RWANDA-FRANCE LES VÉRITÉS DE ROSE KABUYE
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 49e ANNÉE • N° 2501 • du 14 au 20 décembre 2008
www.jeuneafrique.com
TUNISIE / PRÉSIDENTIELLE PROFESSION CANDIDATS LE PLUS DE JEUNE AFRIQUE
GUINÉE ÉQUATORIALE RÊVES DE GRANDEUR
GUINÉE ÉQUATORIALE
V. FOURNIER / J.A.
Rêves de grandeur
Spécial 20 pages
ALGÉRIE MÉMOIRES DE GUERRE
Le fabuleux destin de
Pape Diouf
Le président de l’Olympique de Marseille est le premier – et le seul – dirigeant noir d’un club de football européen. Enquête sur un phénomène. ÉDITION GÉNÉRALE M 01936 - 2501 - F: 3,00 E
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France 3 € • Algérie 150 DA • Allemagne 4 € • Autriche 4 € • Belgique 3 € • Canada 5,95 $ CAN • DOM 3 € • Espagne 3,60 € Finlande 4 € • Grèce 4 € • Italie 3,60 € • Maroc 20 DH • Mauritanie 1000 MRO • Norvège 35 NK • Pays-Bas 3,60 € Portugal cont. 3,60 € • Royaume-Uni 3 £ • Suisse 5,90 FS • Tunisie 3 DT • USA 6,50 $ US • Zone CFA 1600 F CFA • ISSN 1950-1285
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confiance
sécurité
rentabilité
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innovation
DES RÉALISATIONS STRATÉGIQUES : • Nouveau port de Malabo La création d’un nouveau port en eaux profondes comprend une digue de protection, 1200 mètres linéaires de quais avec un poste ro-ro pour les trafics multipurpose, un terminal à conteneurs international, et un terminal mixte à -16 mètres. 27 hectares de nouveaux terre-pleins seront ainsi gagnés sur la mer . OBJECTIF : faire de Malabo un port répondant aux standards internationaux et servant d’étape pour les bateaux à destination de l’Afrique l’Ouest et de l’Afrique centrale.
Cette nouvelle route de cinq kilomètres avec un paseo maritime est en cours de réalisation en front de mer pour permettre une meilleure desserte du port de Malabo et pour créer une nouvelle zone d’aménagement urbain et touristique.
Somagec GE, un acteur majeur du dynamisme économique africain
OBJECTIF : doter Malabo d’une ouverture sur le front de mer, gagner 40 hectares de terrains sur la mer et les exploiter pour des activités industrielles, touristiques et urbanistiques.
Après plus de deux ans d’activités, Somagec Guinea Ecuatorial, leader du génie civil en Afrique, poursuit son essor et se positionne plus que jamais comme un créateur de développement. Avec un effectif de 2500 employés, dont 600 expatriés seulement, Somagec GE est devenue la principale entreprise équatoguinéenne dédiée à la construction des infrastructures maritimes et portuaires. Clé de la réussite : Somagec GE a développé une expertise alliant innovation, confiance, sécurité et rentabilité.
Somagec GE va développer ses projets, sur les îles comme sur le continent, et continuer à accompagner le développement de la Guinée Equatoriale. Après une année 2008 riche en réalisations, l'effort se poursuit sur de nouveaux fronts, comme la réalisation d'un réseau d'eau potable à Bata, l'achèvement des ports de Malabo, Kogo et Annobon, ainsi que la conquête de nouveaux marchés. Somagec GE met toute son expertise pour concevoir et réaliser de nouveaux ports et de nouvelles zones aménagées en front de mer, et ainsi ouvrir de nouvelles routes maritimes au service du développement économique et humain de l'Afrique.
• Port d’Annobon Il est constitué par une jetée principale de protection et une digue transversale, un terminal de commerce régional avec un poste ro-ro, un quai pétrolier, des appontements flottants, un terre-plein de 5,5 hectares pour les activités de commerce et les passagers. OBJECTIF : désenclaver l’île d’Annobon et lancer son essor économique.
• Nouveau terminal portuaire et paseo maritime de Kogo Ce chantier comprend un Paseo Maritime avec un terrain gagné sur le Rio Muni de 10 hectares, un terminal portuaire avec un accès en ponts, une digue de 700 mètres et un quai de 360 mètres linéaire à -5 mètres. OBJECTIF : développer la région sud de la Guinée Equatoriale.
• Adduction d'eau de Bata Après avoir terminé la protection du littoral de Bata, le chantier d'aménagement du réseau d'eau potable est commencé, comprenant des stations de pompage, d'épuration ainsi qu'un circuit de distribution. OBJECTIF : créer de meilleures conditions d'hygiène pour la population.
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• Route littorale de Malabo
SOMMAIRE
ÉDITORIAL
PHILIMON BULAWAYO/REUTERS
Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs 12 CENTRAFRIQUE : LE RETOUR DE LʼANGE De retour à Bangui après cinq ans dʼexil, Ange-Félix Patassé sʼattendait à un triomphe. Mais il ne contrôle plus son ancien parti.
Le cœur des ténèbres
Retrouvez François Soudan sur son blog « Courriers Sud » (http://soudan.blog.jeuneafrique.com).
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SUBSAHARIENS À RABAT Les conditions de vie des quelque 2000 migrants du Sud qui vivent dans la capitale marocaine sont difficiles. Reportage.
Béchir Ben Yahmed interrompt pour quelques semaines son « Ce que je crois ». Vous retrouverez sa chronique hebdomadaire dès le mois de janvier 2009. PHOTOS DE COUVERTURES : JACQUES TORREGANO/FÉDÉPHOTO ; HICHEM/MONTAGE : P. MARTIN/J.A.
C’EST UNE PHOTO CRÉPUSCULAIRE, une image vespérale de linceul, prise il y a quelques jours au carré des Héros de Harare. Celle d’un libérateur devenu dictateur et de son épouse, auxquels les lunettes fumées donnent FRANÇOIS l’allure sinistre d’un couple de SOUDAN tontons macoutes. Sur fond de choléra galopant – vingt mille contaminés, huit cents morts au bas mot – et d’inflation cataclysmique – huit quintillions pour cent, soit 8 suivi de 18 zéros! –, le Zimbabwe de Robert Mugabe est devenu un cauchemar. Il n’y a plus d’eau courante, plus de médicaments dans les hôpitaux et plus de professeurs dans les écoles, le salaire d’un enseignant ne valant même pas le prix du ticket de bus pour s’y rendre. Pris dans le tourbillon d’une paranoïa hallucinée, le pouvoir hurle au complot, dénonce une invasion imminente, accuse l’Occident d’infecter le peuple à coup de virus génocidaires et rejoue Fort Alamo entre Zambèze et Limpopo: « On a conquis ce pays à la pointe du fusil, dit Mugabe, on le défendra de la même manière. » Jusqu’au dernier Zimbabwéen. Cette résistance autistique de la part d’un homme de 84 ans, qui a héroïquement délivré tout un peuple des griffes du racisme avant de le plonger dans la misère, pourrait quelque part avoir du chien, de la gueule et une certaine esthétique du désespoir. Hélas, il n’en est rien. Si Mugabe s’agrippe aux commandes de son Titanic, c’est parce que lui et les siens ont peur. Peur d’être arrêtés, jugés, humiliés par leurs ennemis. Flairant l’odeur de la mort, l’ambigu Morgan Tsvangirai refuse d’ailleurs toute concession et toute garantie susceptibles d’apaiser les craintes du patriarche, quand bien même elles seraient la seule chance d’éviter un bain de sang. Pourquoi s’épuiser à cueillir une mangue, se dit-il, quand elle est prête à tomber? Même s’il ne nous plaît guère, à J.A., de mêler notre voix au chœur hypocrite des cassandres blanches, même si nous ne savons ni quand ni comment, une chose est sûre: Mugabe must go. ■
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CONFIDENTIEL
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FOCUS
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Centrafrique Le retour de lʼAnge Belgique La pasionaria du djihad Afrique du Sud Coup de semonce pour lʼANC Union européenne Lʼintégration par la naturalisation Côte dʼIvoire Des finances peu « orthodoxes » Algérie-France Nouvelle embrouille France Rama Yade, la femme qui dit non États-Unis Les non-Blancs gagnent du terrain France-Madagascar Polémique historico-théâtrale Enseignement Les Arabes ont perdu la bosse des maths !
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PLEINS FEUX
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Le fabuleux destin de Pape Diouf
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AFRIQUE SUBSAHARIENNE
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Rwanda « Moi, Rose Kabuye, prisonnière de lʼÉtat français » J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 0 1 • D U 14 A U 2 0 D É C E M B R E 2 0 0 8
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GUINÉE
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LE PLUS ÉQUATORIALE DE JEUNE AFRIQUE
« MOI, ROSE KABUYE, PRISONNIÈRE DE LʼÉTAT FRANÇAIS » Jeune Afrique a rencontré la directrice du protocole du président rwandais Paul Kagamé, mise en examen à Paris. Un portrait exclusif.
PLEINS FEUX 20
LE FABULEUX DESTIN DE PAPE DIOUF Le président de lʼOlympique de Marseille, seul dirigeant noir dʼun club de football européen, se définit lui-même comme une « anomalie ». Enquête sur un phénomène.
TUNISIE : PROFESSION CANDIDATS À moins dʼun an de la présidentielle, Ben Ali nʼa pas de concurrent crédible. Mais la possible entrée en lice de Mustapha Ben Jaafar, lʼopposant le plus respecté de la scène politique, pourrait donner un nouveau relief au scrutin.
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Rêves de grandeur
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PLUS GUINÉE ÉQUATORIALE Voyage au cœur de lʼun des pays les plus riches du continent. Spécial 20 pages.
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PORTS AFRICAINS EN PANNE Pourquoi et où manque-t-il 7 milliards de dollars pour boucler les onze projets les plus importants sur le continent ?
Le devoir d’informer, la liberté d’écrire 77
ECOFINANCE
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Maritime Les ports africains en manque de liquidités La semaine dʼEcofinance Portrait Willy Ontsia : un jeune loup dans la guerre des Bourses Automobile Le pari industriel de Tanger prend forme Conjoncture Le rebond africain attendu dès 2010 Coopération Pékin se renforce sur le continent Télécoms Privatisations : dix ans de surenchère Technologie Quand les PC jouent les prolongations
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LIRE, ÉCOUTER, VOIR
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Musique Manu Dibango : « Quand on dit ivoirité, je rigole ! » DJ U-Cef, sorcier halal Humeur Le français en aumône Livres La guerre dʼAlgérie nʼest pas finie Adieu Mohammed Madbouli Danse La Termitière et ses petits rats
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Bénin Braquages en série RD Congo Soir de combat à Kinshasa Ghana Retour à lʼisoloir Diplomatie Les « Anciens » peinent à se faire entendre
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MAGHREB & MOYEN-ORIENT
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Présidentielle tunisienne Ben Jaafar aussi Ce jour-là 13 décembre 2003 : capture de Saddam Hussein Moyen-Orient Les mystères de lʼimpuissance arabe Maroc Dur, dur pour les Subsahariens Mauritanie À quoi joue Ahmed Ould Daddah ? Droits de lʼhomme Israël montré du doigt
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INTERNATIONAL
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France La vengeance de Sarkozy Parcours Mehdi Hadj-Abed Japon Jeu de massacre États-Unis Lʼami palestinien dʼObama 11 Septembre Le « cerveau » cherche à devenir martyr
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L E P L US D E J E U N E AF R I Q U E
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Guinée équatoriale Rêves de grandeur
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VOUS & NOUS
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Choses vues Leçons malaisiennes Courrier des lecteurs Post-scriptum
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CONFIDENTIEL
POLITIQUE
MALI ALPHA OUMAR KONARÉ LANCE SA FONDATION du Mali), l’accompagnent dans cette entreprise. Nommé « Mouvement pour les États-Unis d’Afrique », le nouvel organisme aura pour vocation de faire renaître l’idéal du panafricanisme sur le continent par la création, dès 2009, d’une université des États-Unis d’Afrique à Bamako et par la relance de la Conférence des peuples africains, initiée en décembre 1957 par le président ghanéen Kwame Alpha Oumar Konaré, Nkrumah. ex-président du La fondation militera également Mali et ancien président de la pour le paiement de réparations à Commission de l’Afrique pour les dommages causés l’Union africaine. par le colonialisme et l’esclavage. Elle doit par ailleurs travailler à la définition de critères permettant de sélectionner les pays africains qui seront chargés de représenter le continent dans les grandes institutions internationales, notamment sur les questions de justice économique et d’immigration. ERIC BAUDET/FEDEPHOTO
L’ANCIEN PRÉSIDENT DE LA COMMISSION de l’Union africaine (UA) Alpha Oumar Konaré s’apprête à sortir de sa réserve en lançant, le 1er janvier 2009, sa propre fondation. Deux de ses plus proches collaborateurs, Adam Thiam (ancien porte-parole de l’UA) et Ibrahima Samba Traoré (ex-conseiller de Konaré à la présidence
SÉCURITÉ
DES TROUPES CHINOISES EN AFRIQUE ?
Le gouvernement chinois doit-il dépêcher des troupes en Afrique pour sécuriser ses investissements ? Tel est le débat qui oppose actuellement à Pékin politiques, diplomates et spécialistes des relations sino-africaines à la suite de la double capture, en novembre, d’un cargo hongkongais transportant du blé au large de la Somalie et d’un bateau de pêche chinois au large du Kenya. Pour He Wenping, directrice du bureau des affaires africaines à l’Académie des sciences sociales de Pékin, la Chine n’a pas intérêt à envoyer des soldats si elle ne veut pas être taxée de néocolonialisme. Il est préférable qu’elle travaille en partenariat avec les forces de sécurité des pays africains. (Voir aussi p. 85.)
ISRAËL UN TURC À JÉRUSALEM Le président turc Abdullah Gül effectuera début janvier 2009 sa première visite officielle en Israël en tant que chef de l’État. Au menu de ses entretiens avec son homologue Shimon Pérès : les négociations israélo-syriennes dans lesquelles Ankara joue le rôle d’intermédiaire et la « menace » nucléaire iranienne, à propos de laquelle les deux pays divergent profondément. Aux yeux des Turcs, en effet, tout pays est en droit d’accéder à l’énergie nucléaire, et il n’est pas prouvé que le programme poursuivi par Téhéran soit d’ordre militaire. Reste que les Israéliens pourraient avoir quelque chose à négocier en échange. Abdullah Gül souhaite en effet qu’ils usent de leur influence auprès de la future administration américaine pour que le massacre des Arméniens en 1915 ne soit pas officiellement reconnu comme un génocide par Washington, Barack Obama ayant, pendant sa campagne, donné des signes en ce sens qui ont beaucoup inquiété Ankara. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 0 1 • D U 14 A U 2 0 D É C E M B R E 2 0 0 8
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7 RD CONGO
La famille de Constantin Nono Lutula, 67 ans, ancien conseiller spécial à la sécurité de Laurent-Désiré Kabila, condamné à mort en janvier 2003 pour sa participation présumée à l’assassinat de ce dernier, s’inquiète. Il souffre de graves problèmes de vue qui nécessiteraient des soins urgents hors du Congo. Les autres condamnés à mort – une vingtaine, dont le colonel Eddy Kapend, ex-aide de camp du « Mzee », et le général Yav Nawej –, tous arrêtés en mars 2001 et tous incarcérés au centre pénitentiaire et de rééducation de Kinshasa, la fameuse prison de Makala, ne vont guère mieux. Leur demande de grâce auprès du président Joseph Kabila est restée sans réponse et les verdicts prononcés contre eux par la Cour d’ordre militaire ne sont pas susceptibles d’appel. FRANCE-TCHAD
VENTES D’ARMES BLOQUÉES
Pourquoi le ministère français de la Défense n’a-t-il pas autorisé en juillet dernier la société d’aviation Griffon Aerospace à vendre des armes au Tchad? De bonne source, le blocage n’est pas politique et l’Élysée n’est pas concerné. Querelle de marchands d’armes ? Le 10 décembre, à l’occasion du 18e anniversaire de son arrivée au pouvoir, Idriss Déby Itno a organisé à N’Djamena un imposant défilé militaire avec notamment le survol de la capitale par deux avions de chasse Sukhoï et quatre hélicoptères de combat MI-17 et MI-24. Griffon Aerospace est justement spécialisé dans la livraison d’hélicoptères et la formation de pilotes.
MAROC TZIPI LIVNI FRAPPE À LA PORTE DE PASSAGE À TANGER FIN NOVEMBRE dans le cadre des Journées méditerranéennes (Medays), le directeur général du ministère israélien des Affaires étrangères, Aharon Abramowitz, a profité de l’occasion pour plaider en faveur d’une visite de sa patronne, Tzipi Livni, au Maroc. Avant les élections législatives de février 2009 bien entendu, un tel voyage étant susceptible de rejaillir favorablement sur les chances de la candidate du parti Kadima au poste de Premier ministre. Abramowitz, qui s’est ouvert de cette requête auprès du ministre marocain des Affaires étrangères, Taïeb Fassi Fihri, ne se fait pourtant guère d’illusions sur ses chances d’aboutir dans un délai aussi court. La dernière visite d’un chef de la diplomatie israélienne au Maroc, Sylvain Shalom, date d’il y a cinq ans et les deux pays ont fermé leurs sections d’intérêt réciproque à la suite de la seconde Intifada, fin 2000.
ZIMBABWE PIUS NCUBE RÉDUIT AU SILENCE Dans le concert des voix qui demandent le départ de Robert Mugabe, il y en a une qui manque. Celle de l’ancien archevêque catholique de Bulawayo, le tonitruant Pius Ncube. Depuis qu’il a été accusé d’avoir entretenu une liaison avec une femme, mariée de Pius Ncube, ancien surcroît, et après qu’il archevêque de Bulawayo. a décidé, en septembre 2007, de démissionner de son poste, le Vatican lui a demandé de se taire. En 2006, pourtant, en plein combat contre Mugabe, il avait été classé parmi les dix personnalités les plus importantes au monde par le magazine Inside Vatican. La lucidité et le courage de Pius Ncube seraient précieux aujourd’hui pour les adversaires du président zimbabwéen. S. SIBEKO/REUTERS
LES DAMNÉS DE MAKALA
BOTSWANA-ZIMBABWE ÇA CHAUFFE ENTRE LES DEUX PAYS Le Botswana est depuis longtemps dans le collimateur de Robert Mugabe. Le président zimbabwéen est convaincu que son voisin complote contre lui et héberge des bases d’entraînement militaire du parti d’opposition, le Mouvement pour le changement démocratique. Le Botswana a évidemment réfuté ces allégations. Pour tenter de calmer le jeu, la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) a décidé d’envoyer sur place une mission, qui doit démarrer le 18 décembre.
GUINÉE
GUERRE DES CLANS À CONAKRY
Alors qu’on la croyait terminée avec le limogeage, le 20 mai, de l’ex-Premier ministre Lansana Kouyaté, la guerre des clans continue de plus belle dans les cercles du pouvoir en Guinée. Avec des retournements d’alliances et des combinaisons contre-nature dont le pays a le secret, l’homme d’affaires Elhadj Mamadou Sylla et son ennemie d’hier, Chantal Cole, la « Madame Communication » du président, se sont retrouvés pour servir de « protecteurs » au nouveau chef du gouvernement, Ahmed Tidiane Souaré. Face à eux, le secrétaire général à la présidence, Alpha Ibrahima Keira, par ailleurs beau-frère du chef de l’État, Lansana Conté, multiplie les stratagèmes pour avoir Souaré à l’usure : blocage des documents qu’il soumet à la signature de Conté, tentatives pour faire annuler par décret les décisions du gouvernement. Fort du soutien de la famille présidentielle, Keira exerce de facto les pouvoirs du chef de l’État.
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CONFIDENTIEL MAROC
RELANCE DE LA BANCARISATION Le sec teur bancaire c o u v r e a c t u e ll e m e n t 30 % de la population marocaine, selon l’est im a t i o n d o n n é e p a r Abderrahim Bouaz za, c he f du dépar tement de la super vision à la Banque centrale AlMaghrib. Ave c le dé veloppement en cours des réseaux et l’amé lioration des services, ce taux devrait atteindre 40 %, non compris le secteur postal, d’ici à 2011. C’est le niveau actuel de la Tunisie. TRAVAUX PUBLICS
LES FRANÇAIS ESPIONNENT LES CHINOIS
La Fédération nationale des travaux publics ( FNTP) , qui regroupe les grandes entreprises françaises de la construction, a passé récemment commande d’une étude auprès d’un organisme spécialisé, pour comprendre dans le détail la composition des coûts des sociétés chinoises en Afrique. Lorsqu’elles répondent a u x a p p e l s d ’o f f r e s , ces dernières font des propositions de 30 % à 40 % moins chères que celles des Occidentaux. N on s e ule m e n t e lle s recourent à de la maind’œuvre nationale et à des matériaux fabriqués e n C hin e, m a i s e ll e s bénéficieraient aussi de subventions.
ÉCONOMIE
BOURSE D’ABIDJAN LES MENACES DE DAKAR LES VELLÉITÉS SÉNÉGALAISES de créer une Bourse à Dakar se précisent. « Si le président Abdoulaye Wade demande à la Sonatel, qui représente la moitié de la capitalisation de la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) d’Abidjan, de raLa Bourse régionale des valeurs mobilières patrier sa cotation à Dad’Abidjan. kar, elle le fera », estime une source proche du dossier. L’État sénégalais est en effet actionnaire à hauteur de 28 % de l’opérateur téléphonique. En fait, le Sénégal semble surtout vouloir forcer la main à la BRVM pour qu’elle devienne véritablement une place régionale (sur les 38 entreprises cotées, 34 sont ivoiriennes). Cela passe notamment par une présidence tournante – pour l’instant tenue par un Ivoirien –, le développement des antennes nationales et l’installation du dépositaire central à Dakar. En attendant, la présidence sénégalaise a constitué une équipe. Sa mission : préparer le dossier technique avant le lancement d’une Bourse nationale. NABIL ZORKOT
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CAMEROUN GICAM: BEHLE NE VEUT PAS DE DÉBAT À l’approche de l’élection à la présidence du Gicam (Groupement interpatronal du Cameroun), le 17 décembre, le président intérimaire Olivier Behle, un fiscaliste de 54 ans, a refusé de prendre part à un débat qui devait l’opposer à son concurrent, l’assureur Protais Ayangma, le 4 décembre, sur la chaîne STV, qui émet à partir de Douala. « Je souhaite que les problèmes de la corporation ne soient pas étalés sur la place publique », a estimé le poulain d’André Siaka, directeur général des Brasseries du Cameroun, qui a dirigé le Gicam pendant quinze ans avant de démissionner en septembre dernier. En refusant le débat, Behle prive Ayangma, par ailleurs fringant et télégénique patron de presse, d’une chance de surmonter son retard. Ce dernier espérait rallier à sa cause les dirigeants des PME, qui constituent 70 % des membres, contre la liste Behle soutenue par Siaka et le secrétaire général du Gicam Martin Abega.
TRANSPORT AÉRIEN
EMIRATES À MALABO ?
Alors que Malabo est déjà desservi par Air France-KLM, Iberia, Lufthansa et Royal Air Maroc, plusieurs autres compagnies internationales envisagent d’ouvrir une ligne vers la capitale équatoguinéenne. Delta Airlines et Emirates, en particulier, ont engagé des pourparlers avec le gouvernement. L’arrivée de la compagnie de Dubaï confirmerait l’intérêt des émirats pour l’ancienne colonie espagnole après l’offre faite par Dubai Ports World pour la gestion du port de Malabo.
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CONFIDENTIEL
CULTURE & SOCIÉTÉ
ROMAN
Le réalisateur tchadien Mahamat-Saleh Haroun.
XAVIER LAMBOURS/SIGNATURES
CINÉMA LES PROJETS DE MAHAMAT-SALEH HAROUN
LE NOUVEAU BEYALA ARRIVE
LE CINÉASTE TCHADIEN Mahamat-Saleh Haroun, qui a triomphé ces dernières années dans les plus grands festivals de la planète avec Bye Bye Africa, Abouna et Daratt, travaille aujourd’hui sur deux projets. Le premier, dans la lignée de ses trois premiers longsmétrages tournés sur le continent, qu’il espère réaliser en 2009, a pour titre provisoire une phrase d’Aimé Césaire : « Un homme qui crie n’est pas un ours qui danse. » Le second, beaucoup plus ambitieux avec un budget prévisionnel de 3 à 4 millions d’euros, sera tourné probablement en 2010 en France et sur une ou plusieurs îles du pourtour de l’Afrique. Son titre est hélas évocateur : « African Fiasco ».
Après un récit situé au Zimbabwe (La Plantation, sorti en 2005) puis la chronique d’une déception amoureuse (L‘homme qui m’offrait le ciel, 2007), Calixthe Beyala renoue avec le décor et l’ambiance qui ont fait le succès de la plupart de ses livres précédents, les milieux franco-africains de Paris et de sa banlieue. Dans Le Roman de Pauline, qui paraîtra le 9 février chez Albin Michel, l’écrivaine franco-camerounaise met en scène une métisse de 14 ans qui, entre une mère absente et un frère délinquant, ne connaît qu’une loi, celle de la rue.
SPECTACLE SIGNÉ DELAVALLET BIDIEFONO NKOUKA Le Congolais Delavallet Bidiefono Nkouka, second prix des Rencontres chorégraphiques de l’Afrique et de l’océan Indien 2008, signera la chorégraphie de Nos enfants nous font peur quand on les croise dans la rue, une pièce du Français Ronan Chéneau qui sera présentée au Théâtre de Gennevilliers, dans la banlieue parisienne, du 24 janvier au 14 février. Consacrée pour l’essentiel à la place de l’Afrique et des Africains en France, Nos enfants… entamera ensuite une tournée française.
SISSAKO S’ATTAQUE À GORKI
BANDE DESSINÉE PAHÉ À LA TÉLÉVISION La bande dessinée autobiographique du Gabonais Patrick Essono intitulée La Vie de Pahé (deux tomes parus aux éditions Paquet) fait l’objet d’une adaptation télévisée sous la forme d’un dessin animé. Les 78 épisodes de sept minutes doivent être diffusés à partir de septembre 2009 sur la chaîne France 3. Au moment même où sore tira le tome III de la série, consacré à la vie de Pahé… avec les femmes !
LONG-MÉTRAGE
Les deux premiers tomes de la série du Gabonais Patrick Essono.
Fort du succès de Bamako, Abderrahmane Sissako par tira tourner en Mauritanie, probablement en septembre prochain, une adaptation très libre des Bas-Fonds de Gorki. Ce long-métrage, qu’on devrait découvrir en 2010, a pour titre provisoire « La dune n’était pas belle ».
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Il a envie d’arrêter le préservatif.
Elle aussi.
Ils vont d’abord faire le test du VIH. Pour savoir où, quand, comment : Sida Info Service 0800 840 800
(appel gratuit depuis un poste fixe)
sida-info-service.org
Avant d’arrêter le préservatif, faites le test.
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12 FOCUS
LES DERNIÈRES NOUVELLES DU MONDE
CENTRAFRIQUE LE R À son arrivée à Bangui après plus de cinq ans dʼexil, Ange-Félix Patassé sʼattendait à un accueil triomphal de la part de ses partisans. Mais son successeur lʼa très habilement privé de bain de foule.
CHRISTOPHE BOISBOUVIER
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ans les bars du Kilomètre 5, à Bangui, on appelle ça le « coup de Boali », et tout le monde s’en amuse. Le 7 décembre, peu après 13 heures, Ange-Félix Patassé rentre au pays après cinq ans et demi d’absence. Pour le président déchu, le moment est fort. Dans l’avion que le Gabon a spécialement mis à sa disposition entre Lomé et Bangui, il ajuste une dernière fois son nœud papillon. Barbe blanche et large sourire, il descend lentement la passerelle et s’agenouille pour embrasser le sol, façon Jean-Paul II. Ce qui compte pour lui, c’est l’accueil de « son peuple », comme il aime à le dire. Il sait que, sur la route entre l’aéroport et le centre-
hélicoptère. Direction Boali, à 85 km au nord de la capitale. Fureur des compagnons de voyage de Patassé : « Mais où l’avez-vous emmené ? » Et, surtout, colère de l’intéressé : « Mais c’est un enlèvement! » « BOZIZÉ, C’EST MON FRÈRE »
Le soir, François Bozizé l’appelle pour le calmer. Le lendemain, Omar Bongo Ondimba arrive à Bangui pour l’ouverture du Dialogue politique inclusif et réunit les deux hommes dans un bureau de l’Assemblée nationale. Première rencontre depuis 2001. Première accolade. « C’était fraternel. Après tout, Bozizé, c’est mon frère », dira plus tard Patassé. Finalement, le 11 décembre, l’ancien président déménage et s’installe dans une villa de la capitale. Tout rentre dans l’ordre. Mais Bozizé a réussi son coup. Le héros du jour n’a pas eu droit à son bain de foule. En fait, le coup de Boali en dit long sur les craintes que Patassé inspire encore à ses adversaires. Certes, à 71 ans, l’ancien Premier ministre du maréchal Bokassa n’a plus la fougue de ses 20 ans et doit être suivi médicalement en raison de problèmes oculaires. Mais le jour de l’ouverture du Dialogue, tout le monde convient qu’il a prononcé le meilleur discours. « Ce forum ne doit pas être l’affaire d’intellectuels petitsbourgeois », a-t-il lancé de sa voix de stentor. Applaudissements dans les quartiers « patassistes » de la capitale, où les gens l’écoutaient en direct à la radio. Cinq ans après, l’homme n’a rien perdu de son éloquence. À Ban-
Parvenu à Boali, l’ancien président s’emporte : « Mais c’est un enlèvement ! » ville, plusieurs milliers de partisans l’attendent et brandissent pancartes et photos à son effigie… Il rêve d’un triomphe. Mais François Bozizé n’a nulle intention de lui faire ce cadeau. Pour accueillir son prédécesseur, le président centrafricain a dépêché à l’aéroport son fils Francis, ministre délégué à la Défense. Salon d’honneur, rafraîchissements… Et puis, l’air de rien, Bozizé Jr s’approche de Patassé : « Monsieur le Président, si vous voulez bien me suivre… » En deux temps trois mouvements, le revenant se retrouve sanglé sur le siège d’un
gui, on le surnomme « Shaolin », du nom d’un vieux maître d’arts martiaux arborant une longue barbe blanche dans une série télévisée chinoise… Patassé peut-il revenir au pouvoir ? Ses partisans y croient, pour deux raisons. 1. Natif de Paoua, dans le nord-ouest de la Centrafrique, il est sans doute le seul homme politique capable de convaincre tous les mouvements rebelles de cette région de déposer les armes. D’où l’amnistie que François Bozizé lui a accordée juste avant son retour.
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En provenance de Lomé, Ange-Félix Patassé débarque à Bangui, le 7 décembre.
2. Lors de la prochaine présidentielle, en 2010, il sortira d’une longue cure d’opposition. De quoi faire oublier, peut-être, ses dix années calamiteuses à la tête de l’État (1993-2003). QUI VA À LA CHASSE…
Le problème, c’est que Patassé ne contrôle plus la machine électorale du Mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC). Pendant son exil togolais, Martin Ziguélé a pris sa place et a réussi à mettre Bozizé en ballottage à l’élection présidentielle de 2005.
Lors de l’ouverture du Dialogue, le 8 décembre, Patassé et Ziguélé se sont ostensiblement ignorés. Rien, pas même une poignée de main. Dans les deux camps, les mots blessants fusent. « Usurpateur », disent les uns. « Vieil homme diminué », répliquent les autres. Évidemment, Patassé rêve de « croquer » Ziguélé comme Bédié le fit avec Fologo, à son retour en Côte d’Ivoire. Mais rien n’est joué. Le plus grand handicap de Patassé se trouve à l’étranger. D’abord, parce que les chefs d’État de la sous-région ne l’aiment guère. « Il sait parler à son
AFP PHOTO/CHRISTIAN PANIKA
E RETOUR DE LʼANGE
peuple, mais ne sait pas gouverner », persifle l’un d’eux. Ensuite, parce que la Cour pénale internationale continue d’enquêter sur le viol de plus de cinq cents Centrafricaines, en 2002. Si JeanPierre Bemba, l’ex-chef rebelle congolais, finit par être jugé, il ne manquera pas de pointer un doigt accusateur sur l’ancien président centrafricain. À Noël, Ange-Félix Patassé compte revenir à Lomé auprès de sa famille, avant de s’installer définitivement à Bangui. Il savoure l’instant, sachant très bien que l’avenir est semé d’embûches. ■
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HAZEL THOMPSON/THE NEW YORK TIMES
BELGIQUE La pasionaria du djihad
La Belge d’origine marocaine Malika el-Aroud, alias Oum Obaïda.
PARMI LA QUINZAINE D’ISLAMISTES arrêtés en Belgique, jeudi 11 décembre, parce qu’ils étaient soupçonnés de préparer une opération kamikaze pour le compte d’Al-Qaïda, une femme retient l’attention : Malika el-Aroud, alias Oum Obaïda. Elle est loin d’être une inconnue. C’est même une vedette du djihad et qui tient à le faire savoir. En mai, elle a eu droit à la une de l’International Herald Tribune, qui la présentait comme une dangereuse égérie du terrorisme islamiste en Europe.
Ayant reçu deux journalistes (femmes) du New York Times dans son appartement bruxellois, en tee-shirt, pantalon et cheveux découverts, elle n’avait dissimulé ni ses convictions ni son action. « Mon rôle n’est pas de faire exploser des bombes, ce serait ridicule. J’ai une autre arme : c’est d’écrire, de parler haut et fort. Tel est mon djihad. Vous pouvez faire beaucoup de choses avec les mots. Écrire est aussi une bombe. » À l’adresse des Américains, elle menaçait: « Le Vietnam n’était rien en comparaison de ce qui vous attend
dans nos pays. Demandez à vos mères et à vos épouses de commander les cercueils! » D’origine marocaine (elle est née à Tanger, en 1959), Malika a grandi en Belgique, dont elle a acquis la nationalité. Mariée jeune, elle ne tarde pas à divorcer et aura une fille hors mariage. C’est avec son deuxième mari, Abdessatar Dahmane, qui est tunisien, qu’elle découvre la voie islamiste. Elle le suit en Afghanistan, où il sera l’un des deux kamikazes qui provoqueront la mort du commandant Massoud, la veille du 11 septembre 2001. De retour en Belgique, elle est traduite en justice, puis acquittée. C’est auprès de son nouvel époux, Moez Garsallaoui, un Tunisien installé en Suisse qui anime un site lié à AlQaïda, que Malika trouve sa vocation de pasionaria du djihad sur Internet. Condamnée avec sursis, puis expulsée vers la Belgique, elle poursuit ses activités. Sur le site Minbar-SoS, elle relaie, en français, sous le nom d’Oum Obaïda la propagande djihadiste sur l’Irak, la Tchétchénie ou la Palestine. Depuis l’opération du New York Times, elle n’accepte de rencontrer des journalistes qu’à ses conditions : 10000 euros et la publication intégrale HAMID BARRADA de l’interview. ■
AFRIQUE DU SUD Coup de semonce pour lʼANC POUR LE CONGRÈS NATIONAL AFRICAIN (ANC), les élections partielles du 9 décembre constituent « une déception ». Et un sérieux avertissement à quelques mois des élections générales. À l’inverse, elles sont un succès relatif pour le Congrès du peuple (Cope), récemment créé par des dissidents de l’ANC. Mais la formation qui tire le mieux son épingle du jeu est l’Alliance démocratique (DA), classée droite libérale et dominée par les Blancs. Sur l’ensemble du pays, 41 sièges étaient à pourvoir, la plupart pour remplacer des élus ANC ayant fait défection ou ayant été exclus. L’ANC en a remporté 11, la DA autant et le Cope, 10. L’Inkatha, le parti zoulou, remporte 4 sièges dans son fief, le Kwazulu-Natal, et les démocrates indépendants (ID), 5 dans la région du Cap. Pour l’ANC, la campagne a commencé par une bourde. Dans 12 des 27 circonscriptions en jeu dans la province du Cap, ses candidats n’ont pu participer au scrutin. Parce qu’ils avaient laissé passer la date limite d’inscription auprès de la Commission électorale! Le parti a aussi manqué de fairplay et est accusé de diverses intimidations et de diffusion
de fausses informations (annonce d’un report du scrutin). Ce n’est sans doute pas très grave, ces incidents étant restés isolés, mais quand même préoccupant dans un pays qui se veut un modèle de démocratie. Au bout du compte, l’ANC ne conserve que 3 des 27 sièges de conseillers qu’elle détenait dans la région du Cap occidental, qui, majoritairement peuplée de Blancs et de métis, est, il est vrai, un fief de l’opposition. Formé par des cadres de l’ANC désireux de proposer une alternative à Jacob Zuma, le candidat probable du parti à la prochaine présidentielle (en avril, en principe), le Cope a abordé la consultation avec un handicap, il n’est pas encore officiellement enregistré puisque son congrès constitutif n’a lieu que le 16 décembre. Ses candidats ont été contraints de se présenter sous l’étiquette « indépendants ». Second camouflet pour l’ANC, la justice leur a accordé le 12 décembre la possibilité d’utiliser le nom Cope. Pour la présidente du DA, et maire du Cap, Helen Zille, « Cope prend des voix à l’ANC. […] Jamais le paysage poliFABIENNE POMPEY tique n’a été aussi ouvert. » ■ J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 0 1 • D U 14 A U 2 0 D É C E M B R E 2 0 0 8
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UNION EUROPÉENNE
Lʼintégration par la naturalisation SUR MILLE ÉTRANGERS résidant dans l’Union européenne, seuls vingt-six parviennent à acquérir la nationalité du pays hôte, à en croire un rapport publié le 10 décembre par Eurostat, l’institut européen des statistiques. Pour la première fois, des données permet tent de comparer le « degré d’intégration » de s é tranger s dans chac un de s vingt-sept pays de l’UE selon qu’ils obtiennent ou non la naturalisation. Celle-ci est en effet le signe d’une installation durable et d’une certaine insertion économique, voire culturelle. Selon Eurostat, c’est la Suède qui facilite le mieux ce type d’intégration, avec un ratio de 107 naturalisations pour 1 000 résidents étrangers. Le Royaume -Uni arrive en deuxième position (45 pour 1 000), suivi des Pays-Bas et de la France (42), de la Belgique (35), de l’Allemagne (17), de l’Espagne (16) et de l’Italie (13). Au total, l’UE a octroyé la naturalisation à 735 000 personnes en 2006, contre 722 000 en 2005. Les bénéficiaires se répartissent géographiquement comme suit : pays européens non membres de l’UE (27 %), Afrique (27 %), Asie (22 %), Amériques (12 %) , autres membres de l’UE (8 %), Océanie (4 %). Les émigrés turcs arrivent en tête avec 64 000 naturalisations en 2006, suivis des Marocains (48 000), des Irakiens (23 0 0 0 ) , des Algériens (19 000) et des Tunisiens (9 000). Le rapport ne donne malheureusement pas d’informations sur les autres pays d’origine. Mais il analyse dans le détail la répartition des naturalisés selon les pays d’accueil. Ainsi, 85 % des Algériens naturalisés en 2006 sont devenus français, de même que 76 % des Tunisiens et 46 % des Marocains. Ces derniers sont donc sensiblement moins focalisés sur la France : 16 % ont pris la nationalité belge, 14 % sont devenus néerlandais, 12 % espagnols et 2 % italiens. ■
ILS ONT DIT ANITA CORTHIER
« Il faut éviter que la justice internationale devienne une jungle où n’importe quel juge d’un pays souverain peut inculper telle ou telle personne, sans coopération ni entraide. » BLAISE COMPAORÉ Président burkinabè
« Le Ghana est un pays politiquement très raffiné, qui dispose d’une élite politique très ancienne. » GILCHRIST OLYMPIO Opposant togolais
« En tant que Juif, j’ai honte de voir des Juifs ouvrir le feu sur des Arabes innocents, à Hébron. Il n’y a pas d’autre mot que celui de pogrom pour désigner de tels actes. » EHOUD OLMERT Premier ministre israélien
« J’ai arrêté de fumer, mais j’ai dit qu’il y avait parfois des
accidents de parcours. Vu les circonstances, j’ai fait un travail formidable pour être en meilleure santé. » BARACK OBAMA Président américain élu
« Les Français adorent quand je suis avec Carla dans un carrosse en Angleterre. Mais, en même temps, ils ont guillotiné le roi. » NICOLAS SARKOZY Président français
« Les dégâts humains du communisme sont impossibles à expliquer. C’est comme décrire une tempête de neige à un Congolais. » KAREL SCHWARTZENBERG Ministre tchèque des Affaires étrangères
LE DESSIN DE LA SEMAINE DILEM
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CES
CHIFFRES QUI PARLENT
75
milliards de dollars : les recettes pétrolières prévisionnelles de l’Algérie, cette année (59,3 milliards en 2007).
400000
Le nombre de barils perdus chaque jour par le Nigeria en raison de l’insécurité dans le delta du Niger (chiffres officiels).
250 000
euros : le cachet qu’aurait touché la chanteuse américaine Britney Spears pour sa participation à la Star Academy de TF1, le 28 novembre.
12 000
Le nombre d’entreprises d’origine américaine hébergées dans un seul immeuble des îles Caïmans, l’un des principaux paradis fiscaux.
120
millions de dollars : le butin des pirates somaliens en 2008, selon l’ONU.
470
millions: le nombre des personnes âgées de plus de 65 ans dans le monde (820 millions en 2025).
132 000
Le nombre d’expatriés français en Afrique (34 pays).
310 000
La quantité, en litres, de pétrole que chaque Américain né en 2008 devrait consommer au cours de sa vie.
CÔTE DʼIVOIRE
Des finances peu « orthodoxes » SI LES ADVERSAIRES DU PRÉSIDENT ivoirien Laurent Gbagbo se trouvaient à c our t d ’argument s pour la campagne présidentielle, ils auraient tout loisir d’en trouver dans la dernière Revue de la gestion et du système de finances (novembre 2008), dont Jeune Afrique s’est procuré une copie. Rédigé par la Banque mondiale avec l’aide du gouvernement, ce document met en lumière de nombreux dysfonctionnements : faiblesse de la gouvernance, manque de transparence, inflation des dépenses de défense et de sécurité, opacité de gestion des matières premières, etc. « Globalement, le système des finances publiques se situe en dessous de la moyenne des pays africains, malgré un cadre réglementaire relativement complet », indique en préambule la Banque. Le budget de l’État est jugé peu fiable et « à courte vue » en raison de nombreux décalages entre les prévisions et les dépenses réelles, ainsi que d’un manque de projection. COMBIEN DE BARILS ?
