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INTERVIEW L’AFRIQUE SELON DONALD KABERUKA

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 53e année • n° 2715 • du 20 au 26 janvier 2013

jeuneafrique.com

CÔTE D’IVOIRE LES SECRETS DE L’OPÉRATION BLÉ GOUDÉ TUNISIE CES MILICES QUI VOUS VEULENT DU BIEN… MAROC JEUNES, PAS RICHES ET CÉLIBATAIRES

Une guerre sans fin? • Pourquoi et comment la France s’est engagée • Algérie : les mystères d’In Amenas • Pour le Mali ou contre le terrorisme ? Par Béchir Ben Yahmed

ÉDITION GÉNÉRALE France 3,50 € • Algérie 180 DA • Allemagne 4,50 € • Autriche 4,50 € • Belgique 3,50 € • Canada 5,95 $ CAN • Danemark 35 DKK • DOM 4 € Espagne 4 € • Éthiopie 65 birrs • Finlande 4,50 € • Grèce 4,50 € • Italie 4 € • Maroc 23 DH • Mauritanie 1100 MRO • Norvège 41 NK • Pays-Bas 4 € Portugal cont. 4 € • RD Congo 5,50 $ US • Royaume-Uni 3,50 £ • Suisse 5,90 FS • Tunisie 3,30 DT • USA 6,50 $ US • Zone CFA 1700 F CFA • ISSN 1950-1285



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Ce que je crois BÉCHIR BEN YAHMED • bby@jeuneafrique.com

SAMEDI 19 JANVIER

Pour le Mali? Ou contre le terrorisme?

À

PROPOS DU MALI, tout le monde, depuis plusieurs jours, parle de guerre. Si c’en est une, elle est bien singulière et le restera, car, vous le verrez, elle est d’une durée et d’une ampleur imprévisibles. Il ne faut surtout pas l’assimiler – et la limiter – à la guerre contre ce néoterrorisme, qui semble avoir fait du Sahel africain son centre de rayonnement. ■

On la sentait venir, mais nous nous attendions à ne la voir s’engager qu’en février ou mars prochain. Elle a fait irruption plus tôt que prévu, dès le vendredi 11 janvier, avec des frappes aériennes françaises, relayées le mardi suivant, 15 janvier, par l’intervention de troupes terrestres, toujours françaises. Les armées de la France sont accourues pour répondre à l’appel au secours des autorités maliennes (de transition). Il fallait de toute urgence et quel qu’en soit le prix « empêcher les terroristes, qui avaient conquis le Nord-Mali en mars dernier, d’en déborder pour occuper Sévaré, Mopti et menacer la capitale, Bamako ». Cette guerre est déjà dans sa deuxième semaine et pourrait durer plusieurs mois, voire des années. Elle sera évolutive, connaîtra diverses étapes, prendra plusieurs formes. N’est-elle pas déjà sortie du NordMali pour se transposer dans le Sud algérien ? Restera-t-elle aussi populaire qu’elle semble l’être aujourd’hui ? J’en doute beaucoup. ■

En ce mois de janvier 2013, elle est abondamment traitée par la presse africaine et internationale et accapare états-majors et chancelleries. Des lieux et des personnages passent de l’ombre à la lumière ; le paysage politique de la région en est bouleversé. Mais les événements se succèdent à une telle cadence, le flot des informations, parfois contradictoires, est si dense que la plupart d’entre nous s’y perdent. Pour nous y retrouver, essayons de démêler le bon grain de l’ivraie. JEUNE AFRIQUE

La République du Mali a eu pour président pendant dix ans, de mai 2002 à mars 2012, le général Amadou Toumani Touré (ATT). C’est paradoxalement pendant les deux mandats de ce militaire de formation, censé connaître l’armée et ses besoins, que le pays a perdu la sienne. Le 22 mars 2012, un mois avant l’expiration de son second (et dernier) mandat, ATT a été renversé par des officiers. Les auteurs du coup d’État voulaient même le tuer et il n’a eu la vie sauve que de justesse. Leur principal reproche était l’état déplorable de l’armée, laissée sans commandement ni équipement dignes de ce nom et, par voie de conséquence, les humiliations qu’elle a subies lors de la perte du nord du pays tombé aux mains des insurgés du MNLA et d’organisations terroristes inféodées à Al-Qaïda. Près d’un an après le coup d’État, le Mali est toujours sans armée en état de se battre vraiment. Et, de surcroît, sans président élu ni gouvernement représentatif. ■

On a cru bon, mais à tort, de confier le sort du pays à des autorités de transition chargées d’une mission qui les dépasse : libérer le Nord par la négociation ou la guerre, organiser des élections présidentielle et législatives. C’est ce pays et son pouvoir de transition qui ont lancé, le 10 janvier, un appel désespéré à la France et à la Cedeao : « Au secours, les terroristes arrivent ; nous sommes sans défense… et ils risquent d’occuper notre capitale… » Dès le lendemain, la France et François Hollande, son président, ont envoyé leurs troupes « pré-positionnées », provoquant ainsi une accélération bienvenue de l’arrivée de contingents des pays de la Cedeao. Il n’a pas échappé à l’excellent homme politique qu’est François Hollande que sa cote de confiance – il était descendu à près de 30 % d’opinions favorables – remonterait en flèche dès qu’il revêtirait l’habit de chef de guerre… Le voici, pour un temps, prémuni contre le risque d’impopularité. N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013


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Ce que je crois Si vous ajoutez à cela la solide alliance personnelle qu’il est parvenu à nouer avec le président algérien Abdelaziz Bouteflika, vous trouvez, en effet, le François Hollande 2013 que nous avons commencé à voir. ■

Le 20 janvier est au Mali la fête de l’Armée, en commémoration de la date à laquelle, en 1961, le dernier soldat français a quitté le pays. Commencée il y a dix jours, cette « guerre du Mali » nous donne, en ce 20 janvier 2013, le spectacle d’un pays fier et jaloux de son indépendance, mais qui, cruelle coïncidence, est occupé par une bonne dizaine d’armées étrangères – dont celle de l’ancien colonisateur. Elles sont venues à la demande de ses actuels dirigeants pour accomplir, en lieu et place de son armée défaillante, la mission sacrée de défense de son territoire. Il faut que ces armées de libération, qui seront très vite perçues par les Maliens comme autant d’armées d’occupation, atteignent rapidement les objectifs qui leur sont fixés – libérer le Nord d’abord, aider le Mali ensuite à se doter de forces armées reconstituées – et regagnent les pays qui leur ont confié cette mission. C’est aux Maliens et à eux seuls, avec l’aide financière de l’Europe, avec le concours politique des Nations unies, de l’Union africaine, de la Cedeao et de la Francophonie, de résoudre l’épineuse question de la restauration du système démocratique, qu’ils ont

perdu au cours du dernier mandat d’ATT et depuis le coup d’État de mars dernier. ■

Restera entier le problème posé à la région et au monde par l’installation à demeure, en plein Sahel africain, d’entités terroristes qui sont le dernier avatar d’Al-Qaïda. Il faut dissocier ce phénomène de la problématique malienne – et du sort politique des Touaregs. Ces entités terroristes ont attiré et continuent d’attirer des centaines de jihadistes de tous les continents. Elles reçoivent, en outre, un soutien appuyé des salafistes, qui se meuvent à la lisière des islamistes et autres « frères musulmans », arrivés au pouvoir à la faveur des « printemps arabes ». Mais elles ont commis l’erreur stratégique de provoquer deux grandes puissances africaines, le Nigeria et l’Algérie, ainsi que la France, l’Europe et les États-Unis, de mettre en danger leurs ressortissants, de menacer leurs intérêts vitaux. Ces grands pays ont l’expérience, les moyens et désormais la volonté de se protéger contre eux en les extirpant des refuges qu’ils ont trouvés dans ce grand désert africain. La Sahara les protège mais, en même temps, en fait des cibles encerclées et vulnérables. Contre eux a débuté, en ce mois de janvier 2013, une longue et coûteuse guerre d’usure, qui sera – qui est déjà – fertile en rebondissements. Mais qu’ils devraient finir par perdre. ●

Humour, saillies et sagesse Pour vous faire sourire, grincer des dents – ou réfléchir –, ici, chaque semaine, une sélection subjective, la mienne, de ce qui a été dit ou écrit au cours des siècles par des hommes et des femmes qui avaient des choses intéressantes ou drôles à nous dire. B.B.Y. Ì L’argent n’a pas d’importance, mais le manque d’argent, oui. Jean-François Somain Ì Ce qui m’intéresse vraiment c’est de savoir si Dieu avait un quelconque choix en créant le monde. Albert Einstein Ì Quand on est une femme, il faut avoir 20 sur 20 pour avoir la moyenne. Une ministre socialiste Ì Une politique qui se borne à brasser des rêves les trompe tous. Une politique qui les ignore se trompe sur la nature de ceux qu’elle prétend conduire. François Mitterrand N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

Ì Trop souvent, l’histoire des faiblesses des femmes est aussi l’histoire des lâchetés des hommes. Victor Hugo

Ì L’esturgeon, il fait du caviar, nous, tout ce qu’on sait faire, c’est des gosses ! Les Nouvelles Brèves de comptoir

Ì Quand l’aveugle touche le mur, il croit qu’il a atteint le bout du monde. Proverbe africain

Ì À quoi sert l’Académie ? À faire croire à ceux qui en sont qu’ils valent mieux que ceux qui ont envie d’en être. Comtesse Diane

Ì Le général qui voit avec les yeux des autres n’est pas capable de commander une armée. Napoléon Bonaparte Ì Il ne faut avoir aucun regret pour le passé, aucun remords pour le présent, et une confiance inébranlable pour l’avenir. Jean Jaurès

Ì On parle toujours du boulevard des Filles-du-Calvaire, mais jamais du calvaire des filles du boulevard. Henri Rochefort Ì Consommée avec modération, l’eau ne peut pas faire de mal. Mark Twain JEUNE AFRIQUE



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Éditorial

Marwane Ben Yahmed

Sale guerre

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A GUERRE QUI SE DÉROULE sous nos yeux ne ressemble à aucune autre menée jusqu’ici. Elle implique un nombre impressionnant d’acteurs, chez les terroristes et autres trafiquants en tous genres, comme chez ceux qui veulent les détruire ou les neutraliser. Ces protagonistes, dans les deux camps, ne partagent ni les mêmes objectifs ni les mêmes méthodes. Voilà qui promet… Et pour rendre cet écheveau encore plus inextricable, ceux qui ont la charge d’informer le grand public, c’est-à-dire nous, les médias, ne contribuent pas à éclairer la situation.

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MADAGASCAR QUI SERA LA NOUVELLE STAR ? Sous la pression internationale, Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina ne se présenteront pas à l’élection présidentielle. La succession s’annonce incertaine.

L’attaque, et sa gestion, de la plateforme gazière et de la base de vie d’In Amenas, dans le Sud-Est algérien, est l’illustration la plus caricaturale de ce que sera réellement cette guerre, et de ce qui nous attend. À l’heure où ces lignes sont écrites, un véritable déluge d’« informations », non sourcées, non vérifiées, contredites dès leur publication ou contradictoires, s’est abattu sur nous. Une seule règle : balancer, publier, mettre en ligne le plus vite possible, occuper l’antenne ou remplir les colonnes. Sans parler des analystes et prétendus experts échafaudant à chaud et en direct moult théories qui ne reposent… sur rien. En cause, l’issue tragique de cette prise d’otages et, surtout, l’attitude d’Alger, accusé illico de violence aveugle et gratuite, mais aussi de n’en faire qu’à sa tête.

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CENTRAFRIQUE BOZIZÉ-TIANGAYE EN CHIENS DE FAÏENCE L’accord conclu à Libreville le 11 janvier place le chef de l’État sous surveillance. La plupart de ses prérogatives, c’est au nouveau Premier ministre qu’elles reviennent.

PHOTOS DE COUVERTURES : CHRISTOPHE GUIBBAUD/POOL/REA ; RICHARD NICOLAS-NELSON/AP/SIPA

C’est occulter plusieurs paramètres, en attendant de connaître la vérité, quitte à demander des explications – et cela est légitime, bien entendu. On a longtemps dit que les Algériens se lavaient les mains de ce qu’il se passait au Mali et plus largement au Sahel. Faux : c’est leur préoccupation première, depuis longtemps et plus encore depuis l’intervention militaire en Libye. Ils y allouent des moyens considérables, humains et financiers. Mais ils le font seuls ou presque, se méfient des Français (moins depuis la visite de Hollande à Alger) et des Ouest-Africains, pensent, à raison – notamment parce que, historiquement, ils y sont plus impliqués –, mieux maîtriser le casse-tête malien et défendent d’abord, comme toutes les autres nations de la planète, Français et Américains en tête, leurs propres intérêts. En l’occurrence, l’opération s’est déroulée sur leur sol et visait leurs infrastructures. Personne, à part eux, ne connaissait le but réel des jihadistes : opération kamikaze destinée à faire le plus de dégâts possibles ou prise d’un très grand nombre d’otages occidentaux destinés à être déplacés ailleurs dans le Sahel de manière à rendre bien plus délicate qu’elle ne l’était déjà l’intervention militaire. Dernier élément d’explication, non négligeable: les Algériens savent mieux que quiconque ce qu’est le terrorisme et qui sont ses adeptes. Ils en ont souffert pendant plus d’une décennie, au cours de laquelle les morts se sont comptés par dizaines de milliers, et pensaient en avoir (presque) fini avec ce fléau. Une seule préoccupation chez eux, qui n’ont jamais négocié quoi que ce soit pendant cette période sanglante (il semble d’ailleurs que cette fois ils l’aient fait) : frapper fort, détruire la menace et dissuader les terroristes de recommencer. Au-delà de l’intervention militaire française (en attendant son élargissement) à proprement parler, c’est bien à une sale guerre qu’il nous faut nous préparer. Par la faute d’une internationale terroriste qui multipliera ce type d’opération. ●

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Ce que je crois Par Béchir Ben Yahmed Confidentiel

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LA SEMAINE DE JEUNE AFRIQUE

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Madagascar Qui sera la nouvelle star ? Charles Blé Goudé L’heure des comptes Cheikh Sar Rappeur persifleur Togo L’ombre d’un doute Bénin Femme debout, femme à terre Arabie saoudite Par la petite porte Hommage Serge Guetta, un banquier au cœur d’or Tour du monde

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GRAND ANGLE

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Sahel Une guerre sans fin ?

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AFRIQUE SUBSAHARIENNE

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Centrafrique Bozizé-Tiangaye en chiens de faïence Tribune Il faut réformer l’Union africaine! Afrique du Sud Droit dans le mur Parité Les femmes d’abord JEUNE AFRIQUE


Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs GRAND ANGLE

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SAHEL Une guerre sans fin ? Face à l’avancée jihadiste vers Bamako, la France s’est lancée dans une intervention à hauts risques. Et l’Algérie, frappée au cœur, ne restera pas sans réaction…

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TUNISIE CES MILICES QUI VOUS VEULENT DU BIEN Tentatives d’intimidation, incitation à la haine, recours à la violence… La mystérieuse Ligue de protection de la révolution ne recule devant aucune extrémité pour imposer sa loi.

BEAU LIVRE LA SAGA DU CACAO Et voilà comment le chocolat a assuré son emprise sur les papilles du monde entier ! Un gros ouvrage du chercheur Alfred Conesa revient sur cette extraordinaire histoire.

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INTERVIEW DONALD KABERUKA Pour que la croissance certaine du continent profite au plus grand nombre, le banquier de l’Afrique appelle à une transformation en profondeur des structures économiques.

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DOSSIER MINES POURQUOI UN TEL RETARD ? Malgré l’intérêt des groupes miniers pour ses immenses richesses, l’Afrique tarde à exploiter ce potentiel. En cause : l’instabilité politique et réglementaire, les conflits armés et l’absence de coopération régionale.

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MAGHREB & MOYEN-ORIENT

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Télécoms Toujours d’attaque

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Tunisie Ces milices qui vous veulent du bien Maroc Jeunes et célibataires… par défaut Israël Pas très casher Opinion Les illusions perdues du Printemps arabe Algérie L’indécryptable Hamza Bendelladj

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Droit des affaires Mouhamed Kébé,

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Private Equity De si timides fonds français

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Baromètre

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DOSSIER MINES

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EUROPE, AMÉRIQUES, ASIE

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France On ne badine pas avec… le mariage États-Unis Halte au feu ! Chine Fronde dans les rédactions Parcours Aziber Seïd Algadi, être le premier Allemagne Carton rouge pour l’extrême droite ? Football Canal+ joue l’Afrique

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Mégagisements Pourquoi un tel retard ?

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CULTURE & MÉDIAS

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Beau livre La saga du cacao

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Cinéma Vingt candidats pour un Étalon

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ÉCONOMIE

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Interview Donald Kaberuka, président de la Banque africaine de développement Cameroun Eto’o Télécom veut sortir de l’ornière Aérien Turkish Airlines fond sur l’Afrique Égypte Besoin de rassurer

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JEUNE AFRIQUE

au nom de Dangote

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Médias Sexe, mensonges et ragots

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Musique Sa Majesté Oxmo Puccino

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La semaine culturelle de Jeune Afrique

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VOUS & NOUS

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Le courrier des lecteurs

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Post-scriptum N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

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DR

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France-Mali Quel itinéraire pour les Rafale?

P

! JEAN-YVES LE DRIAN AU COMMANDEMENT DE LA DÉFENSE AÉRIENNE ET DES OPÉRATIONS AÉRIENNES, LE 15 JANVIER. Devant lui, le plan de vol suivi, deux jours auparavant, par les chasseurs-bombardiers français.

ARIS, LE 15 JANVIER. Au siège du Commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA), Jean-Yves Le Drian, le ministre français de la Défense, se fait présenter devant quelques journalistes les détails opérationnels du raid que quatre avions Rafale ont effectué, deux jours auparavant, sur les sites jihadistes de la région de Gao, dans le Nord-Mali. Sur un écran, devant le

ministre, on distingue le plan de vol que les chasseurs-bombardiers français ont suivi entre Saint-Dizier (France) et N’Djamena (Tchad). Or, contrairement à la version officielle donnée par Paris, l’itinéraire ne passe pas par l’Algérie, mais contourne ce pays par le Maroc, à l’Ouest. L’Algérie a-t-elle vraiment autorisé le survol de son territoire par des appareils militaires français ? La question reste ouverte. (Lire « Grand angle », pp. 22-31.) ●

NIGER LE COÛT DE LA SÉCURITÉ

Le Niger (comme d’ailleurs le Sénégal) s’inquiète de possibles infiltrations de jihadistes sur son territoire. « C’est vrai, nous ne sommes pas à l’abri », confirme un membre du gouvernement. La sécurité a été renforcée sur l’ensemble du territoire, y compris sur des sites considérés comme sensibles, tels qu’Arlit ou l’aéroport de Niamey. Mais tout cela a un prix. Le budget 2012 de la défense a été multiplié par deux. Il devrait augmenter encore cette année. SANTÉ WEST AFRIC PHARMA PRODUIRA ENFIN LOCAL

PDG du laboratoire marocain Sothema, Omar Tazi ne décolère pas. Il estime N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

en effet perdre de l’argent depuis cinq ans en raison du retard pris dans le démarrage de la production de sa filiale sénégalaise, West Afric Pharma (WAP). « Le chiffre d’affaires d’environ 20 millions d’euros ne suffit pas à couvrir les frais de l’usine », se lamente-t-il. Enfin certifiée conforme aux normes

de fabrication, celle-ci vient d’être « entièrement autorisée ». La réception aura lieu fin janvier. L’inauguration par Mohammed VI et Macky Sall est annoncée dans la foulée. Jusque-là, WAP se contentait de vendre des produits provenant de la maison mère. S’y ajoutent désormais des génériques fabriqués localement.

LE CHIFFRE

169 milliards d’euros

au cours de la période 2011-2015 : c’est le montant du manque à gagner pour les économies égyptienne, libyenne et tunisienne provoqué par le Printemps arabe, en 2011. L’estimation est l’œuvre de Reuters Breakingviews, le département d’analyses financières de l’agence de presse, qui est parvenu à ce chiffre sur la base des prévisions établies en 2010 par le FMI.

TÉLÉCOMS SENTIMENTAL, SAWIRIS ?

Naguib Sawiris, le magnat égyptien des télécoms, a demandé à la société d’investissement Accelero Capital d’étudier le rachat par OTMT, sa compagnie cotée à la Bourse du Caire, de l’opérateur burundais U-Com. Leader sur son marché, celui-ci était l’un des actifs africains détenus par le groupe Orascom Telecom, vendu par Sawiris, en 2011, au russe Vimpelcom. CAMEROUN-FRANCE BIYA EN VRP AU MEDEF

La visite de travail que Paul Biya,leprésidentcamerounais, doit faire en France à la fin du mois se prépare activement. Outre son entretien, le 30 janvier, avec François Hollande, il est attendu le lendemain JEUNE AFRIQUE


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Politique, économie, culture & société

MALI OÙ EST PASSÉ IYAD AG GHALI ? Les armes parlent au Mali, mais le Burkinabè Blaise Compaoré n’a pas tiré un trait sur sa mission de médiateur. Des pourparlers doivent en effet s’engager à Ouagadougou, où se trouvent déjà des émissaires du MNLA et d’Ansar Eddine. La tâche s’annonce ardue, mais les médiateurs ne perdent pas espoir. « La porte du dialogue reste ouverte, même si nous étions en veilleuse depuis le début des opérations militaires », indique l’un d’eux. Principale difficulté : rétablir le dialogue avec Ansar Eddine, alors que, de l’aveu même d’un médiateur, Iyad Ag Ghali, en participant à l’attaque des groupes jihadistes et en « violant ses engagements », s’est « discrédité ». La présence du chef touareg a été signalée à Boni, dans la région de Douentza, deux jours avant l’offensive des islamistes sur Konna. Depuis, les rumeurs les JEUNE AFRIQUE

plus alarmistes courent sur son compte. Pourtant généralement bien informés, les médiateurs ignorent où, et dans quel état, il se trouve.

CÔTE D’IVOIRE BILLON COURTISÉ

Ministre du Commerce et expatron de Sifca, le premier groupe privé du pays, JeanLouis Billon sera-t-il candidat à la présidence de la région de Hambol ? Et sous quelles couleurs ? L’intéressé entretient le suspense. Élu maire de Dabakala comme indépendant, il est sollicité de toutes parts. Le président Ouattara a réussi à le convaincre de rejoindre le nouveau gouvernement, tandis que des cadres du Rassemblement des républicains (RDR) comme Ally Coulibaly ou Amadou Soumahoro le pressent de les rejoindre. Problème : le Parti

démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI),oùmilitajadissonpère, lui fait également des avances. SÉNÉGAL BIENS MAL ACQUIS ET PROCÈS ÉQUITABLE

C’est une phrase passée presque inaperçue, mais qui pourrait avoir d’importantes conséquences. Lors de l’audience solennelle de rentrée des cours et tribunaux, le 16 janvier, Souleymane Télico, le secrétaire général de la cour d’appel de Dakar, qui était chargé de prononcer le discoursinauguralenprésencedu président Macky Sall, a mis en avant, entre autres problèmes de la justice sénégalaise, le fait que « la cour de répression de l’enrichissement illicite est en contradiction avec le droit à un procès équitable ». Ladite cour s’occupe des « biens mal acquis » attribués aux anciens responsables du régime Wade. Renversement de la charge

de la preuve et impossibilité d’appel caractérisent notamment la procédure. Du coup, certaines chancelleries et ONG s’émeuvent… LITTÉRATURE POLAR MALIEN

Ancien flic français dans le Valde-Marne et à Annecy, puis conseiller du directeur de la police pour les affaires de stupéfiants au Mali (2007-2011), Laurent Guillaume, 45 ans, est l’auteur de plusieurs romans policiers (Mako, Le Roi des crânes, Doux comme la mort) et collabore avec le réalisateur français Olivier Marchal. Il publiera en novembre chez Denoël un nouveau polar qui a pour cadre le Mali. « Les faits, explique-t-il, sont librement inspirésdel’affaireAirCocaïne, qui défraya la chronique en 2009. Le personnage principal sera un métis franco-malien, ex-flic français en cavale en Afrique pour une sombre affaire liée à son passé. »

! LE SITE D’IMOURAREN. L’EXPLOITATION DE L’URANIUM AURAIT DÛ COMMENCER EN 2012. CE NE SERA PAS LE CAS AVANT, AU MIEUX, 2016.

AREVA

à 8 h 30 au siège du Medef, à Paris, pour une rencontre avec les entrepreneurs français présidée par Michel Roussin, vice-président de l’organisation et conseiller du président d’EDF. Une quarantaine de patrons ont déjà confirmé leur participation. Selon Thierry Courtaigne, autre vice-président du Medef, les entrepreneurs désireux de « s’informer de l’avancement des projets structurants, de l’évolution du cadre des affaires, des réformes à venir, des priorités dugouvernemententermesde développement économique y compris à l’échelle régionale » ont jusqu’au 24 janvier pour s’inscrire.

Niger Pourquoi Areva va passer à la caisse LE GROUPE FRANÇAIS AREVA s’est engagé à verser 35 millions d’euros au Niger pour, officiellement, compenser le retard pris dans la mise en service de la mine d’uranium d’Imouraren. L’exploitation aurait dû commencer en 2012, mais on parle maintenant de 2016 voire de 2017. À quels moyens de pression les autorités ont-elles eu recours ? « C’est simple, confie un proche du chef de l’État. Les Français ne sont pas les seuls intéressés, d’autres se bousculent à notre porte. » Autrement dit : si Areva ne respecte pas ses engagements, les Nigériens pourraient se sentir libres d’aller voir ailleurs. D’autant que le président Issoufou avait fondé beaucoup d’espoirs (et une large partie de son programme d’investissements) sur les revenus d’Imouraren… « Pour se justifier, regrette notre interlocuteur, Areva avance des raisons techniques, mais sans doute préfère-t-il attendre que les cours remontent. Nous avons avec lui des rapports courtois, mais il a tendance à en abuser. » ● N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013


La semaine de Jeune Afrique

Qui sera la nouvel MADAGASCAR

Sous la pression internationale, Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina ne se présenteront pas à l’élection présidentielle. La succession s’annonce incertaine. RÉMI CARAYOL

L

es Malgaches vont-ils gagner au change ? Depuis quatre ans, leur vie politique se résumait à un combat de coqs. Un duel entre deux tycoons transformés en un temps record en « présidents de la rue » : Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina, son tombeur. La future élection présidentielle, dont le premier tour est prévu le 8 mai et qui est censée mettre fin à la crise politique, devait se jouer entre ces deux hommes qui s’exècrent. Les autres prétendants ne comptaient pas. Mais, en l’espace de cinq semaines, la donne a changé. C’est d’abord Ravalomanana qui s’est désisté, le 10 décembre dernier. Le 15 janvier, Rajoelina l’a imité. « Je ne me présente pas. Je me sacrifie pour les 22 millions de Malgaches », a-t-il déclaré, regard sombre et mine défaite, dans une allocution retransmise par l’ensemble des télévisions et radios du pays. Soumis par la communauté internationale à une pression insoutenable, les deux rivaux ont opté pour « la voie de la sagesse », estime un diplomate en poste à Tana. En cédant, ils ont ouvert la porte à l’inconnu. Bien malin celui capable de prédire aujourd’hui qui, au soir du 8 mai (et plus probablement au lendemain du second tour du 3 juillet), occupera le palais d’Ambohitsorohitra – si tant est que le calendrier soit respecté. Certes, les prétendants ne sont pas des nouveaux venus. À commencer par deux des favoris, les ex-lieutenants de Didier Ratsiraka : Tantely Andrianarivo (son ex-Premier ministre) et Pierrot Rajaonarivelo (l’ancien patron de son parti, l’Arema, qui fut aussi son vice-Premier ministre). Il n’est pas sûr qu’Andrianarivo, un polytechnicien respecté de 58 ans, bénéficie du soutien de Ratsiraka (lequel, définitivement hors jeu, ne se déclarera pas forcément en faveur d’un candidat). Mais il pourra compter sur son parti, l’Arema, qui dispose encore de bases solides. Pour Rajaonarivelo, 66 ans, il s’agit certainement de la dernière chance. De retour au pays en 2009 après un exil de sept longues années en France, N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

ALEXANDER JOE/AFP

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il s’est d’abord émancipé de la tutelle de l’Amiral rouge – le surnom de Ratsiraka – en créant le Mouvement pour la démocratie à Madagascar (MDM) et en délestant du même coup l’Arema d’un certain nombre de militants. Puis, il a adopté une position de neutralité, intégrant d’un côté les institutions de la Transition (il est ministre des Affaires étrangères), et gardant de l’autre une certaine liberté de ton. Son principal atout, c’est JEUNE AFRIQUE


L’événement

lle star?

Roland Ratsiraka, le neveu de Didier), c’est leur casier judiciaire. Condamnés à des peines de prison sous le régime de Ravalomanana, ils ont besoin d’être amnistiés pour pouvoir se présenter. Prévue par la feuille de route de sortie de crise, la mise en œuvre d’une amnistie générale piétine. Au lendemain de l’annonce de Rajoelina, la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) a exhorté les autorités à accélérer le processus. Mais, du côté de la Transition, on traîne des pieds pour une raison simple : on ne veut pas accorder l’amnistie à Ravalomanana, condamné aux travaux forcés à perpétuité en 2010, pour empêcher son retour au pays avant les élections.

STEPHANE DE SAKUTIN/AFP

À BOUT DE SOUFFLE. Malgré son exil en Afrique

son origine : il est de l’Est. « La question ethnique reste importante, explique l’historien et journaliste Denis-Alexandre Lahiniriko. Mais cette fois, elle le sera plus encore, car la crise de 2009, c’est un combat entre deux Mérinas [ethnie des hauts plateaux, au centre du pays, NDLR], ce que les côtiers ne sont pas près d’oublier. » Le problème qui se pose à « Tantely » comme à « Pierrot » (à l’instar d’autres prétendants, dont JEUNE AFRIQUE

! LES DEUX RIVAUX, Ravalomanana (à g.) et Rajoelina tentent d’imposer « leur » candidat.

du Sud, ce dernier a gardé son pouvoir de nuisance. Son forfait pour l’élection de 2013 ne signifie pas qu’il se retire de la vie politique. « Il reviendra au pouvoir, c’est certain », clame-t-on dans son entourage. Mais pour voir son poulain remporter le scrutin, il lui faut rentrer. Un de ses conseillers en convient : « Notre parti est à bout de souffle, nous avons subi beaucoup de départs et de dissensions. Mais si notre président rentre, ce sera différent. Il a encore beaucoup de partisans et peut faire pencher la balance à lui tout seul. » Reste à trouver le bon candidat. Plusieurs noms circulent : Mamy Rakotoarivelo, le président du Congrès de la Transition, même s’il est issu, lui aussi, des hauts plateaux ; Pierrot Botozaza, l’actuel vice-Premier ministre chargé de l’Économie, qui a l’avantage d’être un côtier ; ou Guy Rivo Randrianarisoa, l’un de ses porte-parole. Pour Rajoelina, le choix est tout aussi délicat – et contrairement à Ravalomanana, qui décide seul, il devra composer avec son entourage, notamment son très influent conseiller Norbert Ratsirahonana. Il doit trouver un candidat qui aura des chances de l’emporter – alors que son parti, Tanora malaGasy Vonona (TGV), n’a pas de base solide hors de Tana –… sans lui faire de l’ombre. Dans ces conditions, un ticket avec Rajaonarivelo semble impossible. On parle plutôt de Hajo Andrianainarivelo, son vice-Premier ministre, à ses côtés depuis le début de la crise, ou du riche homme d’affaires Edgard Razafindravahy, qu’il a nommé à la tête de la capitale après sa prise de pouvoir en 2009. Mais il se méfie de ces deux ambitieux. Jean de Dieu Maharante, son conseiller et homme de confiance, originaire de l’extrême sud, présente un profil plus sûr. Car l’objectif de Rajoelina, qui est encore jeune (il n’a que 38 ans alors que Ravalomanana en a 63), est de retrouver un jour Ambohitsorohitra, si possible dès 2018. « Je reviendrai ! a-t-il lancé le 16 janvier, après s’être comparé au général de Gaulle et à Nelson Mandela. Et je promets au peuple […] que nous allons sauver ensemble ce pays. » ● N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

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La semaine de J.A. Les Gens

Charles Blé Goudé L’heure des comptes Soupçonné de crime contre l’humanité par la CPI, l’ancien leader des Jeunes patriotes ivoiriens a été arrêté au Ghana le 17 janvier. Rejoindra-t-il Laurent Gbagbo en prison à La Haye ?

V

ingt mois après son exfiltration d’Abidjan juste avant la chute de Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé a été arrêté au Ghana le 17 janvier. Cueilli vers 9 heures par la police dans une maison de Tema (banlieue d’Accra), il a ensuite été transféré dans les locaux du Bureau national des investigations. Ses proches ont alors donné l’alerte, et tous ses soutiens, de Jerry Rawlings, l’ex-président ghanéen, aux chefs d’État d’Afrique du Sud, d’Angola, du Cap-Vert ou de Gambie, ont été informés. Cette arrestation a surpris. Même si les autorités ghanéennes et les services étrangers savaient que Blé Goudé résidait au Ghana et qu’un mandat d’arrêt ivoirien avait été émis, elle n’était pas à l’ordre du jour. L’ex-« général de la rue » était même en pourparlers avec le président sénégalais Macky Sall – agissant à la demande d’Alassane Ouattara – afin de négocier sa participation à la réconciliation nationale et un éventuel retour au pays. Le matin de son interpellation, ses camarades à Abidjan étaient en réunion avec Mamadou Touré, le conseiller à la Jeunesse du chef de l’État. Blé Goudé avait lancé en décembre un parti politique, le Congrès panafricain pour la justice et l’égalité des peuples (Cojep). Il avait aussi entrepris une offensivediplomatiqueetrencontrait des dirigeants africains dans la sous-région.

À l’heure où nous mettions sous presse, les motifs de son interpellation n’avaient pas été divulgués. Il aurait été transféré le 18 janvier en Côte d’Ivoire avant d’être envoyé à La Haye. « La Cour pénale internationale (CPI) le soupçonne d’avoir commis, comme Laurent Gbagbo, des crimes contre l’humanité lors des violences postélectorales », explique son avocat, Me Nick Kaufman. « Pendant près d’une décennie, les miliciens et patriotes de Blé Goudé ont terrorisé les Ivoiriens du Nord et les immigrés ouestafricains en perpétrant des violences

selon des critères ethniques et politiques », a déclaré Corinne Dufka, de l’ONG Human Rights Watch. Et de citer un discours télévisé du 25 février 2011 où Blé Goudé appelait ses partisans à ériger des barrages et à dénoncer les étrangers. Des accusations réfutées par ses proches. « Il s’est toujours inscrit dans une démarche de réconciliation, indique Patrice Kouté, représentant européen du Cojep. En 2006, il a demandé à ce que l’on ne perturbe pas les audiences foraines [juridictions hors les murs, NDLR]. Un an plus tard, il a invité les rebelles dans son village. Il est aussi à l’origine des caravanes pour la paix. » CORPS ET ÂME. Ancien leader estu-

diantin, Blé Goudé est devenu célèbre en novembre 2004 à la suite de la destruction de la flotte aérienne ivoirienne par l’armée française. « Si vous êtes en train de manger, arrêtez-vous. Si vous dormez, réveillez-vous, avait-il lancé à la télévision nationale. L’heure est venue de choisir ! IL A ÉTÉ INTERPELLÉ entre mourir dans la honte ou alors qu’il négociait dans la dignité. » S’ensuivirent un éventuel des manifestations violentes retour en Côte d’Ivoire. qui lui vaudront une interdiction onusienne de voyage et le gel de ses avoirs. Très impliqué dans les actions de réconciliation après la signature de l’accord politique de Ouagadougou en 2007, il s’est engagé corps et âme dans la campagne présidentielle. Pour poursuivre la lutte, Gbagbo le nommera ministre de la Jeunesse en décembre 2010. Mais il pourrait bientôt rejoindre son mentor à Scheveningen, la prison de la CPI dans la banlieue de La Haye. Une perspective qui ne lui fait pas peur. Comme Gbagbo, il ne se reproche rien. ● GUILLAUME BINET/MYOP

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PASCAL AIRAULT

NOMINATIONS

BABA LADDÉ TCHAD L’ancien chef rebelle tchadien, 42 ans, a été nommé le 14 janvier conseiller chargé de mission au sein du cabinet du Premier ministre, Emmanuel Nadingar. Il avait déposé les armes en septembre 2012. N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

RÉMY SCHWARTZ OFII À 52 ans, ce conseiller d’État est devenu, le 15 janvier, président du conseil d’administration de l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Il succède à l’avocat Arno Klarsfeld. JEUNE AFRIQUE


EN HAUSSE

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DENIS MUKWEGE

Cheikh Sar Rappeur persifleur

Le gynécologue de 57 ans, qui opère les femmes victimes de viols à l’hôpital Panzi de Bukavu (est de la RD Congo), est rentré le 14 janvier après trois mois d’exil en Europe. Il a échappé, en octobre dernier, à une tentative d’assassinat.

Jusque-là partisan du PJD, l’artiste marocain déchante. Il dénonce désormais l’immobilisme du gouvernement Benkirane.

IBRAHIM ISAAC SIDRAK

L

Ce prêtre copte-catholique d’Égypte a été élu, le 16 janvier, patriarche d’Alexandrie à 57 ans – ce qui est exceptionnellement jeune pour cette fonction. Son prédécesseur, Antonios Naguib, avait démissionné pour raisons de santé.

a vidéo Wa Hiya Benkirane (« Hé Benkirane ! ») est apparue sur YouTube le 6 janvier. Largement reprise sur les réseaux sociaux, elle totalise déjà des dizaines de milliers de vues. Sur l’air de la célèbre chanson de pop coréenne Gangnam Style, elle apostrophe le chef du gouvernement marocain : « Hé Benkirane, Benkirane ! Agis ! Trouve une solution, montre-nous ce que tu sais faire ! Épatenous ! Ça fait longtemps qu’on attend le changement, mais on ne voit rien venir ! » Un an après la victoire électorale du Parti de la justice et du développement (PJD), c’est son leader qui est directement visé. « Allez Benkirane ! Le peuple t’a choisi, tu es responsable maintenant ! Débrouille-toi, tu t’es mis dans le pétrin tout seul ! Prépare-toi à l’opposition ! Hé le populiste ! » Cheikh Sar, qui moque aussi la métamorphose des islamistes, passés « de la djellaba à la cravate », ne s’est pas toujours opposé à eux. « MUSLIM FOREVER ». Au contraire, ce rappeur originaire d’Errachidia était, en novembre 2011, la coqueluche des meetings électoraux du PJD. À l’époque, il chauffait les salles pour les candidats barbus et appelait les jeunes à voter pour le changement. Au printemps 2012, arborant un tee-shirt « Muslim Forever », il lançait dans sa ville une opération de sensibilisation contre la « dissolution des mœurs ». Son arme ? Des flyers porteurs d’un sermon : « Ma sœur ! Je veux ton bien ! Demain, tu vas mourir. Sauve ton âme du Jugement ! Le changement est possible, dès maintenant. Signé : un bienfaiteur. » L’initiative n’avait pas fait grand bruit, mais elle semblait en phase avec les précédentes déclarations de Cheikh Sar. Jusqu’en octobre dernier, le jeune homme affichait un soutien sans fard au gouvernement dans sa chanson Benkirane est responsable ! Tu m’as compris ou pas ?, en référence à un tic de langage de l’intéressé. Abdelilah Benkirane, qu’il critique maintenant, avait reconnu son talent, lui remettant même un prix, en décembre 2011 : « Tu dis que c’est un honneur pour toi d’être en présence du chef du gouvernement. Moi, je te dis que je suis honoré de te connaître. » C’était avant. ● YOUSSEF AÏT AKDIM

FARUK CHOUDHURY Le travailliste britannique, originaire du Bangladesh, est devenu – à seulement 38 ans – le plus jeune et le premier musulman lord-maire de Bristol, la sixième ville la plus peuplée d’Angleterre. EN BAISSE

BOEING Le 16 janvier, les autorités américaines ont interdit de vol tous les Boeing 787 Dreamliner (dernier-né de l’avionneur) dans le monde entier après une série d’incidents. Cinquante appareils sont en circulation et plus de 800 ont été commandés. SIMPLICE KOUADIO KOFFI Le magistrat ivoirien, procureur de la République du tribunal d’Abidjan-Plateau, a été démis de ses fonctions le 11 janvier par Gnénéma Coulibaly, son ministre de tutelle – un proche de Guillaume Soro, président de l’Assemblée nationale.

! LA VIDÉO Wa Hiya Benkirane, diffusée sur YouTube. JEUNE AFRIQUE

Fin de règne pour le sénateur (et ex-président) de Polynésie française. À 81 ans, ce proche de Jacques Chirac a été condamné à cinq ans de prison ferme dans l’affaire de l’Office des postes et télécommunications de Polynésie française (OPT). N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

AFP/SIPA/DR

DR

GASTON FLOSSE


La semaine de J.A. Décryptage ensuite la justice pourra agir », conclut le ministre,quisembleconvaincudel’origine criminelle des deux catastrophes. ÉCORCHÉ VIF. Mais comment peut-on

JEAN-CLAUDE ABALO

en arriver à suspecter un ancien Premier ministre et ancien ministre de l’Intérieur d’avoir mis le feu aux entrepôts des Nana Benz ? Les enquêteurs n’ont pas encore rendu publics les éléments susceptibles d’accabler celui qui est la bouche fumante du collectif Sauvons le Togo. À ce stade, nul n’a établi un lien entre Agbéyomé Kodjo et les pyromanes. Néanmoins, l’entourage de cepersonnagecomplexeetimprévisiblene lesoutientqueduboutdeslèvres,peut-être échaudé par son tempérament d’écorché vif… Qui n’a vu et revu sur internet cette ! LE GRAND MARCHÉ DE LOMÉ, en partie détruit par les flammes le 12 janvier. vidéo de 1991, dans laquelle celui qui était alors l’enfant gâté du régime s’emporte et éclate en sanglots devant l’assemblée méduséedelaConférencenationale Soupçonné d’être l’instigateur des incendies qui ont ravagé souveraine? deux marchés du pays, Gabriel Agbéyomé Kodjo a été Premier ministre en 2000, arrêté le 16 janvier. Kodjo avait été démis deux ans plus tard avant de s’exiler en France et de renier on immunité parlementaire Le courroux des autorités togolaises est lié à l’incendie son mentor, Gnassingbé d’ancien président de l’Assemblée nationale a été levée en du marché de Kara (Nord), Eyadéma. De retour au pays quelques heures par les dépusurvenu le 10 janvier, et à celui après le décès de ce dernier tés réunis en session extraordinaire le qui a consumé, quaranteen 2005, il a fondé en 2008 un ! L’EX-PREMIER MINISTRE : 16 janvier. Sitôt la mesure votée, les forces huit heures plus tard, deux un homme complexe parti politique dont l’acrode sécurité ont arrêté Gabriel Agbéyomé nymeauneconsonanced’exétages du bâtiment central et imprévisible. Kodjo. Placé en garde à vue, l’ancien du grand marché de Lomé. plosif, Obuts (Organisation Premier ministre, 58 ans, a refusé catéPour Tchitchao Tchalim, le ministre de la pour bâtir dans l’union un Togo solidaire). goriquement de répondre aux questions Justice, « toute personne soupçonnée a le La justice dira si l’ancien haut commis des enquêteurs sans l’assistance de son devoir de s’expliquer ». « Pour la poursuite promis à un bel avenir s’est mué en instiavocat, éconduit par les gendarmes à des enquêtes, ce sont [ces] explications gateur d’incendies générateurs de troubles l’entrée d’un camp de Lomé. qui permettront de connaître la vérité, et sociaux. ● GEORGES DOUGUELI F O U R N I E R / J. A .

Togo L’ombre d’un doute

N VI

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LE DESSIN DE LA SEMAINE

EVANS • Nouvelle-Zélande

LANCE ARMSTRONG LE PARRAIN SE CONFESSE

OSE-T-IL ESPÉRER ATTIRER LA PITIÉ? Il faudrait pour cela avoir oublié l’arrogance avec laquelle Lance Armstrong a nié, une décennie durant, s’être jamais dopé. Le cycliste américain sept fois vainqueur duTour de France – titres qui lui ont été retirés – à grands coups d’EPO et de testostérone est passé aux aveux lors d’une émission diffusée le 17 janvier sur OWN, la chaîne de télévision d’Oprah Winfrey. Des explications partielles et des excuses bien trop tardives pour être acceptées. N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

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JEUNE AFRIQUE


ILS ONT DIT

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«

Bénin Femme debout, femme à terre

Le peuple dont je suis issue est trop marrant. Je n’ai jamais autant rigolé dans la vie. On est vraiment heureux pour des petits trucs, alors qu’ici [en France], les gens se plaignent bien qu’ils aient tout. »

NIVIERE/SIPA

Sur ordre du ministre de la Culture, une œuvre de Bruce Clarke a été détruite. À coups de bulldozer. ! LA PEINTURE MONUMENTALE avant sa démolition.

TATIANA ROJO Humoriste et actrice franco-ivoirienne

L

a fière Africaine qui se dressait sur la plage de Ouidah, non loin de la Porte du non-retour, n’est plus. Il a suffi de quelques minutes à un bulldozer pour, le 15 janvier, réduire à néant l’œuvre réalisée par l’artiste sud-africain Bruce Clarke en coopération avec huit plasticiens béninois. Connu pour son engagement – notamment dans la lutte antiapartheid –, Clarke mène actuellement au Rwanda et au Bénin un projet d’envergure, « Les Hommes debout », démarche humaniste consistant à produire des œuvres monumentales – des peintures d’Africain(e)s en pied – en hommage aux victimes du génocide et de l’esclavage. Le label « Route de l’esclave » lui a été octroyé par l’Unesco et l’installation de l’œuvre aujourd’hui détruite avait été autorisée par le maire de Ouidah, à la demande de la Fondation Zinsou.

