CÔTE D’IVOIRE OUATTARA : LE VRAI BILAN
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 53e année • no 2727 • du 14 au 20 avril 2013
jeuneafrique.com
WIKILEAKS NOUVELLES RÉVÉLATIONS SUR NOS CHEFS DOSSIER COMMENT VA LE GABON ? Spécial 36 pages
ALGÉRIE
LE GÉANT
QUI A PEUR
DE SON OMBRE Pourquoi, malgré son potentiel hors du commun, le pays d’Abdelaziz Bouteflika peine à devenir une véritable puissance.
ÉDITION INTERNATIONALE ET MAGHREB & MOYEN-ORIENT France 3,50 € • Algérie 180 DA • Allemagne 4,50 € • Autriche 4,50 € • Belgique 3,50 € • Canada 5,95 $ CAN • Danemark 35 DKK • DOM 4 € Espagne 4 € • Éthiopie 65 birrs • Finlande 4,50 € • Grèce 4,50 € • Italie 4 € • Maroc 23 DH • Mauritanie 1100 MRO • Norvège 45 NK • Pays-Bas 4 € Portugal cont. 4 € • RD Congo 5,50 $ US • Royaume-Uni 3,50 £ • Suisse 5,90 FS • Tunisie 3,30 DT • USA 6,50 $ US • Zone CFA 1700 F CFA • ISSN 1950-1285
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Ce que je crois BÉCHIR BEN YAHMED • bby@jeuneafrique.com
SAMEDI 13 AVRIL
Trois mois; deux ans
H
OMMES POLITIQUES, militaires et journalistes de notre région ont tous relevé le double anniversaire du 11 avril. Ils nous ont d’abord rappelé que, ce jour-là, la guerre au Mali, dont la France a pris l’initiative, assume le fardeau et les risques, a franchi le cap des trois mois. Et que la Côte d’Ivoire a bouclé les deux premières années de l’ère Alassane Ouattara, qui débuta le 11 avril 2011 avec la chute de Laurent Gbagbo. ■
Ce double anniversaire et l’actualité chaude m’imposent de parler cette semaine encore de la France. Vous savez que ce grand pays et son président traversent une zone de turbulences qui secoue sa classe politique dans son ensemble. Nul n’est à même de dire quand ils en sortiront. Ni dans quel état. Les principaux hebdomadaires français sonnent la charge. Le Nouvel Observateur titre sur « Le jeu étrange de François Hollande », tandis que L’Express traite le président français de « Monsieur faible » et parle de « quinquennat brisé ». De son côté, Le Point affirme qu’il s’agit « d’une crise politique et économique » et que « tous les ingrédients d’une crise de régime sont là ». Qualifiant François Hollande de « pépère », l’hebdomadaire s’interroge : « Est-il à la hauteur ? ». Des craquements et des dissonances se font entendre au sein du gouvernement et du Parti socialiste, dont l’aile gauche réclame, à voix forte, une politique économique différente. Les journaux anglo-saxons ou européens du continent sont plus mesurés. Mais la correspondante de The Economist à Paris pose la question suivante : « Comment ce gouvernement va-t-il pouvoir continuer encore quatre ans, alors qu’on est déjà dans une ambiance de fin de règne ? » Et ajoute : « On s’attendait à une présidence Hollande difficile sur le plan économique. Pas à une crise politique. » Je maintiens pour ma part que François Hollande est, à ce jour, protégé d’une crise de régime par la Constitution de la Ve République. Mais que sa cote de popularité, descendue à 26 %, ne peut se détériorer JEUNE AFRIQUE
davantage. Ni se maintenir longtemps à ce niveau trop faible sans risque de paralysie gouvernementale et de dislocation de la majorité. ■
J’ai entendu l’un des pairs de François Hollande, qui n’a pourtant pour lui que de l’estime, dire son incompréhension : « Comment le président français a-t-il pu croire si longtemps les dénégations de son ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, rester sourd aux accusations graves et circonstanciées portées contre lui ? Son devoir de chef d’État était de faire vérifier. Il en avait les moyens et il ne les a pas utilisés. La faute politique est là, qui le place aujourd’hui dans une situation difficile, presque inextricable. » C’est indiscutable. Toute la question est à présent de savoir si François Hollande a encore la capacité de réparer les dégâts effrayants que sa faute a provoqués. Il faut l’espérer pour lui, pour la gauche française, pour la France et même pour l’Afrique, où la France occupe de nouveau une place importante. En premier lieu au Mali, où la guerre est entrée dans son deuxième trimestre et où les dates des deux tours de l’élection présidentielle ont été annoncées pour les 7 et 21 juillet prochain. ■
J’ai écrit, la semaine dernière, que cette échéance n’a aucune chance d’être tenue « sauf à faire des élections dont on acceptera à l’avance qu’elles ne seront pas crédibles, car elles n’auront pas été convenablement préparées ». Trois mois de préparation est un délai trop court. En outre, la consultation aura lieu en pleine période d’hivernage, et en plein mois de ramadan (pour le second tour). Le pays compte des dizaines de milliers de personnes déplacées ou réfugiées dans les pays voisins, et sa partie septentrionale n’est libérée et à peu près pacifiée que dans les villes. Pour l’ensemble du Mali, les listes électorales n’ont été ni mises à jour ni vérifiées. Mais la faiblesse des institutions de transition, leur fonctionnement erratique et les menaces de putsch N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
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Ce que je crois qui pèsent toujours sur elles ont convaincu la classe politique malienne – ainsi que la France, puissance libératrice – que des élections imparfaites et organisées à la va-vite étaient la moins mauvaise des solutions. Peut-être. Mais c’est un sacré pari ! ■
Il suffit d’entendre le capitaine Amadou Sanogo, auteur principal du putsch de mars 2012, pour s’en convaincre. En réponse à la question d’un journaliste allemand : « Un nouveau président doit être élu en juillet, accepterez-vous le vainqueur ? », Sanogo a répondu : « Je n’interviendrai pas… si les élections sont organisées de manière régulière. » Je crains que les Maliens, la Cedeao, la France, l’Union africaine et l’ONU n’aient pas fini d’entendre parler des initiatives de ce capitaine et de son entourage. Au même journaliste, il a confié : « Je ne me présenterai pas à cette élection. Mais si je le faisais, j’aurais une bonne chance de l’emporter, car je suis très populaire. » ■
La Côte d’Ivoire. Nous sommes donc dans les premiers jours de la troisième année de la présidence d’Alassane Ouattara. Le principal pays de l’Afrique de l’Ouest est sorti, il y a deux ans, de la crise et s’est remis au travail. Si tout va bien, il pourra, d’ici à la fin de la décennie, doubler son revenu annuel par habitant. Le PIB passerait de 23 milliards de dollars en 2010 à 50 milliards en 2020 ; la population passera, elle, de 22 millions à 24,5 millions d’habitants ; et le revenu
annuel par habitant franchira le cap des 2 000 dollars. C’est le défi qu’ont décidé de relever Alassane Ouattara et son équipe. S’ils y parviennent, la Côte d’Ivoire sera un autre pays, l’Afrique de l’Ouest et le continent dans son ensemble y gagneront beaucoup. Nous les suivrons pas à pas dans ce chemin ascendant et vous dirons si les fruits tiennent la promesse des fleurs. ■
Mais où en sommes-nous en avril 2013 ? À mon avis, c’est « la fin du commencement » : après des tâtonnements et des ajustements, la Côte d’Ivoire s’est donné un gouvernement en bon état de fonctionnement. Le pays a regagné le temps perdu et donne l’impression de s’être replacé sur la ligne de départ de la longue marche vers le développement. Ce n’est pas encore un État de droit, et les lois de la démocratie n’y ont pas encore acquis domicile. Mais le pays et ses dirigeants me paraissent avoir l’ambition de s’approcher de cet idéal. La réconciliation nationale ? Ni le gouvernement ni le camp de Laurent Gbagbo, qui constitue l’essentiel de l’opposition et se refuse à reconnaître qu’il a perdu l’élection présidentielle à la fin de 2010, n’ont fait tout ce qu’il faut pour qu’elle se réalise, et rien n’indique qu’ils s’apprêtent à changer d’attitude. Alors, il faut attendre et espérer que le temps fera son œuvre et que le développement économique favorisera l’apaisement politique. ●
Humour, saillies et sagesse Pour vous faire sourire, grincer des dents – ou réfléchir –, ici, chaque semaine, une sélection subjective, la mienne, de ce qui a été dit ou écrit au cours des siècles par des hommes et des femmes qui avaient des choses intéressantes ou drôles à nous dire. B.B.Y. Ì La diplomatie sans les armes, c’est la musique sans les instruments. Otto von Bismarck Ì Demander à la science d’expliquer la vie et ses questions essentielles revient à demander à un grammairien d’expliquer la poésie. Nassim Nicholas Taleb Ì En politique, on succède à des imbéciles et on est remplacé par des incapables. Georges Clemenceau Ì Les maris ? Depuis qu’on a inventé les valises à roulettes, je vois vraiment pas à quoi ça sert. Lisa Azuelos N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
Ì Dans le combat entre les volées de mouches et le troupeau d’éléphants, ce ne sont pas les gros qui toujours l’emportent. Ahmadou Kourouma Ì Quand on a un nez, le minimum, c’est d’avoir un mouchoir. Les Nouvelles Brèves de comptoir Ì Il n’y a point de vieille femme. Toute, à tout âge, si elle aime, si elle est bonne, donne à l’homme le moment de l’infini. Jules Michelet Ì Rien n’est jamais sans conséquence. En conséquence, rien n’est jamais gratuit. Confucius
Ì Un œil est un meilleur témoin que deux oreilles. Proverbe danois Ì L’aventure : un événement qui sort de l’ordinaire, sans être forcément extraordinaire. Jean-Paul Sartre Ì L’homme ne pourra plus accepter de travailler sans créer ni participer aux décisions. François Mitterrand Ì Mourir est une des rares choses que l’on puisse faire aussi bien couché que debout. Woody Allen Ì Qui parle de vaincre ? Ce qui compte c’est de survivre. Rainer Maria Rilke JEUNE AFRIQUE
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Éditorial
Marwane Ben Yahmed
PHOTOS DE COUVERTURES : ÉDITION AFRIQUE CENTRALE : BAUDOUIN MOUANDA ÉDITION INTERNATIONALE ET MAGHREB & MOYEN-ORIENT : LANGLOIS-POOL/SIPA ; PASHABO-FOTOLIA
Algérie : comme le lait sur le feu
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enquêtequenousconsacronscettesemaineàl’Algérie,ce « géant qui a peur de son ombre » (lire pp. 36-40), a une double vertu. La première, essentielle, est d’embrasser avec un œil neuf l’ensemble de la situation (politique, économique, sociale) de ce pays si complexe et si méconnu. Ses atouts, ses contradictions, les boulets qu’il traîne, ses échecs mais aussi ses progrès : rien n’échappe à la sagacité de son auteur, Borzou Daragahi, journaliste du Financial Times. Seconde vertu : l’objectivité. Les spécialistes (s’agissant de l’Algérie, ils ne sont pas légion), apprentis barbouzes ou rois de l’intelligence économique, n’y trouveront ni scoop ni information croustillante. Simplement un regard débarrassé des clichés, des poncifs aux douteux relents coloniaux qu’on trouve trop souvent dans la presse française. Du genre: « Quand on voit ce qu’on leur a laissé et ce qu’ils en ont fait. » Air connu. L’auteur manie avec brio l’art de la nuance, refuse la caricature et se garde bien de prêter foi à la rumeur. Tel un arapède accroché à son rocher, l’Algérie est en quête de stabilité. Mais elle pousse cette quête jusqu’à son paroxysme, érige l’immobilisme et l’opacité en modes de gouvernement. On remet à plus tard la solution des problèmes de fond, on dissimule la poussière sous le tapis, en priant pour que personne ne s’avise de le soulever un jour. Mais comment ne pas voir que ce pays s’apprête à entrer dans une zone de fortes turbulences ? Véritable triangle des Bermudes de la politique, la présidentielle d’avril 2014 ressemble à une bombe à retardement. En Afrique, quand, brisant des lustres d’omerta, les scandales de corruption impliquant des puissants fleurissent de tous côtés, ce n’est jamais très bon signe… Les candidats putatifs à El-Mouradia, siège de la présidence ? Il y a les has been ressortant de leur boîte à chaque scrutin… les ex-ténors déboulonnés (Ahmed Ouyahia, Abdelaziz Belkhadem)… les islamistes, qui, seuls dans ce cas en Afrique du Nord, ne font plus peur à personne… On s’interroge sur les intentions d’un Bouteflika désespérément muet. On évoque l’hypothèse d’un grand retour d’Ali Benflis, l’ancien Premier ministre, qui seul, pour l’instant, paraît avoir une carte à jouer. On se perd en conjectures sur le rôle que jouera – ou ne jouera pas – l’institution militaire. Bien malin celui qui se hasarderait à prédire l’avenir. Seule certitude, il faudra beaucoup de courage et d’abnégation aux aspirants présidents. Comme nous le confie un haut responsable, le pessimisme est de rigueur. Perte des valeurs essentielles (respect, travail, sens de l’intérêt général), prolifération de la corruption, rejet de la classe politique, faillite du système éducatif… Même en prenant l’ensemble de ces problèmes à bras-le-corps, il faudra au moins deux générations pour réparer les dégâts, estime-t-il. Voilà qui promet ! ● N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
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WIKILEAKS COCKTAIL AFRICAIN Plus de deux ans après avoir mis en ligne des documents confidentiels émanant du département d’État américain, l’organisation de Julian Assange récidive. Sélection de quelques « pépites » africaines.
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NIGER AU MILIEU DU CHAOS Dans une région troublée, les autorités du pays ont mis le paquet. L’essentiel, en ces temps troublés, c’est la sécurité.
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Ce que je crois Par Béchir Ben Yahmed Confidentiel
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LA SEMAINE DE JEUNE AFRIQUE
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WikiLeaks Cocktail africain Maroc Serrez vos ceintures Congo-Brazzaville - France Belle éclaircie Misma Faible force Mohamed Salia Sokona Jeu de patience Slim Riahi Multicasquette Tour du monde
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GRAND ANGLE
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Le patient ivoirien
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AFRIQUE SUBSAHARIENNE
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Niger Au milieu du chaos Madagascar Chacun pour soi Guinée-Bissau Dans la gueule du loup Sénégal Voyante et clairvoyante Kenya Museveni fait le show JEUNE AFRIQUE
Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs GRAND ANGLE
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ENQUÊTE
LE PATIENT
IVOIRIEN Sécurité, relance économique, situation politique, vie quotidienne… Deux ans après la fin de la crise, le point sur l’état de santé du pays.
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MAGHREB & MOYEN-ORIENT
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Algérie Le géant qui a peur de son ombre Mauritanie Le jeu dangereux d’ANI et Sahara Média Israël Ben Zygier, traître malgré lui Football Nouveau départ pour Chermiti ? Moyen-Orient Un cessez-le-feu ou l’Apocalypse
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EUROPE, AMÉRIQUES, ASIE
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Corée du Nord De l’art de jouer avec le feu Royaume-Uni Faut-il regretter Mme Thatcher ? Parcours Ludovic-Mohamed Zahed, hétérodoxe Brésil Guerre du crack Italie Opéra bouffe
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LE PLUS DE JEUNE AFRIQUE
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Le Gabon change-t-il vraiment ?
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C’est le plus vaste pays du continent, riche en ressources naturelles. Pourtant, il rechigne à assumer son rang de puissance régionale.
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ÉCONOMIE RD Congo Comment relancer la machine Espace Dans la ligne de mire d’Eutelsat
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DOSSIER BUSINESS SPÉCIAL 10 PAGES Hôtellerie, aérien, événementiel, l’Afrique fait la part belle aux hommes d’affaires.
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LE GABON CHANGE-T-IL VRAIMENT? Ali Bongo Ondimba, le chef de l’État gabonais arrive à mi-parcours de son septennat. Bilan.
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Arts de la table L’Afrique, nouvelle cible d’Arc International Télécoms Au Maroc, Méditel attend l’électrochoc Mines Giulio Casello cherche un allié chinois Santé Docteur Pharma, Mister Business Investissement Les caisses de dépôt retrouvent la cote Baromètre
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ALGÉRIE LE GÉANT QUI A PEUR DE SON OMBRE
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CULTURE & MÉDIAS Histoire Interview de Françoise Vergès, présidente du Comité pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage Bande dessinée Défis égyptiens Théâtre Vogue la galère Édition Mada en toutes lettres La semaine culturelle de Jeune Afrique VOUS & NOUS Le courrier des lecteurs Post-scriptum
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FRANCE-TOGO LE RAPPORT QUI DÉRANGE
Après les incendies qui, à la mi-janvier, ont ravagé les marchés de Kara et Lomé, les autorités togolaises avaient demandé à la France une assistance technique pour déterminer l’origine des sinistres. Dépêchés sur place, deux experts de la police criminelle ont donc, du 19 au 26 janvier, procédé à des prélèvements et à des analyses.
À la suite de quoi la police togolaise a interpellé plusieurs leaders de l’opposition, notamment Jean-Pierre Fabre et Agbéyomé Kodjo, soupçonnés d’avoir commandité les incendies. L’opposition réclame aujourd’hui la publication du rapport. « Ce n’est pas à nous de le rendre public, répond un diplomate français. L’enquête a bien conclu à des incendies volontaires, très probablement provoqués
par l’embrasement de carburant, mais les experts n’ont fait qu’une analyse scientifique (nature de l’incendie, vitesse de propagation, etc.) et n’ont cité aucun nom. C’est à la justice togolaise de faire son travail d’investigation. » TUNISIE CES CAPITAUX QUI S’ÉVADENT…
Pour tenter d’endiguer la fuite des capitaux, la Tunisie a,
Centrafrique Tiangaye joue les démineurs
À
Ì Le Premier ministre a plaidé la cause de son pays dans la capitale française. N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
LE CHIFFRE
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milliards de F CFA C’est le coût pour le Tchad de l’intervention de 2 250 de ses soldats dans le nord du Mali aux côtés des troupes françaises, selon un haut responsable de ce pays.
RD CONGO RENAISSANCE EN VUE POUR LA NSELE
V. FOURNIER/J.A.
Paris du 7 au 10 avril pour plaider la cause de son pays auprès du Conseil permanent de la Francophonie – qui a finalement décidé de suspendre temporairement la Centrafrique des instances de l’OIF –, le Premier ministre Nicolas Tiangaye s’est entretenu à l’Élysée avec Hélène Le Gal, la conseillère Afrique de François Hollande, et Sébastien Minot, le sous-directeur Afrique centrale du ministère des Affaires étrangères. Hélène Le Gal a expliqué à son interlocuteur que la France ne pouvait en l’état reconnaître Michel Djotodia, le président autoproclamé, et a insisté sur l’urgente nécessité de sécuriser la capitale, toujours en proie à des exactions sporadiques de la part des ex-rebelles de la Séléka. La moitié des 1 400 ressortissants français de Bangui ont quitté le pays, et ceux qui y demeurent vivent dans la crainte permanente de pillages. Tiangaye, qui repassera par Paris le 17 avril sur le chemin des ÉtatsUnis (où il est attendu au siège de l’ONU, à New York, et aux assemblées FMI/Banque mondiale, à Washington), a également été reçu, le 9, à l’hôtel Le Meurice par le médiateur de la crise centrafricaine, le président congolais Denis Sassou Nguesso. ●
selon des sources proches de la présidence de l’Assemblée nationale constituante, ratifié dans la plus grande discrétion un accord avec l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Ce qui lui permet d’accéder, sur simple requête, aux informations bancaires concernant ses ressortissants résidant dans l’un ou l’autre des pays signataires de l’accord. Pour traquer les contrevenants, elle pourra donc faire l’économie de procédures judiciaires longues et contraignantes. En revanche, elle ne pourra en aucun cas prendre connaissance de mouvements bancaires sur les comptes de binationaux.
L’entreprise israélienne LR Group, dont le siège est à Tel-Aviv, a signé le 10 avril un protocole d’accord avec le gouvernement de la RD Congo en vue de la remise en activité du Domaine agroindustriel présidentiel de la Nsele (DAIPN). Créé en 1968 par Mobutu Sese Seko, ce complexe de 3 000 ha situé à 30 km de Kinshasa est à l’abandon depuis la fin des années 1990. Principalement actif en Angola, LR Group est spécialisé dans l’élevage, l’agriculture et l’installation d’infrastructures industrielles et de télécommunications dans les zones rurales. JEUNE AFRIQUE
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Politique, économie, culture & société ALGÉRIE LES BIENS DE KHELIL SOUS SÉQUESTRE
AUTEUR DE LA SANGLANTE attaque lancée par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) contre le complexe gazier d’In Amenas, en Algérie, fin janvier, Mokhtar Belmokhtar est supposé avoir été tué le mois suivant lors d’affrontements avec les armées française et tchadienne dans le massif des Ifoghas, dans le nord du Mali. Mais les autorités algériennes ne croient pas à ce scénario. « Nous avons la certitude Selon les Algériens, l’auteur de l’opération d’In Amenas, en janvier, serait qu’il n’a pas été abattu et qu’il se réfugié en Libye. trouve quelque part en Libye », confie un haut responsable. Belmokhtar, alias « Mister Marlboro », aurait par ailleurs été photographié en territoire libyen, en 2012, par un satellite américain. ●
NIGER LES SUD-AFRICAINS ARRIVENT
FructueusevisiteenAfriquedu Sud, début avril, de Mohamed Bazoum, le ministre nigérien des Affaires étrangères. Après l’ouverture d’une ambassade à Pretoria, une commission mixte devrait être constituée prochainement. Les SudAfricains, qui s’intéressent de près au potentiel minier du Niger (gisements de fer et d’or, notamment), souhaitent aussi y développer des activités d’élevage. Par ailleurs, informés de la volonté du gouvernement nigérien de renouveler l’équipement de ses forces de sécurité, des vendeurs d’armes sud-africains font actuellement le forcing à Niamey. Moins chers, leurs concurrents russes et chinois paraissent néanmoins les mieux placés. MALI GROSSE COLÈRE DE COULIBALY La nouvelle de sa démission a vite été démentie, mais Diango Cissoko, le Premier ministre malien, a bel et bien failli rendre son tablier au cours du week-end du 6 avril. À cause d’un coup d’éclat de Tieman Hubert JEUNE AFRIQUE
Coulibaly, son ministre des Affaires étrangères – un proche de Dioncounda Traoré, le président de la transition. L’incident a eu lieu trois jours auparavant, pendant la visite à Bamako de Laurent Fabius. Vexé de ne pas être admis à assister au huis clos entre le chef de la diplomatie française et Cissoko, Coulibaly a bruyamment manifesté sa colère dans l’antichambre du Premier ministre, puis abandonné Laurent Fabius à
AFP
Terrorisme Belmokhtar, mort ou vivant?
son sort, alors que les deux hommes étaient arrivés dans le même véhicule! Mortifié, le Premier ministre a réclamé la tête de Coulibaly, mais, le président lui ayant présenté des excuses, il a été contraint d’y renoncer. « On a frôlé l’incident diplomatique, raconte un haut fonctionnaire. Mais le pire est qu’il n’y a pas eu de sanction. Coulibaly va se sentir tout-puissant! »
Afrique-France Hollande veut son sommet C’EST UN PEU UNE SURPRISE et le signe d’une certaine fatalité dans les relations franco-africaines. Après avoir laissé entendre que ce type de grand-messe ne l’intéressait pas, François Hollande souhaite désormais organiser à Paris, en décembre, un sommet AfriqueFrance.Trois ans et demi après la dernière rencontre du genre, à Nice, en présence de Nicolas Sarkozy. Pour le reste, pas de voyage prévu en Afrique (sauf en Tunisie, en mai) pour le président français. Mais son agenda africain n’en est pas moins chargé. Le 19 avril à l’Élysée, il recevra Hailemariam Desalegn, le Premier ministre éthiopien. Le 15 mai, il doit se rendre à Bruxelles pour la conférence internationale sur le développement du Mali, à laquelle devraient participer le président malien et plusieurs chefs d’État ouest-africains. Deux jours plus tard, il recevra Dioncounda Traoré à l’Élysée. Et le 5 juin, au siège de l’Unesco, à Paris, il se verra remettre le prix Houphouët-Boigny pour la recherche de la paix, en présence d’Alassane Ouattara, le président ivoirien. ●
Le service des domaines a été chargé de s’opposer à toute vente ou cession de biens appartenant à Chakib Khelil, l’ancien ministre de l’Énergie, ou à Mohamed Réda Hemche, son neveu. Les noms des deux hommes sont en effet cités dans diverses affaires de corruption présumée, en Algérie et en Italie. Les autorités judiciaires ont découvert que Hemche, ancien bras droit du PDG de Sonatrach, avait vendu son luxueux appartement de la cité Chaabani, sur les hauteurs d’Alger. Quant au duplex de Khelil, où les agents duDépartementdurenseignement et de la sécurité (DRS) ont tenté de procéder à une perquisition le 25 mars (sans succès, la porte étant blindée), il est proposé à la vente par une agence immobilière au prix de 340 millions de dinars (près de 3,3 millions d’euros). BÉNIN LE VERDICT DU FBI
Sollicité en décembre 2012 après la tentative d’empoisonnement dont a été victime le président Thomas Boni Yayi, le laboratoire scientifique du FBI américain a officiellement transmis aux autorités béninoises le rapport d’analyses toxicologiques des cachets incriminés. Selon une source proche du Palais de la Marina, ce document daté du 29 mars confirme la « dangerosité » des produits analysés, qui « n’étaient pas censés provoquer la mort du chef de l’État, mais auraient déclenché des troubles graves, par exemple une paralysie musculaire partielle ». Les conclusions du rapport seront versées au dossier de demande d’extradition de l’homme d’affaires PatriceTalon,l’auteurprésumé de la tentative de destitution du président, qui est réfugié en France. La cour d’appel de Paris doit examiner l’affaire sur le fond le 17 avril. N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
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La semaine de Jeune Afrique
WIKILEAKS
Cocktail af Plus de deux ans après avoir mis en ligne des centaines de documents confidentiels émanant du département d’État américain, l’organisation de Julian Assange récidive. Sélection de quelques « pépites » continentales.
L
a justice suédoise a lancé contre lui un mandat d’arrêt pour une sombre affaire de viol, et l’ambassade d’Équateur à Londres lui accorde l’asile politique depuis dix mois, mais le sulfureux Australien Julian Assange continue de sévir. Plus de deux ans après avoir tiré sa première salve, le site de l’organisation WikiLeaks, dont cet ancien hacker surdoué est le principal responsable, vient de récidiver en deux temps : une nouvelle fournée de documents du département d’État américain classés « secret » ou « confidentiel » datant des années 2000 et les « Kissinger cables », télégrammes nettement plus anciens puisqu’ils remontent à l’époque où Henry Kissinger dirigeait le département d’État (de 1973 à 1977), mais dont la valeur historique est considérable. Dans cette moisson de dépêches, où les diplomates américains se livrent sans retenue ni pudeur, J.A. a sélectionné quelques « pépites africaines » que nous vous donnons à lire cette semaine. Ces câbles, souvent passionnants pour leur contenu informatif, nous renseignent aussi sur le prisme à travers lequel la diplomatie la plus puissante du monde observe et analyse nos pays et ceux qui les dirigent. Résultat ? Un étonnant cocktail d’ingénuité et de subjectivité, d’erreurs et de professionnalisme, de petites rumeurs et de vrais secrets d’État. ● FRANÇOIS SOUDAN
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JEUNE AFRIQUE
L’événement
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Dans la chambre de Boumédiène
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asanier, ascétique et mystérieux, le président algérien Houari Boumédiène, qui a pris le pouvoir en juin 1965 après son coup d’État contre Ahmed Ben Bella, attise l’inté rêt des diplomates de l’ambassade des États-Unis à Alger, qui surveillent non seulement son action politique mais aussi sa vie privée. Le chef de l’État s’est marié en 1973 (il avait alors 41 ans) avec Anis sa el-Mansali, une jeune avocate divor cée. Cette union restera secrète pendant des mois. Photographes et journaliste s algériens sont priés de ne pas men tionner publiquement le nom de l’épouse du raïs. Dans un câble daté du 6 mars 1974 , un diplomate américain note que le mini stère algérien de l’Information a même inter dit aux correspondants étrangers de sign aler la présence de la première dame lors d’un congrès des femmes arabes et afric aines qui se tient à Alger à la même date . « MŒURS LÉGÈRES ». Mariage secret, couple heureux ? Pas tout à fait, à en croire un autre mémo de l’ambass ade intitulé « Les deux visages de Boumédiène » et expédié à Washing ton le 21 mai 1974. Son rédacteur affirm e que le chef de l’État algérien, conf ronté à des difficultés politiques, songe à mettre un terme à son mariage. « Le principal reproche que lui adresse son entourage est sans doute d’av oir épousé une femme divorcée de mœ urs légères, dont la filiation est incertain e (mi-européenne et chrétienne), écrit le diplomate. Boumédiène avait obte nu un dossier complet [de ses services secr ets] sur son passé, mais il n’a pas fait cas des conseils de ceux à qui il a lié sa fortu ne. » « Femme de mœurs légères », Anis sa? C’est ce dont l’ambassadeur Richard Parker se fait l’écho, le 4 août 1975 , citant – sans la moindre source ni vérificatio n– des rumeurs qui circulaient dans le sérail algérois laissant accroire que l’épouse du président avait eu « une relation » avec Cherif Belkacem, ministre d’État, avan t que celui-ci ne la présente à son chef et ami Boumédiène. FARI D ALILAT
JEUNE AFRIQUE
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La semaine de J.A. L’événement
e iko Dangotan. Et l A ’ d e é h c La face ca doit en partie à son image de self-mneadnte-mpartiellement
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la or a popularité, il s américains éc ait bles des service câ s . Dans un portr Le ain … ric nt af s ta pour port, mme d’affaire ex ho rthe po ric l’im us pl ns buter da la légende du t que, pour dé ’il avait à peine 05, ils indiquen 20 s ar 1970, alors qu m es 7 né du an s de datant erçant fin la à , influent comm rian aurait reçu n oncle, le très so le tycoon nigé de és par rs nn lla tio do en m de 500000 s 3000 dollars le e qu us 22 ans, un prêt pl it bien si Dantata. So haoussa Sanu k… fluentes », le Business Wee personnalités in s le r su « des 94 de 19 ompatibilité » ns son rapport « l’américano-c ne ig ul AMICAL. Da e so ud na tit du at ie et leur américain à Ka Leur monogam consul général e, Aliko , Sani et Bello. iko Al d qu’à l’époqu en e: pr ot ap ng y n O . es ué lo trois frères Da y sont d’une résidence les Américains is et disposait Un sat Ét amicale envers x au é montrent plus mille chaque ét nées 2000, se an s emmenait sa fa de t ution bu dé aluent la contrib tres câbles, du Américains év s à Atlanta. D’au le , 04 ée 20 nn l’a de Obasanjo un rapport lle d’Olusegun critiques. Dans illiardaire gne présidentie pa t alors que le m m en ca la tim à es e Ils ». rs lla de Dangot do n de s libéralisatio du 20 à 50 million ire obstacle à la fa ur LE BE C précédente à « po r oi uv CH RI ST OP HE ions avec le po lat re e. s in se m e do ilis ut ires, qu’il nrées alimenta marché des de
Biya songe à sa retraite
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ous avons tant à nous dire! » avait susurré Paul Biya à Janet Garvey, ambassadrice des États-Unis à Yaoundé entre septembre 2007 et août 2010, lors d’une cérémonie. Des extraits de leurs conversations avaient déjà été rendus publics sur WikiLeaks. Aujourd’hui, d’autres sont en ligne. Ainsi, le 5 février 2010, l’ambassadrice expédie à Washington un compte rendu d’audience qui révèle davantage la personnalité de ce chef d’État secret. « Il accorde beaucoup d’importance à la discipline, écrit Garvey, qui poursuit: Biya souligne que les Camerounais originaires du Grand Nord y sont plus enclins que les autres. Dans le même temps, le président déplore l’absence de cette vertu au sein des Lions indomptables. » Discipline, mais aussi loyauté sans faille de la part de ses collaborateurs. Lui qui se lamentait déjà auprès du précédent ambassadeur, Niels Marquardt, dans un câble du 9 avril 2007: « Je ne demande que deux qualités aux ministres: compétence et intégrité, rapporte l’Américain, qui a quitté le Cameroun en août 2007 pour Madagascar. Mais, souvent, poursuit le diplomate, il lui a fallu choisir entre l’une et l’autre. » Aujourd’hui âgé de 80 ans, le président a évoqué devant Garvey l’éventualité de sa retraite. C’était il y a trois ans. D’après un câble envoyé à Washington par la diplomate le 5 février 2010, le président disait vouloir profiter de son temps libre pour visiter de nouveau les États-Unis et, passionné d’automobile, l’usine de Detroit (Michigan), symbole de l’industrie américaine. Amateur de golf et grand admirateur de Tiger Woods, Biya souhaiterait également pratiquer son sport favori à sa guise, toujours selon les confidences faites à l’ambassadrice. GEORGES DOUGUELI
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Kaddafi, botox et intox
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étrange Kaddafi suscitait la curiosité des diplomates américains. Tué en septembre 2012 lors de l’attaque contre le consulat américain de Ben ghazi, l’ancien ambassadeur Christoph er Stevens était déjà en poste à Tripoli en 2008. Dans un câble daté du 20 octobr e, il s’autorise une digression sur les lecture s du « Guide ». Lors d’un rendez-vous ave c Ahmed Fituri, le directeur Amériques du ministère libyen des Affaires étrangères, il avise une pile de livres. Il s’agit de lecture s commandées par Kaddafi, que Fituri est chargé de résumer « en fiches de 4 à 7 pages ». Surtout des essais de pol itique américaine et internationale : Le Mo nde postaméricain ou La Terre est plate, des journalistes Fareed Zacharia et Thoma s Friedman, L’Audace d’espérer, la pro fession de foi de Barack Obama. Selon Fituri, Kaddafi s’e st révélé un lecteur moins assidu à partir de la mi-2007, ce qui correspond chronolog iquement aux rumeurs courant sur ses ennuis de santé. Par ailleurs, Moussa Kou ssa, directeur de la sécurité extérieure, ava it demandé au même Fituri de préparer des fiches de lecture pour Mouatassim, le fils cadet du « Guide ». Ce dernier n’e st pas un « gros lecteur », se lamente Kou ssa, au point qu’il faut « le forcer à lire ». Dans un autre télégramme, du 16 juin 2009, Gene Cretz, l’ambassadeur des États-U nis à Tripoli, relance le sujet de la san té de Kaddafi. Selon l’un de ses médec ins personnels, c’est un « hypocondriaq ue souffrant d’hypertension et quasi diabétique ». Qualifié d’« extrêmement vaniteux », le « Guide » ferait comble r ses rides au botox et aurait subi des complications après une greffe de che veux. « Il a subi une forme rare de réactio n auto-immune, les implants ont dû être retirés. » Le reste du télégramme reprend les rumeurs sur sa santé, notamment le fait que, d’après des images télévisées, Kaddafi « paraît avoir du mal à monter un escalier ». Rien de très probant, mais les « rumeurs » justifient les 1 200 mots signés de la main de l’ambassadeur en per sonne. YOU SSE F AÏT AKD IM
JEUNE AFRIQUE
Cocktail africain
L’agonie d’Omar et le stress d’Ali
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e document, daté du 2 juin 2009, est signé de Nathan Holt, chargé d’affaires à l’ambassade américaine de Libreville. Six jours avant le décès d’Omar Bongo Ondimba et alors que ce dernier se meurt lentement dans une clinique de Barcelone, le diplomate s’entretie nt avec Ali, le fils du présid ent gabonais, alors ministre de la Défense, de cette période « très, très stressante », selon son interlocuteur. Sur la maladie du président, Ali confie à l’Américain que, depuis le décès de la pre mière dame Édith Luc ie Bongo [fille du président congolais Denis Sassou Nguesso] deux mois et demi plus tôt, son pèr e est dépressif. À cela, il ajoute les complications du diabète et un affaiblisse ment général qui pourra it
avoir un lien avec ses fréquents voyages au Maroc, où son épouse était hos pit alisée.
INTRAVEINEUSE. Tou jours selon Ali, cité par Nathan Holt, la santé du chef aurait également été altérée par un différend familial avec son beau-p ère, le président Sassou Ngues so, sur venu lors de l’ag onie de la première dame. Au cours du même entretien , Ali s’est plaint du harcèl ement de la presse fran çai se, qui essaierait de vérifie r par elle-même l’état de santé du chef de l’État, « jusqu’à s’introduire dan s les chambres de la clinique Quiron ! ». Par ailleurs, le diplomate trouve Ali Bongo, qui est de retour d’une cou rte hospitalisation à Par is, « amaigri et fatigué » par « des problèmes gastriq ues et intestinaux ». Il prend des médicaments et de la nourriture par voie intrave ineuse, note l’Américain. Heureusement, relèvet-il, sa mère, Patience Da bany, veille personnellement sur la posologie de son traitement… G.D.
été fait roi a a l i b a K h p à ses hésitations, Comment Jose Et e de la RD Congo… pense
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est à la têt mais Mbuyu hésité à ouze ans déjà qu’il pait Kabila a beaucoup ph se Jo rt, pa qu’« il se préoccu dé pourtant, au bila, assassiné Ka é sir bord de Dé d’a ntnt ure re, La probableme succéder à son pè t envoyé depuis elle ». cre nn se rso nt pe me cu rité do cu sa sé Selon un d’État nt me rte pa le 16 janvier 2001. dé fin au en asa Lorsqu’ils eurent États-Unis à Kinsh lay, Fa se Bu l’ambassade des es es org org Ge son accord, Ge deux hommes – Mbuyu, son dix jours plus tard, président, et Jean t fun dé Buse Falay et Jean du et bin directeur de ca ur convaincre po » rent le nt na mi ter dé Mbuyu convoquè « un rôle ph se Jo , ux ye adjoint – ont joué rs leu tres s. À Conseil des minis alors âgé de 29 an « la seule ait ét le jeune homme, s, tre r res nte ter se s pour leur pré -major des force les tendances Kabila, chef d’état tes tou r tre pa vo e ici pté Vo ce Kabila. « uvait être ac personne » qui po t », annoncèrentet de l’armée. t en nouveau présiden em ern Il y a eu très peu uv go au sein du gouvernement. « du gt-trois x membres au ils cise Mbuyu. Les vin à » dans la salle, pré les deux hommes t ion wenze en ss M qu cu ji, pli ku dis ex Ka de e, er qu po éricaine à ntaient de regard am nte RÉTICENT. À l’é de co sa se as s tre mb l’a nis « . autres mi non le choix Le acts au sein de nt le fauteuil ls approuvaient ou l’un de leurs cont s’i aie ir oit vo nv ur co t leur po ia nts da rod et Ye tres préten s clés exprimèren Kinshasa, trois au ngolo et Abdoulaye sque ces trois figure Ko lor e é nz ell sc we M fut ji, al ku de an Ka de président : Gaët conclut Mbuyu. [donc] pas facile », nt soutien » à Kabila, « La tâche n’était spécial du préside si. ba om Nd les ia Si ». rod ier est conseiller Ye ph rn se de Jo ce r i, pte ’hu ce rd ac Aujou oir été son amener à « ns ont fini Falay, lui, après av puisqu’il fallait les re , d’âpres négociatio bila. Georges Buse dé Ka cé e Pressenti pour êt vit t d. on Su s du ers deux derni retiré en Afrique à ses « aspiration é r st ce gn s’e on ga e, re ren a str il de ini t, m er mi remaniemen ulté par persuader le pre ef « la dernière diffic stre lors du dernier ch ini é, m du lev ier oix cle ch em sta le Pr ob t ais m Ce ys, début 2012, er le jeu. « La présidentielles ». pa jou le t de » en e ém êm tan -m momen ta Ponyo. cre Kabila lui parce qu’il sur Augustin Mata restait de convain GU LA s difficile que prévu st finalement porté plu e s’e TR ÉS OR KIB AN élé rév t tai rs s’é démarche te Mbuyu, toujou on rac », nt ice rét très » était initialement nné d’explications . Il n’aurait « pas do ble câ le ns da é cit N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
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La semaine de J.A. L’événement
ie des Carpathes» Ben Ali et le »gén de it vécu la fin du régime
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e 23 novembre 2007, Robert F. Godec, l’ambassadeur des ÉtatsUnis à Tunis, rencontrait Sorin-Mihail Tanasescu, son homologue roumain. « Des parallèles entre Ben Ali et Ceaucescu »: deux ans après la chute titre de ce câble secret de l’ancien président, le is 7 ne surprend guère. Ma daté du 30 novembre 200 ur tate dic le et n isie le raïs tun le rapprochement entre it éta » hes pat Car des ie gén qui se faisait appeler « le s ne nou que t à l’époque. « Bien beaucoup moins éviden nt rite mé s elle s, nt à ses vue souscrivions pas totaleme n atio ent rés rep la de f e le che considération », pondèr recul, les arguments de le c ave is Ma e. ain améric sadeur s prophétiques. L’ambas ent Tanasescu ont des acc
il ava de Roumanie « a dit qu’ des avec sentait de fortes similitu pré elle qu’ Ceaucescu et Godec. e not », isie Tun en nt mome ce qu’il se passe en ce ble ité présidentielle lui sem Le culte de la personnal is Ceaucescu, mais toutefo de alors « pire que celui ung », Il-s Kim en oré du Nord-C moins insistant que celui du se les faib la « it éla rév on lui, une propagande qui, sel n ». itio pos ndissante face à l’op régime et son anxiété gra la « lier ticu l’inflation, et en par Autre signe inquiétant, , avait qui, rappelait le Roumain », n pai du hausse du prix . isie Tun en » 4 198 en eutes déjà déclenché « les ém ile » du frag ent em lièr ticu par « S’inquiétant de la santé tation de une cérémonie de présen raïs, Tanasescu évoque debout ir ten à l ma du Ben Ali avait lettres de créance où « le lab mb ise vra est Il « ». itre sans s’appuyer à son pup era rad ique et politique se dég que la situation économ prédit is prochaines années », tro significativement ces jours re uat gt-q vin Trois ans et l’ambassadeur roumain. rquait le ma i aziz Bou ed ham Mo plus tard, l’immolation de PÉR IER NT SAI LAU REN T DE départ de la révolution…
Quand Boute flika négoc iait avec C arlos ans un câbl
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e diplomatique daté du 23 déce 1975, Richard mbre Bordeaux Park directeur de la er, l’ambassad police américain à Al eu r ger, note que so na tionale. autrichien à Al n ho m ol og ue ger qualifie la ge Tandis que « de stion par les Al de l’opération ux gériens de la prise d’ot terroristes sorte ages à Vienne, Alger d’« efficac nt de puis à e, détendue et l’avion » et qu’u très cool ». Et Bouteflika, alo n troisième, Abdelaziz rs ministre des Ha ns-Joachim Klei Af fa ire a fait du bon bo s étrangères ? n, blessé « Il ulot et renforcé à Vienne, est év sa réputation en cette affaire de ac ué « par gé ra manière magist nt ambulance » ve rale, que ce so les pirates de rs un hôpital it avec l’air ou la presse d’Alger, des disc », ajoute le dipl américain. ussions omate s’e ngagent avec le Deux jours plus chef de tôt, six terroris la diplomatie alg tes, conduits pa Ramirez Sanche ér ie nne. r Ilic z, plus connu so h Au bout de cin us le nom de Ca font irruption da q heures, Carlo rlos, ns l’immeuble s accepte de lib otages. Il détie qui abrite l’Org érer trente des pays expo nt encore plus anisation rtateurs de pé ieurs ministres av tro io n le sp (O et réclame un éc pep) en Autrich prennent de no ial pour atteindr e. Ils mbreux otages e une destinat À 22 h40, un m ion inconnue. , dont onze min Pétrole. Après émo signé par istres du avoir libéré une le secrétaire d’ am éricain Henry Ki vingtaine de pe terroristes s’en État ssinger confirm rsonnes, les volent vers l’Alg e que l’avion a quitté Alger « érie. Le 22 décembr av ec de s ministres otag e, deux heures probablement es à son bord après l’atterriss DC-9, l’ambass vers Tripoli ou », age du adeur Parker, cit Benghazi. À Tripoli, Kaddaf ant la radio alg expédie un télé i se montre moi érienne, gramme faisant ns conciliant qu Algériens. Lors état d’une renc « entre l’un de e les que Carlos dem ontre s terroristes et an de ga du kérosène po gn le er m l’Arabie saoudi inistre algérien Bouteflika dans ur te, le « Guide » le salon VIP de commence pa libyen exige qu l’aéroport ». r libérer ses co ’il mpatriotes. Le capotent. Au bo s négociations AMBULANC ut de plusieurs E. Dans l’après heures, l’avion Tripoli et tente -midi, l’ambass décolle de américaine à Vi d’atterrir à Tuni ade enne indique da s. Bourguiba lu l’a ut or ns isa i en refuse un mémo que tion. Retour à Al président Boum le ger, où Boutef édiène confirm discussions. Ce lika reprend les e au chancelie Bruno Kreisky tte fois avec su r autrichien que les négocia ccès. Le 23 dé câ ble annonce qu tions seront m cembre, un Bouteflika, seco e « tous les ot enées par ndé par le min ages ont été lib les terroristes istre de l’Intérie érés et que se so nt rendus aux ur et le autorités algér iennes ». F.A . N 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013 0
ILS ONT DIT
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Maroc Serrez vos ceintures
« Si on est impopulaire sans faire
En annonçant des mesures d’austérité et l’abandon de 15 milliards de dirhams d’investissements, le gouvernement jette un froid.
JACQUES ATTALI Écrivain français, ancien conseiller de François Mitterrand (à propos du président Hollande)
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« Nous, les femmes, n’imaginons pas à quel point nous sommes puissantes. »
URGENCE. Prise sans aucune concertation parlementaire ni effort de pédagogie, la décision apparaît surtout, pour les initiés, comme le résultat de l’inconséquence du gouvernement face aux bailleurs de fonds. En décembre 2012, une mission du Fonds monétaire international (FMI) – qui avait accordé en août au royaume une ligne de précaution de 6,3 milliards de dollars (4,8 milliards d’euros) – était repartie satisfaite de Rabat, avec la double promesse d’un déficit budgétaire maîtrisé autour de 6 % en 2012 et d’un calendrier de réduction qui ramènerait ce chiffre à 3 % en 2016. Deux mois plus tard, le ton a changé, et le FMI a envoyé d’urgence une nouvelle mission après avoir acquis la certitude que le déficit avait été largement sous-estimé. Il s’établit finalement à 8,1 % du PIB. Une différence d’environ deux points de PIB, soit 15 milliards de dirhams. CQFD. ● YOUSSEF AÏT AKDIM JEUNE AFRIQUE
PICTURE PERFECT/REX F/REX/SIPA
RIHANNA Chanteuse barbadienne
« J’aime autant que les Chinois viennent
JUANJO MARTIN/EFE/MAXPPP
investir chez nous [en France] plutôt que de les voir aller chez nos voisins. »
MARTINE AUBRY Ancienne première secrétaire du Parti socialiste, nommée “représentant spécial” pour la Chine par Laurent Fabius, dans le cadre de la diplomatie économique
« Les seuls capables de faire en sorte que le courant passe entre l’Algérie et la France, ce sont les artistes. Les politiques n’y arrivent pas depuis des années. » ABOU LAGRAA Danseur et chorégraphe franco-algérien
« Pourquoi, malgré
les milliards de dollars déversés sur notre petite île, la vie y reste-t-elle un fardeau insoutenable ? » RAOUL PECK Cinéaste haïtien
LYDIE/SIPA
ans crier gare, le gouvernement Benkirane vient de décréter l’austérité. Nizar Baraka, le ministre des Finances, a beau jouer sur les mots (« je préfère parler de rigueur »), le choc est rude. Le 5 avril, 15 milliards de dirhams (environ 1,3 milliard d’euros) d’investissements publics prévus pour 2013 ont été abandonnés, soit le quart du budget d’investissement de l’année en cours. Les coupes les plus importantes (plus de 60 % de ces 15 milliards) concernent les cinq ministères qui investissent le plus : Économie, Agriculture, Équipement et Transport, Énergie et Mines, Intérieur. Elles toucheront également les secteurs sociaux, notamment l’Éducation nationale et la Santé. Après des années de déni et d’obéissance aveugle au dogme de la dépense et des investissements publics, l’État réduit la voilure et donne un sérieux coup de barre, mais sans annoncer le cap. L’opposition s’étrangle. « C’est une décision dangereuse », s’indigne le socialiste Driss Lachgar. « De l’argent pris dans la poche des Marocains », a tonné Moncef Belkhayat, du Rassemblement natio Nizar Baraka, le ministre de l’Économie et des Finances. nal des indépendants (RNI), connu pour ses formules à l’emporte-pièce et lui-même sous le coup de procédures administratives pour sa gestion ministérielle passée.
de réformes, c’est du gaspillage ; si on est impopulaire en ayant fait des réformes, ça vaut la peine. »
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La semaine de J.A. Décryptage
Congo-Brazzaville-France Belle éclaircie À l’occasion de sa visite officielle à Paris, Denis Sassou Nguesso a établi de meilleures relations avec François Hollande. Au centre de leurs discussions, la sécurité du continent africain.
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ls s’étaient déjà rencontrés en octobre 2012 à Kinshasa, à l’occasion du sommet de la Francophonie. Mais ce jour-là, entre Denis Sassou Nguesso et François Hollande, l’entrevue avait été courte et froide. Avec le nouveau pouvoir français, issu d’un Parti socialiste longtemps critique envers le dirigeant congolais, la bonne entente n’allait pas de soi. Cela n’a jamais été un secret, « DSN » avait davantage d’affinités avec l’ancien président Nicolas Sarkozy. Pour Denis Sassou Nguesso, il s’agissait donc, lors de cette visite officielle entamée par un entretien d’une heure à l’Élysée le 8 avril, d’instaurer de bons rapports avec son homologue français en l’absence de liens affectifs et « historiques ». À l’issue de ce tête-à-tête, le chef de l’État congolais a précisé que, si la Centrafrique avait été au cœur des discussions, les grands conflits régionaux du Nord-Mali et de l’est de la RD Congo avaient eux aussi été évoqués. Des sujets également abordés lors d’un déjeuner avec Laurent Fabius, le ministre français des Affaires étrangères, et lors d’un huis clos avec JeanYves Le Drian, le ministre de la Défense. « Pour Denis Sassou Nguesso, la situation du Mali et de la RD Congo est une conséquence de la déliquescence des armées nationales, confie-t-on dans l’entourage de François Hollande. Concernant la Centrafrique, il s’est montré très inquiet des violences commises par les rebelles de la Séléka à l’encontre des lieux de culte chrétiens. Il craint qu’elles ne dégénèrent
VINCENT FOURNIER/J.A.
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Le président français et le chef de l’État congolais à l’Élysée, le 8 avril.
en affrontements intercommunautaires. » Invité le 9 avril au siège du Medef, le président congolais a incité les patrons français à investir dans les trois zones économiques spéciales créées à Ouesso, Oyo et Pointe-Noire. Dans l’après-midi, il a reçu Vincent Bolloré, qu’il surnomme en privé « le grand patron », et Christophe de Margerie, le PDG de Total, avec qui le Congo a signé un accord propice à la relance de la production nationale. NON-INGÉRENCE. Cette visite en France
a enfin été l’occasion d’évoquer la question sensible des « biens mal acquis ». « Le principe de la non-ingérence auquel nous avons tous souscrit sur le plan international doit être respecté pour que la justice française ne se sente pas le droit de traiter de questions qui intéressent les
problèmes intérieurs des autres États », a déclaré l’intéressé à sa sortie de l’Élysée. S’il s’est bien gardé de s’aventurer sur ce terrain, François Hollande a fait part à son hôte de son « attachement à la stabilité des systèmes juridiques en Afrique », ce qui peut s’interpréter comme le souhait de ne pas voir la Constitution congolaise subir une quelconque modification avant la présidentielle de 2016. Un message subliminal qui n’a en rien entamé la sérénité de Denis Sassou Nguesso, qui a par ailleurs reçu à son hôtel son homologue ivoirien Alassane Ouattara, de passage à Paris, avant de rendre discrètement visite à son vieil ami Jacques Chirac. François Hollande est le cinquième président français à l’accueillir à l’Élysée. De quoi relativiser… ● ABDEL PITROIPA
À SUIVRE LA SEMAINE PROCHAINE
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AVRIL Salon international de l’agriculture au Maroc (SIAM), à Meknès. La Belgique est l’invitée d’honneur de cette 8e édition. La précédente avait attiré 600 000 visiteurs. N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
24-29
AVRIL XXIIIe Foire internationale du livre d’Abou Dhabi (Émirats arabes unis). Le lauréat du Prix international de la fiction arabe (doté de 60000 dollars) sera désigné juste avant l’ouverture du salon.
25
AVRIL Journée mondiale de lutte contre le paludisme, à l’instigation de Roll Back Malaria, qui fédère les efforts de 500 partenaires (États, ONG, secteur privé, Banque mondiale, OMS…). JEUNE AFRIQUE
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Misma Faible force
JEUNEAFRIQUE.COM
Insuffisance des moyens, manque de compétences, commandement défaillant… La Mission internationale de soutien au Mali est loin d’atteindre ses objectifs. Pourra-t-elle prendre le relais des Français ? Selon plusieurs experts, le commandement est défaillant, et les soldats sont mal équipés et peu formés. Ceux jugés aptes au combat sont rares. Un symbole : récemment, quelques dizaines de Sénégalais ont bien rejoint Gao, mais il s’agit de parachutistes – la crème de l’armée sénégalaise. Hors de question d’envoyer les autres au feu. Inquiétant, alors que les Français ont commencé leur désengagement. Le 15 avril, selon le calendrier confidentiel de la Misma, tous les points stratégiques doivent être sécurisés par les troupes africaines. Les Nigérians doivent tenir la région de Léré ; les Burkinabè, les villes de Tombouctou et Goundam ; les Togolais, Gossi et Koro; les Nigériens, Gao, Ansongo et Ménaka ; et les Tchadiens, Kidal, Aguelhok et Tessalit. Les autres seront en réserve à Sévaré. Mais pour les soutenir, la Misma ne compte pour l’heure que deux avions de reconnaissance, quatre Alpha Jet (avions de combat) nigérians basés à Niamey, une demidouzaine d’hélicoptères de combat et une poignée d’hélicoptères de transport de troupes… « Insuffisant pour couvrir un territoire aussi grand, juge un officier de la région. Aujourd’hui, nous dépendons entièrement des Français. C’est la preuve de notre échec. » ● RÉMI CARAYOL
JEFFROY GUY/SIPA
PORTRAIT
Football Didier Drogba, tours et détours d’un enfant deYopougon
VIDÉO COSTANTINO/DEMOTIX/CORBIS
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l y avait déjà eu l’épisode Susan Rice: en décembre 2012, la représentante des États-Unis à l’ONU avait comparé le plan français d’intervention militaire au Mali (antérieur à l’opération Serval) à « de la merde ». Cette fois, c’est un haut fonctionnaire du Pentagone qui met les pieds dans le plat. Devant les sénateurs, le 9 avril, Michael Sheehan a émis un jugement sans concession sur les troupes de la Mission internationale de soutien au Mali (Misma). « Une force totalement incapable », a-t-il tranché. Réaction d’un diplomate ouest-africain : « Il a raison. » Même les Français, longtemps optimistes, l’admettent désormais du bout des lèvres. Les failles sont nombreuses. Il y a tout d’abord l’incapacité des contingents ouest-africains à se projeter. Un exemple: les 500 soldats sénégalais ont mis des semaines à rejoindre le Mali, voisin pourtant facile d’accès. Le 6 avril, près de trois mois après le début de la guerre, seuls 6000 soldats (dont les 2250 Tchadiens) se trouvaient dansle payssur les 7100 annoncés. « Si cette guerre a révélé une chose sur nos armées, c’est bien notre incapacité à nous projeter hors de nos frontières, convient un chef d’état-major ouestafricain. Et ce n’est pas qu’une question de moyens. Nous manquons aussi de compétences. »
Retrouvez l’interview du cardinal nigérian John Onaiyekan, archevêque d’Abuja: « Il faut trouver les moyens de dialoguer avec Boko Haram »
LE TWEET
@M_Koulibaly
« Attristé par la mort de MargaretThatcher. Avec Reagan, elle a été le leader politique le plus admirable des 50 dernières années. RIP. »
Ì Le Nigérien Seyni Garba, commandant adjoint de la Misma, à Gao, le 2 février. JEUNE AFRIQUE
SIA KAMBOU/AFP
Mamadou Koulibaly, président du parti ivoirien Liberté et démocratie pour la République (Lider)
À LIRE AUSSI Livre - Moncef Marzouki: « Parler d’une Tunisie islamiste relève tout simplement d’une imposture. » N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
La semaine de J.A. Les gens
Mohamed Salia Sokona Jeu de patience
Nommé à la tête de la Commission Dialogue et Réconciliation au Mali, cet énarque de 65 ans devra faire preuve de tact et de flegme dans un pays où les tensions communautaires sont à vif. la communauté internationale et remettre en selle ceux qui ont sabordé le pays. Et que fait-on de la justice, renchérit Malick Alhousseini, président du Collectif des ressortissants du Nord (Coren). Il est impossible de se réconcilier si les criminels, quels qu’ils soient, ne sont pas contraints de rendre des comptes. Le gouvernement veut décréter le pardon. Mais la paix et la réconciliation, cela se conquiert. » « RACISME ». « Ma mission est délicate,
DAOU BAKARY EMMANUEL
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Affable et courtois, cet ancien préfet connaît les problèmes de chaque région.
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«
e président voulait un homme neuf, éloigné des chapelles politiques », explique un proche conseiller de Dioncounda Traoré. Cet homme « neuf », c’est Mohamed Salia Sokona, 65 ans, administrateur civil à la retraite. Le 29 mars, il a été nommé à la tête de la toute nouvelle Commission Dialogue et Réconciliation. Exit donc Tiébilé Dramé, le président du Parti pour la renaissance nationale (Parena), et Ousmane Issoufi Maïga, un ex-Premier ministre, qui avaient été pressentis, et dont les partisans manœuvraient dans l’ombre. Affable, courtois, sachant arrondir les angles… Les qualificatifs les plus flatteurs se succèdent lorsque l’on évoque à Bamako le nom de Sokona. Est-il pour autant l’homme de la situation ? Ancien ministredelaDéfensed’IbrahimBoubacar Keïta (1997 à 2000), il a aussi été ambassadeur du Mali au Burkina (2000 à 2003), puis en France (2003 à 2010). Mais ce
que l’on préfère mettre en avant, dans l’entourage du chef de l’État, c’est son expérience de fonctionnaire : de 1975 à 1994, Sokona a été sous-préfet et préfet dans la région de Koulikoro, puis secrétaire général du ministère de l’Administration territoriale, après une incursion au ministère des Affaires étrangères en tant que délégué aux Maliens de l’extérieur. « Il a sillonné tout le pays, poursuit un conseiller de Traoré. S’il y a quelqu’un qui connaît les problèmes de chaque région, c’est bien lui. » Loin de calmer l’opinion, la création d’une Commission Dialogue et Réconciliation et la nomination de l’énarque Sokona ont suscité une nouvelle polémique dans un pays où partis politiques et organisations de la société civile ont souvent nié les tensions communautaires. « Réconcilier qui et comment? » s’interroge-t-on à la Coalition des organisations patriotiques du Mali [Copam]. «Cettecommissionestlàpourtranquilliser
reconnaît Sokona. Mais je n’ai pas l’intention d’échouer. » Première étape : le 10 avril, il a choisi les trente commissaires qui composeront la commission. Mais déjà l’un de ses vice-présidents, Méty Ag Mohamed Rissa, a fait parler de lui. Ce Touareg originaire de la région de Kidal, retraité des douanes, est accusé – à tort – d’être proche des indépendantistes du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA). Il est en revanche bel et bien un proche du leader d’Ansar Eddine, Iyad Ag Ghali, aux côtés duquel il a combattu lors de la rébellion de 1990. Pour ne rien arranger, il a fustigé en février, dans une interview accordée au site d’information français Rue89, le « racisme terrible » des Noirs envers les « peaux claires ». Des déclarations qui ont resurgi ces derniers jours, le mettant en porte-à-faux avec ses nouvelles fonctions. Contacté par J.A., il a refusé de se justifier. « J’ai déjà dit à ce journaliste ma façon de penser, expliquet-il, manifestement embarrassé. Mais je ne veux pas en reparler. Cela ne ferait qu’accroître la polémique. » La mission de la commission s’annonce difficile. Outre les associations, ONG et partis politiques qui veulent être représentés, il faudra faire le tri dans les centaines de dossiers de plaignants qui affluent au palais de Koulouba. ● MALIKA GROGA-BADA
NOMINATIONS
ANNE LAUVERGEON FRANCE L’ex-présidente d’Areva a été nommée à la tête d’une commission sur l’innovation par le gouvernement français. Débarquée du groupe nucléaire en 2011, elle vient de toucher des indemnités de 1,5 million d’euros. N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
BERNARD BAJOLET DGSE Ex-coordonnateur national du renseignement et actuel ambassadeur de France en Afghanistan – poste qu’il occupa en Jordanie, en Irak et en Algérie –, il est le nouveau patron de la Direction générale de la sécurité extérieure. JEUNE AFRIQUE
EN HAUSSE
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PASCAL BODJONA
Slim Riahi Multicasquette
L’ancien ministre togolais a été mis en liberté provisoire le 9 avril. Inculpé en septembre 2012, il était accusé, comme Loïk Le Floch-Prigent, l’ex-PDG d’Elf libéré, lui, fin février, de complicité d’« escroquerie internationale ».
Président de parti et patron d’un club de foot, ce businessman tunisien lorgne désormais les médias. Un mélange des genres qui inquiète…
DRAMANE DEMBÉLÉ
O
Le 10 avril, l’Adéma-PASJ, la première force politique du Mali, a choisi ce consultant minier de 46 ans comme candidat à la présidentielle de juillet. Ingénieur, il a été DG de la Direction nationale de la géologie et des mines de 2005 à 2010. ARWA AL-HUJAILI
OKAZ PHOTO ; DR ; ABAMAKO.COM
n lui prête des liens avec les fils Kaddafi. Il dit avoir fait fortune dans l’immobilier et le pétrole en Libye. L’énigmatique Slim Riahi gênerait-il le pouvoir tunisien ? L’arrestation, le 3 avril, de Borhane Bsaies, un ancien propagandiste de Ben Ali accusé d’avoir occupé un emploi fictif, et devenu le conseiller en communication de cet homme d’affaires tuniso-britannique de 40 ans, pourrait le laisser supposer. Pourtant, l’Union patriotique libre (UPL), parti qu’il a fondé en avril 2011, n’avait remporté aucun siège lors de l’élection de l’Assemblée constituante le 23 octobre suivant, malgré une campagne onéreuse et force slogans populistes à l’adresse des jeunes. Diplôméenmanagementdel’universitéAl-FatehdeTripoli, ce fils d’avocat exilé en Libye depuis 1980 fait figure d’ovni dans le ciel politique tunisien. Aussi prodigue que dépourvu de programme, il affirme mettre sa fortune « au service de la jeunesse ». D’anciens militants de l’UPL le décrivent comme « un homme qui croit pouvoir tout faire avec de l’argent ».
Cette Saoudienne est la première femme de son pays à être enregistrée comme avocate stagiaire auprès du ministère de la Justice. Lorsqu’elle aura acquis trois ans d’expérience dans un cabinet juridique, elle pourra exercer à son compte. EN BAISSE
SOUPÇONS. En l’absence d’un retour sur investissement
rapide en politique, Riahi dribble avec les projets. Il dit vouloir acquérir 20 % des parts du groupe de presse Dar Assabah et devenir le maître d’œuvre d’un projet agroalimentaire de 325 millions d’euros. Rien ne se concrétise. Entre-temps, il investit dans le football et devient président du Club africain, l’une des deux équipes phares de Tunis. Sa double casquette de leader de parti et de dirigeant sportif fait naître des soupçons de financements illicites et provoque une polémique. Au grand dam des supporteurs, le gouvernement menace de dissoudre le club. L’apprenti Berlusconi calme le jeu et annonce qu’il ne briguera pas un nouveau mandat. Mais, début avril, la sœur de Sami Fehri, le propriétaire d’Ettounsiya, affirme que Riahi a acheté la fréquence sur laquelle émet cette chaîne de télévision, menaçant son existence. À Tunis, on s’interroge désormais sur les intentions précises de Riahi et sur les dessous d’un éventuel rapprochement de l’UPL avec Nida Tounes, la formation de l’ex-Premier ministre Béji Caïd Essebsi. ● FRIDA DAHMANI, à Tunis
MADONNA La star s’est attiré les foudres de Joyce Banda, la présidente du Malawi. Lui reprochant d’embellir la réalité de son action humanitaire dans le pays, elle lui a retiré son statut de VIP à l’aéroport, l’obligeant à faire la queue aux contrôles de sécurité. BABA OULD CHEIKH Le maire deTarkint, une localité de la région de Gao, a été arrêté par l’armée malienne, le 10 avril. Il était sous le coup d’un mandat d’arrêt lancé il y a deux mois par les autorités de Bamako pour trafic de cocaïne.
