ÉTATS-UNIS
Enfin le vrai Obama?
jeuneafrique.com
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 53e année • n° 2705 • du 11 au 17 novembre 2012
AFRICA CEO FORUM
À Genève, l’entreprise au cœur des enjeux
ENQUÊTE VEUVES DE PRÉSIDENTS
MAROC-TUNISIE QUAND LES ISLAMISTES NAVIGUENT À VUE
MALI SUR LA PISTE DES JIHADISTES FRANÇAIS
ALGÉRIE
Ce qui a changé ce qui doit changer Bouteflika et sa succession, comment se préparent les partis, l’après-pétrole, les confidences de Medelci, la diplomatie, ce que veulent les Algériens… Notre dossier spécial de 32 pages.
ÉDITION INTERNATIONALE ET MAGHREB & MOYEN-ORIENT France 3,50 € • Algérie 180 DA • Allemagne 4,50 € • Autriche 4,50 € • Belgique 3,50 € • Canada 5,95 $ CAN • Danemark 35 DKK • DOM 4 € Espagne 4 € • Éthiopie 65 birrs • Finlande 4,50 € • Grèce 4,50 € • Italie 4 € • Maroc 23 DH • Mauritanie 1100 MRO • Norvège 41 NK • Pays-Bas 4 € Portugal cont. 4 € • RD Congo 5,50 $ US • Royaume-Uni 3,50 £ • Suisse 5,90 FS • Tunisie 3,30 DT • USA 6,50 $ US • Zone CFA 1700 F CFA • ISSN 1950-1285
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Ce que je crois BÉCHIR BEN YAHMED • bby@jeuneafrique.com
SAMEDI 10 NOVEMBRE
« Four more years »
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ORMULÉS ICI MÊME IL Y A UN MOIS (Jeune Afrique no 2701 du 14 octobre), notre pronostic et notre souhait étaient que les électeurs américains renouvellent à Barack Obama la confiance qu’ils lui ont manifestée en 2008 en le portant à la Maison Blanche. Ils l’ont fait le 6 novembre. Plus largement encore que prévu par les sondages et ce malgré la crise économique qu’Obama n’a pas réussi à juguler en quatre ans et le chômage qui frappe près de 8 % de la population active (plus de 12 millions de sans-emploi). Les Américains ont ainsi, très sagement, préféré la continuité au changement et la sécurité à l’aventure. Mieux : quatre ans après l’avoir osé, ils ont confirmé – en connaissance de cause – le choix qu’ils avaient fait en 2008 d’élire à la tête des États-Unis un Africain-Américain prénommé Barack Hussein. C’est là, d’une certaine manière, un Nous persistons et signons dont il convient de se féliciter car, en plus d’être la meilleure solution pour l’Amérique elle-même, il est bon pour le reste du monde. Donc pour nous tous. ■
À l’exception notable de deux responsables politiques dont je tiens à dire au passage qu’ils me confortent dans la très mauvaise opinion que j’ai de leur tandem: Benyamin Netanyahou, Premier ministre d’Israël, et Avigdor Lieberman, son ministre des Affaires étrangères. Chefs de file de la droite et de l’extrême droite, ils se sont distingués de tous les autres responsables politiques du monde par leur hostilité à Barack Obama. À peine dissimulé, leur soutien est allé à son rival, leur homologue de droite Mitt Romney, dont ils ont voulu favoriser la victoire. Les électeurs américains – Juifs inclus – ont fait fi de leur interférence ; le cheval sur lequel ils ont misé ayant été battu, Netanyahou et Lieberman se trouvent aujourd’hui, avec Mitt Romney, dans le camp des perdants. J’espère, sans trop y croire, que leur pays, qu’ils ont ainsi desservi, le leur fera payer lors des élections de janvier prochain. Si c’est le cas, les électeurs américains auront rendu un fier service à Israël lui-même, qu’ils JEUNE AFRIQUE
auront libéré de l’emprise de deux politiciens qui le conduisent dans la mauvaise direction. Et à l’isolement. ■
Cela dit, avant de vous parler du second mandat de Barack Obama, encore un mot des conditions dans lesquelles il a été réélu. 1) Une fois de plus, la chance l’a servi. Les historiens rapportent que Napoléon choisissait, pour lui confier le sort d’une bataille importante, non pas le plus doué mais le plus chanceux de ses généraux. Le cas de Barack Obama confirme que le facteur chance joue un rôle important, parfois décisif également dans l’issue des batailles politiques et la désignation du gagnant : en 2008, l’aggravation soudaine de la crise économique à la veille du scrutin a joué en faveur d’Obama et contre son rival John McCain; en 2012, l’irruption de l’ouragan Sandy au début de novembre a réduit à néant les chances qui restaient à Romney de l’emporter. 2) L’évolution de leur démographie est en train de faire des Américains un autre peuple. Lentement mais inexorablement, depuis le début de ce siècle, les électeurs blancs voient leur proportion diminuer, passant de 80 % à 70 %. Ils ne suffisent plus à faire gagner une élection à celui qui ne draine pas une part importante des votes noir et latino-américain. Barack Obama a recueilli, le 6 novembre 2012, le vote de 71 % des Latinos, contre 27 % pour Romney, et plus de 90 % de celui des Africains-Américains. Dans ces deux communautés, il a amélioré sa performance par rapport à 2008. Dans quatre ans, le futur candidat républicain sera encore plus désavantagé que celui de 2012. ■
Barack Obama ne commencera son deuxième et dernier mandat que le 21 janvier prochain. Il y entrera ligoté, car la Chambre des représentants est contrôlée par ses adversaires républicains, et il devra avoir réglé, avant la fin de cette année, le problème du surendettement pour tenter de faire passer l’économie, dès le début de 2013, à un taux de croissance supérieur à 2 % par an, afin de faire baisser le chômage. N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
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Ce que je crois Désireux de prendre le large, son secrétaire au Trésor et celui à la Défense ainsi que sa secrétaire d’État auront été remplacés ou seront sur le point de l’être. Peu à peu, une équipe renouvelée se mettra en place. Mais le prochain mandat de Barack Obama ne nous fera pas découvrir un président sensiblement différent de celui qui s’est révélé au cours du premier. Lui et son pays continueront de prêter davantage d’attention à cette Asie qui bouge et abrite la moitié de l’Humanité qu’à la vieille Europe et à la jeune Afrique. L’Amérique se retirera en 2014 de l’Afghanistan après y avoir mené une guerre de douze ans, la plus longue de son histoire et dont le coût devra être passé par pertes et profits; les trois grandes puissances asiatiques voisines (Chine, Inde et Pakistan) prendront le relais et devront trouver entre elles un équilibre d’influence. ■
La Syrie? On commence à s’apercevoir que les multiples composantes de la rébellion contre le clan Assad sont incapables de s’entendre pour former un pouvoir de substitution acceptable par ceux-là mêmes qui le réclament à cor et à cri. Et l’on pourrait se mettre, dans les toutes prochaines semaines, à la recherche d’une autre solution plus fine que le changement de régime pur et simple. Restent, au Moyen-Orient, deux autres gros morceaux. L’Iran: le président américain, qui n’oublie pas qu’il est Prix Nobel de la paix, s’efforcera d’éviter de se trouver acculé à une nouvelle guerre avec un autre pays musulman.
Il sait, de surcroît, que ses concitoyens sont las des aventures militaires et que les finances de son pays seraient mieux utilisées à rénover ses infrastructures qui en ont bien besoin. Mais il s’est engagé à empêcher l’Iran d’accéder au nucléaire militaire et, pour l’en dissuader, n’aura d’autre solution que de persuader Ali Khamenei, le Guide suprême, et le successeur du président Mahmoud Ahmadinejad que l’Amérique ne cherche pas à renverser leur régime pour le remplacer par un autre. Négociations directes et secrètes ? Utilisation d’intermédiaires qualifiés comme la Turquie, l’Égypte ou même la Russie ? Mélange des deux méthodes ? N’excluons pas, en tout cas, que 2013 marque l’amorce de la grande réconciliation entre les États-Unis et la République islamique d’Iran, comme 1972 a sonné, par le voyage de Richard Nixon à Pékin, le début du rapprochement avec la Chine. ■
Le problème israélo-palestinien : s’il ne veut pas rester sur l’humiliant échec qu’il a essuyé au cours de son premier mandat, Barack Obama devra repartir à la charge pour faire revivre la solution moribonde des deux États, l’un israélien, l’autre palestinien, vivant côte à côte, en paix et à l’intérieur de frontières sûres et reconnues. Il n’a, à mon avis, aucune chance d’y parvenir tant qu’Israël sera dirigé par le tandem NetanyahouLieberman évoqué plus haut, lequel a montré qu’il avait ses raisons de ne pas vouloir d’Obama à la Maison Blanche… ●
Humour, saillies et sagesse Pour vous faire sourire, grincer des dents – ou réfléchir –, ici, chaque semaine, une sélection subjective, la mienne, de ce qui a été dit ou écrit au cours des siècles par des hommes et des femmes qui avaient des choses intéressantes ou drôles à nous dire. B.B.Y. Ì Gouverner, ce n’est pas plaire. François Mitterrand Ì On tue un homme, on est un assassin. On tue des millions d’hommes, on est un conquérant. On les tue tous, on est un dieu. Jean Rostand
Ì Mon pied droit est jaloux de mon pied gauche. Quand l’un avance, l’autre veut le dépasser. Et moi, comme un imbécile, je marche ! Raymond Devos
Ì Combien de maris j’ai eus ? Vous voulez dire en dehors des huit miens ? Zsa Zsa Gabor
Ì Même Dieu, il savait pas qu’un jour on roulerait en bagnole. Les Nouvelles Brèves de comptoir
Ì On mesure l’intelligence d’un individu à la quantité d’incertitude qu’il est capable de supporter. Emmanuel Kant
Ì Pour écrire en prose, il faut absolument avoir quelque chose à dire ; pour écrire en vers, ce n’est pas indispensable. Louise Ackermann
Ì En avalant les méchantes paroles qu’on ne profère pas, on ne s’est jamais abîmé l’estomac. Winston Churchill N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
Ì Ne tenez pas la queue du léopard, mais si vous la tenez, ne la lâchez pas. Dicton africain
Ì Je me demande si les escrocs peuvent concevoir que les gens honnêtes peuvent être plus malins qu’eux. Nassim Nicholas Taleb Ì Aimer sans être aimé, c’est vouloir allumer une cigarette à une autre cigarette éteinte. George Sand Ì L’humanité est un fleuve de lumière qui s’écoule des vallées de la création jusqu’à l’océan de l’éternité. Khalil Gibran Ì La jeunesse a cela de beau qu’elle peut admirer sans comprendre. Anatole France JEUNE AFRIQUE
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Éditorial François Soudan
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Amour vache
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Cela fait longtemps il est vrai que les Africains sont habitués à voir débarquer chez eux des reporters épisodiques, attirés par le spectacle de leurs déboires comme des mouches par le miel. Leurs douleurs sont si photogéniques, leur chaos si mythogénique – et leurs réussites si peu bankable auprès des rédacteurs en chef – qu’ils se sont résignés à vivre sur un continent devenu le bac à sable de chasseurs de scoops, en quête insatiable de femmes violées, d’enfants massacrés et de satrapes kleptocrates. Interrogé à Kinshasa sur les motifs de sa sévérité à l’égard de certains de ses pairs africains, le président français a eu de son côté et en substance une réponse quelque peu étonnante: qui aime bien châtie bien. En d’autres termes: plus je vous critique, plus je vous aime, et vice versa. Ou encore: fin de la Françafrique, place à l’amour vache. Les concernés, qui ne sont tout de même pas masochistes (quoique…), ont dû apprécier. ● N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
SECONDE CHANCE Réélu sans susciter la même ferveur qu’il y a quatre ans, Barack Obama entend profiter de cet ultime mandat pour reprendre l’initiative.
PHOTOS DE COUVERTURES : JH. BERTRAND – B. JEROME PHOTOPQR/LE PARISIEN MAXPPP - KEYSTONE/GAMMA- MAGNUM - J. PAVLOVSKY/SYGMA/CORBIS – AFP - A.HERMAN
ES CHEFS D’ÉTAT AFRICAINS tancés par François Hollande à Kinshasa, menacés pour certains de poursuites judiciaires en France et régulièrement vilipendés dans la presse hexagonale ne sont pas des naïfs. Ils savent très bien pourquoi le président français, quinze jours après leur avoir servi la leçon, s’en est allé en Arabie saoudite soutenir le bras d’un souverain cacochyme dont le pays, côté libertés et droits humains, ferait presque passer les leurs pour des modèles de démocratie. On ne froisse pas impunément le premier producteur mondial de pétrole, ni les acheteurs potentiels d’Airbus, de Rafale et de missiles Thales, encore moins les détenteurs de fonds souverains en mesure de contribuer au redressement productif cher à Arnaud Montebourg. Alors que l’on peut encore, sans dégâts collatéraux, soulager sa conscience en jugeant « tout à fait inacceptables » les réalités congolaises. Dans le monde d’aujourd’hui, tout est rapport de forces, et de ce côté-là nos chefs africains ne jouent pas dans la même cour que les émirs du Golfe, d’autant qu’ils ont souvent bien des choses à se reprocher. Mais tout de même: si j’étais Joseph Kabila, je me demanderais ce que j’ai de moins que Choummaly Sayasone, président de la République démocratique et populaire du Laos, secrétaire général du parti unique, réélu l’an dernier à l’unanimité et hôte du sommet Asie-Europe auquel François Hollande a participé le 5 novembre dernier. D’un sommet à l’autre, toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire. J’ai eu beau tendre l’oreille: pas plus à Vientiane qu’à Djeddah il n’a été question dans la bouche présidentielle de bonne gouvernance et de respect de l’opposition, sans doute parce que, dans ces deux pays, l’opposition n’a tout simplement aucune existence légale, ce qui évite de s’en préoccuper. Certes, François Hollande a de nouveau employé au Laos le qualificatif d’« inacceptable », mais il s’agissait là de fustiger… le déficit commercial, il est vrai abyssal, de la France vis-à-vis de la Chine, et non de dénoncer la persécution des chrétiens, Hmongs et autres minorités dans cette ex-colonie française. Plus surprenant encore, aucune question ne lui a été posée sur ce thème et aucun média n’a relevé ce qui ressemble fort, des rives du Congo à celles du Mékong, à un deux-poids-deux-mesures.
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MALI SUR LA PISTE DES JIHADISTES FRANÇAIS Certains se sont convertis à l’islam, d’autres sont issus des banlieues hexagonales et rejettent le soufisme de leurs parents… Enquête sur ces hommes qui inquiètent les services de renseignements.
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Ce que je crois Par Béchir Ben Yahmed Confidentiel
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L A SEM A IN E D E J EU N E A F RIQ U E
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États-Unis Seconde chance pour Barack Obama Hillary Clinton La revanche d’une blonde Mahamat Saleh Annadif SOS Somalie Gabon Mba Obame ne répond plus Maroc Le Tour du Sahara Afrique du Sud On a zappé Zumaville Corne de l’Afrique Les pirates démâtent Institut du monde arabe Ils en rêvent tous ! Tour du monde
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G RA N D A N G L E
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The Africa CEO Forum Économie : l’entreprise au cœur des enjeux
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A F RIQ U E SU BSA H A RIEN N E
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Mali Sur la piste des jihadistes français Bénin Talon d’Achille Sénégal La vigie a changé de camp Afrique de l’Ouest Menue monnaie Investigation Destins de veuves JEUNE AFRIQUE
Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs GRAND ANGLE
THE AFRICA CEO FORUM
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L’entreprise au cœur des enjeux
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Le secteur te privé rivé africain fricai doit encore affr affronter te de nombreux écueils. Il est pourtant essentiel pour assurer une croissance stable profitant au plus grand nombre.
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INVESTIGATION DESTINS DE VEUVES Ils ont été héros, martyrs et parfois bourreaux… Les années ont passé, leurs épouses leur ont survécu. Elles ont dû apprendre à vivre avec un nom souvent lourd à porter.
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MAGHREB & M OYE N - O R I E N T
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Enquête Comment Israël a liquidé Abou Jihad Syrie Les chrétiens entre le marteau et l’enclume Tribune Pourquoi les salafistes s’attaquent aux mausolées Mauritanie Mohamed Ould Ghazouani, l’homme de l’ombre
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EUROPE, AMÉR I Q U E S, ASIE
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France L’imbroglio des 35 heures Russie Le troisième homme Chine Les milliards de « papy Wen » Parcours Sanna Nyassi, doublé gagnant Équateur Julian Assange, ou comment s’en débarrasser Inde Femmes au bord de la crise de nerfs
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LE PLUS DE J E U N E A FR I Q U E
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Algérie Ce qui a changé, ce qui doit changer
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ÉCON OMIE
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ENQUÊTE COMMENT ISRAËL A LIQUIDÉ ABOU JIHAD Récit de l’assassinat minutieusement préparé de l’ancien numéro deux de l’OLP.
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D O SSIER
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Télécoms
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ALGÉRIE Bouteflika et sa succession, comment se préparent les partis, l’après-pétrole, les confidences de Medelci, la diplomatie, ce que veulent les Algériens… Spécial 32 pages
Immobilier Addoha pose une première pierre Conjoncture La croissance rwandaise en péril Côte d’Ivoire Janine Diagou Wodié, l’héritière Cameroun Nadine Tinen sur deux fronts Boissons Malgré les crises, la bière garde la cote Baromètre
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LITTÉRATURE LE PRIX DU SANG Scholastique Mukasonga a créé la surprise en devenant la première Subsaharienne à recevoir le prix Renaudot, pour Notre-Dame du Nil. Un roman qui remonte aux prémisses du génocide rwandais.
C U LT U RE & M ÉD IA S Littérature Scholastique Mukasonga, le prix du sang Cinéma Rachid Djaïdani, caméra au poing Cinéma L’autre soulèvement tunisien Musique Staff Benda Bilili, tout le monde en piste ! Théâtre Scènes populaires VOUS & NOUS Le courrier des lecteurs Post-scriptum
Afrique du Nord Les islamistes naviguent à vue Marketing Bel a trouvé la bonne formule
JEUNE AFRIQUE
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Sénégal Karim Wade dans le collimateur?
Premier ministre égyptien, s’est abstenu de tout contact avec sa direction. De même, selon une source proche des Frères musulmans égyptiens, le président Mohamed Morsi, qui se rendra à son tour à Alger dans quelques mois, n’envisage pas de rencontrer Soltani.
éjà auditionné à deux reprises, en juillet, Karim Wade, qui s’est reconverti dans le consulting auprès d’investisseurs internationaux désireux de s’installer en Afrique, est convoqué le 15 novembre devant la section de recherches de la gendarmerie. L’ancien conseiller à la présidence, patron de l’Agence nationale de l’Organisation de la conférence islamique (Anoci), puis ministre d’État (Coopération, Transports aériens, Infrastructures ! LE FILS DE L’ANCIEN CHEF DE L’ÉTAT et Énergie) est dans le collimateur en décembre 2011, à Dakar. de la cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei), réactivée par le nouveau chef de l’État. Déférera-t-il à la convocation? « Oui, nous a expliqué Karim Wade, je répondrai à toutes les questions, même si je crains que tout cela n’obéisse à des fins politiques. Je constate que, pour l’instant, on nage dans l’amateurisme. Le procureur spécial parle ainsi de 1000 milliards de F CFA (1,5 milliard d’euros) détournés. Or cela correspond au budget annuel du Sénégal, alors que nous sommes sous la surveillance plus qu’attentive de la Banque mondiale ou du FMI! Soyons sérieux. » A-t-il connaissance du dossier et des charges retenues contre lui? « Absolument pas, et c’est bien le problème. Les seules questions que l’on m’ait posées jusqu’ici sont relatives à l’acquisition d’un véhicule ou d’un appartement. » Après s’être reposé au Maroc, Abdoulaye, son père, s’est quant à lui retiré dans sa villa de Versailles, dans la banlieue parisienne, pour écrire (ses Mémoires?) et prendre du recul. Il prépare activement le congrès de sa formation, le Parti démocratique sénégalais (PDS), au début de 2013, à l’issue duquel il passera officiellement la main.●
ABIDJAN FEU VERT POUR LE TROISIÈME PONT
MAROC NINY REVIENT
Journaliste controversé et ancien patron du quotidien arabophone Al Massae (numéro un des ventes, selon l’OJD), Rachid Niny s’apprête à lancer un nouveau quotidien d’information, Al Akhbar, attendu dans les kiosques à partir du 17 novembre. Tirage de départ : cent mille exemplaires. Niny a achevé de purger en avril une peine N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
de un an d’emprisonnement pour « désinformation » et « atteintes à des corps constitués, à des personnalités publiques, à la sécurité et à l’intégrité de la Nation ». La direction de la publication a été confiée à Radouane Hafiani, ancien reporter du quotidien Assabah. Niny occupe les fonctions de directeur général de la société éditrice.
ALGÉRIE DRÔLES DE « FRÈRES »
ASSANE GUEYE/APANEWS
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Branche algérienne de la confrérie des Frères musulmans, désormais au pouvoir en Égypte, le Mouvement de la société pour la paix (MSP), que dirige Bouguerra Soltani, se montre très déçu du manque de soutien que lui témoigne la « maison mère ». Lors de sa visite à Alger, fin octobre, Hicham Qandil, le
Le groupe Bouygues devait remplir une soixantaine de conditions (environnementales, notamment) pour obtenir les financements promis par les bailleurs de fonds (Société financière africaine, BAD, Banque d’investissement et de développement de la Cedeao, Banque ouestafricaine de développement, etc.) en vue de la construction du troisième pont d’Abidjan, qui reliera les communes de Riviera et Marcory, au-dessus de la lagune Ébrié. Mission accomplie. Le 7 novembre, le géant français du BTP a reçu des prêteurs un premier versement d’une trentaine de millions d’euros (sur un total de 272 millions). Dans les prochains jours, le capital de Socoprim, la société concessionnaire, sera par ailleurs augmenté. Les travaux ont cependant déjà commencé, Bouygues ayant anticipé le bouclage du financement du projet à la demande du président Ouattara. KENYA ORANGE LOCATAIRE
Après la cession au nigérian IHS, en octobre, des 1758 tours de télécommunication que possédait au Cameroun et en Côte d’Ivoire l’opérateur sudafricain MTN (montant de la transaction : 284 millions de dollars), Orange s’engage à son tour dans cette voie. Nom de code du projet : Vivaldi. L’objectifest de limiterlescoûts d’investissement en louant son réseau, plutôt qu’en en étant propriétaire. Un appel JEUNE AFRIQUE
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Politique, économie, culture & société LE CHIFFRE
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milliards de dollars c’est l’augmentation prévue d’ici à 2020 du chiffre d’affaires des secteurs liés aux services et à la consommation en Afrique, selon une étude du cabinet de conseil américain McKinsey.
à manifestation vient d’être lancé par le groupe français au Kenya. Le contrat concernerait les quelque 600 tours existantes. Il comporterait l’engagement de l’acquéreur de construire 500 nouveaux sites dans les années à venir. MÉDIAS CARAVANE ANNULÉE
Un mois après la venue de François Hollande à Kinshasa lors du sommet de la Francophonie, Augustin Matata Ponyo, le Premier ministre congolais, séjournera à son tour à Paris du 14 au 16 novembre. Au programme: des entretiens avec Paul Jean-Ortiz (conseiller diplomatique à l’Élysée), Abdou Diouf (secrétaire général de la Francophonie), Laurent Fabius (ministre des Affaires étrangères) et Pascal Canfin (ministre délégué chargé du Développement), ainsi qu’un dîner offert par Yamina Benguigui,laministredéléguée chargée de la Francophonie. Matata Ponyo en profitera pour « dénoncer l’agression extérieure dans l’est » de la RD Congo et présenter les grandes lignes de sa politique pour « redresser l’économie nationale ». Plusieurs rencontres avec des investisseurs français sont d’ailleurs prévues. DÉFENSE LES ARMÉES AFRICAINES AU RAPPORT Le site spécialisé Global Firepower, qui étudie les armées conventionnelles (à l’exclusion de l’armement
nucléaire) en fonction de quarante-cinq critères affinés chaque année, a diffusé début novembre son index 2012. Si le classement des cinq premières armées du monde ne présente pas de surprises (dans l’ordre : États-Unis, Russie, Chine, Inde, Royaume-Uni), la France n’apparaît qu’en huitième position, devancée par la Turquie et la Corée du Sud. Avec son budget annuel de 16 milliards de dollars, ses 2 000 avions et ses quelque 3 000 blindés, Israël dispose de la dixième armée, alors que l’Iran (9 milliards de dollars et un millier d’avions) pointe à la douzième place. En Afrique, c’est l’armée égyptienne qui est considérée comme la plus forte (7 milliards de dollars, 880 appareils, 4 000 blindés), devant la sudafricaine (qui dispose de la deuxième marine de guerre du continent), l’algérienne (6 milliards de dollars, 440 avions et un millier de blindés) et… l’éthiopienne. En 2011, le gouvernement d’Addis-Abeba a consacré 450 millions de dollars à la Défense. Curieusement,
l’armée marocaine, avec ses 3 milliards de dollars de budget annuel, ses quelque 200 avions et ses 3 000 blindés, ne figure pas dans ce classement des cinquante-cinq premières armées du monde.
MAURITANIE CHIRAC, PLUTÔT QU’ABDELAZIZ
Ancien chef de l’État mauritanien (2005-2007), le colonel Ely Ould Mohamed Vall, qui séjourne actuellement à Paris, n’a pas rendu visite ni même téléphoné au président MohamedOuldAbdelaziz,son cousin devenu son ennemi intime, qui s’y trouve toujours en convalescence (lire pp. 64-65). Il a en revanche assisté, le 5 novembre, au premier dîner de gala du Projet Aladin,fondationquiœuvreau rapprochement interculturel entre juifs et musulmans, dont il est l’un des membres fondateurs aux côtés de Jacques Chirac, l’ancien président français. Et, le 22 novembre, il a prévu d’assister, au musée du Quai Branly, à la remise du prix pour la prévention des conflits que décerne la Fondation Chirac. Il est vrai qu’il est membre du comité d’honneur de cette association.
Gabon-France Pascaline Bongo, la justice et les « BMA » DANS L’AFFAIRE DITE DES BIENS MAL ACQUIS, son (pré)nom n’a jusqu’ici jamais été cité par les médias français, ni même par les plaignants – ce qui est curieux. Fille aînée et ex-directrice de cabinet d’Omar Bongo, son feu père, Pascaline Bongo (56 ans), qui est défendue par son amie l’avocate (et consule honoraire du Gabon à Bordeaux) Danièle Palazzo-Gauthier, craint désormais d’être inquiétée par la justice française et n’exclut pas d’être mise en examen. Considérée comme l’administratrice de la fortune et des biens de son père, elle est la seule à en connaître, dans le détail, l’étendue. Affaire à suivre. ● DR
Directeurdelatélévisionpanafricaine Africable, le Malien Ismaïla Sidibé a annulé la deuxième édition de sa Caravane de l’intégration, un périple au cours duquel les programmes de sa chaîne sont tournés et diffusés depuis les villes et villages traversés. Le 7 novembre, il a adressé aux chefs d’État des quinze pays où une escale était prévue un courrier pour expliquer sa décision. « Ce sont plus de 130 personnes qui se déplacent par la route, et le convoicompteunecentainede véhicules. Il est trop compliqué d’assurer la sécurité de tout ce monde, surtout avec la situationquiprévautdansleSahel», se désole-t-il. Censée s’ébranler le 16 février 2013, la caravane devait durer trois mois et s’arrêter dans une centaine de villes en Afrique de l’Ouest, au Maroc et au Gabon. « J’espère qu’on pourra la relancer en 2014, soupire Sidibé. Et que les sponsors continueront de nous suivre. »
RD CONGO-FRANCE MATATA À PARIS : LE PROGRAMME
JEUNE AFRIQUE
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La semaine de Jeune Afrique
SECONDE
CHANCE Réélu sans susciter la même ferveur qu’il y a quatre ans, Barack Obama entend profiter de cet ultime mandat pour reprendre l’initiative. Ses priorités : l’immigration, l’environnement… et la crise économique. CLAUDE LEBLANC
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«
e rôle du président consiste à aider les Américains à se sentir confiants », avait déclaré Barack Obama dans un entretien au New York Times en février 2011. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’homme réélu le 6 novembre à la tête de la première puissance de la planète n’a pas réussi à transformer l’espoir suscité lors de sa première élection en un capital confiance à toute épreuve. Alors qu’ils avaient été plus de 240 000 à se presser pour venir écouter le discours du nouvel hôte de la Maison Blanche en 2008, ils n’étaient qu’une dizaine de milliers, quatre ans plus tard, pour célébrer la victoire de celui qui n’a pas réussi, pendant son premier mandat, à entretenir la flamme d’une Amérique naguère séduite par son charisme. Pour de nombreux observateurs, la réélection de Barack Obama est d’abord l’échec de Mitt Romney. Ce dernier « n’a pas perdu parce qu’il n’était pas assez conservateur, résumait avec justesse le quotidien en ligne Politico au lendemain de l’élection. Il a échoué parce qu’il n’est pas parvenu à réunir N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
assez de voix parmi les modérés, les indépendants, les femmes et les Hispaniques dans les États clés comme l’Ohio, le Nevada, la Virginie et le New Hampshire. Il était pourtant le candidat naturel de la plupart de ces électeurs, compte tenu de son passé de brillant businessman ».
BOUT DU NEZ. Dans ces conditions, on comprend pourquoi Obama s’est empressé de remettre « l’espoir » au cœur du discours prononcé après l’annonce de sa victoire. « Nous pouvons respecter la promesse des pères fondateurs de notre pays qui veut que, si l’on travaille dur, peu importe d’où l’on vient, qui l’on aime, que l’on soit noir ou blanc, hispanique ou asiatique, riche ou pauvre, jeune ou vieux, homosexuel ou hétérosexuel. Ici, en Amérique, chacun de vous peut réussir », a-til lancé à la foule et aux téléspectateurs, curieux de savoir quelles seraient les grandes orientations Parmi les occasions de sa politique à venir et manquées, une profonde d’évaluer sa capacité à rasrefonte du système financier. sembler comme il l’avait fait il y a quatre ans. Trop sûr de lui après son succès de novembre 2008, le président n’a pas su, au cours de son premier mandat, utiliser à son profit l’énergie qu’il avait insufflée à son projet. Le général Obama a ainsi délaissé son armée pour mener une politique de compromis, alors même que les extrémistes républicains du Tea Party n’avaient pas !AVEC MICHELLE, encore pointé le bout de leur nez. Il a ainsi manqué après son discours l’occasion de réformer en profondeur le système de victoire, à Chicago, le 6 novembre. financier alors que la crise des subprimes lui ● ● ● JEUNE AFRIQUE
ROBYN BECK/AFP
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La semaine de J.A. L’événement
en donnait la possibilité, tout comme il n’a pas saisi pleinement sa chance d’imposer un bouleversement du système santé en s’appuyant sur un électorat plein d’enthousiasme à l’égard du premier président noir du pays. ●●●
ÉCHAUDÉS. Son second mandat en poche, Barack
Obama se doit de reprendre l’initiative, d’autant qu’il bénéficie sinon d’un état de grâce, du moins d’une période de relative tranquillité face à une opposition qui digère une amère défaite. Il pourra d’ailleurs profiter de l’examen de conscience des républicains pour imposer ses vues sur certains dossiers. Celui de l’immigration sera probablement l’un des plus faciles à gérer, dans la mesure où le camp adverse a compris qu’il avait commis une erreur en adoptant des positions trop radicales. En 2008, Obama avait été élu en grande partie avec les voix de la communauté noire ; en 2012, ce sont les Hispaniques, échaudés par les menaces brandies par les conservateurs, qui lui ont permis de faire la différence. Dès lors, il a N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
! SOIRÉE ÉLECTORALE sur Times Square, à New York. Howard Nizebeth, 48 ans, suit les résultats sur écran géant, le 6 novembre.
toutes les chances de faire passer son Dream Act, en vertu duquel les jeunes immigrés sans papiers se verront automatiquement régularisés s’ils sont admis dans un collège ou enrôlés dans l’armée. L’autre priorité du président réélu sera sans conteste l’environnement. L’ouragan Sandy, que l’on a attribué au changement climatique, a lui aussi influencé le comportement de nombreux électeurs. Michael Bloomberg, le maire républicain de New York, ville sévèrement touchée par En plein ouragan Sandy, la tempête tropicale, s’est le maire républicain de New rallié à Obama dont il a York s’est rallié au président. apprécié le discours écologiste. L’opposition devrait donc se montrer plus conciliante lorsqu’il s’agira de voter une loi en faveur des énergies propres et de la réduction des gaz à effet de serre. Mais c’est dans le domaine économique que le président est attendu au tournant. Même si, durant la campagne, le sauvetage du secteur automobile a été l’un de ses principaux arguments, la crise JEUNE AFRIQUE
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Comment les Américains ont-ils voté ? Par groupe en %
Barack Obama Mitt Romney Autres
45
52
Hommes
55
44
Femmes
39
59
Blancs
93
est loin d’être terminée. Le chômage n’est pas endigué, et la confiance des consommateurs n’est pas non plus au beau fixe. Inspiré par le New Deal de Franklin D. Roosevelt, Obama voudrait laisser son empreinte dans l’Histoire en lançant de grands travaux en faveur des infrastructures. « Comment peut-on rester assis à ne rien faire pendant que la Chine et l’Europe se dotent de ponts, de trains à
Noirs
71 27
Hispaniques
SOURCE : CNN EXIT POLL
JOHN MINCHILLO/AP/SIPA
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grande vitesse et d’aéroports ? » avait-il lancé en novembre 2011, regrettant que le plan de relance de 2009 n’ait pas permis de mettre l’accent sur des projets plus ambitieux. Pour son second mandat, 150 milliards de dollars pourraient être débloqués en leur faveur, grâce notamment à une révision du mode de sélection des projets. REMOBILISER. Réélu pour un dernier mandat, le président n’a plus de pression électorale sur les épaules. Il devrait donc prendre davantage de risques, en particulier dans le domaine fiscal. Même si John Boehner, président (républicain) de la Chambre des représentants, a répété dès l’annonce des résultats qu’il continuerait à s’opposer fermement aux projets d’Obama visant à taxer davantage les riches, l’hôte de la Maison Blanche va chercher à convaincre les membres du Congrès qu’une politique fiscale revue et corrigée « ne relève pas seulement de la justice sociale, mais agit aussi sur la croissance et la capacité à pouvoir faire les investissements dont le pays a besoin ». De la même manière, il faut s’attendre à un engagement plus fort du président dans la bataille pour la réduction des déficits publics. Là encore, il aura fort à faire avec les républicains. Ces derniers resteront sans doute intraitables sur la nécessité de réduire les dépenses fédérales, l’un des rares points sur lesquels Mitt Romney était parvenu à rassembler. Dans son discours prononcé à Chicago après la proclamation de sa victoire, Obama a clairement fait de la réduction des déficits et de la réforme fiscale ses priorités au même titre que l’immigration et la lutte contre le changement climatique. Cela permettra-t-il de redonner confiance aux Américains ? Ces derniers sont en tout cas prêts à entendre ses propositions. Comme le soulignait le New York Times au lendemain du scrutin, « la plupart de ceux qui n’ont pourtant pas voté en sa faveur ont expliqué aux sondeurs qu’ils partageaient ses vues sur la fiscalité, la santé et l’immigration ». Il ne lui reste qu’à remobiliser les troupes et s’appuyer pleinement sur elles pour remplir ses objectifs. Alors l’Amérique retrouvera le vrai Obama, celui qui l’avait fait rêver et espérer. ●
LES « HAS BEEN » RÉPUBLICAINS DETOUTE ÉVIDENCE, la défaite de Mitt Romney va amener le Parti républicain à quelques révisions déchirantes. On a beaucoup souligné les tergiversations et les changements de discours du candidat, obligé de faire le grand écart pour complaire à la frange la plus radicale de la droite. Or c’est justement ce radicalisme qui lui a coûté la victoire. JEUNE AFRIQUE
Refusant de tenir compte des évolutions démographiques – l’électorat blanc ne représente plus que 72 % du corps électoral, et devrait être minoritaire à partir de 2050 –, le Parti républicain n’a pas su non plus saisir l’importance du vote féminin, qui rejette son discours antiavortement et moralisateur. Pour éviter une nouvelle déconvenue en 2016, ses
membres ont tout intérêt à mettre de l’eau dans leur vin. Ils semblent disposés à le faire : l’un des leurs, John Boehner, le président de la Chambre des représentants, a indiqué le 8 novembre qu’il abandonnait tout effort pour abroger la réforme de l’assurancesanté de Barack Obama. Un premier pas en avant… ● C.L. N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
La semaine de J.A. L’événement
! LA PRIX NOBEL DE LA PAIX 2011, le 7 novembre.
Ellen Johnson-Sirleaf: « Sa réélection me comble »
En visite à Paris, la présidente du Liberia réagit pour Jeune Afrique à la victoire du candidat démocrate.
«
B
arack Obama a déjà incarné une transformation radicale de la politique américaine lorsqu’il a été élu pour la première fois. Le fait que le peuple américain lui ait renouvelé sa confiance signifie que la discrimination qui a longtemps sévi aux États-Unis est bel et bien morte. Nous en sommes d’autant plus heureux qu’une relation très forte et très ancienne lie le Liberia aux ÉtatsUnis, même si elle est, je l’avoue, tout à fait bipartisane : les républicains ont tout autant soutenu notre pays que les démocrates. Nous attendons du président Obama qu’il s’attelle désormais aux problèmes qu’il n’a pu régler au cours de son premier mandat en raison de la situation très difficile dont il avait hérité, et qu’il mène à bien les changements qu’il a commencé à introduire dans son pays. Beaucoup prétendent qu’il n’a pas eu de “politique africaine”. N’oublions pas cependant que, lorsqu’il s’est rendu à Accra, en juillet 2009, il en a donné les N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
grandes lignes, affirmant qu’il voulait encourager les pays qui s’engagent sur la voie de la démocratie et de la bonne gouvernance. Il a désormais toute latitude pour mettre en œuvre cette politique et distinguer les États qui ont progressé en respectant ces principes. PRIORITÉS. N’oublions pas non plus
qu’il a maintenu et soutenu plusieurs programmes en faveur de l’Afrique lancés par George W. Bush (le fonds de développement Millenium Challenge Account, l’Agoa…). Il en a aussi créé de
nouveaux, comme Feed the Future : de nombreux pays du continent en bénéficient, et se rapprochent de l’autosuffisance alimentaire. Cela dit, Barack Obama devait s’occuper des problèmes des États-Unis en priorité. C’était son devoir, et je crois qu’il a fait de son mieux. L’Afrique est de la responsabilité des Africains. Nos partenaires peuvent bien sûr nous aider, mais nous ne pouvons pas attendre du président Obama – ou de tout autre président – qu’il agisse à notre place. » ● Propos recueillis par PIERRE BOISSELET
L’AFRIQUE SELON OBAMA SI LA QUASI-TOTALITÉ DES CHEFS D’ÉTAT AFRICAINS ont envoyé à Barack Obama un message de félicitations au lendemain de sa réélection, aucun, à l’exception de l’Égyptien Mohamed Morsi (lequel relève de la zone Moyen-Orient, vu de Washington), ne figure dans la liste des treize premiers dirigeants étrangers joints au téléphone par le président américain le 8 novembre pour les remercier de leur « amitié » et de « leur partenariat ». Pas même le Sud-Africain Zuma, ni le roi du Maroc, ni le président algérien. Significatif ? ● FRANÇOIS SOUDAN JEUNE AFRIQUE
BERTRAND LANGLOIS/AFP
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La semaine de J.A. L’événement INTERVIEW
Michel Foucher « Obama met le cap sur l’Asie-Pacifique »
D
irecteur de la formation, des études et de la recherche à l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) à Paris, Michel Foucher est diplomate et géographe. Il est notamment l’auteur de L’Obsession des frontières (éd. Perrin, 2007, réédité en 2012) et de La Bataille des cartes (éd. François Bourin, 2011). JEUNE AFRIQUE: Quel bilan peut-on tirer du premier mandat de Barack Obama en matière de politique étrangère ? MICHEL FOUCHER : Son mandat sui-
vait les huit années de présidence de George W. Bush, qui s’était lancé dans des expéditions militaires désastreuses. Obama a désengagé les troupes d’Irak et parachève leur retrait d’Afghanistan. Il a mis fin à ce que certains ont appelé les « distractions moyen-orientales » pour se consacrer aux zones qui présentent un intérêt plus direct pour les États-Unis, comme l’Asie-Pacifique. Ensuite, la politique de la main tendue à l’Iran n’a pas donné de résultats, pas plus que les pressions sur Israël. Il a aussi – et c’est un élément majeur – engagé son pays sur la voie d’une réduction très nette de sa dépendance pétrolière à l’égard de la région du Golfe. Contrairement à Hillary Clinton, Obama a peu voyagé. Il a fait la moitié de ses 47 déplacements à l’étranger la première année de son mandat. La politique étrangère n’est pas sa priorité.
VINCENT FOURNIER/J.A.
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! MICHEL FOUCHER, directeur de la recherche à l’Institut des hautes études de défense nationale, à Paris.
de politique étrangère car il a le Sénat avec lui. En revanche, la marge de manœuvre d’un président américain est plus limitée qu’autrefois : il doit composer avec d’autres pays. L’avantage d’Obama, c’est qu’il sait que le reste du monde existe, que l’Amérique est interdépendante, ce qui n’était pas le cas de Romney. Il referme la parenthèse de l’ère Bush au Moyen-Orient, et met l’accent sur le Pacifique. Pourquoi cette zone redevient-elle une priorité dans la diplomatie américaine ?
Les États-Unis y sont actifs depuis la fin du XIXe siècle, il n’y a là rien de nouveau. Ils
Il doit maintenant redéfinir une politique avec les nouveaux dirigeants chinois. Ce second mandat va-t-il lui donner une plus grande marge de manœuvre ?
Oui, dans la mesure où il y a une continuité. Grâce à sa réélection, les ÉtatsUnis gagnent un an et demi, le temps d’adaptation qui aurait été nécessaire à une nouvelle administration. D’autre part, la crédibilité et la popularité d’Obama sont renforcées. Le fait qu’il s’installe dans une cohabitation, la Chambre des représentants ne lui étant pas favorable, ne pose pas trop de problèmes en matière N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
ont signé des accords de défense avec une dizaine de pays et mené plus de guerres dans cette région que sur le continent européen. Disons qu’après une parenthèse « moyen-orientale » les Américains retournent à leurs fondamentaux, à la fois en termes d’intérêts économiques, de sécurité des voies maritimes, mais aussi de rapports à la Chine. Depuis quelques mois, on était dans une logique d’accentuation de la présence militaire américaine. Les États-Unis ont trouvé avec la Chine un rival
à leur mesure. Et ils en ont probablement besoin pour exister et renforcer leur leadership. Mais en raison de l’importance des intérêts économiques, Washington doit maintenant redéfinir une politique avec les nouveaux dirigeants chinois. Obama peut-il prendre une initiative dans le conflit israélo-palestinien ?
Personne n’a de prise sur ce dossier, pas même le président des États-Unis. Surtout, la dégradation de la relation personnelle entre Obama et Netanyahou n’aidera pas à apaiser les tensions. Le Premier ministre israélien a fait le mauvais choix pendant la campagne américaine en misant sur Romney. Ses opposants, Ehoud Olmert et TzipiLivni,l’attaquerontprobablementsur ce thème lors des élections législatives de janvier. Israël redoute que les Américains n’exercent une plus forte pression sur eux au sujet de la colonisation. Et puis la Palestine va revenir à la charge pour obtenir un statut d’observateur à l’ONU. Cependant, des convergences sont possibles, notamment sur la Syrie, où Obama veut aider à structurer une opposition crédible et respectable. Après s’être longtemps accommodés de Bachar al-Assad, les Israéliens ont finalement conclu qu’il est aussi de leur intérêt qu’il tombe pour priver l’Iran d’un allié. ● Propos recueillis par MARIE VILLACÈQUE JEUNE AFRIQUE
Une Afrique sans paludisme est une Afrique pleine de ressources. Nous sommes l’un des plus importants investisseurs étrangers en Afrique. Nous sommes ainsi bien placés pour connaître l’impact sanitaire et économique que le paludisme peut avoir sur une communauté et sa population active. C’est l’une des raisons pour lesquelles ExxonMobil est si engagé dans la lutte contre le paludisme. D’énormes progrès ont déjà été réalisés—la mortalité due au paludisme a diminué de 25 pour cent au cours de la dernière décennie—mais il reste encore beaucoup à faire. ExxonMobil s’engage à apporter sa pierre à l’édifice. Qu’il s’agisse de prospection ou de production de nouvelles sources d’énergie, d’approvisionnement de nouveaux produits pétroliers ou d’investissement dans les collectivités, ExxonMobil fait plus qu’exploiter du pétrole et du gaz. Nous soutenons le développement futur de l’Afrique. Pour en savoir plus sur nos programmes en Afrique, veuillez consulter exxonmobil.com
La semaine de J.A. Les gens
Hillary Clinton La revanche d’une blonde
Mais n’est-ce pas à la Maison Blanche que ce « moi-même » qu’elle dit vouloir être désormais pourra enfin s’accomplir? Une chose est sûre: Hillary Clinton ne s’est jamais vraiment remise de sa déception de 2008, quand « son » parti lui préféra un outsider nommé Barack Obama. Trop dominatrice, trop froide, trop sûre d’elle, trop fascinée par sa personne et par son patronyme, trop favorite, elle est alors tombée de très haut. Par la suite, elle aura été une secrétaire d’État loyale et efficace, parcourant la planète telle une rock star, sans résultats spectaculaires à son actif, certes, mais sans se plaindre des empiétements incessants de la CIA, du Pentagone et, bien sûr, du président. Pendant ces quatre dernières années, assurent ses proches, Mme Clinton n’a jamais cessé de penser qu’elle aurait fait un meilleur chef d’État que Barack Obama, mais pasune seule fois elle ne l’a laissé transparaître. 2016 serait donc pour Hillary une revanche sur son destin contrarié. Reste qu’elle aura alors 69 ans, qu’un autre Obama peut toujours surgir et que rien ne prouve encore qu’elle ait décidé d’être candidate.
Sa popularité est au zénith. Et pourtant, elle s’apprête à quitter le secrétariat d’État. Un coup d’attente avant l’élection de 2016 ?
GREENFIELD/SIPA
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! AU FORUM DE COOPÉRATION économique Asie-Pacifique, à Vladivostok, en septembre.
E
lle s’en va. Elle l’a dit, redit, confirmé au lendemain de la réélection de Barack Obama et malgré l’insistance de ce dernier à la conserver à son poste. Au plus tard le 20 janvier 2013, jour de l’investiture présidentielle et sans doute avant, Hillary Rodham Clinton, 65 ans, aura rendu son tablier de secrétaire d’État, en quête de nouveaux horizons mais « toujours prête à servir » les États-Unis d’Amérique. Pour aller où ? « Je veux désormais être moimême », répond-elle, sibylline. Ce qui semble exclure un nouveau portefeuille au sein de l’administration Obama II – y compris celui de la Défense, pour lequel son nom a parfois été cité et qui pourrait
revenir à une autre femme, Michèle Flournoy, ex-porte-parole du candidat et ancienne du Pentagone – mais n’augure en rien une retraite politique, à laquelle personne ne croit. DOMINATRICE. En visite à Pékin à la
mi-septembre, Hillary a souri quand un haut dignitaire chinois lui a dit : « Vous serez encore jeune quand vous serez élue présidente. » Comme tout un chacun à Washington, l’élément dominant du « power couple » qu’elle forme avec son mari Bill Clinton sait en effet qu’elle figure en tête de liste des favoris du parti démocrate pour l’élection de 2016. En a-t-elle l’envie ? « Non », assure-t-elle.
UN REVENANT. Enattendant,Washington
bruisse de spéculations sur l’identité de son successeur au département d’État. Longtemps en première ligne, l’ambassadrice à l’ONU Susan Rice, fragilisée par l’enquête sur l’attentat contre le consulat américain à Benghazi, est désormais devancée par John Kerry, ancien candidat contre George W. Bush en 2004. Il aurait la préférence d’Obama, mais sa démission de son poste de sénateur du Massachusetts poserait un problème au parti démocrate, qui n’est pas sûr de conserver le siège en cas d’élection partielle. D’où l’idée pas si farfelue de faire appel à un revenant: Colin Powell, 75 ans. Le général à la retraite, qui a déjà occupé le poste sous Bush fils avant de soutenir Obama en 2008 et en 2012, est, dit-on, volontaire pour un rempilage éventuel, même s’il préférerait le Pentagone. Lui au moins n’a jamais rêvé à la Maison Blanche… ● FRANÇOIS SOUDAN
NOMINATIONS
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MOHAMED IBN NAYEF ARABIE SAOUDITE Le 5 novembre, le roi Abdallah a nommé son neveu ministre de l’Intérieur, à la place de son demi-frère, le prince Ahmed Ibn Abdelaziz. N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
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MAMADOU SOW SÉNÉGAL Issu de l’École nationale sénégalaise des officiers d’active, ce général de division de 56 ans a été nommé chef d’état-major général des armées. JEUNE AFRIQUE
EN HAUSSE
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TAWADROS II
Mahamat Saleh Annadif SOS Somalie
Cet évêque de 60 ans a été désigné, le 4 novembre, patriarche des Coptes orthodoxes d’Égypte, la plus grande communauté chrétienne du Moyen-Orient. Il succède à Chenouda III, décédé en mars.
L’ancien secrétaire général de la présidence du Tchad revient en pleine lumière. Il a été nommé représentant de l’UA au pays des Shebab.
FOWSIYOYUSUF HAJI ADAN
S
Originaire du Somaliland, région autoproclamée indépendante du Nord, la nouvelle ministre somalienne des Affaires étrangères, nommée le 4 novembre, est la première femme à entrer au gouvernement. MIREILLE BALLESTRAZZI L’actuel numéro deux de la police judiciaire française a été élue, le 8 novembre, à Rome, présidente d’Interpol, devenant ainsi la première femme à diriger l’Organisation internationale de police criminelle.
TESSON/MAX PPP ; DR
es ennuis judiciaires ? Il a tourné la page. Le 1er novembre, Mahamat Saleh Annadif, ancien secrétaire général de la présidence du Tchad, a été nommé chef de la Mission de l’Union africaine (UA) en Somalie (Amisom). Un rôle taillé sur mesure pour ce diplomate chevronné de 55 ans, qui fut ministre des Affaires étrangères du chef de l’État Idriss Déby Itno pendant six ans, puis ambassadeur de l’UA auprès de l’Union européenne. Et une nomination qui tombe à pic, au moment où cet ancien ingénieur en télécommunications souhaitait tirer un trait sur sa carrière gouvernementale. Les défis qui l’attendent à Mogadiscio seront d’un autre ordre. Il devra tenter d’engager l’indispensable et difficile reconstruction de l’État et de l’économie, afin de stabiliser la Somalie, enlisée dans une guerre civile depuis 1991. En acceptant ces nouvelles responsabilités, Annadif veut laisser derrière lui ce qui était très vite devenu une affaire d’État. Arrêté le 17 avril dernier pour « complicité de détournement de fonds publics » appartenant à la direction générale des grands travaux présidentiels, il a été incarcéré trois mois dans les geôles de Moussoro, à 300 km de N’Djamena, la capitale. Clamant son innocence, il a toujours assuré avoir obéi aux ordres de son supérieur hiérarchique, le président Idriss Déby Itno. Niant tout détournement, il estime avoir été victime d’un complot politique visant à l’écarter. Finalement libéré le 17 juillet par la justice tchadienne pour vice de procédure, Annadif, qui a été reçu par Idriss Déby Itno après sa sortie de prison et qui n’aurait pu être nommé à ce poste sans l’accord de ce dernier, met en cause deux personnes de l’entourage présidentiel. Avant de partir pour Mogadiscio, il envisageait de porter plainte contre eux. ● JUSTINE SPIEGEL
EN BAISSE
GÉRALD TREMBLAY Mis en cause dans le financement illégal de son parti, le maire de Montréal a démissionné le 5 novembre – tout en se présentant comme une victime de ce scandale de corruption. MARK BASSELEY YOUSSEF
! ACCUSÉ de complicité de détournement de fonds publics, il avait été incarcéré trois mois cet été.
L’auteur du film Innocence of Muslims, qui avait déclenché une vague de violences meurtrières dans le monde arabo-musulman a été condamné le 7 novembre à un an de prison pour usage de fausses identités alors qu’il était en liberté conditionnelle.
DR
VINCENT FOURNIER/J.A.
YANN M’VILA À cause d’une virée en boîte de nuit, le milieu de terrain français du Stade rennais a été suspendu par la commission de discipline de la Fédération française de football de toutes les sélections nationales jusqu’au 30 juin 2014. N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
La semaine de J.A. Décryptage catégoriquement cette idée, et l’ex-Union nationale et ses alliés ne parviennent pas à faire basculer le rapport des forces en leur faveur. Quand on connaît la pugnacité et l’envie d’occuper le devant de la scène du meilleur ennemi du président, il y a lieu de s’interroger. Pour l’instant, ce vide semble difficile à combler. D’autant que, après le ralliementdePaulMbaAbessoleaurégime et la mort, en octobre 2011, de l’opposant historique Pierre Mamboundou, l’opposition est orpheline de personnalités d’envergure.Avecsatroisièmeplacelorsdu scrutin présidentiel d’août 2009, derrière Mamboundou, AMO était le seul à peser véritablement dans ses rangs.
XAVIER BOURGOIS/AFP
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! À LIBREVILLE, le 22 août.
Gabon Mba Obame ne répond plus Le principal opposant au président Bongo Ondimba n’est pas apparu en public depuis la fin août. Serait-il malade ?
D
epuis trois mois, les partisans d’André Mba Obame (AMO) n’ont pas de nouvelles de lui. PartiedeLibreville,unerumeur annonçant son décès est parvenue à la rédaction de Jeune Afrique. Manifestement peu inspiré, un Ganga, grand prêtre du Bwiti – la religion traditionnelle locale –, avait déjà prédit que l’opposant mourrait le 15 octobre dernier, date anniversaire de la prestation de serment comme président de la République de son « frère ennemi », Ali Bongo Ondimba… Raté. AMO, 55 ans, est bien vivant. Mais il n’est pratiquement plus apparu en public depuis le meeting du 15 août tenu à Libreville aux côtés de Zacharie Myboto, Jean Eyéghé Ndong et Casimir Oyé Mba, les autres principaux animateurs de l’Union nationale – le parti d’opposition dissous par les autorités. N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
SORTILÈGE. Souffrant, Mba Obame l’est assurément depuis mars 2011. Il ressentait alors une douleur à la jambe, qu’il attribuait en plaisantant à un « fusil nocturne », ce sortilège bien connu au Gabon. Le 13 mai suivant, un examen radiologique effectué dans une clinique de la capitale révélait la présence d’une « hernie discale postéro-latérale ayant entraîné une sciatique paralysante et hyperalgique ». Il fallait opérer d’urgence. Selon le bulletin de santé, AMO était atteint d’une lombalgie chronique diagnostiquée en 1994. Le 14 juin, il s’envole vers l’Afrique du Sud où il sera opéré le 28 pendant trois heures. Le 4 juillet, il quitte l’hôpital. Quatre semaines de repos total lui sont alors prescrites. Mais, alternant relaxation et rééducation (quatre heures par jour), la convalescence se révèle plus pénible que prévu. Un médecin gabonais interrogé à Paris ne s’explique pas ces difficultés. « Il s’agit d’une pathologie bénigne dont les complications postopératoires sont rares. Si c’est le cas, pourquoi ne l’a-t-on pas réopéré ? » s’interroge-t-il. Opéré pour une hernie discale en 2009, le chanteur français Johnny Hallyday (66 ans à l’époque) s’est finalement relevé, en dépit
« Il se relève d’un accident vasculaire cérébral », confient des proches. « Il ne faut pas croire tout ce qu’on vous dit », dément Michel Ongoundou, ancien journaliste et visiteur régulier de la villa d’AMO, répondant pour le compte de l’intéressé, qui « se repose ». Le principal opposant gabonais n’aime Suites d’opérations chirurgicales, pas se montrer quand il n’est accident vasculaire cérébral, pas au meilleur de sa forme. diabète ? Le mystère plane… Et son bulletin de santé est aussi confidentiel que celui d’un chef d’État. de complications consécutives à l’inter« Que les gens se rassurent, il parlera vention chirurgicale. Pour le cas de Mba bientôt », assure un membre de son entouObame, faut-il attribuer la dégradation de rage.Enattendant,sonabsencesefaitd’auson état de santé à d’autres pathologies, tant plus ressentir que ses camarades sont dont le diabète qu’on lui a découvert en 2004 ? Ces questions demeurent sans entrésencampagnepourobligerAliBongo réponse pour l’instant. ● Ondimba à convoquer une conférence GEORGES DOUGUELI nationale souveraine. Le pouvoir rejette JEUNE AFRIQUE
2500 séances de CINÉMA diffusées par an, le meilleur des MAGAZINES francophones, 5000 diffusions de DOCUMENTAIRES et 19 rendez-vous quotidiens d’INFORMATION dans le monde.
CHANGEZ DE POINT , VUE DE ADOPTEZ-EN PLUSIEURS. design GéDéON © J. BréZIllON
La semaine de J.A. Décryptage
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Maroc Le Tour du Sahara
à sa demande, Sahraouis unionistes et Sahraouis indépendantistes, notamment la médiatique Aminatou Haidar. Côté marocain, on se montre très satisfait du calendrier de cette tournée, et notamment du choix de Ross d’avoir fait suivre sa visite à Rabat d’une longue étape de trois jours à Laayoune. Une première pour le diplomate, qui s’est ensuite envolé pour Nouakchott puis Alger, où il s’est entretenu avec le président Abdelaziz Bouteflika le 7 novembre.
À l’occasion de la visite de Christopher Ross, l’envoyé spécial de Ban Ki-moon dans la région, Mohammed VI a réaffirmé la position marocaine en faveur de l’autonomie.
AZZOUZ BOUKALLOUCH/AP/SIPA
« CRUAUTÉ ». Après la capitale algé-
! LE DIPLOMATE américain et le roi, au palais de Rabat, le 29 octobre.
P
our la diplomatie onusienne, la visite de Christopher Ross, l’envoyé spécial de Ban Ki-moon dans les pays concernés par la question du Sahara occidental, marque un retour à la normale, près de six mois après la brouille entre Ross et Rabat. Arrivé au Maroc le 27 octobre, l’émissaire américain a rencontré le surlendemain le roi Mohammed VI, qui l’a
reçu en présence de Mohand Laenser, le ministre de l’Intérieur, et de Saadeddine El Othmani, celui des Affaires étrangères. Lors de cette audience, le souverain a donné ses instructions pour faciliter la mission de Christopher Ross et lui assurer une large liberté de mouvement. Le 31 octobre, le diplomate onusien s’est rendu à Laayoune, la plus grande ville du Sahara occidental, où il a rencontré,
LE DESSIN DE LA SEMAINE
rienne, Christopher Ross était attendu dans les camps de réfugiés sahraouis, dans le sud du pays. « Ce n’est pas à Tindouf que Ross recueillera des opinions dissidentes comme à Laayoune », souligne une source au ministère marocain des Affaires étrangères, en écho au discours prononcé le 6 novembre par Mohammed VI, lequel décrivait « la cruauté, la répression, la coercition et les privations flagrantes des droits de l’homme » subies par les réfugiés de Tindouf. L’anniversaire de la Marche verte donne traditionnellement lieu à un discours royal consacré au Sahara. Il a servi cette année à rappeler « la nécessité de faire preuve de réalisme et d’esprit de consensus », remettant la proposition marocaine d’autonomie au centre des discussions futures. À l’issue des deux dernières étapes de sa tournée (Madrid puis Paris), Ross rendra compte de ses consultations au Conseil de sécurité de l’ONU, à la fin de novembre. ● YOUSSEF AÏT AKDIM
Mix & Remix
ÉTATS-UNIS – CHINE ZÉ ÉT ZÉRO SUSPENSE
Lors des élections de 2000 opposant Al Gore et George W. Bush, il avait fallu patienter plus d’un mois pour connaître les résultats en Floride… et le nom du nouveau président. Le cauchemar ne s’est pas répété cette année: le 6 novembre, Barack Obama a été réélu sans attendre la fin du décompte des votes dans cet État. Deux jours plus tard s’est ouvert en Chine le 18e congrès du PCC, qui doit introniser Xi Jinping à la tête du pays. Sans scrutin ni surprise. JEUNE AFRIQUE
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ILS ONT DIT
« Le mariage forcé des filles de moins de 18 ans est aussi condamnable que l’apartheid et doit être combattu avec la même vigueur. Comme ce dernier, il cherche à réduire au silence une communauté. »
Afrique du Sud On a zappé Zumaville
AP/SIPA
BERNARD BISSON/JOURNAL DU DIMANCHE
MGR DESMOND TUTU Prix Nobel de la Paix
« Je ne supportais plus d’être aux ordres d’un régime qui a dépassé toutes les limites de l’humanité. J’étais devenue une criminelle moi aussi. » OLA ABBAS Journaliste syrienne de la radiotélévision d’État, la première à avoir fait défection (elle s’est réfugiée à Paris)
«
Je suis pour qu’une fois, un jour ou l’autre, on organise un référendum en Grande-Bretagne. Ils doivent décider s’ils deviennent le 51e État des États-Unis ou s’ils sont membres de l’UE. » DANIEL COHN-BENDIT Député européen
« Le système de parti unique de la Chine est inhumain. Il est le contraire de la civilisation. » AI WEIWEI Artiste et dissident chinois
MYSTY/SIPA
« Je me retrouve facilement avec les bad guys. On s’attire et ça ne me dérange vraiment pas. Ils sont aussi sympas que les autres, mais, c’est sûr, ça peut partir en vrille. » ➜ ZLATAN IBRAHIMOVIC Joueur de football suédois, star du PSG N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
LA GIGANTESQUE résidence privée du président Jacob Zuma dans son village natal de Nkandla (est du pays) est en passe de devenir un symbole de la corruption des élites sudafricaines. En cause, l’ajout à ce complexe d’un héliport, de clôtures, de souterrains et d’une clinique. L’opération devrait coûter quelque 238 millions de rands (21,5 millions d’euros)… payés à 95 % par l’État, selon la presse sud-africaine. Pretoria a affirmé que des raisons de sécurité justifiaient ces travaux, sans parvenir à faire retomber la polémique,
alors que Zuma briguera un second mandat en décembre. Pis, le patron de la télévision publique a ordonné à ses journalistes, dans un courrier divulgué le 7 novembre, de ne plus désigner la propriété présidentielle dans les mêmes termes que leurs confrères de la presse écrite : les mots « domaine », « Zumaville » et « Nkandlagate » sont désormais bannis de l’antenne. Ce dernier néologisme fait, il est vrai, référence au scandale du Watergate, qui avait acculé le président américainRichardNixonàladémission. ● PIERRE BOISSELET
Corne de l’Afrique Les pirates démâtent SANS DOUTE ESTIL TROP TÔT pour crier victoire. Mais, selon les derniers chiffres publiés le 7 novembre par le Bureau maritime international (BMI), les actes de piraterie ont fortement diminué ces derniers mois le long de la Corne de l’Afrique. L’organisme spécialisé a recensé 71 tentatives d’agression depuis le début de 2012, contre 199 l’an dernier à la même période. Le nombre d’attaques réussies a également baissé, passant de 28 à 13. Aujourd’hui, les pirates somaliens ne détiennent plus que 9 des 33 navires qui étaient entre leurs mains au début de 2011, et 154 otages, contre 758. « La piraterie est devenue plus dangereuse et moins rentable pour ses auteurs », estiment les experts, qui avancent plusieurs raisons pour expliquer cette inversion de tendance. D’abord, les compagnies maritimes se sont adaptées à la menace en naviguant à des vitesses supérieures et en équipant leurs navires de « citadelles » où viennent se retrancher les équipages. Ensuite, la coordination des flottes militaires patrouillant dans la zone s’est affinée, grâce à une meilleure utilisation des renseignements fournis par les unités de surveillance aérienne. Enfin, plus du quart des navires traversant la région transportent des équipes de sécurité armées. Une mesure très dissuasive : aucun bâtiment comptant des gardes armés à son bord n’a fait l’objet d’une attaque. ● OLIVIER CASLIN JEUNE AFRIQUE
rfi.fr
Š Menahem Kahana / afp
La semaine de J.A. Décryptage
DAOU B.EMMANUEL
JEUNEAFRIQUE.COM
BRAVO-ANA/ONLYFRANCE.FR
Retrouvez l’interview vidéo d’Ibrahim Boubacar Keïta, ancien Premier ministre malien : « Une intervention au Nord-Mali est inéluctable. »
! LA FAÇADE DE L’IMA, avec ses moucharabiehs de métal, œuvre de Jean Nouvel.
