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SOS MALI Spécial 10 pages

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 52e année • N° 2674-2675 • du 8 au 21 avril 2012

ENQUÊTE LES 50 QUI FONT LA NOUVELLE TUNISIE MAROC M6-BENKIRANE : 100 JOURS APRÈS

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L’eff Isso et ufou Dossier de 22 pages

PALMARÈS QUI SONT LES SPORTIFS AFRICAINS LES MIEUX PAYÉS ?

Le vrai pouvoir des FRANCS-MAÇONS Les frères ont infiltré les palais présidentiels africains, mais aussi les partis d’opposition, et exercent une influence certaine sur les dirigeants. Entre fantasmes et réalité, enquête sur un phénomène irrésistible.

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Ce que je crois BÉCHIR BEN YAHMED • bby@jeuneafrique.com

SAMEDI 7 AVRIL

Rêve sénégalais, cauchemar malien

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NADITQUELEPRINTEMPSARABE,aujourd’hui dans sa deuxième année, ne franchirait pas le Sahara et ne ferait pas sentir ses effets dans les pays situés au sud de cette mer de sable. J’ai pensé le contraire, senti, depuis le début de ce phénomène, qu’il était africain autant qu’arabe et pronostiqué qu’il ne tarderait pas à se propager au sud du Sahara. Pour moi, il ne fait aucun doute que le Sénégal et le Mali ont été atteints, au début de cette année 2012, par le vent du changement parti de Tunisie une année plus tôt. Il soufflera peut-être demain sur d’autres pays. Mais, pour l’heure, en Afrique de l’Ouest, ce sont ces deux pays-là qui en accueillent ou subissent une forme « d’effet retard ». Qui débouche, comme on va le voir, sur des résultats diamétralement opposés. ■

I- Le Sénégal Investi le 2 avril, le nouveau président de ce pays, Macky Sall, a choisi d’emblée de se comporter différemment et de gouverner autrement. Il faut oublier – complètement ! – qu’il fut membre du parti de son prédécesseur, puis son Premier ministre et, pour finir, en 2007, le directeur de sa campagne électorale, avant d’être le président de l’Assemblée. Aujourd’hui, il n’incarne ni la continuité ni même le changement, mais la rupture. Et c’est exactement ce que les Sénégalais attendaient. Son discours d’investiture, le choix de son Premier ministre et de ses ministres, son comportement général et chacune des décisions qu’il a prises depuis qu’il exerce la fonction ont été réfléchis d’abord, préparés et annoncés ensuite pour signifier au peuple sénégalais qu’il s’agit d’un vrai commencement : ils entrent dans une phase de leur histoire différente de toutes celles qui l’ont précédée. Le Sénégal n’est ni la Tunisie ni l’Égypte ; il n’a pas connu de soulèvement populaire, et l’ancien président, Abdoulaye Wade, n’a pas été renvoyé par la rue comme Ben Ali ou Moubarak, mais à l’issue d’un scrutin à deux tours où il a tout de même rassemblé le tiers des votes. Quant à Macky Sall, il n’a pas accédé au pouvoir par une révolution mais à la faveur d’une alternance démocratique (et générationnelle). Est-ce l’effet indirect du Printemps arabe ? À Dakar et JEUNE AFRIQUE

dans l’ensemble du Sénégal, on a en tout cas le sentiment, comme en Tunisie, de vivre les lendemains d’une révolution et le début d’une ère nouvelle. Les élections législatives du 1er juillet ? Les Sénégalais ont un peu l’impression qu’ils vont élire, eux aussi, une Assemblée constituante… ■

II- La République du Mali Nous ne le savions pas, mais elle était minée de l’intérieur quand, à la fin de 2011, elle a subi les contrecoups négatifs du Printemps arabe et plus précisément de son avatar libyen. Secouée par la chute de Ben Ali et de Moubarak – les autocrates de ses deux voisins –, attaquée de l’extérieur, la dictature tribale et familiale de Kaddafi a fini par se disloquer à la fin de 2011, essaimant ses survivants – hommes armés et argentés – chez ses voisins du Sud : Tchad, Niger et Mali. Ce dernier pays s’est révélé vulnérable : les sécessionnistes de sa partie nord n’attendaient que ce renfort venu de Libye pour reprendre le sentier de la guerre ; une bonne partie des militaires maliens n’attendaient qu’une attaque pour se débander. Avant que certains d’entre eux ne s’insurgent, les armes à la main, contre un pouvoir central méprisé et contre lequel ils se sont libérés de leurs frustrations. Les Maliens, les Africains et le reste du monde ont alors découvert, non sans stupeur, que la République était entre les mains d’une autorité qui, à la veille de passer la main, était gangrenée, usée et sans défense. ■

À la fin de mars, les forces du Nord ont fait sécession, chassé les soldats de la République et occupé le territoire de ce qu’elles appellent l’Azawad. Dans le sud du pays, plus particulièrement la capitale et ses environs, des officiers et sous-officiers du rang « au savoir-faire expéditif et limité » se sont emparés du pouvoir par la force. Ils ne se résolvent pas à le rendre, mais, visiblement, ne savent trop qu’en faire. ■

Les perspectives sont, hélas, encore plus sombres. Depuis le premier jour de l’entrée en crise de la République malienne, la Cedeao s’en occupe avec énergie, N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012


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Ce que je crois les pays voisins se concertent, l’ONU et l’Union africaine ne sont ni absentes ni indifférentes. Quant à la classe politique malienne, elle se mobilise dans sa grande majorité contre la partition et contre le putsch. Mais, en face, de formidables forces de destruction sont, elles aussi, à l’œuvre. Entre ceux qui s’emploient à restaurer l’État malien dans sa plénitude et ceux qui veulent sa partition et sa dislocation s’est instaurée une course de vitesse dont on ignore qui la remportera. Le pays menace de suivre la voie empruntée, il y a plus de vingt ans, par la Somalie. Elle mène à ce qu’on a fini par appeler… la somalisation : partition territoriale, dislocation de l’État central, anarchie et violence. Le tout, sans fin. ■

Le nord du Mali a clamé son indépendance sous le nom d’Azawad : il ne sera reconnu par aucun État, pas plus que ne l’a été le Somaliland, qui fonctionne, certes, mais mendie en vain, depuis vingt ans, sa reconnaissance par un pays ou une institution. Mais alors que le nord de la Somalie est en paix, l’Azawad verra le pouvoir touareg du MNLA contesté par divers intégrismes. Son territoire servira de passage aux terroristes professionnels qui infestent la région et aux trafiquants de drogue dont l’argent pourrit tout et corrompt chacun. Accourront, pour tenter de circonscrire le mal, des forces américaines et françaises, ou de l’Otan ; s’y créera un abcès de fixation. Un grand pays limitrophe, doté de moyens financiers et militaires importants et qui a pour nom l’Algérie, pourra-t-il rester à l’écart ?

Que faire pour tenter d’éviter que ne se produise et ne se pérennise pareil désastre, national pour le Mali, régional pour l’Afrique de l’Ouest comme pour l’Afrique du Nord, africain et même mondial ? ■

À mon avis il faut : 1) Restaurer d’extrême urgence la République malienne, son État, sa Constitution et ses institutions. En obtenant de gré ou de force la reddition des putschistes (et la mise à l’écart de la minorité d’égarés qui a approuvé leur mauvaise initiative). Les propos dilatoires et même hypocrites de leur chef laissent craindre que ce sera malaisé. 2) Mettre en place un pouvoir constitutionnel chargé de redonner au pays un gouvernement et une nouvelle armée, de le mener, dans un délai acceptable, à des élections dignes de ce nom. 3) Engager avec les dirigeants touaregs les plus raisonnables des négociations en vue de l’édification d’un nouvel État malien qui pourrait, voire devrait, être fédéral. ■

Pour s’atteler à cette tâche, une coalition des partis maliens qui se sont déclarés antiputsch et pour la Constitution doit se rassembler sous l’autorité du président de l’Assemblée, intronisé chef d’État constitutionnel. Elle demandera et obtiendra l’appui déterminé de la Cedeao, de l’Union africaine, de l’ONU et des très nombreux amis du Mali. Du grand malheur actuel, de ce méfait du Printemps arabe (le volet libyen), peut renaître, en quelques années, un Mali fédéral et démocratique. ●

Humour, saillies et sagesse Pour vous faire sourire, grincer des dents – ou réfléchir –, ici, chaque semaine, une sélection subjective, la mienne, de ce qui a été dit ou écrit au cours des siècles par des hommes et des femmes qui avaient des choses intéressantes ou drôles à nous dire. B.B.Y. Ì Dans la vie des nations alternent la grandeur et la médiocrité. Georges Pompidou

Ì Dans le ventre de la mère, le bébé entend les conneries que dit le père. Les Nouvelles Brèves de comptoir

Ì Vous êtes bon lorsque vous marchez fermement vers votre but d’un pas intrépide. Pourtant, vous n’êtes pas mauvais lorsque vous y allez en boitant. Même ceux qui boitent ne vont pas en arrière. Khalil Gibran

Ì S’il suffisait de s’installer en position du lotus pour accéder à l’illumination, toutes les grenouilles seraient des bouddhas. Louis Pauwel

Ì Il arrive rarement qu’un homme dise à une femme qu’elle est intelligente. Il a bien d’autres compliments à lui faire. Aussi toute femme se trouvet-elle étonnée et flattée de se l’entendre dire. Même si elle l’est. René Barjavel N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

Ì Croire que sa race, ou sa religion, est seule détentrice de vérité est une erreur. Amadou Hampâté Bâ Ì On ne ment jamais autant qu’avant les élections, pendant la guerre et après la chasse. Georges Clemenceau

Ì La langue qui fourche fait plus de mal que le pied qui trébuche. Proverbe africain Ì L’accent du pays où l’on est né demeure dans l’esprit et dans le cœur, comme dans le langage. François de La Rochefoucauld Ì Nous sommes les abeilles de l’univers. Nous butinons éperdument le miel du visible pour l’accumuler dans la grande ruche d’or de l’invisible. Rainer Maria Rilke Ì Sans mystère, il n’y a pas d’amour. Jean Dutourd JEUNE AFRIQUE


Plus de développement local engendre des avantages d’une plus grande portée. Chez ExxonMobil, nous nous engageons à favoriser le développement et le progrès économique partout où nous opérons. Au Tchad, par exemple, nous avons réalisé des formations auprès de plus de 300 petites et moyennes entreprises pour les aider à améliorer leurs performances commerciales et opérationnelles. Et en Angola, depuis 2008 nous avons conclu des transactions avec des entreprises locales dont le total dépasse plus de 1,3 milliard d’USD. Quand nos activités soutiennent des fournisseurs locaux ou forment des Africains pour travailler dans nos opérations, ExxonMobil fait plus qu’exploiter du pétrole et du gaz. Nous contribuons au développement futur de l’Afrique.

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Éditorial

Marwane Ben Yahmed

Génération Macky

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UCKY MACKY , titre, de manière quelque peu réductrice, le très sérieux hebdomadaire britannique The Economist dans son édition du 7 avril. Certes, les circonstances ont été largement favorables à Macky Sall. Mais le tombeur d’Abdoulaye Wade a surtout su incarner l’homme qu’il faut à la place qu’il faut. En moins de quatre ans… Depuis ce fameux 25 mars, date du second tour de la présidentielle, tout se déroule comme dans un rêve. En moins d’une dizaine de jours, les Sénégalais sont passés de la plus grande inquiétude à un profond soulagement, puis à l’espoir, sentiment qu’ils n’avaient plus goûté de longue date. Car le second mandat de Wade ressemblait trop à une triste fin de règne dans un pays à bout de souffle, déprimé et sans horizon, car réduit à réfléchir à court terme. Crispations et passages en force permanents, pouvoir de plus en plus solitaire, affaires… La chance de « Macky », à vrai dire, ce fut Wade lui-même.

Investiture sobre, passation respectueuse, premier discours à la nation convaincant et applaudi par la majorité des Sénégalais, gouvernement intelligent, équilibré, mais sans concessions excessives à ses partenaires politiques, promesses de respecter ses engagements : ses premiers pas, très attendus et marqués du sceau de la sagesse, ont rassuré. Il règne même désormais à Dakar une douce euphorie. D’un extrême l’autre… L’avenir ? Si Macky sait rester lui-même, si le panier de crabes auquel nous a habitués la classe politique sénégalaise n’est plus qu’un mauvais souvenir et si les partenaires internationaux accompagnent vraiment ce pays sans grandes ressources, nul doute que ce nouveau départ portera ses fruits. The Economist pourra alors écrire « Lucky Senegal ». ● N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

58 MAROC MOHAMMED VI ET BENKIRANE : COHABITATION TRANQUILLE Cent jours après la nomination de son cabinet, le chef du gouvernement est à l’épreuve du pouvoir, qu’il partage avec le roi, en évitant les bras de fer. PHOTOS DE COUVERTURES : BOISSEAUX/LAVIE-REA ; AFP PHOTO/AZZOUZ BOUKALLOUCH ; ALEXANDRE DUPEYRON

« NTS »: nouveau type de Sénégalais. L’expression, inventée par les jeunes du mouvement Y’en a marre, fait actuellement florès. Elle signifie que tout et tout le monde doit changer. Indéniablement, même si rien ne garantit que les fruits passeront la promesse des fleurs, ce changement, plus radical qu’il n’y paraît, est en marche. Sans bruit ni fureur. Une sorte d’alternance dans l’alternance – ce qui pose la question de l’état réel du Parti socialiste –, tranquille et sereine. À l’image de « Macky », en somme, l’exact contraire de « Gorgui » : moins flamboyant ou charismatique, mais jeune (trente-cinq ans de moins que Wade, ce qui fait de lui le premier président sénégalais né après l’indépendance), relativement neuf (c’est sa première présidentielle), constant, pondéré et aimant travailler en équipe. Il aura surtout été le seul à comprendre qu’une élection, au Sénégal, est avant tout « physique ». Elle se passe sur le terrain, dans les meetings ou les villages, au plus près des électeurs, de Saint-Louis à Kédougou, en passant par Diourbel ou Tambacounda, jusqu’à la dernière minute. Une conquête entamée, discrètement et avec une poignée de fidèles, dès 2008, après son éviction du système Wade.

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AFRIQUE DE L’OUEST SOS MALI En quelques semaines, il a tout perdu : son président, ses institutions démocratiques et son intégrité territoriale. Voyage au cœur d’un pays à genoux.

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Ce que je crois Par Béchir Ben Yahmed Confidentiel

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LA SEMAINE DE JEUNE AFRIQUE

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Afrique de l’Ouest SOS Mali Qatar Cheikha Al Mayassa, l’art en Majesté Patrick Buisson Le grand sorcier de Sarkozy Aide Le grand bond en arrière Présidentielle française Hollande, mais bof… Côte d’Ivoire La stratégie de l’évitement Cinéma Whitney revit à l’écran Football russe Tirs de bananes Emploi Sois belle et cache-toi ! Égypte Khairat el-Shater, de la prison au palais ? Tour du monde

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GRAND ANGLE

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Les 50 qui font la nouvelle Tunisie

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AFRIQUE SUBSAHARIENNE

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Sénégal Le grand chambardement RD Congo La relance façon Kabila

JEUNE AFRIQUE


Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs

Le vrai pouvoir des francs-maçons

Les

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Avec ses rites et son goût du secret, la franc-maçonnerie fascine et fait chaque jour de nouveaux adeptes. Et sur le continent, beaucoup en font partie.

qui font la nouvelle Tunisie

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GRAND ANGLE

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SP SPORT CE QUE GAGNENT LE LES STARS Po Pour la première fois, J.A J.A. publie un cl classement des at athlètes les mieux pa payés de chaque pa pays africain. Pl Plongée au cœur du « sport business ».

ENQUÊTE

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Soudan Un monde de brut Francs-maçons L’Afrique bien logée

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MAGHREB & MOYEN-ORIENT

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Maroc Mohammed VI-Benkirane : jours tranquilles à Rabat Essai Bruno de Cessole : « Le nihilisme fait le lit du terrorisme actuel » Liban Mon oncle d’Afrique Mauritanie Ils se sentent enfin chez eux… ou presque

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EUROPE, AMÉRIQUES, ASIE

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Élections françaises Et l’Afrique dans tout ça ? La campagne côté cour et côté J.A. Frivoles, ces Français ! Brésil La méthode Rousseff Parcours David Mola, sous le soleil exactement Japon L’honneur est sauf… mais pas la vie États-Unis Comment peut-on être mormon ?

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LE PLUS DE JEUNE AFRIQUE

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Niger L’effet Issoufou

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JEUNE AFRIQUE

NIGER L’EFFET ISSOUFOU • Politique Démocratie, an I • Interview Mohamed Bazoum, chef de la diplomatie • Carnet de route Zinder, fière et dépendante Spécial 22 pages

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PORTRAITS L’AVANT-GARDE NÈGRE La présence africaine en Europe se résume souvent à l’esclavage. Pourtant, sur le Vieux Continent ou en Asie, l’Histoire s’est aussi construite avec des Africains au destin hors du commun.

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ÉCONOMIE Sport Ce que gagnent les stars africaines Côte d’Ivoire Les bons comptes du « mobile banking » Niger Tripoli s’accroche Gabon Serge Mickoto prépare l’après-pétrole Maroc Larbi Belarbi, autoptimiste Bourse de Tunis Electrostar, un mystère qui électrise le marché Baromètre DOSSIER EMPLOI & FORMATION Afrique du Nord Le printemps des cadres CULTURE & MÉDIAS Histoire L’avant-garde nègre VOUS & NOUS Le courrier des lecteurs Post-scriptum

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FREDY AMARILES/AFP

BUSINESS CARAVANE MAROCAINE

LE DIRECTEUR GÉNÉRAL de l’Agence française de développement.

AFFAIRE NTSIMI Dov Zerah ne décolère pas

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E DIRECTEUR GÉNÉRAL de l’Agence française de développement (AFD), Dov Zerah, a découvert avec « stupéfaction » qu’il aurait, si l’on en croit une facture publiée dans le cadre de notre enquête sur la gestion de la Cemac (J.A. no 2673, du 1er au 7 avril 2012), participé à une réception donnée dans un grand hôtel parisien par le président de la Commission, le Camerounais Antoine Ntsimi. Cette facture de 19940 euros, qui aurait été payée cash par Ntsimi, puis présentée pour remboursement auprès de la Cemac, fait mention d’une réception organisée « dans le cadre de la signature de la convention de financement ABG [Aide budgétaire globale, NDLR] française ». Or non seulement Dov Zerah affirme n’avoir jamais mis les pieds à cette réception, dont on ne trouve nulle trace dans son agenda, mais il juge « extrêmement curieux » qu’elle ait pu se tenir à Paris, le 14 février, alors que la convention d’aide budgétaire qui lui aurait servi de prétexte a été signée neuf jours plus tard à… Bangui, au siège de la Cemac. Très remonté, le DG de l’AFD estime qu’il s’agit là d’une fausse facture et que sa qualité a été utilisée à son insu et à ses dépens pour la rendre plus « crédible ». Il envisage donc de saisir la justice. ● SYRIE LE CHEMIN DE DAMAS PASSE PAR MOSCOU

Le 15 avril, une délégation du Comité national de coordination pour le changement démocratique (CNCD) se rendra à Moscou pour tenter de convaincre le gouvernement

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russe de faire pression sur le régime syrien afin qu’il engage une transition démocratique. Regroupant de nombreux opposants de l’intérieur, le CNCD s’oppose au Conseil national syrien (CNS), plus médiatisé mais en perte de légitimité sur

le terrain. Ce dernier prône désormais l’internationalisation et la militarisation de la révolte, alors que le CNCD refuse de s’écarter de la voie pacifique et nationale. Une approche plus en accord avec les positions russes.

L’offensive des patrons marocainsenAfriquesubsaharienne se poursuit. Du 2 au 9 juin, une centaine d’entre eux se rendront au Gabon, au Cameroun et au Burkina, sous la conduite de Saad Benabdallah, le directeur général de Maroc Export. Cette caravane d’un nouveau genre visera une série de marchés précis: électricité, électronique, énergies renouvelables, industries mécaniques et métallurgiques, agroalimentaire, BTP, pharmacie, ainsi que les nouvelles technologies de l’information et de la communication.

SINISTRE BILAN

10 000

Le nombre des victimes de la répression en Syrie, selon une estimation de l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) rendue publique le 2 avril.

TUNISIE REDISTRIBUTION DES CARTES

Selon un sondage de Sigma Conseil du 2 avril, 67,9 % des Tunisiens se déclarent insatisfaits du gouvernement Jebali. 55,8 % ne se prononcent pas sur la personnalité la plus qualifiée pour diriger le pays, mais 18 % choisissent Béji Caïd Essebsi, l’ancien chef du gouvernement provisoire, et 5,4 % Kamel Morjane, l’ancien ministre de Ben Ali. Cela ne pouvait mieux tomber. Proche de Caïd Essebsi, Lazhar elAkremi confirme en effet que ce dernier s’apprête à créer son propre parti, qui sera officiellement présenté dans le courant de ce mois. Fondateur du parti néodestourien El-Moubadara, Morjane met en place de son côtéunnouveaupôlepolitique, JEUNE AFRIQUE


N EN UM VE ÉR NT EDO D EU OU XS EM BLE AIN ES

Politique, économie, culture & société le Forum de l’indépendance, avec Abdelfattah Mourou, leader des islamistes modérés, et Mondher Belhaj Ali, un universitaire libéral. Une feuille de route fixant les étapes de la transition jusqu’aux élections de 2013 serait déjà prête.

ALGÉRIE-MALI Friture sur la ligne LE RAPT DE SEPT DIPLOMATES, le 5 avril à Gao, dans le Nord-Mali, risque d’affecter durablement les relations entre les autorités algériennes et le commandement du MNLA. À un général des services algériens qui lui reprochait par téléphone, « en des termes très vifs », d’être incapable d’assurer la protection du personnel diplomatique, un dirigeant touareg a vertement répliqué : « Nous avons affecté deux hommes à la protection de votre consulat. C’était certes insuffisant mais je vous rappelle que nous vous avons alerté dès le mois de février, alors que Gao était déjà encerclé. Votre personnel militaire [une vingtaine d’officiers pilotant un cycle de formation pour les soldats de l’armée malienne, NDLR] a alors été évacué par hélicoptère. C’est à ce moment-là qu’il aurait fallu exfiltrer vos diplomates. » ●

GHANA RÉFUGIÉS LIBÉRIENS INDÉSIRABLES En marge de la réunion extraordinaire (Abidjan, 26 mars) que la Cedeao a consacrée à la crise malienne, John Atta Mills, le président ghanéen, a informé Alassane Ouattara et Ellen Johnson-Sirleaf qu’il ne souhaite plus accueillir de réfugiés libériens. Ouvert par le HCR en 1990 à une quarantaine de kilomètres d’Accra, le camp de Buduburam va ainsi être fermé – le 30 juin au plus tard. Il a longtemps été le terrain de chasse favori des recruteurs de mercenaires libériens pour le compte de Laurent Gbagbo. Depuis la chute de celui-ci, il sert de refuge à des miliciens ivoiriens anti-Ouattara.

État d’alerte à Tamanrasset DEPUIS LA PRISE DU NORD-MALI par les rebelles touaregs, les 31 mars et 1er avril, les quelque trente mille soldats de la base deTamanrasset, dans le Grand Sud algérien, sont en état d’alerte. Sur ordre du président Bouteflika, le général Ahmed Gaïd Salah, chef d’état-major, y a fait acheminer des renforts. La base abrite aujourd’hui plusieurs avions de transport C-130 et une quarantaine d’hélicoptères de combat MI-17 et MI-24. Après l’enlèvement, le 5 avril, de sept diplomates au consulat d’Algérie à Gao, le chef des services de sécurité algériens, le général Mohamed Médiène, aliasToufik, a en outre dépêché àTamanrasset des unités spécialisées dans la lutte antiterroriste. ●

GABON DANS LE COLLIMATEUR DE L’IATI

L e G a b o n a j u s q u ’a u 9 décembre pour éviter d’être exclu de l’Initiative internationale pour une aide transparente (Iati), une organisation lancée en septembre 2008 dont la mission est de s’assurer que les fonds alloués aux pays en développement sont autant que possible consacrés à la réduction de la pauvreté. Contrairement aux exigences de l’Iati, le dernier rapport annuel du Gabon n’évoquait que des données datant de…

CAMAIR BOEING À VENDRE

JEUNE AFRIQUE

BOURSE D’ABIDJAN RÉORGANISATION

Après sa nomination au ministère sénégalais de l’Économie et des Finances (lire aussi pp.46-48),lebanquierAmadou Kane a démissionné du poste de président du conseil d’administration de la Bourse régionale des valeurs mobilières

(BRVM) qu’il occupait depuis le mois de juin 2011. Le prochain conseil devait avoir lieu le 13 avril à Abidjan, mais se tiendra finalement à Dakar pour permettre aux douze administrateurs de saluer leur ex-collègue devenu ministre. Ces derniers désigneront un présidentintérimairepourtrois mois, l’assemblée générale de la BRVM étant dans l’obligationdeseréuniravantle30juin afin d’arrêter son bilan annuel et de procéder au renouvellement d’une partie des administrateurs.

AIR MADAGASCAR, LE RETOUR ?

Rajoelina chez Airbus

LALAND

Chargé de la liquidation de la Cameroon Airlines (Camair), le cabinet d’audit et de conseil Bekolo & Partners organise depuis la mi-février et jusqu’à la fin du mois de juin la vente aux enchères des biens de la compagnie défunte. Cette dernière, qui accuse un déficit de 100 milliards de F CFA (152 millions d’euros), est en liquidation depuis mai 2008. Équipements d’atelier, mobilier de bureau, matériel informatique et de téléphonie sont donc proposés à la vente, de même qu’une épave de Boeing 767-200, clouée au sol depuis plusieurs années, et un stock de pièces de rechange. Valeur estimée de l’ensemble: 728 millions de F CFA.

2006 ! La Guinée équatoriale a déjà été exclue de l’organisation, ce qui a suscité la méfiance des bailleurs de fonds et contribué à la dégradation de l’image du pays.

Moins d’un an après son inscription sur l’annexe B de la liste noire des compagnies interdites de vol en Europe – deux Boeing 767 ne répondaient plus aux normes –, Air Madagascar tente de remonter la pente. Grâce à un accord avec Air France, il vient ainsi d’acquérir deux Airbus A340-300 dans le cadre d’une location-vente d’une durée de six ans. Président de la Haute Autorité de la transition, Andry Rajoelina est venu en personne, en marge d’une visite en France du 7 au 11 avril, réceptionner au siège d’Airbus, à Toulouse, le premier appareil destiné à assurer la liaison Antananarivo-Paris. Le second suivra d’ici au mois de juin. Montant global de la transaction : 60 millions de dollars. N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012


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La semaine de Jeune Afrique

SOS AFRIQUE DE L’OUEST

En quelques semaines, il a tout perdu : son président, ses institutions démocratiques et son intégrité territoriale. Voyage au cœur d’un pays que les assauts conjugués des militaires, des rebelles touaregs et des islamistes armés ont mis à genoux.

Le résultat est consternant. Un putsch absurde de capitaines populistes, une sécession de la ’Afrique,c’estunpeucomme moitié du pays autoproclamée indépendante, un Sisyphe », a dit Nicolas désastre humanitaire annoncé et la peur de voir Sarkozy le 5 avril. Autant naître ce que Nicolas Sarkozy, toujours lui, qualifie dire un éternel recomd’« État terroriste au milieu du Sahel ». Sauver le mencement de crises. Mali est donc une tâche collective beaucoup plus Comparaison malheureuse, urgente que d’affamer une junte éphémère qui, de limite condescendante. Car les responsabilités toute manière, n’a prise sur rien. Si les forces de la dans le drame que connaît aujourd’hui l’anCommunauté économique des États de l’Afrique de cien empire de Soundiata Keïta sont, on le sait, l’Ouest (Cedeao) peuvent ramener l’ordre constituautant externes qu’internes. tionnel à Bamako, elles n’ont ni La tragédie malienne a des la logistique, ni l’expérience, ni Ce qui se passe est allures de poupée russe : l’encadrement suffisants pour un désastre. s’avancer au-delà de Mopti. à l’irrédentisme touareg, La seconde mort Seule l’Algérie a le budget et dont les racines remontent les troupes nécessaires pour au début des années 1960 de Soundiata Keïta. s’aventurer dans le Nord déseret que les gouvernements tique. Le voudra-t-elle ? Persuadés du contraire, qui se sont succédé à Bamako ne sont jamais certains,auministèrefrançaisdelaDéfense,songent parvenus à gérer, sont venus s’ajouter les comportements trop souvent prédateurs d’une classe déjà à utiliser les Touaregs du Mouvement natiopolitique érigée en caste et, ces dernières années, nal pour la libération de l’Azawad (MNLA) contre l’absence de régulation de la part d’un président l’ennemi principal: Al-Qaïda au Maghreb islamique certes démocrate, mais faible et influençable. (Aqmi). Quitte, au passage, à fermer les yeux sur Aux conséquences prévisibles, incontrôlées et, la naissance, largement fictive pour le Mali, dévastatrices du renversement de pour l’instant, du premier État Ì LE DRAPEAU Kaddafi voulu et organisé par Paris, Londres berbère du continent – l’Azawad. DE L’AZAWAD, BRANDI PAR Dans cette effarante partie de et Washington, se superpose ce qu’il faut bien DES INSURGÉS, dominos qui n’a que fort peu appeler la passivité d’une puissance régionale, à Léré, dans de chose à voir avec le mythe de l’Algérie, d’où proviennent pourtant les émirs la région de Sisyphe, la victime est connue : salafistes dont le drapeau noir flotte sur Gao et Tombouctou, le peuple malien. ● en février. Tombouctou. FRANÇOIS SOUDAN

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FERHAT BOUDA

Mali JEUNE AFRIQUE

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La semaine de J.A. L’événement

Enquête La longue marche des Hommes bleus

Pour le Mali, tout s’est joué il y a un an, avec la chute de Mouammar Kaddafi. Le retour de Libye de plusieurs centaines de combattants touaregs, emmenés par le colonel Ag Najim, a ravivé la flamme de la rébellion. Et précipité, en quelques mois à peine, la partition du pays.

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avec attention ce qui se passe en Libye, il sait que la chute du « Guide » n’est plus qu’une question de temps. Il lui faut trouver un plan B. La solution lui vient du Mali. Courant mars, il est contacté par Ag Bahanga, issu comme lui de la grande tribu des Ifoghas. Ag Najim voue à Bamako une haine tenace. Il n’a jamais accepté le contenu du pacte national, conclu en 1992, ni les accords d’Alger, signés en juillet 2006. Aussi, lorsqu’on lui propose de l’aider à revenir au pays avec armes et bagages, l’affaire est vite conclue. Dans les semaines qui suivent, Ag

ALGÉRIE E

TOMBOUCTOU 1er avril

Douentza 2 avril

Mopti Bamako BURKINA FASO GUINÉE

FAUSSER COMPAGNIE. À partir de la fin du mois d’avril, des petits groupes de quelques dizaines d’éléments chacun franchissent la frontière par la passe du Salvador, les uns après les autres, à bord de véhicules 4x4, puis traversent le ● ● ●

MALI

400 km

SÉNÉGAL

Najim organise donc le rapatriement des Touaregs qui lui sont fidèles. La consigne est claire : il faut rentrer au Mali avec un maximum d’hommes, un maximum d’armes et un maximum de discrétion. Il n’est déjà plus question de négocier avec le président Amadou Toumani Touré (ATT).

MAURITANIE

a guerre au Mali a commencé il y a un an, en Libye. Bien plus au nord, bien plus à l’est que les trois régions de Gao, Kidal et Tombouctou dont les rebelles du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) ont, en quelques semaines,prislecontrôle.Noussommes en mars 2011. Au Mali, le MNLA n’existe pas encore et le dernier grand soulèvement touareg, dans les régions de Kidal et Ménaka, remonte à mai 2006. Depuis, les Hommes bleus d’Ibrahim Ag Bahanga ont peu fait parler d’eux. Il y a bien eu quelques enlèvements de militaires,en2008,etdesattaquescontre l’armée à Abeïbara, la même année, et à Nampala, en 2009. Ag Bahanga luimême s’est un temps réfugié auprès du colonel Kaddafi, mais c’est à peu près tout. La frustration, en revanche, est toujours là. En Libye, pendant ce temps, ça chauffe. En février 2011, les villes de Tobrouk, El-Beïda et Benghazi se soulèvent.Enmars,c’esttoutelaCyrénaïque qui conteste, les armes à la main, l’autorité de Mouammar Kaddafi. L’Otan s’en mêle, le 19, avec l’aval du Conseil de sécurité de l’ONU. Dans le Sud libyen, oùilestpositionné,lecolonelMohamed Ag Najim sent le vent tourner. Touareg et Malien, il sert dans la Légion verte depuislesannées1980mais,commeses « frères » restés au pays et qui observent

KIDAL

30 mars

GAO

31 mars


SOS Mali Zone où étaient stationnés les rebelles touaregs Trajet emprunté, entre avril et juillet 2011, par les Touaregs maliens qui servaient Kaddafi Territoire de l’Azawad revendiqué par le MNLA Villes prises par le MNLA et Ansar ed-Dine

LIBYE

trois régions administratives du Nord. Nousn’ironspasplusbas,saufsionnous agresse. » Le 5 avril, le MNLA annonçait la fin de ses opérations militaires et affirmait que sa position la plus méridionale était située à Douentza, au nord-est de Mopti. Mais l’indépendance, vraiment? Officiellement, oui, même si au sein de la rébellion on laisse entendre que l’on pourrait s’accommoder d’un système fédéral qui laisserait à l’Azawad une très large autonomie. « Tout cela se négociera, continue Hama Ag Sid Ahmed. Pour réussir l’indépendance, il faudra un référendum qui, de toute façon, ne pourra pas être organisé avant trois à cinq ans. Il faudrait une période de transition avant. » Quand? Comment ? De quoi vivrait le nouvel État? De l’uranium, de l’or et du pétrole que les rebelles pensent pouvoir trouver dans le sous-sol? Qui en serait le président? Quelle administration y serait installée? Mystère. Les questions sont

« Nous n’irons pas plus au sud, sauf si on nous agresse. » HAMA AG SID AHMED, porte-parole du MNLA

Passe de Salvador

NIGER ● ● ● nord du Niger, sans que les bribes d’informations satellitaires transmises par les Américains permettent de les arrêter. Au final, près de 300 combattants regagnent ainsi les QG de Zakake et Tigharghar, dans la région de Kidal. Ag Najim, lui, ne quittera la Libye qu’en juillet, échappant de justesse, à Oubari, à une attaque de militaires pro-Kaddafi qui avaient fini par comprendre qu’il comptait leur fausser compagnie après s’être servi dans leurs arsenaux. C’est à cette époque-là qu’est créé le MNLA. Ag Bahanga, qui avait prévu de faire d’Ag Najim son chef d’état-major, meurt dans un accident de voiture le 26 août, contraignant le MNLA à se réorganiser. Ag Najim en devient le

JEUNE AFRIQUE

stratège militaire et la figure emblématique. Il obtient plusieurs ralliements de poids dans l’armée malienne, dont celui du colonel Assaleth Ag Khabi, en octobre 2011, et parmi les jeunes du Mouvementnationaldel’Azawad(MNA). Ilpasseàl’offensive,le17janvierdernier, enattaquantMénaka.Lasuiteestconnue. ÉCLATS. En à peine plus de deux mois,

les rebelles touaregs (2 500 hommes environ) ont fait reculer l’armée malienne et fait voler le pays en éclats. Où s’arrêteront-ils? « Depuis le début, nous sommes très clairs, insiste Hama Ag Sid Ahmed, porte-parole du mouvement. Ce que nous voulons, c’est l’indépendance de l’Azawad, c’est-à-dire des

bien plus nombreuses que les réponses. Toutefois, le MNLA affirme déjà qu’il n’envisagepasdedialogueraveclajunte qui a renversé ATT, le 21 mars. « Les putschistes n’ont aucune légitimité, répète Sid Ahmed. Nous, nous n’avons jamaiseul’intentionderenverserlesinstitutions démocratiques. » Il ne redoute pas non plus une intervention militaire de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (« ce serait bien la première fois que la Cedeao se déciderait rapidement »). Reste le problème de la laïcité – une valeur à laquelle le MNLA se dit attaché. Aujourd’hui encore, le Mouvement nie êtreliéàAl-QaïdaauMaghrebislamique (Aqmi). Des affrontements sporadiques lesontopposésendébutd’annéeet,plus récemment, le 11 mars, dans la région de Tombouctou. Le MNLA reconnaît en revanche s’être battu aux côtés d’Ansar ed-Dine. Emmené par Iyad Ag Ghali, figure historique des précédents soulèvements touaregs, ce mouvement islamiste a été créé en septembre dernier, avec la bénédiction du MNLA, pour récupérer les Touaregs « égarés » dans les rangs d’Aqmi. Il compte ● ● ● N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

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La semaine de J.A. L’événement vides, quand Aqmi a les moyens de se montrer convaincant, y est évidemment pour beaucoup. Et pour ajouter encore à la complexité de la situation, un autre groupe islamiste a fait son entrée en scène: le Mouvement Unicité et Jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao). C’est lui qui est à l’origine de l’enlèvement de trois Européens, en octobre 2011, dans la région de Tindouf (Algérie). Et, le 31 mars, c’est lui qui, le premier, est entré dans la ville de Gao. Le2avril,ledrapeaunoirdesdjihadistes, barré d’un « Allah Akbar », a été hissé sur la ville de Tombouctou, pourtant tombée un jour plus tôt sous les coups du MNLA. Pas celui de l’Azawad. Le lendemain, le 3 avril, Mokhtar Belmokhtar, puissant émir d’Aqmi, a assisté à la prière du soir à la grande mosquée de la ville, et les jours suivants, son numéro deux, Oumar Ould Amaha, prenait ses quartiers aux côtés d’Iyad Ag Ghali. Plusieurs témoignages ont fait état aussi de la présence, tout début avril à Tombouctou, d’Abou Zeid, autre redoutable émir d’Aqmi. Le MNLA semble bien avoir perdu la main. Mais pour combien de temps? ●

LE JOUR OÙ TOUT S’EST DÉCIDÉ LE 7 DÉCEMBRE 2011, ils se sont tous retrouvés à Zakake, au nord de Kidal, où les rebelles touaregs ont installé leur base arrière. Il y a là un représentant d’AbdelkrimTargui, le seul émir touareg d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), Mohamed Ag Najim, chef du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), Iyad Ag Ghali, leader d’Ansar ed-Dine, Intalla Ag Attaher, puissant aménokal (chef traditionnel) de Kidal, et quatre chefs de tribu de la région. L’offensive touarègue n’a pas encore commencé, mais ils en règlent déjà les modalités. Approché, Ag Ghali refuse de rejoindre le MNLA, dont on vient de lui proposer l’un des postes clés, au motif qu’il est contre la sécession. Ag Najim, lui, se sent peu d’affinités avec le fondamentalisme musulman et redoute les conversions forcées. Des différends irréconciliables ? Peut-être. Mais le 19 janvier dernier, c’est ensemble qu’ils ont attaqué ADAM THIAM, à Bamako Aguelhoc. L’entente a fait long feu. ●

près de 300 combattants, bien armés et extrêmement mobiles, qui ont joué un rôle décisif dans les prises d’Aguelhoc, de Gao et de Kidal… au point de sembler voler le leadership de la rébellion au MNLA. Car si Ansar ed-Dine a bien joué son rôle de structure d’accueil, ce n’est pas dans le sens souhaité par ses initiateurs. Loin de contrer l’influence des salafistes, le mouvement paraît avoir été retourné

par Aqmi pour attirer dans ses rangs les TouaregsduMNLA.Sonchef,IyadAgGhali, est désormais hors de contrôle. Mus par une ancienne rivalité tribale qui s’enracine dans la carte sociale de l’Adrar des Ifoghas, Ag Ghali et Ag Najim ne parviennent plus à s’entendre. Ansar ed-Dine réclame l’instauration de la charia sur l’ensemble du territoireetobtientdefréquentsralliements. Le fait que les caisses du MNLA soient

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ANNE KAPPÈS-GRANGÉ

Portraits Ce sont les maîtres du Nord

Ils ont parfois peu de choses en commun, mais c’est ensemble qu’ils ont conquis plus de la moitié du territoire malien. Une alliance de circonstance, où intérêts et objectifs divergent déjà.

Mohamed Ag Najim Le stratège (MNLA)

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Bilal Ag Cherif Le politique (MNLA)

DANS LE BUREAU exécutifduMouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), c’est à la fois le numéro un et le chef politique. Mais Bilal Ag Cherif reste peu

connu. Le visage émacié et encore jeune, Ag Cherif est né dans l’Adrar des Ifoghas, dans le nord-est du Mali. Parti étudier en Libye, il est arabophone. Compagnon de lutte d’Ibrahim Ag Bahanga, il est devenu, après la mort de ce dernier en août 2011, lesecrétairegénéraldumouvementrebelle. Depuis le début de l’offensive du MNLA, le 17 janvier, Bilal Ag Cherif a effectué plusieursdéplacementsàNouakchottetAlger. Pendant qu’Ag Najim combat, Ag Cherif cherche des soutiens extérieurs…

Iyad Ag Ghali L’islamiste (ANSAR ED-DINE)

YVES HERMAN/REUTERS

ÂGÉDEPLUSde50ans, Mohamed Ag Najim a deux cultures. Par sa naissance,ilesttouareg – il est né près de Tessalit, dans le nordest du Mali, dans une famille noble issue des tribus Idnan et Kel Effela. Mais par son parcours, il est vite devenu arabophone. Après la grande sécheresse de 1973, il a émigré en Libye, où il a fait une brillante carrière d’officier. Avant la révolution, il avait rang de colonel dans l’armée du «Guide»etcommandaitunebrigadechargéedesurveillerletraficdedrogueàSebha, dans le Sud libyen. Habilement, Ag Najim n’a jamais rompu avec sa communauté d’origine. Ces trentecinq dernières années, il est régulièrement revenu voir la famille touarègue au NordMali. À son retour l’an dernier, il a donc été

bienaccueilliparsesfrèreset,enseptembre, après la mort accidentelle d’Ibrahim Ag Bahanga, chef historique de la rébellion touarègue, il s’est imposé naturellement comme le chef d’état-major de la nouvelle rébellion du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA). D’un caractère calme, Ag Najim est un stratège qui a minutieusement préparé l’offensive du 17 janvier dernier. Le 3 avril, interrogé par RFI sur la concurrence d’Ansar edDine, il a simplement répondu, en arabe: « Attendez quelques jours et vous verrez. »

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IL AVAIT JUSQUELÀ été discret, préférant jouer les interméd i a i re s o c c u l t e s. Aujourd’hui, c’est lui qui dirige le groupe islamiste Ansar ed-Dine. Né en 1958 à Abeïbara, dans la région de Kidal, Iyad JEUNE AFRIQUE


SOS Mali

DR

Alghabass Ag Intalla L’électron libre DÉPUTÉàl’Assemblée nationale du Mali, Alghabass Ag Intalla, la quarantaine, est surtout une figure de la grande noblesse touarègue dans le fief de la rébellion. Son père, le vieux Intalla Ag Attaher, est l’aménokal – le chef traditionnel – de l’Adrar des Ifoghas, dans la région de Kidal. Mais de plus en plus souvent il supplée son père dans les tâches quotidiennes. Et comme il est appelé à lui succéder, il jouit d’un grand respect. Ses rapports avec Iyad Ag Ghali sont donc compliqués. D’un côté, le chef d’Ansar ed-Dine le protège. En janvier dernier, quand l’armée malienne, commandée par le colonel Ag JEUNE AFRIQUE

AFP PHOTO/AFPTV/FRANCE 2

Gamou, a procédé à la fouille de toutes les maisons de Kidal, Iyad a aidé Alghabass à se mettre à l’abri dans les collines d’Abeïbara. Et depuis qu’Ansar ed-Dine s’est emparé de Kidal, le 30 mars, Alghabass a pu rentrer chez lui. D’un autre côté, Iyad Ag Ghali peut difficilement donner des ordres au fils de l’aménokal. En droit coutumier, c’est plutôt le contraire. Mais il est vrai qu’en temps de guerre…

SON IDENTITÉ fait l’objet d’une controverse. Selon la fiche anthropométrique établie par la CIA et le FBI, il s’agit d’Abid Hammadou, né à Touggourt, à 600 km au sud-est d’Alger. Cependant, selon Anis Rahmani, journaliste algérien d’investigation, son véritable nom est Mohamed Ghedir, né à Debdeb, poste-frontière avec la Libye. Ex-petite main des barons de la contrebande, Mohamed Ghedir devient Abou Zeid en mettant sa parfaite connaissance du terrain et ses réseaux de trafiquants au service d’Amar Saïfi, alias Abderrezak el-Para, chef de la zone 5 (Est algérien) du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC devenu, en septembre 2006, Al-Qaïda au Maghreb islamique – Aqmi). Abdelhamid Abou Zeid hérite du commandement quand El-Para tombe, en 2004. Sa cruauté et la multiplication des prises d’otages (il est

responsable de la mort du Britannique Edwin Dyer et de celle du Français Michel Germaneau) lui valent une triste notoriété. Sa base de repli se situerait dans la « forêt » du Wagadou, au nord de Tombouctou.

Mokhtar Belmokhtar Le trafiquant (AQMI)

SIFAOUI MOHAMED/SIPA

Abou Zeid Le tueur (AQMI)

MOHAMED SIFAOUI/SIPA

Ag Ghali est un Irayakan, de la grande famille des Ifoghas. Au début des années 1980, il part en Libye, y apprend l’arabe et le maniement des armes, avant d’intégrer la Légion verte de Kaddafi. Meneur des rébellions touarègues de 1990, et fortement soupçonné d’être derrière celle de 2006, il est nommé en 2007 vice-consul du Mali en Arabie saoudite, après la signature des accords d’Alger, mais n’occupe ce poste que deux ans, avant d’être rappelé à Bamako. Trop d’acÌ COMBATTANTS cointances avec des D’ANSAR ED-DINE radicaux islamistes, dans les selon certaines rues de Tombouctou, sources. Toutefois, le 3 avril le président Amadou dernier. Sur Toumani Touré ne leur véhicule, l’écarte pas complèle drapeau tement: Ag Ghali jouit noir des salafistes. encore d’un certain prestige au sein de sa tribu, et Abdelkrim Targui, émir touareg d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), serait un lointain parent. Ag Ghali peut être utile, Bamako le sait. Retiré à Kidal, Ag Ghali profite donc de son entregent dans les milieux salafistes pour négocier la libération d’otages occidentaux – moyennant finances, bien sûr. À son palmarès, le Français Pierre Camatte en 2010 et trois des sept personnes enlevées à Arlit (Niger) relâchées début 2011. Quand il fonde Ansar ed-Dine, c’est pour ramener dans le droit chemin les jeunes Touaregs endoctrinés par Aqmi. Selon toute vraisemblance, c’est plutôt l’inverse qui s’est produit.

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IL EST LE PREMIER desémirsdesGroupes islamiques armés (GIA) algériens à avoir compris l’importance d’une implantation dans le Sahel. Surnommé « le Borgne » (il a perdu un œil en Afghanistan), il est originaire de la vallée du M’zab, à 400 km au sud d’Alger. Sa brigade compte 150 combattants surarmés; elle prospère grâce aux trafics en tous genres, aux rapts d’Occidentaux et à la protection des convois de narcotrafiquants qui sillonnent sa zone d’influence – celle-ci s’étend de la frontière mauritanienne au LiptakoGourma, aux confins nigériens et burkinabè. Le commandement d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) lui reproche toutefois son côté affairiste. Le secret de sa réussite au Mali ? Sa double alliance avec les populations locales : il a épousé la fille d’un notable berabiche (tribu arabe malienne) de la région de Tombouctou puis, en secondes noces, la nièce d’un aménokal touareg. ● CHRISTOPHE BOISBOUVIER, CHERIF OUAZANI et BABA AHMED à Bamako N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012


La semaine de J.A. L’événement

Reportage Bamako sous le choc

Arrivés au pouvoir sans l’avoir vraiment prévu, les militaires n’ont convaincu ni la communauté internationale ni les habitants de la capitale, inquiets des conséquences de la guerre.

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roggy. Sonné. Bamako ne se remetpasdecestroissemaines quionttoutchangé.Dececoup d’Étatquiabrutalementstoppé deux décennies de démocratie. De cette rébellion touarègue qui, deux mois après avoir pris les armes, a proclamé l’indépendance de l’Azawad, le 6 avril. De cette pousséedesislamistes,quitiennent,depuis plusieurs jours, Tombouctou, grande ville du Nord. Au sud, l’amertume est énorme. De la junte qui a renversé le président Amadou Toumani Touré (ATT), les habitants de Bamako n’attendent pas grandchose. « Quand je pense que c’est parce qu’il n’arrivait pas à gérer la situation dans le Nord qu’ATT a été chassé du pouvoir », soupire Hawa Haïdara, du Front uni pour la sauvegarde de la démocratie et de la république, ce regroupement de partis politiques et d’associations qui s’oppose aux militaires. « Mais les putschistes vontils démissionner devant leur échec ? » Comme beaucoup, Hawa Haïdara est amère. « Non seulement on a fait un bond en arrière, mais nous avons perdu les deux tiers de notre pays. »

de la démocratie et la restauration de l’État (CNRDRE), a pris ses quartiers, dans le bâtiment décati de deux étages qui servait de poste de commandement de la IIIe région militaire. C’est là qu’il essaie, tant bien que mal, de diriger le pays – mais plus pour longtemps, promet-il. Entre le coup d’éclat du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), les négociations avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et une classe politique qui leur est dans l’ensemble plutôt hostile, les militaires ont bien du mal à décider de la marche à suivre. « La junte navigue à vue, grince un homme d’affaires installé à Bamako. Confrontée à l’exercice du pouvoir, elle a fini par se rendre compte que gouverner le Mali n’est pas une mince affaire. » ALLÉGEANCE. Dur de se consacrer à la

gestion de la crise quand, tout au long de la journée, le poste de commandement grouille de visiteurs. « Les journées commencent dès 6 heures du matin et se terminent souvent après 3 heures », affirme l’adjudant Mady Oulé Dembélé, qui fait office À Kati, où la junte a établi son de chef de cabinet du capiQG, le flot des visiteurs taine Sanogo. C’est un défilé et courtisans est incessant. incessant de pick-up, de berlines et de motocyclettes qui Car le constat d’échec est patent. Le déversent leurs flots de visiteurs. Hommes putsch du 21 mars, ajouté à la désorganipolitiques, syndicalistes, leaders d’opisation de l’armée et à la totale confusion nion convoqués par le capitaine « pour qui, début avril, régnait encore à la tête de consultation », militaires venus prêter l’État, a bien fait le lit des rebelles et des allégeance ou courtisans venus assurer islamistes. Quelques jours seulement leur leurs prébendes… Kati ne désemplit pas. ont suffi pour prendre les villes de Gao, Pour accéder au saint des saints, il faut Kidal et Tombouctou, sans que jamais les montrer patte blanche. D’abord à un commilitairesneparviennentàlesenempêcher mis scrupuleux qui consigne d’une main – ni ne le tentent vraiment. Si elle n’était de calligraphe nom, prénom et coordonpas aussi tragique, la situation serait risible. nées téléphoniques dans son registre. Puis Au camp Soundiata Keïta de Kati, on on doit subir une fouille méticuleuse. Pour, en haut de l’étroit escalier en métal, accuse le coup. C’est dans cette ville prendre place sur l’un des divans en cuir de garnison, située à une quinzaine de qui a connu des jours meilleurs. Et, face kilomètres de Bamako, que le capitaine au capitaine, il faut être bref. Le temps Amadou Haya Sanogo, propulsé à la tête du Comité national pour le redressement est compté. N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

ISSOUF SANOGO/AFP

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ORIGINAIRES DU NORD, des centaines de Maliens ont proposé, le 4 avril, de prendre les armes contre les rebelles touaregs et les islamistes.

Sourire aimable, voix grave et posée… Amadou Haya Sanogo tente de faire bonne figure. Pourtant, il piaffe d’impatience, pressé de « repousser les rebelles aux confins du désert », de « remettre le Mali sur la voie du développement », de « lutter contrelacorruption».Lechantierestvaste, mais ne lui fait pas peur, assure-t-il: « Le peuple malien compte sur moi, je n’ai pas le droit de le décevoir. » Un mélange de populismeàlaDadisCamaraetd’exaltation sankariste. « Plus Dadis que Sankara », ironise un politicien. Mais le chef de la junte se dit insensible aux critiques. Après tout, ce coup d’État, c’est aussi contre tous ces hommes politiques qu’il l’a fait, contre ces chefs de parti qui, par leur silence ou leur complaisance, se sont rendus complices du naufrage malien. Pour l’heure, le capitaine Sanogo donne desordresauxtroupessurleterrainetpasse d’innombrables coups de fil à des ambassadeurs de « pays amis ». Qui exactement? Les proches de Sanogo entretiennent le mystère, tout comme ils feignent d’ignorer lesrumeursqui,jouraprèsjour,annoncent JEUNE AFRIQUE


SOS Mali Le 6 avril, la majorité des 35000 fonctionnaires n’avait toujours pas perçu son salaire. Effrayés par l’éventualité d’une hausse des prix, les habitants de la capitale anticipent: les files s’allongent devant les stations-service et les denrées de première nécessité sont prises d’assaut sur les marchés. Dans les banques, où les retraits ont été plafonnés à 500000 F CFA (762 euros), l’attente se compte en heures. « Notre économie dépend tellement de l’extérieur qu’un embargo prolongé lui serait fatal », prévientBabalayeDao,secrétairegénéraldu Conseilnationaldeschargeursmaliens,qui regroupedesimportateurs,desexportateurs etdestransitaires.«Lesportsd’Abidjanetde Dakar sont vitaux pour le Mali. C’est par là quetransitetoutcedontnousavonsbesoin, des denrées alimentaires au matériel de construction.»Environ2millionsdetonnes demarchandisesentrentchaqueannéevia ces ports. « Nous pourrions nous tourner vers la Mauritanie [qui ne fait pas partie de la Cedeao, NDLR], mais cela demanderait une organisation différente. »

JOE PENNEY

PANIQUE. Dans le monde des affaires,

le départ imminent du chef de la junte. Danslacour,unhommedetroupeprésente fièrementunfusil-mitrailleurdontilassure qu’il a été « offert par les amis chinois », au cours de la première semaine d’avril. Mais ce n’est pas suffisant. Il faudrait plus, beaucoup plus. Des chars de combat, des véhicules de transport de troupes, des JEUNE AFRIQUE

roquettes et pourquoi pas un ou deux hélicoptères de combat Mi-24? Quant à la mobilisation des fonds, c’est un autre problème.LesressourcesduTrésormalien sont loin d’être inépuisables et l’embargo delaCedeaoacontraintlaBanquecentrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) à geler les fonds octroyés au Mali.

c’est presque la panique. « En dix jours, nous avons perdu 70 millions d’euros », lâche l’industriel Aliou Diallo. Cotées à Francfort, les actions de son entreprise minière, Wassoulor, sont passées de 12,5 à 9 euros en dix jours. « On est parvenus à limiter la casse, ajoute-t-il. Mais si ça continuecommeça…C’estladoublepeinepour les Maliens. Ils n’ont rien demandé, ils ne sont pas coupables, mais ils subissent de plein fouet les conséquences des mauvais choix des politiques. » Des politiques que les Maliens considèrent tous comme comptables du bilan d’ATT. « Tous ceux qui sont là ont profité, d’une façon ou d’une autre, du système qui nous a menés à l’impasse », explique l’un d’eux. Lui veut croire que le coup d’État, décrié ou salué, perð AFFICHE SUR mettra de remettre LAQUELLE LE CHEF les choses à plat. « Ce DE LA JUNTE sera l’occasion de promet de crever l’abcès, espère restaurer l’unité du pays. un homme d’affaires arabe.Ilyaeutropde douleurs, trop d’incompréhensions entre les différentes communautés au Mali. Elles ont souvent été instrumentalisées à des fins politiciennes. Ne pas en parler, ne pas régler tous les contentieux une bonne fois pour toutes nous ramènera au même point dans vingt ans. » ● MALIKA GROGA-BADA, envoyée spéciale N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

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La semaine de J.A. Les gens

Cheikha Al Mayassa L’art en Majesté La fille de l’émir Al Thani préside l’Autorité des musées du Qatar et oriente la politique culturelle du pays. Avec beauté, brio et… des moyens illimités.

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l y a l’émir Hamad, à la tête du pays. Il y a son cousin, Hamad Ben Jassem, le puissant Premier ministre, qui règne sur la politique étrangère et les investissements. Il y a son fils, Tamim, prince héritier et président du Comité olympique du Qatar. Il y a son épouse favorite, l’élégante Mozah, qui supervise les domaines éducatifethumanitaire.EtilyaAlMayassa, sa fille, son quatorzième enfant, présidente de l’Autorité des musées du Qatar (QMA). À elle, les arts et la culture, pièces majeures dans l’arsenal du soft power qatari. Fin 2011, le magazine Art & Auction sacrait cette ravissante princesse de 29 ans « personnalité la plus influente du monde de l’art ». Sans surprise: en juillet, The Art Newspaper avait révélé que le petit État du Golfe est devenu le plus gros acheteur d’art contemporain. Car l’émir souhaite faire de sa capitale une nouvelle Florence. Alors qu’à Abou Dhabi les projets de Louvre et de Fondation Guggenheim s’enlisent, sa fille gère avec brio le chantier qatari. SonarrivéeàlatêtedelaQMAacoïncidé avec l’ouverture, en 2008, d’un splendide muséed’Artislamique.Depuis,laprincesse a inauguré le Mathaf, un musée d’art arabe moderne et contemporain, et elle suit de près les travaux de l’architecte Jean Nouvel, dont le Musée national, en forme de rose des sables, devrait être achevé en 2014. Sous son égide, les programmations de l’émirat font pâlir d’envie les capitales mondiales de l’art. En décembre 2011, l’événement phare a été la présentation de l’œuvre monumentale du sculpteur Richard Serra, un dolmen d’acier brut de 24 m dressé au milieu de la baie de Doha,

AURORE BELKIN/ARABIANEYE/CORBIS

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Ì POUR LES ACQUISITIONS

d’œuvres, la princesse propose, son émir de père dispose.

commandé au maître par Al Mayassa en personne.Encemoment,lesexpositionsdu Japonais Takashi Murakami et du Chinois Cai Guo-Qiang font sensation. D’Orient ou d’Occident, la princesse parvient à attirer les plasticiens les plus cotés. Et les crédits illimitésdontelledisposepermettenttoutes leslubies.Enfévrier,laQMAaaffolélemarché de l’art en s’offrant Les Joueurs de cartes de Cézanne pour, dit-on, 250 millions de dollars: le tableau le plus cher de l’Histoire. SCIENCES-PO PARIS. « J’incarne l’essor

culturel de mon pays », a confié Al Mayassa en 2010, qui n’a pourtant pas reçu de formation artistique. Licenciée ès sciences politiques et en littérature à l’université Duke (États-Unis), elle est brièvement passéeparSciences-PoParis,etsesactivités associatives la prédisposaient davantage aux relations internationales qu’à la fréquentation des ateliers d’artistes. Mais à Doha, la séparation des rôles est stricte: aux messieurs le sport, le business et la

politique, aux dames la culture, l’éducation et l’humanitaire. Al Mayassa s’entoure alors des meilleurs conseillers, comme Edward Dolman, l’ancien président de Christie’s, débauché en juin 2011. Et, comme elle l’avoue ellemême, son équipe propose, l’émir dispose. Ses rares interventions disponibles sur internet sont l’écho fidèle de la doxa qatarie: dialogue des civilisations et attachement aux traditions. Mais, ces derniers temps, son goût pour la diplomatie refait surface. Révélé par le Guardian, le piratage des boîtes mails du président syrien Bachar al-Assad et de son épouse Asma a mis au jour un échange entre la femme du dictateur et la fille de l’émir: « C’est le bon moment pour partir et recommencer une vie normale », écrivait la princesse à son amie le 11 décembre dernier. Il semble hélas qu’Al Mayassa ait plus de talent pour les transactions artistiques que pour les transitions politiques. ● LAURENT DE SAINT PÉRIER

NOMINATIONS

DANIEL SAVIEMBA RAIMUNDO FOMAC À 42 ans, le général de brigade angolais a été nommé chef d’état-major régional de la Force multinationale d’Afrique centrale. Il a déjà participé à plusieurs opérations de maintien de la paix sur le continent. N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

TAYEB BELAÏZ ALGÉRIE Cet ancien magistrat de 63 ans, qui était ministre de la Justice depuis 2003, a été nommé à la tête du Conseil constitutionnel en remplacement de Boualem Bessaih, arrivé en fin de mandat. JEUNE AFRIQUE


EN HAUSSE

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GEORGE GALLOWAY

Patrick Buisson Le grand sorcier de Sarkozy

Le militant propalestinien, trublion de la politique britannique, a été élu à la Chambre des communes sous l’étiquette du petit Respect Party avec 56 % face au candidat travailliste, lors de législatives partielles à Bradford, le 30 mars.

Stratège, voire gourou, du chef de l’État, il se flatte de saisir l’humeur électorale des Français.

MONIQUE ZENZILE LEE MAKEBA

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«

l y a très peu de personnes dont je puisse dire “si je suis là, c’est grâce à eux”. Patrick Buisson est de ceux-là. » Cette déclaration de Nicolas Sarkozy, faite en novembre 2007, en dit long sur l’influence de ce personnage qui évite soigneusement le feu des projecteurs. Issu de la droite radicale (il fut responsable dans les années 1980 de l’hebdomadaire Minute), cet homme de 63 ans est devenu l’un des conseillers les plus écoutés du chef de l’État, qui se dit impressionné par sa capacité à saisir l’humeur des Français. Tout a commencé en 2004 quand Buisson s’est présenté devant celui qui était encore ministre de l’Intérieur pour lui prédire la victoire du non quelques mois avant la tenue du référendum sur la Constitution européenne de mai 2005. Deux ans plus tard, il contribue à la victoire du candidat Sarkozy à l’élection présidentielle en lui soufflant la stratégie pour siphonner une bonne partie des voix du Front national. « C’est le meilleur observateur politique. Le plus intelligent, le plus sérieux. Un professionnel remarquable, qui a mis ses talents au service des puissants », dit de lui Jean-Marie Le Pen. Buisson a donc choisi d’être aux côtés du président. Sûr de ses compétences, celui que l’on surnomme Fantômas – et qui dirige la chaîne Histoire, filiale de TF1, et la société de conseil Publifact – affirme que son champion va remporter la présidentielle malgré les sondages défavorables. « Ils ne sont que des instantanés qui donnent l’illusion du réel. En peinture, cela s’appelle un trompe-l’œil », expliquait-il en mars. Reste à savoir si sa trop grande assurance ne finira pas par lui jouer des tours. Épinglé par la Cour des comptes en 2009 pour ses services facturés à l’Élysée sans appel d’offres, il ne s’est pas non plus fait que des amis. Henri Guaino, l’autre éminence grise de Sarkozy, n’apprécie guère d’avoir été relégué au second plan. « Ce sont les Français qui vont décider. Moi, je ne fais pas de pronostics », confie-t-il. Une critique à peine voilée dont se moque un Buisson persuadé de sonder les reins et les cœurs. ● CLAUDE LEBLANC

Ü « FANTÔMAS » SE DIT CERTAIN de la victoire du président sortant.

La petite-fille de Miriam Makeba a reçu des mains d’Alpha Condé, le président guinéen, la décoration d’officier de l’Ordre national du mérite attribuée à titre posthume à la star sudafricaine, le 31 mars à Conakry. BRITTNEY GRINER Grâce à une saison parfaite, la basketteuse américaine (21 ans) pourrait être la première femme à se présenter à la draft NBA de juin à NewYork, point d’entrée de la sélection pour les joueurs, jusqu’ici tous masculins. EN BAISSE

PAL SCHMITT Le président hongrois, proche du Premier ministre conservateur Viktor Orban, a dû démissionner le 2 avril après qu’une commission d’experts a qualifié de plagiat des passages entiers de sa thèse de doctorat. SALAMI MAÏMOUNA ALMOU La ministre nigérienne des Transports a été évincée du gouvernement le 2 avril. Elle est soupçonnée d’avoir introduit illégalement des noix de kola en Arabie saoudite, par un vol transportant des pèlerins vers les lieux saints de l’islam.

DIDIER GOUPY/SIGNATURES

Après avoir laissé entrevoir un espoir, le prince, qui est aussi le chef du Comité olympique saoudien, a fermé la porte à toute participation des sportives saoudiennes aux prochains JO de Londres. JEUNE AFRIQUE

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PHOTOS DR

NAWAF IBN FAYÇAL


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La semaine de J.A. Décryptage Les effets de la crise La plupart des pays de l’OCDE ont réduit leurs engagements envers les pays du Sud Grèce

+33

-39,3

Italie

+13,2 +10,5 +5,9

Allemagne

États-Unis

Belgique

Norvège

Pays-Bas

France

Luxembourg

Finlande

Irlande

Portugal

Danemark

Roy.-Uni

-5,4

Suède

-5,3

Autriche

-32,7 -8,3

Suisse

Canada

Espagne

-3

-14,3

-13,3

-6,4

-5,6

-4,3

-2,4

-3,1

-0,8

-0,9

Japon

+5,8

-10,8

Corée du Sud Total de l’aide versée à l’Afrique CHIFFRES 2011 - SOURCE OCDE

31,4 milliards de dollars

+5,7

Les pays riches sont moins généreux Membres du Comité d’aide au développement*

133,5 milliards de $

DONT

Australie

Membres du G7**

92,1 milliards de $

0,31 % du revenu national brut

0,27 % du revenu national brut

* Les 23 pays sur la carte

** Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni

+10,7

évolution en % de l’APD par rapport à 2010

NouvelleZélande

Aide Le grand bond en arrière

Même à l’égard de l’Afrique, les donateurs sont moins généreux. L’aide bilatérale s’est élevée à 28 milliards de dollars pour la partie subsaharienne (– 0,9%), et seuls les soutiens financiers débloqués en urgence pour accompaEn pleine cure d’austérité budgétaire, les pays du Nord ont réduit gner le Printemps arabe ont permis de leurs financements en faveur du développement en 2011. Reniant dépasser les 31 milliards. C’est moins ainsi toutes leurs promesses… que les investissements étrangers et les transferts des migrants. Autrement dit, l’APD est devenue un levier secondaire es économistes jugeaient la baisse malgré leurs sévères plans de consolide l’aide publique au développeau développement. dation fiscale. Ils montrent que la crise ment (APD) inévitable en raison ne devrait pas être utilisée comme une « Il est sain que les apports de capitaux de la crise économique, les resexcuse pour réduire les contributions au privés aient pris le dessus, mais il serait développement », a lancé Angel Gurria, ponsables politiques assuraient qu’ils criminel de dire que l’on peut se passer le secrétaire général de l’OCDE. tiendraient bon. Les chiffres de l’Orgade l’aide, puisque l’Afrique doit mobilinisation de coopération et de dévelopser des dizaines de milliards de dollars LEVIER SECONDAIRE. Problème : ces pour ses infrastructures, explique le banpement économiques (OCDE), publiés le 4 avril, ont donné raison aux premiers. bons élèves sont minoritaires (voir carte), quier franco-béninois Lionel Zinsou, En 2011, l’APD a atteint 133,5 milliards et l’objectif des 0,7 % de la richesse natiopatron du fonds d’investissement PAI de dollars (102,1 milliards d’euros), soit Partners. Comme les pays une diminution en valeur réelle de 2,7 % de l’OCDE en ont au moins C’est le premier fléchissement (aux prix et taux de change de 2010) et depuis 1997, après une progression pour cinq années d’ajusteen volume de 3,4 milliards de dollars par ment, l’Afrique doit cherde 63 % entre 2000 et 2010. rapport à l’année précédente. cher d’autres mécanismes Ce premier fléchissement depuis 1997 de financement en solliciintervient après une progression de 63 % nale consacrés à l’aide s’éloigne encore un tant les marchés financiers et les nations entre 2000 et 2010. La raison est d’une émergentes qui regorgent d’épargne. » peu plus, contrairement aux engagements logique implacable : les pays du Nord, pris lors du sommet du G8 de Gleneagles, Reste qu’en se montrant moins généreux, notamment européens, ont entamé une en 2005. « Au rythme actuel, les 0,7 % c’est aussi un peu de leur influence que cure d’austérité budgétaire. « J’applaudis seront atteints dans cinquante ans ! » iroles pays riches vont perdre. ● les États qui tiennent leurs engagements nise Sébastien Fourmy, de l’ONG Oxfam. PHILIPPE PERDRIX

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Présidentielle française Hollande, mais bof… Une enquête réalisée auprès de leaders d’opinion étrangers vivant dans l’Hexagone montre qu’ils parient sur la victoire du candidat socialiste. Tout en jugeant le président sortant plus compétent.

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rançois Hollande vainqueur le 6 mai? Ce pronostic des sondages est aussi celui des étrangers installés en France, révèle un sondage OpinionWay réalisé pour le site européen EurActiv.fr et le cabinet de conseil Apco auprès de 182 leaders d’opinion travaillant dans l’Hexagone (cadres supérieurs ou dirigeants d’entreprises, personnels d’ambassadeetcorrespondantsdepresse), du 21 au 27 mars. Selon eux, le candidat socialiste devrait obtenir 52 % des suffrages au second tour de l’élection présidentielle contre 46 % pour Nicolas Sarkozy, 2 % misant témérairement sur le centriste

(58 % pour Sarkozy, contre 30 % pour Hollande) ou celle de la zone euro (56 %, contre 28 %) ou encore la compétitivité et l’attractivité de la France (52 %, contre 33 %). Même en matière de construction européenne (46 %, contre 35 %) et de régulation financière (46 %, contre 38 %), Sarkozy devance Hollande.

TROIS PRIORITÉS. Parmi les huit autres candidats, seule Eva Joly dame le pion aux deux favoris pour les questions touchant à l’environnement, 39 % des sondés estimant que la candidate écologiste est la plus apte à pouvoir répondre aux défis du changement climatique. L’ouverture de la France Syrie, euro… Selon les sondés, et l’accroissement de son Sarkozy est le mieux à même de rôle sur la scène internafaire face à ces dossiers chauds. tionale, la résolution de la crise en Syrie et de celle de que son adversaire socialiste. Ils estiment la zone euro seront les trois priorités de que le président actuel est le mieux placé politique étrangère du futur président pour répondre à neuf dossiers chauds français, assurent les sondés. ● du moment, comme la crise syrienne JEAN-MICHEL MEYER

François Bayrou. Et pourtant, les trois ciblesinterrogéesattribuentunanimement une prime au sortant! Les sondés font ainsi « davantage confiance » à Sarkozy, qu’ils trouvent globalement « plus compétent »

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La semaine de J.A. Décryptage

SIA KAMBOU/AFP

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Côte d’Ivoire La stratégie de l’évitement Après avoir réclamé que la Cour pénale internationale enquête sur les crimes du camp Gbagbo, Alassane Ouattara se montre aujourd’hui très réticent à livrer ses anciens adversaires à La Haye.