Ü Un quadragénaire aussi ambitieux que mystérieux.
HICHEM
MATT SAYLES/AP ; DR ; AFP
LA VUVUZELA
JEUNE AFRIQUE
En cause dans de nombreux incidents et agressions lors de matchs de football, la célèbre trompette est considérée comme une « arme dangereuse » par les autorités sud-africaines. Elle pourrait disparaître du championnat national. N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
La semaine de J.A. Tour du monde
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BRÉSIL
Corrompu, Lula? La justice enquête
WILLIAM VOLCOV
D
EPUIS QU’EN JANVIER 2011 Dilma Rousseff lui a succédé à la présidence du Brésil, Luiz Inácio Lula da Silva n’a rien perdu de son immense popularité. Son problème est ailleurs, et il est judiciaire. Une enquête a en effet été ouverte contre lui le 5 avril – ce qui constitue une première pour un ancien chef de l’État – dans le cadre de l’affaire de corruption dite du mensalão (« grosses mensualités »). Accusés d’avoir participé à un vaste système d’achats de Ü L’ancien chef de l’État rattrapé votes au Parlement par le scandale du mensalão. entre 2003 et 2005, vingtcinq anciens ministres, membres du Parti des travailleurs (PT) et banquiers ont déjà été condamnés lors d’un procès qui s’est achevé il y a quatre mois. Jusqu’ici épargné, Lula vient d’être mis en cause par l’homme d’affaires Marcos Valério, lui-même condamné à quarante ans de réclusion. Il refuse pour l’instant de répondre aux accusations portées contre lui. La procédure pourrait durer plusieurs mois. Aboutirat-elle à son inculpation ? Beaucoup en doutent. ●
ZONE EURO
À qui le tour?
ELLE NE SONNE PAS ENCORE le tocsin, mais l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) s’inquiète discrètement de la situation de la Slovénie, qui fut membre de l’ex-Yougoslavie et apparaît aujourd’hui comme l’un des maillons faibles de la zone euro. Plombées par une accumulation de crédits toxiques, ses banques sont en effet de plus en plus vulnérables et devront sans doute faire N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
l’objet d’une recapitalisation. Avec ou sans le renfort d’un plan de sauvetage européen ? JAPON-TAIWAN
Compromis sur les Senkaku LE JAPON ET TAIWAN veulent mettre un terme à leur différend à propos de l’archipel des Senkaku, un chapelet d’îles inhabitées également revendiquées par la Chine populaire
(où elles se nomment les îles Diaoyu). En septembre 2012, l’achat des îles par le Japon avait déclenché une violente poussée de fièvre xénophobe en Chine continentale. Le compromis conclu avec Taiwan, dont les navires sont autorisés depuis le 10 avril à pénétrer dans la zone économique exclusive japonaise, vise à briser dans l’œuf la formation d’un front antinippon entre les deux Chine. ESPAGNE
Tous les chemins mènent à Doha ANCIEN CHAMPIONolympiquede handball, Iñaki Urdangarin, gendre du roi, va quitter l’Espagne pour le Qatar, où il a accepté de seconder pendant deux ans le nouveau sélectionneur de l’équipe nationale, son ami Valero Rivera, qui, il y a quelques mois, conduisit la sélection espagnole jusqu’au titre mondial. Cette offre arrive à point nommé pour Urdangarin, accusé de détournement de fonds publics dans l’affaire Noos – son épouse, l’infante Cristina, a été récemment convoquée par un juge. Ses détracteurs avaient demandé, en vain, que son passeport lui soit retiré. CHILI
Bachelet avance ses pions MICHELLE BACHELET, l’ancienne présidente du Chili (2006-2010), qui, en juin, participera à la primaire de la gauche en vue de l’élection présidentielle de novembre, ne cache pas son intention d’engager une grande réforme de l’éducation. Pour réduire les inégalités sociales, elle souhaite notamment instaurer la gratuité de l’accès à l’université. Le mandat de l’actuel président, Sebastián Piñera, a été lourdement plombé par les grèves et les manifestations étudiantes. Bachelet est pour l’heure la favorite des sondages. UKRAINE
Opposant libéré
ANCIEN MINISTRE de l’Intérieur, opposant notoire et ami de Ioulia Timochenko, l’ex-égérie de la révolution orange qui purge une peine de sept ans de réclusion pour abus de pouvoir et JEUNE AFRIQUE
ARRÊT SUR IMAGE
JOCHEN LUEBKE • DPA/ABACAPRESS.COM
ALLEMAGNE
Vladimir et la nymphe EN PLEINE INAUGURATION de la foire de Hanovre, le 8 avril, en compagnie de la placide Angela Merkel, le président russe n’en croit ni ses yeux ni ses oreilles. Une nymphe survoltée et, vous l’aurez remarqué, peu vêtue, l’agresse sans nulle précaution oratoire : « Va te faire foutre, Poutine ! » suggère-t-elle. Bien entendu, elle est membre des Femen, le collectif féministe désormais bien connu, et proteste contre la lourde condamnation infligée par la justice russe aux Pussy Riot, le groupe de punk-rock contestataire.
détournement de fonds, Iouri Loutsenko a été gracié par Viktor Ianoukovitch, le 7 avril, avec cinq autres détenus (parmi lesquels un ancien ministre de l’Environnement). Face à l’hostilité croissante suscitée par sa politique, le président s’efforce de s’assurer l’indulgence de l’Union européenne, avec laquelle il souhaite conclure un accord d’association, au prix d’une concession somme toute mineure. Mais pas question pour l’instant de libérer Timochenko. THAÏLANDE
Espoir brisé
DEUX SEMAINES APRÈS l’ouverture de négociations entre les séparatistes malais musulmans et le gouvernement, le sud de la Thaïlande est de nouveau à feu et à sang. Trentedeux attaques coordonnées (fusillades, JEUNE AFRIQUE
incendies, bombes) ont visé le 10 avril divers édifices gouvernementaux, lieux publics et commerces dans la Pattani, l’une des trois provinces où l’état d’urgence a été décrété. Bilan : deux morts et six blessés. Depuis neuf ans, le conflit a fait plus de 5 500 victimes. LE MOT
DÉBÂCLE C’EST LE PÉRIL qui menace l’Union européenne si la politique d’austérité est poursuivie et si la croissance ne revient pas rapidement, estime Arnaud Montebourg, ministre français du Redressement productif et membre de l’aile gauche du Parti socialiste, dans une interview au quotidien Le Monde du 9 avril.
JAPON
De panne en panne O P É R AT EU R de la centrale nucléaire de Fukushima, la compagnie d’électricité Tepco a, le 6 avril, annoncé la création d’une cellule de crise afin d’améliorer la gestion du site après la découverte d’un nouvel incident. Le 5 mars, des rats avaient provoqué une panne d’électricité. Cette fois, c’est une fuite d’eau hautement radioactive qui a été détectée dans l’un des sept réservoirs souterrains construits sous la centrale au lendemain de la catastrophe du mois de mars 2011. La cause de la fuite reste à ce jour inconnue. Les recherches pourraient être compliquées par de nouvelles pannes électriques survenues le 9 avril. N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
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Grand angle
Le patient
ivoirien PASCAL AIRAULT,
envoyé spécial à Abidjan
L
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Élysée. 11 avril 2013. Deux ans, Français et Américains, qui ont concouru à la chute jour pour jour, après l’arrestation de de Gbagbo, ne sont pas prêts à les lâcher. « Il n’y a Laurent Gbagbo, Alassane Ouattara pas d’alternative, explique un diplomate à Paris. Ce sont les plus à même de réformer, développer rend visite à François Hollande. l’État et pérenniser l’influence occidentale dans Sarkozy, tombeur de l’enfant de Mama, n’est plus là, mais ADO, à la la région. » Quant aux Chinois, aux Sud-Coréens faveur de la crise malienne, a su nouer une relation ou aux Indiens, ils lorgnent les juteux marchés de la reconstruction. forte avec son successeur. Un pied de nez aux partisans de l’ancien dirigeant ivoirien, qui pensent, à Économiquement, le pays est revenu à la situatort, que le socialiste était en train d’abandonner tion d’avant la crise. Les universités ont rouvert, les hôpitaux sont en cours de réhabilitation, l’armée le libéral. C’est aussi le symbole d’un pouvoir tente de faire sa mue. La sécurité s’améliore au fort, décomplexé, fier de ses alliances au sommet. Hyperprésident d’une Côte d’Ivoire en reconsquotidien, mais reste compliquée à gérer. Dans les truction, Ouattara affirme chaque ministères, on a refait toutes les jour davantage son emprise sur un matrices de développement. Le Ouattara a hérité scénario est écrit, reste à finanpaysqu’ilgouverneàgrandscoups d’un train qui a cer la production. Les bailleurs d’ordonnances et de décrets. Ses opposants sont encore en prison de fonds sont partants, les gros déraillé. Il l’a remis décaissements devraient arriver ou absents des débats publics, sur les rails, mais à partir de 2014. « Avant, on avait l’Assemblée nationale ne reste les wagons ont du les refondateurs, plaisantent qu’une simple chambre d’enregistrement, tandis que les médias mal à suivre. les Ivoiriens, jamais avares de d’État chantent les louanges du bons mots. Maintenant, on a les régime. Les seuls contre-pouvoirs sont à chercher reconstructeurs. » Une critique voilée en direction du côté de la société civile ou des organisations de la nouvelle classe dirigeante, qui a tendance à des droits de l’homme qui critiquent certaines copier la précédente, notamment dans son goût dérives sécuritaires. immodéré pour le clinquant : Berluti, Cartier, 4x4 rutilants, fréquentation des clubs à cigares. MARCHÉS. Depuis la fin de la crise postélectorale, Dans un pays où près de un habitant sur deux Ouattara et son gouvernement avancent contre vit en dessous du seuil de pauvreté, le sentiment vents et marées. « Le président a hérité d’un train que les fruits de la croissance sont mal répartis qui a déraillé. Il a remis la locomotive sur les rails, demeure. Seront-ils mieux partagés à l’avenir, mais les wagons ont du mal à suivre », explique un nous sortiront-ils de notre misère ? Va-t-on sécude ses fidèles. Chez les bailleurs de fonds, même riser notre foncier ? Est-ce que l’on va combattre son de cloche. « Il faudrait plus de Ouattara et l’impunité et retrouver pleinement la sécurité ? de Duncan, son dévoué Premier ministre, pour Améliorer la justice sociale? Telles sont les grandes questions du moment. ● remettre le pays sur pied », affirme l’un d’eux. N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
OLIVER POUR JA
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JEUNE AFRIQUE
ð À l’approche des élections régionales et municipales du 21 avril, des affiches appelant au respect et à la tolérance ont fleuri dans les rues d’Abidjan.
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SIGNATURE,
envoyé spécial
Les grands travaux figurent parmi les priorités du gouvernement. La construction du pont Henri-Konan-Bédié à Abidjan a été confiée au groupe français Bouygues.
Gros œuvre pour ADO
Depuis son installation à la tête du pays, Alassane Ouattara a ouvert d’immenses chantiers, ceux de la reconstruction d’une nation. Nous en avons sélectionné huit, parmi les plus importants, pour en mesurer l’état d’avancement. demande notamment la recomposition de la CEI, la révision de la liste électorale et la libération des prisonnierspolitiques.Décriée,lajusticetardeàfaire son travail pour prononcer soit leur libération soit leur condamnation. La classe politique a désormais les yeux rivés sur la présidentielle de 2015. Dans ce contexte, l’alliance houphouétiste semble fragilisée. En privé, les cadres du RDR, sûrs de leur puissance, affirment ne plus vouloir se plier aux exigences de leur allié PDCI, dont certains membres rêvent de sceller une grande alliance avec le Front populaire ivoirien (FPI, formation de Laurent Gbagbo). Ouattara, lui, tient plus que jamais à son alliance.
Situation politique INSUFFISANT
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Relance économique En forte croissance 9,8
Croissance du PIB (En %)
8,5*
3,7 1,6 04 05 06 07 08 09 10
11
12 13
-4,7 * Projection
SOURCE : MINISTÈRE DE L’ÉCONOMIE ET DES FINANCES
« Tu ne dois pas déchirer les affiches des différents candidats » ; « Élection, ce n’est pas la guerre », exhortent les affiches de la Commission électorale indépendante (CEI) pour apaiser les tensions, à quelques jours des élections régionales et municipales du 21 avril. Grands favoris du scrutin, le Rassemblement des républicains (RDR, au pouvoir) et le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI, son allié) présentent des listes séparées dans la majorité des circonscriptions. Leurs candidats sillonnent le pays à grand renfort de promesses et de slogans. LE RDR et le pDCI ont rallié à eux de nombreux militants et cadres issus d’autres formations en quête d’argent ou de gloire. Face aux hommes du nouvel establishment, on trouve une kyrielle de candidats indépendants (soit la moitié des 11000 personnes en lice), parmi lesquels beaucoup sont issus d’une opposition qui boycotte le scrutin. Nommé à la primature en novembre 2012, Daniel Kablan Duncan a relancé le dialogue avec l’opposition. En vain, pour l’instant. Deux projets de loi sont bien en cours de préparation sur le statut des partis politiques et leur financement, mais ils n’ont pas encore franchi l’étape du Conseil des ministres, préalable à leur passage devant les députés. Par ailleurs, l’opposition
PROMETTEUR
« Les perspectives sont favorables », indiquait le Fonds monétaire international (FMI) en mars. Il est vrai que la croissance devrait dépasser les 8 % cette année. Le taux d’inflation, à moins de 2 %, est stable. Et la dette extérieure régularisée. Les réformes en cours commencent aussi à porter leurs fruits. La baisse des prélèvements sur le cacao permet aux paysans de toucher 60 % du prix de vente final. « La Côte d’Ivoire est sur une bonne dynamique, explique un cadre du FMI. Sa sortie de crise est rapide à l’image du Rwanda, de l’Ouganda ou du Mozambique. » JEUNE AFRIQUE
Le patient ivoirien
ISSOUF SANOGO/AFP
CAMILLE MILLERAND
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Au Parti démocratique de Côte d’Ivoire, on prépare les prochains scrutins régional et municipal du 21 avril.
Mais tout n’est pas réglé. La réduction de la masse salarialedel’État(44%desrecettesfiscales,lanorme dans l’Union économique et monétaire ouest-africaine, UEMOA, étant de 33 %), le paiement de la dette intérieure, le programme de privatisations ou encore l’adoption d’une loi sur la concurrence n’ont guère avancé. Tout comme l’épineuse question de la lutte contre l’affairisme et la corruption. Plus de 40 % des marchés publics sont passés de gré à gré. Danslesprochainesannées,lesautoritésdevraient bénéficierdenouvellesressourcesdanslesdomaines des mines et de l’énergie, puisque de nombreuses concessions ont été ou sont en cours d’attribution. Mais pour réussir son pari de faire accéder la Côte d’Ivoire au rang de pays émergent d’ici à 2020, Ouattara va devoir attirer massivement les investisseursprivés.Cesderniersonténormémentprospecté cesdeuxdernièresannéessansvraimentconcrétiser. La crise en Europe, l’insécurité juridique ainsi que les problèmes sécuritaires et politiques contribuent à les rendre frileux.
Réconciliation EN PANNE
Sécurité EN PROGRÈS
Danslesrues,lapolicearetrouvédroitdecité, et l’insécurité a baissé. Depuis six mois, les attaques contre des bâtiments publics et les installationsdesforcesdesécuritésontenrégression. Une évolution positive attribuée à l’arrestation de plusieurs commanditaires de ces assauts, la mise en place du Conseil national de sécurité, le renforcement du dispositif sécuritaire aux frontières avec les pays voisins et les forces onusiennes. « On a aujourd’hui un concept de défense clair et cohérent inspiré du modèle français », explique Paul Koffi Koffi, ministre délégué à la Défense. JEUNE AFRIQUE
L’arméecompteenviron40000hommes,dont16000 gendarmes, un effectif que les autorités entendent stabiliser. Les casernes sont en cours de réhabilitation, l’armée a reçu de nouveaux uniformes, des véhicules d’intervention rapide ont été livrés, les programmes de formation ont repris. Malgré cela, la situation reste précaire. À l’intérieur du pays, on enregistre régulièrement des frictions intercommunautaires, des heurts entre les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) et les populations. Autre sujet d’inquiétude: la présence de mercenaires, de miliciens et de chasseurs dozos lourdement armés qui sévissent dans l’Ouest. Certains, comme Amadé Ouérémi, à la tête de 400 hommes installés au mont Péko, narguent même les autorités. En outre, le programme de désarmement, démobilisation et réinsertion(DDR),quivientdedébuteretquiprévoit la réintégration de 64000 anciens combattants dans la vie civile, doit faire ses preuves.
La police a retrouvé un peu d’efficacité 3,8
Évolution de l’indice général ivoirien de sécurité (Igis) 2,8
2 Janv. 2012
2 1,8 Mars 2013
« Le chemin qui sépare les populations de la paix est plus court que celui qui sépare les élites », expliquait le 17 mars Charles Konan Banny, président de la Commission Dialogue, Vérité etRéconciliation(CDVR),dontlemandats’achèveen septembre.Difficiledeluidonnertorttantlahaineet l’esprit de vengeance animent encore les dirigeants qui se sont affrontés lors de la crise postélectorale. Une partie du camp Gbagbo ne reconnaît toujours pas la victoire d’Alassane Ouattara, et les militaires en exil n’aspirent qu’à renverser le régime. Du côté du pouvoir, l’impunité est de mise pour les crimes commis par son propre camp. Et la justice ne passe, pour l’instant, que pour les « vaincus ». La société civile et les Nations unies dénoncent régulièrement les exécutions sommaires, les disparitions, les arrestations arbitraires, les mauvais traitements et les tortures. Les autorités ne se sont pas non plus attaquées aux racines, anciennes, du conflit : les problèmes fonciers, d’identité ou de contrôle des ressources naturelles. N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
Grand angle Côte d’Ivoire
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Bien-être EN PROGRÈS
LesIvoiriensreconnaissentpourunegrande majorité que leur situation s’est améliorée. Maisilsseplaignentaussidelachertédelavie, de la faiblesse de leur pouvoir d’achat, de l’augmentation de la corruption. « L’argent ne circule pas », entend-on souvent. Une manière de dire qu’il reste concentré entre les mains d’une classe dirigeante dont le train de vie ostentatoire ne cesse de susciter des critiques. Les autorités rétorquent que « l’argent travaille ». De fait, les pouvoirs publics doublent chaque année leur programme d’investissements. Candidat, Ouattara avait promis la création d’un million d’emplois. On en est encore loin. Les revendicationssocialessontchaquejourplusimportantes. Si le chef du gouvernement reçoit régulièrement les syndicats pour relancer le dialogue social, les grèves se multiplient pour dénoncer les arriérés de paiement et l’absence de revalorisation des salaires. Les autorités se montrent fermes, n’hésitant pas à supprimer certaines primes. Sur les bancs de la fac, les esprits contestataires n’ont plus voix au chapitre, et les étudiants se sont remis au travail. « Les Ivoiriens ont tourné la page Gbagbo, affirme un professeur de l’université de Cocody. Mais les réformes de Ouattara sont dures, parfois peu équitables, et il n’a pas encore répondu aux espoirs qu’il a suscités dans le pays. »
Ì La vie culturelle reprend ses droits, comme en témoigne cette exposition de photos organisée par la Fondation Donwahi en février dernier.
Diplomatie PROMETTEUR
CAMILLE MILLERAND
« Il ne faut plus regarder la Côte d’Ivoire par la lorgnette de la Françafrique », estime un diplomatefrançais.Depuissasortiedubunker du Golf Hôtel, en avril 2011, le président Ouattara a d’ailleurs sillonné la planète pour restaurer l’image du pays et serré la main des plus grands, celles de Nicolas Sarkozy, François Hollande, Barack
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Ü La justice au travail. Des membres des Forces républicaines de Côte d’Ivoire ont comparu devant les juges d’un tribunal militaire à Abidjan le 11 avril.
Obama, Angela Merkel, Benyamin Netanyahou, Hu Jintao… Si la France reste un partenaire privilégié d’Abidjan, les autorités développent une diplomatie économique agressive en direction des autres pays européens, arabes, asiatiques, africains et sudaméricains. Cette politique a permis de rompre l’isolement et d’ouvrir de nouvelles perspectives commerciales. La Banque africaine de développement (BAD) devrait y opérer son retour avant la fin de 2014, et l’Organisation internationale du cacao (Icco) y réfléchit. Président en exercice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), Ouattara est devenu un partenaire privilégié des Français et des Américains dans la lutte contre Al-Qaïda. Son ambition est, en outre, de transformer l’espace ouest-africain en une grande zone d’intégration favorisant le libre-échange et attirant les investissements étrangers.
Médias INSUFFISANT
Des médias publics aux ordres, une presse écrite sensationnaliste à la solde des partis ou d’intérêts financiers… Hormis quelques rares journaux indépendants, le paysage médiatique a peu évolué sous l’ère Ouattara. Trop de journalistes agissent encore comme des militants politiques ou des mercenaires de la plume. La liberté de presse est globalement respectée même si le maintien en détention sans jugement, depuis fin mars 2012, d’Ousmane Sy Savane, directeur général du groupe Cyclone, société éditrice des publications Le Temps, Lg Infos et Prestige magazine, constitue une ombre au tableau. L’ouverture du paysage audiovisuel au secteur privé, qui a été repoussée, devrait intervenir lors du passage au numérique, en 2015. D’ici là, les autorités comptent mettre à jour les textes législatifs, moderniser la chaîne publique RTI (Radiodiffusion Télévision ivoirienne) et étendre aussi sa couverture JEUNE AFRIQUE
Le patient ivoirien EN VÉRITÉ
Opinions & éditoriaux Marwane Ben Yahmed
SIA KAMBOU/AFP
Les chemins de la guérison
pour qu’elle puisse faire face à la concurrence. L’ouverture des ondes devrait être, elle, très progressive et contrôlée.
Culture PROMETTEUR
À Abidjan, les concerts succèdent aux expositions depuis la fin de la crise postélectorale. Les artistes étrangers font le voyage, comme l’humoriste franco-marocain Jamel Debbouze, qui s’est produit le 23 mars au Palais de la culture. Musiciens, peintres, photographes, critiques d’art retrouvent aussi une place sur la scène culturelle. La Fondation Charles Donwahi pour l’art contemporain a repris son mécénat, tandis que la galeriste Cécile Fakhoury a récemment ouvert un espace de 600 m2 consacré à la création contemporaine. Des concertssontaussi àl’honneur,commelavenuedes Enfoiriens, en mars, ainsi que des festivals, comme Abidjan Afrik Urban Arts (danse), fin mai. « Ça bouillonne! » se réjouit le critique d’art Franck Ekra. Toutes ces initiatives sont financées par de généreux mécènes et par les opérateurs économiques. Les autorités ne sont pas en reste. « Nous avons revu toutes nos politiques », explique Maurice Bandama, ministre de la Culture et de la Francophonie. Les autorités travaillent aussi à valoriser le patrimoine matériel et immatériel du pays (ville de Bassam, musique et danses traditionnelles). Le Marché des arts du spectacle africain (Masa) fera, quant à lui, son retour à Abidjan en novembre, après six années d’interruption. L’année 2013 est enfin celle du cinéma. Il ne reste plus que 10 salles dans le pays, contre 200 dans les années 1980. Pour relancer la production nationale, les autorités subventionnent quelques projets de longs-métrages. « En 2015, je veux que l’Étalon de Yennenga [qui récompense le meilleur film au Festival de cinéma panafricain de Ouagadougou, NDLR] nous revienne », indique Maurice Bandama. ● PASCAL AIRAULT JEUNE AFRIQUE
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A CÔTE D’IVOIRE émerge à peine d’un long traumatisme que nous lui enjoignons déjà de mettre un terme définitif à sa convalescence. Est-ce si simple? Depuis la mort d’HouphouëtBoigny, la fièvre s’est emparée d’elle, et son état n’a alors cessé d’empirer, alternant, de la chute d’Henri Konan Bédié fin 1999 à la crise postélectorale qui s’est achevée il y a précisément deux ans, les périodes de rémission et d’espoir avec celles, plus nombreuses, de sévères rechutes et d’inquiétude. Une décennie d’errance, de soins plus ou moins adaptés prodigués par une cohorte de médecins pas toujours bien intentionnés ou incompétents. Les virus – la haine, l’ivoirité, le culte du mensonge, de la vengeance et de la rouerie – n’en ont eu que plus de répit pour s’incruster et s’adapter aux différents traitements pratiqués. La Côte d’Ivoire perd du temps, comment ne pas le reconnaître? Mais elle ne pouvait vraiment pas sortir de tout cela indemne, et les naïfs appels à une réconciliation qu’il suffirait de décréter ne sont qu’incantations stériles. Il lui faudra des décennies pour oublier et se reconstruire. Elle doit en revanche tout mettre en œuvre pour que l’Histoire ne se répète plus.
réfugié avec le dernier carré de ses fidèles. Il faut se souvenir d’Abidjan à feu et à sang, de ses rues jonchées de cadavres, des centaines de femmes violées par des miliciens ivres de rage. La mort qui rôde à chaque coin de rue, les remugles d’une ville aux allures de cimetière. Le cercle infernal de la vengeance, enfin, celle des parias d’hier devenus les puissants d’aujourd’hui nourrissant elle-même le ressentiment de ceux qui ont tout perdu avec la chute de leur mentor et rêvent toujours de revanche. L’ampleur de la tâche à laquelle est confrontée ADO devrait inciter à la mansuétude… Cette relative sévérité n’est, à vrai dire, que le reflet d’une exigence à la mesure des immenses attentes suscitées par l’élection d’Alassane Ouattara. Laurent Gbagbo a incarné cette espérance
L’ampleur de la tâche devrait inciter à la mansuétude…
Certains trouveront cette enquête consacrée au bilan des deux années qu’a passées Alassane Ouattara (ADO) à la tête de la Côte d’Ivoire pour le moins sévère. Ils n’auront pas tout à fait tort si l’on s’en tient au chemin parcouru depuis ce 11 avril 2011 qui vit Laurent Gbagbo être extirpé du réduit dans lequel il s’était
en son temps. Mais le fils de Marguerite et de Zézé Koudou Paul a préféré les habits de chef de clan à ceux de chef de la nation. Pour la première fois, donc, depuis la mort d’Houphouët, la Côte d’Ivoire a un homme d’État à sa tête. Un homme compétent, capable de reconstruire, de créer de la richesse plutôt que de siphonner les caisses, et, espérons-le, de mieux la répartir. Un esprit brillant et ouvert sur le monde, ce dont son pays a plus besoin que ne le croient les chantres d’une Afrique repliée sur elle-même. Autant de raisons, en somme, de vouloir le meilleur, après le pire. ● N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
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Afrique subsaharienne
NIGER
Au milieu du
À l’ouest, il y a le Mali, sa guerre, ses jihadistes et ses trafiquants ; au nord, c’est la Libye, menacée par l’anarchie ; au sud, Boko Haram et ses attentats meurtriers… Conscientes du danger, les autorités du pays ont mis le paquet. L’essentiel, en ces temps troublés, c’est la sécurité. RÉMI CARAYOL,
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envoyé spécial
orsqu’on décolle, on ne les voit pas, mais ils sont là, dans ce grand hangar beige situé à l’autre bout de l’aéroport Hamani-Diori, à Niamey. Deux sont américains, deux autres sont français. Grands, immenses, à croire ceux qui les ont vus. Depuis dix semaines, ils prennent tous les jours les airs vers le nord en quête d’indices trahissant une présence suspecte dans le désert. Les autorités nigériennes ne veulent pas s’étendre sur le sujet. Tout juste consentent-elles à admettre que, N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
depuis que les drones sont là, les jihadistes et les trafiquants se terrent. « Effet psychologique immédiat », se réjouit une source sécuritaire étrangère. Ceux qui les pilotent, les réparent, analysent les images qu’ils envoient sont moins discrets. On les croise dans les grands hôtels de Niamey, où ils côtoient d’autres acteurs de cette guerre : des Français en partance pour Gao ou Kidal, au Mali ; des commandos en transit pour le nord du Niger où ils protégeront les mines d’uranium ; des agents de renseignements… Niamey n’est pas une ville-garnison, mais elle est bien gardée. « Nous avons considérablement renforcé le JEUNE AFRIQUE
Afrique subsaharienne
chaos
BOUREIMA HAMA/AFP
ð Visite du président Issoufou, le 22 janvier, sur une base militaire située au nord de Niamey. Les Français y forment des soldats nigériens.
au centre du Niger et jugé aussi séduisant que l’Adrar des Ifoghas, au Mali. « On a fait en sorte de leur couper la route », indique notre source sécuritaire. La frontière est désormais surveillée par 5 000 hommes. À l’intérieur du pays, le dispositif avait été renforcé dès la chute de Kaddafi. Le Niger avait lancé l’opération Mali Bero pour contenir les velléités de ceux que l’on appelle ici « les retournés ». Depuis Arlit, 500 soldats surveillent une zone immense, mais où les voies de passage sont rares. Des hélicoptères et des avions de reconnaissance sont mis à contribution. « Les populations coopèrent, indique Brigi Rafini, le Premier ministre. Elles ne veulent pas revivre une nouvelle rébellion. » « Aqmi n’a aucune chance de se réfugier au Niger », conclut un officier. Quant au Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), il a peut-être attiré jusqu’à 3 000 Peuls du Niger. « Cela faisait des années qu’ils étaient en conflit avec une tribu touarègue, explique le ministre de l’Intérieur. Pour eux, rejoindre le Mujao était un moyen de se venger et de gagner de l’argent : chaque recrue se voyait proposer entre 500 et 1 000 euros. Mais après l’intervention française au Mali, ils sont vite rentrés. » Le Niger s’en est rapidement occupé. « On les a désarmés et on les tient à l’œil. » BUSINESS. Au nord, il y a aussi la Libye, où règnent
les bandes armées et les trafiquants et où l’on trouve bon nombre de Nigériens : des Touaregs (dont l’ancien leader de la dernière rébellion en 2007, Aghaly Alambo), mais aussi des Toubous du Niger, du Tchad et de la Libye qui profitent de l’anarchie pour faire fructifier les affaires. Les intentions de leur chef, un certain Barka Wartougou, ne sont pas claires. Il y a quelques semaines, les renseignements nigériens ont repéré une colonne de pick-up quadrillage de la ville », indique Abdou Labo, le ministre de l’Intérieur. Tous les points névralgiques de l’autre côté de la frontière. « La Libye, c’est ce sont surveillés. Les ambassades, les ministères qui nous préoccupe le plus, indique un ministre et les hôtels sont protégés par l’armée. Dans le aux compétences régaliennes. Pour l’heure, ces reste du pays, les patrouilles se sont multipliées. groupes n’ont pas d’ambitions hors des frontières libyennes. Les Touaregs se battent pour gagner Depuis la crise en Libye, en 2011, et le retour de L’armée, près de 3 000 combattants touaregs qui opéraient leur place dans le nouvel État, et les Toubous ne c’est la nouvelle au sein de la Légion verte de Kaddafi, le Niger a sont là que pour le business. Mais à terme, si on priorité. Elle jouit d’une pris très au sérieux les menaces qui pèsent sur laisse s’installer l’anarchie, Aqmi pourrait s’y bonne réputation depuis que son territoire. Il suffit de regarder une carte réfugier et lancer une nouvelle offensive. » 675 de ses soldats ont prouvé leur pour comprendre que le pays est cerné de Et puis il y a le Nigeria, au sud, et les intéefficacité au Mali. Officiellement, toutes parts. gristes de Boko Haram. Ceux-là peuvent elle compte 17 000 hommes Au nord-ouest, il y a le Mali. « Au nord, ce « venir incognito. On ne peut pas faire la (12 000 selon d’autres sources). sont les mêmes populations: Touaregs, Arabes, différence entre les Haoussas du Nigeria et L’objectif est d’arriver à Peuls, Songhaïs… Il y a beaucoup de connexions », les nôtres », note une autre source sécuritaire. 20 000 souffle une source sécuritaire nigérienne. Un temps, Comme le nord du Cameroun, l’extrême sud-est en 2014. les chefs d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) du Niger leur sert de base de repli. « On sait qu’ils ont lorgné les montagnes de l’Aïr, un refuge situé sont nombreux à Diffa », admet un officier ● ● ● JEUNE AFRIQUE
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ANTHONY JEULAND/AP/SIPA
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nigérien. Pour l’heure, Boko Haram livre un combat national. « Mais le jour où la secte changera de projet, ce sera impossible à contrer », parie un observateur étranger. Élu à la tête du pays il y a tout juste deux ans, Mahamadou Issoufou a pris la mesure du danger. « Il s’est très vite rendu compte que l’armée ne pourrait pas faire face à une menace. Encore moins à trois… », glisse un diplomate français. Près d’un dixième du budget national est consacré à la sécurité. Combien exactement? « Secret-défense », répond Mahamadou Karidjo, le ministre de la Défense. Il faut y ajouter les dépenses exceptionnelles décidées en cours d’année : 44 milliards de F CFA (67 millions d’euros) en 2012, et l’effort devrait être similaire cette année. « C’est de l’argent que l’on prend à l’éducation et à la santé », convient le ministre de l’Intérieur. Pourtant, les Nigériens ne s’en offusquent pas. « Au début, on trouvait que c’était trop, explique Moustapha Kadi Oumani, figure de la société civile. Un pays qui n’arrive pas à nourrir tous ses enfants, comment peut-il acheter des armes ? Mais avec le recul, nous donnons raison à Issoufou. Dans la région, nous sommes les ●●●
Drone français de retour de mission au Mali à l’aéroport de Niamey, le 20 février.
ASSURANCE TOUS RISQUES. Mais l’effort le plus
La paix a un prix. Il a fallu rogner sur les budgets de l’éducation et de la santé.
DES BASES ÉTRANGÈRES PERMANENTES ? COMBIEN DETEMPS les Français et les Américains vont-ils rester au Niger? Réponse des plus hautes autorités: le temps qu’il faudra. « Pour l’heure, ils nous aident beaucoup. Ils ont des moyens que nous n’avons pas, ils sont indispensables », indique un officier. Officiellement, on compte une centaine de soldats français à Niamey, et plusieurs dizaines à Arlit. Ces derniers, membres du Commandement des opérations spéciales (COS), ont pour mission de protéger N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
seuls en sécurité. C’est plus important que tout. » Avec tout cet argent, et avec l’aide de pays amis (à commencer par la France et les États-Unis, qui ont forméungrandnombredesoldats,dontlespremiers bataillons antiterroristes), on peut transformer une armée. « On a augmenté les salaires et les primes, acheté du matériel, des chars, et commencé une campagne de recrutement », indique le ministre de la Défense.
les mines d’uranium. Mais à Paris, on assure que cette présence, liée à l’opération Serval au Mali, n’est que temporaire: pas question d’installer une base pérenne comme auTchad ou au Gabon. « On peut imaginer une présence réduite comme au Burkina », indique un diplomate. Quant aux Américains, ils seraient une petite centaine. Selon plusieurs sources, ils envisageraient d’installer dans le pays une base permanente R.C. abritant des drones. ●
important a été fait dans les airs. Une véritable révolution! Il y a quelques années, le Niger ne comptait aucun hélicoptère. Aujourd’hui, il en a sept : deux MI-17(transportdetroupes)etdeuxMI-35(combat) achetés du temps de Mamadou Tandja pour contrer la rébellion du Mouvement des Nigériens pour la justice (MNJ), et trois Gazelle (combat) donnés par la France en mars. L’armée possède en outre deux avions de reconnaissance DA-42 équipés de caméras à vision nocturne, un avion de transport C-130 et, depuis quelques semaines, deux Sukhoi pilotés par des Ukrainiens. Ces avions de chasse, bien qu’achetés d’occasion, « nous ont coûté les yeux de la tête, confie un diplomate. Mais ils font la fierté de l’armée, et c’est une assurance tous risques contre les futures rébellions ». Reste à développer ce sans quoi une armée ne vaut pas grand-chose : le renseignement. Aujourd’hui, les RG nigériens ne comptent qu’une centaine d’agents. « On a mis en place un réseau d’informateurs dans les villages, mais on sait que ça ne suffit pas », convient le ministre de l’Intérieur. Le gouvernement envisage de former un bataillon de renseignement, mais ce n’est pour l’heure qu’un projet. Certains, à l’état-major, rêvent même de s’acheter des drones. « Nous y réfléchissons sérieusement », confie un officier. En attendant, « nous sommes obligés de compter sur nos amis français et américains » et sur leurs drones si discrets. « Sans eux, nous sommes des aveugles et des sourds, a l’habitude de dire le président Issoufou. C’est inacceptable. » ● JEUNE AFRIQUE
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Afrique subsaharienne MADAGASCAR
Chacun pour soi Grosse pagaille dans les rangs du pouvoir. Andry Rajoelina ne sera pas candidat à sa succession lors de la présidentielle de juillet, et les appétits de ses alliés s’en trouvent décuplés.
À
ce rythme, de la puissante machine qui avait bouté hors du territoire le président Marc Ravalomanana en mars 2009, il ne restera plus que des pièces détachées. En quatre ans, le TGV, qui est à la fois le surnom donné à Andry Rajoelina (en référence à la rapidité de son ascension et à son caractère fonceur) et les initiales de son parti (Tanora malaGasy Vonona), a perdu de sa splendeur. À en croire la presse qui lui est favorable, il a même déraillé. Le premier tour de l’élection présidentielle est prévu dans plus de trois mois, mais, déjà, la mouvance qui a accompagné Rajoelina durant la crise politique est en lambeaux. Après les poids lourds qui l’avaient soutenu en 2009 et qui ont, depuis, au mieux pris leurs distances, au pire rejoint l’opposition (Roland Ratsiraka, Monja Roindefo, Pierrot Rajaonarivelo notamment), c’est au tour de ses proches collaborateurs de se disperser.
du 24 juillet, comme le lui avaient fortement suggéré les médiateurs, quand Lahiniriko a déclaré sa candidature. Ce n’est pas tant sa célérité à la jouer en solo qui a choqué l’entourage pré-
BRINQUEBALANT. Jean Lahiniriko fut le premier à quitter un train déjà brinquebalant. C’était en début d’année. Rajoelina venait à peine d’annoncer qu’il ne se présenterait pas à l’élection
sidentiel que les mots qu’il a employés le 27 janvier : « Aucun changement n’est palpable malgré les promesses d’une nouvelle vie martelées durant toute la transition, déplore-t-il ce jour-là. Depuis
quatre ans maintenant, ni les pratiques ni les mentalités des dirigeants que nous avons décriées durant les luttes de 2009 n’ont évolué. » Candidat malheureux lors de la dernière présidentielle de 2006 (deuxième derrière Ravalomanana), Lahiniriko fut pourtant un allié fidèle de Rajoelina. Depuis trois ans, il était le vice-président de l’Union des démocrates et des républicains pour le changement (UDR-C), la coalition de vingt-quatre partis soutenant le président. LÈSE-MAJESTÉ. Deuxième personna-
lité du régime à s’émanciper, début avril : Hajo Andrianainarivelo. Lui non plus n’a pas jugé nécessaire de ménager ses anciens compagnons. Certes, il n’a pas critiqué leur bilan, mais il s’est adonné à un crime d e l è s e - maj e s t é en officialisant sa candidature deux jours seulement avant que débute le congrès du TGV à l’issue duquel le parti devait choisir son candidat. Et il a dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas : « Il y a longtemps que la mouvance Rajoelina n’existe plus. » Issu d’une famille aristocratique, cet ingénieur de formation et qui fut maire – comme son père – d’Ankadinandriana, l’un des berceaux de la noblesse merina, n’a jamais caché ses ambitions. En 2009, il ne pesait pas grand-chose, mais les Malgaches ont appris à le connaître. Nommé dans le premier gouvernement de Rajoelina, quand
CHEZ RAVALO, C’EST LE BOSS QUI DÉCIDE PENDANT QUE LE CLAN PRÉSIDENTIEL s’écharpe, la mouvance Ravalomanana paraît plus unie que jamais. « C’est lui, le patron, c’est lui qui décidera qui sera candidat, et nous nous plierons à son N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
choix », indique l’un des prétendants. Officiellement, le président déchu, qui vit en exil en Afrique du Sud et qui, comme son successeur, s’est engagé à ne pas se présenter à cette élection, ne désignera pas
de candidat tant qu’il ne sera pas autorisé à rentrer au pays. Du bluff, convient l’un de ses proches collaborateurs : « S’il ne peut pas rentrer, il désignera son dauphin. Mais il va attendre le
dernier moment. » Deux noms reviennent avec insistance : ceux de Mamy Rakotoarivelo et de Pierrot Botozaza. Ils ont jusqu’au 28 avril pour déposer leur dossier. ● R.C. JEUNE AFRIQUE
Afrique subsaharienne celui-ci n’était encore que le président de la rue, il n’en est jamais sorti : voilà plus de quatre ans qu’il dirige le même ministère, celui de la Décentralisation et de l’Aménagement du territoire. Il a vu passer quatre Premiers ministres sans jamais être inquiété. Aujourd’hui encore, il est le vice-Premier ministre. « C’est Rajoelina qui l’a fait ! » s’étrangle un ami du président ulcéré par sa « trahison ». Depuis quelque temps, « Hajo » était en froid avec le président, qui a finalement opté pour Edgar Razafindravahy, un autre représentant de la noblesse merina. Ce n’est pas la première fois que ce businessman touche-à-tout, qui possède le quotidien le plus influent de l’île (L’Express de Madagascar), est adoubé par Rajoelina. En 2009, peu de temps après sa prise du pouvoir, ce dernier l’avait nommé à la tête de la capitale, Antananarivo, ce qui lui avait servi de formidable tremplin présidentiel. TGV lui devait bien ça : en 2007, Razafindravahy avait financé sa conquête de Tana et, en 2009, il faisait partie des bailleurs de fonds de la « révolution ».
GUINÉE-BISSAU
Dans la gueule du loup Sans doute a-t-il manqué de prudence… Le 3 avril, le contre-amiral Bubo Na Tchuto a été arrêté au large du Cap-Vert par des agents américains qui le soupçonnent d’être un baron de la drogue.
L
a scène se déroule en 2006. Le contre-amiral Bubo Na Tchuto estalorslechefd’état-majordela marine bissau-guinéenne. Assis à l’arrière d’une petite vedette poussive, il répond crânement aux questions d’un journaliste britannique pour les besoins d’un documentaire sur le trafic de drogue. Face à la caméra, il regrette que la Guinée-Bissau, avec ses centaines de kilomètres de côtes et de mangroves, soit si difficile à surveiller, et se plaint que ses navires ne puissent pas rivaliser avec les hors-bords des Colombiens. À l’époque déjà, certains l’accusent d’être leur complice. « Moi ? fait-il mine de s’offusquer. Qu’ils le prouvent! Je ne serai jamais, ni aujourd’hui, ni demain, ni dans mille ans un trafiquant de drogue. » Le 3 avril dernier, il a pourtant été arrêté par les Américains dans les eaux internationales au large du Cap-Vert alors qu’il espérait finaliser une grosse transaction. Tout commence en milieu d’année dernière. Des agents de la Drug Enforcement Administration (DEA) se fontpasserpourdesmembresdesForces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) et approchent des présumés trafiquants en Colombie et en GuinéeBissau. Parmi eux, Bubo Na Tchuto, dont le nom figure depuis trois ans sur la liste noire des ÉtatsUnis. Les faux rebelles des Farc proposent d’acheminer de la cocaïne jusqu’à Bissau dans des cargaisons d’uniformes militaires. Ils suggèrent ensuite aux tra-
JEUNE AFRIQUE
R FA S TA ES/ UR SP ICT EW A/N
RÉMI CARAYOL
AP
plexe plus d’un partisan de Rajoelina. « C’est une erreur, tranche un cadre du mouvement. Il ne fallait pas choisir un Merina. Il fallait un côtier. Non seulement Edgar est, hormis à Tana, inconnu de la plupart des Malgaches mais, en plus, l’étiquette “aristocratie merina” lui colle à la peau. Comme Hajo d’ailleurs. » « On n’assiste pas seulement à l’implosion du mouvement de 2009, analyse l’historien et éditorialiste Denis-Alexandre Lahiniriko (aucun lien de parenté avec Jean). On assiste aussi à la division des Merinas. Un schéma classique sous la colonisation qui pourrait leur être fatal. » Le risque est d’autant plus grand que les dissensions pourraient se multiplier. Peu après l’annonce du résultat des votes, à la fin du congrès, des militants du TGV ont quitté la salle en hurlant à la fraude. Depuis, les concurrents de Razafindravahy sont sommés par leur entourage de briser la discipline de parti et de se présenter à leur tour. « Il ne faut pas se leurrer, indique un compagnon de la première heure de Rajoelina, la mouvance avait un seul dénominateur commun : Rajoelina. À partir du moment où il n’est plus là, nous n’avons plus rien à faire ensemble. » ●
CE
ARISTOCRATIE. Ce choix a laissé per-
fiquants de créer une société écran pour réexporter la drogue vers les États-Unis. Enthousiaste,selonlecommuniquédela DEA (qui, pas peu fière de sa prise, n’est pas avare de détails), Bubo Na Tchuto répond que le moment est opportun, car le gouvernement est fragilisé par un « récent coup d’État ». Bon seigneur, il propose d’utiliser une de ses sociétés pour faciliter la sortie de la cocaïne de Guinée-Bissau. Mais ce ne sera pas gratuit ; il demande 1 million de dollars par tonne réceptionnée. L’affaire est vite conclue. Seule condition fixée par les pseudo-Farc : que la transaction se fasse dans les eaux internationales. Normal, c’est l’usage. C’est donc en toute confiance que Bubo Na Tchuto embarque à bord d’une vedette mise à sa disposition par ses « partenaires », sans se douter que le piège va se refermer sur lui et deux de ses complices, Papis Djeme et Tchamy Yala. Dans la foulée, la DEA interpelle quatreautrestrafiquantsprésumés(deux sont neutralisés à Bogotá). Bubo Na Tchuto, lui, a été immédiatement envoyé aux États-Unis via le Cap-Vert. Figure incontournable de la scène politique bissau-guinéenne depuis la lutte pour l’indépendance dans les années 1960, il n’est pas exclu qu’il ait été la victime de ces intrigues qui se nouent au plus haut sommet de l’armée et dont il a si souvent usé. Arrêté en décembre 2011, accusé d’avoir préparé un coup de force contre ses anciens alliés, il avait été rapidement libéré mais n’était plus ni aussi puissant ni aussi craint qu’auparavant. Peutêtre a-t-il oublié toute prudence en tentant de « se refaire » trop tôt, trop vite. ● CLARISSE JUOMPAN-YAKAM
ð Autrefois tout-puissant, Bubo Na Tchuto avait été le chef d’état-major de la marine bissauguinéenne. N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
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Afrique subsaharienne
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SÉNÉGAL
Voyante et clairvoyante Ses prédictions ont propulsé Selbé Ndom sur le devant de la scène médiatique. Sportifs, artistes ou politiques, beaucoup veulent la consulter. Ses tarifs ? Ils sont à la tête du client.
se conjuguent depuis la nuit des temps. Tous les lutteurs vont voir un marabout. » Mais la légende Selbé Ndom est lancée. À 40 ans passés, elle loue toujours un appartement dans un petit immeuble sans âge de Yeumbeul, une commune de la banlieue dakaroise. Sur la coursive du premier étage, la file d’attente ne faiblit pas. Pour plus de discrétion, les VIP (sportifs, artistes ou politiques) lui rendent visite à la nuit tombée. « Elle s’appuie sur le Coran et sur les cauris, confie un proche. Mais je pense que c’est en rêves qu’elle a ses visions. » Ses tarifs, elle dit les adapter à ses clients : de 7 euros pour les plus modestes à plus de 300 euros pour les plus fortunés.
GUILLAUME BASSINET POUR J.A.
CATASTROPHISTE. Faut-il mettre sur
Malgré son succès, elle vit toujours dans un quartier populaire de Dakar.
E
nrupturedebanavecleprésident AbdoulayeWade,MackySallétait alors un homme politique au creux de la vague. Un jour de juillet 2009, Selbé Ndom le croise à un enterrement. S’approchant de lui, elle lui prédit qu’il sera le quatrième président du Sénégal. « En rêve, je t’ai vu défoncer la porte de Wade », lance-t-elle à celui qui n’est pas encore candidat. « Il m’a fixée du regard, raconte-t-elle, a pris mes mains dans les siennes et m’a demandé comment je m’appelais. » Depuis, l’anecdote a fait le tour du pays, mais c’est à la lutte sénégalaise que Selbé N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
Ndom doit sa notoriété. Ses prédictions sur l’issue de plusieurs combats se sont révélées d’une fiabilité troublante. En avril 2012, à la veille d’une rencontre très attendue entre le tout-puissant Yekini et son challenger, Balla Gaye 2, elle annonce que le lutteur mythique « va tomber du côté droit » et qu’il sera vaincu. Il en sera ainsi. Elle n’est pas démentie non plus quand elle annonce, pour Bombardier contre Tapha Tine, que « le sang va couler et [qu’]il y aura KO » Thierno Kâ, du Comité national de gestion de la lutte sénégalaise, veut relativiser et explique que « la lutte et le mysticisme
le compte de la jalousie les prédictions apocryphes qui lui sont attribuées depuis un an et qu’elle conteste avec énergie ? En juillet 2012, un journal lui impute une annonce catastrophiste selon laquelle un avion s’écrasera sur le campus de l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar le 18 juillet. Devant sa porte, des grappes d’étudiants inquiets font le pied de grue dans l’attente d’une confirmation. Quelques semaines plus tard, un nouveau présage lui est imputé (là encore, elle nie en être la source): elle aurait alerté Yahya Jammeh, le président gambien (fervent adepte du mysticisme), d’une menace de coup d’État. Elle aurait même préconisé, pour conjurer le mauvais sort, de faire couler le sang. En août 2012, lorsque plusieurs condamnés à mort sont exécutés en Gambie, divers médias sénégalais y voient une relation de cause à effet. « J’ai vu l’exépouse de Jammeh, admet la voyante. Je lui ai recommandé de faire des offrandes, mais je n’ai jamais rencontré le président ni auguré de sa chute. » Malgré ces péripéties, la pieuse Selbé poursuit son bonhomme de chemin, se mêlant de politique ou de lutte au gré de ses visions. Elle dit avoir vu en rêve, avant qu’ils ne surviennent, les troubles du 23 juin 2011, lorsqu’un projet de réforme constitutionnelle avait fait descendre dans la rue des milliers de Dakarois ulcérés. L’année suivante, elle aurait anticipé « la chute de Sarkozy ». Et mi-mars, trois jours avant la convocation de Karim Wade devant le procureur qui le soupçonne d’enrichissementillicite,SelbéNdomnous livrait à mots couverts cette prédiction : « En accablant Karim, il va le mettre dans la lumière ! » ● MEHDI BA, à Dakar JEUNE AFRIQUE
Coulisses KENYA
Museveni fait le show
À Nairobi, le 9 avril, le président ougandais s’en est pris à la justice internationale.
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e président soudanais Omar elBéchir n’était pas à Nairobi, le 9 avril, pour l’investiture du nouveau président kényan, Uhuru Kenyatta. C’est donc un autre voisin, Yoweri Museveni, qui a dit tout haut tout le mal que beaucoup pensent de la Cour pénale internationale (CPI). Saluant le bon déroulement des élections, le président ougandais a félicité les Kényans pour avoir rejeté « le chantage de la CPI et de ceux qui abusent de cette institution en fonction de leur propre programme ». Il a montré du doigt ces « arrogants acteurs aux opinions bien arrêtées » qui, par leurs « analyses imprudentes », « ont détourné l’institution de ses buts ». « Au lieu d’un processus rigoureux et réfléchi, nous avons désormais des individus engagés dans une gymnastique juridique, a-t-il ajouté. Ils utilisent la CPI pour se débarrasser des chefs qu’ils n’aiment pas et installer ceux de leur choix. » VAGUE ALLUSION. Poursuivi pour crimes
contre l’humanité à la suite des violences postélectorales de 2007 qui firent plus de 1000 morts, Kenyatta s’est contenté, dans son discours d’investiture, d’une vague allusion à la CPI. « Je vous assure que, sous ma présidence, le Kenya s’efforcera de respecter ses obligations internationales tant que celles-ci sont fondées sur des principes bien établis de respect mutuel et de réciprocité », a-t-il déclaré. Contrairement à El-Béchir, sous le coup d’un mandat d’arrêt international, le fils du père de l’indépendance kényane s’est engagé à ne pas se dérober à son procès, qui doit s’ouvrir le 9 juillet. « Nous devons nous souvenir qu’aucun pays ou groupe de pays ne doit avoir le contrôle ou le monopole des institutions internationales et de l’interprétation des traités internationaux », a-t-il conclu. Fatou Bensouda, la procureure de la CPI, appréciera. ● NICOLAS MICHEL JEUNE AFRIQUE
MISE AU POINT VRAIS ET FAUX « FRÈRES »
Afrique subsaharienne
ALGÉRIE POURQUOI LES MOUSQUETAIRES DE BOUTEFLIKA ONT DISPARU
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 53e année • no 2726 S • du 7 au 20 avril 2013
jeuneafrique.com
C’EST UN DOSSIER SENSIBLE et qui SÉNÉGAL ÉCONOMIE DANS LA TÊTE COMMENT VA DE MACKY SALL LE MAROC ? ne supporte guère l’équivoque. Notre enquête sur « Les nouveaux francsmaçons » (J.A. n° 2726) a suscité de la part de certaines personnalités citées ou de leur entourage les précisions suivantes : Identifié parmi ceux qui « ont démenti ou ne le sont plus », le préEnquête sident sénégalais, Macky Sall, qui a effectivement eu à démentir pareille rumeur par le passé, nous signifie par l’entremise de son porte-parole qu’il « n’a jamais été franc-maçon », qu’il « ne l’est pas » et qu’il « n’envisage pas de le devenir ». Quant au chef de l’État ivoirien, Alassane Ouattara, cité parmi ceux pour qui « la rumeur court, mais [qui] n’ont jamais confirmé », la vérité est qu’il ne l’est pas. Dont acte. De quoi préciser un « who’s who » dont certaines formulations pourraient, il est vrai, prêter à spéculations. ● FRANÇOIS SOUDAN
Les nouveaux
francs-maçons ÉDITION INTERNATIONALE ET AFRIQUE SUBSAHARIENNE
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MALI LES CHAMEAUX ! Le cadeau était… monumental. Au point d’ailleurs que François Hollande, à qui le camélidé avait été offert le 2 février à Tombouctou, avait préféré le laisser au Mali, le pensant sans doute peu adapté au périphérique parisien. Las, c’est dans une casserole de la famille à laquelle il avait été confié que ledit chameau aurait fini. Qu’à cela ne tienne ! Le 9 avril, « honteux », un haut responsable malien a promis qu’un nouvel animal, « plus gros et plus beau », serait à nouveau offert au président français. Et pas question de prendre le moindre risque. Direction Paris !
RD CONGO REBELOTE Cette fois-ci, on sait où il est. Le 8 avril, l’opposant Diomi Ndongala a été arrêté et incarcéré dès le lendemain à la prison de Makala, à Kinshasa. Proche d’Étienne Tshisekedi, candidat malheureux à la dernière élection présidentielle, il est poursuivi pour viol sur deux mineures.
En juin 2012, il avait disparu avant de réapparaître soudainement, à la veille du sommet de la Francophonie, en octobre. Il avait affirmé avoir été détenu au secret. Son parti, Démocratie chrétienne (DC), dénonce un complot politico-judiciaire.
NIGERIA IL NE MANQUE PAS D’AIR… Boko Haram n’a décidément peur de rien. Ces dernières années, la secte islamiste a revendiqué de nombreux attentats dans le nord du Nigeria. Plus récemment, elle a dit détenir les sept Français enlevés en février au Cameroun. Soumis à une forte pression, le président Goodluck Jonathan étudie tout de même la faisabilité d’un accord d’amnistie – chose que le chef de Boko Haram, Abubakar Shekau, a peu appréciée ! Il l’a dit dans un enregistrement audio dont l’AFP a obtenu copie, le 9 avril, avant d’énumérer les « atrocités » commises contre les musulmans : « Le gouvernement parle de nous accorder une amnistie. Qu’avons-nous fait de mal ? C’est nous qui devrions vous pardonner. » Rien que ça. N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
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Maghreb & Moyen-Orient
ALGÉRIE
Le géant qui a pe C’est le plus vaste pays pays d du u continent, riche en abondantes ressour ressources urce ur cess naturelles. Pourtant, sous ce us la la houlette ho d’une élite particulièrement nébuleuse, il rechigne à assumer son rang de puissance régionale.
Par
BORZOU DARAGAHI
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es intellectuels algériens aiment raconter des histoires dans l’atmosphère enfumée des cafés de la capitale. Sur un ton feutré, ils parlent de ces élites brillantes et ambitieuses qui ont quitté les cités côtières, se sont enfoncées dans les montagnes et leurs denses forêts pour mieux combattre les troupes occupantes françaises à partir du milieu des années 1950. Ils racontent comment les plus intelligents des jeunes hommes souhaitant s’engager étaient envoyés à Paris, Lyon ou Lille
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pour finir leurs études et préparer le moment où les Français quitteraient le pays et où les Algériens en prendraient les rênes. Une fois en Europe, ces jeunes se sont trouvés enrôlés dans l’un des multiples et mystérieux groupes d’exilés qui se liguaient les uns contre les autres, menant en permanence des luttes fratricides. Après le départ des Français, ces jeunes hommes sont rentrés au pays. Mais au cours de leur séjour dans l’Hexagone, ils étaient moins devenus experts dans la gestion et l’administration que dans l’élaboration de réseaux de sécurité sophistiqués. Ces réseaux, qu’ils se sont attelés à construire à JEUNE AFRIQUE
ur de son ombre leur retour, gouvernent toujours les affaires intérieures et extérieures de l’Algérie aujourd’hui. D’après certains analystes, ils constituent même le principal obstacle à tout progrès dans le pays. DANS L’OMBRE. « En Algérie, le pouvoir aime se cacher, explique un politologue de la capitale. Les forces militaires et les appareils de sécurité sont convaincus de la nécessité de travailler dans l’ombre. Ils doivent assumer la conduite du pays, mais ne jamais apparaître sur le devant de la scène. Qu’il s’agisse de problèmes domestiques ou de questions internationales, ils préfèrent toujours JEUNE AFRIQUE
les résoudre par le biais des services secrets que des institutions publiques. » La fable des intellectuels sur la genèse de l’élite algérienne explique dans une certaine mesure l’intensité avec laquelle celle-ci se concentre sur ses propres jeux de pouvoir. Elle permet aussi de comprendre pourquoi un pays si vaste et si riche peine à se libérer de son histoire, à tirer pleinement parti des revenus de ses ressources énergétiques pour diversifier son développement et à assumer le rôle de leader qui lui échoit dans la région. Malgré le traumatisme encore vif de la guerre civile des années 1990, cette nation de 36 millions
Dans une zone en recomposition après le Printemps arabe, Alger bénéficie d’une certaine stabilité.
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Maghreb Moyen-Orient Algérie d’habitants a su trouver une certaine stabilité grâce à ses ressources énergétiques (l’Algérie est le troisième fournisseur de gaz de l’Europe). Mais malgré tout, le plus grand pays d’Afrique reste un géant qui a peur de son ombre. Fragmentée, impénétrable et peu encline à prendre le moindre risque, sa classe dirigeante est incapable de dégager un consensus pour définir une vision commune pour le pays et assurer la sécurité stratégique de la région. Confrontés aux manifestations qui ont accompagné, localement, les soulèvements arabes de 2011, nombre de leaders sont apparus bien plus concentrés sur la protection de leurs fiefs respectifs que sur les enjeux liés au profond malaise socioéconomique qui traverse le pays. Une véritable bombe à retardement. Les dirigeants ont laissé l’économie en miettes. Un système bancaire archaïque contrôlé par l’État continue d’injecter de l’argent dans les entreprises gouvernementales structurellement déficitaires. D’après le Fonds monétaire international (FMI), les subventions peuvent atteindre jusqu’à 40 % du revenu des sociétés. Le chômage est au plus haut. Le taux officiel chez les jeunes est de 21,5 %, mais les experts estiment que le chiffre réel est bien supérieur. La pauvreté est encore très présente lorsqu’on s’éloigne des centres urbains. IMMOBILISME. Vues de l’étranger, les réticences
algériennes à assumer un leadership régional sont apparues en pleine lumière cette année, au moment de l’intervention française dans le nord du Mali voisin pour en déloger les islamistes. Malgré une opinion publique assez critique envers l’immobilisme de l’État sur la question, Alger était resté sourd aux appels à l’aide de Bamako. Et a conservé ses distances, même lorsque les islamistes ont attaqué un complexe gazier dans le Sud algérien, tuant plusieurs dizaines d’expatriés et de travailleurs locaux.
