KABILA EN ATTENDANT 2016 Spécial 24 pages
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 54e année • no 2767 • du 19 au 25 janvier 2014
jeuneafrique.com
EXCLUSIF KAGAMÉ : « Ma part de vérité » TUNISIE JUSQU’OÙ IRA NIDA TOUNES ?
ALGÉRIE
LE SAUT DANS LE VIDE À quelques semaines seulement de la présidentielle, personne n’est en mesure de prédire ce qu’il va se passer. Enquête sur un malaise.
ÉDITION INTERNATIONALE
France 3,50 € • Algérie 180 DA • Allemagne 4,50 € • Autriche 4,50 € • Belgique 3,50 € • Canada 5,95 $ CAN • Espagne 4 € • Éthiopie 65 birrs Finlande 4,50 € • Grèce 4,50 € • Guadeloupe 4 € • Guyane 5,50 € • Italie 4 € • Maroc 23 DH • Martinique 4 € • Mauritanie 1 100 MRO • Mayotte 4 € Norvège 45 NK • Pays-Bas 4 € • Portugal cont. 4 € • RD Congo 5,50 $ US • Réunion 4 € • Royaume-Uni 3,50 £ • Suisse 5,90 FS • Tunisie 3,30 DT USA 6,50 $ US • Zone CFA 1 700 F CFA • ISSN 1950-1285
Genève, 17-19 mars 2014
2E ÉDITION
Le forum des dirigeants des grandes entreprises africaines Une plateforme exceptionnelle de rencontres. Un outil stratégique pour développer votre activité en Afrique et à l’international. Inscriptions et informations : www.theafricaceoforum.com Ils participent au AFRICA CEO FORUM
DONALD KABERUKA Président, Banque Africaine de développement
MARIA LUISA ABRANTES DG, Angola Investment Agency (ANIP)
MOULAY HAFID ELALAMY Ministre de l'Industrie et du Commerce (Maroc)
ASHISH THAKKAR PDG, Mara Group (Ouganda)
JEAN-PHILIPPE PROSPER Vice-président, IFC
ISSAD REBRAB Président, Cevital (Algérie)
EMMANUEL FABER Directeur Général Délégué, Danone (France)
KOLA KARIM PDG, Shoreline Group (Nigeria)
VALENTINE SENDANYOYE RUGWABIZA PDG, Rwanda Development Board
TEWOLDE GEBREMARIAM PDG, Ethiopian Airlines
CAROLE KARIUKI DG, Kenya Private Sector Alliance (KEPSA)
LIONEL ZINSOU Président, PAI Partners
SAÏD IBRAHIMI PDG, Casablanca Finance City
DAPHNE MASHILE-NKOSI Présidente, Kalahari Resources (Afrique du Sud)
CO-HOST
DIAMOND
PLATINUM
GOLD
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OFFICIAL CARRIER
AWARDS
GALA DINNER Islamic Corporation for the Development of the Private Sector
rainbow
unlimited
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KNOWLEDGE PARTNER
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Ce que je crois Béchir Ben Yahmed • bby@jeuneafrique.com
SAMEDI 18 JANVIER
Éducation, éducation, éducation!
À
L’AUBE D’UNE NOUVELLE ANNÉE, regardons où en est l’Afrique : quelle est la situation du continent en ce début de 2014 ? À quel avenir immédiat est-il promis ? La question se pose parce que la presse mondiale et ce qu’on nomme les observateurs sont passés à son égard, en 2013, d’un extrême « afro-pessimisme », qui était de rigueur depuis la fin des années 1960, à un « afro-optimisme » non moins excessif qu’ils ont érigé en mode de pensée. L’an dernier, l’Afrique a quitté la condition de « continent à la dérive » pour accéder au statut de « continent-avenir du monde »… Nous nous sommes faits l’écho de cette étonnante évolution et avons indiqué qu’à notre avis le continent africain n’a jamais complètement mérité le mépris dans lequel il a été trop longtemps tenu, mais qu’il n’est pas pour autant à la hauteur des espoirs qu’on place désormais en lui. Les lauriers qu’on lui tresse ne sont en somme pas encore mérités.
école d’ingénieurs, cet Africain noir n’a pas percé dans le pays des droits de l’homme. Il a donc décidé de le quitter pour le Royaume-Uni, où il a, en quelques années, accédé, en tant que directeur général de Prudential, mastodonte mondial de l’assurance, à l’une des plus hautes fonctions économiques internationales. Bien après que les Anglo-Saxons (de Tony Blair à Barack Obama) l’eurent distingué, la France a pris conscience qu’elle ne lui avait pas donné, au début de ce siècle, la place et le rôle qu’il méritait. La couleur de sa peau et la consonance de son nom avaient joué un trop grand rôle. « En dix ans, en France, je n’ai jamais reçu la moindre proposition d’un chasseur de têtes », confie-t-il. Il aura fallu attendre 2013 et sa réussite chez les Anglo-Saxons pour que Tidjane Thiam soit remarqué par des responsables français. Ils ont reconnu ses mérites et il a été décoré de la Légion d’honneur ; il a reçu un grand prix de l’Économie et a été appelé à siéger dans des commissions prestigieuses.
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En décembre de cette année charnière, il y a tout juste un mois, notre confrère Le Point a publié une longue interview de Tidjane Thiam, « ce prophète dont la France n’a pas voulu ». Dans cet entretien, Tidjane a indiqué en passant, avec la retenue qui le caractérise : « Dans des réunions européennes, je suis généralement le seul Noir et je représente le Royaume-Uni. Tous ces autres pays supposés ouverts, qui font beaucoup de social, ont 20 % de leur population qui n’est pas blanche. Où est-elle dans ce genre de réunions ? » Et d’ajouter : « Les Noirs et les Maghrébins ne sont pas bons qu’à jouer au foot ; ils ont aussi beaucoup à apporter dans les écoles, dans les hôpitaux, dans les entreprises, dans les conseils d’administration… » Il a ensuite donné son sentiment sur la situation actuelle de l’Afrique, dont il n’oublie à aucun moment qu’il en vient.
Il me faut être plus précis aujourd’hui, je le sais. Pour y parvenir, je vais me référer au témoignage tout récent d’un Africain, sensiblement plus jeune que moi et qui est, lui, subsaharien. Il a quitté le continent africain il y a quinze ans, mais il l’a dans les tripes. Depuis Londres, où il réside, il continue à l’observer et à étudier son évolution. Il s’agit de Tidjane Thiam, que beaucoup d’entre vous connaissent. À l’intention de ceux qui ne savent pas qui il est, je rappelle son itinéraire. Ce lauréat des plus grandes écoles françaises (Polytechnique et Mines) a été, dans les années 1990, ministre dans son pays, la Côte d’Ivoire. En 1999, à la suite du coup d’État qui a renversé le président Henri Konan Bédié, il a quitté la politique, son pays et l’Afrique pour s’installer en France. Intelligent, travailleur, expérimenté, major de son JEUNE AFRIQUE
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Ce que je crois Et c’est le témoignage de cet Africain de 51 ans que je voulais vous donner à lire. n
« L’Afrique, c’est plus de 30 millions de kilomètres carrés. Soit davantage que les États-Unis, l’Inde, le Brésil et la Chine réunis. Il est donc difficile, voire impossible, de dire des choses sensées sur un tel territoire pris dans son ensemble. Honnêtement, j’ai été assez pessimiste pendant très longtemps. J’ai toujours eu confiance dans le développement de l’Afrique sur le très long terme, mais je ne savais pas si je verrais son décollage de mon vivant. J’ai changé d’opinion aux alentours de 2005. Il faut dire que le PIB de l’Afrique avait triplé en dix ans! Les ressources ont toujours été là, mais on a donné aux gens le minimum : de l’éducation, de l’éducation, de l’éducation… En 1960, la Côte d’Ivoire comptait 150 diplômés de l’université. Vous gérez comment un pays avec 150 personnes? Aujourd’hui, il y a 100000 nouveaux étudiants chaque année. Le changement d’échelle est colossal. Tout le mécanisme vu dans d’autres parties du monde, de création d’emplois et de richesse, devrait s’enclencher. C’est sûr, cela ne se fera pas sans heurts, il y a les troubles au Mali, en Centrafrique, mais la tendance est là. La terre d’Afrique n’a pas changé, le ciel n’a pas changé, la pluie n’a pas changé, mais les hommes et les femmes, oui. Lors de mes premiers pas en 1995 à Davos, en Suisse, les réunions sur l’Afrique étaient organisées dans un
sous-sol, il y avait bien Bill Gates ou George Soros, mais on discutait dans le noir, vraiment. Et, moins de vingt ans plus tard, l’an dernier, j’ai eu l’honneur de coprésider, à Addis-Abeba, le Davos africain. Oui, le Davos africain! Avec 350 jeunes Africains dans la salle, tous sortis de Yale, Harvard, Princeton, Stanford… Tous extraordinaires et entreprenants! Si on m’avait dit que je verrais ça un jour! » Tidjane Thiam a dit ce qu’il fallait dire et, pour ma part, j’adhère à chaque mot de son analyse, que je fais mienne. n
Mais à son « de l’éducation, de l’éducation, de l’éducation », j’ajouterai: « bonne gouvernance, bonne gouvernance, bonne gouvernance ». Il n’y a aucun doute: les Africains sont mieux éduqués, et il y a lieu d’espérer qu’ils le seront mieux encore dans les années et les décennies à venir. Mais les progrès sont inégaux d’un pays, d’une région et d’une langue à l’autre. Et ils ne se traduisent pas encore, tant s’en faut, par une meilleure gouvernance. Le professeur René Dumont a publié, en 1962, un livre dont le titre, « L’Afrique Noire est mal partie », a fait mouche, parce qu’il révélait une réalité qu’on se refusait de voir. Pour décrire la situation du continent africain en 2014, on pourrait dire: l’Afrique est en train de bien partir. Mais a-t-elle les guides qu’il lui faudrait pour le difficile et long voyage qu’elle entreprend? l
Humour, saillies et sagesse Pour vous faire sourire, grincer des dents – ou réfléchir –, ici, chaque semaine, une sélection subjective, la mienne, de ce qui a été dit ou écrit au cours des siècles par des hommes et des femmes qui avaient des choses intéressantes ou drôles à nous dire. B.B.Y. u Le désordre est le meilleur serviteur de l’ordre établi. Jean-Paul Sartre u Un bon ennemi est de loin plus loyal, plus prévisible et, pour l’avisé, de loin plus utile que le plus précieux des admirateurs. Nassim Nicholas Taleb u Aimer d’un amour humain, c’est pouvoir passer de l’amour à la haine, tandis que l’amour divin est immuable. Léon Tolstoï u Vous êtes libre ce soir ? Oui, mais permettez-moi de le rester. Chantal Thomas N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
u Les voleurs de basse-cour le savent et le disent : quand on réussit un coup mirifique avec un second, on ne jouit pleinement du fruit de la rapine qu’après avoir éliminé ce second. Ahmadou Kourouma u Cent entendus ne valent pas un vu. Proverbe breton u Une femme peut tout faire, elle peut penser, parler, chanter, se taire quelquefois. Sacha Guitry u Hollande il a maigri, mais s’il est élu, vous allez voir comment il va regrossir ! Le Grand Café des brèves de comptoir
u Il y a bien des gens qui coucheraient volontiers avec la femme d’un ami, mais refuseraient avec dégoût de fumer dans sa pipe. Maurice Donnay u L’homme de bien est droit et juste, mais non raide et inflexible ; il sait se plier mais pas se courber. Confucius u Voulez-vous savoir comment il faut donner ? Mettez-vous à la place de celui qui reçoit. Madeleine de Puisieux u La raison du plus fou est toujours la meilleure. Raymond Devos JEUNE AFRIQUE
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Éditorial François Soudan
Akazu
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E GBADOLITE À BAB ELAZIZIYA, des palais de Bagdad à Bangui la Roquette, les résidences des chefs d’État déchus sont toujours les premières à subir la vengeance prédatrice des foules. Pillées, saccagées, profanées, désossées jusqu’au dernier carreau de marbre, dans un climat d’orgie hystérique qui en dit long sur la versatilité humaine et sur l’amour des peuples pour leurs despotes. Lorsqu’une après-midi de janvier un ami rwandais m’a proposé de visiter la villa qu’occupaient l’ancien président Habyarimana et sa famille à la périphérie de Kigali, je m’attendais donc au pire ou au déjà-vu : des murs calcinés envahis d’herbes folles. Premier choc. Tout ici est intact, comme un pan de l’Histoire brutalement figé au soir du 6 avril 1994, quand un missile a pulvérisé le Falcon présidentiel à la verticale du jardin de la résidence, ouvrant les portes de l’enfer. On entre dans ce sanctuaire glacé après s’être déchaussé. Un salon à gauche, puis le bureau du chef. Au mur, son portrait officiel. Batterie de téléphones en bakélite, meubles et fauteuils années 1980, tableaux chinois et nord-coréens aux murs. On pénètre dans la salle à manger: immense table entourée de chaises, plus loin les cuisines, congélateurs et fours à micro-ondes première génération. Là-bas, le salon privatif de « Madame Agathe », l’épouse de Juvénal Habyarimana, avec ses lourds canapés verdâtres, où se tenaient les réunions de l’Akazu (« la petite maison »), le noyau dur du clan familial. Si les murs parlaient, quels mots de haine pourraient-ils encore renvoyer? Ici, la pièce discrète, une table, deux chaises, où le président recevait ses collaborateurs pour leur confier des missions secrètes ou les châtier lui-même quand ils avaient failli. Une fois l’interrogatoire terminé, une petite salle de bains était prévue pour, dit-on, la remise en forme des visiteurs les plus abîmés. La visite continue. Le sauna. Le night-club au sous-sol, avec ses portes capitonnées et ses relents de musique zaïroise. Et puis l’étage. Une fois grimpés les escaliers munis de détecteurs de présence, on s’immisce dans le domaine de la paranoïa. Tout est sombre, panneaux de bois foncé et ouvertures minimales. La chambre du couple avec son immense coffre-fort, la salle de bains blindée en cas d’attaque, le râtelier où le président rangeait ses fusils d’assaut, et les portes dérobées, ouvertes sur l’irrationnel. Encore un escalier, étroit, en colimaçon, et l’on débouche sur la chapelle privée d’Agathe, que seul le pape Jean-Paul II fut autorisé à visiter – et à bénir. Juste à côté, sous la soupente, un réduit plongé dans le noir: ici, Habyarimana recevait ses devins. Étrange cohabitation…
PHOTOS DE COUVERTURES : ÉDITION AFRIQUE SUBSAHARIENNE : DR ÉDITIONS MAGHREB & MOYEN-ORIENT ET INTERNATIONALE : AFP PHOTO FAROUK BATICHE ; SAMIR SID ; JACK GUEZ ÉDITION TUNISIE : ONS ABID
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ÉGYPTE SISSI FACE À SON DESTIN L’homme fort du pays hésite-t-il à briguer la présidence ? Ou son attentisme n’est-il qu’un stratagème destiné à faire monter le désir chez ses admirateurs ?
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SIF
EXCLU
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PAUL KAGAMÉ « POURQUOI DEVRIONS-NOUS RESPECTER DES TERRORISTES ? » Cible de tous les regards depuis l’assassinat de l’opposant en exil Patrick Karegeya, le président rwandais répond sans détour aux questions de Jeune Afrique.
Ce que je crois Par Béchir Ben Yahmed Confidentiel
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L A SEM A IN E D E J EU N E A F RIQ U E
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Égypte Sissi face à son destin Haïdar El Ali Touche pas à mon poisson Julie Gayet Ni épouse ni concubine Guinée Ambiance de rentrée des classes Maroc Arrêt de jeu Cyclisme Ça roule pour l’Afrique ! Athlétisme Lève-toi et cours ! Église catholique Pasteurs tout-terrain Tour du monde
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G RA N D A N G L E
Dehors, dans le parc entretenu au cordeau, non loin du court de tennis, de la piscine et de l’enclos de pierraille où se prélassait un python de quatre mètres, derrière un petit muret, reposent les débris del’avionprésidentiel:unréacteur,l’empennage,desmorceauxd’ailes, des éclats de fuselage. Mon guide m’indique l’endroit précis où sont tombés les corps de Habyarimana, de son homologue burundais Ntaryamira et des pilotes français. Il était 20h27 ce 6 avril 1994, il y a presque vingt ans. Le génocide des « cafards » – ainsi les extrémistes du « Hutu Power » appelaient-ils les Tutsis – pouvait commencer au pays des mille collines et des mille fosses communes. l
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Algérie Le saut dans le vide
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A F RIQ U E SU BSA H A RIEN N E
(Lire également en pp. 32-35 notre interview exclusive du président Paul Kagamé.)
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Interview Paul Kagamé
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JEUNE AFRIQUE
Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs
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GRAND ANGLE
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ALGÉRIE
Le saut dans le vide
Alors que l’élection présidentielle a enfin été fixée au 17 avril, la classe politique, paralysée, attend toujours de connaître les intentions du président sortant.
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TUNISIE NIDA TOUNES, L’HEURE DE VÉRITÉ Le mouvement de Béji Caïd Essebsi est entré dans une zone de turbulences. Mais reste au coude à coude avec Ennahdha dans les sondages.
AGROALIMENTAIRE LES 25 PIONNIERS À la tête de multinationales ou de PME, ils sont des précurseurs de l’industrialisation du continent. Leur credo : transformer sur place les aliments produits localement.
Bénin Aïe aïe Yayi ! Côte d’Ivoire Conte de la folie ordinaire Guinée-Bissau Un techno dans le marigot Soudan du Sud Paroles, paroles…
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MAGHREB & MOY E N - O R I E N T
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Tunisie Nida Tounes, l’heure de vérité Israël Ariel Sharon : du sang, de la sueur et des armes Maroc Benkirane est-il démonétisé ?
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EUROPE, AMÉR I Q U E S, A S I E
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France La révolution Hollande Football Champagne pour tout le monde! Parcours Aïda M’Dalla, décoiffante Pérou Elle en fait trop États-Unis L’étoile déchue du New Jersey
L E PLUS DE J EU N E A FR I Q U E
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RD Congo Le grand réveil
JEUNE AFRIQUE
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RD CONGO LE GRAND RÉVEIL • Kabila peut-il rebondir ? • Inga III : merci Pretoria • Papa Armand, maestro de l’Orchestre symphonique kimbanguiste Spécial 24 pages
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ESCLAVAGE UN MONDE DE FER ET DE SANG Un film choc, 12 Years a Slave, de Steve McQueen, et deux essais reviennent sur la réalité abjecte de la traite négrière.
ÉC O N O M IE Agroalimentaire Les 25 pionniers Les indiscrets Maroc Le sport, un pari gagnant Libye Il veut révolutionner Benghazi Développement PTA Bank ratisse large
C U LT U RE & MÉD IA S ESCLAVAGE
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Cinéma Un monde de fer et de sang Livres Le grand voyage
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Médias Peinture sur Toile La semaine culturelle de Jeune Afrique
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V O U S & NO U S Le courrier des lecteurs Post-scriptum
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LEGNAN KOULA/EPA/MAXPPP
Burkina Blaise, les « traîtres »…
p Les présidents ivoirien (à g.) et burkinabè, à Yamoussoukro, en juillet 2013.
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onfidence de Blaise Compaoré à un proche, quelques jours après la démission de trois barons de son régime, Roch Marc Christian Kaboré, Salif Diallo et Simon Compaoré : « Ils n’étaient que des seconds couteaux [sous la révolution] quand je les ai fait émerger, et voilà qu’ils me trahissent ! » Le président du Faso est d’autant plus « déçu » qu’il ne
croyait plus à ce scénario évoqué par la presse depuis des mois. « Il avait fini par se convaincre que Roch ne franchirait jamais le pas », estime son confident. Le 3 janvier, veille de sa démission, il avait même reçu son ancien lieutenant au palais de Kosyam, afin de trouver un arrangement et d’éviter le clash. « Trop tard », lui avait répondu celui-ci. l
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Les nécessités de la lutte contre le terrorisme au Sahel, au Nigeria et au Cameroun imposent aux deux principaux services français de renseignement extérieur (DRM et DGSE) de recruter de nombreux collaborateurs parlant les principales langues de la région : bambara, dioula, peul, haoussa, kanouri et toubou. L’objectif est évidemment d’être en mesure de décoder les communications interceptées entre les différents groupes terroristes. LE CHIFFRE
350000
DOLLARS Le prix atteint lors d’une vente aux enchères organisée au Texas par le Dallas Safari Club par un permis de chasser le rhinocéros noir namibien – valable pour un seul animal. Cette opération, paradoxalement destinée à lever des fonds afin de protéger cette espèce en voie de disparition, a été vivement critiquée par les défenseurs de la faune.
CÔTE D’IVOIRE KONÉ REND HOMMAGE À HOUPHOUËT
… et Ouattara
ans le camp des « RSS » (pour Roch, Salif et Simon), on veut croire que les chefs d’État de la sous-région sont tous ravis des déboires de Blaise Compaoré. C’est probablement le cas de certains, comme le Malien Ibrahim Boubacar Keïta, mais sûrement pas de l’Ivoirien Alassane Ouattara, sur lequel le président burkinabè a toujours pu compter. Ouattara l’a encore prouvé quelques jours après la démission des « RSS » en dépêchant à Ouaga ses ministres
RENSEIGNEMENT AGENTS FRANÇAIS ET LANGUES AFRICAINES
Hamed Bakayoko et Téné Birahima Ouattara (son propre frère), ainsi que Guillaume Soro, le président de l’Assemblée, qui a exhorté les « rebelles » à rentrer dans le rang : « Blaise est un militaire, il tient l’armée. Vous ne pouvez pas lui dire : “Dégage“ ! » Quelques jours plus tôt, à Paris, Ouattara avait vanté les mérites de Compaoré auprès de François Hollande. « Moi, je viens d’arriver. J’ai besoin de lui pour stabiliser la région », a-t-il entre autres expliqué au président français. l
Mamadou « Super » Koné, le célèbre photographe malien, met la dernière main à un ouvrage qui doit être publié pour le 20e anniversaire des obsèques de Félix Houphouët-Boigny (le 7 février), le père de la nation ivoirienne. Une somme de 450 pages contenant plus de mille photos (pour la plupart inédites) et une centaine de témoignages de personnalités de tous horizons. Une manière pour lui de rendre hommage à un homme qui l’a fasciné et qu’il connaissait bien. Et de revenir sur de grands moments de l’histoire africaine et sur ceux qui l’ont façonnée.SuperKoné,66ans,suitdepuis plus de trente ans les responsables politiques du continent, sur la JEUNE AFRIQUE
Retrouvez notre rubrique « Les indiscrets », consacrée aux informations confidentielles économiques, en page 113.
Politique, économie, culture & société
CENTRAFRIQUE ADAM DANS LE COLLIMATEUR Depuis quelques semaines, les militaires français de l’opération Sangaris surveillent comme le lait sur le feu les allées et venues du « général » Noureddine Adam, ancien chef des services de sécurité de Michel Djotodia, le président déchu. Considéré comme le plus organisé et le plus professionnel des « généraux » de l’ex-Séléka, cet ancien garde du corps de Cheikh Zayed à Abou Dhabi, formé à l’académie de police du Caire et qui affirme avoir passé quatorze mois au sein des forces spéciales israéliennes, est en outre déterminé et passablement anti-Français, après avoir été proche du régime tchadien. Avec trois cents hommes disciplinés et « surarmés », si l’on en croit les officiers de Sangaris, Adam contrôle actuellement la localité de Bria, la capitale du diamant, dans l’est de la Centrafrique. Autrement dit: le coffre-fort.
MALI PALABRE CHEZ LES IFOGHAS
Les notables de la tribu des Ifoghas se sont discrètement réunis du 11 au 13 janvier à Adedjass, dans l’extrême nord du Mali, afin de mettre un terme à leurs dissensions. Le Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) était venu en force, contrairement au Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) : aucun membre de son bureau politique n’était présent. Autre absent de marque : Iyad Ag Ghaly, le chef d’Ansar Eddine, JEUNE AFRIQUE
Algérie Le « calvaire » de Boutef LE CONSEIL DES MINISTRES du 30 décembre 2013 a été pénible pour Abdelaziz Bouteflika. Il a d’abord fallu le transférer de sa résidence ultramédicalisée de Sidi Fredj jusqu’au siège de la présidence. Puis laisser le temps – une heure – à son équipe médicale de l’installer dans la salle du conseil avant que les ministres puissent y pénétrer. Pour éviter tout risque d’infection, ces derniers n’ont eu le droit ni de l’approcher ni de lui adresser la parole. Munis d’écouteurs, ils se sont efforcés de deviner ses paroles. « Parfois ses lèvres bougeaient sans qu’aucun son ne sorte de sa bouche », confie l’un d’eux.Tout de suite après a eu lieu la signature de la loi de finances. Bouteflika s’apprêtant à apposer son paraphe sur la mauvaise page, Ahmed Noui, le secrétaire général du gouvernement, a été contraint de lui indiquer le bon endroit. Au journal télévisé de 20 heures, la séquence a été coupée au montage (lire aussi pp. 22-30). l
qui continue de se terrer mais avait dépêché des proches. En 2011, une rencontre du même type avait abouti à la désignation des successeurs d’Intalla Ag Attaher, l’amenokal (chef traditionnel) de Kidal: Mohamed et Alghabass, ses propres fils. Mais, de l’aveu d’un notable, ces derniers « n’ont pas été capables d’asseoir leur autorité ». Certains les jugent même « incompétents ». L’amenokal, que l’on dit sain d’esprit malgré son
grand âge, a donc repris les rênes. TUNISIE GHANNOUCHI ET SES « FRÈRES »
Financé par la Turquie et organisé par Ennahdha, le parti islamiste tunisien, et le Centre maghrébin pour le développement Al Maqdissi, le Congrès des Frères musulmans s’est tenu dans la banlieue de Tunis du 16 au 18 janvier. Selon des sources tunisiennes, la réorganisation de la confrérie
– désormais assimilée en Égypte à une organisation terroriste – a été au cœur des débats. Rached Ghannouchi, son numéro deux (il préside par ailleurs Ennahdha), n’a pas ménagé ses efforts pour être porté à sa tête : lobbying tous azimuts, coopération étroite avec le Qatar et l’Iran… Il est allé jusqu’à proposer à ses « frères » persécutés l’octroi de l’asile politique et de la nationalité tunisienne. OMS UNE MALIENNE SUR LES RANGS
Ancienne ministre malienne de la Santé publique (20002002), le Dr Fatoumata NafoTraoré, 55 ans, postulera au poste de directeur Afrique de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) après le départ de l’Angolais Luis Sambo, à la fin de l’année. Elle est actuellement directrice exécutive du Partenariat Faire reculer le paludisme. Le dépôt des candidatures sera clos en mars. Les candidats seront départagés lors de la session du comité régional de l’OMS, en décembre à Brazzaville.
Rwanda Objectif Kagamé LE PRÉSIDENT RWANDAIS PAUL KAGAMÉ a-t-il échappé à un attentat en 2010, non loin de son ranch des rives du lac Muhazi? Selon des informations de source judiciaire à Kigali, l’un de ses anciens gardes du corps, Joël Mutabazi, aurait reconnu devant les enquêteurs avoir volontairement laissé le chef de l’État sans protection lors d’une excursion en bateau sur le lac, après avoir transmis les détails de son projet à l’ancien chef des services de renseignement extérieur, Patrick Karegeya, en exil en Afrique du Sud (où p Le détenu Joël Mutabazi il a été assassiné le 1er janvier). Arrêté avec son avocate à la prison de Kigali. suite à cet incident, Mutabazi a fui le Rwanda en 2011 pour l’Ouganda, avant d’être renvoyé de force vers Kigali, en octobre 2013. Il a également « avoué » s’être lui-même tiré une balle dans le pied afin d’obtenir le statut de réfugié politique et une protection policière lors de son séjour à Kampala. Il aurait agi avant tout pour des motifs financiers. Détenu depuis à Kigali, il a comparu à deux reprises devant un tribunal civil et plaidé coupable de presque tous les chefs d’accusation retenus contre lui, sauf de celui de terrorisme. Mais sa participation à un complot présumé contre la vie du président n’avait pas encore été évoquée. l
DR
scène comme en coulisses. Avec le temps, il a accumulé un fonds photographique presque sans équivalent en Afrique francophone.
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La semaine de Jeune Afrique
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ÉGYPTE
Sissi
face à son destin
AP/SIPA
p Le général Abdel Fattah al-Sissi dans un bureau de vote, au Caire, le 14 janvier.
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JEUNE AFRIQUE
L’événement L’homme fort du pays hésite-t-il à briguer la présidence ? Ou son attentisme n’est-il qu’un stratagème destiné à faire monter le désir chez ses admirateurs ? Après le succès du référendum des 14 et 15 janvier, il ne devrait plus tarder à se dévoiler…
LAURENT DE SAINT PÉRIER
S
«
i le peuple le réclame, je serai candidat à la présidence », avait déclaré avec des accents nassériens le général Abdel Fattah al-Sissi quelques jours avant que les Égyptiens soient convoqués aux urnes pour se prononcer sur la dernière version de la Constitution postrévolutionnaire. Le oui quasi unanime du peuple au référendum des 14 et 15 janvier (97,7 %) a-t-il répondu à ses appels du pied ? Homme fort du pays depuis le 3 juillet 2013, jour où il a destitué Mohamed Morsi – président islamiste élu, puis honni –, le ministre de la Défense deviendra-t-il un nouveau raïs issu de l’armée, dans la grande tradition de l’Égypte prérévolutionnaire ? À plusieurs reprises, les militaires ont affirmé que leur chef d’état-major ne nourrit aucune ambition présidentielle. Et lui-même serait encore hésitant. « Veut-il se faire gardien de la Constitution et faiseur de roi, ou bien devenir le chef de l’exécutif? » s’interroge son compatriote Tewfik Aclimandos, chercheur associé au Collège de France. Cet homme prudent a l’habitude de mûrir longuement ses décisions. Trop, lui reproche-t-on parfois. Pourtant, la « sissimania » qui s’est emparée des Égyptiens depuis la chute des Frères musulmans semble le pousser inexorablement vers le palais présidentiel. Posters, affiches… Dans la capitale, on ne voit que lui. Flanqué d’un aigle et d’un lion, symboles de puissance, ou des portraits des illustres généraux présidents, Nasser et Sadate. Les effigies de cette nouvelle star de 59 ans se déclinent en tee-shirts, casquettes, bannières et même en boîtes de chocolat. Les médias, pour la plupart détenus par des hommes d’affaires tout acquis au « sauveur de la nation », ne tarissent pas d’éloges. Une pétition l’appelant à briguer la présidence aurait déjà recueilli plusieurs millions de signatures. Hoda, fille du grand Gamal Abdel Nasser, l’appelle à prendre ses responsabilités. Amr Moussa, actuel président de l’Assemblée constituante et ex-candidat à la présidentielle de 2012, prédit que Sissi accédera « à la demande populaire ». Certes, outre les Frères musulmans, qui, rejetés dans la clandestinité, lui vouent une haine féroce, une petite minorité s’alarme d’un possible retour à l’ancien régime. Son culte de la personnalité horripile les plus révolutionnaires des jeunes militants de 2011.
JEUNE AFRIQUE
Sur la base d’une loi promulguée fin novembre 2013, deux leaders du Mouvement du 6-Avril ont été arrêtés, alors qu’ils appelaient précisément à manifester pour son abrogation. Et la brutalité avec laquelle ont été réprimés les rassemblements des Frères musulmans (plus de 1 000 morts depuis août 2013) est désapprouvée par nombre d’Égyptiens, y compris dans les milieux hostiles aux islamistes. « Oui, le projet de Constitution sera adopté. Puis Sissi se fera élire, ce sera une pitoyable farce électorale », prophétisait Bilal Fadl, éditorialiste au quotidien Al-Chourouk, qui redoute un troisième round révolutionnaire d’une violence inédite. « Sissi n’est pas un dictateur. C’est un patriote, qui a empêché une guerre civile », estime pour sa part Amr Moussa. De fait, renchérissent ses soutiens, la nouvelle Constitution limite le mandat présidentiel à quatre ans, renouvelable une fois. Mais les sceptiques s’inquiètent, car ce texte prévoit aussi qu’il reviendra à l’armée de choisir le ministre de la Défense ces huit prochaines années. « Depuis longtemps, Sissi a très peur d’un scénario à l’algérienne, analyse Aclimandos. Il est naturellement contre-révolutionnaire, mais il parierait plutôt sur la démocratie que sur un système fasciste. Et puis, il sait qu’on ne peut rien faire contre la jeunesse. » Est-il nassérien, comme l’avancent nombre de ses partisans ? Après que Morsi l’eut nommé au ministère de la Défense, on le disait également proche des Frères, qu’il pourchasse aujourd’hui. Pour ses adversaires, sa réserve n’est que l’expression de sa duplicité, qu’il cache souvent derrière des lunettes noires. CALME. Inconnu avant son entrée au gouvernement
en 2012, le général n’apparaît que très peu en public, la plupart du temps lors de cérémonies militaires retransmises à la télévision. Ce 14 janvier, sa visite dans Posters, tee-shirts… deux bureaux de vote du Caire Cette nouvelle star de a fait exception. Les mesures 59 ans est omniprésente. de sécurité qui l’entouraient ce jour-là ont donné une idée des menaces qui pèsent sur lui et de l’importance accordée à cette rare apparition. Ceux qui ont pu l’approcher décrivent un homme calme, confiant, cultivé, croyant, et se disant entièrement dévoué au peuple. Né au Caire le 19 novembre 1954, Sissi intègre à 23 ans l’Académie militaire et le corps d’infanterie mécanisée. Ayant parfait sa formation à l’École d’état-major et de commandement, puis en GrandeBretagne et aux États-Unis, il devient pendant deux ans attaché militaire en Arabie saoudite. Les liens qu’il noue alors dans ce pays très hostile aux Frères musulmans lui seront très utiles par la suite : Riyad a en effet soutenu la destitution de Morsi de toute LIRE AUSSI sa puissance de feu diplomatique et financière. l’interview « L’économie est sinistrée, et le nouveau pouvoir de Tewfik aurait été confronté à de terribles difficultés si les Aclimandos États du Golfe ne lui avaient pas avancé, en sept l l l N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
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p Dans le quartier de Nasr City, le 15 janvier, second jour du référendum.
l l l mois, 25 milliards de dollars [18,4 milliards d’euros] », souligne Aclimandos. Brillant officier, Sissi s’est aussi révélé visionnaire. Nommé à la tête du renseignement militaire, devenant ainsi le plus jeune membre du Conseil suprême des forces armées (CSFA), il présente en 2010 au maréchal Tantaoui – le puissant ministre de la Défense qu’il a depuis remplacé – un rapport prédisant un soulèvement populaire pour mai 2011, et lui recommande de soutenir le peuple sans ouvrir le feu. Il ne s’est trompé que de treize petites semaines : la révolution tunisienne enclenche le mouvement en décembre 2010… Selon Yasser Rizk, rédacteur en chef du quotidien Al-Masry al-Youm, il avait deviné avant tout le monde que l’obscur Mohamed Morsi, candidat de remplacement des Frères musulmans, serait le futur président. Sissi est également un homme d’une grande piété, qui récite le Coran, se rend à La Mecque, sa femme et ses filles sont voilées, et l’un de ses oncles était un membre éminent des Frères musulmans.
PIEUX. Il n’en fallait pas plus pour que, à l’arrivée
au pouvoir de Morsi, en juin 2012, la confrérie voie en lui le candidat idéal pour remplacer le vieux maréchal Tantaoui, pilier de l’ancien régime, au ministère de la Défense et à la tête du CSFA. Jusqu’à son retournement contre le président islamiste en juin 2013, la rumeur de sa proximité avec les Frères était largement répandue, et propagée par la confrérie elle-même. « C’est l’un des meilleurs tours que Tantaoui a joué aux Frères : leur faire croire que Sissi était des leurs. Or, bien que très pieux, il était leur plus grand adversaire », explique N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
DEUX RÉFÉRENDUMS CONSTITUTIONNELS EN DEUX ANS Janvier 2012 (sous Morsi)
32,9 %
de participation
63,8 % de oui
Janvier 2014 (sous Sissi)
38,5 %*
de participation
97,7* % de oui
* Résultats provisoires au 17 janvier
Aclimandos. Leur vision d’un islam politique transnational va en effet à rebours des convictions de ce patriote et musulman modéré, comme d’une écrasante majorité du peuple. Entre Morsi et son ministre de la Défense, les relations de bonne intelligence feront long feu. Le 20 novembre 2012, le président islamiste promulgue une déclaration constitutionnelle qui scandalise des millions d’Égyptiens et en précipite des centaines de milliers dans les rues du Caire. Sissi propose une médiation. Le président se défile. Le général est furieux. Après s’être mis à dos la justice, les médias et la police, Morsi, depuis sa roche Tarpéienne, a retourné l’armée contre lui, ouvrant à Sissi les portes du Palatin. En avril 2013, naît le mouvement Tamarod (« rébellion »), qui, le 30 juin, rassemble des millions d’Égyptiens contre le régime islamiste. Le 3 juillet, Morsi est destitué. Si, selon Aclimandos, l’establishment militaire envisageait ce scénario depuis au moins deux mois, Sissi, une nouvelle fois prudent, a tenté jusqu’au dernier moment de trouver une solution avec Morsi. Beaucoup y voient la preuve que la destitution de ce dernier n’est pas due à un coup d’État militaire, et que l’armée s’est contentée de répondre à une demande du peuple. Cette même demande que le général a réclamé le 13 janvier pour se lancer dans la bataille présidentielle. L’écrasante victoire du oui à la Constitution a-t-elle à ses yeux valeur de plébiscite? Au Caire, nombreux sont ceux qui espèrent voir le 25 janvier, jour du troisième anniversaire de la révolution, se transformer en une vaste mobilisation populaire, portée par un slogan : « Le peuple veut Sissi pour président ». l JEUNE AFRIQUE
VIRGINIE NGUYEN HOANG/HANSLUCAS/HUMA
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La semaine de J.A. Les gens
Haïdar El Ali Touche pas à mon poisson
avec Touba, la ville sainte du mouridisme. « Un lundi matin, il m’a lancé: “Je pars à la Pêche !” raconte Jean-Christophe Henry, chargé de programme à l’Océanium. J’ai cru qu’il parlait d’une virée en mer… »
Le ministre sénégalais de la Pêche ne s’en laisse pas conter. Après les trafiquants de bois, c’est au tour des chalutiers pirates d’être dans son viseur.
COUP DE POING. Paradoxalement, cette
SEYLLOU/AFP
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p Le « Cousteau sénégalais » a réalisé des films documentaires pour sensibiliser la population au respect de l’environnement.
D
«
epuismanaissance,jen’ai eu qu’une seule feuille de route : l’action. » Issu du mondemilitant,HaïdarEl Ali, le ministre sénégalais de la Pêche, vient deprovoquerunecrisediplomatiqueentre le Sénégal, la Russie et la Guinée-Bissau. À l’origine du litige, l’arraisonnement d’un chalutier russe par la marine sénégalaise dans les eaux communes aux deux pays ouest-africains. « Le Sénégal accuse un manqueàgagnerde150milliardsdeFCFA [environ 229 millions d’euros] par an à cause de la pêche illégale », rappelle cet écologiste entré en politique à la faveur de l’élection de Macky Sall, pour qui la gestion rigoureuse des ressources halieutiques relève aussi de la sécurité alimentaire.
Jusque-là, les navires pris en flagrant délitdansleseauxsénégalaisess’entiraient le plus souvent par des arrangements. « C’est un geste fort de montrer qu’un pays africain fait respecter sa souveraineté face à la surpêche », analyse Yoann Mutone, membre de l’Océanium, une association de protection de l’environnement dont Haïdar El Ali a longtemps été le principal ambassadeur. Ministre atypique et peu diplomate, il sait bien que cette intransigeance n’est pas sans risques. Initialement nommé à l’Environnement, il a perdu son portefeuille après s’être attiré des inimitiés. Lancé dans une croisade contre le trafic de bois, le trublion a très vite dérangé le lobby des exploitants forestiers, largement connecté
mutation aux allures de sanction est aussi une promotion dans un pays où la pêche est un secteur stratégique. Sans compter que, pour Haïdar El Ali, l’Atlantique est un peu une seconde maison. « Enfants, on faisait l’école buissonnière pour aller pêcher à Soumbédioune », se souvient Ibnou Sow. Comme ce dernier, plusieurs amis d’enfance du ministre ont vécu dans ce village de pêcheurs planté sur la corniche ouest de Dakar, tout près de la Médina, le quartier populaire où lui-même a grandi. Plus tard, c’est en pratiquant la plongée sous-marineetenconstatantlesravagesde la pêche à la dynamite que ce Sénégalais d’origine libanaise a été sensibilisé aux enjeux environnementaux. Le « Cousteau sénégalais » réalise alors des films documentaires et sensibilise la population à la nécessité de promouvoir une pêche durable, respectueuse de la reproduction des espèces et de l’environnement. De fil en aiguille, il s’en prend à la déforestation et lance, avec l’Océanium, le plus vaste chantier de reboisement de la mangrove jamais réalisé. Défenseur résolu des pêcheurs traditionnels face aux chalutiers pirates, Haïdar El Ali est aussi à l’initiative de la collaboration entre le gouvernement sénégalais et l’ONG Sea Shepherd, qui lutte contre l’impunité des braconniers des mers. Dès cette semaine, des patrouilles devraient être effectuées au large des côtes du pays par l’un des bateaux de cette organisation, dont les opérations coup de poing face aux baleiniers japonais pêchant illégalement en Antarctique ne pouvaient que séduire ce ministre activiste. Par ailleurs, le président Macky Sall a annoncé que la marine nationale bénéficierait de moyens supplémentaires pour lutter contre la pêche clandestine. l MEHDI BA, à Dakar
NOMINATIONS
ÉTIENNE MASSARD KABINDA MAKAGA GABON Jusque-là conseiller spécial chargé de l’environnement auprès du président Ali Bongo Ondimba, ce biologiste de formation a été nommé secrétaire général de la présidence en remplacement de Laure Olga Gondjout. N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
ABOU ABEL THIAM SÉNÉGAL Le porte-parole du président Macky Sall a été nommé président du collège des délégués (équivalent du conseil d’administration) de l’Agence de régulation des télécommunications et des postes (ARTP), le 15 janvier. JEUNE AFRIQUE
EN HAUSSE
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TONY PARKER
Julie Gayet Ni épouse ni concubine
PDN/SIPA
JEUNE AFRIQUE
DR VINCENT FOURNIER/J.A.
Grâce à ses talents de chanteuse, cette immigrée philippine de 47 ans, auxiliaire de vie àTel-Aviv mais ne parlant pas l’hébreu, a remporté, le 15 janvier, la première édition israélienne de la célèbre émission musicale X-Factor.
ILIA YEFIMOVICH/GETTY/AFP
l’actrice était ancienne. Dès mars 2013, Julie Gayet avait porté plainte pour en identifier la source. Mais c’est ce 10 janvier que l’affaire éclate au grand jour, quand le magazine Closer publie des photos volées de leurs rencontres galantes. On y voit un homme casqué pénétrer dans un immeuble où l’attend sa dulcinée : 140 petits mètres séparent l’Élysée du 20, rue du Cirque – cinquantedeux secondes à vélo, d’après Google Maps. François Hollande y est conduit en scooter par un policier en civil, qui apporte parfois les croissants au petit matin. Le numéro de Closer est tiré à 700 000 exemplaires, p L’actrice et les passions (des a démenti lecteurs cette fois) se les rumeurs déchaînent. de grossesse. Valérie Trierweiler, la compagne du président, est hospitalisée pour « un gros coup de blues » – des proches prétendent qu’elle aurait avalé trop de cachets… Le couple est au bord de la rupture. Hollande lui aurait proposé une séparation à l’amiable, mais aucun communiqué commun n’est venu confirmer ce scénario. Quant à Julie Gayet, elle a dû mettre fin à une nouvelle rumeur lancée sur Twitter : non, elle n’est pas enceinte, a-t-elle assuré à la YOUSSEF AÏT AKDIM radio Europe 1, le 16 janvier. l
EN BAISSE
ATLANTIC RADIO
DR
CROISSANTS. La rumeur d’une liaison entre le chef de l’État et
L’ancien directeur du port d’Abidjan, pilier du régime de Gbagbo et un temps visé par un mandat d’arrêt international, est rentré en Côte d’Ivoire le 17 janvier pour « participer à la réconciliation nationale » après plus de deux ans d’exil. ROSA FOSTANES
Cette radio marocaine privée a annoncé le décès du président algérien, Abdelaziz Bouteflika, alors qu’il était hospitalisé dans l’établissement militaire parisien du Val-de-Grâce. Il en est sorti le 16 janvier après trois jours de soins. OLA SA’AD IBRAHIM
DR
E
n une du magazine Elle, Julie Gayet, 41 ans, est ainsi présentée : « Actrice et femme engagée, une passion française ». De l’actrice, on se souvient de quelques comédies romantiques et de son lobbying en faveur du cinéma d’auteur. De la femme engagée, son soutien, en 2007, à la campagne présidentielle de Ségolène Royal, ex-compagne de François Hollande. Cinq ans plus tard, cette fille d’un chirurgien réputé et d’une antiquaire apparaissait dans un clip à la gloire du même François, à son tour candidat : « formidable », « humble », disait-elle de lui. Quant à la « passion française », il s’agit avant tout de celle qui la lie à… François Hollande, encore lui, devenu entre-temps président de la République (lire aussi pp. 50-54).
MARCEL GOSSIO
Le chef d’état-major nigérian des armées, poste le plus élevé de la hiérarchie militaire, a été démis de ses fonctions le 16 janvier, avec trois de ses adjoints. Ses troupes sont critiquées pour leur inefficacité face à la secte islamiste Boko Haram. CONRAD MURRAY
REX/REX/SIPA
La comédienne met en émoi le monde politicomédiatique français. La raison ? Un magazine a révélé sa liaison avec le président Hollande.
Le basketteur de 31 ans est le nouveau sportif préféré des Français, selon un sondage du Journal du dimanche et de la radio RMC paru le 12 janvier. Il détrône l’ancien footballeur Zinédine Zidane, relégué à la deuxième place.
Le 15 janvier, le médecin de Michael Jackson a été condamné pour homicide involontaire par une cour d’appel californienne. Il avait fait appel d’une première condamnation à quatre ans de prison prononcée en novembre 2011. N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
La semaine de J.A. Décryptage
Guinée Ambiance de rentrée des classes Non sans heurts, les nouveaux députés apprennent à dialoguer dans l’hémicycle. Un signe positif qui pourrait redorer l’image du pays à l’étranger, notamment auprès des investisseurs.
J
eudi 16 janvier, Palais du peuple Nantou Cherif Konaté, du RPG également: de Conakry, siège de l’Assemblée « C’est un grand moment pour notre pays. nationale. Dans l’immense édiLa démocratie commence ici. » De son fice des années 1960 – en piteux côté, l’opposition – qui avait contesté les état –, c’est la foule des grands jours. Il résultats des législatives avant d’accepter y a soixante-douze heures à peine, les de siéger – est décidée à se faire entendre. 113 députés élus le 28 septembre 2013 « Après trois ans d’exercice, le nouveau (le 114e, Lansana Kouyaté, du Parti de pouvoir exécutif s’est distingué en porl’espoir pour le développement national, tant de graves atteintes à la démocratie. boycotte) pour un mandat de cinq ans ont Il est urgent d’améliorer la gouvernance fait leur rentrée. pour retrouver la voie du progrès », a préEt s’ils ont aussitôt choisi leur précisé le groupe parlementaire de l’UFDG. sident, Claude Kory Koundiano, 72 ans, Finalement, l’opposition obtiendra un membre du Rassemblement du peuple poste de vice-président de l’Assemblée de Guinée (RPG, le parti présidentiel, et la tête de trois des douze commissions. arrivé en tête du scrutin avec 53 sièges), l’élection du bureau de l’Assemblée fait ÉLAN. À Conakry, les premiers pas du toujours l’objet d’intenses tractations. Parlement occupent tous les esprits. Symboliques, ils marquent à la fois la fin Dans l’hémicycle, les couloirs ou les salles de la transition politique entamée après de réunions, les députés discutent, se concertent et téléphonent dans une atmosphère plu« Il y a toute une culture tôt sereine – contrairement parlementaire à acquérir. à la veille, où certains ont On se crie dessus, mais ça ira ! » failli en venir aux mains. En AMADOU DAMARO CAMARA, député du RPG jeu notamment, les quatre postes de vice-président de l’Assemblée et ceux de président de comle décès du président Lansana Conté en 2008 et l’achèvement de la mission du mission parlementaire convoités tant par Conseil national de transition (CNT), la majorité que par les principaux partis d’opposition, l’Union des forces démocraorgane législatif provisoire né des accords tiques de Guinée (UFDG) de Cellou Dalein de Ouagadougou en 2010. Diallo (37 sièges) et l’Union des forces Le pays va-t-il pour autant trouver un républicaines (UFR) de Sidya Touré (10). nouvel élan ? Le président Alpha Condé « Il y a toute une culture parlementaire à semble le croire: comme il l’avait annoncé acquérir, explique le député RPG Amadou il y a quelques semaines, il s’est attelé, sitôt Damaro Camara. On se crie dessus, mais l’Assemblée en fonction, au remaniement ça ira ! » Même son de cloche chez Hadja du gouvernement. Mohamed Saïd Fofana,
CELLOU BINANI/AFP
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p Claude Kory Koundiano a été élu président de l’Assemblée nationale.
discret Premier ministre depuis trois ans, lui a remis sa démission le 15 janvier, avec celle de toute son équipe. Dans l’entourage du président, on veut aussi croire que cette « normalisation » va mettre fin aux manifestations de l’opposition – qui pourra désormais s’exprimer à l’Assemblée. Mieux encore, le retour à la vie parlementaire va attirer de nombreux investisseurs (le potentiel minier et pétrolier guinéen est très prometteur), notamment les investisseurs institutionnels, qui estiment que l’approbation des contrats par l’Assemblée nationale est indispensable. Il permettra par ailleurs le déblocage de l’aide prévue au titre du 10e Fonds européen de développement, estimée à près de 174 millions d’euros. Bruxelles avait suspendu la reprise totale de sa coopération avec Conakry à l’élection d’une Assemblée pluraliste, dernière étape avant la renaissance de la vie démocratique du pays. Mais le Parlement à peine installé, les regards se tournent déjà vers la présidentielle de 2015. l HABY NIAKATE, envoyée spéciale à Conakry
À SUIVRE LA SEMAINE PROCHAINE
27-28
JANVIER Visite d’État de François Hollande en Turquie, la première depuis celle de François Mitterrand en 1992. Au menu des discussions: la candidature d’Ankara à l’UE, la crise en Syrie… N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
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JANVIER À Abidjan, jusqu’au 1er février, Forum ICI 2014 Investir en Côte d’Ivoire, sur le thème « Secteur privé, levier d’une croissance régionale réussie ». Quelque 1500 opérateurs sont attendus.