I

l avait sollicité la Cour pénale internationale (CPI) au plus fort de la crise postélectorale. Désormais, le président Alassane Ouattara souhaite que la Côte d’Ivoire recouvre son entière souveraineté judiciaire. Tel est en substance le message qu’il a fait passer à la Gambienne Fatou Bensouda en la recevant le 3 avril à Abidjan, en présence de Loma Cissé Matto, sa ministre déléguée à la Justice. La future procureure générale de la Cour (elle prendra ses fonctions en juin) a eu également un entretien avec Jeannot Kouadio Ahoussou, le Premier ministre. Officiellement, la Côte d’Ivoire continue de coopérer avec la CPI dans le cadre de ses enquêtes afférentes aux crimes de guerre et aux crimes contre

dame, que les autorités ivoiriennes ne veulent pas mettre à exécution. Craignant que la Cour n’incrimine également des responsables de son camp, redoutant aussi l’émotion que ne manquerait pas de susciter la livraison d’une femme et la forte opposition des intellectuels africains, Ouattara ne souhaite plus envoyer personne à La Haye. Il l’a fait savoir lors de sa visite en France en janvier et l’a réafð FATOU BENSOUDA, firmé dans une la future interview à la téléprocureure générale de la CPI, vision nationale, le 30 mars. « La CPI à son arrivée au n’est compétente palais présidentiel d’Abidjan, que lorsqu’il y a le 3 avril. absencedevolonté de l’État ou incapacité de sa part… Aujourd’hui, les juridictions [nationales] sont opérationnelles », a justifié Gnénéma Mamadou Coulibaly, son ministre des Droits de l’homme. EMBARRAS. À l’évidence, le chef de

l’État souhaite rester maître de son agenda judiciaire, ne pas compromettre la réconciliation et donner des assurances aux anciens chefs de guerre qui l’ont porté au pouvoir, aujourd’hui tous incorporés dans la haute hiérarchie militaire… mais passibles de poursuites internationales, si l’on en croit plusieurs rapports d’ONG. Ce qui plonge la CPI dans l’embarras. « Elle a besoin de détenir des person-

l’humanité commis par les deux camps depuis septembre 2002. Mais, en réalité, la justice ivoirienne bloque le transfert des « présumés coupables ». « Nous avons été convoqués le 28 mars à Odienné au motif de la remise à notre cliente d’une décision juridique sous scellés venue de l’étranger, explique Serge Gbougnon, La justice ivoirienne bloque le l’un des avocats de Simone transfert des présumés coupables. Gbagbo. Deux jours plus Dont celui de Simone Gbagbo. tard, alors que nous étions sur place, le parquet général nous a indiqué que l’audience avait nalités des deux camps pour ne pas finalement été annulée. » apparaître comme l’exécutante d’une justice de vainqueurs, explique un spéÉMOTION. Selon diverses sources, l’acte cialiste du dossier. Mais cela affaiblirait en question serait le mandat d’arrêt de Ouattara. » ● la CPI émis à l’encontre de l’ex-première PASCAL AIRAULT

À SUIVRE LA SEMAINE PROCHAINE

20-22

AVRIL Réunions de printemps du FMI et de la Banque mondiale, à Washington. Juste avant, on connaîtra le nom du nouveau président de la Banque. N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

26

AVRIL Verdict duTribunal spécial pour la Sierra Leone dans le procès de Charles Taylor. L’ex-président libérien est accusé de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre en Sierra Leone.

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AVRIL Première élection de Miss Black France, salle Wagram, à Paris. Au terme de plusieurs présélections, dix-huit concurrentes âgées de 17 ans à 28 ans restent en lice. JEUNE AFRIQUE



La semaine de J.A. Décryptage

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Cinéma Whitney revit à l’écran Décédée en février, la star de la pop venait de tourner un dernier film. La bande-annonce a été dévoilée, la sortie est prévue en septembre. Bref, the show must go on…

éviter aux deux autres de succomber à la drogue et à la violence, qui, dans le show-biz, sont parfois l’envers de la gloire. Comment ne pas y voir un parallèle avec la vie de la belle Whitney, dont le rapport d’autopsie, rendu public le 4 avril, souligne qu’une surdose de stupéfiants, de médicaments et d’alcool est sans doute à l’origine de son décès prématuré ?

2012 STAGE 6 FILMS, INC. ALL RIGHTS RESERVED

GOSPEL. Reprise du film éponyme de

L

es fans de Whitney Houston, disparue le 11 février à l’âge de 48 ans, pourront voir leur idole pour la dernière fois… sur grand écran. La bande-annonce de Sparkle, le film dans lequel elle fait une ultime apparition, a enfin été dévoilée. La chanteuse

américaine y campe Effie, une mère de trois sœurs originaires de Harlem qui montent un groupe de musique dans les années 1960. Robes pailletées, concerts enfiévrés, soirées new-yorkaises… Dans ce drame musical et familial, Sparkle, l’une des trois héroïnes, fait tout pour

1976 inspiré par la carrière des Supremes, le long-métrage – qui sort en France le 12 septembre – a permis à la diva d’interpréter le célèbre gospel His Eyes on the Sparrow. Quelques mois avant sa mort, Whitney confiait au magazine People combien elle avait « adoré » tourner Sparkle. « La partie la plus amusante du tournage, c’est tout ce qui concerne les costumes et les coupes de cheveux », avait-elle alors déclaré. Ce n’était pas son premier rôle au ð DANS cinéma, puisqu’elle SPARKLE, la avait déjà tourné diva incarne notamment dans une mère de Bodyguard, Où sont famille dans les hommes ? et La le Harlem des années 1960. Femme du pasteur. Après sa dernière prestation d’actrice, un biopic posthume se profile à l’horizon : la vie de la chanteuse défunte pourrait bientôt être portée à l’écran, un projet de film de Clive Davis, son ancien producteur, étant en préparation. Les affaires sont les affaires… ● MARIE VILLACÈQUE

LE DESSIN DE LA SEMAINE

Glez TUNISIE UN LIVRE QUI DÉCOIFFE !

L’ANNONCE DE LA PARUTION des Mémoires de LeïlaTrabelsi, l’épouse de l’ancien président Zine el-Abidine Ben Ali, fait couler beaucoup d’encre enTunisie. C’est la librairie en ligne amazon.fr qui a vendu la mèche: Ma vérité sortira le 24 mai. Méconnaissable en couverture, « la coiffeuse » (le surnom que lui donnaient les opposants tunisiens) cache son brushing sous un voile blanc et de grosses lunettes noires. Un hommage à l’Arabie saoudite, qui accueille le couple en fuite depuis le 14 janvier 2011? N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

JEUNE AFRIQUE


ILS ONT DIT

PLUS CONNUS pour leur consommation de vodka que pour leur inexistante production de bananes, les Russes n’en sont pas moins amateurs de ce fruit exotique. Le footballeur congolais Christophe Samba l’a appris à ses dépens: en mars, lors d’un match avec sa nouvelle équipe, l’Anzhi Makhachkala (Daguestan, Première ligue russe), contre le Lokomotiv de Moscou, une banane est venue s’écraser sur sa tête. Furieux, il a renvoyé le fruit dans les tribunes, ce qui aurait pu lui valoir une sanction disciplinaire si l’auteur du premier jet n’avait été identifié ensuite : il s’agirait d’un étudiant d’une université moscovite, selon la Fédération russe de football. Les actes racistes de cette nature ne sont pas rares dans les stades russes. En août 2010, après l’annonce de son départ

du Lokomotiv pour l’Angleterre, l’attaquant nigérian Peter Odemwingieavaitétésaluépar une banderole ornée d’une banane et remerciant son club de destination, le West Bromwich Albion. Recruté l’an dernier par Suleyman Kerimov – le milliardairerussepropriétairedel’Anzhi–,leBrésilienRobertoCarlos a été victime d’un supporteur qui l’a raillé en brandissant une banane, à Saint-Pétersbourg, en mars 2011, avant d’en recevoir une dans le stade de Samara trois mois plus tard. Le club pétersbourgeois a été condamné à un peu moins de 7900 euros d’amende, tandis que l’auteur du lancer de Samara, entendu par la police, n’a pas été inquiété: il assure avoir jeté le fruit parfrustration, sans viser quelqu’un en particulier. On s’en serait douté… ● MICHAEL PAURON

Emploi Sois belle et cache-toi! VOUS ÊTES UNE JOLIE FEMME à la recherche d’un emploi ? Surtout, ne joignez pas votre photo à votre curriculum vitae (CV). Si la beauté peut être un atout pour obtenir une promotion, elle serait paradoxalement un sérieux frein pour décrocher un entretien d’embauche. C’est la conclusion à laquelle sont parvenus deux universitaires israéliens, Bradley Ruffle et Ze’ev Shtudiner, qui ont répondu à plus de 2 500 offres d’emploi en envoyant deux CV similaires. Sauf qu’une version comportait une photo et l’autre non. Pour les hommes, le résultat n’est guère surprenant. Les plus séduisants ont tout intérêt à joindre une photo, les moins favorisés par la nature ayant, eux, intérêt à s’abstenir. Mais chez les femmes, c’est exactement l’inverse. Les plus attirantes ont dû envoyer onze CV avant d’obtenir un entretien alors que sept ont suffi pour les autres, moins glamour mais tout aussi qualifiées. Ruffle avait d’abord mis cela sur le compte de la théorie (typiquement masculine) de la « blonde idiote », qui associe la beauté à la bêtise. Mais il s’est vite ravisé en découvrant que 93 % des responsables des ressources humaines chargés des sélections étaient des femmes. La bonne vieille jalousie les aurait donc conduites à écarter de potentielles rivales… Est-ce à dire qu’il suffit d’envoyer une photo où l’on n’est pas à son avantage ? Non, répond Ruffle, qui préconise plutôt d’opter pour le CV anonyme, où ne figurent ni votre frimousse ni même votre nom. ● JUSTINE SPIEGEL JEUNE AFRIQUE

« Depuis 2007, la France n’est plus le pays que j’ai connu en arrivant, en 1991, ni celui que je peux me représenter. Un pays imparfait, certes, mais où l’on est curieux de l’autre, où la culture importe, de même qu’une certaine forme d’élégance. » LÉONORA MIANO Écrivaine franco-camerounaise

« Les prétentions du Royaume-Uni de conserver une colonie à 14 000 km de chez lui sont absurdes. Ces îles se trouvent sur notre plateforme maritime. » CRISTINA KIRCHNER Présidente de l’Argentine (au sujet des Malouines)

« Ce que je trouve scandaleux, c’est qu’on lie les négociations avec le FMI à des exigences politiques. Si le FMI peut prêter de l’argent au Nigeria et au Tchad, il doit aussi en prêter à la Hongrie. » LASZLO KÖVER Président du Parlement hongrois

« Hama, c’était il y a trente ans. Si mon père [Rifaat al-Assad] était réellement coupable, on l’aurait inculpé depuis longtemps. » SIWAR AL-ASSAD Cousin germain du président syrien Bachar al-Assad (évoquant le massacre de février 1982)

«

Ces quinze années ont été plus bénéfiques pour moi que pour Leonardo DiCaprio. Je suis devenue plus mince, alors que lui n’a cessé de grossir. » KATE WINSLET Actrice britannique (se moquant de son partenaire dans Titanic, qui ressort en version 3D) N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

VINCENT FOURNIER/J.A. ; JAMES MCCAULEY/REX FE/REX/SIPA

Football russe Tirs de bananes

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La semaine de J.A. Décryptage

Égypte De la prison au palais?

JEUNEAFRIQUE.COM

Le « barbu » multimillionnaire Khairat el-Shater est le candidat des Frères musulmans à l’élection présidentielle des 23 et 24 mai.

Revivez les moments forts de l’année de Laurent Gbagbo, depuis sa chute le 11 avril 2011 jusqu’à son quotidien à la Cour pénale internationale.

SONDAGE Si vous étiez français, pour qui voteriezvous lors de la présidentielle ?

LE TWEET

@ramayade, ancienne secrétaire d’État française aux Droits de l’homme : « Je veux être la représentante non pas de la diversité, mais de la diversité d’opinion. J’ai une certaine idée de la France. »

À LIRE AUSSI : Union pour la Méditerranée : un défi pour le prochain président français ? N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

es Frères musulmans le consia fait valoir que celui qui adore se faire dèrent comme le futur « ingénieur appeler « l’ingénieur » a été gracié par de la renaissance égyptienne ». le Conseil suprême des forces armées. Le 31 mars, le conseil consultatif Invité par l’Organisme légitime pour les de la célèbre confrérie a élu (par 56 voix droits et la réforme – un centre religieux contre 52) Khairat el-Shater, 61 ans, pour qui se considère comme « une organisala représenter lors du scrutin présidentiel tion scientifique, islamique, modérée et dont le premier tour est prévu les 23 et indépendante » –, Shater avait déclaré sans ambages que l’application de la charia 24 mai. Ce père de dix enfants, à l’allure sévère, était son but premier et ultime. Mais le cultive le secret sur ses affaires florissantes. Fils d’un riche marchand de Mansoura (nord de l’Égypte), il possède plusieurs entreprises et franchises, notamment dans le domaine du textile et de l’ameublement. Mais s’il apparaît rarement dans les médias, il n’en est pas moins célèbre pour son activisme politique. Étudiant, il participe en 1968 à des manifestations contre Nasser, ce qui lui vaut deux années de captivité. En 1995, sous Moubarak, il écope de cinq ans de prison pour avoir tenté de reformer la confrérie des Frères musulmans, officiellement interdite depuis 1954. Il sera de nouveau condamné en 2007 à sept ans de prison pour « terrorisme et blanchiment d’argent ». Étonnamment, même sous les verrous, le « L’INGÉNIEUR » rêve de succéder à Nasser et à multimillionnaire à la barbe Moubarak, qui l’avaient enfermé dans leurs geôles. aussi fournie que le portefeuille continue de recevoir ses collaborateurs et de gérer ses affaires. businessman se dit par ailleurs favorable à Jusqu’à sa libération, en mars 2011, pour une économie de marché et aux investisraisons médicales. sements étrangers. Ironie du sort, les deux fils Moubarak sont aujourd’hui maintenus en détention dans la prison où Khairat REVERS DE MANCHE. Il y a quelques semaines s’est posée la question de savoir al-Shater a croupi durant de nombreuses si Shater pouvait représenter les Frères années. Le candidat des Frères musulmusulmans à la présidentielle, les candimans a un autre point commun avec la dats devant produire un casier judiciaire famille présidentielle déchue : il est né vierge. Un argument balayé d’un revers de un 4 mai, le même jour que l’ancien raïs manche par l’avocat de la confrérie, qui Hosni Moubarak. ● TONY GAMAL GABRIEL JEUNE AFRIQUE

CRIS BOURONCLE/AFP

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RÉTRO

VINCENT FOURNIER/J.A.

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La semaine de J.A. Tour du monde TURQUIE

Procès historique

PAULA BRONSTEIN/GETTY/AFP

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AUNG SAN SUU KYI : son parti a dominé les législatives partielles du 1er avril. BIRMANIE

Leçon de démocratie

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LLE ÉTAIT DÉJÀ l’icône de la démocratie birmane. Aung San Suu Kyi va en plus devenir parlementaire. Lors des législatives partielles du 1er avril, son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), a en effet remporté 43 des 45 sièges à pourvoir. Cette indiscutable victoire, au terme d’un scrutin jugé équitable et transparent, renforce le vent d’ouverture qui souffle sur le pays depuis que, il y a un an, la junte militaire au pouvoir s’est autodissoute et a laissé la place à un gouvernement civil. Ces résultats doivent toutefois être relativisés : sur les 1 158 sièges que compte le Parlement (Chambre basse, Sénat et assemblées régionales confondus), 80 % demeurent aux mains de l’armée et de l’USPD, le Parti de la solidarité et du développement de l’Union créé par la défunte junte. Le triomphe historique de la LND ne représente donc pas un danger pour le pouvoir, qui, au contraire, compte sur cette démonstration de démocratie pour surmonter les ultimes réticences de la communauté internationale à lever les sanctions économiques qui frappent la Birmanie depuis 1989. ● NORVÈGE

Breivik irresponsable? LE TERRORISTE NORVÉGIEN Anders Behring Breivik l’assure : il est sain d’esprit. S’il a massacré 77 personnes le 22 juillet 2011, c’est, dit-il, « instinctivement ». Mais pour les deux psychiatres qui l’ont examiné l’an dernier, le doute n’est pas permis : il souffre de « schizophrénie paranoïde ». N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

Le parquet se dit prêt à reconnaître l’irresponsabilité pénale du tueur si une deuxième expertise confirme le diagnostic. Breivik, qui a cru déceler dans le premier rapport « plus de 200 erreurs », estime que son internement serait « pire que la mort ». Son procès s’ouvrira le 16 avril.

ILS SONT VIEUX, malades et absents de leur procès qui s’est ouvert le 4 avril. Mais c’est une première en Turquie. Plus de trente ans après le putsch du 12 septembre1980, le plus sanglant qu’a connu le pays, le général Kenan Evren (94 ans), chef de la junte et président de la République de 1982 à 1989, et son collègue Tahsin Sahinkaya (87 ans), ex-commandant de l’armée de l’air, sont jugés pour « crimes contre l’État ». Ils encourent la prison à perpétuité. LE NOMBRE QUI INQUIÈTE

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Selon Washington, c’est, en kilomètres, la portée de la fusée que la Corée du Nord devrait lancer à la mi-avril afin de placer en orbite un satellite d’observation à usage civil. Elle pourrait donc toucher l’Australie, les Philippines ou l’Indonésie. Les États-Unis y voient un test déguisé de missile balistique à longue portée. ÉTATS-UNIS

Folles d’Obama DANS UN RÉCENT sondage Gallup-USA Today, le président sortant creuse l’écart sur Mitt Romney, son probable adversaire républicain lors du scrutin de novembre : 51 % contre 42 % des intentions de vote. Il le doit en premier lieu aux femmes de moins de 50 ans. À la mi-février, moins de 50 % d’entre elles étaient résolues à voter pour lui, contre plus de 60 % aujourd’hui. Le charme personnel d’Obama ne suffit pas à expliquer ce basculement. Avec sa volonté affichée de supprimer le planning familial et d’interdire l’avortement, son très conservateur adversaire lui a sûrement facilité la tâche. JEUNE AFRIQUE


ARRÊT SUR IMAGE

Marcelo Del Pozo • Reuters

ESPAGNE

Torquemada contre Superman À SÉVILLE, LE 2 AVRIL, deux mondes se croisent. Un pénitent encagoulé rejoint la procession organisée pendant la Semaine sainte par la confrérie Jesús Cautivo y Rescatado. Avec un peu d’imagination, on croirait le spectre de Tomás de Torquemada, le Grand Inquisiteur, le Superman du XVe siècle ! Le superhéros représenté sur l’affiche – est-ce un tableau de Roy Lichtenstein ? – paraît moins fervent. Mais, Dieu merci, moins sauvage.

COLOMBIE

Adieu à la jungle ILS ÉTAIENT LES DERNIERS OTAGES en uniforme de la guérilla marxiste colombienne. Certains avaient passé dix ans en détention dans la jungle, d’autres quatorze. Six policiers et quatre militaires ont été libérés le 2 avril par les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc). Quatre cents otages, civils ceux-là, restent prisonniers des Farc et d’autres groupes rebelles. SERBIE

Tadic à la manœuvre LE PRÉSIDENT SERBE Boris Tadic a démissionné le 4 avril, neuf mois avant la fin de son deuxième mandat. Mais JEUNE AFRIQUE

il s’empressera d’en briguer un troisième lors des élections générales (présidentielle, législatives et municipales) du 6 mai. Libéré de son obligation de réserve, le chef de l’État va pouvoir voler au secours de sa formation, le Parti démocratique, de plus en plus menacée dans les sondages par le Parti progressiste, de Tomislav Nikolic. THAÏLANDE

Voitures piégées DES VÉHICULES PIÉGÉS ont explosé le 31 mars à Yala et à Hat Yai, dans le Sud. Bilan : 13 morts et près de 500 blessés. Cette région peuplée à 80 % de musulmans est en proie depuis 2004 à de sanglantes insurrections séparatistes qui ont déjà fait plus de 4 000 victimes. Depuis l’arrivée au pouvoir de Yingluck

Shinawatra, en août 2011, la situation se détériore et les avancées négociées par les précédents gouvernements sont tombées à l’eau. ESPAGNE

En chute libre EN RÉPONSE AUX PRESSIONS INSISTANTES de l’Union européenne, le gouvernement de Mariano Rajoy a présenté le 30 mars un budget 2012 d’une exceptionnelle rigueur – le pire depuis la chute du franquisme. Les 27,3 milliards d’euros d’économies annoncés permettrontils au moins de ramener le déficit public de 8,5 % à 5,3 % du PIB ? Les marchés financiers n’en sont même pas convaincus. Pendant ce temps-là, la situation de l’emploi continue de se dégrader : 4,75 millions de chômeurs, c’est un nouveau record. N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

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U NOUVEA

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Grand angle

Les

qui font la

nouvelle

Tunisie

Depuis la chute du régime Ben Ali, le pays traverse une période aussi délicate qu’exaltante. Bouleversement au sein de la classe politique, société civile à l’énergie foisonnante, opérateurs économiques renouvelés, créateurs culturels incisifs… Tout a changé.

MARWANE BEN YAHMED

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évolution, évolution, révolte, changement – ah non, le terme est devenu tabou ! –, peu importe la dénomination exacte, la Tunisie n’est plus la même. Une vraie métamorphose,maispasversionKafka… Vue de loin, ou, au contraire, de trop près, la Tunisie inquiète : enlisement du processus de transition, crise économique et sociale, montée des extrémismes, bipolarisation… À J.A., nous avons plutôt choisi de mettre l’accent sur l’extraordinaire, et il est vrai fort récente, vitalité de sa société. Jadis comateuse ou aphone, cette dernière ne cesse de nous étonner. Les idées fusent, le débat est permanent, les expériences multiples. Les conférences sur l’avenir du pays font le plein, et Dieu sait si elles sont nombreuses. Les hommes et les femmes politiques ? Une véritable fourmilière. Le monde

JEUNE AFRIQUE

associatif? Une infinie constellation. Les électeurs? Avides de comprendre, curieux de connaître les programmes des uns et des autres, soucieux de comparer les « offres ».

BOUILLONNEMENT. Sans parler des changements

générationnels, du renouvellement des cadres au sein des entreprises ou de l’administration, de la diaspora qui s’invite dans la réflexion sur le futur de la nation, de la scène artistique devenue, enfin, féconde ou des médias, anciens et nouveaux, qui profitent très largement d’une liberté à laquelle ils n’avaient jamais goûté. Bien sûr, cette effervescence n’est pas toujours constructive. Évidemment, la défense de l’intérêt général n’est pas assez souvent au rendez-vous, et les ambitions personnelles, de moins en moins masquées, se muent régulièrement en guerre d’ego. Mais quoi de plus naturel ? La Tunisie avance à tâtons, elle a besoin de temps, de mûrir sa révolution et de canaliser ses énergies. En attendant, le pays avance, réfléchit, propose, cherche, explore, invente. Un dynamisme que bien des nations, d’Afrique ou d’ailleurs, peuvent lui envier… Les 50 personnalités que nous avons sélectionnées pour incarner cette nouvelle Tunisie, exercice subjectif s’il en est, sont à l’image de cette métamorphose et de ce bouillonnement. Combien d’entre elles auraient figuré dans cette liste il y a seulement seize mois ? ● N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

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Politique

La chute de Ben Ali a provoqué un vaste chambardement. La plupart des caciques de l’ancien régime ont disparu pour laisser la place à de nouveaux décideurs souvent issus de l’ex-opposition.

Général Rachid Ammar Chef d’état-major interarmées, 65 ans

NICOLAS FAUQUÉ/IMAGESDETUNISIE.COM

POUR LE PEUPLE TUNISIEN, c’est un « héros de la révolution ». Le général n’a pas demandé à ses hommes de tirer sur les manifestants en révolte en janvier 2011, malgré les ordres qu’il avait reçus. Sous sa conduite, l’armée a également permis que la « révolution des jeunes arrive à bon port » en maintenant la sécurité du pays dans un contexte de semi-chaos postrévolutionnaire et d’afflux de centaines de milliers de réfugiés venus de la Libye voisine. Général de corps d’armée trois étoiles, cet officier a, selon l’un de ses compagnons d’armes, « la rigueur des professionnels disciplinés et la modestie des grands ». Ammar a été promu, en avril 2011, chef d’état-major des armées tout en gardant ses fonctions à la tête de l’armée de terre. ●

Ali Larayedh Ministre de l’Intérieur, 56 ans PENDANT VINGTTROIS JOURS en 1990, il a été torturé et gardé au secret dans les soussols du ministère qu’il dirige aujourd’hui. Ali Larayedh, qui a fait treize ans de prison pour ses idées, en a tiré une leçon : le maintien de la sécurité ne peut se faire sans le respect du droit. Dans le gouvernement de la troïka, il est l’un des ministres les plus appréciés par l’opinion publique. Sa volonté de poursuivre les auteurs d’actes illégaux durant les années Ben Ali est saluée. L’intéressé préfère parler de réformes, mais sûrement pas d’épuration au sein des services de police. Avec un objectif affiché: que les hommes en uniforme respectent les droits de l’homme en toute circonstance. C’est aussi cela, la révolution. ● N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

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LE TRIUMVIRAT Après cinquante années de pouvoir confisqué, ce sont trois hommes qui dirigent le pays. Le chef de l’État, le Premier ministre et le président de l’Assemblée constituante doivent travailler ensemble.

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LS SONT LE NOUVEAU visage de la Tunisie après plus d’un demi-siècle de pouvoir confisqué. Chaque mardi, s’ils ne sont pas en voyage, Moncef Marzouki (au centre sur la photo), 66 ans, le président de la République, Hamadi Jebali (à droite), 62 ans, le chef du gouvernement, et Mustapha Ben Jaafar (à gauche), 71 ans, le président de l’Assemblée constituante, se réunissent au domicile de l’un d’entre eux. Mais cette coordination ne suffit pas toujours à masquer les couacs. Ils le reconnaissent d’ailleurs bien volontiers. « Si le Congrès de la République [CPR, son parti, NDLR] était la première force du pays, nous aurions accéléré les réformes »,

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lance l’impétueux chef de l’État, qui a pris goût aux feux de la rampe et à l’exercice du pouvoir. Ses collègues du triumvirat, rarement consultés, ont de la peine à le suivre. « Il a au moins une idée par heure », s’amuse le très politique Mustapha Ben Jaafar, à qui il revient d’organiser les travaux de la Constituante. Les opposants reprochent à cet ancien professeur de médecine l’alliance de son parti, Ettakatol, avec les islamistes d’Ennahdha. Lui préfère répondre par ses prises de position. Il s’est notamment déclaré opposé à ce que la charia devienne la principale source de la prochaine Constitution, car cela remettrait en question le caractère civil de l’État. Pour l’heure, il semble avoir eu gain de cause.

Quoique membre d’Ennahdha, Hamadi Jebali met, lui, en avant son pragmatisme et sa feuille de route: la remise en marche du pays et la relance de l’économie. Une gageure alors que les financements vaguement promis en mai 2011 lors du sommet du G20 à Deauville tardent à se concrétiser. Cet ingénieur qui a passé plus de seize ans dans les prisons de Ben Ali est tenace. Il frappe à toutes les portes, qu’elles soient en Arabie saoudite, au Qatar, en Allemagne, en Italie, en France, aux États-Unis ou ailleurs. « Investissez dans la démocratie, la stabilité et la sécurité », ne cesse-t-il de répéter à ses interlocuteurs étrangers. Sa tâche n’est toutefois pas facilitée par les durs de l’opposition et de la société civile, qui lui ont refusé le traditionnel état de grâce. ● N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012


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Béji Caïd Essebsi Ex-Premier ministre, 85 ans BÉJI CAÏD ESSEBSI BCE se voyait bien président de la République après les élections du 23 octobre dernier. « Si mon pays a besoin de moi, je suis toujours là », déclarait-il dans J.A. une semaine avant le scrutin. La victoire islamiste en a décidé autrement. Tout le monde ne voulait pas de cet « homme providentiel ». Aussitôt la primature quittée, BCE a rejoint l’opposition. Une quatrième vie politique pour celui qui fut ministre sous Bourguiba, président de l’Assemblée nationale sous Ben Ali et Premier ministre provisoire durant la première année postrévolutionnaire. Désormais, la volonté de Béji Caïd Essebsi est de former un large front anti-Ennahdha en vue des prochaines élections de 2013. Une douzaine d’émanations de l’ancien parti unique se sont rangées derrière lui. Ce vieux renard de la politique sait que cela ne suffira pas pour servir son destin présidentiel et regarde à présent du côté du « grand parti du centre ». ●

Meherzia Labidi-Maïza Vice-présidente de l’Assemblée constituante, 48 ans  NOUS SOMMES TOUS ICI en train d’apprendre la pratique de la démocratie. C’est nouveau, et c’est pourquoi il faut nous écouter les uns les autres. » Ainsi parle Meherzia Labidi-Maïza depuis le perchoir de l’Assemblée nationale constituante. Femme de conviction et militante d’Ennahdha, Labidi fait l’unanimité pour sa capacité à rapprocher les points de vue. Fille d’un imam politisé et féru de poésie, elle a connu l’exil en France, où elle a poursuivi des études de littérature anglaise à la Sorbonne et où elle s’est investie dans la vie associative, notamment pour dissuader les femmes musulmanes de porter le niqab. Représentante des Tunisiens de l’étranger (elle a été élue dans la circonscription France 1), elle a laissé son mari et ses trois enfants en France. ● N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

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Rached Ghannouchi Président d’Ennahdha, 70 ans AVEC UN PARTI DEVENU la première force politique du pays (89 sièges sur 217 à l’Assemblée constituante à la suite des élections d’octobre dernier), Rached Ghannouchi est l’homme politique le plus influent de Tunisie. S’il ne siège pas au gouvernement, s’il n’est pas un élu de la Constituante, il serait naïf de croire qu’il n’a pas son mot à dire dans les travaux de l’Assemblée et les orientations prises par le gouvernement, dont les postes stratégiques sont entre les mains de ministres « nahdhaouis ». Après vingt années d’exil, il est l’une des clés de voûte de cette transition postrévolutionnaire. Sa méthode : ce qu’il appelle la « diplomatie populaire », contrairement à celles du chef de l’État, Moncef Marzouki, et du Premier ministre, Hamadi Jebali, qui doivent en permanence combiner les exigences du pays et le principe de réalité. Ghannouchi est également l’homme qui décidera finalement de la réussite ou de l’échec de la démocratisation du pays, de la place de l’islam et de l’esprit consensuel de la prochaine Constitution. À ce propos, il a marqué un point en tranchant pour que la charia ne soit pas la principale source du droit. Il lui reste toutefois à sensibiliser ses troupes à la culture démocratique et au respect des libertés. C’est également lui qui doit endiguer la menace salafiste. ● JEUNE AFRIQUE


Politique

Maya Jribi

LA PREMIÈRE TUNISIENNE à diriger une formation politique est l’une des personnalités phare de l’opposition. Secrétaire générale du Parti démocrate progressiste (PDP), qu’elle a cofondé en 1983 avec Ahmed Néjib Chebbi, celle qui a tenu tête à Ben Ali et affiché sa solidarité avec tous ceux qu’il réprimait a un long passé de militante, commencé dans la clandestinité des mouvements estudiantins puis à la section de Sfax de la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH). Malgré l’échec inattendu du PDP aux élections, elle ne flanche pas et assène qu’« avec la légitimité donnée par les élections, la Tunisie est prête pour une opposition démocratique qui joue son rôle ». ●

ONS ABID POUR J.A.

Secrétaire générale du Parti démocrate progressiste (PDP), 52 ans

Ahmed Néjib Chebbi Chef de file du « grand parti du centre », 67 ans

HICHEM

IL A SU TIRER LES LEÇONS du score médiocre lors de l’élection de l’Assemblée constituante, le 23 octobre dernier. Ahmed Néjib Chebbi a enclenché un processus de fusion-absorption entre sa formation fondée en 1983, le Parti démocratique progressiste (PDP), et les deux nouveaux venus depuis la chute de Ben Ali : le parti Afek Tounes et le Parti républicain. Cette alliance constitue ainsi le « bloc » laïque, dont l’objectif

Kamel Eltaïef « Lobbyiste politique », 57 ans IL A CONTRIBUÉ À LA CARRIÈRE fulgurante de Ben Ali et à sa prise du pouvoir, en 1987. Il a fait la pluie et le beau temps jusqu’à son limogeage, en 1992, à la demande de Leïla Trabelsi, qu’il n’appréciait guère. Depuis la révolution du 14 janvier, hommes politiques et journalistes défilent de nouveau dans son bureau. L’ex-ministre de l’Intérieur Farhat Rajhi dénonce un « gouvernement de l’ombre ». D’autres le voient à la manœuvre pour un complot contre le gouvernement Jebali. Une chose est sûre, il adore cultiver ce rôle de personnage mystérieux et influent. Roulerait-il pour Kamel Morjane, l’ancien ministre des Affaires étrangères de Ben Ali ? Ce n’est pas exclu, à moins, et c’est plus probable,qu’ilsesoitmisauserviced’un«MonsieurX»pasencore identifié. Ce self-made-man disposant d’un réseau relationnel inégalé se définit comme un simple lobbyiste à l’américaine. ● JEUNE AFRIQUE

est de faire contrepoids à la coalition Ennahdha-Congrès pour la RépubliqueEttakatol lors des prochaines élections, en 2013. Chebbi peut ainsi toujours nourrir ses ambitions présidentielles. Surtout si un rapprochement avec le second pôle de l’opposition constitué autour d’Ettajdid (ex-Parti communiste) venait à aboutir. Des discussions ont été entamées. Chebbi reste un acteur incontournable de la politique tunisienne. ●

Samir Dilou Ministre des Droits de l’homme et de la Justice transitionnelle, porte-parole du gouvernement, 46 ans AMATEUR DE LÉO FERRÉ et de Cheikh Limam, cet avocat originaire de la région de Bizerte, qui l’a élu à la Constituante sur une liste d’Ennahdha, tempère, en tant que porte-parole du gouvernement, les déclarations de la troïka au pouvoir. Mais il s’est surtout distingué en faisant des droits de l’homme et de la justice transitionnelle une priorité. Ancien membre du bureau exécutif d’Ennahdha, il a milité très jeune à l’Union générale des étudiants de Tunisie (UGET), impliquée dans la « révolte du pain », en 1984. Lourdement condamné pour ses opinions, il est aujourd’hui un membre actif de l’Association internationale de soutien aux prisonniers politiques. ● N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

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Militants des droits de l’homme, journalistes, intellectuels, avocats, syndicalistes… Que serait la Tunisie sans eux ? Après avoir été les fers de lance de la révolution, ils – mais surtout elles – posent les bases d’une véritable démocratie.

Mokhtar Trifi

LES MOTS SONT LES ARMES de ce journaliste devenu avocat et qui s’est illustré dans la défense d’à peu près tout ce que la Tunisie comptait de syndicalistes et d’opposants, aussi bien d’extrême gauche qu’islamistes. Son élection, en octobre 2000, à la tête de la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH), dont il était membre depuis vingt ans, avait tellement contrarié le pouvoir que les activités de la LTDH avaient été gelées. Ancien militant de gauche, cet électron libre cultive des liens aussi bien avec Amnesty International qu’avec la centrale syndicale tunisienne. Mais sa préoccupation principale a toujours été la même : la défense des droits de l’homme. ●

FETHI BELAID/AFP

Président d’honneur de la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH), 60 ans

Souhayr Belhassen

ONS ABID POUR J.A.

Présidente de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), 69 ans

QUE DE CHEMIN PARCOURU pour cette ancienne journaliste qui fut notamment la correspondante en Tunisie de Jeune Afrique dans les années 1970 et 1980! La présidente de la Fédération internationale N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

des ligues des droits de l’homme (FIDH) incarne à merveille les vertus de l’obstination. Militante des libertés depuis toujours, elle s’est attaquée sans relâche aux dérives des régimes Bourguiba et Ben Ali. Aujourd’hui, son pays, la Tunisie, est sur la voie de la démocratie. Et elle préside aux destinées de la plus importante organisation internationale de défense des droits de l’homme. Souhayr Belhassen est une référence.Malgrésonéloignement–lesiège de la FIDH est à Paris –, elle continue de suivrelessoubresautspostrévolutionnaires enTunisie.«Lachuted’undictateurnesuffit pas à fonder une société démocratique », écrivait-elle dans Jeune Afrique en janvier dernier. Toujours la même exigence. ●

Slaheddine Jourchi Président du Forum El-Jahedh, 57 ans ISLAMISANT AU DÉBUT DES ANNÉES1980,Jourchiaétéjournaliste, activiste au sein de la société civile et vice-président de la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH). Mais il est surtout le fondateur du Forum El-Jahedh, une association légalisée en 1990 pour « promouvoir une pensée arabo-islamique innovante et consolidant l’identité nationale ». Après son échec comme indépendant lors des élections d’octobre dernier, Jourchi a su rebondir. Il a été élu président du Conseil national civil, une sorte de Constituante parallèle. De quoi peser sur les débats… ● JEUNE AFRIQUE


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Radwan Masmoudi

HOMME DE WASHINGTON à Tunis ou de Tunis à Washington ? Masmoudi, qui porte la double nationalité, est les deux à la fois. Militant islamiste au lycée, parti ensuite aux États-Unis, il fonde à Washington le Centre d’études pour l’islam et la démocratie (CSID) en 1999. Ses interventions médiatiques se multiplient après les attentats du 11 septembre 2001. Pendant une dizaine d’années, il se rend régulièrement en Tunisie pour renouer avec les dirigeants d’Ennahdha et leur faire rencontrer des diplomates américains en poste à Tunis. Au lendemain de la révolution, en mai 2011, il invite Hamadi Jebali, le secrétaire général d’Ennahdha, pour une conférence à Washington et lui permet de rencontrer des responsables du département d’État. Mission réussie pour cet homme qui ne cesse de tendre des passerelles entre islam et démocratie. ●

HEIFEL BEN YOUSSEF POUR J.A.

Président du Centre d’études pour l’islam et la démocratie, 50 ans

Farah Hached Avocate, 36 ans DÉVOILER L A VÉRITÉ est une cause chère à la famille Hached. Si Noureddine Hached n’a cessé de se battre contre l’omerta entourant l’assassinat de son père, le syndicaliste Farhat Hached, en 1952, sa fille, Farah, va plus loin dans la volonté de lever des secrets d’État. Au lendemain de la révolution, cette avocate, diplômée en droit public, qui a enseigné et travaillé avec plusieurs

organismes internationaux, a fondé Le Labo’ démocratique, avec un double objectif : en finir avec la police politique et sensibiliser à la conservation des archives du ministère de l’Intérieur. Farah Hached se démène pour que l’on traite rationnellement et sereinement de la question des archives de la police politique afin que « les mauvaises habitudes du passé ne se reproduisent pas ». Son grand-père maternel, le militant indépendantiste Mahmoud el-Materi, ne la démentirait pas. ●

GARDIENNES DE L’APRÈS-RÉVOLUTION La ministre Sihem Badi, la journaliste Sihem Bensedrine et la magistrate Kalthoum Kennou étaient aux avant-postes de la contestation. Elles poursuivent leur combat.

ONS ABID POUR J.A.

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EST L’HEURE DE LA REVANCHE pour ces trois militantes. Sihem Badi (photo) et Sihem Bensedrine ont connu la prison ou l’exil pour s’être dressées contre Ben Ali. Kalthoum Kennou, réputée pour sa droiture, a été mutée dans le Sud pour avoir refusé l’ingérence du politique dans la justice. Aujourd’hui, à la tête de l’Association des magistrats tunisiens, elle dénonce la prévarication au sein de la justice et conteste les compétences de la commission de lutte contre la corruption. La plus connue des trois, Sihem Bensedrine, farouche opposante à l’ancien régime, est une activiste assagie. Présidente du Groupe arabe d’observation des médias, porte-parole du Conseil national pour les libertés enTunisie et rédactrice en chef de Radio Kalima, elle a été très médiatisée avant les élections du 23 octobre et continue, avec une visibilité moindre, de se battre pour la transparence du ministère de l’Intérieur. C’est à Paris, où elle avait entamé une carrière de médecin, que Sihem Badi a rejoint l’opposition avant de soutenir Moncef Marzouki durant la campagne électorale. Candidate malheureuse à l’élection de l’Assemblée constituante, elle a été nommée ministre des Affaires de la femme. Mais on lui reproche d’avoir encouragé le mariage coutumier, avant de s’être rétractée, et de ne pas avoir fait montre d’une très grande fermeté à l’égard des prédicateurs radicaux qui s’en prennent au statut desTunisiennes. ● N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012


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AMBASSADRICES DE CHARME AMBASSA ARME Reines des podiums à Paris, Milan, Londres…, ondres…, Kenza Fourati et Han m offrent un Hanaa Ben Abdessalem visage moderne de leur pays.

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ALEXI LUBOMIRSKI FOR LANCÔME 2012

LLES AURAIENT PU SE RENCONTRER sur la plage de Sidi Mahrsi, à Nabeul, où Hanaa est née et où Kenza rejoint ses parents pendant les vacances d’été, mais elles se sont croisées dans les fashion weeks, où elles défilent pour Gaultier, Chanel, Armani, Ferré ou Stella McCartney, quand elles ne font pas la couverture de Elle ou de Vogue. Avec sa frange et son allure rock, Kenza Fourati (en photo, à g.), mannequin chez Elite, a fait sensation en août 2011 en apparaissant en bikini et le corps recouvert de graffitis à la une du magazine Tunivisions. Si elle a la cote chez les Anglo-Saxons, Hanaa Ben Abdessalem (en photo, à dr.), qui a un petit air d’Isabella Rossellini, est la nouvelle égérie de Lancôme et a pour mentors Carine Roitfeld, papesse de la mode parisienne, et l’actrice Farida Khalfa. Vivant entre Paris et Londres, Kenza souhaite s’investir plus tard en Tunisie, tandis que Hanaa soutient le projet d’aide à la transition démocratique du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) et a accepté d’être la marraine de l’association Esmaani, qui œuvre dans le milieu hospitalier. ● MICHAEL LOCCISANO/AFP

Mohamed Talbi Historien et islamologue, 91 ans INTRAITABLE SUR LA QUES TION des libertés, Mohamed Talbi défend un islam compatible avec la démocratie et la modernité, à l’opposé de la conception que s’en font les extrémistes. Selon lui, le salafisme est sans fondement et ne représente pas l’islam, mais bien un terrorisme qui confond

identité et religion pour semer la confusion. Le penseur soutient que la charia est une production humaine sans lien avec l’islam, tout en s’insurgeant contre la désacralisation du Coran. Entré en dissidence sous Ben Ali, Mohamed Talbi estime que la religion n’est ni une identité, ni une culture, ni une nation ; c’est une relation personnelle à Dieu, une voie vers lui et que seul le Coran oblige. ●

Larbi Nasra

Zyed Krichen Directeur de la rédaction du Maghreb, 55 ans EN HUIT MOIS, Zyed Krichen (photo) a fait du quotidien Le Maghreb le titre phare de la presse tunisienne. Le ton indépendant du journal dérange, tant et si bien que ce philosophe de formation a été menacé, puis agressé par des salafistes. Offensif sur l’information et le débat d’idées, il considère qu’il n’y a pas de place pour les radicaux dans un monde où l’on défend les valeurs de la modernité. Sa crainte: que les médias, désormais affranchis du politique, ne s’inféodent au religieux. ●

Patron de Hannibal TV, 65 ans LARBI NASRA A ÉTÉ UN TOUCHEÀTOUT que la promotion immobilière et le négoce ont enrichi. S’il confie que « 4 millions d’euros ne sont pas grand-chose au regard de quarante ans de travail », il cultive une part d’omerta. Ami de Ben Ali, en affaires avec Sakhr el-Materi et Belhassen Trabelsi, apparenté à Leïla Ben Ali, cet homme d’influence de l’ancien régime est un insubmersible. Le patron d’Hannibal TV, première chaîne privée tunisienne, a été, au lendemain de la révolution, accusé de propagation de fausses informations et soupçonné de haute trahison. Mais il s’en est sorti. Après avoir été tenté par la politique, il a su rebondir avec sa télévision. ● N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

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Kamel Jendoubi

Amel Mzabi Bougarras

Ex-président de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie), 60 ans

Nabil Karoui, président-directeur général de Nessma TV, 48 ans Ghazi Karoui, président-directeur général de Karoui & Karoui, 46 ans ENFANTS TERRIBLES de la pub depuis lesannées1990,ilsontconnudeshautset desbasdanslesmétiersdelacom’, surtout enAlgérie,oùilsontdûréduirelavoilure. Associés à Berlusconi et à Tarak Ben Ammar, les fondateurs de Nessma TV, la petite chaîne aux prétentions maghrébines, suscitent souvent la polémique. Si Ghazi, patron de Karoui & Karoui World, filiale communication du groupe, est le plusdiscretdes«2K»,sonfrère,Nabil,qui nourrit des ambitions régionales, n’a pas hésité à prendre des risques en adoptant une ligne éditoriale progressiste, ce qui n’estpasdugoûtdesextrémistesreligieux. La diffusion de Persepolis a ainsi entraîné des manifestations à travers tout le pays. NabilKarouiamêmeétémenacédemort etsondomicilesaccagé,maisc’estluiqui est poursuivi par la justice pour atteintes aux valeurs du sacré. Pour beaucoup, ce procès de la liberté d’expression est la première sentence politique depuis Ben Ali. ● JEUNE AFRIQUE

PRÉSIDENTE DU SYNDICAT tunisien des dirigeants des médias, elle a remis sa robe d’avocate pour défendre le directeur du journal Ettounsiya, emprisonné pour avoir publié une photo de nu, mais cette spécialiste en droit des affaires et droit de l’environnement est surtout la cofondatrice d’Écojournal, un hebdomadaire économique à petit prix au contenu pertinent. Après avoir fourbi ses armes dans Info juridiques, titre détenu par sa famille, originaire de Djerba, cette mère de trois enfants milite pour la création d’une instance de régulation des médias en adéquation avec l’ouverture démocratique du pays. ●

Adnène Hajji Syndicaliste, 53 ans QUAND LE BASSIN MINIER de Gafsa bouge, Adnène Hajji n’est pas loin. Secrétaire général de la section locale de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), cet enseignant symbolise la colère de cette région oubliée. Parmi les meneurs du sanglant soulèvement de 2008, prémices de la révolution, il a joué un rôle important dans les négociations avec le gouvernement avant d’être arrête et torturé, malgré une santé fragile, puis condamné à dix ans de prison. Considéré par Amnesty International comme un prisonnier d’opinion, il est toujours défenseur des travailleurs des mines et réclame justice pour les victimes des émeutes de 2008 et de la révolution. ●

Olfa Khalil Arem Cofondatrice de l’association Engagement citoyen, 44 ans ELLE EST DISCRÈTE, mais les actions qu’elle a entreprises, comme la mise en scène du retour de Ben Ali à la veille de l’élection de la Constituante, sont largement médiatisées. Depuis la révolution, Olfa Khalil Arem, coach de formation, est à l’écoute de la population de Sidi Bouzid et de Rgueb à travers l’association Engagement citoyen, qu’elle a cofondée. Sa mission : aider les jeunes à monter des projets professionnels. Son ambition : permettre aux régions de se développer sans attendre les décisions de Tunis. Aujourd’hui, Engagement citoyen est un acteur incontournable de la société civile et entend peser pour défendre les libertés. ●

HEIFEL BEN YOUSSEF POUR J.A.

Les deux frères

Directrice de Écojournal, 42 ans

HICHEM

SI L’ÉLECTION de l’Assemblée constituante, le 23 octobre 2011, s’est bien déroulée, c’est en grande partie grâce à lui. Après dix-sept années d’exil, ce militant des droits de l’homme a quitté la France aussitôt après la chute de Ben Ali pour, dans la foulée, présider l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie). Son mandat est à présent terminé. Kamel Jendoubi est retourné vivre à Calais, dans le nord de la France, d’où il préside le Réseau euroméditerranéen des droits de l’homme (REMDH) et d’où il milite également pour le vote d’une loi constituant une nouvelle Isie dans la perspective des prochains rendez-vous électoraux après l’adoption de la nouvelle Constitution. L’expertise de ce « Monsieur Élections » sera précieuse. ●

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Économie

Patrons, ministres, banquiers… Leur défi est immense. Ils doivent remettre sur les rails une machine quasi à l’arrêt. La croissance a été négative en 2011.

Abdelwaheb Ben Ayed Président-directeur général du groupe Poulina, 73 ans ABDELWAHEB BEN AYED est incontestablement le symbole vivant du capitalisme tunisien. La saga du premier groupe privé tunisien, c’est lui. Poulina Group Holding, c’est plus de soixantedix entreprises dans dix grands métiers (services, agro-industrie, grande distribution, emballage, immobilier…), au Maghreb et en Chine. À première vue, le groupe ne pouvait pas échapper au ralentissement économique consécutif aux troubles en Tunisie et en Libye en 2011. Mais grâce à une diversification des activités et à une gestion saine, le chiffre d’affaires est en hausse de 7 % en 2011, soit 1 265 millions de dinars (633 millions d’euros). Ben Ayed avait prévenu les observateurs, dubitatifs. Tout au début de la révolte populaire, en décembre 2010, il avait lancé devant un parterre de financiers : « Nous avons toujours fait face contre vents et marées, le vent tournera en notre faveur. » Bien vu. ●

La « dream team » de Tuninvest Aziz Mebarek, 47 ans Karim Trad, 44 ans Ziad Oueslati, 46 ans TUNINVEST A FAIT DU CHEMIN depuis sa première levée de fonds, en 1994. Aujourd’hui, il gère pas moins de 700 millions de dollars, levés auprès d’investisseurs privés, mais aussi auprès de la Banque mondiale et de la Banque européenne d’investissement (BEI) et destinés à soutenir les petites et moyennes entreprises. FondéparAzizMebarek,KarimTradetZiadOueslati,le groupe Tuninvest est présent, à travers plus de 90 investissements, au Maghreb et en Afrique subsaharienne. Depuis la révolution, ils s’intéressent à la microfinance comme vecteur de développement. ●

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Wided Bouchamaoui (avec le président de la République, Moncef Marzouki) Chef d’entreprise et présidente de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica, patronat), 42 ans CELLE QUI A REPRIS les rênes de Maille Fil, l’une des entreprises familiales du groupe HBS, actif dans le pétrole, le textile et l’industrie, est aujourd’hui la patronne des patrons. Première femme à présider l’Union tunisienne N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica), elle remettra son titre en jeu au prochain congrès, dont la date sera fixée ce mois d’avril. Sans être alarmiste, elle estime qu’il faut dire la vérité : 2012 sera encore une année

difficile. Originaire de Gabès, elle se bat pour relancer l’économie en opérant des ouvertures vers la Libye, mais note que le contexte politique ne favorise ni le retour des touristes, ni l’appétence des investisseurs pour la Tunisie. ● JEUNE AFRIQUE


HICHEM POUR J.A.

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Ridha Saïdi, ministre délégué auprès du Premier ministre, Mustapha Kamel Nabli, gouverneur de la Banque centrale, Houcine Abassi, secrétaire général de la centrale syndicale UGTT, et Houcine Dimassi, ministre des Finances (de g. à dr. et de haut en bas).

LES BOSS Deux ministres, le gouverneur de la Banque centrale et le dirigeant du syndicat UGTT. Quatre hommes dont les décisions influenceront grandement le redressement économique du pays.

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LS DÉTIENNENT LES CLÉS de la relance de l’économie. Ridha Saïdi, 48 ans, assure la coordination de la politique du gouvernement en tant que ministre délégué auprès du Premier ministre chargé des dossiers économiques. Ingénieur de formation, c’est lui qui a inspiré le programme gouvernemental. Objectifs pour 2012 : reprise de la croissance à 3,5 % en 2012, contre – 1,8 % en 2011, augmentation des investissements, développement régional et création d’emplois. C’est dans ce cadre que Houcine Dimassi, 63 ans, ministre des Finances, doit équilibrer les comptes publics, alors que le

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déficit budgétaire est estimé à 6,5 % du produit intérieur brut (PIB). Parmi les sources de financement : les biens saisis du clan Ben Ali, mais aussi une hausse de la fiscalité. Il va devoir pour cela convaincre les salariés d’accepter un prélèvement spécial sur quatre jours de travail par an, et les entreprises de verser des « contributions » volontaires. Dimassi a deux atouts : c’est un économiste et il a été conseiller de la toutepuissante Union générale tunisienne du travail (UGTT). Qui mieux que lui est à même de persuader les dirigeants syndicaux d’assurer une trêve sociale ? Son interlocuteur est

Houcine Abassi, 64 ans, le nouveau patron de la centrale syndicale. C’est un pragmatique, mais il doit aussi composer avec deux tendances syndicalopolitiques guère portées au compromis : l’extrême gauche et les survivants du régime Ben Ali. Quant à Mustapha Kamel Nabli, 64 ans, le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), il a du pain sur la planche. L’ancien chef économiste de la Banque mondiale doit éviter l’inflation, stabiliser la monnaie nationale et mobiliser les 5 milliards de dollars (3,8 milliards d’euros) par an nécessaires pour relancer la machine économique. ● N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012


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Mohamed Loukil Patron du groupe Loukil, 72 ans  VENDRE, C’EST FACILE. À mes yeux, devenir un industriel avait plus de valeur », confiait récemment le patriarche, Mohamed Loukil, à Jeune Afrique. D’abord connu pour ses activités commerciales, notamment au travers des marques automobiles mais aussi via ses chaînes de magasinsFonoetElektra,legroupefamilial a aussi dans son ADN une composante industrielle forte avec la production à Sfax, la région d’origine de la famille, de mâts

d’éoliennes, de réservoirs géants pour le secteur pétrolier, de remorques… Pas encore prêt à passer la main, Mohamed laisse néanmoins ses fils développer le groupe à l’international, Bassem se concentrant sur l’Algérie et Walid sur le reste du continent, avec une prédilection pour le secteur télécoms (construction de réseau…). À raison, le chiffre d’affaires étant passé de 152 à 367 millions d’euros entre 2006 et 2010. ●

Abdellatif et Mourad Mamoughli Avocats, 79 ans et 49 ans F O N D AT E U R D U C A B I N E T Mamoughli en 1969, Abdellatif, malgré ses 79 ans, demeure une star du barreau. Habitué des grands procès, il défend actuellement l’ancien ministre des Transports Abderrahim Zouari mais a refusé le dossier de l’ex-ministre de l’Intérieur Rafik Belhaj Kacem, trop polémique. Pénaliste reconnu, membre de la commission de réforme du code de procédure civile et commerciale au sein du ministère de la Justice, il est aussi le maître incontesté du droit des assurances. Dix des douze compagnies de la place figurent parmi ses clients. Son fils, 49 ans, incarne la nouvelle génération, plus portée sur le conseil aux investisseurs comme France Télécom lors de son arrivée en Tunisie. ●

Hédi Djilani FETHI BELAID/AFP

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LES SURVIVANTS Leur proximité avec le régime Ben Ali a bien failli emporter les trois frères Mabrouk. Surtout Marwan, le gendre de l’ex-président, qui finalement a su rebondir.

C’

EST DANS LA PLUS GRANDE DISCRÉTION et en serrant les rangs que la famille Mabrouk a géré ses affaires après la révolution. Un temps ébranlé par les destructions de l’hypermarché Géant, de plusieurs magasins Monoprix et surtout la mise sous séquestre des biens du benjamin Marwan (photo), gendre de l’ex-président, le groupe copiloté par Mohamed et Ismaïl reste l’un des plus beaux fleurons de l’économie tunisienne – environ 1 milliard de dinars (518 millions d’euros) de chiffre d’affaires en 2010. Issue de la grande bourgeoisie, la fratrie a su conserver de nombreux soutiens tous milieux confondus, enTunisie, mais aussi chez ses partenaires européens (Accor, France Télécom ou Casino). En point de mire: des projets sur le continent tout entier, à l’exception de l’Afrique du Sud. L’année en cours devrait être un peu plus difficile pour la Banque internationale arabe deTunisie (Biat), qui craint la multiplication des défauts de paiement chez ses clients. Même Marwan, mis sur la touche pendant plusieurs mois, a de nouveau le vent en poupe en ce début 2012 après avoir récupéré la jouissance de sa part de capital (environ 25 %) au sein de l’opérateur OrangeTunisie, dont il est de nouveau le président. ●

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Ancien président de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica), 64 ans PATRON DES PATRONS DE 1987 À 2011, membre du comité central du parti présidentiel jusqu’à sa dissolution, Hédi Djilani a été une figure incontournable de l’économie tunisienne sous le règne de Ben Ali. Des liens avec le palais de Carthage consolidés par le mariage de deux de ses filles avec des proches de l’exprésident. Devenu indésirable à la révolution, il a été contraint de démissionner de ses responsabilités au sein du patronat et a également été privé de passeport. L’homme, qui garde de nombreux soutiens notamment en France, n’a néanmoins pas complètement sombré puisqu’il a conservé le contrôle de ses sociétés, notamment dans le textile (Confection Ras Jebel et Manufacturing International Company, MIC), alors que l’État avait dans un premier temps requis le gel de ses avoirs. En 2011, MIC a vu ses exportations augmenter de 31 % pour atteindre 133 millions d’euros. ● JEUNE AFRIQUE


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Culture

Raja Amari Réalisatrice, 41 ans

Les laudateurs et courtisans de l’ancien régime ont disparu. Place aujourd’hui à ceux qui avaient milité à travers leurs créations pour un changement d’époque et une conquête des libertés.

Mehdi Mabrouk Ministre de la Culture, 47 ans VOILÀ UN MINISTRE déterminé à remettre de l’ordre dans son ministère où les coteries, les systèmes d’allégeance et le clientélisme avaient fini par structurer un système mafieux de détournement des budgets publics et de saccage du patrimoine national. À ce poste depuis trois mois, Mehdi Mabrouk s’est attaqué au dossier des déclassements des terrains

situés à Carthage, effectués par le clan de l’ex-président Ben Ali à son profit, pour les rendre constructibles. Un « crime contre l’humanité », estime l’universitaire indépendant, qui souhaite à présent la démolition de ces constructions illégales. Autre initiative du ministre : la chasse systématique au pillage des sites archéologiques. ●

LES FEMMES – et les non-dits qui les entourent – sont le thème central de cette cinéaste formée à la Fondation européenne pour les métiers de l’image et du son (Femis). Raja Amari explore les secrets de famille, les désirs refoulés et le huis clos pesant qui caractérise l’univers des femmes arabes. Satin rouge (sélection officielle du Festival de Berlin 2002) et Les Secrets (sélection officielle de la Mostra de Venise 2009, meilleur longmétrage au Festival de Milan 2010 et prix de la critique au Festival de Tübingen 2010, en Allemagne) portent sur l’univers féminin menacé par le sexisme et le machisme. Sa façon de filmer le corps des femmes a été vivement critiquée, voire qualifiée de déviante. ●

DEUX CHANTEUSES DANS LE VENT Nawel Ben Kraiem et Emel Mathlouthi ont composé les deux tubes de l’après-Ben Ali.

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AWEL BEN KRAIEM LA BLONDE, à la voix de crooneuse, et Emel Mathlouthi la brune, devenue la Joan Baez tunisienne, ont composé les tubes de la révolution, mais chantent depuis quelques années déjà la liberté.Toutes deux autodidactes, elles ont fait leur voix et leur guitare à Paris, avant de se distinguer rapidement. En 2006, Emel remporte le trophée RMC Moyen-Orient, puis s’affranchit de la formation pop Diom pour entamer un parcours d’auteur-compositeur interprète en solo. Nawel prend ses marques avec le groupe Cirrus, rafle en 2008 le prix de RMC Doualiya pour l’album Mama Please et part en tournée internationale avec le groupe Orange Blossom. Mais aucune ne perd de vue la Tunisie. Le 14 janvier au soir, Nawel compose dans l’urgence YaTounes, qui fait un tabac sur les réseaux sociaux avant même d’arriver sur les ondes, alors que la voix d’Emel, en hommage aux martyrs, résonne dans un silence religieux sur l’avenue Bourguiba. ● ð Le 14 janvier au soir, Nawel poste sur internet sa chanson Ya Tounes. Le succès est immédiat.

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collaborateur Samy Ghorbal (Orphelins de Bourguiba & héritiers du Prophète). Plus besoin de louvoyer pour contourner les lignes rouges. À sa grande satisfaction, la révolution et la Tunisie ont largement inspiré la créativité des essayistes, romanciers, artistes et autres caricaturistes. Karim Ben Smaïl remarque que la révolution s’est faite sans les intellectuels, qui sont passés de l’humiliation à l’humilité, et s’interroge sur le rôle des élites dans le devenir de la Tunisie. ●

Fadhel Jaïbi Metteur en scène, 66 ans FIGURE THÉÂTRALE la plus en vue du pays, connu des scènes arabes et européennes, Fadhel Jaïbi n’est pas encore intervenu sur la révolution ; à moins qu’il ne l’ait déjà fait, en partie, dans deux œuvres événements et prémonitoires : Khamsoun, en 2006, et Amnesia, en 2010. Khamsoun, écrit à l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance, décortique la montée de l’intégrisme, les pratiques policières et l’incapacité d’une génération de gauche à passer le relais. Quant à Amnesia, l’actualité a rejoint la fiction, puisque la pièce retrace la chute d’un homme de pouvoir et interroge la

Nouri Bouzid liberté individuelle confrontée à toutes les formes de conservatisme. Les créations de Fadhel Jaïbi, où le texte et le travail scénique tiennent une place importante, relatent souvent par anticipation les questions de société. ●

Karim Ben Smaïl Directeur général de Cérès Éditions, 50 ans LE PATRON DE LA PLUS ANCIENNE MAISON d’édition tunisienne est, depuis le 14 janvier, un professionnel heureux : il a enrichi son catalogue de plus de douze titres affranchis de toute censure, dont le premier essai de notre ancien

Réalisateur, 67 ans À LA FOIS OBSERVATEUR de la société et militant pour les libertés, Nouri Bouzid dresse, à travers ses films, un tableau sans concession de son pays. Et se singularise par l’audace de ses sujets : l’oppression des femmes dans Poupées d’argile ou Tunisiennes, l’intégrisme dans Making off, la sexualité dans L’Homme de cendres (sélectionné au Festival de Cannes en 1985). Plutôt discret, ce cinéaste, qui a un parcours de militant de gauche, a le don de déranger au point d’avoir été agressé par un intégriste et menacé de mort par le rappeur Psyco-M. Depuis la révolution, ses prises de position et ses interventions sont largement suivies et partagées par les modernistes. ●

LA PLUME DANS LA PLAIE Les deux caricaturistes Lotfi Ben Sassi et Z ont croqué les années 2000. Le premier jouit aujourd’hui d’une certaine notoriété, le second, toujours anonyme, vient de sortir son premier album.

L

UN PRÉFÈRE L’ANONYMAT, l’autre fait tous les jours la une du journal La Presse. Z, qui avait allègrement brocardé les dérives de l’ancien régime sur son blog (DebatTunisie), était un militant virtuel recherché par les sbires de Ben Ali, tandis que Lotfi Ben Sassi (photo) croquait, avec finesse et courage, les travers de la société tunisienne. Si tous deux partagent une passion pour la bande dessinée et les bons mots, seul Lotfi Ben Sassi vit de ses vignettes et de ses expositions, tandis que Z planche sur sa table d’architecte où il griffonne, de 2009 à 2011, les dessins et caricatures qui alimentent son blog

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avec humour et irrévérence. Lotfi pioche dans l’actualité les assertions piquantes de ses personnages, les « Bokbok », alors que Z semble avoir pris ses quartiers au palais de Carthage tant il trouve le ton juste pour croquer une période délétère. Le 14 janvier affranchit leurs crayons; Lotfi Ben Sassi est engagé par NessmaTV et publie La femme est l’avenir de l’homme, une bande dessinée aussi décalée qu’hilarante. Z, toujours anonyme pour préserver sa liberté d’expression, sort aussi son premier album, Révolution! Des années mauves à la fuite de Carthage, une compilation de trois années de blogging. ● JEUNE AFRIQUE


Le premier mensuel généraListe de Langue française Actuellement en Kiosque www.larevue.info


Afrique subsaharienne

SÉNÉGAL

Le grand Tout juste élu, Macky Sall a surpris en nommant Abdoul Mbaye, un technocrate, à la tête du gouvernement. Autour de lui, une équipe resserrée. Et un mot d'ordre: au travail !

RÉMI CARAYOL,

L

chamb

envoyé spécial

a rumeur avait vu juste sur un point. Pour diriger son premier gouvernement, Macky Sall, le nouveau président sénégalais, a bien fait confiance à un technocrate. Mais l’heureux élu n’est pas de ceux dont les noms circulaient avec insistance dans les rédactions. Ce n’est ni Jacques Diouf, l’ex-« boss » de l'Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), ni Cheikh Tidiane Mbaye, le patron de la Société nationale des télécommunications (Sonatel). Quoiqu’avec ce dernier les observateurs n’étaient pas loin de la vérité, puisque c’est son frère aîné, Abdoul Mbaye, 59 ans, qui a eu les faveurs du tombeur d’Abdoulaye Wade. Hormis quelques rares initiés, personne ne l’avait vu venir. Un proche du nouveau chef de l'État, qui a joué un rôle central durant la campagne électorale, l’admet: « Nous savions que Macky nommerait un technocrate, mais il a tellement verrouillé l’info qu’il nous était impossible de savoir qui ce serait. » Il y a dans le ton de ce témoin une pointe d’amertume, mais aussi beaucoup de respect. « Ça change de Wade, explique-t-il. Avant, on savait tout ce qui se disait en Conseil des ministres. Avec Macky, rien ne filtre. » UN GARS SANS HISTOIRES. Combien sont-ils,

dans l’entourage du nouveau président, à savoir à quand remonte sa première rencontre avec ce banquier ? Très peu. C’est tout juste s’ils peuvent la dater au milieu de la dernière décennie, quand Sall occupait la primature (2004-2007). « Ce ne sont pas des intimes, ni même des amis, mais ils sont restés en contact », explique un proche du couple présidentiel. Combien sont-ils à pouvoir dire qui est celui qui fait le lien – un diplomate – entre les deux hommes ? Pas plus de deux ou trois. Dans un premier temps, le président avait pensé en faire son ministre de l’Économie et des Finances. N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

ALIOU MBAYE/PANAPRESS/MAXPPP

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« Mais au fil des consultations, il a changé d’avis », explique un conseiller. Maintenantqu’ilssontaucourant,touslesproches de Sall en conviennent, Abdoul Mbaye présente le profil idéal. « C’est un technicien qui n’a jamais fait de politique, explique le statisticienMoubarackLô.Ilsera « C'est un technicien. Il sera au-dessus des contingences au-dessus des contingences politiciennes.»Unbonpoint, politiciennes. » alors que se profilent les élections législatives (dans trois MOUBARACK LÔ, statisticien mois). « C’est un gars sans histoires, ajoute un conseiller du président, un père de famille [il a quatre enfants, NDLR] qui jouit d’une image d’homme propre. » Pas négligeable, à l’heure JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne

ont permis de l’emporter au second tour et une poignée d’iconoclastes tout aussi inexpérimentés que leur chef, dont des stars nationales (Haïdar El Ali, Youssou Ndour)…

delarépubliqueirréprochablepromiseparSall.C’est surtout un banquier réputé pour ses compétences. Il lui en faudra, pour convaincre les bailleurs d’aider le gouvernement à financer les promesses de campagne et à remplir les caisses de l’État. Abdoul Mbaye dirigera un gouvernement réduit à 25 membres et qui ne compte aucun ministre d’État – un sport national lorsque Wade était aux affaires. Aucun nom ronflant non plus. Pas de Moustapha Niasse, d’Ousmane Tanor Dieng ou de Cheikh Tidiane Gadio. Il y a dans ce gouvernement beaucoup de fidèles du président – ils occupent les postes clés : l’Intérieur, la Justice, les Affaires étrangères, le Secrétariat général. Il y a aussi, à des portefeuilles secondaires, quelques alliés qui lui JEUNE AFRIQUE

Abdoul Mbaye ne dépareille pas. Certes, il n’est pas le plus connu des Sénégalais. Il n’est pas non plus un inconnu. Il y a quelques mois, il faisait la une d’un magazine people qui consacrait un article à sa famille. Le titre? « Kéba Mbaye, Abdoul, Cheikh Tidiane… La belle réussite d’une tribu sénégalaise ». En fait de tribu, il s’agit d’une dynastie. Un ami de Sall en convient: « Avec Mbaye, on n’est pas dans le Sénégal des profondeurs. On est chez les gens d’en haut. » Lorsqu’il a marié son fils il y a quelques mois à la fille de l’ancien apparatchik socialiste passé dans le camp de Wade, Djibo Leyti Kâ, du beau monde assistait à la cérémonie. On y trouvait quelques ministres et un homme qu’il pourrait fréquenter souvent dans les prochaines semaines: l’inamovible chef du protocole de la présidence, Bruno Diatta. Bref, une affaire de « yakh bou rey » (« haut d’en haut »). Sa renommée, Abdoul Mbaye la doit à sa réussite professionnelle : après des études commerciales dans l'une des écoles les plus prestigieuses (HEC à Paris), il rejoint en 1976 la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), où il côtoie un cerð LE NOUVEAU PREMIER MINISTRE tain Alassane Ouattara. En lors des 1982, le président Diouf lui célébrations de offre la direction générale de la l’indépendance, Banquedel’habitatduSénégal le 4 avril à Dakar. (BHS). Il n’a alors que 29 ans. Au second plan, Durant les vingt-cinq années le chef de l’État. qui suivent, son parcours est faitdefusions,d’acquisitions,derachatsetderedressements plus ou moins réussis, d’expropriations et de faillites amères, de titres ronflants, de directions générales et de présidences de Conseils d’administration. De sigles aussi : après la BHS, il prend la tête de la CBAO (Compagnie bancaire de l’Afrique occidentale),puisrachèteavecd’autresSénégalaisla BST (Banque sénégalo-tunisienne) alors mourante, avant de la vendre (une belle opération financière) aux Marocains d’Attijari Bank. Qu’a-t-il fait depuis qu’il a été « démissionné » de la tête de cette banque en 2008 ? Tout juste sait-on qu’il s’est lancé dans l’or au sein d’une société de droit sénégalais, Sored Mines SA, qui exploite l’un des gisements les plus importants ● ● ●

YOUSSOU NDOUR La star de la world music, propriétaire du plus grand groupe de presse sénégalais, qui a battu campagne pour Sall, hérite de la Culture et du Tourisme.

HAÏDAR EL ALI

DR

MAGAZINE PEOPLE. Dans ce lot de célébrités,

VINCENT FOURNIER/J.A.

Des ministres pas comme les autres

Une autre « star » est nommée à l’Écologie. Issu d’une famille libanaise, il est connu et apprécié pour ses luttes contre la surpêche et pour le reboisement en Casamance.

AMADOU KANE Le nouveau ministre de l’Économie et des Finances est un banquier célèbre. Jusque-là PDG de la Bicis, il est le neveu de l’écrivain Cheikh Hamidou Kane. N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

DR

ardement

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Afrique subsaharienne ● ● ● du pays, et qu'il aurait tenté de monter des affaires dans l'immobilier. Président de l’Institut sénégalais des administrateurs (ISA), qui prône la bonne gouvernance dans les entreprises, Mbaye est connu pour être un défenseur du partenariat public-privé. Une fibre sociale-libérale qui correspond au projet de Macky Sall, mais qui inquiète à gauche. Avec, en outre, un banquier aux Finances, ne se dirige-t-on pas vers une technocratie froide et antisociale ?

