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VATICAN ENFIN UN PAPE AFRICAIN ?

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 53e année • n° 2719 • du 17 au 23 février 2013

REPORTAGE CHAOS À GAO

jeuneafrique.com

DOSSIER

ASSURANCES SPÉCIAL

DJIBOUTI DÉMOCRATIE SUR UN FIL

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PAGES

LIBYE KADDAFI SECRET

Rached Ghannouchi, président d’Ennahdha.

TUNISIE

L’homme qui a trahi

la révolution ÉDITION INTERNATIONALE ET MAGHREB & MOYEN-ORIENT France 3,50 € • Algérie 180 DA • Allemagne 4,50 € • Autriche 4,50 € • Belgique 3,50 € • Canada 5,95 $ CAN • Danemark 35 DKK • DOM 4 € Espagne 4 € • Éthiopie 65 birrs • Finlande 4,50 € • Grèce 4,50 € • Italie 4 € • Maroc 23 DH • Mauritanie 1100 MRO • Norvège 41 NK • Pays-Bas 4 € Portugal cont. 4 € • RD Congo 5,50 $ US • Royaume-Uni 3,50 £ • Suisse 5,90 FS • Tunisie 3,30 DT • USA 6,50 $ US • Zone CFA 1700 F CFA • ISSN 1950-1285



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Ce que je crois BÉCHIR BEN YAHMED • bby@jeuneafrique.com

SAMEDI 16 FÉVRIER

Un film et ses séquences

J’

AI L’IMPRESSION que nous traversons une zone de sables mouvants : tout bouge, rien n’est cristallisé. Des événements inattendus, comme la renonciation par le chef de l’Église catholique à ses fonctions ou l’essai nucléaire nord-coréen ; au Mali comme en Tunisie, une actualité si évolutive qu’elle en devient insaisissable. Regardons d’aussi près que possible le film qui se déroule sous nos yeux et disséquons quelques-unes de ses séquences. ■

1) Le pape Benoît XVI a stupéfait les 1,2 milliard de catholiques – dont il est le chef – et le monde en annonçant, le 11 février, que son âge et son état de santé le conduisaient à renoncer à sa fonction (avec effet au 28 février 2013). Un pape ne démissionne pas. En revanche, il peut renoncer à sa charge. Mais depuis cinq siècles, si quelques-uns des prédécesseurs de Benoît XVI ont pu y songer, aucun n’a franchi le pas. C’est donc un acte de rupture qui, n’en doutons pas, fera date et servira d’exemple. « J’ai pris cette décision, a déclaré Benoît XVI, de mon plein gré, en toute liberté, dans l’intérêt de l’Église, après de longues prières et un examen de conscience devant Dieu. » Cet homme âgé de 86 ans, souverain de l’État du Vatican, a voulu, ainsi, laisser la place à un successeur plus jeune, que l’exercice du pouvoir n’a pas usé et qui soit « capable de réagir sans réflexes datés ». D’autres souverains, qui ont reçu, eux aussi, le pouvoir en viager, vont avoir à se demander s’ils ne devraient pas en faire autant – et aussi bien ! Et que peuvent encore arguer la dizaine de chefs d’État africains qui triturent les Constitutions qu’ils ont juré de respecter pour se faire octroyer autant de mandats qu’il faut pour mourir grabataires au pouvoir ? ■

Grâce au geste raisonné de Benoît XVI, l’Église catholique se donnera en mars un nouveau pape. Il sera plus jeune, élu à une majorité qualifiée (deux tiers des voix du collège des cardinaux). Et ce souverain JEUNE AFRIQUE

aura la possibilité de renouveler le collège de ceux qui l’auront fait pape. Le catholicisme aujourd’hui ? Selon les statistiques du Vatican, ils étaient 1,196 milliard de fidèles dans le monde en 2010, en augmentation de 15 millions par rapport à l’année précédente. Sur ces 15 millions, 6 millions, soit 40 %, viennent d’Afrique, portant le nombre de catholiques africains à 186 millions, soit 18,3 % de la population du continent. En Europe, le nombre des catholiques est en léger déclin ; ils constituent 39,9 % de la population totale. ■

2) Le Mali a du chemin à faire : La « drôle de guerre » qui y a éclaté le 10 janvier est dans son deuxième mois, et l’on parle déjà à son sujet de guérilla. Prendra-t-elle de l’ampleur ? Où en sera le pays dans six mois ? Quel sera alors le niveau de sécurité ou d’insécurité • dans le nord du pays, qu’il faut pacifier après l’avoir reconquis, • dans le Sud, où la paix et la sécurité doivent être restaurées et maintenues ? Nul n’est assuré des bonnes réponses à ces questions. Ce dont on est presque sûr, en revanche, c’est que les élections présidentielle et législatives espérées et annoncées pour juillet ne se tiendront, en réalité et au mieux, qu’en novembre prochain. La campagne électorale qui les aura précédées et les scrutins eux-mêmes ne seront possibles et crédibles que si la République malienne a retrouvé, au Nord comme au Sud, des relations apaisées et sereines entre ses composantes sociales et politiques. ■

Il faudra pour cela que ses autorités de transition fassent montre de qualités que nous n’avons pas observées jusqu’ici. Il faudra, en outre, que les Nations unies se soient mises en branle plus vite qu’elles n’en ont l’habitude, que la France, la Cedeao et l’Union africaine, qui ont engagé leurs hommes, des moyens financiers et leur réputation, réussissent à nouer entre elles une parfaite coordination. Et fassent un sans-faute. N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013


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Ce que je crois On ne peut pas ne pas se dire qu’il est malheureusement peu probable que toutes ces conditions soient réunies. On ne peut pas ne pas constater que ce pays est, pour l’heure, l’ombre de ce qu’il a été : ni ses forces armées, ni son personnel politique, ni sa société civile, ni son économie ne sont en état de bon fonctionnement. ■

3) La Tunisie ne change pas de pouvoir. À l’intérieur du pays comme à l’extérieur, on constate • une dérive qui a mené jusqu’à l’assassinat politique, phénomène que la Tunisie n’a guère connu depuis son indépendance, en 1956, • un blocage politique entre le pouvoir et l’opposition, • un immobilisme gouvernemental et un désaccord persistant entre les trois partis qui y sont (inégalement) représentés. L’assassinat de Chokri Belaïd perpétré le 6 février a créé un choc dans le pays et à l’extérieur ; ses obsèques ont rassemblé et mobilisé les anti-islamistes : rejoints par les déçus de l’islamisme, ils forment désormais une majorité. ■

Le seul homme politique qui a été entendu parce que les propos qu’il a tenus ont été nets est le Premier ministre, Hamadi Jebali, qui se trouve être le secrétaire général du parti islamiste (Ennahdha). De ce qu’il a dit, j’ai retenu deux affirmations fortes :

• Ceux qui ont commis cet assassinat ne sont pas des amateurs. C’est tout un appareil qui est derrière avec une stratégie. Chokri Belaïd est la victime, mais la cible, ce n’est pas lui. La cible, c’est la Tunisie tout entière. Il faut s’attendre à des résultats très graves. • Je ne serai jamais à l’origine d’une scission. Je ne partirai jamais avec un clan pour former un autre parti. Je reste le secrétaire général d’Ennahdha, je ne compte pas la quitter et, si je le fais, ce sera pour d’autres raisons. J’ai 62 ans, et il y a des moments où il faut savoir dire stop. Je pense qu’il faut le croire, mais ce qu’il propose, s’il permet au pays de surmonter la crise, et au pouvoir en place de gagner du temps, ne résoudra pas les problèmes de la Tunisie. Tant s’en faut. ■

Ayant réussi à accéder au pouvoir, les islamistes tunisiens vont le garder. Sur la base d’un compromis qu’ils finiront par trouver entre leurs modérés et leurs rigoristes. Ni tout à fait unis ni complètement désunis, ces islamistes ont en commun le sentiment qu’il leur faut, coûte que coûte, conserver ce pouvoir qu’ils ont reçu… comme un cadeau divin. Tant qu’ils n’auront en face d’eux qu’un assemblage disparate d’oppositions, et tant que leurs alliés qui leur servent de porte-voix et de caution continueront à les servir, ils prévaudront. Mais la Tunisie, hélas pour elle, n’aura pas à sa tête le pouvoir capable de lui faire épouser le XXIe siècle. ●

Humour, saillies et sagesse Pour vous faire sourire, grincer des dents – ou réfléchir –, ici, chaque semaine, une sélection subjective, la mienne, de ce qui a été dit ou écrit au cours des siècles par des hommes et des femmes qui avaient des choses intéressantes ou drôles à nous dire. B.B.Y. Ì Écrire, c’est inventer ce qu’on sait déjà. Françoise Sagan Ì L’humour a toujours été contre le pouvoir, quel que soit le régime. Coluche Ì Un homme qui a réussi est un homme qui gagne plus d’argent que sa femme n’en dépense. Une femme qui a réussi est celle qui trouve un tel homme. Lana Turner Ì Qui a dit que les absents avaient toujours tort ? Chez nous, on ne dit du bien des gens, on n’en écrit sur eux que lorsqu’ils ont disparu. Philippe Bouvard N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

Ì Au théâtre, il se dit presque autant de bêtises dans la salle que sur la scène. Tout dépend de la longueur des entractes. Robert Rocca Ì Le muezzin qui dit la prière en haut du minaret, c’est leur cloche à eux. Les Nouvelles Brèves de comptoir Ì Un défaut qui empêche les hommes d’agir, c’est de ne pas sentir de quoi ils sont capables. Jacques-Bénigne Bossuet Ì Si une femme est mal habillée, on remarque sa robe, mais si elle est impeccablement vêtue, c’est elle que l’on remarque. Coco Chanel

Ì Un berger prudent ne mise pas sur un veau qui tète encore. Proverbe africain Ì Je suis rancunier en mal comme en bien : je n’oublie pas plus un coup de pied qu’un coup de main. Guy Bedos Ì Le destin ne surprend jamais ceux de la race des bien-nés. Sur leur chemin, ce ne sont pas sur les cailloux de la déveine qu’ils butent, mais sur ceux de l’avantageuse chance. Ahmadou Kourouma Ì Internet : on ne sait pas ce qu’on y cherche, mais on trouve tout ce qu’on ne cherche pas. Anne Roumanoff JEUNE AFRIQUE



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Éditorial

Marwane Ben Yahmed

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Téléréalité

A

VATICAN FUMÉE BLANCHE POUR PAPE NOIR ? Depuis la renonciation de Benoît XVI, le 11 février, les paris reprennent de plus belle. Et si un Africain occupait le siège de Saint-Pierre ?

Il faut se souvenir de ce qu’a pu représenter, pour les Ivoiriens, le débat entre Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, le 25 novembre 2010. Ou, pour les Égyptiens, celui entre Amr Moussa, ex-secrétaire général de la Ligue arabe, et l’islamiste Abdel Moneim Aboul Foutouh, le 10 mai 2012. Au-delà de l’aspect historique, et bien que cela n’ait pas empêché la Côte d’Ivoire de basculer dans l’horreur, ni permis aux Égyptiens de voir s’affronter en direct les deux véritables finalistes du second tour, il s’agit là d’un exercice indispensable de transparence, mais aussi d’une vraie leçon d’humilité pour des personnalités qui n’y sont guère habituées. Débattre en public, sur un média lourd, accessible à presque tous, sans pouvoir éviter les questions qui fâchent (à moins d’en assumer les éventuelles conséquences électorales) n’a rien à voir avec un grand meeting dans un stade acquis à sa cause. Il n’est point non plus question ici de moyens financiers ou humains, d’entregent médiatique favorable, de zélés thuriféraires qui parlent à votre place. Non, pas d’autre choix que de se mettre au diapason de ceux que l’on prétend vouloir diriger, répondre à leurs interrogations, expliquer sa vision et décliner un programme qui ne se contenterait pas d’égrener des slogans creux ou des promesses en l’air. C’est une arène où il faut ferrailler, convaincre, s’expliquer, séduire, argumenter. La démocratie, que l’on dit en progrès en Afrique, ne peut se contenter d’opérations de vote plus transparentes, de listes électorales clarifiées et négociées entre partis, de commissions de surveillance ou d’institutions moins dépendantes du pouvoir qu’hier. Ces débats ne régleraient pas tout, naturellement. Mais ils feraient beaucoup pour, enfin, susciter l’intérêt des Africains pour la vie politique de leur pays. Qui n’a rêvé de voir en découdre sur un plateau télévisé Paul Biya et John Fru Ndi, Joseph Kabila et Étienne Tshisekedi, Macky Sall et Abdoulaye Wade ou, dans un style différent, Béji Caïd Essebsi et Rached Ghannouchi ? ● N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

PHOTOS DE COUVERTURES : NICOLAS FAUQUE/IMAGES DE TUNISIE/ABACAPRESS.COM ; VINCENT FOUNIER/JA REUTERS PHOTOGRAPHER/REUTERS

U KENYA, c’est une grande première, dont on espère qu’elle essaimera un peu partout sur le continent. Un débat télévisé entre candidats à une élection présidentielle, censée être un événement crucial dans la vie d’un pays, est, chez nous, aussi rare qu’un salafiste tunisien ou égyptien tolérant. Celui qui a réuni sur un plateau les huit prétendants – dont les deux favoris, Raila Odinga et Uhuru Kenyatta – qui s’affronteront lors du scrutin du 4 mars prochain a suscité un engouement sans précédent. Retransmis également en streaming sur YouTube pour une plus large diffusion, notamment auprès de la diaspora, préparé en amont avec les internautes qui souhaitaient soumettre leurs questions (près de 5 000 en tout !) et proposer les thèmes à aborder, un tel débat a marqué un grand pas en avant sur le chemin de la démocratie. Aucune question gênante éludée, et certainement pas le cas du fils de Jomo Kenyatta, premier président du pays, réclamé par la Cour pénale internationale (CPI), qui le soupçonne d’avoir orchestré les violences de la crise postélectorale de 2007…

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MALI CHAOS À GAO La grande ville du Nord est tombée le 26 janvier. Vite, presque sans combats. Trop vite, sans doute, puisque les jihadistes ne sont pas loin et que les habitants vivent dans la crainte des attentats.

03 08

Ce que je crois Par Béchir Ben Yahmed Confidentiel

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LA SEMAINE DE JEUNE AFRIQUE

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Vatican Fumée blanche pour pape noir ? Tchad Ménage à tous les étages Ghana Mahama dans un guêpier RASD Comme neige au soleil Cran À couteaux tirés Stephen Keshi L’anticonformiste Marie NDiaye « Ladivine » tragédie Tour du monde

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GRAND ANGLE

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Tunisie Rached Ghannouchi, l’homme qui a trahi la révolution

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AFRIQUE SUBSAHARIENNE

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Mali Chaos à Gao Bénin Thomas Boni Yayi : « En 2016, Bozizé et moi, la Bible à la main » JEUNE AFRIQUE


Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs GRAND ANGLE

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LITTÉRATURE INTERVIEW AVEC JOUMANA HADDAD L’auteure libanaise dissèque le machisme des sociétés arabes et s’attaque aux religions, instruments de domination aux mains des hommes.

TUNISIE

L’homme qui a trahi la révolution Le doute a longtemps plané, mais Rached Ghannouchi, le président d’Ennahdha, n’a d’autre projet que l’instauration progressive d’une théocratie autoritaire…

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DJIBOUTI DÉMOCRATIE SUR UN FIL Pour la première fois depuis l’indépendance, l’opposition devrait faire son entrée au Parlement à l’issue des législatives du 22 février. La majorité présidentielle n’est pas menacée, mais elle pourrait y laisser des plumes. Le président Ismaïl Omar Guelleh

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Kenya Prime time Djibouti Démocratie sur un fil

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MAGHREB & MOYEN-ORIENT

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Libye Confidences de kaddafistes Iran - États-Unis Obama tranchera-t-il le nœud gordien ? Algérie Le FLN orphelin

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EUROPE, AMÉRIQUES, ASIE

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France Nathalie, Anne, Rachida et les autres Asie Renversement d’alliances États-Unis Que les gros donateurs lèvent le doigt ! Parcours David Baiot, ainsi soit-il Brésil Grandeur et décadence

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ÉCONOMIE

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Finances publiques Au secours, la dette revient ! Mines Frères ennemis du cuivre Interview John Kanyoni, vice-président de la Chambre des mines de RD Congo

JEUNE AFRIQUE

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LIBYE CONFIDENCES DE KADDAFISTES Cinq compagnons de route du « Frère Guide » ont accepté de se confier au journaliste libanais Ghassan Charbel. Florilège. 66 68 69 70 71

DOSSIER ASSURANCES L’émergence d’une classe moyenne ouvre de nouvelles perspectives de croissance aux compagnies du continent. Analyse des tactiques gagnantes. Spécial 8 pages

Maroc Les aciéristes dans le rouge Immobilier Une âme de bâtisseur Private equity Il s’investit pour la Tunisie Tunisie Amen Bank pied au plancher Baromètre

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DOSSIER

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Vie, santé, auto… Des produits qui assurent

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CULTURE & MÉDIAS

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Littérature Interview de Joumana Haddad, auteure libanaise Musique Explosion de sons Cinéma La fabrique à terroristes La semaine culturelle de Jeune Afrique Danse L’art du combat

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VOUS & NOUS

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Le courrier des lecteurs Post-scriptum N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

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considérablement allégé. Biya, dont la dernière visite remonte àlabéatificationdeJean-PaulII, en mai 2011, va devoir attendre l’élection d’un nouveau pape pour se rendre à Rome.

SILVERE GERARD / RESERVOIR PHOTO

LE CHIFFRE

! ALI ZEIDAN, LE CHEF DU GOUVERNEMENT LIBYEN sur le perron de l’Élysée, le 13 février. Il avait la veille reçu Sarkozy dans un grand hôtel parisien.

Libye-France Quand Ali rencontre Nicolas

P

OUR SA PREMIÈRE VISITE en France depuis qu’il est à la tête du gouvernement libyen, Ali Zeidan a, dans la soirée du 12 février, longuement reçu son « ami » Nicolas Sarkozy dans sa suite de l’hôtel Sofitel, rue Boissy-d’Anglas, à cinq minutes à pied de l’Élysée (où, le lendemain, il a rencontré le président Hollande dans le cadre de la visite officielle). C’est lui qui avait demandé à voir l’ancien président français, lequel est arrivé flanqué de Michel Gaudin, son chef de cabinet, et de l’écrivain Bernard-Henri Lévy. De son côté, Zeidan était accompagné de Mansour Saif al-Nasr, l’ancien ambassadeur du Conseil national de transition (CNT) en France, aujourd’hui conseiller du gouvernement. Les deux hommes étaient déjà présents lors de la rencontre qui aboutit à la reconnaissance par la France dudit CNT, en mars 2011. Dans un anglais moyen, Sarkozy s’est enquis des dernières évolutions de la situation en Libye. « Il considère avec fierté le rôle qu’il a joué dans la chute de Kaddafi et, depuis la guerre du Mali, s’inquiète des critiques qui, rétrospectivement, pourraient être adressées à son action », précise notre témoin. ●

FRANCE UNE NOUVELLE « MADAME AFRIQUE » AU PS

Depuis que Thomas Melonio a rejoint l’Élysée, le Parti socialiste n’avait pas encore remplacé son responsable de la commission Afrique. Ce s era bientôt chos e faite en la personne d’une femme : Capucine Edou, 37 ans, fille de coopérant, qui a grandi entre l’Algérie, la Mauritanie, le Sénégal et la Zambie, avant de travailler à la Banque mondiale N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

et au ministère français des Affaires étrangères. Elle dirige aujourd’hui le centre AsiePacifique - Afrique - MoyenOrient à Sciences-Po Paris. CHINAFRIQUE XI JINPING VOYAGE

Trois mois après son accession au pouvoir, Xi Jinping, le nouveau président chinois, s’apprête à entreprendre sa première tournée africaine. Deux étapes sont d’ores et déjà acquises : l’Afrique du Sud, et

le Congo-Brazzaville où il est attendu les 29 et 30 mars par son homologue Denis Sassou Nguesso. VATICAN VISITE ANNULÉE POUR PAUL BIYA

La visite que le président camerounais Paul Biya devait faire au Vatican le 28 février a été annulée. La vacance du siège apostolique ne commence certes que le 1er mars, mais depuis sa renonciation, l’agenda de Benoît XVI a été

30 MILLIARDS DE DOLLARS Le montant des achats de médicaments en Afrique d’ici à 2016, selon IMS Health, un cabinet de conseil spécialisé dans la santé. Pendant cette période, la croissance du secteur pharmaceutique sur le continent devrait avoisiner 10,6 %.

FRANCE-TUNISIE LES HÉSITATIONS DE HOLLANDE

La crise politique que traverse laTunisieinquièteauplushaut point François Hollande, qui, sous la pression du Quai d’Orsay, a envisagé d’annuler sa visite à Tunis, les 13 et 14 mai, pour ne pas donner l’impression de cautionner un pouvoir de plus en plus décrié. Il s’est finalement montré sensible aux arguments d’Adel Fekih, l’ambassadeur de Tunisie à Paris, qui lui a expliqué qu’il était important que la France manifeste son soutien à une population inquiète, quitte à prendre ses distances avec les responsables politiques. La visite a donc été maintenue. Après les déclarations embarrassantes de Manuel Valls, le ministre de l’Intérieur, qui avait dénoncé le « fascisme islamiste » après l’assassinat de Chokri Belaïd, le président a par ailleurs demandé aux membres de son gouvernement de manifester la plus grande prudence dans les propos qu’ils pourront être amenés à tenir sur la transition tunisienne. Des « éléments de langage » leur ont même été fournis. JEUNE AFRIQUE


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Politique, économie, culture & société ALGÉRIE BISBILLES DIPLOMATIQUES

Nommé ambassadeur d’Algérie à Bucarest en septembre 2009, Hamraoui Habib Chawki (HHC) vient d’être rappelé. Grand patron de la télévision publique, neuf années durant, il avait été débarqué sans ménagement en novembre 2008. Sa nomination en Roumanie avait ensuite suscité les critiques virulentes de nombreux diplomates, ulcérés par ce « recasage de complaisance ». Aujourd’hui, « c’est la fête au ministère », commente perfidement l’un d’entre eux. Pour symbolique qu’il soit, ce départ s’inscrit dans un cadre plus large, puisque les ambassadeurs en Éthiopie, au Nigeria, au Mozambique, en RD Congo, en Afrique du Sud et en Irak ont également été rappelés. Un mouvement diplomatique qui intervient sur fond de grève des personnels du ministère des Affaires étrangères, qui réclament davantage de transparence, l’arrêt des nominations de complaisance et la mise à la retraite d’office des diplomates atteint par la limite d’âge.

Maroc-Tunisie Les ingérences de l’ambassadeur AMBASSADEUR DU MAROC en Tunisie depuis 2006, Najib Zerouali Ouariti a été rappelé « immédiatement et définitivement » à Rabat, apprend-on de source bien informée dans la capitale marocaine. Décidée par la partie marocaine le 10 février, cette mesure sanctionne les « interférences non autorisées » de l’ambassadeur dans la crise politique tunisienne. « Najib Zerouali Ouariti s’est immiscé de façon inacceptable dans les affaires intérieures de la Tunisie sans y avoir été invité par qui que ce soit », précise, sans plus de précisions, la même source, avant d’ajouter : « et ce n’est pas la première maladresse à son actif. » Ancien ministre d’Abderrahmane Youssoufi et de Driss Jettou, ce chirurgien de formation est membre du Rassemblement national des indépendants, de Salaheddine Mezouar. Il a fait ses adieux aux autorités tunisiennes dans la plus grande discrétion. Au regard de ce qui lui est reproché, sa carrière diplomatique semble terminée. ●

MALI SANOGO DANS LE COLLIMATEUR DE LA CPI Un accord de coopération entre les autorités maliennes et la Cour pénale internationale (CPI) ayant été signé le 13 février, plusieurs enquêtes ont aussitôt été diligentées dans le nord du pays (crimes d’Aguelhok,

destruction des mausolées de Tombouctou, etc.). Mais la Cour se réserve parallèlement le droit d’entreprendre des investigations sur certains événements survenus pendant et après le putsch du 22 mars 2012, notamment les combats meurtriers (le 30 avril) entre Bérets verts du

DEPUIS LE 3 MAI 2012, Bachir Saleh est introuvable. Recherché par Interpol pour fraude, l’ancien chef de cabinet de Mouammar Kaddafi a quitté la France à bord d’un avion privé trois jours avant la défaite électorale de Nicolas Sarkozy. L’ancien trésorier du régime libyen (il présidait le Libyan African Investment Portfolio) est, il est vrai, le dépositaire de bien des secrets concernant les relations franco-libyennes. Est-il passé par le Sénégal ? Son avocat français le conteste et jure qu’il se trouve aujourd’hui en lieu sûr, « en situation régulière ». De bonne source, Bachir Saleh aurait atterri en Afrique du Sud, avant de trouver refuge au Swaziland. En 2011, le régime de Jacob Zuma avait tenté jusqu’au bout de ménager à Kaddafi une porte de sortie honorable. ● JEUNE AFRIQUE

DR

Libye L’ex-trésorier de Kaddafi au Swaziland?

! BACHIR SALEH fut, entre autres, chef de cabinet du « Guide » de la Jamahiriya.

capitaine Sanogo et Bérets rouges, ainsi que les arrestations arbitraires et les tortures qui se sont ensuivies. Lors du dernier sommet de l’Union africaine à Addis-Abeba, le président Dioncounda Traoré a discrètement rencontré la procureure Fatou Bensouda. « Nous répondrons favorablement à toutes les demandes de mandat d’arrêt que la CPI pourrait nous transmettre », commente l’un de ses conseillers.

MAROC LES FANTÔMES DE GDIM IZIK

Procès pénal ou procès politique ? Deux semaines après son ouverture devant le tribunal militaire de Rabat, le procès de vingt-quatre Sahraouis impliqués, selon l’accusation, dans le meurtre de onze membres des forces de l’ordre lors du démantèlement du camp protestataire de Gdim Izik, en novembre 2010, hésitait encore entre ces deux labels. Une chose est sûre : les audiences, publiques, se déroulent dans un climat de liberté inimaginable au Maroc il y a encore peu de temps. Manifestations de soutien aux accusés à l’extérieur du tribunal avec déploiement de banderoles pro-Polisario, présence au tribunal de représentants d’ONG étrangères favorables aux thèses indépendantistes, slogans séparatistes scandés par les accusés eux-mêmes, etc. Autant de « garanties d’un procès équitable », estiment les sept observateurs d’une association de juristes français dans un rapport en date du 11 février. Côté sahraoui, on continue de récuser le texte de loi qui donne compétence au tribunal militaire de juger en temps de paix des actes commis au préjudice des forces armées. N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013


La semaine de Jeune Afrique

VATICAN

Fumée blanche pour

pape noir? Depuis la renonciation de Benoît XVI, le 11 février, les paris reprennent de plus belle. Et si un Africain occupait le siège de Saint-Pierre ? La vitalité du catholicisme en Afrique et les indéniables qualités de ses cardinaux plaident en ce sens.

TSHITENGE LUBABU M.K.

L

a scène se passe au Vatican, le 5 octobre 2009. Rapporteur général du synode des évêques africains, le cardinal Peter Kodwo Appiah Turkson fait face à la presse. Un journaliste lui demande s’il est possible qu’un jour l’Église catholique romaine soit dirigée par un pape africain. « Pourquoi pas? répond le Ghanéen avec aplomb. Tel est le défi de la foi: être capable de transcender certainspréjugésculturels,historiquesouethniques. […] Si, par une intervention providentielle, Dieu fait en sorte que cela arrive, qu’il en soit alors remercié. » Un pape africain, un Noir, sur le siège de SaintPierre? Ce n’est pas la première fois que la question se pose. Ce fut le cas en 1978, lors du décès de JeanPaul Ier. Le prélat béninois Bernardin Gantin faisait partie des papabili. Mais le conclave élit finalement le Polonais Karol Wojtyla. À la mort de ce dernier, en 2005, les Africains reprirent espoir : et si le tour du Nigérian Francis Arinze était venu ? Las, ce fut l’Allemand Joseph Ratzinger qui fut élu. Depuis l’annonce, le 11 février, que Benoît XVI renonçait à son pontificat, les paris ont repris de plus belle. Et la question devient lancinante: l’heure de l’Afrique a-t-elle enfin sonné? Même si, à Rome, les préjugés ont la vie dure et même si les conservateurs, beaucoup plus nombreux qu’on ne le croit, font de la résistance, on entrevoit beaucoup de signes encourageants. Ils se fondent en premier lieu sur le principe de l’universalité de l’Église catholique romaine. L’époque de la colonisation de l’Afrique, où les missionnaires européens étaient les auxiliaires des gouvernements de leurs pays conquérants, faisant N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

partie de la célèbre trilogie administration-religionaffaires, est totalement révolue. Hier imposé, le christianisme a fini par s’enraciner, s’africaniser. On ne peut plus dire – à moins de renier son message de fraternité et d’amour – que le catholicisme est l’apanage du seul Occident. Il appartient à tous ceux qui l’ont adopté, assimilé. La papauté ne peut donc plus rester la chasse gardée de l’Italie et d’une poignée d’autres pays européens.

Nombre de prêtres dans le monde :

412 236

Entre 2009 et 2010

+ 761

Europe Afrique

– 905 Nombre de séminaristes dans le monde :

118 990

Entre 2009 et 2010 :

+ 752 Europe Afrique

– 282

SOURCE : AGENCE FIDES, ANNUAIRE STATISTIQUE DE L’ÉGLISE, AU 31 DÉCEMBRE 2010

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TAM-TAM. La vitalité du catholicisme africain plaide également en faveur d’un pape issu du continent. En perdition en Europe, qui connaît une grave crise des vocations, il ne cesse de progresser en Afrique – malgré la concurrence féroce que lui livrent les Églises évangéliques – et en Amérique latine. Alors que les Églises du Nord sont en quête de fidèles le dimanche, elles sont pleines à craquer au sud du Sahara, où l’on en construit davantage. Et cette foi communicative est vécue dans la joie et la bonne humeur, au son d’instruments locaux comme le tam-tam. L’Afrique compte aujourd’hui quelque 186 millions de catholiques, dont 36 millions pour la seule RD Congo, qui dépasse la Pologne (35 millions) et l’Allemagne (25 millions). Depuis quelques années, un phénomène inédit a vu le jour : les pays européens, dont les paroisses manquent cruellement de prêtres, font de plus en plus souvent appel à des Africains. Cette évangélisation du Nord par le Sud a séduit les fidèles, qui ont découvert une manière différente, plus vivante, de se rapprocher de Dieu. Peut-être sera-ce grâce à ces « missionnaires » d’un nouveau genre que le catholicisme sera sauvé ● ● ● JEUNE AFRIQUE


THEMBA HADEBE/AP/SIPA

! BENOÎT XVI n’exercera plus sa charge à partir du 28 février.


La semaine de J.A. L’événement ● ● ● du naufrage sur le vieux continent. Plus dynamiques, les Églises africaines, matériellement démunies mais spirituellement riches, se bâtissent sur une vraie solidarité, le partage et la tolérance. Un pape africain serait pour elles une juste récompense.

Le trio de tête des « papabili »

Francis Arinze

GALAZKA/SIPA

Robert Sarah

Peter Kodwo Appiah Turkson

Nigérian, 80 ans, créé cardinal en 1985 par Jean-Paul II

Guinéen, 67 ans, créé cardinal en 2010 par Benoît XVI

Plus: Il connaît parfaitement les rouages de la curie puisqu’il réside à Rome depuis 1984. Il est préfet émérite de la congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements depuis 2008.

Plus: Connaît très bien les missions de l’Église (a été secrétaire de la congrégation pour l’évangélisation des peuples, préside le conseil pontifical Cor Unum, qui coordonne l’action humanitaire de l’Église).

Moins: Son âge avancé.

STEFANO SPAZIANI/POLARIS/STARFACE

PROGRESSISTE. Pédophilie, malversations

PLINIO LEPRI/AP/SIPA

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Moins: S’exprime peu sur les relations avec les autres religions et les non-croyants.

Ghanéen, 64 ans, créé cardinal en 2003 par Jean-Paul II

Plus: S’est vu confier des postes clés au Vatican, dont la présidence du conseil pontifical Justice et Paix (qu’il occupe toujours). Moins: A projeté une vidéo islamophobe au Vatican lors du synode sur l’évangélisation, en octobre 2012, suscitant une polémique. Par MARIE VILLACÈQUE

financières ou scandale Vatileaks – ces fuites orchestrées par le proche entourage du pape… En Occident, de nombreuses affaires ont ébranlé l’Église et terni son image. Cette perte de crédibilité n’a pas atteint l’Afrique. Au contraire, beaucoup de cardinaux africains ont fait leurs preuves, que ce soit dans leurs archidiocèses ou au sein de la curie romaine. Même s’ils ne sont pas nombreux, ils ne passeront pas inaperçus lors du prochain conclave, qui doit se réunir entre le 15 et le 20 mars pour élire le successeur de Benoît XVI au plus tard le 31. Ayant atteint la limite d’âge (80 ans), le cardinal Francis Arinze ne pourra participer au conclave et donc au vote, mais cette figure très appréciée à Rome comme en Afrique peut théoriquement être élue par ses pairs. Parmi les papabili dont le nom est souvent cité, le Camerounais Christian Tumi, connu pour ses critiques sans complaisance du pouvoir temporel dans son pays. Ou le Congolais Laurent Monsengwo Pasinya, présenté comme « intelligent et capable de se frayer un passage, même s’il lui manque l’expérience de la curie romaine » et dont l’implication dans les problèmes politiques de son pays depuis les années 1990 est bien connue. On parle aussi beaucoup du Ghanéen Peter Kodwo Appiah Turkson. À 64 ans, ce prélat est considéré comme progressiste. Son discours est fondé

Odon Vallet*: « Rien n’est impossible au JEUNE AFRIQUE: A-t-on eu, dans le passé, des raisons d’espérer l’élection d’un pape africain ? ODON VALLET : Dans nombre de pays

africains, les premiers prêtres ont été ordonnés entre les deux guerres mondiales, voire après la seconde. L’Église d’Afrique est donc relativement jeune et ne dispose pas des mêmes ressources intellectuelles que les diocèses ou archidiocèses européens. Mais à la mort de Jean-Paul Ier, en 1978, le cardinal béninois Bernardin Gantin [décédé en 2008] était déjà papabile. Rien n’est impossible au Saint-Esprit, et il n’y a pas le moindre racisme chez les cardinaux, qui, bien au N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

contraire, aimeraient, dans la mesure du possible, créer la surprise avec un pape non européen. Est-ce envisageable ?

Dans la machinerie vaticane, a priori, il n’existe aucun obstacle à la désignation d’un pape africain. Plusieurs cardinaux du continent, très qualifiés, ont occupé ou occupent une place éminente à la curie, comme Bernardin Gantin en matière de liturgieetaujourd’huiPeterKodwoAppiah Turkson, chargé des dossiers Justice et Paix. Cependant, leurs pairs européens se méfient un peu de certains prélats du continent, fortement soupçonnés d’avoir

eu des enfants ou d’être impliqués dans des scandales financiers. Bien que ce ne soit pas une « spécialité » africaine, c’est un point que l’on ne peut négliger. De la même façon, on se méfie de certains cardinaux asiatiques, jugés soit trop proches du pouvoir, soit trop en rupture avec celuici. Le cardinal de Manille, par exemple, a une immense influence politique aux Philippines. Quel serait l’intérêt d’avoir un pape africain ?

D’inverser le courant missionnaire, qui irait ainsi d’Afrique vers l’Europe, où il y a d’ailleurs de plus en plus de prêtres

JEUNE AFRIQUE


PIER PAOLO CITO/AP/SIPA

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! DANS LE STADE DE L’AMITIÉ, à Cotonou, le 20 novembre 2011.

1,9 milliard

de catholiques dans le monde, dont

186 millions en Afrique

(15,5% du total, avec une progression de 6,14 millions entre 2009 et 2010)

SOURCE : AGENCE FIDES, ANNUAIRE STATISTIQUE DE L’ÉGLISE, AU 31 DÉCEMBRE 2010

sur le réalisme et une certaine compréhension. Par exemple, il ne condamne pas l’usage du préservatif lorsque l’un des deux partenaires est séropositif. Et, s’agissant des homosexuels, il préconise le respect à leur égard sans pour autant approuver leur mode de vie. Ceux qui le connaissent parlent d’un homme « très humble, compétent, sympathique, équilibré », dont le « charisme inspire la joie, l’espérance et la paix ». Le cardinal Turkson a une idée bien précise sur la crise financière qui frappe le monde et sur la manière de redistribuer les richesses de la planète. Il n’hésite pas, également, à dénoncer les OGM. Par ailleurs,

sa médiation a évité une crise politique au Ghana au lendemain des résultats très serrés des élections de 2008 opposant John Atta-Mills à Nana Akufo-Addo. DÉFAVEUR. Autre personnalité très respectée

et apte à exercer la mission papale, le Guinéen Robert Sarah – même si le fait que son pays compte moins de catholiques que de musulmans pourrait jouer en sa défaveur lors de l’élection. Le Sénégalais Théodore Adrien Sarr a lui aussi toutes ses chances… et le même handicap. L’un de ses collaborateurs le qualifie d’« homme d’ouverture et de dialogue, ● ● ●

Saint-Esprit… » africains. Cela signifierait que, désormais, l’Afrique évangélise l’Europe. Ce serait un intéressant retour de balancier. Cela dit, les cardinaux africains sont généralement assez conservateurs: il n’y a pas à en attendre une quelconque révolution, bien au contraire. Nommé cardinal en mêmetempsqueJosephRatzinger(lefutur Benoît XVI), en 1977, Bernardin Gantin était aussi romain, italien et latin que les cardinaux italiens.

peu près la moitié du Sacré Collège, et les Italiensunquartàeuxseuls.Durantlesprécédentsconclaves,lesLatino-Américainsse sont montrés assez divisés. Au demeurant, c’est moins le nombre de cardinaux d’un continent qui compte que les relations qu’entretient un papabile avec ses pairs. Pour être élu, il faut être un homme de consensus, ne pas susciter d’hostilité. Les Polonais n’étaient pas majoritaires au conclave, et pourtant Jean-Paul II a été élu.

Compte tenu de la composition du collège électoral, l’élection se joue essentiellement en Europe…

Quels sont les atouts et les faiblesses des Africains papabili?

Les cardinaux européens forment à

JEUNE AFRIQUE

Le Ghanéen Turkson vient d’un pays démocratique, pacifique et souvent cité en

exemple, y compris par les francophones. Sa faiblesse: le Ghana ne pèse guère au sein du collège mondial des cardinaux. Quant à Francis Arinze, sa force, mais aussi sa faiblesse, c’est d’être un ressortissant du Nigeria, un État en proie à des troubles interreligieux, où la défense des chrétiens contre l’islam pourrait entrer en ligne de compte. Il semble toutefois hors jeu en raison de son âge. ● Propos recueillis par CLARISSE JUOMPAN-YAKAM

* Historien des religions, professeur à l’université Panthéon-Sorbonne. Derniers ouvrages parus: Dieu et les religions en 101 questions-réponses (éd. Albin Michel, 2012) et Chroniques du village planétaire (éd. Desclée de Brouwer, 2013). N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013


La semaine de J.A. L’événement ● ● ● préoccupé par les valeurs de paix, qui a lancé un vaste chantier pour la modernisation de la vie pastorale et se bat pour une société plus morale et plus droite ». Tous ont un grand avantage par rapport à leurs homologues occidentaux : leur double culture, africaine et romaine. Certains sont originaires de pays où différentes religions cohabitent dans la plus grande tolérance. Qu’un Africain soit élu ou non, le prochain souverain pontife devra de toute urgence réparer un

certain nombre d’injustices qui affectent les Églises catholiques du continent. Par exemple, susciter la création d’un concile africain, demandé de longue date par les intéressés, et chargé de traiter les questions spécifiques aux Églises locales. Et créer plus de cardinaux en Afrique. Il n’est pas normal, en effet, que de nombreuses villes italiennes, peu peuplées, en comptent davantage que Kinshasa, qui n’en a qu’un seul, malgré sa dizaine de millions d’habitants. ●

Arnaud Goma*: « L’Amérique a bien élu Obama! » JEUNE AFRIQUE : Comment avez-vous réagi à la renonciation de Benoît XVI ? ARNAUD GOMA : Trois minutes avant

le début d’un office que je m’apprêtais à célébrer, j’en ai été informé par deux SMS, que j’ai pris pour des canulars. J’ai d’ailleurs exhorté mes fidèles à ne pas accorder le moindre crédit à cette rumeur. Mais, à la fin de la messe, j’ai vu que l’information était diffusée sur tous les sites internet et les réseaux sociaux. J’en ai été très retourné : la renonciation du pape était pour moi inimaginable. DELPHINE GOLDZTEJN/DR

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Était-ce vraiment une surprise ?

Je n’ai jamais rencontré Benoît XVI, mais je l’ai en revanche beaucoup lu. Avec le recul, je me rends compte qu’à plusieurs reprises il avait évoqué son départ. Par exemple, dans Lumière du monde, un livre-entretien avec le journaliste allemand Peter Seewald, il affirme de manière assez énigmatique qu’un pape qui reconnaîtrait en toute clarté ne plus pouvoir physiquement, psychiquement et spirituellement assumer la charge de son ministère a le droit et même le devoir de se retirer. Des Africains figurent parmi les cardinaux capables de prendre la relève. Quelles seraient les conséquences de l’élection d’un pape africain ?