BANAL MUR. « Je suis atterré, confie Bruce Clarke. C’est un acte barbare. Quelle est la différence entre la destruction des œuvres d’art islamique au Nord-Mali et celle de L’Homme debout ? Certains diraient l’intention : au Mali, on connaît la valeur de ce qu’on détruit, et on le fait pour imposer sa vision totalitaire de l’Histoire. Au Bénin, le ministre de la Culture, Jean-Michel Abimbola, plaide l’ignorance : il pensait détruire un banal mur. Dans d’autres pays, il serait poussé à la démission s’il avouait ainsi son ignorance. Et si celle-ci est feinte, à quel jeu joue-t-il? » En voyage, ledit ministre n’était pas disponible pour répondre aux questions de J.A. Richard Sogan, le directeur du Patrimoine culturel, justifie ainsi la destruction : « L’œuvre se trouve dans le périmètre d’un monument qui est une composante du bien culturel “Route des esclaves” que le Bénin s’apprête à inscrire sur la liste du patrimoine mondial, et elle est installée sur le parcours rituel des temples Agbé et Dan de la collectivité Daagbo Hounnon. » Étrangement, cet argument et l’ordre de démolition ont été signifiés à la Fondation Zinsou le 16 janvier, soit un jour après la destruction, ne lui laissant aucune possibilité de réagir. Quoi qu’il en soit, pourquoi détruire quand on peut simplement enlever ? Le Bénin méritait sans doute mieux qu’une aussi négative publicité. ● NICOLAS MICHEL JEUNE AFRIQUE

pas l’expérience du pouvoir. Ce ne sont pas des gestionnaires. Et les Égyptiens les attendent au tournant. » MANSOUR MEHSOUD Directeur du département sciences politiques de l’université d’Alexandrie

« Sur le plan sexuel, l’Arabe est tout à fait libre, et même d’une manière extravagante, mais cachée ! Cette hypocrisie est détestable. Voilà la force de la culture religieuse soutenue par le pouvoir. » ADONIS Poète libanais d’origine syrienne, qui vit en France

« Benyamin Netanyahou est supérieurement intelligent, au point de le cacher volontairement p pour se rapprocher de son n électorat. » YIRMIYAHOU YOVEL Philosophe et écrivain israélien

«

J’aime tellement merais les homosexuels que j’aimerais leur éviter le mariage ! » JEAN D’ORMESSON Écrivain et académicien français (à propos du projet de loi sur le mariage pour tous)

BALTEL/SIPA

FONDATION ZINSOU

« Les Frères musulmans n’ont


La semaine de J.A. Décryptage

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VINCENT FOURNIER/J.A.

JEUNEAFRIQUE.COM

VIDÉO Vincent Lebondo Le-Mali, président de la Commission nationale de lutte contre l’enrichissement illicite au Gabon :

« “Biens mal acquis”: la France aurait dû consulter le Gabon »

RÉSEAUX SOCIAUX

Arabie saoudite Par la petite porte Trente femmes vont siéger au Conseil royal, par la grâce du roi Abdallah. Une brèche dans l’empire du machisme.

Twitter et jihadistes : débat autour d’une nouvelle communication de guerre

Anecdotes, résultats, commentaires, présentation des équipes… Rendez-vous sur jeuneafrique.com

LE TWEET

DR

@MabrouckRachedi « Les premiers symptômes de momification de son cerveau apparus, Depardieu est officiellement devenu un papy russe » Mabrouck Rachedi, écrivain français d’origine algérienne

E

n Arabie saoudite, le roi fait la révolution. En annonçant le 11janvierlanominationdetrente femmes au Conseil de la Choura – soit 20 % des effectifs de cette assemblée qui compte 150 membres –, Abdallah Ibn Saoud élève sa monarchie ultraconservatrice au rang des « champions » régionaux delaparité.Demanièretrèsrelative,certes, cette assemblée n’ayant qu’un rôle consultatif dans l’élaboration de la politique du royaumeoùlemultipartismeresteproscrit. Ces femmes tout de noir voilées siégeront séparément de leurs pairs masculins et devront s’offrir un chauffeur ou dépendre du bon vouloir d’un homme de la famille pour se rendre aux séances, risquant le fouet si la police venait à les surprendre au volant d’une voiture… Toutefois, « cette décision n’est pas seulement une mesure symbolique destinée à flatter l’opinion internationale, elle se situe dans le droit fil d’une politique de promotion des femmes dans la société, que suit le roi depuis quinze ans », souligne Fatiha Dazi-Héni, spécialiste de la péninsule Arabique et professeure à Sciences-Po Paris. La participation des femmes au Conseil de la Choura avait été annoncée par le

souverain en septembre 2011, lorsque celui-ci leur avait octroyé le droit de vote et d’éligibilité pour les municipales de 2015. Ironie de l’histoire, le Conseil avait alors désapprouvé que des femmes puissent se présenter aux élections. Mais Abdallah, qui dans l’empire du machisme fait figure de féministe, était passé outre, plaidant pour « une modernisation équilibrée, conforme à [nos] valeurs islamiques ». PRISE DE DÉCISION. Cette année,

Abdallah Al Al-Cheikh, le président du Conseil, a souhaité la bienvenue à ses consœurs,reconnaissantdanslequotidien Asharq Al-Awsat que « les Saoudiennes excellent dans les domaines de l’éducation, de la santé, de l’économie et dans d’autres secteurs ». Parmi les heureuses « élues » désignées par le roi, Thuraya Obaïd, première boursière du royaume en 1963. Pour celle qui s’était hissée jusqu’au poste de secrétaire générale adjointe aux Nations unies, « l’heure est venue pour les Saoudiennes de participer à la prise de décision ». Une participation tout aussi symbolique que celle de leurs pairs masculins: le roi et la famille Saoud continuent de décider de tout, ou presque, dans le royaume. ● LAURENT DE SAINT PÉRIER JEUNE AFRIQUE


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La semaine de J.A. HOMMAGE

Serge Guetta, un banquier au cœur d’or

Grand ami de Jeune Afrique et de Béchir Ben Yahmed, ce vrai spécialiste de l’Afrique et du développement, généreux, enthousiaste et qui a toujours épousé les causes justes, nous a quittés le 13 janvier. PAR ZYAD LIMAM*

C

E QUI RESTE, AUJOURD’HUI, c’est la certitude d’avoir connu un homme essentiel, de qualité, rare, proche des siens et des autres.Vivant pleinement.Avec générosité. Ce qui reste, c’est le sourire, la bonne humeur contagieuse. La chaleur de la voix, l’enthousiasme du Méditerranéen et de l’Africain qu’il aura toujours été. Serge Guetta, fils de Nina et de Victor, né à Gabès le 27 mars 1927 dans une fratrie de six garçons, est mort à Paris le 13 janvier, chez lui, au côté de Monique, la compagne des dernières années. Il aurait eu 86 ans dans quelques semaines. Il était l’ami de Béchir et de Danielle BenYahmed, mon ami, l’ami de notre famille, l’ami de Jeune Afrique, d’Afrique Magazine. Et un citoyen de notre continent. Il a été très longtemps banquier, un banquier surprenant et atypique, reconnu comme l’un des meilleurs spécialistes du développement. Mais aussi un banquier épousant les causes justes, se mettant du côté des planteurs, des pays endettés, des débiteurs plutôt que des créanciers. Il a été l’ami le plus proche et le plus ancien de Béchir BenYahmed. Son banquier des premiers temps aussi, celui de Jeune Afrique, par le biais de la Société tunisienne de banque (STB). Banquier providentiel sans qui probablement les choses auraient été différentes… Et tout au long de ces années, le conseiller éclairé de la maison. S’essayant même à l’écriture et au journalisme. Ferraillant avec BBY, justement, par articles interposés, sur les mérites ou les défauts de la Banque mondiale, les vertus supposées de la dévaluation du franc CFA, la réforme nécessaire de la Banque africaine de développement… Tunisien et juif de culture, il est resté toute sa vie attaché à son passeport et à *Directeur d’Afrique Magazine. N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

son identité. Un homme influent, côtoyant les chefs d’État et les ministres, mais aussi les petits, les chauffeurs de taxi, les serveurs. Un homme sans a priori, à l’aise dans le voyage et l’échange. Mais aussi un pater familias accompli. Tendre. Exigeant. Entier. L’histoire de Serge Guetta commence à Gabès, dans cette ville dure, proche de la frontière du Sud tunisien. Enfant, il préfère les cours de théâtre à l’école. Son frère Charles le pousse à quitter la province, à éviter un « avenir de cireur de chaussures » et à monter àTunis pour y entreprendre des études de gestion et de commerce. Son frère Charles qui était aussi notre ami et qui fut tué en juillet 1971 lors de la tentative de coup d’État de Skhirat, au Maroc, par un soldat mutin. Serge épouse Gabrielle (« Gaby ») Louzon en juillet 1954. Ils formeront un couple uni pendant cinquante ans. Et parcourront le monde avec leurs enfants, Daniel, Dominique et Isabelle. À Tunis, Serge entre à la Banque d’Algérie et de Tunisie, alors institut d’émission commun aux deux pays. C’est la fin des années 1950, l’époque de l’autonomie interne puis de l’indépendance. Serge reste en

Il charge Azouz Mathari, son chef de cabinet, de fonder une institution nationale. La légende veut que ce soit autour d’une table de salle à manger qu’Azouz, Serge et Béchir aient « inventé » la STB. La légende dit aussi que les trois amis allèrent faire le tour des commerçants de la rue Al-Jazira pour les inciter à ouvrir des comptes et déposer des paquets de dinars aux guichets. Très vite, la STB devient la première banque du pays (elle l’est toujours). Serge rencontre alors Danielle, veuve de Mohsen Limam, décédé dans Tunisien et juif de culture, il est u n a c c i d e n t d ’ a v i o n e n novembre 1966, inventeur du resté toute sa vie attaché à plan de développement tunisien, son passeport et à son identité. directeur de cabinet du ministre Ahmed Ben Salah. Serge aide Tunisie, son pays. UneTunisie à inventer Danielle à mettre ses affaires en ordre. Ils deviennent amis. Les années passent. et à construire. Les cadres sont rares, En 1968, il la présente à Béchir, célibataire jeunes, enthousiastes, sans complexe. Une joyeuse équipe se constitue. Béchir convaincu. Avec une petite idée derrière et Serge deviennent amis. Des potes, des la tête… On imagine le dîner, le date, vrais, partenaires dans la fête, mais aussi comme disent nos amis américains : dans le travail et les projets. Habib Serge et Gaby d’un côté, Danielle et Béchir Bourguiba, président ambitieux, veut se de l’autre. Danielle et Béchir se marient défaire du poids des banques françaises. à Rome le 2 avril 1969. Serge et Gaby JEUNE AFRIQUE


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! À PARIS, en janvier 1984, dans les locaux de Jeune Afrique alors situés avenue des Ternes.

BORIS COLLOMBET/J.A.

orgueilleuse, d’une patinoire au cœur des tropiques, du cinéma de l’Hôtel Ivoire, d’un périple à Assinie, dans une Afrique enchantée… Pourtant, on sentait que quelque chose s’était cassé, que le pays allait connaître des jours difficiles. Qu’il était sur le déclin. En 1986, Serge quitte la Banque mondiale et s’installe à Bruxelles. À 59 ans, il entame une carrière dans le privé. D’abord avec l’entreprise belge Chanic, voyageant entre le plat pays et Kinshasa. En 1996, le couple Guetta s’installe à Paris. Serge travaille comme consultant indépendant. Il arpente l’Afrique de long en large et participe à la création du Groupe Banque atlantique. Son énergie est restée la même. Son appétit de la vie aussi.

seront évidemment les témoins de cette belle histoire. Toujours en 1969, Serge est « repéré » par la Banque mondiale pour son expérience du développement et sa passion naissante pour l’Afrique des indépendances. Il rejoint le siège de la vénérable institution à Washington. Il représentera ensuite cette dernière à Kinshasa, au Zaïre, l’un des principaux pays clients de la Banque, l’un des plus complexes aussi, à une époque où tout semble possible. Mobutu en toque léopard, canne à la main, grand chef tout puissant… Six années de vie kinoise qui feront de Serge l’un des spécialistes reconnus du pays et de la région. En septembre 1979, il prend la direction régionale pour l’Afrique de l’Ouest, avec résidence à Abidjan. C’est la première fois qu’un Africain occupe un poste de cette importance. La mission dure jusqu’en 1985. Serge est l’un des acteurs de ce que l’on appellera le miracle ivoirien. Un acteur lucide, puisque, dans ses rapports, il n’hésite pas à faire part de ses doutes. Il devient l’un des visiteurs JEUNE AFRIQUE

En 2004, Gaby meurt brutalement, quelques jours après leur cinquantième anniversaire de mariage. Pour Serge, tout s’arrête. Il s’enferme. Cesse de travailler. Mais il n’a pas entièrement renoncé. Le destin lui offre un dernier de confiance de Félix Houphouët-Boigny. bonheur, sa rencontre avec Monique Les deux hommes parlent banque, Sebag. Grâce à elle, il vivra pleinement finance, développement, peut-être même les cinq dernières années de son aventure. un peu politique. Serge tente de limiter Il voyage, au Maroc, à Venise, revoit ses l’appétit de capitaux du pays et son endetamis, accorde une attention permanente à ses petits-enfants, qu’il adore. La bar-mitzvah de ses Il représente la Banque mondiale deux petits-fils, Lionel et au pays de Mobutu, et sera l’un Nicolas, est pour lui un grand des acteurs du miracle ivoirien. moment de bonheur. Tout comme la naissance de la tement massif. Dans une interview à J.A. petite dernière du clan, Lou-Enna, il y a (n° 1726, 3 au 9 février 1994), il racontera presque quatre ans. que « les bailleurs de fonds étrangers Et puis, voilà, Serge est parti, à son proposaient n’importe quoi avec des tour. Nous l’avons accompagné dans le financements à 100 % ». Il tente aussi de carré juif du cimetière de Montparnasse, à Paris, rejoindre Gaby. Il faisait très froid, convaincre le Vieux d’organiser sa succession, à l’image de Senghor au Sénégal. la journée s’annonçait neigeuse, pluvieuse, Le Vieux répondra que « partir, ce serait et pourtant un grand rayon de soleil est déserter » ! venu éclairer la cérémonie. Un petit message, peut-être venu d’ailleurs. Je me rappelle tout particulièrement En regardant le ciel et les amis et la cette période. À 16 ans, je passais mes famille, tous ceux qui étaient là, nous vacances de Pâques à Abidjan, mon tout premier voyage en Afrique subsahanous sommes dit que ce qui resterait, rienne. Je me souviens de la grande toujours, finalement, c’est la chaleur, la maison de Cocody. De Serge envahissant générosité, l’enthousiasme, la jeunesse en chantant la cuisine, préparant du couséternelle de Serge Guetta, dans nos cous au poisson. D’une ville illuminée, mémoires et dans nos cœurs. ● N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013


La semaine de J.A. Tour du monde BIRMANIE

Escalade dans le Nord

THIBAULT CAMUS/AP/SIPA

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!HOMMAGE À SAKINE CANSIZ et à ses amies, le 15 janvier, à Villiers-le-Bel, près de Paris. TURQUIE

Qui a tué les militantes kurdes?

N

«

OUS PARVIENDRONS À MENER à bien le processus de paix en dépit des provocations et des sabotages , a déclaré Recep Tayyip Erdogan, le Premier ministre turc, quelques jours après l’assassinat, à Paris, de Sakine Cansiz, une proche d’Abdullah Öcalan, le chef historique du PKK, et de deux autres militantes kurdes. Ce drame intervient au moment où le gouvernement turc a entamé des pourparlers avec Öcalan, emprisonné depuis 1999 dans l’île-prison d’Imrali, au large d’Istanbul. Objectif : obtenir le désarmement des guérilleros du PKK et l’arrêt des violences, qui ont fait 40 000 morts depuis 1984. Les responsables kurdes se disent tout aussi déterminés que le gouvernement à poursuivre le dialogue. Mais qui a intérêt à le torpiller ? Deux hypothèses prévalent. Celle d’une réaction de « l’État profond » turc (qui agrège groupuscules ultranationalistes, éléments de l’armée et des services, barbouzes, etc.) et celle d’une puissance étrangère désireuse de nuire à la Turquie. Ankara soutenant les insurgés syriens, Damas et surtout Téhéran, son allié, qui dément fermement, sont parfois cités. ● MALAISIE

Meeting monstre de l’opposition ALORS QUE LES ÉLECTIONS LÉGISL ATIVES auront lieu au printemps, un gigantesque meeting organisé par les trois principaux partis d’opposition a rassemblé 100000 personnes le 12 janvier au stade Merdeka, dans le centre de Kuala Lumpur.Lamanifestationayantétéautorisée, N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

ce qui n’est pas l’habitude en Malaisie, la police s’est montrée exceptionnellement bienveillante. Le prochain scrutin s’annonce serré. En 2008, le Barisan National, la coalition gouvernementale au pouvoir depuis1957,avaitessuyéunrevershistorique en perdant sa majorité au Parlement.

LE CONFLIT ENTRE LA GUÉRILLA indépendantiste kachin et les troupes gouvernementales birmanes est entré dans son vingtième mois le 9 janvier. Selon le quotidien Global Times, à Pékin, la Chine, inquiète de cette escalade, aurait envoyé des troupes dans le Yunnan, sa province méridionale frontalière de l’État kachin, afin de « comprendre la situation ». La recrudescence des combats semble révéler l’existence de divergences entre l’armée, dirigée par des membres de l’ex-junte au pouvoir, et le président Thein Sein, qui, par deux fois, a demandé en vain à son état-major d’« arrêter l’offensive » contre les Kachins. LE CHIFFRE

– 0,5%

LA CONTRACTION DU PRODUIT intérieur brut de l’Allemagne au 4e trimestre 2012, selon l’Office public des statistiques de ce pays. Sur l’ensemble de l’année 2012, la croissance a été de 0,7 %, contre 3 % en 2011. Elle devrait être de nouveau négative au 1er trimestre de cette année. L’Allemagne serait alors officiellement en récession. BOLIVIE

Mâche ou crève

 VIVE LA COCA, à mort les Yankees », s’est exclamé Evo Morales, le président bolivien, le 14 janvier. C’est en mâchant des feuilles de coca que les Boliviens ont fêté la réintégration de leur pays au sein de la Convention de Vienne, le principal traité onusien en matière de lutte antidrogue. Ils s’en étaient retirés en 2011 pour protester contre l’inscription de la feuille de coca sur la liste des produits stupéfiants. La mastication de ladite feuille est désormais autorisée par une clause du traité. JEUNE AFRIQUE


ARRÊT SUR IMAGE

Rahmat Gul • AP/SIPA

AFGHANISTAN

Les fantômes de Jalalabad QUAND LA TRADITION UNIVERSITAIRE BRITANNIQUE rencontre les prescriptions vestimentaires islamiques, le résultat est, disons, curieux. Fraîches émoulues d’une école de sages-femmes de Jalalabad, dans l’est de l’Afghanistan, ces jeunes femmes attendent sagement la remise de leur diplôme lors d’une cérémonie organisée au palais du gouverneur, le 16 janvier.

INDE

Viols en série

L’INDIGNATION SUSCITÉE PAR le viol collectif et l’assassinat d’une étudiante dans un bus à New Delhi est à peine retombée qu’une nouvelle affaire enflamme la Fédération indienne. À la mi-janvier, à Vasco de Gama, dans l’État de Goa, une fillette de 7 ans a été violée dans les toilettes de son école, pendant une récréation, par un homme d’une vingtaine d’années. D’importantes manifestations de protestation ont eu lieu, la directrice de l’établissement a été placée en détention, mais, aux dernières nouvelles, l’agresseur court toujours. CUBA

La porte s’entrouvre

C’EST LA PLUS GRANDE réforme mise en œuvre à ce jour par Raúl Castro: les Cubains n’ont plus besoin d’un permis de sortie pour se rendre à l’étranger, un passeport suffit. La durée autorisée du

JEUNE AFRIQUE

séjourpassede11à24mois.Cetteheureuse disposition va-t-elle se traduire par des départs en masse ? Probablement pas, puisque peu de Cubains ont les moyens de s’offrir un séjour à l’étranger. Et que ceux quilesont–cadresdirigeants,scientifiques, médecins, sportifs ou enseignants – seront soumis à des conditions de délivrance plus strictes, par crainte, justement, d’une « fuite des cerveaux ». ARGENTINE

Dernier métro

MAIRE DE BUENOS AIRES et grand rival de Cristina Kirchner, Mauricio Macri a, le 11 janvier, annoncé le retrait imminent des wagons en service depuis 1913 sur la ligne A du métro de la capitale argentine, la première ouverte en Amérique du Sud. Ils avaient été construits à Bruges, en Belgique. La présidente était favorable à la restauration de ces antiquitésroulantes,maisMacriasouhaité privilégier la sécurité. Les associations de défense du patrimoine sont furieuses.

Apparemment, certains wagons vont être reconvertis en bibliothèque. Ceux qui les remplaceront seront, comme il se doit, construits en Chine. PAKISTAN

Coup tordu?

LA COUR SUPRÊME a demandé le 15 janvier l’arrestation de Raja Pervez Ashraf, le Premier ministre, qu’elle accuse de corruption. Au même moment, à l’instigation de Tahir ul-Qadri, un chef religieux tout juste rentré d’un long exil au Canada, des milliers de personnes manifestaient à Islamabad pour dénoncer « l’incompétence » et « la corruption » des autorités. La concomitance des deux événements laisse perplexe. Certains soupçonnent une tortueuse opération de la hiérarchie militaire aidée par une partie de la magistrature afin d’affaiblir les chefs des deux grands partis traditionnels, le président Asif Ali Zardari et son principal opposant, Nawaz Sharif, avant les législatives du mois de mai. N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

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Grand angle

ISSOUF SANOGO/AFP

SAHEL

UNE GUERRE SANS FIN?

Face à l’avancée jihadiste vers Bamako, la France s’est lancée dans une intervention à hauts risques. L’Algérie, frappée au cœur, ne restera pas sans réaction. Mais personne ne sait comment évoluera un conflit sans précédent.


CHRISTOPHE BOISBOUVIER

M

«

aintenant, il connaît tous les villages du Mali », confie l’un de ses proches. Depuis le 11 janvier, jour de l’engagement de l’armée française à Konna, François Hollande suit, heure par heure, la guerre contre les jihadistes du Sahel. Même la nuit. Plusieurs fois, le 11 et le 12, il s’est fait réveiller pour avoir les dernières informations du terrain. Ses interlocuteurs : le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, un vieux complice ; l’amiral Édouard Guillaud, le chef d’état-major des armées ; et le général Benoît Puga, son chef d’état-major particulier. Bien sûr, il ne suit pas seulement le conflit malien, mais, pendant les réunions de politique intérieure, il reste informé en direct par textos. C’est le mercredi 9 janvier que tout se noue. Depuis le week-end précédent, l’étatmajor français lui fait remonter des informations inquiétantes. Grâce aux images prises par un avion de reconnaissance, l’Atlantique 2, et un satellite-espion, le Pléiades, le président sait que deux colonnes jihadistes de 150 à 200 pickups chacune se dirigent vers le sud du Mali. Sur son bureau, il dispose même de photos de ces colonnes. Ce 9 janvier, il reçoit les coups de fil pressants de deux chefs d’État : le Malien Dioncounda Traoré et le Nigérien Mahamadou Issoufou – un camarade socialiste de longue date. Ils n’ont pas les mêmes moyens d’observation ●●●

! BLINDÉS FRANÇAIS de l’opération Serval quittant Bamako, le 15 janvier, en direction du front.


BERNARD BISSON/JOURNAL DU DIMANCHE/SIPA

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que les Français, mais, à Gao et à Tombouctou, ils ont des informateurs fiables qui leur confirment que l’offensive des jihadistes est imminente. Le même soir, l’Ivoirien Alassane Ouattara appelle en urgencesonhomologuefrançaispourluidemander assistance au nom de la Cedeao (Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest). Tous en conviennent : la dernière résolution de l’ONU sur le Mali est trop vague. Il faut une demande expresse de Bamako à Paris pour formaliser l’intervention française à venir. Sans quoi, les Algériens, les Russes et les Chinois risquent de s’y opposer. Le matin du 10, Dioncounda Traoré adresse à François Hollande cette lettre alarmante: « Une intervention militaire immédiate devient nécessaire. Des groupes narco-jihadistes ont entrepris d’attaquer nos premières lignes de défense. » Au même moment, Bamako envoie une autre lettre au secrétaire général de l’ONU. Au ministère français de la Défense, le Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) réactualise une dernière fois les scénarios d’engagement militaire construits depuis plusieurs mois. Sur zone, les équipages des hélicoptères d’attaque basés à Ouagadougou sont mis en état d’alerte. Quelque vingt coopérants militaires français positionnés à Bamako montent à Sévaré pour être au plus près des opérations. Formellement, François Hollande n’a pas encore fait le choix de la guerre, mais il s’y prépare. À plusieurs de ses visiteurs, il lance : « S’il s’agit d’une agression caractérisée, ça doit nous amener à prendre une décision. » Coup de chance. Le soir de ce jeudi 10, François Hollande et Barack Obama se parlent. Le coup de fil était prévu depuis plusieurs jours et devait porter sur tout autre chose, mais, très vite, le Français dit à l’Américain : « Au Mali, la situation est alarmante. » Obama lui répond qu’il n’a pas des informations d’une telle gravité, mais qu’il lui fait toute confiance. Simultanément, le ministre ●●●

N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

! FRANÇOIS HOLLANDE, le 12 janvier à l’Élysée, lors d’un conseil de défense.

« S’il s’agit d’une agression caractérisée, ça doit nous amener à prendre une décision. » LE PRÉSIDENT FRANÇAIS, le 10 janvier.

français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, fait demander au Conseil de sécurité de l’ONU une réunion de toute urgence. « WAR ROOM ». Vendredi 11 janvier, 11 h 30 : le président français convoque un conseil restreint de défense à l’Élysée. Autour de la longue table rectangulaire du Salon vert – la « war room » –, au premier étage du bâtiment, une douzaine de personnes ont chacune devant elles une carte du Mali. L’amiral Guillaud : « L’agression caractérisée est confirmée. » François Hollande distribue alors la parole. Pas une voix discordante. Tout le monde est pour l’engagement de la France. Laurent Fabius: « Si nous n’intervenons pas, Bamako peut tomber en vingt-quatre heures. » Un autre participant: « Si les islamistes prennent Bamako, nous n’aurons plus huit otages, mais six mille otages [NDLR : le nombre des ressortissants français au Mali]. » La décision s’impose d’elle-même. A-t-il eu une hésitation avant de trancher? « Mais pas du tout. Il a beaucoup de sang-froid, il est serein », répond le secrétaire général de l’Élysée, son vieil ami PierreRené Lemas. Un autre proche : « Hollande est un homme à maturation lente, mais, une fois que le choix est fait, il l’assume parfaitement. » Le chef de l’État demande alors quel est le meilleur plan d’attaque. Guillaud et Puga insistent sur le fait que l’ennemi est regroupé et offre donc une cible. Ils proposent une action en deux temps. Le jour même, une frappe sur les colonnes jihadistes avec les hélicoptères Gazelle. Et le 13, un bombardement de la base arrière de Gao par des avions Rafale venus de France. Le président donne son accord et charge aussitôt Fabius de demander à l’Algérie une autorisation de survol. Puis tout s’enclenche. Hollande attend les premières frappes d’hélicoptères avant de parler à la nation. À 18h9, le visage plus grave qu’à l’accoutumée, le ton presque martial, il annonce : « Mesdames, messieurs, ● ● ● JEUNE AFRIQUE


Une guerre sans fin ?

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Champ de bataille L'intervention des pays non africains Allemagne Al

2 avions Transall 2 avions de transport Hercules + 2 hélicoptères médicalisés

Be Belgique R.U.

2 Hercules + 2 Globemaster

USA

Drones non armés, avions ravitailleurs et de transport, 800 hommes

Canada Ca

1 avion C-17

Danemark Da

1 Hercules

Une compagnie du 2e RPIMa vient de France

S A H A R A M A L I

Du 12 au 14 janvier

Aguelhok

ADRAR DES IFOGHAS Kidal

Tombouctou Niafunké

SÉNÉGAL

Diabali Niono

500

Koulikoro Kati

hommes

Mopti Sévaré Ségou

BAMAKO

100

hommes

Bases et positions militaires maliennes

500

BURKINA FASO

CÔTE D’IVOIRE

38 800

Douentza Bandiagara

hommes

GUINÉE

Villes abandonnées par les jihadistes

Konna

FORCE LICORNE

14 janvier Villes tenues par les rebelles Un sous-groupement tactique interarmes de la force Frappes de l’aviation française Licorne arrive à Bamako après avoir quitté Abidjan le Réfugiés 12 janvier Interventions françaises Déploiement annoncé dans le cadre de la Misma + 2000 hommes envoyés par le Tchad ; la décision mauritanienne est en attente

500

8 Mirage 2000

en provenance de N’Djamena (Tchad)

NIGER

hommes

NIGERIA

FORCES SPÉCIALES

GHANA 100

hommes

900

hommes

500

hommes

TOGO

Léré

50 000

Gao Ni ge r

MAURITANIE

Un peloton blindé du 1er régiment étranger de cavalerie (une unité de la Légion) et une compagnie du 21e RPIMa arrivent du Tchad

Tessalit

230 000 déplacés à l’intérieur du pays

54 100

300 km

Frontière fermée

1 500

500 militaires dont 200 instructeurs européens pour une période de quinze mois

UE

12 janvier

ALGÉRIE

(modalités précises à définir)

Italie

4 Rafale en provenance de Saint-Dizier (France)

300

hommes

BÉNIN

10 janvier

Des éléments du 1er régiment parachutiste d’infanterie de marine (RPIMa) et des commandos parachutistes de l’air (CPA) arrivent sur la base de Mopti-Sévaré. Ces forces spéciales présentes au Sahel dans le cadre de l’opération «Sabre» ont été aérotransportées par des avions Transall depuis Ouagadougou

11 janvier

Les hélicoptères Gazelle basés à Ouagadougou entrent en action dans la zone de Konna : deux sont détruits, un pilote est tué. Un hélicoptère Tigre et quatre Puma viennent en renfort


ERIC FEFERBERG/AFP

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le Mali fait face à une agression d’éléments terroristes. […] Il en va donc, aujourd’hui, de l’existence même de cet État ami. » Solennité et transparence… François Hollande entre enfin dans ses habits de président. Le soir même, il apprend la mort au combat d’un premier soldat français, le pilote d’hélicoptère Damien Boiteux. ●●●

! LE DÉPLOIEMENT TERRESTRE débute le 12 janvier, le lendemain des premières frappes aériennes sur Konna.

RAIDS. La nuit va être longue car il a aussi donné

son feu vert à l’« opération de vive force » en Somalie pour tenter de libérer l’otage français Denis Allex. Le raid va échouer. Trois morts côté français : l’otage, probablement abattu par ses geôliers, et deux hommes du service action de la Direction générale des services extérieurs (DGSE). Pourquoi le président français lance-t-il les deux opérations le même jour ? En cas d’échec en Somalie, escompte-t-il que le choc médiatique sera amorti par l’opération malienne ? « Pas du tout, répond une source proche de la DGSE. Le raid était prévu depuis un mois. Il fallait réunir plusieurs conditions techniques et météorologiques avant de donner l’assaut. Si c’est tombé le même jour, c’est fortuit. » Le samedi 12, nouveau conseil de Défense. Jean-Yves Le Drian est presqu’en permanence à l’Élysée. Principal sujet du jour : le raid des Rafale. De bonne source, Alger n’a pas encore autorisé le survol de son territoire. Entre Saint-Dizier, en France, et N’Djamena, au Tchad, il faut donc établir un plan de vol par le Maroc. Durée : 9 heures 35, avec cinq ravitaillements en vol. Le lendemain à 6 heures, décollage. Les pilotes ont l’ordre de faire des « frappes rapprochées ». L’effet de surprise doit être total. À midi, les quatre Rafale frappent simultanément trois cibles militaires autour de Gao. Puis ils reviennent pour en frapper une quatrième. N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

Comme Sarkozy, Hollande s’intéresse aux questions opérationnelles: « Là, on est où? Et là, ça avance comment? »

Le soir même, Laurent Fabius remercie l’Algérie d’avoir autorisé le survol de son territoire par les appareils français. Or, d’après nos documents photos (lire « Confidentiels »), tout laisse penser que les Rafale ont bien dû contourner l’Algérie par l’ouest. Le feu vert d’Alger est-il arrivé après le décollage de Saint-Dizier ? A-t-il jamais été donné ? Paris a-t-il diplomatiquement remercié Alger pour ménager l’avenir ? Depuis ce week-end très chaud, François Hollande réunit presque tous les jours un conseil de défense. Comme son prédécesseur, Nicolas Sarkozy, il s’intéresse aux questions opérationnelles et n’hésite pas à pointer son stylo sur une carte du Mali en disant : « Là, on en est où ? Et là, ça avance comment ? » Le 12, il contacte David Cameron pour lui demander des avions de transport britanniques. Le 14, il appelle Abdelaziz Bouteflika pour parler stratégie antiterroriste. Comme chef des armées, Hollande est-il différent de Sarkozy ? « Pas vraiment », souffle la source proche des services qui a côtoyé les deux hommes. « Comme Sarkozy, il est concentré, attentif. Mentalement, on sent qu’il s’est préparé à la tâche. Et puis, il est prudent. Il a gardé auprès de lui un certain nombre de cadres de l’époque Sarkozy qui avaient montré leur professionnalisme. » De fait, l’amiral Guillaud, le général Puga et le patron de la DGSE, Erard Corbin de Mangoux, ont tous trois été nommés par l’ancien président français. La continuité de l’État… Et notre source d’ajouter : « On l’appelait Flanby [du nom d’un dessert mou et gélatineux, NDLR], mais Hollande a trompé son monde. Au fond, en attaquant le Sud-Mali et en pariant sur l’inaction de la France, les jihadistes ont été victimes de l’effet Flanby. » ● JEUNE AFRIQUE


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! LE COMPLEXE EXPLOITÉ BP ET SONATRACH pris d’assaut le 16 janvier (vue satellite).

KJETIL ALSVIK/AP/SIPA

PAR

ALGÉRIE

Aït Ahmed) et les trotskistes du Parti des travailleurs (PT de Louisa Hanoune), ont vivement dénoncé la décision d’Abdelaziz Bouteflika de donner sa bénédiction « à L’attaque terroriste sur le site gazier d’In Amenas place Alger une guerre néocolonialiste ». La presse en première ligne dans un conflit qui s’internationalise. indépendante ne s’est pas privée de critiquer ce qu’elle a assimilé à « un bradage n affichant son hostilité à toute gouvernement d’Abdelmalek Sellal d’audes principes et valeurs de la révolution idée d’intervention militaire toriser le survol du territoire algérien algérienne ». C’est dire que la décision étrangère, et plus précisépar les avions militaires français même n’a pas été facile à prendre. ment occidentale, dans la si l’on peut douter du fait qu’une telle Le 10 janvier, date de l’avancée de la crise malienne, le président Abdelaziz opération ait pu être préparée en un laps colonne islamiste sur Konna, dans la Bouteflika expliquait à ses nombreux région de Mopti, Abdelaziz Bouteflika a de temps aussi court. Cette autorisation, visiteurs étrangers sa crainte d’un déborune première dans l’histoire du pays, a convoqué le Conseil national de sécudement du conflit sur le territoire algécréé un autre précédent puisqu’aucune rité et l’a maintenu en session ouverte. rien. Et apparemment, il avait vu juste : installation pétrolière n’avait fait l’objet L’analyse des renseignements recueillis cinq jours après le déclenchement de d’une attaque terroriste en Algérie, même a montré que le partenaire sur lequel l’opération Serval, un commando islaau cours de la décennie noire, dans les Alger misait pour sa solution politique, miste a investi, le 16 janvier, le site gazier années 1990, quand les groupes islamistes à savoir Ansar Eddine, l’avait floué et d’In Amenas (1 300 kilomètres au sud-est participait à l’offensive. Deux d’Alger) situé à quelques encablures de Jamais une installation pétrolière décisions ont donc été prises: la frontière libyenne, prenant le contrôle autorisation du survol même n’avait été attaquée durant les si celle-ci est peut-être interde la base de vie pour se retrancher dans une aile de cette infrastructure avec une années 1990. venue après le décollage des quarantaine d’otages occidentaux. Ce Rafale de France le 13 janvier gisement est exploité par un consortium armés faisaient régner la terreur. et fermeture de la frontière avec le Mali. mené par British Petroleum, comprenant Jean-Yves Le Drian, ministre français Sur ce dernier point, il s’agit d’une forde la Défense, a mesuré l’importance de également le norvégien Statoil, le nippon malisation juridique d’une situation de JGC et l’algérien Sonatrach. la décision d’Alger. « Il s’agit d’un soutien fait. Cette frontière est de facto considéLes assaillants, se réclamant de la bripolitique très fort à l’opération », a-t-il rée comme une zone militaire depuis le gade de Mouwaqqiiin bi-d-dam (« Ceux déclaré. Il n’était pas très loin de la réacontrôle des régions du Nord-Mali, en qui signent de leur sang ») – une orgalité. En adoptant une telle démarche, le avril 2012, par les jihadistes d’Aqmi et nisation récemment créée par l’ex-émir pouvoir avait conscience qu’une grande du Mujao et les combattants touaregs d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), partie de l’opinion y serait opposée. Les d’Ansar Eddine. Quant à l’autorisation l’Algérien Mokhtar Belmokhtar –, ont partis de l’opposition, parmi lesquels le du survol, elle a été présentée par Alger Front des forces socialistes (FFS de Hocine justifié leur attaque par la décision du comme une réponse à une demande…

Le retour des vieux démons

E

JEUNE AFRIQUE

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Grand angle

Suivez en continu l’évolution de la situation sur le terrain.

Mali/Algérie

malienne. Selon le quotidien arabophone indépendant El-Khabar, généralement bien informé sur les questions sécuritaires, citant un membre de l’état-major, « l’Algérie a donné une suite favorable car elle est liée par un accord signé en 2011 avec les gouvernements des pays du champ ». Cette formule désigne les quatre États (Algérie, Mali, Mauritanie et Niger) membres du Comité d’état-major opérationnel conjoint (Cemoc, basé à Tamanrasset), une structure qui a tout de même montré ses limites depuis le déclenchement de la crise malienne. DRAMATIQUE. Il est cependant peu pro-

bable que le pouvoir algérien accepte d’aller plus loin dans son implication au Mali, à savoir une participation directe de l’armée. In Amenas ne restera toutefois pas sans conséquence. L’attaque a mis en évidence les dysfonctionnements du dispositif de sécurité autour des sites pétroliers, poumon économique du pays. Il est évident que des têtes devront tomber. Le flou entourant l’opération menée par l’armée algérienne pour mettre un terme à la prise d’otages a suscité bien des critiques dans les capitales étrangères concernées. Pourtant, une source proche de l’armée assure que « les Américains comme les Français avaient donné leur aval ». Reste que les médias et opinions publiques en France, aux États-Unis, en Grande-Bretagne ou encore au Japon feront pression sur leurs gouvernements respectifs pour faire toute la lumière sur le déroulement « dramatique », pour reprendre les termes de François Hollande, de l’intervention musclée des Algériens. Paris, Washington, Londres et Tokyo devraient donc demander des explications à Alger. Comme l’explique la politologue Louisa Aït Hamadouche dans les colonnes du quotidien El Watan, l’affaire In Amenas devrait amener « une révision de la doctrine stratégique de l’Algérie, notamment le sacro-saint principe selon lequel le pays ne peut pas, ne doit pas ou ne veut pas projeter ses forces à l’extérieur de son territoire ». Reste à savoir comment les autorités algériennes répondront à cette nouvelle donne induite par « une attaque qui implique l’Algérie de façon directe, pas seulement en tant qu’acteur politique mais aussi dans ses intérêts économiques stratégiques ainsi que dans ses relations avec ses partenaires internationaux ». ●

JIHADISTES: TOUCHÉS MAIS PAS COULÉS

Pertes humaines

Les pertes d’Aqmi, du Mujao et d’Ansar Eddine ont pour l’essentiel été subies lors de la bataille de Konna, à partir du 9 janvier (une centaine de morts selon les estimations d’experts militaires français), ainsi que durant les bombardements des villes de Kidal, Douentza et Gao menés dès le 12 janvier (une soixantaine de morts). Ce type d’opération a été renouvelé à Léré, où se trouvaient des réserves de munitions et de carburant, dans la nuit du 13 au 14 janvier. S’ajoutent des attaques contre des objectifs d’opportunité: on peut supposer que les jihadistes perdent quelques dizaines d’hommes au cours de tels raids. Des cadres auraient également disparu, en particulier deux lieutenants d’Iyad Ag Ghaly, le chef d’Ansar Eddine. Autre « dommage humain »: l’atteinte portée au moral de l’adversaire. De fait, de nombreux auxiliaires ou transfuges du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) ont cédé à la panique et se sont dispersés. Et la chaîne de commandement d’Ansar Eddine a ainsi été disloquée.

Puissance de feu réduite

Les pertes de matériel sont plus faciles à estimer par les militaires, grâce aux missions menées par les Mirage et aux observations de toutes natures (satellites, drones, forces spéciales au sol). À ce jour, les jihadistes auraient perdu environ une quarantaine de véhicules légers – dont plusieurs armés de mitrailleuses lourdes ou de lance-roquettes –, au moins quatre blindés et onze chars légers, qui avaient été pris à l’armée malienne.

Logistique désorganisée

La destruction des infrastructures est une priorité: à moyen terme, cela nuira à la cohésion des groupes armés par l’érosion de leur commandement, et provoquera des difficultés d’approvisionnement en carburant et en munitions. En outre, l’anéantissement des camps d’entraînement, déjà bien avancé, entravera le recrutement de nouveaux combattants. LAURENT TOUCHARD ! REBELLES DU NORD, à Gao, le 14 janvier.

STRINGER/AFP

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ISSOUF SANOGO/AFP

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CEDEAO

Se hâter… lentement

!OFFICIERS OUEST-AFRICAINS, à Bamako, le 16 janvier.

admet qu’il se peut « que [ils aient] un rôle plus offensif ». Les experts militaires françaissontdubitatifsquantàl’apportque peuvent représenter ces soldats réputés peuformésetmaléquipés.Leurarrivéeest, d’affectation. « En réalité, tout avait été en revanche, une bonne nouvelle diplodécidé en amont », explique notre chef matique. « Cela permet de montrer que la d’état-major. Ce qui a retardé l’arrivée de ces troupes, France n’est pas seule dans ce combat », c’est tout simplement la misère logistique explique un diplomate ouest-africain. et la faible capacité de projection qui L’apport tchadien est d’une tout autre caractérisent les armées de la région. nature. Les généraux français ont accueilli avec soulagement l’annonce, le 16 janvier, « C’est compliqué d’envoyer 500 hommes sans moyens de transport ! se défend que N’Djamena enverrait 2 000 hommes au Mali (dont des membres de la garde un général ouest-africain. Même si des partenaires nous ont proposé des moyens présidentielle). Un renfort de poids. « Ce aériens pour transporter les troupes, sont de bons soldats, qui connaissent nous devons acheminer le matériel par bien le Sahel. Comme les Mauritaniens la route. » d’ailleurs », explique un expert africain. Après avoir longtemps tergiversé, Idriss Déby s’est « Cela permet de montrer que la France n’est pas seule dans décidé après avoir reçu une demande formelle du ce combat. » président malien par intéUN DIPLOMATE AFRICAIN rim, Dioncounda Traoré, mais aussi après un intense Autre explication, avancée par un lobbying de certains de ses pairs, dont diplomate ouest-africain : « Envoyer des le Nigérien Mahamadou Issoufou. Les hommes, cela signifie qu’il faut se réorgaTchadiens ne seront pas intégrés à la niser, à l’intérieur du pays, pour éviter des Misma, mais combattront à ses côtés, à trous dans la surveillance du territoire. » l’image des Français. À l’heure où nous écrivions ces lignes, la Mauritanie n’avait RENFORTS. Quel rôle peuvent jouer pas encore pris sa décision, mais le préles soldats ouest-africains ? D’un point sident Mohamed Ould Abdelaziz n’y était de vue militaire, leur apport reste flou. pas opposé, à condition que les autorités Officiellement, ils viendront en soutien maliennes le lui demandent. ● de l’armée malienne, même si un général RÉMI CARAYOL

La Force internationale doit être composée de 3 300 hommes. Mais la mission demande à être précisée, et l’arrivée des soldats est lente.

À

Bamako, il aura fallu attendre six jours après le déclenchement de l’opération Serval pour voir défiler les premières troupes africaines. Des Nigérians en l’occurrence, arrivés le 17 janvier, quelques heures avant les Tchadiens et les Togolais. Six jours, cela peut paraître long. « Pour nous, c’est en fait assez court », souffle un chef d’état-major d’un pays de la région. Pour une fois, ce ne sont par les réticences politiques qui expliquent ce délai. Dès lors que les jihadistes ont lancé l’offensive, « tout le monde était d’accord pour intervenir », indique un ministre des Affaires étrangères de la zone. De fait, les voisins du Mali n’ont ainsi pas traîné pour annoncer l’envoi de soldats au sein de la Force internationale de soutien au Mali (Misma), pour un total de 3300 hommes. Dans la plupart des cas, ces hommes représentent la crème des armées nationales. Les Nigériens, par exemple, ont été formés par des instructeurs français, et ils se trouvent depuis des semaines à la frontière avec le Mali. Quant aux Burkinabè, la plupart ont déjà effectué des missions de maintien de la paix, au Darfour notamment. Le commandant de cette force est un général nigérian. Son adjoint, un Nigérien. Chaque pays s’est vu confier une zone

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HABIBOU KOUYATE/AFP

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BAMAKO

L’union sacrée, pour l’instant… Si l’opération Serval profite d’un consensus national, les pouvoirs politique et militaire maliens sont loin d’avancer dans la même direction.