ADEPTE DU COMPROMIS. Pour l’heure, Mbaye jouit d’une bonne image. Mais il le sait tout autant que son frère, une autre célébrité des affaires: s’il est respecté par les Sénégalais, c’est avant tout parce qu’il est le fils de feu Kéba Mbaye (1924-2007). Une sommité qui s’est construit tout au long de sa vie une réputation d’homme intègre tant à l’intérieur du pays (il présida la Cour suprême pendant dix-sept ans, puis le Conseil constitutionnel pendant trois ans) qu’à l’extérieur (il fut un membre très influent du Comité international olympique durant vingtneuf ans et vice-président de la Cour internationale de justice de La Haye de 1983 à 1991). Ce juriste attaché aux droits de l’homme était un adepte du compromis et un apôtre de l’éthique.

UN INCONNU AU CŒUR DU SYSTÈME Le nom du directeur de cabinet du président ne dit pas grandchose aux Sénégalais. Et pour cause: Abdoul Aziz Mbaye (aucun lien de parenté avec le Premier ministre) était jusqu’à présent… l’ambassadeur de l’Union européenne pour le Pacifique (il a la nationalité française). Physicien réputé, il a intégré la diplomatie européenne il y a seize ans. Il a fait ses classes en Afrique du Sud puis en Guinée. Proche deYoussou Ndour, il a rencontré Macky Sall pour la première fois en 2004. Depuis, ils ne se sont jamais perdus de vue. « Macky l’écoute beaucoup, il lui voue un grand respect », explique un ami commun. Régulièrement, Mbaye disait à Sall: R.C. « Vous êtes le seul qui puisse me faire rentrer au pays. » ●

Autant dire un père spirituel pour Macky Sall. Le nouveau président ne cracherait pas sur quelques principes de vie édictés par Kéba Mbaye dans une lettre adressée à son fils en 1982: « N’aie confiance en personne à commencer par moi, avait-il écrit à Abdoul. Ne fais jamais rien d’important sans en discuter avec ton épouse. Il ne s’agit évidemment pas de faire ce qu’elle te dit, mais de prendre son avis. […] Reste simple. Mais ne sois pas vulgaire. » À son fils, Kéba Mbaye conseillait aussi de garder ses opinions politiques pour lui. ●

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Afrique subsaharienne

JUKKA GRÖNDAHL/POLARIS/STARFACE

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RD CONGO

La relance façon Kabila Mal réélu en novembre, déstabilisé par la mort de son plus proche conseiller, Katumba Mwanke, le 12 février, le chef de l’État tente de reprendre la main. Et va devoir faire des compromis.

C

omme à son habitude, Joseph Kabila prend son temps. Après le désastre du scrutin présidentiel du 28 novembre, sans vainqueur incontesté et incontestable, le chef de l’État congolais a préféré jouer la montre. Il lui a tout d’abord fallu attendre l’issue de la très hasardeuse compilation des élections législatives, qui se sont déroulées le même jour, pour avoir une idée des contours de sa majorité. La réponse est venue au compte-gouttes à partir du 2 février. Si on ajoute les députés estampillés Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), ceux des autres formations de l’Alliance pour la majorité présidentielle (AMP) et la ribambelle d’élus issus de partis créés à la va-vite pour ce rendez-vous électoral, le camp présidentiel peut revendiquer près de 350 sièges sur 500. C’est confortable.

JEUNE AFRIQUE

LE PRÉSIDENT EN CAMPAGNE POUR SA RÉÉLECTION, en septembre 2011, à Goma, dans le Nord-Kivu.

ce dernier multiplie les audiences, et la presse spécule à l’envi sur le nom du futur Premier ministre… Début avril, les Congolais attendaient toujours leur nouveau gouvernement, censé tourner la page de cette sombre séquence électorale durant laquelle l’impéritie de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) et la terrible répression des forces de sécurité sur les militants de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) d’Étienne Tshisekedi ont

Mais, comme souvent en RD Congo, les combinaisons politiques sont plus complexes que la simple arithmétique. « Pour anticiper sur une perte de vitesse du PPRD, qui n’a obtenu que 62 sièges contre 111 lors de la législature précédente, et profiter à plein du scrutin proportionnel, la présidence a sponsorisé une multitude La majorité est éclatée et le de petits partis locaux pour partage des postes donne lieu inonder le marché électoral, à un immense marchandage. explique un analyste politique onusien. L’opération bien failli emporter le pays dans un noua réussi, mais à présent cette majorité éclatée est presque indomptable, car elle veau cycle d’extrême violence. « Avec ses donne lieu à un grand marchandage. » différents labels, le panier présidentiel Afin de savoir qui est qui et qui veut est plein », assure Louis Koyagialo, le quoi, Joseph Kabila a donc envoyé en Premier ministre par intérim, chargé mission un « informateur », Charles d’expédier les affaires courantes. Avant Mwando Nsimba, pour sonder les intende reconnaître toutefois qu’« il faut aller tions des uns et des autres. À Kinshasa, vers l’opposition pour ramener un peu de N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012


Afrique subsaharienne sérénité ». Cet originaire de l’Équateur, qui fut gouverneur au Katanga sous Mobutu et a rejoint le PPRD en 2011 après une longue carrière comme député indépendant, se refuse à prononcer le mot. Mais tout le monde ne pense qu’à cela. Acteurs politiques, diplomates, journalistes, commentateurs, tous misent sur une « ouverture » du régime Kabila. DISGRÂCES. De ce point de vue, la disparition d’Augustin Katumba Mwanke dans un accident d’avion le 12 février à Bukavu peut être considérée comme une opportunité (voir J.A. no 2667). Celui qui accompagnait le chef de l’État depuis 2001 concentrait tous les pouvoirs. Il décidait de tout, isolait le président, prononçait les disgrâces et dessinait les contours étroits d’un clan ayant fait allégeance. « À présent, Kabila va pouvoir assumer ses responsabilités et être plus équitable. Il se réorganise », veut croire un visiteur du soir blacklisté par Katumba pendant près de trois ans au Palais de la nation et qui a de nouveau l’oreille du chef de l’État. « Personne n’est en mesure de dire avec certitude qui est le vainqueur de la présidentielle, Kabila a intégré cette réalité et son déficit de légitimité qui en découle », se persuade un fonctionnaire international. « Dans ces conditions, il doit faire équipe avec d’autres et éviter de constituer un gouvernement d’aboyeurs et de triomphateurs. » Faire profil bas pour mieux rebondir, envoyer des signaux à une population qui n’aquasimentrienvudes«cinqchantiers» (infrastructures, santé et éducation, eau et électricité, logement, emploi) promis en 2006, apaiser l’extrême tension qui règne à Kinshasa, une capitale politiquement

BAUDOUIN MOUANDA POUR J.A.

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LOUIS KOYIAGIALO, PREMIER MINISTRE PAR INTÉRIM, à Kinshasa, en mars dernier.

l’ancien directeur de cabinet de Joseph hostile et rongée par la désespérance Kabila durant la transition, lui aussi vicsociale… Telle semble être la feuille de route d’un président mal élu et acculé. time d’une « fatwa » lancée par Katumba, « L’élargissement de sa base politique, il y lui aussi de retour sur le devant de la scène pense », conclut un diplomate européen depuis quelques semaines. Pragmatique qui rappelle au passage que c’est de toute et ouvert, ce Kasaïen plaide pour une façon un passage obligé pour engager un « décrispation politique et pour une début de normalisation avec la commuprise en compte de l’urgence sociale et des droits humains ». Si cette résolunauté internationale, emmenée par les Américains et les Français, passablement irrités par la Il lui faut envoyer des signaux à tournure des événements une population qui n’a rien vu des en novembre dernier. Mais « a-t-il vraiment le choix s’il grandes promesses faites en 2006. veut réussir son Sommet de la francophonie, prévu en octobre tion affichée est à première vue séduiprochain ? » ajoute-t-il. sante, la volonté réelle du boss d’aller à « Nous proposons l’ouverture, mais grande vitesse dans cette direction reste ses contours restent à définir. Il n’y aura à prouver. Autour de lui, les « faucons » pas d’union nationale, mais nous ferons comme Évariste Boshab, le président de appel à des individualités capables de l’Assemblée nationale, ou bien Adolphe remédier au déficit organisationnel de Lumanu, le ministre de l’Intérieur, sont l’État », anticipe Léonard She Okitundu, orphelins de Katumba et donc en perte de vitesse. Mais ils continuent de peser à l’Assemblée et dans les couloirs du Palais. ET L’OPPOSITION DANS TOUT ÇA ? Les sécurocrates, incarnés notamment par LENDEMAINS D’ÉLECTIONS difficiles pour l’Union pour la démocratie le général Banze Lubunji, commandant et le progrès social (UDPS). Le divorce entre ÉtienneTshisekedi, qui ne de la garde républicaine, mise en cause reconnaît pas les nouvelles institutions, et les 37 députés (sur 41) du parti dans le rapport des Nations unies sur qui veulent siéger à l’Assemblée nationale est sur la place publique. les violences durant l’élection présiden« C’est au pouvoir de donner des gages, la prochaine session tielle, sont tout à la fois des protecteurs parlementaire indiquera si la crise s’aggravera ou non », explique le zélés et de potentielles menaces. Et puis conseiller deTshisekedi, Samy Badibanga. Réforme de la commission il y a le clan familial, dirigé par l’autoriélectorale et garanties constitutionnelles pour l’opposition font partie taire « Maman Sifa », la mère de Kabila, avec l’omnipotente sœur jumelle, Jaynet, des gages attendus… L’autre front de l’opposition englobe ce qui reste ainsi que le turbulent benjamin, Zoé, du Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba aux ambitions politiques avérées et aux et l’Union pour la nation congolaise (UNC) de Vital Kamerhe. Ces deux appétits patrimoniaux perceptibles. Pas formations semblent parties pour cinq années d’opposition, tout en simple dans ce dédale d’intérêts croisés espérant un partage des postes au bureau de l’Assemblée. Vient enfin et d’agendas contradictoires de tirer une le président du Sénat, Kengo wa Dondo. Il « tend la main », mais veut la ligne droite. ● primature… Un poste également convoité par François Muamba, l’ancien

bras droit de Bemba. ● N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

PH.P.

PHILIPPE PERDRIX, envoyé spécial JEUNE AFRIQUE


Coulisses SOUDAN

Un monde de brut Jamais Khartoum et Djouba ne s’étaient aussi violemment affrontés depuis la partition.

B

ombardements aériens, chars d’assaut, tirs d’artillerie… Les armées du Soudan et de son voisin du Sud se sont livrées, les 26 et 27 mars, à leurs plus graves affrontements depuis la sécession de juillet 2011, et les négociations, qui se sont tenues du 2 au 4 avril au siège de l’Union africaine, à Addis-Abeba, n’ont pas permis de faire baisser la température. Le Nord a claqué la porte, alors que de nouveaux combats éclataient sur le terrain. Au cœur du contentieux entre les deux pays se trouve, encore et toujours, la question des ressources pétrolières de l’ancien Soudan. En accédant à l’indépendance, Djouba a obtenu le contrôle des trois quarts d’entre elles, mais doit, pour les exporter, utiliser les infrastructures du Nord. Or la contribution réclamée par Khartoum – plus de 30 dollars (23 euros) par baril – est jugée exorbitante.Àtitred’exemple,leCameroun ne prélève que 42 cents par baril pour convoyer le brut du Tchad. ROBINET. C’est que le Soudan a trop à

perdre. Pendant le premier semestre de 2011, le pétrole du Sud représentait encore plus du tiers des recettes de l’État, selon la Banque mondiale. Depuis l’indépendance, la situation de l’économie nordiste s’est brutalement dégradée : l’inflation a atteint 22,4 % sur un an en mars dernier et, en 2012, le pays devrait connaître sa deuxième année de récession consécutive. Ses infrastructures étant incontournables, Khartoum a pris le risque de se rétribuer directement en vendant, à son compte, le pétrole du Sud. C’était compter sans la détermination de Djouba, qui a préféré fermer le robinet fin janvier, quitte à sacrifier son unique ressource. Selon les experts, il faudrait au moins deux mois avant que les pipelines redeviennent utilisables, une fois prise la décision de les remettre en marche – ce qui est loin d’être acquis. Un grand gâchis, pour tout le monde. ● PIERRE BOISSELET JEUNE AFRIQUE

Afrique subsaharienne

demande aux pays membres de l’organisation d’adopter un l’organisati protoc protocole additionnel à la ch charte africaine des droi de l’homme et droits des peuples pour « une abol abolition définitive ». Cett Cette proposition sera pr présentée lors de la 51e session ordinaire de la CADH, qui doit se tenir du 18 avril au 2 mai à Banjul, en Gambie – un pays qui a prononcé 13 condamnations à mort en 2011, selon l’ONG Amnesty International. Les auteurs du rapport vont également lancer un appel pour la que les États décident « d’un moratoire sur les PEINE DE MORT L’UNION AFRICAINE condamnations » et qu’ils EN FAVEUR DE L’ABOLITION « commuent toutes les peines de mort déjà proL’Afrique est-elle prête à devenir abo- noncées en peines de prison ». Par sûr litionniste ? La Commission africaine que l’Égypte, le Soudan, le Soudan des droits de l’homme et des peuples du Sud et la Somalie (les quatre pays (CADH) – qui dépend de l’Union afri- ayant procédé aux 23 exécutions en caine (UA) – en est convaincue. Son 2011 sur le continent) se rallient à groupe de travail sur la peine de mort cette idée. ●

GUINÉE-BISSAU DEHORS L’ANGOLA !

premier tour de la présidentielle le 18 mars.

L’opposition bissauguinéenne, soutenue par le chef d’étatmajor de l’armée, António Indjai, a obtenu gain de cause. L’Angola a annoncé, le 4 avril, le départ des 200 soldats angolais déployés dans le pays depuis un an et censés aider à la réforme du secteur de la défense et de la sécurité. Ils étaient soupçonnés de soutenir le gouvernement et Carlos Gomes Júnior, l’ex-Premier ministre arrivé en tête du

TOGO PARDON Le gouvernement togolais n’a jamais donné le bilan officiel des troubles postélectoraux de 2005, mais, le 3 avril, le président Faure Gnassingbé a demandé pardon, au nom de l’État, aux victimes des violences politiques commises entre 1958 et 2005. C’était en recevant le premier volet du rapport de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation.

« KONY 2012 » ATTENTION BUZZ Invisible Children remet ça. Quelques semaines après avoir diffusé sur le web un documentaire sur le chef des rebelles de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA), Joseph Kony, l’ONG a réalisé une seconde vidéo censée corriger certaines approximations. Entre-temps hospitalisé pour dépression nerveuse, Jason Russell, le réalisateur du premier Kony 2012, qui avait été vu plus de 100 millions de fois, n’y a pas pris part. N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

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Afrique subsaharienne Enquête

FRANCS-MAÇONS

L’Afrique bien logée

Rares sont ceux qui avouent leur appartenance. Pourtant, avec ses rites et son goût du secret, la franc-maçonnerie fascine et fait chaque jour de nouveaux adeptes. Et sur le continent, dans les cercles du pouvoir, beaucoup en font partie.

PASCAL AIRAULT,

À

envoyé spécial à Libreville

L ibreville, on l’a surnommé « Papa Roméo ». On a remarqué qu’il avait préféré se faire discret et ne pas se montrer au grand raout annuel des francs-maçons (les Rencontres humanistes fraternelles africaines et malgaches, Rehfram), qui s’est tenu les 9 et 10 mars dans la capitale gabonaise. On sait aussi qu’il avait peu apprécié de voir diffusées, il y a deux ans, les images de son intronisation. Lui, c’est Ali Bongo Ondimba, grand maître de la Grande Loge du Gabon et président de la République (le PR à l’origine du nom de code « Papa Roméo »). Le chef n’était pas là, mais ses « frères » et « sœurs » avaient fait le déplacement jusqu’au Palais des conférences de la Cité de la démocratie, à Libreville. Deux jours durant, ils ont planché sur un thème, aux allures de mantra : « Si nous persévérons sur le chemin de la vertu, la vie devient calme et paisible ». Un exercice purificatoire? Peut-être. Les francsmaçons sont accusés d’avoir perdu les valeurs de justice, de liberté et de tolérance qu’ils étaient censés défendre. « En France, ils peuvent N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

se prévaloir d’avoir mené certains combats pour la laïcité ou l’abolition de la peine de mort, explique un leader de la société civile gabonaise. Chez nous, ils sont arrivistes et carriéristes. Ils viennent aux tenues blanches dans l’espoir de rencontrer un ministre ou de faire une affaire. » MAFIA. L’imaginaire populaire va

plus loin encore, faisant de la francmaçonnerie une société mystérieuse et redoutable, où les rites ont des parfums de messe noire, et que les profanes qualifient parfois de « mafia » ou même de « synagogue de Satan ». « Personne ne parle de nos œuvres de bienfaisance et de nos actions sociales, déplore un frère gabonais. Notre image est détruite. On va jusqu’à nous accuser de crimes liés aux rituels et de trafics d’organes humains. » Importée en Afrique dans les cantines des administrateurs coloniaux, la franc-maçonnerie enregistre pourtant chaque jour de nouvelles recrues dans les rangs du monde politique, économique et militaire… En Côte d’Ivoire, les vocations sont nombreuses. Si le président Ouattara n’est pas connu

IMPORTÉE DANS LES CANTINES DES ADMINISTRATEURS COLONIAUX,

la francmaçonnerie a infiltré les milieux politiques, économiques et militaires.

officiellement pour être un frère triponctué, son Premier ministre, Jeannot Ahoussou-Kouadio, et son ministre de l’Intérieur, Hamed Bakayoko, le sont. Près de la moitié du gouvernement actuel fréquenterait les temples. La Grand Loge de Côte d’Ivoire (GLCI), installée dans le quartier de Marcory-Zone-4, à Abidjan, est pilotée par le grand maître Magloire Clotaire Coffie. Elle aurait récemment accueilli le procureur de la République, Simplice Koffi Kouadio. D’autres personnalités, comme Georges Ouegnin, JEUNE AFRIQUE


STÉPHANE LEHR/CORBIS

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ancien directeur de protocole d’État, et Laurent Ottro Zirignon, oncle de l’ancien président Gbagbo, « manient la truelle ».

la diplomatie – grand maître de la Grande Loge du Burkina, qui comptedanssesrangsdenombreux ministres, diplomates et hommes

ÉLITE. Chez les voisins maliens

En Côte d’Ivoire, plusieurs membres influents du gouvernement ont été initiés.

et guinéens, on observe le même phénomène d’expansion. Amadou Toumani Touré, renversé le 21 mars, et Alpha Condé veillent aux destinées respectivement de la Grande Loge du Mali et de celle de Guinée. Quant à Blaise Compaoré, il était – jusqu’à ce qu’il cède la place à Djibrill Bassolé, son chef de JEUNE AFRIQUE

d’affaires, notamment une partie de la direction de la chambre de commerce nationale. Plus au sud, le BéninoisThomasBoniYayi,évangéliste patenté, a toujours contesté son

appartenance à la franc-maçonnerie mais cultive d’étroites relations dans le milieu. Le Togolais Faure Gnassingbé entretient le doute, et fait sourire certains frères : « Ce jeune président a vite compris le moyen de contrôler son élite », remarquent-ils. Seul le Sénégal, berceau de la franc-maçonnerie africaine au XIX e siècle, semble connaître un léger recul. Pourquoi ? Les confréries y tiennent une place plus importante, au point que l’appartenance à telle ou telle ● ● ● N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012


Afrique subsaharienne Enquête

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loge a été utilisée comme une arme de dénigrement au cours de la campagne présidentielle. Le camp d’Abdoulaye Wade, le chef de l’État sortant, a accusé Macky Sall d’« en être » (information démentie par l’intéressé), oubliant au passage que « Gorgui » avait lui-même été initié. Avant lui, l’ancien président Abdou Diouf était réputé très proche de la maçonnerie. ●●●

COOPTATION. Combien sont-ils ?

Frère célèbre, le Gabonais Omar Bongo Ondimba pensait que « l’engagement à l’Art royal exig[eait] des frères et sœurs qu’ils s’impliquent de plus en plus dans les choses de la cité ». Les francsmaçons régnaient alors à tous les

En 2010, Ali Bongo Ondimba n’avait pas aimé de voir diffusées les images de son intronisation. échelons du pouvoir à Libreville, même si le chef permettait à des non-initiés d’accéder à des postes à responsabilités. Bongo père avait même réussi le pari d’unifier la maçonnerie gabonaise masculine en créant, en 1978, le Grand Rite équatorial, reconnu par le Grand

à Madagascar. » Elles sont avocates, médecins, pharmaciennes, journalistes… Sur le plan de l’africanisation de la maçonnerie, la Grande Île est très avancée avec une dizaine d’obédiences, dont le Grand Rite malgache (GRM), la Grande Loge traditionnelle et symbolique de Madagascar (GLTSM) ou le Grand Rite malgache féminin (GRMF). L’homme d’affaires Andry Rabefarihy et l’ancien directeur général de l’Institut malgache d’innovation Martial Rahariaka ne font pas mystère de leur appartenance.

Orient de France (GODF) et par la Grande Loge de France (GLDF). Le Congolais Denis Sassou Nguesso perpétue aujourd’hui cette politique : il a initié le Centrafricain François Bozizé et se pose en doyen des grands maîtres des loges de l’Afrique francophone. Le président Idriss Déby Itno est le très discret grand maître de la Grande Loge du Tchad. Son homologue camerounais, Paul Biya, qui a souvent été présenté comme un rosicrucien (c’est-à-dire comme un membre de l’ordre de la Rose-Croix, société ésotérique),

FRED DE NOYELLE / GODONG

Difficile à dire avec exactitude. « On compte entre 25 000 et 30 000 francs-maçons en Afrique francophone, dont 15 % de femmes, estime Hervé-Emmanuel Nkom, initié au Grand Orient. Nos sœurs sont bien implantées en Côte d’Ivoire, au Bénin, au Gabon et

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DESSIN FIGURANT CERTAINS DES PRINCIPAUX SYMBOLES

MAÇONNIQUES,

dont le compas, l’équerre et les colonnes du temple.

aurait autrefois été initié à la francmaçonneriemaisseraitensommeil depuis longtemps. La Grande Loge unie du Cameroun (Gluc), pilotée par le grand maître Denis Bouallo, a son site internet, interface pour la cooptation de nouveaux membres. Depuis plus de vingt ans, la Grande Loge nationale française (GLNF) mène une large offensive afin de s’implanter dans les cercles du pouvoir africain où ministres et chefs d’État ont déjà été initiés. L’exgrand maître Jean-Charles Foellner, très souvent en mission en Afrique, et son successeur, l’avocat d’affaires niçois proche de Nicolas Sarkozy, François Stifani, ont été les principaux artisans de cette conquête. Initié dans une loge au Sénégal, c’est devant Foellner que Denis Sassou Nguesso a prêté serment comme grand maître de la Grande Loge du Congo en novembre 2007. Parmi les personnalités présentes, le neveu du président congolais et patron du Conseil national de sécurité (CNS), l’influent JeanDominique Okemba. Trois mois plus tard, le Congo accueillait à Pointe-Noire la seizième édition des Rehfram. Représenté par Émile Ouosso, déjà ministre de l’Équipement et des Travaux publics, le président congolais donnait sa vision du franc-maçon : « Un être de progrès qui avance, un être de dépassement, capable de s’affranchir des exigences du milieu, un être de perspectives dont les anticipations peuvent et doivent aller audelà de la contrainte de sélection. » Aujourd’hui, une bonne partie du gouvernement et de l’appareil sécuritaire du pays est franc-maçon. Et l’opposant Guy-Romain Kinfoussia est le grand maître du Grand Orient du Congo – ce qui n’est pas sans rappeler la guerre qui avait opposé, à la fin des années 1990, Sassou Nguesso et Pascal Lissouba, initié au Grand Orient de Besançon. Sous Ali Bongo Ondimba, le système maçonnique a été reconduit à Libreville. L’émission Infrarouge diffusée en décembre 2010 sur France 2 a dévoilé les dessous de son intronisation, le fils reprenant le maillet de son père pour officier au grade de grand maître de la Grande JEUNE AFRIQUE


L’Afrique bien logée ð DEPUIS VINGT ANS, LA GRANDE LOGE NATIONALE FRANÇAISE s’intéresse aux pouvoirs africains. Depuis 2007, c’est le grand maître FRANÇOIS STIFANI, avocat proche de Nicolas Sarkozy, qui la dirige.

JP AMET/JBVNEWS

Loge du Gabon. Ce 31 octobre 2009, on reconnaît sur la vidéo l’ex-ministre des Affaires étrangères Paul Toungui, son collègue de l’Éducation nationale Séraphin Moundounga, le doyen du Sénat Marcel Sandoungout, le patron du Conseil national de sécurité Léon Paul Ngoulakia, des généraux de l’armée et même plusieurs cadres de l’opposition. Lechefdel’Étatgabonaissouhaite aujourd’hui placer Jean-Baptiste Bikalou, patron de la Chambre de commerce et d’industrie du Gabon, à la tête de la Grande Loge symbolique du Gabon (GLSG, proche du Grand Orient de France). C’est du moins ce qu’affirme un proche de l’actuel grand maître, Antoine Embinga, par ailleurs débarqué de son poste de commandant en chef de la police en janvier dernier. La cousine germaine du chef de l’État, NicoleAssélé,est,quantàelle,vénérable à la Grande Loge féminine du Gabon. Et Ali Bongo Ondimba n’a plus rien à craindre de l’ex-ministre de l’Intérieur et opposant « éclairé » André Mba Obame, qui s’est mis en sommeil et exilé à Paris.

JEUNE AFRIQUE

LOBBYING. Pour beaucoup, ce système de gouvernance par cooptation trouve son fondement dans la Françafrique. De Jacques Foccart, le « Monsieur Afrique » de De Gaulle, à Nicolas Sarkozy, en passant par François Mitterrand, la franc-maçonnerie a souvent servi de réseau d’information et de lobbying dans les plus hautes sphères du pouvoir économique et politique. Nombre de ministres de la Coopération (dont Christian Nucci et Jacques Godfrain), des responsables des services de renseignements (comme Marcel Leroy ouAlainJuillet)oudesresponsables de l’Agence française de développement (AFD) sont ou ont été francs-maçons. Des réseaux qui peuvent aussi s’affronter au gré des intérêts ● ● ● N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

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Afrique subsaharienne Enquête politiques ou économiques ou des alternances au pouvoir. Ce qui explique que les querelles soient fréquentes à la tête des loges. Aujourd’hui, de grandes figures comme Denis Sassou Nguesso et Djibrill Bassolé, patron de la Grande LogeduBurkina,sontsouventappelées pour ramener le calme, comme dans le conflit qui a opposé l’avocat Louis Mbanewar Bataka, ancien grand maître de la Grande Loge nationale du Togo (GLNT) peu désireuxdepasserlamain,àRoggyKossi Paass, l’ex-directeur général chargé ●●●

du Togo à la Banque internationale pour l’Afrique de l’Ouest (BIAO), qui lui a finalement succédé. Une certitude: la fascination des dirigeantspourlafranc-maçonnerie ne se dément pas. « Mais ce n’est pas un mal africain, plaisante un frère. Dans les années 1970, en France, Giscard d’Estaing voulait lui aussi entrer à la Grande Loge de France (GLDF). Mais il ne souhaitait pas faire son apprentissage : il voulait gravir rapidement tous les échelons. » Du coup, l’affaire a tourné court, et Giscard est resté profane. ●

KEYSTONE-FRANCE

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Dans la vie courante, il y a 70 % de salaudss et 30 % de mecs bien. Dans la franc-maçonnerie,, la proportion est inversée. On y gagne. Marcel Leroy, alias Leroy-Finville,

franc-maçon (décédé), ancien patron du Service 7, une des directions du service de documentation extérieure et de contre-espionnage français (Sdece)

Querelles de chapelles L’autorité de la Grande Loge nationale française et de son grand maître, François Stifani, est de plus en plus contestée… Jusque sur le continent, où certains cherchent à s’émanciper.

À

la GLNF, le diable est entré dans le temple. Contesté pour son autoritarisme, ses actions médiatiques et son soutien trop marqué au régime de Nicolas Sarkozy, le grand maître François Stifani ne veut pas transmettre son maillet. Si bien que la Grande Loge enregistre de très nombreuses défections. Près d’un tiers des 40000 membres ont décidé de créer une nouvelle obédience: la Grande Loge de l’Alliance maçonnique française (GL-AMF). Emmenés par Alain Juillet, ancien numéro deux de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), ils ont écrit aux responsables des grandes

obédiences du monde pour leur demander de suspendre leurs relations avec la GLNF. Avec succès. De nombreuses loges anglo-saxonnes et la Grande Loge régulière du royaume du Maroc (GLRRM) l’ont déjà fait. Le 30 janvier dernier, Salah Cherradi, grand secrétaire de la GLRRM, a même envoyé un courrier à la GLNF dénonçant « la situation qui prévaut au sein de l’obédience depuis plus de deux ans, véhiculant une image très déformée et négative de l’honorable institution ». TUTELLE. Que vont faire les autres

loges africaines ? « On attend la réaction du président congolais,

Denis Sassou Nguesso, explique un frère burkinabè. En tant que leader, sa position sera déterminante. » Le président Ali Bongo Ondimba, grand maître de la Grande Loge du Gabon, chercherait-il à s’émanciper de la tutelle de la GLNF ? Il a envoyé en 2011 des émissaires pour tâter le terrain auprès d’autres obédiences françaises. Pour Alain Juillet, il ne faut pas précipiter les choses, mais la porte est clairement ouverte. « Nous voulons conserver nos relations d’échange et d’amitié avec nos frères africains, expliquet-il. Il leur appartiendra de se prononcer en toute indépendance s’ils veulent nous rallier. » ● P.A.

POUR ALLER PLUS LOIN

Les Francs-Maçons & l’Afrique, Joseph Badila et Daniel Béresniak, Éditions Detrad aVs, 2008, 126 p. N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

La Franc-Maçonnerie en Afrique noire, Joseph Badila, Éditions Detrad aVs, 2004, 326 p.

La Franc-Maçonnerie en Afrique francophone, 1781-2000 *, Georges Odo, Edimaf, 2000, 128 p.

* Disponible, avec d’autres ouvrages du même auteur sur les francs-maçons, sur emsomipy.free.fr. JEUNE AFRIQUE


L’Afrique bien logée

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Hervé-Emmanuel Nkom « Nous sommes des sentinelles et devons rester en éveil » Haut gradé du Grand Orient, ce banquier camerounais a été initié il y a trente ans.

obédiences se sont installées en Afrique francophone à la faveur de l’arrivée de l’administration coloniale. Au XIXe siècle, le Grand Orient (GO) a été l’obédience fondatrice, suivie par la Grande Loge de France (GLDF). Le GO a soutenu l’implantation des grandes loges nationales, comme la Grande Loge nationale unie du Cameroun (Gluc). Mais le prosélytisme de la Grande Loge nationale française (GLNF), ces vingt dernières années, lui a permis de s’implanter fortement en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, particulièrement au Congo-Brazzaville, au Gabon et en Côte d’Ivoire. Elle recrute massivement dans les palais africains. Le Droit humain, obédience mixte, est également en phase d’expansion. L’intérêt des Africains pour le spirituel a-t-il favorisé l’essor de la franc-maçonnerie ?

La franc-maçonnerie doit rester universelle, sans distinction de race, de couleur ou d’origine. On ne doit pas y incorporer des pratiques religieuses ou tradi-

dans la franc-maçonnerie le moyen de s’imprégner d’un mode de vie laïque. Cela leur permet de s’ouvrir sur l’égalité, la parité, la démocratie ou la justice sociale. D’autres considèrent que la maçonnerie peut aider à obtenir une promotion ou à accélérer une carrière, mais c’est un dévoiement. Au sommet de la pyramide, certains présidents africains pilotent cette « franc-maçonnerie de palais »…

L’appartenance d’un président, d’un ministre ou d’un responsable de la police pose la question du conflit d’intérêts. Il ne faut pas que votre frère français vous initie en contrepartie de votre docilité. Un maçon est une sen LE 3 AVRIL, dans son bureau de Douala. tinelle : il doit rester en éveil et ne peut fermer La franc-maçonnerie a contenu les yeux sur les atteintes aux droits de l’homme et à la démocratie. Et la folie de certains dirigeants. Elle encore moins les perpétuer. Les a dispensé le Bénin d’une guerre dérives arrivent lorsque l’on ne civile et accéléré la mise en place respecte pas les règles du temple. du processus démocratique au début des années 1990. Au CongoBrazzaville, elle a permis d’éviter une guerre beaucoup plus longue et encore plus meurtrière. Lors de la présidentielle de 2000 au Sénégal, les maçons de toutes obédiences ont favorisé la transiCertains présidents africains sont devenus grands maîtres en deux ou tion démocratique, et, cette année trois jours, alors qu’il faut normaleencore, en dépit des divisions entre ment plusieurs années d’apprentisconservateurs et partisans du chansage. La GLNF, par exemple, est très gement, ils ont insisté pour que laxiste quand elle recrute et ne veille la vérité des urnes soit respectée. pas au respect de ses propres règles. Reste la Côte d’Ivoire, une terre d’élection de la maçonnerie où Les maçons jouent-ils un rôle dans elle n’est pas parvenue à enrayer la résolution des crises ? la crise. ● Propos recueillis par P.A.

Certains présidents sont devenus maîtres en deux ou trois jours. Il y a des règles à respecter. tionnelles, comme le vaudou ou le bwiti. Historiquement, des maçons comme Blaise Diagne [le premier Noir élu à la Chambre des députés en France, NDLR] s’en sont servis comme moyen de lutte contre la colonisation et l’illettrisme des populations. Après leur formation universitaire, les Africains trouvent également JEUNE AFRIQUE

N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

NICOLAS EYIDI POUR J.A.

JEUNE AFRIQUE : Y a-t-il une obédience plus présente qu’une autre en Afrique francophone ? HERVÉ-EMMANUEL NKOM : Les


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Maghreb & Moyen-Orient

MAROC

Mohammed VI-

jours tranq

Trois mois après la nomination de son cabinet, le chef du gouvernement islamiste est à l’épreuve du pouvoir, qu’il partage en bonne intelligence avec le roi en évitant soigneusement d’engager le moindre bras de fer.

YOUSSEF AÏT AKDIM,

«

A

envoyé spécial

scrupuleusement la maxime chère aux initiés : vant, il n’y en avait « Ceux qui savent ne parlent pas. Ceux qui parlent que pour le roi. Le ne savent pas. » mettre en couverture suffisait à vendre n’importe quel journal. SALAMALECS. La transparence affichée, mise en Aujourd’hui, je disscène, est l’atout charme de ce gouvernement et pose d’un autre argument de vente : Benkirane », de son chef. Pour Abdelilah Benkirane, la relation avec le roi n’a rien de magique. La réforme confie ce vendeur de journaux rbati, sourire en constitutionnelle a mis un terme à la sacralité coin. Depuis quatre mois, les unes de la presse marocaine ne se lassent pas d’exhiber le portrait du monarque avec l’article 46, lequel rappelle néanmoins : « La personne du roi est inviolable, de l’actuel chef du gouvernement. Interviews et respect lui est dû. » Cette déférence à l’égard politiques, portraits de famille, enquêtes… Le filon n’est pas près de s’épuiser. En réalité, les deux du souverain est bien là, palpable à chaque occachefs de l’exécutif, Mohammed VI et Abdelilah sion, mais les « islamistes du roi » sont de plus en Benkirane, occupent en alternance les devantures plus à l’aise dans cette proximité nouvelle avec des kiosques. le Palais. Dans sa première interview à la chaîne Comme une conséquence des réformes constide télévision publique, le chef du gouvernement tutionnelles, le roi a la cote, mais il n’est plus le expliquait avoir un peu bafouillé lors de la preseul. Le chef du gouvernement l’a bien compris. mière audience royale, le 29 novembre, à Midelt, Il semble d’ailleurs avoir trouvé une recette pour au cours de laquelle le roi l’a nommé et chargé de capter l’attention des journalistes et de leurs former une équipe gouvernementale. « Quand lecteurs, en livrant le récit je l’ai rencontré, il m’a parlé de ses rencontres avec le et je l’ai écouté. Je lui ai Les deux chefs de monarque et en égrenant répondu une fois en l’appel’exécutif font la une de lant “Majesté”, puis “Sidna” les conseils qu’il dit écou[“Monseigneur”], une autre ter scrupuleusement. « Sa la presse à tour de rôle. Majesté m’a téléphoné jeudi fois “Sidi Mohammed”. » dernier [le 1er mars, NDLR]. Il m’a enjoint de La gaucherie de ces salamalecs a été vaincue, respecter la Constitution et de rejeter les courmais pas la timidité admise, revendiquée même, par Abdelilah Benkirane, qui aime à rappeler riers du cabinet royal s’ils n’allaient pas dans ce sens », confiait Benkirane au quotidien Al-Massae. qu’il n’avait jamais rencontré le roi avant sa Pareils propos alimentent la chronique polinomination. Cette spontanéité semble d’ailleurs tique au Maroc. Derrière la bonhomie de façade, plaire au souverain. La compagnie de Benkirane ces confidences distillent un savoir, encore très et de ses ministres contribuerait à détendre le rudimentaire, des secrets du pouvoir partagé rythme compassé des réunions protocolaires. par le monarque et le chef du gouvernement. Le 8 février, lors de la visite d’État du président Jusque-là, à Rabat, les responsables appliquaient tunisien, Moncef Marzouki, les caméras ont N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

Le roi et ses hôtes, dont le président tunisien Moncef Marzouki (au centre), RIANT AUX BONS MOTS D’ABDELILAH

BENKIRANE (de face, à g.), le 8 février, à Rabat.

JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient

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-Benkirane: à Rabat

AZZOUZ BOUKALLOUCH/MAP

uilles

surpris le roi et ses hôtes riant aux bons mots du chef du gouvernement. Un mois plus tard, l’audience royale accordée au ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, s’est déroulée en présence de son homologue marocain Saad Eddine El Othmani, ce dernier n’hésitant pas à intervenir dans la discussion, sous l’œil bienveillant de Mohammed VI. « Le roi encourage ses ministres à prendre des initiatives », confirme une source gouvernementale. JEUNE AFRIQUE

TRÊVE. Tout se passe comme si le gouvernement

et le roi s’entendaient à merveille. Pas d’anicroche ni de guerre des communiqués comme dans une cohabitation classique. Dès qu’il le peut, Benkirane rappelle qu’il n’est « pas arrivé au pouvoir contre la volonté royale, mais pour gouverner en bonne intelligence avec elle ». Cette précision trahit l’obsession chez les cadres islamistes de faire oublier l’image de dangereux opposants qui leur a longtemps collé à la peau. Les résultats ● ● ● N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012


Maghreb Moyen-Orient

Les fidèles lieutenants du Premier ministre

ABDELLAH BAHA Ministre d’État

57 ans, né à Ifrane (Anti-Atlas) Ingénieur agronome de formation, discret, Abdellah Baha est davantage que le numéro deux du gouvernement ; c’est le plus proche collaborateur d’Abdelilah Benkirane, dont il partage le bureau et qu’il couve avec efficacité. Discret mais indispensable, il a récemment été attaqué par le gouverneur de Sidi Bennour. Sanction royale immédiate de Mohammed VI, qui a suspendu celui-ci de ses fonctions. Benkirane apprécie.

EL MOSTAFA RAMID

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Ministre des Affaires étrangères

52 ans, né à Sidi Bennour Avocat fort en gueule, célèbre pour sa défense de journalistes et de détenus salafistes, il a continué de plaider leur cause en tant que chef du parquet. Son premier succès est la grâce royale du 11 janvier dont il a livré les détails à la presse. Ses talents de négociateur ont permis de calmer la colère des juges et des barreaux, qui s’accusent mutuellement d’être responsables de tous les maux de la justice.

des législatives du 25 novembre 2011 ont consacré la percée du Parti de la justice et du développement (PJD), seule formation à avoir enregistré un score respectable (plus de 5 % dans un scrutin de liste à la proportionnelle) dans les 92 circonscriptions du pays. Même avec 107 sièges sur 395, les compagnons d’Abdelilah Benkirane continuent d’inspirer la méfiance, voire l’hostilité d’une partie des élites. Celles, bien sûr, qui n’ont pas voté PJD. Longtemps, le Palais a été rangé dans la catégorie des islamo-sceptiques, si ce n’est pire. Avant d’être repêché par le roi, qui l’a nommé conseiller au sein de son cabinet le La nécessaire collaboration entre 7décembre,Fouad le roi et le gouvernement dépasse Ali El Himma avait les susceptibilités personnelles. d’ailleurs pris la tête du courant « libéral » anti-PJD. Son Parti Authenticité et Modernité (PAM) n’est pas mort, réussissant, avec 47 sièges au Parlement, à conforter sa place dans l’opposition. Sa nomination a surpris une partie des observateurs, qui feignaient d’ignorer qu’El Himma n’avait jamais vraiment quitté le cercle restreint des visiteurs du soir. C’est donc naturellement qu’il a réintégré sa place

●●●

SAAD EDDINE EL OTHMANI

Ministre de la Justice et des Libertés

56 ans, né à Inezgane Psychiatre et diplômé en études islamiques, Saad Eddine El Othmani paraît à l’aise en chef de la diplomatie. Depuis janvier, il est happé dans les avions qui l’emmènent à Istanbul, Bagdad, Séoul, Washington,Tokyo ou Londres. Fort de ces dizaines de milliers de kilomètres, El Othmani « apprend vite » et prend sa place dans le domaine réservé du monarque, aux côtés du ministre déléguéYoussef Amrani et deTaïeb Fassi Fihri.

de conseiller politique du roi. Après avoir eu tout le loisir de prendre le pouls du pays pendant les quatre années qu’a duré son coming out politique, d’août 2007 à mai 2011. Aujourd’hui, assure Benkirane, « Si Fouad » veut tourner la page de la guerre PAM-PJD. ARBITRAGES. En réalité, la nécessaire collabora-

tion entre le cabinet royal et le gouvernement élu dépasse les éventuelles susceptibilités personnelles. En renforçant son équipe de conseillers depuis l’été dernier, le roi a pris acte du nouvel équilibre institutionnel dessiné par la Constitution du 1er juillet 2011. Mohammed VI voulait disposer d’une équipe de conseillers solides, capables pour chacun de parler « dossiers » avec son vis-à-vis du gouvernement. S’ajoutant à cinq conseillers historiques, en place depuis une dizaine d’années, une série de nominations se sont succédé dès l’été 2011 : d’abord le « père de la Constitution », Abdeltif Menouni, et l’ancien ambassadeur à Paris, El Mostapha Sahel. Puis, coup sur coup, l’ex-président de la Commission consultative de la régionalisation (CCR) Omar Azziman, l’ancien ministre du Tourisme Yassir Zenagui et Fouad Ali El Himma sont venus grossir les rangs d’un véritable « shadow cabinet ». JEUNE AFRIQUE

JOELLE VASSORT ; SELMAOUI-KARIM ; LAHCÈNE ABIB/SIGNATURES

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Maghreb Moyen-Orient

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Le « shadow cabinet » royal

Conseiller du roi

Directeur général de la DGED

YASSINE MANSOURI

TAÏEB FASSI FIHRI

49 ans, né à Marrakech

50 ans, né à Bejaad

54 ans, né à Casablanca

Nommé conseiller de Mohammed VI le 7 décembre, El Himma n’a fait que reprendre une place au cabinet royal, qu’il n’avait jamais réellement quitté, refermant ainsi la parenthèse du Parti Authenticité et Modernité (PAM), qu’il avait créé d’abord pour contrer les islamistes du PJD. Vainqueur des municipales de 2009, le PAM a réduit ses ambitions après le mouvement de contestation du 20 février.

Fils d’un célèbre alem (érudit religieux), ce juriste a fait ses classes au ministère de l’Intérieur et dirigé l’agence de presse MAP avant d’être nommé, en 2005, à la tête de la Direction générale des études et de la documentation (renseignement extérieur) par M6, dont il fut le condisciple au Collège royal. C’est un homme constamment à l’écoute, qui connaît le Maroc profond. Avec cela, il est disponible à tout instant pour son patron. Bref, le collaborateur idéal.

Surdiplômé (ingénieur en statistique, titulaire d’un doctorat en sciences politiques et d’une maîtrise en économie publique à Paris), ce grand commis affable et pugnace – ses interlocuteurs algériens en savent quelque chose – a été secrétaire d’État puis ministre des Affaires étrangères entre 1993 et 2011. Depuis le 2 janvier, il conseille le roi en politique extérieure et porte ses messages à l’étranger. Incontournable. Et intransigeant dès qu’il s’agit du Sahara.

Onzième homme de la royal team, Taïeb Fassi Fihri a rejoint le cabinet la veille de la nomination de l’équipe Benkirane. Il apparaît clairement comme le conseiller diplomatique du chef de l’État, une pratique courante dans des régimes présidentiels, mais inédite au Maroc. Dans le cas de Fassi Fihri, il s’agit à la fois d’assurer une continuité avec son successeur, l’islamiste El Othmani, et de le « cornaquer » dans ses premiers pas sur la scène internationale. El Himma s’occuperait, de par sa position centrale, d’affaires politiques et de presse. Tandis que Yassir Zenagui, avec son expertise financière, serait l’homme des grands chantiers. Une spécialisation des tâches qui correspond aux multiples arbitrages à trouver entre gouvernement élu et shadow cabinet. LÉGITIMITÉ. À Rabat, le visiteur qui pénètre dans l’enceinte du Méchouar [la cité royale] par Bab Assoufara remarque, au bout d’une longue allée ombragée, un portail majestueux. Des berlines noires attendent devant, prêtes à démarrer au quart de tour. En attendant, les chauffeurs, costumes noirs et chemises blanches, devisent tranquillement. Passé le portail, deux ailes se font face. Celle de droite conduit aux bureaux des conseillers royaux. On peut en croiser JEUNE AFRIQUE

Conseiller du roi,

un, porte-documents vert à la main, discret et soucieux. À gauche, le large escalier mène directement aux bureaux de la présidence du gouvernement. Ainsi résumée, la disposition des murs et des pièces laisserait croire à une scénographie parfaitement huilée et calculée. Quelques mètres séparent les deux escaliers. Face à face, comme dans la vraie vie ? Sauf qu’à l’étage les deux mondes se rejoignent et communiquent. Comme une ruse de l’architecte. Certes, les deux légitimités, celle issue des urnes et celle issue du roi, auraient tout aussi bien pu s’affronter et conduire le Maroc tout droit vers une crise majeure. Le projet de loi organique fixant la liste des nominations relevant du roi et celle dépendant du chef du gouvernement était d’ailleurs attendu comme un premier test. Mais l’épreuve de force a été rejetée par Abdelilah Benkirane, comme s’il voulait prolonger la lune de miel, le roi gardant la main sur les patrons des principaux établissements et entreprises publics. Cela lui a bien réussi pour l’heure. Au lendemain de sa nomination, un sondage réalisé du 2 au 5 décembre 2011 pour le magazine Actuel créditait le chef du gouvernement d’un indice de confiance de 82 %, du jamais vu au Maroc, où les sondages sont rares. ● N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

JOELLE VASSORT ; THOMAS KOEHLER/ANDIA

FOUAD ALI EL HIMMA


Maghreb Moyen-Orient

Adaptation réussie pour Abdelilah Benkirane Il jure n’avoir rien changé, mais le chef du gouvernement a pris ses marques, épaulé par des collaborateurs dévoués et une administration bienveillante.

L

e téléphone portable demeure le meilleur compagnon d’Abdelilah Benkirane. Ou plutôt les téléphones. Il a confié le premier à son assistante pour filtrer les appels. Des amis et militants continuent de le joindre pour le féliciter, exprimer une doléance ou simplement bavarder. Cette avalanche de sonneries a eu raison de la disponibilité légendaire du chef du gouvernement, lui qui donnait généreusement son numéro aux diplômés-chômeurs massés près du siège du PJD, dès le lendemain des législatives. Il a, depuis, un second portable, plus officiel, qu’il tente d’utiliser avec parcimonie. Les numéros inconnus sont notés, et Benkirane peut vous rappeler à 23 heures en vous demandant tout de go ce que vous lui voulez. « C’est encore plus difficile que tout ce que l’on pouvait imaginer », concèdet-il. L’homme qui nous accueille dans son bureau du Méchouar, l’enceinte du palais royal de Rabat, n’est ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre.

DR

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LE PREMIER MINISTRE, arrivant ici au palais royal de Rabat, le 5 janvier, livre régulièrement le récit de ses rencontres avec Mohammed VI.

CRAVATE. Le look, d’abord. La cravate, hier honnie, est aujourd’hui de mise, car philosophie. Les visites de courtoisie le chef du gouvernement craint de donner se succèdent et les secrétaires gèrent le un mauvais signal à ses collaborateurs. chassé-croisé; gâteaux à la pâte d’amande « J’ai encore du mal à m’y faire, les cols et verres de thé sont débarrassés à la de ma chemise sont certainement trop étroits. » Un Il peut vous rappeler à 23 heures peu gêné aux entournures en vous demandant tout de go ce par le costume, mais à l’aise que vous lui voulez. dans le rôle, Benkirane sait qu’il peut compter sur des lieutenants fidèles. Patron de PME avant hâte. « Tout cela fait partie du travail, je de gérer les destinées du PJD depuis 2008, l’accepte de bon cœur. » Son expérience Abdelilah Benkirane est d’abord un novice d’élu et de chef de parti politique ne l’a pas de l’État qui gère son nouveau statut avec habitué au faste de la monarchie, mais N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

l’hospitalité, la générosité sont chez lui une seconde nature. La confiance établie, il s’enquiert de la famille, un peu à la manière d’un papy prévenant et affable. À 58 ans, c’est un homme dynamique, qui ne ploie pas sous la fatigue accumulée depuis des mois. Beaucoup de voyages, pour représenter le Maroc à Tunis, à Doha, à Marseille, récemment encore à Dakar pour l’investiture du président Macky Sall. « Le rythme est très soutenu », confirme Benkirane. L’étude des dossiers, en fonction des urgences, commence JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient tôt le matin avec ses proches collaborateurs. Le benjamin du gouvernement et ministre de la Communication, Mustapha El Khalfi, lui prépare un brief de presse quotidien. « Le gouvernement continue de faire l’actualité », explique El Khalfi, lui-même ancien directeur d’Attajdid, le journal proche du PJD. Le plus souvent, Benkirane est accompagné de deux personnes : Abdellah Baha et Jamaa Mouatassim. DEUX PILIERS. Suivant Abdelilah Benkirane comme son ombre, Abdellah Baha, ministre d’État, est le numéro deux de l’équipe gouvernementale et dispose d’un bureau à l’intérieur du Méchouar. C’est-à-dire le même que le chef du gouvernement. Le Palais avait refusé la création d’un poste de vice-

Sa femme a baptisé le couple inséparable qu’il forme avec Abdellah Baha « 1 + 1 = 1 ». chef du gouvernement au motif que la Constitution ne le prévoit pas. Peu importe, Baha l’est de facto. Quand le chef du gouvernement n’est pas disponible, le « frère Baha » prend la relève. « Ma femme nous taquine souvent parce que nous sommes inséparables, s’amuse Benkirane. Elle nous appelle 1 + 1 = 1. » Le chef du gouvernement s’appuie également sur de nombreux militants et sympathisants du PJD à l’intérieur de l’administration marocaine, dont certains ont été détachés des ministères pour renforcer la primature. Le chef d’orchestre en est le « dircab » Jamaa Mouatassim, élu communal de Salé Tabriquet. Coordinateur national des législatives pour le PJD, c’est un fidèle. Au début de l’année dernière, il a été brièvement détenu pour « corruption, abus de pouvoir, faux », ce qui avait déclenché une fronde sans précédent au sein du PJD. Les députés du parti de la lampe avaient poussé la contestation jusque sous la coupole du Parlement. Nommé, le 21 février 2011, au Conseil économique et social, Mouatassim avait été réhabilité par le roi. Un an après la prison, le voici directeur de cabinet du chef du gouvernement. ● YOUSSEF AÏT AKDIM, envoyé spécial JEUNE AFRIQUE

EN VÉRITÉ

Opiniion ns & édito oriaux Par François Soudan

M6 expliqué aux nuls

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ENDANT trente-huit ans, avec la régularité d’une horloge suisse, la CIA n’a cessé de produire des rapports prédisant le renversement imminent du roi Hassan II, lequel, comme on le sait, est mort au pouvoir. Son fils, Mohammed VI, lui, n’a pas fini de désespérer d’autres cassandres. Depuis son accession au trône, les oracles de mauvais augure se succèdent, avec la même capacité à persévérer dans l’erreur. Coup d’État, tsunami « barbu », abandon de poste, révolution à la tunisienne ; tous les scénarios ont été annoncés par les médias, sauf celui qui est en train de se dérouler sous nos yeux : une élection démocratique suivie d’une cohabitation sans heurts entre un chef du gouvernement islamomonarchiste et un souverain dont la double qualité de chef de l’État et de Commandeur des croyants n’a jamais été sérieusement remise en question.

Ainsi va le Maroc, irréductible aux clichés et terriblement agaçant pour ceux qui, à l’étranger, ne se résoudront jamais à cette évidence : le roi y est populaire, fédérateur, garant des équilibres, arbitre des jeux d’influences, le contraire en somme d’une potiche référentielle, rôle auquel certains aimeraient encore le réduire. Le gouvernement ayant fort à faire sur un terrain miné, celui du social, dont il découvre chaque jour à quel point il était plus aisé d’en exploiter les failles que d’y évoluer une fois arrivé au pouvoir, Mohammed VI semble s’être défini un espace de travail accru en matière de politique étrangère. Longtemps adepte du « Morocco first » et tout en surveil-

lant comme le lait sur le feu des dossiers aussi sensibles que la lutte contre la pauvreté et les grands investissements, le roi est désormais en première ligne sur le front extérieur. Le statut de membre non permanent au Conseil de sécurité de l’ONU, obtenu de haute lutte pour deux ans en octobre 2011 (et qui a pris effet le 1er janvier 2012), c’est lui. Tout comme la nomination de vingt-huit nouveaux ambassadeurs, les prises de position fermes sur la Syrie et, tout récemment, l’envoi d’une lettre circulaire aux cinq membres permanents, ainsi qu’au pape Benoît XVI, dénonçant en termes vifs l’escalade des implantations israéliennes et des expulsions de Palestiniens à Jérusalem-Est. Sur l’ensemble de ces points comme sur l’affaire du Sahara, considérée comme une cause commune à tous les partis et désormais exportable depuis la mise en place du plan d’autonomie, le consensus national que Mohammed VI s’est attaché à établir préalablement à toute décision engageant l’avenir de son pays est pratiquement étanche. C’est justement cette har-

L’État, c’est lui. Même si ce n’est plus seulement lui. monie que les amateurs de cacophonie, dont les dernières torpilles ont pris pour cible la place de la monarchie dans l’économie, ne supportent guère. Il faudra pourtant bien qu’ils s’y fassent : pour l’immense majorité des Marocains, un roi faible aurait pour conséquence d’affaiblir le peuple le plus fort. L’État, c’est donc lui. Même si ce n’est plus seulement lui. ● N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

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Maghreb Moyen-Orient ESSAI

Bruno de Cessole « Le nihilisme fait le lit du terrorisme actuel » Dans un ouvrage pour le moins percutant, le spécialiste des belles-lettres féru de philosophie analyse les ressorts cachés du djihadisme.

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ersonnage incontournable de la petite république des lettres françaises, éminente personnalité d’un émirat littéraire appelé Saint-Germain-des-Prés, Bruno de Cessole est surtout connu comme écrivain – il a obtenu en 2009 le prix des Deux Magots pour son roman L’Heure de la fermeture dans les jardins d’Occident – et comme critique littéraire à la Revue des deux mondes, à L’Express, aux Lettres françaises et aujourd’hui à Valeurs actuelles, dont il dirige les pages culturelles. Pour le faire sortir de sa réserve de spécialiste des belles-lettres, il a fallu une succession de chocs de grande ampleur : l’effondrement du communisme et sa lointaine réplique – c’est du moins ainsi qu’il l’analyse –, l’attentat du 11 Septembre. Dans un petit essai percutant, dont le style impeccable rappelle constamment qu’il est l’œuvre d’un écrivain, et non d’un politologue – et encore moins d’un politicien –, Bruno de Cessole prononce une étrange oraison funèbre à Ben Laden. L’homme qui a inventé Al-Qaïda, demande-t-il, n’a-t-il pas été lui-même fabriqué par l’Occident ? Cette question nous a donné envie de lui en poser d’autres. JEUNE AFRIQUE: Vous paraissez soutenir l’idée que si Ben Laden n’avait pas existé, il aurait fallu l’inventer. BRUNO DE CESSOLE :

Vous connaissez, bien sûr, la théorie léniniste sur les « idiots utiles » qui, persuadés d’œuvrer pour la bonne cause, servent inconsciemment les desseins d’une idéologie ou d’une puissance qui ont su les manipuler ou les intoxiquer à leurs fins. Sous un certain angle, Oussama Ben Laden N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

a été « l’idiot utile » des États-Unis et de l’Occident, en souffrance d’une « croisade » depuis l’effondrement de l’empire soviétique et qui cherchaient un ennemi emblématique contre lequel réaffirmer leurs valeurs et défendre leurs intérêts. Bien que ses Bruno de Cessole, écrivain et critique littéraire. visées aient été exactement contraires, le chef d’Al-Qaïda, à son corps du siècle » contemporain : le nihilisme. défendant, a fourni aux Occidentaux un Perte du sens moral et effacement de la bouc émissaire rêvé. De manière assez frontière entre le bien et le mal, aspiraprovocante, je soutiens que Ben Laden tion à la destruction de tout, autant par a représenté une chance de salut pour haine de l’autre que par dégoût de soi, les Occidentaux, chance qu’ils ont à un détournement de l’énergie vitale vers moment suscitée mais que, malheureuseune pulsion de mort, attraction du verment pour eux, ils n’ont pas su exploiter tige du néant, ces éléments constitutifs à bon escient ni durablement. du nihilisme sont discernables dans le terrorisme actuel, dont les promoteurs Vous semblez interpréter l’émergence sinon les exécutants savent, au tréfonds d’Al-Qaïda, la montée du terrorisme, non d’eux-mêmes, qu’il ne saurait être, à plus point comme le résultat d’un fanatisme ou moins long terme, qu’une stratégie religieux, mais plutôt comme une manide perdants. festation nihiliste.

Notre époque a vu croître une montée globale de la violence, dont le terrorisme n’est qu’une composante, la plus spectaculaire. À l’origine du terrorisme, je pointe le phénomène du ressentiment, mis en évidence par Nietzsche et bien analysé par Max Scheler. Cette forme de pathologie, qui culmine dans la négation de l’existence de l’autre, doit trouver un exutoire pour éviter l’infection du refoulement. Pour les tenants du djihadisme, le terrorisme, Ben Laden, le cette arme des faibles et des bouc émissaire humiliés, représente l’exutoire idéal, Éditions le plus efficace, le plus facile de la différence, aussi. Mais, à l’arrière-plan 160 pages, du terrorisme, gît ce « mal 15,25 euros

Vous vous référez plus souvent à Nietzsche qu’à Bush père ou fils, et faites davantage appel à Plutarque qu’à Obama. À mêler ainsi philosophie et politique, ne craignez-vous pas d’être atteint du syndrome BHL ?

Ce petit livre n’est pas un essai géopolitique conjoncturel, mais se veut une réflexion historique et philosophique sur l’affrontement de deux formes de ressentiment et de nihilisme à l’œuvre dans cette période de l’Histoire. Il était donc normal que je fasse davantage référence à Nietzsche et à Heidegger, à Max Scheler et à René Girard, à Plutarque et à Georges Sorel, sans oublier Hegel et Dostoïevski, qu’à Bush père et fils et à Barack Obama. Est-ce là témoigner d’un syndrome BHL? J’ai la faiblesse de ne pas le penser. ● Propos recueillis par JEAN-LOUIS GOURAUD JEUNE AFRIQUE

VINCENT FOURNIER/J.A.

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Maghreb Moyen-Orient

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LIBAN

Mon oncle d’Afrique Riches, exploiteurs, oisifs… L’image des expatriés installés sur le continent obéit encore à de vieux stéréotypes très éloignés de la réalité.

L

JEUNE AFRIQUE

NABIL ZORKOT

«

es Libanais d’Afrique ? Exploiteurs, riches, diamants, chiites », balance, en vrac, Raja, accoudé au comptoir du Torino, café intello-branché du centre de Beyrouth. « Ils sont fous d’argent, renchérit Gilles. Ils adorent aller faire fortune là-bas ! » Par un étrange jeu de miroirs, les clichés répandus dans le pays du Cèdre sur les Libanais d’Afrique évoquent furieusement les poncifs qui courent sous les baobabs sénégalais. Demandez à un petit boutiquier de la banlieue de Beyrouth comme à un col blanc de la rue des Banques ce que sont pour lui les Libanais d’Afrique, il répondra presque invariablement : « Des chiites coloniaux cousus de dollars mal acquis. » Se dessine alors le tableau, très fantasmagorique, de conquistadors enturbannés et sans scrupules partis vers des eldorados sauvages pour amasser des butins dont ils viennent faire étalage dans les boîtes de nuit bling-bling de la capitale libanaise. « Les gens n’ont aucune idée claire de la vie sur le continent, dont l’image est ici associée aux mines d’or », explique le présentateur de télévision Ricardo Karam. Des stéréotypes en effet très éloignés de la réalité, mais qui s’enracinent dans les histoires vraies de générations poussées à l’exode par les famines et les guerres depuis plus de un siècle. Si les premières vagues de migrants ont surtout concerné des chrétiens de la montagne, les chiites, qui ont fui par milliers le sud du Liban pendant la guerre civile de 1975-1990, ont fini par constituer la communauté la plus importante de la diaspora établie en Afrique de l’Ouest. La majorité y a un niveau de vie moyen, mais d’autres ont connu de belles réussites, comme ce chef d’entreprise qui tient à rester anonyme. Fils d’un pêcheur chiite de Tyr, il est

Des Libanais attablés au café-restaurant La Terrasse, À ABIDJAN.

parti tenter sa chance en Côte d’Ivoire au début de la guerre civile. À la sueur de son front, l’autodidacte a fait au bord de l’Atlantique cette fortune jalousée sur les côtes libanaises. De passage à Beyrouth, il explique : « Les Libanais nous voient ici en vacances faire la fête et prendre du bon temps. Du coup, ils s’imaginent que nous vivons là-bas dans l’oisiveté et le luxe, sans concevoir le labeur qu’il y a derrière. » ÉPOPÉE. Dans les régions d’émigration,

conte de fées. On se souvient de l’aïeul qui a fui la famine ou la conscription ottomane en s’embarquant pour Marseille, d’où il pensait faire voile vers New York. Trompé par un voyagiste français acquis aux projets coloniaux, il était débarqué sur la côte africaine où il fallait bien survivre, et finalement faire fortune. Dans son cabinet de la banlieue aisée, Me Adonis Abou Jaoudé se rappelle ainsi l’épopée de son grand-père Kabalan, parti s’établir au Liberia en 1912. Faisant commerce de tout, il a rapidement prospéré. « Il vivait en concubinage avec une Libérienne. La fille qu’ils ont eue s’est mariée avec un certain M. Johnson, et

le lointain continent est une réalité plus palpable que dans le centre de la capitale. Les orgueilleuses villas bâties dans les hameaux d’origine par les migrants enrichis « Ils adoptent nos coutumes, n’échappent à l’attention nos langues et parfois même de personne. « Les Libanais notre couleur. » de Beyrouth ou de Tripoli, au nord, ressassent toujours UN EX-AMBASSADEUR IVOIRIEN à Beyrouth les mêmes clichés, mais les chiites du Sud ou les chrétiens du haut l’enfant de cette union, Ellen Johnson, Metn savent mieux ce qu’est la vie en préside aujourd’hui le Liberia ! » affirme Afrique », explique le journaliste Julien l’avocat, faisant fi des tabous féroces qui Abi Ramia. Celui-ci raconte la manifestarègnent au Liban sur les unions locales tion inédite de nombreuses familles monet souvent extraconjugales. Venu dans le tées à la capitale fin 2010 pour protester pays du Cèdre à la tête d’une délégation contre le ministre des Affaires étrangères, d’affaires, un ancien ambassadeur de qui, en saluant l’investiture très contesCôte d’Ivoire rappelait ceci: « Nous avons des Libanais dans chaque village, et ils tée du président Laurent Gbagbo, avait sont parfaitement intégrés. Ils adoptent menacé la sécurité de leurs proches en nos coutumes, nos langues et parfois Côte d’Ivoire. même notre couleur ! » ● Pour les familles dont un membre a choisi l’odyssée, le cliché devient parfois LAURENT DE SAINT PÉRIER N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012


Maghreb Moyen-Orient MAURITANIE

Ils se sentent enfin chez eux… ou presque Amorcé en janvier 2008, le « rapatriement volontaire organisé » des NégroMauritaniens expulsés il y a près de vingt ans a pris fin le 25 mars.

L

e 25 mars, 3 millions de Sénégalais changeaient le destin de toute une nation en élisant Macky Sall président de la République. Au même moment, une poignée de Mauritaniens traversaient le fleuve Sénégal. En foulant pour la première fois depuis deux décennies la terre de leurs ancêtres en présence du président mauritanien, Mohamed Ould Abdelaziz, ils vivaient peut-être le jour le plus important de leur vie. La plupart d’entre eux avaient été expulsés de Mauritanie entre 1989 et 1991. À l’époque, près de 60 000 Négro-Mauritaniens avaient connu le même sort. Une petite partie s’était retrouvée au Mali, la majorité au Sénégal, où ils ont vécu pendant des années dans des camps de fortune qui longent la frontière ou dans les quartiers périphériques et souvent miséreux des grandes villes. S’ils ont été accueillis par le président à Rosso, à 200 km de Nouakchott, c’est parce que ces quelque 300 Mauritaniens appartiennent au dernier contingent de rapatriés du Sénégal. La phase dite de « rapatriement volontaire organisé », débutée le 29 janvier 2008 et menée conjointement par Nouakchott, Dakar et le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR), a en effet pris fin ce 25 mars. « Le gouvernement voulait clore définitivement cette opération. Dorénavant, les retours se feront de manière individuelle », explique Diawara Kane, un responsable de l’Agence nationale d’appui et d’insertion des réfugiés (Anair), une structure étatique créée en juin 2008 pour organiser ces retours. Au total, quelque 24 000 réfugiés (plus de 5 000 familles) sont rentrés au pays. À leur retour, ils ont été inscrits dans les registres, puis acheminés vers l’un des 118 camps de rapatriés sommairement aménagés dans le sud du pays. Là, chaque famille s’est vu attribuer une parcelle désertique, une tente, une à trois vaches N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

AMI

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LE PRÉSIDENT OULD ABDELAZIZ arrivant à Rosso, à 200 km de Nouakchott, le 25 mars.

et, pour les plus chanceux, une pièce de 4 mètres sur 5 devant servir de chambre. L’Anair a fait en sorte de les aider à trouver du travail en leur offrant des magasins communautaires ou des moulins à grain. Au final, « le bilan est globalement positif », affirme Diawara Kane.

Au camp de Rosso Lycée, situé à cinq minutes du fleuve qui sépare le Sénégal de la Mauritanie, on trouve 126 familles, plus de 600 rapatriés, deux écoles, un marché, un magasin communautaire aux portes closes, des chèvres mais plus de vaches. Les siennes, les deux que lui avaient données les autorités, UNE « RÉUSSITE ». Pour la représenMouhamadou les a vendues aussitôt. tante du HCR Nada Assaad Merheb, « Que vouliez-vous que j’en fasse ? le programme qui vient de se clore est Je n’avais rien pour les nourrir ! » Au « l’un des meilleurs » menés Sénégal, où il a vécu penpar l’ONU. Cette « réusdant dix-neuf ans, « c’était site » est due, selon elle, dur », mais, au moins, il à la « bonne volonté » des cultivait du riz. Ici, il n’a autorités mauritaniennes. aucun moyen de gagner sa C’est le nombre Quant aux critiques émises vie. Régulièrement, il frande réfugiés rapatriés par les rapatriés eux-mêmes, chit le fleuve et part travailler entre janvier 2008 elle les balaie d’un revers de dans un champ situé à une et mars 2012 main. « Certains font de la trentaine de kilomètres. politique », glisse-t-elle. S’il Si Mouhamadou fulmine, l’entendait, Mouhamadou, la c’est parce qu’il se sent cinquantaine, aurait bien du trahi. « On nous avait promal à garder son sang-froid. mis qu’on retrouverait nos Sous la tente dont il a hérité terres ; ce n’est pas le cas. On nous avait promis, à nous à son retour en 2008, cet exIls sont encore fonctionnaire de police qui les fonctionnaires, qu’on 15 000 au Sénégal retrouverait notre emploi : ne veut pas dévoiler son nom et 10 000 au Mali peste à intervalles réguliers on attend toujours. On nous contre « ces nantis » du HCR avait promis de l’aide : au qui « utilisent tout l’argent qu’ils ont pour début, on nous a donné du blé et de se déplacer en 4x4 climatisés », mais qui l’huile, mais c’est fini… Si j’avais su, je « ne font rien pour nous aider ». serais resté au Sénégal. »

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Coulisses

Maghreb & Moyen-Orient

Pour certains, cette reconnaissance est une victoire, pour d’autres, c’est un trompe-l’œil. à Dakar, en font partie. Pour eux, ce retour organisé est un trompe-l’œil. « On nous propose de rentrer, mais de tirer un trait sur nos terres. Ceux qui sont rentrés sont aujourd’hui employés sur leur propre terre ! » dénonce le premier. Tous deux disent aussi être restés pour leurs enfants : « Ils sont nés ici, ils ont des papiers sénégalais, ils sont exclus de la nationalité mauritanienne », pensent-ils. Bientôt, un troisième homme les rejoint. Il se nomme Ousmane Sy. En 2008, il a fait partie des premiers rapatriés. Mais depuis, il est revenu au Sénégal. « Là-bas, on ne peut pas nourrir ses enfants », explique-t-il. Des associations estiment à 15 000 le nombre de réfugiés au Sénégal qu’il reste à rapatrier, sans compter ceux qui se trouvent au Mali, où aucun recensement n’a été effectué. « Ces gens vivent dans la misère. Ils n’ont pas de travail et aucune aide. Certains ont le même récépissé depuis vingt-deux ans. Ils n’existent plus pour l’administration », déplore Abdoulaye Diop, président d’une association de réfugiés à Saint-Louis qui fut expulsé en 1989. Les yeux rongés par un glaucome, il ne voit plus très bien. Tout est flou pour lui, à commencer par la situation de ses enfants, dont trois sont nés à Saint-Louis. Sont-ils sénégalais ou mauritaniens ? Une chose est sûre : il ne rentrera pas dans ces conditions. « Qu’on nous redonne ce qui nous appartient: nos terres, notre emploi… On ne demande rien d’autre. » ● RÉMI CARAYOL, envoyé spécial JEUNE AFRIQUE

GIANLUIGI GUERCIA/AFP

Bocar Mbodj, le responsable du site, qui vit à trois tentes de Mouhamadou, est moins critique. Pour ce père de trois enfants, un ancien fonctionnaire chassé de ses terres en août 1990 et rapatrié en mars 2008, c’est déjà une victoire que d’avoir obtenu le droit de revenir. « Pendant vingt ans, je me suis battu pour ça. L’État nous a reconnus, c’est une satisfaction. » Il admet cependant des « insuffisances ». Et s’il dit vouloir « rester au pays pour continuer la lutte », il comprend ceux qui ne veulent pas rentrer dans ces conditions. Abdoulaye Diallo et Mamadou Wane, rencontrés

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DEPUIS L’INDÉPENDANCE, aucun scrutin législatif ne s’est tenu dans le pays.