Pour que cela soit envisageable, il faudrait que les cardinaux européens, majoritaires dans le collège des électeurs, le veuillent bien. C’est donc une intercession, mais aussi un appel que je lance à l’Église d’Europe: l’Europe ne doit plus être l’uniqueberceaudel’Église.Lemomentest venu de donner l’image d’une Église plus ouverte, plus universelle. Barack Obama a été élu aux États-Unis alors que rien ne N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

! LE PREMIER CURÉ NOIR de Paris.

le laissait présager. L’élection d’un pape noir serait un signal fort de l’Église, qui prouverait que le monde chrétien est en phase avec l’évolution de l’humanité. Ce serait une forme de reconnaissance envers la foi qui s’exprime si fortement en Afrique. Etceseraitaussireconnaîtrequelamission évangélisatrice menée par l’Europe n’a pas été vaine. Mais les cardinaux oserontils ? Je prie pour cela, et à Dieu rien n’est impossible… Avez-vous un favori ?

J’ai un faible pour certains cardinaux : le Guinéen Robert Sarah, tout comme le Nigérian Francis Arinze, connaît parfaitement la machine vaticane, ce qui est un atout. Le fait de compter des Africains parmi les cardinaux éligibles est déjà en soi une victoire, la preuve de l’intégration réussie de l’Afrique à Rome.

Vous semblez écarter l’Amérique du Sud…

Citer des Africains ne signifie pas écarter l’Amérique du Sud ou l’Asie. Cela revient à souligner que l’Afrique n’est pas le dernier de la classe. Il faut cependant rester lucide : ce sont essentiellement les nonEuropéens qui évoquent l’éventualité d’un pape venu d’ailleurs. L’arrivée d’un pape polonais fut une révolution, celle d’un pape allemand, un coup de tonnerre. On pourrait poursuivre ce mouvement de fond. D’ailleurs, ce ne serait qu’un juste retour vers le passé : Pierre, le premier pape de l’Histoire, était un Juif venu de Jérusalem. ● Propos recueillis par CLARISSE JUOMPAN-YAKAM

*OriginaireduCongo-Brazzaville,lepèreGoma, 38 ans, est prêtre à la paroisse Saint-Denys de la Chapelle,àParis.Ilestl’auteurd’Arnaud,premier curé noir de Paris (éd. Nouvelle Cité, 2013). JEUNE AFRIQUE



La semaine de J.A. Décryptage

Tchad Ménage à tous les étages

sur les conditions de recrutement des policiers, ils n’auraient pas pu justifier cet avancement. Depuis le 2 février, la police nationale est suspendue. Les gendarmes, les agents municipaux et la Garde nationale et nomade du Tchad assurent l’intérim. Deux jours plus tôt, un meurtre avait été commis au marché central de N’Djamena pour une banale histoire de crédit téléphonique. Des proches de la victime s’étaient vengés en assassinant le suspect… au sein même du commissariat. L’affaire a déclenché la colère d’Idriss Déby Itno, alors à Sarh (dans le sud du pays) pour une série d’inaugurations. Et celle de la population, lassée de l’incompétence de policiers qu’elle considère comme corrompus. Ces dernières années, la police a procédé à des recrutements massifs, plus ou moins légaux, ce qui explique sans doute le manque de qualification de ses agents. ABDEL-NASSER GARBOA

Dans une opération de nettoyage sans précédent, tous les membres de la police nationale ont été suspendus. Les deux ministres limogés par Idriss Déby Itno font-ils partie des victimes de cette purge ?

ABDEL-NASSER GARBOA

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BACHAR ALI SOULEYMAN (à g.), ministre de l’Administration du territoire, et AHMAT MAHAMAT BACHIR, ministre de la Sécurité publique, ont été remerciés le 14 février.

À

ceux qui doutaient encore de sa détermination dans l’opération de nettoyage visant la police nationale, Idriss Déby Itno a envoyé un signal fort. Le 14 février, à la surprise générale, le président tchadien a remercié Ahmat Mahamat Bachir, ministre de la Sécurité publique et de l’Immigration, et Bachar Ali Souleyman, ministre de l’Administration du territoire et de la Décentralisation. Tous deux avaient pourtant été reconduits, le 26 janvier, au sein du gouvernement du nouveau Premier ministre, Joseph Djimrangar Dadnadji.

Pour le moment, aucune raison officielle n’a été dévoilée. Ont-ils été sanctionnés à la suite des graves irrégularités révélées lors du récent passage au crible des services policiers ? Tout porte à le croire. De fait, les deux ministres étaient également officiers au sein de la police, Bachar Ali Souleyman en étant même l’ancien directeur général. Un grade qu’ils auraient obtenu par « reversement », procédure très courante – mais illégale – permettant de promouvoir des civils. Devant la Commission nationale de contrôle des services de la police nationale (Conapol), chargée d’enquêter

AVANCEMENTS ILLÉGAUX. Le chef de

l’État a donc accéléré la mise en place de la Conapol. Présidée par l’ex-directeur général de l’Agence nationale de sécurité (les services de renseignements tchadiens), elle a un mois pour remettre son rapport au Premier ministre. Désormais, chaque policier doit justifier de la légalité de son recrutement en présentant un arrêté officiel, seule condition pour espérer réintégrer l’institution. À ce jour, au moins 2 000 agents auraient été contrôlés et des centaines d’avancements illégaux révélés. Environ 6 000 de leurs collègues, affectés en province, doivent encore faire le déplacement à N’Djamena pour se faire eux aussi recenser. En novembre 2011, une réforme similaire avait été lancée au sein de l’armée tchadienne : beaucoup de militaires avaient ainsi été envoyés à la retraite. Les services de la douane pourraient être les prochains sur la liste. ● JUSTINE SPIEGEL

À SUIVRE LA SEMAINE PROCHAINE

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FÉVRIER À Hollywood, 85e cérémonie des Oscars. Deux AfricainsAméricains sont en lice : Denzel Washington et la jeune Quvenzhané Wallis (9 ans). N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

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FÉVRIER Au musée du Quai Branly (Paris), jusqu’au 19 mai, exposition « Le rire, l’horreur et la mort ». Des « affiches des vidéoclubs et images des morts au Ghana » peintes sur des sacs de toile.

25-28

FÉVRIER ÀYaoundé, 37e assemblée générale de la Fédération des sociétés d’assurances de droit national africaines (Fanaf), sur le thème « Assurances et risques sociaux ». On y attend 600 délégués de 42 pays. JEUNE AFRIQUE


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Ghana Mahama dans un guêpier

JEUNEAFRIQUE.COM

L’amitié qui lie le président ghanéen à un militant américain de la cause homosexuelle provoque un miniscandale.

N

ous sommes extrêmement inquiets de la relation impie qui s’est nouée entre le président de la république du Ghana et Andrew Solomon, un homme qui milite partout dans le monde en faveur des droits des gays, des lesbiennes, des bi et des transsexuels » (LGBT). Contrairement à ce que laisse entendre cette phrase du quotidien Ghanaian Chronicle, John Dramani Mahama n’est pas soupçonné d’être lui-même homosexuel. Mais le simple fait qu’il soit ami avec un représentant de cette communauté a suffi à provoquer un petit scandale, dans un pays où l’homosexualité est passible d’une peine de prison. C’est le quotidien Daily Guide qui a révélé l’« affaire » le 1er février, en faisant sa une sur les relations entre le président et cet activiste homosexuel américain, auteur de plusieurs livres et d’articles parus dans des journaux new-yorkais parmi les plus prestigieux. DÉMENTI. La première réaction, pour le

moins maladroite, de Mahama Ayariga, le ministre ghanéen de l’Information, a été de nier l’amitié entre les deux hommes.

Avec pour seul résultat de faire enfler la polémique. Car John Dramani Mahama avait évoqué Andrew Solomon dans ses mémoires (My First Coup d’État, paru en juillet 2012), le mentionnant dans ses remerciements et faisant état d’un « fantastique dîner » au domicile de l’intéressé – lequel est marié à un homme, avec qui il élève un enfant adopté. Le journaliste américain, qui dit avoir rencontré Mahama « il y a huit ans », avait d’ailleurs participé au lancement de l’ouvrage à New York. Le ministre de l’Information a dû rectifier le tir et reconnaître que ses premières déclarations n’étaient « pas entièrement exactes ». « Le président m’a appelé pour s’excuser », a pour sa part indiqué Solomon dans une tribune parue dans le New York Times le 11 février. « J’espère qu’il profitera de cette occasion pour jouer un rôle de leader régional en matière de défense des droits des LGBT », a-t-il ajouté. « Le président ne soutient pas l’homosexualisme [sic] et ne prendra aucune mesure pour [le] promouvoir au Ghana », a cependant cru devoir préciser le ministre pour clore la polémique. ●

VINCENT FOURNIER/J.A.

«

VIDÉO

Aurélien Agbénonci, coordonnateur humanitaire des Nations unies au Mali : « Les frappes aériennes ont entraîné le déplacement de 35 000 personnes. »

EN IMAGES

Sa cellule, ses codétenus, ses loisirs… Tout sur la vie de Laurent Gbagbo derrière les barreaux de la CPI.

PIERRE BOISSELET

DIAPORAMA

Un pape africain, c’est possible ?

YOUTUBE

Votez pour votre candidat parmi les prétendants du continent.

À LIRE AUSSI : États-Unis : l’homme qui a tué Ben Laden raconte.

! JOHN DRAMANI MAHAMA (à g.) avec Andrew Solomon (capture d’écran). JEUNE AFRIQUE

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La semaine de J.A. Décryptage

STEFANO MONTESI/DEMOTIX/CORBIS

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RASD Comme neige au soleil Le nombre des pays qui reconnaissent l’entité sahraouie ne cesse de fondre. La Barbade est le trente-deuxième État depuis 2000 à faire défection.

D

e la Barbade, on connaissait les plages de sable blanc, bordées de cocotiers. Ça, c’était avant Rihanna. La chanteuse pop sexyet provocantevient d’ailleursde signer ladernièrecampagnedepromotiontouristiquedecemicro-ÉtatdesCaraïbes.Vuede l’autre côté de l’Atlantique, la Barbade est surtoutdevenue,le12février,letrente-deuxième pays depuis 2000 à geler ou à retirer

! LE CAMP DE TINDOUF, en Algérie.

sa reconnaissance à la République arabe ce qui provoque, deux ans plus tard, le sahraouie démocratique (RASD). Une retrait du Maroc. Rabat table depuis sur petitevictoirediplomatiquepourleMaroc, l’approche bilatérale pour isoler la RASD. qui a fait de la question du Sahara Une stratégie patiente qui porte ses occidental la pierre de touche fruits, puisque le nombre de Depuis 1976, de son action internationale. pays qui entretiennent des 82 pays ont Depuis la fin de la colonirelations diplomatiques avec reconnu la RASD, à un sation espagnole en 1975, le le Polisario a fortement dimimoment ou à un autre. royaume revendique le terrinué. Aujourd’hui, la RASD ne Aujourd’hui, ils ne toire et se livre à une véritable revendique plus que 48 reconsont plus que 48 course d’influence contre les naissances, essentiellement en indépendantistes qui, sous la banAfrique (25 États) et dans la zone nière du Front polisario, ont proclamé Amérique latine-Caraïbes (18 États). une république sahraouie, reconnue par L’Albanie,quiétaitledernierpaysd’Europe 74 États à la fin des années 1980. Surtout, à reconnaître encore l’entité sahraouie, y en 1982, la RASD fait son entrée dans a renoncé en 2004. ● l’Organisation de l’unité africaine (OUA), YOUSSEF AÏT AKDIM

LE DESSIN DE LA SEMAINE

Dilem • Algérie SCANDALE UN EFFET BŒUF

EN FAIT de bœuf, il s’agissait de… canasson. Dans treize pays d’Europe, un scandale alimentaire a éclaté depuis que les autorités sanitaires ont retrouvé de la viande chevaline dans des plats surgelés de plusieurs grandes marques estampillés « bœuf ». Pis : des tests réalisés au Royaume-Uni ont révélé des traces de phénylbutazone, un anti-inflammatoire proscrit dans l’alimentation, dans six carcasses de cheval. Les associations de consommateurs préparent leurs plaintes. « Vous reprendrez bien un peu de cheval ? Heu… de lasagnes, pardon ! » N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

JEUNE AFRIQUE


ILS ONT DIT

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Cran À couteaux tirés

DR

LE 9 FÉVRIER, plusieurs membres du Conseil représentatif des associations noires de France (Cran) ont tenté, lors d’une rencontre en comité restreint, d’élire un nouveau président et de congédier Louis-Georges Tin, pourtant élu à ce poste en 2011 pour un mandat de trois ans. Les « putschistes », qui n’ont pas convoqué d’assemblée générale, ont néanmoins annoncé la nouvelle à l’AFP. Dénonçant « une imposture », Tin menace de porter plainte pour « faux et usage de faux ». Cet imbroglio n’est pas une première. Avec des prises de position qui font régulièrement le buzz, le Cran, créé en 2005 afin de lutter contre les discriminations, a gagné en visibilité sur le plan médiatico-politique. Si bien que les prétendants au très convoité poste suprême se livrent, depuis quelques années, une guéguerre quasi ouverte. En 2009 déjà, une fraction du mouvement attaquait en justice Patrick Lozès, premier président du Cran, pour sa gestion financière. Tous les coups semblent donc permis. Ainsi, l’« élu » de ce mois-ci, Madeira Diallo, 53 ans, déclarait-il, le 12 février: « Je suis le président du Cran, mais je ne suis pas prêt à communiquer pour le moment, car je ne veux pas entrer dans la polémique. » Avant d’expliquer : « Ce n’est pas parce que le mandat de M. Tin était de trois ans qu’il doit forcément aller au bout. » Soit… ●

« Très doucement, le pays bouge, s’ouvre. Beaucoup de jeunes Saoudiens profitent de la réalité virtuelle de Twitter, où ils peuvent échanger, parler et même s’aimer comme ils ne pourront jamais le faire dans la vraie vie. » HAIFAA AL-MANSOUR Réalisatrice saoudienne du film Wadjda

« La France combat au Mali

HABY NIAKATE

ceux qu’elle a armés en Libye. »

Israël Sara la coquine LE 5 FÉVRIER, le Premier ministre Benyamin Netanyahou s’est fait voler la vedette à l’inauguration de la nouvelle Knesset, le Parlement israélien. Par Sara, son épouse, vêtue d’une petite robe noire moulante, très courte au-dessus du genou et dont la fine dentelle laissait largement apparaître sa carnation de pêche et ses formes généreuses. La tenue de cette blonde et opulente matrone, à qui

SERGUEÏ LAVROV Ministre russe des Affaires étrangères

l’on prête une trop grande influence sur son mari, a fait jaser bien au-delà des travées de l’Assemblée. Les plus indulgents y ont vu une offense au bon goût. Les religieux ultraorthodoxes, eux, ont été outrés par cette irruption d’indécence parmi les députés du « peuple élu ». Bref, la petite robe noire de Mme Netanyahou a fait couler plus d’encre ce jour-là que les intérêts vitaux d’Israël. ●

«

Grâce au tribunal, j’ai appris beaucoup de choses dans le domaine du pétrole. C’était très édifiant. » CHARLES PASQUA Ancien ministre français, lors du procès « Pétrole contre nourriture » (le parquet a requis sa relaxe le 12 février)

« J’ai fait des études, mais il n’y a pas d’études pour devenir première dame. J’essaie de faire de mon mieux. »

LAURENT DE SAINT PÉRIER

! L’ÉPOUSE DE BENYAMIN NETANYAHOU, lors de l’inauguration du nouveau Parlement israélien, à Jérusalem, le 5 février.

VALÉRIE TRIERWEILER Compagne du président français François Hollande

JEUNE AFRIQUE

Une femme n’est pas obligée d’afficher sa sensualité comme des breloques autour de son cou. » SCARLETT JOHANSSON Actrice américaine

CHARLES SYKES/AP/SIPA

URIEL SINAI-POOL/SIPA

«

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La semaine de J.A. Les gens

Stephen Keshi L’anticonformiste Sélectionneur du Nigeria, champion d’Afrique le 10 février, il n’hésite pas à mettre des stars au placard et milite pour que les équipes du continent soient entraînées de préférence par des Africains.

I

l ne faut pas trop se fier prouve. « Il est très ouvert au dialogue, se souvient Jean-Paul à sa bouille toute ronde Abalo, qui fut son capitaine au et à son regard parfois Togo d’avril 2004 à février 2006, mélancolique. Stephen puis quelques semaines en Keshi dissimule rarement ses sentiments. Et ne s’embarrasse 2007. Il est à la fois cool et pas davantage de tournures rigoureux, c’est un mélange diplomatiques, qu’il s’agisse d’entraîneur à l’ancienne et de de défendre ses idéaux, au coach moderne. En revanche, c’est lui qui décide. Il a une risque d’agacer une partie de sa corporation, ou d’annoncer forte personnalité et aime bien sa démission au lendemain de tout contrôler. » Cédric Kanté, la finale de la Coupe d’Afrique l’international malien, évoque des nations (CAN) 2013, remun homme « certes autoritaire, portée face au Burkina (1-0) qui sait s’imposer, mais aussi grâce à un but de Sunday proche des joueurs ». Mba, l’une de ses trouvailles, BOULOT. Le sélectionneur des déniché à Enugu Rangers… Il est finalement revenu sur sa Super Eagles n’hésite pas à utiliser les médias pour faire décision quelques heures plus passer ses messages. En jantard, après l’intervention du ministre des Sports. « J’ai reconvier 2012, il avait expliqué à sidéré ma position et décidé de L’Équipe Magazine que les poursuivre mon travail », a-t-il entraîneurs blancs « viennent sobrement expliqué. en Afrique [nous] voler [notre] Né à « Lagos la dingue » il y boulot », visant à l’évidence a cinquante et un ans, Stephen Manuel Amoros et Didier Six, Keshi a beau avoir fait l’essenalors fraîchement nommés au tiel de sa carrière de joueur Bénin et au Togo malgré un CV (Côte d’Ivoire, Belgique, de coach pas assez étoffé à son ! LORS DE LA FINALE de la CAN contre le Burkina, le 10 février. France, États-Unis et Malaisie) goût. « Quand je l’ai croisé à et de sélectionneur (Togo et Durban pour le tirage au sort Mali) à l’étranger, il connaît trop bien son d’écarter de sa liste définitive pour la CAN de la CAN, il m’a dit que ses propos avaient pays, turbulent et violent, pour feindre de Orange 2013 quelques célébrités (Taye été déformés », explique le sélectionneur s’étonner des réactions hostiles que susTaiwo et Peter Odemwingie notamment) des Éperviers. Pourtant, le 6 février dernier, citent ses choix. Depuis sa nomination en lui a valu une attaque en piqué de ses en Afrique du Sud, Keshi a récidivé. « Le novembre 2011, le Big Boss – son surnom opposants, et surtout d’Odemwingie, qui problème, si tu as la peau noire, c’est qu’au du temps où il était l’un des meilleurs a déversé son fiel sur les réseaux sociaux. pays on va s’interroger sur ta capacité. Si tu footballeurs du Nigeria, et que le sacre de Deuxième Africain, après l’Égyptien es blanc, on va te laisser le temps de faire Johannesburg devrait pérenniser – s’est Mahmoud el-Gohary, à gagner la CAN tes preuves », a-t-il lâché, avant d’ajoubeaucoup fait allumer par la presse et en tant que joueur (en 1994) et sélecter qu’il n’a « rien contre les entraîneurs l’opinion. « Si l’équipe se rate, tout le pays blancs, qui sont formidables », à condition tionneur, Keshi aime bousculer les évite tombe dessus », confiait-il au quotidien qu’« ils aident le football africain »… ● dences. La mise au placard, sans doute français L’Équipe le 5 février. Son choix ALEXIS BILLEBAULT temporaire, de quelques stars locales le ARMANDO FRANCA/AP/SIPA

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NOMINATIONS

NAMORY TRAORÉ GUINÉE Ce général a été nommé chef d’état-major intérimaire des armées, le 11 février. Il remplace Kéléfa Diallo – dont il était l’adjoint –, mort le même jour (avec d’autres militaires guinéens) dans un crash aérien au Liberia. N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

IBRAHIM TALBA MALLA CAMEROUN Le 15 février, l’ancien directeur général de la Caisse de stabilisation des prix des hydrocarbures a été nommé DG de la Société nationale de raffinage (SONARA). JEUNE AFRIQUE


EN HAUSSE

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JONATHAN PITROIPA

Marie NDiaye « Ladivine » tragédie

Le footballeur burkinabè, 26 ans, qui joue pour le club français de Rennes, a été désigné meilleur joueur de la Coupe d’Afrique des nations le 10 février, malgré la défaite des Étalons en finale face au Nigeria.

La romancière française fait sensation avec son nouveau livre, puissant et mystérieux.

L

NATALIE NOUGAYRÈDE

adivine, son nouveau roman (éditions Gallimard), est salué unanimement par la presse. Selon la critique, c’est peut-être le plus beau livre que Marie NDiaye, auteure notamment de Rosie Carpe (prix Femina 2001) et de Trois Femmes puissantes (Goncourt 2009) ait écrit. Une tragicomédie où se déploie le récit ample d’une quête éperdue des origines. « J’écris pour donner un sens à la vie et pour en ordonner le chaos », confie la romancière, venue à Paris pour participer à la campagne de lancement de son nouvel opus – elle vit à Berlin depuis 2007. « Le drame que je raconte dans Ladivine, explique-t-elle de sa voix douce mais déterminée, naît d’un mensonge originel et de la transmission inéluctable de cette malédiction de génération en génération. » Les lecteurs familiers de la prose ndiayenne retrouveront dans les pages de ce roman magistral et profond les obsessions thématiques de l’auteure (famille, identité…) et cette « étrangeté inquiétante » qui caractérise ses récits. Au cœur du livre, trois femmes au destin tragique scrutant le mystère de leur vie, désemparées par leur inaptitude au bonheur. Un chien mystérieux veille, sans réussir à empêcher pour autant le malheur de s’abattre sur elles. Le drame dans lequel se débattent les protagonistes de Ladivine découle de leurs origines africaines. Non sans résonances autobiographiques pour l’auteure, issue ellemême d’un couple mixte. Née en 1967 d’une mère française et d’un père sénégalais, Marie NDiaye a grandi en région parisienne. Son père a quitté le foyer familial quand elle était encore bébé. C’est pour oublier la douleur de l’abandon et sans doute aussi la grisaille de la banlieue que Marie s’est tournée très tôt vers la littérature. L’envie d’écrire est venue de la découverte de Proust, de Joyce Carol Oates. Et, surtout, de cette expérience adolescente et quasi-mystique de l’impermanence des êtres et des choses que Ndiaye aime à raconter : « J’ai compris tout d’un coup que seule l’écriture permettait de garder la trace du moment présent si vite évanoui. » ● TIRTHANKAR CHANDA

Cette journaliste française de 46 ans, Prix Albert-Londres 2005, a été choisie par les actionnaires du Monde pour devenir directrice du quotidien français. Elle devra aussi obtenir l’accord de la Société des rédacteurs du journal. NADIR DENDOUNE Le journaliste francoalgéro-australien de 40 ans, collaborateur occasionnel de Jeune Afrique, a été libéré le 14 février après vingt-trois jours de détention en Irak. On lui reprochait d’avoir photographié le siège des services secrets. EN BAISSE

NICOLO POLLARI L’ex-chef du renseignement militaire italien a été condamné, le 12 février, à dix ans de prison pour sa participation à l’enlèvement d’un imam égyptien soupçonné de terrorisme. Le rapt avait été organisé à Milan en 2003 par les États-Unis. COMMANDANT SÉKOU RESCO CAMARA Mis en cause dans une enquête sur des arrestations arbitraires et des faits de torture perpétrés en octobre 2010, le puissant gouverneur de Conakry a été inculpé et entendu par la justice guinéenne le 14 février.

! PRIX GONCOURT en 2009, elle vit à Berlin depuis six ans.

C. HÉLIE GALLIMARD

DR – VINCENT FOURNIER/JA

ÉTIENNE KABILA

JEUNE AFRIQUE

Ce Congolais de 46 ans, qui se dit le fils aîné de feu LaurentDésiré Kabila, a été arrêté en Afrique du Sud le 8 février. Il est accusé d’avoir préparé, avec 18 autres personnes, un complot contre le président Joseph Kabila. N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013


La semaine de J.A. Tour du monde révèle que les systèmes informatiques de nombre d’institutions et entreprises américaines (surtout dans les domaines de l’énergie, de la finance, de l’aérospatiale et de l’automobile) sont attaqués par de nombreux pays, au premier rang desquels la Chine – la Russie, Israël et la France figurent également dans le peloton de tête. Les dommages ainsi causés sont évalués à plusieurs dizaines de milliards de dollars.

ITALIE

Gestionnaires et histrions

L

es élections législatives italiennes n’auront lieu que les 24 et 25 février, mais les ultimes sondages (leur publication est interdite pendant les quinze jours précédant le scrutin) esquissent une tendance assez stupéfiante. La gauche unie derrière Pier Luigi Bersani reste en tête (environ 35 % des intentions de vote) mais, victime de plusieurs scandales, fléchit ; la droite berlusconienne, qui multiplie les promesses les plus insensées (création de 4 millions d’emplois), suit une trajectoire inverse. Il y a deux mois, l’écart entre les deux coalitions oscillait entre 15 % et 20 %. Il avoisine aujourd’hui 4 %. Bien que coachée par David Axelrod, l’ancien conseiller de Barack Obama, la coalition centriste dirigée par Mario Monti, le président du Conseil qui a partiellement sorti l’Italie de l’ornière où Berlusconi l’avait laissée, mène une campagne très agressive en complet décalage avec l’image de son leader et ne convainc pas l’électorat. Elle est même devancée dans les sondages (14 %, contre 15 %) par le mouvement Cinque Stelle (cinq étoiles) du comique tonitruant – et ancien présentateur télé – Beppe Grillo. Ce qui donne une idée du désarroi de l’électorat. ●

CORÉE DU NORD

Même la Chine condamne

ANTONIO CALANNI/AP/SIPA, MASSIMO PINCA/AP/SIPA

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! SILVIO BERLUSCONI ET L’HUMORISTE BEPPE GRILLO : en hausse dans les sondages.

THAÏLANDE

Couvre-feu dans le Sud APRÈS UNE SÉRIE d’incidents sanglants qui, le 10 février, ont fait sept morts, le couvre-feu a été décrété par Yingluck Shinawatra, la Première ministre, dans les provinces méridionales de Yala, Narathiwat et Pattani, proches de la Malaisie. Depuis N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

2004, le conflit entre Malais musulmans indépendantistes et Thaïs bouddhistes a déjà fait 5 500 victimes. ÉTATS-UNIS

Cyberattaques UN RAPPORT CONFIDENTIELdela direction du renseignement national transmis à l’administration a été publié le 10 février par The Washington Post. Il

EN RÉUSSISSANT un troisième essai nucléaire, le 12 février, la Corée du Nord a déclenché une vague unanime de condamnations internationales. Même la Chine, son alliée historique, a manifesté sa « forte opposition ». Après le lancement d’un missile à longue portée en décembre 2012, cette miniaturisation réussie d’une bombe de forte puissance (6 kilotonnes, soit deux fois plus que lors du dernier essai, en 2009, et presque la moitié de la bombe de Hiroshima), qui de surcroît fonctionne à l’uranium (et non au plutonium), démontre en tout cas le haut – et dangereux – niveau des capacités nucléaires de la Corée du Nord. VENEZUELA

Le bolivar dévalué

L’OPÉRATION ÉTAIT ATTENDUE depuis plusieurs mois, mais personne ne pensait qu’elle aurait lieu en l’absence de Hugo Chávez, toujours hospitalisé à Cuba. Pourtant, le 8 février, la valeur du bolivar par rapport au dollar a bel et bien été dévaluée de 31,75 %. Nicolas Maduro, le vice-président, a justifié cette précipitation par les attaques « spéculatives » et « criminelles » dont la monnaie nationale est actuellement l’objet. BIRMANIE

Recensement avant libération? COMME LE PRÉSIDENT Thein Sein s’y était engagé, en novembre 2012, auprès de Barack Obama, le gouvernement birman a, le 8 février, créé un comité chargé de JEUNE AFRIQUE


ARRÊT SUR IMAGE

James Reynolds • Amnesty International

PEINE DE MORT

Pouvez-vous digérer ça? SPECTACULAIRE CAMPAGNE D’AMNESTY INTERNATIONAL contre la peine de mort. L’ONG a reconstitué l’ultime repas de condamnés exécutés par erreur. Celui-ci était destiné à un certain Claude Jones, tué par injection létale en 2000, au Texas, pour un meurtre qu’il n’avait pas commis. Des analyses ADN le démontreront dix ans plus tard. Le gouverneur de l’État avait refusé de surseoir à son exécution. Il se nommait George W. Bush.

recenser les prisonniers politiques afin de les distinguer des criminels de droit commun. Du coup, 240 détenus « de conscience » (artistes, journalistes, moines, intellectuels, etc.) pourraient être libérés dès le milieu de cette année. Leur nombre total oscille, selon les estimations, entre 200 et 1 300. LE CHIFFRE

5,01 milliards d’euros LE MONTANT VERTIGINEUX des pertes du groupe automobile français PSA Peugeot Citroën en 2012. Selon Philippe Varin, le président du directoire du groupe, il JEUNE AFRIQUE

reflète « la détérioration de l’environnement dans le secteur automobile en Europe ». Il inclut toutefois de très importantes dépréciations d’actifs, ce qui conduit à relativiser sa gravité.

Française Florence Cassez, en 2005, la Commission nationale des droits de l’homme a annoncé son intention de porter plainte contre lui pour abus de pouvoir. INDE

MEXIQUE

Superflic en fuite

MINISTRE DE L A SÉCURITÉ publique de Felipe Calderón (20062012), Genaro García Luna a quitté le Mexique avant que l’opposant Enrique Peña Nieto, élu à la présidence le 1er juillet 2012, ne prenne ses fonctions il y a deux mois et demi. Accusé de liens avec les narcotrafiquants et soupçonné de corruption, l’ancien chef de l’Agence fédérale d’investigation (AFI) a jugé prudent de s’installer à Miami. Depuis qu’il a reconnu être responsable du montage télévisé de l’arrestation de la

Tragique bousculade

À ALLAHABAD, au confluent des trois fleuves sacrés de l’Inde (Gange, Yamuna et Sarasvati) se tient tous les douze ans la Kumbh Mela (littéralement: « la fête de la cruche »), qui est sans doute le plus grand rassemblement religieux – hindouiste, en l’occurrence – du monde. Des dizaines de millions de pèlerins espèrent s’y laver de leurs péchés et se libérer du cycle des réincarnations. Mais le 10 février, les choses ont mal tourné. À l’issue d’une bousculade monstre à la gare ferroviaire, trente-six personnes ont trouvé la mort. N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

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Grand angle

TUNISIE

L’HOMME QUI

A TRAHI LA RÉVOLUTION Le doute a longtemps plané, mais il n’est aujourd’hui plus permis. Le président d’Ennahdha n’a d’autre projet que l’instauration progressive d’une théocratie autoritaire aux antipodes d’une authentique démocratie.

M

MARWANE BEN YAHMED

«

on père a souffert, au tour des autres de souffrir. » Soumaya Ghannouchi, la fille cadette du chef d’Ennahdha ne croyait pas si bien dire… Sa page Facebook, véritable concentré de fiel à l’égard de l’opposition tunisienne, n’a qu’un but: défendre les idées, radicales, du « cheikh ». Un exercice de plus en plus compliqué. Car sans Rached Ghannouchi, 71 ans, c’est désormais une évidence, la Tunisie se porterait mieux. Le doute a longtemps plané, mais il n’est aujourd’hui plus permis. Fini la « tolérance », l’« ouverture », la « modernité », vantées à longueur d’interviews avant les élections du 23 octobre 2011. Adieu le modèle turc censé rassurer. Les masques sont tombés : le projet de Ghannouchi pour la Tunisie se résume à l’instauration d’une théocratie qu’il convient de bâtir méthodiquement, pierre après pierre, comme il l’a lui-même expliqué à des salafistes impatients. Des propos révélés il y a quelques mois par deux vidéos qui ont fait le tour de la Toile et qui font froid dans le dos. En guise de « serrage de vis » à l’égard de brebis égarées

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et violentes qui doivent lui rappeler ses élans de jeunesse, la mise au jour de ce qu’il pense réellement. Docteur Rached cède la place à Mister Ghannouchi. En substance, le leader d’Ennahdha reconnaît que les islamistes ne sont pas encore assez puissants pour imposer leurs vues malgré le chemin parcouru depuis la révolution. Qu’il convient donc de « compléter ce capital en envahissant le pays avec des associations, des écoles. Partout! » Mais Ghannouchi se veut stratège. Le Machiavel d’El-Hamma, petite ville-oasis à l’ouest de Gabès, appelle les salafistes à la patience: « Aujourd’hui, on n’a pas une mosquée, on a le ministère des Affaires religieuses, on n’a pas une boutique, on a l’État! Donc il faut patienter, c’est une question de temps. […] Mais pourquoi êtes-vous pressés? » Et de citer l’échec du Front islamique du salut (FIS) algérien, qui a précipité sa chute pour ne pas avoir respecté ce principe. Les Algériens apprécieront… CHEVAL DE TROIE. Il y a donc le Ghannouchi qui s’adresse aux médias ou à ceux que l’arrivée au pouvoir des islamistes pourrait inquiéter, qui assure qu’il est un démocrate et qu’il ne veut pas confisquer le pouvoir. ●●●

JEUNE AFRIQUE


VOLKAN FURUNCU/AA/ABACAPRESS

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! « Aujourd’hui, on n’a pas une boutique, on a l’État ! Donc il faut attendre, c’est une question de temps. » JEUNE AFRIQUE

N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013


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Grand angle

Tunisie

Et il y a le vrai Ghannouchi, qui se sent plus musulman que tunisien, qui se bat pour une cause – un islam politique panarabe – dont il s’est abreuvé durant sa jeunesse cairote ou damascène, puis lors de son exil à Londres et de ses multiples séjours au Moyen-Orient. Un mélange de deux « légitimités » : révolutionnaire et religieuse. Gamal Abdel Nasser, l’idole de ses premières amours politiques, cloné avec Hassan al-Banna, fondateur des Frères musulmans. L’homme n’est pourtant pas atteint de troubles de la personnalité. Il a tout simplement adapté sa tactique à son environnement. Préféré le cheval de Troie au blitzkrieg pour parvenir à ses fins. Mais, heureusement pour les Tunisiens, lui-même n’a pas complètement respecté les principes qu’il a tenté d’enseigner aux salafistes. Grisé par le succès électoral d’Ennahdha, il s’est mis en tête d’infiltrer tous les rouages de l’État, de placer ses ouailles partout, y compris dans les médias, de faire main basse sur les portefeuilles ministériels les plus importants (Intérieur, Justice, Affaires étrangères, etc.), considérant ses partenaires politiques – le Congrès pour la République (CPR), qui tel un rémora arrimé à son squale s’entête à soutenir Ghannouchi, Ettakatol, plus réservé, ou Wafa – comme de simples cautions démocratiques, voire des supplétifs. Double erreur stratégique : d’une part, il a placé son parti, hégémonique, en situation difficile, car celui-ci se retrouve tenu pour responsable des maux que traverse le pays. D’autre part, à trop vouloir imposer ses vues, à laisser les salafistes ou les Ligues de protection de la révolution jouer les épouvantails et développer une véritable culture de la violence en toute impunité, il a instillé le ●●●

Ce que veulent les Tunisiens 71 %

d’entre eux soutiennent l’initiative du Premier ministre

43,5%

sont plutôt favorables à un gouvernement d’union nationale

49% pensent

que Jebali doit démissionner d’Ennahdha, contre 46 % qui y sont opposés

52% estiment que Jebali a la capacité de piloter un gouvernement, contre 44 % qui sont d’un avis contraire

SOURCE : TUNISIE SONDAGE AVEC TBC PARTNERS, ENQUÊTE MENÉE LE 11 FÉVRIER

doute, puis la peur dans l’esprit d’une grande partie de la population. Tant mieux serait-on tenté de penser : s’il avait persévéré dans sa méthode d’illusionniste de la politique qui nous vendait l’image d’un islamisme modéré et novateur, si ses troupes avaient pu produire une Constitution et gérer le pays, sans tout vouloir changer, en prônant le consensus, bref, s’il avait patienté jusqu’aux prochaines élections, capitales, celleslà, il aurait été en position d’accaparer le pouvoir pour la prochaine décennie… Sans parler de ses nombreux impairs, comme le refus de considérer l’opposant assassiné Chokri Belaïd comme un martyr, ou sa déclaration : « Chokri Belaïd n’est pas Bouazizi et je ne suis pas Ben Ali. Son sang ne suffira pas à impacter Ennahdha. » Comment comprendre cette absence d’empathie quand tout un pays est sous le choc ? Parce que, chez Ghannouchi, tout est affaire de rapports de force. Pourquoi, sinon, envoyer ses partisans dans les rues de Tunis, le lendemain des obsèques du militant de gauche, pour une démonstration de force, par ailleurs ratée ? VERROUILLAGE. Depuis son arrivée au pou-

voir, dans l’ombre, Ghannouchi s’est évertué à ouvrir plusieurs fronts. Une guérilla permanente. Ennahdha bloque des articles de la Constitution, refuse d’inscrire les droits universels dans la loi fondamentale, tergiverse sur la charia ou le statut des femmes, stigmatise l’opposition, rêve d’anéantir le parti qui a le vent en poupe, Nida Tounes, fondé par l’ancien Premier ministre Béji Caïd Essebsi, s’en prend aux médias, aux laïcs, aux artistes, instrumentalise le débat identitaire et utilise la

LA GRANDE MUETTE N’EN PENSE PAS MOINS

C

«

eux qui en appellent à l’intervention de l’armée seront poursuivis », menace Mohamed Abbou. La réaction épidermique du secrétaire général du Congrès pour la République (CPR) est une réponse à Abdelkarim Zbidi, ministre de la Défense, l’un des rares indépendants du gouvernement. Ce dernier, sortant de sa réserve, était intervenu par téléphone sur NessmaTV pour asséner à Hédi Ben Abbès, porte-parole du CPR, qui venait d’affirmer que le président Moncef Marzouki avait donné des instructions à l’armée pour encadrer les funérailles de Chokri Belaïd, que « l’armée N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

ne reçoit pas d’ordre et sait ce qu’elle a à faire. Elle n’est au service d’aucun parti politique ». En première ligne depuis la révolution, l’armée tunisienne est sur ses gardes. Elle doit composer avec une situation sécuritaire sous haute tension aux frontières, parer à toute tentative de déstabilisation du pays et se prémunir contre toute instrumentalisation. Son savoir-faire en matière de gestion de crise, acquis à travers de très nombreuses missions de maintien de la paix avec les forces onusiennes, est plus que jamais utile. La Grande Muette, garante des valeurs

républicaines, n’explicitera pas son rôle dans l’opération du 14-Janvier, mais sa popularité est incontestable. Sur une vidéo, Rached Ghannouchi, chef d’Ennahdha, en entretien avec des salafistes, la désigne comme étant l’un des bastions à infiltrer pour assurer l’hégémonie islamiste. Pour lui, « l’armée garde les frontières et, si on en a besoin, elle accomplira sa mission ». Crainte, bien qu’elle ne compte que 35000 hommes et soit sous-équipée, l’armée, loyale et patriote, s’est placée du côté de la transition et veille au grain. Le général Rachid Ammar, chef d’état-major

interarmées, qui n’a pas pris sa retraite prévue en décembre 2012, est personnellement intervenu auprès de Moncef Marzouki pour maintenir l’état d’urgence et a établi une coopération étroite avec les forces de l’ordre et les services étrangers pour éviter tout dérapage. Sa présence au conseil des sages créé par le chef du gouvernement, Hamadi Jebali, est un signe fort. Les deux hommes, que lie une profonde estime, veulent rassurer les scènes nationale et internationale, mais également signifier que l’armée soutient l’initiative du chef de l’exécutif. ● FRIDA DAHMANI JEUNE AFRIQUE


FETHI BELAID/AFP

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religion pour traiter de mécréants tous ceux qui s’opposent à lui. Quand ils ne sont pas qualifiés de suppôts de Ben Ali… La violence, l’arrogance et l’autoritarisme se propagent. Même en interne, l’organisation méticuleusement mise en place par le cheikh tente de circonscrire toute velléité d’ouverture. Ainsi a-t-il imposé un « chaperon » à son Premier ministre, par ailleurs secrétaire général de la formation, Hamadi Jebali. Lotfi Zitoun, ministre conseiller chargé des Affaires politiques démissionnaire, était les yeux et les oreilles de son patron au palais de la Kasbah. Et ne s’en cachait même pas ! Les nombreux interlocuteurs du chef du gouvernement ne s’étonnaient même plus de le voir débouler sans frapper dans le bureau de ce dernier, écouter les conversations sans y être invité, fouiller sur le bureau pour parcourir dossiers ou mémos. L’auteur de ces lignes a vécu à deux reprises cette scène surréaliste… On peut citer aussi Sahbi Attig, chef du groupe Ennahdha à l’Assemblée nationale constituante (ANC), qui applique aveuglément ses directives, ou Habib Kheder, rapporteur de la Constitution, héraut du cheikh qui s’efforce d’enterrer chacune des demandes de l’opposition. DIVISION. Si les desseins de Ghannouchi sont désormais limpides, Ennahdha est plus que jamais divisée: une aile radicale, autour de son président, incarnée par les faucons comme Sadok Chourou – qui avait menacé, en pleine Constituante, de faire écarteler les grévistes – ou Habib Ellouze, et un courant plus modéré, derrière Jebali ou Abdelfattah Mourou (lire p. 30). Cette fracture épouse finalement les contours historiques d’une formation dont les membres ont suivi des chemins distincts : les uns (Ghannouchi) ont passé une grande partie de leur vie en exil à partir de la fin des années 1980, les autres (Jebali) sont restés en Tunisie, incarcérés dans les geôles de Ben Ali, brutalisés, voire torturés. Ces derniers, JEUNE AFRIQUE

! LE PREMIER MINISTRE HAMADI JEBALI (à dr.) ET LE CHEF D’ÉTAT-MAJOR RACHID AMMAR, deux hommes que lie une profonde estime.

paradoxalement, ne semblent guère obnubilés par une inextinguible soif de revanche. Grâce à Ben Ali, qui les trimbalait de prison en prison, ils ont noué des relations, souvent étonnantes, pendant leur détention, ont tissé de nombreux réseaux en défendant d’autres prisonniers. Ils connaissent mieux leur pays et sa société et sont nettement moins sensibles aux chants des sirènes wahhabites que leurs collègues exilés. La plupart d’entre eux se montrent donc plus réalistes et plus patriotes. Jebali travaille pour la Tunisie, pas pour un projet politique ou idéologique. Il pense sincèrement, par exemple, que « [notre] intérêt, c’est l’Europe, pas le Qatar », contrairement à son ex-mentor, dont le gendre, pourtant ministre des Affaires étrangères, ne voyait aucun intérêt à nouer des relations importantes avec une France qu’il ne connaît pas et préférait s’entretenir avec son ambassadeur à Doha plutôt qu’avec celui de Paris, qu’il n’appelait presque jamais. L’assassinat de Chokri Belaïd et le coup de poker de Jebali permettront peut-être de crever un abcès qui menaçait sérieusement Grisé par le succès électoral, la transition et la stabilité il s’est mis en tête d’infiltrer du pays. À moyen terme, il n’est aucune autre solution tous les rouages de l’État. que l’initiative du Premier ministre, avec ou sans lui : un gouvernement de mission, débarrassé des querelles partisanes et composé de personnalités compétentes, avant des élections rapides. Face à Ennahdha, une société civile vigilante, la très puissante Union générale tunisienne du travail (UGTT), le patronat, les partis d’opposition, enfin soudés, les femmes, les chômeurs, les régions défavorisées… Rached Ghannouchi a-t-il compris que son principal ennemi, aujourd’hui, c’est la rue? Si, pour lui, Ennahdha au pouvoir représente un signe de Dieu, il ne peut ignorer que la grâce, même divine, est éphémère. Heureusement pour les Tunisiens, n’est pas Machiavel qui veut… ● N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013


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Grand angle

Tunisie

ANALYSE

L’électrochoc L’assassinat de Chokri Belaïd aura rompu le fragile équilibre sur lequel reposait la troïka, conduit l’opposition à serrer les rangs et suscité une forte mobilisation populaire contre la violence.