H

ôtel Salam, Bamako. Pour pénétrer dans l’un des seuls grands hôtels à avoir échappé à la crise du tourisme, il faut désormais subir une fouille en bonne et due forme, puis passer au détecteur de métaux. Dans le hall rafraîchi par l’air conditionné, politiciens, ministres, conseillers et journalistes se livrent au traditionnel ballet de la chasse aux information. Un téléviseur allumé en permanence sur une chaîne d’informations livre l’évolution des combats. Il n’y a que dans ce hall d’hôtel que la tension est vraiment palpable. Car ailleurs dans la capitale, on est décidé à ignorer la peur. La télévision nationale n’a pratiquement pas changé sa grille des programmes, et les points de la situation sur le théâtre des opérations sont inexistants. En ville, restaurants et bars ouvrent toujours aussi tard, aucun barrage de police ou de gendarmerie n’est dressé sur les principales artères, malgré l’État d’urgence décrété le 12 janvier. « Un état d’urgence à la malienne, s’en amuse Ibrahima Cissé, jeune juriste. On compte sur le ciel pour nous protéger. » N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

Pourtant, le 13 janvier, un « suspect » a été interpellé – en toute discrétion – par les forces de sécurité dans un quartier populaire de la capitale malienne. Et Diabaly, où les combats se sont déplacés, le 15 janvier, ne se trouve qu’à 400 km. Les conversations en font peu de cas. Peutêtre parce que succède à l’optimisme béat des premiers jours de nouvelles craintes sur l’avenir du pays. KATI. Bien qu’un petit drapeau tricolore

jours d’union sacrée qui ont suivi les premières frappes aériennes à Konna (Centre), l’exécutif et l’armée ont de nouveau donné des signaux contradictoires. Cela se passe le 16 janvier, à la base 101 de l’armée de l’air à Bamako. Dioncounda Traoré, président de la transition, accompagné de membres de son gouvernement, des chefs d’étatmajor ouest-africains et de Christian Rouyer, ambassadeur de France au Mali, rend visite aux militaires français. « Je vous dis toute la reconnaissance et les remerciements du peuple malien », a-t-il déclaré. La visite est courte – une demiheure seulement. Mais juste ce qu’il faut pour en contrebalancer une autre, celle du capitaine Amadou Haya Sanogo, quatre jours plus tôt, à Sévaré (Centre). Le putschiste de mars 2012, accompagné du chef d’état-major général des

orne son tableau de bord, Ibrahima Cissé ne pense pas que la présence de Le capitaine Sanago veut prouver qu’il l’armée française et contrôle l’armée ; le président Traoré des troupes ouestveut montrer qu’il a des appuis. africaines suffira à régler – « d’un coup de baguette magique » – les problèmes armées, Ibrahima Dahirou Dembélé, du Mali. « L’armée française va-t-elle a lui aussi rendu une visite éclair aux remettre sur les rails le processus politroupes maliennes pour leur apporter tique ? Va-t-elle éloigner les militaires son soutien. Commentaire agacé d’un de Kati du pouvoir ? Je ne le pense pas. observateur : « On revient au stade des Chacun veut garder ses prébendes et démonstrations de force. Sanogo veut ça, ça complique tout », s’emporte-t-il. prouver qu’il a encore la mainmise sur Comment ne pas comprendre ses l’armée. Traoré veut montrer qu’il a de inquiétudes ? Passé les trois premiers puissants appuis. »

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Une guerre sans fin ? TRIBUNE

Opinio onss & éditoriiau ux

TIÉBILÉ DRAMÉ

Ex-ministre des Affaires étrangères du Mali et président du Parena

Autruche du désert

N

ERIC FEFERBERG/AFP

« ! LE PRÉSIDENT DE TRANSITION, DIONCOUNDA TRAORÉ, visitant les soldats français à l’aéroport de Bamako, le 16 janvier.

Pour comprendre le bras de fer entre les deux hommes, il faut revenir aux manifestations violentes des 8 et 9 janvier. Des milliers de personnes battent le pavé et réclament la tenue de concertations nationales, prévues de longue date mais sans cesse reportées. Dans l’entourage du président, on a revu le film de son agression, en juin 2012. Et on est convaincus que les marches sont orchestrées par Kati, QG du capitaine Sanogo. « En mettant des gens dans les rues, il pensait contraindre le président à organiser des concertations dont les conclusions le mettraient à la tête du pays », accuse un conseiller de Traoré. Il faudra l’offensive jihadiste, la frayeur d’une nouvelle déroute et l’arrivée des forces françaises pour masquer temporairement ces divergences. L’homme de la rue, lui, continue d’espérer que la France va sauver le Mali. Les sorties de plus en plus agacées de Christian Rouyer sur la nécessité de rétablir l’ordre y contribuent grandement. « Le front des agitateurs et autres ennemis au Sud est averti : l’armée française n’est pas venue pour amuser la galerie et aucune autre manifestation ne devra être tolérée à Bamako avant la libération du Nord. », a-t-il déclaré, à Bamako le 14 janvier. À bon entendeur… ● MALIKA GROGA-BADA, envoyée spéciale JEUNE AFRIQUE

’an laara, an saara » (« Si nous restons passifs, nous serons anéantis »), selon Joseph Ki-Zerbo. De loin, j’aurais préféré que la mission qu’accomplissent les soldats français au Mali soit assurée par une armée africaine. Mais la mise en place d’une telle opération aurait pris un temps que la coalition jihadiste allait mettre à profit pour s’emparer de la base militaire de Sévaré, dotée d’un aéroport, et de la ville de Mopti. Les conséquences psychologiques et politiques d’une telle déroute auraient été désastreuses. La prompte intervention de l’armée française a empêché le Mali de plonger dans le chaos qu’aurait entraîné le renversement programmé du président de transition, Dioncounda Traoré, par une coalition hétéroclite de partis populistes et d’organisations extrémistes. La simultanéité de l’agression terroriste et des activités séditieuses et déstabilisatrices à Bamako laisse perplexe. Disons-le haut et fort, l’intervention française au Mali n’est pas une guerre coloniale. Elle n’est pas non plus une guerre néocoloniale dans la pure tradition de la Françafrique. C’est une guerre juste visant à affranchir tout un peuple opprimé et humilié, et à libérer les trois quarts du territoire d’un État souverain tombés sous le contrôle de groupes armés étrangers qui y instaurent une dictature obscurantiste de type moyenâgeux: viols, mariages forcés, femmes « épousées » par plusieurs miliciens, amputations, lapidations jusqu’à la mort, privation des libertés, destruction du patrimoine culturel, plusieurs centaines de milliers de déplacés et de réfugiés… Tel est le sombre tableau du Mali sous occupation. Aider les Maliens, dont l’armée et l’État se sont effondrés, à rompre les chaînes de l’oppression et de la barbarie est un acte de liberté et de démocratie. Et bientôt, l’armée française sera rejointe par les armées africaines décidées à verser leur sang pour la libération du Mali. Le Mali sera alors réunifié. L’autorité et la souveraineté de l’État seront à nouveau exercées sur toute l’étendue du territoire grâce à une mobilisation sans précédent de l’Afrique et de la communauté internationale. Alors viendra l’heure de vérité pour les Maliens qui n’auront plus droit à aucune erreur, la disponibilité et la patience du monde n’étant pas sans limites. Ils devront immanquablement, sous la forme d’un dialogue national, apporter des réponses aux questions suivantes: comment s’est brisée la « vitrine » de la démocratie africaine? Pourquoi l’armée et l’État se sont-ils effondrés? Où étions-nous quand la gangrène de la corruption métastasait? Qu’avons-nous fait et dit quand le narcotrafic prenait l’État en otage? Qu’avons-nous fait pour empêcher l’installation de groupuscules jihadistes dans les montagnes de l’Adrar ? Où étions-nous quand les colonnes d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) descendaient duTimétrine et se promenaient sur les rives du lac Faguibine et dans la forêt duWagadu? Si nous ne jouons pas à l’autruche du désert, un nouveau pacte national définissant les relations entre toutes les communautés, égales en droits et en devoirs, et un nouveau pacte de refondation de la République régiront les contours d’un nouveau Mali, qui émergera de l’annus horribilis qu’a été 2012. ● N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

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Afrique subsaharienne

CENTRAFRIQUE

Bozizé Bozizé--Tiangaye L’accord conclu à Libreville le 11 janvier place le chef de l’État sous surveillance. La plupart de ses prérogatives, c’est au nouveau Premier ministre qu’elles reviennent. FRANÇOIS SOUDAN

L

e chef est nu, mais il reste le chef. À en juger par les attendus de l’« accord politique de Libreville sur la résolution de la crise politico-sécuritaire en République centrafricaine » signé le 11 janvier sous la houlette – et parfois la dictée – des présidents tchadien et congolais Déby Itno et Sassou Nguesso, le général François Bozizé est désormais, et pour les trois années à venir, un chef d’État sous tutelle. À l’image en somme de ce qu’est devenu son propre pays. Contraint de concéder l’essentiel du pouvoir exécutif à un gouvernement de transition dirigé par un Premier ministre, Nicolas Tiangaye, issu des rangs de l’opposition, réputé peu malléable et de surcroît irrévocable, le président centrafricain ne pourra pas compter sur une Assemblée nationale à sa dévotion pour bloquer ou contourner son action. En attendant des législatives anticipées, les députés sont en effet tenus de voter « en l’état » les projets de loi adoptés par le gouvernement. François Bozizé, dont l’accord du 11 janvier précise qu’il « ne peut se présenter pour un autre mandat » en 2016, est donc rentré à Bangui à bord du vieux C-130 Hercules présidentiel, délesté de la plupart de ses prérogatives et sous haute surveillance de ses pairs d’Afrique centrale, qui ont prévu un étroit mécanisme de contrôle de la « bonne foi des parties ». En échange, le chef de l’État centrafricain demeure l’hôte du Palais de la renaissance, alors que ses adversaires exigeaient son départ immédiat. Un maintien dans les lieux payé au prix fort. C’est désormais l’heure des choix pour François Bozizé. Soit il adopte une posture, nouvelle pour lui, de sage au-dessus de la mêlée, arbitre et régulateur des conflits qui ne tarderont pas à survenir dans la perspective de sa succession, tout en préparant sa sortie. Soit il compte sur le temps, l’usure et les divisions déjà apparentes entre les rebelles de la Séléka et une classe politique dont les principaux leaders se bousculent au portillon de la future élection présidentielle pour élargir sa marge de manœuvre, se réintroduire dans le jeu, et, qui sait, rebattre les cartes. Dans cette éventualité, il lui faudra, à lui comme aux autres, s’assurer ce qui en Centrafrique plus qu’ailleurs est la condition essentielle de toute survie : des moyens financiers, d’autant plus convoités qu’ils sont rares. En dehors des très faibles recettes budgétaires classiques, dont la gestion reviendra au Premier ministre, qui demain contrôlera les revenus du diamant et des contrats miniers ? Le président va sans doute exciper de l’article 8 de l’accord de Libreville, qui le fait « garant de la sécurité des personnes et des biens sur l’ensemble du territoire national », pour exiger sa part. Nul doute qu’elle lui sera âprement disputée. ●

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! LE PRÉSIDENT DANS à Bangui, le 8 janvier.

SON PALAIS


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en chiens de faïence VINCENT DUHEM

SIA KAMBOU/AFP

S

eize ans après avoir refusé le poste de Premier ministre que lui avait proposé le président Ange-Félix Patassé, Nicolas Tiangaye accède finalement à la primature. Choix unanime de l’opposition non armée, celui qui fut président de la Ligue centrafricaine des droits de l’homme (LCDH) de 1991 à 2003 a été nommé à la tête du gouvernement, conformément aux accords de paix signés le 11 janvier à Libreville (Gabon). Considéré, avec Martin Ziguélé, comme l’un des principaux leaders de l’opposition, cet ancien avocat de 55 ans, natif de Bocaranga dans le nord-ouest du pays, est réputé coriace, intègre et compétent. Franc-maçon, comme le chef de l’État François Bozizé, il appartient à la même loge que le président congolais et médiateur de la crise centrafricaine, Denis Sassou Nguesso. « Tiangaye fait partie de l’élite de Bangui. Il est très bien introduit et bénéficie d’une excellente image à l’étranger », explique Roland Marchal, spécialiste de la Centrafrique au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Titulaire d’un DESS de droit obtenu à Orléans (France) en 1981, il est rapidement devenu un des bâtonniers les plus respectés d’Afrique centrale. Tiangaye se révèle en 1986 et 1987, lors du procès de l’ex-empereur Jean-Bedel Bokassa, auquel il s’était pourtant violemment opposé quand il était encore étudiant. À l’occasion de cet événement éminemment politique et très médiatisé, le jeune avocat, qui défend « Papa Bok » en compagnie de deux ténors du barreau de Paris (Francis Szpiner et François Gibault), laisse entrevoir un vrai talent oratoire et un sens tactique aigu. « Sa consistance s’est révélée tout au long du procès », se rappelle l’envoyé spécial de Jeune Afrique. Sa plaidoirie lui vaut même les félicitations de Francis Szpiner. « Il fut le meilleur d’entre nous », confia l’avocat parisien après le procès. La légitimité et l’aura internationale qu’il en tire sont renforcées par sa participation au tout premier procès du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), en 1997. Il a alors pour client Jean-Paul Akayesu, ancien bourgmestre de Taba plus tard condamné à la prison à perpétuité, et sera à l’origine de la ● ● ● N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

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GUY-GERVAIS KITINA/Afp

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comparution en tant que témoin du général canadien Roméo Dallaire, qui tenta d’attirer l’attention de la communauté internationale sur les crimes perpétrés au Rwanda. Président de la LCDH, il plaidera ensuite dans toute la sous-région, parfois même en France, menant son combat pour les droits de l’homme avec pugnacité et courage. lll

ConCessions. Sa nomination est un signe fort des concessions que le chef de l’État est prêt à faire, tant les relations entre les deux hommes ont pu être exécrables. Tiangaye l’a pourtant défendu en 1989, obtenant même son acquittement quand François Bozizé était accusé de tentative de coup d’État contre le régime du général André Kolingba. En 2003, Nicolas Tiangaye avait intégré le Conseil national de transition (CNT) mis en place après le coup d’État, contribuant indirectement à légitimer la prise de pouvoir de Bozizé. Il présida même le Parlement de transition pendant deux ans et participa activement à la rédaction de la Constitution de 2004 (celle-là même qui introduisit une limitation du nombre de mandats présidentiels). « Les conditions étaient difficiles, mais il s’en est bien tiré », estime Roland Marchal. Ses relations avec le pouvoir, qui goûte peu son intransigeance, ont fini par se dégrader pour se cristalliser à l’occasion des scrutins législatifs de 2005 et 2011. À chaque fois, Tiangaye défie le président centrafricain dans son fief du 4e arrondissement n o 2715 • du 20 au 26 janvier 2013

p Médiateur dans la crise centrafricaine, le président congolais, denis sassou nguesso (à dr.), a reçu Nicolas Tiangaye le 15 janvier à Brazzaville.

de Bangui, s’incline, mais qualifie ses défaites de « hold-up électoral ». En 2011, c’est sous la bannière de la Convention républicaine pour le progrès social (CRPS), le parti qu’il a créé en 2008, qu’il est candidat. Rejetant les résultats, il interdit aux candidats de sa formation de se présenter au second tour et devient le porte-parole du Front pour l’annulation et la reprise des élections de 2011 (Fare 2011), fondé par Ange-Félix Patassé. L’affrontement entre Bozizé et Tiangaye est direct. Lors des pourparlers de Libreville, Tiangaye a su défendre les doléances de l’opposition démocratique, dont il a mené la délégation. Et c’est naturellement Bozizé et Tiangaye que son nom s’est dégagé pour se connaissent déjà… le poste de Premier ministre. « En acceptant, il a montré une et s’apprécient peu. grande maturité », estime Roland Marchal. D’abord parce qu’il renonce à une éventuelle candidature à la présidentielle en 2016, l’accord de Libreville interdisant au chef du gouvernement de se présenter. Ensuite parce qu’il va devoir faire face à une situation complexe : la cohabitation avec Bozizé s’annonce difficile ; la marge de manœuvre dont il bénéficiera reste une inconnue, tout comme sa capacité à contenter ceux qui, au sein du pouvoir comme au sein de la rébellion armée de la Séléka, se sentent lésés… En 2003, en quittant la LCDH, Nicolas Tiangaye déclarait avoir fait le choix de « l’action politique ». Le voilà servi. l jeune afrique


Afrique subsaharienne

TRIBUNE

Op pinions & éditoriau ux

Il faut réformer l’Union africaine!

L CHEIKH TIDIANE GADIO Ancien ministre des Affaires étrangères du Sénégal, président de l’Institut panafricain de stratégies

ARRIVÉE DE NKOSAZANA DLAMINIZUMA à la tête de la Commission de l’Union africaine (UA) traduit-elle une volonté de la première puissance du continent d’accepter enfin d’exercer son leadership en Afrique ? Si c’était le cas, ce serait une bonne nouvelle ! En effet, l’Afrique du Sud, alliée dans le cadre des Brics à quatre mastodontes, dont trois sont des États fédéraux (Inde, Brésil et Russie), a bien compris que le XXIe siècle appartenait aux global players, aux grands ensembles candidats au statut de puissance mondiale. Elle a aussi saisi l’importance de ce que Cheikh Anta Diop avait commencé à prêcher dans les années 1950 : que l’urgence est « de faire basculer l’Afrique, une bonne fois pour toutes, sur la pente de son destin fédéral » ! Parce qu’elle a connu l’apartheid et les années d’exil, puis les lourdes responsabilités de ministre de la Santé dans un pays ravagé par le sida, avant de devenir la première femme à occuper, en Afrique du Sud, les fonctions de ministre des Affaires étrangères puis de l’Intérieur, Nkosazana DlaminiZuma a un caractère bien trempé. Elle saura relever les défis qui assaillent le continent. Sa tâche toutefois sera difficile, tant la présidence de la Commission de l’UA rappelle ce champion de lutte que l’on a préparé à un combat historique, mais à qui on a pris soin, avant de le lâcher dans l’arène, d’attacher les mains dans le dos tout en lui disant bonne chance. J’ai, dans le passé, été témoin des immenses frustrations ressenties par mes aînés et amis Amara Essy, Alpha Oumar Konaré et Jean Ping.Tous ont incarné jusqu’à la caricature ce lutteur aux poings liés.

commissaires et aux autres employés, et par le droit à se séparer d’un collaborateur incapable de remplir ses tâches. Alors que 30 000 fonctionnaires sont employés par l’Union européenne, 700 personnes seulement, aux compétences parfois inégales, gèrent les problèmes d’un continent qui occupe plus de 70 % de l’agenda du Conseil de sécurité des Nations unies, à NewYork. C’est un problème. L’autre handicap majeur, c’est cette attitude qui consiste à dire qu’il faut « des solutions africaines aux problèmes africains ». Soit. Mais pourquoi se précipiter ensuite à Bruxelles pour financer « la solution africaine au problème africain » qu’est la nécessaire libération du Mali ? Nkosazana Dlamini-Zuma devra refuser de se transformer en sapeur-pompier continental, tentant d’éteindre un incendie après l’autre, courant de conflit en conflit. Pourtant de graves problèmes l’attendent : le Mali, aux prises avec le terrorisme ; l’éléphant RD Congo, toujours

Lourd boulet que celui que Dlamini-Zuma, la présidente de la Commission, a reçu en héritage.

Les chefs d’État et de gouvernement de l’UA se réuniront les 27 et 28 janvier à Addis-Abeba (Éthiopie). JEUNE AFRIQUE

En vérité, ce poste a été conçu dans un format qui mène fatalement à la paralysie. Comment peut-on avoir 54 patrons, 54 chefs d’État qui peuvent, individuellement ou collectivement, vous convoquer, vous sermonner et vous réprimander ? Comment diriger un vice-président et des commissaires qui tirent tous leur légitimité d’une élection avalisée par les chefs d’État ? La présidence Zuma doit malgré tout signer une rupture profonde, qui commencera forcément par la réforme de la Commission, par la modification du mode de recrutement de ses membres, des critères de performance opposables aux

debout et renaissant mais continuellement blessé depuis 1960 ; le Soudan démantelé en deux États, tels des frères siamois que les chirurgiens peineraient à séparer ; la Somalie, en refondation mais toujours menacée par l’hydre terroriste ; la Côte d’Ivoire, où la réconciliation est difficile mais indispensable ; la chaise injustement vide du Maroc… Voici le boulet lourd que Mme Zuma a reçu en héritage. L’ayant « pratiquée » pendant près de dix ans, j’ai espoir – mieux : j’ai confiance – en sa capacité d’innovation et de rupture. L’UA connaîtra de profondes transformations sous sa présidence. Et puisque l’adage dit qu’un problème bien posé est à moitié résolu, elle a eu raison de placer « son » premier sommet sous le signe du « panafricanisme et [de la] renaissance africaine ». Le problème de l’Afrique est de s’unir ou de périr, et c’est là un clin d’œil historique à Nkrumah, Cheikh Anta Diop, Nyerere, Mohammed V et tous les autres… Le destin fédéral de l’Afrique que l’on croyait enterré est en train de renaître. Pour le plus grand bonheur des Africains. ● N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

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Coulisses

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AFRIQUE DU SUD

Droit dans le mur Colère du gouvernement après l’annonce de 14 000 suppressions de postes par le minier Amplats.

EMBRASEMENT. En 2012, la « ceinture de platine » sud-africaine a déjà été le théâtre du plus violent conflit social depuis la fin de l’apartheid : des grèves pour obtenir des hausses de salaire et, au final, près de 50 morts, dont 34 mineurs abattus par la police le 16 août aux abords de la mine de Marikana, propriété de Lonmin, un autre groupe britannique. Dès l’annonce d’Amplats, une grève sauvage faisait craindre un nouvel embrasement. L’Union nationale des mineurs (NUM), syndicat affilié au pouvoir sudafricain de plus en plus débordé par sa base, a appelé à la mobilisation, mais aussi au respect de la légalité. Amplats dit avoir perdu 1,5 milliard de rands (17,5 millions d’euros) du fait de la contestation de l’année dernière et s’apprête à annoncer des pertes importantes pour l’année 2012 – des difficultés accentuées par la baisse de la demande de l’industrie automobile européenne. Mais pour le gouvernement sud-africain, qui affirme ne pas avoir été consulté, rien ne justifie l’attitude « cynique et dangereuse » de l’entreprise. La ministre sudafricaine des Mines, Susan Shabangu, n’a pas exclu de lui retirer ses droits miniers. ● PIERRE BOISSELET

Lire aussi « Un modèle à réinventer », p. 84. N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

! AGATHON RWASA, ancienne figure de la rébellion des FNL, en mai 2010.

ROBERTO SCHMIDT/AFP

V

oilà qui ne va pas faire les affaires de Jacob Zuma. À peine le président sud-africain avait-il annoncé une réforme de la taxation du secteur minier censée financer la réduction des inégalités, le 13 janvier, que la société Amplats amorçait un désengagement. Le principal producteur mondial de platine, filiale du géant britannique Anglo American, a fait savoir, le 15 janvier, qu’il allait supprimer 14 000 postes en Afrique du Sud, soit près du quart de ses effectifs. La compagnie veut fermer quatre sites, tous situés dans la région de Rustenburg (Nord), et vendre une autre de ses mines.

BURUNDI Y A-T-IL UN PILOTE DANS L’AVION ? Qui dirige les Forces nationales de libération (FNL) ? Selon un communiqué publié le 14 janvier, le président de cette ancienne rébellion, Agathon Rwasa, a été limogé et remplacé par un inconnu, Isidore Nibizi. Cette décision a été prise par la branche armée des FNL, qui a trouvé refuge dans la province du Sud-Kivu, dans l’est de la RD Congo. Pendant ce temps, à Bujumbura, cette initiative est considérée comme nulle et non avenue par la branche des FNL qui se veut « légale » et que dirige Emmanuel Miburo – une branche qui s’est rapprochée du Congrès national pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD, le parti présidentiel). Pour les amis de Miburo, il y a longtemps qu’Agathon Rwasa était tombé aux oubliettes. Entré en clandestinité en 2010 après s’être retiré du processus électoral, il ne communique plus que par messages vidéo et a déclaré, en début d’année, avoir renoncé à la lutte armée. ●

LIBERIA QUI NE TENTE RIEN… … n’a rien, c’est bien connu. Condamné à cinquante ans de prison pour crimes de guerre par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone, CharlesTaylor ne dirait pas non à une petite indemnité annuelle de 25000 dollars. L’ex-président libérien, emprisonné à La Haye, a écrit une lettre aux parlementaires de son pays pour le leur dire. Et si le gouvernement pouvait aussi fournir un passeport diplomatique à sa femme et à ses filles, ce serait encore mieux. SOMALIE RECONNUE Les États-Unis ont reconnu, le 17 janvier, le gouvernement de la Somalie – une première depuis plus de vingt ans. Depuis 2000, le pays a été dirigé par des autorités

de transition sans grande légitimité, mais il dispose depuis août 2012 d’un nouveau Parlement et, depuis le 10 septembre, d’un nouveau président, Hassan Cheikh Mohamoud, une figure respectée de la société civile. BÉNIN DANS LE PÉTRIN Le gouvernement veut leur peau ! Soupçonnés de « crime économique », Soulé Mana Lawani, ancien ministre de l’Économie et des Finances, et François Noudogbessi, autrefois chargé de l’Urbanisme et de l’Habitat, pourraient avoir à répondre du financement des travaux pour la construction du nouveau siège de l’Assemblée nationale. Mi-janvier, l’exécutif a officiellement saisi la Haute Cour de justice. JEUNE AFRIQUE


PARITÉ

Les femmes d’abord Elles en ont assez qu’on les appelle « monsieur le préfet » et d’être considérées comme des exceptions. Rencontre avec ces fortes têtes qui ont intégré la territoriale et qui ne laisseront personne douter de leurs compétences. CLARISSE JUOMPAN-YAKAM

E

lle a appris sa nomination sur les ondes de la CRTV, la chaîne nationale, peu après le journal de 20 heures, en même temps que tous les Camerounais. Au début, cela lui a semblé d’une extrême banalité : une promotion comme une autre, une simple prime à la persévérance. Puis, très vite, les coups de fil, le tollé médiatique et la

JEUNE AFRIQUE

ferveur des associations féminines l’ont conduite à en évaluer la charge symbolique. À 50 ans, Antoinette Nzongo-Nyambone a désormais conscience d’être entrée dans l’histoire de son pays en devenant la première femme préfet, aux côtés de 57 hommes. Une belle revanche pour cette native du département du Nyong-et-Mfoumou, installée dans ses nouvelles fonctions depuis

le 17 novembre à Bandjoun, dans le département du Koung-Khi (région de l’Ouest). Ce n’était pas gagné. En Afrique, si les femmes administrateurs civils fréquentent les mêmes écoles que les hommes, elles sont rarement promues au poste de préfet. Au Cameroun, le ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation (la voie royale pour accéder à cette fonction de commandement) leur est dans les faits quasiment interdit à la sortie de l’École nationale d’administration et de magistrature (Enam). Les hommes en ont fait leur chasse gardée, et les femmes sont priées de rejoindre les ministères ● ● ● N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

MOMOKANA POURWWW.SINOTABLES.COM

! ENTRÉE EN FONCTION D’ANTOINETTE NZONGO-NYAMBONE, à Bandjoun, dans la région de l’Ouest, au Cameroun, le 17 novembre dernier.


Afrique subsaharienne Parité " ANTOINETTE NZONGONYAMBONE est la toute première femme nommée préfet au Cameroun.

JEAN PIERRE KEPSEU POUR J.A.

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techniques. « Celles qui osaient choisir le ministère de l’Administration territoriale terminaient leur carrière dans les services centraux », assure Antoinette NzongoNyambone. À sa sortie de l’Enam, en 1989, elle sera donc affectée au service provincial des domaines du ministère de l’Habitat et du Développement urbain, où elle restera trois ans. Aujourd’hui mère de cinq enfants, elle se souvient parfaitement des circonstances de son arrivée à la territoriale. De sa rencontre, déterminante, avec le gouverneur du Littoral, qui découvre, ahuri, qu’une administratrice civile y a été nommée… « en complément d’effectifs ». Antoinette Nzongo-Nyambone deviendra sa conseillère, avant d’être promue première adjointe préfectorale d’Édéa (Littoral), puis sous-préfet de Ngoumou (Centre). Sûr donc qu’elle tient sa revanche, elle qui reconnaît avoir été frustrée de voir certains de ses anciens stagiaires nouvellement diplômés devenir ses supérieurs hiérarchiques. Elle raconte que « conscients de [ses] potentialités, ●●●

N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

ils ne se privaient pas de [la] brimer, de peur qu[’elle] ne leur fasse de l’ombre ». Forte tête, elle n’a pas hésité à poursuivre en diffamation des journaux qui avaient osé la décrire comme « une hideuse gangrène dans le corps de la préfectorale », et rêve de voir des femmes intégrer en nombre la territoriale. Bien que le S énégal ait une longueur d’avance sur le Cameroun, la première nomination de femme préfet y date seulement de 2005. Pour la pionnière, Viviane Bampassy Dos Santos, la quarantaine, ce retard tient aux préjugés. Cette toute nouvelle secrétaire générale du ministère

! LA RWANDAISE ODETTE UWAMARIYA a succédé à une de ses consœurs… Rien d’extraordinaire dans un pays très attaché à l’égalité entre les sexes.

Les réticences sont nombreuses. Dans l’imaginaire collectif, le chef, c’est forcément un homme. de la Jeunesse, de l’Emploi et de la Promotion des valeurs civiques a exercé dans deux départements réputés difficiles, Guédiawaye et Pikine (grande banlieue de Dakar). Les présidents Léopold Sédar Senghor et Abdou Diouf,

affirme-t-elle, n’ont pas pu nommer des femmes à cause de la réticence des politiques. « Le poste de préfet est par définition un poste de commandement. Et dans l’imaginaire sénégalais, le chef est forcément un homme. » Viviane Bampassy Dos Santos dit n’avoir jamais eu le sentiment d’être discriminée, ou que l’on remettait en question sa capacité à gérer l’éventuelle dangerosité de sonposte.Catholiqueévoluantdans des cités à majorité musulmane, elle a été agréablement surprise de se retrouver aux côtés d’autorités religieuses suffisamment larges d’esprit pour ne pas se formaliser de sa présence à ce poste. Elle a aussi appris à composer avec les chefs traditionnels, dont le pouvoir prime parfois sur celui de l’État. Côté anecdotes, elle s’est souvent entendu appeler « monsieur le préfet », ce qui, au début, la déstabilisait. Elle raconte que lors de séances de travail en compagnie d’hommes pétris de valeurs traditionnelles, aucun n’osait la regarder dans les yeux. Mais les propos sexistes, elle n’en a jamais entendu. Les disait-on dans JEUNE AFRIQUE


Les femmes d’abord

GUILLAUME BASSINET POUR J.A.

CYRIL NDEGEYA

son dos ? Peut-être… « Le préfet, c’est l’autorité, alors les hommes restent courtois. Quant à savoir s’ils acceptent d’être dirigés par une femme, c’est une autre histoire… » Il est vrai que le poste peut être un véritable tremplin. C’est le cas au Bénin. Aucune femme ne figure plus parmi les six préfets de département, mais Inès Aboh Houéssou (ancienne préfet des départements de l’Ouémé et du Plateau, à Porto-Novo), et Véronique Brun Hachémè (ex-préfet de l’Atlantique et du Littoral), sontdésormaisdirectricedecabinet du ministre de la Décentralisation pour la première, et directrice de cabinet du chef de l’État pour la seconde. Et peu importe si certains voient dans la nomination de Véronique Brun Hachémè une récompense politique parce qu’elle a contribué à arracher la mairie d’Abomey-Calavi à la Renaissance du Bénin (RB) au profit de la mouvance présidentielle. CONTRAINTES. Aujourd’hui,

les femmes préfets en Afrique se déclarent ravies d’avoir ouvert JEUNE AFRIQUE

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! « Les

hommes le chemin – il y a aujourd’hui au étaient Sénégal trois femmes administracourtois, teurs civils dans la territoriale: deux raconte LA préfets et une adjointe de gouverSÉNÉGALAISE VIVIANE neur (destinée elle aussi à deveBAMPASSY DOS nir un jour préfet). Les premières SANTOS. Quant femmes sénégalaises sous-préfets à savoir s’ils ont, elles, été nommées en 2010. acceptaient Comme Viviane Bampassy Dos d’être dirigés par une Santos, elles s’offusquent que cerfemme, c’est tains imaginent leur poste comme une autre étant réservé aux hommes et revenhistoire ! » diquent les mêmes contraintes : absence de liberté de déplacements et disponibilité de tous les instants, s’il faut se rendre à 2 heures du matin sur un marché en feu… Certes, En France, pour une femme, Yvette Chassagne est il est plus difficile la première femme de concilier vie profesà avoir occupé les sionnelle et vie familiale. fonctions de préfet. « Heureusement, il y a touC’était en 1981, dans le jours la gratification du travail département du Loir-etCher. Aujourd’hui, sur bienfait»,insistelaRwandaise 192 préfets, l’Hexagone Odette Uwamariya, 39 ans, compte 19 femmes gouverneure (le pendant anglo-saxon du préfet) de la province de l’Est, à Rwamagana. Mère de trois enfants, elle a succédé à une autre femme

et ne se considère pas comme une exception dans un pays qui a inscrit la parité dans sa Constitution et où 30 % des postes de décision doivent revenir aux femmes. S’il est un pays qui peut donner des leçons en la matière, c’est le Burkina Faso. Politique de décentralisation oblige, on retrouve des femmes à tous les échelons de commandement de l’administration territoriale. Elles sont gouverneures de région (3 sur 13) ou hauts-commissaires de province (7 sur 45). Le pays est bien l’un de ceux qui compte le plus grand nombre de femmes préfets, soit 75 sur 351… Elles sont présentes aussi en Côte d’Ivoire ou en Centrafrique… Beaucoup moins au Gabon, qui n’a plus aucune femme préfet depuis 1993. Même chose au Togo, où la multiplication des programmes en faveur de la parité n’a rien changé. Si le pays affichait un piètre effectif de 2 femmes préfets en 1992, il n’en compte aujourd’hui plus aucune. ● N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013


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Maghreb & Moyen-Orient

TUNISIE

Ces milices

qui vous veulent du bien

Tentatives d’intimidation, incitation à la haine, recours à la violence… La mystérieuse Ligue de protection de la révolution ne recule devant aucune extrémité pour imposer sa loi.

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JEUNE AFRIQUE


AMINE LANDOULSI/AP/SIPA

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FRIDA DAHMANI, à Tunis

L

a révolution tunisienne serait-elle fragile ou défaillante au point qu’il faille la préserver ? C’est en tout cas l’avis de la Ligue de protection de la révolution (LPR), qui juge nécessaire de la défendre contre toute tentative de phagocytose contre-révolutionnaire. Si l’objectif est noble, la manière l’est moins. Première apparition publique, premier dérapage ; à Tataouine, le 18 octobre 2012, la LPR, avec le soutien de deux partis de la troïka au pouvoir, le Congrès pour la République (CPR) et Ennahdha, conduit une JEUNE AFRIQUE

! Militants syndicaux pris à partie par des membres de la LPR, LE 4 DÉCEMBRE DERNIER, DEVANT LE SIÈGE DE

L’UGTT, À TUNIS.

« marche de l’assainissement » pour en « finir avec les ennemis du peuple et de la révolution ». Essentiellement dirigée contre le parti Nida Tounes, elle se solde par l’agression et le décès de son coordinateur local, Lotfi Nagued. Le 4 décembre 2012, c’est au tour des syndicalistes de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) d’être violemment pris à partie par des militants de la Ligue qui exigent l’épuration du syndicat. Des incidents qui conduisent le pays au bord d’une grève générale. Le 22 décembre, la Ligue empêche la tenue d’un meeting de Nida Tounes à Djerba. Le déferlement de fureur est tel que les forces de l’ordre doivent intervenir pour évacuer les lieux. N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013


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Maghreb Moyen-Orient La Ligue, qui s’est baptisée « l’âme de la révolution », orchestre et exécute un crescendo de violences politiques également dirigées contre la société civile. Elle a ainsi menacé de rétorsions l’Association tunisienne de soutien des minorités pour avoir commémoré, le 29 décembre 2012, la déportation des Juifs tunisiens durant la Seconde Guerre mondiale, tout comme elle a tenté d’intimider les journalistes du site Nawaat quand il a révélé l’implication de deux de ses membres dans une sombre affaire de trafic d’armes et de projet d’assassinat de personnalités. Pour protester contre les médias, qu’elle juge incompétents et corrompus, ellen’apashésitéàdéversersurlaplagedeBoujaafar, à Sousse, des centaines d’écrans de télévision. Enfin, pour désigner ceux qu’elle estime être les meneurs de la sédition et de la contre-révolution, elle expose une affiche géante avec les portraits du chef de la communauté juive Roger Bismuth, du leader de Nida Tounes Béji Caïd Essebsi et du lobbyiste Kamel el-Taief. La Ligue prétend vouloir défendre les objectifs de la révolution, mais ses desseins obscurs et ses méthodes – intimidations, incitation à la haine, recours à la violence – ont fini par faire douter de ses intentions. Samir Rabhi, porte-parole de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, explique: « Après le 14 janvier, la LPR était une initiative citoyenne pour la protection des quartiers, des villages et des villes. Mais aujourd’hui, elle n’a plus de raison d’être. C’est une milice qui intervient d’une manière musclée pour empêcher l’ancienrégime,maisaussipromouvoirlaculturedes les meetings de partis opposés à Ennahdha. » Si rien ne corrobore cette affirmation, nombreux sont droits de l’homme. Ce programme hétéroclite, qui les membres de la Ligue à afficher leur proximité suppose de monter des dossiers à charge, prendrait avec le parti islamiste, comme le démontrent une fin avec la réalisation de tous ces objectifs. enquête menée à Gabès par Oasis FM et Internews ainsi que les déclarations de Maherzia Labidi, CHASSE AUX SORCIÈRES. Danslesfaits,laLiguese vice-présidente de l’Assemblée nationale Prix moyen des armes livre à une véritable chasse aux sorcières. Dans son collimateur: Nida Tounes, les « chicots » constituante (ANC). Ce qui est sûr, c’est à la frontière que cette nébuleuse qui agit comme une de l’ancien régime, les hommes d’affaires tuniso-libyenne officine de l’ombre est, depuis juin 2012, corrompus, les partis de l’opposition, les une association. Mais ses représentaéliteslaïques, les médiaset tous ceux qui Fusil-mitrailleur kalachnikov tions régionales et ses bureaux locaux contestent la légitimité gouvernemende fabrication russe : l’apparententàunepuissanteorganitale. Coïncidence? La Ligue est entrée sation.Rienqu’àGabès,elleaouvert véritablement en action quand, le dix antennes, bien qu’elle assure 23 octobre 2012, à l’anniversaire des Fusil-mitrailleur kalachnikov n’être financée que par les cotisaélections, l’opposition a argué que, de fabrication chinoise : tions de ses membres et des dons. le mandat de l’ANC et du gouverPrincipalement implantée dans les nement étant arrivé à échéance, ils villescôtières,elledemeureenretrait devenaient illégitimes. Jouant sur Beretta dans les régions intérieures, comme l’instabilitédupays,laLigueainvoqué entre et si elle craignait d’avoir moins de prise de multiples théories du complot pour sur les déçus du retour sur investisse« combattre ceux qui se préparaient mentrévolutionnaire.HamadiMaamer, à brûler le pays ». « Pour faire simple, Fusil automatique léger (FAL) responsable de la section de Sfax, affirme ils raisonnent comme le régime de Ben entre que la mission de la Ligue est de défendre Ali; tous ceux qui ne sont pas avec eux sont les acquis de la révolution, poursuivre l’éveil forcément contre eux. Ils veulent établir leur et révolutionnaire,protégerl’identitéarabo-musuldictature en usant de la révolution », s’écrie un mane, dénoncer la corruption et les caciques de sympathisant du Front populaire, à Médenine.

1 400 euros

1 150 euros

2 000 3 000 euros

700 1 000 euros

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NICOLAS FAUQUÉ/WWW.IMAGESDETUNISIE.COM

Maghreb Moyen-Orient

La Ligue n’est pourtant ni terroriste ni réellement militante. Avec ses gros bras, elle a un pouvoir de nuisance certain. Mais elle est dénuée d’une réflexion intellectuelle et se cantonne à un registre populisteens’érigeantengendarmedelarévolution. Pour l’islamologue Abdelmajid Charfi, « les LPR sont sans rapport avec la révolution. Ce sont des organisations comme il en existe dans les régimes totalitaires qui vont au-delà des institutions de l’État avec pour objectif de changer la société ». DISSOLUTION ? La Ligue se targue de l’appui du

Congrès pour la République (CPR), lequel, à son tour, l’a instrumentalisée pour obtenir un soutien

! Un groupe de « GENDARMES

», le 14 janvier, sur l’avenue HabibBourguiba, à Tunis. DE LA RÉVOLUTION

populaire sur le principe d’exclusion politique qu’il veut appliquer aux proches de l’ancien régime. Mohamed Abbou, secrétaire général du CPR, a déclaré que « la LPR incarne la conscience vive de la révolution et constitue un moyen de pression sur le gouvernement pour lutter contre le retour de la dictature et ne pas dévier des vrais objectifs de la révolution ». Mais les violences perpétrées par la LPR lui ont fait admettre qu’il fallait appliquer la loi. De fait, Mohamed Maalej, président de la Ligue, n’est pas tendre avec le gouvernement. « Nous continuerons à défendre les objectifs de notre révolution, surtout que le trio qui s’est vu confier cette tâche a échoué », assène-t-il, tout en soutenant que les débordements sont le fait d’individus et non de l’association. Ce que la LPR devra prouver si elle ne veut pas être dissoute. Les nombreuses poursuites à son encontre, dont celles de l’UGTT, s’appuient sur le fait qu’en faisant usage de violence et en incitant à la haine elle contrevient au règlement des associations. Cependant, cette dissolution ne peut se faire que sur décision judiciaire après une suspension de un mois, suivie d’un avertissement. « Revendiquer la dissolution des LPR revient à réclamer la dissolution du peuple entier ! s’insurge Maalej. Nous sommes le peuple ! » Pour les observateurs, « la LPR profite de la faiblesse de l’État, contourne le droit et les institutions et se substitue à une justice transitionnelle trop lente ». Mais les juristes sont clairs. Le constitutionnaliste Kaïs Saïed considère ainsi que « la Ligue ne peut en aucun cas remplacer l’État. Elle doit être à distance de toutes les formations politiques et non pas le bras long d’un seul parti », tandis que pour Néjib Chebbi, avocat et président de la commission politique du Parti républicain, il ne fait aucun doute que « la Ligue constitue la milice d’un parti. Or aucun parti n’a le droit de constituer une milice ». Si la LPR laisse perplexe une Tunisie qui « n’avait jamais vu ça » et divise les partis, le réel danger vient de l’article 95 de l’avant-projet de Constitution. Selon les experts, il légaliserait la formation de milices armées et ferait les beaux jours d’une Ligue qui ne demande rien tant qu’à en découdre. ●

ESPIONNAGE ET DÉLATION LA PAGE FACEBOOK de la Ligue de protection de la révolution (LPR) s’adresse aux « jeunes de la révolution et à ses défenseurs » et détaille un « programme » qui relève plus des méthodes d’une officine sécuritaire que de celles d’une simple association. En voici les principaux points: – surveiller les ennemis de la révolution et leurs mouvements (anciens du parti JEUNE AFRIQUE

du Rassemblement constitutionnel démocratique – RCD –, représentants de la gauche, syndicalistes, hommes d’affaires corrompus et opportunistes); – épier ceux qui ont rejoint les ennemis de la révolution, ainsi que ceux qui sont susceptibles d’être instrumentalisés; – rendre compte des mouvements d’étrangers dans les quartiers;

– infiltrer les rangs des ennemis de la révolution pour déjouer leurs plans; – se préparer à la défense de notre identité et à la protection de notre peuple; – arrêter les destructeurs et éventer les sabotages; – compiler et archiver tout ce qui peut incriminer les ennemis de la F.D. révolution. ● N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

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Maghreb Moyen-Orient MAROC

Jeunes et célibataires… par défaut Dans une société qui s’individualise, on convole en justes noces de plus en plus tardivement. Et en attendant d’avoir les moyens de fonder une famille, garçons et filles bricolent leur sexualité.