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JANVIER Trente-cinq albums en compétition dans la sélection officielle, 200000 visiteurs… Bienvenue au 41e Festival international de la bande dessinée, à Angoulême (France). Jusqu’au 2 février. JEUNE AFRIQUE
ILS ONT DIT
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« Mon père a refusé que ses filles subissent des scarifications ethniques au visage. Les gens l’ont critiqué, disant qu’il était trop occidental, mais il a tenu bon car il avait foi dans le monde moderne. »
LES QUATRE SITES retenus – Agadir, Rabat, Tanger et Marrakech – pour abriter la Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2015 sont connus. À l’issue des éliminatoires, en novembre 2014, les noms des quinze équipes participantes le seront également. Pour le Maroc – pays organisateur qualifié d’office –, les choses devraient donc être simples. Or il n’en est rien. Alors que la plupart des sélections peaufinent leur programme des prochains mois, le royaume, lui, n’a aucune idée de ce qui l’attend. Le 15 novembre dernier, la Fédération internationale de football association (Fifa) a invalidé l’élection de Fouzi Lekjaa à la tête de la Fédération royale marocaine de football (FRMF), les statuts de cette dernière n’étant pas conformes à ceux de la Fifa.
Alors qu’il ne s’était pas représenté, Ali Fassi Fihri, l’ancien président, a été obligé de jouer les prolongations – en attendant un nouveau vote. « C’est un sujet qui dérange beaucoup au Maroc, déplore Abdelkhalek Louzani, ancien sélectionneur des Lions de l’Atlas. Dans les faits, la Fédération n’est pas dirigée, il n’y a pas de comité ni, évidemment, de sélectionneur. » Selon l’ancien défenseur international Abdeslam Ouaddou, cette situation ne peut plus durer : « Il va falloir engager un nouveau coach, qui devra façonner son groupe, définir un style de jeu… Tout cela prend du temps, et là, on en perd. La sélection n’a aucun match de prévu. Il y a urgence. » Aux dernières nouvelles, tout devrait s’arranger en février. Vraiment ? l
BRUNO LÉVY POUR J.A.
Maroc Arrêt de jeu
ANGÉLIQUE KIDJO Chanteuse béninoise
« Mes compatriotes ont l’habitude de vouloir tout avoir, tout de suite. Ce qui n’est pas possible. » MACKY SALL Président du Sénégal
« Qui imaginait que François Hollande allait être un vrai Casanova ? Pour jouer le rôle du tombeur intégral on ne prendrait pas un mec qui lui ressemble ! »
ALEXIS BILLEBAULT
Cyclisme Ça roule pour l’Afrique!
FRÉDÉRIC MITTERRAND Ancien ministre français de la Culture
LE SCEPTICISME N’EST PLUS DE MISE ! La course cycliste Tropicale Amissa Bongo, qui s’est disputée du 13 au 19 janvier au Gabon (en faisant un crochet par le Cameroun), s’est définitivement imposée dans le calendrier international. Parvenue à sa neuvième édition, elle attire de plus en plus de concurrents européens et permet aux semi-professionnels africains de se mesurer aux meilleurs. Un Érythréen, Frekalsi Debesay, l’a emporté au sprint sur la plus longue étape de la semaine (190 kilomètres), le 16 janvier.
« L’égalité des sexes est un mythe. L’Américaine moyenne ne gagne que 77 % du salaire d’un homme. » BEYONCÉ Chanteuse américaine
sport mineur, le cyclisme comble peu à peu son retard. Avec trois épreuves phares : le Tour du Faso, le Tour du Rwanda et, désormais, la Tropicale Amissa Bongo. Et le niveau progresse. Dans le peloton, les sportifs d’Afrique de l’Est tiennent le haut du pavé, avec comme chefs de file deux Érythréens, Daniel Teklehaimanot et Natnael Berhane. Prédispositions naturelles ? Peut-être. Mais il y a de fortes chances que ce succès s’explique aussi par un facteur culturel : les Italiens ont inoculé le virus du cyclisme dans le pays au temps de la colonisation. Et puis, il y a l’exemple de Christopher Froome, vainqueur du Tour de France 2013. Né à Nairobi, il a porté les couleurs kényanes jusqu’à ses 23 ans, avant d’opter pour la citoyenneté britannique. Ces champions en herbe parviendront-ils à rouler sur ses traces ? C’est tout le mal qu’on leur souhaite ! l SAMY GHORBAL JEUNE AFRIQUE
ALBERTO REYES/SIPA
HAUT DU PAVÉ. Longtemps considéré en Afrique comme un
« Quand je suis arrivée, je me suis dit que toutes ces histoires comme quoi les Parisiens sont grossiers étaient fausses : ils étaient merveilleux. Mais quand ils ont compris que je ne rentrais pas [aux ÉtatsUnis], ils sont devenus malpolis. » SCARLETT JOHANSSON Actrice américaine
La semaine de J.A. Décryptage
Athlétisme Lève-toi et cours! Dans son autobiographie, l’homme le plus rapide du monde se dit persuadé qu’il doit son talent et sa chance à la protection de Dieu. Bref, Usain Bolt ne doute de rien, et surtout pas de lui-même…
JUAN MABROMATA/AFP
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p Après une course contre un bus, en Argentine, en décembre 2013.
«
U
ne puissance supérieure m’avait accordé de rester en vie. Dieu avait besoin de moi en forme et en bonne santé pour suivre le chemin qu’il m’avait tracé. » Dans son autobiographie, parue le 15 janvier*, Usain Bolt, 27 ans, revient sur son grave accident de voiture, survenu en 2009, et prête à son extraordinaire talent de sprinteur une origine divine. Mais il s’efforce aussi, de manière LE DESSIN DE LA SEMAINE
plus réaliste, d’expliquer les raisons de la prééminence des athlètes africainsaméricains et caribéens dans l’épreuve du 100 mètres. Sur ce point, l’homme le plus rapide du monde s’oppose à son idole, l’Américain Michael Johnson, quadruple médaillé d’or olympique. Dans un documentaire diffusé en 2012, ce dernier avait défendu la thèse d’un « gène de l’esclavage ». Lequel résulterait de la sélection à laquelle se
livraient les esclavagistes à l’égard de leur main-d’œuvre, en Afrique de l’Ouest, et de l’élimination des plus faibles lors de la traversée de l’Atlantique. Pour Bolt, c’est à la culture du sprint qui imprègne sa Jamaïque natale que ses compatriotes doivent leurs exploits. Il décrit la passion que l’île nourrit pour l’athlétisme (à l’instar du football au Brésil, dit-il), y compris dans les compétitions scolaires, où sont détectés les futurs talents. Bien qu’élevé dans une région reculée (Cockpit Country, où des marrons avaient trouvé refuge), Bolt a pu obtenir une bourse d’études et fréquenter un lycée réputé pour sa formation sportive. Dès ses premières blessures (dues notamment à une scoliose et à une jambe plus courte que l’autre), il bénéficie de soins de qualité en Allemagne. Le Jamaïcain revient aussi sur son enfance et ses journées passées à courir dans la campagne – il était hyperactif – ou encore sur les éreintantes corvées d’eau imposées par son père. Néanmoins, Bolt ne cache pas ses faiblesses:unecertainetendanceàlaparesse (qui lui a fait préférer le 100 m au 400 m, alors que son entraîneur voulait l’aligner sur cette distance), un penchant pour la fête et les fast-foods, ainsi qu’une irrépressible attirance pour les jolies femmes – il avoue même des infidélités. Autant de défauts qui ne l’empêchent pas d’enchaîner les records… Encore un coup de pouce venu du ciel ? l PIERRE BOISSELET *Plus rapide que l’éclair, Usain Bolt, éditions Arthaud, 340 pages, 19,90 euros.
Glez ÉTATS-UNIS PIZZAGATE
Premier scandale pour le nouveau maire de NewYork. Dans la pizzeria Goodfellas de Staten Island, Bill de Blasio a été surpris en train de déguster une pizza… avec un couteau et une fourchette ! Indignés, magazines et réseaux sociaux ont tenu à rappeler que, dans la Grosse Pomme, la pizza se consomme à la main, pliée en deux. « Impensable », a même écrit le très sérieux NewYorkTimes. La fourchette du délit sera bientôt mise aux enchères. N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
JEUNE AFRIQUE
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DR
JEUNEAFRIQUE.COM
KAMBOU SIA/AFP
p Le champion marocain Adam Lamhamedi.
p L’Ivoirien Jean-Pierre Kutwa (à g.) et le Burkinabè Philippe Ouédraogo.
Église catholique Pasteurs tout-terrain
FOCUS
Les Africains aussi font du ski. Présentation des représentants du continent aux Jeux olympiques d’hiver de Sotchi.
LE TWEET
En dévoilant sa liste de cardinaux, le pape François a choisi de privilégier des personnalités actives dans leur pays. Parmi eux, deux Africains connus pour leur courage et leur tolérance.
L
a personnalité des dix-neuf prélats que le pape François a nommés cardinaux le 12 janvier montre bien sa volonté de gouverner l’Église catholique avec des pasteurs de terrainvenusdetousleshorizons.Comme pour la composition de son Conseil spécial de huit cardinaux, surnommé le C8, où l’archevêque de Kinshasa, Laurent Monsengwo, représente l’Afrique, le pape a distingué des personnalités actives dans leur pays plutôt que des ecclésiastiques ayant fait carrière au sein de la Curie, l’administration du Vatican. Seize de ces nouveaux dignitaires ont moins de 80 ans, âge limite pour être électeurs du prochain pape. Deux sont ouest-africains, le Burkinabè Philippe Ouédraogo, 67 ans, et l’Ivoirien JeanPierre Kutwa, 68 ans. En février, le Sacré Collège comptera treize cardinaux électeurs africains sur 122. LOUPS. Archevêque de Ouagadougou,
Ouédraogo est une figure montante de l’épiscopat africain connue pour son courage quand il s’agit d’affronter le pouvoir politique ou les dysfonctionnements de l’Église. Juste après l’élection du pape, il confiait à J.A. son espoir d’une réforme profonde de la Curie: « Nous avons assisté, impuissants, à tous les scandales. C’est JEUNE AFRIQUE
malsain. Il faut aller dans le sens du concile Vatican II et privilégier la collégialité dans l’action. Le carriérisme n’a pas lieu d’être dans l’Église. » « Priez pour moi afin que je ne me dérobe jamais, par peur ou par négligence, devant les loups qui agressent le troupeau, et ce même au prix de ma vie », demandait-il lors de son installation, en 2006, à Ouagadougou. De son côté, Kutwa a pris la succession de Bernard Agré à la tête de l’archevêché d’Abidjan en 2006. Pendant la crise ivoirienne, il a tenté de jouer les médiateurs entre Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, et multiplié les signes d’ouverture à l’égard des musulmans. Les deux Africains seront « créés » cardinaux par le pape le 22 février. Ils revêtiront la pourpre cardinalice en compagnie de huit Européens, quatre Sud-Américains, deux Asiatiques, deux Caribéens et un Nord-Américain. Une large place accordée à l’Amérique du Sud et à l’Europe qui laisse deviner que le pape argentin s’est surtout fondé sur ses réseaux personnels, encore peu développés en Afrique et en Asie. Sensible à une meilleure représentation des pays du Sud aux postes clés de l’Église, François devrait donner davantage de place à ces deux continents lors de ses prochaines nominations. l CHRISTOPHE LE BEC
Bernard Pivot @bernardpivot1
« L’homme à l’agenda le plus chargé du monde trouvera toujours du temps pour le sexe clandestin. » Journaliste français, président de l’académie Goncourt
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SONDAGE
Pensez-vous que la vie privée de vos chefs d’État doive être plus transparente ?
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N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
La semaine de J.A. Tour du monde
WASON WANICHAKORN/AP/SIPA
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p Manifestation le 15 janvier. L’opposition exige le départ de la Première ministre. THAÏLANDE
Bangkok paralysé
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opposition n’en démord pas : Yingluck Shinawatra, Première ministre élue, doit démissionner et être remplacée par un conseil du peuple provisoire, non élu. Acculée par les manifestants, qui paralysent la capitale depuis le 13 janvier, le chef du gouvernement se cacherait à Bangkok et changerait de refuge régulièrement. Le 14, Suthep Thaugsuban, le leader des manifestants, a menacé de la faire arrêter, elle et tous les membres du gouvernement, si elle n’obtempérait pas avant la fin de la semaine. En attendant, des dizaines de milliers de manifestants continuent d’assiéger la capitale, où la vie s’est arrêtée. La plupart des grands axes et les principaux carrefours sont bloqués. Plusieurs groupes extrémistes ont menacé d’envahir la Bourse et les centres de contrôle aérien. D’heure en heure, de nouveaux ministères tombent sous le contrôle des opposants. Le 17, une bombe a explosé sur le passage d’un défilé, faisant une trentaine de blessés. On craint un embrasement général. l VATICAN
Le scandale et la honte LE PAPE FRANÇOIS n’en finit plus de bousculer les habitudes du Vatican. Le 16 janvier, lors de la messe matinale à l’église Sainte-Marthe, à Rome, il a carrément tiré à boulets rouges sur les trop nombreux catholiques impliqués dans des scandales de corruption ou de pédophilie. Ces scandales, a-t-il N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
estimé, sont « une honte », ils font de l’Église « un objet de dérision » à travers le monde. « Mais nous, s’est interrogé le saint-père, avons-nous honte de ces défaites de prêtres, d’évêques, de laïcs? » Bonne question. GUATEMALA
Ex-dictateur acquitté LE 20 MAI 2013, la Cour constitutionnelle guatémaltèque avait annulé pour vice de procédure la
condamnation à quatre-vingts ans de prison pour génocide de l’ancien dictateur Efraín Ríos Montt (87 ans), au pouvoir de 1982 à 1983. Le parquet et la partie civile avaient déposé deux recours pour amener la cour à reconsidérer sa position. Las, le 10 janvier, lesdits recours ont été rejetés et l’annulation du procès confirmée. Accusé d’avoir ordonné le massacre par des militaires de 1 771 Indiens mayas membres de l’ethnie ixile, l’ancien général est donc purement et simplement acquitté.
Le mot
DÉFIANCE LA RÉACTION QUE suscite chez une écrasante majorité de Français (87 %) l’action de leurs responsables politiques, toutes tendances confondues. Tel est le principal résultat d’une enquête réalisée par le Centre de recherche politique de Sciences-Po (Cevipof), associé au CNRS. Il augure mal du taux de participation aux élections municipales du mois de mars et plus mal encore de celui aux européennes du mois de juin.
VENEZUELA
Quand Nicolás rencontre Henrique QUI L’EÛT CRU ? Après l’assassinat, dans la nuit du 6 au 7 janvier, de Monicá Spear, une ex-Miss Venezuela, et de son mari, l’homme d’affaires britannique Thomas Henry Berry, le président Nicolás Maduro a consulté Henrique Capriles, son principal opposant. Il lui a même serré la main, le 8 janvier, lors d’une réunion avec les gouverneurs et les maires des villes les plus menacées par la criminalité. Il s’agissait de mettre en place un plan d’action contre la violence. Le taux d’homicides au Venezuela est l’un des plus élevés d’Amérique du Sud. JAPON
L’US Air Force en accusation AU DÉBUT DES ANNÉES 1960, les États-Unis auraient bel et bien testé des armes biologiques au Japon. C’est ce JEUNE AFRIQUE
ARRÊT SUR IMAGE
RONI BINTANG • Reuters
INDONÉSIE
L’actu, côté basse-cour AU NORD DE L’ÎLE DE SUMATRA, EN INDONÉSIE, le mont Sinabung est l’un des volcans le plus actifs de la planète. En septembre 2013, il est une nouvelle fois entré en éruption. Depuis, lave, cendres et poussières s’en échappent sans discontinuer. Vingt-cinq mille personnes ont dû être évacuées. Les gallinacés ignorent tout, sans doute, de la sismologie. Que peuvent-ils donc penser de la dévastation de leur univers familier ?
que rapporte le quotidien anglophone Japan Times, qui précise que l’armée américaine aurait expérimenté les effets destructeurs d’un champignon, Magnaporthe grisea, sur les rizières de l’île d’Okinawa. Pendant la guerre du Vietnam, elle aurait en outre entreposé des barils de défoliant, notamment de l’agent orange, dans sa base aérienne de Kadena. La présence à Okinawa de 24 000 GI suscitant une forte opposition au Japon, les États-Unis avaient jusqu’ici toujours nié l’existence de tels stocks. MEXIQUE
Scènes de guerre au Michoacán L’ÉTAT DU MICHOACÁN, dans le sud-ouest du pays, est depuis plusieurs jours le théâtre de violents affrontements entre les membres d’un cartel JEUNE AFRIQUE
de la drogue, les Chevaliers Templiers, qui en ont plus ou moins pris le contrôle depuis des mois, et des milices d’autodéfense constituées de civils exaspérés par l’impuissance des autorités face au crime organisé. D’importantes forces fédérales ont été déployées afin d’obtenir leur désarmement. Le 15 janvier, le gouvernement a nommé un commissaire fédéral. Sa mission ? Pacifier le Michoacán. Bon courage. INDE
La polio, c’est fini AU TERME D’UNE GRANDE campagne de vaccination, la poliomyélite semble bien avoir été éradiquée en Inde. Le 13 janvier, le cap des trois années sans apparition d’un nouveau cas a été franchi. Il y a vingt ans, entre 50 000 et 150 000 cas étaient recensés chaque année. Le virus, qui se transmet
par l’eau contaminée par des matières fécales, ne sévit plus que dans trois pays : le Pakistan, l’Afghanistan et le Nigeria. NICARAGUA
L’autre canal APRÈS CELUI DU Panamá, un nouveau canal devrait dans quelques années traverser l’Amérique centrale. Le projet a été confié par le président nicaraguayen Daniel Ortega à une société chinoise. Les travaux devraient débuter à la fin de 2014. Montant de l’investissement : 30 milliards d’euros. Cette nouvelle route maritime entre les océans Atlantique et Pacifique, via le lac Nicaragua, sera longue de 286 km et large de 520 m. Elle sera flanquée d’un aéroport, de deux ports, de deux zones franches, d’un oléoduc et d’une liaison ferroviaire. Les défenseurs de l’environnement s’étranglent d’indignation. N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
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Grand angle
Le saut dans ALGÉRIE
Alors que l’élection présidentielle a enfin été fixée au 17 avril, la classe politique, paralysée, attend toujours de connaître les intentions du président sortant. MARWANE BEN YAHMED
Par
J
amais le business des voyantes, des cartomanciennes et autres astrologues n’a été aussi florissant à Alger… Quinze ans après l’élection d’Abdelaziz Bouteflika, et à quelques semaines seulement de la présidentielle, fixée au 17 avril, l’avenir du plus grand pays d’Afrique et de ses 38 millions d’habitants ressemble à un vaste trou noir. Même les Parques éprouveraient les pires
difficultés à démêler l’inextricable écheveau de son destin… Au centre de toutes les interrogations, Bouteflika lui-même. Victime d’un accident vasculaire cérébral le 27 avril 2013, mais aussi d’un ulcère hémorragique qui a failli lui coûter la vie fin 2005, le plus célèbre patient algérien a été une nouvelle fois admis, le 13 janvier, au Val-de-Grâce, à Paris, officiellement pour un contrôle de routine, avant de regagner Alger trois jours plus tard. Entre omerta
le vide ENQUÊTES. « Il ne souhaitait pas se porter candidat avant son accident, raconte un proche qui
le fréquente depuis un demi-siècle. Il n’y a donc aucune raison que la dégradation de son état de santé l’ait fait changer d’avis. » Voilà pour l’évidence. Mais d’autres raisons expliquent le maintien d’un aussi long suspens. « Boutef », qui a vécu une très pénible traversée du désert après la mort de Boumédiène, a peur pour les siens, en particulier pour Saïd, son frère et conseiller. Qu’adviendrat-il d’eux quand il ne sera plus à El-Mouradia ? Les enquêtes anticorruption, menées par le Département du renseignement et de la sécurité (DRS), savamment distillées à la presse et qui ont fleuri ces derniers mois autour de son l l l
q Photo officielle du gouvernement Sellal II, en septembre 2013. Il y a un an, Abdelaziz Bouteflika posait debout.
HO/AFP
et rumeurs, son état de santé suscite évidemment l’inquiétude. Une chose est sûre : si son cerveau fonctionne comme avant, comme le confient les rares personnalités qui l’ont rencontré, son corps est épuisé. L’hypothèse d’un quatrième mandat semble donc de moins en moins d’actualité malgré les appels des habituels thuriféraires de l’échiquier politique. Et ce ne sont pas les récentes images d’un président physiquement très diminué qui laisseront penser le contraire.
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Grand angle Algérie l l l entourage ou d’anciens proches collaborateurs ne sont évidemment pas pour le rassurer. Il était également prévisible qu’il attendrait le tout dernier moment avant d’annoncer clairement la fin de son règne, lui qui ne supporte rien moins que de voir son autorité et ses prérogatives remises en question.
FOLKLORIQUES. Le paradoxe, c’est qu’un
Bouteflika affaibli et mutique paralyse plus la classe politique, adversaires compris, que du temps de sa splendeur, lors de la présidentielle de 2004 par exemple. Hormis l’ancien Premier ministre Ahmed Benbitour, la plupart des acteurs majeurs supposés du prochain scrutin (Ali Benflis, AhmedOuyahia,etc.)ontfaitmontred’une prudence de Sioux : tant que le chef de l’État ne lève pas le voile sur ses intentions, gardons-nous d’afficher nos ambitions… Aujourd’hui, alors que le scrutin est annoncé pour la mi-avril, seuls ceux qui savent qu’ils n’ont aucune chance de l’emporter se sont officiellement lancés dans la course. Candidatures folkloriques ou de témoignage, volonté de faire parler de soi ou réelle envie d’apporter son écot au (faible) débat public: aucun des candidats actuels ne semble pouvoir dépasser 5 % des voix. À l’exception, bien sûr, d’Ali Benflis. Situationubuesquepourunpayscomme l’Algérie, dont la léthargie politique apparente contraste dangereusement avec les attentes d’une population qui ne sait plus à quel saint se vouer. Sans parler des travaux herculéens qui attendent le futur élu: une économie archaïque et sous perfusion permanente, une industrie fantomatique, une administration pachydermique, une jeunesse marginalisée, une société souffrant demultiplesfractures,uneélitevieillissante qui refuse de passer la main, etc. Autant de défis qui nécessiteraient une préparation bien différente de celle à laquelle nous assistons actuellement. Pour se rassurer, les Algériens pourront toujours se dire que le « système », cette organisation du pouvoir dont tout le monde parle mais dont personne n’est capable de définir les contours réels, a toujours su s’adapter, y compris dans des circonstances plus graves. Peu probable donc que l’Algérie bascule dans la crise et l’instabilité. Quant à l’essentiel, c’est-àdire les sujets de fond, le projet de société, le changement, les réformes attendues, le rôle que ce géant du Maghreb doit jouer en Afrique et dans le monde, le débat ne semble, hélas, toujours pas d’actualité… l N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
Y a-t-il un pilote à El-Mouradia ?
Tous les jours, des décisions sont prises et des décrets signés. À l’évidence, bien que son état de santé suscite l’inquiétude, Abdelaziz Bouteflika est décidé à tenir les rênes jusqu’au bout.
L
a santé du président Abdelaziz qu’Abdelaziz Bouteflika reste le maître Bouteflika inquiète. Son hospitadu jeu. Tous les jours, des dizaines de lisation, ce 13 janvier à l’hôpital décisions sont prises et des décrets du Val-de-Grâce, en France, pour signés. Mais comment gouverne-t-il « un contrôle de routine », vient de et, surtout, avec qui ? le rappeler : depuis le 16 juillet 2013 Bouteflika ne vit plus dans son et la fin de sa convalescence pariappartement privé de Poirson, à sienne à la suite d’un accident vasEl-Biar, à proximité de l’ambassade culaire cérébral, aucun bulletin de des États-Unis. Il boude la résidence santé n’a été rendu public, mais les présidentielle de Zeralda et son bureau vidéos diffusées depuis montrent un de Djenane el-Malik, où il recevait les homme diminué. Même la photo de personnalités étrangères. Il préfère famille prise le 30 décembre 2013, à désormais occuper un bungalow dans l’issue du Conseil des ministres, est le complexe résidentiel de Sidi Fredj. éloquente. Non seulement Abdelaziz Zhor, sa sœur, s’occupe de l’intendance. Bouteflika peine à retrouver ses capaSon frère Saïd est omniprésent. Les cités motrices, mais surtout, l’absence deux autres membres de la fratrie, d’améliorations notables révèle des Abdelghani et Nasser, viennent le plus séquelles importantes. souvent possible à son chevet. À voir la gêne des ministres entouSi le président ne s’est rendu qu’à rant le prestigieux patient, on imadeux reprises à son bureau d’El-Mouragine combien la situation doit être dia depuis son retour du Val-de-Grâce, embarrassante. Habituellement, les en juillet 2013, la machine tourne néanmembres du gouvernement s’installent « Au moindre effort physique, dans la grande salle de la sueur perle sur son front », de réunion du palais d’El-Mouradia avant confie un ministre. l’arrivée du président, généralement accompagné de son moins à plein régime. Le service diploPremier ministre. Cette fois, tout matique de la présidence est sans doute le monde a attendu que le chef de le plus actif. De nombreuses personl’État soit installé dans son fauteuil nalités ont reçu des vœux de nouvelle pour pénétrer dans la salle, avec pour année signés de sa main. Même lors consigne stricte d’éviter tout contact de sa dernière hospitalisation à Paris, physique avec lui. il n’a pas omis d’envoyer une missive à son homologue Moncef Marzouki, BUNGALOW. Il en a été de même pour ce 14 janvier, à l’occasion du troisième la cérémonie de signature de la loi anniversairedelarévolutiontunisienne. de finances 2014. Aucun participant Autre preuve qu’El-Mouradia foncn’a pu voir le président debout ou se tionne bien : la gestion de la visite mouvant. Pis : la plupart d’entre eux, imprévue, le 7 janvier, de Nayef Ibn qui ne l’avaient pas vu depuis son AVC, Abdelaziz, le très influent ministre ont découvert l’ampleur de ses handisaoudien de l’Intérieur, dont l’émissaire caps. « Le président est vraiment mal du roi Abdallah a annoncé l’arrivée à en point », confie un ministre, sous le Alger au dernier moment. Dès l’atterrissage de son avion, il a été accueilli sceau de l’anonymat. « Au moindre par Bouteflika à Sidi Fredj. Dans la effort physique, de la sueur perle sur son front », renchérit l’un de ses foulée, le président a reçu le général Gaïd Salah, vice-ministre de la Défense collègues. Pourtant, nul ne conteste JEUNE AFRIQUE
Le saut dans le vide q Depuis son retour de convalescence, le 16 juillet 2013, le président ne s’est rendu qu’à deux reprises à son bureau.
et chef d’état-major de l’armée – la personnalité algérienne qui peut se prévaloir du plus grand nombre d’audiences (une douzaine) accordées par le convalescent. Le président bouderait-il ses collaborateurs civils en communiquant uniquement avec le patron de l’institution militaire ? « Pas du tout, clame-t-on dans les couloirs d’El-Mouradia. Toutes les activités du président, qui reçoit en toute discrétion, traite son courrier, signe les décrets et transmet ses instructions, ne sont simplement pas rendues publiques. »
SAMIR SID
OREILLE. Mais qui pilote vraiment à
JEUNE AFRIQUE
El-Mouradia ? Le mystère entretenu autour d’Abdelaziz Bouteflika alimente rumeurs et spéculations. Présenté comme l’homme qui chuchote à l’oreille du président, Saïd Bouteflika (lire p. 26), son frère et conseiller spécial, est accusé par certains partis d’opposition et une partie de la presse privée de trancher à sa place. « Peu probable, assure un ancien colonel du Département du renseignement et de la sécurité [DRS]. Il n’a ni l’étoffe ni le talent pour prendre, seul, des décisions comme celle qui a abouti à la restructuration du commandement militaire. Il a peut-être pu intervenir dans le choix d’un ou de plusieurs ministres lors du dernier remaniement, mais il est exclu qu’il ait eu son mot à dire quand il a fallu choisir un nouveau patron pour la Direction de la sécurité intérieure [DSI]. » Autre proche qui ne quitte pas le président d’une semelle : le lieutenant Messaoud Belgherbi, alias Aziz, garde du corps préféré d’Abdelaziz Bouteflika. Il a accompagné le chef de l’État au Val-deGrâce, est resté avec lui durant sa convalescence au centre de repos des Invalides, et ne quitte qu’exceptionnellement le pavillon présidentiel de Sidi Fredj. L’état de santé du président est un véritable tabou. L’identité de son équipe médicale était restée secrète jusqu’au 30 décembre 2013, date à laquelle il a décidé de décerner l’Ordre du mérite national à trois de ses médecins : Abdelkader Bendjelloul, directeur central des services de la santé militaire (DCSM), ainsi qu’aux professeurs Mohsen Sahraoui, chef du service d’urgences à l’hôpital militaire d’Aïn Naadja, et Metref Merzak, chef du service réanimation. Bouteflika montre ainsi sa volonté de diriger jusqu’au bout de son mandat. Voire au-delà. l CHERIF OUAZANI N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
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p Lors des funérailles de la chanteuse Warda el-Jazaïria, à Alger, en mai 2012.
FAROUK BATICHE/AFP
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Dans l’ombre du frère
Discret conseiller lors de l’arrivée de son aîné, en 1999, il est aujourd’hui omniprésent à ses côtés, même s’il préfère rester dans les coulisses.
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a gestion de la communication autour de la santé du président Abdelaziz Bouteflika ? C’est lui. Le remaniement de l’équipe gouvernementale et le mouvement des walis (préfets) opéré en octobre dernier ? Ils portent son empreinte. L’intronisation à la tête du Front de libération nationale (FLN) d’Amar Saadani, musicien devenu président de l’Assemblée nationale de 2004 à 2007 ? C’est encore lui, Saïd Bouteflika, qui était à la manœuvre. On lui prête même un rôle déterminant, mais peu probable, dans les révocations et les nominations au sein du Département du renseignement et de la sécurité (DRS), ainsi que dans les changements intervenus en septembre 2013 au sein des puissants services secrets. PARACHUTAGE. À 57 ans, le frère
cadet du chef de l’État est officiellement conseiller à la présidence depuis l’élection d’Abdelaziz Bouteflika, en 1999. N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
Cet homme à la silhouette frêle, aussi mystérieux que discret, est devenu omniprésent depuis l’ulcère hémorragique de 2005 et l’accident vasculaire cérébral d’avril 2013 de son frère aîné. Son étroite proximité avec le président, la confiance absolue dont il bénéficie de sa part ainsi que les réseaux qu’il a tissés au cours des quinze dernières années ont permis à Saïd de renforcer son influence au palais d’El-Mouradia. Il agit aussi bien dans le gouvernement que dans l’armée et le milieu des affaires, au point qu’on le qualifie volontiers de « président-bis » ou de « chef d’État par procuration ». « Sa puissance n’est pas surestimée, analyse un homme du sérail. Il est tout de même parvenu à écarter, en septembre 2013, Dahou Ould Kablia, le ministre de l’Intérieur, parce que ce dernier avait refusé de cautionner le parachutage de Saadani à la tête du FLN et s’était montré réticent à l’égard d’une nouvelle candidature de Bouteflika. »
Dans l’ombre, Saïd s’affaire depuis six mois pour tenter d’assurer un quatrième mandat à son frère ou, du moins, pour placer un successeur. Pari difficile. L’espoir d’un rétablissement rapide du président et de son éventuelle candidature s’est évaporé au fil des mois. Résultat : à trois mois du scrutin, pas de candidat de rechange qui soit vraiment crédible. Même la révision constitutionnelle, un temps évoquée pour créer un poste de vice-président sur lequel aurait pu s’appuyer Abdelaziz Bouteflika pour sa campagne, est désormais enterrée. La tentative de contrôle du FLN par Saïd, en plaçant un personnage aussi contesté que Saadani – soupçonné d’être lié à des scandales politico-financiers –, a viré au fiasco. De plus, en laissant à ce dernier la liberté de déclencher une guerre médiatique contre le DRS et le Premier ministre – dont les journaux font leurs choux gras depuis septembre 2013 –, Saïd Bouteflika a fini par se faire beaucoup d’ennemis. Mais pour cet homme pugnace et intelligent, la partie est loin d’être terminée. l FARID ALILAT JEUNE AFRIQUE
Le saut dans le vide
Dix ans après, le revoilà
En retrait depuis sa défaite, en 2004, Ali Benflis assure aujourd’hui ne nourrir aucune rancœur. Et être confiant quant à ses chances de conquérir la présidence.
I
t Ali Benflis, l’ex-secrétaire général du FLN.
Bouteflika. Candidat indépendant, celui qui fut secrétaire général du FLN entre 2001 et 2004 n’en assure pas moins bénéficier de la base de l’ancien parti unique et espère rallier une grande majorité de ses ténors, plus que jamais divisés. CLIENTÉLISME. « Ali Benflis ne
regarde pas dans le rétroviseur, ajoute l’un de ses collaborateurs. Il est persuadé que cette élection est l’une des dernières chances de redresser un pays miné par la corruption, le chômage, la déliquescence des structures de l’État, l’injustice et le clientélisme. » S’il était élu, Benflis procéderait, dès le courant 2014, à la révision de la Constitution pour limiter à deux le nombre de mandats du président et redonner ses lettres de noblesse à la fonction de chef du gouvernement. En privé, l’homme jure qu’il n’est nullement animé par un esprit de revanche à l’égard de ceux qui lui ont barré la route d’El-Mouradia il y a dix ans et qu’il s’interdira de mener une chasse aux sorcières contre les hommes du président. l FAROUK BATICHE/AFP
l a longtemps réfléchi, un peu douté, parfois hésité, beaucoup consulté avant de prendre sa décision. Dix ans après sa cuisante défaite à l’élection présidentielle d’avril 2004 (il n’avait obtenu que 6,42 % des voix, contre 85 % pour Bouteflika), Ali Benflis, 69 ans, est à nouveau candidat. Son programme électoral finalisé et son équipe nommée, le QG de campagne a été établi dans une villa sur les hauteurs de la capitale et les comités de soutien installés sur le territoire national ainsi qu’à l’étranger. L’ancien chef du gouvernement devait annoncer sa candidature le 19 janvier dans un grand hôtel d’Alger, une fois le corps électoral officiellement convoqué par le président sortant. « Benflis n’animera pas de conférence de presse ce jour-là pour éviter que son annonce ne soit parasitée par les questions des journalistes, confie l’un de ses conseillers. Il s’exprimera devant la presse au moment voulu et s’expliquera même sur son silence depuis sa défaite de 2004. » Son programme s’articule autour de cinq axes majeurs : indépendance de la justice, rééquilibrage des pouvoirs au profit de l’Assemblée nationale, décentralisation des centres
de décisions, libéralisme économique et liberté de la presse. Retiré de la scène politique depuis dix ans, Ali Benflis se dit confiant sur ses chances d’accéder à la magistrature suprême, même s’il craint une candidature de dernière minute d’Abdelaziz
F.A.
ILS Y PENSENT EN SE RASANT TOUS LES MATINS… C’EST UNE SINGULARITÉ algérienne. Depuis quinze ans, il est de tradition que les anciens chefs de gouvernement se portent candidats à l’élection présidentielle. À trois mois du scrutin, Ali Benflis et Ahmed Benbitour sont officiellement partants. Les autres outsiders attendent que Bouteflika renonce à un quatrième mandat pour s’exprimer librement. Comme Mouloud Hamrouche, qui revient sur le devant de la scène à JEUNE AFRIQUE
chaque présidentielle. Premier ministre entre 1989 et 1991, il a fait une incursion dans la course en 1999 avant de se retirer à la dernière minute. Ses partisans affirment qu’il n’attend plus qu’un signe des militaires pour s’engager à nouveau. Lui garde le silence sur ses intentions. Présenté comme proche de l’armée, Ahmed Ouyahia a quant à lui connu deux revers successifs entre septembre 2012 et
janvier 2013 : il a été limogé de son poste de Premier ministre au profit d’Abdelmalek Sellal puis contraint de démissionner du Rassemblement national démocratique (RND), qu’il dirigeait depuis 1997. Depuis, il fait profil bas. Est-il tenté par la succession de Bouteflika ? S’il a toujours confié qu’il ne se présenterait jamais contre le président, ses partisans affirment qu’il se tient prêt « au cas où… ». À l’instar d’Ouyahia,
Abdelaziz Belkhadem a connu une mauvaise fortune. Patron du FLN depuis 2004, il en a été destitué en janvier 2013 à la suite d’un mouvement de contestation qui a duré plus de deux ans. Réputé fidèle au président mais peu aimé de l’armée, cet islamo-conservateur a toujours répété qu’il ne briguerait pas un mandat présidentiel tant que Bouteflika serait candidat à sa propre succession. l F.A. N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
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BENSALEM.B/ANDIA.FR
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p À l’Académie militaire interarmes de Cherchell, en présence de Gaïd Salah (à dr.), chef d’état-major.
Les centurions rentrent dans le rang
Remaniée en profondeur, la vieille garde a été peu à peu écartée du jeu politique. Et si, pour le choix du futur président, les généraux n’avaient plus leur mot à dire ?
C
’
était en octobre 2003. Dans un pamphlet d’une rare violence, Khaled Nezzar, l’ancien ministre de la Défense, expliquait comment l’armée avait choisi de faire élire Abdelaziz Bouteflika en avril 1999: « Parce qu’il était le moins mauvais des candidats. » Dix ans plus tard, aucun haut gradé n’oserait s’exprimer ainsi. Non par manque de courage, mais parce que l’âge d’or des généraux semble révolu. De là à supputer que l’armée n’aura pas son mot à dire… Au cours des trois mandats de Bouteflika (1999, 2004, 2009), premier président civil depuis la destitution d’Ahmed Ben Bella, en juin 1965, la composition des centres de décision a largement N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
de l’ex-URSS. Tout un bataillon de colonels et de généraux ont été écartés, mis à la retraite. D’autres se sont reconvertis dans les affaires. D’autres enfin sont décédés. Plus instruits, et dépourvus de légitimité révolutionnaire, les nouveaux s’intéressent beaucoup moins à la politique que leurs aînés. Autre mutation majeure : l’éclatement du quarteron des généraux – Mohamed Lamari, Larbi Belkheir, Khaled Nezzar et
évolué et l’institution militaire a connu de profondes mutations. Propulsé par les généraux au palais d’El-Mouradia, Bouteflika, qui refusait d’être un « trois quarts de président », a su écarter ses adversaires dans l’armée et promouvoir des fidèles – souvent issus de sa région, l’Ouest – afin Du quarteron qui faisait la pluie de renforcer ses pouvoirs et de et le beau temps, ne reste devenir un « hyperprésident ». MAQUISARDE. Une nouvelle
plus que l’inamovible Toufik.
génération d’officiers, formée dans de prestigieuses académies militaires occidentales, a été promue à des postes à responsabilité, poussant vers la sortie la vieille garde, maquisarde durant la guerre de libération et sortie des écoles
Mohamed Mediène, dit Toufik – qui faisaient et défaisaient les présidents. Lamari et Belkheir ont rendu l’âme. Nezzar, qui fait l’objet de poursuites judiciaires en Suisse pour « crimes de guerre », n’a plus aucune influence. De ce cabinet informel, JEUNE AFRIQUE
Le saut dans le vide
LOBBY. Enfin, l’état-major ne mani-
feste plus aucune hostilité à l’égard du chef de l’État. Alors que Mohamed Lamari ne faisait pas mystère, en 2004, de son opposition à un deuxième mandat de Bouteflika – il avait discrètement incité Ali Benflis à se lancer dans la course –, son successeur, Gaïd Salah, 74 ans, apporte un soutien indéfectible au président sortant. En septembre 2013, Salah a été nommé au poste de vice-ministre de la Défense, qu’il cumule avec celui de chef d’étatmajor de l’armée. Une promotion qui a renforcé son pouvoir et lui permettrait de s’opposer à l’application de l’article 88 de la Constitution, qui prévoit la destitution du président en cas de maladie grave et handicapante. Par ailleurs, le lobby de l’argent et deshommesd’affaires,dontunepartie gravite autour du cercle présidentiel, fait aujourd’hui concurrence à celui des militaires. Est-ce la fin des « généraux faiseurs de rois » ? « L’armée ne s’opposerait pas à Bouteflika si celui-ci venait à briguer un nouveau mandat », analyseprudemmentl’ancienministre Abdelaziz Rahabi. Mais même s’il venait à jeter l’éponge, l’armée ne devrait désormais plus pouvoir imposer un successeur. l FARID ALILAT JEUNE AFRIQUE
En duo ou en solo
Pour certains, Abdelmalek Sellal mène campagne pour Abdelaziz Bouteflika avec la bénédiction de l’armée. Pour d’autres, il serait logique qu’il nourrisse des ambitions personnelles.
E
n avril 2013, quelques jours avant l’accident vasculaire cérébral d’Abdelaziz Bouteflika, Abdelmalek Sellal se confiait à J.A., lors d’une rencontre informelle au palais du gouvernement. Nourrissait-il des ambitions présidentielles ? « Aucune, avait tranché le Premier ministre dans un sourire. Je n’y pense pas et cela ne m’intéresse pas. » Seule sa mission semblait alors compter : achever les chantiers lancés dans le cadre du programme présidentiel, suppléer aux absences répétées d’un président âgé et malade, assurer la paix sociale. Une fois menée à bien cette feuille de route que lui avait confiée le chef de l’État lors de sa nomination, en septembre 2012, Sellal espérait, assurait-il, finir sa longue carrière comme ambassadeur. Depuis cet entretien, la donne a-t-elle changé ? À trois mois de l’élection présidentielle, l’avenir du Premier ministre fait l’objet de spéculations diverses. Certains voient en lui le « candidat du consensus » et le soupçonnent de bénéficier d’un accord
secret entre l’armée et Bouteflika – il serait le seul à convenir aux deux parties pour succéder au président. Sentiment renforcé par le fait qu’il sillonne le pays depuis des mois pour vanter le bilan de ce dernier. CLÔTURE. Quoi qu’il en soit, il lui sera difficile de sauter le pas dans un délai raisonnable. D’abord, parce que l’article 90 de la Constitution stipule que, « dans le cas où le Premier ministre en fonction est candidat à la présidence de la République, il démissionne de plein droit ». Ce qui contraindrait Sellal à renoncer à son poste – et à la présidence de la Commission nationale électorale, qu’il occupe en sa qualité de Premier ministre – avant le 1er mars, date de la clôture du dépôt des candidatures. Ensuite, parce qu’il lui est impossible de se prononcer tant que le président sortant n’aura pas officiellement annoncé la fin de sa mission. De quoi retarder sa prise de décision et voir ses chances F.A. s’amenuiser. l
pAbdelmalek Sellal sillonne le pays en vantant le bilan du président. N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
MUSTAFA YALCIN/AFP
il ne reste que Toufik, inamovible chef des services secrets depuis 1990. À 75 ans, celui que la vox populi surnomme Reb Dzaïr (« le dieu de l’Algérie ») exerce toujours une influence considérable dans tous les rouages du système. Le mystère qui l’entoure est renforcé par le fait qu’on ignore tout de sa vie, et même son visage – on ne connaît qu’une seule photo de lui, prise il y a vingt ans. Loyal envers Bouteflika, dont il a soutenu la réélection en 2004 et en 2009, Toufik pèsera-t-il sur la désignation du successeur ? Si le général et son Département du renseignement et de la sécurité (DRS) gardent une puissanceredoutable,ilssortentnéanmoins fragilisés par les remaniements en cours depuis septembre 2013. Le pôle judiciaire des services a été dissous, la communication et la sécurité intérieure ont été transférées à l’état-major. Le rôle du DRS dans la vie publique suscite aujourd’hui de vifs débats dans le pays alors que personne n’osait l’évoquer jusqu’ici.
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Grand angle Algérie
CHERIF OUAZANI
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p Manifestation d’islamistes à Alger, le 18 janvier 2013.
Micro-partis, méga-patatras Éclatés en une myriade de formations, les islamistes peinent à se fédérer autour d’un projet commun. Résultat : leurs chances de peser sur le prochain scrutin diminuent.
L
’
islamisme politique est sans doute la principale victime des années Bouteflika. Pourtant, il n’y a pas si longtemps, ses différentes composantes étaient les seules à pouvoir rivaliser avec le courant nationaliste triomphant. Jadis incarnée par trois partis, le Mouvement de la société pour la paix (MSP, ex-Hamas, proche des Frères musulmans), Ennahda et El-Islah, la mouvance islamiste se divise aujourd’hui en une vingtaine de formations – des micropartis pour la plupart. Et cet émiettement réduit considérablement son influence. Les réformes politiques d’avril 2011, engagées par Abdelaziz Bouteflika au moment des révolutions arabes (loi sur les nouveaux partis, ouverture du secteur audiovisuel, levée de l’état d’urgence en vigueur depuis vingt ans…), ont également contribué à réduire sa représentation dans les institutions. Même les tentatives d’Abderrezak Mokri, nouveau patron du MSP, de fédérer N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
tous ces courants autour d’une candidature unique pour la présidentielle du 17 avril ont achoppé sur des querelles de leadership. Résultat : à trois mois de l’échéance, les islamistes sont dans le brouillard. Ils oscillent entre menaces de boycott et participation en rangs dispersés. ÉTOILE MONTANTE. Principal parti de
cette mouvance, le MSP ne s’est toujours pas remis de la saignée qu’il a subie ces derniers mois. Après le Printemps arabe sont venues les désillusions. L’incapacité des Frères musulmans tunisiens, égyptiens et, dans une moindre mesure, marocains à gérer correctement leur pays a douché l’enthousiasme de leurs partisans. Aussi un vent de dissidence a-t-il emporté avec lui une grande partie des cadres du premier parti islamiste algérien, dont son étoile montante, Amar Ghoul, le ministre des Transports. Ce dernier a préféré rester aux côtés d’Abdelaziz Bouteflika
lorsque le MSP a décidé de quitter l’Alliance présidentielle, en février 2012. Il a créé sa propre formation, TAJ (acronyme arabe de Rassemblement Espoir Algérie, d’obédience national-islamiste), pour s’allier au FLN et soutenir une nouvelle candidature du président sortant. Son départ a surtout privé le parti d’une importante manne financière. Pragmatiques, les hommes d’affaires qui se réclamaient de Mahfoud Nahnah, fondateur du MSP décédé en 2003, ont choisi de suivre Ghoul. Autre grande figure à avoir pris ses distances : Abdelmadjid Menasra, ancien ministre de l’Industrie, qui a créé le Front du changement. Ces turbulences n’ont cependant pas éteint les ambitions des islamistes. À l’approche de la présidentielle, ils ont réussi à s’entendre sur trois revendications : création d’une commission indépendante pour l’organisation du scrutin ; départ du gouvernement Sellal ; report du projet de révision de la Constitution. Les deux premières ont été superbement ignorées par le pouvoir. Quant à la réforme constitutionnelle, elle n’a pu être entreprise en raison de l’état de santé d’Abdelaziz Bouteflika, mais qu’importe: les islamistes crient victoire. On se console comme on peut… l CHERIF OUAZANI JEUNE AFRIQUE
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Afrique subsaharienne
Paul Kagamé EXCLUSIF
INTERVIEW
« Pourquoi devrions-nous respecter des terroristes? »
Depuis l’assassinat de l’opposant en exil Patrick Karegeya, le 1er janvier, tous les regards sont tournés vers le président rwandais. Lequel répond sans détour aux questions de Jeune Afrique.
R
Propos recueillis à Kigali par
FRANÇOIS SOUDAN
arement chef d’État aura qu’au creux de cette saison chaude, dans cette suscité autant de sentiments capitale champignon dont la croissance et la contradictoires, de passions, de modernisation maîtrisées ne cessent de surmythes et de fantasmes. Alors prendre les visiteurs, le meurtre, le 1er janvier qu’il recevait J.A. dans un salon à Johannesburg, de l’opposant en exil Patrick d’Urugwiro Village, cette pré- Karegeya n’émeut ni ne passionne la plupart des sidence aux allures de campus hautement Rwandais. Après tout, l’ancien chef des services sécurisé en plein cœur de Kigali, le 10 janvier derenseignementsextérieurs,commelegénéral en fin de matinée, une folle rumeur enflam- Kayumba Nyamwasa, ex-chef d’état-major de mait Goma, Bukavu, Lubumbashi et jusqu’à l’armée lui aussi réfugié en Afrique du Sud et Kinshasa, en RD Congo, de victime il y a trois ans d’une tenl’autre côté du lac Kivu. Lancée tative d’assassinat, avait choisi la L’ex-chef sur les réseaux sociaux par on voie de l’opposition solitaire et des services ne sait qui, elle a fait pendant radicale, sans exclure le recours secrets quelques heures descendre dans à la violence et au terrorisme. les rues des milliers de Congolais avait choisi une Dès lors, les risques encourus en extase, exhibant des cercueils étaient clairs. Mais pour un État voie radicale. de pacotille et brûlant des draet un régime encore très dépenÀ ses risques peaux rwandais : Paul Kagamé dants de l’aide internationale, et et périls. est mort ! À Kigali, ce genre pour un homme plus soucieux qu’on le croit de son image, il est d’anecdote fait plutôt sourire, tant les dirigeants locaux, y compris le principal impossible de faire l’économie du jugement, intéressé, y voient la preuve de « l’immaturité » souvent biaisé a priori, du monde extérieur. dugrandvoisin,maisaussidel’ampleurdufossé D’où l’explication qui suit. On verra qu’elle d’incompréhension qui sépare toujours les ne laisse, comme toujours chez Paul Kagamé, deux pays. Force est également de reconnaître guère de place à l’ambiguïté. N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
VINCENT FOURNIER/J.A.
