre et prospérer dans l’adversité. À la fin du XIXe siècle, les journaux critiquaient avec virulence les communautés asiatiques, tenant ouvertement des propos racistes à leur égard. En 1897, le gouvernement fit passer certaines lois pour limiter l’essor de l’immigration et du commerce chinois dans la région. La chute du régime d’apartheid a toutefois mis fin à la discrimination dont souffraient ces communautés et, en avril 2004, la première députée d’origine chinoise a été élue au Parlement
Dans le quartier commerçant de Poto-Poto, à Brazzaville. 56
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LE PLUS DE L’INTELLIGENT CHINE-AFRIQUE sud-africain. Sherry Su-Hei Chen est arrivée de Taiwan en 1981 et a réussi à se faire admettre progressivement dans la société sud-africaine tandis que son mari faisait des affaires dans le textile. La famille est aujourd’hui un symbole de réussite pour une communauté très solidaire et qui, si elle parvient à prospérer, reste un peu en marge.
habitants de la communauté portent toujours l’habit traditionnel et pratiquent un dialecte souvent incompréhensible. Île de la Réunion. Sur les 615 000 habitants de la Réunion, les Chinois sont estimés à 15 000. Les premiers sont arrivés en 1844 et ont travaillé sous contrat à la construction des routes, des digues et pour les travaux agricoles. Plusieurs s’installeront ensuite dans le commerce. Aujourd’hui, ils dominent les réseaux de distribution et exercent majoritairement des professions libérales.
Madagascar. « À Madagascar, l’administration coloniale française a fortement réglementé et limité les activités économiques des populations étrangères, dont celles des Chinois, très implantés dans le commerce et dispersés sur toute l’île », Afrique de l’Ouest et centrale. explique le chercheur français Pierre Les pays d’Afrique de l’Ouest et cenPicquart, auteur de L’Empire chinois, trale comptent de petites commuMieux comprendre le futur numéro nautés chinoises qui se sont installées un mondial (éd. Favre). Constituée de dans la deuxième moitié du XXe siècle, avec l’essor de la coopétravailleurs agricoles, la ration sino-africaine. communauté a été rejointe, dans la seconde Les premiers Très généralement, il moitié du XXe siècle, par arrivants ont s’agit de coopérants des Chinois de la ou d’employés d’entresouvent Réunion et de l’île prises chinoises qui ont travaillé Maurice. Elle compte choisi de rester là aujourd’hui quelque pour développer une dans les 15 000 individus dont activité commerciale u n e m a j o r i t é d e plantations. (restauration, petit comCantonais. Avec le déclin merce, etc.). Depuis de l’économie rurale, elle a implanté 2000, ces derniers constituent des et développé ses activités dans les relais pour l’accueil les nombreux villes: import-export, petit commerce, commerçants chinois qui viennent restauration, hôtellerie, transports s’implanter dans les grandes métrode marchandises, boulangeries, poles africaines. On trouve des comusines de boissons… La Grande Île munautés chinoises – de quelques compte environ deux mille entre- centaines à plusieurs milliers de perprises chinoises. Elles se dévelop- sonnes – en Guinée, au Sénégal, en pent dans le cadre des zones de libre- Gambie, au Mali, au Cameroun, au échange avec les autres îles des Congo, au Gabon, au Nigeria… Mascareignes. Maghreb. Le Maghreb compte un Maurice. « La présence des mar- grand nombre de coopérants techchands chinois date du XVIIIe siècle niques et salariés d’entreprises chidans une île à vocation sucrière, mais noises, particulièrement dans le bâtiles premiers migrants étaient des ment, les travaux publics et le textile. ouvriers agricoles recrutés sous On dénombre un peu plus de 1 000 contrat », indique Pierre Picquart. On Chinois au Maroc, dont 500 pêcheurs compte actuellement plus de 30 000 à Agadir, 150 à 200 hommes d’afMauriciens d’origine chinoise, soit faires à Casablanca et une centaine 2,9 % de la population de l’île. de médecins dans tout le royaume. Plusieurs d’entre eux occupent des L’Algérie accueille de plus en plus de postes de responsabilité, tels ces trois citoyens de la république populaire juges – sur neuf – qui siègent à la Cour – entre 1 000 et 2 000 selon les estisuprême, la plus haute juridiction du mations – dont la majorité travaille pays. La diaspora est très active dans dans la construction. La Mauritanie l’industrie textile. Dans le quartier emploie également de très nombreux chinois de Port-Louis, les plus vieux médecins et infirmières chinois. ■ J.A./L’INTELLIGENT N° 2329 – DU 28 AOÛT AU 3 SEPTEMBRE 2005
ÇA VOUS INTÉRESSE
L’ombre des triades
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e formidable développement des échanges sino-africains et la migration des commerçants de l’empire du Milieu vers le continent ne laissent pas indifférente la mafia chinoise, qui cherche à prendre pied dans tous les trafics : prostitution, racket, contrefaçon… Embryonnaires ou inexistantes dans la majorité des États africains, les organisations criminelles chinoises sont bien implantées en Afrique du Sud. Selon Peter Gastrow, chercheur à l'Institut des études stratégiques de Pretoria, elles ont commencé à s’organiser dans ce pays dans les années 1980. Parmi les plus connues : quatre triades en provenance de Hong Kong, « 14K-Hau », « 14K-Ngai », « San Yee On » et « Wo Shing Wo », et une triade taiwanaise « Table Mountain Gang », moins bien organisée. Dans les années 1990, leurs activités se concentraient sur le trafic illégal d’abalone, une variété d’ormeau (mollusque marin comestible) très prisée en Chine et dont le commerce est strictement réglementé. Depuis 2000, le racket, le trafic de drogue, la prostitution, le blanchiment d’argent et le commerce des contrefaçons sont en plein développement. Les compagnies d’import-export sont souvent des paravents pour des activités plus clandestines. Les triades pratiquent également le trafic de femmes en provenance de la Chine rurale, qui sont destinées à travailler dans les maisons de passe. Ces dernières transitent généralement par les pays voisins. Elles gagnent ensuite l’Afrique du Sud clandestinement. Leurs documents de voyage leur sont confisqués par les trafiquants qui contrôlent leurs activités. ■ P.A. 57
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ET POUR CONCLURE
Ambivalence et contradictions
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aut-il avoir peur des Chinois ? Afrique : empreintes de coopération et Profitant de l’ouverture de de fraternité jusqu’au XVe siècle, elles se seraient rompues à l’arrivée des Ocleurs frontières en 2000 et du formidable développement de cidentaux, et tous les efforts de la Chine tendraient à renouer avec le leur économie, de plus en plus de cipassé. Cette opposition Chinois/Occitoyens du pays de Mao, commerçants, entrepreneurs, coopérants, ouvriers, dentaux reflète un sentiment répandu s’installent en Afrique. Cette puissante à travers l’Afrique, qui voit dans la colPASCAL AIRAULT laboration afro-asiatique une alterChine qui tisse sa toile sur le continent native à la mainmise occidentale sur n’en finit plus d’alarmer les sphères l’économie africaine. Elle l’est plus économiques. On suspecte ses ressortissants de ne pas être en règle et de bénéficier spécialement dans les pays qui ont été marqués par la guerre froide et les luttes d’indépendance, d’avantages par rapport aux entreprises locales. La gestion familiale ou communautaire des commerces comme le Zimbabwe. « Affirmons notre souveraineté, notre intégrité et notre dignité en nous liant chinois éveille les soupçons. L’opacité des opérad’amitié avec ceux [les Asiatiques] qui nous consitions financières donne naissance à des rumeurs dèrent comme des partenaires et des êtres humains incessantes. Comme dans le reste du monde, le déégaux », rappelait récemment un article dans un ferlement des produits made in China sur les marjournal proche du parti au pouvoir, le Zimbabwe chés entretient cette idée d’un « raz-de-marée asiatique ». À Dakar, Yaoundé, Lagos ou Kampala, African National Union-Patriotic Front (Zanu-PF) du président Robert Mugabe. les journaux dénoncent régulièrement la faillite des commerçants locaux qui ne peuvent lutter à armes Les Africains manifestent également, d’une manière générale, une certaine admiration et un proégales avec les Chinois. fond respect pour la réussite économique de la Chine, ce qui lui confère une position de leader « La menace se fait de plus en plus précise », des pays en développement, dont il faut suivre relevait l’éditorialiste de L’Économiste, au Maroc, l’exemple. Au niveau du grand public, les produits en novembre 2003, en stigmatisant la mise sur le marché « de produits à bas prix, mais de piètre quachinois, d’un bon rapport qualité-prix, renforcent, dans un sens, cette image positive d’une Chine plus lité », ainsi que l’installation de commerçants chiproche des consommateurs africains. « Cette annois à Casablanca, qui exercent une concurrence née, la rentrée des classes a viré au cauchemar, en acharnée dans le secteur du textile. Avant de raison de la hausse des prix et de la stagnation des conclure : « Si l'on n’y prend pas garde, demain les revenus. [...] J’ai acheté des cartables chinois, cinq Asiatiques arriveront peut-être à imiter notre artisanat, nos djellabas et nos babouches pour une fois moins chers que les autres », raconte une ménagère égyptienne. bouchée de pain… Qui sait ? » Accolée à l’article, la caricature du dessinateur Tarik Bouidar, qui signe Mais il arrive que les Africains reprochent aux sous le pseudonyme de Rik, met en scène un Tintin marocain aux prises avec un dragon chinois. Chinois de ne pas se mélanger aux populations locales et, surtout dans les pays à dominante musulInversement, les Chinois disposent d’une asmane, de consommer des aliments « impurs », dont sez bonne image auprès des décideurs politiques. la cuisson dégage une odeur pas toujours agréable. Ces derniers apprécient leur aide financière et techConcurrent déloyal, géant économique, exemple nique, mais surtout leur non-ingérence dans les afà suivre, remède à tous les maux… Dans l’esprit des faires intérieures. La Chine insiste sur ce point et Africains, les images les plus contradictoires de la propose, jusque dans ses discours officiels, une verChine et des Chinois se superposent. ■ sion recomposée de l’histoire des relations Chine-
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PHOTOS : C. VIOUJARD
CONGO
Le président de la République, Denis Sassou Nguesso, le 15 août 2005 à Impfondo pour le 45e anniversaire de l’indépendance.
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1960-2005 : le Congo enfin maître de son destin
uarante-cinq ans après son accession à l’indépendance, le Congo semble enfin tenir sa chance. Celle d’accéder au rang d’un État moderne, maître de son destin. Après avoir tenté de progresser, quatre décennies durant, sur la voie du développement, le pays dispose désormais des atouts nécessaires pour y parvenir. Déstabilisé dès les années 1960 par la succession de différents régimes, le pays a vu ses espoirs de démocratisation déçus à maintes reprises. Aujourd’hui, il entend rompre définitivement avec ce passé douloureux pour privilégier le développement durable. Doté de richesses abondantes, il dispose d’un formi-
dable patrimoine naturel qu’il a entrepris de faire fructifier. De l’extraction pétrolière à l’exploitation de ses ressources forestières, il a les moyens de nourrir son expansion économique. Mais, surtout, le pays est aujourd’hui parvenu à retrouver sa stabilité. Après avoir traversé bien des turbulences politiques, après avoir connu pas moins de trois guerres civiles en une décennie, le Congo a retrouvé des bases institutionnelles saines et solides, en se dotant de tous les outils nécessaires à l’épanouissement de sa population. Sous la houlette du chef de l’État, le président de la République Denis Sassou Nguesso, le peuple congolais bénéficie de la sécurité retrouvée.
MESSAGE
I
la
Lettre du
CONGO
La population d’Impfondo et de la Likouala a largement participé aux festivités organisées à l’occasion de la fête nationale.
45e anniversaire de l’indépendance : le progrès partagé par tous
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ans le cadre de la reconstruction du pays et de la décentralisation, le président de la République Denis Sassou Nguesso a décidé depuis 2003 d’organiser l’anniversaire de l’indépendance nationale de manière tournante dans les différents départements du pays. Une initiative qui vise à assurer un développement harmonieux et équilibré du territoire congolais. Ces fêtes tournantes permettent de multiplier les investissements dans la ville et dans la région d’accueil durant les mois précédant l’événement. Ainsi, le 15 août 2005 c’est la ville d’Impfondo qui a accueilli les festivités destinées à commémorer cet événement historique. Outre le chef de l’État congolais, étaient également présents le président centrafricain
palisation sera mené à son terme après les cérémonies. Entre le fleuve et la voie aérienne, la réalisation des travaux a été un véritable défi puisqu’il faut plus d’une semaine aux barges pour parcourir la distance séparant la capitale du chef-lieu de la Likouala de ce département via le fleuve, et acheminer les matériaux de construction vers Impfondo, puis d’Impfondo aux autres souspréfectures. Parmi les travaux réalisés, la piste et le salon d’honneur de l’aéroport Marien-Ngouabi ont été achevés. Le boulevard sur lequel a eu lieu le défilé militaire et civil du 15 août et trois kilomètres de grandes artères ont été totalement réhabilités, et les travaux de l’hôpital général ont progressé. Parallèlement, l’accent a été mis sur l’électrification de la ville et le réseau
François Bozizé et le viceprésident de la RDC, Abdoulaye Yérodia. Le département de la Likouala a donc pu profiter des travaux liés à l’organisation des cérémonies célébrant l’accession à l’indépendance. Le choix de procéder à des fêtes tournantes permet chaque année à un nouveau département de se moderniser et de se développer par le biais de la municipalisation. Lancés officiellement le 9 mars 2005, les travaux ont débuté au mois d’avril, même si le matériel a été acheminé dans des conditions difficiles depuis Brazzaville, Impfondo et la Likouala n’étant pas reliés par la route au reste du pays. Et même si tous les projets prévus n’ont pu être achevés pour le 15 août, le programme des travaux inscrits dans le projet de munici-
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d’adduction d’eau. La préfecture de la Likouala a fait peau neuve, tout comme les localités d’Epéna et Dongou où plus de 50 % des travaux projetés ont déjà été réalisés. Sur le plan social, les travaux sur la municipalisation ont permis de créer de nombreux emplois pour les habitants qui, jusqu’alors, ne pouvaient compter que sur les sociétés forestières et qui maintenant travaillent pour les entreprises installées dans la Likouala. La ville, construite à l’époque coloniale, a aujourd’hui changé de visage. Les vieux bâtiments ont été démolis pour céder la place à des immeubles d’architecture moderne. Avec une population de plus de 250 000 habitants pour une superficie de 66 044 km2, le département
la
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CONGO
À la tribune (de g. à dr.), le président centrafricain François Bozizé et son épouse Monique, le chef d’état-major de l’armée congolaise, le général Richard Mondjo, le président Denis Sassou Nguesso et son épouse Antoinette, et le vice-président de la RD Congo, Abdoulaye Yérodia.
de la Likouala est le plus grand du Congo. Il est limité au sud par la République démocratique du Congo, à l’ouest par le département de la Sangha et au sud par le département de la Cuvette ouest. Sur le plan économique, le département vit essentiellement de l’exploitation de la forêt, même si l’agriculture et la pêche occupent une place importante dans l’activité locale. Reste que le département souffre de l’enclavement, car il est très éloigné des grands centres d’activité de l’Afrique centrale. C’est pourquoi les travaux prévus dans le cadre de la célébration de l’indépendance ont revêtu une telle importance. Peu à peu, grâce au programme de municipalisation, le désenclavement à l’intérieur du département devient une réalité. Toutes les sous-préfectures du département sont maintenant accessibles. Quant à la liaison Brazzaville-Impfondo par voie aérienne, elle est de nouveau possible grâce à l’achèvement des travaux de construction de l’aéroport qui permettent aux gros-porteurs de se poser. Bref, même si le
programme de municipalisation n’est pas encore achevé, la célébration de la fête nationale à Impfondo le 15 août 2005 offre la possibilité de prendre un nouveau départ pour la Likouala. Comme ceux d’Impfondo cette année, les habitants de Pointe-Noire se souviendront longtemps des cérémonies du 44e anniversaire de l’indépendance, célébré le 15 août 2004. Pour abriter l’événement, la ville de Pointe-Noire et le département du Kouilou ont eux aussi fait peau neuve : routes rénovées, bâtiments administratifs réhabilités, infrastructures électriques renforcées, réseau d’adduction d’eau étendu… Un coup de jeune pour la capitale économique du pays. Et un pas de plus dans le processus de réconciliation des Congolais. La célébration tournante de la fête nationale dans les différents départements du Congo est un véritable catalyseur pour le développement et la décentralisation du pays. L’objectif est de renforcer le rôle joué par les collectivités locales, d’améliorer les services de voirie, d’éducation,
de santé, d’électricité et d’adduction d’eau, et de les rendre accessibles aux populations les plus démunies. En 2004, pour le département du
Kouilou, l’État congolais a dégagé plus de 19 milliards de F CFA en 2004 pour la construction et la réhabilitation des infrastructures. « Les bienfaits de toutes ces réalisations se mesurent à l’aune de la satisfaction et du soulagement éprouvés par nos concitoyens », estime Denis Sassou Nguesso. Et déjà, les fêtes à venir suscitent l’engouement des populations. Celle de 2006 se déroulera à Dolisie, chef-lieu du département du Niari. Et le 8 août 2005, le chef de l’État a annoncé que le 47e anniversaire de l’indépendance du Congo sera célébré en 2007 à Owando, chef-lieu du département de la Cuvette ouest. Denis Sassou Nguesso en a fait l’annonce devant le Parlement réuni en congrès. Une manière de poursuivre le processus de municipalisation. Le choix de la ville d’Owando pour la future célébration de la fête nationale permettra la modernisation de ce département. ■
Le chef de l’État passant les troupes en revue.
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Réconciliation et reconstruction : rétablir le consensus national
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Ainsi, le 14 avril 2001, la signature de la convention pour la paix et la reconstruction du Congo et la cérémonie de clôture du dialogue national va donner le coup d’envoi d’un véri-
Ces nouvelles bases recevront in fine l’approbation des citoyens congolais, puisque la Constitution sera finalement adoptée par voie référendaire. Ce qui nécessite la mise en place d’un
C. NESBITT/AP SIPA
e 31 décembre 2000, Denis Sassou Nguesso annonce l’accélération du processus de transition initié en janvier 1998. Celuici va se poursuivre par l’ouverture du dialogue
Le président Denis Sassou Nguesso votant lors de la présidentielle du 10 mars 2002.
intercongolais. Cette vaste consultation est destinée à permettre la discussion de l’avant-projet de Constitution. Cette concertation de toutes les composantes de la société vise à terme à rétablir le consensus national.
table processus de démocratisation qui se poursuit aujourd’hui. Après quatre décennies d’attente, le peuple congolais est enfin invité à s’exprimer. Et à imposer ses choix. Le processus consultatif va se dérouler en toute sérénité.
dispositif électoral fiable. Un dispositif qui permettra, grâce à l’expression des suffrages populaires la relance, « après tant d’espoirs déçus, du vrai processus démocratique engagé voici dix ans » conclut Denis Sassou Nguesso.
La Constitution soumise au vote du peuple, qui s’est exprimé par référendum le 20 janvier 2002, sera finalement adoptée par plus de 84 % des votants. Un véritable plébiscite qui témoigne de la volonté des Congolais de tourner la page de la violence tout en donnant à leur pays les moyens de ne plus sombrer dans le chaos. Une fois doté d’une nouvelle Constitution, le pays a ensuite pu se doter des rouages nécessaires à son redressement en procédant tout d’abord à l’élection présidentielle, puis aux élections législatives et, enfin aux élections territoriales, destinées à parachever ce processus en dotant les régions, les districts et les communes de leurs assemblées ou conseils respectifs, expression d’une démocratie de proximité. En quatre décennies d’indépendance, le Congo a connu plusieurs Constitutions avec des régimes de nature différente. Conséquence d’une architecture institutionnelle précaire, trois guerres civiles ont ravagé le pays au cours des années 1990. La nouvelle Constitution aura pour objectif de prévenir les crises
Cour des comptes : une garantie de transparence Parallèlement à l’assainissement de sa situation financière, le pays s’est doté d’une institution importante : la nouvelle Cour des comptes et de discipline budgétaire congolaise, chargée de lutter contre les détournements de deniers publics. Ses membres ont pris leurs fonctions en mars à Brazzaville. Créée par la Constitution approuvée lors du référendum de 2002, cette Cour a pour mission de lutter contre la mauvaise gestion des fonds publics dans les administrations et entreprises
publiques congolaises et d’y instaurer plus de transparence. Nommés par décret du président de la République pour un mandat de cinq ans renouvelable, les membres de la nouvelle institution (13 magistrats et 6 agents de l’État) jugent les fonctionnaires coupables de malversations, de corruption ou de violation des lois et règlements financiers. La Cour des comptes et de discipline budgétaire, qui rend des arrêts susceptibles de recours devant la Cour suprême, peut être saiMESSAGE
IV
sie par le président de la République, les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat ainsi que par les ministres. Le gouvernement congolais, qui a engagé depuis plusieurs années d’importantes réformes destinées à mettre de l’ordre dans ses finances publiques, veut ainsi se conformer aux exigences des institutions financières internationales tout en assurant plus de transparence et de sécurité pour les investisseurs susceptibles de vouloir s’implanter au Congo.