LE TWEET
Institut du monde arabe Ils en rêvent tous!
« Barack Obama qui dit à sa femme Michelle combien il l’aime en public. Imaginez Morsi en train de faire ça ! » @Gsquare86
Qui sera le prochain président de l’IMA, à Paris ? On dit Ségolène Royal, Jack Lang ou Jean-Jacques Aillagon sur les rangs. Et ils ne sont sans doute pas les seuls…
Gigi Ibrahim, blogueuse égyptienne
SONDAGE Quel est, selon vous, le meilleur joueur africain de l’année parmi les dix prétendants désignés par la Confédération africaine de football (top 3) ?
Didier Drogba 47,2 %
Yaya Touré 11,5 %
7 autres joueurs 21,5 %
Younes Belhanda 19,7 %
(Total : 1 973 votes)* À LIRE AUSSI : Nord du Nigeria : entre Boko Haram et les forces de sécurité, une population en otage. N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
*Sondage réalisé auprès des internautes de jeuneafrique.com entre le 5 et le 8 novembre 2012
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R
oyal « ne brigue rien du tout », Aillagon ne pipe mot et Lang nous répond « qu’il n’est pas au courant de ces rumeurs et n’est pas candidat »… Les trois favoris de la course à la présidence du Haut Conseil de l’Institut du monde arabe (IMA) cacheraient-ils leur jeu ? Depuis que Laurent Fabius, le ministre des Affaires étrangères, a congédié Renaud Muselier, le 25 juillet – moins d’un an après sa nomination –, les spéculations vont bon train. Pour certains, cette fonction prestigieuse pourrait être un lot de consolation pour Ségolène Royal, privée du perchoir de l’Assemblée, ou pour Jack Lang, défait aux dernières législatives dans les Vosges. Ou donnée en récompense à Jean-Jacques Aillagon, ex-ministre (de la Culture) chiraquien passé du côté hollandiste avant la présidentielle de 2012. Le mystère devrait être levé avant le 26 novembre, jour du 25e anniversaire de l’institut créé à l’instigation de Valéry Giscard d’Estaing et inauguré en 1987 par FrançoisMitterrand,danslebeaubâtiment conçu par Jean Nouvel et ArchitectureStudio en bord de Seine. C’est à Laurent Fabius qu’il reviendra de désigner le nouveau président, mais la décision sera celle de François Hollande, qui semble manifester pour les lieux davantage d’intérêt
que Nicolas Sarkozy. À l’IMA, on affirme ne rien savoir du processus en cours, et NassifHitti,l’ambassadeurdelaLiguearabe en France, précise que ses homologues des États membres de l’Institut n’ont pas encore été consultés. ESSOUFFLÉ. Un diplomate français, féru
des lieux, espère que cette nomination sera « l’occasion d’un nouveau départ » pour le temple parisien des cultures arabes. Dans le domaine de la gouvernance, tout d’abord, compliquée par un système de double présidence – Haut Conseil et conseil d’administration – instauré par Dominique Baudis pour pouvoir conserver son poste tout en étant député européen. Un système bicéphale qui a nui au bon fonctionnement de l’institution et fait fuir ses plus précieux collaborateurs. Muselier avait déclaré vouloir revenir à l’ancienne formule, mais, pris d’ambitions électorales, y a finalement renoncé. Autre enjeu : relever la qualité et l’intérêt des événements organisés par l’Institut, qui se sont essoufflés et vont subir la concurrence du nouveau département des Arts de l’Islam du Louvre et aussi de l’Institut des cultures d’Islam qui devrait bientôt s’installer dans un bâtiment flambant neuf, dans le quartier de la Goutte d’or. ● LAURENT DE SAINT PÉRIER JEUNE AFRIQUE
AU-DELÀ DE L’INFORMATION
L’ACTUALITÉ INTERNATIONALE 24H/24
RETROUVEZ FRANCE 24 PAR SATELLITE, CÂBLE, ADSL, SUR SMARTPHONE, TABLETTE ET FRANCE24.COM
La semaine de J.A. Tour du monde ARGENTINE
Kirchner joue la carte jeune
! ARRIVÉE DE FRANÇOIS HOLLANDE (LAOS), LE 5 NOVEMBRE, POUR LE SOMMET ASIE-EUROPE.
À VIENTIANE
ASIE-PACIFIQUE
Dérive catalane
PLUSIEURS CENTAINES d’intellectuels, parmi lesquels le réalisateur Pedro Almodóvar et l’écrivain péruvien Mario Vargas Llosa, ont signé un manifeste contre l’indépendance de la Catalogne. Région la plus endettée N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
RUSSIE
VLADIMIR POUTINE s’est résolu à se séparer de l’un de ses proches, le ministre de la Défense (et gendre de l’ancien Premier ministre Viktor Zoubkov), Anatoli Serdioukov. Motif officiel : le détournement de plusieurs dizaines de millions d’euros par Oboronservis, une société contrôlée par le ministère qui est chargée de l’approvisionnement de l’armée. Certains de ses salariés sont soupçonnés d’avoir vendu des biens immobiliers prestigieux à un prix inférieur à celui du marché. Et d’avoir empoché la différence.
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ESPAGNE
À PARTIR DES ÉLECTIONS législatives de l’an prochain, les jeunes Argentins pourront voter dès l’âge de 16 ans, au lieu de 18 ans actuellement. Cela représente plus de 1 million de nouveaux électeurs, que l’opposition accuse la présidente Cristina Kirchner de vouloir manipuler pour compenser l’effondrement de sa cote de popularité dans les sondages. 80 % des Argentins se déclarent en effet hostiles à sa réélection.
Un proche de Poutine limogé
La France dans la course aux armements
RANÇOIS HOLLANDE a, le 5 novembre, assisté au 9e sommet Asie-Europe au Laos. Belle occasion pour le président français de tenter d’affirmer la présence de son pays en Asie-Pacifique, face à la montée en puissance de la Chine et au renforcement de la présence américaine dans la région. À la mi-octobre déjà, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, avait conclu avec Singapour un accord de « partenariat stratégique » en matière de défense. Il avait poursuivi son périple asiatique aux Philippines afin de négocier des ventes d’armement – missiles, notamment. Mission couronnée de succès puisque, début novembre, Manille a annoncé l’achat à la France de cinq patrouilleurs d’une valeur de 90 millions d’euros. Même si, au fond, Paris ne nourrit aucune ambition géostratégique et souhaite seulement profiter de la lucrative course aux armements en cours dans la région, ces initiatives agacent fortement la Chine, qui voit d’un mauvais œil le soutien français à l’armement de pays à qui l’opposent des conflits territoriaux.
SUKREE SUKPLANG/REUTERS
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TIMOR ORIENTAL
Adieu aux Casques bleus
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d’Espagne, celle-ci est en conflit avec le gouvernement central, qui refuse de lui consentir une plus grande autonomie budgétaire. Artur Mas, son président, veut même organiser un référendum d’autodétermination après les élections anticipées du 25 novembre. À en croire Madrid, la Catalogne perdrait 19 % de son PIB si elle devenait indépendante.
APRÈS TREIZE ANNÉES de présence au Timor oriental, les troupes onusiennes font leurs bagages. Le 15 décembre, les 1 270 policiers de la Mission intégrée des Nations unies auront définitivement quitté cette ex-colonie portugaise annexée par l’Indonésie en 1975. En 1999, à l’issue d’un référendum, les Timorais avaient choisi l’indépendance, formellement acquise sept ans plus tard. En proie à de graves violences entre indépendantistes et milices pro-indonésiennes, le pays avait été placé en 1999 sous administration provisoire de l’ONU. JEUNE AFRIQUE
ARRÊT SUR IMAGE
VINCENT YU • AP/SIPA
CHINE
En attendant le Congrès PÉKIN, 8 NOVEMBRE. Juste avant l’ouverture du 18e congrès du Parti communiste, des hôtesses manifestent leur enthousiasme devant le Palais du peuple. Qu’est-ce qui les met dans un tel état ? Le remplacement annoncé de Hu Jintao par Xi Jinping au secrétariat général ? On a quand même du mal à y croire. La joie de participer, fût-ce dans la coulisse, à un événement planétaire ? Réponse dans ces colonnes, la semaine prochaine.
LE MOT
Décadence
C’EST LE PÉRIL auquel s’exposerait la France si le projet de loi sur le mariage homosexuel venait à être adopté. C’est en tout cas l’opinion de l’industriel (armement, presse) et sénateur Serge Dassault, 87 ans, qui, à l’appui de sa thèse, n’hésite pas à invoquer le précédent de la Grèce antique. Socrate, Aristote, Sappho et Alexandre – pour ne citer qu’eux –, symboles de la décadence grecque ? On aura tout entendu. PORTO RICO
Dans le giron de l’Union? CÉDÉE PAR L’ESPAGNE aux ÉtatsUnis en 1898 et État libre associé depuis 1952, cette île caraïbe située au sud-est de la Floride pourrait devenir le cinquante et unième État de l’Union. JEUNE AFRIQUE
En tout cas, les Portoricains ont voté majoritairement (61 %) en ce sens lors d’un référendum organisé le 7 novembre. 33 % d’entre eux se sont prononcés pour un État libre associé souverain et 5,5 % pour l’indépendance. Il s’agissait de la quatrième consultation populaire sur ce thème après celles de 1967, de 1993 et de 1998. Jusqu’ici, le statut actuel avait toujours été plébiscité. BIRMANIE
Le mutisme de l’icône LE BILAN DES HEURTS entre bouddhistes et musulmans birmans est lourd: plus de 130000 déplacés depuis le mois de juin ; 89 morts et des centaines de blessés lors de la dernière flambée de violence, en octobre. Mais alors que la communauté internationale s’indigne, Aung San Suu Kyi, qui est de confession bouddhiste, demeure étrangement silencieuse. L’icône des droits de l’homme
devenue parlementaire craindrait-elle de s’aliéner le vote de ses coreligionnaires lors de la présidentielle de 2015 ? ROYAUME-UNI
Savile the Devil
L’AFFAIRE SAVILE n’en finit pas de prendre de l’ampleur. Quelques jours après Gary Glitter, l’icône déchue du glam rock, Freddie Starr, une vedette des années 1970 à la vérité bien oubliée, a été à son tour arrêté, le 1er novembre. Tous deux sont accusés d’abus sexuels sur mineurs, dans les années 1960-1980. Ils ont été mis en cause dans l’enquête visant Jimmy Savile, l’ex-star de la BBC décédée l’an dernier. Chevelure peroxydée et éternel cigare aux lèvres, le fantasque animateur du Top of the Pops était un redoutable prédateur : Scotland Yard le soupçonne d’avoir, quarante ans durant, multiplié les agressions sexuelles sur quelque trois cents adolescentes, tandis que la direction de la chaîne fermait pudiquement les yeux. N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
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Grand angle
ÌGENÈVE, 20-21 NOVEMBRE 2012
ÉCONOMIE
L’ENTREPRISE AU CŒUR DES
ENJEUX Instabilité politique, manque de financements, faiblesse des infrastructures : le secteur privé africain doit encore affronter de nombreux écueils. Il est pourtant essentiel pour assurer une croissance stable profitant au plus grand nombre.
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ALAIN FAUJAS
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GETTY IMAGES
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Afrique est enfin partie. Elle a mis un bémol aux coups d’État à répétition. Certes, elle se fait toujours la guerre à elle-même, mais l’intensité de ses déchirements fratricides a baissé d’un cran. Elle est sortie des affres de sa dette. Elle en a fini avec ses éléphants blancs, ces projets aussi pharaoniques qu’inutiles. Elle respecte mieux ses Constitutions et fait rentrer ses impôts. Ses soudards cèdent peu à peu les palais présidentiels aux gestionnaires du quotidien. Purgé de ses maladies infantiles, le continent a fait bondir ses réserves brutes de 82,9 milliards de dollars en 2003 à 301,5 milliards de dollars (235,6 milliards d’euros) cette année, selon les calculs de la Banque mondiale. Entre 2009 et 2010, l’indice de perception de la corruption s’est amélioré dans 26 des 46 pays africains étudiés par l’ONG Transparency International. Avec un taux annuel moyen de plus de 5 % sur dix ans, la croissance semble durable, mais pas encore « inclusive », ce qui veut dire qu’elle n’est pas encore partagée par tous. Reste à réussir la deuxième phase, celle du vrai développement qui passe par la création d’un tissu entrepreneurial solide. Pas de réel décollage sans amélioration de la productivité et des transferts de connaissance; or les chefs d’entreprise, toujours à la recherche de marchés et donc de progrès, en sont les acteurs privilégiés. Pas d’emplois formels et solides sans un secteur privé en bonne santé, car 90 % des nouveaux emplois créés dans les pays en développement le sont par les entreprises ayant pignon sur rue. Pas de services essentiels et pas d’infrastructures sans la contribution du secteur privé dans les transports, les télécoms, l’eau ou l’électricité. Pas de nourriture sans les entreprises qui font la chaîne
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Grand angle
depuis le champ jusqu’à l’étalage pour nourrir les citadins. Pas d’État sans les entreprises et leurs salariés, qui apportent aux budgets publics les impôts directs et indirects les plus réguliers et les plus stables pour faire fonctionner les services publics.
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INCLUSIVE. Mais le climat dans lequel naissent et
prospèrent les sociétés d’Afrique est loin d’être favorable à leur épanouissement. Le McKinsey Global Institute a publié, dans son étude « Africa at work: job creation and inclusive growth » (« L’Afrique au travail: création d’emplois et croissance inclusive ») du mois d’août 2012, les résultats d’une enquête menée auprès de 1373 patrons d’Égypte, du Kenya, du Nigeria, du Sénégal et d’Afrique du Sud – en majorité à la tête de PME – pour connaître les trois principaux obstacles à leur développement. Parmi les entrepreneurs interrogés, 55 % citent en premier lieu l’instabilité macroéconomique qui leur fait redouter un retour de l’inflation et un effondrement de la demande ; 40 % incriminent l’instabilité politique. On peut agréger ces deux inquiétudes et paraphraser la réplique du baron
Louis, ministre français des Finances sous le roi Louis-Philippe: « Faites-moi de bonnes politiques, je vous ferai une bonne économie. » Autrement dit : fichez-nous la paix, gérez prudemment et nous pourrons faire croître l’économie nationale et développer l’emploi.
UN TIERS DES 50 PAYS QUI ONT LE PLUS AMÉLIORÉ LEUR CLIMAT DES AFFAIRES DEPUIS 2005 SONT SUBSAHARIENS.
Idéalement placée entre les domaines relevant du secteur public et ceux dépendant du secteur privé, la Banque africaine de développement peut jouer un rôle de catalyseur pour favoriser et rendre possibles des partenariats.
BESOIN DE CAPITAUX. Autre sujet de difficulté :
VINCENT FOURNIER/J.A.
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DONALD KABERUKA
Président de la Banque africaine de développement (BAD)
« l’accès limité aux financements », pour 32 % des répondants. « Pour garder sa part de marché en période de croissance forte, l’entrepreneur doit trouver de l’argent, explique Luc Rigouzzo, cofondateur d’Amethis Finance, fonds d’investissement consacré à l’Afrique. Car les bénéfices ne suffisent pas à fournir les capitaux nécessaires quand on connaît une croissance de 20 % ou 30 %, comme certaines banques kényanes. Il faut se tourner vers les marchés, mais dans ce cas, le chef d’entreprise propriétaire de sa société risque vite d’en perdre le contrôle. Il faut trouver les moyens de mettre en place des partenariats de long terme qui améliorent les fonds propres des entreprises pour avoir les moyens d’acheter des machines et de recruter des talents pour relever les défis de l’avenir. » Premier problème : les marchés boursiers africains sont dans les limbes. La Banque de France note dans son rapport annuel 2011 sur la zone franc CFA que « les contraintes de liquidité sur ces marchés – résultant notamment du manque d’activité des investisseurs institutionnels sur le marché secondaire –, l’insuffisance de produits financiers adaptés, couvrant un large spectre de maturités, ainsi que le manque d’automatisation des systèmes d’échanges, créant des goulets d’étranglement, sont autant de facteurs qui fragilisent » leur développement. Deuxième problème : l’épargne africaine ne se mobilise pas, en raison de la pauvreté bien sûr, mais aussi à cause d’une très faible bancarisation des ménages. Hors Afrique du Sud, McKinsey estime que les dépôts bancaires en zone subsaharienne équivalent à peine à 34 % du produit intérieur brut, contre 83 % en Inde et plus de 175 % en Chine !
Un environnement économique porteur Forte croissance
Bonne résistance à la crise
Variation annuelle du PIB (en en %) entre 2000 et 2010 Asie (pays émergents)
8,6
Afrique
5,1
Moyen-Orient
5,4
5,8
4,5
Amérique latine
2,8 1,5
N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
5
5,7
2012
2013
2,3 2,2
3,1
Ensemble du monde
5,3 3,6
3,7
Europe centrale et orientale
Pays développés
Prévisions de variation annuelle du PIB (en %)
0,1 Asie
Afrique du Nord Afrique Amérique Moyen-Orient subsaharienne du Nord
0,8
Europe
JEUNE AFRIQUE
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Le quatrième sujet d’angoisse des patrons est le manque d’électricité en particulier et d’infrastructures en général. Pour ce qui est du courant électrique, tous les Africains (raccordés au réseau) pâtissent à un moment ou à un autre de coupures intempestives et l’expression de leur colère peut aller jusqu’à des manifestations, comme à Dakar. En ce qui concerne les transports, le manque de routes ou de voies ferrées n’est pas le seul facteur qui contribue à leur cherté et à leur précarité. L’absence d’intégration régionale, notamment en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, est une plaie pour les échanges à l’intérieur du continent. Rappelons qu’acheminer un conteneur équivalent vingt pieds de Dakar (Sénégal) à Ouagadougou (Burkina Faso) coûte plus de 10 000 dollars ● ● ●
VINCENT FOURNIER/J.A.
Il est temps désormais d’avoir un sommet économique de l’Afrique sur l’Afrique. Le continent doit développer un marché des capitaux capable de financer les impératifs stratégiques visant à soutenir la croissance actuelle.
THIERRY TANOH
Directeur général désigné d’Ecobank Transnational Incorporated
PLUS DE 300 PATRONS ATTENDUS Ils participent au AFRICA CEO FORUM :
DONALD KABERUKA Président, BAD
HENRI-CLAUDE OYIMA Administrateur-DG BGFIBank (Gabon)
VALENTINE JUBRIL ADEWALE TINUBU MATTHIEU PIGASSE PDG, Groupe Oando, Vice-Pdt Lazard & Co SENDANYOYE-RUGWABIZA DG OMC (Nigeria) (Europe)
ALIKO DANGOTE PDG Dangote Group (Nigeria)
ISSAD REBRAB PDG Cevital (Algérie)
MOHAMED EL KETTANI PDG Attijariwafa Bank (Maroc)
MAKHTAR DIOP MO IBRAHIM Vice-Pdt pour l’Afrique, Mo Ibrahim Foundation (Royaume-Uni) Banque Mondiale
SUNNY G. VERGHESE MOHAMED OULD BOUAMATOU PDG Groupe BSA PDG Olam (Mauritanie) (Singapour)
MOSTAFA TERRAB PDG Groupe OCP (Maroc)
NGOZI OKONJO-IWEALA Ministre des Finances (Nigeria)
PH. ESPITALIER-NOËL PDG Groupe Rogers (Maurice)
TIDJANE THIAM PDG Prudential (Royaume-Uni)
2005-2007
5%
+3
+1
253
46
Afrique
Ensemble du monde
218
Amérique du Nord
646
%
0,8
+3
%
7%
3,5 -4
JEUNE AFRIQUE
Asie
%
286
3,8
374
40 Pays en développement
1344
-1
607
Évolution
% ,8 -8
1473
443
2009-2011
-
Moyenne annuelle des flux (en milliards de dollars) et évolution en %
+
Maintien des investissements directs étrangers
365 Union européenne
SOURCES : MCKINSEY GLOBAL INSTITUTE, FMI, CNUCED
L’AFRICA CEO FORUM SETIENDRA les 20 et 21 novembre à l’hôtel Intercontinental de Genève. Il accueillera plus de 300 dirigeants de grandes entreprises du continent, venus de 42 pays, une centaine de banquiers et financiers ainsi que des personnalités africaines et internationales de premier plan. Au programme, quatre conférences plénières consacrées aux enjeux de croissance du secteur privé africain. Le développement des marchés sur le continent, l’intégration régionale, l’environnement des affaires ou encore la compétitivité des entreprises africaines feront partie des principaux sujets. En complément, neuf conférences thématiques seront consacrées aux tendances les plus actuelles du management : stratégie de développement international, nouveaux secteurs porteurs en Afrique, accès au capital, environnement juridique, etc. ●
N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
Grand angle
BRUNO LEVY POUR J.A.
Peut-être encore plus qu’ailleurs, la réussite en Afrique suppose que chacun tienne son rôle: que les entreprises privées visent la création de richesse et d’emplois et les banques les accompagneront.
HENRI-CLAUDE OYIMA
Administrateur directeur général du groupe BGFI Bank
VINCENT FOURNIER/J.A.
La réputation de l’Afrique est trop souvent négative sur des aspects de politique, de sécurité et d’éthique, mais aussi et surtout en termes de perception des risques. Il nous appartient de la modifier en contribuant à hisser nos entreprises et leurs écosystèmes au niveau des exigences internationales.
MOULAY HAFID ELALAMY Président du groupe Saham
Supprimer les barrières au commerce intraafricain est la manière la plus efficace de doper la compétitivité. Cela réduit les coûts de transaction, accentue l’attractivité pour les investissements domestiques et étrangers et rend les économies plus résistantes.
VALENTINE RUGWABIZA
Directrice générale adjointe de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
DR
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● ● ● et peut prendre jusqu’à dix-sept jours, car il faut passer 55 points de contrôle. Pour la même distance et le même conteneur, le prix du transport est en Chine de 2 300 dollars par la route et de 1 000 dollars par le rail. McKinsey Global Institute donne quelques exemples de bonnes pratiques des gouvernements qui ont relevé ces défis. Dans tous les cas, une vision stratégique et un réel volontarisme sont à la base de ces succès. Ainsi en est-il de la création par le Maroc de deux zones franches consacrées à l’industrie automobile: le secteur emploie aujourd’hui plus de 60 000 salariés. Même politique au Lesotho, qui a accueilli les industriels asiatiques du textile à un guichet unique pour faciliter leur installation dans six zones parfaitement équipées, en promettant qu’elles pourraient librement rapatrier leurs bénéfices: les exportations textiles du pays vers les États-Unis ont plus que doublé entre 2000 et 2008. Quant au Cap-Vert, il a fait passer ses recettes touristiques de 23 millions de dollars en 1999 à 542 millions en 2008 en exemptant d’impôts, en détaxant les importations et en garantissant le libre rapatriement des bénéfices aux étrangers qui investiraient dans le secteur ; celui-ci emploie aujourd’hui 21 % de sa population active.
RÈGLES DU JEU. Mais l’État doit aussi intervenir en simplifiant et en faisant respecter les règles du jeu économique. Aussi bien celles qui coûtent – les formalités de création d’entreprise, l’enregistrement des titres de propriété, le raccordement à l’électricité, le permis de construire ou les formalités douanières – que celles qui sécurisent – le régime de la faillite, la justice commerciale, les règles du crédit, la protection des actionnaires minoritaires. À l’évidence, les États africains ont fait de gros progrès dans ces domaines. Sur les 50 pays qui ont le plus amélioré leur climat des affaires depuis 2005, la Banque mondiale relève un tiers de subsahariens. Reste qu’il faut toujours soixante-deux jours pour créer une entreprise au Tchad et deux cent vingt-six jours pour être connecté au réseau électrique en Afrique du Sud. Les gouvernements ont donc encore du pain sur la planche pour parvenir à faciliter vraiment la vie de leurs entreprises. Et les bailleurs de fonds devront continuer à apporter leur aide financière pour sécuriser des investissements longs à rentabiliser, comme les barrages ou les voies ferrées. Car il manque chaque année une cinquantaine de milliardsdedollarsàl’Afriquepourluipermettre d’investir dans des infrastructures essentielles à un décollage « inclusif » dont les bienfaits seront enfin partagés par tous. ● JEUNE AFRIQUE
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TRIBUNE
Opinions & éditoriaux
Pour un capitalisme responsable
L MO IBRAHIM Président de la Fondation Mo Ibrahim
a performance économique de l’Afrique au cours des dix dernières années constitue une base solide pour le développement. Outre la demande toujours soutenue pour les ressources naturelles du continent, le secteur des services, en particulier les banques et les télécommunications, y progresse fortement. L’agriculture éveille de plus en plus d’intérêt. Beaucoup reste à faire toutefois pour que la croissance économique profite à tous, soit créatrice d’emplois et, par conséquent, durable.
D’ici à 2050, un quart de la main-d’œuvre mondiale sera africaine. Au cours des dix prochaines années, le continent comptera environ 108 millions d’enfants supplémentaires en âge d’être scolarisés. Bénédiction ou malédiction? Cela dépendra de la capacité à mettre en œuvre, dès aujourd’hui, des politiques de nature à assurer la formation des futurs travailleurs et garantir des perspectives d’emploi convenables aux jeunes de notre continent. Consacré à la jeunesse africaine, le forum annuel de la Fondation Mo Ibrahim, qui se tient ce dimanche 11 novembre à Dakar, se concentre sur des questions cruciales: comment s’assurer que les jeunesAfricains seront compétitifs à l’échelle mondiale et que le continent saura tirer parti de son dividende démographique? Comment donner aux jeunes générations les moyens de conquérir leur autonomie économique, d’acquérir une responsabilité sociale et politique et de participer pleinement à l’avenir de leur continent?
dans un continent d’entrepreneurs: des millions d’Africains se lèvent tous les jours et cherchent ce qu’ils peuvent acheter et revendre ailleurs pour se nourrir. Imaginons ce qu’ils pourraient faire si nous créions des conditions favorables, en rationalisant l’environnement réglementaire et en confortant l’État de droit. Les gouvernements doivent aussi veiller à ce que les systèmes d’éducation tiennent compte du marché de l’emploi national, régional et mondial, et préparent correctement les jeunes au monde dans lequel ils vivront et seront en concurrence. Cela nécessite de mesurer l’importance de la formation professionnelle et technique, au-delà de l’enseignement supérieur. La société civile et les entreprises ont également de grandes responsabilités à cet égard. Acteur clé de ce développement, le secteur privé africain reste étrangement silencieux. L’intégration régionale, qui bénéficiera autant – si ce n’est davantage – aux entreprises qu’aux citoyens, est soutenue par les responsables politiques, les administrations et la société civile. Les dirigeants d’entreprise doivent être prêts à participer au discours politique, car ils défendent les intérêts d’un capitalisme responsable, créateur de richesses, d’emplois et de développement. Il n’y a pas de honte à défendre haut et fort des entreprises respectables. Lorsque j’ai fondé Celtel, nous avons mis en place une politique de responsabilité sociale au sein de l’entreprise, considérant qu’il s’agissait d’un investissement profitable : un employé prospère et en bonne santé est un client potentiel. Le secteur privé en Afrique a tout intérêt, du point de vue des affaires, au développement humain, social et politique du continent. Il reste encore à la société civile à s’affranchir de sa longue hostilité envers le secteur privé pour contribuer à la réalisation de ce programme. Si nous acceptons tous l’idée selon laquelle c’est l’investissement qui permettra à l’Afrique de se développer, alors les membres de la société civile deviendront les plus ardents défenseurs des entreprises responsables créatrices d’emplois. Ils doivent maintenir la pression sur l’industrie tout en veillant à ne pas l’étouffer inutilement. En tant que dirigeant d’entreprise ayant rejoint la société civile, je pense qu’un partenariat entre ces secteurs est davantage créateur de valeur que source de conflit. ●
La création d’emplois doit être la première priorité du continent. Comment justifier que les jeunes Africains sont plus instruits que leurs parents, mais plus souvent sans emploi? Compte tenu de l’importance de ce groupe démographique, la création d’emplois doit être la première priorité du continent. Ce n’est pas une coïncidence si le Printemps arabe a débuté enTunisie, pays qui compte l’une des jeunesses les plus éduquées et, compte tenu de son niveau d’éducation, également les plus sous-employées d’Afrique. Les gouvernements doivent mettre en place les conditions permettant aux entrepreneurs de réussir. Avec un accès adéquat aux capitaux, aux informations et aux nouvelles technologies, nos jeunes créeront leurs propres emplois. Nous vivons JEUNE AFRIQUE
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Grand angle
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SOCIÉTÉS
Montée en gamme Mines et pétrole dominent le panorama du capitalisme africain. Mais de nouveaux secteurs se développent. Ils génèrent de l’emploi et de la valeur ajoutée.
GRAEME WILLIAMS/SOUTH-REA
C
ertaineschosesnechangentpas dans le monde des affaires africain. En 2012 comme en 2000, la compagnie pétrolière algérienne Sonatrach domine – et de loin – le classement des 500 premières entreprises du continent réalisé par Jeune Afrique. Au fil des années, sa suprématie s’est même accentuée : le chiffre d’affaires du mastodonte public représente aujourd’hui 8,5 % des revenus des 500 plus grands groupes africains, contre environ 6 % lors de la première édition du palmarès, en 2000. En quelques mots, tout est dit: au cours de ces années, malgré les incantations et les espoirs, le capitalisme africain n’est resté fait que d’or noir et de mines. Sombre tableau, triste réalité ? Pas si sûr. À l’époque, ni MTN, ni Vodacom, ni Maroc Télécom, ni les filiales africaines de Celtel (aujourd’hui Airtel) ou de France Télécom-Orange ne pointaient le bout de leur nez. Elles sont toutes aujourd’hui dans le premier tiers du classement des
grandes entreprises du continent, au point que les télécoms ont détrôné les mines comme deuxième secteur d’activité en Afrique. La croissance d’une classe moyenne consommatrice a contribué à accélérer la diversification sectorielle au-delà des ressources naturelles et du négoce. Selon la Banque africaine de développement (BAD), plus de 300 millions de personnes
Parmi les facteurs qui ont influencé les perspectives de croissance du continent figurent la résolution d’importants conflits armés, l’amélioration des conditions macroéconomiques – avec l’apparition d’excédents fiscaux et un recul de l’inflation dans plusieurs pays – et les réformes menées pour assainir le climat des affaires.
SUNNY VERGHESE DR
PDG d’Olam N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
peuvent aujourd’hui être considérées comme faisant partie de cette catégorie. Certains groupes du continent, comme Dangote, en ont profité pour passer en quelques années du métier d’importateur pur à celui de fabricant local et distributeur de produits de consommation (pâtes, ciment, sucre)… D’autres devraient naître demain en profitant de l’émergence annoncée de nouveaux secteurs : la santé, l’éducation, le logement, la grande distribution, entre autres. Les investisseurs internationaux, de leur côté, commencent doucement à envisager le continent autrement que sous l’angle du cocktail mines et pétrole. PROFESSIONNALISATION. Plus qu’une
simple évolution sectorielle, c’est une nouvelle culture managériale qui pourrait ainsi s’imposer peu à peu avec l’avènement des télécoms. Reléguant intrigues, corruption, collusion, opacité un peu plus loin dans le manuel du manageur africain. « Il y a une tendance nette à la professionnalisation avec des manageurs plus jeunes et venus de la diaspora », constate Sofiane Lahmar, associé au sein du capital-investisseur panafricain Development JEUNE AFRIQUE
OLIVIER POUR J.A.
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! PLANTATION DU GROUPE SIFCA, leader régional de l’agroalimentaire, en Côte d’Ivoire. " Construction d’un complexe SPONSORISÉ PAR L’OPÉRATEUR SUD-AFRICAIN DE TÉLÉPHONIE MTN, à Johannesburg.
CAMILLE MILLERAND POUR JA
Partners International (DPI), qui est entré au capital de plusieurs grandes entreprises du continent. Davantage spécialiste des PME, le financier Jean-Marc Savi de Tové n’est pas aussi optimiste : « Il n’y a pas de culture entrepreneuriale, pas assez de gouvernance, de vision stratégique, surtout en Afrique francophone, explique le directeur associé de Cauris Management, une société ouest-africaine de capitalinvestissement. Les dirigeants préfèrent être président que directeur général opérationnel, cela veut tout dire. » ●●●
Les esprits grincheux estiment que la croissance africaine est surtout tirée par les matières premières. C’est oublier un peu vite l’incroyable boom de la téléphonie mobile, le développement continu de l’agro-industrie, l’apparition progressive d’une petite industrie ou la consolidation du secteur bancaire.
JEAN-LOUIS BILLON Président de Sifca
La nouvelle frontière Une montée en puissance attendue
Des secteurs porteurs
12 % en 2050 JEUNE AFRIQUE
Infrastructures res 200
% +2
% 600
Amérique du Nord
200 0
1970
Inde
Sud-Est asiatique Amérique latine Europe
%
500
Afrique Chine
800
400
+5
Agriculture re
540
%
ce sera
Matières es premières res
Volume de la population âgée de 15 à 64 ans (en millions de personnes)
1 000
1 380
+9
Le continent représente de la richesse mondiale aujourd'hui,
1 200
+4
Biens de consommation ion
4%
Une main-d’œuvre qui augmente
Prévision de revenus annuels en 2020 (en milliards de dollars) et de croissance annuelle moyenne depuis 2008 (en %)
Japon 1980
1990
2000
2010
2020
2030
2040
SOURCE : MCKINSEY GLOBAL INSTITUTE N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
Grand angle
À moyen terme, la montée en puissance d’un secteur financier professionnalisé encourage l’amélioration des pratiques de gestion: les banquiers, en se montrant de plus en plus sélectifs quant à l’octroi de crédits, tirent les chefs d’entreprise vers le haut ; les capital-investisseurs, en jouant leurs rôles d’actionnaires actifs, poussent les valeurs de bonne gouvernance et de transparence financière. ●●●
Aujourd’hui, moins de 150 entreprises du continent réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 1 milliard de dollars. Pourtant, de nombreux groupes africains se distinguent. Comme souvent, les champions ne sont pas forcément les plus gros, mais ceux qui s’adaptent à leur marché.
LEVÉES DE FONDS. Malheureusement,
FRÉDÉRIC MAURY
Retrouvez le classement des 500 premières entreprises d’Afrique sur economie.jeuneafrique. com/les-classements.html N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
YACIN MAHIEDDINE
Associé de PricewaterhouseCoopers (PwC) DR
de ce côté-là aussi, le chemin à parcourir en Afrique reste immense. Certes, l’activité de capital-investissement, inexistante ou presque il y a dix ans, a explosé ces dernières années et on ne trouve plus guère aujourd’hui de grands investisseurs internationaux qui ne regardent avec intérêt le continent. En 2011, selon l’association professionnelle Empea, 1,3 milliard de dollars (1 milliard d’euros) ont été levés pour l’Afrique subsaharienne, contre 340 millions en 2004. Toutefois, en valeur relative, la région reste encore marginale : les levées de fonds pour le sud du Sahara représentent un peu plus de 3 % des montants destinés à l’ensemble du monde émergent, contre 5,2 % en 2004… Les Bourses africaines, elles, n’ont pas connu l’explosion attendue. Et si leur capitalisation totale a été multipliée par quatre en dix ans, l’Afrique du Sud en représente toujours plus des trois quarts. Pour les entreprises africaines, ce sont autant de possibilités de renforcement de leurs capitaux propres, et donc de financement de leur croissance, qui se sont ainsi envolées. La montée d’un capitalisme africain réel doit désormais se faire au-delà des conseils d’administration et des directions opérationnelles des grandes entreprises. Dès aujourd’hui, ce sont les PME qui ont besoin d’un véritable choc capitalistique. ●
L’Afrique a tous les fondamentaux pour connaître une croissance à deux chiffres. Les gouvernements doivent libérer les initiatives, faire confiance aux entrepreneurs privés, leur faciliter la tâche pour créer de la richesse répartie équitablement par un État régulateur.
ISSAD REBRAB
Président du groupe Cevital
DR
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EXEMPLES À SUIVRE SINGAPOUR, CORÉE DU SUD, GÉORGIE, Malaisie,Taïwan, Thaïlande, Estonie, Macédoine, Lituanie… Leur point commun: ces nations émergentes affichant de robustes taux de croissance économique figurent parmi les 30 premiers pays (sur 185) au classement « Doing Business » 2013 de la Banque mondiale. Seule présence africaine dans ce haut de tableau: Maurice (19e). Parmi les bons élèves, un sort du lot. La Géorgie était à la 100e place en 2006 – il fallait alors vingt et un jours pour y créer une entreprise. Elle est
à présent en 9e position – deux jours suffisent pour se lancer dans les affaires, et en deux ans, il est possible de résoudre un cas de cessation de paiement. Résultat: le pays parvient à maintenir un taux de croissance de plus de 6 % en 2012, malgré la récession qui touche une bonne partie de l’Europe. À titre de comparaison, en Centrafrique (dernier du classement 2013), il faut vingt-deux jours pour créer son entreprise et près de cinq ans pour clore un dossier d’insolvabilité. CQFD. ● PHILIPPE PERDRIX
JEUNE AFRIQUE
L’A B U S D ’A L C O O L E S T D A N G E R E U X P O U R L A S A N T É . À C O N S O M M E R AV E C M O D É R AT I O N
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Afrique subsaharienne
MALI
Sur la piste des
JIHADISTES français
Ils seraient une vingtaine tout au plus. Certains se sont convertis à l’islam, d’autres sont issus des banlieues hexagonales et rejettent le soufisme de leurs parents… Enquête sur ces hommes qui veulent combattre au nom d’Allah et qui inquiètent les services de renseignements.
Afrique subsaharienne
CHRISTOPHE BOISBOUVIER
! CAPTURE D’ÉCRAN d’une vidéo mise en ligne sur un site mauritanien. Face à la caméra, un Français d’origine bretonne, Robert L. JEUNE AFRIQUE
SAHARA MEDIA/AFP
«
I
ls sont entre dix et vingt », confie Tombouctou, je suis en famille. » Aujourd’hui, il une source proche des services promet une « catastrophe humaine et humanide renseignements français… taire » en cas d’intervention militaire au Sahel. Ce sont les jihadistes français À dire vrai, il y a quelque chose de folkloqui ont rejoint Al-Qaïda au rique dans la vidéo de ce quinquagénaire à la Maghreb islamique (Aqmi) moustache teinte. « Le kalachnikov qu’il nous dans le Nord-Mali. La plupart – les quatre montre est un peu trop grand pour être vrai. cinquièmes – sont des binationaux, notamment Visiblement, il est en plastique ! » s’amuse un des Franco-Maliens. Profil : des jeunes de cités spécialiste de la lutte antiterroriste, et comme françaises qui rejettent le soufisme de leurs le soi-disant Abdel Jelil est fiché par toutes parents et veulent combattre au nom d’Allah. les polices, c’est le dernier jihadiste que ses Mais il y a aussi quelques Français de souche chefs enverront en Europe. Mais au-delà de convertis à l’islam. Les services français essaient ce « paumé de l’Histoire », sa vidéo est une de les suivre tous à la trace. Leur hantise : une menace contre la France à l’heure où se prépare nouvelle affaire Merah, du nom de cet islamiste une opération internationale. Analyse de notre franco-algérien qui, de retour du Pakistan, a spécialiste : « Via ce converti, Aqmi dit aux froidement assassiné sept personnes, dont Français : “Souvenez-vous de Mohamed Merah. trois enfants, dans le sud-ouest Votre territoire n’est pas sancde la France en mars dernier. Paris a une hantise: tuarisé. Si quelques-uns de vos Fin août, Paris a récupéré une nouvelle affaire compatriotes sont avec nous une photo permettant d’idenau Sahel, nous pouvons aussi Merah, comme en tifier deux d’entre eux – des les faire opérer sur votre sol.” » trentenaires. Le 7 octobre, un Beaucoup moins folklomars dernier. présumé Français apparaît à rique : le profil d’Ibrahim l’arrière d’un pick-up sur une photo prise dans Ouattara. Comme l’a révélé RFI, ce Francola ville de Gao. L’homme, qui tient un kalachMalien de 24 ans a été arrêté le 4 novembre à nikov en bandoulière, a les tempes dégarnies. la gare routière de Sévaré, près de Mopti, alors Selon l’auteur du cliché, « il se fait appeler qu’il tentait de rejoindre Tombouctou en bus. Mohamedou, et il est content d’être à Gao, chez C’était l’élément précurseur d’un groupe d’une ses frères de lutte. Il se sent chez lui ». Pour dizaine de jihadistes algériens, tunisiens, sénél’instant, le seul Français aisément identifiable galais et français qui vivent actuellement en est un prêcheur qui soigne sa communication. Europe. L’homme est soupçonné d’avoir voulu Dans une vidéo postée le 9 octobre sur le site tuer le recteur de la Grande Mosquée de Paris, mauritanien saharamedias.net, un dénommé Dalil Boubakeur, en 2010. Comme il était sous Abdel Jelil apparaît devant un fond noir portant contrôle judiciaire en France, il est passé par le le sigle d’Aqmi, un kalachnikov posé à son côté. Portugal en voyageant sous une fausse identité. Visiblement, il y a des failles dans le dispositif CATASTROPHIQUE. En réalité, c’est un Français de surveillance de la police française. de souche. Dans un français sans accent, il Autre candidat français au jihad – et c’est une raconte ses vingt années de information inédite : le 7 août, EXCLUSIF marine marchande – et même un Franco-Congolais de 27 ans, de travail humanitaire en Cédric Labo Ngoyi Bungenda, Éthiopie avec Médecins sans a été arrêté à Niamey pour une Itinéraire frontières ! Il dit être installé pécadille : une tentative d’achat • Cédric Labo Ngoyi à Tombouctou depuis deux de faux permis de conduire. Bungenda, un Francoans avec sa femme (d’origine Mais très vite les policiers nigéCongolais (RD Congo) maghrébine) et leurs cinq riens ont flairé le « gros gibier ». de 27 ans, a été arrêté le 7 août à Niamey (Niger) Sa tactique, c’était l’immersion enfants. Ce qu’il ne dit pas, c’est qu’il est d’origine breau Niger, avant de tenter le pas• Originaire d’Asnières, tonne et s’appelle Robert L. sage au Mali. Arrivé à Niamey il avait réuni une forte Toujours de bonne source, quelques semaines plus tôt en somme d’argent ; il l’ambassade de France à provenance d’Asnières, près comptait passer au NordMali et rejoindre Aqmi Bamako l’a contacté, fin mars, de Paris, cet animateur scopour lui conseiller de quitter laire avait loué une maison • La police française a et acheté un véhicule 4x4. Au le Nord-Mali avant l’arrivée exigé et obtenu qu’il soit cours de son interrogatoire, des islamistes. Réponse : expulsé vers Paris il a avoué qu’il voulait se ● ● ● « Non, je ne bouge pas. À N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
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Afrique subsaharienne ! PUBLIÉE DÉBUT OCTOBRE, la photo montre un présumé Français à Gao. Il se fait appeler Mohamedou et se dit fier d’être aux côtés de « ses frères de lutte ».
SERGE DANIEL/RFI
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● ● ● rendre à Tombouctou pour porter assistance aux combattants d’Aqmi. Entre-temps, son ordinateur et son téléphone portable ont « parlé ». L’homme a été rapidement expulsé vers la France, qui le réclamait avec insistance. Objectif : exploiter ses informations afin de démanteler un éventuel réseau terroriste.
BELLE SOMME. Est-ce l’effet Mohamed Merah ?
Les candidats français au jihad se multiplient. Plus inquiétant encore, ce ne sont pas des « loups solitaires ». Avant de quitter la France, Labo Ngoyi Bungenda avait sollicité discrètement sa famille et quelques amis de sa cité pour réunir une belle somme d’argent. Comment tarir la source ? « S’il n’est pas passé par la case prison, ce type d’individu est difficile à détecter », confie une source bien informée. « D’autant qu’il appartient à une communauté sur laquelle les services français ont peu travaillé. Jusqu’à présent, ils donnaient la priorité aux Franco-Maghrébins. Ce n’est que depuis quelques mois qu’ils s’intéressent aux Franco-Africains. » Invisibles au départ, ces candidats au jihad peuvent l’être aussi à l’arrivée. Grâce à leurs deux
FRANCE Projet de loi relatif à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme « Un Français parti s’entraîner dans un camp, même s’il n’a commis aucun acte répréhensible en France, même s’il n’a pas grandi sur le territoire français, pourra être poursuivi pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, punie de 10 ans de prison et de 225 000 euros d’amende. » Adopté par le Sénat le 16 octobre dernier
passeports, certains binationaux franchissent allègrement les frontières et peuvent envisager de faire des allers-retours meurtriers entre la France et le Sahel. « Pour brouiller les pistes, certains débarquent à Dakar ou à Abidjan, et rejoignent le Nord-Mali par des bus régionaux », explique une source proche d’un service de renseignements d’un pays d’Afrique de l’Ouest. « Pour l’instant, nous n’avons pas découvert de réseau qui facilite leur voyage. Mais plusieurs apprentis jihadistes partent avec une adresse en poche. C’est souvent un membre de leur famille qui est déjà au Nord-Mali et qui se porte garant de leur engagement pour le jihad. Sinon, Aqmi les soupçonne d’être les agents infiltrés d’un service occidental, et ils risquent de passer un mauvais quart d’heure. » La mort de Mohamed Merah le 21 mars, la chute de Gao le 31 mars… A priori, ces deux événements n’ont rien à voir, mais aujourd’hui ils font sens dans la tête de quelques fous de Dieu. Y a-t-il actuellement au Sahel des « disciples » de Merah qui cherchent à commettre des attentats en France ? Un proche des services français confirme que « le potentiel est là ». ●
DES FRANÇAIS S’ÉTAIENT DÉJÀ FAIT REMARQUER AU MAGHREB…
L
es Français qui partent faire le jihad au Sahel, c’est nouveau. Mais au Maghreb, non. Le 24 août 1994, deux touristes espagnols sont assassinés dans un hôtel de Marrakech. Six mois plus tard, Stéphane Aït Idir (23 ans, FrancoAlgérien) et Redouane Hammadi (24 ans, FrancoMarocain) sont condamnés à N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
la peine capitale, et sont toujours aujourd’hui dans le couloir de la mort au Maroc. Trois de leurs camarades franco-marocains (Kamel Ben Akcha, Abdessalam Garouaz et Abderrahmane Boujdeli) purgent, eux, une peine de prison à vie.Tous venaient du même quartier de la banlieue parisienne, la cité des 4 000 à La Courneuve.
Le 16 mai 2003, quarantecinq personnes périssent dans une série d’attentatssuicides à Casablanca. Quatre mois plus tard, Richard Robert, un Français de 31 ans, est condamné par la justice marocaine à la réclusion criminelle à perpétuité. « L’émir aux yeux bleus », fils d’un ouvrier en verrerie de la région de
Saint-Étienne (est de la France), s’était converti à l’islam dès l’âge de 18 ans. En 2009, il déclarait à Jeune Afrique qu’il renouait avec « sa foi catholique et son identité française ». En mai dernier, il a obtenu son transfert dans une prison française, où il espère aujourd’hui une remise de peine. ● CH.B. JEUNE AFRIQUE
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Afrique subsaharienne mais je l’ai soutenu, lui, car j’ai cru au changement et à la rupture », reconnaît celui qui a selon toute vraisemblance ouvert son carnet de chèques. Plusieurs témoins de cette période avancent le Longtemps, Patrice Talon a été proche du chef de l’État. Mais c’était chiffre de 4 milliards de F CFA. Le généavant qu’il soit accusé d’avoir voulu l’empoisonner. Portrait d’un reux mécène refuse de confirmer, mais ne homme dont les appétits ont précipité la chute. dément pas son « soutien ». Est-ce pour ce coup de main qu’il a récupéré en 2008 la division du coton de la Société nationale canular » ; acquisition de drones pour n n’est jamais trop prudent. L’homme nous reçoit dans un attaquerl’avionprésidentieletrecrutement de promotion agricole (Sonapra) avec ses usines d’égrenage? « L’appel d’offres pour salon de l’hôtel George-V et de commandos : « grotesque » ; vol dans non à son domicile parisien. les caisses des douanes de 12 milliards la privatisation a été lancé au début des Allure élégante, débit rapide, regard direct, de F CFA (environ 18 millions d’euros) : années 2000, et j’étais déjà le seul candidat caractère affable, Patrice Talon, 55 ans, « n’importe quoi ». Ces derniers jours, retenu. Après plusieurs annulations de se dit « serein », mais a pris quelques dans les bureaux du palais de la Marina, on la procédure et une brouille en début de mandat avec Boni Yayi, j’ai finalement mesures pour « assurer sa sécurité ». « J’ai l’accuse même de tremper dans le trafic de quitté Cotonou au mois de septembre par drogue et d’avoir fait de la prison: « calomgagné », résume Talon. Un rien bravache, la brousse, j’étais menacé », affirme le nie », rétorque-t-il. La contre-attaque sera il ajoute : « Je suis assez puissant pour ne businessman béninois que l’on a ensuite judiciaire.«Sij’obtiensdesgaranties,jesuis pas avoir besoin de faveurs, je n’ai rien signalé aux Seychelles, en Allemagne… et prêt à répondre aux questions d’un juge demandé. » puis donc à Bruxelles, le 17 octobre, lors du béninois, mais je n’exclus pas de porter Et de rappeler son parcours, « ses succès dans les affaires », que ce soit sous la prévoyage officiel de Boni Yayi. Selon la justice plainte pour diffamation. » En attendant de son pays, il aurait tenté d’empoisonner sidence de Nicéphore Soglo le chef de l’État en voulant remplacer son ou sous celle de Mathieu L’ancien patron de la filière traitement antidouleur par des produits coton se dit victime d’un complot : Kérékou, et ses positions en toxiques. Côted’Ivoiredansl’importa« On veut m’éliminer ! » « En effet, j’étais en Belgique et j’ai croisé tion d’intrants cotonniers. À des membres de la délégation présidenceci près que la séquence de tielle », reconnaît le fugitif, qui retient la cette éventualité, la contre-offensive est la présidentielle de 2011 offre un scénario thèse du « piège ». Sur les trois personnes aussi médiatique et politique. Elle offre quasi analogue. Le pouvoir veut moderarrêtéesàCotonoule22octobreettoujours également un saisissant flash-back au niser la gestion du port de Cotonou et détenues pour complicité (une nièce du cœur du marigot béninois. optimiser les recettes douanières qui ont président, son médecin personnel et un la triste habitude de se perdre dans les ancien ministre), il a bien rencontré la BRAVACHE. Natif de Ouidah (Sud), Patrice sables. Le Programme de vérification des première d’entre elles. « Elle était le lien Talon a bâti un empire cotonnier à partir importations (PVI) est à prendre. L’appel familial entre Boni Yayi et moi », précise dumilieudesannées1980,avecseulement d’offres est lancé juste avant le scrutin. PatriceTalon.Ceseraleseulaveu.Carpour un deug de mathématiques en poche. En Talon l’emporte juste après. le reste, à chacune des charges lancées 2005, un an avant l’élection présidentielle, L’homme élude encore, précise que ce depuis Cotonou, l’accusé, qui fait l’objet il rencontre Boni Yayi, alors à la tête de PVI a été initié avec la Banque mondiale d’un mandat d’arrêt international, répond la Banque ouest-africaine de dévelopet renvoie au contrat qui ne prévoyait du tac au tac. Tentative d’empoisonnepement (BOAD). « Les candidats Soglo, pas une gestion des recettes douanières, ment avec des pilules radioactives : « un mais seulement un prix forfaitaire sur les Houngbédji et Amoussou étaient des amis, opérations de certification des marchandises importées. Il n’empêche, le PVI a été BONI YAYI, TOUCHÉ MAIS PAS COULÉ suspenduunilatéralementparlesautorités « IL A VRAIMENT EU des accusations lancées chargés d’évaluer le en mai dernier. « Ce contrat était léonin, et PEUR POUR SA VIE », contreTalon (drones, niveau de radioactivité Talon s’est retrouvé en situation de monoexplique un proche du trafic de drogue…), on des supposés faux pole après avoir manigancé le départ de président béninois. « Il pourrait le penser. En médicaments se sont la Société générale de surveillance (SGS), s’est passé quelque revanche, sur le dossier récusés. Ils préconisent avec laquelle il avait gagné l’appel d’offres. chose », ajoute un spécifique de l’empoila saisie de laboratoires Il mettait ainsi la main sur 2 milliards diplomate européen. sonnement, l’enquête internationaux. Il reste de dollars par an », explique-t-on dans Selon plusieurs offre de nouveaux tout de même une l’entourage du chef de l’État. BÉNIN
Talon d’Achille
O
témoignages dans l’entourage du chef de l’État, « le patron fait très attention à ce qu’il mange ». Paranoïa délirante? Au regard
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éléments. Un garde du corps de BoniYayi a été arrêté le 6 novembre. Il est accusé d’avoir été soudoyé parTalon. Des experts béninois
question. Si d’aventure l’hypothèse du poison devait se confirmer, il resterait à prouver l’identité du commanditaire. ● PH.P.
COMBINE. Talon estime, lui, être victime
d’une « vengeance ». « Le président m’a demandé d’activer des députés pour réformer la Constitution afin de lui permettre de se représenter en 2016 », assure-t-il, JEUNE AFRIQUE
Afrique subsaharienne Tout avait bien commencé… 1985 Crée la Société de distribution intercontinentale (SDI), spécialisée dans l’importation d’intrants 2006 Soutient BoniYayi à la présidentielle 2008 Remporte l’appel d’offres pour la privatisation de la filière coton Mars 2011 Apporte son soutien au président sortant et obtient le Programme de vérification des importations (PVI) Mai 2012 Suspension du PVI
! « SI J’OBTIENS DES je suis prêt à répondre aux questions d’un juge béninois », assure l’homme d’affaires (ici, en 2009). GARANTIES,
relatant son dernier entretien en tête à tête avec Boni Yayi, en décembre 2011. Le scénario présidentiel aurait été le suivant : modifier le texte sans toucher à la limitation du nombre de mandats pour ne pas alerter la société civile, mais la manœuvre aurait donné naissance à une nouvelle République et remis les compteurs à zéro. « J’ai refusé de tremper dans cette combine. Il m’a alors menacé de m’anéantir en évoquant l’exemple de Mikhaïl Khodorkovski [ancien magnat
russe du pétrole, autrefois proche du Kremlin et tombé en disgrâce, NDLR]. Nous y sommes, il veut m’éliminer », poursuit Talon, persuadé d’être la cible d’un complot pour avoir osé dire non. De fait, depuis cet entretien, il a perdu le PVI, s’est vu retirer plusieurs usines d’égrenage et a été débarqué du marché des intrants. « Dans trois ans, je pars. Je jure de respecter la Constitution. Je ne veux pas prolonger mon règne, je l’ai dit au pape, à Nicolas Sarkozy et à François
TY/ERICK AHOUNOU
23 octobre 2012 Mandat d’arrêt international contreTalon
Hollande », répète invariablement Boni Yayi. « Je veux le croire », estime un diplomate en poste à Cotonou. Ses ministres prennent sa défense, rappellent que la justice tranchera sur l’affaire de l’empoisonnement et soulignent les très bons chiffres de l’actuelle campagne cotonnière sans Talon. De fait, la production devrait dépasser les 450 000 tonnes, un record absolu. « On peut se demander si les chiffres n’étaient pas délibérément sous-évalués du temps de Talon », lâche un expert de la filière coton. « Boni Yayi doit partir sans tarder, il ne dirige plus rien », ose, depuis Paris, l’ancien sponsor devenu paria. « Tout pouvoir est une conspiration permanente », écrivait Honoré de Balzac dans son roman Sur Catherine de Médicis. Le Bénin, comme d’autres avant lui, est en traind’enfairel’expérience.Tristeretouren arrière pour un pays qui pouvait se targuer, il y a quelques années encore, d’être un bon élève en matière de gouvernance et de démocratie, et qui est désormais le théâtre d’une affaire d’État abracadabrantesque. ● PHILIPPE PERDRIX
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Afrique subsaharienne
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SÉNÉGAL
La vigie a changé de camp Ancien journaliste de renom, pourfendeur des années Wade, Abdou Latif Coulibaly a fait son entrée au gouvernement. Le voici désormais ministre de la Bonne Gouvernance.
D
anslepavillondebanlieueparisienne qui lui sert de retraite, Abdoulaye Wade a dû laisser échapper un soupir de dépit. Peut-être même a-t-il juré, fin octobre, lorsqu’il a appris l’entrée d’Abdou Latif Coulibaly au gouvernement. Son pourfendeur le plus virulent. Un empêcheur de tourner en rond qui a fini par prendre les traits d’un don Quichotte de la bonne gouvernance tant il s’est échiné, parfois avec un acharnement débordant, à dénoncer la corruption de l’entourage présidentiel.
MAX/E.C. AHOUNOU
COUP DE COM’. La lecture des titres des nombreux essais que le journaliste a publiés ces dix dernières années s’apparente à un réquisitoire. Il y est question d’« alternance piégée », de « pillage
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déjà des questions de bonne gouvernance depuis six mois, mais c’était à la présidence, en tant que conseiller de Sall. Son entrée au gouvernement marque, selon le nouveauministre,«lavolontéduprésident de traduire en une réalité institutionnelle ce qui n’était encore qu’un concept ». Bref, de passer de la parole (la bonne gouvernance fut un des refrains de sa campagne) aux actes. La mission de Coulibaly, outre dompter l’impatience des Sénégalais, sera de « recenser les bonnes pratiques et les diffuser au sein du gouvernement et de
organisé », de « démocratie prise en otage », de « contes» et de « mécomptes»… Dans sa dernière enquête publiée en 2011, Coulibaly, un quinquagénaire affable et passionnédontlevisage,tout en rondeurs, tranche avec le Ses essais sont autant de ton inquisiteur de ses prises réquisitoires… L’homme a toujours de position, dressait le poraimé chercher la petite bête. trait d’une « République abîmée ». Charge lui est donnée, désormais, de veiller à son rétablissement. l’administration ». En aucun cas il ne sera Depuis le 29 octobre, il est à la tête d’un un gendarme, dit-il. Lui préfère le terme ministère inédit et pour le moins curieux: de « vigie ». celui de la Bonne Gouvernance, qui, une semaine après sa naissance, n’avait ni ÉPHÉMÈRE CANDIDAT. Après tout, c’est cabinet ni adresse. Coulibaly est aussi le ce qu’il était quand il maniait la plume. nouveau porte-parole du gouvernement. Journaliste de renom jusqu’à ce qu’il se Si Macky Sall voulait marquer une rupture lance en politique, en 2011, à l’approche avec son prédécesseur, il n’aurait pas pu de l’élection présidentielle (éphémère cantrouver meilleur symbole. didat, il a finalement soutenu Moustapha Simple coup de com’ ? Il y a un peu Niasse), fondateur (avec d’autres) du de cela. Un conseiller du président en premier groupe de presse privé (Sud convient : « Il est plus facile de mettre Communication)puisd’unhebdomadaire en place une gouvernance efficace poil à gratter (La Gazette), directeur penet rationnelle que de créer des dant des années d’un des principaux instiemplois et de baisser le coût tuts de formation de journalistes (l’Institut de la vie. La nomination supérieur des sciences de l’information et de Coulibaly est une de la communication, ISSIC), Coulibaly a réponseauxSénégalais toujours cherché la petite bête. Des jourqui ont besoin de nalistes d’investigation, « on en a besoin voir les choses sur cette terre d’Afrique, où nos dirigeants évoluer. » À dire […] se comportent souvent avec le bien vrai, Coulibaly public comme de véritables brigands », écrivait-il dans un texte consacré à son s’occupait confrère et ami burkinabè assassiné en 1998, Norbert Zongo. Le voilà désormais dans le camp d’en face. Sera-t-il capable de rester fidèle à ses principes ? Ses (rares) détracteurs, qui raillent son opportunisme, en doutent. Maisnombredesesex-confrèressontprêts à lui signer un chèque en blanc. « Tant qu’il ne trahit pas ses convictions, c’est une caution pour Macky. Et je ne crois pas qu’il trahira ses convictions », parie Fadel Barro. Le porte-parole du mouvement ! Le 29 octobre, jour de sa citoyen Y’en a marre, un « pur produit » nomination, à de l’école Coulibaly, ne croit pas qu’un Dakar. IL EST homme « qui a résisté aux tentatives de AUSSI LE NOUVEAU corruption de Wade » succombera aux PORTE-PAROLE DU délices du pouvoir. ● RÉMI CARAYOL GOUVERNEMENT. JEUNE AFRIQUE
Coulisses AFRIQUE DE L’OUEST
Menue monnaie
Afrique subsaharienne
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Ü LE GÉNÉRAL SALIMOU MOHAMED AMIRI, ancien chef d’état-major de l’armée, à Fomboni en 2008.