Une jeunesse… … nombreuse
47,5 %
de la population a moins de 25 ans … éduquée
31 %
font des études supérieures … et insatisfaite en 2007, SOURCES : ONS, UNESCO, CENEAP
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33 %
rêvaient de s’installer à l’étranger
UNE NOUVELLE OPULENCE C’ÉTAIT L’ÉPOQUE des vaches maigres. Au début des années 1990, alors que l’Algérie plongeait dans la guerre civile, son économie était durement frappée par la chute du prix du pétrole, principale source de devises du pays. Les réserves de changes étaient alors si faméliques (300 millions de dollars, soit 230 millions d’euros au cours actuel) que les autorités ont fait appel à deux reprises au Fonds monétaire international (FMI) pour rééchelonner la dette extérieure, estimée en 1996 à 33,2 milliards de dollars. « Pour N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
assurer nos importations, nous avons été contraints de demander de l’aide à un pays arabe ami », a avoué Ahmed Ouyahia, chef du gouvernement de fin 1995 à 1998. Quinze ans plus tard, voici venu le temps des vaches grasses. Grâce à la flambée des prix du pétrole, le pays dispose d’une cagnotte qui frôle les 210 milliards de dollars. Sa dette extérieure ? Elle a fondu après un remboursement anticipé. En 2012, les Algériens se sont même offert le luxe de prêter 5 milliards de dollars FARID ALILAT au FMI. ●
Le rôle soudain central dévolu au pays est symptomatique des bouleversements qui ont affecté la région après le Printemps arabe. Le vide sécuritaire et l’absence de leadership au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ont conféré une place plus importante à des acteurs comme l’Algérie, le Qatar ou la Turquie. Deux ans après les soulèvements, la Libye, la Tunisie, l’Égypte, le Mali ou la Mauritanie connaissent une instabilité politique persistante. Et la plupart des pays du bassin méditerranéen – Grèce, Chypre, Italie et Espagne compris – sont enlisés dans une crise économique profonde. Avec plus de 200 milliards de dollars (environ 150 milliards d’euros) de réserves de change, une armée nombreuse, équipée et entraînée, une population relativement bien éduquée et des ressources gazières et pétrolières importantes, l’Algérie est l’une des nations les plus riches et les plus puissantes du continent. Elle est cependant réticente à utiliser ses vastes réserves pour améliorer ses positions économiques comme le Qatar a pu le faire en rachetant plusieurs entreprises nord-africaines. Selon différents critiques et analystes, le gouvernement a assez mal géré ses grands plans d’investissements successifs (lire l’encadré p. 40) car il s’attachait à satisfaire de multiples intérêts plutôt qu’à stimuler des secteurs de l’économie nationale. Les autorités ont par exemple mis fin aux négociations pour accueillir à Alger une usine Volkswagen qui devait produire 70 000 véhicules par an. Ils lui ont préféré l’installation d’une usine Renault à Oran, deuxième ville du pays, bien que celle-ci ait peu de chances de réussir à concurrencer JEUNE AFRIQUE
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une autre filiale du constructeur français implantée non loin de là, à Tanger (Maroc). Un secteur privé, vigoureux mais de taille encore modeste, se développe en Algérie. Cependant, selon les analystes, sa croissance est entravée par des oligarques jouissant de nombreuses relations, notamment au sein de l’armée, et qui protègent jalousement leur territoire. « Un jour, raconte Rabah Boucetta, une militante de l’opposition, je dînais avec le gendre d’un ancien général reconverti dans les affaires. Je lui ai demandé pourquoi il n’investissait pas son argent ici, dans le pays, plutôt qu’à l’étranger. Il m’a alors répondu sans sourciller: “Tu ferais confiance aux gens d’ici, toi ?” » FACTIONS. Ceux qui occupent les positions de pou-
voir ont peu intérêt à proposer de nouvelles idées qui aideraient le pays à émerger de son marasme économique. Lors d’une récente conférence sur les énergies renouvelables, des dirigeants de l’industrie pétrolière du monde entier sont ainsi restés bouche bée quand de hauts responsables algériens se sont mis à réciter leurs lois environnementales en lieu et place de discours. Ces derniers craignaient en fait que leurs paroles puissent être sorties de leur contexte et réutilisées plus tard contre eux, explique un connaisseur. Les affrontements entre différentes factions découragent des projets qui seraient créateurs d’emplois, des investissements étrangers en dehors du secteur de l’énergie ou des plans de développement touristique le long des 1 300 km de magnifique côte méditerranéenne que compte le pays. Imaginez un chauffeur dopé à l’adrénaline qui s’agrippe au volant, les yeux
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braqués sur le rétroviseur au lieu de regarder devant lui : pour certains, c’est l’image qu’évoque la direction du pays, présidé depuis quatorze ans par Abdelaziz Bouteflika. Nombre d’obstacles se dressent pourtant sur sa route, dont la montée en puissance des islamistes radicaux dans les pays voisins, la trop grande dépendance aux hydrocarbures, mais aussi la baisse de 15 % des investissements étrangers (désormais, les non-Algériens ne peuvent légalement détenir plus de 49 % d’une entreprise locale). «Bouteflikarestefigédansunedoctrined’unautre âge stipulant que l’Algérie ne doit pas interagir avec qui que ce soit et surtout pas avec les pays voisins, regrette Ihsane El Kadi, directeur de publication du site d’actualité économique Maghreb émergent. Du point de vue économique, les dirigeants gèrent le pays comme on s’occuperait d’une vieille dame. Ils se retrouvent en position de leadership mais ne sont pas du tout à l’aise dans ce rôle. Pourtant, c’est clairement la fonction de l’Algérie. »
ACTEUR CLÉ. Ces derniers mois, Hillary Clinton, alors secrétaire d’État américaine, et David Cameron, le Premier ministre britannique, se Selon les chiffres sont succédé à Alger; tous deux ont prié leurs hôtes officiels, 21,5 % d’adopter un rôle plus actif sur le plan régional. « Le des jeunes sont au problème, c’est qu’ils n’aiment pas qu’on leur dise: chômage. Un chiffre “vous êtes la clé”, explique un diplomate occidensous-évalué, selon tal. Ils affirment que c’est nous. Mais en vérité, ils les experts. sont, qu’ils le veuillent ou non, un acteur central dans la région du Sahel et du Maghreb. Et nous aimerions qu’ils soient plus actifs dans ce rôle. » Il faut peut-être chercher les raisons de cette posture dans les expériences indépendantiste et postcoloniale. L’Algérie a dû se battre pour se débarrasser du joug français, et même après l’indépendance, elle a subi l’influence persistante de Paris. C’est cela qui l’a rendue si sensible aux enjeux de souveraineté. Il est Malgré les critiques de évident, aujourd’hui, que des problèmes comme le terrorisme, la son opinion publique, traite des êtres humains, le comAlger est resté sourd aux merce des armes ou de la drogue, appels à l’aide du Mali. la sécheresse ou les dommages environnementaux s’inscrivent de plus en plus dans un cadre transnational. Or « les autorités rappellent constamment qu’un des principes majeurs de l’Algérie est de ne jamais interférer dans les affaires des autres pays, même si l’opinion publique est favorable à une intervention », explique le journaliste Kamel Chirazi. Le traumatisme né de la guerre civile des années 1990, qui a dressé les généraux laïcs contre les islamistes radicaux, nourrit le sentiment que le pays est en sursis. Des centaines de milliers de personnes sont mortes dans le conflit, et personne n’a encore eu de comptes à rendre pour les atrocités commises. Certains affirment qu’il faudra l’arrivée d’une nouvelle génération ● ● ● N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
Maghreb Moyen-Orient Algérie
Ì L’armée de terre compte 110000 hommes, dont 35 000 militaires de carrière.
KADRI/SIPA
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politique pour changer la manière d’aborder les choses. « Si d’un côté les dirigeants estiment qu’on n’a pas suffisamment reconnu leur contribution au retour de la stabilité dans le pays à la fin des années 1990, de l’autre, les Algériens portent les stigmates psychologiques de cette période, affirme un diplomate occidental en poste à Alger. L’état d’esprit est encore fixé sur “la sécurité avant tout”. Il va falloir du temps avant de sortir de ce cadre. » Même si le pays a résisté à la vague du Printemps arabe, plusieurs mouvements de protestation ont éclaté – et continuent d’éclater – autour de problèmes locaux. De quoi rendre les autorités nerveuses. Ce même gouvernement qui porte encore haut les bannières de l’anti« Ce régime n’a pas assez impérialisme a ainsi refusé l’entrée d’un groupe de militants venus confiance en lui pour se pour une réunion en amont du placer au premier plan Forum social mondial de Tunis sur la scène mondiale. » fin mars. Les autorités ont même UN MILITANT DES DROITS DE L’HOMME empêché 96 militants algériens de la société civile de quitter le pays pour assister à cet événement rassemblant des progressistes de tous bords, syndicalistes, écologistes, défenseurs des droits des femmes et des minorités. « Nous sommes dans un pays qui déploie 30000 policiers pour un match de football, rappelle un militant algérien des droits de l’homme. ●●●
Ce régime n’a pas assez confiance en lui pour se placer au premier plan sur la scène mondiale. » ÉCHECS. D’autant que les dernières prises de
position d’Alger en politique étrangère ont été des échecs notoires. S’en tenant fermement à sa doctrine de non-ingérence, le régime est resté silencieux lors des soulèvements en Tunisie et en Égypte, et semble avoir soutenu le leader libyen Mouammar Kaddafi jusqu’à la fin. L’Algérie a aussi été l’un des rares membres de la Ligue arabe à refuser d’appuyer l’opposition syrienne. « Il ne faut pas oublier que c’est seulement la faiblesse actuelle des puissances voisines qui fait émerger l’Algérie comme une puissance régionale, affirme Mohamed Mokeddem, copropriétaire du journal Ennahar et de la chaîne de télévision du même nom. À mon avis, cela ne durera qu’une courte période. Parce qu’économiquement rien n’a changé. Nous vivons encore à l’heure du socialisme. » Mokeddem termine par un avertissement à l’adresse des dirigeants incapables d’évoluer : « L’Algérie devient de plus en plus semblable au Pakistan : un allié militaire nécessaire à l’Occident dans le combat contre le terrorisme, mais pas beaucoup plus. » ● © Financial Times et Jeune Afrique 2013 Tous droits réservés
INVESTISSEMENTS PHARAONIQUES
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utoroutes, barrages, infrastructures de télécommunications, logements, chemins de fer, aéroports, tramways, écoles, universités, hôpitaux… Jamais depuis l’indépendance, en 1962, on n’a autant investi et dépensé qu’au cours des mandats d’Abdelaziz Bouteflika. N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
Arrivé au pouvoir en 1999, le président lance successivement plusieurs plans d’investissements, financés exclusivement par des fonds publics. Exit les organismes internationaux imposant un contrôle rigoureux des dépenses. Le premier plan, dénommé Programme de soutien à la
relance économique (20012004), est doté de 7 milliards de dollars (plus de 5 milliards d’euros), le deuxième (2004-2009) de 180 milliards, alors que le troisième, lancé en 2010 et qui court jusqu’en 2014, bénéficie d’une enveloppe de 286 milliards. Au total, en quatorze ans, au moins 473 milliards de dollars
auront donc été dépensés. Si cette manne a largement contribué à moderniser les infrastructures du pays, un certain nombre de projets emblématiques, confiés à des firmes internationales, font l’objet d’enquêtes judiciaires en Algérie et à l’étranger sur de possibles malversations ou faits de corruption. ● F.A. JEUNE AFRIQUE
Maghreb Moyen-Orient
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MAURITANIE
Le jeu dangereux d’ANI et Sahara Média Premiers destinataires des communiqués d’Aqmi, les deux groupes de presse ne se privent pas de les publier. Une proximité qui assure leur audience, mais les place sous le feu des critiques.
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À
chaque fois, le même procédé. Un coup de téléphone et puis plus rien. « Les hommes d’Aqmi [Al-Qaïda au Maghreb islamique, NDLR] sont conscients des dangers du téléphone. Ils jettent leurs puces après leurs appels, il est impossible pour nous de les recontacter », assure Mohamed Ould Khattatt, rédacteur en chef à l’Agence Nouakchott d’information (ANI). Ayant bien souvent la primeur des communiqués de la nébuleuse terroriste, le petit groupe de presse privé mauritanien (dont dépendent le site et le quotidien Nouakchott Info, ainsi que Radio Nouakchott) ne se prive pas de les publier. Tout comme Sahara Média, une autre agence mauritanienne (qui compte un site internet et une radio) contactée régulièrement par Aqmi. Les sites des deux groupes, sur lesquels transitent toutes les vidéos des otages occidentaux retenus au Sahel, sont devenus la seule source des médias internationaux. Mais ne jouent-ils pas ainsi le jeu du groupe jihadiste ?
Les locaux du quotidien Nouakchott Info, qui dépend de l’ANI.
une dépêche. La Mauritanie étant première des pays arabes au classement de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières, nous pouvons nous permettre de le retravailler dans les règles de l’art avant de le relayer. » Sahara Média a échappé aux critiques. Pourtant, il avait aussi dépêché un journaliste à In Amenas. Mais c’est l’ANI, en liaison téléphonique avec les ravisseurs, qui a eu le privilège des scoops. L’Agence Nouakchott d’information a été créée en 2007 par la société Mapeci, dont le propriétaire, Cheikhna Ould Nenni, soutenait Maaouiya Ould Taya (au pouvoir de « Nous ne faisons que notre 1984 à 2005). S’il a subi beautravail. On ne doit pas garder coup de pressions à la chute l’information pour nous. » du colonel, ce n’est désorMOHAMED OULD KHATTATT, Agence Nouakchott d’information mais plus le cas. Sa nièce, conseillère à l’ambassade de Après la prise d’otages d’In Amenas, en Mauritanie à Washington, est l’épouse du janvier, l’ANI s’est retrouvée dans la tourchef d’état-major de l’armée, Mohamed mente. Accusée par le quotidien algérien Ould Ghazouani. Ce n’est pas un hasard El Watan d’avoir relayé la « propagande si la petite structure a aujourd’hui la confiance d’Aqmi : Mohamed Mahmoud des terroristes » en acceptant de publier les communiqués des assaillants, l’agence Ould Aboulmaali, le directeur exécutif a dû s’expliquer devant la Haute Autorité de Mapeci, a commencé à enquêter peu de la presse et de l’audiovisuel (Hapa) après le 11 septembre 2001 sur les jihamauritanienne. « Nous ne faisons que distes mauritaniens qui partaient vers notre travail. Quand une info nous parIn-Khalil (Nord-Mali) et l’Algérie rejoindre vient, on ne doit pas la garder pour nous, le Groupe salafiste pour la prédication et estime Ould Khattatt. Soit nous publions le le combat (GSPC). Il les a vus grandir et communiqué tel quel, soit nous rédigeons évoluer. En 2007, il a reçu leur premier JEUNE AFRIQUE
communiqué et, en 2011, a décroché à Gao une interview exclusive de l’ancien émir d’Aqmi Mokhtar Belmokhtar. ÉCOLES CORANIQUES. Abdallah Ould Mohamedi, le patron de Sahara Média – par ailleurs ancien correspondant de l’agence marocaine de presse MAP et d’Al-Jazira pour l’Afrique de l’Ouest –, a lui aussi commencé à s’intéresser très tôt aux groupes jihadistes. Hormis un bon réseau, Ould Mohamedi, réputé prudent, a surtout d’importants moyens matériels : il dispose de bureaux à Dakar et à Casablanca et possède un studio de télévision ultramoderne à Nouakchott. Mais une autre raison explique qu’Aqmi ait jeté son dévolu sur les médias mauritaniens. « Les écoles coraniques du pays étant réputées pour leur bon niveau, les Mauritaniens recrutés par le groupe se voient généralement confier un rôle théologique, explique Hacen Ould Lebatt, auteur d’une étude sur Aqmi*. Ce sont eux qui s’occupent de rédiger les communiqués et qui contactent la presse. » En mars, c’est encore l’ANI qui a diffusé les communiqués annonçant l’exécution de l’otage français Philippe Verdon. ● JUSTINE SPIEGEL
* L’étude est disponible sur defnat.fr/site_fr/ archives/res_auteurs.php?caut=3511 N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
Maghreb Moyen-Orient Affecté au service de comptabilité de la société, Zygier franchit rapidement les échelons et devient l’intermédiaire de plusieurs clients. Mais au moment où il peut enfin passer à la phase critique, celle du recrutement d’informateurs, l’agent rencontre des difficultés relationnelles avec ses collègues, paraît de moins en moins investi dans son travail et n’est pas loin de faire perdre à la société l’un de ses principaux partenaires. Licencié en 2006, Zygier est envoyé par le Mossad en Europe de l’Est pour d’autres missions du même type. Mais ses performances ne donnent pas satisfaction, et il finit par être rappelé à Tel-Aviv mi-2007. « Il n’était ni bon ni mauvais, juste médiocre pour un homme de terrain », confie une source proche du dossier. DR
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Australien d’origine, Ben Zygier avait émigré en Terre promise.
FRUSTRÉ. Au quartier général du Mossad,
Ben Zygier est rattaché à l’unité Tzomet (« carrefour »), un département où sont analysées et classées toutes les informations parvenant aux services de renseignements israéliens. Frustré d’être réduit à des tâches administratives, Zygier Le « prisonnier X » retrouvé mort dans sa cellule en 2010 était bien veut prouver à ses supérieurs que sa un agent du Mossad, accusé d’avoir livré des informations place est ailleurs. Prétextant des études au Hezbollah. Récit d’une tragique affaire d’espionnage. à Melbourne, il entreprend plusieurs voyages en Europe de l’Est où il approche l aura fallu de longues semaines un responsable du Hezbollah. d’Israël, prêt à tous les risques pour y d’enquête et l’évidente complicité Zygier agit de son propre chef, sans parvenir », résume Ronen Bergman. d’hommes de l’ombre pour percoordination, et n’a qu’une obsesSon premier contact avec le Mossad, au mettre à Ronen Bergman, éditodébut des années 2000, n’a pourtant rien sion : ramener une nouvelle source au rialiste reconnu de la presse israélienne, d’épique. C’est en s’inscrivant sur leur Mossad. Sauf que pour rester crédible, et à plusieurs journalistes associés à site internet que Ben Zygier approche les il n’hésite pas à livrer des informations l’hebdomadaire allemand Der Spiegel de services secrets israéliens. Il répondait ultrasensibles à l’organisation chiite reconstituer les éléments d’une intrigue à une bannière publicitaire : « le job de libanaise. En 2009, plusieurs réseaux d’espionnage où se mêlent confusément votre vie ». d’espions libanais collaborant avec les ego et sentiments patriotiques. Israéliens sont démantelés dans la vallée de la Bekaa. Parmi les personnes arrêtées Ce 15 décembre 2010, il est 8 h 19 TROIS PASSEPORTS. Son profil séduit figure Ziad al-Homsi – nom de code : quand les geôliers du centre pénitend’autant plus l’État hébreu que la loi l’Indien –, qui était chargé de traquer cier d’Ayalon, le plus sécurisé d’Israël, australienne autorise ses citoyens à découvrent le corps inerte de Ben Zygier, le leader du Hezbollah, pendu dans sa cellule. L’homme de Son obsession : trouver une source Hassan Nasrallah. 34 ans, australien d’origine, est inhumé Le Mossad est désarau sein de l’organisation quelques jours plus tard dans le cimeçonné. Depuis Beyrouth, tière juif de Springvale, dans la banlieue chiite pour prouver sa valeur. l’un de ses agents découvre de Melbourne. À cette époque, son père, qu’un jeune citoyen ausGeoffrey, ignore qu’il enterre un agent tralien serait devenu le principal relais renouveler leurs pièces d’identité sous du Mossad et s’interroge sur ce qui a pu du Hezbollah. Discrètement convoqué un nom différent. D’après Melbourne, pousser au suicide son fils, ce brillant Ben Zygier utilisera ceux de Ben Alon et à Tel-Aviv pour une réunion, Ben Zygier avocat qui avait fait le choix d’immigrer Ben Allen, possédant jusqu’à trois pasest immédiatement arrêté. Devenu un en Terre promise, de s’engager dans seports. Il achève sa première phase de traître malgré lui, il est incarcéré dans l’armée par patriotisme avant d’époutests en décembre 2003. Un an plus tard, la cellule 15 de la prison d’Ayalon, celle ser une ravissante Israélienne qui lui après avoir bénéficié d’une formation habituellement réservée aux ennemis donnera deux enfants. intensive, il reçoit sa première mission de l’État d’Israël. Il ne supportera pas « Son histoire est celle d’un jeune dans un pays du sud de l’Europe : infiltrer longtemps son sort. ● une entreprise coopérant avec l’Iran. homme qui rêvait de devenir un héros MAXIME PEREZ, à Jérusalem ISRAËL
Traître malgré lui
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Maghreb Moyen-Orient FOOTBALL
Nouveau départ pour Chermiti? Transféré au Hertha Berlin à l’âge de 20 ans, l’ex-grand espoir tunisien n’avait pas su s’y imposer. Aujourd’hui au FC Zurich, il veut retenter sa chance dans un grand championnat européen.
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grand-chose. Chermiti doit apprendre à oublier son statut de star naissante du football tunisien. « Il est parti trop tôt, note Bertrand Marchand, entraîneur d’Umm Salal (Qatar), qui dirigea l’attaquant en 2007-2008àSoussepuisensélectionnationale en 2010. C’est un joueur explosif, technique, déroutant ; c’est ce qui a plu à Lucien Favre, alors entraîneur du Hertha [Berlin]. Mais il aurait dû attendre un an de plus, ou aller dans un championnat intermédiaire ou encore en Ligue 2 française. »
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éloignement aura duré plus d’un an. Depuis la fin de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2012, les voyages d’Amine Chermiti en Tunisie relevaient exclusivement du domaine privé. Mais le 23 mars dernier,l’attaquantduFCZuricharetrouvé Tunis, le stade de Radès et la sélection nationale à l’occasion d’un match qualificatif pour la Coupe du monde 2014 face à la Sierra Leone (remporté 2-1 par les Aigles de Carthage). Il n’a pas bougé du banc de touche, mais Nabil Maâloul lui a envoyé un message très clair. « Je voulais le revoir. Je compte sur lui », explique le nouveau sélectionneur tunisien. L’idéeséduitforcémentChermiti. « Mon souhait était de retrouver la sélection, avec laquelle j’ai disputé trois CAN [en 2008, 2010 et 2012, NDLR] », insiste le joueur de 25 ans. Mais les événements lui ont appris à vivre prudemment, sans trop se projeter vers un avenir souvent incertain. « Depuis que j’ai quitté la Tunisie, en 2008, cela n’a pas toujours été facile. Je suis parti à 20 ans pour l’Allemagne. Imaginez le changement quand vous passez de Sousse à Berlin [pour un salaire mensuel à cinq chiffres, contre 1 000 euros à l’Étoile sportive du Sahel] ! Il n’y a pas grand-chose de comparable : la langue, le climat, la nourriture, la culture, et bien sûr le niveau du championnat… Hélas, je me suis blessé très vite. » En Allemagne, le palmarès du natif de Sfax, fils d’un ingénieur agricole et d’une institutrice, bachelier, formé à la JS Kairouan, vainqueur de la Ligue des Champions africaine et du Championnat de Tunisie en 2007 avec l’Étoile, et devenu international la même année, ne pèse pas
Un nouvel exil attend le Tunisien à la fin de sa première saison allemande, après une longue blessure et seulement dix matchs disputés avec le Hertha Berlin. Au cœur de l’été 2009, ses dirigeants décident de le prêter à Al-Ittihad Djeddah (Arabie saoudite), un des meilleurs clubs du royaume wahhabite. Et tant pis si le niveau du championnat saoudien n’a qu’un lointain rapport avec la Bundesliga, et si Djeddah l’austère n’offre pas les mêmes attraits que la capitale allemande. « Ce n’était pas mon choix. Mais l’expérience s’est révélée posiProfil tive, soutient Chermiti. J’ai pu aller en pèlerinage à La Mecque. • 25 ans Et surtout j’ai beaucoup joué. » • Attaquant au FC Zurich depuis Mais l’argument n’est pas assez 2010 (67 matchs, 17 buts) fort pour la direction du Hertha, qui ne croit plus vraiment en • Vainqueur de lui. Et c’est en Suisse que le la Ligue des champions joueur poursuit son parcours, africaine en s’engageant pour quatre ans et du championnat au FC Zurich en juillet 2010. de Tunisie « Je n’ai pas à regretter ce choix. en 2007 Beaucoup de joueurs sont passés avec l’Étoile sportive par la Suisse avant d’évoluer dans du Sahel (Sousse) les meilleurs clubs européens. » • International depuis 2007 POPULARITÉ. À Zurich, Chermiti (30 sélections, n’a jamais disputé une saison 6 buts) complète, mais son bon début d’année2013luioffredenouvelles perspectives, à un peu plus d’un an de la fin de son contrat. « Je pense être capable de retenter ma chance dans un grand championnat », explique-t-il, en balayantlesrumeurssurunpossibleretour en Tunisie, au Club africain ou à l’Espérance sportive de Tunis puisque son exil n’a pas altéré sa popularité. « Je n’en ai pas l’intention, en tout cas pas maintenant, et si je devais rejouer dans mon pays, ce ne pourrait être qu’à l’Étoile. Je veux rester en Europe. » Marchand, qui continue de suivre la carrière de son ancien joueur, n’est pas loin de penser la même chose : « Ce sera bientôt le moment pour lui de franchir un palier, juge-t-il. Il a le talent pour ça. Il faut juste qu’il ne soit plus perturbé par les blessures. » ● ALEXIS BILLEBAULT, à Zurich N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
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Maghreb Moyen-Orient
Dans le quartier d’Al-Ansari, à Alep, le 7 avril, après une frappe aérienne.
HOEP/AP/SIPA
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MOYEN-ORIENT
Un cessez-le-feu ou l’Apocalypse Au cœur des luttes de pouvoir entre grandes puissances, le conflit syrien déstabilise toute la région. L’existence même de certains États, comme le Liban, pourrait être menacée.
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e Moyen-Orient traverse une période de violence et d’instabilité exceptionnelles. Les observateurs attentifs le savent : une restructuration majeure des relations entre les puissances régionales est à l’œuvre. S’il se poursuivait,ceprocessuspourraitavoirdes conséquences radicales et même aboutir au remodelage des frontières tracées par les puissances occidentales il y a près d’un siècle,aprèsladéfaitedel’Empireottoman. Marquée par un enchevêtrement de luttes de pouvoir, la situation est d’une grande complexité. Ainsi, la réconciliation surprise d’Israël et de la Turquie orchestrée par le président américain pendant sa visite à Jérusalem, le mois dernier, aura d’importantes conséquences régionales. Trois années d’hostilité ont soudain pris fin quand, pressé par Barack Obama, le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, a présenté ses excuses pour l’attaque meurtrière contre le Mavi Marmara, un navire turc qui avait cherché à briser l’embargo sur Gaza en mai 2010. Résultat immédiat, une coalition américano-israélo-turque s’est constituée, unie par la volonté d’abattre le régime N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
du président syrien, Bachar al-Assad. À la veille de la visite d’Obama au MoyenOrient, son nouveau secrétaire d’État, John Kerry, avait déclaré à propos de la détermination d’Assad à s’accrocher au pouvoir : « Mon but est de l’amener à changer ses calculs. » SUR LA DÉFENSIVE. Le renversement du
spectaculaire. Mais les choses ne sont pas aussi simples. Face à elle se dresse un autre axe constitué par la Russie, l’Iran et la Syrie, déterminé à empêcher l’effondrement du régime d’Assad et l’émergence d’un nouveau système dominé par les États-Unis au Moyen-Orient. En outre, les trois partenaires, Américains, Israéliens et Turcs, n’ont pas tout à fait les mêmes objectifs. Les États-Unis abhorrent la posture d’indépendance et de défi de l’Iran, qu’ils veulent soumettre. Les ambitions d’Israël sont plus ciblées : afin de préserver son monopole atomique régional, l’État hébreu est déterminé à faire cesser les activités nucléaires de Téhéran, soupçonnées de ne pas être totalement pacifiques.
président syrien n’est probablement que le premier objectif de cette nouvelle alliance. Sa finalité ultime pourrait bien être la destruction de l’axe Iran-Syrie-Hezbollah qui bride depuis trente ans les ambitions régionales Il faut encourager un changement des États-Unis et d’Israël. pacifique de gouvernement, Ce front est aujourd’hui voire de régime, à Damas. en péril, chacun de ses membres étant confronté àdegrandesdifficultés.SoumisàunimplaLa Turquie avait de son côté, avant cable embargo américain, l’Iran vit sous la la crise, l’espoir de diriger un nouveau menace d’une attaque israélienne; la Syrie regroupement régional. Avec la Syrie, le se débatdanslesaffres de laguerrecivile,et Liban et la Jordanie, elle avait formé un le Hezbollah, privé de ces deux principaux espace de quatre pays au sein duquel les alliés, est sur la défensive jusque dans son visas avaient été abolis. Ankara espérait sanctuaire libanais. étendre cette alliance jusqu’au Golfe, La coalition américano-israélo-turque convaincu que le développement d’une pourrait ainsi remporter un succès voie terrestre à travers la Syrie permettrait à JEUNE AFRIQUE
Coulisses
STABILITÉ PRÉCAIRE. La Syrie est au cœur
de ce jeu destructeur des puissances. Sa désintégration pourrait redéfinir les règles régionales et même remettre en question certaines des frontières dessinées sur les décombres de l’Empire ottoman. Le Liban est particulièrement en danger. Un changement de régime en Syrie menacerait sa stabilité précaire en bouleversant l’équilibre des pouvoirs entre communautés. Quant à la Jordanie, faible et vulnérable, elle n’a pu que se soumettre aux pressions et s’unir à la campagne américano-israéloturque contre Assad. Certains des ennemis de Damas sont en ce moment armés et entraînés dans le royaume. L’afflux massif de réfugiés menace également son fragile équilibre interne. Et si Israël poursuit sa politique d’expropriation et de colonisation, la Jordanie pourrait à nouveau subir un flot de réfugiés palestiniens. Les dangers pour la stabilité et la prospérité de la région sont tels que, au lieu de poursuivreleurempoignade,lesÉtats-Unis et la Russie feraient bien de s’unir pour imposer un cessez-le-feu. Des groupes extrémistesvoudront,biensûr,continuerla bataille. Il faut les isoler et les maîtriser, et ceux qui sont prêts à négocier doivent être amenés à la table des pourparlers. Le but devrait être d’encourager un changement pacifique de gouvernement – peut-être même de régime – à Damas afin de reconstruire le pays, de rapatrier les réfugiés et de garantir la protection des minorités. Silesgrandespuissancesneparviennent pas à imposer une telle issue, on peut prédire sans risque de se tromper non seulement la destruction de la République arabe syrienne telle que nous la connaissons, mais aussi des retombées catastrophiques pour l’ensemble de la région. ● PATRICK SEALE JEUNE AFRIQUE
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ÉGYPTE LES PAYS ARABES À LA RESCOUSSE De violents affrontements (deux morts) ont émaillé, le 7 avril, les funérailles, au Caire, de quatre Coptes tués deux jours plus tôt. Dans ce climat tendu, aggravé par les critiques du patriarche Tawadros II à l’encontre du président Mohamed Morsi, le pouvoir islamiste a reçu deux bouées de sauvetage. En butte à de graves difficultés financières, alors que les négociations avec le Fonds monétaire international (FMI) pour un prêt de 5 milliards de dollars (3,8 milliards d’euros) s’enlisent, l’Égypte vient d’obtenir, coup sur coup, le soutien de deux pays arabes. Le Qatar a annoncé, le 10 avril, une aide financière exceptionnelle et s’est engagé à approvisionner en gaz le pays, confronté à une pénurie. L’émirat achètera des obligations égyptiennes pour 3 milliards de dollars – somme qui s’ajoute à une précédente aide de 5 milliards. De son côté, le gouvernement libyen accorde au Caire un prêt sans intérêt de 2 milliards de dollars, qui sera « remboursé sur cinq ans avec une période de grâce de trois ans ». ●
LIBAN L’HOMME DU CONSENSUS Adoubé par le roi d’Arabie saoudite et la coalition du 14-Mars, accepté par l’alliance rivale du 8-Mars (emmenée par le Hezbollah), Tammam Salam, sunnite de 67 ans, succède à Najib Mikati au poste de Premier ministre. Alors que la réforme de la loi électorale fait l’objet de vifs débats, cet homme de consensus aura la lourde tâche de préparer les législatives prévues cette année. Et celle, encore plus ardue, de tenir, autant que possible, le Liban à l’écart de la guerre qui fait rage chez le voisin syrien.
SYRIE AL-QAÏDA ÉTAIT AU FRONT « La Jabhat al-Nosra est en réalité une branche de l’État islamique d’Irak », autrement dit d’Al-Qaïda, a annoncé le chef de cette entité le 9 avril. Les liens soupçonnés du groupe syrien avec la nébuleuse
terroriste avaient amené le département d’État américain à l’inscrire sur sa liste des organisations terroristes en décembre. Moaz al-Khatib, le leader de l’opposition, a pris ses distances en déclarant sur sa page Facebook: « La pensée d’Al-Qaïda ne nous sied pas et les révolutionnaires en Syrie doivent prendre une position claire sur ce sujet. »
DUBAÏ PATROUILLE BLING BLING Pour montrer aux visiteurs « à quel point Dubaï est classe », le directeur général de la police de l’émirat a trouvé un argument de poids: une rutilante Lamborghini Aventador. Prix unitaire: plus de 300000 euros. Le bolide, qui peut dépasser les 330 km/h, ne devrait pas se livrer à des courses-poursuites mais servira de vitrine aux forces de l’ordre. De quoi agacer leurs homologues qataris qui affichent une Lamborghini Gallardo (moins chère) et une flotte entière de Porsche Panamera et Cayenne. Et toc!
Ì La nouvelle Lamborghini Aventador de la police dubaïote.
AP/SIPA
ses hommes d’affaires d’y gagner d’importants contrats. Ces projets se sont révélés illusoires. Le pays est aujourd’hui menacé par le flot des réfugiés et par les ambitions des Kurdes de Syrie, qui rêvent de s’unir avec leurs frères de Turquie pour obtenir un État. Pour écarter cette perspective, Ankara a fait des concessions inédites qui pourraient aboutir à la libération du leader kurde Abdullah Öcalan, capturé en 1999. Le mois dernier, celui-ci a appelé les rebelles à déposer les armes, possible prélude à un nouveau départ dans les relations entre le pouvoir central et les Kurdes, peut-être même à l’obtention d’une certaine autonomie.
Maghreb & Moyen-Orient
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Europe, Amériques, Asie
Kim Jong-un est loin d’être fou. Mais sa menace de déclencher des frappes nucléaires contre les États-Unis et la Corée du Sud le met à la merci du moindre dérapage. Et le monde entier avec lui. JULIETTE MORILLOT
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ousvousalarmeztropvite, vous autres en Europe. Ici, nous sommes habitués aux menaces de Pyongyang. Séoul est pourtant à moins de 50 km de la frontière ! » Tandis que, le 9 avril, le Japon déployait ses missiles Patriot en plein cœur de Tokyo, les habitants de la capitale sud-coréenne restaient zen. « Que risque-t-on ? De toute façon, si la Corée du Nord déclenche une offensive, elle signe son arrêt de mort. » Flegme ? Bon sens ? Cette désinvolture tranche avec la poussée de fièvre internationale qui, le 8 avril, a fait délirer jusqu’à Vladimir Poutine. En cas de conflit nucléaire dans la péninsule, a estimé le président russe, « la catastrophe de Tchernobyl apparaîtrait comme un simple conte pour enfants ». Ce n’est certes pas la première fois que la Corée du Nord s’adonne à la provocation, mais jamais elle n’était allée aussi loin. Tout a commencé à la mi-décembre 2012 avec le lancement réussi d’une fusée Unha-3, que les Américains ont aussitôt soupçonné d’être un tir déguisé de missile balistique à longue portée. Il y a eu ensuite, le 12 février, un troisième essai nucléaire. Sans doute un engin à l’uranium d’une puissance de 6 ou 7 kilotonnes, soit la moitié de la puissance de la bombe de Hiroshima, preuve d’une réelle avancée en ce domaine. Ces deux succès vont littéralement galvaniser le régime. Un an et demi après la mort de Kim Jong-il, son père, Kim Jong-un montre à son peuple qu’il est le digne descendant de la dynastie au pouvoir à Pyongyang depuis 1945. Du même coup, il adresse un message clair à la communauté internationale et, en premier lieu, aux dirigeants asiatiques arrivés récemment au pouvoir: Xi Jinping en Chine, Shinzo Abe au Japon, Park Geun-hye en Corée du Sud ; désormais, il faudra compter avec la Corée du Nord, l’accepter comme puissance nucléaire et dialoguer avec elle. Car au fond, même si cela semble paradoxal, Kim ne veut rien d’autre qu’une normalisation des relations de son pays avec le reste du monde, la conclusion d’un traité de paix concernant la péninsule, l’assurance de pouvoir poursuivre son programme nucléaire, et la signature d’un pacte de non-agression avec les États-Unis. N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
CORÉE DU NORD
KCNA VIA KNS/AFP
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De l’art de ESCALADE. La vérité est que son régime s’est senti
directement agressé par les États-Unis et la Corée du Sud – avec laquelle il est toujours techniquement en guerre puisque ce n’est pas un traité de paix mais un simple armistice qui a été signé en 1953, à Panmunjeom. Les manœuvres américano-sud-coréennes qui ont débuté le 11 mars et se poursuivront jusqu’au 30 avril ont provoqué à Pyongyang une série de réactions nullement impulsives, mais au contraire planifiées avec soin : coupure du téléphone rouge reliant le Nord au Sud, annonce de l’état de guerre avec Séoul, dénonciation de l’armistice de 1953, menace d’une frappe nucléaire contre les États-Unis, JEUNE AFRIQUE
jouer avec le feu redémarrage du réacteur nucléaire de Yongbyon (arrêté en 2007), évacuation progressive puis fermeture de la zone économique de Kaesong, complexe industriel emblématique de la coopération entre les deux Corées… Le 6 avril, les personnels des missions diplomatiques étrangères ont reçu le conseil d’évacuer Pyongyang… Trois jours plus tard, une nouvelle menace de guerre thermonucléaire a été lancée contre Séoul, tandis que les expatriés se voyaient invités à quitter la Corée du Sud… Une escalade mûrement pensée et parfaitement orchestrée. Car la prétendue « folie » des dirigeants nordcoréens n’est qu’un mythe complaisamment JEUNE AFRIQUE
Le nouveau numéro un mettant au point un « plan de frappes », avec ses officiers supérieurs, fin mars.
entretenu par les médias occidentaux. En dépit de son jeune âge (30 ans), Kim Jong-un n’est pas imprévisible. Comme son père, c’est un stratège qui connaît à fond ses dossiers, et qui, avec sa garde rapprochée (notamment Jang Song-thaek, son oncle, et Kim Kyong-hui, sa tante) et le cercle de ses conseillers, a envisagé tous les scénarios de crise. Sur le plan stratégique et militaire, mais aussi sur celui de la communication. D’où ces mises en scène théâtrales prêtant parfois à sourire – les images du Pentagone en feu ! –, destinées avant tout au peuple nord-coréen, qu’il s’agit d’unir comme un seul homme contre l’impérialisme américain. N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
JUNG YEON-JE/AFP
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Kim Jong-un joue avec le feu, mais, selon toute vraisemblance, ne franchira pas la ligne rouge et n’utilisera pas l’arme nucléaire. Sauf en cas de dissensions au sein de son gouvernement (hypothèse que rien, à ce jour, n’est venu conforter) ou d’une mauvaise interprétation d’un mouvement militaire sud-coréen ou américain… Et c’est justement, selon les termes de Chuck Hagel, le ministre américain de la Défense, pour « éviter d’exacerber la crise en cours » que, le 7 avril, les États-Unis ont reporté le tir d’un missile balistique intercontinental (Minuteman 3) depuis la Californie. Il aurait pu être interprété par Pyongyang
Soldats américains du 23e bataillon chimique testant un nouveau robot, le 4 avril sur la base d’Uijeongbu, en Corée du Sud.
PAK PONG-JU, L’HOMME DES RÉFORMES ?
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n nommant, début avril, l’économiste Pak Pong-ju (74 ans) au poste de Premier ministre, Kim Jong-un a adressé à la communauté internationale un message… passé totalement inaperçu. Pak est pourtant loin d’être un inconnu : entre 2003 et 2007, au temps de Kim Jong-il, il fut déjà à la tête du gouvernement. Partisan déclaré des réformes, il rêve de restructurer l’économie nordcoréenne sur le modèle chinois : transformation des circuits de distribution alimentaire, libéralisation des prix, création de marchés privés « capitalistes », autonomisation progressive des entreprises d’État, semi-privatisation de petites entreprises N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
« autogérées »… Il s’est d’ailleurs rendu à maintes reprises dans ce pays, notamment dans la province du Guangdong. Tombé en disgrâce, Pak avait été rappelé aux affaires en 2010 par un Kim Jong-il de plus en plus conscient de la nécessité des réformes. Il va devoir à présent s’efforcer de relancer le processus d’ouverture. Son meilleur atout ? Kim Kyong-hui, tante de l’actuel dirigeant et elle-même économiste, et Jang Song-thaek, son époux, semblent y être eux aussi favorables. Dans ses vœux du nouvel an, Kim Jong-un a clairement annoncé sa volonté d’opérer un « grand tournant ». Et d’améliorer le niveau de vie J.M. de ses compatriotes. ●
comme une agression délibérée et déclencher une riposte armée. Cette décision a été saluée par la Chine, que les récentes provocations de la Corée du Nord, son alliée historique, mettent dans l’embarras. « Personne ne devrait prendre le risque, par égoïsme, de précipiter une région, encore moins le monde entier, dans le chaos », a estimé, le 7 avril, le président Xi Jinping, avec un art consommé de l’ambiguïté puisqu’il omet de préciser si l’avertissement s’adresse à Pyongyang ou à Washington ! ACCROCHAGES. Bref, les risques de dérapage sont
réels. Les accrochages frontaliers ne sont certes pas rares entre les deux Corées. Les plus récents remontent à 2010 : torpillage d’une corvette sudcoréenne (46 victimes), puis bombardement de l’île de Yeongpyeong (4 morts et une vingtaine de blessés). Mais le contexte a changé. Désormais, un incident de ce type provoquerait à n’en pas douter une violente réaction sud-coréenne ou américaine. D’un autre côté, Pyongyang est allé si loin dans la surenchère qu’il lui est difficile de faire machine arrière sans perdre la face. Plus le temps passe, plus le danger grandit. Que peut-il se passer dans les prochains jours? Un nouveau tir de missile balistique à moyenne portée? Un nouvel essai nucléaire? Un attentat contre des intérêts sud-coréens ou américains, comme le prédisent certains transfuges nord-coréens? À l’inverse, onpeutespérerquelafindesmanœuvresaméricanosud-coréennes, le 30 avril, marquera le début de la sortie de crise. Et, qui sait, le retour de la Corée du Nord à la table des négociations, en échange d’une aide alimentaire, d’un assouplissement des sanctions onusiennes, ou de la promesse d’une aide au développement du nucléaire civil. On saura alors si, comme le dit un proverbe nord-coréen, Kim Jong-un a « sorti l’artillerie lourde pour tuer un moineau ». ● JEUNE AFRIQUE
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Europe, Amériques, Asie ROYAUME-UNI
Faut-il regretter Mme Thatcher? La politique de l’ancienne Première ministre, décédée le 8 avril à l’âge de 87 ans, suscite un flot de commentaires le plus souvent louangeurs…
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es morts, il ne faut dire que du bien, dit le dicton. Certes. Mais quand il s’agit d’hommes politiques – en l’occurrence, de la première femme à occuper le poste de Premier ministre du Royaume-Uni –, le meilleur hommage qu’on puisse leur rendre est peut-être d’essayer de faire objectivement le bilan de leur action. Sauf qu’il est difficile d’être objectif quand il s’agit de Margaret Thatcher. Au cours des années que j’ai passées en Grande-Bretagne, je n’ai jamais rencontré quelqu’un qui n’eût pas une opinion tranchée sur elle. Il y avait ceux qui l’adoraient littéralement et ceux pour qui elle était l’incarnation du diable. Tout dépendait de la place que les uns et les autres occupaient dans l’échelle sociale. En gros, sous Thatcher, les pauvres devinrent plus pauvres et les riches plus riches. C’était conforme à son idéologie: « la société », ça n’existe pas, il n’y a que des individus. Que les plus talentueux, les plus audacieux, les plus chanceux, ou simplement ceux qui sont bien nés, s’enrichissent. Tant pis pour les autres. BIG BANG. Pour concrétiser cette vision
froide et égoïste des choses, Thatcher, conseillée par son éminence grise, Keith Joseph – le vrai inventeur du « thatchérisme»–,sefitl’apôtredel’ultralibéralisme. Elle encouragea Ronald Reagan dans cette voie, et Reagan se fit une douce violence de suivre les conseils de cette femme qui lui en imposait. Ce fut le couple ThatcherJoseph qui adopta un monétarisme brutal contre le keynésianisme, plus social, et qui fit ainsi exploser le taux de chômage. Ce fut le couple Thatcher-Joseph qui déréglementa, en 1986, la finance. Ce Big Bang de la City créa cette culture du bonus, du profit, de l’avidité, de l’arrogance et de l’irresponsabilité des golden boys dont nous payons encore le prix aujourd’hui. Au fond, la crise de 2007-2008 et les calamités qui s’ensuivirent, c’est d’abord à la Dame de fer que nous les devons. En 1982, le drapeau argentin fut hissé sur les Malouines. Tout le monde – ses conseillers, ses ministres et même son ami Reagan – lui conseillait l’attente, le N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
ð La Dame de fer au cours d’un meeting du Parti conservateur, en 1984 à Londres.
Bio express
1925 Naissance
1970 Ministre de
1984 Conflit épique avec
1951 Mariage avec
1979 Première ministre 1982 Guerre des
1990 Démission 2002 Retrait de la vie
de Margaret Roberts, à Grantham, dans les Midlands Denis Thatcher, dont elle aura deux enfants
l’Éducation et des Sciences
Malouines contre l’Argentine
compromis, les négociations, la diplomatie. Thatcher balaya tout cela d’un revers de la main et envoya la Royal Navy faire la guerre aux antipodes. On comprend que beaucoup d’Anglais (oublions les Écossais, ils la détestaient) furent bluffés par le panache de leur Prime Minister. Dans la
le syndicat des mineurs
publique
foulée, elle gagna les élections législatives. Mais, pour qui n’est pas anglais, qu’étaitce cela, sinon une guerre inutile avec son cortège de morts, de blessés, de mutilés ? Qu’a-t-elle fait pour les femmes ? Strictement rien. À une exception près, elle n’a nommé aucune femme dans son JEUNE AFRIQUE
AFP
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Europe, Amériques, Asie cabinet, c’est-à-dire dans le groupe des ministres les plus importants. Quant au féminisme, elle l’abhorrait, sous toutes ses formes. L’Europe, elle n’y croyait pas, ou elle n’en voulait qu’en tant que marché commun et surtout pas comme union politique. La vraie union, à ses yeux,
c’était l’Otan. Son monde, c’était celui de la guerre froide. Un jour, à Harrogate, j’eus l’occasion de bavarder avec quelqu’un qui la connaissait bien – c’était un collaborateur de son ministre Norman Lamont. Je lui demandai : « Elle pense quoi des Arabes, des
Africains?»Iléclataderire.«Tousdeswogs [“bougnoules”] ! » me répondit-il. C’est toujours triste, une personne qui meurt. Mais la femme politique, la Dame de fer, seuls les Anglais – et encore, pas tous – ont une bonne raison de la regretter. ● FOUAD LAROUI
Mandela, Babangida, Hassan II et elle La Dame de fer ne s’est jamais beaucoup intéressée à l’Afrique et à ses dirigeants. À de rares exceptions près.
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n dehors de la question rhodésienne, je crois qu’à son époque il n’a guère été question de l’Afrique au 10 Downing Street », estime un historien. Arrivée au pouvoir en mai 1979, Margaret Thatcher s’emploie très vite à favoriser la tenue d’une rencontre à Lusaka entre les leadersduCommonwealthpourmettrefin à la guerre en Rhodésie du Sud, puis d’une conférence à Londres. Le 21 décembre, les accords de Lancaster House sont signés. Ils jettent les bases d’un futur État indépendant, le Zimbabwe. Un an plus tard, un certain Robert Mugabe est porté au pouvoir par les urnes. Il y est toujours. TERRORISTE. Pour le reste, son manque
d’implication africaine est patent. À preuve, bien peu de dirigeants du continent ont réagi à son décès. Parmi eux, le Sud-Africain Jacob Zuma et le Nigérian Goodluck Jonathan. Dans leurs deux pays, la Dame de fer a laissé un souvenir contrasté. En Afrique du Sud, elle s’est opposée avec la dernière énergie aux sanctions internationales visant à isoler le régime de l’apartheid, qu’elle
jugeait nécessaire de ménager pour des raisons commerciales, mais aussi parce qu’il constituait un allié de poids dans la lutte contre le camp soviétique. C’était le temps de la guerre froide… Elle qualifia un jour le Congrès national africain (ANC) d’« organisation terroriste » et estimait que « ceux qui pensent que ce parti dirigera un jour l’Afrique du Sud planent complètement ». En réponse, les dirigeants de
Kaddafi ? « Contrairement à disait-elle, je ne l’ai jamais embrassé. Je l’ai bombardé. l’ANC s’opposèrent, en avril 1990, à une rencontre Mandela-Thatcher, qui aura néanmoins lieu trois mois plus tard. Mais la politique sud-africaine de la Dame de fer empoisonnera les relations du RoyaumeUni avec nombre de pays africains. Dans ses Mémoires, Thatcher évoque sa rencontre à Lagos, en 1988, avec le dictateur nigérian Ibrahim Babangida. « C’était un homme énergique et intelligent, écritelle. Il semblait ouvert à mes suggestions sur la nécessité de combler le déficit
budgétaire, de lutter contre l’inflation et de fournir de meilleures assurances aux investisseurs étrangers. Nous partagions aussi l’idée que l’implication de l’URSS et de Cuba en Afrique était un danger. » Le journaliste Richard Dowden raconte qu’au cours de sa visite elle fut reçue par l’émir de Kano. « À l’époque, écrit-il, les cérémonies traditionnelles se terminaient par une fantasia avec des chevaux cabrés. Les invités étaient censés remercier les cavaliers en levant un poing serré – comme les membres du Black Panther Party. Mrs Thatcher tenta d’esquiver, mais l’émir insista. J’ai vu son visage consternéalorsqu’elleregarBlair, dait sa main se lever et ses doigts se replier. Mais elle » n’acheva jamais son geste! » CULTIVÉ. Un autre dirigeant trouvait
grâce à ses yeux: Hassan II, qu’elle jugeait « admirablement cultivé et capable de discourir en six langues ». Quant à MouammarKaddafi,ellefutoutréequand, en 2011, elle le découvrit en compagnie de Tony Blair. En 1986, elle avait soutenu le bombardement de Tripoli par Reagan… « Pour ma part, commenta-t-elle sèchement, je n’ai jamais embrassé Kaddafi, je l’ai bombardé ! » ● HABY NIAKATE
Afrique, centre du monde! Une librairie de titres inédits en Europe sera présente au 10e salon africain du livre, de la presse et de la culture de Genève qui se tiendra à Palexpo du 1er au 5 mai 2013. www.salondulivre.ch
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PARCOURS | D’ici et d’ailleurs
« J’essaie d’apporter aux homosexuels l’aide que j’aurais aimé recevoir », confie cet écorché vif.
Ludovic-Mohamed Zahed Hétérodoxe Premier musulman français à s’être marié religieusement avec un homme, ce croyant frondeur né en Algérie a ouvert la première mosquée accueillant gays et lesbiennes.
U
N MOULIN À PAROLES. Lancé sur l’incompatibilité supposée entre l’homosexualité et le Coran, Ludovic-Mohamed Zahed ne s’arrête plus. Ce n’est plus seulement un monologue érudit revenant sur la « turpitude » des membres du peuple de Loth (les premiers à avoir commis le « péché » de l’homosexualité). C’est un prêche enflammé dans lequel le trentenaire au teint pâle, au visage émacié et à la barbe soigneusement taillée soutient qu’aucun hadith authentique remontant au Prophète ne condamne les hommes qui aiment les hommes. Ses doigts fins volent, appuient l’argument, pointent les détracteurs. Tout de sombre vêtu, avec son qamis et son pantalon noir, le tout seulement égayé par un foulard vert islam, LudovicMohamed a tout du bon salafiste. Sauf qu’il porte une alliance, qui trahit son union… avec un homme. Et qu’il
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s’apprête à accueillir des gays et des lesbiennes dans la mosquée « progressiste » qu’il a ouverte il y a quelques semaines à Paris. Où? Le lieu doit rester secret. « Nous tenons à ce que ceux qui nous rencontrent se sentent en sécurité. Il faut contacter notre association, HM2F*, pour connaître l’adresse. » Ludovic-Mohamed Zahed est devenu le porte-parole très médiatique de ces « muslims gays » dont beaucoup ne soupçonnaient pas l’existence. Il y a un an, il publiait Le Coran et la Chair (éd. Max Milo), un livre qui mêle souvenirs d’enfance à « Alger la blanc cassé », confessions homos et réflexion sur l’islam. Les fragments autobiographiques qu’il égrène dans son ouvrage décrivent un douloureux chemin de croix. Né à Alger en 1978, Ludovic-Mohamed part rapidement avec ses parents s’installer à Paris, dans le 17e arrondissement. À
l’école, molesté et traité de « sale rebeu », ce gamin introverti a bien du mal à se sentir français. Dans sa famille non plus, tout ne se passe pas très bien: ses manières féminines déplaisent à son père et à son frère, qui ne veulent pas qu’il devienne comme « ça », c’està-dire homosexuel, un mot selon lui toujours tabou dans sa communauté. À l’âge de 16 ans, il retourne avec ses parents en Algérie. Avec humour, il décrit le pays comme sa « Terre sainte », « qui génère paix et oubli ». Il aime flâner le long des grandes artères haussmanniennes, se ressourcer dans les ruelles écrasées de soleil, se rafraîchir aux portes de la Casbah. Pourtant, le jeune homme n’est pas au bout de ses questionnements. Vu comme un Arabe en France, il est un « zmigré », un « émigré », dans son pays natal. Surtout, Ludovic-Mohamed étouffe son désir pour les hommes. Issu d’une famille peu croyante (« mon père ne fait même pas ramadan »), il cherche ses repères dans l’islam, prie des journées entières, apprend l’arabe pour décrypter le Coran. Et rejoint ses « frères » salafistes de JEUNE AFRIQUE
Europe, Amériques, Asie
« J’avais 20 ans,j’étais complètement perdu. Je me suis donné cinq années pour trouver une solution en me disant: si après ça ne va toujours pas, tu te suicides. » Sa reconstruction va prendre plus de temps. Il rompt brutalement avec l’islam, multiplie les histoires d’un soir, entame une relation avec un homme, qui lui révèle adhérer aux thèses du Front national… et qui lui transmet le sida. Mais bientôt, l’écorché vif se réconcilie avec lui-même. À 21 ans, il fait son coming out auprès de sa famille, qui encaisse plutôt bien. Y compris son père, qui, à sa grande surprise, promet de le soutenir « jusqu’au bout ». Il revient aussi à l’islam ainsi qu’aux études, et poursuit aujourd’hui deux doctorats, l’un en psychologie, l’autre en anthropologie. Surtout, il s’implique dans le combat militant en créant une nébuleuse d’associations, dont la dernière en date, HM2F. « Cette structure répond à un vrai désarroi, précise-t-il. Des gens qui se tailladent les veines, qui n’ont pas de vie sexuelle… J’essaie de leur apporter l’aide que j’aurais aimé recevoir. » Et le voilà qui montre une série de textos sur son portable. « J’ai reçu ces messages d’un jeune du Togo qui avait peur : lors d’une émission sur une radio de Lomé, des auditeurs appelaient à brûler les homos. » Mais habité, rayonnant, le trentenaire garde la foi: « Je reste optimiste. Je suis sûr que nous allons vers moins de stigmatisation. » La fin du prêche s ’adresse-t-elle à lui-même ? Aujourd’hui, Ludovic-Mohamed s’est trouvé. Gay, musulman et souriant. ●
BRÉSIL
Guerre du crack
La consommation de ce dérivé de la cocaïne explose. Avant le Mondial de football, les autorités s’efforcent donc de « nettoyer » les rues.
L
es Brésiliens sont 1 million à consommer régulièrement du crack, un dérivé bon marché de la cocaïne, aux effets ravageurs. Ils sont même les recordmen mondiaux en la matière. C’est désormais un énorme problème de santé publique, en même temps qu’une cause d’insécurité pour la population. Résolu à juguler le fléau, le gouvernement a, en décembre 2011, lancé un plan d’action national qui, jusqu’en 2014, s’est vu allouer un budget de 1,5 milliard d’euros. En janvier-février, les municipalités de São Paulo et de Rio de Janeiro ont pour leur part autorisé l’internement contre leur gré des adultes dépendants, mesure réservée jusqu’ici aux mineurs, et déclenché du même coup la polémique. De nombreux spécialistes dénoncent une mesure politique qui ne vise selon eux qu’à « nettoyer » les rues dans la perspective des grands événements que le Brésil s’apprête à accueillir: Journée mondiale de la jeunesse (en juillet), Mondial de football (en 2014), Jeux olympiques (en 2016)… RECHUTE. « Si vous retirez le patient de son milieu, le traitement restera artificiel, et il y aura un gros risque de rechute à sa sortie », estime la psychologue Silvia Tedesco. Les défenseurs de l’internement involontaire estiment pour leur part que
l’état des personnes dépendantes est tel qu’elles sont bien incapables de prendre une quelconque décision. Tout le monde est en revanche d’accord sur un point: la prise en charge des accros au crack doit être entièrement repensée. L’échec des opérations de ramassage pratiquées jusqu’ici est patent. Placés dans des centres, mais sans obligation d’y rester, les junkies refusaient le plus souvent les soins et, très vite, retournaient à la rue. Désormais, leur sortie sera conditionnée à l’autorisation d’un médecin. « Il faut considérablement renforcer le réseau des consultations de rues faites par des équipes multidisciplinaires, avec un psychologue, un médecin et une assistante sociale », explique Silvia Tedesco. Car les opérations de ramassage ont leurs limites. Beaucoup de drogués réussissent en effet à s’échapper. Quelques heures plus tard, on les retrouve aux abords du principal « Crackolandia » de Rio, le long de l’Avenida Brasil, principale voie d’accès à la mégapole. Pour la municipalité, il y a encore plus embarrassant, en termes d’image. De plus en plus d’accrocs au crack ont tendance à migrer vers les quartiers chics et touristiques de la zone sud, où ils sont évidemment plus visibles. Exactement ce que les autorités souhaitaient éviter ! ● ÉLODIE GUIGNARD, à Rio de Janeiro
GUTO MAIA/BRAZIL PHOTO PRESS
Kouba, quartier agité de la banlieue d’Alger. Rapidement, la communauté lui fait comprendre que sa proximité avec certains frères est mal perçue. Tiraillé entre son amour de Dieu et son amour des hommes (encore platonique), Ludovic-Mohamed traverse une crise identitaire et spirituelle, tandis que la violence se déchaîne à Alger. Nous sommes en 1997, et Zahed fait une nouvelle fois ses valises pour se rendre à Marseille.
LÉO PAJON Photo : VINCENT FOURNIER/J.A.
* Homosexuels musulmans de France : homosexuels-musulmans.org JEUNE AFRIQUE
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Saisie de cocaïne dans une favela de Rio de Janeiro, fin 2010. N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
Europe, Amériques, Asie durant ses années de pouvoir –, mais de sauver sa petite personne. En échange de son soutien, il réclame pour lui, l’un de ses proches ou, à défaut, une personnalité attentive aux problèmes du justiciable Depuis les législatives de février, les principaux partis sont Berlusconi le fauteuil de président de la incapables de s’entendre pour former un gouvernement. République, un poste stratégique puisque Et le mandat du président arrive à son terme en mai ! lechefdel’ÉtatprésideleConseilsupérieur de la magistrature et dispose du droit de ans gouvernement depuis huit scores serrés qui, joints à une loi élecgrâce. Une assurance tous risques que le semaines, l’Italie ressemble à torale qualifiée de « cochonnerie » par chef du PD refuse pour le moment de lui une célibataire désespérée dont accorder. « Bersani a mal joué, commente ses propres concepteurs, rendent le pays le père, Giorgio Napolitano (un ingouvernable. Majoritaire à la Chambre le politologue Giovanni Sartori. Depuis président de la République de 87 ans, des députés mais minoritaire au Sénat, qu’ils’estemparédelaprésidencedesdeux en fin de mandat), ne sait à qui accorle PD ne peut diriger seul. Il a le choix chambres, le PD n’a plus d’autre poste à négocier avec Berlusconi que celui de préder la main. Ses prétendants ? Un amant entre un Berlusconi cerné par les affaires judiciaires (fraude fiscale, prostitution de sident de la République. » Trop proche du truffé d’implants dentaires et capillaires – Silvio Berlusconi – et un fiancé plan-plan mineures, abus de pouvoir) et un Grillo terme de son mandat, Napolitano ne peut dont le fonds de commerce consiste à – le social-démocrate Pier Luigi Bersani. dissoudreleParlement.Le18avrils’ouvrira Briseur de ménage, le populiste Beppe la course à sa succession. Âpres Grillo s’oppose à ce que son Mouvement marchandages en perspective ! En échange du fauteuil de S’ils venaient à échouer, l’Italie, cinq étoiles (M5S) s’unisse au Parti démoprésident, Berlusconi est prêt crate (PD) de Bersani pour former une déjà privée de gouvernement, à s’allier avec n’importe qui. majorité. Quant à Mario Monti, actuel pourrait se retrouver sans préprésident du Conseil, il voudrait divorcer, sident. En attendant, Napolitano insulter les partis traditionnels. mais est contraint de continuer à expédier a nommé un aréopage d’experts chargés Espérant que ce dernier cesserait ses les affaires courantes, faute de remplaçant. de préparer le travail à un prochain gouCruel destin pour cet eurocrate, porté aux clowneries une fois la campagne terminée, vernement, à commencer par une réforme nues lorsqu’il fut appelé à la tête du pays Bersani a tendu la main aux élus du M5S. de la loi électorale. pour le sauver de la banqueroute (plus de MaisGrillos’obstine:ilrefusedegouverner De leur côté, syndicats et patronat supavec celui qu’il traite de « vieux micheton ». 70 % d’opinions favorables, fin 2011), et plient les acteurs de cette tragicomédie d’y qui, après avoir infligé des mois de rigueur Reste Berlusconi qui, en embuscade, mettre fin avant que les marchés financiers à ses compatriotes, n’a obtenu que 10 % ne repassent à l’attaque. Le temps presse: attend qu’on le supplie de dénouer la situation. Il ne demande pas mieux que de aux législatives du mois de février. la troisième économie de la zone euro est Lors de ce même scrutin, le PD, le former une grande coalition avec le PD et en récession, sa dette atteint 127 % du PIB, parti du Peuple de la liberté (PDL) de lescentristesdeMonti.Avecn’importequi, le chômage frappe 12 % de la population Berlusconi et le M5S de Grillo sont arrivés en fait. Car l’essentiel n’est pas de sortir le active, les entreprises sont à cours de liquiau coude-à-coude, avec respectivement pays de la crise politique et économique dités et ferment à un rythme accéléré. ● – il a largement contribué à cette dernière 29,4 %, 29,1 % et 25,5 % des voix. Des JOSÉPHINE DEDET ITALIE
Opéra bouffe
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Ü Le président Giorgio Napolitano (à dr.) avec les experts chargés de préparer la réforme de la loi électorale.
PAOLO GIANDOTTI/AP/SIPA
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JEUNE AFRIQUE
LE PLUS
de Jeune Afrique
PANORAMA L’émergence, du Brésil à Libreville ÉCONOMIE Une mise en concurrence bien calculée HABITAT Urgence! CULTURE Mory et Koumba Bididi, les tontons flingueurs
Le Gabon DR
change-t-il vraiment?
JEUNE AFRIQUE
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Le Plus de Jeune Afrique
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Prélude
Marwane Ben Yahmed
L’art et la critique
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E GABON SOUFFRE, toutes proportionsgardées,desmêmesmauxquela France. Comment réformer un pays, et donc expliquer à ses citoyens qu’il serait sérieusement temps de se retrousser les manches, quand les habitudes surannées de ces mêmes citoyens (classes moyennes et élites, évidemment) agrippés à leurs acquis et pour qui le mot travail ressemble à un outrage, sont aussi complexes à faire oublier que d’essayer de converser avec un ami sous iboga ? Petite précision : au Gabon, le salaire minimum est le double de ceux pratiqués ailleurs en Afrique centrale (ne parlons même pas de l’Afrique de l’Ouest), mais on y est nettement moins productif…
et dans les deux cas aux tempéraments fort différents, deviennent subitement des parangons. Les électeurs ont la mémoire courte. Il n’est point question ici d’exonérer nos dirigeants de leurs responsabilités, qui sont immenses. Il leur incombe, pour l’essentiel, de fixer un cap, ce qui suppose d’élaborer une vision et donc un projet pour leur pays et de fournir le cadre adéquat à la réalisation de ce dernier. Dans le cas d’Ali Bongo Ondimba, le cap et la vision, exprimés dès sa campagne pour la présidentielle de 2009, sont clairs. Mais après des débuts tonitruants, dans un pays guère habitué à une telle remise en question, il apparaît désormais clairement que sa politique nécessite une relance, un second souffle. Passé l’effet de surprise et l’engouement suscité par ses promesses électorales, les mauvaises habitudes, notamment au
À Libreville comme à Paris, la réforme semble ne dépendre que du politique. La croissance ? Le problème d’Ali Bongo Ondimba ou de François Hollande,certainementpas Sous l’équateur comme au cœur celui des milliers de chefs de l’Europe, secouer le cocotier d’entreprise. La compétitides nations endormies relève de vité, la recherche, l’innovation? Idem. Se frotter à des la mission impossible. concurrents chaque jour sein de la fonction publique, sont revenues plus menaçants et bien plus dynamiques? Presque dégradant. Sous l’équateur comme au galop, et la concrétisation, c’est-à-dire au cœur de l’Europe, secouer le cocotier de les effets directement mesurables par la nationsendormies,étoufféesparleurmorgue population, en particulier les plus démunis, et confrontées à un monde en perpétuel tarde à se faire sentir. Il faut pourtant sans mouvement sans que cela les émeuve relève cesse prouver, matérialiser les avancées de la mission impossible. pour convaincre, gagner du temps (pour Ajoutons à cela des partis politiques irrespouvoir agir), car celui des politiques n’est ponsables, incapables de reconnaître les jamais celui des citoyens. mérites d’un adversaire et qui ne savent que seriner, dans un réflexe quasi pavlovien, Les dirigeants doivent donc rendre des critiques et procès en incompétence, réticomptes. Ils n’échappent jamais à la critique, cents à toute union nationale quelle que soit populaire ou médiatique, sport le plus prala cause, et tant pis si celle-ci ne supporte tiqué de notre planète. Cela fait partie de pas les querelles partisanes, et l’on aboutit, leur métier, et ils ne peuvent s’en plaindre. dans un cas comme dans l’autre, à la seule L’exercice perd cependant tout son sens issue possible dans de telles conditions : quand ceux qui s’y adonnent ne s’incluent l’inertie, et donc le recul. pas dans cette réflexion et ne se demandent François Hollande est trop mou, Ali Bongo jamaiscequ’euxpourraientfairepourapportrop fougueux. L’un ne sait pas où il veut ter leur écot au changement qu’ils attendent. aller, l’autre est obstiné. Leurs prédécesseurs, À l’Élysée comme au Palais du bord de mer, pourtant souvent critiqués voire vilipendés peut-être a-t-on besoin d’aide… ● JEUNE AFRIQUE
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PANORAMA L’émergence, du Brésil à Libreville p. 58 INTERVIEW Raymond Ndong Sima, Premier ministre p. 62 OPPOSITION Panier de crabes
p. 69
DIPLOMATIE Ali et le mammouth Cemac p. 74 La fin de « l’Afrique à papa » p. 76
ÉCONOMIE Une mise en concurrence bien calculée p. 78 Les jeunes patrons s’organisent p. 87 Gabon bleu et des millions sous la mer p. 88 Ce que Nkok a de si spécial p. 90 HABITAT Urgence !
p. 92
SANTÉ Pourquoi diable se faire soigner ailleurs ? p. 96 TOURISME Destination quatre étoiles
p. 102
BOUILLON DE CULTURES Mory et Koumba Bididi, les tontons flingueurs p. 106
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Le Plus de Jeune Afrique
L’émergence
du Brésil à Investi le 16 octobre 2009, le chef de l’État gabonais arrive à mi-parcours de son septennat. Et à l’heure d’un bilan d’étape de son programme.