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À Brazzaville, les multiples chantiers donnent naissance à une nouvelle cité.
institutionnelles. Elle institue un régime présidentiel accordant au chef de l’État de larges pouvoirs. Élu pour un mandat de sept ans renouvelable une fois, le président de la République est le chef de l’exécutif. Il nomme les ministres et met fin à leurs fonctions. La Loi fondamentale prévoit un Parlement bicaméral avec une Assemblée nationale élue pour cinq ans et un Sénat élu pour six ans. L’Assemblée ne peut voter de motion de censure contre le gouvernement ni démettre le président de la République qui ne peut la dissoudre. Enfin, la Constitution prévoit la création d’institutions complémentaires tels le Conseil de liberté de l’information et de la communication, la Haute Cour de justice, la Cour des comptes, la Cour suprême, la Cour constitutionnelle, la Commission nationale des droits de l’homme, le Conseil économique et social. ■
Construction du mémorial dédié à Savorgnan de Brazza, disparu en 1905, il y a juste un siècle. MESSAGE
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Pour réduire la dépendance aux hydrocarbures, les autorités misent sur l’agriculture.
Priorité au développement durable
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ès la fin des hostilités, le Fonds monétaire international a donné son feu vert pour la mise en œuvre du programme d’urgence post-conflit présenté par le gouvernement congolais. Une première tentative de réformes avait été initiée en 1998, mais la reprise des combats avait obligé le gouvernement et ses partenaires financiers à suspendre leur collaboration quelques mois plus tard. Les objectifs de ce programme sont clairs : il s’agit de stabiliser l’économie en maintenant un taux de croissance annuel élevé pouvant permettre de réduire la pauvreté. Cette croissance doit permettre de financer la reconstruction du pays qui a subi de multiples destructions à la suite de la guerre civile. Pour y parvenir, le gouvernement a donc dû mettre en œuvre une série de réformes structurelles, à savoir : – le maintien de la disci-
pline budgétaire par le contrôle des dépenses publiques ; – la gestion transparente des recettes et des dépenses de l’État ; – la réduction de la masse salariale dans la fonction publique ; – la mobilisation des recettes fiscales et douanières ; – l’ouverture d’un compte spécial à la Banque des États de l’Afrique centrale pour gérer l’excédent des recettes pétrolières ; – la poursuite du processus de privatisation des entreprises publiques. La bonne exécution de ce plan a ensuite permis au pays de bénéficier d’une coopération financière traditionnelle de la part du FMI et de la Banque mondiale, avec l’octroi d’une Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance (FRPC) et d’une remise de la dette. Mais, dans le même temps, le gou-
vernement s’est fixé pour objectif d’accéder à l’initiative de réduction de la dette des pays pauvres très endettés (PPTE) pilotée le FMI et la Banque mondiale. Avec une dette totale évaluée à plus de 6 000 milliards de F CFA (9,1 milliards d’euros), le Congo est l’un des pays les plus endettés du monde. Mais le programme 2004-2007 validé par le FMI lui a déjà permis de pouvoir retraiter une partie de sa dette. L’accord conclu le 6 décembre 2004 avec le FMI s’est traduit par une aide de 44,3 milliards de F CFA sur trois ans. Le Congo a aussi pu obtenir plusieurs prêts de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement (BAD), ainsi que l’annulation de 1,57 milliard de dollars et le rééchelonnement de 1,45 milliard de dollars de dette de la part des créanciers du Club de Paris. Au cours du premier
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semestre, l’État a également reçu le soutien de plusieurs de ses partenaires, notamment celui de la France. Le 25 avril 2005, le Congo a signé avec Paris une convention de financement de 24 millions d’euros afin de réduire sa dette envers la BAD. Le 10 mai, les gouvernements congolais et américain ont signé un accord réduisant partiellement la dette publique congolaise contractée auprès des ÉtatsUnis. Et le 8 juillet, à l’issue du sommet du G8, les États-Unis ont conclu un nouvel accord avec le Congo. Il prévoit l’annulation de 67 % de la dette du Congo vis-à-vis de Washington, qui s’élève à 25 milliards de F CFA (38 millions d’euros), le reste étant rééchelonné sur quarante ans. Parallèlement, la moitié de la dette congolaise vis-à-vis de l’Italie, soit environ 32 milliards de F CFA, a également été annulée, l’autre moitié étant de même rééchelonnée sur quarante ans. Quant à la
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Lettre du
CONGO
P. MAITRE/J.A.I.
La production de pétrole reste une priorité. Mais la diversification des activités doit s’accélérer.
La Société nationale de distribution de l’eau va être privatisée.
Suisse, elle a réduit ces créances envers le Congo de 14,5 millions de FS et rééchelonné le solde d’un montant de 7,5 millions FS. Enfin, le 22 juin, la Norvège a accordé au Congo une aide de 5 milliards de F CFA (7,6 millions d’euros) destinée à lui permettre d’apurer une partie de ses arriérés vis-à-vis de la BAD. La sécurité des investisseurs est une priorité pour le développement de l’économie nationale. D’autant que les autorités souhaitent aujourd’hui diversifier les exportations du pays, actuellement dominées par le pétrole (13 millions de tonnes en 2005) et le bois, dont les cours et donc les revenus dépendent essentiel-
lement du marché international, ce qui fragilise la stabilité économique du pays. À eux seuls, les revenus tirés de la vente du pétrole brut et du bois représentent plus des deux tiers des recettes d’exportation annuelles du pays. Dans le budget 2005, l’or noir, premier produit d’exportation du Congo, va fournir 624 milliards des 910 milliards de F CFA (950 millions sur 1,39 milliard d’euros) de dépenses programmées par l’État. Selon le ministère du Commerce, ces deux produits représentent les deux tiers des exportations au départ du port de PointeNoire, principale porte d’entrée et de sortie du pays. Grâce à eux, son trafic est passé de 1,9 million à 2,4 mil-
lions de tonnes entre 2003 et 2004, soit une hausse de 36 %. Mais, pour le ministre du Commerce Adelaïde Moundélé-Ngollo, « il est dangereux que le Congo exporte essentiellement des produits issus de ressources non renouvelables et à très faible valeur ajoutée. C’est pourquoi il est urgent de diversifier notre base productive en visant une spécialisation sur les biens et services à forte valeur ajoutée. » Parmi les créneaux possibles de cette diversification, les autorités misent sur l’agriculture. Encore aujourd’hui très peu productif, le secteur primaire congolais doit permettre de satisfaire les besoins alimentaires de la population. Selon le ministère de l’Agriculture, le Congo importe chaque année pour plus de 100 milliards de F CFA (152 millions d’euros) de produits alimentaires, mais n’exporte qu’un peu de sucre de canne, à destination de l’Union européenne ou des États-Unis. La relance de ce secteur, à travers des filières comme le palmier à huile ou l’élevage, bénéficie d’un programme d’investissements sur trois ans élaboré en 2004 par le gouvernement avec l’appui du Fonds des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). D’un mon-
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tant de 267,3 milliards de F CFA (407 millions d’euros), il vise d’abord à lutter contre la pauvreté. Ce programme va privilégier une forte implication des privés dans ce type d’activités. Dans les secteurs secondaires et tertiaires aussi les opportunités sont multiples. D’autant que le processus de privatisation du secteur public congolais se poursuit. Il a déjà donné lieu à la restructuration du secteur bancaire, avec la reprise par des opérateurs privés de trois banques commerciales, de celui des hydrocarbures, où l’État s’est désengagé de la distribution et de la commercialisation, et du secteur forestier. Les autorités relancent actuellement le processus en privilégiant les services publics, avec la Société nationale de distribution de l’eau (SNDE) et celle de la Société nationale d’électricité (SNE). Ce programme, soutenu par la Banque mondiale, vise à remettre sur pied la SNDE et la SNE, confrontées à de graves difficultés financières et structurelles aggravées par les guerres civiles successives. Une fois la situation de ces deux sociétés assainie, la SNE et la SNDE seront mises en concession. Outre ces deux sociétés, d’autres entreprises publiques sont appelées à être privatisées en vertu des engagements du Congo vis-à-vis des institutions financières internationales. C’est notamment le cas du Chemin de fer Congo-Océan (CFCO) qui relie Pointe-Noire à Brazzaville, de la Société des télécommunications du Congo (Sotelco) et du Port autonome de Pointe-Noire. Des discussions ont également eu lieu entre les autorités congolaises et le Fonds monétaire international (FMI) pour la privatisation de la Congolaise de raffinage de pétrole (Coraf). ■
la
Lettre du
CONGO
Investir pour les générations futures
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our favoriser la relance de l’économie et désenclaver le pays, l’État a consacré une large part de ses ressources au financement de grands travaux. Ainsi, le Port autonome de Pointe-Noire (PAPN) peut de nouveau accueillir des bâtiments de gros tonnage. Le chenal d’accès a été dragué et le bassin approfondi, ce qui permet au site de recevoir un trafic estimé à 10 millions de tonnes par an. Débouché naturel d’une zone de 4 millions de km2 et de 70 millions d’habitants qui s’étend de N’Djamena à Kinshasa, Pointe-Noire veut redevenir la porte d’entrée de l’Afrique centrale. Un rôle d’autant plus évident que le Chemin de fer Congo-Océan (CFCO) relie ce port en eaux profondes à la capitale
Brazzaville distante de plus de 500 kilomètres. Le port de Pointe-Noire et le CFCO contribuent à doper l’activité économique congolaise. Simultanément, le réseau routier bénéficie de lourds investissements. Enfin, ce maillage est complété par un réseau aérien en voie de modernisation. Les infrastructures aéroportuaires ont déjà bénéficié d’investissements massifs, à commencer par l’aéroport international de Pointe-Noire. Simultanément, les principaux aéroports nationaux ont été réhabilités. Avec la rénovation des infrastructures de communication, l’activité économique retrouve son dynamisme. Et notamment l’exploitation forestière. Dans les régions dévastées par les combats,
les investisseurs étrangers reviennent et misent sur la transformation locale pour créer de la valeur ajoutée. Avec 20 millions d’hectares de forêt, le pays tire 12 % à 15 % de ses recettes d’exportation de l’exploitation du bois. Mais, là encore, le développement durable est une priorité. Les pays du bassin du Congo ont jeté en février 2005 les bases juridiques d’une gestion durable de leurs forêts et d’une participation de la communauté internationale au financement de la sauvegarde des écosystèmes de la région. À l’issue de leur deuxième sommet, qui s’est tenu à Brazzaville, les chefs d’État des pays du bassin du Congo ont approuvé un plan d’action commun sur la gestion durable du deuxième
« poumon vert » de la planète après l’Amazonie. Ils ont également signé un traité créant une Commission des forêts d’Afrique centrale (Comifac) pour renforcer le partenariat international lancé en 2002 à Johannesburg pour la gestion de ses ressources naturelles. Pour le ministre congolais de l’Économie forestière, Henri Djombo. le sommet de Brazzaville a permis de « lancer un consensus international sur les forêts du bassin du Congo. Nous souhaitons maintenant que la solidarité internationale s’exprime de manière concrète ». En préservant les ressources pour qu’elles puissent profiter aux générations futures, le Congo a décidé de valoriser aujourd’hui ses richesses sans compromettre pour autant son avenir. ■
LE PAYS EN BREF Chronologie
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Économie Monnaie : Franc CFA RNB par habitant : 640 $/hab. ■ RNB par habitant PPA : 964 $/hab. ■ Inflation 2004 : + 1,4 % ■ Investissement intérieur brut 2003 : 23 % du PIB ■ Investissements directs étrangers 2003 : 386 millions de $ ■ Exportations 2004 : 2 668 millions de $ ■ Importations 2004 : 916 millions de $ ■ Principales ressources : Bois, pétrole, mines. ■ ■
Pays et population Superficie : 342 000 km2 Environnement : Climat subéquatorial chaud et humide. Saison sèche entre mai et septembre dans le centre et le sud. ■ Population : 3,7 millions d’hab. ■ Projection 2050 : 10,6 millions d’hab. ■ Croissance démographique : 2,7 % ■ Population de – 15 ans : 46,8 % ■ Densité de population : 10,6 hab./km2 ■ ■
DIFCOM - ADS - S. CREUZÉ
15 août 1960 Indépendance. Fulbert Youlou devient président de la République. 15 août 1963 Alphonse Massemba-Débat prend le pouvoir. 1er janvier 1969 Marien Ngouabi devient chef de l’État. 18 mars 1977 Joachim Yhombi-Opango succède Marien Ngouabi. 5 février 1979 Denis Sassou Nguesso devient chef de l’État. Février-juin 1991 Conférence nationale. 16 août 1992 Pascal Lissouba élu président. 1993-1994 Première guerre civile. Juin 1997 La deuxième guerre civile éclate avant l’élection présidentielle. 25 octobre 1997 Denis Sassou Nguesso revient au pouvoir. Décembre 1998 Reprise des combats. Décembre 1999 Accord de cessation des hostilités. 14 avril 2001 Clôture du dialogue intercongolais. 10 mars 2002 Denis Sassou Nguesso est élu à la présidence de la République.
Population urbaine : 53,1 % Espérance de vie 52 ans ■ Mortalité infantile 8,1 % ■ Alphabétisation 82,8 % ■ Scolarisation 48 % ■ Indice de développement humain (2 004) IDH : 0,494 – Rang : 144/177 ■ Langues Français (officiel), lingala, kikongo, téké… ■ Peuplement Tékés, Laris, Mbochis… ■ Religions Chrétiens, musulmans. ■
LA LETTRE DU CONGO - MESSAGE RÉALISÉ PAR DIFCOM - 57 BIS, RUE D’AUTEUIL - 75 016 PARIS MESSAGE
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paru dans J.A./l’intelligent n° 2329 du 28 août au 3 septembre 2005
AFRIQUE SUBSAHARIENNE CÔTE D’IVOIRE Après neuf mois de silence, l’ancien
chef d’état-major se dit décidé à faire partir le président Gbagbo « par tous les moyens ». Quelles sont ses intentions réelles ? Et sur quelles forces peut-il compter pour y parvenir ?
Mathias Doué, pompier ou pyromane? Élise Colette
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olonté de prendre une revanche – et les armes En affirmant tout haut ce que tout le monde pense tout – après neuf mois de retraite forcée ou appel bas (« Personne ne croit à la possibilité d’organiser des éleclancé à la communauté internationale sur la tions transparentes qui puissent conduire à des résultats dégradation de la situation ivoirienne? Quelle acceptables », a-t-il affirmé sur RFI), Mathias Doué a monque soit la motivation de sa réapparition du tré à la communauté internationale que la moindre menace 19 août, le général Mathias Doué, ancien chef verbale pouvait faire bégayer les frêles accords de paix, tout d’état-major (Cema) de l’armée ivoirienne, a semé un vent en renforçant le sentiment grandissant d’instabilité qui dode panique à Abidjan. Si le dessein de ses menaces profé- mine depuis la dernière rencontre des principaux protarées à l’encontre de Laurent Gbagbo et de son entourage gonistes de la crise à Pretoria le 28 juin. Et laisse présager était de faire changer la peur de camp, ou à tout le moins, le pire en cas de réel coup de feu. de déstabiliser la grande muette, l’opération est réussie. Son En guise de réponse à ses déclarations, Doué n’a obprojet annoncé de contraindre Laurent Gbagbo à quitter tenu de la communauté internationale que des rappels le pouvoir « par tous les moyens » si la comà l’ordre. Le ministre français des Affaires munauté internationale ne s’en chargeait pas Du côté de étrangères, Philippe Douste-Blazy, a demandé rapidement et « dans la douceur » aura égaleà « chacun de respecter les engagements pris » Pretoria, ment eu pour effet de ranimer la panique dans tandis que l’Opération des Nations unies en les rues de la capitale économique. Côte d’ivoire (Onuci) dénonçait « toute Thabo Quelques feux d’artifice tirés pour l’annidéclaration appelant au renversement des Mbeki n’a institutions » du pays, estimant qu’elles metversaire de l’entreprise américaine Western Union auront suffi le 20 août à précipiter les pas réagi. taient en péril la médiation de l’Union afri« Jeunes patriotes » sur les barricades – pourtant caine (UA). Du côté de Pretoria, le médiateur démantelées depuis novembre dernier – et à obliger le chef Thabo Mbeki n’a, comme à son habitude, pas réagi. À d’état-major Philippe Mangou à s’éclipser de sa propre cé- Abidjan, les forces d’interposition semblent davantage inrémonie de noce pour intervenir à la télévision et calmer quiétées par la récupération qui peut être faite des meles populations. Les caciques du clan Gbagbo (Pascal Affi naces de Doué pour entraver le processus de paix que Nguessan, Bertin Kadet, Simone Gbagbo ou encore Charles par la réalité d’un coup d’État. Blé Goudé) y ont tous été de leurs remarques, traitant l’anL’appel de Doué est pourtant d’autant plus inattendu cien Cema de « traître », de « kyste » ou encore de « joker qu’il est proféré par un homme connu pour sa discrétion des commanditaires de la rébellion ». Résultat immédiat: les et sa modération. Le « Chinois » – surnom qui lui colle à questions à l’ordre du jour – la démobilisation des milices qui la peau depuis son passage dans les ambassades asiatiques devait se terminer le 24 août, le désarmement des Forces – avait certes été piqué au vif par l’humiliation vécue en nonouvelles (FN, ex-rébellion) et la publication des listes élec- vembre, au lendemain de l’échec de la reconquête du Nord, torales normalement obligatoire trois mois avant le scrutin quand il a été forcé de passer la main à Philippe Mangou prévu pour le 30 octobre – ont été reportées sine die. depuis son lit d’hôpital et de déclarer publiquement le bonJ.A./L’INTELLIGENT N° 2329 – DU 28 AOÛT AU 3 SEPTEMBRE 2005
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AFRIQUE SUBSAHARIENNE heur qu’il ressentait « de voir le fils succéder au père ». Il lui a fallu neuf mois pour retrouver la santé. Neuf mois aussi pour préparer ce qu’il a toujours réussi à faire depuis son entrée dans l’armée ivoirienne : retomber sur ses pattes. Sa dernière sortie est-elle la première phase d’un « coup » médiatique plutôt que militaire ? Certes déjà rompu à l’exercice du coup d’État (il faisait partie des putschistes qui ont destitué Henri Konan Bédié le 24 décembre 1999), le mystérieux général de division, 59 ans, proche de ses soldats, respectueux de l’institution militaire, formé entre Saint-Cyr-Coëtquidan et Hambourg, n’était pas célèbre pour ses prises de position fermes. Il s’est d’ailleurs effacé derrière le chef de l’État jusqu’à son limogeage, malgré leurs divergences de vue. L’intello de service a avoué avoir passé ces derniers mois
« dans la tranquillité, la réflexion et l’écriture ». Juriste, républicain, mais aussi loyal notamment envers Laurent Gbagbo dont il était proche, il s’était opposé à la garde rapprochée du président dès le début de la crise (notamment à Moïse Lida Kouassi et Bertin Kadet) en prônant le cessez-le-feu plutôt que la solution armée. Le voilà aujourd’hui transformé en pompier pyromane. Encore faudrait-il qu’il ait réellement la possibilité de renverser par les armes un pouvoir fragilisé, mais qui se radicalise. Du côté des soutiens, Mathias Doué peut compter sur les Forces nouvelles de Guillaume Soro pour mettre à nouveau le pays à feu et à sang. Le jeune chef n’a pas caché sa satisfaction devant la rébellion de son aîné et a avoué au quotidien français Le Monde être prêt à mobiliser ses troupes dès les premières attaques. Plus im-
« Je n’annonce pas un Propos recueillis par Christophe Boisbouvier
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EUNE AFRIQUE/L’INTELLIGENT : Quand vous affir-
mez que vous allez faire partir Laurent Gbagbo par tous les moyens, ne faites-vous pas tout simplement l’annonce d’un coup d’État militaire ? MATHIAS DOUÉ : Non, je n’annonce pas un coup d’État militaire. Vous conviendrez avec moi qu’un coup d’État en préparation ne s’annonce pas. Je ne fais qu’attirer l’attention de la communauté internationale et des autorités ivoiriennes sur le feu qui couve, et je suggère une approche pragmatique qui préservera le pays du chaos. En renonçant délibérément à l’effet de surprise, ne craignezvous pas de réduire vos chances de réussite ? Je ne recherche pas « d’effet de surprise ». Je ne raisonne pas en termes de « chances de réussite ». J’en appelle au réalisme de la communauté internationale et à la sagesse des autorités politiques de mon pays. Vous préparez donc moins une action militaire qu’une action psychologique de déstabilisation de l’armée ivoirienne ? Si cette action peut aboutir par le seul effet de sa nature psychologique, ce sera une belle victoire imputable à tous. En tout état de cause, il ne s’agit pas, en ce qui me concerne, de déstabiliser l’armée ivoirienne. 68
Le pouvoir affirme que vous une même armée nationale. Diviser êtes un général sans troupes. Au- l’armée est une des erreurs qui pourjourd’hui, on ne vous connaît raient être fatales au pouvoir du qu’un seul partisan chez les président Gbagbo, sans qu’il soit néofficiers ivoiriens, le lieutenant- cessaire de perpétrer un coup d’État. colonel Jules Yao Yao. En avez- Le mode de gestion des Forces de dévous d’autres ? fense et de sécurité (FDS) en a brisé Une telle affirmation est la preuve la cohésion et a fait disparaître l’esprit que le pouvoir n’a pas une lecture militaire. C’est une réalité qui se vit au exacte de la réalité sociale du pays qu’il quotidien, de manière dramatique. gouverne. Est-ce parce qu’il en est dé- Dans l’armée, la gendarmerie et la poconnecté ? Est-ce parce que ses lice, les conditions de vie et de travail conseillers lui en font une lecture dé- se sont sérieusement dégradées. Les libérément erronée ? Dans un cas conditions d’avancement suscitent des comme dans l’autre, ce semécontentementsà cause rait grave, voire dangedes injustices dont souffre « Diviser reux, tout aussi bien pour la masse. un pouvoir confronté à l’armée est des populations agitées Pascal Affi Nguesune erreur par un mécontentement san, le président du profond, que pour le pays, qui pourrait parti de Laurent dont on empêche le être fatale. » Gbagbo, affirme : « Ce prince d’avoir une claire qui anime Mathias vision du monde et de gouverner sai- Doué et Jules Yao Yao, c’est un nement. Et c’est dans un tel contexte sentiment de vengeance. Ils n’acque le ciel tombe sur la tête de certains ceptent pas d’avoir été révoqués dirigeants. Distribuer de l’argent est la pour incompétence. » Que répire des solutions, et le prince doit se pondez-vous à cela ? garder de l’adopter. Dresser une parPascal Affi Nguessan ne l’a pas dit tie de la population contre une autre méchamment. Il sait ce que nous avons serait suicidaire. fait pour empêcher la liquidation de l’État. Aucune ambassade n’a fermé. Le L’armée est-elle contrôlée par la pays n’a pas été placé sous tutelle onuprésidence ou est-elle divisée? sienne. Aucune partie du pays n’a fait L’armée ivoirienne est effroyable- sécession. Nous avons permis à l’État ment divisée parce qu’elle a été politi- de gérer la crise de telle sorte que le sée de façon outrancière par le régime président Gbagbo soit reconnu comme actuel. Un pouvoir ne doit pas avoir ses chef suprême des armées. Le 4 juillet gens et les dresser contre d’autres dans 2003, les FDS et les Forces armées des J.A./L’INTELLIGENT N° 2329 – DU 28 AOÛT AU 3 SEPTEMBRE 2005
AFRIQUE SUBSAHARIENNE portant, Doué peut compter également sur une partie des soldats loyalistes démotivés et déçus par le traitement qu’on leur réserve et, surtout, sur des officiers frustrés, voire remerciés. Au premier rang desquels se trouve le populaire lieutenant-colonel Jules Yao Yao, ancien porteparole des Fanci (Forces armées nationales de Côte d’Ivoire), deuxième sur la liste des « purges » effectuées par le chef de l’État au sein de l’armée et limogé le 23 juin. Les récentes accusations de cet officier supérieur contre les proches de Gbagbo, depuis son passage à tabac le 28 juin à sa sortie de l’ambassade de France et la mort de son compagnon le colonel-major Ali Désiré Bakassa Traoré, ne sont pas étrangères à la volonté de Mathias Doué de « se rappeler au bon souvenir » des Ivoiriens en brandissant la menace de la guerre civile.