Le 30 novembre, le billet de 500 F CFA sera réintroduit dans la sous-région.
JEUNE AFRIQUE
JOSE CENDON/AFP
P
our Mama Djiré, vendeuse au marché de Cocody à Abidjan, le retour du billet de 500 F CFA (0,76 euro) dès le 30 novembre est une très bonne nouvelle : « Quand on a un billet dans la main, on sait que c’est de l’argent, explique-t-elle en riant. Alors qu’une pièce, ce n’est rien. » Annoncé le 3 novembre, le retour du billet de 500 F CFA réjouit les commerçants des huit pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Jusqu’en 2003, date de son retrait, le billet de 500 F CFA était la plus petite monnaie papier en circulation et la plus utilisée. Au point que, lors de son remplacement par une pièce, commerçants et fonctionnaires étaient persuadés de l’imminence d’une nouvelle dévaluation du franc CFA. Cettedécisionavaitdesmotifspluspragmatiques: tout en luttant contre les risques de contrefaçon, la pièce de 500 F CFA était censée faciliter les échanges. Mais la mesure n’a pas eu les effets escomptés. Elle a même développé, sur les marchés d’Abidjan, de Lomé ou de Bamako, un nouveau genre de commerce : la revente de monnaie. Des commerçants retiennent les pièces pour créer une pénurie, puis les échangent contre des billets moyennant une commission pouvant aller jusqu’à 10 %. Aussi la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) tente-t-elle une nouvelle formule : mettre en circulation les billets en même temps que les pièces, comme cela se fait en Afrique centrale. Les utilisateurs, eux, se contentent de célébrer le retour du billet, qui va leur permettre de « faire des économies ». « Quand vous allez à un mariage, il est de bon ton de donner des billets aux griots ou aux mariés, donc on distribuait des billets de 500 F CFA, raconte Nafi Mbaye, cadre de banque à Abidjan. Quand ils ont supprimé le billet, ils nous ont compliqué la tâche : la plus petite coupure c’était 1000 F CFA et les distributions revenaient trop cher. » ● MALIKA GROGA-BADA
COMORES LAVÉ DE TOUT SOUPÇON Son entourage criait au complot politico-militaire depuis des mois. Le 2 novembre, l’ancien chef d’état-major de l’armée comorienne, le général Salimou Mohamed Amiri, a vu son honneur enfin lavé. Accusé d’avoir fomenté, en juin 2010, l’assassinat du chef de corps de l’armée, le colonel Combo Ayouba, il avait été suspendu de ses fonctions et placé en résidence (très) surveillée. Le climat politique était alors extrêmement tendu: le président de l’époque, Mohamed Abdallah Sambi, était soupçonné de tenter de s’accrocher au pouvoir. Amiri, qui était considéré comme un héros national depuis qu’il avait commandé le débarquement sur l’île d’Anjouan en 2008 pour en déloger Mohamed Bacar, était subitement devenu un paria. Plus de deux ans après les faits, la cour d’assises de Moroni l’a donc acquitté pour défaut de preuves, tout comme ses trois coaccusés. Le président Ikililou Dhoinine a pris acte et a appelé la justice à retrouver « le ou les auteurs de ce crime ». ●
PIRATERIE MEA CULPA Acquittés en juin dans le procès de la prise d’otages du voilier Le Ponant, en 2008, deux Somaliens vont être indemnisés à hauteur de 90000 euros chacun pour le préjudice subi. Accusés de piraterie, ils ont passé quatre ans en prison. Leurs avocats réclamaient davantage et vont faire appel. RD CONGO CE SERA SANS EUX! L’ONG La Voix des sans-voix a annoncé, le 7 novembre, qu’elle se retirait du procès des assassins présumés de Floribert Chebeya, le président de l’association tué en juin 2010. Elle dit ne pas vouloir « cautionner une parodie de justice » – une décision qui fait suite au refus de la haute cour militaire
de Kinshasa de faire comparaître le général Numbi, l’ancien chef de la police soupçonné d’être lié à la disparition de Chebeya. GABON REVERS Le Gabon ne veut pas entendre parler de Kim Dotcom et de son projet de lancer Me.ga, sa nouvelle plateforme de téléchargement illégal. Le fondateur de Megaupload avait annoncé son intention de relancer ses activités le 19 janvier avec une adresse internet utilisant le code pays « .ga », géré par le Gabon. « J’ai instruit mes services afin que le site soit immédiatement suspendu », a affirmé, le 6 novembre, le ministre gabonais de l’Économie numérique, de la Communication et de la Poste, Blaise Louembé. N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
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Afrique subsaharienne
ENQUÊTE
Destins de
veuves Ils ont été héros, martyrs et parfois bourreaux… Les années ont passé, leurs épouses leur ont survécu. Habituées aux ors des palais, les anciennes premières dames ont dû apprendre à vivre loin des projecteurs, avec un nom souvent lourd à porter. CLARISSE JUOMPAN-YAKAM
Q
uand elle a su que nous souhaitions la rencontrer, Andrée Kourouma Touré, 85 ans, a rappelé du portable de sa gouvernante. Puis un jeu de piste s’est engagé dans les rues de Rabat. Sur ses indications, un taxi nous a d’abord conduits dans le très chic quartier des ambassades, puis au centre commercial Soussi, d’où nous avons fait le reste du chemin à pied. Méfiantes, les anciennes premières dames ne se laissent pas facilement approcher. Grande (au moins 1,80 m), le geste majestueux, l’épouse du premier président guinéen se présente comme « une veuve qui vit simplement auprès de ses enfants et petits-enfants », essentiellement à Conakry, même si elle effectue souvent de longs séjours au Maroc pour des raisons de santé. Ici, chez sa fille, Aminata Touré, une femme d’affaires bien introduite dans les milieux équato-guinéens, Andrée Kourouma Touré se repose. À Conakry, elle entretient la mémoire d’Ahmed Sékou Touré, mort en 1984. Elle s’est créé un coin musée, où sont exposées les photos du défunt avec presque tous les grands hommes de l’époque, dont le général de Gaulle. « L’Histoire, dit-elle, a été réécrite et les faits déformés après la mort de mon mari. » N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
Les Guinéens lui vouent un profond respect, qu’elle croit devoir à Sékou Touré. Elle décrit avec force détails ses sorties au marché de Conakry et les séances de photos avec les vendeuses. Elle entretient des relations correctes avec les autorités actuelles, mais ne se fait guère d’illusions: elles non plus ne lui restitueront pas le peu de biens laissés par son mari. Une ombre furtive lui traverse le visage et elle repasse, sans doute pour la énième fois, le film des événements. Son mari tombe malade un vendredi. Quelques jours plus tard, il décède, et sa famille est arrêtée. Andrée Kourouma Touré fera quatre ans de prison pour crimes contre l’humanité. Aujourd’hui, elle déclare vivre d’une pension dérisoire, accordée en 2007. « Mais qu’importe. Sékou Touré n’accordait aucune importance au matériel. Cela m’a aidée. »
Germaine Ahidjo espère toujours le rapatriement de la dépouille de son époux, mort en 1989 à Dakar. RÉCONCILIÉE. Elle devient fleur
bleue à l’évocation de cette union. Elle rappelle s’être mariée le 18 juin 1953, le même jour que Coretta Scott et Martin Luther King, et affirme entendre encore la voix de son mari, hilare : « Nous avons
répondu à l’appel du 18 juin ! » Elle aime aussi à évoquer ses relations avec deux autres ex-premières dames, Mariem Ould Daddah et Germaine Ahidjo, qu’elle espère bien recevoir un jour à Conakry. Amies du vivant de leurs conjoints, ces deux dernières ont conservé des liens très forts. Réconciliée tant avec le gouvernement (elle dispose d’un bureau à la présidence) qu’avec le peuple mauritanien, Mariem a obtenu la réhabilitation de la mémoire de son époux, le président Moktar Ould Daddah, décédé en 2003, deux ans seulement après son retour de vingt-trois années d’exil. La seconde n’a pas eu la même chance. Vingt-trois ans après le décès d’Ahmadou Ahidjo, elle n’est toujours pas parvenue à trouver JEUNE AFRIQUE
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un terrain d’entente avec le gouvernement camerounais pour le rapatriement de sa dépouille. À 82 ans, Germaine Ahidjo estime avoir tout dit sur le sujet et se préoccupe avant tout de sa santé. Cette année encore, malgré de vives douleurs articulaires, elle a tenu à fêter la Tabaski à Dakar, où elle vit depuis trente ans. L’occasion de se recueillir sur la tombe de son époux – un moment douloureux pour l’ex-première dame toujours déchue de sa nationalité camerounaise. Germaine Ahidjo a récemment passé trois mois à Nice, en compagnie de sa petitefille Farida, analyste financier, et de son gendre Bello, fils de l’ancien Premier ministre nigérien, Amadou Cheiffou. Ni milliardaire ni indigente, la famille dit avoir vécu JEUNE AFRIQUE
1 Juvénal et Agathe Habyarimana yarimana à la fin des années 1960 2 Mobutu Sese Seko et Mama Bobi Ladawa en 1988 3 Ahmed Sékou et Andrée e KouroumaTouré en 1959 4 Omar Bongo et Patience Dabany en 1971 5 Félix et Marie-Thérèse Houphouët-Boigny en 1969 quandAgostinhoNeto,incarcéréau 6 Jean-Bedel et Catherine Bokassa en 1975 7 Ibrahim Baré Maïnassara et Clémence Aïssa Baré en 1996 Portugal, s’est évadé. Dans un fran-
jusqu’ici sans le soutien financier du Cameroun (leurs biens – une dizaine de villas à Yaoundé et Douala – ont été confisqués). HÉROS. À 76 ans, Maria Eugénia Neto se dit, elle, redevable à bien des personnes et des pays. Épouse du héros de l’indépendance de l’Angola, elle n’a pas oublié que Mohammed V, grand-père de l’actuel souverain chérifien, est le premier à les avoir aidés en leur offrant un passeport marocain,
çais impeccable, elle explique avoir récemment présenté à Rabat une réédition des œuvres complètes de l’ancien président, qu’elle considère comme un poète accompli. Trente-trois ans après le décès de son époux, rencontré alors qu’elle n’en avait que 16, elle vit toujours à Luanda, loin de son Portugal natal. Et pourtant, ça n’a pas toujours été facile… « Mon mari avait conquis un pays immensément riche, mais n’avait pas laissé un sou pour sa famille. » De ses années de première dame, elle garde le souvenir N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
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Afrique subsaharienne Enquête d’une période ambivalente, qui rimait avec encerclement par des forces ennemies, bombardements, dénuement, mais aussi solidarité et cohésion autour du chef. Loin de la vie de château. « Être l’épouse blanche du leader du Mouvement populaire de libération de l’Angola [MPLA] n’était facile ni pour lui ni pour moi, les Blancs étant la première cible pendant la guerre de libération. » La politique, cette grand-mère de six petits-enfants, auteure de livres à succès pour adolescents, n’y touche plus. Elle rencontre parfois le président José Eduardo dos Santos, mais s’interdit de juger son action. Il est vrai que l’État lui accorde quelques subventions… Elle parle plus librement de sa dépression après la mort de Neto. Elle entretient de bons rapports avec les premières dames des pays lusophones. Antoinette et Denis Sassou Nguesso, du CongoBrazzaville, comptent également parmi ses proches (ce dernier était même le parrain de mariage de son fils). Elle s’inquiète aussi du sort de Simone Gbagbo, qui, en septembre 2009, avait mis les petits plats dans les grands pour la recevoir dans sa résidence privée de Cocody. FANTASMES. L’Angolaise n’a pas côtoyé Marie-Thérèse HouphouëtBoigny, dont seule la beauté, en dépit de ses courbes récemment épaissies, semble faire l’unanimité auprès des Ivoiriens. Selon un proche, qui la cite, le général de Gaulle est le seul chef d’État qui n’ait pas tenté de la séduire. Sa vie a alimenté bien des fantasmes du vivant du Vieux, et les choses ne se sont pas arrangées avec son décès. On lui prête des revers de fortune, attribués à son goût immodéré pour les jeux de hasard, auxquels elle s’adonne entre la Suisse et le sud de la France. Elle a brillé par son absence le 18 octobre 2012 à l’église Saint-Jean de Cocody, où se tenait une messe pour le 107e anniversaire de la naissance du père fondateur de la Côte d’Ivoire. Sans doute aussi a-t-elle voulu rester éloignée de son pays après N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
avoir soutenu Laurent Gbagbo, l’un de ses bienfaiteurs, lors de la présidentielle de 2010. MarieThérèse Houphouët-Boigny a un temps bénéficié des largesses du Gabonais Omar Bongo Ondimba, qui a fini par s’en agacer. En 2003, lors du dixième anniversaire de la mort d’Houphouët-Boigny, devant des proches médusés, elle s’était ouvertement plainte du peu d’empressement qu’il manifestait désormais à la prendre au téléphone. Une disgrâce confirmée plus tard par son fils et successeur, Ali Bongo Ondimba, qui n’a pas souhaité reprendre ce rôle de parrain.
Marie-Thérèse Houphouët-Boigny a profité des largesses de Bongo père, avant qu’il ne se lasse. Elle aussi protégée par l’ancien président gabonais, qui finançait généreusement ses séjours parisiens, l’ex-impératrice Catherine Bokassa a connu peu ou prou le même sort. Raffinée, élégante et toujours belle, elle reste nostalgique de l’époque de Bokassa, « un grand homme, qui faisait marcher son pays ». Dans sa villa banguissoise aux allures de musée, elle a entassé nombre de souvenirs de l’époque impériale. Un temps occupée par les militaires lors de l’opération Barracuda, la villa lui a été restituée par le ministère français de la Coopération après restauration. Mais la piscine est restée vide, et celle qu’on a longtemps soupçonnée – à tort, assure-t-elle – d’avoir bradé le patrimoine présidentiel avant de rejoindre son époux dans son exil ivoirien, en novembre 1979, ne mène pas grand train. On ne l’a pas vue à Paris depuis des lustres. Les fêtes de Noël dans leur domaine de Hardricourt, élégant château du XVIIIe siècle dans la banlieue parisienne, ne sont plus qu’un lointain souvenir. Tout comme les longues heures de shopping dans les boutiques de la rue du Faubourg-Saint-Honoré ou de l’avenue des Champs-Élysées, à Paris. Catherine Bokassa possède
néanmoins un inestimable trésor, son journal intime, qu’elle tient depuis toute jeune, elle qui a rencontré son époux alors qu’elle n’avait pas 15 ans. Si elles étaient publiées, les confessions de l’impératrice pourraient être un beau succès de librairie, en particulier si elles levaient le voile sur la nature exacte de ses relations avec l’ancien président français Valéry Giscard d’Estaing. En attendant, Catherine Bokassa a voulu créer une fondation à son nom, mais son projet a vite été récupéré par un indélicat, qui a tenté d’usurper son identité pour lever des fonds. Même si l’État centrafricain ne lui verse aucune rente, elle entretient des relations cordiales avec l’actuel président, François Bozizé, satisfaite qu’il ait réhabilité la mémoire de son impérial époux. Un espoir que nourrissent les deux compagnes du Congolais Mobutu Sese Seko, les jumelles Kosia et Mama Bobi Ladawa (seule épousée et seule veuve officielle), 67 ans. Mama Bobi Ladawa, mère de quatre enfants (dont Nzanga, ancien vice-Premier ministre de Joseph Kabila et candidat à la dernière présidentielle), a réorganisé sa vie autour de ses enfants et petits-enfants. Elle souffre parfois de ne pouvoir se fondre dans l’anonymat, même si elle admet apprécier les marques d’affection que ses compatriotes lui témoignent lors de ses déplacements. Comme en 2010, lorsque le cardinal Laurent Monsengwo l’a conviée au Vatican pour son sacre. Régulièrement consultée par des politiques, Mama Bobi Ladawa se garde bien d’émettre un quelconque avis. « Je n’ai jamais fait de politique du vivant de mon mari, et ce n’est pas aujourd’hui que je commencerai », argumente cette ancienne institutrice, qui rêve du jour où elle pourra retourner dans son pays et s’adonner à l’agriculture dans sa ferme de Goloma, dans le nord du pays. Du jour aussi où la dépouille de son mari, enterré au Maroc, sera enfin rapatriée. Ce jour n’est pas arrivé, mais MamaBobiLadawaafaitcontre ● ● ● JEUNE AFRIQUE
Destins de veuves QUESTIONS À | CATHERINE BOKASSA, ex-première dame de Centrafrique
Confidences d’une ancienne impératrice JEUNEAFRIQUE: Si vous aviez à dresser votre autoportrait, que diriez-vous? CATHERINE BOKASSA: Je suis née auTchad d’un père centrafricain et d’une mère tchadienne. Je suis la troisième d’une fratrie de quinze enfants (de même père et de même mère). J’ai fait mes études primaires au Tchad et obtenu une bourse pour continuer mes études secondaires au lycée Pie-XII à Bangui. Je suis une simple grand-mère encore en bonne santé et qui revendique le droit à l’anonymat. Et si vous deviez écrire vos Mémoires? Je décrirais ma vie de femme au foyer. J’ai beaucoup appris aux côtés du père de mes enfants car je me suis
mariée très jeune, à 14 ans et demi. J’ai toujours apprécié le respect que m’accordait chaque Centrafricain mal-
centrafricaine. Je me suis lancée dans la culture des fleurs, ma passion, puis j’ai commencé une activité agricole. Depuis trois ans, j’ai une plantation de manioc de 15 ha et je vends les produits de l’exploitation aux particuliers. Mon principal soutien a été le président Omar Bongo Ondimba jusqu’à son décès, paix à son âme.
À la mort de mon mari, je me suis retrouvée seule. gré mon jeune âge. Et puis j’ai des souvenirs précis de toutes mes visites officielles. Qu’avez-vous fait après le décès de votre époux? Je me suis retrouvée seule, malgré sa position d’homme d’État. J’ai rapidement pris la décision de rentrer vivre dans mon pays, la République
Les autres premières dames vous ontelles manifesté leur solidarité? Je veux surtout évoquer la figure de Marie-Thérèse Houphouët-Boigny, qui est ma mère, ma sœur et qui a beaucoup fait pour mes enfants et moi.Aujourd’hui encore, si on est loin l’une de l’autre, de temps en temps on se téléphone. Je n’ai jamais voulu en parler, mais je le fais aujourd’hui pour lui rendre hommage.
VINCENT FOURNIER/J.A.
Décrivez-nous votre vie quotidienne… Je fais du jardinage, je vais au village le week-end et j’adore faire la cuisine pour ma famille. Quand l’occasion se présente, je vais à Genève rendre visite à mes enfants et petits-enfants. Parfois je vais auTchad pour voir mes oncles et mes tantes. J’ai aussi un projet qui me tient à cœur: la Fondation CatherineBokassa, que j’espère pouvoir mettre en œuvre l’année prochaine. Je lance d’ailleurs un appel aux femmes et aux hommes de bonne volonté…
! CHEZ ELLE, À BANGUI, en janvier dernier. JEUNE AFRIQUE
Qu’est-ce qui vous manque le plus? Voir ma famille réunie. Cela dit, je suis heureuse de voir que mes enfants commencent à découvrir leur pays, la République centrafricaine. Comme vous le savez, ils l’ont quitté très jeunes et ont grandi à l’étranger. Je regrette aussi qu’il n’y ait plus, dans le monde d’aujourd’hui, de grands hommes comme autrefois. Vous tenez un journal intime depuis votre enfance. Allez-vous le publier? Pas pour le moment. ● Propos recueillis par C.J.-Y. N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
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● ● ● mauvaise fortune bon cœur, et le Maroc, où la famille possède une luxueuse propriété, est devenu une seconde patrie. Outre la douleur de voir son mari dépérir et disparaître, elle dit en avoir subi une autre, plus pernicieuse, infligée par les médias, qui foulaient au pied les réalisations du maréchal. « Mais le temps panse les plaies, assure-t-elle. Il permet de se créer une carapace pour se protéger des journalistes. »
NÉCESSITEUSES. Autre veuve
d’un ex-président congolais, Mama Sifa Mahanya, la soixantaine avancée. Ses compatriotes l’ont découverte lors des obsèques de son époux, Laurent-Désiré Kabila, tué en janvier 2001. Rompant avec la discrétion qu’elle cultivait jusqu’alors (probablement une réminiscence de son séjour dans le maquis en compagnie de son mari dès les années 1970), elle est souvent apparue lors de manifestations officielles ces dernières années, puis a choisi de
revenir à sa discrétion première et de se consacrer à sa nombreuse famille : les neuf enfants qu’elle a eus avec l’ancien président, et la vingtaine reconnue par ce dernier. On peut difficilement classer Sifa Mahanya Kabila parmi les veuves nécessiteuses. Elle jouit d’une rente de quelque 7 500 dollars mensuels (environ 5 800 euros), et son statut de mère du chef de l’État lui rapporte certains avantages. On lui prête même le pouvoir d’agir dans l’ombre pour résoudre les problèmes des uns et des autres. S’il y a bien une ex-première dame qui prouve qu’il y a une vie après les ors et les dorures des palais, c’est Clémence Aïssa Baré, 53 ans. Pour ce médecin spécialiste en parasitologie et spécialiste du sida, le rôle de première MAMA SIFA MAHANYA RD CONGO
MAMA BOBI LADAWA ZAÏRE
dame s’est achevé tragiquement avec l’assassinat de son mari, le président nigérien Ibrahim Baré Maïnassara, en avril 1999. Cette mère de trois enfants se présente aujourd’hui comme « une femme active, partagée entre d’intenses occupations professionnelles, familiales et sociales ». Installée à Dakar après avoir vécu à Paris puis à Genève, l’ex-enseignante à la faculté de médecine de Niamey, promotrice et médecin-chef d’une clinique privée, ne se considère pas pour autant comme une exilée. « Des circonstances malheureuses m’ont simplement amenée à faire d’autres choix professionnels et familiaux à une certaine période de ma vie. » Le plus dur pendant ses premiers jours hors du Niger ? « Expliquer l’inexplicable aux enfants, dit-elle. L’un d’eux n’avait que 6 ans. Alors qu’il commençait à peine à lire et qu’il aurait dû rester dans le monde feutré et douillet des enfants, il ANDRÉE KOUROUMA TOURÉ GUINÉE
PATIENCE DABANY
DR ; KAMBOU SIA/AFP ; ERICK AHOUNOU
GABON
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JEUNE AFRIQUE
Destins de veuves suivait toute l’actualité sur la disparition de son père. J’ai su plus tard qu’il avait été ébranlé par un magazine affichant en couverture le visage paternel où coulaient des larmes rouges de sang ! » Par moments aussi, elle a eu des raisons d’espérer. Par exemple, lors de la réussite de sa deuxième fille au baccalauréat, à Dakar, un mois à peine après la mort tragique de son père. Ou lorsque sa famille, après une longue lutte, a obtenu que les auteurs de ces crimes ne puissent plus bénéficier d’aucune amnistie. « Cela n’a pas vraiment changé la donne pour notre dossier judiciaire, mais nous continuons à nous battre pour que la vérité et la justice triomphent. » Clémence Aïssa Baré a bien reçu le soutien de quelques-unes des premières dames. Mais, d’une conférence à l’autre, happée par sa vie familiale et adepte de la discrétion, elle n’a pas gardé le contact. Aucun regret pourtant : « Ma personnalité me porte à
MARIA EUGÉNIA NETO ANGOLA
avancer en regardant plus vers l’avenir que vers le passé. » HANTÉE. On ne sait si la Rwandaise
Agathe Habyarimana est, pour sa part, hantée par le passé. Fervente catholique, la veuve de l’ancien président Juvénal Habyarimana continue, à 70 ans, d’assister à la messe tous les jours dans la paisible banlieue de Paris où elle vit
Après avoir côtoyé les grands hommes d’État, Patience Dabany fréquente les stars du showbiz. avec ses enfants, dont trois ont été naturalisés français. Elle est en revanche sans papiers depuis que ses demandes d’asile, puis de titre de séjour, ont été rejetées en raison de « la menace à l’ordre publique » qu’elle constituerait. Une accusation que son avocat, Philippe Meilhac, balaie d’un revers de la main. Il n’empêche : l’ex-première dame rwandaise fait toujours l’objet d’une plainte pour « complicité de génocide », déposée en 2007 par le Collectif des parties civiles pour le Rwanda. Aucune suite n’a pour l’instantétédonnéeàlaplaintede Mariam Sankara, déposée, elle,en1997.Vingt-cinqans après la disparition de Thomas Sankara, elle déplore toujours l’absence de vérité sur l’assassinat de son GERMAINE AHIDJO CAMEROUN
JEUNE AFRIQUE
mari, le 15 octobre 1987. Digne, discrète (même si elle a écrit le 13 septembre dernier à François Hollande pour le dissuader de recevoir Blaise Compaoré à l’Élysée), elle continue de vivre son veuvage en silence, essentiellement à Montpellier. L’ancienne première dame du Burkina Faso n’a jamais été reçue par le successeur de son mari, n’en a jamais fait la demande et ne perçoit ni pension ni aide d’aucune sorte. Mariam Sankara, qui dit souffrir de ce trop long exil, intervient comme consultante en développement rural dans différents organismes pour subvenir aux besoins de ses enfants installés aux États-Unis. Son réconfort: voir que le temps n’a pas effacé le souvenir de son mari de la mémoire des Africains. L’universdesex-premièresdames n’est pas que procès et désirs de déserter le devant de la scène. Née Joséphine Kama, Patience Dabany s’est bien installée sous les projecteurs. À 68 ans, elle chante et enchante des générations d’Africains. Celle qui aura été la première dame du Gabon pendant dix-neuf des quarante-deux années du règne d’Omar Bongo Ondimba a encore récemment prouvé au Zénith de Paris qu’elle atteint des sommets de popularité en tant qu’artiste. Affectueusement surnommée la Mama ou encore la Vieille par les Gabonais, celle qui jadis côtoyait les grands hommes d’État a fréquenté les grands du showbiz, de la famille Jackson à Whitney Houston, en passant par James Brown. On l’a vue aussi sur des featuring avec Magic System ou encore X Maleya. Et, si 2012 a été pour elle une année bénie avec deux tubes, dont le fameux On vous connaît, dans lequel elle fustige les semeurs de zizanie en général et André Mba Obame en particulier, 2013 aussi est plein de promesses: ex-présidente de l’Union des femmes du Parti démocratique gabonais (UFPDG), la désormais présidente de l’Association des femmes commerçantes du Gabon (un puissant relais en période électorale) annonce la sortie d’un album entièrement composé par son président de fils, Ali Bongo Ondimba. ● N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
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Maghreb & Moyen-Orient
ENQUÊTE
Comment Israël a liquidé
Abou Jihad Pressé par le Yediot Aharonot, principal quotidien du pays, l’État hébreu a accepté de déclassifier plusieurs documents secrets relatifs à la traque et à l’élimination de l’ancien numéro deux de l’OLP, froidement exécuté en Tunisie en 1988. Reconstitution d’un assassinat politique minutieusement préparé.
MAXIME PEREZ, à Jérusalem
M
ercredi 20 avril 1988. Une marée humaine envahit l’immense camp de réfugiés de Yarmouk, au sud de Damas. Sous un soleil de plomb, des centaines de milliers de Palestiniens acclament la dépouille fleurie d’Abou Jihad, assassiné quatre jours plus tôt, à Tunis, par un commando israélien. En Cisjordanie et dans la bande de Gaza, la situation s’embrase un peu plus. La rue palestinienne, qui vient de lancer sa première Intifada, redouble de colère. Elle vient de perdre l’une de ses figures historiques. Abou Jihad, de son vrai nom Khalil al-Wazir, est né à Ramleh, en 1936, dans ce qui est alors la Palestine sous mandat britannique. Douze ans plus tard, quand éclate la première guerre israéloarabe, sa famille est contrainte à l’exil. Le jeune Khalil grandit dans le camp d’Al-Burej, en lisière de Gaza. Dès son adolescence, il prend part à des actions de fedayin palestiniens contre les villages israéliens frontaliers. Mais le tournant survient vers le milieu des années 1950. Juste avant de rejoindre la confrérie des Frères musulmans, il fait la connaissance de Yasser Arafat en Égypte. Les deux hommes se lient d’amitié et décident d’unir leur destin en créant clandestinement le Fatah, en 1959, sur le modèle du FLN algérien. Dès lors, Abou Jihad décide de reprendre la lutte armée contre l’État hébreu. Personnage charismatique, guerrier dans l’âme, il obtient sans difficulté le commandement des opérations extérieures du Fatah. Les attaques meurtrières N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
qu’il coordonne en Israël même en font l’ennemi public numéro un. À partir de 1965, le Shin Bet tente plusieurs fois de l’éliminer, sans succès. Sa traque ne s’interrompt à aucun moment et s’intensifie même après le raid contre l’hôtel Savoy à Tel-Aviv en 1975 (11 morts), et celui mené contre un autobus israélien longeant le littoral (38 morts), trois ans plus tard. REPLI À TUNIS. Entre-temps, ni les mas-
sacres de Septembre noir en Jordanie ni la guerre civile libanaise n’ont Quelques interrompu totalement ses mois avant sa mort, Abou Jihad activités de guérilla. Ce déclarait à Jeune Afrique: n’est qu’en 1982, après le siège de Beyrouth par « Un Palestinien n’oublie jamais. Je me rappelle chaque arbre, chaque pierre de Ramleh. En 1948, l’armée israélienne, les Israéliens ont rasé ma maison. Ils nous ont qu’Abou Jihad est forcé regroupés dans les mosquées, puis nous ont obligés de se replier loin de ses à dormir sur les trottoirs. Pendant quatre jours et terres. En compagnie de quatre nuits, avec mes parents, j’ai marché jusqu’à Yasser Arafat, il rejoint Gaza. Aujourd’hui, à l’emplacement des murs où j’ai Tunis, où l’Organisagrandi, il y a un parking. Mais je m’arrange toujours tion de libération de la pour que, trois fois par an, des amis clandestins aillent déposer une fleur à l’endroit où Palestine (OLP) obtient j’ai vécu. Cela fait quarante ans la permission d’installer que je n’ai pas revu mon ses quartiers généraux. pays, et j’ai toujours Depuis la capitale sur moi la photo de ma tunisienne, le « père de la ville. Non, je n’oublierai lutte palestinienne » réorganise jamais: quand ils ont détruit sa stratégie. Privé de base arrière ma maison à coups de mortier, ils m’ont violé pour toujours. » proche, il pousse la jeunesse de Propos recueillis à Bagdad Cisjordanie et de la bande de Gaza à se par FRANÇOIS révolter contre l’occupant israélien. Mais si SOUDAN des comités populaires se forment sous son ● ● ● JEUNE AFRIQUE
YANN MORVAN/SIPA PRESS
! KHALIL AL-WAZIR, ALIAS ABOU JIHAD, COFONDATEUR DU FATAH, CHEF DE L’AILE MILITAIRE DE L’OLP. IL SE PRÉSENTAIT COMME L’INSTIGATEUR DE LA PREMIÈRE INTIFADA, AU LIBAN, EN 1983.
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Maghreb Moyen-Orient ● ● ● impulsion, il n’exerce pas de réel contrôle sur ces derniers. « C’est moi qui ai déclenché l’Intifada », prétendra-t-il pourtant en janvier 1988, dans une interview à Radio Monte Carlo, au plus fort des affrontements entre lanceurs de pierre palestiniens et soldats israéliens. « Cette affirmation est inexacte, estime le journaliste d’investigation Ronen Bergman, à l’origine des révélations fracassantes publiées au début de novembre par le Yediot Aharonot, principal quotidien du pays, sur l’assassinat de l’ancien numéro deux du Fatah. Mais c’est parce qu’il croyait, à l’époque, à son implication directe dans l’Intifada que le gouvernement israélien va approuver la liquidation d’Abou Jihad. Ironiquement, cet homme va payer pour un acte dont il n’est pas responsable. » Dans les faits, la révolte palestinienne va davantage servir de prétexte. À la fin de 1987, les services de renseignements israéliens ont déjà localisé avec exactitude la nouvelle résidence du chef palestinien ; celle-ci se situe à Sidi Bou Saïd, au nord-est de Tunis. Chargé de mettre à exécution une opération à l’autre bout de la Méditerranée, le Mossad comprend qu’un appui militaire est indispensable. Le Premier ministre, Itzhak Shamir, le lui accorde sans hésiter. Tout comme son ministre de la Défense, Itzhak Rabin, et l’ensemble de l’appareil sécuritaire israélien, il est décidé à écourter la vie d’Abou Jihad.
RAID COMMANDO. L’opération Démonstration
de force se prépare dans le plus grand secret. Pendant de longues semaines, les membres de la Sayeret Matkal (unité d’élite de l’état-major) s’entraînent à prendre d’assaut des villas inoccupées de Ramat Hasharon, banlieue chic de Tel-Aviv. Chaque soir, ils répètent inlassablement ce scénario supposé les attendre à 2 000 km de leur pays. Le 13 avril 1988, plusieurs navires de guerre quittent le port de Haïfa. La traversée vers la Tunisie durera trois jours.
Arrivés au large des côtes tunisiennes, les bateaux jettent l’ancre. À la nuit tombée, les commandos prennent place à bord de Zodiac et poursuivent leur route vers le bord de mer. Ils sont au nombre de treize divisés en deux groupes. « Un Boeing 707 de l’aviation israélienne faisait également partie du dispositif, précise Ronen Bergman. Sa mission était de brouiller les systèmes
UN TOUT AUTRE SON DE CLOCHE
A
ncien représentant du Fatah au Gabon, un proche d’Abou Jihad a réagi, sous le sceau de l’anonymat, aux révélations du Yediot Aharonot. Une version plutôt étonnante. « En février 1988, un journaliste américain connu nous avait confié que le département d’État lui avait laissé entendre qu’une haute personnalité palestinienne allait être éliminée. Maître d’œuvre de l’Intifada, Abou Jihad N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
était une cible toute désignée. Ce soulèvement consacrait son parcours. Fataliste, il n’a pas pris de précautions. Avec de faux passeports, les équipes de surveillance, d’assistance et de repli sont arrivées en tant que touristes en Tunisie. C’était assez facile. La résidence d’Abou Jihad était connue et accessible. Le Mossad la surveillait à distance depuis les hauteurs de Sidi Dhrif. À l’époque, la protection
des personnalités n’était pas la priorité des services tunisiens, mais l’absence, ce soir-là, de policiers dans les environs, alors que la zone est sensible, est étonnante, tout comme l’est la coupure du circuit électrique urbain. La question essentielle est celle des armes, introduites par valise diplomatique. Les services allemands en savent long à ce sujet. Certains, en fermant les yeux, sont
complices de fait. En 2000, un agent du Shin Bet a reconnu publiquement que cette opération était une erreur car elle était plus militaire que politique. L’aveu par Israël de sa responsabilité est un signe destiné au Hamas et au Hezbollah, et donc à l’Iran, mais il sera difficile de poursuivre Tel-Aviv pour ce crime avoué. » ● FRIDA DAHMANI, à Tunis JEUNE AFRIQUE
Maghreb Moyen-Orient
« La lis iste te de Go Gold lda ld a»
REZA/WEBISTAN
En 197 1972, 2, pou pourr veng enger er la mor mortt des ath athlèt lètes lèt es israél isr aélien aél ienss tués à Mun ien Munich ich du duran rantt les ran les Jeu Jeuxx olympi oly mpique mpi ques, que s, la Pre Premiè mière miè re min minist istre ist re de l’É l’État tat hébreu héb reu,, Gold reu oldaa M Meir eir,, aappr eir pprouv ppr ouvee l’op ouv l’op ’opéra ératio éra tionn tio Colère Col ère de Di Dieu. eu. Av Avec ec l’a l’aide ide de dess serv serv ervice icess ice secret sec rets, ret s, ell ellee dres resse se une liliste ste de dess 14 comman com mandit man ditair dit aires air es pal palest estini est iniens ini ens de l’l’att attaqu att aque. aqu e. Entre Ent re 197 19722 et 1992 992,, l’un ’unité ité Ki Kidon don du Mo Mossa ssadd ssa parvie par viendr vie ndraa à en as ndr assas sassin sas siner sin er 13* 13*..
de communication et les radars pour couvrir l’avancée des troupes. » À bord de l’appareil, deux hôtes de marque : le chef d’état-major de Tsahal, Dan Shomron, et son futur successeur, Ehoud Barak. Sur la plage de Raoued, deux véhicules attendent les hommes de tête du commando. Ils ont été loués par trois agents du Mossad, arrivés sur place quelques jours plus tôt, par vol régulier, et détenteurs de faux passeports libanais. Une première voiture fait route vers Sidi Bou Saïd ; elle a pour mission de repérer d’éventuelles patrouilles de police ou de l’armée tunisienne, voire de miliciens du Fatah. Le second véhicule roule à distance respectable. À 500 m de la villa d’Abou Jihad, les militaires israéliens décident d’achever leur parcours à pied. Il est environ 1 h 35 du matin. Le commandant Nahum Lev se dirige sereinement vers sa cible. Afin de ne pas éveiller les soupçons, il marche au bras d’un jeune soldat déguisé en femme et tient un paquet de friandises dans lequel est dissimulé un revolver muni d’un silencieux. Le couple s’approche de la villa, où est posté un premier garde. Celui-ci a tout juste le temps de leur adresser un regard qu’il s’effondre, atteint d’une balle en pleine tête. C’est le signal pour l’assaut. JEUNE AFRIQUE
! Avec YASSER ARAFAT, à Tripoli, au Liban, en 1983.
• AHO AHOU U ZEID avrilil 197 avr 19722 à Ath Athène èness ène • ABD ABDEL EL WAE WA L ZWAI ZWAI WA TER octobr oct obree 1972 à Rom obr Romee • MAH MAHMOU MOUD MOU D HAMC HAMCHAR HARII décemb déc embre emb re 197 19722 à Pa Paris ris • BAS BASHIR HIR AB ABDEL DEL HI HIR R janvie jan vierr 1973 à Chy vie Chypre pre • ALAL-QUB QUBEIS EISI EIS avrilil 197 avr 19733 à Par Paris is • KAM KAMAL AL ADO ADOUAN UAN avrilil 197 avr 19733 à Bey Beyrou routh rou th • MOH MOHAME AMED AME D YOUS YOUS OUSSEF SEF AL AL-NA -NAJJA -NA JJAR R dit Ab Abou ou You Yousse Yo sseff sse avrilil 197 avr 19733 à Bey Beyrou routh rou th • BOU BOUTRO TROS TRO S NASS ASSIR IR avrilil 197 avr 19733 à Be Beyro yrouth yro uth • MOH MOHAME AMED AME D BOUD OUDIA IA juinn 1973 à Par jui Paris is • ALI HA HASSA SSAN SSA N SALA ALAMEH MEH janvie jan vierr 1979 à Bey vie Beyrou routh rou th • KHA KHALIL LIL AL AL-WA -W ZIR di -WA ditt Abou Ji Jihad had 16 avr avrilil 198 19888 à Tu Tunnis • SAL SALAH AH KHA KHALAF LAF di ditt Abou Iy Iyad ad janvie jan vierr 1991 à Tunis vie Tunnis pa Tu parr un agen gentt doub ouble le du Mos Mossad sad et du gr group oupee Abou Ni oup Nidal dal • ATEF ATEF BSEI ATE SEISO SO juinn 1992 à Par jui Paris is * Le 14e, W Waaddie ddie Had Haddad, dad, est off officie iciellem icie llement llem ent mort des suites suit es d’une leu leucémi cémiee à Berl cémi Berlin-E in-Est, in-E st, en 11978. 978. Mai Maiss ce certai rtains rtai ns attribue attr ibuent ibue nt sa mo mort rt à un empo empoison isonneme ison nement neme nt du du Mo Mossad ssad.. ssad
Vêtudel’uniformenoirdelabrigadeantiterroriste tunisienne, un groupe d’appui pénètre à toute allure à l’intérieur la maison. Ils abattent un second garde, ainsi que le jardinier, qui dormait au sous-sol. Alerté par le bruit des portes et les hurlements en hébreu, AbouJihadselèvebrusquementdesonbureausitué au rez-de-chaussée. Au moment oùiltentedes’emparerd’unearme Un Boeing 707 se charge dans son armoire, Nahum Lev le de brouiller les systèmes repère.«Apparemment,ilavaitun de communication. pistolet. J’ai tiré sur lui une longue rafale. D’autres combattants ont également tiré pour s’assurer qu’il était mort. J’ai tiré sur lui sans la moindre hésitation: il était voué à mourir », se justifie Nahum Lev dans une interview réalisée en 2000, peu avant sa mort dans un accident de la route, et publiée à titre posthume par la presse israélienne. ●●● N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
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Maghreb Moyen-Orient 25 minutes chrono pour en finir avec Abou Jihad
Plage de Raoued 15 Avril, 13 hommes débarquent à bord de Zodiac
3 16 Avril, Le commando embarque à bord de 2 minibus
Haïfa Le commando se replie et abandonne les véhicules avant de prendre la fuite à bord des Zodiac
À 500 m de la villa, le commandant Nahum Lev termine le parcours à pied avec un soldat déguisé en femme
6 Sidi Bou Saïd
Tunis
Un premier garde est abattu, c’est le signal de l’assaut
Lac de Tunis
2 km
● ● ● LE FATAH DÉCAPITÉ. Les commandos se retirent de la maison en laissant derrière eux l’épouse d’Abou Jihad, en larmes, agenouillée près du corps de son mari, sur lequel les médecins légistes relèveront 75 impacts de balle. À l’étage, les enfants ont été réveillés par l’incursion des soldats dans leur chambre à coucher. Bien qu’ils n’aient presque rien vu de la scène, ils sont terrorisés. Pensant que les cris ont déjà alerté les voisins, un agent du Mossad tente de dérouter la police locale pour gagner du temps. Par téléphone, il indique au commissariat de Sidi Bou Saïd avoir vu des hommes armés se diriger vers le centre-ville de Tunis. Le commando réussit à se replier vers la mer et à regagner les navires à bord des canots pneumatiques. Les autorités tunisiennes retrouveront près de Raoued deux minibus Volkswagen et une Peugeot 305. Depuis Tel-Aviv, le Premier ministre, Itzhak Shamir, a supervisé le déroulement des opérations en temps réel, minute par minute. Le lendemain matin, à la presse israélienne qui l’interroge au sujet de la mystérieuse mort d’Abou Jihad, il déclare : « Effectivement, j’ai entendu l’information à la radio. » Son esquive ne satisfait guère la plume des éditorialistes. À l’époque, plusieurs journaux israéliens s’inquiètent ouvertement des conséquences d’unetelleaction:radicalisationdufrontpalestinien, risques accrus d’attentats, impossibilité de tout
Nahum Lev tire le premier sur Abou Jihad, il sera imité par 3 autres membres du commando
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Mer Méditerranée
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15 Avril, dans l’après-midi 1 les navires jettent l’ancre au large des côtes tunisiennes
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TUNIS
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ALGÉRIE
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Mer Méditerranée
TUNISIE LIBYE 150 km
dialogue politique avec la direction de l’OLP… Le Haaretz, lui, estime que le recours systématique d’Israëlauxassassinatsciblésnerèglepaslaquestion de l’occupation des territoires palestiniens. L’histoire retiendra qu’Israël a conduit avec succès – et sans enregistrer la moindre perte – un nouveau raid dans la lignée de ceux menés à Entebbe ou à Beyrouth quelques années plus tôt. Même si l’assassinat d’Abou Jihad n’a pas mis un terme à l’Intifada – objectif déclaré des responsables israéliens –, il a porté un coup sévère au Fatah de Yasser Arafat et au fonctionnement de sa branche militaire. « On peut se demander à quoi aurait Les médecins légistes ressemblé aujourd’hui la scène relèveront sur son corps israélo-palestinienne si Abou Jihad était toujours en vie », 75 impacts de balle. s’interroge Ronen Bergman. À demi-mot, il concède que la Conférence de paix de Madrid, en 1991, suivie des accords d’Oslo, en septembre 1993, ont marqué l’évolution soudaine de l’OLP vers plus de pragmatisme à l’égard d’Israël. Une évolution amorcée dès 1989 par Arafat et consolidée par les pressions de George H. Bush sur Itzhak Shamir pour qu’il accepte de négocier à Madrid, mais aussi et surtout par l’arrivée au pouvoir, en 1992, d’Itzhak Rabin sous le mandat duquel l’OLP renoncera à la violence et signera avec Israël les accords d’Oslo. ● JEUNE AFRIQUE
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Maghreb Moyen-Orient SYRIE
Les chrétiens entre le marteau et l’enclume Sensible à l’appel de la démocratie mais effrayée par le risque islamiste, la communauté religieuse se retrouve prise au piège d’une guerre civile qui la place face à de cruels dilemmes.
BRYAN DENTON/THE NEW YORK TIMES-REDUX-REA
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! Expulsé par le régime, le père DALL’OGLIO était l’un des rares membres du clergé de Syrie à militer contre la dictature.
«
F
aites attention à ce que vous allez écrire, tout ce que vous pourriez dire dans un sens comme dans l’autre peut avoir des conséquences graves… » À la sortie d’une messe parisienne, cet éminent prélat d’une grande Église d’Orient n’en dira pas plus. Tiraillés entre aspirations démocratiques et crainte de lendemains islamistes, entre la répression ultraviolente menée par le régime et les exactions des insurgés qui se multiplient, les chrétiens de Syrie (4,6 % de la population selon Youssef Courbage, chercheur à l’Institut national d’études démographiques, à Paris) sont comme « un pot de terre pris entre deux pots de fer », selon la métaphore du père Dall’Oglio, jésuite longtemps installé en Syrie, avant que son engagement révolutionnaire n’amène les autorités à l’expulser en juin vers son Italie natale. Il était l’un des rares membres du clergé de Syrie N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
à militer ouvertement contre la dictature, allant jusqu’à accepter la défense armée du peuple en soulèvement. Pourtant, il y a vingt mois, la croix embrassait le croissant quand, dans les rues de Deraa, Homs et Damas, des foules désarmées ont commencé à braver les balles des forces de sécurité pour réclamer du pain, des réformes, la dignité et la liberté. « Non à la militarisation, non à l’intervention étrangère, non à la confessionnalisation », tels étaient les mots d’ordre de la révolution, et le monde s’émerveillait devant le courage pacifique des contestataires. Depuis, 32000 Syriens sont tombés, des dizaines de milliers ont disparu ou fui. Certains ont pris les armes pour défendre leurs frères contre la brutalité du régime. Des combattants étrangers ont afflué, faisant de la Syrie une nouvelle terre de jihad. Les puissances régionales et internationales se sont invitées dans la partie soutenant, par conviction ou par
intérêt, l’un ou l’autre camp. Menacé de mort, le clan au pouvoir a donné toute sa puissance militaire. Homs et Alep, villes où coexistaient pacifiquement les nombreuses communautés du pays, ont été détruites par les combats sans fin entre l’armée régulière et les brigades hétéroclites de l’Armée syrienne libre (ASL). Et la guerre du régime contre les civils a fini par devenir une guerre civile. Sommés de prendre position, les chrétiens se rappellent le sort de leurs frères libanais que quinze années de conflit ont poussés par milliers à l’exode, ils se souviennent des histoires atroces qu’ont rapportées leurs 200 000 frères d’Irak réfugiés chez eux, ils voient les Coptes d’Égypte fuir massivement leur patrie millénaire après le triomphe de l’islam politique. Ils vivent avec la terreur que les insurgés les plus extrémistes, voyant en eux des alliés du régime, ne cherchent à les exterminer, à les chasser hors du pays JEUNE AFRIQUE
Maghreb Moyen-Orient ou, au mieux, à leur imposer un régime de discrimination s’ils venaient à triompher. « Les rares chrétiens qui soutiennent encore la révolution sont pour la plupart partisans d’un règlement pacifique de la crise, comme Michel Kilo, écrivain et dissident, ou Randa Kassis, opposante en exil à Paris », rappelle Fabrice Balanche, directeur du Groupe de recherches et d’études sur la Méditerranée et le MoyenOrient (Gremmo). ATTENTISME. « Beaucoup de chrétiens ont participé aux premières manifestations pour la liberté et la démocratie mais ils se sont vite tenus sur la réserve par crainte de changements trop radicaux, explique Balanche. Aujourd’hui, ils sont pour l’ordre et la stabilité qu’affirme vouloir rétablir le régime et ils ne pensent pas que celui-ci va tomber. » Le pouvoir, dominé par la secte chiite alaouite mais maniant les discours nationalistes et laïcs du parti Baas, s’est présenté comme l’ultime rempart des minorités, cherchant à lier leur destin à sa propre survie. Très vite, de nombreux dirigeants des Églises locales se sont rangés à ce point de vue ou ont adopté une
position attentiste. En novembre 2011, Monseigneur Jeanbart, métropolite grec-catholique d’Alep, affirmait ainsi : « J’espère que la Syrie ne sera pas le quatrième pays à connaître un brusque renversement du pouvoir, après la Tunisie, l’Égypte et la Libye. Ce serait une catastrophe pour toute la région, pas seulement pour les chrétiens. » Plus prudent, son supérieur, le patriarche Grégoire III Laham, déclarait à Paris
régime ou de rester neutre. Mais les chrétiens, qui sont pris en otages par le pouvoir, ne peuvent rester étrangers au sort de leur pays », regrette Salam Kawakibi, chercheur au Centre d’initiative pour une réforme arabe. Les cas du père Dall’Oglio, qui milite pour le renversement du régime, et de son antithèse, la mère Agnès-Mariam de la Croix, qui relaie énergiquement la propagande du régime dans les médias occidentaux, restent des exceptions que le SaintCeux qui soutiennent la révolution Siège réprouve. Voulant sont pour la plupart partisans couper court au reproche d’un règlement pacifique. d’abandonner à leur triste sort les chrétiens de Syrie, dans un communiqué le 5 novembre : le pape multiplie les prières et les gestes « Nous sommes pro-stabilité, pro-laïcité. symboliques, effectuant en septembre une Nous ne sommes ni pro- ni anti-régime. » visite à haut risque au Liban, où il vient Même réserve et même ambiguïté du de dépêcher une mission spéciale pour la côté du Vatican, où le pape Benoît XVI Syrie sous la houlette du cardinal guinéen appelait, le 7 novembre, toutes les parties Robert Sarah. Mais l’institution refuse de à « ne pas épargner leurs efforts dans la se mêler de politique et ne se prononce recherche de la paix et à poursuivre, à trapas sur le départ du président Assad. vers le dialogue, les voies qui conduisent Implicitement, sa position rejoint celle de à un vivre-ensemble juste, en vue d’une l’opposition pacifique : oui aux réformes, solution politique adéquate du conflit ». non aux armes, non à l’intervention étran« Le clergé ne parle que de soutenir le gère, non à la confessionnalisation. ● ● ●
DAKAR
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R E N D E Z - V O U S
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L’AFRIQUE DES PEUPLES
Dakar - Sénégal 4 - 8 décembre 2012 au KING FAHD PALACE «Construire l’Afrique à partir de ses territoires : quels défis pour les collectivités locales ?»
Sous le haut patronage de Son Excellence M. Macky Sall, et en collaboration avec Cités et Gouvernements Locaux Unis - Afrique, la Mairie de Dakar et l’Association des Maires du Sénégal organisent la 6 ème édition du Sommet Africités et le Salon International des villes et collectivités territoriales d’Afrique. Le thème de cette année est : Construire l’Afrique à partir de ses territoires : quels défis pour les collectivités locales ? Le sommet se tient du 04 au 08 décembre 2012 au King Fahd Palace Dakar. www.africites.org
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jeune afrique .com
Maghreb Moyen-Orient Répartition des communautés religieuses
ð Lire l’interview de Sébastien de Courtois sur
jeuneafrique.com
barrages rebelles ont été rapportés. À Homs, des enfants de familles sunnites qui jouaient hier avec leurs jeunes voisins TURQUIE chrétiens les traitent aujourd’hui de kuffar (« infidèles »). Des lieux de culte ont été saccagés par les insurgés, à Alep notamment, lorsque Alep l’ASL a tenté de s’emparer du quartier IRAK chrétien de Jdeidé, fin août. Le 25 sepLattaquié tembre, on annonce que 280 chrétiens ont été raflés près du village de Rableh. MER Authentique ou inventée, l’information MÉDITERRANÉE fait grand bruit parmi les chrétiens. Homs Tripoli Une situation qui incite un nombre Désert syrien croissant de membres de la communauté BEYROUTH à l’autodéfense. « Le régime avait distriMinorités confessionnelles Majorité sunnite DAMAS bué des armes, mais le clergé a appelé (arabes) Arabes Alaouites à ne pas s’en servir. Après le saccage Kurdes Druzes d’archevêchés, certains, notamment Turkmènes Chiites duodécimains les Arméniens, ont fini par prendre les ISRAËL Ismaéliens armes », note Fabrice Balanche. Ce sont Chrétiens JORDANIE ainsi des miliciens chrétiens qui auraient tenu en échec l’offensive de l’ASL sur Mais certains faits laissent craindre Jdeidé en août. La violence et le désordre ●●● Pour l’Église catholique comme aux chrétiens une confessionnalisation gagnent du terrain, et le régime a profité pour de nombreux observateurs, la de la crise qui pourrait leur être fatale. Le de la peur qu’ils génèrent pour armer les guerre qui fait rage n’est pas encore un conflit communautaire, et les chrétiens récent martyre du père Fadi Jamil Haddad gens dans les villes et les campagnes. ne sont pas la cible de persécutions sysa révolté la communauté : le 25 octobre, Face au chaos social, à la guerre civile tématiques. « Il est certain qu’une frange le corps de cet homme de paix connu et à l’anarchie, qui favorisent les crimes fasciste de la rébellion va leur chercher pour ses efforts de médiation humanitaire les plus crapuleux, la sécurité ne se des noises mais, pour l’instant, aucun trouve plus qu’au sein de cas précis de persécutions majeures la famille, du clan et de la On rapporte plusieurs cas n’a été révélé, explique Sébastien de communauté. Ou dans la d’enlèvements de chrétiens par Courtois, historien spécialiste des fuite à l’étranger pour ceux chrétiens d’Orient. Du point de vue des membres de la rébellion. qui en ont les moyens. Les chrétien, il n’y a pas de guerre commuidées de réformes démonautaire, beaucoup font le dos rond et était retrouvé dans la banlieue de Damas. cratiques et d’opposition pacifique attendent que l’orage passe, comme des Enlevé, il avait été torturé avant d’être semblent appartenir à un lointain passé. milliers d’autres Syriens de toutes les exécuté. Par le régime pour les rebelles, L’historien Sébastien de Courtois conclut : confessions. S’il y a une revendication par les rebelles pour le régime… Le len« Je retiens surtout de mes entretiens religieuse, elle est clairement du côté demain, une bombe explosait au cours de avec les chrétiens de Syrie que tous de certains opposants, qui n’hésitent ses funérailles, faisant plusieurs victimes. détestent cette guerre car elle les jette de fait dans les bras du régime. » ● pas à se réclamer du fondamentalisme Des cas d’enlèvements de chrétiens pour musulman. » leur appartenance confessionnelle à des LAURENT DE SAINT PÉRIER SOURCE : FABRICE BALANCHE
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Maghreb Moyen-Orient
TRIBUNE
Op pinions & éditoriauxx
Pourquoi les salafistes s’attaquent aux mausolées
DR
A CHEIKH KHALED BENTOUNES Fraternité soufie alawiyya, président honoraire de l’association internationale Les amis de l’islam
PRÈS AVOIR SECOUÉ le joug des dictatures et des pouvoirs autoritaires qui les gouvernaient sous l’œil complaisant de l’Occident, les peuples arabo-musulmans se retrouvent confrontés à une prise en main par le courant néowahhabite qui fait de la religion islamique une idéologie servant à conquérir et à asseoir son pouvoir sur la société en la privant de sa liberté, chèrement acquise à la faveur du Printemps arabe. Nous constatons aujourd’hui que, pour atteindre son but, le mouvement mondial de ce courant encourage, éduque et finance des groupuscules dits « salafistes », « jihadistes », etc. Pour réislamiser la société selon cette doctrine, ils utilisent la violence, la peur et la culpabilité au prétexte de lutter contre les innovations « archaïques » et « blasphématoires ». Le salafisme n’est en vérité que le cheval deTroie d’une pensée sur laquelle reposent les bases de régimes conservateurs qui craignent les effets d’une société démocratique garantissant les libertés fondamentales à ses citoyens, y compris la liberté des minorités, les droits de la femme et les convictions religieuses individuelles incompatibles avec leur credo.
logique sectaire et d’une pratique précaire vidée de la spiritualité, de la tolérance, de l’amour, de la raison qui contribuent à l’épanouissement d’une société. La Vérité ne peut être manipulée, tout simplement parce qu’elle englobe le tout, y compris sa propre manipulation. Autrefois, les débats entre écoles théologiques à Bagdad ou en Andalousie étaient libres et respectueux des points de vue différents, y compris celui des non-musulmans. Ceux qui détruisent les symboles rappelant la mémoire de saints et de sages ayant œuvré toute leur vie à enseigner aux êtres la paix, l’amour et l’unité de la communauté doivent méditer ce verset qui cite ces saints en exemples : « Non, vraiment, les Awliyâ [« amis »] de Dieu n’éprouveront plus aucune crainte, ils ne seront pas affli-
Les néowahhabites ont fait de l’islam une idéologie servant à asseoir leur pouvoir.
Thérapie de l’âme (éd. Albin Michel, 2011)
JEUNE AFRIQUE
La destruction des mausolées des saints au Mali, en Libye et enTunisie, lieux d’enseignement, de recueillement et de mémoire respectés depuis des siècles, n’est que le prélude à une mise en condition pour enrégimenter la société et la priver de sa dignité et de ses droits fondamentaux afin de la ramener à « l’islam des origines ». Quant aux accusations contre le soufisme, coupable à leurs yeux de magie et de charlatanisme, elles existent depuis le début de l’islam, colportées par ceux dont l’horizon borné se limite à leur propre chapelle ou par des théologiens au service d’écoles hostiles à cette pensée. Ainsi, du fait même de cet « affrontement », il s’est produit, dans le cadre de l’évolution de l’Histoire, une détérioration progressive du caractère universel et spirituel de l’islam. Cette détérioration ne touche pas bien sûr la Révélation en elle-même, mais ses formes d’expression religieuses. Cette hostilité a par essence un caractère archaïque, dogmatique et obscurantiste, puisqu’elle pense réduire le message mohammedien à un conditionnement du croyant en fonction d’une
gés. » (Coran X, 62). Quant aux responsables des États concernés par ces courants connus pour leur violence et leur ignorance des règles fondamentales de l’islam, ils doivent méditer cet autre verset : « Nulle contrainte en religion ! » (Coran II, 256). Mais adopter avec les néowahhabites une pédagogie fondée sur le dialogue et l’apprentissage de la tolérance est vain. Que les dirigeants prennent leurs responsabilités et fassent respecter l’État de droit en protégeant leurs concitoyens, quelles que soient leurs convictions. Que les organismes internationaux, islamiques ou non, ainsi que les intellectuels et les religieux honnêtes dénoncent cette profanation des lieux saints et la volonté délibérée de certains États de cautionner les « fatwas » appelant à leur destruction et au meurtre de ceux et celles qui ne partagent pas leur avis. Quant à la société civile, qui semble tétanisée par ce phénomène, il lui appartient plus que jamais de démontrer aux siens comme au reste du monde que l’islam humaniste, spirituel et sociétal est compatible avec la modernité et les droits de l’homme. Étant entendu que l’humanité ne connaîtra ni paix ni stabilité sans la participation des musulmans à la construction d’un avenir meilleur pour tous. « Voici quels sont les serviteurs du Miséricordieux: ceux qui marchent humblement sur la terre et qui disent “Paix” aux ignorants qui s’adressent à eux. » (Coran XXV, 63). ● N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
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Maghreb Moyen-Orient ! Au côté du chef de l’État MOHAMED OULD ABDELAZIZ (à g.), lors de la fête de l’armée, le 25 novembre 2011, à Nouakchott.
AMI
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MAURITANIE
Mohamed Ould Ghazouani, l’homme de l’ombre Le chef d’état-major de l’armée assure de facto l’intérim du président depuis « l’accident » de celui-ci à la mi-octobre. Portrait d’un général aussi secret qu’influent.
T
enir le premier rôle, il s’en serait bien passé. Pourtant, à la demande du président mauritanien, en convalescence à Paris à l’heure où ces lignes sont écrites, le général de division Mohamed Ould Ghazouani, le très consensuel chef d’étatmajor de l’armée, a dû prendre les choses en main. Juste après l’accident dont a été victime Mohamed Ould Abdelaziz, le 13 octobre, officiellement blessé par balle à l’abdomen à la suite d’une méprise d’un jeune lieutenant de l’armée de l’air (voir J.A. no 2702), cet homme de l’ombre a tout géré : l’allocution du ministre de la Communication, l’intervention d’« Aziz » à la télévision, ainsi que son transfert en France. Depuis, aucun intérim n’a été décrété, le Conseil des ministres a été reporté trois fois, mais, officiellement, le président est toujours aux commandes.