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GEORGES DOUGUELI, envoyé spécial
L
e tableau a quelque chose de surréaliste. Une troupe de danseuses brésiliennes se déhanchent sur le fameux boulevard du bord de mer. Et voilà le tronçon de route le plus fréquenté du Gabon transformé en sambodrome, le temps d’un carnaval, le tout premier en terre gabonaise. La parade internationale a commencé au crépuscule, ce 23 février, avec le défilé des JEUNE AFRIQUE
Le Gabon change-t-il vraiment ? l’enchanteresse magie de la réussite, pourquoi ne pas lui insuffler un peu de samba, symbole culturel du grand modèle d’émergence qu’est le Brésil ? L’usage veut que, pendant le carnaval, chaque école de samba ait droit à 90 minutes pour présenter sa parade, le temps de montrer les résultats du travail accompli en un an. Élu à la tête du Gabon le 30 août 2009 et investi le 16 octobre suivant, Ali arrive, lui, à mi-septennat. L’heure d’un premier bilan de son projet d’Émergence.
ð Le 23 février, premier carnaval dans la capitale.
Libreville chars, des groupes de danseurs et de musiciens aux costumes aussi légers que flamboyants, se trémoussant sur des rythmes syncopés. À la tribune officielle, Ali Bongo Ondimba (ABO), dont on ignorait jusqu’à présent le goût pour ces danses exotiques – lui, le grand amateur de jazz –, semble apprécier ce show à la saveur carioca, ponctué de mascarades inspirées de rituels bantous, tels que le bwiti ou le ndjobi. On imagine l’idée qui a poussé le président gabonais à patronner l’événement. Pour ouvrir et oxygéner son pays, pour qu’il soit irradié par
JEUNE AFRIQUE
OLIVIER EBANGA/AFRIKIMAGES
BLOCS PARTISANS. Campées sur leurs posi-
tions, l’opposition et une partie de la société civile dressent un tableau tout en négatif des trois ans et demi du « Gabon émergent ». Leurs flèches n’épargnent rien ni personne. Prenons le festival : « Nous vivons avec des coupures d’eau et d’électricité à Libreville, mais on dépense de l’argent pour faire venir des danseuses brésiliennes », râle Georges Mpaga, un activiste de la société civile (lire p. 73). Prenons la loi de finances 2013 : « A-t-on besoin de deux parcours de golf à près de 4 milliards de F CFA [6 millions d’euros, NDLR] ? » interroge Marc Ona Essangui, autre poil à gratter du Palais du bord de mer. Pour eux, le pays est au bord de la crise de nerfs : les syndicats grondent, les étudiants cassent, et les élèves dont les classes sont en sureffectif à Libreville pourraient bientôt les rejoindre dans la rue… Du côté des partisans du camp présidentiel, on ne compte que les bons points. Le pays est en chantier ; le Gabon a le meilleur risque pays de la sous-région, comme l’attestent les 4 milliards de dollars d’investissements directs étrangers engrangés hors secteurs pétrolier et minier depuis 2010. On cite des passages choisis du dernier rapport du Fonds monétaire international (FMI) : « L’activité économique a été robuste en 2012 [en partie grâce à l’accueil de la Coupe d’Afrique des nations, NDLR]. Elle devrait rester soutenue par le plan d’investissement public, tandis que l’inflation reste modérée […]. Le crédit au secteur privé a augmenté de 45 % au cours de la même période », signe d’un vrai dynamisme dans la création des richesses. Et les prévisions sont encore meilleures avec, notamment, un taux de croissance attendu de 7 % en 2013 et la probable accession du Gabon au rang de premier producteur mondial de manganèse en 2015. Que demander de plus ? Quand les premiers noircissent le bilan, critiquant à l’excès toute initiative de l’exécutif, les autres répètent que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes dans une unanimité peu féconde en idées neuves. Entre les deux camps règnent la méfiance, les doutes, l’incertitude. Des fissures qui n’épargnent pas ces blocs eux-mêmes. Une partie de l’Union du peuple gabonais (UPG), N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
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Le Plus de J.A. le plus ancien des partis d’opposition, bascule progressivement vers la majorité, tandis que l’autre faction se radicalise. Quant à l’Union nationale (UN), la coalition de l’opposition dissoute par le ministère de l’Intérieur en janvier 2011, elle ne parvient plus à dissimuler les dissensions de ses leaders (lire p. 71). CONSULTING ÉTRANGER. Le pays n’est pas
rassemblé, et l’absence de confiance le fragilise. Le premier à en tirer les conséquences, c’est le chef de l’État lui-même. Pour concevoir et faire avancer ses projets, ABO se tourne en priorité vers des think tanks et vers des cabinets privés étrangers. Le plus influent d’entre eux est le cabinet dakarois Performances Management Consulting, dirigé par Victor Ndiaye. En mai 2011, il a rendu la copie définitive du plan stratégique « Gabon émergent » (PSGE). Encore faut-il disposer d’un appareil administratif capable de mettre en œuvre les programmes envisagés. À l’évidence, la fonction publique n’a pas de problèmes d’effectifs. Ces deux dernières années, l’État a recruté 15 000 fonctionnaires. En attendant, le chef de l’État a créé des agences directement rattachées à la présidence, dont la plus importante est l’Agence nationale des grands travaux (ANGT, lire p. 91). Cette dernière a pour mission de mettre en œuvre le Plan directeur national d’infrastructures élaboré par un autre partenaire étranger, l’américain Bechtel. Jim Dutton, l’ex-directeur des programmes de ce géant du BTP, qui pilotait le projet depuis deux ans, a d’ailleurs pris la tête de l’ANGT en novembre. Autant raccourcir le processus de décisions. Les éminences des agences ne se gênant d’ailleurs pas pour court-circuiter les ministères, ce qui fait régulièrement enrager les cadres de l’administration « normale », tenus à l’écart des dossiers. Le nouvel exécutif a donc tissé sa toile et placé ses hommes dans les centres névralgiques de l’État. Reste l’équation du Parti démocratique gabonais
Un p’tit jeune parmi ses pairs Les chefs d’État de la Cemac, leur âge et leur longévité au pouvoir • GABON Ali Bongo Ondimba, 54 ans, en fonction depuis le 16 octobre 2009 • CENTRAFRIQUE François Bozizé, 66 ans, qui était en fonction depuis le 11 juin 2003, a été renversé le 24 mars par le coup d’État de Michel Djotodia, 63 ans • CONGO Denis Sassou Nguesso, 69 ans, en fonction depuis le 25 octobre 1997 •TCHAD Idriss Déby Itno, 60 ans, en fonction depuis le 28 février 1991 • CAMEROUN Paul Biya, 80 ans, en fonction depuis le 6 novembre 1982 • GUINÉE ÉQUATORIALE Teodoro Obiang Nguema, 70 ans, en fonction depuis le 3 août 1979
(PDG, au pouvoir), au sein duquel le chef de l’État marche encore sur des œufs. Selon des familiers du Palais, il a un temps envisagé un nouveau « tsunami » pour rafraîchir le PDG, en écarter les barons et faire de la place aux jeunes. « La présidentielle arrive dans trois ans, est-ce qu’il n’est pas déjà trop tard pour s’attaquer aux barons ? » s’interroge l’un de ses conseillers. Résultat : pas de révolution. Qu’importe, avec ou sans les « vieux » du PDG, Ali a un boulevard devant lui : la longue et tumultueuse contestation de sa victoire d’août 2009 n’est plus qu’un lointain souvenir ; le procès en illégitimité intenté par ses adversaires de l’UN ne gêne plus sa présidence ; les législatives de décembre 2011 lui ont offert une écrasante majorité à l’Assemblée nationale, avec 114 députés sur 120. HYPER-PRÉSIDENCE. Mais attention aux incon-
vénients d’une hyper-présidence, sans autre instrument de régulation que le Palais du bord de mer lui-même. Une poignée de collaborateurs, aussi compétents soient-ils, ne peuvent prendre en charge les mille et un chantiers dont le Gabon a besoin après une décennie de léthargie. Sans parler de la déperdition d’énergie et des problèmes de susceptibilités. « Si le chef de l’État décide de tout, que reste-t-il des attributions de son Premier ministre, des administrations, des autres pouvoirs? » déplore un haut fonctionnaire. Qu’un ministre profite de ses entrées au Palais pour défier le chef du gouvernement n’émeut plus personne. Nommé à la primature en février 2012, Raymond Ndong Sima (lire interview pp. 64-66), diplômé d’économétrie et ancien patron, était censé apporter l’impulsion attendue. Il s’épuise encore aujourd’hui à affirmer son autorité rudoyée par les fortes têtes de son gouvernement. Vaines querelles d’ego ou guerres de positionnement? Le président devra tôt ou tard trancher, car, comme les écoles de samba, il sera jugé sur ses performances. ●
BIYA, SON MEILLEUR AMI
I
l est le dernier à avoir été élu et le plus jeune des chefs d’État de la sousrégion, un club au sein duquel son intégration s’est relativement bien passée. Ali Bongo Ondimba connaissait déjà fort bien son voisin congolais, Denis Sassou Nguesso, dont la fille Édith Lucie, décédée en mars 2009, fut sa bellemère et la première dame du Gabon après qu’Omar N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
Bongo Ondimba l’eut épousée en seconde noce, en août 1990. Mais c’est avec le Camerounais Paul Biya que ses relations sont les plus chaleureuses. Ce dernier, qu’Ali avait déjà rencontré à plusieurs reprises lorsqu’il était ministre de la Défense, s’est abstenu de toute ingérence lors de la présidentielle de 2009 et il semble qu’ils s’apprécient de plus en
plus. Ces trois dernières années, les deux pays ont d’ailleurs nettement amélioré leurs relations bilatérales. En septembre dernier, ils ont même entamé une réflexion visant à mettre en place une zone de coprospérité censée jouer un rôle moteur au sein de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac, lire p. 75). Elle
permettrait de renforcer l’interconnexion des réseaux de transports, d’électricité et de télécoms entre les deux pays, qui comptent par ailleurs créer un centre commun de prévisions météorologiques, ainsi que des territoires transfrontaliers à mutualité commerciale, industrielle, touristique, sanitaire et intellectuelle. ● G.D. JEUNE AFRIQUE
Le Gabon change-t-il vraiment ?
Le programme au crible
Jeune Afrique s’est livré à l’examen, à mi-mandat, du niveau de réalisation de chacun des neuf axes du projet de société proposé en 2009 par le candidat Ali Bongo Ondimba. Un exercice forcément subjectif, mais qui permet de faire le point sur ce qui a changé, ce qui est en cours, et ce qui ne marche pas.
Préserver l’intégrité territoriale et consolider les rapports avec les pays voisins et amis
4/5
✶✶✶✶✶
Les intérêts du Gabon sont bien défendus dans l’affaire Mbanié, en examen devant la Cour internationale de justice de La Haye. Les relations avec les voisins sont meilleures, en témoignent la coorganisation de la CAN 2012 avec la Guinée équatoriale et la création d’une zone de coprospérité avec le Cameroun.
Consolider l’État de droit
2/5
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Dans les tribunaux, y compris au Conseil d’État, les délais sont trop longs. Les procédures d’expropriation pour cause d’utilité publique prévues par les lois foncières ne sont pas respectées. Une loi a été adoptée pour interdire au dirigeant d’un parti dissous d’en créer un autre, en revanche aucune n’a pour l’instant apporté de solution pour réprimer les crimes rituels.
2/5
Faire de la décentralisation une réalité ✶✶✶✶✶ En projet depuis 1996, la décentralisation reste théorique. Bien que le projet de loi organique sur la décentralisation et le transfert des compétences de l’État aux collectivités locales ait été adopté en septembre 2010 par le Sénat, elle n’est manifestement pas une priorité de l’agenda politique.
DÉSIREY MINKOH POUR J.A.
Mieux gérer les finances publiques La gestion des finances publiques s’est améliorée avec une accélération des réformes en 2011 et 2012 : ✶✶✶✶✶ adoption de la loi organique relative aux lois de finances et à l’exécution du budget, élaboration d’un cadre de dépenses à moyen terme, d’un guide du montage
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de projets, repositionnement des directions centrales des affaires financières comme services décentralisés de la Direction générale du budget.
Réussir la moralisation de la vie publique et assurer une meilleure gouvernance des affaires publiques
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Même si des efforts de transparence restent à faire, le volontarisme visant à améliorer la gestion de l’argent public est indéniable. Les dernières réformes devraient ainsi permettre que soit respecté le nouveau code des marchés publics.
Mettre en place les infrastructures de soutien au développement économique
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Le programme d’investissements est ambitieux, mais les travaux n’avancent pas au rythme souhaité. Les exemples de retards ne manquent pas : les logements à Angondjé, la décongestion du trafic routier à Libreville, le projet Port-Môle, la Nationale 1, la route de Glass ainsi que plusieurs projets dans la zone de Lambaréné, dont certains concernent le centenaire de la fondation de l’hôpital Albert-Schweitzer.
Diversifier les sources de croissance et de développement durable
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Beaucoup d’efforts accomplis : la zone économique spéciale de Nkok, l’interdiction d’exporter le bois en grumes, dont les premiers effets en termes de transformation locale des produits commencent à être perceptibles.
Mieux responsabiliser les Gabonais et les pousser à être plus entreprenants
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Les mesures prises pour favoriser l’entrepreneuriat commencent à porter leurs fruits, notamment grâce à la mise en place, depuis un an, du guichet unique : le délai pour créer une entreprise n’est plus que de sept à quatorze jours en moyenne (contre cinquante-huit auparavant), et l’objectif est de le réduire à quarante-huit heures.
Lutter contre les inégalités, la pauvreté et l’exclusion
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La principale avancée est la mise en place de la Caisse nationale d’assurance-maladie et de garantie sociale (lire p. 102), qui a permis de révolutionner la prise en charge des malades. Les hôpitaux sont mieux équipés, mais il reste à former le personnel médical et à éliminer la corruption. Concernant les inégalités, des efforts sont faits, mais le pays reste confronté à la question de la redistribution de la richesse nationale. N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
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Le Plus de J.A. GOUVERNEMENT
Raymond Ndong Sima « Le cap est tenu, même si l’on ne va pas à la vitesse souhaitée » Les progrès, les retards, ce qui le satisfait, ce qui le hérisse… Le Premier ministre s’explique.
La trajectoire actuelle est-elle la bonne?
Absolument, même si l’on ne va peutêtre pas à la vitesse souhaitée. Nous avons hérité d’un ensemble de dysfonctionnements apparus ces trente dernières années, que nous nous employons à corriger, mais le cap est tenu car nous faisons un travail de fond. Pour ne prendre qu’un exemple, nous souhaitons augmenter nos capacités de
I
l est connu pour son humeur badine. Mais derrière son éternel sourire, Raymond Ndong Sima garde l’esprit tranchant, surtout sur les questions économiques. Cet ancien patron du privé, qui a aussi excellé dans la restructuration des sociétés publiques en difficulté, a intégré le gouvernement en 2009, au portefeuille de l’Agriculture, avant d’être nommé Premier ministre le 27 février 2012. Dirigeant d’entreprise, il taillait dans le vif et appliquait les bonnes recettes libérales. Chef du gouvernement, il doit affronter les crocodiles du marigot librevillois, les conservatismes et les pesanteurs administratives, qui retardent les réformes et font traîner certains projets. Explication de texte.
transformation de manganèse, ce qui requiert une grande quantité d’électricité. Or nous avons hérité d’un déficit énergétique. Le chantier en cours du barrage hydroélectrique de Poubara III est quasiment fini, et sa puissance [160 MW en phase de démarrage, 280 MW à terme, NDLR] va rendre cela possible. Par ailleurs nous avons corrigé la situation administrative de milliers de fonctionnaires, ce qui
Ì Pragmatique, Raymond Ndong Sima veut remettre l’administration en ordre de marche.
JEUNE AFRIQUE : Est-ce que le tandem exécutif que vous formez depuis plus de un an avec Ali Bongo Ondimba marche bien ? RAYMOND NDONG SIMA : De mon
point de vue, nos rapports sont très bons. Mais c’est à lui qu’il faut poser la question, c’est lui qui a été élu par les Gabonais et qui est donc l’autorité suprême. Et qu’est-ce qui a changé depuis son investiture ?
Des changements sont visibles, mais c’est d’abord une perspective qui s’est précisée. Il y a bien sûr des sceptiques, des impatients, ceux qui regardent leur bulletin de salaire et se disent que rien n’a changé. Mais, depuis 2009, une vision est mise en œuvre avec pour objectif l’émergence en 2025: le cap et l’échéance ont été fixés. Il est bon d’essayer de s’y tenir, en corrigeant la trajectoire au fur et à mesure. N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
XAVIER BOURGOIS POUR J.A.
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JEUNE AFRIQUE
Le Gabon change-t-il vraiment ? était essentiel, car je suis convaincu qu’on ne peut arriver à rien si l’on ne remet pas d’abord en ordre de marche l’appareil administratif. Donc, globalement, nous allons dans le sens des objectifs fixés. Mais les difficultés d’accès au logement, à l’eau, à l’électricité sont toujours bien présentes…
C’est vrai, certains dossiers ont pris du retard. En particulier la construction des logements sociaux sur laquelle la plupart
des critiques se focalisent. On reproche au gouvernement de ne pas avoir tenu ses objectifs, mais il faut examiner ce dossier avecuncertainrecul.Ces dernièresdécennies, il y a eu un dérèglement complet du système de gestion foncière de l’État et, pour construire, il faut « déguerpir » l’habitat anarchique. Donc, aujourd’hui, on doit régler plusieurs problèmes, et non des moindres, en même temps: récupérer des espaces occupés par des bidonvilles pour les rendre disponibles, ce qui fait
Qu’on soit libéral ou interventionniste, ce qui compte c’est d’être efficace dans la poursuite des objectifs de développement.
perdre un temps considérable ; régler les problèmes juridiques résultant de ces expropriations… Si on avait voulu y aller par la force, ce qui n’est pas notre méthode, nous aurions eu de fortes protestations, préjudiciables au climat social. Toujours est-il que d’ici à la fin de cette année, la construction des logements sociaux va s’accélérer (lire pp. 92-93). Et pour l’électricité ?
Une centrale a été construite près de Libreville, principalement pour alimenter la zone économique de Nkok. Les essais de production ont commencé, et elle va être mise en service dans les semaines à venir. Ce qui va permettre de renforcer les capacités de la centrale de la Seeg et de venir à bout des coupures d’électricité, très mal vécues par les ménages comme par les entreprises. Quelle est votre politique pour l’emploi, en particulier celui des jeunes ?
C’est un problème délicat. Lisez les annonces : un agro-industriel [Siat, exHévégab, dont Ndong Sima a été le DG pendant quatre ans] qui possède des plantations d’hévéas a besoin de six mille ouvriers. Ce sont des emplois manuels. Or nous avons poussé nos enfants à choisir des filières d’enseignement général qui ne correspondent pas à la demande actuelle du marché du travail. Ce qui est vrai pour la Siat l’est pour le programme Palmier développé par un autre opérateur [Olam Gabon]. Et si vous prenez le bassin d’emploi de Port-Gentil, vous verrez que beaucoup d’employeurs se plaignent de ne pas avoir la main-d’œuvre qualifiée dont ils ont besoin, notamment pour la conduite des engins lourds. Comme beaucoup de pays, nous avons un problème d’adaptation entre les offres d’emploi et les aspirations des jeunes. C’est l’un des enjeux des états généraux de l’éducation que nous avons organisés en 2010. Leurs conclusions ont fait l’objet d’une loi d’orientation, en 2011, qui va commencer à être mise en œuvre. L’État a beaucoup recruté, n’est-ce pas risqué pour l’équilibre du budget ?
De 2010 à 2012, nous avons recruté 15 000 fonctionnaires, ce qui a accru les effectifs de 25 %. Ces recrutements étaient en phase avec l’idée que le président se fait du partage de la richesse nationale. Nous avions le choix entre revaloriser les salaires individuels de ceux qui travaillent
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Le Plus de J.A. déjà ou élargir le nombre de personnes accédant à un revenu en maintenant en l’état le niveau de rémunération des anciens agents publics. Nous avons choisi cette seconde solution. C’était nécessaire parce que le marché du travail n’absorbait pas en nombre suffisant les personnes en recherche d’emploi. Est-ce un risque en cas de baisse des recettes ? Oui, certainement. Mais pouvait-on agir autrement sans accroître le désarroi et le mécontentement populaire ? Si de telles baisses survenaient, un effort collectif serait demandé, à tous. Pourquoi y a-t-il autant de tensions avec les salariés du public ?
Les syndicats font des demandes qui nous semblent difficiles à satisfaire. Dans un souci de transparence, le gouvernement a déclaré que les indicateurs économiques étaient au vert. Alors les salariés du public ont décidé qu’il était temps de prendre leur part, et exigent une augmentation de leur rémunération. Le chef de l’État n’a-t-il pas lui-même promis, à trois reprises, une revalorisation du salaire des enseignants ?
Nous avons remis au président de la République le rapport général de ces travaux qui, à sa demande, a été examiné par la Cour constitutionnelle et sera rendu public dans les jours à venir. Je ne trahis pas un secret en disant que l’objet premier de cette concertation, à laquelle tous les groupements politiques du pays (majorité et opposition) ont activement pris part, était de créer les conditions pour que toutes les forces participent aux élections. Rappelons aussi que la loi sur la biométrie a été votée à l’unanimité lors de la précédente législature, qui comptait davantage de députés de l’opposition. Pour faire court, cette concertation a débouché sur des recommandations, toutes consensuelles, qui visent à rendre effective la mise en œuvre de la biométrie dans notre processus électoral. L’application de ces recommandations devrait nous conduire à avoir une liste électorale plus propre, des électeurs mieux identifiés, un processus électoral plus fluide et, donc, aboutir à des résultats moins sujets à contestation.
l’administration une priorité. Certains n’y voient aucun intérêt, mais moi j’en sais quelque chose pour avoir dans le passé restructuré plusieurs entreprises en difficulté. Comme je l’ai dit, il fallait remettre ce rouage essentiel en ordre de marche. J’ai terminé la première partie de cette réforme. Reste à payer les fonctionnaires concernés. Quand ce sera fait, en tantqu’employeur,l’Étatpourrasemontrer exigeant avec ses agents, qui n’auront plus deprétextepours’absenterdeleurpostede travail. Quant aux employés des agences, la plupart sont des fonctionnaires, qui ont également intérêt à la régularisation de leur situation administrative. Quelle est votre conception de l’action publique ?
Je me suis engagé dans la vie publique pour apporter ma contribution à l’amélioration du système économique et social de mon pays et, partant, des conditions de vie de mes concitoyens. Qu’on soit libéral ou interventionniste, ce qui compte c’est d’être efficace dans la recherche de cet objectif.
Est-ce responsable dans les conditions actuelles de demander 100 % d’augmentation de salaire pour les enseignants du supérieur?
Oui, le président a fait cette promesse tout à fait librement. Il l’a formulée en souhaitant donner une impulsion au secteur de l’éducation. Mais vous aurez noté qu’il a eu la sagesse de ne pas annoncer de chiffres. Partant de ce principe, je m’étonne que les syndicats aient rejeté d’emblée la proposition du gouvernement de leur octroyer des augmentations allant de 15 % à 20 % des salaires actuels. Un assistant d’université qui débute aujourd’hui avec un traitement mensuel oscillant entre 500 000 et 600 000 F CFA [762 et 915 euros] ne devrait pas, en toute objectivité, refuser une augmentation de 150000 F CFA (228 euros) de son salaire. Est-il réaliste et responsable dans les conditions actuelles de demander 100 % d’augmentation pour les 1 500 enseignants du supérieur ? Que répondronsnous ensuite aux 12000 enseignants des lycées et collèges? Je n’ose pas imaginer les conséquences sociales et financières de la propagation d’une telle demande à l’ensemble du secteur public! La concertation sur la biométrie est close, que pouvez-vous en dire ? N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
Est-ce si difficile de « faire émerger » le Gabon ?
Aucun pays n’est facile à changer. Tous ont en leur sein une certaine inertie liée aux habitudes acquises. Les gens n’aiment pas se remettre en cause, cela explique les comportements défensifs, qui sont autant d’obstacles aux changements rapides que le président a impulsés. Certains ont eu des privilèges et quand on leur dit que cela ne peut plus continuer, ils se battent pour les conserver. C’est humain. Nous essayons de faire adhérer les Gabonais à une vision. Tant que ce message restera brouillé par ces forces de l’inertie, qui travaillent pour que rien ne change, notre marche vers l’émergence sera émaillée d’obstacles. L’administration fait-elle partie de ces obstacles, en partie contournés par la création d’agences ?
J’ai fait de la remise en ordre de
Votre province, le Woleu-Ntem, est réputée acquise à l’opposition, avez-vous le sentiment d’y être rejeté quand vous y retournez ?
Ça fait partie des clichés largement diffusés et qui ne correspondent pas à la réalité. Dans ma province, par tradition, comme partout, chacun est jaloux de son indépendance et, contrairement aux idées reçues, ne se soumet pas à une consigne communautaire. Il n’y a pas d’unanimité contre le parti au pouvoir. Certains me soutiennent, d’autres me contestent. N’est-ce pas le propre de l’homme public ? Quoi qu’il en soit, quand je m’y rends, je suis bien accueilli. Les gens qui viennent me voir souhaitent que je sois un bon Premier ministre du Gabon. Ils veulent que je réussisse ma mission dans l’ensemble du pays. C’est le bilan global qui va être déterminant. ● Propos recueillis à Libreville par GEORGES DOUGUELI JEUNE AFRIQUE
Présidence de la République du Gabon
ANGT
Chargée de mener à bien les chantiers prioritaires du Schéma directeur national d’infrastructures, l’ANGT est un maillon essentiel de la stratégie de développement économique et durable du pays.
L’ANGT, gage de bonne gouvernance
P
Au total, 68 millions d’euros seront consacrés aux travaux de modernisation écoles et universités entre 2011 et 2013
as de construction durable sans fondations solides. La règle est incontour nable dans le bâtiment et les travaux publics, mais aussi en économie. Le Gabon, qui veut rejoindre les rangs des pays émergents en 2025, en donne la preuve au quotidien. Son Schéma directeur national d’infrastructures a défini les chantiers prioritaires et indispensables pour appuyer le progrès économique. Les objectifs sont multiples : favoriser la circulation des marchandises et des hommes ainsi que le développement de l’industrie et des services, offrir des infrastructures sanitaires de qualité, optimiser les conditions de travail mais aussi les conditions de vie et d’éducation des populations. L’Agence Nationale des Grands Travaux (ANGT) est la structure opérationnelle chargée de mener à bien ces chantiers prioritaires d’infrastructures.
Créée en 2010 en partenariat avec Bechtel, l’un des principaux groupes américains de travaux publics et d’ingénierie, l’ANGT est une entité à part entière depuis le 1 er janvier 2013. Depuis cette date, tout le personnel local de l’agence est sous contrat ANGT, et non plus Bechtel. De plus, des procédures modernes qui répondent aux normes internationales (transparence, sécurité,
qualité, durabilité) ont été mises en place. L’ANGT intervient aussi bien dans les domaines du transport (route, rail …) et de l’urbanisme que dans ceux de l’énergie (eau, électricité, assainissement), l’éducation, la santé et le tourisme. Elle coordonne et synchronise les projets prioritaires avec le gouvernement et elle les mène à bien en tant que Maître d’ouvrage délégué.
Le Président de la République, Ali Bongo Ondimba, visite le chantier des logements sociaux d’Agondjé en février 2013.
Un rôle fondamental pour le développement économique
Les projets d’aménagement urbain réservent une large place aux transports publics.
Agence publique dans un pays très engagé en faveur de la protection de l’environnement, l’ANGT intègre évidemment cette composante dans tous ses projets. Ainsi, les logements d’Agondjé sont conçus pour bénéficier au maximum de la ventilation et de la lumière naturelle tout en veillant au confort des occupants. Le projet prévoit la mise en place d’un système de drainage des eaux pluviales unique au Gabon, de bassins de rétention et d’une usine de traitement des eaux usées. En règle générale, l’élimination des rejets directs vers l’océan ou les rivières, comme la création de réseaux techniques modernes, d’équipements publics, de trottoirs et d’espaces verts constituent un impératif de tous les cahiers des charges de l’ANGT. Ce qui lui permet de participer directement aux objectifs du Gabon
émergent, notamment la lutte contre la pauvreté et l’amélioration de la qualité de vie et de la santé des Gabonais. En outre, l’ANGT a mis en place des procédures qui incitent les entreprises locales à participer à ses chantiers et elle multiplie les actions pour créer de nouvelles opportunités pour les PME et PMI nationales. L’Agence fait par exemple en sorte d’utiliser des menuiseries de fabrication locale sur ses chantiers et entend accroître la part des produits « Made in Gabon » dans ses réalisations. En construisant les routes et tous les équipements indispensables pour la réussite du Gabon émergent, l’Agence Nationale des Grands Travaux participe elle-même, au quotidien et directement, au dynamisme économique du pays.
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Agence Nationale des Grands Travaux
PUBLI-INFORMATION
• Routes et infrastructures • Transport (rail, ports, aéroports) • Urbanisme et habitat • Énergie et eau • Éducation • Santé • Télécommunications • Tourisme
L’Agence Nationale des Grands Travaux, une nouvelle vision axée sur le développement social du Gabon
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ANGT
Le logement, première priorité en 2013 Trois échangeurs (en phase de finalisation) ont été construits pour fluidifier la circulation à Libreville.
La CAN, ce n’était que le début ! L’ANGT a géré des réalisations majeures dans le cadre de la préparation de la Coupe d’Afrique des Nations, que le Gabon co-organisait avec la Guinée équatoriale en janvier et février 2012. Comprenant la construction d’un stade de 40 000 places à Libreville (le Stade de l’Amitié), d’un autre à Franceville (20 000 places), de cinq terrains d’entraînements, de nombreux hôtels et résidences hôtelières, ainsi qu’un « Village olympique » destiné à accueillir les joueurs. En complément, plusieurs segments de routes ont été réhabilités à Libreville, où trois échangeurs ont été construits à des carrefours clés. Livrés à temps et particulièrement réussis, ces équipements ont largement contribué à l’organisation sans faille que le Gabon a mise en place pour la CAN 2012. Les chantiers publics – et l’ANGT – n’en sont pas restés là. D’autres aménagements routiers dans la capitale et dans d’autres grandes
villes ont été réalisés en 2012, année également consacrée à la modernisation des écoles et des universités, pour un budget de 68 millions d’euros de 2011 à 2013. Au total, 17 établissements ont bénéficié de ces travaux ; leurs capacités d’accueil et les conditions de confort ont été singulièrement améliorées. Ont par exemple été concernés : • L’École Nationale d’Instituteurs de Libreville (construction de trois bâtiments de salles de classe), • L’Université des Sciences de la Santé d’Owendo (deux amphithéâtres, un restaurant de 800 repas par jour…),
Si elle a un nombre important de projets à mener à bien en 2013, l’ANGT met plus particulièrement l’accent sur les aménagements routiers et l’habitat. Dans ce dernier domaine, les besoins sont importants : le déficit est estimé à 200 000 logements pour l’ensemble du pays. Au nord de Libreville, les travaux visant à le combler en partie ont déjà commencé. Le futur centre urbain d’Agondjé proposera plusieurs milliers de logements. Pas question, dans ce domaine crucial, de se contenter d’empiler ou de juxtaposer les habitations. C’est de qualité de vie qu’il s’agit. Agondjé sera un nouveau quartier, et dès aujourd’hui sa conception prend en compte l’environnement, les besoins sociaux, les transports, l’espace public et les espaces verts. Lorsqu’il sera achevé, le nouvel ensemble d’Agondjé comprendra donc une gamme de logements pour tous les niveaux de revenu ainsi que des hôpitaux et bâtiments publics, un poste de police et une station de pompiers, des parcs et des espaces verts, des routes, des écoles et des espaces commerciaux. Sans oublier des équipements clés comme le système de collecte des déchets, le réseau de distribution et de traitement de l’eau potable et celui de drainage et de collecte des eaux de pluie. Au début de 2013, la construction de 21 maisons-témoins était achevée. Les 800 premiers logements seront livrés au début de 2014.
• L’Université Omar Bongo (deux amphithéâtres 1 500 et 600 places, réhabilitation des chambres universitaires et construction de 200 chambres supplémentaires), • En province, ce sont onze écoles, lycées, CES ou universités qui ont été rénovés.
Nouveau logo, nouvelle communication Dans le cadre de ses nouvelles missions et orientations, l’ANGT a adopté un nouveau logo au 1er mars 2013. Chaque symbole utilisé retranscrit un point précis de sa mission. Ainsi, le cercle, symbole d’unité, représente l’Agence et les différents ministères avec lesquels elle opère. À l’intérieur, trois courbes réfèrent aux trois piliers de l’Émergence mais aussi aux trois valeurs prônées que l’ANGT s’engage fermement à respecter dans chacun de ses projets : protection de l’environnement, sécurité et qualité. Enfin, la carte du Gabon représentée dans le logo rappelle que les actions de l’ANGT concernent tout le territoire, tandis que le drapeau national définit qu’elle est une institution forte, chargée d’œuvrer pour le développement du pays. La nouvelle campagne de communication de l’ANGT se veut stratégique et reflète l’engagement de l’Agence en faveur de la transparence des informations, la fluidité des échanges avec ses partenaires et surtout son engagement à fournir des infrastructures durables et de qualité à la Nation afin de soutenir les objectifs du Gabon émergent définis par le Président de la République Ali Bongo Ondimba.
Deux amphithéâtres et 200 nouvelles chambres universitaires ont été construits sur le campus de l’Université Omar Bongo.
L’ANGT travaille également à la création du futur centre-ville de la capitale gabonaise. Nommé « Champ triomphal », élaboré sur 52 ha, il doit regrouper sur le front de mer, dans l’actuel quartier Port Môle, un nouveau centre d’affaires, une marina et de nombreuses structures de loisir (hôtels, restaurants, commerces). Les études de faisabilité des terrains sont en cours. Enfin, à Lambaréné, dans le cadre du centenaire de l’hôpital Albert Schweitzer, créé en 1913, 22 projets prioritaires sont en cours, parmi lesquels la création d’un campus pour étudiants, l’extension de l’hôpital régional, l’amélioration des télécommunications, la rénovation de routes et de voiries, la construction d’un port fluvial et de logements sociaux, ou encore la création d’un réseau de bus urbain.
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Un Centre de conférences et une Cité des sports de rayonnement international
La rénovation du Stade Omnisport de Libreville sera achevée au 1er trimestre 2014.
Une nouvelle philosophie du transport urbain Plusieurs chantiers d’aménagements routiers sont en cours et prévus à Libreville et dans tout le pays. C’est une nécessité pour favoriser le développement économique. L’aménagement de la route nationale 1, voie principale de circulation entre la capitale et les grandes villes du pays, est même une priorité. À terme, elle sera une autoroute sur une grande portion. Dès la mi-2013, elle est modernisée et passée à 2 x 2 voies sur 7 km en sortie de Libreville tandis que de nombreuses voiries sont réhabilitées pour y accéder dans de meilleures conditions. Plus au cœur de la capitale, ce sont des travaux adoptant une nouvelle philosophie de déplacement urbain qui sont mis en œuvre. Ainsi la route de Glass, artère très circulante et encombrée, est en cours d’élargissement à 2 x 2 voies sur 1,2 km, avec de confortables trottoirs larges de 2,5 mètres et des voies réservées au bus de transport en commun. Sur le boulevard Gaston Guibert à Glass, les aménagements permettront de lancer la première ligne de bus haut de gamme à prix réduit avec des passages à fréquence régulière. Le design de la route et le plan de construction permettront de maintenir la circulation pendant les travaux et de réduire au maximum les désagréments causés chez les riverains. Ce projet est le premier du genre au Gabon et sera utilisé comme modèle pour des travaux routiers similaires à travers le pays. Il permettra la création d’emplois tout en valorisant le foncier, le commerce et la qualité de vie.
Construite en 1977, la Cité de la Démocratie est destinée à devenir le nouveau Centre de conférences internationales du Gabon, c’est à dire un complexe capable d’accueillir des réunions, conférences, expositions professionnelles et spectacles de haute qualité et de rayonnement africain ou mondial. Sont ainsi prévus un auditorium de 1 000 places, trois salles de conférence de grande capacité, une salle des banquets de 500 places et un amphithéâtre en plein air. Évidemment, l’endroit sera digne du « Gabon vert », ce pays qui consacre 11 % de la superficie de son territoire à la protection de l’environnement et a créé treize parcs nationaux protégeant son exceptionnelle d i v e r s i t é . L’ a m é n a g e m e n t paysager du nouveau Centre de conférences de Libreville, comprenant un parcours de golf, mais aussi – et surtout – son programme de construction sont précurseurs en termes de respect de la biodiversité et de l’environnement. Les
travaux engagés par l’ANGT incluent naturellement cette composante. L’ANGT peut être fière d’avoir recours à un système de gestion rigoureuse pour contrôler les risques environnementaux dans tous les projets qu’elle a la charge de développer. Enfin, les exploits gabonais à l’occasion de la CAN 2012 seront prolongés dans le long terme grâce à la construction d’un complexe sportif autour du Stade Omnisport de Libreville, dont la rénovation sera terminée au 1er trimestre 2014, en même temps que les plateaux sportifs extérieurs qui lui sont juxtaposés. Dans une deuxième phase, actuellement à l’étude, les quartiers environnants seront développés afin de créer une Cité des sports de niveau international incluant notamment un gymnase, un centre nautique, une académie des sports et un centre médical sportif. La dernière phase du projet verra la construction de logements, de bureaux et de commerces.
98 projets en portefeuille Rattachée à la Présidence de la République et agissant en tant que maître d’ouvrage délégué des Ministères, l’ANGT a en portefeuille près de 98 projets d’infrastructures visant à favoriser le développement socio-économique du pays et à contribuer à la diversification de son économie. Des investissements importants leur seront consacrés d’ici à 2025, faisant du BTP l’un des secteurs les plus dynamiques du Gabon.
AGENCE NATIONALE DES GRANDS TRAVAUX B.P. 23765, Libreville, Gabon Tél. : (+241) 07 49 18 04
www.angt-gabon.com DIFCOM/FC - photos : DR
Le Gabon change-t-il vraiment ?
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OPPOSITION
Panier de crabes Face au PDG, au pouvoir, les partis sont nombreux. Et incapables de trouver un terrain d’entente pour faire front commun.
ÉCLIPSE. L’opposition peut-elle faire
le poids et s’unir face au Parti démocratique gabonais (PDG) ? Rien n’est moins sûr après le décès du leader de l’Union du peuple gabonais (UPG), Pierre Mamboundou, en octobre 2011, et l’éclipse, puis les problèmes de santé, d’André Mba Obame. Arrivé troisième à la présidentielle de 2009, ce dernier s’était autoproclamé président de la République un an et demi plus tard, en janvier 2011, et avait même nommé les membres de son « gouvernement », entraînant la dissolution de l’UN, dont il était secrétaire exécutif. Les leaders de l’opposition gabonaise s’accordent JEUNE AFRIQUE
AFP PHOTO/ XAVIER BOURGOIS
E
ntravée et muselée l’opposition gabonaise ? Déchaînée et plus véhémente que jamais ! Zacharie Myboto, 75 ans, cofondateur et président de l’Union nationale (UN, officiellement dissoute), le concède : « Nous avons toujours notre siège et pouvons opérer sur l’ensemble du territoire, mais sans avoir la possibilité d’organiser des réunions publiques ou des manifestations. » Si la dernière grosse manifestation, en août 2012, s’est soldée par l’emprisonnement de dizaines de participants, que les leaders de l’opposition sont surveillés et font l’objet de pressions, l’opposition reste cependant libre, de même que les médias dont elle est proche, qui ne se privent pas de tirer à boulets rouges sur le pouvoir en étant rarement inquiétés. Un constat qui transparaît dans l’Indice Ibrahim de la gouvernance africaine (IIAG) paru en octobre, qui place le Gabon au 22e rang sur 52 pays classés, avec un score de 53,6/100, en hausse tout de même de 4,2 points par rapport à 2009. Mais, naturellement, dans l’opposition on préfère parler du verre à moitié vide. Et ceux-là mêmes qui ont décidé le boycott des législatives de 2011 dénoncent aujourd’hui un « Parlement soviétique », où la majorité présidentielle dispose de cent quatorze sièges sur cent vingt.
Réunion le 26 novembre 2012 d’une union déjà désunie devenue l’UFA, avec Zacharie Myboto (4e en partant de la gauche), Pierre Claver Maganga Moussavou (au centre) et Jules Aristide Bourdes Ogouliguende (4e en partant de la droite).
sur certains points. Notamment pour critiquer les piliers du projet d’Ali Bongo Ondimba : « Des effets d’annonce et de la politique-spectacle, résume Myboto. Concrètement, en trois ans, rien n’a été fait : le taux de chômage frôle les 20 %, et il suffit de constater l’état dramatique de l’éducation et de la santé. » Ils réclament également à l’unisson la bonne gouvernance : ouverture d’un dialogue national, réformes constitutionnelles sur la fonction présidentielle (avec un scrutin à deux tours et la limitation du nombre de mandats à deux consécutifs) et mise en place de la biométrie pour garantir la transparence des scrutins. Mais les conditions réclamées pour cette concertation ne sont pas les mêmes pour tous. Les plus radicaux de l’UN exigent la convocation d’une Conférence souveraine qui déciderait d’un nouveau statut du chef de l’État. L’un de ses cofondateurs, Casimir Oyé Mba (lire p. 70), comprend lui que « le mot “souveraine” effraie le pouvoir » et souligne que « l’important c’est d’ouvrir un dialogue inclusif ». Quant à LouisGaston Mayila, président de l’Union pour la nouvelle République (UPNR), il est carrément qualifié de « vendu » par certains parce qu’il accepte de communiquer avec la présidence. « Je ne conçois pas l’opposition comme un exercice de réclamations unilatérales », dit-il.
En septembre, les partis de l’opposition avaient pourtant organisé des assises à Mouila (Sud, ville natale de Pierre Mamboundou), à l’issue desquelles ils annoncèrent leur regroupement au sein d’une vaste coalition : l’Union des forces du changement (UFC). Deux mois plus tard, la nouvelle union se délitait déjà. Mayila et l’UPNR étaient exclus de ses rangs pour avoir remis en question la réhabilitation de l’UN et déposé le nom « UFC » (rejointe depuis par treize autres organisations) auprès du ministère de l’Intérieur. RENVERSEMENT. En conséquence, les
autres ex-partenaires de Mouila créaient une coalition rivale, l’Union des forces pour l’alternance (UFA), regroupant douze partis. « J’avais oublié qu’à Mouila il y avait des gens qui avaient servi le maître [allusion au passé pédégiste des fondateurs de l’UN, NDLR] et voulaient régler des comptes non soldés… C’est pour ça que je suis pour le renversement du système Bongo Ondimba, quand d’autres ne sont que pour le remplacement du régime Ali », remarque quant à lui Richard Moulomba, ex-secrétaire général de l’UPG et président fondateur d’un autre mouvement, l’Alliance pour la renaissance nationale (Arena). Une chatte n’y retrouverait pas ses petits. ● LAURENT DE SAINT PÉRIER, envoyé spécial N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
Le Plus de J.A. CONFIDENCES DE
CASIMIR OYÉ MBA
« Le pouvoir doit être déconnecté des affaires » Passé sous la bannière de l’Union nationale, désormais dissoute, l’ancien Premier ministre d’Omar Bongo Ondimba livre un bilan sans concession du pouvoir... et de l’opposition.
A
u premier étage d’un immeuble du centre de Libreville, Casimir Oyé Mba, 70 ans, a établi son QG dans un appartement tout simple. Loin des boiseries de la primature ou du décor rétro-futuriste du ministère du Pétrole, dont il a eu la responsabilité après ceux des Affaires étrangères et de la Planification. Cadre éminent du Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir) depuis les années 1970, il en démissionne pour se présenter à la présidentielle de 2009 (avant de se retirer à la dernière minute). Il participe
écoles croulent sous des effectifs pléthoriques, et le secteur de la santé est dans un état inquiétant. De sérieux efforts ont été faits pour créer des centres hospitaliers, mais rien ne marche: manque d’équipements, personnel soignant qui demande une rémunération pour des soins théoriquement gratuits, etc. Qu’attendez-vous du chef de l’État et de l’exécutif ? Nos gouvernants doivent réaliser qu’ils exercent des responsabilités
On n’élit pas quelqu’un pour se mettre tout de suite à attendre son départ. l’année suivante à la création de l’Union nationale (UN), dissoute en janvier 2011 après que son secrétaire exécutif, André Mba Obame, se fut autoproclamé président de la République. Aujourd’hui, Oyé Mba compte les pas restant à franchir par l’exécutif et par l’opposition pour renouer le dialogue. Et réunir les Gabonais. JEUNE AFRIQUE : Quel regard portezvous sur l’évolution du pays ? CASIMIR OYÉ MBA: Je vois quelques points encourageants. Le FMI vient de publier une note confirmant un taux de croissance de 7 % en 2011 et de 6 % pour 2012. Ce qui est bien, si l’on considère que l’inflation tourne autour de 2,5 % à 3 %. Notre balance commerciale est excédentaire et notre taux d’endettement s’est desserré après le rachat anticipé de la dette au Club de Paris. En revanche, cherté de la vie, manque dramatique de logements, accès aléatoire à l’eau et à l’électricité… Trop de points ne donnent pas satisfaction. Le chômage des jeunes est alarmant, les N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
pour servir le pays. Ça a l’air moralisant, mais c’est pour moi le fondement de l’activité publique. Et le pouvoir doit avant tout être déconnecté des affaires; ces deux sphères sont aujourd’hui bien trop imbriquées. La famille présidentielle est actionnaire de Total-Gabon, et l’État gabonais tire 60 % de ses recettes du pétrole. Comment fait-on lorsque les intérêts de l’État et du pétrolier divergent ? Cela réduit la puissance publique à l’impuissance. Le devoir d’un président consiste, aussi, à améliorer le fonctionnement démocratique du pays. En commençant par réformer le cadre de son mandat ? Je ne suis pas favorable à la réduction de sept à cinq ans du mandat
présidentiel, réclamée ici ou là. On n’élit pas quelqu’un pour se mettre tout de suite à attendre son départ. Il faut quatre ans pour s’installer et pouvoir engager des projets. S’il ne reste qu’un an pour les mener à terme, je n’en vois pas l’efficacité. Je suis en revanche favorable à la réforme de la Cour constitutionnelle pour la détacher du pouvoir, ainsi qu’à un scrutin présidentiel à deux tours et à la limitation à deux du nombre de mandats présidentiels. Que pensez-vous aujourd’hui de la conférence nationale souveraine demandée par l’opposition ? Il y a de sérieux obstacles de part et d’autre. Une partie de l’opposition ne veut pas reconnaître Ali Bongo, ce n’est pas réaliste. Et une frange du pouvoir refuse de parler à l’UN, c’est aussi irréaliste. Il faut des efforts de chaque côté. La formule « conférence souveraine » est sans doute à abandonner, elle semble induire un processus de transition politique, et je comprends qu’Ali Bongo Ondimba n’en veuille pas. L’important, c’est que cette atmosphère de blocage se dissipe et que nous puissions engager le dialogue. Quel diagnostic portez-vous sur l’état de l’opposition ? Elle est trop faible face à un pouvoir trop dominateur. Elle est divisée en une multitude de partis créés pour soutenir une personne, une région, une ethnie. Le Gabon n’a connu que deux formations à dimension nationale : le PDG, parti d’Omar Bongo, et les Bûcherons de Paul Mba Abessole. Après la présidentielle de 2009, je me suis allié avec d’autres qui partageaient mon ambition de construire un grand parti national: l’UN. Hélas, la mayonnaise n’a peut-être pas pris. ● Propos recueillis à Libreville par LAURENT DE SAINT PÉRIER JEUNE AFRIQUE
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Le Gabon change-t-il vraiment ?
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SOCIÉTÉ CIVILE
Engagés contre le Gabon énervant Militants écologistes, juristes, artistes… Les citoyens sont plus organisés, actifs et réactifs que l’opposition.
DÉFIANCE. Solidaire, Georges Mpaga,
président du collectif ROLBG et porteparole de CSCC, fulmine: « Nous sommes engagés dans une défiance totale ! » En 2009, Ona Essangui, Mpaga et trois autres militants avaient passé quelques jours en prison, mis en examen pour incitation à la révolte à la suite d’une plainte de la Fondation Omar Bongo Ondimba. Mpaga précise que c’était la conséquence de leur soutien aux démarches, JEUNE AFRIQUE
WILS YANICK MANIENGUI/AFP
D
ans la nébuleuse des associations, fondations et think tanks, une petite galaxie d’ONG très organisées milite au Gabon pour la moralisation des affaires et de la vie politique. Leurs voix couvrent souvent celles des ténors de l’opposition, leurs recommandations rivalisent d’intransigeance avec les revendications des partis les plus radicaux. Transparence, gouvernance, État de droit, justice et démocratie, tel est le glossaire de ces poils à gratter de la République, qui, lassés du tout « Gabon émergent », enragent contre « le Gabon énervant ». Unis au sein de coalitions aux noms sans ambiguïté, Publiez ce que vous payez (PCQVP) ou Ça suffit comme ça (CSCC), ces militants associatifs représentent un contre-pouvoir grandissant. Et si l’État semble avoir renoncé à les contrôler, de nombreux litiges se règlent encore régulièrement au palais de justice. Le 29 mars, Marc Ona Essangui, président de l’ONG Brainforest, très populaire depuis qu’il a obtenu la révision du contrat d’exploitation du fer de Belinga, a été condamné à six mois de prison avec sursis, assortis d’une amende de 200000 F CFA (305 euros) et du paiement de la somme de 5 millions de F CFA au plaignant Liban Soleman, chef du cabinet présidentiel. « Olam Gabon [filiale de la multinationale singapourienne, NDLR] est le business d’Ali Bongo et Liban Soleman », avait lancé Ona Essangui lors d’un débat sur TéléAfrica en novembre 2012.
Première manifestation du collectif Ça suffit comme ça en octobre 2011.
devant les tribunaux français, des ONG Transparency International, Sherpa et Survie contre les familles dirigeantes gabonaise, congolaise, angolaise et équato-guinéenne dans l’affaire des « biens mal acquis ». TROP POLITISÉ. Autre hérault d'une
société civile en fin de compte très politisée, l’avocate Paulette Oyane Ondo a fait du terrain judiciaire son champ de bataille. Ex-députée, ex-ministre et ex-membre du parti présidentiel, elle a notamment attaqué le groupe français Eramet pour l’obliger à réparer les dégâts liés à l’exploitation du manganèse dans le Haut-Ogooué. L'an dernier, elle est également allée en justice contre l’État lorsque celui-ci a démoli le bidonville librevillois de Sotega sans avoir relogé ses habitants. Georges Mpaga reconnaît que le pouvoir n’empêche pas la société civile de s’organiser et de s’exprimer. Ainsi, le
dessinateur Pahé, après son décapant Ali’9, roi de la République gabonaise, publié fin 2010 et réédité en 2012 (avec une préface « signée par le président himself »), a sorti l’an dernier un album non moins corrosif, Laissez-nous avancer !, tout en regrettant que la plupart des rédactions n’osent pas publier ses dessins. Une frilosité qu’illustre l’indice de pérennité des organisations de la société civile établi en 2012 par l’Agence américaine pour le développement international (USAID). Le Gabon y est classé au 19e rang sur 23 pays africains étudiés, en raison de « lois obsolètes, intimidations, manque de viabilité financière »… Toujours selon l’USAID, « certaines organisations de la société civile critiques à l’égard du gouvernement reçoivent des menaces de dissolution ou des menaces personnelles à l’encontre de leurs directeurs ». ● LAURENT DE SAINT PÉRIER N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
Le plus de J.A. LUTTE ANTICORRUPTION
Les indélicats risquent de déchanter Longtemps prise à la légère, la Commission de lutte contre l’enrichissement illicite a déjà instruit des dizaines de dossiers et ne compte pas s’arrêter en si bon chemin.
D
es ministres s’y rendent en catimini, généralement à la fermeture des bureaux. En un coup de fil, ils prennent discrètement rendez-vous avec Vincent Lebondo Le-Mali, le magistrat président de la Commission nationale de lutte contre l’enrichissement illicite (CNLCEI). En effet, un gestionnaire d’argent public aperçu dans cet immeuble du quartier Glass à Libreville, où siège la commission, déclenche immanquablement de vilaines rumeurs. Peu importe que certains responsables publics fassent le déplacement pour une simple formalité de routine, comme récupérer un récépissé de déclaration de biens, la sentence populaire tombe, implacable : « Encore un voleur qui vient se justifier ! » MISE AU POINT. Depuis 2004, la loi
oblige tous ceux qui travaillent pour l’État gabonais à déclarer leurs biens lorsqu’ils prennent leurs fonctions et lorsqu’ils les quittent. À commencer par le premier d’entre eux, le président de la République. « En mars 2004, Omar Bongo a fait sa déclaration. Nous lui avons délivré le récépissé n° 542, se félicite Lebondo Le-Mali. Et l’actuel président aussi a fait la sienne. » Du chef de service au directeur général, aucun fonctionnaire nommé à un poste à responsabilité n’y échappe, encore moins les ministres, dont on dit que les retardataires sont visés par un rappel lors de chaque Conseil des ministres. Audépart,l’activismedeLebondo Le-Mali et de sa commission avait fait sourire ceux qui ne leur accordaient aucune crédibilité et ne croyaient pas
de F CFA chaque année. Le Fonds monéen la volonté politique du gouvernement de lutter contre les détournements taire international (FMI) déplore que le d’argent public. Aujourd’hui, ils en rient niveau de corruption demeure élevé, le de moins en moins. Surtout quand les pays occupant encore le 102e rang sur 174 journaux locaux se délectent des rappays dans le classement mondial 2012 de ports d’enquêtes de la CNLCEI, dont Transparency International. Les mesures quatre-vingt-dix peuvent d’ores et déjà adoptées en 2009-2010 semblent cependant avoir permis une légère amélioration aboutir à une saisine de la justice. À tel sur le plan structurel, avec d’une part cette point que, mi-février, Lebondo Le-Mali a dû publier une mise au point avec des menaces de poursuites La corruption coûterait au pays judiciaires à l’encontre de toute entre 25 et 50 milliards de F CFA personne soupçonnée de livrer chaque année. aux journaux les documents confidentiels élaborés par sa application du principe de déclaration des commission. Il faut dire que la dernière biens des membres du gouvernement et « fuite » épinglait plusieurs hautes perresponsables de l’administration, qui a sonnalités de l’État dans une affaire de mis en exergue l’existence de fonctiondétournement de 20 milliards de F CFA (près de 30,5 millions d’euros) au minisnaires fictifs, et d’autre part l’annonce, tère des Mines. en avril 2010, de la conduite d’un audit du secteur pétrolier afin de mieux en CONFUSION. Sans doute les autorités cerner les flux financiers. Mais de gros efforts restent manifestement à fournir ont-elles pris la mesure du fléau. Selon des estimations de la CNLCEI, la corruption dans les domaines minier et pétrolier coûterait au Gabon entre 25 et 50 milliards puisque le pays, qui avait adhéré en 2004 à l’Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE), vient d’en être exclu pour non-respect des règles édictées, après s’être pourtant vu conférer en octobre 2010 le statut de pays « proche de la conformité ». Dans un Gabon où l’on croyait ne rien risquer à confondre caisses de l’État et cassette personnelle, le défi est de changer radicalement les mentalités. Et si, pour l’instant, les indélicats ne sont pas jetés en prison par dizaines, les dossiers seront prêts si vient un jour l’heure des comptes… ● GEORGES DOUGUELI
ð Vincent Lebondo Le-Mali, le magistrat anticorruption.
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Le Plus de J.A. Gabon INTÉGRATION RÉGIONALE
Ali et le mammouth Cemac En juillet 2012, le chef de l’État gabonais s’est vu confier par ses pairs la présidence de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale… et les dossiers en souffrance qui vont avec.
F
aut-il ouvrir les frontières ou non ? Ali Bongo Ondimba (ABO) a prudemment différé sa réponse… Depuis qu’ils lui ont confié en juillet dernier, et pour deux ans, l’exercice de la présidence de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), ses pairs attendent de lui qu’il donne enfin chair aux projets de l’organisation pour rendre effective l’intégration des citoyens au sein de l’espace communautaire, ce qui passe notamment par la libre circulation des personnes. Après l’affaire Ntsimi et les turbulences survenues au sein de la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac) en 2012, la Cemac a besoin d’un leadership dynamique et crédible. Ali Bongo peut-il relever ce défi ? PATATE CHAUDE. L’intégration commu-
nautaire passe par l’entrée en vigueur, toujours retardée, de la libre circulation des personnes. Une affaire dans laquelle les deux États membres qui refusent de supprimer l’exigence d’un visa aux frontières de leurs territoires respectifs sont justement le Gabon et la Guinée équatoriale. Le président Ali Bongo Ondimba est bien entendu convaincu de l’impératif de constituer un ensemble communautaire fort. Son Premier ministre, Raymond Ndong Sima, a d’ailleurs déclaré que « l’intégration est devenue une nécessité incontournable à laquelle le Gabon peut difficilement se soustraire, car le monde s’organise désormais dans des sous-ensembles »… avant toutefois d’ajouter : « Cependant, nous devons retenir que l’intégration implique la mise en œuvre d’un équilibre très subtil entre les intérêts nationaux et les intérêts communautaires. » N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
soutenir et à promouvoir l’attractivité économico-financière de la sous-région. Le présidentgabonaisaparailleursdemandé à ce que les excédents de trésorerie réalisés par la Beac soient prioritairement réinvestis dans la promotion des projets sociaux liés à l’habitat, à l’énergie, à l’eau potable, ainsi qu’aux grandes infrastructures de développement. De quoi mettre en œuvre le Programme économique régional (PER Cemac) 2010-2015, notammentlaconstructiondehuittronçonsroutiers « intégrateurs ». Et, surtout, comme l’a évoqué ABO à Malabo, il s’agirait de mettre enfin sur pied le fameux Fonds Émergence Cemac, dont le principe en
Une approche tout en prudence qui, en l’occurrence, tient à ménager ceux des Gabonais qui craignent « l’invasion » de leur territoire par les autres ressortissants de la zone. Ce qui explique que le président en exercice de la Cemac se soit empressé de refiler la patate chaude à une commission ad hoc, chargée de réfléchir à l’agenda Il serait temps de mettre du mandat du Gabon à la enfin sur pied le fameux Fonds tête de l’organisation sousÉmergence Cemac. régionale. Présidée par Jean-Pierre Lemboumba tant qu’outil du PER avait été adopté en Lepandou, ancien ministre des Finances sous Omar Bongo Ondimba et actuel janvier 2010, à Bangui… mais dont la forme, les missions et les mécanismes conseiller du chef de l’État, la commission de financement n’ont toujours pas été a rendu son rapport le 25 février. Mais déterminés. Il va également être nécesrien n’a filtré à ce jour… Si la prudence reste de mise sur ce sujet saire d’accompagner le repositionnement sensible, ABO veut en revanche accélérer de la Banque de développement des États la cadence sur le terrain de l’intégration de l’Afrique centrale (BDEAC) au niveau économique. Le 22 novembre, à Malabo, régional et international. lors du quarantième anniversaire de la Beac, il a ainsi proposé la création PAIN SUR LA PLANCHE. Enfin, reste à d’uncomitéinterfaire avancer les éternels dossiers à tiroirs États,dontlaprinde la Cemac. On espère notamment d’Ali cipale mission Bongo qu’il s’attaque aux obstacles qui consistera à retardent le rapprochement entre la Bourse des valeurs mobilières d’Afrique centrale (BVMAC) de Libreville et le Douala Stock Exchange (DSX), dont le projet piétine en dépit de la volonté politique clairement exprimée des chefs d’État des deux pays concernés. On attend aussi un coup d’accélérateur dans le processus de création un peu brouillon d’Air Cemac (présidé par le Gabonais Étienne Robin Mintsa Mi Owono), dont le siège, à Brazzaville, a été inauguré début mars. Mais, malgré plusieurs annonces, toujours point d’avions ni de plan de vol inaugural à l’horizon. ● GEORGES DOUGUELI JEUNE AFRIQUE
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Le Plus de J.A. DIPLOMATIE
Le changement en douceur L’un et l’autre se disent à mille lieues de la Françafrique. Quels liens tissent donc François Hollande et Ali Bongo Ondimba entre leurs deux pays ?
L
es relations entre la France et le Gabon, traditionnellement denses et ponctuées de nombreuses visites bilatérales, sont à l’heure du changement. Depuis l’arrivéedeFrançoisHollande à l’Élysée, en mai 2012, le président français n’a rencontré qu’une seule fois son homologue gabonais, Ali Bongo Ondimba. Deux mois après son élection, en mai 2007, Nicolas Sarkozy avait achevé sa première tournée en Afrique subsaharienne par le Gabon d’Omar Bongo, en dépit des réticences de plusieurs membres de son entourage. Quand Ali Bongo succéda à son père, c’est à Paris qu’il a effectué sa première visite bilatérale horsdelasous-région(20novembre2009). Il a par la suite été reçu plusieurs fois à l’Élysée (décembre 2009, juillet 2010, septembre 2010, février 2011), et a lui-même accueilli Nicolas Sarkozy à Libreville en février 2010. NORMALISATION. Sans doute le « chan-
gement » promis par François Hollande y est-il pour quelque chose. Changement de style, avec un rapport moins personnel et donc moins chaleureux avec les chefs d’État de l’ancien « pré carré », que par ailleurs il connaissait peu. Changement de méthode, avec la disparition des réseaux politico-affairistes et leur cohorte d’intermédiaires de l’ombre, à l’instar de Robert Bourgi,acteursd’uneFrançafriquehonnie et d’une époque révolue dont on ne veut plus entendre parler à l’Élysée. Signe de ces nouveaux temps, la « cellule Afrique » n’existe plus. À sa place officient Hélène Le Gall, une diplomate spécialiste du continent, et son adjoint, Thomas Melonio, un trentenaire venu de la Rue de Solferino, le siège du Parti socialiste français. Tous deux travaillent sous l’autorité d’un conseiller N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
diplomatique, Paul Jean-Ortiz, et non plus directement sous celle du président. Avec François Hollande, plus question d’ostraciser les opposants ni de mépriser la société civile. Zacharie Myboto, Jean Eyeghe Ndong et d’autres leaders de l’opposition gabonaise parlent avec Le Gall, tout comme Marc Ona Essangui, figure de la société civile. « Hollande a érigé la bonne gouvernance et le développement de la démocratie comme
Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC). Stimulées par l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations (CAN 2012), les exportations françaises avaient atteint cette même année le niveau inégalé de 780 millions d’euros, soit une hausse de 37,5 % par rapport à 2010. La France demeure le pays qui crée le plus d’entreprises au Gabon, et son activité couvre l’ensemble des secteurs économiques (lire p. 80).
Le président gabonais a aussi pris ses distances avec les officines de « l’Afrique à papa ». principe directeur de ses relations avec les Africains », décrypte un diplomate français. Que l’avocat William Bourdon, président de l’association Sherpa – par ailleurs plaignante dans le dossier des « biens mal acquis » visant notamment la famille Bongo –, ait été nommé conseiller aux droits de l’homme du président français a mis sur leurs gardes les chefs d’État concernés. Mais les principes de bonne gouvernance n’excluant pas le pragmatisme économique et la continuité des bonnes affaires, on imagine mal que les florissantes relations économiques entre les deux pays ne se poursuivent pas. En 2011, le Gabon était en effet devenu le quatrième client de la France en Afrique subsaharienne et le premier au sein de la
ARMES ÉGALES. Le président
gabonais a lui aussi pris ses distances avec les officines postcoloniales de « l’Afrique à papa ». Il a ainsi déclaré à plusieurs reprises qu’il ne se sentait pas concerné par la Françafrique, et il tisse peu à peu des amitiés avec le Moyen-Orient, l’Asie et l’Amérique du Sud émergentes, expliquant qu’il souhaite quitter le « tête-àtête » avec la France pour s’ouvrir à d’autres partenaires. En filigrane, c’est signifier à certaines entreprises françaises que le temps des passe-droits est terminé. Elles devront se battre à armes égales avec les nouvelles venues chinoises, singapouriennes… Ce qui n’empêche pas que la France reste l’incontournable garante de la sécurité du Gabon. Paris a conservé à Libreville l’une de ses quatre bases militairespermanentesenAfrique.Surceplan, le changement n’est pas pour demain. ● GEORGES DOUGUELI JEUNE AFRIQUE
Le Gabon change-t-il vraiment ?