En dépit de l’abondance des ressources naturelles de la Côte d’Ivoire, le recouvrement des taxes y est très inférieur à ce qu’il est dans d’autres pays pauvres. Le ratio recet te / PIB n’y est que de 17 %, contre 26 % au Malawi et 24 % au Ghana et au Sénégal. Une partie des revenus des hydrocarbures n’apparaît pas dans le budget de la nation. D’ailleurs, on ne connaît même pas avec précision le volume de la production : moins de 50 000 barils/jour, comme l’affirment les autorités ? Ou plus de 80 000 b/j, comme le prévoit la Banque mondiale ? « Nous recommandons avec insistance aux pouvoirs publics de prendre des mesures afin d’exercer un meilleur contrôle sur les volumes expor tés et sur les composantes du cost-oil [part de la production allouée au recouvrement des coûts du contractant dans un contrat de par tage de production, NDLR] »,
explique, en des termes très diplomatiques, un autre document récent émanant celui-là de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (Bird). Quant au café /cacao, une grande partie des prélèvements – plus de 400 milliards de F CFA (610 millions d’euros) depuis 2001 – n’est pas justifiée. L’ÉDUCATION SACRIFIÉE
Côté dépenses, le budget alloué à la présidence est régulièrement dépassé et le contrôle des marchés publics n’est pas assuré en dessous de 100 millions de F CFA. La priorité des autorités va au paiement des fonctionnaires et des militaires, afin d’éviter tout trouble social et toute tentative de coup d’État. « La masse salariale représente 43 % des recettes fiscales, chiffre très supérieur au critère de convergence de l’Union économique et monétaire ouestafricaine (35 %) », précise le rapport. En revanche, les dépenses d’éducation, qui représentaient 28 % du total du budget en 2000, n’en représentent plus que 21 % en 2008. Même constat pour l’agriculture (4,6 % en 1999, 1,5 % en 2007) et la santé (de 9 % à 6,7 %). Enfin, les infrastructu-
Entre les prévisions et les dépenses réelles, un décalage considérable ! res se détériorent d’année en année. Sur 82 000 km de routes, 30 000 km sont très dégradés. Des ef for ts ont néanmoins été faits depuis deux ans. Il leur manque d’être « portés par une forte volonté politique ». Les institutions financières, qui ont recommencé à discuter des modalités d’annulation de la dette, dont le montant vertigineux (15 milliards de dollars) asphyxie littéralement le pays, rappellent régulièrement au gouvernement ivoirien qu’il ne doit pas compter sur un « coup d’éponge magique » tant que la gestion ne s’améliorera pas. ■ PASCAL AIRAULT
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JOHN KOLESIDIS/REUTERS
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L’ARME DU CRIME
ARRÊT SUR IMAGE
Après la mort d’Alexandre Grigoropoulos, 15 ans, abattu par un policier le 6 décembre, les étudiants manifestent en masse, trois jours plus tard, devant le Parlement grec. En brandissant une reproduction de l’arme du crime. Asphyxiée par un système universitaire archaïque et promise à des salaires de misère, la « génération 600 euros » laisse exploser son exaspération. Plusieurs jours durant, de violentes émeutes vont dévaster les principales villes du pays…
ALGÉRIE-FRANCE Nouvelle embrouille UN COMMUNIQUÉ DU MINISTÈRE des Affaires étrangères en date du 11 décembre le laisse clairement entendre : après la mise en examen du diplomate Mohamed Ziane Hasseni, soupçonné d’être le commanditaire de l’assassinat de l’opposant algérien Ali André Mecili, en février 1987 à Paris, Alger commence à perdre patience. Arrêté à Marseille le 14 août 2008, puis transféré dans la capitale française, Hasseni est depuis assigné à résidence. Après l’avoir suggéré à Bernard Kouchner, son homologue français, lors d’un voyage éclair à Paris, début novembre, Mourad Medelci, le chef de la diplomatie algérienne, s’est montré plus explicite, le 28 novembre, à Alger : « La France, pays des droits de l’homme, retient en otage l’un de nos meilleurs diplomates. » Quelques jours plus tard, le président Abdelaziz Bouteflika a chargé Djamel Ould Abbas, son ministre de la Solidarité, de rendre visite à « l’otage ». À l’issue de
la rencontre, l’émissaire avait du mal à cacher sa colère. Convaincu de l’innocence de Hasseni, victime, selon lui, de « l’acharnement d’un juge », Ould Abbas a affirmé que, n’étant pas « une république bananière, mais un État souverain », l’Algérie ne se laissera pas humilier. Des représailles économiques ne sont apparemment pas exclues. Le 11 décembre, au lendemain du 60 e anniversaire de la Déclaration des droits de l’homme, le ministre algérien des Affaires étrangères est revenu à la charge en déplorant la lenteur de la procédure et l’obstination du magistrat instructeur, alors même que les déclarations du seul témoin à charge sont de plus en plus mises en doute. Ce coup de froid sur les relations entre les deux pays est particulièrement malvenu avant la visite d’État que Bouteflika doit faire à Paris, dans quelques semaines. ■ CHERIF OUAZANI
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FRANCE Rama Yade,
ALAIN GUIZARD/ANGELI
la femme qui dit non EN QUELQUES HEURES, elle est passée du rang d’égérie à celui de paria. Déjà, on la donne partante du gouvernement, ce qui n’est pas acquis. Si certains avaient cru que Rama Yade se contenterait de jouer les cautions de service, ils se sont trompés. La secrétaire d’État aux Droits de l’homme entend exister hors de l’onction présidentielle. Elle le sait, en politique, il n’existe d’autre légitimité que celle conférée par les urnes, dans un scrutin national. Voilà pourquoi elle a refusé de conduire la liste de l’UMP en Île-de-France aux élections européennes de juin 2009. Quitte à ce que Nicolas Sarkozy, irrité par ce refus, la prive du portefeuille de secrétaire d’État chargé des Affaires européennes, rendu vacant par le départ de Jean-Pierre Jouyet. Mais l’intransigeante secrétaire d’État ne veut pas s’exiler dans un Parlement où sa voix ne parviendra qu’assourdie en France. À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire… Si Rama Yade s’est engagée à droite, c’est parce qu’elle reprochait à la gauche d’avoir un double langage. Elle serait malvenue de céder à son tour à ce travers. Il est piquant, d’ailleurs, de constater que les fronts se sont renversés. Elle, la femme de droite, rappelait à Kaddafi, il y a un an, que « [la France] n’est pas un paillasson sur lequel un dirigeant, terroriste ou non, peut venir s’essuyer les pieds du sang de ses forfaits. » Aujourd’hui, Bernard Kouchner, pourtant venu de la gauche, se plaît à affirmer qu’il y a « une contradiction permanente entre les droits de l’homme et la politique étrangère d’un État, même en France ». Il n’est pas sûr que, sur le long terme, cette obstination desserve Rama Yade. À Colombes, où elle est le chef de file de l’opposition municipale, cette prise de distance avec la realpolitik peut séduire au-delà de sa famille politique. Et lui ouvrir bien des perspectives électorales. Nicolas Sarkozy, s’il peut éprouver aujourd’hui quelque déception à voir sa protégée lui échapper, ne s’est pas trompé en l’appelant à ses côtés : la politique française devra demain compter avec Rama Yade. ■ SERGE FAUBERT
La secrétaire d’État française aux Droits de l’homme.
ÉTATS-UNIS Les non-Blancs gagnent du terrain LES ÉTATS-UNIS NE SONT PLUS CE QU’ILS ÉTAIENT. Le 20 janvier, un Blanc va laisser sa place à un nonBlanc à la Maison Blanche – qui, elle au moins, ne changera pas de couleur ! –, mais le phénomène est beaucoup plus large. Pour la première fois depuis trois siècles, les non-Blancs représentent près de la moitié des habitants des grandes villes. Tout racisme mis à par t (il se manifeste autrement), la législation appliquée par le Census Bureau
classe la population américaine – les résidents – en quatre catégories : les Hispaniques, les Noirs, les Asiatiques et les Blancs (les non-Hispanic Whites). Les Hispaniques sont les Hispano-Américains venus de l’Amérique de langue espagnole et leurs descendants (la France, pour sa part, se refuse à toute catégorisation de ce genre). En 2000, le Census Bureau avait calculé que les Blancs représentaient 52,3 % des habitants des gran-
des villes : au dernier décompte, ils n’étaient plus que 50,2 %. Dans les banlieues, l’évolution est encore plus marquée : les Blancs, qui étaient 76 % en 2000, n’étaient plus que 72 % en 2005-2007, selon une étude de l’American Community Survey. Et la tendance se retrouve dans la small town America, « l’Amérique des petites villes », qui regroupe les villes et les comtés peuplés de 20 000 à 65 000 habitants. ■ RENÉ GUYONNET
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FOCUS 19 EN HAUSSE
FRANCE-MADAGASCAR
PETER DI CAMPO
Polémique historico-théâtrale
SAMIA NKRUMAH
THIERRY BEDARD A-T-IL ÉTÉ CENSURÉ ? Le metteur en scène de 47, spectacle inspiré de Madagascar 1947, l’ouvrage que Jean-Luc Raharimanana a consacré au soulèvement anticolonial dans la Grande Île, l’affirme. Créé le 19 septembre dernier au Centre culturel français d’Antananarivo, 47 aurait en effet disparu de la liste des pièces susceptibles d’être programmées en 2009 dans les établissements culturels français à l’étranger. Thierry Bedard a même écrit, pour s’en plaindre, à Bernard Kouchner. Du côté du Quai d’Orsay, on explique que le spectacle n’a pas été écarté en raison du sujet évoqué. Et que les responsables culturels chargés de sélectionner les manifestations pour 2009 ont choisi de privilégier des spectacles « grand public ». D’ailleurs, souligne un diplomate, « les événements de 1947 ne sont plus un sujet de contentieux entre Paris et Antananarivo. La présentation du spectacle dans la capitale malgache a donné lieu à un colloque au lycée français et un atelier d’écriture avec Jean-Luc Raharimanana ». Il est vrai que le sujet, longtemps tabou, a été clairement évoqué le 21 juillet 2005, lors de la visite officielle de Jacques Chirac, l’ancien chef de l’État ayant dénoncé « le caractère inacceptable des répressions engendrées par le système colonial ». La répression de l’insurrection nationaliste de 1947 aurait fait entre 20 000 et 100 000 morts. ■
MAXPPP
NACER MEDDAH
JOBAFEMI/APA VAN TINE/LANDOV/MAXPPP
ENSEIGNEMENT Les Arabes ont
perdu la bosse des maths! à la moyenne mondiale. Surtout en Arabie saoudite et au Yémen. En sciences, seule la Jordanie sort du lot avec seulement 13 points de retard sur l’Italie. Alors qu’en Asie et dans la plupart des pays occidentaux les garçons obtiennent de meilleurs résultats que les filles, c’est l’inverse dans le monde arabe. Dans les pays du Golfe, la différence de résultats selon les sexes atteint jusqu’à 70 points. Les deux pays subsahariens, Ghana et Botswana, pris en compte par l’enquête se classent en queue de peloton. ■ LEÏLA SLIMANI
Un mois après Pierre N’Gahane (d’origine camerounaise) dans les Alpes-de-Haute-Provence, ce haut fonctionnaire français d’origine algérienne a été nommé préfet de Seine-Saint-Denis. Il l’avait déjà été dans le département de l’Aube.
KOKOU BIOSSEY TOZOUN
JEAN-DOMINIQUE GESLIN
Le projet de loi du ministre togolais de la Justice visant à abolir la peine de mort a été approuvé en Conseil des ministres. Plusieurs ONG militaient en ce sens depuis la crise de 2005. La peine capitale n’a plus été appliquée au Togo depuis trente ans.
ROD BLAGOJEVICH
Le gouverneur démocrate de l’Illinois est accusé d’avoir tenté de monnayer le siège de sénateur laissé vacant par Barack Obama. Il aurait par ailleurs menacé de suspendre les aides allouées à un groupe de presse afin de le « purger ».
MAXPPP
TZIPI LIVNI
La ministre israélienne des Affaires étrangères (et chef de Kadima), qui briguera le poste de Premier ministre après les législatives du 10 février, s’est prononcée pour l’installation des Arabes israéliens dans « un État palestinien ».
ATIKU ABUBAKAR
REUTERS
BERCEAU DE L’ARITHMÉTIQUE et de la géométrie, le monde arabe est à la traîne pour l’enseignement des mathématiques et des sciences. C’est ce que révèle une enquête (« Trends in International Maths and Science Study ») réalisée par le Boston College et rendue publique le 9 décembre. 425 000 élèves ont été testés à deux niveaux de scolarité : le 4 e grade (CM1), dans 36 pays ; et le 8 e grade (classe de 4 e ), dans 48 pays. En mathématiques comme en sciences, les écoliers arabes obtiennent un score inférieur
Inconnue sur la scène politique, la fille du premier président ghanéen a été élue au Parlement lors des élections du 7 décembre. Candidate du parti fondé par son père, elle a devancé un député sortant, dans la région Ouest.
Présenté comme le dauphin du chef de l’État sortant, dont il était le vice-président, le candidat de l’Action Congress à la dernière présidentielle nigériane jugeait le scrutin frauduleux, mais n’a pas eu gain de cause devant la Cour suprême.
EN BAISSE
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Le fabuleux destin de Pape Diouf Les footballeurs noirs sont légion dans les championnats européens. Les dirigeants beaucoup moins... Ex-journaliste, ancien agent de stars du ballon rond, le président de lʼOlympique de Marseille se définit luimême comme une « anomalie ». DʼAbéché à Marseille en passant par Dakar, enquête sur un phénomène.
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MARWANE BEN YAHMED, envoyé spécial à Marseille
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BIO EXPRESS
1951 Naissance à Abéché (Tchad, ex-AEF), puis installation à Dakar 1969 Débarque à Marseille 1975 Premier pas dans le journalisme. Il est pigiste à La Marseillaise
LAURENT ZABULON/UMA
1987 Intègre la rédaction du Sport
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1989 Devient agent de joueurs 2004 Nommé manageur sportif de l’OM 2005 Désigné président de l’OM
e suis le seul président noir d’un club en Europe. C’est un constat pénible, à l’image de la société européenne et, surtout, française, qui exclut les minorités ethniques. » Pape Diouf, 57 ans, est le numéro un de l’Olympique de Marseille (OM), le club de football français le plus prestigieux – mais aussi le plus tourmenté. Un poste à haut risque dans un milieu exposé où la pression, qu’elle soit locale ou médiatique, est quotidienne. Attentes exacerbées des supporteurs sevrés de titres depuis quinze ans, instabilité chronique au sein de l’équipe comme des dirigeants, déballages judiciaires dans le cadre de procès sur les comptes du club et autres transferts plus ou moins opaques, finances dans le rouge (malgré les 200 millions d’euros injectés depuis 1996 par le propriétaire de l’OM, Robert LouisDreyfus) : Pape Diouf n’a pas débarqué dans un club comme les autres. Nommé manageur sportif en avril 2004, il devient président en février de l’année suivante. Habitué des nominations surprises et pas vraiment heureuses, « RLD », comme on l’appelle à Marseille, a finalement eu le nez creux: sous la direction de Pape Diouf, son équipe retrouve le haut du classement français en même temps que la sérénité et l’équilibre de ses comptes. De la belle ouvrage, donc. Du haut de son quasi-mètre quatre-vingtdix, Pape Diouf reçoit dans son bureau clair de la Commanderie, le centre d’entraînement de l’OM, sur les hauteurs de Marseille. Cet ancien journaliste, lecteur assidu de Jeune Afrique, féru de littérature et de sociologie, apprécie la compagnie de ses ex-confrères de la presse écrite. « Parce qu’on peut approfondir, discuter longuement, aborder de nombreux sujets », explique-t-il. Les caméras d’une chaîne hertzienne française venue réaliser un reportage sur ce personnage atypique du sport le plus populaire du monde, elles, peuvent attendre. Elles ne captent que l’enveloppe extérieure, l’éphémère. Elles ne
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22 PLEINS FEUX saisissent qu’une part infime de la personnalité. Trop superficiel au goût de cet accro de la plume et du mot soigneusement choisi. En confiance, c’est-à-dire rarement, Pape Diouf se dévoile volontiers. Paradoxalement, ce personnage connu du grand public, que l’on voit toutes les semaines à la télé ou dans les journaux, reste secret. Comment diable Pape le Sénégalais s’est-il retrouvé premier président noir d’un club d’envergure, après avoir été le premier journaliste sportif et le premier agent de « joueurs blacks » en France? ENFANCE AFRICAINE
L’histoire de Diouf, c’est celle d’un jeune immigré fan de foot et de basket. Né le 18 décembre 1951 à Abéché, au Tchad, sa vie invite au voyage. À condition d’aimer les rebondissements et les changements radicaux d’itinéraire. Pape, en fait, se prénomme Mababa.
la capitale sénégalaise, à Fann Hock, près de la Corniche. Un quartier où cohabitent Sénégalais noirs et métis, CapVerdiens, Libanais et Français. Chez Aminata, « l’incarnation du bien », c’est tous les jours porte ouverte. Famille, amis et voisins y sont chez eux. Pape est plutôt bon élève, il court les ballons de toutes sortes (foot, basket et handball). En troisième, il est renvoyé du collège Sacré-Cœur pour indiscipline. Il débarque dans un lycée mixte. Là, c’est après les filles qu’il se met à courir… Ses résultats s’en ressentent. Demba Diouf, pas très présent à la maison mais vigilant, décide de l’envoyer en France. Marqué par son passage dans l’armée, il ne jure que par la Grande Muette. À la fin de 1969, premier tournant. À 18 ans, le grand échalas débarque à Marseille. Surprise: « Je
Il débarque dans une société opulente. Mais tous les Blancs ne sont pas patrons…
LAHALLE/L’ÉQUIPE
La Commanderie, le centre d’entraînement du club sur les hauteurs de Marseille.
« Je portais le même prénom que mon grand-père, Mababa. En pratique, on se fait alors appeler Papa. Dans le langage courant, Pape est resté », explique-t-il. Pape, donc, est le fils de Demba et Aminata Diouf. Une famille sénégalaise moyenne, une enfance « normale ». Demba s’est battu pour la France pendant la Seconde Guerre mondiale. Il embrasse le gaullisme, devient fonctionnaire français. Polygame (Aminata est sa deuxième épouse), il a huit enfants. D’abord mécanicien militaire en poste au Tchad, il devient ensuite chef des huissiers à l’ambassade de France à Dakar. Après six mois passés à Abéché, Pape grandit donc dans
croyais arriver à l’école militaire pour trois années d’études avant de rentrer chez moi », se souvient-il. L’austère et peu avenant capitaine Ducasse, chargé de son intégration, lui explique que c’est en fait d’engagement pur et simple qu’il s’agit. Pape refuse, son père se fâche. C’est la rupture. Et le spleen: pas d’argent, les os glacés par ce satané mistral, la nourriture qui ne ressemble à rien – et surtout pas à son riz au poisson habituel. Il dort au foyer des jeunes travailleurs, enchaîne les petits boulots : coursier, pointeur au Port de Marseille, manutentionnaire. Parallèlement, il obtient son bac en candidat libre, tente le concours
d’entrée à Sciences-Po Aix-en-Provence et réussit. Faute de moyens, il ne persévère pas. Au bout de deux ans, la réalité reprend le dessus : il entre aux PTT. Il se lie d’amitié avec un inspecteur des services, Toni Salvatori. Pape parle foot avec lui. Tellement bien que Salvatori, qui fait quelques piges pour le journal communiste La Marseillaise, lui propose d’y écrire un peu. « J’étais le seul à ne pas avoir ma carte du Parti communiste français », rappelle Pape. Ce qui n’a pas empêché l’ancien homme d’affaires et patron de l’OM Bernard Tapie de lâcher un jour à son propos: « C’est le communiste qui a le mieux saisi les règles du capitalisme. » Diouf n’est pas « rouge » mais tiersmondiste et de gauche. « À l’époque, nous autres jeunes Africains vivions pleinement la décolonisation et soutenions les mouvements d’indépendance dans les colonies portugaises. On adhérait aux idées d’Amilcar Cabral, le libérateur de la Guinée-Bissau, et à son combat pour la dignité. Le PCF soutenait les luttes tiers-mondistes et je m’en sentais proche. Quant au capitalisme… Sans doute Tapie fait-il allusion à ma réussite en tant qu’agent de joueurs… » Pape Diouf débarque dans une société française très éloignée de l’image qu’il s’en était forgée depuis Dakar. Une société opulente mais où tous les Blancs ne sont pas patrons. Le Pen n’est pas encore là. Le racisme ? « Nous n’étions pas très attentifs à cela. Nous vivions entre nous, à Belsunce [quartier populaire de Marseille, NDLR]. Et être moins bien traités que les Blancs, nous avions l’habitude… » Après quelques piges à La Marseillaise, Pape monte en grade et se spécialise : le basket, le foot et, surtout, la couverture de l’OM. Il devient chef de rubrique. Et le seul journaliste noir. « Je voyais bien que je suscitais l’étonnement. On vérifiait souvent ma carte de presse. Pour certains, un Noir ne pouvait pas bien écrire… » Au cours de cette période, il s’éloigne du Sénégal. Un exil qui durera huit ans. Son père décède en 1974. « Un des moments les plus durs que j’aie traver-
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PASCAL PAVANI/AFP
Président de l’OM: un poste à haut risque dans un milieu où la pression médiatique est quotidienne.
sés. On s’était quand même réconciliés. » Il ne communique avec sa famille que par courrier. Sa carrière s’accélère. Il s’illustre par ses écrits, obtient des prix. En 1987, Pape quitte La Marseillaise pour L’Hebdomadaire, un périodique lancé pour concurrencer Le Provençal du tout-puissant député-maire Gaston Defferre. Puis direction Le Sport, concurrent éphémère du quotidien L’Équipe. Une aventure qui ne durera qu’un an, à son grand dam. « C’était une des périodes les plus riches, humainement, de ma vie. Si Le Sport avait continué d’exister, j’y serais encore. » Soucieuse de préserver son hégémonie, L’Équipe sort l’artillerie lourde. Les actionnaires du Sport s’embrouillent, le journal s’arrête. Fin de partie… et de carrière
dans le journalisme. Une deuxième vie se profile, bâtie sur les décombres de la précédente. L’AGENT FAIT LE BONHEUR
Après tant d’années passées à couvrir l’Olympique de Marseille, Pape connaît tout des arcanes du football en général et du club en particulier. Le « retraité » du journalisme organise en Afrique des tournois en hommage à certaines légendes du continent, comme Roger Milla ou Eusebio. Des liens d’amitié se nouent, il joue le rôle de grand frère. Deux stars de l’OM le sollicitent alors : le gardien de but des Lions indomptables du Cameroun Joseph-Antoine Bell et le défenseur d’origine ivoirienne de l’équipe de France Basile Boli.
CÔTÉ COULISSES PAPE DIOUF AIME LA SAPE. Toujours tiré à quatre épingles, il ne fait pas mystère de son goût pour les belles choses. Il roule en 4x4 Volkswagen Touareg, habite un bel appartement niché dans une résidence du Roucas Blanc, un quartier cossu de Marseille. Depuis qu’il est président de l’OM, il sort peu. Parmi ses restaurants favoris, La Gazelle, à Paris. Son livre de chevet ? Le Héros, de Baltasar Gracián. Film culte : Le Bon, la Brute et le Truand, de Sergio Leone. Marié à une (très jolie) Sénégalaise, il a cinq enfants – l’aîné a 31 ans, le plus jeune 3 ans – et possède une villa à Dakar. Côté football, deux modèles de clubs à ses yeux : le Milan AC et Manchester United. Les meilleurs joueurs de tous les temps : dans l’ordre, Pelé, Maradona et Cruyff. ■ M.B.Y.
À l’époque, à la fin des années 1980, les joueurs africains sont généralement moins bien payés que les autres. Bell et Boli lui demandent de prendre en charge leurs carrières et de défendre leurs intérêts. Diouf sait qu’il quitte le journalisme pour un métier qui n’a pas bonne presse. Mais cette nouvelle aventure le passionne. En 1989 il se lance et crée sa société, Mondial Promotion. Effet boule de neige. Bell et Boli parlent de lui, le recommandent. Seuls les footballeurs sénégalais font montre de méfiance. « Ah, les Sénégalais entre eux… », commente Diouf dans un sourire. Le succès est fulgurant, les poulains affluent au sein de son écurie : Marcel Desailly, François Omam-Biyik, Bernard Lama, William Gallas, Abedi Pelé, Rigobert Song, Péguy Luyindula, Didier Drogba. Même les Blancs sautent le pas. Laurent Robert, Grégory Coupet, Sylvain Armand ou Samir Nasri le rejoignent. L’agent fait le bonheur… de ses protégés et devient incontournable auprès des dirigeants de l’Europe tout entière. Chiffre d’affaires de Mondial Promotion en mai 2004: plus de 3,5 millions d’euros. Comment ce grand Black élégant et sûr de lui est-il perçu par ses nouveaux interlocuteurs patrons de club ? « J’ai été accepté assez facilement. Je sentais bien, au début, que les présidents avec qui je traitais se disaient qu’avec moi ce serait facile. Je suis entré dans leur
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24 PLEINS FEUX jeu en jouant le candide. Avec le temps, tout le monde a appris à me connaître et j’ai eu droit à leur considération », explique-t-il. Le foot est une jungle, le métier d’agent est loin d’être une sinécure. Seize heures par jour « sur le pont », pas de vacances, le téléphone portable sonnant en permanence. Il gère les parcours de ses joueurs, mais aussi leurs états d’âme, leurs angoisses, leurs caprices. L’argent coule à flots dans ce milieu, grise les esprits les plus sains et attire des nuées de bimbos en quête de bons partis. Du coup, il doit aussi gérer les chagrins d’amour, les ruptures et les assiettes qui volent dans le foyer conjugal de ses protégés. Une vie de fou, passée essentiellement dans les avions et les taxis. La contrepartie du succès et de l’argent. C’est que agent de joueurs, ça paye bien. Mieux même que président de l’OM. Pape est apprécié des dirigeants. « C’est un homme d’honneur », confie le Messin Carlo Molinari. « Il est fin, intelligent, malin. On prenait plaisir à négocier avec lui, même si on savait que ce serait très, très dur », complète Gervais Martel, président du RC Lens. La faconde sénégalaise et la rigueur cartésienne séduisent. Jamais pressé, toujours attentif, parfois susceptible et coléreux, Pape Diouf déploie, moustache drue et cigarette aux lèvres, sa grande carcasse chez nombre de dirigeants européens. Il est devenu leur interlocuteur obligé. Deuxième vie professionnelle, deuxième succès. L’argent en plus. MONSIEUR LE PRÉSIDENT
Robert Louis-Dreyfus, le milliardaire franco-suisse qui a racheté l’OM en 1996, cherche, depuis, des hommes
Dans son pays d’origine, le président de l’Olympique de Marseille (OM) jouit d’une réputation flatteuse. « Charmant et travailleur, homme de convictions, généreux… », telles sont les réponses entendues lorsqu’on évoque le nom de Pape Diouf. On le dit discret, mais aucun de ses passages au Sénégal ne reste inaperçu. Cela commence dès l’aéroport, où il ne viendrait à l’idée d’aucun douanier de lui demander son passeport. En ville aussi, l’homme ne laisse personne indifférent. Le 11 octobre dernier, il a été vu au stade Léopold-Sédar-Senghor de Dakar pour un match des Lions de la Teranga contre les Scorpions de Gambie comptant pour les éliminatoires de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) et du Mondial 2010. Sans cesse interpellé par les journalistes sportifs, l’ancien homme de presse, qui a entre autres lancé au Sénégal en 1991 l’hebdomadaire Le Sportif, ne refuse quasiment jamais de livrer ses impressions sur un joueur, une rencontre… Pape Diouf trouve également toujours le temps de suivre les « grands dossiers » du foot sénégalais pour éventuellement faciliter des négociations importantes. Son carnet d’adresses, son entregent peuvent faire la différence. Et on lui doit par exemple le recrutement de Bruno Metsu, cet entraîneur français qui avait mené la sélection nationale en quart de finale du Mondial 2002… À l’exception d’une amitié avec l’ancien ministre des Sports et magistrat Youssoupha Ndiaye, membre du Comité international olympique, on ne lui connaît aucune relation avec des leaders politiques. Adepte du ballon rond, agent de joueurs, Diouf n’aime guère s’aventurer CÉCILE SOW, à Dakar hors des limites de son terrain de jeu. ■ à même de gérer son club avec efficacité. Cet accro du poker aime tenter des coups. Les présidents se sont succédé, sans résultats probants. D’erreurs de casting en attelages improbables – il a même rappelé Bernard Tapie pour diriger l’équipe pendant quelques mois ! –, « RLD » empile les échecs, provoquant l’ire ou les sarcasmes de supporteurs de l’OM peu enclins à la clémence, malgré les sommes pharaoniques englouties. Les 200 millions d’euros investis par le boss ne pèsent pas lourd à leurs yeux. Quand il nomme Christophe Bouchet, en 2002, il pense avoir trouvé l’oiseau rare. Bouchet a besoin d’un manageur général, un numéro deux qui maîtrise le domaine sportif. Lui aussi journaliste, il a connu Pape Diouf au début des années 1990. L’i ntéressé repousse deux propositions de rejoindre l’OM. Bouchet insiste début 2004. « RLD », qui apprécie le Sénégalais, l’appuie. « J’avais fait le tour du métier d’agent. La profession dérapait, c’était moins intéressant. J’ai longuement hésité », se souvient-il. PICS UNITED/PRESSE SPORTS
Didier Drogba a été transféré à Chelsea pour environ 35 millions d’euros en 2004.
VU DE DAKAR
La cour est assidue, Bouchet s’invite tous les jours dans les bureaux de Mondial Promotion. Didier Drogba, qui joue à Marseille et dont les intérêts sont gérés par Pape, entre dans la danse : « Si tu viens, je reste », lui dit-il. À l’époque, la star du Vélodrome s’interroge fortement sur la suite de ses aventures phocéennes. Entre mars et avril 2004, Pape Diouf consulte ses proches, hésite, change d’avis deux fois par jour. Accepter, refuser ? Il part quelques jours à Dakar, consulte son ami Youssoupha Ndiaye, ancien président du Conseil constitutionnel et ministre des Sports. « Dans la vie, il faut oser », lui répond ce dernier. Pape appelle Christophe Bouchet de Dakar. Il accepte le challenge, vend sa société pour éviter les conflits d’intérêts. Sa troisième vie commence ! Mais pas sous les meilleurs auspices… Didier Drogba est cédé à Chelsea pour quelque 35 millions d’euros. Les supporteurs, qui n’ont cure des considérations financières, ne digèrent pas le départ de leur idole. Marseille souffre dans les compétitions auxquelles il participe. En novembre, Bouchet est débarqué. Diouf est nommé président du directoire par intérim et se retrouve en plein milieu d’une lutte de clans. C’est la guerre avec le directeur sportif José Anigo. Certains proches de Bouchet prennent, eux, un malin plaisir à
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PAPE DIOUF 25 rière. « Je ne sais pas. Je pense à la retraite, à profiter de la vie, lire, me rapprocher du Sénégal ou donner des cours de journalisme. » Ce père de cinq enfants, marié à une jeune Sénégalaise, se voit bien partager son temps entre Marseille et Dakar (il a la double nationalité) dans un avenir pas si lointain. Marseille, c’est chez lui. Et le Sénégal ? « Je n’ai jamais coupé les ponts avec mon pays, ni avec ma famille. » Suit-il la vie politique ? « Oui, comme tout le monde. Je n’ai pas de
E. LAFARGUE/PANORAMIC
lui savonner la planche. Pour pimenter le tout, « RLD » sort son dernier atout. Il envoie son ami l’ancien boxeur Louis Acariès – avec le titre de censeur – pour une immersion de quelques mois dans le panier de crabes. Le feuilleton tourne à la farce. La France observe amusée le vaudeville marseillais. Paradoxalement, Pape Diouf sortira renforcé de cet épisode. Lors d’un dîner à Paris avec Louis-Dreyfus et Acariès, il exprime son souhait de partir. « Surtout pas », répond Acariès, qui pense que Pape reste le mieux placé pour « tenir la baraque ». Il connaît le club et la ville comme sa poche, dispose d’un réseau et d’un carnet d’adresses incomparables. Seule condition posée par Pape : être le vrai président, sans fil à la patte. « RLD » accepte. Au fil des mois, Diouf se réconcilie avec Anigo. Le club retrouve un fonctionnement normal en même temps que ses résultats sportifs s’améliorent. Grâce à une gestion plus rigoureuse, au grand dam des supporteurs, qui auraient préféré voir débarquer des stars, les comptes, déficitaires depuis plus de dix ans, s’équilibrent. Pape Diouf, dont le mandat vient d’être prolongé de deux ans, devient le président de l’OM resté le plus longtemps en poste depuis le départ de Bernard Tapie en 1994. Les fans lui savent gré d’avoir ramené la sérénité et la stabilité. « Au début, je suscitais surtout de la méfiance. Jusqu’à l’affaire PSG-OM, où j’ai refusé, à la demande des supporteurs, d’envoyer notre équipe professionnelle, malgré les pressions dont j’étais l’objet [les Marseillais se plaignaient de ne pas avoir eu leur quota de places et menaçaient de ne pas participer au match. Finalement, c’est une
Avec Robert Louis-Dreyfus, l’homme qui l’a nommé à la tête de l’OM.
relations avec Wade, je le regarde à la télé… » Ce qu’il pense de « Gorgui » (« le vieux », en wolof) ? « Je le remercie de nous avoir prouvé que l’alternance était possible, de s’être battu et d’avoir résisté, alors qu’il lui aurait été facile de se rallier au pouvoir. Par contre, je pense qu’il s’est aperçu qu’il est plus facile de s’opposer que de diriger. La situation de mon pays m’interpelle. Je n’ai pas franchement l’impression que le Sénégal aille mieux qu’avant… » D e l ’a s c e n s i o n d e K a r i m Wade – « que Wade veuille aider son fils ne me dérange pas, à condition qu’on laisse aux Sénégalais la possibilité de dire non » – aux difficultés du continent – « la seule chose qui se développe en Afrique, c’est le sous-développement » –, Pape Diouf n’élude aucun sujet. On sent même que l’ancien journaliste prend plus de plaisir à parler politique que football. L’équipe de télévision attend toujours
« Je pense à la retraite, à profiter de la vie, lire, me rapprocher du Sénégal... » équipe composée de jeunes du centre de formation qui jouera, NDLR]. » Mais, pour nombre d’entre eux, il n’a pas fait l’essentiel: ramener enfin un titre sur la Canebière. Le premier depuis la Ligue des champions, en 1993. Et maintenant ? Pape Diouf avoue une certaine lassitude. Marseille, ça use. S’il n’envisage pas encore de partir, il s’interroge sur la suite de sa car-
dans le salon attenant à son bureau. Pas grave, on continue… L’Europe ? « Elle tourne de plus en plus le dos à l’Afrique. Cela devient choquant. Sa seule préoccupation : empêcher l’immigration et défendre ses intérêts stratégiques. Du pur cynisme et un manque de reconnaissance flagrant. Le discours de Sarkozy à Dakar en est l’illustration parfaite. » Transition idéale pour aborder le cas Sarkozy. « Il a eu le mérite de poser les problèmes, d’éviter la langue de bois et
de dépoussiérer la fonction de chef de l’État. Maintenant, s’il est très différent de Chirac et de ses aînés de par son style, sur le fond, c’est pareil. » Pour qui a-t-il voté en 2007 ? « J’ai toujours voté à gauche, donc j’ai voté pour Ségolène Royal. Mais je dois reconnaître que c’était sans conviction… » Pape Diouf mesure le chemin parcouru. Mais il sait qu’il a eu beaucoup de chance, qu’il a fait les bonnes rencontres. « L’intégration en France est un problème mal posé. J’ai beau m’intégrer, épouser tous les tics locaux, il y aura toujours des gens pour qui je serai le Noir débarqué d’Afrique. Pareil pour mes enfants. Ils grandissent avec leurs copains blancs, et puis, à 18 ans, font un voyage et se rendent compte qu’on regarde deux fois leur passeport, et pas celui du copain. » Celui à qui Tapie lança un jour « toi, tu es le Black le plus intelligent que je connaisse ! » se veut lucide. Quarante ans après son arrivée sur le Port de Marseille, il est toujours l’exception qui confirme la règle. ■
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Sur le marché des imprimantes de bureau et produits multifonctions, la compétition fait rage depuis plusieurs années. Cependant, il ne suffit pas d’augmenter l’efficacité des produits et la qualité de l’impression pour servir avec succès les intérêts des clients. Le service et l’assistance ont pris une importance croissante pour se distinguer de la concurrence. La société Konica Minolta est bien positionnée dans ce domaine car elle est représentée au Moyen-Orient et en Afrique (MOA) par un réseau dense de distributeurs. L’ouverture de la représentation de Konica Minolta à Malte en janvier 2009 marquera une étape importante à cet égard. En effet, ce bureau constituera un pôle d’attraction pour les distributeurs, qui pourront y partager les informations, obtenir des renseignements actualisés sur le service et l’assistance et se familiariser avec les derniers modèles de la gamme de produits. Ainsi, les utilisateurs des produits de communication d’entreprise Konica Minolta peuvent obtenir un matériel ultramoderne, ainsi qu’un service et une assistance qualifiés, directement dans leur région.
Selon Mark Oldfield, Directeur régional des ventes de Konica Minolta pour le Moyen-Orient et l’Afrique, « L’offre de services et maintenance ponctuels, orientés client, signifie que nous sommes à la disposition de tous nos clients rapidement et à tout moment. Dans ce but, il est important que nous soyons proches de nos clients qui, à leur tour, exigent de nos distributeurs qu’ils fournissent une assistance intensive. Pour cela, Konica Minolta soutient ses distributeurs localement et à des niveaux divers. Notre savoir-faire doit être orienté directement vers nos distributeurs et, par eux, nos clients. » En tant que nouvelle plaque tournante de la région Afrique et Moyen-Orient, la Représentation Konica Minolta de Malte joue un rôle déterminant pour cette assistance Mark Oldfield locale. Elle s’ouvrira sous le même toit que Directeur régional le distributeur Office Group Limited (OGL) des ventes à la mi-janvier 2009 et bénéficiera donc de la grande expérience de la structure de services bien établie d’OGL en Afrique et dans les pays arabes. Dans l’usine, les 35 distributeurs de la région auront accès sur une vaste surface à un large éventail de services et de produits qui sont présentés sur 200 mètres carrés. L’accent sera tout particulièrement mis sur la compétence spéciale de Konica Minolta, le concept de service et assistance qui couvre tous les secteurs d’activité clés, qu’il s’agisse des ventes ou du marketing afin de permettre aux distributeurs d’identifier les besoins de leurs clients et de les satisfaire totalement. En plus d’échanger son expertise liée au marché, la nouvelle plateforme fournit une excellente opportunité aux distributeurs de tester les derniers modèles et déterminer dans quelle mesure ils peuvent être utilisés localement. Après tout, en effet, tous les systèmes ne conviennent pas nécessairement à tous les marchés ou tous les pays. Les données de marché sur la région MOA qui ont été préparées par la société International Data Corporation (IDC) suggèrent une croissance positive des imprimantes laser monochrome sur le marché. Les ventes unitaires des produits multifonctions monochromes (MFP) bénéficient également d’une popularité croissante
et elles devraient probablement doubler au cours des quatre prochaines années. Par ailleurs, la part du marché MOA pour les imprimantes et périphériques couleur reste enbizhub PRO C6501 core peu significative, bien qu’IDC anticipe une augmentation de la demande pour les multifonctions couleurs. Dans ce segment, il est particulièrement important que les clients bénéficient de conseils compétents et que leurs besoins soient clairement définis. Une fois que ces détails essentiels ont été explicités, un grand nombre de solutions peuvent convenir aux exigences des clients. Avec la nouvelle génération de business hubs Konica Minolta, l’entreprise est en mesure de proposer de nouveaux produits multifonctions et imprimantes hautes performances, à la fois en modèles monochromes et couleurs, qui combinent une conception de pointe avec des commandes claires et faciles d’utilisation. Les imprimantes monochromes et couleurs et les unités Tout-en-Un composent la gamme de produits magicolor et pagepro de Konica Minolta. Elle propose également de grands systèmes d’impression, tels que le business hub couleur PRO C6501 et le business hub PRO 1050e/eP, destinés aux entreprises d’arts graphiques et d’impression professionnelle. « La situation sur le marché MOA nous offre d’immenses opportunités, » ajoute Mark Oldfield. « La couleur n’a pas encore atteint le niveau de pénétration du marché que nous avons constatée en Europe. Avec les produits adaptés et notre gamme de services individuels attractive, nous pourrons avancer à grands pas dans cette région, par exemple avec notre business hub C200 – adapté aux PME – et notre imprimante de bureau magicolor 1600W, qui offrent tous deux une impression laser couleur de grande qualité, fiable, et à un prix abordable. magicolor 1600W
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La nouvelle représentation Konica Minolta de Malte devient la plaque tournante pour l’Afrique et le Moyen-Orient
une offre parfaite
conduit à des décisions parfaites
Nouveau Représentant Bureau de Malte: Ouverture Janvier 2009!
Dans le domaine de la communication Office, les entreprises doivent prendre leurs propres décisions selon leurs exigences individuelles. L’offre d’imprimantes business hub et de systèmes multifonctions Konica Minolta comprend une gamme versatile de produits pour imprimer, copier, scanner et faxer en couleur et en noir et blanc. Dans chacun de ces produits, une technologie dernier cri est combinée à des fonctionnalités actuelles, aboutissant à une utilisation facile, efficace et respectueuse de l’environnement. Faites le choix d’un produit parfait – il vous attend déjà. Pour plus de détails : www.konicaminolta.eu L’offre entreprise Konica Minolta. Nous offrons les capacités pour gagner.
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Document :KM_JeuneAf_195x…MALTA_PAGE2.pdf;Page :1;Date :02. 12 2008 - 11:50:06;reperes_generes195X270
Seule
28 AFRIQUE SUBSAHARIENNE
RWANDA
« Moi, Rose Kabuye, prisonnière de lʼÉtat français » Depuis un mois, la directrice du protocole du président Paul Kagamé est mise en examen à Paris pour « complicité dʼassassinat en relation avec une entreprise terroriste ». Placée sous contrôle judiciaire et contrainte de rester sur le territoire français, elle clame son innocence. Portrait exclusif dʼune femme décidée à se battre jusquʼau bout pour lʼhonneur des siens.
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FRANÇOIS SOUDAN
lle est venue nous voir à Jeune Afrique, une fin d’après-midi froide et grisâtre de début décembre, en famille. David, son mari, et deux de ses trois enfants arrivaient tout juste de Kigali pour passer à ses côtés les fêtes de fin d’année et Rose en a profité pour se promener avec eux dans Paris. En simple touriste ? Pas vraiment. « Je n’ai pas le cœur à cela, je suis une prisonnière sans barreaux, dit-elle, une innocente accusée d’être une terroriste. Beaucoup rêvent de voir Paris pour la première fois. Pour moi, cette découverte est un peu comme un cauchemar. » Arrêtée en Allemagne le 9 novembre, extradée vers la France trois jours plus tard, mise en examen pour « complicité d’assassinat » dans le cadre de l’attentat contre l’avion du président rwandais Habyarimana en avril 1994 et laissée libre sous contrôle judiciaire en attendant son éventuel procès, Rose Kanyange Kabuye, 47 ans, n’a finalement pas grand-chose de la femme de fer en service commandé souvent décrite par les médias. Recluse dans un appartement de la lointaine banlieue parisienne, obligée de pointer toutes les deux semaines au commissariat de sa commune de résidence, elle compte les jours, surfe sur internet, téléphone au pays et oublie parfois d’avoir
le moral. Surtout, la directrice du protocole de Paul Kagamé attend qu’on lui communique enfin, sous forme de CD, les attendus de l’enquête du juge JeanLouis Bruguière, ce fameux rapport qui l’accuse – elle et huit autres responsables rwandais – d’avoir fomenté l’assassinat de Juvénal Habyarimana et dont elle ne connaît, comme tout le monde, que les bribes publiées il y a deux ans dans la presse. Alors que chacun pensait qu’elle s’était jetée dans la gueule du loup en connaissance de cause, sur ordre de son chef et avec l’accord tacite de l’Élysée, comme une kamikaze télécommandée pour faire exploser un dossier qui embarrasse autant Paris que Kigali, Rose raconte une tout autre histoire. Dans sa tête, dit-elle, elle ne cesse de se remémorer ce samedi 8 novembre au soir, et cet avion de la Lufthansa dans lequel elle embarque, à Addis-Abeba, en direction de Francfort. « Si c’était à refaire ? Je ne sais pas. Sachant ce qui m’attendait là-bas, j’aurais consulté ma mère, mon mari, mes enfants, qui tous m’auraient dit de ne pas y aller. Et je crois que je ne serais pas partie, même si je n’ai rien à me reprocher. Je suis droite, je suis fière, je n’ai pas peur du danger. Mais me faire arrêter volontairement, ça, c’est audessus de mes forces. »
En anglais, elle qui a vécu trente ans en Ouganda, d’une voix rapide et monocorde, cette longue femme fine comme une lance raconte sa vie, alors que la nuit tombe sur Paris. David et ses deux fils sont sortis boire un chocolat. Elle est seule et les souvenirs se bousculent. Naissance un jour d’avril 1961 à Byumba dans le Nord, au sein d’une famille tutsie de huit enfants. Le père est un éleveur plutôt aisé, avec ses soixante vaches qui sont toute sa fierté. Accroché à sa terre, il a résisté aux pogroms anti-Tutsis de novembre 1959, puis à la mainmise du parti radical Parmehutu de Grégoire Kayibanda sur la région. Mais la pression est trop forte, les assassinats se multiplient, et le Nord se vide de sa population tutsie, contrainte à l’exil. Fin 1961, alors que Rose n’a que quelques
« Je n’ai pas peur. Mais me faire arrêter volontairement, ça, je ne peux pas. » mois, l’essentiel de la famille prend à son tour le chemin de l’Ouganda. Destination : les grands camps de réfugiés de l’Ancholi, dans le Sud, où des dizaines de milliers de Rwandais, en grande majorité tutsis, survivent de l’aide internationale dans des huttes précaires. Heureusement, le père Kanyange a pu
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emmener ses vaches, dont le lait et la viande lui servent à payer l’éducation de ses enfants. Deux fois par jour, la petite Rose parcourt à pied les dix kilomètres qui séparent le camp de l’école. À 13 ans, on l’envoie à Kampala, la capitale, où une enseignante compatissante la fait passer pour ougandaise afin de pou-
voir l’inscrire au collège. Sous le régime de Milton Obote, qui les tient pour des ennemis potentiels, les réfugiés tutsis n’ont en effet aucun droit et risquent à tout moment l’expulsion. Rose cache son origine en même temps que croît en elle un farouche sentiment identitaire. Elle apprend à se méfier, à parler bas,
à serrer les poings. Diplômée, elle s’inscrit en sciences politiques à l’université de Makerere. Nous sommes en 1982, elle a 21 ans et voit son avenir en gris: enseignante peut-être, exilée sans aucun doute. De loin, elle suit avec ferveur et un brin d’envie la guérilla que Yoweri Museveni et son Uganda Patriotic
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30 AFRIQUE SUBSAHARIENNE Movement mènent contre le dictateur Obote, avec l’aide décisive de réfugiés rwandais dont les noms circulent avec admiration au sein de la communauté: Fred Rwigyema et un certain Paul Kagamé, qu’elle ne connaît pas encore. 1983. Depuis longtemps tenaillée par l’envie d’un retour au pays qui l’a vue naître, dont elle ignore tout et où survit encore une partie de sa famille, Rose décide d’un voyage au Rwanda – un mois, tout au plus, le temps de voir les collines et de humer l’air parfumé du lac Muhazi. Sa première tentative est un échec. Au poste-frontière de Katuna, après l’avoir examinée de la tête aux pieds et conclu qu’elle était une Tutsie, les militaires rwandais la refoulent. Deux mois plus tard, elle récidive avec une amie, munie comme elle d’un passeport ougandais. Cette fois, ça passe. S’ensuit une semaine de cauchemar avant un retour précipité en Ouganda. Partout, on les insulte à cause de leur physique de Tutsies. À Kigali, on les traite d’inyenzi (« cafards ») et on les menace en pleine rue. À Kayonza, dans l’Est, sur la place du marché, un murmure se fait à leur approche : « Les reines sont revenues ! » – les épouses des mwamis, les rois tutsis d’antan. Les pierres volent. C’est la fuite. Rose mettra longtemps à absorber ce choc. En 1985, elle est au Kenya, chez une tante, à la recherche d’un job de professeur, quand elle rencontre l’homme de sa vie, David Kabuye, un Tutsi de la diaspora installé à Nairobi. Tous deux partagent l’obsession de cette terre promise et interdite sur laquelle, ils en font le serment, ils reviendront un jour la tête haute. Au début de 1986, alors que Yoweri Museveni vient de renverser Obote et de prendre le pouvoir à Kampa-
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RETOUR AU PAYS
Avec son mari David et deux de leurs enfants, le 8 décembre 2008 à Paris.
ral, avec le grade de lieutenant. David, lui, rejoint le Front patriotique rwandais (FPR) peu après sa création, en 1987 à Kampala, par Rwigyema et Kagamé. Ils se marient deux ans plus tard. Dans la nuit du 1er au 2 octobre 1990, prévenue en secret par un émissaire du Front, Rose Kabuye prend son arme de service, revêt son battle-dress, chausse ses rangers et rejoint un petit groupe de militaires rwandais dans les faubourgs de la capitale. Direction le poste-frontière de Kagitumba, première étape de la lutte de libération lancée par le « commandant Fred ». Ipso facto, Rose et ses compagnons troquent leur uniforme provisoire de l’armée ougandaise pour celui de l’APR, l’Armée patriotique rwandaise, branche militaire du FPR. Une guerre commence, qui s’achèvera quatre ans plus tard dans les miasmes du génocide. Et elle commence mal. Rwigyema est tué au front le premier jour de l’offensive, aussitôt remplacé par Paul Kagamé rentré précipitamment d’un stage aux États-Unis. Après quelques succès initiaux, l’APR est contrainte de reculer en désordre devant
Le 1er octobre 1990, elle met son treillis, chausse ses rangers et rejoint le maquis. la, nommant dans la foulée Rwigyema à la tête de l’état-major et Kagamé à celle des services de sécurité, Rose Kanyange s’enrôle dans l’armée ougandaise. À la fois éduquée et « physique » (elle a été capitaine de l’équipe de volley-ball à l’université), elle fait ses classes et devient aussitôt aide de camp d’un géné-
la contre-attaque de l’armée rwandaise appuyée par des conseillers français et un contingent zaïrois. Rose est en poste dans le parc de l’Akagera, à la frontière tanzanienne, puis envoyée dans les maquis montagneux du Birunga. Elle s’occupe des combattants blessés et des malades ravagés par la malaria et le kwashiorkor. Dans ces conditions d’extrême précarité, le cessez-le-feu puis l’accord de paix d’Arusha conclu en août 1993 entre le régime Habyarimana et le FPR sonnent comme une délivrance. Nommée députée au titre du quota réservé au Front, Rose Kabuye, qui a désormais le grade de major, prend ses quartiers dans les bâtiments de l’ancien Parlement, au sommet de l’une des trois collines de Kigali, en compagnie des autres représentants désignés par le FPR et d’un bataillon de six cents hommes de l’APR affectés à leur protection. Pendant sept mois, elle ne sort pratiquement pas des locaux, tant le climat, à l’extérieur, est tendu. Dans Kigali gros des terreurs à venir, la paix ne tient qu’à un fil. Le fil se rompt brutalement au soir du 6 avril 1994. Celle qui, selon le juge Bruguière, aurait alors briefé, sur l’ordre téléphonique de Paul Kagamé, le présumé « network commando » chargé
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AFRIQUE SUBSAHARIENNE 31 général la convoque : « Ce sera ta prochaine mission », lui explique-t-il. Rose range son uniforme et étoffe sa garderobe. La voici directrice du protocole d’État. C’est à ce poste sensible, où elle est installée depuis plus de trois ans, que Rose Kabuye apprend un jour de novembre 2006 qu’un juge français a lancé contre elle un mandat d’arrêt international. « Ma première réaction a été d’en rire », dit-elle. « Puis j’ai cherché sur Internet pour savoir qui était ce Bruguière et ce que signifiait ce mandat. Et je me suis dit: ça risque de me pourrir la vie. Un chef du protocole qui ne peut pas voyager, c’est impensable! » Décidée à ne pas se laisser intimider, Rose multiplie alors les tests, malgré les supplications de sa mère et de ses enfants qui la conjurent de ne plus quitter le Rwanda.
d’abattre l’avion présidentiel, décrit cette journée fatidique d’une tout autre manière. « Ce fut une journée ordinaire. Le soir, nous avons dîné à la cantine. Et tout à coup, vers 20 heures, la radio a annoncé la nouvelle : Habyarimana venait de mourir. Ma première réaction a été instinctive : il ne l’a pas volé, il a fait tant de mal. Et puis, je me suis reprise. Nous étions là, isolés, en plein cœur de Kigali, encerclés par l’ennemi, sans armes lourdes pour nous défendre. J’ai pensé à mon fils, à David. J’ai pensé aussi que nous allions vendre chèrement notre peau. ». Avec les autres députés, elle reçoit aussitôt l’ordre de descendre dans les caves de l’ex-Parlement. À 22 heures, le bombardement commence. Il durera trois jours et trois nuits, sans répit, avant que les Casques bleus de la Minuar établissent un mince cordon de protection. Arrivent alors les réfugiés, par centaines, jusqu’à deux mille, qui racontent, hébétés, les épouvantables massacres auxquels se livrent tout autour les militaires et les milices du « Hutu Power ». Dans les couloirs bondés du bâtiment où Rose tente de faire régner un semblant d’ordre, l’atmosphère, les cris, la puanteur sont parfois indescriptibles. Chaque jour, des groupes hagards de Tutsis, souvent blessés, se pressent devant les grilles. Cet enfer durera un mois et demi. À la mi-mai, une colonne de l’APR parvient jusqu’à Kigali, sécurise un corridor et évacue tout le monde. Rose est du convoi. C’est une survivante.