Le très secret Ould Ghazouani – il fuit la presse comme la peste – lui rendrait compte quotidiennement des affaires du pays. Il aurait également demandé à la garde nationale de patrouiller dans la capitale et de surveiller de près les hauts gradés et les personnalités en vue. Rien d’étonnant à cela: experts en coups d’État pour en avoir fomenté ou déjoué, mais au caractère diamétralement opposé – Aziz est réputé sanguin et Ould Ghazouani, plus réfléchi –, le président et son chef d’état-major se connaissent bien. Et se considèrent comme des frères. ASCENSION. Originaire de la wilaya
(préfecture) de l’Assaba, dans le Sud, Mohamed Ould Cheikh Mohamed Ahmed, dit Ould Ghazouani, est le fils d’un chef spirituel de la tribu maraboutique Ideiboussat, des Berbères à qui
l’on prête des pouvoirs mystiques. Entre soufisme et commerce d’importation (change de devises, vente de véhicules, thé, tissus, céréales…), ils ont acquis une grande – mais discrète – influence dans le pays. Ould Ghazouani, par ailleurs très bon connaisseur de la carte tribale mauritanienne, est à leur image: respecté (on ne lui connaît pas d’ennemi, chose rare à Nouakchott) et réservé. En 1980, il s’inscrit à la prestigieuse académie militaire de Meknès. Il y rencontre… un certain Mohamed Ould Abdelaziz, qui a alors 22 ans. Leur formation terminée, ils sont promus lieutenants. Ould Ghazouani multiplie alors les postes à l’état-major et les stages à l’étranger, en Syrie et en Jordanie surtout. Devenu commandant, il prend, en 2003, la tête de l’ultrasensible bataillon blindé (BB). Le 8 juin 2003, lors de la tentative sanglante de putsch contre Maaouiya Ould Taya perpétrée par ce qui allait devenir la rébellion des « Cavaliers du changement », Ould Ghazouani est en stage en Jordanie. Deux ans plus tard, désormais colonel, il se voit confier le deuxième bureau (renseignements militaires) de l’état-major de l’armée nationale. Le 3 août 2005, il est le véritable artisan du putsch contre Ould Taya, aux côtés d’Aziz, et remplace Ely Ould Mohamed Vall à la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN). Son rôle est alors déterminant dans l’intronisation de ce dernier à la tête du Conseil militaire pour la justice et la démocratie (CMJD), ainsi que dans l’élection de Sidi Ould Cheikh Abdallahi, en 2007. La même année, Ould Ghazouani est promu général, Aziz, alors commandant du bataillon de la sécurité présidentielle (Basep), ayant usé de son influence auprès de « Sidi ».
OÙ EST PASSÉ AZIZ ? SELON SES PROCHES, la fin de la convalescence de Mohamed Ould Abdelaziz n’est plus qu’une question de semaines. Il « va très bien » et se remet doucement au sport. Ils démentent la rumeur, persistante, selon laquelle il serait toujours hospitalisé à N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
Percy (Clamart) car, touché au pancréas, il ne pourrait pas s’alimenter normalement. Hormis deux photos – dont la dernière, où l’on voit le président avec son chirurgien français François Pons, est parue sur des sites internet le 7 novembre –, les
Mauritaniens sont sans nouvelles de leur président. À Nouakchott, d’aucuns se demandent s’il est en mesure d’assurer ses fonctions. « Bien sûr », répond son entourage, qui assure qu’il se repose dans une résidence privée en région parisienne. Là, il
gère le pays à distance et reçoit, à titre privé, quelques personnalités françaises (le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, lui aurait rendu visite). Une rencontre avec le président François Hollande est prévue, mais la date n’a pas encore été fixée. ● J.S. JEUNE AFRIQUE
Coulisses
RÉSEAU. Depuis 2009, Ould Ghazouani
dirige le Conseil supérieur de la défense nationale, avatar du Haut Conseil d’État, la junte créée par Aziz après son putsch, puis dissoute au lendemain de son élection. Devenu le général le plus gradé de l’armée, il est le missi dominici d’Aziz, notamment en France. Son réseau est extrêmement vaste, que ce soit au sein de l’opposition (Mohamed Mahmoud Ould Ghazouani, membre influent du parti d’obédience islamiste Tawassoul, est son cousin germain), du parti présidentiel (Mohamed Mahmoud Ould Mohamed Lemine, secrétaire général de l’Union pour la République, est également son cousin), de l’administration ou de l’armée. Sur sa vie privée, on ne sait rien, sinon qu’il est marié à Marieme Mint Mohamed Vadhel Ould Dah, conseillère à l’ambassade de Mauritanie à Washington. « Il a prouvé qu’il est loyal, il ne déposera pas Aziz, commente un observateur mauritanien. Il veut les avantages du pouvoir, sans les inconvénients. Il a hâte de reprendre sa place. » Mais pour le moment, la date du retour d’Aziz à Nouakchott n’est pas encore fixée. ● JUSTINE SPIEGEL JEUNE AFRIQUE
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SYRIE LE GRAND FRÈRE LIBYEN SOMMÉ DE SE RÉORGANISER et de s’ouvrir aux opposants de l’intérieur, le Conseil national syrien (CNS) a choisi de réagir en dévoilant une première liste des donateurs étrangers. La principale formation de l’opposition syrienne en exil déclare ainsi avoir reçu 31,6 millions d’euros depuis sa constitution en octobre 2011. Une somme dérisoire en regard des flux d’aides qui se déversent sur le terrain. Premier État à avoir reconnu le CNS comme représentant légitime du peuple syrien, la Libye arrive en tête, avec 15,9 millions d’euros. Viennent ensuite le Qatar (11,8 millions) et les Émirats arabes unis (3,8 millions). Près de 75 % de la somme totale ont déjà été dépensés, principalement en aide humanitaire pour les réfugiés. Cette annonce survient au moment où le CNS est désavoué par la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton, qui lui a retiré sa reconnaissance. Le CNS s’est réuni à Doha (Qatar) afin d’aboutir à une meilleure représentativité de l’opposition intérieure en son sein. ●
PALESTINE ABBAS SANS RETOUR Dans une interview choc à la deuxième chaîne de télévision israélienne, le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a relancé la polémique sur le droit au retour des réfugiés palestiniens. Réaffirmant son désir d’édifier un État palestinien dans les frontières de 1967, il a pris ses distances avec cette vieille revendication, déclarant: « C’est mon droit de voir Safed, mais pas d’y vivre. » La famille du président palestinien a fui cette ville de Galilée en 1948. QATAR FAITES CE QUE JE DIS… Human Rights Watch dénonce un projet de loi liberticide approuvé par le Conseil de la choura qatari en juin dernier. Le texte contient un article très flou punissant la diffusion d’informations de nature à « semer la confusion dans les relations entre
l’État et les pays arabes et amis » ou susceptible de constituer « une insulte pour le régime ou pour la famille royale ou d’endommager les intérêts supérieurs de l’État ». Les contrevenants sont passibles d’amendes pouvant atteindre 1 million de riyals (215000 euros). !ARABIE SAOUDITE
VISITES DE COURTOISIE François Hollande et David Cameron se sont rendus à Riyad respectivement les 4 et 6 novembre après que le royaume a annoncé un plan d’investissement de 370 milliards d’euros sur cinq ans. Le président français a évoqué des « sujets de convergence »: Syrie et nucléaire iranien. Le Premier ministre britannique a aussi loué l’influence du royaume, membre du G20. Côté commandes militaires, on évoque quatre frégates Fremm françaises et des dizaines de chasseurs britanniques.
HO/AFP
En avril 2008, il est nommé à la tête de l’état-major de l’armée. À la mi-juillet 2008, Mohamed Ould Ghazouani est en tournée à l’intérieur du pays pour s’assurer de la loyauté des militaires. Le 6 août, aux alentours de 7 heures du matin, il apprend par téléphone qu’il est limogé par décret, puis, dans un deuxième temps, que son inséparable camarade Aziz a pris le pouvoir en déposant Sidi. Rentré deux jours plus tard à Nouakchott, il va s’atteler à une autre tâche : convaincre l’opinion internationale, qui rejette le putsch. Après une première visite à Alger – un échec –, il se rend au début de 2009 à Paris, où il est reçu au ministère de la Défense. Il aurait été introduit auprès de Claude Guéant, alors secrétaire général de l’Élysée, par le très influent homme d’affaires Mohamed Ould Bouamatou, aujourd’hui en exil au Maroc depuis sa brouille avec Aziz. Alors que Sidi prônait le dialogue avec les islamistes radicaux, Ould Ghazouani promet de fournir aux Occidentaux des informations précieuses sur Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Le 18 juillet 2009, Aziz est élu président avec 52,47 % des voix et se refait ainsi une virginité. Il a désormais le soutien de la France.
Maghreb & Moyen-Orient
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Europe, Amériques, Asie
FRANCE
L’imbroglio des
35 heures L’allongement de la durée hebdomadaire du travail serait socialement insupportable et politiquement très risqué. Mais le recours à la fiscalité pour alléger les charges des entreprises et accroître leur compétitivité plomberait la consommation, et donc la croissance. Quelqu’un a une solution ?
ALAIN FAUJAS
C
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est un faux pas pour le moins malheureux. Le 30 octobre, Jean-Marc Ayrault a commis l’imprudence de répondre aux lecteurs du Parisien qui lui demandaient s’il était d’accord pour revenir aux trente-neuf heures de travail hebdomadaires : « Pourquoi pas [un débat] ? Il n’y a pas de sujet tabou. Je ne suis pas dogmatique. » En donnant l’impression de vouloir renoncer aux trente-cinq heures, considérées par la gauche comme une avancée sociale majeure, le Premier ministre a déclenché une tempête politique. Il a par la suite tenté de rectifier le tir, mais le mal était fait. Avant la remise, le 5 novembre, du rapport de Louis Gallois, commissaire à l’investissement et ancien patron d’EADS et de la SNCF, Ayrault semblait en effet résolu à sacrifier la réduction du temps de travail. Cela a failli compromettre le travail pédagogique de Gallois, qui, depuis six mois, plaidait pour une baisse de 30 milliards d’euros des charges sociales des entreprises et pour une amélioration de leur compétitivité hors coûts, afin de provoquer un « choc de confiance » et de relancer une économie mal en point. À aucun moment son rapport ne fait d’ailleurs des trente-cinq heures un obstacle au développement des entreprises. GUERRE DE RELIGION. Douze ans après l’adop-
tion par le Parlement d’un projet de loi présenté par le gouvernement Jospin réduisant de trenteneuf heures à trente-cinq heures la durée légale hebdomadaire de travail, la guerre de religion N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
Par principe, les patrons critiquent la loi. Mais ils s’en accommodent très bien.
n’est toujours pas terminée. Faut-il abroger ou réformer ladite loi, sachant que les uns la jugent calamiteuse pour les entreprises et les autres bénéfique pour les salariés ? L’argumentaire patronal est impeccable. La réduction autoritaire du temps de travail a fait que les Français ne travaillent, en moyenne, que 1 679 heures par an. Soit moins que les Italiens (1 813 heures), les Britanniques (1 856) ou les Allemands (1 904). Incontestablement, la hausse du coût du travail qui en a résulté a contribué à dégrader la compétitivité des produits français par rapport à leurs concurrents allemands. Elle a du même coup, comme l’a d’ailleurs reconnu Ayrault, « causé des difficultés aux petites entreprises ». Si les chefs d’entreprise protestent par principe contre les trente-cinq heures, ils ne demandent pas pour autant leur abrogation, peu désireux qu’ils sont de perdre les allègements de charges sociales qui les accompagnent: plus de 21 milliards d’euros par an, quand même… Ils ont d’autre part, en contrepartie des trente-cinq heures, négocié avec les syndicats des organisations du travail plus flexibles qui leur permettent de mieux s’adapter aux périodes de pointe et de creux de l’activité. Il serait dommageable pour eux d’y renoncer. Les patrons connaissent les conclusions de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), selon lesquelles « la diminution du temps de travail n’explique qu’environ 10 % de la hausse du coût horaire de la main-d’œuvre entre 1996 et 2008 ». Ils savent que l’opinion est majoritairement favorable (à 57 %, selon un sondage Ifop JEUNE AFRIQUE
SOURCE : EUROSTAT
JEUNE AFRIQUE
pervers des trente-cinq heures sur certains salariés contraints de faire le même travail en moins de temps qu’auparavant. INEXTRICABLE. La situation semble inextricable. Les trente-cinq heures ne peuvent être abrogées en raison de l’imbroglio qui en résulterait. Si la durée du travail passait à trente-neuf heures pour un salaire inchangé, cela abaisserait de 10 % le smic. Si les trente-neuf heures étaient intégralement payées, les cadres devraient renoncer à leurs jours compensatoires de congé, les fameuses RTT. Socialement insupportable. Il n’y a pas trente-six solutions pour requinquer une compétitivité en berne et alléger les charges des entreprises. Le retour aux trente-neuf heures ? Impossible, on l’a vu. Le transfert des charges sociales des entreprises vers la CSG (contribution sociale généralisée) ou la TVA ? Il amputerait le pouvoir d’achat et donc la consommation, qui est aujourd’hui l’unique moteur de la croissance. Patronat et syndicats ont donc entrepris de négocier des assouplissements et des aménagements des rémunérations et de l’organisation du temps de travail. Ces discussions sont délicates, car elles supposent, de part et d’autre, des sacrifices douloureux. Dans ce contexte, la gaffe de Jean-Marc Ayrault est particulièrement inopportune. Elle contribue à figer les positions. Elle incite les uns et les autres à se crisper sur des principes dont on sait bien qu’aucun d’entre eux n’a la moindre chance de s’imposer. ● N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
PASCAL BROZE/REPORTERS-REA
d’avril 2012) au maintien des trente-cinq heures. Ce qui explique que, dans cette controverse, le monde économique se montre bien plus modéré que l’opposition de droite. À gauche et chez les syndicats de salariés, le discours est à l’opposé. On met volontiers en avant l’étude de la Dares, le service statistique du ministère du Travail, qui a calculé que la réduction du temps de travail avait créé environ 350000 emplois entre 1998 et 2002. On souligne que les cadres plébiscitent eux aussi à 62 %, soit davantage que les ouvriers (59 %), la réduction du temps PALMARÈS DES BESOGNEUX de travail. Les salariés les plus satisfaits (Nombre d'heures travaillées par an) sont les femmes, auxquelles ce temps gagné a permis d’être moins stressées 1 904 ALLEMAGNE pour remplir leurs obligations familiales. Mais, pas plus que les adversaires des trente-cinq heures, leurs partisans ne ROYAUME-UNI 1 856 peuvent pousser très loin leurs arguments. Ils sont en effet obligés de reconnaître que 1 813 ITALIE la part de la France dans le commerce mondial est tombée de 4,9 % en 2003 à 3,3 % en 2011, et que l’augmentation du FRANCE 1 679 coût du travail y est naturellement pour quelque chose, certes à côté du manque d’innovation et d’un positionnement industriel sur des segments intermédiaires où les produits des pays émergents sont très compétitifs. Ils savent aussi que nombre de salariés accepteraient sans problème de travailler plus longtemps, à condition de gagner plus : c’est ce que leur avait proposé Nicolas Sarkozy lorsqu’il avait défiscalisé les heures supplémentaires. Ils connaissent les effets
Europe, Amériques, Asie RUSSIE
Le troisième homme Créature de Vladimir Poutine, Igor Setchine a pris au mois de mai la présidence de Rosneft, le désormais premier groupe pétrolier mondial. Au risque de faire de l’ombre à Dmitri Medvedev.
à Saint-Pétersbourg, auprès de Vladimir Poutine, alors adjoint au maire. CERBÈRE. Pendant les deux pre-
miers mandats présidentiels de celui-ci, Setchine, chef de l’administration présidentielle, monte la garde tel un cerbère. En 2008, quand Poutine doit renoncer à la présidence, il devient vicePremier ministre. Mais quand, en x-espion soviétique, homme fort du Kremlin mai dernier, son mentor revient et patron de la plus au Kremlin, Setchine n’entre pas grande compagnie au gouvernement mais se voit pétrolière de Russie – et du confier la direction de Rosneft. monde –, Igor Setchine ne s’était On le croit sur la touche. Erreur ! pas signalé jusqu’ici par une senUne rafale de décrets lui donnent sibilité excessive. Le 12 octobre, bientôt la haute main sur le secdans un grand hôtel londonien, teur de l’énergie. Il est nommé à devant un public trié sur le volet, la tête de Rosneftegaz, le fonds il a montré qu’il avait quand étatique qui possède des particimême un cœur. « Rosneft est pations dans Rosneft et Gazprom. notre teddy bear, a-t-il estimé. Le Un nouveau décret exige alors sentiment de propriété se forme que Rosneftegaz renforce la prédès les premières années de la sence de l’État dans le secteur vie, quand l’enfant fait des câlins énergétique, plutôt que de jouer à son nounours et ne veut le prêlacartedesprivatisations,comme ter à personne. Nous éprouvons le proposait Dmitri Medvedev, le même sentiment à l’égard du le Premier ministre. Pour finir, trésor qui nous a été confié. » Setchine est nommé à la tête ! L’ANCIEN ESPION a désormais la haute main sur tout le d’une commission spéciale de Bien sûr, il s’agissait d’une habile secteur hautement stratégique de l’énergie. l’énergie rattachée à la présiopération de communication destinée à améliorer l’image de dence. Beaucoup sont convainla société publique Rosneft au moment cus qu’un gouvernement parallèle a alors De fait, Setchine commence à recruoù elle négociait le plus gros contrat été constitué. ter des étrangers. Sa compagnie, qui a de son histoire : le rachat – effectif le En tentant d’étendre son empire, le signé des accords de partenariat avec 24 octobre – à British Petroleum et à un patron de Rosneft se heurte à Medvedev, ExxonMobil, Eni et Statoil, souhaite se consortium de quatre oligarques russes lancer dans l’exploitation, techniquement qui ne cesse de contrecarrer ses initiatives de TNK-BP, le troisième groupe pétrolier difficile, de vastes champs de Russie. offshore au nord du cercle En Angola et au Mozambique, polaire. L’objectif est d’en il fut naguère interprète pour CERCLE POLAIRE. Ce discours signifie faire une entreprise de d’abord que Setchine préfère travailler en pointe et de prouver qu’une l’armée. Enfin, officiellement... solo – une habitude dans un pays dirigé société d’État peut être au par d’anciens espions qui n’ont aucune moins aussi efficace qu’une entreprise et qui a même exigé de lui qu’il verse au confiance dans leur entourage. Ensuite privée. gouvernement 1,6 milliard de dollars de qu’il s’ouvre au monde depuis qu’il a été IgorSetchineestnéàLeningraden1960, dividendes. « Quelle que soit l’influence d’un ancien ministre ou vice-Premier nommé à la tête de Rosneft, au mois de dans une famille d’ouvriers. À l’instar de la ministre, ce sont les ministres en fonction mai dernier. « Le Setchine que j’ai renplupart des membres de l’élite au pouvoir, contré en 2006 et celui d’aujourd’hui sont on ne sait presque rien de lui. Mais il est qui prennent les décisions, pas le patron deux personnes différentes, confirme quandmêmeétablique,parfaitlusophone, d’un grand groupe », estime un proche l’un de ses associés. Il ne peut cacher son il a travaillé pendant plusieurs années en de Medvedev. Cela reste à démontrer. ● CHARLES CLOVER ET CATHERINE BELTON passé militaire, mais depuis qu’il dirige Angola et au Mozambique, comme inter© Financial Times et Jeune Afrique 2012. une entreprise publique il doit rendre prète dans l’armée – enfin, officiellement… Au début des années 1990, il refait surface Tous droits réservés. des comptes, ça change tout. »
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MIKHAÏL METZEL/AP/SIPA
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JEUNE AFRIQUE
Europe, Amériques, Asie CHINE
Les milliards de « papy Wen » À en croire le NewYork Times, le Premier ministre et sa famille seraient à la tête d’une fortune colossale. Embarrassante révélation alors que se tient à Pékin le 18e congrès du Parti communiste!
ANDY WONG/AP/SIPA
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! WEN JIABAO lors de l’anniversaire de la proclamation de la République populaire.
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ans les couloirs d’ordinaire feutrés du Palais du peuple, on ne parle que de ça. Les révélations du New York Times concernant la fortune cachée de Wen Jiabao ont ici fait l’effet d’une bombe. À en croire le quotidien américain, le Premier ministre chinois et sa famille seraient en effet à la tête d’une fortune d’un montant estimé à 2,7 milliards d’euros. L’affaire est d’autant plus embarrassante qu’elle a éclaté à la veille du 18e congrès du Parti communiste chinois – qui s’est ouvert le 8 novembre –, à l’issue duquel le président et le chef du gouvernement passeront la main. Et qu’elle assombrit donc fâcheusement cette fin de règne. « Dans de nombreux cas, les noms des proches de Wen Jiabao n’apparaissent pas ouvertement. Ils sont dissimulés derrière des paravents, des instruments d’investissement impliquant des amis, des collègues de travail et des associés », affirme le journal. Ils posséderaient ainsi des intérêts, parfois sous le couvert de N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
sociétés offshore, dans des banques, des bijouteries, des stations touristiques, des compagnies de télécommunications et divers projets d’infrastructure. REINE DES DIAMANTS. Ancienne ins-
La Chine crie à la manipulation et a bloqué l’accès au site internet du journal. Sur les réseaux sociaux, les mots Wen Jiabao et New York Times sont désormais censurés. Il s’agit d’empêcher à tout prix que le scandale ne perturbe le congrès. Certains en viennent d’ailleurs à se demander à qui profitent ces révélations. Et si leur origine ne doit pas être recherchée du côté de l’aile gauche du Parti, en guerre ouverte contre Wen Jiabao… Quoi qu’il en soit, « papy Wen » n’a nullement l’intention de jouer les victimes expiatoires. Il promet d’engager des poursuites contre le quotidien américain et ses informateurs, annonce qu’il est prêt à se soumettre à une enquête sur sa fortune présumée, et propose de faire adopter une loi pour contraindre les dirigeants chinois à déclarer officiellement leurs revenus. Une loi qui a bien peu de chances de voir le jour compte tenu de l’ampleur de la corruption dans le pays. Depuis cinq ans, 660 000 cadres ont été sanctionnés pour des affaires de ce type. La Banque centrale estime pour sa part que plus de 10 milliards d’euros disparaissent chaque année dans les poches de fonctionnaires ripoux. QUELLE JUSTICE ? « La corruption va
détruire le Parti, avertit l’universitaire Minxin Pei, qui enseigne les sciences politiques. Mais lutter sérieusement contre elle obligerait à revoir le système politique dans son ensemble. Quel contrepouvoir? Quelle justice? Rien n’est prévu pour contrebalancer la toute-puissance du Parti et le sentiment d’impunité de ses responsables. » Ces petits arrangements entre « camarades » font grincer bien des dents. Pew, le centre de recherche américain, vient ainsi de publier les résultats d’un
titutrice aujourd’hui âgée de 90 ans, la mère du Premier ministre serait ainsi à la tête de 100 millions d’euros placés dans la société d’investissements Ping An. Son frère aurait La moitié des Chinois estime décroché pour sa société de que la corruption est aujourd’hui traitement de déchets des contrats publics d’un mon« un très gros problème ». tant équivalant à 23 milsondage qui révèlent que 50 % des lions d’euros. Et sa femme, surnommée « la reine des diamants », contrôlerait Chinois estiment que la corruption est l’essentiel du très lucratif marché des aujourd’hui un « très gros problème » – ils n’étaient que 39 % il y a quatre ans. pierres précieuses. Mais c’est toute la famille qui aurait fait fortune dans le silIls sont 48 % à penser que le fossé entre lage de celui que l’on surnomme parfois, riches et pauvres menace l’équilibre de affectueusement, « papy Wen ». Et dire la Chine. Un fossé que l’équipe mise en que celui-ci jouait volontiers les pères place à l’issue du congrès aura la lourde la vertu en fustigeant la corruption et le tâche de combler. ● népotisme des élites ! SÉBASTIEN LE BELZIC, à Pékin JEUNE AFRIQUE
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PARCOURS | D’ici et d’ailleurs
! Pour la saison 2012, le salaire de L’ATTAQUANT DE L’IMPACT DE MONTRÉAL s’élève à 104 000 euros.
Sanna Nyassi Doublé gagnant D’origine gambienne, ce footballeur se fait remarquer dans le championnat nord-américain. Tout comme… son frère jumeau.
A
rrivé de Gambie il y a à peine quatre ans, passé par les ÉtatsUnis avant d’atterrir au Canada, Sanna Nyassi a déjà fait ses preuves sur le terrain dans le championnat nord-américain de football. S’il est très volontaire en attaque, sa technique de jeu contraste avec sa personnalité, plutôt discrète. « J’ai commencé à jouer dans la rue, vers l’âge de 5 ou 6 ans, devant chez moi, avec mes voisins », se souvient Sanna Nyassi. Depuis, ce jeune Gambien de 23 ans a fait du chemin et il évolue aujourd’hui au sein de l’Impact de Montréal, au Québec. Peu populaire au Canada, le football ? Détrompez-vous. Dès le mois de mars, avant même que la saison de hockey sur glace ne s’achève, la ville québécoise aux cent clochers commence à vibrer au rythme du soccer. L’aréna et les patins de l’hiver
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cèdent alors la place au stade et aux crampons. Le succès du ballon rond ne se dément pas en Amérique du Nord, bien au contraire… Casquette vissée sur le crâne, voix discrète et fine carrure, Sanna Nyassi paraît surpris que l’on puisse s’intéresser à lui. Dans un très bon anglais et après un entraînement de deux heures au stade Saputo de Montréal, l’athlète originaire de Bwiam accepte avec timidité de nous raconter l’histoire de sa vie, celle – classique – d’un jeune venu chercher sa part du rêve américain. L’originalité de son parcours, il faut la chercher dans un détail, important, de son histoire familiale. En effet, depuis tout jeune, Sanna réalise tous ses exploits sportifs aux côtés de son jumeau, Sainey. Nés le 31 janvier 1989 dans le sud-ouest de la Gambie, les deux Nyassi pratiquent le football
ensemble tout en assurant leur scolarité primaire et secondaire. Joueurs de rue devenus joueurs professionnels, ils atteignent rapidement le niveau senior, puis la seconde division dans leur pays natal. Cette ascension fulgurante les propulse dès 2004 en 1re division, et ils intègrent l’équipe de Gambie des moins de 17 ans, qui se qualifie puis gagne la Coupe d’Afrique des nations des moins de 17 ans en 2005. Ce n’est qu’en 2007 que les chemins des deux frères se séparent. Sainey quitte le continent pour les États-Unis, où il veut tenter de percer. Il intègre dès son arrivée l’équipe Revolution de la Nouvelle-Angleterre et convainc son frère de le rejoindre. En 2008, Sanna arrive à Seattle chez les Sounders. Mais ce n’est que l’année suivante que cette équipe intégrera la Major League Soccer (MLS), la principale ligue professionnelle d’Amérique du Nord, une belle vitrine pour tous les joueurs. À peine entré dans le championnat, Sanna se fait aussitôt remarquer grâce JEUNE AFRIQUE
Europe, Amériques, Asie
« Je souhaite rester ici autant que possible, j’y suis très à l’aise », confie le jeune Gambien, qui s’estime chanceux de porter le numéro 7. « C’est une très belle ville, Montréal, les gens sont sympas, je profite de la vie, et j’ai une très bonne équipe. Dans les vestiaires, on parle toutes les langues, l’anglais, l’italien, le français… Je sais que le français est important ici et, de temps en temps, je m’y essaie un petit peu avec un ami. » Lors de son premier match de saison, où l’Impact s’est incliné 2-0 face aux Whitecaps de Vancouver, Sanna s’est fait remarquer par les commentateurs sportifs pour l’efficacité de ses actions, malgré la défaite de son équipe. Hasard : le calendrier des rencontres de la MLS a voulu que, le 18 juillet dernier, Sanna affronte l’équipe de son frère, qui évolue toujours en NouvelleAngleterre. Sanna a marqué le but de la victoire pour Montréal. « C’était une belle expérience pour moi. Mon frère était très déçu pour son équipe, mais content pour moi. » Malgré l’éloignement géographique, les frères jumeaux restent très proches. « On s’appelle tous les jours, et même jusqu’à trois fois par jour. On se raconte nos journées… » Ce lien familial intense, le numéro 7 l’a aussi conservé avec la Gambie. « Toute ma famille est là-bas, et toutes les semaines j’appelle ma mère. Elle est contente pour moi. À chaque fin de saison, de novembre à janvier, je retourne en Gambie pour rendre visite à ma famille qui est restée là-bas. Mais j’ai aussi des frères et sœurs en Angleterre et en Allemagne… » D’ailleurs, quand on lui demande pourquoi n’avoir pas choisi le championnat européen comme beaucoup de jeunes joueurs africains, Sanna ne ferme pas la porte à cette perspective: « À terme, j’aimerais jouer dans un grand club européen. C’est un rêve… dit-il du bout des lèvres. Je pense que c’est le but de pas mal de joueurs… » ● ZORA AÏT EL-MACHKOURI, à Montréal Photo : CHARLES WILLIAM PELLETIER (IMPACT DE MONTRÉAL) JEUNE AFRIQUE
ÉQUATEUR
Julian Assange, ou comment s’en débarrasser Pour défier les États-Unis, le président Rafael Correa avait, au mois d’août, accordé l’asile politique au fondateur de WikiLeaks. Il ne détesterait pas aujourd’hui trouver une porte de sortie honorable.
A
lors que Julian Assange, son cofondateur, est toujours réfugié à l’ambassade d’Équateur à Londres, le site WikiLeaks a, le 25 octobre, publié de nouveaux documents militaires américains, notamment un manuel détaillant la manière de traiter les détenus incarcé-
le 15 septembre, est autorisé à quitter le pays. Mais l’affaire ne s’arrête pas là. Le mois suivant, WikiLeaks publie dans divers organes de presse internationaux puis met en ligne d’innombrables documents secrets relatifs à la guerre en Irak. En novembre, il met en ligne 250 000 câbles diplomatiques américains. Le 30 de ce mêmemois,laSuèdelance un mandat d’arrêt international contre Assange. Le 7 décembre, celui-ci est arrêté par la police britannique. Coïncidence ? ENCOMBRANT. Le cyber-
militant est bientôt remis en liberté conditionnelle. Mais en mai 2012, la Cour suprême du Royaume-Uni donne son feu vert à son extradition vers la Suède. Le 19 juin, il se réfugie à l’ambassade d’Équateur et, deux mois plus tard, obtient de ce pays l’asile politique. Régulièrement accusé de dérive autoritaire, Rafael Correa, le très antiaméricain président ! LE CYBERACTIVISTE AUSTRALIEN au balcon de équatorien, voit dans cette l’ambassade équatorienne à Londres, au mois d’août. affaire l’occasion d’améliorés sur la base de Guantánamo, à Cuba. rer son image, d’occulter le fait que son Ce qui n’est pas de nature à apaiser les pays est tout sauf un modèle en matière craintes du journaliste australien, qui de liberté d’expression et de contester au redoute d’être livré à la justice suédoise, Vénézuélien Hugo Chávez son rôle de laquelle pourrait l’extrader vers les Étatsleader régional. Il découvre bientôt que Unis – où il est convaincu de risquer la son hôte est bien encombrant et que la peine de mort. CIA est en train d’investir des dizaines de Tout a commencé en juillet 2010 avec la millions de dollars pour empêcher sa réépublication par WikiLeaks d’une série de lection, en février 2013. Il cherche désordocuments secrets concernant la guerre mais une porte de sortie et insiste pour en Afghanistan et le voyage d’Assange à que les autorités suédoises dépêchent à Stockholm pour une série de conférences. Londres un magistrat afin d’interroger Le 21 août, il est accusé d’avoir, la semaine Assange – dont l’état de santé, semblet-il, se dégrade – et qu’elles donnent la précédente, violé et agressé sexuellement deux jeunes femmes. Il nie formelgarantie formelle qu’il ne sera pas extradé lement les faits qui lui sont reprochés et, vers un autre pays. ● MARIE VILLACÈQUE TONY KYRIACOU/REX FEA/REX/SIPA
à sa vivacité sur le terrain et, en 2010, l’équipe des Rapids du Colorado fait appel à lui. Il y passera l’année 2011 avant d’être finalement recruté par l’Impact de Montréal.
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Europe, Amériques, Asie INDE
Femmes au bord de la crise de nerfs Agressions, viols, immolations par le feu, enlèvements… Au pays du mahatma Gandhi, la vie est souvent un enfer pour le « deuxième sexe ».
THE NEW YORK TIMES/REA
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L
! ÉCOLE DE BOXE À TRIVANDRUM (SUD) : bonne façon de se défendre, non ?
a nuit tombe sur Gauhati, dans le nord-est de l’Inde. À la sortie d’un bar du centre-ville, une jeune fille est molestée par une bande de jeunes désœuvrés. Elle réussit à s’échapper, court le long d’une avenue encombrée de voitures et de bus, appelle à l’aide… Personne ne s’arrête. Très vite, elle est rattrapée par ses agresseurs. Son supplice va durer longtemps. Au bout de quarante-cinqminutes,lapolicedébarque enfin et disperse les voyous. Cette pénible scène a eu lieu au cours de l’été dernier. Filmée par un caméraman de la télé locale, elle a été diffusée dès le lendemain par les médias et a suscité la polémique dans tout le pays. Choqués par la sauvagerie de l’agression, journalistes et sociologues se sont gravement interrogés sur la condition de la femme indienne. Le rapport de la police a été rendu public. Il fait état de brûlures de N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
cigarette sur les bras et la poitrine de la victime. Bien que leurs visages soient clairement identifiables sur les images diffusées, les agresseurs sont encore loin d’avoir tous été arrêtés. TENTATRICE. Cette indif-
par nos filles a pour conséquence d’éroder les fondements de notre culture et de provoquer ce genre d’agressions », a-t-elle déclaré à la presse. Bref, c’est l’inusable rengaine de la femme occidentalisée, et donc, forcément, tentatrice. On imagine les réactions des associations féministes ! La palette des exactions dont les Indiennes sont quotidiennement victimes est large. Il y a les violences sexuelles, bien sûr, mais aussi les immolations par le feu pour des affaires de dot ou l’infanticide des petites filles. Selon une étude de la revue médicale The Lancet, 12 millions de fœtus féminins ont été supprimés au cours des trois dernières décennies. Du coup, il naît sensiblement moins de filles que de garçons : 914 pour 1000, selon le dernier recensement (2011). De même, l’augmentation du nombre des procédures engagées pour agression contre une femme se passe de commentaire: + 7,1 % entre 2010 et 2011. Selon les statistiques du National Crimes Records Bureau, ce n’est guère mieux pour les enlèvements (+ 19,4 %), les viols (+ 9,2 %) et les meurtres liés à une affaire de dot (+ 2,7 %). SORDIDE. Les journaux regorgent d’anec-
dotes sordides. Au mois de juillet, la police aparexemplearrêtédansl’ÉtatduMadhya Pradesh un homme de 38 ans accusé d’avoir « percé des trous » dans les parties génitales de sa femme, qu’il fermait soigneusement chaque matin avant de partir au travail au moyen d’un cadenas. Dans le sud du pays, un dentiste obligeait
férence policière n’a rien Elle parvient à s’échapper et court de surprenant. Elle est à le long d’une avenue en appelant l’image d’une société qui ferme trop volontiers les à l’aide. Personne ne s’arrête. yeux sur les pires violences commises contre les femmes au sein sa femme à boire son urine, parce qu’il même des familles. Dans l’affaire de jugeait insuffisant le montant de sa dot. Gauhati, le comble de l’insensibilité a été Même dans les rues de la capitale fédérale, atteint par la Commission nationale pour les enlèvements ne sont pas rares… les femmes, organisme officiel pourtant Un sondage international réalisé auprès censé défendre les victimes. À en croire de 370 spécialistes des relations hommesMamta Sharma, sa présidente, tous les femmes classe l’Inde comme le pays du G20 le plus dangereux pour les femmes. malheurs de la jeune femme tiennent au Oui, oui, devant l’Arabie saoudite ! ● fait que, le jour fatal, elle était vêtue d’une jupe. « L’imitation aveugle de l’Occident TIRTHANKAR CHANDA JEUNE AFRIQUE
LE PLUS
de Jeune Afrique
GOUVERNEMENT Dans les pas de Bouteflika
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SOCIÉTÉ Les sept péchés capitaux INTERVIEW Mourad Medelci, ministre des Affaires étrangères ÉCONOMIE Recettes, dépendances et doléances
ALGÉRIE
VINCENT FOURNIER/J.A.
Ce qui a changé, ce qui doit changer
JEUNE AFRIQUE
N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
D’Alger
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la Blanche…
Le Plus de Jeune Afrique
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Prélude
Marwane Ben Yahmed
Avec Hollande, on respire…
S
I LES FRANÇAIS SEMBLENT ou non, les bénéfices qu’ils pourraient en déjà, pour de bonnes, mais aussi tirer l’emportent largement sur les écueils de mauvaises raisons, douter de à surmonter. Cinquante ans après l’indéleur nouveau président, six mois à pendance de l’Algérie, il n’est toujours pas peine après son élection, les Algériens, eux, trop tard pour s’en apercevoir. ne peuvent que se réjouir de son arrivée En diplomatie, la méthode et la perau pouvoir. Même les plus jeunes d’entre sonnalité des interlocuteurs importent eux, guère passionnés – comme le sont leurs aînés – par les remugles de l’Histoire, beaucoup plus qu’on ne le pense, parfois savent que la France de Hollande n’a rien plus que les intérêts – même évidents – à voir avec celle de son prédécesseur. Plus des parties en présence. L’Union pour de Christian Estrosi, de Thierry Mariani la Méditerranée de Nicolas Sarkozy était ou, pis, de Gérard Longuet pour exhiber mort-née justement parce que la méthode leur insondable bêtise au sommet de l’État utilisée pour la créer et l’imposer à la – fondée en partie sur des considérations hussarde n’était pas la bonne. Les mots électoralistes de bas étage –, pour adresser et les actes qui ont jalonné la fin de l’ère des bras d’honneur ou vanter les mérites Chirac puis le mandat de Sarkozy non de la « mission civilisatrice » de la France plus. Hollande l’a bien compris, qui fait en Algérie (et ailleurs) avant 1962. du dossier algérien, avec la crise au Sahel Avec la gauche et Hollande, enfin, – et les deux sont liés –, l’un des défis l’heure de la décrispation a sonné. Il ne majeurs de la politique étrangère de son sera évidemment pas question de repenquinquennat. tance. Mais nous n’aurons pas non plus à subir la L’heure de la décrispation a sonné. litanie de poncifs coloS’il n’est pas question de repentance, nialistes sur les kilomètres de route construits, l’héle dialogue de sourds, lui, est terminé. roïsme de Bigeard, les massacres perpétrés par le FLN mis sur Cela tombe plutôt bien, d’ailleurs, le même plan que celui de Sétif, le sacripuisque l’Algérie est elle aussi dans des fice d’instituteurs, de médecins et de dispositions plus propices à un dialogue fonctionnaires qui ont tant donné pour fructueux. Un nouveau Premier ministre, un pays qui, sans eux, ne serait jamais avec lequel il est difficile de ne pas s’enentré dans l’Histoire… tendre – ce qu’a constaté le chef de l’État français lors de leur rencontre en marge À ce titre, la visite de François Hollande du sommet 5+5 à Malte ; un Abdelaziz Bouteflika préoccupé, entre autres, par en Algérie, prévue en décembre prochain, nous renseignera un peu plus sur l’avele passage de témoin entre sa génération, nir des relations entre deux États qui, celle de l’indépendance, et les suivantes, malgré leurs liens évidents, ont toujours qu’il doit mener à bien d’ici à la fin de son nourri une défiance et une amertume récimandat, en 2014 ; un pays qui, dans sa majorité (70 % de la population a moins proques. Pour enfin sortir du dialogue de de 30 ans), est désireux de s’ouvrir sur le sourds en vigueur sous Sarkozy – politique surtout, parce qu’en termes de business monde et de se débarrasser des carcans les a priori et les rancœurs s’envolent historiques comme sociaux ou religieux qui subitement – et regarder ce que deux pèsent sur ses épaules… Depuis l’élection de Bouteflika, en 1999, jamais la situation grands pays riverains de la Méditerranée, si complémentaires, peuvent construire n’a été aussi favorable. Et, bientôt, une ensemble. Parce que, qu’ils le veuillent nouvelle ère s’ouvrira. ● JEUNE AFRIQUE
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GOUVERNEMENT Dans les pas de Bouteflika
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SOCIÉTÉ Les sept péchés capitaux p. 80 POLITIQUE Grandes et petites manœuvres
p. 85
INTERVIEW Mourad Medelci, ministre des Affaires étrangères p. 87 ÉCONOMIE Recettes, dépendances et doléances p. 90 ENTREPRENEURIAT Chronique d’un désamour p. 92
TERRITOIRES Tu seras un rural, mon fils…
p. 94
BONNES FEUILLES Le Pétrole et le Gaz naturel en Algérie, par Belaïd Abdesselam, premier DG de Sonatrach p. 96 CULTURE ET LOISIRS Éden à l’Ouest p. 102 MÉMOIRE Que sont les « justes » devenus ? p. 104
Le Plus de Jeune Afrique
NOUVEAU GOUVERNEMENT
DANS LES PAS ! LE PRÉSIDENT ALGÉRIEN et le nouveau Premier ministre, Abdelmalek Sellal (à l’arrière-plan).
LOUAFI LARBI/REUTERS
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Ce qui a changé, ce qui doit changer
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DE BOUTEFLIKA À un an et demi de la présidentielle, Abdelaziz Bouteflika prépare sa succession. Il a remanié le gouvernement, revu sa feuille de route, et appelle à une réconciliation d’un nouveau genre. Celle des citoyens avec l’État.
CHERIF OUAZANI
E
n annonçant à demi-mot qu’il n’envisageait pas de briguer un quatrième mandaten2014,leprésidentAbdelaziz Bouteflika a créé une situation inédite en Algérie : la fin du bail du locataire d’El-Mouradia est connue avant la tenue de la présidentielle. Jamais pareil scénario ne s’était produit. L’opinion publique paraît déconcertée, et la classe politique interdite. D’autant que, maître du contre-pied, Abdelaziz Bouteflika trouve le moyen de dérouter. Alors qu’on imagine un chef d’État en fin de règne préparant sa succession et rédigeant un testament, Bouteflika, lui, a présenté une nouvelle feuille de route. Le 4 septembre, il a opéré un large remaniement du gouvernement, changé de Premier ministre et choisi Abdelmalek Sellal à la place d’Ahmed Ouyahia. De nouveaux partis ont fait leur entrée dans l’exécutif, mais la dimension politique importe peu quand il s’agit d’un gouvernement de mission.
CONFIANCE. C’est la définition qui est venue à l’esprit quand Abdelmalek Sellal a dévoilé, le 25 septembre, le plan d’action de son gouvernement devant la représentation nationale. Ce plan s’articule autour des préoccupations quotidiennes du citoyen (lire pp. 80-82). L’objectif est d’améliorer son cadre de vie, de préserver sa sécurité pour gagner sa confiance, et de mobiliser tous les moyens possibles afin de l’encourager à participer au processus d’édification du pays. Cœur de cible: la jeunesse, « pour lui redonner espoir en matière de formation, d’emploi et de logement », a affirmé le Premier ministre. L’ordre public, la sécurité des personnes et de leurs biens, ainsi que la lutte contre la corruption et les fléaux sociaux figurent également parmi les priorités de l’heure. « Il s’agit d’une réconciliation de notre société avec l’État et du citoyen avec son administration », a poursuivi Abdelmalek Sellal. Réconcilier administrés et administration? Vaste programme, tant la bureaucratie semble avoir durablement brouillé les rapports entre gouvernés et gouvernants, et menace les efforts consentis pour le développement économique. L’administration JEUNE AFRIQUE
Opinion publique déconcertée, classe politique interdite. La situation est inédite.
constitue en effet un important rouage du système en place depuis l’indépendance. Sans doute moins influente que l’armée, elle est néanmoins dotée de terribles capacités de nuisance. Dans les couloirs du palais de Saadane, siège du gouvernement, on ne semble pas découragé par l’ampleur de la tâche. « Il y a du boulot, soupire un proche collaborateur d’Abdelmalek Sellal. Cela dit, il n’y a aucune raison pour qu’un pays qui a réussi à sortir d’une quasi-guerre civile par un processus politique appelé Réconciliation nationale échoue dans sa tentative de réhabiliter son administration et de redynamiser ses services publics. » Comment? Dans ses réponses aux députés, Abdelmalek Sellal assure que tous les moyens de l’État seront mobilisés pour la mise en œuvre de sa feuille de route. ANNONCES. Enmatièred’environnement,ildévoile
un plan d’éradication des décharges sauvages, et prometlapoursuitedudémantèlementdesmarchés informels qui ont envahi l’espace public et empoisonnent la vie des piétons et des automobilistes. Pour mettre fin aux délestages durant les périodes de grande chaleur, notamment dans les villes du Sud, un programme de réalisation de centrales électriques a été mis en branle. Pour faire face à la couverture des besoins énergétiques, en croissance constante, la construction de cinq raffineries et de 34 stations-service autoroutières a été envisagée. La mise en eau de 17 nouveaux barrages fera quant à elle passer le taux de raccordement aux réseaux d’alimentation en eau potable de 95 % à 98 %. S’agissant des problèmes liés à l’éducation, à la santé publique, aux transports et aux télécommunications, Sellal annonce la couleur: « Le programme économique du président de la République sera poursuivi jusqu’à l’atteinte des objectifs fixés. » MENACE. Ainsi, au cours des dix-huit mois à venir, outre la généralisation du haut débit pour la connexion internet, plus de 304 nouvelles structures hospitalières et 1168 établissements scolaires devraient être achevés. En matière de transports, les réseaux routiers et ferroviaires s’étofferont respectivement de 4 500 km et 2 200 km. Pour ce qui est de la crise du logement (lire pp. 90-91), qu’il qualifie de « sérieuse menace pour la stabilité du pays », le Premier ministre promet une enveloppe de 3500 milliards de dinars, soit 34 milliards d’euros, destinée à la construction de 2,1 millions de logements au lieu du million prévu initialement par le programme présidentiel. Voilà pour la feuille de route. Pour le testament, on verra plus tard… ● N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
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Le Plus de J.A. Algérie SOCIÉTÉ
Les sept péchés capitaux
Bureaucratie, accès au logement et aux soins difficile, problèmes de transport… Le nouveau gouvernement promet de s’attaquer aux fléaux qui minent le quotidien des Algériens. Un chantier colossal.
E
n répondant aux députés lors de la présentation du plan d’action de son gouvernement devant le Parlement, mi-octobre, le nouveau Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a eu recours à cette anecdote : « Quand nos gardes-côtes interpellent des harraga [candidats à l’émigration clandestine, NDLR] en haute mer, ils leur demandent pourquoi ils courent le risque d’une mort certaine pour fuir un pays où l’on ne meurt pas de faim, où l’on ne s’entretue plus, un pays caractérisé
par sa stabilité politique et son aisance financière. Ils obtiennent toujours la même réponse : en Algérie, on étouffe. » L’air serait-il si pollué dans le pays de Bouteflika ? Sellal poursuit. « Nos jeunes sont coincés entre la yadjouz [terme désignant « ce qui n’est pas permis », utilisé pour décréter l’interdit religieux] et la rigueur de la loi. Ne sommes-nous pas capables de les laisser vivre sans pour autant toucher à nos valeurs religieuses et traditionnelles, ni renoncer aux lois de la
République ? » Il est vrai que le manque de loisirs est l’une des premières raisons citées par les jeunes Algériens pour dire leur « mal-vie ». Le plus grand pays d’Afrique (près de 2,4 millions de km2), où vit une population de 37 millions d’habitants, compte en effet moins de cinquante salles de cinéma et une petite dizaine de théâtres. « Entre projections cinématographiques, pièces de théâtre, music-hall et concerts, on recense 800 spectacles quotidiens pour la seule ville de Paris. Chez nous, sur toute l’étendue du territoire, on peine à arriver à la moitié… en une année ! » déplore Najib, journaliste dans un quotidien privé arabophone. Sans compter que, sous la pression des riverains, les boîtes de nuit ferment les unes après les autres. Une activité nocturne, mixte qui plus est, ne peut être que suspecte. TRACAS. Pour remettre
du baume au cœur de ses jeunes et moins jeunes administrés, le nouveau gouvernement a placé en tête de ses priorités l’amélioration des conditions et du cadre de vie des citoyens, laquelle passe par « le renforcement de tous les services publics, leur réhabilitation et leur redynamisation ». Les petits tracas quotidiens de l’Algérien – pris dans les méandres de l’administration et de la justice (lire p. 84), les problèmes de logement, de santé (lire p. 83), de sécurité, de transport, et la morosité du cadre de vie – tenant N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
JEUNE AFRIQUE
Ce qui a changé, ce qui doit changer
* Pot-de-vin.
en effet en premier lieu aux péchés dont en quelques mois, de lutter contre l’incivisme et de réapprendre aux gens à vivre se rend coupable la houkouma, c’est-àdire « le gouvernement » stricto sensu ensemble… » Car il est vrai que tous les mais aussi, plus largement, « les poumaux de la société ne sauraient être imputés à la seule houkouma, les citoyens voirs publics » et les services qui leur ayant eux aussi leur part de responsabilité sont attachés : administration centrale dans cette dégradation du cadre de vie. et locale, tribunaux, police, pompiers, hôpitaux, transports… BAKCHICHS. Prenons d’abord le cas Un membre de l’équipe Sellal ayant une longue expérience gouvernementale épineux de la bureaucratie, considérée et réputé proche d’Abdelaziz Bouteflika ne cache pas, en Les citoyens aussi ont leur part privé, son appréhension. « De de responsabilité dans la tous ceux qui se sont succédé dégradation du cadre de vie. depuis l’indépendance – hormis le premier, qui a dû faire face à d’énormes difficultés –, l’actuel par la plupart des Algériens comme la gouvernement dispose de la feuille de principale plaie du pays. Survivance de route la plus délicate. Un programme de la clandestinité au cours de la guerre de développement bien mené peut remettre libération, l’administration se méfie de à niveau une économie ; en revanche, il ses administrés. Une inscription scolaire est difficile de transformer les mentalités ou une admission à l’hôpital nécessitent JEUNE AFRIQUE
une tonne de paperasses, le meilleur raccourci pour nourrir la corruption et ses bakchichs, alias chkara (« sac bourré de billets de banque »). « On peut demander au gouvernement d’alléger les procédures, analyse Nabil, 30 ans, cadre supérieur dans un établissement financier, mais com me nt s e débarrasser de l’écrasante majorité des fonctionnaires véreux qui réclament 10 000 d i na r s [e nv i ron 100 euros] pour un extrait de naissance et 50 000 dinars pour le « 12S » [acte de naissance obligatoire pour les dossiers d’obtention de passeport et de nationalité] si le demandeur veut éviter une longue attente? » Bien que l’islam soit particulièrement sévère à l’égard de la corruption et que le pays connaisse un regain de religiosité, corrompus et corrupteurs se retrouvent le soir à la mosquée, comme si de rien n’était. « Chez nous, conclut Nabil, l’enfer ce n’est pas la houkouma. L’enfer de l’Algérien, c’est l’autre Algérien. » Comment lutter en effet contre un voisin qui balance son sac d’ordures ménagères depuis sa fenêtre du sixième étage et transforme la rue en décharge publique ? Ne pensez surtout pas que ce dernier perd pied quand il est pris en flagrant délit : « Ce n’est pas de ma faute si l’ascenseur est en panne et que le vide-ordures est squatté par une famille qui attend d’être logée depuis des lustres. » INCIVILITÉS. Résultat de ces petites liber-
tés prises par les uns et les autres : les villes et les villages du pays sont devenus sales, insalubres, les rues et les espaces publics sont rendus irrespirables et infréquentables. « Les mutations sociales ont N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
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Le Plus de J.A. Algérie engendré une multiplication de maladies cardiovasculaires contre lesquelles la meilleure thérapie est l’activité physique, raconte Manar, vétérinaire à Blida. Mais où faire un jogging en toute sécurité? Nos villes ne se sont pas dotées de parcours où l’on puisse courir à son aise. Quant à parler d’installations sportives, cela relève du fantasme… » Tout comme faire un tennis à Alger d’ailleurs, la capitale n’offrant qu’une dizaine de courts à ses 3,5 millions d’habitants. DISPARITÉS. L’incivilité frappe aussi sur
les routes algériennes, parmi les plus meurtrières du monde, avec des chauffards roulant constamment à tombeau ouvert, persuadés que le code est pour les autres et la route réservée à leur usage exclusif. Le problème est que, de leur côté, les piétons algériens sont eux aussi sûrs d’avoir tous les droits, y compris
celui de traverser une autoroute l’oreille collée à un téléphone portable. Résultat des courses : les accidents de la circulation sont devenus la première cause de mortalité en Algérie et les services d’urgence des hôpitaux sont toujours débordés, d’autant que, et c’est l’un
des hôpitaux, parfois équipés de matériel de dernière technologie, mais, faute de personnels, d’encadrement et de moyens, ces infrastructures et équipements ne peuvent rien face au désarroi des populations locales, obligées de se déplacer au nord pour avoir une chance de se faire soigner… Car, là encore, tout dépendra des Le seul changement qui vaille pots-de-vin qu’elles pouraujourd’hui ? Celui des mentalités. ront verser pour obtenir un rendez-vous ou espérer des autres maux du pays (lire tribune subir une intervention chirurgicale. p. 83), ils sont encore loin d’être pourSi le fonctionnement et les perforvus des moyens humains et matériels mances des services publics sont certes nécessaires. « engourdis » par la bureaucratie et la En l’occurrence, si les vertus de la corruption, le seul changement qui vaille médecine gratuite sont incontestables, aujourd’hui en Algérie est, sans aucun le secteur de la santé présente des disdoute, celui des mentalités. « La mère de parités régionales qui le sont bien plus. toutes les batailles du développement », Particulièrement dans les villes et les comme l’a souligné Abdelmalek Sellal. ● territoires du Sud. On y a bien construit CHERIF OUAZANI
ALGER, BAIE PLAISANTE
ARTE CHARPENTIER
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! LA GRANDE PROMENADE, CONÇUE PAR LES URBANISTES D’ARTE CHARPENTIER, sera prête pour l’été 2013.
I
nscrite dans le plan d’action du gouvernement Sellal, la stratégie de réhabilitation de la ville d’Alger a été dévoilée le 24 octobre par Mohamed Kebir Addou, wali (préfet) de la capitale : aménagement de la baie, restauration de la Casbah et réhabilitation du vieux N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
bâti, portant sur 12 000 logements qui constituent le cœur d’Alger. Cette stratégie engagée en 2011 – et qui doit être achevée en 2029 – est dotée d’une enveloppe de 202 milliards de dinars (près de 2 milliards d’euros). La livraison la plus attendue est sans
doute la promenade de la baie, principal joyau de la capitale, dont les Algérois n’ont jamais réellement profité. Cheminements piétons, commerces, parcours de jogging, espaces verts et de loisirs… Son aménagement sur 4,5 km de long (entre l’embouchure de l’oued
El-Harrach et la station de dessalement d’eau de mer d’El-Hamma), prévu pour juillet 2013, permettra aux citadins de se réapproprier le front de mer, jusque-là interdit aux piétons et où seuls quelques hardis pêcheurs à la ligne étaient tolérés. ● CH.O. JEUNE AFRIQUE
Ce qui a changé, ce qui doit changer
TRIBUNE
Opinions & édittoriaux
Les maux de la santé
CONSTANCE DESLOIRE
C DR LYES MERABET Médecin, président du Syndicat national des praticiens de santé publique
OMME LE PAYS, qui connaît de profondes mutations, le secteur de la santé fait face à d’importants changements, inhérents à une évolution humaine naturelle, mais aussi à des comportements sociaux et individuels qui impliquent des impératifs sanitaires nouveaux. La transition épidémiologique induite par les bouleversements socioéconomiques que vit notre pays, l’évolution de la recherche et des technologies médicales ainsi que l’allongement de la durée de vie ont permis d’identifier les vrais besoins de santé de la population. Mais aussi de mettre au jour d’autres exigences, qu’il faudra prendre en charge au titre des objectifs de la politique nationale de santé. Des moyens financiers appréciables dégagés pour le secteur, des infrastructures nombreuses et bien réparties sur le territoire national, une multidisciplinarité avérée et des professionnels disponibles et compétents devraient autoriser une certaine sérénité pour appréhender ces mutations. Toutefois, l’organisation structurelle des services de santé est incapable de traduire ces moyens en prestations de soins et en actions préventives à la hauteur de notre pays. La carte sanitaire peine à répondre à la réalité nationale, la disponibilité et la distribution des médicaments et des vaccins souffrent de perturbations chroniques, la maintenance des plateaux techniques fait défaut… et un secteur privé – qu’il est urgent de coordonner aux exigences du système national de santé – émerge de façon non régulée. Les relations entre patients et praticiens, en butte aux mêmes insuffisances, s’établissent au sein d’un système de dysfonctionnements quotidiens. Lequel compromet la concrétisation des programmes nationaux de santé publique, dont la gestion administrative est souvent approximative, voire aléatoire.
appliquée – qu’il est important de promouvoir – dans le but d’établir des profils épidémiologiques pour chaque entité géosanitaire. Il serait ainsi possible d’orienter les programmes de prévention. Pour ce faire, le ministère de la Santé doit s’ouvrir aux compétences et s’affranchir des comportements autarciques qui sclérosent l’initiative. L’obsession pour la collecte de chiffres et de données statistiques arrangés ne conduit qu’à des incohérences et à des attitudes irrationnelles dans l’usage de ressources bien souvent évanescentes. Les réformes initiées en 2003 proposaient déjà de prendre en charge cette problématique à travers une refonte complète du système national de santé. Mais, à notre grand regret, les meilleures volontés peuvent être bridées par des cercles rentiers dont la seule expertise reconnue est d’entraver la réussite des réformes qui nous préoccupent. Le Syndicat national des praticiens de santé publique appelle à l’ouverture d’un débat national sur le système de santé. Un débat responsable et libre de toute forme de conflit d’intérêts économiques ou poli-
Les relations entre patients et praticiens s’établissent au sein d’un système de dysfonctionnements quotidiens.
La demande de soins doit être hiérarchisée, quantifiée et évaluée à travers des paramètres scientifiquement établis. Des professionnels du secteur pourraient conduire la recherche JEUNE AFRIQUE
tiques. En matière de répartition budgétaire, la santé doit être au cœur des priorités nationales, afin de permettre la réalisation des objectifs assignés au secteur à l’horizon 2014 et 2025. Un plan de réforme des études médicales, la mise en place d’une réelle politique de formation continue, la réhabilitation des différents personnels liés aux soins, une meilleure maîtrise des dépenses de santé, la régulation de l’activité de soin dans le secteur privé, la réduction de la dépendance de l’Algérie en matière d’importation de médicaments sont autant d’éléments qui doivent guider le redressement de notre système de santé. ● N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
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TRIBUNE
Opinions & éditoriaux
Quels droits pour quelle défense?
DR
L ME FATIHA BELGACEMCHELOUCHE Avocate au barreau d’Alger, ex-députée du Front de libération nationale (FLN) et ancienne membre de la commission des affaires juridiques de l’Assemblée populaire nationale
E DÉBAT AUTOUR DU PROJET DE LOI portant sur l’organisation de la profession d’avocat, inscrit à l’ordre du jour de la session d’automne des deux chambres du Parlement, promet d’être très houleux. En 2011 déjà, soumis une première fois à la représentation nationale, ce projet avait soulevé de vives critiques de la part du barreau. Pour rappel, les droits de la défense ont été garantis par les Constitutions successives de l’État algérien. Dans le cadre des réformes de ce dernier, le président Abdelaziz Bouteflika a mis en place, en 1999, la Commission nationale de réforme de la justice (CNRJ), présidée par feu Mohand Issad, un éminent juriste. Parmi ses recommandations, les droits de la défense occupent une place incontournable.
Toutefois, à la lumière de l’évolution du droit dans le monde et des principes universels, l’analyse du projet de loi révèle un décalage entre l’exposé des motifs et le dispositif. Ce qui pourrait faire reculer les droits de la défense. Si l’exposé des motifs réaffirme que « les droits de la défense sont indissociables des droits de l’homme et des libertés », et aussi « que la profession d’avocat est une profession libérale et indépendante, qu’elle œuvre pour le respect et la sauvegarde des droits de la défense, qu’elle concourt à l’œuvre de justice », la lecture du dispositif – dans les articles 9 et 24 – surprend. Le premier stipule (dans son alinéa 2) que « toute entrave commise par l’avocat au cours normal de l’administration de la justice engage sa responsabilité ». Quelle est l’entrave ? Qui la détermine? Quant à l’article 24, il met en place une procédure diligentée sur l’heure par le magistrat siégeant au cours de l’incident avec, pour conséquence immédiate, des poursuites disciplinaires contre l’avocat. Ainsi, l’incident devient délit.
autre temps. Quel devenir pour la défense si l’avocat doit exercer sous la pression d’une telle menace ? Il ne peut y avoir d’État de droit sans un barreau libre et crédible. Le débat qui s’ouvre doit conduire le conseil de l’ordre à mobiliser toutes les énergies pour encadrer les générations nouvelles et les former aux règles de la mission de défense. Pour le consacrer et le renforcer, l’État doit associer les membres du barreau à tous les débats juridiques, leur fournir les moyens de développer la formation et assurer de meilleures conditions d’accès à l’information et à la documentation. Autre problématique qui préoccupe le barreau: le mode d’élection du conseil de l’ordre. Celui-ci, présidé par un bâtonnier, gère et représente les avocats. Le projet de loi actuel reproduit les schémas précédents d’organisation, de fonctionnement et d’élection des organes. Au sein de la Commission nationale
Il ne peut y avoir d’État de droit sans un barreau libre et crédible. Ses membres doivent participer à tous les débats juridiques.