D

ire que la situation est complexe et confuse en Tunisie est un euphémisme. Pris dans un capharnaüm sans précédent, le pays est à cran. L’assassinat de Chokri Belaïd, le 6 février 2013, a retenti comme une déflagration. Son incidence politique est certaine, mais c’est surtout un révélateur. L’escalade de la violence et une gestion socio-économique erronée et partisane imposée par Ennahdha ont provoqué un profond malaise dans tout le pays. Le 8 février, plusieurs dizaines de milliers de Tunisiens ont accompagné la dépouilledusecrétairegénérald’El-Watad, Mouvement des patriotes démocrates (MDP), à sa dernière demeure. Il y avait de l’indignation dans cette mobilisation spontanée et exceptionnelle, mais aussi l’expression d’un ras-le-bol. Les « plus jamais ça » n’exigeaient pas uniquement l’arrêt de la violence politique ; ils signifiaient aussi le rejet d’un modèle promu par les islamistes. Ce jour-là, au cimetière du Jellaz, autre chose s’est joué : les Tunisiennes et les Tunisiens, toutes classes et générations confondues, ont renoué avec leur tunisianité, un hybride singulier de valeurs nationales et culturelles séculaires que ni le colonialisme ni Ben Ali n’ont réussi à entamer. Cette donne spécifique et fédératrice qui fait dire au juriste Yadh

Ben Achour « je suis musulman et arabe mais d’abord tunisien » n’a pas échappé à Hamadi Jebali, chef du gouvernement et secrétaire général d’Ennahdha. En lançant l’initiative d’un gouvernement de technocrates indépendants, il s’est démarqué de sa famille politique et des autres partis. « J’ai choisi le camp de mon pays », assènet-il, paraphrasant l’auteur-compositeur libanais Marcel Khalifé. Il fallait oser, il l’a fait. Mais cela ne suffit pas. « Une grave crise de confiance à l’égard des institutions plombe le pays. Il faut d’urgence rétablir un lien social », analyse le politologue Larbi Chouikha.

! Le 8 février, plusieurs dizaines de milliers de Tunisiens ONT ACCOMPAGNÉ

LE LEADER DE GAUCHE À SA DERNIÈRE DEMEURE.

fond, la donne était toujours la même : l’opposition contre la troïka gouvernementale. Jusqu’à ce que Hamadi Jebali prenne la responsabilité de constituer un gouvernement de compétences apolitiques et suscite un séisme. Il reprend ainsi la main en « Nous n’allons pas céder la place opposant les islamistes non et leur laisser le gâteau », hurle pas aux laïcs, mais aux techSihem Badi, ministre de la Femme. nocrates. La troïka, composée d’Ennahdha, d’Ettakatol l’opposition ont saisi la balle au bond. et du Congrès pour la République (CPR), Dans les heures qui ont suivi l’assassivole en éclats. L’entente cordiale entre nat, ils ont mis de côté leurs dissensions, des formations aux idéologies opposées noué des alliances et gagné une apparente est terminée. Chaque parti est confronté unité. Vingt-huit partis et la société civile à sa réalité. Ettakatol soutient le projet ont créé un front de salut public. Mais au du chef de l’exécutif. Pour son leader,

FRONT DE SALUT PUBLIC. Depuis le 6 février, les choses se sont à la fois précipitées et ralenties. Le meurtre de Chokri Belaïd aura accéléré la recherche d’une issue au blocage politique. Les partis de

DIPLOMATIE À DEUX TÊTES

C

«

e qui se passe au Mali doit servir de leçon aux tenants de la légitimité. » L’avertissement de la chancelière allemande, Angela Merkel, n’a pas autant indisposé que la mise en garde de Manuel Valls, ministre de français de l’Intérieur, à propos de « la montée du fascisme islamique un peu partout ». « Ingérence! » s’est écrié un gouvernement tunisien que dérange surtout « le soutien N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

aux démocrates » prôné par Valls à l’annonce de l’assassinat de Chokri Belaïd. Depuis l’attaque contre l’ambassade américaine, le 14 septembre 2012, la diplomatie tunisienne patine. Avec le reflux de la vague de sympathie pour la révolution, elle s’est tournée vers l’Est et a tenté de consolider ses relations avec l’Asie et le Moyen-Orient. Mais en pleine crise économique et régionale,

elle ne peut se passer d’alliés comme l’Europe et les États-Unis, de moins en moins conciliants avec l’islamisme. Hillary Clinton a bien assuré à Hamadi Jebali, chef de l’exécutif, que John Kerry, son successeur, serait un ami, mais au Congrès la Tunisie a vu sa cote baisser. C’est le soutien de John McCain qui lui a sauvé la mise, surtout après la libération, en décembre 2012, d’Ali Harzi, un des

principaux suspects dans l’attaque du 14 septembre. Dans la foulée, l’ami qatari a aussi pris ses distances, même s’il continue d’opérer en coulisses pour étendre son influence. La double gestion de la politique étrangère, par le président de la République et un ministre des Affaires étrangères aux compétences controversées, a achevé de brouiller l’image du pays. ● F.D. JEUNE AFRIQUE


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HICHEM

RYAD KRAMDI/MAXPPP

sont compétents, et il n’est pas question de céder les portefeuilles régaliens. En réalité, son bilan est calamiteux, son assise électorale a fondu, et, surtout, les masques sont tombés. Les religieux sont revanchards, avides de pouvoir, de postes et de fonctions (plus de mille nominations dans la fonction publique). Pour l’analyste politique Slaheddine Jourchi, qui connaît le mouvement pour en avoir été proche, « Ennahdha doit quitter le pouvoir pour se refaire », tandis que Samir Ettaieb, porte-parole du parti El-Massar, lançait aux islamistes: « La partie est terminée. Vous ne passerez plus! »

! RÉUNION DE CRISE des chefs de la troïka avec les ministres de l’Intérieur et de la Justice, et de hauts responsables de la sécurité, le 7 février, au palais de Carthage.

Mustapha Ben Jaafar, fondateur du parti et président de l’Assemblée nationale constituante (ANC), c’est l’initiative de la dernière chance. « Ça passe ou ça casse, mais nous ne voulons pas que ça casse », affirme le troisième homme fort du pouvoir, qui renoue avec le groupe des démocrates, sa famille politique. Le CPR est aux abois, au bord de la crise de nerfs. « Nous n’allons pas céder la place et leur laisser le gâteau », hurle Sihem Badi, ministre de la Femme et de la Famille et membre du parti de Moncef Marzouki, président de la République. Avec un programme électoral se réduisant à trois points – la réforme administrative, la chasse à la corruption et l’exclusion des anciens responsables du régime de Ben Ali –, le CPR n’a pas transformé l’essai. Ses perspectives sont JEUNE AFRIQUE

d’autant plus sombres qu’une dissidence interne, menée par Abderraouf Ayadi, l’a déjà scindé en mai 2012. Mais Mohamed Abbou, son secrétaire général, n’entend pas céder; il annule la démission collective des ministres de son groupe, annoncée le 9 février, et s’oppose à la gestion du pays par une équipe de technocrates. « Ce sont les hommes politiques compétents qui doivent être au pouvoir », dit-il. Du côté d’Ennahdha, cela ne va pas mieux. La décision unilatérale de Hamadi Jebali est un coup de Jarnac qu’elle ne peut vraiment dénoncer, puisque l’initiative est dans l’intérêt national. Ennahdha est poussée dans ses retranchements ; elle ne veut pas quitter le gouvernement, craignant d’être exclue du jeu politique, mais persiste dans le déni. À ses yeux, ses ministres

VOLONTÉ D’HÉGÉMONIE. Ennahdhan’est

cependant pas appelée à disparaître mais à être absorbée dans la machine démocratique. C’est ce qui préoccupe Rached Ghannouchi, président de la formation islamiste.Enmoinsdevingt-quatreheures, il affirme une chose et son contraire. Il assure soutenir Hamadi Jebali tout en disant qu’il lui faudra « composer avec la volonté du parti d’opter également pour une coalition nationale réunissant plusieurs formations politiques » et déclare que « le Parlement et la rue feront tomber le gouvernement de technocrates quelles que soient sa légitimité et sa force ». La stratégie d’Ennahdha est celle du blocage. Depuis juillet 2012, toutes les négociations autour d’un remaniement ministériel et d’une feuille de route consensuelle avec les autres acteurs politiques ont avorté. Pourtant, l’initiative lancée par l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) en octobre 2012 avait le mérite de proposer une issue fédérant les partis politiques et la société civile. De toute évidence, Ennahdha se voudrait l’initiatrice principale des grandes décisions, mais elle en est incapable, car elle n’a pas su franchir le pas entre militantisme et exercice du pouvoir sans dogme ni paranoïa.Ens’attaquantsystématiquement à tous ceux qui ne sont pas de son bord, elle s’est isolée et paie aujourd’hui, par une fracture interne, son entêtement. Elle se drape dans la légitimité des urnes, mais cet argument tient de moins en moins face à la dérive du pays. La récupération de la révolution traduit aussi une volonté d’hégémonie et de division. « Ennahdha est le fer de lance de la révolution, elle dirige avec mérite le gouvernement de la révolution, et tous ceux qui s’y opposent sont des ennemis de la révolution, des contre-révolutionnaires », martèle Rached N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013


Grand angle

Tunisie

Ghannouchi. Le ton est donné. L’offensive de Jebali répond aussi à la nécessité de finaliser rapidement la nouvelle Constitution. Car là aussi, les élus d’Ennahdha ont fait barrage pour adopter une loi fondamentale détachée de toute idéologie. L’implosiondelatroïkaetlacréation de nouveaux groupes parlementaires devraientmodifierleséquilibresausein de l’ANC, mais ses travaux en seront-ils accélérés pour autant? Ce qui est certain,c’estquelatentativedepassageen force de Jebali va révéler le poids réel de cetteassemblée souveraine. Le CPR et Ennahdha estiment que l’initiative du chef de l’exécutif doit être soumise à l’approbation de l’ANC, alors que les constitutionnalistes objectent que l’article 17 de la loi sur l’organisation provisoiredespouvoirspublicspermet deremanierungouvernementsansson aval. Fort du soutien de ces experts, de l’opposition, des centrales patronales et syndicales, Jebali est cependant confronté à certaines conditions. GUÊPIER. Un gouvernement de tech-

nocrates, oui, mais avec la bénédiction des formations politiques. Le Front populaire,alliancedepartisdegauche, rejette le projet. Il estime que Jebali, en demeurantsecrétairegénérald’Ennahdha, est forcément partisan. Du coup, le chef du gouvernement multiplie les consultations, alors que sa décision laissait présager une application immédiate. Le conseil des sages dont il s’est entouré à titre consultatif n’est pas représentatif. Sa moyenne d’âge élevée et l’absence de femmes révèlent une lecture uniforme et partielle du pays. C’est bien là que le bât blesse. Pendant que les politiques palabrent, le pays se morcelle et la violence s’installe avec une instrumentalisation politique de la rue. Un État affaibli laisse faire les milices, et les ministres d’Ennahdha s’improvisent tribuns et meneurs de manifestations. « Faire cesser et criminaliser la violence est une urgence », rappelle la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH), tandis que sur les réseaux sociaux les islamistes continuent d’inciter à la haine. « Plus jamais peur, c’est sûr, mais on fait attention, se disent les Tunisiens. Il n’y a plus de temps à perdre, il faut sortir au plus vite de ce guêpier. ● FRIDA DAHMANI, à Tunis N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

AUDE OSNOWYCZ

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Abdelfattah Mourou « Ce que fait Ennahdha est contraire à la démocratie » Le cofondateur et vice-président du mouvement islamiste ne mâche pas ses mots à l’égard de sa famille politique, qu’il tient pour responsable de la crise. JEUNE AFRIQUE : Pourquoi la Tunisie en est-elle là ? ABDELFATTAH MOUROU : La division

du pays en deux pôles – islamiste et laïc – est dangereuse, car elle crée un chaos politique. Pendant un an, Ennahdha, en tant que parti au pouvoir, n’a cessé de tergiverser ; elle a voulu inscrire la charia dans la Constitution, puis s’est rétractée. Elle a récidivé avec le régime parlementaire et le statut de la femme. Elle a démontré son incapacité à comprendre les attentes du peuple, qui ne veut pas d’une mutation de ses fondamentaux mais des aménagements. Elle a sciemment traîné les pieds sur la rédaction de la Constitution et s’est montrée laxiste en laissant faire les Ligues de protection de la révolution (LPR). Par son silence, elle encourage la montée de la violence politique. Elle gère de manière catastrophique les affaires de l’État, accumule les erreurs en voulant imposer une loi sur l’exclusion et se dresse contre toutes les formations politiques. C’est l’affrontement général. Ce n’est pas tenable et c’est contraire à la démocratie. Les responsables d’Ennahdha affichent leurs divergences, que faut-il en penser?

Ils ont tort de participer aux débats publics en se montrant aussi divisés. Ils affaiblissent le parti et se décrédibilisent, d’autant que c’est leur incompétence au sein du gouvernement qui est aussi

à l’origine de cette crise. Ennahdha n’a cessé de s’isoler. Elle a refusé le dialogue avec les centrales syndicale et patronale, et ignore les demandes de la société civile. Résultat : elle ne peut compter que sur une assise populaire qui se réduit comme peau de chagrin et a perdu l’appui des intellectuels. Or la production de pensée est nécessaire. La priorité est-elle de mettre en place une nouvelle équipe gouvernementale ou d’arrêter la violence ?

Seul un gouvernement fort peut contenir la violence. Au fond, la violence est un instrument pour parvenir à un objectif; il faut lui substituer d’autres outils et surtout mettre en place rapidement des institutions. Il est inadmissible que nous n’ayons pas encore de Constitution et que, face à l’affaiblissement de l’État, l’Assemblée nationale constituante [ANC], pourtant souveraine, ne réagisse pas. Comment envisager une sortie de crise?

La priorité est la Constitution. Il faut mettre un point final à cette transition. Sans institutions, sans cadre juridique, le pays ne peut avancer. Dans cette étape cruciale et délicate, les partis devraient s’éloigner de l’action gouvernementale et laisser des compétences gérer les affaires courantes. C’est l’orientation que je partage avec Hamadi Jebali. ● Propos recueillis à Tunis par F.D. JEUNE AFRIQUE


L’homme qui a trahi la révolution DISSIDENCE

Ces nahdhaouis qui ont dit non

Ulcérés par toute une série de dérives et par l’ambition dévorante de Rached Ghannouchi, ils ont claqué la porte du parti.

Et elle-même s’est sentie flouée par Ghannouchi : « Ses idées ne sont pas rassurantes, surtout en ce qui concerne les salafistes […]. C’est à se demander s’il n’est pas aussi salafiste qu’eux, ou alors, peut-être veut-il les utiliser à des fins électoralistes. » Le 28 janvier, c’est un autre ex-militant, Sahbi Amri, qui dénonçait le père fondateur : « C’est Ghannouchi qui est responsable de la situation critique que connaît le pays et non Jebali. » Selon lui, la stratégie d’affrontement brutal avec l’ancien régime décidée par le président d’Ennahdha a profondément nui au parti, et sa pratique du népotisme aura des effets tout aussi néfastes. Des déclarations qui font écho à celle d’un autre dissident, Kamel Houki, qui affirmait en août 2012 : « Ghannouchi souffre d’un attachement pathologique au pouvoir. Tout comme il a poussé le mouvement islamiste vers la catastrophe il y a un quart de siècle […], il est en train de pousser aujourd’hui tout le pays vers la catastrophe en s’accaparant le monopole de la décision. » Ex-prisonnier politique de l’ancien régime, Houki avait remis sa démission après avoir découvert l’implication de milices nahdhaouies dans la répression des manifestations du 9 avril 2012.

S

INTRIGUES. Dernière en date à avoir claqué la porte, au début de février, la députée Fattouma Attia. Entre les calculs politiques des élus et les intrigues pour la conquête du pouvoir, la réalité d’un parti à la « discipline de fer » lui est apparue en complète contradiction avec les idéaux proclamés. « Ennahdha ne veut pas combattre la corruption. Elle doit se retirer et dégager. Le parti a d’autres ambitions que la réalisation des attentes du peuple. » Accusation plus grave : des JEUNE AFRIQUE

« MALADE ». Mensonge, népotisme,

corruption, activités miliciennes : ce que ne cessent de dénoncer les ennemis du parti islamiste n’est pas contredit par ceux qui l’ont fréquenté avec assiduité. ! Dernière défection en date, celle de Omniprésente, la figure de Ghannouchi la députée FATTOUMA ATTIA, qui refuse de apparaît comme celle d’un maître absolu tromper plus longtemps les électeurs. guidé par une dévorante ambition. Dans une interview croisée d’un autre déserteur, Néjib Karoui, et d’un mystérieux personnalités du parti ne seraient pas « dirigeant historique », publiée le 20 sepplus vertueuses que les membres du tembre 2012 par Le Maghreb, c’est le clan déchu des Ben Ali : « Le secrétaire second qui fait les révélations les plus d’État de l’Agriculture, par exemple, a inquiétantes: « Nous savons, et nos frères aussi, que la Certaines méthodes et pratiques mission de Lotfi Zitoun rappellent à bien des égards est bel et bien d’espionner celles du régime déchu. Hamadi Jebali […] et de tenir Rached Ghannouchi détourné au profit de son frère un projet informé de tous ses faits et gestes. » Et d’élevage de poissons à Zarzis présenté de qualifier lui aussi le leader d’Ennapar un citoyen. » Tromper plus longtemps hdha d’« animal politique », « malade » les électeurs qui lui avaient donné leur du pouvoir… ● confiance ne lui était plus supportable. LAURENT DE SAINT PÉRIER © HICHEM

ous la figure tutélaire de son père spirituel, Rached Ghannouchi, Ennahdha semblait avoir plusieurs visages. On devinait les contradictions internes du mouvement que l’on pensait tiraillé entre un extrême philo-salafiste et un centre prodémocrate, ou pratiquant opportunément un double langage pour balayer le spectre sociopolitique le plus large possible. Mais le bras de fer entre Jebali, Premier ministre et secrétaire général du parti, et Ghannouchi, son président, a révélé une lutte intestine pour l’autorité et des conflits de personnalité qui dépassent le débat d’idées et la stratégie politique. Le 9 février, la démission de Jebali de son poste à la tête d’Ennahdha était annoncée sur la page Facebook du mouvement, avant d’être rapidement effacée. Le chef du gouvernement a lui-même immédiatement démenti l’information, laquelle n’en a pas moins paru plausible. Militants, cadres et même cofondateurs du parti ont en effet régulièrement fait défection, dénonçant dans le même mouvement les pratiques internes du parti et ses agissements politiques. Décrivant ce qu’ils ont vécu de l’intérieur, les dissidents ont dévoilé l’inquiétante anatomie d’un mouvement aux usages fort peu démocratiques, parfois très éloignés de la morale islamique, et dont les méthodes rappellent à bien des égards celles du régime déchu.

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MALI

CHAOS À

GAO N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

La grande ville du Nord est tombée le 26 janvier. Vite, presque sans combats. Trop vite, sans doute, puisque les jihadistes ne sont pas loin et que les habitants vivent dans la crainte des attentats. L’euphorie de la libération aura été de courte durée.

RÉMI CARAYOL, envoyé spécial Photos : ÉMILIE RÉGNIER pour J.A. JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne

"! Ci-contre : PATROUILLE D’UN SOLDAT NIGÉRIEN. Début février, ils étaient déjà plus de 500 sur le terrain. Ci-dessus : cellule dans laquelle étaient pratiquées les amputations.

évacueront les curieux pour déminer la zone. Encore une fois, Gao a échappé au pire. Ce 11 février, il y a des douilles partout. La veille, des jihadistes (à peine plus d’une dizaine, selon l’armée française) ont affronté l’armée malienne en plein centre-ville. Pendant plusieurs heures, Gao a vécu au rythme des rafales et des explosions. Retranchés dans le commissariat et dans les maisons jouxtant le marché principal, les combattants du Mujao ont résisté aux assauts des militaires maliens. CORPS EN LAMBEAUX. Par un autre miracle,

À

chaque jour son miracle à Gao. Le 11 février en fut un exemple. Tôt ce matin-là, dans la cour du commissariat central, un bâtiment jaune rebaptisé « commissariat islamique » sous le règne du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), sur la terrasse duquel le chef de la police, Aliou Mahamar, avait l’habitude de dormir à la belle étoile avant l’arrivée des Français, des dizaines d’hommes, de femmes et d’enfants se bousculent pour voir les stigmates des combats de la veille. Ils s’attardent sur le corps déchiqueté d’un jihadiste présumé. Ils observent l’impact des balles dans les murs. Mais combien se doutent que, sous leurs pieds, se trouvent plusieurs mines artisanales déposées par les insurgés ? Ce n’est qu’en milieu de matinée que les soldats maliens JEUNE AFRIQUE

on ne compte que quatre morts et neuf blessés parmi les nombreux civils qui se trouvaient sur les lieux lorsque les hostilités ont commencé. Quant aux assaillants, on ne saura peut-être jamais combien ont péri : dans la nuit, un Tigre français, redoutable hélicoptère de combat, a bombardé le site où ils s’étaient retranchés, réduisant leurs corps en lambeaux. Depuis, ceux qui croyaient encore à une pacification rapide de la zone conquise deux semaines plus tôt par les Français et les Maliens ont dû revoir leur jugement. Le 13 février, une bombe artisanale de 600 kg a encore été désamorcée par le génie français. Certes, Gao a été libéré le 26 janvier, mais la ville vit depuis comme une forteresse assiégée. En trois jours, entre le 8 et le 10 février, deux kamikazes se sont fait exploser à l’entrée de la ville, et deux autres ont été arrêtés avant qu’ils ne passent à l’acte. « C’est la psychose. Le Mujao est en train de nous imposer son agenda. Son ● ● ● N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

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! TROIS SEMAINES APRÈS

AVOIR LIBÉRÉ LA VILLE, objectif est clair : terroriser la population », se les Français ont bien désole un officier malien. du mal à la sécuriser. L’euphorie n’a jamais vraiment gagné Gao. Aux explosions de joie qui ont salué l’arrivée des Français ont succédé les interrogations, les doutes et enfin les craintes. Contrairement à Bamako, les drapeaux bleu-blanc-rouge flottant au vent sont rares, et les habitants observent avec circonspection les convois des « libérateurs ». Ici, il n’y a pas de cris d’enfants à la gloire de François Hollande. « Les jihadistes ne sont pas loin et ils n’ont pas dit leur dernier mot. Ils peuvent revenir », explique Abdoulaye, un enseignant. « Les Français ont pris Gao, mais pas ses alentours. La zone est truffée de poches jihadistes », ajoute un bon connaisseur de la région. Depuis plusieurs années, ce diplomate de l’ombre se rend régulièrement dans le nord du Mali. Il est bien placé pour savoir qu’au sein du Mujao « Dans les villages, chaque il n’y a pas que des Touaregs famille a donné au moins un et des Arabes, mais aussi de ses membres au Mujao. » des Songhaïs, des Peuls, des Bellas… « Pour eux, il ABDOULAYE, enseignant à Gao est plus facile de s’infiltrer. » Si Gao cultive un islam modéré, il suffit de traverser le fleuve Niger, avec en point de mire la dune de sable rose qui a longtemps été l’une des attractions touristiques du coin, pour se retrouver dans un autre monde. Dans les villages de Kadji, Lobou ou Koïma, c’est un islam strict que l’on pratique depuis deux décennies. Un islam directement importé d’Arabie saoudite, comparable à celui défendu par les Izalas au Niger. Ses adeptes, que l’on appelle ici les « wahhabites », n’ont pas attendu le Mujao pour appliquer la charia. Et ils sont, aux dires d’Assarid Ag Imbarcaouane, député de Gao, « très solidaires les uns avec les ●●●

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autres ». « Dans ces villages, chaque famille a donné au moins un de ses membres au Mujao, continue Abdoulaye, l’enseignant. Aujourd’hui, il est évident qu’elles les cachent. » C’est de ces villages qu’une partie des assaillants du 10 février seraient venus. Les nuits précédentes, le ciel était noir. Les routes étaient bouclées, « mais nous avons négligé notre surveillance sur le fleuve », admet une source sécuritaire. « Il faut ratisser tous ces villages », estime le député Imbarcaouane. DIVERSION. Il faudra aussi s’occuper de l’axe Gao-

Bourem, au nord. Les deux kamikazes qui ont activé leur ceinture d’explosifs les 8 et 9 février, un jeune au teint clair et au visage d’adolescent et un colosse barbu, venaient de cette zone. Preuve de l’efficacité du Mujao, il semble que le deuxième attentat n’ait été qu’une diversion pour permettre à plusieurs combattants de franchir le check-point dans la confusion consécutive à l’explosion. Mais Gao n’est pas qu’une ville assiégée. C’est aussi une cité déchirée. On y trouve des jeunes « patriotes » (c’est le nom qu’ils se donnent) qui mènent la traque aux derniers jihadistes après avoir contesté les jougs successifs du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), premier occupant de Gao, et du Mujao. On y trouve aussi des combattants de Ganda Koye et de Ganda Izo, deux milices d’autodéfense, et des centaines de « patrouilleurs », ces volontaires qui ont assuré la sécurité de leurs quartiers quand les hommes du MNLA pillaient et violaient sans compter. Gao a résisté, c’est indéniable. Résistance frontale, quand le Mujao a voulu interdire le football ou détruire le mausolée de Mohamed Askia, une prodigieuse pyramide en banco datant de 1495. JEUNE AFRIQUE


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Ce jour-là (« au lendemain de la destruction des mausolées à Tombouctou », se souvient Ibrahim Maïga, un artisan), les habitants de Gao se sont massés au pied du monument et ont bravé les menaces. Une autre fois, ils sont sortis dans la rue pour dire « non » aux amputations. Il y en a peutêtre eu une dizaine au total. Publiques au début, elles n’étaient à la fin plus pratiquées qu’entre les quatre murs de la prison. « Le Mujao avait bien compris que les gens étaient contre », suppute Moussa, un membre de Ganda Izo. Résistance passive aussi. Il était interdit de fumer ? Tant pis, on allumait quand même une cigarette mais, quand des hommes du Mujao passaient, on jetait le mégot. « C’était invivable, se souvient Moussa. Les femmes devaient porter le JEUNE AFRIQUE

! En haut : arrestation d’un individu SOUPÇONNÉ D’ÊTRE UN JIHADISTE, le 10 février. Ci-dessus : SADOU HAROUNA DIALLO, le maire de la ville, redoute les amalgames qui ont fait fuir la plupart des Arabes.

hidjab. Pendant la prière du vendredi, il ne devait plus y avoir aucune activité. Pour une cigarette, c’était 10 coups de chicote. Pour un “copinage”, 100 coups. » Les châtiments se tenaient sur la place de l’Indépendance, rebaptisée « place de la Charia ». Là où, aujourd’hui, des gamins jouent au foot matin et soir. Quant aux dignitaires religieux, ils ont fait la sourde oreille aux sollicitations des nouveaux maîtres. « Ils nous ont demandé de les aider à imposer leur charia, explique leur représentant, Alpha Issa Abdallah Maïga. Mais nous leur avons répondu que ce n’était pas la nôtre, et que, s’ils avaient chassé l’État de cette terre, ils ne pouvaient pas aller à l’encontre de la population. » De cet interminable obscurantisme, il reste des bâtiments administratifs détruits, des banques saccagées, des hôtels pillés, des rues vidées (la ville ne compterait plus que 50 000 habitants, contre 80 000 début 2012). Il reste des taches de sang dans les petites pièces qui servaient de geôles et dont les guides improvisés nous disent qu’il s’agit des reliquats de quelques mains coupées. Il reste des rumeurs aussi : ici, dans cette maison, se seraient un jour trouvés les otages occidentaux et algériens détenus par les salafistes. Là, dans cette villa cossue, a vécu Mokhtar Belmokhtar, puissant émir d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Plus loin, c’était l’Algérien Abdulhakim, le chef du Mujao à Gao… Et puis, il y a ces pancartes, tantôt en arabe, tantôt en français, lettres blanches sur fond noir : « L’application de la charia, c’est la route du bonheur. » « Al-Ihtijab pour la bénédiction d’Allah et la pureté des femmes. » Personne n’a encore jugé nécessaire de les effacer. Faut-il y voir une simple négligence ou la peur d’être vu? Aujourd’hui encore, les islamistes n’ont pas ● ● ● N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013


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que des ennemis au sein de la population. « Ils sont là, parmi nous. Ils se terrent, bénéficient du soutien de leur famille », affirme Moussa, le jeune combattant de Ganda Izo. Il y a évidemment les suspects parfaits : montrés du doigt, la plupart des Arabes de la ville ont fui après l’intervention française. Le quartier où les plus riches d’entre eux habitaient,surnomméCocaïneCitypourdesraisons évidentes, est aujourd’hui une ville fantôme. Ses habitants ont fui, ses villas ont été pillées. « Tous n’ont pas aidé les islamistes, mais ils ont peur des représailles », déplore le maire, Sadou Harouna Diallo, qui se bat contre « les amalgames ». Il rappelle qu’au sein du Mujao nombreux étaient les habitants de Gao. « Je l’ai dit et répété ces derniers mois : si l’on n’agit pas vite, ils auront le temps d’endoctriner nos jeunes. Hélas, j’avais raison. C’est ce qui s’est passé. » ●●●

ROCAMBOLESQUE. Sadou Harouna Diallo. À lui

seul, cet homme à l’allure débonnaire et au portefeuille bien garni, qui ne sort jamais sans son feutre sur la tête et se vante de posséder un Hummer à Bamako, est un concentré des contradictions de la ville. Aux journalistes, il aime raconter ses déboires de l’année écoulée: son exfiltration rocambolesque huit jours après l’arrivée du MNLA ; la destruction

! Des hommes DU COLONEL MALIEN ALHAJI AG GAMOU, le 9 février.

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de ses sept hôtels, de ses deux boîtes de nuit et de ses sociétés de transport par le Mujao. Mais il est un sujet qu’il préfère ne pas évoquer : ses accointances supposées avec les trafiquants de drogue. Sur le terrain, depuis qu’il est revenu en ville dans les bagages de l’armée française, on le voit partout en train de coordonner la traque aux caches d’armes. « Il faut aller là, l’avons-nous vu ordonner à des soldats maliens le 11 février. Les habitants disent qu’un homme ne sort jamais, sauf la nuit. C’est suspect. Il faut aller là aussi, je suis certain qu’il y a des armes. » Mais quand les journalistes l’interrogent sur le cas de Baba Ould Cheikh, le maire du village voisin de Tarkint, soupçonné d’accointances avec le Mujao et de trafic de drogue (c’est à Tarkint qu’un avion de la drogue s’était crashé en 2009), qui s’est promené dans les rues de Gao quelques jours avant qu’un mandat d’arrêt ne soit émis à son encontre, il élude. Est-ce parce que la rumeur veut qu’on ait aidé Ould Cheikh à disparaître ? Dans ce contexte, la traque menée conjointement par les armées française, malienne et nigérienne n’est pas aisée. Une partie de la population y participe sans états d’âme, en dénonçant des présumés jihadistes. Sans ces renseignements, la journée du 11 février aurait pu être « beaucoup plus sanglante », selon l’aveu d’un officier malien. Mais d’autres se taisent.Combiendeplanquesd’armes,commecette maison du quartier Château censée appartenir à Abdulhakim, dans laquelle sont entreposés des engins explosifs improvisés, n’ont pas encore été découvertes ? Combien de jihadistes se cachent avec la complicité de leurs voisins ? « En dix mois, note un médecin arrivé récemment à Gao, les hommes du Mujao ont créé des liens étroits avec la population. Certains se sont mariés. Et puis, ils ont inondé la ville de leur argent. » Autre explication: personne à Gao n’a oublié que la prise de contrôle du Mujao a d’abord été perçue comme une bénédiction. Les jours précédents, les Touaregs du MNLA avaient fait régner la terreur, pillant les bâtiments, volant les habitants, violant les femmes. En arrivant, le Mujao avait promis de mettre de l’ordre – ce qui fut fait, avec les excès que l’on connaît. « Cela, les gens ne l’ont pas oublié, rappelle notre médecin. Ici, le mal absolu, ce n’est pas le Mujao, c’est le MNLA. » ●

L’ÉPICENTRE DE LA GUERRE GAO EST AUJOURD’HUI l’épicentre de la reconquête du Nord. Une grande partie des troupes françaises (1 500 éléments le 12 février, mais des renforts étaient encore attendus) s’est installée sur la base improvisée et ultrasécurisée de l’aéroport. Les hélicoptères, auparavant positionnés à Sévaré, y ont également élu N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

domicile. C’est de là que partent les soldats en direction du grand nord. Dans la ville, on trouve également un grand nombre de Maliens, dont les hommes du colonel major Alhaji Ag Gamou, estimés à environ 600, et des combattants du Groupe commando volontaires (dit « G-Shock »), les forces spéciales maliennes dont les

Français pensent le plus grand bien. Enfin, plus de 500 Nigériens patrouillent dans la ville et sa région. Ces trois forces participent à la sécurisation de Gao et des alentours. Le 11 février, les Français sont ainsi intervenus à la demande des Maliens pour anéantir la contre-offensive des R.C. jihadistes. ● JEUNE AFRIQUE


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BÉNIN

Thomas Boni Yayi « En 2016, Bozizé et moi, la Bible à la main »

FRANÇOIS GUILLOT/AFP

Le chef de l’État l’assure : il ne cherchera pas à se maintenir au pouvoir. Ce qu’il veut maintenant, c’est tourner la page d’une année mouvementée… et vivre sa foi.

L

année 2012 fut, pour le président Thomas Boni Yayi, une année compliquée. À peine avait-il été nommé à la tête de l’Union africaine (UA) qu’il devait gérer l’élection – mouvementée – du nouveau président de la Commission de l’UA. Ce fut ensuite la guerre au Mali, une énième rébellion en RD Congo puis en Centrafrique… La politique béninoise ne lui a pas non plus laissé de répit, puisqu’en octobre dernier l’homme d’affaires Patrice Talon, dont il était autrefois proche, était accusé d’avoir voulu l’empoisonner… Aujourd’hui, Boni Yayi a quitté la présidence de l’UA et affirme envisager son retrait de la vie politique, en 2016, avec sérénité. Rencontre avec un chef d’État qui, à 60 ans, dit avoir hâte d’arpenter le monde « une bible à la main ». JEUNE AFRIQUE

! LORS DE SA VISITE À PARIS, le 7 février. JEUNE AFRIQUE : N’est-il pas gênant que la France, l’ancien colonisateur, soit en première ligne au Mali ? THOMAS BONI YAYI : Ce n’est pas la

question : la lutte contre le terrorisme est de la responsabilité de tous, et la France est intervenue à la demande des autorités maliennes. Il fallait absolument stopper l’avancée des terroristes. N’est-ce pas la preuve que l’Afrique a du mal à gérer ses propres crises ?

Non. Ce n’est pas la bonne volonté qui nous a manqué, ce sont les moyens. Prenez l’exemple du Bénin : nous nous sommes engagés à envoyer 650 soldats au Mali [environ 250 sont déjà sur place, NDLR]. Mais comment les équiper ? Comment les transporter sur le terrain ? C’est un problème que nous avons tous.

Faut-il, en plus des soldats de la Misma, la mission de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), envoyer des Casques bleus au Mali ?

Cela permettrait sans doute un déblocage plus rapide de financements internationaux et une meilleure coordination des efforts. Pour le moment, la France est très seule : elle a plus de 4 000 militaires sur place, elle a dépensé près de 70 millions d’euros… Ce n’est pas juste. Nous sommes tous concernés. Que fait-on du capitaine Amadou Sanogo, l’ancien chef des putschistes du 21 mars, toujours très influent à Bamako ?

Je fais partie de ceux qui pensent qu’il faut qu’il retourne dans sa caserne. Mieux, N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013


Afrique subsaharienne qu’il aille au front, là où on a besoin de soldats. C’est bien pour ça qu’il a pris la tête d’un coup d’État, non ? Il semblerait qu’il se cherche à présent une porte de sortie honorable…

Mais la porte est là, grande ouverte ! On m’a dit qu’il dirigeait le Comité militaire de suivi des réformes de l’armée, bien. Mais pour ma part je pense qu’un militaire qui manque à ses devoirs doit être sanctionné ; il y a des règles dans l’armée pour cela. En tant que président de l’Union africaine (UA), vous avez rencontré votre homologue centrafricain, François Bozizé, fin décembre, alors qu’il était confronté à une rébellion armée. Comment l’avez-vous convaincu de ne pas se représenter en 2016? En lui citant votre propre exemple?

Le président Bozizé est un homme mesuré. Lui et moi sommes tous les deux évangéliques, et je lui ai parlé en tant que frère. Je lui ai conseillé de rassurer ses compatriotes et la communauté internationale quant à son intention de ne pas modifier la Constitution pour se représenter à la présidentielle. Et c’est vrai que je lui ai dit qu’en 2016 je serais heureux d’avoir un ami ancien chef d’État prêt, comme moi, à prendre sa bible pour parcourir les contrées et prêcher l’Évangile.

SIA KAMBOU/AFP

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! LE PRÉSIDENT BÉNINOIS (à dr.) et son homologue centrafricain, le 30 décembre, à Bangui. cas de Patrice Talon, que vous accusez d’avoir voulu vous empoisonner et dont la justice béninoise réclame à la France l’extradition ?

Non. Je suis allé parler de la stabilité du continent. Le sujet Patrice Talon est subsidiaire. Je n’en ai parlé ni au chef de l’État, ni au Premier ministre, ni au ministre des Affaires étrangères… Je suis bien au-dessus de tout cela. Mais vous portez de très graves accusations contre lui…

Talon m’accuse d’avoir voulu soudoyer les députés. Mais ce ne sont pas des moutons! En quittant la présidence de l’UA, fin janvier, vous avez dénoncé la confusion qui règne à la tête de l’organisation. Aviez-vous des dissensions avec la présidente de la Commission, Nkosazana Dlamini-Zuma ?

Pas du tout. Mais on m’a confié la maison pendant un an, et j’ai pensé qu’au terme de ce mandat il était important de soumettre mes idées pour en améliorer le fonctionnement. Plusieurs choses ne marchent pas et nous devons revoir nos textes fondateurs pour les rendre plus conformes aux défis qui nous attendent. Pour que l’on sache bien aussi comment se répartissent les rôles au sein des organes directeurs de l’organisation.

Vous avez été reçu par François Hollande, le 6 février. Avez-vous évoqué avec lui le N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

Soyons clairs : Patrice Talon s’est réfugié en France parce qu’il fait l’objet de poursuites pour malversations au Bénin. Depuis la France, il est entré en contact avec ma nièce, que je considère comme ma fille [Zoubérath Kora-Séké], et mon médecin personnel [Ibrahim Mama Cissé ; tous deux sont en prison à Cotonou]. Il leur a promis 2 milliards de F CFA [plus de 3 millions d’euros] pour m’empoisonner, ils ont avoué ! N’en voulez-vous pas à Patrice Talon parce qu’il aurait refusé de vous aider à tripatouiller la Constitution afin de briguer un nouveau mandat ?