« Croyez-vous qu’en Afrique on puisse mettre un haut responsable blanc en prison? »
AFP
PONCTUELLE ET ORGANISÉE
De retour à Byumba, base arrière d’une armée désormais irrésistible, Rose Kabuye est nommée administratrice d’une zone libérée: celle de Kigali rurale tout d’abord puis, dès la chute de la capitale le 4 juillet 1994, de Kigali ville. Elle panse les plaies du génocide avant de retrouver son siège de députée, au titre de représentante de l’APR. Début 2002, son mandat achevé, Rose réintègre les casernes. Nommée colonelle, elle s’occupe de logistique, un domaine où elle excelle. Un an plus tard, Paul Kagamé, désormais chef de l’État, se cherche un responsable du protocole. Très porté sur l’ordre, l’organisation et la ponctualité, il veut un militaire et s’adresse pour cela à son chef d’état-major, le général James Kabarebe. Ce dernier pense aussitôt à Rose, que Kagamé connaît, certes, mais sans qu’elle soit pour autant du premier cercle de ses proches. Le
rend ensuite à Rome au sommet de la FAO, puis à Berlin, malgré les réserves de l’ambassadeur d’Allemagne à Kigali. Elle n’est pas loin de penser que le fameux mandat est désormais obsolète, d’autant qu’à Paris le juge Bruguière a cédé la main à deux autres magistrats. « Lorsque j’ai pris l’avion le 8 novembre
Avec Paul Kagamé, le 7 novembre à Nairobi, lors d’un sommet sur la situation en RD Congo.
Munie de son passeport diplomatique et en mission officielle, elle se rend au Kenya, puis en Tanzanie, au Nigeria, en Éthiopie, en Chine. Bien que le mandat d’arrêt ait été dûment relayé par Interpol, nul ne l’inquiète. Première alerte en septembre 2007: elle doit rebrousser chemin à Nairobi, en route pour l’Assemblée générale de l’ONU. Motif: elle risque, lui dit-on, d’être interpellée lors de l’escale de Londres. Fausse alerte, rapidement dissipée. Trois jours plus tard, elle est à New York aux côtés du président Kagamé. Rassurée, Rose se
pour Francfort, en mission officielle, avec mon passeport diplomatique et mon visa Schengen délivré par l’ambassade d’Italie, je pensais sincèrement que les risques d’une arrestation étaient minimes », dit-elle. À tort, bien sûr. La suite, aux allures d’affaire d’État, a occupé la une des médias: interpellée à l’aéroport de Francfort, Rose Kabuye est conduite en prison, où Paul Kagamé vient lui rendre visite, puis extradée trois jours plus tard vers Paris. « Le juge allemand m’a laissé le choix entre deux options. Rester à Francfort et plaider l’arrestation abusive, ou demander mon extradition. J’ai choisi, avec l’accord du chef de l’État, la seconde. C’est en France que tout a commencé, c’est en France que tout doit finir. » Quai des Orfèvres, où elle a, dit-elle, été « correctement traitée », Rose se prépare mentalement à retourner en prison. La partie est serrée entre les magistrats qui la reçoivent, le juge des libertés imposant en définitive sa libération provisoire. « J’ai confiance », murmure-t-elle ce soir de décembre, à la manière d’un petit soldat montant au front. « Quand j’irai revoir les juges et qu’ils m’entendront sur le fond, ils verront bien que tout cela est une méprise et que je suis innocente. Et puis, c’est vrai, d’un mal peut sortir un bien : crever l’abcès entre la France et le Rwanda. Mais tout de même, il y a quelque chose qui me trouble, c’est la manière dont on nous traite, nous, Africains. Croyezvous qu’un de nos États pourrait se permettre d’arrêter comme ça un haut fonctionnaire blanc en mission officielle sans que la foudre ne lui tombe sur la tête ? » La confession s’arrête là. David et les enfants sont revenus. Rose Kabuye regagne son véhicule un peu plus loin dans la rue, sans un regard pour les illuminations de Noël. ■
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BÉNIN
Braquages en série Les casses perpétrés le 21 novembre contre deux banques de Cotonou relancent le débat sur lʼinfluence du voisin nigérian et la hausse de la criminalité. Ils prouvent aussi que les gangsters sont de plus en plus violents.
P
our les Béninois, tous les diables viennent du Nigeria. Braqueurs de banques et de fourgons blindés, agresseurs à main armée, trafiquants de drogue, commerçants roublards: les bandits qui parasitent la tranquillité de leur pays ont forcément un lien avec le géant voisin, dix fois plus grand et, surtout, quinze fois plus peuplé (le Nigeria compte 140 millions d’habitants). La croyance, vivace, a été de nouveau alimentée par le casse du siècle, le 21 novembre dernier. Une soirée « hollywoodienne », selon certains journaux locaux, qui, trois semaines après, continue de tenir Cotonou en émoi. Il est 19 heures, le jour vient de tomber sur le marché Dantokpa, le plus fréquenté de la capitale économique. Les commerçants commencent à ranger leurs étals, mais les clients et les badauds sont encore nombreux dans ce capharnaüm. Soudain, des armes se mettent à crépiter. On crie, on hurle, on pleure, on court. C’est la panique dans le dédale de venelles. Dix hommes armés viennent de faire irruption. Successivement, ils dynamitent les portes blindées et les coffres d’Ecobank et de Diamond Bank, deux agences éloignées d’une centaine de mètres. Alertés par le vacarme, des
renforts policiers et militaires débarquent. « Les assaillants tiraient un peu partout, avec des armes semi-légères », se souvient l’un d’entre eux. Après trois heures de fusillade, les braqueurs réussissent à se faire la malle avec un coquet butin: 400 millions de F CFA (610000 euros). Et laissent derrière eux six morts, dont un militaire, et une vingtaine de blessés. Le mur fendu de la Diamond Bank et les éclats de verre qui jonchent le sol témoignent de la violence de l’attaque. Le 1er avril dernier déjà, les deux agences avaient été attaquées selon le même scénario. Deux membres des forces de l’ordre avaient alors trouvé la mort. Mais les malfrats étaient repartis bredouilles, promettant de revenir… Dans les deux cas, les regards des enquêteurs se sont immédiatement tournés vers le turbulent voisin. « Toutes nos pistes conduisent vers des groupes basés au Nigeria », indique Marcelin Alidé, un officier de police cité par l’AFP, au lendemain du 21 novembre. Pour Bayo, un jeune homme qui tient une boutique de sacs à main au marché Dantokpa, cela ne fait aucun doute : « Ce sont des Nigérians, ils parlaient ibo », la langue parlée par l’ethnie du même nom, originaire du sud du Nigeria. Et pourtant, le
commerçant reconnaît ne pas avoir vu les gangsters: il faisait nuit et, par peur, il s’est carapaté… À l’appui de la thèse du « coupable nigérian », les Béninois, forces de l’ordre ou simples témoins, avancent plusieurs éléments. D’abord, les malfrats sont arrivés en deux groupes, l’un en voiture par la route, l’autre en bateau sur le lac Nokoué, qui s’étend à une vingtaine de mètres du marché. Or ce lac est relié à la lagune qui tient lieu de frontière naturelle avec le Nigeria… Autre argument: le niveau d’armement des assaillants (des fusils d’assaut, selon plusieurs sources), nécessairement made in Nigeria… « Les armes, les méthodes et les moyens nous conduisent à penser que ça ne peut que venir du Nigeria », confirme un colonel de douane. LA LOI DES SÉRIES
Et puis il y a des précédents : en décembre 2007, un fourgon de la société de convoyage de fonds Sagam Sécurité a été attaqué juste derrière la présidence, à Cotonou. Deux employés sont morts. Les braqueurs, eux, sont repartis avec 80 millions de F CFA. « Ce sont des Nigérians qui ont été arrêtés par la police, rappelle un commissaire. De toutes les façons, à chaque fois qu’il y
BATA ET LIMBÉ PRISES EN OTAGES Le petit Bénin n’est pas le seul théâtre de braquages dans le golfe de Guinée. Le 7 décembre 2007, la Guinée équatoriale est victime d’une attaque sans précédent. Dans la matinée, un commando d’une dizaine d’hommes lourdement armés accoste à Bata, la capitale économique. En quelques minutes, il vide les coffres de la CCEI Bank et de la Société générale de banques en Guinée équatoriale, puis repart avec plus de 1 milliard de F CFA (1,5 million d’euros). La rumeur populaire attribue rapidement l’attaque, qui a fait un mort, au Cameroun voisin. Tout récemment, ce dernier a eu lui aussi son lot de violence. Le 28 septembre dernier, vers 1 heure du matin, 40 à 50 individus armés de kalachnikovs débarquent à Down Beach, une plage de sable noir de Limbé, station
balnéaire située à 70 kilomètres de Douala. Abandonnant leurs trois vedettes sur le rivage, ils se dirigent vers le centre-ville, où la Société camerounaise de banque (SCB), l’Amity Bank et la Société générale de banques au Cameroun (SGBC) ont pignon sur rue. Des agences gardées qu’une partie du commando va pourtant piller à la chaîne, tandis que le reste de la bande surveille les alentours. Après quatre heures de saccages, les portes seront défoncées, les fenêtres brisées, les coffres braqués, le matériel informatique volé. Un noctambule qui avait le malheur de passer par là a perdu la vie. Le butin est estimé à 234 millions de F CFA (357000 euros). Quand certains incriminent des membres de l’armée, d’autres mettent, comme d’habitude, l’attaque sur le compte de M.M. l’étranger. En l’occurrence, du Nigeria. ■ J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 0 1 • D U 14 A U 2 0 D É C E M B R E 2 0 0 8
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Les agences de Diamond Bank et d’Ecobank à Dantokpa avaient déjà été attaquées le 1er avril dernier.
a des affaires criminelles au Bénin, ils constituent toujours le noyau dur. » Seule une centaine de kilomètres sépare Cotonou et Lagos. Quinze millions d’habitants, une violence endémique : les maux de la capitale économique nigériane s’étendent comme une tache d’huile chez son voisin immédiat. Sans compter qu’il est plus facile d’être gangster au Bénin qu’au Nigeria. « La police nigériane a la gâchette facile, explique une source souhaitant garder l’anonymat. Les bandits préfèrent donc s’en prendre au Bénin, quitte à être pris par la police béninoise. » Pour beaucoup d’habitants de Cotonou, le dispositif de sécurité dans la métropole n’est pas à la hauteur du danger. Après l’attaque d’avril dernier, le gouvernement avait promis qu’une centaine de militaires seraient déployés à Dantokpa pour mieux sécuriser la zone commerciale. Mais au lendemain du braquage de novembre, une dizaine d’hommes armés seulement gardaient les abords du marché, tandis que leur chef somnolait dans une voiture à proximité… Un système de vidéosurveillance avait été également promis, mais les commerçants l’attendent encore. Entre les deux pays, la frontière, de 770 kilomètres, est poreuse. Surveillée par des douaniers facilement corruptibles, elle est le théâtre de toutes sortes de trafics. Plusieurs fois par jour, des 4x4 aux réservoirs « agrandis » font l’al-
ler-retour, chargés d’essence du Nigeria. Sur le lac Nokoué, des barques transportent la même cargaison, qui parfois peut atteindre 250 litres. Idem pour les luxueuses voitures volées au Nigeria et revendues au Bénin. Mais la réciproque est aussi valable : des fripes et des sacs de riz débarqués au port de Cotonou passent la frontière « sous le manteau ». « Il n’y a aucune rigueur, aucun suivi, les douaniers sont complices », témoigne un ancien élu, qui veut garder l’anonymat. INAVOUABLES COMPLICITÉS
Les accusations d’exportation du banditisme sont elles aussi mutuelles. En août 2003, le Nigeria décide unilatéralement de fermer la frontière. Raison invoquée : Cotonou n’a pas pris les mesures adéquates pour lutter contre la criminalité transfrontalière. Le président de l’époque, Olusegun Obasanjo, s’émeut de la remise en liberté par la justice béninoise du chef présumé d’un réseau de voleurs de voitures, le Nigérien Hamani Tidjani, qui aurait fomenté une attaque contre l’escorte de sa fille ayant coûté la vie à trois personnes, dont deux enfants. Mais la frontière ne reste pas close longtemps : au bout de cinq jours, Olusegun Obasanjo et Mathieu Kérékou, alors à la tête du Bénin, se rencontrent pour signer un mémoran-
dum d’entente qui prévoit notamment la mise en place d’inspections communes des postes de douane. Nom de l’opération censée faire frémir les gangsters : Fire to fire. La poursuite des trafics fait douter de son efficacité. Les bandits nigérians ne pourraient être aussi efficaces sans complicités béninoises. « On exagère quand on pointe du doigt le Nigeria, estime Hyppolite Dansou, directeur de publication de ToSo Infos. C’est un moyen de se dédouaner. » Un préjugé défavorable, teinté de méfiance, voire de xénophobie, conduit les Béninois à accuser le Nigeria. « Ces dernières années, expli-
Les excès de Lagos, située à proximité de la frontière béninoise, font tache d’huile. que un interlocuteur anonyme, beaucoup de Nigérians sont venus s’installer au Bénin. Mais les autochtones ne les aiment pas beaucoup, ils les trouvent trop nombreux, trop bruyants. Quand vous leur louez une maison, au bout de deux mois, vous pouvez être sûr qu’ils sont dix à l’intérieur. Il y a même des églises qui font des messes en anglais, rien que pour eux. » ■ MARIANNE MEUNIER, avec NICOLAS MICHEL,
envoyé spécial à Cotonou
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COLIN DELFOSSE/OUT OF FOCUS
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Les figures, spectaculaires, sont réglées comme une chorégraphie.
RD CONGO
Soir de combat à Kinshasa Dans les quartiers populaires de la capitale congolaise, lʼorganisation de combats de catch attire les foules et suscite des vocations. Reportage un samedi soir à Masina.
D
ragon rouge contre Hosanna, Six Couleurs contre Nzondo, Ebende Molasso contre Poison, City Train contre Chinois : ce soir, les combats de catcheurs enfièvrent la petite cour en terre battue de La Pelouse, un barhôtel comme il y en a des centaines à Masina, commune chaude et populeuse de Kinshasa. La fanfare – deux trompettes, une grosse caisse et un sifflet – ne s’arrête pas. « Abandon, Dragon rouge abandon ! » Le chauffeur de salle hurle ses commentaires au micro, parfois en lingala. Adultes, adolescents, enfants, les 300 spectateurs – des hommes surtout –, debout, se pressent contre le ring à mesure que la tension monte. Ça crie, ça rigole, ça chante, ça siffle. Les petits se dressent sur la pointe des pieds. Les plus âgés
suent la Skol, la bière servie par le maître des lieux, Monsieur José, qui trône sur une pile de trois chaises en plastique à côté d’une jeune fille pulpeuse, le derrière moulé dans un jean blanc. Trois cents francs congolais (0,50 dollar), c’est le prix que Monsieur José et Vasco, l’organisateur, font payer pour voir les stars locales du catch. DUELS EN FANFARE
Parmi les héros du ring, une héroïne: la costaude Sukanamwana, 34 ans, presque aussi large que haute (1,50 m environ), membre du club Les Guerriers. Attendue par le public arrivé trois heures plus tôt, elle grimpe sur scène vers 22 heures. Cris, applaudissements. Ses bourrelets enveloppés dans un justaucorps bleu remuent dans la pénombre du ring, à peine éclairé par
deux ampoules fixées sur des bambous. Ses mollets débordent de ses chaussures de boxe. En face, l’adversaire (un homme) ne fera pas le poids, c’est sûr : Tatempoï, le corps recouvert de poudre blanche, porte un simple pagne en raphia qui donne à voir une silhouette fine, presque frêle. L’arbitre a tout juste sifflé que Sukanamwana entame son numéro. Nonchalante, elle empoigne d’abord Tatempoï par le col et le met sans peine à terre. Puis, l’air d’un animal vorace que rien ne peut arrêter, le roue de coups et le traîne par les pieds. Étape suivante : faire un nœud avec les jambes de l’adversaire – autant que possible –, le retourner à plat ventre et sauter à cloche-pied sur son corps comme sur un trampoline. Le parquet, recouvert de tapis en mousse, claque sous la masse de la catcheuse. En chœur, la foule et la fanfare l’encouragent. Et voilà le pauvre Tatempoï qui se relève, les guiboles tremblantes. Un rai de lumière éclaire ses yeux tétanisés. Là, c’est le clou : « Sukana », avec son allure de tonneau,
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AFRIQUE SUBSAHARIENNE 35
Comme dans le catch américain, le pugilat ne s’achève pas dans le sang.
réputé, c’est sans doute Tout va changer : c’est là que s’entraîne Edingwe, LE roi du catch, déjà sacré champion de RD Congo. Entre clubs de la capitale, mais aussi des autres grandes villes du pays, on se rencontre toute l’année. Parfois pour des tournois sponsorisés – souvent par des marques de bière, de conserves – ou, comme à La Pelouse, sans autre raison que le divertissement. 700 DOLLARS DE CACHET
Comme pour Monsieur José, le gérant, qui va récupérer 10 % des recettes de la soirée – le reste allant à Vasco, l’organisateur –, le catch est une source de revenus pour les combattants. Mabokotomo, 24 ans, l’une des stars de La Pelouse qu’une nuée d’enfants a suivie à son arrivée, peut obtenir des cachets de 700 dollars quand les duels sont sponsorisés. Sinon, il reçoit un petit pourcentage du total des entrées. Et puis il y a les casiers de bière, les boîtes de conserve, les télévisions… Rien de juteux, mais de quoi partager avec la famille – quatre frères et sœurs – et vivre bon an mal an. Au besoin, Mabokotomo complète en faisant le chauffeur de taxi. Dread locks, buste moulé dans un débardeur Dolce Gabana, pendentif autour du cou, ce gamin de Matete – une commune populaire de Kinshasa – dit pratiquer le catch comme un métier. Après deux ans de judo et six de lutte, il a commencé en 2000. D’abord à Tout va changer, puis aux Guerriers. Il a combattu dans toutes les grandes villes du pays. En décembre, il devait se produire au Congo-Brazzaville, où son sport est également populaire. Jouant les professionnels, Mabokotomo explique qu’il « assiste à beaucoup de combats », car « tous les catcheurs sont des adversaires ». Son rêve : combattre aux États-Unis. Mais avec sa tenue de scène congolaise, longue coiffe en tête de serpent, pagne rouge et poudre blanche. Il faut être prudent car, comme il le dit, « les Américains aussi ont leurs talismans ». ■ COLIN DELFOSSE/OUT OF FOCUS
dégénère. Les spectateurs se divisent, baisse son justaucorps, attrape son gros un clan prend fait et cause pour le vainsein droit et l’approche de la bouche de cu, l’autre pour le vainqueur, et l’on sa victime. Tatempoï tremble de plus s’affronte à coups de pierres. Puis la belle, comme parcouru de décharges police, alertée, met fin au spectacle. électriques. Le sein et la bouche se Pour éviter une rixe à La Pelouse, le rapprochent, se rapprochent et, sous catcheur City Train fait aussi le « préfet les éclats de rire du public, Tatempoï de discipline ». En maillot blanc et panfinit par téter. C’en est trop pour lui, les charmes de la mère nourricière ont eu raison de sa virilité. « Abandon, abandon ! » En cinq minutes, Sukanamwana a gagné. Suivants ! Défait, Tatempoï ne finira pas sur une civière : comme dans le catch américain, dont ils s’inspirent vaguement, les combats version congolaise ne s’achèvent pas en bains de sang. Partitions écrites à l’avance par l’organisateur, les duels sont des mises en scène. Les cris d’orfraie des vaincus sont feints, les coups esquissés, les chutes calculées. Avec ses fétiches, son costume et sa mise en scène propres, chaque catcheur est un comédien qui joue un rôle : Petit Cimetière, dont le duel a précédé celui de Sukanamwana, c’est un peu le croque-mort, avec ce mini-cercueil qu’il dépose toujours sur le ring ; Ebende Molasso, visage noirci et corps enserré dans des chaînes métalliques, c’est le Mabokotomo, 24 ans, l’une des stars de La Pelouse, monstre enragé ; City Train se prépare pour le combat. (du nom d’une compagnie de bus de Kinshasa), l’invincible talon de camouflage, il filtre les entrées Monsieur Muscles à tatouages. quand il ne combat pas. De l’autre côté Dans le public, l’ambiance est soude la grille, une foule trépigne. Mais la vent bon enfant. Quand elle débarque cour est déjà pleine… Car ici comme dans la cour déjà bondée de La Pelouse, dans toute la RD Congo, le catch est Hortense Saïdi, commandante au sousp o p u l a i r e . C ’e s t u n divertissement, on y va comme au spectacle. Le prix des places, dépassant rarement 500 francs congolais, est accessible au plus grand nombre. Côté organisation, la recette est simple. Il suffit d’une autoricommissariat local, prend d’abord un sation de la commune, d’un ring, d’un air énervé: « Personne ne m’a informée petit espace – la cour de La Pelouse ne de ces combats ! » Un duel et un verre fait pas plus de 100 m 2 – et d’un bon de Skol plus tard, elle rigole avec ses stock de bière. Quant aux catcheurs, voisins quand Dragon rouge arrache ils sont faciles à trouver. À Kinshasa, le slip de Hosanna (ce dernier l’avait on compte au moins un club par compassé sur un pantalon, il ne se retroumune. Chacun a sa renommée. Le plus vera pas nu). Mais parfois, l’ambiance
MARIANNE MEUNIER, envoyée spéciale
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36 AFRIQUE SUBSAHARIENNE
GHANA
Retour à lʼisoloir Aucun des candidats nʼayant obtenu la majorité absolue, le second tour de la présidentielle aura lieu le 28 décembre.
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ana Akufo-Addo, le candidat du Nouveau Parti patriotique (NPP, au pouvoir), a raté de peu l’occasion de devenir, dès le premier tour du scrutin du 7 décembre dernier (auquel 69,5 % des 12,8 millions d’électeurs inscrits ont pris part), le troisième président de la IVe République ghanéenne. Crédité de 49,13 % des suffrages exprimés (4 159 439 voix) contre 47,92 % (4 056 634 voix) à son challengeur,
John Atta-Mills, le porte-drapeau du Congrès démocratique national (NDC, principal parti d’opposition), l’ancien ministre des Affaires étrangères devra donc revenir devant les électeurs le 28 décembre. « J’ai confiance, je vais remporter le second tour », a-t-il notamment déclaré après l’annonce des résultats. Son adversaire, ancien vice-président du capitaine Jerry Rawlings, qui briguait pour la troisième fois les suffrages de
CAMEROUN
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CREDITPHOTO
UPPA/PHOTOSHOT
Le scrutin du 7 décembre a été jugé exemplaire par tous les observateurs.
ses compatriotes, fait preuve du même optimisme. À n’en pas douter, l’issue du second tour est tout à fait incertaine, l’écart entre les deux prétendants étant minime. Et bien qu’il n’ait recueilli que 1,3 % des suffrages exprimés, le candidat Papa Kwesi Nduom, que d’aucuns avaient, un peu vite, qualifié de possible « troisième homme », aura sans doute son mot à dire. Un report des voix de ses électeurs sur l’un des deux candidats en lice pourrait aider ce dernier à décrocher la victoire. Dans l’attente de cette ultime empoignade, qui devra désigner le successeur du président sortant John Kufuor, les observateurs, locaux et étrangers, unanimes, ont salué le calme et la transparence qui ont prévalu au cours du scrutin. Il est vrai que celui-ci n’a donné lieu à aucune contestation violente sur le terrain. Ce qui est tout à l’honneur de la jeune démocratie ghanéenne. Pour le chef de la mission des observateurs de l’Union européenne, Nickolay Mladenov, le pays sort renforcé de ces élections. Seule certitude, le NDC a remporté une majorité de sièges au Parlement à l’issue des législatives organisées simultanément. Le parti d’opposition a obtenu 113 sièges sur 229, contre 109 au NPP, annonçait le 10 décembre la Commission électorale. ■ MORIBA MAGASSOUBA
Njonga en prison, le combat continue
ernard Njonga est-il allé trop loin ? Après plus de trente ans de militantisme, l’ingénieur agricole, président de l’Association citoyenne de défense des intérêts collectifs (Acdic) et directeur de la Voix du paysan, s’est fait copieusement bastonner le 10 décembre à Yaoundé. Interpellé par la police avec huit autres personnes au cours d’une manifestation contre la corruption, il a été interrogé puis placé en détention au commissariat central. Motif : troubles à l’ordre public lors d’un rassemblement interdit par les autorités. Le 3 décembre, l’homme au chapeau de paille avait lancé une nouvelle campagne pour dénoncer les détournements des subventions du programme national d’appui à la filière maïs. Selon l’Acdic, en deux ans, quelque 1,2 milliard de F CFA ont
été détournés des circuits officiels du ministère de l’Agriculture. La veille de son arrestation, Bernard Njonga avait tenté de présenter aux parlementaires un film « explosif » avant de se voir refuser l’accès à l’Hôtel des députés, où la projection devait avoir lieu. Le document dénonce le clientélisme dans l’attribution des tracteurs donnés par l’Inde en 2006. Après quinze mois d’enquête, Njonga et ses collaborateurs ont retrouvé la plupart des équipements. Trente-deux auraient été donnés à des ministres, onze à des hauts fonctionnaires, trois à des officiers, trois à des députés. Onze seulement ont profité à des structures agricoles. « Je savais pertinemment que mon combat me conduirait un jour là où je suis, explique Njonga. Mais je n’ai pas l’intention de m’arrêter. Je continuePASCAL AIRAULT rai à défendre les petits paysans. » ■ J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 0 1 • D U 14 A U 2 0 D É C E M B R E 2 0 0 8
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Création dʼun tribunal spécial
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atteintes aux droits de l’homme, sauf pour Nelson Mandela, très fatigué, et Aung San Suu Kyi, qui ne peut quitter la Birmanie. Ces personnalités ont l’avantage de pouvoir décrocher leur téléphone et parler à peu près à tous les grands de la planète. Bien qu’ils ne soient plus aux affaires, ils conservent une influence non négligeable et ne sont plus tenus à la réserve liée à leur fonction. L’idée de les réunir pour une diplomatie différente des chemins classiques a pourtant ses limites. D’abord parce que beaucoup d’entre eux ont appartenu ou collaboré avec les Nations unies, et restent marqués aux yeux de certains du sceau « pro-occidental ». Ensuite, parce qu’ils n’ont aucun moyen de coercition. Alors que le groupe appelle à la mise en place rapide d’un gouvernement d’union au Zimbabwe et juge inutile d’appeler au départ de Robert Mugabe, le président français faisait, le 8 décembre, après avoir rencontré la délégation, une déclaration demandant au président zimbabwéen de quitter le pouvoir. Quelques jours plus tôt, les Elders s’étaient vu refuser l’entrée au Zimbabwe. Même l’ancienne épouse de Samora Machel, actuelle épouse de Nelson Mandela, égérie de la lutte contre le colonialisme, n’a pu rencontrer son « frère » Robert Mugabe. En avril dernier, c’est Jimmy Carter qui avait essuyé un revers en Israël. Finalement, les Elders ont surtout un rôle d’alerte de l’opinion. Mais ils n’ont pas l’influence que l’on pouvait attendre de vieux sages, en particulier en Afrique. ■ FABIENNE POMPEY
NICOLAS MICHEL
DIPLOMATIE
Les « Anciens » peinent à se faire entendre Les Global Elders prônent le dialogue pour résoudre la crise au Zimbabwe. Sans convaincre Robert Mugabe.
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KENYA
a menace a porté ses fruits. Le juge Philip Waki, président de la commission sur les violences postélectorales au Kenya, avait confié à l’ancien secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, une enveloppe cachetée contenant les noms d’une dizaine de personnalités suspectées d’être responsables des affrontements du début de l’année 2008. L’injonction était claire: si le gouvernement kényan refusait de laver son linge sale, alors la Cour pénale internationale se chargerait d’enquêter… Après de longues tergiversations, la fragile coalition au pouvoir à Nairobi s’est résolue à mettre en place un tribunal spécial opérationnel à partir du 1er mars 2009. Un accord sur les différentes étapes à suivre doit être signé au plus tard le 16 décembre par le président Mwai Kibaki et le Premier ministre Raila Odinga. Le futur tribunal devrait être composé d’une cour de justice et d’une cour d’appel. Le président et le Premier ministre nommeront les principaux magistrats de chacune des deux cours. Leurs noms seront choisis par un « panel d’éminentes personnalités » présidé par Kofi Annan. En clair : pour préserver l’impartialité des jugements, ils ne seront pas kényans. Les statuts du tribunal spécial doivent être définis au plus tard le 30 janvier 2009. Avant cette date, le Parlement devra modifier la Constitution afin de donner un cadre légal à la nouvelle autorité chargée de juger « les architectes, financiers et exécuteurs des violences postélectorales ayant entraîné la mort de 1133 Kényans ». Parmi ces responsables, il y aurait six ministres et cinq membres du Parlement… Mais le Kenya semble aujourd’hui convaincu qu’il est temps de tourner le dos à l’impunité. ■
Les Global Elders ont été reçus le 8 décembre par Nicolas Sarkozy à l’Élysée.
e 8 décembre, ils étaient reçus par Nicolas Sarkozy, mais leurs recommandations sur le Zimbabwe n’ont pas été suivies. Une nouvelle preuve que les Global Elders ont du mal à se faire entendre, même s’ils sont reconnus comme les plus grands sages de la planète. Les Global Elders, ce sont les vieux du « village global », une sorte d’internationale des « Anciens ». À douze, ils ont 874 années d’expérience de la vie en général et de la politique en particulier, soit une moyenne d’âge de 73 ans. Cinq Prix Nobel, trois anciens présidents de la République, des ministres, des figures de la lutte contre la pauvreté ou des défenseurs des droits de l’homme. Né à la fin de 2007, le groupe a été initié par Nelson Mandela sur les recommandations de deux personnalités atypiques, Richard Branson, PDG de Virgin, et le musicien Peter Gabriel. Aujourd’hui, les Global Elders regroupent quelques-unes des plus éminentes personnalités de la planète. Entre le plus âgé, Mandela, 90 ans, et la plus jeune, son épouse, Graça Machel, 63 ans, le Ghanéen Kofi Annan, ancien secrétaire général des Nations unies, l’ex-président brésilien Fernando Cardoso, le diplomate algérien Lakhdar Brahimi, le banquier des pauvres, le Bangladais Muhammad Yunus, ou l’ancien Premier ministre de Norvège Gro Harlem Brundtland. Leur objectif: régler les conflits par le dialogue, sous l’arbre à palabres, prévenir les crises ou les apaiser. Témoins des turpitudes de leurs cadets, ils parcourent le monde pour dénoncer les
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PRÉSIDENTIELLE TUNISIENNE Alors que Ben Ali nʼavait jusquʼà présent aucun concurrent crédible, la très probable candidature de lʼopposant le plus respecté sur la scène politique donne un nouveau relief au scrutin de 2009.
BEN JAA F
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oup de théâtre à moins d’un an de l’élection président iel le t un isienne d’octobre 2009. Le Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL) envisage de présenter la candidature de son secrétaire général, Mustapha Ben Jaafar. « La loi dit qu’il faut être élu, et je le suis, a déclaré Ben Jaafar lors d’un entretien avec Jeune Afrique, le 8 décembre. Mes pairs du FDTL m’ont choisi en tant que numéro un du mouvement. Je suis donc habilité à me porter candidat à la candidature pour l’élection présidentielle de 2009 dans le strict respect de la loi (lire encadré p. 40). Au stade actuel, précise-t-il, je me considère comme un candidat possible. Nous sommes en train de discuter au sein du FDTL pour prendre la décision politique relative à cette candidature, une fois achevées nos consultations avec nos amis indépendants au sein de la société civile. » Appelée de ses vœux par une bonne partie de l’élite, l’entrée en lice de Mustapha Ben Jaafar marque l’arrivée d’une personnalité politique de premier plan au sein des candidatures de l’opposition pour 2009. Elle donnera à la prochaine présidentielle un tout autre relief par rapport à celles qui l’ont précédée. Jusque-là, la compétition devait mettre aux prises le président Zine el-Abidine Ben Ali, patron du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), qui brigue un cinquième mandat de cinq ans, Mohamed Bouchiha, pour le Parti de l’unité populaire (PUP), Ahmed Brahim, pour le mouvement Ettajdid (Le
PHOTOS : HICHEM
ABDELAZIZ BARROUHI, à Tunis
Renouveau, ex-Parti communiste), et Ahmed Inoubli, pour l’Union démocratique unioniste (UDU). Soit pratiquement le même casting que lors de l’élection présidentielle de 2004. À LA FOIS FERME ET PONDÉRÉ
À vrai dire, voilà plusieurs années que la classe politique voyait en Ben Jaafar, 68 ans, un candidat de choix pour la présidentielle. À la fois ferme et pondéré, ce professeur de médecine formé en France et fondateur du Syndicat des médecins hospitalo-universitaires en Tunisie est probablement l’opposant le plus respecté sur la scène politique actuelle.
Entraîné très jeune par sa famille dans l’action politique, il milite au sein du Parti socialiste destourien (PSD, ancêtre du RCD), dirigé à l’époque par Habib Bourguiba. Réagissant à la dérive autoritaire du Combattant suprême au début des années 1970, il quitte le PSD pour cofonder, en 1975, avec d’autres démocrates, la Ligue tunisienne de défense des droits de l’homme (LTDH). En 1978, il participe à la création du Mouvement des démocrates socialistes (MDS), dont il intègre le bureau politique sous la conduite d’un autre dissident célèbre, Ahmed Mestiri, qui choisira de se retirer de la vie politique en 1991. Mais Mohamed Moada, successeur de
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A FAR AUSSI
Ci-dessus, Mustapha Ben Jaafar, secrétaire général du FDTL (opposition). Ci-contre, de haut en bas, Mohamed Bouchiha (PUP, mouvance présidentielle), Ahmed Inoubli (UDU, mouvance présidentielle) et Ahmed Brahim (Ettajdid, opposition).
Mestiri, change la ligne du parti pour se rapprocher du pouvoir et exclut ses rivaux, dont Ben Jaafar, en 1992. Ces derniers s’allient avec des démocrates indépendants de la société civile pour fonder, en 1994, le FDTL, un parti socialdémocrate moderne. « Ma candidature pour 2009, dit aujourd’hui Ben Jaafar, ne relève pas d’un quelconque électoralisme, mais a pour objectif essentiel de mobiliser et rassembler toutes les forces à l’occasion de ce rendez-vous électoral
pour changer les règles du jeu sur le thème consensuel de la démocratie. » L’entrée en jeu de Mustapha Ben Jaafar aux côtés des autres candidats ne devrait cependant pas changer la donne: Ben Ali est quasi certain de l’emporter compte tenu du rapport des forces (il a été réélu avec 94,49 % des suffrages en 2004) et de l’enracinement du RCD, seul parti de masse, qui est assuré de remporter 75 % des sièges lors des prochaines législatives. Aucun candidat ne se fait d’illusions
à ce sujet. Mais bien que l’alternance ne soit pas à l’ordre du jour, ils participent à cette élection pour accélérer le processus de transition démocratique. Pour Ahmed Brahim, 61 ans, le positionnement d’Ettajdid dans ce scrutin « est celui d’une opposition ferme et résolue à l’autoritarisme » et, « en même temps, celui d’une force de proposition constamment ouverte au dialogue et soucieuse de présenter des solutions constructives… » Selon lui, « il faut
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tout faire pour que l’élection ne soit pas une pâle réédition des consultations précédentes, qui relevaient plus du plébiscite que de la véritable compétition. Aujourd’hui, la priorité numéro un est de garantir pour ce scrutin les conditions minimales de transparence et de crédibilité. Le système électoral doit être radicalement modifié; la monopolisation des médias et des espaces publics par un seul candidat et un seul parti doit cesser… » Premier secrétaire d’Ettajdid depuis 2007, à la suite du retrait de Mohamed Harmel, Ahmed Brahim a été l’un des principaux initiateurs du changement de nom (et de cap) de l’ex-Parti communiste tunisien en 1993. Entre 1994 et 2001, il gèle ses activités en signe de protestation contre le pouvoir personnel de Harmel au sein du mouvement, affaibli comme la plupart des autres ex-Partis communistes dans le monde. En 2003, on le retrouve à la tête d’une tendance minoritaire qui va agir de concert avec un Harmel qui s’est entre-temps ressaisi pour redresser le parti. Ettajdid retrouve son indépendance et s’ouvre, en 2004, à des alliances avec des groupes actifs et des « indépendants » au sein de l’« Initiative démocratique », qui soutiendra la candidature de Mohamed Ali Halouani à la présidentielle de 2004. Mais ce dernier ne recueillera qu’un peu moins de 1 % des suffrages. En 2007, grâce à l’entrée massive d’indépendants et au retour en force d’ex-communistes qui s’étaient éloignés du mouvement, le courant emmené par Brahim est désormais majoritaire et dispose de la moitié des sièges au bureau politique. Brahim sauve Ettajdid de la scission et instaure
FETHI BELAID/AFP
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Le président Zine el-Abidine Ben Ali lors d’un meeting de campagne, en 2004.
un consensus entre les deux tendances. Professeur de français à l’université de Tunis, où il dirigeait une unité de linguistique, pétri de culture et doté d’un sens politique certain, Brahim est décrit par ses amis comme un homme simple qui abhorre le culte de la personnalité. CASSER LES TABOUS
Mohamed Bouchiha et Ahmed Inoubli, les deux candidats de partis membres de la « mouvance présidentielle », ne comptent pas pour leur part se cantonner aux rôles de simples figurants, comme le supposent leurs adversaires. Bouchiha, 60 ans, fonctionnaire, a débuté dans le journalisme après une maîtrise d’histoire-géographie. Il est à la tête du PUP depuis 2000. C’est un homme de conviction, comme l’atteste son long parcours de militant, qui débute à l’université dans les années 1968-1969 avant de se poursuivre au
CANDIDATURE, MODE D’EMPLOI POUR DÉFENDRE SA CANDIDATURE, Ben Jaafar s’appuie sur l’analyse de juristes qui ont examiné un amendement de la Constitution voté à l’initiative du président Ben Ali en juillet dernier et visant à permettre aux chefs de partis politiques non représentés au Parlement de briguer la présidence. Auparavant, il fallait obtenir le parrainage de trente membres de la Chambre des députés ou présidents de conseils municipaux. Condition difficile à remplir pour certains candidats de l’opposition, puisque le RCD dispose de 80 % des sièges au Parlement et préside la totalité des municipalités. Le troisième paragraphe de l’article 40 de la Constitution adopté à titre exceptionnel pour l’élection de 2009 dispose qu’il est permis au président, secrétaire général ou secrétaire permanent d’un parti qui ne serait pas en mesure de réunir les parrainages de présenter sa candidature à la magistrature suprême. À la double condition qu’il ait été « élu » à cette fonction et qu’il soit, à la date de présentation de sa candidature, en exercice depuis au moins deux ans. Ben Jaafar dirige le FDTL depuis 1994 et s’est vu remettre personnellement le visa légal du AZ.B. ministère de l’Intérieur le 25 octobre 2002. ■
sein du MUP (futur-PUP) à partir de 1979-1980. Candidat à l’élection présidentielle de 2004, il arrive en tête des trois candidats de l’opposition avec 3,78 % des suffrages. « Ma participation à la présidentielle, déclare-t-il dans un entretien avec Jeune Afrique, vise à renforcer le processus démocratique et à casser les tabous. Notre participation est davantage politique qu’électoraliste. » À certains radicaux qui décrivent son parti comme l’élément d’un décor destiné à donner l’illusion du pluralisme, Bouchiha répond avec flegme que c’est insulter les centaines de milliers de citoyens qui votent pour lui. L’action du PUP, dit-il, consiste à « dialoguer avec le pouvoir afin d’insister sur les réformes nécessaires pour ancrer davantage la démocratie et le multipartisme au niveau des lois régissant la vie politique, le code électoral et le code de la presse pour plus de libertés… » Ahmed Inoubli, un avocat au verbe haut, est, depuis 2004, à la tête de l’UDU, à laquelle il a adhéré en 1992. Son mouvement, qui se réclame du nationalisme progressiste arabe et qui s’oppose à toute ingérence étrangère dans la politique intérieure du pays, est favorable « à un changement plus profond et plus rapide en matière démocratique. Notre programme politique, ajoute-t-il, est celui d’un parti d’opposition. Il est différent de celui du RCD, mais nous avons des convergences avec le président Ben Ali, dont nous soutenons plusieurs des choix relatifs aux intérêts nationaux. » Pluraliste, la présidentielle de 2009, année du cinquantenaire de la promulgation de la Constitution de la République, restera-t-elle dans l’Histoire comme la première à se distinguer par la qualité des débats entre ses candidats? ■
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CE JOUR-LÀ
13 décembre 2003 Capture de Saddam Hussein «
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esdames et Messieurs, nous l’avons eu ! Le tyran est prisonnier. » C’est en ces termes que l’administrateur civil américain Paul Bremer annonce, le 14 décembre 2003, à Bagdad, lors d’une conférence de presse triomphale, la capture de Saddam Hussein. Pour les Américains, cette prise a des allures de cadeau de Noël. Depuis deux cent quarante-cinq jours, ils traquaient sans relâche l’ancien dictateur dont la tête avait été mise à prix pour 25 milL’ex-raïs s’était muré dans lions de dollars. L’acharnement mis à localiser un mini-bunker souterrain, Dark List One (le nom de code de Saddam) à Al-Daour, près de Tikrit. finit par payer le vendredi 12 décembre. Lors d’une énième opération de recherche à Bagdad, la Task Force 121 arrête un commerçant de Tikrit se repliait dans un trou profond de 2,5 mètres. Lors de proche du fugitif et qui disposerait d’informations décil’arrestation, les soldats découvrent une valise contesives. Longuement interrogé, l’homme finit par révéler nant 750 000 dollars, un pistolet et deux kalachnikovs. que le raïs déchu se cache dans une ferme à quelques À l’extérieur, un taxi orange et blanc attendait Saddam kilomètres de Tikrit, dans la bourgade d’Al-Daour. en permanence, pour lui permettre de fuir si nécessaire. George W. Bush est prévenu à 23 h 15, mais l’armée LE SAMEDI 13, EN FIN DE MATINÉE, est lancée l’opédoit encore procéder à des tests ADN pour s’assurer de ration Aube rouge. À 18 heures, 600 hommes de la l’identité de l’ex-raïs, qui s’était toute sa vie entouré de 4 e division d’infanterie américaine, épaulés par des sosies. Le 14 décembre, à 9 heures, le président améripeshmerga kurdes, prennent position. Deux heures cain reçoit la confirmation. Le clochard hirsute que l’on plus tard, ils donnent l’assaut à une ferme appartenant voit, dans une vidéo tournée par l’armée américaine, se à Qays al-Nameq, l’un des anciens gardes du corps de faire examiner de façon humiliante par un médecin est Saddam. Ils découvrent par hasard l’entrée d’un bunker bien Saddam Hussein. Après la diffusion de ces images, souterrain, recouverte de briques et d’ordures. Selon le le général Sanchez annonce à la presse que l’ex-raïs récit des Américains, le raïs déchu sort alors les mains s’est « montré coopératif pendant son arrestation et son examen médical. Il est détenu dans un lieu non précisé, où [les Américains ont] pris des dispositions pour qu’il soit en bonne santé ». Dès l’annonce de la capture, les habitants de Bagdad laissent explode son « trou à rat » et, dans un anglais approximatif, ser leur joie. Jusque tard dans la nuit, les coups de feu déclare : « Je suis Saddam Hussein, je suis le président se mêlent aux coups de klaxons et les enfants dansent de l’Irak. Je veux négocier. » À 20 h 26, c’est un homme dans les rues. Mais les images de l’ex-raïs exhibé avec brisé, vêtu d’un pyjama informe, la barbe broussailleufierté par les autorités américaines ont aussi profondése, qui se rend à ses assaillants. « L’arrestation s’est ment choqué les sunnites, qui les ont perçues comme déroulée sans qu’un seul coup de feu n’ait été tiré », une insulte. En juillet 2004, le Tribunal spécial irakien annonce le général Ricardo Sanchez, qui dirige les forjugera l’ancien dictateur pour génocide, crimes contre ces américaines en Irak. l’humanité et crimes de guerre. Condamné à mort, il Le monde découvre alors la cachette où l’ex-dictateur sera exécuté le 30 décembre 2006. Les images de sa s’était muré pendant huit mois. Une petite pièce avec pendaison, volées par des témoins à l’aide de leurs pour seul mobilier un vieux lit, une cuisinière à gaz, un portables, feront le tour du monde. ■ LEÏLA SLIMANI générateur et un réfrigérateur. En cas d’alerte, Saddam
Les images de l’ex-dictateur exhibé avec fierté par les Américains choquent les sunnites.