Devant les juridictions pénales, il arrive à l’avocat d’élever la voix pour faire entendre la cause de son mandant. Non pour outrager qui que ce soit. Ces deux articles sont d’un N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
de recours, le rôle des représentants du barreau reste minoritaire. Selon le projet, celle-ci est présidée par un magistrat. Or cette commission est chargée d’examiner les fautes disciplinaires des avocats. Une présidence tournante consoliderait le rôle de la défense dans la gestion de la profession. Ses droits concernent tout un chacun. C’est pourquoi le législateur doit être à l’écoute des propositions et recommandations des représentants du barreau. L’évolution des règles de droit à travers le monde, l’adhésion de l’Algérie aux conventions internationales, le développement et la rapidité des échanges internationaux font de la protection des droits de la défense un devoir pour le barreau. C’est pourquoi le débat sur l’organisation de la profession d’avocat ne saurait se tenir sans lui. ● JEUNE AFRIQUE
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! ABDELAZIZ BELKHADEM, secrétaire général du FLN, ET AHMED OUYAHIA, celui du RND. POLITIQUE
Grandes et petites manœuvres nationales, la commission Bensalah – du nom du président du Conseil de la nation (Sénat) qui la dirigeait – a présenté, en juin 2012, un volumineux rapport contenant l’ensemble des propositions recueil« candidat naturel », ils savent qu’une lies. Depuis, silence radio à El-Mouradia étape déterminante reste à venir. De sur la question de la Constitution. toutes les réformes politiques promises « Rien de sérieux ne pourra être envisagé par Abdelaziz Bouteflika, une seule n’a avant que l’on sache de quoi sera fait le pas encore été menée : l’adoption d’une texte fondamental, confie un membre du nouvelle Constitution, qui devra définir le projet de société et l’édifice institutionnel bureau politique du Front de libération de l’Algérie de demain. « Le processus nationale (FLN). Si l’on est persuadé que suit son cours », assure-t-on au palais l’option du régime parlementaire prônée par l’opposition ne sera certainement pas retenue, des détails Parce qu’il veut briguer l’investiture du FLN, Belkhadem concernant l’édifice institutionnel, tels que la création ou non s’attire les foudres de son parti. du poste de vice-président et la répartition des prérogatives au d’El-Mouradia, siège de la présidence de la sein de l’exécutif entre le président et son République. Mais le processus en question Premier ministre, conditionnent le choix semble connaître quelques difficultés. de notre stratégie. » Annoncée pour la fin de l’année en cours, la mouture que doit présenter LES DEUX EX. Portée par les islamistes Abdelaziz Bouteflika aux deux chambres et les trotskistes du Parti des travailleurs duParlement(avantdelasoumettreausuf(PT, de Louisa Hanoune), la revendication frageuniverselparlebiaisd’unréférendum d’un régime parlementaire a souffert du populaire) est toujoursdansles limbes. Pis, résultat des législatives de mai, à savoir la commission de juristes chargée de la l’émiettement de la représentation natiorédiger n’a même pas été nommée. Après nale. La nouvelle législature enregistre la avoir piloté une large concertation avec présence de députés issus de 27 partis différents.Cettesituationruinelesarguments les partis politiques et les personnalités
Nouvelle Constitution, présidentielle et crise malienne. Trois dossiers qui agitent les états-majors des partis.
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lus de quarante nouveaux partis ont obtenu leur agrément depuis le 1er janvier 2012, à la faveur des réformes initiées par Abdelaziz Bouteflika. Ils viennent grossir une classe politique déjà forte d’une cinquantaine de partis, dont une dizaine peut décemment revendiquer une implantation nationale, voire une notoriété régionale. C’est dire si l’échiquier est loin d’être bouleversé par les nouveaux arrivants. Prévues le 29 novembre, les élections locales (lire article p. 86) constituent certes la préoccupation du moment des étatsmajors politiques, mais leur obsession est ailleurs: la présidentielle de 2014, un grand rendez-vous électoral qui équivaut à un passage de témoinentre la génération de la guerredelibération,restéeplusd’undemisiècle au pouvoir, et la génération postindépendance, qui trépigne d’impatience. C’est du moins ce qu’a laissé entendre le président Abdelaziz Bouteflika à Sétif, le 8 mai 2012, quand il a déclaré devant un auditoire ébahi : « Notre génération a fait son temps. » Cependant, avant que les partis ne se consacrent exclusivement à trouver leur JEUNE AFRIQUE
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Le Plus de J.A. Algérie des partisans du régime parlementaire. « Ce serait la promesse d’une instabilité politique chronique et d’un pays ingouvernable », conclut notre baron du FLN. Bien que victorieux à l’issue des législatives, l’ancien parti unique traverse une zone de fortes turbulences. Et c’est encore la présidentielle à venir qui est en cause. Pour avoir affiché son ambition de briguer l’investiture du parti en 2014, le secrétaire général du FLN, Abdelaziz Belkhadem, s’est attiré les foudres de son comité central, qui veut le destituer. Autre partant possible pour la compétition de 2014, Ahmed Ouyahia, dirigeant du frère jumeau du FLN, le Rassemblement national démocratique (RND), est lui aussi soumis à un vent de fronde. Les deux ex-Premiers ministres sont les grands perdants du remaniement : Ouyahia a perdu son poste de chef du gouvernement, et Belkhadem son maroquin de
représentant personnel du président de la République. Toutefois, contrairement à son rival du FLN, le patron du RND a maintenant le temps de sillonner le pays à la rencontre des personnalités locales. Bref, il fait le meilleur travail de proximité possible pour rattraper quelque peu son déficit de popularité. ACTIVISME. En dehors de la majorité, la
situation n’est pas plus calme. Doyen des partis d’opposition, le Front des forces socialistes (FFS) vit une étape délicate. Avec le départ annoncé de son vieux leader, Hocine Aït Ahmed, 86 ans, la bataille de la succession fait rage et semble mener le FFS vers l’implosion. Les islamistes de l’Alliance de l’Algérie verte (AAV) ne semblent pas avoir digéré leur déroute lors du scrutin législatif, un échec cuisant comparé aux succès de leurs homologues tunisiens, libyens, marocains et égyptiens.
Les trotskistes du PT sont la seule force politique officiellement opposée à une intervention militaire algérienne dans le Nord-Mali. « Nous refusons d’être dupes, répète Louisa Hanoune, secrétaire générale du PT. Pas question de céder aux appels des sirènes et autres compliments que nous adressent les pays occidentaux en nous déclarant incontournables dans la région pour que notre armée s’engage dans le bourbier malien. » Quant aux laïcs du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), après avoir boycotté les législatives, ils ont décidé de participer aux élections locales du 29 novembre, mais ils resteront à l’écart des studios de la télévision publique pendant la campagne. Entre Constitution et présidentielle à venir, bruits de bottes aux frontières et boycotts en tous genres, la classe politique fait plus de l’activisme que de l’activité partisane. ● CHERIF OUAZANI
Rendez-vous à l’heure locale Les prochaines élections changeront le visage des assemblées municipales et régionales. Notamment avec le quota de 30 % de femmes.
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es élections locales du 29 novembre mettent en jeu les sièges de 1 542 assemblées populaires communales (APC, municipalités) et 48 assemblées populaires de wilaya (APW, parlements régionaux). Organisées au scrutin de listes à la proportionnelle, elles mobilisent 52 partis politiques et près de 179 listes indépendantes. Premier du genre depuis les réformes du code de la commune et du code de la wilaya, qui introduisent de nouvelles dispositions visant à améliorer la bonne gouvernance locale et accordent de nouvelles prérogatives aux élus locaux, ce rendez-vous électoral a une autre particularité : il signe la fin d’un mandat marqué par une forte hausse du nombre des cas de corruption impliquant des présidents d’APC (titre officiel du maire en Algérie). Selon un comptage de la presse privée, plus de 160 maires algériens, soit 10 % de l’ensemble, ont eu maille à partir avec la justice pour des affaires N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
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! FAUTE DE CANDIDATES, de grands partis seront absents du scrutin dans plusieurs communes.
de détournement de deniers publics. Certains ont déjà été jugés et condamnés, et croupissent en prison. Ce qui n’a pas découragé les vocations. De nombreux partis, notamment les plus influents, ont eu du mal à trancher face à l’afflux de prétendants. Le phénomène de la chkara (« sac bourré de billets de banque », terme qui désigne la corruption, lire pp. 80-82) n’a pas été absent de la création des listes. « L’investiture au plus offrant » est d’ailleurs assumée par plusieurs formations, qui ne voient aucun mal dans cette forme de financement de leurs activités.
Troisième caractéristique de ce scrutin: l’obligation de présenter au moins 30 % de femmes sur les listes de candidats, une disposition qui a provoqué un véritable séisme dans les états-majors politiques. Ainsi, au lendemain des législatives, les Frères musulmans du Mouvement de la société pour la paix (MSP), qui représentaient la troisième force politique, juraient d’une implantation nationale à la faveur des municipales. Or ils ont été incapables de concourir sur l’ensemble du territoire, se contentant de présenter 321 listes sur 1542 possibles. En Algérie, les temps sont durs pour les islamistes. ● CH.O. JEUNE AFRIQUE
Ce qui a changé, ce qui doit changer
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INTERNATIONAL
Mourad Medelci « Nous ne sommes pas atypiques, nous sommes cohérents » De la situation dans la bande sahélo-saharienne à l’état des relations avec Paris, le ministre des Affaires étrangères décrypte la politique étrangère de son pays.
JEUNE AFRIQUE: Pourquoi le sommet de l’Union du Maghreb arabe (UMA) prévu en octobre n’a-t-il pas eu lieu ? MOURAD MEDELCI : L’échéance d’oc-
tobre 2012 a, certes, été évoquée mais n’a jamais été consensuelle. Lors de la JEUNE AFRIQUE
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amais la diplomatie algérienne n’a autant fait l’objet de commentaires, d’analyses et de critiques. Pas même aux temps immémoriaux du Front du refus, de la bataille pour un nouvel ordre mondial ou du combat pour une révision à la hausse des cours des matières premières « au profit des peuples et au détriment des multinationales ». Depuis quelques mois, elle intéresse chroniqueurs et éditorialistes, chancelleries et agences de renseignements, médias traditionnels et réseaux sociaux. Voix dissonante durant la crise libyenne, elle a été qualifiée « d’ambiguë » par le Français Alain Juppé, alors patron du Quai d’Orsay, pour avoir émis des réserves sur l’intervention militaire de l’Otan dans ce conflit armé risquant de déborder ses frontières sudorientales. S’agissant du dossier malien, son insistance à soutenir que seule une solution politique garantirait l’unité et l’intégrité territoriales de son voisin méridional intrigue, voire agace. C’est au nouveau siège, flambant neuf, du ministère des Affaires étrangères – qui a conféré une allure moderne au plateau des Annassers, sur les hauteurs d’Alger –, que le chef de la diplomatie algérienne, Mourad Medelci, a reçu Jeune Afrique. En présence d’Amar Belani, son porte-parole, il évoque l’Union du Maghreb arabe (UMA), la crise malienne et la visite prochaine du chef de l’État français à Alger.
! ANCIEN CONSEILLER D’ABDELAZIZ BOUTEFLIKA, ex-ministre des Finances, Mourad Medelci, 69 ans, est le chef de la diplomatie algérienne depuis 2007.
dernière rencontre des ministres des Affaires étrangères de l’UMA, nous avons convenu que l’organisation d’un tel sommet – lequel, qui plus est, ne s’est pas tenu depuis une quinzaine d’années [le dernier
a eu lieu à Tunis, en 1994, NDLR] –, méritait une préparation minutieuse. À l’issue de cette étape préparatoire – sur laquelle travaillent les experts et hauts fonctionnaires des cinq pays membres [Algérie, N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
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Le Plus de J.A. Algérie Maroc, Tunisie, Libye et Mauritanie], sa date sera arrêtée lors d’une réunion ministérielle. On évoque souvent la question du Sahara occidental pour expliquer la paralysie de l’UMA. Qu’en est-il vraiment aujourd’hui?
Je comprends que l’on puisse évoquer cette question, mais je ne partage pas ce point de vue. La question du Sahara occidental est antérieure à la création de l’UMA. Elle figure sur l’agenda du Comité de la décolonisation de l’ONU depuis 1964, alors que la naissance de l’UMA date de 1989. On ne peut pas lier la préparation d’un sommet de l’UMA à l’évolution de ce dossier, qui n’a jamais été inscrit au planning de l’organisation, laquelle est chargée de questions exclusivement plurilatérales. De même, il n’apparaîtra pas dans les discussions bilatérales avec nos frères marocains, pour la simple raison que le sujet se traite dans un cadre onusien. En cette année du cinquantenaire de l’indépendance du pays, la visite à Alger du chef de l’État français, François Hollande, prévue en décembre, est particulièrement attendue…
Les relations algéro-françaises sont trop anciennes, trop importantes et trop denses pour être jugées à l’aune des conjonctures. Il est vrai qu’elles ont connu quelques soubresauts, traversé parfois des zones de turbulences. Mais aujourd’hui nous abordons une nouvelle phase. Ces dix dernières années, l’Algérie a subi de profondes mutations, et notre ambition, telle que je l’ai comprise à l’issue de ma récente discussion avec Laurent Fabius [le ministre français des Affaires étrangères], est de mettre en cohérence nos atouts. Nos relations économiques sont déjà substantielles, mais nous avons les moyens de les améliorer. Les entreprises françaises ont l’avantage de connaître le marché et la réglementation, les ressources humaines et les capacités logistiques. À tous ces arguments se greffent les importants moyens financiers que l’Algérie met au service de son développement et de l’émergence de son économie. La coopération entre Alger et Paris est très dense. Elle couvre divers secteurs qui vont de l’éducation à la santé, en passant par l’environnement et les questions militaires. Cette coopération est organisée par cycles N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
quinquennaux. La visite du président François Hollande devrait constituer une opportunité de faire le bilan de ce qui a été réalisé entre 2007 et 2011 et d’arrêter les objectifs pour les cinq années à venir. Le fait que ce déplacement intervienne dans une conjoncture délicate marquée par les conséquences de la crise libyenne, de la situation dans la bande sahélosaharienne, particulièrement au Mali, donnera à cette visite un cachet éminemment politique. Les rapports avec la France ont souvent été pollués par les questions mémorielles. Seront-elles abordées par les deux présidents ?
Il est difficile de ne pas les aborder, même si elles ne figurent pas à l’ordre
Cela dit, je pense que sur ce dernier dossier, les divergences entre l’approche algérienne et l’approche française ont été exagérées. Il n’y a aucune ambiguïté sur notre volonté commune de combattre le terrorisme et la criminalité transnationale. Je reconnais cependant quelques nuances dans la qualification des protagonistes de ce conflit. C’est sans doute ce qui nourrit les reproches : hier intransigeants avec vos jihadistes, aujourd’hui plutôt conciliants avec ceux des autres…
On ne peut faire d’amalgame entre la situation qui prévalait en Algérie au cours des années 1990 et celle d’aujourd’hui dans le Nord-Mali. Depuis l’indépendance de ce pays, les Touaregs ont eu
Aujourd’hui, nous abordons une nouvelle phase de nos relations avec la France. du jour. Ces questions n’intéressent pas uniquement les gouvernements, mais aussi les opinions publiques. Cette visite pourrait créer les conditions favorables à une réappropriation de notre mémoire commune. Est-ce le changement de locataire à l’Élysée qui nourrit votre optimisme ?
Nous n’avons jamais perdu espoir, même au plus fort des malentendus avec Paris. Vous avez évoqué la crise malienne, à propos de laquelle de nombreux observateurs critiquent l’immobilisme de la diplomatie algérienne. Comment vivezvous ces reproches ?
Plutôt bien. L’intérêt porté à notre action est vécu comme un hommage à notre diplomatie et prouve que la voix de l’Algérie porte. Nous ne sommes pas atypiques, mais constants. À la constance j’ajouterais la cohérence. Avant même l’indépendance du pays, notre diplomatie existait et avait fait ses preuves. Porte-voix des maquis de la guerre de libération, elle a pour valeurs cardinales la non-ingérence et la souveraineté des États. Ce sont ces principes qui ont guidé notre action tout au long de ces cinquante dernières années. C’est ce qui a dicté notre refus de l’intervention militaire étrangère lors de la crise libyenne hier et en Syrie ou au Mali aujourd’hui.
maille à partir avec le pouvoir central de Bamako, et les cinquante dernières années ont été marquées par une succession de rébellions. Les porteurs de cette revendication ne sauraient être mis sur un même pied que les terroristes et les narcotrafiquants. En revanche, ce qui est – de notre point de vue – non négociable, c’est l’intangibilité des frontières et l’unité territoriale du Mali. Les revendications ne sont pas uniquement territoriales ou institutionnelles. Certaines portent sur la mise en œuvre de la charia, qu’en pensez-vous ?
C’est une affaire malo-malienne. Quoi de plus normal pour une population musulmane à 98 % que d’introduire le droit musulman dans la législation nationale, à l’instar de ce qui se fait dans tous les pays musulmans, y compris au Maghreb? C’est le point focal du dialogue que nous préconisons entre les populations du Nord et le pouvoir central à Bamako.
Mais comment gérer Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et le Mujao, porteurs de la même revendication ?
Nous n’avons pas attendu les événements de janvier 2012 [les premières attaques des indépendantistes contre l’armée malienne à Ménaka et à Aguelhok] et la crise dans le Nord-Mali pour prendre conscience de la menace jihadiste au JEUNE AFRIQUE
Ce qui a changé, ce qui doit changer ! AVEC LAURENT FABIUS, le ministre français des Affaires étrangères, à l’aéroport Houari-Boumédiène (15 juillet 2012).
pays du champ [Algérie, Mali, Mauritanie et Niger] afin de mettre en synergie leurs potentiels et de renforcer leurs capacités de faire face au péril terroriste et à la menace de la criminalité internationale. Dernier exemple en date : à notre initiative, six mois avant le début de la crise dans le Nord-Mali, en septembre 2011, Alger a abrité une importante conférence en présence des représentants des membres permanents du Conseil de sécurité, pour tirer une nouvelle fois la sonnette d’alarme. Selon nous, la question du terrorisme doit être prise en charge par les pays directement concernés mais, face à un phénomène d’essence mondiale, la communauté internationale doit s’impliquer en renforçant les capacités des armées nationales et en contribuant aux opérations de développement économique de cette région pour éviter qu’elle ne serve de terreau aux jihadistes et aux trafics en tous genres.
L’Algérie n’est pas convaincue qu’une solution exclusivement militaire mènerait le Mali à la paix et à l’unité.
FAROUK BATICHE/AFP
Il n’empêche que votre approche semble excessivement prudente…
Sahel. Au milieu des années 2000, nous avons alerté la communauté internationale, à travers le Comité contre le terrorisme de l’ONU, le Conseil de sécurité et tous les forums consacrés à la lutte contre ce phénomène, sur les tentatives de sanctuarisation d’Aqmi dans cette partie du Mali. Depuis cinq ans, la diplomatie algérienne mobilise toute son énergie JEUNE AFRIQUE
pour obtenir la criminalisation des paiements de rançons contre la libération d’otages occidentaux détenus par les jihadistes, afin d’assécher leur source de financement. Nous n’avons cessé de dénoncer la collusion entre le terrorisme et le narcotrafic, aujourd’hui avérée. Et c’est encore l’Algérie qui, depuis trois ans, multiplie les efforts pour regrouper les
Prudente par rapport à quoi ? À l’intervention militaire ? L’Algérie n’est pas convaincue qu’une solution exclusivement militaire mènerait le Mali à la paix et à l’unité. Notre souhait est de convaincre nos partenaires que la voie militaire doit être orientée vers la lutte contre le terrorisme. Elle doit cependant être accompagnée d’un processus politique, sous forme de dialogue entre les protagonistes maliens. C’est pourquoi nous nous félicitons que la résolution 2071 du Conseil de sécurité, adoptée le 12 octobre, se soit largement inspirée de notre approche. ● Propos recueillis à Alger par CHERIF OUAZANI N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
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! LA CITÉ DU 5-JUILLET, nouveau quartier de la banlieue d’Alger. ÉCONOMIE
Recettes, dépendances et doléances Si le pays parvient à consolider son cadre macroéconomique, le bilan des réformes engagées pour diversifier le tissu industriel reste mitigé, et les attentes de la population nombreuses.
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ntre l’Algérie indépendante de 1962, dévastée par une longue guerre de libération, commençant à peine à produire du pétrole, et celle d’aujourd’hui, devenue l’un des premiers pays producteurs d’hydrocarbures au monde, avec de confortables réserves de change et une capacité d’investissements publics à faire pâlir d’envie ses voisins, le chemin parcouru est énorme. Notamment en ce qui concerne les infrastructures, en pleine rénovation, les autoroutes (inexistant en 1962, le réseau autoroutier devrait atteindre les 7 000 km en 2014) et la très nette amélioration de l’accès des populations aux services de base (eau, électricité, éducation, santé). CHOIX. Se singularisant par les zigzags
de ses politiques de développement, l’Algérie – après le socialisme, puis le libéralisme – s’est engagée depuis 2009 sur la voie du nationalisme. Un choix qui lui a permis d’enregistrer de bonnes performances et de consolider son cadre macroéconomique, mais qui contribue à l’isoler des mutations du commerce N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
mondial et à décourager les investisseurs secteur privé, s’il s’améliore, n’est encore privés et étrangers (lire pp. 92-93). que de 18 %, selon le Forum des chefs Même si le Fonds monétaire interd’entreprise, et 90 % des prêts relèvent national (FMI) a revu sa croissance à la des banques publiques. Le pays continue baisse à 2,6 % au lieu des 3,1 % prévus d’importer trois quarts de ses produits de pour 2012, le pays se sort plutôt bien base (d’où la cherté de la vie, qui a généré de la tourmente qui secoue la planète des tensions sociales ces derniers mois) économique. De bons résultats inhérents et semble loin de sortir de sa dépendance aux performances du secteur des hydroaux exportations d’hydrocarbures, qui carbures, mais aussi à celles du BTP et fournissent 98 % des recettes en devises des services, qui ont tous deux enregistré du pays et 75 % des recettes en dinars du une croissance moyenne de 10 % ces budget de l’État. quatre dernières années, et du secteur agricole (+13,7 % Rattraper le retard pris dans la par an de 2009 à 2012) dopé construction de logements est par l’accélération du plan une vraie course contre la montre. de renouveau agricole et rural (lire pp. 94-95). Les recettes hors fiscalité pétrolière ont ainsi Mais les autorités algériennes restent augmenté de 15 % par an depuis 2009. confiantes. La politique de désendetteLe bilan des réformes engagées pour ment adoptée depuis 2004, couplée à diversifier l’économie et développer le une gestion prudente, a permis à l’État secteur privé est cependant mitigé : difde placer des réserves importantes dans ficulté à améliorer le climat des affaires, le Fonds de régulation des recettes (FRR). insuffisance des capacités de l’admiDésormais deuxième plus gros détennistration, faible efficacité du secteur teur de réserves de change de la région bancaire, qui ne prête quasiment qu’au Maghreb - Moyen-Orient après l’Arabie saoudite, les réserves de change du pays public – le taux de crédits accordés au JEUNE AFRIQUE
Ce qui a changé, ce qui doit changer
PRESSION. D’à peine 7 milliards de
dollars de 2000 à 2004, le programme d’investissements publics est en effet passé à 150 milliards pour la période 2005-2009 et à 286 milliards dans le plan quinquennal 2010-2014 – dollars principalement destinés au développement des infrastructures, du transport, du logement et des services publics (lire pp. 80-82). Toutefois, d’importants progrès restent à accomplir, l’Algérie n’émargeant encore qu’au 96e rang sur 187 pays dans le dernier classement sur l’indice du développement humain du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud). Sur le front de l’emploi, le chômage qui, à son plus haut niveau, s’élevait en 2000 à quelque 30 % de la population active, a reculé pour passer sous la barre des 10 % en 2010 et s’établir à 9,7 % cette année, selon le FMI. En revanche, ce taux est trois fois plus élevé chez les jeunes (20 %). C’est sur ce chapitre que la pression sociale et les attentes des Algériens sont les plus fortes. Ainsi que sur celui de l’accès au logement. Après la réalisation de 1,6 million d’unités de 2005 à 2009, le gouvernement s’engage en effet dans une véritable course contre la montre pour rattraper le retard pris dans la construction des 1,2 million de logements sociaux prévus dans le plan quinquennal 2010-2014
et d’achever l’autre million prévu par le programme complémentaire (logements ruraux, aidés, etc.). Montant de l’investissement: 3500 milliards de dinars (33,9 milliards d’euros). Pour le moment, 491 000 unités seulement ont été livrées, la capacité nationale de réalisation étant d’environ 80 000 logements par an, alors que la demande s’élève à 225 000. Pour accélérer la cadence, le ministre de l’Habitat et de l’Urbanisme, Abdelmadjid Tebboune, s’attelle à multiplier les accords avec les gouvernements étrangers afin de diversifier les partenariats entre sociétés algériennes et étrangères, selon la règle 51 %/49 %. L’État ne traite pas directement avec les entreprises mais fixe un quota de logements à réaliser dans le cadre de marchés de gré à gré, autorisés dès lors qu’ils impliquent un associé algérien majoritaire. Fin octobre, Abdelmadjid Tebboune a ainsi signé avec le gouvernement portugais un accord portant sur la construction, à partir du 15 janvier 2013, de 50 000 logements en location-vente. Rappelant que l’État s’engageait à construire 150000 logements de ce type d’ici à 2014, le ministre a précisé que, sur les « 40 % de logements destinés aux jeunes de moins de 35 ans, 10 % seront réservés aux nouveaux mariés », dont la plupart sont contraints d’habiter chez leurs parents… Les premiers à être ravis par ces programmes pourraient être les entrepreneurs étrangers. Après le Portugal, la nouvelle formule de partenariat de construction a déjà été proposée aux gouvernements espagnol, italien et français, et semble vivement intéresser Russes et Indiens. ● CÉCILE MANCIAUX
De bonnes performances malgré la crise PIB
Croissance
(en milliards de dollars, en prix courants, éch. de gauche) 250
(variation du PIB, en %, en prix constants, éch. de droite)
3,4
3,3
3,5
200 3,0
150 100 50
2,4
0
2009
2010
2011
SOLDE EXTÉRIEUR COURANT (en % du PIB)
6,2 % INFLATION 2012
2,5
2,6
2,4
2012* 2013* * prévisions
2,0
CHÔMAGE (en % de la pop. active)
9,7%
DÉFICIT BUDGÉTAIRE (en % du PIB)
de dollars 28% 16,3 au 1er semestre 2012
(en % du PIB)
8,4 %
milliards
INVESTISSEMENTS (en % du PIB) 50 40
46,7 41,4
30
36,8
38,1
2011
2012
20 10 0
2009
2010
EN MARGE DU COMMERCE MONDIAL
P
révu au premier semestre 2012, le onzième round de négociations multilatérales pour l’adhésion du pays à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a été retardé, à Alger, par les élections législatives et, à Genève (Suisse, siège de l’Organisation), par le retrait du chef du groupe de travail chargé du dossier. Son successeur, l’Argentin Alberto Dialoto, était à Alger les 3 et 4 novembre pour JEUNE AFRIQUE
accélérer les prochaines étapes du processus d’adhésion. Le gouvernement a transmis à l’OMC un mémorandum expliquant la situation économique du pays, ses aspirations, ainsi que la revendication de périodes de transition pour permettre aux entreprises algériennes, notamment celles risquant d’être menacées par la concurrence, de se préparer à l’ouverture. « Nous avons
des documents supplémentaires à fournir », a expliqué le ministre du Commerce, Mustapha Benbada, dont deux offres révisées en matière de marchandises et de services, qui seront déposées auprès de l’OMC en décembre, de même que les documents relatifs aux transformations législatives et aux obstacles techniques au commerce, déjà élaborés. Avant son adhésion, l’Algérie doit encore signer une quinzaine
d’accords bilatéraux avec les pays membres (ÉtatsUnis, Canada,Turquie, Corée du Sud et Union européenne). Cinq accords ont déjà été conclus (Brésil, Uruguay, Cuba, Venezuela et Suisse) et quatre sont en voie de finalisation, avec l’Australie, la NouvelleZélande, la Malaisie et l’Indonésie. Pour rappel, le pays a demandé son adhésion en 1987, et les négociations ont débuté en 1996. ● C.M. N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
SOURCES : FMI, AVRIL 2012 - MINISTÈRE DE L’ÉCONOMIE ET DES FINANCES, JUILLET 2012.
devraient s’élever à 205,2 milliards de dollars (158,4 milliards d’euros) à la fin de 2012, selon le FMI. De quoi s’assurer trois ans d’importations et financer le développement.
91
92
Le Plus de J.A. Algérie ENTREPRENEURIAT
Chronique d’un désamour Méandres administratifs, pléthore de contraintes freinant toute initiative, taxes et traques en tous genres… La défiance de l’État à l’égard du privé continue de bloquer le développement des PME.
L
a cause semble entendue : l’Algérie ne parvient pas à sortir du « tout-pétrole ». Elle demeurera une économie rentière tirant 36 % de sa richesse des hydrocarbures. Elle ne créera ni le million de PME qu’elle ambitionne de voir éclore d’ici à 2015 ni les millions d’emplois nécessaires pour réduire le taux de chômage de sa jeunesse, que le Fonds monétaire international (FMI) estime à 20 %. Son Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a bien peu de chances de voir
se réaliser son vœu d’une croissance à deux chiffres : l’économie algérienne devrait rester abonnée à une progression inférieure à 5 % par an. Pourquoi ? En grande partie parce que les dirigeants du pays ont une peur viscérale de l’entreprise privée. PEUR DE L’OUVERTURE. La bureaucratie
algérienne est adossée à des piles de textes qui se contredisent et entravent l’activité économique. Prenons le rapport « Doing Business » 2013 publié par la
Quelle place au sein de l’Union du Maghreb arabe? VALEUR DES EXPORTATIONS DE PRODUITS PÉTROLIERS
PIB
En milliards de dollars, en 2012 Algérie
206,5
Maroc
97,2 85,1
Libye
Maroc
Mauritanie
121,9 5,3
En % du PIB, en 2011 Algérie
2,9 2,7
Mauritanie
Algérie
2,6
Libye
32,8
Tunisie
PIB PAR HABITANT
24,1 20,9
INVEST. DIRECTS ÉTRANGERS
En dollars, en 2012 Libye
12 879 5 660
Algérie
46 300
Maroc 31 414
Algérie
2 988
21 781
Libye
1 129
Mauritanie
DÉVELOPPEMENT HUMAIN
Rang sur 185 pays classés, en 2012 64e
Libye 94e
Tunisie
96e
Algérie 130e 159e
16 334 2 407
CLIMAT DES AFFAIRES
Rang sur 187 pays classés, en 2011
Maroc
En millions de dollars, en 2011 Tunisie
4 152
Tunisie
36,8 34,6
Maroc
Tunisie
Mauritanie
0,9
INVESTISSEMENTS
En % du PIB, en 2012 Libye
Mauritanie
2,8
Mauritanie 0,3
CROISSANCE
Maroc
71 57,5
Tunisie
Mauritanie 4,1
Maroc
Algérie Libye
44,7
Tunisie
En milliards de dollars, en 2012
50e
Tunisie
97e
Maroc Algérie Mauritanie
152e 167e
Libye NC
SOURCES : FMI, AVRIL 2012 - BANQUE MONDIALE, OCT. 2011 - PNUD, NOV. 2011 - CNUCED, JUILLET 2012 - MINISTÈRE DE L’ÉCONOMIE ET DES FINANCES, JUILLET 2012.
N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
Banque mondiale mardi 23 octobre. Il dit qu’il faut 25 jours pour créer une entreprise en Algérie, alors que 12 suffisent au Maroc et 11 en Tunisie. En moyenne, on obtient un permis de construire en 281 jours en Algérie, contre 97 jours au Maroc et 88 jours en Tunisie. On se raccorde au réseau électrique en 159 jours en Algérie, en 62 jours au Maroc et en 65 jours en Tunisie. On trouve l’Algérie parmi les pays les plus compliqués du monde dans le domaine de l’obtention de prêts, du droit social ou des procédures de faillite. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant qu’elle soit 152e sur 185 pays classés selon la facilité d’y faire des affaires par la Banque mondiale. PEUR DES RESPONSABILITÉS. Un
exemple d’aberration : pour pouvoir payer une marchandise importée, un entrepreneur doit obtenir de la douane un document certifiant la validité de la transaction. Cette pièce autorise la banque à débloquer le paiement de l’importation. Mais les douanes ne délivrent pas toujours le document original en temps utile et les banques demandent un « second original » que certains inspecteurs des finances estiment illégal, même s’il est identique au « premier original ». Ils transmettent l’affaire au procureur qui a souvent peur d’être mal vu et qui poursuit. Parfois, le juge condamne. Et parfois non. Comme les peines peuvent être astronomiques (jusqu’à 1 milliard de dollars – 772,7 millions d’euros – pour une banque et de deux à cinq ans de prison), l’affaire remonte aux ministres, qui se taisent de peur d’être jugés complices d’une possible fraude à l’importation. C’est ainsi qu’un cafouillage administratif débouche sur un déni de justice. Désormais, les entrepreneurs savent qu’ils peuvent se retrouver au tribunal pour une broutille et qu’ils feront l’objet d’un contrôle fiscal s’ils ont froissé un apparatchik. Il est aussi symptomatique que l’Algérie ait inventé pour les patrons d’entreprises JEUNE AFRIQUE
Ce qui a changé, ce qui doit changer publiques un délit de mauvaise gestion, même s’ils n’ont enfreint aucune loi. Partout, un dirigeant médiocre peut être remercié. En Algérie, il passe en justice. De quoi inciter à la passivité la plus totale – la meilleure façon de ne pas se tromper étant de ne rien faire ! La peur rôde donc, au point que bien des administrations ne répondent plus aux questions posées par les chefs d’entreprise : les fonctionnaires redoutent que leurs écrits ne soient utilisés contre eux. La paralysie générale n’est pas loin.
93
L’arroseur arrosé… En octobre, le FMI s’est vu accorder un prêt de 5 milliards de dollars, soit 3,8 milliards d’euros, par Alger, qui devient donc son créancier. Une opération gagnante sur tous les tableaux.
PEUR DE L’ÉTRANGER. « Hors hydro-
carbures, je ne vois pas de gros investissements étrangers arriver en Algérie, constate Mehdi Haroun, avocat associé du cabinet Herbert Smith. Des accords de franchise, oui, mais les investissements
ALAIN FAUJAS JEUNE AFRIQUE
! KARIM DJOUDI, le ministre algérien des Finances, et Christine Lagarde, la directrice générale du Fonds monétaire international.
D
À titre de comparaison, le Japon a epuis le début de l’année, le Fonds monétaire international prêté 60 milliards de dollars, l’Allemagne (FMI) demandait à l’Algérie, en 54,7 milliards, la Chine 43 milliards et tant que pays doté d’excédents finanla France 41,4 milliards. L’Algérie a ciers, de participer au renforcement de accepté d’apporter la même somme ses capacités de prêt. Qui l’aurait cru il y que la Turquie ou la Finlande, plus que a vingt ans, quand l’Algérie connaissait la République tchèque (2 milliards de l’humiliation d’un plan de sauvetage dollars). du FMI en bonne et due forme ? Ce sont finalement 5 milliards de SOLIDARITÉ. Pour Alger, l’opération dollars (3,8 milliards d’euros) que le est gagnante sur tous les tableaux : pays prêtera pour la reconstitution du les 5 milliards de dollars ne sortent fonds de secours du FMI, auquel ont pas de la comptabilité des réserves du pays ; ils sont rémunérés ; l’argent déjà contribué une quarantaine de ses États membres. prêté par l’Algérie sera remboursé, avec Il restait environ 480 milliards un emprunteur aussi fiable que le de dollars dans ce fonds, et les FMI ; le pays contribue à éviter dirigeantsduFMIredoutaient que la crise de la zone euro Le pays que ces réserves ne soient ne s’aggrave, ce qui aurait devrait disposer de insuffisantes si un pays pu nuire à ses exportaaussi important que tions énergétiques. l’Espagne avait Enfin, le FMI milliards de dollars besoin d’aide. Ils se souviendra du de réserves de change ont donc lancé un geste de solidarité à la fin de l’année, soit presque appel qui a permis de l’Algérie lorsque les autant que de rassembler à ce jour comptes de celle-ci seront son PIB 461 milliards de dollars moins florissants… ● supplémentaires. A.F. UR
CE
:F
M
I
205,2
SO
significatifs, non. La règle qui interdit aux investisseurs étrangers de détenir plus de 49 % des capitaux d’une entreprise algérienne est rédhibitoire [dispositions de la loi de finances complémentaire de 2009, NDLR]. Comment voulez-vous qu’un entrepreneur qui apporte des millions d’euros accepte de ne pas en contrôler l’usage ? » Le cercle vicieux du protectionnisme se referme sur les Algériens. Les entreprises internationales les emploieraient volontiers en priorité, mais comme ils ne parlent souvent que l’arabe, leur embauche pour des postes en contact avec l’étranger est impossible. Ce qui renforce leur préjugé selon lequel les entreprises venues d’outre-mer sont des prédatrices. Les Algériens ont les compétences pour faire jeu égal avec les autres nations. Pour qu’ils puissent en tirer parti, encore faudrait-il que disparaissent les blocages économiques, financiers, psychologiques, réglementaires et politiques qui interdisent à leurs entreprises de se développer. Et ce n’est pas en allégeant la fiscalité des entreprises pétrolières étrangères, comme cela vient d’être décidé pour reprendre les recherches dans son soussol, que l’Algérie sortira de son apathie. ●
SAUL LOEB/AFP
Les patrons savent qu’ils peuvent se retrouver au tribunal pour une broutille.
N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
Le Plus de J.A. Algérie
OMAR SEFOUANE
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DÉVELOPPEMENT TERRITORIAL
Tu seras un rural, mon fils… Désertées pendant la décennie noire, les campagnes, montagnes et oasis se repeuplent et gagnent une certaine douceur de vivre à mesure que la production agricole redécolle.
L
es mutations que vit l’Algérie ne concernent pas uniquement les grands centres urbains, avec leurs tours de bureaux, leurs cités-dortoirs, leurs échangeurs et leurs centres commerciaux. La campagne, la montagne et les oasis connaissent, elles aussi, un développement et des changements sans précédent. Quatre ans après son lancement par le président Abdelaziz Bouteflika à Biskra, pôle agricole au cœur du Sahara, en février 2009, le programme de renouveau rural a donné des résultats inespérés. Sur le littoral comme sur les Hauts N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
Plateaux, dans les vallées comme dans les piémonts, les villages et hameaux ont changé de visage. Désenclavés par de nouvelles infrastructures routières, ils disposent désormais des services de base: assainissement, accès à l’électricité et à l’eau potable (pour 80 % de la population rurale), réseaux de téléphonie mobile, etc. Particulièrement exposé lors de la « décennie GIA » – formule désignant les années 1990, quand sévissaient les insurrections barbares et destructrices des Groupes islamiques armés –, le monde rural s’était totalement dévitalisé. Ses populations l’avaient déserté pour
grossir les bidonvilles des grandes agglomérations, mieux protégées des assauts des GIA. Les terres agricoles avaient été mises en jachère… PROJETS. Aujourd’hui, tout cela n’est
plus qu’un mauvais souvenir. Preuve du retour à la terre, 400 000 logements ruraux ont été réalisés et distribués. « Aujourd’hui, confirme fièrement Ahmed, ingénieur agronome dans une exploitation de la région céréalière de Tiaret [au nord, dans l’Atlas tellien, NDLR], un Algérien sur trois vit à la campagne. Cela représente 12 millions de personnes, dont une bonne moitié est revenue à la terre depuis la Réconciliation nationale [amnistie accordée en 2006 aux maquisards islamistes JEUNE AFRIQUE
Ce qui a changé, ce qui doit changer
95
Valeur de la production agricole
Population rurale
Total
d’habitants, soit 30 % de la population
dont
12 millions
Terres agricoles
17,4 %
de la superficie du pays
! CÉRÉALIER DANS LA RÉGION DE TIPAZA (à 50 km à l’ouest d’Alger).
qui ont renoncé à la lutte armée]. En l’espèce, il ne s’agissait pas uniquement de réconcilier les gens entre eux, mais aussi de les réconcilier avec leur terroir. » Comment des territoires sinistrés, dépeuplés et délaissés ont-ils pu renaître en l’espace de quelques années ? Rachid Benaïssa, ministre de l’Agriculture et du Développement rural, estime que l’attrait retrouvé de la terre est le fruit d’un programme de « diagnostic participatif », élaboré à la suite d’un processus entamé en 2005. « Notre philosophie partait du principe qu’il n’y avait pas de territoires sans avenir, mais des territoires sans projets, explique-t-il. Nous avons donc décidé de créer les conditions optimales pour accompagner les porteurs de projets intégrés de développement rural. » JEUNE AFRIQUE
21,4 milliards d’euros Plaines et littoral Montagnes Hauts Plateaux Sud
Près de quatre ans de concertation plus tard, les résultats sont là. « Nous avons revivifié les structures sociales préexistantes, les jamaa [comités de village], en consolidant la démocratie et la gouvernance locales. En les associant à l’élaboration du programme aux côtés d’experts et de scientifiques nous avons aussi obtenu la meilleure identification possible des spécificités locales grâce à leur parfaite connaissance des territoires », poursuit Rachid Benaïssa. Outre les territoires, les filières de production découvrent elles aussi une nouvelle organisation avec l’émergence de conseils interprofessionnels. Des contrats de performance ont été élaborés, ainsi qu’une politique d’émulation. C’est ainsi qu’est né le Club 50. Rien à voir avec la génération des années 1960, puisqu’il s’agit du cercle des céréaliculteurs algériens produisant plus de 50 quintaux à l’hectare sur une campagne agricole (la moyenne nationale tournant autour de 15 quintaux…). « Le 13 octobre, nous avons accueilli le 173e membre de ce club, raconte Rachid Benaïssa. Il n’y a ni prime ni cadeau, mais je peux vous assurer que l’émulation est là. Une véritable compétition s’est instaurée entre les régions. Et gloire à celle qui atteint des pics de production à 80 quintaux l’hectare. » MÉCANISATION. En marge de la mise
en œuvre du programme de renouveau rural, le président Abdelaziz Bouteflika a consolidé le socle juridique de la terre en faisant promulguer une loi d’orientation agricole et une autre loi sur le foncier. « Les forces conservatrices promettaient
Alger 42,9 % 16,5 % 22,3 % 18,3 %
ALGÉRIE
400 km
la guerre civile si l’on touchait au statut de la terre, témoigne Rachid Benaïssa. Non seulement il n’en a rien été, mais les résultats obtenus vont au-delà de toutes nos espérances. Pour la première fois depuis l’indépendance, nous n’importons plus nos semences, qu’il s’agisse de céréales ou de pommes de terre. Le rythme de mécanisation des exploitations agricoles est si rapide qu’à l’occasion du moindre salon sur les nouveaux équipements tout le matériel exposé est vendu dès la première matinée. » L’engouement n’est pas feint. L’État ne fait pas semblant non plus de subventionner la production agricole. Ainsi, le Fonds du renouveau agricole est doté annuellement de 60 milliards de dinars (plus de 581,5 millions d’euros). En comptant les autres sources de financement (pour les programmes des collectivités locales, l’électrification rurale, les infrastructures, etc.), on obtient 300 milliards de dinars par an. Un excellent investissement puisque la valeur de la production agricole de la campagne 2011-2012 atteint 2 211,3 milliards de dinars. Ce qui a permis au Premier ministre, Abdelmalek Sellal, d’annoncer le 17 octobre, lors de la présentation de son plan d’action devant le Conseil de la nation (Sénat), que « la production agricole nationale couvre désormais 72 % des besoins du marché local », alors qu’elle n’en couvrait qu’un quart il y a moins de cinq ans. Conséquence directe : une réduction de la facture alimentaire de l’ordre de 11 % par rapport à 2011, passée à 2,1 milliards de dollars au 30 septembre 2012. Le rural est l’avenir de l’Algérie. ● CHERIF OUAZANI N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
SOURCE : MINISTÈRE DE L’AGRICULTURE
(Campagne 2011-2012)
96
Le Plus de J.A. Algérie BONNES FEUILLES
Le pétrole, le gaz et les dessous de l’Histoire Dans son dernier livre, Belaïd Abdesselam, le premier patron de Sonatrach, devenue première entreprise du continent, revient sur les grandes étapes de la nationalisation des hydrocarbures. Il en dévoile des aspects inédits.
N
ul n’était mieux placé que Belaïd Abdesselam pour raconter « comment les Algériens ont gagné la bataille de la récupération du pétrole et du gaz », sous-titre du livre Le Pétrole et le gaz naturel en Algérie, que vient de publier l’ancien chef du gouvernement (de juillet 1992 à août 1993). Délégué aux affaires économiques auprès de l’exécutif provisoire au moment de l’indépendance, en juillet 1962, puis ministre de l’Industrie et de l’Énergie jusqu’en 1979 et, à ce titre, acteur majeur de cette période méconnue, Belaïd Abdesselam témoigne des circonstances qui ont prévalu à la définition de la stratégie visant à récupérer les richesses du sous-sol et à créer l’industrie pétrolière algérienne. De ses rapports avec les deux présidents de la République avec lesquels il a collaboré (Ahmed Ben Bella et Houari Boumédiène) au déroulement
des négociations pétrolières algérofrançaises, de janvier 1964 à juillet 1965, le premier directeur général de Sonatrach – poste qu’il cumulait avec son portefeuille ministériel – rapporte avec moult détails les premiers pas du groupe pétrolier public, devenu aujourd’hui un géant mondial. ANECDOTES. À coups d’arguments pro-
bants, il démonte certaines légendes, telle celle qui laisse entendre que l’exPremier ministre Sid Ahmed Ghozali aurait été l’artisan des réussites de Sonatrach (qu’il dirigea de 1966 à 1977), et sort de l’anonymat les dizaines de pionniers de l’industrie pétrochimique algérienne – géologues, ingénieurs, gestionnaires… – ayant apporté leur savoir-faire aux premières heures de l’indépendance et au moment de la nationalisation des hydrocarbures, en février 1971.
L’EXÉCUTIF PROVISOIRE ALGÉRIEN ET LA POLITIQUE PÉTROLIÈRE (mars-septembre 1962)
Pour nous, la préoccupation majeure et lancinante avait pour cause la rumeur répandue que l’OAS projetait de faire sauter toutes les installations pétrolières du Sahara, les puits de pétrole et de gaz en particulier. Une rumeur similaire promettait, en même temps, de faire sauter toutes les centrales électriques et tous les barrages d’Algérie, avant […] la proclamation de l’indépendance de notre pays. En face de telles menées, réelles ou supposées, nous nous sentions complètement démunis au sein de l’Exécutif provisoire. En effet, à quoi bon envoyer des unités de l’ALN ou de la force locale pour protéger toutes ces installations et tous ces ouvrages, puisque le danger provenait plutôt et surtout de l’intérieur, c’est-à-dire de ceux-là mêmes qui en assumaient le fonctionnement. […] En fin de compte, pour affronter ce problème de sécurité et tenter de lui trouver une solution appropriée dans la situation que nous vivions à l’époque, je dus me N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
Le Pétrole et le gaz naturel en Algérie, par Belaïd Abdesselam Éditions Anep, 2012, 764 pages 1 526,82 dinars (15 euros)
Belaïd Abdesselam évoque les plus grands dossiers ayant secoué le secteur pétrolier au cours des deux premières décennies de l’Algérie indépendante : la controverseautour du rôle del’économiste français Gérard de Bernis, les échanges aigres-doux avec le gouvernement français à la veille des nationalisations, les dessous du contrat signé avec la firme américaine El Paso pour la fourniture de 10 milliards de mètres cubes de gaz ou encore la polémique autour des contrats de réalisation de type « clés en main ». Père de la controversée industrie « industrialisante » des années 1970, Abdesselam en profite aussi pour faire quelques mises au point historiques et politiques et défendre son bilan. Truffé d’anecdotes et de documents inédits, son récit intéresse autant les chercheurs que les passionnés d’histoire du pétrole… et de politique. En voici quelques morceaux choisis. ● CHERIF OUAZANI
résoudre à en parler aux responsables français encore en place en ces deux secteurs vitaux de la vie de notre pays dans le domaine de l’énergie : l’électricité et les hydrocarbures. Le premier auquel je m’étais adressé et que j’avais convoqué dans mon bureau, fut Marcel Weckel, directeur général de Électricité et Gaz d’Algérie (EGA), organisme que nous devions remplacer par la suite par l’entreprise nationale Sonelgaz. Durant les circonstances troublées et tragiques vécues par l’Algérie pendant les semaines qui ont précédé le jour de la proclamation de son indépendance, l’EGA passait pour un bastion des partisans de « l’Algérie française » et de la sinistre OAS. En même temps, Marcel Weckel était donné dans les milieuxalgéroiscommel’undesresponsablesdesgroupes européens opposés à l’indépendance de l’Algérie, voire comme l’un des chefs de la mouvance OAS. Cela pour dire que pour Marcel Weckel venir dans mon bureau n’a pas été une épreuve agréable […]. Assister à la mise en route du processus devant conduire à l’indépendance de l’Algérie et à la remise aux nouvelles autorités de notre pays des dossiers des installations dont il avait la charge avait dû être pour lui une véritable crucifixion JEUNE AFRIQUE
OMAR SEFOUANE POUR J.A.
97
! MINISTRE DE L’INDUSTRIE ET DE L’ÉNERGIE jusqu’en 1979, Belaïd Abdesselam est un acteur et un témoin clé de cette période.
morale. Et a fortiori être tombé, du fait de la répartition à comprendre que je n’avais plus à me préoccuper de des compétences au sein de l’Exécutif provisoire, sous ce qu’il allait advenir de l’outil industriel électrique de le ressort d’un département placé sous la direction d’un l’Algérie après notre indépendance. En fait, j’inaugurais représentant des « fellaghas », a probablement revêtu pour avec Marcel Weckel une coopération qui devait s’avérer lui le caractère d’une épreuve additionnelle qui n’aurait non seulement correcte et continue, mais aussi positive pas manqué d’aviver davantage sa souffrance intérieure. et fructueuse, même après la proclamation de notre Néanmoins, notre première prise de contact et notre indépendance. Avec les quelques cadres que nous entrevue se sont déroulées de manière correcte, dans un avons désignés de notre côté pour la prise en charge respect mutuel distant, mais empreint d’une courtoisie de nos installations électriques, celui qui allait devenir parfaite. Dès que j’avais commencé à aborder dans l’ancien directeur général de l’EGA avait contribué à mes propos le problème de la sécurité des installations faire de la transition suivie par le passage de l’EGA des relevant de l’EGA, mon interlocuteur avec un ton aussi ferme que déférent et L’inquiétude majeure était que l’OAS fasse s’exprimant d’une manière qui laissait percer clairement le sentiment d’un sauter les installations pétrolières du Sahara. homme conscient d’exercer une autorité sûre d’elle-même, m’avait tenu les propos suivants : mains de ses anciens dirigeants à celles de ses nouveaux « Je vous donne ma parole d’honneur que rien ne sera responsables algériens une réussite servant de modèle touché et qu’il ne sera porté atteinte à aucune des parties aux autres transitions que nous avons eu les uns et les composant les installations d’EGA. » […] L’engagement autres à conduire au moment où il fallait mettre en place pris par Marcel Weckel autant que la correction de ses nos propres institutions pour assurer la gestion des propos et la courtoisie de son attitude m’avaient amené affaires du pays. À des années de distance, je ne regrette JEUNE AFRIQUE
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Le Plus de J.A. Algérie pas d’avoir fait confiance à cet homme. […] L’œuvre accomplie par Marcel Weckel ainsi que les opérations qu’il a eu à mener avaient constitué une référence de choix pour ce qui allait désormais s’instaurer sous la forme d’une coopération entre nos deux États l’Algérie et la France. […]” SONATRACH SUR SES DEUX JAMBES (1963-1966)
Dans l’un de ses écrits récents et même à travers certaines de ses déclarations passées, Sid-Ahmed Ghozali avait indiqué que lors de sa nomination à la direction générale de Sonatrach, il avait pris en charge cette société alors qu’elle était encore au berceau. Il est presque naturel et pour moi compréhensible que n’importe quelle personne éprouve le besoin de se saisir du premier tréteau qui s’offre à sa portée pour se hisser à la hauteur d’une taille qui n’est pas la sienne. De telles gesticulations sont admises dans les jeux de la comédie ; mais elles frisent l’impudence quand on prétend écrire pour l’histoire, ou à tout le moins pour apporter un témoignage à nos jeunes générations. Dans le cas de Sonatrach, cette impudence prend un caractère qui mérite d’être relevé […]. Au moment où avaient paru les décrets signés par le Président Ben Bella, le premier daté du 31 décembre 1963 créant Sonatrach, le second daté du 4 avril 1964 me nommant à sa direction, cette société était encore vraiment dans les limbes. Son premier objet avait été de mettre un interlocuteur algérien en face de l’entreprise étrangère qui allait prendre en charge les travaux de construction du pipe-line Haoud el-Hamra - Arzew. Sonatrach était également appelée à constituer du côté algérien le partenaire des banques qui apportaient les fonds destinés au financement desdits travaux. Il y avait lieu de créer une entité juridique représentant les intérêts de l’État algérien engagés alors dans cette affaire du troisième oléoduc algérien. Comme on le sait, l’examen des offres reçues tant pour la réalisation de ces travaux que pour leur financement avait été confié à des équipes formées de cadres puisés aussi bien au sein de la direction de l’énergie et des carburants qu’au cabinet du ministre de l’Économie nationale, dans l’Organisme saharien et en diverses directions et organisations relevant des structures du ministre des Finances. Sid-Ahmed Ghozali lui-même comptait parmi les membres de ces équipes. Comme je l’ai déjà signalé, le choix de la commission issue de toutes ces équipes
RUE DES ARCHIVES/AGIP
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Bella avait procédé, le 28 septembre 1964, à Laghouat à l’inauguration des travaux de construction du pipe-line. La cérémonie et les manifestations auxquelles avait donné lieu cette inauguration constituaient en ellesmêmes une marque concrète que Sonatrach était bien sortie de son berceau, qu’elle se tenait solidement sur ses deux jambes et qu’elle entamait la marche fulgurante vers son destin de grande entreprise algérienne d’une envergure internationale perceptible et incontestée. Il est exact qu’au niveau central, l’existence de Sonatrach n’avait pas encore pris corps ; mais sitôt le contrat de construction de l’oléoduc conclu, des équipes s’étaient formées d’abord pour en suivre ou conduire la réalisation et ensuite pour en assurer l’exploitation. La surveillance et le suivi des travaux de réalisation avaient été assumés par Chérif Ouabdesselam, ingénieur venant des travaux publics. L’équipe formée autour de lui était sortie de cette opération riche d’une expérience solide et féconde qui lui avait permis Quand Ghozali a pris la direction de Sonatrach, deprendreenchargeimmédiatement la réalisation de la deuxième phase celle-ci était déjà sortie du berceau. du pipe-line d’Arzew et de mener en s’était porté sur la Compagnie anglaise Constructors même temps celle de l’oléoduc Beni Mansour - Alger John Brown (CJB). La signature même le 18 juillet 1964 destiné à approvisionner en pétrole brut la raffinerie du contrat de construction du pipe-line avait donné à d’Alger à partir de la canalisation Sopeg qui, ainsi qu’on le la Société qui ne portait pas encore le sigle Sonatrach sait, transportait du pétrole de Hassi Messaoud jusqu’au le substitut matériel attestant de son existence en tant port de Bejaïa. […] De cette équipe devait se constituer, qu’organisme solidement constitué. Quelques semaines plus tard, au sein de Sonatrach, une entreprise de réaaprès la signature du contrat avec CJB, le Président Ben lisations industrielles plus connue sous le nom de Altra N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
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! SIGNATURE À ALGER, LE 29 JUILLET 1965, de l’accord algérofrançais sur l’exploitation du pétrole et du gaz. (De g. à d. : Jean de Broglie, Abdelaziz Bouteflika, Belaïd Abdesselam et Rédha Malek.)
qui devait affirmer son sérieux et sa compétence au-delà du secteur propre à Sonatrach. Cette entreprise surgie de l’expérience industrielle de Sonatrach allait devenir un partenaire recherché aussi bien par les autres secteurs de l’économie du pays que par les entreprises étrangères qui trouvaient en elle un sous-traitant réputé par sa solidité et pour l’exécution satisfaisante des travaux qu’elles devaient mener en Algérie. Le résultat ainsi enregistré par Sonatrach dès les premiers moments de son existence était déjà un acquis tangible aux yeux de tous quand Sid-Ahmed Ghozali avait pris la direction générale de Sonatrach. Celle-ci était donc bien sortie de son berceau. » […]” IL ÉTAIT UNE FOIS EL PASO
Desnégociationsavaientétéengagées essentiellement avec les sociétés pétrolières étrangères anglo-américaines dont les intérêts avaient été nationalisés en vue de déterminer l’évaluation de leur indemnisation. La société américaine El Paso détenait une participation substantielle dans le gisement de Rhourde-Nouss […]. J’avais indiqué à Nordine Aït Laoussine d’aviser les représentants de la société El Paso que nous serions disposés à leur consentir une indemnisation bien satisfaisante, si elle acceptait de réaliser avec nous en Algérie un ensemble pétrochimique important de taille internationale dont la production serait destinée principalement à l’exportation. Quelques jours plus tard, Nordine Aït Laoussine JEUNE AFRIQUE
m’avait informé que les dirigeants de la société El Paso lui avaient fait savoir que leur société n’était pas intéressée à réaliser un projet pétrochimique en Algérie, mais que, par contre, ils étaient disposés à étudier avec Sonatrach le lancement et la réalisation d’un grand projet d’exportation de gaz naturel algérien sur le marché américain d’une capacité de dix milliards de m3/an. Je lui avais donné mon accord […]. J’avais informé immédiatement le Président Boumediene de la proposition émanant de la société américaine. Il m’avait avisé aussitôt de son accord pour nous engager dans une telle opération, bien évidemment suivant des conditions allant convenablement dans le sens de nos intérêts et de notre politique de valorisation de nos ressources en gaz naturel. Quand Nordine Aït Laoussine avait réussi à convenir avec les représentants de la Société El Paso des bases essentielles et des modalités selon lesquelles cette opération devait être lancée entre Sonatrach et la société américaine, j’avais désigné Sid-Ahmed Ghozali […] afin de finaliser la rédaction du contrat à signer avec El Paso. Au bout de négociations ardues qui s’étaient déroulées tant à Alger qu’à Paris ou aux États-Unis, Sid-Ahmed Ghozali avec l’assistance de Nordine Aït Laoussine et d’autres membres de la direction de Sonatrach parmi lesquels figurait le regretté Othmane Khouani avait réussi à mettre au point définitivement l’accord de vente convenu avec la société El Paso. Cet accord devait être concrétisé par un protocole signé le 15 juillet 1969 et par un contrat signé le 9 octobre 1969. N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
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! LE BASSIN PÉTROLIER
AFP
de HassiMessaoud (janvier 1971).
Ce nouvel accord avec une société américaine, prénaturel « captif » du marché européen, du marché sentée à l’époque par la presse spécialisée française français en particulier, thèse répandue alors, surtout comme la plus grande société gazière du monde, avait à notre intention, par les pétroliers français. eu un impact aussi considérable sinon plus considéDu côté de ces pétroliers français, le contrat signé rable encore que l’accord conclu presque une année avec la société El Paso avait suscité une réaction vioauparavant avec la société Getty Petroleum Company. lente et stupéfaite, au point que l’un des leurs s’était D’abord parce qu’il concrétisait d’une manière plus rendu aux États-Unis pour reprocher aux dirigeants que confortable l’un des objectifs de notre politique de la société El Paso d’avoir traité avec les Algériens nationale en matière de valorisation de nos hydrocarsans passer par la France en leur promettant que les bures : assumer par nous-mêmes cette valorisation. Ensuite, parce qu’il était Le contrat signé avec l’américain El Paso avait survenu au moment où les discussions entamées avec la France pour la foursuscité une réaction violente des Français. niture à celle-ci de trois milliards de m3/an de gaz naturel algérien étaient enlisées dans Français agiraient et finiraient par obtenir l’annulation une sorte d’impasse provoquée par le refus français du contrat signé avec Sonatrach. Malheureusement, d’accéder à des demandes légitimes mentionnées du si toutes les manœuvres déployées aussi bien par le côté algérien pour la finalisation du contrat à conclure gouvernement de Paris que par les pétroliers français avec Gaz de France. Ces discussions avaient achoppé en vue d’empêcher l’entrée en vigueur, puis la mise en sur le refus des négociateurs français d’admettre exécution du contrat signé avec El Paso, les Français l’indexation du prix de vente de ce gaz alors que le avaient fini par réussir à parvenir à leur but quand, en contrat concernant la vente de ce gaz devait s’étaler Algérie, étaient arrivés à la tenue du pouvoir d’État des individus incapables sur une période de vingt années. En outre, les négociateurs français avaient exigé que le franc français fût de discerner ce qui relevait de l’intérêt la monnaie dans laquelle devait être libellé ce prix. national primordial de ce qui procédait Cela avait donné lieu […] à un incident assez cocasse de considérations individuelles égoïstes entre le négociateur français et moi-même. D’autre combinées à des comportements fonpart, la signature du contrat avec une société aussi damentalement anti-nationaux. C’était considérable qu’El Paso, et la fourniture au marché dans ces conditions que le contrat signé américain d’une quantité aussi importante de gaz avec El Paso avait été purement et simplement annulé en 1980. ● naturel, avait mis fin définitivement à la thèse du gaz N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
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! LE FORT DE SANTA-CRUZ, construit par les Espagnols au XVIe siècle, domine la baie d’Oran. CULTURE ET LOISIRS
Éden à l’ouest Mostaganem et ses plages, Oran et son hyperactivité, Tlemcen et sa sérénité sont autant de destinations touristiques prisées par les nationaux. Et quelques autres privilégiés.