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t Au siège de la présidence à Kigali, en mai 2013.
Afrique subsaharienne JEUNE AFRIQUE : Qui a tué Patrick Karegeya ? PAUL KAGAMÉ : Dans le fond, peu m’importe.
Dès la première minute, sans qu’aucune autre piste n’ait été explorée et sans attendre la moindre conclusion de l’enquête de police, la réponse des médias est de toute façon la même : le coupable, c’est Kagamé, il tue ses opposants, il a l’habitude de le faire. En le désignant, lui et d’autres, comme ennemi de l’État, vous en aviez fait une cible…
Ce sont eux qui se sont déclarés ennemis de l’État ! Ils l’ont dit publiquement, dans la presse, devant les caméras, depuis l’Afrique du Sud où ils se trouvent, sans aucune ambiguïté, et seuls quelques rares médias ont eu l’honnêteté de le rappeler : pour eux, le seul moyen de parvenir à leurs fins, c’est la violence armée*. Et ils sont passés à l’acte en commanditant des campagnes de terreur, des jets de grenades dans des lieux publics ici au Rwanda, qui ont fait des morts et des dizaines de blessés. Ce qui est extraordinaire dans cette affaire et révélateur du “deux poids, deux mesures” avec lequel l’Occident prétend juger l’Afrique, c’est que ces gens-là, qui prônent la violence et s’associent avec le terrorisme, sont considérés comme de simples opposants politiques. Quand il s’agit du Rwanda, l’injonction qu’on nous donne est la suivante: ces individus qui vous combattent et qui ont juré votre perte par tous les moyens, s’il vous plaît, protégez-les, respectez-les, ne touchez pas à un cheveu de leur tête, rien ne doit leur arriver. En résumé, seules les grandes puissances ont le droit et l’intelligence de dire qui est terroriste et qui ne l’est pas, qui mérite son sort et qui doit être épargné. Je suis désolé, mais je n’accepte pas cette logique.
ALEXANDER JOE/AFP
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pu Des militants du RNC brandissent le portrait du colonel Karegeya devant l’ambassade rwandaise à Pretoria, le 9 janvier. Page de droite, le général Kayumba Nyamwasa, en 2012.
La réponse des médias est toujours la même: le coupable, c’est Kagamé. Si l’on vous suit, cette opposition peut donc être qualifiée de terroriste…
Nous disposons de tout un faisceau d’informations crédibles et concordantes émanant de nos services de renseignements, de gens issus de l’opposition et qui nous ont rejoints, ainsi que des procès-verbaux d’interrogatoires de ceux que nous avons arrêtés et déférés à la justice après les attentats qu’ils ont commis. Leur objectif est clair : faire en sorte que les commémorations du vingtième anniversaire du génocide en avril prochain soient parasitées, brouillées, voire occultées par toutes sortes de messages contradictoires ou négationnistes et d’actes terroristes. Nous savons, et les services de renseignements occidentaux ou de certains pays africains ne l’ignorent pas – même si, curieusement, ils ne font rien face à cela –, que dans ces milieux revanchards il est également question N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
de plans d’élimination physique de dirigeants rwandais. Nous savons tout cela. Rien pourtant ne pourra entraver la volonté de notre peuple, ni sa résilience, ni sa détermination à avancer sur le chemin du progrès. J’en reviens à ma question initiale : qui a tué Patrick Karegeya ?
À ceux qui posent cette question, tout en sachant parfaitement que ce genre de personnage s’est fait l’avocat de la violence et du terrorisme, je réponds ceci : le terrorisme a un prix, la trahison a un prix. On est tué comme on a soi-même tué. Chacun a la mort qu’il mérite. Le Rwanda a décidé d’envoyer un contingent au sein de la Misca en Centrafrique. Qui faut-il blâmer pour le drame que vit ce pays ?
Si je vous disais que l’Afrique et les Africains sont responsables de leurs échecs, je n’aurais raison qu’à moitié. Dans le cas de la Centrafrique aujourd’hui, du Mali ou d’autres hier, il est évident que les anciennes puissances coloniales ont leur part de responsabilité. Votre interrogation doit donc porter sur la globalité du problème : qui, en Afrique et à l’extérieur de l’Afrique, est à blâmer ? l * Le New York Times du 2 janvier rappelle notamment que Patrick Karegeya avait déclaré à propos de l’élection présidentielle d’août 2010, laquelle fut précédée par une série d’attentats à la grenade à Kigali : « Le changement ne pourra survenir que par des moyens violents, pas par des élections. » JEUNE AFRIQUE
SIPHIWE SIBEKO/REUTERS
Rwanda
Opposition en pleine déprime Le Rwanda National Congress pleure Patrick Karegeya, l’un de ses fondateurs. Mais ce dernier était loin de s’entendre avec Kayumba Nyamwasa, l’autre grande figure du parti.
«
L
es FDLR [Forces démocratiques de libération du Rwanda] s’associent à la tristesse de tous les Rwandais, et en particulier de la famille de feu le colonel Patrick Karegeya et du Rwanda National Congress [RNC]… » Le communiqué diffusé par les FDLR après l’assassinat, le 1er janvier, de Patrick Karegeya montre quelles alliances, parfois paradoxales, unissent diverses branches de l’opposition rwandaise en exil. « Ce n’est pas un hasard si un groupe issu des forces génocidaires se dit attristé par sa mort, confie, sous le couvert de l’anonymat, un cadre du RNC appartenant à l’une des coordinations du parti d’opposition cofondé par Karegeya. Le fait que d’anciens responsables du régime Kagamé reprennent à leur compte le discours de mouvements imprégnés de l’idéologie pro-Hutus est une aubaine pour eux ! » Ancien directeur des services de renseignements extérieurs, Patrick Karegeya était un ennemi irréductible des FDLR, JEUNE AFRIQUE
jusqu’à ce que sa disgrâce à Kigali l’incite à gagner l’Afrique du Sud en 2007, où il est devenu un opposant résolu au régime rwandais. En décembre 2010, il compte parmi les dix membres fondateurs du RNC, dont les principaux ténors sont issus du Front patriotique rwandais (FPR) ou de l’armée.
Derrière ces dissensions se profilent des luttes d’influence plus profondes. Selon notre source, le RNC « a été actif dans les négociations visant à constituer une branche militaire avec les FDLR, avec la bénédiction des autorités congolaises ». Un processus où Kayumba et Karegeya disposaient chacun de filières de financement distinctes. Kayumba étant limité ÉTATS D’ÂME. « Depuis deux ans, il y dans ses déplacements hors d’Afrique du [avait] des tensions entre Karegeya et Sud, Karegeya se serait retrouvé en posile général Kayumba Nyamwasa [ancien tion privilégiée vis-à-vis des Congolais. « Je ne suis pas le seul au sein du RNC à éprouver des états Les deux chefs du RNC d’âme à l’égard de notre ligne disposaient chacun de filières politique, qui se résume trop souvent à une obsession antide financement distinctes. Kagamé occultant l’absence chef d’état-major] », commente la même d’un véritable programme », ajoute source. Des tensions qui se sont encore ce cadre du RNC. En l’occurrence, les manifestées en décembre 2013, au craintes qu’éprouvent ses camarades de parti pour leur sécurité n’ont pas que moment de désigner la coordination Kigali pour origine. « Certains membres du RNC en Afrique du Sud : « Kayumba du RNC ayant pris leurs distances soutenait la candidature de son beaufrère, alors que Karegeya avait son propre ont déjà été menacés », conclut-il. l candidat. » MEHDI BA N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
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Afrique subsaharienne
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BÉNIN
Aïe aïe Yayi! Fini le temps où le pays passait pour une démocratie exemplaire en Afrique francophone. Entre le chef de l’État et ses opposants, le dialogue semble désormais impossible.
«
L
a démocratie béninoise, c’est fini ! Boni Yayi a détruit ce que nous avons mis un quart de siècle à construire. On tire sur les citoyens qui manifestent leur mécontentement. » Pascal Todjinou résume ainsi la défiance qui s’est installée en sept années de pouvoir entre le président-pasteur et ses compatriotes. Le syndicaliste, les yeux larmoyants, est ce jour-là sous perfusion aux urgences du Centre national hospitalier universitaire Hubert-Koutoukou-Maga (CNHU-HKM),
à Cotonou. Également victimes du traitement que leur ont infligé la police et la gendarmerie lors d’une manifestation, une dizaine d’autres militants bénéficient de soins. Pourtant, Nicéphore Soglo, le maire de Cotonou, avait autorisé la marche. Mais peu avant son départ, Placide Azandé, le préfet du département du Littoral, l’interdisait pour, dit-on, des raisons de sécurité. Ces interdictions de rassemblement sont devenues monnaie courante pour les syndicats et les partis d’opposition.
Lors de la célébration, le 1er août 2013, du 53e anniversaire de l’accession du pays à la souveraineté nationale, deux Compagnies républicaines de sécurité (CRS) ont été dépêchées pour encercler le domicile de Gaston Zossou, l’un des leaders du mouvement des « mercredis rouges ». Objectif de cette démonstration de force : empêcher les militants de protester contre toute intention de réforme constitutionnelle visant à permettre le maintien au pouvoir du président. THÉÂTRE. « C’est une coutume désormais, déplore Urbain Amégbédji, membre d’Alternative citoyenne : Yayi nous offre le théâtre d’une démocratie tropicalisée. Marcher pour soutenir le pouvoir est autorisé ; mais manifester pour dénoncer les travers du régime est systématiquement interdit pour des raisons fallacieuses. »
ANGE/EAHOUNOU
q Le syndicaliste Pascal Todjinou (en vert), en décembre 2013, devant le siège de la Bourse du travail.
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JEUNE AFRIQUE
Afrique subsaharienne Les rapports entre le pouvoir de Cotonou et les magistrats ne sont guère plus brillants. Le 1er décembre 2013, le juge Angelo Houssou, qui avait prononcé le 17 mai un non-lieu (confirmé en appel) en faveur des personnes mises en cause dans la tentative d’empoisonnement du président (dont Patrice Talon), a dû fuir le Bénin pour échapper aux agents de renseignements. Sa demande d’asile politique aux États-Unis est à l’étude chez un juge du New Jersey. PARABOLES. Quatre semaines plus tard, le domicile de Justin Gbenaméto, l’ancien procureur de la République près le tribunal de première instance de Cotonou, était assiégé par des policiers et des militaires. Selon des sources proches de la présidence, le chef de l’État aurait appris que le magistrat s’apprêtait à s’enfuir.
Un président, deux mandats
Mars 2006
Victoire au second tour de la présidentielle avec 74,5 % des voix en tant qu’indépendant
2010
Affaire ICC Services portant sur une escroquerie de près de 100 milliards de F CFA
Mars 2011
Réélection au premier tour de la présidentielle
Janvier 2012
Président en exercice de l’Union africaine
Octobre 2012
L’homme d’affaires Patrice Talon est accusé d’avoir voulu empoisonner le chef de l’État
Décembre 2013
La cour d’appel de Paris refuse l’extradition de Patrice Talon. Rejet de la loi de finances 2014 par l’Assemblée nationale
Avril 2016
Limite constitutionnelle du second mandat présidentiel JEUNE AFRIQUE
Depuis, Justin Gbenaméto est surveillé en permanence et se dit menacé. A-t-il été mis sur écoute ? Mystère. Mais dans la capitale béninoise, personne n’ose aborder le moindre sujet sensible au téléphone, chacun étant persuadé qu’un système d’écoute généralisé a été installé. On préfère s’exprimer par paraboles ou se parler de vive voix.
informatisée (Lepi). Si l’État invoque, pour l’expliquer, des contraintes de trésorerie, les opposants y voient pour leur part une manœuvre destinée à prolonger les mandats électifs, y compris celui du président.
LABORATOIRE. Dans les chancelleries étrangères, on suit avec une attention toute particulière les soubresauts de la vie politique béninoise, espérant que le pays Dans la capitale, tout le monde redeviendra un jour le est persuadé que les conversations laboratoire d’alternance téléphoniques sont écoutées. démocratique qu’il fut en Afrique francophone. Pour ne rien arranger, une grande incerLe président-pasteur a juré plusieurs titude plane sur le calendrier électoral. fois, la main sur la bible, qu’il quitterait le Prévus au premier semestre de 2013, les pouvoir en 2016, à la fin de son second et scrutins municipaux et locaux ont été derniermandat.Maissesopposantsetune reportés sine die. Contrairement aux soupartie de la société en doutent. De quoi haits de l’opposition, le pouvoir refuse alourdir un climat déjà bien trop pesant. l de revoir la liste électorale permanente FIACRE VIDJINGNINOU, à Cotonou
CORRUPTION, UN PÉCHÉ PAS MIGNON
U
ne mauvaise nouvelle ne vient jamais seule. Fin décembre 2013, les États-Unis ont retiré le Bénin de la liste des pays éligibles au Millennium Challenge Account, un fonds de développement bilatéral créé en 2004 par l’administration américaine. Lors de la première phase de son admission à ce fonds, Cotonou avait bénéficié d’un financement de plus de 150 milliards de F CFA (228,7 millions d’euros). Accusant le Bénin de corruption, les Américains ont suspendu les décaissements. « Les États-Unis ne vont pas continuer à soutenir un déni de démocratie sur fond de corruption avérée. Il leur est impossible d’aider un pays où on martyrise les juges quand ils
rendent des décisions qui n’arrangent pas le pouvoir », s’insurge Raoul Hounsinou, rédacteur en chef du journal Nord-Sud Quotidien. Bruno Amoussou, président de l’Union fait la nation, estime lui aussi que l’État a échoué dans sa lutte contre la corruption : « Sous les précédents régimes, les détournements existaient déjà, mais aujourd’hui il y en a à la pelle, ironise l’opposant. Sous Boni Yayi, gouvernance rime avec corruption et prévarication. Les scandales se suivent, et l’État se refuse à poursuivre les personnes mises en cause. La situation ne fait qu’empirer. » Du scandale du chantier de construction de la centrale mixte gaz et
Jet A1 (combustible à base de kérosène) de Maria-Gléta, à AbomeyCalavi, près de Cotonou, à l’affaire ICC Services des « Madoff béninois », en passant par les fraudes de l’organisation en 2009 du sommet de la Communauté des États sahélo-sahariens (Cen-Sad), chaque année charrie son lot de scandales de détournement de deniers publics. Et pourtant, en mars 2006, l’ancien dirigeant de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD) qu’est BoniYayi avait réussi à remporter la présidentielle avec un score aux allures de plébiscite (74,5 % au second tour), en promettant aux 9 millions de Béninois une lutte sans merci contre les corrompus et les corrupteurs. l F.V. N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
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Afrique subsaharienne CÔTE D’IVOIRE
Conte de la folie ordinaire Parce qu’ils font peur et que leurs familles en ont honte, les malades mentaux sont isolés et maltraités. Reportage dans un pays qui compte quarante psychiatres pour 22 millions d’habitants.
PHOTOS : ALEXIS DUCLOS/GAMMA/RAPHO
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S
p Un homme attaché à un arbre, près de Bouaké : une pratique courante.
ilhouettes décharnées, regards hagards, pieds entravés dans un tronc… Les clichés du photographe français Alexis Duclos sont difficilement soutenables. Ils nous rappellent des temps éloignés où les corps d’hommes et de femmes déshumanisés étaient entassés dans les cales d’un bateau négrier. Et pourtant, il n’en est rien. Quel peut bien être le tort de ces laissés-pour-compte ? Ne pas raisonner comme les autres. « En Afrique, la folie fait peur. Très, très peur », explique Grégoire Ahongbonon, le fondateur des centres gérés par l’association Saint-Camille, implantée en Côte d’Ivoire, au Bénin, et bientôt au Burkina Faso et au Togo. « Derrière la maladie, on suppose qu’il y a de la sorcellerie. » Ce que confirme Djiré Mahé, qui a officié comme éducateur spécialisé pendant plus de trente ans à l’hôpital psychiatrique de Bingerville, près d’Abidjan : « Chez les anciens, la maladie mentale, si elle n’était pas accompagnée d’agressivité, était perçue comme un don sacré. Mais si le “fou” se révélait dangereux, c’est qu’il était en proie aux mauvais génies. » Résultat : les malades sont stigmatisés et livrés à eux-mêmes, quand ils ne sont pas purement et simplement mis au ban de N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
la société, attachés à un arbre à l’écart du village. Grégoire Ahongbonon en fait souvent l’amer constat depuis qu’il a décidé de vouer sa vie aux autres en ouvrant à Bouaké, en 1991, son premier centre pour accueillir ces parias. Régulièrement alerté sur des cas de personnes mises à l’isolement ou enchaînées, il se rend dans les villages à travers toute la Côte d’Ivoire et le Bénin. Malgré le travail des ONG et des médecins, ces pratiques perdurent et se sont même renouvelées avec la dangereuse propagation des sectes
évangéliques: exorcismes, ingurgitations d’obscures décoctions… sont monnaie courante. « Ces sectes voient le diable partout, constate le très croyant Grégoire Ahongbonon. Elles prennent l’argent des familles et torturent les malades car, selon elles, il faut faire souffrir les corps pour faire sortir le mal. » En Afrique de l’Ouest, la maladie mentale est un tabou. Les troubles psychiques comme la dépression ou les addictions le sont tout autant. « Le suicide est rarement reconnu, admet le psychiatre Roger Charles Joseph Delafosse. Les proches
BLESSÉS DE GUERRE LE PR ROGER Charles Joseph Delafosse est inquiet. Combats, exécutions, viols… La décennie morbide qu’a connue la Côte d’Ivoire laissera de profondes séquelles si rien n’est fait, notamment pour les jeunes qui ont été victimes ou témoins de violences. « Quel est l’avenir de
ces enfants traumatisés et de ces mères qui n’ont pu les aimer parce qu’elles devaient lutter pour survivre? » s’interroge-t-il, avant d’ajouter: « Nous devons mettre en place des structures d’accompagnement pour éviter que ne se développent des pathologies lourdes. » Sur le terrain, les ONG
jouent un rôle primordial, repérant et signalant des cas aux directeurs régionaux de la santé. Une aide précieuse dans un pays qui, avec deux hôpitaux psychiatriques seulement (Bingerville et Bouaké), ignore depuis trop longtemps les problèmes de santé mentale. l S.K.-G. JEUNE AFRIQUE
Afrique subsaharienne aux neuroleptiques. « Trop souvent, on applique une camisole chimique. En Côte d’Ivoire, la psychiatrie crée une société de zombies. » Pourtant, les équipes de Bingerville disent mettre en avant la dimension sociale et familiale de la guérison. Il a parfois été proposé, le temps de l’hospitalisation, un lit à un parent pour maintenir un lien primordial dans le processus de reconstruction. « Les résultats étaient bons, Combien coûte… malheureusement nous • un mois d’hospitalisation avons dû arrêter, faute pour schizophrénie : de moyens », précise le 143 000 F CFA (218 euros) Pr Delafosse, qui espère • une consultation psychiatrique : voir ce programme relancé dans le cadre de la réhabi2 000 F CFA litation de l’hôpital psy• une chambre individuelle : chiatrique de Bingerville. 8 000 F CFA par jour Actuellement délabré et sans matériel adéquat, il • un lit dans une pièce qui effraie les malades et leurs en compte en moyenne six : familles. Et ce d’autant plus 20 000 F CFA quelle que soit que les maladies mentales la durée du séjour leur paraissent souvent • incurables. p À l’écart du village d’Akakro, dans l’est du pays.
préfèrent parler de mort à la suite d’une “courte maladie”. Nous devons élaborer des stratégies de prévention pour qu’il ne soit plus perçu comme dévalorisant. Et pour que l’on ne jette plus l’opprobre sur la famille. » Car cette dernière joue un rôle central dans la perception de la maladie. ZOMBIES. Constatant le hiatus entre
des « tradi-praticiens qui ne s’occupent pas de l’affection mais du groupe social dans lequel s’inscrit le malade, et des médecins formés à l’occidentale qui se concentrent plus sur la pathologie que sur l’individu », le Pr Delafosse, qui dirige le Programme national de santé mentale en Côte d’Ivoire, souhaite que se dessine une troisième voie, fusionnant ces savoirs et développant une sociothérapie efficace, accordant à la famille une fonction dans la prise en charge de la maladie. Un avis que partage le Pr Koné Drissa, médecin-chef de l’hôpital psychiatrique de Bingerville et président de la Société de psychiatrie de Côte d’Ivoire. « Médecine moderne, traitement traditionnel… Les deux courants s’ignorent et, finalement, aucun n’arrive à trouver sa place dans une conception holistique du malade, regrette-t-il. Les troubles mentaux JEUNE AFRIQUE
Les médicaments
sont à la charge du patient DIGNITÉ. « Il faudrait peuvent être liés à des pouvoir leur donner des spécificités culturelles exemples de personnes qui soit dans l’expression de s’en sont sorties, voire qui la pathologie, soit dans de la population n’a pas se sont trouvées confortées son mode de résolution. de protection sociale par cette expérience », sugIl faut développer une gère le Pr Koné Drissa. C’est anthropologie clinique. Mais le problème, ce qu’a compris Grégoire Ahongbonon. c’est que la Côte d’Ivoire ne parvient pas à L’ancien réparateur de pneus a lui-même mutualiser toutes les possibilités de soins connu la dépression et sait mieux que existant sur son territoire, alors que le quiconque qu’une situation financière délicate peut pousser au suicide, même manque de professionnels est criant. On quand on a la charge de six enfants. compte seulement une quarantaine de Dans cette épreuve, les personnes à psychiatres, dont une demi-douzaine de pédopsychiatres, pour plus de 22 millions l’écoute sont très rares, et l’isolement peut d’habitants. » avoir des conséquences irrémédiables. Conséquence : les diagnostics sont « La confiance que l’on se voit accorsouvent établis tardivement. « Presque der dans ces moments est primordiale, toujours, les familles arrivent à l’hôpital témoigne-t-il. C’est elle qui permet de en situation d’urgence », lors de crises, et se réinsérer dans la société. » Comme lorsque toutes les autres solutions ont déjà lui, une grande partie du personnel été testées. À ce stade, les traitements adé(aides-soignants, infirmiers, cuisiniers, quats sont lourds… et chers (lire ci-desgestionnaires…) des centres gérés par Saint-Camille est constituée d’anciens sus). Les équipes médicales de Bingerville s’efforcent d’expliquer non seulement malades guéris ou stabilisés. Travailler la maladie, mais aussi les contraintes permet de reprendre confiance en soi, du traitement médicamenteux, ses de retrouver une place dans la société, conséquences sur le comportement de réapprendre les gestes du quotidien (fatigue, irritabilité…) et l’importance et, last but not least, de recouvrer une de ne pas l’interrompre inopportunédignité mise à mal par l’ignorance des ment. Djiré Mahé se montre très critique autres. l SÉVERINE KODJO-GRANDVAUX, vis-à-vis du « recours systématique » envoyée spéciale
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Afrique subsaharienne Pourquoi pas la primature, qui lui a déjà été proposée (en vain) à trois reprises, en 2004, 2006 et 2012, lorsqu’il fallait trouver un homme neuf après une énième crise ? Selon les termes de la Constitution, c’est là que se décide l’avenir du pays, non à la présidence…
GUINÉE-BISSAU
Un techno dans le marigot Il a pour l’instant peu de chances de gagner, mais il y croit. Paulo Gomes, candidat indépendant à la prochaine présidentielle, compte sur les voix des jeunes et de la diaspora.
MÊLÉE. Réponse de l’intéressé dans un
français impeccable (il a vécu dans l’Hexagone quand son père y représentait le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), mouvement de libération dirigé par Amílcar Cabral, dans les années 1970) : « Mon pays m’a tout donné. J’ai une dette envers lui. Je la règle en m’engageant en politique. Si je vise la présidence, c’est parce que j’estime qu’il y faut un homme qui se situe au-dessus de la mêlée et qui saura changer l’image de la Guinée-Bissau à l’étranger. » Son aura internationale et ses réseaux dans la sous-région sont, de fait, ses principaux atouts. On ne passe pas plusieurs années à la tête du département Afrique subsaharienne de la Banque mondiale et on ne fréquente pas les conseils d’administration de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD) et d’Asky Airlines sans se faire un très beau carnet d’adresses. Pour Gomes, qui aura 50 ans à la fin du mois, le temps est venu de se mettre au p L’ancien directeur exécutif pour l’Afrique subsaharienne à la Banque mondiale. service de son pays, en restant à l’écart de partis minés par des querelles de peres connaisseurs de la vie politique qu’il « travaille » sur ses faiblesses depuis sonnes. En se tenant, aussi, éloigné d’une bissau-guinéenne ne lui donnent plusieurs mois, conscient que, en milieu armée qui a tendance à se consacrer à aucune chance. « Dans un pays rural notamment, rares sont les Bissauses intérêts plutôt qu’à la défense de la comme celui-ci, où les partis sont Guinéens à avoir entendu parler de lui. patrie ; et plus éloigné encore des trafics historiquement forts, se présenter en « La jeunesse est avec moi, veut-il croire, qui ont fait de la Guinée-Bissau le « pretant qu’indépendant n’est pas un atout, tout comme la diaspora » – qui, pour la mier narco-État africain » aux yeux de surtout quand on a longtemps vécu à première fois, pourra voter. C’est pour la Washington. « Le futur président devra l’étranger », estime l’un d’eux, basé à séduire qu’il est parti à sa rencontre ces être irréprochable », insiste-t-il. Dakar. Et pourtant, pas de quoi freiner Mais il n’est pas le seul à tenir Paulo Gomes : l’économiste compte ce discours. « Il aura du mal à se La primature lui a été proposée bien « gagner » l’élection présidentielle démarquer, car tout le monde trois fois déjà, en 2004, 2006 censée sortir le pays d’une crise polise présente comme l’homme et 2012. Il a toujours refusé. tique qui dure depuis plusieurs années. neuf », estime un diplomate Après maints reports, le premier tour est africain en poste à Bissau. Pour annoncé pour le 16 mars. dernières semaines, aux États-Unis, au l’heure, sur les huit candidats déclarés, « Il y croit vraiment », souligne son Portugal et en France. six se présentent en indépendants. Quant entourage. Parce qu’on a déjà vu un techAvant même d’avoir annoncé sa canaux deux principaux partis, le PAIGC et nocrate à la tête d’un État ouest-africain : didature le 12 septembre 2013 à Dakar, le Parti de la rénovation sociale (PRS), « Au Liberia avec Ellen Johnson-Sirleaf », Paulo Gomes avait tâté le terrain sur les ils semblent décidés eux aussi à jouer la dit-il. Parce que son pays, il le connaît réseaux sociaux. À chaque fois, la même carte du renouveau: s’ils n’ont pas encore bien, contrairement à ce qu’affirment ses question revenait : que diable l’un des dévoilé l’identité de leurs candidats, on détracteurs. Même s’il est né à Dakar, s’il cadres bissau-guinéens les plus brillants sait déjà qu’ils seront issus d’une nouvelle a fait ses études d’économie en France et venait-il faire dans ce marigot hanté par génération, celle des fils des combattants aux États-Unis et une partie de sa carrière les assassinats, les coups d’État et les trahide la libération nationale. l loin des rives du rio Geba… Et parce sons? Et pourquoi briguer la présidence? RÉMI CARAYOL VINCENT FOURNIER/J.A.
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JEUNE AFRIQUE
Coulisses
Afrique subsaharienne
SOUDAN DU SUD
Paroles, paroles… Pendant que les négociations entre le gouvernement de Djouba et les rebelles piétinent, les combats s’intensifient.
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avenir du pays aurait pu se jouer dans une boîte de nuit branchée d’Addis-Abeba, mais ce ne sera pas le cas. Les délégations sud-soudanaises réunies dans la capitale éthiopienne ont un temps refusé de poursuivre les pourparlers. La raison? L’arrivée du Premier ministre japonais, Shinzo Abe, qui les a contraintes le 13 janvier à quitter la salle de l’hôtel Sheraton qu’elles occupaient pour s’installer dans son night-club. Pourtant qu’importe la décoration ou l’éclairage! Une journée de perdue, c’est un fâcheux contretemps pour un jeune pays auborddugouffre.Lesaffrontementsentre les forces fidèles au président Salva Kiir et les rebelles menés par l’ancien vice-président Riek Machar, démis en juillet 2013, ont déjà fait « bien plus de 1 000 morts » et 400 000 déplacés selon l’ONU. Et alors même que les parties en présence refusaient de discuter, quelque 200 civils se noyaient dans le naufrage de leur bateau en fuyant la localité de Malakal (NordEst). Comme Bentiu (Nord), et surtout Bor (Centre), cette ville est le lieu d’âpres combats entre rebelles et forces loyalistes. Pour l’heure, l’instauration d’un cessezle-feu achoppe sur un préalable posé par Riek Machar : que les onze membres du gouvernement détenus sur ordre de Salva Kiir soient libérés. Ce dernier souhaite les juger pour leur participation à un présumé coup d’État fomenté, selon lui, par l’ancien vice-président. Optimiste après une rencontre avec Riek Machar, l’envoyé spécial américain Donald Booth n’a cependant pas obtenu qu’il renonce à cette condition. L’escalade de la violence depuis la midécembre pourrait déstabiliser une partie de la région : des milliers de réfugiés fuient vers l’Ouganda voisin, qui a envoyé 1 600 hommes soutenir Salva Kiir. Quant à l’équilibre du Soudan, il dépend en partie de la production pétrolière sudsoudanaise. l NICOLAS MICHEL JEUNE AFRIQUE
CÔTE D’IVOIRE BLÉ GOUDÉ, LA CHÈVRE ET LE CHOU Trois mois de réflexion. C’est le délai demandé par les autorités ivoiriennes pour dire si elles consentent ou non au transfèrement de Charles Blé Goudé, ex-leader des Jeunes patriotes, vers La Haye. La Cour pénale internationale (CPI), qui souhaite juger l’ancien ministre de la Jeunesse de Laurent Gbagbo pour « crimes contre l’humanité et crimes de guerre », avait laissé à Abidjan jusqu’au 13 janvier pour donner suite à sa requête. Finalement, la décision de l’État ivoirien n’interviendra pas avant le 13 avril, selon Mes Jean-Pierre Mignard et Jean-Paul Benoit, ses avocats. Le cas Blé Goudé embarrasse le pouvoir, obligé de ménager la chèvre et le chou. Il doit en effet poursuivre la dynamique de réconciliation avec les partisans de l’ancien chef de l’État ivoirien (libération des personnalités, dialogue direct…), mais aussi tenir son engagement de coopérer pleinement avec la CPI. Celle-ci avait déjà très mal pris que le président Alassane Ouattara refuse de livrer Simone Gbagbo. l
MALI CHINOIS EN RENFORT Près de 245 soldats chinois ont rejoint les rangs de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma), le 16 janvier. Ce qui porte le contingent chinois dans le pays à 400 personnes environ, soit près d’un cinquième du total des Casques bleus de Pékin dans le monde. La Chine entend ainsi démontrer qu’elle ne s’intéresse pas à l’Afrique que pour ses matières premières.
RD CONGO REVOILÀ KABATSHI On a retrouvé l’opposant Bruno Kabatshi! Arrêté le 2 janvier dans le Kasaï-Oriental puis transféré à Kinshasa, il a été présenté le 15 janvier au procureur de la
République et incarcéré à la prison centrale de Makala. Le représentant de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UPDS) est poursuivi pour « outrages au chef de l’État » en raison de propos tenus le 31 décembre sur une radio locale.
SÉNÉGAL HEUREUX LOCATAIRES L’année ne pouvait pas mieux commencer pour les locataires dakarois. Le 15 janvier, l’Assemblée nationale a adopté une loi imposant une baisse des loyers allant de 4 % à 24 %. Une bouffée d’oxygène pour les ménages! À Dakar, qui compte de nombreux organismes internationaux, les coûts de logement et de transport sont parmi les plus élevés du continent. Reste maintenant à obtenir la baisse du prix du tiebou dien, le plat national. N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
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Maghreb & Moyen-Orient
TUNISIE
Nida Tounes
L’heure de vérité Luttes internes, démissions, doutes sur l’éligibilité de son fondateur… Le mouvement de Béji Caïd Essebsi est entré dans une zone de turbulences. Mais reste au coude à coude avec Ennahdha dans les sondages.
SAMY GHORBAL
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epuis quelques semaines, les déboires s’accumulent pour le mouvement fondé en juillet 2012 par l’ancien Premier ministre de la transition, Béji Caïd Essebsi (BCE). Le 14 décembre 2013, ses représentants ont claqué la porte de la réunion du Dialogue national, quelques heures avant la désignation du nouveau Premier ministre, pour protester contre un diktat d’Ennahdha et le passage en force des médiateurs du quartet (syndicat, patronat, Ordre des avocats, Ligue des droits de l’homme). Le parti avait même dans un premier temps rejeté le choix de Mehdi Jomâa, avant de se raviser pour ne pas se mettre en porte-à-faux avec l’opinion. À l’automne, quatre députés avaient fait défection. Et il ne se passe pratiquement plus une semaine sans que les échos de ces tiraillements ne s’étalent à la une des journaux.
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L’ascension météorique de cette formation composite, qui avait réussi, en quelques mois à peine, à redonner des couleurs à une opposition laminée par le scrutin du 23 octobre 2011, a suscité bien des jalousies. Aujourd’hui, ses détracteurs n’hésitent pas à parler de crise, voire d’implosion. Qu’en est-il réellement ? Pour Mohsen Marzouk, l’un des dirigeants les plus influents du parti, il faut relativiser. « Il y a six mois, nous étions des parias. La troïka [au pouvoir] voulait nous exclure, et ses représentants à la Constituante brandissaient la Beaucoup évoquent une marginalisation de menace d’une loi, dite “loi d’immunisation de la révolution”, pour l’aile gauche du parti. empêcher nos candidats de se présenter. Or que s’est-il passé depuis les événements du Bardo? Nida Tounes est revenu au centre du jeu. Ennahdha, notre principal adversaire, nous a reconnus comme interlocuteur et a engagé des concertations, d’égal à égal, pour trouver une issue politique à la crise qui menaçait JEUNE AFRIQUE
HICHEM
de faire basculer la Tunisie dans le chaos. Nos revendications majeures ont été satisfaites. Nous avons obtenu le départ du gouvernement d’Ali Larayedh, et la Constitution est maintenant sur le point d’être achevée. Le diagnostic posé dès octobre 2012 par Béji Caïd Essebsi a été validé. Le centre de gravité de la légitimité s’est déplacé de la Constituante vers le Dialogue national. Nous sommes donc passés d’une légitimité électorale à une légitimité consensuelle. Ce n’est tout de même pas rien ! » ENTRISME. L’organisation interne du parti et le mode de gouvernance solitaire de BCE font néanmoins grincer des dents. La désignation de son fils, Hafedh Caïd Essebsi, comme responsable des structures est restée en travers de la gorge de certains cadres. L’entrisme des destouriens et des anciens du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD, ex-parti au pouvoir) représente un autre motif de frictions. Officialisée JEUNE AFRIQUE
p BCE à la tribune lors d’un meeting organisé pour le troisième anniversaire de la révolution, le 14 janvier, au Palais des congrès, à Tunis.
début octobre, l’adhésion de Mohamed Ghariani, un ancien secrétaire général du parti de Ben Ali, a semé le trouble dans les esprits. Beaucoup d’observateurs évoquent une marginalisation de l’aile gauche. Et des élus s’interrogent désormais à voix haute. « La gauche et les indépendants doivent conserver toute leur place au sein de Nida, prévient le député Sélim Ben Abdesselem. Je n’ai pas adhéré au RCD du temps de Ben Ali. Je ne m’imagine pas rester membre d’un parti qui se serait métamorphosé en RCD reconstitué. La diversité et l’ouverture représentent l’ADN de Nida Tounes. Cela ne doit pas changer. » Mohsen Marzouk est d’un autre avis. Pour lui, la crainte d’une mainmise des « ex-RCDistes » est exagérée : « C’est un mythe, un mauvais procès ! Vous ne trouviez aucun RCDiste, je dis bien aucun RCDiste, parmi les membres du bureau politique provisoire installé en octobre 2012. Et ceux que l’on appelle les destouriens ne sont pas représentés au niveau des instances dirigeantes N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
Maghreb Moyen-Orient Tunisie du parti, que ce soit au secrétariat général, à la direction exécutive, ou à la présidence des différentes commissions, c’est-à-dire dans la moelle épinière de Nida Tounes. Il ne faut pas verser dans le simplisme en opposant les identités de gauche à celles de droite. Il y a des débats, qui portent sur la stratégie, la vision du futur. Mais ces clivages ne recoupent pas les clivages hérités du passé. Il n’y a pas de guerre des courants, il y a, plus prosaïquement, des disputes de positionnement, comme dans toute organisation. »
u Pour le très influent Mohsen Marzouk, la crainte d’une mainmise des ex-RCDistes est totalement infondée.
COUP DE TRAFALGAR. L’opposition progressiste
parviendra-t-elle à présenter un front uni aux prochaines élections ? C’était l’objectif assigné à l’Union pour la Tunisie (UPT), coalition regroupant Nida Tounes, Al-Joumhouri et Al-Massar. Formée en janvier 2013, elle devait créer les conditions du rassemblement et aboutir à des listes communes aux législatives et à une candidature unique à la présidentielle. Cette alliance a aujourd’hui du plomb dans l’aile. Al-Joumhouri a annoncé son retrait le 29 décembre. Une rupture qui n’a surpris personne. Le courant n’était jamais passé entre Ahmed Néjib Chebbi, mentor d’Al-Joumhouri, et BCE, obnubilés l’un et l’autre par la course à la présidence. Mais les ambitions rivales n’expliquent pas tout. Les centristes de l’Alliance démocratique et d’Afek Tounes, deux mouvements issus de scissions avec Al-Joumhouri, ont eux aussi choisi de faire cavalier seul de peur d’être phagocytés par Nida Tounes et d’être transformés en simples partis satellites. Reste à savoir si l’une de ces formations parviendra à incarner la fameuse « troisième voie », entre Nida Tounes et Ennahdha. Cet espace est aujourd’hui occupé par le Front populaire de Hamma Hammami, crédité d’environ 8 % d’intentions de vote dans les sondages, et qui a opéré un rapprochement spectaculaire avec le parti de BCE après l’assassinat de Mohamed Brahmi, le 25 juillet 2013. Cette alliance de circonstance a survécu aux péripéties du Dialogue national. Mais elle ne fait pas l’unanimité parmi les militants des formations respectives. Peut-elle tenir jusqu’aux élections ? La question se pose. Un dernier paramètre est venu compliquer un peu plus l’équation : la possible inéligibilité de BCE. À l’origine de ce coup de théâtre, le rejet, le 11 janvier, d’un amendement constitutionnel proposé par la Commission des consensus de la Constituante qui supprimait la limite d’âge maximal pour se porter candidat à la présidence de la République. Celle-ci était fixée à 75 ans révolus par l’article 73 du projet de Constitution. Une condition inacceptable pour Nida Tounes, car elle élimine virtuellement son leader, âgé de 87 ans mais favori des sondages. Ennahdha avait accepté de revenir sur cette disposition et donné son accord à l’amendement. Mais celui-ci n’a pu être adopté, n’ayant recueilli que 81 voix au lieu N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
NICOLAS FAUQUÉ/WWW.IMAGESDETUNISIE.COM
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Date de création du parti
6 juillet 2012 Nombre d’adhérents
85 000
Intentions de vote
environ 30 %
(selon les trois principaux baromètres des instituts de sondage tunisiens, Sigma Conseil, 3C Études, Emrhod Consulting)
des 109 nécessaires ; 25 députés se sont abstenus et 41 n’ont pas pris part au scrutin. Beaucoup de voix « théoriquement acquises » – celles du camp démocrate – ont fait défaut au moment fatidique. Un coup de Trafalgar qui risque de laisser des traces et de relancer la guerre des chefs dans l’opposition. Avec seulement 8 députés (sur 217), Nida Tounes n’a pas les moyens de faire prévaloir ses vues à la Constituante. Il dépend du bon vouloir de ses alliés supposés… EN ATTENDANT LE CONGRÈS. Le sort de l’ar-
ticle 73 restait en suspens au moment où nous écrivions ces lignes, car faute de consensus sur une formulation, il sera remis au vote une fois l’examen des autres chapitres de la Constitution achevé. Tout reste possible, mais Nida Tounes doit JEUNE AFRIQUE
Nida Tounes, l’heure de vérité se préparer à une éventuelle disqualification de son leader. Le secrétaire général, Taïeb Baccouche (69 ans), est son suppléant naturel dans l’organigramme. Universitaire et syndicaliste, c’est un homme de convictions aux manières policées mais au caractère trempé. Il n’a pas le charisme de « Si El Béji ». Et devra composer avec l’hostilité larvée de l’aile droite du parti. « Si ce scénario que personne ne souhaite venait à se confirmer, il faudrait rebondir très vite, note le député Sélim Ben Abdesselem. BCE devra mener une campagne très offensive en expliquant que ceux qui l’ont
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éliminé ne sont pas des démocrates, et qu’il faut se rassembler pour les battre. » Les écueils et les défis qui attendent Nida Tounes sont considérables. Le congrès constitutif, attendu pour fin mars ou début avril prochains, sera le rendez-vous à ne pas manquer. S’il est bien négocié, il mettra un terme aux luttes d’influences et clarifiera les rôles et la stratégie. Il pourra donner un nouvel élan et mettre le parti sur orbite en vue des élections. Mal négocié, il pourrait sonner le glas des espoirs d’une alternance politique en Tunisie… l
Mahmoud Ben Romdhane « Il faut limiter le pouvoir de l’argent »
JEUNE AFRIQUE : Y a-t-il un problème de démocratie à Nida Tounes qui serait à l’origine de la vague de démissions enregistrées en décembre ? MAHMOUD BEN ROMDHANE : Ce qui
s’est passé à Sfax récemment est l’expression d’un dysfonctionnement lié à la crise de croissance du parti. Nida a été créé par un homme, Béji Caïd Essebsi, qui bénéficie d’un soutien et d’une admiration considérables. Grâce à lui, notre formation a réussi à s’imposer comme le premier parti du pays au niveau des intentions de vote. Nous sommes passés en très peu de temps de zéro à une multitude, et cela ne pouvait pas se faire sans heurts. La question qui se pose désormais, c’est celle de l’institutionnalisation. Comment passer d’un parti fait par un homme à un parti-institution? Cela suppose des règles, des mécanismes de décision transparents et des instances capables de fonctionner…
à la Constituante, alors qu’il s’agit d’un enjeu crucial. Limiter ou rationaliser les financements privés des partis doit être l’une des priorités du futur gouvernement. La menace plane aussi sur Nida Tounes, parce que les moyens qu’il développe sont bien plus importants que ceux des autres partis. Les forces de l’argent ont donc plus de possibilités d’exercer une influence. La dépendance aux bailleurs de fonds est une source de « désinstitutionnalisation ». La bataille est là, c’est un défi permanent, quelle que soit par ailleurs l’éthique du parti et de ses dirigeants. L’éthique protège, mais la protection n’est jamais absolue. C’est le système qu’il faut changer.
l’échelle nationale si nous ne sommes pas capables de la mettre en place à l’échelle interne. Il existe des partis de gauche, des partis centristes, des partis d’obédience destourienne, mais tous ont des audiences limitées. L’alchimie particulière de Nida Tounes, c’est de fédérer toutes les sensibilités. C’est le
La dépendance aux bailleurs de fonds est une source de “désinstitutionnalisation”.
Nida Tounes aspire à jouer les premiers rôles. Du coup, ne risque-t-il pas de subir exagérément l’influence de ses bailleurs de fonds ?
Fallait-il tenir un congrès avant les élections, en dépit des risques inhérents à ce genre d’exercice ?
Les partis ne bénéficient pas de financements publics, et c’est gravissime. Dans une large mesure, c’est le pouvoir de l’argent qui gouverne. Or les partis n’ont même pas soulevé ce problème
Nous avons soupesé le pour et le contre, et décidé de tenir un congrès constitutif pour respecter l’exigence de démocratie interne. On ne peut pas prétendre organiser la démocratie à
JEUNE AFRIQUE
ONS ABID
Universitaire respecté, cet ancien numéro deux d’Ettajdid (ex-Parti communiste) est aujourd’hui membre du bureau exécutif de Nida Tounes et le coordinateur de son programme économique.
secret de sa réussite. Mais il faudra faire en sorte qu’elles puissent se maintenir ensemble au cours du congrès. Nous souhaitons que la nouvelle direction soit mise en place par consensus, de manière à ce qu’aucune composante ne se sente exclue. l Propos recueillis à Tunis par S.GH. N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
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Maghreb Moyen-Orient ISRAËL
Ariel Sharon: du sang, de la sueur et des armes Décédé au bout de huit ans de coma, l’ancien Premier ministre aura joué un rôle clé – et pour le moins controversé – dans l’histoire récente de l’État hébreu.
I
l a perdu sa dernière bataille, inerte, sur un lit d’hôpital. Après une énième dégradation de l’état de santé de leur père, les fils d’Ariel Sharon se sont laissés convaincre de renoncer à un acharnementthérapeutiquebiencoûteux. Foudroyé par une attaque cérébrale le 6 janvier 2006, à l’aube d’élections législatives anticipées qui devaient le sacrer Premier ministre pour la troisième fois, l’ancien ténor de la droite israélienne aura eu droit aux honneurs de la nation. Il a été inhumé, selon ses vœux, dans le ranch familial des Sycomores, en plein Néguev, au côté de son épouse Lilly. Si l’ensemble de la classe politique israélienne était présente aux obsèques, peu de personnalités étrangères ont fait le déplacement, à l’exception notable de Tony Blair et du vice-président américain, Joe Biden. Pour nombre de ses compatriotes, sa mort lui rend – à titre posthume – la gloire dont il fut privé jusqu’ici. Voilà qui pose légitimement la question de son héritage politique. Bête noire des Palestiniens, « Arik » était aussi devenue celle des colons israéliens. « Nous respectons le soldat, mais ce qu’il a fait à Gaza suscite chez
nous une grande colère », résume Naftali Bennett, ministre de l’Économie et chef de file du parti ultranationaliste le Foyer juif. Le retrait de l’enclave palestinienne, en juillet 2005, restera comme le dernier acte politique de Sharon. Une volte-face idéologique qui entraînera l’évacuation forcée de quelque 8 000 Israéliens dont longtemps, ironie de l’histoire, il encouragea l’installation. « L’ANTI-BIBI ». Très vite, la bande de
Gaza tombera sous la férule des islamistes du Hamas. Les colons ne pardonneront pas à « Arik » de l’avoir transformée en base arrière du « terrorisme », d’où furent tirées des milliers de roquettes vers le sud de l’État hébreu. Dans le même registre, les Palestiniens lui reprochent un geste unilatéral, sans négociation, témoignant d’un mépris à leur égard. Le président Mahmoud Abbas perçoit le retrait de Gaza comme une « erreur qui a semé le chaos et la tempête », allusion au blocus et aux multiples opérations de l’armée israélienne dont le territoire côtier fut la cible, notamment en 2009 et 2012. Son organisation, le Fatah, y reste aussi toujours indésirable aux yeux du Hamas.
CONDOLÉANCES LAPIDAIRES LES MESSAGES DE condoléances ont fleuri, le 11 janvier, sur les sites des chefs d’État et de gouvernement occidentaux. Lapidaires. Insistant sur une sécurité d’Israël que Sharon n’aura jamais su obtenir et sur une paix qu’il n’a jamais pu construire. Paris retient que le « faucon » a, « après une longue carrière militaire et politique, […] fait le choix de se N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
tourner vers le dialogue avec les Palestiniens ». La Maison Blanche souligne que « nous continuons à faire tout notre possible pour garantir une paix durable et la sécurité d’Israël, notamment par notre engagement à accomplir l’objectif de deux États vivant côte à côte dans la paix et la sécurité ». Un rappel utile à l’heure où le secrétaire d’État John Kerry se démène pour
obtenir un accord de paix. Le locataire du 10 Downing Street indique, lui, que le trépassé a « pris des décisions courageuses et controversées à la recherche de la paix ». Des hommages mi-figue mi-raisin qui laissent imaginer les précautions extrêmes dont se sont entourés les Occidentaux pour évoquer la mémoire du « bulldozer ». l LAURENT DE SAINT PÉRIER
u Avec Moshe Dayan (qui porte un bandeau sur l’œil) durant la guerre du Kippour, en octobre 1973.