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être entendus s’ils ne s’expriment pas comme collectivité ? Leur silence a au moins deux conséquences importantes. D’abord, il a offert une possibilité à l’Iran et à la Turquie de combler le vide. Ensuite, il a poussé la « rue » à se radicaliser. Paradoxalement, plus les régimes arabes ont peur de l’attirance qu’exercent les idées extrémistes sur leurs populations, plus ils se mettent des œillères et se montrent répressifs, et moins ils se montrent capables de sauver leur réputation par une action collective hardie. Le scandale de Gaza en est un exemple flagrant. Les pays arabes n’ont élevé aucune protestation collective contre la violation manifeste du droit international par Israël, aucune, en tout cas, qui ait été audible. Ils ne se sont pas servis de leur poids politique ou financier pour obliger la communauté internationale à mettre fin au siège. Aucune délégation de ministres arabes importants n’a fait le tour des capitales des cinq membres permanents du Conseil de sécurité pour exiger que l’État hébreu mette fin au châtiment collectif de 1,5 million de personnes.
Les mystères de lʼimpuissance arabe
Amr Moussa (à g.), secrétaire général de la Ligue arabe, et Saoud al-Fayçal (à dr.), ministre saoudien des Affaires étrangères, le 26 novembre, au Caire.
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ne étonnante particularité de la scène politique internationale actuelle est l’incapacité des gouvernements arabes à réagir vigoureusement et collectivement à des développements majeurs, même quand il s’agit d’événements importants pour eux. Des personnalités arabes de premier plan interrogées pour cet article (mais qui souhaitent garder l’anonymat) confirment que l’incapacité endémique des pays arabes à agir de concert a entraîné une paralysie de la diplomatie arabe et, plus généralement, un discrédit de l’ensemble du système étatique arabe. Dernier exemple en date: la réunion de la Ligue arabe, le 26 novembre, au Caire. Organisée pour promouvoir la réconciliation entre l’Autorité palestinienne et le Hamas, elle ne semble pas avoir eu de résultat tangible. Les relations interarabes ont longtemps été caractérisées par des rivalités et des querelles implacables, qui entravaient l’action collective. C’est d’autant plus regrettable que les Arabes doivent
aujourd’hui faire entendre leur voix aussi bien à la nouvelle administration du président élu Barack Obama qu’à Israël, qui, à la veille des élections générales de février, est agité par un grand débat sur ses relations avec le monde arabe. Contrairement aux Arabes, les vingt-sept membres de l’Union européenne (UE) ont fait parvenir à Barack Obama un document où ils définissent leurs positions sur un certain nombre de dossiers. Ils souhaitent que les relations américano-européennes soient fondées sur le « multilatéralisme » ; qu’on s’occupe rapidement du conflit israéloarabe, l’UE se proposant de jouer un rôle stabilisateur; que les relations avec la Russie soient placées sous le signe du pragmatisme; et qu’il soit admis qu’il ne peut pas y avoir de solution militaire au conflit avec les talibans en Afghanistan et au Pakistan. Où est l’équivalent arabe d’un tel document ? Où est la réflexion sur les futures relations américano-arabes ? Comment les A rabes espèrent-ils
CRIS BOURONCLE/AFP
Le silence et la passivité des gouvernements arabes après lʼélection de Barack Obama sont une nouvelle illustration de leur incapacité endémique à réagir vigoureusement et collectivement à un événement international majeur.
MOUBARAK À BOUT DE SOUFFLE
Un ou deux pays arabes ont bien tenté une action individuelle, mais sans résultat. Une organisation caritative islamique du Qatar se propose d’envoyer un bateau à Gaza, mais sans beaucoup d’espoir de franchir les barrages. Un bateau libyen, chargé de 3000 tonnes de vivres, a été intercepté et obligé de faire demitour par la marine israélienne. Il est à quai dans le port égyptien d’Al-Arish. Mais l’Égypte – tenue par son traité de paix avec Israël, affaiblie par sa dépendance à l’égard de l’aide américaine, terrifiée par l’extrémisme des Frères musulmans, accablée par les difficultés internes et obsédée par le problème de la succession d’un président Hosni Moubarak à bout de souffle – semble totalement incapable du moindre geste qui puisse soulager la misère de Gaza à ses portes. Il y a une génération, la troïka composée de l’Égypte, de l’Arabie saoudite et de la Syrie avait un certain poids dans le monde. Aujourd’hui, l’Égypte est – politiquement au moins – l’ombre de ce qu’elle était, tandis que les relations entre l’Arabie saoudite et la Syrie sont polluées par l’alliance Damas-Téhéran. Les exemples de l’incapacité arabe à agir sont légion. En novembre, pas moins de cinq cents anciens généraux,
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Des Palestiniens attendant l’arrivée d’un bateau chargé de vivres venu de Libye, dans le port de Gaza, le 1er décembre.
diplomates et responsables de la sécurité israéliens ont entamé une campagne pour « vendre » à leur opinion le Plan de paix arabe patronné par les Saoudiens et présenté au sommet de Beyrouth, en 2002. Ce plan propose à Israël la paix et des relations normales avec les vingt-deux pays de la Ligue arabe en échange de l’évacuation des territoires palestiniens et syriens annexés en 1967. Dans une publicité pleine page dans la presse israélienne, les cinq cents personnalités, réunies autour du général de réserve Danny Rothschild, invitaient leurs compatriotes à ne pas « laisser passer l’occasion historique que [leur] offre le monde arabe “modéré” ». Rothschild déclarait, le 27 novembre, au Financial
vigoureusement intervenus auprès de la nouvelle administration américaine et de l’UE pour qu’elles soutiennent ce plan de paix ? Certes, le prince Turki al-Fayçal, ancien chef des services de renseignements saoudiens, a prêté son nom à un récent rapport d’un think-tank britannique, l’Oxford Research Group, pour appuyer le plan. Mais on est loin de l’action diplomatique collective voulue au plus haut niveau et largement médiatisée qu’exigeait l’occasion. ISRAËL A LES MAINS LIBRES
Le silence arabe est encore plus assourdissant quand on en vient aux menaces ouvertes lancées par Israël à la fois contre Gaza et contre le Liban. Il ne se passe guère un jour sans que le ministre israélien de la Défense, Ehoud Barak, ne menace de lancer une vaste opération militaire contre Gaza pour mettre fin aux tirs de roquettes contre Israël. Mais c’est l’État hébreu, pas le Hamas, qui a rompu la trêve, le 4 novembre, par une série d’incursions armées dans Gaza qui ont, à ce jour, tué plus d’une douzaine de Palestiniens. Comme d’habitude, Israël veut cogner et tuer sans subir de représailles. De même, d’importantes personnalités israéliennes n’hésitent pas à prédire une nouvelle guerre « inévitable » contre le
Un vide politique que l’Iran et la Turquie se sont empressés de combler. Times : « L’opinion israélienne doit être encouragée à accepter la finalisation d’un accord sur les Palestiniens et les Syriens. » Comment les dirigeants arabes ontils réagi à cette invitation israélienne à la paix sans précédent ? Lui ont-ils fait un accueil enthousiaste ? Ont-ils proposé un sommet commun pour préciser les détails du plan de paix? Sont-ils
Liban. Dans le numéro de novembre de Strategic Assessment, le trimestriel de l’Institut des études de sécurité nationale israélien, le général de réserve Giora Eiland, ancien conseiller à la sécurité nationale de Sharon et d’Olmert, affirme que la prochaine guerre « entraînera l’élimination de l’armée libanaise, la destruction des infrastructures nationales et de grandes souffrances dans la population ». Dans le même numéro, le général Yossi Kuperwasser, l’ancien chef des renseignements militaires, écrit que « s’abstenir d’agir [au Liban] permet aux organisations terroristes [comprendre le Hezbollah] de montrer leur force et d’afficher leurs possibilités… Ainsi n’y a-t-il finalement aucun moyen d’éviter une opération terrestre à grande échelle ». Pourquoi les pays arabes n’ont-ils pas publiquement dénoncé ce bellicisme irresponsable ? Il est facile d’imaginer l’indignation d’Israël et le tollé international qui suivrait si une personnalité arabe ou un journal iranien parlait de « l’inévitabilité » d’une guerre ayant pour objectif de détruire les infrastructures nationales israéliennes et d’infliger de grandes souffrances à sa population. Rarement la nécessité pour les Arabes de faire entendre leur voix collective aura été aussi impérieuse, surtout si l’on veut épargner à la région un autre conflit dévastateur. ■ PATRICK SEALE
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MAROC
Dur, dur pour les Subsahariens
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es chauffeurs de taxi l’appellent le « quartier des Africains » ou « petit Sénégal ». Enclavé entre les maisons cossues de la route des Zaers et la zone industrielle en contrebas, le quartier de Takadoum (qui signifie « progrès ») accueille la plupart des migrants subsahariens de Rabat. C’est un quartier populaire et grouillant, où les vendeurs à la sauvette ont envahi les trottoirs et où les femmes font la lessive sur les toits d’immeubles décrépits. Selon une estimation de Médecins sans frontières (MSF), la capitale marocaine abrite quelque 2000 migrants subsahariens. « C’est un quartier dangereux », prévient le chauffeur taxi, qui ne semble pas les voir d’un bon œil. Pourtant, les Subsahariens se font discrets. Par crainte de la police, ils ne se promènent jamais en groupe, ne se réunissent pas dans les cafés et rasent les murs pour rentrer chez eux. Le hammam est tenu par des Maliens. Deux pour frotter les clients et trois pour approvisionner le chauffage. « Avant, c’était des Marocains qui travaillaient ici. Quand on est arrivés, le patron nous a engagés : on coûte deux fois moins cher », explique Seydou, installé dans le quartier depuis trois ans.
pas à améliorer un quotidien qui reste très difficile. Sans papiers, ils ne peuvent travailler légalement. « On fait des petits boulots comme maçon, jardinier ou manutentionnaire. Mais on est exploités par nos employeurs », déplore Seydou. Quand il n’y a pas de travail, ils mendient dans les quartiers chic, sur les parkings des centres commerciaux ou aux abords des mosquées. Mohamed connaît bien les Maliens du hammam. Il vient les voir quand il a besoin de main-d’œuvre et leur apporte des cigarettes de temps en temps. « Un jour, sur un chantier, les autres ouvriers n’arrêtaient pas de les appeler “azzy” [nègre] et de se moquer d’eux. Je leur ai rappelé qu’ils avaient un prénom. » Dans la majorité des cas, les migrants dénoncent le racisme dont ils sont l’objet, la méfiance, les insultes. « Ici, explique Seydou, c’est un quartier pauvre et les gens ont peur qu’on leur vole leur travail. Certains ne nous considèrent même pas comme des êtres humains. » Mais Seydou n’en veut pas pour autant à ses voisins marocains, dont il mesure les difficultés et comprend l’inquiétude. Dans le quartier, très peu de relations intercommunautaires se sont nouées ; l’indifférence règne. Certaines histoires pourtant redonnent de l’espoir. Celle de Souleymane, un jeune Sénégalais qui, à son arrivée, a été caché pendant des mois par une famille m a r o c a i ne. « J ’ét a i s mineur et ils se sont occupés de moi. Ce sont de bons musulmans. » Ou celle de Joseph, Centrafricain, qui a épousé une Marocaine et qui vit avec sa belle-famille. Mais pour la plupart des migrants, la vie à Rabat est encore plus dure que dans leurs pays d’origine. « Ici, on est comme en prison.
« Certains ne nous considèrent même pas comme des êtres humains. » D’après le propriétaire du hammam, les premiers Subsahariens ont commencé à affluer dans le quartier il y a huit ans. « Depuis 2006, il sont de plus en plus nombreux. Quand un nouveau arrive, les autres l’aident et le prennent en charge. » Mais la solidarité ne suffit
A. DUPEYRON
Regroupés pour la plupart dans un quartier populaire de Rabat, les migrants venus du sud sont pris en tenaille entre le cynisme de leurs employeurs, le harcèlement de la police, et la méfiance grandissante de la population. Reportage.
On ne peut ni avancer ni reculer », se désole Seydou. Aucun d’entre eux n’envisage cependant de rentrer au pays. « Ma famille s’est sacrifiée pour que je puisse partir. Si je rentrais sans rien, j’aurais trop honte », avoue Camara, de Côte d’Ivoire. À Takadoum, les communautés subsahariennes sont bien séparées. « Les “Ouest Af” d’un côté, les anglophones de l’autre. On ne se mélange pas », ajoute Camara. Les habitants du quartier ont été marqués par les arrestations qui y ont eu lieu. Bien que les migrants disent être plus tranquilles à Rabat que partout ailleurs au Maroc, ils sont régulièrement harcelés par les forces de l’ordre. Des Marocains rapportent des descentes de police, au petit matin, pour surprendre les habitants. « Les policiers m’ont menacé de prison si je louais ma maison à des Africains. » Profitant du désarroi des migrants, beaucoup de propriétaires louent au prix fort des chambres où s’entassent parfois jusqu’à une trentaine de personnes. À l’Associa-
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Le hammam du quartier Takadoum est tenu par des Maliens.
tion marocaine des droits de l’homme (AMDH), on a suivi ces « rafles » avec attention. Un responsable dénonce les arrestations brutales d’Africains, qui se font parfois détrousser (argent, portables…) par la police. « On veut protéger leurs droits. On a recueilli de nombreuses plaintes, fait des requêtes auprès du Premier ministre. À ce jour, une seule plainte a été retenue. Elle avait été déposée il y a trois ans, après la mort d’un clandestin. » Selon lui, la cohabitation avec les Marocains est encore pacifique, mais il craint que le pire ne soit à venir. « On est une société pauvre. Avec le chômage et les difficultés de la vie, les migrants sont de plus en plus rejetés. » Il incrimine certains journalistes, coupables selon lui d’écrire des articles xénophobes où les Africains sont dépeints comme des délinquants ou des malades du sida. À quelques rues du hammam, Fiston veut nous montrer où il vit. Une pièce glaciale et nue, où il cohabite avec un compatriote. Il a fui la RD Congo en
2002 pour rejoindre l’Europe. « En six ans, je ne suis jamais arrivé à destination. » Après les violences à Sebta et Melilla en 2005, il crée le Conseil des migrants subsahariens pour interpeller les autorités européennes et marocaines. « Je voudrais qu’elles se rappellent que nous sommes des êtres humains. » Ces dernières années, de nombreuses associations sont nées dans le quartier. Elles servent surtout à s’organiser et à désigner un chef qui rassemble les doléances. Lorsqu’un migrant est malade ou quand il faut scolariser un enfant, elles se tournent vers Caritas, une association catholique, ou vers le comité d’entraide internationale dirigé par le pasteur David Brown. RÊVE D’EUROPE...
Résigné, Fiston exhibe sa carte de réfugié. Ici, elle ne lui est d’aucune utilité, car la police, bien que le Maroc soit signataire de la convention de Genève, ne donne que rarement de valeur au statut de réfugié lorsqu’il s’agit de Subsa-
hariens. « La seule différence, c’est que quand il y a des rafles ils nous relâchent au bout de deux jours », précise-t-il. L’avenir des Subsahariens de Takadoum est incertain ; ils savent que le Maroc risque de ne jamais leur fournir de papiers. Si l’occasion de traverser le détroit se présentait, ils n’hésiteraient pas. Car s’il y a bien une chose qu’ils partagent avec leurs voisins marocains, c’est le rêve d’Europe. Une Europe qui n’est pourtant plus guère idéalisée. « Je sais que ce n’est pas le paradis et qu’on trime là-bas », déclare Fiston. Khadija, voisine du hammam, incrimine l’Europe elle aussi. « Quand j’ai vu les Africains arriver dans le quartier, j’ai eu peur. S’ils sont là aujourd’hui, c’est de la faute de l’Europe, qui est fermée pour tout le monde. » Son fils est parti en Italie il y a quatre ans. Il vient d’obtenir ses papiers et elle n’a jamais pu aller le voir. « Mais les Africains, ils sont encore plus pauvres que nous. » ■ LEÏLA SLIMANI,
envoyée spéciale à Rabat
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MAURITANIE
À quoi joue Ahmed Ould Daddah? Le chef du premier parti du pays ne condamne pas le coup dʼÉtat du 6 août, mais refuse de participer au gouvernement formé par la junte.
LIBYE-ITALIE
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vitable, expliquait, le 8 août, l’un de ses proches à Jeune Afrique. Il fallait mettre un terme à la non-gestion de Sidi. » Bien sûr, le RFD et son chef auraient préféré une destitution légale, plus conforme aux principes démocratiques du parti, membre de l’Internationale socialiste. Hostile au rétablissement dans ses fonctions de Sidi, Ould Daddah a toutefois refusé que le RFD entre au gouvernement nommé par la junte en septembre. Au motif que son chef, le général Ould Abdelaziz, ne s’est pas prononcé sur le calendrier électoral et, surtout, sur les conditions d’éligibilité. Éternel candidat à la présidentielle – il l’a été en 1992, en 2003 et en 2007 –, Ould Daddah, 66 ans, ne voudrait pas avoir pour adversaire un Ould Abdelaziz ayant la
haute main sur l’organisation du scrutin. Un moyen, également, de préserver l’image démocratique du RFD. Sur une scène politique divisée entre pro- et anti-putsch, Ould Daddah n’a pas encore trouvé sa place : d’un côté, il ne peut soutenir aveuglément la junte sans compromettre ses chances électorales; de l’autre, il ne peut rejoindre le clan des anti-putsch, qui lui est désormais résolument hostile. Reste une troisième voie, évoquée par certains observateurs: qu’il soit interdit aux militaires de se présenter à la présidentielle et qu’Ahmed Ould Daddah soit leur candidat, à l’instar de Sidi Ould Cheikh Abdallahi en 2007. Ce qui, toutefois, ne prémunit en rien le pays contre un coup d’État. ■ MARIANNE MEUNIER
Ahmed Ould Daddah lors de son ultime conférence de presse avant la présidentielle de 2007.
PATRICK FLOURIOT
S
idi Ould Cheikh Abdallahi et Ahmed Ould Daddah ne sont pas près de se serrer la main. Le 7 décembre, le président déchu reçoit des émissaires internationaux dans son exil de Lemden, à 200 km au sud-est de Nouakchott. La discussion portant sur la crise politique née du putsch du 6 août, le sujet Ould Daddah, chef de file de l’opposition – il a conservé ce statut inscrit dans la Constitution – et chef du premier parti du pays, le Rassemblement des forces démocratiques (RFD), est abordé. L’affable « Sidi » se crispe, confiant sa surprise de voir un démocrate soutenir un coup d’État, affirmant ne pas juger nécessaire de le rencontrer, rappelant qu’il avait pourtant l’habitude de le recevoir régulièrement… Encore le langage de Sidi est-il policé. Pour les autres adversaires du putsch, Ould Daddah est un « traître », au mieux un « vendu ». Pourfendeur du pouvoir militaire et du système autocratique de Maaouiya Ould Taya (renversé en août 2005), victime, à cette époque, d’incessantes tracasseries policières, emprisonné à plusieurs reprises, Ould Daddah n’a pas condamné le coup d’État du 6 août, déclarant même, une dizaine de jours après : « Nous avons soutenu le changement du 6 août et nous comptons poursuivre notre contribution pour qu’il soit une réussite. » Sa position se veut pragmatique. « Le changement était iné-
Investissements entre amis
ouammar K addaf i avait proposé que la manne pétrolière soit redistribuée à tous les citoyens libyens. Mais il a vite été contredit par ses ministres (J.A. n° 2499). Et par les faits. En l’espace de deux mois, son gouvernement a annoncé trois placements financiers en Italie pour un montant global d’une vingtaine de milliards de dollars ! Dernier en date, révélé le 7 décembre par le ministre italien des Affaires étrangères, Franco Frattini, confirmé par l’ambassadeur libyen à Rome, Hafedh Gaddour : une prise de participation de 8 % à 10 % dans le capital du pétrolier ENI. Valeur estimée : 10 à 12 milliards de dollars.
Modalités : achats progressifs sur le marché boursier… Pour éviter d’effrayer les Italiens, le gouvernement de Silvio Berlusconi a pris soin de donner son feu vert préalable. En précisant, par la bouche de Frattini, que le futur actionnaire libyen n’interférera pas dans la gestion de la compagnie, bref qu’il sera un « investisseur dormant », dont le seul geste sera de toucher les dividendes à la fin de l’année. Du coup, l’action ENI a gagné 2,19 euros le 8 décembre (+14 %) pour atteindre 17,60 euros. Investisseur dormant, la Libye l’est déjà dans le capital d’UniCredit (5 % pour 2 milliards de dollars) et le sera également dans celui de Telecom Italia SAMIR GHARBI (10 % pour 6 milliards de dollars). ■ J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 0 1 • D U 14 A U 2 0 D É C E M B R E 2 0 0 8
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ALGÉRIE
Une charte pour les facs
«
CHERIF OUAZANI
LEÏLA SLIMANI
DROITS DE LʼHOMME
Israël montré du doigt Le rapporteur spécial du Conseil des droits de lʼhomme de lʼONU assimile la politique de lʼÉtat hébreu à lʼégard des Palestiniens à un « crime contre lʼhumanité ».
«
L
la question de la torture, la situation est bloquée, la législation israélienne l’autorisant dans les affaires de terrorisme. Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU invite l’État hébreu à incorporer « aussi vite que possible » dans sa législation les éléments de la Convention internationale contre la torture et d’en ratifier le protocole additionnel. Des voix israéliennes de plus en plus nombreuses s’élèvent également contre certaines pratiques dans les territoires occupés mais aussi à l’intérieur de l’État hébreu. Ainsi une organisation israélienne des droits de l’homme a-t-elle publiquement dénoncé, le 5 décembre, un système d’apartheid visant les Israé-
Exécutions extrajudiciaires, torture, conditions de détention dégradantes...
AMIR COHEN/REUTERS
liens d’origine arabe et druze, en butte à des discriminations en matière d’accès à l’emploi ou de logement. Apartheid. Un mot utilisé par Jimmy Carter, dont la fondation avait enquêté en 2007 sur la situation des droits de l’homme en Israël. Depuis, l’ancien président américain est persona non grata dans l’État hébreu. ■
Arrestation d’activistes palestiniens présumés lors d’une incursion militaire israélienne à Gaza, le 14 mai 2008.
a politique de l’État d’Israël à l’égard des populations palestiniennes s’assimile à un crime contre l’humanité. » Tenus le 9 décembre, à New York, à la veille du soixantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, les propos de Richard Falk, rapporteur spécial du Conseil des droits de l’homme de l’ONU pour les territoires palestiniens, ne souffrent d’aucune ambiguïté. Bouclages à répétition de la bande de Gaza, exécutions extrajudiciaires, tortures physiques et psychologiques, punitions collectives et conditions de détention dégradantes et inhumaines des prisonniers arabes, condamnés ou en attente de procès… les écarts de l’État hébreu sont légion. Mais le vœu de Richard Falk de voir l’ONU protéger la population civile en faisant pression sur Israël a peu de chances d’être exaucé. Même si le rapport du fonctionnaire onusien conclut au crime contre l’humanité, la saisine de la Cour pénale internationale (CPI) n’est pas automatique. Seul le Conseil de sécurité est habilité à le faire. Or le bras exécutif de l’ONU, de par son mode de fonctionnement et sa composante, n’est pas près d’engager une telle procédure contre un général de Tsahal ou un homme politique israélien. Quant à
L
’université algérienne […] doit être un hav re de paix, un espace d’éc ha nge duquel doit être bannie la violence », a déclaré, le 6 décembre, le ministre algérien de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Rachid Harraoubia, à l’occasion de la mise en place de commissions de travail conjointes entre son département et les partenaires sociaux. Le ministre a affiché sa volonté de dépasser la « période difficile » qu’ont traversée les campus algériens, faisant notamment référence au meurtre d’un professeur par un de ses étudiants, le 18 octobre, à Mostaganem. « Il est temps de remettre de l’ordre dans l’enceinte universitaire », a-t-il martelé. Le ministère a commandé au Centre de recherche en déontologie sociale et culturelle d’Oran une étude qui doit constituer sa base de travail. L’enquête, menée entre les mois de mai et juin 2008 auprès d’enseignants et d’étudiants, révèle que 44 % des étudiants se disent victimes de violences verbales au sein de l’université, 33 % de harcèlement moral et 27 % de harcèlement sexuel. 60 % des auteurs de harcèlement – moral et sexuel confondus – sont des étudiants et 40 % des enseignants. Les commissions ont notamment pour objectif d’élaborer une charte qui fixera un code de conduite ayant force de loi et pour laquelle les organisations estudiantines comme les représentants du corps professoral seront consultés. S’agissant du harcèlement sexuel, le ministre a envisagé de mener des actions spécifiques une fois l’étude finalisée. « La charte obligera les enseignants et les organisations estudiantines à rendre des comptes et déterminera avec exactitude les prérogatives des uns et des autres. » ■
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FRANCE LA VENGE A Accusé de sʼêtre rendu complice dʼune obscure tentative de déstabilisation de son rival avant quʼil accède à lʼÉlysée, Dominique de Villepin est renvoyé devant un tribunal correctionnel. Et crie à lʼabus de pouvoir.
C
SERGE FAUBERT
’est peut-être le seul qui ait jamais inquiété Nicolas Sarkozy dans sa marche vers l’Élysée. Le seul qui, au sein de sa famille politique, pouvait prétendre lui disputer la faveur des Français. Et donc celui qu’il fallait tuer. Politiquement, s’entend. De fait, Dominique de Villepin, qui fut ministre des Affaires étrangères, de l’Intérieur, puis chef du gouvernement sous Jacques Chirac, se bat aujourd’hui pour sa survie politique. Depuis le 18 novembre, il est renvoyé devant le tribunal correctionnel de Paris pour « complicité de dénonciation calomnieuse, complicité d’usage de faux, recel de vol et recel d’abus de confiance ». L’épilogue d’une haine recuite entre deux hommes que tout oppose: l’un est aussi élancé que l’autre est râblé, le premier fréquente les bons auteurs quand le second préfère le show-biz. Il n’est pas jusqu’au verbe qui soit aux antipodes: flamboyant chez Villepin – on se souvient de son discours devant le Conseil de sécurité de l’ONU avant le déclenchement de la guerre en Irak –, volontiers populiste chez Sarkozy. Deux registres pour une même ambition. Comment ces carnassiers auraient-ils pu ne pas finir par s’entre-dévorer? C’est une affaire de listings bancaires falsifiés qui, en 2004, va cristalliser leur affrontement. Ces documents proviennent d’une chambre de compensation internationale, Clearstream, installée au Luxembourg. On le découvrira plus tard, une main malveillante a ajouté à la liste des titulaires de comptes le nom de « Nagy-Bocsa » (le patronyme complet du chef de l’État est Sarközy de Nagy-Bocsa). Un corbeau, Jean-Louis Gergorin, vice-président du groupe EADS (aérospatiale, défense, etc.), s’est chargé de transmettre ces documents à la justice. En suggérant qu’on pourrait bien retrouver là une partie des commissions faramineuses versées lors de la vente par la France, au début des années 1990, de six frégates à Taïwan. Une affaire qui avait passablement ébranlé la classe politique française. Ainsi accusé d’avoir perçu de l’argent sale, Sarkozy tutoie l’abîme. Le projet de toute une vie, devenir président de la République, est brusquement remis en question. Socialistes et chiraquiens ne vont pas manquer d’utiliser l’affaire contre lui. La Direction de la surveillance du territoire (DST), le contre-espionnage français, enquête. Et conclut à son inno-
cence. Mais le rapport tarde à être communiqué à la justice. À l’époque, le ministre de l’Intérieur se nomme Dominique de Villepin… Sarkozy enrage. Pour lui, aucun doute : Villepin laisse prospérer la rumeur à dessein. Dans son livre La Tragédie du président, le journaliste Franz-Olivier Giesbert rapporte que le futur président promet de « pendre » son rival « à un croc de boucher ». OBSÉDÉ PAR LES COMPLOTS
Il faut attendre avril 2005 pour que soient enfin transmises les conclusions de la DST. Deux magistrats, Henri Pons et Jean-Marie d’Huy, sont chargés de retracer l’origine des fameux listings. Au fil des mois et des années, ils mettent au jour une étonnante machination, dont la cheville ouvrière se révèle être Gergorin, esprit brillant mais obsédé par les J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 0 1 • D U 14 A U 2 0 D É C E M B R E 2 0 0 8
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ANCE DE SARKOZY documents. Mais voilà, méticuleux ou imprudent, on ne sait, l’homme de l’ombre a la fâcheuse manie de consigner dans des petits carnets le compte rendu de ses entretiens avec les protagonistes de l’affaire. Des notes sur lesquelles les juges mettent la main. Elles sont explosives : Rondot affirme que Villepin aurait cherché à impliquer Sarkozy alors même qu’il savait que la DST avait lavé ce dernier de tout soupçon. L’examen de son ordinateur, au début du mois de juillet 2007, se révèle encore plus accablant. Villepin aurait donné l’ordre à Gergorin de « balancer » Sarkozy. Autrement dit, de mettre en circulation des documents qu’il savait être faux. Et tout cela, qui plus est, sur instruction de Jacques Chirac! Cette fois, le scandale devient une affaire d’État. Villepin est aussitôt mis en examen.
Rencontre impromptue (?) de deux joggeurs célèbres, à Évian, en septembre 2005. Déjà l’affaire Clearstream les séparait.
complots, avec l’aide d’Imad Lahoud, un informaticien au parcours chaotique qui travaille épisodiquement pour les services français. C’est à leur niveau que les listings ont été falsifiés, avant d’être transmis à Villepin. Qui, en fin de compte, donnera instruction à Gergorin de les remettre à la justice. Question: Villepin est-il alors au courant que ces documents ont été altérés ? Dans l’affirmative, il est complice de la machination ourdie contre Sarkozy. Dans l’hypothèse inverse, il n’a fait qu’alerter la justice sur des faits délictueux et s’est donc comporté en loyal serviteur de l’État. Bref, est-il complice ou victime de la manipulation? C’est ici qu’entre en scène un troisième personnage : le général Philippe Rondot, un vétéran des services de renseignements. Le ministre lui a demandé de vérifier l’origine des
WITT SIPA
LE CHAT ET LA SOURIS
Rebondissement un an plus tard, en juin 2008: le parquet de Paris estime que l’instruction n’a réuni aucune charge contre l’ancien Premier ministre. Villepin respire. Le voilà blanchi, ou presque. Déjà, il se voit revenir en politique. Sarkozy le reçoit par deux fois à l’Élysée et, en août, lui demande de représenter la France aux obsèques du poète palestinien Mahmoud Darwich, à Ramallah. Échange de bons procédés, Villepin loue devant la presse la « simplicité » et le « dépouillement » du chef de l’État. Apparemment, la réconciliation est en marche. Erreur : le chat ne faisait que jouer avec la souris. Pour mieux lui porter le coup de grâce… Le 18 novembre, Villepin est renvoyé devant le tribunal correctionnel. Une décision derrière laquelle le prévenu voit la main de Sarkozy. La chronologie des faits semble lui donner raison. Un des magistrats instructeurs a été opportunément maintenu en poste par décret présidentiel afin qu’il signe l’ordonnance de renvoi. Craignait-on qu’un autre magistrat se montre plus circonspect? Les avocats de Villepin saisissent le Conseil d’État. L’hôte de l’Élysée est accusé d’avoir « instrumentalisé ses fonctions de président de la République pour la satisfaction de ses intérêts personnels ». L’entourage de Villepin évoque « une nouvelle affaire Dreyfus » et compare son champion aux « dissidents soviétiques ». Certes, en politique, on a vu d’autres présidentiables revenir sur le devant de la scène après que la justice les eut blanchis.
Inévitablement, ces deux grands carnassiers devaient finir par s’entre-dévorer. Dominique Strauss-Kahn, impliqué un temps dans le scandale de la Mnef, en est un exemple. Mais Dominique de Villepin est désormais englué dans une posture défensive qui, a priori, l’éloigne de toute perspective de candidature à l’élection présidentielle de 2012. La vengeance est décidément un plat qui se mange très froid. ■
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ILS VIENNENT D’AFRIQUE, ILS ONT RÉUSSI AILLEURS
PARCOURS
Mehdi HADJ-ABED
Installé depuis trois ans à Monaco, cet ingénieur franco-algérien de 34 ans est lʼinventeur dʼune machine solaire à dessaler lʼeau de mer.
M
ehdi Hadj-Abed n’a pas décroché le gros lot au casino de Monte-Carlo, mais son rêve n’en est pas moins devenu réalité. Jeune ingénieur de 34 ans installé à Monaco, il a imaginé, dessiné et mis au point la première machine à dessaler l’eau de mer fonctionnant uniquement à l’énergie solaire. Installé dans un local qui ne paie pas de mine sur la digue du port Hercule, dans la principauté, le prototype produit depuis sa mise en route, en février dernier, 60 litres d’eau potable par heure, grâce à onze panneaux photovoltaïques qui alimentent une pompe immergée dans la mer, une batterie et le mécanisme de distillation de l’eau de mer. Simple à utiliser, le dispositif est en outre d’un coût modique : entre 20 000 et 50 000 euros. Il représente un fantastique espoir pour tous les pays en développement. Permettra-t-il un jour de traiter l’eau insalubre des rivières d’Afrique et d’Asie ? Dans l’immédiat, la Coopération monégasque, qui finance la construction d’un dispensaire dans le parc national du banc d’Arguin, à 200 kilomètres au nord de Nouakchott, en Mauritanie, va s’en servir pour approvisionner en eau potable le bâtiment. Un moyen beaucoup plus pratique que les habituels camions-citernes, lesquels ont fâcheusement tendance à s’enliser dans les dunes… La mise au point du prototype est le fruit de plusieurs années de recherche. Si les procédés du dessalement et de la récupération de l’énergie solaire sont désormais bien connus, jamais les ingénieurs n’avaient réussi à combiner les deux technologies avec une telle efficacité. Mehdi Hadj-Abed y est parvenu grâce aux progrès de la miniaturisation et à sa bonne maîtrise de la mécanique des fluides. Il est vrai que, dans ce domaine, il a de qui tenir…
En 1986, changement de vie et de décor. La famille Hadj-Abed, qui compte désormais trois enfants, s’installe dans un appartement de 100 m², à Puteaux, dans la proche banlieue parisienne. « C’était la belle vie », se souvient Mehdi, qui avait 12 ans à cette époque. Ses affaires marchant plutôt bien, le papa ne tarde pas à offrir à sa petite famille une maison avec jardin à Bezons, un peu plus au nord… Enfant sage, Mehdi se conforme aux souhaits de son père et s’inscrit en BTS de conception de produits industriels, à Argenteuil. « J’étais fait pour le monde de la technique. Je voulais être designer automobile », raconte-t-il. Il passe ensuite avec succès le concours d’entrée à l’École nationale supérieure des arts appliqués et des métiers d’art (Ensaama), plus connue sous le nom d’École Olivier-de-Serre, dans le 15e arrondissement de Paris, dont il sort diplômé en 1997. Il décroche son premier job à Raison Pure, une agence de design, où il est payé au smic, le salaire minimum. Il dessine des bouteilles de bière et des flacons de par-
Pas chère et facile à utiliser : un fantastique espoir pour les pays en développement.
NÉ EN 1974 À ORAN, en Algérie, il a en effet grandi entre une mère professeure de français et un père ingénieur en hydraulique. À Kristel, petite cité balnéaire proche du grand complexe pétrochimique d’Arzew, où la famille s’est installée, ce dernier travaille sur des barrages et différents réseaux d’alimentation en eau.
fum… Son père, toujours aussi présent, apprécie modérément. L’esthétique, ce n’est pas vraiment son truc. Pas très sérieux, tout ça… Il préférerait voir son fils occuper « un vrai travail dans le milieu industriel ». « Arrête de te prendre pour Picasso ! » lui lance-t-il un jour… Sous la pression, Mehdi intègre fin 1997 un bureau d’études spécialisé dans la construction de papeteries, où son père lui a trouvé un boulot. Le jeune homme s’y familiarise avec le métier de dessinateur-projeteur en tuyauterie. L’élaboration des systèmes de circulation de l’eau est primordiale dans cette branche industrielle… Fort de cette nouvelle compétence, Mehdi intègre ensuite plusieurs sociétés, dont Weir Entropie, un constructeur d’usines de dessalement d’eau de mer (2001-2003), et surtout Single Buoy Moorings Inc (SBM), une entreprise de location de compétences spécialisée dans les installations pétrolières offshore (2005). Dans ce cadre, il réalise des missions très différentes, travaillant tout à tour sur le barrage de Béni-Mellal, au Maroc, dans J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 0 1 • D U 14 A U 2 0 D É C E M B R E 2 0 0 8
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11 octobre 1974 Naissance à Oran (Algérie) 1986 Arrivée à Paris 1997 Designer de produits industriels 2005 Installation à Monaco 2006 Prix du gouvernement monégasque pour l’innovation 2007 Création de la société EauNergie 2008 Installation de son prototype de machine solaire à dessaler l’eau de mer dans le port de Monaco
une usine de peinture en Slovaquie, une papeterie dans le nord de la France, puis des unités de dessalement d’eau de mer en Égypte et dans les Émirats arabes unis. Des équipements lourds qui produisent 25 000 litres d’eau par heure. C’est en travaillant sur ces mastodontes que Mehdi commence à imaginer de petits modules de production d’eau potable destinés aux propriétaires de bateaux, aux ports de pêche, aux petites entreprises, voire aux organisations humanitaires. « On m’a traité de fou quand j’ai dit que j’arriverais un jour à dessaler l’eau de mer avec le soleil ! » s’amuse-t-il. TOUT S’ACCÉLÈRE QUAND IL EST MUTÉ À MONACO. Mehdi s’y retrouve seul. Au départ, il ne pense pas s’éloigner très longtemps de sa femme, enceinte de leur premier enfant : sa mission est censée ne durer que trois mois. Mais elle va être plusieurs fois prolongée. À défaut de pouvoir profiter pleinement de son fils, Dorian, né en juillet 2005, Mehdi occupe son temps libre comme il peut. Le soir, il dessine et redessine les plans de sa machine solaire à dessaler l’eau de mer. Le projet prend forme. En novembre 2006, il remporte le prix du gouvernement monégasque pour l’inno-
vation, doté de 40 000 euros. Mehdi exulte. Mais le meilleur reste à venir. Le lendemain, Frédéric Platini, directeur de la Coopération internationale de la Principauté, lui téléphone pour lui proposer de créer une société – ultérieurement baptisée EauNergie – en association avec la fondation Prince Albert II. Laquelle est disposée à prendre 15 % du capital. Il accepte, bien sûr. L’année suivante, la société est créée. Et c’est à travers elle qu’il compte aujourd’hui commercialiser sa machine dans le monde entier. Devant la tournure prise par les événements, Mehdi finit par convaincre sa femme de le rejoindre sur le Rocher. Désormais, ce fan de jazz et de plongée sousmarine, sport qu’il pratique assidûment, est un homme comblé. Son deuxième enfant – une fille – est né au mois de mai. Le dépôt de ses brevets est en cours. Quant aux équipements destinés au dispensaire mauritanien, ils sont fin prêts, et Mehdi Hadj-Abed ne rêve plus que d’une chose : décoller pour le banc d’Arguin. Il s’y rendra le mois prochain pour procéder au démarrage de sa machine… ■ SAMIR GHARBI, envoyé spécial à Monaco
Photo : LIONEL
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JAPON
Jeu de massacre Trois Premiers ministres depuis septembre 2006, ça commence à faire beaucoup ! Dʼautant que Taro Aso, le dernier en date, bat déjà des records dʼimpopularité...
ORIGINES PATRICIENNES
Le Premier ministre affecte des manières impulsives et gouailleuses, sans doute pour faire oublier ses origines patriciennes. Pour le Parti libéral démocrate (PLD), au pouvoir presque sans discontinuer depuis 1955, il était un peu l’homme de la dernière chance. Yasuo Fukuda, son prédécesseur, manquant de charisme et d’autorité : cote de popularité en berne, il a été contraint de démissionner au début de septem-
Le chef du gouvernement lors du sommet économique Asie-Pacifique, le 22 novembre à Lima (Pérou).
ROBERTO CANDIA/AP PHOTO
L
e rêve de Taro Aso (68 ans) est en train de virer au cauchemar. Moins de trois mois après son entrée en fonctions, le Premier ministre japonais, auteur d’une invraisemblable série de gaffes, bourdes et erreurs d’appréciation, se retrouve terriblement fragilisé : sa cote de popularité est en chute libre. Ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement de Junichiro Koizumi (2001-2006), Aso est un populiste de droite doublé d’un nationaliste décomplexé, qui ne manque pas une occasion d’exalter la « race » nipponne. Problème : ses premiers discours ont été émaillés de fautes si grossières que ses détracteurs l’ont publiquement accusé de ne pas maîtriser les subtilités de l’écriture kanji. Certains ont même trouvé un surnom à ce grand amateur de bandes dessinées : « cervelle de manga » – ce qui n’est pas un compliment. Après avoir laissé entendre qu’une dissolution du Parlement était imminente, celui-ci refuse à présent de convoquer des législatives anticipées et donne une fâcheuse impression de pusillanimité. Et l’onde de choc de la crise financière internationale n’arrange rien : l’économie japonaise est d’ores et déjà en récession.
ditionnels de clientélisme et de népotisme vient à présent s’ajouter l’accusation d’incompétence. L’incroyable scandale des retraites a laissé des traces. Pourtant réputée pour son efficacité, l’administration a été contrainte d’avouer, en mai 2007, avoir égaré 50 millions de relevés de cotisations – négligence qui risque de priver de leurs droits une grande partie des cotisants. Le 18 novembre, un ancien vice-ministre de la Santé et son épouse ont été retrouvés morts, poignardés. Le même jour, la femme d’un autre ancien responsable du bureau des retraites a elle aussi été poignardée, devant son domicile. Bousculé par l’émergence de la Chine et confronté à une grave crise démographique (il pourrait perdre 30 millions d’habitants d’ici à 2055), le Japon a besoin d’idées et d’initiatives pour rebondir. Mais sa classe dirigeante est désespérément en panne d’imagination. La faute à une consanguinité trop marquée ? Le fait est que la politique nippone reste une affaire de famille. Le tiers des parlementaires sont des héritiers. Taro Aso, par ailleurs marié à la fille de Zenko Suzuki, chef du gouvernement entre 1980 à 1982, est le petit-fils de Shigeru Yoshida, cinq fois Premier ministre entre 1946 et 1954. Yasuo Fukuda est pour sa part le fils de Takeo Fukuda, qui dirigea l’archipel entre 1976 et 1978. Quant à Shinzo Abe, il est le petit-fils de Nobusuke Kishi, Premier ministre en 1957. Même Ichiro Ozawa, l’actuel chef de l’opposition, ne fait pas exception à la règle, puisque son père fut l’un des bras droits de Yoshida, la figure tutélaire de la vie politique japonaise de SAMY GHORBAL l’après-guerre… ■
Certains le surnomment « cervelle de manga ». Ce qui n’est pas un compliment. bre, moins d’un an après son arrivée aux affaires. Shinzo Abe, pourtant adoubé par Junichiro Koizumi en octobre 2006, a fait pis encore : onze mois seulement à la tête du gouvernement, avec en prime une cinglante défaite aux sénatoriales de juillet 2007. Cette victoire du Parti démocrate (PD) d’Ichiro Ozawa a provoqué une situation de blocage. Dans le système bicaméral nippon, le Sénat dispose en effet de possibilités d’obstruction considérables. Le PD a donc mené la vie dure à Yasuo Fukuda, mais cela n’explique pas tout. Car l’instabilité gouvernementale est d’abord la conséquence d’une profonde crise du leadership : depuis Koizumi, les responsables politiques japonais n’inspirent plus confiance. Aux griefs tra-
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ÉTATS-UNIS
Lʼami palestinien dʼObama Professeur à Columbia University, lʼhistorien Rachid Khalidi connaît le président élu depuis très longtemps. Il en parle avec affection, mais sans illusions excessives sur sa future politique moyen-orientale.