TRIBUNE
Opinions & éditoriaux
Pour une autre relation avec la France
L GERMAIN NGOYO MOUSSAVOU Ambassadeur du Gabon en France
ES RAPPORTS ENTRE la France et le Gabon doivent être replacés dans le cadre des bouleversements qui affectent le monde aujourd’hui. Le Gabon, dont la croissance ne se dément pas (elle était de plus de 6 % l’an dernier), fait partie intégrante de l’Afrique noire émergente dont il constitue l’un des fleurons, tandis que la France doit lutter pour maintenir ses positions. L’un et l’autre ont donc tout intérêt à rester solidaires et à développer des liens solides sur la base de leurs nombreux atouts. Les deux pays ont des relations commerciales et humaines anciennes. Ce qui explique pourquoi la France reste encore le principal fournisseur du Gabon avec 35 % de part de marché, et que cent vingt entreprises françaises y sont implantées. Mais le Gabon est aujourd’hui maître de ses ressources, de son développement, ainsi que de ses équipements, choisis parmi les meilleures solutions techniques et économiques, correspondant aux besoins les plus urgents de sa population. Il entend également – et légitimement – mieux maîtriser l’exploitation de ses matières premières, pour créer sur place de la valeur ajoutée et des emplois. Telle est la politique du président de la République, Ali Bongo Ondimba, qui vise à inscrire le Gabon au rang des nations émergentes, par une ouverture au monde et un appel au soutien de tous les pays amis partenaires de son développement.
entre le Gabon et la France, qui inscrit noir sur blanc que la coopération entre les deux États doit dorénavant s’effectuer dans les domaines que notre pays juge prioritaires, inclus dans le programme du « Gabon émergent ». Il s’agit du Gabon vert, du Gabon industriel, du Gabon des services, auxquels vient s’ajouter le Gabon bleu, qui désigne la valorisation de nos ressources halieutiques, fluviales, lagunaires et lacustres. Il est à regretter que cette politique vis-à-vis de la France ne semble pas produire tous les effets attendus. Au cours de ces trois dernières années, le Gabon a enregistré près de 5 milliards de dollars d’investissements directs étrangers, résultant de contrats signés en majeure partie avec des entreprises américaines, asiatiques et européennes autres que françaises.
Établissons des bases plus équitables et plus conformes aux intérêts du peuple gabonais.
Traçant les grandes lignes d’une nouvelle vision de la diplomatie gabonaise, le chef de l’État souhaite multiplier les actions de promotion pour inciter les entreprises à investir au Gabon. La diversification des partenaires économiques n’est absolument pas incompatible avec une continuation, voire un renforcement des liens privilégiés entre Libreville et Paris. C’est aux entreprises françaises de se montrer compétitives, d’améliorer la qualité de leurs produits, de prendre en compte de nouvelles exigences comme la responsabilité sociale des entreprises (RSE), de respecter les certifications internationales de la même manière que leurs concurrentes, issues essentiellement des Brics, d’Amérique du Nord, voire d’Australie. Un Plan d’action de mise en place d’un partenariat stratégique a été adopté en février 2010 JEUNE AFRIQUE
C’est à la France et aux entreprises françaises, grandes ou petites, de saisir cette chance d’investissements et de participation à l’essor économique grandissant du Gabon (lire p. 80). Notre souhait est de relancer un engouement des investisseurs hexagonaux pour le marché gabonais, surtout dans les domaines de l’environnement, de l’écotourisme, des technologies de l’information et de la communication, ainsi que de l’agriculture et de l’élevage. Nous avons à cœur, notre chef de l’État en tête, de nous affranchir du « tout pétrole », qui a longtemps caractérisé notre tissu économique. La conjoncture actuelle des rapports entre la France et le Gabon est donc celle d’un renouvellement fondé sur des bases plus équitables et plus conformes aux intérêts du peuple gabonais, tout en correspondant aux intérêts bien compris du peuple français. La volonté et les moyens ne manquent pas au Gabon pour réussir cette relance, et l’on ne peut douter qu’il en soit de même du côté de la France. Au-delà des préjugés anciens, des stéréotypes désuets et des simplifications rétrogrades et contre-productives, qui ne tiendraient pas compte de la réalité. ● N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
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Le Plus de J.A.
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STRATÉGIE
Une mise en concurrence bien calculée Diversification des activités, internationalisation des partenaires, multiplication des investissements… La politique d’ouverture économique s’avère payante. Et la croissance suit.
L
e 25 mars, Libreville accueillait en grande pompe Mohammed VI, le roi du Maroc, accompagné d’une importante délégation d’hommes d’affaires.Déjàprésentdanslepaysàtravers Royal Air Maroc, Maroc Télécom et Attijari, le royaume chérifien manifeste un intérêt croissant pour le Gabon, et six nouveaux accords ont été signés entre les deux États. Protocoledifférentmaismêmescénario,en janvier, lors de la visite du Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan – dix-huit mois après celle de son président, Abdullah Gül. Uneconfirmationdurapprochemententre Ankara et Libreville, illustré par l’ouverture en janvier d’une liaison aérienne entre les deux villes (trois rotations par semaine sur Turkish Airlines), qui va s’étendre aux services en matière de santé, à l’agriculture et à l’immobilier (lire pp. 92-93), l’objectif des deux pays étant de doubler le volume deleurséchangescommerciauxd’icià2015 –ilssontactuellementd’environ50millions
de dollars, soit 38 millions d’euros. Ainsi va la stratégie de diversification des partenaires mise en œuvre depuis fin 2009 qui, selon le patron de la filiale locale d’un groupebancaire,«asurtoutlemérited’inciter les entreprises nouvellement venues, pour se démarquer de la concurrence, à prendre en compte des aspects tels que la création d’emplois ou la formation des Gabonais ». T O U R D U M O N D E . Chine,
recherchent des rendements durables à long terme. Nous ne voulons pas de patronage, nous voulons des partenaires. Nous ne voulons pas d’aide financière, […] nous recherchons des sociétés pour nous aider à réaliser la valeur intégrale des actifs dont nous disposons. » En même temps que ses partenaires, le pays veut diversifier son économie, jusqu’à
Chine, Australie, États-Unis, Qatar, Maurice… Ali cultive son image de président VRP.
Singapour, Australie, États-Unis, France, Turquie, Dubaï, Cuba, Maurice, Royaume-Uni, Qatar, Djibouti… À bord du Boeing 777 qu’il a acquis pour faire le tour du monde, Ali Bongo Ondimba conforte son image de président VRP à la conquête de nouveaux investisseurs. À Londres, lors d’un forum d’affaires, il s’adressait à eux en ces termes: « Nous voulons travailler en partenariat avec des sociétés et des investisseurs qui
présent essentiellement fondée sur la rente pétrolière, et commence à récolter les fruits de cette stratégie puisque, sur les trois dernières années, il aurait attiré selon la présidence près de 10 milliards de dollars d’investissements dans de nouveaux projets. Le Fonds monétaire international (FMI) relève par ailleurs,
PHOTOS : DR ; AZZOUZ BOUKALLOUCH/MAP
Ü Accueil du Premier ministre turc, le 6 janvier, et du roi du Maroc (à dr.), le 25 mars.
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JEUNE AFRIQUE
Le Gabon change-t-il vraiment ?
ACTION. Dans le secteur en plein essor
de l’agro-industrie, les plus remarqués sont le belge Société d’investissement pour l’agriculture tropicale (Siat), qui a repris les actifs d’Agrogabon (huile de palme), de Hévégab (hévéa) et du ranch de Nyanga lors de leur privatisation en 2004, et, bien sûr, la filiale du singapourien Olam. Depuis 2010, Olam Gabon multiplie les investissements. Il a déjà investi 408 millions de dollars sur un investissement total de 2,5 milliards d’ici à 2016. Au programme: le développement de 100000 ha de palmeraies (788 millions de dollars) ; de 28 000 ha de plantation d’hévéas (183 millions) ; de la zone économique spéciale de Nkok (240 millions) et de l’activité bois (7 millions). Sans oublier la construction d’un complexe de production d’engrais ammoniac-urée (1,5 milliard) dans la future zone franche de l’île Mandji, qui doit être mis en service en 2016. Un projet auquel sont associés, au sein d’une coentreprise, Olam (62,9 %), la branche chimie du conglomérat indien Tata (25,1 %) et l’État gabonais (12 %). Quant à Siat-Gabon, l’entreprise prépare son entrée en Bourse. L’ouverture de 30 % de son capital (souscriptions ouvertes JEUNE AFRIQUE
PIB
(En milliards de F CFA, en prix courants)
CROISSANCE
(Variation en % du PIB, en prix constants)
CROISSANCE HORS PÉTROLE
(Variation en % du PIB, en prix constants)
10 327
8 867 12,1
9 527
7 201 5 702 7
7,2 6,7
2009
2010
2011
-2,4
8,7
8,3
6,1
5,9
SOURCE : AUTORITÉS GABONAISES - FMI, FÉVRIER 2013
de l’Ogooué (Comilog), opérant la mine de Moanda (Sud-Est), n’a plus le monopole d’exploitation du manganèse gabonais, qui représente près du quart des réserves mondiales. La filiale du français Eramet, dont la production a atteint un niveau record de 3,4 millions de tonnes en 2011, doit en effet compter avec l’arrivée d’au moins un nouvel acteur : CICM Huangzhou, filiale de China International Trust and Investment Corporation (CITIC), qui a démarré ses activités sur le site de Mbembélé. Situé près de Ndjolé (centre), ses réserves sont estimées à 30 millions de tonnes. Et même si l’australo-britannique BHP-Billiton a finalement renoncé à l’exploitation du gisement de Samancor, près de Franceville (il reste
De solides résultats
2012* 2013* * Estimations
-2,9 INVESTISSEMENTS DIRECTS ÉTRANGERS (IDE)
Flux entrant , en millions de dollars aux prix courants
269
728
531
SOURCE : CNUCED, JUILLET 2012
EFFERVESCENCE. La Compagnie minière
toutefois en lice pour la mine de fer de Bélinga), le pays entend ouvrir la filière à d’autres opérateurs pour devenir le premier producteur mondial de manganèse (il vise les 6 millions de tonnes en 2015). Le secteur du BTP et des infrastructures est lui aussi en pleine effervescence. En particulier avec l’américain Bechtel (lire p. 91), qui a décroché en 2010 le contrat pour l’élaboration du Plan directeur national d’infrastructures 2010-2016 ainsi que la supervision de ses chantiers, pour un investissement total estimé fin 2012 à près de 6 500 milliards de F CFA (9,9 milliards d’euros) sur six ans. Son compatriote International Development Corporation (IDC) a, lui, signé en septembre 2011 un accord de financement de 600 milliards de F CFA pour la viabilisation des terrains et la réalisation de 5 000 logements sociaux au nord de Libreville et près de la zone économique spéciale de Nkok. Mais, en matière de construction, la plus grande concurrence provient d’Asie avec, entre autres, le chinois Sinohydro Corporation, qui a décroché le marché du barrage du Grand Poubara, l’indien M3M (logements sociaux à Libreville) et son compatriote Ramky Infrastructure (pour les 1 000 km de la route Libreville-Franceville).
209 33
2007
2008
2009
2010
2011
INDICE DE DÉVELOPPEMENT HUMAIN (IDH)
Rang sur 187 pays et valeur de l’indice en 2012 (moyenne Afrique subsaharienne : 0,475)
Gabon
106 (0,683)
Guinée éq.
136 (0,554)
Congo
142 (0,534)
Cameroun
150 (0,495)
Centrafrique
180 (0,352)
Tchad
184 (0,340)
SOURCE : PNUD, MARS 2013
dans sa note du 19 février, que les résultats récents du Gabon sont solides, et que sa croissance devrait rester vigoureuse (voir infographies), alimentée par l’augmentation des investissements publics, les bons résultats de l’activité économique hors pétrole (en particulier dans les mines, la transformation du bois et la construction) et l’apparition de nouvelles sources de croissance, notamment dans les zones économiques spéciales (lire p. 90).
du 25 mars au 19 avril), pour un montant total de près de 33,5 milliards de F CFA, est la première opération du genre sur le marché financier régional et permettra à la Bourse des valeurs mobilières d’Afrique centrale (BVMAC, basée à Libreville) de connaître, enfin, la première cotation de son compartiment actions. ● STÉPHANE BALLONG N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
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Le Plus de J.A.
Quand les Français se remettent en question Si l’Hexagone reste le principal fournisseur du pays, avec plus d’une centaine d’entreprises qui y sont implantées, le temps de l’exclusivité est bien fini.
D
ans le domaine économique, on 769 ne peut que se demander si les Les échanges restent denses entreprises françaises vont tenir le choc face à la concurrence. Alors qu’en 1997 l’État a confié au français Veolia 498 la concession de la Société d’énergie et d’eau du Gabon (SEEG) jusqu’en 2017 – qui risque de ne pas être reconduite –, il a choisi l’américain Bechtel (lire p. 91), le singapourien Olam (lire p. 90) ou le Exportations Investissements françaises mauricien IBL (lire p. 88) pour ses plus français au Gabon vers le Gabon récents partenariats public-privé. (en millions d’euros) Ils constituaient à la fin de 2011 L’Hexagone reste cependant le preun stock de 776 millions d’euros 2009 2012 (soit 39,5 % du stock d’IDE entrant au Gabon), mier fournisseur du Gabon (35 % des dont 72 % de biens générant un flux de 213 millions la même année parts de marché) et son troisième client d’équipements et autres (soit 37,5 % du flux total d’IDE produits industriels, (derrière les États-Unis et la Chine, prinentrant au Gabon) et 13 % de produits cipaux acheteurs d’hydrocarbures). des industries agroalimentaires Selon les services du commerce extérieur français, la valeur des exportations 234 du pays vers le Gabon a même augmenté 172 Importations françaises de plus de 54 % de 2009 à 2012, et les depuis le Gabon les Français, ce qui fausse quelque 120 filiales d’entreprises fran(en millions d’euros) la concurrence », souligne çaises qui y sont présentes continuent 2009 2012 Gérard Moussu, secrétaire de générer environ la moitié des expordont 80 % de matières général de l’Union des tations du Gabon sur le marché monpremières brutes ou transformées (pétrole, bois et manganèse), secteurs forestiers industriels du dial, notamment dans les secteurs où où les implantations françaises au Gabon Gabon et aménagistes. elles maintiennent leur leadership : les restent très importantes hydrocarbures (Total, Perenco, Maurel et INÉDIT. Comme le rappelle Prom), le bois (Rougier, CBG, Thébault Madeleine Berre, associée au cabinet Transbois) et les mines (Comilog). Dans le BTP et les infrastructures, les Deloitte : « Depuis 2009, on assiste à grands groupes tricolores – Sogeaune effervescence inédite, et l’arrivée Satom (Vinci), Colas, Dragages et ETDE DÉFIÉE. Mais, dans ces secteurs aussi, d’autres cabinets de conseil, comme (Bouygues) – doivent faire de la place la France est défiée. On l’observe pour KPMG en 2011, en est un signe. Il y à leurs concurrents espagnols, turcs, la filière manganèse (lire pp. 78-79), a un intérêt évident des opérateurs singapouriens ou chinois, qui mettent comme dans l’exploitation forestière et l’industrie du bois, où des investisseurs internationaux pour tous les nouveaux en place des financements privilégiés. ont afflué de toutes parts, et où nombre projets. Les Français en font partie, Dans la banque, BNP Paribas – seul de petites ou moyennes exploitations mais désormais on compte aussi des français présent après la cession par le créées par des Français ont été reprises Australiens, des Néerlandais, des Turcs, Crédit agricole de sa filiale au marocain par des intérêts étrangers, notamment des Italiens, des Coréens… » Attijari – a en revanche maintenu le chinois (Sunly, HTG, TBNI, Shengyang), Des concurrents plus prompts, cap, via sa filiale, la Banque internamalais (Rimbunan Hijau, Fobo, Bonus semble-t-il, à prendre leurs marques tionale pour le commerce et l’indusHarvest), singapouriens (Olam) ou suddans les projets du « Gabon émergent ». trie du Gabon (Bicig), juste derrière les africains (SFM Africa). La mise en appliExperte ès labourage et pâturages, la leaders nationaux et avant les filiales cation de « Gabon vert » en 2010, avec France semble abandonner ce terrain des groupes internationaux et panales nouvelles contraintes imposées par aux filiales locales du singapourien fricains (Ecobank, UBA…) implantés l’État, notamment dans le contrôle des Olam et du belge Siat. Championne depuis 2009. permis forestiers, des quotas de coupe, mondiale du tourisme, elle voit la gesLa croissance et les projets gaboet avec l’obligation de transformer le bois tion des grands hôtels confiée aux aménais continuent de profiter aux entresur place, permet de restructurer la filière ricains Carlson Rezidor et Starwood, prises françaises dans tous les secteurs. sur de meilleures bases. Mais le proet le développement des lodges au Cependant, si elles ne s’y investissent blème réside dans le fait que « beaucoup sud-africain Sustainable Forestry pas un peu plus, elles risquent de se de nouveaux investisseurs ne respectent Management Africa et au singapoufaire damer le pion. ● pas les règles auxquelles s’astreignent rien Amanresorts (lire pp. 102-103). LAURENT DE SAINT PÉRIER
SOURCE : DG DU TRÉSOR, SERVICES DU COMMERCE EXTÉRIEUR FRANÇAIS - CNUCED
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N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
JEUNE AFRIQUE
Ministère des Eaux et Forêts
PUBLI-INFORMATION
La filière Forêt-Bois
© Desjeux
© Torregano / JA
© Illemasssene / Focus Média
en première ligne pour la concrétisation du Gabon Vert
L
e ministère des Eaux et Forêts du Gabon est chargé d’élaborer et d’appliquer la politique du gouvernement dans ses domaines de compétence, y compris en
ce qui concerne la faune et les aires protégées. Il est aussi bien engagé dans
la gestion durable des ressources forestières nationales que dans leur exploitation industrielle. Sous la direction du ministre Gabriel Tchango, cela en fait le département le plus impliqué dans la réussite du « Gabon Vert », l’un des trois piliers, avec le « Gabon Industriel » et le « Gabon des Services », du programme de développement économique et social du « Gabon émergent » 2025.
Ministère des Eaux et Forêts
Le Gabon Vert : un élan présidentiel 22 MILLIONS D’HECTARES DE FORÊT, TREIZE PARCS NATIONAUX, DES RICHESSES AGRICOLES, AQUACOLES ET ÉCO-TOURISTIQUES QUE LE GABON S’ENGAGE À PRÉSERVER.
Depuis 2009 et l’accession au pouvoir d’Ali Bongo Ondimba, la filière bois est en plein essor et occupe une place de choix dans le paysage industriel gabonais. La filière est un parfait exemple qui montre la voie à suivre pour l’émergence du pays à l’horizon 2025 et qui est la concrétisation du « Gabon Vert », l’un des piliers du programme politique du Président de la République gabonaise. Le « Gabon vert » du Président Ali Bongo Ondimba a pour enjeu de faire du pays un pionnier dans l’effort mondial de préserver l’environnement et de lutter contre le réchauffement climatique, deux défis majeurs du XXIe siècle. La forêt gabonaise, qui fait partie du bassin du Congo, deuxième puits de carbone au monde après l’Amazonie, y contribue déjà avec ses 22 millions d’hectares et ses treize parcs nationaux. Elle continuera de le faire si elle est gérée durablement. Le Gabon vert, ce sont aussi des milliers d’hectares de terres agricoles, un littoral atlantique de 800 kilomètres et des espaces majestueux qui font le bonheur des touristes. Autant de richesses agricoles, aquacoles et éco-touristiques que le Gabon s’engage à exploiter de façon durable. Des défis que le pays se donne tous les jours les moyens de relever, à travers notamment l’action du Ministère des Eaux et Forêts et d’autres institutions du pays.
© Desjeux
Fin 2009, le Président Ali Bongo Ondimba a pris la décision d’interdire l’exportation des grumes. Cette mesure doit permettre de valoriser la transformation locale pour exporter des produits « made in Gabon » à valeur ajoutée et plus seulement des matières premières brutes. La filière bois est le premier employeur privé du pays, avec près de15 000 emplois directs et 5 000 emplois indirects. Elle contribue pour 6 % au Produit intérieur brut (PIB).
LA FEUILLE DE ROUTE DU MINISTÈRE DES EAUX ET FORÊTS
La feuille de route du Ministère des Eaux et Forêts est contenu dans le Programme Stratégique Gabon Émergent (PSGE), stratégie nationale de développement économique qui ambitionne d’atteindre une croissance inclusive forte, durable et diversifiée sans laquelle il sera difficile d’atteindre l’objectif global qui est de faire du Gabon un pays émergent à l’horizon 2025.
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TRANSFORMER LE BOIS LOCALEMENT
Le 21 septembre 2010, le Président gabonais exprimait à nouveau, à la tribune des Nations Unies, sa volonté de promouvoir une économie verte basée sur le développement durable. Cela, afin de minimiser l’impact du changement climatique dans son pays, mais aussi dans le monde, devenu un « village planétaire où les défis deviennent transnationaux ». Le président s’est engagé à valoriser « l’or vert » du Gabon par l’industrialisation de la filière bois et la conservation des richesses écologiques dont recèle la forêt tropicale.
Ministère des Eaux et Forêts
© Desjeux
LA FORÊT GABONAISE COMPREND LA PLUS GRANDE PART INTACTE DE LA FORÊT TROPICALE D’AFRIQUE, DEUXIÈME PUITS DE CARBONE AU MONDE APRÈS L’AMAZONIE.
La forêt gabonaise : l’autre poumon de la planète La forêt gabonaise couvre une superficie de 220 000 km2, soit 85 % du territoire. Elle comprend pas moins de six formations végétales différentes : la mangrove, la forêt inondée et marécageuse, la forêt non inondée du bassin côtier, la forêt de montagnes, la forêt des plateaux de l’intérieur et la forêt sans okoumé des plateaux du Nord-Est. Elle fait partie de la forêt du Bassin du Congo, deuxième forêt tropicale et surtout deuxième puits de carbone au monde après l’Amazonie.
13 PARCS NATIONAUX
Depuis 2002, le Gabon s’est doté d’un réseau de treize parcs nationaux, à l’initiative de feu le président Omar Bongo Ondimba, pour donner corps aux impératifs fixés suite au Sommet de la terre de Johannesburg, organisé la même année. Cela représente un peu plus de 11% du territoire national, soit plus de 30 000 km2, dédiés à la gestion durable de la biodiversité.
PLAN NATIONAL CLIMAT Dans la continuité des engagements pris à Copenhague en décembre 2009, un Conseil national sur les changements climatiques (Conseil National Climat) a été créé par décret présidentiel le 23 avril 2010. Il a pour mission l’élaboration et l’orientation stratégique de la politique nationale en matière de changements climatiques, avec pour objectif final la formulation d’un Plan national climat.
UN ÉCOSYSTÈME UNIQUE
Les systèmes naturels dans ces parcs ont été préservés et comprennent la plus grande part intacte de la forêt tropicale d’Afrique. Ils contiennent la plus grande concentration d’éléphants de forêt du continent, de multiples espèces d’oiseaux, de reptiles et de mammifères, dont des gorilles, des chimpanzés, des mandrills (primate apparenté au babouin) et des hippopotames, ainsi que des milliers d’espèces de plantes que l’on ne trouve nulle part ailleurs.
À la faveur d’un atelier ouvert par le ministre des Eaux et Forêts le 30 octobre 2012, les normes techniques et réglementaires de gestion des forêts communautaires ont été clarifiées et validées. Prévue dans le Code forestier, la foresterie communautaire vise à impliquer les populations rurales dans la gestion durable des ressources et de leur permettre d’en tirer des bénéfices financiers.
© Desjeux
GÉRER LA FORÊT DE FAÇON COMMUNAUTAIRE
Ministère des Eaux et Forêts
PUBLI-INFORMATION
Le projet de la ZES de Nkok a été lancé en 2010 par l’État gabonais, associé au géant indien de l’agroalimentaire Olam, pour donner aux entrepreneurs les moyens de transformer le bois localement et de se conformer à la loi qui interdit l’exportation de grumes. Elle offre des avantages fiscaux aux investisseurs, comme l’exonération de l’impôt sur les sociétés pendant dix ans, ou encore l’exonération des taxes et droits douaniers sur les importations des équipements, des machines et des pièces détachées. Sa première partie a été inaugurée en septembre 2011 par le Président Ali Bongo Ondimba. D’une surface de1126 hectares, elle est située à 27 kilomètres de Libreville. À la fin de 2012, la zone comptait déjà 62 investisseurs, dont 40 issus du secteur industriel, et 80% de l’espace de la zone industrielle étaient déjà vendus. La zone commerciale est, elle, déjà réservée à hauteur de 52 %. À l’échéance 2015, la ZES de Nkok devrait pouvoir créer près de 7 000 emplois, dont une majorité destinée aux travailleurs gabonais.
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ZONE ÉCONOMIQUE SPÉCIALE DE NKOK
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Partenariats Pour mener ses missions à bien, le MEF n’hésite pas à coopérer avec des partenaires aux niveaux sous-régional et international, comme le montrent ces trois exemples.
GABON/JICA
Le ministère des Eaux et Forêts a organisé le 30 août 2012, en collaboration avec l’Agence japonaise de coopération internationale (JICA), un atelier de lancement du « Projet de développement d’un système d’inventaire des ressources forestières nationales ». D’une durée de trois ans, ce projet a pour objectif immédiat de faire un inventaire exhaustif du massif forestier national, avec mise en place d’une carte forestière. À plus long terme, il permettra de mieux connaître, préserver, valoriser et gérer les 22 millions d’hectares de forêts du Gabon.
CROISSANCE SAINE ENVIRONNEMENT/GABON
En partenariat avec l’ONG Croissance saine environnement, le Gabon a lancé en février dernier un observatoire de vigilance et de promotion de développement durable des activités, produits et services des industries. Cet outil, premier du genre en Afrique centrale, va permettre d’anticiper les risques environnementaux liés aux activités industrielles, en contrôlant la production en amont et la gestion des déchets en aval.
Tél. : (241) 01 76 13 81 www.eaux-forets.gouv.ga www.gabon-vert.com
GABON/AGENCE FRANÇAISE DE DÉVELOPPEMENT
Le Gabon et l’Agence française de développement (AFD) ont signé en janvier 2011 trois conventions relatives à la gestion durable des écosystèmes forestiers, dans le cadre de la coopération scientifique entre le Gabon, la France et le Brésil. Ces conventions vont rendre possible la création d’un fonds d’étude et de préparation de projet, la mise en place d’une antenne de réception d’images satellitaires et d’un centre de compétence de télédétection et enfin appuyer l’élaboration de la « stratégie climat » au Gabon.
Fred Chapat DIFCOM
Ministère des Eaux et Forêts B.P 199 Libreville - Gabon Boulevard Triomphal Omar BONGO ONDIMBA
Le Gabon change-t-il vraiment ? DÉCRYPTAGE
Opinions & éditoriaux Alain Faujas
Le fils mieux que le père
O
N SE MÉFIETOUJOURS un peu des statistiques du Gabon depuis que feu le président Omar Bongo Ondimba avait fait trafiquer le chiffre de la population de son pays pour lui faire passer avant l’heure la barre symbolique du million d’habitants. Pourtant, celles que le Fonds monétaire international (FMI) a publiées le 13 février annoncent des perspectives « brillantes » pour ce petit pays pétrolier. La croissance n’y descendra pas sous les 6 %. L’inflation n’y montera pas au-dessus de 3 % en moyenne annuelle et la dette publique y est d’une grande sagesse. En termes de développement humain, le Gabon se classe au 106e rang sur 187 pays auscultés par le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), devant le bon élève qu’est le Botswana (119e) et pas très loin derrière la Chine (101e). Incontestablement, depuis son élection, en 2009, Ali Bongo Ondimba a changé la gouvernance du pays. Épaulé par des sociétés américaines comme Bechtel, il a mis au point un plan de développement, « Gabon émergent », destiné à faire décoller le Gabon vers 2025, et 12 milliards de dollars doivent être engagés à cette fin au cours des sept prochaines années.
Ces avancées ne doivent pas dissimuler les maux récurrents du Gabon. La grande pauvreté continue d’y progresser et touche désormais un tiers de son million et demi d’habitants. Le taux de chômage officiel s’élève à 20 %, et même à 36 % chez les jeunes. Libreville connaît de graves coupures d’eau et de courant… Ces carences s’expliquent par une gouvernance laxiste, nourrie depuis l’indépendance par l’argent facile du pétrole, qui, malgré le développement des filières bois et manganèse, représente encore 84 % des exportations et 45 % du PIB. Le FMI a souligné en février nombre de travers qui paralysent l’économie gabonaise : trop de subventions
De réelles réformes ont été mises en place pour moderniser une économie trop dépendante des matières premières.
Cet effort s’est fait sentir en 2011 et en 2012, notamment avec la préparation de la Coupe d’Afrique des nations (CAN), mais aussi dans le domaine des routes et de l’énergie, deux secteurs où les infrastructures font cruellement défaut. Cette importance de l’investissement public a d’ailleurs rendu, pour la première fois depuis 2000, le budget de l’État déficitaire en 2012. De réelles réformes ont aussi été mises en place pour moderniser une économie trop dépendante des matières premières. Certaines visaient à faciliter les affaires, comme la simplification du permis de construire qui nécessite sept procédures aujourd’hui contre cent trente-quatre en 2008. Mais s’il est un domaine où le Gabon en remontre à ses voisins, c’est l’industrie du bois. « Rendons justice au pays et reconnaissons qu’il est à la pointe dans ce domaine, insisteYves Boudot, directeur Afrique de l’Agence française de développement (AFD). Il a été le premier à lancer des plans d’aménagement forestier dès la fin des années 1990. Il surveille ses forêts par satellite. Il interdit les exportations de billes de bois non transformées », afin d’éviter le pillage de ses futaies et d’augmenter la création de valeur ajoutée sur le territoire national. JEUNE AFRIQUE
aux carburants profitant aux classes supérieures, trop de fonctionnaires trop bien payés, trop de laisser-aller dans l’exécution des investissements et dans les réformes. Une première sanction est venue de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE). Faute d’avoir reçu des chiffres probants sur les recettes minières du pays, et constatant l’absence de la société civile gabonaise dans le processus destiné à assurer la transparence des comptes, l’organisation a exclu le Gabon en février dernier. De rapport en rapport, les organismes multilatéraux poussent le Gabon à sortir de sa dangereuse dépendance à l’égard des hydrocarbures et à développer son secteur privé. Dans ce but, le gouvernement a décidé la création de zones économiques spéciales où les entreprises sont dispensées d’impôt pendant dix ans. Cette initiative ne suffira pas. Le pays souffre d’un redoutable handicap, cumulant des salaires plus élevés que ceux de ses voisins (le salaire minimum est le double de ceux pratiqués dans la région) et une faible productivité de sa main-d’œuvre. Les étudiants gabonais choisissent massivement les filières littéraires, qui les destinent à l’administration, à l’enseignement ou à la politique ; seuls 8 % d’entre eux optent pour une filière technique ou scientifique qui fournit des personnels qualifiés nécessaires aux métiers du pétrole, des mines, de la forêt et de l’industrie en général. Le président Ali Bongo Ondimba n’en a pas fini avec l’héritage de son père. ● N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
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Le Plus de J.A. ð L’homme d’affaires est aussi vice-président du Conseil patronal gabonais (CPG).
DAVID IGNASZEWSKI POUR J.A.
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PME-PMI
Jean-Baptiste Bikalou «Il faut pallier le manque de culture entrepreneuriale» Le directeur général de Petro Gabon, président de la Chambre de commerce, d’agriculture, d’industrie et des mines, revient sur les conditions indispensables au développement du secteur privé local, qui reste embryonnaire. JEUNE AFRIQUE: Que pensent les patrons du plan de développement du pays ? JEAN-BAPTISTE BIKALOU : Nous, les
hommes d’affaires, avons besoin de visibilité. Nous voulons savoir où on va. La perspective tracée, à savoir l’émergence en 2025, et l’ensemble des plans engagés nous donnent donc des raisons d’espérer. Le plan stratégique « Gabon émergent » implique d’énormes besoins en termes de sous-traitance pour les PME locales, ce qui est une bonne chose. Mais cela induit des financements et une expertise locale qui nous font souvent défaut, et nous devons y remédier rapidement. Car notre croissance ne devrait pas provenir de l’offshore, mais de la richesse créée par des entreprises locales. Ce sont elles qui stimulent l’économie réelle. Là est notre défi. On ne peut pas construire un pays sans un secteur privé local. Et pour que N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
le secteur privé gabonais prenne une plus grande part au développement du pays, il faut aider à son éclosion et pallier le manque de culture entrepreneuriale. Peut-on dire que les Gabonais commencent à avoir le goût d’entreprendre?
Être entrepreneur est un métier compliqué, bien différent de celui du fonctionnaire. C’est accepter les moments difficiles, se dire « aide-toi et le ciel t’aidera » et arrêter de se plaindre pour oser agir. On peut tout de même dire que
les grands chantiers en cours, nous voulons mettre sur pied un centre agréé pour aider les dirigeants de PME en matière de gestion d’entreprise. Une préoccupation liée, aussi, au problème du financement des PME par les établissements de crédit. En effet, la Chambre se propose de recommander les entreprises partenaires auprès des banques octroyant les crédits et, à travers ce centre, elle suivra la gestion de l’entreprise agréée pour s’assurer que l’emprunteur pourra rembourser. C’est important car la Chambre engage sa signature. Comment aider les PME à accéder aux marchés publics ?
Les PME manquent en effet souvent d’expertise et de capacités financières pour exécuter des ouvrages d’envergure. Pourtant, la commande publique est importante pour leur éclosion. Selon le code des marchés publics, un pourcentage du marché doit être cédé aux PME locales. Nous souhaitons donc mettre en place une bourse de la sous-traitance, qui permettra d’éviter les procédures de gré à gré, et présentera ainsi l’avantage de la concurrence et de la transparence. Et concernant le problème du chômage?
Beaucoup d’entreprises cherchent en vain à recruter, alors que nombre de diplômés sont sans travail. Pour remédier à ce problème d’inadéquation entre les formations et le marché de l’emploi, nous avons ficelé un partenariat avec une
Être entrepreneur c’est arrêter de se plaindre pour oser agir. l’environnement économique est désormais plus dynamique si l’on considère le nombre de créations d’entreprises. Hélas ! la mortalité est très élevée pour ces jeunes pousses. Dans les deux années qui suivent leur naissance, 90 % d’entre elles disparaissent. Il faut donc regarder ce que représentent les 10 % qui survivent. Que fait la Chambre de commerce pour les soutenir ?
Nous intervenons en tant que conseil, nous proposons des formations et, avec
grande école parisienne, qui va travailler avec trois écoles gabonaises, à Libreville, Port-Gentil et Franceville. Dès la prochaine rentrée, celles-ci dispenseront des formations qui permettront à ceux qui les suivent d’être directement opérationnels en entreprise. Nous ouvrirons un cycle d’enseignement classique et un autre fondé sur une formation en continu. Les futurs patrons de PME pourront y apprendre les bases de leur métier. ● Propos recueillis à Libreville par GEORGES DOUGUELI JEUNE AFRIQUE
Le Gabon change-t-il vraiment ? INITIATIVE
Les jeunes patrons s’organisent Leurs propres sociétés désormais sur les rails, deux trentenaires créent une association de soutien aux créateurs d’entreprise.
Gabon comme ailleurs, les banques sont frileuses et posent des conditions draconiennes pour décourager les emprunteurs fragiles. De plus, les ini l’argent facile. Pour les génétaux d’intérêts sont extrêmement élede leur promoteur, déplore le Premier rations de Gabonais qui connaîvés – entre 12 % et 18 %. « L’incubateur ministre, Raymond Ndong Sima. C’est tront peut-être l’après-pétrole, pourquoi nous devons encourager plus pourrait contribuer à diminuer le risque encouru par les prêteurs et, du même il est temps de se frotter aux fortement l’entrepreneuriat gabonais. » coup, faire baisser ces taux », espère aléas de la création d’entreprise. Les COUP DE POUCE. Pour aider les jeunes Éric Boundono. Pour l’heure, la plupionniers du nouvel entrepreneuriat créateurs d’entreprises, Éric Boundono part des jeunes patrons ne peuvent gabonais sont jeunes et sont revenus et Willy Asseko ont proposé au gouvercompter que sur le développement du au pays à la fin de leurs études non pas nement (qui a validé l’idée) de fonder un microcrédit. Les rares établissements pour devenir fonctionnaires, à l’instar incubateur d’entreprises. La structure, de microfinance agréés pratiquent des de la plupart de leurs aînés, mais pour encore en gestation, accompagnera les taux d’intérêt de 3 % à 4 % sur six mois monter leurs propres sociétés dans le porteurs de projets avec des services à deux ans, ce qui est encourageant, secteur tertiaire. mais ne peut fonctionner que sur du adaptés. « Nous savons par expérience Parmi eux, Éric Boundono, 32 ans, court terme. qu’ils ont surtout besoin de conseils et MBA de gestion à l’École supérieure de suivi dans le management juridique De toute évidence, l’aide de l’État sera de gestion (ESG) de Paris, est rentré et la comptabilité », explique Asseko. nécessaire pour intensifier l’entrepreen 2007 et a lancé un an plus tard le neuriat gabonais. Boundono explique Parmi les principaux obstacles à surpremier centre d’appels offshore du monter, celui de l’accès aux crédits. Au que Vocalcentre n’aurait d’ailleurs pas pu pays. Vocalcentre emploie aujourd’hui se développer sans ce soucent dix salariés et travaille tien : « Les centres d’appels notamment avec des clients français et belges spécialisés recrutent beaucoup. Nous dans les énergies renouveavons un partenariat avec lables et les télécoms. Quant l’Office national de l’emploi à Willy Asseko, 27 ans, ingéet, lorsque nous recrutons un jeune en stage d’insertion ou nieur en télécommunicade réinsertion, nous bénétions formé à l’Université ficions d’une contribution de sciences appliquées de Dortmund, en Allemagne, mensuelle de l’État à hauteur il a créé une entreprise de de 40 000 F CFA (61 euros) transport urbain, LTC, qui par salarié. C’est une incipropose la location de véhitation à l’embauche et une cules aux touristes et aux bouffée d’oxygène pour les voyageurs d’affaires de pasjeunes entreprises. » sage à Libreville. Au t re p ré o c c u p at i o n En janvier, les deux jeunes majeure de ces dernières : patrons ont monté l’Assol’accès aux marchés publics, ciation agir pour une jeuoù elles doivent affronter nesse autonome (APJA), qui la concurrence des grands regroupe déjà cinquantegroupes. Sur ce point aussi, deux jeunes entrepreneurs un coup de pouce de l’État est gabonais âgés de 18 ans à attendu. Une préconisation 35 ans. Ça tombe bien, le retenue dans le document gouvernement veut accéde politique nationale de la lérer la mise en place d’un jeunesse rendu public à la tissu de PME. « L’un des mi-février, qui résulte des travaux d’un forum organisé défauts de notre économie, c’est que la richesse produite en 2011 à l’initiative de la prépar les entreprises qui y sont sidence. Ali Bongo Ondimba installées profite peu aux s’est engagé à soutenir les Gabonais puisque beaucoup jeunes. Il lui reste à tenir d’entre elles rapatrient leurs parole. ● Prochain défi de Willy Asseko (debout) et d’Éric Boundono, un incubateur pour accompagner les porteurs de projets. gains dans le pays d’origine GEORGES DOUGUELI DAVID IGNASZEWSKI POUR J.A.
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DÉSIREY MINKOH/AFP
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Pour pallier la pénurie de sardines fumées sur le marché local, leur exportation est interdite pour six mois depuis le 30 mars.
le gouvernement ordonnait la suspension des autorisations de pêche pour près de un mois, durant lequel pêcheurs artisanaux, armateurs, Commission Gabon bleu et directiongénéraledesPêchessesontréunis pour rationaliser l’activité commerciale et garantir une exploitation durable. L’application des lois reste en effet difficile: les navires gabonais peuvent ainsi pêcher jusqu’à 3 miles nautiques des côtes et les pavillons étrangers jusqu’à 6. Mais ces derniers n’hésitent pas à s’aventurer dans les zones réservées aux Gabonais, lesquelsviennent,eux,ratisserlesestuaires, poussant en bout de course les pêcheurs artisanaux à se rabattre sur les mangroves, c’est-à-dire les nurseries des côtes gabonaises.Uncycledangereux.«Ilyaquelques années, les sociétés Amerger et Asti Pêche exportaient 2000 tonnes de crevettes par an, mais la surpêche a fait des ravages et la pêche artisanale a dépeuplé les mangroves desalevins,quisontvendussurlesmarchés comme condiments, et la ressource s’est effondrée », explique Koumba Kombila.
SIFRIGAB. À l’autre bout de la chaîne, l’usine de la Société industrielle et frigorifique du Gabon (Sifrigab) était inaugurée, en 2005, dans la ville portuaire d’Owendo (périphérie sud de Libreville) Plan pour l’exploitation rationnelle des stocks halieutiques, pour approvisionner le marché local et investissements conséquents du mauricien Ireland Blyth Limited… viser le marché européen. Aujourd’hui, Bienvenue dans le monde marin du Gabon bleu. « ses chalutiers sont en train de couler, les entrepôts ont fermé et 60 tonnes de n connaissait le Gabon vert poisson pourrissent dans l’usine, qui est de sa consommation de poisson. Ces menacée par l’explosion des gaz de feret ses 220 000 km2 de forêt ressources s’avèrent cependant de plus mentation », constate Kombila. tropicale (82 % du territoire). en plus convoitées. Fin décembre 2012, C’est pour la sauver qu’une délégation Il y a désormais le Gabon quatre chalutiers sans licence battant gabonaise a signé le 7 février, à Maurice, bleu, une zone économique exclusive pavillons togolais et camerounais étaient un accord de partenariat public-privé de de quelque 213 000 km2 d’océan. « Une ainsi arraisonnés au large de Port-Gentil, 100 millions d’euros avec Ireland Blyth nouvelle couleur à ajouter à la carte », dans les zones pétrolières interdites, les comme l’écrivait en novembre 2012 le cales chargées de poissons pêchés. Limited(IBL),l’undesplusgrandsgroupes scientifiqueaméricainMikeFaye,deretour d’affaires mauriciens et lead’une mission d’évaluation des richesses der de l’industrie halieuLe secteur représente moins de 2 % marines du pays qu’il effectuait pour l’État. tique. IBL va reprendre la du PIB du pays, qui importe l’essentiel gestion et réorganiser les Ex-sociétaire de l’ONG internationale de sa consommation de poisson. Wildlife Conservation Society (WCS) et activités de Sifrigab, dévedirecteur technique de l’Agence nationale lopper la pêche hauturière, des parcs nationaux (ANPN), Mike Faye a SUSPENSION. La création de la compuis créer d’autres unités industrielles depuis été nommé conseiller spécial du mission interministérielle Gabon bleu ainsi qu’un chantier naval. Sans échapper à la vigilance des experts de Gabon bleu : président, chargé du programme Gabon « apporte à l’État une réactivité accrue « IBL a un potentiel de transformation dans les domaines de l’évaluation, de la bleu – qui devient le quatrième pilier du extraordinaire, prévient Kombila. Mais surveillance et de la réglementation du projet de société. il ne faudrait pas qu’ils vident nos eaux L’expédition sous les mers a confirmé secteur, c’est aussi un bon outil pédagopour leurs besoins. » Qu’il soit vert ou ce que savaient les pêcheurs en surface : gique pour sensibiliser les acteurs de la bleu, le Gabon reste confronté au même les ressources halieutiques gabonaises filière », explique Koumba Kombila, resdéfi : assurer un développement durable ponsable des questions liées à la pêche à restent importantes, alors que la pêche représente pourtant moins de 2 % du PIB autant que rentable. ● l’ANPN. Et la première mesure concrète du pays, qui importe une grande partie LAURENT DE SAINT PÉRIER ne s’est pas fait attendre. Début janvier, PÊCHE
Des millions sous la mer
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JEUNE AFRIQUE
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Définition et conduite de la politique monétaire
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Émission de la monnaie
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Conduite de la politique de change
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Promotion de la stabilité financière
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Gestion des réserves officielles de change
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Promotion des systèmes de paiement et de règlement
La Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC) est la Banque Centrale de la CEMAC, pilier de la coopération monétaire, fleuron et socle de l’intégration dans la CEMAC.
Communiqué
La BEAC est la Banque centrale commune des six États qui constituent la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale, la CEMAC : Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée équatoriale et Tchad.
semble des pays de l’UMAC et en garantit la stabilité. Sans préjudice de cet objectif, elle apporte son soutien aux politiques économiques générales élaborées par les États membres. Chargée à ce titre de définir et de conduire la politique monétaire de l’UMAC, de conduire la politique de Les 22 et 23 novembre 1972, furent signés à Brazzaville au change, de gérer les réserves officielles de change des ÉtatsCongo les accords de coopération monétaire, qui portèrent membres, de veiller au bon fonctionnement des systèmes la BEAC sur les fonds baptismaux. de paiement et de promouvoir la stabilité Précieux héritage de leurs liens 1972-2012 : Quarante ans au financière, la BEAC est un organe essenhistoriques et privilégiés noués tiel de l’intégration économique en Afrique service de l’Afrique Centrale Centrale. avant les indépendances, la BEAC témoigne de la ferme volonté des États membres de poursuivre une coopération monétaire Grâce, d’une part, à l’esprit de solidarité et de discipline mutuellement bénéfique, pilier de l’intégration dans la de ses États membres et, d’autre part, à la capacité d’adapsous-région de l’Afrique Centrale. Ce, au service de leurs tation à son environnement en perpétuel mouvement, la Peuples respectifs. BEAC continue de donner satisfaction à tous les acteurs du développement économique et social des États de la La BEAC est un établissement public international afri- CEMAC. Son efficacité, son indépendance et son autorité cain régi par ses statuts, la Convention instituant l’Union sont le gage de la confiance des populations et des entreMonétaire de l’Afrique Centrale (UMAC) ainsi que la prises, africaines ou internationales, en la monnaie émise Convention de coopération monétaire passée entre la par la BEAC. En effet, le franc de la Coopération FinanFrance et les États membres de l’UMAC. cière en Afrique Centrale (franc CFA) est l’une des monnaies africaines les plus stables depuis les indépendances, La BEAC émet la monnaie unique, le franc CFA, ayant du fait, en particulier, d’une politique monétaire rigoureuse cours légal et pouvoir libératoire sur le territoire de l’en- et clairvoyante. BEAC, Banque des États de l’Afrique Centrale BP 1917, Yaoundé, Cameroun - Tél. : (+237) 22 23 40 30, Fax : (+237) 22 23 34 68 - www.beac.int
MABOUP
Banque des États de l’Afrique Centrale
Le Plus de J.A. ce jour, soixante-quatorze investisseurs ont acquis des parcelles et plusieurs contrats sont en cours de finalisation : 80 % de la superficie de la phase 1 est déjà réservée. » INSTALLATIONS. Sur place, mille deux
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La phase 1 sera entièrement opérationnelle en 2014. PÔLES INDUSTRIELS
Ce que Nkok a de si spécial
La première zone économique développée par Olam Gabon n’est plus une utopie. Visite de chantier.
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«
e Gabon avance », annonce, en anglais, le panneau marquant l’entrée de la zone économique spéciale de Nkok, à 27 km à l’est de la capitale. Derrière la barrière automatique, un large boulevard bordé de jeunes palmiers conduit à un vaste rond-point. Au centre, une sculpture représentant les trois présidents tenant la carte du Gabon : Léon Mba, le père de l’indépendance, Omar Bongo Ondimba, qui a défriché les voies du développement, et Ali Bongo Ondimba, l’homme de l’émergence. Lequel, pour donner corps à son projet, a lancé la création de deux zones franches, l’une à Nkok (1 126 ha), à proximité de Libreville, l’autre sur l’île de Mandji (1 500 ha), au large de Port-Gentil, la deuxième ville du pays. Développées plus spécialement à l’intention des industriels du bois, à Nkok, et des hydrocarbures, à Mandji, ces zones économiques spéciales (ZES) visent à favoriser les activités de transformation et la valeur ajoutée à l’exportation. L’idée est née dans les dernières années de la présidence d’Omar Bongo avec l’adoption, en 2002, d’un cadre législatif qui établissait des incentives pour la zone de Mandji, aujourd’hui adaptées et étendues à celle de Nkok : N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
exonération d’impôts pendant dix ans (puis défiscalisation de 10 % pendant cinq ans), exonération des droits de douane et de la TVA, etc. VITRINE. C’est en 2010 que l’idée a vrai-
ment pris corps, avec la signature d’un partenariat public-privé entre l’État et le groupe singapourien Olam. Il débouchera sur la gestion de Nkok par une coentreprise détenue à 40 % par l’État et à 60 % par l’industriel. « Cette ZES sera la vitrine internationale du nouveau savoir-faire d’Olam en la matière, explique Jenny Mvou, d’Olam Gabon. À
cents ouvriers s’activent encore. La réalisation de la première phase du projet, qui en compte deux, a nécessité un investissement de 120 milliards de F CFA (183 millions d’euros). Les terrains ont été défrichés, terrassés et quadrillés de routes, les installations électriques sont prêtes à être connectées, mais les bâtiments sont encore rares. À côté de la barrière sous douane, s’achève la construction du guichet unique où les investisseurs pourront effectuer l’ensemble des démarches administratives. Plus loin, une structure en poutres d’acier sort de terre : la future usine de Chaudronnerie du Gabon. Jenny Mvou indique un petit hangar devant lequel sont empilés des madriers. C’est une scierie, la première usine en activité du site. Elle a déjà commencé à exporter. La principale entrave aux installations des entreprises reste l’achèvement de la rénovation de la RN1 entre Libreville et Nkok, qui accuse un gros retard et contraint à emprunter l’ancienne route, dégradée et ultraencombrée. À terme, Nkok sera aussi desservi par le chemin de fer et un débarcadère le reliera au port d’Owendo. « La phase 1 sera pleinement opérationnelle en 2014 », annonce Jenny Mvou. À un an de l’échéance, la ZES, qui avait suscité les commentaires sceptiques des opposants, n’est encore qu’un petit pôle d’activité, mais plus une utopie. ● LAURENT DE SAINT PÉRIER
UN DEUXIÈME AÉROPORT POUR LIBREVILLE ALORS QUE son chantier devait débuter en 2009, la première pierre du second aéroport de Libreville n’a jamais été posée, le combat des ONG ayant fini par avoir raison du projet de Malibé 2, situé en bordure du parc national d’Akanda. La présentation en Conseil des ministres, le 21 février, d’une
redevance spéciale pour financer la nouvelle infrastructure confirme le choix plus consensuel d’Andème, à 65 km de la capitale et 40 km de Nkok, qui permettra de désengorger l’aéroport Léon-Mba, dont le trafic ne cesse de progresser. Sous l’effet de la Coupe d’Afrique des nations (CAN), ce
dernier a été rénové et a accueilli 830 376 voyageurs en 2012 contre 773 000 en 2011. Sa capacité maximale, prévue pour un trafic de un million de passagers et de 40 000 tonnes de fret (20 500 t en 2011), devrait être atteinte d’ici à dix ans, justifiant le projet L.S.P. d’Andème. ● JEUNE AFRIQUE
Le Gabon change-t-il vraiment ? AMÉNAGEMENT
En ordre de bataille Ancien officier des Royal Marines, Jim Dutton dirige l’Agence nationale des grands travaux depuis novembre. Un poste particulièrement stratégique.
La même année, le gouvernement gabonais signe un accord de partenariat avec Bechtel pour l’élaboration du Plan directeur national d’infrastructures et la mise en place de l’ANGT. Avant d’être mobilisé sur le terrain gabonais, Dutton s’est aguerri pendant quatre mois dans le Golfe, sur le chantier du port et de la zone industrielle Khalifa, une des plus vastes au monde. Après six autres mois à Londres passés à se plonger dans les dossiers gabonais, il est nommé directeur de programme de Bechtel à Libreville, puis prend la direction générale de l’ANGT en novembre 2012. Très rapidement, il marque ses différences avec son prédécesseur, Henry Ohayon : révision de certains projets, remise au pas des effectifs et réorganisation de l’agence, qui relooke au passage son identité visuelle.
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2013 ANNÉE CHARNIÈRE. « Pour plus
Le Britannique pilotait le programme de l’américain Bechtel au Gabon.
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a poignée de main ferme mais chaleureuse, son visage émacié adouci par un franc sourire, Jim Dutton, 59 ans, reçoit dans son vastebureaudedirection,aupremierétage d’un immeuble flambant neuf. C’est là que ce lieutenant-général des Royal Marines – « qui ne sont pas des marins » précise-til – a établi son poste de commandement, désigné en novembre 2012 pour succéder à Henry Ohayon à la direction de l’Agence nationale des grands travaux (ANGT), structure interministérielle créée début 2010 pour organiser et mener à bien les « chantiers de l’émergence ». C’est en treillis qu’il a découvert, en 1998, une Afrique tourmentée. À la tête d’un détachement de commandos, il était chargé de l’évacuation des résidents britanniques de la RD Congo en guerre. Ses missions l’amenèrent ensuite en Irak, puis JEUNE AFRIQUE
en Afghanistan où il organisait encore la contre-insurrection il y a trois ans. Le Telegraph le décrivait à l’époque comme « un homme posé, réfléchi, sans rien du machisme bourru de certains officiers et qui ne badine pas avec la vie de ses hommes. Il était tout simplement calme, froidement professionnel dans son métier de combattant ». EMBAUCHÉ. Quand l’heure
d’efficacité et de transparence, nous avons procédé à une restructuration de nos activités en quatre sections bien distinctes : planification, projets du plan directeur, projets spéciaux et département commercial ». Cette rationalisation devrait permettre à l’ANGT d’atteindre sa vitesse de croisière en 2013, année cruciale comme le souligne Dutton : « Les chantiers de la Coupe d’Afrique des nations sont derrière nous et nous pouvons maintenant nous concentrer sur nos grands chantiers. » Avec beaucoup de retard, la construction des logements sociaux a enfin débuté à Angondjé (lire p. 93) – le nouveau directeur général de l’Agence annonce que mille maisons y seront construites cette année –, et l’ANGT prévoit de multiplier les appels d’offres, comme celui lancé en décembre pour l’aménagement du PortMôle, point de départ d’un ambitieux projet de valorisation du centre-ville : le « Champ triomphal ».
Autre mission sensible : la « gabonisation » de l’ANGT.
de la retraite sonne en 2010, Bechtel, le leader américain du BTP, l’approche. « C’est un groupe qui a une structure très hiérarchisée et un fonctionnement proche de celui d’une armée, et qui a donc pris l’habitude de recruter beaucoup de vétérans familiers avec ces méthodes », explique la recrue, qui a troqué sans hésiter le battle-dress ocre pour un deux-pièces cravate.
Autre mission stratégique pour Dutton, la « gabonisation » de l’agence, qui ne compte que quatre-vingt-quinze employés locaux sur deux cent quarante. Dutton est ainsi en train de faire modifier son adresse mail « @bechtel.com » en « @ angt-gabon.com ». Tout un symbole. ● LAURENT DE SAINT PÉRIER N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
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TIPHAINE SAINT CRIQ POUR JA
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Un lotissement à Okala, en banlieue de la capitale (livré en 2011). HABITAT
Urgence! Les piliers du projet présidentiel ne tiendraient pas longtemps sans fondations solides. Et l’une de celles sur lesquelles le chef de l’État est le plus attendu reste le plan national « Un logement pour tous ».
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dapter le pays aux évolutions de l’urbanisation est un défi herculéen : 75 % de son million et demi d’habitants résident aujourd’hui dans les villes (dont 40 % dans la capitale), où le Gabon doit construire 200 000 logements pour remplacer les matitis et les mapanes, ces bidonvilles périurbains où les notions de cadastre et d’urbanisme n’ont pas droit de cité. En 2009, le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) estimait que « 80 % de la population de Libreville [vivait] dans des conditions d’insalubrité, d’insécurité foncière, de précarité de l’habitat et de sous-intégration, par rapport aux équipements urbains actuels ». PROMESSES. Sur les 200 000 logements
nécessaires, le président Ali Bongo Ondimba s’était engagé en 2009 à en construire 35 000 d’ici à la fin de son mandat, soit une moyenne de 5 000 nouvelles unités par an. À mi-parcours, N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
l’objectif est très loin d’être atteint. Quelques centaines d’habitations ont commencé à être livrées ici et là, mais la plupart des lotissements prévus dans l’ensemble du pays n’ont pas encore émergé. Des retards qui sont devenus l’un des chevaux de bataille favoris de l’opposition pour fustiger la politique présidentielle. « Le chef de l’État avait promis 5 000 logements par an. On est passé à 3 000, puis 1 000, puis 500… Pendant ce temps, des Gabonais doivent se creuser
des terriers dans des décharges ! » raille Richard Moulomba, président de l’Alliance pour la renaissance nationale (Arena). Au Palais du bord de mer, on reconnaît ce retard, lié notamment à des questions foncières, mais on assure mettre les bouchées doubles pour que le temps perdu soit bientôt rattrapé. DROIT FONCIER. François Parmantier,
le directeur de l’Agence française de développement (AFD) à Libreville, qui gère notamment des programmes de coopération dans le domaine des infrastructures, porte un regard moins passionné sur le sujet : « On est confrontés à la conséquence de plusieurs dizaines d’années de défauts d’investissements
AU PROGRAMME PLUSIEURS ensembles de logements sont en cours dans la capitale, notamment à la Mondah (150 maisons), et, début 2013, BGFI Bank a octroyé un prêt de 100 milliards de F CFA
(152,5 millions d’euros) sur trois ans à la Société nationale immobilière (SNI) pour financer la construction de plus de 3 800 logements répartis entre les villes d’Owendo, Franceville,
Moanda, Lambaréné, Mouila,Tchibanga, Makokou, KoulaMoutou, Port-Gentil et Oyem, dont environ les deux tiers en accession à la propriété et le reste en locatif. ● CÉCILE MANCIAUX JEUNE AFRIQUE
Le Gabon change-t-il vraiment ? dans ce secteur. Les acteurs, étatiques ou privés, ont été mobilisés en urgence, et ce souci de rapidité a pu conduire à ne pas faire les choses dans l’ordre au niveau de la gestion administrative et des infrastructures. » Parmi les premiers à s’être installés, il y a un an et demi, dans un lotissement neuf d’Okala, en banlieue de la capitale, Laurent dresse un constat désabusé : « Les canalisations ont éclaté, et j’ai dû installer des citernes
d’eau dans mon jardin. Le compteur électrique n’a toujours pas été posé, et nous devons nous alimenter sur le compteur de l’agence immobilière… » Autres causes de retard, mises en exergue par Jim Dutton, le directeur de l’Agence nationale des grands travaux (ANGT, lire p. 91), l’urgence de réaliser dans les temps les infrastructures pour l’accueil de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2012, ainsi que
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les problèmes de cadastre et de droit foncier, qui ont contraint à éradiquer l’habitat informel avant de pouvoir viabiliser les terrains sur lesquels les nouveaux lotissements doivent être construits. Mais à l’ANGT comme à la présidence on assure que les fondations des programmes prévus dans le plan national « Un logement pour tous » sont désormais solidement posées. ● LAURENT DE SAINT PÉRIER
Angondjé l’arlésienne Les terrains enfin viabilisés, les premières maisons de la ville nouvelle devraient être livrées cette année, avec plus de un an de retard.
JEUNE AFRIQUE
XAVIER BOURGOIS POUR J.A.
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es deux coquilles du Stade de l’amitié sino-gabonaise pointent à l’horizon. Sur un côté de la route impeccable qui mène à lazone des nouveauxlotissementsd’Angondjé,dansle nord de Libreville, s’alignent des magasins d’ameublement, des dépôts de matériaux de construction et de belles villas toutes neuves aux tons ocre et pastel, des maisons construites par des particuliers qui ont rapidement vu l’intérêt d’investir dans ce nouveau périmètre résidentiel, présenté à grandsrenfortsdecommunicationcomme le quartier idéal. Mais où sont les lotissements exemplaires annoncés ? De l’autre côté de la route, des terrains vagues. Sur certains, délimités par des barrières aux couleurs de Socoba-EDTPL (filiale du groupe Jean Lefebvre), quelques bulldozers arasent des surfaces marécageuses. Tel un phare, le stade (autour duquel le quartier doit prendre corps) domine pour l’instant un océan d’herbes hautes. À chacun des ronds-points qui jalonnent le parcours, on hésite sur la voie à suivre. On passe devant les pavillons de l’Institut de cancérologie, un complexe hospitalier flambant neuf, la route semble se noyer dans une grande mare rouge de latérite, quand soudain,derrière un alignement de conteneurs bleus, apparaissent de grands squelettes d’immeubles en poutres d’acier sur lesquels des ouvriers, arborant casques et gilets fluos, greffent un épiderme en plaques de matériaux composites. C’est là que Dorce, spécialiste turc du préfabriqué, commence à assembler
Le futur quartier résidentiel doit servir de modèle.
inadaptation de ces préfabriqués aux terrainsmarécageuxetauxrigueursduclimat, l’ANGT précise que les matériaux ont été soigneusement choisis en fonction de ces PRÉFABRIQUÉ. Alors qu’en mai 2012 le directeur de l’Agence nationale des grands contraintes. travaux (ANGT), Henri Ohayon, annonçait Sur une partie du site, une vingtaine de maisons témoins, coquettes et soignées, que 1000 logements sociaux seraient livrés en décembre et que 5000 autres le seraient individuelles ou collectives, sont présenen 2013, son successeur, Jim Dutton, se tées aux visiteurs, en prélude à celles qui seront construites en série dans les mois à venir selon Deux entreprises turques sont les principes du développeà pied d’œuvre pour construire ment durable édictés par le 1 000 unités d’ici à décembre. SmartCode, un modèle international de développement montre beaucoup plus réaliste. Il table urbain, qui place l’aménagement durable au centre des priorités. Les lotissements sur la construction de 1 000 logements à Angondjécetteannée,soulignantquedeux d’Angondjé étant eux-mêmes censés serentreprises turques sont à pied d’œuvre vir de modèle aux nouveaux logements – peut-être bientôt une troisième –, et qui doivent être construits dans tout le que le recours au préfabriqué (qui ne sera pays, puissent les difficultés qu’ils ont pas systématique) permet une grande rencontrées servir, aussi, de leçon pour rapidité d’exécution et des coûts modérés. le déroulement des futurs chantiers. ● Et à ceux qui s’interrogent sur l’éventuelle L.S.P. les premiers des 598 logements qu’il doit bâtir, pour 2 000 habitants.
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SÉCURITÉ, CÂBLAGE, APPELS INTERNATIONAUX : DES SERVICES PERSONNALISÉS
Le Plus de J.A.
XAVIER BOURGOIS POUR J.A.
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SANTÉ
Pourquoi diable aller se faire soigner Les hôpitaux sont bien équipés, les praticiens compétents. Pourtant, dès qu’ils en ont les moyens, les Gabonais vont consulter à l’étranger. Enquête en milieu médical.