LIBYE VOTE AVEC SURSIS Le président du Conseil national de transition (CNT) a été catégorique, le 3 avril, sur la chaîne Al-Jazira: « Les élections ne seront pas reportées. »Aux termes du calendrier fixé par la déclaration constitutionnelle, uneAssemblée de 200 membres doit être élue au plus tard deux cent quarante jours après la proclamation de la libération, intervenue le 23 octobre 2011. Or, depuis quelques semaines, des membres du

ARABIE SAOUDITE RÉBELLION EN LIGNE Au 4 avril, 2 465 jeunes Saoudiens avaient signé une pétition en ligne qui rejette l’hégémonie patriarcale et religieuse sur la société et appelle à « la préservation des libertés et de la culture de la différence ». « Nous ne permettons pas, peut-on y lire, qu’un quelconque courant ou mouvement parle en notre nom […] et exerce sur nous une tutelle sous prétexte de vouloir nous protéger et nous

CNT laissent entendre que ce délai ne pourra être tenu. Les plus optimistes évoquent un report de quatre mois. Une inquiétude relayée par un diplomate occidental. « Si le vote devait être reporté, il faudrait certainement attendre après le mois de ramadan, soit au plus tôt en septembre », note-t-il. La loi électorale et le découpage des circonscriptions ont déjà été publiés, mais pas les listes des votants. Depuis son indépendance, en 1951, la Libye n’a jamais connu d’élections générales. ●

immuniser contre les idées qui sont en contradiction avec son système de pensée. » SYRIE PRESSIONS « AMIES » Réunis à Istanbul le 1er avril, les Amis de la Syrie (70 États essentiellement arabes et occidentaux hostiles à Bachar al-Assad) ont appelé Damas à mettre en œuvre le plan de Kofi Annan. En marge de la conférence, Riyad et Doha ont annoncé la création d’un fonds pour financer les insurgés de l’Armée syrienne libre.

IRAK-QATAR COMME UN FROID… Le Qatar a refusé, le 3 avril, d’accéder à la demande du Premier ministre irakien, Nouri al-Maliki, d’extrader l’ex-vice-président Tarek al-Hachemi. Poursuivi pour terrorisme, ce dernier a trouvé asile à Doha après s’être un temps réfugié au Kurdistan autonome. Figure de la communauté sunnite, Hachemi dénonce un complot et juge cette demande d’extradition illégale en vertu de son immunité constitutionnelle. N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012


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Europe, Amériques, Asie

ÉLECTIONS FRANÇAISES

l’Afrique

Et dans tout ça? Pour les candidats en lice, elle n’est pas un enjeu de la prochaine présidentielle. Leurs propositions brillent tantôt par leur absence, tantôt par leur caractère improvisé, hâtif et décousu. Seuls les intéressent les onze sièges de députés mis en jeu, pour la première fois, lors des législatives de juin…

En face, c’est le vide, ou peut s’en faut (lire pp. 70-71). François Hollande a eu beau mettre en place un staff pléthorique dont on a d’ailleurs quelque mal à démêler les arcanes – qui fait quoi ? –, ses propositions concernant l’Afrique et le Moyen-Orient ne brillent ni par leur force ni par leur originalité. Pour l’essentiel, il s’en tient à une dénonciation rituelle des turpitudes, réelles ou supposées, de la Françafrique qu’Alain Juppé, le ministre des Affaires étrangères, n’est pas infondé JEAN-MICHEL AUBRIET à qualifier de « ritournelle » ou de « vieux schéma dépassé ». S’y ajoute, parfois, la dénonciation rétrospective de l’accueil réservé par le pouvoir estcommeça.Saufparlebiais de l’immigration, légale ou sortant à une poignée de dictateurs, position pas, l’Afrique ne joue à peu commode pour qui n’a pas la charge des affaires de l’État. près aucun rôle dans la campagne pour l’élection présiSi les différents partis s’intéressent malgré tout à dentielle française (22 avril et l’étranger, c’est surtout en raison des suffrages que 6 mai). À vrai dire, la politique étrangère non plus. les Français qui y résident – ils sont plus de 1 milCette réalité est sans doute regrettable à l’heure lion, parmi lesquels de plus en plus de binationaux de la mondialisation et des crises – économiques, – sont susceptibles de leur apporter (lire pp. 73-74). financières et politiques – Traditionnellement, ces derque celle-ci induit, mais elle niers votent globalement La Françafrique ? n’a rien de spécifiquement plus à droite que leurs comUn « vieux schéma patriotes restés au pays. Pour français. dépassé », accuse Juppé. la présidentielle, la tendance Au pouvoir depuis bien longtemps, la droite est, par devrait se confirmer, mais la force des choses, la moins absente sur cette fléchir : selon un récent sondage, Nicolas Sarkozy question : au moins a-t-elle un bilan à défendre. ne l’emporterait que de justesse, au second tour, Celui-ci alterne le détestable (le tristement célèbre chez les Français de l’extérieur. Mais la grande discours de Dakar) et l’honorable : les intervennouveauté, c’est l’élection au suffrage direct, lors tions sous bannière onusienne en Côte d’Ivoire des législatives des 10 et 17 juin, de onze députés et en Libye – que le Parti socialiste a d’ailleurs chargés de défendre leurs intérêts. Deux représenapprouvées –, même si, dans ce dernier cas, les teront les Français d’Afrique et du Moyen-Orient. conséquences, pourtant prévisibles, de l’opération Faute d’éléments de comparaison, il est bien n’ont sans doute pas été mesurées avec suffisamdifficile d’établir un pronostic. Ce sera l’une des ment d’attention. grandes incertitudes du scrutin. ●

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Europe, Amériques, Asie Élections françaises PARTI SOCIALISTE

La rupture, quelle rupture? François Hollande souhaite mettre en place avec le continent une relation « nouvelle, dépassionnée et durable ». Autrement dit : rompre avec la Françafrique ou ce qu’il en reste.

A

ccusé par la droite de n’avoir aucun programme, François Hollande dévoilera enfin sa politique africaine à une semaine du premier tour, lors d’un grand discours au cours duquel le candidat socialiste devrait annoncer la rupture. Comme l’avait fait un certain Nicolas Sarkozy, en mai 2006, à Cotonou… Avec lui, promettra sans doute Hollande, il ne sera plus question d’accueillir en grande pompe à Paris les dictateurs de tout poil, comme le furent en leur temps Ben Ali, Assad ou Kaddafi. Plus question non plus d’observer un silence coupable face à des tentatives de succession dynastique ou à des changements constitutionnels imposés à l’approche d’un scrutin présidentiel. Ses conseillers jurent qu’il ne s’ingérera pas dans les affaires judiciaires (biens mal acquis) et ne mettra pas en place une diplomatie parallèle – à laquelle tous les gouvernements, de droite comme de gauche, n’ont pourtant jamais cessé d’avoir recours. « Nous voulons en finir avec la politique des coups, les effets d’annonce sans suite et les méandres de la Françafrique », soutient Laurent Fabius, qui se verrait bien, dit-on, au Quai d’Orsay. Le PS tente de raviver le souvenir des prises de position les plus discutables de Sarkozy (discours de Dakar), afin de mettre en valeur la relation « nouvelle, dépassionnée et durable » qu’il prétend instaurer avec le continent. Sans réel tropisme africain ni véritable

expérience continentale, Hollande cherche à donner de lui-même l’image d’un homme neuf, sans a priori, à l’écoute… Mais en évitant de prendre le moindre risque. C’est ce qui ressort des entretiens accordés ces derniers mois à divers journaux – dont Jeune Afrique et Afrique Magazine. Plus politiquement correct… QUEL PROGRAMME ? Les interventions

en Libye et en Côte d’Ivoire sous égide onusienne ont été approuvées par le Parti socialiste, même s’il déplore aujourd’hui les conséquences de la chute de Kaddafi pour la sécurité dans la région sahélosaharienne. Les propositions les plus audacieuses de son entourage – tenue d’états généraux consacrés à l’aide au développement, fin de la parité fixe du franc CFA avec l’euro… – seront étudiées plus tard avec les partenaires africains. Cela n’empêche pas le pôle international de travailler à la rédaction d’un programme. Les sujets concernant l’Afrique sont répartis entre plusieurs sections et plusieurs responsables. Kader Arif, député européen, dirige le pôle coopération. Thomas Mélonio, responsable Afrique au PS, qui travaille par ailleurs à l’Agence française de développement (AFD), planche plus particulièrement sur l’aide et les ONG. Jean-Michel Severino, ancien directeur général de l’AFD, est chargé des pays émergents ; Pierre Schapira, adjoint au maire de Paris, de la coopération décentralisée ; Zouber Sotbar, des relations Nord-Sud ;

ARRIÈRE-PENSÉES LA STRATÉGIE AFRICAINE du candidat Hollande n’est pas exempte, bien sûr, de petits calculs électoraux. Car le PS a fait ses comptes. Parmi les Français en âge de voter, 2 millions sont originaires d’Afrique du Nord et 1 million d’Afrique subsaharienne. Entre 150 000 et 200 000 personnes travaillent dans les ONG et les diverses associations qui se consacrent à l’international. Et entre 6 millions et 7 millions de donateurs versent chaque année à des œuvres sociales, notamment en faveur du continent. Les Français d’Afrique représentent quelque 150 000 électeurs, notamment au Maghreb, au Sénégal, en Côte d’Ivoire et à Madagascar. P.A. En 2007, ils avaient, pour la première fois, voté à gauche. ● N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

Louis-Mohamed Seye, du codéveloppement; et Jean-Paul Bachy, président de la région Champagne-Ardennes, de la francophonie. Ancien secrétaire d’État à l’Intégration, Kofi Yamgnane participe quant à lui à la réflexion sur l’Afrique, tandis que l’avocat William Bourdon, fondateur de l’association Sherpa, conseille Hollande sur les droits de l’homme. Nulle trace, on le voit, des anciens amis de Laurent Gbagbo, comme Jean-Marie Le Guen, François Loncle ou Jack Lang. En haut de la pyramide, Maurice Braud, autrefois chargé des relations internationales au PS, et Pascal Brice, l’ancien directeur de cabinet d’Hubert Védrine au Quai d’Orsay, dirigent le pôle international. Une équipe d’une cinquantaine de personnes se réunit habituellement le lundi au QG de campagne, dans le 7e arrondissement. « Au début, les discussions avaient des allures de café du commerce, raconte un participant. Mais on a peu à peu défini les grandes lignes, nous disposons aujourd’hui d’un programme. » En matière de défense, les socialistes sont favorables à des partenariats avec les JEUNE AFRIQUE


Et l’Afrique dans tout ça ? montrera vigilante concernant le respect des « droits fondamentaux ». « Aidons ces pays à ne pas revenir vers les dictateurs et à ne pas basculer dans l’extrémisme religieux », ajoute Fabius. Dans cette perspective, le partenariat euro-méditerranéen a évidemment un rôle important à jouer. « Nous devons nous mettre autour d’une table avec les Européens, explique pour sa part Vincent Peillon, membre éminent du staff de campagne. On pourrait recentrer nos actions autour de certains programmes, comme l’énergie et l’eau, ou de la création d’une Banque de développement. »

ALBERT FACELLY POUR JA

APAISEMENT. La dynamisation des échanges universitaires et des thinktanks est également souhaitée. Reste à trouver des financements en ces temps de restriction budgétaire… Hollande tient aussi à rassurer ses partenaires traditionnels, comme le Maroc et l’Algérie. Dépêchée auprès de Mohammed VI, en mars, Martine Aubry a donné des gages, notamment sur la question du Sahara. De son côté, Kader Arif consulte les diplomates algériens. Le candidat a réservé à ce pays l’un de ses rares voyages en terre africaine (il a rencontré Ahmed Ben Bella en décembre 2010, puis s’est rendu en Tunisie en mai 2011). S’il est PENDANT UN MEETING de François Hollande à Évry, le 22 février. élu, il pourrait avoir des mots apaisants – aux antipodes du « rôle positif de la forces d’interposition de l’Union africaine dans la sous-région et des otages français colonisation » – lors du cinquantenaire capturés à Arlit (nord du Niger). Les deux et des organisations régionales. Jouant de l’indépendance, en juillet, même s’il la carte du codéveloppement, Hollande hommes ont aussi parlé de l’uranium ne souhaite pas s’engager sur la voie prévoit aussi de laisser toute leur place exploité par Areva. Issoufou souhaite que de la repentance. Il cherchera aussi à aux partenariats Sud-Sud, ainsi qu’aux les recettes allouées à son pays soient redynamiser le traité d’amitié entre les acteurs de la société civile et aux collectideux pays. revalorisées. De son côté, Fabius a pu vités territoriales. Il souhaite rendre l’aide s’entretenir, en décembre 2011 et janvier Hollande devrait aussi, très vite, entrepublique plus transparente et promet de dernier, dans le cadre d’un programme prendre d’amender la circulaire Guéant doubler l’aide bilatérale transitant par les concernant les étudiants étrangers et de conférences sur la mondialisation, ONG. Rien de très nouveau, on le voit. assouplir les modalités Ces promesses avaient déjà été faites d’entrée imposées aux Il cherche à donner de lui-même par Chirac et Sarkozy. Et jamais tenues. diplomates. « Nos partel’image d’un homme neuf, Le candidat avait envisagé de se rendre naires africains le vivent sans a priori, à l’écoute… en Afrique subsaharienne : soit au Niger très mal, insiste Fabius. soit au siège de l’Union africaine, à AddisPour un étudiant, un artiste Abeba. Ce voyage n’aura sans doute pas avec trois présidents africains : Ali Bongo ou un homme d’affaires, obtenir un visa lieu. « C’est une campagne très francoOndimba, Faure Gnassingbé et Boni Yayi. relève du parcours du combattant. Les française, explique un de ses conseillers. En privé, ces derniers n’auraient pas caché ministres sont souvent fouillés comme le La droite est agressive et attaque tous leur agacement face au « style sarkozien » sont les autres voyageurs. » Le candidat azimuts. On ne peut se permettre de et ne verraient donc pas d’un trop mauvais socialiste propose enfin un débat annuel s’absenter pendant deux ou trois jours. » œil une éventuelle alternance… pour fixer le volume de l’immigration Le 15 mars, à Paris, Hollande s’est touteEn Afrique du Nord, Hollande souéconomique et estudiantine, en relafois entretenu avec Mahamadou Issoufou, haite accompagner la transition démotion avec les universités. Des mesures le président nigérien. Il a été question cratique dans les pays du Printemps qui devraient être bien accueillies sur du partenariat entre les deux pays, des arabe. « Un combat à long terme », la rive sud. ● problèmes alimentaires, de la sécurité dit-il, étant entendu que la France se PASCAL AIRAULT JEUNE AFRIQUE

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Europe, Amériques, Asie Élections françaises UMP

Salima Saa, l’étoile du Nord Ne lui dites surtout pas qu’elle est la nouvelle Rachida Dati ! Pour l’instant, elle n’est qu’une Sarko girl lancée à la conquête d’une circonscription difficile, à Roubaix.

S

il y a une chose qui a le don d’agacer Salima Saa, c’est qu’on la désigne comme la nouvelle Rachida Dati. Pas de comparaison facile, elle veut être jugée sur ses seules compétences. À l’instar de l’ancienne garde des Sceaux en 2007, Salima est l’un des espoirs de la droite choyés par Nicolas Sarkozy. Contre toute attente, elle s’est fait souffler le poste de porte-parole de la campagne par Nathalie Kosciusko-Morizet. « Cette nomination n’avait jamais été évoquée », jure-t-elle. Qu’importe, elle a aussitôt rejoint l’équipe de « NKM ». À 40 ans, cette businesswoman à la volonté bien trempée débarque donc en politique. En janvier, elle a démissionné de son poste de directrice commerciale du groupe Saur pour redevenir consultante. Quinze jours auparavant, elle avait été propulsée secrétaire générale

DENIS CHARLET/AFP

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LA NOUVELLE SECRÉTAIRE GÉNÉRALE chargée du développement urbain au sein du parti présidentiel. Elle était auparavant directrice commerciale du groupe Saur.

En septembre dernier, l’ambitieuse a demandé à être reçue à l’Élysée, où elle connaît Christian Frémont, le directeur de cabinet du chef de l’État. Moins d’un mois plus tard, elle s’est retrouvée dans le bureau de Nicolas Sarkozy, à qui elle a expliqué qu’elle « voulait aller au combat ». En décembre, la voici investie candidate UMP aux législatives dans une circonscription, la 8e du Nord (Roubaix-Wattrelos), Ses atouts maîtres ? dont personne ne voulait. Un sacré culot et un carnet C’est un vieux fief de la d’adresses – très – bien rempli. gauche où l’abstention est traditionnellement imporde l’UMP chargée du développement tante. « Je dois mener une vraie campagne de terrain afin de convaincre une popuurbain. Ses atouts : un sacré toupet et lation qui ne croit plus en la politique, un carnet d’adresses (très) bien rempli. explique-elle. La tâche sera difficile, mais Fin 2010, elle avait écrit à Maurice je suis une combattante. » Leroy, le ministre de la Ville – qu’elle ne connaissait pas –, pour solliciter la présidence de L’Agence nationale pour la FILLE DE HARKI. Si Salima a pris le cohésion et l’égalité des chances (L’Acsé). risque, c’est qu’elle connaît bien la région C’est ainsi que, depuis février 2011, elle du Nord-Pas-de-Calais. Née à Soissons, en Picardie, cette fille de harki a grandi est à la tête – bénévolement – de cette au gré des mutations de son père entre administration qui finance dans les la France et l’Allemagne, où elle a obtenu banlieues divers projets sociaux : éduen 1988 son bac scientifique. La même cation, emploi, santé, prévention de la année, elle est revenue à Lille, où vit délinquance… N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

toujours sa famille, pour entreprendre des études et décrocher un DESS en environnement. Dès 1990, elle a découvert l’engagement par le biais d’une association d’aide aux harkis. Membre du Haut Conseil des rapatriés et du Haut Conseil à l’intégration, elle a milité un temps au Parti radical de Jean-Louis Borloo avant de rejoindre l’UMP, l’été dernier. Ce qui ne l’empêche pas, à l’occasion, de dénoncer les dérapages au sein de son propre camp. En pleine polémique sur la viande halal, elle n’a par exemple pas hésité à critiquer publiquement les propos du Premier ministre, François Fillon. Une attitude qui n’est pas sans rappeler celle d’une autre protégée de Nicolas Sarkozy, Rama Yade. « Il fallait des personnalités très fortes pour marquer l’ouverture à la diversité », commente Salima. Cette fonceuse reconnaît qu’être issue de la diversité peut constituer un atout en période électorale, même si, bien sûr, cela ne suffit pas. « Je me reconnais dans le style hyperactif de Nicolas Sarkozy », dit-elle. Accepterait-elle de devenir ministre ? « Oui, si on me le propose. Mais je veux surtout être élue députée. » ● JUSTINE SPIEGEL JEUNE AFRIQUE


Et l’Afrique dans tout ça ? LÉGISLATIVES

Ces électeurs venus d’ailleurs

Traditionnellement, les Français expatriés votent plus à droite que les autres. Sarkozy compte sur eux pour la présidentielle, mais aussi, désormais, pour conserver l’Assemblée nationale. À tort ou à raison ?

«

M

erci Sarkozy », lance un candidat socialiste qui briguera les suffrages des Français de l’étranger lors des législatives. De fait, c’est grâce à la réforme constitutionnelle de juillet 2008 que, pour la première fois, les « Français d’ailleurs » vont élire des députés. Jusqu’à présent, ils ne votaient qu’à la présidentielle, n’étaient représentés qu’au Sénat et n’élisaient même pas directement leurs sénateurs. Cette fois, ils vont voter directement pour des gens qui siégeront à l’Assemblée nationale. Comme en France, le scrutin sera uninominal et majoritaire à deux tours. Le monde a donc été découpé en onze circonscriptions. Dans chacune d’elles, les électeurs éliront un député. Pourquoi Sarkozy a-t-il fait passer cette réforme ? Parce que les Français de l’étranger sont de plus en plus nombreux : 900 000 inscrits en 2007, 1,1 million en 2012. Mais aussi, sans doute, par calcul politique. Traditionnellement, les Français de l’étranger sont plus à droite que les autres. Au second tour de la présidentielle de 2007, 55 % d’entre

eux avaient voté Sarkozy – contre 53 % en France. Un récent sondage Opinionway révèle que, chez eux au moins, Sarkozy peut battre Hollande au second tour (51 % des intentions de vote). Ce qui est amusant avec ces nouvelles circonscriptions, c’est leur immensité. La 9e regroupe ainsi l’Afrique du Nord et une grande partie de l’Afrique de l’Ouest. La 10e, le reste de l’Afrique et le MoyenOrient. Du coup, les candidats ne cessent de voyager… Plus curieux encore, ces vastes circonscriptions créent des réflexes régionalistes. Dans la 9e, Khadija Doukali, la candidate UMP, née au Maroc d’un père marocain et d’une mère française, aime bien rappeler ses origines pour montrer qu’elle a davantage d’attaches locales que Pouria Amirshahi, son adversaire socialiste arrivé en France, venant d’Iran, à l’âge de 5 ans. Même chose dans la 10e, mais à l’envers. Jean-Daniel Chaoui, le candidat socialiste établi à Madagascar depuis neuf ans, traite volontiers son adversaire UMP, l’ex-juge antiterroriste Alain Marsaud, de « parachuté ». Chaque candidat met en avant ses atouts. Dans la 9e, Doukali la femme

d’affaires – elle a dirigé une grosse société de pêche marocaine – ne manque pas une occasion de souligner sa double identité: « En tant que Franco-Marocaine, je suis bien placée pour connaître les problèmes des binationaux » (majoritaires parmi les quelque 25 000 électeurs inscrits au Maroc). Secrétaire national du Parti socialiste, Amirshahi, dont le QG électoral est également à Rabat et qui comprend l’arabe, réplique : « Cela n’empêche pas Mme Doukali de soutenir un candidat, Nicolas Sarkozy, qui a stigmatisé de manière honteuse les Français d’origine maghrébine, qui a remis en cause la binationalité et mis en place la circulaire Guéant. » Dans la 10 e, Marsaud surfe sur sa notoriété de magistrat. En 1986, c’est lui qui inaugura la section antiterroriste du parquet de Paris. Inutile de dire qu’en Syrie ou au Liban (plus de 21 000 inscrits) son discours sécuritaire passe bien. Jean-Daniel Chaoui est beaucoup moins connu. Mais cet enseignant, dont le grand-père est d’origine marocaine, a vécu au Gabon et à Djibouti. En 2003, à Madagascar (près de 20 000 inscrits, dont une majorité de binationaux), il a été élu conseiller des Français de l’étranger. Perfide, il glisse : « Je crois qu’on connaît mieux le mime Marceau que le juge Marsaud. » ●●●

Les onze circonscriptions de l’étranger, dont deux africaines 4 6 DR; FACELLY/SIPA

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KHADIJA DOUKALI,

… AFFRONTE POURIA AMIRSHAHI, DU PS.

L’ANCIEN JUGE ALAIN MARSAUD (UMP)…

… CONTRE JEANDANIEL CHAOUI (PS).

MEIGNEUX/SIPA; DR

DE L’UMP…

JEUNE AFRIQUE

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Europe, Amériques, Asie Élections françaises Quels sont les grands thèmes de la campagne ? La sécurité, bien sûr. Au Moyen-Orient, mais aussi en Afrique de l’Ouest. En Côte d’Ivoire, la droite rappelle le rôle clé joué par Sarkozy dans le dénouement de la crise, il y a un an. Au Mali, la gauche se rattrape en accusant le président de ne pas avoir mesuré les conséquences de la guerre de Libye sur les pays du Sahel. Autre sujet sensible : la fiscalité. Alain Marsaud accuse fréquemment le socialiste Jérôme Cahuzac, qui préside la commission des finances à l’Assemblée, d’avoir voulu taxer les Français de l’étranger, qui paient déjà un impôt dans leur pays de résidence. « C’est un mauvais procès, répond le sénateur socialiste Jean-Yves Leconte. Ce projet n’a pas été retenu par le candidat Hollande. » Commentaire d’un cadre commercial français de Douala : « Pour moi, ce qui compte, c’est de ne pas être imposé deux fois. Et la menace, je la vois davantage venir de la gauche que de la droite. » Reste le sujet numéro un : l’école. Un puits sans fond. Pour les 400 000 élèves des écoles françaises à l’étranger, Paris ●●●

La campagne côté cour et côté J.A. Frivoles, ces Français!

M

AIS OÙ EST DONC PASSÉE la crise dont on nous rebattait les oreilles? Il y a quelques mois, la Grèce frôlait la banqueroute, la contagion gagnait le Portugal, l’Espagne et l’Italie, la zone euro menaçait d’imploser, et, pour justifier la hausse du taux de chômage en France, Nicolas Sarkozy allait partout répétant que ladite crise était la pire que le monde ait connue depuis la Grande Dépression de 1929. Histoire de nous remettre dans Joséphine une ambiance d’époque et de nous consoler d’être Dedet un pays vermoulu, on diffusait en boucle les images rétro de The Artist, ce film made in France muet et en noir et blanc qui triomphait aux Oscars. Fini la rigolade, fini le « modèle français ». Adieu pavillons et paisibles retraites. L’heure était au régime sec. Je vous l’avais bien dit, exultait Marine Le Pen, on va revenir à notre bon vieux franc.

Et puis, tout à coup, silence. Rideau. Black-out. En pleine campagne électorale, parler de hausse d’impôts ou de diminution de la dépense publique risque d’effaroucher l’électeur. Tout le monde s’est souvenu que, pour appâter le gogo, il faut être démago. Au moins l’espace d’un printemps. Le socialiste François Hollande promet de « réenchanter la France », de recruter 60 000 fonctionnaires, alors que les caisses sont vides ? Petit joueur ! À sa gauche, Jean-Luc Mélenchon le double en proposant de faire « payer les riches ». Inquiet, Hollande renchérit en proposant de les taxer à 75 %. Calembredaines, fustige Sarkozy qui, lui, menace de punir les exilés fiscaux et prône le protectionnisme. François Bayrou rappelle qu’il faudra diminuer les dépenses, mais, en bon centriste, se garde bien de dire lesquelles et comment. Bref, plus aucun candidat ne parle de la crise (à croire qu’elle n’a jamais existé) ni de l’Europe (à croire que la France est seule au monde). On allait se laisser bercer par cette barcarolle quand l’ennemi a surgi de l’ombre. La perfide Albion, of course. « La France vit dans le déni, c’est l’élection la plus frivole de toute l’Europe », ricane The Economist. Pour bien se gausser de ces noceurs de Français qui se pavanent en vivant au-dessus de leurs moyens, l’hebdomadaire britannique a fait sa une avec Le Déjeuner sur l’herbe, célèbre tableau de Manet où l’on voit une femme nue (cette France grassouillette, car gavée d’avantages sociaux) se faire baratiner par deux pique-niqueurs en goguette (Sarkozy et Hollande). Entendez : alors que le pays croule sous le poids de la dette et qu’il risque « de se retrouver au centre de la prochaine crise de l’euro », ses deux principaux candidats continuent de promettre à tout va et de s’en remettre à un État providence… qui n’a plus un sou en caisse. Pour les Britanniques, les Français (qui ne font pas confiance au marché) ne sont pas assez libéraux sur le plan économique. Mais la France, représentée en femme nue, est de mœurs libérales. C’est déjà ça. ● N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

BRUNO LEVY

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Les grands thèmes de la campagne ? La sécurité, la fiscalité et, surtout, l’école. débourse annuellement 540 millions d’euros. Insuffisant. Pour nombre de parents d’élèves français, les frais de scolarité restent insupportables. En 2007, Sarkozy a marqué un point. Sur le thème « Louis, mon dernier fils, est scolarisé à New York ; je connais le problème », il a annoncé la gratuité de la scolarité au lycée. Problèmes : 1. L’État ne rembourse qu’un montant égal aux frais de 2007, et pas l’augmentation, parfois très importante, de ces quatre dernières années ; 2. La mesure, faute de moyens, n’a pu être étendue au collège et au primaire. Le PS propose un autre système : pas de gratuité pour tout le monde, mais une prise en charge en fonction des revenus. « Qui va vérifier les revenus de tous les chefs d’entreprise ? Bonjour la fraude ! » s’exclame Marsaud. « Pour faire cette vérification, il faudrait déjà que le personnel consulaire n’ait pas été réduit comme peau de chagrin », réplique Chaoui. ● CHRISTOPHE BOISBOUVIER JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie

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BRÉSIL

la méthode Rousseff

Lula gouvernait par la persuasion et la négociation permanente. À ses risques et périls, son successeur a fait un autre choix.

AgenciA estAdo/ZUMA/ReA

E

st-ce une victoire pour Dilma Rousseff ? Objet de vives tensions au sein de l’exécutif depuis des semaines, la « loi du Mondial », qui offre un cadre juridique à l’organisation de la Coupe du monde de football 2014, a finalement été votée le 28 mars par les députés brésiliens (lire encadré). Parmi la dizaine de partis qui participent au gouvernement, plusieurs refusaient d’adopter ce texte imposé par la Fifa, la fédération internationale. C’était notamment le cas du Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB), principal allié du Parti des travailleurs (PT) de Dilma Rousseff. Depuis un an, il s’oppose d’ailleurs à toutes les réformes qu’elle propose. Drôle d’allié ! La présidente a fini par obtenir gain de cause en échange d’une concession de taille : le PMDB en ayant fait un préalable, elle a été contrainte d’accepter une réforme du code forestier qui encourage la déforestation. Le Brésil accueillant en juin le Sommet mondial sur le développement durable (Rio+20), Rousseff souhaitait retarder l’adoption du texte… Quoi qu’il en soit, ce vote a mis en évidence l’isolement croissant du chef de l’État, un an et demi après son élection. Depuis dix mois, cinq de ses ministres accusés de corruption ont été contraints de démissionner – ce qui a contribué à fragiliser le gouvernement. Et ceux qui sont restés regrettent de ne pas être suffisamment associés aux décisions. Ils soupçonnent Rousseff de favoriser

 La présidente

diLma rousseff au palais du Planalto, à Brasília, en juillet 2011.

le renforcement du PT en vue des élections municipales du mois d’octobre, qui pourraient se révéler décisives dans la perspective de la présidentielle de 2014. La présidente a pourtant impérativement besoin de ses alliés pour gouverner, son parti ne comptant que 85 sièges sur 581 au Parlement. PAS D’ACCORD. Seule certitude : Dilma

Rousseff ne ménage pas ses efforts pour se démarquer de Luiz Inácio Lula da Silva, son prédécesseur et (ex-)mentor. « Nous n’étions pas toujours d’accord par le passé et, aujourd’hui encore, nous ne nous accordons pas sur tous les points », a-t-elle confié le 24 mars au magazine Veja. Alors que Lula ne ménageait pas les faveurs à ses alliés afin de s’assurer une gouvernance sans vagues, Rousseff s’efforce de

placer aux postes clés des hommes et des femmes de confiance capables d’assurer le succès de ses réformes. À la mi-mars, elle a par exemple démis de leurs fonctions les porte-parole du gouvernement au Sénat et à la Chambre des députés, l’un et l’autre membres du PMDB, pour les remplacer par des hommes de son choix. En dépit de son intransigeance, elle reste pourtant très populaire. Dans les sondages, sa cote frôle les 60 %, quand celle de Lula au terme de la première année de son mandat ne dépassait pas 42 %. Après avoir annoncé son retour en politique à la suite de la guérison de son cancer du larynx, celui-ci lui a apporté un soutien remarqué. Cela suffira-t-il pour conserver à la présidente la confiance de ses alliés ? l MARiE VillACèquE

AVEC lA FiFA, lE bRAS DE FER COntinuE Le Secrétaire généraL de La FiFa, Jérôme Valcke, a estimé début mars que le Brésil aurait intérêt à « se donner un coup de pied aux fesses » pour que la construction des infrastructures (stades, aéroports, etc.) nécessaires à l’accueil de la coupe du monde 2014 soit achevée à temps et qu’une loi spécifique finisse par être adoptée. Les autorités brésiliennes ont très mal pris cette admonestation. Mais elles en ont quand jeune afrique

même tenu compte. La « loi du Mondial » vient en effet d’être adoptée, alors qu’elle inclut des mesures – notamment la levée de l’interdiction de vendre et de consommer de l’alcool dans les stades – qui contredisent la législation nationale. La Fifa avait beaucoup insisté sur ce point : l’un de ses partenaires n’est autre que Budweiser, le géant M.V. mondial de la bière ! l n o 2674-2675 • du 8 au 21 avril 2012


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pArcourS | D’ici et d’ailleurs

p Pour l’entrePreneur, l’ensoleillement de l’Afrique permettra une production d’électricité excédentaire.

David Mola Sous le soleil exactement Installé en Allemagne, cet ingénieur camerounais a monté une entreprise spécialisée dans l’énergie solaire.

a

rrivé d’AllemAgne un matin d’hiver, david mola attend à la table d’un restaurant parisien le ministre français en charge de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique, éric Besson. Crise de l’euro, énergie solaire, électrification de l’Afrique… dans un français à l’accent germanique, il passe d’un sujet à l’autre avec l’agilité qui caractérise les toucheà-tout qui ont réussi à partir de rien. Cet ingénieur camerounais de 41 ans a lancé son entreprise en 2003 avec un capital initial de 30000 euros et a réalisé un chiffre d’affaires de 60000 euros au cours de cette année inaugurale. Ce n’était qu’un début. en trois années d’activité, la petite affaire spécialisée dans les énergies renouvelables est passée à 10 millions d’euros de chiffre d’affaires et a embauché 12 personnes. en 2010, il employait 140 salariés, pour 60 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel.

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Une belle réussite pour ce jeune homme né à djondong, un village perdu de la région des savanes de l’extrêmenord, au Cameroun. dans cette étendue aride, on est agriculteur de père en fils, question de survie. Peu d’enfants vont à l’école. lui obtient pourtant un baccalauréat scientifique en 1990 et, dans la foulée, une bourse pour aller étudier le génie civil dans une université technique en Allemagne. Une fois ses études terminées, il envisage de rentrer au pays afin d’y construire des routes pour le compte de l’état camerounais, qui a financé sa formation. mais, frappée par la crise économique, la fonction publique a gelé les recrutements. « On m’a prévenu qu’il n’y aurait pas de poste disponible pour moi et que je devais chercher un emploi dans le secteur privé », se souvient-il. il décide alors de s’installer en rhénanie-du-nord et travaille, de 1999 à 2003, pour le constructeur d’engins

miniers neiweiser, où il officie comme directeur de projets. en juin 2003, il se met à son compte en créant la société mSi mola Solaire international gmbH, spécialisée dans la fabrication d’installations solaires connectées au réseau, le montage de systèmes solaires autonomes et de systèmes hybrides, la fabrication des composants photovoltaïques et même la conception d’appareils domestiques (réfrigérateurs, lampes, pompes solaires)… embrassant toute la filière, la société s’est également diversifiée dans l’éolien, les installations hydrauliques, la biomasse… En 2008, il franchit un nouveau palier en investissant 50 millions d’euros dans la création d’une seconde société, mola Solaire Produktions gmbH, destinée à approvisionner la clientèle industrielle en lingots de silicium, un élément chimique entrant à 94 % dans la fabrication des cellules photovoltaïques. il n’arrête plus de voyager, à la conquête de nouveaux marchés. il rêve aussi de jeune afrique


Europe, Amériques, Asie

Attaché à l’Allemagne, son cœur bat toujours pour le continent africain, où un projet doit prendre forme, au Mali. MSS devrait y construire des centrales solaires d’une puissance totale de 200 mégawatts (MW). Si la situation politique n’en décide pas autrement, le chantier pilote de 50 MW, dont les travaux devraient commencer en 2012 dans la ville de Fana (non loin de Bamako), sera la première centrale d’un parc qui en comptera 12. Elles seront réalisées sur trois ans, pour un coût global de 243 milliards de F CFA (370 millions d’euros). Un contrat permettra de vendre l’énergie produite à la société malienne de distribution d’électricité. Le projet devrait aboutir à la création de près de 200 emplois. En Mauritanie, David Mola projette de développer une centrale de 64 MW. « On est encore dans la phase de négociation pour signer le contrat de concession et le contrat d’achat. Ce projet pourrait également démarrer en 2012. » Pas peu fier de revenir contribuer au développement du continent, l’entrepreneur formule tout de même le vœu que les pays du continent facilitent davantage les investissements avec une législation incitative et une bureaucratie allégée. Les projets y avanceraient plus georges DoUgUeli vite… l Photo : Vincent FoUrnier jeune afrique

JAPON

l’honneur est sauf… mais pas la vie Plutôt que de solliciter une aide sociale, de nombreux déshérités préfèrent se laisser mourir. De faim, de froid et de solitude.

U

n couple âgé allongé sur un matelas fleuri et un jeune homme recroquevillé sur un divan. Tous morts de froid, de faim et de solitude depuis plus de deux mois. Dans l’indifférence générale. Le 23 février, quand les hommes de la brigade d’intervention sociale de Tokyo sont arrivés dans cet appartement lugubre du quartier de Saitama, l’eau, l’électricité et le gaz avaient été coupés : le froid était glacial. Le macabre spectacle n’a même pas surpris les policiers. Chaque mois, ils retrouvent au hasard de leurs inspections de nouveaux kodokushi. Littéralement : des personnes qui « ont vécu seules et sont mortes seules ». Dans le cas de Saitama, le décès étant relativement récent, les corps étaient encore reconnaissables. « La plupart du temps,expliqueunpolicier,iln’yaplusque des os et une tache sombre à l’emplacement du corps. » Il faut parfois des années avant que les cadavres soient retrouvés. En 2010, la découverte d’un centenaire momifié chez lui après trente années d’oubli avait fait la une des journaux. Depuis, les découvertes sordides se multipliant, les autorités ont entrepris de recenserles40000centenairesquecompte

le pays. Mais elles se heurtent au silence des familles. Mutisme coupable, quand les proches encaissent frauduleusement les allocations du défunt ; ou honteux, quand ils expliquent ne pas avoir eu de quoi payer des funérailles. En 2010, un homme a avoué avoir « gardé » sa mère auprès de lui, en morceaux dans un sac à dos qui ne le quittait jamais. campagnes-chocs. Un Japonais sur cinq est âgé de plus de 65 ans – un sur trois en 2030. Mais toutes les victimes de la solitude ne sont plus, comme hier, des personnes âgées. Plutôt des cinquantenaires, seuls et sans emploi. Voire des hommes plus jeunes. Pour ces derniers, faire appel aux aides sociales est une honte insurmontable. Au Japon, mieux vaut perdre la vie que l’honneur. Les municipalités ont beau multiplier les campagnes-chocs sur le thème « si vous vivez seul, vous risquez de mourir seul », rien n’y fait. Le chômage, la fracture sociale, l’éclatement de la cellule familiale ont eu raison de la vision idéalisée qui a longtemps prévalu ici : « trois générations sous un même toit ». Au XXIe siècle, les Japonais meurent seuls. Voire, comme à Saitama, seuls mais en famille. l JUliette morillot

Shiho Fukada/PaNoS-REa

contribuer au développement de l’Afrique en lui apportant cette énergie dont la pénurie entrave la croissance. « Je suis convaincu de la capacité des Africains à électrifier les moindres recoins, les villages les plus isolés du continent grâce aux énergies renouvelables, s’enthousiasme-t-il. Avec tout le soleil dont elle dispose, l’Afrique pourrait même exporter ses excédents vers les continents voisins. » Quand survient l’orage de la crise financière, l’entreprenant Mola s’adapte et réduit la voilure. S’imposant des politiques d’austérité, la plupart des pays développés ont supprimé les avantages accordés aux entreprises du secteur des énergies renouvelables. En 2010, il a dû fusionner ses deux sociétés en une seule, Mola Solar System GmbH (MSS), et réduire son personnel. La thérapie de choc est salutaire. « Nous avons grandi trop vite », regrette-t-il aujourd’hui.

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p En 2030, un Japonais sur trois aura plus de 65 ans. n o 2674-2675 • du 8 au 21 avril 2012


Europe, Amériques, Asie

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ÉTATS-UNIS

Comment peut-on être mormon? Demandez-le à Mitt Romney. Même s’il ne s’en vante pas, le probable candidat républicain à la présidentielle est membre de l’étrange Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours…

Par ailleurs, ce n’est qu’en 1978 que les Africains-Américains (1 % des membres de la communauté) sont devenus membres à part entière de l’Église mormone. Auparavant, ils ne pouvaient pas être ordonnés prêtres. Romney tente de faire oublier ce passé peu glorieux en célébrant le rôle joué par son père dans la défense des droits civiques. Mais, qu’il le veuille ou non, l’Église mormone est restée très conservatrice. Dans les années 1970, elle était en première ligne dans la lutte contre les droits des femmes. Elle l’est aujourd’hui contre le mariage gay. En 2008, elle a joué un rôle crucial dans le rejet d’une proposition de loi en ce sens, en Californie.

ISAAC BREKKEN/ThE NEw YoRK TImES-REDUX-REA

exCuses. Un autre scandale l’a récem-

C

est le boulet de Mitt handicapé Romney dans la bataille des primaires, car lesdits évangéliques ont Romney, en même temps choisi de se rallier au catholique Rick que sa part la plus intime : Santorum. sa foi mormone. Elle sera forcément au centre des débats lorsque le L’Église de Jésus-Christ des saints des désormais probable candidat républicain derniers jours, à laquelle appartient la à la présidentielle (il a encore remporté majorité des mormons américains (son trois primaires, le 3 avril) affrontera siège est Salt Lake City, dans l’Utah), Barack Obama. cultive la discrétion. Elle ne tient pas Pas sûr que cela joue en sa faveur. à mettre en évidence ce qu’un comQuatre-vingt-deux pour cent des mentateur appelle ses « excentricités Américains disent en effet ne rien historiques ». Même certains mormons connaître de cette religion pourtant fondée sur leur au xixe siècle, les ancêtres de sol, en 1830, par un cerromney étaient polygames : ils tain Joseph Smith, doux illuminé convaincu d’avoir durent s’exiler au Mexique. reçu d’un ange la révélation de textes sacrés. Ces textes sont consine savent pas que la polygamie, abolie gnés dans le Livre de Mormon, révéré par l’Église mormone en 1890, était au au même titre que la Bible. Mais il y cœur du mormonisme originel. C’est même la raison pour laquelle les ancêtres a pis. Bien que chrétiens, à quelques de Romney, au XIXe siècle, ont dû fuir nuances près – ils ne croient pas en la sainte Trinité –, les mormons (2 % de la les États-Unis – où la polygamie a été population américaine) sont considérés interdite en 1882 – pour s’établir au par beaucoup, notamment les chrétiens Mexique, où ils fondèrent une colonie évangéliques, comme une secte. Cela a mormone polygame.

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ment éclaboussée. Les mormons ont coutume de baptiser leurs proches décédés. Mais certains l’ont fait à tort et à travers. Même la pauvre Anne Frank, qui, comme l’on sait, était juive, est ainsi devenue mormone plus de t Une famille mormone type : soixante ans après Elizabeth sa mort ! L’Église a et Beau Young été contrainte de avec leurs s’excuser pour ces quatre enfants, douteuses pratiques. à Las Vegas, en février. Tout cela n’incite pas Romney à se montrer disert sur sa foi, qu’il n’a mentionnée qu’une seule fois dans la campagne des primaires – d’autant que, selon un récent sondage, 22 % des électeurs jurent qu’ils ne voteraient en aucun cas pour un candidat mormon. Elle est pourtant l’élément structurant de sa vie. Dans les années 1960, il a été, trente mois durant, missionnaire en France, les jeunes mormons étant tenus de consacrer au moins deux ans de leur vie au prosélytisme. Au cours des cinq dernières années, il a fait don à son Église de 4 millions de dollars. Sa religion explique-t-elle l’incapacité chronique de Romney à se montrer proche des Américains ? Possible. En tout cas, sa personnalité semble bien à l’image de sa foi : austère (thé, café et alcool sont interdits) et secrète. Un talon d’Achille que, le moment venu, pourrait exploiter le camp Obama. S’il est désigné par les républicains, il lui faudra bien tôt ou tard fendre l’armure. Ce jour-là, ce sera toute une religion qui fera son coming out. l Jean-ÉriC Boulin, à New York jeune afrique


LE PLUS

de Jeune Afrique

POLITIQUE Démocratie, an I

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INTERVIEW Mohamed Bazoum, chef de la diplomatie CARNET DE ROUTE Zinder, fière et dépendante ÉCONOMIE Mines, agriculture, services… L’effervescence

NIGER

L’effet Issoufou JEUNE AFRIQUE

P. STERCZEWSKI/RESERVOIRPHOTO

Un an après l’investiture du chef de l’État, le pays confirme sa progression sur la voie de la démocratie et du développement. Il est parvenu à maintenir la sécurité, à équilibrer les pouvoirs et à consolider la croissance.

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Le Plus de Jeune Afrique

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Prélude Cherif Ouazani

Gérer l’insoutenable fragilité

S

i l’on devait décrire le cheminedes cours des matières premières, séchement de la démocratie nigérienne resses cycliques et leur lot de menaces de depuis la Conférence nationale de famine planant sur plus de la moitié de la 1991, le moins que l’on pourrait population) – ; une institution militaire dire est qu’il a été parsemé d’embûches, moins aventuriste qu’il n’y paraît et une voire chaotique : trois putschs et un régiclasse politique plus mature qu’on ne cide. Avec son alternance en 2002 et celle le pense. qui était annoncée pour 2012, la diversité Pourquoi alors cette démocratie tropide ses parlements successifs et le fonctioncale semble-t-elle si fragile ? Sans doute nement de ses institutions, le voisin malien parce que la menace n’est pas endogène, avait des allures de bon élève de l’expécomme au Mali, mais exogène. Il est fort rience démocratique, recevant satisfecit peu probable que les Touaregs nigériens soient tentés par l’aventure Azawad, ils et chaudes félicitations des chancelleries et des ONG internationales en matière de auraient trop à perdre. Le Premier ministre démocratie et de bonne gouvernance. Un est l’un des leurs, les anciens chefs rebelles vieux souvenir, depuis le 22 mars 2012, sont tous retombés dans les bras de la date de la chute de Koulouba. À Niamey, nul ne saurait Il est fort peu probable que les se réjouir de ce qui arrive au Touaregs nigériens soient pays de Soundiata Keïta, mais on a bien du mal à ne pas tentés par l’aventure Azawad. en tirer une sorte de fierté nationale. « Aucun des trois coups d’État République et sont aujourd’hui d’hoqui ont jalonné notre parcours n’a réussi norables élus nationaux ou locaux, de hauts commis de l’État, au service de la à entamer notre choix irréversible pour la République, celle du Niger. démocratie ou à constituer une menace pour l’unité de notre territoire national, affirme un général nigérien à la retraite. Si l’irrédentisme des Hommes bleus En revanche, un seul putsch au Mali a de l’Aïr est contenu, la criminalité transsuffi pour que l’État se désagrège, que frontalière couplée au phénomène salala République se délite et que son unité fiste, avec Al-Qaïda au Maghreb islamique territoriale implose. » (Aqmi) à l’Ouest et Boko Haram au Sud, ainsi que les conséquences néfastes de Est-ce à dire que le Niger est à l’abri la crise libyenne obsèdent le leadership nigérien, civil et militaire. Ce n’est sans d’un tel scénario catastrophe ? La lecture de ce dossier que nous consacrons à l’an I doute pas un effet du hasard si l’armée de la VIIe République vous aidera sans nigérienne est le partenaire le plus actif au doute à répondre à cette question par sein du Comité d’état-major opérationnel l’affirmative : une croissance consolidée conjoint (Cémoc, basé à Tamanrasset, qui et, semble-t-il, durable ; un capital symregroupe les armées algérienne, malienne, pathie à l’étranger pour cette démocratie mauritanienne et nigérienne). Grâce à ce partenariat, le Niger a pu annihiler du pauvre qui fait face, le plus souvent seule, aux défis – qu’ils soient constants toutes les tentatives d’intrusion de convois (hostilité de la géographie et complexité d’hommes armés. Ce ne fut pas le cas au de l’Histoire) ou conjoncturels (fluctuation Mali, avec les conséquences que l’on sait. ●

JEUNE AFRIQUE

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POLITIQUE Démocratie, an I

p. 82

QUE DEVIENT… Salou Djibo

p. 86

ÉCONOMIE Un optimisme à toute épreuve

p. 90

DIPLOMATIE Mohamed Bazoum, ministre des Affaires étrangères

p. 93

COHÉSION Le défi touareg à la mode nigérienne p. 96

CARNET DE ROUTE Zinder, fière et dépendante p. 100 MINES ET PÉTROLE Des échanges à forte teneur en uranium p. 104 AGRICULTURE Faire du Sahel un jardin extraordinaire… p. 106 PORTRAITS Esprits d’entreprises Mahamadou Sako, Mohamed Wan Jada, Alhassane Halid, Moussa Kaka, Halimatou Tourey Magagi p. 109 MÉDIAS Une liberté vite apprivoisée

p. 114


Le Plus de Jeune Afrique

STEPHEN JAFFE/IMF VIA GETTY IMAGES

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POLITIQUE

Démocratie, Depuis l’investiture de Mahamadou Issoufou, le 7 avril 2011, le pays a tout fait pour rester le bon élève de la région. Malgré des indicateurs encore médiocres en termes de développement humain, la croissance est bien là. Même constat pour la stabilité et la bonne marche des institutions.

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an I

PIERRE BOISSELET,

B

envoyé spécial

arack Obama veut mettre en avant les « démocraties africaines » ? En juillet 2011, Mahamadou Issoufou est invité à la Maison Blanche. Christine Lagarde cherche des points de chute pour sa première visite africaine de directrice du Fonds monétaire international (FMI) ? Elle est reçue à Niamey en décembre. Le candidat à la présidentielle française JEUNE AFRIQUE


L’effet Issoufou François Hollande désire s’afficher aux côtés d’un chef d’État africain? C’est vers celui du Niger que, mimars, il se tourne. Depuis le retour de la démocratie, avec l’élection, le 12 mars 2011, du président Issoufou, les grands de ce monde ne sont pas avares d’honneurs envers un pays hier encore au ban de la communauté internationale. C’est que le Niger impressionne,etpasseulementpar son activité diplomatique. D’après le FMI, son économie va croître de 14,1 % cette année (lire pp. 89 à 91). Un boom dû en grande partie à l’aboutissement de chantiers engagés de longue date (la production pétrolière et le démarrage de la raffinerie de Zinder). Et l’essor devrait se poursuivre, tiré par le développement des industries extractives et le retour de la confiance.

Du Tazartché à la VIIe République Mai-juin 2009 MamadouTandja dissout le Parlement et la Cour constitutionnelle, opposés à son projet de maintien au pouvoir, qu’il fait adopter par référendum le 4 août.

Côté politique, l’enthousiasme collectif des lendemains de la présidentielle – quand l’opposition saluait l’initiative de Mahamadou Issoufou de créer un statut à son chef de file battu, Seini Oumarou – a fait long feu.

GRINCEMENTS DE DENTS. Le chef de l’État n’étant pas homme à sacrifier ses convictions sur l’autel 20 octobre 2009 d’un hypothétique consensus, la Législatives boycottées lutte contre la corruption, qu’il par les principaux partis d’opposition. Le Niger a placée parmi ses priorités, fait est suspendu de la grincer bien des dents. Huit dépuCedeao. tés, dont deux de la majorité, se sont vu retirer leur immunité le 18-22 février 2010 2 avril pour être entendus par la Coup d’État.Tandja est renversé. Salou Djibo justice. La coalition présidentielle est nommé président a résisté, mais avec l’opposition, pour une période de la rupture est consommée. transition. Reste que le combat politique se 31 octobre 2010 déroule désormais dans un cadre démocratique, bâti par les autoriRéférendum. Adoption de la Constitution de STABILITÉ. L’année écoulée n’a tés de la transition, consolidé par e la VII République, pourtant pas été tendre. La guerre le gouvernement de Brigi Rafini promulguée le en Libye a contraint des dizaines de et gardé par un Conseil constitu25 novembre. tionnel intransigeant. Mi-février, milliers de travailleurs expatriés à 11 janvier 2011 rentrer au pays. Les convulsions du ce dernier n’a pas hésité à déclaÉlections locales. rer anticonstitutionnel l’octroi Nigeria, aux prises avec l’islamisme d’un marché public à un député radicaldeBokoHaram,et,depuisla 31 janvier 2011 du parti au pouvoir par deux fin 2011, la rébellion touarègue au Législatives et Mali, ont achevé de faire du Niger ministres, celui de l’Économie premier tour de et celui de l’Équipement, égalel’un des rares îlots de stabilité dans la présidentielle. ment membres du Parti nigérien la région (lire pp. 93-94 et 97). Si le 12 mars 2011 pays a été épargné par la violence pour la démocratie et le socialisme Mahamadou Issoufou (PNDS-Tarayya). Le 2 avril, ils ont des crises de ses voisins, ces derest élu au second tour nières lui pèsent: dépenses accrues été limogés et l’opposition parlede la présidentielle de sécurité pour préserver la stamentaire a déposé une motion de (57,95 % des suffrages). Il est investi le 7 avril. bilité, situation socio-économique censure contre le gouvernement. p Christine Lagarde a précaire des rapatriés, échanges Il faudrait plus que le courroux Choisi niamey pour sa commerciauxrendusplusdifficiles, de l’opposition et les attaques de première visite sur le alors qu’une nouvelle crise alimentaire menace sa presse, désormais libre (lire p. 114), pour faire continent en tant que 5,4 millions de Nigériens. Avec plus de 40 % de sa dévier Mahamadou Issoufou de la trajectoire directrice du FMI (le qu’il a choisie et qui, estime-t-il, doit passer par population vivant au-dessous du seuil de pauvreté 21 décembre, devant l’Assemblée nationale). des réformes en profondeur et des projets de (soit avec moins de 1,25 dollar par jour), le Niger long terme. stagne à l’avant-dernier rang du classement de l’indice de développement humain du Programme L’an I de la VIIe République a donc été celui du des Nations unies pour le développement (Pnud). renforcement de la cohésion nationale et de la restauration des services publics. Pour préparer Les premiers revenus du pétrole et ceux de l’uranium, même à prix l’avenir, 2800 salles de classe (presque autant qu’en Érigée en priorité, la lutte renégocié, ne lui ont pas encore dix ans de Tandja, souligne le gouvernement) contre la corruption permis de changer radicalement ont été construites, plus de 3 000 enseignants le quotidien de la population. recrutés, de même que 500 médecins. divise la classe politique. Toutefois, l’État est parvenu à Les défis restent aussi impressionnants que maintenir la paix et à soulager les fardeaux des les monts de Bagzans, point culminant du pays plus modestes: programmes d’urgence pour éviter dans le massif de l’Aïr. Comme eux, ils ne sont pas la famine, revalorisation des salaires et pensions hors de portée. Il faudra cependant plus qu’un retour à la démocratie, aussi réussi soit-il, pour y des fonctionnaires (de 10 % pour les plus faibles) ou encore baisse des prix de l’eau et de l’électricité. parvenir. Mais Niamey a pris la bonne direction. l jeune afrique

n o 2674-2675 • du 8 au 21 avril 2012

83



L’effet Issoufou

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Gouvernance

issoufou dans un gant de velours Au bras de fer avec les Occidentaux qu’affectionnait son prédécesseur, le chef de l’État préfère le dialogue.

M

PreMier CerCle. Au bureau à 7 h 30 chaque matin (une demi-heure avant l’horaire officiel de l’administration), il reçoit pendant une heure ses principaux conseillers, avant de passer à la correspondance puis aux audiences. « Il lit énormément la presse lui-même, et pas seulement les notes que lui transmettent ses services », ajoute un familier du Palais. Il délègue peu. En tout cas, rares sont les décisions qui ne passent pas par lui et son premier cercle de collaborateurs. Celui-ci est composé quasi exclusivement jeune afrique

de fidèles du PNDS-Tarayya, parmi lesquels son directeur de cabinet, Hassoumi Massaoudou, son ministre des Affaires étrangères, Mohamed Bazoum (lire pp. 93-94), et son ministre du Pétrole et de l’Énergie, Foumakoye Gado. iNTerNATiONAle SOCiAliSTe. Très

respectueux des procédures et profondément démocrate, le chef de l’État nigérien est parfois trahi par sa bonne foi. Comme lorsqu’il a reconnu devant l’exambassadrice américaine Bernadette Allen, médusée par sa « franchise », s’être « fait rouler » par l’ancien président Mamadou Ce qui compte selon lui, Tandja lorsque celui-ci lui c’est « la force des arguments, avait assuré qu’il ne briguerait pas un nouveau pas les arguments de la force ». mandat, selon un câble diplomatique de juillet 2009 dévoilé Il s’efforce aussi de conserver les liens par WikiLeaks. À la différence de Tandja, directs qu’il a tissés avec ses concitoyens Issoufou pense aider davantage son pays lors des nombreux déplacements sur le terrain qu’il effectuait lorsqu’il était dans en restaurant sa crédibilité internationale sur les plans politique et économique, l’opposition, déplacements au cours desen communiquant sur ses points de vue, quels, assurent ses conseillers, il aurait ses stratégies, ses atouts et ses besoins visité plus de la moitié des 10 000 villages – ce à quoi il s’emploie en voyageant du pays. l fréquemment –, plutôt qu’en se livrant à Pierre BOiSSeleT

P. STERCZEWSKI/RESERvoIRPhoTo

odeste, cultivé, disponible pour répondre aux médias internationaux… L’image que Mahamadou Issoufou offre à l’étranger est en décalage avec le surnom que lui ont donné ses compatriotes : Zaki, « le lion » en haoussa. Un apparent paradoxe que le président nigérien dissipe d’une formule : ce qui compte, c’est « la force des arguments, pas les arguments de la force ». Le chef de l’État, 60 ans, est réputé intransigeant sur la scène politique nationale. Succédant à trois militaires – Ibrahim Baré Maïnassara, Mamadou Tandja et Salou Djibo –, il est le premier civil à présider aux destinées du Niger depuis Mahamane Ousmane (1993-1996). Mathématicien de formation, ingénieur, il a été directeur national des Mines, de 1980 à 1985, avant d’intégrer la Société des mines de l’Aïr (Somaïr), dont il a été le secrétaire général. Il démissionne en 1991 pour se consacrer au parti qu’il a fondé quelques mois auparavant avec d’anciens compagnons, le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS-Tarayya), sous la bannière rose duquel il a été élu à la magistrature suprême, le 12 mars 2011. C’était sa cinquième candidature depuis 1993.

des bras de fer avec les Occidentaux. Les passes d’armes de Tandja avec Paris sur la question de l’uranium « n’étaient que de la propagande destinée à préparer les esprits à la violation de la Constitution », persifle-t-on dans l’entourage du nouveau président. Engagé dans une politique de réformes profondes et de projets à long terme, accordant une grande place à la planification rationnelle, Mahamadou Issoufou, en bon socialiste – il est vice-président de l’Internationale –, veille cependant à garder une marge de manœuvre financière pour améliorer le quotidien des plus modestes (électrification des campagnes, baisse des prix des produits et services de première nécessité…).

p Zaki, « le lion » en haoussa, est le premier président civil du pays depuis plus de quinze ans. n o 2674-2675 • du 8 au 21 avril 2012


Le Plus de J.A. Niger trajectoire

Salou Djibo au repos

Principal artisan du coup d’État contre Tandja et président de la transition, le jeune général coule une retraite bien méritée.

PANAPRESS/MAXPPP

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p L’officier nigérien, à la tête de la mission d’observation de la Cedeao, appelle au calme lors du premier tour de la présidentielle en Guinée-Bissau (le 18 mars).

A

nimé par une foi quasi mystique, il courait des imprimeries aux magasins de stockage en passant par l’aéroport de Niamey. Surtout, il fallait s’assurer que tout le matériel électoral était en place, éviter à tout prix le moindre report de la présidentielle… C’était il y a à peine plus d’un an, lorsque Salou Djibo était encore le président de la transition. Ensuite, du 12 mars au 7 avril 2011, tout s’est enchaîné sans qu’un grain de sable ne vienne gripper le processus : second tour du scrutin, reconnaissance de sa défaite par Seini Oumarou, remise des pouvoirs au président élu, Mahamadou Issoufou. Puis plus rien. PUTSCHISTE VERTUEUX. Après treize

mois et demi passés à remettre le pays sur les rails de la démocratie et du développement, Salou Djibo, chef du Conseil suprême pour la restauration de la démocratie (CSRD) et président de la transition, a disparu des écrans radar presque aussi vite qu’il y était

n o 2674-2675 • du 8 au 21 avril 2012

paysage politique ». Cela tombe bien, ce silence correspond parfaitement à son tempérament discret. Même lorsque les quatre officiers qu’il avait placés en détention pour « atteinte à la sûreté de l’État » ont obtenu un non-lieu qui le désavouait, le 19 mai 2011, il n’est pas sorti de sa réserve. Au pays, il partage son temps entre sa résidence de Niamey, mise à sa disposition avec tout le protocole en raison de son statut d’ancien chef d’État, et son immense villa de Namaro, son village natal, situé au bord du fleuve Niger, à environ 50 km au nord-ouest de la capitale. Souvent, il s’envole pour Ouagadougou et le siège de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), où travaille sa deuxième épouse. Même sa Fondation africaine pour la démocratie et le développement (FADD), qui aurait pu lui permettre de continuer à jouer un rôle, « n’a pas vraiment décollé pour l’instant », reconnaît son cofondateur, le colonel Ibrahim Yacouba, inspecteur principal des douanes (nommé le 2 avril ministre des Transports). MISSION. Le soldat qui sommeille en Djibo n’a en revanche pas perdu le sens du devoir et des missions délicates. Il n’a pas rechigné lorsque la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) lui a demandé de prendre la tête de sa mission d’observation électorale pour la présidentielle en Guinée-Bissau, un scrutin consécutif au décès du président Malam Bacai Sanhá (en janvier) estimé essentiel pour la stabilisation politique et sécuritaire du pays. Le 19 mars, au lendemain du premier tour (le second devrait avoir lieu le 22 avril), le rapport préliminaire indi-

apparu, le 18 février 2010, en renversant Mamadou Tandja. De nombreux observateurs doutaient pourtant que l’auteur du putsch se retire purement et simplement. À seulement 46 ans, ne risquait-il pas de s’ennuyer ferme, lui qui avait connu le feu de l’action et le sommet de l’État ? Son ombre n’allait-elle pas planer sur le débat politique ? Eh bien non. Un an plus tard, le général quatre étoiles (promotion accordée par sa propre junte au chef d’esAprès avoir connu le feu de l’action cadron qu’il était) semble et le sommet de l’État, il risquait au contraire tout à fait à son aise dans sa retraite. de s’ennuyer ferme… Eh bien non. « Il était assez embarrassé par son rôle de chef de l’État et pressé de quait qu’il s’était déroulé « dans des quitter le pouvoir », assure un témoin de conditions acceptables de liberté et de l’époque. Depuis que c’est chose faite, transparence », en soulignant des proentré dans le cercle restreint des putsblèmes de logistique et des inquiétudes chistes vertueux, il savoure son repos et relatives à l’égalité d’accès aux médias évite de faire parler de lui. Libéré de ses publics. Un texte pondéré, précis et, charges, « il en a profité pour beaucoup surtout, aussi éloigné que possible des voyager, surtout dans les premiers mois, querelles politiciennes. À l’image de son indique l’un de ses familiers. Il évite chef de mission. l de s’exprimer pour ne pas perturber le PIERRE BOISSElET jeune afrique



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L’effet Issoufou DÉCRYPTAGE

Opinions & éditoriaux Alain FAUJAS

L’avenir en rose?

J

ANVIER LITSE, vice-président chargé des opérations de la Banque africaine de développement (BAD), est formel : « La situation économique du Niger est globalement positive. » Les estimations du Fonds monétaire international (FMI) en décembre dernier le confirment : la croissance devrait y bondir de 3,8 % en 2011 à 14,1 % en 2012 sans que l’inflation s’emballe pour autant, puisqu’elle tombera de 3,4 % à 2 %. Tous ses partenaires couvrent de fleurs le gouvernement pour la sagesse de sa gestion. Le déficit budgétaire primaire est contenu à 3 %; les arriérés de la dette domestique seront soldés en 2017. La Constitution fait désormais obligation de publier les contrats miniers ainsi que les recettes attendues.

Le bon élève nigérien se voit même prédire un avenir très rose par le FMI, qui s’attend à une croissance moyenne annuelle de 6,7 % jusqu’en 2031 sans que l’inflation excède 2 % par an. La croissance moyenne de l’Inde et l’inflation moyenne de la France ! Il faut dire que le sous-sol est pour quelque chose dans cette prospérité annoncée. Les exportations minières et pétrolières nigériennes (lire pp. 104-105) tripleront entre 2011 et 2016. Avec les gisements d’uranium d’Azelik, exploité par la China National Nuclear Corporation, et d’Imouraren, par le français Areva, le pays deviendra le deuxième producteur au monde de carburant nucléaire. Côté pétrole, le pactole viendra d’Agadem, développé par les Chinois, qui alimentera la raffinerie de Zinder. Les 20000 barils produits chaque jour excéderont une demande domestique de 7000 barils et permettront des exportations supplémentaires. Le gouvernement du président Issoufou a profité de ces atouts pour mener à bien plusieurs projets qui devraient accélérer la croissance. Le barrage de Kandadji assurera une production correspondant à une année de consommation électrique du pays et permettra l’irrigation de 45 000 ha. Ce qui facilitera la politique baptisée 3N (« les Nigériens nourrissent les Nigériens »), qui ambitionne de parvenir à l’autosuffisance alimentaire. On parle d’un réseau ferré Cotonou-Niamey-Ouagadougou-Abidjan. On rêve de réduire, grâce au charbon, la dépendance énergétique à l’égard du voisin géant, le Nigeria.

développement humain du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), plus de 40 % de la population vit dans une extrême pauvreté avec moins de 1,25 dollar par jour, une pluviométrie erratique menace en permanence les récoltes et ce sont près de 690000 tonnes de céréales qui ont fait défaut en 2010, année terrible. Les bailleurs de fonds ont tenu compte de cette extrême vulnérabilité, mais aussi de la situation géopolitique du Niger, dont les voisins libyens, nigérians et maliens traversent une période d’instabilité qui pourrait se révéler contagieuse. Le FMI n’a donc pas persisté dans son projet – moralisateur mais dangereux – d’obliger Niamey à créer, grâce au pétrole, un fonds pour les générations futures sur le modèle tchadien : les Nigériens sont trop pauvres pour se lancer dans ce genre d’épargne collective. Tous les donateurs ont mis la main au portefeuille pour éviter un désespoir populaire qui pourrait être le terreau de l’islamisme ou de l’irrédentisme. En décembre, le FMI a promis par la voix de sa directrice générale, Christine

Le FMI prédit au pays une croissance moyenne annuelle de 6,7 % pour les vingt prochaines années.

Les Nigériens devront toutefois raison garder. Leur pays est abonné aux dernières places de l’indice de JEUNE AFRIQUE

Lagarde, une aide de 123 millions de dollars (92 millions d’euros) de 2012 à 2014. La Banque mondiale, elle, y va de 15 millions de dollars d’appui budgétaire chaque année. La BAD n’est pas en reste, etc. Le pays devra assumer sa part de réformes pour que sa bonne fortune minière et pétrolière se consolide en développement durable et équilibré. Citons deux domaines où il lui incombe de faire bouger les choses : la natalité et la corruption. Avec sept enfants par femme et la perspective d’accueillir sur son sol désertique 50 millions d’habitants en 2050, le Niger court à la catastrophe si rien n’est fait pour amorcer une modération démographique. Si le classement de la Banque mondiale pour le climat des affaires situe le Niger au 173e rang sur 183 pays étudiés, c’est parce que les entreprises y vivent un parcours du combattant administratif qui favorise la corruption: 43 % d’entre elles reconnaissent avoir payé pour s’assurer un marché public! De rudes chantiers en perspective. ● N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

89


90

Le Plus de J.A. Niger ÉCONOMIE

Un optimisme à toute épreuve

Début de la production pétrolière, nouvelle politique agricole, investissements soutenus, lutte contre la mauvaise gouvernance… Les bases de la relance se consolident et la croissance s’envole. Durablement ?

L

e Niger est sur un petit nuage. La croissance comme les investissements décollent, et, même s’il a son lot d’inquiétudes, même si rien n’est jamais acquis, le pays résiste vaillamment aux crises des voisins libyens, nigérians, maliens (lire pp. 93-94 et 97) et fait ses preuves. C’est aussi l’occasion pour le Niger de montrer aux investisseurs étrangers qu’ils peuvent venir sans crainte miser sur un pays aux multiples atouts, mais qui manque de tout. Le premier objectif du gouvernement est de diversifier les activités. Les recettes du pays sont très dépendantes des industries extractives, en particulier des mines d’uranium (lire pp. 104-105), alors que l’agriculture et l’élevage sont prédominants (80 % de la population en dépend) mais restent cantonnés à l’exploitation de subsistance et soumis aux aléas climatiques. Conséquence, le taux de croissance du PIB est extrêmement volatil, ainsi que l’a rappelé l’an dernier le Premier ministre, Brigi Rafini, dans son discours de politique générale : « Le taux de croissance du PIB est passé de 9,6 % en 2008 à – 0,9 % en 2009

pour remonter à 8 % en 2010. » La crise alimentaire qui sévit actuellement dans le nord du pays est une parfaite illustration du paradoxe nigérien. Niamey produit du pétrole depuis quelques mois, il devrait accéder au rang de deuxième producteur mondial d’uranium d’ici à 2015, il a distribué nombre de permis d’exploration aurifère, le Fonds monétaire international (FMI) prévoit qu’il triplera ses exportations de matières premières d’ici à 2016… mais il est encore incapable de subvenir aux besoins de sa population.

qui correspond notamment au lancement de l’initiative 3N (« les Nigériens nourrissent les Nigériens »), annoncée par le président Issoufou au lendemain de son élection (lire p. 106). Le pays peut par ailleurs compter dès cette année sur des revenus substantiellement supérieurs à ceux de 2011. De fait, le budget national 2012 prévisionnel est de 1 262 milliards de F CFA, contre 933 milliards de F CFA en 2011. Si les nouvelles recettes liées aux investissements en cours dans les filières de l’uranium et de l’or n’arriveront pas avant 2016, les effets de la rente pétrolière devraient se faire sentir rapidement. La raffinerie de Zinder (lire p. 105) produit ainsi quotidiennement 15000 barils d’essence, dont environ la moitié est consommée par les Nigériens, le reste étant exporté (Nigeria, et bientôt Mali et Burkina Faso). Auparavant,Niameyimportaitsonessence et dépendait de la volatilité du cours du baril. Afin de ne pas étouffer les Nigériens, l’État subventionnait le prix à la pompe, ce qui lui coûtait entre 30 et 40 milliards de F CFA par an.