A
l’aéroport Ben-Gourion, à Tel-Aviv, il a eu droit à un accueil privilégié. Les tracasseries habituellement infligées à ceux qui portent un patronyme à consonance arabe lui ont été épargnées. C’est qu’il est « l’ami palestinien d’Obama », ce qui suffit à faire tomber toutes les barrières… Rachid K halidi a séjourné deux semaines durant à Jér usalem, le berceau de sa famille, et a pu se rendre en Cisjordanie, mais pas à Gaza. Début décembre, il a pris le chemin de Beyrouth, où il fit naguère ses étu-
de Ben Laden, les uns et les autres « aveuglés par l’idéologie ». Il n’en a pas fallu plus pour que les attaques se multiplient contre le candidat démocrate, désigné comme « l’ami du Palestinien qui hait Israël ». Lequel aurait été, dans les années 1980, le porteparole de l’OLP à Beyrouth – ce qui est parfaitement faux. TRADITION FAMILIALE
Obama a dû protester de ses bons sentiments à l’endroit d’Israël et défendre Khalidi, « un intellectuel respecté qui désapprouve avec force certains aspects de la politique israélienne ». Le Palestinien, qui souhaitait la v ictoire d’Obama, s’est par la suite tenu à carreau et a soigneusement évité les médias. Chez lui, le sens politique est presque une tradition familiale… À Jérusalem, la maison Khalidi remonte au X Ve siècle. Au Caire, au temps des Mamelouks, l’un de ses ancêtres siégea au sommet de la hiérarchie des juges. Son oncle était maire de Jérusalem au milieu des années 1930, avant d’être destitué par les autorités britanniques et exilé aux Seychelles. En 1950, il fut le
« En deux ans de campagne, il n’a jamais mis les pieds dans une mosquée ! » des à l’université américaine. Avant de reprendre l’avion, cet historien professeur à Columbia University a donné une longue interview à Akiva Eldar, l’un des meilleurs columnists du Haaretz. Khalidi connaît de longue date le président élu. « Il était mon collègue à l’université de Chicago, confie-t-il. Il était aussi l’ami de la famille, mon voisin et le représentant de mon district au sénat de l’Illinois. » En 2003, l’universitaire palestinien est parti pour New York et, l’année suivante, Obama s’est installé à Washington. Les relations entre les deux hommes se sont alors espacées. Khalidi n’aime guère parler de son amitié avec Obama. Il faut dire que, pendant la campagne présidentielle, il a été au cœur d’une polémique provoquée par le camp républicain. Son crime ? Il avait participé à un dîner auquel assistait Obama et au cours duquel un convive avait comparé les colons israéliens aux terroristes
ministre des Affaires étrangères puis le Premier ministre du roi Hussein de Jordanie. Rachid Khalidi est né à New York en 1948, l’année de la création de l’État d’Israël. À l’époque, son père était étudiant et avait épousé une Libanaise. Il deviendra par la suite fonctionnaire auprès du secrétariat de l’ONU. Dans l’interview au Haaretz, l’historien est d’abord interrogé sur les changements qu’il a pu constater, depuis deux ans, dans la société palestinienne. « La colère est à son comble, explique-t-il, parce que la ville est asphyxiée et coupée de son arrièrepays [la Cisjordanie] ; des pressions sont exercées en permanence par les colons ; les expropriations n’ont pas cessé, et les quartiers arabes sont dépourvus des services municipaux les plus élémentaires. » S’agissant du conflit entre les factions palestiniennes, Khalidi estime que la population renvoie dos à dos le Fatah et le Hamas et se montre « dégoûtée » par leurs querelles. En dépit de cette crise, il est frappé par le « dynamisme extraordinaire, l’ingéniosité et la vitalité de la société palestinienne », fondement de « l’inébranlable force du peuple palestinien », qu’il compare à « l’eau qui ne peut être endiguée et finit par trouver un chemin pour s’écouler ». L’actuelle direction palestinienne est-elle en mesure, demande Akiva Eldar, de conclure avec Israël un règlement sur les deux États susceptible d’être accepté par le peuple
LE SUCCESSEUR D’EDWARD W. SAID AUPRÈS DE L’INTELLIGENTSIA ARABE et, singulièrement, palestinienne aux États-Unis, Rachid Khalidi occupe aujourd’hui la place prestigieuse longtemps occupée par Edward W. Said, l’auteur de L’Orientalisme (Éd. du Seuil) disparu en septembre 2003. Il a d’ailleurs hérité de sa chaire à l’Université Columbia consacrée à l’histoire du monde arabe contemporain. De 2002 à 2007, il y a également animé l’Institut des études sur le Moyen-Orient. Auteur de plusieurs ouvrages de référence dont Under Siege (État de siège), une enquête fouillée sur la prise de décision au sein de l’OLP pendant la guerre du Liban, en 1982. Son dernier livre, The Iron Cage (La Cage de fer), retrace l’histoire de la H.B. lutte des Palestiniens pour la création de leur État. ■ J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 0 1 • D U 14 A U 2 0 D É C E M B R E 2 0 0 8
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INTERNATIONAL 55 a l’intention de s’occuper sérieusement du Moyen-Orient, mais sa priorité sera la crise économique. » En tout cas, beaucoup dépendra de ceux qui seront désignés pour traiter ce dossier. Khalidi n’attend rien de bon de certains responsables déjà à la manœuvre sous Reagan, Bush père et Clinton. « Dépourvus d’imagination, [ils] assument la principale responsabilité dans la situation désastreuse où nous nous trouvons ». Sans doute pense-t-il, parmi d’autres, à Dennis Ross…
LAURENT GILLIERON/AP/SIPA
LE MACCARTHYSME N’EST PAS MORT
Rachid Khalidi à Genève, en novembre 2003.
palestinien ? Réponse : l’OLP devrait au préalable passer un « compromis historique avec l’autre aile du mouvement national palestinien [le Hamas] ». Pour être « contraignant et légitime », tout accord devrait « être soumis à référendum ». Qu’en est-il de l’avenir des Territoires ? « On parle de processus de paix depuis 1991, répond l’historien. En fait, on a assisté sur le terrain à un double processus d’un autre genre : le processus d’occupation et le processus de colonisation. Deux bulldozers qu’il
ne faut pas seulement stopper, mais obliger à rebrousser chemin. Autrement, la solution des deux États n’est qu’une vue de l’esprit. » Comment juge-t-il la politique de George W. Bush au Moyen-Orient ? « Catastrophique. Elle n’a fait qu’empirer les choses entre Palestiniens et entre Palestiniens et Israéliens. Ses répercussions sont désastreuses pour l’ensemble de la région. » Que peut-on attendre d’Obama ? « Je n’ai pas d’information particulière à ce sujet, confie Khalidi. Je crois qu’il
Qu’a-t-il retenu de la réaction des médias et des milieux politiques à ses relations avec Obama ? « Que le maccarthysme n’a pas disparu aux ÉtatsUnis. Il suffit de critiquer la colonisation israélienne pour être traité de terroriste. Dans la société américaine, les Arabes, les musulmans et, surtout, les Palestiniens sont l’Autre. Plus que toute autre communauté, hormis les Afro-Américains, les Arabo-Américains ont participé massivement au scrutin et ont voté dans leur majorité pour le candidat démocrate. Mais ils sont, littéralement, tenus à l’écart. » Obama lui-même a dû en tenir compte. « En deux ans de campagne, note son ami, il n’a jamais mis les pieds ni dans une mosquée ni dans un centre communautaire arabe. De même, il n’a jamais mentionné des Américains d’origine arabe ou de confession musulmane dans ses discours. » Cette attitude résulte sans doute de considérations de stratégie électorale, et il ne serait pas surprenant que le président Ba rac k Hussei n Obama redresse la barre. Aux dernières nouvelles, il envisage de se rendre dans un pays musulman pour prononcer un discours « susceptible d’améliorer l’image des États-Unis en terre d’islam ». Morocco Board, un site animé pas des Américains d’origine marocaine, a lancé une pétition pour que le pays choisi soit le royaume chérifien. ■ HAMID BARRADA
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11 SEPTEMBRE
À Guantánamo, les organisateurs des attentats plaident coupables devant un tribunal militaire spécial.
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FRANCE
Yʼ a plus bon Banania!
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laisser le temps à la sécurité de censurer les informations « classifiées ». Ce qui a beaucoup atténué l’intensité du face-à-face. Ensuite, parce que Khaled Cheikh Mohamed est un fanatique animé par une irrépressible pulsion de mort: il ne rêve que de martyre. S’il plaide coupable et assure sa défense sans l’aide d’un avocat, c’est, dit-il, pour « ne pas perdre de temps ». Né dans la province pakistanaise du Baloutchistan, il a perpétré divers attentats antiaméricains avant de rencontrer Oussama Ben Laden, en 1996, et de lui soumettre son projet d’attaque contre le World Trade Center. Arrêté à Rawalpindi
H. DE GUELTZL/PHOTONONSTOP
our la première fois depuis l’ouverture de son procès, le 5 juin, devant le tribunal militaire spécial réuni sur la base américaine de Guantánamo, Khaled Cheikh Mohamed (45 ans), le cerveau des attentats du 11 Septembre, turban blanc et barbe grise hirsute, a été confronté, avec quatre de ses complices parmi lesquels le Yéménite Ramzi Ben al-Shibh, à neuf parents tirés au sort de quelques-unes des 2 973 victimes newyorkaises. Cela ne l’a manifestement pas bouleversé. D’abord, parce que les accusés étaient séparés de l’auditoire par une vitre de Plexiglas et que leurs propos n’étaient diffusés qu’en très léger différé pour
e déchirerai les rires Banania sur tous les murs de France », enrageait Léopold Sédar Senghor dans son recueil Hosties noires (1940). Près de soixantedix ans plus tard, la figure du tirailleur sénégalais à la chéchia rouge continue d’alimenter la chronique. Dernier épisode en date, le procès qui oppose la société Nutrimaine, propriétaire de la célèbre marque de boisson chocolatée, à un éditeur, Milan Music, qui a utilisé cette même image sur une pochette de CD. Débouté de sa plainte en novembre,
Khaled Cheikh Mohamed (au centre).
JANET HAMLIN/POOL NEW/REUTERS
Le « cerveau » cherche à devenir martyr
en 2003, il a été détenu dans diverses prisons secrètes de la CIA, avant d’être transféré, trois ans plus tard, à Guantánamo. Il ne fait aucun doute qu’il a été torturé, notamment par simulation de noyade, ce qui ne renforce pas la crédibilité de ses aveux. Les cinq coaccusés risquent la peine de mort, mais, Barack Obama ayant promis de supprimer les tribunaux spéciaux et de fermer Guantánamo au plus tôt, on ne sait trop si le M.Z. procès ira à son terme. ■
Coup de froid sur les médias ÉTATS-UNIS
Nutrimaine va faire appel, mais doit, de son côté, répondre le 22 décembre devant le tribunal de Nanterre d’accusations de racisme portées par le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap) et le collectif DOM (départements d’outremer). Car si le fabricant s’est engagé en 2006 à cesser d’apposer le slogan « Y’a bon Banania » sur ses produits alimentaires et autres, il semble ne pas avoir respecté son accord et continue, prétendent ses détracteurs, de colporter un cliché insultant pour les D.M. Noirs. ■
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ropriétaire de vingt-trois chaînes de télévision, de l’équipe de base-ball des Chicago Cubs et, surtout, de sept quotidiens parmi lesquels le Los Angeles Times et le Chicago Tribune, le groupe Tribune s’est, le 8 décembre, volontairement placé sous la protection de la loi américaine sur les faillites. Déjà lourdement endetté (12 milliards de dollars), le groupe est victime d’un tassement de ses ventes (– 2 %) et, surtout, du resserrement du crédit et d’un effondrement de ses recettes publicitaires (– 19 %). Résultat : il a perdu au troisième trimestre environ 125 millions de dollars. Ses journaux ne cesseront toutefois pas de paraître ni ses chaînes TV d’émettre. Au moins dans l’immédiat. De son côté, le prestigieux New York Times, propriété du groupe de presse Times Company (lequel a perdu plus de la moitié de sa valeur boursière depuis le début de l’année), est en manque de liquidités et voit ses bénéfices baisser. Pour se maintenir à flot, il est contraint d’emprunter 225 millions de dollars en hypothéquant son nouveau siège new-yorkais: 58 % d’une tour située sur la 8e Avenue, à Manhattan. ■ E.D. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 0 1 • D U 14 A U 2 0 D É C E M B R E 2 0 0 8
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Sergio Esono p. 64 É CO N O M I E
La leçon de Malabo p. 66 INTERVIEW
Enrique Mercader Costa p. 68 D É V E LO PPE M E N T U R BA I N
Promenade à Bata p. 70 FO R M AT I O N
Plan dʼurgence p. 72 ÉVÉNEMENT
Lʼéquipe qui gagne p. 73 SOCIÉTÉ
Bienvenue au temps de lʼimmigration choisie p. 74 Direction : Danielle Ben Yahmed et Marwane Ben Yahmed Rédaction en chef : Cécile Manciaux Rédaction : Frédéric Lejeal et Tshitenge Lubabu M.K, envoyés spéciaux ; reportage photo : Vincent Fournier Coordination : Francielli Mates Cadoret Difcom, 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris Tél.: +33 1 44 30 19 60 Fax: + 33 1 45200823
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DANS UN PEU MOINS DE HUIT MOIS, le 3 août 2009, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo fêtera le trentième anniversaire du coup d’État qui l’a porté au pouvoir en renversant son oncle, le sanguinaire Francisco Macias Nguema. Un « putsch » qui a permis de tourner la page d’une tyrannie de dix ans, précédée de deux siècles d’une colonisation qui s’acheva alors que Madrid vivait encore sous la férule franquiste. Troquant son treillis de lieutenant-colonel pour l’habit de chef d’État, Obiang Nguema a passé la première moitié de sa présidence à déjouer les complots, à construire la nation, à s’arrimer économiquement à la zone franc pour en tirer de maigres bénéfices en matière d’aide, avant de procéder à une timide ouverture politique. Depuis 1996, il a enfin trouvé les moyens de son développement. Grâce aux revenus du pétrole, exploité à grand train par les majors américaines, les 700 000 habitants voient l’île de Bioko et la partie continentale du pays se métamorphoser: maillage routier, réseau d’adduction d’eau, centres d’affaires, nouveaux logements, hôpitaux, écoles… On parle encore de 1500 projets de développement d’ici à 2020. Des chantiers que les grands groupes s’arrachent dans une concurrence effrénée, pour des résultats qui font pâlir de jalousie les chefs d’État africains. Bâtisseur dans l’âme, Obiang fait jouer la concurrence, va vérifier l’avancement des travaux, visite ce qui se fait de mieux à l’étranger, comme à Dubaï, en début d’année. « La panthère aux aguets », comme l’ont surnommé ses adversaires, veut s’inspirer de ce modèle pour sortir son pays de sa trop grande dépendance à l’égard de l’or noir. Ses ambitions: faire de la Guinée équatoriale un carrefour commercial et un bassin pétrochimique régional, attirer les touristes, développer les télécommunications et les services… Bref, préparer l’après-pétrole. Mais, s’il veut attirer autre chose que des entrepreneurs alléchés par le seul appât du gain et des clandestins africains prêts à tous les sacrifices pour se faire un petit pécule, le chef de l’État doit encore mieux sécuriser les investissements, renforcer les libertés individuelles, former ses concitoyens aux métiers d’une Guinée équatoriale « moderne », améliorer la situation des droits de l’homme et, surtout, ouvrir le pays à la culture et aux loisirs. Pas encore de librairies, ni de cinéma, ni de kiosques à journaux. Allez, encore des efforts, señor Presidente!
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PAN O R A M A
UN CONCENTRÉ DE M Le pays est devenu lʼun des plus riches du continent. Lʼun des plus cosmopolites aussi: européens, nord- et latino-américains, asiatiques... on y croise les entrepreneurs du monde entier.
L
TSHITENGE LUBABU M.K., envoyé spécial
e 12 octobre, la Guinée équatoriale a célébré à Bata, la deuxième ville du pays, le quarantième anniversaire de son indépendance. Sous une pluie battante, des hommes et des femmes, dans une ambiance bon enfant, ont défilé pour montrer qu’il s’agissait bien d’une journée exceptionnelle. Dans la foule, Ana, la cinquantaine, a les yeux braqués sur la tribune officielle. Égrenant ses souvenirs, elle promène son regard aux alentours et s’anime, un trémolo dans la voix: « Quand je suis arrivée à Bata il y a vingt ans, de retour du Gabon, il n’y avait pratiquement rien ici. Aujourd’hui, la métamorphose est telle que je n’en crois pas mes yeux! » Cet avis est partagé par presque tous les ÉquatoGuinéens, témoins de la transformation accélérée de leur pays. Ce changement n’a été possible, il est vrai, que grâce à la manne pétrolière. Mais il y a eu surtout une volonté politique de doter la Guinée équatoriale d’infrastructures de base, qui lui manquaient cruellement. Il y a à peine une décennie, cette ancienne colonie espagnole était considérée par tous ses voisins comme quantité négligeable. À l’indépendance, en octobre 1968, elle était à la traîne : le cacao, sa principale richesse, ne suffisait pas à lui procurer des revenus
importants. Et puis le régime brutal du premier président du pays, Francisco Macias Nguema, aggrava la situation. Non content de rompre avec l’Occident en expulsant les Espagnols, il ne ménagea pas non plus les ouvriers agricoles, originaires du Nigeria pour la plupart. La férocité du régime fut telle que plus
d’un tiers de la population, des cadres pour l’essentiel, s’exila, laissant derrière elle un pays exsangue. En 1979, Teodoro Obiang Nguema, neveu du président et lieutenant-colonel de l’armée, s’empare du pouvoir. C’est le « Coup de la liberté ». Sans ressources, la Guinée équatoriale se voit dans
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E MONDIALISATION REPÈRES
Nouveaux quais gagnés sur la mer au port de Malabo.
(Sauf indication contraire, données pour l’année 2007)
LE PAYS EN BREF Superficie 28051 km2 Population 700000 habitants Croissance démographique 2,25 % Espérance de vie 50,4 ans Alphabétisation 87 % Indice de développement humain (IDH) 0,642 (rang: 127e sur 177) Principales villes Malabo, capitale politique (60000 habitants) ; Bata, capitale économique (300000 habitants) Langue Espagnol, français (officielles), fang, bubi…
Produit intérieur brut (PIB) 5 129,7 milliards de F CFA (10,11 milliards $) Croissance du PIB 23,2 % (dont hydrocarbures: +24,6 %, et hors hydrocarbures: +19,2 %) PIB par habitant 16488 dollars Répartition du PIB Primaire: 2,1 % ; secondaire: 95,2 % (dont hydrocarbures 91,5) ; tertiaire: 2,7 %
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Inflation 5,5 %
l’obligation de renouer avec le reste du monde. Le nouveau pouvoir essaie de mener une autre politique afin de rassurer les populations traumatisées par le régime précédent. La découverte du pétrole dans la première moitié des années 1990 et, surtout, son exploitation effective à partir de 1995 changent
radicalement la donne. La Guinée équatoriale devient rapidement une destination privilégiée pour les entrepreneurs du monde entier (voir pp. 66-67). En un laps de temps très court, ses revenus atteignent des sommets inimaginables. Malabo comprend que la mise en valeur du pays exige une politique d’ouverture
SOURCES : BEAC, BANQUE MONDIALE, PNUD
Monnaie Franc CFA - Parité au 01/12/2008 1 euro = 655,957 F CFA; 1 $ = 527,880 F CFA
tous azimuts. La logique est simple : les affaires sont les affaires et il faut que tout le monde y gagne. Dans le choix de ses partenaires stratégiques, le pays ratisse large. Diversification pour éviter toute dépendance et profit mutuel bien compris, telles semblent être les grandes lignes de la diplomatie équato-guinéenne. L’Espagne a des relations souvent conflictuelles avec Malabo. Il lui est reproché de n’avoir pas trouvé de pétrole au bout de dix ans de prospection. Et, également, d’accorder l’asile à des opposants au régime équato-guinéen, comme Severo Moto. Les États-Unis, dont les entreprises ont découvert le pétrole et pro-
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UNE POLITIQUE D’OUVERTURE TOUS AZIMUTS
Malabo entretient également d’excellents rapports avec l’Égypte, dont les entreprises obtiennent en retour de gros contrats, comme The Arab Contractors dans le domaine routier. De même que le Maroc, qui s’est vu attribuer d’importants chantiers (notamment le port de Malabo), tout
Île de
© LES ÉDITIONS DU JAGUAR
cédé à sa production, occupent pour leur part le sommet de la pyramide. Viennent ensuite les Chinois, présents surtout dans la construction de grandes infrastructures. De même que la Corée du Sud ou Cuba, qui s’est occupé notamment de la formation de médecins et fournit nombre d’enseignants dans les matières scientifiques (voir p. 72). Francophonie oblige (la Guinée équatoriale a rejoint l’OIF en 1989 et adopté le français comme langue officielle, au même titre que l’espagnol, en 1997), les Français occupent une place de choix, même si, du point de vue des Équato-Guinéens, ils sont encore frileux. D’ailleurs, le pays, qui a financé sur fonds propres la construction du Centre culturel français de Bata, attend toujours que Paris y nomme un directeur.
en s’occupant de la sécurité présidentielle. L’Afrique du Sud, intéressée par l’exploitation pétrolière, est aussi une alliée de taille. Et, preuve de la volonté des autorités équato-guinéennes de consolider leurs relations avec Pretoria, le nouveau président du Congrès national africain (ANC), Jacob Zuma, était invité à la fête nationale à Bata et traité comme un chef d’État.
L’ENJEU DÉMOCRATIQUE
VINCENT FOURNIER/J.A.
DANS UN AN, les Équato-Guinéens vont élire leur président. Le Parti démocratique de Guinée équatoriale (PDGE), qui domine largement la scène politique, a déjà choisi l’actuel chef de l’État, Teodoro Obiang Nguema. La dizaine de partis se présentant comme « l’opposition démocratique » tout en étant les alliés du PDGE, même s’ils proposent des candidats, ne feront pas autre chose que de la figuration. Jusqu’au récent changement d’équipe, intervenu en août dernier, la pluLe président Teodoro part des dirigeants de ces formations étaient Obiang Nguema. d’ailleurs au gouvernement. Selon nombre d’observateurs, leur proximité avec le parti au pouvoir ne facilite pas le jeu démocratique, malgré l’instauration du multipartisme, en 1991. Quant au seul parti à se réclamer de la « vraie opposition », la Convergence pour la démocratie sociale (CPDS) de Placido Mico, il fait du surplace. De 2 sièges sur 100 à l’Assemblée nationale, il n’en a plus que 1 depuis les législatives de mai dernier… Les Équato-Guinéens savent que l’exercice démocratique est important, même s’ils attendent, avant tout, une amélioration du niveau de vie. Et peut-être que, pour la vie politique comme pour la vie quotidienne, ce principe simple pourra se vérifier : l’essor économique va T. L. M.K. développer l’humain. ■
Autre volonté d’ouverture diplomatique, économique et culturelle de la Guinée : sa demande d’adhésion à la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP), qui permettra, notamment, d’approfondir ses relations avec le Brésil. Au sein des organisations sousrégionales telles que la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (Ceeac) ou de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), la Guinée équatoriale, devenue subitement le plus grand contributeur, fait entendre sa voix. Elle veut profiter de son poids financier pour peser sur le cours des événements. Une attitude souvent mal vécue par des pays qui, hier encore, étaient mieux lotis qu’elle. Et l’on parle alors d’« arrogance de nouveau riche ». Quoi qu’il en soit, le pays n’hésite pas à montrer ses muscles, comme lors de ce défilé du 12 octobre au cours duquel l’armée a fait parader son arsenal ultramoderne. Engagé depuis plus de dix ans, l’essor actuel de la Guinée équatoriale ne laisse pas d’étonner ses voisins, de même que les organismes internationaux. Ce que résume un représentant de l’ONU à Malabo : « Nous avons toujours travaillé dans un schéma qui consiste à trouver les voies du développement à des pays démunis. Là, nous sommes dans un pays doté de gros moyens financiers et capable de financer son développement. Nous ne savons pas comment nous y prendre. » ■
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PORTRAIT
Sergio Esono Le droit chemin Son mandat à la tête de la Cour suprême de justice sʼachève théoriquement en février prochain, mais il a bon espoir dʼêtre reconduit dans ses fonctions. Il faut dire que, depuis sa nomination en 2004, le magistrat nʼa pas chômé.
politiques, puisqu’il est alors le porteparole de l’Association des étudiants étrangers au Sénégal, fonction qui développe chez lui son e ngoue me nt p ou r la justice.
« Chacun doit savoir que notre pays n’est pas une jungle où tout est permis. » tôt pour le latin et le grec. Après l’obtention de son baccalauréat au lycée espagnol de la capitale, en 1990, il poursuit des études de lettres classiques à l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar (Ucad), tout en perfectionnant son français. De cette période naissent ses premiers engagements
toire », explique Esono. En effet, tout en rompant avec l’isolement, ce rapprochement permet à l’ancienne colonie espagnole d’intégrer une communauté de vues et d’esprit en l’obligeant à harmoniser et améliorer l’ensemble de ses textes. Après l’obtention de sa maîtrise en droit des affaires en 1999, Sergio Esono rentre en Guinée, où il est affecté au cabinet du ministre de la Justice. Son principal chantier : la mise en œuvre dans son pays des dispositions prévues dans le cadre de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada). Délég ué de la Gui née équatoriale auprès de la Commission des droits de l’homme des Nations unies de 2000 à 2003, il suit parallèlement un troisième cycle à l’université de Nantes, en France, grâce à une bourse de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF), après avoir obtenu un master de commerce international à Madrid. C’est donc un homme aguerri, qui fut aussi juriste au sein du secrétariat des réformes de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), qui est nommé, en 2004, à la tête de la plus haute juridiction équato-guinéenne. Là, il œuvre à la révision de textes aussi fondamentaux que ceux régissant les marchés, les investissements, le travail, la propriété, la criminalité fiscale. « Le processus de codification est long et tout n’est pas parfait. Nous manquons encore cruellement de personnel. Mais chacun doit savoir que notre pays n’est pas une jungle PHOTOS : VINCENT FOURNIER/J.A.
B
ien que la Constitution équatog u i néen ne ne fasse auc u ne référence au protocole, cet homme discret à la voix posée et au physique de rugbyman est le troisième personnage de l’État. Avec d’autres, il est surtout, à 36 ans, celui par qui son pays se dote progressivement d’un droit positif digne de ce nom. La tâche est colossale. Recroquevillée durant des décennies sous le poids de la colonisation franquiste et l’obscurantisme de Francisco Macias Nguema, la Guinée a hérité d’un appareil judiciaire déplorable, oscillant entre les us et coutumes locaux et les législations imposées depuis Madrid. L’arrimage à la zone franc, en 1985, puis l’exploitation pétrolière ont changé la donne, poussant le pays à la modernité. Artisan besogneux, il accompagne cette évolution depuis dix ans. Né le 24 février 1972 à Luba, petite localité proche de Malabo, Sergio Esono Abeso Tomo se passionne très
LA PASSION DU DROIT
Ce dernier le pousse d’a i l leu r s à c h a nge r d’orientation pour se consacrer au droit. « C’était le meilleur moyen pour moi de faire avancer mon pays, dont on ne parlait jamais, sinon en termes négatifs. » Un choix d’autant plus opportun que l’adhésion à la zone franc a singulièrement accéléré les choses. « C’est la décision la plus importante de toute notre jeune his-
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où tout est permis », explique-t-il. Le plus emblématique reste le code de la famille, qui doit être adopté en 2009. Il doit réglementer des domaines aussi divers que le mariage, les droits de l’enfant ou encore la polygamie, pratique légalement reconnue en Guinée. En attendant, Sergio Esono Abeso Tomo profite
des vacances judiciaires qui, comme chaque année, ont débuté le 30 novembre. Des congés bien mérités puisque la Cour rend également le droit. « Désormais, explique-t-il, nous produisons en moyenne deux cents arrêts par an… Contre un seul il y a vingt ans. » ■ FRÉDÉRIC LEJEAL
3 QUESTIONS À...
KIARI LIMANTINGUIRI Depuis 2006, l’économiste nigérien est coordonnateur résident de l’ONU et représentant-résident du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) en Guinée équatoriale. JEUNE AFRIQUE : La forte croissance du pays améliore-t-elle la situation sociale des populations ? KIARI LIMAN-TINGUIRI : La Guinée équatoriale enregistre une croissance à deux chiffres ininterrompue depuis plus de dix ans. Son produit national brut par habitant (PNBH) est le quatrième le plus élevé au monde. Ce n’est donc plus un pays à revenus faibles, mais intermédiaires. Plusieurs indicateurs doivent toutefois être améliorés comme la mortalité des enfants de moins de 5 ans, qui, avec 206 décès sur 1 000 naissances, reste élevée. La couverture vaccinale est également insuffisante. La croissance étant récente, les autorités misent d’abord sur le développement des infrastructures, par un niveau élevé d’investissements, qui aura des effets induits sur le développement humain.
1
Quels sont les programmes soutenus par le Pnud ? Ils couvrent la période 2008-2012 et concernent la lutte contre le sida (dont la prévalence est de 7 %), le développement local (à travers le renforcement de la décentralisation) ainsi que l’amélioration de la gouvernance, qui doit rendre opérationnelle les priorités arrêtées par la Conférence économique de Bata, de novembre 2007. Sans oublier l’environnement et la protection des écosystèmes. L’évolution de ces programmes sera évoquée en 2009 dans le premier rapport national sur le pays. Leur montant global est de 30 millions de dollars. La Guinée équatoriale s’est engagée à en verser 10 millions, ce qui est un exemple rare de participation financière d’un pays africain à son développement.
2
Comment analysez-vous les conclusions de la mission sur la torture effectuée par l’ONU du 9 au 18 novembre dernier ? C’est la deuxième mission de ce type dans le pays en deux ans. Il faut rappeler que ces missions répondent à chaque fois à une invitation officielle de la Guinée équatoriale, qui est l’un des quatre pays africains à les commander. Rien, ni aucune convention ne l’oblige à le faire. Les conclusions auxquelles le représentant de l’ONU, Manfred Nowak, est parvenu peuvent sembler sévères. Mais cette visite marque une volonté réelle de faire avancer les choses. D’autant que les autorités en ont accepté les termes de référence, ce qui est à porter à leur crédit. Le gouvernement a six semaines pour faire ses observations. ■
3
Propos recueillis à Malabo par FRÉDÉRIC LEJEAL J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 0 1 • D U 14 A U 2 0 D É C E M B R E 2 0 0 8
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ÉCONOMIE
pétrolières, explique un observateur. Et sa diminution risque d’empêcher le gouvernement de financer certaines dépenses courantes. » Même si la chute des cours a été contrebalancée par l’envolée du prix du baril à plus de 140 dollars en juillet et août derniers, cette conjoncture devrait faire reculer le PIB en 2008, le ramenant autour de 13 %, au lieu des 15,2 % projetés en début d’année (7,7 milliards d’euros en 2007). À l’heure où la récession gagne l’économie mondiale, ce taux reste malgré tout très honorable.
La leçon de Malabo Depuis 1995, le pays enregistre la plus forte croissance au monde. Première puissance financière dʼAfrique centrale, il réinvestit une bonne part de sa manne pétrolière dans la réalisation dʼinfrastructures et de logements.
PHOTOS : VINCENT FOURNIER/J.A.
LES EFFETS DE LA CRISE ANTICIPÉS
Le port de Malabo est construit par la filiale du marocain Somagec.
Cependant, la crise financière internationale est passée par là. « Nous ne sommes pas à l’abri de la conjoncture internationale », explique le ministre de l’Information, Jeronimo Osa Ekoro. Pour la Guinée équatoriale, qui tire sa richesse des hydrocarbures, le repli brutal des cours, depuis le mois d’août, n’est pas une bonne nouvelle. « La rémunération des dépôts publics représente 25 % des recettes non UNE CROISSANCE ÉCONOMIQUE RECORD Évolution du PIB en % 35 30 25 20 15 10 5 0
2004
2005
2006
2007
2008* * estimation
SOURCE : BEAC
L
a Guinée équatoriale tord le cou à bien des certitudes économiques sur l’Afrique. En quelques années, le pays est devenu le troisième producteur subsaharien de pétrole brut (après l’Angola et le Nigeria) et il affiche la plus forte croissance mondiale : 23,2 % en 2007. Une performance d’autant plus emblématique du boom que cette position de champion du monde de la croissance tend à se renouveler chaque année depuis le milieu des années 1990, date de la mise en exploitation de Zafiro, son principal champ pétrolier, au large de l’île de Bioko. Logiquement, le revenu de ses 700 000 habitants a lui aussi atteint des sommets. Du moins en théorie. En effet, une grande partie de la population ne bénéficie pas encore directement de la croissance, même si le produit intérieur brut (PIB) par habitant s’est établi l’an passé à près de 17 000 dollars, le plus fort de tout le continent.
Mais le retournement du marché pétrolier est suffisamment inquiétant pour alerter le gouvernement. Selon le Comité de politique monétaire (CPM) du 8 octobre dernier, qui rassemble les meilleurs économistes du pays, « la baisse des cours aura un impact sur les recettes budgétaires et réduira les projets de la Guinée. […] La diminution des exportations affectera les réserves extérieures et la rémunération des dépôts publics ». Pour anticiper tout déficit budgétaire en 2009, au cas où cette tendance se maintiendrait, le gouvernement a d’ores et déjà revu, avec l’aide du Fonds monétaire international (FMI), les priorités de certains des 1 500 projets devant être lancés d’ici à 2020. Il a également abaissé les taux d’intérêt de comptes spéciaux : de 3,65 % à 3,35 % en ce qui concerne le Fonds de réserve pour les générations futures. Enfin, soucieuse de prémunir ses actifs à l’étranger de toute faillite bancaire, la première puissance financière d’Afrique centrale a rapatrié près de 2,8 milliards de dollars depuis le mois de juin, dont 780 millions pour le seul mois de septembre. La diversification des filières productives, conformément aux recommandations de la Conférence économique nationale organisée à Bata en novembre 2007, n’en est que plus urgente. Cependant, pour l’heure, l’euphorie immobilière ne faiblit pas. Dans toutes les villes du pays, les pancartes indiquant de futurs chantiers se multiplient. Routes, ponts, ports, aéroports, sièges d’entreprises, ministères, écoles, logements sociaux, complexes sportifs, grands marchés centraux… Les dizaines de sociétés, publiques comme privées, nationales ou étrangères, telles que Somagec, Bouygues, Soguibat, Razel, Arab Contractors, Besix, China
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À Malabo II, logements pour classe moyenne réalisés par les Chinois.
Gezhouba Group Corporation (CGGC) ou encore Dalian, continuent de modeler le pays en puissance émergente. Aucune partie du pays n’échappe à cette phase du « béton-goudron », dont le dynamisme repose sur les 800 millions de dollars investis chaque année dans les infrastructures. Pas même la paisible île de Corisco, qui doit bénéficier d’une mise en valeur touristique. Tous les secteurs sont concernés, à commencer par l’économie maritime. La filiale du marocain Somagec, qui s’est également vu confier, avec le français Veolia, le marché du réseau d’eau de Bata, a désormais presque achevé le
premier quai du port de Malabo sur les trois qu’elle doit réaliser. Dubai Ports World (DP World) et le groupe Bolloré sont sur les rangs pour la gestion de cette enceinte en complète transformation, qui doit devenir à terme un hub de transbordement sous-régional.
EN 2008, LA MISE EN VALEUR DES RÉSERVES DE GAZ, évaluées à 40 milliards de m3, a compensé la baisse de la production pétrolière, située à 15,6 millions de tonnes (– 10,9 %), due au tassement du champ de Zafiro. La Guinée équatoriale est désormais une puissance gazière. Elle a inauguré son premier train de gaz naturel liquéfié (GNL), en mai 2008, depuis la station établie sur le site pétrochimique de Punta Europa (à l’ouest de l’île de Bioko) et est devenue l’un des quinze pays dans le monde dotés d’installations de liquéfaction et de transport du gaz naturel (dont, sur le continent, le Nigeria, l’Algérie, la Libye et l’Égypte). La capacité de production du terminal est de 3,7 millions de tonnes par an. La construction du projet transfrontalier de deuxième unité (utilisant en partie du gaz nigérian et camerounais) et d’un second train, qui porterait la production à 8 millions de tonnes, se heurte cependant à la géopolitique sous-régionale. Un accord passé avec le Nigeria d’Olusegun Obasanjo, pour la livraison de gaz en échange de blocs pétroliers, a été remis en question par son successeur, Umaru Yar’Adua. Et les négociations avec le Cameroun n’ont pas abouti. Pour le gouvernement, l’alternative réside dans la diminution et la récupération du gaz torché. Gazprom pourrait appuyer EGLNG (Equatorial Guinea Liquefied Natural Gas) dans ce domaine à la suite de l’accord de coopération que le géant russe a signé, en novembre dernier, avec le principal acteur du secteur dans le pays. ■
flambant neufs. Après avoir livré le stade de Malabo, qui a accueilli la finale de la Coupe d’Afrique des nations féminine (voir p. 73), la filiale de Bouygues en Guinée équatoriale a, pour sa part, lancé les travaux du plus grand complexe sportif du pays. Sont prévus une piscine olympique, un golf et des cours de tennis. Quant aux hôtels, ils fleurissent, à l’instar du Plazza à Bata ou, à Malabo, du 3-Août et du Sofitel Président. Inauguré en 2007, cet établissement haut de gamme, géré par le groupe Accor, est le premier du pays. Sur la place du Coup-de-la-Liberté, il jouxte la nouvelle grande bibliothèque nationale, dont l’architecture est digne de la légendaire Sorbonne parisienne. Après l’attribution, en juin, d’une seconde licence de mobile à HiTs, les télécommunications sont également en pleine mutation (voir pp. 68-69). Le groupe saoudien doit investir 756 millions de dollars jusqu’en 2017. Ce marché de gré à gré a mis un terme au monopole de Getesa, opérateur public historique détenu à 40 % par le français Orange. Une ouverture bien vue des consommateurs, qui attendent légitimement une baisse des prix et une amélioration des services. Sur ce point, le secteur bénéficie de l’attribution, en février dernier, à Alcatel-Lucent Submarine Network (ALSN), filiale du groupe Alcatel-Lucent, du contrat de pose d’un câble sous-marin à fibre optique. Long de 280 kilomètres, avec une capacité de 80 Gbit/s, ce nouvel équipement améliorera considérablement le réseau entre la ville de Malabo et celle de Bata. ■
F. L.
FRÉDÉRIC LEJEAL
UNE PHASE « BÉTON-GOUDRON » QUI NE FAIBLIT PAS
Le nouveau quartier d’affaires Malabo II, par lequel serpente une immense artère de contournement de la capitale, voit éclore de nombreux sièges d’entreprises, de banques, d’administrations, ainsi que des immeubles d’habitations
NOUVELLES AMBITIONS GAZIÈRES
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INTERVIEW
Enrique Mercader Costa « À terme, notre compagnie aérienne desservira lʼEurope » Ancien président de la Chambre de commerce et dʼindustrie, le ministre des Transports, des Technologies, de la Poste et des Télécommunications maîtrise ses dossiers. Il est dʼailleurs resté à son poste au sein du nouveau gouvernement nommé en août. cette ouverture doit progressivement amener à une baisse des tarifs locaux et internationaux. Cette baisse est déjà effective sur Internet et nous espérons que le lancement des activités de HiTs entraînera une baisse générale des tarifs des télécommunications.
PHOTOS : VINCENT FOURNIER/J.A.
Pourquoi avoir privilégié l’offre des Saoudiens ? Contrairement à ce qui se fait dans d’autres pays, nous avons privilégié la licence globale, qui touche à la fois au mobile, à Internet, mais aussi au filaire, que nous voulons ne pas négliger face au mobile. Les Saoudiens identifient actuellement les sites où les équipements seront installés, à Bata et à Malabo. Leurs activités et les premières offres commerciales devraient débuter en mars 2009.
JEUNE AFRIQUE : Cette année marque la libéralisation du secteur des télécoms. Qu’en attendez-vous ? ENRIQUE MERCADER COSTA : La nouvelle licence attribuée à l’opérateur saoudien HiTs Telecom prouve d’abord que la Guinée équatoriale progresse sur la voie de la libéralisation d’un secteur stratégique caractérisé jusqu’à présent par le monopole de l’opérateur historique, Getesa. Tout en améliorant l’offre en infrastructures et en équipements,
En quoi l’arrivée de la fibre optique, via la filiale d’Alcatel-Lucent, va-t-elle améliorer le réseau national ? Elle va permettre une meilleure qualité des télécommunications et nous apporter de plus grandes capacités. Nous avons actuellement beaucoup de difficultés à communiquer entre Malabo et Bata, surtout pendant la saison des pluies. Globalement, le réseau tend à se dégrader. La fibre optique résoudra ce problème tout en améliorant le support audiovisuel et la couverture du pays.
L’aéroport de Bata est en cours de réhabilitation. Quand sera-t-il ouvert aux grosporteurs ? D’ici à 2010. Nous sommes en train de l’agrandir et de le moderniser pour qu’il puisse répondre aux normes Airbus A-380 et devenir un hub sous-régional pour le fret et le commerce. Le chantier est réalisé à 70 %. Mais Bata n’est qu’un chantier parmi d’autres. Deux autres aéroports sont en construction : l’un à Mongomo (à l’est du pays), avec une piste de 3 000 mètres, et un autre du même type sur l’île de Corisco (au sud-ouest, au large du Gabon), afin de développer le tourisme. Ces projets s’accompagnent J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 0 1 • D U 14 A U 2 0 D É C E M B R E 2 0 0 8
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d’un ensemble d’infrastructures, dont des aires d’entreposage et des magasins. Tous ces projets sont financés à 100 % par des fonds publics. La flotte équato-guinéenne figure sur la liste noire de l’Union européenne. Comment changer cela ? Cela fait deux ans que nous sommes sur cette liste noire, à cause du déficit de réglementations. Ce que nous corrigeons à travers des textes plus stricts, qui répondent aux normes internationales. Depuis le crash d’un appareil en 2005, le secteur a été entièrement restructuré et les compagnies non conformes aux nouvelles normes ont disparu. C’est un processus long, dont les étapes sont nombreuses. En quoi l’appartenance à l’Asecna (Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique) accélère-t-elle ce processus ? Cette organisation, qui couvre la sécurité aérienne – normalement du ressort de l’État –, permet d’harmoniser les trafics sous-régionaux. L’avantage est que l’Asecna possède ses propres centres de formation et pallie ainsi l’insuffisance de personnels qualifiés dans notre pays. Êtes-vous, comme le Sénégal, critique vis-à-vis de l’Asecna ? Cette institution panafricaine, dont la Guinée équatoriale a présidé en 2008 le Comité des ministres, réunit dix-huit pays. Elle est nécessaire, mais ancienne : il faut améliorer sa gouvernance et certains paramètres pour qu’elle puisse répondre aux enjeux actuels de l’aérien en Afrique. Cela passe, par exemple, par une meilleure gestion de certains de ses départements et un meilleur suivi des investissements. La compagnie nationale, Ceiba Intercontinental, a inauguré son premier vol à destination Abidjan le 7 décembre dernier. Compte-t-elle s’arrêter là ? Cette compagnie, créée en 2007, est un bon exemple de l’évolution du secteur aérien en Guinée équatoriale. Nous couvrons désormais toute la sous-région (de Bangui à Pointe-Noire en passant pas Cotonou), à partir d’une flotte de quatre appareils entièrement neufs. À terme, nous comptons desservir l’Europe. ■ Propos recueillis à Malabo par FRÉDÉRIC LEJEAL
Deux ponts sur le Rio Timbabe pour la voie expresse reliant l’aéroport de Malabo à Ela Nguema.
BESIX, Guinée Équatoriale • BESIX réalise des projets de haute technicité dans les secteurs de la construction : bâtiments, infrastructures, travaux maritimes, environnement (adduction et traitement des eaux), et industriels en apportant des solutions sur mesure à des exigences pointues et des cahiers de charge contraignants. • BESIX a réalisé en 2006 pour EGLNG une jetée de chargement pour exporter le GNL sur l’île de Bioko, en Guinée Equatoriale. Elle vient de terminer en juin 2008 la construction, pour le Gouvernement de Guinée Equatoriale, des deux ponts sur le Rio Timbabe sur la nouvelle voie expresse reliant l’aéroport de Malabo à Ela Nguema. • Actuellement, BESIX construit trois ponts sur la route de Riaba. Dans ce cadre, nos équipes utilisent des techniques de coffrages et de béton précontraint avec succès dans le pays. Besix poursuit en outre de nombreux autres projets retenus par le Gouvernement de la Guinée Equatoriale dans le cadre du plan de reconstruction du pays lancé par le Président de la République.