À

«

Casablanca, il est plus facile de trouver des souliers de luxe qu’un mari acceptable », s’agace Ghita dans un battement de cils. Elle nous a donné rendez-vous dans une des rues commerçantes du Maarif, où elle a ses habitudes de serial-shoppeuse. Cadre supérieur dans une société immobilière, elle s’affiche en célibataire endurcie. « J’ai 29 ans, je gagne bien ma vie et je vis encore chez mes parents. Si un mec veut m’épouser, il a intérêt à présenter de solides arguments. » Il y a bien eu des petits copains, maislapressioncommenceàsefairesentir. « Mon père est plutôt cool, c’est ma mère qui s’inquiète », soupire Ghita. Comme elle, de nombreuses jeunes femmes assument leur célibat. Fini le temps où il fallait se marier jeune, avoir des enfants et se ranger. Plus généralement, le célibat n’est plus cette transition rapide entre l’enfance et l’entrée dans la vie adulte, puisqu’il s’allonge. D’après les statistiques compilées par le HautCommissariat au plan (HCP), l’âge moyen du premier mariage est de plus en plus tardif: 31,4 ans pour les hommes, 26,6 ans pour les femmes. Pour ces dernières, cet âge s’établissait, en moyenne, à 17,5 ans

Âge du premier mariage Année 1960

HOMMES 24,0

FEMMES 17,5

1971

25,5

19,6

1982

27,1

22,2

1994

30,0

25,8

2004

31,2

26,3

2010*

31,4

26,6

Source : recensement général de la population et de l’habitat (sauf 2010 : enquête nationale démographique à passages répétés), Haut-Commissariat au plan N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

en 1960. « Si les filles de la bourgeoisie peuvent faire la fine bouche, la réalité est tout autre dans le reste de la population », nuance Abdessamad Dialmy, sociologue, pour qui le célibat est généralement forcé, notamment pour des raisons matérielles. IMPOSSIBLE. « De plus en plus de jeunes attendent de terminer leurs études, de décrocher un emploi stable et d’avoir un logement avant d’envisager le mariage », explique le sociologue. Car le mariage reste un important marqueur de conformisme social. Si 44,1 % des jeunes âgés de 18 à 24 ans déclarent penser au mariage, selon l’enquête nationale sur les jeunes (HCP, 2011), la proportion de femmes est plus élevée (57,6 %) que celle des hommes (34,1 %). Pour les jeunes hommes, les raisonsavancéespoursouhaiterlemariage sont la stabilité et la constitution d’une famille (62,3 %), et le devoir religieux (34,1 %). « Toutes les filles que j’ai connues étaient d’accord pour s’amuser mais pas pour s’engager sérieusement », témoigne Nabil, 24 ans. Cet étudiant en première année de master revendique plusieurs expériences sexuelles, mais n’envisage pas de se marier dans l’immédiat. Comme s’il y avait d’un côté les filles à la jambe légère et de l’autre les bonnes à marier. « Pas du tout », s’amuse Lamia, 28 ans, fiancée depuis trois ans. « Le plus important est de savoir ce qu’on veut. De même que les garçons ne viennent pas au mariage sans expérience, les filles aussi ont le droit de rencontrer des garçons. » La revendication d’unlibrechoixdupartenairesembledonc partagée par les deux sexes. « Mais il y a des limites que toutes les filles connaissent », s’empresse d’ajouter Lamia, qui rougit quand on lui demande lesquelles. « Toutes les filles veulent se marier, on ne peut pas en dire autant des garçons », renchérit sa collègue Amal, mariée depuis peu. « En réalité, le célibat est le plus souvent subi pour des raisons financières et matérielles qu’idéologiques. Même

chez les garçons », rappelle Abdessamad Dialmy. On a beaucoup spéculé ces dernières années sur les causes du recul du mariage. Nombre d’opposants à la réforme du code de la famille, entrée en vigueur en 2004, incriminent la Moudawana. Leur argument, simple, est souvent repris : les dispositions plus équitables envers les femmes ont fait fuir les hommes. D’autres y voient la cause de la vogue du mariage coutumier, dit orfi, qui n’a pas de valeur légale au Maroc et crée des situations administratives difficiles, notamment pour les enfants qui sont issus de ces quasi« unions libres ». En réalité, le mariage de droit commun selon la nouvelle législation repose sur la séparation des biens. Si les JEUNE AFRIQUE


ALFREDO CALIZ/PANOS-REA

Maghreb Moyen-Orient

époux souhaitent opter pour la communauté de biens, ils doivent le stipuler dans un contrat écrit, qui reste très rare dans la pratique. « Je ne pense pas que la nouvelle Moudawana empêche en réalité le mariage », tranche Dialmy. En attendant de pouvoir se marier, les jeunes ne restent pas pour autant inactifs sexuellement. D’après le sociologue, l’âge du premier acte sexuel complet est en moyenne de 17 ans. Quand on sait que les femmes se marient en moyenne dix ans plus tard et les hommes quatorze ans, il est clair que les jeunes se débrouillent autrement. Il y a la prostitution bien sûr, qui reste courante dans le pays, mais pas nécessairement accessible pour les plus JEUNE AFRIQUE

jeunes, ni même pour les célibataires dans certaines régions rurales, où elle est un « privilège » des hommes mariés. Le plus souvent, les premières relations sexuelles se vivent en dehors du mariage et en dehors du circuit marchand. Reste l’amour librement consenti, ce que le sociologue appelle pudiquement « l’alternative érotico-amoureuse ». GARÇONNIÈRE. Si l’on s’intéresse aux

conditions dans lesquelles les jeunes vivent leurs amours, une contrainte revient constamment : le « local ». Appelé également pritch, c’est, à l’origine, la garçonnière, lieu de rencontre pour célibataires ou hommes mariés

entretenant une relation extraconjugale. Le pritch manque le plus souvent aux jeunes pour se rencontrer dans l’intimité. Abdessamad Dialmy avait soulevé la question très tôt dans un ouvrage qui fait figure de classique (Logement, sexualité et islam, Eddif, 1995). Elle reste d’actualité. Selon le HCP, 92,8 % des hommes de 18 à 24 ans et 68,7 % des femmes du même âge vivent chez leurs parents. Sauf dans l’éventualité de l’absence des parents, les jeunes doivent donc bricoler des relations sexuelles là où ils le peuvent : dans des salles de cinéma, chez des amis, dans des espaces publics à l’abri des regards (bois, parkings, etc.). Cette absence d’intimité est doublée du risque que fait ! Si le célibat peser la loi sur ceux des femmes qui se feraient surest souvent prendre. L’article 490 une affaire de du code pénal punit choix dans les milieux aisés, de un mois à un an de IL EST PLUTÔT prison ferme les relaFORCÉ CHEZ LES tions sexuelles hors PLUS MODESTES. mariage et, dès la nuit tombée, certains policiers n’hésitent pas à menacer les amoureux d’un petit tour en estafette. Perspective qui ajoute l’humiliation au sentiment d’injustice. Ce qui fait dire au politologue Omar Saghi que clandestinité sexuelle et clandestinité politique vont de pair : « Ceux qui, à 16 ans, ont dû supplier un quelconque flic de ne pas les emmener au poste parce qu’ils se tenaient par la main et parce qu’en la matière la famille allait être aussi répressive, aussi brutale que l’État policier, se forment à la vie mutilée des dictatures. » L’Association marocaine des droits humains (AMDH) a d’ailleurs appelé en juillet 2012 à abroger l’article 490, « qui traduit l’hypocrisie du système juridique marocain vis-à-vis de la liberté sexuelle ». Pour la présidente de l’AMDH, Khadija Ryadi, « nous savons tous que les relations sexuelles en dehors du mariage sont courantes au Maroc. Le fait que tout cela soit caché favorise les abus et les atteintes aux libertés individuelles ». Abdessamad Dialmy élabore d’ailleurs une théorie de la transition sexuelle : « Après une période où les normes et les pratiques sexuelles étaient prisonnières de l’islam, le Maroc est aujourd’hui entré dans une deuxième phase, où les normes restent religieuses mais les comportements se sécularisent. » Le changement, c’est pour bientôt ? ● YOUSSEF AÏT AKDIM N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

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! CHAMBRE FROIDE AU KIBBOUTZ DE MIZRA, l’un des vingt-six élevages de porcs du pays. ISRAËL

Pas très casher

Si la stricte orthodoxie religieuse semble séduire une partie croissante de la population, bon nombre de citoyens manifestent peu d’empressement à suivre les commandements divins.

D

eux cent quarante-huit « tu feras », trois cent soixante-cinq « tu ne feras pas » : bien sage le croyant qui saura respecter chacun des six cent treize mitzvot, ou commandements, de la tradition juive. Certains sont bien connus, « ne pas manger d’animaux non casher », d’autres plus obscurs, « le maître ne peut vendre sa servante », et beaucoup semblent assez archaïques, comme la prescription de « briser la nuque d’une génisse dans la rivière d’une vallée suite à un meurtre non résolu ». En Israël, où la stricte orthodoxie séduit un nombre croissant de la population, les mitzvot ordonnent la vie des rigoristes haredim (les « craignant-Dieu »), de l’intimité familiale jusqu’au scandale diplomatique, quand le ministre de la Santé, Yaakov Litzman, refusa, en mai 2012, de serrer la main de son homologue belge : c’est une femme et la loi divine lui interdit de la toucher… Mais les zélateurs de Yahvé ne sont pas les seuls à fouler la Terre promise et bien des entorses aux mitzvot s’y produisent à chaque instant. On croirait ainsi l’État juif exempt de toute présence porcine, le suidé étant aussi insupportable aux disciples de Moïse qu’à ceux de Mohammed. Que N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

nenni! Une loi de 1962 l’avait bien banni du territoire, mais une faille légale a permis la poursuite de son élevage dans le nord peuplé de chrétiens. L’industrie a prospéré et la chaîne de supermarchés Tiv Ta’am vend à nombre de clients juifs les côtelettes et le lard produits dans vingt-six exploitations, dont le kibboutz de Mizra. Premiers amateurs, les Juifs de Russie, venus par dizaines de milliers dans les années 1990 et qui ont conservé les traditions culinaires peucasherdeleurterred’origine,lecochon mais aussi le caviar, également prohibé. CONVERSIONS. Et Tiv Ta’am pousse la

transgression jusqu’à proposer ses viandes impies le jour du sabbat où, par décret divin, toute activité est proscrite. Malgré les recours répétés en justice et les tournées policières pour amender les contrevenants, de nombreux épiciers persistent à ouvrir durant ce jour sacré dans les villes les plus laïques du pays. Car si Jérusalem la conservatrice semble le samedi goûter un repos immobile, Tel-Aviv la libertaire trépide. En février 2012, sa municipalité s’est attiré les foudres des religieux quand elle a formulé le projet de faire rouler des bus municipaux le jour du sabbat : Israël « est un État juif, ce qui implique que les

transports en commun ne fonctionnent pas à sabbat », a fulminé le grand rabbin de la ville. On n’oserait dénombrer les atteintes aux mitzvot perpétrées dans cette Mecque méditerranéenne de la fête, sacrée meilleure destination gay en 2011. Des déviances qui suscitent moins l’ire desorthodoxesquecellesquis’attaquentau fondement même de l’alliance entre Yahvé etsonpeupleetmenacentsaperpétuation. En juin 2012, le quotidien Haaretz publie une longue enquête sur les parents qui, en nombre croissant, refusent la circoncision de leurs fils. Non croyants, répugnant à imposer ce qu’ils considèrent comme un acte de défiguration corporelle ou refusant d’infliger cette souffrance aux nouveaunés, ils s’abstiennent de pratiquer ce que le ministère de la Santé précise considérer «noncommeuneinterventionchirurgicale mais comme un acte religieux en Israël ». Plus problématique encore pour l’avenir de la judaïté en Israël, des bataillons de missionnaires chrétiens et musulmans mènent en Terre sainte des offensives prosélytes tout à fait légales. Selon le ministère de la Justice, quatre cents à cinq cents Juifs se convertiraient chaque année, pour la plupart vers le christianisme. Une apostasie dont certains font un geste politique, à l’image du Dr Uri Davis, fondateur du Mouvement contre l’apartheid israélien en Palestine, qui, en désaccord profond avec la politique de l’État hébreu, a embrassé l’islam avant d’épouser une militante du Fatah palestinien: l’itinéraire d’un traître pour la droite israélienne… ● LAURENT DE SAINT PÉRIER JEUNE AFRIQUE

ODED BALILTY/AP/SIPA

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Maghreb Moyen-Orient

OPINION

Les illusions perdues du Printemps arabe

Opinionss & éditoriauxx

DR

L FRANK NOUMA Journaliste indépendant

E 17 DÉCEMBRE 2010, un jeune Tunisien, Mohamed Bouazizi, s’immolait par le feu, donnant ainsi naissance à la révolution du jasmin, puis au Printemps arabe. Certes, le monde démocratique avait toutes les raisons de se réjouir de ces révoltes. Ben Ali en Tunisie, Moubarak en Égypte, Kaddafi en Libye, trois dictateurs dont la chute permettait donc, pensa l’Occident, la libération aussi inattendue qu’inespérée de peuples opprimés depuis de longues années. Mais force est de constater, si l’on dresse un premier bilan objectif, que c’est plutôt un hiver islamiste qui se profile à l’horizon. En Libye, les milices surarmées, anarchiques et hors de contrôle prolifèrent. En Égypte, les Frères musulmans sont sur le point d’instaurer une dictature religieuse. Enfin, en Tunisie, le fondamentalisme islamiste est en train de s’installer au cœur de la société. Ce sont en effet les partis intégristes qui règnent désormais en maîtres, avec la probable inscription dans les futures Constitutions de la charia, cette rétrograde et obscurantiste loi islamique où le statut des femmes mais également ceux des homosexuels, des laïcs, des juifs et des chrétiens subissent un effroyable bond en arrière. C’est précisément l’un des enjeux du référendum que le président égyptien Mohamed Morsi, soutenu par les Frères musulmans, a soumis à son peuple, qui a favorablement répondu à cet appel identitaire. Car, il faut bien le reconnaître, il n’y a pas plus de démocratie en Égypte aujourd’hui que sous l’ère Moubarak. Au contraire, une nouvelle dictature théocratique est en train de se substituer à la dictature politique de l’ancien régime, avec une dérive autoritaire encore plus affirmée que la précédente. Elle dénie toute liberté de pensée, de parole, de culte autre que l’islam, et opprime les consciences en ce qu’elles ont de plus intime et « sacré ». Qu’il suffise, pour s’en convaincre, d’interroger les différentes minorités chrétiennes, dont les Coptes, qui furent pourtant jadis un des piliers culturels de l’Égypte. Les sociétés égyptienne, libyenne et même la société tunisienne sont en train de régresser de manière significative sur le plan des libertés individuelles. C’est une involution plus qu’une évolution, où toute référence à la laïcité, condition sine qua non de toute véritable démocratie, est bannie de la nouvelle loi. Dans ces conditions, le grand critère de la démocratie – un régime politique dans lequel seul le

peuple est souverain –, s’il est nécessaire, s’est révélé insuffisant. Certes, cette ultime définition est proche du sens étymologique du mot « démocratie » (pouvoir du peuple). Seulement voilà, ce qui pouvait apparaître au départ comme un bien précieux, sinon une vertu, peut aussi se transformer, in fine, en une autre tyrannie: la dictature des masses. Surtout lorsque ces dernières s’expriment au détriment de la liberté des individus. C’est le danger qui guette aujourd’hui, par-delà leurs indéniables mérites, les révolutions arabes, fussent-elles parées du beau nom – malheureusement galvaudé – de « démocratie ». Car c’est une étrange idée de la démocratie que se font ces nouveaux émirs de Tunis, de Tripoli ou du Caire: un système qui, contrairement à ce que préconisa Montesquieu dans De l’esprit des lois, ne connaît pas la séparation des pouvoirs en trois instances distinctes et indépendantes. C’est dire qu’il ne saurait y avoir de démocratie, à moins d’en donner une définition tronquée, là où il n’y a pas de séparation entre les pouvoirs législatif (le Parlement), exécutif (le gouvernement) et judiciaire (la justice). C’est cette évidence que bon nombre de nos responsables politiques, nos intellectuels, ainsi que nos médias semblent ignorer

Une dictature théocratique est en train de se substituer à l’ex-dictature politique.

JEUNE AFRIQUE

lorsqu’ils qualifient de « démocratique » ce largement surévalué Printemps arabe. Sauf à limiter la démocratie au seul comptage des bulletins de vote et à en sacrifier l’esprit humaniste et universaliste. D’où cette question, si l’on veut véritablement aider, sans leurre ni hypocrisie, sans fausses promesses ni faux espoirs, les jeunes générations à emprunter, en ces terres tourmentées, le difficile chemin de la vraie liberté: qu’ont donc de si « démocratiques », à moins d’infirmer notre propre vision de la démocratie, ces prétendues révolutions arabes, lesquelles ne sont tout au plus que des révoltes populaires? Il est des avenirs prétendument radieux qui se révèlent parfois, faute de clairvoyance tout autant que de résistance, d’interminables et tragiques cauchemars. ● N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

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Maghreb Moyen-Orient

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ALGÉRIE

L’indécryptable Hamza Bendelladj

Soupçonné par le FBI d’avoir dérobé plusieurs millions de dollars à quelque 217 banques et établissements américains, le jeune pirate informatique, arrêté à Bangkok, ne laisse d’intriguer.

PORNCHAI KITTIWONGSAKUL/AFP

! ESCORTÉ PAR DES POLICIERS THAÏLANDAIS lors d’une conférence de presse, le 7 janvier. Ci-dessous, les faux papiers qu’il s’était procurés.

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éniedel’informatiqueetescroc de haut vol ou pirate de pacotille doublé d’un fanfaron ? L’Algérien Hamza Bendelladj aura, le 6 janvier, eu droit à son quart d’heure de célébrité. Menottes aux poignets, sourire aux lèvres, l’informaticien de 24 ans fait la une de la presse internationale après son arrestation par la police à l’aéroport Suvarnabhumi de Bangkok, en Thaïlande. Objet d’un mandat d’arrêt délivré par une cour de justice américaine, Hamza Bendelladj figure, selon la police thaïlandaise, dans le top 10 des personnes les plus recherchées par le FBI. Mieux, il ferait partie d’un réseau constitué des vingt plus grands cybercriminels du monde, qui auraient détourné plus de 100 millions de dollars au cours des six dernières années. Bigre ! Présenté en conférence de presse le lendemain, le jeune cracker, hilare face aux caméras et au milieu des policiers, a suscité une avalanche d’articles. Voilà pour le quart d’heure de gloire. N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

Pour les ennuis, ils sont sérieux et gros. Dans les bagages de Hamza Bendelladj, marié et père d’un enfant, les services de l’immigration thaïlandais ont découvert deux ordinateurs portables, un téléphone cellulaire, une tablette Microsoft, des disques durs et autres bidules informatiques. Bref, de quoi braquer les banques à distance. Si le matériel ne constitue pas pour l’heure des pièces à conviction – les experts du FBI attendent de « faire parler » les ordinateurs –, sa présence dans les valises du jeune homme laisse à penser que micros et autres disques sont à tout le moins de précieux outils de travail pour ce cracker présumé. Traqué depuis trois ans par le FBI, Hamza Bendelladj est soupçonné d’avoir dérobé plusieurs millions de dollars à pas moins de 217 banques et établissements américains. Réclamé par un tribunal de Géorgie, dans le sud des États-Unis, il devrait être extradé pour y être jugé. À l’origine de la notice d’arrestation, le FBI refuse de commenter la moindre information concernant le cas de ce

pirate d’origine algérienne. « Nous ne pouvons pas communiquer sur le sujet car l’affaire fait encore l’objet d’investigations », se justifie, dans les colonnes du journal The Christian Science Monitor, une porte-parole de l’antenne du Federal Bureau du Georgia Northern District. En attendant son plus que probable transfert vers les États-Unis, Hamza croupit dans une prison à Bangkok. AVEUX. Aux policiers qui avaient procédé

à son interpellation, Hamza a fait des débuts d’aveux, bien qu’il soit impossible à ce stade de savoir si le jeune fait le kéké ou s’il est réellement un pirate de génie. « Il nous a dit qu’il avait piraté plusieurs banques américaines et qu’en une seule transaction il pouvait ramasser entre 10 et 20 millions de dollars », révélera un responsable de la police thaïlandaise. Ces opérations présumées de hacking, d’intrusion et de siphonnage – des crimes passibles de plusieurs années de prison aux États-Unis – se sont déroulées entre décembre 2009 et septembre 2011.

JEUNE AFRIQUE


Coulisses

TROUBLANT. Originaire de Kouba, quar-

tier populaire sur les hauteurs d’Alger, prétendument titulaire d’une licence en informatique, polyglotte maîtrisant, semble-t-il, cinq langues, Hamza a mené la belle vie en claquant son argent sans compter, voyageant en première classe et séjournant dans des palaces de luxe aux quatre coins du monde. Une vie de millionnaire pour un jeune garçon dont la famille vit dans une misère noire ? Selon la police thaïlandaise, Hamza, né donc en 1988, aurait obtenu son diplôme d’informaticien dans une université d’Alger en 2008, c’est-à-dire à l’âge de 20 ans. Enfant très précoce ou génie, il aurait donc passé son bac à l’âge de 16 ans. Or sa famille en Algérie affirme qu’il est d’extraction modeste, que sa scolarité s’est arrêtée à la troisième et qu’il a appris l’informatique plutôt dans les cybercafés que dans les amphis. Autre élément troublant, sa notice de recherche. Après vérification sur le site officiel du Federal Bureau, le nom de Hamza Bendelladj ne figure sur aucun listing des personnes recherchées par le FBI. Comment se fait-il alors que la police thaïlandaise soutienne qu’il est l’un des dix hackers les plus recherchés par les Fédéraux ? Escroc de haut vol ou pirate de supérette, Hamza Bendelladj aura tout de même connu son quart d’heure de gloire. ● KARIM DJAAD JEUNE AFRIQUE

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LIBAN-FRANCE LIBERTÉ INTROUVABLE « La colère s’amplifie face à l’acharnement politique contre la libération de Georges Ibrahim Abdallah », s’indigne sur son site le comité de défense de ce Libanais condamné à la perpétuité en France en 1987 pour complicité dans l’assassinat des diplomates américain et israélien Charles Ray et Yakov Barsimantov, en 1982, à Paris. Emprisonné depuis vingt-huit ans et libérable dès 1999, le fondateur des Fractions armées révolutionnaires libanaises (Farl) a vu, le 10 janvier, sa huitième demande de libération agréée en appel. Mais l’arrêté d’expulsion nécessaire n’a pas été délivré par le ministère de l’Intérieur, et la justice a dû repousser au 28 janvier l’examen de sa remise en liberté initialement prévue le 14. En visite à Paris en novembre, le Premier ministre libanais, Najib Mikati, avait plaidé la cause de son compatriote, dont les partisans à Beyrouth ont manifesté leur colère devant l’ambassade de France, inscrivant sur son mur « France = pute américaine »… ●

BAHREÏN PARAPLUIE AMÉRICAIN Selon des documents transmis par le département américain de la Défense au site internet propublica.org, les États-Unis auraient continué de fournir des armes à Bahreïn après le déclenchement d’une contestation qui a fait 84 morts depuis février 2011. Munitions, hélicoptères, systèmes de communication, uniquement destinés, selon Washington, à la défense du pays, mais dont des militants des droits de l’homme redoutent qu’elles aient pu servir contre les manifestants. ÉGYPTE MORSI DÉBUSQUÉ « Le langage utilisé est profondément injurieux […]. Nous pensons que ces commentaires doivent être retirés, et qu’ils doivent l’être de manière ferme », a déclaré Victoria Nuland, porteparole du département d’État

BILAL HUSSEIN/AP/SIPA

C’est à l’aide d’un logiciel malveillant dénommé SpyEye que le cracker, qui utilise les pseudonymes BX1 ou Daniel HB, s’introduirait dans les ordinateurs des banques ou des particuliers pour récupérer les mots de passe et les codes d’identification. Une fois avoir pris le contrôle d’un compte, il serait en mesure de le vider en deux ou trois clics de souris. Dans le monde secret et opaque des pirates, où personne n’opère jamais sous son véritable nom, Hamza s’est créé une autre identité et une nationalité étrangère. Il s’est ainsi fait faire une carte internationale d’étudiant de l’université de Sutton, en Grande-Bretagne, alors qu’il n’y a jamais été admis. Ainsi qu’une autre carte (carte d’identification internationale !) sur laquelle le jeune homme, né le 3 juin 1988, s’appellerait Hamza Daniel Bendelladj et serait de citoyenneté « britannique ». Faux papiers bien entendu. Mais il semble que ces documents ainsi que la nationalité britannique ne soient pas les seuls éléments troublants.

Maghreb & Moyen-Orient

américain, à l’adresse du président égyptien Mohamed Morsi. Celui-ci, dans une interview de 2010 exhumée par l’Institut de recherche des médias du MoyenOrient (Memri) qualifie les Israéliens d’« occupants de la Palestine […], de sangsues bellicistes et de descendants de cochons et de singes ». L’Égyptien a assuré que ces propos devaient être replacés dans leur contexte, sans plus de précisions. IRAN CONTRE-ARGO Argo, long-métrage de Ben Affleck sur l’exfiltration de diplomates américains d’Iran en 1979, n’a pas autant plu aux autorités iraniennes qu’au jury des Golden Globes qui vient de lui décerner deux distinctions. Pour rétablir sa vérité historique, le régime de Téhéran a décidé de confier à Ataollah Salmanian la réalisation d’un long-métrage sur le même sujet, Setad Moshtarak (« Les chefs d’état-major », en farsi). N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013


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Europe, Amériques, Asie

On ne badine FRANCE pas avec…

le mariage Promesse du candidat François Hollande, le projet de loi autorisant les homosexuels à convoler devrait être sans coup férir adopté par le Parlement. Il n’en suscite pas moins des controverses passionnées. tous » ont mobilisé entre 340000 et 800000 manifestants. Des deux côtés, les slogans-chocs ont fleuri: « Liz Taylor a eu sept maris, moi j’en veux étaitunepromesseélectorale juste un », d’un côté. « Un père, une mère, c’est phare de François Hollande. C’est devenu une cocotteélémentaire », de l’autre. minutedontlessifflementsse Depuis 1999, les couples homosexuels français peuvent officialiser leur union grâce au pacte civil font de plus en plus stridents. La légalisation du mariage de solidarité (pacs), mais ne peuvent se marier et de l’adoption pour les homosexuels divise la civilement. Le projet de loi préparé par Christiane Taubira, la ministre de la Justice, et Dominique France en deux. Selon un sondage CSA/RTL des Bertinotti, sa collègue de la Famille, leur ouvre 8-9 janvier, 52 % des Français y sont favorables et ce droit. Il prévoit notamment d’insérer dans le 43 % opposés. Dans les médias ou code civil un article supplémentaire (le les partis politiques, au 143): « Le mariage est contracté par En Parlementcommedans deux personnes de sexe différent Afrique les foyers, « pro » et ou de même sexe… » Du coup, les L’Afrique du Sud est le seul pays du « anti » s’opposent, termes « femme », « homme », continent à avoir autorisé le mariage gay. parfois raisonnable« père » et « mère » dispaL’homosexualité n’est légale que dans une ment, parfois beauraissent parfois au dizaine de pays (Côte d’Ivoire, Burkina, Mali, Niger, Tchad, Centrafrique, Congo, RD Congo, coup moins. « Si le profit d’« époux » et Gabon). Dans cinq autres (Soudan, Soudan du Sud, tabou immémorial « parents ». Le texte Somalie, Mauritanie, Nigeria), du mariage homosexuel autorise également elle est passible de la peine vient à sauter, estime par les couples homode mort. Et dans neuf exemple François Lebel, maire UMP sexuels mariés à adopter autres (Éthiopie, Libye, (Union pour un mouvement populaire) des enfants. Le volet sur la Ouganda, Kenya, du 8e arrondissement de Paris, comment procréation médicalement Tanzanie, Malawi, s’opposer demain à la polygamie, principe assistée (PMA), qui y figurait Zambie, Ghana, Sierra Leone), d’une qui n’est tabou que dans la civilisation occiau départ, a en revanche été peine de réclusion dentale ? Pourquoi l’âge légal des mariés suppriméenraisondesfortesrétiégale ou serait-il maintenu? Et pourquoi interdire plus cences qu’il a suscitées, y compris supérieure à avant les mariages consanguins, la pédophilie au Parti socialiste. dix ans. ou l’inceste, qui sont encore monnaie courante dans le monde? » DIFFÉRENTS. Diverses personnalités La bataille a lieu aussi dans la rue. Le ont pris position dans le débat. C’est le cas de 16 décembre, une « manifestation pour l’égalité » l’ancien footballeur Lilian Thuram, qui préside a rassemblé entre 60 000 et 150 000 personnes. aujourd’huilaFondationLilianThuram-Éducation contre le racisme. « Je suis français, antillais et Le 13 janvier, les opposants au « mariage pour HABY NIAKATE

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! ENTRE 340 000 ET 800 000 PERSONNES HOSTILES AU

« MARIAGE POUR TOUS » ont manifesté le 13 janvier à Paris.

JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie issu d’une société dans laquelle, pendant très longtemps, on a refusé des droits à certaines personnes parce qu’elles étaient différentes, de couleur noire, dit-il. Comment pourrais-je accepter que l’on refuse aujourd’hui des droits à des personnes parce qu’elles sont différentes, qu’elles ont une autre sexualité? » Militante associative et éditorialiste, Rokhaya Diallo place elle aussi la question du mariage homosexuelsurlemêmeplanquelaluttecontre lesdiscriminations racialesetsexistes.«Jeconsidère que la sexualité des homosexuels n’est pas inférieure à celle des hétérosexuels. Et qu’il n’y a donc aucune raison que le droit instaure une hiérarchie en permettant à certains de se marier et à d’autres non », explique-t-elle.

ARLETA CHOJNACKA/CIT’IMAGES

RÉVOLUTION. Face à ce qui s’annonce comme

OÙ LE MARIAGE GAY EST-IL AUTORISÉ ? Danemark (1989), Pays-Bas (2001), Belgique (2003), Canada et Espagne (2005), Afrique du Sud (2006), Suède et Norvège (2009), Portugal, Islande et Argentine (2010) Il l’est également dans neuf JEUNE AFRIQUE

États américains (Massachusetts, Connecticut, Iowa, Vermont, New Hampshire, NewYork, Maine, Hawaii, Washington, Washington DC et Maryland), ainsi qu’à Mexico, la capitale du Mexique. ●

une véritable révolution sociétale, un front du refus s’est constitué. Il rassemble surtout des sympathisantsetmilitantsdedroite,descroyants de toutes obédiences (chrétienne, musulmane, juive), des élus de communes rurales… Pour eux, le projet est une attaque frontale contre le modèle traditionnel de la famille, constitué d’un père et d’une mère. Ils insistent sur le rôle fondamentaldeladifférenciationdessexesdans la « bonne » éducation des enfants. Juriste spécialisée dans le droit de la famille et coauteure d’un ouvrage intitulé Mariage des personnesdemêmesexe:lacontroversejuridique, Aude Mirkovic va plus loin. « Le projet est avant tout fait pour permettre l’adoption de l’enfant du conjoint de même sexe », explique-t-elle. Elle craint une multiplication des enfants « adoptables » créés par insémination artificielle ou recours à des mères porteuses, et donc « délibérément privés d’une partie de leur filiation biologique ». Forts du succès de leur manifestation, les partisans du non, parmi lesquels divers ténors de l’UMP comme Henri Guaino, demandent l’organisation d’un référendum sur la question. Totalement exclu, leur a répondu François Hollande, quelques jours plus tard. « C’est un engagement que j’ai pris devant les Français, il doit, comme les autres, être respecté. » C’est désormais « au Parlement d’intervenir ». À partir du 29 janvier et pendant au moins deux semaines, les députés débattront du projet en séance publique. Le vote solennel est prévu pour le 12 février. Même si son adoption est plus que probable compte tenu de la majorité confortable dont dispose le PS, la bataille promet d’être rude. Un avant-goût en a été donné au sein de la commission des lois, où plus de 500 amendements ont été déposés par l’UMP. En cas d’adoption, le principal parti d’opposition a d’ores et déjà prévu de saisir le Conseil constitutionnel. ● N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

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ÉTATS-UNIS

Halte au feu!

Après la tragédie de Newtown, Barack Obama tente d’imposer un renforcement du contrôle des armes. Il est confronté à la farouche résistance des ultraconservateurs et du lobby pro-gun.

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STEVE KUCHERA/AP/SIPA

n mois après la tragédie de Newtown, qui coûta la vie à 27 personnes, dont 20 enfants, le président Obama prend le taureau par les cornes et tente d’imposer un renforcement du contrôle des armes. Garanti par le sacro-saint deuxième amendement de la Constitution, le port d’arme est aux États-Unis un véritable fléau. Meilleure vérification des antécédents judiciaires et de l’état mental des acheteurs, restrictions sur la vente des chargeurs de haute capacité, poursuites aggravées contre ceux qui tentent d’acquérir frauduleusement une arme, interdiction de la vente des armes d’assaut (comme pendant la période 1994-2004)… Telles sont quelques-unes des mesures présentées par le président, entouré pour l’occasion d’enfants venus de tout le pays. Ces propositions ambitieuses s’appuient sur deux statistiques. 1. 40 % des ventes d’armes (essentiellement entre

particuliers ou lors de gun shows, ces foires aux armes très populaires) échappent à tout contrôle. 2. Sur les 80000 Américains qui se sont vu refuser l’achat d’une arme en 2010, notamment pour avoir menti sur leur passé judiciaire, 44 seulement ont fait l’objet de poursuites pénales. ANTÉCÉDENTS. Aujourd’hui,

de guerre. Précisément le type d’arme acquise légalement par la mère d’Adam Lanza, le tueur de Newtown… Il faut dire que le camp pro-gun peut compter sur le soutien sans faille de la puissante National Rifle Association (NRA), qui compte plusieurs millions d’adhérents et dispose d’un budget de 300 millions de dollars. Une semaine après Newtown, celle-ci n’a pas hésité à demander que chaque école soit à l’avenir placée sous la protection de gardes armés. Et à mettre en ligne sur internet une vidéo accusant Obama d’hypocrisie parce qu’il s’oppose à cette mesure alors que ses deux filles sont surprotégées à la Maison Blanche.

alors que les armureries La National Rifle Association ? sont prises d’assaut par les Des millions d’adhérents et un Américains qui anticipent budget de 300 millions de dollars. l’adoption d’une législation plus restrictive, il n’a jamais AFFAIRE PERSONNELLE. Les Américains été aussi facile de se procurer une arme. Selon la loi fédérale, l’acheteur doit faire restent très divisés. Selon un sondage réalisé après Newtown, 49 % d’entre l’objet d’une simple vérification de ses eux seraient favorables à un contrôle antécédents. La délivrance d’un peraccru, alors que les pro-gun seraient mis de port d’arme n’est pas nécessaire. Quelques États l’exigent, mais ils sont très environ 42 %. Mais il n’est pas exclu peu nombreux: quatre sur cinquante. Pis, que l’influence de la NRA soit surestimée. En 1994, la victoire législative seuls six États, dont ceux de New York des républicains a longtemps été anaet de Californie, interdisent la vente de lysée comme la conséquence directe de fusils d’assaut assimilables à une arme l’interdiction des armes d’assaut. Est-ce si sûr ? Après tout, la NRA n’a pas été capable d’empêcher la double élection d’Obama… De nouveaux acteurs sont entrés en piste, comme Michael Bloomberg, le maire de New York, aujourd’hui indépendant après avoir été tour à tour démocrate, puis républicain, qui a fait du gun control une affaire personnelle. Selon certains, le drame de Newtown fournit une occasion unique de renforcer le contrôle. Dominé par les républicains, le Sénat de New York vient d’adopter des mesures en ce sens. Au niveau fédéral, ce sera une autre paire de manches. Le chef de l’exécutif pourrait réussir à imposer la mise en œuvre de certaines des mesures proposées. Mais l’interdiction des armes d’assaut devra recevoir l’aval du Congrès. Or la majorité républicaine à la Chambre des représentants y est farouchement hostile. Déjà empoisonnés par les négociations budgétaires, les débats entre les deux partis s’annoncent – si l’on peut dire ! – explosifs. ● ! FUSIL D’ASSAUT DE TYPE DPMS ORACLE EN VENTE LIBRE DANS UNE ARMURERIE

de Duluth, dans la région des Grands Lacs, le 20 décembre. N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

JEAN-ÉRIC BOULIN, à New York JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie CHINE

Fronde dans les rédactions

VINCENT YU/AP/SIPA

Premier test de la volonté réformatrice du nouveau secrétaire général du Parti communiste : la grève des journalistes exaspérés par la censure.

! ALTERCATION ENTRE GRÉVISTES ET POLICIERS à Guangzhou (Canton), dans la province méridionale du Guangdong.

L

e coup de ciseau a été trop brutal! Tuo Zhen, le chef du bureau de la propagande du Guangdong, une province du sud de la Chine, a modifié sans scrupule le traditionnel éditorial du nouvel an de l’hebdomadaire Nanfang Zhoumo, provoquant l’ire des journalistes et la colère de nombreux intellectuels. Initialement intitulé « Rêve d’un gouvernement constitutionnel », l’article évoquait l’espoir d’un changement en Chine au cours de l’année qui commence. Et formait le vœu que la Constitution soit enfin véritablement appliquée. Hélas, en lisant les mots « changement » et « liberté », le censeur en chef a vu rouge. Quelques heures plus tard, le texte original a été remplacé par une mièvre apologie du « socialisme à la chinoise ». Très vite, les journalistes ont découvert le pot aux roses et publié sur internet le texte original avant de se mettre en grève et de manifester dans les rues de Canton.

JEUNE AFRIQUE

faussement ingénues, a pris fait et cause pour le journal. Sur son blog suivi par 31 millions de fans, elle s’emporte contre la censure et cite Alexandre Soljenitsyne, l’auteur de L’Archipel du Goulag ! Quant à Han Han, blogueur fameux et pilote de course à ses heures, il s’est lui aussi fendu d’un texte au vitriol contre la propagande d’État. Résultat, la blogosphère chinoise ne parle plus que de ça. C’est le premier scandale politique de 2013. Cette explosion de colère est sans précédent, mais elle n’est guère surprenante quand on connaît le degré de servitude des médias chinois. Chaque organe de presse, chaque chaîne de télévision et de radio a en effet ses censeurs qui veillent au respect scrupuleux des directives du Parti communiste. La machine est impeccablement huilée. Ainsi, à CCTV, la grande chaîne de télévision nationale, les journalistes découvrent chaque matin en arrivant au bureau la liste des sujets à traiter – ou à ne traiter sous aucun prétexte ! Les articles sont lus et relus par des bataillons de rédacteurs en chef, avant de passer à la moulinette d’une impitoyable censure. Dans ce contexte, il a suffi de l’excès de zèle d’un obscur préposé pour que l’exaspération des journalistes éclate. NOUVEAU STYLE. Le gouvernement est

resté étrangement muet sur cette affaire, tout en négociant discrètement une sortie de crise. Il semble que le Nanfang Zhoumo bénéficiera à l’avenir d’une relative liberté de ton. Ce compromis est-il le signe que le nouveau pouvoir est résolu à se montrer plus conciliant ? « Xi Jinping tente d’imposer un nouveau style à la tête de l’État, explique le professeur Zhu Lijia, de l’Académie chinoise de

Un mouvement exceptionnel soutenu par plusieurs journaux, dont le célèbre Caixin, qui tire à boulets rouges sur cette « censure infamante et déshonorante ». Le rédacteur en chef du magazine cantonais Nanfang Renwu Zhoukan a même lancé une pétition sur internet. « Tuo Zhen, écrit-il, contrôle les médias de façon simpliste et brutale, sans recherche ni étude. Il En lisant les mots impose la volonté de ses « changement » et « liberté », supérieurs hiérarchiques, méprise la dignité des le censeur en chef a vu rouge ! journalistes, et manque de respect aux médias et au public. Il sciences politiques. Il veut se donner une image de président moderne et proche a imposé son article truffé d’erreurs à du peuple. Ses premières décisions à la la place du premier édito de l’année. Je tête du Parti ont été de mettre un terme à lui demande de présenter ses excuses la langue de bois et aux excès du régime. et de démissionner. » Alors forcément, il est mal à l’aise avec cette question de la censure. Même si on STARLETTE. La fronde a vite débordé imagine difficilement le Parti accepter du cadre de la presse. Yao Chen, par une presse libre et indépendante. » ● exemple, une starlette célèbre pour ses SÉBASTIEN LE BELZIC, à Pékin interprétations sirupeuses et ses poses N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

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PARCOURS | D’ici et d’ailleurs

Aziber Seïd Algadi Être le premier Bachelier à 15 ans, unique avocat tchadien inscrit au barreau de Paris à 32. Et ce n’est que le début d’un parcours d’excellence entamé depuis N’Djamena…

L’

IMAGE EST RESTÉE INTACTE dans son esprit. Les médias de N’Djamena qui s’emballent, et dans les rues les conversations qui tournent autour de son exploit. L’écho qui finit par résonner sur l’ensemble du pays : « Aziber Seïd Algadi, 15 ans, le plus jeune bachelier duTchad. » Dix-sept ans plus tard, tout reste vif dans la tête du petit génie. Aziber conserve même dans sa gibecière un article de presse qui lui rappelle sa consécration. Le sacre d’un garçon atypique qui a plus appris à la maison que sur les bancs de l’école. Sautant des classes, il avait toujours un niveau supérieur à celui des écoliers de son âge… Avant le bac, « comme tout le monde », il rêvait de parcourir le ciel. « Devenir pilote comme papa », précise-t-il. Le rêve d’enfant restera esquisse. N’étant pas

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doué en maths, selon ses termes, il atterrit en lettres. Et c’est là que le déclic a lieu. En terminale, il se distingue en philosophie et s’oriente alors « naturellement » vers le droit. L’aboutissement aura lieu en France: Il est aujourd’hui le tout premier Tchadien à être admis au barreau de Paris. Il a prêté serment le 17 janvier grâce à une mesure d’exception. Non sans difficultés. « J’ai dû me battre pour obtenir une dérogation, explique le jeune avocat. Parce qu’à ce jour il n’existe pas de convention entre le Tchad et la France pour permettre à un ressortissant tchadien de s’inscrire à un barreau de l’Hexagone, et inversement. » Né en 1981 d’un père tchadien et d’une mère française, Aziber Seïd Algadi n’a pas demandé la nationalité française à

sa majorité. Dans son Tchad natal, le jeune métis ignorait qu’une telle procédure était recommandée. « Ma mère non plus n’y avait pas pensé », commente-t-il simplement, un demi-sourire accroché au coin des lèvres. Sans rancune donc. À l’époque, la préoccupation de l’étudiant est ailleurs: terminer ses études de droit. Pour y parvenir, il n’hésite pas à traverser le Chari – fleuve qui marque la frontière entre leTchad et le Cameroun – pour intégrer, dès 1997, l’université de Ngaoundéré, puis celle deYaoundé. Avec « [ses] propres moyens », tient-il à souligner. Il n’a pas oublié. Malgré sa brillante réussite au bac et l’avantage de son jeune âge, le gouvernement tchadien avait accordé des bourses à « deux élèves dont les parents étaient proches du pouvoir ». Une injustice qui n’a pas empêché Seïd Algadi de réussir « un parcours sans faute » au pays de Paul Biya. Licence, master, DEA, les diplômes se suivent et la voie de la recherche s’ouvre. Le doctorant rejoint alorsToulouse (dans le sud de la France) pour préparer et JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie

Son seul regret? Que l’intelligentsia tchadienne soit « trop encline au business et à la politique », qu’un poste de ministre puisse mettre fin à une carrière dans la recherche. « Les Tchadiens n’ont pas souvent l’ambition de mener leurs études jusqu’au bout, avance-t-il. Il y a quelques années encore, le cursus en droit s’arrêtait à la maîtrise. » Conséquence: le pays compte ses agrégés sur les doigts d’une main. « Il faut que ça bouge! » lance-t-il. En attendant, Aziber Seïd Algadi tente d’« ouvrir les portes » en France pour les générations futures. Il veut bien être le premier avocat tchadien au barreau de Paris – « Je suis entré dans l’Histoire », glisse-t-il fièrement –, mais il refuse de rester le seul. Son prochain combat? Voir le barreau de la capitale française signer une convention internationale avec celui de N’Djamena. « Parce que la dérogation qu’ils m’ont accordée ne sera pas une brèche où tout le monde pourrait s’engouffrer », reconnaît-il. C’est pourquoi il a contacté Seybah Dagoma, jeune avocate d’affaires d’origine tchadienne, élue députée (Parti socialiste) à la 5e circonscription de Paris lors des dernières législatives françaises. Mener une bataille à deux, n’est-ce pas mieux? ●

ALLEMAGNE

Carton rouge pour l’extrême droite? Le NPD n’obtient que de médiocres scores électoraux, mais influence tous les partis néonazis. Les seize Länder souhaitent l’interdire.

A

u niveau national, il n’atteint pas même 2 % des suffrages. Pourtant, le Parti nationaldémocrate (NPD) inquiète en raison de ses prises de position antisémites, xénophobes et révisionnistes. Du coup, les seize Länder viennent de lancer contre lui une procédure d’interdiction. Après discussions au Parlement, le dernier mot reviendra à la Cour constitutionnelle, à Karlsruhe, seule habilitée à établir si les agissements du NPD sont contraires à la Constitution. « Des voix chaque jour plus nombreuses jugent inacceptable qu’un tel parti puisse avoir pignon sur rue et bénéficier de financements publics, commente le politologue Gideon Botsch. Il possède un fort pouvoir de nuisance grâce à ses liens avec divers groupuscules néonazis. » Créé en 1964, le NPD compte entre 5 000 et 6 000 adhérents et un nombre croissant de sympathisants dans l’ex-Allemagne de l’Est, gangrenée par le chômage et où les agressions racistes se multiplient. La Saxe et le Mecklembourg-Poméranie sont d’ailleurs les deux seuls Länder à compter respectivement 8 et 5 députés NPD au Parlement régional. Mais si 70 % des Allemands sont favorables à une interdiction, gouvernement

et partis sont divisés. Parce que le débat qu’elle suscitera offrira une tribune rêvée au NPD en cette année électorale. Et que le parti a lui aussi saisi les sages de Karlsruhe pour faire valoir ses droits. Et parce qu’en cas de dissolution, il menace de porter l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), à Strasbourg. MEURTRES EN SÉRIE. Il est d’ailleurs

possible que la procédure engagée tourne court, comme en 2003. À l’époque, le nombre des agents des services de renseignements infiltrés dans les structures dirigeantes était tel qu’il avait été impossible de statuer sur l’authenticité des témoignages recueillis. Cette fois, les chances d’aboutir semblent plus sérieuses. La découverte, en 2011, d’une cellule terroriste proche du NPD responsable de dix meurtres entre 2000 et 2006 (la plupart des victimesétaientd’origineturque)constitue un élément à charge capital. L’extrême droite a donc joué sa dernière carte en créant un nouveau parti, Die Rechte (« la droite »), susceptible d’accueillir les ex-NPD. « Bien sûr qu’un autre parti radical verra le jour, confirme Gideon Botsch, mais cela devrait quand même prendre un certain temps. » ● GWÉNAËLLE DEBOUTTE, à Berlin

MARTIN MEISSNER/AP/SIPA

défendre sa thèse sur l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada). C’est là son élément, et il fait même partie du comité de rédaction de l’encyclopédie de ce « vaste marché intégré ». Lequel regroupe 17 États africains qui s’engagent à améliorer le climat des affaires dans leurs territoires respectifs. « Je m’implique beaucoup dans le rapprochement entre le droit français et le droit de l’Ohada », soutient-il. Une façon, pour lui, de conserver ses liens avec le continent qui l’a vu naître et grandir. Désormais avocat d’affaires, le docteur Aziber Seïd Algadi, 32 ans, ne compte pas pour autant abandonner la craie. Intervenant à l’École régionale supérieure de la magistrature, il poursuivra ses allers et retours entre Paris et Porto-Novo (Bénin) pour enseigner le droit aux magistrats africains.

TRÉSOR KIBANGULA Photo : CAMILLE MILLERAND pour J.A. JEUNE AFRIQUE

55

! RASSEMBLEMENT SUR L’ALEXANDERPLATZ, À BERLIN, en mai 2005. N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013


Europe, Amériques, Asie Alain Giresse [le nouveau sélectionneur du Sénégal], seront en Afrique du Sud, et d’autres en studio, comme Pape Diouf [ex-présidentdel’OlympiquedeMarseille], Rigobert Song et Patrick Mboma [ex-internationaux camerounais], Gérard Gili [exsélectionneur de l’Égypte et de la Côte d’Ivoire], Kaba Diawara [ex-international guinéen] ou Lassina Diabaté [ex-international ivoirien]. Pour les matchs, il y a le même service que pour la Ligue 1, avec des statistiques, des palettes, etc. En octobre 2012, vous avez retransmis quatre matchs qualificatifs pour la CAN 2013…

! LAURENT JAOUI, responsable du football étranger sur la chaîne cryptée française. FOOTBALL

Canal+ joue l’Afrique La chaîne a acquis les droits de diffusion de toutes les compétitions organisées par la CAF jusqu’à la fin de 2015. Premier gros morceau : la CAN 2013, qui vient de s’ouvrir en Afrique du Sud.

C

anal+ refuse de révéler le coût total de l’achat des droits de diffusion des compétitions organiséesparlaConfédération africaine de football (CAF) pour la période octobre 2012-décembre 2015. Mais depuis la finalisation de l’opération, à l’automne dernier, via Sportfive, une société du groupe Lagardère, et B4 Capital, les chiffres circulent. La chaîne privée débourserait 2,7 millions d’euros pour chaque édition de la CAN (Coupe d’Afrique des nations 2013 et 2015), dont les droits étaient auparavant détenus par Orange, et 3 millions supplémentaires pour diffuser la Ligue des champions, la Coupe de la confédération, la Super Coupe ou le Championnat d’Afrique des nations. Face à la concurrence, et notamment celle de BeIn Sport, qui pourrait se positionner pour les droits 2016-2019, Canal+ aurait donc réussi un coup intéressant, à des conditions financières raisonnables. Commentaires de Laurent Jaoui, responsable du football étranger sur la chaîne cryptée.

diffusésendirectsurCanal+Sport.Pourles matchs de groupe de la dernière journée, qui se jouent le même jour à la même heure, les abonnés auront le choixentre un multiplex sur Canal+ Sport, avec le match principal en fil rouge, et une diffusion de l’autre rencontre sur Foot+. La chaîne D8 [rachetée par Canal+ et accessible par la TNT,NDLR]adiffusélematchd’ouverture,

JEUNE AFRIQUE: Quel est le dispositif mis en place par Canal+ pour la CAN 2013? LAURENT JAOUI: Tous les matchs sont

Oui, une vingtaine de journalistes et une pléiade de consultants. Parmi ces derniers, certains, comme Marcel Desailly ou

N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

VINCENT FOURNIER/J.A.