Ces alliances surprenantes entre le Guéré qu’est Doué et le Dioula qu’est Soro, à l’image de la réconciliation des frères ennemis houphouétistes, Henri Konan Bédié et Alassane Dramane Ouattara (ADO) signée en mai à Paris, montrent qu’au-delà des divisions ethniques, idéologiques ou politiques, de nombreux acteurs de la crise ivoirienne se retrouvent peu à peu dans le même camp, réuni par un seul slogan : « Tout sauf Gbagbo ». Dans l’interview qu’il a accordée à J.A.I., alors qu’il n’était encore rentré ni en Côte d’Ivoire ni même en Afrique de l’Ouest, l’ancien chef d’état-major explique comment il s’est retrouvé de l’autre côté de la barrière et revient sur ses déclarations du 19 août. Que veut-il ? Avec qui ? L’homme le plus secret de la grande muette en dit un peu plus. ■
V. FOURNIER/J.A.I.
coup d’État militaire » Ce schéma a été agréé par l’autorité politique. Nous avons donc commencé à le mettre en œuvre. Et l’exécution de notre feuille de route nous a rapprochés de la position du ministre d’État Aboudramane Sangaré [NDLR: l’un des chefs de file du Front populaire ivoirien de Laurent Gbagbo], qui parlait d’un « retour à la paix par la négociation politique ». Car il s’agit avant tout d’une querelle entre frères. Malheureusement, dès octobre 2003, les militaires ont pris une bonne longueur d’avance sur les politiques dans la réalisation de ce programme. L’entourage du président Le général Doué à son domicile d’Abidjan au cours d’une précédente interview. n’a pas procédé au changement stratégique que Forces nouvelles (FAFN) ont déclaré 2003, les deux parties ont mis défini- commandait l’évolution de la situaqu’elles se plaçaient sous l’autorité du tivement fin à la guerre en Côte tion. Il a enfermé le président dans sa président Gbagbo, à qui nous avons ra- d’Ivoire. Depuis cette date, il n’y a pas logique de guerre. Pourtant, le présimené les rebelles d’hier. Imaginez en eu de reprise de la guerre à propre- dent Gbagbo avait bien compris le méAfrique des rebelles qui déjeunent avec ment parler. Au niveau de l’état-major, canisme, tout comme Affi Nguessan le chef de l’État qu’ils ont reçu pour nous avons donc procédé à une rup- qui, au demeurant, a joué honnêteture de stratégie et soumis à l’autorité ment sa partition. mission de renverser! Bref, nous ne réagissons pas par venLorsqu’il a été question de réagir par politique un schéma en quatre phases les armes aux attaques de la rébellion, qui devait affaiblir progressivement le geance. Nous venger de qui ou de les FDS ont donné le meilleur d’elles- caractère nocif de la rébellion et réta- quoi? À l’état-major, nous avons géré mêmes. Puis, à la suite des rencontres blir la suprématie de l’autorité de ce conflit avec le souci d’éviter à notre de Lomé, de Marcoussis et de Kara, un l’État. Ce plan devait conduire aux pays une crise qui pourrait durer des contexte de paix s’est ouvert. Dans élections d’octobre 2005 dans un années. Inutilement. À moins que des personnes ne tirent profit de cette sileur déclaration conjointe du 4 juillet contexte de réconciliation nationale. J.A./L’INTELLIGENT N° 2329 – DU 28 AOÛT AU 3 SEPTEMBRE 2005
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AFRIQUE SUBSAHARIENNE
Vous avez été révoqué en novembre 2004. N’auriez-vous pas mieux fait de démissionner ? Pourquoi n’êtes-vous pas allé au bout de vos intentions les trois fois où vous avez proposé votre démission et où celle-ci a été refusée ? Il faut savoir comment fonctionne le système dans lequel nous évoluons. Insister sur ma démission et réagir sur un coup de tête Avec le président Gbagbo, le 7 août 2004, lors de la fête de l’indépendance à Abidjan. aurait mis en péril la vie des miens, celle de mes collaborateurs et de certains de mes amis. tentes et expérimentées. Il serait inLe 4 juillet 2003, les Forces armées C’est une réalité que j’ai prise en consi- vraisemblable, et donc très surprenant, nationales de Côte d’Ivoire et les que la communauté internationale ne Forces armées des Forces nouvelles dération, pesée et soupesée. dispose pas, à ce stade, des pièces à ont affirmé leur subordination au préAvec Jules Yao Yao, vous dé- conviction qui lui permettent de bou- sident de la République et au gouvernoncez aujourd’hui les esca- cler le dossier Côte d’Ivoire. nement de réconciliation nationale. drons de la mort. Pourquoi ne Les Forces nouvelles ont donc soutenu Deux jours après votre décla- le retour à l’unité et à la concorde nal’avez-vous pas fait dès 2002 ? Nous en avions parlé très souvent ration du 20 août sur RFI, la tionale. Ce jour-là, quand la rébellion avec les autorités du palais présiden- France a invité « chacun à res- a fait une telle déclaration au palais tiel. J’ai personnellement convoqué pecter les engagements » pris en présidentiel devant le chef suprême à l’état-major certains des membres avril dernier à Pretoria. Ne vous des armées, je n’ai pas pu m’empêcher des escadrons de la mort. J’ai envoyé êtes-vous pas senti désavoué ? de dire avec la plus grande sincérité au Pas du tout. Refaites une lecture des président Gbagbo, en le regardant des gens vers des personnalités qui différentes réactions des droit dans les yeux : « Monsieur le Prépouvaient neutraliser diverses instances qui se sident, vous êtes un homme chanceux. l’influence de ce phéno« Je suis sont prononcées et vous Alors qu’ailleurs, sur cette terre afrimène, dont la solution relève en réalité du pouvoir. en partance verrez à quel point la sub- caine, des sociétés sont liquidées après tilité qui caractérise leurs des décennies d’aberrations tragiques, pour en rend les vous en sortez grandi. Offrez la paix Quand vous dites l’Afrique de déclarations termes pertinents. que le départ de Lauà votre peuple pour la fin de l’année, l’Ouest. » rent Gbagbo est la et tout sera accompli. » Pour toute réE n d e h o r s d e s ponse à cette adhésion historique à condition unique pour le retour de la paix en Côte Forces nouvelles, aucun parti et son destin, que nous a dit le président, d’Ivoire, vous prenez le contre- aucun État ne semble soutenir ce 4 juillet 2003 ? « Je considérerai la pied de la médiation de l’Union votre démarche. Êtes-vous seul ? guerre finie quand j’en déclarerai moiafricaine conduite par Thabo Avez-vous des contacts avec des même la fin. » Vous voyez la suite ? Mbeki. Ne craignez-vous pas chefs d’État d’Afrique de l’Ouest Nous la vivons. d’être très isolé sur la scène in- ou avec d’autres présidents africains ? ternationale ? Le 20 août dernier, vous avez Je ne suis pas Jean-Baptiste qui dit que vous étiez en train de Pour le commun des mortels, la communauté internationale est une grosse crie dans le désert. Regardez, et vous faire vos bagages pour rentrer machine, lourde à mouvoir, qui n’en- verrez. au pays. Où en êtes-vous aujourtend rien, ne voit rien, ne sait rien. En d’hui ? Avez-vous adhéré aux Forces réalité, elle fonctionne de façon raJe suis sur le continent, en partance tionnelle avec des personnes compé- nouvelles, ou allez-vous le faire ? pour la sous-région. ■ 70
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I. SANOGO/AFP
tuation de « ni guerre ni paix ». Le peuple ivoirien ne mérite-t-il pas qu’on lui offre enfin la paix ? C’est notre préoccupation majeure.
AFRIQUE SUBSAHARIENNE
ANGOLA Le 11 novembre prochain, le pays fêtera le trentième anniversaire de son accession à l’indépendance. Ravagé par une longue guerre civile, pourra-t-il enfin goûter aux bienfaits d’une paix durable et de l’alternance démocratique?
En attendant
les élections
Cherif Ouazani, envoyé spécial à Luanda
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grossir la population de la capitale, qui connaît alors une véritable explosion démographique. Une interminable guerre civile Après la guerre de libération, l’Angola accède à l’indépendance le 11 no-
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a capitale angolaise a des al- plantations du Brésil, de Cuba ou lures d’ancienne reine de d’ailleurs – à l’intérieur des terres. Cible beauté qui aurait mal vieilli. de ces safaris particuliers: les BakonConstruite au XVIIe siècle, gos du Nord et les Ovimbundus, esLuanda se distingue par une magni- sentiellement concentrés dans le fique configuration géographique et centre et le sud du pays. Au fil des ans, un formidable brassage ethnique, pro- les affranchis, les esclaves fugitifs se duit d’une histoire mouvementée. Avec la Ilha, « l’île » – qui Intense activité constitue, en fait, une sur le front de mer. simple avancée de L’agglomération terre vers l’océan –, sa luandaise donne baie offre un superbe l’image d’une cité port naturel. La cité en pleine mutation. basse, ancien comptoir de la traite négrière, se consacre aux activités commerciales, financières et portuaires. Endiama, la société d’État qui détient le monopole de l’exploitation diamantifère (2 milliards de dollars de chiffre d’affaires en moyenne par an) y côtoie le siège, toujours en construction, de la Sonangol, le groupe pétrolier étatique, et ceux des grandes banques. La ville haute, avec son église et ses bâti- sont fixés dans cette ville baptisée par ments officiels, concentre les pouvoirs les colons portugais « Nova Lisboa ». Ils spirituels et temporels. peuplent les musseque (« bidonvilles ») L’arrivée des colons a entraîné un – qui doivent leur nom au sable rouge certain métissage de la population. sur lequel sont bâties ces habitations Pendant longtemps, la capitale ango- de fortune. Dans les années 1950, le laise a vécu de ses activités de transit, régime portugais de Salazar décide de qu’il s’agisse des richesses minières de renforcer l’implantation portugaise en l’arrière-pays – et de l’or, en particu- Angola : il y expédie des soldats soulier – ou des esclaves. Les négriers al- mis à des sanctions disciplinaires et y laient chercher leurs « pièces » – terme déporte des prisonniers de droit comcommunément utilisé pour désigner la mun. Employés par l’administration « marchandise » humaine destinée aux coloniale, ces degradados viennent J.A./L’INTELLIGENT N° 2329 – DU 28 AOÛT AU 3 SEPTEMBRE 2005
vembre 1975. Mais le départ du dernier soldat portugais coïncide avec le début d’une guerre civile qui durera près de vingt-sept ans, l’Union pour l’indépendance totale de l’Angola (Unita, de Jonas Savimbi) et le Front de libération nationale de l’Angola (FLNA, de Roberto Holden) contestant la prise du pouvoir par le Mouvement populaire pour la libération de l’Angola (MPLA, d’Agostino Neto), d’obédience marxiste. Ce conflit particulièrement meurtrier devient l’un 71
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La métamorphose de Luanda En juin 2005, Luanda donne l’image d’une ville en pleine mutation. Les recettes pétrolières, qui ont atteint plus de 6 milliards de dollars en 2004, ont relancé de nombreux chantiers. Le BTP, jadis chasse gardée des grandes entreprises portugaises, fait l’objet d’une concurrence effrénée. À Praia do Bishpo, à la sortie sud de la capitale, s’érige un immense complexe résidentiel assorti d’un vaste centre 72
commercial. Des opérateurs sud-africains réalisent un projet hôtelier à l’entrée de la Ilha. Pékin entend, lui aussi, s’arroger une part du gâteau de la reconstruction, accordant un prêt concessionnel, via l’Eximbank chinoise, aux autorités angolaises. Ce prêt donne aux entreprises chinoises accès aux infrastructures, dans un pays où tout est à réaliser, rénover ou restaurer. Comment expliquer que cet accord financier consenti par l’empire du Milieu suscite à ce point l’enthousiasme du gouvernement, qui dispose tout de même de près de 9 milliards de dol-
tion africaine. Quant à la petite corruption – celle qui achète la complaisance des policiers, par exemple –, elle est plutôt perçue comme une forme de redistribution de la rente : le salaire d’un agent de la circulation n’excède pas 6 000 kwenzas, soit un peu plus de 60 dollars. » De fait, ce syndrome du sous-développement qui sévit dans la plupart des capitales africaines prend plutôt pour cible l’étranger, qu’il soit pétrolier, diplomate ou simple visiteur, certains barrages routiers, par exemple, visant uniquement les véhicules immatricu-
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des enjeux de la guerre froide : l’Unita et le FLNA sont soutenus par l’Occident et l’Afrique du Sud ; le MPLA, par le bloc soviétique et Fidel Castro. Peu à peu, le FLNA rentre dans le rang, mais l’Unita, qui occupe les quatre cinquièmes du territoire, dont les zones riches en diamants, reste incontournable. Médiations régionales et interventions de la communauté internationale aboutissent à des accords de paix, transgressés à peine signés. Après l’effondrement de l’URSS et la fin de l’apartheid en Afrique du Sud, l’année 1992 inaugure un processus électoral. Un Parlement de 220 députés (dont 127 représentants du MPLA) est élu. Mais la présidentielle tourne court. Son second tour, qui devait opposer Eduardo Dos Santos, au pouvoir depuis la mort d’Agostino Neto en 1977, à Jonas Savimbi, n’aura pas lieu, ce dernier contestant le résultat du premier scrutin. La guerre reprend de plus belle. Elle fera près de 1 million de morts et plus de 3 millions de réfugiés. L’usage intensif des mines, avec plus de 5 millions d’engins disséminés sur l’ensemble du territoire, mutile des centaines de milliers de personnes et empêche toute activité économique, notamment agricole. Assiégé de toute part, le gouvernement MPLA n’exerce plus son autorité qu’à Luanda et dans sa périphérie immédiate. Il semble au bord de la chute, quand un imprévu change la donne : la découverte d’immenses gisements pétroliers au large des côtes angolaises. Le produit des hydrocarbures rétablit quelque peu l’équilibre militaire entre les belligérants, mais la guerre ne prendra fin qu’en février 2002, lorsqu’une unité des Forces armées angolaises (FAA) réussit à éliminer Jonas Savimbi. Décapitée, l’Unita démobilise ses combattants et se transforme en parti politique.
Sur le marché de Roque Santeiro, à la périphérie de la capitale.
lars de revenus annuels (diamants compris) ? Cette euphorie s’explique par les rapports exécrables que Luanda entretient avec la communauté financière internationale. La Banque mondiale et le FMI reprochent à l’équipe du Premier ministre Fernando Dos Santos (sans lien de parenté avec le président de la République) l’opacité des revenus pétroliers et une mauvaise gouvernance. « La corruption sévit à tous les niveaux », note un rapport de l’organisation Transparency International. Les Angolais, qui professent un nationalisme sourcilleux et considèrent leur patrie comme un bien inaliénable, ont tendance à modérer ce jugement : « Il est de plus en plus difficile, pour les hauts fonctionnaires ou les cadres des entreprises publiques, de détourner de l’argent, note Fernando Alvim, artiste indépendant, organisateur de la Triennale de Luanda, un festival consacré à la créa-
lés CD (corps diplomatique). Pourtant, le visiteur qui revient à Luanda après plusieurs années d’absence constatera que la misère a reculé. Si la criminalité persiste, les risques d’agressions nocturnes sont en nette régression. On voit moins d’enfants qui traînent dans les rues. Les condogueiros, les chauffards de taxi-brousse, sévissent toujours, mais les kionomatières, ces femmes cambistes qui agitaient des liasses de billets en pleine rue, ont disparu. Désormais, on change la monnaie dans les supermarchés ou dans des bureaux spécialisés, présents dans tous les quartiers de la métropole. En septembre 2005, Luanda entrera en campagne : des élections générales sont prévues pour septembre 2006. « L’opinion est convaincue, et elle n’a pas tort, que le vote sera dénué de tout suspense, assure Americo Gonzalves, directeur de rédaction de la Presse indépendante. La
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IL NOUS A RENDU VISITE AU
57 BIS, RUE D’AUTEUIL
Martin Ziguélé Ancien Premier ministre centrafricain, candidat à l’élection présidentielle du 8 mai 2005.
Promouvoir l’Afrique centrale
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victoire du MPLA ne fait pas de doute. Le président Eduardo Dos Santos n’a aucun rival d’envergure et l’opposition se trouve dans un tel état de délabrement qu’il lui sera difficile de prétendre à la majorité au sein du futur Parlement. » Le MPLA semble donc sortir indemne de trente années de pouvoir. « L’usure a plus touché l’Unita, tenue pour responsable de la guerre civile, analyse un diplomate ; alors que le MPLA bénéficie d’un éternel état de grâce en raison de sa victoire militaire. » Lutte contre la corruption, reconstruction du pays, relance de l’économie… la perspective de ces chantiers immenses ne semble pas entamer l’optimisme des Angolais. « Bien sûr, le quotidien n’est pas facile, avec des coupures d’eau et des délestages de courant électrique à toute heure de la journée, mais les prochaines élections devraient légitimer le pouvoir. Et avec les ressources humaines, minières et pétrolières de ce pays, le nouveau gouvernement n’aura plus d’excuses s’il ne réussit pas à faire décoller l’économie, à améliorer le cadre de vie des Angolais et assainir la gestion des finances publiques », affirme Americo Gonzalves, qu’on ne peut soupçonner de sympathie particulière à l’égard d’Eduardo Dos Santos ou du MPLA. Un point de vue largement partagé par la rue luandaise. « On sait que l’alternance n’est pas pour 2006, mais elle pourrait intervenir dès 2012, si le gouvernement ne fait pas ses preuves. Garder cette possibilité de choix, c’est ce qui sauvera ce pays. » Bref, il n’y aura pas de solution en dehors de la démocratie. La société angolaise d’aujourd’hui peut-elle être qualifiée de démocratique ? Certainement pas. Les opposants ne peuvent se plaindre d’être victimes d’une répression féroce, mais les services de renseignements constituent toujours une sorte de police politique. « Aucun de mes articles n’a subi de censure, note un éditorialiste de la presse privée, mais j’ai la désagréable impression qu’un œil me scrute en permanence et que mon téléphone cellulaire est sur écoute. Je m’en accommode et reste persuadé que ces pratiques n’auront plus cours dans quelques années. » En espérant que l’avenir lui donnera raison. ■
L
orsque vous l’interrogez sur la présidentielle du 8 mai 2005, Martin Ziguélé fait preuve de fair-play. Bien sûr, le « candidat malheureux » ne cache pas sa déception quant à sa défaite face au président sortant, François Bozizé. Mais il n’est pas amer pour autant. En tout cas, ne comptez pas sur lui pour jeter de l’huile sur le feu. Certes, il a déposé trois requêtes auprès de la Commission électorale mixte indépendante (Cemi), dénonçant les fraudes et les irrégularités constatées durant la préparation et le déroulement du scrutin. Mais il reconnaît par ailleurs que la Cemi centrafricaine a « mieux travaillé que la moyenne africaine », même si elle peut mieux faire : « Les élections sont censées permettre l’expression d’un choix républicain. La leçon principale que j’en ai tirée est que ce vote a certes permis au pays de revenir à la légalité constitutionnelle, mais ce n’est pas encore un retour à la démocratie. » Loin de vouloir attiser les rancœurs, Ziguélé se veut légaliste jusqu’au bout : « Je suis allé aux élections pour marquer la volonté du MLPC [Mouvement de libération du peuple centrafricain] de se placer dans un cadre constitutionnel. À quoi cela aurait servi d’appeler à la révolte, comme certains l’ont fait au Togo après la présidentielle du 24 avril dernier ? Notre pays n’avait vraiment pas besoin de cela. » Un exemple de modération qui tranche avec celui qui reste le président du MLPC, l’ex-chef de l’État Ange-Félix Patassé. Alors qu’il est toujours le numéro un du parti, Patassé vit en exil à Lomé, et le MLPC est actuellement dirigé par son premier viceprésident, Luc Apollinaire Dondon-Konamabaye. Ziguélé, lui, est toujours membre du conseil politique national du Mouvement. Après sa prestation plus qu’honorable à la dernière présidentielle, va-t-il se voir confier de nouvelles responsabilités au sein de cette formation ? « Quoi qu’il en soit, il faudrait organiser un congrès pour en décider. Si le parti a besoin de moi, je répondrai présent. Mais je ne suis pas demandeur. » Aujourd’hui, l’intéressé a repris ses activités professionnelles, partageant son temps entre Paris et l’Afrique. « J’ai décidé de continuer de travailler comme consultant indépendant, à partir de Paris d’abord, puis de Bangui ensuite, dans le domaine de la finance et de la promotion des investissements privés. C’est ce que les anglophones appellent le business facilitation. Mon souhait est de promouvoir l’Afrique centrale en général, et la République centrafricaine en particulier, auprès des opérateurs internationaux. Car, en dehors du pétrole, nos pays recèlent de nombreuses potentialités, même s’ils demeurent mal connus. Je veux donc faire du lobbying, attirer les investissements directs étrangers dans la zone. » Bref, Martin Ziguélé veut surtout se rendre utile : « Après avoir travaillé une vingtaine d’années dans le domaine de l’assurance, puis à la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC) et enfin comme chef du gouvernement centrafricain, j’ai acquis une certaine expertise en matière de gouvernance en Afrique, et mon séjour français m’a permis de comprendre que l’Afrique centrale et plus particulièrement mon pays sont encore terra incognita, mis à part de quelques initiés. J’espère simplement pouvoir en faire profiter mon pays. » ■ Jean-Dominique Geslin 73
AFRIQUE SUBSAHARIENNE
BURUNDI Après l’élection le 19 août d’un ex-rebelle hutu à la présidence de la République, le pays entre dans une nouvelle ère. Avec tous les risques que cela implique.