C’est n’importe quoi ! Les députés béninois qu’il m’accuse d’avoir voulu soudoyer ne sont pas des moutons. Aucune révision ne touchera aux quatre

principes hérités de la Conférence nationale : la laïcité, le régime démocratique, l’âge maximal des candidats et la limitation du nombre de mandats. En réalité, il s’agit d’une manœuvre d’intoxication. Patrice Talon essaie de me discréditer, mais le fond du problème est que ce monsieur voulait faire main basse sur l’économie du Bénin. Il a évincé tous ses concurrents de la filière coton. Au port de Cotonou, sa société Bénin Control SA gérait le contrôle, le scanning et le tracking des marchandises. Là encore, la famille portuaire ne veut plus en entendre parler. En plus, la Direction des marchés publics a cassé ce contrat après avoir constaté des irrégularités. Lorsque j’en ai discuté avec lui, tout ce qu’il m’a dit est qu’il voulait « sauvegarder [ses] acquis »… On doit donc vous croire : vous ne rempilerez pas en 2016…

Je l’ai dit à mes pairs africains lors de mon investiture en 2011. Je l’ai dit à Barack Obama, à Nicolas Sarkozy, à François Hollande et même au pape ! Il faudrait que je sois stupide pour me dédire après toutes ces déclarations ! Et puis dix ans à la tête du Bénin, ce ne sont pas des vacances ! Dieu nous a faits avec des limites ! Je vous le dis : je compte les jours qui me séparent de la fin et je n’aspire qu’à une seule chose : être heureux en me rapprochant de mon Dieu. Le 5 avril 2016 à minuit, avec respect et gratitude, je remercierai le peuple béninois pour sa confiance et je partirai. ● Propos recueillis par MALIKA GROGA-BADA JEUNE AFRIQUE


Coulisses

Afrique subsaharienne

KENYA

Prime time

Gros succès pour le tout premier débat présidentiel jamais organisé dans le pays.

C

était une première dans l’histoire du Kenya. Un show à l’américaine, retransmis par plus de quarante chaînes de télévision et de stations de radio, et suivi par plusieurs millions de personnes… Le 11 février au soir, les huit candidats à l’élection présidentielle du 4 mars ont débattu en direct, et ce fut, à en croire Linus Kaikai, l’un des deux journalistes modérateurs (qui avaient été choisis via Facebook, Twitter et par SMS), un immense succès. Sur le plateau pourtant, les interventions – limitées dans le temps – ont été plutôt convenues. Ni incident ni déclarations enflammées. Tous les candidats ont promis que les violences postélectorales de la fin 2007 (près de 1 200 morts) ne se reproduiraient pas.

POIDS LOURDS. Parmi les favoris à

la succession de Mwai Kibaki, deux poids lourds de la scène politique locale : le Premier ministre Raila Odinga, 67 ans, et son vice-Premier ministre, Uhuru Kenyatta, 51 ans. Mais ce dernier (tout comme son colistier, William Ruto) est accusé de crimes contre l’humanité pour son rôle dans les affrontements d’il y a cinq ans. Son procès doit s’ouvrir le 10 avril devant la Cour pénale internationale (CPI), c’està-dire en plein processus électoral. Face aux caméras, Raila Odinga ne s’était pas privé de faire remarquer que « gouverner par Skype depuis La Haye [allait] poser de sérieuses difficultés ». Quelques jours plus tôt, la France et la Grande-Bretagne avaient annoncé qu’elles n’auraient que des contacts limités avec un président inculpé par la CPI. Le ministre kényan des Affaires étrangères, Sam Ongeri, a réagi en faisant part de son « extrême mécontentement ». ● ANNE KAPPÈS-GRANGÉ JEUNE AFRIQUE

CHARLES TAYLOR ON N’EST JAMAIS TROP PRUDENT Emprisonné à La Haye pour des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis en Sierra Leone entre 1997 et 2003, CharlesTaylor aurait décidé de se convertir au judaïsme. « Il veut devenir juif, a expliqué l’une de ses épouses à un journaliste alors que s’ouvrait son procès en appel, fin janvier. Il veut suivre ce qui est, selon lui, la vraie religion. » Cité par le quotidien israélien Haaretz, VictoriaTaylor explique que, pour son époux, condamné en première instance à cinquante ans de prison l’année dernière, tout a commencé quand il a été transféré à La Haye. C’est à ce moment-là, dit-elle, qu’il a su ce qu’il devait faire: « Il veut tout savoir sur Dieu et sur la création. » Mais à 65 ans, CharlesTaylor sait aussi que mieux vaut ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Il a donc décidé de devenir juif… tout en restant chrétien. Si, si. ●

ZIMBABWE ÇA SE PRÉCISE Après de longs mois d’incertitude, on en sait un peu plus sur le calendrier électoral de 2013. Le référendum censé entériner la révision constitutionnelle sur laquelle se sont entendus le président Robert Mugabe et son Premier ministre, Morgan Tsvangirai, sera organisé le 16 mars. L’élection présidentielle aura, quant à elle, lieu en juillet et mettra un terme au fragile accord de partage du pouvoir qui avait été conclu après le scrutin de 2008. AFRIQUE DU SUD FATALE SAINT-VALENTIN C’est l’histoire d’un conte de fées qui finit mal, très mal. En août dernier, Oscar Pistorius était entré dans l’Histoire en devenant le premier champion paralympique à

participer aux épreuves pour athlètes valides. Le 14 février à l’aube, dans sa luxueuse résidence de Pretoria, il a tiré sur sa fiancée, un célèbre mannequin, également présentatrice de télévision, qu’il aurait prise pour un voleur. Il a été inculpé pour meurtre. La police a dit qu’elle s’opposerait à une libération sous caution en raison de précédentes « disputes familiales ». IMMIGRATION PLUTÔT MOURIR… Le 14 février, un jeune Ivoirien qui devait être expulsé d’Italie s’est immolé par le feu à l’aéroport de Rome-Fiumicino. Selon une source policière, l’homme s’est aspergé d’essence après avoir montré aux douaniers le décret d’expulsion lui ordonnant de quitter le pays. Il a immédiatement été hospitalisé dans un état grave. N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

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Afrique subsaharienne

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DJIBOUTI

Démocratie

sur un fil

Pour la première fois depuis l’indépendance, l’opposition devrait faire son entrée au Parlement à l’issue des législatives du 22 février. La majorité présidentielle n’est pas véritablement menacée, mais elle pourrait tout de même y laisser des plumes. N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne avait pour habitude de s’abstenir à chaque élection, a cette fois-ci décidé d’y participer. Rassemblée sous le label de l’Union pour le salut national (USN), avec pour figures de proue deux politiciens septuagénaires – Aden Robleh Awaleh et Guedi Hared – et pour porte-parole le très actif Daher Ahmed Farah, BelgoDjiboutien rentré début janvier de son exil bruxellois, cette dernière

La monochromie de l’hémicycle n’était plus politiquement correcte. bénéficie de l’appui d’un courant islamiste proche des Frères musulmans égyptiens, le Mouvement pour le développement et la liberté (Model). D’apparition récente, le Model a pour guide spirituel un imam installé au Canada, le cheikh Souleymane Bachir, et pour relais locaux des ulémas et enseignants arabisants formés au Yémen et en Arabie saoudite. Selon nos informations, son soutien à l’USN se serait négocié au prix fort : un tiers des candidats éligibles sur les listes de l’opposition. PRÉTENTIONS. Si elle semble assu-

FRANÇOIS SOUDAN, envoyé spécial

À

l’échelle de cette petite république d’à peine 800 000 habitants pour 23000 km2, c’est un vrai séisme politique : le passage d’une démocratie pastorale fondée sur une représentation millimétrée des régions, des clans et des communautés à une démocratie de type occidental où l’opposition pourra enfin accéder à l’Assemblée nationale. Pour la première fois depuis

JEUNE AFRIQUE

! LE PRÉSIDENT ISMAÏL OMAR GUELLEH chez lui, le 2 février. Il partira, assure-t-il, en 2016.

l’instauration du multipartisme à Djibouti en 1992, les législatives du 22 février vont en effet se dérouler dans le cadre d’un scrutin de liste mixte avec une dose de proportionnelle suffisante (20 %) pour mettre fin au règne sans partage du parti au pouvoir, quitte à sacrifier au passage l’expression des composantes ethniques minoritaires. Un inconvénient pour un avantage de taille : la monochromie de l’hémicycle n’avait plus rien de politiquement correct aux yeux de l’extérieur, et l’opposition, qui

rée de perdre quelques plumes aux législatives, la majorité présidentielle sortante devrait pourtant conserver son statut. « La composante arabo-islamiste peut sans doute amener des voix à l’opposition et surtout lui servir de force de frappe au cas où cette dernière déciderait de porter le débat dans la rue, estime un diplomate européen qui dit craindre une proclamation anticipée des résultats par l’USN. Mais elle se heurtera à un obstacle culturel : pour la majorité des Djiboutiens, l’ancrage francophone est une garantie existentielle par rapport à des voisins qui rêvent encore de les absorber. » Et qui, pour l’un d’entre eux au moins, ne s’en cache guère : l’Érythrée, dont le président, Issayas Afewerki, vient de récuser publiquement la médiation du Qatar entre les deux pays, N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

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Afrique subsaharienne Djibouti, démocratie sur le fil continue en effet d’affirmer ses prétentions sur le nord de Djibouti. « Contrairement à nos adversaires, nous avons un bilan et nous avons un programme », affirme le chef de l’État, Ismaïl Omar Guelleh (IOG), qui se veut « confiant » quant aux résultats de ces législatives cruciales. Lors d’un entretien avec Jeune Afrique, le 2 février, dans les jardins de sa résidence, au bord du

! Le président de la Commission électorale indépendante, ABDI ISMAËL HERSI, lors d’une visite d’inspection à la préfecture de Djibouti, le 5 février.

golfe de Tadjourah, l’ancien chef de la sécurité, au pouvoir depuis 1999, a réitéré sa promesse de ne pas se représenter à la prochaine présidentielle d’avril 2016 : « J’aurai alors 68 ans, et je pense avoir mérité le droit au repos, dit-il. Je me donne donc trois ans pour m’organiser. » SECRET. En concluant ces derniers

mois de très importants contrats

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de développement avec la Chine et l’Inde, dont la réalisation va bien au-delà de la fin de son propre mandat à la tête du pays, IOG veut rendre irréversible sa vision de l’avenir de Djibouti. Ni une villeÉtat comme Singapour ou Dubaï ni une ville-garnison dépendante de la location des bases française et américaine (67 millions de dollars par an, soit près de 50 millions d’euros), mais un pays à part entière, en phase avec la globalisation, qui n’oublie pas son hinterland, si réduit soit-il, et profite à plein de sa situation géostratégique peu commune. « Il faut, pour me succéder, des gens honnêtes, sérieux et patriotes », explique-til en père de famille soucieux de préserver l’héritage. Confidence liminaire, prononcée à mi-voix : « Oui, j’ai déjà identifié l’homme que je soutiendrai en 2016. Je ne vous dirai évidemment pas de qui il s’agit, c’est pour l’instant un secret entre cette personne et moi. Mais je suis sûr de mon choix. » C’est donc une évidence : au lendemain du 22 février, Djibouti entamera un nouveau chapitre de son histoire avec pour coauteur une opposition bien décidée à perturber ce schéma successoral. C’est dire si la bataille s’annonce rude. ●

EN ORDRE DE BATAILLE

L’

opposition s’apprête enfin à faire son entrée au Parlement. Une première rendue possible par la nouvelle loi électorale et qui laisse présager d’inédites joutes verbales lors de la prochaine législature. Jusque-là, la quasi-totalité des élus appartenait à l’Union pour la majorité présidentielle (UMP), qui réunit le Rassemblement populaire pour le progrès (RPP du président Guelleh), le Front pour la restauration de l’unité et de la démocratie (Frud, l’ex-rébellion afare), le Parti national démocratique (PND) et le N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

Parti populaire socialdémocrate (PSD). Encouragée par cette innovation démocratique, l’opposition participe en force au scrutin, avec une présence dans toutes les circonscriptions. Et pour faire face à la redoutable machine électorale qu’est l’UMP, ses adversaires se sont regroupés au sein d’une coalition, l’Union pour le salut national (USN), à laquelle seul le Centre des démocrates unifiés (CDU d’Omar Elmi Khaireh), qui a décidé de faire cavalier seul, a refusé de participer. On y retrouve les principales figures de l’opposition :

Guedi Hared, qui a été directeur de cabinet du président Hassan Gouled Aptidon, Daher Ahmed Farah, de retour d’exil, et Abdourahman Mohamed Guelleh. Ce dernier est, depuis début 2012, le maire de Djibouti et la nouvelle coqueluche des détracteurs de la majorité. Les 170 000 électeurs auront donc le choix entre les candidats de deux coalitions, l’UMP et l’USN, et ceux du CDU. Entamée le 6 février, la campagne électorale bat son plein. Sans surprise, les meetings de l’UMP attirent plus de monde – la machine est bien rodée. Cependant,

l’opposition ne semble pas manquer de souffle. Les charges contre la politique du gouvernement et la gestion des affaires publiques trouvent écho parmi les catégories les plus pauvres. Aux accusations de corruption et de clientélisme, l’UMP réplique en dénonçant les alliances dangereuses entre politique et religion. Certes, les meetings de l’opposition se font le plus souvent en présence de prédicateurs au discours radical. Mais de là à imaginer l’opposition en train de faire le lit d’AlQaïda… ● CHERIF OUAZANI JEUNE AFRIQUE


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Petit pays, grandes promesses Les investisseurs se pressent pour se positionner sur un marché attrayant, installé le long de l’une des routes maritimes les plus fréquentées au monde.

B

ien décidé à jouer de ses atouts géographiques, Djibouti multiplie ces derniers mois les projets susceptibles de doper son économie durant la prochaine décennie, essentiellement dans les secteurs du transport et de l’énergie. Confortablement installé les pieds dans l’eau, le long de l’une des routes maritimes les plus fréquentées au monde et aux portes d’un marché éthiopien qui reste à désenclaver, le pays entend tenir son rôle de hub au cœur d’une région aussi propice aux échanges commerciaux que pauvre en infrastructures. Il peut pour cela compter sur l’aide financière de nombreux pays, conscients de son potentiel dans la sous-région. À commencer par la Chine : Exim Bank of China va financer à hauteur de 70 millions de dollars un quai à l’exportation du sel du lac Assal et d’où

! TERMINAL À CONTENEURS du port de Doraleh.

En matière de transport, c’est l’un des rares projets qui a échappé aux Chinois, avec celui du futur port à hydrocarbures confié à des investisseurs suisses, sans autre précision pour l’instant. Dans les secteurs de l’eau et de l’énergie, les contributeurs sont plus variés. Après avoirannoncéfin2012savolontédepasser au tout renouvelable d’ici à 2020, Djibouti a décidé de mettre en valeur ses ressources géothermiques en faisant appel au savoirfaire de l’Islande puis du Mexique. La première centrale géothermique sera pourtant chinoise, après la signature du contrat en juillet 2012 avec Des atouts, Djibouti en a beaucoup. le groupe Sinopec pour la construction d’une unité de Les Chinois, très présents, ne s’y 300MWdanslarégiondulac sont pas trompés. Assal. L’Union européenne apporte 41 millions d’euros SAVOIR-FAIRE. Financé à hauteur de pour la construction avant la fin de cette 67 millions de dollars par les fonds de annéed’uneusinededessalementalimendéveloppement arabe et saoudien, le port tée par des éoliennes qui pourraient bien en eau profonde de Tadjourah, dont les être qataries. Plusieurs responsables des travaux ont démarré en décembre 2012, deux pays se sont rencontrés à Doha en permettra à partir de 2015 d’exporter janvier pour renforcer leur coopération chaque année près de 8 millions de tonnes technologique. ● de potasse extraites du nord de l’Éthiopie. OLIVIER CASLIN

devraient partir 4,5 millions de tonnes par an dès 2016. Présente sur le dossier – toujours à l’étude – du futur terminal à gaz naturel liquéfié (GNL) de Djibouti pour 2,5 milliards de dollars, la banque d’investissement chinoise finance aussi, pour 4 milliards de dollars, la rénovation de l’axe ferroviaire Djibouti-Addis-Abeba, qui devrait être achevée en 2016. Associée à Exim Bank of India, elle contribue également à la construction de la ligne ferroviaire tirée entre le port de Tadjourah et son hinterland, dont le coût est estimé à 3,8 milliards de dollars.


Maghreb & Moyen-Orient

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LIBYE

Confidences de ! MOUAMMAR KADDAFI

AVEC ALI ABDESSALAM

ROSY ROULEAU/CORBIS

TRIKI, alors ministre des Affaires étrangères, en mars 1981.

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JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient

kaddafistes kaddafi

Cinq compagnons de route du « Frère Guide » ont accepté de se confier au journaliste libanais Ghassan Charbel, qui a rassemblé ces entretiens dans un livre en arabe récemment paru. Florilège. YOUSSEF AÏT AKDIM

U

n mégalomane imbu de son importance, en réalité tout à fait mineure sur la scène internationale, qui se donne licence de jeter la Charte des Nations unies à la tribune de l’Assemblée générale lors d’un discours interminable et grotesque où il demanda, par exemple, l’ouverture d’une nouvelle enquête sur l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy. Ou peut-être un sanguinaire qui recouvrait son sadisme d’un voile pseudo-intellectuel, convaincu d’être investi d’une grande mission et prompt à traiter ses courageux opposants de « chiens errants ». Impulsif et arrogant, il aimait se créer des ennemis, partout et à tout bout de champ. Aveuglé par les courtisans qui chantent sa louange à la demande, il affectait un goût pour les lettres. Ou alors seulement un autodidacte sans talent, comme il existe des analphabètes diplômés et des artistes ratés, obsédé par son image et auteur d’un Livre vert jamais pris au sérieux de son vivant, malgré les millions de copies déversées sur les cinq continents et dont on a retrouvé des stocks considérables après sa chute. Alors, Kaddafi, un simple bouffon ? « Attention, il tue », avertissait Jeune Afrique en juin 1980. Jusqu’à la fin de son règne de quarante-deux ans, Mouammar Kaddafi a entretenu sa propre légende. Celle d’un dictateur, cruel et délirant, menaçant de pourchasser les « rats » (les insurgés) zenga, zenga (« rue après rue »), dès le déclenchement de leur soulèvement. Ceux-là mêmes qui le débusqueront dans une canalisation près de Syrte, le 20 octobre 2011, avant de le lyncher sous les caméras de leurs téléphones portables. Aujourd’hui en exil, voguant entre Le Caire, Amman, Rome et Paris,cinqcompagnonsderoutedu«FrèreGuide»ontacceptéde se confier au journaliste libanais Ghassan Charbel: Abdessalam Jalloud, membre du Conseil de commandement de la révolution (CCR), longtemps numéro deux du régime et chef des Comités révolutionnaires; Abdelmonem el-Houni, membre du CCR, tour à tour chef des renseignements et ministre de l’Intérieur et des Affaires étrangères ; les diplomates Abderrahmane Chalgham et Ali Abdessalam Triki, tous deux ex-ministres des Affaires étrangères; et enfin Nouri el-Mismari, chef du protocole. Publiés dans Al-Hayat, leurs entretiens avec Charbel ont été rassemblés dans le livre Sous la tente de Kaddafi (les compagnons du colonel révèlent les secrets de son règne), qui vient de paraître aux éditions Riad El-Rayyes (Beyrouth).

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Ali Abdessalam Triki

VINCENT FOURNIER/J.A.

Ministre des Affaires étrangères, ministre des Affaires africaines, ambassadeur à Paris, représentant permanent à l’ONU

 LORS DE SON DISCOURS à l’Assemblée générale de l’ONU en septembre 2009, NDLR], Kaddafi a profité de sa présence à la tribune pour jeter la Charte des Nations unies. Le secrétaire général Ban Ki-moon semblait très déçu et voulait lui demander de mettre fin à son discours. Je lui ai dit de prendre son mal en patience parce que je craignais une réaction imprévisible de Kaddafi. J’avais honte, au point de me couvrir le visage avec ma main. La photo est parue dans la presse. […] « La plupart du temps, il était juste dans un autre monde. Il était convaincu d’être une personnalité exceptionnelle ayant pour mission de changer le monde. Il n’avait pas conscience des limites de la Libye, ni des limites de sa personne. Quand un gouvernant de cette trempe remporte le plus modeste des succès, il se croit rapidement irrésistible. […] « Diplomate sous Kaddafi, c’était un métier de chien. Il fallait constamment N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

réparer le tort qu’il faisait par ses déclarations, ses sautes d’humeur, ses manies. […] « Il ne respectait pas les usages diplomatiques. Il m’a demandé un jour de transmettre un message au roi Hassan II, en insistant pour que je dise au roi qu’il est “un réactionnaire et un collabo”, et d’autres accusations encore. Imaginez un peu la scène. Bien sûr, nous ne portions pas ce genre de message dans la diplomatie libyenne. Un autre jour, parce qu’il n’appréciait pas le ton employé par Hosni Moubarak pour convoquer une réunion urgente de la Ligue arabe, il a voulu lui répondre “nous ne sommes pas tes serviteurs”. […] « Après la tentative de putsch contre lui en 1975, il a changé. Il ne faisait plus confiance à personne. Il était obsédé par la conservation du pouvoir et la lutte contre tout ce qui pouvait le menacer. […] « Au cours d’un entretien au Kremlin, en plein milieu d’une phrase, Kaddafi jette un œil à sa montre et déclare que c’est l’heure de la prière. La discussion s’arrête et Kaddafi prie sur place. C’était certainement une première au Kremlin. […] « Le vide laissé par la mort de Gamal Abdel Nasser encourageait les ambitions de ceux qui rêvaient de prendre sa place, dont Mouammar Kaddafi et Saddam Hussein. Ces deux-là se haïssaient et se glissaient des peaux de banane : Saddam arme Hissène Habré [pendant la guerre libyo-tchadienne], Mouammar soutient les Kurdes, reçoit leurs leaders, Jalal Talabani et Massoud Barzani. […] « Kaddafi a proposé une forte somme à Saddam pour que ce dernier lui livre Mohamed el-Megaryef [un des leaders de l’opposition d’alors, aujourd’hui président du Parlement], ça n’a pas abouti. Mais ça a marché avec Hassan II, qui a remis Omar el-Mhichi, ancien compagnon de Kaddafi. Il a été transféré à Tripoli, où il a été exécuté. »

Abdessalam Jalloud

Membre du CCR, Premier ministre, fondateur des Comités révolutionnaires

 JE L’AI CONNU pour la première fois à Sebha, en 1959. Nous étions emprisonnés pour notre participation à des manifestations de lycéens. On nous a mis dans la même cellule et nous avons partagé l’unique couverture. Plus tard, c’est lui qui m’a inscrit à l’académie militaire. Il pensait déjà à la révolution. »

ASMAA WAGUIH/REUTERS

Ce qu’ils disent de lui

VINCENZO PINTO/AFP

Maghreb Moyen-Orient Libye

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Abdelmonem el-Houni

Membre du Conseil de commandement de la révolution (CCR), ministre de l’Intérieur et des Affaires étrangères, représentant auprès de la Ligue arabe

« KADDAFI A ÉTÉ MARQUÉ PAR SES ORIGINES. Il a grandi dans le désert de Syrte, dans le besoin. Son père était un pasteur très pauvre. Il devait marcher dix kilomètres par jour pour aller à l’école. Parfois, quand il n’y avait pas de transport, il dormait dans une mosquée. […] « Il assurait un salaire mensuel à Moubarak et à Ben Ali. Il a acheté un avion au président égyptien, et il était reconnaissant à Ben Ali d’avoir fermé la frontière occidentale vis-à-vis des opposants libyens. » JEUNE AFRIQUE


Confidences de kaddafistes

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Nouri el-Mismari Directeur du protocole, ministre d’État

JEUNE AFRIQUE

AMR NABIL/AP/SIPA

universitaire nigériane et contre l’épouse d’un homme d’affaires suisse. La première a reçu un “dédommagement” de 100 000 dollars. L’autre affaire a été couverte par un investissement avec la société suisse. […] « Bachir Saleh m’a raconté que le président gabonais Omar Bongo lui avait fait écouter un enregistrement de communications téléphoniques entre son épouse et Kaddafi. C’était une conversation galante. Bongo était très en colère. […] « Kaddafi était féru de livres d’histoire et adorait surprendre ses interlocuteurs étrangers en évoquant des détails peu connus. […] « Quand Kofi Annan est venu en Libye à propos de Lockerbie, il l’a fait attendre une journée entière. Il l’a accueilli sous une tente dans le désert, j’ai vu qu’Annan était terrorisé. »

Abderrahmane Chalgham Ministre des Affaires étrangères, représentant permanent à l’ONU

 KADDAFI ÉTAIT CONDESCENDANT avec les jeunes dirigeants arabes. Il appelait Mohammed VI “mon fils”. Il faisait la même chose avec Bachar al-Assad et Abdallah II de Jordanie. […] Les Égyptiens tentent une médiation entre Kaddafi et le roi Abdallah d’Arabie. Il s’emporte contre le ministre égyptien des Affaires étrangères Ahmed Abou Gheit et le directeur des renseignements Omar Souleimane : “Vous êtes des agents des Saoudiens qui vous achètent. Moi aussi j’ai de l’argent !” […] « L’ex-Premier ministre Choukri Ghanem a tenté de réformer les institutions, mais il est difficile de réformer quand l’épouse libanaise de Hannibal [un des fils de Kaddafi] peut envoyer un Airbus de Tripoli à Beyrouth pour transporter un simple chien. »

L’AUTEUR, GHASSAN CHARBEL

MICHEL EULER/AP/SIPA

 À PROPOS DE L’IMAM MOUSSA SADR J’ai reçu un appel de Abdallah Senoussi, qui était à l’époque officier dans les renseignements militaires : il m’a donné trois passeports en me demandant d’obtenir des visas italiens pour des invités du gouvernement. L’un de ces passeports était celui de Sadr. Ça a pris du temps, Senoussi trépignait. J’ai compris plus tard que l’imam avait été enlevé et qu’on avait essayé de maquiller son voyage à Rome. […] « Il était caractériel. Parfois, il se réveillait et me disait : “Ramène-moi le nègre”, en parlant d’un chef d’État africain. Et après l’entretien : “Le nègre est parti. Donnez-lui quelque chose.” […] « Quand il était en conflit avec sa femme Safia, il se retirait dans son bunker sous Bab el-Aziziya. Il y avait son harem, avec éphèbes et concubines. Il y restait un mois ou deux et on savait alors qu’il plongeait dans le stupre et la fête. […] Il prenait des anabolisants, que lui rapportait Senoussi. […] « Lors d’une partie de chasse en Roumanie, il a fait tuer un des officiers libres, Salah Boufaroua, car il détenait des preuves que la mère de Kaddafi était juive. Deux diplomates en poste à Rome ont été exécutéspourlamême raison. […] « Il était sadique avec les femmes. J’ai été témoin de deux cas d’agression contre une

Journaliste et écrivain libanais, il a démarré sa carrière au sein du quotidien libanais de référence Annahar, avant de rejoindre l’Agence France-Presse, puis le journal panarabe à capitaux saoudiens Asharq Al-Awsat. Depuis 2004, il est directeur de la rédaction d’Al-Hayat, l’autre grand quotidien panarabe. Il a publié de nombreux ouvrages d’entretiens avec des personnalités arabes, dont les Libanais Rafic Hariri, Walid Joumblatt, Michel Aoun, Nabih Berri, Samir Geagea. Charbel a également interviewé Khaled Mechaal, Georges Habache et Carlos. ●

Sous la tente de Kaddafi (les compagnons du colonel révèlent les secrets de son règne), Ghassan Charbel, éditions Riad ElRayyes, Beyrouth, 2013.

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Maghreb Moyen-Orient IRAN - ÉTATS-UNIS

Obama tranchera-t-il le nœud gordien?

En laissant ouverte la porte des négociations avec Téhéran, la Maison Blanche se donne les moyens de mettre fin à trente-quatre années d’hostilité ininterrompue. Encore faut-il qu’elle change d’approche.

L

es négociations avec l’Iran sont réapparues sur l’agenda international. Après neuf mois d’interruption des discussions, les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU plus l’Allemagne – le P5+1 – doivent se réunir avec les Iraniens le 25 février au Kazakhstan. Quelles sont les perspectives de succès ? En bref, elles semblent dépendre davantage du climat à Washington qu’à Téhéran. Car si l’Iran manifeste sa volonté de négocier, les États-Unis n’ont pas montré plus de flexibilité que dans le passé.

NOUS CROYONS QU’IL Y A DU TEMPS ET DE LA MARGE POUR LA DIPLOMATIE, SECONDÉE PAR UNE PRESSION ÉCONOMIQUE.

Seul signe encourageant des États-Unis, le vice-président, Joe Biden, a suggéré le 2 février à la conférence de Munich sur la sécurité que le temps était peut-être venu d’engager des pourparlers bilatéraux entre l’Iran et son pays. Le ministre iranien des Affaires étrangères, Ali Akbar Salehi, y avait répondu favorablement, tout en précisant que l’Iran chercherait à s’assurer que cette offre était bien « authentique » et non « sournoise ». La voie vers un accord américano-iranien est semée d’obstacles, etlaméfianceprofondeentrelesdeuxÉtats n’enestpaslemoinsimportant.Lesexperts ne sont guère optimistes sur la possibilité de progrès imminents. L’Iran va pour sa part certainement ajourner toute décision stratégique majeure jusqu’à l’élection, en juin, d’un nouveau président pour succéder à Ahmadinejad. Et les Américains

doivent, de leur côté, garantir à leurs alliés arabes du Golfe qu’ils ne tomberont pas sous la domination iranienne et qu’ils continueront à bénéficier de la protection américaine. OBSTACLES. L’État hébreu, proche allié

des États-Unis, constitue un obstacle plus grand encore. Les Israéliens s’opposent fermement à tout arrangement qui permettrait à l’Iran d’enrichir de l’uranium, même au niveau très faible de 3,5 %. Refusant la moindre concurrence à son formidable arsenal atomique, Tel-Aviv cherche depuis longtemps l’arrêt total du programme nucléaire de Téhéran. Il a ainsi assassiné plusieurs scientifiques iraniens et s’est joint aux États-Unis pour mener une guerre cybernétique contre les installations nucléaires de la

JOE BIDEN, vice-président des États-Unis, le 2 février

Le 10 février, à Téhéran, le président Mahmoud Ahmadinejad a fait un important discours où il s’est adressé aux ÉtatsUnis. « Cessez de braquer votre canon sur la tempe de la nation iranienne et je viendrai moi-même négocier avec vous », a-t-il déclaré. Au même moment, l’ambassadeur d’Iran à Paris affirmait à des fonctionnaires français que, si un accord était trouvé sur un programme de travail, l’Iran serait prêt à laisser les inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) examiner le site de Parchin, une installation de l’armée où auraient été effectuées des recherches nucléaires militaires. Ahmadinejad a lui-même répété que l’Iran était prêt à cesser d’enrichir de l’uranium à 20 % si la communauté internationale acceptait de fournir ce minerai pour le réacteur de recherche de Téhéran qui produit les isotopes nécessaires au traitement des cancéreux. ! LORS DES FUNÉRAILLES de Mostafa Ahmadi-Roshan, un scientifique iranien assassiné le 11 janvier 2012. N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient République islamique. Son belliqueux Premier ministre, Benyamin Netanyahou, a pendant des années exercé des pressions sur Obama pour que soit détruit le programme nucléaire iranien et – mieux encore – pour qu’il abatte le régime islamique.

J’ESPÈRE QUE LES POURPARLERS SERONT PRODUCTIFS ET QUE DES PROGRÈS CONCRETS SERONT RÉALISÉS EN VUE D’UNE SOLUTION NÉGOCIÉE. CATHERINE ASHTON, chef de la diplomatie européenne, le 5 février

MORTEZA NIKOUBAZL/REUTERS

Face à de tels obstacles, une préparation minutieuse est indispensable pour que les États-Unis et l’Iran puissent parvenir à un accord. Obama devra mobiliser un large soutien domestique en cas de confrontation avec les cohortes des forces pro-israéliennes en Amérique : des membres du Congrès qui défendent les intérêts de l’État hébreu quoi qu’il en coûte, de puissants lobbys comme

JEUNE AFRIQUE

l’Aipac, des barons des médias, de grands financiers juifs comme Sheldon Adelson, la phalange des stratèges néoconservateurs des think tanks de droite, d’influents fonctionnaires et de nombreux autres acteurs acquis à Israël. Le coût politique d’une telle audace pourrait être très élevé. Élu pour un second mandat, Obama jouit toutefois d’une liberté et d’une autorité plus étendues qu’auparavant. Les 20 et 21 mars, le président américain doit se rendre en Israël, ce qu’il n’avait pas fait au cours de son premier mandat. Cette visite sera la première à l’étranger de son second mandat – tout un symbole. La Maison Blanche aimerait laisser entendre qu’elle annoncera une initiative majeure, que ce soit sur le conflit israélo-palestinien ou sur l’Iran, mais Obama ne pourra éluder certaines questions. Il pourrait toutefois choisir de les évoquer lors de ses entretiens privés avec les dirigeants israéliens plutôt qu’en public. On s’attend à un message en deux volets: Israël ne doit plus tarder à accorder la souveraineté aux Palestiniens, aussi douloureux que cela puisse être, et devrait prendre garde à ne pas faire de l’Iran un ennemi éternel. Ces deux conflits risquent d’isoler Tel-Aviv sur la scène internationale et de menacer ses intérêts à long terme, sinon son existence même. Durant son premier mandat, Obama a su résister aux pressions de Netanyahou, qui voulait l’amener à déclarer la guerre à l’Iran. Un demi-succès toutefois, puisque Obama n’a pu apaiser le bellicisme du Premier ministre israélien qu’en imposant à Téhéran un train de sanctions d’une sévérité sans précédent. Celles-ci ont divisé par deux les exportations pétrolières de l’Iran, provoqué l’effondrement de sa monnaie, entraîné une inflation galopante, rompu ses liens avec les banques internationales et infligé de graves difficultés à sa population. La question clé aujourd’hui est la suivante : quelles sont les intentions d’Obama? Cherche-t-il la chute du régime islamique, comme le souhaiterait Israël, ou veut-il simplement limiter ses ambitions nucléaires ? S’il vise le changement de régime, alors les sanctions devront être encore alourdies et prolongées indéfiniment. Mais si le but d’Obama est d’obtenir un accord avec les Iraniens, alors il doit au moins accéder à certaines de leurs demandes, comme l’allègement des sanctions, l’acceptation du droit iranien, garanti par le traité de non-prolifération,

à enrichir de l’uranium à un faible degré à des fins pacifiques, la reconnaissance de ses intérêts sécuritaires, de la légitimité du régime islamique né de la révolution de 1979 et de son rang de puissance régionale majeure. AUDACE. Le P5+1 est si divisé qu’il est peu

probable qu’il améliore substantiellement sa dernière et très mince offre, qui consistait à proposer quelques pièces détachées d’avion si l’Iran abandonnait son programme d’enrichissement à 20 %, la carte maîtresse de son jeu. C’est la paralysie des négociations avec le P5+1 qui a accrédité l’idée que des progrès pourraient venir de pourparlers bilatéraux entre Américains et Iraniens, et peut-être même d’une rencontre au sommet entre le président Obama et l’ayatollah Khamenei. Pour qu’un tel sommet ait lieu et réussisse, les États-Unis devront changer d’approche. Le Guide suprême a fait clairement comprendre que l’Iran ne négocierait pas sous la menace d’une attaque. Des concessions seront nécessaires. Et, surtout, l’Iran veut êtretraitéavecrespect.Telestledéfiauquel Obama fait face. Enfin, n’oublions pas qu’il n’y a jusqu’à présent pas la moindre preuve que l’Iran ait décidé de fabriquer des armes nucléaires. Il n’a pas non plus développé de vecteur fiable pour atteindre Israël, concentrant ses efforts sur des missiles de moyenne portée. Il est en outre dépourvu de capacité de seconde frappe. Comme le président Ahmadinejad l’a souligné pendant sa visite au Caire au début de février, l’Iran n’a pas l’intention d’attaquer Israël. Sa position est purement défensive.

CESSEZ DE BRAQUER VOTRE CANON SUR LA TEMPE DE LA NATION IRANIENNE ET JE VIENDRAI MOI-MÊME NÉGOCIER AVEC VOUS. MAHMOUD AHMADINEJAD, président de la République islamique d’Iran, le 10 février

Si Obama voulait agir avec audace et inspiration, il pourrait désamorcer un problème tenace qui empoisonne la région depuis des années. Il est temps pour les États-Unis de faire revenir l’Iran dans la communauté des nations régionales et de mettre un terme à trente-quatre années d’hostilité ininterrompue. ● PATRICK SEALE N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

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Maghreb Moyen-Orient

AMIN/NEW PRESS/SIPA PRESS

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! OBSÈQUES D’ABDERRAZAK BOUHARA, le 11 février, à Alger. ALGÉRIE

Le FLN orphelin Avec la mort soudaine d’Abderrazak Bouhara, la perspective d’un secrétaire général consensuel pour diriger le premier parti du pays jusqu’à la tenue du prochain congrès semble s’éloigner.

P

ressenti pour succéder à Abdelaziz Belkhadem, secrétaire général du Front de libération nationale(FLN,ex-partiunique), destitué le 31 janvier après un vote de défiance du Comité central, Abderrazak Bouhara, 79 ans, ancien coordonnateur de l’appareil du parti dans les années 1980, est décédédixjoursplustard,emportéparune crise cardiaque. Un scénario catastrophe pour la première force politique du pays au lendemain de deux échéances électorales qu’elle a largement remportées et à un an d’une présidentielle (prévue en avril 2014) cruciale pour l’avenir de l’Algérie. La destitution de Belkhadem a été des plus démocratiques, le secrétaire général sortant ayant été battu de quatre voix (160 contre 156) lors d’un vote à bulletin secret. La majorité du Comité central a ensuite opté pour un successeur consensuel jusqu’à la tenue du 10e congrès ordinaire, N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

prévu au second semestre 2013. Dans un parti éclaté en trois grandes tendances (voir J.A. no 2713), Abderrazak Bouhara était la seule personnalité répondant à ce profil : ancien officier de l’Armée de libération nationale (ALN), historien et jouissant d’une grande expérience au sein du sérail, il aurait pu être ce fédérateur dont le FLN avait grandement besoin. Sa disparition a plongé le parti, direction et militants, dans un grand désarroi, car l’option du candidat consensuel est définitivement enterrée. « Le FLN est aujourd’hui contraint de revenir au sandouq [l’urne, NDLR] pour se choisir un nouveau secrétaire général, déclare Abdelhamid Si Affif, membre du Bureau politique, d’autant plus que nous venons d’adhérer à l’Internationale socialiste, une institution pointilleuse en matière de pratique démocratique. » Si Affif était « comptabilisé » parmi les soutiens du

secrétaire général sortant, le camp des « redresseurs » n’a pas tardé à répliquer. « Nous poursuivons nos concertations, a réagi Abdelkrim Abada, ancien bras droit d’Ali Benflis, prédécesseur de Belkhadem, pour tenter de trouver une personnalité qui puisse fédérer l’ensemble de la famille FLN. » Le fonctionnement du parti étant quasiment gelé depuis le 31 janvier, cette quête de l’oiseau rare devra se faire très vite, soit avant la tenue de la prochaine session du Comité central, dont la date devait être fixée lors d’une réunion du Bureau politique, le 14 février. Deux options se présentent, toutes deux pleines d’incertitudes. L’une découlerait d’une quête fructueuse du fameux candidat de consensus, l’autre d’une décision par la voie des urnes. ANCIENNES FIGURES. Pour la pre-

mière, le FLN devrait puiser dans ses réserves d’anciens dirigeants, parmi lesquels figurent Rabah Goudjil, 78 ans, actuellement membre du Conseil de la nation (Sénat), ex-ministre de Chadli Bendjedid (c’est dire son ancienneté) et l’un des plus farouches opposants de Belkhadem, ou Abderrahmane Belayat, JEUNE AFRIQUE


Coulisses

LA VOIE DES URNES. Reste la seconde option : la voie démocratique et le choix par l’urne. Quelques heures après la destitution d’Abdelaziz Belkhadem, une commission de candidature a été installée. « Pour l’heure, nous avons enregistré huit candidatures », affirme Abdelhamid Si Affif, sans autre précision sur le nom des postulants, si ce n’est la présence de deux députées. Une femme à la tête du FLN ? Peu probable tant les structures du parti ont toujours été déficitaires en matière de représentation féminine. L’atout jeunesse? « Plus de 80 % de nos militants ont moins de 60 ans et disposent de diplômes supérieurs », assure Si Affif. Dans un parti de dinosaures, être jeune signifie avoir moins de 60 ans. On a les critères qu’on peut. Consolation pour le FLN, il n’est pas la seule formation politique à connaître des problèmes de direction. Le Rassemblement national démocratique (RND) traverse une bourrasque, le Front des forces socialistes (FFS) vit une crise de succession, et même le très stable Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD, laïc) est secoué par une dissidence qui exige le retour de Saïd Sadi, président démissionnaire en mars 2012, après vingt-trois années passées à la tête du parti. ● CHERIF OUAZANI JEUNE AFRIQUE

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ISRAËL-PALESTINE LA GUERRE… DES VIEILLES PIERRES À Jérusalem, ville sainte des trois monothéismes et capitale théorique de deux États, deux événements récents sont venus illustrer à nouveau la « guerre pour l’histoire » entre Juifs et Arabes, dont la finalité reste la démonstration par la pierre de la légitimité des deux peuples à posséder la terre disputée. Le 6 février, une pelleteuse est venue broyer d’anciens édifices sur l’esplanade qui s’étend le long du Mur des lamentations au pied de la mosquée Al-Aqsa, afin de construire un complexe comprenant un musée et une synagogue. La Fondation Al-Aqsa et le mufti de la mosquée ont exprimé leur colère et dénoncé un projet de judaïsation du site. Dans la même cité, une exposition sur le roi Hérode le Grand, inaugurée le 12 février au musée d’Israël, fait aussi polémique: nombre de pièces proviendraient de fouilles effectuées en Cisjordanie occupée, illégales selon le ministre palestinien du Tourisme et de la Culture, qui a dénoncé « une agression contre les droits culturels des Palestiniens sur leur propre terre ». ● ! Exposition sur le roi Hérode le Grand, inaugurée le 12 février AU MUSÉE D’ISRAËL.