RECETTES. Pour y remédier, « le gouvernement a adopté un plan de développement ambitieux basé sur l’utilisation des revenus miniers et pétroliers pour réaliser des investissements publics dans les infrastructures, l’agriculture, la santé et l’éducation », souligne le FMI dans son rapport publié en décembre. Parmi les signes positifs, dans la loi de finances 2012, le secteur agricole bénéficiera de 100,3 milliards de F CFA (153 millions d’euros), contre 21,8 milliards de F CFA en 2011. Un investissement majeur

Des résultats encourageants

Routes principales

Imouraren PIB (en milliards de dollars, en prix courants, éch. de gauche)

Arlit

Uranium Or

Agadez

BURKINA FASO

Agadem

TAHOUA

TILLABÉRI Niamey DOSSO Dosso

MARADI

Zinder

Maradi

BÉNIN

N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

TCHAD Diffa

6

9,6

5

5,4

15

7

12

5,3

5,5

6

9

3

6 3

3,8

2 0 − 0,9

300 km 0

PIB 2011 (en dollars)

2008

2009

* Estimations 2010

1 096

Côte d’Ivoire

1 049

Mali

796

Bénin

8

1

NIGERIA

14,1

Sénégal

4

DIFFA

ZINDER

Tahoua

(variation du PIB en %, en prix constants, éch. de droite)

7

Pétrole MALI

Croissance

8

AGADEZ

MASSIF DE L’AÏR

Charbon

Tillabéri

INFLATION 2%

POPULATION 15,7 millions d’habitants

SUPERFICIE 1 267 000 km2

LIBYE

ALGÉRIE

2011*

2012*

756

Burkina Faso

670

GuinéeBissau

586 511

Togo Niger

–3

428

0

400

800

1200

JEUNE AFRIQUE


L’effet Issoufou à Ouagadougou : il a pour voisin le plus important marché d’Afrique de l’Ouest, le Nigeria. » En l’occurrence, le gouvernement va publier prochainement un appel d’offres pour deux licences téléphoniques 3G et a décidé d’accélérer la renationalisation de l’opérateur Sonitel, détenu à 51 % par un consortium sino-libyen, qui n’a pas tenu ses engagements en termes d’investissements (lire p. 125). L’objectif de Niameyestdeporterrapidementletauxde pénétration du téléphone mobile de 25 % en 2010 à 50 % d’ici à 2015. « Le pays a un atout de taille : il a Les défis sont lancés, et, dans les différents secpour voisin le plus grand marché teurs, les bailleurs internad’Afrique de l’Ouest, le Nigeria. » tionaux répondent présent. OUSMANE DIAGANA, responsable pays à la Banque mondiale Pour exemple, mi-mars, le fonds koweïtien de développement économique a accordé un doit relier l’oléoduc tchadien à Agadem prêt de 5 milliards de F CFA pour l’amécommencera d’ici à la fin de l’année. Les nagement des 220 km de route reliant exportations de brut ne devraient pas Arlit et Assamaka. démarrer avant 2013. De son côté, l’État devra maintenir la cadence sur le front de l’amélioration de SERVICES. L’État entreprend par ailleurs une réforme du secteur des services. « Le l’environnement des affaires, sans oublier pays pourrait tout à fait connaître les succelui du développement social et de l’incès du Burkina Faso, notamment dans les sertion, notamment des jeunes, sachant télécoms: comme lui, le Niger est enclavé que près de 85 % de sa population a moins et ils ont la même monnaie, explique de 35 ans. Car, ainsi que le soulignait il y a Ousmane Diagana, responsable pays à tout juste un an dans les colonnes de Jeune la Banque mondiale. Grâce à sa stabiAfrique Marou Amadou, alors président lité politique et à un environnement des du Conseil consultatif national et désoraffaires plus sain, le Burkina attire plus mais ministre de la Justice : les Nigériens d’investissements dans le tertiaire. En n’accepteront pas un état permanent de revanche, le Niger a un atout de taille face misère. ● MICHAEL PAURON

INVESTISSEMENTS (en % du PIB)

INVESTISSEMENTS DIRECTS ÉTRANGERS

• 2009 33 % (25,2 % non gouvernementaux, 7,8 % du gouvernement) • 2010 45,9 % (41,1 % non gouvernementaux, 4,8 % du gouvernement) • 2011 38,9 % (32,6 % non gouvernementaux, 6,3 % du gouvernement)

(en millions de dollars)

• 2008 566 • 2009 739 • 2010 947

QUELLE PLACE AU SEIN DE L’UEMOA ? Développement humain (rang sur 187 pays classés) Sénégal Togo Bénin Côte d’Ivoire Mali

155e 162e

175

146e

Niger

Burkina Faso

150e

Sénégal

Sénégal

e

Togo

170

Investissements (en % du PIB, en 2011)

Mali

e

167

e

Climat des affaires (rang sur 187 pays classés)

Côte d’Ivoire

e

154

e

162 e

167

Investissements directs étrangers Niger

38,9 31,5

947

Côte d’Ivoire

Mali

20,4

Sénégal

Togo

19,4

Mali

Burkina Faso

17,9

Bénin

418 237 148 111

GuinéeBissau

e

176

Niger

173

Bénin

Burkina Faso

181e

Bénin

175e

Côte d’Ivoire

10,8

Burkina 37 Faso

GuinéeBissau

10,4

Guinée- 9 Bissau

Niger

186e

GuinéeBissau

e

176e

17,8

0 20 40 60 80 100 JEUNE AFRIQUE

Togo

41

0

(en millions de dollars, en prix constants, en 2010)

250 500 750 1000

SOURCES : FMI, SEPT. 2011 ET DÉC. 2011 ; BANQUE MONDIALE, OCT. 2011 ; PNUD, NOV. 2011 ; CNUCED, JUILL. 2011

À court terme, le secteur pétrolier deviendra un important contributeur de l’économie nationale. Le ministre de l’Énergie et du Pétrole, Foumakoye Gado, enestimelesrecettesà115millionsd’euros pour l’État, une fois que le pays sera en mesure d’exporter sa nouvelle richesse. Pour l’heure, les champs d’Agadem n’ont pas atteint leur pic de production, qui devrait se situer entre 60000 et 80000 barils par jour, et Foumakoye Gado espère que la construction du pipeline de 600 km qui

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L’effet Issoufou

93

Diplomatie

Mohamed Bazoum « nous ne sommes pas tranquilles » Entré en fonction au plus fort de la guerre en Libye, le ministre des Affaires étrangères revient sur les conséquences dans la région, et en particulier au Mali, de la chute de Kaddafi.

F

L’ancien  professeur de

phiLosophie fait valoir le point de vue de son pays avec courtoisie, pragmatisme… et fermeté.

TAGAZA DJIBO

idèle d’entre les fidèles de Mahamadou Issoufou, qu’il connaît depuis plus de vingt ans, numéro deux du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS-Tarayya, parti présidentiel), Mohamed Bazoum, nommé ministre des Affaires étrangères en avril 2011, avait déjà l’expérience de la fonction pour l’avoir occupée entre janvier 1995 et mai 1996. L’ancien professeur de philosophie n’a jamais hésité à s’engager pour défendre la démocratie, que ce soit lors de la Conférence nationale en 1991, en déposant une motion de censure contre l’ex-Premier ministre Hama Amadou en 2007 ou en s’opposant au Tazartché (« continuité » en haoussa, slogan utilisé pour légitimer le maintien de Tandja au pouvoir) en 2009. Ce qui lui a valu plusieurs fois la prison. Depuis un an, cet intellectuel au caractère bien trempé fait valoir le point de vue du Niger avec courtoisie,

en restant vigilants. Chez nous, la crise libyenne a déjà eu un impact retentissant. De nombreux Nigériens expatriés sont revenus, beaucoup d’armes ont été mises en circulation, nos forces de défense et de sécurité ont eu des accrochages avec des bandes armées hostiles venant de Libye, et nous avons dû déployer notre armée pour couvrir

Mali. C’est un pays très riche, on y trouve des armements très sophistiqués et cela permettrait à Aqmi de se rapprocher des populations qu’il vise, à savoir les peuples du Maghreb. Il faut craindre que la fin du régime de Kaddafi, telle que programmée par l’Otan, ne donne un nouveau souffle à Al-Qaïda, pourtant usée en Afghanistan.

La situation risque de donner un nouveau souffle à Al-Qaïda, pourtant usée en Afghanistan.

Le président issoufou et vous-même aviez mis en garde les occidentaux contre les risques d’une intervention armée. estimez-vous que l’histoire vous donne raison ?

pragmatisme et fermeté. Notamment sur la crise libyenne, dans laquelle il a toujours marqué son hostilité à une intervention militaire et son refus de procéder à l’arrestation de Saadi Kaddafi, exigée à plusieurs reprises par le Conseil national de transition (lire p. 94). jeune AFrique : insécurité, dissémination des armes, rébellion touarègue… L’onde de choc de la chute du colonel Kaddafi continue de se propager. Va-t-elle épargner le niger ? MohAMed BAzouM : La situation est

inquiétante, mais nous tenons et allons continuer à tenir, en évitant les erreurs et jeune afrique

notre vaste territoire, ce qui nous a coûté beaucoup d’argent, que nous aurions aimé dépenser autrement. Ce n’est pas fini. Le pouvoir central libyen a beaucoup de difficultés à asseoir son autorité face à des tribus organisées en milices qui imposent leur pouvoir sur des fractions du territoire. Les élections prévues risquent d’être insuffisantes pour instaurer un gouvernement légitime aux yeux de la majorité des Libyens. En outre, on constate un mouvement d’Al-Qaïda au Maghreb islamique [Aqmi, NDLR] vers la Libye, où ses hommes pourraient trouver un espace bien plus avantageux que l’Adrar des Ifoghas au

Nous avions dit aux grandes puissances que la feuille de route de l’Union africaine, même si elle était difficile à mettre en œuvre, restait la meilleure des options et qu’elles devaient avoir le courage de parier sur la négociation. Elles ont choisi l’apparente facilité, qui était de faire partir Kaddafi par la force, bien que nos informations aient indiqué que les risques qui en découleraient seraient considérables. Malheureusement, nous avons eu raison. Nous n’avons pas compris leur cécité. Peut-être la haine du colonel Kaddafi ne leur a-t-elle pas permis de voir la situation de manière froide et lucide. n o 2674-2675 • du 8 au 21 avril 2012


Le Plus de J.A. Niger

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La rébellion touarègue au Mali, en partie issue de cette crise, risque-t-elle de s’étendre au Niger ?

C’est le discours irrédentiste et sécessionniste proféré par les rebelles au nom de la « targuité » qui nous inquiète particulièrement. Il y a plus de Touaregs chez nous qu’au Mali, vous imaginez donc que nous ne sommes pas tranquilles. Jusqu’à présent, cela se passe plutôt bien au Niger, du fait de plusieurs différences avec nos frères maliens. D’abord, contrairement aux leurs, nos forces occupent bien le territoire. Ensuite, nous avons eu une gouvernance habile de cette question [lire tribune p. 97]. Enfin, l’épilogue de la rébellion de 2007 [qui a fait de nombreuses victimes sans que Niamey accorde de concession majeure] y est pour beaucoup. Les ex-rebelles ne sont pas près de l’oublier et doivent maintenant

réfléchir par deux fois avant de prendre les armes, alors qu’au Mali les accords d’Alger leur avaient donné l’impression d’une victoire. Considérez-vous qu’Amadou Toumani Touré (ATT) a été trop faible vis-à-vis d’Aqmi et des rebelles ?

En 2006, ATT s’était fait fort de régler la rébellion touarègue par la négociation. Depuis, et c’est aussi l’une des conséquences des accords d’Alger, l’État malien a été relativement absent de la partie septentrionale du territoire, ce qui a permis à Aqmi de conforter sa position. Peut-être s’agit-il d’erreurs de la part des autorités maliennes, dont elles ont fait les frais. Au Niger, nous n’avons jamais permis à quiconque de prendre pied dans les montagnes de l’Aïr, qui offrent pourtant un refuge tout à fait propice.

Est-il envisageable qu’Aqmi utilise le territoire nigérien pour réaliser une « jonction » avec Boko Haram, qui ensanglante le nord du Nigeria ?

Nous sommes conscients que notre territoire peut servir de base arrière aux terroristes de Boko Haram. Et un faisceau d’indices indique très clairement qu’ils l’utilisent. Nous avons arrêté plusieurs personnes en possession de produits indiquant des intentions malveillantes et avons aussi appréhendé des suspects qui se rendaient au Mali pour y suivre des entraînements avec Aqmi, ou d’autres qui en revenaient. Il nous semble toutefois que leurs actions sont liées à la politique nigériane et devraient rester confinées à ce pays. l Propos recueillis à Niamey par PiErrE BoissELET

Niamey et l’après-Kaddafi

MaHMud TurKia/afP

Le pays abrite une trentaine de dignitaires du régime libyen déchu, que Tripoli lui reproche de ne pas extrader.

p Manifestation devant l’ambassade du Niger à Tripoli, le 11 février.

C

ombien de Nigériens émigrés en Libye sont rentrés au Niger depuis un an ? Quelque 250 000. Fini les transferts d’argent entre Tripoli et Niamey. Économiquement, le Niger est sans doute le pays africain le plus touché par la guerre de Libye. Qui plus est, faute de garanties pour leur sécurité, ces rapatriés n’osent plus repartir en Libye. Le 24 février, la Banque mondiale a prêté 7,5 milliards de F CFA (11,4 millions d’euros) au Niger pour soutenir les projets de réinsertion n o 2674-2675 • du 8 au 21 avril 2012

–agriculture,élevage,artisanat,commerce, etc. – en faveur de tous les rapatriés de Libye, mais aussi de Côte d’Ivoire et du Nigeria. Pas sûr que cela suffise. D’autant que ce retour massif coïncide avec une année agropastorale déficitaire. FugiTiFs. Le choc de la guerre de Libye est économique. Il est aussi politique. En septembredernier,leNigeravuarriverune trentaine de dignitaires du régime déchu. Parmi eux, l’un des fils du « Guide », Saadi

Kaddafi – le footballeur raté du championnat d’Italie. Le 10 février, sur les ondes d’Al-Arabiya, celui-ci a appelé les Libyens à se soulever contre le Conseil national de transition (CNT). Dès le lendemain, à Tripoli, des hommes armés ont fait irruption dans l’ambassade du Niger et en ont expulsé le chargé d’affaires. Le CNT a exigé l’extradition du fugitif. Comme Niamey n’a pas obtempéré, le ton est monté. Début mars, le numéro un libyen, Mustapha Abdeljalil, a déclaré : « Nos relations avec les pays africains dépendront de leur degré de coopération avec nous dans la traque des pro-Kaddafi. » Premiers visés: l’Algérie et le Niger. En fait, le CNT ne supporte pas que les rescapés du clan Kaddafi vivent chez ses voisins les plus proches. Un transfert de Saadi dans un pays tiers pourrait-il calmer le jeu ? Peut-être. Mais cette mesure ne réglera pas tout du jour au lendemain. Depuis la chute de Kaddafi, le Niger et la Libye ne s’échangent plus d’ambassadeurs. L’un et l’autre se font représenter par un chargé d’affaires. Le 11 mars, à Tripoli, pour la conférence sousrégionale sur la sécurité des frontières, la plupart des pays sahéliens ont délégué leur ministre de l’Intérieur. Le Niger, lui, n’a envoyé que des militaires. Face aux terroristes et aux trafiquants, Tripoli et Niamey ont tout intérêt à se coordonner. Un jour, ils y viendront. Nécessairement. l CHrisToPHE BoisBouviEr jeune afrique



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Cohésion

Le défi touareg à la mode nigérienne

Avec le retour des mercenaires du « Guide », la rébellion a repris dans le nord du Mali. Des effets que Niamey a réussi à éviter sur son territoire. Quelles sont ses recettes ?

Boureima Hama/afp

présidence du conseil régional d’Agadez. Rhissa Ag Boula, autre rebelle historique, siège au même conseil. Rhissa Feltou, neveu du mythique Mano Dayak, est quant à lui le nouveau maire d’Agadez (et conseiller du président). Organisées par la junte du général Salou Djibo, les élections locales de janvier 2011 ont été un moteur de fusion. Pour que les collectivités locales du Nord ne soient pas des coquilles vides, le président Mahamadou Issoufou a organisé en janvier dernier, près d’Arlit, un Forum Paix et Développement. À ses interlocuteurs touaregs, il a promis un plan pluriannuel doté de 1 000 milliards de F CFA (1,5 milliard d’euros).

 Ex-chEfs rEbEllEs lors du Forum Paix et Développement, le 22 janvier (à Arlit).

P

ourquoi la rébellion touarègue du Nord-Mali ne s’est-elle pas propagéeauNord-Niger?«Parce que l’armée nigérienne quadrille mieux son territoire que l’armée malienne », répondent les autorités de Niamey. Pas faux. « Au Mali, quand une rébellion éclate, le pouvoir cherche tout de suite à négocier. Au Niger, le pouvoir combat d’abord et négocie ensuite », explique un diplomate en poste à Niamey. De fait, lors de la dernière guerre, entre 2007 et 2009, les rebelles du Mouvement des Nigériens pour la justice (MNJ)d’AgalyAlambon’ontjamaisprisune ville et n’ont pas pu s’installer durablement dans le massif montagneux de l’Aïr. Est-ce un héritage du général Kountché? Tandja a joué la fermeté et a fini par obliger le MNJ

à signer la paix. « Beaucoup de Touaregs gardent un mauvais souvenir de ce conflit, confie un de leurs frères d’Agadez. Ça s’est finiparunedébandade,etseulsleschefsdu MNJ ont profité de l’argent que Kaddafi a versépourgarantirlapaix.»Autantdireque ces anciens chefs rebelles sont discrédités aux yeux de beaucoup de leurs hommes. Autre facteur de paix : l’intégration des « hommes bleus » dans la société nigérienne. À l’image de cet enfant d’Iferouane, Brigi Rafini, qui est devenu Premier ministre du Niger (lire encadré). C’est précisément à Iferouane qu’a éclaté la révolte de 2007 ! Trois autres figures de la communauté touarègue occupent aujourd’hui des postes à responsabilités. Mohamed Anako, ancien rebelle des années 1990, a été élu l’an dernier à la

JAMAIS SEUL. Mais le secret de la pax nigerana se trouve aussi à Tripoli et… à Paris. « La chance du Niger, estime notre diplomate de Niamey, c’est que les Touaregs de ce pays ne sont pas, à la différence de leurs frères du Mali, des vétérans de l’armée libyenne. Au Nord-Niger, il n’y a donc pas l’équivalent d’un Mohamed Ag Najim », cet ex-colonel de l’armée libyenne quicommandeaujourd’hui,auNord-Mali, le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA). Autre paramètre, l’uranium. Pour la France, l’exploitation de la mine d’Arlit est indispensable au fonctionnement de son parc nucléaire civil et militaire. Vu de Paris, le Nord-Niger est beaucoup plus stratégique que le Nord-Mali. Pour réduire une rébellion au Nord-Niger, Niamey n’est donc jamais seul. Reste que, si la terre tremble au Nord-Mali, le Niger n’est pas à l’abri d’une réplique. l ChrIStoPhE BoISBoUvIEr

BrIgI rAfINI, ENfANt D’IfEroUANE Et DU NIgEr

Tagaza DjiBo

Pour beaucouP, sa nomination à la tête du gouvernement était un pur symbole. Né à Iferouane (agadez), brigi rafini, 59 ans, est touareg. c’est aussi un homme doté d’une longue expérience au service du pays que le président Issoufou a choisi. Diplômé de l’École nationale d’administration de Niamey, il a été sous-préfet de Dosso et de Keita, d’où Seyni Kountché l’appela pour le nommer secrétaire d’État à l’Intérieur en 1987. rapporteur du conseil des sages après le coup d’État de Maïnassara en 1996, rafini assura aussi la vice-présidence du conseil consultatif national au lendemain du putsch de 1999. Député-maire d’Iferouane et vice-président de l’assemblée nationale de 2004 à 2009, il quitte le rassemblement pour la démocratie et le progrès, lui reprochant de soutenir leTazartché, CéCILE MANCIAUx et rejoint le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme d’Issoufou. l n o 2674-2675 • du 8 au 21 avril 2012

jeune afrique


L’effet Issoufou

TRIBUNE

Opinions Opin & éditoriaux

Un rempart contre les fanatismes

L COLONEL MAHAMADOU ABOU TARKA Président de la Haute Autorité à la consolidation de la paix

E COUP D’ÉTAT AU MALI montre la fragilité des institutions démocratiques dans nos pays. C’est une constante dans l’Histoire: les guerres et les rébellions ramènent sur le devant de la scène des acteurs qui, pour gérer les problèmes de la cité, préfèrent la violence au débat politique. Présentant nombre de similitudes avec le Mali et craignant les pires conséquences de la guerre en Libye, le Niger a donc engagé deux types d’actions complémentaires. Il fallait d’abord empêcher les groupes armés fuyant la Libye de créer une base. En s’installant, ils auraient pu acquérir un avantage tactique décisif et devenir difficiles à déloger. Cet objectif a été atteint par la mise en place de patrouilles fréquentes dans le désert. Composées de petites unités très mobiles capables de fixer l’ennemi le temps de recevoir du renfort, secondées par l’observation aérienne et le renseignement humain, elles ont obligé les bandes armées déjà éprouvées par des combats meurtriers en Libye à chercher refuge hors du territoire. Très tôt également, avec la redynamisation de la Haute Autorité à la consolidation de la paix, structure chargée de maintenir le contact avec les ex-combattants, l’État a engagé le dialogue avec les communautés du nord et de l’est du pays susceptibles d’être influencées par la situation. Ce dialogue a été relayé par les conseils régionaux et municipaux, composés en grande partie d’exrebelles reconvertis dans l’action politique.

La situation même du peuplement touareg au Niger ne rend pas crédible la revendication identitaire: il y a desTouaregs dans chacune des huit régions, 70 % à 80 % d’entre eux vivant dans la bande centrale du pays (et non dans le Nord), qu’ils partagent avec les autres groupes ethniques. Enfin, dans le long combat politique pour la démocratie, les intellectuels touaregs engagés ont toujours perçu la rébellion comme susceptible de les maintenir dans le rôle étriqué de représentants d’une ethnie plutôt que dans celui de leaders de dimension nationale auquel ils étaient naturellement en droit d’aspirer. Notre cheminement démocratique a été difficile, mais, à y regarder de près, c’est cette difficulté même qui fait la solidité de la démocratie nigérienne. Depuis 1990, l’essentiel du combat pour la démocratie a été mené par une génération d’hommes venant de la gauche de l’échiquier et ayant derrière eux les expériences des luttes estu-

Dans le Niger démocratique, il n’y a pas de place pour la violence.

Ces deux actions n’auraient pas été possibles sans certaines conditions historiques et politiques. L’armée nigérienne a toujours conduit ses opérations de police dans le Nord avec professionnalisme, ce qui lui a valu le soutien de la population. Il n’y a donc pas eu de départs massifs entraînant la création d’une génération de réfugiés susceptible de constituer une bombe à retardement, comme on l’a vu au Mali avec la génération du colonel Najim. Par ailleurs, grâce aux différents accords auxquels le gouvernement nigérien a souscrit en 1995 et 1998, les ex-combattants intégrés dans les forces de défense et de sécurité l’ont été dans toutes les unités, sur l’ensemble du territoire, avec le même régime que leurs collègues. Il n’a jamais été question de stationner des troupes essentiellement composées d’ex-rebelles dans certaines zones, comme cela semble avoir été le cas au Mali. JEUNE AFRIQUE

diantines puis syndicales. Ils ont poursuivi ce combat sans relâche. L’idéal démocratique s’est ainsi imposé au reste de la société et les représentants de l’ex-parti unique s’en sont accommodés, jusqu’à l’expérience malheureuse duTazartché. L’histoire des coups d’État au Niger, en lien avec l’actualité politique et visant le rétablissement de l’ordre républicain, montre que l’idéal démocratique a fini par pénétrer les secteurs traditionnellement autoritaristes des forces armées. La courte aventure d’Ibrahim Baré Maïnassara montre qu’aucun pouvoir militaire ne peut survivre s’il ne correspond à une réelle demande politique de régulation. Le contraste est net avec le putsch militaire au Mali, qui est survenu à contre-courant et à quelques semaines des élections générales. Dans ce Niger démocratique, il n’y a pas de place pour la violence. La démocratie est un rempart contre les fanatismes, et donc un excellent outil de résolution pacifique des conflits. Nul ne peut totalement exclure la contagion, surtout si le Mali ne parvient pas à remettre sa maison en ordre, mais nous faisons le pari de disposer des atouts supplémentaires pour gérer au mieux et éteindre sans trop de dégâts toute éventuelle poussée de revendications identitaires. ● N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

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Rimbo

TransportVoyageurs Le roi de la route

L

L’Essentiel des relations internationales - www.prestigecommunication.fr

a société RIMBO TRANSPORT VOYAYEURS a été créée le 2 mai 2003, grâce à la volonté d’un opérateur économique nigérien qui a choisi d’investir dans le secteur du transport pour faciliter la circulation des personnes et de leurs biens, vecteur incontournable des brassages des peuples. La société a pour vocation la desserte des lignes régulières interurbaines. Lors de sa création, elle disposait de seulement de trois bus ; aujourd’hui, elle en compte plus d’une soixantaine, flambant neufs, certains même climatisés. RIMBO TRANSPORT VOYAYEURS est présent dans toutes les grandes villes du Niger, à savoir Dosso, Maradi, Zinder, Diffa, Agadez, Arlit, Tahoua et Tillabéry, mais aussi dans des grandes villes d’autres pays africains telles que Cotonou, Lomé, Ouaga, Bamako, Dakar, Gao et Kano, avec des flux de passagers journaliers très importants. L’effectif était de 36 agents à la création de la société, et atteint aujourd’hui 536 agents directs ou indirects. Notre personnel est sérieux et compétent. Conscients que des moyens de travail hautement performants sont nécessaires, nous portons une attention particulière à notre parc de véhicules, qui a considérablement évolué.

Nos perspectives s’inscrivent dans la droite ligne de nos ambitions, notre priorité étant de donner une image nouvelle du transport interurbain, une image plus moderne. Nous comptons jouer le rôle de leader national et international dans ce secteur, car nous sommes déjà une valeur sûre dans le domaine du transport au Niger. Nous pensons aller plus loin encore, en nous appuyant sur la volonté manifeste des autorités de la VIIe République d’améliorer le secteur en créant des opportunités. En effet, conformément à sa politique de promotion du secteur privé, l’État nous a permis de bénéficier du Code des investissements, dont les dispositions spéciales nous ont aidés à acquérir des bus neufs. C’est dans cette optique que nous avons le plaisir d’informer la population que RIMBO TRANSPORT VOYAGEURS mettra bientôt en circulation des bus climatisés flambant neufs, renforçant ainsi ses capacités en vue de satisfaire la demande d’une clientèle qui devient de plus en plus exigeante. Car aujourd’hui plus que jamais, la satisfaction de notre clientèle est la nôtre. Le Directeur général, Monsieur Boumoudjou ABDERRAHMAN

AGENCES RTV AU NIGER NIAMEY Boulevard Mali-Bero Tél. : +227 20 74 14 13 – Fax. : +227 20 73 21 66 Mobile : +227 90 90 24 04 / 90 33 10 78 AGADEZ Route Nationale, face à la station BAGZAN Tél. : +227 90 58 61 00 ARLIT Face au Palais de justice Tél. : +227 90 58 61 01 / 90 63 78 59 ANNEXE Cominak : +227 90 90 24 28 / 90 90 24 27 / 90 00 14 01 BADAGUICHRI À 100 m de la sortie de l’autogare face au marché Tél. : +227 90 90 24 23 / 96 52 82 72 / 94 32 88 04 KONNI Centre-ville sur RN1 Tél. : +227 90 90 24 14 - 90 52 05 92 DIFFA Centre ville Tél. : +227 90 11 77 30 / 90 90 24 12

GAYA Quartier ACAJOU face au cimetière. Tél. : +227 90 90 24 30 / 90 02 02 25 / 96 24 87 87 MADAOUA Route Nationale, en venant de Konni à l’ancien autogare à 300 m de la douane Tél. : +227 90 90 24 18 / 96 67 26 01 MARADI Route principale menant au Nigeria à 100 m du lycée technique Dan Kassaoua Tél. : +227 90 90 24 21 / 90 90 24 35 / 96 87 75 75 / 96 60 42 39 TAHOUA Boulevard Avenue Tandja Mamadou, 500 m avant l’embranchement Tahoua-Agadez. Tél. : +227 96 75 75 75 / 90 90 24 11 / 96 00 78 20 / 90 98 24 43 ZINDER À 100 m de l’école de filles en allant vers la station NAGARI en face de l’ANPE Tél. : +227 96 99 51 29 / 96 59 63 78 / 90 90 24 12 90 90 24 13 / 90 90 24 36

DOSSO Route Nationale à 500 m de la Brigade des douanes Tél. : +227 90 90 24 15 / 90 90 24 16 / 96 88 89 17 E-mail : aminanefr@yahoo.fr

AGENCES RTV À L’ÉTRANGER BÉNIN COTONOU Quartier ZONGO Ehzu, carré 327, maison Daouda Badarou, 2e en venant de la Bourse du travaill à gauche, maison en face du rail. Tél. : +229 93 23 33 43 / 97 69 36 99 / 93 85 00 01

BURKINA-FASO OUAGADOUGOU 3, rue du Commerce, Sankaryare, porte 1381, Ouaga 12 Tél. : +226 50 46 42 27 / 78 88 59 74 / 78 00 87 11 BURKINA-FASO BOBO DIAULASSO Tél. : + 226 75 12 17 43 CÔTE-D’IVOIRE ABIDJAN Tél. : +227 90 77 07 07 / +226 78 00 87 11 / +225 66 40 04 87 GHANA ACCRA - KOMASSI Ouverture bientôt Tél. : +227 90 77 07 07 / +228 98 35 90 75 MALI BAMAKO Avenue de LOUA face au lycée KAN KAN MOUSSA Tél. : +223 71 09 72 17 / +227 90 98 24 41 MALI GAO Collée à la pharmacie Ati Béye, face au Bazi Natché Club. Tél. : +223 78 41 77 17 / 76 73 86 77 / 90 90 24 20 SÉNÉGAL DAKAR Ouverture bientôt Tél. : +227 90 77 07 07 / 71 09 72 17/90 98 24 41 LOMÉ TOGO Boulevard de la République, derrière Agattou Marché Tél. : +228 91 12 921 / 46 18 815 / 91 98 440



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Le Plus de J.A. Niger Carnet de route

Zinder, fière et dépendante Des céréales au carburant, dans la deuxième agglomération du pays, nombreux sont les produits qui viennent du Nigeria. Lorsque ce dernier vacille, tout se complique.

M

algré le soleil de plomb, les va-et-vient sont incessants sous le drapeau frappé du cercle orange. Au-delà des quelques policiers qui tuent le temps devant un petit verre de thé touareg commence le Nigeria. C’est ce petit postefrontière, posé sur la route principale du village de Mai Moujia, qui voit passer l’essentiel de l’approvisionnement de Zinder, la capricieuse deuxième agglomération du Niger (250 000 habitants), qui ne mange pas à sa faim. Héritière d’une histoire précoloniale glorieuse dont témoigne encore aujourd’hui le palais du sultan du Damagaram, la cité a toujours eu la réputation d’être frondeuse. Elle fut conquise en 1899 par les Français, qui la choisirent comme capitale de la colonie du Niger en 1922, avant de se raviser et de lui préférer Niamey, dès 1926. La raison officielle invoquée fut la difficulté d’approvisionnement en eau – bien réelle encore aujourd’hui. Mais il se dit aussi que le tempérament des Zindérois, forts de leurs traditions étatiques, y fut pour beaucoup. Les émeutes de décembre 2011 ont montré que ce tempérament était toujours vif. Commerces pillés, bâtiments détruits… Zinder s’est embrasée après la mort de deux habitants (une femme atteinte par une balle de la police et un lycéen) en marge d’une manifestation de soutien à un opposant local, Aboubacar Mahamadou. Ce dernier était accusé d’avoir préparé les manifestations hostiles à la venue du président Mahamadou Issoufou, le 28 novembre. Il a finalement été acquitté, certains responsables de la police locale ont été limogés et le calme est revenu. Mais depuis, la sécheresse s’installant, la situation sociale s’est encore dégradée (lire p. 106). Devant la flambée des cours du mil, qui ont dépassé 20 000 F CFA (30,50 euros) pour un sac de 100 kg, Niamey a commencé dès février ses « ventes à prix modéré » (13 000 F CFA le sac de 100 kg) n o 2674-2675 • du 8 au 21 avril 2012

grâce à des subventions. C’est-à-dire bien avant le début de la période de soudure, comprise entre la fin des stocks de céréales et les récoltes suivantes, et qui démarre généralement en mai-juin pour s’achever en septembre. Cette aide n’a cependant pas suffi à retenir les villageoises en quête de nourriture qui, déjà, ont afflué à Zinder et se regroupent aux carrefours de la cité avec leurs enfants sur le dos. Alors, dans ce coin du pays haoussa où passe une frontière qui ne sépare pas vraiment, c’est vers le Nigeria que l’on se tourne. Pour à peu près tout. RICHESSES DE KANO. Une fois arrivé à Mai Moujia, le point le plus accessible de la frontière, quelques minutes de voiture suffisent pour rallier la bourgade nigériane de Maiaduwa et son grand marché. Les richesses de Kano (deuxième ville nigériane après Lagos, avec 4 millions d’habitants), qui attirent les commerçants comme des aimants, sont à moins de 150 km, alors qu’il faudrait près de deux jours de route cahoteuse pour rejoindre la capitale nigérienne et son 1,3 million d’habitants. À longueur de journée, des voitures aux amortisseurs fatigués par l’excès de marchandises traversent la frontière, pendant que les deux-roues sillonnent les ruelles du village chargés de sacs de céréales. Céréales made in Nigeria, qui, grâce à ses pluies plus généreuses, en produit plus qu’il n’en consomme. À Zinder, les précieux sacs sont échangés contre des bœufs, des moutons et des agneaux nigériens, étonnamment vigoureux vu l’état des pâturages. On comprend qu’ils fassent la fierté de la région (où est élevé un quart du bétail du pays) et suscitent l’envie des Nigérians, qui viennent les chercher par camions entiers. « Si les échanges étaient interrompus, ce serait un coup dur pour eux, résume Abdou Issa, maire du 2e arrondissement de Zinder. Mais pour nous, ce serait une catastrophe. » Ce scénario n’est malheureusement pas improbable.

Signe du changement, à Mai Moujia, un nouveau type de commerce a fait son apparition. « Viens, je t’emmène faire un tour de moto. On va aller voir les filles légères, lance un policier hilare, pointant un faubourg poussiéreux. Les islamistes les ont chassées du Nigeria, alors elles se sont installées ici. » À CRAN. À la vue d’un appareil photo, mon guide change de ton. « Si vous voulez vous en servir du côté nigérian, restez caché derrière cet arbre, recommandet-il. C’est leur pays, et je ne sais pas comment ils peuvent réagir. » Les policiers et militaires nigérians ont en effet quelques raisons d’être à cran. Depuis décembre, jeune afrique


l’effet issoufou

leurs camarades sont régulièrement visés par des attaques de la secte islamiste Boko Haram. Fin janvier, une série d’attentats a fait près de 200 morts à Kano. Jusque-là, dans le nord du Nigeria, le terrorisme touchait surtout Maiduguri, berceau de l’organisation, situé plus à l’est, aux confins du Cameroun et du Tchad. Désormais, l’onde de choc se fait donc sentir sur le plan des échanges avec le voisin nigérien. Pour priver Boko Haram de base arrière, Abuja a en effet fermé unilatéralement sa frontière orientale, qui permet d’alimenter la ville nigérienne de Diffa (25 000 habitants), où l’on échange plus fréquemment en naira (monnaie nigériane) qu’en franc CFA. Le commerce jeune afrique

PIerre BOISSelet POUr J.A.

PIerre BOISSelet POUr J.A.

SIA KAMBOU/AFP

 Un qUart dU bétail nigérien est élevé dans la région, notamment à Danagari (ci-contre). Poste-frontière de Mai Moujia (en bas, à g.). Palais du sultan du Damagaram, à Zinder (en bas, à dr.)

de denrées alimentaires s’en est trouvé perturbé au mauvais moment. « Avec l’arrivée des paysans venus du nord [de la région de Diffa, NDLR], la situation s’est brutalement dégradée en ville, indique Moustapha Kadi, membre du Collectif des organisations de défense des droits de l’homme et de la démocratie. Les prix ont explosé. » CARBURANT. Dans la région de Zinder, la situation est moins grave, mais elle s’est également tendue fin 2011. Les autorités nigérianes exigent désormais des papiers d’identité en bonne et due forme pour autoriser le passage des voitures, minibus et camions. Or moins de 10 %

des habitants en sont dotés, indique le gouverneur de la région, Oumarou Saïdou Issaka. « Nos commerçants nous appellent souvent lorsqu’ils sont bloqués à la frontière, confirme le capitaine Hassan Issa, responsable du poste-frontière avancé de Dan Barto. Alors nous essayons d’aller négocier avec eux, mais cela ne marche pas toujours. » En début d’année, un groupe d’une dizaine de personnes en possession d’explosifs a été arrêté à Diffa, et le gouvernement ne cache plus l’existence de liens entre Boko Haram et Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi, lire pp. 93-94). De l’aveu même du capitaine Hassan Issa, nombreux sont ceux qui empruntent ces « voies suspectes » que ses modestes moyens ne permettent pas de contrôler. « La seule chose qui fait que le Niger est épargné par Boko Haram, assure une source diplomatique, c’est que l’organisation n’a pas décidé de frapper son territoire. Pour l’instant. »

Pour priver Boko Haram de sa base arrière, Abuja a fermé unilatéralement sa frontière orientale. L’inauguration, le 28 novembre dernier, de l’unique raffinerie du pays (lire p. 105), qui distille le brut du champ d’Agadem, a pourtant ouvert des perspectives de développement à Zinder. Les habitants profitent des emplois créés, mais, comme un symbole, c’est avec du carburant frauduleusement importé du Nigeria que la plupart remplissent leurs réservoirs. À 579 F CFA (0,88 euro) le litre, prix fixé par le gouvernement de Niamey, l’essence produite localement ne résiste pas à la concurrence venue du Nigeria, où le prix à la pompe est de 140 nairas (0,66 euro). Le rapport des forces serait tout autre si ce dernier ne subventionnait pas si fortement sa propre production. La décision d’abolir cette pratique, prise début janvier par Abuja, a brièvement permis à la raffinerie de Zinder de devenir compétitive. Mais devant la pression de la rue, l’État nigérian est revenu en arrière. Niamey PieRRe BoisseleT n’a rien pu faire. l n o 2674-2675 • du 8 au 21 avril 2012

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CNSS Caisse Nationale de Sécurité Sociale

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lacée sous la tutelle du ministère de la Fonction publique et du Travail, la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS), aux termes de la loi n° 2003-34 du 5 août 2003, est un établissement public à caractère social chargé d’assurer la gestion des régimes de protection sociale institués en faveur des travailleurs visés à l’article 2 de l’ordonnance 96-039 du 29 juin 1996 portant du Code du travail de la République du Niger et des personnes ayant souscrit à l’assurance volontaire. Ces régimes sont les suivants : • Le régime des prestations familiales et de maternité, dont le but est d’alléger pour les assurés sociaux les charges inhérentes à la naissance, l’entretien et l’éducation de l’enfant du travailleur.

• Le régime des accidents du travail et des

maladies professionnelles, qui vise à prévenir les accidents du travail et les maladies professionnelles, et, le cas échéant, à atténuer les conséquences pouvant résulter de la survenance de ces risques (incapacité temporaire ou partielle de travail et décès). • Le régime des retraites, qui couvre la vieillesse, l’invalidité et le décès. La CNSS gère, en outre, un fonds de l’action sanitaire et sociale dont les activités consistent notamment en la protection sanitaire de la mère et de l’enfant. Pour financer les charges afférentes à ces régimes, la CNSS dispose de ressources constituées essentiellement de cotisations patronales et ouvrières sur le salaire, actuellement plafonné à 5 100 000 francs CFA par an et par salarié, au taux global de 20,65 % dont 15,40 % à la charge de l’employeur et 5,25 % à la charge du travailleur. Pour mieux servir ses assurés, outre les directions centrales, la CNSS dispose également de neuf (9) représentations à l’intérieur du pays et cinq (5) à Niamey, la capitale.


Les résultats enregistrés au cours de la période allant de 2007 à 2011 au niveau de la gestion des cotisations, des prestations et des finances permettent de classer aujourd’hui la CNSS parmi les structures viables qui contribuent efficacement à la réduction des inégalités et à la lutte contre la pauvreté au Niger ; tout ceci a été favorisé par l’engagement de la CNSS, avec l’appui des pouvoirs publics et du Conseil d’administration, dans des réformes qualitatives tant sur le plan institutionnel que réglementaire. On peut citer, entre autres, l’augmentation du plafond et du taux des cotisations, l’ouverture de comptes bancaires dans presque toutes les banques primaires de la place, la revalorisation des pensions et des rentes d’accidents du travail, l’augmentation du taux d’annuité de la pension qui passe de 1,33 % à 2,00 %, etc. Grâce à ces mesures, le montant des cotisations recouvrées est passé de 10 milliards en 2007 à environs 22 milliards en 2011, avec un taux annuel moyen de progression d’environ 20 %. Au cours de cette même période, la CNSS a distribué près de 39 milliards sous

forme de soutiens aux familles avec enfants à charge, aux victimes d’accident du travail (rentes, indemnités et prestations en nature) et aux retraités ou à leurs survivants. Consciente de la nécessité de concilier ses obligations de satisfaire une demande sociale multiforme et pressante d’une part, et de conformer ses actes et son action aux exigences d’efficience et de transparence d’autre part, la direction générale actuelle, avec l’appui et la collaboration de tous les acteurs, ambitionne de moderniser la CNSS en offrant de meilleurs services de qualité à la clientèle et en créant les conditions d’une meilleure lisibilité de la gestion de l’institution. Les actions en cours pour 2012-2014 s’inscrivent dans cette logique. D’autres réformes en perspective, telles que l’extension de la couverture sociale, la mobilisation des ressources à long terme pour le financement adéquat de la sécurité sociale, la relance de l’emploi, la résorption du déficit courant et actuariel de la branche retraite, vont permettre à la CNSS de jouer pleinement son rôle d’avant-garde dans la lutte contre la pauvreté au Niger.

Dr Akilou Ahmet Baringaye, DG de la CNSS.

À L’AVANTGARDE DE LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ

B.P. : 255 NIAMEY-NIGER, TÉL. : 00(227)-20-73-35-17/18 - FAX: 00(227)-20-73-42-44 E-MAIL: CNSS@INTNET.NE


Le Plus de J.A. Niger Mines et hydrocarbures

des échanges à forte teneur en uranium Encore largement tributaire de ses gisements uranifères, le pays développe les autres filières extractives. Les investisseurs étrangers sont à l’affût.

À

ceux qui en doutaient et malgré les rumeurs persistantes, Areva le confirme : le développement d’Imouraren (voir carte p. 90), l’un des plus grands gisements d’uranium au monde (200 000 tonnes de réserves), demeure l’un des six projets phares de l’entreprise. Malgré quelques retards dus à des problèmes d’insécurité – quatre collaborateurs du groupe français, enlevés en septembre 2010, sont toujours détenus par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) –, la phase de développement se poursuit et même s’accélère. Sur place, les engins miniers sont en cours d’assemblage, les travaux de la base de vie et de la piste d’atterrissage sont en passe de s’achever, le bassin de rétention d’eau est fini. Déjà, 1 100 statutaires et 800 sous-traitants s’activent; ils devraient être quelque 4 000 à terme pour mener à bien la construction. « Nous souhaitons démarrer la production le plus rapidement possible, peut-être fin 2014 », indique-t-on au siège d’Areva, à Paris.

YELLOW CAKE. De quoi apaiser le président Mahamadou Issoufou, qui souhaite que ce projet titanesque réussisse avant la fin de son quinquennat, en 2016.

djibo tagaza pour j.a.

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p Près d’Arlit, l’un des sites exploités par ArevA NC Niger, viA lA SomAïr.

Avec une production attendue de 5 000 t par an, l’exploitation d’Imouraren propulsera le pays au rang de deuxième producteur mondial de combustible nucléaire – il occupe actuellement la sixième place, derrière le Canada et devant le Kazakhstan, l’Australie et la Namibie. Malgré Fukushima-Daiichi et la contraction du marché de l’uranium, les investissements n’ont pas été remis en cause et le minerais demeure la principale source de recettes du Trésor public. L’activité d’Areva sur les sites d’Arlit est réalisée par deux sociétésde droit nigérien, SomaïretCominak,dontlegroupefrançais est l’opérateur et le principal actionnaire à travers sa filiale, Areva NC Niger. Avec 5 161 t produites en 2011, elle permet déjà au pays d’engranger 190 millions

rêvE d’éLECtrOnuCLéAirE OuEst-AfriCAin C’est un Chantier pharaonique qui, pour lui, va dans le sens du développement durable. Le chef de l’État semble bien décidé à faire avancer son projet de centrale nucléaire ouest-africaine, qui pourrait aboutir d’ici à quinze ou vingt ans. après l’avoir évoqué dès juillet 2011, il en a précisé les contours lors de sa visite en France, début février, à l’occasion du forum francophone préparatoire au sommet rio+20. si une centrale standard (1000 MW) est surdimensionnée pour le niger, elle pourrait être en revanche partagée par les États membres de la Communauté économique des États de l’afrique de l’ouest (Cedeao). « Le président ne dit pas que nous accueillerons forcément les installations, indique un responsable à niamey. Mais nous PiErrE BOissELEt continuerons à pousser l’idée auprès de la Cedeao. » l n o 2674-2675 • du 8 au 21 avril 2012

d’euros par an en taxes, dividendes et contributions diverses. De son côté, la China Nuclear International Uranium Corporation (Cniuc), filiale de la China National Nuclear Corporation (CNNC), monte en puissance. Exploitée par la Sociétédesminesd’Azelik(Somina),coentreprise entre la CNNC, l’État du Niger (33 %, dont une minorité de blocage en cas de conflit), le fonds d’investissement chinois ZXJOY Invest et Korea Resources Corporation, la mine d’Azelik, opérationnelle depuis décembre 2010, a produit 105 t de yellow cake en 2011 et devrait en fournir 305 t cette année, selon le ministre des Mines, Omar Hamidou Tchiana. LEndEmAins En Or. Cependant, pour ne pas se reposer sur cette manne uranifère, le gouvernement s’active à la diversification de la production minière. En premier lieu, il s’est attaché à multiplier l’attribution de permis de recherche, d’or notamment. Les candidats ne manquent pas, les cours restant à des niveaux records (1 700 dollars l’once fin mars, soit quatre fois son prix d’il y a cinq ans). En juillet dernier, le gouvernement a accordé six permis d’exploration : deux au canadien AMI Resources, deux à son compatriote Cassidy Gold Corporation (qui doit investir plus de 2 millions de dollars d’ici à 2014, soit 1,5 million d’euros) et deux autres à Geodrill-Ghana Ltd (qui mobiliseront jeune afrique


l’effet issoufou chacun 2 millions de dollars). Dans ces contrats, en cas de découverte, l’État s’est gardé la possibilitéd’entrer jusqu’à hauteur de 40 % dans le capital d’une coentreprise sur chacun des permis (dont 10 % cédés gratuitement). Pour l’heure, le canadien Semafo, à travers sa filiale Société des mines du Liptako, reste l’unique producteur d’or dans le pays avec sa mine de Samira Hill, située dans la ceinture aurifère d’Horizon Samira, à 90 km à l’ouest de Niamey, dont il indique avoir extrait 46 700 onces, soit 1,45 t d’or, en 2011. Galvanisé lui aussi par les cours du métal jaune, le groupe investira encore 6 millions de dollars cette année (contre 5,9 millions en 2011) dans ses activités d’exploration. cHaRBOn PROFOnD. L’État relance éga-

lement la production de charbon, le pays disposant d’importantes réserves, bien que très profondes, et a signé mi-2011 une convention de recherche avec la Société nigérienne de charbon (Sonichar,

publique à 70 %). « Certes, ce n’est pas une dans son discours de politique généénergie très propre, mais les pays riches rale, « la diversification de la production l’ont utilisée largement : au nom de quoi minière se traduira par le redressement de pourraient-ils empêcher aujourd’hui la Sonichar et la mise en exploitation du les nations du Sud de l’exploiter à leur gisement de charbon de Salkadamna », tour pour se développer ? » a demandé dans la région de Tahoua. Enfin, le pays espère signer cette année le président Mahamadou Issoufou le 8 février dernier, lors du forum prépade nouveaux contrats d’exploration ratoire Rio+20 tenu à Lyon (sud-est de pétrolière et, peut-être, augmenter sa la France) sous l’égide de l’Organisation internationale côté or, en juillet dernier, de la francophonie (OIF). le gouvernement a accordé L’objectif est de s’assurer des réserves suffisantes, six permis de recherche. notamment pour alimenter production, démarrée en novembre (lire les sites miniers existants en électricité (issue du charbon), ainsi que la centrale article suivant). « Une dizaine de permis électrique d’une puissance de 200 MW en font l’objet de demandes de la part de projet (dont le coût est estimé à 300 milplusieurs juniors pétrolières, elles sont à l’étude », explique Foumakoye Gado, lions de dollars). La Sonichar prévoit d’investir 1,72 mille ministre de l’Énergie et du Pétrole. La liard de F CFA (2,6 millions d’euros) sur route est encore longue mais l’État est trois ans à compter de la signature, soit bien décidé à s’affranchir de sa dépendance au yellow cake. l d’ici à mi-2014. Ainsi que l’a indiqué l’an dernier le Premier ministre Brigi Rafini MicHael PauROn

l’ami chinois Les premiers barils de carburant made in Niger sont sortis fin 2011. Des champs à la raffinerie, sans oublier l’export, la china national Petroleum corporation s’occupe de tout.

c

subventions à l’essence d’Abuja ait perturbé, jusqu’à présent, les velléités de compétitivité du carburant nigérien. Le prix de ce dernier est fixé à 579 F CFA le litre, quand le prix à la pompe au Nigeria oscille autour de 400 F CFA/l, soit l’équivalent du prix à la sortie de la raffinerie de Zinder, auquel il faut ajouter les coûts de transport.

djibo tagaza pour j.a.

est fait. L’an dernier, le Niger est le 28 novembre, à laquelle ils sont reliés par un oléoduc de plus de 400 km. devenu un pays producteur de pétrole. Mieux, depuis le mois Exploitée par la Société de raffinage de Zinder (Soraz), qui est une coentreprise de décembre, il produit son propre carburant. « La raffinerie devrait atteindre, entre la CNPCI (60 % du capital) et l’État, comme prévu, 20 000 barils par jour (b/j) la raffinerie fournit quotidiennement Dans le PiPe. Cependant, d’autres pers15 000 barils d’essence au pays, qui n’en d’ici peu », assure le ministre de l’Énerpectives s’ouvrent à l’export. Si les contrats consomme que 7 000. gie et du Pétrole, Foumakoye Gado. Un en cours de négociation se concrétisent, le Le reste est exporté vers le nord miracle… tout asiatique! En effet, du puits pays exportera aussi de l’essence raffinée du Nigeria, bien que le maintien des à la roue, ce sont des sociétés chinoises vers le Mali et le Burkina Faso dans le qui œuvrent à l’exploitation de courant de cette année. la nouvelle richesse du pays, Deux pipelines sont aussi sous la houlette de la China prévus pour évacuer les National Petroleum Corporation 60 000 à 80 000 b/j que doit International (CNPCI). Pour produire à terme Agadem. l’heure, personne ne semble L’un des oléoducs traversera s’en plaindre. le Cameroun, l’autre rejoindra Côté production, les champs celui du Tchad, à 600 km. Les pétrolifères d’Agadem, dans la accords de principe ont été région de Diffa (voir carte p. 90), signés et les études de faisadont les réserves sont estimées bilité, ainsi que les derniers à 483 millions de barils, sont détails juridiques et adminisexploités par la CNPCI. Ils fonctratifs, devraient aboutir protionnent sans difficulté et approchainement. Le début de la visionnent sans interruption la construction est prévu pour raffinerie de Zinder, inaugurée p L’inauguration de La raffinerie, à Zinder, le 28 novembre. M.P. la fin d’année. l jeune afrique

n o 2674-2675 • du 8 au 21 avril 2012

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Le Plus de J.A. Niger

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Agriculture

Faire du Sahel un jardin extraordinaire…

Une fois encore confronté à une grave crise alimentaire, le pays cherche, pour en finir avec les programmes d’urgence, à changer en profondeur les pratiques de production.

Des ventes à prix modéré (13 000 F CFA le sac de céréales de 100 kg, contre plus de 20 000 sur le marché) ont été lancées dès la fin du mois de janvier. Disposant dans un premier temps de 12 500 t par mois, le plan doit se poursuivre jusqu’en septembre. À partir du mois de juin, il comportera en outre des distributions gratuites dans les zones les plus durement touchées.

Djibo Tagaza pour j.a.

MARAÎCHAGE. D’autres projets visent à

L

p Vergers et potagers de contre-saison dans la région de Dosso.

e soleil n’est plus tout à fait au zénith, mais ses rayons sont encore assez brûlants pour que bœufs et chèvres cherchent à s’abriter sous les quelques arbres au feuillage clairsemé. De chaque côté de cette route de la région de Zinder, le paysage n’est que désolation tant la saison des pluies, achevée il y a déjà plus de six mois, a été mauvaise. Soudain, quelques reliefs apparaissent et, en contrebas, des jardins verdoyants, avec des régiments de salades et de choux plantés au cordeau. Ces cultures de contre-saison – qui ne dépendent pas des pluies, mais d’une eau pompée ou récupérée et, dans le meilleur des cas, d’un système d’irrigation – sont exactement ce que Niamey veut développer pour atteindre l’autosuffisance et la sécurité alimentaires (lire Jeune Afrique no 2669, du 4 au 10 mars, p. 59). MAUVAIS SCÉNARIO. On en est très loin,

bien sûr. Une fois encore, les précipitations trop faibles et irrégulières de 2011 ont abouti à un déficit de production céréalière de plus de 700 000 tonnes (un cinquième des besoins nationaux). n o 2674-2675 • du 8 au 21 avril 2012

racheter aux éleveurs les têtes de bétail les plus fragiles, qui ne pourront de toute façon pas survivre, ou encore – et c’est une façon de voir à plus long terme – à soutenir le développement des cultures de contre-saison. Les premiers résultats sont déjà visibles sur les marchés nigériens, désormais envahis de choux, salades, tomates et pommes de terre. Au point de faire chuter les prix. Par rapport à la même période l’an dernier, ceux de certains légumes ont été divisés par cinq, voire par dix à la mi-mars, à l’inverse du prix des céréales, qui était en hausse de plus de 12,5 % en février. Une tendance qui devrait faire entrer les fruits et légumes dans les habitudes de consommation. Le gouvernement prendra en compte les résultats de cette première campagne maraîchère pour lancer son initiative 3N (« les Nigériens nourrissent les Nigériens »), un programme quinquennal de 1 000 milliards de F CFA, dont l’un des principaux objectifs est de réduire

Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), d’ici aux prochaines récoltes, en septembre, 5,4 millions de Nigériens (35 % de la population) sont menacés d’insécurité alimentaire. En particulier, 400 000 enfants risquent de souffrir de malnutrition sévère. La situation était prévisible depuis de nombreux mois, selon le récurrent scénario sahélien. À la différence que, cette fois, elle a été anticipée. Là où un Mamadou Tandja, soucieux d’éviter une invasion d’ONG occidentales, aurait minimisé Les résultats sont déjà visibles l’urgence jusqu’à confisur les marchés, envahis de choux, ner au déni, les nouvelles autorités ont tiré la sontomates et pommes de terre. nette d’alarme dès le mois d’août 2011, avant même la récolte, sitôt la dépendance aux aléas climatiques que la pluviométrie a auguré les proen concentrant les investissements sur blèmes à venir. Cela a permis à l’État, l’irrigation, les techniques de récupéainsi qu’aux partenaires et bailleurs de ration des eaux de pluie et les intrants. fonds, de se mobiliser et de s’organiser Il y a urgence. Avec le réchauffement pour faire face à la situation. climatique, le rythme des sécheresses, Depuis, le gouvernement pare au plus qui touchent désormais le pays presque pressé, avec plusieurs programmes d’urune année sur deux, ne devrait pas gence dotés d’une enveloppe de 100 milralentir. l PIERRE BOISSELEt liards de F CFA (152,4 millions d’euros). jeune afrique


NIGER TRANSIT

Société Anonyme d’économie mixte Créée le 13 juillet 1974 Avec un capital de 1 milliard de FCFA Son siège social est en zone industrielle de Niamey (Niger) SOUS LA TUTELLE DU MINISTÈRE DU COMMERCE ET DE LA PROMOTION DU SECTEUR PRIVÉ. LA NITRA A POUR MISSION D’ASSURER DANS LES MEILLEURS CONDITIONS DE SÉCURITÉ ET DE SURETÉ DES OPÉRATIONS D’IMPORTATION DU NIGER, AFIN D’ATTÉNUER LES EFFETS NÉGATIF DE LA CONTINENTALITÉ DU PAYS, AUSSI ELLE CONTRIBUE À L’ESSOR DU COMMERCE EXTÉRIEUR, EN ASSISTANT LES SOCIÉTÉS D’ÉTAT, D’ÉCONOMIE MIXTE ET LES PRIVÉS NIGÉRIENS DANS LEURS RELATIONS COMMERCIALES AVEC L’EXTÉRIEUR.

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L’effet Issoufou

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Portraits

esprits d’entreprises

vincent fournier/J.A.

L’amélioration de l’environnement économique engagée dès la période de transition a favorisé l’initiative et les nouveaux projets. Consulting, tourisme, énergie, presse, éducation… Dans tous les secteurs, des patrons du privé et du public se démarquent.

Mahamadou Sako le sens des affaires

S

il ne fallait retenir qu’un mot pour décrire Mahamadou Sako, ce serait celui de réseau. Président de l’association des anciens élèves de l’École supérieure des sciences économiques et commerciales (Essec, France, promo 1985), vice-président du comité Afrique du Medef, le syndicat des patrons français, président fondateur de l’association Afrique SA… Dans le monde des affaires, cet homme de 56 ans a l’un des carnets d’adresses les plus fournis de l’axe Paris-Niamey. Après avoir fondé un cabinet de conseil à Paris, Renoovo, qu’il gère avec un associé, il en a ouvert un autre à Niamey en mars. Ses spécialités ? jeune afrique

Le développement du secteur privé en associés à la sulfureuse Françafrique, Sako, lui, affiche sa proximité avec les Afrique, les privatisations et restructurations, l’audit et le conseil de sociétés, sans puissants. Dans son bureau parisien oublier le conseil aux gouvernements. figurent en bonne place des photos de Ministre des Privatisations dans le lui en compagnie de l’actuel ministre gouvernement de Hama Amadou en 2000 et expert incontournable de aujourd’hui conseiller l’essor du secteur privé en Afrique, du président Issoufou, c’est un homme de réseaux. Mahamadou Sako a toujours évité d’être trop français de la Coopération, Henri de marqué politiquement, ce qui lui a perRaincourt, ainsi que, encadrée sur un mis de rester dans le coup malgré les mur, une cartographie des activités africhangements de régime. Avec le même caines du groupe Bolloré. l entregent, alors que d’autres auraient tendance à faire profil bas de crainte d’être Pierre BoiSSelet n o 2674-2675 • du 8 au 21 avril 2012


Le Plus de J.A. Niger

Mohamed Wan Jada Voyage en plein Aïr

Djibo tagaza pour j.a.

L

e désert, la route, les bivouacs… Voilà pour les points communs entre le quotidien de Mohamed Wan Jada, dit Tombola, et son passé. Tout le reste est radicalement différent. Cet ancien rebelle touareg dirige aujourd’hui Croix d’Agadez, l’une des agences de voyages les

plus prospères du Niger, basée à Niamey, qu’il a créée il y a trois ans. Né « en brousse », cet autodidacte – il n’a « jamais passé une minute à l’école » – a grandi entre Arlit (nord du pays) et Tamanrasset (sud de l’Algérie). Après une adolescence faite de menus trafics,

il rejoint, comme beaucoup de Touaregs de sa génération, la Légion verte de Mouammar Kaddafi. Mais l’armée n’est visiblement pas son truc. Pas assez de liberté, sans doute. La vingtaine passée, il retourne dans le nord du pays pour rejoindre son cousin voyagiste. La suite de son parcours est une succession d’expéditions, armées ou touristiques. Lorsque, début 2007, une nouvelle rébellion naît dans la région d’Agadez, il est à Tokyo pour promouvoir les circuits dans le désert (il sera par la suite l’un des premiers à faire venir des touristes nippons). Il saute dans le premier avion pour rejoindre le Mouvement des Nigériens pour la justice (MNJ) et sera conseiller militaire auprès de sa cellule politique (2007-2008). Aujourd’hui, lassé des combats, il aimerait que toutes ces histoires appartiennent au passé. L’insécurité dans le Nord lui a coûté plus de la moitié de ses clients. Quand tout va bien, il en compte tout de même par an entre 700 et 800, auxquels il fait découvrir toute la beauté du désert. l P.B.

Alhassane Halid Horizons électriques

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on programme d’action a des allures de mission impossible. Le nouveau directeur général de la Société nigérienne d’électricité (Nigelec), Alhassane Halid, 43 ans, doit faire passer son pays du statut d’importateur (80 % de sa consommation provient du Nigeria) à celui d’exportateur. Sept mois après sa nomination, il est déjà sur le gril avec la saison des fortes chaleurs et des délestages qui lui sont associés. Barrage de Kandadji, centrale à charbon de Salkadamna, centrale solaire de Niamey… Nombre de nouveaux projets ont donc été lancés. D’ici à 2020, le pays devrait couvrir « entre deux et trois fois ses besoins » en électricité, s’enthousiasme l’ingénieur électromécanicien. Ancien élève de l’École supérieure interafricaine de l’électricité (Esie), en Côte d’Ivoire, et de l’institut d’administration des entreprises (IAE) de Paris, il est aussi militant de longue date du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS-Tarayya, au pouvoir). Son travail ne se limite pas à surveiller l’avancement des travaux. « Normalement, des investissements de cette ampleur s’accompagnent d’une hausse des prix, explique Alhassane Halid. Mais le président Issoufou a décidé au contraire de créer un tarif social pour plus du tiers des abonnés. » Il s’agit aussi de redresser l’image d’une entreprise ternie par les scandales – Foukori Ibrahim, son ancien administrateur, est aujourd’hui n o 2674-2675 • du 8 au 21 avril 2012

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sur la sellette. « L’assainissement fait partie de mes missions, cela va de soi compte tenu de mon profil », souligne Alhassane Halid, qui a été chef du service études et évaluation du Fonds de solidarité africain. l P.B. jeune afrique


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Le Plus de J.A. Niger

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Moussa Kaka La voix du Niger

Djibo tagaza pour j.a.

À

chaque événement d’importance au Niger, sa voix résonne, ponctuée d’un « Moussa Kaka, Niamey, RFI ». Si tous les auditeurs de la radio francophone le connaissent, combien savent que ce journaliste est aussi chef d’entreprise ? Ils sont plus nombreux, en revanche, à se souvenir de son arrestation, en 2007, par le régime de Mamadou Tandja, qui lui reproche ses contacts avec la rébellion touarègue. « En m’arrêtant, Tandja m’a rendu plus célèbre », constate Moussa. D’autant que RFI et Reporters sans frontières (RSF), l’ONG dont il est le correspondant local, ont mené une campagne de soutien jusqu’à sa libération, au bout de un an et dix-sept jours. Pendant sa détention, Saraounia, la radio qu’il a fondée en 1999, a continué d’émettre sur ses cinq antennes locales. En avril 2011, la petite entreprise est passée à la vitesse supérieure en obtenant une fréquence de télévision, grâce « à la vente de deux villas et à un prêt bancaire sur trois ans ». Désormais, le groupe Radio Télévision Saraounia (RTS) emploie près de 100 collaborateurs, dont 45 à Niamey et

28 uniquement pour la télévision. C’est surtout la radio qui permet pour l’instant d’équilibrer les comptes, la chaîne de télévision faisant face à une forte concurrence (lire p. 114). Comment se distinguer dans ce paysage audiovisuel ? « Par le professionnalisme », répond Moussa. Évidemment. Il a déjà un nouveau projet pour parachever le groupe, celui de créer un quotidien. l P.B.

Halimatou Tourey Magagi Élémentaire et nécessaire

E

Djibo tagaza pour j.a.

lle n’a pas eu le temps de faire autrement. Pour monter sa petite entreprise, Halimatou Tourey Magagi, 37 ans, a choisi une maison de Niamey. Une cour et deux pièces. Dans l’une, elle s’est installée avec sa famille ; l’autre est devenue une salle de classe. Là où se sont déroulés, en 2009, les premiers cours

de la Knowledge Haske School (« école lumière de la connaissance », en haoussa et en anglais). Pour cette première rentrée, il n’y avait pas encore les salles de classe en tôle, installées depuis. Mais déjà, l’idée – évidente pour elle qui est née en Sierra Leone – de combiner le français et l’anglais pour proposer un enseignement

différent. « Les parents savent que cela offre plus de possibilités à leurs enfants. Surtout ici, avec le Nigeria à proximité. » En dépit des frais (70 000 F CFA par an, soit 106 euros, l’équivalent d’un bon salaire mensuel à Niamey), dans un pays au système scolaire laminé par le manque d’investissement, l’école a tout de suite attiré. Chaque année depuis 2009, une nouvelle classe (du niveau supérieur à la précédente) a été créée et l’établissement compte désormais une centaine d’élèves. Parmi les nouveaux, qui affluent, ceux de l’enseignement public doivent parfois entreprendre une sérieuse remise à niveau. « L’un d’eux venait du CE2 [cours élémentaire deuxième année, NDLR], explique Halimatou Tourey, mais nous l’avons remis en CP [cours préparatoire] car il ne pouvait pas suivre. » Fière de ses élèves, elle a fait encadrer une photo d’eux. Ils posent sur une pelouse verte, devant un bel immeuble à colonnades. Un photomontage… Mais la directrice espère bien que cela préfigure l’avenir de son école. l P.B.

n o 2674-2675 • du 8 au 21 avril 2012

jeune afrique


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DJIBO TAGAZA POUR J.A.

114

t Le pays compte désormais plus de 70 titres, contre 50 à la mi-2011. Médias

Une liberté vite apprivoisée

Journaux, radios et télévisions se multiplient, dans un pays où la presse n’est plus considérée comme une ennemie.

P

ersonne n’a fait mieux. D’après l’ONG Reporters sans frontières (RSF), le Niger est le pays qui a connu l’an dernier la plus forte progression en matière de liberté de la presse. Dans le classement mondial 2011-2012 publié en janvier, il pointe à la 29e place (entre le Royaume-Uni et l’Australie) après avoir gravi 75 marches par rapport à 2010. La différence, tous les journalistes l’ont ressentie. Arrestations, détentions arbitraires, suspensions de titres, interdictions d’émettre… Dans les derniers mois du régime de Mamadou Tandja, les rapports entre la presse et le pouvoir s’étaient considérablement dégradés (lire p. 112). Depuis sa chute, ce n’est plus qu’un mauvais souvenir. « Aujourd’hui, les journalistes nigériens victimes d’exactions sont très rares », explique Ambroise Pierre, responsable du bureau Afrique de RSF. Les autorités de la transition ont opéré un changement radical avec la dépénalisation des délits de presse, adoptée par ordonnance dès juin 2010, soit quatre mois après leur arrivée au pouvoir. Le président Mahamadou Issoufou n’a pas tardé à leur emboîter le pas. En novembre 2011, il est devenu le premier (et à ce jour l’unique) chef d’État à signer la déclaration de la Montagne de la Table, une charte rédigée

n o 2674-2675 • du 8 au 21 avril 2012

désormais plus de 70 titres – « Je n’arrive plus à tenir le compte ! » confesse le président de la Maison de la presse, Boubacar Diallo –, contre une cinquantaine en juin 2011. Un titre privé, L’Enquêteur, est même devenu quotidien – le seul, avec Le Sahel, propriété de l’État. Cette effervescence ne règle cependant pas tous les maux. La plupart des journaux sont des hebdomadaires et restent fragiles (ils n’ont parfois ni siège social, ni personnel permanent), leurs ventes plafonnent à 2 000 exemplaires pour les plus populaires, la publicité est rare et mal répartie, et la qualité laisse bien souvent à désirer. Quant aux dérives qui avaient déjà cours dans la profession, elles n’ont malheureusement pas été freinées par cet appel d’air, la diffamation, voire le chan-

par l’Association mondiale des journaux, réclamant la fin des sanctions pénales en Afrique pour les délits de diffamation et d’insulte. « Un autre élément, qui n’apparaît pas dans nos classements, me paraît fondamental,ajouteAmbroisePierre.C’est l’attachement des nouvelles autorités à la liberté de la presse. » Ainsi, dans les cent premiers jours de son mandat, Mahamadou Issoufou a organisé une conférence de presse d’un genre inédit pour un président nigérien : elle était ouverte à tous les médias, publics comme privés. Ces derniers sont maintenant invités, à neuf chaînes privées sont tour de rôle, à prendre part désormais autorisées à émettre, aux voyages officiels dans contre quatre il y a deux ans. le pays (pratique initiée par l’ancien Premier ministre de Mamadou Tandja, Seini Oumarou). tage à la publication d’articles embarrassants, restant monnaie courante. Ces EffErvEscEncE. Le paysage médiatique derniers mois, quatre titres ont ainsi été condamnés à des amendes pour avoir nigérien n’a pas tardé à se laisser porter par ce vent de liberté. Les chaînes de manqué à la déontologie. S’ils persistent télévision ont poussé comme des chamdans ces mauvaises pratiques, les sancpignons. Elles sont désormais onze (deux tions pourraient s’alourdir jusqu’à la suspubliques, neuf privées) autorisées à pension de leur parution. Toutefois, leurs émettre, alors que le pays ne disposait que directeurs de la publication ne craignent de quatre chaînes privées il y a deux ans plus d’être envoyés en prison. Au Niger, (Radio Télévision Ténéré, Dounia, Canal 3 on ne traite plus la presse comme une et Bonférey). Même foisonnement du ennemie. l PiErrE BoissElEt côté de la presse écrite : le pays compte jeune afrique



ENQUÊTE

Économie

116

HORS CLASSEMENT

Disciplines reines, parents « pauvres »

INTERVIEW

Romarin Billong, directeur associé de Financière Dioclès

SPORT Ce que gagnent Pour la première fois, Jeune Afrique publie un classement des athlètes les mieux payés de chaque pays africain. Plongée au cœur du « sport business ».

chaque pays son champion du sport… business. Aujourd’hui, les records se chiffrent aussi en millions d’euros. Le classement publié par Jeune Afrique livre pour la première fois l’identité des athlètes les mieux payés dans 45 pays du continent (lire p. 119). Qu’ils aient vu le jour sur les hauts plateaux éthiopiens, à Berkane dans le nord-est du Maroc, au cœur des banlieues populaires d’Abidjan ou de Yaoundé, des bataillons d’Africains s’exportent pour animer les championnats de football d’Europe ou d’Asie, la très riche ligue américaine de basket ou les pistes d’athlétisme de Doha, Zurich ou Shanghaï. Avec Samuel Eto’o, l’Afrique possède même le footballeur le mieux rémunéré de la planète. Le

Camerounais a négocié à 20 millions d’euros par an l’or dans ses jambes pour jouer au Daguestan (Russie) et satisfaire les caprices du milliardaire Suleyman Kerimov. Mais tout un monde sépare Eto’o du dernier du classement, le footballeur tchadien Betoligar, avec 16 600 euros par an… Au-delà des paillettes, les champions africains sont moins flambeurs qu’hier. Leurs billets profitent davantage à leur famille et à leur village, et, en bons pères de famille, ils investissent surtout dans l’immobilier. Reste que pour un Didier Drogba ou un Yaya Touré, combien compte-t-on d’enfants perdus ! En 2008, des universitaires suisses partis sur la trace de 400 jeunes apprentis footballeurs africains venus en Europe entre 2003 et 2007 ont découvert que la moitié d’entre eux avaient disparu du circuit sportif, transformés pour beaucoup en clandestins. Fin du rêve. ●

TOP 3 MONDIAL (salaires, primes, droits d’image et revenus publicitaires) Tiger Woods (Ét (États-Unis, golf)

522 000 000 €

Phil Mickelson (Ét (États-Unis, golf)

46 000 000 €

SOURCE : FORBES

À

JEAN-MICHEL MEYER

Kobe Bryant (Ét (États-Unis, bas basket)

0 000 € 39 000

CAMEROUN Samuel Eto’o

20 000 000 €

JAKE WALTERS/GETTY IMAGES

À 20 MILLIONS D’EUROS par an – hors primes, droits d’image etrevenuspublicitaires–,Samuel Eto’o va pouvoir « nourrir sa famille », comme il l’expliquait à l’occasion de son engagement pour trois saisons, en août, au club d’AnjhiMakhachkala,danslariante RépubliqueduDaguestan(Russie). Son transfert, qui a rapporté 27 millions d’euros à l’Inter Milan, a été rendu possible grâce aux moyens colossaux de Suleyman Kerimov, le propriétaire milliardaire de l’Anjhi, accessoirement député à la Douma. N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

La star camerounaise, qui percevait déjà 10 millions d’euros par an à Milan, peut donc assurer sans souci son train de vie somptuaire. Pour des raisons de sécurité, Eto’o ne réside pas à Makhachkala mais à Moscou, où il vit dans un « modeste » appartement de 1 000 m2, avec jacuzzi et sauna, et dispose d’un jet privé. Avec son salaire XXL, l’attaquant des Lions indomptables est aujourd’hui le footballeur le mieux payé au monde. ● ALEXIS BILLEBAULT

JEUNE AFRIQUE


CÔTE D’IVOIRE

DÉCIDEURS

Les bons comptes du « mobile banking »

BOURSE DE TUNIS

Serge Mickoto, DG du Fonds

gabonais d’investissements stratégiques

Electrostar, un mystère qui électrise le marché

les stars SÉNÉGAL S

DeSagana Diop

5348000 €

AUX ÉTATSUNIS, l’annonce de son salaire annu aux Charlotte Bobcats avait soulevé annuel tout un lot d’interrogations en 2008. DeSagana Diop, aujourd’hui âgé de 30 ans, ne méritait Di pas, selon bon nombre d’observateurs, de tels émoluments. Trop fragile physiquement, le joueur des Dallas Maverick a rarement effectué une saison complète en NBA. Grand (2,13 m), lourd (127 kg), ce pivot né à Dakar n’a cependant pas

que des détracteurs. Diop est aussi réputé pour ses qualités de défenseur et son investissement sur le parquet. En février, il a fait le buzz sur internet : son lancer franc contre Washington a été élu – un peu exagérément – comme étant le pire de l’Histoire… Mais aux dernières nouvelles, Michael Jordan, le propriétaire de la franchise Charlotte Bobcats, ne l’a pas sanctionné… ● A.BI.