Faut-il croire
à la paix?
Philippe Perdrix
U
ne étape déterminante a certainement été franchie, mais la résolution du conflit burundais demandera encore du temps. Le 19 août, l’ancien chef rebelle des Forces pour la défense de la démocratie (FDD), Pierre Nkurunziza, est devenu le premier président élu du Burundi depuis l’assassinat de Melchior Ndadaye par des militaires en 1993. « L’autre petit pays des Grands Lacs » plongeait alors dans le cycle infernal des violences interethniques, entre une armée dominée par les Tutsis et une rébellion essentiellement composée de Hutus. Au fil des massacres, cette guerre civile a fait au moins 300000 morts, essentiellement parmi les civils. En 1996, une commission d’enquête des Nations unies parle « d’actes de génocide ». Moins de dix ans après, force est de constater que ce scrutin marque une rupture, même si son issue ne faisait aucun doute. Seul candidat en lice après la très nette victoire de son parti, le CNDD (Conseil national pour la défense de la démocratie), lors des précédentes élections législatives et sénatoriales, Pierre Nkurunziza l’a emporté dès le premier tour avec 151 voix sur les 166 députés et sénateurs réunis en Congrès. Le maquisard reconverti, mais qui rechigne toujours à porter le costume, a dans une courte allocution en kirundi (la langue nationale) remercié « les parlementaires, la population et la communauté internationale ». Que de chemin parcouru pour cet homme qui a seulement abandonné les armes et rejoint le pouvoir de transition en 2003 après de longues et laborieuses négociations ! Durant sa campagne électorale, ce tout nouveau leader politique s’est
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engagé à relever trois défis : la sécurité pour tous, la réconciliation entre Burundais et la reconstruction d’un pays totalement ravagé par les affres de l’ethnicisation. Trois défis pour un chantier colossal. « Pierre Nkurunziza a conscience des difficultés, mais la tâche s’annonce très difficile. Le Burundi est économiquement, politiquement et moralement délabré », résume Jean-Marie Vianney Kavumbagu, le président la Ligue de défense des droits de l’homme Iteka (« dignité », en kirundi). Conformément à l’accord d’Arusha signé en août 2000, grâce notamment à la très forte implication de Nelson Mandela, le Burundi s’est engagé sur la voix de « l’équilibre ethnique ». La Constitution adoptée par référendum en février dernier fixe même des quotas destinés à être appliqués dans les différents rouages de l’État. Un partage du pouvoir censé être dissuasif… C’est à présent chose faite au Parlement. La composition du prochain gouvernement va être suivie avec attention et la réforme annoncée de l’armée burundaise est
en cours. À terme, il est prévu qu’elle soit composée à égalité de militaires tutsis et d’ex-rebelles, mais le nouveau chef de l’État aura certainement fort à faire avec certains officiers soucieux de conserver leurs prérogatives. Au total, le programme Démobilisation, désarmement, et réinsertion (DDR) concerne plus de 70000 ex-combattants issus des deux camps. Il va falloir, aussi et surtout, rassurer la minorité tutsie (environ 15 % des 7 millions de Burundais), qui considérait « son armée » comme une protection face aux « menaces génocidaires ». Le fait que le dernier mouvement rebelle des FNL (Forces nationales de libération) n’ait pas encore déposé les armes constitue, de ce point de vue, une sérieuse hypothèque. Pis encore, son champ d’action semble s’étendre. Cantonnés jusqu’à présent dans la province de Bujumbura rural, les FNL ont récemment lancé une attaque dans le nord du pays, à Kayanza. Et cela bien que des pourparlers soient régulièrement annoncés. Comment dans ces conditions plaider pour la réconciliation alors que les craintes – légitimes – sont encore loin d’être dissipées ? « Il faut mettre fin à l’impunité qui ronge notre pays, estime Jean-Marie Vianney Kavumbagu. Et cela passe par le rétablissement de la justice et de la vérité. Les criminels doivent être jugés. C’est la seule façon de redonner confiance à la population envers les institutions. » La ligue Iteka demande que les dossiers les plus lourds soient menés à leur terme, qu’il s’agisse d’officiers mis en cause, d’anciens
CHRONOLOGIE ■ 22 octobre 1993 Assassinat du président Melchior Ndadaye par des soldats tutsis. Début des violences interethniques. ■ 1998 Début des négociations de paix entre autorités et rébellion. ■ 28 août 2000 Signature de l’accord de paix d’Arusha (Tanzanie). ■ 15 novembre 2003 Signature du « protocole de Pretoria », imposant le partage du pouvoir entre Hutus et Tutsis. ■ 28 février 2005 Adoption par référendum de la Constitution. ■ 3 juin 2005 Élections communales. Victoire du Conseil national pour la défense de la démocratie (CNDD). ■ 4 et 29 juillet 2005 Victoire du CNDD aux élections législatives et sénatoriales. J.A./L’INTELLIGENT N° 2329 – DU 28 AOÛT AU 3 SEPTEMBRE 2005
J.-P. AIME/REUTERS
Pierre Nkurunziza avec ses supporteurs devant le Parlement, le19 août, quelques instants après son élection.
dignitaires politiques ou bien encore d’ex-rebelles. À n’en pas douter, ce travail de mémoire exigera de la patience et du courage. Des compromis aussi. Le 26 août, Pierre Nkurunziza devait prêter serment devant la présidente de la Cour constitutionnelle, une magistrate qui l’avait condamné à mort en 1996 après une série d’attentats dans Bujumbura. L’ancien chef de guerre, qui dément toute implication, avait, à l’époque, dénoncé « une machination judiciaire ». Face au défi de la reconstruction dans un pays à l’économie dévastée par douze ans de guerre civile, le nouveau chef de l’État insiste sur « la bonne gouvernance et un développement pour et par le peuple ». L’enjeu est de taille. Le Burundi est le quatrième pays le plus pauvre au monde. L’espérance de vie ne dépasse pas les 41 ans et 70 % de la population vit avec moins de 1 dollar par jour. Pour mener à bien ce programme, le CNDD dispose à présent de tous les leviers du pouvoir. « Cette situation comporte toutefois les risques d’une dérive totalitaire », tempère un observateur qui souligne le manque d’expérience des nouveaux dirigeants. Tout dépendra aussi de l’attitude de la nouvelle opposition articulée autour des deux partis qui
ont dominé les années de transi- Paul Kagamé entretient d’excellentes tion, l’Uprona (Unité pour le progrès relations avec son nouvel homonational, à majorité tutsie) et le logue, dont les talents de négociaFrodebu (Front pour la démocratie teur ne sont plus à démontrer. « La du Burundi, à majorité hutue). Pour confiance est de retour », concluent le premier, électoralement margi- plusieurs diplomates en poste dans nalisé, l’heure est plutôt à l’atten- la région. « Nous faisons face à une tisme. Quant à la formation du pré- nette augmentation du nombre de sident sortant Domitien Ndayizeye, réfugiés burundais rentrant des secouée par des divisions internes, camps situés en Tanzanie », sousa ligne de conduite demeure floue. l i g n e p o u r s a p a r t l e H a u t « La possibilité d’un rapprochement Commissariat des Nations unies entre certains dirigeants radicaux pour les réfugiés (UNHCR), qui prédu Frodebu et les FNL voit le retour au pays de doit malheureusement « On saura quelque 20 000 perêtre prise en considérasonnes en août contre dans cinq 3 116 enregistrés en tion », avertit le président de la ligue Iteka. juin, sur un total de ans si le Devant composer sur 000 déplacés. processus 300 le plan intérieur, les Pour autant, si l’espoir nouvelles autorités a réussi. » renaît dans les collines, jouissent en revanche la paix au Burundi d’un accueil très favorable au-delà est-elle définitivement de retour ? de ses frontières. Une dizaine de « Si dans cinq ans l’élection présichefs d’État, essentiellement de la dentielle se déroule comme celle-ci, région des Grands Lacs, devaient dans le calme, on pourra dire que assister à l’investiture de l’ex-chef le processus a réussi », répond rebelle le 26 août. Les présidents l’ancien chef de l’État, le major Pierre rwandais, ougandais et congolais Buyoya (Uprona). D’ici là, il faut étaient notamment attendus. Les continuer à briser les idéologies anciens FDD bénéficient de bons extrémistes, isoler les politiciens qui contacts au Kenya et en Tanzanie, alimentent les peurs, et tenter de où certains de leurs dirigeants ont dépasser la fracture ethnique. Le résidé durant les années d’exil. Plus pari est risqué, mais pas impossible surprenant, à Kigali, le président à tenir. ■
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LIRE, ÉCOUTER,VOIR TENDANCE Les blogs se développent à grande vitesse. Anonymes ou écrivains renommés, tous sont séduits par la liberté et l’interactivité que leur offre le cyberespace.
Des écrivains sur la Toile Horace Ndenga
L
’écrivain congolais Alain Mabanckou aime la palabre. Il l’a prouvé il y a peu avec son roman Verre cassé (Le Seuil), acclamé par la critique comme par les lecteurs. Il le démontre de nouveau en se lançant dans l’aventure du « blog ». Oublié le bon vieux manguier sous lequel on devisait à bâtons rompus aux heures les plus chaudes de la journée ! Désormais, il est possible de discuter en direct sur la Toile, de tous les sujets et sans limite de frontière. Seul prérequis indispensable : posséder un ordinateur et une connexion Internet ou un abonnement au cybercafé le plus proche. « Blog » : ce n’est pas une onomatopée dégoûtante, mais l’abréviation du mot anglais weblog, que l’on pourrait traduire par « cybercarnet ». Pour l’instant, l’Académie française n’a pas proposé de traduction officielle. Il serait d’ailleurs temps qu’elle se penche sur le sujet, tant la « blogosphère » – le monde des blogs – se développe à grande vitesse sur Internet. « Blog », « cybercarnet », mais encore ? Ces vocables désignent tout simplement un site Internet plus ou moins élaboré sur lequel tout un chacun, vous comme moi, peut écrire ses pensées du jour et les livrer au cyberespace. C’està-dire aux internautes du monde entier. Créer un blog (voir encadré) ne nécessite aucune compétence particulière en informatique et prend environ dix minutes. On peut y raconter sa vie et ses humeurs, montrer ses photos de famille, disserter sur la marche du monde, draguer, protester, raconter des blagues, se passer les nerfs, rédiger des articles... Nombre de jeunes collégiens et collégiennes ont abandonné le bon vieux carnet intime relié pleine peau (et fermant parfois à clef !) pour livrer leurs états d’âme, sans grande pudeur, à quiconque veut bien les lire. Diaristes dans l’âme, les écrivains se sont vite emparés de ce nouvel instrument et, quoique défenseurs acharnés du livre traditionnel en papier, se sont mis à « bloguer » avec ferveur ! 76
Dans la sphère francophone, l’écrivain français Pierre Assouline et la romancière déjantée Virginie Despentes comptent parmi les pionniers. Le ton du biographe de Hergé et celui de l’auteur de Baise-moi diffèrent bien sûr du tout au tout. Sur La république des livres (http://passouline.blog.lemonde. fr/livres/), Pierre Assouline fait œuvre de journaliste littéraire dans un langage très direct et très libre. Il commente l’actualité de l’édition, fait part de ses lectures ou de ses agacements. Plus égocentrique, Virginie Despentes raconte sa vie, ses potes, son chien et son travail sur Iloveyouso (sic !) (http://www.20six.fr/despentes). Créer son blog n’a bien sûr rien d’innocent pour un écrivain. Cela lui permet aussi de présenter ses livres et de proposer – pourquoi pas ? – une courte note biographique le concernant. En bref, se faire un peu de publicité: on n’est jamais mieux servi que par soi-même. Mais ainsi propulsés dans la foule anonyme des internautes, les auteurs qui bloguent avec sérieux sont tenus de répondre aux commentaires « postés » par leurs lecteurs. L’interactivité et la quasi-absence de censure font tout le sel de cette nouvelle forme de palabre. Le dramaturge et écrivain togolais Kangni Alem, auteur de Canailles et Charlatans (Dapper) est un lecteur de blogs assidu. « J’y recherche l’homme. Pas ses idées, mais ses humeurs. Bref, autre chose que sa posture publique. » Et il ajoute : « Autrefois, en Occident, on tenait salon. En Afrique, on tenait palabre. Rien de tout ça ne me branche. Pour moi, le blog devrait être lieu d’échanges décalés et plus risibles. » La mode du blog ne pouvait pas laisser les écrivains africains indifférents. Alain Mabanckou est le premier à s’être lancé. Son site, Le Blog d’Alain Mabanckou, (www.congopage.com/amabanckou_blog.php3), n’est pas qu’une façade publicitaire destinée à assurer la promotion de ses livres. On y débat, parfois avec rage, parfois dans la sérénité. L’écrivain propose des commentaires J.A./L’INTELLIGENT N° 2329 – DU 28 AOÛT AU 3 SEPTEMBRE 2005
conseil auprès de leurs aînés ou demander un avis sur un manuscrit. Plus nuancée sur la question, la jeune romancière libano-brésilienne Yasmina Traboulsi (Les Enfants de la place, Mercure de France) lit peu de blogs. « Je trouve cela assez narcissique », dit-elle. Et il est vrai que ces « journaux extimes » – l’expression est du romancier français Michel Tournier – tournent souvent autour du nombril de l’auteur. Au point, parfois, de ne pas dépasser le stade de l’autopromotion. Ainsi, les auteurs de polars à succès que sont le Sud-Africain Deon Meyer (www.deonmeyer.com) et le Botswanais Alexander McCall Smith (www.mccallsmith.com) proposent des sites Internet à leur propre gloire, où l’on peut tout savoir de leurs livres et de leur actualité, mais où l’interactivité est bannie. Plus intéressants, les sites du Marocain Tahar Ben Jelloun (www.taharbenjelloun.org) ou La « blogosphère » attire des millions d’internautes. du Djiboutien Abdourahman Waberi (http://waberi.free.fr) permettent de faire personnels que lui inspire l’actualité (« La frustration des connaissance avec ces deux auteurs et d’appréhender leur noirs du Brésil », « Attention, Michel Houellebecq arrive », monde. Mais ici aussi, pas de discussion possible. C’est « Quand la Belgique expose et révise son histoire colo- là tout ce qui fait la différence entre un site « vitrine » niale », par exemple) et ses lecteurs lui répondent. La et un « blog ». Ce dernier demande un véritable invesconversation s’envenime quand le romancier congolais tissement en termes de temps et de travail. Khadi Hane évoque… une interview de la Franco-Camerounaise le souligne : « Je ne tiens pas de blog. Je n’y ai jamais Calixthe Beyala parue dans J. A.I. n° 2327-2328 ! Le débat pensé, et de toute façon, ça doit prendre du temps de est enflammé, on frôle parfois l’insulte. Divers interve- le faire et… j’ai trop de boulot ! » La réflexion est juste : nants proposent leurs commentaires et combattent à fleu- si créer son blog est à la portée de tous, l’entretenir, l’alirets mouchetés. Il y a là des écrivains connus comme menter de chroniques nouvelles, répondre aux comles Togolais Kangni Alem et Sami Tchak (La Fête des mentaires, contrôler les dérives de la discussion est un masques, Gallimard), le Béninois Florent Couao-Zotti (Le véritable travail qui s’effectue au jour le jour, proche de Cantique des cannibales, Le Serpent à plumes), mais celui du journaliste. Sans rédacteur en chef ni censure, aussi des anonymes qui mais dans le respect des s’abritent derrière un lois. Diffamation ou CRÉER SON BLOG p s e u do n y m e : B o r i s, appel à la haine raciale Jennifer, Mayombe82, ne sont pas plus tolérés ■ Soyez sans crainte, cela ne coûte rien. Il vous Kissamba, Mpongo ou ici qu’ailleurs, cela va de suffit de posséder un ordinateur et une liaison Internet. Enaje. soi. Ou bien de vous rendre dans un cybercafé. Une dizaine Po u r l ’ é c r i v a i n e Palabres enrichisde minutes tout au plus seront nécessaires pour vous sénégalaise Khadi Hane santes ou logorrhées inscrire sur l’un des sites ci-dessous. Liste non exhaus(Le Collier de Paille, égocentriques, les blogs tive ! Et si vous n’avez pas l’âme d’un « blogueur » vous Ndzé), « un blog sert à sont appelés à prendre pourrez toujours lire les blogs des autres, et palabrer informer les internautes une place de plus en dans le cyberespace ! d’une manière ludique plus importante dans ■ www.afrikblog.com ■ www.20six.fr et personnelle. L’auteur notre vie. Au premier ■ www.afriblog.com ■ www.over-blog.com écrit son point de vue trimestre 2005, selon sur un sujet, et nous pouune étude de ComScore vons réagir sans censure, Networks, leur audience le critiquer, l’approuver, confronter nos points de vue, a fait un bond de 45 % aux États-Unis, attirant 49,5 milraconter nos expériences… Ce qu’un journal ne nous lions d’Américains. Et c’est évidemment l’actualité et permet pas de faire. » Le romancier togolais Théo la politique qui séduisent le plus de lecteurs (43 %), Anannissoh (Lisahohé, Gallimard), qui ne goûte guère loin devant les sujets high-tech (15 %), les blogs fémice jeu, s’inscrit en faux. Pour lui, le blog est trop fami- nins (8 %) et les blogs personnels (6 %). Dans ce foilier, « il tue la distance entre l’écrivain et le lecteur ». sonnement, chacun peut trouver son bonheur, et comme Pour certains, c’est au contraire une chance : nombreux les autres, les écrivains africains peuvent y faire sont les apprentis romanciers qui viennent chercher entendre leur voix. ■ J.A./L’INTELLIGENT N° 2329 – DU 28 AOÛT AU 3 SEPTEMBRE 2005
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LIRE, ÉCOUTER, VOIR
Fethi Benslama
(suite)
Pourquoi et comment en vient-on, au nom de sa foi, à massacrer des innocents et, le cas échéant, à sacrifier sa vie ? Dans la seconde partie de l’entretien qu’il nous a accordé, le psychanalyste tunisien s’efforce d’apporter quelques éléments de réponse.
L’islamisme,
ou le délire qui tue Propos recueillis par Hamid Barrada et Renaud de Rochebrune
A
près avoir longuement évoqué les rapports, souvent marqués par une incompréhension et une méconnaissance réciproques, entre islam et psychanalyse (J.A./l’intelligent n° 2327-2328), l’analyste tunisien Fethi Benslama s’efforce de démonter les mécanismes psychiques sur lesquels repose ce qu’il appelle le « national-théo-scientisme ». Autrement dit, le phénomène islamiste. ✸ JEUNE AFRIQUE/L’INTELLIGENT : Vous parliez de psychose à propos de la crise que traversent aujourd’hui les sociétés musulmanes. Le discours islamiste doit-il être assimilé à un délire ? FETHI BENSLAMA : Oui, avec l’aile la plus extrémiste du mouvement islamiste, nous sommes devant un délire, un délire de masse. Ce n’est pas la première fois dans l’histoire que des masses entières sont prises dans un délire. De tels phénomènes ont lieu lorsque des peuples s’aperçoivent que leurs références ne sont plus connectées avec le monde dans lequel ils vivent. Elles ne leur permettent plus de lire le présent. Au XXe siècle, la montée des mouvements 78
d’extrême droite en Europe a eu la même origine. Le nazisme, en particulier, n’était-il pas une idéologie fondée sur une théorie biologique, un scientisme qui a conduit à un délire collectif dont on a pu voir les effets ? Il y a des dizaines d’autres exemples. On a souvent traficoté la lecture de la Bible pour la relier avec une approche prétendument scientifique, comme le font aujourd’hui les islamistes avec le Coran. On nous présente désormais le christianisme et le judaïsme comme les deux véritables berceaux de la laïcité, mais ce n’est pas sérieux. Il suffit de se rappeler que Spinoza a été persécuté pour son rationalisme. Et de voir ce qui se passe, aujourd’hui encore, aux États-Unis avec les mouvements religieux qui prétendent réfuter Darwin. Alors que l’islam a connu au cours de son histoire des périodes de sécularisation extrêmement fécondes. C’est Averroès qui a dit – comment cette phrase serait-elle perçue aujourd’hui dans un milieu musulman ? – qu’il n’y a « rien dans la Révélation que la raison, par ses propres moyens, ne pourrait trouver ». Bref, il y a eu des périodes de sécularisation partout, même si toutes ne se sont pas affirmées contre la religion. J.A./L’INTELLIGENT N° 2329 – DU 28 AOÛT AU 3 SEPTEMBRE 2005
Fethi Benslama dans le jardin de son domicile parisien, le 8 juillet.