Jetée de chargement pour exporter le GNL sur l’île de Bioko.
BESIX construit trois ponts sur la route de Riaba.
Arrivée à Bata de l’un des nouveaux appareils de Ceiba, la compagnie nationale créée en 2007.
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70 LE PLUS
La frénésie de construction n’empêche pas de préserver les arbres et l’espace, même en centre-ville.
Promenade à Bata Calme et bouillonnante, simple et sophistiquée, étendue ou ramassée selon les quartiers, la capitale économique nʼa rien de commun avec sa sœur insulaire, Malabo.
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ondée en 1900, la capitale économique de la Guinée équatoriale est un paradoxe. De ses édifices étonnants d’originalité jusqu’à la disposition des chantiers, tout y est différent. Ses 300 000 habitants eux-mêmes ont une mentalité bien à eux, ce qui fait dire aux observateurs qu’il n’y a pas une mais plusieurs Guinée équatoriale. Plongée dès l’aube sous un épais brouillard, la ville continentale, située sur la partie la plus francophone du pays, là où les Fangs sont majoritaires, s’étend comme un linge humide. Avec le lever du soleil, l’atmosphère devient moite, presque pesante, malgré la brise vivifiante venue du large. Une fois retombée l’angoisse provoquée par l’improbable navette aérienne qui effectue quotidiennement la rotation avec Malabo, sitôt la sortie de l’aéroport à l’architecture de verre, l’attention du visiteur se porte sur le gigantesque Paseo maritime que longe la route menant jusqu’au centre historique. Érigé dans la pure tradition espagnole, cet ouvrage court sur plusieurs kilomètres. Large d’une dizaine de mètres agrémentés de pelouses, de fontaines, de très chic
lampadaires, de bancs et de palmiers soigneusement alignés, le Paseo maritime n’a pas d’équivalent en Afrique. Interrogez les Équato-Guinéens qui le fréquentent, des jeunes pour la plupart, la réponse est unanime. Ses allures de Croisette en font un véritable lieu de détente que tous s’approprient, faisant revivre le bord de mer. D’autant que l’aménagement récent des berges et la construction de plages attirent de plus en plus de monde. Ne manquent que les starlettes et l’hôtel Carlton pour que la
scène devienne cannoise. Face à cette délicieuse promenade de bord de mer, dont 4 kilomètres supplémentaires sont en cours d’aménagement, nombre d’hôtels, qui n’existaient pas il y a dix ans, ont une vue imprenable sur la baie et comblent progressivement la faible capacité d’hébergement. Ville plate, chef-lieu de la province du Littoral, verdoyante et bordée de dizaines de villas aux jardins soigneusement entretenus, celle qui n’était au début du XXe siècle qu’un petit poste militaire espagnol (qui comptait moins de 150 habitants) dévoile aussi quelques chefs-d’œuvre. Ses églises, ses monuments, ses presbytères et, surtout, sa cathédrale du XVIIe siècle surmontée de deux dômes, lesquels renvoient, étrangement, non à la tradition catholique – fortement implantée dans le pays (90 % de la population) –, mais à la tradition orthodoxe. Historique, le marché central redonne à la ville son
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DÉVELOPPEMENT URBAIN
Les habitants se sont approprié le Paseo maritime. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 0 1 • D U 14 A U 2 0 D É C E M B R E 2 0 0 8
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LE PLUS 71 a également organisé, en novembre 2007, la Conférence économique qui a adopté la stratégie du pays à l’horizon 2020. À une dizaine de kilomètres du centre, près de la zone industrielle, le port est lui aussi en pleine mutation, sous la houlette d’une société chinoise, et une nouvelle zone, baptisée Bata II, sort de terre. Sur le modèle de Malabo II, elle accueillera des sièges d’administrations, des commerces et des centres sportifs. D’ici à quelques années, la ville, qui tire l’essentiel de sa richesse de l’exploitation forestière, possédera également son « Mosoleo », une vaste place arborée étendue sur des dizaines d’hectares, derrière le grand hôtel Plazza, dédié aux « grandes personnalités du pays ». En revanche, comme sur l’île de Bioko, les restaurants et les bars ne sont pas légion. Et même si le Drink Cool reste la boîte la plus en vogue de la région, l’exubérance n’est pas encore équato-guinéenne. ■
Passé les turbulences du golfe de Guinée, des kilomètres de plages aménagées.
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côté africain. Toutes les communautés s’y côtoient et font de ce lieu le plus cosmopolite du pays. Non loin, la place du Coup-dela-Liberté (ancienne place de l’Horloge) accueille toujours de vieilles maisons coloniales, en cours de réhabilitation. Pas besoin de marcher beaucoup dans la ville pour se rendre compte que, comme Malabo, Bata est aussi gagnée par la frénésie de la construction. Tous les quartiers sont concernés. Des plus prestigieux, comme les quartiers résidentiels de Dimbala, Îles des Cocos ou Etofili-Iyubi, actuellement en pleine expansion, aux quartiers plus populaires de Nfefesala ou de Ncolombong. Bata va-t-elle à terme supplanter Malabo? La question n’est pas à l’ordre du jour, ce qui n’empêche pas les édifices et autres bâtiments publics de sortir de terre à la vitesse de l’éclair. Ministères, équipements sociaux, hôpitaux, écoles, immeubles de logements, maisons de style andalou, commerces, ponts, routes et avenues, réseau d’adduction d’eau…
De toutes les villes de l’ancienne colonie espagnole, Bata est, de l’avis général, celle dont le profil a le plus changé, malgré l’existence tenace de quelques bidonvilles traversés par les routes allant vers Niefang (à l’ouest) ou Mbini (au sud). UNE URBANISATION QUI LAISSE LA VILLE RESPIRER
Bien que Malabo soit la capitale politique, six mois par an, l’ensemble du gouvernement se « téléporte » à Bata, qui a abrité plusieurs événements d’envergure ces dernières années. Elle abrite le nouveau siège du Parlement, qui a accueilli en 2006 le sommet des chefs d’État de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac). Elle
FRÉDÉRIC LEJEAL
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Mieux formés, les jeunes pourront prétendre à de meilleures rémunérations.
FORMATION
Plan dʼurgence
Le système éducatif a longtemps été le parent pauvre de lʼÉtat. Aujourdʼhui, ce dernier met les bouchées doubles pour réorganiser les filières, de base comme spécialisées, et remédier au déficit dʼenseignants.
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or mer u ne ma i n- d’œuv re qualifiée et produire de la matière grise est un travail de longue haleine et une priorité. Car le manque de compétences dans tous les secteurs est aujourd’hui la grande faiblesse du pays. Un déficit qui retarde les projets de développement et pousse les opérateurs privés à recourir à de la main-d’œuvre étrangère pour mener à bien leurs chantiers. Sans compter que, mieux formés, les Équato-Guinéens pourront prétendre à des emplois plus qualifiés et à de meilleures rémunérations. Si une loi de 2004 oblige toutes les entreprises étrangères – à l’exception de celles actives dans le domaine des hydrocarbures, en raison du « haut niveau de compétences techniques requis » – à embaucher 25 % de personnel local, cette règle est, dans la réalité, difficilement applicable. « Nous voudrions respecter cela, explique le directeur d’une société de BTP. Mais, en plus d’être insuffisante, la main-d’œuvre locale n’est pas au niveau. Nous sommes donc obligés d’embaucher des étrangers pour honorer nos contrats. » De fait, l’État a récemment abaissé ce quota de 25 % à 10 %.
Pour enrayer l’inadéquation entre la demande et l’offre sur le marché de l’emploi, le gouvernement a fait de la formation sa priorité, comme l’ont souligné les conclusions de la Conférence économique « Guinée équatoriale horizon 2020 », organisée à Bata en 2007. Cette politique repose sur l’adoption d’un nouveau plan national, plus conforme aux exigences du marché de l’emploi. DES CLASSES SURCHARGÉES
Cependant, les progrès sont lents et les moyens font encore défaut. La formation des enseignants reste aléatoire, et les conditions d’enseignement difficiles, même si de nombreux établissements ont été réhabilités. « Les niveaux sont bas et nous manquons de moyens, notamment de laboratoires », explique Esteban Mba. À 22 ans, ce dernier enseigne les mathématiques dans le secondaire tout en poursuivant sa troisième année d’études à la faculté des sciences de Malabo. Une double casquette d’enseignant et d’étudiant qui n’a rien d’exceptionnel ici et permet de suppléer au manque de professeurs. Pour beaucoup de postes, l’État doit faire
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LE PLUS
Esteban Mba, étudiant et professeur.
appel à des professeurs étrangers, en particulier des Cubains dans des matières scientifiques. Et, ceci expliquant cela, les classes sont surchargées. « Il n’est pas rare que nous ayons 90 élèves par classe », déplore Santiago Nguema Ondo Mibuy, le directeur de l’Institut national d’enseignement intermédiaire Rey Malabo (Inem). En 2007, le pays comptait 81000 élèves pour 1700 enseignants dans le primaire, répartis dans 884 écoles. Le nombre d’élèves et d’établissements s’amenuisant à mesure que le niveau de scolarité augmente, ils n’étaient l’an dernier que 34116 à fréquenter le secondaire, dans 57 établissements. Le pays ne possède par ailleurs que deux établissements d’enseignement secondaire technique, qui ont accueilli 1253 élèves l’an passé. Parallèlement, les taux de déperdition sont importants : seuls 200 élèves ont obtenu leur baccalauréat sur les 800 qui ont passé l’examen l’an dernier. Même constat à l’École universitaire d’ingénierie et de technologies (EUIT)
« La main-d’œuvre locale n’est pas au niveau. Nous devons employer des étrangers. » de l’Université nationale de Guinée équatoriale, unique université du pays, créée en 1995. L’école d’ingénieurs, qui compte 8 filières, n’accueille que 150 élèves par an, une vingtaine seulement arrivant en troisième année. Et les demandes du marché sont si fortes que les entreprises recrutent les élèves avant qu’ils terminent leur cursus. ■ FRÉDÉRIC LEJEAL
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LE PLUS 73
ÉVÉNEMENT
CAN féminine: lʼéquipe qui gagne Lʼaccueil de la Coupe dʼAfrique féminine constituait un examen de passage avant la CAN masculine de 2012, que le pays doit coorganiser avec le Gabon. Test réussi...
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reuve qu’elle veut peser de tout son poids dans la sousrégion, la Guinée équatoriale inaugure un nouveau genre : l’organisation événementielle. Pour la première fois de son histoire, elle a accueilli une grande compétition sportive avec la sixième Coupe d’Afrique des nations (CAN) féminine des moins de 20 ans, qui a opposé 17 équipes du continent. Mieux, ce sont les footballeuses équato-guinéennes qui ont gagné. Organisée du 15 au 29 novembre dernier à Bata et à Malabo, la compé-
tition a donc été un succès sur tous les tableaux. « Il s’agit d’un pays encore peu connu et resté longtemps à l’écart des sentiers du football mondial », explique le président de la Confédération africaine de football (CAF), Issa Hayatou, qui avait fait le déplacement pour assister à la finale, dans l’après-midi du 29 novembre, pendant que la petite finale opposait les Lionnes indomptables (mais poussives) du Cameroun aux championnes sortantes, les Super Falcons nigérianes. Fraîchement construit, le stade de 15 000 places de Malabo, relative-
La première dame (en blanc) et le chef de l’État (dr.) ont fêté la victoire finale.
ment clairsemé en début de match mais plein à craquer à la fin, a vu la victoire de l’équipe nationale sur les Banyana Banyana d’Afrique du Sud par 2 buts à 1. Alors que le Nigeria, le Cameroun et le Ghana partaient grands favoris, les Nzalang Girls, qui ont accédé à une phase finale de la Coupe pour la première fois de leur carrière en 2006, sont notamment venues à bout du Cameroun, du Mali et du Congo. Une bonne mise en jambe avant la tenue de la CAN masculine, en 2012. ■ F.L.
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74 LE PLUS GUINÉE ÉQUATORIALE
SOCIÉTÉ
Bienvenue au temps de lʼimmigration choisie Le pays veut contrôler le flux des ressortissants étrangers. Il est lʼun des rares sur le continent à opter pour une immigration inspirée du modèle français.
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ous les passagers débarquant à l’aé r op or t de M a l ab o, qu’ils descendent des grosporteurs des compagnies internationales ou de petits coucous locaux, doivent montrer patte blanche. Photo numérique, empreinte digitale des deux index, examen minutieux des passeports, fouille tatillonne des bagages… Équato-Guinéen ou ressortissant étranger, nul n’échappe à cette identification rigoureuse. Autrefois coupé du monde, le pays est aujourd’hui un condensé de mondiali-
sation. Commerçants ouest-africains, hôteliers camerounais ou gabonais, chauffeurs de taxi nigérians, ingénieurs américains, expatriés européens, latino-américains, maghrébins, asiatiques… Ils seraient des milliers à venir chaque année travailler dans ce nouvel eldorado, grossissant les rangs des 200 000 étrangers déjà présents sur le territoire. La priorité des autorités est de contenir ces flux en sélectionnant de plus en plus rigoureusement la maind’œuvre nécessaire à l’essor économi-
que. Une immigration positive directement inspirée du modèle français. En séjour à Malabo en septembre dernier, le ministre français de l’Immigration, Brice Hortefeux, a d’ailleurs vanté sa politique auprès de ses interlocuteurs équato-guinéens, au premier rang desquels le chef de l’État. Un accord de coopération a même été envisagé sur cette question. DEUX POIDS, DEUX MESURES ?
La France pourrait ainsi aider Malabo à améliorer ses équipements de contrôle des frontières, à former l’ensemble des personnels douaniers et à renforcer son arsenal juridique sur l’immigration – qui reposerait sur des accords de gestion des flux migratoires avec les pays voisins. La Guinée équa-
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toriale deviendrait l’un des rares pays à inaugurer ce modèle sur le continent, au risque d’être accusée de ne pas jouer « la solidarité africaine ». « Il ne s’agit pas de fermer notre porte, mais de limiter le nombre d’étrangers, dont certains pénètrent sur notre sol sans autorisation, explique-t-on au ministère de l’Intérieur. Notre pays attire de plus en plus par sa richesse. Nous sommes à quelques
encablures d’une ville comme Douala, qui compte 2 millions d’habitants, et d’un pays comme le Nigeria, qui en compte 150 millions. Imaginez ce que l’ouverture totale de nos frontières aurait comme effet pour un petit pays comme le nôtre… » Alors que les ressortissants américains n’ont pas besoin de visa et que l’application de cette mesure est à l’étude pour les Chinois, c’est bien à
l’immigration africaine que s’adresse cette politique. La raison est simple : profitant de la singularité géographique du pays, qui rend le contrôle aux frontières complexe, une bonne partie des ressortissants originaires du continent seraient arrivés clandestinement, sans visa ni permis de travail. Or cet afflux provoque la résurgence de réflexes xénophobes au sein de la population. « Les immigrés occupent le marché du travail et l’économie informelle, et les Équato-Guinéens vivent cela comme une menace », explique un observateur. Le braquage de deux banques locales à la fin de 2007, attribué à des Camerounais, n’a rien arrangé. Pour éviter d’en arriver aux expulsions manu militari, telles que la Guinée équatoriale en a connu dans son histoire, certaines décisions se veulent dissuasives et privilégient les autochtones. En 2007, le gouvernement a interdit aux Ouest-Africains de devenir propriétaires d’épiceries, et, dans tout le pays, les magasins de Maliens ou de Sénégalais ont été fermés ou repris par l’État. ■
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Les ports africains en manque de liquidités TRAFIC FREINÉ PAR LA CRISE, REVENUS DES OPÉRATEURS
PRIVÉS EN BERNE : LE FINANCEMENT DES GRANDS CHANTIERS
EST MENACÉ. IL RESTE
7 MILLIARDS DE DOLLARS À TROUVER POUR BOUCLER LES ONZE PROJETS LES PLUS IMPORTANTS. FRÉDÉRIC MAURY
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nue conjointement par l’émirati DP World et le Port de Djibouti. Avec une capacité de 1,2 million de conteneurs EVP (équivalent vingt pieds, l’unité de mesure des conteneurs) et 18 mètres de tirant d’eau, le port sera à la fois l’un des plus importants d’Afrique mais aussi l’un des rares capable d’accueillir
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e 15 décembre 2008 marquera pour longtemps Jérôme Oliveira. Le patron de DP World à Djibouti a en effet inauguré ce jour-là le nouveau port de Doraleh, un site développé depuis deux ans pour 400 millions de dollars par Doraleh Container Terminal, une société déte-
les porte-conteneurs géants qui arrivent peu à peu sur les mers du globe. Environ un an après l’inauguration de la première tranche du port de Tanger Med, c’est une nouvelle étape qui est franchie sur le continent africain. Depuis quelques années, les mégaprojets de création ou de modernisation portuaires y ont fleuri (voir encadré et carte page suivante). Mais pour que tous ces projets voient le jour, il faudrait mobiliser au moins 7 milliards de dollars, selon les calculs de Jeune Afrique. Sur les onze plus importants chantiers réalisés, en cours de construction ou annoncés, seul le tour de table financier de Doraleh est bouclé. Et pour les autres… Ce qui paraissait acquis hier l’est beaucoup moins aujourd’hui. Loin de l’Afrique, à Londres, les honorables membres du Baltic Exchange, la place de marché de référence du transport maritime mondial, sombrent en effet dans la dépression. Tous les indicateurs ont viré au rouge. L’indice de premier choix de
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ONZE PROJETS, 7 MILLIARDS DE DOLLARS
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ENFIDHA (Tunisie) Port en eau profonde en trois phases, d’ici à 2027 1,8 milliard de dollars à déterminer Tanger Med II 775 millions de dollars APM/Akwa, PAS/Marsa/SNI
DJEN-DJEN (Algérie) Réalisation d’un terminal à conteneurs 390 millions de dollars DP World
DAMIETTE (Égypte) Augmentation de la capacité 1 milliard de dollars KGL Ports International
DAKAR (Sénégal) Port du futur 490 millions de dollars DP World
ABIDJAN (Côte d’Ivoire)
LOMÉ (Togo) Extension portuaire et construction d’un nouveau terminal à conteneurs 325 millions de dollars MSC/Getma
Terminal à conteneurs sur l’île Boulay 200 millions de dollars Pierre Fakhoury Operator
São Tomé e Príncipe Port en eau profonde d’ici à 2016 400 millions de dollars Terminal Link (CMA-CGM)
POINTE-NOIRE (Congo-B.)
DORALEH (Djibouti) Nouveau port 400 millions de dollars DP World
NQURA (Afrique du Sud) Création d’un terminal à conteneurs 1 milliard de dollars à déterminer
Modernisation, terminal à conteneurs, création d’une zone logistique 120 millions de dollars Bolloré ▲ ▲ ▲
l’activité future du secteur maritime, le Baltic Dry Index, qui définit le prix du transport de vrac sec (minerais, charbon, céréales), a dévissé de 93 % en quatre mois. Le prix pour affréter un navire « capesize » (d’une taille telle qu’il ne peut emprunter les canaux de Suez ou de Panamá) de 150000 tonnes a été divisé par cent en l’espace d’un semestre. Du côté du trafic de conteneurs, l’évolution récente n’est guère plus réjouissante : les principales routes mondiales, Asie-Amérique et Asie-Europe, ont vu leur croissance fortement ralentir en 2008. La surcapacité annoncée du secteur, renforcée par l’arrivée prochaine de porte-conteneurs géants de plus de 12 000 boîtes, a déjà provoqué l’annulation de plusieurs commandes de premier ordre. TANGER EN PREMIÈRE LIGNE
En Méditerranée, les principaux ports du Nord, Marseille, Gênes et Barcelone, ont déjà senti le vent tourner. Au Sud, la donne est encore différente, et Tanger a démarré sa première année d’activité sur les chapeaux de roue. Mais APM Terminals Tangier (Maersk), l’opérateur du terminal, reconnaît « une légère baisse en octobre mais un pic d’activité début décembre. » Et demain ? « Le ralentissement est certain car ce port se consacre aux transbordements, une activité directement impactée par la crise économique mondiale. Il est, avec d’autres,
en première ligne », explique Bernard Dreyer, courtier maritime. Au-delà du Sahara, les premiers courants contraires commencent à se faire sentir. « Les volumes sont à peu près stables, voire en légère progression. Mais on sent une petite diminution du nombre d’escales », souligne Olivier de Noray, directeur ports et terminaux de Bolloré Africa Logistics. Rien de bien rassurant pour le continent, où la plupart des projets portuaires pourraient être retardés. « Ce sont les deux ou trois premiers qui se matérialiseront qui auront la meilleure chance de réussir sur le plan économique », soulignait déjà, bien avant la crise actuelle, Alain Wils, l’un des dirigeants du groupe maritime français CMA-CGM. Principal enjeu pour ces ports : les finances. La plupart des grands projets reposent sur l’association du public et du privé, le premier finançant les digues et les quais, le second ne prenant en charge que les revêtements et les matériels comme les grues ou les portiques et payant, en complément, une redevance à l’État. Cherchant parfois de l’argent auprès des épargnants, comme l’avait fait le port de Dakar il y a quelques années en finançant l’extension de son terminal à conteneurs sur la Bourse régionale, les États ont jusqu’à présent été largement
SOURCE : JEUNE AFRIQUE
TANGER (Maroc)
soutenus par les grandes institutions internationales de développement. Avec la crise, l’équation sera plus complexe à résoudre. « Le ralentissement économique mondial aura un effet sur le financement des développements portuaires, explique un spécialiste du financement des infrastructures publiques, qui souhaite rester anonyme. La part payée par le public va croître car le privé, affecté par le ralentissement économique, n’aura plus la même capacité de financement. Fini les projets où le privé finance tout. » Exit donc les programmes comme ceux montés par la Tunisie, qui a voulu faire financer intégralement par le privé les investissements nécessaires au développement du port d’Enfidha, 1,4 milliard d’euros sur vingt ans. Huit groupes (DP World, HPC et Al-Mal Investment, SNC-Lavalin…) ont été présélectionnés pour la première phase (600 millions d’euros). Ils ont jusqu’au 25 décembre pour déposer leur offre. Mais Tunis serait déjà en train de revoir ses exigences pour instiller une dose de financement de l’État dans un projet qui, selon les experts, a sans doute trop tardé à être lancé. De la même façon, l’annonce faite cette année par CMA-CGM de financer intégralement les 400 millions de dollars du futur port en eau profonde de São Tomé pourrait faire long feu. Pris dans la tempête internationale, les opérateurs privés essuient déjà de sé-
Si Nouakchott et Dakar ont DP World comme opérateur, y a-t-il un conflit d’intérêts ? rieux revers financiers. DP World, malgré un profit semestriel doublé en 2008, a vu son titre sanctionné en Bourse. Un an après son introduction, le groupe de Dubaï a perdu 75 % de sa valeur boursière. CMA-CGM et AP Moller-Maersk, les principaux transporteurs maritimes desservant le continent, devraient voir leurs bénéfices fondre en raison de leurs implantations sur les grandes lignes du commerce mondial. Du coup, les doutes se multiplient sur l’avenir de certains développements. DP World arrivera-t-il à trouver, comme il l’a promis, les 770 millions d’euros nécessaires à ses projets pharaoniques pour le port de Dakar, dont il a décroché la concession en 2007, ainsi que dans les ports d’Alger et de Djen-Djen, dont l’État algérien
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BOLLORÉ À POINTE-NOIRE
Derrière ces enjeux se cache une question stratégique pour les États : peuvent-ils se fier aux opérateurs qu’ils choisissent ? Numéro deux mondial de la gestion portuaire et principal opérateur en Afrique, APM Terminals, filiale d’AP Moller-Maersk, a ainsi montré au cours des derniers mois un sens du dévouement limité: après avoir porté à
LES VINGT PREMIERS PORTS À CONTENEURS AFRICAINS
(en milliers de conteneurs EVP en 2007)
Port-Saïd (Égypte)
2 700 000
Durban (Afrique du Sud)
2 480 000
Damiette (Égypte)
894 000
Le Cap (Afrique du Sud)
764 000
Lagos (Nigeria)
750 000
Casablanca (Maroc)
705 000
Mombasa (Kenya)
585 000
Alger (Algérie)
530 000
Abidjan (Côte d’Ivoire)
509 000
Alexandrie (Égypte)
471 000
Tema (Ghana)
470 000
Luanda (Angola)
444 000
Sokhna (Égypte)
433 000
Dakar (Sénégal)
425 000
Port Elizabeth (Af. du Sud)
422 000
Port-Soudan (Soudan)
342 000
Maurice (Maurice)
323 000
Dar es-Salaam (Tanzanie)
339 857
Djibouti (Djibouti)
294 000
Lomé (Togo)
237 000
lui seul le port d’Algésiras, à la pointe sud de l’Espagne, il l’abandonne peu à peu en faveur de Tanger, juste de l’autre côté du détroit de Gibraltar, qu’il a aidé à développer et où les coûts de transbordement sont inférieurs. Un peu partout à travers le continent, le danois est devenu le chouchou des États : en quelques années, il a ouvert la première tranche du port de Tanger, modernisé le
SOURCE : ISEMAR, BOLLORÉ, JEUNE AFRIQUE
lui a confié la gestion depuis quelques mois ? Le groupe de Dubaï s’est développé depuis peu, mais très rapidement, sur la scène mondiale passant de quatre terminaux internationaux gérés avant 2004 à quarante-huit aujourd’hui. En Afrique, DP World était jusqu’à l’année dernière un acteur marginal, son seul projet sur la zone étant le développement du port de Doraleh, à Djibouti. Depuis, il a mis la main en quelques mois sur Dakar, Maputo, Sokhna (Égypte), Alger et Djen-Djen. L’offensive soulève des questions. En effet, lorsque DP World approche les autorités de Nouakchott, amené pourtant à être le principal concurrent de Dakar, ou quand il est préqualifié pour Enfidha, rival potentiel de Djen-Djen, et lorsqu’il vend partout et à tous la même stratégie de « mini-Dubaï », n’y a-t-il pas conflit d’intérêts? Pas pour Jérôme Oliveira, qui prend pour exemple les fortes positions de DP World à l’entrée sud du canal de Suez, où il règne sur les ports de Doraleh, de Sokhna, de Djeddah (Arabie saoudite) et d’Aden (Yémen) : « Au contraire, chaque port a sa position. Djibouti servira ainsi de port de transbordement vers le Moyen-Orient, l’Inde, l’Asie du Sud-Est tout en bénéficiant d’un marché intérieur de 75 millions de personnes, l’Éthiopie. »
terminal d’Apapa au Nigeria et s’apprête à faire de même à Luanda. L’autre leader des ports africains, Bolloré Africa Logistics, s’en sort moins bien. Allié à APM Terminals dans trois ports de premier plan, à Douala, à Vridi-Abidjan et à Tema au Ghana, il a perdu Dakar en faveur de DP World puis Conakry en faveur du français Getma. Ce dernier, allié au numéro deux mondial du transport en conteneurs MSC, a également été chargé par le Togo d’étendre la capacité du port de Lomé. Se consolant avec son entrée en zone anglophone, avec l’obtention de la concession du terminal de Tin Can à Lagos, Bolloré vient de prouver qu’il a toujours le sens des courants marins en remportant, le 10 décembre, la concession de Pointe-Noire, que lui disputaient notamment Getma et CMA-CGM. Ce dernier ne cache pas ses ambitions, même si elles restent pour l’instant infructueuses. Mais d’autres concurrents se profilent à l’horizon. On prête au chinois Cosco des désirs d’installation au Nigeria et dans le port de Nqura en Afrique du Sud. Enfin, les leaders mondiaux des opérations portuaires, HPH de Hong-Kong et PSA de Singapour, pourraient être poussés à s’engager sur un continent où ils sont encore très peu présents. De multiples opportunités s’y annoncent en effet : quelque 35 % des ports à conteneurs africains sont gérés par des opérateurs privés, selon le consultant britannique Drewry, alors que la proportion est de 75 % dans le monde. Certains des plus importants ports du continent actuellement gérés par l’État, dans toute l’Afrique du Sud mais aussi à Casablanca, à Mombasa ou à Port-Soudan, pourraient donc un jour être concédés. Pour le plus grand bonheur des privés. ■
MODERNISER OU CRÉER DE NOUVEAUX SITES ? SUR LE CONTINENT, les projets se classent en deux catégories: les modernisations et les créations. Dans le premier domaine, « la mise en concession a débuté il y a cinq ans, parce qu’il fallait faire des travaux et investir dans les terminaux à conteneurs », souligne Olivier de Noray, directeur ports et terminaux de Bolloré Africa Logistics. Au final, les mises en concession totales au profit d’un opérateur ou d’un seul groupement d’opérateurs seraient plus efficaces: cela a été fait à Douala, à Abidjan, à Luanda, à Dakar ainsi que, plus récemment, à Conakry, San Pedro ou encore Pointe-Noire, l’un des projets les plus prometteurs du continent en raison de l’important tirant d’eau du site. Parallèlement, les initiatives les plus coûteuses portent sur la création de nou-
veaux ports. À part Tanger Med, aucun des nombreux programmes envisagés n’a pour le moment abouti. La plus grande incertitude règne sur la manière dont DP World financera les 335 millions d’euros nécessaires au Port du futur de Dakar. Les projets de création à São Tomé, à Kribi au Cameroun, de Mayumba au Gabon ou de Seme Podji, à l’est de Cotonou, au Bénin, sont encore dans les cartons. Pour les spécialistes, les seules créations qui iront à terme seront celles qui répondent au moins à deux des trois critères suivants: un site idéal, une stratégie d’opérateurs maritimes et l’existence d’un potentiel économique fulgurant. À ce titre, le projet d’un nouveau port à côté de Luanda, en Angola, a de sérieuF.M. ses chances de se concrétiser. ■
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80 L A S E M A I N E D ’ EC O F I N A N C E
FINANCES PUBLIQUES
UNE ÉMISSION DE BONS DU TRÉSOR et un emprunt obligataire, en juillet, qui avaient seulement permis de lever 75 milliards de F CFA (114 millions d’euros), contre les 100 milliards espérés; des démarches infructueuses auprès de banques d’affaires américaines pour obtenir des liquidités, selon un financier; et des fins de mois difficiles… L’affaire devenait compliquée pour Dakar, placé dans l’obligation de corriger des « dérapages budgétaires sérieux », selon le Fonds monétaire international (FMI). Après avoir été sollicitée, la France a annoncé, le 10 décembre, le versement d’un prêt de 125 millions d’euros (82 milliards de F CFA), soit l’équivalent de l’aide au développement qu’elle avait versée au pays en 2007. Il s’agirait d’un prêt concessionnel, de 1 % à 2 % d’intérêt, opéré par l’Agence française de développement (AFD) et qui doit être validé par le FMI le 19 décembre. L’ampleur du geste est à la mesure de l’urgence de la situation.
La lutte contre la vie chère a coûté 172 milliards de F CFA à l’État.
Après un audit de la dette intérieure entamé en août dernier, les arriérés auprès du secteur privé ont été officiellement évalués à 174 milliards de F CFA.
GEORGES GOBET/AFP
Prêt dʼurgence de 125 millions dʼeuros de la France au Sénégal Plus grave, des dépenses hors budget ont été engagées par des administrations peu regardantes. Montant de la facture, autour de 103 milliards de F CFA. Le tout ramené à un budget de l’État avoisinant les 1600 milliards de F CFA, cela dénote « des faiblesses dans la gestion des finances publiques », commente un fonctionnaire international. Les autorités sénégalaises invoquent, elles, « les chocs exogènes » – crise de la vie chère et flambée des prix du pétrole. « Les subventions dans les secteurs alimentaires et énergétiques ont coûté 172 milliards de F CFA entre juin 2007 et août 2008 », détaille un proche du dossier. Au total, les subventions versées depuis 2006 s’élèvent à 234 milliards de F CFA. « Le geste de la France est une bonne nouvelle », conclut-il. Et d’assurer, « le Sénégal a vu sa dette extérieure ramenée de 44 % en 2004 à 20 % du PIB en 2008, il peut donc rembourser ». À condition qu’il ne s’agisse que d’une PHILIPPE PERDRIX passe difficile. ■
EN BREF DET TE ALLÈGEMENT POUR LE CONGO Le Club de Paris a accordé une remise immédiate de 643 millions de dollars et un rééchelonnement de 119 millions de dollars à la République du Congo. De son côté, le gouvernement s’est engagé à affecter ces sommes à la réduction de la pauvreté. La dette du pays à l’égard du Club de Paris était estimée, avant ce geste, à plus de 3,4 milliards de dollars.
TUNISIE RECORD DE TOURISTES Selon l’Office national du tourisme tunisien, le pays a accueilli 6,6 millions de visiteurs au cours des onze premiers mois de l’année, en hausse de 3,7 % sur un an. En 2008, le cap des 7 millions de touristes devrait être atteint avec une hausse de 8 % des recettes. Le secteur a généré un chiffre d’affaires de 3 milliards de DT (1,7 milliard d’euros) en 2007.
ALGÉRIE ARRIVÉE DE PWC PricewaterhouseCoopers (PwC), cabinet international d’audit et de conseil juridique et fiscal, ouvrira un bureau à Alger vers la mi-décembre. Il devrait compter une trentaine de salariés d’ici à la fin de 2009 et s’appuiera sur le cabinet Samir Hamouda, son intermédiaire actuel en Algérie. Après le Maroc et la Tunisie, PwC complète son dispositif au Maghreb.
INTEL FABRICATION EN ÉGYPTE L’américain Intel et l’égyptien Boraq for Electronics ont signé un accord de partenariat le 8 décembre 2008 sous l’égide de l’agence gouvernementale égyptienne ITIDA (Information Technology Industry Development Agency). À partir du second semestre 2009, Boraq assemblera les cartes mères d’Intel, dont 85 % seront exportées vers les marchés africains.
INVESTISSEMENT TRAVANT AU CAPITAL DE DORMAN LONG Le fonds Travant prend 25 % du capital de Dorman Long. Spécialisé dans les constructions métalliques pour l’industrie pétrolière, ce fonds nigérian veut multiplier par dix en quatre ans son chiffre d’affaires (25 millions de dollars en 2007). Basé à Douala et à Lagos, Travant gère 300 millions de dollars, dont 80 % levés localement.
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L A S E M A I N E D ’ EC O F I N A N C E 81
Ecobank et Nedbank sʼallient sur le terrain PARTENARIAT
ECOBANK ET NEDBANK, le quatrième groupe bancaire sud-africain, ont annoncé une alliance stratégique permettant à leurs clients d’accéder aux services qu’ils proposent dans 30 pays et plus de 1000 bureaux et agences. L’alliance des deux réseaux, baptisée « One Bank », ne s’accompagne pour l’instant d’aucun rapprochement capitalistique mais implique la mise en place d’un comité réunissant les responsables des deux groupes. Avec 70 milliards de dollars de total de bilan, Nedbank, qui n’était présent que dans six pays d’Afrique australe, prend pied d’un coup dans 24 autres pays, dont le Nigeria. Quant à Ecobank, cette alliance lui permet d’offrir à ses clients des services bancaires en Afrique australe, notamment en Afrique du Sud.
Envol dʼAsky en janvier AÉRIEN
AVEC PLUSIEURS MOIS DE RETARD sur le calendrier initial, African Sky (Asky), la nouvelle compagnie aérienne africaine basée à Lomé, au Togo, a annoncé le lancement de ses activités au cours du premier trimestre de 2009. Selon son directeur, Gervais K. Djondo, la compagnie a pris le temps qu’il a fallu « pour ne pas tomber dans les mêmes travers que les précédentes compagnies transnationales sur le continent ». Après les incertitudes de départ, Ethiopian Airlines sera le partenaire de référence de cette nouvelle compagnie au capital de 120 millions de dollars, dont les actionnaires majoritaires sont les groupes Ecobank, la Banque ouest-africaine de développement (BOAD) ainsi que la Banque d’investissement et de développement de la Cedeao (BIDC).
Rachat dʼune banque au Luxembourg LIBYE
MALGRÉ DES NÉGOCIATIONS HOULEUSES, la Kaupthing Bank Luxembourg serait en passe d’être rachetée pour 1 euro symbolique par un groupe d’investisseurs composé de cinq fonds d’investissement et de banques et emmené par le fonds public Libyan Invest-
ment Authority (LIA). Les futurs propriétaires seraient prêts à apporter 179 millions d’euros dans cette filiale de la banque islandaise Kaupthing, en cessation de paiement depuis le 9 octobre. De son côté, le gouvernement luxembourgeois pourrait injecter 600 millions d’euros dans la banque pour qu’elle rembourse les épargnants qui le souhaiteraient. Pour remporter la mise, le LIA doit obtenir le feu vert des deux administrateurs provisoires, des gouvernements islandais, luxembourgeois et belge et du conseil d’administration de la banque luxembourgeoise.
LA BAD remplace Rio Tinto en Guinée? BAUXITE
LA BANQUE AFRICAINE DE DÉVELOPPEMENT (BAD) a annoncé le 11 décembre qu’elle accordera à la Guinée un prêt de 200 millions de dollars pour le financement d’un projet d’exploitation et de raffinage de bauxite, un investissement de 6,3 milliards de dollars. La BAD s’est aussi engagée à mobiliser 150 millions dans le cadre du nouvel instrument financier « Partenariat pour le financement africain » et à soutenir le pays pour obtenir un prêt de 100 millions de dollars auprès de banques. La BAD combleraitelle la défaillance de Rio Tinto ? La veille, le 10 décembre, le groupe, qui va supprimer 14000 emplois dans le monde, a précisé qu’il réduirait son investissement de 6 milliards de dollars en Guinée pour l’exploitation d’une mine de fer prévue en 2013.
Premier fonds carbone MAROC
LANCÉ À L’INITIATIVE DU GROUPE marocain CDG, de la Caisse française des dépôts et consignations et de la BEI, le Fonds capital carbone Maroc (FCCM) veut promouvoir les projets dans les secteurs des énergies renouvelables. D’une taille cible d’environ 26,5 millions d’euros, le FCCM sera géré par Accès Capital Atlantique, filiale de la CDG. Dans ce but, le Maroc peut s’appuyer sur son potentiel de production d’énergie éolienne (4000 heures de fonctionnement par an), proche du niveau du Brésil. Les autorités marocaines veulent couvrir 13 % des besoins du pays à l’horizon 2012, grâce à une capacité installée de 1300 MW. Des industriels comme Lafarge Maroc et bientôt Ynna Holding, dans le BTP, alimentent leurs cimenteries grâce à l’éolien.
AGENDA
27-29 JANVIER
Abuja, NIGERIA
PÉTROLE OFFSHORE Offshore West Africa, salon de l’exploration et l’exploitation offshore en Afrique de l’Ouest. www.offshorewestafrica. com
28-31 JANVIER
Hassi Messaoud, ALGÉRIE
PÉTROLE Sihgaz 2009, Salon international des hydrocarbures et du gaz. www.sihgaz2009.com
31 JANVIER
Paris, FRANCE
MBA Access MBA 2009, une journée pour rencontrer une centaine de business-schools. www.accessmba.com
4-6 FÉVRIER
Berlin, ALLEMAGNE
MARKETING Fruit Logistica, salon international du marketing des fruits et légumes. www.fruitlogistica.com
5-6 FÉVRIER Paris, FRANCE
INVESTIR AU MAGHREB 8e édition de la Convention France-Maghreb. www.cjdim.com
8-10 FÉVRIER
Dubaï, ÉMIRATS
ÉNERGIES Middle East Electricity 2009, consacré à l’eau, l’électricité et les énergies renouvelables. www.middleeastelectricity. com/meedev/
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PORTRAIT
TIPHAINE SAINT CRIQ
Willy Ontsia Un jeune loup dans la guerre des Bourses
LE DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA BVMAC DE LIBREVILLE VISE 20 SOCIÉTÉS COTÉES EN 2013… N’EN DÉPLAISE AU DOUALA STOCK E XCHANGE. IL LUI RESTE À OBTENIR LES MOYENS DE SES AMBITIONS.
L
orsqu’il reçoit dans son grand le Douala Stock Exchange, le 24 avril bureau de la place de l’In2004. dépendance à Libreville, le Lorsque Willy Ontsia évoque le sujet, jeune directeur général de la il parle avec la prudence de celui qui Bourse des valeurs mobilières d’Afrimarche sur des œufs. Il est beaucoup que centrale (BVMAC) n’a rien de ce plus à l’aise lorsqu’il est question de la que la presse régionale dit de lui, qui le réussite de l’emprunt obligataire émis décrit comme l’un des propar l’État du Gabon à la tagonistes de la « guerre BIO EXPRESS BVMAC, première opédes Bourses » dont elle ration confiée à la toute rapporte les péripéties. 1999 Analyste jeune place boursière. Elle Avec sa voix posée et son financier à la Bicig a permis de lever 81,5 milcostume de bonne coupe, liards de F CFA (124 milWilly Ontsia, 35 ans, fait 2000 Auditeur interne lions d’euros). En moins plutôt penser à un haut et contrôleur financier d’un semestre d’existence, fonctionnaire sans hisà la BGFI le résultat n’est pas si mautoire. Les deux images vais. Mais le vrai défi est sont trompeuses. Depuis 2005 Directeur général d’attirer les entreprises de son lancement, le 13 août de BGFI Bourse, la sous-région. 2008, la BVMAC essaie administrateur « Ce ne sera pas simple, de prendre pied dans un de la BVMAC car en Afrique centrale les contexte sous-régional sociétés privées sont le plus délicat. Le Cameroun a 2008 Le 14 juillet: souvent familiales et ne devancé les autres pays directeur général s’ouvrent pas facilement. » de la Cemac en lançant de la BVMAC Le Douala Stock Exchange
ne compte d’ailleurs que trois sociétés, dont la dernière, la Société camerounaise des palmeraies (Socapalm), est cotée depuis avril. Pas de quoi décourager notre ancien boursier de l’État gabonais, formé en droit bancaire et financier à Paris II-Panthéon-Assas. De retour au pays à 26 ans, il fait ses classes à la Banque internationale pour le commerce et l’industrie (Bicig) avant de rejoindre BGFI en 2000 comme auditeur interne. Nommé plus tard directeur de la filiale BGFI Bourse, il va alors piloter le projet de Bourse régionale pour le compte de BGFI, qui représente 60 % du tour de table. Les autres actionnaires sont des banques ou sociétés d’assurances privées de quatre autres pays d’Afrique centrale. « UNE FUSION INÉLUCTABLE »
Porté à la tête de la BVMAC à la suite du départ du Centrafricain Yvon Psimhis le 14 juillet 2008, Willy Ontsia doit désormais faire mentir les pessimistes qui prédisent à la BVMAC un destin d’usine à gaz. Sans se démonter, il expose son plan de développement à cinq ans. La Bourse escompte deux sociétés cotées en 2009, 14 en 2012 et 20 en 2013. « Avec 20 sociétés, nous prévoyons 642 milliards de F CFA de capitalisation boursière », affirme-t-il. À comparer aux 3 500 milliards de F CFA de la BRVM d’Abidjan pour plus de 30 sociétés cotées. « S’il veut réussir, il doit d’urgence obtenir une fiscalité favorable aux sociétés cotées, note un analyste financier ouest-africain qui préfère rester anonyme. C’est le seul moyen d’imposer Libreville sur un marché aussi étroit. » Willy Ontsia est pour sa part convaincu qu’à terme « la fusion entre les deux places financières est inéluctable. Si cela se produisait, je suis prêt à m’effacer pour laisser la place. » En attendant, il va installer d’ici à mars 2009 une antenne de la BVMAC à Douala, décision que nombre d’observateurs qualifient de nouvel assaut dans la guerre des Bourses en Afrique centrale. ■ GEORGES DOUGUELI
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ECOFINANCE 83 saoudite, d’une capacité de 700 000 tonnes par an. « D’ici à 2010 nous en attribuerons autour de 5 000 tonnes pour le Maroc, et qui couvriront la totalité des besoins du pays », explique Mohamed Demnati, consultant pour Sumika.
Le constructeur vise une production locale à 80 %, équipements compris.
AUTOMOBILE
Le pari industriel de Tanger prend forme A LORS QUE LES TRAVAUX DE L’USINE R ENAULT-NISSAN AU M AROC N’ONT PAS ENCORE DÉMARRÉ, LES ANNONCES D’IMPLANTATIONS D’ÉQUIPEMENTIERS SE SUCCÈDENT.