C H R IS CARL

MAROC

S O N /A

Marouane Chamakh

P /S IP

FR

AN

ÇO

IS

MO

RI/

AP

/SI

PA

A

3280000 € FINANCIÈREMENT PARLANT, l’attaquant international marocain a fait une bonne affaire en partant de Bordeaux pour rejoindre Arsenal, en juillet 2010. Il a triplé son salaire. Mais d’un point de vue strictement sportif, l’expérience est moins st concluante. Auteur de onze buts (toutes co co compétitions confondues) lors de sa premièr mière saison de l’autre côté de la Manche, Marouane Maro Chamakh n’est pratiquement plus utilisé, à tel point qu’un départ cet été semble de plus en plus probable. Auteur semb d’une Coupe d’Afrique des nations 2012 décevante avec les Lions de l’Atlas, il ne déce devrait pas revenir en France. En dehors devr du PSG, les clubs capables de lui assurer ses émoluments britanniques ne sont pas légion… ● so A.BI.

JEUNE AFRIQUE

N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

117


SPORT

EN OUGANDA, Benedicto Kiwanuka, premierchefdugouvernementen1962, reste une figure tutélaire de la nation. as, Une fierté pour son petit-fils Mathias, joueur vedette des New York Giants, ts, vainqueursen2012duSuperBowl.Né Né à Indianapolis en 1983, ce rugueux défenseurde1,96met121kgvoue un véritable culte à ses racines, au point d’avoir fait tatouer le sceau officiel de l’Ouganda surr ait son dos. Son salaire, qui devrait os en atteindre 4,1 millions d’euros 2012, le place parmi les linebackers ckerss les essionnelle mieux payés de la ligue professionnelle de football américain (17e rang ang sur 74). Une confortable paie, avec laquelle il a financé en 2010 un projet d’adduction d’eau dans le village où vit sa famille maternelle. ● JULIEN LIEN CLÉMENÇOT

M E /G E

na nait la direction du Qatar (au club d’Al d’Al-Sadd), un pays surtout prisé pa par les joueurs en fin de carrière. À l’ l’époque, le défenseur algérien, qu qui évoluait dans le club anglais de Portsmouth (lequel a récupéré 7 mi millions d’euros au passage), avait expliqué ne pas avoir reçu d’autre ex proposition. Né en 1982 en France, pr Belhadj,passénotammentparLyon Be et Lens, a remporté avec Al-Sadd la Ligue des champions d’Asie en 2011. Depuis, plusieurs de ses com20 patriotes ont rejoint le Qatar, dont pa MadjidBougherraetKarimZiani.Au Ma risqued’agacerVahidHalilhodzic,le risq sélectionneur de l’équipe d’Algérie, séle guère emballé de voir ses internagu tionauxfréquenterunchampionnat tion dont la faiblesse est notoire… ● A.BI. do

ÉTHIOPIE

Tilahun Regassa

733 000 €

N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

246 000 €

COURSE. AprèsleslégendairesHaile

PHELAN M. EBENHACK/AP/SIPA

PIERRE BOISSELET

Nadir Belhadj FOO FOOT. En 2010, Nadir Belhadj pre-

AFRIQUE DU SUD Ernie Er Els

MALGRÉ UNE CHUTE de ses revenus entre 2010 (4 millions d’euros) et 2011, ce golfeur sud-africain de 42 ans reste une des stars de la discipline. Celui que l’on surnomme The Big Easy en raison de son 1,91 m et de son swing gracieux a été numéro un mondial à deux reprises, en 1994 et 1997. Un de ses faits d’armes reste sa victoire, en 2002, face à l’Américain Tiger Woods, déjà au sommet de son art. L’année suivante, les téléspectateurs de SABC 3 le placent à la 37e place parmi les plus grands Sud-Africains de l’Histoire. Lauréat 2003 et 2004 de l’ordre du mérite du Tour européen, il empoche respectivement 2,9 millions et 4 millions d’euros. Ernie Els est propriétaire d’un vignoble à Stellenbosch, dans la région du Cap. Sa fondation, créée en 1999, vise à détecter, dans les milieux modestes, les plus talentueux de ses jeunes compatriotes. ●

ALGÉRIE

2 146 000 €

CHRO

3 089 000 €

T T Y IM AGES

Mathias Kiwanuka

PORTS

OUGANDA

G A LI /S

Enquête

R . T R IN

118

Gebreselassie (39 ans) et Kenenisa Bekele (29 ans), le prochain champion éthiopien s’appelle sans doute Tilahun Regassa (22 ans). En 2010, il a décroché 225 000 euros grâce à sa victoire au semi-marathon d’AbouDhabi(59’19’’).Actuellement « lièvre » en marathon pour ses compatriotes, il pourrait bien un jour finir en tête l’épreuve reine de la course à pied et écrire un nouveau conte de fées à l’éthiopienne. Abandonné par sa mère à l’âge de 3 ans, il a perdu son père à 15 ans. Il a vécudanslarue, travaillé dansune carrière et souffert de la faim avant d’être « secouru » par la fédération nationale. Chez lui, il a remporté la Great Ethiopian Run de 2009, à Addis-Abeba, avec un temps record de 28’36’’. ● NICOLAS MICHEL JEUNE AFRIQUE


Ce que gagnent les stars LES SPORTIFS LES MIEUX PAYÉS DE LEUR PAYS Fondé sur la liste 2011 (salaires 2010) du réseau de télévision Entertainment Sport Programming Network, ce classement actualisé par Jeune Afrique indique le salaire annuel de base (hors primes, sponsors et publicités) du sportif le mieux rétribué dans 45 pays africains.

SPORTIF

SALAIRE ANNUEL (EN EUROS)

SPORT, ÉQUIPE (PAYS)

1

Samuel Eto’o (Cameroun)

Football, Anji Makhatchkala (Russie)

20 000 000

2

Yaya Touré (Côte d’Ivoire)

Football, Manchester City (Angleterre)

14 054 000

3

Emmanuel Adebayor (Togo)

Football, Tottenham (Angleterre)

10 616 000

4

Luol Deng (Soudan)

Basketball, Chicago Bulls (USA)

9 530 000

5

Frédéric Kanouté (Mali)

Football, FC Séville (Espagne)

6 641 000

6

DeSagana Diop (Sénégal)

Basketball, Charlotte Bobcats (USA)

5 348 000 5 000 000

7

Christopher Samba (Congo)

Football, Anji Makhatchkala (Russie)

8

John Obi Mikel (Nigeria)

Football, Chelsea (Angleterre)

4 479 000

9

Michael Essien (Ghana)

Football, Chelsea (Angleterre)

4 247 000

10

Hasheem Thabeet (Tanzanie)

Basketball, Houston Rockets (USA)

3 960 000

11

Marouane Chamakh (Maroc)

Football, Arsenal (Angleterre)

3 280 000

12

Benjani Mwaruwari (Zimbabwe)

Football, Portsmouth (Angleterre)

3 135 000

13

Mathias Kiwanuka (Ouganda)

Football américain, New York Giants (USA)

3 089 000

14

Stéphane Sessegnon (Bénin)

Football, Sunderland (Angleterre)

2 162 000

15

Nadir Belhadj (Algérie)

Football, Al-Sadd (Qatar)

2 146 000

16

Hérita Ilunga (RD Congo)

Football, West Ham United (Angleterre)

2 108 000

17

Mohamed Zidan (Égypte)

Football, Borussia Dortmund (Allemagne)

1 992 000

18

Ismaël Bangoura (Guinée)

Football, Al Nasr Dubaï (Émirats arabes unis)

1 600 000

19

McDonald Mariga (Kenya)

Football, Inter Milan (Italie)

1 004 000

20

Moussa Maazou (Niger)

Football, CSKA Moscou (Russie)

1 000 000 1 000 000

21

Rodolfo Bodipo (Guinée équatoriale)

Football, Deportivo La Corogne (Espagne)

22

Tarik El Taib (Libye)

Football, Al Ahly Tripoli (Libye)

873 000

23

Charles Kaboré (Burkina Faso)

Football, Olympique de Marseille (France)

863 000

24

Madieu Williams (Sierra Leone)

Football américain, San Francisco (USA)

772 000

25

Collin Benjamin (Namibie)

Football, Hambourg (Allemagne)

772 000

26

Ernie Els (Afrique du Sud)

Golf

733 000

27

Manucho Gonçalves (Angola)

Football, Real Valladolid (Espagne)

668 000

28

Karim Haggui (Tunisie)

Football, Hanovre 96 (Allemagne)

633 000

29

Daniel Cousin (Gabon)

Football, FC Sapins (Gabon)

498 000

30

Almani Moreira (Guinée-Bissau)

Football, Dalian Aerbin (Chine)

442 000

31

Sekou Oliseh (Liberia)

Football, CSKA Moscou (Russie)

442 000

32

Tamika Mkandawire (Malawi)

Football, Millwall (Angleterre)

441 000

33

Simão Mate Junior (Mozambique)

Football, Panathinaïkos (Grèce)

398 000

34

Chris Katongo (Zambie)

Football, Henan Construction (Chine)

386 000

35

Mogogi Gabonamong (Botswana)

Football, Supersport United (Afrique du Sud)

273 000

36

Zersenay Tadese (Érythrée)

Course à pied

263 000

37

Tilahun Regassa (Éthiopie)

Course à pied

246 000

38

Saidi Ntibazonkiza (Burundi)

Football, Cracovie (Pologne)

243 000

39

Diallo Guidileye (Mauritanie)

Football, Stade brestois (France)

242 000

40

Cafú (Cap-Vert)

Football, Anorthosis Famagouste FC (Chypre)

222 000

41

Eloge Enza-Yamissi (Centrafrique)

Football, Troyes (France)

159 000

Kassim Abdallah (Comores)

Football, CS Sedan (France)

42

92 700

43

Olivier Karekezi (Rwanda)

Football, APR FC (Rwanda)

55 600

44

Ismail Ahmed Kadar Hassan (Djibouti)

Football, DAC Dunajská Streda (Slovaquie)

39 800

45

Misdongard Betoligar (Tchad)

Football, FK Metalac (Serbie)

16 600

JEUNE AFRIQUE

N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

119


Enquête

120

SPORT

HORS CLASSEMENT

Disciplines reines, parents pauvres

Hors du football, point de salut ? Certes, les gains ne sont pas comparables, mais les sports les plus populaires en Afrique font tout de même vivre – et parfois très bien – leurs champions. 457 000 euros, celui d’Algérie de 710 000 euros, celui du Maroc de 450 000 euros… On est donc très loin de l’épreuve reine : le Tour de France est à la tête d’un budget de 100 millions d’euros et distribue plus de 1 million d’euros de primes aux coureurs.

LUTTE SÉNÉGALAISE MJRKA BOENSCH BEES

Les millions sont dans l’arène " DANIEL TEKLEHAIMANOT (Érythrée) se contente de 24 000 euros par an…

CYCLISME Sans rouler sur l’or

N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

néoprofessionnels dont le salaire brut minimum a été négocié à 24 000 euros par an. La saison prochaine,ilpourraprétendreausalaire minimum légal de 30000 euros par an pour un cycliste professionnel. Pourtant, Daniel Teklehaimanot fait rêver les stars de la petite reine restées sur le continent comme s o n c o m p a t r i o t e Na t n a e l Berhane (numéro un africain), le Camerounais Yves Ngué Ngock ou les Marocains Adil Jelloul et Tarik Chaoufi, aux avant-postes dans les 25 courses de l’UCI Africa Tour, les épreuves officielles de l’Union cycliste internationale (UCI) sur le continent. En théorie, ils perçoivent le salaire minimum négocié par la profession. Sauf si « le salaire minimum légal du pays de la nationalité de l’équipe » qui l’emploie est inférieur, précise l’UCI… De plus, les épreuves africaines sont moins richement dotées. Le célèbre Tour du Faso a un budget d’environ 600000 euros – et partage 25 000 euros de primes entre les coureurs –, celui du Cameroun de

… tandis que YÉKINI peut empocher jusqu’à 300 000 euros par combat. !

LAURENT GUDIN

LE CYCLISME AFRICAIN change de braquet. Recruté par l’équipe australienneGreenEdge,l’Érythréen Daniel Teklehaimanot, 23 ans, est le premier Subsaharien noir à intégrer le circuit professionnel. Riche d’un palmarès de quinze victoires, il rejoint cette année une poignée de Blancs sud-africains parmi l’élite mondiale. Coureur longiligne de 1,90 m pour 81 kg, qui s’anime quand la pente s’élève, il pourrait concrétiser dès sa première saison chezlesprosl’undesesrêves:avaler les 3000 km du Tour de France 2012. Mais pour faire fortune, il devra patienter. Daniel Teklehaimanot ne figure pas dans le peloton de la vingtaine de coureurs qui gagnent plus de 1 million d’euros par an, loin de là. Il ne perçoit pas non plus le salaire annuel moyen de 264000 euros en vigueur dans les 18 équipes professionnelles qui participent à toutes les épreuves du calendrier international. L’Érythréen est dans la voiture-balai des 450 forçats de la route du circuit pro, celui des

CANTONNÉ PARMI les sports mineurs en Europe, la lutte vit un destin radicalement différent en Afrique. Notamment au Sénégal, où elle est la discipline reine devant le football. À Dakar, les combats remplissent les stades, déchaînent les appétits des télévisions et des sponsors, alimentent des discussions passionnées dans tous les bars… Un engouement dont les meilleurs

JEUNE AFRIQUE


Ce que gagnent les stars

COURSE À PIED

TÔT LE MATIN, avant même le lever du soleil, Meskel Square, la place centrale d’Addis-Abeba, vibre d’une étonnante activité. Sur les vastes gradins de cet immense amphithéâtre à ciel ouvert, sous d’énormes panneaux publicitaires, des dizaines de coureurs s’entraînent. Jeunes et vieux, hommes et femmes, ils alternent assouplissements, étirements, courses fractionnées, jusqu’à ce que la chaleur devienne trop intense. Si l’équipe éthiopienne de football a remporté la Coupe d’Afrique des nations il y a cinquante ans, elle n’a pas, depuis, brillé par ses résultats. Et à vrai dire, peu importe : ici, le sport roi, c’est la course à pied. Et depuis une vingtaine d’années, les coureurs éthiopiens et leurs rivaux kényans dominent l’ensemble des compétitions internationales. En mars, aux championnats du monde d’athlétisme en salle d’Istanbul, l’Éthiopien Mohammed Aman a La professionnalisation de ainsi remporté le 800 m leur sport est une aubaine hommes, tandis que pour les lutteurs. les Kényanes Pamela Je l i m o e t He l l e n rainées par un opérateur téléphoOnsando Obiri se sont imposées respectivement dans le 800 m et le nique –, sous le double effet de la 3 000 m femmes. Le même mois, libéralisation de l’audiovisuel et de l’émergence de nouveaux promoFatuma Sado (Éthiopie) chez les teurs. Une aubaine pour les lutteurs femmes et Simon Njoroge (Kenya) dont les carrières, souvent brèves, chez les hommes ont dominé peuvent être à tout moment interle marathon de Los Angeles rompues par une blessure grave. (75000 euros à la clé). En 2008 Conscient de leur vulnérabilité, ils déjà, aux Jeux olympiques de sont d’ailleurs de plus en plus nomPékin, toutes les disciplines breux à anticiper leur reconversion. de course au-dessus du Retiré des arènes depuis 1999, 800 m ont été remportées soit Manga 2 fait partie des champar des Kényans, soit par des pions ayant réussi cette transition. Éthiopiens. Explications? Elles sontdiverses:entraînementen Propriétaire de villas à Thiaroye, altitude, morphologie musdans le quartier dakarois des culaire, organisation de la Parcelles assainies et dans son fief fédération, solidarité de Joal, il possède aussi une école de lutte et s’est lancé à son tour dans d’équipe… la promotion de combats. Parmi les Àl’instarduprodige hommes forts en activité ayant déjà Kenenisa Bekele assuré leurs arrières, on peut citer (doublemédailled’or YékinietTyson.Outrel’immobilier,il sur 5000 m et 10000 m fautajouterunesalledemusculation à Pékin en 2008, il aurait et des pirogues pour le premier et gagné 835000 euros en 2009) des stations-service pour le second. etdelalégendevivanteHaile Histoire de ne pas tout flamber. Gebreselassie,lesathlètes JEUNE AFRIQUE

Duopole est-africain

! La Kényane PAMELA JELIMO, championne du monde de 800 m en salle.

éthiopiensquiontréussiinvestissent surtout dans le bâtiment. Ils injecteraient de fait plus de 10 millions d’euros par an dans l’économie de leur pays. Quant aux Kényans, qui dominent désormais la discipline – le record du monde du marathon (2h 03’ 38”) est détenu par Patrick Makau depuis septembre 2011 –, ils misent surtout sur l’agriculture et le bâtiment. Même si leur pays a, ces dernières années, souffert d’une certaine instabilité politique peu propice aux affaires. ● JEAN-MICHEL MEYER, JULIEN CLÉMENÇOT et NICOLAS MICHEL

ALEXANDER HASSENSTEIN/GETTY IMAGES

lutteurs sont les premiers à profiter. Les cachets de 150 000 euros par combatsontdevenusmonnaiecourante pour les stars comme Modou Lô ou Eumeu Sène. Un nouveau record devrait bientôt être battu par Yékini. Pour son combat contre Balla Gaye 2, prévu le 22 avril, le « roi des arènes » aurait négocié, selon l’hebdomadaire spécialisé Tuus, une enveloppe comprise entre 250000 et 300000 euros. Quel chemin parcouru depuis le pactole de 45 000 euros empoché par Tyson pour son combat contre Manga 2, à la fin du siècle dernier ! Des sommes folles dont les lutteurs ne rougissent pas. Entre 2005 et 2011, Balla Gaye 2 se vante d’avoir gagné entre 900 000 et 1 million d’euros. Commelesautresténorsdeladiscipline, l’ancien mécanicien profite à plein de la professionnalisation de son sport, rendue possible par la multiplication des retransmissions télévisées – la plupart du temps par-

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N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012


Enquête PATRIMOINE

SPORT

Romarin Billong

D IRECTEUR

ASSOCIÉ DE

F INANCIÈRE D IOCLÈS

« Nous proposons un suivi sur mesure » Bardé de diplômes, l’ancien international camerounais s’est lancé dans une nouvelle activité : la gestion de fortune. Parmi ses clients, beaucoup de footballeurs.

P

our Romarin Billong, 41 ans, le football n’a jamais été une fin en soi. Devenu professionnel alors qu’il était en licence à l’université de Lyon (France), il a joué sous les couleurs de l’Olympique lyonnais de 1990 à 1995, puis à Saint-Étienne de 1995 à 2000. Il a passé en parallèle un diplôme d’économie et de gestion, puis un master en contrôle de gestion. Une fois sa carrière terminée, en 2002, l’ancien international camerounais (16 sélections) a entrepris une année de spécialisation en gestion de patrimoine à Paris. Il est entré par la suite à la Société générale, où il a été en charge d’un portefeuille de 450 millions d’euros. En 2011, fort d’un réseau et de clients prêts à le suivre, il a décidé de monter sa société de gestion de fortune, Financière Dioclès, avec Amadou Diawara, qui conseillait déjà des sportifs. JEUNE AFRIQUE : Samuel Eto’o a signé un contrat de 60 millions d’euros sur trois ans. Quel regard portez-vous sur les rémunérations actuelles? ROMARIN BILLONG : Les salaires

répondent à une logique d’offre et de demande. Un footballeur qui percevait 45000 euros par mois avant 1998 gagne dix fois plus aujourd’hui. Difficile de justifier

Que peut-on mettre en place pour accompagner les footballeurs?

Une partie conseil devrait être comprise danslarémunération.Celapourraitêtreun argumentpourlesclubslesmoinsfortunés: « Chez nous, vous allez gagner moins, mais quand vous sortirez, votre argent aura été bien géré. » Les Anglais ont mis en place des fonds de pension personnels pourleurs PROFIL joueurs stars, des • Né le 11 juin 1970 placements qu’ils à Moundou (Tchad) peuvent toucher à • Diplômé de partir de 35 ans… l’université de Lyon (1993) et de l’ESCP (Paris, 2003) • Seize sélections en équipe de football du Cameroun • Cadre chez Société générale de 2003 à 2011 • Cofondateur de Financière Dioclès en 2011

DR

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qu’en Afrique, où elles restent une exception.Ensuite,lapressionsocialeetfamiliale esttellequ’ilfautmontrersaréussite.Enfin, plus on est jeune, plus on est exubérant.

Il faut diversifier les placements et ne surtout pas tout miser dans l’immobilier. sportivementcetécart.Maisceuxquipaient savent ce qu’ils font: soit ils attendent un retour sur investissement, soit ils peuvent se permettre une perte financière. Le comportement de certains joueurs africains par rapport aux sommes perçues est à la limite de l’indécence en comparaison du niveau de vie local. Pourquoi cette exubérance?

Il y a d’abord la question du nombre. En Europe, les fortunes sont plus importantes N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

La pression sociale est-elle corrélée aux montants perçus?

Plus les montants sont importants, plus la pression diminue. La charge est plus forte quand vous gagnez 15000 euros par mois, le salaire moyen en Ligue 2 française, que quand vous en gagnez 100 000. Une fois que vous avez déduit vos impôts et vos charges mensuelles, sortir 3 000 ou 5000 euros pour la famille est pesant. C’est alors d’autant plus essentiel de prévoir l’avenir.

Qui sont vos clients et que leur proposezvous?

Notre clientèle est composée à 50 % de footballeurs dont les revenus oscillent entre 100 000 et 500 000 euros par mois, primes comprises. Notre premier travail est de réaliser un audit patrimonial puis de proposer une stratégie personnalisée. À notre client, ensuite, de décider la voie qu’il veut emprunter. Nous lui proposons un suivi sur mesure. Votre clientèle africaine a-t-elle des besoins spécifiques?

Pour leurs investissements en Afrique, nous intervenons dans la planification financière depuis la France. L’investissement au pays est lié aux attaches, certains choix n’auraient pas forcément été les nôtres… Il faut diversifier les placements et ne surtout pas tout miser dans l’immobilier et au même endroit. Nous les incitons à faire travailler la famille, à développer des entreprises locales à travers du capital-investissement. C’est ainsi qu’on peut commencer à structurer une après-carrière sportive. ● Propos recueillis par MICHAEL PAURON JEUNE AFRIQUE


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ð Le footballeur ivoirien DIDIER DROGBA a confié la gestion de son bar, à Abidjan, à un de ses frères.

KALPESH LATHIGRA POUR J.A.

Parmi les bons élèves de la reconversion, l’Éthiopien Haile Gebreselassie, légende vivante du marathon. Il possède aujourd’hui un hôtel cinq étoiles, le Haile Resort, prèsdulacAwasa,dirigelescinémas Alem et est le seul importateur de véhicules Hyundai en Éthiopie via son entreprise Marathon Motors. Du haut de ses 39 ans, l’homme pèse quelque 40 millions d’euros.

APRÈS-CARRIÈRE

Champions de la reconversion

Télécoms, grande distribution, business de la nuit… Certains sportifs africains investissent tous azimuts pour s’assurer une retraite dorée. Sans oublier de jouer sur leur image de marque.

T

roquer son maillot contre le costume devient courant chez la nouvelle génération de sportifs africains. À 31 ans, Samuel Eto’o est celui dont les investissements sont les plus connus. Depuis 2009, le Camerounais tente, avec un succès mitigé, de bâtir un conglomérat portant son nom. Après avoir lancé Eto’oWorld,marqued’horlogeriede luxe et de joaillerie, le footballeur a annoncé pour le début de cette année la création d’Eto’o Telecom (50 000 puces téléphoniques ont été distribuées, mais la compagnie tarde à être opérationnelle). Eto’o nourrit aussi des ambitions dans la distribution de produits de grande consommation,àtraversunesociété dénommée SEF Distribution. Denombreusesanciennesgloires s’étantretrouvéesruinées(auxÉtatsUnis,60%desbasketteursdelaNBA le seraient après leur retraite), les sportifs prennent conscience de la

JEUNE AFRIQUE

nécessité de préparer leur aprèscarrière.«Aveclacrisedessubprimes et la décote qui s’en est suivie dans l’immobilier, plusieurs footballeurs africains évoluant au Royaume-Uni ont massivement investi aux ÉtatsUnis », explique un spécialiste du milieu. D’après celui-ci, les placements des athlètes sont désormais mieux structurés et plus diversifiés, parce que mieux accompagnés.

PETITES AFFAIRES. L’ancien coureur de fond kényan Paul Tergat, quintuple champion du monde de cross-country,aquantàluimultiplié des prises de participation dans des entreprises nationales. À 42 ans, il est notamment actionnaire de Safaricom, de Kenya Commercial BanketdeKenyaAirways…Selonles chiffresofficiels,lesathlèteskényans investissent annuellement environ 4,5 millions d’euros dans leur pays. Les investissements dans de petites affaires, pour créer quelques emplois et venir en aide aux membres de la famille restés au pays, sont néanmoins les plus répandus. L’Ivoirien Didier Drogba a par exemple confié la gestion de son bar, Le Fouquet’s, rue Princesse à Abidjan, à l’un de ses frères. Ses compatriotes les frères Yaya et Kolo Touré, sont quant à eux très actifs dansl’immobilier.Leurzoned’investissementlaplusconnueestlapopulaire commune de Yopougon, où ils possèdent au moins deux grands immeubles de quatre étages. ● STÉPHANE BALLONG

GEORGE WEAH, DÉSORMAIS DIPLÔMÉ DEVENU POLITICIEN DEPUIS SA RETRAITE des vestiaires en 2003, le sportif libérien le plus célèbre de tous les temps, George Weah, avait décidé de reprendre des études aux États-Unis après son échec à l’élection présidentielle de 2005 face à la surdiplômée Ellen Johnson-Sirleaf, ancienne élève de Harvard. Le 25 juin 2011, le premier footballeur africain récompensé du Ballon d’or (en 1995) a décroché une licence en management à l’université DeVry, près de Miami. Si WinstonTubman lui a été préféré pour représenter son parti à la présidentielle de 2011, Weah compte bien retenter sa chance à celle de 2017. En attendant, le footballeur s’est – et a – beaucoup investi au pays. Il a monté une école de football professionnel, il finance un hôpital pour enfants et projette de se lancer sérieusement dans les affaires… malgré un premier échec: un projet d’usine d’eau en Côte d’Ivoire n’a jamais abouti CHRISTOPHE LE BEC et a été revendu à l’homme d’affaires sénégalaisYérim Sow. ● N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012


Entreprises marchés

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ð L’opérateur sud-africain estime que son service MOBILE MONEY représentera 5 % de ses revenus en 2015.

OLIVIER POUR J.A.

l’horizon 2015, cela ne représentera que 5 % de nos revenus globaux », estime Henri Legré, responsable des ventes Mobile Money chez MTN Côte d’Ivoire. En revanche, MTN comme Orange l’assurent, le mobile banking a un impact évident sur la fidélisation de leurs clients. Habituésàchangerdepucetéléphonique en fonction des opportunités tarifaires, les consommateurs africains convertis à ce service seraient « deux fois plus fidèles », explique Sadamoudou Kaba. CÔTE D’IVOIRE

Les bons comptes du « mobile banking »

DISTRIBUTEURS. Si les opérateurs

Sur un marché de plus en plus mature, Orange et MTN rivalisent d’idées en matière de services financiers via le téléphone portable. Un bon moyen de fidéliser leurs abonnés.

Q

uartier du Plateau, à Abidjan. Le vieux centre commercial Djé Konan, dédale de box rudimentaires en béton, connaît son agitation habituelle. Au milieu des échoppes de portables d’occasion, Yolande, 30 ans, vend des puces et des recharges téléphoniques. Depuis un an, elle est aussi agréée par le service Mobile Money conçu par l’opérateur sud-africain MTN en partenariat avec Ecobank et la Société générale de banques en Côte d’Ivoire (SGBCI). « Chaque jour, une vingtaine de clients se présententpourtransférerdel’argentou épargner via ce service », explique Yolande. « Il y a plusieurs avantages, complète Romuald, qui vient de créditer son compte virtuel pour envoyer 7 000 F CFA [10,67 euros, NDLR] à une tante. Ce n’est pas très cher [200 F CFA lors du dépôt et 800 F CFA à payer par le destinataire au moment du retrait si la somme est inférieure à 50000 F CFA] et on trouvefacilementuneboutiquepour retirer son argent près de chez soi. » N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

Dans un pays où le taux de bancarisation ne dépasse pas 8 % et où le nombre d’agences bancaires est encore limité, les services financiers offerts par les leaders de la téléphonie mobile gagnent tranquillement en popularité. MTN et le français Orange – associé à la Banque internationale pour le commerce et l’industrie de la Côte d’Ivoire (Bicici) – revendiquent chacun environ 1 million d’abonnés au mobile banking et un réseau de 1 000 points de vente répartis sur tout le territoire. Pas si mal dans « une société ivoirienne habituée, toutesclassessocialesconfondues,à privilégierl’argentliquide,ycompris pour les envois d’argent », reconnaît Sadamoudou Kaba, responsable du projet Orange Money. Malgré ces réticences, les principaux opérateurs misent beaucoup sur le mobile banking. Pas encore pourconstituerunevéritablesource derevenus,maisplutôtdanslecadre d’une stratégie de consolidation de leur clientèle (environ 6 millions d’abonnés mobile chacun). « À

Match nul Les deux opérateurs revendiquent chacun 1 million d’abonnés au mobile banking et un réseau de 1 000 points de vente

ont au départ imaginé leurs services financiers pour une clientèle populaire, ils élargissent peu à peu leur palette pour conquérir des abonnés plus argentés, avides d’innovations et surtout très rentables. Orange vend, par exemple, en partenariat avec le groupe Sunu, une assurance prévoyancegarantissantlepaiement d’une prime de 500000 F CFA en cas de décès. MTN devrait prochainement lui emboîter le pas. Autre initiative, l’accord passé par l’opérateur sud-africain avec les supermarchésKingCashpourdévelopperlepaiementdescoursesviale système Mobile Money. La liste des nouveaux usages ne cesse de s’allonger. Le groupe agroalimentaire Sifca étudie la possibilité de payer une partie de ses salariés par ce biais, alors que des factures d’eau et d’électricité, mais aussi des inscriptions scolaires commencent à être réglées de la sorte. Sans oublier – et c’estladernièrenouveautédéployée par Orange – l’installation en ville de distributeurs automatiques de billets spécialement destinés à ses abonnés pour retirer ou déposer de l’argent sur leurs comptes Orange Money. De quoi effrayer plus que jamais, outre les concurrents encore à la traîne comme Moov, Comium ou Green, toutes les banques de la place, de plus en plus attaquées sur leur cœur de métier. ● JULIEN CLÉMENÇOT, envoyé spécial à Abidjan JEUNE AFRIQUE


Coulisses

Entreprises & marchés

NIGER

Tripoli s’accroche

L

es Libyens ont-ils perdu l’opérateur télécoms Sonitel – et sa filiale mobile SahelCom? Sans doute, si l’on en croit l’annonce d’un prochain vote à l’Assemblée nationale nigérienneconsacrantsarenationalisation. Mais Tripoli garde espoir. Une délégation libyenne était au Niger le 30 mars pour relancer les discussions. « Pourquoi pas une phasetransitoirepermettantaugouvernement d’apurer les dettes de l’opérateur [au moins 107 millions d’euros, NDLR] avant de le céder à LAP Green [la branche télécoms de la Libyan Investment Authority] en échanged’unnouveaudroitd’entrée de 47 millions d’euros, comme cela avait été conclu en janvier 2011? » espèreunesourceprochedeTripoli. Frappé par un embargo durant la guerre contre Kaddafi, le fonds souverain n’avait pu respecter son engagement et verser cette somme. CASSE-TÊTE. La nouvelle proposi-

tionlibyennepourraitretenirl’attention de Niamey, car la gestion de Sonitel est un vrai casse-tête depuis plus de une décennie. Après l’avoir privatisé en 2001 au profit d’un consortiumsino-libyen,lespouvoirs publics avaient repris son contrôle opérationnel en 2009, reprochant aux propriétaires ne pas avoir réalisé les investissements promis. Sans beaucoup de succès, puisque Sonitel ne compte aujourd’hui qu’environ 250 000 abonnés (fixe et mobile réunis), quand la filiale de l’indien Bharti Airtel en totalise 2 millions. En outre, un sureffectif criant (1 500 salariés quand 500 suffiraient) a été mis en évidence par le cabinet d’audit PricewaterhouseCoopers. ● J.C. JEUNE AFRIQUE

SIPHIWE SIBEKO/REUTERS

Le fonds souverain libyen redoute la nationalisation de l’opérateur télécoms Sonitel.

BOURSES LES BRICS S’ALIGNENT Réunis à New Delhi, les Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) ont signé le 2 avril un accord

S

M

permettant à leurs investisseurs d’acheter directement des produits financiers indexés à la Bourse d’un État partenaire, à l’exception de la Russie, qui doit encore autoriser en mai la cotation des contrats étrangers sur son marché. Un investisseur à la Bourse de Johannesburg peut donc acquérir des contrats financiers à terme à la Bourse de Bombay, de São Paulo ou de Hong Kong sans intermédiaire ni changement de monnaie. Les pays émergents comptent ainsi financer leur économie à moindre coût, limiter leur dépendance au dollar et renforcer leurs monnaies locales. L’an dernier, les échanges commerciaux des Brics ont bondi de 28 %, pour atteindre 230 milliards de dollars (174 milliards d’euros). Et, selon le cabinet de conseil McKinsey, les actifs financiers des pays en développement pourraient dépasser 140 000 milliards de dollars en 2020. ●

• IMMOBILIER Le marocain Addoha crée une filiale africaine en Guinée

équatoriale et en Côte d’Ivoire • FINANCE Le China-Africa Development Fund investit au Maroc dans l’énergie et les infrastructures • BANQUE

Le nigérian Diamond Bank veut lancer un emprunt obligataire de 200 M$

S•

TÉLÉCOMS Le régulateur gabonais a infligé une amende de 5 M€ aux

quatre opérateurs du pays pour manquements graves durant la CAN 2012

ALGÉRIE TERRAMIN SUR LE DÉPART Le groupe minier australienTerramin souhaite se retirer du projet algérien deTala Hamza (Kabylie). Un gisement de zinc et de plomb pourtant prometteur, au potentiel de 55 millions de tonnes. Il a indiqué le 4 avril vouloir vendre les 65 % qu’il détient au chinois NFC. Six jours plus tôt, son PDG Kevin Moriarty avait démissionné en faisant état de ses « frustrations » vu le peu d’avancement du projet, qu’il impute aux atermoiements de ses partenaires algériens d’Enof. ● MAROC WANA DOUBLE MÉDITEL En 2011, le chiffre d’affaires de l’opérateur Wana, connu sous la marque Inwi (542 millions d’euros) a dépassé celui de son concurrent direct

Méditel (534 millions d’euros). Pourtant, dernier entré sur le marché, Wana compte bien moins d’abonnés (7,2 millions) que Méditel (12 millions). L’explication? Le nombre de minutes consommées plus important chez les adeptes de Wana, sans oublier le coup de pouce réglementaire souhaité par les autorités marocaines. ● SOUDAN PRIORITÉ AU SUCRE Kenana, regroupant des intérêts saoudiens, koweïtiens et soudanais, va inaugurer au sud de Khartoum une usine de sucre estimée à 1 milliard de dollars (759 millions d’euros). Fixée à 150 000 tonnes pour son démarrage, sa production annuelle devrait tripler en trois ans. Ainsi, les autorités espèrent passer du statut d’importateur à celui d’exportateur dès 2014. ● N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

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Décideurs GABON

Serge Mickoto prépare l’après-pétrole Directeur général du Fonds gabonais d’investissements stratégiques, il pilote la diversification de l’économie nationale. Le FGIS doit rapporter plus de 500 milliards de F CFA à l’État d’ici à cinq ans.

L

environ 250 000 actuellement. De plus, l’exploration en mer profonde n’a pour l’heure donné aucun résultat concret. Sur le papier, le projet du FGIS est bien ficelé. Mais l’idée n’est pas nouvelle. Le Fonds souverain pour les générations futures, qui existait déjà, n’a jamais été vraiment opérationnel… Le Gabon fera-t-il mieux cette fois-ci ? Serge Mickoto se veut rassurant. Il estime même qu’au terme des cinq prochaines années le FGIS devrait générer, à travers ses différents placements, environ 500 milliards de F CFA (762 millions d’euros). Le seuil à partir duquel, selon les règles établies, il pourra reverser 75 % de ces revenus au budget de l’État.

homme est didactique et aime la précision. Il tient d’emblée à clarifier la distinction entre le Fonds gabonais d’investissements stratégiques (FGIS), qu’il dirige, et le Fonds souverain de la République gabonaise (FSRG), autrefois dénommé Fonds souverain pour les générations futures. « Le premier, établissement public à caractère industriel et commercial, a la double charge de gérer les participations de l’État et d’être le gestionnaire exclusif des ressources du second », explique-t-il. Autrement dit, la mission de Serge Mickoto à la tête du FGIS est de rentabiliser via des placements stratégiques les ressources que l’État gabonais verse annuellement au FSRG et qui proviennent notamment des recettes pétrolières (environ 10 %). Autant dire que cet ancien directeur financier de BGFI Bank, premier groupe bancaire d’Afrique centrale, est l’une des personnes clés de la stratégie de diversification de l’économie gabonaise initiée par le président Ali Bongo Ondimba (ABO). REDRESSEUR. Présenté par

certains de ses anciens collaborateurs comme un habile négociateur et un bon gestionnaire, Serge Mickoto, 47 ans, s’est illustré au sein de BGFI Bank comme le redresseur de la filiale équatoguinéenne du groupe. En 2006, soit quatre ans après son ouverture, BGFI Guinée équatoriale peine à

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VINCENT FOURNIER/J.A.

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décoller. Mickoto y est alors affecté. Il y ouvre de nouvelles agences, y déploie la monétique – une première dans le pays – et, surtout, parvient à arracher à la concurrence quelques gros clients comme Bouygues Construction. En 2010, lorsque cet expertcomptable de formation est rappelé au Gabon, la filiale équatoguinéenne est devenue l’une des plus rentables du groupe bancaire dirigé par Henri-Claude Oyima. À peine Serge Mickoto a-t-il rejoint le siège du groupe, à Libreville, qu’ABO lui confie la direction du FGIS, dont la création est annoncée en 2011. Il s’agit pour le Gabon de développer de nouvelles filières capables de générer suffisamment de revenus pour se substituer à ceux tirés du pétrole. La production de brut du pays est en effet en baisse depuis quelques années, passant de 370 000 barils par jour au milieu des années 1990 à

CET ANCIEN DE BGFI BANK a été nommé à la tête du fonds en janvier 2011.

ÉCOTOURISME. Pour atteindre cet

objectif, le FGIS multiplie, souvent discrètement, les investissements. « Nous investissons aussi bien au Gabon qu’à l’étranger, dans des entreprises naissantes ou établies, dans les infrastructures, les mines, la gestion portuaire… Bref, dans les secteurs clés identifiés par la politique d’émergence du président. L’objectif est de diversifier le portefeuille et de lisser l’épargne intergénérationnelle », indique Serge Mickoto. Au total, le FGIS détient des participations dans une cinquantaine d’entreprises. Il est ainsi le principal actionnaire du projet

« Nous investissons dans les secteurs clés identifiés par la politique d’émergence. » d’hôtellerie de luxe que développe l’État avec le singapourien Aman Resorts, pour un investissement d’au moins 70 millions de dollars (52,5 millions d’euros) sur cinq ans. À travers cette démarche, le Gabon entend se positionner sur le créneau de l’écotourisme et attirer quelque 100 000 visiteurs par an à l’horizon 2020. ● STÉPHANE BALLONG JEUNE AFRIQUE


Décideurs

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HASSAN OUAZZANI POUR J.A.

ð DIRIGEANT ÉCLECTIQUE, ce Casablancais était jadis à la tête de la chaîne de télévision 2M.

MAROC

Larbi Belarbi, autoptimiste

CONFIANT. Ce recours limité au

À la tête de l’association des équipementiers, il milite pour que l’usine Renault de Tanger fasse appel à plus de fournisseurs locaux.

P

LarbiBelarbiattendbeaucoupde résident de l’Association marocaine pour l’indusla grande usine low cost de Renault trieetlecommercedel’auTanger Med. Inaugurée le 9 février, tomobile (Amica), Larbi elle a déjà fabriqué 2 500 monoBelarbi est fier du chemin parcouru spaces Lodgy. « Le chiffre d’affaires par le secteur : « Nous exportons ons des équipementiers marocains pour plus de 2 milliards de dollconnaît une croissance annuelle de conn lars [plus de 1,5 milliard d’euros, 25%.Dorénavant,grâceàRenault 25 C’est le nombre NDLR] de pièces automobiles, Tanger, nous progresserons de de salariés dans le contre 200 millions de dollars 35 % par an ! » pronostique secteur automobile au en 2002. » Jadis directeur généce Casablancais, par ailleurs Maroc. La profession espère que l’usine Renault ral de la chaîne de télévision conseiller de Jean-Christophe générera à terme 2M,cepatronéclectiqueadirigé Kugler, directeur chargé de la 30 000 autres avec succès l’usine de la Société régionEuromedchezleconstrucré emplois toteur au losange. marocaine de construction autoPourtant,deuxmoisaprèslasortie Po mobile (Somaca) pour Renault ett PSAde2003à2008:soussahoulette, des premiers véhicules des chaînes la production est passée de 20000 à tangéroises,ladéceptionsefaitsentir plus de 45000 véhicules par an. chez les industriels locaux. Seules

65 000

deux sociétés à capitaux marocains, SocafixetTuyauto,ontétésélectionnées pour approvisionner directement l’usine. Si Renault annonce 50 % d’achats en provenance du Maroc,cesontsurtoutquinzefiliales locales de multinationales (dont dix nouvelles dans le royaume) qui lui fournissent ses pièces : Valeo fabriquelesphares,Saint-Gobainles vitres, Vizza les structures de siège… savoir-faire local n’est pas inéluctable, estime Larbi Belarbi. « Les constructeurs automobiles sont des gens prudents, on ne devient pas fournisseur de Renault du jour au lendemain. Les équipementiers marocains ont donc besoin d’être accompagnés, par l’État et par des partenaires, pour être au niveau sur le plan tant humain qu’industriel et logistique », assure-t-il. Il rappelle au passage qu’une vingtaine de fournisseurs secondaires travaillent déjà grâce à Renault Tanger. À terme, le président de l’Amica se montre confiant. « Nous pouvons devenir une plaque tournante de l’automobile pour les constructeurs européens, à l’instar de la Turquie et de la Roumanie. Mais, comme pour eux, cela prendra du temps », convient-il. ● CHRISTOPHE LE BEC, envoyé spécial à Casablanca

MEHMEL AZOUAOU ALGÉRIE TÉLÉCOM Ancien directeur général de Mobilis, filiale d’AlgérieTélécom, il a été nommé, fin mars, PDG de l’opérateur historique. Il connaît parfaitement le groupe, au sein duquel il a fait toute sa carrière. JEUNE AFRIQUE

CECILIA AKINTOMIDE BAD Secrétaire générale de la Banque africaine de développement depuis mai 2010, la Nigériane vient d’être nommée vice-présidente de l’institution en même temps que Sakala Zondo et Rémy Rioux.

FABRICE EBNER AIGLE AZUR Nommé directeur commercial et marketing de la compagnie aérienne française Aigle Azur, il avait auparavant été directeur de l’antenne française d’Etihad Airways, la compagnie nationale émiratie. N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

DR ; BAD ; AIGLE AZUR

ON EN PARLE


Marchés financiers

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ð Jusqu’au 15 mars, la valeur était largement BOUDÉE par la communauté financière.

AMINE LANDOULSI/WWW.IMAGESDETUNISIE.COM

il a gagné 115,5 %, pour s’établir le 5 avril à 8,19 dinars. Chaque jour, 20 000 titres en moyenne ont changé de main, contre moins de 500 au cours des deux mois qui ont précédé. Cette toute petite valeur, peu liquide, a vu sa part dans les échanges multipliée par 50. « Il n’y a aucune raison fondamentale à cet intérêt et à cette progression », tranche un analyste qui, comme toute la profession, s’interroge sur les raisons de ce brusque engouement. DÉLIT D’INITIÉ ? Retards réguliers

dans la publication des documents financiers, absence de communication récurrente auprès des analystes ou encore rapports annuels inaccessibles en ligne et très succincts… La société n’est pas réputée pour sa transparence et était auparavant largement boudée par la communauté financière tunisienne. Interrogée par Jeune Afrique, Rim Bergaoui confirme les éléments fournis quelques jours plus tôt au Conseil du marché financier. « Aucune information, aucun événement susceptible de provoquer une telle hausse du cours et de la quantité de titres échangés ou de l’expliquer n’est intervenu », affirme-t-elle. Délit d’initié caractérisé, tentative de prise de contrôle prochaine… Autant de rumeurs qui circulaient, début avril, sur le marché, où l’on évoquait aussi l’existence de négociations avec

BOURSE DE TUNIS

Electrostar, un mystère qui électrise le marché Largement délaissé il y a encore quelques semaines, le spécialiste de l’électroménager fait l’objet d’une incompréhensible frénésie sur la place tunisienne. Et déjà, les rumeurs vont bon train…

D

ici à fin avril au plus tard, la publication définitive des comptes d’Electrostar permettra à la communauté financière tunisienne de savoir, très précisément, quelle est l’ampleur des dégâts chez le spécialiste de l’assemblage et de la distribution de produits blancs (appareils électroménagers, climatiseurs). Loué pendant plusieurs années pour son dynamisme et sa grande efficacité commerciale, le groupe a vécu dix-huit mois extrêmement difficiles, du fait à la fois de l’impact de la révolution sur ses stocks (en partie détruits) et sur ses ventes, et des longues négociations avec ses créanciers. Selon les premiers résultats communiqués à la Bourse de Tunis, la filiale du groupe Hachicha (70 % du capital) verrait son chiffre d’affaires baisser de 19 %. « Les dégâts enregistrés début 2011 ont coûté environ 16 millions de dinars [8,2 millions d’euros, NDLR], rappelle Rim

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Bergaoui, directrice administrative et financière d’Electrostar. Le montant remboursé par les assurances s’élève à 2,7 millions de dinars, soit 17 % du montant des dommages. » Pour éviter que cela ne se traduise par de vertigineuses pertes, un rééchelonnement bancaire a été mis en place, via un crédit à moyen terme d’environ 16 millions de dinars, avec les partenaires financiers du groupe. L’endettement de l’entreprise a donc explosé, au point d’être aujourd’hui son principal point noir. Mais, grâce à ce montage financier, la profitabilité devrait être préservée. Electrostar a annoncé fin 2011 qu’elle s’attendait à un résultat net compris entre 500 000 et 1 million de dinars sur l’ensemble de l’année, un petit ballon d’oxygène après les 18,7 millions de dinars de pertes enregistrées en 2010. Malgré une situation financière très difficile, le cours de Bourse connaît actuellement une véritable envolée. Depuis le 15 mars et en une quinzaine de séances,

+ 115,5 % C’est

l’envolée du cours

entre le 15 mars et le 5 avril (8,19 dinars)

Une activité en dents de scie (en millions de dinars)

100

Chiffre d’affaires (échelle de gauche) 1,52

Résultat net (échelle de droite) 5 2,5 0,7

1,11

80 60

100 68,3

–5

66,6 50,8

40

– 10

41

20 0

0

– 15

– 18,7 2008

2009

2010

2011

20122 (prévision) (prévisio

– 20

JEUNE AFRIQUE


Baromètre un groupe égyptien leader dans l’électroménager. Electrostar, en attendant, confirme ses ambitions de redressement. « La direction a annoncé un doublement de son chiffre d’affaires en 2012, à 100 millions de dinars, pour un bénéfice de 2,5 millions », souligne Myriam Dhib, analyste chez Maxula Bourse et l’une des rares personnes présentes à la dernière assemblée générale d’Electrostar, en décembre. Fort de sa relation privilégiée mais non exclusive avec le sud-coréen LG et de plusieurs accords de distribution avec Indesit et Electrolux, le groupe compte aussi sur le déploiement de la marque chinoise d’entrée de gamme Midea pour doper ses ventes. Il affirme enfin que la suspension du marché parallèle – spécialité de la famille Trabelsi avant la révolution – est quelque chose d’extrêmement positif.

La publication prochaine des comptes apportera-t-elle une explication ? Néanmoins, plusieurs éléments demeurent inquiétants. Historiquement élevé, le taux d’endettement (dette/capitaux propres) a bondi de 136,4 % en 2009 à 551 % en 2010, selon Maxula Bourse. Les pertes abyssales enregistrées la même année ont lourdement réduit les fonds propres, rendant indispensable une recapitalisation prochaine. En termes de relais de croissance, les perspectives sont limitées. Electrostar a cédé fin 2009 ses activités en Algérie, portées par sa filiale locale Sodinco, à une autre structure du groupe Hachicha, pour une plus-value modeste (263 157 dinars). À l’époque, la nature « de plus en plus inaccessible pour les opérateurs étrangers » du marché algérien avait été mise en avant. Electrostar s’était alors coupé de tout espoir de développement hors des frontières tunisiennes, concentrant ses activités sur son seul marché domestique, très concurrentiel et désormais plutôt bien équipé. ● FRÉDÉRIC MAURY JEUNE AFRIQUE

Marchés financiers

Pétrole : flambée générale VALEUR

BOURSE

COURS au 4 avril (en dollars)

ÉVOLUTION depuis le début de l’année (en %)

African Petroleum

NEWCASTLE

1,64

+ 300

Cove Energy Ophir Energy Chariot Oil & Gas Afren Bowleven M&P Nigeria Maurel & Prom Kosmos Energy Tullow Oil

LONDRES

3,34 8,05 2,94 2,10 1,43 2,89 17,20 13,36 23,51

+ 81,03 + 75,38 + 73,13 + 54,26 + 33,53 + 12,31 + 11,01 + 8,97 + 5,56

LONDRES LONDRES LONDRES LONDRES PARIS PARIS NEW YORK LONDRES

REPARTI À LA HAUSSE fin janvier, au-dessus des 120 dollars, le baril de brent entretient la flambée des valeurs pétrolières africaines. Principal bénéficiaire de cette évolution, African Petroleum a profité de la découverte, en février, de pétrole dans l’un de ses puits au Liberia. Sur la rive opposée du continent, la frénésie est également de mise. Cove Energy profite de la bataille

entre Shell et le thaïlandais PTT Exploration & Production, qui offrent entre 1,2 milliard et 1,4 milliard d’euros pour le contrôle de cet explorateur dont le principal actif est au Mozambique. La découverte de pétrole au Kenya par Tullow Oil, fin mars, profite à tous, dont Ophir Energy, qui vient de lever 180 millions d’euros pour ses activités en Afrique de l’Est. ●

Valeur en vue TULLOW OIL Condamné à explorer BOURSE Londres • CA 2011 2,3 milliards de dollars (+ 111 %)

COURS 14,92 livres (5.4.2012) • OBJECTIF 14,50 livres

LA PRIME de valorisation actuelle deTullow Oil est la conséquence d’années de succès. Nous l’estimons actuellement à 7 milliards de dollars (5,25 milliards d’euros), ce qui implique des découvertes supplémentaires de 1,4 milliard de barils de pétrole. Les découvertes deTullow au cours des cinq dernières années (1,1 milliard de barils) ont créé des attentes encore plus grandes. La pleine montée en puissance du champ Jubilee, au Ghana, est attendue pour 2013, avec une production de 200 000 à Dragan Trajkov 300 000 barils par jour. Le démarrage de la production Analyste chez en Ouganda est prévu pour 2016. À cela s’ajouteront Renaissance Capital des projets ghanéens à 100 000 b/j. Ces opérations auront un impact mineur sur le cours (de + 12 % à + 30 % si tous les programmes d’exploration sont des succès), et tout mouvement haussier sera donc lié à de nouvelles découvertes. Néanmoins, l’entreprise peut se permettre une acquisition à 1 milliard ou 1,5 milliard de dollars, ce qui alimenterait une croissance régulière et générerait de la trésorerie disponible. » ●

N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

129


130

Dossier

Emploi & formation

AFRIQUE DU NORD

Le printemps des

cadres

Les indicateurs de l’emploi sont revus à la baisse dans les pays chamboulés par les révolutions arabes. Alors que la croissance marque le pas, les manageurs tirent néanmoins leur épingle du jeu. FANNY REY

L

optimisme et les pronostics du début de 2011 ont laissé la place à un bilan nettement plus mitigé sur le front de l’emploi en Afrique, tout particulièrement en Afrique du Nord. La croissance économique du continent a ralenti l’an dernier, s’établissant à 2,7 % (contre près de 5 % en 2010). Un taux inférieur à celui observé avant la crise mondiale de la période 2007-2009. Les origines de cette baisse de régime ? Avant tout, les révolutions arabes et la crise économique et financière. « Le plus inquiétant, c’est la possibilité, en raison des perturbations économiques et des inquiétudes persistantes concernant la sécurité, que les investisseurs restent encore longtemps méfiants », souligne le rapport annuel de l’Organisation internationale du travail (OIT). De fait, l’heure est à l’attentisme, les incertitudes politiques et économiques ayant entraîné un manque de visibilité chez les investisseurs,

qui ont soit reporté leurs projets, soit retiré leurs capitaux, privant les économies nord-africaines de milliers d’emplois. Un phénomène qui a été amplifié par l’intervention des agences de notation, qui ont immédiatement abaissé la note de la Tunisie, de l’Égypte et de la Libye, rendant plus coûteux l’accès au financement des projets et des entreprises. Autre indicateur dans le rouge : celui du taux de chômage, dont la hausse a affecté tous les pays du Printemps arabe. Entre 2010 et 2011, il est ainsi passé de 13 % à 16,3 % en Tunisie, de 9 % à 12,2 % en Égypte, de 21 % à plus de 30 % en Libye. Premiers touchés : les femmes et les jeunes.

LE TERTIAIRE RÉSISTE. L’impact économique des crises politiques n’empêche pas les cabinets de recrutement de se montrer confiants. « Les révolutions arabes ont tassé la croissance des pays d’Afrique du Nord, mais sur le long terme il est évident qu’elles seront bénéfiques et que de nouvelles opportunités vont se créer », pronostique Julien Verspieren, cofondateur de Fed Africa. Même son de cloche chez Robert Walters : « Le marché de l’emploi des cadres reste très dynamique au Maroc et en Tunisie, ce dernier pays ayant bien su rebondir, affirme Fabiano Minciotti, directeur associé chargé de la division Afrique. La situation est plus compliquée en Libye et en Égypte, où l’heure est à l’attentisme et aux interrogations. » Sans surprise, c’est le secteur tertiaire qui promet d’être le plus dynamique en matière de création

LE SECTEUR BANCAIRE (ici la Biat, à Tunis) reste dynamique et très porteur pour les hauts diplômés.

RETOUR À L’ÉQUILIBRE EN CÔTE D’IVOIRE QUELQUE 120 000 EMPLOIS ont été détruits en cinq mois de crise postélectorale ivoirienne. Mais un an plus tard, les cabinets de recrutement sont formels : la situation de l’emploi est revenue à l’équilibre. « Après s’être arrêtée pendant quelques mois, l’économie N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

ivoirienne connaît un rebond très fort en ce moment : on sent qu’il y a un besoin de compétences, de cadres de haut niveau. Avec la stabilisation politique, les investisseurs reviennent », indique Fabiano Minciotti, directeur associé de Robert Walters chargé de la

division Afrique. Ce que confirme Joël-Éric Missainhoun, directeur d’AfricSearch Côte d’Ivoire. « Dès juin-juillet 2011, on a recommencé à embaucher, notamment dans les secteurs financier et agroalimentaire, qui redémarrent F.R. sur les chapeaux de roues. » ● JEUNE AFRIQUE


INTERVIEW

Paul Giniès, président

Réseaux sociaux, le match des pros

PORTRAIT

Boualem Kadi, directeur de Michael Page Maroc

NTIC

L’enseignement en ligne tisse sa toile

131

NICOLAS FAUQUÉ/WWW.IMAGESDETUNISIE.COM

de l’Institut d’Afrique

INTERNET

d’emplois pour les dix ans à venir. « Au cours des prochaines années, il continuera de fournir plus de 40 % des emplois en Afrique », précise Hicham El Moussaoui, maître de conférences en économie à l’université Sultan-Moulay-Slimane, à Béni Mellal (Maroc). « Le marché reste porteur pour les cadres, particulièrement dans la banque et l’assurance, où la tendance est à la concentration », indique Julien Verspieren, qui se dit résolument optimiste pour 2012-2013. Idem pour les télécoms, « où l’on assiste à des concentrations, des rachats, autant d’évolutions qui réclament des recrutements d’experts ». « Côté distribution, des champions régionaux se développent, et l’agroalimentaire demeure un marché très dynamique, poursuit le directeur de Fed Africa. Tout comme le BTP et les hydrocarbures, les pays exportateurs ayant profité de la crise libyenne et de la hausse des prix. » AFRICANISATION. En ce qui concerne les pro-

fils les plus recherchés, Fabiano Minciotti, de Robert Walters, constate une forte demande d’experts – juristes, fiscalistes, directeurs financiers, JEUNE AFRIQUE

ENTRE 2010 ET 2011, LE TAUX DE CHÔMAGE EST PASSÉ DE…

13 % À 16,3 % TUNISIE

9 % À 12,2 % ÉGYPTE

21 % À 30 % LIBYE

etc. – mais aussi de manageurs pour des filiales. « La dimension haut management est très demandée, ainsi que les métiers commerciaux et du marketing, les entreprises se renforçant sur ce segment. » Autre tendance qui se confirme : celle de l’africanisation des cadres. « Au Maghreb comme en Afrique subsaharienne, les grands groupes européens avec lesquels nous travaillons souhaitent placer à la tête de leurs équipes des autochtones, ce qui permet d’optimiser les relations avec les partenaires commerciaux et les équipes à encadrer », relève Fabiano Minciotti. Des tendances de fond qui ne semblent pas pâtir du ralentissement provisoire du marché de l’emploi. Reste que l’impact du Printemps arabe devrait être ressenti jusqu’au milieu de l’année, à en croire le rapport annuel de l’OIT. « La clé réside dans la réhabilitation d’un climat de confiance pour rassurer les investisseurs étrangers, analyse Hicham El Moussaoui. Pour cela, ces derniers doivent savoir ce que le gouvernement compte faire dans le secteur économique, ce qui n’est pas forcément le cas aujourd’hui. » Loin de là. ● N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012


Dossier Emploi & formation INTERVIEW

Paul Giniès

P RÉSIDENT

DE L ’I NSTITUT D ’A FRIQUE

« L’offre de formation doit tenir compte de la demande du secteur privé » Think-tank basé à Ouagadougou, l’Institut d’Afrique confrontera les insuffisances des filières existantes aux attentes des employeurs.

D

un côté, quelque 10 millions d’Africainsarriventchaque année sur le marché du travail. De l’autre, les entreprises peinent à recruter. Sur fond de croissance économique, cette situation absurde constitue le point de départ d’une initiative conjointe de l’Institut international d’ingénierie de l’eau et de l’environnement (2iE, à Ouagadougou), de HEC Executive Education et du Medef international : l’Institut d’Afrique. JEUNE AFRIQUE : Quelle réflexion sous-tend la création de l’Institut d’Afrique, lancé en septembre ? PAUL GINIÈS: Le décalage grandit

entre l’aspiration de la jeunesse à avoir un emploi et une économie qui ne trouve pas les ressources nécessaires.Ilfautremodelerlesformations en fonction de la demande du privé. L’idée est de faire évoluer des compétences existantes et de les ouvrir sur leur environnement socioéconomique. Le rendez-vous du patronat africain, « Business Africa », en septembre à Abidjan, constituera une étape décisive dans la formalisation de notre projet. Sur quels outils repose ce dispositif ?

L’Observatoire des compétences et de l’emploi va se développer peu à peu pour analyser les évolutions du marché de l’emploi sur une base régionale et sectorielle. À plus long terme s’y ajoutera une fonction de prospective. En parallèle, un portail internet sera effectif d’ici à 2013 : il proposera la liste des formations existant en Afrique et un catalogue N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

des données concernant les filières économiques les plus porteuses. Sur quelles filières et quels niveaux d’études l’Institut d’Afrique concentrera-t-il ses travaux ?

Les secteurs prioritaires sont l’énergie, l’électricité, les mines, les BTP, l’eau et l’assainissement. Concernant les niveaux de formation, l’un de nos objectifs est justement de casser les barrières entre secondaire et supérieur, de reconstituer une sorte de continuum. On s’aperçoit que les besoins les plus grands sont compris entre les niveaux bac–3 et bac+3.

FRANÇOIS KOUNDOU CAYATTE

132

Qui sont vos partenaires?

Les premiers organismes de formation rassemblés sont HEC, 2iE, l’association Codifor, l’Union française de l’enseignement technique privé, le Centre international d’études pédagogiques et le groupe français Cesi. Côté entreprises, citonslaConfédérationpanafricaine desemployeurs,leMedefinternational, EDF et Veolia Environnement, mais des discussions sont engagées avec plusieurs grands groupes qui investissent en Afrique.

Paul Giniès est aussi directeur général de L’INSTITUT INTERNATIONAL D’INGÉNIERIE

DE L’EAU ET DE

L’ENVIRONNEMENT

(2iE, à Ouagadougou).

Il s’agit de tirer le système vers le haut. Quelles ont été les premières actions mises en œuvre ?

Le 27 janvier, un protocole d’accord a été signé entre le gouvernement ivoirien, le secteur privé ivoirien et l’Institut d’Afrique pour que ce dernier apporte sa

compétence à la rénovation de l’InstitutpolytechniqueHouphouëtBoigny, à Yamoussoukro. Pour la suite, nous n’avons pas d’action programmée à court terme. L’enjeu, c’est d’être capable de montrer dans l’année qui vient notre valeur ajoutée et de nous enrichir en termes de partenariats, puis de concrétiser notre projet d’observatoire. Comptez-vous mettre en place une labellisation des formations?

Oui, car il s’agit de tirer le système vers le haut, que les compétences acquises soient reconnues de tous. L’expertise de l’Institut d’Afrique sera le complément indispensable des organismes de formation pour garantir l’emploi à la sortie des études. ● Propos recueillis par FANNY REY JEUNE AFRIQUE


Dossier ð JOKKOLABS, à Dakar, accueille une cinquantaine de travailleurs.

ÉMILIE RÉGNIER POUR J.A.

site internet ou une application smartphone innovante. Le développement des structures de coworking a connu une explosion récente. Alors qu’il n’en existait que trois à travers le continent en 2010, on en dénombre aujourd’hui une quinzaine. Si les pionniers sont apparus dans la partie anglophone – notamment au Kenya –, l’Afrique francophone n’est pas en reste: elle en regroupe un bon tiers. Et les expériences s’avèrent concluantes au Cameroun, au Sénégal et en Côte d’Ivoire. Abidjan, par exemple, possède déjà deux espaces de travail partagés, Akendewa (lire encadré) et AMN Coworking Space.

COWORKING

Un bureau pour deux, trois… vingt-cinq! Loyer modéré, flexibilité et émulation : les espaces de travail partagés font leur chemin en Afrique. Prisés des professionnels des nouvelles technologies, ces lieux agissent comme des catalyseurs d’innovation.

À

l’image de l’agence 3W, pionnière au Sénégal en matière de communication web spécialisée dans les réseaux sociaux, nombre de start-up florissantes optent pour les espaces de coworking plutôt que de louer des locaux. Malgré l’augmentation de ses effectifs, 3W a ainsi choisi de rester domiciliée chez JokkoLabs, un espace de travail partagé ouvert il y a un an et demi à Dakar. « Le loyer y est certes plus abordable [environ 65 000 F CFA par mois et par personne, soit 100 euros, NDLR], mais c’est avant tout la flexibilité et l’émulation positive au contact des coworkers qui expliquent le choix de 3W », explique Karim Sy, fondateur du lieu. SYNERGIES. JokkoLabs, du wolof

joxko (« donne-lui ») et jotko (« rejoins-le »), accueille en tout une cinquantaine de « jokkoworkers », dont 25 permanents. JEUNE AFRIQUE

Qu’ils soient blogueurs, community managers, développeurs ou graphistes, ils travaillent tous grâce aux nouvelles technologies. Le succès de tels espaces repose sur leur capacité à rassembler et à animer la « tech-communauté » locale en agissant comme des catalyseurs d’innovation. Rencontres et synergies y sont facilitées, permettant ainsi à des aventures entrepreneuriales originales de prendre forme, qu’il s’agisse de créer un

Quelques pionniers Au Sénégal • JokkoLabs, à Dakar • Bantalounge, à Saint-Louis En Côte d’Ivoire • Akendewa, à Abidjan • AMN Coworking Space, à Abidjan Au Cameroun • ActivSpaces, à Buéa Au Maroc •Le premier espace de coworking ouvrira début mai à Casablanca

PLATEFORME VIRTUELLE. En parallèle de ces espaces, d’autres organisations émergent pour aider les entrepreneurs du web. Certaines sont entièrement virtuelles, comme Venture Capital for Africa (VC4A), qui a conçu un portail de rencontres entre e-créateurs et investisseurs. « Nous connectons nos membres en fonction de leurs besoins, à la manière d’un réseau peer to peer », explique Ben White, son cofondateur. Les 200 start-up enregistrées sur le site ont des besoins compris entre 50 000 et 250 000 dollars (de 37 000 à 187 000 euros). La plateforme permet notamment à des business angels étrangers, souvent membres de la diaspora, d’accéder à des projets innovants qui n’auraient peut-être pas vu le jour faute d’investisseurs locaux. ● NICOLAS TEISSERENC

ENTREPRENEURS INVÉTÉRÉS PLUS QUE DE SIMPLES GÉRANTS, les créateurs des espaces de coworking sont avant tout des entrepreneurs invétérés. Ainsi en Côte d’Ivoire, le président d’Akendewa, Jean-Patrick Ehouman, est également le fondateur d’une web agency baptisée AllDenY. Il a aussi fait parler de lui en mettant en place un site d’alertes, Ushahidi, lors de la crise postélectorale de 2011. Ce système, qui permet de signaler en temps réel les témoignages de violences sur Google Maps, a été inventé par une équipe d’un autre espace de coworking pendant les troubles de 2007 au Kenya. « À Abidjan, nous avons aidé à secourir 82 personnes en danger de mort en facilitant l’arrivée des secours et la mise en relation avec des médecins via un centre d’appels délocalisé au Ghana », N.T. relate l’entrepreneur. ● N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

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Dossier Emploi & formation de faire une veille, car les CV sont ouverts », précise Nicolas Bussard. Même objectif chez Viadeo Africa: « Les cadres peuvent se donner de la visibilité, être à l’écoute du marché sans forcément montrer qu’ils sont à la recherche active d’un emploi », déclare Chams Diagne.

SHARON DOMINICK

134

Basé à Dakar comme son rival, LINKEDAFRICA a été lancé en janvier 2011. INTERNET

Réseaux sociaux, le match des pros L’un, en partie payant, se veut « global » et compte 2 millions d’inscrits en Afrique. L’autre, totalement gratuit, revendique une spécificité continentale et a conquis 250 000 membres. Double-clic sur Viadeo et LinkedAfrica.