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Oran l’hédoniste à Tlemcen la vénérable, des vignobles de Mostaganem aux grottes d’Aïn Fezza, le Nord-Ouest algérien a tout pour devenir une destination phare des amoureux des cultures et des paysages de la Méditerranée. Les belles plages encore sauvages qui le couronnent pourraient rapidement devenir un eldorado de la plaisance, des sports nautiques et de la détente balnéaire. Les habitants d’Alger le savent bien, qui prennent la route nombreux pour aller goûter le temps d’un weekend aux charmes d’Oran el-Bahia (« la radieuse »), s’encanailler au rythme du raï dans les cabarets de la corniche ou savourer la gastronomie locale revisitée N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
par les chefs des grands hôtels qui s’y ouvrent à cadence accélérée. À deux heures des quartiers haussmanniens, art nouveau ou art déco d’Oran, vers la frontière marocaine, Tlemcen, « la perle du Maghreb », est un exemple superbe de cité arabo-andalouse qui pourrait concurrencer ses voisines impériales chérifiennes Fès et Meknès. OPTIMISME. Toutefois, en matière touris-
tique, l’Algérie ne bénéficie pas encore de la réputation de ses voisins marocain et tunisien. Mais le souhaite-t-elle vraiment? La nécessité de développer le secteur est régulièrement mise en avant, mais les concrétisations tardent. En 2008, le président Abdelaziz Bouteflika avait souligné
que « le développement du tourisme en Algérie [était] devenu une priorité nationale et une option fondamentale appelée à occuper la première des places en tant que vecteur de croissance ». Mais quatre ans plus tard, Abdeslam Abdelhak, guide et membre de l’association de sauvegarde du patrimoine oranais Bel Horizon, se montre plutôt sceptique à l’égard de la volonté des pouvoirs publics : « Tant que la rente pétrolière permettra de juguler les crises sociales, les pouvoirs en place n’éprouveront pas le réel besoin de développer d’autres secteurs. Les rares initiatives en faveur du tourisme sont le fait de particuliers. » Il met toutefois ses espoirs dans la nouvelle équipe ministérielle, en place depuis septembre, pour que soit relancée l’application du Schéma directeur d’aménagement touristique (SDAT 2025) élaboré en 2007. L’objectif : « Hisser [le tourisme] au deuxième rang des activités économiques exportatrices après celle des hydrocarbures. » Raymond Aldeguer, lui, créateur de l’agence L’Heureux Tour, est plutôt optimiste : « D’ici à sept ou huit ans, le JEUNE AFRIQUE
REZA DEGHATI/WEBISTAN
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Ce qui a changé, ce qui doit changer tourisme en Algérie et dans l’Oranais sera une réalité, et le pays deviendra une attraction majeure de la Méditerranée. » Ce pied-noir, venu revoir sa terre natale dès le début des années 1970, a très vite conçu le projet d’y emmener des groupes de touristes, mais le désengagement des autorités dans les années 1980 et les troubles des années 1990 ont mis fin, temporairement, à l’aventure. En 2001, il a relancé ses opérations en s’adressant plus particulièrement aux nombreuses familles de pieds-noirs originaires de l’Oranais, de Mostaganem et de Sidi Bel-Abbès, qu’il emmène désormais redécouvrir l’Ouest algérien par centaines chaque année. Des visiteurs qui témoignent à leur retour de la beauté du pays et de son hospitalité, contribuant ainsi à développer l’intérêt des Français pour la région. CHANGEMENTS. Si les tourismes de loisir et de mémoire restent principalement algériens, celui qui est lié aux affaires, plus international, prend une
place grandissante depuis l’ouverture du siège de Sonatrach et la tenue d’un sommet de l’Opep à Oran, en 2008. Sur la terrasseduSheratonqui surplombelabaie de la radieuse cité, Nabil Louhala, attaché commercial du cinq-étoiles, s’enorgueillit d’afficher un taux de remplissage de 70 %, grâce à une clientèle d’affaires en très
africaine de l’enseigne, et celle d’un Four Points, prévue en avril 2014, concrétisent l’intérêt du groupe hôtelier Starwood pour le potentiel de la région. Outre les hommes d’affaires, les émigrés sont également très nombreux à revenir chaque été dans l’Oranais pour profiter des belles plages de la côte. À Tlemcen, c’est le titre de Capitale de la Les rares initiatives en faveur du culture islamique 2011 secteur sont le fait de particuliers. qui a amené la réalisation ABDESLAM ABDELHAK, guide de l’association Bel Horizon d’infrastructures d’accueil de qualité avec, entre grande majorité. « Depuis notre ouverture autres, l’ouverture d’un hôtel Renaissance en 2005, la ville a connu des changements et d’un Ibis. La multiplication des établissements radicaux : l’autoroute est-ouest, le projet hôteliers et des routes, l’arrivée du tramMedgaz, la construction de nouveaux way, l’assainissement du réseau d’eau ont quartiers et l’inauguration récente du jeté les bases du développement tourisplus grand Palais des congrès d’Afrique tique dans l’Ouest algérien. Il revient du Nord ont boosté la région et attiré les investisseurs européens, notamment maintenant aux pouvoirs publics de espagnols, mais aussi turcs, chinois et promouvoir la destination à l’internacoréens. » tional et de faciliter l’obtention de visas, L’ouverture en juin d’un Méridien toujours délicate. ● adossé au Palais des congrès, vitrine LAURENT DE SAINT PÉRIER, envoyé spécial
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Le Plus de J.A. Algérie MÉMOIRE
Que sont les « justes » devenus? À travers l’hommage rendu au militant anticolonialiste Pierre Chaulet, c’est l’histoire des Algériens d’origine européenne qui se sont battus pour l’indépendance qui a été rappelée. Une occasion de découvrir, pour les plus jeunes, des héros méconnus. Ü LA DÉPOUILLE DU PROFESSEUR CHAULET portée par la garde d’honneur, à Alger, le 9 octobre 2012.
FAROUK BATICHE/AFP
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es centaines d’Algérois ont accompagné, le 9 octobre, la dépouille du Pr Pierre Chaulet, 82 ans, à sa dernière demeure: le cimetière chrétien de Diar Essaada, « les maisons du bonheur », un quartier des hauteurs de la capitale. Son décès, le 5 octobre, est intervenu quelques heures avant l’annonce de la disparition de Chadli Bendjedid, troisième président de la République de l’Algérie indépendante. Sans sombrer dans une comparaison facile, la disparition de ces deux personnalités historiques a provoqué la même émotion, le même deuil, les mêmes éloges. Sur les parcours distincts des deux dépouilles, les mêmes scènes : applaudissements et stridents youyous féminins. Cependant, en cette année du cinquantenaire, le décès du militant anticolonialiste de la première heure (Pierre Chaulet s’était engagé dans la cause indépendantiste dès N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
1951, soit trois ans avant le déclenchement de la guerre de libération) a placé sous les feux de la rampe une catégorie d’Algériens méconnue: les « justes ». Ceux qui, de souche européenne, de religion chrétienne, avaient fait en juillet 1962 le choix de l’Algérie algérienne après avoir contribué à sa libération.
révolution) que les « justes » ne s’étaient pas uniquement engagés dans le combat libérateur, mais également dans l’édification et le développement du pays. Né en 1930, dans une famille algéroise depuis trois générations où l’engagement politique allait de pair avec l’humanisme qui sied aux valeurs catholiques, Pierre Chaulet, médecin et journaliste, ancien correspondant Médecin et journaliste à L’Action, à Alger du journal L’Action il avait recruté Frantz Fanon (ancêtre de Jeune Afrique), dans la guerre de libération. est l’homme qui a recruté Frantz Fanon dans la lutte HUMANISME. Dans un pays où plus de de libération menée en Algérie. 70 % de la population a moins de 30 ans Considéré comme le pionnier du et où l’Histoire, source de légitimation système de santé algérien et comme le du pouvoir, est – paradoxalement – mal père de la médecine gratuite au nom du enseignée, l’annonce du décès du pro« droit aux soins pour tous », ce pneufesseur Chaulet a permis aux plus jeunes mologue a contribué à l’éradication de de découvrir, à travers le parcours de ce la tuberculose en Algérie, où elle faisait militant de la cause nationale (compades ravages, et plus tard en Afrique subgnon d’Abane Ramdane, théoricien de la saharienne, créant un modèle universel JEUNE AFRIQUE
Ce qui a changé, ce qui doit changer d’épidémiologie. Il s’était en effet éloigné des cercles et appareils politiques, pollués par les querelles de pouvoir, pour se consacrer au seul engagement qui vaille : combattre les inégalités et les disparités régionales. Pour autant, il ne s’était pas détourné de la politique. Député à la Constituante de 1963, il s’est lancé dans la première élection municipale en 1967, et il est devenu membre de la première Assemblée populaire communale (APC) d’Alger. Cependant, il s’est très vite lassé de la pratique politicienne et est retourné à ses premières amours: soigner ses frères les hommes.
TRIBUNE
Opinions & édito oriaux
E DR
SURVIVANTS. Ainsi, l’Algérie a eu « ses »
« justes ». Mais que sont-ils devenus ? Les 200 000 pieds-noirs ayant fait le choix de l’Algérie algérienne (lire ci-contre) n’étaient évidemment pas tous des « justes ». « Juste algérien m’irait bien », confie l’un des membres de cette poignée de survivants, un demi-siècle après avoir fait un choix ethniquement incorrect. « Quand l’Algérien normal croise un de ces compatriotes d’un autre type, il est convaincu d’avoir affaire à un touriste égaré, à un ex-coopérant technique à la retraite ou à un de ces amoureux transis des pays du désert, déplore Lamia, 57 ans, pneumologue formée par Pierre Chaulet. Il oublie que certains héros de la guerre de libération avaient des noms exotiques: Henri Maillot, Maurice Audin, Henri Aleg ou Pierre Mandouze. » Depuis la décennie noire des GIA (Groupes islamiques armés ayant sévi lors d’une insurrection particulièrement barbare au cours des années 1990), d’autres martyrs chrétiens ont rejoint le panthéon de la résistance algérienne : Mgr Pierre Claverie, assassiné à Oran en 1996, ou encore les sept moines trappistes de Tibéhirine, dont les circonstances de la mort alimentent tant de polémiques. Considéré comme le véritable artisan de l’ouverture du mouvement national aux valeurs universelles, Pierre Chaulet a paisiblement vécu sa foi, au plus fort des années terribles du terrorisme. Tolérants les Algériens ? « L’ouverture et la tolérance sont inscrites dans les gènes de la révolution », assure JeanLuc, fils du disparu. L’évocation de la mémoire de Pierre Chaulet et de celle de tous les « justes » est une occasion pour les Algériens de réapprendre que saint Augustin était des leurs. ● CHERIF OUAZANI JEUNE AFRIQUE
Vie et destin des pieds-noirs restés en Algérie
PIERRE DAUM Journaliste, auteur de Ni valise ni cercueil, les pieds-noirs restés en Algérie après l’indépendance (Actes Sud, 2012)
N 1963, L’ASSEMBLÉE CONSTITUANTE, dont Pierre Chaulet faisait partie, offrait à l’Algérie sa première Constitution. Dans son article 4, elle disposait: « l’islam est la religion de l’État ». On aurait bien tort de relire ce moment historique avec les lunettes du présent. Car aujourd’hui, la seule mention de l’islam au cœur d’un État provoque d’apocalyptiques visions de salafistes empaquetant les femmes de draps noirs, ou de talibans égorgeant le moindre impie. Que l’on est loin de l’Algérie des années 1960 !
En 1963, à Oran, à Alger ou à Annaba, les hommes se pavanaient en terrasse en sirotant leur bière, les yeux errant nonchalamment sur les jambes nues des jeunes femmes en jupes très courtes. Chez les 200000 pieds-noirs restés dans leur pays (soit 20 % des anciens Français d’Algérie), cet article 4 n’a certainement pas provoqué de grandes inquiétudes. D’autant plus qu’il affirmait dans le même temps : « la République garantit à chacun le respect de ses opinions et de ses croyances, et le libre exercice des cultes ». Sans être inquiets, certains ont cependant pu être déçus. Tous ceux qui, parmi les pieds-noirs comme parmi les Arabo-Berbères (pour ne pas reprendre la terminologie coloniale de « musulmans »), rêvaient d’une Algérie nouvelle profondément laïque et multiculturelle. En 1963, la Constitution fut adoptée avec 139 voix pour, 23 voix contre et 8 abstentions (dont 7 Européens, sur les 16 membres pieds-noirs de la nouvelle Assemblée). Je ne sais pas quelle
Jamais ce fervent catholique n’a été empêché de pratiquer sa foi en Algérie. fut la position de Pierre Chaulet ce jour-là. Une chose est sûre : à aucun moment de sa longue vie dans l’Algérie algérienne ce fervent catholique n’a été empêché de pratiquer sa foi, ni d’aller prier à l’église quand bon lui semblait. Tout comme son ami l’abbé Jean Scotto, avec lequel il fut élu aux élections municipales d’Alger en février 1967. Cinquante années plus tard, au moment où disparaît le professeur Chaulet, que reste-t-il de ces 200 000 piedsnoirs ? Plus grand-chose, assurément. Ils ne seraient plus que quelques centaines, enfants compris. Les raisons d’une telle fonte des effectifs ? Le temps, naturellement, puisque à présent nombreux sont ceux qui reposent aujourd’hui dans la terre qui les vit naître. ● N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
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Économie
MARKETING
Bel a trouvé la bonne formule
AFRIQUE DU NORD
IMMOBILIER
Addoha pose une première pierre
Les islamistes Manque d’expérience, maladresses, mais aussi pouvoir limité… Depuis leur arrivée aux affaires en Tunisie, au Maroc et en Égypte, les partis se réclamant de l’islam ont bien du mal à fixer un cap économique.
CHRISTOPHE LE BEC
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é-pas-sés. Près d’un an après leurs victoires électorales, les trois partis islamistes au pouvoir en Afrique du Nord (voir ci-contre) semblent largués par une situation économique difficile. Croissance en berne, hausse du chômage, dégradation des comptes publics, recul des investissements et même, dans le cas de la Tunisie, chute de quatre places en un an dans le classement « Doing Business » établi par la Banque mondiale… « Je ne peux pas nier ou cacher la réalité de la situation : elle est inquiétante », avouait le 25 octobre Ridha Saïdi, ministre tunisien chargé des Dossiers économiques, membre d’Ennahdha. Au Maroc, la nouvelle loi de finances proposée par le gouvernement de l’islamiste Abdelilah Benkirane a été vertement critiquée avant même d’être présentée au Parlement. Le patronat, via la puissante Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), lui reproche l’instauration de taxes supplémentaires sur les hauts revenus et le report sine die de la réforme du système de remboursement de la TVA, qui grève la trésorerie des entreprises. « La vraie question qu’on se pose, c’est de savoir s’il s’agit d’un budget politique ou populiste. Une loi de finances est censée valoriser l’entreprise, mais là on lui inflige une double peine en la fiscalisant. Et, dans le même temps, l’État ne fait pas d’économies », tempête Jamal Belahrach, président de la commission emploi et relations sociales à la CGEM. Élus sur leurs positions conservatrices et leurs promesses de justice sociale, les islamistes ont avancé des idées plus floues en matière d’économie. « Ennahdha défend la propriété et le système financier, mais avec un discours éthique », tente N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
FETHI BELAID/AFP
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CONJONCTURE
La croissance rwandaise en péril
DÉCIDEURS
Janine Diagou Wodié DG de NSIA Banque
BOISSONS
Malgré les crises, la bière garde la cote
naviguent à vue Les partis au pouvoir TUNISIE
Ennahdha
(« Renaissance ») arrivée au pouvoir en octobre 2011
MAROC
PJD
(Parti de la justice et du développement) arrivé au pouvoir en novembre 2011
ÉGYPTE
PLJ
(Parti de la liberté et de la justice) arrivé au pouvoir en janvier 2012
! ABDELILAH BENKIRANE (PJD, à g.), Premier ministre marocain, et HAMADI JEBALI (Ennahdha), son homologue tunisien, le 24 mai, à Tunis.
de définir l’économiste tunisien Dhafer Saidane. « Les trois partis sont d’inspiration libérale. Ils ont en commun d’insister sur la liberté d’entreprendre, de vouloir instaurer un bon climat des affaires, plus de transparence et une meilleure répartition des revenus », complète Andreu Bassols, directeur général de l’Institut européen de la Méditerranée, qui a invité ces différents mouvements à présenter leurs programmes économiques lors d’une conférence à Barcelone, en juillet. « Leurs objectifs économiques sont nobles, mais le problème réside dans la déclinaison de plans d’action datés pour y parvenir, ajoute-t-il. Les responsables économiques du PJD [Parti de la justice et du développement, NDLR], d’Ennahdha et du PLJ [Parti de la liberté et de la justice] que nous avons interrogés ont été incapables de nous expliquer leurs positions sur la fiscalité, la maîtrise du déficit public ou la suppression des subventions sur les produits énergétiques et alimentaires. » PRESSION DE LA RUE. Depuis qu’ils se sont
transformés en partis de gouvernement, les mouvements islamistes donnent l’impression de naviguer à vue. « Ils n’ont pris aucune décision courageuse en Tunisie et en Égypte. Et au Maroc, ils ont été bien timides, à l’exception de la hausse de 20 % des prix du carburant », souligne Andreu Bassols. « Quand ils sont arrivés à leurs postes, les responsables d’Ennahdha n’étaient pas au fait de la réalité économique. Du coup, sous la pression de la rue, on les a entendus promettre des emplois et des subventions, notamment aux régions et aux classes sociales défavorisées », raconte Tarek Chérif, président de la Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie (Conect), une organisation patronale née après la révolution. « Aujourd’hui, ils conviennent avec nous que l’État ne doit pas tout prendre en charge, mais ils restent prisonniers de leurs premières annonces, et ce d’autant plus qu’avec les élections prévues en mars ils craignent l’impopularité », regrette le patron du groupe chimique Alliance. Au Maroc, où le bouleversement politique est moindre, le manque d’initiative du gouvernement Benkirane dans le domaine économique inquiète aussi. « Par naïveté et par inexpérience sur les questions économiques, le PJD a raté ● ● ● N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
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Entreprises marchés Une croissance atone
elle est bénéfique, mais aura peu d’impact sur le développement. » Par ailleurs, les islamistes ont manqué de réactivité ou parfois fait preuve de maladresse. Sur le plan sécuritaire, en Égypte et en Tunisie, ils n’ont pas su se montrer fermes face aux manifestations violentes des groupes salafistes, laissant se développer un sentiment d’insécurité. Des déclarations malvenues n’ont pas arrangé les choses, comme la sortie du ministre marocain de la Justice et des Libertés, Mustapha Ramid, fustigeant les « touristes venant à Marrakech » pour y « commettre des péchés et s’éloigner de Dieu », ou l’excès de zèle du ministère tunisien de l’Intérieur fermant cafés et bars de la médina de Tunis pendant le ramadan.
Évolution du PIB, en %
Égypte
6
Maroc
5,1
5 4
Tunisie
4,9
3,7
3
2,9 2,7 2
3,1
2
1,8
1 0 -1 -2
– 1,8
-3
2010
2011
2012* * Prévisions
Des investisseurs frileux
Flux nets d’IDE, en milliards d’euros
4,8
Nombre de projets d’IDE
Maroc Tunisie Égypte
1,9 1,2
1,1
0,9
2010
– 0,4
2011
Des Bourses hésitantes
Évolution des indices boursiers depuis le 1er janvier 2012 Maroc
Tunisie
Masi
– 12,5
Tunindex
%
(– 12,4 % en 2011)
+5% (– 7,6 % en 2011)
● ● ● le coche sur un certain nombre de sujets cruciaux, en particulier sur la réforme de la Caisse de compensation », estime Karim Tazi, patron du groupe Richbond (textile). « Najib Boulif, le ministre délégué chargé des Affaires générales et de la Gouvernance, n’a pas osé remettre en cause les subventions sur les hydrocarbures [gaz notamment] et les produits alimentaires [dont la farine], qui profitent plus aux riches qu’aux pauvres, pour les remplacer par des aides ciblées plus efficaces », regrette l’entrepreneur, qui a conseillé le Premier ministre sur les questions fiscales. Mêmes atermoiements en Tunisie : « Le problème avec les islamistes, ce n’est pas leur incompétence, mais leur vision court-termiste, analyse Dhafer Saidane. Faute d’une vision stratégique, le gouvernement ne prend que des mesures homéopathiques, voire contre-productives, à l’image de sa directive interdisant le crédit à la consommation, qui a fragilisé encore plus les banques du pays. Quant à la possibilité accordée aux établissements financiers de vendre des produits islamiques,
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RESPONSABILITÉS PARTAGÉES. Néanmoins,
il serait injuste de mettre tout le marasme économique sur le dos des seuls partis islamistes. D’abord, ils ne sont pas seuls aux manettes. Au – 10 % sur un an Maroc, le PJD gouverne avec l’Istiqlal (conservateur) et le Mouvement populaire (libéral), qui 70 + 0% détiennent des portefeuilles majeurs comme les sur un an – 44 % sur un an finances et le tourisme. « Le PJD, malgré son envie 35 d’assumer les responsabilités économiques, a 28 dû s’incliner devant les pressions de ses alliés et céder le portefeuille des finances à Nizar Baraka, 1er semestre 2012 de l’Istiqlal, raconte Karim Tazi. Or cet ancien ministre délégué aux Affaires économiques et générales du précédent gouvernement n’a pas le Égypte profil d’un réformateur. » Mohammed Aitri, patron du groupe industriel Prominox, est encore plus EGX30 dubitatif sur la capacité des islamistes à améliorer le climat des affaires : « Le pouvoir économique + 51 % n’est pas entre les mains du gouvernement, mais (– 49 % en 2011) d’un establishment qui n’a aucun intérêt à ce que les choses changent. Que la majorité soit islamiste, de gauche ou de droite n’y change rien », estime ce chef d’entreprise, qui ne voit aucune amélioration de la transparence et de la justice économique depuis que le PJD est aux affaires. En Tunisie, Ennahdha a la majorité des postes économiques clés, mais doit composer avec ses deux alliés de centre gauche, Ettakatol et le Congrès pour la Le manque d’initiative République. Après une période et les atermoiements d’apprentissage – nécessaire pour des ministres islamistes n’ont rien de rassurant. quasi néophytes en matière d’économie –, les choses pourraient toutefois aller mieux : « À court terme, on ne voit pas bien où l’on va, c’est vrai, souligne Dhafer Saidane. Mais nous sortons d’une révolution, tout est à inventer, en particulier dans le domaine économique, du tourisme jusqu’au secteur bancaire. Quand la situation politique sera apaisée et que les nouveaux dirigeants, islamistes ou pas, auront trouvé leurs marques en s’entourant des bonnes personnes, l’économie repartira sur de bonnes bases. » ● SOURCES : FMI, BOURSES, CNUCED, OBSERVATOIRE ANIMA-MIPO
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AMR NABIL/AP/SIPA
Entreprises marchés
! MANIFESTATION POUR L’EMPLOI ET LA HAUSSE DES SALAIRES, au Caire, le 4 juillet. Le chômage est un des sujets sur lesquels les islamistes sont le plus attendus.
Premier bilan mitigé sur trois principaux dossiers PARTENARIATS INTERNATIONAUX ALORS QUE L’EUROPE est en crise, les gouvernements marocain et tunisien se cherchent de nouveaux partenaires, notamment dans le Golfe persique et aux États-Unis. Mais la tâche est ardue. « Les pays du Golfe ne sont pas des philanthropes, ils n’investissent pas pour des raisons religieuses ou politiques, ils font les mêmes calculs que les autres et sont rétifs au risque. Aujourd’hui, leurs investissements restent inférieurs à ce qu’ils étaient avant la chute de Ben Ali », observe l’économiste tunisien Dhafer Saidane. Au Maroc, c’est le roi Mohammed VI qui est à la manœuvre au Moyen-Orient, plus que le parti islamiste, car les liens entre monarques priment. Après la révolution, l’Égypte et laTunisie avaient accueilli avec espoir plusieurs délégations américaines d’hommes d’affaires, mais les attaques contre les ambassades des États-Unis et l’insécurité ont nettement refroidi les ardeurs de ceux-ci. Avec l’Europe, les liens privilégiés ont été préservés, voire améliorés par les islamistes: « Aujourd’hui, les relations du Maroc avec le gouvernement Rajoy [en Espagne, NDLR] sont bien meilleures que sous la majorité précédente », note Karim Tazi, patron du groupe Richbond. ● C.L.B. JEUNE AFRIQUE
DIALOGUE SOCIAL DEPUIS LA VICTOIRE d’Ennahdha enTunisie, la situation sociale s’est tendue. Ses relations avec l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) sont mauvaises, avec deux traditions politiques aux antipodes. Les ministres islamistes, dénonçant le « blocage » du pays par le syndicat, ont poussé à la démission leur homologue des Finances, Houcine Dimassi, proche de l’UGTT. « EnTunisie, en Égypte et même au Maroc, la situation est tellement difficile qu’il faudrait lancer d’urgence la préparation d’un pacte social entre syndicats, patronat et État, comme l’a fait l’Espagne en 1977 au sortir du franquisme », estime Andreu Bassols, de l’Institut européen de la Méditerranée. Les partis islamistes, peu implantés dans le monde du travail, n’ont pas encore pris cette initiative. ● C.L.B.
GOUVERNANCE LES PARTIS ISLAMISTES avaient mis la justice économique au centre de leurs campagnes électorales. Au Maroc, juste après sa victoire, le Parti de la justice et du développement (PJD) a multiplié les annonces sur le sujet: réduction du train de vie des ministères, publication des listes d’agrément de transport routier, ouverture de grands procès pour malversations… Autant de signaux positifs dans un pays classé au 80e rang en termes de perception de la corruption parTransparency International (laTunisie est au 73e rang). Puis, après quelques mois, on n’a plus entendu les responsables islamistes sur ces questions. « Ils ont profité d’un espace pour dénoncer la corruption, parfois avec démagogie. Mais ils n’ont pas les coudées franches pour agir tant que la démocratisation n’est pas plus avancée, avec une indépendance de la justice réellement garantie », observe Andreu Bassols, de l’Institut européen de la Méditerranée. Le même sentiment domine enTunisie. ● C.L.B. N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
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! L’image positive de LA VACHE QUI RIT contribue au succès de la marque.
le très bas de gamme et La Vache qui rit offre aux consommateurs une alternative à moindre coût. Des arômes adaptés aux goûts divers du continent sont aussi proposés. « En Algérie, le parfum ail et fines herbes plaît énormément », note Caroline Sorlin. Au sud du Sahara, ce sont les saveurs chili et barbecue qui sont particulièrement prisées. MARKETING « Mais il s’agit encore de volumes confidentiels, précise-t-elle. Ces nouveaux produits ne sont pas stratégiquesdansnotreapproche;nous concentrons tous nos efforts sur La Vache qui rit nature. » Dans cette politique de conquête commerciale, la stratégie de proximité,enmatièredecommunication commededistribution,joueunrôle Stratégie nutritionnelle ciblée, communication tous azimuts important. « Au-delà de sa valeur et réseaux de distribution alternatifs : le numéro trois mondial nutritionnelle, La Vache qui rit véhides fromages industriels joue sur plusieurs tableaux. cule une image de joie de vivre », souligneCarolineSorlin.Uneimage eurre, cheddar et poudre Moyen-Orient n’en dira pas plus, positive propice aux spots télévisés de lait. Voilà plus de cinafin de contrer toute volonté de et aux panneaux d’affichage, très quante ans que la recette contrefaçon – un phénomène bien répandus sur le continent – interde La Vache qui rit régale réel mais fluctuant selon les cours net étant lui le principal outil pour l’Afrique. Et elle le lui rend bien. atteindre les plus jeunes. « Le pacdes matières premières. Grâce à un traitement permettant kaging est également un très gros une conservation hors froid pen« MAMAS MAPAS ». Pour Bel, vecteur de communication pour dant neuf mois, à un réseau de l’heure est surtout à la conquête de nous, grâce aux boîtes imprimées distribution faisant la part belle à nouveauxclients.«Notreobjectifest recto verso : on peut donner des l’informel, à une stratégie de comde doubler notre chiffre d’affaires informations nutritionnelles et munication multisupport et à la d’ici à 2020 en touchant les des consignes alimentaires commercialisation par portions 200 millions de consomsur leur fond. » Pour (15 centimes d’euro), le continent mateurs supplémenatteindre le plus grand absorbe 40 % des ventes mondiales taires que comptera nombre, Bel travaille des revenus millions le continent à ce avec 270 000 points de la célèbre crème de fromage. CA: 325 d’euros, soit 13 % globaux moment-là », soude vente et met Pour bichonner ses consommaEn progression de nes de f depuis ton ligne Frédéric Nalis, à contribution teurs africains, le groupe français 72 % 4 ans produites vice-président du jusqu’aux réseaux Bel a défini une politique nutrien 2012 tionnelle locale et mis en place une groupe en charge de petits vendeurs. « L’Afrique, c’est formule enrichie en calcium et en de l’Afrique. Pour ce faire, Bel multiplie 90 % de distribuvitamine D en s’appuyant sur les 270 000 points de vente donnéesdel’Organisationmondiale les innovations comtion traditionnelle, de la santé (OMS) et de la Global merciales. En compléinformelle », rapM n ar Alliance for Improved Nutrition ment de sa vente à la pelle Frédéric Nalis. À 1e oc – (197 8) (Gain), qui crée des programmes portion, le groupe propose Kinshasa,legroupesollicite 199 7) – 1 e n É gypte ( pour enrichir les aliments de base. ainsi des formats différents tels depuis deux ans les mamas Deux nouvelles formules sont en que le snacking (« grignotage ») ou mapas (« mamans pain ») en leur encorelabarquettefamiliale,lancée cours de développement. « L’une proposant de vendre des tartines devrait être lancée en 2013, l’autre récemment. Il avait auparavant de Vache qui rit plutôt que de maren 2015-2016 », détaille Caroline développé des marques « secongarine. Pari réussi, qui a conduit à daires » – Picon, Régal Picon et Sorlin. Mais la directrice marketing faire de même au Congo voisin et du groupe pour la zone Afrique et Les Enfants. Ce compromis entre en Côte d’Ivoire. ● FANNY REY ALBAN BIAUSSAT/COLLATERAL
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Addoha pose une première pierre Le promoteur marocain débute son déploiement africain à Abidjan. Son atout? Un guichet unique de vente regroupant banques et administrations.
C
inq jours : c’est le temps qu’il aura fallu au groupe Addohapourconvaincre la délégation ivoirienne de douze personnes – dont Nialé Kaba, ministre de la Promotion du logement–venueauMarocobserver ses chantiers. À la clé, un protocole d’accord qui prévoit la construction par la nouvelle filiale Addoha Côte d’Ivoire de 2600 logements sociaux. « Il y a deux programmes dans des quartiers différents d’Abidjan, l’un pour 2 000 logements, l’autre pour 600 », détaille Saad Sefrioui, directeur chargé de mission à Addoha. La recette du premier promoteur marocain (170 000 logements en
construction dans le royaume) est simple. « Nos piliers : les trois F, le foncier, la fiscalité et le financement, souligne Saad Sefrioui. Il faut que le foncier soit titré, que les promoteurs bénéficient d’exonérations de TVA ou d’impôt sur les sociétés en échange d’un engagement de construction,etilfautunvoletcrédit à l’habitat, qui reste à développer au sud du Sahara. » Addoha compte reproduire son modèle de guichet unique, un lieu où le client a accès à toutes les ressources : banquiers, administration foncière, services publics et, bien sûr, à ses projets immobiliers. « Banque populaire, BMCE et
Attijariwafa Bank, nos principaux partenaires au Maroc, sont tous trois implantés en Côte d’Ivoire ; cela va aider à développer le crédit à l’habitat auprès du grand public. » CIMENTERIES. Au sud du Sahara,
15 %
C’est la part de chiffre d’affaires que le groupe compte réaliser en Afrique subsaharienne d’ici à deux ans
Addoha compte en outre trois programmes prêts à commencer en Guinée et un projet de 1500 logements au Cameroun. L’objectif est de réaliser 15 % du chiffre d’affaires (837 millions d’euros en 2011) dans la zone d’ici à deux ans, et de s’implanter au Gabon et au Burkina. Le réseau de cimenteries développé depuisunandanslarégionparAnas Sefrioui, PDG d’Addoha, alimentera leschantiers.ÀAbidjan,laconstructiondeslogementsdoitcommencer enjuin2013etdurerdix-huitmois. ● FRÉDÉRIC MAURY
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ARCHIVES PRÉSIDENCE
Entreprises marchés
! Lors de la CONFÉRENCE ÉCONOMIQUE AFRICAINE, le 30 octobre à Kigali, PAUL KAGAMÉ a alerté sur les risques induits par une suppression des subsides.
CONJONCTURE
La croissance rwandaise en péril
Soupçonné de soutenir une rébellion en RD Congo, Kigali est privé d’une partie de l’aide internationale. Cela pourrait remettre en question les importants progrès économiques réalisés.
K
igali, la ville jardin, dont les routes serpentent à travers un paysage verdoyant et vallonné, fait grise mine en ce début de novembre. Pas seulement à cause de la saison des pluies, qui, d’ailleurs, touche à sa fin, mais surtout en raison des inquiétudes suscitées par la suspension, depuis près de trois mois, de l’aide de plusieurs partenaires du Rwanda. Les ÉtatsUnis, le Royaume-Uni, la Suède et la Banque africaine de développement (BAD) ont déjà gelé quelque 128 millions de dollars de subsides (environ 100 millions d’euros). À l’origine de cette décision : un rapportonusienaccusantleRwanda de soutenir l’Armée révolutionnaire du Congo (ARC, ex-M23) qui sévit dans l’est de la RD Congo. Réfutant ces accusations, le président Paul Kagamé a profité de la tribune offerte par la Conférence économique africaine qui se tenait dans la capitalerwandaise,du30octobreau 2 novembre, pour alerter l’opinion internationale : « Supprimer l’aide au Rwanda sous prétexte de vouloir résoudre le problème congolais risque de créer un problème supplémentaire », a-t-il déclaré. Selon les prévisions faites par le Fonds monétaire international N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
(FMI) avant même le gel des aides, la croissance du pays devrait ralentir (voir infographie). Le Rwanda reste une économie fragile, dont le budget dépend à près de 50 % de l’aide internationale. De fait, la question de la suspension de l’aide divise les bailleurs de fonds internationaux. « Le Rwanda a montré qu’il pouvait réaliser de bons résultats sur le plan économique. Les bailleurs de fonds doivent soutenir cette success-story », souligne Shantayanan Devarajan,économisteenchefpour l’Afrique de la Banque mondiale. Danssonrapport«DoingBusiness» 2013, l’institution vient de classer le Rwanda au deuxième rang des pays ayant constamment amélioré leur environnement des affaires depuis 2005. En matière de développement, le pays a réduit, sur les cinq dernières années, son taux de pauvreté de neuf points. « Cette baisse est plus
rapide que ce qui a été observé en Asie de l’Est », commente Shantayanan Devarajan. Le revenu moyen par habitant a explosé, de 214 à 620 dollars entre 2000 et 2011. AUTOSUFFISANCE. À l’origine de
Un léger ralentissement (évolution du PIB, en %) 10 8
8,6 7,2
7,7
7,5
2012*
2013*
7,2
6
4,1
42009
2010
2011
2014*
* Prévisions
SOURCE : FMI
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cette avancée, la réorganisation de l’agriculture autour d’un double objectif : produire pour assurer la sécurité alimentaire et faire en sorte d’exporter le surplus. Mis en œuvre depuis plus de cinq ans, ce programme permet au pays d’atteindre l’autosuffisance. Si la facture des importations a globalement augmenté de 52 % en 2011, à 1,63 milliard de dollars, la part des produits agroalimentaires y est minime. « Deux programmes majeurs ont permis d’atteindre ce résultat », explique Tony Nsanganira, directeur exécutif intérimaire du Rwanda Development Board (RDB), une institution dépendant directement de la présidence. « D’abord, la consolidation des terres, détaille-t-il. Il a fallu convaincre les petits exploitants de se mettre en coopératives pour disposer de surfaces plus grandes et d’utiliser des engrais pour augmenter la productivité. Ensuite, dans l’élevage, le programme One JEUNE AFRIQUE
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Cow Per Poor Family [une vache par famille pauvre, NDLR] a permis d’accroître la production laitière et le revenu de certaines familles pauvres des zones rurales. » Toutefois, les experts estiment que la transformation reste insuffisante.«Nousensommesconscients. C’est pour cette raison que nos investissements actuels visent à améliorer l’accès à l’électricité [le kilowattheure coûte 0,14 euro au Rwanda, contre 0,09 en moyenne pour les pays voisins] et à renforcer la capacité humaine à travers des programmes de formation », explique Tony Nsanganira. « Nous avons toujours exporté notre café comme une matière première, ajoute-t-il. Nous encourageons désormais le secteur privé à générer de la valeur ajoutée avec des produits finis emballés. » Pour le secteur public, il s’agit d’amener chacune des filières à des niveaux de production et de rendement qui peuvent intéresser les investisseurs privés. « Pour les cinq prochaines années, nous prévoyons que la part de l’agriculture descende à 25 % du PIB [contre 35 % actuellement] et que celle de l’industrie monte à 20 % ou un peu plus [contre 17 %] », poursuit Tony Nsanganira. Mais c’est surtout sur les services que mise le pays pour transformer son économie. Remis sur les rails depuis quelques années, notamment grâce à la mise en valeur de la faune, le tourisme est en plein essor. En 2011, l’activité a rapporté 251 millions de dollars, un chiffre en hausse de 25,5 % sur un an. Les hôtels poussent à Kigali. Un Hilton et un Radisson Blu devraient ouvrir prochainement. Selon Gilles Guerard, directeur général d’Ecobank Rwanda, « le pays veut développer le tourisme d’affaires et se positionner comme un hub régional des services ». Pour cela, il investit massivement dans l’éducation, les infrastructures de télécommunications et le développement des services financiers. La suppression de l’aide internationale pourrait remettre en question toutes ces ambitions. ● STÉPHANE BALLONG, envoyé spécial JEUNE AFRIQUE
AÉRIEN TUNISAIR À L’OFFENSIVE Durement touché par la chute de la fréquentation touristique depuis la révolution et miné par des conflits sociaux,Tunisair veut reprendre l’offensive après une année 2011 catastrophique, avec des pertes de 80 millions d’euros. Rabah Jrad, son PDG, veut d’abord baisser les coûts d’exploitation de 15 %, notamment grâce à la modernisation de la flotte. Le transporteur tunisien compte acquérir chaque année jusqu’à
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2017 deux nouveaux appareils. Des licenciements seraient à prévoir en 2013, mais le nombre de personnes touchées doit encore faire l’objet de discussions avec les syndicats. Face à ses concurrents,Tunisair entend optimiser ses liaisons européennes et moyen-orientales, mais pas seulement. D’ici à 2017, la compagnie compte ouvrir 20 nouvelles destinations sur le continent, en particulier au sud du Sahara. Dès 2013, Ouagadougou, Douala et Kinshasa seront desservis. ●
• NOTATION L’agence Fitch Ratings juge la perspective du Maroc stable, quand Standard & Poor’s l’estime négative • BTP Le Portugal et l’Espagne vont construire 100 000 logements en Algérie • PÉTROLE Le britannique Petrofac va investir 500 M$ dans l’exploration au large du Cameroun
• MINES Le fonds d’investissement émirati Mubadala a signé un contrat de long terme avec la Compagnie des bauxites de Guinée pour approvisionner Abou Dhabi • ÉNERGIE La nouvelle centrale thermique d’Abatta, en Côte d’Ivoire, sera construite par l’américain ContourGlobal pour 457 M€
DROIT DE RÉPONSE À la suite de l’article « Le cheikh était en bois » paru dans notre édition no 2694 (du 26 août au 1er septembre), le groupe MBI nous a fait parvenir le droit de réponse suivant: – L’article fait état de promesses prétendument non tenues par le cheikh Al Jaber. Aucun protocole ou engagement écrit n’a été signé par le cheikh Al Jaber. La nonconcrétisation de projets passés reflète les incertitudes et l’opacité liées à la situation politique de l’époque. – Les affirmations selon lesquelles le groupe MBI « connaît de plus en plus de difficultés » sont démenties par les résultats bénéficiaires confirmés par la certification des comptes annuels par un grand cabinet. – L’évocation du
contentieux avec la commune de LevalloisPerret comporte de nombreux oublis et imprécisions. Dans son jugement du 11 février 2011, le tribunal de commerce de Paris n’a en aucune façon reconnu une perte de 100 millions d’euros au préjudice de la Semarelp (société d’économie mixte de Levallois-Perret) ou de sa filiale et, en outre, il a été relevé appel de cette décision. – L’allégation selon laquelle le groupe aurait maquillé le bilan d’une société de négoce domiciliée en Égypte ne repose sur aucun fondement tangible. La décision du tribunal égyptien de mai 2011 énonce explicitement que l’origine du différend serait le fait isolé d’un employé qui a fourni des informations inexactes. – Le titre de cheikh a été transmis au cheikh
Al Jaber selon les coutumes tribales de son pays d’origine et ne lui a jamais été contesté. – Enfin, aucune procédure de redressement judiciaire n’est ouverte à l’encontre de la société JJW Hotels & Resorts. ● Dont acte, mais un certain nombre d’éléments relatés dans l’article ne font pas l’objet de contestation : de la condamnation concernant le litige avec la commune de LevalloisPerret à celle obtenue par Starwood, même si elles ont fait toutes deux l’objet de recours, sans oublier la démarche entamée par Aareal Bank. Quant aux difficultés du groupe, récusées par son fondateur, il faut rappeler que la filiale française, JJW France, qui regroupe une trentaine d’hôtels, a été placée en redressement judiciaire le 16 juillet. ● LA RÉDACTION N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
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Décideurs CÔTE D’IVOIRE
Janine Diagou Wodié, l’héritière Depuis quelques mois, elle dirige NSIA Banque, filiale du groupe d’assurances éponyme fondé par son père, Jean Kacou Diagou.
A
vec son visage aussi fin que la monture argentée de ses lunettes, Janine Diagou Wodié aurait pu être mannequin, comme le suggèrent d’ailleurs les quelques photos en noir et blanc encadrées dans son bureau. Par timidité peut-être, mais plus encore par « amour des chiffres », elle a préféré devenir banquière. À 39 ans, cette Abidjanaise d’origine et de cœur occupe une position exceptionnelle pour une femme dans son pays. En début d’année, elle est devenue directrice générale du pôle bancaire de la société d’assurances NSIA. Une promotion qui n’a surpris personne au pays : après tout, Janine Diagou Wodié n’est-elle pas la fille de Jean Kacou Diagou, président fondateur du groupe NSIA ? Logique élémentaire pour cette « cartésienne » revendiquée, qui assume « avec fierté » cette filiation. Elle en plaisante avec l’intéressé et s’en amuse parfois avec les employés, même si elle espère bien être un jour reconnue pour autre chose, à commencer par la direction qu’elle entend donner à une filiale bancaire en plein développement. Forte de 550 salariés, NSIA Banque a réalisé l’an passé 40 millions d’euros de produit net bancaire en Côte d’Ivoire (le groupe NSIA compte quant à lui 1300 employés et a réalisé un chiffre d’affaires consolidé de 215 millions d’euros en 2011) et propose désormais ses services en Guinée. Que Jean Kacou Diagou se rassure : pas question pour Janine de tuer le père ni de brader son héritage. « Sa vision sera toujours respectée et son ambition dépassée », N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
peut. Ses expériences seront par la suite plus mitigées, à Paris, où elle ne fait qu’étudier, comme à Londres, qu’elle quitte après avoir décroché un diplôme en ingénierie financière.
! DIPLÔMÉE EN INGÉNIERIE
FINANCIÈRE,
elle a intégré NSIA en 1999 en tant que contrôleuse de gestion.
ÉCHANGE PERMANENT. En Côte
d’Ivoire, elle a fait ses classes en tant qu’auditrice pour un distributeur local de produits pétroliers, avant de se faire embaucher par son père un soir de janvier 1999 pour participer à l’aventure qu’il avait lancée quatre ans plus tôt. « Il n’a pas vraiment eu besoin de me convaincre », sourit aujourd’hui celle qui a alors découvert le monde de l’assurance comme contrôleuse de gestion. L’idée de collaborer à « un groupe panafricain solide, répondant aux normes internationales et engagé dans le développement des pays où il est établi » l’a toujours séduite. Et puis comment dire non à celui qui, avec ses deux fils, reste à n’en pas douter l’homme de sa vie ? Entre le père et la fille comme entre le patron et son adjointe, l’échange est permanent. « Nous nous parlons tout le temps », confirme Janine Diagou Wodié. C’est lui qui la pousse à accepter les sollicitations des journalistes, à « sortir du bois », quand assure la directrice générale d’une elle préférerait éviter la lumière. Des contraintes de ses nouvelles voix ferme et onctueuse à la fois. fonctions, elle accepte tout, jusqu’à L’œil noir s’adoucit dès qu’elle « respirer NSIA ». En attendant revient sur un parcours qu’elle NSIA de se « mettre au yoga », elle gère juge elle-même « atypique » et Banque son stress en collectionnant les pétille lorsqu’elle parle de en chiffres ses années lycée à Dakar, œuvres « d’artistes pas forcé« les plus belles » de ment connus » et s’imaEffectif son existence. Du gine même un jour, Sénégal elle a peut-être, ouvrir tout aimé, au sa propre galerie. Produit net bancaire 2011 point d’entreteCe sera pour plus nir aujourd’hui tard. Prise au jeu, encore une relation elle se fixe pour l’heure Une présence dans quasi fusionnelle avec d’autres défis… et son père le premier pays africain, a certainement d’autres proCôte d’Ivoire jets pour son héritière. ● en dehors de la Côte d’Ivoire, et Guinée OLIVIER CASLIN, qu’elle a découvert. Elle contienvoyé spécial à Abidjan nue de s’y rendre dès qu’elle lle le SIA KAMBOU
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550 salariés
40 millions d’euros 2 pays
JEUNE AFRIQUE
Décideurs du cabinet, des multinationales occidentales ou africaines, mais aussi sur de nouveaux acteurs du paysage économique africain : « Les entreprises chinoises, plus particulièrement dans les secteurs pétrolier et minier, sont de plus en plus nombreuses à s’adresser à nous pour des questions de due diligence [audit préalable, NDLR] ou de fiscalité », affirme-t-elle.
! Elle dirige une équipe de 100 CONSULTANTS. CAMEROUN
Nadine Tinen sur deux fronts La directrice de PricewaterhouseCoopers à Douala développe le cabinet d’audit en Afrique centrale. Tout en soutenant la cause féministe.
D
epuis quelques semaines, le bureau de PricewaterhouseCoopers (PwC) à Douala, actif non seulement au Cameroun mais aussi en Guinée équatoriale, au Tchad et en Centrafrique, a passé la barre des 100 consultants. Un motif de satisfaction pour la Camerounaise Nadine Tinen. Née à Strasbourg (France) en 1972, mais repartie au pays un an plus tard, cette
diplômée en droit fiscal a intégré en 1996 l’entité camerounaise de PwC. Seize ans plus tard, elle pilote un bureau qui, entre-temps, a triplé de taille. Fort d’un chiffre d’affaires de plus de 10 millions d’euros en 2011, c’est le plus important cabinet d’audit de la place. Mais Nadine Tinen entend doubler cette performance dans les cinq à sept ans. Pour y parvenir, elle pourra compter sur les clients habituels
DR
CHEMIN. Mariée à un chef d’entre-
prise, membre du conseil exécutif du Groupement interpatronal du Cameroun (Gicam), Nadine Tinen se félicite du chemin parcouru par son pays et ses compatriotes en matière de présence des femmes dans les entreprises. « Quand j’ai commencé, il m’était impossible d’entrer dans un ministère si je portais un pantalon ! » se souvient-elle. La cause des femmes occupe une bonne partie de son temps. Ainsi, en octobre, elle faisait partie d’une délégation de 40 femmes d’affaires africaines choisies par l’organisation du Women’s Forum de Deauville (France). Chez PwC, malgré la persistance d’une majorité de consultants masculins, elle se félicite que la force de travail se soit féminisée, « sans avoir eu recours à aucune forme de discrimination ». Pour elle, la solution est simple, en apparence : « Favoriser l’excellence, quel que soit le genre ! » ● NICOLAS TEISSERENC
DR
ON EN PARLE
STEPHEN ODELL FORD Le nouveau président Europe, Moyen-Orient et Afrique prendra ses fonctions le 1er décembre. Ce Britannique est passé chez Jaguar, Volvo et Mazda avant d’occuper divers postes de direction chez Ford. JEUNE AFRIQUE
FADEL AGOUMI CGEM À 40 ans, il a été nommé directeur délégué de la Confédération générale des entreprises du Maroc. Journaliste depuis 1998, il a notamment été rédacteur en chef et directeur de la publication de La Vie éco.
ALBERTINAH KEKANA ROYAL BAFOKENG HOLDINGS Cette ex-directrice de la Public Investment Corporation (l’institution sud-africaine de gestion des retraites du secteur public) prend la tête du fonds d’investissement de l’ethnie bafokeng. N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
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Marchés financiers
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BOISSONS
Malgré les crises, la bière garde la cote Lois antialcool, ramadan en plein été, pouvoir d’achat en baisse… En dépit d’un contexte défavorable, les brasseurs continuent d’engranger les profits et de voir le continent comme un marché prometteur. Reste que, malgré les pressions croissantes sur les marges, les brasseurs africains restent très rentables. Le géant néerlandais Heineken réalise ainsi 12 % de ses ventes en Afrique et au MoyenOrient… et 21 % de ses marges. La situation oligopolistique du secteur n’y est sans doute pas pour rien : quatre groupes (Diageo, Heineken, BGI-Castel et SAB Miller) réalisent 80 % des ventes de bière en Afrique. THOMAS MUKOYA/REUTERS
IMPÔT. Castel contrôle notamment
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l’alcool gagne de plus en plus de pays, et le Kenya n’a pas été épargné. « Depuis 2009, la demande de bièreasouffertdediversesdécisions prises par Nairobi pour contrôler la consommation d’alcool, explique Andy Gboka, analyste chez Exotix. L’augmentation des droits, la mise en œuvre du Alcoholic Drinks Control Act [fin 2010, NDLR] et les difficultés économiques du pays ont fait reculer les ventes de bière d’EABL [East African Breweries, le leader du marché] bien en dessous de leurs niveaux historiques. » Au Nigeria aussi, la croissance du marché a fortement ralenti ces derniers mois, affectée par l’accélération de l’inflation et la baisse des subventions sur l’essence, qui ont réduit le pouvoir d’achat des habitants.
! EAST AFRICAN BREWERIES, au Kenya, a souffert de la mise en œuvre par les autorités d’un Alcoholic Drinks Control Act.
Une marge nette de 17,5 % en moyenne (données financières du 1er semestre 2012, en millions d’euros)
Profit
667,9 94,8 Nigerian Breweries
268,2
65,7
East African Breweries
111,2
16,4 Brasseries du Maroc
71,5
24,2 SFBT
CA 101
12,6 Solibra JEUNE AFRIQUE
SOURCE : SOCIÉTÉS
C
rises politiques, soubresauts économiques, aléas conjoncturels… Les brasseurs africains ne sont pas à la fête. Au Maghreb, le secteur a été touché par la période du ramadan, qui tombe, depuis deux ans et pour trois ans encore, pendant l’été, saison habituelle de pic des ventes. Les Brasseries du Maroc (groupe Castel) en ont subi les effets : le cours de la société à la Bourse de Casablanca a ainsi chuté de 9,2 % depuis le début de l’année. LesventesauMarocontaussiconnu le contrecoup d’une hausse de 50 % des taxes sur l’alcool, poussant le brasseur à revoir ses tarifs dès le 1er janvier 2010. « Les Marocains “boivent” un certain budget, et non une quantité. Si le prix augmente, ils réduisent leur consommation », note Widad Wardi,analystechezIntegraBourse. Il ajoute : « Le gouvernement islamiste va poursuivre son lobbying pour taxer les alcools. Cela peut être un frein durable au retour aux niveaux d’avant, lequel pourrait prendre encore deux années. » Cette lutte croissante contre
la Société de fabrication des boissons de Tunisie (SFBT), en quasi situation de monopole dans son pays avec 85 % des ventes de bière. Aupremiersemestre2012,sesrésultats ont continué de progresser, pour atteindre 24,2 millions d’euros, contre 23 millions un an plus tôt, malgré un impôt équivalant aux trois quarts du prix de la bouteille. Le cabinet d’analyse financière AlphaMena s’emballe même dans sa dernière note de novembre : il souligne une « incroyable solidité malgré la crise », estimant un potentiel de croissance du titre de 54,3 %. La Société de limonaderies et brasseries d’Afrique (Solibra), une autre filiale du groupe Castel, elle aussi en position dominante, a également plus que brillamment résisté à la crise du début de l’année 2011, en clôturant l’année sur une hausse de ses ventes et de ses profits. Au premier semestre 2012, son bénéfice net a bondi de 50 %, pour atteindre 12,6 millions d’euros. Solibra a même lancé un programme d’investissement afin
Baromètre
L’arrivée prochaine du français Pernod Ricard annonce une rude bataille. plus faibles, il y a une lourde dépendance aux boissons faites maison, qui ne sont pas commercialisées. SAB Miller estime que ce marché informel pourrait représenter 70 % du marché africain. » L’objectif des brasseurs est donc désormais de développer des bières réalisées à base d’ingrédients locaux et moins chères que les bières classiques. PREMIUM. Une autre carte à jouer
réside dans la montée en gamme, pour séduire les populations plus aisées. Sur ce créneau, les filiales de Diageo (EABL ou Guinness Nigeria) sont en position de force, la Guinness, une bière noire haut de gamme, étant très appréciée. Mais l’ambition est d’aller un cran plus haut en dopant les ventes d’alcool premium, encore très marginales en Afrique. « La forte poussée des marques de spiritueux devrait continuer à alimenter la “premiumisation”desactivitésd’EABL,analyse Andy Gboka. Ce segment peut agir comme une garantie contre la pression sur les marges à laquelle EABL pourrait être confronté sur le créneau des bières. » L’arrivée annoncée en Afrique du français Pernod Ricard, l’un des leaders mondiaux des spiritueux, souligne l’intérêt pour ce nouveau marché et la prochaine bataille qui s’annonce. Diageo contrôle en effet près de 45 % des ventes premium en Afrique. ● MICHAEL PAURON
Tunis : les petits font la course en tête VALEUR
BOURSE
COURS au 7 novembre (en euros)
ÉVOLUTION depuis le début de l'année (en %)
Electrostar
DISTRIBUTION
11,45
+ 482,87
Sotumag Essoukna Adwya AMS Simpar Sotuver
DISTRIBUTION
0,95 5,61 4,27 7,07 35,29 4,73
+ 75,73 + 64,08 + 45,6 + 43 + 40,37 + 38,52
Ennakl SFBT GIF-Filter
DISTRIBUTION
6,33 7,22 3,66
+ 35,94 + 34,46 + 31,3
IMMOBILIER SANTÉ INDUSTRIE IMMOBILIER INDUSTRIE
BOISSONS ÉQUIPEMENTS
COMME SOUVENT ÀTUNIS, les meilleures performances sont le fait des petites valeurs. Dans le top 10 des évolutions depuis le début de l’année 2012, seul l’industriel des boissons SFBT appartient à la catégorie des grandes capitalisations. Les PME sortent donc gagnantes de l’année, sans que l’on sache si leurs performances sont réellement dues à leurs perspectives
plutôt qu’à la spéculation, comme l’illustre la frénésie autour du distributeur d’électroménager Electrostar… Les grandes valeurs du marché, elles, sont quasiment toutes dans le rouge, notamment les banques, mais aussi Poulina, qui perd 9,9 %. Le secteur de la distribution s’en sort beaucoup mieux, les titres phares Monoprix et Magasin général ayant gagné plus de 25 % cette année. ●
Valeur en vue BANQUE DE L’HABITAT Pénalisée par la conjoncture LA BANQUE DE L’HABITAT (BH), QUI ÉTAIT lors de sa création une banque spécialisée dans les crédits à l’habitat, est depuis 1992 une banque commerciale opérant dans tous les domaines de la finance. Cependant, sa croissance a ralenti en 2011 (total des dépôts en baisse de 1,3 %, à 1,7 milliard d’euros) à cause d’un nombre limité d’agences (94) et d’une conjoncture fragile. Selon les indicateurs d’activité au 30 septembre, la situation s’est légèrement améliorée grâce à la progression favorable du produit Fatma Hergli net bancaire au troisième trimestre (+ 4,2 %, à 24 milAnalyste lions d’euros), qui a absorbé le repli constaté au premier chez AlphaMena semestre (– 1,3 %). Étant donné que les dépôts ont augmenté de 7,9 %, le ratio de liquidité (dépôts/crédits) s’est amélioré, passant de 78,2 % fin 2011 à 84,5 %. La banque n’a pas réussi à contrôler son coefficient d’exploitation bancaire, qui s’est aggravé à 52,6 % à cause de la hausse de 12 % des charges opératoires, laquelle n’a pas été accompagnée par une progression adéquate de l’activité. » ●
DR
d’étendre ses capacités et a inauguré, le 26 septembre, une nouvelle ligne d’embouteillage à Bouaflé. Capable de résister aux pires tempêtes, le secteur poursuit donc son offensive sur un continent où l’essentiel du marché reste à conquérir. « Les Africains consomment de l’alcool à peu près au même niveau que le reste du monde, soulignait il y a quelques mois l’agence Moody’s. Toutefois, en raison de revenus généralement
Marchés financiers
BOURSE
PNB 2012 (1er semestre)
COURS (7.11.2012)
OBJECTIF
Tunis
45,6 millions d’euros (– 1,3 %)
13,47 dinars
14,70 dinars
et FRÉDÉRIC MAURY JEUNE AFRIQUE
N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
117
Dossier
Télécoms
INTERVIEW
Ibrahima Guimba-Saidou Vice-président de SES
CONCENTRATION
Menace sur les outsiders
Sur un marché de plus en plus concurrentiel, les opérateurs indépendants peinent à préserver leur rentabilité et à offrir des perspectives de développement. La plupart d’entre eux s’acheminent vers une disparition programmée. JULIEN CLÉMENÇOT
D
éjà dominée par une dizaine de multinationales, l’Afrique des télécoms va-t-elle connaître une nouvelle vague de concentrations ? Sans doute, à en croire les déclarations de grands holdings internationaux qui étudient depuis quelques mois les conditions de leur retrait du continent. Soumis au diktat des marchés financiers, le français Vivendi pourrait ainsi se séparer de Maroc Télécom, présent dans cinq pays, tandis que le russe Vimpelcom a annoncé la mise en vente des opérations d’Orascom en Centrafrique, au Burundi et, à terme, au Zimbabwe, pour se recentrer sur ses marchés européens. Reste à savoir si ces cessions attireront les investisseurs. Si les leaders du secteur représentent toujours de véritables cash machines, nombre de filiales africaines, y compris au sein des grosses écuries, accumulent les pertes. « Dans un marché où la compétition s’intensifie, chaque opportunité d’acquisition est évaluée au cas par cas. Nous préférons souvent investir sur notre réseau plutôt que d’acheter un acteur de second rang », confirme le patron d’un des principaux opérateurs africains. Le désintérêt est encore plus fort lorsqu’il s’agit de petits marchés comme le Liberia, la Sierra Leone ou la Gambie. Un véritable casse-tête pour les indépendants dont la plupart, incapables de financer leur développement, cherchent aussi à vendre leurs actifs. Si les télécoms séduisent toujours les investisseurs, une partie d’entre eux s’oriente plutôt vers d’autres N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
acteurs du secteur comme les gestionnaires de tours de télécommunication. Fin octobre, le nigérian IHS a ainsi levé 97 millions d’euros pour poursuivre son développement (lire p. 136). HORIZON SOMBRE. Boudés par les grands groupes
OLIVIER POUR J.A.
118
et par les financiers, ces petits opérateurs seraient donc condamnés à survivre seuls, voire à disparaître pour les plus fragiles. Ils ne représentent plus qu’environ 15%desabonnésafricains quand quatre groupes – MTN, Vodafone, Orange et Bharti – en totalisent 72 %. « D’ici à cinq ans, beaucoup n’existeront plus. Pour être rentable, il faut avoir au moins 20 % de part de marché et un flux de trésorerie positif, c’est loin d’être toujours le cas », reconnaît Hassanein Hiridjee, actionnaire de référence de Telma, numéro trois à Madagascar (lire p. 130). La situation de Bell Bénin, dont la dette envers Bénin Télécom s’élève à quelque 7 millions d’euros, ou la volonté du saoudien Bintel de céder l’opérateur Azur Quatre grands groupes à ses partenaires locaux faute – MTN, Vodafone, Orange d’avoir réellement percé en et Bharti – totalisent 72 % RD Congo témoignent de ces des abonnés africains. difficultés. L’horizon des petits opérateurs privés est d’autant plus sombre que certains gouvernements sont désormais décidés à faire le ménage. En Côte d’Ivoire, Bruno Koné, ministre des TIC, assure qu’aucun opérateur ne sera artificiellement maintenu en vie. Sont visés Comium et GreenN, respectivement numéros trois et quatre du marché. Son objectif : permettre aux leaders de garder suffisamment de marge de manœuvre pour investir dans le développement de leurs réseaux. JEUNE AFRIQUE
STRATÉGIE
Qtel fait coup double au Maghreb
QUALITÉ
Dans le collimateur des consommateurs
« La principale difficulté des indépendants, c’est qu’ils ne profitent pas d’un effet de levier », résume Jean-Michel Huet, directeur associé du cabinet de conseil BearingPoint. Impossible pour eux de répartir leurs dépenses marketing ou le développement de nouveaux services sur plusieurs grosses filiales. Sans parler, pour certains, de la quasi-absence d’accords de roaming (connexions interpays) – alors que cela peut représenter plus de 10 % du chiffre d’affaires d’un opérateur. « Lorsque nous achetons du matériel, nous le payons aussi plus cher, car notre force de négociation est limitée. Pour s’en sortir, les indépendants doivent avoir plusieurs cordes à leur arc et ne pas dépendre que des communications mobiles classiques, dont les prix baissent », explique Hassanein Hiridjee. INNOVER. La situation sera compliquée, d’ici à
quelques années, pour des opérateurs comme Warid au Congo ou Comium en Côte d’Ivoire, dépourvus de relais de croissance comme la 3G ou le mobile banking (services financiers via le téléphone). Pour résister, les indépendants peuvent cependant faire valoir quelques atouts, comme des charges de personnel limitées et un circuit JEUNE AFRIQUE
PORTRAITS
Deux patrons, deux défis
! L’absence d’offre 3G et de mobile banking est un handicap pour COMIUM, numéro trois en Côte d’Ivoire.