V. FOURNIER/J.A.I.
Vous évoquiez, outre la question des désordres père à Dieu. D’ailleurs, le père n’est pas si bien vu dans le texte qui accompagnent l’apparition d’une société mocoranique, il est avant tout une source d’illusion. Ainsi, l’islam derne, un second apport de l’islam à la psychanaapparaît comme une religion du fils, qui n’accorde aucun prilyse. Quel est-il ? vilège au père dans sa construction dogmatique. Et si le paJ’ai envie, en m’appuyant sur l’islam, de questionner la triarcat est si souvent la règle en terre d’islam, c’est donc pour psychanalyse à propos de problèmes supposés réglés. En pardes raisons antérieures à l’avènement de l’islam. Le mot père ticulier, je voudrais réexaminer cette affirmation de Freud n’est d’ailleurs jamais utilisé au singulier dans le texte coraselon laquelle Dieu serait le père. Je prends très au sérieux nique: on y parle toujours des pères, ou des pères et mères l’enseignement de l’islam à ce sujet, c’est-à-dire que Dieu n’est à la fois. pas le père. Je pense que, pour bien lire le Coran, il faut reQuelles conséquences pour la psychanalyse ? monter en amont, jusqu’à la Bible. On s’aperçoit alors que, Dans la mesure où la psychanalyse est en grande partie dans la Genèse, figure quelque chose d’essentiel à la généafondée sur une théorie du père, elles sont évidemment imlogie du monothéisme. À savoir qu’Isaac n’est pas le fils d’Abraportantes. Si l’on ne pense plus Dieu à partir du père mais à ham, lequel n’est qu’un père symbolique puisque c’est Dieu partir d’une autre place, beaucoup de choses changent. qui doit intervenir dans le corps de Sarah pour qu’elle mette Pour Freud, Dieu n’est qu’une projection, une image du miraculeusement au monde cet enfant. Donc, Isaac est le propère, protecteur, etc. Pour Lacan, au contraire, on ne peut pentotype de Jésus: c’est la même position. Tout « Je prends au sérieux l’enseignement de comme Abraham est dans la même position que Joseph. Dans le judaïsme et le christial’islam qui dit que Dieu n’est pas le père. » nisme, Dieu intervient dans la procréation. Ce qui n’est pas le cas dans l’islam: Abraham ayant fécondé ser le père qu’à partir de Dieu, lequel occupe une place vide, Agar, sa servante, il est un père réel. Dieu n’intervient pas, il la place de l’Autre. Mais il conserve le lien entre Dieu, le père est créateur mais pas procréateur. et la paternité, reprenant d’ailleurs dans un de ses séminaires Il y a donc une bifurcation généalogique. D’un côté, cecette formule toute chrétienne des noms-du-Père. Les nomslui de l’islam, Abraham est le père réel, Dieu n’intervient pas du-Père sont des signifiants qui, dans le langage, sont essendans la procréation d’Ismaël, lequel est exclu et renvoyé dans tiels à la construction du sujet. Mais si Dieu occupe vraiment le désert avec sa descendance. De l’autre, Dieu intervient dans une place vide, pour quelle raison devrait-on conserver cette la procréation d’Isaac et de Jésus. C’est à partir de là qu’apnotion? paraissent les deux lignées du monothéisme. Et qu’il devient Il faut savoir que, dans la psychanalyse, le père n’est pas possible d’examiner la constitution du mythe du père dans le père géniteur, c’est une métaphore. Il appartient à l’unichaque civilisation. vers symbolique. Si un homme se prend réellement pour le Les musulmans n’ont pas besoin d’articuler la figure du père, c’est catastrophique, il rend ses enfants fous. Pour faire J.A./L’INTELLIGENT N° 2329 – DU 28 AOÛT AU 3 SEPTEMBRE 2005
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LIRE, ÉCOUTER, VOIR celle dont procède la généalogie et, par là même, l’ordre symbolique, ne figure pas dans le texte fondateur : voilà un vrai refoulement ! Pour reconstituer le récit originaire, le coup de génie du Prophète fut alors d’imaginer des retrouvailles entre Abraham et Ismaël, une scène qui n’existe pas dans la Bible, tous deux entreprenant ensuite de construire la Maison de Dieu. J’ai ensuite essayé de montrer que le fondateur de l’islam est dans une posture mariale, ce qui expliquerait d’ailleurs la place importante de Marie dans le texte coranique. Marie et le Prophète étaient l’un et l’autre « vierges de toute lettre » – illettrés, donc –, disent les textes sacrés. Et puis, un ange vient à Marie pour lui insuffler le verbe... et le même ange vint à Mohammed pour qu’il reçoive la lettre. Enfin, je me suis intéressé à l’étymologie du mot qara’a, qui signifie à la fois « lit » et « conçoit »: la réception de la lettre – autrement dit: la capacité à recevoir de Dieu le texte sacré – serait équivalente à une gestation, elle consisterait à se mettre dans une position féminine vis-à-vis de Dieu. Trois éléments – la virginité, la visite de l’ange et la réception de la lettre – mettent donc Mohammed dans une position mariale. Autrement dit, du point de vue de l’islam, le Prophète serait plutôt à la place de Marie que de Jésus. Même si elle a été refoulée par la suite, il y a dans l’islam, à son origine, au lieu de sa fondation, une part féminine essentielle qui se trouve confortée par le rapport entre Mohammed et sa première épouse. Khadija joue en Miniature du XVe siècle représentant le sacrifice d’Abraham. effet un rôle capital lors de la Révélation. Elle reconnaît en Mohammed le Prophète, lui enseigne la distinction entre l’ange et le démon, etc. Tant que ont marqué l’histoire de l’islam, si je ramenais ces choses reKhadija, la première musulmane, a été vivante, aucun éléfoulées à la surface, je provoquerai peut-être des effets libément défavorable aux femmes n’a été introduit dans le texte rateurs. Freud pensait d’ailleurs que toutes les religions ont de la Révélation, dans le Coran. Ce n’est qu’après sa mort à voir avec le refoulement. Au fil de ma recherche, j’en suis qu’on note un basculement chez le Prophète. J’interprète ce arrivé à la conviction que la situation de la femme dans l’isbasculement comme un refoulement de sa constitution en lam n’est pas ce qu’on en dit le plus souvent. On soutient que tant que sujet prophétique, donc comme un refoulement de l’islam repose sur un système patriarcal, ce qui n’est pas très la position féminine qui a accompagné la réception de la lettre original. Mais on peut aussi, et surtout, soutenir que le cœur et du Verbe. À partir de ce moment, c’est le Mohammed de de ce système est le refoulement de la question féminine. C’est plus spécifique, et cela méritait examen. « Le cœur du système islamique est Une fois encore, je suis retourné à l’origine, à Abraham et à la Genèse. Et il le refoulement de la question féminine. » m’est apparu que, dans le texte coranique, Médine qui domine, c’est-à-dire celui de la conquête, l’homme tous les protagonistes de la Genèse sont présents, même s’ils d’État, etc. Il y a deux Mohammed. Le premier est dans une ne sont pas nommés. Tous, sauf un : Agar, la servante de Saposition mariale. Le second, qui devient un chef, dans une porah, qui est aussi la femme d’Abraham et la mère d’Ismaël, sition qu’un psychanalyste pourrait qualifier de phallique, l’« ancêtre des Arabes ». Le geste de répudiation d’Agar acen tout cas une position plus masculine. Laquelle implique compli par Abraham à la demande de Sarah, après la naisle refoulement de la position précédente. sance d’Ismaël, s’est donc poursuivi à travers son effacement Quelle a été la conséquence de ce refoulement ? dans le texte coranique. Est-ce parce qu’il était difficile pour L’islam traite les femmes d’une manière très particulière. le Prophète de dire aux fiers Arabes du désert que leur mère La place de ces dernières est en effet très différente dans les ancestrale était une servante, répudiée de surcroît ? De fait, autres textes monothéistes. Ce qui laisse à penser que la condiil y a eu un débat à ce sujet entre les musulmans au VIIIe siècle. Toujours est-il qu’Agar, la seule femme qui, d’après la Bible tion féminine en terre d’islam est en partie déterminée par et comme l’a noté Spinoza, a vu Dieu et s’est vu promettre par ce phénomène. En lançant le débat sur la question de la féLui une descendance équivalente à celle d’Abraham, est abminité dans l’islam, en tentant de lever ce refoulement, je peux sente du Coran. La figure de la mère fondatrice de l’islam, espérer produire certains effets, même si, bien sûr, ce travail MICHAUD/RAPHO
simple, disons qu’en se réinterrogeant sur le père, on s’interroge du même coup sur les fondements de l’univers symbolique, et donc sur les fondements de la psychanalyse elle-même. Dans votre dernier livre, vous évoquez beaucoup la place de la femme et du féminin dans l’islam. S’agit-il d’un point crucial du rapport entre islam et psychanalyse ? C’est en tout cas central dans mon travail. J’ai écrit ce livre avec l’idée que, si je traitais des périodes de refoulement qui
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MICHAUD
doit être poursuivi. En se demandant, par exemple, s’il n’y Évidemment, je simplifie beaucoup des questions compliaurait pas eu, à l’origine, une sorte de surestimation du féquées, mais on peut mesurer l’importance des enjeux. minin, qui expliquerait qu’on ait par la suite tenté de réduire Le rôle du complexe d’Œdipe ne dépend-il pas drastiquement sa place. Jusqu’à faire de l’islam une sorte de de la conception que l’on se fait du père ? monument contre-féminin, si je puis dire. La théorie de l’Œdipe est une théorie de la genèse du suCette question de la féminité dans l’islam peutjet humain. Elle dit, pour simplifier une nouvelle fois, que tout elle être reliée au phénomène islamiste ? être humain naît dans le conflit du désir entre un homme et On voit bien que la question de la femme, de son corps, une femme. Cela concerne tous les sujets, musulmans comde son statut, est un thème central, voire LE thème central, pris bien sûr. Ce que je conteste, c’est qu’on utilise cette théopour tous les mouvements islamistes. Ces « Pour les salafistes, les musulmans ne derniers savent très bien que si on touche à cela, tout leur édifice risque de s’effondrer. sont plus musulmans. » Quelles en sont les conséquences pour la psychanalyse ? rie pour tenter d’expliquer la genèse d’une culture et les Disons, pour donner au moins un exemple, que cela perfondements d’une civilisation. L’axiome œdipien permet de met sans doute d’approfondir la théorie lacanienne de la jouiscomprendre l’émergence du sujet humain, mais lorsqu’il s’agit sance. En particulier, comme je le développe dans mon livre de la constitution des cultures, il s’agit d’autre chose. à partir notamment des Mille et Une Nuits, celle de la jouisVous parliez tout à l’heure de « délire » à propos sance féminine, tellement mystérieuse, que la psychanalyse de l’islamisme. N’est-ce pas un peu réducteur ? N’y n’est parvenue à théoriser qu’en se référant à la religion, à a-t-il pas des islamistes sincères qui sont avant tout Dieu, au mysticisme. des gens très pieux ? Pensez-vous que cette interrogation sur certains Sans doute, mais un homme pieux peut aussi être délipoints théoriques à partir de l’islam puisse contrirant. Et je pense qu’une partie de l’islamisme est délirante, buer à une sorte de refondation de la psychanalyse ? en effet. C’est le cas du salafisme, cette théorie née simultaJe n’irai pas jusque-là. J’essaie simplement d’introduire nément en Égypte et en Afghanistan, au début du siècle derdes interrogations de nature à faire débat. Qu’est-ce qu’on apnier. Du fait de la modernisation du monde et de la création pelle « père »? S’il ne s’agit que du résultat d’une opération d’États musulmans, disent les salafistes, les sociétés musullangagière, comme le soutiennent certains psychanalystes, manes ont régressé, elles sont sorties de l’islam. Selon eux, les peut-on dire que les pères soient les seuls capables de « pormusulmans n’ont pas avancé dans le sens de la flèche du temps, ils ont traversé le portique de l’origine et en sont revenus à la période préislamique. C’est comme si quelqu’un disait: moi, je suis revenu à avant mon père. Comme si l’on pouvait être le père de son propre père ! Moyennant quoi, les salafistes soutiennent qu’il faut faire repasser les musulmans par l’origine. Voilà pourquoi ils demandent à des musulmans de se convertir – ce qui est plus que paradoxal: délirant. Pour eux, les musulmans ne sont plus musulmans. Si vous y réfléchissez, face à quelqu’un qui tient un tel discours, vous ne pouvez vous dire qu’une chose : il est fou ! Et c’est grave, parce que c’est cette folie qui mène à la violence. Pourquoi ? Parce qu’il s’agit d’un délire meurtrier. Ces gens se sont donné à eux-mêmes le rôle de vigile chargé de surveiller la Le Prophète prêchant dans la mosquée de Médine (miniature du XIVe siècle). porte de l’origine, afin de replacer ceux qui se sont fourvoyés dans la commuter » le registre du symbolique, les seuls porteurs de métanauté des humains. C’est un délire paranoïaque, cette enphore et de langage ? Et pas les mères, donc la moitié de vie de ramener les gens, coûte que coûte, dans le bon temps. l’humanité? Est-ce que les femmes peuvent transmettre ce qui Vous savez qu’en Algérie on a entendu des islamistes a rapport au symbolique sans en passer par le père ? Dans déclarer à leur victime, juste avant de l’égorger : « Remerl’islam, on pose Dieu et on pose le langage comme n’ayant pas cie-moi, car, par cet acte, je vais te permettre de ne pas mouaffaire au genre, au masculin et au féminin, à la paternité, etc. rir apostat ! » Dans un cadre normal, on parlerait de Le Dieu de l’islam n’est ni père ni homme ni femme, mais un psychopathes. Mais quand se développe un délire de masse, Dieu de la parole. C’est très intéressant, car le Dieu de la paquelqu’un de banal peut devenir un redoutable tueur. Beaurole véhicule l’espoir de voir apparaître une nouvelle forme coup de chrétiens le sont bien devenus, eux aussi, pendant de laïcité liée à une nouvelle conception de l’ordre symbolique. les croisades ! J.A./L’INTELLIGENT N° 2329 – DU 28 AOÛT AU 3 SEPTEMBRE 2005
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Est-ce applicable à Oussama Ben Laden ou s’agitidentitaire, ce qui est bien loin de l’intégrisme. C’est un projet il, en l’espèce, d’une violence d’une autre nature? Ben moderne, et qui ne se réduit pas au salafisme que nous avons Laden incarne-t-il une théorie ? évoqué. Il se propose, jusque dans la folie parfois, de faire exisJe ne le pense pas. Il me semble davantage avoir une ter un sujet moderne, puisque l’ancien est disloqué. Et cette opéposture de vengeur. Il y a autour de lui, dit-on, une « néburation intéresse évidemment un psychanalyste. leuse », et c’est vrai que tous ne tiennent pas le même discours. Pourquoi ce phénomène n’a-t-il lieu qu’aujourIls ont même parfois réussi à rallier des gens éloignés de leur d’hui. Pourquoi pas il y a un demi-siècle ou davantage? propos. Mais lorsqu’on considère les attentats du 11 septembre Les débuts du phénomène de modernisation sont anciens. 2001, il me semble évident qu’il s’agit avant tout d’un acte Et ses conséquences aussi. Mais celles-ci n’ont pris une forme de vengeance. C’est-à-dire un acte qui procède de l’idée que aiguë et violente que récemment. Les élites ont été les predes musulmans sont victimes d’une injustice, que cette injusmières touchées par le processus, quand il a fallu construire tice n’a pas été réparée et donc qu’il faut obtenir réparation des États plus ou moins modernes. Par l’éducation, les médias, soi-même. C’est le raisonnement du justicier. Un justicier qui le progrès technique, la modernisation a touché de plus en intervient partout où la situation le permet. « Les attentats du 11 septembre 2001 sont Aujourd’hui surtout en Irak et en Arabie saoudite, là où il y a matière à dénoncer avant tout un acte de vengeance. » l’injustice. En quoi un psychanalyste peut-il repérer mieux plus largement la société. Dans toutes les grandes métropoles qu’un autre certaines caractéristiques du phénodes pays musulmans, on constate désormais une division entre mène islamiste ? la ville traditionnelle et la ville moderne. Il a fallu un siècle Tout ce que j’ai essayé de montrer dans mon travail, c’est pour que la majorité de la population soit touchée, et ce n’est que l’islamisme est une construction moderne. Contrairement pas fini. à ce qu’on a beaucoup dit, il n’est pas seulement un intégrisme C’est donc avec la modernisation, et contre elle, tourné vers le passé. Quand on analyse le discours islamiste, que l’islamisme a surgi et s’est développé. Nous ne on s’aperçoit qu’on n’a pas affaire à des gens qui voudraient sommes alors pas au bout de nos peines ? s’en tenir aux préceptes stricts de leur religion, vivre selon la traHélas! non. Et cela durera aussi longtemps que les États dition, etc. On y trouve un mélange de scientisme, de nationaet les gouvernements resteront ce qu’ils sont et demeureront lisme – beaucoup de nationalisme – et des rudiments – mais incapables de penser ces problèmes-là, et, par la même ocseulement des rudiments – de théologie. J’ai appelé ça le nacasion, l’avenir. Ils empêchent ceux qui ont des idées sur ces tional-théo-scientisme. C’est un cocktail nouveau, sans précéquestions cruciales de s’exprimer, de transmettre le fruit de dent dans l’histoire de l’islam, qui est apparu, on l’a vu, au leurs réflexions. Personne, du coup, ne prend conscience de moment précis où la tradition a commencé à se disloquer après l’ampleur du bouleversement subjectif en cours, de l’évolul’entrée des sociétés musulmanes dans le monde de la science. tion civilisationnelle qui est en train de se produire. Il est proC’est une tentative de bricolage en vue de reconstituer un mythe bable que, dans cinquante ans, nous serons encore confrontés 82
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N. ELIAS/REUTERS MAXPPP
La police israélienne examine la tête supposée appartenir à un kamikaze palestinien à Jérusalem, le 21 mars 2002.