I

l y avait de toute évidence un créneau à prendre, mais le succès de son site a dépassé les attentes de Nicolas Bussard. « L’Afrique n’est pas assez structurée auniveaudel’emploietdubusiness. Mais nous ne pensions pas que ce serait si populaire », se réjouit le PDG de LinkedAfrica. En ligne depuis janvier 2011, ce réseau social professionnelcompte250000 adhérents au Sénégal, en Côte d’Ivoire, auCameroun,auNigeria,auGhana, au Kenya… et dans les pays de la diaspora (France, Belgique, ÉtatsUnis, Canada…). Les fonctionnalités du site sont toutes gratuites, contrairement à Viadeo, dont un premier bureau a été ouvert à Dakar en mars 2011. « Notre réseau est un peu d’utilité publique », explique Nicolas Bussard. De fait, chez LinkedAfrica, il n’est pas question de chiffre d’affaires, car la société vit des autres activités de sa maison mère – dont l’identité est gardée secrète. À terme cependant, la création de services payants (comme l’aide à l’écriture de CV) est envisagée. N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

Comment les deux concurrents basés à Dakar se perçoivent-ils ? « Je ne considère pas LinkedAfrica commeunréseauentantquetel.Un réseau doit être global et ne pas se limiteràuncontinent.Actuellement, nous sommes le seul réseau social à dimension mondiale présent en Afrique»,souligneChamsDiagne,le responsable de Viadeo Africa. Avec 2 millions d’inscrits sur le continent, Viadeo Africa « recrute » surtout au Maghreb – un deuxième bureau a ouvert en janvier au Maroc –, mais aussi en Côte d’Ivoire et au Sénégal. Chez LinkedAfrica, on met justement la spécificité continentale en avant : « Notre positionnement est 100 % africain, c’est important car l’Afrique fait peur aux investisseurs qui ne savent pas par où commencerunbusinessici»,indiqueNicolas Bussard. LinkedAfrica revendique un système « non élitiste », avec des membres issus aussi bien de la banque ou du marketing que des BTP ou de l’hôtellerie. Mais ces réseaux sociaux professionnels attirent surtout les cadres. « Cela leur permet de se jauger et

GÉNÉRATION 3G. Une chose est sûre : le créneau est bon, alors que l’accès à internet se développe via la 3G. Les connexions ont bondi de 680%parrapportà2010,selonl’Observatoire sur les systèmes d’information, les réseaux et les inforoutes au Sénégal (Osiris). « Ces réseaux professionnels touchent surtout ceux qui travaillent dans les nouvelles technologies, l’informatique, les télécoms. Pour ces personnes, il est important d’être impliqué dans des réseaux, au-delà des sites de petites annonces. C’est aussi une bonne façon pour les recruteurs de trouver des employés ouverts, tournés vers les innovations », signale Olivier Sagna, secrétaire général d’Osiris.CequeconfirmeMohamed Sokona, ingénieur à Bamako et inscrit sur ces réseaux : « Cela m’a permis d’élaborer des projets et d’identifier des personnes ressources avec qui j’ai pu travailler. » Viadeo et LinkedAfrica veulent développer des partenariats offline et apporter des offres plus élabo-

Ces sites attirent surtout les cadres, qui y font de la veille et se donnent une visibilité. rées à leurs membres. Pour Viadeo Africa, cela passera notamment par des projets au Sénégal. « Nous allons réaliser des partenariats avec un opérateur téléphonique, avec le patronat, avec des journaux, pour démultiplier la visibilité de leurs offres », annonce Chams Diagne. Chez LinkedAfrica, « au-delà des services d’accompagnement professionnel que nous proposons à nos adhérents, nous voudrions proposer aux universités d’inviter leurs élèves actuels et passés pour créer un réseau professionnel », affirme Nicolas Bussard. À suivre. ● AURÉLIE FONTAINE, à Dakar JEUNE AFRIQUE


Dossier RECRUTEMENT

Deux salons à la loupe Le 13 avril, employeurs et candidats ont rendez-vous au forum Careers in Africa, à Paris. Puis viendra AfricTalents, en octobre.

P

our mettre en relation directe entreprisesetcandidats,riende mieux qu’un forum. Organisé par le cabinet de recrutement international Global Career Company, le salon Careers in Africa se tient à Paris le 13 avril. Il attire chaque année quelque 250 participants – uniquement sur invitation – et se solde par une cinquantaine d’embauches. Il se décline ensuite à Nairobi, Lisbonne, Londres et Dakar entre avril et juin.

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Le premier se décline ensuite à Nairobi, Lisbonne, Londres et Dakar entre avril et juin. Pour postuler, il faut justifier d’un permis de travail dans un pays africain, être titulaired’undiplômedepremiercycleou d’unequalificationprofessionnelle,parler anglais et au moins une langue africaine. VIVIER. Créé en 1999 et organisé par

AfricSearch–leprincipalcabinetderecrutement dévolu au continent –, le forum AfricTalentssedéroulequantàluisurune journée en octobre, à Paris, et réunit une centaine d’entreprises (MTN, Orange, Bolloré, Canal+, Banque Atlantique…). Y sontgénéralementrecherchésdesmanageurs pour les entreprises africaines, et en premier lieu les seniors. Lors de ses deux dernières éditions, ce rendez-vous professionnel annuel a accueilli à chaque fois quelque 600 candidats. S’il est difficile de chiffrer précisément le nombre de recrutements réalisés via ce forum, les responsables précisent qu’au moins 150 postes sont pourvus à chaque édition et qu’une évaluation est mise en place six mois après la tenue du salon.Lesentreprisesprésentesélaborent par ailleurs une base de données de CV de candidats, un vivier dans lequel elles puisent pendant un à deux ans. ●

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Dossier Emploi & formation PORTRAIT

Boualem Kadi, recruté par l’Afrique Ce Français d’origine algérienne a été choisi par Michael Page Africa pour diriger son bureau de Casablanca. Un poste qu’il occupe depuis juillet dernier.

HASSAN OUAZZANI POUR J.A.

136

I

«

l faut suivre ton pain là où il t’emmène. » Né à Saint-Étienne (France), formé au Royaume-Uni et directeur du bureau marocain de Michael Page depuis juillet dernier, Boualem Kadi médite volontiers l’adagedesonpère.Installéavecson équipe au seizième étage de la tour ouest du Twin Center, en plein cœur de Casablanca, le jeune quadra, déjà épaulé par trois consultants, ne cache pas ses ambitions. « Notre objectif est de devenir numéro un du marché marocain, comme dans chaque pays où Michael Page s’installe. En 2013, j’aurai avec moi dix consultants », précise-t-il. Premier cabinet de recrutement de stature internationale à s’implanter dans le pays, Michael Page devra pour cela s’imposer face à la concurrence des acteurs locaux comme LMS Recrutement, Diorh ou encore IBB Management. Une compétition qui devrait encore gagner en intensité avec l’arrivée prévisible d’autres grands cabinets. «Notreprésenceestlapreuvedela maturitédumarché.Deplusenplus

N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

d’entreprises marocaines recrutent leurs cadres à partir de critères objectifs [en dehors des réseaux et non plus en fonction d’une origine sociale supposée, NDLR]. Être basé de manière permanente au Maroc va nous permettre de ne pas nous limiter à quelques opportunités », expliqueBoualemKadi,quiregrette encore que son cabinet ait raté l’implantationdeRenaultàTanger.Reste que le Maroc est déjà un marché clé pour Michael Page Africa, qui y réalise 20 % de son chiffre d’affaires. Un succès auquel Boualem Kadi n’est pas étranger. Élevé par un père ouvrier et une mèreaufoyer,c’estpourtantentournant le dos à la Méditerranée que lejeuneBoualems’estconstruit.«Il y avait avec l’Afrique une certaine distance. Mon premier voyage à Alger, je l’ai fait pour Michael Page », se rappelle-t-il. Après un diplôme universitaire de technologie obtenu à Saint-Étienne, il poursuit ses études à Leeds (Royaume-Uni), où il obtient un bachelor (bac+3) en administration des affaires. De retour dans sa région d’origine,

LE CHASSEUR est épaulé par trois consultants. Une équipe appelée à s’étoffer. DE TÊTES

Boualem Kadi s’imagine alors commercial. Mais au début des années 1990, l’économie française est en crise.Fauted’autreoption,ilaccepte un job « alimentaire » de formateur. Le jeune homme se prend au jeu. Il restera sept ans au sein des Maisons familiales rurales, qui viennent en aide à des adolescents en échec scolaire. D’autres projets le mènent ensuiteenBretagne,puisenIrlande. Sa carrière de recruteur démarre au milieu des années 2000. Arrivé à Paris pour créer son entreprise, Boualem Kadi décroche au culot une mission pour l’assureur AXA, qui souffre d’une pénurie de manageurs commerciaux. L’expérience est concluante et il devient un prestataire régulier. « Entrepreneur, je travaillais de chez moi et, à l’occasion, louais un bureau sur les Champs-Élysées»,sesouvient-il.Au bout de trois ans, il se lasse de son statut d’indépendant… au moment même où Paul Mercier, alors directeur du développement de Michael Page France, réfléchit à la création d’undépartementdévoluàl’Afrique. UN CURSUS ATYPIQUE. Grâce à

son réseau, Boualem Kadi obtient un entretien et parvient, en dépit de son cursus atypique, à convaincre son interlocuteur. « Pour la première fois, être d’origine algérienne était un atout. En intégrant Michael Page, je passais de la deuxième division à la Ligue des champions ! » s’amuse-t-il. Rapidement, l’homme gagne se ses premiers galons et prend la di direction d’une quinzaine de collaborateurs pour chapeauter les secteurs des télécoms, des biens C’est la part du chiffre d’affaires de consommation, de la santé et de Michael Page de la finance. Progressivement, il Africa réalisée fait de l’Afrique du Nord l’un de ses au Maroc te territoires de prédilection et devient le candidat naturel pour l’ouverture du bureau de Casablanca. Mettre ce projet sur les bons rails devrait lui prendre au moins trois ans, avant que,sansdoute,son«pain»lemène vers d’autres horizons. ●

20 %

JULIEN CLÉMENÇOT JEUNE AFRIQUE


137

en toile de fond, les notions de « management interculturel ou transculturel ».

THIERRY SEGUIN/HEC

COOPTATION. Afin que la dis-

RÉUNION 2011 DES CLUBS AFRICAINS, en juin dernier, à Paris. FORMATION CONTINUE

Bienvenue au club HEC

L’école parisienne est présente dans douze pays africains à travers des cercles de réflexion et d’échange. Ceux-ci rassemblent des cadres soucieux d’améliorer leurs capacités de management et leur compétitivité.

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mbitieux, souvent diplôméshorsducontinent, bénéficiant d’un entregent important… En Afrique, une nouvelle classe de cadres tient les rênes des entreprises, notamment dans le secteur privé. À travers ses Executive Clubs, lieux d’échanges sur des questions transversales du monde des affaires, l’École des hautes études commerciales (HEC), à Paris, ambitionne de les sensibiliser aux pratiques internationales.Lavocationdecesclubs? Permettre aux cadres intéressés par le débat économique et social de se rencontrer,desefamiliariseravecles approches managériales en vigueur dans le monde et de les comparer aux méthodes locales. Fort de quelque 400 membres, le programme HEC Executive Club est présent dans douze pays africains (Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Côte d’Ivoire, Sénégal…). Selon Olivier Behlé, chef d’entreprise et président du club HEC Cameroun, « son intérêt principal est qu’il permet aux manageurs africains d’être au même niveau que leurs homologues occidentaux ». Concrètement, les Executive Clubs de HEC organisent dans chaque pays une série

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de huit conférences par an sur des thèmes managériaux définis par les participantseux-mêmes.Innovation stratégique, leadership et changement, gouvernance et pilotage de projets, coaching managérial… La variétédessujetsabordéspermetde fournir des clés pour comprendre les blocages susceptibles d’apparaître dans une entreprise. L’établissement parisien soumet également à tout le réseau africain un thème de réflexion, qui est ensuite débattu à Paris lors de la réunion annuelle des clubs. Pour 2012, par exemple, les participants plancheront sur l’existence d’un leadership africain – par opposition au leadership international – avec,

cussion s’installe dans le temps, il faut que les cadres se sentent en confiance, qu’ils puissent évoquer leurs expériences en sécurité. D’où la décision d’éviter de réunir au sein d’un même club des concurrents directs. L’intégration se fait donc parcooptation,maisunecooptation réfléchie, privilégiant la pluralité des profils, qui doivent être issus de secteurs d’activité variés et de structures de différentes tailles, les cadres s’enrichissant de leurs différences. Au terme de deux années de présence au sein d’un club, HEC délivreuncertificatauxparticipants. S’il est toujours du meilleur effet d’afficher sur son CV le label d’une institution prestigieuse, le véritable bénéfice pour le cadre, c’est l’accès au réseau HEC, qui lui assure une plus grande visibilité sur le marché du travail. Présents dans l’annuaire des membres des Executive Clubs, ses adhérents ont également accès, par exemple, au réseau des anciens élèves. « À terme, ces clubs pourraient bien se transformer en thinktanks, les adhérents devenant ainsi

Le suivi des conférences sur deux ans débouche sur un certificat. force de proposition gouvernementale », indique-t-on à la direction de HEC. Un rêve récemment dépassé parlaréalité:AbdoulMbaye,lenouveau Premier ministre sénégalais, n’a-t-il pas présidé le club HEC de Dakar de 2005 à 2009? ● CLARISSE JUOMPAN-YAKAM

LE PROGRAMME AGORA IL SE NOMME MIRI en Côte d’Ivoire, Émergence au Gabon et Atens auTogo. Dans ces trois pays du réseau HEC Executive Club, le programme d’accompagnement gouvernemental des réformes en Afrique (Agora) permet de renforcer les capacités managériales de tous les agents de l’administration, l’idée étant de consolider le dialogue public-privé afin d’améliorer le climat des affaires. Chaque fois, la formule est la même: HEC Executive Club forme d’abord les cadres de catégorie A sur des thèmes stratégiques proposés par un comité de pilotage (gestion de projets et des ressources humaines, leadership, management des équipes, etc.) et sensibilise, lors de méga-ateliers, l’ensemble des fonctionnaires aux enjeux des administrations orientées clients. La mission d’évaluation prévue au Congo-Brazzaville devrait C.J.-Y. aboutir à la mise sur pied d’un nouveau programme. ● N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012


Dossier Emploi & formation ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

Au Maghreb, une réforme LMD à tâtons

C’est un gage de mobilité et de meilleure lisibilité des diplômes à l’international. Le système licencemaster-doctorat a fini par s’imposer dans les universités marocaines, tunisiennes et algériennes.

U

n vent de réforme a soufflé sur les universités du Maghreb. En l’espace de quelques années, le Maroc, la Tunisie puis l’Algérie ont remplacé l’ancienne architecture de l’enseignement supérieur par le système LMD : licence (bac+3), master (bac+5), doctorat (bac+8). Le premier à avoir franchi le pas est le Maroc. C’était en 2003. Dans ce pays, le passage au système LMD est le résultat d’un processus de négociations entre le département de l’Enseignement supérieur et le Syndicat national de l’enseignement supérieur. En 2009, il a été décidé de revoir certaines orientations via un « plan d’urgence ». Cette opération devrait permettre, dès cette année, de redéfinir l’organisation des universités ainsi que le développement de la recherche scientifique. En Tunisie, le système LMD a été instauré en 2005 par une décision de l’ex-président Ben Ali. « La mobilité a été le mot clé de la réforme du système universitaire dans le pays. En Tunisie, les étudiants ont plus de facilités pour changer d’établissement, puisque le mode d’organisation a été uniformisé. Par

OMAR SEFOUANE POUR J.A.

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ailleurs, cette notion de mobilité leur permet de poursuivre leurs études dans des universités étrangères, notamment européennes », indique Hedi Negra, professeur de géologie à l’université de Tunis. Enfin, en Algérie, le processus a débuté en 2002, lorsque les pouvoirs publics ont entrepris une réforme du mode de gestion et de fonctionnement de l’université. Faible rendement, phénomène de déperdition, méthode d’évaluation pénalisante… Les failles du système antérieur ne permettaient plus de prendre en charge le million d’étudiants inscrits dans les établissements du supérieur. La phase d’expérimentation s’est achevée en janvier 2008 avec l’adoption de la loi d’orientation sur l’enseignement

EN ALGÉRIE (ici l’École nationale supérieure de journalisme de Ben Aknoun), la nouvelle architecture est en vigueur depuis 2008.

UNE RÉALITÉ AFRICAINE LE SYSTÈME LMD concerne aujourd’hui quasiment tout le continent. Dans le sillage du Maghreb, des pays subsahariens francophones se sont engagés sur cette voie. C’est le cas notamment des États de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), qui ont décidé en 2007 de faire du système LMD le cadre de référence des diplômes délivrés par l’ensemble des établissements universitaires des huit pays membres. Ce nouveau canevas des études a également été adopté par les pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac). La généralisation de ce système est par ailleurs effective dans les universités d’Afrique du Sud et de Madagascar. ● T.H. N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

supérieur. Le texte consacre officiellement l’architecture en trois cycles du système LMD et permet, de fait, sa généralisation dans l’ensemble des établissements d’études supérieures d’Algérie. FUITE DES CERVEAUX. « Le pas-

sage vers un enseignement plus performant était urgent et l’option LMD était devenue une évidence. De nombreux pays avaient opté pour ce système et l’Algérie ne pouvait rester en marge du contexte régional et international », souligne le professeur Abdelhamid Djekoune, recteur de l’université Mentouri, à Constantine. De son côté, Brahim Boulegane, secrétaire général de l’Union nationale des étudiants algériens, reconnaît que le système LMD a conféré aux diplômes algériens une « meilleure lisibilité » à l’international. « Les étudiants algériens s’adaptent plus facilement dans les universités étrangères, note le responsable de l’organisation étudiante. Mais cet atout peut, à terme, avoir un effet négatif en aggravant la fuite des cerveaux à laquelle est confrontée l’Algérie depuis de nombreuses années. » ● TAREK HAFID, à Alger JEUNE AFRIQUE



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Dossier Emploi & formation NTIC

L’enseignement en ligne tisse sa toile

Grâce à des organismes comme l’Agence universitaire de la francophonie, l’Université virtuelle africaine ou l’Université virtuelle de Tunis, la formation à distance connaît un succès suc uccès croissantt à travers le co cont continent. ntin inen ent.

L

a scène se passe à Ouagadougou. Entouré de ses amis, Hamidou Yameogo soutient son master 2 en droit du cyberespace africain. À 37 ans, ce juriste est sensiblement plus âgé que la moyenne de ses camarades, mais ce n’est pas là le plus surprenant. « Tout s’est déroulé comme pour une soutenance normale… sauf que les jurés étaient à Saint-Louis et à Dakar, au Sénégal ! Tout s’est passé par visioconférence », explique-t-il. Logique, puisque son diplôme est délivré par l’université Gaston-Berger, à SaintLouis précisément, en formation ouverte et à distance (Foad). Un ordinateur, une webcam, et le tour est joué ! Pendant un an, Hamidou Yameogo, qui exerce par ailleurs une activité professionnelle, a ainsi pu se connecter à une plateforme sur internet où il trouve cours et exercices. Tous les midis, au lieu de rentrer chez lui, il étudie pendant deux heures. Parfois, il chatte avec des professeurs ou des doctorants. Souvent, il doit rendre des exercices pratiques. « Je pensais que ce serait moins contraignant qu’une formation classique, mais ce n’est pas évident à concilier avec les N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

impératifsprofessionnels,familiaux, associatifs », reconnaît-il. Avantage incontestable, l’étudiant travaille où il veut, quand il veut. Seuls les examens,organisésdanslescampus numériques de l’Agence universitaire de la francophonie (AUF), ont lieu en présentiel. Cet organisme, qui vise à développer l’apprentissage à distance à l’université, voit les effectifs exploser d’année en année sur le continent, où il supervise 36 formations à distance, dont six au Maghreb. L’an dernier, l’AUF a ainsi reçu plus de 12 000 candidatures pour la deuxième année consécutive, alors qu’elle n’en dénombrait que 5000 en 2005. « En 2011, la part des candidatures émanant d’Afrique

subsaharienne s’élève à 82,5 %. Comme les cinq années passées, ce sont les Camerounais (16,24 %) puis les Burkinabè (13,17 %) qui ont le plus répondu », précise Sophie Villeret, responsable de projet Foad pour l’Afrique à l’AUF. FEMMES AU FOYER. Le Maghreb ne représente que 7 % des dossiers traités par l’agence. Il faut dire que la Tunisie s’est elle-même dotée dès 2002 d’une structure transversale, l’Université virtuelle de Tunis (UVT). Celle-ci propose, en parallèle de ses propres diplômes (cinq masters, quatre licences et deux certificats), des modules indépendants en informatique, en anglais ou en entrepreneuriat à toutes les universités maghrébines. Comme le souligne Asma Errais, sous-directricedel’UVT,laFoads’imposepour résoudre les problèmes d’absorption des nouveaux bacheliers dans lesuniversités,maisaussipourassurer la formation des professionnels et des femmes au foyer.

Un ordinateur, une webcam, et le tour est joué ! Les enjeux sont les mêmes partout sur le continent. De fait, dans plusieurs pays, notamment au Kenya, en Tanzanie ou au Sénégal, plusieurs institutions universitaires sont partenaires de l’Université virtuelle africaine (UVA). Cet organisme créé par la Banque mondiale en 1997 revendique pas moins de 40000 diplômés à travers l’Afrique. ● SÉBASTIEN DUMOULIN

LES PROFESSEURS AUSSI LA FORMATION ouverte et à distance (Foad) permet de former non seulement des étudiants, mais aussi des professeurs. C’est par exemple le cas à l’université Cheikh-Anta-Diop (Ucad) de Dakar. Massamba Dieng, jeune diplômé et professeur vacataire dans un lycée de Mékhé, à une centaine de kilomètres de la capitale, peut suivre à distance les cours de l’Ucad qui lui permettront de devenir titulaire au bout de deux ans. « C’est une bonne solution pour faire face au manque de professeurs », se réjouit-il. Seul problème, la connexion internet. « Lorsque je suis au lycée ou chez moi, je télécharge les cours S.D. et les devoirs, puis j’étudie quand j’ai le temps. » ● JEUNE AFRIQUE


Dossier 6 % se tournent vers la comptabilité et l’informatique appliquée à la gestion. Et leur taux de réussite aux examens avoisine les 70 %.

ONS ABID

FILIÈRES RARES. À l’heure de la

MOBILITÉ

80 % DES ÉTUDIANTS ÉTRANGERS viennent du Gabon, du Cameroun, de Côte d’Ivoire, du Congo et du Mali.

Destination Tunis

Alors que l’accès aux pays de l’Union européenne se durcit, la Tunisie est devenue une option prisée par les élèves subsahariens. Une aubaine pour les universités privées.

L

oin de leur image d’usine à chômeurs, les universités tunisiennes sont devenues des cibles privilégiées des étudiants du sud du Sahara, notamment d’Afrique de l’Ouest. Formations de haut niveau et coût de la vie abordable constituent un bon compromis, alors que l’accès aux pays de l’Union européenne est de plus en plus restreint. Un nouveau phénomène migratoire dont les établissements privés ne se plaindront pas : sur les 8 000 Subsahariens inscrits dans l’enseignement supérieur tunisien, seuls 1 000 le sont dans des universités publiques. De fait, si dans les années 1970 la coopération scientifique bilatérale a intégré des étudiants africains aux différents cursus en théologie et civilisation islamique à l’université Ez-Zitouna, l’effort du secteur public s’est arrêté là. Depuis les années 2000, c’est le privé qui mise sur les étudiants étrangers, dont 80 % viennent du Gabon, du Cameroun, de Côte d’Ivoire, du Congo et du Mali. Pour étoffer leurs effectifs, les établissements JEUNE AFRIQUE

démarchent parfois les futurs étudiants jusque dans leur pays. Leurs atouts ? Un enseignement bilingue, des diplômes reconnus à l’international et des échanges avec des universités occidentales. Et la formule rencontre un succès certain : en cinq ans, les 25 établissements privés du pays, dont les frais d’inscription s’élèvent en moyenne à 3 500 euros, ont triplé leur capacité d’accueil. Ils proposent des formations jusqu’à la maîtrise. La moitié des étudiants subsahariens choisissent le droit, la gestion et l’économie ; 32,5 % optent pour les sciences appliquées et l’ingéniorat;

Sur 8000 étudiants subsahariens en Tunisie, 7 000 sont inscrits dans le secteur privé

mondialisation des études, l’offre tunisienne se positionne stratégiquement, en proposant des filières qui n’existent pas dans les pays d’origine – comme le génie électrique – et en professionnalisant la formation pour une meilleure insertion. Elle constitue aussi une alternative intéressante à l’Europe, avec l’apparition de grandes écoles comme l’Institut Tunis-Dauphine, qui propose un double diplôme en partenariat avec l’université parisienne. « L’enseignement supérieur perd sa nationalité. Il devient principalement une industrie de services. La Tunisie a tous les atouts pour être une plateforme régionale de formation et de perfectionnement, surtout dans les domaines les plus demandés, à savoir le management et l’ingéniorat », assure Mahmoud Triki, fondateur de la Mediterranean School of Business. La plupart des étudiants africains inscrits dans les universités privées sont boursiers d’État ou de la Banque islamique de développement : leurs frais d’études sont versés directement à l’établissement par leurs pays d’origine, qui leur octroie également un forfait mensuel d’environ 200 euros. En bout de course : le retour au pays avec un diplôme étranger reconnu, plus coté sur le marché de l’emploi, ou la possibilité de suivre une formation doctorante en Europe ou en Amérique du Nord. ● FRIDA DAHMANI, à Tunis

UNE DIFFICILE INTÉGRATION POURTOUT NOUVEL ARRIVANT subsaharien, l’Association des étudiants africains est un relais incontournable. Le réseau du bouche à oreille fonctionne bien pour les bons plans de colocation et les petits boulots. « On s’adapte, il n’est pas évident d’être loin du pays, alors la solidarité compte. On donne le change en se regroupant, mais ce n’est pas comme si nous avions choisi d’être ensemble », affirme Estelle, une étudiante gabonaise en gestion qui a du mal à s’adapter à une société fortement arabisée, dont les codes lui échappent et qu’elle perçoit comme fermée, un tantinet raciste. Difficile aussi de joindre les deux bouts. À l’image du Camerounais Anthony Mekoundé, beaucoup se lancent dans le commerce ethnique : ils vendent des produits F.D. tunisiens au pays et inondent les souks d’artisanat africain. ● N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

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(Bac+5), vous bénéficiez d’une expérience professionnelle d’au moins 15 ans dans le domaine routier, ou au moins 10 ans en voirie urbaine et/ou autoroute. Une expérience significative en Afrique est requise. Langues : Une maîtrise parfaite du français (écrit et oral) est requise L’Anglais courant est un plus CONDITIONS : Lieu : Afrique Salaire : en fonction du profil et de l’expérience Durée : en fonction du projet

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SPÉCIAL EMPLOI FORMATION

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Culture & médias

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HISTOIRE

L’avant-garde

nègre

Cicéron. Il se présentait lui-même comme un « Libyen nomade ». L’un des premiers papes, celui qui imposa le latin comme langue de messe, Victor Ier (mort en 199), était amazigh. À cette époque, le nord du continent africain et la civilisation gréco-romaine étaient intimement liés. Les échanges entre ces deux régions du bassin SÉVERINE KODJO-GRANDVAUX méditerranéen étaient nombreux. Mais, au-delà de cette période, peu de travaux – hormis ceux n vizir sicilien, un samouraï japonais, un sultan indien, un philosophe consacrés à la traite négrière et à l’esclavage – interrogent la présence des Africains sur le Vieux allemand, un général en chef de Continent, comme si l’histoire européenne ne voul’armée russe, un comédien populait rien savoir de ses héros noirs. Pis, ainsi que le laire britannique… Des hommes dénonçait en 1954 Cheikh Anta Diop dans Nations de pouvoir, des intellectuels, des artistes d’origine africaine ont marqué leur époque, nègres et culture, certains historiens se sont efforcés entre le XIIIe et le XIXe siècle, en Europe ou en Asie. de blanchir l’Histoire. Qui sait aujourd’hui que le Figures d’exception ? Sans doute, mais génie de la littérature russe, Alexandre contrairement à ce que l’on pourrait Pouchkine, avait un aïeul camerounais ! CHOCOLAT penser, l’histoire occidentale n’est pas de renom? Son arrière-grand-père fut, DANSANT, tableau unicolore. Elle abonde en personnalités en effet, le secrétaire particulier du de Toulousenoires au destin exceptionnel. tsar Pierre le Grand avant de devenir Lautrec (1896) Les travaux des historiens ont mis en le troisième personnage de l’Empire représentant le célèbre clown lumière les trajectoires de nombreux russe. noir de la fin du Nord-Africains qui se sont illustrés Présenter le parcours hors du comXIXe-début du pendant l’Antiquité gréco-romaine. Il mun de ces hommes ne relève pas e XX siècle. suffit de penser au dramaturge latin d’une posture négriste. Mais, ainsi Térence (190 av. J.-C.-159 av. J.-C.), que se le demande l’historien francobéninois Dieudonné Gnammankou, « peut-on né à Carthage, tout comme l’écrivain Tertullien continuer à étudier, enseigner et diffuser l’histoire des (v. 150-160 – 220 apr. J.-C.). Mais aussi au platonicien Apulée (v. 123-125 - v. 170) et à saint Augustin sociétés européennes sans y intégrer (ou en ignorant totalement) la permanence de la présence africaine (354-430), nés sur les terres de l’actuelle Algérie, qui est documentée sur une période qui remonte à ou encore au philosophe Plotin (v. 205-270), origiau moins quatre mille ans » ? Certainement pas ! ● naire d’Égypte… Le précepteur du futur empereur Marc Aurèle était le grammairien Fronton (v. 100Dossier réalisé avec MALIKA GROGA-BADA, CLARISSE JUOMPAN-YAKAM, NICOLAS MICHEL et TSHITENGE LUBABU M.K. v. 175), considéré comme le plus grand orateur après

Les manuels scolaires n’ont retenu de la présence africaine en Europe que l’épisode tragique de la traite négrière. Pourtant, sur le Vieux Continent ou en Asie, l’Histoire s’est construite avec des Africains au destin hors du commun. Il est temps de leur rendre hommage !

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« Il n’y a rien de si mauvaise digestion qu’une bonne haine. Est-ce que sur deux hommes au soleil il n’y en a pas toujours un dont l’ombre gêne l’autre? »

Lorenzaccio (1834), Alfred de Musset

XIII XIIIe siècle siècle Jean le Noir

IL FUT VIZIR – l’équivalent de Premier ministre – du royaume de Sicile, et pourtant, l’Histoire est en passe de l’oublier. L’on sait très peu de chose de celui qui est décrit comme un « Sarrasin noir ». Mais le contexte historique donne quelques indications sur la personnalité du vizir africain de Frédéric II, qui régna sur le Saint Empire romain germanique de 1220 à 1250. Le roi de Sicile, qui est né et a grandi dans un royaume où cohabitent Tartares, Bulgares, Nubiens ou Égyptiens, est un homme ouvert sur le monde. Il entretient une certaine fascination pour les cultures mauresques. Dans cette Sicile multiraciale, il n’est pas rare de voir des esclaves épouser leurs maîtres. Il est possible que le jeune Jean soit né d’une telle union. Tout d’abord membre de la garde du monarque – essentiellement composée de Noirs –, il devient son protégé, avant d’être nommé vizir de Sicile. ●

XVI XVIe siècle siècle

Alexandre de Médicis (1510 ou 1511-1537)

L’HISTOIRE A RETENU le surnom de son meurtrier, Lorenzaccio. Sans doute parce que le poète et dramaturge français Alfred de Musset a consacré à celui qui s’appelait Lorenzino de Médicis (1514-1548) une célèbre pièce… Pourtant, la vie de celui qu’il a assassiné le 6 janvier 1537 mériterait elle aussi d’être racontée dans le détail. En tant que duc de Florence (Italie), il fut en effet « le premier Afro-Européen connu à diriger une administration politique majeure au début de l’ère moderne », comme l’écrit l’historien John Brackett dans Les Africains noirs en Europe à la Renaissance (MAT Éditions). Alexandre de Médicis, dit le Maure, était le fils d’une esclave africaine, Simonetta de Collevecchio, qui fut vraisemblablement émancipée en échange de l’abandon de

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AKG-IMAGES

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! LE DUC DE TOSCANE (1531-1537).

son enfant. La question du père, elle, n’est toujours pas tranchée: selon les uns, il s’agirait du duc Lorenzo de Médicis ; selon les autres, de Giulio de Médicis, le futur pape Clément VII. Toujours est-il qu’Alexandre fut élevé comme un noble à Urbino, siège du duché, puis à la cour de l’empereur Charles Quint, où il servit comme page. « Alexandre était hautement instruit, savait lire et écrire le latin, connaissait bien les classiques anciens et la poésie », rappelle John Brackett, ajoutant qu’« il avait été formé et était qualifié dans les arts de combat ». Après la capitulation de la République

florentine et la réconciliation entre le pape et Charles Quint, Alexandre devient duc de Toscane en 1531. Son règne jusqu’en 1537 est plutôt brutal : non-respect des institutions républicaines, réquisition des armes des citoyens, confiscation des biens de ses opposants, exécutions sommaires, empoisonnements… Son cousin Lorenzaccio, avec qui il a eu une relation d’amitié intense, tumultueuse et dissolue, lui tend un guet-apens et le poignarde en 1537. Le Maure est enterré dans la basilique San Lorenzo de Florence, dans le tombeau de son père sur lequel son corps a été déposé. ● JEUNE AFRIQUE


L’avant-garde nègre

Juan Latino (v. 1518-v. 1594) ANCIEN ESCLAVE, celui qui se présentait comme un chrétien amené en Espagne pendant son enfance enseigna le latin à l’université de Grenade. On ne connaît pas avec exactitude son lieu de naissance. Son poème épique humaniste L’Austriade (1573), écrit en latin, est considéré comme l’un des monuments de la littérature espagnole de la Renaissance. ●

C’EST L’HISTOIRE D’UN DÉVOT dont la dépouille, exhumée trois ans après sa mort, dégage une « odeur très suave » et est pratiquement intacte. Benoît le More, ou Benoît le Noir, deviendra le saint patron de Palerme, ville sicilienne où il mourra. Dans l’ouvrage Les Africains et leurs descendants en Europe avant le XXe siècle(MAT Éditions), Giovanna Fiume évoque ce Noir devenu l’idole de l’île méditerranéenne dès 1652. Né en 1524 (ou 1526, selon certains historiens) dans la maison d’un chevalier de San Fratello, Jérôme Lanza, fondateur d’un ordre franciscain, le fils d’esclaves mahométans convertis au catholicisme grandit dans la dévotion. Affranchi par son maître, il s’occupe des travaux manuels du monastère de Lanza. Peu de détails existent sur sa vie, mais on sait qu’il est cité en exemple par ses contemporains. « Bien que noir, il fut le Blanc de tous les barons spirituels de son temps », déclaraient-ils, lui attribuant la résurrection de cinqpersonnes,dontcelled’unnourrisson

GIOVANNA FIUME

Saint Benoît le More (1524 ou 1526-1589)

! BUSTE EN BOIS DU XVIIE SIÈCLE représentant le saint patron de Palerme, conservé en Sicile (Italie).

mort dans un accident de carrosse. Canonisé en 1807, saint Benoît le More est célébré le 4 avril, et il est encore vénéré au couvent Santa Maria di Gesu de Palerme mais aussi par-delà les océans, notamment aux États-Unis, au Brésil et en Argentine. ●

Malik Ambar (v. 1546-1626) VENDU COMME ESCLAVE par des parents miséreux, le petit Zara aurait pu connaître une vie de souffrances et de labeur. Heureusement, le destin, généreux, en a décidé autrement. Celui qui

prit plus tard le nom de Malik Ambar est devenu l’une des personnalités les plus influentes… d’Inde. Fasciné par son intelligence, son maître, Changez Khan, le Premier ministre du sultanat d’Ahmednagar, dans le centre-sud de l’Inde, fit de lui le chef de sa cavalerie et l’initia à l’art de la guerre et à la diplomatie avant de l’affranchir. Il offrit ainsi au jeune Abyssinien, son fils spirituel, les moyens de s’émanciper et de devenir, de 1607 jusqu’à sa mort en 1626, le régent du sultanat d’Ahmednagar. Audacieux et téméraire, le jeune homme leva une armée de 1500 hommes et inaugura les techniques de la guérilla face aux envahisseurs étrangers. On estime même qu’il est le précurseur de la résistance indienne face aux Moghols et plus tard aux colons britanniques. Féru d’architecture, il créa une nouvelle ville, Khadi (futur Aurangabad), et inventa un système ingénieuxdedistributiond’eaupotable.Un personnage hors du commun dont l’anthropologue Éliane de Latour a retracé le parcours dans son roman Malik Ambar. ●

XVII XVIIe siècle siècle Juan de Pareja (1610-1670)

EN 1971, le Metropolitan Museum of Art de New York a déboursé 5,5 millions de dollars (un record pour l’époque) pour le portrait que Vélasquez fit de Juan de Pareja en 1648. Une toile qu’il réalisa lors d’un séjour à Rome pour s’entraîner avant de brosser le portrait du pape ● ● ●

L’ABSENCE NORD-AFRICAINE C’EST « LA » GRANDE FIGURE musulmane du XVe siècle européen. Né vers 1488 à Grenade, celui que l’on surnommera Léon l’Africain a grandi à Fès (Maroc). Capturé par des pirates, il est offert au pape Léon X qui lui commande sa fameuse Cosmographia de Affrica, la seule source de renseignements sur les us et coutumes africains de l’époque. Celle qui fit deTombouctou une ville mythique dans l’imaginaire européen. Mais, hormis ce destin singulier, peu de Maghrébins ont eu l’occasion de s’illustrer en Europe. Une situation que JEUNE AFRIQUE

l’historien Elikia M’Bokolo explique par le fait que le nord de l’Afrique a échappé à la traite des esclaves. Jusqu’à la prise d’Alger par les Français en 1830, la bataille pour le contrôle de la Méditerranée fait rage et les Nord-Africains réduisent en esclavage des Européens, comme le poète espagnol Cervantès. Il faudra attendre la fin du XIXe et le début du XXe siècle pour voir quelques figures nord-africaines émerger. Des Égyptiens notamment viennent en France et en Angleterre, où ils soutiennent des thèses de doctorat en droit ou en économie. ● N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

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« Mon ancêtre nègre Hanibal

Se montra zélé et intègre Confident, non valet du tsar » Innocent X. Juan de Pareja était alors son esclave, l’homme à tout faire qui préparait ses toiles et ses couleurs. Né à Séville d’une mère d’origine africaine, Juan de Pareja a peint en cachette des années durant alors que son statut le lui interdisait. Le roi d’Espagne Philippe IV, qui avait l’habitude de rendre visite à Vélasquez à qui il commandait régulièrement des tableaux, découvre par hasard l’une des toiles de Juan de Pareja. Devant autant de talent, le monarque ordonne à Vélasquez d’affranchir le métis. Le peintre obéit et fait de l’ancien esclave l’un de ses disciples, lequel lui restera fidèle jusqu’à la mort. ● ●●●

Louis Aniaba (v. 1672- ?) SON PARCOURS, avec ce qu’il contient d’inattendu, de spectaculaire et de zones d’ombre, est digne d’un roman (sa vie a été racontée sous forme de fiction dans un livre dont le héros est, pour la première fois en France, un homme noir). Mais Louis Aniaba a bel et bien existé. C’est un Eotilé né vers 1672 dans l’actuelle Côte d’Ivoire. À cette époque, la France recherche de nouveaux marchés outre-mer. Ses représentants ont ouvert un comptoir à Assinie (qui se trouve à quelque 80 km de l’actuel Abidjan). Aniaba est confié au chevalier d’Amon, au service du roi de France. Il débarque en France en 1688 et est présenté à Louis XIV, qui l’adopte. Sur ordre du souverain, il est baptisé le 1er août 1691. Son parrain est un conseiller du Roi-Soleil. On le prénomme Louis, comme le monarque. Éduqué et initié à l’escrime et à l’équitation, il devient le premier mousquetaire noir de l’Hexagone. Il sera aussi le premier officier noir de l’armée française. Il intègre un régiment de cavalerie en Picardie, où il est capitaine. Aniaba mène alors une vie digne de tout gentilhomme. En 1700, le roi d’Assinie meurt. Le jeune officier de descendance royale rêve alors de lui succéder. Il rentre en Afrique pour réaliser cette ambition. Malheureusement, ses rapports avec les Français se détériorent. Ces derniers l’empêchent d’accéder au N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

Alexandre Pouchkine (Ma généalogie)

trône et le contraignent à s’exiler à Keta, dans l’actuel Ghana, où il finit sa vie comme conseiller d’un chef local.

XVIII XVIII siècle siècle e

Abraham Hanibal Pétrovitch (1696-1781)

IL A ÉTÉ LE SECRÉTAIRE PARTICULIER de son parrain le tsar Pierre le Grand, son confident chargé des missions secrètes, avant de devenir le troisième personnage de l’Empire russe ! L’Africain le plus puissant et le plus fortuné de l’Europe des Lumières, qui prit pour nom Abraham Hanibal – baptisé Pétrovitch en 1705 – est né à Logone, sur les bords du fleuve éponyme, aux confins du Tchad et du Cameroun actuels. Arraché aux siens et à sa terre par des marchands d’esclaves ottomans alors qu’il n’a que 7 ans, celui qui, suppose-t-on, se prénomme alors Brouha, est conduit à la cour de Pierre Ier. Ce dernier entend réfuter les thèses racistes en prouvant que l’intelligence dépend de l’éducation, et non de la couleur de la peau. Il élève en ce sens le petit Africain, qu’il considère comme son fils. Abraham se fait rapidement remarquer par sa finesse d’esprit. Rattaché au service personnel du tsar, il l’accompagne sur les champs de bataille et bénéficie ainsi d’une formation militaire. Envoyé ensuite à Paris pour ses études, ce fort en mathématiques s’engage dans l’armée française, qu’il quitte avec le grade de capitaine et un diplôme d’ingénieur. À son retour en Russie, à tout juste 28 ans, il est l’une des personnes les plus qualifiées de l’empire. Il est nommé dans le régiment le plus prestigieux, la compagnie des bombardiers, chargé de la formation de l’élite militaire. Mais à la mort de Pierre le Grand, en 1725, le jeune Africain n’échappera pas aux luttes intestines lors de la succession au trône. Après une période d’exil et de disgrâce, il reçoit de l’impératrice Élisabeth des terres dans la région de Reval, dont il devient le gouverneur. Il régnera alors sur plus de six cents familles de serfs. Humaniste, il interdira que leur

! PORTRAIT PRÉSUMÉ DU de l’armée impériale russe.

GÉNÉRAL EN CHEF

soient infligés des châtiments corporels, et créera un hôpital pour les ouvriers et une école pour leurs enfants. En 1755, il est promu général-lieutenant. Le couronnement de toute une vie dédiée à la construction d’une Russie moderne. Une Russie qu’incarnera le génie littéraire Alexandre Pouchkine, son arrière-petit-fils, qui en 1827 entamera la rédaction du premier roman historique russe, Le Nègre de Pierre le Grand… ●

Le marquis de Pombal (1699-1782) AU PORTUGAL, il n’existe pas une ville qui ne possède sa rue ou sa place du Marquis-de-Pombal. À Lisbonne, la Praça Marquês de Pombal constitue le centre névralgique de la capitale. Les Lisboètes savent que c’est un hommage à l’un des hommes politiques les plus importants de l’histoire du pays, Sebastião José de Carvalho e Melo, comte d’Oeiras, marquis de Pombal. Ce qu’on sait moins, c’est que ce grand homme d’État est né de l’union entre un Portugais et une Angolaise. Considéré comme le modernisateur de Lisbonne, celui qui mit fin en 1761 à l’utilisation de la main-d’œuvre servile africaine était aussi un despote éclairé. Issu de la petite noblesse provinciale, il est arrivé tardivement dans l’arène politique; c’est le tremblement de terre qui détruisit Lisbonne à 85 % en 1755 qui l’a propulsé sur le devant de la scène… Pombal a pris les choses en main alors que la famille royale a fui la capitale. Il a ramené l’ordre et assaini la cité. On lui doit la reconstruction de la ville basse (a Baixa) telle qu’elle existe encore aujourd’hui. Dans le même temps, il a déclenché une offensive d’une rare cruauté contre la noblesse, avec des exécutions publiques des familles les plus importantes du Portugal et l’expulsion des Jésuites. Lorsqu’en 1776 Joseph Ier quitte le pouvoir, sa fille Marie Ire de Bragance met le vieux marquis à l’écart. Il meurt en 1782, laissant un héritage mais aucun héritier. ● JEUNE AFRIQUE


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G. PINKHASSOV

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TRIBUNE

Opiinions & éditoriaux

Non, l’Europe n’est pas blanche!

ALEX URI

E DIEUDONNÉ GNAMMANKOU Historien et directeur de Dagan Éditions

N CE XXIE SIÈCLE, les enfants des millions d’Européens noirs ne peuvent pas se construire pleinement si tous les héros et héroïnes auxquels ils peuvent s’identifier sont monocolores, c’est-à-dire blancs ! Or les médias, écrits ou audiovisuels, les films, les spectacles, les livres, bref, tout ce qui concourt à s’assimiler à la société à laquelle on appartient en cette ère résolument technologique et médiatique, renvoient à des héros exclusivement blancs! Les noms de rues, d’avenues, de boulevards, de places, d’écoles, ne renvoient pas à la pluralité des origines des populations européennes : les Noirs en sont les grands absents. Dans combien de villes du Vieux Continent peut-on apercevoir la statue d’une femme ou d’un homme noir illustre ? À Paris, c’est seulement depuis le 20 décembre 2011, avec l’inauguration de la statue de Gaston Monnerville, célèbre homme politique originaire de Guyane qui fut président du Conseil de la République (1947-1958) et président du Sénat (1958-1968), que les parisiens peuvent passer devant l’unique statue de la ville représentant un Noir !

la défense aérienne de la ville de Paris pendant la Première Guerre mondiale. Et bien avant lui, il y eut Severiano de Heredia, ce métis cubain né à la Havane en 1836 et arrivé à Paris enfant qui allait devenir maire de la capitale française en 1879 puis député de Paris, avant de devenir ministre desTravaux publics en 1887. Certains continuent pourtant à se demander pourquoi les historiens devraient s’intéresser aux personnalités noires qui se sont illustrées dans l’histoire européenne. Mes travaux sur la vie et l’œuvre de l’arrièregrand-père kotoko du poète Pouchkine, Abraham Hanibal (1696-1781), ont permis de montrer l’importance que revêtait l’Afrique dans la vie et la création littéraire de son illustre descendant. Une des conséquences de mes publica-

L’enseignement de cette histoire commune aux Africains et aux Européens permettrait le recul de l’intolérance et du racisme.

Dans l’esprit de beaucoup, s’il n’y en a pas d’autres, cela signifie que, hormis Monnerville, aucun Noir n’a marqué de façon mémorable l’histoire de la capitale française. Mais est-ce vraiment le cas ? Non ! Paris a connu des héros noirs dans son histoire, et l’un deux avait même une statue à Paris dès 1906. Hitler et ses troupes se sont empressés de la retirer lors de l’Occupation, pendant la Seconde Guerre mondiale. Il s’agissait de celle du général Dumas (17621806), né esclave à Saint-Domingue (Haïti aujourd’hui) « d’une mère dahoméenne ou yorouba », qui connut ses heures de gloire sous la révolution française et fut surnommé « le premier soldat du monde ». Il y eut d’autres figures exceptionnelles et non des moindres, à l’image du célèbre chevalier de Saint-George dont une rue de Paris porte le nom depuis décembre 2001, ou encore de Camille Mortenol (1859-1930), un officier de marine d’origine guadeloupéenne qui assura N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

tions a été le renouveau de la recherche littéraire russe en relation avec la thématique africaine dans plusieurs universités, en Russie, aux États-Unis et au Canada par exemple. En 2008, l’université Harvard a organisé son premier colloque sur l’africanité de Pouchkine, après celui organisé par l’université Columbia en 2005, qui a conduit à la publication sous la direction de C.T. Nepomnyashchy d’un ouvrage de référence sur le sujet, Under the Sky of My Africa: Alexander Pushkin and Blackness, qui fait suite à Pouchkine et le monde noir, paru en 1999 sous ma direction chez Présence africaine. Pour les Européens et pour les Africains, il ne s’agit, ni plus ni moins, que d’une partie méconnue de leur histoire commune qui, si elle était enseignée et largement diffusée, permettrait le recul de l’ignorance, de l’intolérance et du racisme. Je lance donc un appel aux bonnes volontés pour aider à financer une grande exposition sur le thème « Les Africains et leurs descendants en Europe avant le XXe siècle », programmée depuis le colloque éponyme organisé en 2005 par la Maison de l’Afrique àToulouse. ● JEUNE AFRIQUE


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« Le perfectionnement de l’existence naturelle et de l’essence morale est le but du savoir général » De l’art de philosopher avec sobriété et précision (1738), A.W. Amo Anton Wilhelm Amo (v. 1703-v. 1753-1758)

Ignatius Sancho (v. 1729-1780)

Angelo Soliman (1731-1796)

 QUAND, EN AVRIL 1734, l’université saxonne de Wittenberg accorda le titre de docteur en philosophie à Anton Wilhelm Amo, cela fut un événement extraordinaire », relate la chercheuse Christine Damis*. Alors que la traite négrière bat son plein, Amo est le premier Africain à obtenir un doctorat en Europe, qui plus est dans la discipline reine de l’Aufklärung. Amo est né au début du XVIIIe siècle à Axim(actuelGhana).Âgéd’àpeine3-4ans, il est offert par la Compagnie néerlandaise des Indes orientales au duc de BrunswickWolfenbüttel. Comme esclave ou afin d’en faireunpasteur,onnesaitexactement.Une chose est sûre: il a été baptisé. Ses deux parrains sont le duc Antoine-Ulrich et son fils Auguste-Guillaume, qui lui offrent une éducation raffinée. En 1729, Amo obtient un diplôme de droit à Halle – pour lequel il rédige (en latin) un mémoire consacré aux droits des Africains en Europe – et cinq ans plus tard un doctorat de philosophie à l’université de Wittenberg avec son Traité sur l’apathie et l’esprit humain. Il s’inscrit alors pleinement dans la tradition philosophique européenne qui, à la suite de Descartes, interroge l’union de l’âme et du corps. Mais Amo ne s’arrête pas là. Dans une optique de savoir encyclopédique, celuiquiparlesixlanguesétudieégalement la médecine. De 1736 à 1739, il enseigne à Halle avant de rejoindre l’universitéd’Iéna. Défendant des thèses progressistes, Amo a eu maille à partir avec certains intellectuels protestants de l’époque (les piétistes). L’hostilité à l’égard de ses idées et de ses origines a sans doute motivé son retour au Ghana en 1747. Amo a souvent été cité en exemple par lesabolitionnistes,commel’abbéGrégoire, ouparlesphilosophesafricainsdesannées 1970-1980 afin de démontrer que la raison est le propre de tout homme, quelle que soit sa couleur de peau. Et il a inspiré Kwame Nkrumah, qui s’est référé à ses travaux dans son essai Consciencism (1964). ●

DRAMATURGE, critique d’art, écrivain… Ignatius Sancho avait plus d’une corde à son arc. La fortune a fini par sourire à cet ancien esclave né sur un bateau négrier qui emmenait sa mère dans une colonie espagnole d’Amérique du Sud et déporté en Grande-Bretagne en 1731. Ignatius Sancho est le premier Noir originaire d’Afrique à avoir obtenu le droit de vote en Grande-Bretagne. Il est également le premier Noir dont la presse britannique a fait la nécrologie. Sa correspondance, publiée deux après sa mort, a été un véritable succès de librairie. ●

SON  FRÈRE  MOZART s’inspira de lui pour le personnage du pacha Selim de L’Enlèvement au sérail. L’ancien esclave Mmadi Make naquit vraisemblablement entre le Nigeria et le Cameroun actuels. Enlevé, il fut emmené en Europe. Le destin voulut qu’il croisât le prince Lobkowitz, à qui il sauva la vie. Dès lors, son ascension sociale fut fulgurante. Angelo Soliman devint le précepteur du fils du prince du Liechtenstein et l’un des responsables de la loge maçonnique que fréquentaient d’éminents ● ● ●

MARY EVANS/RUE DES ARCHIVES

! PORTRAIT POSTHUME D’IGNATIUS SANCHO qui illustra sa correspondance publiée après sa mort.

*« Le philosophe connu pour sa peau noire : Anton Wilhelm Amo », Rue Descartes no 36, PUF, 2002. JEUNE AFRIQUE

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« Le public m’avait fait roi à condition que je reste nègre »

Chocolat clown nègre, de Gérard Noiriel

intellectuels viennois à l’instar de l’auteur de La Flûte enchantée. ●

Adolphe Badin (v. 1750-1822) ADOLPHE BADIN n’avait que faire des convenances ! S’il lui prenait l’envie de grimper sur les genoux de sa majesté de Suède, le jeune Africain n’hésitait pas à s’asseoir sur le siège royal. Et s’il lui plaisait de taquiner la descendance monarchique, il ne s’en privait pas. Quitte à provoquer le scandale. Offert à la reine Louisa Ulrika en 1757, cet ancien esclave qui se prénommait Coichi a été amené en Europe probablement par un navire de la Compagnie danoise des Indes occidentales. Voulant tester les théories de Rousseau sur l’éducation, la reine instruisit cet enfant comme le sien. Élevé au sein de la famille royale, il grandit au palais et connut tout de ses passages dérobés et des intrigues de la cour. Des secrets que ce franc-maçon,

secrétaire à la cour et chambellan, fidèle à la famille royale jusqu’à sa mort, ne révéla jamais. ●

XIX XIX siècle siècle e

Ira Aldridge (1807-1867)

ILS SONT NOMBREUX, aujourd’hui, les acteurs d’origine africaine à avoir revêtu les habits d’Othello, le Maure de Venise. Mais il n’y en a qu’un seul parmi les 33 comédiens honorés par une plaque de bronze au Shakespeare Memorial Theatre de Stratford-upon-Avon : Ira Frederick Aldridge. Né en 1807 à New York, ce fils de Noirs libres descendants de Peuls du Sénégal actuel a étudié à l’African Free School où il s’est tôt passionné pour le théâtre, assistant à de nombreuses pièces présentées au Park Theater. Voir l’acteur Edmund Kean jouer Hamlet décida sans doute de son avenir…

D’UN SAMOURAÏ L’AUTRE DES NOIRS AU JAPON? Le phénomène est peu connu mais, d’après l’historien angolais Simão Souindoula, les recherches menées près d’Osaka prouvent l’existence d’une communauté mélanoderme dans le Japon antique. Une présence qui s’explique par le fait qu’originellement l’Afrique et l’Asie formaient un seul continent. L’une des personnalités noires les plus connues est le premier shogun (général) " LE SHOGUN SAKANOUE NO TAMURAMARO de l’histoire du Japon, (estampe). Sakanoue noTamuramaro (758-811), ce que confirme l’historien américain Runoko Rashidi (Histoire millénaire des Africains en Asie, Dagan Éditions, à paraître). Un autre samouraï noir s’est également illustré par sa bravoure,Yasuke, parfois surnommé Kurosuke (« aide noir », en japonais). Originaire probablement du Bakongo,Yasuke a été vendu comme esclave à des jésuites qui partirent en expédition au Japon. Ils l’offrirent au seigneur Nobunaga Oda en 1569. Ce dernier l’affranchit et fit de lui un samouraï et son propre garde du corps. ● N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

! L’UN DES ACTEURS du XIXe siècle (toile réalisée vers 1830).

LES PLUS POPULAIRES

Mais dans les années 1820, devenir acteur ne va pas de soi quand on est noir. Aldridge comprend rapidement qu’il aura du mal à percer en Amérique et gagne le Royaume-Uni. Il parvient à se faire engager par le Royal Coburg Theatre de Londres où, sous le nom de Keene – en référence à Edmund Kean –, il interprète le rôle-titre de The Revolt of Surinam, or A Slave Revenge, adaptation de la pièce Oroonoko, de Thomas Southerne. L’accueil du public est enthousiaste, mais le racisme s’exprime avec violence, dans les essais critiques, contre ce « tragédien de couleur ». Peu importe : Aldridge part à la conquête de la province, où il joue Shakespeare. À Liverpool, ancienne tête de pont du commerce triangulaire, il interprète même des pièces antiesclavagistes ! Son succès est tel qu’il se glisse dans la peau de personnages blancs comme Macbeth… en se maquillant. En 1833, à la mort d’Edmund Kean, Aldridge connaît la consécration avec Othello. À partir de 1852, il tourne à travers toute l’Europe, où il reçoit de nombreuses décorations. À sa mort, Ira Aldridge n’est plus « le tragédien de couleur » mais le « Roscius africain », en référence au célèbre acteur romain. Il ne remit jamais les pieds sur le sol américain. ●

Rafael Padilla (1866 ou 1868-1917)

DR

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 ÊTRE CHOCOLAT : être déçu, dupé ou bredouille », explique le dictionnaire Larousse (2008). Mais qui sait qu’un homme est à l’origine de cette expression? Pas grand monde. Chocolat était en effet le nom de scène de Rafael Padilla, célèbre clown noir dont les frasques et les danses faisaient hurler de rire le public français à la fin du XIXe siècle. « Rafael, le minstrel des pantomimes nautiques du Nouveau Cirque, le clown peint par Toulouse-Lautrec, filmé par les frères Lumière, considéré à la Belle Époque comme une “institution nationale”, n’a pas sa place aujourd’hui dans JEUNE AFRIQUE


L’avant-garde nègre

POUR ALLER PLUS LOIN

Abraham Hanibal, l’aïeul noir de Pouchkine, de Dieudonné Gnammankou, Présence africaine, 1996, 256 pages, 23,60 euros Les Africains noirs en Europe à la Renaissance, sous la direction de T. F. Earle et K.J.P. Lowe, MAT Éditions, 2010, 436 pages, 30 euros Les Africains et leurs descendants en Europe avant le XXe siècle, sous la direction de Dieudonné Gnammankou et Yao Madzinou, MAT Éditions, 2008, 422 pages, 30 euros

SMITHSONIAN INSTITUTION/CORBIS

Africultures no 64 : « Traces noires de l’Histoire en Occident », L’Harmattan, juillet-septembre 2005, 248 pages, 22 euros Chocolat clown nègre, de Gérard Noiriel, Bayard, 338 pages, 21 euros Hanibal@Pushkin, livre CD de Joëlle Esso, Dagan Éditions, 2011, 46 pages, 25 euros

la mémoire collective de la République française », écrit l’historien Gérard Noiriel dans Chocolat clown nègre (Bayard). « Il suffit de consulter le portail des collections des musées de France pour constater que parmi les centaines d’affiches, de tableaux et de dessins représentant des clowns, aucun ne rappelle le rôle qu’a joué le premier artiste noir de la scène française. » Au terme de recherches minutieuses, Noiriel s’est efforcé de rendre à Chocolat ce qui appartient à Chocolat, une vie d’artiste à la fois sublime et misérable. Cet homme né à La Havane entre 1866 et 1868 fut d’abord vendu comme esclave à un marchand portugais, traversa l’Atlantique pour rejoindre Bilbao, devint garçon de ferme, JEUNE AFRIQUE

groom, mineur, avant d’être engagé en 1885 par le clown Tony Grice et emmené en tournée à travers l’Europe… Il connut le succès dès 1888 avec la pantomime La Noce de Chocolat, puis forma un duo très applaudi avec le clown George Foottit. L’histoire ne se souvient que du pitre blanc, et pas de son faire-valoir et souffredouleur noir. Avec rigueur, Gérard Noiriel restitue l’ambiance de l’époque, la perception des artistes noirs, explique le succès de Chocolat, mais aussi ses vaines tentatives pour rebondir, son implication auprès des enfants malades et son décès, en 1917. Une lecture indispensable pour corriger, enfin, un injuste oubli. ●

Léon l’Africain, d’Amin Maalouf, Le Livre de poche, 1987, 346 pages, 6,50 euros Malik Ambar. L’Histoire vraie d’un esclave africain né en Abyssinie devenu roi en Inde, d’Éliane de Latour, Steinkis Éditions, 298 pages, 21,30 euros Les Musulmans dans l’histoire de l’Europe, tome 1 : « Une intégration invisible », sous la direction de Jocelyne Dakhlia et Bernard Vincent, Albin Michel, 2011, 646 pages, 29 euros N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

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Culture médias Histoire

Testez vos connaissances

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Quelle est la première personnalité africaineaméricaine à remporter un Oscar ? a – Hattie McDaniel b – Sidney Poitier c – Halle Berry La première personnalité africaine à siéger à l’Académie française est : a – Léopold Sédar Senghor b – Assia Djebar c – Boualem Sansal Le premier Africain champion du monde de boxe est : a – Muhammad Ali b – Battling Siki c –Thomas Essomba Le premier Noir à obtenir le Goncourt est : a –Yambo Ouologuem b – René Maran c – Sony LabouTansi Le premier Sénégalais à intégrer l’École normale supérieure d’Ulm est : a – Léopold Sédar Senghor b – Mamadou Diouf c – Souleymane Bachir Diagne Qui surnomme-t-on le « Mozart noir » ? a –Youssou Ndour b – Kofi Olomidé c – Le chevalier de Saint-George Le premier africain à recevoir le prix Nobel de littérature est : a – Chinua Achebe

BRUNO ARRIGONI/AKG-IMAGES

1

! LE PÈRE DE L’ÉCRIVAIN DUMAS, Thomas-Alexandre Davy de La Pailleterie (1762-1806).

b – Wole Soyinka c – Ben Okri

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Hannibal était : a – un dompteur d’éléphants b – un général carthaginois c – un tueur en série

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Le père de l’écrivain Alexandre Dumas était : a – le premier général de l’armée française d’origine antillaise

b – le premier polytechnicien noir c – le premier député noir

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Ses travaux sur Aristote ont eu une influence majeure sur les penseurs du monde médiéval chrétien. Il s’agit de : a – Ibn Rushd b – Ibn Sina c – Ibn Khaldoun

Réponses : 1. a) Hattie McDaniel a remporté l’oscar de la meilleure actrice dans un second rôle en 1940 pour son rôle dans Autant en emporte le vent. Sidney Poitier sera le premier Noir à recevoir l’oscar du meilleur acteur en 1964 et Halle Berry de la meilleure actrice en 2002. 2. a) En 1983. L’Algérienne Assia Djebar est la première femme africaine à y siéger, en 2005. 3. b) Champion de France, d’Europe et du monde en 1922, Baye Fall (1897-1925) de son vrai nom, il était originaire de Saint-Louis au Sénégal. Il arriva en France comme domestique. 4. b) Né à la Martinique de parents guyanais, René Maran reçut le Goncourt en 1921 pour Batoula. Véritable roman nègre. Le Malien Yambo Ouologuem est, quant à lui, le premier Africain à recevoir le prix Renaudot, pour Le Devoir de violence en 1968. 5. c) En 1977. Senghor avait échoué au concours. 6. c) Ce violoniste virtuose et compositeur (1745-1799), premier franc-maçon noir de France, est né en Guadeloupe d’un noble français et d’une esclave. 7. b) En 1986. 8. b) Hannibal ou Annibal (247 av. J.-C. - 183 av. J.-C.) est considéré comme l’un des meilleurs tacticiens militaires de l’Histoire. 9. a) La mère du général Dumas (1762-1806) était une esclave d’origine africaine. 10. a) Averroès (1126-1198).

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JEUNE AFRIQUE


ANNONCES CLASSÉES

Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre -Tél. : 01 44 30 18 76 - Fax : 01 44 30 18 77 - Email. : f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique - 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris - France

PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE GABONAISE AGENCE NATIONALE DES INFRASTRUCTURES NUMERIQUES ET DES FRÉQUENCES

AVIS D’APPEL À MANIFESTATION D’INTÉRÊT Date de lancement : 02/04/2012 Nom du projet : Domaine Internet Gabonais

1. OBJET L’Agence Nationale des Infrastructures Numériques et des Fréquences (ANINF), dans l’optique de l’exercice des missions qui lui sont confiées, lance un avis à manifestation d’intérêt en vue de recruter un bureau d’étude ou un groupe d’experts devant l’accompagner dans la mise en œuvre d’une infrastructure de gestion du domaine internet gabonais (ccTLD « .ga »). Il s’agira notamment de : • Réaliser le transfert de la gestion à l’ANINF; • Définir les spécifications et/ou de mettre en œuvre la plate forme technique de gestion du registre du ccTLD « .ga » ; • Etablir un cadre organisationnel de gestion du registre ccTLD « .ga » ; • Suivre la ré-délégation auprès des organismes internationaux habilités (ICANN, AFTLD, etc.).

3. MODALITÉS DE SOUMISSION Les candidats intéressés par le présent avis à manifestation d’intérêt doivent fournir un dossier administratif comprenant les pièces suivantes : • Une déclaration de manifestation d’intérêt signée du représentant du bureau d’études, cabinet ou groupe d’experts faisant apparaître son nom, sa qualité, son adresse, sa nationalité et les pouvoirs qui lui sont délégués et précisant que le candidat a l’intention de soumissionner à l’appel d’offre s’il est présélectionné ; • Les documents arrêtant la constitution ou le statut, le lieu d’enregistrement et le domicile légal de la société. Ces documents comprenant les statuts, l’agrément de commerce ou la fiche circuit de création du bureau d’études ; • Une attestation de non faillite délivrée par le tribunal compétent du lieu du siège social du bureau d’étude et datant de moins de trois (3) mois ; • Une attestation d’imposition prouvant que la société est à jour de ses obligations fiscales au titre de l’année 2010 (applicable aux candidats nationaux) ;

JEUNE AFRIQUE

Les candidats intéressés peuvent obtenir des informations complémentaires par courriel à l’adresse suivante : projet-dig@aninf.ga 4. LES CRITÈRES DE SELECTION Les critères de sélection des candidatures sont les suivants : • Le candidat doit justifier de son aptitude à réaliser les prestations dans le domaine concerné par le projet ; • Le candidat doit justifier d’une expérience d’au moins 5 ans dans les prestations similaires (joindre les attestations de bonne fin d’exécution) ; • Le candidat doit justifier d’un personnel clé en adéquation avec la mission ; • Le candidat ne doit pas avoir d’antécédent de non exécution. Le soumissionnaire doit établir qu’il a exécuté et achevé tous les marchés obtenus pendant les 10 dernières années et qu’il n’a pas de litiges qui lui sont imputables en cours avec l’administration Gabonaise ou autre. 5. DATE DE CLÔTURE ET LIEU DE DEPÔT DES CANDIDATURES Les dossiers de manifestation d’intérêt, rédigés en langue française, doivent parvenir au plus tard le lundi 30 avril 2012 à 11 heures (heures locale), à l’adresse suivante : Agence Nationale des Infrastructures Numériques et des Fréquences Secrétariat de Mr le Directeur Général 2ème étage Immeuble de la Solde, porte 114. BP 798 Libreville-Gabon 6. OUVERTURE DES PLIS Les plis seront ouverts par la commission d’évaluation des offres le vendredi 04 Mai 2012 à 11 heures (heure locale) dans la salle de réunion de l’Agence Nationale des Infrastructures Numériques et des Fréquences. 7. INVITATION À SOUMISSIONNER Les cabinets retenus à l’issue de la présélection recevront par la suite une lettre d’invitation à soumissionner. Le Directeur Général de l’ANINF Alex Bernard BONGO ONDIMBA

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Manifestation d’intérêt

2. CONDITIONS DE PARTICIPATION La participation à la présente manifestation d’intérêt est ouverte, à égalité de conditions aux cabinets, bureaux d’études nationaux et internationaux ou aux groupes d’experts qui ne sont pas concernés par les mesures d’exclusion de l’article 11 du décret n°001140/PR/MEFBP du 18 décembre 2002 portant code des marchés publics à savoir : • Les personnes physiques ou morales en état de liquidation judiciaire et les personnes physiques dont la faillite personnelle a été prononcée ; • Toutes personnes physiques ou morales condamnées pour infraction à une disposition du code pénal ou du code général des impôts prévoyant l’interdiction d’obtenir de telles commandes ; • Les entreprises dans lesquelles la personne responsable des marchés ou de la commission d’évaluation des offres possède des intérêts financiers personnels de quelques natures que ce soit ; • Les entreprises affiliées à toute personne (physique ou morale) ayant contribué à préparer tout ou partie des dossiers d’appel d’offres ou de consultation.

• Une attestation CNSS du quatrième trimestre 2011 (applicable aux candidats nationaux) ; • Les références générales et spécifiques du bureau d’études dans le domaine concerné par l’appel à manifestation d’intérêt notamment les références concernant l’exécution des contrats analogues, les expériences antérieures pertinentes dans les conditions semblables (joindre les attestations de bonne fin d’exécution) ; • Une description du bureau d’études et les moyens matériels et humains qu’il compte mettre en œuvre pour la réalisation de la mission (liste du personnel clé avec leurs fonctions respectives, cursus, ancienneté et type de contrat liant chaque agent au bureau d’études. Joindre les CV signés des intéressés).


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Annonces classées

MINISTÈRE DES POSTES ET TÉLÉCOMMUNICATIONS

RÉPUBLIQUE TOGOLAISE Travail-Liberté-Patrie

DIRECTION GÉNÉRALE DE LA SOCIÉTÉ DES TÉLÉCOMMUNICATIONS DU TOGO (TOGO TELECOM)

AVIS DE SOLLICITATION À MANIFESTATIONS D'INTÉRÊT EN VUE DU RECRUTEMENT D’UN CABINET OU D’UN CONSULTANT INDÉPENDANT POUR L’ASSISTANCE À LA MISE EN PLACE D’UNE COMPTABILITÉ ANALYTIQUE DE TYPE ABC N°0027/TGT/DG/DML/PRMP du 26 Mars 2012

1. La Société des Télécommunications du Togo a inscrit au titre de son budget 2012 des fonds afin de financer le recrutement d'un cabinet ou d’un consultant indépendant de renommée internationale pour l’assistance à la mise en place d’une comptabilité analytique de type ABC.

Manifestation d’intérêt

2. Les prestations à fournir sont résumées en deux phases comme suit : • PHASE N°1 : Assistance à la mise en œuvre du système : • concevoir des spécifications techniques de la comptabilité analytique ; • analyser la structure de l’entreprise et faire des recommandations par rapport au système à mettre en place ; • améliorer et formaliser les processus et activités existants ; • définir une ossature analytique structurée en plusieurs axes analytiques tels que : les centres analytiques, les régions, les activités, les produits et services etc. ; • définir le périmètre des charges à retraiter pour chacun de ces axes analytiques ; • définir les critères d’imputation des ressources aux coûts ; • préciser la structure générale de déversement des coûts sur les objets de coûts etc. ; • définir les éléments d'une bibliothèque (référentiel) d'indicateurs (une fiche par indicateur reprenant ses éléments constitutifs) ; • fournir des propositions d'outils de pilotage associés à la matrice analytique en s'appuyant sur une cartographique des activités, des données de gestion disponibles afin de permettre la production de restitutions synthétiques sous formes de tableaux de bord et/ou de graphiques destinés à renforcer le pilotage budgétaire et opérationnel de TOGO TELECOM ; • un système de mesure et de suivi des résultats analytiques ; • préparer le démarrage de la deuxième phase des travaux en élaborant et en rédigeant le cahier des spécifications techniques et fonctionnelles du projet, dans la perspective d’un appel d’offres d’acquisition d’un logiciel adapté et des prestations associées (paramétrage, déploiement et formation). • PHASE N°2 : Suivi de l’implémentation du système : • assister au déploiement, au paramétrage, aux tests du système et à la formation pour une mise en œuvre de l'outil ; • présenter un rapport d’exécution de chaque étape. 3. La Société TOGO TELECOM par le présent avis, invite les candidats admissibles à manifester leur intérêt à fournir les services décrits ci-dessus. 4. La durée de la mission est de : six (06) mois. 5. Les personnes intéressées doivent fournir les informations indiquant qu’elles sont qualifiées pour exécuter les services (brochures, références concernant l’exécution de contrats analogues dans des structures de Télécommunications, expérience dans des conditions semblables, disponibilité des connaissances nécessaires parmi le personnel notamment les curriculum vitae du personnel, les durées d’exécution etc.). Les consultants peuvent s’associer pour renforcer leurs compétences respectives.