DEBBIE HILL/ABACA PRESS

79 ans, doyen des membres du Bureau politique. Autre solution préconisée dans la recherche d’une personnalité consensuelle, le choix d’un membre FLN du gouvernement. La candidature d’Amar Tou, ministre des Transports et animateur du mouvement de redressement qui a emporté Belkhadem, a été envisagée, mais l’intéressé s’est défilé. Parmi les ministres d’Abdelmalek Sellal, le nom d’Abdelaziz Ziari, titulaire du maroquin de la Santé, ancien président de l’Assemblée populaire nationale (APN, chambre basse du Parlement) et incarnation du courant moderniste au sein du FLN, est de plus en plus évoqué. Une telle éventualité constituerait une seconde défaite pour Belkhadem tant les deux hommes se détestaient cordialement. Une troisième personnalité pourrait faire consensus : Abdelkader Hadjar, ambassadeur d’Algérie à Tunis, et surtout grande gueule du FLN et agitateur permanent devant l’Éternel. Mais ce « singulier diplomate » compte de nombreux adversaires au sein du Comité central, d’autant qu’il tient à son poste d’ambassadeur.

Maghreb & Moyen-Orient

BAHREÏN LACRYMOS D’ANNIVERSAIRE De nombreuses manifestations ont marqué, à Bahreïn, le deuxième anniversaire du début de la contestation, le 14 février 2011. La commémoration a commencé dans le sang, avec la mort d’un manifestant, tué par les forces de l’ordre d’un tir de chevrotine. L’opposition réclame en vain depuis deux ans la fin des discriminations qui touchent la majorité chiite et l’élection par le Parlement du Premier ministre, jusqu’à présent nommé par le roi. ÉGYPTE POLICE REBELLE Des policiers se sont massés par centaines au Caire et dans les grandes villes d’Égypte le 12 février pour protester contre leur instrumentalisation par le régime, qui tantôt les utilise pour réprimer

violemment les manifestations, tantôt en fait des boucs émissaires quand des bavures surviennent. Des slogans empruntés à la révolution ont été scandés par certains groupes : « Le ministère n’a pas changé, des bandits et des voleurs ! » ont-ils scandé à Alexandrie. SYRIE C’EST LA POÉSIE QU’ON ASSASSINE Les iconoclastes salafistes s’en prennent systématiquement aux statues, qu’ils tiennent pour des signes d’impiété. En Syrie, des miliciens de la Jabhat al-Nosra, une organisation jihadiste, sont ainsi accusés d’avoir décapité la statue du poète de l’âge classique Abou al-Ala al-Maarri dans sa ville natale de Maarat al-Nouman, dans le Nord-Ouest. L’auteur de Risalat al-Ghofran (« la lettre du pardon ») était un pessimiste notoire. Les faits lui donnent raison… N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013


Europe, Amériques, Asie

FRANCE

Nathalie, Anne, Les élections municipales auront lieu dans un peu plus de un an. À Paris, les hostilités sont à peine engagées mais, déjà, une guerre des dames se profile. HENRI MARQUE

U

n jeune conseiller de l’Union pour un mouvement populaire (UMP) de Paris, Pierre-Yves Bournazel, a trouvé la bonne formule pour la plus embléma- Nathalie tique des élections muni- Kosciuskocipales de mars 2014 : l’élection du maire Morizet de Paris, triomphalement inaugurée le • Naissance : 20 mars 1977 par Jacques Chirac, puis 14 mai 1973 constamment remportée par la gauche à Paris depuis la victoire de Bertrand Delanoë, en • Profession : ingénieure mars 2001. « Ce sera une élection temps (Polytechnique) plein, pas tremplin », prédit Bournazel, qui pourrait y concourir lui-même pour • Députéemaire UMP de l’exemple. Le jeu de mots est facile, mais Longjumeau, le slogan risque d’être assassin. Essonne (depuis Candidate favorite de la gauche, Anne 2008) Hidalgo s’est empressée de le reprendre • Ministre de l’Écologie, du à son compte, l’enrichissant au passage Développement d’un autre emprunt explosif à la droite : durable, des « L’élection municipale de Paris ne doit pas Transports et être volée pour d’autres ambitions. » Volée? du Logement C’est l’accusation lancée par François Fillon (2010-2012) contre Jean-François Copé à l’aube de la • Porte-parole de nuit des longs couteaux, où son rival s’était la campagne de autoproclamé vainqueur de la primaire Nicolas Sarkozy (2012) pour la présidence de l’UMP. Dans ce procès anticipé de toute candidature qui prétendrait se servir de Paris plutôt que de servir les Parisiens, les socialistes reçoivent même l’appui des centristes de Jean-Louis Borloo: « Les électeurs ne supportent plus le tourisme électoral. » DÉFAITES. Est-ce la fin de la flamboyante référence

chiraquienne, dont les gaullistes avaient fait une doctrine en deux articles ? 1. La droite ne peut gagner à Paris que si elle présente une personnalité de haute notoriété et de stature étatique. 2. Son candidat doit avoir pour mission de consolider à l’Hôtel de Ville ses chances de conquérir l’Élysée pour son camp. N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

HAMILTON/REA

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JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie

Rachida et les autres

Sauf qu’après Chirac, rappelle Borloo, la droite a subi les défaites successives de Philippe Séguin et de Françoise de Panafieu. Et que Chirac luimême, fidèle à sa chère Corrèze, n’aurait Anne jamais envisagé de faire carrière à Paris si « la moutarde ne lui était montée au nez », Hidalgo comme il l’a raconté, lorsqu’il entendit à • Naissance : la télé Michel d’Ornano annoncer sa can19 juin 1959 à San Fernando didature après un entretien avec Valéry (Espagne) Giscard d’Estaing: « Devant cette insolence • Profession : qui visait à éliminer les élus gaullistes de inspectrice l’Hôtel de Ville, j’ai décidé de me battre avec du travail les miens. » Habitué à parcourir la politique • Première au galop, il réussit en moins d’un semestre adjointe l’exploit de démissionner de Matignon, en au maire août; de se faire élire président du nouveau de Paris chargée de l’urbanisme et Rassemblement pour la République (RPR), de l’architecture en décembre; puis maire de Paris, en mars. (depuis 2001) Fillonpeut-ilrééditeraujourd’huipareille • Conseillère performance ? Il a longtemps bénéficié régionale d’atouts comparables : le quasi-plébiscite d’Île-de-France dessondages;lebonsouvenirqu’unemajo(depuis 2004) rité de Français garde de son action à la tête du gouvernement; la double particularité, surtout, d’une élection parisienne à la fois très personnalisée, où l’image et la dimension jouent un rôle prépondérant, et très politisée, où la dégradation économique et sociale devrait aggraver les risques d’un vote sanction. Comme en 1983, où la gauche perdit trente et une villes de plus de 30000 habitants dans le grand virage de la rigueur.

DENIS ALLARD/REA

RÉFLEXION. Seulement voilà, Fillon a trébuché sur

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la deuxième marche: la direction du parti. La crise interne de l’UMP a tout changé. On comprend que l’ancien Premier ministre ait demandé un long délai de réflexion avant de se prononcer. Paraphrasant à rebours la confidence de Hollande à Bamako sur « le plus beau jour de sa vie politique », on imagine qu’il traverse aujourd’hui l’épreuve la plus difficile de sa carrière. Rares sont ceux à l’UMP qui, tel Brice Hortefeux, continuent de voir en lui « le candidat légitime et naturel » de la droite à l’Hôtel de Ville. La plupart lui conseillent la plus grande prudence face à un pari où il aurait tout à perdre dans le naufrage de ses espérances élyséennes, et relativement peu à gagner en comparaison, malgré le prestige, l’influence et les immenses moyens matériels de la mairie de Paris avec ses 50 000 fonctionnaires et ses 8 milliards de budget annuel. Évincé de la présidence de l’UMP, qu’il devait remporter haut la N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

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Europe, Amériques, Asie ● ● ● main pour devenir le chef de l’opposition, Fillon neserelèveraitsansdoutepasd’undeuxièmeéchec. C’est pourquoi on s’attend à ce qu’il annonce son retrait lors de son meeting de rentrée, le 26 février. « C’est la rumeur qui court, convient Nathalie Kosciusko-Morizet. Mais il faudrait qu’il le dise clairement. » Ancienne ministre du Développement durable et porte-parole de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy, elle serait la mieux placée, d’après les sondages, pour remplacer François Fillon. Mais elle refuse, malgré les pressions médiatiques, de se déclarer, se bornant à affirmer que la reconduction de la gauche « n’est pas une fatalité ». Cette battante est aussi une patiente qui a appris avec l’écologie que tout finit par se recycler.

DAUPHINE. À gauche, la situation est plus claire et

les choix sont plus simples, un peu trop même, au point que le principal problème d’Anne Hidalgo, adoubée dès 2005 par Bertrand Delanoë, sera de ne pas apparaître comme une candidate officielle imposée par le fait du prince. Ne l’appelle-t-on pas « la dauphine » à tous les étages de l’Hôtel de Ville et dans tous les médias, au vif agacement de monsieur le maire, qui trouve l’appellation « complètement débile ». Et conseille à l’occasion, sans convaincre: « Ne m’enterrez pas trop vite. » Son principal contestataire, le maire adjoint JeanMarie Le Guen, s’insurge contre un arrangement amiable qui renie les traditions de la gauche sans exclure pour autant un effet boomerang comme celui qui fut fatal à Ségolène Royal aux dernières législatives. Mais il hésite manifestement à se présenter contre elle à la primaire envisagée pour l’automne. Loin encore de l’arrivée, Hidalgo est donc bien partie et peut se targuer, preuves à l’appui, de l’exclusivité de sa « passion pour Paris ». Alors

ÉRIC DESSONS/JDD/SIPA

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! RACHIDA DATI. L’ex-garde des Sceaux ne cache pas ses ambitions. Une bataille de dames, « ça aurait de la gueule », dit-elle.

que certains l’auraient bien vue à la tête du Parti socialiste (PS) après le départ de Martine Aubry, elle s’est tenue à l’écart de la compétition, puis a obstinément refusé le portefeuille ministériel que François Hollande, après Jean-Marc Ayrault, lui a proposé lorsqu’il lui a remis la Légion d’honneur, en septembre 2012. Une partie de son site web s’appelle « Oser Paris », et son livre, dont la sortie est prévue au printemps, aura pour titre Ma bataille de Paris. Jusqu’à la fin, elle se comportera comme la candidate exemplaire du Paris à temps plein. Une femme à la tête de la capitale la plus visitée au monde, cela serait une première véritablement « historique ». Une bataille de dames pour la conquérir, également jeunes, ambitieuses, compétentes et combatives, « ça aurait de la gueule », s’exclame Rachida Dati. Une connaisseuse qui a déjà réservé sa place sur la photo ! Elle va être servie puisque, le 14 février, Nathalie Kosciusko-Morizet a fini par déclarer sa candidature. ●

QUI SÉDUIRA LES BOBOS?

O

ù sont passés les bobos, ces électeurs d’un nouveau type qui ont créé la surprise – on dirait aujourd’hui le buzz – en contribuant massivement à la victoire de Delanoë ? Contraction de « bourgeois bohèmes », ils n’ont cessé depuis d’intriguer l’entomologie politique. Difficile de les compter dans leur identité multiple, qui se définit moins par une solidarité de conviction que par une communauté de goûts et de tendances. Mais ils sont toujours là, croissant et se multipliant N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

avec l’augmentation des cadres et des élites dans la capitale. On les décrit généralement comme les héritiers des soixantehuitards, hier gauche caviar et guévaristes au nom d’un dandysme parisianiste, aujourd’hui écolos par branchitude, volontiers critiques d’une croissance jugée inégalitaire, mais attachés à leur réussite personnelle dans une économie néolibérale, électeurs enfin de François Hollande, mais par rejet surtout de Nicolas Sarkozy. À l’Est, du nouveau.

Jusqu’aux années 1990, le clivage gauche-droite à Paris reconduisait d’une élection à l’autre la bipolarité sociale et la démographie urbaine au profit quasi automatique de la coalition gaullo-centriste. Le rapport des forces s’est inversé avec l’arrivée des bobos dans les quartiers populaires de l’Est rénovés ou en cours de réhabilitation sous l’effet des hausses immobilières. Le géographe Christophe Guilli observait alors que, « paradoxalement, ce basculement à gauche de

l’Est parisien est d’abord la conséquence de son embourgeoisement », par l’implantation d’une nouvelle classe moyenne supérieure, plus jeune, moins aisée et plus intellectuelle que la bourgeoisie traditionnelle, produit durable d’une société en mouvement. D’un poids politique considérable, elle continuera sans doute d’influer sur les résultats de l’élection municipale selon les réponses que la gauche et la droite sauront apporter H.M. à ses attentes. ● JEUNE AFRIQUE


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antimissiles PAC-3, mais aussi à l’achat de carburant pour les avions d’alerte précoce et à la recherche d’une technologie radar capable de détecter des petits avions à longue distance. Autant de projets destinés dans un futur proche au renforcement de la surveillance des eaux territoriales autour des Senkaku. Si cette demande est entérinée par le ministère des Finances, le budget de la défense sera porté à 41 milliards d’euros. Soit 1 % du PIB. Cette augmentation traduit certes la volonté du Premier ministre de renforcer la défense de son pays. Mais certains achats (destroyers porte-hélicoptères aux dimensions de porte-avions, 42 avions de chasse furtifs F-35, 6 sous-marins) avaient été prévus de longue date par les gouvernements précédents, pourtant plus pacifistes.

ENTRE MARTEAU ET ENCLUME. Le budget militaire japonais est le sixième de la planète. Avec une armée de 240 000 ! BÂTIMENTS DE LA FORCE D’AUTODÉFENSE MARITIME JAPONAISE en octobre 2012. ASIE hommes disposant d’équipements de pointe (missiles à longue portée, sousmarins nucléaires ultrasophistiqués, croiseurs capables de détruire en vol Face à la montée en puissance de la Chine, le Japon augmente son des missiles balistiques), ce pays apparaît de plus en plus aux yeux des autres budget défense, réarme et multiplie les accords de coopération nations asiatiques, désormais résolues militaire avec des pays qui eurent naguère à souffrir de sa tyrannie. à tirer un trait sur le passé, comme la seule puissance navale capable de tenir a montée en puissance tête à la Chine. Pris entre le marteau attachée au pacifisme constitutionnel. militaire et les activités chinois et l’enclume américaine, le Japon Le symbole n’en est pas moins fort maritimes de la Chine tisse sa toile et multiplie les partenariats dans cette Asie du Nord-Est où les tensont pour nous un sujet sions entre le Japon et la Chine à propos stratégiques régionaux, tant pour la sécude préoccupation », a déclaré le 31 janvier des îles Senkaku, mais aussi, dans une risation des routes maritimes (accord moindre mesure, la Corée du Sud pour Shinzo Abe, le Premier ministre consermilitaire avec les Philippines, juin 2012) la souveraineté sur les îles Dokdo ne vateur. Qui, dans la foulée, a annoncé que pour la lutte contre le terrorisme son intention d’amender la Constitution cessent de s’envenimer. Et ne parlons (Inde, 2006 ; Australie, 2008). pacifiste en vigueur depuis 1947. Imposée même pas de la menace de déstabilisaEn2004,l’envoidetroupesjaponaisesen par les États-Unis, celle-ci stipule que le Irak dans un but humanitaire et Japon renonce à la guerre en tant que de reconstruction avait fait grand « Nous avons remisé droit souverain dans le règlement des bruit. Aujourd’hui, l’importante au placard nos cauchemars de aidemilitaireapportéeàplusieurs conflits internationaux. la Seconde Guerre mondiale. » pays d’Asie du Sud-Est (entraîneVenant d’un nationaliste pur et dur comme Abe, qui a ramené le Parti libéral ment des troupes au Cambodge, démocrate (PLD) au pouvoir à la faveur tion de la péninsule coréenne que font encadrement et aide logistique au Timor des législatives de décembre 2012, l’anpeser les essais nucléaires entrepris par oriental) passe totalement inaperçue. C’est nonce a jeté un froid en Chine et en Corée Pyongyang… pourtant une première depuis la Seconde du Sud, toujours promptes à rappeler le Pour la première fois depuis onze Guerre mondiale! passé militariste nippon. Rien ne justifie ans, le budget japonais de la Défense Face à une Chine de plus en plus avide pourtant un quelconque affolement. Il devrait augmenter en 2013-2014 de et agressive, les cartes sont en effet redissera en effet très difficile de modifier la 1,6 milliard d’euros. Cette somme est tribuées. Certaines nations (Thaïlande, Constitution. D’abord parce que le pronotamment destinée à la modernisation Philippines, Vietnam, Indonésie) qui, cessus d’amendement requiert une majode quatre chasseurs F-15, à l’acquisition dans le passé, eurent à pâtir des atrocités rité des deux tiers au Parlement. Ensuite d’hélicoptères, de drones d’observation nippones sont prêtes à passer l’éponge parce que la population demeure très Global Hawk et de nouveaux systèmes et à se ranger derrière l’ennemi d’hier

Renversement d’alliances

«

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JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie contre celui d’aujourd’hui. « Nous avons remisé au placard nos cauchemars de la Seconde Guerre mondiale. Face à la menace chinoise, il n’y a plus à réfléchir », explique par exemple le Philippin Rommel Banlaoi, de l’Institut de recherche sur la paix, la violence et le terrorisme, à Manille. Inquiets eux aussi de l’accroissement de la puissance militaire chinoise, les

États-Unis ne demandent pas mieux que de voir le Japon s’engager plus fermement à leurs côtés. Le 19 janvier, Hillary Clinton, la désormais exsecrétaire d’État, a clairement indiqué que, pour son pays, les Senkaku étaient légalement administrées par le Japon. C’était tout à la fois un avertissement à Pékin et un appel à la coopération à l’adresse de Tokyo.

Alors, assiste-t-on vraiment à un réarmement, voire à une remilitarisation de l’archipel ? À bien y regarder, il s’agit plutôt d’un repositionnement historique sur la scène internationale et régionale. Mais c’est vrai, ce repositionnement comporte de sérieux risques de dérapage dans une Asie devenue une véritable poudrière. ● JULIETTE MORILLOT

ÉTATS-UNIS

Que les gros donateurs lèvent le doigt! Pour espérer obtenir une ambassade prestigieuse – Londres, Paris, Pékin et quelques autres –, il faut avoir versé au moins un million de dollars pour faire réélire Barack Obama.

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ourmoinsde1milliondedollars, t’as plus rien. Enfin, pas grandchose. C’est ce que doivent se dire certains gros donateurs de la campagne électorale de Barack Obama qui, avec la réélection de leur champion à la présidence, espéraient un retour sur investissement. Sous la forme, par exemple, d’un poste d’ambassadeur des États-Unis dans un pays d’Europe occidentale. Or s’il faut en croire le New

York Times, il faut pour cela avoir contribué à lever plus de 1 million de dollars… Dès la réélection d’Obama, ses principaux soutiens ont commencé à jouer des coudes. Anna Wintour, la très médiatique directrice du magazine Vogue US, avait des vues sur le poste le plus prestigieux : l’ambassade à Londres. Las, celleci devrait échoir à Matthew Barzun, le directeur de la campagne de levée de fonds. Toujours selon le New York Times, Wintour a, dans la foulée, fait savoir à l’administration qu’elle renonçait à briguer le poste d’ambassadeur à Paris. Lequel pourrait revenir à Marc Lasry, directeur d’un hedge fund et principal relais d’Obama auprès de Wall Street. OPACITÉ. Quelque trois

RON SACHS / REX FEATURE/REX/SIPA

cents postulants se disputant une trentaine de postes… La lutte est forcément âpre. Et pas toujours très transparente. Mais il y a quand même quelques règles à suivre. Pour augmenter ses chances, mieux vaut ainsi viser plusieurs pays. Et se préparer à ne rester en poste que deux ans pour permettre au président de récompenser d’autres généreux bienfaiteurs. Ceux qui ont des liens ! MATTHEW ET BROOKE BARZUN. Le directeur de la campagne de levée de fonds devrait être nommé à Londres. JEUNE AFRIQUE

avec le pays d’accueil sont évidemment avantagés. Les candidats les plus fortunés aussi. Car le traitement d’un ambassadeur – 179 700 dollars par an maximum (134 400 euros), plus le logement – ne suffit pas toujours à couvrir ses dépenses. Selon l’American Foreign Service Association, Obama a jusqu’à présent respecté la tradition en nommant environ 70 % de diplomates de métier – à qui échoient toujours les ambassades les plus dangereuses (Yémen, Libye, etc.) –, et 30 % d’amis politiques, qui affichent une prédilection marquée pour les ambassades en Europe, mais aussi dans les Caraïbes et, de plus en plus, dans certains pays d’Asie comme la Chine. Selon deux chercheurs de l’université de Pennsylvanie, un important donateur a 90 % de chances d’être nommé dans un de ces pays plutôt qu’en Asie centrale ou en Afrique subsaharienne. ARROGANCE. Mais que valent ces ambassadeurs très politiques ? Leur meilleur atout est évidemment leur proximité avec le président. Le revers de la médaille, c’est parfois une certaine arrogance. Le pire exemple en est Cynthia Stroum, une importante donatrice de la première campagne d’Obama, qui, nommée au Luxembourg, démissionna en janvier 2011, un mois avant la sortie d’un rapport de l’inspection générale du département d’État critiquant son style de management. Une erreur de casting qu’Obama, qui annoncera ses choix au cours de ce premier semestre, ne veut surtout pas reproduire. ● JEAN-ÉRIC BOULIN, à New York N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

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PARCOURS | D’ici et d’ailleurs

David Baiot Ainsi soit-il Cet acteur gabonais a été révélé au grand public par le feuilleton français à succès Plus belle la vie.

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ans son appartement parisien, loin du mistral et du décor marseillais ensoleillé où se déroule le feuilleton Plus belle la vie, David Baiot garde toujours quelques jeans et tee-shirts dans une valise. Prêt à repartir vers la cité phocéenne pour jouer Djawad, le personnage que ce comédien gabonais de tout juste 30 ans incarne depuis bientôt trois ans et dont il partage la tchatche, le tutoiement automatique et le sourire rayonnant. « Jouer dans Plus belle la vie, c’est beaucoup d’engagement, mais le public s’y reconnaît énormément. Djawad est même populaire auprès des grands-mères ! » Pourtant, l’histoire de David Baiot n’a pas grand-chose en commun avec celle de son personnage. Né à Libreville, arrivé en France à l’âge de 6 ans, l’acteur n’a jamais eu la nationalité française : « Je suis gabonais avant tout. » Sa maman, originaire de Côte d’Ivoire, est venue s’installer à Paris pour devenir gardienne d’immeuble après s’être séparée de son père. Depuis, David Baiot vit dans la capitale, évoluant dans un milieu modeste et sage. Le jeune homme aux goûts simples s’intéresse d’abord à la radio et au travail de la voix après des études en communication. C’est par le biais d’une amie qu’il se retrouve devant la caméra pour Seconde Chance, feuilleton d’une saison diffusé sur la chaîne française TF1. Puis tout s’accélère quand une directrice de casting le contacte afin de passer des essais pour Plus belle la vie. Auditionné pour trois personnages différents, c’est finalement pour incarner le « bad boy » qu’il est choisi. « C’est une vraie famille, on a la chance d’être très bien accueilli. Sur le plateau, je peux me lâcher, je connais Djawad par cœur, il passe par moi. Ça m’amuse, mais le danger est de s’y enfermer », avoue le jeune homme. Ainsi, quand il a eu l’occasion de se présenter à un casting pour le

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! « UNE FOIS QUE JE SERAI RETOURNÉ EN AFRIQUE, je serai complet », confie l’artiste.

rôle d’Emmanuel dans Ainsi soient-ils, série dramatique diffusée sur Arte avec une belle audience de plus de 1,3 million de spectateurs, il n’a pas hésité. L’écriture de la saison 2 est en cours, et Baiot a hâte d’y retourner : l’envie se lit dans ses yeux. « Même mes amis appellent encore ça le “truc avec les prêtres” », s’amuse-t-il. Si incarner un jeune homme entrant au séminaire peut paraître incongru, cela ne l’a pas été pour lui : « À la lecture du script, je me suis dit que le personnage avait été écrit pour moi. J’ai reçu une éducation catholique, ça me parle beaucoup. Emmanuel a peur de ce qu’il est, il subit

une profonde remise en question. Il est moi, c’est quelqu’un que j’aurais pu être. C’est un rôle beaucoup plus intérieur, qui m’a ouvert de nouvelles voies et m’a permis de montrer que je pouvais faire autre chose. » Le thème de la religion et du catholicisme : comme un premier pas pour se rapprocher de ses origines. « Ma sœur va tous les ans voir mes cousins au Gabon, mais je n’ai jamais pris le temps d’y retourner. Pourtant, c’est un truc qui me manque. Je sens un lien avec l’Afrique, des racines qui font partie de moi. L’éducation occidentale que j’ai reçue n’a rien effacé. Une fois que j’aurai fait ce voyage initiatique, JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie

Même en France, il n’y a pas beaucoup de réalisateurs africains qui peuvent faire appel à lui. De rares opportunités qu’il faut apprendre à saisir. « J’ai tourné avec Merzak Allouache un téléfilm très amusant, Tata Bahkta, diffusé sur France 2. Le scénario m’a beaucoup touché, parce que Merzak a lui aussi une obsession avec ses racines algériennes. » Bien sûr, certains y arrivent, comme la Française d’origine sénégalaise Aïssa Maïga, nommée comme meilleur espoir féminin aux Césars, en 2007. David Baiot y croit, prêt à dégainer des armes qui ont pour nom sympathie et motivation. Quitte à écrire lui-même le scénario qui le ramènerait vers le Gabon. À la réalisation ? « Alain Chabat ! rigole le jeune homme. Je suis un fan de ce qu’il fait et de toute la culture des années 1990 qu’il représente. J’ai grandi avec les comédies de l’époque. Ou bien, dans un genre différent, Michael Haneke, que j’admire dans sa façon de raconter des histoires anodines avec profondeur, de montrer la part d’ombre de chaque être humain. » Autant d’envies qui lui donnent l’énergie de continuer. En attendant, il se diversifie, donne des coups de main à des amis commeWilliam S.Touitou sur son court-métrage Héros. Et le meilleur dans tout ça ? « Les gens commencent à me suivre, d’une série à l’autre, en tant que comédien. Ils me séparent de mes personnages et c’est très gratifiant. » ●

BRÉSIL

Grandeur et décadence L’ancien président Lula da Silva, icône dans son pays, se retrouve, à tort ou à raison, impliqué dans un énorme scandale de corruption.

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ancien président Luiz Inácio Lula da Silva (2003-2010) était jusqu’ici épargné par l’énorme scandale de corruption dans lequel se débat son Parti des travailleurs (PT), le « mensalão » (« les grosses mensualités »), comme disent les Brésiliens. Le voici à son tour mis en cause. Le 7 février, Roberto Gurgel, le procureur général du Brésil, a transmis au ministère public de l’État de Minas Gerais (Sud-Est) les accusations portées en septembre 2012 – et rendues publiques trois mois plus tard – par le publicitaire Marcos Valério Fernandes contre l’ancien chef de l’État. Celui-ci aurait été au courant du vaste système d’achat de votes mis en place durant son premier mandat, entre 2003 et 2005. Des élus, des ministres, des entrepreneurs, des banquiers avaient en effet été chargés de s’assurer le soutien des membres de la coalition aux projets de loi gouvernementaux. Sur les 37 accusés, 25 ont été reconnus coupables. L’ancien Premier ministre José Dirceu est l’un d’eux : il a été condamné à dix ans et dix mois de prison pour avoir orchestré le détournement de 60 millions d’euros destinés à acheter des votes. C’est une grande – et fâcheuse – première au Brésil. Ayant lui-même écopé de quarante ans de réclusion, Marcos Valério Fernandes accuse donc Lula de n’avoir rien ignoré

du système, mais aussi – et c’est évidemment plus grave – d’en avoir, à l’occasion, personnellement bénéficié. Le publicitaire jure ainsi avoir, en 2003, viré 50 000 dollars sur le compte bancaire d’un proche collaborateur du président. FAUTE DE PREUVES. En 2006, le scan-

dale du mensalão avait failli coûter sa réélection à Lula. Blanchi par la justice, faute de preuves, il avait réussi à regagner la confiance des Brésiliens. Puis, quatre ans plus tard, à faire élire à sa place sa candidate, Dilma Rousseff. L’homme politique le plus populaire du Brésil – il a sorti de la pauvreté 40 millions de ses compatriotes et fait de son pays une grande puissance économique – n’occupe plus aujourd’hui de fonction publique et ne bénéficie donc plus d’aucune immunité judiciaire. Après examen du dossier en première instance, le juge aura deux possibilités : soit ouvrir une nouvelle enquête, soit classer définitivement l’affaire. En attendant, on s’interroge beaucoup sur le point de savoir si Lula a véritablement renoncé à toute ambition présidentielle. Depuis plusieurs mois, la rumeur courait d’un possible retour. Mais, fin janvier, ses collaborateurs ont annoncé qu’il ne se présenterait ni en 2014 ni en 2018. Sage décision ? ● MARIE VILLACÈQUE

! EN CHEMISE ROUGE À LA HAVANE, le 30 janvier : un hommage à Hugo Chávez.

ISMAEL FRANCISCO/AP/SIPA

que je serai retourné vers ce continent qui est le mien, je pourrai finir de me construire, je serai complet. » Une quête de soi qui pourrait passer par le cinéma ? « J’aimerais beaucoup, ce serait logique pour moi. » À terme, pourquoi ne pas établir un pont entre la France et le cinéma africain, où les investissements sont de plus en plus nombreux ? « Regarde le Nigeria, c’est le nouveau Bollywood ! Il y a énormément de choses à faire. Si le cinéma peut me ramener vers mes origines, j’aurai tout gagné. » Mais pas facile de se construire un réseau quand on n’est pas sur place. Ici comme là-bas, le milieu du septième art demeure très fermé.

CLÉMENCE LEBATTEUX Photo : VINCENT FOURNIER JEUNE AFRIQUE

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Économie FINANCES PUBLIQUES

MINES

Frères ennemis du cuivre

Au secours,

Pour un Occident au bord de la faillite, le faible endettement de la plupart des pays africains est enviable. Pourtant, plusieurs institutions et spécialistes tirent déjà la sonnette d’alarme. Prématurément ? NICOLAS TEISSERENC

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prèsunecuredrastique,l’endettement du continent est au plus bas: les annulations de dette ont permis de réduire de 90 % l’engagement extérieur des pays africains depuis le début de l’Initiative en faveur des pays Initiative pauvres très endettés (PPTE), en 1996. PPTE Un nouveau paradigme qui n’a pas Ce processus lancé en 1996 a échappé à leurs gouvernements. permis à 29 pays africains de Depuis 2009, année où l’endettement bénéficier d’un allègement a atteint un plancher historique, ceuxde leur dette de la part ci ont eu massivement recours aux du FMI et d’autres marchés régionaux et internationaux. créanciers Notamment pour mener des politiques de relance – un phénomène inédit –, alors que la conjoncture internationale pesait fortement sur leurs performances économiques. La Côte d’Ivoire, le Cameroun, le Sénégal, le Tchad, le Burkina Faso, le Bénin et le Gabon sont autant d’exemples qui illustrent cette tendance. La Zambie a plus particulièrement fait parler d’elle en levant 750 millions de dollars (583 millions d’euros) en septembre 2012. Ces émissions obligataires, très rémunératrices et jugées sans risque, sont appréciées des investisseurs. Ainsi, l’émission zambienne a été sursouscrite quinze fois, tandis que le dernier emprunt de la Côte d’Ivoire a été dépassé de près de 50 %. Il n’en faut pas plus pour soulever les inquiétudes des observateurs. PÉCHÉ ORIGINEL. Enjanvier,l’Agencefrançaisede

développement (AFD) a été parmi les premiers à tirer la sonnette d’alarme (lire interview pp. 62-63), et la littérature consacrée au rythme inquiétant du réendettement de l’Afrique s’est multipliée: Bloomberg Businessweek et le Financial Times s’en sont fait l’écho dans leurs colonnes, évoquant le risque d’un retour au « péché originel ». ● ● ● N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

JEUNE AFRIQUE


MAROC

Les aciéristes dans le rouge

DÉCIDEURS

Brahim Hasnaoui

PDG du Groupe des sociétés Hasnaoui

TUNISIE

Amen Bank pied au plancher

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LAURENT PARIENTY/ILLUSTRISSIMO

la dette revient!

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Entreprises marchés En Afrique francophone, le Sénégal (lire p. 63) constitue la première alerte : depuis 2006, son endettement est passé de 23 % à un peu plus de 41,5 % du PIB. La Côte d’Ivoire, en dépit du franchissement du point d’achèvement de l’Initiative PPTE en 2012, est elle aussi confrontée à des tensions récurrentes sur son financement. Une situation due, selon Michèle Lamarche, associée gérante de la banque d’affaires Lazard, à l’ampleur de sa dette bancaire intérieure qui nécessite d’être refinancée régulièrement.

QUAND L’HISTOIRE BÉGAIE

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DANS LEUR OUVRAGE This Time Is Different, paru en 2008, les chercheurs américains Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff observent que, au cours du processus d’émergence économique, les États sont tout particulièrement susceptibles de subir des crises de dette souveraine. Et soulignent le caractère quasi inéluctable du réendettement, d’où ce titre qui rappelle que tous ceux qui s’apprêtent à retomber dans la

MAUVAIS PROCÈS. Aujourd’hui, certains bailleurs

de fonds mettent en cause le recours aux marchés par les États africains. Une solution plus coûteuse, surtout pour des pays à l’équilibre budgétaire fragile. « Les bailleurs de fonds prêtent à des taux dits concessionnels, très faibles, mais cet argent prend beaucoup de temps pour être débloqué et nécessite de se soumettre à un programme de suivi », souligne Christian Esters, analyste chez Standard & Poor’s, qui ajoute : « Le recours aux marchés régionaux semble de plus en plus apprécié, notamment pour sa rapidité, mais les taux d’intérêt pratiqués sont élevés. Enfin, les marchés internationaux proposent des taux parfois plus intéressants, mais le risque de change peut peser très fortement sur les débiteurs [lorsque la dette est libellée en dollars et que la monnaie locale s’effondre, un problème qui n’affecte pas la zone franc CFA, arrimée à l’euro, NDLR]. »

Retrouvez l’interview de Michèle Lamarche, associée gérante chez Lazard, sur

economie.jeuneafrique.com

même ornière se rassurent en se disant que « cette fois, c’est différent ». En analysant huit cents ans d’histoire économique, les auteurs affirment que les pays qui ont fait défaut une fois tendent à recommencer de façon répétée par la suite. Ainsi, en Afrique, les faibles taux des années 1970 n’ont pas empêché le déclenchement de crises souveraines au cours des N.T. années 1980. ●

Selon un financier ouest-africain, les institutions intentent un « mauvais procès » aux pays du continent. « Finalement, elles maintiennent les États dans une logique de dépendance, constate-t-il. Remarquez que le Ghana, souvent cité comme un exemple à suivre en Afrique de l’Ouest, a financé sa croissance en faisant appel uniquement à l’épargne locale. Il faut faire en sorte que les États offrent des perspectives d’investissement à leurs citoyens. C’est d’autant plus important que l’État a un comportement plus responsable envers les petits épargnants qu’auprès des bailleurs. »

QUESTIONS À | VANESSA JACQUELAIN

« Les États doivent bien calibrer leurs émissions » Chargée de l’Afrique subsaharienne à l’Agence française de développement (AFD), Vanessa Jacquelain a coécrit un rapport intitulé « Vers un endettement plus soutenable ? ». Sans être alarmiste, elle expose les risques liés aux émissions de dette. JEUNE AFRIQUE : Que pensez-vous du recours de plus en plus fréquent des États d’Afrique francophone aux marchés financiers régionaux? VANESSA JACQUELAIN: Ce type d’opération présente plusieurs avantages. Cela permet de mobiliser rapidement des fonds, d’approfondir les marchés financiers locaux et de constituer des benchmarks [repères, NDLR] qui pourront servir de référence, par exemple aux entreprises ou aux collectivités locales. Le lancement réussi des émissions obligataires [avec des niveaux de souscription très élevés] donne par ailleurs des signaux positifs sur ces économies. À l’inverse, ces opérations présentent aussi des inconvénients, notamment par rapport aux prêts de bailleurs: les maturités sont courtes, il n’y a pas de période de grâce, les taux N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

d’intérêt sont relativement élevés, ce qui les conditions réelles des prêts accordés représente une charge plus importante et la charge qu’ils font peser sur les pour les finances publiques. D’autre part, finances publiques des pays concernés. les autorités doivent veiller à calibrer ces émissions de manière à ne pas créer Comment les bailleurs d’effet d’éviction sur les marchés locaux, classent les pays les banques locales préférant acheter des Risque faible bons du Trésor plutôt que de financer Bénin, Cameroun, Congo, Éthiopie, d’autres acteurs de l’économie réelle. Kenya, Liberia, Madagascar, Que dire des financements chinois? Ils apportent des volumes importants qui permettent de financer, entre autres, de nombreux projets d’infrastructures. Normalement, la Chine est tenue de respecter, dans les pays soumis au cadre de viabilité de la dette, les conditions de concessionnalité requises. Mais dans la pratique, l’opacité des modes de financement rend parfois difficilement lisibles

Mozambique, Nigeria, Ouganda, Sénégal, Tanzanie, Zambie Risque modéré Burkina Faso, Centrafrique, Côte d’Ivoire, Ghana, Guinée-Bissau, Lesotho, Malawi, Mali, Mauritanie, Niger, Rwanda, Sierra Leone, Tchad, Togo Risque élevé Burundi, Comores, Djibouti, Érythrée, Gambie, Guinée, RD Congo, São Tomé e Príncipe, Somalie, Soudan, Soudan du Sud, Zimbabwe

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Entreprises marchés

EMMA FOSTER/POOL/EPA/CORBIS

Comme l’explique Éhouman Kassi, directeur d’Ecobank Capital, qui conseille les levées de fonds régionales des États, « un taux d’intérêt de 8 % est soutenable dans la mesure où les fonds levés sont bien employés dans des infrastructures qui permettent de créer les conditions d’une croissance plus solide, des centrales électriques ou des routes, par exemple ». Naoufal Bensalah, responsable trading en Afrique centrale chez Attijariwafa Bank, se veut rassurant et juge que « cette évolution de l’endettement ne vient pas pour apaiser un déficit budgétaire des États africains, mais plutôt pour financer des projets structurants ». CLAIRVOYANCE. Se pose également la question

de la compétence des équipes gouvernementales chargées de lever la dette. Michèle Lamarche rappelle qu’une émission obligataire internationale est toujours une opération complexe, avec de nombreuses considérations juridiques, financières et techniques : « Les conséquences d’une opération mal structurée peuvent peser durablement et lourdement sur les finances publiques, qu’il s’agisse d’un coupon trop élevé ou de protections juridiques insuffisantes », prévient-elle. Les financiers qui souscrivent aux emprunts des États ont aussi leur part de responsabilité. « Il ne faut pas négliger la puissance narrative de l’histoire de la croissance africaine et comprendre que c’est avant tout l’irrationalité des investisseurs qui encourage la prise de risque », conclut Christian Esters. ●

! Sous ABDOULAYE WADE, le déficit budgétaire a explosé.

Le Sénégal au bord du gouffre Entre 2006 et 2012, l’endettement du pays a presque triplé. Les nouvelles autorités tentent d’inverser la tendance.

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AFD

Économiste à l’AFD

Quels sont les pays à risque aujourd’hui? Afin de prévenir un réendettement excessif des pays à faibles revenus, la communauté des bailleurs a mis en place un cadre de viabilité de la dette destiné à responsabiliser les pays emprunteurs et leurs créanciers et à favoriser une certaine discipline dans le recours à l’endettement souverain. En fonction des projections sur le long terme des ratios d’endettement externe, les États sont classés en trois catégories de risque de surendettement : risque faible, modéré ou élevé. Aujourd’hui, au sud du Sahara, sur 39 pays classés selon cette méthodologie, 13 ont un risque faible, 14 un risque modéré et 12 un risque élevé. ● Propos recueillis par NICOLAS TEISSERENC JEUNE AFRIQUE

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a situation devenait urgente. Dès le lendemain de sa nomination, le 4 avril 2012, leministresénégalaisdel’Économie et des Finances, Amadou Kane, était à Paris pour négocier un appui budgétaire. « Le gouvernement précédent nous avait prévenus que si nous arrivions au pouvoir, nous ne pourrions plus honorer les salaires au bout de quelques semaines », explique-t-il aujourd’hui. Un constat qui tranche avec l’optimisme affiché en mai 2011 par l’équipe de l’ancien président, Abdoulaye Wade. Le pays revient alors d’une tournée triomphale de dix jours en Suisse, aux ÉtatsUnis et au Royaume-Uni avec une enveloppe de 350 millions d’euros souscrite auprès d’investisseurs étrangers, dont les fonds Pimco et Blackrock. Les intentions apportées par 51 investisseurs atteignent même 1,7 milliard d’euros, signe de l’intérêt suscité par ce pays stable et bien noté par l’agence Moody’s. Dakar annonce fièrement que sa dette publique reste en dessous des 40 % du PIB, bien loin des 70 % maximum recommandés par les institutions de Bretton Woods. Mais très vite, le déficit budgétaire se creuse, porté par le service de la dette à rembourser : il atteint 8,2 % du PIB en mars 2012, soit deux fois la limite tolérée.