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aux mêmes problèmes. Si, du moins, les dirigeants actuels resmême pas sans précédent. Dans les cas anciens de sacrifice, tent en place, et si, dans les pays arabes, on continue de déon espérait provoquer un désarroi total chez l’ennemi. La lotruire la dimension politique au sens fort du terme, c’est-à-dire gique est la même aujourd’hui, au moins pour ceux qui enla capacité à soigner la communauté des hommes. Et comme voient les kamikazes. Quant à ces derniers, quand on examine les analyses des dirigeants occidentaux ne sont pas, en géleur itinéraire, on peut avoir l’impression qu’ils ont une constinéral, meilleures que celles des nôtres, l’impulsion ne viendra tution psychique qui, de fait, les rend plus aptes que d’autres pas d’ailleurs. Quand les Américains occupent l’Irak pour, diau sacrifice. On voit que ce sont des gens souvent désespésent-ils, convertir la population à la démocratie, ils montrent rés, souvent très altruistes, qui éprouvent un très vif sentiment qu’ils n’ont rien compris. C’est une « réponse » qui ne peut que de devoir vis-à-vis des autres. Des gens qui se caractérisent rendre les gens encore plus fous. Ce qui ex« La dimension sacrificielle est également plique, au passage, l’enlisement des Américains dans cette région. présente dans le christianisme. » Que dire du phénomène des kamikazes, qui, après la Palestine, ressurgit en Irak et, donc par un extraordinaire narcissisme, lié à un idéal. Ils semtout récemment, en Europe ? blent éprouver aussi un très fort sentiment de culpabilité. Tout Dans Mourir pour la patrie, l’historien allemand Ernst cela les prédispose à basculer le jour où ils rencontreront quelKantorowicz, récemment décédé, montre qu’il s’agit exactequ’un qui les prend en charge... ment du même phénomène quand on accepte de mourir pour La dimension sacrificielle n’est-elle pas plus imsa patrie ou pour son Église. Cette question du suicide me portante dans la culture islamique que dans la pluparaît une vieille histoire, qui rappelle des choses qui ont existé part des autres ? de tout temps. Quand, pendant la Première Guerre mondiale, Elle est sans doute importante dans l’islam, mais l’estvingt mille ou trente mille soldats se faisaient, en une seule elle plus qu’ailleurs ? Elle est également essentielle dans le journée, trucider, était-on si loin de la question des kamichristianisme, qui est d’ailleurs fondé sur une théorie sacrifikazes? Ces gens savaient qu’ils n’avaient à peu près aucune cielle. Le Christ lui-même ne s’est-il sacrifié ? Et n’est-il pas chance de revenir quand on leur ordonnait de se lancer à du devoir des chrétiens d’en faire autant, en cas de nécessité, l’assaut de telle colline impour leur Église ? Si les prenable. Quand on vous conditions historiques dit: vous allez mourir pour changeaient, s’il y avait votre Dieu et pour gagner dans le monde judéo-chréle paradis, est-ce si diffétien une carence du polirent que de mourir pour la tique équivalente à celle patrie, autrefois, en Euqu’on observe dans le rope? monde arabo-musulman, Dans le cas des aril n’est pas dit qu’il n’y aumées classiques, il y a rait pas un jour des kamiune différence de taille kazes chrétiens. puisqu’on n’est quand Mais chez les chrémême pas absolument tiens, on ne vous procertain de mourir… met pas le paradis Je ne suis pas sûr qu’il après un sacrifice. Et y ait une si grande diffésurtout pas dans les rence. De fait, la certitude armées ! de la mort n’était pas senC’est sans doute une siblement inférieure, dans motivation supplémende nombreux cas, pendant taire pour les kamikazes la guerre de 14-18. De islamistes. Il est d’ailleurs Suplice d’hérétiques en 1210 (enluminure de Jean Fouquet). toute façon, les suicides vrai qu’une certaine féticollectifs ont toujours chisation de l’au-delà est à existé, dans diverses sociétés. Il est vrai que, dans la tradil’œuvre dans le monde musulman. Mais ce n’est qu’un élément tion de l’islam, le phénomène n’est pas courant. En principe, favorisant. Le double sens du mot chahid – qui signifie à la fois l’islam n’incite pas quelqu’un à aller vers une mort certaine. « martyr » et « témoin » – permet de comprendre comment Il y a d’ailleurs un débat entre les théologiens pour savoir si certains aspects de l’islam peuvent aussi bien inciter au sales kamikazes doivent être considérés comme des martyrs crifice de sa vie que le contraire. Il y a deux possibilités: soit ou comme des suicidés. Mais la question du sacrifice suprême on accepte de témoigner au prix de sa vie; soit on reste dans pour une cause majeure n’est pas nouvelle. Tout système, une logique testimoniale classique, qui consiste à dire ou écrire toute construction collective, y compris le nationalisme, y quelque chose. Lors de la première Intifada, par exemple, on compris même la démocratie, comporte une dimension saétait dans une logique testimoniale : nous témoignons decrificielle que des circonstances historiques exceptionnelles vant le monde de la violence que nous subissons, nous la mon– injustice, occupation, etc. – peuvent réactiver. trons sans nous sacrifier, ce sont eux qui nous tuent. L’autre Que le sujet lui-même devienne aujourd’hui une arme voie, celle de la seconde Intifada, est en revanche celle du saconstitue sans doute une relative nouveauté, mais n’est quand crifice, où l’on accepte sa propre destruction. ■ J.A./L’INTELLIGENT N° 2329 – DU 28 AOÛT AU 3 SEPTEMBRE 2005
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VOUS & NOUS
Vos lettres ou courriels sélectionnés et présentés par Valérie Thorin
ADIEU
John Johnson Le fondateur de « Ebony » est décédé le 8 août à Chicago.
I
l a donné aux Africains-Américains une voix, un visage, une conscience nouvelle de leur personnalité et de ce qu’ils pouvaient en faire, en un temps où ils demeuraient invisibles au sein de la société américaine », a dit le président Bill Clinton en le décorant de la médaille de la Liberté, la plus haute distinction nationale, en 1996. John Johnson, petit-fils d’esclaves, a bâti au lendemain de la Seconde Guerre mondiale un empire médiatique à la gloire des siens, alors rejetés par la société américaine blanche bien-pensante. L’homme qui a influencé des générations d’entrepreneurs issus des minorités est décédé des suites d’une longue maladie le 8 août, à Chicago. Il avait 87 ans. Il laisse derrière lui la Johnson Publishing, dirigée par sa fille, qui publie les deux magazines phares, Ebony et Jet, ainsi que Ebony Man, créé en 1985. Il est né le 19 janvier 1918, au sein d’une famille pauvre, dans une petite ville d’Arkansas. Le lycée local n’acceptant pas les Noirs, sa mère, devenue veuve alors que le petit John n’avait que 6 ans, déménage pour Chicago, ville industrielle et cosmopolite. Le jeune homme refuse sa bourse d’études, préférant faire ses premières armes de journaliste dans un magazine d’entreprise. John Johnson a du charisme et suffisamment de détermination pour, en 1942 et avec un capital de 500 dollars, oser lancer sa propre publication, Negro Digest. Il y publie des nouvelles et des poèmes écrits par des auteurs noirs. En un an, il passe de 5 000 à 50 000 exemplaires vendus par mois. L’année suivante, il en vend 100 000 et la First Lady, Eleanor Roosevelt, y publie un article. En 1945, Johnson sort Ebony sur le modèle du prestigieux magazine Life. De belles photos, des success-stories d’Africains-Américains, les lecteurs s’arrachent ce mensuel qui parle enfin d’eux. En 1951, il crée l’hebdomadaire Jet. Sur la couverture du premier numéro, Edna, l’épouse du boxeur Sugar Ray Robinson, parade en vison. À l’intérieur, des conseils pour investir, entreprendre et faire en sorte que toutes les Africaines-Américaines puissent aussi s’offrir une fourrure. À ceux qui lui reprochent de ne s’intéresser qu’aux paillettes, John Johnson répond qu’il veut séduire le lecteur par la réussite de ses semblables et lui donner les moyens et les idées pour y parvenir. Les magazines servent aussi à soutenir la lutte pour les droits civils des Noirs et la fin de la ségrégation raciale. Exemple : en 1955, Jet publie en couverture le cercueil de Emmett Till, un adolescent de 14 ans lynché pour avoir salué d’un « Bye, Baby »
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T. WARREN/AP SIPA
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désinvolte l’épouse d’un épicier du Mississippi. Dans les années 1960, Ebony s’interroge sur The White Problem in America (« Le problème blanc aux ÉtatsUnis »). Johnson s’acharne à convaincre les annonceurs publicitaires que ses magazines touchent une vaste population potentiellement consommatrice et encourage les agences à faire poser des mannequins noirs. Il n’hésite pas à envoyer chaque semaine pendant dix ans l’un de ses commerciaux chez un constructeur automobile de Detroit. Liberté de ton d’une part, pugnacité commerciale de l’autre, se révèlent payantes. En 2004, le magazine culmine à 1,6 million d’exemplaires. John Johnson gagne aussi l’estime des hommes politiques. Il accompagne Richard Nixon, vice-président en 1957, pour une tournée dans neuf pays africains. À l’hôtesse de l’air qui voulait le débarrasser de son manteau, il répond : « Non, j’ai mis des années à pouvoir m’acheter un vrai manteau, je préfère le garder. » En 1960, il est représentant officiel des États-Unis aux cérémonies de l’indépendance en Côte d’Ivoire, puis trois ans plus tard au Kenya. Il reçoit le Prix Horatio Alger en 1966, une récompense qui distingue les citoyens américains qui ont réussi malgré l’adversité ou la difficulté de leur entreprise. Il était homme de médias, mais son groupe comporte également une entreprise de cosmétiques pour les peaux foncées, Fashion Fair Cosmetics, une société qui s’emploie à récolter de l’argent pour les causes humanitaires au moyen de défilés de mode, Ebony Fashion Fair, ainsi qu’une maison d’édition dévolue aux auteurs africains-américains, JPC Book Division. Ses succès font qu’en 1982 il est le premier Africain-Américain à entrer sur la liste des hommes les plus riches du monde dressée par le magazine Forbes. Jusqu’à sa fin il restera fidèle à sa devise : « Le seul échec est de ne pas essayer. » ■
Marjane Bensouda, avec Muriel Signouret
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Niger : affligeant
■ C’est avec colère que je
regarde, à la télévision, les reportages sur la famine au Niger. Colère, car cette catastrophe aurait pu être évitée, n’eussent été l’obstination des autorités nigériennes à nier leur impuissance face à la crise alimentaire et la faible implication de la communauté internationale. Comme toujours, on attend les morts pour agir. Il faut dire qu’au Niger, il n’y a pas d’hôtels de luxe pour touristes occidentaux. Cela devrait servir de leçon aux Africains qui, on ne le dira jamais assez, ne doivent compter que sur euxmêmes.
JULIEN AMVAME OYONE, FRANCE
Pas besoin de l’Adema
■ Bravo pour votre ana-
lyse sur mon pays, le Mali (voir J.A.I. n° 2316). Toutefois, je voudrais apporter un petit rectificatif. Soumaïla Cissé n’aura pas besoin de l’investiture de l’Adema pour se présenter aux élections de 2007. Depuis juin 2003, il a sa propre formation, l’Union pour la république et la démocratie (URD), dont le président est Younoussi Touré, ancien Premier ministre du temps d’Alpha Oumar Konaré.
CHEICK OUMAR SOUMANO, DAKAR, SÉNÉGAL
Commentaire : C’est parfaitement exact. Que nos lecteurs, ainsi que le vigilant auteur de cette lettre, veuillent bien nous excuser.
CH.O.
Fahd, une leçon d’humilité
■ Le roi Fahd d’Arabie
saoudite, défunt monarque du premier pays producteur et exportateur mon-
dial de pétrole, a été inhumé le 2 août 2005 dans la plus grande simplicité. Enveloppé dans un linceul blanc, son corps a été recouvert de terre, selon la tradition musulmane. Deux petites pierres sont posées sur sa tombe, à sa tête et à ses pieds, pour indiquer l’endroit où il se trouve, sans aucune inscription. Ainsi repose, dans le plus absolu anonymat, l’un des hommes les plus riches et les plus influents de son époque. Rien à voir avec les sépultures monumentales accompagnées de cérémonies fastueuses que l’on a connu lors de l’enterre-
ment de certains dignitaires, même musulmans, de pays pauvres d’Afrique.
GREG ANI MASSANTAM, CASABLANCA, MAROC
d’Emmel, lesquels devraient être une condition préalable au mariage. Ainsi, la propagation de cette pathologie serait limitée.
Circonscrire la drépanocytose
OBAMBÉ GAKOSSO, GISORS, FRANCE
« Plus » sur le CongoBrazzaville (voir J.A.I. n° 2324). Contrairement à ce que vous écrivez, je pense qu’il n’est pas tabou de parler de drépanocytose. L’information circule dans les familles. Le déficit d’information se situe plutôt au niveau des pouvoirs publics, qui n’encouragent pas suffisamment la pratique des tests
Ingouvernable Côte d’Ivoire
■ J’ai lu avec intérêt votre
■ Dans son diagnostic (voir J.A.I. n° 2322), Alassane Dramane Ouattara, président du Rassemblement des républicains (RDR), dit : « Pendant les années 1990, que ce soit de mon temps ou du temps du président Bédié, le pays a connu une bonne croissance écono-
Mohammed à La Mecque : et Ali ? ■ À propos de votre rubrique « Ce jour-
là » intitulé « Mohammed quitte La Mecque pour Médine », (voir J.A.I. n° 2322), il faut convenir que concentrer ainsi, en quelques lignes, une histoire aussi unique et déterminante pour l’humanité est difficile et assez réducteur. Si l’on peut concéder au journaliste ses choix des temps forts sélectionnés, je me trouve en revanche contraint de réagir par rapport à une « omission » clé d’un passage important de l’Histoire. « En 632, Mohammed effectue son dernier pèlerinage. Au cours d’un sermon, il rappelle les fondements de l’islam, mettant l’accent sur le respect des droits de la femme, la fraternité entre les croyants. » La version exacte des faits, telle que largement reprise par les ulémas musulmans, aussi bien sunnites que chiites (voir le nombre de références historiques citées dans le livre du Dr Benabderrahmane, Les imams après Moi seront au nombre de douze), est la suivante. Au retour de son dernier pèlerinage, à la croisée des routes convergeant vers Médine, l’Égypte et la Syrie, endroit connu sous le nom de Ghadir Khum, après avoir rendu grâces à Dieu, le Prophète Mohammed s’adressa à une grande assemblée. Il invita les gens à s’approcher d’Ali, son neveu et son gendre, dont il prit le bras pour l’élever bien, au moment où
J.A./L’INTELLIGENT N° 2329 – DU 28 AOÛT AU 3 SEPTEMBRE 2005
l’ange Djibril (Gabriel) descendit à sa rencontre pour lui révéler d’autres versets. Ainsi, les versets coraniques, les hadiths du Messager de Dieu, les imams successeurs, les compagnons fidèles, les savants, historiens, théologiens, chroniqueurs de l’islam assurent la place privilégiée de premier rang, d’héritier, de légataire, de successeur à l’imam Ali Ibn Ali Taleb, désigné par le Prophète de son vivant. Dire donc, que « le beau-père du Prophète, Abou Bakr, a été choisi par la communauté comme premier calife, successeur du Prophète » n’est pas exact. Les Bani Hachem (l’important clan de sa famille) et d’autres fidèles compagnons tels Abi Dhar Al-Ghafari, Salman Al-Farisi, Amar Ben Yasser étaient occupés aux préparatifs de la mise en terre de Mohammed et n’étaient pas présents à la fameuse réunion de Saqifa, où eut lieu un débat houleux sur la succession. Retenez aussi que c’est pour éviter un bain de sang entre musulmans que l’imam Ali se retira de la scène politique. Les fidèles vinrent le supplier de revenir après les califats de Abou Bakr, Omar et Ousmane.
MOHAMAD EL FADEL, NABATIYEH, LIBAN
Commentaire: Notre lecteur veut mettre l’accent sur la personne de l’imam Ali, ce qui est tout à fait légitime, mais n’était pas l’objet de l’article. D.M. 85
VOUS & NOUS mique. Surtout dans les années 1997-1998, après la dévaluation. Tout cela a été effacé. » Il faut dire que, depuis 2002, la Côte d’Ivoire est devenue très d i f f i c i l e à g o u v e r n e r. Comment y remédier ? Ouattara, Bédié et Gbagbo, les trois principaux acteurs de la scène politique ivoirienne, doivent absolument et de toute urgence se mettre d’accord sur les petites et grandes questions, celles qui sont simples et celles qui ne le sont pas, pour sortir leur pays de la crise et ceci, dans un climat constructif.
SÉKOU COULIBALY, MILAN, ITALIE
Des dizaines de millions de suspects
■ J’ai beaucoup apprécié
l’article de Mohamed Talbi sur « Islam-Occident, une nouvelle mystification » (voir J.A.I. n° 2324). L’article parlait d’un colloque, tenu à Madrid les 6 et 7 juin, sur le thème de l’alliance des civilisations, la sécurité internationale et la démocratie cosmopolite. Il y a peu de temps, j’ai voulu effectuer une visite de deux semaines en Espagne, dans le cadre d’un voyage organisé par l’Association tunisienne des auberges de jeunesse. J’ai 26 ans et suis professeur dans l’enseignement secondaire. J’ai fourni tous les papiers requis et j’ai été très choqué lorsqu’on m’a refusé le visa, sans explication. Quel est donc mon crime, qui me vaut d’être privé d’aller admirer les beautés historiques espagnoles, à l’édification desquelles mes ancêtres ont largement contribué ? Ai-je le profil d’un terroriste ? Pour que le projet présenté lors du colloque de Madrid ne reste pas lettre morte, les
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pays occidentaux doivent cesser de considérer les Arabes et les musulmans comme des terroristes potentiels. Ils doivent chercher les racines du mal et essayer de comprendre l’origine du désespoir ressenti par ces dizaines de millions de personnes qui sont suspectes à leurs yeux.
HABIB SASSI, LE KEF, TUNISIE
Honte d’être musulman
■ J’ai lu avec consterna-
tion dans l’éditorial du Corriere della Sera du 17 juillet que l’intellectuel égyptien Sayyed al-Qimni et son homologue tunisien Lafif Lakdari, deux penseurs critiques et laïques connus, venaient d’être condamnés à mort. Al-Qimni par l’organisation terroriste du Djihad islamique en Égypte, qui lui a adressé un ultimatum digne de la Sainte Inquisition, lui intimant l’ordre de cesser d’écrire sous peine d’être assassiné. Lafif Lakdari, lui, a été condamné par le chef de file des islamistes tunisiens, Rached Ghanouchi. Celuici ne lui a pas pardonné d’avoir rédigé, avec deux autres intellectuels arabes, une requête adressée au secrétaire général des Nations unies visant à obtenir la création d’un tribunal international destiné à juger les « théologiens du terrorisme », ceux qui émettent des fatwas criminelles. Faut-il souligner que ladite requête a recueilli quelque quatre mille signatures. Ces menées nuisibles à l’encontre des penseurs musulmans me révoltent et me font rougir de honte. La honte d’être un coreligionnaire de ces marchants de mort, au nom d’une religion d’amour.
MOHAMED BEN AÏCHA, NAPLES, ITALIE
l’intelligent JEUNE AFRIQUE
Notre sondage du mois Vous avez voté en ligne sur www.lintelligent.com FAMINE AU NIGER
Le Niger connaît une crise alimentaire qui menace de famine plus de 3 millions de personnes. Selon vous, à quoi peut-on imputer cette situation dramatique ? ■ Aux conditions naturelles désastreuses (sécheresse, invasion de criquets...) 23,5
%
À la gestion inadéquate du gouvernement nigérien . . . . . .57,9
%
■
À l'intervention tardive de l'aide internationale . . . . . . . . . . . . . . . .15,3
■
■
Sans opinion :
Nombre de votes :
% . . . . . . . . . . . . . . .3,3 % . . . . . . . . . . . . . . .3 805
Date de parution : du 26 juillet au 23 août 2005
Mode d’emploi… Nous rappelons à tous nos correspondants quelques consignes et règles d’usage pour la publication des lettres dans « Vous & Nous ». Identité : les courriers postaux et électroniques doivent comporter les nom et adresse de l’auteur. Signature : le courrier peut, à la demande, être signé par des initiales ou un pseudonyme. Longueur : plus une lettre est courte, plus elle a de chances d’être publiée. Dans tous les cas, des coupes pourront être opérées avec le souci de n’altérer en rien le texte. Lisibilité: les textes manuscrits doivent être parfaitement lisibles. Contenu : écrivez-nous en toute liberté, mais sachez que nous ne publions pas les appels à la haine ou à la violence, les communiqués des partis ou mouvements politiques, les textes diffamatoires, les annonces de recherche d’ami(e) s. Adresses d’envoi : • par courrier : J.A.I. (« Vous & Nous »), 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris, France • par fax : de France au 01 44 30 19 30, de l’étranger au 331 44 30 19 30 ; • par Internet : mailbox@jeuneafrique.com « Jeune Afrique/l’intelligent » (USPS = 015883) is published weekly for $ 216 per year. « Jeune Afrique/l’intelligent » 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris, France, periodicals postage paid at Champlain N.Y. US, and additionnal mailing offices, POSTMASTER : Send address changes to ISM of N.Y. Box 15-18, Champlain N.Y. 129 19 1518. Pour les abonnements souscrits aux USA : INTERNATIONAL MEDIA Service, Inc. Pacific Suite 404 Virginia Beach VA 23-451 - 2983 USA — Tel. : 800-428-30-03. « Jeune Afrique/l’intelligent » is published weekly (except for two issues in August and December) by Le Groupe Jeune Afrique, 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris (France). Second class postage paid at New York, N.Y. Copyright « Jeune Afrique » 2005. Tous droits de reproduction réservés pour tous pays. Reproduction interdite de tous articles sauf accord écrit de la Direction. Directeur de la publication : Béchir Ben Yahmed. Photogravure et flashage : OPEN GRAPHIC MEDIA Paris imprimé en CEE. Création : octobre 1960 (à Tunis). Dépôt légal : août 2005. ISSN 00216089. N° dans la série de l’imprimeur : 490.004.008. Imprimeur DULAC 27. Commission paritaire : 1006C80822.
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VOUS & NOUS
AGENDA ANITA CORTHIER
A . CORTHIER @ JEUNEAFRIQUE . COM
Septembre 2005 en vigueur de l’accord d’association entre l’Algérie et l’Union européenne.
4-7
FRANCE/ISRAËL/ TERRITOIRES PALESTINIENS Visite officielle du ministre français des Affaires étrangères Philippe Douste-Blazy. www.diplomatie.gouv.fr/
5 PÉKIN, CHINE Sommet Union européenne-Chine.
5-7 DAKAR,
SÉNÉGAL Forum international sur la pêche artisanale, organisé par l’Adepa, L’Association pour le développement de la pêche artisanale en Afrique de l’Ouest. La gestion concertée des ressources halieutiques et piscicoles sera le thème principal.
7 NEW DELHI,
INDE Sommet Union européenne-Inde.
8 MONDE Journée internationale de l’alphabétisation sous l’égide des Nations unies et de l’Unesco. www.unesco.org
11-13 LYON, FRANCE XIXe Rencontre internationale « Hommes et
religions » organisée par la communauté Sant’Egidio. Joseph Kabila, président de la RDC, a « confirmé son intention de venir ». http://catholique-lyon.cef.fr/
11-15 MARSEILLE, FRANCE Congrès mondial de médecine tropicale. MI-SEPTEMBRE PARIS, FRANCE Réunion des ministres de l’Économie et des Finances de la zone franc.