56

Oui,dontunAlgérie-Libye[2-0],quiavait très bien marché. L’acquisition des droits dufootballafricainrépondàunedemande en Afrique, bien sûr, mais aussi en France. Nous allons, cela va de soi, mettre l’accent sur les équipes francophones, mais sans négliger les autres. Allez-vous retransmettre l’ensemble des compétitions organisées par la CAF?

Oui. Nous avons d’ailleurs diffusé, en novembre, la finale de la Ligue des champions entre Al-Ahly Le Caire et l’Espérance de Tunis. Nous ne nous interdisons rien, comme par exemple de faire un sujet qui passera le dimanche soir à L’Équipe du dimanche. Nous diffuserons également des matchs qualificatifs pour la Coupe du monde 2014, dès le mois de juin. Les images qui arrivent d’Afrique sont parfois d’une qualité incertaine…

Pour laCAN sud-africaine, nous n’avons aucune inquiétude, la réalisation est assu-

Une vingtaine de journalistes et une pléiade de consultants mobilisés. et elle retransmettra également un quart de finale, une demi-finale et la finale. Ces quatre rencontres sont bien sûr visibles sur Canal. Et en plus des matchs, il y aura tous lesjoursunmagazined’uneduréecomprise entre trente et quarante-cinq minutes, et qui,outrelarediffusiondesbuts,proposera différents reportages autour de la CAN. Avez-vous mobilisé de gros moyens humains?

rée par Sportfive. Ensuite, sur d’autres compétitions, il peut y avoir des surprises, car nous n’avons pas la main sur la production. Mais nous saurons nous adapter. ● Propos recueillis par ALEXIS BILLEBAULT

Rectificatif. À la suite de l’interview de Mara Kanté « Vingt-neuf mois de prison pour rien », publiée dans Jeune Afrique no 2706 (du 18 au 24 novembre 2012), l’intéressé précise qu’il « n’a pas lancé de projectiles sur les forces de l’ordre ni proféré d’insultes » à leur encontre. JEUNE AFRIQUE


Crédit photo : Thinkstock

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Économie INTERVIEW

CAMEROUN

Eto’o Télécom veut sortir de l’ornière

Donald

« L’urgence est de libérer

N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

JEUNE AFRIQUE


AÉRIEN

Turkish Airlines fond sur l’Afrique

DÉCIDEURS

Zied Tlemçani PDG de Bitaka

PRIVATE EQUITY

De si timides fonds français

Kaberuka

59

Président de la Banque africaine de développement

notre potentiel interne »

Pour que la croissance certaine du continent profite au plus grand nombre, le banquier de l’Afrique appelle à une transformation en profondeur des structures économiques. L’occasion, aussi, de faire le bilan de 2012 et d’esquisser des pistes pour l’année qui s’ouvre.

Propos recueillis à Tunis par

MARWANE BEN YAHMED

T

ONS ABID POUR J.A.

unis, le 15 janvier. À quelques centaines de mètres de l’avenue Habib-Bourguiba, qui célébrait la veille le deuxième anniversaire de la chute de Zine el-Abidine Ben Ali, le siège temporaire de la Banque africaine de développement (BAD). Un concentré d’Afrique en plein cœur de la capitale qui abrite plus de 2 000 salariés venus de tout le continent. Son président, le Rwandais Donald Kaberuka (61 ans), qui achèvera son deuxième et dernier mandat de cinq ans en septembre 2015, nous reçoit dans son bureau du dernier étage. Détendu, il a tombé la veste et a répondu pendant plus d’une heure à nos questions. À la tête d’une institution qui est devenue le principal bailleur de fonds de l’Afrique, il est particulièrement bien placé pour décrypter les performances économiques appréciables d’un continent naguère voué à l’instabilité et à l’isolement, aujourd’hui courtisé pour ses taux de croissance supérieurs à 5 % et son potentiel. Optimiste, Donald Kaberuka n’en est pas moins réaliste. Pour aller plus haut et de manière pérenne, l’Afrique a encore bien du chemin à parcourir et des réformes à mener. Pour que la croissance soit mieux partagée, pour que l’intégration économique s’accélère et que les économies reposent enfin sur des piliers stables (agriculture, industrialisation, biens et services, secteur bancaire performant, etc.) et non plus seulement sur les seules ressources naturelles que viennent chercher Européens, Américains, Chinois, Indiens, Brésiliens ou Russes. Entretien. ●●●

JEUNE AFRIQUE

N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013


60

Entreprises marchés JEUNE AFRIQUE : En 2013, l’Afrique devrait demeurer, selon les prévisions du Fonds monétaire international (FMI), la deuxième zone de croissance dans le monde après l’Asie, avec un taux moyen de 5 %. Partagez-vous cet optimisme? DONALD KABERUKA : Effectivement, le taux ●●●

moyen devrait même être de 5,8 %. Après avoir résisté à la crise financière de 2008-2009, le continent poursuit donc sa dynamique de croissance. C’est une excellente nouvelle. Qu’est-ce qui explique ce cercle vertueux ?

Nous assistons à une combinaison de plusieurs facteurs. D’abord, les fruits des réformes économiques engagées dans les années 1980 et 1990, qui permettent aujourd’hui de pouvoir mieux résister aux chocs extérieurs. Ensuite, la demande asiatique ; mais contrairement à ce qui a pu être dit, cela ne contribue que pour 25 % à 30 % à cette situation. C’est loin d’être l’élément le plus important. Enfin, une véritable dynamique interne à l’Afrique, basée notamment sur la démographie, une meilleure organisation et l’essor des technologies de l’information et de la communication. Que manque-t-il au continent pour enfin dépasser durablement ce cap des 5 % à 6 % et mettre en place une véritable croissance inclusive, c’est-àdire qui profite à un plus grand nombre ?

Il faut ne plus confondre croissance économique et transformation de l’économie. La structure même de notre économie, malgré la bonne santé dont nous venons de parler, n’a pas foncièrement changé. Trois éléments majeurs permettraient de faire évoluer les choses : mieux partager la croissance, investir dans le capital humain et élargir nos propres marchés, qui isolément restent petits. L’intégration économique doit donc être une priorité.

Aucune révolution dans le monde n’a été suivie d’une embellie économique. Quel bilan faites-vous de cette année 2012 par rapport à 2011, marquée par le Printemps arabe et la crise ivoirienne ?

Prenons les régions une par une. L’Afrique du Nord connaît des situations contrastées. Le Maroc et l’Algérie se portent plutôt bien. Mais l’attentisme règne en Tunisie, en Égypte et en Libye. C’était attendu : aucune révolution dans le monde n’a été suivie par une embellie économique. À court terme, le coût est toujours important. En Afrique de l’Ouest, le retour de la Côte d’Ivoire comme locomotive de la sous-région, avec le Ghana et le Nigeria, est une bonne chose. L’Afrique de l’Est, elle, commence à découvrir d’importantes quantités d’hydrocarbures, même si l’exploitation n’a pas encore vraiment commencé. Cela N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

contribue cependant déjà à son dynamisme et augure de lendemains encore meilleurs. L’Afrique australe, aux économies plus ouvertes, est plus sensible aux chocs extérieurs. Ses performances sont moins bonnes que celles de l’Afrique de l’Est ou de l’Afrique de l’Ouest cette année. Mais il n’y a aucune raison de s’inquiéter. Quels sont les pays qui, selon vous, progresseront le plus en 2013 ?

Cela dépend de ce que vous entendez par progresser…

En termes de croissance, mais aussi de réformes internes, par exemple.

Pour moi, il y a quatre pays qui sont très intéressants à observer. L’Éthiopie, qui cumule croissance et début de transformation de son économie. On constate des réformes importantes, notamment celle de son agriculture, et une réelle industrialisation. C’est très impressionnant. Ensuite le Ghana, qui progresse à pas de géant pour devenir un pays à revenu intermédiaire. Cela dit, il ne fait que reprendre une place qui aurait dû être la sienne il y a déjà vingt ans, compte tenu de son potentiel et de ce qu’il était à son indépendance. Puis le Rwanda, un pays jadis pratiquement détruit et qui fait aujourd’hui partie des réussites africaines, grâce à de bonnes politiques, des réformes importantes et une utilisation judicieuse des capitaux étrangers et de l’aide au développement. Enfin, le Cap-Vert, parti de rien à l’indépendance et JEUNE AFRIQUE


Entreprises marchés traversent est somme toute logique, nous en avons déjà parlé. Mais il ne faut pas que cela dure trop longtemps… L’Union du Maghreb arabe, dont on aurait pu penser que les révolutions la relanceraient, est toujours aussi moribonde…

Et c’est plus que regrettable! De toutes les régions du continent, l’Afrique du Nord est celle ou l’intégration économique est la plus faible. Or aucun des pays que nous avons évoqués ne trouvera seul les solutions à ses problèmes.

THOMAS KOEHLER/PHOTOTHEK.NET

Quelles conséquences la crise européenne peutelle avoir pour le continent, en particulier la zone franc CFA, arrimée à l’euro ?

qui enregistre des performances remarquables, notamment au niveau du capital humain. Je pourrais en citer beaucoup d’autres, mais ces quatre-là m’impressionnent réellement. Et ceux qui vous inquiètent le plus ?

Je dirais ceux qui souffrent du syndrome hollandais, qui regorgent de ressources naturelles, minières, pétrolières ou gazières mais où les deux tiers de la population vivent toujours en dessous du seuil de pauvreté. Ce n’est tenable ni économiquement ni politiquement. Sans parler des effets négatifs sur leurs voisins. Deux ans après la chute de Zine el-Abidine Ben Ali, la Tunisie affronte d’importantes difficultés, au niveau politique comme économique. Vous observez de près cette transition, quel est votre diagnostic ?

Il faut faire preuve de patience et être pragmatique. Les véritables enjeux sont avant tout sociaux, et non religieux ou politiques comme on le dit trop souvent. La Tunisie a un besoin impératif de restaurer la confiance, celle de ses citoyens et celle des investisseurs, pour créer les emplois dont la population a besoin. Les dirigeants, qui s’installent, doivent émettre des signaux clairs en ce sens et donner la priorité à la résolution des problèmes sociaux. Êtes-vous inquiet pour l’Égypte ou la Libye ?

Non, pas vraiment. La phase que ces pays

JEUNE AFRIQUE

! UNE USINE DE CHAUSSURES EN ÉTHIOPIE. Ce pays a entrepris « une réelle industrialisation », constate Donald Kaberuka.

19

milliards d’euros C’est l’objectif global de financement de la BAD au cours de la période 2012-2014

L’Europe demeure le partenaire le plus important de l’Afrique. Donc ses difficultés ne peuvent que se répercuter sur l’ensemble des pays du continent. En ce qui concerne les pays de la zone franc CFA, la dépréciation de l’euro engendre cependant des effets bénéfiques, notamment vis-à-vis des exportations. Malgré tout, l’ensemble des effets est négatif, sur le commerce, l’investissement, les financements disponibles, etc. Malgré une image de moins en moins négative et ses promesses économiques, l’Afrique ne brille toujours pas par sa stabilité. Les crises, au Mali notamment mais aussi en RD Congo ou en Centrafrique, se multiplient…

Certes, mais il convient tout de même de préciser qu’il y a moins de crises aujourd’hui qu’il y a vingt ans, qu’elles sont également moins aiguës et plus rapidement prises en charge. Il faut également regarder les situations qui s’améliorent: si le Sahel, par exemple, nous préoccupe énormément, dans le même temps la Corne de l’Afrique, de la Somalie au Soudan du Sud, va mieux. Quand on sait d’où vient cette région, c’est énorme.

La BAD a participé aux mesures de sanction qui ont frappé le Rwanda, suspecté de soutenir les rebelles du M23 en RD Congo, prises notamment par l’Union européenne et les États-Unis. En tant qu’ancien ministre des Finances de ce pays très dépendant de l’aide internationale et dont vous citiez en exemple l’utilisation qu’il en faisait, pensez-vous réellement qu’il s’agisse de la bonne solution ?

En 2011, les approbations de la banque se sont établies à environ

La BAD agit toujours dans un cadre multilatéral qui n’obéit pas forcément aux mêmes considérations que les bailleurs bilatéraux… Mais je souhaite vivement que la coopération entre le Rwanda et les bailleurs reprenne le plus rapidement possible. Nous avons obtenu ensemble d’excellents résultats qu’il ne faut pas mettre en danger.

milliards d’euros

D’après certaines indiscrétions, il semble que vous souhaitiez faire coïncider le retour de la BAD

6,6

(+ 39,9 % par rapport à 2010)

N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

61


Entreprises marchés à Abidjan avec le 50e anniversaire de sa création, en novembre 2014. Est-ce toujours d’actualité ?

Les Ivoiriens souhaitent, à juste titre, que ce 50e anniversaire soit célébré dans leur capitale économique. Et notre feuille de route, qui devrait être votée à Marrakech lors de nos prochaines assemblées générales, prévoit un retour avant cette date. Évidemment si les conditions, de sécurité comme d’accueil, sont réunies. La bonne volonté des autorités ivoiriennes est évidente, les moyens consentis également, mais une telle opération prend du temps. Où en sont les travaux de votre siège ?

Le cahier des charges, qui comprenait notamment le désamiantage, est respecté, donc nous n’avons aucune inquiétude. Notre principale préoccupation concerne plutôt les capacités de logement, mais aussi scolaires et sanitaires, pour nos plus de 2 000 employés ou consultants. Quelle place occupe le secteur privé dans vos financements ?

Quelque 30 % des opérations de la Banque à ce jour concernent le secteur privé. Cela représente environ 2 milliards de dollars [1,5 milliard d’euros, NDLR]. Inutile de vous dire qu’il s’agit d’une véritable révolution, que nous avons été les premiers à lancer d’ailleurs parmi les banques multilatérales de développement, qui pendant longtemps ne s’adressaient qu’aux États. C’est pour nous un véritable motif de fierté. D’autant que l’effet de levier est très important, de l’ordre de 1 à 5 : les 2 milliards que nous affectons permettent au total d’en mobiliser 10 !

Par régions

Afrique de l’Ouest

24,7%

Afrique du Nord

21,9%

Multinationaux

17,8%

Afrique de l’Est

14,8%

Afrique centrale 11 %

Afrique australe 9,8%

Par secteurs

Infrastructures Multisecteur Finance Social

38,2 %

20,7%

19,4%

10,9 %

Industrie

7,1 %

Agriculture 3,5%

Environnement 0,2%

! Avec NKOSAZANA DLAMINI-ZUMA (présidente de la Commission de l’Union africaine), et CARLOS LOPES (secrétaire exécutif de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique), à AddisAbeba, le 12 janvier.

d’Inga en RD Congo, peinent toujours à voir le jour…

Ce n’est pas par manque de moyens. L’architecture de ce type de projets est extrêmement complexe, il ne s’agit pas simplement de produire de l’électricité, cela est simple, mais de prendre en compte de multiples facteurs comme l’environnement institutionnel, les problématiques de régulation, les capacités, etc. Cela prend beaucoup de temps. J’ajouterais que vous pourriez également parler des grands projets qui marchent: l’interconnexion en Afrique de l’Est [entre l’Éthiopie, le Kenya et Djibouti] mais aussi en Afrique de l’Ouest, par exemple… De plus en plus de gouvernants africains viennent aujourd’hui du secteur privé. Est-ce une bonne chose selon vous ?

Bien sûr. La gestion d’un État ne peut plus être accaparée par un petit nombre de personnes. Il faut s’ouvrir, aux dirigeants d’entreprises comme à la société civile d’ailleurs. L’important, c’est de trouver les meilleurs, tout simplement.

Que pensez-vous du large recours, par les États africains, aux subventions, sur l’essence et les denrées alimentaires notamment ?

Il s’agit de mesures économiques vraiment dommageables. Le problème n’est pas que les États déploient des filets de sécurité pour les plus démunis, car c’est capital pour nos populations. Le vrai problème consiste à multiplier des subventions qui pèsent lourdement sur les budgets de nos pays, qui sont socialement injustes et qui par ailleurs ne s’inscrivent dans aucune politique de long terme. Prenons l’exemple de l’Égypte, qui dépensait jusqu’ici 10 % de son PIB en subventions non ciblées, c’est-à-dire qui touchent tout le monde, y compris, donc, ceux qui n’en ont aucun besoin. Pourquoi subventionner les riches ? Mieux vaut

DR

Parmi vos priorités, les infrastructures, qui représentent 60 % de vos projets et dont la moitié concerne le secteur de l’énergie. Pourtant, un certain nombre d’entre eux, comme les barrages

Répartition des prêts en 2011

SOURCE : BAD

62

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JEUNE AFRIQUE


ONS ABID POUR J.A.

Entreprises marchés

élaborer, et ce n’est pas compliqué, des subventions qui s’adressent réellement à ceux pour qui c’est utile et mobiliser les importantes économies ainsi réalisées pour investir dans l’éducation, la santé, l’agriculture, la jeunesse, entre autres. Les pays qui réussissent le mieux économiquement sont généralement ceux qui respectent les principes de bonne gouvernance et de transparence. Estimez-vous que l’Afrique progresse suffisamment de ce point de vue ?

Une des conditions sine qua non d’un développement durable et partagé, ce sont des institutions fortes et transparentes. Les citoyens, qui contribuent grandement à la création de richesse par leurs impôts ou leur consommation, doivent percevoir les résultats tangibles des réformes engagées par leurs États. Cela peut intervenir, et la précision est d’importance, dans un cadre démocratique tel que défini en Occident, mais aussi ailleurs dans le monde, notamment en Asie. La difficulté est là : la bonne gouvernance ne répond pas aux seuls critères occidentaux. Voyez ce qui se passe en Corée du Sud, à Singapour, en Chine ou en Inde: il s’agit là de modèles dont nous pouvons nous inspirer, ce qui ne signifie pas pour autant les dupliquer. Les bons gouvernements ne se ressemblent pas. La BAD dégage d’importants bénéfices, de l’ordre de 500 millions de dollars par an. Que deviennent-ils ?

Malgré les soubresauts de la conjoncture internationale, la BAD est restée une banque très forte. Nous avons par exemple triplé notre capital en 2010, ce qui nous permet d’augmenter nos appuis aux États. Ces bénéfices servent à conforter nos réserves, donc nos actions. L’Afrique voit affluer les nouveaux partenaires : Chine, Inde, Russie, Brésil, Turquie, etc. Quel doit être leur rôle et quels sont les éventuels risques induits par cette nouvelle donne ?

Cette diversification est capitale. Pas seulement en termes de sources d’investissements, mais parce que tous nous apportent des sources d’inspiration, JEUNE AFRIQUE

! LORS DE L’ENTRETIEN, le 15 janvier, au siège de la BAD, à Tunis.

un savoir-faire, des échanges, de l’expérience, de la formation, qui peuvent nous être grandement utiles. Cela nous permet, je le répète, de nous inspirer auprès de plusieurs sources et non plus d’importer un modèle unique de développement, comme par le passé. Quant aux risques, j’imagine que vous pensez à l’endettement. Or sur l’ensemble des pays africains, la dette représente moins de 30 % du PIB. C’est le niveau le plus bas de l’Histoire. Seule une douzaine de pays sur 54 atteignent un niveau où il faut désormais faire preuve de prudence. Il n’y a donc aucune raison de s’alarmer. D’autant que l’endettement, s’il est utilisé à bon escient, peut se révéler utile. La BAD a également une fonction de conseil, pour aider les États à lever des fonds et à les utiliser, ou pour mieux négocier les contrats, miniers notamment. Sentez-vous une réelle demande de la part des pays africains ?

Lorsque nous avons créé la Facilité juridique africaine, dont la vocation correspond à cette mission de conseil, il y a trois ans, nous étions les pionniers. Depuis, d’autres institutions nous ont emboîté le pas. La demande est énorme et dépasse même largement nos moyens…

La bonne gouvernance ne répond pas aux seuls critères occidentaux. Vous achèverez votre dernier mandat en septembre 2015. Comment imaginez-vous votre vie après la BAD ?

J’essaie de me concentrer sur le présent, les projets que j’entends mener d’ici là. J’ai encore beaucoup de travail à fournir. Franchement, je n’ai pas encore réfléchi à cela. Je me poserai cette question plus tard. Que peut-on souhaiter à l’Afrique pour cette nouvelle année ?

Si on regarde aujourd’hui ce qui se passe un peu partout, tout le monde cherche frénétiquement la croissance. Les émergents se tournent vers leurs marchés intérieurs car les débouchés extérieurs ne sont pas légion. L’urgence, pour nous, est aussi de libérer notre potentiel interne. J’étais ce weekend [l’entretien s’est déroulé le mardi 15 janvier] à Addis-Abeba, avec la nouvelle présidente de la Commission de l’Union africaine et le secrétaire exécutif de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique. C’est la première réunion de ce type. Nous avons longuement discuté de ce sujet. Je nous souhaite donc, mais cela ne se décrète pas autour d’une table, d’y parvenir. Ce serait une vraie révolution. ● N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

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Entreprises marchés CAMEROUN

Eto’o Télécom veut sortir de l’ornière

Après une série de couacs, l’opérateur de téléphonie mobile tente d’améliorer l’image de sa marque Set’Mobile. La nomination du Français Hervé Perrin à sa tête y suffira-t-elle ?

D

epuis le 3 janvier 2013, Eto’o Télécom s’est doté d’un nouveau directeur général, Hervé Perrin, un Français passé notamment par le Ghana à travers la société Minute Transfer, spécialisée dans le rachat de temps de communication entre opérateurs. Le footballeur Samuel Eto’o a lancé la marque Set’Mobile au Cameroun en juillet 2012. Pas encore en confiance, le nouveau patron attend de mieux s’adapter à l’environnement camerounais pour donner les détails de son plan, alors que la compagnie est au pied du mur : elle doit se relancer ou disparaître. Selon des sources internes, Perrin doit corriger au plus vite les erreurs de stratégie et de management à l’origine de ce démarrage raté. La relance passe par l’amélioration de la compétitivité de l’entreprise. Bon point, elle vient de revoir les termes de son accord d’itinérance avec le français Orange, dont Eto’o Télécom loue le réseau. Il faut dire que les tarifs du nouvel arrivant (70 F CFA – 0,10 euro – la minute de communication) étaient plus élevés que ceux (60 F CFA la minute) proposés par Orange et le sud-africain MTN, qui se partagent le marché camerounaisdepuisvingtans.Idem pour le coût des appels interréseaux, à 100 F CFA la minute pour les 200000 abonnés de Set’Mobile, alors que les deux autres acteurs demandent 90 F CFA environ. Une révision qui a apporté de l’oxygène à la jeune entreprise: « Nous avons négocié une plateforme on-net, [intégration au réseau d’un autre opérateur, NDLR] qui nous permet de connecter nos abonnés à ceux d’Orange (5 millions) sans frais supplémentaires », se réjouit Georges Dooh-Collins, le directeur général adjoint d’Eto’o Télécom. Autre virage stratégique : la marque, qui proposait un tarif N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

JEAN-PIERRE KEPSEU

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fixe, offre désormais des prix plus bas aux heures creuses, entre 22 heures et minuit (0,5 F CFA la seconde) et de minuit au petit matin (0,3 F CFA la seconde). Quant à la carte SIM, elle passe de 1 000 à 500 F CFA. « Ces nouveaux tarifs ont permis de relancer les ventes et nous comptons nous implanter sur tout le territoire », assure Dooh-Collins.

! AVEC 47 NOUVEAUX PARTENAIRES, la société devrait améliorer la distribution de ses produits.

AMBIANCE DÉLÉTÈRE. Pas sûr que

l’entreprise de l’attaquant des Lions indomptables soit pour autant hors de danger. En six mois d’activité, elle a enregistré une cascade de démissions et plusieurs licenciements. Certes, l’ambiance délétère qui y a régné ne serait plus qu’un mauvais souvenir, selon Jean-Bosco Massoma, le directeur administratif et financier. Il a assuré l’intérim entre le 6 septembre 2012 et le 3 janvier 2013, à la suite du départ de Charles Guéret, le premier directeur général de la société. Mais l’image écornée de Set’Mobile doit impérativement être améliorée. Elle pourrait, par exemple, commencer par se doter d’un site internet…

Dès le départ, les tarifs de Set’Mobile étaient plus élevés que ceux de ses concurrents, Orange et MTN

Reste aussi à trouver le bon modèle de distribution de ses cartes SIM et des minutes de communication. En décembre 2012, au plus fort de la crise de management au sein de la société, cinq des huit distributeurs exclusifs des produits Set’Mobile ont arrêté la vente des cartes de recharge. « J’avais investi 40 millions de francs CFA en matériel informatique, en personnel et en véhicules, comme stipulait le contrat passé avec Eto’o Télécom », se plaint la patronne de l’une de ces entreprises de distribution. « J’ai perdu ma mise de départ et mes 70 salariés sont au chômage », s’insurge-t-elle. La réaction de l’opérateur n’a pas tardé. « Les revendeurs n’ont pas respecté le cahier des charges », déplore Massoma, qui en profite pour annoncer le renforcement de son réseau en recrutant 47 nouveaux distributeurs. Échaudés par les précédents du jeune opérateur, les nouveaux partenaires – et les abonnés – restent sur leurs gardes. Eto’o Télécom devra compter sur la stratégie de son nouveau directeur général pour regagner leur confiance. ● GEORGES DOUGUELI JEUNE AFRIQUE



Entreprises marchés AÉRIEN

Turkish Airlines fond sur l’Afrique Dopée par d’excellents résultats en 2012, la compagnie turque mène un plan d’expansion sans précédent sur le continent. Elle relie déjà 33 destinations africaines à partir d’Istanbul.

A

prèslavisiteduPremier ministre Recep Tayyip Erdogan au Gabon, au Niger et au Sénégal, du 7 au 10 janvier, la Turquie poursuit son offensive économique en Afrique. Pour capter les marchés du continent, Ankara peut s’appuyer sur l’extension impressionnante du réseau de Turkish Airlines. En une année, la compagnie aérienne, dont l’État détient 49 % du capital, a ouvert neuf lignes en Afrique. Désormais,TurkishAirlinesrelieson hub d’Istanbul à 33 villes africaines et affiche son intention d’atteindre «rapidement»lechiffrede40.«C’est du jamais vu, je ne connais aucune grande compagnie européenne ou moyen-orientale aussi rapide dans son expansion », affirme, admiratif, Cheikh Tidiane Camara, associé du cabinet de conseil aérien Ectar. CARREFOUR. « Comme les autres grandes compagnies, Turkish Airlines veut se positionner sur les marchés continentaux qui bénéficient des meilleures croissances, c’est-à-dire l’Afrique et l’Asie », poursuit-il. En 2011, ces deux zones (hors Moyen-Orient) n’ont représenté que 19,1 % du trafic passagers international de la compagnie, nettement dominé par l’Europe. Mais le transporteur estime que son hub d’Istanbul est idéalement situé, au carrefour de l’Europe, de l’Asie et de l’Afrique, pour prendre une solide position. En Afrique, il a déjà installé 30 directions nationales et y compte plus de 300 salariés. Ses revenus sur le continent, qui ont représenté 7,4 % du chiffre d’affaires sur les neuf premiers mois de 2012, ont bondi, par rapport à l’année précédente, de 59,7 %. Ses principaux rivaux en Afrique, Air France-KLM, Royal Air Maroc et même Ethiopian Airlines, qui affichent pourtant de belles ambitions, sont plus fragiles N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

économiquement. « À la différence de ses concurrents, Turkish Airlines a les moyens de financer ses ambitions et d’aller vite », affirme Cheikh Tidiane Camara. En effet, alors que les temps sont difficiles pour la plupart des compagnies, les résultats du groupe turc laissent rêveur. Sous la houlette de Temel Kotil, un ingénieur de 53 ans aux commandes depuis 2005, Turkish Airlines a augmenté de 30 % son chiffre d’affaires sur les neuf premiers mois de 2012. Il a transporté 21,9 millions de passagers, soit 20 % de plus que sur la même période en 2011. Mieux, son bénéfice net a atteint 868 millions de livres turques (375 millions d’euros), soit 8,6 fois plus que l’année précédente. Sa trésorerie substantielle, le transporteur la doit à la conjonction de plusieurs facteurs. D’abord, dans sa région, il est sans rival majeur. Avec ses 73,6 millions d’habitants, ses liens économiques avec l’Asie centrale turcophone et le pourtour méditerranéen et un tourisme florissant, la Turquie

Liaisons ouvertes en décembre 2012 Yaoundé (Cameroun) Douala (Cameroun) Niamey (Niger) Sebha (Libye)

offre à la compagnie un terreau idéal. Et même si la forte croissance du pays de ces dernières années (9,2 % en 2010, 8,5 % en 2011) s’est un peu tassée en 2012 (elle est estimée à 3 %), l’avenir s’annonce radieux pour Turkish Airlines. RUMEURS. Depuis la fin de 2012,

la presse spécialisée se fait même l’écho de rumeurs de fusion avec l’allemandLufthansa,quiopèreavec le groupe turc, depuis 1989, la compagnie low cost SunExpress, basée à Antalya, dans le sud de la Turquie. En novembre, une prise de participation croisée paraissait envisageable aux spécialistes, à l’occasion de la diminution de la part de l’État dans Turkish Airlines. En attendant cetteéventuelleopération,legroupe turc, qui ambitionne de devenir la troisième compagnie européenne (ilestseptièmeactuellement),poursuit son plan d’expansion africaine. Dans les prochains mois, il a d’ores et déjà annoncé que ses appareils se poseraient à Libreville, Luanda, N’Djamena, Juba et Asmara. ● CHRISTOPHE LE BEC

! TEMEL KOTIL, directeur général.

JERÔME FAVRE/BLOOMBERG/GETTY IMAGES

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JEUNE AFRIQUE


Coulisses

Entreprises & marchés

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TRANSPORT AÉRIEN LE CIEL MAGHRÉBIN S’ANIME

ÉGYPTE

Malgré une situation critique, le nouveau gouverneur de la Banque centrale se dit optimiste.

À

peine nommé gouverneur de la Banque centrale égyptienne, Hicham Ramez a livré sa première analyse de la situation économique. Alors que les réserves de change du pays ont chuté à 11,3 milliards d’euros (contre 26 milliards en février 2011) et que la livre égyptienne a atteint son plus bas niveau depuis 2004, ce banquier qui rassure le milieu des affaires s’est dit optimiste pour l’avenir. « Le pire est derrière nous. Nous avons connu tous les chocs possibles, nous faisons toujours face à des problèmes, mais la population se montre compréhensive, les gens sont au travail. L’Égypte est un endroit sûr », a-t-il affirmé. SPECTRE. À court terme, les

mesures adoptées pour freiner la sortie de capitaux ont protégé les réservesdechangedupays.Lamonnaie, qui avait perdu 5,1 % face au dollar en quelques jours, semble se stabiliser, repoussant quelque peu le spectre d’un effondrement de la livre égyptienne. Mais la situation n’en reste pas moins critique. Les besoins budgétaires de l’État, estimés à 10,8 milliards d’euros sur les vingt prochains mois, restent immenses. Si le prêt de 3,6 milliards d’euros du Fonds monétaire international (FMI) se fait attendre depuis deux ans, le Qatar, qui avait déjàannoncé,àlami-2012,uneaide de 1,9 milliard d’euros, a décidé en début de mois de réinjecter la même somme dans les finances publiques. Une fois la situation stabilisée,legouvernementdevralutter efficacement contre la pauvreté, qui touche la moitié des 82,5 millions d’Égyptiens. ● C.L.B. JEUNE AFRIQUE

DR

Besoin de rassurer

Ryanair a choisi le Maroc pour ouvrir ses premières bases hors d’Europe. Deux avions seront basés à Marrakech, d’où la compagnie aérienne à bas coûts desservira 22 routes dont 7 nouvelles. Un autre appareil sera, lui, à Fès, et reliera 15 destinations dont 4 sont inédites, toutes françaises. Essaouira et Rabat seront les 7e et 8e aéroports marocains visités par la compagnie. Son PDG a, par ailleurs, affirmé s’intéresser à d’autres pays d’Afrique du Nord, notamment la Tunisie. Chez cette dernière, dont le ciel n’est pas libéralisé comme au Maroc, c’est la compagnie Syphax Airlines qui mène l’offensive. Le transporteur, qui prépare son introduction à la Bourse de Tunis, a annoncé avoir signé un accord avec le constructeur européen Airbus pour l’acquisition, en 2015-2020, de dix appareils A320 (dont six de type NEO – New Engine Option), un contrat de quelque 451,4 millions d’euros. On ne connaît pas pour l’instant le détail de la structuration du financement. ●

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M

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• MINES La Gécamines souhaite construire une usine de traitement du cuivre d’un coût de 1 128 M€ • TÉLÉCOMS Orange s’est associé au moteur de recherche chinois Baidu pour créer un navigateur mobile destiné aux marchés émergents • CIMENT Les sénégalais Ciments du Sahel ont investi 250 M€ au

Bénin pour une unité d’une capacité de 2,5 Mt • ASSURANCE Le panafricain Saham Finances et le français Cegedim vont créer une coentreprise pour l’assurance santé en Afrique et au Moyen-Orient

MINES LE MOZAMBIQUE FAIT CHUTER TOM ALBANESE Poussé par le conseil d’administration de RioTinto,Tom Albanese vient d’annoncer sa démission de la direction générale du géant minier anglo-australien. Les acquisitions qu’il a pilotées, notamment au Mozambique, ont entraîné 10,5 milliards d’euros de dépréciation d’actifs. Entré dans le groupe en 1993, cet Américain de 55 ans sera remplacé par l’Australien Sam Walsh. ● TÉLÉCOMS ORANGE DÉCOUVRE DE NOUVEAUX HORIZONS Le groupe français a officialisé sa nouvelle stratégie pour saisir des opportunités sur les marchés où il n’exerce pas encore en tant

qu’opérateur à travers Orange Horizons. Premier projet : un site d’e-commerce en Afrique du Sud, qui propose terminaux et accessoires télécoms, accompagné d’un site local qui fournit des contenus conçus pour le public sud-africain. ● MINES AREVA VERSE 26,3 MILLIONS D’EUROS AU NIGER Le groupe nucléaire français s’est engagé à verser 26,3 millions d’euros au Niger à titre de compensation pour le retard pris dans le chantier de la mine d’uranium géante d’Imouraren. Un accord qui n’est pas encore signé, mais ce ne serait plus qu’une question de semaines. L’ouverture de cette mine, projet majeur du président nigérien Mahamadou Issoufou, pourrait ne pas avoir lieu avant 2017. ● N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

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Décideurs TÉLÉCOMS

Toujours d’attaque

L’ancien footballeur tunisien Zied Tlemçani s’illustre dans le monde des affaires. Sa société Bitaka, spécialisée dans les recharges téléphoniques, sera prochainement cotée à la Bourse de Tunis.

A

vec son parcours et son diplôme d’ingénieur, Zied Tlemçani colle une bonne claque aux idées reçues sur les footballeurs professionnels. À 49 ans, l’ancien joueur de l’équipe tunisienne ne s’est pas reconverti comme entraîneur ou commentateur. Son expérience comme directeur sportif à l’Espérance de Tunis ayant vite tourné court pour incompatibilité d’humeur, l’ex-attaquant a préféré entamer une carrière dans le milieu des affaires. Un terrain au moins aussi impitoyable que les surfaces de réparation portugaises et japonaises qu’il a fréquentées durant les années 1990. Si son allure trahit un caractère altier propre aux compétiteurs, Zied Tlemçani reste modeste lorsqu’on lui demande les clés de sa reconversion. Tout juste admet-il que sa carrière sportive lui a permis de compter sur un carnet d’adresses bien fourni. Persuadé du potentiel du secteur des télécoms, il a fondé en 2002 la société Bitaka, spécialisée dans la distribution de cartes téléphoniques. Pari réussi : d’ici peu, l’entreprise cotera 33 % de son capital à la Bourse de Tunis. L’occasion de poursuivre son développement sans être pénalisée par le retrait partiel du fonds espagnol Mediterrània Capital, dont la part dans l’entreprise passera de 47 % à 25 %. CONFIANCE. Après avoir débuté

son activité en fournissant des recharges classiques, Bitaka a mis au point une solution électronique permettant aux opérateurs de supprimer les traditionnelles cartes à gratter. « En 2007, Tunisiana a été le premier à nous faire confiance en lançant un test sur une cinquantaine de points de vente pendant N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

comprises entre 50 % et 100 %. L’entreprise emploie plus de 200 salariés (dont 50 % de cadres) pour un chiffre d’affaires d’environ 350 millions de dinars en 2012 (170 millions d’euros). « Étant donné le rythme de notre expansion, notre collaboration avec Mediterrània Capital a été essentielle, notamment pour améliorer le suivi de notre activité et sophistiquer notre modèle de prévisions. Mais nous devons encore nous mettre à niveau dans certains domaines comme la gestion des ressources humaines pour laquelle nous avons besoin d’un vrai DRH », reconnaît le fondateur. BORNES INTERACTIVES. Fort

ONS ABID POUR J.A.

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! FORT DE SON SUCCÈS À DOMICILE, il a étendu ses activités au Maroc et au Nigeria.

six mois. Aujourd’hui, nous fournissons 30 % de ses recharges, mais aussi 20 % de celles de Tunisie Télécom. Et depuis 2011, nous sommes également référencés par Orange », indique le patron, qui, dès le départ, a délégué les aspects techniques pour se concentrer sur la gestion de l’entreprise. Porté par un marché en plein essor, Bitaka connaît depuis 2008 des croissances annuelles

Profil

• 49 ans • Membre de l’équipe tunisienne de football de 1990 à 1998 • Fondateur de Bitaka en 2002

de son succès à domicile, Zied Tlemçani n’a pas attendu pour se lancer à l’assaut du continent. En 2010, il rachète au Maroc la société de distribution First Télécom (environ 100 points de vente), partenaire de l’opérateur Méditel. Loin de se cantonner au Maghreb, Bitaka a également constitué au Nigeria une coentreprise avec un homme d’affaires local pour distribuer des puces téléphoniques. « Sans nous comparer à Oberthur ou à Gemalto, nous sommes intéressés par tous les appels d’offres fondés sur l’utilisation de cartes intelligentes », explique Zied Tlemçani. Il entend d’ailleurs relancer auprès des autorités ivoiriennes le projet développé pour la caisse d’assurance maladie avant la crise postélectorale. Doté d’un centre de recherche et développement, Bitaka mise aussi sur la commercialisation de bornes interactives, que l’entreprise peut adapter en fonction des usages: simulation d’emprunt, prise de commandes… Autant de projets qui n’empêchent pas le PDG de conserver du temps pour sa passion de toujours. Deux soirs par semaine, c’est sur le terrain d’une banlieue chic de Tunis que l’ancien international rechausse les crampons en compagnie de quelques notables. Histoire d’oublier, le temps d’un entraînement, le stress des affaires. ● JULIEN CLÉMENÇOT JEUNE AFRIQUE


Décideurs

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DROIT DES AFFAIRES

Au nom de Dangote L’avocat Mouhamed Kébé représente le groupe nigérian dans un conflit foncier concernant sa cimenterie au Sénégal.

IDRISSA SOUMANE

C

est une affaire à progressivement spécialisé dans multiples rebonles investissements anglo-saxons dissements, et qui en Afrique francophone. Admis ne semble pas finir. au barreau de Dakar en 1993, il Prévue ce mois-ci, l’ouverture de intègre en tant qu’avocat salarié le la cimenterie du nigérian Dangote cabinet de Gabriel Géni en 1996, Cement à Pout, à l’est de Dakar, avant d’ouvrir son propre bureau est une nouvelle fois repoussée, la six ans plus tard. En 2006, « je me direction ayant reçu le 7 janvier une suis rendu à Londres pour un stage notification d’arrêt de travaux de la intensif au cabinet Charles Russel, part du préfet de Thiès. La cause : avant de m’inscrire à l’université une parcelle du terrain occupée d’Essex [Royaume-Uni, NDLR] pour y obtenir un diplôme par l’usine est revendiquée par de troisième cycle en les héritiers de l’ancien Deal Maker droit », raconte l’intékhalife général des Senegal ressé. Dans la foulée, mourides, Serigne C’est le prix le jeune avocat est S a l i o u M b a c k é. décerné en 2012 admis au barreau D’abord déboutée par le magazine d’Angleterre et du en juillet 2012 par le Finance Monthly tribunal de Thiès, la Pays de Galles. au cabinet Géni famille a fini par faire & Kébé infirmer le jugement F U S I O N. En 2008, en appel, le 25 novembre. son cabinet dakarois fusionne avec celui de Gabriel « Nous portons aujourd’hui l’affaire en cassation », précise l’avocat Géni. Si Géni & Kébé a toujours d’affaires sénégalais Mouhamed eu vocation à devenir une porte Kébé, associé du cabinet Géni & d’entrée des investissements Kébé chargé du dossier. directs étrangers anglosaxons et asiatiques, le cabinet sénégaDiplômé de l’université Cheikhlais a étendu son expertise aux Anta-Diop de Dakar, où il a obtenu une maîtrise de droit des affaires opérations de fusion-acquisition et un master 2 de droit bancaire, menées ces dernières années. Mouhamed Kébé, 45 ans, s’est En 2012, Géni & Kébé a ainsi été

! Le Sénégalais a fondé le cabinet GÉNI & KÉBÉ en 2008 en s’associant avec Gabriel Géni.

l’artisan de l’acquisition d’Afinis Communications par l’israélien SkyVision Global Networks, une opération pour laquelle il a été sacré Deal Maker Senegal 2012 par Finance Monthly, un magazine londonien spécialisé. La même année, Géni & Kébé a accompagné le sud-africain Engen Petroleum dans la cession de sa filiale bissauguinéenne au sénégalais Elton. ● MICHAEL PAURON

DR

ON EN PARLE

TAHAR KHOUAJA CPG ET GCT Cet ancien de l’École nationale d’ingénieurs de Gabès prend les rênes de la Compagnie des phosphates de Gafsa et du Groupe chimique tunisien, où il a débuté sa carrière en 1981. JEUNE AFRIQUE

IGOR LEPRINCE NOKIA SIEMENS Auparavant responsable de l’activité de l’équipementier télécoms au Moyen-Orient, ce Français en chapeautera la branche MoyenOrient et Afrique, où le groupe est présent dans 30 pays.

ERIKA VAN DER MERWE SAVCA La nouvelle DG de la Southern African Venture Capital & Private Equity Association – qui regroupe les principaux acteurs du capitalinvestissement – est également présentatrice sur CNBC Africa. N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013


Finance PRIVATE EQUITY

De si timides fonds français Malgré des rentabilités parmi les plus élevées au monde, l’Afrique n’attire que peu de capital-investisseurs hexagonaux. Une réalité qui pourrait peu à peu changer.

C

omparée à 2011, l’année 2012 aura été plutôt riche en actualités pour lecapital-investissement franco-africain. En octobre, la maison Wendel a créé la surprise en annonçant un investissement de 97 millions d’euros dans IHS, un opérateur d’antennes relais panafricain. En décembre, Investisseurs & Partenaires (I&P), la plus ancienne société de gestion française active en Afrique – elle a été créée en 2002 –, a bouclé une levée de fonds de 51,5 millions d’euros. Enfin, le même mois, Amethis Finance, une société portée par la Compagnie Benjamin de Rothschild et par Luc Rigouzzo, un ancien de l’Agence française de développement (AFD), a annoncé avoir réuni 300 millions d’euros à investir sur le continent. Mais la liste s’arrête là. Alors qu’à Londresonrépertorieunequinzaine de sociétés de gestion directement actives en Afrique, les françaises se comptent sur les doigts d’une main et le premier investisseur en capital de l’Hexagone sur le continent reste Proparco, filiale de l’AFD

dévolue au secteur privé. Aucun des grands noms du capital-investissement français (AXA Private Equity, Eurazeo, Butler Capital Partners, LBO France) n’a mis sur pied de véhicule destiné à l’Afrique. L’un des rares à avoir tenté l’aventure, Société générale, a depuis cédé son fonds consacré aux entreprises d’Afrique duNord,AlKantaraFund,àl’émirati Abraaj Capital… « Les milieux économiques français se sont montrés beaucoup plus réticents par rapport auxmarchésémergentsetàl’Afrique enparticulier»,résumeJean-Michel Severino, gérant de I&P. ÉCOSYSTÈME. De fait, c’est tout un

écosystème qui reste à construire pour permettre aux flux financiers de se développer entre la France et les entreprises africaines. Comme l’explique Lionel Zinsou, président dePAIPartners,«lesmarchésanglophones en Afrique sont mieux équipés pour accueillir des fonds : leur base naturelle est à Londres, ils parlent le même langage juridique et partagent les mêmes mœurs d’affaires, ils offrent une porte de sortie

MIKE GOLDWATER

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! En octobre 2012, la maison WENDEL a investi 97 millions d’euros dans l’opérateur d’antennes relais IHS.