CONSO
Le guide du parfait « photophone »
de décision très court leur offrant souvent une meilleure réactivité – par exemple lorsqu’il s’agit de partager avec leurs fournisseurs les revenus générés par une plateforme informatique ou une application, plutôt que d’investir sur fonds propres dans de tels équipements. « Si nous avons gagné six points de part de marché cette année sur MTN et Bharti Airtel, et retrouvé une marge Ebitda positive, c’est en innovant », confirme Michel Élamé, directeur général de Warid Congo. Chez cet opérateur, l’approvisionnement en carburant de certaines tours de télécommunication a été confié à des particuliers et la remise en circulation des numéros de téléphone inactifs a été accélérée. Ancien dirigeant de la filiale congolaise de Zain, Michel Élamé sait pourtant que l’avenir de Warid ne peut s’envisager qu’à moyen terme. Son objectif: valoriser au mieux l’entreprise avant une probable cession. « Le prix de la licence 3G est une sérieuse barrière financière pour les petits opérateurs, et ce sera pire lorsque la 4G sera adoptée », confirme Jean-Michel Huet. Les acteurs indépendants dont la marque est populaire pourraient alors faire le choix de devenir des opérateurs virtuels, en louant les réseaux des géants du secteur. ● N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
119
Dossier Télécoms
120
INTERVIEW
Ibrahima Guimba-Saidou V ICE - PRÉSIDENT
DE
SES
CHARGÉ DES VENTES EN
A FRIQUE
« Hors des villes, le satellite est le plus efficace des moyens de transmission » Le groupe européen SES mise sur les marchés émergents pour poursuivre sa croissance. En Afrique, le développement d’internet constitue l’une de ses principales opportunités, malgré la concurrence de la fibre optique.
D
euxièmeopérateursatellitaire mondial, SES est très bien implanté sur les marchés européens et américains. Un peu moins en Afrique, où tout de même un quart des abonnés aux offres de télévision payantes par satellite utilisent ses services. Les télécoms constituent
l’autre pilier du développement du groupe européen sur le continent. Nommé vice-président Afrique en début d’année, le Nigérien Ibrahima Guimba-Saidou affirme que, contrairement aux idées reçues, l’arrivée des câbles sousmarins offre de nouvelles opportunités à l’industrie du satellite. JEUNE AFRIQUE: D’ici à 2014, SES a prévu de lancer quatre satellites capables de servir le continent. Quel est le montant investi pour l’Afrique ? IBRAHIMA GUIMBASAIDOU : Difficile à dire.
SES
Quand on fait des investissements, ce n’est pas sur une zone donnée, car un satellite peut couvrir plusieurs régions du monde. Chaque engin coûte environ 250 millions d’euros. L’objectif de SES est de consacrer, d’ici à 2015, 55 % de la capacité de ses satellites aux marchés émergents. En Afrique comme en Amérique latine ou en Asie, notre chiffre d’affaires connaît une croissance à deux chiffres.
Notre objectif est de consacrer 55 % de notre capacité aux marchés émergents d’ici à 2015. N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
Votre principal concurrent, Intelsat, est plus présent que vous sur les marchés émergents. Pourquoi ?
L’explication est historique. Intelsat est à l’origine une organisation intergouvernementale [dont la privatisation a été finalisée en 2005, NDLR]. Pendant longtemps, tous les pays membres de l’ONU étaient aussi membres de cette coopérative et bénéficiaient de ses services. De notre côté, nous étions au démarrage surtout présents en Europe. En dehors de la diffusion de chaînes de télévision, la fourniture de services télécoms reste votre principal marché sur le continent…
Certainement. Malgré le boom des opérateurs depuis dix ans, le taux de pénétration du mobile reste faible. Il y a encore une tranche de la population non servie dans des zones à faible densité. C’est là que le satellite est plus efficace que les autres moyens de transmission. L’arrivée des câbles sous-marins reliant le continent à l’Europe ne signe donc pas la fin du satellite ?
Absolument pas. Ce qu’il faut avoir à l’esprit, c’est que les câbles sous-marins et les réseaux en fibre optique ne desservent que des zones à forte population. Dans certains pays, plus de la moitié des habitants vivent dans des zones non urbaines ; ce marché reste à conquérir. Par ailleurs, l’arrivée des câbles crée aussi des besoins. Quand on apporte le haut débit, cela induit naturellement la fourniture de nouveaux services [comme l’accès à des contenus en ligne]. Il y a ensuite la nécessité d’apporter ces mêmes services dans des zones non couvertes par la fibre. JEUNE AFRIQUE
Dossier Dans les zones rurales, les populations ont un pouvoir d’achat limité. Peuvent-elles payer le prix du satellite ?
Les gens ont tendance à penser que le satellite est cher, mais ce n’est pas forcément vrai. Les tarifs de gros ont été divisés par cinq en trois ans. Dans les zones éloignées, on peut trouver des modèles économiques adaptés, par exemple avec des systèmes de prépaiement ou en partageant une connexion sur tout un village, en combinant le satellite avec un réseau sans fil. Les pouvoirs publics ont-ils un rôle à jouer pour développer l’attractivité des solutions satellitaires ?
Dans certains pays, les frais de licence et les taxes rendent le service inaccessible. Les autorités pensent que le satellite est un luxe et ne mesurent pas l’impact que la généralisation de l’accès à internet pourrait avoir sur l’économie.
Le deuxième groupe satellitaire mondial Chiffre d’affaires au 1er semestre 2012 :
891, 89 1,9 mi mill llio ions io ns d’eu euro eu ross
Cependant, les choses évoluent petit à petit. Des pays comme le Nigeria, où même les zones les plus reculées sont connectées, montrent l’intérêt de politiques plus ouvertes. L’avenir du satellite, ce n’est pas seulement d’offrir de la capacité, mais aussi des services associés…
Pour les utilisateurs, le mode de transmission importe peu. Si nous (+ 4,8 % sur un an) nous contentons de délivrer de la Part du marché bande passante, nous ne sommes satellitaire mondial : pas acteur du marché. Avec le 21,8 21 ,8 % (2011) concours de nos partenaires, nous pouvons créer des offres qui per52 sa sate tell llit ites es mettent par exemple de fournir, en dont 10 pouvant plus d’internet, des contenus locaux opérer sur l’Afrique [musique, services gouvernementaux, contenus académiques, etc.] ou, dans une zone non couverte, de donner un accès à un réseau GSM. SES est aussi largement impliqué dans le projet O3B, initié par Google…
Nous sommes actionnaire du projet à 40 % [l’investissement est estimé à 60 millions d’euros]. O3B signifie Other 3 billion [les trois autres milliards] en référence à la population mondiale qui risque de ne pas avoir de connexion internet. L’idée est d’apporter avec des satellites en orbite moyenne le haut débit à un coût similaire à la fibre. Huit engins vont être lancés en 2013, et la flotte va être ensuite graduellement augmentée. Ne vont-ils pas concurrencer les satellites SES ?
Non, ils sont complémentaires. Les satellites O3B offrent du très haut débit alors que nous apportons des débits moins importants. O3B pourra par exemple permettre d’étendre les services 4G [très haut débit], soit pour anticiper l’arrivée de la fibre optique, soit pour sécuriser le service en cas de coupure. ● Propos recueillis par JULIEN CLÉMENÇOT
Bénéficier du bon éclairage ouvre de nouvelles perspectives Deloitte, ce n’est pas seulement un leader des services professionnels fortement implanté en Afrique francophone et sur le reste du continent depuis plus de trente ans. C’est aussi une offre de service reconnue dans les Technologies, Media & Telecoms. Combinant la qualité des ressources locales et l’apport de compétences d’un réseau international, les experts Deloitte apportent aux sociétés innovantes des réponses sur-mesure de haut niveau face aux enjeux majeurs de leur développement.
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121
Dossier Télécoms ! POUR LE GROUPE DE DOHA, l’achat de nouveaux actifs au MoyenOrient est devenu trop risqué.
WIN MCNAMEE/AFP
122
STRATÉGIE
Qtel fait coup double au Maghreb En montant au capital de Wataniya, le géant qatari a pris le contrôle de Nedjma et de Tunisiana. Avec sa force de frappe financière, il pourrait donner un coup d’accélérateur aux deux opérateurs.
D
ébut septembre, le ministre algérien des Finances affirmait que l’État ferait valoir son droit de préemption sur l’opérateur Nedjma, filiale du koweïtien Wataniya Telecom, si celui-ci devait passer aux mains du qatari Qtel. Karim Djoudi est finalement revenu sur ses positions et, début octobre, l’opération de cession s’est faite sans douleur. En déboursant 1,8 milliard de dollars (environ 1,4 milliard d’euros), Qtel a pratiquement doublé sa participation dans Wataniya – qu’il détenait depuis 2007 –, passant de 52,5 % à 92,1 %. Après quelques sueurs froides, le président de Qtel, Sheikh Abdullah Bin Mohammed Bin Saud Al Thani, s’est fendu d’un communiqué exprimant sa reconnaissance vis-à-vis d’Alger – qui détient déjà Mobilis et est en passe d’acquérir Djezzy, les deux autres opérateurs du pays – pour avoir autorisé la transaction. Mais plus encore qu’à Doha, cette issue en a sans aucun doute soulagé plus d’un à Alger, à la direction de Nedjma. Car en se portant N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
années, la situation géopolitique au Moyen-Orient a rendu plus risqué l’achat de nouveaux actifs, expliquait récemment à Reuters Marc Hammoud, analyste télécoms chez Deutsche Bank à Dubaï. En conséquence, Qtel a donné la priorité à une augmentation de ses participations dans des unités existantes, sur des marchés et avec des actionnaires qu’il connaît déjà. » BIEN IMPLANTÉS. Reste à savoir
ce que, concrètement, cette nouvelle donne actionnariale pourrait apporter à ces deux réseaux qui sont déjà bien implantés. Avec près de 9 millions d’abonnés, Nedjma revendique 30 % du marché algérien, huit ans après l’émission de sa licence. De son côté, Tunisiana, avec près de 7 millions d’utilisateurs, contrôle plus de la moitié du marché tunisien et vient de lancer la 3G, qui fait encore défaut à son alter ego algérien. Que ce soit sur ce sujet ou plus largement sur celui
acquéreur de la quasi-totalité de Wataniya, Qtel pourrait décider de donner un coup d’accélérateur Son patron s’est fendu d’un à ce fleuron du groupe koweïtien communiqué pour remercier Alger (qui possède 71 % du capital), dont d’avoir autorisé la transaction. le chiffre d’affaires a enregistré une hausse de 33 % l’an dernier. du data – transmission de donMême chose, dans le pays voisin, pour Tunisiana, détenu à 75 % par nées –, les chantiers nécessitent Wataniya et dont l’activité a crû de de vastes investissements pour 116 % en 2011. Bien que le Koweït mettre en phase les infrastructures QUI DÉTIENT continue de représenter 90 % des maghrébines avec les standards QUI ? internationaux. bénéfices nets de Wataniya en 2011, ses filiales algérienne et tunisienne « Les bénéfices potentiels pour Qtel ont du potentiel, et le groupe qatari Tunisiana et Nedjma, ce sont de (Qatar) le sait fort bien. « Qtel avait pris meilleures conditions pour l’acquiune participation majoritaire dans 92,1 % sition d’équipements, le partage des bonnes pratiques à travers le Wataniya dès 2007, il avait donc Wataniya déjà connaissance du fonctionnegroupe Qtel et, de ce fait, une struc(Koweït) ment et des actifs du groupe avant ture de coûts plus efficiente, estime d’en racheter les parts restantes », Martin Kohlhase, de Moody’s. 71 % 75 % rappelle Martin Kohlhase, Quantauxconsommateurs, analyste chez Moody’s. ils pourront tirer avantage Dansunsecteurd’activité Nedjma Tunisiana du roaming [connexion et une zone géographique interpays, NDLR] à l’inté(Algérie) (Tunisie) où les professionnels ne rieur du réseau Qtel. » seraient pas surpris de voir Espérons que ce rachat, d’autres mouvements de concenautorisé in extremis, portera les tration, la stratégie de Qtel est très fruits annoncés. ● compréhensible. « Ces dernières SÉBASTIEN DUMOULIN JEUNE AFRIQUE
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Dossier
FETHI BELAID/AFP
! PREMIER À PROPOSER UNE OFFRE 3G EN TUNISIE, ORANGE a été rejoint par Tunisie Télécom, puis Tunisiana.
MARCHÉ
Incontournable 3G Dans le nord du continent, les opérateurs installent des réseaux de troisième génération. Un investissement nécessaire pour conserver leurs clients.
«
S
ans 3G, nous risquions de ne pas survivre », affirme Tawfik Jelassi, président du conseil d’administration de Tunisiana, le dernier opérateur à avoir acquis une licence 3G en Tunisie, en mai dernier. Selon lui, malgré ses 53,3 % de part de marché sur la téléphonie mobile, la société n’avait pas d’autre choix que d’emboîter le pas à ses concurrents, Orange et Tunisie Télécom, qui avaient lancé leurs offres respectivement en mai 2010 et en août 2011. Pour que ses abonnés puissent télécharger leurs mails, surfer sur internet ou visionner des vidéos sur leur mobile, Tunisiana a dû acheter une licence pour 76,3 millions d’euros (155 millions de dinars) et prévoit d’investir en trois ans quelque 343 millions d’euros dans les infrastructures. Un investissement majeur, alors que son chiffre d’affaires était de 564,5 millions d’euros en 2011. « Aujourd’hui, nous couvrons environ 42 % de la population en 3G [contre 83 % pour Orange Tunisie, NDLR] et comptons environ 75000 abonnés à cette technologie. En 2015, nous serons capables d’offrir ce service à 85 % de la population », annonce Jelassi. « À un moment donné, le décalagetechnologiqueentreopérateurs JEUNE AFRIQUE
fait perdre des parts de marché trop importantes à ceux qui n’ont pas sauté le pas. C’était le cas de Tunisiana, dont la part de marché s’effritait, indique Sami Matri, consultant au sein du cabinet Sofrecom. Pour l’heure, au Maroc comme en Tunisie, environ 10 % des utilisateurs ont accès à la 3G. Mais le simple fait de ne pas pouvoir tester la technologie peut pousser les clients à changer d’opérateur. Un risque d’autant plus grand que 98 % d’entre eux utilisent des cartes prépayées, donc sont peu fidèles. » GUERRE DES PRIX. Mais si le pas-
sage à la 3G est incontournable, il ne dope pas pour autant la rentabilité. « Inwi au Maroc et Tunisiana en Tunisie sont entrés sur le marché en cassant les tarifs. Cela va entraîner une guerre des prix qui diminuera
les marges », annonce Sami Matri, pour qui les investissements massifs consentis par les opérateurs pour passer à la 3G en Tunisie, au Maroc et en Égypte ne seront pas amortis avant 2015. « Il nous est difficile de parler de rentabilité sur la 3G dès aujourd’hui, reconnaît Tawfik Jelassi, mais nous développons des applications pour ses utilisateurs qui nous permettront de nous distinguer et d’augmenter notre part de marché. En juillet, nous avons ainsi lancé une offre de paiement par téléphone portable, en partenariat avec la Poste tunisienne. Pour autant, la 3G n’est pas un levier de croissance à elle toute seule. Dans notre secteur, ce qui prime, c’est la capacité d’innovation marketing autour des nouvelles technologies. » En Afrique du Nord, la course technologique devrait marquer une pause. « Il faut laisser le temps aux opérateurs de “digérer” leurs
Les dépenses engagées pour cette évolution ne seront pas amorties avant 2015, selon un analyste. dépenses dans la 3G, alors que certains d’entre eux sont en train d’investir dans la téléphonie fixe et l’ADSL pour pouvoir vendre des offres packagées, indique Sami Matri. Il faudra aussi du temps pour que la clientèle locale passe d’une facturation à la minute à l’achat de 20 ou 100 mégabits de données 3G, des offres dont elle comprend encore mal la signification. » ● CHRISTOPHE LE BEC
L’AFRIQUE DU SUD SURFE À PLEIN RÉGIME C’EST UNE PREMIÈRE sur le continent. Depuis le 10 octobre, Vodacom, filiale sud-africaine de l’anglais Vodafone, propose la 4G à ses clients de Johannesburg, avec un débit pouvant atteindre 100 mégabits par seconde (pour la 3G,
il se situe entre 2 et 42 mégabits). L’offre 4G de MTN devrait suivre dès décembre, et celle de Telkom en 2013. Outre la consultation du web, la 4G permettra l’utilisation sur les mobiles de la voix sur IP (communications téléphoniques transitant
par internet). « Les opérateurs vont devoir s’adapter pour que les revenus des communications internationales ne leur échappent pas complètement », note Sami Matri, du cabinet Sofrecom. ● C.L.B. N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
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¢ AFRIQUE SAS au capital de 4.000.000Euros – 438.880.163 R.C.S NANTERRE © ¢ AFRIQUE. FANNY BERTOZZY.
! Au Niger, CELTEL a écopé d’une amende correspondant à 3 % de son chiffre d’affaires. QUALITÉ
Dans le collimateur des consommateurs Les carences des réseaux sont de plus en plus décriées par les associations et les autorités de régulation. Las, les opérateurs préfèrent souvent être sanctionnés plutôt que d’investir dans l’amélioration de leur service.
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est le revers de la médaille. Coupures intempestives, montant de la facture supérieur aux consommations réelles, messages qui n’arrivent jamais mais dont le crédit est débité… En plein boom de la téléphonie mobile en Afrique, les reproches récurrents adressés aux opérateurs vont crescendo. « Nous payons cher pour un service dont nous ne bénéficions pas, déplore Robin Accrombessi, au Bénin. Et nous assistons à un simulacre de régulation de la part de l’autorité compétente. » Si le président de l’Association de défense des droits des JEUNE AFRIQUE
consommateurs des technologies de l’information et de la communication (Actic) est si remonté, c’est notamment parce que le Bénin a subi le 9 octobre une coupure totale du service de l’opérateur sud-africain MTN. « Le réseau a été perturbé parce que MTN, qui a dédommagé les utilisateurs, installe la 3G », affirme Firmin Djimenou, président de l’Autorité transitoire de régulation des postes et des télécommunications (ATRPT). Jugeant que Robin Accrombessi « exagère », il concède néanmoins que le réseau n’est « pas toujours de bonne qualité », mais assure « mettre la pression sur les opérateurs ».
ALFREDO CALIZ/PANOS-REA
Dossier La situation au Bénin n’est pas un cas isolé. « Cette qualité médiocre du réseau est la face obscure de la croissance des télécoms en Afrique », explique José do Nascimento, enseignant-chercheur à l’université Paris-Sud. Et les faits confirment les propos de ce spécialiste de la régulation du marché des télécoms sur le continent. Le 8 août, l’Office tchadien de régulation des télécommunications (OTRT) a condamné Airtel, Tigo et Salam à une amende d’environ 1,7 million d’euros pour mauvaise qualité de service et de réseau. Au Niger, mêmes problèmes et mêmes sanctions. Les cinq compagnies du pays (Celtel, Orange, Atlantique Télécom, Sonitel et SahelCom) ont écopé d’amendes correspondant à 3 % de leur chiffre d’affaires 2011. Les opérateurs du Nigeria, du Gabon, du Kenya, du Togo ou encore du Burkina Faso n’ont pas non plus été épargnés. Au Rwanda, le 14 septembre, MTN a été condamné à verser quotidiennement 3 700 euros pour mauvaise qualité de service et de réseau jusqu’à régularisation de la situation. Ce qui est désormais chose faite, selon François Régis Gatarayiha, qui dirige l’autorité de régulation du pays. PLAINTES. « Presque tous les pays
du continent sont concernés par la mauvaise qualité des réseaux, estime José do Nascimento. Simplement, les associations de consommateurs sont plus ou moins développées et actives selon les pays. » De fait, une plainte de consommateurs est systématiquement à l’origine de la montée au créneau des régulateurs. Pourtant, remontrance n’est pas toujours synonyme de sanction. En RD Congo, « une lettre de mise en demeure a été adressée le 3 septembre à Vodacom et à Airtel », se souvient Jonathan Johannesen, responsable des services financiers chez le concurrent Tigo. « Mais il n’y aura pas de sanctions financières ou de retrait de licence, déplore-t-il. Et comme depuis il n’y a pas eu de nouvel audit, il est difficile de mesurer l’amélioration du service. » Le N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
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Dossier Télécoms gouvernement a pourtant constaté une amélioration: « Les opérateurs ont réagi immédiatement, il y a de nets progrès, notamment grâce au déploiement progressif de la 3G », confie Paul Nputu, directeur de cabinet au ministère congolais des Télécommunications. Quoi qu’il en soit, « la capacité de réseau des opérateurs en Afrique reste nettement en deçà de la densité de trafic que génère un nombre d’abonnés en croissance constante », analyse José do Nascimento. Au Cameroun, par exemple, un audit réalisé fin 2011 a établi que, sur un échantillon de 22 localités contrôlées, le taux de couverture moyen était de 20 %, alors que le cahier des charges exige un seuil de 95 %. La qualité de service, elle aussi, était nettement inférieure aux normes requises. PUBLICITÉ. Pour augmenter la
capacité de trafic de leur réseau, les opérateurs disposent d’une seule solution valable : l’investissement massif. « Or ils ne le font pas, préférant réinvestir leurs bénéfices dans la publicité ou vers de nouveaux marchés, indique Jean-Jacques Massima-Landji, chef du bureau Afrique centrale et Madagascar de l’Union internationale des télécommunications (UIT). Et les amendes n’y changeront rien! Leur montant est insignifiant compte tenu de l’ampleur des bénéfices. » La plupart des cahiers des charges prévoient en effet une amende représentant 1 % du chiffre
BLOOMBERG/GETTY IMAGES
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d’affaires hors taxes, alors que les montants des investissements nécessaires pour atteindre une bonne qualité de service sont bien plus importants. « Les gouvernements n’ont pas toujours intérêt à prononcer de lourdes sanctions, explique José do Nascimento. L’État ou certains membres du gouvernement sont souvent actionnaires et les impôts payés par les opérateurs pèsent lourd dans la balance. » « Une solution serait d’intégrer dans le contrat de vente d’une licence une clause prévoyant qu’en cas de non-respect du cahier des charges le tribunal compétent soit celui du pays de la maison mère de la compagnie », poursuit le
! LE SUDMTN compte réduire ses dépenses en matériel pour se concentrer sur la qualité du service. AFRICAIN
SOUPÇONS D’ENTENTE AU NIGERIA LE 16 OCTOBRE, la Consumers Empowerment Organisation of Nigeria (Ceon, association de défense des consommateurs) a porté plainte contre Airtel, Glo Mobile et MTN auprès du régulateur du pays, les accusant de pratiques anticoncurrentielles. « Nous avons demandé à la NCC [Commission nigériane des N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
communications, NDLR] d’enquêter afin de déterminer si les opérateurs se sont engagés dans des pratiques concertées et abusent de leur position dominante pour conserver un niveau de service de mauvaise qualité et, surtout, une mauvaise interconnexion entre leurs réseaux », indique Babatunde Abiodun
Adedeji, coordinateur général de Ceon. Une plainte qui n’étonne pas José do Nascimento, de l’université Paris-Sud : « Il n’existe pas de concurrence par les prix et très peu d’interopérabilité entre les opérateurs en Afrique, explique-t-il. Les ententes y sont pourtant interdites. » La NCC a jusqu’au 15 novembre B.T. pour statuer. ●
chercheur parisien. Par exemple, pour Orange et MTN, les tribunaux etlesautoritésderégulationfrançais et sud-africains auraient les moyens financiers et suffisamment d’indépendance vis-à-vis de l’État pour enquêter. « Dans le cas contraire, les amendes resteront souvent symboliques et la situation stagnera », regrette José do Nascimento. À leur décharge, les entreprises de téléphonie mettent en avant le manque de rentabilité des zones rurales. « Certaines antennes coûtent plus qu’elles ne rapportent », affirme Jonathan Johannesen. Selon les cahiers des charges, les opérateurs doivent couvrir tout le territoire. « Mais une entreprise n’a pas vocation à pallier les missions de service public de l’État », reconnaît José do Nascimento. Au cours du premier semestre 2013, MTN va céder 1 758 tours de communication, au Cameroun et en Côte d’Ivoire, à IHS, un fournisseur d’infrastructures de télécommunications (lire p. 130). MTN deviendra ainsi locataire de ces antennes, ce qui permettra, selon le groupe sud-africain, de « réduire ses investissements en matériel et en entretien pour se concentrer sur l’amélioration du service ». Remède miracle ou vœu pieux ? ● BRICE TAHOUK JEUNE AFRIQUE
Dossier Télécoms PORTRAITS
Défis de patrons
L’un, à Madagascar, étend son empire. L’autre, en Côte d’Ivoire, reconquiert un marché. Gros plan sur deux décideurs subsahariens.
HASSANEIN HIRIDJEE Un tycoon à Tana
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ssu d’une famille d’origine indienne installée depuis cinq générations à Madagascar, Hassanein Hiridjee, 37 ans, est une figure incontournable du milieu des affaires local. Avec son frère aîné, il codirige un petit empire présent dans l’immobilier professionnel (First Immo), la distribution pétrolière (Jovenna), la production d’électricité (EDM) et les télécoms (Telma et Towerco of Madagascar). « J’ai rejoint Telma environ un an après la privatisation de l’opérateur historique au profit du consortium Distacom. D’abord en prenant des parts dans l’activité internet [en 2005, NDLR], puis dans le mobile [2006] et enfin dans la téléphonie fixe [2007]. Aujourd’hui, je contrôle plus de 40 % de l’entreprise », affirme l’intéressé. En quelques années, Telma est devenu un challengeur sérieux pour les géants Orange et Bharti Airtel ; et, non content de truster environ un tiers du marché local (en valeur), l’opérateur a maintenant pour ambition de se développer à l’international. Hassanein Hiridjee vient en outre de créer sa propre société de gestion de tours de télécommunication, Towerco of Madagascar. « L’entreprise est gérée de manière bien distincte, donc tous les opérateurs me font confiance. Nous N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
possédons déjà cent sites et allons en construire cent autres [pour un investissement de 15 millions d’euros] en 2013 », annonce-t-il. Récemment, Hassanein Hiridjee a aussi diversifié ses activités en investissant hors de Madagascar, notamment aux États-Unis où de nombreux biens immobiliers saisis par les banques lors de la crise des subprimes sont maintenant revendus. Une carrière de businessman dont il ne rêvait pas nécessairement. « Je me destinais plutôt à
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Président du conseil d’administration de Telma
Sciences Po, mais mon père voulait que je fasse une école de commerce pour reprendre ses affaires. Après sa mort en 1991, j’ai respecté sa volonté en intégrant l’ESCP [École supérieure de commerce de Paris] », explique-t-il. Rentré à Madagascar en 1997 après avoir travaillé deux ans en salle de marché pour Cargill, l’homme d’affaires maintient un lien affectif fort avec la France, au point d’en conserver la nationalité. « Une tradition familiale », précise-t-il. ●
MAMADOU BAMBA Après la crise
Directeur général d’OrangeCôte d’Ivoire Telecom
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JULIEN CLÉMENÇOT
VINCENT FOURNIER/J.A.
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e coup fut rude : après la destruction d’une partie de ses infrastructures pendant la crise postélectorale, la remise sur pied du réseau d’Orange-Côte d’Ivoire Telecom a nécessité 75 millions d’euros sur cinq mois. Et de nombreux actes de vandalisme sont encore signalés sur les câbles de fibre optique de l’entreprise. Ce qui a conduit le leader national de la téléphonie mobile, dont la performance au troisième trimestre (chiffre d’affaires en hausse de 20,9 % sur un an) a été saluée au sein de France Télécom-Orange, à renforcer les capacités opérationnelles des forces de l’ordre pour leur permettre d’intervenir rapidement. Afin de reconquérir sa clientèle perdue, Mamadou Bamba, qui fut trois ans durant directeur d’Orange au Botswana, martèle sa détermination à offrir à ses compatriotes toujours plus de services et d’accessibilité à internet. Dans sa stratégie commerciale, ce financier de formation affiche deux priorités: l’innovation et la qualité de service. La première sera portée par le technocentre d’Abidjan, inauguré en décembre 2011 afin de développer des produits spécifiquement pour l’Afrique subsaharienne. Côté services, au-delà de la multiplication des offres et de la volonté affichée de « créer un opérateur convergent sur les trois segments [fixe, mobile et internet, NDLR] », reste à développer le haut débit mobile. ● FANNY REY JEUNE AFRIQUE
Dossier FORMATION
Bharti mise sur le e-learning Pour doper ses ressources humaines, le groupe indien a mis en place un programme d’apprentissage en ligne.
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ruit de deux années de gestation, cet outil de développement de carrière doit faciliter la mobilité professionnelle – verticale comme latérale – des salariés de Bharti Airtel en Afrique. « Nos employés sont notre principale source d’avantage compétitif », aime à répéter David Ssegawa, directeur des ressources humaines. De fait, le programme de formation à distance qui vient d’être mis en place vise avant tout à accroître les compétences et la productivité. Avec, en filigrane, l’intention de développer une culture d’apprentissage et de communauté.
Pour ce projet, l’opérateur indien a sollicité le premier fournisseur de formation en ligne sur le continent, le sud-africain The Learning Resources Management Group (LRMG). Lancé début août, le portail de Bharti cible quelque 5 000 salariés dans les 17 pays africains où le groupe est implanté. « Après trois mois, la moitié d’entre eux ont déjà joué le jeu, or nous avions tablé sur 30 % pour la première année », se félicite Jérémie Ferré, l’un des dirigeants de LRMG. À LA CARTE. Si Bharti avait déjà expérimenté des solutions de e-learning à petite échelle, la
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Lancé en août, le portail cible quelque 5 000 salariés en Afrique. informatique,ressourceshumaines, service client… Ils disposent d’une gamme de 500 cours individuels, proposés en anglais et en français. Côté évaluation, 80 % des connaissances doivent être validées pour que les nouveaux acquis figurent sur le plan de développement personnel. ● F.R.
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Dossier Télécoms TENDANCE
Les premiers pas de l’assurance mobile Généraliser la souscription d’une couverture vie, santé ou incendie via le téléphone portable. Tel est l’objectif des assureurs comme des opérateurs, qui multiplient les partenariats en Afrique. pour l’assurance mobile », estime, comme beaucoup d’autres, Karim Dione. « Les assurances classiques sonttropchèresettropcompliquées pour intéresser les opérateurs de téléphonie,sansquilesassureursne peuventapprocherlespersonnesdu secteurinformel,àfaiblesrevenuset le plus souvent éloignées des grands centres », explique Peter Gross. FLEXIBLE. Grâce aux mobiles, les
ERICK AHOUNOU
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e phénomène est en plein boom. En Afrique, de plus en plus d’assureurs nouent des partenariats avec des opérateurs télécoms pour proposer leurs prestations via le téléphone portable. Amorcée dès 2008 par HollardenAfriqueduSudetTrustco en Namibie, la tendance ne faiblit pas. Les synergies se sont même considérablement accélérées ces derniers mois. Le courtier britannique MicroEnsure, présent depuis 2010 sur ce créneau au Ghana et au Kenya, s’est ainsi attaqué en début d’année au Sénégal, en y proposant les assurances vie du groupe Sunu à la clientèle de l’opérateur Tigo. Le groupe NSIA, parti lui aussi à l’assaut du marché sénégalais en juillet en s’appuyant sur le réseau Orange, est en train de se lancer, avec MTN cette fois, en Côte d’Ivoire. « Nous sommes vraiment au début d’un phénomène qui se généralise à toute l’Afrique », confirme Peter Gross, directeur du développement en Afrique de MicroEnsure, qui n’hésite pas à parler d’un système « gagnant-gagnantgagnant » : pour les assureurs, les N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
opérateurs téléphoniques et, « bien sûr, les consommateurs africains ». Les premiers y voient le moyen de toucher une frange plus importante de la population et donc d’augmenter leurs volumes de vente, tout en vulgarisant les produits d’assurance sur un continent où le taux de pénétration ne dépasse pas les 3 % dans de nombreux pays. Les deuxièmes en attendent des revenus additionnels ainsi qu’une plus grande fidélisation de leurs abonnés, en s’appuyant sur des offres promotionnelles. « Le client bénéficie de son côté d’un meilleur accès à des produits d’assurance bon marché, faciles à comprendre et tout aussi faciles à régler », précise Karim Dione, chez Sunu. D’abord cantonnée aux pays d’Afrique anglophone, la formule s’étend désormais à l’ensemble du continent, qui fait actuellement figure de « leader mondial, même si c’est par nécessité », selon Ryan Lynch, directeur de MicroEnsure en Tanzanie. La micro-assurance, domaine de prédilection du courtier britannique, constitue d’ailleurs « le marché le plus évident
! Au Sénégal, le courtier britannique MICROENSURE s’est associé avec l’assureur SUNU et l’opérateur TIGO.
compagnies d’assurances pourraient se lancer à la conquête d’un marché énorme, estimé à « plusieurs centaines de millions de contrats rien qu’en Afrique », selon une étude récente du groupe britannique Lloyd’s, spécialiste du marché. Les assureurs ont donc « tout intérêt à développer ce segmentd’activité»,confirmeChristian Hapi, directeur technique et commercial chez NSIA. Surtout que le système est suffisamment flexible pour permettre de proposer des produits de couverture vie, santé, mais aussi incendie, accidents et risques divers. Au chapitre des contraintes, les « difficultés de manipulation des appareils pour les personnes âgées ou analphabètes », selon Karim Dione, auxquelles s’ajoutent des « limites pédagogiques » soulignées
Le groupe NSIA est en train de se lancer sur le marché ivoirien, en collaboration avec MTN. par Christian Hapi. « L’efficacité du système est prouvée, mais l’assureur doit continuer de montrer son visage s’il veut inspirer confiance à ses clients », explique le responsable de NSIA. Pas question, donc, de garder ses distances avec les consommateurs,dontlatrèsgrande majorité doit encore être convaincue de l’intérêt de s’assurer. ● OLIVIER CASLIN JEUNE AFRIQUE
GABON NUMÉRIQUE L’ANINF connecte les Gabonais entre eux et au reste du monde
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MESSAGE
Agence nationale des infrastructures numériques et des fréquences (ANINF) a été créée en janvier 2011 pour bâtir le « Gabon des services », l’un des trois piliers du plan d’action du président Ali Bongo Ondimba, le « Gabon émergent », avec le « Gabon industriel » et le « Gabon vert ». Elle doit permettre de faire du pays un acteur économique et social incontournable dans le secteur africain des TIC. L’agence fusionne dans cette tâche deux entités créées en 2010 : l’Agence Nationale de l’Informatique (ANI) et l’Agence Nationale des Technologies de l’Information et de la Communication (ANTIC). Placée sous la tutelle technique du ministre chargé de l’Économie numérique, elle est dirigée par M. Alex Bernard Bongo Ondimba.
TOUTE L’ÉQUIPE DE L’ANINF.
Coordonner l’effort national Les missions colossales de l’ANINF concernent aussi bien les télécommunications que l’audiovisuel et l’informatique. Son rôle principal : créer et gérer les infrastructures et les ressources nationales de transport et de connectivité communes à ces trois secteurs. Pour garantir la cohérence du système national, c’est elle qui valide tous les projets de l’économie numérique. L’agence établit un lien entre l’administration et les citoyens en rendant disponible les services administratifs en ligne (e-learning, télémédecine, e-governement…). Dans le secteur des télécommunications, elle élabore le plan national des fréquences radioélectriques, une tâche anciennement dévolue à l’Agence de régulation des télécommunications (ARTEL).
« Le Gabon numérique » Les missions de l’ANINF sont notifiées dans le détail à travers un plan opérationnel sectoriel 2011-2016 conçu autour de six axes stratégiques : AXE 1 : mise en place d’un cadre institutionnel AXE 2 : création d’un cadre juridique de la société de l’information AXE 3 : construction et opération de l’infrastructure numérique AXE 4 : normalisation et informatisation des grands registres unifiés de l’Etat
et des secteurs sociaux dans la société de l’information, du savoir et de la connaissance
La mise en application de ces axes se fait à travers 19 programmes, eux-mêmes décomposés en quarante projets.
MISE EN PLACE DES NOC/NDC.
Le « backbone » gabonais, colonne vertébrale numérique C’est la priorité de l’ANINF. Dans le cadre de la construction et de la gestion de l’infrastructure numérique, il s’agit de réaliser la colonne vertébrale terrestre du réseau de fibre optique national. Ce maillage de l’ensemble du pays, qui s’étendra sur près de 2555 Km, avec 2013 Km de câble enterré et 542 Km de câble sous-marin, permettra à toutes les localités du Gabon d’être desservies par le réseau haut débit. Une fois achevée, l’infrastructure fera du pays un point nodal des TIC dans la sous-région. De quoi lui garantir une place de leader dans ce secteur, en Afrique, ainsi que dans ses applications socio-économiques. Il est déjà classé huitième sur le continent et premier au sein de la CEEAC (Communauté Économique des États de l’Afrique Centrale ), sur l’indice de développement des TIC publié en 2010 par l’Union internationale des télécommunications (UIT), l’agence des Nations unies pour les TIC.
ZOOM sur… Tous les projets menés ou coordonnés par l’ANINF ne sont pas au même stade d’avancement. Tour d’horizon de ceux qui sont aujourd’hui les plus avancés.
LE DATACENTER L’ANINF gère directement le projet Datacenter (centres de traitement de données). Ces plateformes de gestion permettent pour des administrations ou des grandes entreprises, sous stricte surveillance, de stocker, sauvegarder, traiter et transmettre rapidement de vastes quantités de données informatiques. Il permettra par exemple de recevoir les données du projet Plan National Géomatique, que l’ANINF a récupéré en décembre dernier des mains du directeur général du Budget, ainsi que l’ensemble des applications à caractère transversal de l’administration gabonaise.
LE PROJET WIMAX Le projet WiMax vise à doter l’administration gabonaise d’un réseau d’accès sans fil haut débit qui interconnecte l’ensemble des sites de l’administration, mais aussi qui permette la mise en place d’un réseau de téléphonie interne dans lequel tous les agents de l’Etat pourront
ANTENNE WIMAX.
communiquer gratuitement entre eux. Le WiMax sera disponible dès le début de l’année à Libreville et Franceville, les deux villes qui accueillent les rencontres de la Coupe d’Afrique des Nations 2012 (CAN), et dans le reste du pays après la compétition.
« GABON ON LINE » Le projet Gabon On Line (GOL) vise à offrir une vitrine internet à l’ensemble des ministères du Gabon et à créer un portail gouvernemental. Des services en ligne seront proposés à la population, aux entreprises et aux personnels de l’Etat. Il s’agit en un mot de créer un lien direct entre l’Etat et ses administrés. Le projet est structuré autour de trois composantes : un portail de la République gabonaise, un intranet administratif et une plateforme de vidéoconférence et de présentation interactive.
GEDU@LIGNE : L’E-EDUCATION GABONAISE L’ANINF mène également des projets en partenariat avec différents ministères. « Gedu@ligne » (Gabon éducation en ligne) est l’un d’eux. Il offre au système éducatif gabonais d’intégrer des technologies de l’information et de la communication. Il a été adopté en novembre dernier dans le cadre d’un partenariat entre le ministère de l’ Éducation et les responsables éducation de Microsoft Afrique Centrale et Afrique de l’Ouest. Il proposera notamment la publication des données administratives, des absences, des notes, des emplois du temps, des annuaires ou encore un espace de messagerie et de travail collaboratif grâce à la solution Live@Edu.
A GENCE N ATIONALE DES I NFRASTRUCTURES N UMÉRIQUES ET DES F RÉQUENCES
Cours Pasteur (Immeuble de la Solde) • B.P. 798 • Libreville, Gabon Tél.: + 241 79 52 77 • www.aninf.ga
DIFCOM/DF - PHOTOS : DR
AXE 5 : mise en place de l’e-gouvernement AXE 6 : accompagnement du secteur productif
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Dossier Télécoms
INFRASTRUCTURES
IHS capte l’attention
L’opérateur nigérian, qui vient de racheter les tours de MTN en Côte d’Ivoire et au Cameroun, a levé 97 millions d’euros auprès du français Wendel.
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oilà quelques semaines, IHS est devenu le premier opérateur de relais télécoms en Afrique. Moyennant 220 millions d’euros (284 millions de dollars), le spécialiste nigérian de la gestion de réseaux a mis la main sur 931 tours de transmission en Côte d’Ivoire et 827 au Cameroun, précédemment détenues par l’opérateur sudafricain MTN. Son parc compte désormais plus de 5 700 sites, dont quelque 3 000 en propre. Le 29 octobre, deux semaines à peine après cette annonce, le holding d’investissement français Wendel devient l’actionnaire de référence d’IHS (25 % du capital), avec une mise de fonds de 97 millions d’euros, qui doit non seulement soutenir l’activité au Nigeria, mais aussi financer l’acquisition des 1758nouvellestours.Wendelrejoint ainsi le capital-investisseur panafricain Emerging Capital Partners, l’investisseur sud-africain Investec
AssetManagement,laSociétéfinancière internationale (filiale de la Banque mondiale) et la banque de développement néerlandaise FMO. Environ 11 % du capital est détenu par le management. TRANSFORMATION. Alors que le
besoin en bande passante devrait exploser avec le déploiement de la 3Getl’arrivéedenouveauxconsommateurs (le taux de pénétration du mobile en Afrique n’est que de 62 %), le partage des infrastructuresdetélécommunicationdevient « une tendance lourde », selon les termes d’un dirigeant de filiale de l’opérateur Orange. « Le marché s’est transformé, explique Romain deVilleneuve,directeurdudéveloppement chez IHS. Au début, il y avait un avantage compétitif direct à être le premier installé, afin de capter la clientèle locale. Maintenant que les pays sont couverts dans les zones les plus peuplées, et compte tenu de la forte baisse du revenu par
abonné, les opérateurs priorisent leurs investissements dans les services et la 3G pour conquérir des parts de marché. » Malgré ces perspectives, le prix payé par Wendel peut paraître excessif (il est treize fois supérieur à l’Ebitda, lequel s’élève à 7,3 millions d’euros). Au 30 avril, le groupe affichait une perte après impôt de 9,7 millions d’euros. À en croire Romain de Villeneuve, les investissements en infrastructures, très lourds au départ, sont rentables à moyen terme. « Notre Ebitda est passé de 10 % du chiffre d’affaires en début d’année à plus de 20 % aujourd’hui, relève le directeur du développement. Cette progression s’explique par le fait qu’il nous faut en moyenne un peu plus d’un an pour trouver de nouveaux clients pour nos tours, or beaucoup d’entre elles ont moins de dix-huit mois. Sur les sites acquis en 2010, le nombre de clients est supérieur à 2,5. D’autre part, nous sommes parvenus à diviser par deux la consommation de fioul par locataire sur les douze derniers mois, ce qui a eu un impact considérable sur nos coûts opérationnels. »
Le partage des antennes relais devient « une tendance lourde », selon un dirigeant d’Orange. À court terme, IHS souhaite consolidersesopérationsauNigeria, au Cameroun et au Ghana, avant d’élargir sa présence à huit pays africains tout en renforçant ses relationsaveclesplusgrandsopérateurs comme MTN, Orange, Vodafone, Tigo ou Etisalat. Pour alimenter son expansion en Afrique, IHS a levé environ 300 millions d’euros au cours des douze derniers mois. ● NICOLAS TEISSERENC
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Dossier Télécoms CONSO
Le guide du parfait « photophone » Alors que le recours aux appareils photo numériques se fait de plus en plus occasionnel, les smartphones ont une vraie carte à jouer. Comparatif de six terminaux vedettes.
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ontrairement à une idée reçue, le nombre de mégapixels affiché par un smartphone est loin d’être suffisant pour garantir la qualité des photos et des vidéos. Gestion des contrastes, fidélité de la colorimétrie, ergonomie, autofocus, zoom numérique, retardateur, mode panoramique… Autant de critères à prendre en compte au moment de faire son choix. Autre gage de qualité : le
• Capteur • Définition vidéo
rétro-éclairage du capteur, qui facilite la prise de vue en cas de faible luminosité. À noter enfin : la présence de plus en plus fréquente d’une seconde caméra au-dessus de l’écran, qui permet la visioconférence. Les smartphones haut de gamme sont capables de filmer des séquences en haute définition (norme 1080p) et la qualité d’image peut être optimisée grâce à un stabilisateur vidéo. ● FANNY REY
• Caméra frontale • Prix indicatif* * SOURCES : APPLE.COM, SONY.FR, LEGUIDE.COM
S ON Y XPERIA S
HTC ONE X
• 8 mégapixels • 1080p • 1,3 mégapixel • 479 euros hors forfait Les plus Le lot de fonctionnalités ImageSense, qui permet notamment un traitement des images de meilleure qualité, la réduction du temps de déclenchement des prises de vue, la possibilité de photographier en mode rafale, les quinze filtres et la prise de clichés pendant l’enregistrement des vidéos. Si les séquences filmées sont fluides, la forte compression a tendance à dégrader les éléments situés à moyenne et longue distance.
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• 12,1 mégapixels • 1080p • 1,3 mégapixel • 399 euros hors forfait
• 8 mégapixels • 1080p • 1,9 mégapixel • 435 euros hors forfait
Les plus
Les plus
Un capteur maison de 12,1 mégapixels, qui permet des prises de vue correctes même en basse lumière. Autres atouts : la rapidité de son autofocus et de la transition du mode veille au mode prise de vue, ainsi que la présence d’un déclencheur sur la tranche de l’appareil. Seul bémol : l’absence de mise au point par sélection tactile sur l’écran. Côté vidéo, la prise de vue est globalement correcte, à condition de ne pas bouger et de ne pas s’attendre à un son de grande qualité. L’Xperia parvient à produire des séquences fluides et détaillées, mais on regrettera la légère dégradation de l’image associée à l’utilisation du stabilisateur.
Une interface agréable et une grande réactivité à la mise au point et à l’enregistrement, avec une bonne performance de prise de clichés en rafale (trois images par seconde). Durant un enregistrement vidéo, il est possible de prendre des photos de la scène filmée en appuyant simplement sur un déclencheur installé dans l’interface, en haut et à droite de l’écran. Côté logiciel, parmi les nombreuses options proposées figurent le retardateur, les modes scène et rafale, le réglage de la valeur d’exposition ou de la sensibilité, le mode macro et la détection du sourire.
N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
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• 8 mégapixels • 1080p • 1,3 mégapixel • 250 euros hors forfait
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Des mesures d’exposition plutôt bonnes, tout comme le rendu des couleurs. Ce smartphone milieu de gamme donne la possibilité de jouer sur la balance des blancs, l’exposition et la sensibilité, et dispose d’effets (sépia, noir et blanc, etc.) ainsi que des modes scène et rafale.
NOKIA LUMIA 920
• 8,7 mégapixels • 1080p • 1,3 mégapixel • 649 euros hors forfait
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Les plus
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Culture & médias
LITTÉRATURE
Le prix du sang Scholastique Mukasonga a créé la surprise en devenant la première femme subsaharienne à recevoir le prix Renaudot pour Notre-Dame du Nil. Un roman qui remonte aux prémisses du génocide rwandais.
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JEUNE AFRIQUE
Culture médias SÉVERINE KODJO-GRANDVAUX
VINCENT FOURNIER/J.A.
U
ne deuxième naissance, ni plus ni moins. Tel le phénix qui renaît de ses cendres, la Rwandaise Scholastique Mukasonga a l’impression d’avoir une nouvelle chance de vivre. Dorénavant, il n’y aura plus de place pour le chaos et l’horreur, a-t-elle décidé. Seul le bonheur sera à savourer. « Lorsque j’ai réalisé que le Renaudot m’était décerné pour mon roman Notre-Dame du Nil, explique-t-elle, je me suis dit que j’avais deux destins séparés par un immense fossé, l’un malheureux, l’autre heureux. Ce destin heureux, je le prends et je vais Notre-Dame du Nil, de Scholastique Mukasonga, Gallimard, m’installer dedans. Ce prix va me permettre d’être 240 pages, 17,90 euros dorénavant sereine. » Scholastique Mukasonga (56 ans) n’a pas été la seule à être surprise par le choix des jurés. Personne de la lecture ethnique de la société rwandaise par ne s’y attendait. Sélectionné au printemps, son livre les colons belges, les massacres annonciateurs de – vendu à seulement 4000 exemplaires depuis le l’apocalypse, dès les premières années de l’indépenmois de mars – ne figurait plus sur la liste définitive. dance en 1962. Point d’hommage rendu à l’un des Le7novembre,alorsquelejuryneparvenaitpasàse 37 membres de sa famille qui ont été massacrés en mettre d’accord sur l’identité du lauréat, il aura fallu 1994 comme dans La Femme aux pieds nus (2008, que le Prix Nobel de littérature Jean-Marie Gustave prix Seligmann contre le racisme). Le Clézio suggère son nom pour qu’elle l’emporte Dans ce texte (réédité en format de poche), par 6 voix contre 4 au dixième tour. Un soutien qui Scholastique Mukasonga évoque l’exil intérieur, celui de la déportation dans la région insalubre émeut l’assistante sociale de Saint-Aubin-sur-Mer du Bugesera qu’elle et sa famille subirent dès 1960. (Normandie). « Ça me rend sage, précise-t-elle. Je me suis donné les moyens d’arriver là. Il y a toujours Elle y érige surtout une sépulture faite de mots et de eu une main tendue pour m’y aider, et aujourd’hui tendresse à sa mère qui, pressentant l’horreur, avait cette main est l’une des plus belles et demandé à ses enfants de veiller à ce des plus généreuses. » qu’elle ne meure pas nue, sans pagne Enfin libérée, pourpréserversonhonneurdefemme. Répondant aux critiques des la romancière esprits étriqués et malveillants qui «Maman,jen’étaispaslàpourrecouvrir s’étonnent que le prix puisse reveton corps, et je n’ai plus que des mots oubliera le nir à la Rwandaise comme l’a fait […] pour accomplir ce que tu m’avais génocide Le Figaro, l’écrivain franco-congolais demandé»,écrit-elle.Letémoignage,la pour son Alain Mabanckou (lauréat 2006 pour littérature, c’est tout ce qui reste à celle prochain livre. qui « n’étai[t] pas parmi les siens quand Mémoires de porc-épic, voir ci-contre) salue l’audace des jurés. « C’est une on les découpait à la machette ». « Je récompenseméritéepourcetteécrivainequi,depuis donne sens à ma vie en écrivant », confie-t-elle. Et il aura fallu que celle que l’on qualifiait de cafard quelques années, tisse une œuvre de recomposition de la mémoire à travers l’une des plus grandes parce qu’elle était tutsie passe par la fiction pour douleurs de la fin du XXe siècle : le génocide des reconquérir enfin son humanité. Tutsis au Rwanda. Le prix Renaudot montre plus quejamaissonindépendancequantàl’unanimisme POÉSIE. « Pour la première fois de ma vie, en écrivant Notre-Dame du Nil, je n’ai pas ressenti de qui règne souvent en France lorsqu’il s’agit des douleur. En allant au-delà de ma propre histoire prix littéraires. Scholastique donne au passage un espoir au Rwanda, et peut-être une chance pour la pour raconter celle de mon pays, je me suis sentie réconciliation de son peuple fragilisé par ce drame. » devenir une romancière. Je n’étais plus une vicComme les trois précédents ouvrages – tous time qui avait un devoir d’écrire pour témoigner, publiés dans la collection « Continents noirs » de mais j’étais un être à part entière qui avait un droit Gallimard – de celle qui s’exila dès 1973, Notre-Dame d’écrire. » Et ce droit, Scholastique Mukasonga l’a du Nil revient sur la montée de la haine anti-Tutsis exercé de la plus belle manière qui soit. Notre-Dame et les prémisses du génocide. Mais pour la première du Nil, qui avait déjà été récompensée en mai par fois,l’écrivaineauprénomdephilosophiemédiévale le prix Ahmadou-Kourouma, offre un huis clos dense. Dans un lycée de jeunes filles isolé sur les offre un roman. Point d’autobiographie comme dans son premier récit, Inyenzi ou les Cafards hauteurs de l’Ikibira pour « les éloigner, les protéger du mal, des tentations de la grande ville », se ● ● ● (2006), qui évoquait les répercussions tragiques JEUNE AFRIQUE
L’Afrique des prix littéraires français 1921
Batouala, de René Maran prix Goncourt
1968
Le Devoir de violence, de Yambo Ouologuem prix Renaudot
1980
Une saison blanche et sèche, d’André Brink prix Médicis Étranger
1987
La Nuit sacrée, de Tahar Ben Jelloun prix Goncourt
1996
Les Honneurs perdus, de Calixthe Beyala grand prix du roman de l’Académie française
2000
Allah n’est pas obligé, d’Ahmadou Kourouma prix Renaudot
2001
Rosie Carpe, de Marie Ndiaye prix Femina
2005
Mes mauvaises pensées, de Nina Bouraoui prix Renaudot
2006
Mémoires de porc-épic, d’Alain Mabanckou prix Renaudot
2008
Le Roi de Kahel, de Tierno Monénembo prix Renaudot
2009
Trois Femmes puissantes, de Marie Ndiaye prix Goncourt
2010
L’Affaire de l’esclave Furcy, de Mohammed Aïssaoui prix Renaudot Essai
2012
Congo. Une histoire, de David Van Reybrouck prix Médicis Essai
2012
Notre-Dame du Nil, de Scholastique Mukasonga prix Renaudot N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
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Culture médias ● ● ● dessine l’irréparable. L’intrigue se déroule dans les années 1970, et les menaces lourdes pèsent déjà sur les élèves tutsies, dont Virginia (le double de l’auteure) qui doit faire face aux humiliations quotidiennes et aux persécutions fréquentes. La très politisée Gloriosa et ses sbires veulent éradiquer les « parasites ». L’ethnologie coloniale est passée par là et a instillé son venin, distinguant les « vrais » des « faux » Rwandais… L’écriture est âpre, rugueuse, faussement simple. Belle aussi. Scholastique Mukasonga prend le contre-pied d’Adorno. Le philosophe né d’un père juif estimait qu’« écrire un poème après Auschwitz est barbare ». La romancière, elle, offre une poésie qui contrecarre la barbarie des hommes, notamment dans L’Iguifou (2010, prix Renaissance de la nouvelle). Le propos est lourd, mais l’humour n’est jamais loin. La nostalgie du paradis perdu toujours en filigrane. Mais il faut aller de l’avant et, enfin libérée, la romancière oubliera le génocide pour son prochain livre à paraître en 2013.
L’ethnologie coloniale a instillé son venin, distinguant les « vrais » des « faux » Rwandais.
Scholastique Mukasonga est une battante fragile, qui tente de ressouder les fêlures. « Je passe mon temps à me réparer », souffle cette mère de deux enfants qui savourent avec elle cette récompense. Chaque mois d’avril, elle se rend au Rwanda pour assisteraux commémorations du génocide et assiste à l’évolution de son pays natal. « Les gacaca [juridictions d’inspiration traditionnelle mises en place pour juger les génocidaires, NDLR] ont accompli un travail énorme. On ne pouvait pas mettre tout le monde en prison. Notre pays a besoin de ses enfants et doit se reconstruire à partir du Rwanda ancien, celui qui existait avant cette division. » Grâce à la littérature, Scholastique Mukasonga a appris à se réconcilier avec elle-même. Aujourd’hui, avec le Renaudot, c’est avec l’humanité qu’elle renoue. « Pendant longtemps, j’ai gardé une sorte de rancœur. Pourquoi la communauté internationale a-t-elle détourné le regard pendant trente ans ? Ce prix répare ce mal et me permet de croire de nouveau en l’homme. » Salutaire. ●
L’anti-Hergé David Van Reybrouck a reçu le prix Médicis Essai pour son ouvrage sur l’ancienne colonie belge.
C
ongo. Une histoire. Le titre est sobre. Efficace. Récompensé le 6 novembre par le prix Médicis Essai, cet ouvrage hors norme conte dans le détail plus de deux siècles de cette terre qu’un roitelet belge avait décidé de s’approprier coûte que coûte (voir J.A. n° 2695). En s’appuyant sur plus de 500 témoignages recueillis pendant six ans, David Van Reybrouck livre « une histoire où l’on sent battre le cœur d’un peuple », confie le Congolais Antoine Vumilia. Cet homme n’est pas n’importe qui. David Van Reybrouck lui a consacré un chapitre, « La bière et la prière » – l’un des plus intenses de ce pavé de plus de 700 pages. Lorsque les deux hommes se sont rencontrés, Antoine Vumilia croupissait dans le couloir de la mort,«soupçonnéd’êtremêléaumeurtre» de Laurent-Désiré Kabila. « À l’école, poursuit-il, je n’aimais pas l’histoire, parce qu’elle ressemblait à une somme de dates, de chiffres et de noms, sans aucune âme derrière. Mais avec ce livre, j’ai l’impression de me trouver sur les genoux de ma grand-mère, en train de l’écouter raconter l’histoire de ma lignée. » N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
STEPHAN VANFLETEREN
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Congo. Une histoire, de David Van Reybrouck, Actes Sud, 720 pages, 28 euros BEST-SELLER. Historien de formation
mais aussi archéologue, le romancier et dramaturge belge né à Bruges en 1971 a tenu à évoquer également la période préhistorique, offrant un panorama de ce qu’a pu être cette vaste contrée depuis quatre-vingt-dix mille ans. Soucieux de « redonner aux Congolais ce qu’ils [lui] ont apporté », David Van Reybrouck a demandé à Actes Sud, son éditeur francophone, de travailler à la réalisation d’un format de poche pas cher pour la diffusion de son essai qui a obtenu en 2010 plusieurs prix, dont le Libris Histoire et le
! L’HISTORIEN BELGE ET « ZIZI » KABONGO, directeur de la radio nationale congolaise (en 2008, à Kikwit).
prestigieux AKO (l’équivalent néerlandais du Goncourt) et qui recevra le prix du Meilleur livre étranger, catégorie essai, le 28 novembre prochain. Véritable best-seller en Belgique flamande et aux Pays-Bas, la version néerlandaise s’est écoulée à 300000 exemplaires. Plus de 20 000 exemplaires se sont vendus en français en huit semaines depuis sa parution mi-septembre avec à ses débuts des pics de 800 livres par jour. Un intérêt remarquable pour ce genre d’ouvrage, que l’attribution du prix Médicis Essai devrait relancer. ● S.K.-G. JEUNE AFRIQUE
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Culture médias
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CINÉMA
Rachid Djaïdani, caméra au poing Prix de la critique internationale à Cannes, Rengaine est le résultat de l’incroyable persévérance de son auteur. Une histoire de volonté, de sueur et de talent. Beaucoup de talent.
VINCENT FOURNIER/J.A.
du foisonnement d’un film tourné… sans scénario. Djaïdani a travaillé de façon très improvisée au fil des inspirations et de « la sueur » dépensée. En résultent trois cents à quatre cents heures de rushs pour une heure et quart de joutes incessantes, réjouissantes et inquiétantes entre les protagonistes. Le tournage s’est étendu sur neuf années, faute de trouver un producteur, avec une petite caméra numérique et des acteurs débutants ou peu connus. Lesquels ont accompagné l’interminable aventure par amitié. « Sans lalégitimation de Cannes, où je suis arrivé sans distributeur, j’aurais au mieux présenté le film dans un tout petit festival et fabriqué à l’arrache des DVD que j’aurais essayé de vendre à l’aide de deux, trois Pakistanais ou de deux, trois sans-papiers avant de tenter de les installer dans un bac à la Fnac, où on aurait eu bien du mal à les trouver! » assure Djaïdani en plaisantant à peine.
UN RÉALISATEUR PROMETTEUR, qui s'attaque au racisme entre communautés.
«
J
e vis cela comme un boxeur qui s’est entraîné pendant longtemps dans sa cave et qui, le jour du combat, arrive avec sa fraîcheur, sa naïveté. Et ça marche! C’est la magie des accidents. » C’est surtout « un truc de dingues », car Rachid Djaïdani n’imaginait « pas du tout avoir entre les mains une pépite ». Rengaine, son premier film de fiction, qui sort en salle le 14 novembre, a soulevé l’enthousiasme lors de sa présentation en mai dernier à la Quinzaine des réalisateurs pendant le Festival de Cannes. Considéré comme N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
un film phénomène, il a reçu le prix de la critique internationale, catégorie sections parallèles, comme avant lui ceux d’immenses pointures telles que Nanni Moretti ou Michael Haneke. Rengaine, c’est l’histoire de deux jeunes, le « renoi » Dorcy et la « rebeu » Sabrina, un Noir chrétien et une jeune musulmane maghrébine, qui s’aiment et veulent se marier. Un projet qui suscitera l’hostilité quasi générale de leurs deux entourages. Un scénario traitant de l’intolérance virant au racisme entre communautés facile à résumer, mais qui ne rend guère compte
LOULOU. L’artiste ne sort pourtant pas de nulle part. Loin de là. Le succès qu’il connaît aujourd’hui à 39 ans, aussi inattendu qu’il soit, s’inscrit dans une belle trajectoire. Ayant abandonné tôt ses études par refus de « se fondre dans la norme scolaire », l’enfant de la cité des Grésillons à Carrières-sous-Poissy, dans la banlieue ouest de Paris, fils d’un ouvrier algérien de chez Peugeot et d’une mère soudanaise – il sait de quoi il parle dans Rengaine ! –, a commencé son parcours professionnel dès la fin de l’adolescence comme maçon. Très vite, celui pour qui « tout est combat, que ce soit dans la rue ou sur le ring du septième art, où on ne te laissera pas mettre les gants comme ça » se dirige vers la boxe. Là, comme toujours, il « ne lâchera rien », disputant 30 combats en poids léger. Avant de découvrir en 1994 l’atmosphère d’un tournage quand Mathieu Kassovitz, qui réalise La Haine, le prend dans son équipe comme homme à tout faire de la régie. Cette rencontre avec le cinéma n’aura duré qu’un temps. Mais elle se révélera décisive pour infléchir sa destinée. Car, à cette époque où « c’était facile, puisqu’il n’y avait pas internet, pas Google », il JEUNE AFRIQUE
! UNE HISTOIRE BRÈVE ET servie par des actrices tout en subtilité.