Malgré tout, la plupart des commentateurs saluent l’homme d’action, tant sur le champ de bataille que dans l’arène politique. « C’est l’anti-Bibi, il savait prendre des décisions historiques et s’y tenir », écrit Ari Shavit dans le quotidien Haaretz, tenté par la comparaison avec Benyamin Netanyahou, l’actuel Premier ministre, dont Sharon disait : « Il cède rapidement à la panique. Diriger un pays comme Israël nécessite d’avoir du discernement et des nerfs d’acier, deux traits qu’il ne possède pas. » Ariel Scheinermann – de son vrai nom – avait la trempe d’un guerrier. Né en 1928 dans le village de Kfar Malal, dans la Palestine mandataire, il abandonne très vite les terres agricoles de ses parents pour rejoindre les rangs de la Haganah, embryon de la future armée israélienne. Il est grièvement blessé au combat lors de la célèbre bataille de Latroun, en 1948, face à la Légion arabe. Israël gagne son indépendance et Sharon monte en grade. Il prend le commandement de l’unité 101, qui opère derrière les lignes ennemies. Véritable tête brûlée, le jeune officier monte des actions de représailles sans en JEUNE AFRIQUE
AFP PHOTO/IDF-HO
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avertir ses supérieurs. Le 14 octobre 1953, après plusieurs incursions de fedayin, il ordonne de raser le village de Qibya, situé en territoire jordanien: 69 civils sont tués dans le dynamitage de leurs maisons. Au fil des guerres israélo-arabes, Sharon acquiert du prestige auprès de ses soldats et de l’opinion israélienne. En octobre 1973, à la tête d’une division de chars, le général évite une débâcle militaire àsonpaysenencerclantlatroisièmearmée égyptienne. Le commandement reconnaît en lui un grand stratège mais n’apprécie guère son indiscipline. Comme lors de l’opération Paix en Galilée, en 1982, qui visait à chasser l’OLP du Liban. Faisant fi des plans initialement prévus, celui qui est alors ministre de la Défense pousse ses troupes jusqu’à Beyrouth. CRIME DE GUERRE. Le 16 septembre 1982, Tsahal encercle plusieurs centaines de combattants palestiniens dans les camps de réfugiés de Sabra et Chatila. Les phalangistes chrétiens, complices de l’État hébreu, y pénètrent sans opposition: plus d’un millier de civils, femmes et enfants, sont massacrés. Tandis que JEUNE AFRIQUE
100 000 Israéliens manifestent à Tel-Aviv pour dénoncer ce crime de guerre, Sharon est poussé à la démission par la commission Kahan, dont le rapport d’enquête détermine sa « responsabilité indirecte ». Au grand dam des Palestiniens, il ne sera jamais inquiété par la Cour pénale internationale (CPI). Jusqu’à sa mort, sa caricature d’ogre sanguinaire illustrera abondamment les colonnes de la presse arabe. Lors de ce premier conflit israélo-libanais, Sharon se débarrasse de son vieil
l’esplanade des Mosquées, le 28 septembre 2000. En plein processus de paix, cette provocation est jugée inacceptable par les Palestiniens, qui déclenchent la seconde Intifada. D’attentats en actes de représailles, cette révolte aboutit à l’invasion de la Cisjordanie par les forces israéliennes. Sharon, alors Premier ministre, ordonne le siège de la Mouqataa, où se terre Arafat. En juin 2002, la Knesset approuve son plan de construction d’un mur de séparation avec les territoires palestiniens. Pas un acte d’apartheid Bête noire des Palestiniens… et pour lui, mais le renoncement des colons, qui ne lui pardonnent à son rêve du Grand Israël. « Vous pouvez ne pas aimer ce pas l’évacuation de Gaza. mot, mais ce qui se déroule est ennemi Yasser Arafat, forcé de s’exiler à une occupation. Contrôler 3,5 millions de Tunis avec ses lieutenants. Il constate, Palestiniens,c’estquelquechosedeterrible pour nous et les Palestiniens », déclare-t-il, impuissant, son retour triomphal à à la stupeur du Likoud. Le « bulldozer » est Ramallah en 1994, quelques mois après la signature des accords d’Oslo, dont il est désormais un pragmatique. Il achève sa un farouche adversaire. Sharon est alors reconversion politique en créant, en 2005, une figure dominante du Likoud et un le parti centriste Kadima, dont l’objectif artisan inébranlable de la colonisation. inachevé devait conduire au retrait de la Rejetant toute division de Jérusalem, il Cisjordanie. Comme à Gaza… l MAXIME PEREZ, à Jérusalem entreprend une visite symbolique sur N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
Maghreb Moyen-Orient MAROC
Benkirane est-il démonétisé? Le chef du gouvernement tarde à donner corps au changement promis en 2011. Et a remis sa casquette de tribun pour se livrer à des joutes oratoires avec l’opposition.
C
«
ertains n’ont pas encore admis que le Parti de la justice et du développement [PJD] dirige le gouvernement. Ils sont encore sous le choc. » Devant les militants de l’Union nationale des travailleurs marocains (UNTM, syndicat affilié au PJD) réunis à Bouznika, Abdelilah Benkirane se lâche. Ce 12 janvier, le chef du gouvernement a remis sa casquette de tribun. Et cible, sans les nommer, Driss Lachgar et Hamid Chabat, ses principaux opposants, qu’il qualifie d’« entrepreneurs de la politique ». Difficile de ne pas les reconnaître : « Un secrétaire général de parti et un autre secrétaire général doublé d’un leader syndical. » Le Premier ministre répond à ses détracteurs, qui, pour mieux le dénigrer, l’avaient réduit la veille, lors d’une cérémonie marquant les soixante-dix ans du « Manifeste de l’indépendance », à un « entrepreneur de la religion ». On se croirait revenu au temps où le PJD était attaqué de toutes parts et rendait les coups comme il le pouvait. En 2003, le parti faisait plutôt penser à un frêle esquif battu par les flots. Affaibli par les attentats du 16 mai, dont certains lui faisaient porter la « responsabilité morale », le navire amiral de l’islamisme laissera passer la tempête, réduisant la voilure lors des municipales de la même année. Dix ans plus tard, le PJD est au gouvernement, à défaut d’être (seul) au pouvoir.
t Le patron du PJD, à l’Élysée, le 6 décembre 2013.
ANNÉE BLANCHE. Benkirane a su négocier habilement – contre une partie des militants prêts à rejoindre le Mouvement du 20-Février – le Printemps arabe et la réforme constitutionnelle de 2011. SecrétairegénéralduPJD,éluparsescamarades en 2008 sur une ligne de conquête, il a saisi l’occasion des législatives anticipées de2011.Lesislamistescommerecours?«Il y a trois ans, leur chef passait pour un gage de stabilité, une bouée de sauvetage pour la monarchie, au moment où la contestation faisait tache d’huile dans le monde arabe. Aujourd’hui, on peut se poser la
question: à quoi sert encore Benkirane? » s’interroge Abdellah Tourabi, spécialiste de l’islam politique. Bien sûr, le leader islamiste répète, à longueur d’interviews, qu’il n’est pas un opposant au Palais, que sa démarche repose sur la collaboration, qu’il n’y a pas de divergences de vue avec le roi. Mais ce discours de conciliation colle de moins en moins avec la réalité. L’année 2013 a été marquéeparunduelusantentreBenkirane et Chabat, alors principal allié du PJD avec ses 60 députés à la Chambre des représentants. Populiste et harangueur, adepte du
HAMID, YASMINA ET LES AUTRES ASSISE à la droite de Hamid Chabat, visage fermé, l’ancienne ministre de la Santé,Yasmina Baddou, est venue défendre son honneur lors de la conférence de presse organisée par son parti, l’Istiqlal, le 4 janvier. N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
Mais elle n’a pas parlé, Chabat répondant à toutes les questions qui lui étaient adressées. Devant le Parlement, le 31 décembre, le chef du gouvernement attaquait un « certain parti » dont les membres « possèdent
des appartements à Paris », affirmant détenir la preuve de « milliards déposés dans les banques » à l’étranger. Tollé sur les bancs de l’Istiqlal, lequel pressent que l’attaque vise Baddou, citée dans un
scandale immobilier depuis des années. Le 9 janvier, le parti a finalement porté plainte contre Benkirane pour « diffamation et nondénonciation de faits délictueux ». l Y.A.A. JEUNE AFRIQUE
CHRISTOPHE ENA/AP/SIPA
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coup de force, le zaïm istiqlalien est allé crescendo dans la contestation de son alter ego islamiste. Si ce dernier n’a pas cédé, recevant le soutien des deux autres partis de la majorité, puis la bienveillante neutralité du Palais, il a doublement payé le prix de cette guerre de tranchées; 2013 a été, politiquement, une année blanche: les grandesréformes(compensation,retraites, loisorganiques)ontétéralenties.Ensuite,le leaderislamisteadûremplacerleturbulent allié istiqlalien par un non moins gênant soutien du Rassemblement national des indépendants (RNI), rival d’hier. « En interne, l’entrée en force au gouvernement de Salaheddine Mezouar, qui a obtenu le pôle des Affaires étrangères et celui des ministères économiques, passe mal, confirme Tourabi. Le Palais est sorti renforcédecetteséquence.Surl’éducation, l’immigration ou le Grand Casablanca, le roi fixe l’agenda. » Pour le patron des islamistes, le véritable test aura lieu en 2016 : pour convertir le PJD en parti de gouvernement,ildoitgagnerlesprochaines législatives. Et pour durer, il peut compter sur un gouvernement renforcé par les technocrates du RNI, de nature à rassurer notamment les milieux économiques. BRACONNAGE. En bon politicien,
Benkirane exploite les divisions de l’opposition. La Koutla a déjà implosé en 2011, les socialistes se cherchent encore avec leur nouveau chef, Driss Lachgar. Quant à Chabat, il a perdu, à court terme, son bras de fer avec les islamistes. Pis, le patron du PJD vient braconner sur les terres de l’Istiqlal. Ainsi, Mohamed El Ouafa est devenu l’arme secrète de Benkirane dans sa guerre contre l’opposition. Ministre des Affaires économiques et générales dans le cabinet Benkirane 2, El Ouafa est un renégat du parti, exclu pour indiscipline. En juillet, il avaitétéleseulministreistiqlalienàrefuser de démissionner du gouvernement. Pour récompenser cette dissidence, Benkirane l’a maintenu à son poste. « Il a cru pouvoir le reconduire à l’Éducation nationale. Mais après les critiques acerbes du roi contre la politique gouvernementale dans le secteur [en juillet dernier], on lui a fait comprendre quesonmaintienn’étaitpasenvisageable», rapporteunesourceprochedestractations. Au final, El Ouafa a été muté et est même plus proche du chef du gouvernement, qui ne cesse de louer ses qualités « extraordinaires ». Tout est bon pour gêner aux entournures un rival politique. Même les YOUSSEF AÏT AKDIM coups bas. l JEUNE AFRIQUE
Maghreb & Moyen-Orient
PABLO MARTINEZ MONSIVAIS
Coulisses
p Une soixantaine de pays ont participé à la conférence des donateurs.
SYRIE À VOTRE BON CŒUR… La seconde Conférence internationale des donateurs pour la Syrie s’est tenue le 15 janvier dans la capitale du Koweït.À la veille de cette réunion, l’ONG Oxfam publiait un communiqué faisant le point sur les contributions des différents États, prenant une base de 100 % comme référence de la « juste contribution ». Résultat: les États les plus généreux sont deux voisins, la Jordanie (12 720 %) et le Liban (5617 %), terres d’accueil de millions de réfugiés. LaTurquie (930 %) et l’Irak (430 %) ne ménagent pas non plus leurs efforts. Figurent également en bonne place des États du Golfe très impliqués dans le camp de l’opposition: le Koweït (1444 %) et l’Arabie saoudite (324 %). Bon élève, le Royaume-Uni (298 %) se distingue du grand « ami de la Syrie », la France, qui parle beaucoup mais donne peu (77 %). La Russie, soutien inflexible de Bachar al-Assad, est avare avec son peuple (5 %), moins toutefois que la Corée du Sud (3 %). l
MAROC TAKFIR HORS LA LOI Le Parti Authenticité et Modernité (PAM), deuxième force de l’opposition parlementaire marocaine, a déposé une proposition de loi visant à pénaliser le takfir (l’excommunication). Le texte complète l’actuel article 442 du code pénal, qui définit la diffamation pour y inclure « l’excommunication d’une personne ou d’une organisation par tous moyens ». Selon la députée Khadija Rouissi, ce texte est inspiré par la récente interdiction du takfir par la Constituante tunisienne.
IRAN-P5+1 DÉGEL, SUITE L’application des clauses de l’accord intérimaire conclu en novembre 2013 entre le P5+1 (Chine, ÉtatsUnis, France, Royaume-Uni, Russie et Allemagne) etTéhéran sur le
dossier nucléaire iranien a débuté le 20 janvier. En échange du dégel progressif d’avoirs évalués à 4,2 milliards de dollars, l’Iran doit limiter ses activités d’enrichissement jusqu’à ce que soit trouvé, dans les six mois, un accord définitif.
LIBAN PROCÈS EXPLOSIF Le 16 janvier s’est ouvert le procès des assassins présumés du Premier ministre libanais Rafic Hariri, pulvérisé par 2,5 tonnes deTNT le 14 février 2005 dans le centre-ville de Beyrouth. Institué par une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU à la demande de l’État libanais, leTribunal spécial pour le Liban (TSL) est chargé de juger, par contumace, 5 membres du mouvement politico-militaire du Hezbollah impliqués dans cet attentat, qui a coûté la vie à 23 personnes. N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
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FRANCE
La révolution
Hollande On le connaissait hésitant, pusillanime, incapable de trancher. C’est donc un nouveau chef d’État qu’on a découvert lors de sa dernière conférence de presse. Reste à savoir si les engagements pris à cette occasion pourront être tenus.
HENRI MARQUE
annoncée un peu vite le Premier ministre et que le président avait alors retoquée d’un « on n « grand tournant », selon verra » typiquement hollandien. les commentaires pour une Un bémol, toutefois, dans la relative améfois unanimes des partis et des nité des commentaires : le chef de l’État a été médias sur la troisième confé- beaucoup plus prolixe sur ses nouvelles orienrence de presse de François tations économiques que sur les moyens qu’il Hollande ? Bien davantage, en compte mettre en œuvre pour faire, d’ici à réalité : une véritable volte-face si le chef de 2017, 65 milliards d’euros d’économies afin l’État fait ce qu’il dit ; et même une révolution notamment de financer l’allègement des charges culturelle à gauche s’il réussit ce qu’il fait, avec des entreprises. Une seule certitude, rien de l’approbation sans précédent d’une partie de moins qu’historique si la promesse est tenue : l’opposition et malgré l’hostilité renforcée de il n’y aura pas d’impôts nouveaux. François la fraction la plus à gauche du Parti socialiste. Mitterrand avait naguère reconnu que « les Le nouveau Hollande qu’on a découvert prélèvements obligatoires [étaient] excessifs », le 14 janvier à la tribune de l’Élysée semblait sans mettre fin pour autant à l’exception frans’appliquer enfin à lui-même sa çaise de la préférence fiscale, qui Comment faire promesse du « changement mainengloutit plus de la moitié de tenant » : un ton de gravité qui ne la richesse du pays. Vingt ans 65 milliards s’expliquait pas seulement par la plus tard, Pierre Moscovici a d’euros rendu un immense service aux furtive évocation de la « douloud’économies reuse » affaire Closer-Trierweiler contribuables en traduisant cette (voir ci-après), et tranchait avec remarque convenue par un « rasavant 2017 la mine placide ou réjouie de ses le-bol fiscal » compris de tous. pour alléger précédentes interventions. Mais Il légitimait ainsi l’exaspération les charges des populaire et obligeait Hollande à surtout, un programme dont on ne peut nier la cohérence, et qui, dénoncer à son tour « les impôts entreprises ? pour la première fois, échappe aux lourds, trop lourds » qu’il avait reproches habituels d’indécision aboulique et lui-même alourdis et qu’il espère maintenant d’incapacité à trancher. Assorti d’un calendrier baisser – chiche ! – grâce aux économies. à la Mendès France dont il contrôlera personLa gauche de la gauche s’inquiète d’une nellement l’application. Avec, pour finir, un conversion au social-libéralisme que les amis débat de confiance à l’Assemblée nationale de Jean-Luc Mélenchon « anathémisent » où le gouvernement engagera à son tour son comme une trahison envers les électeurs. Le existence dans la logique du pacte de respon- président s’est efforcé de tordre le cou à cette sabilité. Jean-Marc Ayrault est donc maintenu fausse querelle d’appellation en s’assumant à Matignon. François Hollande reprend même enfin comme social-démocrate. Enfin, car là à son compte la « remise à plat fiscale » qu’avait encore, il a longtemps louvoyé. lll
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OLIVIER CORET/DIVERGENCE
t Pendant sa conférence de presse à l’Élysée, le 14 janvier.
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Europe, Amériques, Asie France l l l Premier secrétaire du PS en 2008, il avait fait adopter une déclaration de principe qui définissait le parti comme « réformiste ». Le 16 mai 2013, quelques jours avant de fêter à Leipzig le 150e anniversaire du SPD allemand, il s’interrogeait encore : « Ai-je besoin de me dire social-démocrate ? » Mais à Leipzig, il accomplit ce que ses amis appellent aujourd’hui son coming out, dans une éloquente célébration de la socialdémocratie allemande : elle a su transcender les clivages politiques et les calculs électoraux ; elle a abandonné la référence marxiste et la lutte des classes pour l’économie sociale de marché. Et de conclure par un éloge appuyé du réalisme, qui n’est pas un renoncement à l’idéal mais l’un des plus sûrs moyens de l’atteindre grâce au sens du dialogue, à la recherche du compromis, à la synthèse permanente entre la performance économique et la justice sociale.
Il en est convaincu : contrairement à l’austérité, la rigueur n’est pas mortifère.
ICONOCLASTES. Apologie significative d’un
pragmatisme qu’il accompagne d’un rejet des idéologies. Et qu’il traduira plus tard dans la composition du gouvernement Ayrault, où les deux principaux ministres, Manuel Valls et Pierre Moscovici, ont fustigé l’un et l’autre dans des livres
iconoclastes « le vieux socialisme des croyances obsolètes à jeter aux orties ». L’aggiornamento du 14 janvier fixera désormais les nouveaux caps du pouvoir : rétablissement des comptes publics et sociaux par la réduction des dépenses de l’État et des collectivités territoriales ; aides massives aux entreprises sous le contrôle d’un « observatoire des contreparties » chargé de vérifier chaque mois qu’elles respectent leurs engagements en matière d’emploi, d’investissement, de recherche et d’innovation – un donnant-donnant pour un gagnant-gagnant ; libération des contraintes administratives et de leurs quatre cent mille normes ; assouplissement du marché du travail ; réforme durable des retraites ; lutte contre l’échec scolaire qui condamne au rebut deux millions de jeunes, âgés de 15 ans à 30 ans, sans travail ni formation ; généralisation du dialogue social ; restauration de la production industrielle, dont le déclin a fait des ravages dans les petites et moyennes entreprises et provoqué en dix ans la suppression de cinq cent mille emplois. Schröder a payé de son éviction du pouvoir le courage avec lequel il avait sacrifié sa carrière aux intérêts de son pays. Mais Angela Merkel a repris l’essentiel de son « agenda » et s’en est trouvée
SECRET D’ALCÔVE, AFFAIRE D’ÉTAT
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alérieTrierweiler sera-t-elle la dernière première dame, comme le souhaite, en public, le député socialiste François Rebsamen et, en privé, nombre de ses pairs ? Ou verra-t-on apparaître une seconde dame, comme le demande ironiquement Alain Juppé. On le saura avant la visite officielle de François Hollande le 11 février à Washington, où l’on doute que sa compagne aille s’exposer aux sarcasmes de la presse américaine. Le président a lui-même intérêt à clarifier au plus vite la situation de son couple. Fort des sondages qui lui reconnaissent à une très forte majorité le droit d’avoir une vie privée, il a quand même répondu lors de sa conférence de presse aux quelques questions qu’il voulait éviter : « Les affaires privées se traitent en privé, dans une intimité respectueuse de chacun… » Sa sécurité reste assurée par ses gardes du corps lors de tous ses « déplacements » : « Je circule N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
où je veux, quand je veux. » Pour justifier qu’il ait renoncé à poursuivre Closer, il invoque son immunité institutionnelle, qui aurait créé une distorsion judiciaire à son profit. Habile, mais peu convaincant. Une procédure ne ferait en réalité qu’amplifier les déballages de l’affaire jusqu’à son dénouement, avec le risque d’un recours devant une juridiction européenne. Elle ne mettrait pas fin aux feuilletons d’alcôve, qui rapportent davantage aux médias en augmentation des ventes ou d’audience qu’ils ne leur coûtent en amendes de justice. D’autant que Valérie Trierweiler, elle-même journaliste à Paris Match, laisse échapper des confidences. Selon Le Point, « on » lui aurait reproché sa déprime et son hospitalisation pour « juste une pilule de trop ». Qui ça, « on » ? Le président ou son entourage ? De la réponse peut dépendre soit la réconciliation, soit la H.M. séparation. l
t Avec l’actrice Julie Gayet, en octobre 2011.
ERIC BAUDET/DIVERGENCE-IMAGES.COM
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JEUNE AFRIQUE
La révolution Hollande récompensée par le plébiscite de sa réélection. Hollande est persuadé lui aussi que la rigueur, à l’inverse de l’austérité, n’est pas « mortifère » comme le lui prédisent ses détracteurs, et que sa popularité reviendra avec les bons résultats de son pacte. Il sait qu’il joue sa réélection et que, de toute manière, il n’a pas le choix. Il ne peut tomber plus bas dans l’impopularité. Bruxelles le presse d’accélérer les réformes pour lesquelles la France a obtenu un délai de deux ans. Des réformes justement nommées « structurelles », parce qu’elles toucheront « toutes les grandes politiques publiques ». Traduisez : l’ensemble de la nation dans ses modes de vie et ses choix de société. Promises par conséquent à toutes les menaces de jacqueries et autres grèves d’avertissement. Il est significatif que, la veille même de la conférence de presse élyséenne, les taxis aient décidé d’embouteiller la capitale pour maintenir un privilège de concurrence déjà critiqué en… 1960 par le rapport Rueff-Armand. CORPORATISME. « La France, aime à dire
Hollande, n’est pas le problème, elle est la solution. » La France, peut-être: elle en a vu et entendu bien d’autres tout au long de sa tumultueuse histoire. Mais les Français, ces éternels « bonnets rouges » attachés à leurs corporatismes et qui continuent de tout attendre d’un État habitué à vivre au-dessus de ses moyens ? Les sondages confirment sans surprise que, s’ils reconnaissent au nouveau Hollande du courage et un sens de l’avenir, les deux tiers d’entre eux ne croient toujours ni en lui ni en sa politique. Alexandre Sanguinetti dérida un jour de Gaulle avec cette exclamation : « Si les Français étaient des Allemands, il y a longtemps qu’on le saurait. » Le général allait bientôt entendre retentir sur son passage l’inusable revendication : « Charlot, des sous ! » Hollande est bien conscient du risque d’affronter cette France dont il déplore les trois blocages : lenteur des décisions, lourdeur des procédures, auxquelles il ajoute « la torpeur des esprits qu’aucune loi ne peut abroger ». Il compte sur la rénovation de l’État pour la dissiper. Et il reprend la question que posait déjà Schröder au Bundestag : « Que serons-nous dans dix ans ? » Reste à savoir dans l’immédiat comment réagiront la majorité de l’opinion et sa propre majorité parlementaire quand le pouvoir devra tailler dans sa chair électorale pour obtenir les économies promises. Car il ne suffira plus de racler les fonds de tiroirs. C’est tous les tiroirs qu’il faudra changer, dans une réorganisation générale de l’État « moderne, rapide et efficace » que le président a l’ambition d’instaurer. Il a en tout cas, sans le vouloir, bien choisi le moment de son grand chambardement : 2014, c’est aussi le quarantième anniversaire du premier déficit budgétaire français… l JEUNE AFRIQUE
TRIBUNE
Opinions & éditoriaux Seidik Abba
Pourquoi les Africains n’en font pas toute une histoire
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rançois Hollande pourrait aisément trouver auprès de ses pairs africains solidarité et réconfort dans l’épreuve que constitue la révélation de sa relation cachée avec l’actrice Julie Gayet. Qu’il accomplisse un, deux, trois mandats ou reste plusieurs décennies à la tête de son pays, le chef d’État africain n’a pas à redouter le déballage de ses relations avec une maîtresse réelle ou supposée. Ni la presse, pourtant de plus en plus libre sur le continent, ni ses opposants les plus virulents ne s’aventurent jamais sur ce terrain-là. Dans une partie du continent, personne ne s’offusque que le
Ailleurs sur le continent, on ne sait jamais rien des secrets agissements du « patron ». Parfois, une exigence de droiture morale impose à ce dernier de renoncer à ses frasques nocturnes avant d’accéder aux plus hautes fonctions. Et si, par exception, il s’y adonne, ses « sujets » n’en parlent pas: c’est un tabou. Dans certains pays, il est admis que le chef prenne une deuxième, une troisième et même une quatrième épouse.Toutes légitimes. Il y a donc une première, une deuxième et une troisième première dame. Un vrai casse-tête pour le protocole. Surtout pour l’organisation des cérémonies officielles. Une dernière raison explique que, en Afrique, les relations du chef avec les femmes ne suscitent aucun débat public : les premières dames n’ont pas de statut, ne disposent pas d’un bureau au Palais, ne figurent dans aucun organigramme officiel. Afin de ne plus vivre cachées et de se démarquer de leurs rivales, la plupart des épouses légitimes créent donc des fondations pour lutter contre le sida, le paludisme ou l’excision. Les mécènes se bousculent pour financer leurs initiatives, dont les médias publics se font largement l’écho. C’est toute la différence entre une première dame, une épouse légitime et une maîtresse. Car cette dernière, même en Afrique, continue de vivre cachée. l
Le chef a un deuxième ou un troisième bureau ? Qui s’en soucie ? président ait un premier, un deuxième, voire un troisième « bureau ». La réalité du pouvoir se mesure à l’aune des conquêtes. Et les élues se félicitent en général d’être passées par le lit du chef, qui met à profit conférences, colloques ou meetings, selon une méthode éprouvée. La « cible » est repérée, en raison le plus souvent de sa poitrine conquérante ou de son derrière alléchant, puis le protocole entre en action : « Le chef veut te voir après… » Le chef peut donc « taper » tous azimuts. Mais les maîtresses doivent s’abstenir de tout pugilat de nature à mettre en danger l’ordre public.
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Europe, Amériques, Asie FOOTBALL
Champagne pour tout le monde! Ancien collaborateur de Joseph Blatter, le Français Jérôme Champagne briguera en mai 2015 la présidence de la Fifa, qu’il souhaite à la fois plus forte et plus démocratique. Il s’en explique.
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iplômé de l’Institut d’études politiques (IEP) de Paris, et ancien pigiste à FranceFootball, Jérôme Champagne (55 ans) embrassa par la suite une carrière de diplomate qui le conduisit successivement à Oman, à Cuba, à Los Angeles et au Brésil. Il intégra ensuite le comité d’organisation de la Coupe du monde 1998, en France, puis la Fédération internationale de football association (Fifa), dont le siège est à Zurich, en tant que conseiller, secrétaire général adjoint, délégué aux projets spéciaux, puis directeur des relations internationales (1999-2010). Il est aujourd’hui consultant en football international. Et le premier candidat déclaré à la présidence de l’institution. Avec quels objectifs ? JEUNE AFRIQUE : Vous annoncez votre candidature à la présidence de la Fifa ce 20 janvier à Londres… JÉRÔME CHAMPAGNE : Oui, à l’hôtel
Grand Connaught Rooms, à l’endroit même où fut fondée la fédération anglaise, en 1863. L’histoire du football s’est souvent jouée en Angleterre, qui est le berceau de ce sport. Une décision difficile à prendre ?
Une décision vertigineuse, oui! Depuis deux ans, j’ai beaucoup réfléchi au football du XXI e siècle. En janvier 2012, j’avais envoyé aux fédérations affiliées
un document intitulé « Quelle Fifa pour le XXIe siècle ? ». J’ai donc estimé que, pour porter ce débat, le mieux était d’être candidat. Je vais écouter les fédérations, connaître leurs besoins, comme je le ferai avec tous les acteurs du football mondial. Vous êtes le premier à vous déclarer, mais il y a d’autres candidats potentiels. Le président Joseph Blatter, par exemple, pourrait décider de se représenter. Il y a aussi Michel Platini, le patron de l’UEFA, l’Espagnol Ángel Villar et Jérôme Valcke, le secrétaire général de la Fifa…
Je n’ai pas décidé d’annoncer ma candidature par rapport aux autres candidats potentiels. La campagne s’annonce assez dure, mais je suis là pour défendre mes idées. Le football va devoir faire face à des défis importants : croissance des inégalités, privatisation du jeu, scepticisme vis-à-vis de ses institutions… Cette croissance des inégalités concerne d’abord l’Europe et le reste du monde ?
Oui, il y a une inégalité béante entre les continents, voire entre les clubs d’un même pays. Il y a davantage d’argent partout, en Afrique comme ailleurs. Pourtant, l’écart avec l’Europe ne cesse de se creuser. Ce continent reste voué à l’exportation, essentiellement vers l’Europe, où les joueurs sont ensuite
LE SOUTIEN DU ROI PELÉ VAINQUEUR DE LA Coupe du monde à trois reprises (1958, 1962 et 1970) avec le Brésil et auteur de 1 281 buts en compétition officielle, il passe pour le meilleur footballeur de tous les temps. Edson Arantes do Nascimento, alias Pelé, soutient la candidature de Jérôme N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
Champagne. « Je l’ai connu, explique-t-il, à l’époque [1995-1997] où j’étais ministre des Sports et lui premier secrétaire à l’ambassade de France au Brésil. Nous avons noué une amitié sincère. J’ai suivi son travail à la Fifa, il a toujours rempli sa mission avec
dévouement et efficacité. Le football d’aujourd’hui remporte des succès remarquables, mais il est aussi confronté à de graves problèmes qui requièrent une Fifa forte et démocratique. Je ne peux rester en dehors d’un débat aussi A.B. important. » l
valorisés. La matière première est en Afrique, la valeur ajoutée ailleurs. Parce que les changements indispensables n’ont pas été entrepris. Mais les inégalités existent aussi au sein d’un même continent. En Europe, il y a vingt ans, le football était plus homogène. Des clubs néerlandais, norvégiens ou suédois pouvaient encore accéder aux quarts de finale d’une compétition continentale. Aujourd’hui, c’est presque impossible. À l’intérieur d’un même pays – Allemagne, Espagne ou France –, deux ou trois clubs, pas davantage, peuvent encore espérer gagner le titre. Or en Afrique, paradoxalement, on assiste à l’émergence de nouvelles nations de football comme le Cap-Vert, le Niger ou l’Éthiopie… Ce rôle grandissant de l’argent conduitil inexorablement à la privatisation du jeu ?
Bien sûr. On voit aujourd’hui de grandes sociétés, des fonds de pension, des structures multinationales et même des gouvernements (Qatar, Azerbaïdjan) investir massivement dans le football, ce qui remet en cause l’autorité fédérale. On voit émerger des problèmes inédits qui n’ont plus grand-chose à voir avec le sport. Et puis il faut bien admettre que les institutions du football suscitent un scepticisme grandissant. Un pour cent des ligues vit bien, les autres souffrent. Il y a beaucoup d’allégations pas toujours infondées sur la gestion de l’argent. La mondialisation est une chance, à condition de ne laisser personne sur le bord du chemin. C’est pour cela que je souhaite une vraie réforme de la Fifa. Celle-ci doit poursuivre ce qu’elle fait depuis quarante ans – 30 % de son budget est consacré aux programmes de développement –, mais il lui faut s’adapter au monde nouveau, voir le foot tel qu’il est devenu. Et, bien sûr, rééquilibrer la représentation des uns et des autres au sein du comité exécutif et dans les phases finales de la Coupe du monde, où l’Afrique, l’Asie, l’Amérique du Nord et l’Amérique centrale sont sous-représentées. Est-il normal que l’Afrique, par exemple, compte cinquante-quatre JEUNE AFRIQUE
Europe, Amériques, Asie
NIELS ACKERMANN/REZO POUR J.A.
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p Au siège de la Fifa, à Zurich, le 15 janvier.
fédérations, mais seulement quatre sièges au comité exécutif ? Je propose par ailleurs d’accorder un siège de plus à ces confédérations pour la phase finale de la Coupe du monde, mais sans rien retirer aux autres. En somme, vous voulez une Fifa à la fois plus puissante et plus démocratique ?
Oui, et plus volontariste. Soit on continue avec l’élitisme, soit on s’attache à préserver le football mondial. L’élection de mai 2015 devra déterminer ce que va devenir celui-ci d’ici à 2030. À un problème mondial, la solution ne peut-être que mondiale. L’émergence d’une Fifa à la fois plus puissante et plus régulatrice passe donc selon moi par une refonte du comité exécutif, actuellement tenu par les confédérations. Ce sont les fédérations nationales qui devraient être majoritaires. Cela donnerait au président, qu’elles élisent, une majorité pour appliquer son programme. Je souhaite aussi que les ligues, les joueurs et les clubs aient des représentants au sein du comité exécutif. JEUNE AFRIQUE
L’image de la Fifa n’est pas toujours très bonne, en raison notamment des affaires de corruption…
Je ne nie pas ce problème d’image, mais je trouve certaines critiques injustes. Plusieurs membres ont démissionné, mais ils n’avaient pas été nommés par la Fifa puisqu’ils présidaient leurs confédérations respectives [il s’agit de Mohammed Bin Hamman et de Jack Warner, ex-présidents des confédérations asiatique et
La polémique concernant l’attribution au Qatar de la Coupe du monde 2022 risque de s’éterniser. Vous pourriez donc hériter un jour du dossier…
C’est une très bonne chose que la Coupe du monde ait lieu dans un pays arabe et musulman. Souvenez-vous que le Maroc a été candidat à quatre reprises : 1994, 1998, 2006 et 2010… Pour le Qatar, une enquête sur des soupçons de corruption est en cours. Si tout est clean, il fau-
À la Coupe du monde, l’Europe et l’Amérique du Sud sont surreprésentées. nord-américaine, et de Ricardo Teixeira, ex-président de la fédération brésilienne, tous impliqués dans des affaires de corruption]. La Fifa verse de l’argent à des programmes de développement. Confrontée à certains problèmes, elle a approuvé un nouveau règlement de gestion des fonds. Joseph Blatter me paraît donc injustement critiqué. J’ai travaillé avec lui de 1999 à 2010, et je peux vous dire qu’il a beaucoup fait pour le bien du football.
dra y aller. Sinon, des décisions devront être prises. Il y a aussi le problème du calendrier. Il fait très chaud en été dans cette partie du monde, mais peut-être aurait-il été judicieux d’y songer avant le vote… Il est question de jouer l’hiver, ce qui aurait de nombreuses conséquences sur le calendrier international. Le problème n’est pas simple. l Propos recueillis, à Zurich, par ALEXIS BILLEBAULT N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
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PARCOURS | D’ici et d’ailleurs
Aïda M’Dalla Décoiffante Cette pétulante entrepreneuse d’origine tunisienne gère les 35 établissements du groupe français Allure, qu’elle a fondé.
I
L FALLAIT UNE BONNE dose de courage, de pugnacité et de talent pour réussir ce pari fou: bâtir un petit empire de la coiffure à bas prix en Côte-d’Or, département français plus connu pour son vignoble bourguignon que pour ses enseignes de mode. Aïda M’Dalla gère pourtant, non sans fierté, quelque 35 salons sous l’enseigne Allure – déclinée aussi en une gamme de produits dédiés – et manage 150 salariés pour un chiffre d’affaires de près de 8 millions d’euros en 2013. Rien, ou presque, ne l’y destinait. Née à Dijon il y a trente-neuf ans, elle passe les cinq premières années de sa vie chez ses grands-parents en Tunisie, dans le village de Ghraiba, entre Sfax et Gabès, avant de rejoindre ses parents dans un quartier modeste de Dijon. Deux frères et une sœur agrandiront la famille sur le tard. Le papa est ouvrier dans une usine de la ville, la maman est femme de
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ménage. Aïda dit n’avoir manqué de rien mais l’école n’est pas son fort. Elle décide rapidement d’arrêter le circuit classique, en classe de cinquième, pour intégrer un Certificat d’aptitude professionnelle (CAP) de coiffure. Le brevet professionnel parachève sa formation. « Je voulais être mon propre patron. J’ai donc décidé d’ouvrir mon premier salon dès 23 ans », raconte la belle quadra. Son père dispose de quelques économies sur un plan d’épargne entreprise, qu’il débloque pour aider sa fille : 50 000 francs (7 600 euros). L’aventure peut démarrer. « J’avais déjà le concept et le design: offrir une prestation de qualité à bas prix, ce qui n’existait pas à Dijon et dans la région. Je n’avais plus qu’à décliner mon idée. » Le deuxième salon est ouvert en 2003. À partir de 2005 et de sa troisième implantation, la jeune chef d’entreprise lancera entre cinq et
p « Difficile pour un homme d’accepter que je gagne mieux ma vie que lui. »
dix salons par an, dont deux en région parisienne depuis peu. Elle vise aujourd’hui 50 enseignes d’ici à cinq ans en développant notamment un système de franchise. « Après je pense arrêter… même si je m’ennuie dès que je n’ai plus d’objectifs », admet-elle. Tout n’a pourtant pas été simple. Ses origines, ses moyens financiers limités, le fait d’être une femme, autant d’obstacles qu’elle a dû surmonter pour convaincre des banquiers frileux et « misogynes », mais aussi des bailleurs enfermés dans les préjugés. Elle adopte même un prénom différent pour faciliter ses relations, Johanna. « Ma première patronne m’a conseillé de le faire. Je fais de même avec mes employées. Je n’y vois aucun problème. Ce n’est pas renier ses origines. Dans ce monde, il ne faut pas s’apitoyer, il faut avancer. Si choisir un autre prénom peut aider, pourquoi s’en priver? » argumente-t-elle sans ambages. « Ça finit même par avoir des avantages ! Par exemple quand je réponds au téléphone, suivant le prénom qu’utilise mon interlocuteur, je sais JEUNE AFRIQUE
Europe, Amériques, Asie
La condition féminine l’a toujours préoccupée. « L’indépendance financière est la clé, je le répète à toutes mes employées, que je pousse à devenir propriétaires de leur logement dès que possible. Si les choses tournent mal avec leur compagnon, c’est lui qui fait ses valises. » En véritable maman poule, elle coache « ses filles », depuis l’embauche jusqu’à leur évolution au sein de ses établissements. Elle ne tarit pas d’anecdotes: « Le salon que j’ai ouvert à Garges-lès-Gonnesse [Île-de-France] est aujourd’hui dirigé par une jeune fille originaire du CapVert. Elle parlait à peine français quand je l’ai recrutée. Il y a aussi cette employée d’origine turque. J’ai reçu son père qui était désespéré face à l’échec de sa fille. Cette année, elle repasse son diplôme, elle est bien partie pour s’en sortir. » Tour à tour manageuse, directrice des ressources humaines, formatrice… Elle est une patronne hyperactive qui aime tout maîtriser. « Mes parents ont toujours senti que j’avais le caractère d’une femme entreprenante. Mais j’ai sacrifié ma vie personnelle, poursuit cette célibataire endurcie. Pour ma mère, c’est le plus dur à accepter. » Trouver un mari est devenu une gageure. « Difficile pour un homme d’accepter ma réussite, le fait que je gagne mieux ma vie que lui… Je ne sais plus dans quel milieu trouver l’âme sœur », constate-t-elle simplement. Une rare parenthèse d’Aïda sur sa vie privée, avant de laisser Johanna, la femme d’affaires, reprendre les rênes. l
PÉROU
Elle en fait trop Elle est l’épouse du président Humala, sa conseillère et la secrétaire générale du parti au pouvoir. On la soupçonne de vouloir un jour briguer la magistrature suprême. Nadine Heredia est envahissante.
L
ors de la présidentielle de 2011, Nadine Heredia Alarcón a beaucoup contribué à la victoire d’Ollanta Humala, son mari, et révélé du même coup un indéniable talent politique. Depuis, la jeune (37 ans) première dame du Pérou est apparemment devenue la plus proche conseillère du chef de l’État. Alors, quand elle a de surcroît, au mois de décembre 2013, été portée à la tête du Parti nationaliste péruvien (PNP), au pouvoir, la polémique a éclaté. D’uneduréedequatreans,sesnouvelles fonctions lui confèrent des pouvoirs quasi illimités au sein de sa formation. Elle peut par exemple exclure un militant à tout moment ou décider, seule, de telle ou telle allianceélectorale. Et c’est elle, bien sûr, qui dirigera les campagnes pour les élections municipales et régionales de cette année, et celle pour la présidentielle de 2016. Un rôle qui dépasse donc largement celui de simple première dame… « Elle n’est plus seulement l’épouse du président, mais le numéro deux du parti présidentiel », estime le journaliste argentin Andrés Oppenheimer. Les chefs de l’opposition s’en donnent eux aussi à cœur joie pour fustiger une ascension trop rapide à leur goût. « Parce qu’elleestpremièredame,l’Étatorganiseet finance ses voyages. Il faut qu’elle choisisse entre l’une ou l’autre de ses fonctions »,
s’insurge Luis Thais, secrétaire général du parti Perú Posible. Humala rétorque que son épouse a toujours joué un rôle de premier plan au PNP puisqu’elle en est la cofondatrice. En vain. FAMILLE. De même, l’influence de Nadine
Heredia sur le gouvernement est un secret de Polichinelle. Partant du principe que « mieux vaut gouverner un pays comme une famille plutôt que tout seul », Humala n’exclut même pas qu’elle puisse être la candidate du PNP à la présidentielle de 2021.Unefaçonmaladroitededésamorcer la polémique déclenchée l’an passé par la rumeur de sa possible candidature dès 2016. C’est en réalité l’ancien président Alan García, qui, prenant acte de l’ascendant croissant de la première dame sur son mari et de l’effacement concomitant du Premier ministre, avait évoqué cette éventualité. Le problème est que la loi électorale interdit à une première dame de briguer la présidence… Afin de couper court à la controverse naissante, Nadine Heredia a tout nié en bloc. Mère de trois enfants, diplômée en communication et en sociologie, la Coprésidente, comme on la surnomme parfois, recueillait 55 % d’opinions favorables en mai 2013. En décembre, sa popularité est tombée à 32 %… l MARIE VILLACÈQUE
AP/SIPA
d’emblée si c’est professionnel ou personnel ! » Ses racines, elle les cultive. Le weekend, elle remise son tailleur et cuisine le couscous pour la famille. « Je suis une vraie maman arabe », dit celle qui n’a pourtant pas d’enfant. Deux à trois fois par an, elle se rend enTunisie. Proche de sa grand-mère maternelle, elle parle l’arabe et jette un regard acide sur les évolutions du pays de ses parents. « Faire la révolution est une chose; mais ce qu’on est en train d’en faire pourrait être dangereux pour les libertés, notamment celles des femmes. Il ne faut pas mélanger religion et politique. »
MICHAEL PAURON Photo : CAMILLE MILLERAND pour J.A. JEUNE AFRIQUE
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p Le couple présidentiel avec le chef de l’État bolivien (à g.), à Caracas, en 2013. N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
Europe, Amériques, Asie
p Le 8 janvier, le gouverneur Christie présente des excuses au maire de Fort Lee. ÉTATS-UNIS
L’étoile déchue du New Jersey Triomphalement réélu gouverneur il y a deux mois, Chris Christie apparaissait comme le grand espoir du Parti républicain pour la présidentielle de 2016. Depuis, les catastrophes s’enchaînent.
O
n avait quitté Chris Christie en novembre 2013, au soir de sa réélection triomphale au poste de gouverneur du New Jersey. Ce républicain pur jus l’ayant emporté haut la main dans un État traditionnellement démocrate, il avait eu droit à la couverture de Time Magazine et apparaissait comme le grand espoir du Grand Old Party pour la présidentielle de 2016. Depuis, le bouillant gouverneur accumule les casseroles et son image en pâtit. La dernière en date ? L’ouverture d’une enquête fédérale concernant l’utilisation de 5 millions de dollars (3,66 millions d’euros) alloués par Washington après le passage de l’ouragan Sandy, fin octobre 2012. Officiellement, cette somme était censée contribuer au financement de clips télévisés pour promouvoir le tourisme dans le New Jersey. Les clips ont bien été tournés, mais ils ont surtout servi à promouvoir… la candidature de Christie. Le gouverneur y apparaît en effet au premier plan, flanqué de sa famille au grand complet. « New Jersey, stronger than the storm » (« plus fort que la tempête »), disait le commentaire, ce qui, au vu de N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
la tournure des événements, peut faire sourire. Apparemment, la tempête est en train de prendre sa revanche ! Car Christie est empêtré dans une autre sale affaire. Début septembre 2013, son proche entourage a ordonné la fermeture du 9 au 13 septembre de trois des quatre voies du George Washington Bridge qui relie le New Jersey à New York, provoquant une sacrée pagaille. Il s’agissait de punir Mark Sokolich, le maire démocrate de Fort Lee (ville située à l’une des extrémités du pont) qui avait refusé de soutenir sa réélection.Christien’enavaitpourtantnulbesoin puisque tous les sondages le donnaient largement vainqueur, mais qu’importe: il tenait absolument à soigner sa réputation de rassembleur dans la perspective du scrutin de 2016. Le tollé a été tel que le gouverneur rame depuis comme un fou pour limiter les dégâts. Il a limogé deux conseillers, jure n’avoir été au courant de rien et multiplie les excuses. Le 9 janvier, lors d’une conférence de presse, il s’est déclaré « trompé et humilié ». Cinq jours plus tard, dans le grand discours de politique générale censé donner le coup d’envoi de son mandat, Christie avait beaucoup perdu de sa superbe. Il
a tenté de donner le change en parlant éducation et sécurité, mais cela suffirat-il ? Six usagers du George Washington Bridge ont déposé plaintecontre lui devant le tribunal fédéral du New Jersey. Sur le plan politique, ses ambitions pour 2016 ont clairement du plomb dans l’aile. Dans un récent éditorial, le New York Times estimait qu’il a perdu toute crédibilité. TYRAN. Et c’est une tout autre image de
Chris Christie qui émerge peu à peu. Exit le rassembleur – au lendemain de Sandy, il avait chaleureusement accueilli le président Obama, alors en pleine campagne pour sa réélection –, il apparaît aujourd’hui comme un homme tyrannique faisant la pluieetlebeautempsdansleGardenState, l’« État-jardin » du New Jersey. L’ancien gouverneur Thomas H. Kean, son mentor en politique, dénonce désormais sa manière de gouverner « agressive et même dangereuse ». Il présente en tout cas des symptômes clairement paranoïdes. En juillet 2013, il a par exemple avancé – aux frais du contribuable – l’élection sénatoriale du New Jersey de sorte qu’elle n’ait pas lieu le 5 novembre, jour de sa propre réélection comme gouverneur. Il ne voulait surtout pas partager la lumière avec le très populairemairedeNewark,l’Africain-Américain Corey Booker ! l JEAN-ÉRIC BOULIN, à New York JEUNE AFRIQUE
SPENCER PLATT/AFP
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de Jeune Afrique
POLITIQUE Peut-il rebondir?
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ÉCONOMIE Matata, docteur d’État ÉNERGIE Inga III: merci Pretoria REPORTAGE Papa Armand donne le « la »
RD CONGO
Le grand réveil JEUNE AFRIQUE
SIPHIWE SIBEKO/REUTERS
Dialogue avec l’opposition, réformes économiques, éducation… Joseph Kabila reprend l’initiative. Avec quels objectifs ?
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Le Plus de Jeune Afrique
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Prélude
Marwane Ben Yahmed
Le quatrième Kabila
S
UR CE DIAMANT BRUT niché dans un temps fait rêver les Congolais. C’était le l’écrin du bassin du fleuve Congo premier Kabila. À partir de 2006 et jusqu’à qu’est la RD Congo, beaucoup a été récemment, peut-être sous la funeste emprise dit et écrit. À commencer par la chro- de Raspoutines équatoriaux, il dériva progresniquedecegigantesquegâchisqui,cinquante- sivement vers les rivages de l’autocratie et de trois ans après son indépendance, fait de cette l’opacité érigée en mode de gouvernance. République d’environ 70 millions d’habitants Et puis un troisième Kabila semble être né, (les chiffres varient considérablement selon tirant à l’évidence les leçons de la pitoyable les sources), dont la moitié a moins de 15 ans, présidentielle de novembre 2011. Plus un pays que même Nelson Mandela aurait été ouvert, certainement débarrassé d’influences bien en peine de gouverner… Un ovni dans le néfastes, plus mature, plus audacieux. Le concert des nations, bonnet d’âne en matière binôme parfaitement complémentaire qu’il de développement humain, alors que son forme avec son Premier ministre, Augustin potentiel, minier, agricole ou énergétique, Matata Ponyo, semble avoir remis le pays est tout simplement ahurissant. Les responsables de ce nauPlus ouvert, plus mature, il a frage? Les Congolais eux-mêmes, à l’évidence tiré les leçons de la bien sûr, mais pas seulement : grandes puissances et voisins s’y pitoyable présidentielle de 2011. sont longtemps « amusés » dans l’ombre comme on joue au Monopoly, et ce sur des rails prometteurs. Le discours, lui n’est pas fini. L’avenir? On le souhaite enfin aussi, a changé. Ceux qui ont écouté son serein à défaut d’être radieux. Mais il y a bien adresse à la nation du 23 octobre dernier, longtempsquel’onaapprisàseméfierdespro- prononcée devant les deux chambres du messes et des miracles aux allures de mirages. Parlement réunies en congrès, n’ont certainement pas reconnu l’homme qui n’était À seulement 42 ans, Joseph Kabila en a jusqu’ici guère réputé pour ses talents de passé treize à la tête de ce géant indomp- tribun. Son diagnostic sévère mais juste d’un table. Qu’on l’aime ou non, une chose est pays rongé de l’intérieur, aux allures d’autosûre: sa mission n’était guère une sinécure et critique, sa main tendue à l’opposition et rien ne dit qu’un autre aurait fait mieux à sa à la société civile, l’expression d’une réelle place. Il a hérité, en janvier 2001 et presque volonté de changement des pratiques mais par hasard, d’un pays qui n’en était pas un. aussi des mentalités et des comportements Une mosaïque de clans et de provinces aux ont largement étonné, à l’intérieur comme intérêts antagonistes, qui ne savaient que se à l’extérieur des frontières. battre pour le pouvoir et où le chacun pour soi était devenu une véritable religion. Un En attendant de savoir si Kabila respecterritoire sans économie, gangrené par une tera ou non la Constitution, et alors que le corruption sans limites et une insécurité per- bruit court qu’il songerait de plus en plus à manente, dépourvu d’infrastructures tenant un scénario à la Poutine-Medvedev version encore debout, aux ressources humaines congolaise, voire à faire un break de cinq ans (bien) formées insuffisantes. Et où ce qui pour mieux revenir, il ne sera jugé que sur un tenait lieu de classe politique ressemblait seul critère, toujours le même: le respect de la plutôt à un panier de crabes se disputant les parole donnée. S’il veut laisser son empreinte, comme on lui en prête la volonté farouche, restes faisandés d’un tilapia… Personnage surprenant, secret et mutique dans l’histoire guère reluisante de son pays, que ce Joseph Kabila. Le jeune homme c’est le seul chemin qu’il peut désormais modeste, héritier d’un pouvoir dont personne emprunter. Surtout s’il souhaite qu’un quane peut affirmer qu’il le désirait vraiment, a trième Kabila puisse voir le jour… l JEUNE AFRIQUE
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POLITIQUE Peut-il rebondir ?