LES ENTREPRISES MONTRENT L’EXEMPLE SI LES PROS du capitalinvestissement français restent timides en Afrique, plusieurs entreprises de l’Hexagone les ont devancés. En 2008, le fonds Danone Communities, fruit d’une coentreprise entre Danone, le géant du lait, et Grameen Bank, la célèbre banque de microcrédit fondée par MuhammadYunus, N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

a ainsi concrétisé son premier investissement en Afrique en prenant 25 % du capital de la Laiterie du Berger, au Sénégal. Un autre acteur financier de ce type, Grameen Crédit agricole, a également investi dans cette entreprise. Le géant énergétique Schneider Electric a lui aussi mis sur pied son propre fonds. Doté de 10 millions d’euros,

ce véhicule solidaire, baptisé Schneider Electric Energy Access, a investi en Afrique subsaharienne dans des entreprises de microréseaux électriques, dont le sénégalais Kayer. Enfin, GDF Suez a tout récemment mis en place GDF Suez Rassembleurs d’énergies, un fonds qui vient de réaliser un investissement de 250 000 euros N.T. enTanzanie. ●

pour les fonds, et leurs banques, plus développées, sont prêtes à soutenir ceux-ci dans leurs investissements ». « Les sociétés de gestion sontaussilocaliséesàLondresparce que la City demeure la première place financière d’Europe et que la notion de risque y est mieux appréhendée », souligne Boris Martor, avocatassociéaucabinetEversheds. Pour Christophe Eck, associé du cabinet Gide Loyrette Nouel, la fiscalité française, comparée à celle d’autres pays européens, n’est pas favorable à l’industrie des fonds et freine leur développement. Un autre problème refroidirait l’ardeur africaine des grandes maisons françaises. Selon Hakim ElKaroui,ancienbanquierd’affaires chez Rothschild devenu associé de Roland Berger, ces dernières sont limitées par des « thèses d’investissement » (les règles négociées avec ceux qui ont alimenté les fonds JEUNE AFRIQUE


Baromètre qu’elles gèrent) très strictes, notamment sur le plan géographique. La plupart des fonds existants ont été levés en 2006-2007, une époque à laquelle rares étaient ceux qui avaient compris le potentiel de l’Afrique. En tant que holding investissant ses propres fonds, Wendel n’est par exemple pas soumis à cet impératif, et c’est l’une des raisons qui expliquent ses premiers pas en Afrique. HORS RADAR. Malgrétout,lerenou-

veau de l’investissement financier français en Afrique ne serait pas si loin. « Nous constatons, parmi nos clients, un regain d’intérêt pour l’Afrique, explique Rémy Fekete, associé de Gide, chargé de l’Afrique. C’est le cas des grands groupes industriels, mais aussi de nombreux investisseurs de taille moyenne. Il est vrai que, du fait de leurs montants, leurs investissements sont souvent hors radar. Un certainnombredefamily offices[des sociétés qui gèrent le patrimoine de familles (très) fortunées, NDLR] nous sollicitent pour des opérations de quelques dizaines de millions d’euros et ne recherchent pas la publicité. » Selon plusieurs professionnels du secteur, Tiaré Groupe, qui rassemble certaines grandes fortunes hexagonales, et Groupe Arnault, du nom de son principal actionnaire Bernard Arnault (première fortune de France), auraient ainsi développé une stratégie africaine.Contactésàcepropos,ilsn’ont pas souhaité faire de commentaire. Du côté des gestionnaires professionnels, les choses pourraient également commencer à bouger. Lionel Zinsou, le Franco-Béninois à la tête de PAI Partners, la plus importante société de capitalinvestissement en Europe continentale, nous a ainsi confirmé la levée d’un fonds destiné au continent en 2014 ou 2015. Et la proximité culturelle et géographique de la France avec l’Afrique pourrait finir par prendre le dessus. « La pente naturelle des gros fonds français sera d’investir en Afrique », prédit Yannick Itoua, de la banque d’affaires Bryan, Garnier & Co. ●

Finance

Maroc : 2012, année à oublier VALEUR

Centrale laitière BCP Managem BMCI Addoha Attijariwafa Bank Wafa Assurance CGI Maroc Télécom BMCE Bank

SECTEUR

COURS au 16 janvier (en euros)

ÉVOLUTION en 2012 (en %)

AGROALIMENTAIRE

126,97

+ 5,2

BANQUE

15,99 128,04 76,05 5,26 26,84 288,04

– 0,8 – 2,8 – 8,2 – 9,9 – 10,6 – 13,0

64,87 9,30 14,08

– 21,1 – 21,8 – 25,1

MINES BANQUE IMMOBILIER BANQUE ASSURANCES IMMOBILIER TÉLÉCOMS BANQUE

ALORS QUE LA PLUPART des grandes Places internationales ont enregistré des nettes hausses (le CAC 40, en France, a progressé de 15,2 % et le Nikkei 225, au Japon, de 22,9 %), la Bourse de Casablanca a chuté l’année dernière, clôturant une année plus mauvaise encore que 2011. Les deux principaux indices de la Place, Masi et Madex, ont baissé respectivement de 15,13 % et 15,51 %. Plus inquiétant

encore, les volumes se sont inscrits en net recul, se positionnant 48,5 % en dessous des volumes échangés en 2010, selon le courtier BMCE Capital. À l’exception des boissons et des sociétés financières, tous les secteurs de la cote ont enregistré des performances négatives, les plus touchés ayant été les valeurs du pétrole et du gaz, des logiciels, des loisirs et de l’hôtellerie, qui ont frôlé en moyenne les 40 % de baisse. ●

Valeur en vue COSUMAR Loin des objectifs LA FILIÈRE SUCRIÈRE MAROCAINE n’arrive toujours pas à atteindre les objectifs du contrat-programme 2008-2013. Cosumar ne sort pas du lot et se trouve loin de pouvoir réaliser le taux de couverture établi à 55 %, et ce en raison principalement des aléas climatiques. En attendant la réduction de sa dépendance aux importations, Cosumar n’arrive pas à profiter de son soutien à l’amont agricole. Pour 2013, le niveau des réserves des barrages constitue une condition favorable. Une libéralisation progressive des Hajar Tahri prix se profile toutefois dans le sillage de la réforme Analyste de la Caisse de compensation.À l’international, Cosumar chez BMCE Capital pourrait concrétiser le lancement de son activité au Soudan à travers sa filiale Gafa Sugar Co et poursuit sa prospection, notamment en Égypte et en Tunisie. L’absence de repreneur auprès du holding royal SNI, actuel actionnaire de référence, pourrait toutefois ralentir ce déploiement. En 2013, les revenus de Cosumar devraient grimper à 571,3 millions d’euros (+ 2,5 %), pour un résultat net part du groupe de 50,3 millions d’euros (+ 9,2 %). » ● BOURSE

CA 2012 (estimé)

COURS (16.1.2013)

OBJECTIF

Casablanca

557,4 millions d’euros (+ 2,5 %)

1 530 dirhams

1 754,59 dirhams

NICOLAS TEISSERENC JEUNE AFRIQUE

N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

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Dossier

INTERVIEW

Mines

Philippe Mellier DG de De Beers

PORTRAITS

Des miniers haut placés

Pourquoi un tel MÉGAGISEMENTS

Malgré l’intérêt des groupes miniers pour ses immenses richesses, l’Afrique tarde à exploiter ce potentiel. En cause : l’instabilité politique et réglementaire, les conflits armés et l’absence de coopération régionale.

Oued Amizour : zinc nc

Meknès : étainn

MAROC

Sahara occidental : phosphate

ALGÉRIE

Nord : phosphate et fer Guelb El Aouj : fer

CHRISTOPHE LE BEC

L

es spécialistes des minerais ne se résolvent pas aux « scandales géologiques » africains. Ainsi, on connaît le gisement guinéen de fer du mont Nimba, à la frontière avec le Liberia, depuis les années 1960. Les premiers sondages ont montré qu’il recelait des réserves exceptionnelles avec des teneurs très élevées, semblables à celles du gisement de Carajas découvert à la même époque. « Mais alors que la mine brésilienne est exploitée depuis les années 1970 – c’est actuellement la plus importante au monde –, le projet guinéen Euronimba en est encore à ses balbutiements après le retrait de BHP Billiton, se désole un géologue européen. Quant à la bauxite, la production guinéenne n’a pas augmenté depuis le milieu des années 1970, poursuit-il. Le pays dispose pourtant des plus importantes réserves de la planète ! Pis, aucune nouvelle raffinerie d’alumine n’a été construite depuis 1960, malgré plusieurs projets non aboutis. » MAFIEUX. Mêmes regrets pour le chercheur belge

Thierry De Putter, qui étudie depuis vingt ans les sous-sols d’Afrique centrale, immensément riches. « On estime que l’est de la RD Congo dispose de 20 % des réserves mondiales de tantale [issu du minerai de coltan et utilisé dans la fabrication des instruments chirurgicaux et des téléphones portables]. On y trouve aussi de bons indices de terres rares, des ressources critiques pour les industries chimique et électronique », note le géologue du Musée royal de l’Afrique centrale de Tervuren, près de Bruxelles. Et d’ajouter : « Malheureusement, avec l’instabilité politique, aucune exploration N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

Tasiast : or Imouraren : uranium

MAURITANIE

NIGER

Perkoa : zinc Diandian : bauxite

GUINÉE

Côte ouest : bauxite

SIERRA-LEONE Tonkolili : fer Massifs forestiers ouest-africains : fer

BURKINA FASO Simandou Sima mandou : fer Mont Nimba : fer

CÔTE CÔ TE D D’IVOIRE ’I’IVO VOIR VO IREE IR LIBERIA

CAMEROUN

Mbalam : fer fe Monts Avima : fer fe Belinga : fer Badondo : fer fe

GABO GABON

Kasaï : diamant Katanga : cuivre, uranium, m, germanium g Kisenge : manganèse

C’est dans la phase de réalisation que toutes les belles promesses se gâtent.

Kolwezi : cuivre

n’a pu être menée pour planifier une exploitation industrielle. Au Kivu, les seules exploitations de ces minerais sont artisanales et le plus souvent tenues par des groupes mafieux. Le Katanga, qui dispose de meilleures infrastructures, pourrait produire des quantités de cuivre et de cobalt plus importantes, mais aussi de l’uranium, de l’or et du germanium [utilisé dans la fibre optique]. Quant au Burundi, il dispose à Musongati d’un gisement de nickel de classe mondiale, mais cela fait vingtcinq ans qu’on évoque en vain son exploitation. » JEUNE AFRIQUE


AFRIQUE DU SUD

MALI

Un modèle à réinventer

De l’or malgré tout

MAROC

Managem attiré par ce qui brille

retard? Les grands sites de demain Zones riches en minerais restant à explorer Mégaprojets en développement Autres projets miniers majeurs

CENTRAFRIQUE

Sud : diamant Nkamouna : cobalt

Kivus et Ituri : tantale, cassitérite, coltan, terres rares

CONGO RD CONGO

Kilo-Moto : or

BURUNDI

Musongati : nickel

Tenke-Fungurume (extension) : cuivre Nord : saphir, hi fer f Soalala : fer Pourtant, l’intérêt des miniers pour le continent ne se dément pas. « Ces cinq dernières années, quelque 400 juniors australiennes et une centaine de sociétés canadiennes prêtes à prendre des risques sont venues en Afrique, indique Christian Mion, associé du cabinet Ernst & Young. Il y a une véritable ruée des miniers pour mettre la main sur les réserves majeures du continent, confirme son collègue sud-africain Wickus Botha. Compte tenu de la conjoncture internationale, ce sont les projets dans le fer, la bauxite, le cuivre et le JEUNE AFRIQUE

MADAGASCAR

BOURSE

Sydney, passage obligé

charbon qui attirent le plus, même si de belles possibilités existent aussi dans le manganèse et le nickel. » Reste que si les juniors d’exploration ont été promptes à se positionner sur le continent, l’exploitation des gisements découverts met souvent des dizaines d’années à se concrétiser… quand elle ne se perd pas dans les méandres des évolutions réglementaires, des changements politiques ou des conflits armés. C’est dans la phase de réalisation des projets que toutes ces belles promesses minières se gâtent. Mouhamadou Niang, directeur mines à la Banque africaine de développement (BAD), explique: « En ce qui concerne les mégaprojets dans les métaux de base, qui nécessitent des investissements faramineux, on ne peut pas blâmer les seuls miniers pour leurs hésitations à se lancer. Le coût de développement des mines du Simandou, dans l’ouest de la Guinée, est estimé à 15 milliards de dollars [environ 11,5 milliards d’euros], dont 5 milliards d’infrastructures ferroviaires et portuaires pour évacuer le minerai vers les côtes. Même pour un gisement secondaire comme celui de la Falémé, au Sénégal, il faut débourser 1 milliard de dollars. » Face à ces coûts élevés, les prix actuels des minerais sur les marchés seraient-ils trop peu incitatifs ? « Les cours du cuivre, du fer et de la bauxite sont plutôt bas ces derniers mois, mais ils sont cycliques, donc ils vont remonter. La vraie explication des retards réside d’abord dans l’instabilité politique et réglementaire », estime le cadre de la BAD, qui appuie la réalisation d’études sociales et environnementales sur des projets dans le fer et le cuivre jugés prioritaires par l’institution. OPACITÉ. De l’avis de tous, l’instabilité réglemen-

taire – et donc l’opacité des processus d’attribution des permis miniers et du niveau des taxes – est la première cause des retards d’entrée en exploitation. Dans la bauxite comme dans le fer, les groupes attendent des garanties sur vingt ans. Ils doivent pouvoir élaborer un modèle économique stable, présentable pour leurs actionnaires. « Quand un État procède à des expropriations de compagnies qui ont pourtant mis en valeur leurs gisements, l’image du pays auprès des investisseurs miniers en pâtit », relève Mouhamadou Niang. L’effet est encore plus désastreux lorsqu’il s’agit de majors réputées pour leur sérieux. En 2006, l’éviction de Rio Tinto de la partie nord du Simandou a fait partie de ces signaux négatifs perçus par de nombreux investisseurs industriels en Guinée, qui se sont inquiétés de la pérennité des accords signés, ce qui a contribué au report de certains projets. Le départ forcé de First Quantum de ses gisements de Kolwezi, après avoir dû ● ● ● N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

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Dossier Mines

LAURENT SAZY/DIVERGENCE

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les céder au groupe kazakh ENRC, a eu le même effet sur la réputation de la RD Congo. Si ces deux événements ont été dénoncés par des ONG spécialisées sur les questions de transparence comme Global Witness (lire tribune p. 88), ils ont aussi eu mauvaise presse dans les milieux miniers. Les conflits armés expliquent aussi l’arrêt de certains projets, mais pas pour tous les minerais. Ainsi, dans l’or, qui nécessite moins d’investissements que les métaux de base, même les plus grands groupes sont prêts à prendre des risques car ils peuvent plus facilement se replier et évacuer leurs pépites. AngloGold Ashanti et Randgold Resources sont ainsi présents dans l’est et le nord de la RD Congo. Même constat au Mali, où les zones aurifères sont situées assez loin des zones tenues par les groupes islamistes (lire p. 86). « Mais la principale conséquence des conflits ou de l’absence d’État, c’est la prolifération des mines artisanales, préjudiciables pour la santé des travailleurs et l’environnement, et le passage en fraude des minerais et pierres précieuses », précise Thierry De Putter. Une dérive qui se vérifie aussi bien entre la RD Congo, le Rwanda, le Burundi et la Centrafrique qu’entre Madagascar et l’île Maurice. ●●●

BLOCAGE. Enfin, le choix d’un partenaire médiocre

peut parfois expliquer l’allongement des délais d’entrée en production. Au Gabon, le développement du projet de fer de Belinga stagne depuis cinq ans. China Machinery Engineering Corporation (Cmec), détenteur du permis d’exploitation, n’est N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

! Au Gabon, le projet de fer de BELINGA stagne en raison des inquiétudes sur ses conséquences environnementales.

Le choix d’un partenaire médiocre peut parfois expliquer les délais d’entrée en production.

pas un spécialiste minier mais un équipementier d’usine. Libreville, mécontent du retard et des risques pesant sur l’environnement, souhaiterait qu’une major prenne en charge les opérations. Mais même si BHP Billiton a affiché son intérêt, le pays ne peut rien faire sans une décision d’arbitrage international ou une entente à l’amiable entre les deux compagnies. Reste un point de blocage majeur pour les projets miniers africains : l’absence de coopération régionale – et parfois même nationale – pour mettre en place une logistique minière économique et cohérente (lire p. 76). « La voie d’évacuation naturelle des minerais du Kivu passe naturellement par le Rwanda et la Tanzanie. Mais aucune entité régionale ne travaille sérieusement à la mise en place de corridors efficaces », regrette Thierry De Putter. Selon le chercheur, la Communauté économique des pays des Grands Lacs (CEPGL), qui devrait prendre en charge le dossier, est devenue une « coquille vide » en raison des inimitiés entre le Rwanda, le Burundi et la RD Congo, ce qui n’empêche pas des collusions plus souterraines. Même manque de coordination entre la Guinée, le Liberia et la Sierra Leone. Alors que le fer du mont Nimba se trouve à 300 km des côtes libériennes, Conakry continue de privilégier la construction d’une voie ferrée intégralement guinéenne de 800 km de long. Les États et les organisations régionales devront apprendre à coopérer s’ils veulent que leurs économies profitent enfin de leurs sous-sols. ● JEUNE AFRIQUE


1er réseau de logistique intégrée sur le continent africain

Partenaire logistique privilégié des leaders mondiaux de l’extraction minière. Expert dans la gestion de la Supply Chain pour les industries extractives. Avec sa marque SDV Mining, spécialiste des solutions logistiques sur mesure, Bolloré Africa Logistics répond à la demande de grands opérateurs africains et mondiaux dans le respect des délais et dans les environnements les plus complexes.

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Dossier Mines LOGISTIQUE

Transports rigoureux Malgré la faiblesse des infrastructures en Afrique, géants occidentaux et opérateurs locaux s’y disputent les contrats d’approvisionnement des compagnies minières.

S

ans logistique robuste, point de développement minier. C’est d’autant plus vrai en Afrique, où les gisements les plus attractifs sont isolés. Avec des infrastructures de transport défaillantes, l’approvisionnement des compagnies minières et l’évacuation des minerais sont techniquement exigeants. Pour respecter les délais, les opérateurs logistiques doivent faire preuve de réactivité face aux aléas climatiques et politiques. Et pour être retenus sur les appels d’offres internationaux, ils sont obligés de respecter des normes drastiques, notamment pour le transport de produits chimiques. Des géants de la logistique tels que les français Bolloré Africa Logistics (BAL, 2,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2012) et Geodis et les italiens Panalpina et Jas, tous très diversifiés, se positionnent sur la plupart des grands projets miniers. Mais d’autres acteurs, régionaux et plus spécialisés, convoitent des contrats, à l’image de Getma Guinée, un opérateur portuaire basé à Conakry et qui a étendu ses services logistiques à l’hinterland, ou du français Egis, actif en Afrique centrale. SEGMENT VITAL. Si ces sociétés ne se consacrent pas qu’à l’activité minière, la part de celle-ci dans leurs revenus est majeure. Ce segment est vital pour Getma Guinée, l’économie locale étant bâtie sur les mines. « Nous avons réalisé 28 millions d’euros de chiffre d’affaires en N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

BOLLORE AFRICA LOGISTICS

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2012, principalement en travaillant pour la Compagnie des bauxites de Kindia [filiale de Rusal, NDLR], la Société minière de Dinguiraye [or] et Bellzone [fer] », indique Olivier Ruth, son directeur général. Les grands groupes sont capables de prendre en charge tous les segments de la logistique minière. Ils se positionnent en priorité sur les projets dans le fer, le cuivre, le charbon et la bauxite, qui nécessitent les infrastructures les plus lourdes, ou dans la filière aurifère, très stricte en matière environnementale. « Nous

! BOLLORÉ AFRICA LOGISTICS assure la logistique du site de Marampa (Sierra Leone) sur un axe de 45 km.

Si les Européens restent leaders sur le marché, des groupes chinois s’y insèrent progressivement. pouvons intervenir sur toutes les phases d’un projet. Nous assurons des études logistiques pendant la phase de faisabilité et prenons parfois en charge l’ensemble de la logistique pour la construction des infrastructures. Et pendant la phase d’exploitation, nous sommes capables d’assurer la chaîne d’approvisionnement amont et celle d’exportation du minerai », détaille

DE NOUVELLES VOIES • Mont Simandou (Guinée, fer) Voie ferrée de 800 km + port minéralier • Mbalam (Cameroun, fer) Voie ferrée de 500 km + route contiguë • Marampa (Sierra Leone, fer) Route de 45 km + port minéral fluvial • Grande Côte (Sénégal, ilménite) Route de 100 km

Éric Melet, directeur du développement et des concessions de BAL. Dernier projet en date pour le groupe français, celui de la mine de fer de Marampa, en Sierra Leone, pilotée par London Mining. « Un axe routier réservé de 45 km entre le site minier et un port fluvial a été construit, et nous en assurons l’entretien. Il permet la circulation cadencée de convois de camions de 80 tonnes, poursuit Éric Melet. Au total, nous assurons toute la logistique depuis la mine jusqu’au port pour plus de 1 million de tonnes par an et avons investi 11,5 millions d’euros dans ce projet. » Autre grand contrat logistique en cours d’attribution, celui du mégaprojet de Rio Tinto au mont Simandou, en Guinée. La coentreprise Getma-Jas a obtenu du groupe australien le contrat d’acheminement des éléments pour la construction de la voie ferrée de près de 800 km. Un marché supérieur à 100 millions d’euros… mais qui est suspendu à la finalisation des discussions entre Conakry et Rio Tinto. Si les groupes européens restent leaders du marché, des groupes chinois s’y insèrent progressivement. China Railway Engineering Corporation, déjà présent dans la construction d’infrastructures minières en Afrique, aimerait ainsi devenir opérateur logistique à part entière. Et le rachat en cours du projet de fer de Mbalam (CamerounCongo) par Hanlong inquiète certains groupes français bien implantés en Afrique centrale. ● CHRISTOPHE LE BEC JEUNE AFRIQUE


World Class Très fier d’être le plus grand exportateur de minerai de fer en Afrique de l’Ouest, avec propriété exclusive du Projet Tonkolili, Sierra Leone, avec carrière, chemin de fer et port intégré.

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Dossier Mines INTERVIEW

Philippe Mellier

D IRECTEUR

« Nos diamants sont des produits rares »

Désormais majoritairement contrôlé par Anglo American, De Beers est le leader incontesté du secteur diamantifère. Son patron détaille ses activités en Afrique australe.

B

ienquefrançais,Philippe Mellier est parfaitement à l’aise à la tête de De Beers, vieille dame anglo-saxonne de 125 ans. Nicky Oppenheimer, président du leader mondial du diamant, a fait appel en mai 2011 à cet ingénieur passé par Ford, Renault, Volvo puis Alstom. Le profil d’industriel de ce familier des négociations musclées avec les États y est pour beaucoup. JEUNE AFRIQUE : Quelles sont les conséquences de la prise de participation majoritaire d’Anglo American au sein de De Beers ? PHILIPPE MELLIER :

Concrètement, la marche de nos affaires a été peu affectée par notre intégration dans le groupe, que je considère comme naturelle. Anglo American était auparavant le premier actionnaire de

car notre métier est bien différent de celui des autres filiales d’Anglo American, qui se consacrent aux métaux précieux ou de base. Comment réagissez-vous à la nomination de Mark Cutifani à la tête d’Anglo American, annoncée le 8 janvier ?

À ce moment-là, j’étais à New York pour y rencontrer des partenaires commerciaux. Je ne le connais pas encore personnellement, mais je sais qu’il était un excellent candidat pour succéder à Cynthia Carroll, du fait de sa crédibilité acquise à la tête d’AngloGold Ashanti en Afrique du Sud. Nous aurons bien besoin de lui pour nos opérations là-bas, essentielles pour le groupe. Il ne connaît pas le monde du diamant, mais je ne me fais pas de soucis : il va apprendre !

En chiffres Présent dans 4 pays africains (Afrique du Sud, Botswana, Namibie, Angola) Emploie 12 124 salariés (dont 87 % en Afrique) A produit 27 millions de carats en 2012 Détient 36 % du marché des diamants

Au Botswana, 15 % des pierres appartiennent à l’État, qui les distribue pour son propre compte. De Beers, avec 40 % des parts. La famille Oppenheimer a fondé nos deux compagnies. Je connais bien Cynthia Carroll, l’ex-directrice générale d’Anglo American, qui était déjà parfaitement au courant de nos activités en tant que membre de notre conseil d’administration. Depuis le bouclage de l’opération, en août 2012, nous avons mutualisé certaines fonctions comme la logistique et notre gestion des ressources humaines. Mais pour le reste, De Beers fonctionne comme avant, N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

Quelle est votre stratégie industrielle ?

D’abord, il faut comprendre que le diamant n’est pas une commodité [matière première ayant un cours international, NDLR]. Nos pierres sont des produits rares, chacune d’entre elles a son propre prix. Nous pouvons attendre avant de vendre : notre stratégie extractive ne dépend pas uniquement du marché. Notre niveau actuel de production minière, 27 millions de carats en 2012, demeure inférieur à celui de 2007. Il n’y a

GÉNÉRAL DE

D E B EERS

pas eu de grande découverte de gisement de diamants depuis près de vingt ans et nombre de mines existantes sont vieillissantes… Il ne faut donc pas s’attendre à un bond de la production en 2013. Les prix du diamant ont augmenté de 65 % entre 2008 et 2011… Peut-on dire qu’il est devenu une valeur refuge ?

Le diamant n’est pas une matière première liquide sur les places boursières, comme l’or ou le platine. Il n’est donc pas une valeur refuge au sens strict du terme. Quand on offre un diamant de joaillerie, on veut donner une élégance intemporelle à quelqu’un. Globalement, depuis des années, le prix du diamant de joaillerie ne fait qu’augmenter, même s’il y a eu des baisses passagères. On sait qu’un jour on peut revendre un diamant, mais ce n’est certainement pas un achat spéculatif. Quelle est la place de l’Afrique dans la stratégie de De Beers ?

Nous sommes bien implantés au Botswana, en Namibie et en Afrique du Sud. Dans ces trois pays, nous sommes à chaque fois associés avec les États. Au Botswana, Debswana, présidé par Eric Molale et basé à Gaborone, est une coentreprise à parts égales avec les autorités. Nous comptons deux filiales en Namibie, elles aussi en coentreprises : Namdeb Coastal Mines, consacrée aux diamants terrestres, et Debmarine Namibia, qui extrait les pierres en mer. Enfin, en Afrique du Sud, Ponahalo Holdings, propriété d’actionnaires noirs, détient 26 % de nos opérations dans le pays, conformément à la politique du Black Economic Empowerment. Comment évoluent les relations avec vos partenaires locaux ? On sait que les négociations minières JEUNE AFRIQUE


Dossier de vente des diamants du pays. Cela représente une équipe de 150 personnes, composée à 40 % d’expatriés venus de nos bureaux de Londres. Mais, à terme, cette proportion diminuera. En comparaison, nos mines ont beaucoup plus d’impact sur l’emploi. Vous menez des activités d’exploration en Afrique pour trouver de nouvelles pierres. Êtes-vous prêt à ouvrir de nouvelles mines sur le continent ?

KALPESH LATHIGRA

De Beers a découvert la majorité des mines de diamants du globe et dispose de la meilleure expertise. Le processus d’exploration est complexe ; il prend souvent plus de douze ans. Nous recherchons le diamant dans les parties les plus anciennes de la couche terrestre. Sur le continent africain, nous explorons d’abord des zones situées autour de nos mines existantes, en Namibie et au Botswana notamment. Depuis plusieurs années, nous réalisons aussi des sondages en Angola, mais pour le moment je ne peux pas dire si nous pourrons un jour y ouvrir une mine. À plus court terme, nous sommes davantage focalisés sur le Canada.

peuvent être musclées, notamment en Afrique…

En réalité, dans le monde du diamant, le plus dur à négocier, ce n’est pas l’organisation de la production minière, mais plutôt la répartition des diamants produits. Au Botswana, on peut dire que nous avons atteint un bon équilibre en la matière. Aujourd’hui, 15 % des pierres botswanaises sont la propriété de l’État, qui en assure la distribution pour son propre compte, alors qu’il y a dix ans, il ne percevait que des taxes et royalties. Où en est le transfert des activités de tri, de taille et de commercialisation des diamants au Botswana? JEUNE AFRIQUE

Pour des raisons économiques et de traçabilité, nous cherchons à ce que la taille des diamants Actionnariat soit effectuée au plus près dess mines par des partenaires locaux sérieux, et non pas 15 % 45 % par De Beers. Contrairement à ce que l’on croit, Anvers, New York et Tel-Aviv ne sont 40 % plus les centres de la taille de diamant dans le monde,, ionmême si les pierres exceptionées nelles y sont encore travaillées. Anglo American Désormais, c’est l’Inde qui est en Famille pointe en la matière. Au Botswana, Oppenheimer nous nous sommes lancés dans Debswana une organisation originale : nous (coentreprise avons transféré à Gaborone nos entre De Beers et le Botswana) activités de tri, d’agrégation et

Pourquoi n’explorez-vous pas les possibilités de développement en Sierra Leone, en RD Congo, en Centrafrique et au Zimbabwe, des pays où l’on sait qu’il y a du diamant ?

Notre principe est d’aller là où l’on pense pouvoir ouvrir une mine. L’exploration coûte excessivement cher, et notre budget, de plusieurs diza dizaines de millions de dollars, est restreint. C’est vrai, les es sous-sols des pays que vous évoquez recèlent de bons potentiels, mais pour des raisons économiques nous préférons nous concentrer sur pr les pays où nous sommes déjà présents et où il existe une certaine présen stabilité politique. Quand nous ouvrons une mine, nous voulons que la traçabilité et le bon fonctionnement de nos opérations soient garantis. ●

Propos recueillis par CHRISTOPHE LE BEC N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

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LA GÉCAMINES À L’HEURE DU BILAN À l’heure où les secteurs bancaires et nouvelles technologies tentent de se consolider, le secteur minier prouve à suffisance qu’il est réellement porteur de croissance en République Démocratique du Congo. Qui aurait cru que la Gécamines, après une longue période de crise, contribuerait au budget de l’État rien que pour l’année 2012 à hauteur de 207 millions $ de recettes fiscales et sa production doublerait pour atteindre 35 053 tCu en 2012. Hier encore entreprise publique, la Gécamines a réussi à passer le cap d’entreprise du portefeuille de l’État à une société commerciale grâce à la rigueur, à la dextérité et à l’expertise du tandem Albert Yuma / Ahmed Kalej Nkand, respectivement Président du Conseil d’Administration et Administrateur Délégué, qui ont su mettre en place un Plan Stratégique de Développement sur cinq ans décliné sur six axes.

PUBLI-INFORMATION

Grâce à ce plan ambitieux, l’entreprise a gagné en crédibilité en décidant, notamment de ne plus conclure des partenariats défavorables aux intérêts de la Gécamines. C’est dans ce sens que des audits ont été lancés depuis juillet 2012 dans ses différents Jointventures, avec pour objectif de déterminer si les intérêts de Gécamines en termes de retombées financières ont été sauvegardés depuis leur création. Par ailleurs, Gécamines a acquis, les parts sociales de la Compagnie Minière du Sud Katanga et a récupéré les gisements de Deziwa et Ecaille C par le rachat des parts sociales du partenaire. DES RÉSERVES RECONSTITUÉES À ces audits, il convient d’ajouter une série d’actions réalisées conformément à la vision du nouveau management, lesquelles ont abouti à la relance de la production, à la reprise du programme de recherche et de prospection géologiques, qui, arrêté depuis plus de vingt ans, a permis de reconstituer des réserves minières substantielles.

ACQUISITION DE NOUVEAUX ENGINS MINIERS L’autre pilier du Plan stratégique est la valorisation des activités non minières par la création des centres de profit, notamment avec l’acquisition des engins miniers à Luena pour l’exploitation du charbon. Cette opération a permis d’augmenter la production du charbon de 1.469 tonnes en 2011 à 3.870 tonnes en 2012.

Les premiers résultats de cette recherche, effectués principalement aux Groupes Centre(Likasi) et Ouest(Kolwezi) ont fait passer les ressources géologiques de 234.000 tonnes Cuivre à plus de 800.000 tonnes Cuivre.

C’est dans ce sens que pour résoudre le problème de déficit en énergie électrique, la Gécamines a lancé le projet de construction de la centrale thermique de Luena. Cette centrale va permettre la production de l’énergie électrique propre à hauteur de 500 MW et contribuer ainsi au développement socio-économique de la province du Katanga.

De même pour rencontrer les exigences des banques, Gécamines a entrepris un programme de certification des réserves. Il convient, par ailleurs, de noter que des actions de réhabilitations engagées lors des exercices 2011-2012, ont abouti à un impact positif sur le traitement de ses unités de production. C’est le cas des concentrateurs de Kambove (900ts/j début 2012 à 1.500 ts/j fin décembre 2012) ; de Kolwezi (1.500 ts/j début 2012 à 2.500 ts/j fin décembre 2012) ; de Shituru (1.100 tCu en début de l’année à 1.800 tCu fin 2012)…

D’autres actions ont été amorcées dont le montage à Luena d’un four électrique pour le traitement de la cassitérite en vue de la production de l’étain métal ; le démarrage à Katonto, après plusieurs années d’arrêt, de la production des agrégats (moellon, gravier, sable) à l’usine à pierrailles de Kolwezi.

son passif. Le poids de l’endettement (plus ou moins 1,5 milliard USD) a rendu nécessaire la restructuration du passif. Un décret a été signé le 2 octobre 2012 accordant à Gécamines la reprise par l’État de son passif non assurable. UN FOND DE ROULEMENT POSITIF En vue d’assainir sa situation financière, des efforts de renégociation de sa dette, conjugués avec les mesures du décret sur les passifs non assurables ont permis à Gécamines de retrouver, pour la première fois depuis 1989, un fonds de roulement positif. L’entreprise a retrouvé la confiance des partenaires financiers, notamment les banques et les bailleurs des fonds qui n’hésitent pas, dans les limites de leur possibilité, à accompagner la société dans le financement de son fonds de roulement et de quelques investissements.

GECAMINES Conformément à son Plan stratégique, Gécamines procède à la restructuration de

Albert Yuma Président du Conseil d’Administration

2013 démarre donc sous de bons augures pour le géant minier congolais qui est déterminé à consolider ses efforts de redressement en attirant davantage d’investissements. Et c’est fort de cette avancée significative que la Gécamines compte davantage séduire les investisseurs potentiels, qui hier encore hésitaient de franchir le Rubicon.

Ahmed Kalej Nkand Administrateur Délégué


Mine Ă ciel ouvert de Kilamusembu

GECAMINES


Dossier Mines

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PORTRAITS

Des miniers haut placés Nommés par les États à la tête de fleurons nationaux ou d’institutions publiques, ils sont les piliers des réformes en cours dans leurs pays respectifs.

ALBERT YUMA MULIMBI Président de la Gécamines

V

oilà deux ans que le chef de l’État congolais, Joseph Kabila, l’a nommé à la présidence du conseil d’administration de la Générale des carrières et des mines (Gécamines), transformée en société commerciale mais toujours détenue par l’État. Un grand défi, puisqu’il s’agit de faire de l’ancien fleuron une entreprise indépendante et rentable dont la production, de 33 000 tonnes de cuivre en 2012, devrait dépasser en 2015 les meilleurs scores atteints dans les années 1980, soit plus de 450 000 tonnes. Sa nouvelle fonction, Albert Yuma Mulimbi la mène tout en étant président de la Fédération des entreprises du Congo (FEC) depuis 2005. Cet homme à poigne de 57 ans est un cumulard célèbre. Après ses études en Belgique et divers stages en entreprise, Albert Yuma Mulimbi est entré, en 1983, à Utexafrica (filiale

congolaise du holding belge Texaf), dont il a gravi tous les échelons jusqu’au poste de directeur général. Administrateur de la Chambre de commerce belgo-congolaise et de la Banque centrale de la RD Congo, il siège aussi au Bureau international du travail et préside depuis un an la Conférence permanente des chambres consulaires africaines et francophones. Enfin, le 16 janvier, il a été nommé viceprésident Afrique de l’Organisation internationale des employeurs. Reste que le port de multiples casquettes n’a pas que des avantages. Ainsi, le communiqué rendu public le 20 décembre 2012, dans lequel le patron de la FEC dénonçait la détérioration du climat des affaires, lui a valu une réplique du ministre délégué aux Finances, Patrice Kitebi, reprochant aux dirigeants de la Gécamines leur manque de transparence.

BRUNO LEVY POUR J.A.

Plusieurs cordes à son arc

Allusion à la non-publication du procès-verbal faisant état de la cession des parts que la Gécamines détenait dans la Congolaise des mines et de développement. Une affaire qui a mis à mal les relations de la RD Congo avec le Fonds monétaire international. ● MURIEL DEVEY

MOHAMED ABDELLAHI OULD OUDAÂ Administrateur directeur général de la Snim

Le grand bond en avant

DR

CRÉDIT PHOTO

L

a Société nationale industrielle et minière (Snim) bientôt dans le top 5 mondial ? C’est en tout cas le souhait de Mohamed Abdellahi Ould Oudaâ, qui compte se livrer à une véritable course de vitesse. Forte de ses bons résultats (1,1 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2011), l’entreprise, dont le capital est détenu à plus de 78 % par l’État mauritanien, prévoit pour 2012 une croissance de 14 % de son volume de minerai de fer extrait. À plus long terme, son directeur général déploie pour les douze prochaines années un « cadre stratégique de développement » ambitieux. La Snim vise en effet une production annuelle de 40 millions de tonnes de fer en 2025 – contre 11,5 millions l’an dernier. Pour passer ce cap, cet ingénieur en électromécanique de 45 ans table sur des partenariats, notamment avec le suisse Xstrata et le chinois Minmetals, et sur le potentiel de croissance du groupe. Première entreprise nationale (24 % du PIB en 2010), la Snim est aussi le deuxième producteur africain de minerai de fer. Mohamed Abdellahi Ould Oudaâ, qui a passé une vingtaine d’années dans le secteur industriel, y a travaillé dix ans au début de sa carrière. Par deux fois ministre de l’Industrie et des Mines entre août 2008 et février 2011, il a piloté la dernière réforme du secteur minier mauritanien visant à assainir son cadre juridique, réglementaire et fiscal. En mars 2011, retour à la case départ, cette fois au sommet. ● FANNY REY

N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

JEUNE AFRIQUE


Dossier

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AMINA BENKHADRA

Directrice générale de l’Onhym

Trente ans d’expérience

AHMED KANTÉ

Administrateur général de la Soguipami

Le combat continue

A

vantqueleprésidentAlpha Condé le place à la tête de la Société guinéenne de patrimoine minier (Soguipami), en août 2011, Ahmed Kanté avait été nommé en 2007, sous Lansana Conté, conseiller spécial du secteur minier – un statut équivalent à celui de ministre –, alors que les grèves générales paralysaient le pays. Cette fonction lui a permis d’être au cœur de la réforme du code minier, qui exige désormais davantage de transparence et confère un rôle accru à l’État. Puis Ahmed Kanté a été chassé de son poste et emprisonné sous le régime militaire de Moussa Dadis Camara, en 2009. Lorsque Alpha Condé est élu en novembre 2010, la révision des contrats miniers figure parmi ses priorités. Le nouveau président ne tardera pas à faire appel à cet ancien cadre de la Banque centrale. La Soguipami gère toutes les parts détenues par l’État dans les compagnies minières et les sociétés associées. À sa tête, Ahmed

Kanté, 54 ans, affiche toujours sa volonté que les opérations minières bénéficient aux Guinéens. « Les multinationales basent leur communication sur la promesse de construire des projets qui auront un impact direct sur la vie quotidienne des citoyens. Mais lorsque les projets ne sont pas réalisés, c’est le gouvernement qui en fait les frais », déplore-t-il. Et qu’importe si le nouveau code minier ne fait pas que des heureux. « Les opérateurs sérieux estiment que ce code est bon, car il résulte d’un compromis entre l’État, les sociétés et la population. Il faut distinguer les retraits d’entreprises liés aux circonstances particulièrement difficiles que traversent les filières du fer et de la bauxite, et ceux qui découlent de la réglementation du secteur », réplique Ahmed Kanté aux détracteurs de la nouvelle réglementation, qui l’accusent d’avoir découragé des sociétés minières d’investir en Guinée. ● SALIOU SAMB, à Conakry

DR

RYADH BENLAHRECH

YOURI LENQUETTE POUR J.A.

E

n 2012, l’Office national des hydrocarbures et des mines (Onhym) a surtout retenu l’attention par la multiplication des contrats d’exploration pétrolière attribués à des sociétés étrangères. La présence d’or noir reste pourtant hypothétiqueauMaroc,contrairementàsonpotentiel minier. Dans ce domaine, l’Onhym multiplie les campagnes de promotion et les appels d’offres dans la recherche et l’exploitation afin d’accroître les capacités du royaume. Insuffisamment valorisé, trop fermé, le secteur minier peine à attirer les opérateurs étrangers, hormis l’australien Kasbah Resources (qui s’est adjugé la concession de la mine d’étain d’Achemmach en 2011) ou le canadien Maya Gold & Silver (qui a acquis 85 % de la mine d’argent de Zgounder la même année). Reste donc à l’Onhym à clarifier la vision stratégique du royaume et à améliorer la réglementation du secteur, conformément au souhait de son ministère de tutelle, qui mène une étude sur le repositionnement de l’Office. Vaste chantier pour Amina Benkhadra, sa directrice générale. Cette quinquagénaire sobre et discrète, diplômée entre autres de l’École des mines de Nancy (France), a débuté sa carrière en 1982 au Bureau de recherche et de participations minières (BRPM, devenu Onhym en 2005), avant d’être nommée directrice des mines au sein du ministère de l’Énergie et des Mines en 1994 ; secrétaire d’État au développement minier en 1997 ; directrice générale de l’Office national de recherche et d’exploitation pétrolières (Onarep) en 2000 ; puis ministre de l’Énergie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement d’octobre 2007 à janvier 2012. En 2013, Amina Benkhadra devra répondre aux espoirs suscités par la possible présence de pétrole dans le soussol marocain, tout en œuvrant à la poursuite de la croissance du secteur minier. ●

JEUNE AFRIQUE

N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013


Dossier Mines

STEPHANE DE SAKUTIN/AFP

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AFRIQUE DU SUD

! Manifestation de la confédération syndicale COSATU, le 27 octobre 2012, à Rustenburg.

Un modèle à réinventer

Après le long conflit social qui a marqué les mines d’or et de platine de la nation Arc-en-Ciel en 2012, les professionnels s’interrogent sur l’avenir du secteur et les réformes à entreprendre.

M

i-novembre 2012, après une grève de près de trois mois, la plupart des mineurs avaient repris le travail en Afrique du Sud. Mais la répression des manifestations à la mine de platine de Marikana, qui a fait 34 morts fin août, a laissé de profondes séquelles. « Cette crise sociale est d’abord le symptôme de la scission entre les travailleurs des mines et les syndicalistes proches de l’ANC [Congrès national africain, au pouvoir, NDLR] censés les représenter », estime l’avocat sud-africain Otsile Matlou, du cabinet Edward Nathan Sonnenbergs. « Les dirigeants des groupes miniers se sont rendu compte de la fragilité des accords sociaux signés par filière professionnelle, qui n’étaient en réalité pas soutenus par les salariés », ajoute-t-il. Selon Wickus Botha, responsable des clients miniers chez Ernst & Young en Afrique du Sud, la crise va forcer les groupes à intégrer les questions sociales dans leur plan de développement. « La population des zones minières est en N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

forte croissance, mais le nombre d’emploisn’apasaugmentédansles mêmesproportions.Lesfrustrations ne cessent de croître. Les riverains tiennent les compagnies minières pourresponsablesduchômageetde la pauvreté », note cet ancien administrateur d’AngloGold Ashanti. Dans ce contexte, et en dépit de sa richesse géologique (platine, diamant, charbon et or), la nation Arc-en-Ciel n’a plus la cote. Néanmoins, d’après Nielen Van der Merwe, directeur du Mining Research Institute de l’université du Witwatersrand, « il est possible de renouveler le modèle économique minier sud-africain pour qu’il bénéficie davantage aux populations locales ». Et de citer l’exemple de l’entrepreneur Bernard Swanepoel, patron de Village Main Reef: « Avec des employés des mines constitués en trust, il a repris des exploitations aurifères jugées non rentables. En optant pour des coûts d’administration réduits, son groupe, coté à la Bourse de Johannesburg, affiche de belles perspectives », indique-t-il. D’autres défis restent à relever. « Depuis 1994, l’État n’a quasiment

500 000

C’est le nombre d’emplois directs générés par les mines en Afrique du Sud

pas investi dans la recherche géologique, et la plupart de nos spécialistes sont partis dans des groupes privés ou à l’étranger », regrette Nielen Van der Merwe. « J’espère qu’il n’est pas trop tard ! Dans la filière aurifère, la plupart des mines du Gauteng [région de Johannesburg] arrivent en fin de vie. Nous disposons de gisements inexploités dans la région septentrionale du Limpopo mais, faute d’un accompagnement adéquat, administratif comme scientifique, certains groupes pourraient préférer aller à l’étranger », s’inquiète l’universitaire. PÉNURIE. Si l’Afrique du Sud

peut encore tabler sur une maind’œuvre compétente, héritière de deux siècles d’histoire minière, des pénuries sont apparues dans certains métiers, notamment pour les techniciens qualifiés, « devenus nécessairesaveclamécanisationdes mines à roches dures, majoritaires chez nous », observe Nielen Van der Merwe. Le manque de dynamisme de la Bourse de Johannesburg n’améliore pas l’attractivité du pays. « Les investisseurs de la Place privilégientlesvaleursdepèredefamille. Ilsneveulentpasprendrederisques en finançant des projets miniers », regrette le Congolais Kalaa Mpinga. Le patron de Mwana Africa, installé en Afrique du Sud depuis 1997, a créé sa compagnie en 2004, mais a préféré la coter à Londres. « Le strict contrôle des changes et les délais administratifs n’incitent pas à choisir Johannesburg, surtout si l’on souhaite s’internationaliser », explique-t-il. Si rien n’est tenté pour inverser la tendance, les compagnies pourraient chercher à réduire leur dépendance à la conjoncture locale, à l’image d’Anglo American, qui a délocalisé dès 1999 son management à Londres. « Je ne serais pas surpris si, dans quelques années, des compagnies sud-africaines comme AngloGold, Harmony ou Gold Fields prenaient le même chemin, investissant en priorité dans d’autres pays émergents », craint Wickus Botha. ● CHRISTOPHE LE BEC, envoyé spécial JEUNE AFRIQUE


Libérer le potentiel minier du Zimbabwe et de la République démocratique du Congo Mwana Africa PLC est une société minière panafricaine qui développe d’importants gisements de différents minerais. Ses opérations principales concernent l’or, le nickel, le cuivre et les diamants au Zimbabwe, en République démocratique du Congo et en Afrique du Sud.

2012 a été une année de transformations pour Mwana...

Au Zimbabwe, la mine Freda Rebecca, entrée en service en 2009 et qui avait produit 47,770 onces d’or dans les douze mois précédent Mars 2012, a atteint une production record de 18,350 onces sur le troisième trimestre de 2012. Son rythme de production annuel s’établit désormais à 72,000 onces d’or. En RD Congo, Mwana a pu annoncer, en Février 2012, une revalorisation des réserves du site de Zani Kodo qui devient, avec des réserves de 2,01 millions d’onces d’or, un gisement de classe mondiale. Dans la province du Katanga, en RDC, Mwana a signé en Août 2012 un accord de coopération et de développement avec la société chinoise Zhejian Hailiang Company Limited, permettant de réunir un financement de 25 millions de US dollars pour l’exploration de mines de cuivre.

2012 was a transformational year for Mwana…

The Freda Rebecca gold mine in Zimbabwe, having restarted operations in 2009, produced 47,770oz of gold in the 12 months to March 2012. Record quarterly gold production of 18,350 oz was achieved in the third quarter of 2012 reflecting an annualised rate of 72,000 ozs per annum. In February 2012, Mwana announced an upgrade to its gold resource of 2.01 million oz at its rapidly emerging world class Zani Kodo project in Democratic Republic of Congo. In August 2012, Mwana announced it had entered into a Cooperation and Development Agreement with Zhejiang Hailiang Company Limited to fund US$25m to explore some of its copper licences in the Katanga Province of the DRC. In September 2012, Mwana’s subsidiary, Bindura Nickel Corporation (BNC), concluded a restructuring and recapitalisation involving US$23m being invested into BNC which has allowed it to restart operations at its Trojan nickel mine.