D
e la cr ise mondia le qui secoue le secteur automobile, il fait à peine mention. Emmanuel d’Arfeuille, responsable d’activité de la société française Faar Industry, est affirmatif : sa société ouvrira, début 2009, un bureau d’études à Tanger ou à Casablanca. « C’est la question des ressources humaines qui nous fait hésiter entre les deux », explique le responsable de cette entreprise spécialisée dans les systèmes électroniques de contrôle embarqués. Car, comme de plus en plus d’entreprises, elle est attirée par la volonté affichée du groupe RenaultNissan de voir se développer sur le territoire marocain des activités de recherche et développement, dans la perspective du démarrage de son futur site de production de 200000 véhicules à l’horizon 2010 (400 000 en 2013). De son côté, CIS Optim’AXES, PME française spécialisée dans la robotique, qui s’est déjà investie aux côtés de Renault en Roumanie, regarde le marché marocain très sérieusement, à l’instar du fabricant de pneumatiques Hutchinson. Attrait identique pour le groupe Sumika Polymer Compounds,
détenu majoritairement par Sumitomo, le numéro deux du secteur pétrochimique au Japon. En partenariat avec Sodevic, une société locale de fabrication de caoutchouc, basée à Salé, dans la banlieue nord de Rabat, le groupe Sumika vise l’approvisionnement en polymères de l’ensemble des fournisseurs du constructeur travaillant dans l’injection plastique. Dans ce but, Sumitomo doit démarrer, en 2009, une nouvelle usine de polypropylène en Arabie
ABDELHAK SENNA/AFP
PRODUIRE POUR TOUT LE GROUPE
Recherche et développement, transformation du plastique et du caoutchouc, robotique, pneumatique, mais également emboutissage, fonderie, fabrication de phares, les besoins de la future usine de Tanger, dont la construction devrait démarrer au premier semestre 2009, sont colossaux. Et si la crise frappe les esprits – Renault a annoncé la baisse de 25 % de sa production au quatrième trimestre et des suppressions d’emplois massives –, aucun développement ne semble actuellement remis en question au Maroc. Bien au contraire. Dans la perspective du démarrage de la production à l’horizon 2010, le constructeur français entend accompagner l’implantation de ses fournisseurs, dans la zone franche de Tanger, Tanger Med, où leur sont réservés 60 hectares pour leur installation. « Renault a décidé de mettre en place une liste de fournisseurs préférés, qui seront aidés, en particulier, pour leur mise à niveau », indique Jean-Claude Loffi, le directeur achats Renault Maroc. Objectif : atteindre un taux d’intégration local de 50 % pour les pièces automobiles, et de 80 % à terme. « Nos fournisseurs devront avoir la capacité de produire pour Renault et Nissan au Maroc, mais aussi pour tout le groupe Renault dans le monde entier », souligne Jean-Claude Loffi. Une chance à saisir pour le Maroc. ■
PASSAGE À VIDE DANS LA ZONE FRANCHE SI LES INVESTISSEMENTS sont maintenus pour le port de Tanger Med, la crise se fait sentir dans la zone industrielle. « Depuis quatre mois, la zone franche connaît une baisse d’activité », confirme Abdelilah Elmansar, responsable des relations internationales et institutionnelles de l’Agence spéciale Tanger Méditerranée (TMSA). Certains opérateurs parlent d’un repli de 15 % à 20 %. Les plus affectées sont les entreprises les plus liées aux Européens. En raison des difficultés d’Opel, l’américain Delphi a réduit partiellement sa production. Toutefois, l’avenir marocain dans l’automobile reste dégagé tant la diminution des coûts est devenue une obsession mondiale. « Il y a quelques années seulement, les achats hors pays développés représentaient 5 % seulement. L’objectif est de passer à plus de 35 % à l’horizon 2010 », explique Frédéric Motte, le responsable C.M. des achats internationaux chez PSA Peugeot Citroën. ■
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CONJONCTURE
Le rebond africain attendu dès 2010 des exportations mondiales. Ce qui ne s’était pas produit depuis 1982. De fait, les exportations africaines, qui avaient connu de belles progressions ces dernières années, avec des hausses respectives de 5,4 % et de 5,9 % en volume en 2007 et 2008, ne s’accroîtront que de 4,5 % l’an prochain. Les économies du continent seront également confrontées à l’évolution des cours des matières premières. Selon la BM, leurs prix, qui ont fortement chuté au cours du second semestre 2008, devraient encore baisser de 20 %. Ils resteront malgré tout à des niveaux supérieurs de 50 % par rapport à ceux pratiqués en 2000. Ce qui réduira les perspectives d’investissement dans les mines. « C’est une quasi-certitude, avance l’économiste en chef de la BM, la mise en œuvre de certains projets sera retardée. Tout dépendra du comportement du prix des métaux dans les mois à venir. »
« La forte inflation réduit de beaucoup la marge de manœuvre des pays africains. » ANDREW BURNS, économiste en chef de la Banque mondiale
UN BARIL À 75 DOLLARS
De leur côté, après une dégringolade de 16 % ces derniers mois, les prix des produits alimentaires devraient se stabiliser. Avec une productivité du monde agricole qui progresse de 2,1 % par an et une demande mondiale qui augmente annuellement de 1,5 %, la BM écarte tout spectre d’une crise aliUN GROS TROU D’AIR L’AN PROCHAIN Évolution du taux de croissance du PIB africain
5,4 %
2007
6,3 %
5,8 % 4,6 %
2008
2009
2010
SOURCE : BANQUE MONDIALE
P
our une fois… « L’Afrique souffrira du ralentissement économique, mais la décélération de son économie sera moins importante qu’ailleurs. Le continent n’a pas bénéficié du même flux de capitaux et de la même poussée des investissements que dans le reste du monde, notamment dans les pays émergents d’Asie et d’Amérique latine, il n’en subit donc pas les lourdes conséquences au moment de leur reflux brutal », justifie Andrew Burns, chef économiste à la Banque mondiale (BM). Il a piloté l’équipe qui a élaboré le rapport sur les Perspectives pour l’économie mondiale en 2009, présenté le 8 décembre à Paris. Si la récession économique, conséquence de la crise financière, se propage à l’ensemble de la planète, les effets en seront inégalement ressentis. Les pays riches se débattront dans une croissance molle de 0,1 % en moyenne l’année prochaine (- 0,3 % pour les pays de l’OCDE). « C’est la plus forte chute de croissance de ces trente dernières années », note-t-il. De leur côté, les pays émergents, après un taux de croissance soutenu de 7,9 % en moyenne en 2008, connaîtront une baisse de régime l’an prochain avec une hausse de « seulement » 4,5 % de leur PIB. L’Afrique tirera plutôt bien son épingle du jeu avec une croissance moyenne en progression de 4,9 % en 2009. « Je trouve la Banque mondiale un peu trop optimiste dans ses prévisions », juge Philippe Chalmin, professeur d’économie à Paris-Dauphine et auteur du rapport Cyclope sur les matières premières. Mais après leur troisième crise d’affilée, à la suite des chocs alimentaires et énergétiques, les pays africains devront jouer de prudence pour se sortir des turbulences économiques à venir et faire face à la chute de la demande mondiale qui se traduira par une baisse de 2,5 %
WORLD BANQUE
AVEC UNE « PETITE » CROISSANCE DE 4,6 % EN 2009, LE CONTINENT RENOUERAIT AVEC UNE PROGRESSION DU PIB PROCHE DE 6 % DÈS 2010. UN SCÉNARIO TROP OPTIMISTE ?
mentaire et soutient les pays africains dans leur volonté de restaurer les politiques agricoles. Seul bémol : les pays africains où la population augmente le plus vite dépendront de plus en plus des importations de produits alimentaires. « Ce scénario ne tient pas la route. On ne peut pas dire qu’il n’y aura pas de problème alimentaire en 2009. Moi, je suis convaincu du contraire, soutient Philippe Chalmin. Ne serait-ce que parce que les bonnes terres cultivables sont perdues au profit de la croissance urbaine. Il y a une nécessité à réhabiliter les politiques agricoles dans les pays émergents. » Quant au pétrole, il devrait se situer à 75 dollars le baril dans les prochaines années, selon la BM. « Un baril à ce prix d’équilibre serait raisonnable, mais sommes-nous raisonnables ? » lance Philippe Chalmin. Il est vrai qu’un baril à 75 dollars satisferait aussi bien l’offre que la demande. « Un baril à ce niveau procure suffisamment de rente aux pays producteurs africains pour qu’ils investissent dans des capacités de production, et cela ne « tuera » pas la demande. Pour les pays importateurs, la baisse du prix des commodities, pétrole compris, lèvera les tensions inflationnistes et leur redonnera un peu de marge de manœuvre », analyse Andrew Burns. Toutefois, si les prix baissent depuis quelques mois, les pays émergents
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ECOFINANCE 85 connaissent toujours de fortes inflations, entre 4 % à 12 %, avec des pointes à 17 % et 18 % en Afrique. Ce qui réduit la marge de manœuvre des autorités fiscales avec des balances de comptes courants qui sont dans le rouge de 10 % pour un tiers des pays du continent. Les gouvernements doivent rester vigilants. « Si un problème apparaît dans leur système bancaire, ils ne devront pas hésiter à adopter des mesures comme l’on fait les pays industrialisés, ni à demander le soutien d’institutions comme le FMI car le coût de la crise financière est énorme », note-t-il. Autre conseil : les pays devront chercher, en fonction de leurs moyens, à mener des politiques fiscales volontaires. « Il ne faudra surtout pas qu’ils annulent les investissements qu’ils ont programmés dans les infrastructures, l’éducation et la santé, car ils sont producteurs de croissance à long terme », précise Andrew Burns. D’après la BM, les États, comme les entreprises africaines d’ailleurs, trouveront les sources de financement à leurs projets. Mais à quel prix ? Le crédit devrait être quatre fois plus cher. Les entreprises les plus fragiles, endettées, seront dans des situations très difficiles. Il faut s’attendre à des faillites.
Maintenir les investissements dans les infrastructures, l’éducation et la santé. Mais la BM se veut optimiste (trop ?) pour l’avenir. « D’année en année, nous sommes à chaque fois étonnés par les bonnes performances de l’Afrique. Il y a une généralisation de la performance, peu de pays ont de mauvais résultats. C’est le grand changement intervenu depuis les années 1990 ou seulement quelques locomotives tiraient la croissance du continent. C’est ce qui nous fait croire que si les États mènent des politiques prudentes, ils retrouveront rapidement leur rythme de croissance des années passées », prédit Andrew Burns. ■ JEAN-MICHEL MEYER
COOPÉRATION
Pékin se renforce sur le continent LA CHINE RÉORIENTE LA PLUPART DE SES INVESTISSEMENTS SUR LE CONTINENT VERS LES INFRASTRUCTURES.
«
N
o s u si ne s tou r ne nt moins v ite et nos ac h at s de m at iè r e s premières, notamment africaines, vont baisser en attendant que l’économie mondiale se redresse », a expliqué le Dr He Wenping, directrice du Bureau des affaires africaines à l’Académie des sciences sociales de Chine à l’occasion d’une conférence organisée par l’Institut français des recherches internationales (Ifri), le 8 décembre à Paris. Mais cette « voix autorisée » s’est voulue rassurante en indiquant que « l’argent épargné devrait être transféré sur les projets d’infrastructures en Afrique » pour lesquels les investissements chinois sont passés de 1 milliard de dollars en 2001 à près de 6 milliards par an en moyenne pour les années 2006 et 2007. Un montant qui permet aujourd’hui à Pékin de revendiquer le rôle de premier partenaire du continent. « Nous estimons que les Africains sont maîtres de leur destin. Nous leur proposons une aide qui est débloquée très rapidement et qui n’est pas liée à des conditionnalités, comme celle des Occidentaux », ajoute Xu Weizhong, qui dirige le département africain à l’Institut des relations internationales contemporaines de Chine. UNE MAIN-D’ŒUVRE DOCILE
Ces investissements, qui jouent un rôle fondamental comme levier de croissance, sont réalisés par des grandes sociétés publiques comme la China Road and Bridge Corporation, la Chinese Overseas Engineering Corporation, la China National Electronics Import and Export Company. Et sont financés par les ressources de l’intarissable Banque (publique) de crédit à l’exportation (EximBank), qui accorde des taux préférentiels de 2 %. Entre 2000 et 2006, les groupes chinois ont construit plus de
6 000 km de routes, plus de 3 000 km de rails sur le continent et un nombre impressionnant de bâtiments administratifs, stades, écoles, hôpitaux et logements sociaux. Des chantiers très controversés, notamment parce qu’ils sont réalisés en grande partie par de la main-d’œuvre chinoise… « Nous entendons régulièrement cette critique, avoue He Wenping. Mais notre main-d’œuv re présente beaucoup d’avantages : une grande discipline, un labeur incroyable, un très faible
Entre 2000 et 2006, les Chinois ont construit plus de 6 000 km de routes. absentéisme et l’acception de conditions de vie précaires. Les ouvriers, qui font les trois-huit, partagent un même lit. » Une réflexion très pragmatique qui ne laisse guère de doutes sur le peu de cas fait des conditions sociales. Autre critique récurrente : l’importation des produits de construction. « C’est une nécessité, répond vigoureusement le chercheur. Le sac de ciment de 50 kg importé de Chine revient à 4 dollars, alors que lorsque nous l’achetons sur place il nous revient à 10 dollars. » Après l’Angola, le Gabon, le Congo, la République démocratique du Congo, la Chine négocie actuellement d’importants projets d’infrastructures avec le Nigeria, l’Égypte et la Tanzanie. D’après Pékin, le continent accuse un déficit d’investissement de 20 milliards de dollars par an dans le domaine des infrastructures. Un marché que l’empire du Milieu ne souhaite pas laisser aux autres… ■ PASCAL AIRAULT
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TÉLÉCOMS
Privatisations: dix ans de surenchère
EMMANUEL DAOU BAKARY
DIX FINALISTES EN COURSE POUR L’ACQUISITION DE 51 % DE L’OPÉRATEUR HISTORIQUE DU M ALI. UNE BATAILLE QUI SYMBOLISE À BIEN DES ÉGARDS L’ÉVOLUTION DU SECTEUR.
La Sotelma compte 750000 clients (fixe et mobile). Orange en a 2,6 millions.
A
u moins 200 milliards de F CFA, soit 300 millions d’euros (près de 6 % du PIB)… Tel est le montant que l’État malien attend de la vente de 51 % des parts de la Société des télécommunications du Mali (Sotelma). Le cahier des charges, qui propose une licence globale (fixe, mobile et Internet), avec la possibilité d’y adjoindre à terme une licence 3G (Internet à haut débit sans fil), a été définitivement adopté par le gouvernement malien le 12 décembre dernier. Dix finalistes ont été sélectionnés, dont sept opérateurs de renom : Maroc Télécom, le russe MTS (Mobile Telesystem), l’égyptien Orascom Telecom, Portugal Telecom, Sudatel, le britannique Vodafone et Zain (ex-Celtel). À elle seule, cette liste traduit l’évolution profonde des télécoms africaines. Il y a dix ans, les privatisations d’opérateurs publics n’intéressaient personne, ou presque. En 1997, France Télécom avait pris 51 % du capital de Côte d’Ivoire Télécom pour 210 millions de dollars, puis 33 % de Sonatel,
l’opérateur historique sénégalais, pour 90 millions. La même année, Ghana Telecom, Telkom, en Afrique du Sud, et Sotelgui, en Guinée, ouvraient leur capital à Malaysia Telecom pour des montants ne dépassant pas 50 millions de dollars. Le groupe de Malaisie ne s’est ensuite jamais occupé de ses filiales africaines, qui ont fini par couper les ponts. Il n’y a plus eu ensuite de
privatisations avant 2000, année marquée par la vente de 35 % du capital de Maroc Télécom pour le montant record de 2,2 milliards de dollars. L’opérateur marocain est le symbole d’une autre mutation : la montée en puissance des opérateurs africains, fussent-ils à capitaux européens. Ce n’est pas France Télécom qui s’est installé au Mali en 2002, mais la Sonatel, sa filiale sénégalaise. Elle réalise aujourd’hui 27 % de son chiffre d’affaires au Mali, où elle compte 2,6 millions d’abonnés, soit 80 % du marché. De la même façon, ce n’est pas Vivendi, mais Maroc Télécom qui s’est lancé dans une stratégie d’expansion vers le sud, dès 2001 en s’intéressant à Mauritel, en Mauritanie. Le marocain a ensuite pris le contrôle de l’Onatel, au Burkina, en décembre 2006, puis de Gabon Télécom, en février 2007. Il fait également figure de favori dans la course à la Sotelma. Face à lui, Celtel, né dans l’indifférence en 1998 en Ouganda, avant d’être racheté en 2005 pour 3,5 milliards de dollars par le koweïtien MTC, qui vient de prendre le nom Zain. Dernier africain en lice à Bamako, le soudanais Sudatel, qui poursuit depuis 2006 une méticuleuse stratégie d’expansion dans la sous-région, poussant ses pions en Mauritanie (Chinguitel) et au Sénégal (Expresso). Il pourrait créer la surprise, comme il l’a fait il y a un an au Sénégal, en misant 200 millions de dollars sur la troisième licence de téléphonie mobile du pays. Finalement, les autorités du Mali ont eu raison de privatiser très tardivement l’opérateur national : il pourrait leur rapporter gros ! ■ PIERRE-FRANÇOIS NAUDÉ
QUEL PRIX POUR LA SOTELMA ? LA PRIVATISATION DE L’OPÉRATEUR malien donne accès à un marché important où la concurrence est encore limitée. « Le Mali ne compte que deux opérateurs et 3 millions d’abonnés pour plus de 14 millions d’habitants », explique la ministre de la Communication et des Nouvelles Technologies, Diarra Mariam Flantié Diallo. Reste à savoir combien vaut ce « joyau ». « Vodafone n’a pas hésité à débourser 900 millions de dollars pour acheter 70 % de Ghana Telecom, rappelle Devine Kofiloto, consultant pour Teleplan. Mais celui qui remportera la Sotelma doit être conscient qu’il rachète une entreprise lourdement endettée. » La Sotelma affirme pour sa part que son déficit est passé de 12 milliards de F CFA en 2006 à moins de 3 milliards prévus en 2008, pour un chiffre d’affaires de 70 milliards, en hausse de 20 %. L’affaire sera bientôt conclue : « L’appel d’offres sera bouclé dans la semaine du 12 janvier », PATRICK SANDOULY affirme la ministre Diarra Mariam Flantié Diallo. ■ J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 0 1 • D U 14 A U 2 0 D É C E M B R E 2 0 0 8
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TECHNOLOGIE
Quand les PC jouent les prolongations L’AUTONOMIE EST L’UN DES TROIS AXES DE DÉVELOPPEMENT DU MARCHÉ DES ORDINATEURS PORTABLES. HP PROMET UNE JOURNÉE SANS RECHARGER LES BATTERIES. VOIRE .
L
es ventes d’ordinateurs portables ont pour la première fois dépassé celles des PC de bureau au troisième trimestre 2008 aux États-Unis, note le cabinet d’études de marché IDC, avec 55,2 % des ventes, soit 9,5 millions d’unités. Et, d’après l’institut iSuppli, les ventes de PC de bureau dans le monde vont reculer de 5 % en 2009 et celles de portables vont croître de 15 %. Sur ce marché prometteur, les constructeurs s’orientent dans trois directions principales. La plus récente est celle des mini-PC, aussi appelés netbooks ou ultraportables low cost, en raison de leur prix inférieur à 300 euros. Ces ordinateurs au format A5 et pesant environ 1 kilo ont le vent en poupe. Selon Gartner, leurs ventes en France ont bondi de 95 % au troisième trimestre 2008, à 259000 unités, pour représenter 15 % du marché des portables. IDC estime que les ventes dans le monde atteindront 30 millions d’unités en 2012, soit un chiffre d’affaires de 10 milliards de dollars. Deuxième segment, le marché des ordinateurs ultrafins et ultralégers, jadis appelés ultraportables avant que leur variante bon marché voie le jour. Il s’agit de machines haut de gamme dotées d’écrans géants et de processeurs performants, pour un poids et un encombrement minimaux. C’est le cas du MacBook Air d’Apple (à partir de 1 699 euros) d’une épaisseur de 0,4 à 1,94 cm. Le X360 de Samsung, équipé d’un écran de 13,3 pouces, ne pèse que 1,27 kg grâce à sa robe en alliage de
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HP EliteBook 6930p. 2 500 euros avec les options d’économie d’énergie.
magnésium. Le Lenovo ThinkPad X301, pour un poids similaire, intègre un graveur de DVD, tandis que Sony propose un Vaio poids plume doté d’un lecteur Blu-ray. Dernière catégorie, celle des portables conciliant légèreté, puissance et grande autonomie. Sur ce créneau, HP vient de lancer son EliteBook 6930p, équipé d’un écran de 14,1 pouces. Il
peut fonctionner pendant 24 heures sans être rechargé. Beaucoup plus que le Portégé R600 de Toshiba, équipé d’un écran de 12,1 pouces, pour un poids de 1,08 kg avec un graveur de DVD intégré, une épaisseur de 25,5 mm et une autonomie de 10 heures (voir tableau). Les technologies actuelles de batteries rechargeables ne permettent guère plus et, pour parvenir aux 24 heures d’autonomie promises, HP joue sur différentes astuces de personnalisation de l’ordinateur. Elles sont généralement assez coûteuses. La configuration de base à 1 254 euros peut ainsi recevoir une deuxième batterie facturée 214 euros et offrant 10 heures d’autonomie supplémentaire. HP propose aussi de remplacer Windows Vista, trop gourmand en énergie avec ses effets de transparence, par Windows XP. Même l’écran de 14,1 pouces peut être changé par un modèle utilisant un rétroéclairage plus économe, grâce à la technologie LED. Enfin, le disque dur mécanique est remplacé par une mémoire flash (500 euros), ce qui permet de diviser par trois la consommation d’électricité. Avec tous ces changements, le PC de HP revient à 2 500 euros et, à l’usage, on obtient une autonomie d’une journée… à condition de réduire de moitié la luminosité de l’écran, de ne pas trop solliciter le processeur et de renoncer aux connexions à Internet sans fil. ■ CLAUDE CADELU
DELL, MEILLEUR RAPPORT PRIX-AUTONOMIE HP EliteBook 6930P
Toshiba Portégé R600
Dell Latitude E6400
Autonomie
24 heures avec deux batteries
10 heures, une batterie
19 heures, deux batteries
Processeur
Intel Core 2 Duo 2,26 à 2,8 GHz
Intel Core Duo à 1,4 GHz
Intel Core 2 Duo à 2,53 GHz
Écran
14,1 pouces
12,1 pouces
14,1 pouces
Poids
2,1 kg
1,1 kg
2,4 kg
2 500 euros
1 665 euros
1 785 euros
Prix (en France)
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Musique Alors quʼil vient de fêter ses 75 ans, le saxophoniste franco-camerounais enchaîne albums, concerts et nouveaux projets. Il revient, pour Jeune Afrique, sur ses succès, ses procès pour plagiat, la Côte dʼIvoire... dans une humeur toujours aussi joyeuse. Interview.
MANU D
Propos recueillis à Paris par GEORGES DOUGUELI et FRÉDÉRIC LEJEAL
L
e 12 décembre, Manu Dibango fêtait ses 75 ans, dont une cinquantaine à servir la musique. En marge de cet anniversaire salué par un concert au Caveau de la Huchette, à Paris, le roi du makossa multiplie les projets. Après la sortie d’African Woodoo, une remarquable restitution de dix-sept morceaux afro-jazz des années 1970 tirés de ses archives personnelles, le saxophoniste franco-camerounais a écrit et mis en musique L’Enfant-Pirogue et l’Homme-Crocodile*, un conte pour enfant qu’il doit raconter lui-même sur scène, le 14 décembre, à Évry, en banlieue parisienne. L’auteur de Wakafrika continue de se produire avec son big band, Maraboutik, et devrait signer pour 2009 un CD-DVD avec l’ancien saxophoniste de James Brown, Maceo Parker, ainsi qu’un disque de ballades à partir des grands standards de Duke F.L. Ellington. Rencontre. ■
JEUNE AFRIQUE : Comment l’idée d’African Woodoo vous est-elle venue ? MANU DIBANGO : Par hasard. Il y a plein de bandes qui traînent chez moi et qui ne sont jamais sorties. Elles ont été enregistrées, lorsque je vivais aux États-Unis, avec des jazzmen comme Tony Williams et Cedar Walton. Ce sont des morceaux joués librement. Et non par un Africain de service à qui l’on dit ce qu’il a à faire. Il n’y a aucune contrainte de producteur. Le morceau « Groovy Flute » a même été repris par une publicité… Oui, pour les poulets de Bresse parce que ça fait tac-a-taca-tac-a-tac, le morceau caquette comme les poulets [rires]. La marque a demandé à pouvoir l’utiliser. Ça passait constamment à la radio.
«Quand on d Cet album se distingue nettement du précédent. C’est autre chose. Manu Dibango joue Sidney Bechet a été enregistré en hommage aux victimes du cyclone Katerina à La Nouvelle-Orléans, ville où j’ai joué avec ce grand musicien. C’était quand même le mec pour lequel les spectateurs ont mis sens dessus dessous l’Olympia dans les années 1950 ! Quelle époque ! Un contexte différent de la France que vous aviez connue quelques années plus tôt? Je suis arrivé en France à 15 ans, en 1949, pour faire mes études « dans la mère patrie », comme on disait. Ce pays, c’était vraiment du lourd ! [rires]. C’était la France J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 0 1 • D U 14 A U 2 0 D É C E M B R E 2 0 0 8
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U DIBANGO
JACQUES TORREGANO
Le saxophoniste, début décembre, à Paris.
n dit ivoirité, je rigole !» !» tranquille de Tino Rossi et de Mireille… Le « Gorille » de Brassens était censuré. J’irai cracher sur vos tombes de Vian était interdit. On le lisait sous la couette. Et votre père ne vous a guère encouragé à devenir musicien… Il me voyait fonctionnaire comme lui. Dès que je me suis mis à faire de la musique, quelques années plus tard, il m’a coupé les vivres. S’il avait été commerçant ou planteur, il aurait peutêtre toléré que son fils vire saltimbanque. Je me demande encore comment je me suis sorti de ce guêpier. Quel souvenir avez-vous de Kinshasa, où vous
avez vécu au début des années 1960 ? Extraordinaire. Joseph Kabasélé, avec qui j’avais enregistré à Bruxelles en compagnie de son African Jazz, m’a proposé d’aller à Kin. Je suis parti en 1961 pour un mois, j’y suis resté deux ans. Vous ne pouvez pas imaginer ce qu’était cette ville. C’était Rio ! J’ai appris toute la musique congolaise auprès de grands musiciens locaux. J’avais aussi la gérance de la boîte l’Afro-Negro. Kabasélé roulait en Cadillac et habitait une superbe villa à Limeté [quartier de Kinshasa, NDLR]. Puis vous retournez en France avant les États-Unis et la Côte d’Ivoire. À la fin des années 1960, j’ai entendu que Dick Rivers cher-
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90 LIRE, ÉCOUTER, VOIR chait des musiciens pour un énième come-back. Le groupe ne s’appelait pas les Lions indomptables mais les Lionceaux! Je jouais de l’orgue. Je suis resté avec lui six mois pour seulement deux concerts. Je n’ai jamais autant répété de ma vie. Puis j’ai rencontré Nino Ferrer, qui m’a embauché. Quelle image gardez-vous de lui ? Une belle image, mais c’était un torturé. Il détestait ce que les gens aimaient de lui. Y compris son tube « Le Sud ». Il l’avait écrit pour une fille qui n’a pas pu le chanter. Il faut dire qu’il fonctionnait un peu à l’africaine. Il évoluait avec les femmes comme dans les gammes [rires]. Alors il s’y est collé, mais il était désespéré chaque fois que le morceau était diffusé. Il a fini par se flinguer.
DISCOGRAPHIE SÉLECTIVE
1972 O Boso contient « Soul Makossa » et se vendra à plusieurs millions d’exemplaires 1974 Super Kumba (afro) 1976 Africadelic (afro)
la police nationale. Une phrase m’est venue, ça faisait: « Ma mako, ma masay, ma mama kossa ». C’était une blague, du slam ! Mais ça plaisait aux enfants. Ils riaient et dansaient autour de nous. Je l’ai mise en musique pour la huitième Coupe d’Afrique des nations. Cela ne devait pas être autrement. C’est comme l’heure de la vie et de la mort. Êtes-vous lassé de le jouer? Un tube vous colle à vie. Vous balancez entre amour et haine. Il faut le jouer différemment à chaque fois pour qu’il garde sa fraîcheur. Mais les gens viennent vous voir pour l’entendre. On ne peut pas les décevoir.
1979 Gone Clear (reggae) 1982 Waka Juju (afro) 1986 Afrijazzy (jazz) 1990 Polysonik (rap)
Où en êtes-vous des procès que vous avez engagés pour plagiat? J’ai gagné contre Jennifer Lopez. Et j’en ai encore plusieurs en cours dont un contre Rihanna. Alors elle, c’est pire, elle a crédité le morceau à Michael Jackson, mon propre plagiaire!
1989 et 1992 Négropolitaines, vol. 1 & 2 (afro) 1998 CubAfrica (afro-cubain)
Pourquoi ne pas avoir fait car2005 Kirikou (conte pour enfants) rière aux États-Unis? Le racisme posait-il un problème? 2008 African Pas du tout. D’autant que « Soul Woodoo (afro) N’est-ce pas difficile d’avoir Makossa » m’a rendu célèbre. Et chez Fremeaux intenté un procès à Michael lorsqu’on fait un tube aux États-Unis, Jackson, donc à son producon n’a plus de couleur ! Il se trouve qu’à teur, Quincy Jones, que vous cette époque, dans les années 1970, Houphouët-Boigny m’a admirez? proposé de venir à Abidjan pour me donner une « pâte à Il faut séparer les choses. Ces modeler ». Je devais diriger l’Orchestre de la Radiodiffusiongrands artistes américains sont Télévision ivoirienne (ORTI). Je n’avais rien à débourser, venus sous mes cocotiers pour seulement à composer. Et puis il y avait l’igname, le manioc reprendre ce morceau et j’en suis très fier. Après, c’est le et le soleil ! J’ai préféré l’Afrique plutôt qu’être un numéro de western ! Nous sommes tombés sur un arrangement. En plus aux États-Unis. France, on aime le mot « éthique », mais les Américains vous font toujours savoir qu’ils sont les rois du monde. L’ORTI était le premier orchestre panafricain. Il y avait des Sénégalais, des Ghanéens… J’accompagnais Êtes-vous le premier grand artiste de world tous les débutants comme Salif [Keïta, NDLR]. Maïga Bonmusic ? cana dirigeait le Centre national des arts. Nous étions deux Oui, 1,84 m ! [rires]. non-Ivoiriens à faire la politique culturelle de ce pays. Alors quand on dit « ivoirité », je rigole ! J’y suis resté trois ans. Je Ce terme vous gêne? me voyais comme le Quincy Jones africain. Après, les Alpha On utilise l’anglais pour ne pas dire musiques du monde. Blondy sont arrivés. C’est comme Black pour Noir. Je ne parle même pas de Nègre, terme que j’assume entièrement. Ces mots-là ont été tellement Le succès de « Soul Makossa » s’explique-t-il par sa péjoratifs qu’on a peur de les utiliser. diffusion aux États-Unis?
« Les Américains sont venus sous mes cocotiers pour reprendre “Soul Makossa”. J’en suis fier. » Un tube arrive toujours au bon moment. C’était la « blacksploitation ». Les Noirs-Américains recherchaient leurs racines chez les musiciens africains qui signaient dans les catalogues européens comme Barclay. Ils ont découvert « Soul Makossa » parmi beaucoup d’autres disques… et ce fut le jackpot! Comment a-t-il été composé? J’ai été inspiré au Cameroun, où j’entraînais l’orchestre de
Avec quel musicien regrettez-vous de ne pas avoir joué? Il y en a tellement. Je suis monté sur la même scène que Miles [Davis, NDLR] sans jouer avec lui. Je rêvais de jouer avec Ellington ou Basie. J’ai joué avec leurs musiciens. Je voulais faire quelque chose avec Makeba. Aujourd’hui je joue beaucoup avec des jeunes comme Beko Sade ou Passi. C’est différent. ■
* L’Enfant-Pirogue et l’Homme-Crocodile, conte musical de et avec Manu Dibango, le 14 décembre 2008, aux Arènes de l’Agora, à Évry. Tarifs de 13 à 24,20 euros. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 0 1 • D U 14 A U 2 0 D É C E M B R E 2 0 0 8
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Batteur et DJ marocain, coqueluche du Londres branché, U-Cef sort enfin Halalwood. Un second album, à la fois électronique et oriental.
P
endant l’été, on le croise au Maroc, son pays d’origine, dans les grands festivals : il est aussi à l’aise avec les Gnaouas à Essaouira ou les musiciens amazighs à Agadir qu’avec les adeptes du rap ou du rock de la nouvelle génération. Le reste de l’année, et depuis quatorze ans, U-Cef vit à Londres avec sa femme et ses deux enfants. C’est là que ce batteur et percussionniste originaire de Rabat, qui tâtait du jazz-rock psychédélique avec le groupe Quark, au Maroc, à la fin des années 1980, puis explorait un courant plus funk qui connut un bref succès avec Pan, une dizaine d’années plus tard en Angleterre, s’est fait une réputation de DJ et de producteur. En mixant dans des clubs comme le Zebra, le Spitz et le Mass, ou encore au restaurant maghrébin très people Chez Momo, découvreur de talents sis entre Oxford Circus et Picadilly.
MONDIALISATION SALUTAIRE
Le DJ marocain U-Cef.
D.R.
Aujourd’hui, le Tout-Londres se presse sur son album (Natacha Atlas, Damon Albarn, Steve Hillage, Justin Adams), qui comporte également un clin d’œil à Rachid Taha en forme de remix du célèbre « Ya Rayah ». Halalwood a été enregistré entre le Maroc, Paris et son studio de West London. Un disque à l’image d’un manifeste métissé pour un vagabond de la musique, âgé de 44 ans, qui se plaît à chercher l’alchimie entre son traditionnel et composition numérique, entre les rythmes gnaouas, berbères et orientaux qui ont bercé son enfance et la samba ou la guitare électrique. Sur « Boolandrix », recyclant le vieux mythe de Jimi Hendrix à Essaouira, U-Cef imagine ce qu’aurait pu enregistrer le guitariste avec une troupe gnaouie. Et il souligne, sur « MahraBahia », la filiation évidente entre cette musique héritée des esclaves d’Afrique de l’Ouest déportés au Maghreb et celle de leurs frères partis vers l’Amérique du Sud. Il convie encore les rappeurs marocains Dar Gnawa ou la chanteuse de R’nB Oum. Et l’on pourrait sans doute qualifier sa musique de world beat, tant elle résonne comme un appel à une mondialisation salutaire des sons et des rythmes. Après un maxi puis un premier album, Halalium, sorti en 2000, U-Cef a pris son temps pour peaufiner cette seconde production, choisissant des invités pour chacune de ses compositions. La sortie de Halalwood, dont l’arrière de la pochette détonne – les célèbres lettres de la colline de Hollywood y sont détournées –, arrive aujourd’hui comme une forme de reconnaissance pour cet artiste nomade qui a relié Londres et le Maroc. ■ JEAN BERRY
Humeur JEAN-LOUIS GOURAUD
D.R.
Sorcier halal
Le français en aumône
L
’attribution de trois des principaux prix littéraires de l’année à des écrivains francophones mais non français de souche (le Goncourt à un Afghan, le prix France-Télévisions à un Algérien et le Renaudot à un Guinéen) me paraît être un signe des temps. Non point, comme l’a suggéré un peu bêtement la presse parisienne, une sorte d’« effet Obama » (comprenez: la mode du métissage), mais une véritable tendance de l’intelligentsia française à n’avoir plus pour sa propre langue qu’une espèce de condescendance, de tendre apitoiement, au point de se convaincre que cette vieille langue devenue un peu ringarde – après avoir, certes, beaucoup servi – et très minoritaire dans le monde d’aujourd’hui est bonne à laisser aux miséreux. Comme une chemise usagée, mais pouvant encore être portée, qu’on donne aux pauvres, la langue française est abandonnée par ses premiers propriétaires à ces mendiants culturels, ces doux nigauds que sont les écrivains d’outre-Hexagone. Lesquels, bons bougres se contentant de peu, s’y sentent encore bien, à l’aise, au chaud: ah les braves gens!
JE SUIS PERSUADÉ QUE, AU FOND, le rêve, le désir inconscient, le fantasme des écrivains franco-français consiste à écrire… en anglais : la seule langue qui vaille, le seul vrai jargon universel. Par un paradoxe masochiste qu’il serait intéressant d’analyser (psychanalyser), les Français éprouvent en vérité pour la francophonie quelque chose qui ressemble à du mépris. Cela a commencé, bien sûr, par des mots : on a voulu désigner autrement la petite planète composite des écrivains de langue française, remplacer l’expression déjà désuète de « littérature francophone » par celle, plus branchouille, de « littérature monde ». Lui-même auteur d’un livre récent (La Beauté du monde), l’inventeur de ce concept plutôt flou, pour ne pas dire fumeux, l’écrivain-voyageur Michel Le Bris, était candidat à tous les prix littéraires de 2008. Ils lui sont tous passés sous le nez, raflés par les ressortissants de ce monde dont il espérait devenir roi. Raté! Il a connu le sort du bon docteur Frankenstein, dont la créature finit par lui échapper. Le sort, aussi, du vicomte de Sanderval, dont Tierno Monénembo raconte l’histoire dans le beau roman qui lui a valu le prix Renaudot 2008 (Le Roi de Kahel) : parti en Afrique pour essayer de s’y tailler un petit royaume personnel, l’ambitieux en revint bredouille! Toutes les fables ont une morale. ■
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DALMAS/SIPA
Livres
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Référendum et fête de l’Indépendance à Oran, en Algérie, le 1er juillet 1962.
La guerre dʼAlgérie nʼest pas finie
Les travaux sur la guerre dʼindépendance se multiplient des deux côtés de la Méditerranée, démentant les histoires officielles et provoquant de nouveaux débats.
D
éjà vieille d’un demi-siècle, la guerre d’Algérie n’en finit pourtant pas d’inspirer de nombreux auteurs. Malgré les mille et un titres déjà publiés, il apparaît, au regard des dernières parutions marquantes, que le sujet est loin d’être épuisé. Et qu’il suscite toujours de l’intérêt. D’abord parce qu’il reste bien des aspects de la guerre d’indépendance – la question des harkis, le rôle des femmes dans la lutte, l’importance du « deuxième front » en métropole… – que l’on peut encore éclairer. Ensuite parce que les historiens n’en finissent pas de « déconstruire » les versions officielles. Et que la façon de s’intéresser à cette étape majeure de la décolonisation a évolué, provoquant de nouveaux débats des deux côtés de la Méditerranée. Aujourd’hui, certains historiens se penchent de plus en plus sur les diverses approches possibles de la guerre d’indépendance et ses répercussions sur le destin de l’Algérie et de la France. Le cas le plus emblématique est celui du Français Benjamin Stora, dont les travaux
portent essentiellement sur la mémoire de la guerre. Dans son dernier ouvrage, Les Guerres sans fin, il explique que « le travail sur les sociétés colonisées est difficile car la connaissance de ces sociétés vient du “haut”, du colonisateur, du missionnaire au soldat, de l’enseignant à l’entrepreneur. » Or, à compulser les archives, il lui est apparu que tout « contredisait la conception (du colonisateur) d’un peuple (algérien) sans histoire ». Donc, dès le départ, le chercheur se trouve confronté à la nécessité de s’interroger sur la mémoire. Notamment pour comprendre comment, en refusant leur sort de colonisés, les Algériens nationalistes ont vériLes Guerres Gu tablement « fabriqué » sans fin, de l’Histoire, grâce à un Benjamin Stora, Stock, 192 pages, travail sur leur passé et 16,50 euros. sa mémoire.
S’intéresser à la « gestion » de cette dernière amène à se poser quelques questions dérangeantes. La décision, par exemple, des autorités algériennes de ne pas promulguer d’amnistie au lendemain de l’indépendance, en 1962 – pour les quelque 100 000 à 150 000 paysans harkis, mais aussi, et surtout, pour les indépendantistes rivaux du FLN et partisans de Messali Hadj –, « n’a-t-elle pas installé une culture politique de violence ou de guerre qui va ensuite déferler à l’intérieur de la société algérienne » ? Ou, de l’autre côté de la Méditerranée, inversement: n’a-t-on pas fabriqué dans la société française, après 1962, notamment par une série d’amnisties, un oubli de la guerre et de ses atrocités ainsi qu’une certaine occultation des divisions internes qu’elle a suscitées dans l’Hexagone ? N’a-t-on pas ainsi permis l’apparition de cette bonne conscience qui a autorisé des députés à tenter, en 2005, d’inscrire dans la loi les prétendus « aspects positifs de la colonisation » ? Et n’a-t-on pas interdit tout débat sur une possible repentance de la France? À COUTEAUX TIRÉS
Plus journaliste qu’historien, Jean Lacouture tente, lui, dans L’Algérie algérienne, de rafraîchir sa mémoire en revisitant cette guerre qu’il a couverte quasi au jour le jour, du début à la fin. Ce qui lui permet de montrer à quel point l’histoire officielle célébrée à Alger ne colle pas avec la réalité. À ce moment où fut enfin décrété le cessezle-feu, le FLN victorieux était régi par trois centres de pouvoir, qui étaient à couteaux tirés et se préparaient à s’affronter durement : les chefs historiques détenus en France, avec
pour Mes Messali Hadj, de Khaled Merzouk, El Dar El Othmania, 598 pages.
L’Algérie algérienne, de Jean Lacouture, Gallimard, 360 pages, 21 euros.
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HARBI ET AGERON, DES PIONNIERS
D’autres auteurs, moins connus, se sont attachés récemment à trouver des angles plus pointus pour parler de la guerre. Par exemple, Diane Sambron, dans Femmes musulmanes, qui analyse le rôle des femmes pendant la guerre et les tentatives du FLN et, surtout, de l’armée française de les attirer dans le « bon camp ». Ces ouvrages, tout en soulignant le poids des histoires officielles, surtout en Algérie, où la légitimité du régime en dépend encore, témoignent bien de la possibilité de mener des travaux de recherche et d’écrire des livres qui font fi de cette contrainte et de tous les tabous, sur la trace de grands aînés comme les pionniers Mohammed Harbi, côté algérien, ou Charles-Robert Ageron, côté français. L’importance accordée aujourd’hui, en Algérie comme en France, à une histoire du mouvement nationaliste en Algérie qui ne « zappe » pas l’existence de ceux qui n’ont pas rejoint le FLN est très encourageante. Trois ouvrages qui viennent de paraître permettent ainsi, chacun à sa manière, de nourrir la connaissance historique en évoquant sans fard le rôle de Messali (Messali Hadj, de Khaled Merzouk) ou l’affrontement entre le FLN et le MNA, surtout en France, pendant la guerre (Mon père ce terroriste, de Lakhdar Belaïd, sur le parcours d’un des chefs du MNA, et La France en guerre 1954-1962, ouvrage collectif dirigé par Raphaëlle Branche et Sylvie Thénault). Sur le front de l’édition, assurément, la guerre n’est pas finie… et c’est tant mieux. ■ RENAUD DE ROCHEBRUNE
ADIEU
Mohammed Madbouli Considéré comme un monument de la profession, lʼéditeur égyptien Mohammed Madbouli est mort le 6 décembre au Caire.
L
’un des derniers grands éditeurs arabes, Mohammed Madbouli, est mort à l’âge de 70 ans. Des générations de lecteurs moyen-orientaux et maghrébins lui doivent quelques-unes de leurs meilleures lectures, les plus irrévérencieuses, surtout. Ses livres garnissaient toutes les bibliothèques publiques et privées de la région. Pourtant, rien ne préparait ce gamin des faubourgs cairotes à devenir le symbole des Lettres. Analphabète, il vendait les journaux sur le trottoir à l’âge de 6 ans. Mais, à force de déchiffrer les mots en attendant ses clients, il finit par apprendre à lire tout seul. Sa décision est prise de devenir un jour éditeur. Ce sera chose faite dès que ses moyens lui permettent de s’acheter une boutique, d’y publier ses coups de cœur et d’y diffuser d’autres éditeurs. Peu à peu, sa librairie devient un passage obligatoire pour les amoureux des livres, un sanctuaire du savoir, une caverne d’Ali Baba où l’on trouve aussi bien les traités les plus sérieux que les fameux « livres jaunes » à teneur érotique. Malgré son succès, Madbouli ne cédera jamais aux démons du commerce et de la spéculation, refusant d’ouvrir d’autres librairies, de rejoindre les réseaux de vente officiels ou de mettre ses livres sur le Net. D.R.
figure de proue Ben Bella ; le GPRA, avec à sa tête Ben Khedda ; et l’Étatmajor militaire, avec pour chef Boumédiène. Cette lecture « révisionniste » de l’Histoire amène Lacouture à reconstituer, à l’aide de témoignages inédits, recueillis longtemps après la fin du conflit, l’évolution de la pensée du général de Gaulle vis-à-vis des Européens d’Algérie et du FLN. La stratégie de De Gaulle le conduisit, en fait, à accepter assez vite l’inéluctable fin de la domination française en Algérie, même en l’absence d’une défaite militaire. Lacouture réévalue également le rôle et la dimension de certains acteurs de la guerre, à commencer par Ferhat Abbas, à ses yeux « la » grande figure de la revendication nationale algérienne, et, à un moindre degré, Messali Hadj, le « sourcier de l’indépendance ».
SA NOTORIÉTÉ VIENDRA surtout d’une philosophie éditoriale dont le principe est de braver la censure, autrement dit de publier et de diffuser les livres à polémique ou interdits : tous les écrivains décriés par le pouvoir et honnis par les islamistes trouvent grâce à ses yeux. C’est lui qui publie la bête noire du régime égyptien, le poète Ahmed Fouad Najm; qui fait scandale avec les ouvrages du Syrien Haïdar Haïdar; qui diffuse des essais jugés diffamatoires de jeunes auteurs inconnus, tels Alaa Hamed, condamné pour blasphème par la Cour martiale d’Égypte pour Une distance dans l’esprit d’un homme, Muhammad Futuh, dont Les Cheikhs modernes et la fabrication de l’extrémisme religieux provoquent un tollé à Al-Azhar et la saisie de l’ouvrage, ou encore l’ex-policier contraint de s’exiler aux États-Unis pour son livre Comment éviter de se faire tabasser par la police. Il y a six mois, deux Égyptiens qui avaient introduit au Soudan La Mère des croyants dévore ses fils – sur Aïcha, l’épouse du Prophète – pour le compte de l’éditeur cairote se sont vu infliger six mois de prison. Seul point noir, au printemps dernier, Madbouli a ordonné à ses imprimeries de brûler deux livres de la féministe égyptienne Nawal Saadaoui, accusée de porter atteinte à l’islam. Mohammed Madbouli se serait-il assagi à l’approche de la mort? Les intellectuels égyptiens n’en reviennent toujours pas, redoutant que la décision du premier et du plus courageux des éditeurs arabes n’entraîne FAWZIA ZOUARI des réactions semblables chez ses confrères. ■
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Danse À lʼoccasion du festival organisé par lʼécole de Ouagadougou, retour sur ce centre chorégraphique de première importance.