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envoie de faux CV à des directeurs de casting, prétendant avoir déjà joué dans quelques films et au théâtre. Il réussit ainsi à se faire embaucher pour de « petits rôles de loulou ou de “kaïra” » dans des films comme Ma 6-T va crack-er ou des séries comme Police District. Jusqu’au jour où un ami de son père assure à ce dernier que son fils « vend de la drogue à la télé ». Impossible d’expliquer à celui qui lui ordonne de ne pas « salir [s]on nom » qu’il ne s’agit pas d’un documentaire mais de cinéma. Qu’à cela ne tienne, il commence alors « avec un pote, puis seul quand celui-ci ne supporte plus que ce soit l’imagination de son ami qui envahisse tout », à écrire un texte. Pourleterminer,il«s’enfermeunanou deux » et peut ainsi bientôt proposer à un éditeur un livre à la fois tragique et jubilatoire,publiéauSeuilen1999avec cetitrebiendanssonstyle:Boumkœur. VISCÉRAL. Un premier succès, un pre-
mierbonheur,couronnéparunpassage dans l’émission Bouillon de culture, de Bernard Pivot. Et qui est suivi d’un retouraumétierd’acteur,cettefoissous la direction de l’immense homme de théâtre Peter Brook, qui lui fera jouer pendantquelquesannéesdesrôlesqui ne le relèguent plus dans un emploi de jeune de banlieue. L’écrivain non plus ne chôme pas, avec en 2004 et 2007 deux livres aux titres – Mon nerf et Viscéral – une nouvelle fois évocateurs du caractère ultrasensible et survolté de leur auteur. Lequel a entrepris en même temps, depuis 2003, de réaliser Rengaine, ce film radical, « comme un uppercut », qui lui vaut aujourd’hui un triomphe au cinéma, une activité qu’il conçoitbiensûr–toutcommel’écriture telle qu’il la pratique – comme une variante du noble art. Et après ? Il tourne en ce moment, sans moyens, un documentaire sur un homme qu’il admire, le peintre d’origine algérienne Yassine Mekhnache, dit Yaze. Un nouveau rendez-vous improbable pour Rachid Djaïdani, un artiste tout-terrain qui a toujours envie « d’être à l’heure, mais là où on ne l’attend pas ». En attendant peutêtre un nouveau roman, qui se passerait à New York – « mais peu importe le décor, comme me l’a appris Peter Brook, c’est l’humain qui compte ». ● RENAUD DE ROCHEBRUNE JEUNE AFRIQUE
CHARLENE LE DU
VIOLENTE
L’autre soulèvement tunisien En 1938, des prostituées participent à la révolte des Tunisois contre les autorités coloniales. Bousculades leur rend hommage.
L
e 9 avril 1938, 10 000 hommes convergent vers le centre de Tunis pour réclamer des réformes et un Parlement tunisien. La manifestation s’achève dans un bain de sang. La Tunisie, sous protectorat français, compte ses premiers martyrs. En quinze minutes magistrales, Bousculades installe cette tragédie dans l’atmosphère intimiste et orientaliste d’une maison close. Le court-métrage contourne la thématique banale du féminisme en mettant en scène l’implication de milliers de femmes anonymes, dont celle des filles de joie, dans la lutte pour l’indépendance. « Les années 1920-1930 m’intriguent, confie la coréalisatrice Saoussen Saya. Le rôle essentiel des marginaux a été occulté par l’histoire officielle. Réhabiliter ces femmes et ces hommes est une nécessité. » Interpellés par l’histoire et obsédés par l’image, Saoussen Saya (26 ans) et Tarek Khalladi (34 ans) ont choisi de porter un regard croisé sur ces événements, déterminants pour la lutte pour la libération nationale. Après des études de cinéma et un premier court-métrage chacun, ils présentent Bousculades lors des Journées
cinématographiques de Carthage (lire encadré). « Saoussen, auteure du scénario, est plus dans le fond et moi dans l’esthétique », explique Tarek Khalladi qui avoue, comme Saoussen, avoir été troublé par les similitudes entre le passé et le présent. « En avril 1938, on exigeait aussi des libertés et une dignité nationale. La révolution de 2011 montre que l’histoire se répète », ajoute-t-il. RÉSISTANCE. Les femmes de l’ombre
sont les héroïnes de cette journée particulière qui débute dans l’indolence et l’insouciance, oscille entre la délation et la résistance pour se conclure par un massacre des militaires français venus chercher, auprès des filles de joie, le repos du guerrier après les combats. Une image superbe enchâsse cette histoire brève et violente servie par des actrices tout en subtilité. La maison close est une caisse de résonance où le passé réveille le présent. « Dans un contexte de troubles, l’esthétique ne sert pas à produire du beau ; c’est une mise en valeur du discours », précise Tarek Khalladi. ● FRIDA DAHMANI, à Tunis
POLÉMIQUES AUX 24E JOURNÉES DE CARTHAGE AVANT MÊME la cérémonie d’ouverture, les Journées cinématographiques de Carthage (JCC), qui se tiendront du 16 au 24 novembre, sont déjà controversées. La sélection des films tunisiens est source de
polémique tout comme le choix de l’affiche, qui n’a pas été réalisée par des artistes locaux. Pour le président des JCC, Mohamed Mediouni, cette première édition postrévolution devrait renouer avec l’esprit
qui a fondé ce festival en 1966. Même si la programmation des films arabes et africains rencontre des difficultés imputables à une absence des sponsors, laquelle restreint le budget à 325000 euros. ● F.D. N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
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CHRISTOPHE MACPHERSON/CRAMMED DISCS HIRES
Culture médias
MUSIQUE
Tout le monde en piste! Leur premier album les a fait connaître du monde entier : les Staff Benda Bilili reviennent avec un nouvel opus, la rumba chevillée au corps.
I
l y a encore trois ans, ils vivaient dans les rues poussiéreuses de Kinshasa sur d’improbables fauteuils roulants à pédale manuelle, faisant vibrer leur rumba décapante et mélodieuse, mâtinée de funk et de reggae, sur des instruments de fortune. Loin d’être de sympathiques illuminés, les huit compères du groupe congolais Staff Benda Bilili (cinq sont atteints par la polio) ont depuis tracé leur route, si bien qu’ils connaissent aujourd’hui un incroyable succès dont ils n’auraient sans doute jamais osé rêver. Après avoir écumé les scènes internationales avec Très Très Fort, sorti en 2009, Ricky, Théo, Coco, Kabose, Cavalier, Djunana, Zadis et Roger reviennent avec un second album, Bouger le monde! C’est une nouvelle fois à Kinshasa, où ils disent continuer de puiser leur inspiration, qu’ils ont enregistré en live leurs onze derniers titres. Non plus au jardin zoologique, mais au studio Repanec, qui a vu défiler certains des plus grands noms de la musique congolaise comme Franco ou Papa Wemba. JEUNE AFRIQUE
Au final, ce nouvel opus survolté et festif brassant musique européenne et rumba blues est encore plus pêchu que le précédent. Si des solistes ont été ajoutés, l’écho du satonge de Roger, cette boîte de lait concentré transformée en arc musical à une corde, continue de résonner. « Nous n’avons pas de frontières dans notre travail, nous jouons toutes les musiques, dit Ricky, le leader. Nous ne sommes pas des musiciens du Congo, mais du monde. » COMBATIFS. L’obsession du Staff Benda
Bilili est toujours là: faire passer des messages. En cela, Bouger le monde ! se veut encore plus combatif. Dans l’entêtant « Osali Mabe » (« tu as mal agi », en lingala), ils traitent de la rupture amoureuse. Dans « Mutu Esalaka » (« la tête fonctionne »), ils rappellent que le handicap n’est pas un péché. Et dans « Kuluna » (« gangs »), ils dressent la liste des maux de la société congolaise. « Ce que nous voulons, c’est donner l’exemple. Désormais, partout où l’on passe, les handicapés commencent à travailler », dit Ricky. Le
! LES HUIT KINOIS sont actuellement en tournée mondiale.
6 septembre, ils se produisaient d’ailleurs au Royal Albert Hall de Londres, lors des Jeux paralympiques. Le quotidien du « Staff » a en effet sacrément changé. Si leur premier album s’est transformé en passeport pour l’Europe, l’ouverture de la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes en 2010 avec le film Benda Bilili ! (réalisé par Florent de La Tullaye et Renaud Barret) leur a offert une renommée internationale. Désormais, leurs enfants vont à l’école et tous ont quitté leurs « toncars » (cartons) pour s’installer dans une maison. Ils ne répètent plus seulement à Kinshasa, mais aussi à Paris, Londres ou Berlin. Alors forcément, au début, quand ils rentraient chez eux, les a priori étaient tenaces: « Les gens pensaient qu’on ramassait l’argent par terre en Europe. » Ils ont donc créé une ONG à leur nom, qui vient en aide à ces gens des rues qu’ils ont si souvent côtoyés, en les aidant à financer leurs projets. Aujourd’hui, les Kinois peuvent se targuer d’avoir joué à peu près partout. Même aux États-Unis, où ils ont trimballé pour la première fois en octobre leurs guitares électriques et leurs percussions, de New York à Los Angeles. ● JUSTINE SPIEGEL
Bouger le monde !, de Staff Benda Bilili (Crammed Discs/Wagram). N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
Culture médias THÉÂTRE
Scènes populaires La septième édition des Récréâtrales s’est tenue du 2 au 8 novembre à Ouagadougou. Un festival haut en couleur toujours aussi populaire.
HIPPOLYTE SAMA POUR J.A.
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! LA DANSEUSE DE L’EAU, une pièce créée par Jean-Pierre Guingané.
L
a soirée est chaude à Gounghin Nord, quartier populaire de Ouagadougou. Presque brûlante même, sans le bref rafraîchissement d’une ultime ondée venue contrarier l’harmattan. Un temps idéal pour la représentation du Songe d’une nuit d’été, comédie shakespearienne revisitée par Isabelle Pousseur, metteuse en scène belge associée au Théâtre national à Bruxelles. Le public qui envahit l’estrade éphémère de l’Institut national de formation artistique et culturelle (Inafac) se laisse prendre au jeu élisabéthain, adapté avec un comique de langage qui convoque par moments les langues nationales. Ovation pour la génération montante d’acteurs burkinabè qui a interprété avec fidélité, mais non sans y insuffler de son âme africaine, le classique du dramaturge anglais. À DOMICILE. Cette nuit-là, comme les
précédentes, d’autres pièces se jouaient non loin dans les cours des habitations situées de part et d’autre de la grande voie de latérite traversant Bougsemtenga, véritable quartier dans le quartier qui abrite les Récréâtrales. C’est là tout le concept de ce festival qui se déroule en grande partie chez l’habitant et qui N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
le débat social. Et nous sommes parvenus au constat que le premier espace de discussion dans la société, c’est à l’intérieur des familles. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes installés chez elles », explique Étienne Minoungou, le directeur fondateur de la manifestation. Cette mise à contribution des habitants de Bougsemtenga a une vocation sociale. « Il y a tout un tissu économique informel dans ce quartier qui en tire profit, ajoute l’artiste burkinabè. Menuisiers, ferronniers, tailleurs, coiffeurs… Tous ces métiers se retrouvent dans la chaîne indispensable pour la fabrication du théâtre. » TRANSMISSION. Un impact positif que
confirme le sergent Urbain Bationo, 38 ans, qui accueille pour la première fois le festival dans sa vaste cour. Ancien footballeur, ce militaire se réjouit que la jeunesse dispose d’opportunités d’emploi et de formation par le biais du théâtre. Mais aussi que la route cahoteuse qui borde son domicile ait été aplanie par les services municipaux pour l’occasion. Les Nikièma, quant à eux, apprécient l’animation que les Récréâtrales apportent dans la rue. C’est dans la maisonnée de ce couple âgé que se déroulait La Danseuse de l’eau, une pièce-conte sur le thème de la transmission du savoir intergénérationnel, écrite par Jean-Pierre Guingané. Rires et émotion pour le public sensible à la thématique défendue par ce colosse de
pour cette 7e édition, qui se tenait du 2 au 8 novembre, présentait onze créations sur des thématiques diverses mais jamais éloignées: le souvenir (Sarzan Sou IV, mis en scène par le Tchadien Djamal Ahmat Mahamat), le sentiment amoureux (Naak Naak, du Burkinabè Sidiki Yougbaré) ou la mémoire (Dandin in Afrika, mis en scène par les Belges Guy Theunissen et Brigitte Baillieux). Dans la concession des familles Nombré et Zaré, par exemple, il était possible d’assister à la représentation de Sur la pelouse, mis en scène par le Guinéen Souleymane Bah. Accompagné d’instrumentistes traditionLe premier espace de discussion nels, le spectacle évoque avec un cynisme ironique dans la société se situe dans les le massacre du 28 sepfamilles. C’est pourquoi nous nous tembre 2009 dans le stade sommes installés chez elles. de Conakry. Proche de l’actualité, Ombres d’espoir, mis ÉTIENNE MINOUNGOU, directeur des Récréâtrales en scène par Dani Kouyaté, aborde la question de l’immigration. la culture nationale mort en 2011 et à qui Créées en 2002, les Récréâtrales assole festival rend hommage. « C’est l’un des cient les populations riveraines d’une rue pères fondateurs du théâtre burkinabè, où se sont installés plusieurs espaces de pour l’avoir pensé, témoigne Étienne production artistique comme la comMinoungou, qui a travaillé à ses côtés pagnie Feeren ou l’académie régionale pendant douze années. Un an après son des arts scénographiques. « Nous nous décès, nous nous retrouvons avec son interrogions sur la façon de rendre le héritage. » ● théâtre à la communauté afin qu’il suscite ABDEL PITROIPA, envoyé spécial JEUNE AFRIQUE
Samedi à 10h05 GMT Rediffusion: dimanche à 10h05 GMT Francis Laloupo (AfricA N°1) Liliane Nyatcha (BBc Afrique)
bbcafrique.com
Culture médias En vue
■ ■ ■ Décevant
FICTION
■ ■ ■ Pourquoi pas
■ ■ ■ Réussi
■ ■ ■ Excellent
! UNE RENCONTRE ORIGINALE qui marquera l’histoire des musiques du monde.
Silence, on tue! DEUX FRÈRES, Khaled et Kamel, habitent un village illégal dans le désert du Néguev, près de Beersheba. Ils font partie de la communauté arabophone des Bédouins, qui entend continuer à vivre sur son territoire ancestral malgré les injonctions des autorités d’Israël qui veulent sédentariser de gré ou de force cette population seminomade. Racontant la résistance – chacun à sa manière – des deux personnages principaux à une énième décision de destruction de leurs misérables habitations isolées dans un magnifique paysage aride et caillouteux, ce film de fiction à la beauté austère peut aussi se voir comme un excellent documentaire sur le sort tragique des Bédouins d’Israël. Une minorité silencieuse menacée d’ethnocide. ● RENAUD DE ROCHEBRUNE
Sharqiya, d’Ami Livne
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HIM MEDIAS
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ALBUM
Passerelle musicale
COMPILATION
Funky attitude Deuxième volet de la série Ivory Coast Soul, dont le premier faisait un état des lieux du mouvement afro-funk de la côte ouest africaine, ce nouvel opus se concentre exclusivement sur la période de la fin des années 1970. Cette compilation élaborée par des diggers (mélomanes qui fouillent dans les piles de disques pour déterrer des trésors oubliés) recense des artistes qui ont pour point commun d’être de grands amateurs de James Brown et qui ont su allier funk et héritage musical traditionnel. ●
Le groupe français Fanga et le Marocain Maalem Abdallah Guinea fusionnent afrobeat et musique gnawa. Réjouissant.
E
n 2011, le festival Détours du monde de Chanac (Lozère) invitait le groupe Fanga et le Marocain Maalem Abdallah Guinea à donner un concert ensemble. L’occasion de créer un pont entre l’afrobeat et la musique gnawa, deux genres provenant de pays africains distants (le Nigeria et le Maroc) mais qui ont pour point commun d’emmener les musiciens et leurs auditeurs vers différentes formes de transe. Cette rencontre fut le point de départ d’une association bigarrée. ÉMOTIONS. Quelques répétitions
communes ont suffi entre le groupe montpelliérain et le Gnawa accompagné de son groupe Nasse Ejadba pour que chacun trouve sa place. Les deux formations réunies revisitent alors quelques-uns des titres phares de Fanga pour faciliter l’intégration des sonorités gnawas et se lancent dans une composition originale. Tous les titres de l’album sont enregistrés en une seule Ivory Coast Soul, Volume 2 (Hot Casa) N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
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prise afin de conserver les émotions ressenties lors du concert. Le résultat sonne alors comme une évidence: chaque composition navigue entre univers gnawa et rythme afrobeat sans rupture, sans choc. Les deux styles se marient le plus naturellement du monde. Les thèmes abordés dans les paroles rappellent les traditions ancestrales africaines. Le guembri (luth à trois cordes) est dynamisé par les cuivres et les percussions africaines. La dimension plus brute de la musique de Lagos est adoucie par l’apport des crotales (percussions formées de deux plaques métalliques s’utilisant comme des castagnettes). L’ensemble enchante et donne envie de prolonger l’expérience auditive sur scène. Un véritable témoignage de la fusion de deux cultures musicales plus proches qu’il n’y paraissait au départ. Il y a fort à parier que Fangnawa Experience deviendra un album phare des musiques du monde, à l’instar de Expensive Shit de Fela ou du WakAfrika de Manu Dibango. ● JÉRÔME BESNAULT
Fangnawa Experience, de Fanga et Maalem Abdallah Guinea (Strut/La Baleine), sortie le 13 novembre ■■■ JEUNE AFRIQUE
Culture médias ENQUÊTE
Nessie au Cameroun LE MOKÉLÉMBEMBÉ, qui donne son titre au film, est un énorme animal étrange qui vit dans une rivière dans le sud du Cameroun, dans une région peuplée de Pygmées. Tellement étrange, en fait, qu’on ne sait pas, malgré les multiples témoignages locaux qui attestent son existence, s’il s’agit d’une créature réelle ou mythologique. Le documentaire suit une expédition du zoologue et explorateur Michel Ballot à la recherche de traces de ce Nessie camerounais. L’occasion de s’interroger à partir d’une enquête de terrain sur les frontières parfois difficiles à repérer entre réalisme et croyance, vérité et fiction, prose et poésie. Mais aussi sur l’imaginaire d’un Blanc qui tente de résoudre « scientifiquement » une énigme qui ne se prête peut-être pas à ce type d’approche. ● R.R.
L’Hypothèse du Mokélé-Mbembé, de Marie Voignier ■■■
TÉMOIGNAGE
Full Metal Jacket Ce n’est pas l’homme qui a tué Ben Laden, c’est l’homme qui a achevé Ben Laden. D’une rafale, à terre, alors qu’un autre membre des Seal – les forces spéciales américaines – lui avait déjà tiré une balle dans la tête… S’abritant sous le pseudonyme de Mark Owen, le soldat Matt Bissonnette raconte sa version de l’expédition d’Abbottabad (Pakistan) au cours de laquelle le chef d’Al-Qaïda fut exécuté. Rien de vraiment nouveau, si ce n’est que pas un instant les Américains n’envisagèrent de ramener vivant un prisonnier qui se serait révélé fort encombrant. L’intérêt du livre, au demeurant bien écrit, est à chercher dans les années de formation d’un jeune Américain d’Alaska passionné de chasse et d’armes à feu, devenu soldat d’élite. Ou comment un homme peut être transformé en machine à tuer. ● NICOLAS MICHEL
Ce jour-là, au cœur du commando qui a tué Ben Laden, de Mark Owen, avec Kevin Maurer, Seuil, 320 pages, 20 euros ■■■ JEUNE AFRIQUE
Lu et approuvé ALAIN MABANCKOU Écrivain franco-congolais
ÉLOGE DU GRAND NORD
J
EAN DÉSY, ÉCRIVAIN CANADIEN, est sans doute un des derniers poètes à « conquérir » les espaces froids. Certes, il connaît bien le Grand Nord québécois, où il pratique la médecine depuis des années. En 1990, il s’est retrouvé à Puvirnituq, village situé dans le nord du Québec, où il a constaté que le corps et l’esprit pouvaient « être en harmonie ». Mais c’est surtout chez les Inuits que son écriture a été bouleversée. Dans une atmosphère glaciale, la poésie apparaît sous son visage primordial. Jean Désy le souligne dans son prologue : « C’est grâce à la norditude que je parvins à trouver l’expression de l’amalgame ressenti si intensément entre mon âme et l’Âme du monde. » Cette fascination crée un pacte que l’auteur exprime en ces termes: « Je resterai toute ma vie un amoureux du Nord, fou de ces lieux où les froids sont tragiques et les cieux gigantesques. » Entre quêtes, invocations et errances dans les bois, c’est non seulement le chemin du retour aux sources que l’auteur recherche, mais surtout le lieu exact où naît la vie, ce lieu qu’on oppose souvent au Sud : « Me voici / voyageur obstiné / ne trouvant le repos qu’en présence du péril / disposé entre les pierres chutées par milliards / dans la toundra. » Dans ces invocations, le poète nous rappelle que marcher dans l’hiver, c’est aller à la rencontre de la liberté, et chaque truite pêchée dans la glace est le gage de notre indépendance. C’est aussi un recueil qui est porté par une langue
Chez les ours, Jean Désy, poèmes, éd. Mémoire d’Encrier, 82 pages, 12 euros
singulière, aussi tranchante que cette glace que le poète loue de poème en poème : « Sois morceau de glaciel brin de neige et bouscueil / chaque fois que l’hivernie te gagne. » Dans un paysage aussi rude et immaculé, la grande crainte de l’errant est la solitude. Cela n’effraie pas pour autant le poète, qui prend pour bouclier l’amour : « Si la solitude s’approche trop près de ta poitrine / ne lui tords pas le cou / serre-la plutôt contre toi comme si tu l’aimais. » C’est aussi l’occasion de faire l’inventaire de la flore et de la faune. Jean Désy ne s’en prive pas, désignant chaque essence avec une précision de botaniste. On rencontre ainsi des sapins du Nord, des mélèzes, des épinettes blanches ayant traversé des siècles, des perdrix roucoulantes, des bouleaux blancs, des pins gris tordus ou encore les thuyas sacrés des îles secrètes d’Abitibi, territoire « aux cent mille lacs ». Chez les ours est accompagné de photographies de la Québécoise Isabelle Duval, ce qui renforce encore plus cette proximité que ressent le lecteur en entrant dans l’univers de Jean Désy. ● N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
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ANNONCES CLASSÉES
Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre -Tél. : 01 44 30 18 76 - Fax : 01 44 30 18 77 - Email. : f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique - 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris - France
RÉPUBLIQUE DU BURUNDI
OFFICE DES ROUTES PROJET DE DÉVELOPPEMENT DU SECTEUR ROUTIER AVIS DE MANIFESTATION D’INTÉRÊT N° OdR/PDSR/3/Serv/2012 POUR LE RECRUTEMENT D’UN CONSULTANT INDIVIDUEL CHARGÉ DE L’ASSISTANCE PONCTUELLE AU NIVEAU DU CABINET DU MINISTÈRE DES TRANSPORTS, DES TRAVAUX PUBLICS ET DE L’ÉQUIPEMENT
DON IDA N° H684-BI Date de publication : 5 Novembre 2012 Date limite de dépôt des manifestations d’intérêt : 20 novembre 2012 à 17 h 30 1. Le Gouvernement de la République du Burundi a reçu un Don de l’IDA pour financer le Projet de Développement du Secteur Routier. Ce dernier se propose d’utiliser une partie de ce Don pour effectuer les paiements autorisés au titre de consultation et voudrait recruter un Consultant individuel qui sera chargé de l’Assistance ponctuelle au niveau du Cabinet du Ministère des Transports, des Travaux Publics et de l’Equipement.
Manifestation d’intérêt
2. L’objectif de la manifestation d’intérêt est de sélectionner un consultant individuel qui va réaliser la mission susmentionnée. 3. Les candidats intéressés par cette mission sont invités à manifester leur intérêt par écrit à l’Office des Routes, sis avenue Heha , Quartier KABONDO ; Tél 22 22 2940, E-mail : OdR@iwayafrica.com et c’est à cette même adresse qu’ils peuvent obtenir des informations supplémentaires. Ils peuvent aussi envoyer leurs dossiers par mail à l’adresse susmentionnée en prenant soin de réserver copie aux adresses suivantes : nhavyarimana@odr-pdsr.bi et à mrufyikiri@odr-pdsr.bi Ils doivent fournir des informations pertinentes indiquant qu’ils sont qualifiés pour exécuter les prestations demandées en y joignant une note de présentation du candidat et ses références antérieures concernant l’exécution des missions similaires, les années de réalisations, les clients, les copies conformes de leurs diplômes, le curriculum vitae, les attestations . 4. L’Assistant recherché devra être un Consultant individuel de renom ayant une expérience avérée au niveau international avec un Diplôme d’Economiste des Transports ou de planification en transports ou tout autre diplôme universitaire équivalent avec une expérience globale d’au moins quinze (15) ans dans son domaine dont au moins sept (7) ans dans la planification des transports dans les pays en voie de développement et de préférence en Afrique au Sud du Sahara. Le Consultant devra avoir réalisé au moins deux (2) études similaires à celle qui feront objet des présentes prestations tel que définies dans le mandat du consultant, ces cinq dernières années. L’expérience dans la région de la Communauté Est Africaine constituant un avantage, la maîtrise de la langue française (parlé et écrit) est exigée. Il aura pour mandat de procéder à un diagnostic approfondi, précis et aussi détaillé que possible du secteur, en identifiant les forces et faiblesses de l’organisation actuelle et proposer des options possibles d’amélioration de l’ensemble du système afin de le mettre dans une dynamique effective d’efficacité et d’efficience qui le rende plus compétitif sur le plan national et au sein des Communautés Economiques Régionales. 5. Les candidats seront sélectionnés conformément aux Directives ‘’Sélection et Emploi des Consultants par les Emprunteurs de la Banque Mondiale’’ édition de 2004, révisée en octobre 2006 et en mai 2010. 6. Les manifestations d’intérêt soumises en langue française doivent être déposés au Secrétariat de la Direction Générale de l’Office des Routes à l’adresse, à la date et l’heure ci-haut citée ou envoyés par courrier électronique et porter expressément la mention ‘‘Manifestation d’intérêt pour l’Assistance ponctuelle au niveau du Cabinet du Ministère des Transports, des Travaux publics et de l’Equipement’’. N° 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
JEUNE AFRIQUE
Avis à manifestation d’intérêt N°05/2012/IDA/PPCB/MEBF/DG/SG/DAF Pays : BURKINA FASO
Nom du projet : « Projet Pôle de Croissance de Bagré » Sources de financement : Don IDA N° H 7270 BF
JEUNE AFRIQUE
N° 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
Manifestation d’intérêt
Objet : Recrutement d’un consultant (cabinet) pour une assistance technique à l’élaboration d’une stratégie de promotion du site de Bagré Pôle (y compris le conseil dans l’attraction des investisseurs privés et la structuration des transactions viables dans la zone). Le Gouvernement du Burkina Faso a obtenu de l’Association Internationale de Développement (IDA) un Don pour financer le « Projet Pôle de Croissance de Bagré » et se propose d'utiliser une partie de ces fonds au titre des dépenses autorisées pour contracter une assistance technique à l’élaboration d’une stratégie de promotion du site de Bagré Pôle (y compris le conseil dans l’attraction des investisseurs privés et la structuration des transactions viables dans la zone du projet). I- OBJECTIFS DE LA MISSION L’objectif général de la mission est d’élaborer une stratégie de promotion du site de Bagré Pôle y compris le conseil dans l’attraction des investisseurs privés et la structuration des transactions viables dans la zone. Plus spécifiquement, il s’agira de : ✓ analyser et capitaliser les intentions de projets des potentiels investisseurs ; ✓ élaborer une stratégie de promotion du site de Bagré Pôle incluant, entre autres, les aspects de stratégie de communication en direction des investisseurs pressentis et le plan opérationnel de la stratégie, ✓ accompagner l’organisation des phases stratégiques du processus d’installation des investisseurs sur le site ; ✓ élaborer les procédures de transactions claires et transparentes pour l’agro-business qui comportent notamment les critères et les étapes critiques de sélection et de négociation avec les investisseurs ; ✓ préparer les dossiers de sélection et accompagner le projet dans la gestion des étapes du processus ; ✓ contribuer à faciliter l’installation d’opérateurs privés sur le site. II- PROFIL DU CONSULTANT Le consultant sera une firme ou un groupement de firmes ayant développé et mis en œuvre des approches éprouvées en partenariat public privé (PPP), en stratégies de transactions efficaces en matière d’aménagements agro-industriels, avec une connaissance de l’environnement des affaires dans un ou plusieurs pays africains ou dans des contextes comparables. Ces compétences devront également couvrir : • les questions juridiques et foncières des aménagements hydro-agricoles à vocation commerciale ; • l’exploitation et la maintenance des aménagements et équipements ; • le développement économique régional ; • le marketing et la communication. III- INVITATION Le Directeur Général de la Maison de l’Entreprise du Burkina Faso (MEBF) invite les candidats admissibles, nationaux et internationaux à manifester leur intérêt à fournir l’assistance décrite ci-dessus. Les consultants (firmes, bureaux d’études et cabinets d’ingénierie, groupements de bureaux) intéressés doivent fournir les informations indiquant qu’ils sont qualifiés pour réaliser les objectifs de la mission ci-dessus. Ils devront en outre fournir les informations suivantes : • présentation institutionnelle et expérience générale du consultant ; • références techniques et expériences pertinentes dans l’élaboration et la conduite de stratégies de promotion de sites, • références techniques et expériences pertinentes dans la structuration de transactions, l’attraction et l’installation des investisseurs; • les preuves de l’exécution prestations analogues soutenues par des copies des pages de garde et de signature des contrats exécutés et/ou des attestations de bonne exécution. Un consultant sera sélectionné suivant la procédure de sélection basée sur la « Qualité et le coût » en accord avec les procédures définies dans les Directives: Sélection et emploi des consultants financés par les prêts de la BIRD et les crédits de l’IDA édition de Janvier 2011. Les manifestations d’intérêt devront être rédigées en français et multipliées en trois (03) exemplaires et déposées sous plis fermés au plus tard le 04 décembre 2012 à 9 h 00 mn, heure temps universel à l’adresse ci-dessous : Monsieur le Directeur Général de la Maison de l’Entreprise du Burkina Faso (MEBF), 11 BP 379 OUAGADOUGOU 11–Avenue de Lyon –Tél : 50 39 80 60/61 Fax : 50 39 80 62, E-Mail : dg@me.bf L’enveloppe extérieure des plis devront porter la mention suivante : « offre de manifestation d’intérêt pour l’Assistance technique à l’élaboration d’une stratégie de promotion du site de Bagré Pôle ». NB : Les plis devront être déposés dans le bureau du spécialiste en passation des marchés, sis au deuxième étage du siège social de la MEBF. En cas d’envoi par la poste, les frais d’expédition seront à la charge du candidat et la MEBF ne sera pas responsable de la non réception ou du retard dans la réception des expressions d’intérêt. Le Directeur Général Issaka KARGOUGOU Ouagadougou, le 05 novembre 2012
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Annonces classées RÉPUBLIQUE DU CONGO
RÉPUBLIQUE DU CONGO
PROJET D’APPUI A LA DIVERSIFICATION DE L’ÉCONOMIE (PADE) Cofinancement Congo/Banque Mondiale Tél. : [00 242] 05 522 23 66/ 05 568 87 06
PROJET D’APPUI À LA DIVERSIFICATION DE L’ÉCONOMIE (PADE) Cofinancement Congo/Banque Mondiale Tél. : [00 242] 05 522 23 66/ 05 568 87 06
AVIS À MANIFESTATION D’INTÉRÊT N° 010-MEPATI-PADE-CPM2012 AMI
AVIS À MANIFESTATION D’INTÉRÊT N° 011-MEPATI-PADE-CPM2012
Le Gouvernement de la République du Congo a obtenu, auprès de l’Association Internationale de Développement (IDA), un crédit de cofinancement dans le cadre du Projet d’Appui à la Diversification de l’Economie (PADE), qu’accompagne le groupe de la Banque mondiale. Dans le cadre de l’exécution dudit projet, l’Unité de Coordination du projet recrute un expert international en suivi et évaluation qui sera chargé entre autres de mettre en place, un système performant de suivi-évaluation des projets PADE et PACADEC et de définir le processus d’identification et de conception des indicateurs clés pour chaque composante du projet en vue de l’enregistrement des données et rendre compte des progrès physiques en les comparant aux prévisions du PTBA. I – PROFIL (Qualifications académiques et professionnelles) :
1 OBJET Le Gouvernement de la République du Congo a obtenu, auprès de l’Association Internationale de Développement (IDA), un crédit de cofinancement dans le cadre du Projet d’Appui à la Diversification de l’Economie (PADE), qu’accompagne le groupe de la Banque mondiale. Dans le cadre de l’exécution dudit projet, l’Unité de Coordination du projet recrute un expert international en développement du secteur privé. 2 PROFIL RECHERCHÉ (Qualifications académiques et professionnelles) : a. Etre détenteur, au minimum, d’une maîtrise en sciences économiques ou en gestion des organisations (entreprises ou administrations) ou d’un diplôme équivalent ; b. Avoir une expérience professionnelle d’au moins dix (10) ans, de préférence dans une institution gouvernementale ou le secteur privé ; c. Avoir une solide expérience dans le management des organisations publiques et/ou privées ; d. Avoir une parfaite connaissance et compréhension des problèmes du secteur privé et des problématiques de l’environnement de l’investissement des pays africains comparables à la République du Congo etc. 3 PROCÉDURES DE SÉLECTION DU CONSULTANT L’expert sera sélectionné en accord avec les procédures définies au chapitre V des Directives de la Banque Mondiale « Sélection et Emploi des consultants par les emprunteurs de la Banque Mondiale de Mai 2004, version révisée en Octobre 2006 et Mai 2010 4 CONSTITUTION DE DOSSIERS ET DÉPÔT DE CANDIDATURE Les dossiers de candidatures (lettre de motivation, CV, copies des diplômes, certificats de travail ou tout autre document justifiant la formation, références concernant l’exécution de contrats analogues etc.) sont à déposer au plus tard le 28 novembre 2012 à 15 heures aux adresses indiquées ci-dessous. 5 RENSEIGNEMENTS COMPLÉMENTAIRES Les renseignements complémentaires relatifs à cet avis à manifestation d’intérêt pourront être obtenus au siège du projet sis 05 et 06 Rue Isaac Locko, dans le secteur de Blanche Gomez ou par courrier électronique adressé à pade.pacadec@yahoo.fr Le Coordonnateur du PADE Joseph IBARA
EN VUE DU RECRUTEMENT D’UN CONSULTANT INDIVIDUEL INTERNATIONAL EN SUIVI ET ÉVALUATION
• L’expert devra être titulaire d’un diplôme de niveau BAC + 5 au moins (DESS ou Master ou équivalent) dans les domaines de Planification, de management des programmes et projets, de l’économique ou de statistique ;
Appel d’offres - Manifestation d’intérêt
• Avoir une expérience d’au moins huit (08) ans dans le domaine de Suivi-Evaluation ; • Avoir une parfaite maîtrise des outils statistiques et des systèmes de Suivi-Evaluation ; • Une bonne connaissance des logiciels de suivi-évaluation (TECPRO) est nécessaire ;
Une expérience de consultation en Suivi-Evaluation dans les projets financés par les institutions internationales en général et la Banque Mondiale ou la BAD en particulier serait un atout. II- DURÉE DU MANDAT La mission du Consultant se déroulera au siège des projets PADE/PACADEC et durera deux (2) mois. Elle se déroulera en deux phases : Phase N°1, mise en place du système et phase N°2 mise en œuvre. L’expert sera sélectionné en accord avec les procédures définies au chapitre V des Directives de la Banque Mondiale « Sélection et Emploi des consultants par les emprunteurs de la Banque Mondiale de Mai 2004, version révisée en Octobre 2006 et Mai 2010. La cellule de passation des marchés du PADE/PACADEC invite les candidats à manifester leur intérêt et à fournir les services décrits ci-dessus ainsi que les informations indiquant leur motivation et leur qualification pour exécuter les services (lettre de motivation, CV, copies des diplômes, certificats de travail ou tout autre document justifiant la formation, références concernant l’exécution de contrats analogues etc.) sous plis fermé portant la mention « Avis n° 010-MEPATI-PADE-CPM-2012-AMI» à déposer à l’adresse ci-dessous au plus tard le 25 novembre 2012, au siège du projet sis, Rue Locko n°05 et 06 (dans le secteur de Blanche Gomez), Brazzaville/République du Congo, Tél : 05 522 23 66/05 568 87 06/04 405 33 05/ E-mail : pade.pacadec@yahoo.fr . Les experts intéressés peuvent obtenir des informations complémentaires à l’adresse ci-dessus, les jours ouvrables de 08h à 15h. Le Coordonnateur du PADE Joseph IBARA
Relatif au recrutement d’un Consultant individuel, Expert international en Développement du secteur privé
RÉPUBLIQUE DU CONGO
PROJET D’APPUI A LA DIVERSIFICATION DE L’ÉCONOMIE (PADE) Cofinancement Congo/Banque Mondiale Tél. : [00 242] 05 522 23 66/ 05 568 87 06
AVIS À MANIFESTATION D’INTÉRÊT N° 012-MEPATI-PADE-CPM2012 Relatif au recrutement d’un Expert en vue de l’Identification et l’Appui à la Mise en œuvre des réformes pour la facilitation à la création d’Entreprises 1 OBJET Le Gouvernement de la République du Congo a obtenu, auprès de l’Association Internationale de Développement (IDA), un crédit de cofinancement dans le cadre du Projet d’Appui à la Diversification de l’Economie (PADE), qu’accompagne le groupe de la Banque mondiale. Dans le cadre de l’exécution dudit projet, l’Unité de Coordination du projet recrute un expert international en vue de l’Identification et l’Appui à la Mise en œuvre des réformes pour la facilitation à la création d’Entreprises. 2 PROFIL RECHERCHÉ (Qualifications académiques et professionnelles) : • Etre titulaire d’un diplôme universitaire de troisième cycle en Droit (mention Droit des Affaires) ou équivalent ; • Justifier d’une expérience significative (5 à 10 ans) dans l’administration des affaires économiques ou publiques, dans une structure d’appui aux entreprises ; • Justifier d’une bonne connaissance de l’environnement institutionnel du Congo, du cadre réglementaire et judiciaire des affaires en Afrique subsaharienne notamment de l’OHADA ; • Avoir une bonne connaissance des indicateurs de Doing Business est atout etc. 3 PROCÉDURES DE SÉLECTION DU CONSULTANT L’expert sera sélectionné en accord avec les procédures définies au chapitre V des Directives de la Banque Mondiale « Sélection et Emploi des consultants par les emprunteurs de la Banque Mondiale de Mai 2004, version révisée en Octobre 2006 et Mai 2010 4 CONSTITUTION DE DOSSIERS ET DÉPÔT DE CANDIDATURE Les dossiers de candidatures (lettre de motivation, CV, copies des diplômes, certificats de travail ou tout autre document justifiant la formation, références concernant l’exécution de contrats analogues etc.) sont à déposer au plus tard le 28 novembre 2012 à 15 heures aux adresses indiquées ci-dessous. 5 RENSEIGNEMENTS COMPLÉMENTAIRES Les renseignements complémentaires relatifs à cet avis à manifestation d’intérêt pourront être obtenus au siège du projet sis 05 et 06 Rue Isaac Locko, dans le secteur de Blanche Gomez ou par courrier électronique adressé à pade.pacadec@yahoo.fr. Le Coordonnateur du PADE Joseph IBARA N° 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
Fondation Children of Africa AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL OUVERT N°01/AOIO/FCOA/2012 DU 02 NOVEMBRE 2012 POUR LA CONCEPTION ET LA RÉALISATION D'UN HÔPITAL MÈRE-ENFANT SIS A BINGERVILLE (ABIDJAN - CÔTE D'IVOIRE) La Fondation CHILDREN OF AFRICA lance un Appel d'Offres International Ouvert en vue de la sélection d'une Entreprise Générale de Conception Construction pour la réalisation d'un hôpital dédié à la Mère et à l'Enfant sis à Bingerville sur les parcelles A et B du TF n° 200728 (3 hectares). Le dossier d'appel d'offres (DAO) peut être retiré, à compter du 02 Novembre 2012, au siège du Cabinet GECMO - 01 B.P.5934 Abidjan 01 - sis au 5ème étage de l'Immeuble Arc-en-ciel (Angle avenue Chardy / Boulevard Lagunaire Est) ou réclamé par courriel à l'adresse : info-ci@cabaxial.com, avant le 20 novembre 2012 au plus tard. La date limite de remise des offres est fixée au 20 décembre 2012. JEUNE AFRIQUE
Annonces classées
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République Démocratique du Congo
Projet d’Appui à la Réhabilitation du Secteur de la Santé (PARSS) - Don N° H-750-RDC
Appel d’Offres International (AOI) - N° 013/2012/UCP-PARSS
Fourniture de matériels informatiques, de reprographie et audio-visuel pour les structures du Ministére de la Santé dans les provinces ciblcs du PARSS (141 desktops, 141 Imprimantes, 141 Onduleurs, 141 Scanners, 129 Photocopieuses, 141 Laptops et 120 Rétroprojecteurs) 1. Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo à obtenu un Don de l’association Internationale de Développement (IDA) pour financer le coût du Projet d’Appui à la Réhabilitation du Secteur de la Santé (PARSS). ll se propose d’utiliser une partie du montant de ce Don pour effectuer les paiements autorisés au titre du Marche dit “ Fourniture de matériels informatiques, de reprographie et audio-visuel pour les structures du Ministère de la Santé dans les provinces cibles du PARSS ». 2. L’Unité de Coordination du projet PARSS (UCP-PARSS) invite, par le présent avis d’appel d’offres, les candidats remplissant les conditions requises à présenter une offre sous pli fermé et cacheté pour la fourniture de matériels informatiques ci-après réparti en deux lots constituant deux marchés distincts dont les soumissionnaires seront autorisés à fournir des prix séparés pour un ou de lots : Lot 1 : Fourniture de matériels informatiques (141 desktops, 141 Laptops, 141 Imprimantes et 141 Onduleurs). Lot 2 : Fourniture des équipements de bureau (141 Scanners, 129 Photocopieuses et 120 Rétroprojecteurs). 3. L’appel d’offres se déroulera conformément aux procédures d’appel d’offres international (AOI) spécifiées dans la publication de la Banque “ Directives : Passation des marchés financés par les prêts de la BIRD et les crédits de l’IDA » (édition-Janvier 2011), et est ouvert à tous les soumissionnaires des pays qui répondent aux critères d’éligibilité tels que définis dans le Dossier d’appel d’offres ”. 4. Les soumissionnaires intéressés et éligibles pour concourir peuvent obtenir de plus amples renseignements auprès du bureau de l’Unité de Coordination du Projet PARSS (UCP-PARSS) et examiner le Dossier d’appel d’offres à l’adresse ci-après de 9h00 à 15h00, heures locales (TU + 1), du lundi au vzndredi. 5. Les exigences en matière de qualification sont : • Le soumissionnaire doit prouver qu’il dispose de fonds propres ou qu’il a la possibilité de bénéficier d’un crédit suffisant.
• Le soumissionnaire doit prouver que le service après-vente des matériels proposés est disponible en RDC ; • Le fournisseur doit prouver qu’il est en règle avec les institutions fiscales de son pays. 6. Le Dossier d’appel d’offres complet en français peut être acheté par les soumissionnaires intéressés sur demande écrite à l’adresse ci-dessous contre paiement d’un montant non remboursable de dollars américains cent (100 $US). Le paiement sera effectué par versement d’espèces au compte n° 05101-0100347601-73-USD, intitulé Frais de fonctionnement V/C USD auprès de la RAWBANK/Kinshasa. Pour les éventuels soumissionnaires non résidents à Kinshasa, le Dossier d’Appel d’Offres pourra être envoyé selon les indications du soumissionnaire, étant entendu que les frais d’expédition qui ne sont pas inclus dans le montant d’acquisition du DAO sont intégralement à la charge du soumissionnaire. 7. Les soumissions devront être déposées à l’adresse ci-dessous au plus tard le 07 Janvier 2013 à 15 heures (heure locale = TU+1). Elles doivent être accompagnées d’une garantie de soumission d’un montant de neuf mille dollars américains (9.000 $US) pour le lot 1 et de six mille dollars américains (6.000 $US) pour le lot 2. La soumission des offres par voie électronique ne sera pas autorisée. Les soumissions présentées hors délais seront rejetées. Les soumissions seront ouvertes physiquement en présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent y assister à l’adresse ci-dessous le 07 Janvier 2013 à 15 heures 30’ (heure locale = TU+1). L’adresse mentionnée ci-dessus est : Unité de Coordination du Projet PARSS (UCP-PARSS) Concession de l’INRB, Croisement des Avenues des Huileries et Tombalbaye, Commune de la Gombe Kinshasa — République Démocratique du Congo Email : ucparss@gmail.com Tél. : (+243)0 15106435 Dr Jacques WANGATA Coordonateur
RÉPUBLIQUE DU CAMEROUN
REPUBLIC OF CAMEROON
MINISTÈRE DE L’ÉCONOMIE, DE LA PLANIFICATION ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
MINISTRY OF ECONOMY, PLANNING AND REGIONAL DEVELOPMENT
Paix – Travail – Patrie
Peace – Work – Fatherland
UNITÉ OPÉRATIONNELLE
COMMUNIQUÉ Le Coordonnateur de l’Unité Opérationnelle du Comité de Pilotage et de Suivi de la Réalisation du Complexe industrialo-Portuaire de KRIBI porte à l’attention des Bureaux d’Etudes Nationaux et Intemationaux que les Avis d’Appels d’Offres ci-dessous peuvent être consultés sur leur site www.kribiport.cm rubrique “ Appel d’Offres “ : 1. Avis d’appel d’offres international ouvert n° 004/AOIO/MINMAP/CCPM-AI/2012 du 04 Octobre 2012 pour l’étude technique en vue de l’Elaboration du Schéma Directeur de Sureté Maritime et Portuaire du Complexe Industrialo-Portuaire de Kribi : composante Port Général 5 Mboro Date de remise des offres : 11 Décembre 2012. 2. Avis d’appel d’offres international ouvert n° 005/AOIO/MINMAP/CCPM-A1/2012 du 04 Octobre 2012 pour l’étude en vue de la mise en place d’un système d’assainissement et de gestion des déchets dans le Complexe Industrialo-Portuaire de Kribi Date de remise des offres : 11 Décembre 2012. 3. Avis d’appel d’offres international ouvert n° 006/AOIO/CCPM-AI/2012 du 04 Octobre 2012 pour l’étude de sismicité : risques et aléas sismiques potentiels de la zone affecté au Complexe Industrialo-Portuaire de Kribi Date de remise des offres : 11 Décembre 2012. 4. Avis d’appel d’offres national ouvert n° 007/AOIO/MINMAP/CCPM-AI/2012 du 04 Octobre 2012 pour l’étude d’identitication et de caractérisation des zones d’emprunts de la zone affectée au Projet de Réalisation du Complexe lndustrialo-Portuaire de Kribi Date de remise des offres : 08 Novembre 2012. Le Coordonnateur Patrice MELOM JEUNE AFRIQUE
N° 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
Appel d’offres
COMITÉ DE PILOTAGE ET DE SUIVI DE LA RÉALISATION DU COMPLEXE INDUSTRIALO-PORTUAIRE DE KRIBI
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DESAG – MAE (CESAG – IAE Poitiers) : DESAG (Reconnu par le CAMES) – MAE (Diplôme national français)
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Permettre à des cadres en activité de préparer 2 diplômes correspondant aux standards internationaux du MBA, un double diplôme CESAG/IAE de Poitiers
Objectifs spécifiques
A l'issue de la formation à distance, les double diplômés auront acquis les compétences nécessaires pour : - Comprendre les enjeux internationaux et africains actuels du management. - Appliquer de nouvelles méthodes de management dans leur entreprise. - Développer une réflexion stratégique, par une approche internationale des marchés et des situations concurrentielles. - Adapter leur propre style de management aux conséquences de la mondialisation et des technologies de l'information et de la communication. - Renforcer leurs capacités opérationnelles par la maîtrise des techniques fondamentales de la gestion et du management.
Conditions dʼentrée
- Etre titulaire dʼun diplôme équivalent à Bac + 4 - Expérience professionnelle souhaitée : 1 an au moins
Durée
- 2 ans (formation à distance) Date et lieu de retrait des dossiers de candidature : à partir du 12 novembre 2012
- CESAG, Bd Général De Gaulle x Malick SY - Téléchargement sur le site du CESAG : www.cesag.sn - Directions nationales de la BCEAO : Abidjan, Bamako, Niamey, Ouagadougou - Siège BEAC : Yaoundé
Date limite de dépôt des dossiers : 30 novembre 2012. Date des épreuves écrites et orales du concours dʼentrée : Samedi 1er décembre 2012.
Formation
Date de démarrage des enseignements : 7 janvier 2013
N° 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
JEUNE AFRIQUE
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Enabling poor rural people to overcome poverty The International Fund for Agricultural Development (IFAD) is an international financial institution and a specialized United Nations agency dedicated to eradicating poverty and hunger. It does so by financing programmes and projects that increase agricultural productivity and raise rural incomes, and by advocating at the local, national and international level for policies that enable poor rural people to overcome poverty. IFAD is looking for professionals with strategic vision, a team orientation, proven capacity to generate results, and an understanding of and commitment to development. IFAD is currently seeking to recruit: Director, D-2, Independent Office of Evaluation (IOE). IFAD is looking for a recognized, dynamic and experienced leader who will be responsible for the independent evaluation function of the Fund, referring directly to the Fund’s Executive Board. The Director will lead the successful implementation of IFAD’s evaluation policy and manage the Independent Office of Evaluation. IFAD offers a competitive remuneration and benefits package that includes tax-free salary, dependency allowance, education grant up to university level, medical and group life insurance, home leave and pension plan. IFAD is committed to achieving diversity and is seeking a balanced workforce from its Member States. Women are particularly encouraged to apply.
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N° 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
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Vous & nous
Le courrier des lecteurs Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.
Congo-Brazzaville «Si je me suis trompé, c’est de bonne foi!»
A
près avoir lu avec intérêt l’article relatif à mon inculpation dans l’affaire des explosions de Mpila (J.A. no 2701, du 14 au 20 octobre), il est de mon devoir d’indiquer ce qui suit : Le mardi 9 octobre 2012, mon conseil Me Brudey a déposé au cabinet du doyen des juges d’instruction des conclusions aux fins de dénonciation de l’illégalité de mon inculpation en violation de l’article 154 de la Constitution. Le même jour, ce même doyen des juges d’instruction du TGI de Brazzaville m’a reçu en deuxième comparution, pour se déclarer incompétent à instruire cette affaire. Pourquoi donc le juge d’instruction ne s’était-il pas préalablement posé la question de sa compétence avant de prendre une décision aussi gravissime qu’une inculpation ? On est là au cœur de la machination juridico-politicienne. J’attends donc sereinement ma mise en accusation devant la Haute Cour de justice, puisqu’il semble établi
Obama Loin d’être un accident UN NOIR ÉLU UNE FOIS à la Maison Blanche, cela pourrait passer pour un accident. Mais deux fois, c’est une nouvelle preuve que la méritocratie à l’américaine fonctionne. La force de Barack Obama réside également dans son dévouement et son abnégation à lutter contre le terrorisme, le chômage, le sida. Reste maintenant au président américain à mieux alimenter la collaboration et les relations entre l’Afrique et la Maison Blanche – quasi moribondes. Car, ne dit-on pas que l’arbre N o 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012
qu’en définitive le juge d’instruction aurait retenu contre ma personne le délit d’homicide involontaire par imprudence, maladresse, négligence, inattention et inobservation des règlements. À propos de mon intervention radiotélévisée du 4 mars 2012, je précise que c’était la première mise au point gouvernementale faite autour de 9 heures, donc juste après la première série d’explosions. L’objectif était de rassurer l’opinion qu’il ne s’agissait ni d’un coup d’état militaire, ni d’une mutinerie, ni d’une rébellion, mais bien d’une explosion d’un dépôt de munitions. Répondant aux questions des journalistes, j’ai dit, entre autres, que nous avions nos experts sur le terrain pour une évaluation plus approfondie, sur la base de laquelle le gouvernement tirerait les conséquences qui s’imposent, y compris sur la cause réelle de l’incendie, accidentelle ou criminelle. Qu’à ce stade, de sources hospitalières fiables, on avait enregistré
tire également sa force de ses racines ? Obama devrait méditer cet adage. ● ARCHÉDUC THÉODORE, N’Djamena, Tchad
RD Congo De la place pour tous JE REVIENS du Rwanda, un pays agresseur, voire ennemi, selon certains. Nos frères congolais y vivent pourtant paisiblement, investissent tous les secteurs d ’a c t i v i t é ( é d u c a t i o n , transport, salons de coiffure, change, construction) et parlent librement le lingala. Un État responsable et
des blessés plus ou moins graves, mais qu’il ne nous avait pas été signalé de morts enregistrés. Que tout en présentant nos excuses aux populations désemparées, nous leur demandions de regagner leurs domiciles pour ne pas laisser prospérer le pillage. Vers 10 heures s’est produite la deuxième série d’explosions, plus assourdissante que la précédente, outrancièrement meurtrière, violente et destructrice […]. Ma mission était désormais d’assurer la coordination des opérations contre l’incendie. Je n’ai donc pas compris pourquoi mon intervention, devenue obsolète, a été rediffusée en boucle à la télévision, et jusqu’à 19 h 30 à la radio […]. Si quelque part je me suis trompé dans la gestion de la catastrophe du 4 mars 2012, c’est de bonne foi. Je pense n’avoir fait que mon devoir, rien que mon devoir. L’avenir n’y changera rien. ● Pr CHARLES ZACHARIE BOWAO, ancien ministre de la Défense, Brazzaville, Congo
supérieur donc, qui protège toute personne présente sur son sol. Cela devrait nous interpeller. Car le même sort n’est pas fait aux Congolais d’expression kinyarwanda à l’est de la RD Congo, souvent persécutés. La RD Congo est immense, il devrait y avoir de la place pour tous. Arrêtons de nous affronter pour une portion de terre, changeons de mentalité et mettons-nous au travail; nous disposons des ressources nécessaires. Autrement, nous la condamnerions. ● JEANNOT GAKUBA SHYAKA, Kinshasa, RD Congo
Gbagbo Les proches de l’ex MERCI ET BRAVO pour votrepersévéranceànous informer aussi objectivement. Dans votre article intitulé « Gbagbo à tout prix » (J.A. no 2703-04, du 28 octobre au 10novembre),mentionnantles fonctionsdes«sixpersonnalités de l’ancien régime » qui ne reconnaissent toujours pas la légitimité d’Alassane Ouattara, vousindiquez«directeur»pour certains (comme s’ils étaient toujoursenposte)etutilisezles termes « ancien » ou « ex » pour d’autres. Pourquoi Marcel Gossio serait-il « directeur du JEUNE AFRIQUE
Vous nous
Aouzou Une conquête tchadienne oubliée S’IL Y A UNE PORTION du territoire tchadien qui a fait couler de l’encre et du sang, c’est bien la bande d’Aouzou, occupée par la Libye de Kaddafi entre 1973 et 1994, restituée ensuite au Tchad par la Cour de justice de la Haye. Combien de Tchadiens ont péri dans cette opération de reconquête ? Combien de bidasses libyens ont perdu la vie dans cette aventure ? Personne ne le saura jamais. Pourquoi le gouvernement tchadien ne commémore-t-il pas la récupération de cette partie du Tchad? L’événement serait-il donc si insignifiant? ●
ANTOINE-BEAUVARD ZANGA,
Libye Kaddafi en cinq formules DICTATEUR.Auteurd’un parfait bain de sang. Mais aussi : homme qui a bâti son pays – et bien d’autres – grâce aux richesses dont celui-ci regorge. Dirigeant qui a refusé de se laisser dicter sa manière de faire. Homme politique qui tentait de proposer sa vision des choses partout où il allait. Si l’on admet que bien d’autres que lui imposent leur manière de penser plutôt que de la proposer ; que certains exploitentdepuisdessièclesdes peuples qu’ils assujettissent, on a envie que certains drones balaient d’abord chez eux avant de voguer sous d’autres cieux… ● BERNARD BAMOGO,
Yaoundé, Cameroun
Ouagadougou, Burkina Faso
médecin tchadien, Dakar, Sénégal
port d’Abidjan », et Koné Katinan, « ancien ministre du Budget »? ● SAYBOU ZAKARI ISSA, Abidjan, Côte d’Ivoire
Réponse Il s’agit évidemment de personnalités qui ne sont plus aux affaires. Mais vous avez raison : nous aurions dû l’indiquer à chaque fois.
! J.A. NO 2703-04, du 28 octobre au 10 novembre
LA RÉDACTION
Biya Précision SATISFAIT de mon interview dans le cadre de votre dossier sur trente ans de régime Biya (J.A. no 2703-04, du 28 octobre au 10 novembre), je précise néanmoins que je suis élève-professeur à l’École
normale supérieure de Yaoundé, et non élève et professeur. De plus, mon père est décédé en 2011 (le 28 septembre), et non en 2009, comme il est écrit. Tout cela n’enlève rien à la qualité de votre enquête.●
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Post-scriptum Fouad Laroui
Fondé à Tunis le 17 oct. 1960 par Béchir Ben Yahmed (53e année) Édité par SIFIJA Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS Tél. : 01 44 30 19 60 ; Télécopieurs : rédaction : 01 45 20 09 69 ; ventes : 01 45 20 09 67 ; Courriel : redaction@jeuneafrique.com DIRECTION
Abêtissement passif
O
N DÉNONCE SOUVENT le « tabagisme passif ». Et à juste titre : il n’y a pas de raison, parce que votre voisin veut en griller une, que vous soyez obligés d’inhaler avec lui la fumée nocive qu’il propage autour de lui. Sur ce point, je crois qu’on est tous d’accord. Même les fumeurs – du moins, une grande portion d’entre eux – ne le contestent pas. Et ils consentent à s’éloigner un peu pour sacrifier à leur vice. Mais l’objet de cette chronique n’est pas le tabagisme. Il s’agit de quelque chose du même genre que je propose de nommer la stupidité passive – ou la niaiserie passive – ou l’abêtissement passif. C’est la première fois qu’on en parle et les pages de cet auguste newsmagazine qu’est Jeune Afrique vont donc porter urbi et orbi un concept tout nouveau, tout beau.
Directeur de la publication : BÉCHIR BEN YAHMED (bby@jeuneafrique.com) Directeur général : Danielle Ben Yahmed Vice-présidents: Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed Actionnaire principal : Béchir Ben Yahmed RÉDACTION Directeur de la rédaction : François Soudan (f.soudan@jeuneafrique.com) Directeurs exécutifs : Marwane Ben Yahmed (mby@jeuneafrique.com), Amir Ben Yahmed (aby@jeuneafrique.com) Rédaction en chef : Claude Leblanc (c.leblanc@jeuneafrique.com), Élise Colette (éditions électroniques, e.colette@jeuneafrique.com), Laurent Giraud-Coudière (technique, lgc@jeuneafrique.com) Conseillers de la direction de la rédaction : Hamid Barrada, Abdelaziz Barrouhi (à Tunis), Aldo de Silva, Dominique Mataillet, Renaud de Rochebrune Secrétariat : Chantal Lossou, Joëlle Bouzignac Chefs de section : Joséphine Dedet (La semaine de J.A.), Philippe Perdrix (Grand angle), Anne Kappès-Grangé (Afrique subsaharienne), Tarek Moussa (Maghreb & Moyen-Orient), Frédéric Maury (Économie), Jean-Michel Aubriet (Europe, Amériques, Asie), Cécile Manciaux (Le Plus de J.A.), Séverine Kodjo-Grandvaux (Culture & médias), Clarisse Juompan-Yakam (Vous & nous) Secrétaires de rédaction : Sabine Clerc, Fabien Mollon, Ophélie Négros Rédaction : Pascal Airault, Youssef Aït Akdim, Stéphane Ballong, Pierre Boisselet, Julien Clémençot, Georges Dougueli, Malika Groga-Bada, Trésor Kibangula, Christophe Le Bec, Nicolas Michel, Haby Niakate, Cherif Ouazani, Michael Pauron, Fanny Rey, Laurent de Saint Périer, Justine Spiegel, Tshitenge Lubabu M.K., Marie Villacèque ; collaborateurs : Edmond Bertrand, Christophe Boisbouvier, Frida Dahmani, Muriel Devey, André Lewin, Patrick Seale ; accords spéciaux : Financial Times Responsable de la communication : Vanessa Ralli (v.ralli@jeuneafrique.com) RÉALISATION
Alors, me dites-vous, la niaiserie passive, c’est quoi ? Eh bien, il s’agit d’une forme très pernicieuse de décervelage qui est induite par internet. Voilà comment ça se passe. Vous ouvrez votre ordinateur, vous allez sur le site qui abrite votre messagerie et la première chose que vous voyez, c’est une information qui n’a strictement aucun intérêt mais que votre cerveau est bien obligé d’héberger, fût-ce momentanément. Par exemple, « Tartempion a changé de look ». Et votre écran vous jette à la figure la face hébétée d’un chanteur yé-yé qui était insignifiant hier, qui l’est encore plus aujourd’hui, mais qu’importe puisque la nouvelle d’importance planétaire, c’est qu’il a changé de look. Et alors ? Qu’est-ce que ça peut me faire ?
Maquette: Marc Trenson (directeur artistique), Christophe Chauvin, Stéphanie Creuzé, Valérie Olivier; révision: Nathalie Bedjoudjou (chef de service), Vladimir Pol; fabrication: Philippe Martin (chef de service), Christian Kasongo; service photo: Dan Torres (directrice photo), Nathalie Clavé, Vincent Fournier, Claire Vattebled; documentation: Anita Corthier (chef de service), Sylvie Fournier, Florence Turenne, Angéline Veyret
Le temps de consulter votre boîte mail, vous cliquez pour revenir à la page d’accueil, une autre information vous saute à la figure : une bimbo bête comme une oie vous apprend qu’elle est enceinte. Mais de qui ? Le suspense est insoutenable mais vous n’aurez la réponse qu’à condition de cliquer sur « à suivre » et là, vous subirez d’abord quelques pubs avant d’apprendre que le père du futur baby de la bimbo n’est autre qu’un acteur de troisième zone aussi dégourdi qu’une moule. Et en quoi ça nous regarde ?
AGENCE INTERNATIONALE POUR LA DIFFUSION DE LA COMMUNICATION
Ce genre d’agression par internet interposé ne semble pas déranger grand monde. En tout cas, je n’entends presque personne protester contre cet abêtissement passif. Mais il suffit de faire l’expérience de pensée suivante pour se rendre compte de l’incongruité de la chose. Supposez qu’à l’époque où le courrier était fait de lettres pas du tout virtuelles et qu’il était distribué par un facteur en chair et en os, supposez donc que ce dernier ne consentait à vous donner votre courrier qu’après vous avoir appris que Frigide Barjot avait changé de coiffure ou que Stone et Charden avaient adopté un petit Albanais. N’auriez-vous pas protesté contre cet abêtissement passif ? Alors pourquoi ne disons-nous rien aujourd’hui ? ●
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N 2705 • DU 11 AU 17 NOVEMBRE 2012 o
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