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CONFIDENCES DE Aubin Minaku, président de l’Assemblée nationale p. 68 OPPOSITION Oui, non, peut-être… p. 70 TRIBUNE Vital Kamerhe, président de l’UNC
p. 73
ÉCONOMIE Matata, docteur d’État p. 76 AGROALIMENTAIRE Résolutions vertes p. 82 ÉNERGIE Inga III : merci Pretoria p. 86
MÉDIAS Les infos, c’est sur Kyondo
p. 92
ÉDUCATION Bienvenue à Kinshasasur-Bosphore p. 95 REPORTAGE Papa Armand donne le « la » p. 100
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Le Plus de Jeune Afrique q Lors de la cl么ture des concertations nationales, au Palais du peuple de Kinshasa, le 5 octobre 2013.
POLITIQUE
Kabila peut-il
rebondir?
RD Congo À moins de trois ans de la fin de son deuxième – et, en principe, dernier – mandat, le président semble s’engager sur la voie de la réconciliation nationale. Mais entre une opposition méfiante et des promesses qui tardent à se concrétiser, le chemin est tortueux.
TRÉSOR KIBANGULA,
A
envoyé spécial à Kinshasa
u moment où l’on s’y attendait le moins, l’incertitude a repris le dessus en RD Congo. L’armée venait pourtant de remporter, début novembre 2013, une victoire historique sur les rebelles du Mouvement du 23-Mars (M23), qui sévissaient dans l’est du pays depuis plus d’un an. Un mois plus tôt, Joseph Kabila clôturait les concertations nationales, ce forum qui avait réuni à Kinshasa, du 7 septembre au 5 octobre, des représentants de la majorité, d’une bonne partie de l’opposition et de la société civile. Avec un seul mot d’ordre : « renforcer la cohésion nationale ». Et pour tirer les leçons de ces assises, le président avait même sorti le grand jeu, le 23 octobre, en annonçant des « mesures importantes » devant les deux chambres du Parlement. Témoins de l’événement, « l’accompagnateur » Denis Sassou Nguesso, chef d’État de l’autre Congo, et la Sud-Africaine Nkosazana Dlamini-Zuma, présidente de la Commission de l’Union africaine, venue en mission d’évaluation de l’accord-cadre d’Addis-Abeba (signé le 24 février 2013 par onze pays en vue de ramener la paix dans l’est de la RD Congo) et priée de prolonger son séjour afin d’assister à la déclaration présidentielle.
JUNIOR D. KANNAH/AFP
RAPATRIEMENT. Tranchant avec le discours solennel
sur l’état de la nation qu’il prononce chaque mois de décembre depuis son accession au pouvoir, en 2001, Kabila avait alors indiqué la nouvelle marche à suivre pour « améliorer le quotidien des Congolais et baliser l’avenir » du pays. « Pour changer le Congo, avait-il répété, nous devons d’abord nous-mêmes changer dans notre manière de vivre ensemble, de faire de la politique, de gérer l’État et la communauté nationale – bref, de vivre la démocratie. » L’annonce d’un chantier colossal, donc, où il était question à la fois d’ouverture politique, de professionnalisation de l’armée (indispensable face à la situation sécuritaire dans l’Est), de l’émergence d’une classe moyenne et de la lutte contre la corruption. Mais aussi de la réconciliation nationale, avec un accent particulier mis désormais sur le suivi (diplomatique, politique et même juridique) des dossiers des « compatriotes détenus [notamment] à la Cour pénale internationale », ainsi que le rapatriement du N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
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Le Plus de J.A. RD Congo corps de Mobutu Sese Seko, enterré au Maroc, et de celui de Moïse Tshombe, l’ancien président du Katanga sécessionniste puis Premier ministre du Congo, inhumé en Algérie. « Des annonces qui ressemblent à une opération de charme destinée à s’attirer de la sympathie », soupçonnait déjà Juvénal Munubo, député de l’Union pour la nation congolaise (UNC, dirigée par Vital Kamerhe, lire p. 73), seul grand parti de l’opposition, avec l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS, d’Étienne Tshisekedi), à bouder le processus de renforcement de la cohésion nationale engagé depuis les concertations et à réclamer l’ouverture d’un « vrai dialogue ». Près de trois mois plus tard, les « mesures importantes » présentées par le chef de l’État semblent être restées lettre morte. Et ce dernier est confronté à de nouvelles turbulences. Le 30 décembre, des attaques coordonnées ont été menées simultanément à Kinshasa, Lubumbashi (sud du pays) et Kindu (Est). KATANGAIS. Si, officiellement, les soupçons pèsent sur les adeptes du pasteur Paul-Joseph Mukungubila, candidat malheureux à la présidentielle de 2006, très hostile à Joseph Kabila qu’il considère comme un « Rwandais à la tête de la RD Congo », plusieurs observateurs n’écartent pas l’hypothèse d’une implication directe ou indirecte de certains politiciens cherchant à renforcer leur position. « Ce n’est pas un hasard si ces attaques sont intervenues quarante-huit heures seulement après le remplacement de John Numbi par Charles Bisengimana à la tête de la police », lâche un élu kinois, soulignant que « c’est un Katangais de plus qui est écarté du cercle de Kabila, après la mort accidentelle de Katumba Mwanke en 2012 ». Numbi est également cité dans le dernier rapport du groupe d’experts de l’ONU comme l’un des soutiens des miliciens indépendantistes Kata Katanga qui terrorisent la province méridionale du pays, surtout dans le « triangle de la mort » compris entre Manono, Mitwaba et Pweto. Joseph Kabila serait-il donc en butte au mécontentement des Katangais ? « Cela n’a rien à voir avec les événements de ces derniers jours », assure Séraphin Ngwej, ambassadeur itinérant du chef de l’État, précisant que le poste de commissaire général de la police n’a jamais été une chasse gardée des Katangais. Toujours est-il que le paysage politique est en pleine mutation (lire pp. 70-71). Les Libéraux démocrates (regroupement de partis d’opposition autour de Léon Kengo wa Dondo), le Mouvement de libération du Congo (MLC) et ses alliés semblent prêts à jouer le jeu. En face, le reste de l’opposition, plus que jamais fragilisée, tente de rebondir. Non sans difficultés. Les initiatives, comme Touche pas à mon 220 (référence à l’article 220 de la Constitution, qui N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
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p Membres des forces de sécurité près du siège de la Radio-Télévision nationale, cible d’une attaque le 30 décembre 2013.
interdit la modification des dispositions relatives au nombre et à la durée des mandats présidentiels) ou Coalition pour le vrai dialogue, ne manquent pas. Mais elles ont fait long feu. Dernière tentative en date, le 18 novembre 2013, avec la naissance d’un nouveau regroupement politique, Sauvons la RDC, autour de Vital Kamerhe, Nzanga Mobutu et Mbusa Nyamwisi, qui entend faire obstacle à tout projet de prolongation du mandat en cours au-delà de 2016. RECONSTRUCTION. Pourtant, depuis quelques
Selon un proche, « il réfléchit à l’héritage qu’il laissera au peuple congolais ».
mois, Joseph Kabila assène qu’il est « pour le respect de l’esprit et de la lettre de la Constitution ». Et certains de ses lieutenants assurent qu’il n’a pas l’intention de briguer un troisième mandat. « Cela ne fait pas partie de ses préoccupations immédiates, confie Séraphin Ngwej. Il réfléchit plutôt à l’héritage qu’il laissera au peuple congolais après avoir présidé à sa destinée pendant quinze ans, de 2001 à 2016. » Le jeune homme n’avait que 29 ans lorsqu’il succéda à son père, Laurent-Désiré, assassiné le 16 janvier 2001. « Il a trouvé un pays morcelé, qu’il a réunifié et remis sur la voie de la reconstruction, n’hésitant pas à partager le pouvoir avec les anciens chefs rebelles, rappelle Ngwej. L’Histoire retiendra également que c’est à son initiative qu’en 2006 les Congolais ont été appelés pour la première fois à élire leur président. » Malgré tout, la méfiance persiste. « Joseph Kabila doit déclarer ouvertement qu’il ne sera pas candidat à sa propre succession en 2016 », suggère Juvénal Munubo. Une démarche que les caciques de la majorité déconseillent fermement à leur champion. « Il faut attendre la fin du mandat pour se décider », estime Marcellin Cishambo, ancien conseiller spécial du chef de l’État, avançant l’éventualité d’une « demande du peuple », qui pourrait plébisciter « son » président. Il appartiendra à Joseph Kabila de faire le bon choix. « S’il se conforme à la Constitution, ce sera un précédent dans l’histoire de la RD Congo, souligne Delly Sesanga, député de Luiza (KasaïOccidental) et ancien du MLC qui a fondé son propre parti, Ensemble des volontaires pour le développement de la RD Congo (Envol). Il s’agirait là d’un vrai repère pour un pays qui n’en a plus. » l JEUNE AFRIQUE
Le Plus de J.A. RD Congo
TRIBUNE
Opinions & éditoriaux
Notre révolution de velours
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PHILIPPE BIYOYA MAKUTU Professeur de sciences politiques à l’université de Kinshasa (Unikin) et à l’université de Lubumbashi (Unilu)
E QUI RESSORT en premier lieu des concertations nationales qui se sont déroulées du 7 septembre au 5 octobre 2013, c’est l’impact du contexte politique régional sur la société congolaise. Violences armées, violations du droit international humanitaire, insécurité, instabilité, errance des populations civiles victimes des conflits, tensions dans les relations de voisinage… La somme de tous ces ingrédients, qui reviennent par cycles récurrents, a transformé le pays en théâtre permanent de crises et de guerres entre groupes armés nationaux et étrangers. Leurs conséquences tragiques ont déstructuré notre lien social, érodé notre solidarité nationale, laminé notre union. Ils ont creusé la fracture sociale dans une situation déjà difficile de pauvreté et de précarité. Ils ont aussi perverti les règles du jeu politique, dont les acteurs ont perdu tout ou partie de leur sens de l’engagement pour l’intérêt général de la nation et le bien-être des populations. Si notre territoire national résiste encore à la menace de balkanisation, nous avons depuis longtemps cessé d’être une société de frères et d’hommes égaux. Pour résoudre nos querelles et nos conflits, nous nous sommes même habitués à ce que des partenaires extérieurs nous dictent des solutions taillées à la mesure de notre incapacité à trouver nos propres réponses de manière autonome et pacifique. Cette tendance a été confortée par une culture d’opposition et de méfiance généralisée entretenue par les membres de la classe politique, qui se haïssent, se méprisent ou se désolidarisent, quand la population attend qu’ils fassent front commun et se dévouent à la cause nationale. Cette guerre de tous contre tous a gagné. Elle a infecté notre pratique du pouvoir sans que l’on s’en aperçoive. Elle a ruiné l’efficacité de nos institutions. Et, pour finir, notre société.
la solidarité nationale. Mais cela passera obligatoirement par la réaffirmation du rôle de l’État en tant que protecteur et garant du bien-être individuel et collectif, ainsi que de la sécurité humaine et politique. Pour sortir du désordre et de l’idéologie du « chacun pour soi et Dieu pour tous », d’importantes réformes s’imposent. Elles devront d’abord s’attacher à restaurer le champ politique, en en révisant les règles. À cet égard, le Parlement devra se saisir de la réforme de la loi sur les partis. Il nous faut inventer une démocratie consensuelle et inclusive, qui assure que les gagnants et les perdants d’un scrutin participent tous à la gestion de la République. L’objectif est de rendre aux élections leur fonction arbitrale, alors qu’elles sont aujourd’hui réduites à la cristallisation des antagonismes ou des frustrations. Pour cela, elles doivent redevenir légitimes, donc dignes de confiance, ce qui ne pourra se faire sans crédibilité et sans son indissociable pendant, la compétence. Sur le plan social également, la cohésion nationale exige des réformes majeures et des mesures concrètes dans les domaines de l’éducation, de la santé, du logement, des transports et de l’emploi, afin d’organiser la solidarité et de définir la conception des droits sociaux.
Une « refraternisation » des élites et un retour de la solidarité nationale : c’est aujourd’hui notre rêve.
L’exercice auquel nous nous sommes soumis laborieusement pendant vingt jours nous a brusquement fait comprendre ceci: nous avons manqué d’un modèle social, d’un projet de société qui soit l’expression du vivre-ensemble et qui ancre notre cohésion nationale. Cet électrochoc nous permet aujourd’hui de rêver à une « refraternisation » des élites dirigeantes et à un retour de N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
Cette révolution s’articule autour de deux axes. D’une part, il faut rendre gratuit l’enseignement primaire si l’on veut éradiquer l’analphabétisme. D’autre part, l’État, ayant pour obligation de soigner ses citoyens, va devoir mettre en place un système sanitaire couvrant l’ensemble du territoire pour assurer à tous et partout un traitement égalitaire. Ce système devra en outre permettre une identification individuelle, unique et définitive prouvant l’appartenance de chacun à la société congolaise, et imposer la solidarité à travers une cotisation ou une contribution financière obligatoire proportionnelle aux revenus. Unissons-nous dans la gestion des responsabilités au sein des institutions, afin de faire entrer dans l’Histoire cette nouvelle vision de l’avenir. Un avenir meilleur pour tous les Congolais. l JEUNE AFRIQUE
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Le Plus de J.A. RD Congo CONFIDENCES DE
Aubin Minaku Président de l’Assemblée nationale « Kabila respectera la Constitution »
L
e président de l’Assemblée nationale, Aubin Minaku, 49 ans, député du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD, au pouvoir) et secrétaire général de la majorité présidentielle, a coprésidé avec son homologue du Sénat, Léon Kengo wa Dondo, les concertations nationales. Du 7 septembre au 5 octobre 2013, ces assises ont réuni à Kinshasa les représentants de la majorité, de l’opposition et de la société civile (lire pp. 62-64). Elles ont abouti à la formulation de plus de 600 recommandations, parmi lesquelles la formation d’un gouvernement d’ouverture. JEUNE AFRIQUE : Les concertations nationales ont-elles réussi à renforcer la cohésion du peuple congolais ? AUBIN MINAKU : La
gouvernance économique, la justice sociale ainsi que la situation sécuritaire dans le Kivu et en Ituri, dans la Province orientale. Car aujourd’hui, dans un contexte de guerre d’agression dans l’est du pays, le souci majeur des Congolais est que tout soit mis en œuvre pour ne pas perdre un seul centimètre carré de territoire national. C’est pourquoi nous avons décidé de travailler ensemble, majorité et opposition, à restaurer l’autorité de l’État.
A priori, Joseph Kabila ne sera donc pas candidat à la présidence en 2016. Et vous ?
Certains observateurs estiment que le pouvoir a organisé ces assises dans le seul but de préparer le terrain à un gouvernement d’ouverture et ainsi de diviser l’opposition. Que leur répondez-vous ?
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S’il y a un Congolais qui n’est pas surpris, c’est bien Joseph Kabila. C’est lui qui a amené le peuple, par référendum, à adopter les dispositions constitutionnelles, du premier au dernier article. Il en est le garant, il les respecte et les fera toujours respecter. La surprise est grande, en revanche, pour ceux qui voudraient faire de la remise en question de cet article un fonds de commerce politicien.
De notre côté, si nous devons tenir l’échéance de la prochaine élection présidentielle en 2016, il faut tout mettre en place pour que les scrutins à venir soient le plus crédibles possible. C’est l’impératif numéro un. Dans cette optique, les préconisations ont été, entre autres, d’organiser un recensement de la population, d’établir des cartes d’identité et de structurer la Commission électorale nationale indépendante de façon plus cohérente.
cohésion nationale ne se décrète pas, elle se parfait jour après jour. Lors de ces concertations, nous avons dressé un état des lieux sans complaisance du pays. Cela nous a permis de poser certains principes fondamentaux, qui contribueront à étoffer et à faire grandir la cohésion entre les Congolais.
Qu’il n’est pas correct de limiter la portée des conclusions de ces concertations nationales à ce seul aspect. Il s’agissait d’une perspective globale. Nous avons formulé de nombreuses autres recommandations importantes, qui concernent notamment le processus électoral, la
L’article 220 de la Constitution, qui empêche le président Kabila de briguer un troisième mandat en 2016, n’a pas été évoqué lors des concertations. Beaucoup s’en sont étonnés…
Majorité et opposition doivent travailler ensemble à restaurer l’autorité de l’État.
JUNIOR D.KANNAH/AFP
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p Élu du PPRD (au pouvoir), il a coprésidé les concertations nationales.
La RD Congo compte près de 75 millions d’habitants. Combien d’entre eux, peut-être plus doués que moi, ont eu l’occasion de devenir président de l’Assemblée nationale ? Très peu. Si j’en suis là aujourd’hui, c’est parce que j’ai toujours fait preuve de discipline au sein de ma famille politique. L’essentiel pour moi est donc de continuer à exercer avec zèle ce mandat exaltant qui m’a été confié. l Propos recueillis à Kinshasa par TRÉSOR KIBANGULA JEUNE AFRIQUE
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Le Plus de J.A. RD Congo
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tp De gauche à droite et de haut en bas : Étienne Tshisekedi, Vital Kamerhe et des partisans de Léon Kengo wa Dondo lors de la présidentielle de 2011.
PHOTOS : GWENN DUBOURTHOUMIEU POUR J.A.
dialogue avec l’opposition, afin d’envisager la formation d’un gouvernement d’ouverture. Les débauchages prévus pour constituer cette nouvelle équipe promettent d’affaiblir un peu plus l’opposition. Revue de détail.
UFC Compromis(sions) OPPOSITION
Oui, non, peut-être… Face aux ouvertures du pouvoir, les uns sont tentés, d’autres hésitent, d’autres enfin persistent dans leur refus de tout compromis. Une chose est sûre : les adversaires de Kabila sont divisés.
C
ela fait tout juste deux ans. Lors de la dernière présidentielle, le 28 novembre 2011, le camp de Joseph Kabila, le chef de l’État sortant, avait imposé un scrutin à un tour, qui enfermait l’opposition dans une alternative simple : s’unir, ou voir ses chances de l’emporter fortement réduites. Faute d’avoir réussi à se rassembler, l’opposition a échoué. Fidèle à lui-même et sûr de ses chances de triompher seul, Étienne Tshisekedi, éternel leader de l’opposition radicale, avait recueilli 32,3 % des suffrages. Outre Kabila (vainqueur du scrutin avec 48,9 % des voix), il affrontait Vital Kamerhe (7,7 %), président de l’Assemblée nationale entre 2006 et 2009, Léon Kengo wa Dondo (4,9 %), actuel président du Sénat, et sept autres N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
candidats. Quant aux membres du Mouvement de libération du Congo (MLC), ils ont cru jusqu’au bout que leur champion, Jean-Pierre Bemba, qui comparaît devant la Cour pénale internationale (CPI), serait libéré à temps. En son absence, ils n’ont pas voulu désigner de candidat, ni donner de consignes de vote. L’opposition présentera-t-elle un front plus uni en 2016, date à laquelle devrait se tenir la prochaine élection présidentielle ? Ces deux dernières années, elle s’est au moins rassemblée sur un point : le rejet de Joseph Kabila avec, dans l’attitude la plus radicale, Étienne Tshisekedi. La tension s’est sensiblement apaisée depuis l’organisation des concertations nationales (lire pp. 62-64), dont l’un des principaux objectifs était de renouer le
L’homme qui avait annoncé la formation d’un gouvernement de cohésion nationale avant même le début des concertations n’est autre que le président du Sénat, Léon Kengo wa Dondo. Le chef de l’Union des forces du changement (UFC), 78 ans, fut à plusieurs reprises Premier ministre du maréchal Mobutu dans les années 1980 et 1990. Kengo wa Dondo a accepté non seulement de participer aux discussions, mais aussi de les coprésider. Un gage d’ouverture au dialogue qui devrait permettre à son parti d’entrer au gouvernement.
UNC Fermeté Ancien proche de Kabila, ex-secrétaire général du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD, au pouvoir), Vital Kamerhe, 54 ans, a quitté la majorité présidentielle en 2009 avant de fonder l’Union pour la nation congolaise (UNC) l’année suivante. Ayant refusé catégoriquement de participer aux concertations nationales, il veut se positionner pour la prochaine élection présidentielle comme l’un des hommes forts d’une opposition non JEUNE AFRIQUE
Le grand réveil compromise avec le pouvoir, notamment au sein de la Coalition pour le vrai dialogue (CVD). Reste que la jeune UNC manque de moyens et d’un ancrage territorial en dehors de la province natale de son leader, le Sud-Kivu. Cependant, la plateforme Sauvons la RDC, que Kamerhe a fondée en novembre avec Nzanga Mobutu, Mbusa Nyamwisi et les Forces acquises au changement (FAC) de Martin Fayulu pour s’opposer à toute velléité de Kabila de briguer un troisième mandat, pourrait élargir sa base.
UDPS Incertitudes Le principal opposant n’est autre que le leader de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), Étienne Tshisekedi, 81 ans, qui s’était proclamé vainqueur de la présidentielle de 2011. S’il a lui aussi refusé de prendre part aux concertations nationales, certains élus de son parti y ont siégé à titre individuel.
Faut-il y voir un déficit d’autorité de sa part ? Tshisekedi paraît en tout cas trop affaibli pour mener une nouvelle campagne. La question de son éventuelle succession devrait se poser lors du prochain congrès du parti, en 2015, si une session extraordinaire n’est pas organisée avant. Aucun successeur naturel ne s’est pour l’instant imposé, même si quelques noms circulent, notamment celui de Valentin Mubake ou celui de son propre fils, Félix Tshisekedi. Mais l’opposant historique est un personnage à part sur l’échiquier politique congolais. À supposer que l’UDPS résiste à son éventuelle retraite, l’aura du parti en souffrirait forcément.
MLC Suspens La problématique est toute autre pour le Mouvement de libération du Congo. Avec Jean-Pierre Bemba, le parti dispose d’un leader incontesté, dans la force
de l’âge (51 ans) et indéniablement populaire, y compris hors de sa province d’origine, l’Équateur. Seul hic : il est détenu à La Haye depuis 2008. Après avoir exprimé quelques réticences, son parti a finalement pris part au forum national. Cette décision puis la volonté affichée par Kabila d’assurer « le suivi [des] dossiers » des Congolais détenus à la CPI avaient laissé entrevoir un possible compromis avec le pouvoir. Mais un événement a changé la donne : l’arrestation, fin novembre 2013, du député Fidèle Babala, bras droit de Jean-Pierre Bemba, extradé par Kinshasa vers La Haye, qui le soupçonne de « subornation de témoins ». En plus de tendre les relations du MLC avec le pouvoir, cette arrestation a fait s’éloigner les chances de libération rapide de Bemba, lui aussi mis en cause dans cette nouvelle affaire. Les cadres du mouvement assurent qu’ils présenteront, quoi qu’il en soit, un candidat à la prochaine présidentielle. l PIERRE BOISSELET, envoyé spécial
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RD Congo Le grand réveil
TRIBUNE
Opinions & éditoriaux
Rendez-vous en 2016
VINCENT FOURNIER/J.A.
L VITAL KAMERHE Président de l’Union pour la nation congolaise (UNC), ancien président de l’Assemblée nationale
E PREMIER PROBLÈME DE LA RD CONGO depuis son accession à la souveraineté, le 30 juin 1960, reste celui de l’absence d’un leadership visionnaire, rassembleur et responsable. Dès le départ, nous avions fait fausse route. Avec la promulgation de la Constitution de 1960, chaque leader avait transformé sa tribu, son ethnie, en parti politique. Autour de ces regroupements s’arrimaient des petites constellations claniques.Tous avaient un point commun : pas de projet de société. Il est donc clair que le premier problème du pays est l’homme politique congolais lui-même : le pouvoir pour soi, sa famille, sa tribu, son clan et sa province. Très peu de ces responsables publics dépassent le niveau de l’intérêt provincial. Second problème : l’État congolais. Un seul homme dicte sa loi au reste de la République. Hier, le maréchal Mobutu, guide éclairé ; aujourd’hui, le raïs Joseph Kabila, père de la nation. Dans les deux cas, la parole du guide ou du raïs a force de loi. En 2011, Joseph Kabila a été fait roi par le pasteur Ngoy Mulunda, malgré les graves irrégularités qui ont entaché le scrutin.
des Nations unies en RD Congo, s’est dite disposée à financer ces élections. Le gouvernement n’a donc pas d’autre choix que d’apporter son propre financement afin de ne pas être ridicule le moment venu. Faut-il rappeler que la Constitution prévoit la tenue d’un scrutin présidentiel quatrevingt-dix jours avant la fin du mandat du chef de l’État sortant ? Un vide du pouvoir est donc exclu. L’imbroglio institutionnel dans lequel nous nous débattons est dû à la suppression du second tour de l’élection présidentielle. La dernière révision constitutionnelle a donc porté un coup dur au bon fonctionnement de l’État. En l’absence d’élections provinciales et sénatoriales depuis 2006, le Sénat et les assemblées provinciales ont perdu toute légitimité.
Afin de sortir de cette impasse et d’amorcer enfin un véritable processus de cohésion nationale, la signature d’un acte d’engagement entre toutes les parties sur la tenue des élections nationales avant le 19 décembre 2016, comme l’exige la loi, est indispensable. Nous mettons en garde le gouvernement contre toute tentative d’assèchement financier de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) pour alléguer, le moment venu, l’impossibilité d’organiser ce scrutin.
sénateurs et de gouverneurs. Et qu’à partir de là soient planifiés les scrutins suivants – locaux, municipaux et urbains.
Au sujet du calendrier électoral, la logique voudrait qu’il soit rapidement mis fin à ce désordre et que, au cours de l’année 2014, soient organisées des élections provinciales, d’où sortiront des assemblées électrices de
S’il ne veut pas se ridiculiser aux yeux du monde, le gouvernement doit financer nos prochaines élections.
Il convient de remercier la communauté internationale, qui, par la bouche de Martin Kobler, le représentant du secrétaire général JEUNE AFRIQUE
Les institutions ne valent que par l’usage que l’on en fait. Plus elles s’inscrivent dans la durée, plus elles sont acceptées de la population. Il faut donc éviter des révisions intempestives au gré des intérêts des gouvernants du moment. Le système de la représentation proportionnelle au plus fort reste est le mieux adapté à notre pays, mosaïque de quelque 453 tribus. Il assure la meilleure représentation de tous, notamment au sein de l’Assemblée nationale, et ne doit donc pas être changé. l N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
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PUBLI-INFORMATION
Un chevronné des opérations bancaires à la tête de la Banque Centrale du Congo
Deogratias Mutombo,
Pour une Vision dynamique et émergente de la Banque Centrale du Congo
S
ourire accueillant, sous un naturel calme, humble et très réservé, Deogratias Mutombo Mwana Nyembo, actuel Gouverneur de la Banque Centrale du Congo, se révèle être un homme d’une force interne très profonde. Travailleur, il ne quitte pas son bureau sans avoir fini ce qu’il a commencé. Dans sa vision, les réformes se conjuguent avec le travail bien fait. Ce qui fait de lui un réformateur pragmatique de la Banque Centrale du Congo.
Parcours d’homme formé dans la Banque Forgé à la Direction des Opérations Bancaires et des Marchés de la Banque Centrale où il accède en 2010 en qualité de Directeur, après un parcours de près de vingt ans qui l’a, tour à tour, amené de la Direction des changes (Chef de Bureau en 1991, Chef de Bureau Principal, Chef de Service Adjoint, Chef de Service, Directeur-Adjoint chargé des Opérations en 2003), à la Direction des Services Etrangers (Directeur en 2008) en passant par la Direction de la Comptabilité (Directeur-Adjoint en 2005), ce diplômé des sciences économiques connaît la banque comme la banque le connaît. Il y a fait toute sa carrière. Gorgé d’expérience acquise après plusieurs formations, notamment sur la Gestion des Réserves à la Banque des Règlements Internationaux (Suisse – Bâle) et à la Banque Nationale de Belgique, ce natif de Kongolo, dans le Katanga, a conduit plusieurs missions à la Southern African Development Community « SADC » et auprès de la Banque des Etats d’Afrique Centrale « BEAC ».
Expérience professionnelle cosmopolite Dans les méandres de l’imposant immeuble de la Banque Centrale du Congo, on sait facilement suivre les traces de l’homme : Chargé du Séminaire sur les opérations de change et la gestion des réserves, Président du Comité de pilotage de l’implémentation des logiciels de la salle des Marchés (Flexcube et Acumen), cheville ouvrière de l’informatisation de la Banque Centrale du Congo, membre du Comité de pilotage du logiciel Navision (système comptable et financier de la Banque Centrale du Congo). Les empreintes de Deogratias Mutombo à la BCC sont quasi-ineffaçables. Président du Comité de rédaction du texte sur la règlementation de change en République Démocratique du Congo en 2003, Président du Comité de Pilotage du projet d’automatisation des opérations de change (ISYSDDR), Président de la rédaction de la convention sur le fonctionnement du marché des changes en RDC, Président du Comité de Modernisation de la Chambre de Compensation (ISYS Télécompensation), membre de la commission mixte de coopération bilatérale entre la RDC et le Zimbabwe, membre du comité de rédaction des accord-cadre entre la RDC et la Chine. Son savoir-faire est manifeste. Alors Chef de Service, il remporta en 2001 le Prix de la Bourse Game organisée par la City Bank, à Abidjan en Côte d’Ivoire, après un test dans une langue étrangère. Le couronnement de sa carrière, mieux, de son implication dans tous les fronts bancaires, est sa nomination à la tête de l’Institut d’Emission, le 14 mai 2013.
La RDC connaît, depuis près d’une décennie, une croissance économique se situant autour de 6 %. Quoique cette croissance soit parmi les plus fortes d’Afrique, elle est encore largement insuffisante pour résorber l’important réservoir de main d’œuvre en chômage dans ce pays et pour y réduire significativement la pauvreté. Par ailleurs, cette croissance dérive essentiellement du secteur minier ; secteur peu créateur d’emplois en RDC et faiblement connecté aux autres secteurs de l’économie congolaise. Dans ces circonstances où le secteur minier ne pouvant pas impulser des réactions en chaîne pour enclencher une expansion générale de l’économie, et où le secteur monétaire et financier - encore marqué par les efforts de rattrapage d’un retard économique dû à plusieurs décennies d’incurie, fragile et au demeurant gangréné par la dollarisation - il s’avérait donc nécessaire de donner à ce dernier secteur des nouveaux défis et un nouveau challenge. C’est ce que le nouveau management de la Banque Centrale du Congo s’emploie à réaliser en vue de fournir aux entreprises les ressources dont elles ont besoin pour accroître l’échelle de leurs activités, et concrétiser ainsi l’accompagnement du gouvernement congolais dans la matérialisation de la «Révolution de la Modernité » initiée par le Président congolais Joseph Kabila.
L
’actuel Gouverneur de la Banque Centrale du Congo « BCC », M. Deogratias Mutombo Mwana Nyembo, qui fut pendant longtemps un des experts de cette banque, hérite d’une institution qu’il connaît à fond. A la tête de cette institution depuis le 14 mai 2013, sur fond de la volonté de changement du Chef de l’Etat congolais, Joseph Kabila, Deogratias Mutombo y est en train d’imprimer une vision dynamique et émergente. Si la Banque Centrale du Congo a jusque-là maîtrisé la valeur de la monnaie nationale face aux devises étrangères et dompter l’in!lation, il n’en reste pas moins vrai que de nombreux dé!is sont encore à relever : la recapitalisation de la banque, l’amélioration de la qualité morale des pratiques bancaires, le renforcement de l’ef!icacité et de l’ef!icience, la mise sur orbite de la Banque Centrale du Congo aux standards internationaux de gestion et de transparence bancaire… Et pour asseoir ces nouveaux dé!is face à un contexte économique international mouvant et fragile, l’actuel Gouverneur de la BCC mise à la fois sur la poursuite des
réformes entamées au sein de son institution, en y mettant une bonne dose de pragmatisme, et sur sa nouvelle vision.
Rationalisation de la gestion
Dès sa prise de fonction, Deogratias Mutombo avait donné le ton de son mandat. La rationalisation du management et de la gestion !inancière de la Banque Centrale était à l’ordre du jour. Depuis, les actions du Gouverneur sont marquées par la maîtrise du coût de fonctionnement de l’institution et l’optimisation de la gestion de ressources en vue de restaurer durablement son autonomie !inancière. Pour y arriver, la BCC s’est lancée dans un processus d’accumulation des excédents budgétaires en vue de reconstituer ses marges de trésorerie. Certaines dépenses internes ont été comprimées et certains contrats avec des tiers annulés. La BCC a ainsi pu dégager des ressources supérieures à sa masse salariale mensuelle, sans conséquence sur son fonctionnement quotidien normal. Cette reconstitution des marges de manœuvre viserait à terme
le renforcement de l’indépendance de la Banque Centrale, notamment en matière de politique monétaire.
En outre, l’application de l’une des mesures de dédollarisation de l’économie congolaise contenue dans la matrice de cette réforme et consistant à payer tous les résidents en Francs congolais a permis de dégager un excédent mensuel équivalant à plus de 50 millions USD au mois de septembre 2013. Ce qui augure des lendemains prometteurs. Optimiste, Deogratias Mutombo pense qu’il faut continuer sur cette lancée en vue d’accumuler des réserves budgétaires et des changes importants sous forme de ce qu’il quali!ie de « garanties pour imprévus ». Toutes les réformes en cours doivent être accompagnées des mesures macroéconomiques d’ajustement, du fait d’un contexte international incertain. Pour lui, ces performances doivent être poursuivies et se traduire par davantage d’opportunités d’investissement et d’emploi pour mieux répondre aux attentes de la population congolaise, notamment de la jeunesse. Dans sa ligne de mire, Deogratias vise aussi le renforcement de la stabilité du secteur !inancier en vue d’une meilleure
de 8% alors que les prévisions pour l’année 2013 sont de l’ordre de 8,2%. Ce qui, à entendre le Gouverneur de la Banque Centrale du Congo, est très encourageant. Le Gouverneur de la BCC estime par ailleurs que la diversi!ication de l’économie est devenue un axe majeur pour une croissance inclusive et plus forte. La BCC va user de tous les moyens à sa disposition pour soutenir l’économie et n’exclut pas la mise en oeuvre dans son cadre opérationnel d’un guichet de prêts à moyen et long termes en faveur des banques et que ces dernières devront s’engager à !inancer les PME congolaises. Cette réforme est également destinée à encourager l’entreprenariat local. Par ailleurs, le processus actuel de modernisation de la centrale des risques, en améliorant la gestion des informations sur les béné!iciaires et les demandeurs des crédits, va dans le sens d’améliorer le !inancement bancaire de l’économie.
Mise en place d’une Bourse de valeur
Deogratias Mutombo Mwana Nyembo Gouverneur de la BCC
Protection et Promotion de l’Epargne Une étude est actuellement en cours sur la qualité des services !inanciers, les raisons profondes de la faiblesse de la bancarisation, les conditions d’octroi de crédit et l’examen des bilans des banques. La !inalité étant de promouvoir l’inclusion !inancière et l’élargissement de l’accès aux services bancaires, particulièrement au crédit. Et ce n’est pas pour rien que les missions de contrôle et de véri!ication auprès des banques et des institutions !inancières du système décentralisé se sont intensi!iées au cours des quatre derniers mois en vue d’identi!ier les risques potentiels dans les bilans des institutions !inancières et de régler les problèmes avant qu’il ne soit tard. Sur ce plan, « La Banque Centrale du Congo travaille également pour appuyer les activités de crédit en vue de soutenir les secteurs privés parce que le pays a besoin d’une classe moyenne émergente », a-t-il déclaré. Concernant la croissance économique, les réalisations de production à !in août en RDC font ressortir une projection
Etant donné que la taille des dé!is et des enjeux requiert un !inancement plus important, la Banque Centrale et le gouvernement ont engagé une véritable ré!lexion sur la problématique de la mise en place, au niveau local, d’une bourse de valeur. Au mois d’août dernier, une équipe de projet piloté par la Banque centrale, mais ayant un caractère interinstitutionnel, a été mise en place pour dé!inir la stratégie et la feuille de route devant permettre la réalisation de cet objectif, à moyen et long terme. Dans cette synergie, la BCC accélère actuellement l’exécution de son projet de modernisation du système national de paiement a!in de booster le dévéloppement du système !inancier national. « Si le chantier est ambitieux, il est néanmoins réalisable », pense-t-on à la Banque Centrale du Congo. Un clin d’œil rétrospectif révèle que les avancées réalisées au cours de dix dernières années, à la faveur d’un effort soutenu de la Banque Centrale et du gouvernement congolais, grâce à une coopération interinstitutions harmonieuse, étaient classées par tous, vingt ans plus tôt, au rang de rêve chimérique. Aujourd’hui en RDC, le rêve d’une monnaie stable étant devenu réalité, place désormais au rêve d’une émergence du système !inancier national et d’une croissance forte et pérenne. L’avenir nous en dira plus.
■
Réalisation : Banque Centrale du Congo
Dédollarisation et Accumulation des réserves
protection de l’épargne du public et d’une allocation ef!iciente des ressources. Au regard des conséquences de la récente crise !inancière internationale et des recommandations de la mission conjointe du FMI et de la Banque Mondiale d’octobre dernier en RDC, qui a procédé à une évaluation globale du secteur !inancier, le Gouverneur tient à renforcer l’ensemble du dispositif de protection de l’épargne con!iée aux institutions !inancières.
Photo BCC
L’amélioration de la crédibilité et de l’image de la Banque Centrale auprès du public, en plus de la conduite progressive de l’économie congolaise vers la dédollarisation, avec pour fondement la pérennisation de la stabilité monétaire, constituent aussi l’un des axes fondamentaux des actions du gouverneur. Cette pérennisation de la stabilité monétaire devrait permettre la maîtrise des anticipations in!lationnistes à travers un taux d’in!lation à un chiffre l’an et un taux de change stable. Déjà, les effets du renforcement de l’encadrement de la politique monétaire se font sentir, grâce à la conjonction des efforts avec le Gouvernement en ce qui concerne la coordination de la politique budgétaire et l’appui des partenaires au développement. L’in!lation en 2013 tourne autour de 1 % alors qu’elle s’est située à 2,7 % en 2012, contre une moyenne de 18,5 % entre 2002 et 2011. Ainsi, la banque centrale est en train d’imprimer une stabilité remarquable au franc congolais, la monnaie nationale. Au cours de quatre dernières années, le franc congolais n’a connu qu’une dépréciation de 1,1 % et l’écart des taux de change entre les marchés formel et informel, qui pouvait dépasser les 100 % il y a une douzaine d’années, a presque disparu. Cette stabilité du Franc congolais, soutenue par les efforts pour l’amélioration globale du climat des affaires et les réformes successives menées par la BCC, se traduit sur terrain par la relance des activités bancaires, subséquente à la création des conditions d’un fonctionnement normal du système monétaire et !inancier national.
Photo BCC
Pérennisation de la Stabilité Monétaire
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Le Plus de J.A. RD Congo ÉCONOMIE
Matata, docteur d’État Inflation, chômage, finances publiques… Le Premier ministre n’a pas de recette magique, mais la cure d’assainissement qu’il a prescrite au pays commence à porter ses fruits.
L
a République démocratique du Congo est un cas à part. Dans aucun autre État au monde il n’existe un fossé aussi profond entre d’extraordinaires ressources agricoles, forestières, minières et énergétiques, et une terrible misère (qui frappe 70 % de ses quelque 70 millions d’habitants). Qualifié de « scandale géologique » en raison de la richesse inexploitée de son sous-sol, ce pays est un scandale tout court. Il n’y a qu’à observer ses infrastructures en déshérence, les prédations affectant tant ses familles que le budget de l’État, ou le manque de qualification de sa main-d’œuvre, qui annule l’avantage des faibles coûts salariaux de celle-ci. Pou r t a nt, p l u s i e u r s é l é m e nt s indiquent que quelque chose est en train de changer. La rébellion du Mouvement du 23-Mars (M23) semble vaincue dans l’Est. La capitale, Kinshasa, est plus propre. La plupart des fonctionnaires touchent désormais la totalité de leur solde, qui leur est versée, sans retard, sur un compte bancaire (lire p. 78). Selon les estimations, le taux d’inflation était inférieur à 1 % à la fin de 2013. Le taux de change du franc congolais par rapport au dollar est stable. L’Afrique du Sud et les bailleurs de fonds internationaux sont en passe de signer un accord pour la relance du mégaprojet hydroélectrique Inga III (lire pp. 86-87). Enfin, la croissance s’accélère (lire l’encadré).
IMPULSION . Augustin Matata Ponyo Mapon, le Premier ministre, n’est pas étranger à ces améliorations. Nommé le 18 avril 2012 par un Kabila soucieux de rassurer la communauté internationale après l’élection présidentielle chaotique de novembre 2011, l’ancien ministre des Finances a surpris en se livrant à une entreprise d’assainissement des mœurs économiques congolaises, un peu comparable à celle que Mario Monti a conduite pour éviter un effondrement de l’Italie. Ce qui compte, finalement, c’est qu’Augustin Matata Ponyo a donné N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
une impulsion dans la bonne direction, que tous les observateurs étrangers applaudissent. Quand il est arrivé à la primature, il y a pourtant trouvé une belle pagaille : ses rendez-vous étaient monnayés par le service du protocole ; des ministres empêchaient, en arrivant en retard au Conseil, tout vrai travail gouvernemental… Menacé de mort, il a néanmoins persévéré dans la rigueur, refusant notamment le doublement de la rémunération des députés. La remise à plat du budget de l’État a permis de réduire des dépenses calamiteuses et de récupérer quelque 450 millions de dollars (environ 330 millions d’euros), désormais affectés à des investissements publics dans l’éducation, les routes et les hôpitaux. Pour rassurer les investisseurs et les entrepreneurs, déjà ravis de la création d’une TVA, le Premier ministre a également fait adhérer la RD Congo à l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada). Le taux de l’impôt sur les sociétés a été réduit. Affligé de voir son pays classé
commente un observateur étranger. Ces progrès lui ont en effet valu l’attention de Washington et de Bruxelles, qui ont alors exercé une forte pression sur les Rwandais pour que ceux-ci cessent leur soutien à la rébellion en territoire congolais. D’autre part, la bancarisation progressive a garanti aux soldats un paiement « Il faut réussir à susciter intégral et régulier de des vocations d’entrepreneurs leur solde : leur ardeur au au sein de la classe moyenne. » combat n’a pu qu’en être renforcée… » ROMUALD WADAGNI, associé du cabinet Deloitte France parmi les derniers des 189 auscultés par la Banque mondiale dans son rapport annuel « Doing Business », Matata a tenu tous les mois une réunion des ministres concernés afin de régler l’un après l’autre les divers problèmes rencontrés par les entrepreneurs (permis de construire, raccordement à l’électricité, embauches, justice commerciale, etc.). Finalement, un guichet unique a été créé en vue de simplifier les formalités, depuis la création d’une entreprise jusqu’à sa liquidation. « On peut même penser que, bien qu’il n’ait pas la responsabilité de l’armée, les résultats économiques obtenus par le Premier ministre ont contribué aux succès militaires au Kivu,
OBSTACLES. Des progrès ont donc été
accomplis même si l’on est loin du conte de fées. « Les améliorations sont réelles, mais les effets ne se voient pas encore, résume Romuald Wadagni, associé responsable des activités en RD Congo du cabinet d’audit et de conseil Deloitte France. De plus en plus d’investisseurs s’intéressent au pays, qui multiplie les grands projets miniers et énergétiques, mais les entreprises nous demandent toujours de l’aide pour surmonter des obstacles administratifs. Il faudra du temps pour que la situation se normalise. » Quels défis attendent Matata et ses successeurs ? « Il faudra améliorer la formation, répond Wadagni, parce que les JEUNE AFRIQUE
Le grand réveil t Mal noté par la Banque mondiale, Kinshasa tente d’alléger les contraintes pesant sur les entrepreneurs.
plutôt que d’entreprendre. » Résultat : la RD Congo importe à peu près tout ce qu’elle consomme, soit l’équivalent, chaque année, de 1,3 milliard de dollars de produits, alors que seuls 10 % de ses terres arables sont cultivés (lire pp. 82-83)… « C’est en améliorant la qualification de sa main-d’œuvre et en comptant davantage de chefs d’entreprise, plutôt qu’en instaurant des taxes à l’importation, que le pays favorisera les produits locaux », conclut Wadagni.
JUNIOR D. KANNAH/AFP
PLÉTHORIQUES . Ajoutons quelques
étudiants ne savent pas grand-chose à la sortie de l’université » (lire p. 96), surtout dans le domaine des technologies indispensables au secteur industriel. « Autre chantier : réussir à susciter des vocations
d’entrepreneurs au sein de la classe moyenne », poursuit-il. Le Premier ministre lui-même le reconnaît : « Les Congolais préfèrent travailler comme employés dans des sociétés étrangères
travaux d’Hercule au programme du gouvernement. La lutte contre la corruption passe par la reprise en main de l’administration fiscale, qui effectue toujours les redressements de manière aléatoire. Mais l’épuration ne suffira pas, comme le montre l’exemple du port de Matadi (Bas-Congo), toujours inefficace malgré les mesures prises pour y réduire un personnel pléthorique. Encore faudrait-il aussi des infrastructures en état de marche, des unités productrices d’électricité fonctionnant plus qu’à la moitié de leur capacité (lire p. 86) et des coûts de transport (routes, l l l
DERNIÈRES NOUVELLES DU FONDS À LA SUITE de la mission de ses experts à Kinshasa, du 18 au 22 novembre é2013, le Fonds monétaire international (FMI) a revu à la hausse son estimation de croissance pour le pays en 2013 : 8,3 %, au lieu des 6,2 % prévus dans son rapport d’octobre. « Cette révision est due à une PIB (En milliards de dollars, à prix courants. Éch. de gauche) 25
20 15 10 5 0
7,2 * prévisions
11,2
13,1
production de cuivre plus importante qu’escompté, qui compense le recul de celles de cobalt et de diamant, ainsi qu’à une hausse sensible des activités dans le commerce et la construction », explique Oscar Melhado, représentant résident du FMI à Kinshasa.
La production de cuivre devrait en effet s’établir à 750 000 tonnes pour 2013, en hausse de 20 %. « Le pays pourrait enregistrer un taux de croissance à deux chiffres à moyen terme », précise Melhado. Peut-être dès cette année, si les récents investissements dans
CROISSANCE (Variation du PIB réel à prix constants, en %. Éch. de droite)
6,9 15,8
7,2
8,3
8,7
18,7
20,3
8 6
17,25
4
2,8 2009
10
2010
2011
2012
2013*
2014*
2
SOURCES : MINEFI, FMI (NOVEMBRE 2013) JEUNE AFRIQUE
l’agro-industrie permettent de relancer solidement l’activité (lire pp. 82-83), sinon en 2015. Le gouvernement vise en effet une croissance de 10,5 % dans deux ans – conforme aux prévisions du FMI, à 10,3 % –, tirée par les secteurs des mines, de l’agriculture, du BTP, des télécoms et du commerce. En attendant, le taux d’inflation à la fin de 2013 devrait s’établir à 0,99 %, mieux que l’objectif fixé de 4 %. Quant aux réserves de change, elles dépassaient 1,7 milliard de dollars (plus de 1,2 milliard d’euros) fin novembre 2013, l’équivalent de deux mois et demi d’importations. l CÉCILE MANCIAUX N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
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Le Plus de J.A. RD Congo
p Augustin Matata Ponyo à Kinshasa en octobre 2013.
rail, voies d’eau) qui ne soient pas quatre fois supérieurs à ceux pratiqués en Afrique australe. Les dizaines de milliards de dollars requis pour ces investissements devraient être prélevés dans les poches des très rentables compagnies minières,
lll
AFP POUR J.A.