N° 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

6. Les candidats devront produire les pièces administratives suivantes : • celles qui sont exigées pour les consultants ou bureaux d’études nationaux : la carte d’opérateur économique en cours de validité ; l’attestation d’immatriculation au registre du commerce ; le quitus fiscal datant de moins de trois (03) mois ; l’attestation de non faillite datant de moins de trois (03) mois ; l’attestation de la CNSS datant de moins de trois (03) mois ; l’attestation de l’ITLS datant de moins de trois (03) mois ; • celles qui sont exigées pour les consultants ou bureaux d’études internationaux : l’attestation d’immatriculation au registre du commerce et l’attestation de non faillite datant de moins de trois (03) mois. 7. Les consultants seront sélectionnés en accord avec les procédures définies dans le code des marchés publics et délégation de service public du Togo. 8. Les consultants seront sélectionnés sur la base de la « qualification et le coût ». 9. Les consultants intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires au sujet des documents de référence à l'adresse ci-dessous et tous les jours ouvrables aux heures suivantes : de 8 heures à 11 h 30 et de 15 h à 16 h 30 (heures locales) : Attention de : Manfeidjeou BANEZI, Personne Responsable des Marchés de TOGO TELECOM Ville : LOME Boîte postale : 333 Pays : TOGO Numéro de téléphone : +228 22 21 44 01/22 53 44 01/22 34 13 69 Numéro de télécopie : +228 22 21 03 73 Adresse électronique : mbanezi@togotel.net.tg 10. Les manifestations d'intérêt rédigées en français doivent être déposées ou expédiées en six (06) exemplaires dont un (01) original et cinq (05) copies, à l'adresse ci-dessous avec la mention : " MANIFESTATIONS D'INTÉRÊT EN VUE DU RECRUTEMENT D’UN CABINET POUR L’ASSISTANCE À LA MISE EN PLACE D’UNE COMPTABILITÉ ANALYTIQUE DE TYPE ABC " au plus tard le 25 avril 2012 à 9H00 TU ; à l’adresse suivante : Direction Générale de TOGO TELECOM Sise à la Place de la Réconciliation au quartier Atchanté, au secrétariat administratif de TOGO TELECOM, rez-de-chaussée porte 12, B.P : 333 Lomé (Togo) Tél. +228 22 53 44 01/22 21 44 01. 11. L’ouverture des plis aura lieu le même jour dans la salle de réunion du rez de chaussée de la Direction Générale de TOGO TELECOM sise à la Place de la Réconciliation au quartier Atchanté. Heure : 9 H 30 TU. Il est à noter que l’intérêt manifesté par un Cabinet ou Bureau d’études n’implique aucune obligation de la part de TOGO TELECOM de l’inclure sur la liste restreinte. LA DIRECTION GÉNÉRALE JEUNE AFRIQUE


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APPEL À MANIFESTATION D’lNTÉRÊT Port Autonome de Pointe Noire

Pour la définition et la mise en place d’un système gestion environnementale au Port Autonome de Pointe Noire - N° 1104/PAPN-DG

En accompagnement de son programme d’investissements prioritaires, le Port Autonome de Pointe Noire (PAPN) a obtenu de l’Agence Française de Développement (AFD) une subvention sur le fonds fiduciaire européen pour les infrastructures en Afrique afin de financer des missions d’assistance technique visant la définition et la mise en place d’un système de gestion environnementale de la place portuaire de Pointe-Noire. Ce renforcement des capacités se fera au moyen de services de consultant de courte et longue durée, de formation sur le tas et de tutorat. Les prestations à réaliser se rapportent : 1. au traitement des eaux pluviales polluées issues des zones d’activités portuaires ; 2. à la préparation d’un plan de gestion des déchets issus des activités du port et des navires ; 3. à la préparation d’un plan de gestion des produits dangereux afin de définir les conditions de leur manutention et stockage ; 4. à Ia préparation d’un plan de réaction d’urgence aux déversements accidentels des polluants ; 5. au renforcement des capacités relatives aux plans de gestion des déchets, des produits dangereux et de réaction d’urgence. L'exécution des prestations nécessite les compétences d’une équipe de spécialistes dans les domaines précités. Le PAPN invite les consultants de standard international intéressés à se manifester en adressant une “ lettre de manifestation d’intérêt ”. Cette dernière devra être accompagnée de toutes informations utiles montrant que le consultant dispose des moyens et qualifications nécessaires pour exécuter les services :

- moyens en personnel qualifié et disponibilité des connaissances nécessaires parmi le personnel ; - moyens matériels ; - Surface financière (bilans du consultant pour les trois dernières années, références bancaires) ; - références concernant l’exécution de prestations analogues durant les 5 dernières années. Les candidats peuvent s’associer pour renforcer leurs compétences respectives. Dans ce cas, les informations incluses dans le dossier porteront sur les différents membres du groupement en faisant apparaître les moyens et qualifications de chacun d’eux en précisant le consultant chef de file. La présélection est ouverte aux consultants de tous pays. Les consultants retenus à l’issue de la présélection recevront ultérieurement une lettre d’invitation à soumissionner accompagnée d’un dossier d’appel d’offres restreint. Les demandes de présélection doivent parvenir par courrier postal, télécopie, ou courriel (avec dans ce dernier cas confirmation par courrier postal ou télécopie) au plus tard le 2 mai 2012 à l’adresse suivante : Direction Générale du PAPN BP 711 Pointe Noire, République du Congo Téléphone : 00242 05 518 02 87 - Fax : 00242 04 459 20 40 Email : info@papn-cg.com Les consultants intéressés peuvent obtenir des informations complémentaires auprès de Monsieur Jean-Jacques MOMBO (jeanjacquesmombo@yahoo.fr) Le Directeur Général Jean-Marie Aniele Capitaine de Vaisseau

Port Autonome de Pointe Noire

Pour Ie renforcement des capacités du Port Autonome de Pointe Noire dans les domaines de la gestion comptable et financière - N° 1105/PAPN-DG

En accompagnement de son programme d’investissements prioritaires, le Port Autonome de Pointe Noire (PAPN) a obtenu de l’Agence Française de Développement (AFD) une subvention sur le fonds fiduciaire européen pour les infrastructures en Afrique afin de financer des missions d’assistance technique visant à renforcer ses capacités dans les domaines de la gestion comptable et financière. Ce renforcement des capacités se fera au moyen de services de consultant de courte et longue durée, de formation sur le tas et de tutorat. Les prestations à réaliser comprennent : 1. La mise à niveau du système d’informations comptables et financières du PAPN incluant les modules suivants : - le système de comptabilité générale ; - la gestion de la trésorerie. 2. Le renforcement des capacités du personnel comptable par l’appropriation des normes IFRS. 3. L’amélioration des procédures de contrôle interne et le renforcement des capacités du personnel concerné. 4. L’amélioration du modèle de projections financières existant et le renforcement des capacités de l’équipe chargée de sa mise à jour. L’exécution de ces prestations nécessite les compétences d’une équipe de spécialistes dans les domaines précités. Le PAPN invite les consultants de standard international intéressés à se manifester en adressant une “ lettre à manifestation d'intérêt ”. Cette dernière devra être accompagnée de toutes informations utiles montrant que le consultant dispose des moyens et qualifications nécessaires pour exécuter les services, notamment : JEUNE AFRIQUE

- moyens en personnel qualifié et disponibilité des connaissances nécessaires parmi le personnel ; - moyens matèriels ; - surface financière (bilans du consultant pour les trois dernières années, références bancaires) ; - références concernant l’exécution de prestations analogues au cours des 5 dernières années. Les candidats peuvent s’associer pour renforcer leurs compétences respectives. Dans ce cas, les informations incluses dans le dossier porteront sur les différents membres du groupement en faisant apparaître les moyens et qualifications de chacun d’eux, tout en précisant le consultant chef de file. La présélection est ouverte aux consultants de tous pays. Les consultants retenus à l’issue de la présélection recevront ultérieurement une lettre d’invitation à soumissionner accompagnée d’un dossier d’appeI d’offres restreint. Les demandes de présélection doivent parvenir par courrier postal, télécopie, ou courriel (avec dans ce dernier cas confirmation par courrier postal ou télécopie) au plus tard le 2 mai 2012 à l’adresse suivante : Direction Générale du PAPN BP 711 Pointe Noire, République du Congo Téléphone : 00242 05 518 02 87 - Fax : 00242 04 459 20 40 Email : info@papn-cg.com Les consultants intéressés peuvent obtenir des informations complémentaires auprés de Monsieur Maurice MOUKOUMBOUKA (moukou_m@yahoo.fr) avec copie à Monsieur Jean Jacques MOMBO (jeanjacquesmombo@yahoo.fr) Le Directeur Général Jean-Marie Aniele Capitaine de Vaisseau N° 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

Manifestation d’intérêt

APPEL À MANIFESTATION D’lNTÉRÊT


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Œuvrer pour que les populations rurales pauvres se libèrent de la pauvreté

Le projet est financé par l’UE

APPEL À MANIFESTATION D’INTÉRÊT DE PRESTATAIRES D'ASSISTANCE TECHNIQUE Le Fonds Africain pour l’Agriculture (African Agriculture Fund, AAF) est un fonds d’investissements privés géré par Phatisa (www.phatisa.com) et conçu pour répondre à la crise alimentaire qui a gravement affecté le continent en 2008. Le Fonds Africain pour l’Agriculture a clôturé sa première levée de fonds d’un montant de $151 millions avec pour objectif $ 300 millions au total et a commencé ses opérations en janvier 2011. A la première levée, $ 30 millions du fonds ont été alloués à des investissements dans les petites et moyennes entreprises (PME) à travers le fonds dédié aux PME par le Fonds Africain pour l’Agriculture. Pour renforcer son impact sur le développement, le Fonds Africain pour l’Agriculture a déployé une facilité d’assistance technique de € 10 millions afin de soutenir les programmes de petits planteurs pour les grandes entreprises dans lesquelles le Fonds Africain pour l’Agriculture a investi et de fournir un support technique pour le portefeuille des PME. Cette facilité est financée principalement par l'Union Européenne et gérée par le Fonds International de Développement Agricole (FIDA). TechnoServe a été retenue pour mener la gestion opérationnelle de cette facilité. Une banque de données de prestataires d’assistance technique est en cours de construction. Elle permettra de sélectionner des prestataires de services pour un montant total de contrats de € 8,5 millions au cours des 4 à 5 prochaines années. Les domaines d’expertise recherchés sont les suivants : Agronomie Organisation de petits planteurs Certification qualité Comptabilité Financement rural Conseil stratégique Gestion opérationnelle Conception de programme Proposition commerciale et financement de projets NOUVEAU DOMAINE D’EXPERTISE : DÉVELOPEMENT DES INFRASTRUCTURES Les parties intéressées sont invitées à télécharger le dossier de candidature à: www.aaftaf.org/TA_Providers/ Avis de manifestation d’intérêt numéro: TAFEOI02

Manifestation d’intérêt

Le projet a reçu des dons supplémentaires du Fonds Africain pour l’Agriculture (FAA), l’Alliance pour la Révolution Verte en Afrique (ARVA), la Coopération Italienne de Développement et l’Organisation des Nations Unies pour le Développement Industriel (ONUDI).

MINISTÈRE DES FINANCES, DU BUDGET ET DU PORTEFEUILLE PUBLIC PROJET DE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DE TRANSPARENCE ET DE GOUVERNANCE PA n° Q800-CG- Financement IDA - Unité d’Exécution du Projet B.P 2116 Brazzaville, République du Congo, Tel : 05 551 96 11, Courriel : prctg@yahoo.fr

AVIS DE SOLLICITATION À MANIFESTATION D’INTÉRÊT N° 001/PRCTG II/12 « Recrutement d’un consultant individuel international en vue de l’appui au Projet de Renforcement des Capacités de Transparence et de Gouvernance II (PRCTG II), pour l’élaboration des dossiers d’appels d’offres internationaux DAOI) sur l’informatisation des administrations publiques »

1. Le Gouvernement de la République du Congo a obtenu auprès de l’Association Internationale de Développement (IDA) une avance de préparation (PA n° Q800-CG) du Projet de Renforcement des Capacités de Transparence et de Gouvernance II (PRCTG II), et a l’intention d’utiliser une partie du montant de ladite avance pour financer les services de consultants ci-après : Recrutement d’un consultant individuel international en vue de l’appui au PRCTG pour l’élaboration des DAOI sur l’informatisation des administrations publiques. 2. L’objectif de la mission est d’appuyer le PRCTG dans l’élaboration des DAOI sur l’informatisation des administrations publiques y compris dans l’assistance à toutes la procédure de passation de marchés. La durée de la mission est de deux (02) mois discontinus. 3. L’Unité d’Exécution du PRCTG invite les candidats intéressés à manifester leur intérêt à fournir les services décrits ci-dessus. Les Consultants intéressés doivent fournir des informations pertinentes indiquant leurs capacités techniques à exécuter lesdits services. Le dossier de candidature devra comporter les renseignements suivants : • les copies certifiées conformes des diplômes ; • les compétences du candidat pour la mission, notamment l’indication de références techniques vérifiables en matière de missions similaires (liste des précédents clients pour ce type de mission : année, coût de la mission, nom et adresse complète du représentant du client, méthodologie mise en œuvre et résultats obtenus) ; • l’adresse complète du consultant (localisation, personne à contacter, BP, Téléphone, Fax, Courriel).

N° 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

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Profil du Consultant : - être titulaire d’un Diplôme d’Enseignement Supérieur (BAC + 5) en Informatique, en développement des projets et programmes, en gestion informatique et réseau, finances publics ou tout autre diplôme équivalent ; - avoir réalisé des études, des missions de suivi ou des travaux similaires ; - avoir une bonne connaissance des pays de l’Afrique centrale ; La connaissance des réformes sur la gestion des finances publiques en République du Congo serait un atout. 4. Sur cette base, un Consultant individuel sera sélectionné conformément aux Directives de la Banque « Sélection et Emploi des Consultants par les Emprunteurs de la Banque Mondiale de janvier 2011 ». Le Consultant sera sélectionné sur la base de la comparaison des CV. 5. Les intéressés doivent s’adresser à l’Unité d’Exécution du PRCTG pour obtenir des informations supplémentaires, à l’adresse ci-dessous, les jours ouvrables, de 8 h 00 à 14 h 00. 6. Les manifestations d’intérêt doivent être déposées sous pli fermé ou en version électronique à l’adresse ci-dessous, au plus tard, le mercredi 25 avril 2012 à 16 heures précises : PROJET DE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DE TRANSPARENCE ET DE GOUVERNANCE UNITÉ D’EXÉCUTION DU PROJET SECTION PASSATION DES MARCHÉS B.P 2116 Brazzaville, République du Congo Derrière le Commissariat Central - Courriel : prctg@yahoo.fr Brazzaville, le 05 avril 2012 Le Coordonnateur Marie Alphonse ITOUA JEUNE AFRIQUE

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AVIS DE DEMANDE DE PROPOSITION INTERNATIONALE N° 003/02/2012/MS/DC/SGM/DNPS/PNLS/SA - Accord BEN-H-BENPNLS 5. Un Consultant sera choisi par la méthode de Sélection fondée sur la Qualité et le Coût et conformément aux procédures décrites dans la présente DP et aux politiques de [au choix : la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD) ou l’Agence internationale pour le développement (IDA)] énoncées dans les Directives pour la sélection et l’emploi de consultants par les Emprunteurs de la Banque mondiale affichées sur le site Web : worldbank.org/html/opr/consult 6. La présente DP comprend les sections suivantes : Section 1 - La Lettre d’invitation Section 2 - Note d’information aux consultants (y inclus les Données Particulières) Section 3 - Proposition technique Formulaires types Section 4 - Proposition financière Formulaires types Section 5 - Termes de référence Section 6 - Modèle de Contrat 7. Les candidats peuvent retirer la demande de Proposition Ouverte à partir du lundi 2 avril 2012 à 8 heures 00 minute, heure locale (GMT + 1) au secrétariat du PNLS sis au 1er étage de l’immeuble du PNLS, au Ministère de la Santé, au quartier Donatin à Akpakpa Cotonou. 8. Tous renseignements complémentaires peuvent être obtenus en envoyant un courriel à pnlsbenin@yahoo.fr. 9. La date de dépôt des offres est fixée au lundi 23 avril 2012 à 10 heures 00 minute, heure locale (GMT + 1). Dr Evelyne AKINOCHO Coordonnatrice du PNLS

AVIS D'APPEL D'OFFRES La Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) lance un appel d'offres pour la sélection d'un consultant (cabinet ou bureau d'études) qui sera chargé d'assurer la maîtrise d'ouvrage déléguée dans le cadre de la mise en place d'une Centrale des risques pour le secteur de la microfinance de la zone UEMOA. Ainsi, le maître d'ouvrage délégué devra, entre autres tâches, procéder à la définition des besoins et contraintes techniques en relation avec les Services de la BCEAO, conduire les changements qu'occasionnerait la mise en place de la Centrale des risques et assurer la recette des applications informatiques. Les travaux seront réalisés sur les ressources du Projet « AFR/017 – Promotion de secteurs financiers inclusifs dans la zone UEMOA » mis en place avec le concours de l'Etat du Grand Duché de Luxembourg. Les consultants intéressés peuvent retirer le dossier d'appel d'offres composé de termes de référence et de ses annexes, auprès de la Direction des Affaires Administratives au Siège de la BCEAO à Dakar, dans les Directions Nationales de la BCEAO de chaque pays, au Secrétariat Général de la Commission Bancaire de l'UMOA à Abidjan (Côte d'Ivoire) et à la Représentation de la BCEAO auprès des Institutions Européennes de Coopération, sise au 29 rue du Colisée, 75008 Paris - France. L'intégralité du dossier d'appel d'offres est téléchargeable sur le site internet de la BCEAO : http://www.bceao.int Les offres devront être déposées le 20 avril 2012, à 16 heures (Temps Universel) au plus tard, le cachet de la poste faisant foi. Pour tout renseignement complémentaire, les soumissionnaires pourront s'adresser à la Direction des Affaires Administratives, au plus tard 10 jours avant la date limite de dépôt des offres par : Télécopie au numéro (221) 33 823 93 35 E-mail à l'adresse courrier.zdaad@bceao.int Le Directeur des Affaires Administratives

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N° 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

Demande de proposition - Appel d’offres

1. La République du Bénin (ci-dessous dénommé « Emprunteur ») a reçu un financement auprès du Fonds Mondial de lutte contre le VIH/SIDA, la Tuberculose et le Paludisme en vue de financer le coût du Projet Accélération de l’accès aux services de prévention de l’infection à VIH, de soins et traitement, et de soutien à base communautaire et se propose d’utiliser une partie des fonds de ce prêt pour effectuer des paiements autorisés au titre du présent contrat pour lequel cette Demande de Proposition est publiée. 2. Le Programme National de Lutte Contre Le Sida (PNLS) sollicite maintenant des propositions en vue de la fourniture des services de consultants ci-après : réalisation de l’audit comptable et financier du Programme VIH/SIDA financé par le 9e Tour de la subvention du Fonds Mondial et mis en œuvre par le PNLS exercices 2010 à 2012. Pour de plus amples renseignements sur les services en question, veuillez consulter les Termes de référence joints. 3. Vous êtes, par le présent avis, invités à soumettre des propositions technique et financière de prestations de services de consultants pour la mission « d’audit comptable et financier du programme VIH/SIDA financé par le 9ème Tour de la subvention du Fonds Mondial et mis en œuvre par le PNLS exercices 2010 à 2012. Les prestations de services portent sur la réalisation de l’audit comptable et financier du PNLS et des Sous-Récipiendaires (SR) qui contribuent à la mise en œuvre du projet de lutte contre le VIH/SIDA financé sur le Round 9 du Fonds Mondial. 4. Vos propositions relatives aux prestations ci-dessus mentionnées sont susceptibles de servir de base à de futures négociations, et éventuellement donner lieu à un contrat entre votre cabinet et le PNLS.


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RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO (RDC)

AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL Projet d’Alimentation en eau Potable en Milieu Urbain (PEMU) - REGIDESO Don IDA N° H4350

1. Cet Avis d’appel d’offres fait suite à l’Avis général de passation de marchés publié dans DG Market, UNDB du 27 Février 2009.

Appel d’offres

2. Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo a obtenu un Don de l’Association Internationale de Développement (IDA) pour financer le coût du Projet d’Alimentation en Eau potable en Milieu Urbain (PEMU). Il est prévu d’utiliser une partie du montant du don pour effectuer les paiements autorisés au titre du Marché de Travaux d’amélioration de la desserte en eau potable de la ville de KINSHASA (fourniture et pose de canalisations et accessoires du réseau primaire). 3. La Cellule d’Exécution des Projets (CEP-0/REGIDESO) invite les soumissionnaires éligibles et qualifiés à présenter leurs soumissions cachetées en vue de la réalisation des Travaux d’amélioration de la desserte en eau potable de la ville de KINSHASA (fourniture et pose de conduites et accessoires du réseau primaire) comprenant : • Secteur Kinshasa-Est : - 2.929 m DN1000 FD - 6.600 m DN800 FD - 889 m DN600 FD - 2.194 m DN500 PEhD - 860 m DN400 PEhD - 3.776 m DN350 PEhD - 300 m DN250 PEhD - 430 m DN200 PEhD • Secteur Kinshasa-Ouest (avenue Flambeau) - 797 m DN600 FD Le délai maximum d’exécution desdits travaux est de dix-sept (17) mois 4. L’Appel d’offres se déroulera conformément aux procédures d’Appel d’Offres International spécifiées dans la publication de la Banque « Directives: passation des marchés financés par les [crédits ou dons] de la BIRD et les crédits de l’IDA » éditée en mai 2004, et est ouvert à tous les soumissionnaires des pays qui répondent aux critères d’éligibilité tels que définis dans le Dossier d’appel d’offres. 5. Les soumissionnaires éligibles et intéressés peuvent obtenir de plus amples renseignements auprès de la CEP-O/REGIDESO à l’adresse ci-dessous. Cellule d’Exécution des Projets « CEP-O » Centre de Formation REGIDESO, 22007 Route de Matadi / Binza-Ozone /Kinshasa-Ngaliema Tél : (+243) 81 50 47 691 et (+243) 99 99 20 948 Email : cepo@regidesordc.com 6. Une visite des sites des travaux sera organisée par le Maître d’Ouvrage Délégué le 10 et le 11 mai 2012 chaque jour à partir de 10 heures locales. 7. Les spécifications de qualification comprennent les exigences suivantes : (a) Avoir participé à titre d’entrepreneur, ou de sous-traitant dans au moins deux (02) marchés des travaux de pose de conduites au cours des cinq (05) dernières années (2007 à 2011) avec une valeur minimum de quinze (15) millions USD chacun, qui

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ont été exécutés de manière satisfaisante et terminés, pour l’essentiel, et qui sont similaires aux travaux proposés ; (b) Pour les travaux référencés ci-dessus ou pour d’autres travaux exécutés pendant les cinq (05) dernières années (2007 à 2011), avoir une expérience minimale dans la fourniture et pose de canalisation en fonte ductile et acier avec diamètres minimum de DN600 et en PEHD diamètre minimum DN350 ; (c) Présenter des propositions d’acquisition (en propriété, en bail, en location, etc.) en temps opportun des équipements essentiels spécifiés dans la FDAO ; (d) Présenter la liste de moyens en personnel ; (e) Le montant minimum de liquidités et/ou de facilités de crédit net d’autres engagements contractuels dont doit disposer le soumissionnaire sélectionné est de : 3.500.000 USD ; (f) Litige en cours ou antérieur : le candidat doit fournir des renseignements exacts au sujet d’éventuels litiges ou cas d’arbitrage résultant de marchés en cours ou antérieurs exécutés par lui au cours des cinq (5) dernières années. Si des sentences ont été fréquemment rendues à l’encontre du candidat ou à l’un quelconque des membres d’un groupement d’entreprises, cela pourra être un motif de disqualification. Une marge de préférence au bénéfice des entrepreneurs / groupements d’entreprises nationales ne s’appliquera pas. 8. Le Dossier d’Appel d’offres complet en français peut être acheté par Les soumissionnaires intéressés par une demande écrite à l’adresse ci-dessus contre un paiement non remboursable de 500 USD ou équivalent en franc congolais. Le paiement sera effectué par versement d’espèces ou par chèque certifié auprès de la caisse de la CEP-O ou en espèces ou par virement au compte n° « 80 9433 020 123 USD », intitulé Ministère des Finances V/C PEMU-DAO avec la mention « Achat du DAOI Travaux d’amélioration de la desserte en eau potable de la ville de KINSHASA (fourniture et pose de canalisations et accessoires du réseau primaire) » auprès d’ECOBANK à Kinshasa. Le Dossier d’appel d’offres sera remis contre présentation de la preuve de paiement. Seules les soumissions des candidats ayant acheté les dossiers d’appel d’offres seront acceptés. 9. Les Soumissions devront être déposées contre accusés de réception à l’adresse ci-dessus au plus tard le 04/06/2012 à 11:00 heures locales. Les dépôts électroniques ne seront pas admis. Les soumissions présentées hors délais seront rejetées. Les soumissions seront ouvertes le 04/06/2012 à 11:30 heures locales dans la salle des réunions de la Cellule d’Exécution des Projets à l’adresse ci-dessus en présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent y assister. 10. Toutes les Soumissions doivent être accompagnées d’une Garantie de Soumission, pour un montant égal à : 300 000 USD ou l’équivalent en Francs congolais. Jean Louis BONGUNGU LOEND’a NAMBA Coordonnateur National

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REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO (RDC)

AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL Projet d’Alimentation en eau Potable en Milieu Urbain (PEMU) - REGIDESO Don IDA N° H4350 1. Cet Avis d’appel d’offres fait suite à l’Avis général de passation de marchés publié dans DG Market, UNDB du 27 Février 2009. 2. Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo a obtenu un Don de l’Association Internationale de Développement (IDA) pour financer le coût du Projet d’Alimentation en Eau potable en Milieu Urbain (PEMU). Il est prévu d’utiliser une partie du montant du don pour effectuer les paiements autorisés au titre du Marché de Travaux d’amélioration de la desserte en eau potable de la ville de MATADI. 3. La Cellule d’Exécution des Projets (CEP-0/REGIDESO) invite les soumissionnaires éligibles et qualifiés à présenter leur soumission cachetée en vue de la réalisation des Travaux d’amélioration de la desserte en eau potable de la ville de MATADI comprenant: • Réhabilitation du captage d’eau brute et de l’usine de traitement « fleuve » (40.000m3/j); • Réhabilitation du captage d’eau brute Mpozo et la fourniture et l’installation d’une unité compacte de traitement d’eau 15.840 m3/j au site Mpozo ; • Transformation de l’usine de traitement d’eau Soyo en réservoir; • Construction d’un château d’eau; • Réhabilitation de 5 stations de repompage; • Réhabilitation de 11 réservoirs de stockage; • Fourniture et pose de 15,3 km de conduites DN500 – DN80 en FD et en AC; • Construction de 100 bornes fontaines. Ledélaimaximumd’exécutiondesditstravauxestdedix-huit(18)mois.

5. Les soumissionnaires éligibles et intéressés peuvent obtenir de plus amples renseignements auprès de la CEP-O/REGIDESO à l’adresse ci-dessous. Cellule d’Exécution des Projets « CEP-O » Centre de Formation REGIDESO, 22007 Route de Matadi / Binza-Ozone /Kinshasa-Ngaliema Tél : (+243) 81 50 47 691 et (+243) 99 99 20 948 Email : cepo@regidesordc.com 6. Une visite des sites des travaux sera organisée par le Maître d’Ouvrage Délégué du 11 au 13/06/2012 chaque jour à partir de 10 heures locales. 7. Les spécifications de qualification comprennent les exigences suivantes : (a) Avoir participé à titre d’entrepreneur ou sous-traitant dans au moins deux (02) marchés des travaux au cours des cinq (05) dernières années (2007 à 2011) avec une valeur minimum de vingt (20) millions USD, qui ont été exécutés de manière satisfaisante et terminés, pour l’essentiel, et qui sont similaires aux travaux proposés ;

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8. Le Dossier d’Appel d’offres complet en français peut être acheté par les soumissionnaires intéressés par demande écrite à l’adresse cidessous contre un paiement non remboursable de 500 USD ou équivalent en franc congolais. Le paiement sera effectué par versement d’espèces ou par chèque certifié auprès de la caisse de la CEP-O ou en espèces ou par virement au compte n° « 80 9433 020 123 US$ », intitulé Ministère des Finances V/C PEMU-DAO avec la mention « Achat du DAOI Travaux d’amélioration de la desserte en eau potable de la ville de MATADI » auprès d’ECOBANK à Kinshasa. Le Dossier d’appel d’offres sera remis contre présentation de la preuve de paiement. Seules les soumissions des candidats ayant acheté les dossiers d’appel d’offres seront acceptés. 9. Les Soumissions devront être déposées contre accusés de réception à l’adresse ci-dessus au plus tard le 04/07/2012 à 11:00 heures locales. Les dépôts électroniques ne seront pas admis. Les soumissions présentées hors délais seront rejetées. Les soumissions seront ouvertes le 04/07/2012 à 11:30 heures locales dans la salle des réunions de la Cellule d’Exécution des Projets à’ l’adresse ci-dessous en présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent y assister. 10. Toutes les Soumissions doivent être accompagnées d’une Garantie de Soumission, pour un montant égal à : 300 000 USD ou l’équivalent en Francs congolais. Jean Louis BONGUNGU LOEND’a NAMBA Coordonnateur National

N° 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

Appel d’offres

4. L’Appel d’offres se déroulera conformément aux procédures d’Appel d’offres international spécifiées dans la publication de la Banque « Directives: passation des marchés financés par les [crédits ou dons] de la BIRD et les crédits de l’IDA », et est ouvert à tous les soumissionnaires des pays qui répondent aux critères d’éligibilité tels que définis dans le Dossier d’appel d’offres.

(b) Pour les travaux référencés ci-dessus ou pour d’autres travaux exécutés au cours des cinq (05) dernières années (2007 à 2011), avoir une expérience minimale de construction dans les principales activités suivantes : - Fourniture et pose de canalisation - Construction de bâtiments techniques - Fourniture et montage d’équipements électriques, électromécaniques et hydrauliques - Fourniture et montage de stations de traitement d’eau (c) présenter des propositions d’acquisition (en propriété, en bail, en location, etc.) en temps opportun des équipements essentiels spécifiés dans la FDAO ; (d) présenter la liste de moyens en personnel ; (e) le montant minimum de liquidités et/ou de facilités de crédit net d’autres engagements contractuels dont doit disposer le soumissionnaire sélectionné, sous peine de forclusion, est de : 3.500.000 USD (f) litige en cours ou antérieur : le candidat doit fournir des renseignements exacts au sujet d’éventuels litiges ou cas d’arbitrage résultant de marchés en cours ou antérieurs exécutés par lui au cours des cinq (5) dernières années. Si des sentences ont été fréquemment rendues à l’encontre du candidat ou à l’un quelconque des membres d’un groupement d’entreprises, cela pourra être un motif de disqualification. Une marge de préférence au bénéfice des entrepreneurs / groupements d’entreprises nationales ne s’appliquera pas.


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Annonces classées RÉPUBLIQUE TUNISIENNE

RÉPUBLIQUE TUNISIENNE MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE

AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL

AVIS DE REPORT DE LA DATE LIMITE DE REMISE DES OFFRES DE L’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL N° 01/EMAM/2012 RELATIF À LA VENTE D’UN BATEAU DE PLAISANCE

MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE DIRECTION GÉNÉRALE DES TRANSMISSIONS ET DE L’INFORMATIQUE

N° 02/2012/D.G.TRSM.I RELATIF A L’ACQUISITION D‘APPAREILS DE MESURE La Direction Générale des Transmissions et de l’Informatique lance un appel d’offres international pour l’acquisition d’Appareils de Mesure. Les soumissionnaires intéressés peuvent retirer le dossier d’appel d’offres à l’adresse suivante : MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE DIRECTION GÉNÉRALE DES TRANSMISSIONS ET DE L’INFORMATIQUE BASE MILITAIRE BAB-SAADOUN 1005 TUNIS Contre paiement de la somme de vingt cinq dinars (25) dinars libellé au nom de monsieur le Régisseur des Recettes du Ministère de la Défense Nationale, par chèque ou par mandat (CCP N° 17001000000006168224). Les offres doivent parvenir sous plis fermés par la poste recommandé ou par rapide poste ou déposées directement au bureau d’ordre de la Direction Générale des Transmissions et de l’Informatique portant la mention « à ne pas ouvrir Appel d’offres international N° 02/2012 acquisition d’Appareils de mesure » comportant la caution de soumission, les pièces administratives, l’offre technique et l’offre financière et ce au plus tard le 18 mai 2012 (Le cachet du bureau d’ordre de la Direction Générale des Transmissions et de l’Informatique faisant foi).

La Division Achat et Transit de l’Armée de mer informe les fournisseurs ainsi que les représentants dûment mandatés intéressés par l’appel d’offres international N° 01/EMAM/2012 pour la vente, au plus offrant, d’un bateau de plaisance, que la date limite de réception des offres au bureau d’ordre de la DAT est reportée au 18 avril 2012, dans les mêmes conditions.

Appel d’offres

RÉPUBLIQUE TUNISIENNE

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N° 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE DIRECTION GÉNÉRALE DES TRANSMISSIONS ET DE L’INFORMATIQUE

AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL N° 03/2012/D.G.TRSM.I RELATIF À L’ACQUISITION DE CONVERTISSEURS TÉLÉGRAPHIQUES La Direction Générale des Transmissions et de l’Informatique lance un appel d’offres international pour l’acquisition de convertisseurs télégraphiques. Les soumissionnaires intéressés peuvent retirer le dossier d’appel d’offre à l’adresse suivante : MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE DIRECTION GÉNÉRALE DES TRANSMISSIONS ET DE L’INFORMATIQUE BASE MILITAIRE BAB-SAADOUN 1005 TUNIS Contre paiement de la somme de vingt cinq dinars (25) dinars libellé au nom de monsieur le Régisseur des Recettes du Ministère de la Défense Nationale, par chèque ou par mandat (CCP N° 17001000000006168224). Les offres doivent parvenir sous plis fermés par la poste recommandé ou par rapide poste ou déposées directement au bureau d’ordre de la Direction Générale des Transmissions et de l’Informatique portant la mention « à ne pas ouvrir Appel d’offres international N° 03/2012 acquisition de convertisseurs télégraphique » comportant la caution de soumission, les pièces administratives, l’offre technique et l’offre financière et ce au plus tard le 18 mai 2012 (Le cachet du bureau d’ordre de la Direction Générale des Transmissions et de l’Informatique faisant foi).

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Objet : Avis d’Appel d’offres International N°20l2-013/AGETEER/DG du 29/03/2012 pour les travaux de réhabilitation et de confortement du barrage de la Comoé dans la Province de la Comoé (Région des Cascades), Burkina Faso. Financement : Budget de l’Etat

Le Directeur Général de l’AGETEER Président de la CAM Joseph Martin KABORE Chevalier de l'Ordre National JEUNE AFRIQUE

N° 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

Appel d’offres

1. Le Gouvernement du Burkina Faso, dans le cadre de la politique nationale en matière de sécurité alimentaire et de réduction de la pauvreté, a prévu dans le budget de l’Etat, gestion 2012, la construction et la réhabilitation de barrages sur l’ensemble du territoire. Il est prévu qu’une partie des sommes allouées sera utilisée pour effectuer les paiements autorisés au titre des travaux objet du présent appel d’offres pour lequel cet avis est publié. 2. Le barrage de la Comoé situé au Burkina Faso, d’une hauteur maximale sur fondations de 31 m et d’une capacité au plan d’eau normale de 38 millions de m3, en exploitation depuis 1991, fait l’objet de percolations non contrôlées dans les appuis de la digue (en rive) et nécessite par conséquent une intervention urgente pour contrôler ces fuites, de sorte à conférer au barrage des conditions de sécurité conformes aux standards internationaux en la matière. 3. Le Directeur Général de l’Agence d’Exécution des Travaux Eau et Equipement Rural (AGETEER), Président de la Commission d’Attribution des Marchés (CAM), agissant en qualité de Maître d’Ouvrage délégué pour le compte du Ministère de l’Agriculture et de l’Hydraulique, lance le présent Appel d’offres pour la sélection d’une entreprise en vue de la réalisation des travaux de réhabilitation et de confortement du barrage de la Comoé dans la province de la Comoé (Région des Cascades). 4. La participation à la concurrence est ouverte à toutes les personnes morales ou groupements desdites personnes pour autant qu’elles ne soient pas sous le coup d’interdiction ou de suspension et en règle vis-à-vis de l’administration de leur pays d’établissement ou de base fixe. Pour les entreprises locales, elles doivent être agréées dans la catégorie TE (cf. arrêté conjoint n° 2008-0041/MAHRH/MEF Portant conditions d’Attribution d’Agrément Technique aux Entreprises exercant dans le domaine des barrages et des aménagements hydro-agricoles). Les travaux se composent d’un (01) lot unique. 5. Le délai d’exécution ne devrait pas excéder huit (08) mois. 6. Les soumissionnaires éligibles, intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires et consulter gratuitement le dossier d’appeI d’offres à partir du jeudi 05 avril 2012 dans les bureaux de l’Agence d'Exécution des Travaux Eau et Equipement Rural (AGETEER), sise à Ouagadougou. au 930, angle de la rue Zuug Siiga et de la rue ZAD, Secteur 30, 01 BP 6643 Ouagadougou 01, Tél. : (00 226) 50-37-83-44/45, mail : ageteer@ageteer.bf. A des fins de consultation uniquement, la version électronique peut être mise à la disposition de tout soumissionnaire qui en fait la demande. 7. Tout soumissionnaire éligible, intéressé par le présent avis, doit acheter un jeu complet du dossier d’appel d’offres à l’Agence d’Exécution des Travaux Eau et Equipement Rural (AGETEER), et moyennant paiement d’un montant non remboursable de : Deux cent cinquante mille (250 000) F CFA. En cas d’envoi par la poste ou autre mode de courrier, l’AGETEER ne peut être responsable de la non réception du dossier par le soumissionnaire. 8. Les offres présentées en un (01) original et trois (03) copies, conformément aux instructions aux soumissionnaires, et accompagnées d’une garantie de soumission d‘un montant de Quatre cent millions (400 000 000) Francs CFA et d’une ligne de crédit de Un milliard deux cent millions (1 200 000 000) Francs CFA devront parvenir ou être remises à l’Agence d'Exécution des Travaux Eau et Equipement Rural (AGETEER), au plus tard le lundi 21 mai 2012 à 09 H 00, soit l’heure d’ouverture des plis qui sera faite immédiatement en présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent y assister. 9. Une visite du site situé à environ 500 Kms au Sud-Ouest de Ouagadougou, obligatoire, est prévue pour les entreprises soumissionnaires. Cette visite aura lieu le lundi 30 avril 2012 à partir de 10H00 au site du barrage. Les soumissionnaires ne connaissant pas le site pourront prendre contact au moins 24H00 avant le jour de la visite avec les services de l’AGETEER sise à Ouagadougou, au 930, angle de la rue Zuug Siiga et de la rue ZAD, Secteur 30, 01 BP 6643 Ouagadougou 01, Tél. 1 (00 226) 50-37-8344/45, Courriel : ageteer@ageteer.bf 10. Les soumissionnaires resteront engagés par leurs offres pour un délai de 90 jours, à compter de la date de remise des offres. L’Administration se réserve le droit de ne donner aucune suite à tout ou partie du présent Appel d’offres.


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Annonces classées PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE CABINET DÉLÉGATION GÉNÉRALE DES GRANDS TRAVAUX COORDINATION TECHNIQUE CELLULE DE GESTION DES MARCHÉS PUBLICS

TRAVAUX DE RÉHABILITATION DU PORT AUTONOME DE BRAZZAVILLE AVIS D’APPEL D’OFFRES N° 012-2012/PR-CAB-DGGT-W LANCÉ PAR LA RÉPUBLIQUE DU CONGO

1. Dans le cadre de l’exécution du budget exercice 2012, volet investissement, l’État congolais entend, par le biais de la Délégation Générale des Grands Travaux, Maître d’ouvrage délégué, procéder aux travaux de réhabilitation du port autonome de Brazzaville. 2. La Délégation Générale des Grands Travaux sollicite des offres sous pli fermé de la part des candidats répondant aux qualifications requises pour réaliser les travaux suivants : - Réhabilitation du port fluvial (port public) ; - Réhabilitation du port de Yoro ; Il s’agit, entre autres : Pour le port fluvial : - travaux sur les quais ; - la construction de deux blocs sanitaires à l’intérieur du port ; - travaux sur les réseaux. Pour le port de Yoro : - nettoyage de la zone portuaire ; - construction d’un hangar de 30 m x 15 m ; - revêtement léger autour du hangar ; - construction d’un bloc sanitaire ; - construction d’une guérite. NB : les travaux de la gare à passagers et de construction du mur de clôture ne font pas partie de l’appel d’offres. 3. Les candidats intéressés peuvent obtenir des informations auprès de la Délégation Générale des Grands Travaux (Cellule de gestion des marchés publics, 2e étage) sise Bd Denis SASSOU NGUESSO, centre-ville en face de l’ex cinéma Vog, BP: 1127, Tél. : (+242 222 81 35 78), Fax : (+242 222 83 54 60). E-mail : contact@grandstravaux.org. Et prendre connaissance des documents d’appe| d’offres à l’adresse susmentionnée, les jours ouvrables de lundi à vendredi de 9h00 à 14h30 et le samedi de 9h à 11h00 ou sur le site : www.grandstravaux.org.

PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE CABINET

Appel d’offres

DÉLÉGATION GÉNÉRALE DES GRANDS TRAVAUX COORDINATION TECHNIQUE CELLULE DE GESTION DES MARCHÉS PUBLICS

N° 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

4. Les exigences en matière de qualification sont : a) Une note détaillée indiquant le personnel qualifié à affecter au dit proiet ; b) La liste du matériel à affecter au dit projet ; c) Les attestations certifiées conformes de travaux similaires exécutés délivrées par les autorités adjudicatrices. Chaque attestation précisera notamment la nature des prestations, le montant, les délais et les dates de réalisation des travaux ; d) La capacité d’accès aux crédits. Voir le document d’appel d’offres pour les informations détaillées. Les candidats intéressés peuvent obtenir un dossier d’appel d'offres complet à l’adresse mentionnée ci-après : Délégation Générale des Grands Travaux (Cellule de gestion des marchés publics, 2e étage) Bd Denis SASSOU NGUESSO, centreville en face de l’ex cinéma Vog, BP: 1127, Tél. : (+242 222 81 35 78), Fax : (+242 222 83 54 60) E-mail: contact@grandstravaux.org ; contre un montant non remboursable de : Un Million Cinq Cent (1.500.000) francs CFA. Le mode de paiement sera soit par chèque, soit en espèce ou par virement bancaire. 5. Les offres devront être soumises à l’adresse ci-après : Délégation Générale des Grands Travaux (Cellule de gestion des marchés publics, 2e étage), Bd Denis SASSOU NGUESSO, centre-ville en face de l’ex cinéma Vog, BP: 1127, Tél. : (+242 222 81 35 78), Fax (+242 222 83 54 60) e-mail : contact@grandstravaux.org, au plus tard le 3 mai 2012 à 13 heures 30 minutes. 7. Les offres remises en retard ne seront pas acceptées. Les offres seront ouvertes le jour même en présence des représentants des candidats à l’adresse sus-indiquée à l4 heures 30 minutes. 8. Les offres doivent comprendre une garantie d’offre d’un montant de : Cinquante millions (50.000.000) francs CFA. Les offres devront demeurer valides pendant une durée de quatre vingt dix (90) jours à compter de la date limite de soumission. Fait à Brazzaville, le 22 mars 2012 Le Ministre Délégué, Délégué Général aux Grands Travaux, Par ordre, le Coordonnateur Technique Oscar OTOKA.

FOURNITURE ET MONTAGE DES PIÈCES POUR LA REMOTORISATION DES REMORQUEURS DE MPILA ET MBAMOU AVIS D’APPEL D’OFFRES N° 006-2012/PR-CAB-DGGTF (RELANCE) LANCÉ PAR LA RÉPUBLIQUE DU CONGO

l. Dans le cadre de la mise en œuvre de la politique sécuritaire dans tous les sites portuaires, l’Etat congolais, par le biais de la Délégation Générale des Grands Travaux, maître d’ouvrage délégué, entend acquérir des pièces pour la remotorisation des remorqueurs Mpila et Mbamou ; 2. La Délégation Générale des Grands Travaux sollicite, pour cela, des offres sous pli fermé de la part des candidats répondant aux qualifications requises pour fournir les équipements suivants : Bateau Mpila : Moteurs Poyaud 6PZM • Acquisition de deux ensembles propulsifs complets de 220 chevaux compatibles avec le carlingage existant (moteurs, inverseurs réducteurs, arbres portes hélices, hélices, roulements, paliers, cutless, tresse suiffée carrée,) • groupe électrogène de 12 KVA Diesel, • pompes à eau brute, • pompe incendie, • Réfection de tout le circuit électrique du bateau, • Remplacement des deux projecteurs et feux de navigation, • Fourniture 6 batteries l2 v 24 A • Remplacement treuils, • Acquisition d’une radio BLU et installation, • Acquisition 200 m de câbles d’amarrage • Fourniture d’une caisse à outils mécanicien, • Fourniture d’une caisse à outils électricien, • Réfection partielle de la coque, • Réhabilitation des mécanismes à gouverner • Former dans une école supérieure (niveau bac +3) un équipage composé de : - un capitaine, - un officier pont, - un officier machine, Bateau Mbamou : Moteurs Baudouin DNP4 • Acquisition de deux ensembles propulsifs complets de l40 chevaux compatibles avec les installations existantes (moteurs, inverseurs réducteurs, arbres portes hélices, hélices, roulements, paliers, cutless, tresse suiffée carrée,) • pompes à eau brute, • Réfection de tout le circuit électrique du bateau, • Remplacement des deux projecteurs et feux de navigation, • Remplacement treuils, • Acquisition d’une radio BLU et installation, • Fourniture de 4 batteries 12 v 24 A

RÉPUBLIQUE DU CONGO UNITÉ-TRAVAIL-PROGRÉS

RÉPUBLIQUE DU CONGO UNITÉ-TRAVAIL-PROGRÉS

• Acquisition 200 m de câbles d’amarrage • Fourniture d’une caisse à outils mécanicien, • Fourniture d’une caisse à outils électricien, • Réfection partielle de la coque, • Réhabilitation des mécanismes à gouverner • Former dans une école supérieure (niveau bac +3) un équipage composé de : - Un capitaine, - Un officier pont, - Un officier machines, 3. Les candidats intéressés peuvent obtenir des informations auprès de la Délégation Générale des Grands Travaux (Cellule de gestion des marchés publics, 2e étage) sise Bld Denis SASSOU NGUESSO, centre-ville en face de l’ex cinéma Vog, Email: contact@grandstravaux.org et prendre connaissance des documents d’appel d’offres à l’adresse mentionnée ci-dessus de lundi à vendredi de 9 heures à 14 heures 30 minutes et le samedi de 9 heures à 11 heures 30 minutes. 4. Les exigences en matière de qualification sont : a. Les attestations certifiées conformes des opérations de fournitures similaires au cours de ces cinq dernières années, délivrées par les entités adjudicatrices. Chaque attestation précisera notamment la nature des prestations effectuées, le montant, les délais et les dates de livraison de ce matériel, l’appréciation, le nom et la qualité du signataire ; b. La capacité d’accès aux crédits. 5. Les candidats intéressés peuvent obtenir le dossier d’appel d’offres à l’adresse mentionnée ci-dessus, contre un paiement non remboursable de six cent mille (600.000) francs CFA. La méthode de paiement sera par chèque ou en espèce. 6. Les offres devront être soumises à l’adresse ci-après : Délégation Générale des Grands Travaux (Cellule de Gestion des Marchés Publics 2e étage), sise Bld Denis SASSOU NGUESSO, centre-ville en face de l’ex cinéma Vog, au plus tard le 25 avril 2012 à 13 heures 30 minutes. 7. Les offres remises en retard ne seront pas acceptées. Les offres seront ouvertes en présence des représentants des candidats présents à l’adresse indiquée ci-dessus ce même jour à 14 heures 30 minutes. Les offres doivent comprendre une garantie d’offre d’un montant de vingt millions (20.000.000) francs CFA. 8. Les offres devront demeurer valides pendant une durée de quatre vingt dix 90 jours à compter de la date limite de soumission. Fait à Brazzaville, le 15 février 2012 Le Ministre Délégué, Délégué Général aux Grands Travaux, Par ordre, le Coordonnateur Technique Oscar OTOKA.

JEUNE AFRIQUE


Annonces classées

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AVIS D’APPEL D’OFFRES En exécution du Décret n° 09/13 du 24 avril 2009 portant dissolution et liquidation de quelques entreprises publiques, a été institué par arrêté min N° 004 /CAB/MINPF/JML/2012 du 4 mars 2012 un comité de liquidation des trois entreprises publiques dissoutes du secteur agricole, à savoir le Cacaoyer du BULU (CACAOCO), Palmeraie de GOSUMA (PALMECO), le Complexe Sucrier de LOTOKILA (CSL). Pour ce faire, toute personne morale ou physique intéressée à acquérir ou reprendre l’une ou l’autre de ces entreprises publiques dissoutes est priée de se manifester auprès du Comité de liquation dans les dix jours à dater de la publication du présent avis. Les soumissions devront parvenir sous plis fermés ou par courriel avant le 30 avril 2012 aux adresses suivantes : a) Physique : au cabinet Conseil ACF (Audit Comptabilité Fiscalité), 11/13 avenue Mutombo Katshi, 1er étage, dans la Commune de la Gombe à Kinshasa. b) Courriel : liquidationsportefeuille@yahoo.fr mk@acf-conseil.com

RÉPUBLIQUE TUNISIENNE

MINISTÈRE DU TOURISME SOCIÉTÉ DU GOLF DE CARTHAGE

AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL N° 1/2012

La Société du Golf de Carthage propose de lancer un appel d’offres international pour la location du fond de commerce « golf Carthage » et avec toutes ses composantes à titre de gérance libre, situé à Chotrana II Soukra Ariana- Tunis, et ce conformément aux dispositions du cahier des charges. Peuvent participer à cet appel d’offres à titre individuel ou sous forme de groupement, les personnes physiques et morales remplissant les conditions du cahier des charges. Ceux qui désirent participer peuvent retirer le cahier des charges, contre le paiement d’un montant de 50 dinars en espèces, à l’adresse suivante : 10 rue pierre de Coubertin 1001 Tunis (quatrième étage) du lundi au vendredi. Les offres composées d’offres techniques, financières et des pièces administratives doivent être envoyées au nom de monsieur le président Directeur Général de la société par courrier recommandé ou par rapide poste ou remises directement au bureau d’ordre central de la société du golf de Carthage 10, rue pierre de Coubertin 1001 Tunis contre récépissé. Les enveloppes extérieures doivent porter la mention « à ne pas ouvrir, appel d’offres international N° 01/2012 relatif à la location du fond de commerce golf Carthage ». La date limite pour la réception des offres est fixée au 11/05/2012 à 17h. Le cachet du bureau d’ordre central de la société fait foi. 1- Contenu des offres : Les offres doivent contenir les pièces énumérées à l’article 4 du cahier des charges et conformément aux conditions du dit article. 2- Ouverture des plis : La date d’ouverture des plis est fixée pour le 14/05/2012 à 15h au siège de la société. Les soumissionnaires peuvent y assister. Les représentants des soumissionnaires doivent être munis de procurations dûment signées. JEUNE AFRIQUE

N° 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

Propositions commerciales - Appel d’offres

Remarque : Les frais de dépôt de chaque soumission s’élève à 2.500 USD, deux mille cinq cents dollars US à payer au moment du dépôt de l’ offre. Pour toutes informations, contactez les membres du Comité de liquidation aux Numéros suivants : Tél. : - 00243 81 055 83 70 - 00243 99 817 67 30 - 00243 81 178 82 74


Vous & nous

Le courrier des lecteurs Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.

L’élégance de Wade EN RECONNAISSANT SA DÉFAITE, le président Abdoulaye Wade a fait preuve d’une grande élégance politique, qu’on ne voit que très rarement sous le ciel africain. À ceux qui l’ignorent encore, en démocratie, le droit et le devoir reconnus d’un homme politique – en particulier lorsqu’il est à la tête d’un État – sont d’initier des propositions et des projets. Le peuple à son tour a le droit et le devoir reconnus de les accepter ou de les rejeter, acceptation ou rejet que le dirigeant politique se doit d’entériner. C’est bien ce qu’ont fait le président Wade et le peuple sénégalais sur le projet de ticket double et l’élection à 25 % des suffrages, et aujourd’hui sur la question d’un troisième mandat. Bravo aux deux protagonistes. ● ROMÉO COLLENS MPIN, Yaoundé, Cameroun

Tchad : la tempête est à venir ! J’AI LU avec beaucoup d’intérêt le « Plus » de J.A. sur le Tchad (J.A. no 2672, du 25 au 31 mars). Il est vrai que la politique de modernisation du pays, fondée sur une logique TCHAD d’urbanisation Après la tempête béton – bitume tous azimuts – a J.A. N° 2672, quelque chose du 25 au 31 mars. d’innovant et de spectaculaire au regard de l’histoire de ce pays. D’où ces éloges emphatiques. Toutefois, j’aimerais faire remarquer qu’il est déplacé de comparer ce régime aux précédents pour la simple raison que les contextes sont complètement différents et qu’aucun autre avant l’actuel n’avait bénéficié de l’opportunité que constitue la LE PLUS

de Jeune Afrique

GÉOSTRATÉGIE La stabilité malgré tout

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POLITIQUE Passé les scrutins, les partis se réorganisent

ÉCONOMIE Coton, pétrole, aérien, banque… Quels enjeux?

LOISIRS N’Djamena fait son cinéma

Marathon électoral, guerre en Libye, instabilité régionale… L’année 2011 aura été, pour ce pays fragile, celle de tous les dangers. Heureusement préservé des turbulences qui affectent ses voisins, il profite de son microclimat pour tenter d’engager une croissance durable. Et s’ouvrir enfin sur le monde.

JEUNE AFRIQUE

ABDOULAYE BARRY POUR J.A.

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manne pétrolière, dont la gestion est d’ailleurs plus qu’opaque. Les remparts contre la tempête sociopolitique ne sont pas à construire avec du béton ou du bitume, matériaux qui ne résistent guère aux rébellions armées ou à l’insurrection du peuple… Plutôt que de s’attaquer au chantier de la réconciliation nationale, le régime s’acharne à élargir la fracture sociale consécutive à plus d’un demi-siècle de rancunes, de haines, de frustrations. Et à propos, quand vous parlez de l’« avatar gorane de Pol Pot », vous ne vous demandez pas qui était son principal lieutenant. ● YOUSSOUF ALLAHADOUM,

N o 2672 • DU 25 AU 31 MARS 2012

Abidjan, Côte d’Ivoire

Au-delà de l’ivoire J’AI APPRÉCIÉ VOTRE ARTICLE sur le récent massacre des éléphants dans le nord du Cameroun (J.A. no 2671, du 18 au 24 mars). Votre analyse attribue à juste titre ce carnage à la demande croissante d’ivoire en Asie et aux conflits armés dans la sous-région. Mais votre article ne dit malheureusement rien sur

L’AFRIQUE N’EST PAS MAUDITE ! DANS L’ÉDITION NO 2672 DE J.A. (que j’achète chaque semaine, c’est donc dire qu’en général j’apprécie ce journal), le titre de l’un de vos dossiers, « L’Afrique est-elle maudite? », m’a si outrageusement vexée que j’ai refusé d’en lire le contenu! Peut-on parler de l’Afrique en général au point de lui accoler un qualificatif? Le Gabon n’a rien à voir avec le Sénégal, la Libye, rien à voir avec le Mozambique. Ces pays ont été découpés de façon arbitraire et les populations ont dû s’adapter à la décision qui leur avait été imposée de vivre ensemble. Au fil de peu de siècles, ils y sont à peu près parvenus et, avec les « indépendances », ont essayé d’en faire des entités. Dur travail que d’unir des peuples si différents… Les pays d’Afrique (et j’inclus l’Afrique du Sud, que l’on met souvent à part car elle ressemble à une petite Europe) ne sont pas maudits, sûrement pas ! Mais l’impérialisme qui continue pernicieusement de s’y imposer ne nous permettra jamais de nous développer, ni financièrement ni politiquement. Vous remarquerez que les pays les plus touchés par des guerres intestines sont ceux dont les frontières ont été dessinées de manière arbitraire par des impérialistes : Kosovo, Palestine, Rwanda, Colombie, Haïti, Ukraine… N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

Tant que les pays riches « aideront » les pays « pauvres » en brandissant armes politiques et économiques, et en leur fournissant de l’armement, ces derniers ne s’en sortiront pas. Quel intérêt le Sénégal aurait-il à semer du riz quand il peut en importer des tonnes de Chine en échange d’un « stade de l’Amitié » ? Alors, ne prétendez pas que « L’Afrique est maudite », car les travers pointés ne sont pas propres au continent. ● MARIELLE DIENG MIKALEF, Dakar, Sénégal

Réponse

« L’Afrique est-elle maudite? » n’est pas une création de J.A., mais la reprise abrégée du titre, volontairement provocateur, de l’essai désormais connu d’un sociologue africain, le Malien Moussa Konaté, paru il y a deux ans (L’Afrique noire est-elle maudite?, chez Fayard). Le but n’était évidemment pas de choquer pour choquer, mais d’interpeller au moment où les bonnes nouvelles (le Sénégal) et les mauvaises (le Mali) envoient des signaux contradictoires quant à l’évolution démocratique du continent. Un conseil: reprenez votre J.A. et lisez ce « Grand angle » dans lequel deux intellectuels africains donnent leur point de vue sans détours. Vous y trouverez FRANÇOIS SOUDAN de quoi alimenter votre réflexion. ● JEUNE AFRIQUE


Vous nous

l’indifférence dont le secteur de la faune est l’objet depuis les dernières décennies. Sans implication des communautés locales et avec seulement six écogardes, le vaste parc de Bouba Ndjida était ainsi quasi abandonné aux bandes de braconniers surarmés. Pourtant, la faune du nord du Cameroun était autrefois la fierté de l’Afrique centrale, attirant des milliers d’écotouristes et de chasseurs sportifs, et générant d’importantes ressources financières. Les responsables de la conservation et leurs partenaires devraient ainsi saisir cette occasion, qui attire l’attention de la communauté internationale, pour réorganiser le secteur en mettant en place une gestion décentralisée et transfrontalière, afin qu’il redevienne le moteur de l’économie locale. ● DR PAUL SCHOLTE, Chef du programme

d’État ne suffit pas ; il faut sauver la démocratie et l’intégrité du territoire malien. ● MANSOUR COULIBALY, Casablanca, Maroc

J.A., si différent, si passionnant J’AI DÉCOUVERT Jeune Afrique au moment de la Coupe d’Afrique des nations 2012. Avec beaucoup d’attention, j’ai lu le guide que vous aviez élaboré pour la circonstance. Je l’ai lu avec beaucoup d’intérêt car je suis journaliste sportif. Je travaille notamment pour RTL, Le Parisien, RMC ou encore TF1. Mais passé la CAN, j’ai continué à me procurer votre hebdomadaire. À chaque édition, je découvre des analyses pertinentes et des portraits savoureux. Encore merci pour tous ces angles différents et passionnants. ● FLORIAN FIESCHI, Paris, France

Gestion durable des forêts dans le bassin du Congo, Yaoundé, Cameroun

BBY et la situation malienne DANS SON DERNIER « Ce que je crois » du mois de mars (J.A. no 2672, du 25 au 31 mars), Béchir Ben Yahmed analyse la situation malienne avec le talent qu’on lui connaît et auquel je n’ai pas la prétention de MALI COUP D’ÉTAT me mesurer. CONTRE LA DÉMOCRATIE Mais, avec tout le respect que je lui dois, qu’il J.A. N 2672, convienne que du 25 au 31 mars. le président ATT a failli. Les Maliens attendaient avec impatience la fin du mandat de ce chef d’État désormais tourné vers les seules inaugurations de chrysanthèmes. N’eût été la frustration ressentie tant par les militaires que par l’ensemble de la population, le peuple malien se serait dressé pour défendre sa démocratie, chèrement acquise en mars 1991. Nous sommes admiratifs de la manière dont les Sénégalais sont parvenus à se défaire d’un régime auquel ils ne croyaient plus. J’en appelle à la communauté internationale : condamner ce coup ENQUÊTE LA TUNISIE BASCULE-T-ELLE ?

N° 2672 • du 25 au 31 mars 2012

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT DANT DA NT

52e année

jeuneafrique.com

DÉBAT L’AFRIQUE EST-ELLE MAUDITE ?

TCHAD APRÈS LA TEMPÊTE

Par Axelle Kabou et Lionel Zinsou

Un dossier de 32 pages

TERRORISME DJIHAD MADE IN FRANCE

Le capitaine Amadou Haya Sanogo, chef de la junte, le 22 mars à Bamako

SPÉCIAL 8 PAGES

O

JEUNE AFRIQUE

Faire contrepoids à Ennahdha CONSTITUER une nouvelle force susceptible de contrebalancer la tendance islamiste est essentiel pour la Tunisie et même pour le parti Ennahdha. Car cela lui permettrait de participer à la reconstruction sans accaparer le pouvoir ni nous priver des compétences qui lui sont hostiles. Si l’objectif inavoué de cette formation est de ramener, à la place des islamistes, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD,

ex-parti au pouvoir) – à l’origine de tous les maux de la Tunisie –, on est en droit de craindre le pire. Bien qu’Ennahdha n’arrive pas à freiner les ardeurs de sa branche la plus radicale, ni à gérer efficacement cette phase difficile, il convient de bien distinguer le patriotisme de la société civile (ou des militants de partis) de l’opportunisme dangereux des orphelins inconsolables du RCD et des sbires de Ben Ali. ● MONDHER KALLALA, Monastir, Tunisie

Opposant de mauvaise foi DANS UNE INTERVIEW publiée sur le site internet de J.A., l’opposant Amadou Bah Oury, suspecté d’avoir voulu assassiner le chef de l’État guinéen Alpha Condé, en juillet 2011, accuse ce dernier d’immobilisme. Pour moi, ABO fait partie de ces dignitaires proches de Lansana Conté qui portent une vraie responsabilité dans le retard de la Guinée. Assoiffés de pouvoir, ils sont aujourd’hui dans une opposition radicale peu constructive. À nous, Guinéens, de fuir leurs magouilles ethnocentriques. Il est temps de sortir la Guinée de ses souffrances économiques et sociales. Du reste, les citoyens ne sont pas dupes : la stratégie d’Amadou Bah Oury consiste à discréditer tous ceux qui ne sont pas d’accord avec lui. ● MOUSSA CONDÉ, Lyon, France

Le djihad dénaturé AU NOM DE QUEL PRINCIPE Mohamed Merah a-t-il légitimé ses actes ? Le djihad. Cette notion centrale de l’islam, mal comprise, est devenue le centre de l’exégèse et de l’absurde. Elle a permis à un mouvement extrémiste de se construire et de se développer en marge des doctrines classiques de l’islam. Ces doctrines extrémistes qui consistent simplement à réciter benoîtement des versets, à les sortir de tout contexte pour les interpréter de la manière la plus absurde qui soit, ne contribuent aucunement à la paix sociale. Au contraire, elles poussent à la division ou à ce que certains appellent la fitna (Gilles Kepel, Fitna. Guerre au cœur de l’islam). Quel est alors le véritable sens du djihad ? Celui de Mohamed Merah qui, semble-t-il, est le djihad de l’irrévérence et de l’inconnaissance ? Pourquoi devrait-on propager cet islam du sang, de la malice et des coups bas? Mohamed Merah aurait-il oublié de lire, dans sa formation accélérée de l’islam, la sourate XVI, verset 127 ? : « Si vous châtiez, châtiez comme vous l’avez été. Mais si vous êtes patients, c’est mieux pour ceux qui sont patients. » Les enfants et le professeur de l’école juive avaient-ils fait du tort à Mohamed Merah ? Ce dernier s’est inventé une lubie pensant ainsi qu’il défendrait l’islam alors qu’il n’en a que sali les magnifiques enseignements. ● ASIF ARIF, Paris, France N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

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HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL POLITIQUE, ÉCONOMIE, CULTURE

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Post-scriptum Tshitenge Lubabu M.K.

Édité par SIFIJA Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS Tél. : 01 44 30 19 60 ; Télécopieurs : rédaction : 01 45 20 09 69 ; ventes : 01 45 20 09 67 ; Courriel : redaction@jeuneafrique.com DIRECTION

Dites-moi ce que vous mangez…

E

N CET APRÈSMIDI D’AVRIL, révolté par le cirque auquel se livrent les protagonistes du conflit au Mali, je sors de ma chambre d’hôte. Je suis à Pointe-Noire, la capitale économique du Congo-Brazzaville. Ici, le pétrole est roi. Je gagne le bar de l’hôtel en compagnie d’un visiteur. Nous nous installons sur la terrasse. En face, à seulement quelques encablures, l’Atlantique ne cesse de rugir. Dans un mouvement incessant, des vagues d’une blancheur écumeuse se forment sur la crête de l’eau, roulent sur quelques mètres avant de venir échouer sur la plage de la Côte sauvage. Ce rituel, immuable depuis la genèse, ressemble à une forme de « suicide » permanent. Mais les vagues n’ont pas de vie. Le spectacle offert par l’océan, cette immensité qui m’impressionne, n’en est pas moins monotone. Seul avantage, le fameux air marin. Un garçon s’approche pour prendre nos commandes. Je choisis un jus de papaye au citron. Mon hôte, pour sa part, jette son dévolu sur un jus d’orange. Le serveur, la vingtaine, donne alors une réponse incongrue : « Malheureusement, nous n’avons que des oranges congolaises ! » Je ne laisse pas passer cette énormité : « Selon vous, d’où devraient-elles provenir ? » Le garçon se contente de sourire. Quelle est donc cette logique selon laquelle pour boire un jus d’orange à Pointe-Noire, il vaut mieux que les oranges soient importées ? Appelez cela comme vous voulez, pour moi, les choses sont claires : c’est de l’aliénation. C’est au nom de cette aliénation que vous ne trouverez pratiquement pas de nourriture locale sur la carte des restaurants du continent. Tout ce qu’on vous propose porte des noms exotiques. Mais ces restaurateurs ne savent pas qu’ils doivent mettre en valeur la cuisine locale. Quand ils le font, ils se contentent de ne retenir que l’archiconnu, faisant l’impasse sur le reste. Pis, le poulet, le porc, le bœuf qui sortent de leurs fourneaux sont importés et ont tous le même goût fade. Pourtant, le poulet local, pour ne parler que de lui, ce poulet qui se débrouille comme un grand pour se nourrir de tout et de n’importe quoi, est une merveille pour nos palais. Mieux, il ne se laisse pas écraser par les dents : il leur résiste ! Et que dire de toutes ces espèces de fruits et légumes cultivés sans aspersion de pesticides ? J’ai, pour ma part, décidé de ne plus me laisser faire. De passage à Bujumbura, au Burundi, je suis allé déjeuner au restaurant de mon hôtel. Je retourne la carte dans tous les sens : rien d’africain ! Lorsque j’apprends que le chef est originaire d’Afrique de l’Est, ma surprise est totale. Je cherche à comprendre. Une explication m’est donnée : l’hôtel répondant aux critères internationaux, la cuisine est également internationale. L’Afrique n’est donc pas internationale chez elle. Pas du tout convaincu, je réclame l’un de mes plats favoris : pieds de porc aux haricots blancs accompagnés de riz. « Impossible, monsieur. Nous sommes désolés », me diton. Je réplique que le marché de Bujumbura est encore ouvert. La suite ? Le chef a cédé et j’ai pu savourer mon plat arrosé de bière de banane. ● N o 2674-2675 • DU 8 AU 21 AVRIL 2012

Fondé à Tunis le 17 oct. 1960 par Béchir Ben Yahmed (52e année)

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Directeur de la publication : BÉCHIR BEN YAHMED (bby@jeuneafrique.com) Directeur général : Danielle Ben Yahmed Vice-présidents: Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed Actionnaire principal : Béchir Ben Yahmed RÉDACTION Directeur de la rédaction : François Soudan (f.soudan@jeuneafrique.com) Directeurs exécutifs : Marwane Ben Yahmed (mby@jeuneafrique.com), Amir Ben Yahmed (aby@jeuneafrique.com) Rédactrice en chef déléguée : Élise Colette (e.colette@jeuneafrique.com) Rédacteur en chef technique : Laurent Giraud-Coudière Conseillers de la direction de la rédaction : Hamid Barrada, Abdelaziz Barrouhi (à Tunis), Aldo de Silva, Dominique Mataillet, Renaud de Rochebrune Secrétariat : Chantal Lossou, Joëlle Bouzignac Chefs de section : Joséphine Dedet (La semaine de J.A.), Philippe Perdrix (Grand angle), Anne Kappès-Grangé (Afrique subsaharienne), Tarek Moussa (Maghreb & Moyen-Orient), Jean-Michel Aubriet (Europe, Amériques, Asie), Cécile Manciaux (Le Plus de J.A.), Jean-Michel Meyer (Économie), Séverine Kodjo-Grandvaux (Culture & médias), Clarisse Juompan-Yakam (Vous & nous) Secrétaires de rédaction : Sabine Clerc, Fabien Mollon, Ophélie Négros Rédaction : Pascal Airault, Youssef Aït Akdim, Stéphane Ballong, Pierre Boisselet, Tirthankar Chanda, Julien Clémençot, Georges Dougueli, Tony Gamal Gabriel, Malika Groga-Bada, André Silver Konan (à Abidjan), Christophe Le Bec, Frédéric Maury, Nicolas Michel, PierreFrançois Naudé, Cherif Ouazani, Michael Pauron, Laurent de Saint Périer, Leïla Slimani, Justine Spiegel, Tshitenge Lubabu M.K., Fanny Rey, Marie Villacèque ; collaborateurs : Edmond Bertrand, Christophe Boisbouvier, Frida Dahmani, Muriel Devey, André Lewin, Patrick Seale ; accords spéciaux : Financial Times Responsable de la communication : Vanessa Ralli (v.ralli@jeuneafrique.com) RÉALISATION Maquette: Émeric Thérond (conception graphique, premier maquettiste), Christophe Chauvin, Stéphanie Creuzé, Valérie Olivier; révision: Nathalie Bedjoudjou (chef de service), Vladimir Pol; fabrication: Philippe Martin (chef de service), Christian Kasongo; service photo: Dan Torres (directrice photo), Nathalie Clavé, Vincent Fournier, Claire Vattebled; documentation: Anita Corthier (chef de service), Sylvie Fournier, Florence Turenne, Angéline Veyret JEUNEAFRIQUE.COM Responsable éditoriale : Élise Colette, avec Pierre-François Naudé ; rédaction : Camille Dubruelh, Vincent Duhem et Jean-Sébastien Josset Responsable web : Jean-Marie Miny ; studio : Cristina Bautista et Maxime Pierdet VENTES ET ABONNEMENTS Directeur marketing et diffusion : Philippe Saül ; responsable des ventes adjointe : Sandra Drouet ; chef de produit : Dhouha Boistuaud ; abonnements : Vanessa Sumyuen avec: COM&COM, Groupe Jeune Afrique 18-20, avenue Édouard-Herriot, 92350 Le PlessisRobinson. Tél. : 33 1 40 94 22 22 ; Fax : 33 1 40 94 22 32. E-mail : jeuneafrique@cometcom.fr ●

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Gérant commandité: Béchir Ben Yahmed; vice-présidents: Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed Directeur général adjoint: Jean-Baptiste Aubriot; secrétariat: Dominique Rouillon; contrôle de gestion: Sandrine Razafindrazaka; finances, comptabilité: Monique Éverard et Fatiha Maloum-Abtouche; juridique, administration et ressources humaines: Sylvie Vogel, avec Karine Deniau (services généraux) et Delphine Eyraud (ressources humaines); Club des actionnaires: Dominique Rouillon IMPRIMEUR SIEP - FRANCE. COMMISSION PARITAIRE: 1011C80822. DÉPÔT LÉGAL: À PARUTION. ISSN 1950-1285.

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