La Termitière et ses petits rats
I
ANTOINE TEMPÉ
Dialogues de corps (voir encadré). Le Centre, implanté sur un s it e de p r è s de 28 000 m 2 , offre une salle principale de répétition et de l faut beaucoup de persévérance représentation, bappour trouver le Centre de déveloptisée « le Temple », pement chorégraphique, qui peut accueillir à Ouagadougou. Même jusqu’à trois cents Un pas de côté, 2006, de Salia Sanou (à dr.) les chauffeurs les plus aguerpersonnes. Rails et Seydou Boro (au milieu). ris, habitués aux rues chaotide projecteurs sous ques de la capitale burkinabè, une hauteur de plan’y retrouvent pas leur chemis six ans à aboutir. Soutefond d’une dizaine de mètres, équipemin. Ce n’est qu’après s’être nus par les pouvoirs publics ments neufs, parquet lustré… rien n’est engouffré dans le quartier de et les coopérations néerlanlaissé au hasard. Non loin, dans l’aile Samandin que l’une des écodaise, française et belge, ils d’un bâtiment adjacent, neuf chambres les de danse contemporaine sont parvenus, en 2006, à sont réservées aux résidents et aux staAfrique, danse les plus réputées du continent créer cet espace de liberté. giaires. Outre plusieurs autres salles de contemporaine, se dévoile avec pudeur. « Notre objectif est de favorépétitions, les danseurs disposent d’un de Salia Sanou, Éditions Cercle Plus connue sous le nom riser la création et de procentre de documentation sur les arts d’art, 112 pages, de la Termitière, cette école fessionnaliser les danseurs », chorégraphiques. « Chaque année, une 27 euros. panafricaine fait la fierté du explique Salia Sanou, qui cinquantaine d’étudiants sont hébergés. continent. « La danse se vit vient de publier, avec le phoDes Ivoiriens, des Tchadiens, des Sénéau quotidien en Afrique, mais, paradotographe Antoine Tempé, Afrique, danse galais, des Nigériens. Les demandes xalement, aucun endroit n’existait réelcontemporaine, dans lequel il retrace son explosent. Nous ne pouvons toutes les lement au Burkina pour la célébrer », incroyable parcours. satisfaire », explique Esther Ouoba. affirme Esther Ouoba, actuelle admiPremière école du genre en Afrique La Termitière est bien plus qu’une nistratrice des lieux. avec, près de Dakar, l’École des sables de simple école. C’est un concept global Pendant la période sankariste, ces Germaine Acogny, l’ancienne directrice qui va de la sensibilisation du public à bâtiments à l’élégance sahélienne serdu Mudra Afrique de Maurice Béjart, une formation de trois ans destinée aux vaient de foyer pour artistes. Passé les la Termitière est même devenue « une professionnels. Sa dimension panafricaiannées 1980, la bâtisse tomba en désuéstructure essentielle pour la diffusion ne passe surtout par les « résidences de tude. C’est en 2000 que les chorégraphes internationale de la danse contempocréation », permettant aux compagnies Salia Sanou et Seydou Boro décidèrent raine africaine ». D’ailleurs, du 8 au africaines de bénéficier des conseils de de faire revivre l’endroit. Leur projet a 20 décembre, elle accueille le festival chorégraphes de premier plan. De grandes figures se sont ainsi succédé: Lassan Congo, premier danseur professionnel du Burkina; l’Américaine Carolyn CarlBALLETS D’ÉTOILES son, Lion d’or 2006 de la Biennale de LA TERMITIÈRE ACCUEILLE du 8 au 20 décembre la septième édition Venise ; Joseph Nadj du Centre chorédes rencontres chorégraphiques Dialogues de corps. Ce rendez-vous graphique d’Orléans ; Héla Fattoumi incontournable de la danse contemporaine africaine organise des ateliers du Centre chorégraphique de Caen; ou de formation pour une vingtaine de danseurs et chorégraphes, autour encore Mathilde Monnier, actuelle direcde l’Américain Mark Tompkins et du Sud-Africain Vincent Mantsoé. Au trice du Centre chorégraphique national programme, du 13 au 20 décembre : huit soirées consacrées aux repréde Montpellier. Reste les moyens. Depuis sentations. Vingt compagnies mondialement connues sont présentes. son ouverture, les aides ont afflué. Mais Burkinabè (Compagnie Faso, Compagnie Auguste-Bienvenue…), Français « si tout cela est compliqué à gérer, l’es(Compagnie Philippe Ménard), mais aussi Australiens (Gavin Webber), sentiel est que la pérennité du projet soit Israéliens (Sahar Azimi), Congolais (Les Studios Kabako) ou Sénégalais assurée », conclut Sanou. ■ FRÉDÉRIC LEJEAL, (Compagnie 1er temps) participent à la fête. Budget total du festival : envoyé spécial à Ouagadougou F.L. 124,6 millions de F CFA (190 000 euros). ■ J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 0 1 • D U 14 A U 2 0 D É C E M B R E 2 0 0 8
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ANNONCES CLASSÉES Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre Tél. : 01 44 30 18 76 – Fax : 01 44 30 18 77 – f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique - 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 Paris –France
PRESIDENCE DE LA REPUBLIQUE
Appels à proposition
APPELS A PROPOSITION Le Gouvernement du Bénin à travers le Millenium Challenge Account Bénin (MCA-Bénin), sur financement du Millenium Challenge Corporation (MCC) représentant le Gouvernement américain, lance deux appels à propositions relatifs à
appropriées, l’étude environnementale complète et autres études d’impact • Produire les documents d’appels d’offres qui permettront la sollicitation des offres de construction, sur une base conception-réalisation
1) MISSION DE MAITRISE D’ŒUVRE POUR LA S U P E RVISION DES TRAVAUX DE CONSTRUCTION D’INFRASTRUCTURES ET D’EQUIPEMENTS PORT U A I R E S A U P O R T AUTONOME DE COTONOU (RFP N° PP4-AT M - 1 4 4 )
Une visite de site suivie d’une séance explicative sera organisée le 1 5 d é c e m b r e 2 0 0 8 à 1 0 H 0 0 , h e u r e l o c a l e.
Les travaux à superviser sont constitués de : • Construction du Quai sud (600 ml) • Prolongement de l’épi d’arrêt du sable (300 ml) • Zoning, Voirie, Protection-Incendie, Eclairage Extérieur, Surveillance Vidéo • Equipement de manutention de vrac solide • Station océanographique et météorologique Une visite de site suivie d’une séance explicative sera organisée le 8 d é c e m b r e 2 0 0 8 respectivement à 9 H 0 0 e t à 1 5 H 0 0 , h e u r e l o c a l e. La date limite de réception des propositions est fixée au 7 j a n v i e r 2 0 0 9 à 1 0 H, heure locale de Cotonou à l’adresse du MCA-Bénin ci-dessous mentionnée. 2 ) S E RVICES DE CONSULTANT POUR UNE ETUDE D E FA I S A B I L I T E E T D E C O N C E P T I O N D ’ U N E B A S E O B L I G AT O I R E D E C O N T R O L E ( B . O . C . ) POUR LES PRODUITS HALIEUTIQUES AU POR T DE PECHE DE COTONOU (RFP N° PP4-AT M - 1 1 5 ) Les services à fournir consisteront à : • Déterminer le cadre institutionnel de fonctionnement de la B.O.C. • Identifier les activités ou changements au cadre existant constituant des préalables à la mise en œuvre des services de la B.O.C. • Elaborer la conception physique et les maquettes
La date limite de réception des propositions est fixée au 1 5 j a n v i e r 2 0 0 9 à 1 0 H , h e u r e l o c a l e de Cotonou à l’adresse du MCA-Bénin ci-dessous mentionnée. C e s d e u x a p p e l s à p r o p o s i t i o n s sont ouverts à toutes les entités et personnes éligibles qui désirent répondre au présent appel à propositions. Les soumissionnaires seront sélectionnés suivant la méthode de sélection basée sur la qualité et le coût dont la procédure d’évaluation est détaillée dans les Demandes de propositions conformément aux Directives du Programme MCC disponibles sur le site web de MCC, w w w . m c c . g o v. Les deux d o s s i e r s c o m p l e t s d e D e m a n d e d e P r o p o s i t i o n s peuvent être téléchargés gratuitement sur les site web de DgMarket ou de MCA-Bénin, w w w . m c a b e n i n . b j ou retirés sans frais à l’Agence de Passation des Marchés de MCA-Bénin sise dans les bureaux de MCA-Bénin à l’adresse ci-après : Immeuble KOUGBLENOU, Domaine de l’OCBN Derrière la Compagnie Territoriale de Gendarmerie du Littoral 01 BP : 101 Cotonou, République du Bénin Tel : (229) 21 31 78 25 / 21 31 80 66 / 21 31 83 21 E-mail : i n f o @ m c a b e n i n . b j Site web: w w w . m c a b e n i n . b j
Simon Pierre ADOVELANDE C o o rdonnateur National de MCA-Benin
JEUNE AFRIQUE N° 2501 – DU 14 AU 20 DÉCEMBRE 2008
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AC PRESIDENCY OF THE REPUBLIC
REQUEST FOR PROPOSALS The Government of the Republic of Benin, through the Millennium Challenge Account Benin (MCA-Benin), funded by the Millennium Challenge Corporation (MCC), representing the Government of the USA, is launching two requests for proposals (RFP) :
• Determine the appropriate physical design and layout, complete environmental and other impact studies, and • Produce tender documents that would permit solicitation of construction bids on designbuild basis.
1) PROCUREMENT OF C O N S U L TANT S E RVICES FOR THE POR T OF COTONOU DEVELOPMENT - PROJECT MANAGEMENT CONSULTANT (RFP N° PP4-AT M - 1 4 4 )
A site visit and a pre-Proposal meeting will be held on D e c e m b e r 1 5 , 2 0 0 8 a t 1 0 : 0 0 a . m . l o c a l t i m e.
A site visit and a pre-Proposal meeting will be held on D e c e m b e r 1 5 , 2 0 0 8 a t 0 9 : 0 0 a . m. and 1 5 : 0 0 p . m . l o c a l t i m e. The closing time for receipt of Proposals is J a n u a r y 7 , 2 0 0 9 a t 1 0 : 0 0 a . m . l o c a l t i m e in Cotonou, Benin, at the address mentioned here below. 2) PROCUREMENT OF CONSULTANT SERVI CES FOR THE FEASIBILITY STUDY AND D E S I G N O F T H E C O M P U L S O RY I N S P E C T I O N BASE (BOC) FOR HALIEUTIC PRODUCTS OF THE POR T OF COTONOU (RFP N° PP4-ATM115) The Consultant’s role will consist of: • Determine the Institutional framework in which the BOC should operate • Identify any activities or changes to the exiting framework that should be designated as conditions precedent to construction of BOC facility JEUNE AFRIQUE N° 2501 – DU 14 AU 20 DÉCEMBRE 2008
The closing time for receipt of Proposals is J a n u a r y 1 5 , 2 0 0 9 a t 1 0 : 0 0 a . m . l o c a l t i m e in Cotonou, Benin, at the address mentioned here below. B o t h R e q u e s t s f o r P r o p o s a l ( “ R F P ” ) are open to all eligible entities or persons who wish to respond. Bidders will be selected under the Q u a l i t y a n d C o s t B a s e d S e l e c t i o n ( Q C B S ) , the evaluation procedure for which is described in sections of the RFP in accordance with “MCC Program Procurement Guidelines” which are provided on the MCC website w w w . m c c . g o v. Both R F P c o m p l e t e d o c u m e n t s c a n b e d o w n l o a d e d, free of any charges, from DgMarket or w w w . m c a b e n i n . b j) or MCA-Benin websites (w delivered by the Procurement Agent of MCABenin at : Immeuble KOUGBLENOU, Domaine de l’OCBN Derrière la Compagnie Territoriale de Gendarmerie du Littoral 01 BP : 101 Cotonou, République du Bénin Tel : (229) 21 31 78 25 / 21 31 80 66 / 21 31 83 21 E-mail : i n f o @ m c a b e n i n . b j Site web: w w w . m c a b e n i n . b j
Simon Pierre ADOVELANDE National Coordonnator of MCA-Benin
Appels à proposition
The development works consist of • Construction of the South Wharf, (600 meters) • Extension of the Groin (Epi), (300 meters) • Zoning, landside facilities, lighting, fire prevention and fire protection systems; video surveillance • Dry bulk material handling system (clinker, sulphur) (Activity 7 described above) • Oceanographic and meteo station
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REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO
Comité de Pilotage de la Réforme des Entreprises Publiques (COPIREP)
SERVICES DE CONSULTANTS Projet de Compétitivité et Développement du Secteur Privé (PCDSP) Crédit IDA 3815 DRC – Projet ID P071144
AVIS A MANIFESTATION D’INTERET
Manifestation d’intérêt
Recrutement d’un Consultant chargé d’accompagner le Processus de la Transformation des Entreprises Publiques en Sociétés Commerciales (SARL) Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo a obtenu dans le cadre du Projet de la Compétitivité et Développement du Secteur Privé un Crédit de l’Association Internationale de Développement (IDA), Crédit 3815 DRC et a l’intention d’utiliser une partie du montant de ce crédit pour effectuer des paiements autorisés au titre du Contrat de Service pour le recrutement d’un consultant chargé d ’ a c c o m p a g n e r l e P r ocessus de la T r a n s f o r m a t i o n d e s E n t r e p r i s e s P u b l i q u e s e n Sociétés Commerciales (SARL)
LOT 5 - Régie des Voies Aériennes LOT 6 - Régie de Distribution d’Eau
Les services comprennent notamment les tâches suivantes : - Analyser la situation de chaque entreprise publique visée aux TDR notamment sur le plan financier, comptable et juridique pour étudier tous les paramètres ou contraintes pour conduire à un changement du statut juridique. - Entreprendre toutes les « dues diligences juridiques et financières » préalables à la transformation d’une entreprise publique en société commerciale. L’étude devra tenir compte, pour certaines entreprises cibles, des éventuels projets de restructuration ou mission de stabilisation en cours. Le COPIREP communiquera la liste de ces entreprises. - Proposer pour chaque entreprise étudiée, les solutions pratiques à ces contraintes préalables à la transformation de l’entreprise publique en société commerciale. - Sur la base du bilan 2007 de chaque entreprise, « réévaluer » ou « dévaluer » avec des méthodes pertinentes et adaptées à chaque catégorie, tous les actifs et les passifs afin d’établir le bilan de clôture de chaque entreprise. - Préparer le bilan d’ouverture de la nouvelle SARL qui prendra en compte les éléments du bilan de clôture « réévalué » et les effets de décisions éventuelles du Gouvernement concernant les dettes. - Déterminer, dans chaque cas, le capital social des entreprises publiques qui adopteront la forme de sociétés commerciales. - Elaborer les nouveaux statuts des entreprises publiques transformées en sociétés commerciales comme indiqué ci-dessus.
Le Comité de Pilotage de la Réfor m e d e s E n t r e p r i s e s P u b l i q u e s (COPIREP) invite les firmes ou cabinets admissibles à manifester leur intérêt à fournir les services décrits ci-dessus. Les firmes/cabinets intéressés doivent fournir les informations indiquant qu’ils sont qualifiés pour exécuter les services (brochures, références concernant l’exécution de contrats analogues, expérience dans des conditions semblables, disponibilité des connaissances nécessaires du personnel, etc.). Les firmes/cabinets peuvent s’associer pour renforcer leurs compétences respectives.
La mission portera sur les entreprises regroupées en lots tels que sur la liste ci-dessous : DENOMINATION DES ENTREPRISES
SIGLE
LOT 1 - Générales des Carrières et des Mines GECAMINES LOT 2 - Société Nationale d’Electricité SNEL LOT 3 - Société Nationale de Chemins de Fer du Congo. SNCC LOT 4 Office National des Transports ONATRA
RVA REGIDESO
durée de la mission est estimée à huit mois. La mission s’effectuera à Kinshasa et comprendra des déplacements en tout autre endroit ou se trouve le siège social des entreprises publiques.
Un consultant (firme/cabinet) sera sélectionné en accord avec les procédures définies dans les Directives : Sélection et Emploi de Consultants par les Emprunteurs de la Banque mondiale, édition mai 2004, version révisée octobre 2006. Les consultants (firmes/cabinets) intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires au sujet des documents de référence à l’adresse cidessous ou par courriel. Les manifestations d’intérêt rédigées en langue française doivent être déposées à l’adresse ci-dessous ou transmises par courrier électronique aux adresses e-mail suivantes : c p m @ c o p i r e p . o r g, c o p i r e p @ c o p i r e p . o r g au plus tard le l u n d i 2 9 d é c e m b r e 2008. Le Comité de Pilotage de la Réfor m e d e s E n t r e p r i s e s P u b l i q u e s (COPIREP)/Secrétariat Exécutif (Cellule de Passation des Marc h é s ) Immeuble SOFIDE, 4ème étage, Croisement des avenues Lemarinel et Kisangani n° 9-11 Kinshasa/Gombe, République Démocratique du Congo. Tel : + 243 99 99 39 531 Site web : w w w . c o p i r e p . o r g L E S E C R E TA I R E E X E C U T I F ILUNGA ILUNKAMBA
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AC Obser vatoire Economique et Statistique d’Afrique Subsaharienne
MANIFESTATION D’INTERET POUR LA SELECTION DE SOCIETES POUR LA REALISATION DE L’APPLICATION INFORMATIQUE DE PRODUCTION DES INDICES DES PRIX DES ETATS MEMBRES DE L’UNION ECONOMIQUE ET MONETAIRE OUEST AFRICAINE (UEMOA) 1 . Dans le cadre de la rénovation des indices des prix à la consommation des Etats membres de l’UEMOA, AFRISTAT souhaite confier la réalisation d’une nouvelle application informatique pour la production des indices à une société informatique qui agira en qualité de maître d’œuvre.
3 . Pour cela, les sociétés intéressées doivent fournir les informations indiquant qu’elles sont qualifiées pour exécuter les services 4 . Une liste restreinte de sociétés informatiques sera
5 . Les manifestations d’intérêts portant la mention « m a n i festation d’intérêt pour la sélection de sociétés pour la réalisation de l’application infor matique d e p r o d u c t i o n d e s i n d i c e s d e s p r i x d e s E t a t s m e mb r e s d e l ’ U n i o n E c o n o m i q u e e t M o n é t a i r e Ouest A f r i c a i n e » doivent parvenir sous pli fermé en quatre exemplaires (un original plus trois copies) au plus tard le 3 0 j a n v i e r 2 0 0 9 à 1 2 H G M T à l’adresse suivante : M o n s i e u r l e D i r e c t e u r G é n é r a l d ’ A F R I S TAT B.P. E 1600 – Rue 499 Porte 23, Niaréla, - Bamako (MALI) Fax (223) 20 21 11 40 Email : afristat@afristat.org P o u r p l u s d e d é t a i l s s u r l ’ a v i s à m a n i f e s t a t i o n d ’ i ntérêt, consulter le site: www.afristat.org
BURKINA FASO
----------------------MINISTERE DE LA JEUNESSE ET DE L’EMPLOI ----------------------------Avis d’appel d’offres international n° 2008 – 001 /MJE/SG/DEP Financement : Banque Islamique de Développement Objet : Fourniture d’équipements didactiques dans le cadre du projet d’extension et de modernisation du Centre d’Evaluation et de Formation Professionnelle (CEFP) de Ouagadougou Dans le cadre de l’exécution du Projet d’extension et de modernisation du Centre d’Evaluation et de Formation Professionnelle (CEFP) de Ouagadougou, financé par la Banque Islamique de Développement (BID), le Directeur des Etudes et de la Planification (DEP) du Ministère de la Jeunesse et de l’Emploi (MJE) lance u n appel d’off r e s i n t e r national pour la four n i t u r e d’équipements didactiques a u d i t c e n t r e e n u n l o t u n i q u e. La participation au présent appel d'offres international est limitée aux four n i ss e u r s r e s s o r t i s s a n t s d e s p a y s m e m b r es de la Banque Islamique de D éveloppement (BID) et en règle vis à vis de leurs administrations respectives. Le lot est indivisible et le soumissionnaire doit soumissionner pour l’ensemble des équipements. Le délai d’exécution est de q u a t r e v i n g t d i x ( 9 0 ) j o u r s. Les soumissionnaires éligibles, intéressés peuvent obtenir des informations complémentaires et consulter gratuitement le dossier d’Appel d’Offres complet dans les bureaux de la Direction des Études et de la Planification (DEP) du Ministère de la Jeunesse et de l’Emploi (MJE) à Ouagadougou – Burkina Faso. Tout soumissionnaire éligible, intéressé peut obtenir un jeu complet du dossier
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d’appel d’offres moyennant le paiement d’un montant non remboursable de 1 5 0 0 0 0 F r a n c s C FA pour le lot unique auprès du régisseur de la Direction Générale des Marchés Publics (DGMP). Les offres présentées en u n ( 1 ) o r i g i n a l e t t r ois (3) copies conformément aux Instructions aux soumissionnaires et accompagnées d’une garantie de soumission d’un montant de Quinze millions (15 000 000) de Francs CFA devront parvenir ou être remise à la Direction des Études de la Planification du Ministère de la Jeunesse et de l’Emploi – Tel : (00226) 50 31 61 09 - 03 BP 7016 OUAGADOUGOU 03 – Burkina Faso le m e r c r edi 14 janvier 2009 à 9 heur es TU soit l’heure d’ouverture des plis qui sera faite immédiatement en présence des soumissionnaires qui souhaitent y assister. Les soumissionnaires resteront engagés par leurs offres pour un délai de 90 jours à compter de la date de remise des offres. L’Administration se réserve le droit de ne donner suite à tout ou à une partie du présent appel d’offres international. Le Dir ecteur des Etudes et de la Planification Aboubacar IDANI
Manifestation d’intérêt - Appel d’offres
2 . AFRISTAT invite les sociétés informatiques intéressées par ce projet, ayant d’une part une expérience prouvée du développement d’applications informatiques basées sur des méthodologies spécifiques, et d’autre part une bonne connaissance du processus d’accompagnement de pays dans un cadre harmonisé, à manifester leur intérêt pour ce travail.
constituée selon les règles de procédures en vigueur à AFRISTAT.
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AC
PRESIDENCE DE LA REPUBLIQUE ----HAUT CONSEIL NATIONAL DE LUTTE CONTRE LE SIDA (HCNLS) ----SECRETARIAT EXECUTIF
République du Mali UN PEUPLE UN BUT UNE FOI
PROJET D’APPUI A LA LUTTE CONTRE LE SIDA ACQUISITION DE MEDICAMENTS, D’EQUIPEMENTS, DE REACTIFS, ET DE CONSOMMABLES BIOMEDICAUX
Avis d’Appel d’Offres International
Appel d’offres
Date: AOI N°002 / SE - FAD Don n° : 2100155003518 du 24 novembre 2004 Projet n° : P-MLI IBZ-001 Dévelopment Business du 16/12/2008
1. Le Gouvernement de la République du Mali a obtenu du Fonds Africain de Développement un don d’un montant de 8 290 000 unités de compte en vue du financement du P r ojet d’Appui à la Lutte contr e le SIDA, et envisage d’affecter une partie des ressources du don aux paiements admissibles dans le cadre des marchés de fournitures de médicaments, équipements, réactifs, et consommables biomédicaux. L’appel d’offres est ouvert à tous les soumissionnaires originaires des pays membres éligibles, conformément aux règles de procédures de la BAD en matière d’acquisition des biens et travaux. 2. Le Secrétaire Exécutif du Haut Conseil National de Lutte Contre le SIDA (HCNLS) invite, à présent les éventuels soumissionnaires à proposer leurs offres sous pli cachetés, pour l’un des lots ou tous les lots suivants : Lot 1: Médicaments. Montant de la caution de soumission: 4 500 000 FCFA ( Q u a t r e millions cinq cents mille) L o t 2 : E q u i p e m e n t s , r é a c t i f s , e t c o n s o m m a b l e s b i o m édicaux Montant de la caution de soumission: 21 000 000 de F C FA (Vi n g t e t u n m i l l i o n s ) 3. Les pochettes complètes du dossier d’appel d’offres peuvent être obtenues au bureau de l ’ E x p e r t e n Acquisitions du pr ojet sis dans les locaux du Secrétariat Exécutif du HCNLS, Tél. (223) 229 40 91, Fax : (223) 229 42 58, Hamdallaye ACI 2000-Av e n u e du Mali-côté ouest du r ond point de l’Obélisque, rue 341, porte 108, BP 2551 Bamako (Mali),
E m a i l : s e h c n l s @ s e h c n l s . o r g, contre la somme non remboursable de 200 000 FCFA (Deux cents mille), ou son équivalent dans une monnaie librement convertible à verser à la Coordinatrice Adjointe du Projet contre reçu. Les soumissionnaires éligibles intéressés peuvent obtenir de plus amples renseignements et examiner le dossier d’appel d’offres à la même adresse 4. Le Règlement particulier de l’appel d’offres et les Conditions générales du marché prescrits au dossier d’appel d’offres, sont conformes au dossier – type d’appel d’offres de la Banque pour l’acquisition des biens. 5. Les offres resteront valables pendant un delai de 90 jours après l’ouverture des plis et doivent être accompagnées de dépôts / garanties de cautionnement de 4 500 000 F C FA ( Q u a t r e m i l l i o n s c i n q c e n t s m i l l e ) p o u r l e L o t 1 et de 21 000 000 de FCFA (Vi n g t e t u n m i l l i o n s ) pour le lot 2 ou l’équivalent dans une monnaie librement convertible et remises au Secrétariat Exécutif du Haut Conseil National de Lutte Contre le SIDA, le M a r d i 1 7 F é v r i e r 2 0 0 9 à 1 0 h e u r e s , h e u r e l o c a l e. 6. L’ouverture des plis se fera en présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent assister à cette opération qui aura lieu dans la salle de réunion du Secrétariat Exécutif du Haut Conseil National de L u t t e C o n t r e le SIDA le 17 Février 2009 à 10 heur e s 3 0 m i n u t e s , h e u r e l o c a l e. L e S e c r é t a i r e Exécutif Malick SENE Chevalier de l’Ord r e National
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AC « Gestion d’entreprise en Culture Africaine »
CABINET GECA-PROSPECTIVE Sainte Rita, Lot 1293 tranche K 02 B.P. 1056 Cotonou – BENIN Tél. : (229) 32-54-49 / 32-59-44 Fax : (229) 32-59-45
Enabling poor rural people to overcome poverty
Country Programme Manager(s) Western and Central Africa Division IFAD is an international financial institution and a specialized United Nations agency. It finances programmes and projects that increase agricultural productivity and raise rural incomes, and advocates at local, national and international levels for policies that enable poor rural people to overcome poverty. We are looking for Country Programme Manager(s) in the Western and Central Africa Division (P-4/P-5). Under the strategic, policy and management guidance of the Director, the successful candidate will be responsible for managing the country programme(s) assigned by the Director.
AVIS DE RECRUTEMENT GECA-PROSPECTIVE, Cabinet spécialisé en Gestion des Ressources Humaines, en Organisation et Ingénierie de la formation recrute pour le compte d’une organisation internationale de coopération bilatérale un jeune économiste pour sa représentation à Cotonou (Bénin). Poste : Chargé de mission Profil du candidat : Titulaire d’un diplôme supérieur de type universitaire (Bac+5 minimum)/école de commerce avec une spécialisation en Economie du développement. Dossier à fournir : * Une lettre manuscrite de motivation * Les Photocopies des diplômes * Un certificat de nationalité * Un Curriculum Vitae détaillé
Expérience professionnelle : Trois (03) ans d’expérience confirmée sur les problématiques des secteurs éducation/santé ; Expérience de travail à un poste similaire ou au sein de la coopération internationale * Les photocopies des références Professionnelles (Attestations de travail) * Un casier judiciaire datant de moins de trois (3) mois
Les dossiers sont à envoyer à GECA-PROSPECTIVE 02 B.P. 1056 Cotonou-Bénin/Fax : 21-32-59-45 ou par e-mail : contact@gecaprospective.com ou sur le site www.gecaprospective.com Pour tous renseignements contacter : (229) 21 32 54 49 / 21 32 59 44 ou visiter le site www.gecaprospective.com La clôture du dépôt des dossiers : 12 -01-09 à 16 heures précises. Les résultats seront affichés : 19-01-09 à partir de 12 heures à GECA-PROSPECTIVE
Une passion pour le développement? Opportunités de carrière à travers l’Afrique Créée en 1964, la Banque Africaine de Développement est une institution financière régionale de développement multilatéral d’envergure ayant pour mission d’encourager et de stimuler la croissance économique et le progrès social à travers le continent africain. Notre objectif premier est de relever le niveau de vie et de réduire la pauvreté, ainsi nous nous appliquons à mobiliser des ressources africaines et étrangères, consentir des prêts, favoriser des investissements équitables et fournir une expertise financière et technique de pointe. Comprenant 77 Etats membres (dont 53 pays africains), la Banque a son siège permanent à Abidjan, Côte d’Ivoire, mais s’est provisoirement implantée à Tunis, Tunisie. En outre, nous disposons de 25 bureaux extérieurs à travers l’Afrique.
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Republic of Liberia Ministry of Public Works, Infrastructure Implementation Unit
Program Director The Government of Liberia is seeking an experienced professional to be fully engaged in an Infrastructure Implementation Unit (IIU) in the Ministry of Public Works (MPW). The IIU is charged with implementing and managing infrastructure reconstruction in Liberia and is staffed with national and international specialists. The IIU will implement most of Liberia’s growing donor funded infrastructure projects and will evolve into a full fledged Road Authority. The full time position is located in Monrovia, Liberia. A competitive / market salary will be negotiable and financed by various stakeholders. Candidates must be proficient in English language, with excellent command in writing. The mode of engagement will be a performance based contract, with well defined outputs, renewable every two years. How to apply: Please submit your resume and three references to i i u @ e m a n s i o n . g o v . l r with a copy to g p a l s s o n @ w o r l d b a n k . o r g Deadline for applications is January 5, 2009. This high-visibility and challenging position represents an excellent professional opportunity. D u t i e s a n d R e s p o n s i b i l i t i e s . The successful candidate will manage the IIU in implementing multidisciplinary and complex infrastructure projects in transport sector specifically, as well as in water, energy, urban and agriculture sub-sectors. S/he will provide leadership to a multi-disciplinary team of national and international specialists responsible for infrastructure redevelopment of Liberia; reform and restructuring of the transport sector; and the management of IIU’s evolution to a Road Authority. The Program Director will be accountable to the Minister of Public Works. Q u a l i f i c a t i o n s a n d E x p e r i e n c e . Advanced degree in civil engineering, transport economics, transports planning or similar fields. Management of large corporations with a minimum 10 years of proven experience in infrastructure operations or managing infrastructure projects Management experience in developing countries, preferably in fragile states, will be an advantage.
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VOUS & NOUS 103
CH OSE S V UE S
M
Leçons malaisiennes
VIVANT UNE EXPÉRIENCE DÉMOCRATIQUE INTENSE, la Malaisie est pourtant dirigée par le même parti depuis l’indépendance, en 1957: l’Organisation nationale malaise unie (Umno), laquelle n’a Hautes de 452 mètres, les tours de la compagnie pétrolière rien à voir avec les ex-partis uniques africains. Tous Petronas, à Kuala Lumpur, peuvent accueillir 6000 employés. les postes clés au sein du parti sont soumis à des élections. La contestation est de mise et touche, en preporte quel poste au sein de l’administration, de la police mier lieu, le Premier ministre lui-même, Abdallah Ahmad et des douanes. Badawi. Première leçon de démocratie : les membres de Quatrième leçon: la rigueur. Les Malaisiens sont sérieux son propre parti l’obligent à céder les rênes du pouvoir à et efficaces dans leur travail. Ils ont bâti leur pays de leurs son adjoint après un succès mitigé aux élections générales propres mains, sans aide extérieure. La compagnie pétrode mars 2008. Il a d’ailleurs annoncé sa démission pour lière nationale – Petronas – a construit deux tours gigan2010, deux ans avant terme. En Afrique, le même que lui tesques, qui font la fierté du pays et servent d’attraction aurait tout fait pour s’accrocher à son fauteuil. pour les touristes. Un exemple qui devrait faire rougir nos Deuxième leçon: la coexistence ethnique dont la Malaigrandes compagnies pétrolières ou minières… sie est un modèle. Les musulmans dominent avec 65 % de Quant à la capitale, Kuala Lumpur, distante de 25 kilola population (l’islam est la religion officielle), devant les mètres de Putrajaya, elle demeure le centre des affaires, bouddhistes (d’origine chinoise, 25 %) et les hindouistes du grand commerce, des grands hôtels et des quartiers (d’origine indienne, 10 %). Et les trois communautés, qui populaires chinois, indiens ou malais. La qualité de ses ont su tourner la page des brèves émeutes raciales de 1969, transports en commun, la propreté de ses rues et de ses travaillent main dans la main. immeubles, la courtoisie des policiers y sont remarquables. Troisième leçon : la tolérance. Ici, toutes les femmes Aucun affichage à caractère politique. Pas de portraits du musulmanes – ou presque – se distinguent par le port du sultan ni du Premier ministre. Et, bien sûr, la presse parle tudung. Ce foulard porté en public couvre les cheveux et ouvertement de tout: corruption, procès en cours, insécule cou, mais pas le visage. Surtout, il n’interdit pas aux rité… Un exemple pour nous, Africains? ■ SAMIR GHARBI, envoyé spécial femmes de serrer la main aux hommes et d’occuper n’im-
REUTERS
alaisie, novembre 2008. Invités par le Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue), à Putrajaya, la nouvelle capitale politique de la Malaisie, deux cents délégués venus du monde entier s’attellent à la création d’un organisme intergouvernemental scientifique et politique qui aura la charge de veiller à la bonne santé de nos systèmes écologiques. Pour l’Afrique, fortement représentée, les enjeux sont de taille: il y va de la sauvegarde de ses forêts, de ses rivières et de ses innombrables parcs naturels. De l’Algérie à l’Afrique du Sud, du Togo au Kenya, en passant par le Gabon, le Cameroun, la Centrafrique ou la RD Congo – qui détient le deuxième patrimoine écologique mondial après le Brésil –, les pays africains ont tout à gagner dans ce projet dédié à la protection de la faune et de la flore. La Malaisie est à peine plus peuplée que le Ghana, mais son économie est dix fois plus puissante. En 1960, elle pesait le même poids que le Maroc ; aujourd’hui, elle produit trois fois plus… En un quart de siècle, le pays a pris un essor incontestable qui devra le hisser, en 2020, au rang des « pays développés ». Un objectif qui n’a rien de démagogique car les Malaisiens ont réellement les pieds sur terre, en politique comme en économie.
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COURRIER DES LECTEURS Voici la suite des messages adressés à la rédaction de Jeune Afrique à l’occasion du numéro spécial 2500.
Guerre à la guerre
■ Que dire à une équipe qui a baroudé cinquante ans ? Tout simplement chapeau pour les services rendus avec une remarquable persévérance. Et la lutte continue… La relève est la chose la moins partagée en Afrique, certes, mais je me rassure quand je lis les jeunes signatures dans J.A. Notre continent est laminé par d’interminables guerres, qui ont malheureusement encore de beaux jours devant elles. C’est pourquoi je souhaite que J.A. mène le combat pour la mise en place de tribunaux internationaux afin de poursuivre les acteurs directs et indirects d’une guerre dès son déclenchement (et pas à la fin du conflit, quand il est trop tard). DJÉRAMBÉTÉ BENDOYE, TCHADIEN VIVANT AUX COMORES
Force morale
■ Notre Jeune Afrique a fait du chemin. Près d’un demi-siècle de travail acharné pour que rayonne notre continent. Une épopée qui n’a pas été facile, il est vrai, mais dont l’espoir et la réussite ont toujours été au bout du tunnel.
Oui, l’Afrique a ses richesses et sa pauvreté, mais aussi ses grandeurs et ses décadences. C’est le continent de toutes les valeurs, et, malgré ses tourments, elle est tournée vers l’avenir et rien ni personne ne saurait l’en détourner. Il y a plus de quarante-sept ans, Béchir Ben Yahmed écrivait : « Nous sommes faibles, mais […] précisément, nous avons une grande force morale qu’appréhendent ceux-là mêmes qui parlent avec une hauteur apparente (et une “frousse” cachée) des “multitudes innombrables et misérables”. » N’en doutons pas : cette force morale est le ressort de notre renaissance. Maintenant que l’Afrique a donné un président aux États-Unis d’Amérique, cristallisant ainsi le rêve de Martin Luther King et aussi celui de millions de jeunes qui refusent d’être vus et considérés autrement que comme Africains, il n’est plus permis de douter de sa fertilité et de sa sagesse. ALI JOUANI, TUNIS, TUNISIE
Plus dʼenvironnement
■ J’ai le plaisir de vous communiquer mes commentaires au sujet de Jeune Afrique : – il faudrait une meilleure couverture des pays anglophones et plus d’informations sur la Corne de l’Afrique (Érythrée, Éthiopie, Djibouti, Somalie) ; – je propose un résumé mensuel des événements par pays ; – vous devez maintenir la rubrique sciences et technologies, avec un accent sur l’environnement et le changement climatique, ainsi que des conseils
HOMMAGE À GEORGES ADDA ■ En apprenant le décès de Georges Adda (le 28 septembre 2008, voir J.A. n° 2491), j’ai éprouvé les mêmes sentiments que le jour de la disparition de mon père: je me suis senti à nouveau orphelin. Même si nos discussions tournaient souvent à la controverse. Trois sujets étaient au centre de nos désaccords: la question juive, le problème israélo-palestinien et la nature du régime tunisien. L’instrumentalisation de la question juive par les sionistes et par l’État d’Israël horripilait Georges, qui allait même jusqu’à nier l’identité juive. En disant qu’il était « un Berbère enjuivé », il souhaitait voir ses concitoyens répondre qu’eux aussi étaient des Berbères arabisés ou islamisés. Ses tendances à minimiser
la judéophobie de ses compatriotes et à stigmatiser le racisme des juifs (qu’il jugeait responsable du départ massif des israélites et des réactions racistes dont ils sont la cible), procédaient de la même démarche: il espérait voir ses compatriotes arabomusulmans dénoncer la judéophobie. Concernant le régime tunisien, Georges pensait que l’extrême gauche exagérait en le qualifiant de fascisme ou même de dictature. Pour lui, le régime était à l’origine d’acquis modernistes et progressistes antinomiques avec une telle caractérisation. Communiste, Georges n’a jamais caché son admiration pour Habib Bourguiba, dont il était le compagnon de prison dans les années 1930. Il aimait rappeler le
courage de Bourguiba tenant tête aux théologiens lors des débats législatifs de 1956-1957. Selon le témoignage de Georges, à un cheikh s’indignant ainsi: « La liberté de conscience et d’expression, Monsieur le Président, veut dire qu’un athée a le droit de dire que Dieu n’existe pas », Bourguiba était le seul à avoir le courage de rétorquer: « Et pourquoi ne le dirait-il pas s’il le croit? » Avec la disparition de Georges Adda, la gauche, les forces démocratiques et la Tunisie ont perdu l’un des symboles de la résistance à la régression qui s’instaure aujourd’hui sous couvert de « réconciliation du pays avec son identité arabomusulmane ». CHÉRIF FERJANI, POLITOLOGUE, UNIVERSITÉ DE LYON 2, FRANCE
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VOUS & NOUS 105 concernant les actions positives que chacun peut entreprendre (le recyclage des ordures, par exemple). La cruelle vérité est qu’il y a trop d’humains sur la Terre, une quantité totalement insoutenable pour les ressources de la biosphère. Le modèle actuel « croissance et consommation » commence à s’effondrer. Aucun gouvernement ou homme politique n’ose aborder ce thème ! HUBERT MATTHES, JIMENA DE LA FRONTERA, ESPAGNE
Ne rien changer !
■ On observe depuis plusieurs années que beaucoup de journalistes adaptent leur plume en fonction des parts de marché. Je refuse qu’il en soit ainsi pour J.A., qui a toujours privilégié le devoir d’informer au détriment de l’argent, préférant ainsi rester crédible aux yeux de ses lecteurs. Impartialité et transparence, qui ont toujours été son credo, expliquent sa longévité. Si vous voulez bien tenir compte de ma suggestion : ne rien changer ! DEMHA ORBISSO, DJIBOUTI
Longue vie à J.A. !
■ Que pouvons-nous souhaiter à Jeune Afrique à l’occasion de son 2500e numéro ? Sans doute de voir son 5000e numéro ! Eh oui, je le dis sincèrement. Les milliers de lecteurs de J.A. ne peuvent plus se passer de leur journal. Ma rencontre avec J.A. s’est faite début 2000. Et, depuis, je collectionne tous ses numéros ! Source
d’information inégalée sur l’Afrique et le monde, J.A. m’impressionne toujours par le respect irréprochable de son credo : « Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs. » Mon amour pour ce journal m’a fait aimer le journalisme, même si j’ai une formation juridique, et je ne vous cacherai pas que je rêve aujourd’hui de vivre quelques moments dans la « maison Jeune Afrique », et de rencontrer les grands qui font de ce journal ce qu’il est aujourd’hui. Longue vie à mon journal préféré, merci beaucoup à B.B.Y. pour ce « bébé » devenu adulte et merci à tous les journalistes de J.A. pour ce qu’ils font ! HAMZA BELLOUMI, ARIANA, TUNISIE
Liftings réussis
■ Aujourd’hui quadra comme J.A., je peux affirmer qu’il a vieilli en se bonifiant. Bien sûr, concurrence oblige, il est passé sur le billard plus d’une fois. Mais là où les femmes défraîchies échouent lamentablement en se faisant tirer la binette, J.A. est miraculeusement passé au travers de ses liftings successifs. Et le résultat est là : parfait, naturel et convaincant. J.A. est un journal qui a une âme. Âme personnifiée par son fondateur, génie discret, penseur à la vision lumineuse. Il a passé le relais à des plumes fraîches, mais son ombre bienveillante plane certainement sur la rédaction. La continuité est assurée, car le mentor a su s’entourer de fines plumes. Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais la fidélité est ma seconde nature, et jusqu’à aujourd’hui je n’ai jamais été déçue, par conséquent je persiste et signe. MYRIAM CHERRAT, PAR COURRIEL
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HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL
POST-SCRIPTUM
P O L I T I Q U E , É C O N O M I E , C U LT U R E Fondé à Tunis le 17 oct. 1960 par Béchir Ben Yahmed (49 e année)
Édité par CIDCOM / LE GROUPE JEUNE AFRIQUE
Une semaine chez les Blancs ON NOUS DIT SOUVENT : vous les Blacks, vous les Arabes, les « sous-dev », vous n’êtes pas des démocrates, vous êtes corrompus, désorganisés, violents, limite « historiquement » nuls (pour paraphraser l’expression d’un président français)… On l’admet, ce n’est pas entièrement faux. Nous avons nos faiblesses. D’un autre coté, Z YAD le monde de ceux qui nous critiquent, LIMAM le monde des Blancs, n’est pas toujours parfait. Exemples, à partir d’un regard décalé sur l’actu de cette semaine. Rappelons, en préambule, que nos amis riches et sophistiqués ont mis leurs économies à genoux, par pur attrait du gain, qu’aucun des grands économistes n’avait vu venir un tel désastre et qu’ils se sont d’ailleurs beaucoup trompés sur tout (le baril était censé atteindre 200 dollars…). Et que le déficit public des ÉtatsUnis va atteindre, à la fin de 2008, 1000 milliards de dollars… La plus ancienne démocratie du monde, la Grèce, pays baigné de soleil, au cœur de l’Union européenne, est en plein chaos. Des anarchistes d’un autre temps et des jeunes exaspérés par une société qui ne leur apporte rien, sauf peut-être des salaires assez misérables, mettent le feu aux banques, aux hôtels, assiègent le Parlement, font la chasse aux bourgeois. Le gouvernement, déjà largement discrédité, paraît incapable de tenir la barre. Un jeune de 15 ans est mort, tué par la balle d’un policier tirée à bout portant… En France, le ministre des Affaires étrangères, qui fut un temps connu pour ses activités louables de médecin sans frontières, déclare que les droits de l’homme, c’est OK, mais pas de quoi en faire un secrétariat d’État. Remarquez, on peut se poser la question: un secrétariat d’État qui n’a pas son mot à dire sur la Libye, la Chine, la Russie, ou sur le traitement dégradant infligé aux émigrants clandestins en France… En France, où des SDF meurent de froid, abandonnés ou presque dans les parcs publics. En Suisse, terre de neutralité et de sagesse, les banques sont au bord de la ruine, et la première formation du pays est un parti d’extrême droite, xénophobe, quasi ouvertement raciste. Un de ses boss, Ueli Maurer, vient d’entrer au gouvernement. Ministre de la Défense… Aux États-Unis, à Guantánamo, zone militarisée, délocalisée et généralisée de non-droit, on juge les principaux accusés du 11 septembre. Les accusés sont désespérés. Ils veulent juste mourir. Ils plaident coupable sur tout. Le juge, un général, ou un colonel, s’évertue à faire semblant de maintenir une procédure… Mieux encore, et toujours aux States, le gouverneur de l’Illinois, un certain Rod Blagojevich, a été carrément arrêté, la main dans le sac, pour avoir mis aux enchères le siège du sénateur rendu vacant par l’élection de Barack Obama. Il voulait de l’argent (et un boulot bien pour sa femme). Certains étaient prêts à payer, semble-t-il. Blagojevich est inculpé, bien qu’il soit toujours gouverneur, et les Américains sont consternés. Le procureur le dit: « On a touché le fond. » C’est facile de caricaturer, surtout venant de nous autres métèques… Mais, parfois, ça fait du bien. Et au moment de conclure, on pense à Barack Obama, notre ami métis, croisement de deux cultures, dont on espère qu’il aura le courage de mettre un peu d’ordre dans le monde des Blancs… ■
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