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dont la transparence n’est pas le point fort. Pour faire passer leur contribution au budget national de 9 % en 2010 à l’objectif officiel de 25 %, il faudra beaucoup plus que le décret interdisant la vente de gré à gré des concessions… Et d’abord faire en sorte que
les inspecteurs de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (Itie) ne soient plus chassés manu militari des puits qu’ils doivent visiter. La direction est la bonne, mais la route est encore longue. l ALAIN FAUJAS
La bancarisation, ça paie!
d’acheminer les salaires. Ce qui ne se fait pas sans quelques difficultés (lire p. 80). Les autorités ont ainsi dû faire Fini le versement des salaires en liquide. Peu à peu, tous marche arrière, après avoir considéré la les fonctionnaires sont dotés d’un compte en banque. quasi-totalité des fonctionnaires comme « bancarisés » (détenteurs d’un compte). estlegrandœuvredugouvernedepuis Kinshasa vers les provinces, les Malgré ces aléas, cette réforme profite ment Matata. Commencée en districts et les territoires. à beaucoup. Grâce au recensement qui juillet 2011, alors que Matata Bilan : pas mal de ratés. Les établisl’a précédée, « nous avons pu détecter Ponyo était ministre des Finances, la sements ont rapidement été débordés de faux fonctionnaires, explique Jeanbancarisation s’est accélérée quand il est par l’afflux de nouveaux clients, peu Louis Kayembe, président du comité habitués à ce système, qui s’alignaient devenu Premier ministre. Aujourd’hui, de suivi de la paie à la Banque centrale, on estime que 70 % des fonctionnaires dans d’interminables files d’attente pour chargé du bon fonctionnement du syscongolais perçoivent leur salaire sur tème. Ce qui nous a permis un compte courant. Fini – ou presque – Jusque-là, des centaines de milliers d’économiser 7 milliards l’expédition coûteuse et risquée, chaque de francs congolais [envid’enveloppes voyageaient chaque mois, par camion, avion ou vélo, de ron 5,4 millions d’euros]. centaines de milliers d’enveloppes renNous réfléchissons à la mois par camion, avion ou vélo. fermant la paie des policiers, militaires, façon d’abaisser graduelagents administratifs… Quinze banques retirer l’intégralité de leur salaire menlement, dès l’an prochain, les frais de ont accepté, moyennant une contrepartie suel en liquide. Il a fallu ouvrir de nougestion que l’État verse aux banques. » financière, d’assurer la distribution des velles agences et multiplier par quatre Celles-ci espèrent, de leur côté, fidésalaires sur les comptes. ou cinq le nombre de guichets. liser leurs nouveaux clients afin de leur faire consommer des services bancaires, Étant donné la faiblesse du réseau Dans les zones les plus reculées, où l’on ne trouve aucune agence, la Banque un crédit ou une carte de paiement et bancaire, la réforme a été menée procentrale du Congo, qui surveille le de retrait. Quant aux fonctionnaires, ils gressivement. Elle a commencé par les cabinets ministériels et les administradéroulement de l’opération, a délégué sont désormais à l’abri des « ponctions » tions centrales, avant de s’étendre aux pratiquées sur leur solde par des prédaà des opérateurs de téléphonie mobile enseignants, puis aux forces de l’ordre, teurs en tout genre… l A.F. et à l’ONG catholique Caritas le soin
C’
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JEUNE AFRIQUE
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BANCARISATION
Simple comme un coup de fil? Pour payer les fonctionnaires vivant en zone rurale, le e-banking semblait la solution idéale. Mais sur le terrain, le test n’est pas très concluant.
L
contrat avec l’Association congolaise des banques, qui centralise et redistribue les listes de paiement des fonctionnaires. Pour eux, le versement de ces salaires constitue un excellent test. Oui mais voilà, le test n’est jusqu’à présent pas très concluant dans les zones reculées. « Il faut tenir compte des difficultés logistiques », justifie Placide Lengelo, responsable du secteur public au sein du groupe panafricain Ecobank. Certains fonctionnaires ont par exemple reçu un SMS les alertant du versement de leur salaire, mais sans savoir où aller retirer l’argent. Beaucoup se sont alors tournés vers les vendeurs spécialisés en
BAUDOUIN MOUANDA POUR J.A.
ongtemps assuré par des agents de l’État, le versement du salaire des fonctionnaires congolais est désormais confié aux établissements bancaires (lire p. 78). Dès mai 2013, tous les fonctionnaires, soit un million de personnes sur tout le territoire, étaient donc bancarisés (détenteurs d’un compte)… Officiellement, du moins. Ceux qui résident en ville n’ont plus qu’à se rendre dans l’agence la plus proche pour retirer leur solde. Quelque 60 % du total des salaires sont ainsi perçus. Pour ceux qui vivent en zone rurale, loin des guichets, c’est plus compliqué. À charge pour les banques de leur faire
p Publicité pour un service de transfert d’argent via la téléphonie mobile.
parvenir leur paie – une tâche immense dans ce pays de 2,35 millions de kilomètres carrés, qui ne dispose que de quelques milliers de kilomètres de routes asphaltées. Pour les seconder, trois opérateurs téléphoniques dotés chacun d’une société spécialisée dans le paiement mobile (ou e-banking), Tigo Cash, Airtel Money et M-Pesa Vodacom, ont signé un N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
téléphonie mobile, lesquels, n’étant pas associés au programme, n’ont pu les aider. Sans compter que, dans des territoires particulièrement mal desservis, certains agents ne disposent pas de l’électricité… et encore moins d’un téléphone. Second grief : le paiement du service. Les banques qui sous-traitent le versement des salaires aux opérateurs
télécoms les rémunèrent sur la base de 1,20 dollar (environ 0,90 euro) par transfert effectué, un montant jugé insuffisant. « On perd de l’argent à chaque opération », résume Jonathan Johannesen, responsable de Tigo Cash. De leur côté, les banques, payées par l’État trois fois cette somme pour chaque dossier de fonctionnaire traité, font passer le même message au gouvernement : c’est suffisant en ville, mais trop peu pour les zones reculées. ENCLAVÉS. Résultat: les autorités congo-
laises ont dû « procéder à un repli stratégique », selon l’expression de Jean-Louis Kayembe, président du comité de suivi de la paie à la Banque centrale du Congo. Tous les groupes de téléphonie mobile, excepté Tigo RDC, qualifié de « partenaire le plus fiable » par un banquier kinois, se sont vu retirer le paiement des fonctionnaires. Jean-Louis Kayembe assure cependant vouloir retravailler rapidement avec « les plus opérationnels d’entre eux ». Stéphane Teyssèdre, l e d i re c t e u r g é n é r a l de Tigo RDC, explique quant à lui que les opérateurs télécoms sont en pleine renégociation des contrats dans les zones où ils perdent de l’argent. Et avance que les montants de leurs prestations pourraient être revus à la hausse dans les territoires les plus enclavés. Afin de parler d’une seule voix, les opérateurs se sont réunis au sein d’une association professionnelle, à la Fédération des entreprises du Congo. Malgré les aléas techniques, ils continuent à placer beaucoup d’espoirs dans le déploiement de leurs solutions mobiles sur le vaste marché congolais. l NICOLAS TEISSERENC JEUNE AFRIQUE
RÉPUBLIQUE R ÉPUBLIQUE
DÉMOCRATIQUE DÉMOCRATIQUE TIQUE
DU CONGO
Le climat des affaires
L
a RDC a adhéré au Traité de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA en sigle) depuis 2010, avec une application effective dudit droit à partir de septembre 2012. De plus, le Parlement a adopté la Convention de New York sur les sentences arbitrales et le Président l’a promulgué, permettant ainsi à la RDC d’accroître le niveau de sécurité juridique des contrats. Le Premier Ministre MATATA PONYO Mapon, qui réunit chaque semaine en son cabinet de travail, tous les acteurs impliqués dans l’amélioration
Depuis plus d’un an, une appréciable amélioration de l’environnement des affaires est observée
De gauche à droite : Une vue sur le port de Matadi. Une carrière de la Gecamines. Cette photo a été prise au Bandundu, quelques temps après le lancement de la Campagne agricole par le Premier Ministre, en l’an 1 du Gouvernement (2012).
du climat des affaires, a inauguré à Kinshasa le premier Guichet unique de création (www.guichetunique.cd), à l’issue de plusieurs mois des réformes entreprises visant la réduction des taxes et autres procédures. Il s’agit d’un centre de facilitation de création d’entreprise permettant aux opérateurs économiques d’effectuer des procédures de création d’entreprise en un seul lieu, en un paiement unique, à 120 USD pour les sociétés et 40 USD pour les personnes physiques, le tout en 3 jours maximum. Le coût d’authentification des statuts a été réduit à 30 USD. Au 7 octobre 2013, on a noté 878 entreprises créées et 800 inscriptions complémentaires. Pour faciliter la création d’entreprise, le Ministère de l’Économie et commerce a publié l’Arrêté ministériel n° 015/CAB/ MIN.ECO&COM/2013 du 14 mars 2013, portant modalités d’octroi du numéro d’identification nationale sur toute l’étendue du pays, lequel donne désormais aux provinces (11 au total) le pouvoir de signature à des échelons plus bas dans un délai ne dépassant 3 jours. Concernant l’accès au crédit, non seulement le Gouvernement a mis à la disposition de la Société
Financière de Développement (SOFIDE) plus de 20 millions de dollars américains pour le financement du secteur privé, la Banque Centrale du Congo a lancé en avril 2013 un logiciel informatique dénommé « ISYS-CERI », appelé à améliorer le partage des informations sur les demandeurs de crédit. Ceci facilite l’accès au crédit des entreprises. C’est une première étape dans la modernisation de la Centrale des risques. Par ailleurs, le code d’investissements offre beaucoup d’avantages aux investisseurs qui veulent s’installer en République Démocratique du Congo (www.anapi.org). Quant au commerce transfrontalier, les frais d’import-export ont été fortement réduits, de 500 USD à 125 USD pour les personnes morales, et de 250 USD à 75 USD pour les personnes physiques. Dans le même chapitre, il a été noté la promulgation du nouveau Code de douanes en vue de simplifier et de faciliter les opérations douanières. Concernant le paiement des impôts et taxes, plusieurs réformes ont été réalisées, notamment la suppression de la perception du précompte de l’impôt sur les bénéfices et les profits, la fixation de la nouvelle nomenclature des actes générateurs des recettes du pouvoir central et des entités administratives décentralisées ainsi que la suppression des redondances et l’adoption et la promulgation de la loi sur la TVA. La réduction de 40 à 35 % du taux d’imposition sur les bénéfices et profits ; l’effort de réduction et de simplification de la parafiscalité qui a fait passer le nombre de taxes de près de 500 à près de 350 à ce jour; les études en cours pour arriver à la télédéclaration d’impôts et au télépaiement et qui pourront être finalisées avant la fin de cette année. Certes, des efforts d’amélioration du climat des affaires sont très remarques, bien certaines réformes s’inscrivent dans la durée pour impacter sensiblement le classement Doing Business, et augurent de bonnes perspectives en matière d’investissements directs étrangers, le Comité de pilotage pour l’amélioration du climat des affaires et des investissements (www.cpcai.cd), CPCAI en sigle, en assure le suivi depuis 2009, avec l’appui de la Banque mondiale, dans le cadre du projet compétitivité et développement du secteur privé.
PRIMATURE DE LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO E-mail : cabinet@primature.cd - http://www.primature.cd/public/ PUBLI-INFORMATION
Le Plus de J.A. RD Congo AGROALIMENTAIRE
Résolutions vertes Un vaste territoire, un fort potentiel… mais une production en berne. Pour redynamiser le secteur, les autorités misent sur la création de parcs agro-industriels.
V
éritable pilier de l’économie congolaise,l’agriculturecontribue pour près de 40 % au PIB, contre 15 % pour le secteur minier. Avec 80 millions d’hectares de terres arables et une communauté agropastorale de 14 millions de ménages, son potentiel est énorme… pour une production qui a dramatiquement régressé ces dernièresdécenniesdanstouteslesfilières, jusqu’à devenir ridicule au regard des besoins du pays. Résultat : la RD Congo a importé pour plus de 1,2 milliard de dollars (environ 900 millions d’euros) de denrées alimentaires en 2012 ; la facture est estimée à 1,3 milliard pour 2013 et devrait atteindre 1,5 milliard cette année, selon les prévisions du gouvernement. La sous-utilisation de ce potentiel agricole constitue à la fois un immense gaspillage et un gigantesque réservoir de croissance. S’il se donne les moyens de ne plus laisser péricliter le secteur et mise sur ses atouts pour le faire redécoller, le pays pourrait subvenir à ses besoins, mais aussi toucher les marchés régionaux et internationaux. L’État a fait ses comptes. En mai dernier, il a adopté le Plan national d’investissement agricole (PNIA) 2013-2020, dont l’objectif est double : sortir les populations de l’insécurité alimentaire et faire du développement des filières agricoles et agro-industrielles l’un des principaux piliers de la croissance. « C’est là que nous pouvons avoir les retombées les plus importantes sur la population », a souligné le Premier ministre, Augustin Matata Ponyo, début octobre à Chicago, lors du sommet d’affaires du Corporate
u Le pays compte 80 millions d’hectares de terres arables.
Council on Africa (CCA, l’organisme américain chargé de développer les échanges avec le continent). Silesecteuragricoleenregistreunecroissance moyenne de 6 % à partir de 2014, la RD Congo pourrait réduire de moitié son taux de pauvreté, atteignant ainsi l’un des Objectifs du millénaire pour le développement, d’ici à 2025 (au lieu de 2015, échéance prévue par les Nations unies). VOLET. Afin de mobiliser les investis-
seurs, en particulier privés, le gouvernement a organisé en novembre à Kinshasa un forum sur le financement du PNIA
2013-2020. Ce dernier requiert un budget total de 5,7 milliards de dollars sur sept ans (voir tableau). Plus de 2 milliards sont déjàfinancésetengrandepartieaffectésau volet principal du plan : la mise en valeur des filières agricoles et agro-industrielles. Lors de la rencontre de novembre, près de 1 milliard de dollars d’engagements supplémentaires ont été pris par les entrepreneurs congolais et étrangers, ainsi que par les bailleurs de fonds. Pierre angulaire du PNIA : le développement de seize parcs agro-industriels sur plusieurs dizaines de milliers d’hectares à travers le pays. Pour chacun de ces sites,
Près de 6 milliards de dollars sur sept ans (Budget du PNIA 2013-2020, en millions de dollars)
Financement acquis
Financement total requis
1 226,8
3 652,5
• Gestion des produits et de la sécurité alimentaires
125,1
536,9
• Recherche et développement (R&D) et formation
240,5
738,3
• Gouvernance, capacités humaines et organisation du secteur
397,4
607,3
56,9
195,8
2 046,7
5 730,8
• Mise en valeur des filières agricoles et agro-industrielles
• Adaptation au changement climatique TOTAL
COUP DE POUCE AUX RENDEMENTS TRIOMF DRC, coentreprise créée en octobre 2013 par la société sud-africaineTriomf Fertilizer (70 % des parts) et l’État congolais (30 %), sera opérationnelle en juin prochain et prendra ses N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
quartiers à Boma, dans le Bas-Congo (Ouest), où elle construira une unité de production d’engrais. Un investissement estimé à 39 millions de dollars (plus de 28 millions d’euros).
L’usine, qui exploitera les gisements de phosphate de la province, devrait entrer en activité dans le courant de 2015. Sa production permettra de réduire le coût des engrais – et, donc, des
produits agricoles – en RD Congo, d’améliorer la qualité des cultures et leur rendement. Un atout supplémentaire pour endiguer l’insécurité C.M. alimentaire. l JEUNE AFRIQUE
SOURCE : PRIMATURE
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OLIVIER DEKEYSER/PICTURETANK
dont les emplacements ont déjà été identifiés, il s’agit de définir les productions, trouver les financements et mettre en relation l’État, propriétaire du foncier, les coopératives, les communautés locales et les opérateurs privés. Chaque parc devrait être doté d’un statut de zone économique spéciale (ZES) et géré par une société mixte (publique-privée). L’exploitation seraitoctroyéesouslaformedebauxd’une durée minimale de dix ans, en veillant à une répartition équitable entre les terres destinées à l’exploitation commerciale et les terres communautaires. DIVERSITÉ. « Nous avons procédé à des études préliminaires, notamment à une analyse des sols pour vérifier leur potentiel et déterminer les types de cultures à y développer, en veillant à la diversité des productions. Ces parcs, qui donneront accès aux intrants agricoles et combineront laboratoire, structures de formation, espaces de stockage, centres de santé, faciliteront en outre l’accès aux infrastructures de transport et à l’énergie grâce à un important volet de réhabilitation et de construction », explique John Mususa Ulimwengu, le principal conseiller du Premier ministre pour les questions agricoles. Premier projet à l’étude : celui de Bukangalonzo, sur les plateaux batékés, dans la province à forte vocation agropastorale du Bandundu (voisine de celle de Kinshasa). En novembre, la société sud-africaine Agri Africa a commencé à élaborer un plan d’action pour remettre le site en production dans le courant de CÉCILE MANCIAUX cette année 2014. l JEUNE AFRIQUE
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Sicomines en attendant la première tonne de cuivre
Il y a 5 ans, la République Démocratique prenait la décision de se tourner vers la Chine pour trouver les financements nécessaires à la mise en œuvre de son ambitieux plan de reconstruction. Dès septembre 2007, un protocole d’accord est signé entre la RDC, d’une part et, d’autre part, la CDB (China Development Bank), l’Exim Bank (Export Import Bank of China), CREC (China Railway Engeneering Corporation) et la Sinohydro. Le 22 avril 2008, le protocole d’accord a permis la signature, entre la RDC et le Groupement d’entreprises chinoises, de la Convention de collaboration mieux connue sous le nom de Projet de coopération sino-congolais. Outre la réalisation des infrastructures, ce projet met en place une joint-venture pour l’exploitation commune des minerais entre la RDC et le Groupement d’entreprises chinoises - la Sicomines. Celle-ci constitue la clé de voûte du Projet puisque cette entreprise de droit congolais joue un rôle de plateforme financière. C’est, en effet, la Sicomines qui emprunte et finance les deux volets de la Convention, à savoir, le Projet Infrastructures et le Projet Minier. C’est elle également qui a la responsabilité d’assurer le remboursement de la dette à partir des revenus d’exploitation minière. C’est aussi elle, en tant que détentrice des droits et titres miniers, qui garantit, côté congolais, les fonds levés par les entreprises chinoises dans le cadre du Projet. La Convention prévoit, en effet, qu’après avoir commercialisé les produits issus du traitement métallurgique des minéraux «aux prix les plus rémunérateurs du marché international», la Sicomines est chargée d’assurer le remboursement, à hauteur de 66% des financements du projet Infrastructures et du projet minier et de redistribuer les 34% autres aux actionnaires au titre de dividendes.
S
elon les termes de cette convention, la mise en œuvre aurait dû être subordonnée à la réalisation de l’étude de faisabilité du Projet minier et à son approbation par la RDC et la République populaire de Chine. Vu le climat de confiance réciproque et de saine collaboration entre les parties, les décaissements en faveur de certains travaux d’infrastructures et du volet minier ont pu être effectués avant ces approbations.
C’est ainsi que le Groupement d’entreprises chinoises a décaissé tour à tour 510 millions de dollars en janvier 2009 et 370 millions de dollars en 2012 en faveur de la Sicomines, ce qui a permis à celle-ci de lancer le 16 avril 2013 les travaux sur terrain. Le Groupement d’entreprises chinoises a, par ailleurs, versé à la Sicomines 32 millions de dollars pour compte de la Gécamines. Selon M. Moïse Ekanga Lushyma, Secrétaire Exécutif du BCPSC - Bureau de coordination et de suivi du programme sino-congolais - grâce à ces différents décaissements, la Sicomines est en mesure de produire sa première tonne de cuivre dès la fin de l’année 2015 et non en 2017, comme initialement prévu ! MESSAGE
...la Sicomines est en mesure de produire sa première tonne de cuivre dès la fin de l’année 2015 et non en 2017, comme initialement prévu !
Moïse EKANGA LUSHYMA, Secrétaire Exécutif du BCPSC Bureau de coordination et de suivi du programme sino-congolais
TOUS LE REVES ENFIN PERMIS. Dès lors, les Congolais pourront se permettre de rêver ! Rêver aux flux d’investissements supplémentaires dont le pays pourrait alors bénéficier pour sa reconstruction! Rêver à la matérialisation de nombreux projets d’infrastructures annoncés puis ajournées faute de financements ! Rêver à l’ouverture probable de nouvelles lignes de crédits !
LE PROJET INFRASTRUCTURES EN MARCHE
En attendant cette première tonne de cuivre de la Sicomines, le projet de coopération sino-congolais peut se targuer d’aligner quelques belles réalisations à son volet infrastructures depuis la signature de la Convention de coopération ! En voici un petit tour d’horizon : ROUTE BENI-NIANIAKISANGANI, UNE FENÊTRE SUR L’ASIE. Cette voie relie la RDC à l’Ouganda, en passant par l’Ituri. Elle est caractérisée par un important trafic des produits manufacturés et vivriers dans les deux sens. Lancés en 2009, les travaux entrepris ont pris fin en 2011 pour un coût de plus de 57 millions de dollars américains. L’ESPLANADE DU PALAIS DU PEUPLE, UN LIEU TOURISTIQUE. L’aménagement de l’Esplanade du Palais du Peuple en un site touristique capable de recevoir des manifestations publiques (défilé, meeting etc.), offre aux kinois un centre de repos, de rencontres et d’échanges. Les travaux de bétonnage et de pavage de plus de 24.000 m2, d’aménagement du jardin, de raccordement en eau et en électricité etc. ont été réceptionnés en août 2011. LA ROUTE DE LUTENDELE, UN PÉRIPHÉRIQUE EN GESTATION. La route de Lutendele fait partie d’une première phase d’un vaste programme de construction du périphérique qui reliera Kintambo Magasin, l’Upn, Kimwenza-gare, l’Aéroport de Ndjili, pour déboucher sur Kintambo Magasin. La première phase des travaux sur 2.800 km est achevée et la réception provisoire est intervenue le 30 août 2011. L’AVENUE DU TOURISME, POUR UNE BALLADE LE LONG DU FLEUVE. Longeant le fleuve Congo vers l’aval, l’avenue du Tourisme a revêtu sa plus belle robe depuis 2011.
LE PONT MPOZO, VOIE D’ACCÈS AU PRINCIPAL PORT DU PAYS. Le tout nouveau pont Mpozo comporte 4 bandes dont deux pour l’aller et deux autres pour le retour. Sa longueur de portée est de 200 m tandis que la largeur du pont est de 17 mètres. Par ailleurs, le nouveau pont Mpozo supporte une charge allant jusqu’à 120 tonnes. Il a été conçu pour durer 100 ans. LA BOUCLE DE LA PLACE DU 30 JUIN. La place de l’Indépendance méritait bien une tunique de mariée. C’est désormais chose faite depuis mars 2011. Site touristique très prisé des Kinois pour ses fontaines d’eau qui jaillissent des gueules des léopards, animal totémique du pays.
LE BOULEVARD DU 30 JUIN OU LA VERSION AFRICAINE DES CHAMPS ELYSÉES. Le boulevard du 30 juin est l’artère centrale de la ville de Kinshasa. Longue d’environ 5 kilomètres, elle relie d’est en ouest sur huit bandes la commune de la Gombe, la gare centrale de Kinshasa à Kintambo sur la baie de Ngaliema. LUBUMBASHI-KASOMENO, LA ROUTE DU VENTRE POUR LA DEUXIÈME VILLE DU PAYS. Le tronçon Lubumbashi-Kasameno a été asphalté depuis 2012 et celui entre Kasameno et Kalemie, principal port sur le lac Tanganyika, est en cours de reconstruction. Les travaux exécutés consistent au bitumage de la chaussée d’une longueur de 137 km avec trottoirs, la construction des caniveaux,
la construction d’une dizaine de ponts etc. L’HÔPITAL DU CINQUANTENAIRE : SOINS DE BONNE QUALITÉ ET SPÉCIALITÉS. L’un des plus grands hôpitaux et l’un des hôpitaux les plus modernes d’Afrique centrale (450 lits), sera bientôt inauguré à Kinshasa. Pour faire place à ce fleuron de la médecine, 40 000 m2 de terrain ont été nécessaires. La réception provisoire des travaux est intervenue en décembre 2012. LA TRAVERSÉE DE LA VILLE DE BUTEMBO, VERS LE CORRIDOR NORD-EST. Pour relier rapidement les villes de Butembo et Beni, deux grands centres commerciaux et de relais
vers la cité de Kasindi à la frontière avec l’Ouganda, le programme sinocongolais a prévu la construction d’une chaussée à 2X2 voies sur 8 km et de 2x1 voie sur 7 km et la construction d’un pont sur la rivière . Ces travaux ont pris fin au mois de mars 2012. BOULEVARDS SENDWE ET TRIOMPHAL. Pour améliorer les conditions de trafic ( fluidité, sécurité et confort) sur les deux axes en les reliant à trois autres artères modernisées que sont Lumumba, des Huileries et Libération, il a fallu élargir les boulevards Sendwe et Triomphal. Le pavage des trottoirs, la construction des ouvrages d’assainissement (caniveaux) et des ouvrages d’art (dalots, buses), l’éclairage public et la signalisation routière n’ont pas été oubliés.
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MARLÈNE RABAUD/REUTERS
t La centrale Inga I, sur le fleuve Congo.
ÉNERGIE
Merci Pretoria L’Afrique du Sud compte acheter la moitié de la production électrique du futur barrage Inga III. Du coup, le projet, enfin crédible, pourrait être lancé en 2015.
E
nfin, Kinshasa n’est plus seul à croire au Grand Inga. Ratifié par les Parlements des deux pays, le traité de coopération énergétique entre la RD Congo et l’Afrique du Sud a été signé le 29 octobre 2013 en présence du président Joseph Kabila et de son homologue sud-africain, Jacob Zuma, en visite d’État. Une étape cruciale dans la construction d’une nouvelle série de barrages près de l’embouchure du fleuve Congo, dans la province du Bas-Congo. Cet accord donne à Pretoria la priorité sur l’achat d’un tiers de la colossale production électrique potentielle du site. D’après une étude franco-américaine (menée par EDF et Aecom), une fois achevé, Grand Inga disposerait d’une puissance d’au moins 42 000 mégawatts (MW). Soit presque deux fois plus que celle du barrage chinois des Trois-Gorges (jusqu’à présent le plus important au monde), et la moitié de la capacité actuelle du continent. De quoi alimenter la RD Congo, l’Afrique du Sud et l’Égypte réunies… dans quelques décennies. À moyen terme, c’est sur la première tranche du projet, Inga III, que se concentre le traité. Des 4 800 MW que générera le futur complexe N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
hydroélectrique, Pretoria devrait en acquérir la moitié (2 500 MW). Le reste serait réservé à la RD Congo (où le taux d’accès à l’électricité n’est que de 9 %), dont 1 300 MW pour l’industrie minière du Katanga, qui accuse un déficit énergétique de 400 MW environ. Pour acheminer l’électricité jusqu’en Afrique du Sud, le projet prévoit la construction d’une ligne à haute tension de plus de 3 000 km, qui traversera le sud de la RD Congo, la Zambie et le
Zimbabwe, pour un coût estimé à 2,3 milliards de dollars (près de 1,7 milliard d’euros). Bien plus que l’intérêt suscité chez les voisins d’Afrique centrale, l’arrivée parmi les clients potentiels de la très solvable Afrique du Sud a changé la donne. Ce partenariat donne en effet au projet la crédibilité qui lui faisait défaut, notamment depuis les déconvenues subies avec les barrages Inga I et II, inaugurés en 1972 et 1982. À l’époque de leur construction, sous Mobutu, le pays tablait sur une croissance importante de sa consommation énergétique, notamment en raison d’une forte demande de la part de l’industrie minière du Katanga. Or ces prévisions ne se sont pas confirmées et les deux ouvrages se sont révélés surdimensionnés. Le déficit de consommation, associé à la mauvaise gestion de l’État, n’a pas
EN ATTENDANT, LA TENSION MONTE ALORS QUE les barrages Inga I et II disposent d’un potentiel total de 1 750 MW, leur capacité réelle ne s’élève aujourd’hui qu’à 1 100 MW en période de pointe. Après des années de mauvaise gestion et de manque d’entretien, trois des huit turbines d’Inga II, le plus puissant des
deux complexes, sont à l’arrêt ; et sur les cinq qui fonctionnent, une seule tourne à plein régime. Leur remise à niveau est cependant en cours. Quelque 300 MW ont déjà été « récupérés » depuis le début du chantier, en mai 2012, et la capacité devrait continuer à augmenter jusqu’à atteindre le potentiel prévu à
l’origine. Sans oublier la construction, sur d’autres sites, de plusieurs centrales, dont celles de Zongo II (150 MW) dans le Bas-Congo, de Katende (62 MW) dans le Kasaï-Occidental, et de Kakobola (10,5 MW) dans le Bandundu. De quoi patienter jusqu’à la mise en service d’Inga III. l P.B. JEUNE AFRIQUE
Lignes à haute tension en projet Kinshasa
Premier tronçon Corridor Est Corridor Ouest
Inga
Canal en projet Inga I ngo Co
Inga
25 ANS
Kananga Kolwezi ZAMBIE
DES COMPÉTENCES POUR AGIR
MW 00 25
2 km
Inga III
2 30 0M
W
Fourniture d’électricité (en mégawatts)
RD CONGO
Inga II
ZIMBABWE BOTSWANA
Witkop
AFRIQUE DU SUD
FORMATIONS ET APPUI TECHNIQUE permis de dégager les ressources nécessaires à leur maintenance (lire l’encadré). Mais avec l’arrivée du partenaire sudafricain, les bailleurs de fonds sont désormais prêts à financer en partie Inga III. Le 20 novembre, la Banque africaine de développement (BAD) a ainsi approuvé le déblocage de 68 millions de dollars. OPTIMISTE. La première pierre devrait être posée en octobre 2015, pour une livraison à l’horizon 2020, selon un calendrier que l’on reconnaît être « relativement optimiste » à Kinshasa. Car beaucoup de choses doivent encore être réglées, à commencer par le choix des sociétés auxquelles seront confiées la construction du barrage (coût estimé : 4,8 milliards d’euros) puis sa gestion. Trois candidats sont en lice : le chinois Three Gorges Corporation, le consortium formé par les coréens Daewoo et Posco avec le canadien SNC-Lavalin, ainsi que les espagnols ACS, Eurofinsa et AEE. Kinshasa et Pretoria devront aussi s’entendre sur le prix d’achat de l’électricité, qui doit être négocié courant 2014. « Nous nous sommes déjà mis d’accord sur trois des conditions que ce tarif devra remplir: permettre l’entretien des installations, générer un minimum de ressources en RD Congo et être avantageux pour les Sud-Africains, explique une source gouvernementale congolaise. Ce prix ne sera peut-être pas tout à fait optimal pour nous, mais nous devons être conciliants vis-à-vis de nos partenaires… C’est une étape vers le Grand Inga. » l PIERRE BOISSELET JEUNE AFRIQUE
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Leader sur son marché depuis 1988, SETYM offre un programme complet de formations couvrant les thèmes de la gestion des projets de développement et du renforcement des capacités des cadres et responsables de la fonction publique et du secteur parapublic. Au service des projets et des institutions, SETYM réalise aussi des formations sur mesure et des mandats spécifiques afin de contribuer à l’atteinte des objectifs de développement.
Gestion de projet Passation des marchés Gouvernance publique Développement durable
ACCRÉDITATIONS MPDI ET MSPM Une reconnaissance formelle des compétences de Manager de Projet de Développement International (MPDI) et de Manager Spécialiste de Passation des Marchés (MSPM). Accréditations délivrées conjointement par SETYM et l’École des sciences de la gestion (ESG) de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).
RÉSEAU MONDIAL DES CENTRES DE FORMATIONS
Montréal, CANADA (français / anglais) Casablanca, MAROC (français) Kuala Lumpur, MALAISIE (anglais) Boston, ÉTATS-UNIS (français / anglais) Dakar, SÉNÉGAL (français) Dar es Salaam, TANZANIE (anglais) Abidjan, CÔTE D’IVOIRE (français)
setym.com
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SECTEUR PRIVÉ
Risky business Leur spécialité : l’aménagement du territoire et la banque. Portrait de deux entrepreneurs qui n’ont pas froid aux yeux.
Georges Songi Directeur général d’Horizons Azur xpert en sciences de la terre, Georges Songi, 60 ans, est depuis plus de vingt ans à la tête d’Horizons Azur, un bureau d’études spécialisé dans l’aménagement et le développement du territoire. Objectif : accompagner les institutions publiques et privées dans la mise en œuvre de leurs projets en RD Congo. L’ingénieur, qui se définit comme un « pur produit de l’administration publique », dit avoir « commencé très tôt à travailler pour [son] propre compte ». Il se contente au départ de travaux de construction, car son secteur de
prédilection, l’aménagement, ne suscite pas encore beaucoup d’intérêt dans le pays. Au fil des ans, il réussit à sensibiliser ses clients, publics et privés, à la nécessité de recourir à des études de terrain avant d’investir. Aujourd’hui, les opérateurs locaux et étrangers sont de plus en plus nombreux à solliciter son expertise. Dernier exemple en date: les techniciens d’Horizons Azur accompagnent le groupe Heineken International dans l’élaboration du plan d’occupation d’un site à Bunia (Nord-Est), où le brasseur projette d’implanter une usine. l DR
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TRÉSOR KIBANGULA
Oliver Meisenberg Directeur de Trust Merchant Bank
À
43 ans, Oliver Meisenberg est un banquier au parcours atypique. Né de parents allemands, il a passé son enfance dans le Kivu (Est) et au Kenya. Étudiant en agronomie, puis travailleur humanitaire dans la région des Grands Lacs, il a également couvert pour la presse allemande la crise politique dans l’est du Congo entre 1995 et 1998, avant de s’inscrire à Londres en MBA « afin de retrouver un peu de sérénité ». Après quelques années passées en Allemagne dans les secteurs de l’énergie et des télécoms, il cherche à repartir en Afrique. Aussi répond-il en 2004 à une annonce proposant de lancer Procredit Bank en RD Congo. S’étonnant qu’on ne lui demande pas de qualifications dans le domaine bancaire, il s’entend répondre qu’« il est plus facile de former à la banque quelqu’un qui connaît le Congo que l’inverse ». Pari réussi : après avoir développé Procredit à Kinshasa, Meisenberg a pris la tête, en 2009, de Trust Merchant Bank, devenu le troisième établissement du pays en termes de bilan et le premier en termes de réseau. « C’est aujourd’hui la seule banque présente dans chaque province de ce vaste pays », souligne-t-il, non sans satisfaction. l
DR
NICOLAS TEISSERENC JEUNE AFRIQUE
Nkoyi, bière n° 1 à Kinshasa Trois ans après son lancement, Nkoyi est devenue la bière la plus consommée dans la capitale congolaise. Les Brasseries du Congo (BRACONGO) , filiale du Groupe Castel BGI, ont célébré en octobre dernier le succès et le nouveau leadership de cette bière qui est devenue une référence pour les Kinois. La NKOYI est une bière légère au goût agréable à 5% de volume en alcool disponible en bouteilles de 33 et 65 cl. En créant la Nkoyi, les Brasseries du Congo ont permis aux Kinois d’avoir, outre leur langue et leur culture internationalement reconnue, leur propre bière. En trois mots, Nkoyi à Kinshasa, YES WE KIN !
RÉPUBLIQUE R ÉPUBLIQUE
DÉMOCRATIQUE DÉMOCRATIQUE TIQUE
DU CONGO
Les parcs agro-industriels
L
Le ministre de l’Agriculture et du Développement rural dans un champ.
a République Démocratique du Congo (RDC) a un potentiel agricole énorme.Le pays possède plus de 80 millions d’hectares de terres arables, dont 4 millions sont irrigables. La diversité climatique et l’approvisionnement en eau naturelle abondante permet deux saisons annuelles de récolte et offre la possibilité de développer une grande variété de cultures. En plus de terres arables immenses, la RDC possède des ressources pastorales susceptibles de supporter environ 40 millions de bovins et des ressources halieutiques des eaux intérieures qui pourraient permettre un approvisionnement annuel d’environ 700.000 tonnes de pêches marines et intérieures.Bien que 70 % de la population soit impliqué dans l’agriculture, la majorité est engagée dans l’agriculture de subsistance et les niveaux de production actuels sont incapables de freiner la malnutrition et l’insécurité alimentaire. Compte tenu de cet énorme potentiel, le gouvernement de la RDC s’est engagé à utiliser le secteur agricole pour libérer la croissance économique et promouvoir le développement intégral travers les parcs agro-industriels… L’initiative de Parcs Agro-industriels (PAI), conformément aux instructions du Président de la République, est mise en œuvre sous le leadership du Premier Ministre. Le gouvernement a mis en place un financement de démarrage pour le développement des Parcs Agro-industriels pilotes qui serviront des modèles pour attirer les investisseurs potentielset affiner tous les réglages avant d’être reproduits à travers tout le pays. Pour assurer la durabilité, l’efficacité et la transparence de l’initiative, le gouvernement envisage la mise en œuvre de l’ensemble de l’initiative par une entité dénommée : La Société de Parcs Agroindustriels (SOPAGRI). La SOPAGRI est un partenariat public privé (PPP), qui sera composée d’institutions multilatérales, des investisseurs du secteur privé et du gouvernement de la RDC aussi bien au niveau central que local.
Une stratégie audacieuse et intégrée pour libérer la croissance et faire face à l’insécurité alimentaire en RDC et ailleurs
Cadre institutionnel de parcs agro-industriels Les parcs agro-industriels est une initiative qui implique plusieurs ministères sectoriels, y compris les ministères des Finances, de l’Agriculture, des Affaires Foncières, de l’Economie et de l’Industrie. Pendant que le projet se développe, la gestion de l’initiative sera transférée à l’Agence Congolaise de Transformation Agricole (ACTA). L’ACTA sera une institution inter-agences en charge de superviser les activités de la Socièté de Parcs Agro-Industriels et coordonner les activités des ministères concernés, des intervenants et des partenaires au développement.
Bénéfices attendus Le Premier Ministre est convaincu que le concept de parcs agro-industriels est une approche holistique capable de transformer le secteur agricole congolais de l’agriculture de subsistance à un véritable moteur de développement capable de stimuler l’ensemble de l’économie nationale. Cette initiative est lancée à une période où la croissance économique générale de nombreux pays industrialisés vers lesquels la RDC exporte ses minerais se ralentit. Il est donc impératif de développer des mécanismes endogènes qui renforcent la tendance de croissance de l’économie congolaise en dehors du secteur de l’industrie extractive. L’initiative de parcs agro-industriels a le potentiel de créer une dynamique de croissance durable et limiter la vulnérabilité d’une économie dépendante des ressources naturelles et des fluctuations du marché international.
Marché…
Les parcs agro-industriels représentent un véritable moteur de développement congolais Matata Ponyon Mapon, Premier ministre de RDC.
La RDC importe actuellement la majorité de ses produits alimentaires et la plupart des gens n’ont pas les moyens de se nourrir ni de nourrir leurs familles. En offrant une variété de produits alimentaires à des prix abordables, les parcs agro-industriels vont créer un système efficace de production alimentaire qui permettra à la majorité des congolais d’avoir accès à une alimentation équilibrée. Le concept de parcs agro-industriels va non seulement permettre à la RDC de satisfaire les besoins de consommation intérieure, mais aussi de devenir un important exportateur de produits alimentaires.
Des incitations fiscales et douanières en vigueur • À l’exception des frais administratifs, les intrants agricoles importés exclusivement pour les activités agricoles sont exonérés de droits et taxes à l’importation. • Les produits agricoles sont exonérés des droits et taxes à l’exportation. Les redevances et les honoraires perçus pour les services rendus par les agences aux postes frontaliers ne peuvent pas dépasser 0,25 % de la valeur des exportations. • Les concessions bâties et non-bâties utilisées exclusivement pour l’agriculture sont exonérés de l’impôt foncier. • Tous les véhicules utilisés exclusivement pour l’agriculture sont exemptés de taxes.
tégie d’une agro-industrie durable.Une reforme dans la gestion foncière qui favoriserait les efforts de numérisation et formalisation des titres fonciers, leur enregistrement, l’enquête de parcelles et l’amélioration du cadre juridique et réglementaire pour l’administration des terres sont nécessaires. • La RDC est classée à un niveau très bas selon les indices sur la corruption élaborés par Transparency International. Le défi consiste donc à être en mesure de fournir de bonnes pratiques de gouvernance et d’appliquer des politiques anti-corruption dans le secteur agricole. Le Gouvernement a l’intention de gérer la SOPAGRI avec des normes éthiques strictes et planifie de concevoir et d’appliquer des codes de conduite et des principes de conformité pour les entreprises opérant dans les parcs agro-industriels. • Identifier et retenir un investisseur d’ancrage de bonne réputation qui va attirer d’autres investisseurs et qui a les ressources
De haut en bas :
PRIMATURE DE LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO E-mail : cabinet@primature.cd - http://www.primature.cd/public/
RÉPUBLIQUE RÉPU RÉ PUBL PU BLIQ BL IQUE IQ UE
• Le régime foncier et l’administration foncière doivent être au centre de l’élaboration d’une stra-
Champ de tomates dans la province du Bandundu.
DIFCOM/DF - PHOTOS : DR
Les défis
Lancement en 2012, de la campagne agricole par le Premier Ministre.
DÉMO DÉ DÉMOCRATIQUE MOCR MO CRAT CR ATIQ AT TIQUE IQUE IQ UE
DU CONGO O
Le Plus de J.A. RD Congo
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p Dans la régie de KRTV. MÉDIAS
Les infos, c’est sur Kyondo Lancée en 2012, la station de radio et de télévision lushoise a musclé ses programmes, avec quatre JT quotidiens. L’artisan de cette évolution : Kasongo Mwema Yamba Yamba, un ancien de RFI.
D
epuis les années 1990, le paysage audiovisuel ne cesse de s’élargir en RD Congo. Et notamment à Lubumbashi (sud-est du pays). Avec une population d’environ 2 millions d’habitants, la capitale de la province minière du Katanga est loin d’être surpeuplée si on la compare à Kinshasa (quelque 10 millions d’habitants), mais elle n’est pas mal lotie en matière de médias. À ce jour, on y dénombre 18 chaînes de télévision : la chaîne nationale, 12 canaux privés commerciaux et 5 confessionnels. S’y ajoutent 17 stations de radio: une publique, 11 privées commerciales, 3 confessionnelles et 2 communautaires. C’est dans ce paysage qu’évolue Kyondo Radio Télévision (KRTV), pratiquement la dernière-née des entreprises. Les essais ont commencé en 2011. Mais c’est en mars 2012 que les téléspectateurs et auditeurs ont réellement découvert KRTV. À l’origine de sa création, Jacques Masangu a Mwanza, ancien ambassadeur, N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
et son fils Jean-Claude Masangu Mulongo, qui était, il y a encore quelques mois, gouverneur de la Banque centrale. Cette entreprise familiale a démarré grâce à un investissement initial de 300 000 dollars (près de 220000 euros). En juin 2012, elle a recruté Kasongo Mwema Yamba Yamba, un ancien de Télé-Zaïre et de Radio France internationale (RFI), au poste de directeur général.
23 heures ». Mais elle a beaucoup évolué dans les trois mois qui ont suivi l’arrivée du nouveau directeur général. Celui-ci s’est attelé à donner « un coup de fouet et une identité forte à la chaîne ». KRTV est désormais la seule à proposer quatre éditions en direct du journal télévisé (à 7 heures, 13 heures, 20 heures et 23 heures). Un service consacré aux enquêtes et aux magazines a également été créé. Il occupe l’antenne, avec huit émissions hebdomadaires. La KRTV reste une petite structure : chaîne propose par ailleurs 54 salariés à temps plein. La moitié des émissions sponsorisées, des effectifs de ses concurrentes. confiées à sept producteurs qui travaillent avec des colÀ ses débuts, « l’antenne de KRTV était laborateurs extérieurs bénévoles. Quant essentiellement musicale, au point que au service des programmes, il gère une certains l’avaient surnommée Radiotélé dizaine de rendez-vous par semaine, Musique, rappelle Kasongo Mwema. La essentiellement musicaux. grille télévisuelle comportait très peu SIGNAL. Côté radio, KRTV a noué un de programmes consistants : deux ou trois magazines sur la santé, l’éducation, partenariat avec RFI, dont elle reprend les coutumes et traditions, ainsi qu’un certains programmes (qui représentent journal diffusé à 20 heures et rediffusé à 10 % à 12 % de sa grille), mais également JEUNE AFRIQUE
Le grand réveil le signal en dehors de Lubumbashi. Et la station française a mis à la disposition de sa partenaire lushoise un équipement de connexion satellitaire d’une valeur de 1 400 euros. Kasongo Mwema compte beaucoup sur la formation du personnel pour améliorer le travail de ses équipes. « La chaîne n’emploie pas encore de véritables réalisateurs radio-TV ; ce sont des régisseurspupitreurs qui jouent actuellement ce rôle. Il va falloir en recruter ou en former », assure-t-il. Une session de formation a pourtant déjà eu lieu, en octobre et novembre 2011, avec en moyenne dix jours consacrés à chaque filière (journalisme, réalisation, prise de vues, montage, documentation, etc.). Les intervenants venaient de Kinshasa, d’Afrique du Sud et de France. Mais, selon Kasongo Mwema, cela n’a pas suffi pour tous les employés « vu les différences de niveaux ». De plus, « beaucoup de notions apprises se sont évaporées » au cours de la période de flottement qui a précédé le démarrage de l’activité, regrette le directeur général.
Actuellement, KRTV emploie 54 personnes (dont 43 % de femmes) à temps plein, alors que la moyenne dans les principales chaînes de Lubumbashi oscille entre 80 et 110 salariés. Sur le plan salarial, l’entreprise fait mieux que
ont été prises afin de « mieux encadrer la passation des marchés publicitaires et les décaissements de fonds ». Ce qui permet à Kasongo Mwema de considérer l’avenir avec un optimisme prudent : « Nous ne pouvons pas, à court terme, envisager de développer la production. Il faut d’abord RTBF, France 24, INA… Faute de observer l’évolution de pouvoir développer la production, l’assiette financière. Si la tendance haussière se la chaîne noue des partenariats. maintient, nous passerons ses concurrentes, selon son dirigeant : à la production dans les terroirs katan250 dollars par mois en moyenne, quand gais, pour coller à notre slogan de chaîne les autres ne franchissent pas « la barre de la culture. » des 100 dollars ». KRTV produit pour le moment 50 % de ses programmes. En attendant de MANDARINS. Mais les difficultés ne pouvoir accroître cette part, l’accent manquent pas, au premier rang desest mis sur le renforcement des partenariats extérieurs : RFI, bien sûr, mais quelles l’étroitesse d’un marché publiciaussi l’Institut national de l’audiovitaire « verrouillé par quelques mandarins politiques (et commerçants) » ou les difsuel français (INA, en vue d’acheter des ficultés que rencontrent les équipes pour documentaires à des prix avantageux), la Radio-Télévision belge francophone se déplacer à l’intérieur de la province. (RTBF) ou France 24. l Des efforts ont été faits pour assainir la gestion de la société, et des dispositions TSHITENGE LUBABU M.K.
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RD Congo Le grand réveil ÉDUCATION
Bienvenue à Kinshasa-sur-Bosphore Ouverte en 2006, l’école Safak compte près de 600 élèves, de la maternelle au lycée. La clé du succès de cet établissement inspiré par la confrérie islamiste turque Gülen : l’excellence de sa formation.
I
ls ont agi sous l’inspiration de leur influent compatriote, l’imam Fethullah Gülen, qui depuis son exil américain dirige une puissante confrérie islamiste, très active dans le secteur de l’éducation. « Ils »? Trois hommes d’affaires turcs à qui, en 2006, l’État congolais a concédé un terrain vierge dans la commune de La Gombe, à Kinshasa. « Il n’y avait que la brousse ici, se souvient un riverain. Mais ils ont abattu le travail en un temps record. » Depuis, en effet, un complexe scolaire de quatre étages a été construit, pour un coût de 4 millions de dollars (près de 3 millions d’euros), et inauguré officiellement début 2013. Mais l’école turco-congolaise Safak (« l’aube », en turc) n’a pas attendu ces locaux pour ouvrir: dès 2006, elle accueillait une poignée d’élèves. Ils sont désormais 575, pour la plupart congolais (une vingtaine sont turcs), à y suivre un double programme national et international, de la maternelle au lycée. « Nous proposons une formation de qualité, en particulier en langues et en mathématiques, ainsi que de nombreuses activités parascolaires », souligne le secrétaire général, Jérôme Ekofo. Dès la maternelle, dans des salles climatisées, les écoliers sont initiés à l’informatique et apprennent les bases de l’anglais et du turc. En primaire, un
cours de swahili vient compléter la gamme des langues enseignées. Pourquoi pas le lingala ? « Nous avons opté pour une langue africaine qui se parle au niveau international, en particulier dans les pays de l’est du continent, où des écoles similaires à la nôtre existent déjà », explique Jérôme Ekofo. PALME. Dispensé par des professeurs
scientifiques, culturels ou sportifs, proposent des activités variées. Des visites dans le pays et à l’étranger sont également organisées,notammentàIstanbul,àl’occasion des Olympiades internationales de langue turque, chaque année. Un élève de l’écoleyadécrochéunemédailledebronze en 2010, « devant 2000 participants venus de 140 pays », souligne Jérôme Ekofo, qui précise que l’école espère créer prochainement des Olympiades de mathématiques à Kinshasa, comme l’a fait cette année le groupe scolaire Safak d’Abidjan.
turcsetcongolaisqualifiés,l’enseignement semble atteindre les résultats escomptés. En 2008, lors de la première participation de Safak au test national de fin d’études primaires Dix clubs proposent des activités (Tenafep, organisé par les variées : chimie, danse folklorique, pouvoirs publics sur l’ensemble du territoire), l’une poésie, théâtre, basket-ball… de ses élèves a décroché la palme, avec un score de 96 %. Une perEn attendant, c’est avec les autres étaformance que l’école entend rééditer blissements de la capitale congolaise que cette année, lorsque sa première promoSafak teste ses capacités d’organisation. tion de lycéens passera l’examen d’État Forte de ses infrastructures (dont un ter(l’équivalent du baccalauréat). Tout au rain de football en pelouse synthétique), l’école invite régulièrement les collégiens long du cursus, chaque élève est suivi attentivement par la direction et les enseiet lycéens kinois à participer à des comgnants. Si nécessaire, ces derniers sont pétitions sportives. Elle a également insmême amenés à se rendre au domicile titué une bourse pour financer les études familial afin d’évaluer les conditions de en Turquie des meilleurs élèves d’autres écoles locales, et projette d’ouvrir un étavie de l’enfant. Chimie, danse folklorique, poéblissement à Lubumbashi, au Katanga. l sie, théâtre, basket-ball… Dix clubs, TRÉSOR KIBANGULA
TRÉSOR KIBANGULA POUR J.A.