14-15 KHARTOUM, SOUDAN Forum international du commerce et des investissements « Sudan Invest 2005 ». www.sudaninvest.com/ 14-16 HOUSTON,
ÉTATS-UNIS Forum économique araboaméricain portant sur le thème : « Construire un meilleur avenir pour tous ». www.usaeforum.org
14-19 NEW YORK, ÉTATS-UNIS Sommet annuel des Nations unies portant sur les engagements du millénaire et la réforme de l’Organisation. L’ONU célèbre ses 60 ans. www.un.org 18 ALLEMAGNE Élections législatives anticipées. Angela
R. GUL/SIPA
1er ALGÉRIE Entrée
La campagne électorale bat son plein dans la perspective des premières élections parlementaires en Afghanistan. Merkel chef de file du CDU (Union chrétienne-démocrate) pourrait devenir chancelière, remplaçant ainsi Gerhard Shröder, leader du SPD, le Parti social-démocrate.
18 AFGHANISTAN Les élections législatives devraient se tenir. 20-23 LE CAIRE, ÉGYPTE Sahara 2005, Salon international de l’agriculture. www.saharaexpo.com/ 21 MONDE Journée internationale de la
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paix organisée par les Nations unies. www.internationaldayofpeace.org/
21-30 ALGER, ALGÉRIE Xe Salon international du livre d’Alger (Sila). www.sila.dz 23-25 WASHINGTON, ÉTATS-UNIS Assemblée annuelle de la Banque mondiale et du FMI. www.imf.org www.banquemondiale.org/ 24 ORAN, ALGÉRIE VIIe Foire internationale jusqu’au 3 octobre. www.cfcia.org
25 JOHANNESBURG, AFRIQUE DU SUD XVIIIe Salon mondial du pétrole. www.18wpc.com 26-29 RABAT, MAROC VIIe Rencontre franco-marocaine des chefs de gouvernement. Le Premier ministre Driss Jettou reçoit son homologue français Dominique de Villepin. 29 OUAGADOUGOU, BURKINA FASO Universités africaines de la communication jusqu’au 1er octobre.
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SOCIÉTÉ DE FINANCE ET DE COMMUNICATION INTERNATIONALE
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S.A. au capital de 15 millions d’euros Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil — 75016 PARIS | RCS PARIS B 784 683 484
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La faute à la rentrée !
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INTERNATIONAL• POLITIQUE, ÉCONOMIE, CULTURE l’intelligent HEBDOMADAIRE JEUNE AFRIQUE
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RédactIon en chef exécutive DOMINIQUE MATAILLET et TAREK MOUSSA avec ELIMANE FALL et JEAN-MICHEL AUBRIET
Par Coumba Diop
« L’INSPIRATION, C’EST LE COURAGE DE S’ASSEOIR DEVANT SA TABLE DE TRAVAIL », disait le compositeur suisse Arthur Honegger. Belle définition. Vissée sur ma chaise au point de manquer d’y prendre racine, j’inspire et expire sans succès face à ma page blanche comme un linceul. Elle reflète l’état d’esprit de ma pensée en état de mort cérébrale : je suis en manque d’inspiration. La lueur de génie que j’attends désespérément refuse de venir éclairer mon œil vitreux fixé sur le néant. J’ai bien tenté de hisser mon esprit lourd et brumeux jusqu’à un état de tension extrême censé favoriser le souffle créateur. Sans succès. J’ai même essayé d’appliquer les conseils de Balzac qui disait que le peintre ne doit méditer devant sa toile qu’avec les pinceaux à la main. Mes doigts ont pianoté sans fin sur le clavier de mon ordinateur, ne réussissant qu’à créer une partition dissonante. L’inspiration s’est définitivement éloignée, telle une nymphe soudain attirée par la musique cristalline d’une source.
Coordination DOMINIQUE NOBÉCOURT
LE PLUS DE L’INTELLIGENT – LES GRANDS DOSSIERS Direction DANIELLE BEN YAHMED MARWANE BEN YAHMED
Directeur délégué MAHAMADOU CAMARA Rédacteurs en chef JEAN-DOMINIQUE GESLIN
Rédacteurs en chef délégués
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ABDELAZIZ BARROUHI, JACQUES BERTOIN, JEAN-DOMINIQUE GESLIN, SAMIR GHARBI, RIDHA KÉFI (Tunisie), TAREK MOUSSA, RENAUD DE ROCHEBRUNE Rédacteurs en chef adjoints JEAN-MICHEL AUBRIET, JOSÉPHINE DEDET, ELIMANE FALL, CHERIF OUAZANI Rédaction générale PASCAL AIRAULT, FARID ALILAT, CHARLOTTE CANS, ÉLISE COLETTE, COUMBA DIOP, SAMY GHORBAL, YASMINA LAHLOU, PHILIPPE PERDRIX, PATRICK SANDOULY, CHEIKH YÉRIM SECK, MURIEL SIGNOURET, VALÉRIE THORIN, FAWZIA ZOUARI
RENÉ GUYONNET, ZYAD LIMAM, ANNIK ROURE Collaborateurs HAMID BARRADA, EDMOND BERTRAND, CHRISTOPHE BOISBOUVIER, MALEK CHEBEL, BIOS DIALLO, CHEDLI KLIBI, FOUAD LAROUI, FRÉDÉRIQUE LETOURNEUX, ANDRÉ LEWIN, FAOUZI MAHJOUB, FADWA MIADI, MARCEL PÉJU, ANNIK ROURE, MICHEL SCHIFRES, PATRICK SEALE, MOHAMED TALBI, ALBERT TÉVOÉDJRÈ, RUOLIN ZHENG Secrétariat CLAUDINE DECRESSAC Accords spéciaux THE NEW YORK TIMES, THE FINANCIAL TIMES, FOREIGN AFFAIRS, NEW YORK REVIEW OF BOOKS
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Président-directeur général
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Que faire? Attendre que, lasse de batifoler dans quelque bois connue d’elle seule, elle revienne s’appuyer sur mon épaule ? Bien inspiré celui qui pourra me donner la solution ! Cela m’amène à me poser des questions : qu’est-ce que l’inspiration au juste ? Une sorte de bouillonnement intense, un moment de pur jaillissement ou une alchimie secrète qui ne s’opère qu’avec la complicité des muses ? Faut-il flâner en la sollicitant ou se précipiter à sa poursuite avec un gourdin en espérant ramener quelque honorable butin ? C’est selon chacun. Pour ma part, je n’aime pas me battre au corps à corps avec les mots : il y a des jours où les idées fusent et d’autres où elles dorment comme une eau croupie. C’est le cas aujourd’hui.
RÉGIES Directeur délégué : JÉRÔME MILLAN, avec FLORIAN SERFATY et CATHERINE WELIACHEW assistés de PATRICIA MALHAIRE Annonces classées : FABIENNE LEFEBVRE, assistée de MARIE MEDINA
COMMUNICATION Directeur général : DANIELLE BEN YAHMED Directeur adjoint : BERNARD DOMON Chargés de mission : MYRIAM KARBAL,
SPÉRANCIE KARWERA MUTWE, DIAROUKOU SANGHO, FLORIAN SERFATY
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À défaut de débusquer une muse, j’ai trouvé un bouc émissaire : la faute à la rentrée ! Décidément, le retour de vacances est difficile pour tous, tant l’esprit semble encore vouloir se complaire dans la rêverie, ce sommeil de la pensée. On hiberne encore dans sa tête en faisant mine de ne pas remarquer le branle de la reprise qui pourtant se fait entendre à chaque coin de rue. D’ailleurs, à bien y regarder, la majorité des gens se trouvent dans cet état comateux qui m’affecte. Et si finalement je ne manquais pas d’inspiration mais souffrais tout simplement du blues du salarié au retour de vacances ? Voilà une idée qui m’inspire enfin quelque chose de bon ! ■
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Avis de Sollicitation à Manifestation d'Intérêts Source de Financement : Projet d’Appui au Plan Directeur du Développement Sanitaire Province Orientale Service de consultant : Architecte N° d’Avis à Manifestation d’Intérêt : AMI 04/BCECO/UEP-BAD/PAPDDS/MOG/2005 Date de l'avis : 28.08.2005
*****
Les services des consultants consistent à venir en renfort à l’Unité d’Exécution des Projets financés par la Banque Africaine Développement (UEPBAD) implantée au sein du Bureau Central de Coordination (BCeCo), pour assumer les responsabilités afférents à l’approbation et au suivi des dossiers techniques de réhabilitation pour l’ensemble de toutes les activités du Projet. A ce titre l’Architecte est placé sous l’autorité directe de l’Administrateur Gestionnaire du Projet. Le Bureau Central de Coordination (B.Ce.Co.) invite les consultants à manifester leur intérêt à fournir les services précités. Les candidats potentiels intéressés doivent fournir les informations indiquant qu'ils sont qualifiés pour exécuter ces services (CV, références concernant l'exécution des contrats analogues, expériences dans des conditions semblables, etc.). Le profil requis est le suivant : être un Expert International ; ● Avoir une formation universitaire et détenteur d’un diplôme du type Grande Ecole ; ● être en possession d’un diplôme d’architecture ; ●
J.A./L’INTELLIGENT N° 2329 – DU 28 AOÛT AU 3 SEPTEMBRE 2005
●
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●
avoir une expérience professionnelle dans le domaine spécifique des bâtiments d’au moins 15 ans en zone tropicale et de 15 ans également dans la gestion des projets de développement sous financement des Organismes Internationaux tels que la Banque Mondiale, la Banque Africaine de Développement etc. avoir des connaissances de logiciels de traitement de texte (Word) et tableur (Excel) ; avoir la capacité de travailler en équipe.
Manifestation d’intérêt
Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo a adressé une requête à la Banque Africaine de Développement (BAD), qui a accepté d’apporter son concours financier à la réalisation d’un projet d’Appui au Plan Directeur du Développement Sanitaire en Province Orientale (PAPDDS). Une partie des ressources de ce projet est prévue pour réaliser les services de consultants en vue de servir en tant que Architecte pour le Projet pendant une durée de cinq mois.
Les candidats intéressés peuvent retirer les termes de référence et obtenir toutes informations supplémentaires auprès du B.Ce.Co. à l'adresse indiquée ci-dessous et consulter le site WEB http://www.bceco.cd . Les manifestations d'intérêts doivent être adressées au Directeur Général du B.Ce.Co. et parvenir à cette même adresse, avec la mention du numéro de l’Avis et la date de publication au plus tard le 29 Septembre 2005 à 11 h 00 . Bureau Central de Coordination « B.Ce.Co. » A l’attention du DIRECTEUR GENERAL DU BCECO Avenue Colonel MONDJIBA n° 372 Concession Utexafrica Kinshasa / Ngaliema République Démocratique du Congo Tél. : (243) 99 185 11, (243) 97847045 (243) 98 098 621 Fax : (243) 880 15 86 E mail : bceco@bceco.cd MATATA PONYO Directeur Général
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Manifestation d’intérêt
Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo a adressé une requête à la Banque Africaine de Développement (BAD), qui a accepté d’apporter son concours financier à la réalisation d’un projet d’Appui au Plan Directeur de Développement Sanitaire en Province Orientale (PAPDDS). Une partie des ressources de ce projet est prévue pour réaliser les services de consultants en vue de servir en tant que Administrateur Gestionnaire du Projet pendant une durée de cinq ans avec une période probatoire de six mois. Les services des consultants consistent à venir en renfort à l’Unité d’Exécution des Projets financés par la Banque Africaine Développement (UEP-BAD) implantée au sein du Bureau Central de Coordination (BCeCo), pour assumer la responsabilité de la gestion de l’ensemble de toutes les activités du Projet. A ce titre l’Administrateur Gestionnaire est placé sous l’autorité directe du Coordonnateur de l’UEP-BAD. Le Bureau Central de Coordination (B.Ce.Co.) invite les consultants à manifester leur intérêt à fournir les services précités. Les candidats potentiels intéressés doivent fournir les informations indiquant qu'ils sont qualifiés pour exécuter ces services (CV, copies des diplômes et titres académiuqes, références concernant l'exécution des contrats analogues, expériences dans des conditions semblables, etc.). Le profil requis est le suivant : ● ●
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être un Expert International ; être détenteur d’un diplôme de licence en administration, ou en gestion ou en économie ou en droit (ou équivalent) au minimum (tous BAC+6 au moins) ; avoir une spécialisation en Santé Publique (Maîtrise ou licence spéciales ou doctorat) ;
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avoir une expérience de gestion de projets et programmes d’au moins 10 ans dans le domaine de développement sanitaire sous financement des Organismes Internationaux (Banque Mondiale, BAD, etc.) en Afrique Subsaharienne en particulier et dans le Monde en général; avoir des connaissances de logiciels de traitement de texte (Word) et tableur (Excel) ; avoir la capacité de travailler en équipe ; avoir travaillé au moins pendant 10 ans, comme Administrateur Gestionnaire des hôpitaux ou cliniques en zone tropicale.
Les candidats intéressés peuvent retirer les termes de référence et obtenir toutes informations supplémentaires auprès du B.Ce.Co. à l'adresse indiquée ci-dessous et consulter le site WEB http://www.bceco.cd . Les manifestations d'intérêts doivent être adressées au Directeur Général du B.Ce.Co. et parvenir à cette même adresse, avec la mention du numéro de l’Avis et la date de publication au plus tard le 29 Septembre 2005 à 11 h 00 . Bureau Central de Coordination « B.Ce.Co. » A l’attention du DIRECTEUR GENERAL DU BCECO Avenue Colonel MONDJIBA n° 372 Concession Utexafrica Kinshasa / Ngaliema République Démocratique du Congo Tél. : (243) 99 185 11, (243) 97847045 (243) 98 098 621 Fax : (243) 880 15 86 E mail : bceco@bceco.cd, MATATA PONYO Directeur Général
J.A./L’INTELLIGENT N° 2329 – DU 28 AOÛT AU 3 SEPTEMBRE 2005
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Avis de Sollicitation à Manifestation d'Intérêts Source de Financement : Projet d’Appui au Plan Directeur du Développement Sanitaire Province Orientale Service de consultant : Ingénieur en bâtiments N° d’Avis à Manifestation d’Intérêt : AMI 03/BCECO/UEP-BAD/PAPDDS/MOG/2005 Date de l'avis : 28.08.2005
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Les services des consultants consistent à venir en renfort à l’Unité d’Exécution des Projets financés par la Banque Africaine Développement (UEP-BAD) implantée au sein du Bureau Central de Coordination (BCeCo), pour assumer les responsabilités afférents à l’élaboration et au suivi des dossiers techniques de réhabilitation pour l’ensemble de toutes les activités du Projet. A ce titre l’Ingénieur en bâtiment est placé sous l’autorité directe de l’Administrateur Gestionnaire du Projet. Le Bureau Central de Coordination (B.Ce.Co.) invite les consultants à manifester leur intérêt à fournir les services précités. Les candidats potentiels intéressés doivent fournir les informations indiquant qu'ils sont qualifiés pour exécuter ces services (CV, copies des titres académiques et diplômes, références concernant l'exécution des contrats analogues, expériences dans des conditions semblables, etc.). Le profil requis est le suivant ● ●
être un Expert International être en possession d’un diplôme d’ingénieur en bâtiments publics, Grande Ecole au minimum (niveau BAC+5 au moins) ;
J.A./L’INTELLIGENT N° 2329 – DU 28 AOÛT AU 3 SEPTEMBRE 2005
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avoir une expérience de terrain d’au moins 15 ans de direction, de contrôle et du suivi des travaux de construction ou de réhabilitation des bâtiments publiques en zone tropicale, et d’au moins15 ans également dans le domaine de gestion des projets de développement sous financement des Organismes Internationaux tels que la Banque Mondiale, la Banque Africaine de Développement ; avoir des connaissances de logiciels de traitement de texte (Word, Autocad et tableur Excel) ; avoir la capacité de travailler en équipe.
Manifestation d’intérêt
Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo a adressé une requête à la Banque Africaine de Développement (BAD), qui a accepté d’apporter son concours financier à la réalisation d’un projet d’Appui au Plan Directeur du Développement Sanitaire en Province Orientale (PAPDDS). Une partie des ressources de ce projet est prévue pour réaliser les services de consultants en vue de servir en tant que Ingénieur en bâtiment pour le Projet pendant une durée de quarante huit mois avec une période probatoire de six mois.
Les candidats intéressés peuvent retirer les termes de référence et obtenir toutes informations supplémentaires auprès du B.Ce.Co. à l'adresse indiquée ci-dessous et consulter le site WEB http://www.bceco.cd . Les manifestations d'intérêts doivent être adressées au Directeur Général du B.Ce.Co. et parvenir à cette même adresse, avec la mention du numéro de l’Avis et la date de publication au plus tard le 29 Septembre 2005 à 11 h 00. Bureau Central de Coordination « B.Ce.Co. » A l’attention du DIRECTEUR GENERAL DU BCECO Avenue Colonel MONDJIBA n° 372 Concession Utexafrica Kinshasa / Ngaliema République Démocratique du Congo Tél. : (243) 99 185 11, (243) 97847045 (243) 98 098 621 Fax : (243) 880 15 86 E mail : bceco@bceco.cd MATATA PONYO Directeur Général.
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Avis de Sollicitation à Manifestation d'Intérêts Source de Financement : Projet d’Appui au Plan Directeur du Développement Sanitaire Province Orientale Service de consultant : Médecin Spécialiste en Santé Publique N° d’Avis à Manifestation d’Intérêt : AMI 02/BCECO/UEP-BAD/PAPDDS/MOG/2005 Date de l'avis : 28.08.2005
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Manifestation d’intérêt
Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo a adressé une requête à la Banque Africaine de Développement (BAD), qui a accepté d’apporter son concours financier à la réalisation d’un projet d’Appui au Plan Directeur du Développement Sanitaire en Province Orientale (PAPDDS). Une partie des ressources de ce projet est prévue pour réaliser les services de consultants en vue de servir en tant que Médecin Expert en Santé Publique du Projet pendant une durée de cinq ans avec une période probatoire de six mois. Les services des consultants consistent à venir en renfort à l’Unité d’Exécution des Projets financés par la Banque Africaine Développement (UEP-BAD) implantée au sein du Bureau Central de Coordination (BCeCo), pour assumer les responsabilités afférents à la gestion des aspects sanitaires pour l’ensemble de toutes les activités du Projet. A ce titre le médecin Expert en Santé Publique est placé sous l’autorité directe de l’Administrateur Gestionnaire du Projet. Le Bureau Central de Coordination (B.Ce.Co.) invite les consultants à manifester leur intérêt à fournir les services précités. Les candidats potentiels intéressés doivent fournir les informations indiquant qu'ils sont qualifiés pour exécuter ces services (CV, références concernant l'exécution des contrats analogues, expériences dans des conditions semblables, photocopies des titres académiques et autres diplômes, etc.). Le profil requis est le suivant : ● ●
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être un Expert International être en possession d’un diplôme de Docteur en médecine au minimum niveau universitaire ; avoir une spécialisation en Santé Publique
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(Maîtrise ou licence spéciales ou doctorat) ; avoir une expérience de " médecin de campagne " en zone tropicale d’au moins 15 ans, et également de 15 ans au moins de gestion des projets de développement sous financement des Organismes Internationaux tels que la Banque Mondiale, la Banque Africaine de Développement ; etc. avoir des connaissances de logiciels de traitement de texte (Word) et tableur Excel et des logiciels spéciaux ; avoir la capacité de travailler en équipe ;
Les candidats intéressés peuvent retirer les termes de référence et obtenir toutes informations supplémentaires auprès du B.Ce.Co. à l'adresse indiquée ci-dessous et consulter le site WEB http://www.bceco.cd . Les manifestations d'intérêts doivent être adressées au Directeur Général du B.Ce.Co. et parvenir à cette même adresse, avec la mention du numéro de l’Avis et la date de publication au plus tard le 29 Septembre 2005 à 11 h 00. Bureau Central de Coordination « B.Ce.Co. » A l’attention du DIRECTEUR GENERAL DU BCECO Avenue Colonel MONDJIBA n° 372 Concession Utexafrica Kinshasa / Ngaliema République Démocratique du Congo Tél. : (243) 99 185 11, (243) 97847045 (243) 98 098 621 Fax : (243) 880 15 86 E mail : bceco@bceco.cd MATATA PONYO Directeur Général
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REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO (RDC) Comité de Pilotage de la Réforme des Entreprises Publiques (COPIREP) AVIS DE SOLLICITATION A MANIFESTATION D’INTERET Source de financement : Projet de Compétitivité et Développement du Secteur Privé (Crédit IDA 3815 DRC) N° Avis de Manifestation d’intérêt : MI/40/COPIREP/SE/CPM/2005 Date de publication : 28/08/2005
Recrutement d’un Consultant chargé de suivre le processus d’adhésion de la République Démocratique du Congo à l’OHADA Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo a obtenu dans le cadre du Projet Compétitivité et Développement du Secteur Privé (PCDSP) un Crédit de l’Association Internationale de Développement (IDA), Crédit IDA 3815 DRC, et se propose d’utiliser une partie des fonds de ce crédit pour effectuer des paiements autorisés au titre du Contrat d’Assistance Technique pour le recrutement d’un consultant chargé de suivre le processus d’adhésion de la RDC à l’OHADA.
Le consultant transmettra les informations prouvant qu’il est qualifié pour satisfaire aux services demandés (curriculum vitae, références : publications, affiliation,...).
La mission comprend entre autre les tâches suivantes : - établir l’état des lieux du niveau atteint par la procédure d’adhésion ; - entreprendre toutes les actions de lobbying, tous les contacts et les démarches nécessaires auprès de tous les décideurs gouvernementaux, parlementaires, judiciaires et autres impliqués dans le processus d’adhésion de la RDC à l’OHADA.
Les manifestations d’intérêt doivent être adressées au plus tard le 12 septembre 2005 par courrier à l’une des adresses suivantes : cpm@copirep.cd, copirep@micronet.cd ou en écrivant au
La connaissance de l’environnement congolais tant sur le plan politique que juridique serait un atout.