« Le gouffre se mesurait surtout à la fréquence et à l’importance des emprunts à court terme du ministère pour honorer ses engagements, analyse Amadou Kane. On empruntait pour payer des dettes. Résultat : comme les prêteurs connaissaient l’urgence de la situation, les conditions proposées étaient onéreuses. La dette s’est accumulée rapidement, son service était élevé et devenait insupportable.»L’endettementestainsipassé de 1,8 milliard d’euros en 2006 à 4,6 milliards au 31 mars 2012. Un responsable du Fonds monétaire international (FMI) rappelle : « Toutes les analyses réalisées sur le Sénégal depuis 2006 concluent que le risque de surendettement reste faible, à condition de réduire significativement le déficit budgétaire. » Ce à quoi s’attelle le ministre, en plus de négocier les taux et de débloquer l’argent des bailleurs de fonds (Banque mondiale, Banque africainededéveloppement…)pour limiter le recours à de nouveaux emprunts. En décembre 2012, le Sénégal s’est cependant lancé dans une nouvelle émission obligataire, mais cette fois sur le marché régional de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). L’objectif a été atteint : le pays a empoché 134 millions d’euros. ● MICHAEL PAURON N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013


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Entreprises marchés cuivre, énormément de cobalt. La province détient ainsi 45 % des réserves mondiales de ce composant chimique très demandé [pour les alliages et la fabrication de batteries, NDLR]. » Malgré ce potentiel, le Katanga séduit pourtant moins les investisseurs que son voisin du Sud. En cause, l’attitude des autorités vis-à-vis des groupes miniers, une réglementation changeante et des problèmes d’infrastructures.

MINES

Frères ennemis du cuivre

Alors que le cours du minerai rouge connaît une forte hausse, le Katanga et la Zambie sont en concurrence pour attirer les investisseurs. Mais en matière d’infrastructures, les deux sont forcés de s’entendre.

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a ceinture de cuivre, qui court le long de la frontière entre la RD Congo et la Zambie, fait toujours rêver les miniers. « Actuellement, entre 5 % et 10 % de la production mondiale provient de cette zone, estime le géologue belge Thierry De Putter. Mais, surtout côté congolais, où les gisements seraient plus épais qu’en Zambie, les réserves sont encore gigantesques, même si elles sont mal connues faute d’une exploration appropriée. » Ces derniers mois, les gisements de la « copper belt » sont regardés avec plus d’attention. Et pour cause: le cours du cuivre est en forte hausse depuis novembre 2012, atteignant 8 220 dollars la tonne le 13 février (soit 6126 euros). Un niveau proche de la « belle époque » de 20062008, avant la crise économique. La conjoncture étant porteuse pour le minerai rouge – l’industrie chinoise est insatiable –, Zambie et RD Congo savent qu’elles ont

chacune une carte à jouer… et sont plus que jamais en concurrence pour attirer les projets cuprifères. Les deux pays présentent aujourd’hui des situations minières contrastées. En 2012, la Zambie a fièrement affiché une production de 824976 tonnes de cuivre, un niveau stable depuis trois ans. D’ici à 2015, le pays ambitionne de franchir la barre des 1,5 million de tonnes. Du côté congolais, en dépit d’un potentiel plus important, la production n’a atteint que 620 000 tonnes en 2012. Malgré une progression notable – le pays n’extrayait que 190 000 tonnes en 2002 –, la région reste encore à la traîne face à son voisin zambien. La Générale des carrières et des mines (Gécamines, compagnie nationale) sortait plus de 450 000 tonnes dans les années 1980… contre 35 000 aujourd’hui. « D’un point de vue géologique, le Katanga est plus attractif que la Zambie, note Thierry De Putter. Son minerai contient, en plus du

STABILITÉ. Du 4 au 7 février, Kinshasa et Lusaka étaient à la manœuvre pour séduire les opérateursàMiningIndaba,laconférence annuelle phare du secteur, au Cap (Afrique du Sud). Le ministre zambien des Mines, Wylbur Simuusa, s’est fait fort de rappeler la stabilité de son pays. « Nous sommes dans l’industrie minière depuis plus d’un siècle. Nous avons changé cinq fois de président, trois partis différents se sont succédé au pouvoir sans que cela ait perturbé la bonne marche du secteur », a-t-il affirmé devant un parterre de cadres anglo-saxons. Même si cet optimisme est exagéré au vu des tensions sociales à l’œuvre dans les mines zambiennes, force estdeconstaterqueLusakaoffreune meilleure image que Lubumbashi, la capitale du Katanga, auprès des investisseurs.

Pour l’instant, Lusaka offre une meilleure image.

Ceinture de cuivre d’un côté, copper belt de l’autre

RD CONGO Katanga

Trajet futur des minerais vers Benguela (Angola)

ANGOLA

Mine Opérateur minier VILLE 100 km N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

KOLWEZI

Kamoto Glencore

Lumwana Equinox

Tenke Fungurume Freeport-McMoRan Boss Mining ENRC Mutanda LIKASI ya Mukonkota Glencore Sud Katanga Forrest LUBUMBASHI

Kansanshi First Quantum

ZAMBIE

RD CONGO KINSHASA

Kinsevere Anvil

Benguela ANGOLA

Ruashi Metorexx 400 km Chemaf Shalina Resources sour urce ur cess ce

TANZANIE Lubumbashi Ndola

ZAMBIE

Konkola ARM, Vale, Vedanta Mopani Glencore, First Quantum CHINGOLA KITWE Chibuluma Metorex NDOLA Bwana Mkubwa First Quantum

Dar esSalaam

LUSAKA

Transport vers Dar es-Salaam (Tanzanie)

Transport vers l’Afrique du Sud JEUNE AFRIQUE


Entreprises marchés « En matière de gouvernance, la Zambie est plus habile, Kinshasa ayant procédé à plusieurs changements réglementaires drastiques », estime un responsable d’exploitation sud-africain opérant des deux côtés de la frontière. « Le problème de la RD Congo ne réside pasdanssaréglementation,quin’estpas simauvaise,maissurtoutdansunharcèlement bureaucratique systématique », confie le vice-président congolais d’un grand complexe minier katangais. Le projet de révision du code minier congolais, pas encore bien précis mais confirméàMiningIndabaparlaministre du Portefeuille, Louise Munga Mesozi, attiseaussilesrumeurs.«Onparled’une part de 35 % d’actions gratuites de l’État auseindesfutursprojetsminiers[contre 15 % actuellement]. Si elle est confirmée, cette mesure va faire fuir ceux qui envisageaient de venir », estime l’avocat Marcel Malengo, basé à Kinshasa.

INTERVIEW

John Kanyoni

Vice-président de la Chambre des mines de RD Congo

« Dans le Nord-Kivu, l’activité est à l’arrêt »

Les patrons de l’est du pays affirment s’organiser pour lutter contre les minerais de la guerre qui alimentent les rébellions armées. minière formelle continue, tant du côté des opérateurs congolais que des groupes internationaux. L’activité minière est décrite comme la cause des conflits…

du Katanga, la disponibilité en électricité, vitale pour l’industrie. « Nous estimons à 15 % le manque à produire lié à l’insuffisance énergétique. Et avec le développementdenosopérations,nous aurons besoin de 100 MW supplémentaires dans les deux ans », indique James Bethel, directeur général de la filière cuivre d’Eurasian Natural Resources Corporation (ENRC). Pour cette raison, ENRC a préféré installer côté zambien une usine de traitement qui aurait pu trouver sa place en RD Congo. Quant à sa mine Frontier, située au Katanga, elle est approvisionnée en électricité… par la Zambie. Car malgré leurs rivalités, s’il est un domaine où Zambie et Katanga coopèrent, c’est bien celui des infrastructures. « Grâce à la Zambie, le Katanga bénéficiera d’ici à 2016 de plus de 300 MW d’électricité complémentaires à la production nationale, se félicite Albert Yuma Mulimbi, président de la Gécamines. Et dans le domaine des transports, la circulation des minerais se fait sans souci entre les deux pays. Le cuivre congolais passe majoritairement par la Zambie pour rejoindre le port de Dar es-Salaam, en Tanzanie, en attendant qu’il soit acheminé par voie ferrée dans l’autre sens, vers l’Atlantique, jusqu’auportangolaisdeBenguela,dont la rénovation est à l’ordre du jour. » ● CHRISTOPHE LE BEC JEUNE AFRIQUE

SYDELLE WILLOW SMITH POUR J.A.

COOPÉRATION. Autre handicap majeur

P

atron de Metachem (qui traite et exporte de l’étain) et ancien député du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), John Kanyoni représente les producteurs et exportateurs congolais de tantale, de tungstène et d’étain. Installés dans l’Est, ces patrons ont été critiqués pour leurs liens supposés avec les groupes armés qui ont fait du sous-sol leur source de financement. JEUNE AFRIQUE : Quelle est votre opinion sur la situation sécuritaire de l’est de la RD Congo après la montée en puissance du M23 ? JOHN KANYONI: LeNord-Kivuest

ànouveaudansunemauvaisepasse, et les activités minières légales – y comprislesmiennes–ysontàl’arrêt. Nousattendonsquelesnégociations depaixàKampalaaboutissent.Mais tout l’Est n’est pas touché. Dans le Sud-Kivu et le Maniema, l’activité

On a dit que les minerais de tantale, de tungstène et d’étain alimentaient la guerre. C’est vrai, desgroupesarméssesontimmiscés dans notre activité. Les États-Unis, à la demande d’ONG comme Global Witness et Enough Project, ont mis sous embargo les minerais de la région. Nous ne nions pas le problème des minerais de la guerre, mais cette réponse était inappropriée, car elle a rajouté au conflit une crise sociale et économique. Comment lutter efficacement contre les minerais de la guerre ?

Le secteur formel travaille avec l’État pour créer les conditions d’une exploitation durable. En 2003, il n’y avait dans l’Est que trois comptoirs respectant les conditions légales, assurant des conditions de travail acceptables, excluant tout contrôle par des gens en armes, les nuisances à l’environnement et le travail des enfants. En 2008, ils étaient 30 agréés, mais ce chiffre est tombé à cinq du fait de l’embargo. Sur la traçabilité, nous avons progressé via des accords avec les organisations internationales de l’étain et du tantale et des importateurs comme Motorola, Boeing et Intel. Nous élaborons aussi à l’échelle de la région des Grands Lacs une certification sur l’origine des minerais. Il reste toutefois beaucoup à faire. Sur le plan de la justice notamment, les chefs de guerre contrôlant des mines doivent être condamnés. ● Propos recueillis par C.L.B. N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

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Entreprises marchés

MAGHREB STEEL

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! MAGHREB STEEL accumule les pertes depuis quatre ans. MAROC

Les aciéristes dans le rouge

Le royaume n’échappe pas aux difficultés rencontrées par la sidérurgie au niveau mondial. Sonasid s’effondre à la Bourse de Casablanca, tandis que Maghreb Steel a évité de peu la cessation de paiements.

D

epuis 2008 et la chute brutale du cours de l’acier, la sidérurgie marocaine souffre. Ces derniers temps, le secteur doit en outre faire face à la forte concurrence européenne et turque ainsi qu’à la faiblesse des programmes d’investissements au Maroc. « La baisse des investissements et le contexte concurrentiel exacerbé par les surplus européens pèsent sur la sidérurgie marocaine », observe Zineb Tazi, analyste chez BMCE Capital. De fait, les difficultés budgétaires du Maroc (avec un déficit d’environ 6 % du PIB en 2012) affectent directement les investissements dans le bâtiment et les infrastructures, secteurs qui utilisent beaucoup d’acier. « Le marché du BTP a reflué fin 2012, et sa contribution à la croissance du PIB a été négative sur les six derniers mois de l’année, relève Zineb Tazi. Cela s’explique par le ralentissement des chantiers en raison d’une forte pluviométrie et de l’Aïd el-Kébir, et plus généralement par l’atonie économique. » N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

En Europe, la chute de la consommation d’acier en raison de la crise a entraîné une surproduction, malgré un faible taux d’utilisation des capacités productives. « Nous subissons une concurrence sévère des groupes européens. Ils écoulent la bobine à chaud à 425 euros au Maroc, contre 500 euros chez eux. C’est clairement du dumping, car ils vendent à perte à l’export », déplore Fadel Sekkat, PDG de Maghreb Steel, numéro un local dans la fabrication d’acier plat. « Les sociétés espagnoles qui doivent produire pour leur survie vendent l’acier à des prix très bas », confirme un consultant.

Fin novembre 2012, Fadel Sekkat a même demandé au département du commerce extérieur l’ouverture d’une enquête antidumping sur les importations d’acier en provenance de l’Union européenne et de Turquie. Les investigations doivent durer un an minimum. « Le gouvernement a ouvert une enquête mais, cela dit, les prix de l’acier dépendent des cours mondiaux », tempère Abdelhamid Souiri, président de la Fédération des industries métallurgiques, mécaniques et électromécaniques (Fimme). Et d’ajouter : « Nous craignons évidemment pour les emplois sidérurgiques [entre 5000 et 6000, NDLR]. Mais nous espérons surtout que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour sauvegarder le secteur. » Pour l’heure, l’État a déjà mis en place une déclaration préalable à l’importation pour les tôles d’acier laminé, en attendant d’imposer éventuellement des lois antidumping en fonction des résultats de l’enquête. Inutile de chercher bien loin pour illustrer les difficultés de la sidérurgie marocaine. À la Bourse de Casablanca, le cours de l’action Sonasid (Société nationale de sidérurgie, leader national dans la production de ronds à béton utilisés

Le secteur doit faire face à la concurrence européenne et turque, en surproduction. dans le bâtiment) a été divisé par 3,5 en un an. De son côté, Maghreb Steel a failli rater ses échéances de remboursements de dettes bancaires fin 2012. Le groupe privé enchaîne les pertes depuis quatre

Des cours en chute libre 750

Cours de Sonasid (en dirhams) 2 500

Cours de l’acier (en dollars) échelle de gauche

700

échelle de droite

2 000

650

1 500

600

1 000

550

500

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Fév. Mars

Avril

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Déc.

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2013

JEUNE AFRIQUE


Coulisses

Entreprises & marchés

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URGENCE. Pour éviter la cessation

de paiements, Fadel Sekkat a été contraint de négocier en urgence un allongement de crédit et une nouvelle souscription de billets de trésorerie avec les grandes banques de Casablanca. Maghreb Steel a par ailleurs procédé à une augmentation de capital de 600 millions de dirhams (environ 53 millions d’euros) : « Elle a été effectuée fin 2012 et souscrite par les actionnaires historiques. La moitié de cette somme a été débloquée en décembre 2012, 60 millions de dirhams ont été libérés au mois de janvier et le reste va intervenir prochainement », explique Fadel Sekkat. Pour Sonasid, les perspectives ne sont guère meilleures. Les résultats financiers de l’exercice 2012 doivent légalement être publiés d’ici à fin mars, mais aucune date n’a encore été annoncée. Les mauvais chiffres du premier semestre 2012 (avec une perte d’environ 966 000 euros) et la petite santé de la construction au Maroc laissent présager de piètres performances. En 2013, le dynamisme du BTP dépendra de la construction de logements. La catégorie haut de gamme est en baisse, tandis que le logement social reste dynamique sur l’axe Rabat-Casablanca, tout en s’essoufflant dans le reste du pays. Encore une fois, ce sont les programmes d’investissement du gouvernement qui détermineront les perspectives du BTP et, par ricochet, celles du secteur sidérurgique. Fadel Sekkat reste toutefois optimiste : « Nous sommes très confiants pour l’avenir, nous avons une quarantaine d’années d’expérience dans la sidérurgie. Nous allons surmonter les difficultés actuelles. » ● RYADH BENLAHRECH

JEUNE AFRIQUE

ALGÉRIE ENI POURRAIT LÂCHER SAIPEM PAOLO SCARONI (photo), patron du géant pétrolier italien Eni, a laissé entendre que son groupe pourrait revendre sa filiale Saipem, dont il détient 43 % du capital. Visée par une information judiciaire sur des pots-de-vin versés à des responsables algériens entre 2007 et 2009 pour décrocher des contrats auprès de la Sonatrach d’une valeur totale de 7,7 milliards d’euros, la société serait de plus en plus encombrante pour Paolo Scaroni, qui fait l’objet d’une enquête pour « corruption internationale ». Au cours de leurs investigations, les policiers ont remonté la piste d’un virement effectué par Saipem à une société basée à Hong Kong, Pearl Partners, qui appartient au Franco-Algérien Farid Noureddine Bedjaoui, neveu de l’ancien ministre des Affaires étrangères Mohamed Bedjaoui. L’homme aurait arrosé plusieurs responsables algériens de la Sonatrach et du gouvernement. Montant du virement : 197 millions d’euros. ●

VINCENT FOURNIER/J.A.

ans (25 millions d’euros entre 2009 et 2011, les résultats de 2012 n’étant pas encore connus), et un retour au bénéfice n’est pas attendu tout de suite : l’amortissement de l’usine de Mohammedia, inaugurée en avril 2012 et qui a coûté 500 millions d’euros, nécessite du temps, sans oublier la concurrence étrangère.

S

M

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• CONSEIL Le 11 février, la France a adhéré officiellement à la Facilité africaine de soutien juridique mise en place par la BAD • AÉRIEN Le français

Servair a acquis 40 % d’Atlas Catering Airlines Services, jusque-là filiale

à 100 % de Royal Air Maroc • PÉTROLE Le britannique Tullow Oil a publié un CA en légère hausse et annoncé le doublement de ses investissements dans

l’exploration • IMMOBILIER L’américain African Business Development

veut financer 3 000 logements sociaux en Côte d’Ivoire pour 38 M€

GABON IRELAND BLYTH MISE SUR LA PÊCHE Le groupe Ireland Blyth, coté à la Bourse de Maurice, a signé un partenariat avec Libreville pour prendre en charge la réorganisation et la gestion d’une usine déjà existante, ainsi que la création de nouvelles structures industrielles dans le secteur de la pêche. À la clé, un investissement initial d’environ 25 millions d’euros. L’intégralité du projet devrait nécessiter 100 millions d’euros. ● MAROC LOUVRE HOTELS RENFORCE SES POSITIONS Le français Louvre Hotels a signé un accord avecYnna Holding portant sur la gestion, l’exploitation et la commercialisation des établissements de la chaîne Ryad Mogador Hotels, le pôle touristique du groupe marocain. Avec ce partenariat, ces douze hôtels deviendront des « hôtels Mogador by » Tulip Inn, GoldenTulip ou RoyalTulip. Louvre Hotels gérera ainsi près de

4 600 chambres au Maroc (1 600 autres sont en cours de réalisation). ● CÔTE D’IVOIRE PARTIE SERRÉE POUR LE TRAIN URBAIN Le ministère ivoirien desTransports a reçu les offres de deux consortiums pour la mise en œuvre et l’exploitation d’un train urbain de voyageurs à Abidjan. Il s’agit du canadien Bombardier et du sud-coréen Samsung, qui seront confrontés aux français Bouygues, Alstom et Systra. La partie s’annonce serrée : les deux concurrents ont fait la même offre financière, autour de 500 millions d’euros. ● ERRATUM Dans notre précédente édition (no 2718 du 10 au 16 février), la photographie deTomTudor (p. 133), directeur de marketing de LiquidTelecom, était en réalité celle de Ramzi Shalak, qui travaille dans la même entreprise. Toutes nos excuses aux intéressés. ● N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

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Décideurs régulateur, grâce au foncier, et laisser les entreprises gérer la forte demande, y compris à caractère social. Pas sûr que les autorités le suivent comme dans les années 1990, lorsqu’il a construit près de 2 000 logements sociaux participatifs à Sidi Bel-Abbès, sur des terrains publics cédés à bas prix, et réduit la tension sur le marché.

IMMOBILIER

Une âme de bâtisseur En près de quarante ans, Brahim Hasnaoui a mis sur pied l’un des groupes de BTP les plus prospères d’Algérie. C’est lui qui mène le mégaprojet d’El Ryad, dans l’est d’Oran.

B

ien qu’il enchaîne cigarette sur cigarette – « le stress du métier… » –, BrahimHasnaoui,patron du Groupe des sociétés Hasnaoui (BTP et matériaux de construction), semble fier de faire visiter El Ryad, véritable ville dans la ville, qu’il construit dans l’est d’Oran. Les lignes des bâtiments sont pures, les espaces extérieurs vastes. Un vrai contraste avec la lourdeur des villas privées et la densité du bâti social commandé par l’État, depuis une décennie, essentiellement à des entreprises chinoises. Le patron veut « créer une cité où vivre, pas seulement où habiter ». L’ensemble de 1 759 logements, construits sur 45 hectares avec des galeriesmarchandes,unlycée,deux écoles primaires, etc., a été conçu avec le cabinet d’architecture portugais Saraiva & Associados, présent également en Guinée équatoriale, au Sénégal, en Côte d’Ivoire ou au Nigeria. Coût de l’opération : entre 200 millions et 250 millions d’euros, glisse le patron. Destinés aux classes aisées, les appartements sont cédés entre 120 000 et 400 000 euros. FOOTBALL. Brahim Hasnaoui a bâti

l’essentiel de son succès, depuis 1974, entre la capitale économique de l’Ouest, Oran, et sa ville de Sidi Bel-Abbès, à 80 km au sud. Il y a même présidé, avec un certain succès, le club de football local à la fin années 1970. « Mais trois ans m’ont suffi, c’était trop difficile de gérer l’irrationnel », dit-il aujourd’hui. Ingénieur en génie civil, il a fait prospérer son entreprise en pleine période socialiste, quand être patron était, pour le moins, mal vu des autorités. Au début des années 2000, alors quelescommandespubliquesdans le BTP explosent, Brahim Hasnaoui y répond de moins en moins et N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

ELDORADO. Brahim Hasnaoui évalue le chiffre d’affaires de son groupe à 200 millions d’euros (60 % pour la construction et 40 % pour la production, notamment via la Société d’exploitation des carrières Hasnaoui). Depuis que la crise a poussé les entreprises européennes à regarder vers le sud, il multiplie les partenariats pour améliorer le savoir-faire et l’intégration de sa société. En 2008, il s’est associé avec Teknachem pour créer une entreprise d’adjuvant pour béton dont le volume d’affaires dépasse déjà celui du groupe italien. Avec le chinois Bingkun, il apprend le management des grands projets publics. Mais c’est en Espagne qu’il a trouvé son eldorado. Avec Grupo Puma, il a fondé en 2008 la première unité algérienne de production de matériaux (mortiers, colles spéciales…) puis, avec Rostrinium – une société espagnole spécialisée dans la réhabilitation urbaine –, Mat Peint. Depuis peu, il rachète dans la péninsule Ibérique en crise les ! « JE VEUX CRÉER UNE CITÉ OÙ VIVRE, PAS SEULEMENT OÙ outils de production d’usines en HABITER », affirme cet ingénieur en génie civil. faillite, tout en impliquant les anciens propriétaires pour faire « moins d’erreurs ». C’est dans se concentre sur la promotion ce cadre qu’il a créé en 2011 la immobilière. « Trop de lourdeurs société de menuiserie MDM, administratives et de précipitadont les portes équipent les logetion, déplore-t-il. Dans le BTP, les études devraient être plus ments d’El Ryad. Et il longues que la réalisation. récidive actuellement Mais en Algérie, particudans l’aluminium, en lièrement dans le secteur partenariat avec l’espapublic, on les poursuit gnol Strugal. « C’est à trop souvent pendant la peine le dixième du Le Groupe Hasnaoui réalisation. » Plutôt que coût du neuf! » jubile-t-il, de faire construire des encourageant les autres centaines de milliers de entreprises algériennes logements subventionà s’approvisionner elles sociétés salariés millions d’euros nés, « presque gratuits », aussi de l’autre côté de de chiffre il estime que l’État devrait la Méditerranée. ● d’affaires plutôt garder un rôle de SAÏD AÏT-HATRIT, à Oran SAÏD AÏT-HATRIT

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200 1 250

JEUNE AFRIQUE


jeune ð Plus de détails sur le Jasmin Fund afrique .com sur economie.jeuneafrique.com

Décideurs

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PRIVATE EQUITY

Il s’investit pour la Tunisie Malgré les aléas politiques, Nayel Vidal, directeur d’Emerging Capital Partners pour l’Afrique du Nord, finalise un fonds dévolu aux PME du pays.

il y a un moment pour investir en Tunisie, c ’est maintenant », explique Nayel Vidal. Directeur pour l’Afrique du Nord du capitalinvestisseur panafricain Emerging Capital Partners (ECP), il entend ne pas se laisser démonter par l’actualité politique tendue. Preuve de son optimisme, il est en train de finaliser, en partenariat avec la société de gestion et d’intermédiation boursière Mac SA, la structuration du Jasmin Fund, un fonds dévolu aux PME tunisiennes avec lequel il espère lever 50 millions d’euros. Né en France, Nayel Vidal a grandi en Côte d’Ivoire avant de partir effectuer ses études de commerce à Paris. À peine diplômé de l’Institut supérieur de gestion (ISG), il retourne dans son pays d’adoption en tant que coopérant pour la Compagnie ivoirienne d’électricité. C’est là qu’il croise la route de Vincent Le Guennou, son futur patron chez ECP. Si les deux hommes se lient d’amitié, ils ne travailleront pas immédiatement ensemble, car Nayel Vidal rejoint le bureau parisien d’Arthur Andersen

(devenu Ernst & Young en 2002), d’abord en tant qu’auditeur puis en tant que conseiller en transactions. Durant huit ans, il « passe [s]a vie dans les avions » pour conseiller les grands clients de son cabinet sur leurs acquisitions, notamment Carrefour, Pernod Ricard ou Apax Partners. LECTEUR AVIDE. À 32 ans, Nayel Vidal décide de se réorienter : « J’étais passionné, mais je voulais me rapprocher de l’action. » Alors qu’il entame cette réflexion, il croise à nouveau la route de Vincent Le Guennou, qui lui propose de l’embaucher chez ECP. Un mois plus tard, il cogère le Moroccan Infrastructure Fund, basé à Casablanca. Un poste qu’il occupera presque un an durant, avant de rejoindre en 2009 le bureau de Tunis, d’où il gère les activités de la société en Afrique du Nord depuis 2010. Âgé de bientôt 38 ans et lecteur avide, Nayel Vidal entend continuer à mener sa vie selon la philosophie de Léon l’Africain, diplomate-explorateur musulman du XVIe siècle, qui inspira un roman

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S

«

LE FRANÇAIS veut apporter sa contribution au « combat pour le progrès économique et social ».

50

millions d’euros C’est la somme qu’il espère lever avec le Jasmin Fund

à Amin Maalouf: « La vie est comme une longue journée tout au long de laquelle il faut savoir accueillir les gens, les opportunités ; et elle vous le rend bien », confie-t-il. Avec le Jasmin Fund, il aspire à répondre aux besoins d’investissement des PME tunisiennes. « Une manière de donner du sens à ma vie, car je crois pouvoir apporter ma contribution au combat pour le progrès économique et social de l’Afrique. » ● NICOLAS TEISSERENC

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ON EN PARLE

CHRISTOPHE LASSUS-LALANNE BANK OF AFRICA Le DG de la nouvelle filiale de BOA au Togo, qui ouvrira deux agences dans le pays courant 2013, a auparavant dirigé pendant six ans BOA-Mali avant d’implanter la banque en RD Congo en 2010. JEUNE AFRIQUE

HUSAIN AL SAFI EMIRATES Âgé de 31 ans, le nouveau DG Algérie de la compagnie aérienne émiratie y a entamé sa carrière en 2007, avant d’être nommé DG au Bangladesh en 2009 et un an plus tard auYémen.

JACQUES DU PUY CANAL+ Ce Français, qui a effectué une partie de sa carrière dans l’agronomie et l’industrie pharmaceutique, prend la présidence de la filiale Canal+ Overseas qu’il avait rejointe en novembre 2012 comme DG adjoint. N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013


Finance TUNISIE

Amen Bank pied au plancher

Le groupe entend profiter de l’entrée de la Société financière internationale dans son capital pour poursuivre sa croissance à marche forcée. Au risque d’une surchauffe ?

TREVOR SNAPP/BLOOMBERG/GETTY IMAGES

70

!Répondant aux craintes des analystes, la banque affirme posséder UN TAUX DE CRÉANCES DOUTEUSES INFÉRIEUR À LA MOYENNE DU SECTEUR.

A

«

lhamdoulillah », ont sans doute pensé les actionnaires d’Amen Bank le 24 janvier. « Dieu soit loué. » Attendue depuis des mois, la prise de participation de la Société financière internationale (SFI, filiale de la Banque mondiale) dans le groupe bancaire, à hauteur de 10 %, s’est enfin concrétisée. Ne manque plus que l’accord de la Banque centrale de Tunisie (BCT) pour procéder à l’injection de 48 millions de dollars (36 millions d’euros). En contrepartie de cet apport d’argent frais, Amen Bank s’est engagé à prêter 600 millions d’euros aux PME tunisiennes, rouage essentiel de l’économie nationale, au cours des cinq prochaines années. Dansunmarchéboursiermorose compte tenu de la crise politique qui secoue le pays, le cours de l’action n’a pas profité de cette annonce pour inverser la dégringolade entamée il y a plus d’un semestre. Rien N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

d’inquiétant selon Ahmed El Karm, président du directoire, qui préfère se féliciter du volume des échanges du titre, un des plus dynamiques de la Place de Tunis. Néanmoins, une réunion avec les intermédiaires en Bourse est déjà prévue dès l’arrêt définitif des comptes 2012, afin de rétablir la situation. AGRESSIVITÉ. Les données finan-

cières provisoires publiées par Amen Bank en janvier laissaient en effet présager un meilleur sort à la cote pour le groupe (le flottant représente 14 % de son capital). Au 31 décembre 2012, il affichait une progression de son produit net bancaire de 26,3 % sur un an (contre 0,4 % en 2011), passant de 171 millions à 216 millions de dinars (de 83 millions à 105 millions d’euros). « Le résultat d’une politique très agressive qui se traduit notamment par une hausse des crédits de 16,1 % [15,6 % en 2011, NDLR], pour atteindre 4,98 milliards de dinars

Une croissance à deux chiffres (évolution entre 2011 et 2012)

Crédits à la clientèle

,1 %012) +(2 41306M€ en 2 Produit net bancaire 2) ,3 % 201 + (21065 M€ en

en 2012 », explique Kais Kriaa, du cabinet AlphaMena. Cette performance place Amen Bank devant tous ses concurrents. D’ailleurs, certains observateurs émettent des doutes sur la soutenabilité de cette stratégie, d’autant qu’Ahmed El Karm n’entend pas lever le pied en 2013. La preuve ? Si ses concurrents Attijari Bank ou Banque internationale arabe de Tunisie (Biat) affichent une couverture d’encours de crédits par les dépôts supérieure à 110 % (c’est-à-dire que pour 100 dinars de crédits accordés, 110 dinars de dépôts sont collectés), Amen Bank plafonne à 88 %, soit près de dix points sous la moyenne du secteur. SelonRymGargouriBenHamadou, analyste chez Tunisie Valeurs, une telle croissance des crédits va inévitablement se traduire par une dégradation de la qualité des actifs détenus par la banque. VIGILANCE. « Nous sommes bien sûr très vigilants, toute augmentation des engagements étant porteuse de risque. Mais ce qui compte, c’est la capacité à l’évaluer et, le cas échéant, à recouvrir les impayés. Et nous avons développé dans ce domaine un véritable savoir-faire. Nous ne sommes jamais les derniers quand il s’agit de récupérer notre dû », assure Ahmed El Karm, qui revendique en outre une gestion conforme aux normes en vigueur. Ainsi, Amen Bank affirme posséder un taux de créances douteuses de 8,5 % – quand la BCT réclame que cellesci ne dépassent pas 10 % –, couvertes par des provisions à hauteur de 73 % – alors que le plancher a été fixé à 70 %. Reste que, pour les dépenses courantes, provisionnées depuis 2011 étant donné la dégradation de la santé des entreprises du pays, d’autres établissements comme la JEUNE AFRIQUE


Baromètre Banque de Tunisie sont bien plus prudents, avec une provision de 1 %, contre environ 0,4 % pour Amen Bank, estime Rym Gargouri Ben Hamadou. Si, selon Ahmed El Karm, la réussite financière d’Amen Bank ne s’appuie en aucun cas sur une propension à minimiser les risques, l’établissement entend toutefois renforcer sa capacité à les appréhender en mettant au point, en partenariat avec la SFI, un système de notation des entreprises tunisiennes. EXTENSION. « Notre atout est

notre faculté à mobiliser des ressources extérieures [740 millions de dinars en 2012], explique le patron. Nous sommes le principal bénéficiaire des lignes de crédit des bailleurs comme la Banque mondiale ou la Banque européenne d’investissement en Tunisie. Nous avons développé une approche qui nous permet de faire très vite le lien entre les projets et les financements disponibles. Ainsi, nous collons au plus près au programme de développement du pays. » Un positionnement renforcé par l’arrivée de la SFI dans son capital. « Ces crédits nous permettent de prêter des fonds sur le long terme, ce qui manque en Tunisie », affirme Ahmed El Karm. En parallèle, le groupe entend également poursuivre l’extension de son réseau, pour passer de 136 à 150 agences dans les deux ans, notamment dans l’intérieur du pays. Des prévisions qui restent cependant très dépendantes de l’évolution de la situation sécuritaire. Ce qui paraît encore plus hypothétique, c’est la réalisation des ambitions internationales annoncées par Amen Bank. Bien que le groupe assure avoir les moyens grâce à un rendement de 20 % de ses fonds propres, il est probable qu’il cherche d’abord à conforter sa place en Tunisie. « Si une banque française comme Société générale ou BNP Paribas souhaitait se retirer, nous examinerions attentivement cette opportunité », reconnaît Ahmed El Karm. ●

Finance

Banques : des hauts et des bas VALEUR

Biat Ecobank Banque de Tunisie Amen Bank Banque populaire Attijariwafa Bank BMCI Crédit du Maroc CIH BMCE

BOURSE

COURS au 14 février (en euros)

ÉVOLUTION depuis le début de l’année (en %)

TUNIS

31,05

+ 3,2

ABIDJAN

0,05 5,73 16,40 17,27 27,17 71,71 49,44 18,91 13,01

+ 2,9 0 – 1,3 – 1,5 – 2,6 – 3,1 – 3,5 – 7,7 – 8,8

TUNIS TUNIS CASABLANCA CASABLANCA CASABLANCA CASABLANCA CASABLANCA CASABLANCA

DIFFICILE DÉBUT D’ANNÉE boursière pour les banques francophones. À Casablanca, les grandes institutions financières continuent leur dégringolade. Malgré de belles réalisations, le cours d’Attijariwafa Bank évolue désormais 35 % en dessous de son plus haut de janvier 2011. La sanction est plus sévère encore pour la deuxième banque privée du pays, BMCE Bank, qui a perdu pendant le même laps de temps

environ 50 % de sa valeur en Bourse. En Tunisie, la situation est plus stable. Malgré un environnement économique très incertain, les banques du pays continuent d’afficher une bonne résistance en matière opérationnelle. À Abidjan, enfin, les filiales locales de Société générale et de BNP Paribas continuent leur progression en Bourse, les perspectives étant plus qu’encourageantes. ●

Valeur en vue ECOBANK Des marges en baisse NOUS MAINTENONS notre recommandation d’achat du titre Ecobank. Les acquisitions d’Oceanic Bank au Nigeria et de The Trust Bank au Ghana ont permis un élargissement de la base de clients. Les prêts à la clientèle ont ainsi enregistré une hausse annuelle de 50 % qui a naturellement entraîné une amélioration des revenus nets de 46 % sur la même période. La gestion des risques, qui est un élément essentiel de la politique de gouvernance du groupe Ecobank, s’est fortement améliorée. La vente Mamadou de 19,6 % du capital au sud-africain PIC a permis de Gueye ramener le ratio de solvabilité à des niveaux accepAnalyste chez CGF Bourse tables. En revanche, les marges bénéficiaires se sont contractées en raison d’une hausse des coûts de financement, causée par un cadre macroéconomique instable et un environnement inflationniste. Enfin, la performance d’Ecobank en Afrique de l’Est demeure encore faible. Les revenus y ont ainsi décliné de 11 % en rythme annuel pour les neuf premiers mois de 2012. ● BOURSE

PNB 2012 (estimé)

COURS (14.2.2013)

OBJECTIF

Abidjan

1,2 milliard d’euros (+ 31,9 %)

36 F CFA

40,05 F CFA

JULIEN CLÉMENÇOT JEUNE AFRIQUE

N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

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Dossier

Assurances

INTERVIEW

Ramsès Arroub

PDG de Wafa Assurance

VIE, SANTÉ, AUTO…

Des produits qui L’émergence d’une classe moyenne ouvre de nouvelles perspectives de croissance aux compagnies du continent. Analyse des tactiques gagnantes. STÉPHANE BALLONG

G

lobalement, 2012 aura été une bonne année pour les assureurs africains. En attendant la publication imminente des derniers chiffres de la Fédération des sociétés d’assurances de droit national africaines (Fanaf), les professionnels sont confiants. Activa table sur une progression d’environ 13 % de son chiffre d’affaires au Cameroun, et Axa Gabon de 14 %. Alors qu’au niveau mondial le secteur a connu un ralentissement l’an dernier, voire un recul (– 0,4 % dans les pays développés), le rapport Sigma 2012 du réassureur helvétique Swiss Re estime qu’il a affiché une progression de 3,2 % sur le continent. Et au sud du Sahara, les primes collectées par les compagnies d’assurances entre 2000 et 2011 ont augmenté de 7,1 % par an, pour atteindre 8,9 milliards de dollars (6,63 milliards d’euros). Première raison de cette croissance soutenue: le décollage de l’assurance santé. Longtemps parent pauvre de la profession, cette activité est désormais portée par une demande émanant de la classe moyenne naissante. De 19 % du marché non-vie en 2005, cette branche a atteint 22,4 % de part de marché en 2010, selon la Fanaf (voir infographie p. 71). « De plus en plus, les populations veulent être bien assurées en raison de la défaillance des structures étatiques en matière de couverture maladie », explique Joël Muller, directeur général d’Axa Gabon. Du coup, les compagnies innovent. Sa sociétéaainsilancéDoubleavismédical,quipermet au souscripteur de bénéficier de l’avis d’un second spécialiste lorsqu’un mal susceptible d’entraîner une intervention chirurgicale lui a été diagnostiqué. Mi-2012, le groupe panafricain d’origine ivoirienne NSIA a démarré la commercialisation de NSIA Hospitalis et NSIA Hospi. Deux produits grâce auxquels les assurés sont indemnisés des frais médicaux, chirurgicaux et d’hospitalisation. Au Cameroun, Activa va plus loin et s’intéresse aux N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

YOURI LENQUETTE POUR J.A.