Dans les nouveaux locaux, à La Gombe.
JEUNE AFRIQUE
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Le Plus de J.A. RD Congo
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TRIBUNE
Opinions & éditoriaux
Session de rattrapage
DR
L JEAN BERCHMANS LABANA LASAY’ABAR Recteur de l’université de Kinshasa (Unikin), président de la Conférence des recteurs de la région des Grands Lacs
’
ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR congolais existe depuis 1954 et la création de l’université Lovanium, devenue l’université de Kinshasa. Il compte aujourd’hui, selon son ministère de tutelle, 961 établissements publics et privés, qui accueillent quelque 338000 étudiants, encadrés par 3000 professeurs (avec thèse), 17 350 membres du corps scientifique et 22 300 agents administratifs. Alors qu’il fut pendant des années l’un des meilleurs du continent, le système universitaire congolais a souffert des insuffisances des réformes engagées par le pouvoir politique – lui-même conditionné par les programmes de développement que les institutions financières internationales « administrent » aux États africains depuis 1960. Mais aujourd’hui, il est appelé à renaître de ses cendres pour participer non seulement au développement national, mais aussi à la construction d’un espace mondial de la connaissance. En dépit de sa dégradation, l’université a toujours pris part au débat national sur l’avenir du pays, et la contribution des intellectuels congolais reste une valeur sûre. Dans ses missions d’enseignement, de recherche et de services, l’université constitue l’un des piliers indispensables pour faire de la RD Congo tant un havre de paix qu’un pôle de développement pour son peuple. Elle doit lui permettre de s’impliquer davantage dans la recherche de réponses à des questions cruciales pour l’humanité, comme le réchauffement climatique ou le développement durable.
faut construire une politique éducative cohérente, fondée sur des valeurs démocratiques et globales. Cette politique doit reposer sur quatre piliers : la participation de tous les acteurs à son élaboration ; la décentralisation des structures ; la démocratisation de l’offre de formation ; et enfin l’évaluation interne et externe, en tant qu’outil critique visant à améliorer les services rendus à l’économie et à la société. Cette vision d’une université innovante, ouverte au monde et sur le monde, doit s’inscrire dans une réforme dont quelques bases fragiles ont été posées, mais pour laquelle l’essentiel reste à faire. La construction d’un système d’enseignement supérieur de qualité, qui s’appuie sur des bases solides de bonne gouvernance académique, administrative et financière, est devenue un impératif. C’est la seule façon d’éviter l’isolement, dans un contexte international où la mobilité et la recherche scientifique connaissent un essor sans précédent. Il va falloir mener à bien un certain nombre de missions : revaloriser la dimension éthique,
Une réforme s’impose pour créer une université innovante, ouverte au monde et sur le monde.
Pour relever ces défis, notre système d’enseignement supérieur a la responsabilité de former des cadres compétents, porteurs de valeurs citoyennes et universelles, capables à la fois d’incarner le projet national, celui d’une révolution de la modernité, et de s’intéresser aux problématiques mondiales du XXIe siècle. Ces cadres doivent avoir acquis un savoir-faire qui fasse d’eux des professionnels, qui soit en parfaite adéquation avec les bassins d’emploi, et qui leur offre la possibilité de développer de nouvelles compétences tout au long de leur vie. Cette mission appelle nécessairement une vision nouvelle, favorisant la création du savoir et l’innovation. Dans cette perspective, il nous N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
restructurer les organes de direction, recourir aux technologies de l’information et de la communication, renouveler les techniques d’apprentissage et redéfinir la relation entre enseignants et étudiants. Dans cette optique, notre enseignement supérieur doit s’approprier pleinement la démarche qualité et le système LMD (licence-masterdoctorat) afin de se conformer aux normes internationales. Telle est la condition sine qua non pour permettre au peuple congolais de prendre enfin son plus bel élan, et au Congo-Kinshasa de jouer le rôle que la nature lui a confié dans le village planétaire. Certes, cette réforme ne sera pas facile. Elle devra se faire progressivement. Le premier signal fort que le pouvoir pourrait envoyer serait de relancer le débat républicain en vue de l’adoption du projet de loi-cadre sur le système éducatif national… en souffrance au Parlement depuis la précédente législature. l JEUNE AFRIQUE
Le Groupe BGFIBank est un groupe financier international multi-métiers qui a réalisé jusqu’en juin 2013 un total Bilan de 6 072 millions de dollars américain. Le Groupe BGFIBank allie solidité financière, stratégie de croissance durable et maîtrise des risques avec l’ambition d’être, la banque de référence sur ses marchés en termes de qualité de services. Fidèle à ses valeurs de Travail, d’Intégrité, de Transparence, de Responsabilité et d’Esprit d’Équipe, le groupe place la qualité de service au cœur de son métier. Implantée à Kinshasa depuis le 4 octobre 2010 la filiale Congolaise du
Groupe BGFIBank, BGFIBank RDC dont l’une des missions repose sur l’accompagnement et la participation au développement de la croissance de la RDC par le financement de projets, en décembre 2012 son total bilan a progressé de 133%, au cours de la même période : ses capitaux permanents ont enregistrés une hausse de 25%, la collecte des ressources a enregistré une progression de 309%, le montant des crédits distribués a augmenté de 230%, son produit net bancaire évolué de 67%. BGFIBank RDC poursuit son déploiement dans le pays, après l’inauguration en avril dernier son Siège Social dans la prestigieuse commune de la Gombe au cœur de la capitale
Province de Kinshasa. Après Matadi dans la province du Bas Congo et Bunia dans la Province Orientale, les prochaines ouvertures prévues dans le plan de déploiement sont celles des agences dans la province du Katanga notamment à Lubumbashi et dans la province de Kasai Oriental dans la ville de Mbuji Mayi. BGFIBank RDC est le banquier par excellence, qui est en recherche perpétuelle de la satisfaction complète de sa clientèle, en lui offrant des produits et services d’accompagnement bancaires sur mesure et innovant. Sa cible s’identifie autour des grandes entreprises, des institutions, des particuliers et des PME/ PMI à fort potentiel.
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PORTRAIT
Une vie après la scène Son prochain album, en 2014, sera le dernier. À 57 ans, Koffi Olomidé met un terme à sa carrière pour se consacrer à la production musicale, aux affaires et peut-être à la politique.
U
n double « M » triomphant sur le portail de sa villa de MontFleury, quartier huppé de Kinshasa, rappelle au visiteur qu’il est bien chez Mopao Mokonzi – « le grand patron » de la musique congolaise. Un garde privé surveille les entrées et sorties. Koffi Olomidé est absent. Comme lors du premier rendez-vous, fixé deux jours plus tôt. Mais cette fois, il garantit qu’il sera là « dans douze minutes » très exactement. Trois quarts d’heure plus tard, promesse tenue : le Rambo (un autre de ses nombreux surnoms) est de retour chez lui. Il me reçoit au beau milieu de sa cour, où six grosses cylindrées servent de décor. L’entretien peut commencer. Mais Koffi se méfie. « Si vous cherchez un révolutionnaire, je n’en suis pas un », lâche-t-il d’entrée de jeu. Pour lui, aucun doute : un journaliste est forcément à la recherche de sensationnel. Notre entrevue est sans cesse interrompue par la sonnerie de son téléphone. Un Congolais
FRÉDÉRIQUE JOUVAL
q Son album Treizième Apôtre doit sortir en fin d’année.
vivant à Paris insiste pour que son nom soit cité dans Treizième Apôtre, le prochain opus de l’artiste (sortie prévue fin 2014). « C’est 1 500 euros pour une dédicace » (autrement dit l’honneur de voir figurer son nom dans les paroles d’une des chansons du maître), tranche Koffi Olomidé, en rappelant à son interlocuteur que cet album sera le dernier de sa riche carrière. « Mais je continuerai à chanter », s’empresse-t-il de nuancer.
de la maison de disques est déjà définie : « L’objectif sera de travailler avec au maximum dix talents », confie-t-il. Celui qu’on surnomma aussi, dans les années 1970, l’étudiant le plus célèbre du Zaïre dit vouloir donner un nouveau souffle à la musique congolaise, qu’il trouve « mal en point ». Boycottés par « les Combattants » (ces membres de la diaspora, opposants radicaux au régime de Kinshasa), qui leur reprochent de soutenir Kabila, les musiciens congolais ne peuvent plus monter sur scène en Europe depuis près de cinq ans, ou alors dans des conditions très difficiles. « Un manque à gagner énorme », déplore l’artiste, qui dit comprendre certaines revendications de ses compatriotes en colère, mais sans partager « leur manière de faire » : « Ce n’est pas par la violence que nous apporterons des solutions aux problèmes du pays. » À la veille des concertations nationales qui ont rassemblé la majorité, l’opposition et la société civile (lire pp. 62-64),
BOYCOTT. Antoine Agbepa Mumba (son vrai nom), 57 ans, sacré « artiste africain de la décennie » en 2005 aux Kora Awards, les trophées de la musique africaine, veut se consacrer « à la promotion de En lançant son label, la star jeunes talents ». Il a produit entend donner un coup de jeune et composé l’album solo de Cindy Le Cœur, l’étoile à la chanson congolaise. montante de Quartier Latin International (son orchestre), sorti en le musicien a tenu à écrire « une chanjuin 2013. Et il prépare le lancement son patriotique », intitulée Congo mon de son label, Koffi Central. La stratégie amour, pour faire passer son message : « Si vous aimez le Congo, respectez les institutions et la Constitution. On ne change pas les règles du jeu pendant le match. » Un premier pas vers une carrière politique ? Koffi Olomidé n’écarte pas l’éventualité. Mais pour l’instant, ses soucis sont ailleurs. Notamment à Nanterre (près de Paris), où il est poursuivi, depuis plus d’un an, dans une affaire de viol présumé sur mineures. « Une cabale montée de toutes pièces par quatre de mes danseuses qui ne cherchaient qu’à obtenir des papiers pour rester en France », soutient l’inculpé. Lequel ne cache pas son admiration pour Marine Le Pen, « seule capable d’imposer des mesures fermes en matière de régularisation des sans-papiers ». En attendant, Koffi Olomidé développe ses affaires. Début 2012, il a inauguré un luxueux hôtel quatre étoiles à Kinshasa. « Et après mon dernier album, je rebondirai encore plus fort », promet la star. l TRÉSOR KIBANGULA
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JEUNE AFRIQUE
MESSAGE
La Banque Commerciale Du Congo conforte son statut de banque de haut niveau au service du développement économique de la R.D.C.
L
a B.C.D.C. est la banque de référence en République Démocratique du Congo depuis 1909, avec un total de bilan au 31/12/2012 équivalent à USD 526, 3 millions et une contribution au financement de l’économie à hauteur de USD 333 millions. La BCDC est le banquier et le conseiller financier de clients de qualité : entreprises congolaises et internationales, organisations et institutions, PME/PMI performantes, commerçants et professionnels actifs dans le secteur formel de l’économie, ainsi que les particuliers agents d’entreprises et de l’État.
Une nouveauté d’envergure : la B.C.D.C Banking ACADEMY
L
a BCDC a toujours porté une attention particulière à la formation de ses collaborateurs. Face au risque de déficit de personnel qualifié, le comité de direction a jugé prioritaire de développer un programme de formation destiné aux talents de demain ! La B.C.D.C. Banking Academy répond à une vision d’apprentissage des techniques bancaires et c’est dans un cadre moderne que vingt-trois jeunes universitaires ont entamé une première année de formation le 18 janvier 2013. Le programme de formation de 8 mois comporte plusieurs modules répartis entre cours théoriques et stages pratiques dans les départements et agences de la banque. Chaque module est sanctionné par des examens dont la non-réussite est une cause d’exclusion avant terme.
Pour répondre avec efficience aux besoins des différents segments de la clientèle, la BCDC est commercialement organisée en quatre métiers : • Corporate & Investment Banking ; • Financial Institutions & Banks ; • Private Banking ; • Retail Banking.
Grâce à la confiance continue de la clientèle et à l’attention permanente portée par le management à la qualité de gestion, la BCDC passe le cap de 10 millions de dollars de bénéfice net en 2012, une première dans le secteur bancaire congolais. Cette rentabilité s’affirme plus que jamais comme un gage de solidité et de pérennité.
B.C.D.C. Boulevard du 30 juin
BP 2798 Kinshasa I Tél. : +243 99 991 97 62 dir@bcdc.cd http://www.bcdc.cd/fr
Académiciens de la BCDC BANKING ACADEMY accompagnés des dirigeants de la banque.
Son objectif est précis : développer les compétences techniques, linguistiques, humaines et comportementales en touchant tous les métiers et toutes les activités de la banque. Le comité de direction et le conseil d’administration entendent ainsi faire émerger les talents de demain, nécessaire à un développement efficient et pérenne de la BCDC, tout en insufflant la culture de l’excellence. Le 10 octobre 2013, vingt-trois jeunes universitaires de la première promotion recevaient leurs certificats de réussite. Ils sont aujourd’hui des collaborateurs à temps plein de la Banque Commerciale Du Congo. Forts de ce qu’ils auront appris au sein de la B.C.D.C. Banking Academy, ils peuvent affronter les réalités de la banque. Quant aux dirigeants, les formateurs et autres entités de la banque, tous se prononcent très optimistes en vue des futures promotions.
DIFCOM/FC - PHOTOS : DR
La banque entretient et développe un réseau performant de 23 agences réparties sur le territoire de la RDC pour accompagner ses clients dans les zones de croissance économique.
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Le Plus de J.A. RD Congo REPORTAGE
Papa Armand donne le « la » Il n’est composé que d’amateurs, et pourtant… L’Orchestre symphonique kimbanguiste, seule formation classique d’Afrique subsaharienne, jouit désormais d’une renommée internationale.
K
inshasa, c’est la rumba. C’est le ndombolo qui, tous les soirs, fait bouger des milliers de jeunes Kinois dans les bars, les boîtes et même les rues de la capitale. Tous rêvent de côtoyer les stars de la musique congolaise. Après la génération de Wendo Kolosoy puis celle de Tabu Ley Rochereau, c’est au tour de Fally Ipupa (transfuge du Quartier Latin International deKoffiOlomidé,lire p. 98)et deFerréGola (ancien de Wenge Musica) de faire vibrer des millions de Congolais, qui partagent leur passion au sein d’enthousiastes fanclubs. Pourtant, dans cet univers dominé par le rythme du soukouss et du sebene, une autre grande musique, « classique », fait depuis quelques années la fierté des Kinois. C’est celle que joue l’Orchestre symphonique kimbanguiste (OSK), la seule formation philharmonique d’Afrique subsaharienne, née du pari fou – et réussi – d’Armand Diangienda, son maestro. Rienneprédisposaitlepetit-filsdu«prophète » Simon Kimbangu, chef spirituel de l’Église kimbanguiste, à une carrière musicale. Enfant, Armand aimait le piano. Mais il rêvait surtout de devenir aviateur. Il avait même bricolé un simulateur de vol dans le salon familial. Il finit par prendre les airs, direction la Belgique puis les ÉtatsUnis, pour suivre des cours de pilotage. À chacun de ses retours à Kinshasa, son père, Joseph Diangienda, lui répétait: « Ce serait bien de rassembler des personnes N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
qui s’intéressent à la musique pour former un groupe. » Avec sans doute une idée en tête: le voir diriger la fanfare kimbanguiste qui anime le culte dominical. En 1985, Armand monte le Groupe symphonique kimbanguiste – qui n’a alors de symphonique que le nom. Quelques répétitions, de temps en temps, avec des amis, tous membres, justement, de la fanfare. « Mon père m’a encouragé à accueillir d’autres musiciens et choristes, quel que soit leur instrument et quelle que soit leur religion », se souvient-il. Bientôt, une trentaine de membres composent le groupe, rebaptisé Kimbanguist Big Band. Après avoir décroché sa licence de pilote commercial, Armand Diangienda revient s’installer à Kinshasa, où il est embauché
juillet 2002, désigné à l’unanimité par les membres du groupe, qui le surnomment affectueusement Papa Armand. FEMME AU FOYER. L’ensemble philhar-
monique est essentiellement constitué de musiciens autodidactes. « Ils viennent d’univers très variés, et sont femme au foyer, médecin, étudiant, commerçant, banquier… Notre première mission a été de récupérer et de bricoler des instruments puis de transmettre quelques notions de solfège à nos apprentis musiciens, raconte Armand, qui s’est lui-même formé “sur le tas”. Mes amis Albert Matubanza et Alphonse N’Nankou N’Goma se sont occupés respectivement des cordes et des instruments à vent. Plus tard, certains membres du groupe ont suivi des cours à l’Institut Quelques musiciens formés « sur national des arts pour obtele tas », des instruments bricolés… nirundiplôme.»Desateliers avec des musiciens profesC’est ainsi que tout a commencé. sionnels (notamment ceux par la compagnie Scibe Airlift. Mais les d’un orchestre philharmonique allemand) sont régulièrement organisés à Kinshasa mauvaises nouvelles ne tardent pas : les pillages de 1991 sont suivis en 1992 du pour permettre aux instrumentistes de se crash, à Goma, de l’avion dans lequel il perfectionner.Lemaestrolui-mêmeasuivi vole habituellement… Au chômage, le plusieurs stages en Europe pour approfonpilote consacre plus de temps à son Église dirsesconnaissancesensolfège,harmonie et se remet à penser aux ambitions de son et direction d’orchestre. Depuis 2003, il a composé trois symphonies : Souffle de père. En 1994, avec deux amis, il décide vérité, Réconciliation et Mon identité. de s’attaquer au répertoire classique et fonde l’Orchestre symphonique kimban« Un, deux, un, deux, partons! » Violons, guiste. Il en est le directeur musical depuis altos et contrebasses amorcent à peine la JEUNE AFRIQUE
Le grand réveil
PHOTOS : VINCENT BOISOT/RIVA PRESS POUR LE FIGARO MAGAZINE
t L’ensemble, dirigé par Armand Diangienda (page de gauche), compte près de 200 instrumentistes et choristes bénévoles qui se produisent dans le monde entier.
cinquième mesure que le chef les interrompt. « Non ! Vous forcez trop le mi », indique-t-il à ses contrebassistes. Dans la salle de répétition, deux ventilateurs tournent. Il fait très chaud ce soir-là à Kinshasa, mais pas assez pour déconcentrer les musiciens, qui suivent religieusement la partition et les conseils de leur directeur musical. Diangienda utilise le plus souvent des images: « Faites comme si des officiers de l’armée entraient et que vous étiez là pour les accueillir en grande pompe. » L’orchestre, comme un seul homme, s’exécute avec brio, jusqu’au quatrième et dernier mouvement de la Neuvième Symphonie de Beethoven – le compositeur préféré du maestro –, cette « Ode à la joie », jouée de façon si bouleversante et singulière, qui a contribué
à la notoriété de l’OSK. « C’est important d’interpréter exactement ce que le compositeur a voulu pour son œuvre. C’est pourquoi je dialogue souvent avec mes musiciens, afin de les mettre dans l’état d’esprit qui convient », explique le chef d’orchestre. Près de vingt ans après le début de l’aventure, l’ensemble compte quelque 200 musiciens et choristes, tous bénévoles, dont la réputation a largement dépassé les frontières du pays. Surtout depuis la sortie, en 2010, de Kinshasa Symphony, le documentaire que Martin Baer et Claus Wischmann leur ont consacré. Il y a deux ans,Armand Diangiendaconfiait sesvœux les plus chers: voyager à travers le monde avecsesmusiciens,dirigerunorchestreprofessionnel et ouvrir une école de musique.
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Depuis, l’OSK a été invité à se produire dans plusieurs pays du continent, mais aussi en Europe, en Asie et aux ÉtatsUnis. Et après un passage remarqué au Printemps des arts de Monte-Carlo en avril 2013,laprincesseCarolinedeMonacos’est rendue à Kinshasa deux mois plus tard pourassisteràunenouvellereprésentation de la formation, accompagnée par le quatuor à cordes monégasque Monoï Kops. VŒUX. Le 13 novembre, Papa Armand a
vu son deuxième vœu s’exaucer puisqu’il a étéinvitéàSéoulpourdirigerlesmusiciens de l’Orchestre symphonique de Corée à l’occasion du 40e anniversaire du festival des arts du pays. Quatre œuvres ont été présentées: une symphonie composée par deux de ses musiciens, deux autres par de jeunescompositeurscoréens,etuneœuvre populaire coréenne. La consécration pour Diangienda, qui compte bien concrétiser son troisième vœu, celui de mettre sur pied une école de musique « ouverte à tous » à Kinshasa. « Actuellement, les musiciens sont formés chez moi, explique-t-il. Ce cadre ne favorise pas l’intégration de personnes non kimbanguistes, qui peuvent se sentir gênées de se rendre chez un dirigeant religieux, même s’il ne s’agit que de prendre des cours de musique. » En attendant, l’orchestre répète, encore et encore. Mi-décembre, une trentaine de musiciens ont donné une série de représentations en Allemagne. Et le 12 janvier, le maestro a été mis a l’honneur par un grand concert. Il célébrait ce jour-là ses 50 ans et les 20 ans de sa création. l TRÉSOR KIBANGULA
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Cap sur la modernité Le Président Kabila donne une nouvelle impulsion politique à la Nation
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Mais sa révolution n’est plus entendue au sens historique qui a engendré sur le continent rebellions et guerres culminant dans la prédation et les luttes fratricides. Il en a bien choisi le déterminant : c’est une révolution de la modernité. La révolution de la modernité repose ainsi sur des choix novateurs pour, rappelons-le, faire accéder la RDC au rang des pays émergents à l’échéance 2030 et à celui des pays développés d’ici à 2060. Le plus emblématique de ces choix novateurs fut le fameux Projet de coopération sino-congolais qui rendit possible l’opérationnalisation du programme des cinq chantiers de la République avec, au final, un bilan largement apprécié par les populations bénéficiaires, malgré les multiples entraves, parmi lesquelles le cycle répétitif de guerres. C’est, en effet, grâce à ce programme que des hôpitaux modernes ont été construits ou réhabilités et reéquipés, notamment à Kinshasa et à Kisangani, que des universités modernes ont été construites à Kindu et Bukavu, que des instituts techniques industriels (ITI) sont nés, etc. La Révolution de la Modernité prônée par Joseph Kabila n’est pas assise sur la primauté des ressources naturelles, mais sur celle de l’homme (au sens de homo et non de vir). Voilà pourquoi le premier et le deuxième des sept piliers qui charpentent sa vision pour le Congo lui sont justement consacrés. Ces 7 piliers consistent à faire du Congo : 1. un Pool d’intelligence et du savoirfaire, 2. un Vivier de la Nouvelle Citoyenneté et de la classe moyenne, 3. un Grenier agricole, 4. une Puissance énergétique et environnementale, 5. une Puissance économique et industrielle, 6. une Terre de paix et de mieux-être, 7. une Puissance régionale au cœur de l’Afrique.
« L’objectif assigné aux Concertations nationales, forum d’échanges entre fils et filles de notre pays dans un esprit républicain et de tolérance mutuelle, était de dégager les voies et moyens susceptibles de rétablir et de consolider la cohésion interne, en vue d’assurer la victoire sur toutes les forces d’agression; de renforcer l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire national; de mettre fin au cycle infernal de violences à répétition, principalement dans le Nord-Kivu, le Sud-Kivu et l’Ituri; de conjurer toute velléité de s’associer aux tentatives exogènes de déstabilisation du pays et de planifier, ensemble, le développement socio-économique de ce dernier dans la paix et la concorde. »
Le Président Joseph Kabila l’a souligné dans son discours du 23 octobre 2013 devant les deux chambres du parlement réunies en congrès, et dans lequel il a appelé ses compatriotes au changement individuel et collectif de mentalités, de méthodes et de comportement. Aux prises avec les forces négatives qui entravent les efforts pour faire du Congo une terre de paix, Joseph Kabila et son gouvernement ont tout fait pour que la guerre ne fasse pas oublier le processus vers l’émergence du pays à l’horizon 2030 et son développement à l’échéance du jubilé des 100 ans d’accession du pays à sa souveraineté nationale et internationale. Ainsi a-t-on compté 1000 écoles construites ou réhabilitées à l’anniversaire de l’an 1 du gouvernement Matata. Le même bilan annuel présentait la création de plus de 6000 emplois et la réhabilitation-équipement de plus de 200 hôpitaux et 1000 centres de santé. A cela il faut ajouter l’acquisition de nouvelles locomotives par la société nationale des chemins de fer, la création et l’équippement en bus d’une nouvelle société de transport, la bancarisation déjà effective et appréciée dans les agglomérations urbaines, la connexion du pays à la fibre optique depuis le 08 juillet 2013, et la poursuite remarquable des travaux de réhabilitation des infrastructures. Sans oublier le mégaprojet de construction d’Inga 3 pour lequel un important contrat a été signé avec la République sud-africaine représentée par son Président Jacob Zuma en personne.
Joseph KABILA Extrait du discours du 23 octobre 2013 devant les deux chambres réunies en Congrès
Révolution de la Modernité : Faire du Congo un Vivier de la Nouvelle Citoyenneté et de la classe moyenne Kinshasa, la Cité du Fleuve
VISION ET PRAXIS. La vision de Joseph Kabila que le Gouvernement Matata s’est efforcé de mettre en œuvre, perçoit l’homme congolais comme le moteur et le réceptacle du développement vers lequel elle conduit. Ainsi, le formatage d’un type nouveau de Congolais est-il compris comme le premier pas incontournable vers le changement tant attendu. II
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le Président Kabila a dit qu’il inaugurait, ce faisant, «un nouveau départ». Nouveau parce que le projet qu’il avait initié pour le Congo n’est plus assumé par sa seule famille politique de la Majorité Présidentielle, mais a été rejoint par l’ensemble des composantes du peuple congolais. Mais nouveau surtout parce que les décisions prises à la suite des concertations nationales marquent un nouvel élan imprimé au pays.
Révolution de la Modernité : Faire du Congo un Pool d’intelligence et du savoir-faire
Malgré la guerre, les paramètres macroéconomiques sont restés stables : taux de change stabilisé autour de 920FC contre 1 dollar américain ; absence d’arriérés sur le paiement de la dette extérieure ; augmentation des réserves internationales (de 1.299 millions de dollars US à 1.646 millions en 2012). Malgré le contexte international encore marqué par la crise et la guerre subie à l’Est du pays, la RDC a accéléré sa croissance économique située à 7,2% en 2012 contre 6,9 en 2011. Elle pourrait atteindre les 8,8 % en 2013, à en croire les spécialistes du Ministère des Finances. L’UNION FAIT LE CONGO. Le Congo-Kinshasa bouge, c’est indéniable. Mais ce que beaucoup ne savent pas, c’est qu’il bouge conformément à une vision et vers l’objectif de celle-ci. La vision, c’est la Révolution de la Modernité. L’objectif, c’est l’émergence du Congo à l’horizon 2030 le plein développement pour le centenaire de notre indépendance. Toute l’action du gouvernement est cadrée sur cette vision et cet objectif. Toutes les performances susmentionnées et bien d’autres participent de la cohérence de la vision du Président Joseph Kabila. Celui-ci, après avoir tracé la voie qui convient à son pays pour son développement, a dû prendre en compte les pesanteurs sur lesquelles achoppait sa vision. Réaliste et pragmatique, il a dans la cohérence de sa vision, décidé d’opérer un autre choix innovant : réunir le peuple congolais, dans toutes ses composantes, en concertations nationales afin de dégager les voies et moyens susceptibles de consolider la cohésion interne, en vue d’assurer la victoire du pays sur le double front de la défense de la souveraineté nationale et du développement économique et social. Au terme des concertations et au moment où il a choisi d’annoncer à son peuple les décisions que lui ont inspirées leurs recommandations, MESSAGE
III
Joseph Kabila en compagnie de jeunes élèves de l’Institut de la Gombe à Kinshasa
«...La cohésion nationale c’est faire montre chacun et ensemble, de plus d’éthique et de sens du bien public, de plus de participation et de consensus, tout en respectant les fondamentaux de tout exercice démocratique, et démontrer plus de solidarité dans l’effort et dans le partage des dividendes...»
PUISSANCE RÉGIONALE AU COEUR DE L’AFRIQUE. La plupart des recommandations des concertations nationales ont corroboré la vision présidentielle dont peut-être beaucoup de concertateurs n’avaient, auparavant, pas connaissance. Ainsi, en phase avec les concertateurs et en totale cohérence avec sa vision de la Révolution de la Modernité, le Président trouve comme remède à la stratégie de déstabilisation et de fragilisation des institutions de la République afin de priver la RDC d’une partie de ses terres et de ses ressources naturelles, l’exigence faite aux groupes armés de déposer les armes et de se rendre, sans quoi ils y seront contraints par force. La menace a été mise à exécution entraînant la débâcle du M23, qui a était délogé de toutes ses positions sur le territoire congolais le 5 novembre 2013. La victoire militaire des Forces Armées de la R.D. Congo sur le M23 a conduit ce mouvement rebelle à l’autodissolution. Depuis lors, plusieurs groupes armés ont fait reddition. Ceux qui ne l’ont pas encore fait, bravant de fait l’ultimatum du Chef de l’Etat, y seront eux aussi contraints par la force à l’instar du M23. Ce dernier volet de l’alternative repose sur la professionnalisation et la montée en puissance des FARDC, socle de la RDC puissance régionale au cœur de l’Afrique, conformément à la vision initiale du Président. Celui-ci précise dans ce cadre que la réforme du secteur de sécurité demeure la priorité des priorités. Les principes directeurs pour ce faire sont : recrutement de qualité, discipline rigoureuse, formation et équipement conformes aux standards internationaux, organisation interne efficiente et compatible avec le caractère républicain de l’armée, affectation des officiers et hommes de troupes en fonction des besoins opérationnels et dans le strict respect du principe de rotation sur l’ensemble du territoire national. C’est fort de la montée en puissance de son armée que la RDC a enclenché le front de Beni contre les ADF/NALU et décidé de l’envoi d’en bataillon de ses hommes à Bangui pour préserver l’ordre et la paix dans la
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région afin d’éviter que l’histoire vécue par le pays de Mzee Laurent Désiré Kabila à la suite du génocide rwandais de 1994 ne se répète au nord du pays vingt ans après. PUISSANCE ÉCONOMIQUE ET INDUSTRIELLE. Le Président Joseph Kabila est convaincu de la capacité de la RDC de devenir une puissance économique et annonce les réformes nécessaires à cet effet. Sa vision initiale prévoyait déjà parmi les axes majeurs pour ce faire, la mise en exploitation équitable du potentiel agricole de la RDC estimé à 80 millions d’hectares arables de manière à générer des millions de chefs d’entreprise agricole. Le Président souligne cet impératif en prônant les Etats généraux des agriculteurs et des paysans, l’accélération de la mise en place du Conseil économique et social, l’émergence d’une classe moyenne, le paiement de la dette intérieure certifiée en vue de la relance des emplois dans les petites et moyennes entreprises, etc. Les concertations nationales ont donc consolidé la vision du Président Joseph Kabila pour la RDC. Mais il faut surtout leur reconnaître le mérite d’avoir été un rendez-vous du donner et du recevoir. La vision du Chef de l’Etat a été corroborée par les conclusions des concertations nationales et a, du coup, bénéficié de la disponibilité de nouvelles ressources humaines pour sa mise en œuvre. C’est donc à juste titre que le Président a tenu à féliciter ses compatriotes qui ont participé à ces cogitations, tout en précisant le sens qu’il donne à la cohésion nationale qui les a justifiées : c’est faire montre chacun et ensemble, de plus d’éthique et de sens du bien public, de plus de participation et de consensus, tout en respectant les fondamentaux de tout exercice démocratique, et démontrer plus de solidarité dans l’effort et dans le partage des dividendes. En un mot, il s’agit tout simplement, pour les Congolais, de s’inscrire dans la perspective d’une RDC vivier de la Nouvelle Citoyenneté, deuxième pilier de la Révolution de la modernité. Conformément à cet axe, le Président appelle à la lutte contre l’indiscipline et l’impunité, notamment des membres de l’armée et de la police qui ont pour maîtres à la fois le drapeau et l’argent et qui, naturellement, sacrifient le premier à l’autel du second. Il appelle également les différentes institutions à réactiver les mécanismes existants et à en mettre en œuvre de nouvelles pour châtier les actes de corruption, de détournement des de-
‘’(…) Le projet phare du secteur Energie sera cependant la construction du Grand Inga, dont les études préliminaires ont déjà commencé. Des décennies durant, les experts nous en ont en effet plus parlé en termes d’obstacles à franchir, que d’opportunités à saisir. Je gage que si, à leur époque, les pharaons avaient écouté ce type d’experts, nous n’aurions jamais eu les pyramides. La Révolution de la Modernité a pour particularité de reculer les limites. Le Grand Inga sera construit ! ‘’ Joseph KABILA Kingakati, le 14 septembre 2011
niers publics, de coulage des recettes publiques et d’enrichissement illicite, notamment par le contrôle parlementaire. Le Président Joseph Kabila annonce à cet égard la nomination d’un Conseiller spécial du Chef de l’Etat en charge de cette question.
Révolution de la Modernité : Faire du Congo une Puissance énergétique et environnementale Barrage d’Inga
«...Ceux qui fondent leur avenir sur le projet funeste de la déstabilisation de notre pays n’y renonceront que si celui-ci s’affirme comme une puissance à laquelle on ne peut s’attaquer sans conséquence. C’est dans cette perspective que les actions en cours vont se poursuivre, afin de doter notre pays des moyens nécessaires pour garantir la paix et la sécurité de ses populations et pour atteindre les objectifs qu’il s’est fixé à travers le programme de la Révolution de la Modernité...» Extrait du Discours du Chef de l’Etat, Joseph Kabila à la Nation 31 décembre 2013
En outre, il a judicieusement tenu à prévenir, en marge des mesures prises pour conforter la cohésion nationale, notamment l’ordonnance portant mesures de grâce, que sans justice, la réconciliation est factice. Voilà pourquoi le Président promet de mettre un soin particulier dans le choix des animateurs des institutions et dans l’application rigoureuse et systématique de la sanction pour mettre hors d’état de nuire tous les éléments susceptibles d’hypothéquer la détermination à améliorer la gouvernance de la République et la condition sociale du citoyen congolais. Cette dernière se mesure, en termes de paramètres d’appréciation de la marche du pays vers l’émergence, à la croissance économique qui, on l’a vu, a maintenu le cap ascendant malgré la crise, à l’espérance de vie, au taux d’alphabétisation, à celui du niveau d’études et d’instruction, à l’accès à l’eau, etc., paramètres pris en compte pour l’Indice du Développement Humain. Joseph Kabila tient à ce que les congolais s’engagent à relever ce défi tous ensemble par-delà les clivages politiques ou de toute autre nature. Avec la cohésion nationale resoudée, le retour à la paix, à la suite de la reconquête des territoires de la RDC encore récemment entre les mains du M23, le nouveau départ est loin d’être un simple chimère. Les principaux indicateurs renseignant sur les progrès du pays vers son émergence sont en effet prometteurs: la cohésion nationale est acquise, la paix et l’intégrité territoriale sont restaurées, l’économie est au vert, etc. Bref, plus rien n’empêche désormais la RDC d’avancer à grand pas vers son émergence. IV
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Économie
25 AGROALIMENTAIRE
Les
pionniers
À la tête de multinationales ou de PME, ils sont des précurseurs de l’industrialisation des filières agricoles africaines. Leur credo : transformer sur place les aliments produits localement.
STÉPHANE BALLONG, RYADH BENLAHRECH, MARIE CADOUX (à Casablanca), NADOUN COULIBALY (à Ouagadougou), FRIDA DAHMANI (à Tunis), CHRISTOPHE LE BEC, FRÉDÉRIC MAURY, OMER MBADI (à Yaoundé) et NICOLAS TEISSERENC
N
os 25 précurseurs de l’agroalimentaire en Afrique francophone sont-ils fous ou visionnaires ? Dans leur difficile combat pour la transformation locale, ces défricheurs ont dû faire face aux plus grands obstacles : des infrastructures défaillantes, un foncier peu sûr, des filières agricoles mal organisées, sans parler de la concurrence des produits finis importés plus ou moins frauduleusement. Mais tous se sont posé les mêmes questions : pourquoi la Côte d’Ivoire importe-t-elle chaque année 1 million de tonnes de riz alors qu’elle pourrait le cultiver sur son sol ? Pourquoi l’Algérie est-elle l’un des premiers importateurs de blé au monde alors que le pays dispose
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de millions d’hectares de terres arables ? Bref, pourquoi ne pas récolter et transformer sur place ce qui peut l’être? Beaucoup d’arguments plaident en faveur de cette proposition : l’industrialisation reste la voie royale du développement économique; la structuration de filières agro-industrielles, du champ à l’usine et de l’usine au marché, est le plus sûr chemin vers l’amélioration de la sécurité alimentaire; l’importation de produits pèse trop lourdement sur les balances commerciales africaines ; enfin, depuis la flambée des prix alimentaires en 20072008, produire localement n’est plus forcément plus cher que d’importer. Au-delà des pionniers de l’agroindustrie, espérons que les États, eux aussi, prennent la mesure de l’enjeu. l JEUNE AFRIQUE
MAROC
DÉCIDEURS
Khalid al-Mufti Patron deTatweer Research
DÉVELOPPEMENT
PTA Bank ratisse large
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FOTOLIA ; SIAT ; OLIVIER POUR J.A. ; EMMANUEL DAOU BAKARY POUR J.A. ; SEYLLOU DIALLO/AFP
Le sport, un pari gagnant
pêche. Fort des acquisitions réalisées, il entend accélérer le développement de l’entreprise (300 millions d’euros de CA en 2012)enréduisantsadépendanceàl’égard des approvisionnements en sardines et en diversifiant les activités de conserves.
MAROC SAÏD ALJ Président d’Unimer
les capacités de stockage et de production en aval. Le but ? Répondre à la demande avec des produits locaux.
ALI BERBICH Président du directoire de Zalagh Holding
JACQUES PONTY PDG de Centrale laitière
AMIE
Depuis près de vingt ans, il fait grandir à marche forcée Unimer, acteur majeur des conserves de sardines et d’anchois. Multipliant les rachats(LMVMen2010, Consernor en 2012), Saïd Alj (photo), 60 ans, est un redoutable homme d’affaires doté d’une parfaite connaissance de la filière
Ce fin connaisseur du secteur de la transformationlaitière,fidèledeDanonedepuis 1986 et arrivé au Maroc en mars 2013, a pour mission de renforcer le leadership de la firme (65 % de part de marché et un CA de 600 millions d’euros en 2012). Pour ce faire, il poursuit le développement de la filière en amont (grâce à 120 000 éleveurs partenaires), tout en améliorant
Revenu au Maroc au début des années 2000, le président du directoire de Zalagh Holding (444 millions d’euros de CA en 2012) maîtrise tous les maillons de la chaîne de production avicole : importation de céréales, fabrication de nutrition animale, accouvage, élevage, abattage et transformation. Après avoir ouvert son tour de table à la Société financière internationale (IFC) en 2013, le quadragénaire est plein d’ambition : « Notre stratégie est de consolider notre intégration verticale et de renforcer notre part de marché. » N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
Entreprises marchés
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TAHAR BIMEZZAGH
BOUSSAAD BATOUCHE Patron de STPA et Elafruits
ALGÉRIE MOHAMED LAÏD BENAMOR, PDG du groupe Benamor Depuis qu’il a pris la tête du groupe familial en 2002, Mohamed Laïd Benamor (47 ans) est parvenu à le diversifier et à l’intégrer. Spécialisé dans la conserverie de tomate, il s’approvisionne auprès d’agriculteurs locaux à qui il fournit plants, pesticides et assistance technique, ce qui a contribué à une multiplication des rendements par quatre depuis 2005. Si le groupe Benamor (195 millions d’euros de CA en 2011) est présent dans l’amont agricole pour sa production de farine, de pâtes et de semoule, il n’oublie pas les débouchés : il se lance actuellement dans la boulangerie industrielle.
Patron de deux entreprises de transformation de fruits, Boussaad Batouche (59 ans) conserve ses yeux d’enfant lorsqu’il fait visiter le chantier de sa future usine. Son inauguration est prévue en février et elle aura une capacité annuelle de 8000 tonnes de fruits transformés. Ce sont exclusivement les agriculteurs algériens qui la fourniront en matières premières. « Notre pays importe trop de fruits de l’étranger », insiste-t-il. Capacité annuelle annoncée de la nouvelle usine :
8O0N0N0ES T
8 000 t
de fruits transformés
TUNISIE HAMDI MEDDEB VINCENT FOURNIER/J.A.
PDG de Stial Délice Danone
Si la Société tunisienne des industries alimentaires (Stial) est devenue leader de l’industrie laitière en Afrique du Nord, c’est en partie parce que son patron, Hamdi Meddeb (61 ans), se veut intraitable sur la qualité. Car si cette dernière a
un prix, elle consolide aussi une position dominante sur le marché. « Quand on est dans les produits frais, on ne peut prendre le risque de l’importation. Autant miser sur des fournisseurs locaux formés aux normes de qualité et d’hygiène de la maison », assure le staff de Stial Délice Danone. Même si le groupe n’a d’autre choix, en période de basse lactation, que d’importer du lait en poudre.
ABDELWAHAB BEN AYED PDG de Poulina
Le fondateur de Poulina, premier groupe privé tunisien (608 millions de CA en 2012), est un pragmatique. Ce Sfaxien de 75 ans s’est lancé au début des années 1970 dans les affaires à partir d’une petite unité avicole. Devenu le roi du poulet, il s’est depuis diversifié dans bien d’autres métiers, mais toujours en appliquant la même recette : intégrer au maximum les filières pour avoir le moins possible recours à des fournisseurs extérieurs. Chez Poulina, rien ne se perd, tout se transforme…
ONS ABID POUR J.A.
Après l’Afrique, le Moyen-Orient et la Turquie, Tahar Bimezzagh, roi de la charcuterie 100 % marocaine, parviendra-t-il à exporter ses produits en Europe et en Amérique du Nord, voire à y développer ses propres usines ? Ce self-made-man de 44 ans, qui a grandi dans la boucherie familiale à Tafraout et a quitté l’école à l’âge de 12 ans, en caresse le rêve. Au Maroc, Koutoubia Holding (environ 190 millions d’euros de CA en 2013) détient 75 % du marché de la charcuterie industrielle grâce à ses huit filiales et ses six sites de production. À l’origine de ce succès, une maîtrise complète de la chaîne de production, de l’élevage à la distribution en passant par l’abattage et la transformation.
DR
Président de Koutoubia Holding
INTERVIEW
SÉNÉGAL JEAN-CLAUDEMIMRAN
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SÉNÉGAL
BAGORÉ BATHILY DG de la Laiterie du Berger
Président de la CSS
NENDIENA
Au pays de la Téranga, ce FrancoSénégalais de 68 ans domine le marché du sucre. La Compagnie sucrière sénégalaise (CSS), qu’il dirige depuis 1975 (après le décès de son père, Jacques Mimran, fondateur du groupe familial), produit plus de 100000 tonnes de sucre par an. Le tout grâce à une plantation de canne à sucre s’étendant sur plus de 10000 ha au bord du fleuve Sénégal, à Richard-Toll. Une superficie que le groupe veut multiplier par deux.
« Les États doivent soutenir les produits transformés sur place » Fondateur d’une laiterie industrielle à Richard-Toll, ce trentenaire regrette une taxation dissuasive pour les entrepreneurs locaux.
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l fallait sans doute l’insouciance de la jeunesse pour se lancer. À moins de 40 ans, Bagoré Bathily est à la tête d’une des rares laiteries industrielles d’Afrique de l’Ouest, avec Niger-Lait ou Tiviski en Mauritanie. C’est de l’autre côté du fleuve Sénégal, à Richard-Toll, qu’il a créé il y a sept ans la Laiterie du Berger, à quelques pas de la Compagnie sucrière sénégalaise. Le lait est collecté auprès de 800 éleveurs avant d’être transformé en yaourts vendus sous la marque Dolima. Une gageure dans un pays où la poudre de lait importée règne sur le marché.
GARCIA/STARFACE
JEUNE AFRIQUE: Pourquoi avoir choisi de produire sur place plutôt que d’importer? BAGORÉ BATHILY: D’abord, en tant que vétérinaire, j’entretiens un lien particulier avec le monde rural. Ensuite, j’avais autour de moi des industriels qui m’ont convaincu que, à terme, cela avait du sens de produire localement. En termes de coûts, ce n’est pas forcément intéressant… Quand nous avons commencé, notre lait était deux fois plus cher. Depuis, le prix des matières premières a augmenté et, aujourd’hui, le lait produit à partir de poudre coûte à peine moins cher que notre production. Du coup, alors que nous ne faisions que des produits premium au début, nous sommes désormais tournés vers une catégorie plus large de consommateurs.
ABBAS JABER Président d’Advens
Dans notre liste, il ferait plutôt figure de baron déchu. Il y a dix ans, pourtant, le redoutable négociant a tenté de se transformer en agro-industriel. Avec un premier coup impressionnant : la reprise de la société arachidière Sonacos. Abbas Jaber (55 ans) l’a rebaptisée Suneor et en a fait une entreprise autrefois rentable, capable de jouer l l l JEUNE AFRIQUE
Quelle a été la pire difficulté? L’accès au financement initial, car monter une entreprise dans le domaine de l’agro-industrie reste financièrement compliqué. L’autre défi a été d’évoluer dans une filière qui n’était pas structurée : il a fallu travailler sur le foncier, la gestion de l’eau entre l’industriel et l’éleveur nomade, etc. La transformation locale doit-elle être protégée par les États? Je ne suis pas utopiste et je sais que l’État a peu de ressources et est contraint par des règles internationales. Mais il y a beaucoup d’incohérences dans le niveau de taxation. Si l’on veut développer les filières locales, il faut mieux penser ce point. Pas en surtaxant ce qui est importé, mais en soutenant ce Propos recueillis par FRÉDÉRIC MAURY qui est produit sur place. l N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
INTERVIEW MAROC
MOHAMED FIKRAT PDG de Cosumar
« Un tiers de notre production est issue de l’agriculture locale »
Après avoir développé la filière sucrière marocaine, le groupe envisage de s’implanter dans d’autres pays du continent.
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irigé par Mohamed Fikrat depuis 2004, Cosumar (426 millions d’euros de CA en 2012) symbolise la réussite de la politique marocaine de substitution aux importations. Largement subventionnée par l’État, l’ex-filiale du holding royal SNI a accompagné l’émergence du royaume comme producteur et transformateur de sucre. Moins par fierté nationale que par volonté d’accroître la sécurité alimentaire du pays.
Président de la Socas
JEUNE AFRIQUE : Sur l’ensemble de vos activités agro-industrielles, quelle est la part des matières premières locales ? MOHAMED FIKRAT: Environ 30 % de notre production est issue des plantes sucrières locales. Notre sucre blanc est extrait de la canne à sucre, de la betterave à sucre mais aussi du raffinage de sucre brut importé. Cela nous permet de faire face à la fois aux éventuelles difficultés liées à la production locale et aux fluctuations du marché mondial. Pourquoi avoir préféré la production locale à l’importation ? L’objectif du groupe est de moderniser la filière. Près de 5,5 milliards de dirhams [environ 485 millions d’euros] ont été investis pour la modernisation et l’augmentation des capacités de traitement des plantes sucrières, mais aussi de raffinage. Nous avons augmenté les performances en termes de rendement, à 9,5 tonnes de sucre par hectare, contre 7,8 en 2006. Les revenus bruts des 800000 agriculteurs marocains travaillant avec Cosumar ont atteint 31 703 dirhams par hectare en 2012, contre 20 900 trois ans plus tôt. Avec votre nouveau partenaire, Wilmar, allez-vous vous développer en dehors du Maroc ? Plusieurs études de projet de développement ont été engagées par Cosumar afin de préparer des relais de croissance à l’international, notamment en Afrique, un continent qui enregistre un déficit en sucre de 6 millions de tonnes par an. La présence de Wilmar dans le capital de Cosumar en tant qu’actionnaire stratégique favorisera notre développement en Afrique du Nord, au Moyen-Orient et en Afrique subsaharienne. Wilmar est lui-même déjà présent dans les filières agroalimentaires de plusieurs pays africains. l Propos recueillis par NICOLAS TEISSERENC N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
l l l sur deux tableaux – la transformation d’arachide en huile vendue à l’étranger d’une part, et l’import d’huiles végétales d’autre part – pour assurer l’équilibre financier. Las, Suneor est aujourd’hui au bout du rouleau, plombé par quelques erreurs de gestion mais aussi par le déferlement de l’huile de palme asiatique dans la sous-région.
DONALD BARON
COSUMAR
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Même s’il est aujourd’hui mis en difficulté par la concurrence, ce Français installé au Sénégal demeure une figure de proue de la filière tomate du pays. Depuis le début des années 1970, la Société de conserves alimentaires au Sénégal (Socas) inonde le marché en concentré de tomates (notamment sous les marques Dieg Bou Diar et Flora) fabriqués à partir de fruits frais provenant du delta du fleuve Sénégal. En 2012, la Socas a transformé près de 30 000 tonnes de tomates fraîches.
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TONNES de tomates fraîches transformées en 2012
MALI HOUD BABY PDG des Moulins du Sahel
Convaincu que la transformation des céréales produites localement peut avoir un impact réel sur l’économie (sécurité alimentaire, création d’emplois), cet entrepreneur de 57 ans ne jure que par l’agroalimentaire depuis 2011. Après s’être imposés au Mali, où ils produisent chaque jour plus de JEUNE AFRIQUE
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EMMANUEL DAOU BAKARY
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Entreprises marchés
120 tonnes de farines de riz, de mil, de maïs et de sorgho, les Moulins du Sahel (17,5 millions d’euros de CA en 2012) sont désormais présents au Niger et au Burkina Faso.