O
n s’en souvient comme si c’était hier. Le 5 mai 2009, transporté dans un avion médicalisé, Omar Bongo Ondimba quittait Libreville pour une clinique privée de Barcelone, en Espagne, où il allait décéder le 8 juin. Comme lui, les Gabonais les plus fortunés choisissent d’aller se faire soigner en Europe, l’élite politico-administrative et celle des affaires
accordant une confiance toute relative au système de santé du pays. Une habitude qui, même si elle a cours dans nombre de pays subsahariens, laisse toujours perplexe. Pour comprendre le phénomène, il faut regarder au-delà du bon niveau d’équipement des hôpitaux du pays, largement à la hauteur de celui des grands pays africains. Le nombre n’est pas non plus
DES PATIENTS ENFIN PRIS EN CHARGE
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epuis sa création en 2007 et sa mise en place visant à couvrir les soins prodigués aux patients, la Caisse nationale d’assurance maladie et de garantie sociale (CNAMGS) est une réussite. Bien sûr, tout ne fut pas parfait, puisque le système n’est devenu réellement opérationnel qu’à N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
partir de 2009. Cependant, la prise en charge des malades est désormais devenue une réalité, et les Gabonais « économiquement faibles » ne paient plus qu’entre 10 % et 15 % de leurs factures. Le dispositif devrait rapidement étendre sa couverture à tous les Gabonais (fonctionnaires, puis salariés du privé),
comme le prévoit la loi. Par ailleurs, en tant qu’organisme payeur, la Caisse peut formuler des exigences de qualité à ses prestataires et mettre en concurrence les hôpitaux publics, les structures paraétatiques et les établissements privés. Une césarienne ou une
fracture du col du fémur pourraient ainsi avoir le même coût dans le public et dans le privé. Uniformisation du remboursement des actes, mais libre concurrence en ce qui concerne les types d’interventions. Ceux qui refuseront de jouer le jeu s’excluront d’eux-mêmes G.D. du système. ● JEUNE AFRIQUE
ð Le centre hospitalier de Libreville (CHL).
ailleurs ? un problème, chaque province du pays disposant d’au moins un établissement public, privé ou confessionnel. Certains fonctionnent très bien, à l’instar de l’hôpital militaire de Libreville. Sans doute la meilleure structure hospitalière du pays : l’établissement est neuf (inauguré en novembre 2005), doté d’un plateau technique de pointe, on peut y consulter des spécialistes de bon niveau et il y règne une discipline toute militaire. Ses responsables ont par ailleurs eu l’heureuse initiative de signer des conventions de coopération avec des médecins exerçant, notamment, en Europe, qui viennent prodiguer des soins spécialisés à intervalles réguliers. Les tarifs sont alignés sur ceux de la fonction publique, et l’hôpital entretient des relations privilégiées avec la Caisse nationale d’assurance maladie et de garantie sociale (CNAMGS, lire encadré), facilitant ainsi la prise en charge des patients. JEUNE AFRIQUE
MINÉS. En revanche, et c’est évidem-
ment là que le bât blesse, les Gabonais se méfient des hôpitaux publics, où les dysfonctionnements sont récurrents. C’est le cas notamment du centre hospitalier de Libreville (CHL), relativement bien équipé, mais qui doit améliorer son organisation, les gardes, la prise en charge des malades… et réduire le niveau élevé de la corruption – si les soins y sont théoriquement gratuits, les dessous-de-table y sont également pratique courante. Les trois hôpitaux anciennement gérés par la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), rétrocédés en janvier 2012 au ministère de la Santé publique, n’ont pas non plus bonne réputation. Celui de la Fondation Jeanne Ebori va d’ailleurs être détruit pour une reconstruction devant s’achever fin 2015 ; quant aux deux autres, l’hôpital pédiatrique d’Owendo (banlieue industrielle de Libreville) et l’hôpital Paul-Igamba de Port-Gentil, ils sont minés par un climat social délétère, les syndicats redoutant la mise en place d’un plan social à la suite du passage de ces établissements dans le giron de la CNAMGS. De manière globale, les hôpitaux gabonais manquent de personnel qualifié. « Non seulement il y a un gros problème de formation, mais plusieurs médecins mis à la retraite n’ont pas été remplacés, du coup nous manquons de spécialistes », avance le Dr Sylvie Nkoghe Mbot, chirurgien-dentiste à l’hôpital pédiatrique d’Owendo. Cela expliquerait, entre autres, pourquoi plusieurs services ne fonctionnent plus depuis des années. Séraphin Akouré Davain, chirurgienorthopédiste, va plus loin : « Tous les secteurs sont touchés. Nous ne sommes que quatre ou cinq à exercer dans ma spécialité dans tout le pays, autant dire une goutte d’eau dans la mer, quand on considère le nombre d’établissements par province et le nombre de patients, dans un pays de 1,5 million d’habitants. » Ainsi les hôpitaux sont-ils régulièrement contraints de transférer un blessé de Franceville (Haut-Ogooué) ou de Bitam (Woleu-Ntem) jusqu’à Libreville, même lorsque le cas ne le nécessite pas. Alors, quand on en a les moyens, autant s’envoler pour l’Afrique du Sud, l’Europe ou les États-Unis… ● GEORGES DOUGUELI N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
BANQUE GABONAISE DE DÉVELOPPEMENT
Lutte contre la pauvreté et l’exclusion bancaire, financement des particuliers, des entreprises et des collectivités locales : la Banque gabonaise de développement (BGD) inscrit pleinement son action dans la stratégie nationale du Gabon émergent. Le siège social de la BGD, à Libreville
Une banque unique en son genre
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epuis sa création le 8 juin 1960, la Banque gabonaise de développement (BGD) n’a jamais failli à ses missions de financement du développement économique et de lutte contre la pauvreté. Forte de plus d’un demi-siècle d’existence, elle met aujourd’hui son expérience et ses compétences au service de la politique du « Gabon émergent », lancée par le Président de la République Ali Bongo Ondimba.
L’agence de Franceville
MODERNE ET À VOCATION SOCIALE L’une des plus anciennes institutions financières du Gabon et la seule dont la vocation soit avant tout sociale, la BGD n’en est pas moins une banque au sens moderne du terme. C’est à dire qu’elle doit, comme ses concurrentes privées, respecter la règlementation internationale, appliquée au plan régional par la Commission bancaire d’Afrique centrale (Cobac). Comme toute banque universelle, les ressources de la BGD proviennent principalement de ses fonds propres et des dépôts de la clientèle ainsi que des lignes de refinancement dont elle peut bénéficier auprès des institutions financières locales et internationales.
L’agence de Mouila
PUBLI-INFORMATION
Présente sur l’ensemble du territoire
L’agence de Lambaréné
L’agence Padouk-Okala, à Libreville
L’agence de Port-Gentil
L’agence d’Oyem
BANQUE GABONAISE DE DÉVELOPPEMENT
Au cœur du développement LA BANQUE DE TOUS LES GABONAIS Pour mener à bien ses missions auprès des entreprises, des collectivités locales et des particuliers, la BGD s’appuie sur sa présence effective dans l’ensemble du pays grâce à un réseau de bureaux et d’agences qui couvre les neuf provinces du Gabon, y compris celles qui sont délaissées par les autres banques. Deux nouvelles agences s’ouvrent à Libreville, qui concentre une grande partie de l’activité économique, pour renforcer ce véritable maillage. Il permet à la BGD de remplir pleinement l’une de ses missions fondamentales – garantir à l’ensemble de la population l’accès à des services bancaires modernes – et d’être l’un des partenaires les plus actifs de l’État dans sa politique d’accès au logement et de lutte contre l’exclusion bancaire.
BP 5 – rue Alfred Marche, Libreville, Gabon Tél. : (241) 76 24 29 Fax : (241) 74 26 99
www.bgd-gabon.com
Ouverte à tous, avec des produits adaptés aux particuliers, aux entreprises et aux collectivités locales, la Banque gabonaise de développement joue à plein ses missions en faveur de la lutte contre la pauvreté. De plus en plus présente aux côtés des entreprises de toutes tailles, elle participe pleinement au financement du développement économique du Gabon. ■
3 questions à Roger Owono Mba
« Participer davantage au financement des PME » Quelles sont les orientations stratégiques de la BGD pour 2013 ? Roger Owono Mba : En sa qualité de banque de développement, clairement soutenue par l’État, la BGD se doit d’assurer des missions de service public qui ellesmêmes contribuent à la stratégie de développement économique du Gabon. L’une de ces missions est de participer davantage au financement des Petites et moyennes entreprises. Elles représentent d’importants gisements d’activité et d’emplois mais elles ne sont pas forcément bien accompagnées dans le cadre de leur expansion. Comment comptez-vous y parvenir ? Roger Owono Mba : Nous renforçons progressivement les équipes, nous formons nos collaborateurs pour qu’ils soient plus à même de dialoguer avec les chefs d’entreprise et de les appuyer dans leurs démarches bancaires. Nos agences couvrent l’ensemble du pays, sans exception, ce qui nous confère à la fois
Administrateur Directeur Général de la BGD.
une bonne connaissance du terrain et une forte proximité avec nos clients. Nous nous efforçons également de proposer des produits de plus en plus adaptés à leurs besoins spécifiques. Ce sont des atouts importants. L’objectif est vraiment de devenir une référence au Gabon dans le financement des PME. Et dans les autres domaines ? Roger Owono Mba : Nous proposons les mêmes produits que n’importe quelle autre banque et nous progressons en permanence pour offrir toutes les prestations d’une banque moderne, aux entreprises comme aux particuliers. Sur ce volet d’élargissement de notre gamme de prestations, en plus des prêts à la consommation et immobiliers et compte tenu de notre forte présence sur le territoire, nous participons à l’amélioration du taux de bancarisation dans le pays. C’est une autre mission de service public que nous entendons assurer au service du développement du Gabon. ■
Le Plus de J.A.
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PORTRAITS
Enfants adoptifs
L’un a débarqué à Libreville il y a plus d’un demi-siècle, l’autre au cœur de la Lopé il y a près de vingt-cinq ans. Des origines et des parcours différents, mais un même attachement viscéral au pays dont ils sont devenus, chacun à sa façon, des figures.
Christian Desplaces À La Tonkinoise
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DAVID IGNASZEWSKI POUR J.A.
eregardimpassibled’unsamouraïenméditation,immobile derrière l’épaisse planche de padouk – appelé aussi bois de corail – qui sert de comptoir, Christian Desplaces scrute les allées et venues de ses employés qui déposent poulet au curry, steaks tartares ou crabes farcis devant ses clients. Aujourd’hui niché dans un jardin de Louis, son restaurant, La Tonkinoise, est l’héritier d’une institution familiale fondée il y a un demi-siècle et qui a compté Omar Bongo Ondimba parmi ses visiteurs. C’est en 1956, alors âgé de 4 ans, que le Franco-Vietnamien se retrouve à Libreville. L’Indochine n’est plus française, le Gabon si. En 1960, le pays accède à l’indépendance, et Christian grandit au rythme du jeune État. Davantage porté vers les arts martiaux que sur les études, il a d’abord fait carrière dans la sécurité en assurant celle des puissants. Ce qui le rendra témoin des petits détails du pouvoir, de ceux qui donnent du corps à l’Histoire. En 1994, il quitte le dojo pour prendre la relève de sa mère au restaurant. Rentrer en France ou au Vietnam ? Il n’y pense pas. Sa place est au Gabon, pour toujours. ● LAURENT DE SAINT PÉRIER
Lee White Greystoke du XXIe siècle
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ROB ROSS
ritannique depuis sa naissance, il y a 47 ans, il est aussi gabonais depuis sa naturalisation, en 2008. Et sûrement bien avant. Depuis qu’il s’est mis au service de sa forêt, où deux de ses trois enfants sont nés, dans les années 1990. De son île natale, Lee White a gardé l’humour discret, le teint de porcelaine et un léger accent qui adoucit son excellent français. Mais il règne aujourd’hui sur les jungles du Gabon, où il a été nommé secrétaire exécutif de l’Agence nationale des parcs nationaux (ANPN) en octobre 2009. Né à Manchester, dans le nord-est de l’Angleterre, il effectue dès sa petite enfance des allers-retours entre l’Afrique et l’Europe. Après un cursus primaire en Ouganda et secondaire au Royaume-Uni, White prend son premier poste d’assistant de recherche en Sierra Leone alors qu’il prépare sa maîtrise en zoologie, puis s’engage en tant que conservateur dans une réserve au Nigeria. Inscrit à l’université d’Édimbourg pour un doctorat, il établit son campement au Gabon, en 1989, dans la réserve de la Lopé-Okanga, une aire protégée de 5 000 m2 au cœur du pays. Il a trouvé son éden. Diplômé en 1992, il s’y installe pendant cinq ans en tant que scientifique associé pour l’ONG américaine Wildlife Conservation Society (WCS), avant de prendre la direction de WCS Gabon, en 1997. L’influence décisive de Lee White dans la création du réseau des parcs nationaux du pays, en 2002, en a fait un conseiller privilégié de la présidence en matière environnementale. Il est aujourd’hui un acteur essentiel du pilier Gabon vert du Plan d’émergence d’Ali Bongo Ondimba. ● L.S.P.
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JEUNE AFRIQUE
Le Gabon change-t-il vraiment ?
Luc Lemaire Reparti au cœur du monde
C’
ENCYCLOPÉDIQUE. Luc Lemaire avait fêté en janvier ses 51 ans, dont quatorze passés au Gabon. Devenu journaliste à la fin des années 1980 après des études encyclopédiques – mathématiques, puis photographie à l’école Louis-Lumière, audiovisuel et société à Paris-VIII, préhistoire à Paris-X –, il fit escale à Libreville un jour de 1999 et ne l’a plus quittée. « Le hasard n’existe pas»,aurait-ildit,enbonGaboma.Après une quinzaine d’années à bourlinguer à travers le monde, il pose donc ses valises dans la capitale gabonaise pour y travailler dans la communication (chez AfrocomInternationalpuischezTélécel, devenu Moov Gabon). Il participe, entre autres, à la naissance de la radio librevilloise Black FM, crée sa société – les Éditions ACI –, devient éditeur du site
DR
était son recueil de poésie préféré, Au cœur du monde, de Cendrars. « Luc a été de ceux qui, nés Européens, ont choisi d’afficher ce qui fait d’eux des Africains à part entière », écrit Michael Benson, Camerounais résidant à Washington, sur la page Facebook de Luc Lemaire, noyée sous les hommages. Cette figure des médias gabonais a été emportée, le 27 mars, par une crise foudroyante de paludisme, grand fléau du continent. Il laisse sa femme – qu’il avait épousée le 27 mars 2010 – et leurs trois jeunes enfants.
gaboneco.com (repris depuis) et, en 2007, lance le mensuel Business Gabon. En mars 2011, les Éditions ACI s’effacent pour laisser la place à quatre entreprises spécialisées : ACI Presse pour l’édition et la presse (Business Gabon, les lettres d’informations Green Business et Confidentiel Gabon ainsi que le site gabonreview.com, dont il était directeur
n, ervair Gabo onde pour S Le goût du m des normes respectueux c’est d’être les. écificités loca es et des sp ne international ration aérien de la restau rs ie ét m es Le goût d portuaires. services aéro es d x u ce e d et aussi our répondre du service p t û go le r, Et bien sû passagers diennes des ti o qu s te n aux atte de Libreville. international de l’aéroport
de la rédaction), Impress (imprimerie numérique), Item CPC (studio multimédiaetproductiondéléguée)etStudio graphique(créationgraphique).Endeux ans, le quotidien en ligne Gabonreview était devenu la référence en matière d’informations sur le pays. Pays qui vient de perdre l’un de ses fils adoptifs les plus féconds. ● L.S.P.
Le goût du monde
www.servair.fr
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SFM Safari Gabon construit ses premières chambres avec vue sur le parc national de Pongara.
TOURISME
Destination quatre étoiles
Hôtels d’affaires ou écolodges, le pays passe enfin la vitesse supérieure pour accueillir davantage de visiteurs, dans de meilleures conditions. Avec une offre essentiellement haut de gamme.
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usqu’alors anecdotique, le tourisme est devenu l’un des axes du « Gabon émergent » d’Ali Bongo Ondimba, qui l’a inscrit parmi les vecteurs de développement de deux des piliers de sa stratégie, celui de l’économie verte, avec l’écotourisme, et celui des services. Bien décidé à capitaliser sur un écosystème aussi riche qu’exceptionnel, le pays entend bientôt compter parmi les grandes destinations touristiques de l’Afrique subsaharienne et commence à se donner les moyens de ses ambitions. Il bénéficie pour cela de l’implication de son président, « véritable VRP du Gabon en direction des investisseurs », précise Christian Johnson-Ogoula, ancien directeur général du tourisme et directeur technique adjoint à l’Agence nationale des parcs nationaux (ANPN). Et la pêche semble avoir été bonne auprès du secteur privé gabonais et étranger. Il faut dire que le Gabon ne manque pas d’arguments pour faire valoir une offre susceptible d’installer durablement le pays sur la scène touristique continentale: N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
sa stabilité politique toujours appréciée des investisseurs, sa situation au cœur du continent, son patrimoine naturel exceptionnel… Même si « le Gabon n’a pas vocation à devenir une destination de masse », reconnaît Christian JohnsonOgoula, l’objectif est de doper et de diversifier le secteur, qui contribue tout de même à quelque 6 % du PIB.
RÉMUNÉRATEUR. La fréquentation est
estimée à moins de 100 000 visiteurs par an, essentiellement constituée de voyageurs d’affaires, et c’est ce créneau ô combien rémunérateur que le Gabon compte plus particulièrement développer. Selon Christian Johnson-Ogoula, l’arrivée à Libreville d’enseignes hôtelières réputées comme Radisson Blu (lire ci-contre) et Marriott, ainsi que de groupes en plein essor comme Onomo (un hôtel ouvert à Libreville depuis un an), sans compter la rénovation du Méridien Re-Ndama (lire encadré), « va permettre au Gabon de consolider son positionnement sur le créneau du tourisme d’affaires et sur le
LES LOCAUX INVESTISSENT LE CRÉNEAU EN 2012, LES PRIVÉS gabonais ont mis pour la première fois les pieds dans l’hôtellerie du pays. En quelques mois, la société Wali Hotels & Resorts, constituée d’investisseurs locaux, s’est emparée des principaux joyaux gabonais en matière d’établissements hôteliers en mettant
la main sur l’Okoumé Palace en mars (lire ci-contre), puis sur les Méridien de Libreville et de Port-Gentil en novembre, le tout contre une cinquantaine de millions d’euros versés à l’État gabonais, qui en était propriétaire. Wali Hotels & Resorts s’est engagé à débourser une centaine
de millions d’euros supplémentaires pour redorer le blason de ces trois établissements vieillissants, tout en confiant leur gestion à des opérateurs internationaux, Carlson Rezidor Hotel pour l’Okoumé, et Starwood pour les deux Méridien. ● O.C. JEUNE AFRIQUE
Le Gabon change-t-il vraiment ? MICE»(Meetings,Incentives,Conferences & Exhibitions). À charge pour le pays d’attiser la curiosité de ces visiteurs aisés afin qu’ils prolongent leur séjour, si possible en dehors de la capitale. Outre l’arrivée très remarquée du singapourien Amanresorts, spécialiste des prestations de luxe, qui doit investir 80 millions d’euros pour la réalisation de six hôtels et lodges haut de gamme – dont l’un à Libreville et l’autre (30 pavillons) non
loin de la capitale, dans le parc national de Pongara –, SFM Safari Gabon (filiale du sud-africain SFM Africa) a confirmé mi-mars la réalisation d’un premier investissement de 10 millions d’euros pour la construction de lodges dans plusieurs parcs du pays. « La venue de tels opérateurs va très sérieusement crédibiliser l’offre gabonaise », explique Christian Johnson-Ogoula. Ce dernier espère cependant que « le pays ne se positionne
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pas uniquement sur un tourisme haut de gamme » et plaide pour la création d’une offre meilleur marché, autour d’un tourisme communautaire « qui associerait les populations locales pour leur garantir un revenu ». Ainsi, des expériences similaires à celle tentée avec succès dans le parc de Loango, en son temps, devraient voir le jour dans les parcs de la Lopé et de Pongara avant la fin de cette année. ● OLIVIER CASLIN
L’Okoumé, un palace deux en un L’ancien fleuron de l’hôtellerie librevilloise devrait retrouver son lustre d’antan dès l’an prochain, après un réaménagement complet.
JEUNE AFRIQUE
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e plus grand établissement hôtelier de Libreville – et du pays – devrait enfin retrouver son lustre d’antan sous la houlette de l’américain Carlson Rezidor Hotel (groupe Carlson Wagonlit Travel). Une renaissance après être passé sous les enseignes de l’Intercontinental de 1972 à 2007, puis de Laico (Libyan African Investment Company) qui, avant de le céder à l’État gabonais en décembre 2011, avait maintes fois promis d’y effectuer de grands travaux sans jamais les réaliser. L’opérateur américain, comme il s’y était engagé en mars 2012 lors de la signature de la convention de gestion (d’une durée de vingt ans) avec le nouveau propriétaire des lieux, le groupe gabonais Wali Hotels & Resorts, a en effet lancé en octobre le chantier de rénovation de l’Okoumé Palace. « L’hôtel était dans un très mauvais état, très loin des standards touristiques aujourd’hui en vigueur », confirme Hans Peter Duerr, son directeur général. Construit dans les années 1970, l’établissement a l’âge de ses artères ou, plutôt, de sa structure en béton, qui devrait d’ailleurs être la seule partie conservée du bâtiment. Le reste sera entièrement réhabilité et réaménagé. Les travaux seront financés par le nouveau propriétaire, qui déboursera 25 milliards de F CFA (plus de 38 millions d’euros) pour faire de l’Okoumé un palace digne de ce nom et des ambitions touristiques affichées par le pays. L’établissement, qui disposait de 330 chambres, n’en conservera que 135 ouvertes pendant la durée du chantier. Mais, une fois les travaux achevés, courant 2014, sa capacité sera étendue à 470 chambres et suites, scindées en deux
Le futur hall de l’établissement.
marques de standing complémentaires : le bâtiment principal en forme de L de l’actuel Okoumé deviendra un Radisson Blu, un cinq-étoiles de 330 chambres, et l’aile séparée lui faisant face, qui a été entièrement vidée, laissera place à un Park Inn by Radisson (trois étoiles) de 140 chambres, « plus petites et avec un standard de services réduit », explique la direction. NOUVELLE FORMULE. Le nouveau com-
plexe hôtelier, d’une superficie totale de 1 350 m2, comptera également un bar, trois restaurants, une piscine avec salle de sport, ainsi que treize salles de conférences. « Ce sera un équipement unique dans la région, qui devrait soutenir le développement du tourisme d’affaires », estime Hans Peter Duerr. Le patron de l’Okoumé Palace nouvelle formule est convaincu de la pertinence de s’implanter en Afrique, continent qui
« présente actuellement de très belles opportunités de croissance pour les chaînes hôtelières ». Carlson Rezidor Hotel vise bien entendu la clientèle continentale et européenne, mais porte également une attention toute particulière aux voyageurs d’affaires en provenance d’Asie. « C’est de là que viennent aujourd’hui beaucoup d’investisseurs en Afrique », observe Hans Peter Duerr, qui a déjà prévu d’inclure quelques spécialités asiatiques au menu de ses restaurants. Reste à proposer une qualité de services digne du standing prôné par le groupe. « Un programme de formation en interne a déjà démarré », précise le directeur général de l’établissement, qui prend comme référence le niveau de prestations des resorts tanzaniens. Il connaît bien ces derniers pour y avoir longtemps travaillé avant de rejoindre le Gabon pour donner une nouvelle jeunesse à l’Okoumé. ● O.C. N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
FONDS ROUTIER
RÉPUBLIQUE GABONAISE
Relever le défi du financement des infrastructures routières Créé en 2012, le Fonds Routier du Gabon est chargé d’une double mission : l’entretien du réseau et le financement de la construction de routes. Mais il n’a qu’un objectif : tenir ses
PUBLI-INFROMATION
engagements.
Optimiser nos programmes. Augmenter nos ressources. Les deux phrases pourraient tout aussi bien résumer l’ambition du Fonds routier, en lieu et place de la promesse actuelle : « Le confort de votre circulation ». Cette dernière s’adresse directement aux usagers de la route et leur explique l’utilité et l’importance de l’organisme public. Les deux premières correspondent aux objectifs que se fixent les dirigeants de cet organisme. Pour Landry Patrick Oyaya, directeur général du Fonds Routier, elles sont fondamentales (lire son interview). Le Fonds Routier a été créé par ordonnance n° 0000001/PR/2012 du Président de la République en date du 13 février 2012. Cette ordonnance a été ratifiée par la Loi n° 004/2012 du 13 août 2012, adoptée par les deux chambres du Parlement. Le Fonds Routier succède ainsi au Fonds d’Entretien Routier dit de deuxième génération (FER 2), lui même établi en 2006 en tant
qu’organe de cogestion associant l’État et les usagers pour améliorer les routes du pays. Le FER-2 avait pour missions de réhabiliter et moderniser les 9 170 km du réseau routier gabonais qui, en dépit de quelques programmes de rénovation menés au fil du temps, dont certains dans le cadre du FER-1 créé en 1997, n’avaient cessé de se dégrader. Outre l’entretien du réseau, le Fonds Routier doit désormais gérer l’investissement pour les nouvelles routes. Ses missions s’inscrivent pleinement dans le programme de développement économique du Gabon émergent, lancé par le Président de la République Ali Bongo Odimba, et notamment de l’un de ses objectifs stratégiques : moderniser les infrastructures et aménager harmonieusement le territoire. Appliqué aux infrastructures routières, il s’agit de favoriser la circulation des hommes et des marchandises à travers le pays, de relier les sites de production
Landry Patrick Oyaya
En 2012, le Fonds routier a bénéficié d’un budget global de 145 milliards de F CFA, dont 45 milliards de F CFA pour l’entretien et 100 milliards de F CFA pour l’investissement. Grâce à quoi, outre l’entretien de routes bitumées et de routes en terre, y compris les équipements de signalisation et d’évacuation des eaux de pluie, un vaste programme de réhabilitation a été mené à Libreville et dans les capitales départementales. Au bout du compte, Landry Patrick Oyaya estime que les conditions de circulation ont été améliorées de façon significative dans les grandes villes, particulièrement dans la capitale Libreville. En revanche, il relève que même si de gros efforts ont été consentis pour le réseau routier national, il reste encore beaucoup à faire pour rendre ce réseau dans une grande proportion, circulable en toutes saisons Pour parvenir à cet objectif, le Fonds Routier met tout en œuvre pour mobiliser l’ensemble des ressources qui lui sont alloué. Pour ce faire, une concertation permanente avec les services compétents de l’Etat, chargés de la collecte et de la mobilisation des ressources a été initiée. Enfin, un cadre de collaboration efficace avec les autres acteurs institutionnels intervenant dans la programmation et l’exécution des programmes financés par le Fonds Routier s’avère nécessaire.
FONDS ROUTIER Galerie des Jardins d’Ambre B.P. 16201 - Libreville, Gabon Tél. : (+241) 01 76 93 90 www.fer-gabon.org
Landry Patrick Oyaya est
ingénieur en génie civil de l’École Polytechnique de Masuku, ville du Haut Ogooué (est du Gabon). Avant de rejoindre le Fonds Routier, il a fait carrière dans le privé, notamment au sein d’entreprises de BTP (construction et entretien des routes) et de sociétés de distribution de produits pétroliers, comme Mobil Oil Gabon, Engen Gabon et Shell Afrique centrale.
Quels sont les champs d’intervention et les ressources du Fonds routier ? Landry Patrick Oyaya : Il y a un an, le gouvernement a étendu notre champ d’action de l’entretien du réseau à l’investissement pour les nouvelles routes. Soit deux activités et deux types de ressources. Celles de l’entretien sont liées à l’utilisation de la route et observent le principe de l’usager-payeur. Quant aux investissements, nos ressources proviennent principalement de l’État et peuvent également provenir des bailleurs de fonds internationaux Dans les deux cas, il est clair que nous nous devons d’être exemplaires, nous montrer dignes de la confiance de nos partenaires. Comment comptez-vous y parvenir ? L.P.O : Dès 2011, nous avons lancé une action visant à rendre notre institution plus offensive et plus performante. Des cabinets indépendants ont été recrutés pour la mise en place de procédures d’une part, des efforts ont été consentis pour l’amélioration de notre système d’information financière et comptable, d’autre part. Par ailleurs, nous nous sommes inscrits dans une démarche qualité qui devrait nous conduire à la certification ISO 9001. Nous avons donc lancé un appel à manifestation d’intérêt en fin 2012 en vue de recruter un cabinet qui nous accompagnera dans cette démarche. Enfin, en interne, nous avons très récemment procédé au recrutement d’un auditeur interne qui sera également chargé, entre autres, d’assurer la maîtrise d’œuvre de ce vaste challenge. Quel bilan faites-vous de votre première année d’activité dans l’investissement ? L.P.O : En 2012, nous avons disposé d’un budget de 145 milliards de FCFA, dont 45 milliards pour l’entretien et 100 milliards
pour l’investissement. Ce qui nous a permis, entre autres, de financer la construction des VRD (voiries et réseaux divers) de futurs lotissements dans l’ensemble des capitales provinciales. C’est très important car la disponibilité de ces éléments en amont du chantier permet de diminuer le coût final des logements. Peut-on accroître les ressources pour l’entretien des routes ? L.P.O : Il est exact que nos moyens sont insuffisants en regard de l’importance des travaux nécessaires. Il existe par exemple une vingtaine de taxes qui concernent l’usage de la route, mais à peine trois sont actives à ce jour.
« Nous devons continuer d’être dignes de confiance » Nous faisons appel à l’État et, en même temps, nous lui proposons des solutions. Cette année, nous finançons une étude de faisabilité pour la mise en place des stations de péage et de pesage ; elle a été lancée par le Ministère en charge des Travaux Publics très récemment. Quelles sont vos autres priorités ? L.P.O : Tout d’abord, nous allons procéder au financement d’une étude qui sera lancée par le Ministère en charge des Travaux Publics, relative à la détermination du coût de la route, entretien et construction. De plus, nous continuerons à mener des actions au profit des PME locales. Notre objectif est de contribuer à l’émergence d’une ingénierie de PME du BTP gabonaises.
DIFCOM/DF - PHOTOS DR
aux zones de commerce et d’exportation et de participer à la croissance des échanges régionaux.
interview
Directeur Général du Fonds Routier
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Le Plus de J.A. BOUILLON DE CULTURES
Les tontons flingueurs Quand deux réalisateurs gabonais se rencontrent dans un maquis, ils se racontent des histoires de cinéma… et celle du pays. Passage à table, avec Philippe Mory et Henri-Joseph Koumba Bididi.
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Henri-Joseph Koumba Bididi (HJKB), le n monument, moi ? Je réalisateurdesCouilles de l’éléphant(2000), viens de la forêt! Bande de cons… Vous avez déjà une fable mordante sur la société et le vu un monument qu’on pouvoir au Gabon, applaudie de Kinshasa enfermedanslaforêtanimale?Appelle-moi à Montréal. Les deux confrères font une tonton Fifi! » Casquette de marin vissée sur dernière mise au point avant leur départ le crâne, Philippe Mory tempête. En cette au Burkina le lendemain. Ils vont présenter fin de matinée calcinée à Nzeng-Ayong, au Fespaco le dernier film d’Henri-Jo, Le vaste quartier populaire de Libreville, le Collier du Makoko, un conte moderne réalisé en 2011, une aventure au long cours patriarche à la barbe fleurie et aux yeux entre la France et le Gabon, où tonton Fifi délavés trône sur un fauteuil en plastique, a bien sûr son rôle. dans l’ombre bienfaisante d’un maquis Le sourire gourmand, l’œil pétillant, propret qui lui sert de cantine. Véritable Bididi détaille le menu du jour. Mâchoiron mythe gabonais – et monument culturel du continent, ne lui en déplaise –, Philippe (poissond’eaudouce),bouillondepoisson Mory est né en 1930 dans les profondeurs ou potamochère sauce odika (nom de la de la « forêt animale », sur les rives des « sauce au chocolat » gabonaise, à base de grandslacsduSudoùsonpère,unforestier graines d’acacia). Pour tonton Fifi, le fils français de passage, s’était vu offrir une des Grands Lacs, ce sera un bouillon de jeune femme en témoignage d’hospitapoisson « avec du piment »! Une bouteille lité nocturne. « Je suis noir et blanc, j’ai de bordeaux atterrit sur la toile cirée. « Il fait emmagasiné un certain nombre de choses tropchaud,ilfautseréhydrater»,approuve bizarres » prévient-il. Henri-Jo avec gravité. ScénaristeetacteurprincipaldeLaCage, Fils d’un paysan et d’une ouvrière, HJKB du Français Robert Darène (avec Marina a navigué toute son enfance entre la forêt Vlady et Jean Servais, premier film tourné profonde du Fernan-Vaz, sa lagune et le dans l’Afrique subsaharienne indépenlycée de Port-Gentil, dans l’Ogooué-Maridante et à avoir été sélectionné au Festival time. Il s’initie à la culture engagée professéepardesartistescommeFelaKuti,Pierre de Cannes, en 1963), réalisateur du longmétrage Les tam-tams se sont tus (1971, un Akendengue ou Wole Soyinka, jusqu’à classique du 7e art africain), le cinéaste est le créateur du En 1964, « tonton Fifi » a été Centre national du cinéma ministre de la Culture… gabonais (Cenaci, devenu pour vingt-quatre heures ! en 2010 l’Institut gabonais de l’image et du son, IGIS) la révélation : « C’est en croisant tonton et l’un des cofondateurs du Festival panaFifi, un soir, alors que j’étudiais sous les fricain du cinéma et de la télévision de lampadaires à Port-Gentil, que j’ai pris la Ouagadougou (Fespaco). Tonton Fifi a une grande et belle gueule, décision de faire du cinéma. » et il sait s’en servir. Dans la vie, à l’écran, Henri-Jo harponne de sa fourchette le et jusque sur la scène politique, où il fut poisson de Mory: « Ah! tonton Fifi, tu t’es l’une des têtes d’affiche du coup d’État gardé le meilleur: la peau et les abats! » Et d’enchaîner: « Il est comme un père pour de 1964, qui fit vaciller le régime de Léon Mba,lepremierprésidentduGabon,sauvé moi et, professionnellement, c’est un vrai plaisir de travailler avec lui. Il est expériin extremis par l’intervention de l’armée menté,disponible,ouvertet,surtout,d’une française. telle fraîcheur d’esprit que j’ai souvent le sentiment que c’est lui le plus jeune du MISE AU POINT. Il est midi et les libaplateau. » Les compères en deviendraient, tions ont déjà été généreuses. Assis à la gauche du père du cinéma gabonais, le fils, presque, sentimentaux. « Henri-Jo c’est N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
mon fils, et dans le cinéma c’est mon frère. Un cinéaste, pas un fonctionnaire. C’est nous qui savons faire du cinéma et c’est à nous d’éduquer ces jeunes qui ne savent pas… » S’ensuit une tirade sur la nullité des nouvelles générations qu’Henri-Jo tente de sous-titrer: « Tonton Fifi est dur, mais… », aussitôt interrompu par son aîné: « Tonton Fifi est toujours dur! » MONSTRE SACRÉ. HJKB a dû gérer une
autre sorte de monstre sacré. En 1981, il était deuxième assistant-réalisateur sur le plateaud’Équateur,l’adaptationaucinéma d’unromandeSimenontournéeauGabon sous la direction d’un Serge Gainsbourg déjà bien barré. « Il remplissait le matin une bouteille de pastis et d’eau qu’il vidait tranquillementjusqu’audéjeuner,toujours bien arrosé, après quoi il se préparait la même mixture pour l’après-midi. Mais c’était un travailleur d’enfer. » Autre souvenir marquant de l’homme à la tête de chou? « Je l’avais ramené un soir, dans un camion de militaires, à l’hôtel Dialogue où il logeait. Il tenait à ressortir prendre un verre. Je hèle mon vieux copain JEUNE AFRIQUE
Mory le père et Koumba Bididi le fils, le 21 février, Chez Pélagie, un maquis librevillois.
réalisateur Michel Manini qui passait par là dans sa 504 déglinguée. J’étais un peu gêné mais, dès que Gainsbourg est monté dedans, il a hurlé sa joie de “rouler dans la voiture la plus pourrie du monde”, et c’est en chantant que tout le monde est arrivé au bar ce soir-là! » Présenté à Cannes en 1983, le film porte un regard pessimiste sur l’Afrique et la colonisation. Ses scènes torridesentreBarbaraSukowaetunFrancis Huster luisant de vaseline firent scandale sur la Croisette. ÉTERNEL REBELLE. Sur un coin de la table,
un livre neuf: Le Prix de la liberté, vérités sur Philippe Mory, l’icône gabonaise du cinéma africain. Une biographie présentée au public quelques jours auparavant, qui rappelle que tonton Fifi a payé cher son indépendance de ton et d’action. En 1963, les marches du Festival de Cannes à peine descendues,ildevientl’undescerveauxdu coup d’État à venir contre Léon Mba. « Il avait reçu le pays lors de l’indépendance, mais il ne voulait pas de la République; il mettait en place une dictature soutenue et exploitée par l’étranger », explique Mory. JEUNE AFRIQUE
Il fallait rendre l’État au peuple, par la force si nécessaire, sans violence autant que possible. Avec trois amis militaires, il ourdit le putsch lancé dans la nuit du 17 au 18 février 1964. Le président Mba est fait prisonnier sans qu’un coup de feu ne soit tiré. Son opposant, Jean-Hilaire Aubame, est nommé chef de l’État, et Mory devient ministre de la Culture. Pour vingt-quatre heures. En effet, sur ordre du général de Gaulle, viteprévenuparledirecteurzéléducabinet présidentiel, un certain Albert-Bernard Bongo (qui prit le prénom d’Omar en 1973, lors de sa conversion à l’islam), plus de six cents parachutistes français sont aéroportés à Libreville le 18 février. « Les Français auraient dû venir pour régler les problèmesmaisilsonttuélespetits…Nous ne voulions tuer personne et nous n’avions personne pour le faire, nous n’avions que cent cinquante soldats. Eux, ils avaient la force. » Les combats ont fait au moins dix-huit morts côté gabonais et un côté français.Fifiserend.Jugéavecsesconjurés, il écope de six ans de travaux forcés et sera libéré de la prison de Gros-Bouquet (à
Libreville) au bout de quatre ans, gracié par le président Bongo qui vient, en 1967, d’accéder au pouvoir. « Posez-moi une question sur le cinéma, jeretomberaiobligatoirementenpolitique, je suis une bombe », rugit l’éternel rebelle, revenu au cinéma dans les années 1970 et 1980. L’ère des conférences nationales africaines et de l’ouverture au multipartisme l’a fait rechuter en politique, en 1990, lorsqu’il crée l’éphémère Union pour la démocratie chrétienne. Aujourd’hui, il ne cesse de pester contre l’argent, le nerf du système qui corrompt tout et a perverti les idéauxdel’indépendance.«Qu’ilshabitent des bidonvilles ou des villas, les jeunes aujourd’hui ne croient qu’au dieu argent. Quand ils se lèvent le matin, ils pensent déjà au pognon… » Sur ce, l’insoumis réclame d’une voix forte une rasade de « nectar de bordeaux ». Les verres se fêlent à force de trinquer, la discussion se perd en paillardises, le devoir de sieste finit par s’imposer. « 9 heures demainmatinpourl’aéroport,tontonFifi!» « Ce sera 10 heures et rien d’autre. » ● LAURENT DE SAINT PÉRIER N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
LAURENT DE SAINT PÉRIER POUR J.A.
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Leader africain de l’accès internet par satellite
IG Telecom poursuit son expansion et innove avec son offre TripleNet Créée en 1996 par Alain Ba Oumar, Internet par satellite : son actuel Président-Directeur Général, sans obstacles
Leader au Gabon, IGTelecom est aussi le premier opérateur VSAT dans la zone CEMAC.
IG Telecom est aujourd’hui leader en Afrique francophone de la fourniture d’équipements et de services de télécommunications par satellite (liens et réseaux privés, accès Internet partagés ou dédiés) pour les entreprises privées et administrations publiques.
IG Telecom étend aujourd’hui sa base de clientèle au grand public et aux administrations de l’ensemble de la sous région en lançant au cours du 2e trimestre 2013 sa nouvelle offre TripleNet, une solution simple et rapide à déployer (une parabole de 1,20 m de diamètre), peu coûteuse (à partir de 100 dollars de redevance mensuelle par site) qui répond parfaitement aux besoins de service universel des populations rurales mal desservies en leur permettant d’accéder à Internet à haut débit de manière individuelle ou communautaire (cybercentres ou télécentres).
IG Telecom a lancé la première offre d’accès à Internet haut débit au Gabon grâce à la solution VSAT (Very Small Aperture Terminal). Cette technologie fait toute la différence entre IG Telecom et ses concurrents. Pas besoin de réseau terrestre, une parabole suffit. Le Web est disponible sur l’ensemble du territoire, par-delà les obstacles géographiques, et avec une indépendance totale vis-à-vis des opérateurs locaux. IG Telecom met à disposition des institutions qui le nécessitent une infrastructure privée de communications par satellite entre tous leurs sites géographiques, de même qu’un accès Internet à débit garanti.
Indépendance garantie Pour renforcer son indépendance, IG Telecom est devenu propriétaire en 2006 de sa propre plateforme de transmission/réception par satellite iDirect Technology aux ÉtatsUnis. Exploitant d’importantes capacités satellitaires grâce à son partenariat avec Intelsat, cette plateforme permet depuis lors de servir ses clients où qu’ils soient en Afrique Centrale et de l’Ouest. Plus récemment, en juillet 2012, IG Telecom a signé avec HUGHES et SES des partenariat d’une valeur de près de 15 millions de dollars pour implanter un hub VSAT bande Ku au Gabon afin de proposer au public et aux États de
elecom
IGTelecom
toute l’Afrique Francophone une solution intégrée de service universel couvrant toute la sous région. IG Telecom est aujourd’hui le premier opérateur VSAT de la zone CEMAC avec plus de 500 sites installés.
TripleNet : la solution idéale pour le grand public et le service universel en Afrique francophone Avec sa nouvelle offre TripleNet qui va être lancé au 2e trimestre 2013, IG Telecom va permettre grâce à une parabole unique de surfer sur Internet à haut débit (jusqu’à 2Mbps), de regarder de multiples chaînes de télévision en qualité numérique (bouquet CANALSAT), et de passer des appels téléphoniques en VOIP vers le monde entier. D’abord proposé au Gabon, ce service sera rapidement étendu à toute l’Afrique francophone avec une couverture intégrale aussi bien en zone urbaine que rurale.
À la conquête de l’Afrique
IG Telecom s’appuie financièrement sur plus de 200 contrats commerciaux stables de moyen et long terme. Ses partenaires incluent des institutions financières internationales telles que BICIG (BNP Paribas), BGFIBANK, OPIC (US Overseas Private Investment Corporation) ou encore la banque d’investissement Barclays Monaco. Pour mener à bien ses objectifs, IG Telecom s ’ a l l i e à d e s p a r t e n a i re s q u i p a r t a g e n t s e s ambitions d’expansion régionale et sa stratégie d e d é v e l o p p e m e n t , p a r m i l e s q u e l s i D i re c t Technologies, Hugues Network Systems (HNS), INTELSAT, la Société Européenne de Satellite (SES), le Global VSAT Forum (GVF).
IGTelecom B.P. 826 – Libreville Tél. : (241) 01 72 97 97 B.P. 745 – Port-Gentil Tél. : (241) 01 56 01 75 info@igtelecom.net
Publi-information - DIFCOM/FC - photos : DR
Des partenaires solides
Bien que principalement implanté au Gabon, IG Telecom a une présence commerciale au Congo et à São-Tomé, et prévoit d’intensifier cette présence à l’ensemble de l’Afrique Francophone grâce à sa nouvelle offre TripleNet. Dans cet objectif, le groupe a obtenu la certification ISO 9001, version 2008, en juin 2010, et élargi sa gamme de services de télécommunications à valeur ajoutée.
Économie
LIONEL HEALING/AFP
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ESPACE
Dans la ligne de mire d’Eutelsat
RD CONGO
Comment relancer
la machine Malgré ses ressources incroyables et une croissance de 7,1 %, le pays peine à décoller véritablement. Pour remédier à cette situation, la priorité doit être donnée à la sécurité, aux infrastructures et, surtout, à la gouvernance.
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JEUNE AFRIQUE
TÉLÉCOMS
Au Maroc, Méditel attend l’électrochoc
DÉCIDEURS
Giulio Casello
DG de Sundance Resources
INVESTISSEMENT
Les caisses de dépôt retrouvent la cote
de 1 dollar par jour. « Notre histoire économique est lourde à porter. La zaïrianisation [nationalisations sous Mobutu, NDLR] a détruit le secteur agricole et une partie du secteur minier à partir de 1973 : 4 000 exploitations ont été réduites à néant, la production de cuivre et de diamant a été divisée par dix. Les années de conflits et de mauvaise gouvernance ont détruit 41 % du PIB entre 1989 et 2002 », rappelle Vincent Ngonga Nzinga, directeur de cabinet adjoint du Premier ministre, chargé des questions économiques. Depuis, le pays n’attire guère les investisseurs. En dehors des miniers motivés par ses réserves incomparables, comme Freeport-McMoran au Katanga (cuivre) ou Randgold Resources dans la province Orientale (or), ils sont peu nombreux à s’y aventurer. « L’investissement agricole qui a fait le plus de bruit ces derniers mois, c’est celui du canadien Feronia. Or on ne parle dans ce cas-là que de 20 millions de dollars [environ 15 millions d’euros] », regrette Michel Losembe, président de l’Association congolaise des banques. « La plupart des multinationales se contentent de petites équipes de quatre ou cinq personnes pour observer le marché », constate Jean-Paul Mvogo, économiste à Sciences-Po Paris. Fin 2012, la ville de Kinshasa a lancé un appel d’offres pour la gestion des bus. Faute de candidats jugés capables, il est resté infructueux. BILLET VERT. La timide embellie que connaît
CHRISTOPHE LE BEC,
P
envoyé spécial
as un visiteur ne quitte Kinshasa sans être impressionné par le potentiel économique de la RD Congo. Pourtant, malgré ses 77 millions d’habitants, sa position centrale, ses 80 millions d’hectares de terres arables, son sous-sol riche en minerais et l’énergie hydraulique disponible, le pays reste un géant qui sommeille : 71 % des Congolais vivent avec moins JEUNE AFRIQUE
Sacs de café à Kinshasa. Le secteur agricole est la priorité du gouvernement.
actuellement le pays viendra-t-elle à bout de cet attentisme ? « La plupart de nos indicateurs sont au vert : la croissance économique est soutenue, à 7,1 %, le taux de change du franc congolais par rapport au dollar est stable depuis trois ans, nos recettes fiscales sont en hausse [de 32 % entre 2011 et 2012, NDLR]… Quant à la balance des paiements, elle s’est améliorée significativement ! » affirme le Premier ministre, Augustin Matata Ponyo, en poste depuis tout juste un an. Reste que, après la dépréciation dramatique des années 1990 et 2000, les Congolais continuent de bouder leur monnaie, lui préférant le billet vert. Ainsi, les dépôts en dollars dans les banques sont près de huit fois plus importants qu’en francs congolais. « Il y a un véritable tissu de PME locales qui se développe, ajoute Michel Losembe. C’est dans les villes que le dynamisme se fait le plus sentir. L’urbanisation galopante dope la construction et le commerce. Malheureusement, ces sociétés créent peu de valeur puisqu’elles importent la majorité de leurs produits. Et la croissance est très inégalement répartie : elle est de l’ordre de 15 % dans les zones urbaines… et quasiment à zéro dans les campagnes. » N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
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Entreprises marchés En attendant que les multinationales se manifestent, ce sont surtout les conglomérats familiaux (lire ci-dessous), arrivés dans le pays avant l’indépendance ou juste après, qui dominent l’économie… et tirent profit de cette croissance imparfaite. « Ce sont eux qui ont lancé les trois banques les plus importantes du pays », note Michel Losembe, qui préside la Banque internationale pour l’Afrique au Congo (Biac), propriété de la famille Blattner. Cequifreinelesinvestissementsétrangers,cesont d’abord les questions sécuritaires. L’émergence du Mouvement du 23-Mars (M23), en 2012, a renforcé la mauvaise réputation du pays. Si les conflits actuels sont circonscrits à l’Est, ils rejaillissent sur l’image de tout le territoire. Au Katanga, cœur de l’industrie minière, la situation est calme, mais l’attaque de Lubumbashi par une milice de 250 hommes, le 23 mars, ne rassure pas. L’offensive a fait 35 morts et les locaux des entreprises – dont ceux du puissant Groupe Forrest – ont dû fermer deux jours. HARCÈLEMENT. L’insécurité juridique et adminis-
trative interroge aussi les investisseurs potentiels. L’expropriation de First Quantum de ses gisements de Kolwezi et la cession supposée d’actifs miniers du Katanga à l’homme d’affaires israélien Dan Gertler dans des conditions obscures ont accentué la mauvaise image du pays chez les miniers… et auprès du Fonds monétaire international (FMI), qui a arrêté son programme triennal en RD Congo. Quelque 225 millions d’euros restaient à verser. Le gouvernement rejette la responsabilité de ces ventes sur la seule Gécamines, une société publique (lire verbatim p. 113). De quoi s’interroger sur l’étendue réelle du pouvoir du gouvernement sur les questions de transparence… Le projet de révision du code minier attise aussi les rumeurs. « On parle d’une part de 35 %
Les villes (ici Kinshasa) connaissent un réel dynamisme. Mais dans les campagnes, la croissance est quasi nulle.
d’actions gratuites de l’État au sein des futurs projets [contre 15 % actuellement]. Si elle est confirmée, cette mesure va rebuter ceux qui envisageaient de venir », estime l’avocat Marcel Malengo. « Le problème de la RD Congo ne réside pas dans sa réglementation, pas si mauvaise, mais surtout dans un harcèlement bureaucratique systématique au niveau local », confie le vice-président congolais
LE JEU (ÉCONOMIQUE) DES QUATRE FAMILLES Qui sont ces dynasties qui se partagent la croissance congolaise ?
t Les Forres
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nt belge, ils so puis D’origine de a g n ta a K u présents a David is a rm déso 1922. C’est ls est, petit-fi Malta Forr orge, t fils de Ge e a lt de Ma des de x comman qui est au ational, rn te In rrest Groupe Fo la les mines, actif dans ie et on, l’énerg ti c ru const famille entaire. La l’agroalim de la e ir ta é ropri est aussi p du le ommercia Banque c irlines. A o g n ro o eK Congo et d
N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
es Rawji Les
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mplllantés dès 1922 dans Imp l’est l’e de la RD Congo, les Rawji, d’origine indienne, ont d’abord été actifs dans le commerce avant de se dive div rsifier dans l’industrie et l’immobilier. La famille a lancé Rawbank en 2002, devenu aujourd’hui le premier établissement bancaire éta du pays. Il est présidé par Mazhar Rawji, petit-fils du « pionnier » Merali Rawji.
Les Damseaux
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Venu avec ses parents de Belgique en 1934, William Damseaux s’est d’abord lanc é dans l’élevage dans la région de Kinshasa. Le holding familial Orgaman est aujourd’hui actionnaire de neuf sociétés dans l’agriculture, la logistique, la transformation et la distribution d’aliments. Il est dirigé par Jean-Claude Damseaux, fils de William.
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Cette fam ille améric aine est arrivée en RD Con go sous le ré gime du p résident Mobutu. À la suite d’u ne série d’acquisit ions, elle e st aujourd’hu i propriéta ire de l’entreprise de constru ction Safricas, de la conc ession forestière Siforco, d e la Compag nie africa ine d’aviation et de la Ba nque inte t rnationa le pour l’A frique au Congo.
JEUNE AFRIQUE
Entreprises marchés d’acheminer tout notre matériel via Mombasa, au Kenya », dit-il. Les chantiers ferroviaires à terminer sont également nombreux. « Nous avons réhabilité les tronçons entre Matadi [Bas-Congo] et Kinshasa, et entre Ilebo [Kasaï occidental] et Lubumbashi. Mais il reste plus de 900 km à reconstruire pour unifier la ligne », indique Michel Kirumba, conseiller à la primature chargé des infrastructures. Quant à la ligne entre le Katanga et l’Angola réclamée par les industriels de la province, elle n’est pas encore budgétée…
BAUDOUIN MOUANDA POUR J.A.
SITES STRATÉGIQUES. La diversification sectorielle
d’un grand complexe minier katangais, inquiet de la régionalisation en cours qui, selon lui, renforcera ce risque en créant 26 provinces (contre 11 actuellement). Reste l’épineuse question des infrastructures. Les chantiers énergétiques et logistiques sont aux dimensions du pays – titanesques – et ne pourront voir le jour sans partenaires internationaux, tant publics que privés. Seuls 9 % des Congolais ont accès à l’électricité, et les industries du Katanga et du Bas-Congo sont bridées par la sous-capacité énergétique. La construction du barrage d’Inga 3, qui doit produire 4 800 MW, coûterait 7 milliards d’euros. Plus de deux fois les recettes annuelles de l’État (2,9 milliards d’euros en 2012). Même si les relations du gouvernement sont meilleures avec la Banque mondiale qu’avec le FMI, et que l’Afrique du Sud veut participer à l’ouvrage, l’argent sera difficile à rassembler. Sur le front des transports, si des entreprises chinoises et japonaises ont amélioré la voirie à Kinshasa, entre la capitale et le Bandundu, et autour de Lubumbashi, notamment dans le cadre de contrats « infrastructures contre ressources minières », il reste énormément à goudronner. Quelque 11 000 km de routes seraient à refaire. Louis Watum, directeur général de la mine de Kibali, dans l’extrême nord-est du pays, regrette que les 800 km de pistes pour rejoindre le fleuve Congo soient impraticables. « Nous sommes obligés JEUNE AFRIQUE
LIRE L’INTÉGRALITÉ DE L’INTERVIEW D’AUGUSTIN MATATA PONYO SUR ECONOMIE. JEUNEAFRIQUE.COM
est elle aussi vitale alors que les mines (33 % du PIB) ne jouent pas leur rôle de démarreur économique. « Notre priorité, c’est le secteur agricole, c’est là que nous pouvons avoir un réel impact sur la population, notamment dans l’Est », affirme le Premier ministre, conscient que le pays « continue à importer près de 1,3 milliard de dollars de produits alimentaires ». Des sites stratégiques ont été identifiés dans chaque province pour y implanter des pôles agroalimentaires, notamment au Bas-Congo et au Bandundu, mais les premiers accords se font attendre : le gouvernement escomptait signer un partenariat important avec Mooz Food pour la relance du domaine agro-industriel de la Nsélé, un site de 3 000 ha proche de Kinshasa. Mais le groupe sud-africain s’est finalement désisté au vu des investissements importants à réaliser pour tout remettre en état. Entre la rigueur budgétaire, la bonne gouvernance, la construction d’infrastructures et la relance de l’agriculture, tout est priorité dans un pays dont l’avenir dépend aussi en grande partie des partenaires privés et des institutions internationales. La RD Congo ne pourra les attirer qu’en améliorant son image. Les solutions sont entre plusieurs mains: la présidence, la primature, l’armée, les dirigeants des grandes sociétés publiques et les gouverneurs. Pour l’instant, ils ont du mal à accorder leurs partitions. ●
Augustin Matata Ponyo
Le Premier ministre commente la décision du FMI de suspendre son programme triennal en RD Congo.
Le FMI dit deux choses. D’un côté, il reconnaît notre meilleure gestion macroéconomique et nous donne un satisfecit. Mais de l’autre, il nous reproche le manque d’information autour du contrat minier Gécamines-Comide, au Katanga. Une mission spéciale de l’institution était en RD Congo début mars pour étudier spécifiquement cette affaire. Malheureusement, après cette visite, les enquêteurs du FMI nous disent être restés sur leur soif et ne pas avoir progressé dans leurs investigations. Ils nous ont demandé des informations supplémentaires sur les conditions d’obtention du contrat. Ces informations ne sont pas entre les mains du gouvernement, mais de la Gécamines. La société publique est en train de rassembler ces données. Nous espérons qu’elle le fera au plus vite pour que le FMI reprenne ses programmes en RD Congo. » N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
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THALES ALENIA SPACE
ð Eutelsat 3D sera mis en orbite en mai.
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Dans la ligne de mire d’Eutelsat L’opérateur européen de satellites veut gonfler de 50 % sa capacité africaine d’ici à 2015. Le passage au numérique des télévisions du continent pourrait lui offrir de belles perspectives de revenus.
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i-mai, c’est depuis le centre de contrôle de Rambouillet, près de Paris, que les ingénieurs d’Eutelsat écriront une nouvelle page du développement africain de l’opérateur de satellites, en assurant la mise en orbite d’Eutelsat 3D. Quelques dizaines de minutes auparavant, l’engin, 5,3 tonnes de technologie pure, aura été lancé de Baïkonour, au Kazakhstan.Suruneflottecomptant 31 satellites, 30 couvriront alors l’Afrique, offrant des services de communication aux télévisions, aux opérateurs télécoms et plus modestement aux gouvernements. Le chiffre d’affaires réalisé sur le continent est loin d’être anecdotique: 89,2 millions d’euros en 2011, si l’on se fonde sur les données du cabinet Euroconsult. Soit une part nonnégligeabledesrevenusglobaux (1,2 milliard d’euros en 2012) de la compagnie. « Nous réinvestissons chaque année 40 % de notre chiffre d’affaires. D’ici à la fin de 2015, nous allons lancer sept satellites, et chacuncoûteenviron250millionsd’euros », affirme Frédérique Gautier, responsable de la communication N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
d’Eutelsat. Entre 2012 et 2015, la capacité déployée par le numéro trois mondial va croître de 50 % en Afrique,contre23%pourl’ensemble de la flotte du groupe. BOUQUET. Créé en 1977 sous la forme d’une coopérative réunissant les États européens, Eutelsat a lancé ses opérations en Afrique au début des années 2000, à la faveur de la couverture des territoires français de l’océan Indien. Une orientation stratégique immédiatement récompensée par la signature d’un contrataveclebouquetdetélévision sud-africain DSTV. Leader sur le créneau de l’audiovisuel, Eutelsat achemine aujourd’hui plus de 50 % des 1 300 chaînes satellitaires disponibles sur le continent. Parmi ses
clients, le bouquet lusophone Zap ou encore l’indien Airtel. On estime que seulement 35 % des foyers africains reçoivent la télévision, contre 85 % en Amérique du Sud. D’où le potentiel encore très important du marché audiovisuel. « À la dynamique des bouquets payants s’ajoute aujourd’hui l’émergence de la TNT [télévision numérique terrestre, NDLR]. Nous en avons accompagné les premières initiatives avec le service du chinois StarTimes, lancé en 2010 et qui réunit aujourd’hui près de 100 chaînes », indique Frédérique Gautier.Latransitiondel’analogique vers le numérique doit maintenant être mise en œuvre par les États africains. Le Nigeria, l’Afrique du Sud, le Kenya, le Ghana, l’Ouganda
QUI UTILISE LES SATELLITES ? ● Les chaînes de télévision y ont recours pour rapatrier vers la régie leurs reportages réalisés sur le terrain, puis pour diffuser leurs programmes vers les foyers de leurs abonnés
ou vers les têtes de réseaux terrestres (TNT, ADSL, câble). ● Les satellites sont aussi utilisés pour offrir des services télécoms (voix, internet, visioconférences) partout où les
infrastructures terrestres sont absentes ou peu développées, soit comme réseau principal, soit comme filet de sécurité pour assurer la continuité du service en J.C. cas d’incident. ● JEUNE AFRIQUE
Entreprises marchés
JULIEN CLÉMENÇOT JEUNE AFRIQUE
Le fabricant français de vaisselle réalise 20 millions d’euros de revenus sur le continent. D’ici à 2017, il vise le double.
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eader mondial de la vaisselle avec 13 % de part de marché, le français Arc International voit en l’Afrique,oùsesmarquesLuminarc, Arcoroc ou Cristal d’Arques se vendent depuis les années 1950, un relais de croissance incontournable. Avec un chiffre d’affaires de près de 20 millions d’euros réalisé sur le continent (hors Égypte) en 2011 – soit 1,8 % de ses revenus globaux –, le fabricant a écoulé 51 millions de pièces. L’objectif est désormais de doubler le chiffre d’affaires d’ici à 2017 en misant sur une démographie galopante, l’émergence d’une classe moyenne et des réseaux de distribution de plus en plus performants. Le groupe, qui a des équipes en AfriqueduSudetenTunisie,recrute actuellementauNigeriaetauKenya. « Dans les six mois, nous nous développerons en Algérie [actuellement prise en charge par une personne depuis Paris, NDLR] et en Angola », précise Jean-Yves Grand, directeur général de la filiale de distribution d’Arc International en Afrique du Sud. Alors que ce pays a longtemps été son premier marché africain, l’Algérie l’a supplanté en 2012. Le groupe veut d’ailleurs s’étendre
Chiffres clés
hors d’Alger, à Sétif, Constantine ou Oran, en comptant notamment sur l’expansion du réseau hôtelier. En Afrique du Sud, il tisse des partenariats avec les grandes enseignes de distribution comme Massmart, mais aussi avec les grandes entreprises comme SAB Miller, CocaCola ou encore McDonald’s (verres promotionnels). PROMOTION. Axé sur le haut de
gamme, Arc International propose aussi des produits d’entrée de gamme, mais ceux-ci restent confrontés à une forte concurrence, notamment chinoise et turque. « Les verres chinois sont anonymes, précise toutefois Jean-Yves Grand. Nous sommes les seuls à avoir une stratégie de marque. » Une stratégie qui sera renforcée cette année par un investissement de plus de 450 000 euros dans la promotion. Et malgré une étude de partenariat avec un fabricant nord-africain il y a trois ans, l’heure n’est pas à la fabrication locale : « Nos usines dans le monde ont encore de la capacité », affirme Jean-Yves Grand. Les produits resteront donc importés de France (50 %), de Dubaï (30 %) et… de Chine (20 %). ●
n du chiffre d’a ffa itio t r ire a Amérique p é du Nord
1,1 milliard d’euros
de CA 2011
11 841
MICHAEL PAURON
s
coms (voix et internet) constituent la deuxième source de revenus d’Eutelsat. Cette activité, en pleine progression en Afrique, est notammenttiréeparlesbesoinsdusecteur des hydrocarbures, des banques qui déploient leurs agences à l’intérieur des pays et des opérateurs télécoms pour assurer l’interconnexion de leurs réseaux. Selon Euroconsult, le nombre de VSAT (paraboles permettant d’émettre et de recevoir) devrait passer de 65 000 à plus de 230 000 d’ici à 2021 en Afrique. Eutelsat s’intéresse aussi à la clientèle des particuliers. Grâce à son offre IP Easy, le groupe propose en Afrique subsaharienne depuis mai2012unaccèsàinternetcompris entre 29 et 60 euros par mois, pour un débit allant de 512 Ko à 4 Mo. S’il compteseulementquelquesmilliers d’utilisateurs, ce service constitue un appel du pied aux diffuseurs télé qui voudraient développer un package triple play associant internet, télévisionettéléphone.Ladémocratisation des services satellite restera cependantencoretrèshypothétique tantquelaplupartdesÉtatsafricains continueront à fortement taxer le matériel de réception. ●
L’Afrique,nouvellecible d’Arc International
Europe
50%
38 %
collaborateurs
(dont 6 384 en France)
5 millions d’articles
10,2%
Afrique
1,8%
Autres
fabriqués chaque jour
N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
SOURCE : ARC INTERNATIONAL
« TRIPLE PLAY ». Les services télé-
ARTS DE LA TABLE
R
et le Rwanda devraient faire migrer leurs télévisions avant fin 2015. « Le satellite peut à la fois faciliter le maillage des territoires en reliant deux émetteurs, et compléter la couverture nationale en offrant une réception directe dans les zones reculées », explique Magaly NicolasNelson Lenoir, directrice des missions Afrique subsaharienne. Le message a fait mouche en Algérie, où le groupe a décroché en mars un contrat pour accompagner le déploiementdelaTNT.Enattendant la généralisation de cette technologie, Eutelsat propose gratuitement depuis 2011 un bouquet de chaînespubliquesausudduSahara. L’objectif pour l’opérateur est d’avoir un maximum de paraboles pointées sur ses positions orbitales. L’audience du satellite devient alors un excellent argument commercial pourséduiredenouveauxdiffuseurs de bouquets gratuits ou payants.
115
Entreprises marchés
116
ð Une agence, à Casablanca. L’opérateur veut rénover, redynamiser et développer son réseau de points de vente.
un avertissement adressé à ses coactionnaires. Ce souhait de reprendre le contrôle pourrait être confirmé par une montée rapide d’Orange au capital de Méditel, dans une proportion peut-être supérieure à la limite (49 %) prévue dans le pacte d’actionnaires initial. POURSUIVANT. L’électrochoc est
CÉCILE TREAL POUR J.A.
nécessaire. Le numéro deux du marché mobile marocain (29,5 % de part de marché) est distancé par Maroc Télécom (45,8 %) et, surtout, talonné par Inwi (24,7 %). En 2012, il a perdu 500 000 clients quand son poursuivant en gagnait plus de 2 millions. « Les performances sont clairement en dessous de ce que nous attendions », reconnaît d’ailleurs un cadre d’Orange. Une situation qui se traduit par de mauvais résultats financiers, avec un chiffre d’affaires 2012 en chute de 6,75 % sur un an (à 499 millions d’euros) et un résultat net, déjà faible, en recul (à 18,7 millions d’euros). Du côté de Méditel, l’entourage de l’ancien directeur général défend son bilan : « Nous avons souffert notamment en raison de la baisse du prix que nous
TÉLÉCOMS
Au Maroc, Méditel attend l’électrochoc Déçu par les performances de sa filiale, le français Orange veut reprendre la main sur l’opérateur. Premier signal de cette nouvelle stratégie, le limogeage du directeur général Mohamed Elmandjra.
L
e 29 mars, le conseil d’administration de Méditel a décidé de révoquer Mohamed Elmandjra, directeur général de l’opérateur marocain. À ce poste depuis cinq ans, il avait été confirmé dans ses fonctions en 2010 après l’arrivée à hauteur de 40 % du groupe français Orange dans le capital de l’entreprise. À compter du 2 mai, il sera remplacé par Michel Paulin, qui était avant sa nomination l’un des dirigeants de la société Louis Dreyfus Commodities. Ce dernier est aussi un fin connaisseur du secteur des télécoms. Jusqu’en juillet 2008, il occupait le poste de directeur général de l’opérateur français Neuf Cegetel.