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! CHAQUE ANNÉE OU PRESQUE, les sociétés étoffent leur offre en proposant de nouvelles garanties.

retraités avec Activa santé troisième âge. « Au-delà d’un certain âge, explique Richard Lowe, son PDG, les assureurs refusent toute couverture. » D’après un autre assureur ouest-africain, ce créneau a un vrai potentiel, car il est constitué pour l’essentiel d’habitués des produits d’assurance, pris en charge pendant leur carrière par leur employeur. PACKAGES. Si l’activité santé se développe, ce n’est

pas pour autant la plus rentable. « C’est en réalité un produit d’appel parce que la probabilité de tomber malade pendant l’année est réelle, explique JEUNE AFRIQUE


ALGÉRIE

Les habitudes ont la peau dure

PORTRAITS

RÉFORME

Chasseurs de primes

La Cima change de code

assurent COTISATIONS EN AFRIQUE Primes non-vie (en %)

37

17

2005

10,3

16

6

37,2

12,8

2010

14,7 milliards d’euros

22,4

4,2 14,8

8,6

Accidents & maladie Automobile Transports Responsabilité civile Incendie Autres risques

Primes vie

23,4

milliards d’euros

2005

le patron d’Axa Gabon. Elle nous sert surtout à attirer les clients pour leur proposer d’autres types d’assurance.»Envie,parexemple.ActivaCameroun propose ainsi un système d’épargne pour financer plus tard les études de ses enfants. Quant à l’IFC (indemnité de fin de carrière) commercialisée par NSIA en Côte d’Ivoire – qui a connu un franc succès avant la crise postélectorale –, elle fait son retour. « Destinée aux entreprises, cette offre permet de constituer une cagnotte pour payer les indemnités de départ à la retraite ou de licenciement des salariés. Elle devrait bien marcher dans d’autres JEUNE AFRIQUE

35,6 milliards d’euros

2010

SOURCE : FÉDÉRATION DES SOCIÉTÉS D’ASSURANCES DE DROIT NATIONAL AFRICAINES (FANAF)

19

5

milliards d’euros

MAROC

À l’école des ingénieurs du risque

pays de la zone Cima [Conférence interafricaine des marchés d’assurances, NDLR] », soutient un cadre du groupe panafricain. Globalement, pour les particuliers comme pour les entreprises, les assureurs s’efforcent d’étoffer ou de renouveler leur offre chaque année ou presque. « La tendance consiste aujourd’hui à proposer aux clients des packages pour leur éviter de souscrire plusieurs contrats différents », précise l’assureur ouest-africain. Les autres assurances (incendie, transports et risques divers) tirent également leur épingle du jeu. Ainsi l’assurance auto – obligatoire – continue de progresser grâce à l’expansion du parc automobile africain. Avec près de 1,4 million de véhicules neufs vendus tous les ans, ce parc rajeunit et fait évoluer la demande. Côté assureurs, « on adapte l’offre en y ajoutant des garanties comme l’assistance en cas de panne ou de vol, etc. », explique Richard Lowe. La multiplication des grands projets d’infrastructures (routes, barrages…) constitue une autre aubaine pour les assureurs africains. « Les Chinois – qui décrochent la plupart de ces marchés en Afrique subsaharienne – souscrivent systématiquement des assurances auprès des compagnies locales », assure Pascal Le Lepvrier, directeur du réseau qui gère les agences de NSIA au Mali. Par ailleurs, les sociétés africaines intervenant aussi sur ces chantiers sont de plus en plus nombreuses à se couvrir. Au bénéfice des produits multirisques (construction, matériaux, transports, etc.). PARTICULIERS À CONQUÉRIR. Malgré ces avan-

cées, le taux de pénétration de l’assurance dépasse à peine 1 % sur le continent. Le principal défi consiste désormais à conquérir davantage le marché des particuliers. Swiss Re estime que les efforts doivent tenir compte de ses spécificités : « Une population majoritairement à faible revenu, exposée à des maladies infectieuses », précise le réassureur dans son dernier rapport. À cette fin, le développement de la micro-assurance est une piste. Pour une prime annuelle de 10 000 F CFA (15 euros), la filiale malienne de NSIA propose ainsi avec succès une assurance santé aux populations riveraines du fleuve Niger. Autre piste à explorer sur un continent où plus de 60 % de la population dépend du travail de la terre : l’assurance des risques agricoles. Des projets pilotes ont été mis en œuvre, au Kenya par exemple, mais c’est en Inde que ce type d’assurance a connu un grand succès. Entre 2010 et 2011, plus de 9 millions d’agriculteurs ont été couverts, avec 258 millions de dollars de primes générées. À méditer. ● N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

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Dossier Assurances

INTERVIEW

Ramsès Arroub PDG de Wafa Assurance

« Deux régions précises, deux stratégies distinctes » Leader au Maroc, Wafa Assurance fait ses premiers pas hors du royaume. Son PDG détaille son plan de conquête des marchés africains.

D

ébauché du groupe en 2007 pour prendre les rênes de Wafa Assurance, alors deuxièmecompagnied’assurancesduMaroc, Ramsès Arroub a permis à cette dernière de se hisser sur la première marche du podium. En moins de quatre ans, il a fait de cette société le leader incontesté du marché en s’appuyant sur le vaste réseau de sa maison mère, le groupe Attijariwafa Bank. Après avoir consolidé les positions de Wafa sur son marché domestique, ce polytechnicien se tourne vers l’Afrique : fin 2012, il annonçait la reprise d’une compagnie ivoirienne et la création d’une filiale en Tunisie. Et ce n’est que le début… JEUNE AFRIQUE : L’annonce fin 2012 de votre implantation en Côte d’Ivoire et en Tunisie marque vos premiers pas hors du Maroc. Quelles sont vos ambitions sur le continent ? RAMSÈS ARROUB : À moyen terme, nous avons

des ambitions dans deux régions précises. En Afrique du Nord d’une part, et au Sud d’autre part, dans les quatorze pays de la Conférence interafricaine des marchés d’assurances, la Cima. Mais nous avons deux stratégies bien distinctes. Ainsi notre expansion en Afrique du Nord aura pour but d’apporter de la valeur ajoutée. C’est pour cela que notre filiale récemment créée en Tunisie s’est spécialisée exclusivement dans le segment vie. Nous comptons avoir un positionnement de niche, pour apporter un plus. Ce ne sera pas le cas pour les pays subsahariens…

Dans cette région, nous comptons être le plus universel possible, en offrant tous les produits d’assurance. Nous l’avons d’ailleurs annoncé en Côte d’Ivoire, où notre partenaire potentiel, Solidarité africaine d’assurance (Safa), est pour l’instant spécialisé dans le segment non-vie. Si l’opération se concrétise, nous allons essayer d’en faire un opérateur généraliste, en apportant notre expertise et notre savoir-faire. L’incendie qui a endommagé Safa il y a peu risque-t-il de remettre en question le protocole d’accord signé avec votre partenaire ivoirien ? N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

Nous avons signé en septembre dernier ce protocole d’accord en vue de préparer l’opération d’acquisition. Et nous attendions l’aval des autorités marocaines et ivoiriennes pour conclure. Mais il y a eu entre-temps cet incendie dans un local annexe au siège de la compagnie, qui a causé des dégâts matériels sérieux, dont la destruction de documents importants. En attendant que Safa surmonte cette épreuve, nous avons ajourné l’opération telle qu’elle était prévue par le protocole initial. Cela dit, nous nous intéressons toujours à cette société et au marché ivoirien. Nous sommes disposés à examiner de nouvelles bases de discussion afin de mettre en place un autre partenariat, notamment si les efforts de Safa pour surmonter cette épreuve s’avèrent concluants, dans un délai raisonnable.

En Tunisie, le marché draine un chiffre d’affaires de 600 millions d’euros. Cette compagnie ivoirienne n’est-elle pas trop limitée par rapport à vos ambitions ?

C’est effectivement une compagnie de taille modeste : sa part de marché est d’environ 2 %. Mais ce qui nous intéressait, c’était de disposer d’une porte d’entrée dans le marché ivoirien, le principal de la Cima. L’assurance est un métier de marathonien. Quand on s’implante dans un pays, c’est dans un objectif de long terme. Il faut du temps pour installer les meilleures pratiques. En Tunisie, vous avez opté pour la création d’une nouvelle compagnie. Comment avez-vous convaincu les autorités de l’intérêt de cette implantation ?

Il faut d’abord rappeler que la création de notre filiale en Tunisie est portée par Attijari Bank, filiale tunisienne du groupe Attijariwafa Bank, qui détient 55 % du capital de la nouvelle compagnie. C’est donc la banque qui est le promoteur du projet ; Wafa Assurance a un rôle de partenaire JEUNE AFRIQUE


Dossier intéressante, la saisir. Au sein de la Cima, nous allons d’abord nous concentrer sur les quatre gros marchés que sont la Côte d’Ivoire, le Gabon, le Cameroun et le Sénégal. Ils pèsent à eux seuls 75 % du secteur de l’assurance dans la zone. Qu’est-ce qui vous a poussés à vous développer sur le continent ?

Les marchés que nous visons ont un potentiel important. En Tunisie par exemple, celui des assurances draine un chiffre d’affaires de 600 millions d’euros. Le segment vie – où nous serons spécialisés via notre filiale commune avec Attijari Bank – en représente 15 % et équivaut à 0,25 % à peine du PIB du pays. Au Maroc, l’assurance-vie constitue 30 % du marché global et une part de 1 % du PIB. Dans les pays de la Cima, le volume du marché des assurances est de 1,3 milliard d’euros… C’est dire la marge de progression qu’il reste pour les années à venir. Vous semblez avoir pris du retard par rapport à vos concurrents, notamment le groupe Saham de Moulay Hafid Elalamy…

DR

C’est vrai. Saham est le premier groupe d’assurances à s’être risqué hors du Maroc pour étendre ses activités en Afrique. Mais n’oubliez pas que Wafa Assurance occupait la quatrième position dans le royaume il y a dix ans, en raison de la concentration que connaissait le secteur. Aujourd’hui, nous sommes numéro un. Car ces dernières années nous nous sommes investis dans le développement de notre activité au Maroc. Maintenant que nous y avons consolidé notre position de leader, nous pouvons nous ouvrir à l’international.

technique. Le Comité général des assurances, qui est le régulateur du marché tunisien, a accepté notre arrivée parce que nous avons un savoirfaire éprouvé au Maroc. Nous allons aussi créer des emplois qualifiés : nous comptons recruter entre 50 et 100 collaborateurs à moyen terme. Et l’épargne qui sera collectée par la compagnie d’assurances sera essentiellement investie en bons du Trésor tunisien, ce qui représente une promesse de financement pour ce dernier. Voilà les trois principaux arguments qui nous ont permis d’appuyer notre projet d’implantation. Sur quels autres pays d’Afrique du Nord vous concentrez-vous ?

Nos cibles stratégiques sont l’Algérie et la Tunisie. Mais si une opportunité se présente ailleurs, nous l’étudierons pour, si elle est

JEUNE AFRIQUE

Profil • 47 ans • Diplômé de Polytechnique et de l’École des mines de Paris • Débute sa carrière au sein du cabinet d’audit Arthur Andersen • Exerce dans la banque d’affaires CFG Group et le groupe Saham • PDG de Wafa Assurance depuis 2007

Wafa Assurance est un modèle qui fonctionne. Comment comptez-vous le dupliquer sur le continent ?

Au sein de Wafa Assurance, plusieurs savoirs cohabitent. Nous maîtrisons différents métiers et segments, à commencer par celui de l’assurance d’entreprises – notre métier historique –, en passant par l’assurance automobile, l’assurance-vie ou encore les prestations de réassurance. En Afrique, nous comptons exporter les pratiques les mieux maîtrisées au Maroc. Comme nous le faisons déjà en Tunisie, où nous mettons à la disposition des équipes locales les meilleures pratiques en termes d’assurance-vie et de bancassurance. Ce sera la même chose en Côte d’Ivoire, un marché d’entreprises connu pour être foncièrement exportateur et qui a donc besoin de notre savoir-faire en matière d’assurance maritime – domaine que nous maîtrisons bien. Nous allons donc transmettre ce que nous avons de mieux, en fonction des besoins de chaque marché. ● Propos recueillis à Casablanca par MEHDI MICHBAL N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

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Dossier Assurances ALGÉRIE

Les habitudes ont la peau dure

Malgré une forte croissance en 2012, le secteur tarde à s’imposer. Question de culture…

A

près une année 2011 marquée par une progression limitée (+ 6 %), 2012 a été plus dynamique pour les assurances en Algérie. « Le secteur a renoué avec une croissance à deux chiffres (+ 11 %), pour atteindre 96 milliards de dinars (909,56 millions d’euros) de chiffre d’affaires, selon les premières estimations », affirme Abdelhakim Benbouabdellah, secrétaire permanent du Conseil national des assurances (CNA). Une évolution à nuancer : d’après l’étude Sigma de Swiss Re – deuxième réassureur mondial –, l’Algérie se situait, en 2011, en queue de peloton des pays émergents avec un taux de pénétration de l’assurance (primes/PIB) de 0,7 %, contre 1,8 % en Tunisie et 2,9 % au Maroc. « Les experts jugent que le marché algérien de l’assurance a un potentiel considérable. Toutes branches confondues, le secteur réalise un chiffre d’affaires d’environ 1 milliard de dollars (756,54 millions d’euros), contre 3,5 milliards de dollars au Maroc », poursuit Hassen Khelifati, PDG d’Alliance Assurances, deuxième groupe privé algérien. À LA TRAÎNE. Alors que la branche

des assurances dommages (auto, incendie, risque agricole, transports…) représente près de 94 % des

En 2012, l’assurance de personnes ne représentait que

5,8 % du total des primes (chiffre d’affaires)

primes totales encaissées par les professionnels du pays, l’assurance de personnes peine à décoller. Son taux de pénétration reste marginal, à 0,1 %, contre 0,9 % chez le voisin marocain. Les habitudes culturelles (forte solidarité familiale) et la réorganisation du secteur pèsent sur cette activité. « Cette branche a réalisé 5,6 milliards de dinars de chiffre d’affaires provisoire, soit une chute de 16 %. Cela s’explique notamment par la réduction des ventes de contrats individuels et par la diminution du nombre de points de vente, due à la séparation des activités dommages et personnes en juillet 2011 », concède Abdelhakim Benbouabdellah. De fait, en 2006, le législateur a exigé que les assurances dommages et celles de personnes soient séparées en filiales distinctes à partir de début 2011. Six mois supplémentaires ont ensuite été accordés aux assureurs pour se conformer à la loi. Au départ,

L’AUTO PILOTE TOUJOURS LE MARCHÉ AVEC UNE PART de marché de 58 % en 2012 selon les premières estimations du Conseil national des assurances, l’automobile continue de se tailler la part du lion dans le chiffre d’affaires N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

global des assurances en Algérie. Outre la loi qui oblige tout détenteur de véhicule à s’assurer, la forte croissance du parc automobile et son rajeunissement ces dernières années ont

favorisé la branche. Conséquence: de plus en plus de particuliers se tournent vers les assurances tous risques, augmentant ainsi le poids de ce segment R.B. de marché. ●

seules trois filiales vie de sociétés publiques ont eu les ressources nécessaires pour être créées : Taamine Life Algérie (qui émane de la CAAT), Caarama Assurance (liée à la Caar) et la Société d’assurance, de prévoyance et de santé (émanant de la SAA et du français Macif ). En août 2011, la Ciar, première compagnie privée par le chiffre d’affaires, leur a emboîté le pas en lançant MacirVie, qui assure par exemple les Algériens faisant un pèlerinage à La Mecque. D’autres acteurs ont suivi, à l’instar de la filiale vie d’Axa. L’an dernier, pour promouvoir l’assurance de personnes, les pouvoirs publics ont accordé une convention de distribution aux sociétés consacrées aux dommages. « Nous discutons avec plusieurs compagnies pour distribuer des contrats d’assurance de personnes à travers notre réseau. Cette activité nécessite un temps d’adaptation, et nous espérons la démarrer d’ici à fin mars », déclare Hassen Khelifati. « La tendance baissière de ce segment devrait s’inverser avec la commercialisation de nouveaux produits et l’extension des réseaux de distribution. En effet, les filiales s’organisent petit à petit, tandis que la bancassurance se développe », observe le secrétaire permanent du CNA. ● RYADH BENLAHRECH JEUNE AFRIQUE


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Réalisation FilBleuSAS : filbleu@club-internet.fr

Le réseau SUNU en Afrique


COMMUNIQUÉ



Dossier Assurances PORTRAITS

Chasseurs de primes

Réseau bancaire, partenaires étrangers, portefeuille de clients varié… À chacun sa méthode pour contribuer au succès de son entreprise.

Olivier Nebout

Rachid Ben Jemia

Directeur général de NSIA Côte d’Ivoire

PDG de Comar et de sa filiale vie, Hayett

N

P

DR

SIA (Nouvelle Société interafricaine d’assurances) mise sur la bancassurance, « à savoir la distribution de produits d’assurance par le biais des réseaux bancaires », précise Olivier Nebout, qui dirige la filiale ivoirienne depuis décembre dernier. Formé à l’Institut des assurances de Paris et titulaire d’une maîtrise de droit, il peut compter sur la résistance de son entreprise, qui a su se maintenir malgré la crise postélectorale. En 2011, la filiale ivoirienne réalisait un peu moins de 22 millions d’euros de chiffre d’affaires, contre près de 24,2 millions hors assurance-vie en 2010. La maison mère, ivoirienne, créée en 1995, a obtenu de Proparco, filiale de l’Agence française de développement

(AFD) consacrée au secteur privé, un prêt de 25 millions d’euros l’an dernier. NSIA reste à l’affût d’opportunités d’acquisitions, avec comme ambition de « devenir le bancassureur de référence partout en Afrique ». ● BRICE TAHOUK

Bernard Girardin Directeur général d’Allianz Cameroun

our beaucoup, la Compagnie méditerranéenne d’assurances et de réassurances (Comar, née en 1969), c’est lui. Rachid Ben Jemia en est le directeur général depuis 1977. Diplômé de l’École nationale d’assurances de Paris, il a récemment été promu PDG du groupe Comar et de sa filiale assurance-vie, Hayett. La compagnie a réalisé plus de 49,1 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2011 (contre 47,7 millions en 2010), et ce malgré le Printemps arabe. Grâce à des partenariats avec des multinationales de l’assurance, dont le français Axa et l’allemand Munich Re, la Comar a rapidement pris une place de choix en assurances risques divers et vie. Depuis près de vingt ans, elle est le numéro deux des assureurs en Tunisie. Mais, au-delà de ses bons résultats, c’est la personnalité du PDG qui assure sa célébrité. Défenseur du Marathon de la Comar, il est aussi l’artisan du Comar d’or, un prix littéraire consacré au roman tunisien. ● B.T.

F

ort d’un chiffre d’affaires de 33,5 millions d’euros en 2011 et d’une centaine de collaborateurs, Allianz Cameroun se veut le leader du secteur dans le pays. Son directeur général, Bernard Girardin, y officie quant à lui depuis 2010, après avoir dirigé Allianz Sénégal. Dans le détail, Allianz Cameroun détient 9,5 % de part de marché en assurance dommages et se hisse sur le haut du podium en assurance-vie. À noter que le pays représente 23 % des 123,5 millions d’euros de chiffre d’affaires que génèrent les seize filiales africaines du groupe, implantées dans onze pays. Généraliste, Allianz Cameroun gère plus de 75000 contrats. Des particuliers aux multinationales en passant par les PME-PMI, son portefeuille de clients est varié. Et pour contribuer à son image positive, Allianz organise chaque année un tournoi de golf et un tournoi de tennis. À quand un stade camerounais portant le nom du groupe, à l’instar de l’Allianz Arena, à Munich? ● B.T. N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

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Dossier Jean-Claude Ngbwa, secrétaire général de la Cima. Par ailleurs, les sociétés intermédiaires n’ont plus le droit de collecter des primes et de les reverser aux assureurs l’année suivante. Désormais, les primes alimentent directement les caisses des assureurs après prélèvement d’une commission.

RÉFORME

La Cima change de code

Plus de un an après l’adoption d’une règle instaurant le paiement au comptant des primes, assureurs et assurés tentent de s’y adapter.

YOURI LENQUETTE POUR J.A.

ADAPTATION PROGRESSIVE. Un

C

«

’est l’évolution la plus importante des vingt dernières années. » Richard Lowe, le patron d’Activa au Cameroun, est formel. D’après lui, la réforme du code régissant l’activité au sein de la Conférence interafricaine des marchés d’assurances (Cima) s’imposait. Adoptée en avril 2011 par le Conseil des ministres en charge des assurances dans la région et entrée en vigueur en octobre la même année, elle concerne notamment l’article 13, quiobligedésormaisl’assuréàpayer en totalité sa prime avant la prise d’effet de son contrat, et l’article 451,

qui interdit aux courtiersd’encaisser les paiements des clients. En clair, il n’est théoriquement plus possible de souscrire, comme c’était devenu la règle, une assurance à crédit dans les quatorze pays de la zone franc CFA d’Afrique centrale et d’Afrique de l’Ouest. Avec l’accumulation des impayés, les compagnies d’assurances accusaient des arriérés pouvant atteindre la moitié de leur chiffre d’affaires, indique la Fédération des sociétés d’assurances de droit national africaines (Fanaf ). Résultat : « La plupart d’entre elles n’étaient pas en mesure de rembourser les sinistres », explique

PUB 1/4 PAGE

! LE SÉNÉGAL compte parmi les pays concernés par la réforme (ici Allianz, à Dakar).

peu plus de un an après la mise en œuvredecesnouvellesdispositions, quel bilan tirer ? « En 2012, nous avons assisté à un ralentissement de nos chiffres d’affaires parce que les clients, notamment les particuliers et les PME, n’étaient pas préparés à cette nouvelle mesure », affirme un assureur ouest-africain. D’après son confrère d’Activa Cameroun, « on devrait observer un redressement à partir de 2014 ». En attendant, les clients s’adaptent progressivement. « Certains, explique Pascal Le Lepvrier, directeur du réseau Ndebaya, qui gère les agences du groupe NSIA au Mali, ont réduit les garanties souscrites pour baisser les coûts, d’autres procèdent par fractionnement en souscrivant par trimestre plutôt que pour l’année. » Les assureurs, eux, n’hésitent pas à accorder des réductions ou à accepter plusieurs chèques, encaissés selon un échéancier. « Dans les pays où le pouvoir d’achat est très faible, les compagnies d’assurances n’ont pas d’autre choix », explique Pascal Le Lepvrier. Reste que le non-respect du nouveau code peut entraîner des sanctions allant jusqu’au retrait de l’agrément. ● STÉPHANE BALLONG

Format total L = 205 x H = 72 Surface utile L = 185 x H = 62

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Dossier Assurances MAROC

À l’école des ingénieurs du risque

Les actuaires sont de plus en plus demandés. Pour faire face à ce besoin, le royaume a créé sa première formation spécialisée au cœur de l’Université internationale de Rabat.

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ls sont déjà quelque 300 actuaires au Maroc mais, à mesure que le marché de l’assurance gagne du terrain, la demande va crescendo. « Il y a de vrais besoins pour la tarification, le provisionnement de certains produits et toutes les questions liées à la solvabilité », note Stéphane Loisel, responsable des relations internationales à l’Institut de science financière et d’assurances (Isfa) de Lyon. Jusqu’à présent, une vingtaine de nouveaux actuaires formés à l’Institut national de statistique et d’économie appliquée (Insea) de Rabat arrivaient chaque année sur le marché, essentiellement embauchés par les compagnies d’assurances. Le royaume, qui comptait déjà trois filières spécialisées (deux à Rabat et une à Marrakech), propose depuis septembre 2012 une formation d’actuariat – la première entièrement consacrée à cette discipline – au sein de l’Université internationale de Rabat (UIR). Pour l’élaborer, celle-ci s’est associée à l’Isfa, qui opérait déjà à l’international. Même programme, mêmes unités d’enseignement, professeurs en commun : le cursus rbati comprend un double diplôme, des échanges académiques et un semestre en France. Objectif : former une petite vingtaine d’actuaires chaque

HASSAN OUAZZANI POUR J.A.

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! OBJECTIF : former une petite vingtaine de ces statisticiens chaque année.

année « pour ne pas saturer le marché », souligne Abderrahim Oulidi, directeur du pôle business, management, finance et actuariat à l’UIR. Accessible aux titulaires d’un bac + 2 (classes préparatoires scientifiques et commerciales) sur concours, le Programme grande école actuariat débouche en trois ans sur un master de sciences actuarielle et financière, ingénierie des risques. Pour l’heure, seule la formation de l’Insea bénéficie de la reconnaissance des instances actuarielles internationales.

Actuaire, n. Spécialiste de l’application de la statistique, notamment du calcul des probabilités, aux opérations de finance et d’assurance

MONTÉE EN PUISSANCE. La pre-

mière promotion du programme de l’UIR ne compte que huit étudiants. À terme, il s’agit de former une quinzaine

d’actuairesgénéralistes.Silespectre des métiers faisant appel aux techniques actuarielles est large, ceux de l’assurance dominent. Les opportunités d’embauche sont également nombreuses dans les banques, les mutuelles et les cabinets de conseil. « Ces financiers de niveau ingénieur sont rémunérés de 9 000 à 10 000 dirhams environ [de 800 à 890 euros, NDLR] à la première embauche, avec de bonnes perspectives de carrière », souligne Mustapha Lebbar, vice-président de l’Association marocaine des actuaires. Pour Abderrahim Oulidi, les formations doivent fournir au royaume les ressources qualifiées enassurance,financeetprévoyance dont il a besoin. « Aujourd’hui, il n’y a pas d’ordre pour la profession, donc pas de responsabilité ni de reconnaissance officielle de l’actuaire marocain, contrairement à la France, où ce spécialiste est habilité à certifier et à suivre des tables de mortalité. Mais ça va venir », pronostique-t-il. Une fois adoptée, la réforme Solvabilité II – dont l’objectif est de mieux adapter les fonds propres exigés des compagnies d’assurances aux risques que celles-ci encourent dans leur activité – devrait assurer de beaux lendemains aux actuaires marocains. ● FANNY REY

PASSAGE DE TÉMOIN AU SUD DU SAHARA LA PROFESSION est encore méconnue en Afrique subsaharienne, où les rares actuaires ont été formés en Europe ou en Amérique du Nord. Pour faire face aux besoins à venir, l’Institut de science financière et d’assurances (Isfa) de Lyon, en partenariat avec l’université de Barcelone et N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

l’université Cheikh-AntaDiop (Ucad) de Dakar notamment, a lancé une initiative en deux temps : former des formateurs, puis s’appuyer sur eux pour délivrer à Dakar un enseignement reconnu par l’Association actuarielle internationale. Au cours de deux sessions d’un mois

(mai 2013 et mai 2014), il s’agira d’« apporter aux enseignants-chercheurs de diverses universités subsahariennes – ayant déjà une expérience en probabilité statistique – un complément professionnel en actuariat pour monter un département actuariat dans leur université,

précise Stéphane Loisel, professeur à l’Isfa. L’objectif est d’assurer un transfert de compétences entre nos enseignants et ceux de la zone Cima [Conférence interafricaine des marchés d’assurances, NDLR] et, à terme, de monter un master ». ● F.R. JEUNE AFRIQUE



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Culture & médias

LITTÉRATURE

Joumana

Haddad

« Dieu? Une absurdité! » Dans une écriture souvent violente, parfois sensuelle, l’auteure libanaise dissèque le machisme des sociétés arabes et s’attaque aux religions, instruments de domination aux mains des hommes.

Propos recueillis par

I

LAURENT DE SAINT PÉRIER

l y a trois ans, Joumana Haddad a tué Shéhérazade. Sous une pluie de textes acérés, trempés dans une rage de liberté « anathémisée » par l’ordre machiste arabe, elle a voulu exterminer ce modèle encensé de l’Orientale rusée, qui a contribué à persuader les femmes arabes que « pour réussir dans la vie, il faut satisfaire l’homme ». Aujourd’hui, à 42 ans, l’auteure libanaise étend sur la table de dissection un autre héros mythique, Superman, vu comme l’archétype du machiste dont elle a voulu scruter les dynamiques bodybuildées dans ses rouages les plus intimes. Le diagnostic est sans appel : ce pseudo-héros gominé et faussement infaillible est arabe. « Sa bienveillance cache son égoïsme, la protection qu’il vous accorde vous asphyxie, son amour n’est que désir de posséder, sa force n’est que volonté de pouvoir. » Sous-titrée « De Dieu, du mariage, des machos et autres désastreuses inventions », cette anatomie d’une contrefaçon emprunte les formes de la poésie ou de la prose, les accents de la dérision ou de la gravité, la force de la diatribe ou l’acidité de l’ironie : un patchwork de textes cousus à la kryptonite postféministe. Éducation, sociétés, traditions et surtout religions : l’auteure s’insurge contre tout ce qui a fait des relations entre hommes et femmes un rapport de force à sens unique. Son idéal ? Clark Kent, l’antihéros, le timide, l’homme normal qui ne cache pas ses faiblesses. Superman est arabe : un essai dont Joumana Haddad revendique l’égocentrisme et dont N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

l’écriture souvent violente, parfois sensuelle, flirte avec le blasphème et le sadomasochisme. Rien d’étonnant, La Vénus à la fourrure de SacherMasoch et Justine ou les Malheurs de la vertu de Sade trônent à son chevet depuis l’adolescence. Elle les lisait cachés dans des missels, pendant la messe dominicale. Superman est arabe : un livre déconseillé aux tartufes et autres matamores cramponnés à l’ordre machiste du monde. Un manuel de bon sens à recommander dans les écoles de garçons ? JEUNE AFRIQUE: Votre livre, Superman est arabe, provoque les hommes, leur curiosité ou leur colère, leur rire ou leurs grincements de dents. Était-ce votre intention ? JOUMANA HADDAD : Ce livre s’adressait en

Superman est arabe, de Joumana Haddad, traduit de l’anglais par Anne-Laure Tissut, Actes Sud, « Sindbad », 240 pages, 20 euros.

premier lieu à moi. L’écrire était une façon de concrétiser mes idées et finalement de me découvrir. Au-delà des apparentes provocations, c’est en fait moi-même que je voulais défier pour voir jusqu’où je peux repousser mes limites. Et comme la provocation est un dégât collatéral, mon lecteur collatéral est bien sûr l’homme, que j’aimerais réveiller de certains états de léthargie néfaste. C’est une douche froide que je me suis imposée pour l’imposer ensuite à ceux qui veulent me lire. Il y a un chapitre où je parle de la première fois où j’ai entendu le poème d’Eluard Liberté : ça a été pour moi un réveil, un tremblement de terre, et j’aspire à donner à mes lecteurs cette secousse que j’ai reçue à travers mes différentes lectures. ● ● ● JEUNE AFRIQUE


ANTONIN BORGEAUD POUR J.A.

! À PARIS (le 8 février).


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Culture médias leur pouvoir et contrôler les peuples. Elles sont faites par les hommes, contre les femmes et pour les hommes.

● ● ● Vous citez souvent le marquis de Sade, qui ne passe pas pour le plus féministe…

Le premier livre que j’ai lu de lui, Justine ou les Malheurs de la vertu, m’a beaucoup marquée. Je ne me suis jamais retrouvée dans les personnages de Sade, mais il est injuste de prendre Sade au pied de la lettre. Je l’aime pour ce qu’a provoqué en moi cette liberté d’écriture, cette insistance à repousser les limites, à aller jusqu’au bout. Sa lecture a été une révélation et une révolution pour une petite fille comme moi, entourée de refus, d’interdits, de tabous. Il m’a donné ma première leçon d’émancipation du langage et de la pensée. Êtes-vous de celles qui voudraient que les droits de l’homme deviennent par exemple les droits du genre humain ?

Pas du tout. Je n’ai jamais été dans l’idéologie. Je ne veux surtout pas contester les victoires du féminisme de la deuxième vague sans lesquelles la femme que je suis n’aurait pas existé. Mais il y a une certaine idéologie féministe qui a aliéné les hommes en voulant opposer au patriarcat ambiant une forme de matriarcat : je n’y adhère pas. Les idéologies peuvent vite se transformer en dictature. Et je suis pour les différences, j’aime la polarisation masculine et féminine, je la respecte, elle est intéressante. Pour moi, c’est dans la complicité que peut s’accomplir la lutte pour les droits de la femme, et je voudrais que l’homme s’engage à part entière pour éveiller la conscience des femmes à leur propre patriarcat, c’est-à-dire à toutes ces valeurs machistes qu’elles véhiculent, consciemment ou inconsciemment. Y a-t-il une égalité possible ou le rapport de force est inévitable ?

Il y aura toujours, je pense, un jeu d’équilibriste entre domination et soumission, mais il doit être partagé : dans une même relation, on peut être parfois dominant, parfois dominé. Les rôles doivent pouvoir s’inverser sans rester statiques. Il faut qu’il y ait un jeu à égalité de règles. Chacun a ses instants de faiblesse, de doute, des moments où on a besoin de l’autre et inversement. Je crois à cette dynamique qui est d’ailleurs la plus naturelle. Vous criez beaucoup à la face de Dieu…

Ce livre est aussi une profession d’athéisme qui veut avant tout gifler tout ce qui pousse à s’attacher à cette figure absurde à laquelle des millions, des milliards de gens s’attachent et croient. J’ai été agnostique avant d’être athée, j’ai fait un long voyage à travers le questionnement, la contestation, le défi de ce Dieu dont je ne savais pas s’il était là ou pas. Pour moi, les religions, notamment les trois monothéismes, ont été inventées par des hommes pour asseoir N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

Un lien de parenté entre Dieu et Superman ?

J’ai tué Schéhérazade, de Joumana Haddad, traduit de l’anglais par Anne-Laure Tissut, Actes Sud, « Babel », 160 pages, 7 euros.

Un certain féminisme a aliéné les hommes en opposant au patriarcat une forme de matriarcat.

C’est le Superman par excellence qu’on a inventé là ! Il est omnipotent, omniscient, il peut tout voir, il nous surveille : il est pire que le superhéros des BD ! Il est absolument insupportable, et accepter cette présence c’est déjà se livrer à une vision très machiste du monde. Je dénonce les monothéismes comme des instruments de la vision patriarcale qui se perpétue jusqu’à nos jours. Vous dénoncez aussi les femmes complices de l’ordre machiste…

Il y a tout un lavage de cerveau et un conditionnement imposé, pas uniquement dans le monde arabe, qui place souvent la femme dans une position limitée. Elle joue à la Barbie, elle nourrit le bébé et ne rêve que de Ken, alors que Ken, lui, fait la guerre et s’occupe de politique ! Beaucoup de mères agissent ainsi inconsciemment, par réflexe. Or on ne peut combattre le réflexe que par la réflexion, la prise de conscience : dire, répéter, toujours chercher à planter ce point d’interrogation. Pourquoi dois-je désirer un fils quand je suis enceinte ? Pourquoi dois-je inculquer à ma fille de rester vierge jusqu’au mariage ? Etc. Évidemment, en Occident, il y a d’autres façons de produire ce conditionnement, mais finalement le résultat est le même : la survie de toute cette vision patriarcale. « Ni pute ni soumise » : que vous inspire ce slogan sorti des banlieues françaises ?

Je l’aime beaucoup. À chaque fois que je critique le port de la burqa, on m’accuse d’être une « occidentalisée » qui prône le déballage des fesses et des seins des femmes. Mais je défends justement une troisième voie, celle de la dignité. L’alternative ne se réduit pas à la femme accessoire qui se surexhibe et à la femme complètement invisible sous son voile. Vous espérez l’avènement d’un « nouveau type de femmes et d’hommes » ; qui sont-ils ?

Des anti-Shéhérazade et des Clark Kent ! Des femmes qui ne sont plus dans la négociation et le compromis, mais qui sont convaincues de leur force, qui croient en elles et considèrent que les droits des femmes leur sont dus et qu’ils ne sont pas l’objet d’une indulgence ou d’une prière exaucée. Et des hommes qui se sentent le droit de montrer leur côté faible et ne sont pas mal dans leur peau parce qu’ils se sentent vulnérables. Je plaide pour un nouveau type d’hommes, qui acceptent leur nature humaine et mettent un terme à cette illusion d’être des super-héros. ● JEUNE AFRIQUE


Culture médias

AZZEDINE SALAH

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! SUR LA SCÈNE DU TRIANON, à Paris, le 2 février. MUSIQUE

Explosion de sons monde. » Raison pour laquelle les invités, tels que Ray Lema au clavier ou le rapeur français TH Lonaz, sont nombreux. La troupe version 2013 s’est aussi renforcée avec de jeunes recrues et, pour la première fois, une femme, la chanteuse Claude écouté Alpha Blondy que Papa Wemba, Milandou. Et envisage de se produire à James Brown, Franco, Bembeya Jazz ou Brazzaville après seize années d’absence. encore Salut les copains ! déclare Émile « Le temps passe vite et la scène musicale Biayenda. Ça a été très dur au début, congolaise a beaucoup évolué. Il est temps car nous étions jeunes, urbains – trop de rentrer et de marquer notre présence », pour certains, admet-il aujourd’hui. Et annonce Émile Biayenda. nous nous attaquions à une musique Batterie, basse, guitare ou violon accomtraditionnelle, en débarquant sur scène pagnent les tambours, donnant un album avec des pantalons “baggy” ! » aux accents jazz, rap ou encore reggae – quitte à manquer parfois de cohérence. RENCONTRES. Aujourd’hui, la troupe compte une trentaine de membres, éparAu centre demeure le ngoma, majestueux, pillés essentiellement en Europe après sublimé et désacralisé, encore une fois, avoir fui dès 1997 un Congo en guerre avec le plus grand des respects. « Notre civile. « Nous ne pensions but est de faire du tambour pas du tout nous installer en un instrument à part entière. Europe. Le rêve, c’était plutôt Pour qu’il ne soit plus consiAbidjan, plaque tournante de déré comme un simple insla musique africaine », se soutrument d’animation ou un vient le Brazzavillois. L’exil, le fond sonore. » voyage, qu’ils ont découvert Mission accomplie avec ce si brutalement, ils en feront nouvel album, mais encore un des thèmes privilégiés de insuffisamment pour le musiSur la route des caravanes, leurs cinq albums: de Congo cien qui enchaîne, s’embaldes Tambours Drums en 1994 à Brazza en lant soudainement : « Nous de Brazza (Buda 2008. C’est aussi le point de essayons de le nettoyer de Musique/Universal) départ de leur nouvel opus, toute cette réputation traditionnelle, faisant référence à des rites iniSur la route des caravanes. « Le titre se tiatiques, qu’il trimbale. » Et de conclure: réfère bien évidemment à la route des « C’est de cette manière qu’il gardera toute esclaves qui traversait l’Afrique, partait sa force. Mais s’il est toujours relégué à sa de Zanzibar jusqu’à Salvador de Bahia, dimension mystique, autant aller le voir au Brésil, en passant par Pointe-Noire au musée du Quai-Branly ! » ● [Congo]. Mais cet album reflète surtout HABY NIAKATÉ notre voyage, nos rencontres à travers le

Pour leurs 20 ans, les Tambours de Brazza sortent un nouvel album, désacralisant toujours un peu plus le ngoma au contact du jazz, du rap et du reggae.

«

L

orsque certains entendent le nom de notre groupe, les Tambours de Brazza, ils pensent que nous sommes des chanteurs d’onomatopées et que notre spectacle est une sorte de fête au village avec des plumes, des peintures et des raphias… Mais pas du tout! » Aucun doute, Émile Biayenda, membre fondateur et leader de ce célèbre groupe de percussionnistes congolais, manie aussi l’art de la claque… verbale. Tout chez cet homme de 47 ans, même lorsqu’il s’exprime, est une affaire de rythme et de tempo. En ce début 2013, le groupe fête ses 20 ans, ou peut-être un peu plus. En réalité, difficile de dire quand il est né officiellement. Tout a commencé au début des années 1990, lorsque Émile Biayenda, initié tout petit au ngoma, un tambour traditionnel, rassemble dans la capitale congolaise plusieurs percussionnistes autour d’un projet mélangeant musique et travail social en faveur des enfants de la ville. Mais le ponctuel s’éternise. « Nous venions d’horizons et d’univers musicaux très divers: du hip-hop, du soukouss, de la variété africaine, du jazz… », raconte-t-il. Leur projet : jouer du ngoma en l’adaptant aux sonorités et aux rythmes modernes venus des cinq continents. « La musique congolaise a toujours été influencée par le monde entier. Je suis d’une génération qui a aussi bien JEUNE AFRIQUE

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Culture médias CINÉMA

La fabrique à terroristes

Le Marocain Nabil Ayouch revient sur le parcours des auteurs des attentats de Casablanca en 2003 avec un film grand public.

L

jamais sortis de leur quartier, bien loin des théâtres d’opérations jihadistes habituels, avaient pu devenir des bombes humaines sans pitié pour les victimes « innocentes ». Comprendre non pas pour excuser, bien sûr, mais pour expliquer. Et pour faire apparaître que, en fin de compte, ces jeunes, autant victimes que criminels, sont aussi le produit de la misère, d’un certain ordre social et de discours dangereux.

« classiquement » avec des comédiens e plus connu des réalisateurs professionnels, des décors reconstitués et marocains est aussi l’un des un scénario spectaculaire sur ces actions plus intrépides. Non seulement terroristes qui ont traumatisé tout un pays Nabil Ayouch change volontiers qui ne s’imaginait pas contaminé par INTROSPECTION. Ayouch a choisi de de genre à chaque nouveau film, mais le jihadisme. Il est allé lontourner un film grand public pour obliger en plus il se plaît à accuguement enquêter dans le le Maroc et les Marocains à s’interroger muler les obstacles pour bidonville de Sidi Moumen, sur leur propre responsabilité. « Un exertourner ainsi qu’il l’entend où ont toujours vécu ces cice d’autant plus nécessaire que des et sans se préoccuper des kamikazes. Et c’est là qu’il islamistes sont aujourd’hui au pouvoir normes en vigueur dans a choisi, en prenant tout au Maroc, même s’il y a une frontière l’univers du septième art. le temps nécessaire – deux très marquée entre le Parti de la justice Avec Les Chevaux de Dieu, ans de casting ! –, les acteurs et du développement (PJD), qui dirige le une adaptation d’un roman amateurs qui jouent dans gouvernement, et les groupes salafistes ou à succès de Mahi Binebine, le film (voir J.A. no 2681). d’autres obédiences fondamentalistes », Les Étoiles de Sidi Moumen (Flammarion), il le démontre Lequel a été tourné dans un admet le réalisateur. Avant de rappeler que plus que jamais. Son sixième bidonville où il ne fut pas ce sont « ces islamistes qui étaient montés Les Chevaux de Dieu, de Nabil Ayouch film ne ressemble en rien aux toujours facile d’installer les au créneau pour demander l’interdiction (sortie au Maroc précédents. caméras, quelques voyous d’Une minute de soleil en moins, l’accule 5 février, en France Révélé en 1998 par une ayant lancé des pierres et sant de pornographie sans même l’avoir le 20 février) vu ». Et de souligner que l’actuel ministre sorte de polar autour du quelques islamistes radide la Communication, dont dépend le trafic de drogue dans le Rif, Mektoub, caux ayant manifesté très clairement cinéma au Maroc, est membre du PJD. le réalisateur a connu une renommée leur hostilité. Un parti dont certains députés disent internationale deux ans plus tard avec Nabil Ayouch explique avoir été moins Ali Zaoua, un récit du quotidien des intéressé par les attentats et leur prépavouloir « promouvoir des films familiaux » et prônent « un art propre ». « Faut-il en enfants des rues de Casablanca tourné ration que par le besoin de comprendre déduire, s’insurge Ayouch, qu’il y a un avec des comédiens amateurs dans une comment le Maroc avait pu « fabriquer » veine néoréaliste. Mais plutôt que de art sale ? » ● RENAUD DE ROCHEBRUNE de tels terroristes, comment des gamins surfer sur cet immense succès populaire, ! UN LONG-MÉTRAGE TOURNÉ AVEC DES ACTEURS AMATEURS dans un bidonville proche il reprend sa caméra en 2003 pour prode celui dont étaient originaires les kamikazes. poser pour Arte un téléfilm très « art et essai » et assez audacieux, Une minute de soleil en moins, interdit au Maroc. Quatre ans après, doté d’un budget important par le producteur français de blockbusters Pathé, il se tourne vers le style des comédies musicales égyptiennes à grand spectacle avec Whatever Lola Wants. Nouveau virage ensuite, en 2011, avec un très beau documentaire réalisé à la fois en Israël et au Liban, My Land, fondé sur une série d’interviews croisées de réfugiés Palestiniens et de Juifs de Galilée.