…the Company is focused on delivering further shareholder value in 2013.

Enfin, au Zimbabwe, Bindura Nickel Corporation (BNC), filiale de Mwana, a achevé avec succès, en Septembre 2012, une opération de restructuration financière qui lui a permis de mobiliser un investissement de 23 millions de US dollars pour relancer l’exploitation de nickel sur son site de Trojan.

…En 2013, Mwana s’est fixé une priorité: créer davantage de valeur pour ses actionnaires. Unlocking the resource potential of Zimababwe and the Democratic Republic of Congo Mwana Africa PLC is a pan-African, multi-commodity mining and development company. Its principal operations and exploration activities cover gold, nickel, copper and diamonds in Zimbabwe, DRC and South Africa.

Coordonnées/ contact details

Grande Bretagne / UK 3rd Floor; 43 Palace Street, London SW1E 5HL United Kingdom

Afrique du Sud / South Africa 1st Floor, Block B, Sandton Place, 100 West Street / 68 Weirda Road East, Johannesburg South Africa

Tel: + 44 (0) 207 654 5580 Email: info@mwanaafrica.co.uk

Tel: +27 11 883 9550


MALI

De l’or malgré tout

! Le gisement de LOULO est exploité par Randgold Resources.

L’occupation du Nord par les rebelles islamistes n’a pas porté préjudice au secteur. Mais une période d’incertitudes s’ouvre avec le coup d’envoi de l’intervention militaire française.

A

lors que la guerre dans le Nord-Mali bat son plein, le secteur minier se porte bien. « La production aurifère n’a pratiquement pas été affectée », affirmeAbdoulaye Pona, président de la Chambre des mines du Mali. Selon le ministère des Mines, 43,5 tonnes d’or brut ont été produites en 2011. En 2012, sur les onze premiers mois de l’année, ce sont 41,3 tonnes d’or qui ont été extraites. « Les zones aurifères sont à des milliers de kilomètres du Nord-Mali, dans le sud et dans l’extrême ouest du pays », explique Alassane Diarra, directeur général de MCS Consulting, un cabinet de courtage malien spécialisé dans l’or. Et le putsch de mars 2012 n’a pas remis en question les contrats d’exploitation. « Les autorités ont toujours été présentes et assurent notre sécurité. L’option rapatriement n’a pas été mise sur la table, mais c’est une très bonne chose que l’armée françaiseaitréagiaussivite»,indique Mark Bristow, directeur général de Randgold Resources. « Néanmoins, la crise a eu un impact négatif sur la prospection, relativise Alassane Diarra. Des investisseurs se sont montrés plus frileux, et quelques acteurs se sont retirés », effrayés par laperspectived’enlèvements,même dans des zones censées être épargnées. Une perspective ravivée par le rapt d’un Français fin novembre à Diéma, dans l’ouest du pays. N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

Malgré tout, la production devrait encore progresser en 2013. Portées par un cours de l’oncequiatteintdes records (1270 euros début janvier), les annonces d’ouverture ou de prolongation d’exploitation de miness d’or se multiplient. Ainsi, le sud-africain AngloGold Ashanti a étéé autoriséàprolongerd’unedouzainee d’années l’exploitation de sa mine ne de Sadiola, et l’australien Resolute Mining va investir 185 millions d’euros dans celle de Syama pour l’exploiter quinze années de plus. AUBAINE. En plus des sept mines

Le secteur minier représente

75 %

des exportations du Mali et

15 %

de son PIB

déjà ouvertes, deux nouveaux sites ont été inaugurés en 2012 : Wassoul’or (par la société malienne éponyme) et Gounkoto (par RandgoldResources).«Lecomplexe de Loulo-Gounkoto, actuellement

en cours d’expansion, forme l’une des plus grandes mines d’or d’Afrique,seréjouitMarkBristow.En 2011, 346000 onces ont été extraites de ces deux mines, 500000 en 2012, et la production devrait dépasser les 600000 dès 2014, avec une durée de vie de plus de vingt ans. » D’autres projets sont prêts à se concrétiser, à l’image du gisement de Nampala, dont la concession a été confiée au canadien Robex. « Et treize autres sites sont en cours de prospection, s’enthousiasme Abdoulaye Pona. Les perspectives sont vraiment excellentes. Le Mali pourrait devenir le deuxième producteur aurifère du continent. » Une aubaine pour l’État, qui, ainsi que le prévoit le code minier, détient 20 % des parts des sociétés d’exploitation. ● BRICE TAHOUK

UNE NOUVELLE RAFFINERIE SWISS BULLION COMPANY et l’entreprise malienne Pan African Minerals Beneficiation Consultants se sont associés pour ouvrir une raffinerie d’or d’une capacité de 20 tonnes par mois, près de Bamako. L’investissement est estimé à 45 millions d’euros et les travaux ont démarré en janvier. « L’objectif est de valoriser

les matières premières du sous-sol ouest-africain, explique Abdoulaye Pona. Nous allons aussi créer des ateliers de taille de pierres précieuses et de fabrication de bijoux haut de gamme. » Si le président de la Chambre des mines du Mali se félicite du millier d’emplois directs et indirects qui devraient être créés, Mark Bristow,

directeur général de Randgold Resources, est plus réservé: « Les marges sont trop faibles, le projet n’est pas viable », indique-t-il en connaissance de cause. Le groupe britannique dispose en effet d’une petite raffinerie dans la mine de Loulo, « exclusivement destinée à favoriser B.T. l’emploi local ». ● JEUNE AFRIQUE

RANDGOLD RESOURCES

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Dossier FUSION

Un géant suisse voit le jour

Jugé inéluctable par les analystes, le mariage de Glencore et Xstrata a donné naissance au quatrième groupe minier mondial.

C

SPÉCIALITÉS. Surtout, leurs métiers sont complémentaires. Même s’il chapeaute une activité industrielle qui représente environ deux tiers de son résultat d’exploitation, Glencore est passé maître dans l’art de négocier les matières premières à travers le monde, tandis que Xstrata a fait de la restructuration de projets miniers risqués sa spécialité. D’après un analyste, son historique en la matière est impressionnant : « À la différence des autres miniers, Xstrata a une approche de terrain, explique-t-il. Le groupe est géré sur place, avec seulement quelques dizaines de personnes [sur 70 000 collaborateurs, NDLR] à son siège de Zoug. » Selon la même source, il a été décidé que les équipes de Xstrata prendraient la responsabilité des opérations industrielles du nouvel ensemble, tandis que le management de Glencore se concentrerait sur le négoce, un métier qui lui permet d’entrer en contact avec ses fournisseurs et d’identifier JEUNE AFRIQUE

SIGI TISCHLER/AP/SIPA

onclu pour 24 milliards d’euros en novembre 2012, le rachat du minier suisse Xstrata par son compatriote Glencore, tous deux cotés à Londres, a donné naissance à une machine de guerre forte d’un chiffre d’affaires de 150 milliards d’euros. Bien que le rapprochement des deux groupes ait nécessité près de un an, il était jugé inéluctable par les analystes tant leur histoire est indissociable. Xstrata est né en 2002 du rachat des activités liées au charbon, notamment en Afrique du Sud, de Glencore, qui possédait depuis lors 34 % de son cadet.

des cibles éventuelles grâce à un solide réseau d’informateurs à travers le continent. C’est ainsi qu’il a pu mener des acquisitions opportunistes, à l’image du rachat de Katanga Mining, en RD Congo. Le groupe suisse cultive également les meilleures relations avec les autorités locales : « Glencore fait partie des rares à être capables d’opérer au Katanga [en RD Congo] », relève un professionnel du secteur.

! IVAN GLASENBERG (au premier plan), DG de Glencore, au siège de Xstrata, à Zoug, le 20 novembre 2012.

Dans l’attente du feu vert des autorités de régulation, qui vient d’être encore retardé au 15 mars, le nouveau géant se refuse à donner des informations sur sa stratégie africaine. Mais un analyste estime qu’il est « évident » que la zone constitue l’une des pièces maîtresses de la stratégie du nouvel ensemble. Xstrata (2,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires en Afrique en 2010) exploite des mines de fer en Mauritanie, de nickel en Tanzanie et de charbon et ferrochrome en Afrique du Sud. Glencore possède des gisements de zinc et de cuivre en Zambie et en RD Congo, sans oublier la production de pétrole en Angola et en Guinée équatoriale. Quelques-unes de ses activités recoupent celles de Xstrata en Afrique du Sud, mais une grande partie de la croissance attendue pour Glencore doit provenir de ses projets en RD Congo, où il est présent à travers ses deux filiales KatangaMiningetMutandaMining. ACCUSATIONS Pours’ydévelopper, le groupe doit non seulement faire face au manque d’infrastructures et aux problèmes d’alimentation en électricité, mais aussi tenir compte des accusations de Global Witness. L’ONGbritanniquerappellerégulièrement les rapports opaques qu’entretient la société avec l’homme d’affaires controversé Dan Gertler. Signe de ces difficultés, le cours en Bourse de Katanga Mining a été quasiment divisé par deux en 2012. L’expérience combinée des deux entreprises ne sera pas de trop pour retourner la situation. ● NICOLAS TEISSERENC

L’AFRIQUE, PIÈCE MAÎTRESSE GLENCORE Sites en cours d’exploitation Shanduka (Afrique du Sud, charbon) ; E&P (Guinée équatoriale, hydrocarbures) ; Mutanda Mining et Katanga Mining (RD Congo, cuivre et cobalt) ; Mopani (Zambie, cuivre et cobalt)

XSTRATA Régions d’exploitation Rustenburg, Lydenburg et Brits (Afrique du Sud, charbon, chrome et platine) Sites en cours de développement Zanage (Congo, fer) ; Al Skaf, El Aouj et Lebtheinia (Mauritanie, fer) ; Kabanga (Tanzanie, nickel) N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

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Dossier Mines

TRIBUNE

Opiinions & éditoriaux

Halte à la spoliation en RD Congo

E DANIEL BALINT-KURTI Chef de campagne de Global Witness en RD Congo

N R É P U B L I QU E D É M O C R AT I QU E DU CONGO, les statistiques donnent des impressions contradictoires. L’an dernier, le PIB du pays a fait un bond impressionnant de 7 %, et la production de cuivre a dépassé les 600 000 tonnes – une hausse vertigineuse comparée aux 16 000 tonnes produites en 2003. Mais d’autres éléments assombrissent nettement le tableau. En 2011, le pays arrivait en dernière position de l’indice de la faim dans le monde et dégringolait en dernière place de l’indice onusien de développement humain. À Kinshasa, les enfants doivent régulièrement passer une journée ou plus sans manger, et des diplômés en droit se trouvent contraints de voler. Comme si une telle misère ne suffisait pas, le pays doit composer avec une multitude de rébellions. L’année 2012 a été marquée par l’émergence dans l’est du pays du M23, qui, avec le soutien supposé du Rwanda voisin, a brièvement pris Goma en novembre.

Pourquoi, malgré l’amélioration des statistiques macroéconomiques, la vie est-elle devenue plus difficile pour les Congolais? La réponse réside en partie dans la mauvaise gouvernance du secteur minier et son pillage par les groupes armés. S’attaquer à ces problèmes ne suppose pas simplement une action gouvernementale, mais également un changement dans l’attitude des bailleurs de fonds et des compagnies. Le scandale des « ventes secrètes » illustre à merveille cette mauvaise gouvernance. Des compagnies offshore (enregistrées dans des paradis fiscaux) contrôlées par un proche du président Kabila se sont vu octroyer les blocs miniers et pétroliers des entreprises publiques, parfois pour à peine 5 % de leur valeur. Ces sociétés réalisent de beaux bénéfices en signant d e s p a rt e n a r i a t s a v e c d e s o p é r a t e u r s internationaux. En conséquence, le gros des bénéfices des ventes de blocs miniers et pétroliers revient à ces entités offshore très discrètes plutôt qu’à l’État. Cela constitue un pied de nez aux serments anticorruption et de transparence du gouvernement et remet en question son engagement dans les diverses initiatives pour une meilleure

gouvernance minière, à l’image de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE). La révision des codes minier et pétrolier pourrait contribuer à rectifier les choses, notamment s’ils stipulent que les blocs miniers et pétroliers des sociétés publiques doivent être vendus via des appels d’offres publics. Cela assurerait au pays des revenus correspondant à ses ressources, en plus de servir de garde-fou contre la corruption. Davantage d’efforts sont également nécessaires pour s’attaquer au problème majeur des « minerais de la guerre » dans l’est du pays. Il est plus que probable que les rebelles du M23 ont été financés par le commerce de ces minerais, qui a aussi été une source de profit personnel pour les officiers congolais. En août 2012, la Securities and Exchange Commission (SEC, le gendarme de la Bourse aux États-Unis) a publié des règles édictant comment les entreprises américaines doivent s’assurer qu’elles n’achètent pas des minerais de la guerre. Ces règles constituent des dispo-

Il est plus que probable que les rebelles du M23 ont été financés par le commerce des « minerais de la guerre ».

N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

sitions similaires à celles de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ainsi qu’à un arrêté congolais. Certaines sociétés se sont défendues en poursuivant la SEC en justice, sous prétexte que cette règle est coûteuse. Une réaction qui ne peut qu’être préjudiciable au pays. S’attaquer au problème des minerais de la guerre est essentiel pour mettre fin au cycle de la violence dans l’est du pays. Les compagnies doivent réaliser qu’elles amélioreront leur image de marque si elles se montrent plus concernées par cette cause. Prenant conscience de cela, certaines sociétés qui utilisent de l’étain, du tantale, du tungstène et de l’or en provenance de RD Congo ont mis en place des chaînes d’approvisionnement en circuit fermé, leur permettant d’être impliquées depuis la mine jusqu’à l’usine de production. Voici le genre d’innovations dont le pays a besoin, plutôt que d’atermoiements et de blocages. ● JEUNE AFRIQUE


APPROVISIONNEMENT EN COMBUSTIBLE

RÉACTEURS & SERVICES

RECYCLAGE & VALORISATION

ÉNERGIES RENOUVELABLES

AREVA, un acteur minier de référence

Figurant parmi les leaders mondiaux de la production d’uranium, AREVA exerce ses activités minières d’exploration, de développement de projet, de production et de réaménagement sur les 5 continents, dans des contextes géopolitiques et technologiques variés, en s’appuyant sur la richesse multiculturelle de ses effectifs. A tous les stades de ses activités minières, le groupe prévient les risques sur les hommes et l’environnement, et intègre les dimensions sociales et sociétales, pour respecter les populations et contribuer au développement économique des territoires dans lesquels AREVA est présent.

www.areva.com

L’énergie est notre avenir, économisons-la !

Crédit photos : © AREVA

Véritable défi technologique et industriel, les activités minières d’AREVA sont le premier maillon du modèle intégré du groupe, et assurent sur le long terme l’approvisionnement en uranium pour produire de l’électricité avec toujours moins de CO2.


Dossier Mines MAROC

Managem attiré par ce qui brille

Le groupe veut diminuer sa dépendance aux métaux de base. Pour ce faire, il investit dans sa mine d’argent d’Imiter et multiplie les projets hors du royaume, notamment dans l’or.

ABDELHAK SENNA/AFP

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F

ilialedelaSociéténationale d’investissement (SNI, holding royal), Managem a été doublement pénalisé en 2012. Par les tensions sociales dans la mine d’Imiter, dans le sud-est du pays (lire encadré) ; et, surtout, par la chute des cours des métaux de base et du cobalt (– 18 % en 2012), un segment d’activité qui représente 80 % du chiffre d’affaires de Managem, contre 20 % pour les métaux précieux. Ces éléments ont pesé dans la baisse du résultat net part du groupe, qui a reculé de 14 % au premier semestre 2012 (23,4 millions d’euros). Pour rappel, en 2011, la société avait dégagé un chiffre d’affaires de 270 millions d’euros.

Lesprogrammesd’investissement visant à accroître la part de l’or et de l’argent dans son chiffre d’affaires permettraient à l’entreprise cotée à Casablancadebénéficierderelaisde croissance et de réduire son exposition à la conjoncture mondiale. La société dirigée par Abdelaziz Abarro a plusieurs projets en cours. Au Maroc, la production de la mine d’Imiter devrait passer à 300 tonnes d’argent par an fin 2013, contre une capacitéactuellede200tonnes.Mais c’est surtout à l’extérieur des frontières marocaines que Managem envisage son expansion, le royaume ne disposant pas de réserves d’or. Au Gabon, un gisement aurifère dans la région d’Étéké doit ainsi être

! SIT-IN des riverains d’Imiter, en mars 2012.

opérationnel fin 2014. « Le Gabon constitue la première expérience de Managem en Afrique subsaharienne, matérialisée par le succès du lancement du projet aurifère de Bakoudou, fin 2011. L’entreprise affirme avoir surmonté quelques désagréments liés à la sous-traitance dans le pays », souligne Majdouline Fakih, analyste chez CFG Group. Managem a également des vues sur le Soudan. « Un projet pilote a débuté pour la production d’or. Les relations avec Khartoum se passent bien, car de nombreuses créations d’emplois sont en jeu », poursuit-elle. RISQUÉ. D’autres projets auri-

fères sont à l’étude en Éthiopie, en Mauritanie et en RD Congo – où Managem est déjà actif dans le cuivre et le cobalt. « En RD Congo, les réserves de cuivre et de cobalt sont très importantes. Ainsi la durée de vie de la mine de Pumpi dépasse les vingt ans. Toutefois, cet énorme potentiel reste risqué et délicat en raison du manque de stabilité politique », précise l’analyste de CFG Group. Après une décennie difficile, Managemveutsedonnerlesmoyens d’augmenter sa production, avec comme objectif de réaliser un tiers de ses ventes en dehors du Maroc d’ici à trois ans. « À l’horizon 2015, l’international pourrait contribuer à hauteur de 45 % au résultat brut de Managem », estime Majdouline Fakih. ● RYADH BENLAHRECH

L’INCERTITUDE PLANE SUR IMITER AVEC PLUS DE 50 % de marge brute, la Société métallurgique d’Imiter (SMI) revêt une importance stratégique pour Managem, détenteur de 80 % du capital. Las, pendant plusieurs mois, les riverains ont bloqué l’accès aux deux N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

puits situés à l’extérieur de la mine et indispensables au traitement de l’argent. Conséquence : les volumes de production ont chuté de 24 % en 2012. Une solution a été trouvée en novembre, moyennant des engagements sociaux

en partenariat avec l’État, pour répondre aux attentes de la population locale. « Les revendications des riverains dépassaient largement le champ d’action de l’entreprise. Les inégalités de niveau de vie entre ces derniers

et les mineurs, jugés privilégiés, ont favorisé cette révolte », explique Majdouline Fakih, analyste chez CFG Group. Managem continue toutefois de chercher des sources d’eau alternatives, car la situation R.B. reste incertaine. ● JEUNE AFRIQUE


www.africanpetroleum.com.au Mauritania

Opérateur de 31,908 km2

Senegal

Rufisque Offshore Profond

Mali The Gambia

A1 A4 Offshore Sud Profond

Guinea Bissau

Burkina Faso Guinea

Sierra Leone Ghana

Liberia

SL -0

SL -0

4A

3

Cote d’Ivoire

Narina-1

8

CI-513

LB-03

Applied

-0

African Petroleum Corp Ltd

LB

LB

-0

9

Apilis-1

CI-509

Af African Petroleum Corporation Ltd est le plus grand détenteur de domaine mi minier dans le Crétacé Supérieur en Afrique de l’ouest et poursuit son ac acquisition de nouveaux permis d’exploration pour optimiser la valeur po pour les pays hôtes, ses investisseurs et ses actionnaires


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Dossier Mines BOURSE

Sydney, passage obligé

L’engouement des miniers australiens pour l’Afrique ne se dément pas. Mais face à la surenchère de projets, la levée de fonds sur l’Australian Securities Exchange (ASX) devient plus difficile.

V

oilà un peu plus de cinq ans que l’Australie capitalise sur les gisements africains. Encouragées par l’assainissement de l’environnement politique et du cadre économique à travers l’ensemble du continent, les compagnies minières australiennes n’hésitent plus, quelles que soient leur taille ou leur puissance financière, à venir tenter leur chance en Afrique. « Le domaine minier est parfaitement connu et déjà largement sous contrôle en Australie. Les opportunités y sont donc rares », explique Peter Rudd, analyste chez Citigroup à Sydney. Les opérateurs miniers ont donc multiplié les investissements à l’extérieur du pays, notamment en Afrique, « où les coûts d’exploitation sont largement plus avantageux qu’en Australie, pour des délais d’obtention des permis généralement plus courts », précise Roger Donnelly, économiste en chef à l’Export Finance and Insurance Corporation (EFIC), l’agence australienne spécialisée dans l’assurance-crédit à l’exportation.

Fortes d’un savoir-faire mondialement reconnu sur un secteur qui contribue à hauteur de 5 % au PIB et de 35 % aux exportations du pays, les compagnies australiennes peuvent compter sur le soutien des investisseurs locaux pour partir à l’assaut des ressources minérales africaines. Sur les 745 opérateurs miniers listés auprès de l’Australian Securities Exchange (ASX) – soit 44 % de l’ensemble des compagnies cotées à la Bourse de Sydney et 23 % de sa capitalisation totale –, 204 travaillent aujourd’hui en Afrique sur un millier de projets répartis dans 38 pays. Seul le Canada fait légèrement mieux (207 compagnies répertoriées), alors que la Place de Londres atteint péniblement la centaine d’opérateurs. Constitué aux trois quarts de juniors, le contingent australien se positionne essentiellement sur des projets d’exploration, aurifères en Afrique de l’Ouest (Mali, Ghana et Burkina Faso), mais également d’uranium en Mauritanie et en Namibie, de nickel en Tanzanie, de diamant en Angola et au Botswana, de charbon à Madagascar et en Afrique du Sud, de minerai de fer au

Sur 745 sociétés minières cotées à l’ASX, 204 opèrent en Afrique

Cameroun et en Sierra Leone ou de cuivre en RD Congo et en Zambie. « Ce sont pour la plupart des petites structures, le plus souvent installées à Perth, et qui viennent collecter entre 2 millions et 5 millions de dollars australiens [de 1,6 million à 4 millions d’euros, NDLR]surlaBoursedeSydneypour pouvoir poursuivre leurs activités d’exploration, avant de passer à l’exploitation des gisements dans les deux ans », détaille Eddie Grieve, directeurchargédudéveloppement de l’ASX. Il constate « un véritable élan ces dernières années, à la suite des succès rencontrés par de nombreuses compagnies australiennes en Afrique ». ATTRAIT. Pour Mike Ralston, direc-

teurgénéraldeBalamaraResources, coté depuis quatre ans à l’ASX et actuellement en lice pour développer un projet de phosphate au Togo, « l’attrait des investisseurs australiens pour les mines africaines n’a jamais été aussi fort ». Ces derniers mois pourtant, il montre quelques signes de faiblesse, notamment du fait du ralentissement de l’économie chinoise. Si les investissements australiens en Afrique sont estimés entre 15 milliards et 25 milliards d’euros sur la dernière décennie, le montant pour 2012 dépasse à peine 1 milliard d’euros, alors que neuf compagnies supplémentaires ont débarqué dans le même temps sur le continent. « De plus en plus d’opérateurs prospectent en Afrique. Le nombre de projets en recherche de financement est donc plus important », insiste le patron de Balamara. De fait, victimes de leur réussite en Afrique, les compagnies australiennes doivent faire face à une concurrence plus rude. « L’histoire du secteur minier australien a toujours été rythmée par de forts pics de croissance, suivis de périodes plus ou moins longues de gel des investissements », rappelle Peter Rudd.Lescompagniesdoiventdonc se montrer patientes. Et avec elles les pays africains qui souhaitent leur confier la valorisation de leur domaine minier. ● OLIVIER CASLIN, à Brisbane

N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

JEUNE AFRIQUE



Dossier Mines du contenu précis et des effectifs de cette formation », nuance Mamadou Senghor. Seule certitude : elle s’adressera aux professionnels du secteur justifiant d’un niveau bac +3 minimum, avec une attention particulière portée aux autochtones – sur fond d’africanisation des cadres – et aux femmes. Les premiers cours sont prévus pour 2014. Une offre de formation initiale viendra ultérieurement compléter ces sessions de formation continue.

FORMATION

Partenariat francophone

La convention signée entre l’Institut canadien des mines et le Cesag, à Dakar, marque une première étape dans la création d’une institution sous-régionale.

POINT D’ANCRAGE. Le Cesag voit

dans ce partenariat l’opportunité de s’insérer dans le secteur des mines ainsi que le moyen de renforcer son leadership sous-régional. De son côté, l’ICM voit plus loin que le renforcement des relations économiques entre les deux pays. « Il s’agit avant tout de cibler l’Afrique de l’Ouest. Nous recherchons un mandat sous-régional, du fait de la richesse minière locale. Le Cesag constitue un point d’ancrage pour notre feuille de route », ! Employés souligne Jean Vavrek. De fait, son du canadien d’ici à l’automne prochain pour statut d’institution de l’Union TERANGA GOLD « définir les priorités et partager économique et monétaire ouestCORPORATION, l’expertise entre l’ensemble des africaine (UEMOA) a été décisif sur la mine de acteurs miniers francophones », dans le choix de l’école. SABODALA (est du Sénégal). précise Jean Vavrek, directeur de À Dakar, la première section l’ICM. Dans un deuxième temps, locale de l’ICM servira de modèle un institut africain de la francopour les autres pays d’Afrique de phonie minière sera mis en place, l’Ouest : Abidjan, Ouagadougou et c’est dans ce cadre que seront et Conakry ont d’ores et déjà dispensées les formations, sous manifesté leur intérêt pour une la houlette de l’ICM qui passera démarche similaire. « Il est imporprogressivement le relais tant d’avoir plusieurs secLe Canada tions pour pouvoir former à des formateurs locaux. a investi L’enseignement sera focaun district ouest-africain », 5,2 milliards d’euros lisé sur la gestion minière, poursuit le directeur de dans les mines en Afrique de l’ICM. À terme, l’objecl’extraction, l’approvisionl’Ouest en 2011, dont 300 millions nement, la responsabilité tif affiché est de mettre en au Sénégal place un institut minier francosociale des entreprises (RSE)… « Le cahier des charges n’étant phone… mondial.Une perspective pas finalisé, il est encore trop réaliste d’ici trois à cinq ans, selon tôt pour parler du déroulement, Mamadou Senghor. ● FANNY REY HUGH BROWN

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C

ela fait bientôt deux ans que le contact a été noué entre l’Institut canadien des mines, de la métallurgie et du pétrole (ICM) et le Centre africain d’études supérieures en gestion (Cesag), à Dakar. Le premier, à l’origine de ce rapprochement, souhaite optimiser le potentiel développé par les miniers canadiens sur le continent. « Vu l’importance de ses investissements au Sénégal et plus généralementenAfriquedel’Ouest, le Canada cherche à y rentabiliser ses activités », souligne Mamadou Senghor, responsable de l’insertion professionnelle au Cesag. Il s’agira tout d’abord de mettre en place un comité stratégique chargé d’organiser un symposium



Culture & médias

BEAU LIVRE

La saga du

cacao

Et voilà comment le chocolat a assuré son emprise sur les papilles du monde entier ! Un gros ouvrage signé du chercheur Alfred Conesa revient sur cette extraordinaire histoire, sans occulter ses pages les plus noires.

ainsi la dispersion des semences. Lesquelles ne seraient pas allées très loin si, en des temps immémoriaux, les Amérindiens n’avaient transporté les arbustes en pirogue, en direction des régions humides et chaudes qui bordent la mer des Caraïbes et le Pacifique : Panamá, l’Équateur, le Brésil, le Mexique…

JOSÉPHINE DEDET

A

visauxamateursdebeauxlivres, aux curieux d’histoire, d’anthropologie ou d’agronomie, aux gourmands, à tous ceux pour qui la lecture doit être un délice. Avec son texte érudit et plaisant, agrémenté d’une riche iconographie (gravures anciennes, œuvres d’art, affiches publicitaires, photos d’hier et d’aujourd’hui), Du cacao et des hommes tient toutes ses promesses. Son auteur, Alfred Conesa, ancien directeur à l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), et qui a déjà publié une Fabuleuse Aventure du café (Éditions de Paris, 2006), n’a pas voulu écrire une énième histoire du cacao. Optant pour une démarche transversale, « où différents facteurs historiques, écologiques et techniques se combinent pour arriver à la grande diversité » de la cacaoculture, il a accompli un voyage initiatique, parcourant toutes les régions où celle-ci a répandu ses bienfaits, mais aussi, à partir de la conquête du continent américain, causé bien des souffrances. De l’esclavage à l’ère industrielle, des maladies adie ad ies du cacaoyer aux plantations respectueuses de l’environnement, du premier chocolat en poudre d’invention néerlandaise (1828) aux barres Mars made in USA (1920), Conesa nous entraîne dans l’épopée de l’arbre aux fruits d’or. Cette épopée prend sa source dans la forêt amazonienne. En Guyane et à la frontière du Brésil et de la Bolivie, poussent encore les cacaoyers des origines. Sous des arbres géants, qui les ombragent, ils produisent des fruits oblongs, les cabosses, qui renferment des fèves entourées d’une gelée acidulée dont raffolent singes et perroquets. Prêts à tout pour y accéder, ils ouvrent les cabosses, assurant N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

NECTAR. Dans ce dernier pays, la légende veut

Production mondiale de cacao en 2011

4 millions de tonnes

Premiers producteurs : la Côte d’Ivoire (1,5 million de t) et le Ghana (734 000 t)

SOURCE : A. CONESA

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que Quetzalcóatl, descendu sur terre pour instruire les habitants d’une cité toltèque, leur ait fait don d’une plante volée aux dieux, ses frères, qui se régalaient de son nectar. L’impudent fut puni de son audace, et la cité heureuse sombra dans le déclin. Pour les Mayas, qui s’imposent plus tard dans la région, le cacao sert de monnaie d’échange. Des petits malins – les faux-monnayeurs de l’époque – trichent en remplissant ses coques d’argile. Consommé comme boisson, pimenté ou aromatisé avec de la vanille, il est utilisé pour les rites religieux. Pour les jeux de l’amour et de la guerre aussi, puisqu’on lui attribue des effets aphrodisiaques et fortifiants. L’empereur aztèque Moctezuma avale cinquante tasses de chocolat avant de se rendre dans son harem, et ses guerriers s’en nourrissent avant le combat. Pendant la Première Guerre mondiale, le Français Pierre Lardet, inventeur du Banania, se servira de cet argument pour réchauffer les poilus dans les tranchées avec sa farine de banane chocolatée, choisissant pour emblème le tirailleur sénégalais (et un slogan douteux, le « y’a bon… », banni en 2011). Aujourd’hui encore, les fèves de cacao sont utilisées à des fins fortifiantes et curatives, comme chez les Indiens kunas du Panamá, où des chamans ● ● ● ! AU CHAMP, une œuvre de l’Ivoirien Watara Abioulaye, dit Watson. JEUNE AFRIQUE


WATARA ABIOULAYE DIT WATSON/CÔTE D’IVOIRE, 2010


Culture médias

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les mauvais traitements, ont l’id l’idée d’étendre la cacaocu culture à l’Afrique. En 1745, il ils introduisent le cacaoyer à São Tomé et Príncipe, qui sera le seul pays du continent à recourir au système esclavagiste sur le modèle de celui qui se pratique aux Antilles. Ce n’est n’e que beaucoup plus tardivement, au début du XXe siècle, que la cacaoculture se développe le long de la Gold Coast (actuel Ghana), où la Grande-Bretagne livre au Portugal une guerre économique pour le contrôle de la production. En 1904, les Britanniques lancent une campagne virulente contre les conditions de travail inhumaines que les Portugais infligent aux autochtones. Cinq ans plus tard, un boycott de leurs produits parachève cette œuvre de déstabilisation. À São Tomé, le déclin de la cacaoculture est déjà bien entamé lorsqu’une maladie décime les plants, en 1920. Les horreurs coloniales n’en continueront pas moins jusqu’à l’indépendance, en 1975. Les nationalisations qui s’ensuivent portent un coup de grâce à cette filière. Elle renaît aujourd’hui de ses cendres grâce à la production d’un cacao biologique et haut de gamme.

interprètent leur fumée pour poser un diagnostic, et la font inhaler aux malades et aux nouveau-nés. Ironie de l’Histoire, le cacao aurait pu sombrer dans l’oubli. Christophe Colomb ne l’apprécia pas, et, plus tard, des corsaires hollandais qui s’étaient emparés d’une caravelle espagnole chargée de précieuses fèves jetèrent ces « crottes de bique » à la mer. Lors de la conquête (1519), Hernán Cortés et les siens ne sont pas immédiatement séduits par le xocolatl, qu’ils trouvent peu ragoûtant : les indigènes y mêlent de la farine de maïs et du sang sacrificiel. Mais lorsque, dans les couvents, les sœurs l’aromatisent à la mode ibérique et y ajoutent du sucre de canne, la bonne société mexicaine s’en éprend. L’engouement est tel que dames et couventines du Chiapas boivent tasse sur tasse pendant la messe, prétendant soigner leur faiblesse d’estomac. Le cacao fait bientôt l’objet d’intenses querelles théologiques entre jésuites, qui le commercialisent, et dominicains, qui n’en tirent pas profit. Doit-il être considéré comme un aliment, auquel les catholiques n’ont pas droit pendant le carême, ou comme une boisson autorisée pendant le jeûne ? Le pape Grégoire XIII tranche en faveur de la Compagnie de Jésus… et de la gourmandise. ●●●

CACAOCULTURE. Envoyée par caravelles à Charles

Quint dès 1524, la divine fève gagne Séville, puis toute l’Espagne, les Pays-Bas espagnols et la Belgique. Un siècle plus tard, Anne d’Autriche, infante d’Espagne et épouse de Louis XIII, fait partager sa passion à la cour de France. Le mariage de l’Espagnole Marie-Thérèse avec Louis XIV conforte cette mode. Désormais, dans toute l’Europe, la noblesse se régale de chocolat chaud. Face à l’accroissement de la demande, la cacaoculture monte en puissance aux Antilles : à la Trinité, à la Jamaïque, où les Anglais prennent le relais des Espagnols, et en Haïti, à partir de la Révolution française. Lorsque ce pays conquiert son indépendance, en 1804, la production s’effondre et les colons débarquent avec leurs esclaves à Cuba, où ils fondent de vastes plantations. Les Portugais, qui ont importé au Brésil des esclaves d’origine africaine pour remplacer les Indiens en grande partie décimés par les épidémies et N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

ALFRED CONESA

A LF R E

ALFRED CONESA

E SA D CON

! D’ORIGINE AMÉRICAINE, produit principalement en Afrique, le cacao a conquis tous les gourmands de la terre.

1824 Le Français Brutus Menier utilise la force hydraulique de son moulin à blé, à Noisiel (Banlieue est de Paris), pour obtenir des poudres médicinales et de cacao. Un premier pas vers l’industrialisation et la production de masse 1828 Le Suisse CharlesAmédée Kohler invente le chocolat aux noisettes 1847 Moulage de la première tablette de chocolat, en Angleterre 1920 Aux États-Unis, Franck Mars et son fils Forrest inventent la première barre chocolatée 1960 Lancement de Nesquik de Nestlé, parfumé à la cannelle. C’est la préparation pour boisson cacaotée la plus vendue aujourd’hui dans le monde

TURBULENCES. Mais, dans les esprits, l’aventure du cacao est étroitement liée au destin de la Côte d’Ivoire. En 1944, après un demi-siècle de production, Félix Houphouët-Boigny, chef akouè et planteur respecté, s’insurge de la manière dont les Africains sont traités par « des hommes qui ne sont pas dignes de la France ». Il fonde le Syndicat agricole africain, qui regroupe 12 000 des 20 000 planteurs du pays, et engage la lutte contre le travail forcé. Cette machine politique le conduira au pouvoir et à l’instauration d’un « État cacaoyer », synonyme de prospérité pour le pays jusqu’à l’effondrement, en 1983, lorsque la récolte mondiale excède la demande, ouvrant une ère de turbulences. Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire reste le premier producteur mondial devant le Ghana. Par un de ces hasards dont l’Histoire a le secret, le cacao, né sur le continent latino-américain, a fait de l’Afrique sa terre de prédilection, et ce chocolat dont Christophe Colomb ne voulait pas a conquis les papilles de tous les gourmands de la planète. ● Du cacao et des hommes – Voyage dans le monde du chocolat, d’Alfred Conesa, éd. Nouvelles Presses du Languedoc, 287 pages, 38 euros JEUNE AFRIQUE


Culture médias

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DR

! NABIL ASLI ET ADILA BENDIMERAD dans Le Repenti, de Merzak Allouache. CINÉMA

Vingt candidats pour un Étalon

À un mois de l’ouverture de la 23e édition du Fespaco, le 23 février, au Burkina Faso, revue des films qui affronteront le regard des jurys, pour la première fois présidés exclusivement par des femmes.

M

ichel Ouédraogo a eu peur. Alors que le délégué général de la manifestation espérait que certaines projections du Festival panafricain du cinémaetdelatélévisiondeOuagadougou (Fespaco) pourraient avoir lieu dans la salle qui jouxtera bientôt la cinémathèque, l’incendie d’un échafaudage en bois a ravagé en partie la toiture de l’établissement le 15 janvier, à un mois de la cérémonie d’ouverture, le 23 février. Plus de peur que de mal, nous a-t-il assuré à Paris où il se trouvait pour révéler la sélection de cette 23e édition du festival, qui présentera 101 films originaires de 35 pays du continent, retenus parmi les quelque 750 présentés en sélection. C’est le 2 mars que sera décerné le très convoité Étalon de Yennenga à l’un des 20 films de fiction en lice pour cette récompense. Parmi les candidats, la part belle a été faite aux pays du Maghreb, en particulier le Maroc et l’Algérie (trois films chacun). Rien d’étonnant dans le cas du royaume chérifien, dont la cinématographie est aujourd’hui la plus dynamique du continent. En revanche, pour l’Algérie, c’est une bonne surprise. Le Sénégal et, moins JEUNE AFRIQUE

attendu, l’Angola portent haut le drapeau des pays du sud du Sahara, avec deux films sélectionnés. Les pays lusophones font un retour en force avec au total quatre longs-métrages retenus. À l’inverse des anglophones, quasi absents avec en tout et pour tout une seule œuvre pour chacun des deux plus grands pays du continent, le Nigeria et l’Afrique du Sud – si décevante après avoir suscité tant d’espoirs. INNOVATION. Fontfiguredefavorislesréa-

lisateursdéjàprimésouremarquéslorsdes grands festivals internationaux, comme le Marocain Nabil Ayouch (Les Chevaux de Dieu), les Sénégalais Moussa Touré (La Pirogue) et Alain Gomis (Aujourd’hui), les Algériens Merzak Allouache (Le Repenti) et Djamila Sahraoui (Yema) ou encore le Tunisien Ridha Béhi (Always Brando). Mais rien, bien sûr, n’est joué d’avance et l’on attend avec beaucoup d’intérêt les œuvres de cinéastes comme le BissauGuinéen Flora Gomes (La République des enfants), le Nigérian Newton Aduaka (One Man’s Show) et l’Angolais Zeze Gamboa (Le Grand Kilapy). Innovation marquante, inédite jusqu’ici dans les grands festivals internationaux, le

Fespaco a décidé de confier la présidence de tous les jurys à des femmes. Lesquelles, souligne Michel Ouédraogo, « occupent de plus en plus de place dans le cinéma africain » et méritent d’être honorées et encouragées. Et c’est la Martiniquaise Euzhan Palcy (Rue Cases-Nègres) qui aura l’honneur de remettre l’Étalon de Yennenga. À l’occasion de cette 23e édition, un important colloque se tiendra sur « les politiques publiques pour le cinéma en Afrique ». Un thème crucial alors même que le secteur vit des heures difficiles sur le continent, trop souvent incapable de « fabriquer » ses propres images. De fait, une grande partie des États africains, y compris certains qui avaient réellement soutenu l’activité cinématographique jusqu’aux années 1990, se sont désintéressésdel’avenirduseptièmeart,hypothéqué par la faiblesse de la production comme par la fermeture accélérée des salles de cinéma. L’occasion de se demander comment remédier à une telle situation à un moment où l’irruption des technologies numériques devrait au contraire faciliter le développement de l’industrie. ● RENAUD DE ROCHEBRUNE N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013


Culture médias français, NDLR] du Sénégal », s’amuse Malick Seck, patron de presse et fondateur du titre. « On est constamment à la recherche du scoop, de l’info exclusive, du buzz », décrit-il, en soutenant que son hebdomadaire – vendu à 500 F CFA l’unité (environ 0,76 centime d’euro) –, s’écoule chaque semaine à plus de 20000 exemplaires. Des scoops qui, selon la presse sénégalaise, lui ont valu un procès en diffamation et une condamnation à un an de prison avec sursis. Cette recette réussit tout autant à Abidjan, pour Prestige Magazine. « Chez nous, il n’y a pas de tabous, on parle aussi bien des scandales qui émaillent la vie des artistes que de sexe », explique Guillaume Vergès, rédacteur en chef de l’hebdomadaire ivoirien.

MÉDIAS

Sexe, mensonges et ragots La presse people connaît un véritable engouement en Afrique de l’Ouest. Certaines publications remportent même un franc succès.

I

«

l y a vingt ans, on nous traitait de fous. Pourtant, on avait vu juste : le people, ça intéresse tout le monde ! » se réjouit Moses Djinko (45 ans), grand prêtre de la presse people en Côte d’Ivoire. En 1993, avec quelques amis, il lance le premier journal du genre, Top Visage, un tabloïd 100%show-business.Sacréchallengedans un pays où même l’actualité culturelle était reléguée en fin de journaux. « Pour le premier numéro, on a tablé sur 13 000 exemplaires, se souvient-il. Mais très vite nous avons augmentéles tirages: le journal faisait un carton! » Douze ans plus tard, en 2005, Top Visage tirait à 60000 exemplaires – et avait, par la même occasion, ouvert la voie à d’autres initiatives. À Abidjan, il n’y a plus un, mais cinq tabloïds hebdomadaires, et un mensuel, Life, que dirige maintenant Moses Djinko. Quand l’hebdomadaire français Paris Match vend en moyenne 300 exemplaires à Abidjan, Life en écoule près de 10 000. Cet engouement pour la presse people,

on l’observe aussi à Cotonou, Lomé ou Dakar. Dans les capitales sous-régionales, lycéens, étudiants, fonctionnaires, cadres d’entreprises, tous se passionnent pour la vie trépidante des « stars » locales. Ils sont nombreux les patrons de presse qui se sont engouffrés dans la brèche… et se sont cassé les dents. SCOOP. À Dakar, Satellite, Icône Magazine

et Facedakar sont les seuls survivants de la boulimie people qui s’est abattue sur le Sénégal Mannequins, chanteurs, jetau début des années 2000. setteurs n’hésitent pas à monter « Le people est un business comme un autre, déclare de faux scandales pour être vus. Malick Seck, patron de presse sénégalais. Et comme pour tout AVENIR. À Dakar, Lomé, Abidjan, de business, il faut avoir un projet solide, plus en plus de gens ont compris comment crédible et bien ficelé », explique-t-il. tirer parti de cette presse. Mannequins, Quand Icône Magazine – fondé par le chanteurs, belles de nuit, jet-setteurs, ils n’hésitent pas à monter de faux scanjournaliste Mansour Dieng –, préfère être policé, à la limite du culturel, Facedakar dales ou de fausses « paparazzades » pour n’hésite pas à faire dans la polémique. être vus. Mais ils ne sont pas les seuls à « Nous sommes le Voici [hebdomadaire s’en servir. « Les politiciens aussi entrent dans la danse. Ils se tournent vers ces magazines qui sont souvent moins critiques que la presse politique », confie un patron d’agence de communication de Cotonou. Au Bénin par exemple, Réckya Madougou (ministre de la Microfinance) a fait la une du magazine béninois Vida loca. En Côte d’Ivoire, ce sont les ministres Hamed Bakayoko (à l’époque ministre des Nouvelles Technologies) et Anne Ouloto (à l’époque ministre de la Salubrité urbaine) qui ont fait la couverture de Life, respectivement en 2007 et 2011. Parmi les professionnels, on est persuadé du bel avenir de la filière. « Entre les footballeurs, les artistes, les tops, les animateurs télé, il y a encore de quoi faire », s’exclame Guillaume Vergès. « Des lecteurs viennent des pays voisins pour acheter des exemplaires de la revue et les revendre dans leur pays. Et à Life, on commence à réfléchir sur la façon d’internationaliser le magazine », raconte Moses Djinko. Malick Seck, lui, a l’intention de lancer, d’ici à la fin du premier trimestre de cette année, sa chaîne de télévision, Facedakar TV. ● CAMILLE MILLERANDPOUR J.A.