ANNONCE IMPROBABLE. En
coulisses, Orange assure que le limogeage et le choix du nouveau patron sont des décisions partagées par la Caisse de dépôt et de N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
gestion et FinanceCom, tous deux actionnaires de Méditel. Mais tout indique que le groupe français marque ainsi sa volonté de mieux tenir les rênes de l’opérateur. C’est ce même besoin de reprendre la main qui a vraisemblablement motivé ces derniers mois les déclarations de Stéphane Richard. Le PDG d’Orange avait publiquement souligné l’intérêt porté aux 53 % de Maroc Télécom mis en vente par Vivendi, avant d’abandonner récemment cette option. Une annonce faite malgré le caractère improbable d’une telle opération : Orange n’en aurait pas les moyens ; l’éventualité de posséder deux opérateurs sur trois au Maroc reste difficile à imaginer ; et les empreintes subsahariennes d’Orange et de Maroc Télécom se recouvrent en partie (notamment au Mali). Le signal envoyé par le management d’Orange ressemblait donc davantage à
Des profits en berne
(résultat net social, en millions d’euros)
55,4
2010 38,7
2011
18,7
2012
SOURCE : MÉDITEL
Fragile numéro deux (parts de marché abonnés bonnés nés, en %) abonnés,
2010
2011
33,7 13,5
32,9 20,2
52,8
Méditel
46,9
Maroc Télécom
2012 29,5
24,7
45,8
Inwi SOURCE : ANRT JEUNE AFRIQUE
Coulisses
Entreprises & marchés
Retrouvez toute l’actualité économique et financière du continent sur economie.jeuneafrique.com
APPELS MÉDIOCRES. Même nécessité d’amélioration concernant le réseau télécoms. « S’il reste bon, sa qualité menace de se dégrader, notamment parce que les bonus de temps accordés aux abonnés gonflent le volume des communications », indique une source chez Orange. Le constat n’a pas échappé au régulateur marocain, l’Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT). Un rapport publié début avril met en évidence une proportion d’appels jugés médiocres (29 % pour le réseau 2G et 24 % pour la 3G) supérieure à ses concurrents. Mais le bouleversement le plus important pourrait intervenir dans le domaine du marketing, avec un passage rapide à la marque Orange – déjà adoptée par la quasi-totalité des filiales africaines du groupe français. « Méditel a un vrai problème de positionnement. Il n’a pas l’aura de Maroc Télécom, et ses services ne sont pas perçus comme aussi innovants que ceux d’Inwi, en dépit des efforts faits sur la fourniture de contenus ou sur la rénovation de ses offres destinées aux professionnels », estime un analyste spécialiste des télécoms. ● JULIEN CLÉMENÇOT JEUNE AFRIQUE
TRANSPARENCE L’UE VEUT FAIRE MIEUX QUE LES ÉTATS-UNIS Le Parlement européen et les États membres de l’Union européenne (UE) se sont entendus, le 9 avril, sur un texte qui impose une transparence inédite aux industries extractives et forestières européennes dans leurs versements financiers à l’étranger. Le texte était négocié depuis un an et demi au niveau européen. La nouvelle directive prévoit d’obliger toutes les entreprises européennes actives dans les secteurs concernés à publier un rapport pour recenser les sommes versées aux gouvernements de pays tiers. La directive européenne va au-delà de la réglementation américaine en incluant le secteur forestier ainsi que les sociétés non cotées. De même, toutes les sommes supérieures à 100 000 euros devront être rendues publiques, au lieu des 500 000 initialement prévus : une façon de s’aligner sur les législateurs américains. Enfin, il n’y aura pas d’exemption pour les pays où les lois pénales interdisent la publication des paiements. ● EUROPEAN COMMUNITY
versent nos concurrents quand leurs clients appellent sur notre réseau. C’est une décision réglementaire dont l’impact sur nos comptes est très significatif. Mais si on regarde en détail l’année 2012, à partir du premier trimestre notre nombre d’abonnés est reparti à la hausse. » Une croissance obtenue comme ses concurrents à coups de promotion, entraînant dans le même temps une baisse de sa rentabilité. Pour redresser l’opérateur, les actionnaires ont voté en fin d’année dernière un plan stratégique portant sur trois domaines prioritaires : les points de vente, les infrastructures et le marketing. Côté distribution, il s’agit de rénover, de redynamiser et de développer l’ensemble des points de vente pour rivaliser avec Maroc Télécom, qui en revendique 71000.
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M
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• TRAIN Colas Rail Maroc et le français Egis Rail ont remporté un contrat de 124 M€ pour la conception-construction de la LGV Tanger-Kenitra • IMMOBILIER Anas Sefrioui a annoncé la construction de 5000 logements supplémentaires sur le projet déjà en cours de 2600 logements à Abidjan • AÉRIEN Le patron de Kenya Airways a confié à Bloomberg que la compagnie s’apprête à lancer une filiale low cost, JamboJet • PÉTROLE Technip a signé un contrat de 500 M€ avec Total au Congo pour développer le gisement offshore de Moho Nord
BANQUE AFRILAND REBONDIT EN CÔTE D’IVOIRE Afriland First Group a conclu avec le nigérian Access Bank la reprise de la filiale ivoirienne de ce dernier. L’opération permet au groupe fondé par l’homme d’affaires camerounais Paul Fokam de s’implanter dans l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Il a en revanche échoué dans sa tentative de reprendre 55 % des parts de Lomé dans la Banque togolaise pour le commerce et l’industrie. PORT NECOTRANS CONTREATTAQUE AU CAMEROUN Déjà présent à Douala dans les activités conteneurisées et parapétrolières, le groupe français de transport et de logistique Necotrans s’intéresse au port de Kribi. Son
directeur général s’est rendu en avril au Cameroun pour présenter au secrétariat général de la présidence une offre de dimension régionale. Une manière de réengager la lutte avec Bolloré après sa déconvenue sur le second terminal à conteneurs d’Abidjan. GAZ REPSOL CARBURE EN ALGÉRIE Le pétrolier espagnol Repsol a découvert un gisement de gaz naturel en Algérie, dans le bloc sud-est d’Illizi, non loin de la frontière avec la Libye. Des tests préliminaires ont permis de produire 235 000 m3 de gaz par jour. Une autre découverte dans le même bloc, moitié moins importante, avait été annoncée en novembre 2012. Premier producteur de gaz en Afrique, l’Algérie produit environ 220 millions de mètres cubes de gaz par jour. N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
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Décideurs MINES
Giulio Casello cherche un allié chinois
Le directeur général de Sundance Resources n’a pas réussi à vendre la firme à Hanlong Mining. Mais il a bon espoir de monter une coentreprise pour exploiter le fer à la frontière camerouno-congolaise.
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ébut février, au salon African Mining Indaba du Cap (Afrique du Sud), Giulio Casello y croyait encore. Le directeur général de Sundance Resources tablait sur la finalisation du rachat de sa firme par Hanlong Mining pour 1,4 milliard de dollars (environ 1 milliard d’euros). Ce devait être « l’une des plus grosses acquisitions minières par un groupe chinois en Afrique », dit-il. Mais le 8 avril, après avoir allongé à trois reprises les délais de règlement, jamais respectés par Hanlong, le dirigeant de la société basée à Perth (Australie) a dû se rendre à l’évidence : le deal ne se fera pas. DÉMÊLÉS. Le projet de Mbalam-
Nabeba, qui explore des gisements de fer des deux côtés de la frontière entre le Cameroun et le Congo, a pourtant fait mouche dès 2008 auprès des investisseurs chinois. À tel point que, au lieu d’une participation minoritaire – habituellement retenue par les groupes miniers de Pékin –, Hanlong a opté en 2011 pour une prise de contrôle du projet. Mais depuis, les discussions se sont éternisées entre les deux N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
sociétés, sous la houlette tatillonne du régulateur chinois, la puissante Commissionnationalepourledéveloppement et la réforme (NRDC). « Cette dernière n’était pas convaincue par la capacité de Hanlong à mener le projet sur le plan industriel. Or c’est elle qui a l’oreille des banques chinoises qui devaient financer le projet », indiquait déjà Giulio Casello en février. Les démêlés judiciaires de la direction de Hanlong n’ont pas arrangé la situation. « Liu Han, son président, avec qui nous avions l’habitude de travailler, a passé un certain temps derrière les barreaux pour avoir hébergé son frère accusé demeurtre»,indiqueGiulioCasello. Malgré cet accord manqué, l’ingénieur australien de 53 ans, fils d’immigrants italiens et fort de trois décennies d’expérience minière, ne renonce pas. « Notre projet détient la même teneur en fer que les meilleuresminesd’Australieoccidentale. Les gisements congolais et camerounais, de compositions différentes, se complètent idéalement. Le projet a même pris de la valeur depuisledébutdesdiscussionsavec Hanlong. Nos coûts d’infrastructures sont moins élevés que pour
Sur le site de MbalamNabeba.
un projet de fer comme celui du Simandou,enGuinée,où5milliards de dollars d’investissements seront nécessaires, soit trois fois plus que pourMbalam.Etsurtout,aprèsavoir levé les fonds, nous pouvons être prêts en seulement trois ans pour exporter du fer », fait-il valoir. Nommé à ce poste justement parce qu’il connaît la Chine – après deux ans chez le métallurgiste Sinosteel –, Giulio Casello affirme qu’un autre partenariat est possible avec un groupe venu de l’empire du Milieu. « Au lieu d’un rachat, nous nous acheminons plutôt vers une coentreprise avec un groupe chinois. C’était d’ailleurs notre option préférée au départ, avant les premiers contacts avec Hanlong. Et pour aboutir, nous gardons le soutien crucial de la NRDC », affirme-t-il. FORAGES. Selon cet homme
– 62,1 % C’est la chute du cours de Sundance Resources à la Bourse australienne entre le 1er mars et le 9 avril
jovial, qui a pris la direction de l’entreprise dans des conditions difficiles après la mort de son prédécesseur en juin 2010 dans un accident d’avion au Cameroun, ces atermoiements n’ont pas d’impact sur l’avancement du projet. « Nous continuons l’étude de faisabilité : les forages se poursuivent au Cameroun comme au Congo, indique-t-il. Après la convention avec Yaoundé en novembre 2012, celle avec Brazzaville sera signée très prochainement. » Reste qu’à la Bourse australienne le cours de l’action – suspendu du 19 mars au 9 avril – devrait souffrir. « Nous comptons plusieurs fonds d’investissement court-termistes parmi nos actionnaires, qui sont rentrés au capital il y a moins de six mois quand le rachat semblait probable », explique le directeur général. Pour les rassurer, Giulio Casello estime pouvoir signer un accorddecoentrepriseavecunnouveau groupe chinois « d’ici trois à six mois ». ● CHRISTOPHE LE BEC JEUNE AFRIQUE
Décideurs ON EN PARLE
SANTÉ
VINCENT FOURNIER/J.A.
Docteur Pharma, Mister Business
Adil Zanfari a su s’imposer sur le marché des génériques de pointe. Depuis 2001, le chiffre d’affaires de Genpharma, son laboratoire marocain, progresse en moyenne de 15 % par an.
JEUNE AFRIQUE
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22,9
ROMAIN BERTHON LEFÈVRE PELLETIER & ASSOCIÉS Cet ancien de Gide Loyrette Nouel, à Casablanca, rejoint le cabinet d’avocats français à Casablanca en tant qu’associé. Il y est chargé du développement des activités immobilières.
FANNY REY, envoyée spéciale à Londres
ð Il est aussi vice-président de l’Association marocaine du médicament générique.
HICHEM
NICHE. Dès le départ, il affiche la couleur : « J’ai refusé de représenter les multinationales pour ne pas avoir les poings liés. » Son business model repose sur la production de génériques de niche, à haute valeur ajoutée : « Nous avons été les premiers à en lancer dans les domaines de la cancérologie, de la diabétologie et de la cardiologie. » Ce qui ne l’empêche pas de se retrouver propulsé sur le devant de la scène, en 2007, grâce à l’Erector, l’équivalent du Viagra qui s’impose avec 60 % de part
de marché, soit plus de 3 millions de boîtes vendues. Aujourd’hui, le laboratoire est leader dans son secteur : son chiffre d’affaires, multiplié par 2,5 ces six dernières années, s’élève à 30 millions de dollars (22,9 millions d’euros) et progresse en moyenne de 15 % par an. Un tiers est réalisé à l’étranger – une proportion qu’il souhaite doubler. Ses produits sont ainsi vendus dans 39 pays d’Afrique et du MoyenOrient. « À terme, l’objectif est millions de couvrir 60 marchés. » Dans d’euros de chiffre sa quête d’expansion, il vient de d’affaires créer Genpharma Tunisie, qui sera opérationnel en 2016 – « la condition pour pouvoir distribuer nos produits dans le pays », souligne ce salariés pourfendeur du protectionnisme. Face à la pression croissante pesant sur les marges des groupes produits pharmaceutiques, il s’est fixé commercialisés comme objectif d’atteindre un dans chiffre d’affaires de 100 millions 39 pays d’Afrique de dollars dans dix ans, « la taille critique » selon lui. Pour cela, il et du Moyen-Orient a vu grand. Alors qu’elle produit actuellement 20 millions de boîtes par an, son usine a une capacité six fois supérieure. ●
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A
dil Zanfari, 50 ans, a su se faire une place d e p re m i e r p l a n sur le marché très concurrentiel des médicaments génériques au Maroc. Diplômé en 1989 de la faculté de Paris-V, ce docteur en pharmacie peut se targuer d’avoir lancé les produits anticancéreux du français Rhône-Poulenc en Europe et aux États-Unis. Mais c’est le MBA qu’il obtient en 1996 à Lausanne, où il attrape le virus du management, qui fait prendre à sa carrière un nouveau départ. Dès sa sortie, on lui propose sept offres d’emploi. Adil Zanfari prend, à 34 ans, la direction d’une entreprise allemande de biotechnologies. L’occasion pour lui de se familiariser avec la levée de fonds et avec l’activité de recherche et développement (R&D). Trois ans plus tard, en 1999, ce Marocain décide de retourner dans son pays natal, où il crée, à El-Jadida, Genpharma, qui produira sa première boîte de médicaments en 2001.
JEAN PING PHOENIX CAPITAL PARTNERS L’ex-président de la Commission de l’Union africaine prend la présidence de ce capitalinvestisseur ivoirien gérant 38,3 millions d’euros. Récemment, il a lancé le cabinet Ping & Ping avec ses fils.
NABIL EL-MIDANI LA POSTE TUNISIENNE Ce financier de formation a occupé divers postes à responsabilité dans le secteur bancaire du pays avant d’être nommé PDG de la Poste tunisienne. N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
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Finance INVESTISSEMENT
Les caisses de dépôt retrouvent la cote
De plus en plus de pays veulent se doter d’une institution qui mobilise l’épargne nationale et voit à long terme. Mais pour être efficace, son indépendance doit être réelle.
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rès de 400 milliards d’euros dormiraient sur des comptes en Afrique, qui en aurait pourtant grand besoin pour se développer. Comment mobiliser cette épargne de manière sécurisée sans négliger pour autant sa rentabilité ? Un modèle en vigueur en Europe, et notamment en France, séduit de plus en plus : celui des caisses de dépôt (CD). Alimentées principalement par les épargnes et les fonds de retraite, elles se multiplient. Mais certaines ont vu le jour il y a déjà bien longtemps. C’est le cas de la Caisse de dépôt et de gestion (CDG) marocaine, créée en 1959, devenue aujourd’hui la première institution financière du pays. Il y a un an, la Tunisie a lancé sa propre caisse, dirigée par Jamel Belhaj. Principalement alimentée par l’épargne postale, elle dispose de 4 milliards de dinars (1,95 milliard d’euros) et a investi quelque 100 millions de dinars. Le Sénégal, le Gabon et la Mauritanie ont chacun leur caisse, tandis que le Bénin, le Congo, la Guinée équatoriale, le Cameroun, le Togo, le BurkinaFasoouencoreMadagascar
songent à constituer la leur. Il y a plusieurs raisons à cet engouement, ainsi que l’explique Laurent Vigier, directeur des Affaires européennes et internationales à la Caisse des dépôts française : « Les CD sont un outil flexible, fiable et sécurisé pour mobiliser de l’argent et dynamiser le développement local. Par ailleurs, alors qu’elles avaient demandé par le passé aux États africains de s’en séparer, les institutions de Bretton Woods changent à présent de discours. » Sans oublier une limite importante : « Dans la zone franc CFA, les banques ne peuvent financer que 20 % de l’économie nationale ; au Maroc les trois quarts, et en Afrique du Sud 100 %, explique le banquier d’affaires Lionel Zinsou. Les pays ont besoin de cet outil. » RENTABILITÉ. Au Maroc, la caisse
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L’organisme marocain a été créé en 1959.
avait pour mission historique d’investir dans des actifs très peu risqués, mais elle a pris un virage dans les années 2000, sous l’impulsion du directeur général d’alors, Mustapha Bakkoury. « On a senti qu’il fallait prendre plus de risques sur le long terme, avoir une vision à dix, vingt ou trente ans, afin de
À L’ASSAUT DU CONTINENT DOTÉE DE FILIALES dans l’ingénierie, les assurances et l’immobilier, la Caisse des dépôts française s’intéresse de près au continent. « En Afrique, nous participons au fonds Inframed [monté en 2010, NDLR] à hauteur de 150 millions d’euros, soit 40 % de l’enveloppe totale [385 millions N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
d’euros], explique Laurent Vigier, directeur des Affaires européennes et internationales à la Caisse. Nous sommes aussi dans le fonds I&P [de Jean-Michel Severino, ex-directeur général de l’Agence française de développement]. » La Caisse est également un partenaire pour mettre
en place ou améliorer les standards d’autres caisses. « Nous accompagnons celles du Maroc, deTunisie, de Mauritanie, du Sénégal et du Gabon », conclut-il. Le 19 avril, elle organisera à Paris le deuxième Forum mondial des caisses de dépôt. ● M.P.
développer le pays », se souvient-on à Rabat. L’organisme a donc décidé d’investir dans l’économie réelle à travers des projets structurants : développement urbain, tourisme, immobilier… Sans perdre de vue la rentabilité: une force dans le choix des projets par rapport aux investissements de l’État. Cette stratégie s’est avérée gagnantepuisquelerésultatnetpart du groupe a atteint 976 millions de dirhams (87,4 millions d’euros), en hausse de 22 % par rapport à 2011. En Tunisie, la Caisse des dépôts et consignations a créé plusieurs fonds,dontTheemar(20millionsde dinars tunisiens), Phenicia (3 millions) – avec l’Agence française de développement (AFD) –, le fonds pour le développement de la franchise Mercure Market (2 millions), ou encore celui du développement régional (20 millions). « En deux ans d’existence, nous avons pris une dizaine de participations, dont une dans Rougier Afrique International JEUNE AFRIQUE
Baromètre
INGÉRENCE. Néanmoins, il existe
quelques réticences. « C’est un mécanisme intéressant pour mobiliser l’épargne nationale, estime Gabriel Fal, président du conseil d’administration de la Bourse régionaledesvaleursmobilières(BRVM). Maisentermesd’impactsurledéveloppement, tout dépend de ce qu’en fait l’État… Ce qui implique transparence et bonne gouvernance, et non-ingérence. » Selon une source marocaine, en effet, l’État « peut y voir un bras financier et être tenté de l’utiliser pour des projets non viables ». Ce qui se justifierait toutefois en cas de crise (en tant que levier contracyclique) pour assurer la continuité des projets, d’après le même observateur. « Pour la CDG, l’enjeu est de durcir les contraintes de rentabilité ou de recevoir des compensations de l’État » en cas d’investissements non viables. Même chose en Tunisie, où la ligne directrice de la caisse reste soumise aux orientations politiques. « Un projetdepanneauxphotovoltaïques mené par le français Soitec en partenariat avec la Société tunisienne de l’électricité et du gaz (Steg) attend toujours le feu vert du gouvernement », rappelle Jamel Belhaj. Et si les caisses de dépôt peuvent apparaître comme une alternative aux marchés financiers, aux bailleurs de fonds traditionnels ou au capital-investissement, Laurent Vigier estime plutôt qu’elles « sont complémentaires aux véhicules d’investissement traditionnels ». Elles peuvent même servir à « la maturation des marchés financiers, à élever les standards et à produire des normes de gestion », indique Rabat. La CDG marocaine est ainsi le premier investisseur de la Bourse de Casablanca. ●
Agroalimentaire: les marges se réduisent VALEUR
Zambeef Nestlé Foods Nigeria Dangote Sugar Flour Mills of Nigeria Dangote Flour Mills Centrale laitière Nestlé Côte d'Ivoire Lesieur Cristal Cosumar Tiger Brands
BOURSE
COURS au 10 avril (en euros)
ÉVOLUTION depuis le début de l’année (en %)
LUSAKA
0,01
+ 39,7
LAGOS
4,70 0,04 0,37 0,04 130,11 67,83 9,15 138,64 24,63
+ 38,9 + 38,5 + 20,5 + 11 + 5,2 + 1,1 –1 – 1,1 – 11,6
LAGOS LAGOS LAGOS CASABLANCA ABIDJAN CASABLANCA CASABLANCA JOHANNESBURG
SITUATION PARADOXALE pour les principales valeurs cotées de l’agroalimentaire africain : malgré des marges qui se contractent – en raison notamment de la hausse du coût des intrants –, les performances boursières sont globalement positives. Les entreprises parviennent en effet, pour compenser, à augmenter leurs volumes de ventes par des stratégies marketing adaptées. Sur
le marché le plus réactif du continent, celui de l’Afrique du Sud, le géantTiger Brands recule nettement. Le groupe est notamment touché par la faiblesse du rand, la forte concurrence et la volatilité des prix des matières premières. Autant d’éléments complexes à maîtriser, mais que la firme sud-africaine tente de limiter en allant désormais chercher sa croissance ailleurs sur le continent. ●
Valeur en vue LESIEUR CRISTAL De belles performances POUR LESIEUR CRISTAL, 2012 a été marquée par plusieurs événements: la cession en février de 41 % du capital à Sofiproteol ; la tendance haussière des cours de l’huile brute de soja jusqu’en septembre; la hausse de la consommation des ménages; l’invasion des produits de contrebande en provenance de la zone orientale, avec une part de marché estimée à 6 % en fin d’année ; l’entrée en vigueur des accords de libre-échange entre le Maroc et l’Union européenne, pouvant affecter à terme les huiles raffinées importées ; Hajar Tahri et la mauvaise campagne locale de tournesol (3 000 t), Analyste chez ne permettant pas le redémarrage de la trituration. Dans BMCE Capital ce contexte, la société a écoulé sur l’année 230 000 t d’huile de graines, 5 000 t d’huile d’olive et 31 000 t de savon, générant des revenus consolidés de 372 millions d’euros (+ 6,4 %). Le résultat d’exploitation courant consolidé a quadruplé (20,5 millions d’euros), grâce à une meilleure maîtrise du coût des achats de matières premières. Le résultat net part du groupe a triplé (9,5 millions d’euros). » ● DR
en décembre 2011, réalisation qui reste la plus importante sur le plan stratégique », souligne de son côté Alain Ditona Moussavou, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations du Gabon. « Les investissements se font sur le long terme, c’est un modèle de finance patiente axé sur la valeur », précise encore Laurent Vigier.
Finance
BOURSE
CA 2012
COURS (10.4.2013)
OBJECTIF
Casablanca
372 millions d’euros (+ 6,4 %)
102 dirhams
101,1 dirhams
MICHAEL PAURON JEUNE AFRIQUE
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Dossier
Business
INTERVIEW
Hassan Ahdab
Vice-président de Starwood
HÔTELLERIE
Le boom du tourisme d’affaires
Dans un marché encore en sous-capacité, chaînes internationales et enseignes locales rivalisent pour séduire la principale clientèle des établissements africains : les professionnels en déplacement. OLIVIER CASLIN
L
«
’Afrique vous accueille. » Le slogan utilisé par la chaîne d’hôtels ouest-africaine Azalaï (lire p. 140) n’est pas anodin. Depuis quelques années en effet, tous les grands noms de l’industrie touristique mondiale, à commencer par les groupes hôteliers de haut standing, ont les yeux tournés vers le continent et son formidable potentiel touristique. Si, pendant très longtemps, les opérateurs peinaient à financer leurs projets, « aujourd’hui ce sont les investisseurs qui viennent chercher les chaînes hôtelières pour qu’elles s’implantent sur le continent », observe Jean-Marc Grosfort, directeur du développement du groupe Marriott, qui depuis trois ans « attaque sérieusement le continent » pour y disposer de plus de 55 hôtels dès 2020, contre 9 actuellement. Seule la Chine, « avec un hôtel ouvert par semaine », a connu un rythme de croissance comparable dans les annales du groupe américain. « Beaucoup de pays ont encore des besoins énormes », estime Alain Sebah, vice-président international de Louvre Hotels Group, qui rappelle que « l’Algérie demande 75 000 chambres supplémentaires, l’Angola 500 hôtels ». Ces deux pays figurent, avec le Nigeria, le Ghana ou la Côte d’Ivoire, parmi les destinations préférées des hommes d’affaires sur le continent. Car comme le souligne encore Alain Sebah, « c’est le tourisme d’affaires qui tire aujourd’hui l’ensemble du secteur hôtelier en Afrique ». Au point de représenter entre 80 % et 90 % du taux de remplissage dans bon N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
nombre de pays. Et avec un rythme de croissance annuel de 6 % à 7 % annoncé pour l’ensemble de l’économie africaine, les perspectives de ce segment, très rémunérateur pour les hôteliers puisqu’il leur assure une activité régulière même en dehors des pics touristiques, semblent plus que prometteuses. BOUCHÉES DOUBLES. « Le continent est perçu
comme l’un des leviers de croissance les plus dynamiques au monde pour le secteur », assure Alan O’Dea, vice-président Afrique chez Mövenpick qui, comme les autres enseignes, met les bouchées doubles pour disposer d’une trentaine d’hôtels d’ici à 2016, contre 23 actuellement. Nombre d’indicateurs sont propices à l’essor du tourisme haut de gamme en Afrique, de l’émergence d’une véritable classe moyenne à l’explosion du taux de bancarisation de la population – de 7 % aujourd’hui à 60 % en 2020 –, signe d’une capacité financière à fréquenter ces établissements, en passant par la progression continue d’internet, « essentiel pour les voyageurs d’affaires », insiste Souleymane Khol, directeur régional chez Accor. Et d’estimer que « d’ici à quinze ans, la clientèle en Afrique présentera un profil identique à celle des marchés matures ». Symbole de cette évolution en marche, la clientèle d’affaires locale pèse de plus en plus lourd. Selon plusieurs chaînes interrogées, elle aurait représenté plus de 55 % de la fréquentation hôtelière africaine en 2012, contre à peine 35 % quatre ans plus tôt. De quoi tirer le développement d’une offre spécifiquement africaine, illustré par l’émergence de nouvelles enseignes comme Onomo et Azalaï en Afrique de l’Ouest ou par l’avancée
SYLVAIN CHERKAOUI POUR J.A.
122
Selon son directeur, l’hôtel Onomo de Dakar accueille « du grand patron européen au fermier peul ».
JEUNE AFRIQUE
AÉRIEN
Des prestations de haut vol
De plus en plus de résidents locaux Part de la clientèle hôtelière africaine
35 % en 2008
55 % en 2012
JEUNE AFRIQUE
PORTRAIT
Mossadeck Bally
Fondateur et PDG d’Azalaï
remarquée des chaînes sud-africaines vers le nord du continent, à commencer par Protea Hotels, qui compte déjà plus de 120 adresses réparties dans 8 pays. Signe des temps, Onomo et Azalaï figurent pour la première fois dans le top 10 des chaînes hôtelières ayant le plus investi en Afrique en 2012, aux côtés de géants tels qu’Accor (Ibis, Novotel), Carlson Rezidor (Radisson, Park Inn), Mövenpick ou Hilton, selon le cabinet nigérian W Hospitality Group. MÉTISSAGE. En s’installant depuis deux ans à proximité des aéroports de Dakar, d’Abidjan et de Libreville et en misant sur le métissage culturel, Onomo a vite trouvé sa clientèle, « du grand patron européen au fermier peul », précise Philippe Cointy, directeur de l’hôtel Onomo de Dakar et responsable du marketing. Fidèle à la vision de ses deux créateurs, transfuges d’Accor « qui avaient senti
AFRIQUE DU SUD
Pourquoi Le Cap est-il la Mecque de l’événementiel ?
123
venir le développement rapide du marché d’affaires africain », selon Philippe Cointy, Onomo ambitionne de s’implanter dans toute l’Afrique de l’Ouest pour compter dans les cinq ans « entre 20 et 25 hôtels ». Présent sur le marché depuis 1994, le groupe Azalaï a pris un peu d’avance et possède aujourd’hui 7 hôtels dans 4 pays de la sous-région, en attendant la Guinée et le Sénégal. « En plus d’offrir des services aux standards internationaux, nous mettons en avant la chaleur de l’hospitalité africaine pour fidéliser nos clients, composés à 97 % de touristes d’affaires », précise Olga Sanvee, directrice commerciale et marketing. « Onomo et Azalaï sont des compagnies positionnées sur le milieu de gamme et qui, en proposant un très bon rapport qualité-prix, font baisser des tarifs hôteliers jusqu’alors prohibitifs faute de concurrence », explique un expert du marché en Afrique. Une bonne nouvellepourlaclientèled’affaires,quipeutenfinvarier les plaisirs en même temps que les destinations. ● N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
Dossier INTERVIEW
Hassan Ahdab
Vice-président du groupe Starwood, directeur régional des opérations Afrique et océan Indien
« Nous rattrapons le retard dû aux révolutions » Selon le vice-président de Starwood, les sérieux ralentissements connus en 2011 et 2012 s’estompent, même en Égypte. La reprise est bien là.
D
epuis 2006, Hassan Ahdab est vice-président et directeur régional des opérations pour l’Afrique et l’océan Indien de Starwood Hotels & Resorts, qui compte 37 établissements sur le continent. Ce Français né en Syrie a fait l’essentiel de sa carrière au sein de la chaîne Le Méridien, l’une des marques phares du groupe aujourd’hui. C’est même là que, après des études supérieures suivies à Damas, il a commencé sa carrière en 1977, occupant divers postes financiers et opérationnels lorsque la chaîne était encore une filiale d’Air France. À partir de 1992, il a dirigé Le Méridien de Libreville puis celui de Saint-Martin, avant de superviser la zone Caraïbes. Il a ensuite été chargé de l’Afrique et de l’océan Indien pour la même marque. Après le rachat de la chaîne par Starwood en 2005, il a poursuivi cette mission pour les neuf enseignes du groupe. JEUNE AFRIQUE: Que pèse l’Afrique dans le portefeuille de Starwood? HASSAN AHDAB : Nous avons
37 hôtels opérationnels sur le continent, répartis dans 15 pays différents. Des marques telles que Sheraton et Le Méridien y sont très bien implantées, avec 32 établissements à elles seules. Cela représente plus de 10000 chambres mises à la disposition de nos clients chaque jour. Bien sûr, ce n’est pas en Afrique que le groupe est le plus présent au niveau mondial N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
Le groupe en chiffres
9
enseignes : Aloft Element Four Points Le Méridien Sheraton St Regis The Luxury Collection W Hotels Westin
1 200
établissements dans le monde dont :
37
hôtels opérationnels sur le continent
DR
124
– puisque nous comptons près de 1 200 hôtels au total –, mais c’est probablement la zone qui présente le plus fort potentiel. À l’heure actuelle, nous y menons 15 projets, qui se trouvent à différents stades de développement. Parmi eux, quatre Sheraton – à Tripoli, Annaba, Dakar et Madagascar – et quatre Four Points – à Oran, Lagos, Benin City et Ibadan. Pourtant, en 2013, vous n’avez annoncé qu’une seule ouverture, celle du Méridien de l’aéroport du Caire…
Ce n’est pas tout à fait exact. Un Méridien va effectivement ouvrir au Caire en septembre, mais trois établissements, arrêtés en 2012, vont être remis en service. L’hôtel
Sheraton du Caire et le Grand Mauritian à l’île Maurice ont été entièrement rénovés. Enfin, le Four Points de Tripoli devrait rouvrir fin mai, alors qu’il avait fermé quatre semaines après son ouverture en raison de la révolution. Cela fait donc quatre ouvertures pour 2013. Puis six en 2014 et quatre autres dès 2015. La situation économique et les révolutions ont un peu ralenti les constructions, mais notre déploiement a maintenant repris son cours. En 2012, les effets des révolutions se faisaient-ils encore sentir ?
Oui, indéniablement, et surtout en Égypte, pays incontournable pour nous. Répartis entre Le Caire et la mer Rouge, nous y JEUNE AFRIQUE
Business comptons dix hôtels, et trois autres en construction. En 2011, l’activité s’y était quasiment arrêtée. La reprise l’année suivante, de l’ordre de 30 %, était encore très loin des niveaux d’avant la révolution. Nous anticipions un retour à la normale plus rapide. L’année 2012 n’a pas été très bonne – et les mauvaises performances égyptiennes ont neutralisé les petites embellies constatées ailleurs. Vous attendez des changements majeurs cette année ?
Nous constatons un retour de la confiance, et le tourisme reprend en Égypte. C’est déjà le cas progressivement autour de la mer Rouge. Et avec les hôtels de Maurice et du Caire qui vont reprendre du service, 2013 sera une très bonne année.
Vous allez doubler votre présence au Nigeria en ouvrant quatre
hôtels dans les trois prochaines années. Est-ce votre nouveau pays stratégique ?
Le Nigeria a le même rythme que l’Égypte. Nous croyons beaucoup en ce pays, en sa capacité à se moderniser et à attirer les tou-
centrale, et rééquilibrer notre répartitiongéographique.Lesdiscussions sont bien avancées en Tanzanie, au Kenya ou encore au Rwanda. Dès 2014, nous pourrons présenter une dizaine de nouveaux projets et presque autant de nouveaux pays.
Nous voulons rééquilibrer notre répartition géographique sur le continent. ristes. L’objectif est effectivement de doubler, voire de tripler, notre présence sur place. Mais le Nigeria est loin d’être une priorité unique. Quels sont vos axes de développement ?
Nous introduisons de nouvelles marques sur le continent. Après Westin et Four Points, le premier St Regis a ouvert à l’île Maurice. Nous voulonsnousdévelopperdavantage en Afrique de l’Est et en Afrique
Quel est le profil de votre clientèle dans la région ?
Elle se répartit à égalité entre touristes et hommes d’affaires. Ces derniers ont accès au programme de fidélité Starwood Preferred Guest (SPG) et bénéficient de traitements préférentiels – séjours ou vols offerts, invitations à des événements culturels ou sportifs – ainsi que de la garantie du meilleur tarif sur SPG.com. ● Propos recueillis par SÉBASTIEN DUMOULIN
125
Dossier
ETHIOPIAN AIRLINES
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AÉRIEN
Des prestations de haut vol
Les voyages d’affaires représentent 30 % des recettes.
Les transporteurs desservant l’Afrique déploient des trésors d’ingéniosité pour séduire et fidéliser la clientèle « premium ». Tour d’horizon des innovations.
S
elon l’Association internationale du transport aérien, la classe affaires représente 8 % des passagers, mais 30 % des recettes. Une manne à bichonner. Les leaders historiques (Air France-KLM, Lufthansa, British Airways) ont une longueur d’avance et proposent une classe affaires sur la plupart de leurs vols vers l’Afrique. Mais « les compagnies africaines telles qu’Ethiopian Airlines, South African Airways ou Kenya Airways rattrapent peu à peu leur retard, notamment via leurs alliances ou en renouvelant leur flotte », indique Délia Bergonzi, directrice générale du cabinet spécialisé Ectar. Enfin, les transporteurs du Golfe (Etihad Airways, Qatar Airways, N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
Emirates…) offrent une qualité de service en classe affaires équivalente ou supérieure aux compagnies historiques. Quelques bémols cependant : vers l’Afrique, leurs vols sont moins réguliers, jamais directs depuis l’Europe et avec des dessertes moins nombreuses. « Depuis 2011, toutes les compagnies desservant l’Afrique
Des centaines de millions d’euros d’investissement pour le siège horizontal d’Air France-KLM. montent en gamme dans les services offerts en business class », explique Délia Bergonzi. Voici un aperçu des innovations destinées à la clientèle d’affaires.
EN CABINE
Du siège au lit
Depuis mars, toute la classe affaires de Brussels Airlines a été renouvelée. En tête des innovations, le full flat-bed seat, un siège qui se transforme en lit parfaitement horizontal de deux mètres de long. Le fauteuil est doté d’un matelas pneumatique pour régler le moelleux, d’un massage relaxant et d’un réglage lombaire. Le tout assorti d’un système de lumière d’ambiance aux reflets bleus. Full flat-bed seat aussi chez British Airways depuis 2006, ainsi que chez Swiss International Airlines, qui dispose d’ailleurs de la même technologie pneumatique que son homologue belge. Chez British Airways, la décoration JEUNE AFRIQUE
Business intérieure a été rafraîchie, avec un nouvel éclairage et une palette gris et bleu marine. Couettes épaisses, coussins damassés Osborne & Little et parois de confidentialité à commande électronique sont aussi disponibles. La classe affaires d’Air FranceKLM a quant à elle été rénovée en 2010, mais sans full flat-bed seat. Dès 2014, la compagnie rééditera cet effort pour se placer « dans les plus confortables, avec un nouveau siège horizontal, en cours de conception, pour un investissement de plusieurs centaines de millions d’euros », indique Air France. DANS L’ASSIETTE
Menus de chefs
La plupart des compagnies prennent en compte les interdits alimentaires propres à l’islam. Mais Qatar Airways et Emirates vont encore plus loin, en proposant des repas répondant à une quinzaine de « contraintes diététiques particulières si l’on prévient soixantedouze heures avant le départ ». Toutes les compagnies ou presque offrent le champagne et une carte des vins plus ou moins étoffée. Swiss se distingue avec des vins sélectionnés par l’œnologue Chandra Kurt et des plats imaginés par des chefs issus de chaque canton suisse, renouvelés tous les trois mois. Air France-KLM offre le
champagne même en classe éco, et un chef différent (Guy Martin, Joël Robuchon, Michel Roth…) élabore, tous les six mois, l’un des quatre plats de la classe affaires. Une pratique désormais imitée par British Airways. La plupart des transporteurs proposent également des buffets sucré-salé en libre-service pendant toute la durée du vol.
AU SOL
Spa et massages
HIGH-TECH
Toujours connectés
Brussels Airlines s’enorgueillit de son écran tactile de 39 cm avec commande à distance et prise casque standard. En outre, un port USB pour recharger ses appareils, connecter son ordinateur ou regarder ses propres vidéos est disponible. Emirates propose quant à lui jusqu’à 1 400 films – un record comparé à la centaine de British Airways ou même aux 900 de Qatar Airways. Les deux compagnies du Golfe permettent également, sur certains avions, d’émettre et de recevoir des appels téléphoniques, des e-mails et des SMS en vol. Un service en expérimentation dès cette année chez Air France-KLM, qui offrira aussi à terme « la transmission en direct d’émissions de télévision ». Autre particularité de la compagnie franco-néerlandaise: la mise à disposition d’une quinzaine de CD d’artistes africains.
Le top du top (classement Skytrax 2012)
Meilleure compagnie du monde
Meilleure compagnie africaine
Meilleure classe affaires
À Paris, Air France-KLM a mis sur pied une équipe spécialisée dans l’accueil des passagers africains. Ces clients bénéficient aussi d’une franchise bagage deux fois supérieure à la normale, tout comme chez Lufthansa. En outre, British Airways, Lufthansa et Air FranceKLM préviennent les clients via leurs téléphones portables en cas de retard, de problème de bagages ou de changement de porte d’embarquement, après enregistrement. Désormais, la plupart des compagnies proposent des services de pré-enregistrement et d’accueil prioritaire de la classe affaires, qui bénéficie d’espaces réservés dans les aéroports de Francfort pour Lufthansa, Roissy-Charles-deGaulle pour Air France et Heathrow pour British Airways. Un spa est même en libre-service pour la clientèle d’affaires de la compagnie britannique, tandis que des massages sont proposés par Air France-KLM. « En Afrique, notre ambition, c’est de tirer le meilleur parti des infrastructures existantes », indique-t-on chez Air France-KLM. À Port-Harcourt, au Nigeria, pendant les travaux de rénovation de l’aéroport, la compagnie française a ainsi converti des conteneurs en salles d’attente et d’enregistrement climatisées. ● BRICE TAHOUK
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Dossier 2012, tandis que NetJets en a réalisé plus de 1 000 (+ 12 % en un an).
TRANSPORT
Croissance à deux chiffres pour les jets d’affaires
HAUT DE GAMME. Moyennant
Entreprises et gouvernements du continent ont de plus en plus recours à ces petits avions. Une aubaine pour les compagnies spécialisées.
NETJETS
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M
ercredi 30 janvier 2013. Un jet flambant neuf atterrit à l’aéroport Ndjili, à Kinshasa. À son bord, la direction de VistaJet. Objectif : présenter la compagnie et afficher sa nouvelle priorité, l’Afrique. Avec plus de 400 vols depuis et vers le continent l’an dernier, VistaJet croît rapidement. Depuis deux ans, l’entreprise affiche un chiffre d’affaires
en hausse de 25 %. « En 2013, nous devrions dépasser les 30 % de croissance en Afrique », assure Ian Moore, son directeur commercial. Pas forcément de quoi inquiéter ses concurrents pour autant. « C’est un marché très attractif, avec un potentiel de croissance annuelle à deux chiffres », explique Florent Sériès, vice-président charter services de TAGAviationEurope.Cettesociétéa effectué 960 vols vers le continent en
Les pays producteurs de pétrole sont les mieux desservis par ce type d’appareils.
4500 à 7000 euros l’heure de vol sur des appareils de 7 à 17 places, seuls trois types de clients ont recours aux jets d’affaires : les dirigeants d’entreprises occidentales, les délégations gouvernementales et, enfin, les industriels et hommes d’affaires africains. « L’Afrique a la particularité d’être divisée en trois marchés distincts: le Maghreb, l’Afrique subsaharienne et l’Afrique du Sud », détaille Clément Lauriot-Prevost, directeur associé de NetJets. Les règles d’accueil des jets d’affaires sont très variables selon les pays, et la demande est généralement proportionnelle à la vigueur de l’économie. Sans surprise, les jets desservent notamment les pays producteurs de pétrole. « Le Nigeria, le Gabon, l’Angola et le Congo ont le plus grand potentiel de croissance », détaille Clément Lauriot-Prevost. Pour Florent Sériès, la prochaine étape serait d’installer une base sur le continent. « Nous étudions le sujet avec beaucoup d’intérêt et un peu d’appréhension, reconnaîtil. Nous nous devons d’offrir un service haut de gamme, mais c’est difficile dans certains pays. » En cause, le manque d’infrastructures ou les lenteurs administratives. En attendant, TAG Aviation dessert tous les pays, sauf en cas de conflit: si la guerre fait généralement sombrer l’économie, elle fait également fuir les expatriés. ● BRICE TAHOUK
Business Tradition
Dans la poche
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Portefeuille int international 12 cartes de crédit, collec collection Happy Bir Birthday de Cartier, 570 euros.
Les ventes de champagne en Afrique ont atteint les 10 millions de bouteilles sur un total de 323 millions de bouteilles dans le monde en 2011 (dernières statistiques connues). Cela fait du continent le troisième marché du fameux vin français hors d’Europe, derrière les ÉtatsUnis (19 millions) et le Japon (8 millions).
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Tactile
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Le Gabon arrive en tête en Afrique francophone, avec 223000 bouteilles, devant le Maroc (200625) et le Congo (187024). Le marché gabonais arrive troisième sur l’ensemble du continent, derrière le Nigeria (688355) et l’Afrique du Sud (443016). Au total, les ventes de champagne ont triplé en Afrique en dix ans, et ont progressé de 12 % en 2012. Numéro un en France et dans le Top 5 mondial, Nicolas Feuillatte, marque coopérative qui fédère plus de 5000 viticulteurs, a pour sa part triplé ses ventes africaines en dix ans.
Sans contrefaçon
Parmi les moyens de reconnaître l’originale : la couture sur cuir noir n’est jamais blanche. Ceinture Hermès, la vraie : à partir de 400 euros. JEUNE AFRIQUE
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Dossier Business
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Brodé
ÉLIXIR DE CROISSANCE
Mille perles pour ce bracelet Ti Sento, grand créateur de bijoux en argent. 600 euros.
Sur un marché mondial des cosmétiques en hausse de 4,6 % en 2012, le chiffre d’affaires du numéro un L’Oréal a progressé de 10,4 %, à 22,46 milliards d’euros, avec un bond de 13 % à 25 % sur les marchés émergents, qui représente désormais plus de la moitié de ses ventes. Le groupe fabrique chaque année 6 milliards de produits vendus sous 23 marques à 1 milliard de clients. Il a mis cent ans à les conquérir.
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Déclinaison
Mais L’Oréal n’attendra pas autant pour le prochain milliard de consommateurs. L’objectif : y parvenir dans les quinze années à venir, grâce à une stratégie de hubs régionaux qui revient à créer « un nouveau L’Oréal sur chaque continent ». Le modèle économique a fait ses preuves en Inde et en Chine. Il commence à s’appliquer à l’Afrique, où le groupe, présent à Johannesburg depuis 1963, vient de s’implanter successivement au Nigeria et au Kenya.
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JEUNE AFRIQUE
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Dossier AFRIQUE DU SUD
Pourquoi Le Cap est-il la Mecque de l’événementiel? Climat, cadre de vie, industrie touristique rodée et bien connectée… La ville sud-africaine attire les plus grandes conférences panafricaines. Avec la crise en Europe, elle cible désormais les décideurs ouest-africains.
ANTOINE LORGNIER/ONLYWORLD.NET
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E
ncore une fois, le salon African Mining Indaba, qui rassemblait pour sa 19e édition les professionnels du secteur minier au Cap, aura fait le plein. Du 4 au 7 février, plus de 7 500 participants ont fait le déplacement dans la « ville-mère » sudafricaine, qui n’a pourtant pas de tradition dans ce secteur, contrairement à sa rivale, Johannesburg. En 2012, les 7 000 participants de l’édition précédente avaient dépensé 700 000 euros dans les boutiques et restaurants de la cité portuaire. Quant au chiffre d’affaires dégagé par l’hôtellerie grâce à l’événement, il sera cette année supérieur à 2,25 millions d’euros, avec une moyenne de trois nuitées par personne. African Mining Indaba n’est pas la seule manifestation qui fasse les bonnes affaires des professionnels dutourismeduCap.«Nousaccueillons également Design Indaba, qui connaît un grand succès chaque
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année fin février, tout comme l’Africa Oil Week en novembre », se félicite Nils Flaatten, directeur de Wesgro, l’agence publique chargée du développement de la province du Cap-Occidental. « Le Forum économique mondial sur l’Afrique, pendant continental de la manifestation de Davos, a lui aussi choisi notre ville, poursuit-il. Et en juin, l’Association internationale du transport aérien tiendra chez nous son assemblée générale. » RÉSEAU HÔTELIER. Ce succès
dans le tourisme d’affaires, la cité ne le doit pas uniquement à ses atouts naturels et culturels. « Bien sûr, nous bénéficions de notre environnement: notre climat méditerranéen, la côte splendide, notre histoire riche et notre région viticole », égrène Nils Flaatten. Mais pour lui, si les grandes associations professionnelles et les institutions choisissent Le Cap, c’est aussi et surtout parce que la ville s’est dotée
La cité portuaire accueille les professionnels des mines, du design et du pétrole.
DES RENDEZVOUS MAJEURS Du 8 au 10 mai 2013 Forum économique mondial sur l’Afrique Du 25 au 29 novembre 2013 Africa Oil Week Du 3 au 6 février 2014 African Mining Indaba Fin février 2014 Design Indaba 2014
d’une industrie touristique rodée et bien connectée à l’international. « La décision de construire un centre de congrès moderne – le plus important d’Afrique australe –, au début des années 2000, a été cruciale, explique-t-il. Et si les agences américaines et européennes qui pilotent les grands événements choisissent Le Cap, c’est aussi qu’elles ont tissé des liens avec des agences locales ayant démontré leur professionnalisme. Elles peuvent s’appuyer sur un réseau d’établissements hôteliers disposant de centres de séminaires où peuvent être organisés des événements parallèles aux grandes manifestations. Ainsi, lors du salon African Mining Indaba, le français BNP Paribas et le sudafricain Cadiz ont tenu des conférences annexes pour leurs clients présents au Cap. » SHOPPING. Pourtant, tout n’est
pas rose. « Le Royaume-Uni, l’Allemagne, les Pays-Bas et la France sont les principaux pays d’origine de nos visiteurs. Du coup, avec la crise en Europe qui a réduit les budgets des entreprises, le nombre total de touristes a baissé de 10 % en 2012 », indique Nils Flaatten, dont la ville doit aussi faire face à la concurrence renforcée de Durban et, surtout, de Johannesburg, qui bénéficie d’un hub aérien plus important. Pour inverser la tendance, la ville et la province misent sur les pays émergents comme l’Argentine, le Brésil, la Chine, l’Inde et la Russie, mais aussi sur la côte occidentale de l’Afrique. « Nous ciblons notamment les clientèles aisées du Nigeria, de l’Angola et de la Côte d’Ivoire, particulièrement friandes d’un séjour alliant affaires et shopping », affirme le directeur de Wesgro. Pour les attirer, Le Cap compte sur l’amélioration des liaisons aériennes : « Nous attendons le renforcement des vols régionaux des compagnies low cost comme Kulula et 1time, ainsi que des vols directs depuis les pays du Golfe avec Etihad Airways, Emirates et Qatar Airways », affirme Nils Flaatten. ● CHRISTOPHE LE BEC, envoyé spécial JEUNE AFRIQUE
Business SERVICES
Enfin un guide web pour voyageurs d’affaires! Déjà six mois que le site Africazeva étend sa toile. Une mine d’infos pour organiser ses déplacements sur le continent.
F
ace au manque criant d’informations pratiques sur internet, Vanessa Roux a décidé de prendre le taureau par les cornes en lançant Africazeva, un portail consacré aux voyages professionnels sur le continent. « C’est grâce à mon activité que j’ai eu l’idée de créer cette plateforme », explique-t-elle d’emblée. Cette Franco-Gabonaise connaît bien les besoins des hommes d’affaires, puisqu’elle les accompagne depuis trois ans pour le cabinet Val’or Conseil. En ligne depuis octobre dernier, ce site référence
toutes les adresses de « standing international », à savoir les hôtels qui comptent au minimum trois étoiles, sont situés en centre-ville et dans un environnement sûr. Il offre aussi la possibilité de trouver un vol et des adresses pour se restaurer, se détendre ou faire des emplettes. La jeune entrepreneuse profite de ses voyages sur place pour actualiser les données du site et s’appuie sur son réseau de correspondants – des businessmen établis dans chaque pays –, qui lui signalent tout « souci ou fermeture ». Afin d’enrichir sa base, Vanessa Roux a opté pour une
démarche interactive et demande à ses utilisateurs quelles sont leurs attentes. Des internautes lui ont ainsi récemment indiqué souhaiter voir recenser les terrains de golf. Des voyageurs pratiquants, eux, lui ont demandé de référencer les lieux de culte. POTENTIEL. Pour l’heure, ce
guide pratique se concentre sur Libreville et Port-Gentil (Gabon), BrazzavilleetPointe-Noire(Congo), N’Djamena (Tchad), Johannesburg (Afrique du Sud), Abidjan (Côte d’Ivoire), Dakar (Sénégal) et São Tomé e Príncipe. À terme, la petite équipe de trois personnes ambitionne de proposer une plateforme panafricaine, « mais il faut d’abord augmenter notre effectif et faire du chiffre », attirer les annonceurs et nouer des partenariats. « Une chose est sûre : la demande est là, et il y a du potentiel », s’enthousiasme-t-elle. ● FANNY REY
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Dossier MALI
La success-story africaine de Mossadeck Bally Pour faire connaître sa marque à l’international, le fondateur de la chaîne hôtelière Azalaï agrandit son parc dans la sous-région.
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estunefiguredumonde des affaires au Mali et dans toute la sousrégion. À 52 ans, le PDG de la chaîne Azalaï peut se vanter d’avoir bâti de ses mains un groupe hôtelier 100 % africain, qui compte aujourd’hui sept luxueux établissements : quatre à Bamako, un en Guinée-Bissau, un au Burkina Faso et un au Bénin. Tous (excepté l’hôtel Nord-Sud de Bamako) affichent quatre ou cinq étoiles à leur porte. Ce haut niveau, ainsi que le respect des standards internationaux les plus exigeants, fait des 700 chambres proposées une halte privilégiée pour la clientèle d’affaires. C’est d’ailleurs avec cet objectif que Mossadeck Bally s’était lancé dans l’hôtellerie. « Lorsque je travaillaisdansl’entreprisefamiliale, nos fournisseurs se plaignaient de la qualité des hôtels chaque fois qu’ils séjournaient à Bamako », se souvient-il. Il a donc remédié à cette situation quand l’occasion s’est présentée. Le fondateur des hôtels Azalaï est issu d’une famille de commerçants où « entreprendre est une seconde nature », dit-il. Après des études à l’université de San Francisco (Californie), le jeune homme revient en 1985 au Mali pour faire ses classes dans l’entreprise familiale, en tant que directeur financier. Et ce n’est que huit ans plus tard, fin 1993, que l’aventure d’Azalaï commence. Apprenant qu’un appel d’offres a été lancé par le gouvernement malien pour le rachat du Grand Hôtel de Bamako, il convainc son banquier de lui prêter 1 milliard N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
EMMANUEL DAOU BAKARY POUR J.A.
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Dans sa famille de commerçants, « entreprendre est une seconde nature ».
de F CFA (1,5 million d’euros) grâce à sa réputation de bon gestionnaire – et à celle, non moins excellente, de son père. « Comme on dit, l’occasion fait le larron », sourit l’entrepreneur. Pourtant, au départ, il n’avait que 12,5 millions de F CFA à engager, soit le strict minimum pour créer une société anonyme. PARI GAGNANT. Avec l’argent
emprunté, il crée la Société malienne de promotion hôtelière (SMPH) et rénove le Grand Hôtel de fond en comble. Le pari se révèle gagnant.«Laclientèleatoutdesuite été au rendez-vous », se félicite-til. Au point qu’en 1997 il engage
ANNÉE DIFFICILE. En raison
700 7 chambres dans
établissements
« L’avenir est radieux, les besoins d’infrastructures vont croissant. » la construction d’un deuxième établissement : l’hôtel Salam de Bamako. « Pour le public que nous visons, il est important d’être très
bien situés. C’est pour cette raison que nous avons depuis racheté plusieurs établissements afin de les transformer. » C’est le cas de l’Indépendance à Ouagadougou ou de l’hôtel 24 de Setembro à Bissau. Et le développement du groupe se poursuit. Fin 2014, un nouvel établissement entrera en service à Abidjan, rejoint en 2015 par deux autres, à Dakar et à Conakry. Trois fois 155 chambres – soit une augmentation de la capacité totale de plus de 40 % en deux ans. « Notre but, c’est d’être présents dans les huit pays de l’UEMOA [Union économique et monétaire ouest-africaine, NDLR], puis de nous étendre au Ghana, en Mauritanie et évidemment au Nigeria », explique le patron, qui refuse cependant de brûler les étapes. Chaque projet représente 30 millions d’euros d’investissements, financés pour un tiersenpropreetpourdeuxtierspar la dette. Avec sa famille, Mossadeck Bally reste largement majoritaire dans le capital du groupe, même s’il a fait entrer en décembre 2012 le fondsCaurispuis,enavril,laSociété financière internationale (SFI, filiale de la Banque mondiale), qui ont chacun apporté 6 millions d’euros. de la guerre au Mali, qui a provoqué la fermeture de deux établissements à Bamako pendant plus de six mois, l’année 2012 a été difficile pour Azalaï. Mais l’homme d’affaires – avec l’optimisme caractéristique des entrepreneurs – prédit une reprise nette dès 2013. « L’avenir est radieux, assure-t-il, les besoins d’infrastructures hôtelières vont croissant. » Aujourd’hui propriétaire et gérant de tous ses établissements, le patron se donne une dizaine d’années pour asseoir définitivement sa notoriété et proposer à des gestionnaires extérieurs de s’installer sous sa marque, à l’instar de ses plus grands concurrents internationaux. Il aura alors rempli un des objectifs les plus chers à son cœur: « Prouver qu’en Afrique aussi les success-stories sont possibles. » ● SÉBASTIEN DUMOULIN JEUNE AFRIQUE
Business TUNISIE
L’hôtellerie haut de gamme a trouvé son label
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fin de trouver des solutions aux problèmes que rencontre le secteur depuis un an, un groupement hôtelier tunisien a vu le jour. Celui-ci rassemble déjà une douzaine d’établissements quatre ou cinq étoiles. La création du label Dar Tunisia vise à renforcer la visibilité de l’offre haut de gamme du pays, encore peu connue des Européens. Pas de clubs ou d’hôtels de chaînes, « l’objectif est de montrer qu’il existe en Tunisie une hôtellerie autre que celle du tourisme de masse », précise Patrick Elouarghi, le porte-parole de Dar Tunisia qui participait au salon International Luxury Travel Market (ILTM), organisé à Cannes du 3 au 6 décembre 2012. Une première pour ces hôteliers indépendants qui n’avaient jamais pu se rendre au grand rendez-vous mondial du tourisme de luxe, « faute de moyens », confirme le propriétaire du Dar Hi (près de Nefta) et initiateur du projet. ●
CÔTE D’IVOIRE
Le grand retour de Taittinger
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a marque française de champagne veut revenir en force sur le continent, à commencer par la Côte d’Ivoire, où une grande soirée de lancement a eu lieu le 15 mars dernier. « Nous étions très présents en Afrique il y a vingt ans, mais nous avons disparu. Cette fois-ci, nous voulons montrer que nous revenons vraiment, explique Laurence Alamanos, du service exportation de Taittinger. Le marché se porte très bien et nous avons constaté un engouement réel pour le champagne en Côte d’Ivoire. » En janvier et février derniers, des représentants de la maison s’étaient rendus dans la capitale ivoirienne pour faire la tournée des établissements susceptibles de vendre leurs produits. ●
CAMEROUN
Lancement du premier kiosque virtuel
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l est désormais possible de lire l’intégralité d’un journal via des applications pour tablettes et smartphones. Disponible sur Google Play, BlackBerry Store et bientôt Apple Store, Africanewstand, le premier site de vente en ligne de journaux, magazines et livres en Afrique francophone, a été lancé en novembre dernier par la société Camtrack. Objectif : rendre la presse et les productions littéraires africaines visibles dans le monde entier. Pour ce faire, Camtrack a conclu des accords avec une soixantaine de publications issues de dix pays du continent, le Cameroun et la Côte d’Ivoire en tête. ● JEUNE AFRIQUE
N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
Culture & médias
HISTOIRE
Françoise Vergès « Il faut décoloniser les esprits » MWANZO MILLINGA
À l’occasion de la manifestation « Histoires parallèles, pays mêlés », la présidente du Comité pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage revient sur le passé colonial de la France et ses séquelles.
Propos recueillis à Nîmes par
SÉVERINE KODJO-GRANDVAUX
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est à un véritable voyage vers le passé que nous convie la salle d’ethnographie du Muséum d’histoire naturelle de Nîmes. À côté des animaux empaillés, quelques peignes, fétiches, instruments de musique et autres statues africaines sont juxtaposés à des cartels poussiéreux présentant les « races d’Afrique » et les œuvres « indigènes ». Bienvenue en France coloniale ! Rien n’a changé depuis les années 1930. Et les rares cartouches contemporains ne parviennent toujours pas à se débarrasser de certains clichés tenaces. Ainsi peut-on lire : « La musique ! Sous les cieux africains, la musique est omniprésente : chants, danse. Véritable langage, elle est source de plaisirs, de communication ou d’échanges. » N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
JEAN-LUC LUBRANO
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Françoise Vergès.
En visitant les lieux, le chorégraphe français Alain Buffard a perçu les effets néfastes de cette persistance bien française à vouloir nier son passé colonial. Résultat : les mentalités évoluent peu et les vieux réflexes perdurent. Artiste militant, le danseur a quitté la scène pour investir le musée en proposant « Histoires parallèles, pays mêlés », une manifestation qui questionne la représentation de l’autre par l’Occident et inversement. Au milieu des collections permanentes du muséum, parmi les artistes présentés, le Turc Ferhat Özgur filme sa mère, qui troque ses vêtements et son foulard traditionnel contre ceux, modernes, de sa voisine. Une manière d’échanger leurs points de vue. Anna-Katharina Scheidegger rend hommage à quelques-uns des 20 000 anciens travailleurs indochinois déportés en Camargue par les autorités françaises pour les faire travailler JEUNE AFRIQUE
dans les rizières. Dans la chapelle des Jésuites avoisinante sont exposés des artistes extra-européens qui s’approprient les codes esthétiques de la représentation dans la culture occidentale et interrogent la notion d’identité. Parmi eux, la Franco-Marocaine Bouchra Khalili retrace les itinéraires accomplis par des migrants fuyant leur terre natale, et le photographe tanzanien Mwanzo Millinga saisit la beauté des albinos et la fragilité de leur existence. Un cycle de conférences et de performances (notamment de l’Ivoirienne Nadia Beugré, de la Franco-Marocaine Latifa Laâbissi et du Malien Ballaké Sissoko en compagnie de Vincent Ségal) accompagne l’exposition et revient sur la colonisation et la nécessité aujourd’hui de penser cette histoire si particulière toujours très présente dans le quotidien français, ainsi que l’explique JEUNE AFRIQUE
A Beautiful Desert Rose n°2, de Mwanzo Millinga.
l’historienne Françoise Vergès, présidente du Comité pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage, invitée à Nîmes. JEUNE AFRIQUE : Comment expliquer qu’il n’y ait guère d’évolution dans la manière de présenter l’Afrique dans les musées français, et que persiste un certain regard colonial ? FRANÇOISE VERGÈS: C’est une question très large
qui concerne toute la société française. La France est un cas unique en Europe: elle doit reconstruire aujourd’hui quelque chose qui serait commun à différents territoires. Il faut bien comprendre que ce pays ne se réduit pas à l’Hexagone. Or tout se passe comme si l’histoire de la France était celle de l’Hexagone. Comme on ne met pas la colonie au cœur de cette question, on ne sait pas très bien quoi faire de son héritage. D’une certaine manière, N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
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Culture médias Histoire je préfère encore qu’on n’en fasse rien pour l’instant, qu’on laisse ces musées tels quels, car ainsi ils constituent une archive du passé colonial. Ils sont en fait un symptôme du présent, d’un blocage qui refuse de penser la colonie et de comprendre qu’elle est fondamentale dans l’histoire française. Si on décide d’en faire quelque chose d’autre, je crains qu’on ne cède au politiquement correct et qu’on n’efface ce que la colonisation fut.
Il y a une espèce de confusion entre être blanc et être civilisé. La société française doit comprendre qu’elle serait bien plus pauvre culturellement, artistiquement, intellectuellement… si elle n’avait pas eu ces apports autres, « étrangers ». En demandant que les droits de l’homme s’appliquent à tous, sans différence de couleur, les colonisés ont enrichi et donné sa vraie dimension à l’universalité dont s’enorgueillit l’Europe.
Y a-t-il une particularité française?
Comment expliquer que ces questions-là soient davantage abordées dans l’aire anglo-saxonne?
La société française est composée de Canaques, Revisiter d’Haïtiens,deGuyanais,deRéunionnais,dedescendantsdemarrons,debagnards,decolons… la colonisation Oncontinuepourtantàfairecomme sielle était blanche et chrétienne. Tant qu’on À travers 5 documentaires de n’aurapaschangécettecartographiemen52 minutes, France Ô revient tale et qu’on n’aura pas inclus la colonie sur les traces laissées par au cœur de la société française et de la l’esclavage et la colonisation fabrication de son identité, on ne pourra dans les départements et territoires d’outre-mer pas transformer les musées, les manuels scolaires, etc. Est-ce dû au fait que les chercheurs ne travaillent pas assez sur cette question?
On pourrait en faire le reproche de manière générale aux médias, à la classe politique, à l’Université. Il y a certes des initiatives intéressantes, mais il n’y a pas de dynamique à proprement parler, de mouvement qui s’interroge sur ce qu’a fait laFrance. Pourquoia-t-elleétéunepuissancenégrièrependant quatre siècles? Pourquoi a-t-elle voulu avoir l’un des empires coloniaux les plus grands au monde?