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Manifestation d’intérêt - Recrutement
Les consultants intéressés, disposant de l’expertise requise et d’une expérience avérée dans le domaine sont invités à manifester leur intérêt. Le consultant devra avoir une renommée internationale, être bien connu dans l’espace OHADA et justifier d’une expérience prouvée et pratique de l’OHADA et de son droit.
Le consultant sera sélectionné conformément aux procédures de la Banque Mondiale prévues par les Directives de Sélection et d’Emploi de Consultants par les Emprunteurs de la Banque Mondiale publiées en janvier 1997 (mises à jour septembre 1997, janvier 1999 et mai 2002).
Comité de Pilotage de la Réforme des Entreprises Publiques Secrétariat Exécutif (Cellule de Passation des Marchés) Immeuble SOFIDE, Croisement des avenues Lemarinel et Kisangani, Kinshasa/Gombe, République Démocratique du Congo. Tél. : + 243 99 39 531 Fait à Kinshasa, le 26 août 2005. ILUNGA ILUNKAMBA Secrétaire Exécutif
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GLOBALINK (China) LTD Fabricant de Cosmétiques, Maquillages, Produits d’Hygiène
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COMMUNAUTE ECONOMIQUE DES ETATS DE L’AFRIQUE CENTRALE - CEEAC – APPEL A CANDIDATURES Dans le cadre de la mise en place du Mécanisme d’Alerte Rapide de l’Afrique Centrale (MARAC) au sein du Secrétariat Général de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC), il est lancé un appel à candidatures pour les postes ci-après : 1. Un Chef de Bureau d’Observation et Collecte d’information ; 2. Un Chef de Bureau d’Analyse et Evaluation ; 3. Un expert spécialisé en matière de gouvernance ; 4. Un expert spécialisé en technologie de l’information et gestion de documents Les Termes de Référence relatifs à ces postes sont disponibles au : 1. Secrétariat Général de la CEEAC B. P. 2112 Libreville – Gabon Tél. : (241) 44 47 31 Fax : (241) 44 47 32 E-mail : ceeac.orgsr@inet.ga Contacts : M. Pierre ATHOMO - NDONG Tél. : (241) 06 26 10 56 E-mail : pierre-athomo@caramail.com M. Félicien BOULENDE Email : bouphel@yahoo.fr 2. Ministère des Affaires Etrangères/Relations Extérieures de chaque Etat membre de la Communauté Il est donc demandé à tout ressortissant d’un des Etats membres de la CEEAC intéressé par un de ces postes de soumettre son dossier de candidature conformément aux Termes de Référence, soit directement au Secrétariat Général de la CEEAC, soit à travers le Ministère des Affaires Etrangères/Relations Extérieures de chaque Etat membre. La date limite d’enregistrement des dossiers de candidature est fixée au 30 septembre 2005. Le Secrétaire Général Adjoint chargé du Département Programme, Budget, Administration et Ressources Humaines Pr Claude Joachim TIKER TIKER
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RÉPUBLIQUE DU SÉNÉGAL -------------
MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DE LA PREVENTION MEDICALE -------------
PHARMACIE NATIONALE D’APPROVISIONNEMENT AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL OUVERT "AOI PNA 09/2005" I - Autorité contractante :
III - Financement : Sur fonds propres IV - Retrait du dossier : Les dossiers d’appel d’offres, référencés sous le numéro "AOI PNA 09/2005", peuvent être retirés auprès de l’autorité contractante contre le versement d’une somme non remboursable de 100 000 francs CFA, à payer soit par chèque barré à l’ordre de la PNA, soit en espèces déposées dans le compte bancaire de la PNA, contre reçu. CREDIT LYONNAIS SENEGAL Bd El Hadj Djily MBAYE, B.P. 56 Dakar - SENEGAL sous le numéro : K 0060 01030 608 71 96 054 000 68 À la demande des fournisseurs, le dossier d’appel d’offres pourra leur être expédié par courrier express contre le versement d’une somme complémentaire non remboursable de 50 000 francs CFA, à payer selon les mêmes dispositions. V - Remise des offres : Les offres seront adressées à l’autorité contractante conformément au
J.A./L’INTELLIGENT N° 2329 – DU 28 AOÛT AU 3 SEPTEMBRE 2005
VI - Ouverture des offres : Les offres seront ouvertes par la Commission d’Appel d’offres "AOI PNA 09/2005", en séance publique, dans les locaux de la PNA, le VENDREDI 28 OCTOBRE 2005 A 14H30 heures locales.
Appel d’offres
PHARMACIE NATIONALE D’APPROVISIONNEMENT B.P. 4015 - DAKAR-HANN - SENEGAL Tél. : +221 - 859 50 66 / 859 50 72 Fax : +221 - 832 32 25 / 859 50 71 E-mail : pnas@sentoo.sn II - Objet : Le présent AOI porte sur la fourniture de MEDICAMENTS ESSENTIELS GENERIQUES, MATERIELS ET CONSOMMABLES MEDICO-PHARMACEUTIQUES, REACTIFS DE LABORATOIRES, PRODUITS DENTAIRES, VACCINS, pour les exercices budgétaires 2006 et 2007.
dossier d’AOI PNA 09/2005 au plus tard le VENDREDI 28 OCTOBRE 2005 à 12H00 heures locales, délai de rigueur.
VII - Conditions de participation : Pour participer à l’AOI PNA 09/2005, deux conditions sont nécessaires : (1) être une personne morale habilitée à fabriquer, distribuer, importer ou exporter des médicaments et du matériel médico - chirurgical et respecter la réglementation pharmaceutique du Sénégal et de son pays d’origine ; (2) Avoir acheté le dossier "AOI PNA 09/2005" (un dossier par soumissionnaire) ; Seuls les dossiers des soumissionnaires qui auront été légalement achetés seront examinés par la commission "AOI PNA 09/2005" VIII - Soumissionnement : Les candidats peuvent soumissionner pour un ou plusieurs articles. IX - Marchés : Les marchés passés seront des marchés à bons de commande à prix unitaire en DDU. X - Réglementation : L’AOI PNA 09/2005 est soumis aux clauses du dossier de l’appel d’offre "AOI PNA 09/2005" et aux lois et règlements en vigueur au Sénégal, notamment le décret n°2002 550 du 30 mai 2002 portant code des marchés publics. Le Directeur Dr Papa Birama Ndiaye
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RÉPUBLIQUE DU SÉNÉGAL -------------
MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DE LA PREVENTION MEDICALE -------------
PHARMACIE NATIONALE D’APPROVISIONNEMENT AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL OUVERT "AOI PNA ARV 02/2005"
Appel d’offres - Divers
I - Autorité contractante : PHARMACIE NATIONALE D’APPROVISIONNEMENT B.P. 4015 - DAKAR-HANN - SENEGAL Tél. : +221 - 859 50 66 / 859 50 72 Fax : +221 - 832 32 25 / 859 50 71 E-mail : pnas@sentoo.sn II - Objet : Le présent AOI porte sur la fourniture de MEDICAMENTS ANTIRETROVIRAUX, MATERIELS ET REACTIFS DE LABORATOIRES, pour les exercices budgétaires 2006 et 2007. III - Financement : Sur fonds propres IV - Retrait du dossier : Les dossiers d’appel d’offres, référencés sous le numéro "AOI PNA ARV 02/2005", peuvent être retirés auprès de l’autorité contractante contre le versement d’une somme non remboursable de 100 000 francs CFA, à payer soit par chèque barré à l’ordre de la PNA, soit en espèces déposées dans le compte bancaire de la PNA, contre reçu. CREDIT LYONNAIS SENEGAL Bd El Hadj Djily MBAYE, B.P. 56 - Dakar SENEGAL sous le numéro : K 0060 01030 608 71 96 054 000 68 À la demande des fournisseurs, le dossier d’appel d’offres pourra leur être expédié par courrier express contre le versement d’une somme complémentaire non remboursable de 50 000 francs CFA, à payer selon les mêmes dispositions. V - Remise des offres : Les offres seront adressées à l’autorité contractante conformément au dossier
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d’AOI PNA ARV 02/2005 au plus tard le JEUDI 13 OCTOBRE 2005 A 12H00 heures locales, délai de rigueur. VI - Ouverture des offres : Les offres seront ouvertes par la Commission d’Appel d’offres "AOI PNA ARV 02/2005", en séance publique, dans les locaux de la PNA, le JEUDI 13 OCTOBRE 2005 A 14H30 heures locales. VII - Conditions de participation : Pour participer à l’AOI PNA ARV 02/2005, deux conditions sont nécessaires : (1) être une personne morale habilitée à fabriquer, distribuer, importer ou exporter des médicaments, des réactifs et du matériel de laboratoire et respecter la réglementation pharmaceutique du Sénégal et de son pays d’origine ; (2) Avoir acheté le dossier "AOI PNA ARV 02/2005" (un dossier par soumissionnaire) ; Seuls les dossiers des soumissionnaires qui auront été légalement achetés seront examinés par la commission "AOI PNA ARV 02/2005" VIII - Soumissionnement : Les candidats peuvent soumissionner pour un ou plusieurs articles. IX - Marchés : Les marchés passés seront des marchés à bons de commande à prix unitaire en DDU. X - Réglementation : L’AOI PNA ARV 02/2005 est soumis aux clauses du dossier de l’appel d’offre "AOI PNA ARV 02/2005" et aux lois et règlements en vigueur au Sénégal, notamment le décret n°2002 550 du 30 mai 2002 portant des marchés publics. Le Directeur Dr Papa Birama Ndiaye
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REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO
Avis d’appel d’offres International Fournitures d’équipements médicaux (Kindu – Bukavu – Kisangani) Source de financement : Projet d’Urgence de Soutien au Processus de Réunification Economique et Sociale (PUSPRES), don IDA-HO64-DRC N° Avis d’appel d’offres : AOI 001/MODRU/MEDIC Date de la publication (DgMarket ou Business Development) : 23 Août 2005 ments d’appel d’offres rédigés en français, sur demande écrite à l’adresse indiquée ci-après, moyennant paiement d’un montant non remboursable de US$200. Le paiement devra être effectué par virement direct au compte MODRU V/C D.A.O N° 172-0260 193-27/USD, Swift code : BCDCCDKI ouvert à la Banque Commerciale du Congo à GOMA en indiquant la référence AOI 001/MODRU/MEDIC. Le dossier sera envoyé par CD-ROM/version papier adressé par courrier express . 6. Les offres doivent être envoyées à l’adresse indiquée ci-après au plus tard le 26 Octobre 2005 à 10 h 00. Elles doivent être accompagnées d’une garantie d’offre d’un montant de US$35,000 ou d’un montant équivalent en monnaie librement convertible. Les offres reçues après le délai fixé seront rejetées. Les plis seront ouverts en présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent assister à la séance d’ouverture le 26 Octobre 2005 à 10 h 30, à l’adresse indiquée ci-après. MODRU, Avenue du Golf - Himbi-GOMA/République Démocratique du Congo A l’attention de M. Jean Pierre LANDOLT Directeur Administratif et Financier Courriel : jeanpierre-landolt@gb-solution.cd avec copie à henrigourgue@gb-solution.cd Tél. : (243) 81 73 57 180.
Appel d’offres
1. La République Démocratique du Congo a obtenu un don de l’Association Internationale de Développement pour financer le coût du projet PUSPRES. Elle se propose d’utiliser une partie du montant de ce don pour effectuer les paiements autorisés au titre du marché relatif à l’appel d’offres AOI 001/MODRU/MEDIC. 2. Le Maître d’Ouvrage Délégué pour la composante réhabilitation urbaine (MODRU) invite, par le présent avis d’appel d’offres, les candidats remplissant les conditions requises à présenter une offre sous pli cacheté pour la fourniture d’équipements médicaux dans les trois ville de Bukavu, Kindu et Kinsangani. Les équipements sont variés et englobent du mobilier de chambre, des équipements de bloc opératoire, tables d’accouchement, échographes, incubateurs, équipement de laboratoire, équipements services dentaires, équipements services ophtalmologie, ambulances et petit équipement. 3. Le processus se déroulera conformément aux procédures d’appel d’offres international décrites dans les Directives : Passation des marchés financés par les prêts de la BIRD et les crédits de l’IDA ; tous les candidats des pays satisfaisant aux critères de provenance énoncés dans les Directives sont admis à soumissionner. 4. Les candidats intéressés remplissant les conditions requises peuvent obtenir un complément d’information auprès du MODRU et peuvent examiner le dossier d’appel d’offres à l’adresse indiquée ciaprès entre 10 heures et 16 heures. 5. Les candidats intéressés peuvent acheter un jeu complet de docu-
Avis d’appel d’offres ouvert international N° 1856/2005/MTPT/DC/DCA/SAM-DT 1. Le gouvernement de la République du BENIN a obtenu un prêt de la Banque Africaine de Développement en différentes monnaies, pour financer le coût des travaux de construction d’un port à Sémé. Il est prévu qu’une partie des sommes accordées au titre de ce prêt, sera utilisée pour effectuer les travaux de Construction des bâtiments devant abriter ce port. 2. Le Ministre des Travaux Publics et des Transports invite, par le présent appel d’offres, les soumissionnaires admis à concourir à présenter leurs offres sous pli fermé pour la dite construction. 3. Les soumissionnaires intéressés par ce présent avis d’appel d’offres peuvent obtenir des informations supplémentaires et examiner les dossiers d’appel d’offres à l’adresse suivante : Cellule d’Exécution du Projet CPS, sis dans les locaux de la DGPAC, avenue de la Marina 01 BP 4484, Cotonou, République du Bénin. Tél. : +229 23 63 96. 4. Le dossier d’appel d’offres pourra être acheté par
J.A./L’INTELLIGENT N° 2329 – DU 28 AOÛT AU 3 SEPTEMBRE 2005
les candidats, sur demande au service mentionné ci-dessus et moyennant payement d’un montant non remboursable de un million deux cent mille FCFA (1.200.000). Le soumissionnaire qui désire acquérir le dossier par courrier express ajoutera aux frais de dossier une somme de soixante dix mille FCA (70.000). 5. Les plis doivent être déposés impérativement au siège de la Cellule d’Exécution du projet de construction du Port à Sémé sis dans les locaux de la Direction générale du Port autonome de Cotonou le 29 septembre 2005 à 9 heures temps universel. 6. Les plis seront ouverts, en présence des soumissionnaires qui le désirent, le 29 septembre 2005 à 9 heures 30 minutes (temps universel) au siège de la Cellule d’Exécution du Projet de Construction d’un port à Sémé sis dans les locaux de la direction générale du Port autonome de Cotonou. Le Ministre des Travaux Publics et des Transports Madame OMITCHESSAN-TADELE Christiane
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Avis d’appel d’offres N° 008/AIC/PARFC/05
REPUBLIQUE DU BENIN PROJET D’APPUI A LA REFORME DE LA FILIERE COTON (PARFC) FOURNITURE DE MOTOS CREDIT N° 3598 - BEN
Appel d’offres
1. Le Gouvernement de la République du Bénin a obtenu le crédit N 3598-BEN de l’Association Internationale de Développement pour financer le coût partiel du Projet d’Appui à la Reforme de la Filière Coton (PARFC) et a mis à la totalité des fonds à la disposition de l’Association Interprofessionnelle du Coton (AIC) qui se propose d’utiliser une partie du montant de ce crédit pour effectuer les paiements autorisés au titre du marché de fourniture de motos destinés au renforcement des moyens logistiques de la composante D du Projet. 2. L’Association Interprofessionnelle du Coton (AIC), agence d’exécution du Projet d’Appui à la Reforme de la Filière Coton (PARFC) invite, par le présent avis d’appel d’offres, les candidats remplissant les conditions requises à présenter une offre sous pli cacheté pour la fourniture en un lot unique de : Trois cent quarante cinq (345) motos tout terrain de 125 cm3 avec casques de protection Le lot est indivisible. Le délai de validité de l’offre est de quatre vingt dix (90) jours. Le délai de livraison est de trois (03) mois à compter de la date de la signature du marché. Les fournitures seront livrées au Secrétariat Permanent de l’AIC à Cotonou au BENIN. 3. Le processus se déroulera conformément aux procédures d’appel d’offres international décrites dans les Directives : Passation des marchés financés par les prêts de la BIRD et les crédits de l’IDA, publiées par la Banque en janvier1995, mises à jour janvier et août 1996, septembre 1997, et janvier 1999. Tous les candidats des pays satisfaisant aux critères de provenance énoncés dans les Directives sont admis à soumissionner. 4. Les candidats intéressés remplissant les conditions requises peuvent obtenir un complément d’informations au Secrétariat Permanent de l’AIC, et peuvent examiner le dossier d’appel d’offres à l’adresse indiquée ci-après tous les jours
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ouvrables entre 9 heures et 12 heures, heure locale. 5. Les candidats intéressés peuvent acheter un jeu complet des documents de l’appel d’offres rédigés en français, sur demande écrite à l’adresse indiquée ci-après, moyennant paiement d’un montant non remboursable de cinquante mille (50 000) francs CFA ou l’équivalent en une monnaie librement convertible. Les dossiers achetés pourront être retirés au Secrétariat Permanent de l’AIC et à l’adresse ci-après. Un complément de vingt mille (20.000) francs CFA est exigé pour les candidats qui désirent recevoir le jeu complet des documents de l'Appel d'Offres par courrier accéléré. 6. Les offres doivent être rédigées en français et soumises en quatre (4) exemplaires dont un (01) original et trois (03) copies. Elles doivent être envoyées, à l’adresse indiquée ci-après au plus tard le jeudi 29 septembre 2005 à 16 heures locales. Elles doivent être accompagnées d’une garantie d’offre d’un montant de dix millions mille (10.000.000) francs CFA ou en une monnaie librement convertible. Les garanties doivent provenir d’une Banque commerciale. Les offres reçues après le délai fixé seront rejetées. Les plis seront ouverts en présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent assister à la séance d’ouverture le jeudi 29 septembre 2005 à 16 heures 30 minutes (heure locale), dans la salle de conférence de l’AIC à l’adresse indiquée ciaprès: Secrétariat Permanent de l’AIC - Projet d’Appui à la reforme de la Filière Coton Quartier TOKPLEGBE, Rue SOBETEX x zone des Ambassades, lot 70 061 BP 18 Cotonou-Bénin, Téléphone : 00 (229) 33 97 16 Télécopie : 00 (229) 33 97 15 E-mail : aic@intnet.bj Barthélemy Mèmado GAGNON (Secrétaire Permanent)
J.A./L’INTELLIGENT N° 2329 – DU 28 AOÛT AU 3 SEPTEMBRE 2005
annonces classées
UNION AFRICAINE UNIÃO AFRICANA
AFRICAN UNION
Addis Ababa, ETHIOPIA
P.O. Box 3243 Telephone 517 700 Cables : OAU, ADDIS ABABA
AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL N° ADM/ASD/ITP/5/19/08.05 Fourniture de Services de Télécommunications par Satellite pour la Commission de l’Union Africaine
1. Objet
Ce réseau devrait permettre à la Commission de l’Union Africaine d’avoir les services suivants : ● ● ●
Téléphonie sur IP Vidéoconférence Accès Internet à haut débit
http://www.africa-union.org
4. Date limite de dépôt des offres Les offres devront parvenir à Monsieur le Commissaire, Infrastructure et Energie de l’Union Africaine à l’adresse mentionnée ci-dessous au plus tard le 29 septembre 2005 à 17 h 00, heure locale.
5. Ouverture des plis L’ouverture des plis aura lieu au siège de la Commission de l’Union Africaine, à Addis Abéba, le 30 septembre 2005 à 10 h 00, heure locale. Les soumissionnaires pourront se faire représenter par des personnes dûment mandatées.
Pour cet appel d’offres, la Commission de l’Union Africaine n’est intéressée que par des offres de fournisseurs de services commerciaux de télécommunications, qui sont propriétaires des satellites ou exploitants du réseau.
La Commission de l’Union Africaine se réserve le droit d’apporter toutes les modifications ultérieures au présent appel d’offres ou de n’y donner aucune suite, en tout ou partie.
2. Conditions de participation
6. Renseignements complémentaires
La participation au présent appel d’offres est ouverte à toute personne physique ou morale régulièrement constituée et spécialisée dans ce domaine et dont les caractéristiques de l’offre sont conformes aux critères définis dans le cahier des charges.
Des renseignements complémentaires peuvent être obtenus auprès de la Commission de l’Union Africaine, à l’adresse ci-dessous :
Les critères de sélection et documents à fournir figurent dans le cahier des charges.
3. Retrait du cahier des charges Le cahier des charges du présent appel d’offres peut être retiré au siège de la Commission de
J.A./L’INTELLIGENT N° 2329 – DU 28 AOÛT AU 3 SEPTEMBRE 2005
Appel d’offres
La Commission de l’Union Africaine lance un appel d’offres pour la fourniture de services de télécommunications par satellite entre son siège, sis à Addis Abéba (Ethiopie), et l’ensemble de ses bureaux décentralisés en Afrique, en Europe et aux Etats-Unis d’Amérique. Ces services devraient également être disponibles pour les Etats Membres de l’Union Africaine ainsi que les Communautés Economiques Régionales, dans le cadre de leur interaction avec la Commission de l’Union Africaine.
l’Union Africaine, ou téléchargé à partir du site Internet de l’Union Africaine à l’adresse suivante:
Commission de l’Union Africaine Directorat de l’Administration et des Ressources Humaines PO Box 3243 Addis Abeba - ETHIOPIE Tél: (251) 1- 51 77 00 Fax: (251) 1- 51 78 44 Email : aucvsat@africa-union.org
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