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! À ABIDJAN, cinq tabloïds hebdomadaires et un mensuel se partagent le marché. N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

MALIKA GROGA-BADA JEUNE AFRIQUE


Culture médias ! LE PLUS PARISIEN des rappeurs maliens, actuellement en tournée en Europe.

part belle aux cordes, Roi sans carrosse est empreint de cette poésie lapidaire qui caractérise le flow du plus parisien des rappeurs maliens. ROSA PARKS. Évoquant la paternité (« Un

Sa Majesté Oxmo Puccino

VINCENT DESAILLY

an moins le quart »), le deuil (« Le Vide en soi »), celui qui, jusqu’à présent, a fait la part belle à la fiction narre de moins en moins de fables mais raconte de plus en plus ses histoires. Une intimité qu’il veut « universelle ». « La vie, la mort, ce sont des expériences partagées par chacun d’entre nous », commente celui qui a perdu un frère en 2007. Une ode à la capitale parisienne (« Pam Pa Nam »), un hommage au combat d’un Spartacus ou d’une Rosa Parks (« Parfois »), en formidable griot urbain engagé, celui qui revendique des « textes emplis de philosophie africaine avec des expériences parisiennes » évoque le fléau du racisme et la nécessité de poursuivre un combat toujours d’actualité afin que chacun puisse « être en harmonie avec son africanité ». « Malheureusement, explique-t-il, cela demeure difficile pour MUSIQUE certains tant l’image des Noirs que l’Occident a fabriquée a été dévastatrice. Il n’y a pas si longtemps, il y avait encore des zoos humains en France. Cela a imprégné les esprits, et aujourd’hui ce pays Bien accueilli par la critique et le public, le dernier album du natif de doit accepter toute son histoire pour se Bamako vient d’être nommé aux Victoires de la musique. comprendre lui-même. » Accepter ce que l’on est, pleinement. t si l’histoire se répétait ? Un conseil que l’artiste prodigue à tous, rencontré le succès dès ses débuts avec Couronné d’une Victoire de la y compris aux jeunes artistes africains notamment, en 1998, le tube « Mama qu’il a pu rencontrer à Bamako, il y a musique pour son précédent Lova » tiré de son premier album, Opéra deux ans, lors de la dernière édition du opus L’Arme de paix, sacré meilPuccino, alors disque d’or. festival littéraire Étonnants Voyageurs. leur album de musique urbaine en France en 2010, Oxmo Puccino pourrait bien de « L’Afrique a toujours eu beaucoup de SAUDADE. En compagnie des Jazz nouveau se voir récompensé le 8 février poésie à offrir. Or les jeunes, aujourd’hui, Bastards, le fameux Lipopette Bar l’a prochain pour Roi sans carrosse. Salué par entraîné en 2006 vers des contrées davancraignent parfois de se tourner vers elle la critique, bien accueilli par le public, tage musicales. Ce que confirme Roi sans par peur de retrouver une tradition qu’ils ce sixième album s’est écoulé à près de carrosse, composé lors d’un voyage au cherchent à fuir à travers la musique Brésil. « La bossanova et la saudade, cette moderne, comme le rap. C’est pourtant 35 000 exemplaires depuis sa sortie en alliance de joie et de tristesse qui représeptembre 2012 et mène Oxmo Puccino en intégrant cette poésie ainsi que les sur les routes de France et de Navarre pour sente la vie, m’ont fortement influencé, tendances musicales locales que les rapune longue et trépidante tournée qui se reconnaît l’artiste. Avec cet peurs africains parviendront à terminera le 1er juin sur la scène du Zénith album, mon univers musical créer leur propre univers. Des parisien. Une consécration pour ce natif se précise. Il semble plus léger, talents, en Europe comme en de Bamako aux talents multiples qui, par mais il n’en est pas moins Afrique, il y en a beaucoup, dense pour autant. C’est un mais malheureusement ils ailleurs, travaille à l’écriture d’un scénario pour le cinéma, d’un livre pour enfants voyage émotionnel qui reprén’auront pas toujours les et, à pas encore 40 ans, de ses Mémoires. sente une tranche de ma vie. » moyens de s’exprimer. Ce sont des “rois sans carrosse”. Déjà ? Il faut dire que l’artiste écume Avec une orchestration à forte Roi sans carrosse, les salles et les scènes depuis plus d’un dominante acoustique et un Je leur rends hommage. » ● d’Oxmo Puccino quart de siècle et que le Black Mafioso a groove doux-amer faisant la SÉVERINE KODJO-GRANDVAUX (Cinq 7)

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JEUNE AFRIQUE

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Culture médias En vue

■ ■ ■ Décevant

■ ■ ■ Pourquoi pas

■ ■ ■ Réussi

■ ■ ■ Excellent

BIOGRAPHIE

EN DÉROUL ANT EN TOILE DE FOND l’histoire deCarthage,citétunisienne qui fut rasée par Rome en 146 avant J.-C., Zakya Daoud retrace le parcours de Hannibal, son plus brillant général, qui soumit les peuples ibères, franchit les Pyrénées puis les Alpes et ravagea l’Italie durant seize années, sans pour autant marcher sur Rome. Une erreur qui lui coûtera la victoire face à Scipion l’Africain.Condamnéàl’exil puis au suicide, Hannibal est devenu un mythe, toujours actuel. Ce récit extrêmement détaillé permet de découvrir de nouvelles facettes du personnage et de comprendre comment il a marqué le destin du bassin méditerranéen. ● MARIE VILLACÈQUE

Hannibal, de Zakya Daoud, éd. Perrin, 360 pages, 23 euros ■■■

TÉLÉVISION

SONY PICTURES

Hannibal, au-delà du mythe

CINÉMA

L’esclavage à la sauce spaghetti

Le réalisateur de Pulp Fiction revient et s’attaque avec humour à un nouveau genre : le western. Entre parodie et engagement.

L

e spécialiste s’il en est des parodies de cinéma de genre, Quentin Tarantino, nous régale une nouvelle fois en passant allègrement du film de guerre (Inglourious Basterds, 2009) au western. Et plus précisément au western spaghetti à la sauce black, en s’inspirant directement d’un longmétrage de Sergio Corbucci de 1966, également titré Django. Le sujet n’est cependant pas léger, puisqu’il aborde sinon de front, du moins tout dulong,laquestiondel’esclavageauxÉtats-Unis. L’histoire commence deux ans avant le début de la guerre de Sécession, quand un ancien dentiste d’origine allemande devenu chasseur de primes, un certain Schultz, recherche un esclave nommé Django tombé aux mains de négriers sans scrupule. Il le retrouve et, en tuant spectaculairement ses récents acquéreurs, lui évite un sort à coup sûr dramatique. Pas pour rien : seul ce captif, qu’il s’empresse de transformer en homme libre et en associé, peut lui permettre de découvrir où se cachent des condamnés qu’il doit ramener morts (de

préférence) ou vifs pour toucher une forte récompense. Mais Django a un projet personnel qu’il entend mener à bien coûte que coûte: retrouver la femme dont il est amoureux et avec laquelle il s’était enfui – ce qui leur avait valu d’être revendus séparément sur un marché aux esclaves. Une fois de plus en position de procureur, Spike Lee a publiquement dénoncé dans les médias l’utilisation à outrance du n-word (soit le mot « nigger ») dans le film, comme s’il pouvait en être autrement vu le sujet. Mais le scénario de Django permet à Tarantino de proposer l’air de rien l’une des plus radicales dénonciations de ce qu’il nomme lui-même « le second holocauste » – après celui des Indiens – perpétré par les Américains. Sans perdre son humour et fort bien servi par l’interprétation hors pair de ses acteurs, en particulier Jamie Foxx (Django), Christoph Waltz (Schultz) et, dans le rôle inattendu d’un propriétaire de plantation sadique, Leonardo DiCaprio. ● RENAUD DE ROCHEBRUNE

Django Unchained, de QuentinTarantino (sorti à Paris le 16 janvier)

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La guerre par ceux qui l’ont faite

« Les armes étaient partout, tout le monde en avait », avoue le fedayin palestinien. « J’ai succombé à la haine, au désir de me venger », confesse le phalangiste chrétien. En trois volets, Liban, des guerres et des hommes, de Frédéric Laffont, nous plonge dans l’histoire récente du pays du Cèdre, du début du conflit qui l’a déchiré de 1975 à 1990 jusqu’à nos jours. Les témoignages d’acteurs, poignants, glaçants ou révoltants, se succèdent entre des vues du Beyrouth d’aujourd’hui et des images d’archives souvent insoutenables. Des mots qui percutent comme des balles, mais où finit par percer l’espoir. ● LAURENT DE SAINT PÉRIER

FRANCE 5

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Liban, des guerres et des hommes, de Frédéric Laffont, émission La Case du siècle à 22 heures (GMT + 1 h), sur France 5, le 27 janvier et les 3 et 10 février ■■■ N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

JEUNE AFRIQUE


Culture médias CINÉMA

Ben Laden « wanted »

Lu et approuvé

Après le remarquable Démineurs en 2009 sur les soldats américains en Irak, consacré par six oscars, Kathryn Bigelow raconte la traque de Ben Laden et son exécution par les services spéciaux américains. Un récit quelque peu romancé et mené à la manière hollywoodienne, qui ne laisse aucun répit au spectateur. Mais aussi un opus patriotique manichéen glorifiant sans le moindre recul les courageux salariés de la CIA s’attaquant aux ignobles terroristes d’Al-Qaïda. ● RENAUD DE ROCHEBRUNE

ALAIN MABANCKOU Écrivain franco-congolais

LE SYNDICALISTE, LE SAPEUR ET LA CHINOISE

L

Zero Dark Thirty, de Kathryn Bigelow (sortie le 23 janvier) ■ ■ ■

ARTS PLASTIQUES

LALLA ESSAYDI

Solidarité Syrie

ILS SONT SOIXANTE ET UN à avoir fait don d’une œuvre. Ces artistes originaires du monde arabe et des diasporas ont répondu à l’appel de José Garçon, ancienne journaliste à Libération, spécialiste du Maghreb, qui a créé l’association Syriart pour monter une vente aux enchères au profit des victimes de la guerre en Syrie. Organisée par la maison Pierre Bergé & Associés à l’Institut du monde arabe, le 21 janvier, elle regroupe plus de soixante-six œuvres contemporaines. La Fédération internationale des droits de l’homme recevra 40 % des fruits de la vente et les 60 % restants seront versés à trois ONG syriennes, dont les correspondants locaux de Médecins du monde. ● M.V. Syriart, 101 œuvres pour la Syrie, exposition du 17 au 20 janvier à l’Institut du monde arabe (Paris 5e) ; vente le 21 janvier à 19 heures ■■■ JEUNE AFRIQUE

E ROMANCIER FRANÇAIS Frédéric Ciriez avait publié en 2008 Des néons sous la mer, roman qui reçut alors un accueil critique chaleureux. On y trouvait des prostituées gérant leur activité au sein d’une SARL dans un sous-marin de la Marine nationale abandonné dans la baie de Paimpol et racheté par ces professionnelles du plus vieux métier du monde. On notait déjà le « regard social » de cet écrivain qui récidive avec Mélo, se hissant au rang des écrivains les plus « engagés » du paysage littéraire français actuel – je pense en particulier à Gérard Mordillat (Les Vivants et les Morts) ou à François Bon (Daewoo).

cuite comme un enfant à la sortie de l’école qui aurait renoncé à pleurer sa mère ». Et puis il y a ce Congolais, personnage fantasque, chauffeur de camion-poubelle, sorte de M. Hyde qui, une fois son costume d’éboueur ôté, se transforme en véritable dandy roulant dans une Rolls Royce. Pour qui, comme pour tout bon sapeur congolais qui se respecte, seul l’apparat et l’habit donnent du sens à l’existence. Frédéric Ciriez démontre une connaissance pointue du milieu congolais de la Sape – et, à ma connaissance, c’est la première fois

Bien des Africains se retrouveront dans cet hymne au dandysme.

La force et l’originalité de Ciriez résident dans son regard tourné vers le monde et la richesse de ses personnages dont les origines (professionnelles ou géographiques) donnent à ses fictions une dimension universelle. Ainsi en est-il avec Mélo, peinture très détaillée d’un Paris où l’on croise un syndicaliste au bord du suicide, un Congolais, véritable adepte de la Sape (Société des ambianceurs et des personnes élégantes), et une Chinoise lesbienne. Trois individus que tout semble éloigner.Trois individus qui déambulent en ce 1er mai dans la capitale française. Le syndicaliste gît dans une Xantia près de la fourrière de Saint-Ouen. Le corps attend « qu’on vienne le prendre dans la rue déserte couleur de terre

qu’un écrivain français s’empare de ce sujet qui, ces derniers temps, a fait l’actualité du milieu de la photographie comme de celui de la mode. C’est en ce sens un hymne au dandysme, et bien des Africains s’y retrouveront. Quant à la Chinoise lesbienne, on la retrouve en rollers dans les artères de la capitale, écoulant des briquets aux touristes afin de financer ses études de marketing.

Mélo, de Frédéric Ciriez, éd. Verticales, 332 pages, 20 euros

Dès la veille de ce 1er mai, nos trois héros sont entraînés peu à peu vers les ténèbres sous la plume d’un Ciriez qui nous tient en haleine grâce à une écriture dont l’élégance et la virtuosité dressent des tableaux romanesques parmi les plus beaux de cette rentrée littéraire hivernale. ● N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

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THE PATIENT PERSPECTIVE

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D.,0 BGJLD 2,G+Chairman> JM8<=M H%=M3" (86O$86'% 5MM!=9'%; Co-Founder> @=:<!=9 *E H%=M3" (86O$86'% 5MM!=9'% =9& $86:%6 #$"*' %(*,)+"&* .'!,*-> B=3!89=M H%=M3" +%6/!'% *E

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ANNONCES CLASSÉES

Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre -Tél. : 01 44 30 18 76 - Fax : 01 44 30 18 77 - Email. : f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique - 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris - France

RÉPUBLIQUE DU CAP VERT Ministère du Développement Rural Direction Générale de l’Agriculture, de la Sylviculture et de l’Elevage

(DGASP)

Projet d’aménagement et de valorisation des bassins versants de Ribeira de Flamengos et Ribeira de Principal

AVIS D'APPEL D'OFFRES INTERNATIONAL Nº01/BHFLAPRI/2013

Le Gouvernement de la République du Cap Vert a obtenu un prêt de la Banque Arabe pour le Développement Economique en Afrique (BADEA) pour le financement des travaux du Projet d’aménagement et de valorisation des bassins versants de Ribeira Flamengos et Ribeira Principal dans l’île de Santiago. Le présent appel d’offres international concerne la construction d’un barrage en maçonnerie sur Ribeira de Flamengos de capacité 852 000 m3 et de hauteur 28 m et pose d’un réseau d’irrigation de 6 215 ml de conduites en PEHD. Les Dossiers d'Appel d'Offres sont à acquérir auprès des bureaux de la : DGASP - Ministère du Développement Rural B.P. 278, Ville de Praia – Achada S. Filipe, République du Cap Vert Tél. : (00238) 264 80 92 - Fax : (00238) 264 75 44 - E-mail : Ilidio.Furtado@mdr.gov.cv Moyennant le paiement d'un montant non remboursable de 50 000 Escudos du Cap Vert ou de sa contre-valeur dans une monnaie librement convertible. Toutes les offres doivent être déposées à l'adresse indiquée ci-dessus au plus tard le 18 mars 2013 à 10 H.

Appel d’offres

RÉPUBLIQUE DU CAP VERT Ministère du Développement Rural Direction Générale de l’Agriculture, de la Sylviculture et de l’Elevage

(DGASP)

Projet d’aménagement et de valorisation des bassins versants de Ribeira de Flamengos et Ribeira de Principal

AVIS D'APPEL D'OFFRES INTERNATIONAL Nº02/BHFLAPRI/2013

Le Gouvernement de la République du Cap Vert a obtenu un prêt de la Banque Arabe pour le Développement Economique en Afrique (BADEA) pour le financement des travaux du Projet d’aménagement et de valorisation des bassins versants de Ribeira Flamengos et Ribeira Principal dans l’île de Santiago. Le présent appel d’offres international concerne la construction de 12 digues de captage, 5 digues souterraines, 6 forages, 23 réservoirs d’eau, de capacité 30 et 100 m3 et 5 800 ml de conduites en PEHD sur Ribeira de Flamengos. Les travaux sont décomposés en tranche prioritaire et tranche conditionnelle. Les Dossiers d'Appel d'Offres sont à acquérir auprès des bureaux de la : DGASP - Ministère du Développement Rural B.P. 278, Ville de Praia – Achada S. Filipe, République du Cap Vert Tél. : (00238) 264 80 92 - Fax : (00238) 264 75 44 - E-mail : Ilidio.Furtado@mdr.gov.cv Moyennant le paiement d'un montant non remboursable de 50 000 Escudos du Cap Vert ou de sa contre-valeur dans une monnaie librement convertible. Toutes les offres doivent être déposées à l'adresse indiquée ci-dessus au plus tard le 18 mars 2013 à 10 H. N° 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

JEUNE AFRIQUE


RÉPUBLIQUE DU CAP VERT Ministère du Développement Rural Direction Générale de l’Agriculture, de la Sylviculture et de l’Elevage

(DGASP)

Projet d’aménagement et de valorisation des bassins versants de Ribeira de Flamengos et Ribeira de Principal

AVIS D'APPEL D'OFFRES INTERNATIONAL Nº03/BHFLAPRI/2013

Le Gouvernement de la République du Cap Vert a obtenu un prêt de la Banque Arabe pour le Développement Economique en Afrique (BADEA) pour le financement des travaux du Projet d’aménagement et de valorisation des bassins versants de Ribeira Flamengos et Ribeira Principal dans l’île de Santiago. Le présent appel d’offres international concerne la construction de 9 digues de captage, 10 digues souterraines, 9 forages, 28 réservoirs d’eau, de capacité 30 et 100 m3 et 7 025 ml de conduites en PEHD sur Ribeira de Principal. Les travaux sont décomposés en tranche prioritaire et tranche conditionnelle. Les Dossiers d'Appel d'Offres sont à acquérir auprès des bureaux de la : DGASP - Ministère du Développement Rural B.P. 278, Ville de Praia – Achada S. Filipe, République du Cap Vert Tél. : (00238) 264 80 92 - Fax : (00238) 264 75 44 - E-mail : Ilidio.Furtado@mdr.gov.cv Moyennant le paiement d'un montant non remboursable de 50 000 Escudos du Cap Vert ou de sa contre-valeur dans une monnaie librement convertible. Toutes les offres doivent être déposées à l'adresse indiquée ci-dessus au plus tard le 18 mars 2013 à 10 H.

RÉPUBLIQUE TUNISIENNE MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE

La Direction Générale de l’Habillement et des Subsistances lance l’appel d’offres international n° 12/DGHS/2013 pour l’acquisition de chaussure de combat (Brodequins de marche). Les soumissionnaires peuvent soumissionner pour un ou plusieurs lots et ne peuvent être retenus que pour 2 lots. Les dossiers peuvent être retirés à l’adresse suivante : « La Direction Générale de l’Habillement et des Subsistances sise à l’Avenue Habib Bourguiba 2010 Manouba », contre paiement de la somme de 25 dinars, par chèque certifié ou par mandat adressé au nom du régisseur des recettes du Ministère de la Défense Nationale C.C.P. n° 1700100000000616-82-24. Les offres doivent être obligatoirement envoyées sous plis fermés cachetés soit par voie postale en service recommandé soit par service rapid-poste, ou déposés directement au bureau d’ordre de La Direction Générale de l’habillement et des Subsistances contre un bon de reçu. Les offres doivent porter lisiblement en haut et à gauche la mention « NE PAS OUVRIR A/O INTERNATIONAL N° 12/DGHS/2013 acquisition de brodequins de marche ». Les offres doivent parvenir au plus tard le 02 mars 2013 (Seul le cachet du bureau d’ordre fait foi). L’adresse : MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE DIRECTION GÉNÉRALE DE L’HABILLEMENT ET DES SUBSISTANCES AVENUE HABIB BOURGUIBA 2010 MANOUBA JEUNE AFRIQUE

N° 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

Appel d’offres

AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL N° 12/DGHS/2013


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Annonces classées RÉPUBLIQUE DU BURUNDI

MINISTÈRE DES TRANSPORTS, DES TRAVAUX PUBLICS ET DE L’ÉQUIPEMENT Date : 14/1/2013 Appel d’Offres : N° ODR/PSDR/AOIO/1/2013 N° du Don : H6840-BI

RECTIFICATIF A L’AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL OUVERT N° ODR/PSDR/AOIO/1/2013

TRAVAUX DE RÉHABILITATION, D’ASSAINISSEMENT ET DE STABILISATION DE CERTAINES SECTIONS SUR LES ROUTES NATIONALES N° 1, 3, 7 ET 10

Suite à l’avis d’Appel d’offre international n° ODR/PDSR/AOIO/1/2013 paru dans Jeune Afrique du 13 janvier 2013, l’Office des Routes, Projet de Développement du Secteur Routier, informe les entreprises qui désirent soumissionner à ce marché que certains articles de l’avis susmentionné ont été modifiés comme suit : (i) Au point 6. (v) : Ingénieur Assurance qualité : ingénieur Génie Civil avec 8 ans d’expérience au lieu de 5 ans d’expérience (ii) Au point 6. (vi) : il faut disposer d’une facilité de crédit propre ou auprès d’un établissement financier de premier ordre d’un montant au moins équivalent à trois milliards cinq cent Millions Francs Burundais (3.500 000 000 BIF) ou dans une monnaie librement convertible au lieu de quatre milliards Cinq Cent Millions de Francs Burundais (4 500 000 000 BIF) ou dans une monnaie librement convertible initialement prévu. A part les modifications ci –haut citées, le reste du contenu de l’avis d’Appel d’offres international n° ODR/PDSR/AOIO/1/2013 reste inchangé.

Appel d’offres

Le Directeur Général de l’Office des Routes Amb. Amissi NTANGIBINGURA

PALAJ

Projet d’appui à l’amélioration de l’accès aux droits et à la justice en Côte d'Ivoire FED/2012/295-512 UNION EUROPÉENNE FONDS EUROPÉEN DE DÉVELOPPEMENT

RÉPUBLIQUE DE CÔTE D’IVOIRE MINISTÈRE DE LA JUSTICE

Fourniture de véhicules au profit Projet d'Amélioration de l'Accès aux Droits et à la Justice en Côte d'Ivoire (PALAJ)

AVIS D’APPEL D’OFFRES N° AO-OI/PALAJ/01

Le Projet d'Amélioration de l'Accès aux Droits et à la Justice en Côte d'Ivoire (PALAJ) cofinancé par l’ONUCI, le PNUD, l’UNICEF et le Fond Européen de Développement (FED) envisage d’attribuer un marché de fourniture de véhicules en deux lots : - Lot 1 : 07 véhicules 4x4 station wagon diesel ; - Lot 2 : 06 motos. à livrer à Abidjan en Côte d’Ivoire et assurer un service d’entretien après-vente desdits véhicules. Le dossier d’appel d’offres peut être obtenu à l’adresse suivante : Association des Femmes Juristes de Côte d’Ivoire (AFJCI), Organisation Non Gouvernementale à but non lucratif, sise, 1, rue du chemin de Fer, Abidjan Plateau, à l’ouest du siège de la SIPF, 01 BP 1758 Abidjan 01, Fax : (225) 20 21 42 86, Cel : 05 00 04 77, Tél : 20 32 28 24, Email : associationdesfemmesjuristes@yahoo.fr, www.afj-ci.org. Il est également disponible aux adresses Internet suivantes : www.afj-ci.org et http://www.cccciue.ci/pg/index.php?p=appel_offres La date limite de remise des offres est fixée au 13 Février 2013 à 10 heures au siège de l’AFJCI/PALAJ. Des informations supplémentaires éventuelles ou des éclaircissements/questions au dossier d’appel d’offres seront publiés à l’adresse Internet ci-dessus. N° 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

JEUNE AFRIQUE


Annonces classées

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PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE AGENCE GABONAISE D’ÉTUDES ET D’OBSERVATIONS SPATIALES

AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL DATE DE LANCEMENT : 15 JANVIER 2013 APPEL D'OFFRES : N°01 / SRD/ AGEOS/PR /12 NOM DU PROJET : FOURNITURE ET INSTALLATION D’UNE ANTENNE DE RÉCEPTION DIRECTE DE DONNÉES SATELLITES SOURCE DE FINANCEMENT : ACCORD DE CONVERSION DE DETTE 1. OBJET L’Agence Gabonaise d’Etudes et d’Observations Spatiales lance un appel d'offres pour l’acquisition d’une antenne de réception directe de données et de son installation. 2. ALLOTISSEMENT Ce projet se compose d’un lot unique : fourniture et installation d’une antenne de réception directe de données satellites. 3. PARTICIPATION Sont admis à concourir, tous les soumissionnaires non concernés par les mesures d’exclusion de l’article 11 du décret n° 001140/PR/MEFBP du 18 décembre 2002 portant Code des Marchés Publics. 4. RETRAIT DU DOSSIER ET RENSEIGNEMENTS Chaque dossier d'appel d'offres peut être retiré à l’adresse mentionnée cidessous contre paiement au Trésor Public d'un montant non remboursable de 300 000 FCFA.

Agence Gabonaise d’Etudes et d’Observation Spatiale 1er étage de l’immeuble des Arcades, entrée côté Ambassade d’Afrique du Sud. BP. : 546 Libreville Tel. : 01 74 17 16 / Fax : 01 74 17 40 5. DÉPOT DES OFFRES ET GARANTIE DE SOUMISSION Les offres doivent être déposées à l’adresse mentionnée ci-dessus au plus tard le 4 mars 2013 à 10 heures et être accompagnées d'une garantie de soumission d’un montant équivalent à 2% du montant de l’offre. 6. OUVERTURE DES PLIS L’ouverture des plis aura lieu en présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent y assister, le 4 mars 2013 à 15 heures, dans la salle de réunion de l’Agence Gabonaise d’Etudes et d’Observation Spatiale, située au premier étage de l’immeuble des Arcades, entrée côté Ambassade d’Afrique du Sud.

Le Directeur Général de l’Agence Gabonaise d’Etudes et d’Observations Spatiales Etienne MASSARD K. MAKAGA

Le Directeur Général des Marchés Publics Commissaire Général Jean-Félix SOCKAT

« L’Electricité Partout et pour Tous, pour un développement rural durable »

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Avis d’attribution Provisoire de Marché Numéro du marché : Appel d’Offre International n° CER04/AOI/2010 Dénomination du marché : Attribution de la concession d’Electrification Rurale de KoldaVélingara. Nombre d’offres reçues : 02 Nom et adresse attributaire provisoire : Groupement ENCO/ISOFOTON MAROC : 5 – 7 Avenue Carde, BP. 14 190, Dakar - Sénégal Montant de l’offre retenue provisoirement

Le Directeur Général Antou Gueye SAMBA

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N° 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

Appel d’offres - Divers

AGENCE SENEGALAISE D'ELECTRIFICATION RURALE


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Annonces classées Sous le parrainage de la Banque mondiale, à travers le Joint Japan / World World Bank Graduate Scholarship Program, et celui du Ministère français des Affaires étrangères et européennes

le CERDI organise le Programme de formation en Gestion de la Politique Economique (GPE) Appel à candidatures pour la 20e promotion (session 2013/2014)

Recrutement - Formation

Master d'une durée de 14 mois • Formation de 11 mois au CERDI, articulée en modules thématiques consacrés à l'analyse et à la conception des politiques économiques dans le cadre spécifique des pays en développement et dans le contexte de la mondialisation • Stage de 3 mois dans des institutions internationales ou régionales, administrations, banques, cellules d’analyse de politique économique… Organisé à l'intention des économistes des pays en développement • Diplômés de l'enseignement supérieur, niveau Master 1 / Maîtrise es sciences économiques exigée • Agés de moins de 40 ans, présentant au minimum 5 années d'expérience professionnelle dans la gestion des politiques économiques et dans l'étude des questions de développement Admissibilité sur dossier • Formulaire CERDI disponible par téléchargement à partir de : www.cerdi.org ou de www.ferdi.fr • Envoi du dossier au CERDI avant le 28 février 2013 par courrier postal Possibilité de bourse accordée par la Banque mondiale (JJ/WBGSProgram) • Formulaire JJ/WBGSProgram 2013 disponible par téléchargement à partir de : www.worldbank.org/wbi/scholarships (lien sur www.cerdi.org et www.ferdi.fr) • Envoi du dossier à la Banque mondiale avant le 31 mars 2013, sous condition de présenter une attestation d'admissibilité du CERDI Programme GPE (CERDI/FERDI) 65, boulevard François-Mitterrand 63000 Clermont-Ferrand (France) Téléphone : +33 (0)4.73.17.74.34 Contacts : Philippe Messéant, Administrateur (philippe.messeant@ferdi.fr) Amandine Riberolle, Assistante (amandine.riberolle@ferdi.fr) Sites internet : www.cerdi.org et www.ferdi.fr

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The Africa Rice Center (AfricaRice, ex-WARDA) wishes to recruit: ➔ An Agronomist (Field Fellow) based in Cotonou, Benin ➔ An Agronomist (Field Fellow) based in St. Louis, Senegal ➔ An Extension Agronomist (Field Expert) based in Tanzania ➔ A Rice Value Chain Field Expert based in Tanzania ➔ A Weed Scientist (Field Fellow) based in Dar-EsSalaam, Tanzania ➔ An Accountant based in Cotonou, Benin ➔ A Monitoring and Evaluation Specialist based in Cotonou, Benin This invitation for applications follows the general procurement notice AfDB43-04/12 for a multinational CGIAR Project on Support to Agricultural Research for Development of Strategic Crops in Africa funded by the African Development Bank and published in UN Development Business online on 27 April, 2012. Further details can be obtained from the AfricaRice website at www.AfricaRice.org Université Senghor Université internationale de langue française au service du développement africain Opérateur direct de la Francophonie Concours de Recrutement au « Master en Développement » (Promotion 2013-2015) L’Université Senghor lance, pour la rentrée 2013, un concours d’entrée au programme du Master en Développement dans 9 spécialités : Management de Projets ; Gouvernance & Management Public ; Gestion du Patrimoine Culturel ; Gestion des Industries Culturelles ; Communication et Médias, Gestion de l’Environnement ; Gestion des Aires Protégées, Santé Internationale et Politiques Nutritionnelles. Conditions d'admission et Dossier de candidature • Être âgé de moins de 36 ans, le 1er septembre 2013 ; • Être titulaire d’une licence ou d’un diplôme équivalent et faire état d’une expérience professionnelle pertinente d’un an au minimum ; • Réussir les 3 étapes du concours d’entrée au Master en Développement : examen du dossier de candidature rempli obligatoirement en ligne sur le site de l’Université ; épreuve écrite et entretien oral avec un représentant de l’Université. Les dossiers de candidature doivent être remplis obligatoirement en ligne sur le site Internet de l’Université Senghor : www.usenghor-francophonie.org, avant le jeudi 7 mars 2013. Modalités pratiques À l’issue du concours de recrutement, l’Université Senghor offre aux candidats définitivement admis, âgés de moins de 36 ans au 1er septembre 2013, 120 bourses couvrant les frais de vie à Alexandrie (hébergement à Alexandrie, repas du midi, assurance médicale, transport à l’Université) et les frais de stage. Les candidats boursiers de l’Université Senghor auront uniquement à s’acquitter d’un droit d’inscription de 500 €. Par ailleurs, l’Université Senghor inscrira des candidats admissibles supplémentaires n’ayant pas été classés pour l’obtention d’une bourse mais qui sont en mesure d’assumer les droits d’inscription ainsi que les frais de vie qui se montent à 2500 €, pour l’année académique 2013-2014, couvrant l’hébergement à Alexandrie, les repas du midi, une assurance médicale, les transports à l’Université. Les étudiants non-boursiers de l’Université Senghor devront en outre, assurer la totalité de leurs frais de stage. Les frais de scolarité sont gratuits pour tous les étudiants inscrits à l’Université Senghor. Pour tout renseignement, contactez : Université Senghor - Concours de Recrutement 1, Place Ahmed Orabi El Mancheya - B.P. 21111 415 Alexandrie – Égypte Téléphone : + (203) 48 43 374 - Télécopieur : + (203) 48 43 479 Courriel : concoursderecrutement@usenghor-francophonie.org www.usenghor-francophonie.org

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SÉMINAIRES INTERNATIONAUX 2013 PARIS-MARSEILLE-CASABLANCA-LONDRES-TUNIS

CYCLES

Suivi évaluation des projets de développement Passation de marchés (Procédures Banque Mondiale, BAD et autres) Contrats pétroliers - aspects juridiques, fiscaux et comptables Développement Municipal, Décentralisation – Gestion Administrative, Comptable et Financière des Communes Gestion Administrative, Comptable et Financière des projets de développement Gestion des projets sur MS Project (version 2010) Gestion Axée sur les Résultats (GAR) Top Management Formation des formateurs La communication au service des managers d'entreprise et des responsables de projets et programmes Gouvernance et gestion des projets de BTP Cadre de Dépenses à Moyen Terme (CDMT) Nb : Ordinateur portable offert+ support cours + Assistance pendant 12 mois

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PRO FIL : PROFIL IIdéalement déalement issu(e) issu (e) d’une d’une école é c ol e d e jourjourde n a li s m e ou o u titulaire t i t ulair e d ’un diplôme d i p l ô m e de de nalisme d’un s ciences politiques politiques ou ou littéraire, littéraire, v ous a vez sciences vous avez a um inimum 3 a ns d ’expérience dans dans la la au minimum ans d’expérience p resse écrite écrite quotidienne quotidienne ou ou magazine. magazine. presse D ynamique et et rigoureux(se), rigoureux(se), vous vous s avez Dynamique savez ffaire aire preuve preuve de de créativité, créativité, de de disponibilité disponibilité e d’esprit d’équipe. d’équipe. ett d’esprit V ous possédez possédez u n réel réel sens sens d’investigad’investigaVous un ttion, ion, u ne réactivité réactivité face face à l’information l’information e une ett d es qualités qualités rédactionnelles rédactionnelles et et relationrelationdes n elles. U n ttrès rè s b on n iveau d ’anglais e st nelles. Un bon niveau d’anglais est e xigé, lla ac onnaissance de de l’arabe l’arabe serait s e r ai t exigé, connaissance R é f. : R ED JA 00411 411 Réf. REDJA u np lus. un plus.

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N° 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

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Le courrier des lecteurs Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.

RD Congo Libérez Chalupa !

! J.A. NO 2714, du 13 au 19 janvier 2013.

QUELLE DÉCEPTION de découvrir, dans votre édition no 2714, datée du 13 au 19 janvier, le triste sort fait à Pierre-Jacques Chalupa, ancien député blanc qui croupit à la prison centrale de Makala, à Kinshasa, pour usurpation de nationalité. Je ne connais pas ce monsieur, mais je suis persuadé qu’il aime le Congo bien plus que certains Congolais noirs soucieux de leurs seuls intérêts personnels. De grâce, libérez ce Congolais blanc. ● JACQUES ENOBEL, Douala, Cameroun

Mali 1 Un geste honorable DESTINÉE À CHASSER les islamistes, l’intervention de l’armée française au Nord-Mali est un geste honorable et salutaire. Elle devrait mettre fin aux violences et aux souffrances qu’affrontent les populations depuis de longs mois, et leur permettre de reprendre progressivement une vie normale, c’est-à-dire sans coups de fouet ni destructions de mausolées. N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

Il sera alors temps pour l’armée malienne, faible et incapable d’assurer le contrôle total du pays, de tirer les leçons de cette piteuse aventure, celle d’un officier certes habile à réussir un coup d’État, mais incapable de descendre sur le terrain combattre les jihadistes. ● ARCHÉDUC THÉODORE,

personnes soupçonnées de vol, saccagent des monuments… Mélenchon devrait redescendre de son orbite. Il ne se fera pas remarquer cette fois-ci simplement en s’opposant à tous les autres. Il est ici question de la liberté et de la survie d’un peuple. ● PRUDENCE INÈS SILUE, Abidjan, Côte d’Ivoire

N’Djamena, Tchad

Mali 2 Que veut Mélenchon ? DANS QUEL MONDE VIT DONC Jean-Luc Mélenchon, coprésident du Parti de gauche français, mais également homme aux mille et une contradictions ? Comment expliquer que lui, qui défend bec et ongles le mariage pour tous – au nom de la liberté –, s’oppose à l’intervention de la France au Mali, où les islamistes violent, amputent des

Mali 3 Hollande n’est pas Foccart J’AI TOUJOURS SOUTENU qu’avec François Hollande les jours de la Françafrique étaient comptés. J’affirme à présent que les résistants et patriotes panafricains qu’ont été Kwame Nkrumah, Patrice Lumumba, Amílcar Cabral, Gamal Abdel Nasser, Houari Boumédiène ou encore Sékou Touré, de là où ils sont, approuvent

l’intervention française au Mali. Car elle n’a rien de « colonialiste » et il serait mal venu de soupçonner François Hollande de vouloir adopter les méthodes d’un Jacques Foccart ou d’un Bob Denard, toujours prompts, eux, à ridiculiser et à manipuler les dirigeants africains. Il est temps, pour nous Africains, de réfléchir à l’utilité et au bénéfice de cette nouvelle coopération franco-africaine. En particulier si elle a pour objectifs d’organiser la défense du continent, de démocratiser nos régimes et d’y garantir le respect des droits de l’homme. ● LANCINÉ CAMARA, Paris, France

Otages Un crime de guerre LA PRISE D’OTAGES est illégale et déplorable dans n’importe quel contexte, qu’il s’agisse des kidnappings récents d’étrangers en Algérie ou des sept Français et quatre Algériens retenus par des groupes armés islamistes au

Conflits Les oubliés d’Alep LES PROJECTEURS SONT BRAQUÉS sur la guerre de reconquête du Nord-Mali, initiée par l’armée française en soutien aux forces maliennes et en attendant l’entrée en scène des troupes africaines de la Cedeao. François Hollande, qui avait à maintes reprises affirmé que les forces françaises ne participeraient pas aux combats au sol, justifie à présent son revirement par l’appel à l’aide du président malien de transition, Dioncounda Traoré, et le feu vert du Conseil de sécurité de l’ONU. Très bien. Sauf que, depuis bientôt un an, le peuple de Syrie se meurt sous les bombardements d’un tyran et dans le silence assourdissant de l’ONU et des Occidentaux. Les mêmes qui, hier encore en Libye, et pour les mêmes raisons, avaient fait signer des résolutions et adopter des mesures afin d’aider les insurgés de Benghazi et de Misrata à se débarrasser de Mouammar Kaddafi. Pourquoi cette politique de deux poids, deux mesures ? Une vie n’en vaut-elle pas une autre et ne mérite-t-elle pas d’être défendue pour le simple respect de la dignité humaine ? Le constat saute aux yeux, affligeant : ces donneurs de leçons, pseudopompiers de l’Afrique et du monde, interviennent seulement quand leurs intérêts sont menacés. Pour le reste, il est toujours urgent d’attendre ! ● DIDIER NOUMB NOUM, Douala, Cameroun JEUNE AFRIQUE


Vous nous

Mali. Au cours d’une situation de conflit armé, comme c’est le cas actuellement au Mali, la prise d’otages civils n’est pas qu’une simple violation du droit de la guerre, c’est un crime de guerre. ● JEAN-MARIE FARDEAU, Directeur France de Human Rights Watch

RCA Clap de fin LA DIASPORA CENTRAFRICAINE du Congo-Brazzaville salue l’accord de paix conclu à Libreville, au Gabon, ce 11 janvier entre le président François Bozizé et les différentes factions de l’opposition, notamment la coalition Séléka. Puisse la République centrafricaine

un jour revenir à la belle époque, quand sa capitale était surnommée Bangui la coquette. Notre reconnaissance va à tous ceux qui ont participé au dialogue : présidents des pays de la zone Cemac, société civile centrafricaine, rebelles et opposants centrafricains, sans oublier le pouvoir en place. ● MAMADOU SECK, Brazzaville, Congo

Lumumba Nous t’avons trahi ! TANDIS QUE LES FAMILLES biologique et politique de Patrice Emery Lumumba commémorent le 52e anniversaire de son assassinat, il est important de rappeler que l’ancien Premier

ministre reste à ce jour le seul nationaliste Congolais. Hélas, il est parti tôt, avec pourtant la conviction que les siens viendraient à bout de l’impérialisme et retrouveraient leur dignité. Était-il naïf ou les connaissait-il si peu? S’il revenait aujourd’hui, il serait ahuri de réaliser qu’il prêchait dans le désert: nous en sommes au même niveau que lorsqu’il nous a quittés. Pas plus les infrastructures que les mentalités n’ont évolué. Alors, à ce héros je confesse: nous t’avons trahi! Ton Congo est à genoux, à l’agonie et souffre encore de tous les maux dont tu voulais le guérir. ●

Togo Feux assassins ALORS QUE LA PLUPART des Togolais peinent à manger à leur faim, des esprits criminels n’ont rien trouvé de mieux à faire que de mettre le feu au grand marché de Kara, le 10 janvier, puis à celui de Lomé deux jours plus tard, les détruisant entièrement. Les couches togolaises les plus vulnérables – dont je suis – se demandent à présent à quelle sauce elles vont être mangées, elles qui depuis lors assistent, impuissantes, à une inexorable et incontrôlable flambée des prix sur l’ensemble du territoire. ●

JEANNOT GAKUBA SHYAKA,

SONHAYE KONDI,

Kinshasa, RD Congo

Lomé, Togo

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HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL POLITIQUE, ÉCONOMIE, CULTURE

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Post-scriptum Fouad Laroui

Édité par SIFIJA Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS Tél. : 01 44 30 19 60 ; Télécopieurs : rédaction : 01 45 20 09 69 ; ventes : 01 45 20 09 67 ; Courriel : redaction@jeuneafrique.com DIRECTION Directeur de la publication : BÉCHIR BEN YAHMED (bby@jeuneafrique.com) Directeur général : Danielle Ben Yahmed Vice-présidents: Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed Actionnaire principal : Béchir Ben Yahmed

Un bel exemple d’intégration

RÉDACTION Directeur de la rédaction : François Soudan (f.soudan@jeuneafrique.com) Directeurs exécutifs : Marwane Ben Yahmed (mby@jeuneafrique.com), Amir Ben Yahmed (aby@jeuneafrique.com)

C

EST UNE HISTOIRE qui commence en 2007. Slimane, un Tunisien habitant à Rotterdam, est à la recherche d’un emploi. Il a déjà refusé deux propositions et maintenant l’instant est critique : il doit accepter la troisième offre sinon il perdra son allocation de chômage. Le voici au bureau de placement où on lui annonce une bonne nouvelle : on vient de recevoir une offre d’emploi qui correspond à son profil. Il faut connaître un peu de français et avoir le contact facile avec les gens. Slimane est enchanté, il est prêt à signer le contrat… Cependant, le fonctionnaire continue de lire la fiche, et c’est alors que Slimane comprend qu’il s’agit de représenter des vins français. Un courtier cherche quelqu’un sachant parler néerlandais et français pour mieux promouvoir les vins qu’il importe de la douce France. Slimane interrompt le fonctionnaire. Il ne peut pas accepter l’offre : il est musulman et n’a jamais bu une goutte de vin. Le fonctionnaire est embêté parce qu’il voit bien qu’il s’agit de la troisième proposition et que les sanctions menacent. Il insiste. Finalement Slimane accepte le job – persuadé qu’il sera vite licencié quand le courtier comprendra qu’il a affaire à un imposteur qui ne voit pas la différence entre un saint-émilion et un Fanta orange.

Et c’est là que l’histoire devient miraculeuse. Slimane, qui est consciencieux et travailleur, emprunte à la bibliothèque des livres d’œnologie et, en quelques semaines, il sait l’essentiel de ce qu’il faut savoir pour vendre des vins aux Pays-Bas : en gros, la différence entre bordeaux et bourgogne, quelques mots sur les côtes-du-rhône (« qui montent en gamme, paraît-il »), les vins de Touraine (« frais et plutôt légers… ») et puis quelques termes qui font bien, surtout quand on les dit en français devant des acheteurs étrangers : vin « élégant », « de haute tenue », « aimable », « gouleyant », « nerveux », « noble »… Slimane fait des miracles, il travaille dur, tous les restaurateurs l’apprécient, et lui, il apprend beaucoup en leur parlant. Il suffit que quelqu’un lui dise que les croze-hermitage 2007 ne sont pas fameux, et il retient l’information pour la glisser à son tour quand l’occasion se présente. Aujourd’hui, Slimane a un contrat à durée illimitée. Il s’améliore chaque jour et il aime son travail. Il doit à chaque fois trouver une excuse pour ne pas trinquer avec ses clients mais il a acquis une réputation de connaisseur – qui n’est d’ailleurs pas usurpée puisque tout ce qu’il dit est vrai, même s’il se contente de répéter ce qu’il entend ici et là… Il me semble que cette histoire est emblématique. En faisant des efforts, on arrive à s’intégrer n’importe où et sans perdre son âme. Encore faut-il faire preuve d’un minimum de flexibilité, par exemple accepter de chanter les louanges d’un grand vin de Bordeaux même si on réprouve in petto sa consommation… ● N o 2715 • DU 20 AU 26 JANVIER 2013

Fondé à Tunis le 17 oct. 1960 par Béchir Ben Yahmed (53e année)

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Rédaction en chef : Claude Leblanc (c.leblanc@jeuneafrique.com), Élise Colette (éditions électroniques, e.colette@jeuneafrique.com), Laurent Giraud-Coudière (technique, lgc@jeuneafrique.com) Conseillers de la direction de la rédaction : Hamid Barrada, Abdelaziz Barrouhi (à Tunis), Aldo de Silva, Dominique Mataillet, Renaud de Rochebrune Secrétariat : Chantal Lossou, Joëlle Bouzignac Chefs de section : Joséphine Dedet (La semaine de J.A.), Philippe Perdrix (Grand angle), Anne Kappès-Grangé (Afrique subsaharienne), Tarek Moussa (Maghreb & Moyen-Orient), Frédéric Maury (Économie), Jean-Michel Aubriet (Europe, Amériques, Asie), Cécile Manciaux (Le Plus de J.A.), Séverine Kodjo-Grandvaux (Culture & médias), Clarisse Juompan-Yakam (Vous & nous) Secrétaires de rédaction : Sabine Clerc, Fabien Mollon, Ophélie Négros Rédaction : Pascal Airault, Youssef Aït Akdim, Stéphane Ballong, Ryadh Benlahrech, Pierre Boisselet, Rémi Carayol, Julien Clémençot, Frida Dahmani (à Tunis), Georges Dougueli, Malika Groga-Bada, Trésor Kibangula, Christophe Le Bec, Nicolas Michel, Haby Niakate, Cherif Ouazani, Michael Pauron, Abdel Pitroipa, Fanny Rey, Laurent de Saint Périer, Justine Spiegel, Tshitenge Lubabu M.K., Marie Villacèque ; collaborateurs : Edmond Bertrand, Christophe Boisbouvier, Muriel Devey, Patrick Seale; accords spéciaux : Financial Times Responsable de la communication : Vanessa Ralli (v.ralli@jeuneafrique.com) RÉALISATION Maquette: Marc Trenson (directeur artistique), Stéphanie Creuzé, Julie Eneau, Jean-Philippe Gauthier, Éric Le Mière, Valérie Olivier; révision: Nathalie Bedjoudjou (chef de service), Vladimir Pol; fabrication: Philippe Martin (chef de service), Christian Kasongo; service photo: Dan Torres (directrice photo), Nathalie Clavé, Vincent Fournier, Claire Vattebled; documentation: Anita Corthier (chef de service), Sylvie Fournier, Florence Turenne, Angéline Veyret JEUNEAFRIQUE.COM Direction éditoriale : Élise Colette ; chefs d’édition : Pierre-François Naudé, Frédéric Maury (économie) ; rédaction : Vincent Duhem, Jean-Sébastien Josset, Mathieu Olivier, Benjamin Roger et Nicolas Teisserenc Responsable web : Jean-Marie Miny ; studio : Cristina Bautista et Maxime Pierdet VENTES ET ABONNEMENTS Directeur marketing et diffusion : Philippe Saül ; responsable des ventes adjointe : Sandra Drouet ; chef de produit : Dhouha Boistuaud ; abonnements : Laetitia Banelle avec: COM&COM, Groupe Jeune Afrique 18-20, avenue Édouard-Herriot, 92350 Le PlessisRobinson. Tél. : 33 1 40 94 22 22 ; Fax : 33 1 40 94 22 32. E-mail : jeuneafrique@cometcom.fr ●

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