• Nos ancêtres les Gaulois, le 16 avril • La Loi du plus fort, le 23 avril • Les Positions des missionnaires, le 30 avril • Les Forçats du Pacifique, le 7 mai • Pour un morceau de sucre, le 10 mai
Qu’est-ce qui empêche que ces questions-là soient au cœur d’un débat sociétal large?
La France s’est construite comme étant le pays des droits de l’homme et comme ayant apporté la liberté au monde. Or au même moment où elle le fait, elle met en place des régimes d’exclusion. Il y a une coupure nette entre le pays des hommes libres, la métropole, et ceux où il y aura des sous-hommes, les colonies. Il faudra bien à un moment donné reprendre ce qui a construit le consentement à tout ça. Et entreprendre la décolonisation de la France. MemmietCésaireontmontrécommentlacolonisation avait changé le colonisateur en l’entraînant sur unchemindedéshumanisation.Ilmesemblequ’on est en train d’entrer doucement, très difficilement, dans ce processus de décolonisation des esprits. Cela va être long et rencontrer des résistances parce qu’il faudra renoncer à beaucoup de privilèges, notamment à celui lié au fait d’être blanc. Est-ce toujours d’actualité?
Dansunecertainemesure,oui,carcetteconstruction perdure dans la société française. Il y a une manière de regarder les personnes qui ne seraient pas des « Français de souche », pour reprendre cette expression,commeétantjustementunpeuarriérées. N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
C’est dû en grande partie aux combats menés aux États-Unis par les Africains-Américains. Dans les années 1970, les mouvements pour les droits civiques ont combattu pour quelesuniversitéssoientouvertesauxJuifs et aux Noirs. En Angleterre, davantage semblable à la France, il y a des figures comme le Jamaïcain Stuart Hall, qui est le plus grand théoricien de la théorie postcoloniale. Il vient d’une tradition marxiste qui a été critique par rapport à l’orthodoxie communiste et à Moscou. Après les émeutes de Brixton [un quartier de Londres, NDLR] dans les années 1980, les Anglais ont changé. Ils ont ouvert la BBC, par exemple. Il est très courant maintenantdevoirdespersonnesd’origineindienne, pakistanaise ou antillaise à la télévision. Et en France?
Ce qu’il faut comprendre, c’est que la France a eu une politique très forte de répression envers les mouvements anticoloniaux, comme l’Angleterre d’ailleurs. Et que cela a laissé de profonds traumatismes. Il suffit de penser à Madagascar en 1947, à l’Indochine, à l’Algérie, au Cameroun, etc. À partir de 1962, après l’Algérie, la France s’est repliée sur elle-mêmeets’estreconstruitecommeeuropéenne. Maisheureusement,iln’yapasqu’unebibliothèque coloniale et raciste. Il y a aussi une France révolutionnaire, anticolonialiste. Diriez-vous que la France a encore un rapport colonial avec ses anciennes « possessions »?
« Histoires parallèles, pays mêlés », exposition, concert, performances, cinéma, jusqu’au 28 avril à Nîmes.Toute la programmation sur alainbuffard.eu
En tout cas, elle n’a pas un rapport « décolonial ». Regardez ce qui s’est passé en Guadeloupe en 2009. Onsentbienqu’onnesaitpasquoifairenicomment faire. Les citoyens de la République française n’ont pas tous la même histoire. Les Canaques n’ont pas la même histoire que les Guadeloupéens, que les Mahorais… Qu’avons-nous en commun? Un Aimé Césaire, un Houphouët-Boigny, un Ferhat Abbas ont dit que la devise « Liberté, égalité, fraternité » et la Déclaration des droits de l’homme pouvaient nous apporter quelque chose. Mais ces discours doivent être transformés pour répondre aux réalités d’aujourd’hui dans un monde globalisé. La réponse ne peut plus être celle de la France qui se voit uniquement blanche. ● JEUNE AFRIQUE
Culture médias
DR
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BANDE DESSINÉE
Défis égyptiens Une censure toujours menaçante, un lectorat restreint et des investissements encore insuffisants… Les difficultés demeurent nombreuses pour développer le neuvième art au Caire.
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ans un pays plus habitué au Journal de Mickey qu’à Largo Winch, les dessinateurs se battent pour donner à la bande dessinée ses lettres de noblesse. Les initiatives personnelles se multiplient, et plusieurs fanzines comme El Doshma, El Bostagy et Tok Tok Magazine ont fait leur apparition, s’inspirant de l’actualité bouillonnante du pays. Une des raisons principales de leur succès? L’ancrage dans la culture locale. « On s’inspire des arts populaires traditionnels : la calligraphie, les dessins naïfs de l’artisanat local », explique Andeel, caricaturiste politique et l’un des créateurs de Tok Tok. « L’argot égyptien, le parler de la rue, est aussi de plus en plus présent dans nos œuvres, et il est très apprécié, car il traduit plus fidèlement l’esprit égyptien et la réalité du pays », précise Shennawi, autre dessinateur de Tok Tok. N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
Tok Tok, un magazine qui s’inspire de l’actualité bouillonnante du pays.
Si l’ancien dictateur a été renversé par Malgré le talent de ces artistes et la la révolution en 2011, les artistes ne sont qualité des œuvres, les comics peinent cependant à se démocratiser, et la bande toujours pas à l’abri de la censure. Et l’arridessinée reste l’apanage d’une minorité vée des Frères musulmans au pouvoir d’initiés, artistes des arts visuels, grapose la question de savoir si de nouvelles phistes et étudiants des beaux-arts. « En limites seront imposées aux créateurs. Occident, le public de la bande dessi« Nous sommes dans une période où on née est éclectique. En Égypte, ce n’est est en train de redéfinir les lignes jaunes. pas encore le cas », déplore Andeel, qui ajoute que l’un « Nous sommes dans une des objectifs principaux de période où on est en train de Tok Tok est de populariser la redéfinir les lignes jaunes. » bande dessinée. « Les œuvres AHMED SAYED, rédacteur en chef de Bassem de certains artistes sont peutêtre trop avant-gardistes pour le grand public. Nous devrions comNous avons affaire à un nouveau régime mencer par avoir notre propre Spirou », qui fonctionne différemment, nous ne reconnaît sur un ton amusé Magdy El savons pas encore ce qui sera autorisé et Shafee, auteur de Métro, le premier ce qui sera interdit », avance Ahmed Sayed, roman graphique arabe, publié en 2008 rédacteurenchefdelarevuedebandedeset immédiatement interdit par le régime sinée pour enfants Bassem, une des plus de Moubarak. célèbres du monde arabe. « Nous essayons JEUNE AFRIQUE
Culture médias
AMBITIEUX. Mais le problème essentiel auquel le neuvième art doit faire face reste la distribution. Les artistes sont unanimes: des investissements financiers importants sont nécessaires au développement d’une véritable industrie. « Il nous faut une institution puissante qui soit capable de soutenir activement l’art de la bande dessinée en Égypte»,martèleMichelMaalouf,pionnier du domaine. Les comics pourraient aussi profiter de nouvelles stratégies de commercialisation plus ambitieuses. « Nous sommes 80 millions d’Égyptiens, nous avons des quotidiens qui se vendent à 1 million d’exemplaires et, malgré cela, nos tirages ne dépassent pas les 3000 exemplaires », s’indigne Magdy El Shafee, qui indique: « Le public qui nous est naturellement acquis n’arrive pas à nous lire. Il suffit de voir les commentaires postés sur nos pages Facebook par des internautes à la recherche d’une certaine œuvre. Et c’est sans compter le public qui pourrait être intéressé par notre travail s’il l’avait à sa disposition. » L’espoir subsiste cependant, illustré par l’expérience d’Arab Comics. La première maison d’édition du pays spécialisée dans la publication de romans graphiques a vu le jour en 2011, peu de temps après la révolution. Depuis sa création, elle a publié trois livres, tirés à plus de 1 000 exemplaires, dont 18 Jours, qui relate le soulèvement populaire de janvier 2011. « Notre objectif est de contribuer au développement de l’art des comics et à sa popularisation auprès du public », explique Hani Abdallah, l’un des fondateurs d’Arab Comics, qui souligne que ce secteur peut à terme devenir financièrement rentable. « Nous n’en sommes pas encore à faire des bénéfices, mais nous amortissons déjà nos frais. » ● TONY GAMAL GABRIEL JEUNE AFRIQUE
YVES KERSTIUS
de profiter de cette période d’incertitude pour nous exprimer librement et tester les limites. On ne sait pas ce que l’avenir nous réserve », ajoute-t-il non sans humour. D’autres estiment cependant qu’il sera difficileaunouveaurégimedeleurimposer une quelconque censure. « Ces inquiétudes sont quelque peu exacerbées chez les artistes et les intellectuels égyptiens, d’autant plus qu’ils sont liés aux islamistes par une inimitié historique », relativise Andeel, qui indique: « Avec l’amélioration des conditions de vie socio-économiques des Égyptiens, nous devrions avoir moins d’inquiétudes concernant nos libertés. »
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Les sept acteurs campent de nombreux personnages. THÉÂTRE
Vogue la galère La dernière pièce du Togolais Gustave Akakpo évoque le drame de l’immigration clandestine, tragédie du monde contemporain.
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ailleurs fantasmé: la vaillante trajectoire est l’histoire d’un bateau. de l’immigré. Et évoquent la prostitution Ou plutôt des histoires, incarnées par sept acteurs, comme moyen de financement, le franmais qui valent bien cent chissement du désert livré aux mains de personnages. Tantôt protagonistes, passeurs peu scrupuleux, puis, une fois tantôt personnages secondaires, ils arrivé face à la mer, l’étape inéluctable alternent tour à tour entre le devant de de la traversée. la scène et les rôles de figurants. Mise en scène par le ESPOIR. « J’ai écrit Odyssées comédien Michel Burstin, la en réaction aux commenpièce Odyssées réussit le pari taires télévisés sur ces immigrés clandestins qui de condenser plusieurs récits autonomes, mais toujours viennent mourir aux portes de l’Europe. On présente leur liés entre eux, sans perdre démarche comme étant celle le spectateur. de personnes désespérées. Je Dans cette tragédie sur crois au contraire qu’il faut l’immigration clandestine, beaucoup d’espoir et de coule dramaturge togolais Gustave Akakpo multiplie les rage pour se projeter ainsi Odyssées, de Gustave Akakpo, situations : un taxi-brousse vers un ailleurs, conteste mis en scène par à la destination inconnue, Gustave Akakpo. Au travers Michel Burstin, de ces éclats de vie, j’ai voulu des candidats au départ en au théâtre présenter toutes les difficultrain d’attendre, une place L’Étoile du Nord tés et embûches auxquelles de marché cacophonique à Paris, jusqu’au 20 avril. il leur faut faire face. » qui pourrait bien être celle Pour se donner plus de de n’importe quelle capiforce, les personnages s’approprient tale africaine, ou encore la quête d’un les noms de héros antiques, comme journaliste occidental qui se retrouve pour souhaiter que l’aboutissement curieusement à contre-courant d’un mouvement général tendant vers l’autre « de leur quête à eux » ne relève pas du côté de la mer. mythologique. Une fois l’objectif atteint, Les séquences sont des tranches de subsiste une dernière question: l’Europe vie juxtaposées avec une cohérence est-elle prête à les accueillir? Pas si sûr… surprenante. Elles prennent appui sur Et si c’est le cas, c’est d’une bien drôle un pont chimérique entre l’Afrique et cet de manière. ● ABDEL PITROIPA N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
Culture médias
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RIJASOLO
autre boulot » à Paris pour s’assurer un salaire. À Tana, l’équipe du magazine (marketing, secrétariat, etc.) est donc sollicitée, tout comme son réseau de distribution : commerces, bars, hôtels… soit une cinquantaine de lieux de vente, dont quatorze librairies.
Souvenir des « nuits d’errance » du photographe Rijasolo. ÉDITION
Mada en toutes lettres Créé dans le sillage d’un magazine gratuit, No Comment Éditions a publié six titres en un an et demi. Fiction, humour, photo… Tous ont la Grande Île comme point commun.
A
près la France et Madagascar, l’île Maurice ! No Comment Éditions a profité du salon du livre Confluences, début mars à Port-Louis, pour nouer un partenariat avec un diffuseur local et épingler un troisième pays sur la mappemonde de ses ventes. Un petit pas dans l’océan Indien, mais une nouvelle étape significative dans cette aventure éditoriale née en 2010, à Antananarivo,souslaformed’unmagazine gratuit, No Comment. Lancé par Michael Landriu,unFrançaisinstalléàMadagascar, ce mensuel de poche de près de 200 pages est aujourd’hui tiré à 24500 exemplaires. Derrière son stand où s’empilent les volumes des six ouvrages publiés depuis novembre 2011, Alexis Villain, ex-rédacteur en chef du magazine, revient sur les origines de la maison d’édition: « No Comment avait vocation à promouvoir la culture malgache, la musique, la danse, la photo… Et puis on s’est rendu compte qu’on parlait très peu de littérature, car les romans édités chaque année à Madagascar se comptent sur les doigts d’une main. » La nature ayant horreur du vide, No Comment pouvait accoucher de No Comment Éditions. Les premiers livres s’inspirent des chroniques du mensuel. Ainsi de N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
Madagascar. Guide de survie, de l’humoriste malgache Christodule, qui croque les bizarreries de l’île. « C’est notre best-seller, on en a vendu 1 800 exemplaires à Mada », se félicite Alexis Villain, désormais directeur éditorial de la maison. Ce Français de 31 ans est l’auteur du deuxième titre paru, Le Vieux Mangeur de temps, un recueil de nouvelles qui prolonge, lui aussi, une rubrique du magazine. « Ce sont de belles histoires qui tournent mal, résume-t-il. Pour restituer la poésie et la dureté de l’île. » Côté finances, No Comment Éditions reste dépendant du magazine – et donc de la publicité. « On ne gagne pas un rond », reconnaît Alexis Villain. Lui-même a « un
CONTRASTE. Mais tout n’est pas facile. « Pour le marché local, on a recours à un imprimeur malgache. L’encre comme le papier sont importés, si bien que le coût est plus élevé qu’en France pour une qualité moindre », précise Alexis Villain en s’emparant de deux exemplaires d’Il était une femme…, de Pierrot Men – une pointure de la photographie malgache. Sur celui réalisé à Madagascar, les clichés ont en effet quelque peu perdu de leur contraste. La maison d’édition a donc renoncé à fabriquer sur place son dernier-né : la première monographie photographique de Rijasolo. Ce dernier confie avoir été « séduit » par le fait que No Comment Éditions mette en avant des travaux d’auteurs « sans chercher à tout prix le bon coup commercial ». « Je trouve intéressant qu’ils prennent ce risque financier dans un pays où la demande pour ce type d’ouvrages est pratiquement inexistante », témoigne le photographe. Reste que les fondateurs de No Comment Éditions se défendent d’être investis d’une quelconque mission. « On fait ce qu’on aime dans un pays qu’on aime, et on espère que ce sera payant un jour », affirme, terre à terre, le directeur éditorial. Par ailleurs, la démarche interculturelle prend le pas sur toute préférence nationale. Le catalogue compte ainsi trois Malgaches, deux Français, un Belge… et bientôt un Mauricien, dont ce sera le premier roman. Quoi de mieux pour transformer l’essai dans la petite île voisine ? ● FABIEN MOLLON, envoyé spécial à Port-Louis
ROMAN NOIR & NOIR ET BLANC NO COMMENT ÉDITIONS a publié deux nouveaux livres en février et mars. Le premier, Filière malgache, est un polar de Pierre Maury, journaliste belge qui vit à Madagascar depuis 1997. « J’avais
envie de présenter la manière dont un Européen peut découvrir ce pays, avec un mélange de fascination et de rejet », explique l’auteur, qui explore dans ce roman les réseaux de l’esclavage
moderne. Dans le second, Madagascar, nocturnes, le jeune photographe Rijasolo rend compte en noir et blanc de ses « nuits d’errance » sur la Grande Île entre 2004 et 2012. Lumineux… ● F.M. JEUNE AFRIQUE
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Calligraphes 3D Le peintre marocain Mehdi Qotbi s’est associé à son compatriote Yahya pour sculpter la lumière et bousculer les traditions.
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ruits de perceuses, coups de marteau auxquels répondent en écholesgrésillementscauséspar unferàsouder…c’estl’ébullition au cœur du Mobile Art, le pavillon créé par l’architecte britannique d’origine irakienne Zaha Hadid et installé sur le parvis de l’Institut du monde arabe à Paris. La veille du vernissage de l’exposition « Lumière invisible » de Mehdi Qotbi et Yahya, il reste encore bien des détails à régler, des œuvres à installer, des lumières à orienter. Pourtant, les deux artistes marocains s’amusent. Ils enchaînent les interviews et lesséancesphotoavecbonhomieetbonne humeur, répondent aux sollicitations des connaissances de passage, de la commissaire de l’exposition, Élisabeth Azoulay, et des ouvriers qui attendent des indications pour parachever la mise en scène. La gouaille facile, le rire tonitruant, Mehdi Qotbi n’est pas peu fier du travail accompli. Lui et Yahya présentent 17 œuvres communes, un projet qui aura miscinqannéesàseréaliser.«Onenaparlé en 2008, explique Yahya. Mais il nous a
fallu du temps pour que ça mûrisse et deux ans pour confectionner les pièces, car cela nous a demandé de relever certains défis techniques.»Lesdeuxcompèresontchoisi de partir des lettres que calligraphie Qotbi depuis maintenant quarante ans pour composer des sculptures qu’a façonnées, lettre par lettre, Yahya dans ses ateliers de Marrakechavecl’aided’artisansspécialisés. Mehdi Qotbi a alors troqué les couleurs vives qui composent habituellement son univers contre la sobriété et l’élégance du bronze et de l’acier. « J’ai proposé à Yahya que l’on travaille ensemble, explique-til, car il transforme le métal en dentelle, commejepeuxlefaireaveclepapieretmes pinceaux. » « Notre approche est complémentaire », renchérit l’orfèvre autodidacte. Enciselantlamatière,lesdeuxartistesont joué avec les perspectives et le relief afin de faire naître la lumière de manière inattendue,delafairesurgirlàoùonnel’attendpas ou en jouant avec son évanescence pour donner à voir « l’invisible ». Jeu d’ombre et d’éclats, les œuvres réinventent la tradition calligraphique et s’offrent différemment
à chaque visiteur. Les sigles se répètent à l’infini et promettent une variété d’interprétations et d’appréciations. « Seule la recherche du beau nous a guidés, explique Yahya. Chacun ressent ce qu’il veut face à notre art. C’est ça la beauté de la vie, non? » OUVERTURE. Véritableself-made-manissu
d’une famille modeste de Rabat, formé à l’école coranique enfant et aux beaux-arts de Toulouse au sortir de l’adolescence dans les années 1970, Mehdi Qotbi a libéré l’écriture de toute signification. « Je me suis inventé un langage personnel à partir des lettres arabes, précise-t-il. Mais dans une dimension universelle, car ce langage transcende les frontières. » Une ouverture qui a amené le peintre à composer une œuvre entre Orient, Afrique et Occident et qui ne pouvait que rencontrer le « métissage » que revendique son cadet Yahya, né à Londres en 1972 d’une mère anglo-allemande chrétienne et d’un père juif marocain et qui s’est converti à l’islam adulte. Résultat: Qotbi et Yahya s’affranchissent des codes de la calligraphie et de la dinanderie, naviguant entre tradition et modernité, art contemporain et design. ● SÉVERINE KODJO-GRANDVAUX
« Lumière invisible », de Mehdi Qotbi etYahya, jusqu’au 7 juillet à l’Institut du monde arabe (Paris) N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
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Culture médias BANDE DESSINÉE
Rires jaunes RÉFUGIÉ POLITIQUE en France, le dessinateur né à Téhéran Mana Neyestani publiait l’année dernière Une métamorphose iranienne, récit des circonstances ayant conduit à son exil. Tout va bien ! est un recueil de ses dessins de presse, où l’on retrouve l’influence – et les hachures en noir et blanc ! – des Français Roland Topor et Claude Serre. Absurdité, cruauté, tendresse, ironie, douceur, amour, poésie, Neyestani sait à merveille convoquer une foule de sentiments contradictoires pour dire le monde actuel. Seuls regrets : l’absence de classement et de mise en perspective de ces dessins grinçants. ● « L’enfance maltraitée ».
NICOLAS MICHEL
Tout va bien !, dessins de presse de Mana Neyestani, Arte Éditions et Çà et là, 400 pages, 22 euros
ANALYSE
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ROMAN
L’Orient pour les nuls
De la CIA à la Somalie
Orient, impérialisme, unité arabe ou nation palestinienne, des concepts aussi récurrents que difficilement saisissables. Expédition d’Égypte, crise de Suez, assassinat du roi Abdallah de Jordanie, des événements aussi négligés que décisifs pour la constitution du monde arabe contemporain. Des « histoires orientales » que narre avec brio Henry Laurens, professeur titulaire au Collège de France, dans ce florilège d’articles écrits pour la revue L’Histoire. Une « décomplication » limpide de l’Orient moderne. ● LAURENT DE SAINT PERIER
DOUZE, LE PREMIER ROMAN de l’Américain Nick McDonell, publié à l’âge de 17 ans, avait été traduit dans une quinzaine de pays et adapté au cinéma. Son dernier livre, Le Prix à payer, qui vient de paraître en français, ne connaîtra probablement pas le même destin. Ce roman d’espionnage se déroule entre la prestigieuse université américaine de Harvard et l’Afrique de l’Est, mais s’intéresse en réalité moins aux Africains qu’aux services secrets américains et à leurs interactions avec les journalistes (McDonell est lui-même pigiste pour Time Magazine). Son écriture cinématographique ne suffit pas à relever une intrigue trop faible pour ce vaste sujet. ●
Histoires orientales, d’Henry Laurens, Actes Sud, 160 pages, 22 euros ■■■
Le Prix à payer, de Nick McDonell, traduit par Jérôme Lambert, Flammarion, 350 pages, 21 euros
PIERRE BOISSELET
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CINÉMA
Témoins d’un retour au pays natal AU DÉPART,UNE TRÈS BONNE IDÉE de documentaire : filmer sur un ferry entre la France et l’Algérie tous ceux qui rejoignent Alger ou Marseille pour un aller ou un retour entre le pays natal et le lieu principal de résidence. Le risque : que les interviewés se contentent d’asséner des
banalités, voire des clichés – « je retourne chez moi, mais est-ce encore chez moi ? », « j’habite là-bas ici »… – entre deux plans montrant cet entredeux que représente l’espace du bateau, et surtout cette Méditerranée, qui relie et sépare à la fois deux rives et deux identités. Un
La Traversée, d’Élisabeth Leuvrey (sortie en France le 17 avril) JEUNE AFRIQUE
écueil qui n’est pas toujours évité mais qui n’empêche pas le film d’être attachant grâce à l’émotion qui se dégage du vécu des passagers qui se confient à la réalisatrice. Et à la cocasserie souvent « signifiante » de certains dialogues. ● RENAUD DE ROCHEBRUNE
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Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre -Tél. : 01 44 30 18 76 - Fax : 01 44 30 18 77 - Email. : f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique - 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris - France
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Directeur Général Pays (H/F) - 200K€ Télécommunications République Démocratique du Congo - CDI
Rattaché à la Direction Générale du groupe basée en Europe, vous êtes responsable de toutes les activités de la société dans le pays. Vous encadrez directement les équipes commerciales, finances, logistiques, techniques et collaborez avec chacune d’elle pour optimiser la performance de la société. Vous êtes un bon gestionnaire, le contrôle des coûts sera la plus importante problématique de cette mission. Responsable d’une cinquantaine de personnes, vous vous déplacez dans le pays pour contrôler les opérations de la société. Véritable ambassadeur de l’entreprise en RDC, vous êtes en relation directe avec les clients de l’entreprise. Diplômé d’un Master en Business, Finance ou Ingénierie, vous justifiez d’une expérience professionnelle d’au moins 15 ans. Vous parlez couramment anglais et français. Vous avez une forte capacité d’adaptation dans des environnements multiculturels. Organisé, rigoureux, vous saurez amener vos équipes à un haut niveau de performance.
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Postulez par mail : faam@fedafrica.com
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PROFIL DE POSTE TITRE : CADRE SUPÉRIEUR EN ADMINISTRATION Le candidat recherché doit avoir le profil ci-après : ✓ BAC+5 dans les domaines de l’Administration, Gestion des ressources humaines, Droit, Gestion, Sociologie ou autres domaines équivalents. ✓ Au moins 05 ans d’expériences avérées en entreprises, cabinet d’avocat, banques ou organisme international dans le domaine de l’administration et des ressources humaines, ✓ Très bonne connaissance de la législation du travail, du droit des Organisations internationales, ✓ Maîtrise des outils tels que word, excel, powerpoint, access, ✓ Apte à travailler dans un milieu multiculturel fait de diverses nationalités, ✓ Etre ressortissant de l’un des Etats Membres du Fonds de Solidarité Africain (Bénin, Burkina Faso, Burundi, Centrafrique, Côte d’Ivoire, Gabon, le Mali, Maurice, Niger, Rwanda, Sénégal, Tchad et Togo), ✓ Une bonne présentation, ✓ Une parfaite maîtrise du français et une bonne connaissance de l’anglais, ✓ Une forte capacité d’écoute et de travail sous pression, rigoureux et autonome, une grande capacité rédactionnelle et une bonne gestion des relations publiques. COMPOSITION ET LIEU DE DÉPOT DES DOSSIERS Les dossiers de candidature doivent comprendre : - une lettre de motivation adressée au Directeur Général du Fonds de Solidarité Africain et mentionnant les prétentions salariales ; - un curriculum vitae détaillé ; - une (01) photo d’identité récente. Ils doivent être adressés soit par courrier express au Directeur Général du Fonds de Solidarité Africain (FSA), 617 Avenue du Président Karl Carstens, BP : 382 Niamey, République du Niger, soit par courrier électronique à l’adresse suivante : fsa@fonds-solaf.org ou fsa@intnet.ne NB : Date limite d’envoi des dossiers : le 20 mai 2013 N° 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
JEUNE AFRIQUE
MINISTÈRE DES FINANCES, DU BUDGET ET DU PORTEFEUILLE PUBLIC PROJET DE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DE TRANSPARENCE ET DE GOUVERNANCE Crédit n° 5063-CG- Financement IDA - Unité d’Exécution du Projet B.P 2116 Brazzaville, République du Congo, Tel : 05 551 96 11, Courriel: prctg@yahoo.fr
AVIS DE SOLLICITATION À MANIFESTATION D’INTÉRÊT N° 01/PRCTG II/13 « Recrutement d’un Consultant individuel international en gouvernance financière auprès de l’Observatoire Anti-Corruption »
DIRECTEUR COMMERCIAL (h/f)
Le Poste
- Avoir la maîtrise des procédures comparées de gestion des finances publiques en Afrique Francophone. La connaissance des procédures de gestion des finances publiques de la République du Congo serait un atout ; - Avoir une expérience de quinze (15) ans dont au moins dix (10) ans dans des postes de direction en gestion des finances publiques et comptabilité, d’une part et d’au moins cinq (5) ans dans l’accompagnement des réformes en gouvernance des finances publiques ; - Avoir de bonnes connaissances dans l’utilisation de l’outil informatique ; - Ne pas être fonctionnaire de l’Etat Congolais au moment de la prise de fonction. 4. Sur cette base, un Consultant individuel sera sélectionné conformément aux Directives de la Banque « Sélection et Emploi des Consultants par les Emprunteurs de la Banque Mondiale de janvier 2011 ». Le Consultant sera sélectionné sur la base de la comparaison des CV. 5. Les intéressés doivent s’adresser à l’Unité d’Exécution du PRCTG pour obtenir des informations supplémentaires, à l’adresse ci-dessous, les jours ouvrables, de 8 h 00 à 16 h 00. 6. Les manifestations d’intérêt doivent être déposées sous pli fermé ou en version électronique à l’adresse ci-dessous, au plus tard, le mardi 30 avril 2013 : PROJET DE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DE TRANSPARENCE ET DE GOUVERNANCE UNITE D’EXÉCUTION DU PROJET - SECTION PASSATION DES MARCHÉS B.P 2116 Brazzaville, République du Congo - Derrière le Commissariat Central Courriel : prctg@yahoo.fr Brazzaville, le 10 avril 2013 Le Coordonnateur Marie Alphonse ITOUA
DIRECTEUR ADMINISTRATIF & FINANCIER (h/f)
Le Poste
Rattaché(e) au Directeur Général, le Directeur Commercial élabore et déroule la stratégie commerciale de l’Africaine de l’Automobile. Il participe à la définition de la stratégie de développement des marques associées, en liaison avec les autres Divisions de l’entreprise. Le Directeur Commercial contribue également à la gestion des relations publiques et interagit avec les Médias.
Rattaché(e) au Directeur Général, le Directeur Administratif & Financier supervise la gestion comptable et financière de l’entreprise. Il est chargé de mettre en place une politique de financement adaptée à la stratégie de croissance de l’Africaine de l’Automobile, et sert d’interface entre l’entreprise et les structures de financement. Il est également chargé de développer et de mettre en œuvre la politique RH de l’entreprise.
Description du profil du candidat :
Description du profil du candidat :
• Avant tout, passionné(e) par votre métier ! • Sept (07) ans dans la fonction, idéalement dans le secteur automobile et si possible en Afrique. • Maîtrise avérée des techniques commerciales et des circuits de distribution. • Exigence quant à la satisfaction des clients. • Fortes capacités managériales, grande maturité professionnelle et réelle confiance en soi. • Excellent relationnel. Fédérateur et véritable Manager. • Bonne maîtrise de l’anglais.
• Formation supérieure en Économie, Finances et/ou Contrôle de Gestion. • Huit (08) années d’expérience professionnelle dans la fonction. • Aisance technique tant sur le volet financier que sur le volet administratif. • Maîtrise des modes de financement internationaux, ainsi que des produits et montages bancaires. Notions de la Comptabilité Anglo-Saxonne. • Connaissance dans la distribution automobile, et familier avec le circuit des importations. • Bonne capacité de gestion des situations difficiles, et capacité de travail sous pression • Parfaitement bilingue français/anglais.
Postulez !
Une lettre de motivation en anglais et en français ainsi qu’un CV en français vous seront demandés. Les candidatures seront reçues jusqu’au 30 avril 2013 sur http://recruit.performancesgrh.com.
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N° 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
Manifestation d’intérêt - Recrutement
1. Le Gouvernement de la République du Congo a obtenu auprès de l’Association Internationale de Développement (IDA) un crédit (Crédit n° 5063-CG) du Projet de Renforcement des Capacités de Transparence et de Gouvernance (PRCTG), et a l’intention d’utiliser une partie du montant dudit crédit pour financer les services de consultants ci-après : Recrutement d’un Consultant individuel international en gouvernance financière auprès de l’Observatoire Anti-Corruption. 2. L’objectif de la mission de l’expert international en gouvernance financière est d’assurer le transfert des connaissances en matière de Gouvernance financière aux membres de l’OAC. Le mandat de l’expert international en gouvernance financière est prévu pour une durée de douze (12) mois, comprenant trois (03) missions d’un mois chacune dont les périodes sont fixées d’accord parties en fonction du programme d’activités de l’OAC. 3. L’Unité d’Exécution du PRCTG invite les candidats intéressés à manifester leur intérêt à fournir les services décrits ci-dessus. Les Consultants intéressés doivent fournir des informations pertinentes indiquant leurs capacités techniques à exécuter lesdits services. Le dossier de candidature devra comporter les renseignements suivants : • les copies des diplômes ; • les compétences du candidat pour la mission, notamment l’indication de références techniques vérifiables en matière de missions similaires (liste des précédents clients pour ce type de mission : année, coût de la mission, nom et adresse complète du représentant du client, méthodologie mise en œuvre et résultats obtenus) ; • l’adresse complète du consultant (localisation, personne à contacter, BP, Téléphone, Fax, Courriel). Profil du Consultant : - Etre titulaire d’un diplôme universitaire (minimum BAC +5) en Economie, Gestion des finances publiques et comptables, administration publique ;
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Annonces classées NOM DU PAYS : MALI MINISTÈRE DE L’ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET
SERVICE DE CONSULTANTS : RECRUTEMENT D’UN CABINET D’AUDIT POUR L’ÉVALUATION DE LA DETTE INTÉRIEURE
Le Directeur des Finances et du Matériel du Ministère de l’Economie, des Finances et du Budget invite les candidats (auditeurs) admissibles à manifester leurs intérêts pour le recrutement d’un auditeur pour l’évaluation de la Dette Intérieure. Les consultants intéressés doivent fournir les informations indiquant qu’ils sont qualifiés pour exécuter les services (référence concernant l’exécution des contrats similaires déjà menés, les dates, délais, coût des études, sources de financement, les expériences professionnelles et compétences dans le domaine de Finances Publiques de contrôle et d’audit). 1. OBJECTIF DE LA MISSION : La mission a pour objectif de recenser les engagements de l’Etat et de déterminer leur encours de 2003 à la date de l’Audit. Il est également requis à l’auditeur de procéder à une analyse des conditions d’engagement de l’Etat, et d’en évaluer les conséquences au plan des équilibres budgétaires et macro économiques. 2. RÉSULTATS ATTENDUS : - Rapport exhaustif sur la situation des arriérés budgétaires et extra budgétaires ; - Les arriérés de paiements budgétaires sont recensés et évalués, sur la base de l’analyse exhaustive des pièces justificatives et des conditions d’engagement de l’Etat, en matière de respect des procédures budgétaires ; - Un classement desdits arriérés est effectué par ordonnateur en fonction de leur exigibilité ;
- Des propositions de prise en charge fondées sur la qualité des engagements et leur exigibilité ; - Une situation exhaustive de tous les marchés publics garantis ou cautionnés par les banques commerciales. 3. FINANCEMENT Le financement est assuré sur le Budget National Exercice 2013. 4. DURÉE DE LA MISSION La mission se déroulera sur une période de 90 jours. 5. LIEU DE DÉPÔT DES DOSSIERS DE CANDIDATURE : Les manifestations d’intérêt doivent être déposées sous pli fermé et comporté la mention « Manifestation d’intérêt pour le recrutement d’un auditeur pour l’évaluation de la Dette Intérieure à la Division Approvisionnement et Marchés Publics de la Direction des Finances et du Matériel du Ministère de l’Economie, des Finances et du Budget (DFM/MEFB) à l’adresse suivante : BP : 234 - Tél : + 223 20 22 57 26/20 22 53 41/20 22 58 58 – ACI 2000, face Avenue du Mali- Bamako (Mali) de l’adresse ci-dessus au plus tard le 15 mai 2013 à 10 heures. L’ouverture des plis est prévue pour le même jour à partir de 10 h 30 mn. LE DIRECTEUR DES FINANCES ET DU MATÉRIEL Mohamed Lamine COULIBALY INSPECTEUR DES FINANCES
Manifestation d’intérêt
NOM DU PAYS : MALI MINISTÈRE DE L’ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET
SERVICE DE CONSULTANTS : LA PRÉSÉLECTION DE CONSULTANTS EN VUE D’ÉLABORER UN GUIDE DE RÉFÉRENCE EN MATIÈRE D’ÉTUDES TECHNIQUES ET DE PRIX UNITAIRES PRÉVISIONNELS DE MARCHÉS
1. Le Gouvernement de la République du Mali, à travers le Ministère chargé des Finances, a adopté en 2005, le Plan d’Action pour l’Amélioration et la Modernisation de la Gestion des Finances Publiques (PAGAM/GPF) dont l’un des axes phares est la réforme du système des Marchés Publics qui a abouti en 2008 à l’adoption d’une nouvelle régularisation des marchés publics. La Direction Générale des Marchés Publics et des Délégations de Service Public (DGMP-DSP) se propose de poursuivre la mise en œuvre de cette réforme par la réalisation de certaines activités dont l’élaboration d’un guide de référence en matière d’études techniques et de prix unitaires prévisionnels de marchés. Le financement de l’étude sera assuré par le Budget National du PAGAM/GFP, Exercice 2013. 2. La Direction des Finances et du Matériel du Ministère de l’Economie et des Finances invite les bureaux de consultants intéressés à présenter leur candidature en vue de fournir les services décrits ci-dessus. Les consultants intéressés doivent produire les informations sur leur capacité et expérience démontrant qu’ils sont qualifiés pour les prestations (documentation, référence de prestations similaires, expérience dans des missions comparables, disponibilité de personnel qualifié, etc.). Les consultants peuvent se mettre en association pour augmenter leurs chances de qualification. 3. Le service prévu au titre de ce contrat comprend la production du manuel qui doit contenir clairement les propositions de prix référentiels basées sur : - des hypothèses de coût et de norme bien argumentées ; - des règles de calcul transparentes et rationnelles ; N° 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
- des calculs effectués sur la base des prix réels (variable ou forfait). Les résultats de l’étude seront établis à partir des prix unitaires tirés des appels d’offres récemment passés. Les séries suivantes seront fournies : (i) série T-Terrassement, (ii) série O-Ouvrages, (iii) série FM-Fournitures Métalliques, (iv) série FC-Fournitures Courantes, (v) série S-Services, (vi) série B-Bâtiments, (vii) P-Pompage et (viii) séries PI-Prestations Intellectuelles. 4. Le délai d’exécution est de cinq (05) mois. 5. Les critères d’éligibilité, l’établissement de la liste restreinte et la procédure de sélection seront conformes aux « Règles et procédures nationales ». L’intérêt manifesté par un consultant n’implique aucune obligation de la part de l’autorité contractante de le retenir sur la liste restreinte. 6. Les manifestations d’intérêt doivent être déposées sous pli fermé et comporte la mention « Manifestation d’intérêt pour la présélection des bureaux en vue d’élaborer un cadre de référence en matière d’études techniques et de prix unitaires prévisionnels de marchés » à la Direction des Finances et du Matériel du Ministère de l’Economie, des Finances et du Budget à l’adresse suivante : BP 234 - Tél : +223 20 22 57 26/20 22 53 41-ACI 2000, face Avenue du Mali-Bamako au plus tard le 15 Mai 2013 . L’ouverture des plis est prévue le même jour à 10 H 05 mn. LE DIRECTEUR DES FINANCES ET DU MATÉRIEL Mohamed Lamine COULIBALY INSPECTEUR DES FINANCES JEUNE AFRIQUE
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Date début : 11/04/2013 ; Date Limite : 13/05/2013 Client : COMMISSION DE LA CEDEAO Type : Sollicitation de Manifestation d'Intérêt Titre : RECRUTEMENT D’UN CONSULTANT POUR LA MISE EN PLACE D’UN FONDS DE PENSION POUR LA CEDEAO
JEUNE AFRIQUE
N° 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
Manifestation d’intérêt
Fondée en 1975, la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) est une communauté économique régionale qui regroupe quinze pays. Elle a pour mission de promouvoir l’intégration économique ‘dans tous les domaines de l’activité économique, notamment l’industrie, le transport, les télécommunications, l’énergie, l’agriculture, les ressources naturelles, le commerce, les questions monétaires et financières, les affaires sociales et culturelles’. Elle a pour objectif global la promotion de la coopération et de l’intégration dans la perspective d’une union économique et monétaire comme moyen de stimuler la croissance économique et le développement en Afrique de l’ouest. 2. Dans le souci de mettre en place pour ses employés un régime de protection sociale d’un coût raisonnable, les institutions de la CEDEAO ont invité les compagnies d’assurance et les consultants en matière d’assurance à faire des présentations sur un régime de protection axé sur les fins de carrière, les décès et les assurances maladie. Les consultants retenus ont produit un rapport dans lequel ils ont demandé au Conseil des ministres de la CEDEAO d’approuver la mise en place d’un Fonds de Pension du Personnel de la CEDEAO (FPPC) en novembre 2011. C’est dans ce contexte que la CEDEAO compte recourir aux services d’un cabinet de consultants pour mettre en place un Fonds de Pension pour la communauté. 3. L’objectif principal de la mission est d’entreprendre une revue des contributions actuelles au fonds de pension et des avantages connexes du personnel de la CEDEAO. Le consultant entreprendra une évaluation des arrangements de pension en place, des politiques d’investissement, des procédures et des résultats dans des institutions comparables ; il identifiera les risques y afférent, et entreprendra une revue actuarielle de la faisabilité financière de tout nouveau régime proposé (pour les régimes de prestations en particulier) et évaluera les options qui sont à la disposition de l’entité d’exécution. 4. Pour la réalisation de la mission, le cabinet devra présenter au moins le profil suivant : - Être une firme de renommée internationale ; - Avoir au minimum 5 années d’expérience pertinente dans l’analyse et la restructuration des pensions de retraite ; - Disposer d’un personnel clé (Minimum Licence) avec 8 ans d’expérience dans le domaine des pensions de retraite ; - Disposer de la capacité à produire et à fournir les rapports en anglais et français. ; - Disposer d’un personnel ayant une expérience avérée dans le Partenariat Public-Privé. 5. Un consultant sera sélectionné suivant la méthode basée sur la qualité technique et le coût conformément au Code des Marchés de la CEDEAO. La Commission de la CEDEAO n’est pas tenue de retenir sur la liste restreinte un consultant qui aurait manifesté un intérêt pour la mission. 6. Une liste restreinte de six (6) cabinets présentant les meilleurs profils sera établie à partir des Manifestations d’Intérêt reçues. 7. Les cabinets d'un même réseau international ne peuvent soumettre qu'une seule manifestation d'intérêt. 8. La Commission de la CEDEAO invite les Consultants (Cabinets) admissibles à manifester leur intérêt à fournir les services décrits ci-dessus. Les consultants intéressés doivent fournir les informations indiquant qu’ils sont qualifiés pour exécuter les services : - liste du personnel et compétences du consultant pour la mission ; - indication des références techniques vérifiables dans le domaine de la présente mission : liste des précédents clients pour ce type de mission précisant l’année, le coût de la mission, le nom du représentant du client, méthodologie mise en œuvre et résultats obtenus ; - l’adresse complète du cabinet (localisation, personne à contacter, BP, Téléphone, Fax, Email). 9. Les Consultants intéressés peuvent se constituer en Groupement en vue d’augmenter leur niveau de qualification. 10. Les consultants intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires au sujet des documents de référence aux adresses mentionnées ci-dessous du lundi au Vendredi de 9 heures à 17 heures 0 GMT +1 : Commission de la CEDEAO, Direction de l’Administration Générale, Division Procurement, 101, Yakubu Gowon Crescent Asokoro District, P. M. B. 401 Abuja Nigeria ou par E-mail à ces adresses suivantes : nkuakor@yahoo.fr ; kabirnfr@yahoo.fr, bangoura53@yahoo.fr . 11. Les manifestations d’intérêt rédigées en anglais, français ou portugais, doivent parvenir sous pli fermé à l’adresse ci-dessous au plus tard le Lundi 13 Mai 2013 à 16 heures précises, heure locale (GMT + 1) et porter clairement la mention : « RECRUTEMENT D’UN CONSULTANT POUR LA MISE EN PLACE D’UN FONDS DE PENSION POUR LA CEDEAO, à ouvrir uniquement en présence du Comité d’Appel d’Offres » : Boîte d’Appel d’Offres situé dans le bureau de l’Assistante à la Commissaire, Administration & Finance, 5ème étage, Commission de la CEDEAO, 101 YAKUBU GOWON CRESCENT, ASOKORO District, P.M.B 401 ABUJA NIGERIA. 12. Cet avis de Manifestation d’Intérêt peut être consulté sur les sites web ci-après : www.ecowas.int ; www.parl.ecowas.int ; www.courtecowas.org ; www.giaba.org. Mme Khadi R. SACCOH Commissaire, Administration & Finance CC: CAF Directeur par Intérim des Ressources Humaines Chef de la Division Passation des Marchés
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Annonces classées APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL POUR LA SÉLECTION D’UN CABINET INTERNATIONAL POUR L’AUDIT COMPTABLE ET FINANCIER DE LA SUBVENTION BEN-304-G04-M. 1. La soumission du Bénin pour la composante Paludisme-Round 3 au Processus de reconduction des subventions du Fonds Mondial a été approuvée pour six années, d’Octobre 2009 à Septembre 2015. Le bénéficiaire principal de cette subvention est Africare-Bénin. Les objectifs de cette soumission intitulée Projet d’Intensification de la Lutte contre le Paludisme au Bénin sont : • Amener 90% de la population du Bénin, en particulier les enfants de moins de 5 ans et les femmes enceintes, à dormir sous MIILD d’ici à 2015. • Amener 90% des enfants de moins de 5 ans ayant de la fièvre à recevoir une prise en charge correcte dans la communauté dans 20 ZS d’ici à 2015. • Assurer la référence de 90% des cas de paludisme grave identifiés dans la communauté vers les centres de référence dans 20 ZS. • Amener 90% des femmes enceintes à respecter le calendrier CPN afin de recevoir les doses requises de SP dans le cadre du TPI dans 20 ZS. Par le présent Avis d’Appel d’Offre International, Africare-Bénin envisage de sélectionner un Cabinet d’Expertise Comptable internationalement reconnu pour réaliser l’audit comptable et Financier de cette subvention. La période d’audit sous revue est du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012. 2. La participation à la concurrence est ouverte à égalité de condition à tous les cabinets d’expertise comptables, d’audits comptables et financiers. 3. Sont frappées d’interdiction de participer au présent appel d’offres, les cabinets qui ne respectent pas les dispositions de l’article 68 du code des marchés publics en vigueur en République du Bénin.
4. Les cabinets d’expertise comptables, d’audits comptables et financiers intéressés par le présent Appel d’Offres peuvent retirer gratuitement le dossier d’Appel d’Offres ou en faire la demande par mail à compter du 10 Avril 2013 à l’adresse suivante : Africare-Bénin, lot L26, quartier les Cocotiers Tel : 21 30 90 12 Fax : 21 30 42 32 Email : ealladagniweke@africare.org Cotonou (République du Bénin) 5. La soumission comprendra une proposition technique et une proposition financière, placées sous plis séparés scellés, et devra parvenir à l’adresse sus-citée, au plus tard le 30 Avril 2013 à 10h 00 mn précises. Il faut noter que si les enveloppes intérieures ne sont pas scellées et marquées conformément aux instructions dans le dossier d’Appel d’Offres, Africare-Bénin ne pourra être tenu pour responsable au cas où ces enveloppes seraient égarées ou ouvertes prématurément. 6. Les offres resteront valides pendant les quatre vingt dix (90) jours suivant la date de remise des offres fixée par Africare-Bénin. Une offre dont la durée de validité est inférieure à ces 90 jours, sera susceptible d’être rejetée pour non conformité.
Appel d’offres
É L E CT R I C IT É
Fait à Cotonou, le 08 Avril 2013 La Directrice Pays, Josette Vignon Makong
D ‘ H A ÏT I
AVIS D’APPEL D’OFFRES OUVERT INTERNATIONAL N° : DAOOI - 0023 POUR L’ACQUISITION DE CÂBLES ET FILS, COMPTEURS, EMBASES ET ACCESSOIRES POUR BRANCHEMENT DE LA CLIENTÈLE.
Dans le cadre de l’exécution du budget de l’exercice fiscal 2012-2013, l’Electricité d’Haïti (EDH) lance un Appel d’Offres International en vue de l’Acquisition de matériels de branchement pour le projet « d’augmentation de taux de pénétration ». Ces fournitures réparties en quatre (4) lots sont constituées de Câbles et Fils, Compteurs, Embases et Accessoires pour branchement. La participation à la concurrence est ouverte aux personnes physiques nationales et internationales dotées de la capacité juridique et aux personnes morales nationales et internationales régulièrement constituées, les personnes morales nationales devant être en règle avec le fisc. (Quitus, patente, carte d’immatriculation fiscale, moniteur). Les personnes morales internationales doivent fournir l’adresse légale dans le pays ou la firme est constituée, l’année de constitution et les statuts de la firme. Le dossier complet dudit Appel d’Offres International peut être consulté gratuitement à l’EDH ou il peut être également retiré contre le paiement, par chèque de direction émis à l’ordre de l’EDH, d’une somme forfaitaire et non remboursable de cinq mille gourdes (5 000.00 gdes) dès la publication de l’avis d’appel d’offres. Le soumissionnaire peut soumissionner pour un (1) lot, deux (2) lots, trois (3) lots ou les quatre (4) lots et peut être attributaire d’un lot ou l’ensemble des lots. Les offres, présentées conformément aux instructions aux soumissionnaires et accompagnées d’une garantie de soumission de 2% du montant de la soumission, devront parvenir ou être remises sous plis cachetés le 29 mai 2013 à 10 heures am à l’adresse suivante : Electricité d’Haïti Direction de Planification Commission Spécialisée des Marchés Publics Angle rue Charéron et Boulevard Harry Truman Port-au-Prince, Haïti Téléphone : (509) 2812 1244 - Courriel : bobjean10@yahoo.fr L’ouverture des plis en séance publique interviendra le même jour à 10 heures 30 am à l’adresse ci-dessus en présence des soumissionnaires ou de leurs mandataires désirant y participer. Les soumissionnaires resteront engagés par leurs offres pour un délai maximum de soixante (60) jours à compter de la date prévue pour le dépôt des offres. L’EDH se réserve le droit de ne donner aucune suite à tout ou partie du présent Appel d’Offres International. Les renseignements complémentaires peuvent être obtenus à l’adresse indiquée ci-dessus. Andress APPOLON Directrice Générale N° 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
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N° 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
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Vous & nous
Le courrier des lecteurs Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.
Francs-maçons Quid des autres ?
J.A. no 2726 S, du 7 au 20 avril 2013.
J’AI LU avec beaucoup d’intérêt votre dernière enquête sur les francsmaçons (J.A. no 2726 S, daté du 7 au 20 avril). Ma conclusion ? De deux choses l’une : soit vous faites la promotion de cette doctrine, soit vous
voulez persuader les Africains qu’elle est la cause principale de tous leurs malheurs. Afin de renouveler le genre, je vous suggérerais très humblement de mener – comme vous le faites pour d’autres thèmes – des investigations plus approfondies, qui éclaireraient sur d’autres écoles de pensée, dont les africaines. Les jeunes sont en quête de repères ; je respecte leur attachement à l’une ou l’autre doctrine, à condition que leur adhésion soit librement consentie. Alors qu’ailleurs cette adhésion à une doctrine se veut discrète, dans nos sociétés africaines, elle est devenue un passe-droit, un ascenseur social que certains empruntent non pas par conviction mais par mimétisme. ● SYLVAIN ÉTIENNE BAVINDI, Yaoundé, Cameroun
Corée Le spectre de la guerre À CHAQUE NOUVEAU dirigeant en Corée du Nord, la communauté internationale espère voir les relations avec la Corée du Sud s’améliorer, mais en vain. Si l’irréductible État communiste a toujours affectionné rhétorique belliqueuse et arsenal de guerre, la menace d’une attaque qu’il brandit au nez des États-Unis depuis quelques semaines devrait être prise au sérieux. Kim Jong-un est allé trop loin pour en rester au stade de la simple provocation. Car revenir sur ses propos ou baisser le ton lui ferait perdre toute crédibilité aux yeux de l’armée, mais surtout à ceux du peuple. Kim Jong-un n’est animé que par le seul désir de maintenir son pouvoir. Sa façon d’y parvenir ? Détourner l’attention
des populations des défis immenses qui se posent à son pays. Et, tant qu’Américains et Sud-Coréens persisteront dans leurs exercices militaires communs, le leader coréen sera tenté de mettre sa menace à exécution. ● WILLY PETEMBUE KABULA, Amsterdam, Pays-Bas
Égoïsme Servir plutôt que se servir L’ E N N E M I du Congolais, c’est avant tout le Congolais. Ainsi des hauts représentants du peuple à l’Assemblée nationale qui ont décidé de déposer un mémorandum pour faire passer leurs émoluments de 7 200 000 CDF à 11 000 000 CDF (de 5 900 à 9 000 euros). En ces temps de crise, ils auraient plutôt dû envisager de les diminuer pour pouvoir financer des projets sociaux. Par exemple, l’hôpital Panzi, du Dr Denis Mukwege. ● FRANCK KAKEL MBUMB, Lubumbashi, RD Congo
Bozizé À l’heure du bilan Si loin de Barthélémy Boganda TRAVAILLANT SUR la Centrafrique depuis 1964, je lis avec intérêt vos articles sur ce pays dont j’ai connu les présidents successifs, aucun n’ayant les compétences de Barthélémy Boganda. Il y a dans cet État un défaut de gouvernance majeur. L’élite centrafricaine se trouve, hélas, en France, au Canada et aux États-Unis. Trop longtemps ignorée, une population très minoritaire (il n’y avait pas 5 % de musulmans il y a encore vingt ans), mais guerrière et endoctrinée, vient donc de prendre le pouvoir à Bangui. C’est bien ce que craignait le présidentfondateur Barthélémy Boganda, qui souhaitait un État fédéral regroupant, outre l’Afrique-Équatoriale française, le Cameroun, le Congo – encore belge à l’époque – et l’Angola. De ce rêve, il ne demeure que le nom de République centrafricaine pour un pays dont la mauvaise gouvernance des dirigeants successifs a accentué la déliquescence. ● YVES BOULVERT, membre de l’Académie des sciences d’outre-mer, Paris, France N 0 2727 • DU 14 AU 20 AVRIL 2013
VINCENT FOURNIER/J.A.
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François Bozizé à Bangui, en janvier 2012.
Vaines accusations À QUOI SERT-IL que François Bozizé reproche au Tchad de l’avoir trahi en soutenant la Séléka ? Qui peut véritablement accorder foi à pareille accusation ? En tout cas, des idéaux mercantiles se nichent en politique, au risque de séparer proches amis, parents ou alliés. ● ARCHÉDUC THÉODORE, N’Djamena, Tchad JEUNE AFRIQUE
Vous nous
Assurances Les mille secrets de l’actuariat J’AI APPRÉCIÉ votre dossier consacré à l’assurance (J.A. no 2719, du 17 au 23 février), notamment les articles sur la profession actuarielle, qui appelle cependant quelques remarques. D’abord, une formation dispensée par une université ou une école n’est accréditée ni par l’Association actuarielle internationale (AAI) ni par les instances actuarielles internationales. En revanche, une association nationale peut, elle, obtenir une accréditation de membre à part entière ou de membre associé. Ensuite, « actuaire » n’est pas un diplôme mais un titre qu’on obtient lorsqu’on est membre pleinement qualifié d’une association titulaire de l’AAI. L’association titulaire se charge de vérifier si toutes les conditions minimales requises sont satisfaites. D’ailleurs, il existe des initiatives similaires au Maroc et à Dakar, à Cotonou et bientôt à Lomé. Enfin, sur le continent, la profession actuarielle est bien plus développée en Afrique anglophone. Ainsi, l’Afrique du Sud dispose d’une association actuarielle de presque 900 membres (Assa), et le Ghana développe à l’échelle nationale – et ce, grâce à
Thatcher L’héritage de Margaret vu d’Haïti DANS LA LIBRAIRIE Max-Auguste de la Grand-Rue, à la droite d’une longue étagère surélevée, se trouvait un curieux petit livre, véritable best-seller dans ce Port-au-Prince de l’« ancien régime ». Son titre : Ces malades qui nous gouvernent… L’illustre ouvrage finit par figurer parmi mes lectures de l’époque. Parallèlement, dans nos vies et dans le pays survinrent nombre d’averses, d’orages, de ruptures et une longue série de maladies, les unes plus sophistiquées que les autres. Le plus intéressant, c’était que, à notre manière, nous avions décidé d’« évoluer », en important massivement les pires affections du monde… Très peu de temps après l’instructive lecture, je découvris que les gens qui nous gouvernaient étaient mystérieusement et systématiquement atteints de deux graves maladies : celle de l’amitié et celle de la « pépètisation » ou ouverture « indiscriminée » des ports de la République. Pendant que le monde entier semblait s’éprendre de nous, stupidement, chemise déboutonnée, nous ouvrions notre ventre à ces amis amalgamés. À plusieurs reprises, mon frère d’armes Serge me prêta de gros classiques de sciences économiques signés par des célébrités, de Karl Marx à Joseph Stiglitz. À cela s’ajoutaient de volumineux
d’importants moyens – des compétences actuarielles. Le Kenya, le Nigeria, la Zambie et l’Ouganda, eux, font de leur mieux. ● RENATA DE LEERS, secrétaire d’Actuaires sans frontières, section de l’AAI
rapports pointus destinés à m’expliquer les dessous de la plus effroyable des maladies planétaires : le libéralisme. J’ai un moment envisagé, après de longues conversations avec quelques amis étudiants aux États-Unis, d’écrire un papier sur l’économiste américain Milton Friedman. Malgré l’impressionnante documentation dont je disposais, chaque fois que je commençais un paragraphe, en analysant mon entourage personnel et mon environnement national, j’éprouvais un malaise pluriel. En particulier lorsque, à ma grande surprise, de jeunes leaders promis à un bel avenir sautèrent, sans pantalon, en plein air, du train antinéolibéral pour s’installer dans la locomotive néolibérale. Dans notre collectivité, le choc fut carrément rude. Étaient-ils simplement tous devenus des malades ? Ce 9 avril, très tôt, je m’apprêtais à célébrer, sur une simple feuille de cahier, le quarantième anniversaire de l’absence relative du plus génial des artistes, Pablo Picasso, lorsque j’appris le départ de Margaret Thatcher, la veille. Sait-elle qu’elle s’en va en laissant une Europe en décomposition et un monde « libéralisé » dangereusement malade… ? ● GILBERT MERVILUS, Port-au-Prince, Haïti
Réponse Cet article visait avant tout à souligner l’avance marocaine en matière de formation d’actuaires, avec un focus sur la nouvelle filière proposée à l’université internationale de
Rabat. Mais il aurait effectivement fallu préciser qu’il existe des formations similaires à Dakar, Cotonou et bientôt à Lomé (Institut Adonaï, fondé par Charles Kouphin). ● LA RÉDACTION
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HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL POLITIQUE, ÉCONOMIE, CULTURE
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Post-scriptum Fouad Laroui
Édité par SIFIJA Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS Tél. : 01 44 30 19 60 ; Télécopieurs : rédaction : 01 45 20 09 69 ; ventes : 01 45 20 09 67 ; Courriel : redaction@jeuneafrique.com DIRECTION
Nous et les « j’noun »
J
Fondé à Tunis le 17 oct. 1960 par Béchir Ben Yahmed (53e année)
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AI UN COLLÈGUE, GÜNTHER, qui s’est spécialisé dans les croyances populaires, les superstitions, le folklore, etc. Vous voyez ce que c’est – chaque peuple a de ces bizarreries, et les anthropologues s’en donnent à cœur joie. Il y a quelques années, Günther a entrepris une recherche relative à une superstition bien particulière, celle qui concerne les djinns, les j’noun, les petits démons, les diablotins avec leur fourche… Personne n’en a jamais vu un, mais des millions de benêts y croient dur comme fer. C’est assez amusant. Parfois, c’est tragique, quand un charlatan essaie d’exorciser un djinn et finit par tuer le soi-disant possédé.
Mon collègue a suivi ce qu’on appelle en statistique une cohorte de Marocains en Allemagne. Il les a suivis pendant quelques années pour voir s’il y avait des évolutions dans leur façon de voir le monde. Vu sa spécialité, il s’est intéressé aux j’noun. J’ai bavardé avec Günther avant-hier, et il m’a exposé sa principale conclusion. Quand ils arrivent en Allemagne, par exemple dans le cadre du regroupement familial, la proportion de Marocains qui croient aux j’noun est de presque 100 %. C’est assez normal. Le niveau intellectuel n’est pas très élevé, et la superstition est une façon, disons normale, de concevoir le monde quand on ne comprend pas grand-chose à la physique, à la chimie, à la biologie, etc. Cependant, plus leur séjour en Europe se prolonge, plus la proportion de Marocains assez niais pour croire aux j’noun commence à diminuer. Au bout de quelques années, elle n’est plus que de la moitié. Il y a donc un progrès indéniable sur le chemin de la raison et de l’intelligence. C’est du moins ce que je me suis exclamé, tout content. Pour une fois qu’il y a une bonne nouvelle… En abandonnant des croyances idiotes, ces Marocains font un pas vers une intégration harmonieuse dans la société où ils vivent désormais. J’étais donc tout content, mais Günther, lui, se grattait le bout du nez en secouant la tête. Désolé de gâcher ta fête, me dit-il, mais tu n’as rien compris. En fait, d’un point de vue psychologique, cet abandon de la croyance aux djinns est plutôt une régression qu’autre chose. Ces gens-là, que j’ai interviewés, ne sont pas très intégrés dans la société – et même pas du tout. Ils en arrivent à considérer les Allemands comme des ennemis, des individus incompréhensibles qui ne s’expriment que par des grognements incompréhensibles. Il faut donc les tenir à distance, s’en protéger : toute l’énergie mise autrefois à se protéger des djinns avec force talismans et formules incantatoires est maintenant mise au service du combat contre l’Européen – c’est lui, le vrai djinn – et, du coup, les bons vieux j’noun de l’enfance commencent à s’effacer, à disparaître… J’ai quitté mon collègue en pleine confusion. Certains Marocains ne croient plus aux j’noun parce qu’ils ont fort à faire avec ceux qu’ils considèrent comme de vrais j’noun, menaçants et incompréhensibles – leurs voisins européens. Est-ce vraiment un progrès ? ●
Directeur de la publication : BÉCHIR BEN YAHMED (bby@jeuneafrique.com) Directeur général : Danielle Ben Yahmed Vice-présidents: Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed Actionnaire principal : Béchir Ben Yahmed RÉDACTION Directeur de la rédaction : François Soudan (f.soudan@jeuneafrique.com) Directeurs exécutifs : Marwane Ben Yahmed (mby@jeuneafrique.com), Amir Ben Yahmed (aby@jeuneafrique.com) Rédaction en chef : Claude Leblanc (c.leblanc@jeuneafrique.com), Élise Colette (éditions électroniques, e.colette@jeuneafrique.com), Laurent Giraud-Coudière (technique, lgc@jeuneafrique.com) Conseillers de la direction de la rédaction : Hamid Barrada, Aldo de Silva, Dominique Mataillet, Renaud de Rochebrune Secrétariat : Chantal Lossou, Joëlle Bouzignac Chefs de section : Joséphine Dedet (La semaine de J.A.), Anne Kappès-Grangé (Afrique subsaharienne), Tarek Moussa (Maghreb & Moyen-Orient), Frédéric Maury (Économie), JeanMichel Aubriet (Europe, Amériques, Asie), Cécile Manciaux (Le Plus de J.A.), Séverine Kodjo-Grandvaux (Culture & médias), Clarisse Juompan-Yakam (Vous & nous) Secrétaires de rédaction : Sabine Clerc, Fabien Mollon, Ophélie Négros Rédaction : Pascal Airault, Youssef Aït Akdim, Farid Alilat, Mehdi Ba (à Dakar), Stéphane Ballong, Ryadh Benlahrech, Pierre Boisselet, Rémi Carayol, Julien Clémençot, Frida Dahmani (à Tunis), Georges Dougueli, Malika Groga-Bada, Trésor Kibangula, Christophe Le Bec, Nicolas Michel, Haby Niakate, Cherif Ouazani, Michael Pauron, Abdel Pitroipa, Fanny Rey, Laurent de Saint Périer, Justine Spiegel, Tshitenge Lubabu M.K., Marie Villacèque ; collaborateurs : Edmond Bertrand, Christophe Boisbouvier, Patrick Seale; accords spéciaux : Financial Times Responsable de la communication : Vanessa Ralli (v.ralli@jeuneafrique.com) RÉALISATION Maquette: Marc Trenson (directeur artistique), Stéphanie Creuzé, Julie Eneau, Jean-Philippe Gauthier, Éric Le Mière, Valérie Olivier; révision: Nathalie Bedjoudjou (chef de service), Vladimir Pol; fabrication: Philippe Martin (chef de service), Christian Kasongo; service photo: Dan Torres (directrice photo), Nathalie Clavé, Vincent Fournier, Claire Vattebled; documentation: Anita Corthier (chef de service), Sylvie Fournier, Florence Turenne, Angéline Veyret JEUNEAFRIQUE.COM Direction éditoriale : Élise Colette ; chefs d’édition : Pierre-François Naudé, Frédéric Maury (économie) ; rédaction : Vincent Duhem, Jean-Sébastien Josset, Mathieu Olivier, Benjamin Roger et Nicolas Teisserenc Responsable web : Jean-Marie Miny ; studio : Cristina Bautista, Jun Feng et Maxime Pierdet VENTES ET ABONNEMENTS Directeur marketing et diffusion : Philippe Saül ; responsable des ventes adjointe : Sandra Drouet ; chef de produit : Dhouha Boistuaud, Maty N’Dome ; abonnements : Laetitia Banelle avec: COM&COM, Groupe Jeune Afrique 18-20, avenue Édouard-Herriot, 92350 Le Plessis-Robinson. Tél. : 33 1 40 94 22 22 ; Fax : 33 1 40 94 22 32. E-mail : jeuneafrique@ cometcom.fr ●
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