HOSTILITÉ. Aujourd’hui, avec Les Chevaux de Dieu, sorti presque simultanément en ce mois de février au Maroc et en Europe, il surprend encore en réalisant une fiction à base de faits réels sur le parcours des jeunes auteurs des attentats islamistes de mai 2003 qui firent 45 morts à Casablanca. D’autant qu’il ne s’est pas contenté de filmer cette histoire N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

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JEUNE AFRIQUE


ADAPTATION

■ ■ ■ Pourquoi pas

■ ■ ■ Réussi

En vue

■ ■ ■ Excellent

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Émancipation afghane

UN LONG-MÉTRAGE de près de deux heures où l’on voit en tout et pour tout, et d’un bout à l’autre, à peu de chose près, une femme afghane qui parle toute seule dans une pièce mal éclairée où elle veille jour après jour son mari guerrier atteint par une balle et muré dans un coma dont il a peu de chances de sortir. De quoi peut-être nourrir l’intrigue d’un livre intimiste – il s’agit là effectivement de l’adaptation du roman qui, sous le même titre, a obtenu à la surprise générale le prix Goncourt en 2008. Mais un film ? Grâce à la réalisation tout en finesse d’Atiq Rahimi, l’auteur du roman, et à l’interprétation remarquable de l’Iranienne Golshifteh Farahani, on est captivé par cette histoire d’une épouse apparemment soumise qui réussit à s’émanciper en racontant à un mourant qui ne peut l’entendre tous les secrets de sa vie de femme frustrée, pendant qu’à l’extérieur, dans un quartier de Kaboul, les combats continuent. Une vraie réussite. ● R.R.

Syngué Sabour, d’Atiq Rahimi (sortie à Paris le 20 février) ■■■

DOCUMENTAIRE

TÉMOIGNAGE

Engagements ivoiriens Le réalisateur français Samir Benchikh célèbre une Afrique du courage et de l’espoir, à travers le portrait de jeunes gens engagés.

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n 2006, le réalisateur français Samir Benchikh part en Afrique réaliser un documentaire, Côte d’Ivoire, journal intime. Il en revient ébloui par « l’engagement farouche » de responsables d’associations qu’il a rencontrés à cette occasion et se promet de retourner tourner un film pour leur rendre hommage. D’où aujourd’hui Sababou – qui signifie « la providence » – qui entend célébrer, loin de tout misérabilisme, une Afrique du courage et de l’espoir. Celle en particulier de jeunes

! Le reggaeman TIKEN JAH FAKOLY.

JEUNE AFRIQUE

Culture médias

DR

■ ■ ■ Décevant

de bonne volonté qui se dévouent pour améliorer le sort de leurs compatriotes, et dont le cinéaste suit caméra au poing le parcours et les combats. Comme Rosine Bangali, une adolescente qui anime l’ONG Droits de l’enfant en Côte d’Ivoire, et qu’on va voir mobiliser les lycéens, établissement après établissement, pour obtenir une application en pratique d’un décret interdisant les punitions corporelles à l’école. Ou Michel Yao, militant de la Ligue ivoirienne des droits de l’homme, qui a mis sur pied un projet d’assistance aux détenus non jugés de la prison d’Abidjan. Parmi ces inlassables acteurs du changement par des actions sur le terrain présents dans le film, un seul personnage déjà fort connu : le populaire chanteur de reggae Tiken Jah Fakoly, qu’on suit jusqu’en Guinée, où il tente vainement, à la veille de la dernière élection présidentielle, de convaincre les deux candidats au second tour – Cellou Dalein Diallo et Alpha Condé – de participer ensemble à un « concert pour la paix » afin d’apaiser les tensions. ●

Résistance palestinienne

R.R.

LES CINQ « CAMÉRAS BRISÉES » du titre de ce documentaire, ce sont celles abîmées par des soldats israéliens tentant d’empêcher le Palestinien Emad Burnat de filmer les affrontements autour de son village de Cisjordanie. Un village dont la population refuse de se voir confisquer les terres pour protéger une colonie juive. Tenant à la fois du journal intime – le commentaire dit « je », et la famille de Burnat est souvent à l’écran – et du reportage au long cours (cinq ans!) sur le combat contre l’occupation et les injustices qu’elle entraîne, ce film très « brut » coréalisé par un Israélien ne peut laisser indifférent. Il n’est pas le premier à traiter un tel sujet, mais, grâce à sa façon très originale et très digne de l’aborder, il n’a sans doute pas d’équivalent jusqu’ici. ● R.R.

Sababou, de Samir Benchikh (sortie à Paris le 6 mars) ■ ■ ■

5 caméras brisées, d’Emad Burnat et Guy Davidi (sortie à paris le 20 février) ■ ■ ■ N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013


Culture médias ménagère, entrée dans la danse en jouant de son châle au rythme des tambourins. Ma r c h é s p o p u l a i r e s, av e n u e Bourguiba… La danse s’invite partout pour sortir de l’élitisme et du confinement de spectacles confidentiels. « En Tunisie, la danse est un art sans moyens, explique Bahri Ben Yahmed. Avec l’érosion culturelle causée par l’ancien régime, seul le folklore a été légitimé. Aujourd’hui, les subventions sont toujours destinées à une poignée de personnes qui sont depuis longtemps dans le système. » Le jeune homme a reçu le soutien de toutes les institutions culturelles européennes basées en Tunisie. Mais rien du ministère de la Culture.

DANSE

L’art du combat Après des années de silence, les Tunisiens parlent, dissertent, débattent, analysent. Certains préfèrent se taire et danser. Une autre manière d’investir l’espace public et de résister.

UBUESQUE. Formé par Anne-Marie

Sellami (Espace Ikaa), Bahri Ben Yahmed regrette le manque de structures à travers le pays pour la nouvelle génération. « Un véritable handicap », s’insurge-t-il. Pis, les modalités d’attribution de la carte professionnelle sont ubuesques. Elle ne s’obtient qu’à l’issue d’un concours avec pour unique épreuve de danse du tradi! MARCHÉS POPULAIRES, AVENUE BOURGUIBA… Les artistes s’invitent partout et, passé le temps de la surprise, les badauds entrent dans la danse (le 2 février à Tunis). tionnel. Finalement, le danseur est un artiste sans statut. À défaut de lieux de es milliers de vidéos ont raples jeunes des quartiers démunis était programmation accessibles, les jeunes interdite, car le langage du corps n’est porté, le 8 février, les violentes d’Art Solution font prendre le maquis à pas contrôlable. Nous avons eu envie réactions des forces de l’ordre la danse. contre la foule qui accompade nous réapproprier ce langage et de Usines, champs agricoles, bourgades proposer des incursions alternatives dans gnait le catafalque du militant Chokri dans les régions reculées sont au proBelaïd, assassiné deux jours avant (voir un espace libéré », ajoute-t-il. gramme de leurs prochaines manifestaJ.A. no 2718), à travers les rues de Tunis. tions.Unfondsaméricain,DAITunisia,qui PÉTILLANTS. Avec Chouaib Brik et L’une d’entre elles est unique: surgis d’une soutient les projets communautaires dans foule anonyme, une fille et un garçon, d’autres danseurs, Bahri Ben Yahmed les zones marginalisées leur permettra de réaliser un film de soixante-dix minutes en pleine rue, dansent, indifférents aux a créé, autour du concept « je dansequi suivra leur incursion dans nuages de gaz lacrymogène. L’air grave, rai malgré tout », un réseau d’art la Tunisie profonde. Si pour et malgré leurs pas lourds de chagrin, citoyen. Sur le principe des Flashmob Bahri Ben Yahmed « danser dans ce moment de tension extrême et flashmobs, leurs spectacles Mobilisation éclair trouble, ils sont paradoxalement porteurs est un devoir », l’initiative déconcertants, pétillants de personnes qui se d’espoir. En trois minutes, tout est dit, la d’Art Solution est aussi et ludiques illuminent, le réunissent dans un lieu symboliques’installe.Femmesethommes temps de quelques figures, citoyenne : elle offre des public pour effectuer une en deuil se mobilisent et dansent pour la grisaille urbaine. Malgré cours de breakdance aux action convenue d’avance puis se dispersent la révolution, faire des jeunes des quartiers popuun pays libre. rapidement L’asphalte de Tunis est devenu la scène pointes ou du rap devant laires et promeut les arts de de prédilection d’Art Solution, un collectif un étal de légumes n’est pas la rue tels que les graffitis et le de jeunes artistes créé en juin 2011, qui commun. Devant des policiers hip-hop. « Créer, c’est résister et a attiré l’attention des médias internaabasourdis, qui ne savent s’ils doivent transmettre de l’espoir », affirme le considérer la danse comme un trouble tionaux. « Beaucoup ont prétendu que collectif. Pour l’heure, à l’ordre public, et des badauds intrigués danser reste, pour les nous nous élevions contre les salafistes. mais toujours enthousiastes, la mise Mais ce n’est pas le cas. Notre propos Tunisiens, un joyeux en scène s’installe progressivevivre-ensemble, sans est justement la coexistence », tient à préciser Bahri Ben Yahmed, 35 ans, danment jusqu’à interagir avec le enjeu autre que l’imméseur-chorégraphe et cinéaste. Danser public. « C’était un moment diateté d’un partage. En dans l’espace public en Tunisie n’est de joie, simple et festif. ces temps troubles, c’est pas un acte anodin. Sous Ben Ali, « la Cela a donné de la couleur déjà beaucoup. ● breakdance pourtant très populaire chez à ma journée », affirme une FRIDA DAHMANI, à Tunis DR

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JEUNE AFRIQUE


ANNONCES CLASSÉES

Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre -Tél. : 01 44 30 18 76 - Fax : 01 44 30 18 77 - Email. : f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique - 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris - France

BANQUE AFRICAINE DE DÉVELOPPEMENT

AGENCE TEMPORAIRE DE RELOCALISATION DÉPARTEMENT DES SERVICES GÉNÉRAUX ET DES ACHATS

Division des achats institutionnels Fax : + (216) 71 835 249 / e-mail : tender@afdb.org

AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL CONCEPTION ET EXÉCUTION DES TRAVAUX D’AMÉNAGEMENT DES LOCAUX DE LA BANQUE AFRICAINE DE DÉVELOPPEMENT À RABAT, MAROC REF. ADB/ICB/CGSP/2013/0016 1. La Banque africaine de Développement (la « BAD » ou la Banque) invite, par le présent Avis d’Appel d’Offres, les Sociétés ou groupement d’entreprises éligibles ayant la capacité et l’aptitude requises pour l’aménagement de ses locaux à Rabat, Maroc. à présenter leurs offres sous pli fermé à l’adresse indiquée ci-dessous. 2. Les services et travaux à fournir sont répartis en un lot unique dans le cadre d’une solution clé en main comprenant les volets suivants : i) Etablissement des plans architecturaux et techniques d’aménagement des espaces y compris la définition du mobilier nécessaire suivant ces plans et les standards d’occupation de la Banque ; ii) Exécution des travaux tous corps d’états ; et iii) Fourniture et pose des équipements. 3. Sont éligibles, les entreprises ou groupements d’entreprises constitués conformément à la législation d’un pays membre de la BAD dont la liste peut être consultée sur le site Web de la Banque (www.afdb.org).

5. Le Dossier d’Appel d’Offres est téléchargeable sur le site internet de la Banque à l’adresse suivante : http://www.afdb.org/en/about-us/corporate-procurement/procurement-notices/current-solicitations ou en adressant leur demande par écrit à l’Agence temporaire de Relocalisation de la Banque sise Angle des 3 Rues : Avenue du Ghana, Pierre de Coubertin et Hedi Nouira – B.P. 323, 1002 Tunis Belvédère Tunisie ; Fax: (216) 71 835 249 ou à l’adresse électronique suivante : tender@afdb.org. 6. Le processus d’acquisition se déroulera suivant les règles et procédures de la Banque Africaine de développement régissant les acquisitions de biens, travaux et services pour l’usage interne de la Banque. 7. Toutes les réponses aux demandes de clarifications seront également publiées à l’adresse : http://www.afdb.org/en/about-us/corporate-procurement/procurement-notices/current-solicitations 8. Une visite des lieux suivie d’une conférence avant soumission est prévue le vendredi 22 février 2013 à 10h00. 9. Les propositions techniques de la première étape devront être soumises en Français ou en Anglais, sous pli scellé et doivent être déposées à l’adresse indiquée ci-dessous au plus tard le 4 mars 2013 à 15h00, heures locales de Rabat. La référence de l’appel d’offres devra être indiquée en caractère gras, de façon bien lisible et bien en vue. Banque Africaine de développement - Bureau National du Maroc Angle des avenues Annakhil et Mehdi Ben Barka, Hay Riad - Immeuble “Espaces les Lauriers”, 1er étage Rabat Chellah, Maroc - Appel d’offres Réf. ADB/ICB/CGSP/2013/0016 10. Les offres devront être valables pour un délai de quatre vingt dix (90) jours à compter de la date limite de remise des offres. 11. L’ouverture publique des propositions techniques aura lieu en présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent être présents à l’ouverture, le 4 mars 2013 à 15h30 mn à l’adresse citée ci-dessus. JEUNE AFRIQUE

N° 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

Appel d’offres

4. Les soumissionnaires intéressés, remplissant les conditions d’éligibilité sont priés de s’inscrire à tender@afdb.org


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République du Sénégal

Ministère des Infrastructures et des Transports

Groupe de la Banque Africaine de Développement

Appel d’offres

PROGRAMME D’AMÉNAGEMENT DE LA ROUTE LABÉ – SÉRIBA – MÉDINA GOUNASS – TAMBACOUNDA ET DE FACILITATION DES TRANSPORTS SUR LE CORRIDOR CONAKRY – DAKAR AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL N° D/881/A3 POUR LES TRAVAUX D’AMÉNAGEMENT ET DE BITUMAGE DE LA VOIE DE CONTOURNEMENT DE MÉDINA GOUNASS SUR ENVIRON 10 KM 1. Cet Avis d’appel d’offres international fait suite à l’Avis Général de Passation des Marchés paru dans le journal « Le Soleil » du 18 janvier 2013. 2. Le Gouvernement de la République du Sénégal a reçu un prêt du Fonds Africain de Développement (FAD) pour financer les travaux de réhabilitation de la route Tambacounda (Pk 14) - Médina Gounass et à l’intention d’utiliser une partie de ce prêt pour effectuer des paiements au titre du Marché pour les travaux d’aménagement et de bitumage de la voie de contournement de Médina Gounass d’environ 10 km. Le Ministère des Infrastructures et des Transports du Sénégal représenté par l’Agence des Travaux et de Gestion des Routes (AGEROUTE), sollicite des offres sous pli fermé de la part de soumissionnaires éligibles et répondant aux qualifications requises pour exécuter les travaux d’aménagement et de bitumage de la voie de contournement de Médina Gounass. 3. La passation du Marché sera conduite par Appel d‘offres international (AOI) tel que défini dans les Règles de Procédure de la Banque Africaine de Développement (BAD) pour l’acquisition des travaux et biens. 4. A tire indicatif, les travaux projetés comprennent essentiellement : Pour la tranche ferme : Désignation des travaux Terrassement Chaussée (fondation + base) Enduit superficiel Béton bitumineux

Unités m3 m3 m2 m2

Quantité approximatives 40 000 50 000 30 000 80 000

Le délai d’exécution des travaux est de Huit (08) mois y compris la saison des pluies et toute offre proposant des délais supérieurs sera considérée comme non conforme et écartée. 5. Les soumissionnaires éligibles et intéressés peuvent obtenir des informations auprès de l’Agence des Travaux et de Gestion des Routes (AGEROUTE). Courriel : ageroute@ageroute.sn et prendre connaissance des documents d’Appel d’Offres à l’adresse mentionnée ci-dessous pendant les heures d’ouverture : 8 heures - 13 heures 30 minutes et 14 heures 30 minutes - 17 heures (heures locales). 6. Les exigences en matière de qualifications sont : (i) avoir réalisé au cours des dix (10) dernières années trois projets de nature et de complexité similaire dont deux dans l’espace UEMOA chacun ayant une valeur minimale de Deux (02) milliards de F CFA ; (ii) avoir au minimum un chiffre d’affaires moyen annuel de Quatre (04) Milliards de Francs CFA au cours des cinq dernières années à compter de 2007 ; (iii) disposer de facilité de crédits N° 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

auprès d’un établissement financier de premier ordre d’un montant équivalent à Quatre Cent Millions de Francs CFA. Aucune marge de préférence ne sera octroyée aux soumissionnaires éligibles. (Voir le document d’Appel d’offres pour les informations détaillées). 7. Les soumissionnaires intéressés peuvent obtenir le Dossier d’Appel d’Offres international complet en langue Française en formulant une demande écrite à l’adresse mentionnée ci-dessous contre paiement d’un montant non remboursable de Cent Mille (100 000) Francs CFA ou de sa contre-valeur dans une monnaie librement convertible à verser au compte n°022007105706.54 ouvert au nom de l’AGEROUTE auprès de la S.G.B.S. sise à l’Avenue du Président Léopold Sédar SENGHOR à Dakar ou par chèque barré à l’ordre de l’AGEROUTE. 8. Les offres devront être soumises à l’adresse ci-dessous, au plus tard le 02 avril 2013 à 10 heures 30 minutes précises (heure locale). Les offres remises en retard ne seront pas acceptées. Les offres seront ouvertes en présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent y assister à l’adresse mentionnée ci-dessous le 02 avril 2013 à partir de 10 heures 30 minutes précises (heure locale). Les offres doivent comprendre une garantie de soumission d’un montant de Cinquante Millions (50 000 000) de F CFA et rester valides pour une durée de 28 jours suivant la période de validité des offres fixée à 120 jours à compter de la date limite de leur remise. 9. La visite du site du projet est souhaitée, chaque soumissionnaire étant libre d’en décider la date et sa propre organisation. (Voir article 7 des instructions aux soumissionnaires). Néanmoins une visite de site groupée (présence facultative), afin de recueillir éventuellement les observations formulées par les candidats, se tiendra comme suit : Lieu : Direction Régionale Est de l’AGEROUTE à Tambacounda ; Date : 07 mars 2013 à 10 heures 30 minutes précises. Le Directeur des Grands Travaux et des Ouvrages d’Art, dont l’adresse est mentionnée ci-dessous, sera la personne de contact pour confirmer la participation. A l’issue de la visite, le soumissionnaire peut se faire établir une attestation de visite par la Direction Régionale Est de Tambacounda. Cette attestation est facultative. 10. L’adresse à laquelle il est fait référence ci-dessus est : l’Agence des Travaux et de Gestion des Routes (AGEROUTE), sise à la rue David Diop x Rue F, Fann Résidence – Dakar. Téléphone : +221 33 869 07 51 Fax : +221 33 864 48 33 E-mail : ageroute@ageroute.sn Le Directeur Général Oumar SY JEUNE AFRIQUE


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MINISTÈRE DE L’ÉCONOMIE, DES FINANCES, DU PLAN, DU PORTEFEUILLE PUBLIC ET DE L’INTÉGRATION PROJET DE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DE TRANSPARENCE ET DE GOUVERNANCE PROJET DE TRANSPARENCE SUR L’INITIATIVE DES INDUSTRIES EXTRACTIVES (ITIE) Don n° TF011 465 - Unité d’Exécution du Projet B.P 2116 Brazzaville, République du Congo, Tél : 05 551 96 11, Courriel : prctg@yahoo.fr

AVIS DE SOLLICITATION À MANIFESTATION D’INTÉRÊT N° 01/PRCTG-ITIE/13 « Recrutement d'une firme pour l’élaboration de la loi de responsabilité et de transparence fiscales en République du Congo »

conditions semblables, etc.). Les consultants intéressés peuvent s’associer pour renforcer leurs compétences respectives. Dans le cas d’une association, les consultants doivent indiquer clairement le Chef de file et sa nationalité. 3. Sur cette base, un cabinet d’études sera sélectionné conformément aux Directives de la Banque « Sélection et Emploi des Consultants par les Emprunteurs de la Banque Mondiale de janvier 2011 ». 4. Les intéressés doivent s’adresser à l’Unité d’Exécution du PRCTG pour obtenir des informations supplémentaires, à l’adresse ci-dessous, les jours ouvrables, de 8 h 00 à 14 h 00. 5. Les manifestations d’intérêt doivent être déposées sous pli fermé ou en version électronique à l’adresse ci-dessous, au plus tard, le mardi 05 mars 2013 à 16 heures. PROJET DE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DE TRANSPARENCE ET DE GOUVERNANCE UNITÉ D’EXÉCUTION DU PROJET SECTION PASSATION DES MARCHÉS B.P 2116 Brazzaville, République du Congo ; Derrière le Commissariat Central - Courriel : prctg@yahoo.fr Brazzaville, le 13 Février 2013 Le Coordonnateur Marie Alphonse ITOUA

AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL OUVERT EN DEUX ÉTAPES N° 04/MEF/DGD « DÉLÉGATION DE LA MISE EN ŒUVRE DU PROGRAMME DE VÉRIFICATION DES IMPORTATIONS, DES EXPORTATIONS ET D’INTÉGRATION DES OUTILS DE CONTRÔLE DOUANIER AU SÉNÉGAL » 1. La Direction générale des Douanes lance cet avis d’appel d’offres international en deux étapes en vue de la sélection d’un prestataire chargé d’assurer une meilleure maîtrise des recettes douanières, en fournissant des informations sur la valeur des marchandises importées et en mettant à la disposition des douanes des outils de lutte contre les importations frauduleuses, permettant ainsi de bâtir un dispositif moderne et efficace de prise en charge des opérations douanières en vue de sécuriser la collecte des recettes et d’assurer la protection de l’économie nationale. 2. Le présent appel d’offres est passé sous le régime du contrat de partenariat conformément à la loi n°65-51 du 19 juillet 1965 portant Code des Obligations de l’Administration modifiée par la loi n° 2006-16 du 30 juin 2006 et au décret n°2011-1048 du 27 juillet 2011 portant Code des marchés publics. 3. Le prestataire effectuera pour le compte exclusif de l’Etat, les missions suivantes : • le contrôle documentaire ou physique avec ou sans passage au contrôle sans intrusion ; • l’acquisition, l’installation et l’exploitation aux frais du prestataire, de moyens techniques de contrôle sans intrusion ; • l’assistance à l’entretien et à l’exploitation de ces moyens, ainsi que l’assurance et la maintenance du constructeur ; • la fourniture du matériel et des pièces détachées destinées à assurer la bonne marche de ces moyens, ainsi que leur entretien ; • la mise à disposition du personnel nécessaire à la mise en place et à l’opération de ces outils ainsi que la formation des techniciens et opérateurs ; • la mise en place et l’exploitation du suivi électronique des expéditions sous douane ; • l’installation de banques de données sécurisées accessibles à tout moment à l’Autorité contractante ; • la production de rapports périodiques et spéciaux destinés à l’Autorité contractante. 4. Ces prestations se feront dans le cadre d’un contrat de partenariat d’une durée de cinq (05) années conclu entre l’Autorité contractante et le prestataire retenu. 5. La procédure d’attribution du Contrat sera conduite par Appel d’offres international en JEUNE AFRIQUE

deux étapes tel que défini dans le Code des Marchés publics, et ouvert à tous les candidats éligibles. 6. Le candidat devra avoir réalisé un marché similaire au cours des cinq (05) dernières années. 7. Le candidat devra disposer de moyens d’inspection dans les pays suivants : France, Chine, Italie, Alllemagne, Inde, Turquie, Maroc, Belgique, Côte d’Ivoire, Dubai, Pays-Bas. 8. Le candidat devra disposer d’un personnel qualifié et expérimenté dans les domaines suivants : évaluation, économétrie, statistiques, transport et logistique, commerce international. 9. Le candidat devra disposer d’une surface financière d’au moins de 2 milliards 340 millions de francs CFA. 10. Les candidats pourront prendre connaissance des documents tous les jours ouvrables de 9h 00 à 13h 00 et de 15h 00 à 17h 00 à l’adresse mentionnée ci-après : Direction du Personnel et de la Logistique, Ecole des Douanes, Avenue Carde X rue René Ndiaye - Dakar Tél : (+221) 33 822 07 79 - Fax : (+221) 33 823 33 48 11. Les candidats intéressés peuvent obtenir un dossier complet contre un paiement non remboursable de cinquante mille (50.000) francs CFA par chèque à l’ordre du Directeur du Personnel et de la Logistique de la Direction générale des Douanes en formulant une demande écrite à l’adresse mentionnée ci-dessus. 12. Les propositions devront être soumises à l’adresse indiquée ci-dessus au plus tard le 03 avril 2013 à 10 heures et porter clairement la mention « Appel d’offres international en deux étapes pour la délégation de la mise en œuvre du Programme de Vérification des importations, des exportations et d’intégration des outils de contrôle douanier au Sénégal «. Les propositions seront ouvertes le même jour à 10h30 à la salle Momar Talla CISSE, au 6e étage du Ministère de l’Economie et des Finances, Immeuble PEYTAVIN, à l’Avenue Carde X Rue René NDIAYE. Le Directeur général des Douanes N° 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

Manifestation d’intérêt - Appel d’offres

1. Le Gouvernement de la République du Congo a obtenu auprès de l’Association Internationale de Développement (IDA) un Don (TF011465), pour le financement des activités du Projet de Transparence sur l’Initiative des Industries Extractives (ITIE), et a l’intention d’utiliser une partie du montant dudit Don pour financer les services de consultants ci-après : Recrutement d'une firme pour l’élaboration de la loi de responsabilité et de transparence fiscales en République du Congo. L’objectif de cette mission est d’assister le Ministère en charge des Finances dans la préparation d’un projet de loi de transparence et de responsabilité fiscale. La durée de la mission est de trois (03) mois intégrant la soumission du rapport final. 2. L’Unité d’Exécution du PRCTG, chargée par le Ministère de l’Economie, des Finances, du Plan, du Portefeuille Public et de l’Intégration (MEFPPPI) de la gestion fiduciaire, invite les candidats intéressés à manifester leur intérêt à fournir les services décrits ci-dessus. Les Consultants intéressés doivent fournir des informations pertinentes indiquant leurs capacités techniques à exécuter lesdits services. Les consultants intéressés doivent fournir les informations indiquant qu’ils sont qualifiés pour exécuter les services (brochures, références concernant l’exécution de contrats analogues, expérience dans des


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SHIELDAFRICA 2013 Pour la première fois en Afrique Sub-saharienne, un événement réuni décideurs et professionnels en matière de Sécurité Intérieure et de Défense. Le Salon International de la Défense et de la Sécurité Intérieure se tiendra à Abidjan - Côte d'Ivoire les 28, 29 & 30 Mai 2013 sur le thème : les trafics d’êtres humains Accès étant strictement réservé aux professionnels et aux invités institutionnels. Contact (exposants/presse/invités) F. Eskin +22508760072 fabienne@competences-sarl.com (Afrique) C. Philippe-Jolivel +33618333348 cpj@competences-sarl.com (hors-Afrique) www.shieldafrica.com

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Vous & nous

Le courrier des lecteurs Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.

Minorités L’œil de J.A. NOUVEL ABONNÉ àl’hebdomadaire Jeune Afrique, je le trouve d’excellente qualité et le dévore chaque semaine, tant ses différentes rubriques sontintéressantes.Néanmoins, particulièrement sensible aux problèmes des minorités sans État (Palestiniens, Kurdes, Tibétains, Sahraouis…), j’estime que vous traitez la République sahraouie, reconnue par l’Organisation de l’unité africaine (OUA, ancêtre de l’Union africaine [UA]), de manière très succincte et avez tendance à l’intégrer trop aisément au Maroc.

De même, je suis attaché aux langues africaines, écrasées par les langues coloniales. Je prends pour exemple le Sénégal, où 90 % de la population parle le wolof, qui pourtant ne s’impose pas. À quand une revue sur ces langues, richesses, elles aussi, du patrimoine mondial ? ● JOAQUIN MONTUENGA, Areines, France

Histoire Profond passé LORS DE LA PARUTION de l’ouvrage de JeanMichel Djian Les Manuscrits de Tombouctou. Secrets,

mythes et réalités, signalé dans votre édition datée du 2 au 8 décembre 2012 ( J.A . no 2708), je m’étais permis de vous indiquer l’édition, en version numérique sur le site internet de la FAO*, d’un ouvrage plongeant également dans le profond passé de l’Afrique tropicale, et ayant à l’occasion utilisé certains de ces fameux manuscrits. Il s’agit d’Histoire de la recherche agricole en Afrique tropicale francophone, une fresque historique de l’agriculture du néolithique aux indépendances, dans quelque vingt États de ces régions,

Religions Pouvoirs en question DEUX RÉFLEXIONS (d’ailleurs liées) me sont venues à la lecture de votre dernier numéro (J.A. no 2718, du 10 au 16 février). La première, sur l’intervention au Mali. Si je n’ai guère aimé votre couverture contestée (J.A. no 2716, du 27 janvier au 2 février), les idées de Jeune Afrique telles que résumées par François Soudan dans son éditorial sont d’un grand bon sens. Je m’interroge sur les positions, à mes yeux irresponsables, de certains leaders de la gauche française – pour lesquels j’avais jusqu’ici une certaine sympathie – qui hurlent au ! J.A. N° 2718, « néocolonialisme » et à la « nouvelle Françafrique », du 10 au 16 février 2013. faussant ainsi le problème. Celui-ci réside, comme vous le soulignez, dans l’incapacité de l’Afrique, souvent plus préoccupée de soutenir les autocrates inamovibles (qui devraient prendre exemple sur le pape !) que de défendre, unie, les libertés publiques dans la région. Une intervention africaine cet automne ? Il aurait donc fallu ne rien faire, laisser instaurer la charia à Mopti et à Bamako ? Pour qui connaît ces deux villes, il y a de quoi frémir. Ma deuxième réflexion porte sur le rôle de la religion et des partis religieux dans les pays du Printemps arabe, analysé par BBY dans son « Ce que je crois ». Seule force organisée – mais réprimée – du temps des dictatures, ces partis ont fondé leurs victoires électorales sur de fausses promesses de démocratie. Peut-on raisonnablement imaginer faire admettre comme vérité universelle une (prétendue) loi divine, nier au citoyen le droit de ne pas croire du tout ? Un État moderne doit protéger tous ses citoyens, quelles que soient leurs croyances. ● PATRICE CHEVY, Garches, France N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

réalisée à la demande de la FAO. Je réitère mon annonce, convaincu de son intérêt pour vos lecteurs. ● RENÉ TOURTE, Paris, France

* http://www.fao.org/docrep/009/ a0217f/a0217f00.htm

Adieu Jacques Levrat LE PÈRE Jacques Levrat nous a quittés le 6 février à Lyon (France), à l’âge de 79 ans, dont quarante-six passés au Maroc. Prêtre dévoué et bibliothécaire accompli, Jacques Levrat tentait, en se fondant sur la diversité des cultures et des croyances, de créer une fraternité exemplaire. Il avait fait sien un adage exprimé par l’écrivain et ethnologue malien Amadou Hampâté Bâ: « Tu penses comme moi, tu es mon frère. Si tu penses autrement que moi, tu es deux fois mon frère parce que, grâce à la richesse que tu m’apportes et à celle que je te donne, nous commençons à nous enrichir mutuellement et à être deux fois plus frères. » En s’appuyant sur cette sagesse africaine, Levrat avait réussi à jeter les fondements de son universalisme fraternisant ; un universalisme qui ne se fonde pas sur l’homogénéité des visions ou la platitude des positions, mais sur une singularité hétérogène privilégiant la différence. Car celle-ci engendre plus d’attraction et d’affinités parmi les êtres humains que la similitude qui, elle, parfois, ne crée que répulsion et aversion. ● BOUZEKRI CHAKROUNE, Rabat, Maroc

Kivu Le droit d’espérer LES HABITANTS du Nord-Kivu ne rêvent plus qu’à l’aboutissement du dialogue congolais de JEUNE AFRIQUE


Vous nous

Kampala. Eux qui ont suivi avec attention l’évolution de la guerre depuis avril 2012 ont été témoins des défections et trahisons au sein de l’armée, ont assisté aux déplacements massifs des populations espèrent en finir avec la vision d’une ville de Goma aux mains des rebelles. Connaissant la nature guerrière du M23 et l’hypocrisie de la communauté internationale, les dirigeants congolais soucieux de leur peuple n’ont pas d’autre choix que celui d’avoir foi en ces pourparlers. Que Kinshasa, qui se souvient de la colère du pays après la chute de Goma, donne aussi aux Congolais des raisons et le droit d’espérer. L’échec de Kampala signerait une nouvelle prise de Goma. Et l’affront, cette fois, scellerait le sort de Kinshasa. ● JEANNOT GAKUBA SHYAKA, Kinshasa, RD Congo

Mali Pas d’accord avec BBY DANS VOTRE ÉDITION datée du 20 au 26 janvier (J.A. no 2715), le « Ce que je crois » de BBY est intitulé : « Pour le Mali ? Ou contre le terrorisme ? ». Je vous suggère plutôt : « Pour le Mali et contre le terrorisme ». Car le combat mené en ce moment dans ce pays est dirigé contre toutes les forces du mal, dont les séparatistes et les narcotrafiquants obscurantistes du MNLA, d’Ansar Eddine, du Mujao et d’Aqmi. BBY écrit : « On a cru bon, mais à tort, de confier le sort du pays à des autorités de transition chargées d’une mission qui les dépasse : libérer le Nord par la négociation ou la guerre, organiser des élections présidentielle et législatives. » Il se méprend JEUNE AFRIQUE

CQJC Tempêtes de sable JE VOUDRAIS, EN PATRIOTE MAGHRÉBIN, saluer Béchir Ben Yahmed pour son éditorial dans votre édition datée du 10 au 16 février (J.A. no 2718). Il dit tout haut ce que bon nombre de politiques, de dirigeants et d’intellectuels n’osent formuler ouvertement. Le monde musulman, en particulier le Maghreb, est en effet en train de devenir le sanctuaire d’un salafisme qataro-saoudien rétrograde importé à coups de pétrodollars, et dont les objectifs sont de retarder l’émancipation et la modernité des pays arabes et musulmans; d’étendre à terme l’hégémonie wahhabite; et de garantir, du coup, une mondialisation pax americana programmée. Cette stratégie a comme conséquence le retour aux années sombres de l’ordre médiéval et néocolonial, qui se caractérise ici par le rigorisme wahhabite. Ce travail a en réalité commencé de manière insidieuse il y a bien longtemps. Dans nos écoles, nos relations culturelles, la construction incontrôlée de mosquées, l’autoformation des imams, les discours officiels, les prêches, les écrits destinés à la jeunesse, les œuvres caritatives, les médias, la formation des enseignants… Le résultat se révèle brusquement aujourd’hui dans la rue à la faveur du Printemps arabe et de la chute des dictatures. Tout le monde est surpris, y compris les salafistes, qui découvrent l’importance de leur influence. Mais la réaction populaire est saine et montre que les peuples ne sont pas dupes. Les victimes de cette entreprise diabolique sont nombreuses: l’Afghanistan, le Pakistan, le Soudan,

sur le compte des autorités maliennes, tous des cadres compétents issus de partis politiques représentatifs et de la société civile, qui, face aux multiples défis et avec l’aide de nos vrais amis, réussiront la mission de libération du territoire national et d’organisation des élections générales.

! J.A. NO 2718, du 10 au 16 février 2013.

l’Algérie, la Malaisie, la Tunisie, l’Égypte, le Yémen et, tout récemment, le Mali. Peut-être demain le Nigeria. Quant aux justifications politiques et idéologiques, il suffit de se poser quelques questions simples: à quoi servent les instituts de La Mecque, Riyad et Djeddah, qui recrutent des centaines d’étudiants de l’extérieur? Comment et par qui sont formés les nombreux imams intégristes qui contrôlent les mosquées partout, y compris en Europe et en Amérique? Quel est le contenu des programmes dans les universités et les établissements scolaires saoudiens? Qui a produit Ben Laden? Qui a soutenu et financé le Front islamique du salut algérien et les crimes des GIA? Pourquoi l’islamo-terrorisme est-il toujours menaçant? Qui distribue à grande échelle des millions de manuels sur les maîtres penseurs du salafisme et du wahhabisme? Quelles en sont les conséquences pour l’Occident? On peut distinguer clairement que la tempête de sable n’est ni à Washington, ni à Paris, ni à Moscou, ni à Pékin. Elle souffle au-dessus de nos têtes, dans le désert, sous le couvert d’un drapeau vert, couleur du paradis. C’est le nouveau cheval de Troie. Dans ces conditions, le printemps est-il encore pour demain? ● SALAH BELKACEM, universitaire, conseiller en développement auprès des Nations unies, Paris, France

Enfin, BBY soutient qu’« il faut dissocier le phénomène [des entités terroristes] de la problématique malienne – et du sort politique des Touaregs».Jenepartagepascet avis, car, si le Mali reste un pays aux possibilités et moyens économiques limités, il fait néanmoins beaucoup pour toutes ses communautés. Et ce ne

sont pas les anciens ministres Hama Ag Mahmoud, Zakiatou Walet et les toujours députés Hama Ag Bibi, Al Algabass Ag Intalah et Ibrahim Mohamed Ag Assalé qui démentiront cela. Le bateau Mali a certes tangué très fortement, mais il ne chavirera point. ● IBRAHIM BERTHE, ex-député, Bamako, Mali N o 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

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HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL POLITIQUE, ÉCONOMIE, CULTURE

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Post-scriptum Fawzia Zouari

DIRECTION

RÉDACTION Directeur de la rédaction : François Soudan (f.soudan@jeuneafrique.com) Directeurs exécutifs : Marwane Ben Yahmed (mby@jeuneafrique.com), Amir Ben Yahmed (aby@jeuneafrique.com)

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LLE EST APPARUE sur les écrans de télévision, drapée dans sa dignité. On l’a vue se retenant de pleurer son mari, la voix disant avec des phrases simples sa douleur et le mal qui ronge sa Tunisie : l’islamisme obscurantiste et la violence inédite dont a été victime, ce 6 février, son époux, Chokri Belaïd, première grande figure de l’après-indépendance, assassiné parce qu’il défendait la justice et la liberté. Traits de madone, Basma Belaïd vient de marquer les esprits. Et il est à parier qu’elle sera au rendez-vous de ce tournant de la révolution et portera demain le flambeau de la résistance.

J’ai appris que cette dame venait d’une région dont on parle peu en Tunisie, le Kef. Pourtant, nombre des victimes de la révolution en sont originaires, de Tala en particulier. Et lorsque, il y a quelques mois, des salafistes sont venus déloger un imam, ils ont été chassés à coups de bâton et poursuivis jusque dans les champs alentour. La grève générale décrétée dans le Kef en janvier a connu un grand succès. Certains des jeunes venus manifester devant le siège du gouvernorat s’étaient cousu la bouche à l’aiguille pour signifier que la Tunisie des nahdhaouis pas plus que celle de Ben Ali ne s’étaient émues de leur misère. Dans certains quartiers, des Keffois ont trinqué publiquement pour narguer les barbus qui rêvent de proscrire le vin. D’autres continuent de monter la garde autour de la Basilique, un édifice datant du VIe siècle qu’un cheikh saoudien a appelé à transformer en mosquée, et à deux pas duquel une frêle dame tient tête aux illuminés qui menacent de brûler le mausolée du fondateur de la confrérie soufie de Sidi Bou Makhlouf : « Ces gens me fichent la trouille, mais je ne les laisserai jamais faire ! » Enfin, c’est dans cette cité de l’arrière-pays que viennent de voir le jour les Black Bloc avec le projet de former les premiers contingents anti-intégristes. Et si la prochaine révolution partait de cette région du NordOuest ? Et si Basma était la future Kahina, cette reine berbère qui se battit contre la conquête arabe au VIIe siècle, non loin des montagnes du Kef ? Car cette terre, qui a donné à la Tunisie contemporaine ses grands hommes de théâtre – entre autres –, a jadis produit de grands stratèges de guerre. Massinissa est bien né dans cet ancien grenier de Rome et Jugurtha y a laissé son empreinte. Je m’enorgueillis d’appartenir à la même ville que cette femme. À la différence près, je le reconnais, que je me contente, confortablement installée sur l’autre rive, de regarder se battre les Tunisiens de sa trempe. À la différence aussi que j’égrène les mots pendant que Basma paie le prix du sang ; que je file la métaphore alors que le courage consiste à être sur le terrain. C’est ça l’exil, mes amis. J’ai beau suivre la chronique des miens et me réclamer de leur espace, je ne fais pas partie de leur temps et n’influe pas non plus sur leur histoire. À chacun son chagrin. Et le mien requiert moins d’hommage que celui de Basma ! ● N 2719 • DU 17 AU 23 FÉVRIER 2013

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Hommage à Basma Belaïd!

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