BURKINA FASO SIMONE ZOUNDI PDG de Sodepal
Si elle refuse le qualificatif de « magnat », Simone Zoundi (73 ans) est riche d’expérience. Elle débute dans l’agroalimentaire au milieu des années 1970 avec la création d’une usine de bonbons et de biscuits. Un fiasco qui ne l’empêche pas de revenir à
la charge, dans les années 1980, avec la Boulangerie du Levant. Nouveau coup d’arrêt avec la révolution d’août 1983. En 1989, elle se relance dans la biscuiterie, la pâtisserie et la farine infantile, avant de fonder en 1991 la Société d’exploitation des produits alimentaires (Sodepal), en partenariat avec Nutriset, qui soutient alors le transfert de technologie dans la formulation des compléments nutritionnels. Certes, l’entreprise est encore modeste : un CA de 380 000 euros, une production de 200 tonnes par an et 46 employés. Mais Sodepal est un acteur majeur de la lutte contre la malnutrition pour les « couches défavorisées », dixit Simone Zoundi, qui préside la Fédération des industries de l’agroalimentaire du Burkina.
son prédécesseur à la tête du groupe contrôlé par la famille Billon, mais que Bertrand Vignes, venu de Michelin, poursuit avec le même souci d’intégration de la filière et de liens privilégiés avec le monde paysan.
MOHAMAD ALI KHACHAB PDG de Thunnus Overseas Group
CÔTE D’IVOIRE
DR
DG de Sifca
Ce Français de 58 ans est le plus grand « baron » de la transformation agricole en Afrique francophone. Mais, discret comme semble devoir l’être tout agronome, Bertrand Vignes serait le premier à récuser ce terme. Sifca (788 millions d’euros de CA en 2011) fut un temps un géant mondial du cacao, avant de prendre un virage radical en se développant dans des produits à plus forte valeur ajoutée, comme l’hévéa et l’huile de palme. Une évolution que l’on doit à Yves Lambelin,
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BERTRAND VIGNES Cet ex-négociant, importateur et distributeur de poisson congelé, est devenu en 2005 un transformateur local. L’État ivoirien l’y a aidé en accordant des exonérations aux entreprises transformant des produits halieutiques. Selon le patron de 58 ans, l’implantation de ses usines en Côte d’Ivoire et à Madagascar (3 600 employés en tout) « permet au groupe d’être toujours au plus près de la ressource en fonction des saisons de pêche ». À la clé, 25 % du marché français de la conserve de thon. N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
Entreprises marchés
CAMEROUN
JEAN-MARIE ACKAH PDG de Sipra
Sur fond d’explosion de la consommation d’œufs et de volaille, Jean-Marie Ackah est idéalement positionné. La Société ivoirienne de productions animales (Sipra), qui détient 60 % du marché, investit 22 millions d’euros pour augmenter ses capacités. Une entité bien intégrée, présente dans l’alimentaire, la nutrition animale et la minoterie, qui achète des matières premières à plus de 20 000 cultivateurs de céréales.
ALEXANDRE VILGRAIN PDG de Somdiaa
Sipra travaille avec plus de
20000 cultivateurs de céréales
MASSOGBÉ TOURÉ DIABATÉ
BRUNO LÉVY POUR J.A.
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PDG de Sita
Reine de la noix de cajou et prêtresse de la transformation, Massogbé Touré Diabaté a créé en 2000 la Société ivoirienne de traitement d’anacarde (Sita), première usine de transformation du produit dans le pays. Si elle a depuis été suivie et même doublée par le géant singapourien Olam, la production nationale reste peu transformée (environ 6 %). Une réalité contre laquelle elle se bat, consciente des dizaines de milliers d’emplois qu’une industrialisation pourrait créer.
À la tête de Somdiaa, géant agroalimentaire actif dans le sucre et la farine, Alexandre Vilgrain (57 ans) est un ardent défenseur de l’industrialisation des filières. Le groupe cultive, transforme et revend l’intégralité de sa production sucrière localement. « On est obligé d’investir des tombereaux d’argent pour suivre le marché », explique le patron, dont le groupe tire 29,7 % de son CA (447 millions d’euros en 2012) des ses activités au Cameroun.
FOCUS BARONS ALGÉRIENS RESPECTIVEMENT patrons de Cevital et de SIM, Issad Rebrab et Abdelkader Taïeb Ezzraïmi (tous deux 69 ans) ont décidé de développer l’amont agricole dans une Algérie encore très dépendante de l’extérieur pour son approvisionnement alimentaire. La demande en céréales n’est ainsi satisfaite qu’à 29 % par l’agriculture locale. En 2012, Ezzraïmi a pris en concession 5000 ha de terres arables pour y produire notamment du blé. Rebrab a quant à lui acquis plusieurs concessions agricoles dans le nord et le sud du pays, où il produit des fraises, des tomates et des agrumes. Il attend aussi le feu vert des autorités pour se lancer dans la production de graines oléagineuses. Sans oublier d’aller voir plus loin: le PDG de Cevital s’est tourné vers la Corne de l’Afrique pour ses projets RYADH BENLAHRECH dans la canne à sucre et la pêche. l N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
MOUHAMADOU NDIAYE DG de Chococam
En dépit d’une concurrence qui s’affirme chaque jour, Chococam (plus de 29 millions d’euros de CA) domine toujours le secteur camerounais de la chocolaterie et de la confiserie, avec 55 % de part de marché, tout en exportant une partie de sa production au Gabon, au Tchad et en Centrafrique. Dirigée par le Sénégalais Mouhamadou Ndiaye, la filiale du sud-africain Tiger Brands a transformé 31000 tonnes de cacao produit localement au terme de la campagne 2012-2013.
GABON PIERRE VANDEBEECK PDG de Siat
Ce Belge, qui a fait ses armes dans des plantations en RD Congo dans les années 1970, s’est lancé dans l’industrialisation en montant de toutes pièces la Société d’investissement pour l’agriculture tropicale (Siat) en 1991. Actif, entre autres, dans l’huile de palme, le groupe est notamment connu à Libreville pour son huile de table Cuisin’Or. Toujours au Gabon, il s’est diversifié dans l’élevage, là encore à destination du marché local.
RD CONGO JEAN-CLAUDE DAMSEAUX DG du groupe Orgaman
Son grand-père avait quitté la Belgique en 1931 pour Kinshasa en tant que boucher-charcutier. Quatre-vingts ans plus tard, Jean-Claude Damseaux a maintenu et même renforcé la présence du groupe familial dans l’élevage bovin et porcin (60 000 têtes), l’importation et la distribution de viande. Notamment grâce à un réseau logistique et frigorifique inégalé dans l’ouest du pays et à des abattoirs performants. Il possède aussi une plantation de café. l JEUNE AFRIQUE
Entreprises marchés
Les indiscrets
FINANCE
Capital-risque
ALPHAMENA VISE
Un fonds pour les start-up
MARITIME LE WAFMAX FAIT ESCALE À COTONOU
MAERSK LINE
Bonne nouvelle pour le port autonome de Cotonou. La compagnie maritime danoise Maersk Line a décidé que ses tout nouveaux porte-conteneurs de classe Wafmax feront escale sur les terminaux béninois. « La première liaison est attendue pour le 9 mars », assure Kassim Traoré, directeur général du port, après une
JEUNE AFRIQUE
40 millions d’euros. Parmi les principaux pays ciblés : la Côte d’Ivoire, le Sénégal, la Tunisie, le Cameroun et le Maroc. Actuellement en discussion avec la
DR
C’
est inédit en Afrique francophone. Le Français François Scolan (photo de gauche), vétéran du capital-risque hexagonal (il a passé vingt ans chez Innovacom, qui a investi plus de 1 milliard d’euros dans plusieurs centaines de start-up technologiques), et le Gabonais Gilles Nembe (à dr.), ancien responsable de Cisco et de Viadeo pour les marchés émergents, lancent Askia Management Partners, un fonds consacré aux startup. Leur objectif ? Lever 100 millions d’euros, avec un premier closing de
L’AMÉRIQUE
Banque africaine de développement, la nouvelle structure négocie aussi avec des investisseurs institutionnels français et européens. l
visite éclair à Copenhague le 15 janvier. Ce service hebdomadaire pourrait engendrer un trafic supplémentaire de près de 130 000 tonnes par an pour le port, qui traite chaque année 7,5 millions de tonnes. Ces navires de dernière génération sont les plus gros porte-conteneurs jamais alignés en l’Afrique de l’Ouest. En provenance des principauxportsd’AsieduNordEst, ils joignent Apapa (Nigeria), Téma (Ghana),
Le cabinet indépendant d’analyse financière AlphaMena se tourne vers les États-Unis. Il propose depuis le 1er janvier ses produits de recherche sur les Bourses de la zone Moyen-Orient et Afrique du Nord aux investisseurs institutionnels d’Amérique du Nord. C’est sous l’impulsion de son partenaire français AlphaValue, cofondé par Pierre-Yves Gauthier, qu’un contrat de distribution exclusive a été signé le 14 janvier à Paris avec EuroLink Advisors, une société de conseil basée à New York.
Abidjan (Côte d’Ivoire) et Luanda (Angola) depuis novembre 2013. MINES LA SOGUIPAMI CONSULTE À PARIS
Les dirigeants de la Société guinéenne du patrimoine minier (Soguipami) étaient à Paris du 13 au 16 janvier. Menés par leur administrateur général, l’ancien ministre des Mines Ahmed Kanté, ils ont notamment consulté leurs avocats du cabinet Jeantet pour la mise en œuvre des prises de participation du groupe public au titre du nouveau code minier, élaboré en 2011. Ce dernier prévoit pour la Soguipami 15 % de parts gratuites dans chaque société extractive active en Guinée, avec une option d’achat de 20 % supplémentaires.
IMMOBILIER ADDOHA JUSQU’À LUANDA Pour 2014, Saad Sefrioui, directeur général du promoteur immobilier marocain Addoha (725 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2013), projette de s’implanter au Ghana, en Mauritanie et en Angola. Le groupe est déjà présent dans six pays subsahariens, dont la Côte d’Ivoire. Dans ce dernier pays, où il a signé un contrat prévoyant la construction de 10 000 logements sociaux, le groupe s’est associé à sa compatriote Banque populaire et à sa filiale ouest-africaine Banque Atlantique. N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
113
Entreprises marchés
HASSAN OUAZZANI POUR J.A.
114
p Les joueurs peuvent miser sur le score des matchs, les résultats à la mi-temps, le nom des buteurs… MAROC
Le sport, un pari gagnant En dépit de l’hostilité du précédent gouvernement islamiste, la Marocaine des jeux et des sports a doublé son chiffre d’affaires en quatre ans. Le groupe public vise désormais les marchés africains.
L
e secteur des paris sportifs se porte à merveille dans le royaume chérifien. Et ce n’est pas Younes El Mechrafi, directeur général de la Marocaine des jeux et des sports (MDJS) depuis 2009, qui dira le contraire. « Notre chiffre d’affaires estpasséde788millionsà1,466milliard de dirhams [de 69 millions à 131,5 millions d’euros] entre 2009 et 2013, et le bénéfice de 142 millions à 234 millions de dirhams », se réjouit cet ingénieur de formation, grandamateurdesportetspécialiste des systèmes d’information. Cette performance correspond à une croissance moyenne de 24 % par an, alors que le marché marocain des jeux n’a crû que de 8 % par an. D’après le directeur général, ce succès n’allait pas de soi : « En mars2012,legouvernementconduit
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par le PJD [Parti de la justice et du développement, islamiste] nous a porté un mauvais coup en imposant unnouveaucahierdeschargespour les médias publics, interdisant la publicité pour les jeux, paris sportifs inclus. Ce n’est qu’après une
lutte acharnée que nous avons pu le faire renoncer à ce projet. » Arguant, avec l’appui des théologiens musulmans, qu’on ne pouvait comparer les produits de la MDJS à des jeux de hasard, Younes El Mechrafi est monté au créneau pour défendre le gagne-pain… de l’État. TUTELLE. « Étant dans le giron
public [l’entreprise est détenue à 90 % par le Trésor public et à 10 % par la Caisse de dépôt et de gestion], tous nos bénéfices sont reversés
ILS DISTRIBUENT LES CARTES TROIS GROUPES se partagent le marché de la sous-traitance auprès des sociétés de jeux, paris et loteries. Ils leur proposent des logiciels, des systèmes de distribution mais aussi des services de conseil en marketing. Coté à la Bourse d’Athènes, le grec Intralot, dont le chiffre d’affaires a atteint
1,4 milliard d’euros en 2012, est présent dans 56 pays. En Afrique, il compte des clients au Maroc, en Afrique du Sud et au Nigeria. Quant à l’italien Lottomatica, il couvre toute l’Afrique australe ainsi que le Nigeria, le Ghana et l’Égypte. Avec une présence dans 114 pays via sa filiale américaine
GTech, il affichait 3 milliards d’euros de revenus en 2012, dont 1,2 milliard en dehors d’Italie. Enfin, Scientific Games, basé à Atlanta (États-Unis), est peu présent sur le continent à l’exception de l’Afrique du Sud. En 2012, il a réalisé un chiffre d’affaires de 712 millions C.L.B. d’euros. l JEUNE AFRIQUE
115
à notre ministère de tutelle, celui augmenter », assure le directeur de la Jeunesse et des Sports. Cela général. Mais de nouveaux produits représentera en 2014 plus du tiers ont aussi été créés. « Alors qu’aupade son budget de fonctionnement. ravant il n’était possible de parier que sur les résultats des matchs, LeministreMohammedOuzzineest même président de notre conseil désormaislesjoueurspeuventmiser d’administration », explique-t-il. Et sur les résultats à la mi-temps, sur le patron d’égrener les équipements le nom des buteurs, sur l’heure du et programmes éducatifs qui n’exisbut… » détaille Younes El Mechrafi. teraient pas sans l’appui du groupe public. « Nous participons à la mise EN LIGNE. Dans son dévelopen place de 1 000 centres sociaux pement, le groupe marocain est et sportifs de proximité pour les appuyé par le grec Intralot, l’un des jeunes, nous finançons des infrastrois géants mondiaux des technotructures et la formation logies des jeux de hasard des 6500 entraîneurs de la et de sport (lire encadré). fédération d’athlétisme », Celui-ci gère pour la fait-il valoir. MDJS les infrastructures Le plaidoyer du patron télécoms, les terminaux de jeux et les impressions de la MDJS a été entendu. D ’abord par l’État : pour les 1 200 points de Les depuis le remaniement vente du royaume. Intralot d’octobre 2013, qui a vu Marocains conseille aussi le groupe préfèrent public dans ses choix l’influence du PJD dimila Liga nuer, le gouvernement, marketing. Toujours avec trop heureux de voir ses Le championnat l’appui de ce partenaire, la ressources augmenter MDJS compte notamment espagnol en période de disette fisdévelopper les jeux en recueille cale, a oublié son combat ligne, encore balbutiants idéologique contre le jeu. au Maroc – ils ne repréLe sponsoring d’émissentent pour l’instant que des paris sur sions et la publicité dans 1 % de ses ventes. le football… les médias publics sont Mais ce sont surtout les contre à nouveau autorisés aux marchés africains que le trois groupes publics actifs groupe lorgne désormais. seulement sur ce créneau : la MDJS « Nous avons noué deux (qui détient le monopole partenariats d’assistance sur les paris sportifs, hors sur le continent, avec pour le les loteries sénégalaise hippisme),laLoterienatiochampionnat [Lonase] et ivoirienne nale (filiale de la Caisse marocain [Lonaci], se félicite Younes de dépôt et de gestion) et le Pari mutuel urbain El Mechrafi. Dans les deux marocain (PMUM, sous tutelle du cas, il s’agit de les aider à augmenter leursrecettesgrâceauxparisàcote.» ministère de l’Agriculture). Ensuite par les Marocains Pour le moment, cet accompagnement est dispensé à titre gracieux eux-mêmes, toujours plus nommais, à l’avenir, la MDJS compte breux à s’adonner au loto sportif. bien vendre ses services d’assisC’est notamment le cas dans les tance technique. Pour accroître sa milieux populaires qui, bien que visibilité, elle organisera en mars, plutôt conservateurs, concentrent à Casablanca, une conférence de la majorité des joueurs. Pour les l’Association africaine des loteries attirer, Younes El Mechrafi a misé d’État, qu’elle espère bien redynaavec succès sur les paris à cote – pour lesquels, à la différence des miser. Mais dans cette offensive de paris mutuels, le gain est connu à charme, elle devra toutefois faire l’avance en cas de pronostic exact face à un concurrent de poids : la surlerésultatd’unmatch.«IlsrepréSANL, son homologue sud-afrisentent aujourd’hui 80 % de notre cain, lorgne également les marchés chiffred’affaires,contre20%pourles africains. l parismutuels,etcettepartvaencore CHRISTOPHE LE BEC
Retrouvez sur
economie.jeuneafrique.com toute l’actualité économique et financière du continent Cette semaine, à la une :
Index of Economic Freedom Quels sont les dix pays les plus libéraux d’Afrique? Bénin La BOAD prête 3,5 milliards de F CFA au groupe hôtelier de Yérim Sow
60 %
Paiement électronique Ecobank s’allie à Mastercard dans 28 pays
3%
JEUNE AFRIQUE
Algérie L’indonésien Pertamina prêt à exporter ses premiers barils de pétrole L’interview de la semaine
Adrien Diouf SYLVAIN CHERKAOUI POUR J.A.
Directeur de l’agence Umoa-Titres
« L’endettement des États de l’UEMOA est sous contrôle »
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Décideurs LIBYE
Il veut révolutionner Benghazi Fondateur de Tatweer Research, Khalid al-Mufti caresse le rêve un peu fou de faire de la capitale de Cyrénaïque un centre mondial des TIC. Au cœur de son projet : un technoparc de 160 hectares.
D
épart Benghazi, destination Cambridge. Début janvier, un groupe de 23 jeunes Libyens diplômés en sciences et en ingénierie s’est envolé vers le Royaume-Uni pour suivre une année d’étude dans la prestigieuse université. Onze filles et douze garçons sélectionnés selon des critères exigeants. Plus vraiment des étudiants, ces « têtes chercheuses » vont s’imprégner de techniques et de savoirs qu’ils mettront ensuite en œuvre en Libye. Tous sont employés par une jeune sociétéquiapourambitiondedevenir un grand centre de recherche scientifique et d’innovation technologique : Tatweer Research. Derrière cet ambitieux projet, un ingénieur de 34 ans, Khalid al-Mufti. Guère effrayé par ce défi dans une ville en proie à des assassinats quasi quotidiens, il entend au contraire démontrer que les technologies de l’information et de la communication (TIC) peuvent « changer le monde»,commeaimentàlerépéter les entrepreneurs américains de la Silicon Valley. « Je ne vis pas dans le Benghazidesmédias.Noussommes conscients des violences, et cela va prendre du temps pour y mettre un terme. Mais face à la destruction nous voulons bâtir une société du savoir, innovante et créative », affirme-t-il. Avec Tatweer Research, Khalid al-Mufti souhaite transformer la capitale de Cyrénaïque en cité ultraconnectée. TRANSITION. Officiellementcrééen
2010 avec un budget de 150 millions d’euros, Tatweer Research a cessé toute activité pendant la révolution de 2011. Quand Benghazi se soulève, en février, Khalid al-Mufti, qui a fondé un cabinet de conseil après ses études à l’Imperial College de Londres, se trouve à Tripoli dans le cadre d’une mission pour BT (ex-British Telecom). Kaddafi ayant N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
totalement coupé les télécommunications, il rejoint Benghazi, sa ville natale, et contribue à rétablir internet et le téléphone pour les révolutionnaires grâce à des technologies satellitaires et à des pièces récupérées par les rebelles sur les infrastructures d’État. Une fois le « Guide » tombé, le jeune homme devient membre du Conseil national de transition (CNT) et conseiller d’Anwar al-Fitouri, le ministre des Télécoms. «Internetnousapermisdenepas perdre la guerre et de mener à bien la révolution », expliquait-il de sa voix calme à Paris, en octobre 2011, au sortir d’un séminaire avec les conseillers internet d’une vingtaine d’États. À cette occasion, Khalid alMufti impressionne ses pairs : Alec Ross, conseiller innovation de la secrétaire d’État américaine Hillary
Clinton, Nicolas Princen, conseiller chargé de l’économie numérique à l’Élysée, mais aussi Paul Kukubo, directeur de l’Office kényan des TIC (ICT Board), lui aussi convié à Paris pour réfléchir sur le pouvoir des nouvelles technologies à des
« Sur les décombres, nous souhaitons bâtir une société du savoir, innovante et créative. » fins politiques et pour présenter son projet de Silicon Savannah, près de Nairobi… Fort des relations qu’il noue avec ce petit monde, Khalid alMufti tente de développer au sein du CNT la « e-Libya Initiative », avec l’accord des principaux partis politiques libyens et le soutien de pays occidentaux et de géants
TRACY A. WOODWARD/THE WASHINGTON POST VIA GETTY IMAGES
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JEUNE AFRIQUE
Décideurs
Itinéraire d’un homme pressé 1980 Naissance à Benghazi 2001 Diplômé en génie électrique à l’Imperial College de Londres 2007 Création d’une société de conseil à Londres 2010 Création de Tatweer Research à Benghazi 2011 Révolutionnaire à Benghazi 2013 Redémarrage de Tatweer Research
INCUBATEUR. Avecses50employés,
PAUL NOUMBA UM BANQUE MONDIALE Cet économiste franco-camerounais, qui travaille au sein de la Banque mondiale depuis 1998, est le nouveau directeur des opérations de l’institution au Mali, au Niger et au Tchad. Il sera basé à Bamako.
KOSMOS ENERGY
Khalid al-Mufti a étudié la plupart des écosystèmes numériques. De l’incontournable Silicon Valley à l’ambitieuse Internet City, à Dubaï, en passant par Londres, Berlin et Nairobi, une vingtaine de cas ont été passés au crible par Tatweer Research. « Nous allons développer un espace unique consacré à la recherche scientifique et technologique dans les domaines du web, de l’environnement, de la climatologie et des technologies médicales », s’enthousiasme le jeune patron. Les projets sont sélectionnés en fonction des besoins des Libyens. En ce début d’année 2014, Tatweer Research s’apprête ainsi à construire une station d’énergie solaire et un centre de dessalement de l’eau de mer. Par ailleurs, dans son immeuble du centre-ville de Benghazi, un lieu de travail collaboratif, Tatweer Tech Incubator est en cours de création. Un concours s’y tiendra dans les prochains mois: les jeunes innovateurs pourront présenter leurs applications numériques dans l’espoir d’intégrer l’équipe de Khalid al-Mufti. « En Libye, il n’y a ni données statistiques, ni études, ni think tanks. Tatweer Research entend combler ce vide et même aller plus loin. Si nous collaborons avec les universités de Benghazi et de Cambridge, nous souhaitons dépasser la simple démarche universitaire », explique Ahmed Sawalem, ex-financier à Londres devenu conseiller du vicePremier ministre, avant de se consacrer, à l’âge de 28 ans, à Tatweer. Comme son patron, il est persuadé que l’ère du terrorisme en cours à Benghazi finira par laisser la place à une société du savoir. Et que cette ville deviendra, un jour, un haut lieu de l’innovation. l JOAN TILOUINE, envoyé spécial
JEUNE AFRIQUE
ON EN PARLE
WORLD BANK
par l’État via le Libyan Investment DevelopmentFund.Cefondspublic gère 15 milliards d’euros confiés par la Libyan Investment Authority et la Banque centrale. « Le gouvernement nous soutient car il a compris que notre projet peut révolutionner l’économie nationale », confie l’entrepreneur.
ANDREW G. INGLIS KOSMOS ENERGY L’ancien vice-président exécutif de BP, chargé de l’exploration et de la production en Angola, en Algérie ou encore en Égypte, a été nommé PDG de la junior américaine Kosmos Energy. Il prendra ses fonctions en mars.
HICHEM
du web comme Google (dont le patron, Eric Schmidt, s’est rendu en Libye). Objectif: mettre en place une gouvernance transparente et un service public renouvelé grâce aux TIC. Mais, rapidement, il se heurte à la politique politicienne et décide de se consacrer entièrement à son entreprise. Pour « faire entrer la Libye dans le XXIe siècle numérique », dit-il. Tatweer Research, qui a vraiment démarré en 2013, entend piloter, avec l’appui de l’État, le développement d’un parc technologique de 160 ha dans la zone franche de Meresa, à une vingtaine de kilomètres de Benghazi. À la clé, la création de 15 000 emplois d’ici à cinq ans. Khalid al-Mufti est convaincu que ce projet va permettre de diversifier une économie libyenne qui repose quasi exclusivement sur les revenus des hydrocarbures, tout en soutenant l’émergence d’un secteur privé encore très peu développé. Avec ce technoparc, Tatweer Research compte attirer 1,5 milliard d’euros d’investissements libyens et étrangers. Sans compter les centaines de millions mis à disposition
SLIM BESBES ASSURANCES SALIM Ex-ministre tunisien des Finances par intérim (en 2012), il s’apprête à prendre la direction générale de l’assureur. Mais sa nomination doit encore recevoir le feu vert du conseil d’administration de la compagnie. N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
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Finance DÉVELOPPEMENT
PTA Bank ratisse large L’institution régionale cherche à attirer de nouveaux investisseurs hors de ses marchés historiques d’Afrique de l’Est et d’Afrique australe. Elle prospecte sur le continent, bien sûr, mais aussi en Asie et en Europe.
I
l est loin le temps où la Banque que les prêts à court terme sont « beaucoup moins risqués ». d’Afrique de l’Est et d’Afrique australe pour le commerce Résultat, « près des deux tiers de et le développement, plus notre portefeuille est constitué de connue sous le nom de PTA Bank ce type de prêts, et nombre d’entre (pour Preferential Trade Area eux sont destinés au financement Bank), était en crise. Fin 2013, elle du commerce, une activité très a vu son bilan passer à 2,2 milliards rentable », ajoute l’Éthiopien. de dollars (1,6 milliard d’euros), contre 1,3 milliard en janvier 2012. EXPOSITION. Au cours des cinq Une belle performance, à attribuer dernières années, le rendement à l’intérêt sans cesse croissant des des capitaux propres de l’instituinvestisseurs étrangers tion basée à Bujumbura pour l’Afrique, mais aussi 20 membres (Burundi) a été de 10 % au besoin criant d’institu- actionnaires en moyenne – il a même atteint 14 % en 2012. tions financières capables Burundi, Comores, de soutenir l’intégration « Pour 2013, nous tablons Djibouti, Égypte, régionale sur le continent. sur un rendement de Érythrée, « Nous sommes une 15 % », se félicite Admassu Éthiopie, Kenya, institution de financeTadesse. Les investisment du développement, Malawi, Maurice, seurs se bousculent : soit RD Congo, avec des prêts ciblant les pour financer la banque, Rwanda, petites entreprises, la soit pour y acheter des Seychelles, microfinance, l’agriculparts. PTA Bank connaît ture et les infrastructures. Somalie, Soudan, depuis quatre ans une Tanzanie, croissance de sa base Ce sont typiquement des Ouganda, Zambie d’actifs de l’ordre de 30 % domaines qui ne sont en général pas bien couverts et Zimbabwe, mais par an. « Tout le monde par le marché », explique aussi la Chine et la est captivé par l’essor AdmassuTadesse,PDGde Banque africaine de l’Afrique, et tout le cette banque qui regroupe de développement monde y veut une expoles pays membres du sition, soutient le patron. Mais comment gérez-vous cela de Marché commun de l’Afrique orientale et australe (Comesa). façon intelligente ? Par exemple, le « Mais nous avons aussi un mandat Zimbabwe, l’Éthiopie ou le Soudan très fort pour couvrir le financesont des marchés frontières mal ment du commerce, et nous offrons connus des banques commerciales classiques, si bien que les gens un ensemble de services aux clients sous forme de prêts à court, moyen sont rassurés en travaillant avec nous, parce que nous sommes et long termes », poursuit-il. Reste
PTA BANK
118
p L’Éthiopien Admassu Tadesse, PDG de la Preferential Trade Area Bank.
une institution multilatérale. Nous avons une structure juridique semblable à celle de la Société financière internationale [IFC, filiale de la Banque mondiale dévolue au secteur privé]. » En novembre 2012, PTA Bank a levé avec succès 150 millions de dollars auprès de plusieurs groupes bancaires sous la forme d’un prêt syndiqué. « Nous avons toujours eu une bonne relation avec les banques asiatiques. Mais pour la première fois, le japonais Bank of Tokyo-Mitsubishi a participé au prêt, tout comme la Banque industrielle et commerciale de Chine », explique Admassu Tadesse. Dans la foulée de cette opération, la banque
Baromètre
OUVERTURE. Signe de cette
volonté d’ouverture extracommunautaire, PTA Bank a invité des pays non membres du Comesa à la rejoindre. « Nous nous sommes dit que nous devions également faire des affaires avec tous ces pays qui bordent notre zone. L’Algérie, la Tunisie, le Tchad ou la Centrafrique sont donc éligibles s’ils souhaitent devenir membres. » L’institution a même démarché des pays comme la Corée du Sud, la Malaisie, l’Inde, le Japon, le Brésil, la France, l’Allemagne et les pays du Golfe pour une prise de participation à son capital. Pour attirer les grands fonds de pension, PTA Bank a en outre réformé son conseil d’administration en introduisant un peu plus de voix et de membres institutionnels. Elle entend également intégrer des banquiers de classe mondiale en tant qu’administrateurs indépendants non exécutifs. Ils viendront enrichir la base de compétences au sein du conseil d’administration et veilleront à ce que l’institution financière soit irréprochable en matière de gestion des risques. Pour limiter ceux-ci, justement, la banque doit diversifier ses investissements, qui étaient jusqu’ici principalement concentrés au Zimbabwe et en Zambie. Comme pour confirmer que PTA Bank est sur la bonne voie, l’agence de notation Fitch Ratings a amélioré sa note en octobre 2013, de BBB– à BB, en raison de sa forte capitalisation et de sa rentabilité à toute épreuve. l
BANQUE
« Quand Nedbank aura acquis 20 % d’Ecobank » À LA CONFÉRENCE Old Mutual Africa, début décembre au Cap, le sud-africain Nedbank a confirmé qu’il cherchait à convertir en actions son prêt de 285 millions de dollars [environ 209 millions d’euros] à Ecobank. Selon nos calculs, cela lui donnera une participation de 10,9 % du capital. Nous pensons que Nedbank exercera son option de souscription d’actions pour porter sa participation à 20 %. Deux choses doivent être notées concernant Ecobank. 1) Sa vocation « panafricaine » est démentie par la répartition de ses profits, majoritairement générés en Afrique de l’Ouest. Le reste du portefeuille comprend des opérations sousoptimales, notamment au Nigeria. Pesant 44 %
de l’actif mi-2013, les activités dans ce pays sont clairement sous-performantes. Une amélioration progressive des résultats nigérians devrait avoir un impact significatif sur les résultats. 2) Les allégations autour de la gouvernance d’entreprise d’Ecobank ont reçu une couverture médiatique importante. Il ne fait aucun doute dans notre esprit qu’il y a eu des défaillances dans ce domaine, mais nous considérons le départ de l’exprésident du conseil d’administration, Kolapo Lawson, comme une première étape positive. En espérant la nomination d’un nouveau président et de plusieurs administrateurs indépendants de premier rang. Pour nos calculs, nous avons supposé
Ilan Stermer Analyste chez Renaissance Capital
une conversion (et des investissements supplémentaires) à la mi-2014. La prise de participation dans Ecobank permettra de faire passer la croissance des bénéfices de Nedbank à 14 % en 2014 (contre 11 % sans Ecobank) et à 23 % en 2015 (contre 18 %). La rentabilité des capitaux propres s’élèvera à 18,2 % en 2015, au lieu de 17,2 % sans Ecobank. C’est pourquoi nous avons relevé notre objectif de cours pour Nedbank et recommandons d’acheter le titre. » l
Cours d’Ecobank à la Bourse de Lagos (en nairas) 17,5
17,00 15.1.2014
15,0
12,5
11,64 16.1.2013
10,0
Fév. 2013 Mars
Avril
Mai
Juin
Juillet
Août
Sept.
Oct.
Nov.
Déc. Janv. 2014
SOURCE : BLOOMBERG
a collecté près de 35 millions de dollars en augmentation de capital auprès de ses actuels actionnaires et 43 millions de dollars via de nouvelles souscriptions. « Un fonds de pension sud-africain a signé, ainsi qu’une compagnie d’assurances régionale basée à Nairobi et une institution mauricienne. Tous trois devraient conclure leur participation très prochainement. Mieux, nous sommes en discussion avec une institution financière italienne qui pourrait devenir notre premier actionnaire européen. »
Finance
NICHOLAS NORBROOK, The Africa Report JEUNE AFRIQUE
N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
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Culture & médias
ESCLAVAGE
CINÉMA
Un monde et
Culture médias
de fer de sang
Récompensé par un Golden Globe, 12 Years a Slave est un film choc sur l’esclavage, réalisé par un cinéaste virtuose, Steve McQueen.
RENAUD DE ROCHEBRUNE
C
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est un film dont on ressort groggy. Non pas tant parce que son sujet, le vécu de l’esclavage dans les plantations du sud des ÉtatsUnis au XIXe siècle, est des plus rudes. Ni parce que le parcours qu’il retrace, la descente aux enfers d’un homme à l’existence jusque-là paisible, est propre à émouvoir les plus blasés. Ni parce que l’acteur britannique d’origine nigériane qui joue le rôle principal, Chiwetel Ejiofor, paraît si authentique dans son interprétation qu’il est fort difficile de ne pas s’identifier à lui. La raison principale de la puissance rare de 12 Years a Slave tient avant tout aux partis pris du réalisateur, Steve McQueen. En multipliant les scènes d’une intensité extraordinaire, cadrées de façon à figurer l’enfermement, truffées de gros plans interdisant tout recul, il a conçu ce long-métrage comme un coup de poing. Le spectateur a l’impression de découvrir et même d’éprouver « en direct » ce cauchemar qu’ont enduré les Noirs lors de la traite transatlantique. Ni mélodrame ni documentaire, 12 Years a Slave est un grand film d’un cinéaste virtuose, dont le style rappelle un peu celui d’Abdellatif Kechiche. Sa récompense (« meilleur film dramatique ») le 13 janvier aux Golden Globes, antichambre des Oscars dont il est l’un des grands favoris, n’est assurément pas usurpée.
t Le long-métrage (avec Lupita Nyong’o, à dr.) sort en France le 22 janvier.
MARS FILMS
BEST-SELLER. L’histoire presque incroyable qu’il
raconte est pourtant vraie. Nous sommes au milieu du XIXe siècle, lorsque cohabitent dans l’Amérique du Nord d’avant Lincoln les États du Sud, où les Noirs sont considérés comme des sous-hommes, et les États du Nord, où ils sont déjà libres. Du moins s’il ne leur arrive pas ce qui a fait basculer en 1841 la vie de Solomon Northup. Ce musicien de 33 ans vivait plutôt bien avec sa femme et ses deux enfants près de New York, où son talent de violoniste commençait à être reconnu… quand il a été drogué à son insu et s’est réveillé dans un réduit obscur, enchaîné comme d’autres compagnons d’infortune. Enlevé pendant qu’il dormait, il a été cédé à bon prix par ses kidnappeurs blancs à un spécialiste de la récupération d’esclaves en fuite, avant d’être de nouveau vendu à un planteur. N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
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Culture médias
ESCLAVAGE
Le film permet de suivre le calvaire de Solomon. avec, dit-on, 17000 exemplaires vendus. L’ex-musicien Ses protestations au début de sa captivité dans les poursuivra cette entreprise de dénonciation de l’esclaplantations de Louisiane sont vaines et ne lui valent vage à travers des conférences puis dans des salles de que mauvais traitements. Tout en courbant l’échine, spectacle, allant jusqu’à interpréter son propre rôle détruisant même le violon qu’il avait réussi à obtenir, sur scène dans une adaptation théâtrale de l’ouvrage, Solomon Northup tente cependant de garder avec un certain succès. Jusqu’à la fin de sa vie ? Nul autant que possible sa dignité. Notamment ne le sait car on a perdu sa trace au bout de quelques en établissant des rapports qu’on peut quaannées. Et son livre, non réédité, a presque disparu de lifier de véritablement humains avec qui il la circulation au cours du XXe siècle, oublié jusqu’à ce peut, c’est-à-dire essentiellement avec ceux qu’il réapparaisse pour un petit public après qui, bien que pas toujours solidaires, paravoir fait l’objet d’une étude universitaire. Et tagent sa condition terrifiante. Parmi lesquels que la femme de Steve McQueen le découvre notamment des femmes captives, comme la et en parle à ce dernier. belle et à l’occasion insolente Patsey, la plus Une découverte qui tombait à pic puisque le réalisateur, qui avait déjà remarqué qu’« il productive des esclaves dans les champs. y a eu plus de films sur l’esclavage sous les Qui finira pourtant par être sauvagement Romains que sous les Américains », selon battue – une scène insoutenable – et qui Pour réaliser son film, Steve est devenue l’objet sexuel de son maître. ses propres termes, songeait à consacrer son Au bout de douze interminables années, McQueen prochain long-métrage à ce thème. Et il a s’est appuyé trouvé ainsi « le » scénario qu’il recherchait. Solomon Northup connaît enfin la déli- sur le récit Il est certain en tout cas que si les films vrance, grâce à un miraculeux concours de de Solomon Northup, 12 Years a évoquant la traite sont relativement nomcirconstances. De retour dans sa famille, Slave, disponible en français chez près de dix ans avant le début de la guerre Michel Lafon sous le titre Esclave breux – depuis le très raciste Naissance d’une de Sécession et bien avant l’abolition de la pendant 12 ans (traduction d’Anna nation, de DW Griffith, en 1915, et même Souillac, 300 pages, 16,95 euros) et traite, l’ex-esclave démontrera à quel point aux éditions Entremonde sous le titre depuis l’apparition d’œuvres critiques comme il est resté envers et contre tout un homme Douze Ans d’esclavage (traduction de L’Esclave libre, de Raoul Walsh, en 1957, Philippe Bonnet et Christine Lamotte, debout. jusqu’aux récents Lincoln, de Spielberg, et Solomon Northup n’en restera pas là. 240 pages, 16 euros) Django Unchained, de Tarantino (voir J.A. Aidé par un petit éditeur l’année suivant no 2716) –, très rares sont les réalisateurs qui sa libération, il racontera son histoire dans un livre. ont choisi d’adopter le point de vue de l’esclave, de surcroît à hauteur d’homme et sous une forme réaliste. Portant précisément pour titre 12 Years a Slave, nourri Et c’est ce qui fait tout le prix de 12 Years a Slave. Un d’une infinité de détails pour démontrer la véracité film dont on ne peut pas sortir indemne. l du récit, il fut une sorte de best-seller pour l’époque,
CAMÉRA À POIGNE
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S IPA
ainsi que dans les plus grands musées du monde. Son intérêt pour les sujets sociétaux contemporains et les thèmes politiques date de son entrée sur la scène artistique, puisqu’il a été l’auteur de courts-métrages expérimentaux évoquant le retour de soldats américains de la guerre en Irak et la situation des travailleurs dans les mines d’or de l’Afrique du Sud postapartheid. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que Steve McQueen ait tenu à traiter de la question de l’esclavage. D’autant plus que sa famille est concernée. Celle-ci a vécu en effet jusqu’à récemment à la Grenade et le cinéaste a découvert, grâce à des recherches généalogiques, qu’il avait, du côté de sa mère, des ancêtres esclaves R.R. venus du Ghana. l USS
e réalisateur britannique de 12Years a Slave, 44 ans aujourd’hui, vivant désormais avec femme et enfants à Amsterdam, est considéré comme un cinéaste de premier plan depuis ses tout débuts sur le grand écran en 2008 avec Hunger, un récit choc très réaliste, presque insoutenable, de la grève de la faim fatale du militant de l’IRA Bobby Sands. Lauréat de la Caméra d’or récompensant le meilleur premier film à Cannes cette année-là, Steve McQueen a encore connu le succès en 2011 avec Shame, l’histoire d’un sex addict, prix de la critique internationale à la Mostra de Venise. Mais c’est d’abord comme artiste contemporain qu’il s’est fait connaître. Son style cinématographique en porte la trace. Photographe, sculpteur, auteur de nombreuses installations et œuvres vidéo, il a été exposé dans de nombreuses galeries en Europe et outre-Atlantique
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JEUNE AFRIQUE
Culture médias PARCE QU’ELLE LE VAUT BIEN
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JIM RUYMEN/NEWSCOM/SIPA
énéficiant du succès remporté par 12Years a Slave dans de nombreux festivals autour du monde, Lupita Nyong’o, la jeune actrice kényane qui joue l’un des principaux rôles secondaires du film, celui de l’esclave Patsey, ne boude pas son plaisir quand elle peut fouler les tapis rouges. « J’adore. Au festival deToronto, je portais une robe Prada et je n’oublierai jamais l’essayage. Je suis restée sans voix: la robe avait été créée pour moi! » À la cérémonie des Golden Globes, le 13 janvier, c’était en longue robe rouge Ralph Lauren qu’elle paradait, radieuse. Mais Lupita, certes comblée par cette première expérience devant la caméra et ses bénéfices secondaires, notamment un engagement comme égérie de la marque Miu Miu, n’est pas une femme futile. Elle sait ce qu’elle veut. Fille d’un homme politique qui siège au parlement à Nairobi, née en 1983 au Mexique, où son père était exilé, diplômée de l’école d’art dramatique de l’universitéYale aux États-Unis, elle a décidé une fois pour toutes que son avenir s’inscrirait dans l’univers du septième art. Où elle a commencé par travailler comme assistante de production, notamment pour The Constant Gardener, le film très remarqué du Brésilien Fernando Meirelles réalisé au Kenya avec Ralph Fiennes et Rachel Weisz, d’après un célèbre roman de John Le Carré. Elle a ensuite réalisé un court-métrage très personnel, In My Genes. Avant de tenter sa chance pour devenir actrice en participant au casting du film de Steve McQueen. Qui l’a choisie, d’abord sur un essai vidéo, parmi plus de 1000 candidates alors qu’il désespérait, peu avant le tournage, de
JEUNE AFRIQUE
trouver celle qui incarnerait le personnage: « Quand j’ai vu la tête de Lupita, je n’en revenais pas: elle était prodigieuse. Alors je l’ai rencontrée à La NouvelleOrléans et je l’ai engagée. » Elle s’est identifiée sans difficulté excessive à cette jeune esclave « qui ne pouvait se payer le luxe de s’apitoyer sur son sort » et « devait toujours dépasser sa souffrance pour survivre ». Nul doute que cet emploi, grâce auquel elle figure déjà parmi les favorites pour l’Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle, ne sera pas le dernier R.R. devant la caméra. l
LIVRES
Le grand voyage Deux essais, l’un, puissant, s’appuyant sur nombre de témoignages, l’autre, habile, réfutant les idées reçues, reviennent sur la réalité abjecte de la traite négrière.
P
our l’Africain embarqué de force dans un navire négrier, il n’y avait souvent qu’une issue pour fuir un sort cruel : le suicide. Capitalistes féroces, les marchands avaient beau n’éprouver aucune pitié pour un Nègre mort, chaque décès représentait pour eux un manque à gagner. Il fallait donc, par tous les moyens, réduire les pertes durant le « Passage du milieu ». Il y avait les méthodes « douces », comme l’usage du « chat à neuf queues » ou celui du speculum oris – l’ouvre-bouche permettant de nourrir de force ceux qui refusaient de manger –, et des techniques nettement plus barbares. « Un […] capitaine, qui devait […] faire face à une “épidémie de suicides”, décida de faire d’une femme “un bon exemple pour les autres”. Il donna l’ordre d’attacher la femme grâce à une corde passée sous les aisselles et de la faire descendre dans la mer. “Quand la pauvre créature fut à mi-chemin de la descente, on l’entendit pousser un horrible cri perçant. On pensa tout d’abord que c’était là l’expression de sa peur de la noyade, mais bientôt, l’eau devint rouge autour d’elle. On la remonta et l’on découvrit qu’un requin qui suivait le navire l’avait mordue au niveau de la taille.” Les autres capitaines de navire négrier pratiquaient également ce genre de sport de la terreur, en utilisant des restes humains comme appâts à requins: “Nous les attirions en remorquant à l’arrière du navire un Nègre crevé, qu’ils suivaient jusqu’à l’avoir entièrement dévoré.” » PÉNIBLE. Avec un luxe de détails et de précisions
dont l’accumulation donne la nausée, l’historien américain Marcus Rediker, professeur à l’université de Pittsburgh, livre avec À bord du négrier une étude extrêmement complète de l’organisation maritime de la traite au XVIIIe siècle. Multipliant les sources – témoignagesd’esclaves,lettresetcomptesrendusde capitaines,livresdebord,journaux,récitsdemarins, etc. –, il contraint le lecteur à naviguer comme les millions d’hommes et de femmes déportés vers les Amériques, en compagnie d’une sous-classe de marins embarqués souvent malgré eux dans un voyage où ils avaient toutes les chances de laisser la vie, sous les ordres de capitaines sans pitié cherchant eux-mêmes à répondre aux exigences de marchands sans états d’âme. L’odeur du sang, de la sueur, des excréments, de la maladie et de la mort imprègne toutes les pages d’un essai dont l’auteur dit lui-même, dans son l l l N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
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Culture médias
ESCLAVAGE
NATIONAL MARITIME MUSEUM, GREENWICH/LEEMAGE
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p Le Pont des esclaves de l’Albaroz (1845), de Francis Meynell, est l’une des rares descriptions faites par un témoin oculaire des ponts inférieurs des navires négriers.
introduction: « Ce livre a été très douloureux à écrire et, si j’ai réussi à rendre justice à mon sujet, il sera douloureux à lire. » Et en effet, il est bien pénible à parcourir, ce livre d’histoire tout entier construit à partir d’histoires individuelles – comme celle de l’esclave Olaudah Equiano enlevé dans les terres igbos (actuel Nigeria) au milieu du XVIIIe siècle, celles des capitaines de guineaman (navire négrier) James Field Stanfield et John Newton ou enfin celles recueillies dans les ports par l’abolitionniste Thomas Clarkson. lll
ALCHIMIE. Sans doute ce condensé de
vécus, qui est aussi une accumulation de preuves, était-il nécessaire pour rendre compteauplusprèsdelaréalitédelatraite. MaislaplusgranderéussitedeRedikervient du fait qu’il ne réduit jamais les humains embarqués à leur condition d’esclave. « L’influence néfaste du roman d’Orwell réside dans l’implacable réduction d’une réalité à son aspect purement politique et dans la réduction de ce même aspect à ce qu’il a d’exemplairement négatif », écrivait Milan Kundera à propos de 1984 dans Les Testaments trahis. Le professeur Rediker a retenu la leçon: les esclaves sont aussi des hommes qui ont travaillé à bord des navires, se sont battus, ont résisté, se sont révoltés, ont parfois même pactisé. Oui, les femmes africaines étaient régulièrement violées par les marins; mais oui, certaines utilisaient leur corps pour obtenir des faveurs et survivre. Revenant à plusieurs reprises sur la phrase du penseur africain-américain W. E. B. Du Bois qualifiant l’esclavage de « drame le plus magnifique des mille N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
dernières années », Rediker insiste paradoxalement, et avec force, sur les dignes révoltes d’une humanité niée. « Sous la pression de la résistance, une merveilleuse alchimie transformait les chaînes de l’esclavage en de nouveaux liens communautaires. Le mystérieux navire négrier était devenu le lieu d’une résistance créative pour ceux qui découvraient maintenant qu’ils formaient le “peuple noir”. Au cœur decettestupéfiantedialectiquedupouvoir, la communauté de ceux qui souffraient et mouraient à bord du navire négrier donna naissance aux cultures africainesaméricaines et panafricaines, des cultures rebelles, résistantes et porteuses d’un message de vie. » Hasard des calendriers éditoriaux, À bord du négrier est traduit en français à l’heure où sort en librairie Être esclave, essai cosigné par les historiens français Catherine Coquery-Vidrovitch et Éric Mesnard. Voilà deux livres qui se complètent à la perfection : quand le premier ajoute de l’émotion à la description trop souvent clinique (et statistique) de la traite, le second compense par la raison les dérives émotionnelles de la mémoire. Mesnard et Coquery-Vidrovitch ont l’immense mérite de s’en prendre, avec sérieux, à des idées reçues qui ont la vie dure. Ainsi rappellent-ils que l’esclavage existait en Afrique avant la venue des Européens, que la traite « en droiture » organisée par les Portugais précéda le commerce triangulaire et que l’abolition n’entraîna pas la fin de l’asservissement. Distinguant peuples « razzeurs » et peuples « razziés », les auteurs écrivent ainsi: « Au
Gabon, par exemple, les Orungus étaient de grands trafiquants d’esclaves, lesquels représentaient environ la moitié de la population.Onsaitqu’en1847desesclaves étaient sacrifiés à l’enterrement du chef, des sacrifices similaires à ceux qui avaient lieu à la même époque aux funérailles du souverain dans les royaumes esclavagistes du Dahomey ou des Ashantis en Afrique occidentale. » Plus loin, ils ajoutent: « Dans la seconde moitié du siècle, l’esclavage interne africain s’intensifia […] au fur et à mesure que se réduisait le marché atlantique. » INEXTRICABLE. Simplifié, caricaturé, fal-
sifié, le passé peut être pris en otage par des hommes politiques ou des groupes d’intérêt, voire instrumentalisé à des fins de propagande. En restituant la complexité de l’Histoire, Marcus Rediker comme Catherine Coquery-Vidrovitch et Éric Mesnard rendent impossible toute récupération politicienne et dressent un réquisitoire sans appel contre un capitalisme poussé jusqu’à l’inhumain. Mais ce faisant, ils rendent plus épineuse encore la question des « réparations ». « Peu de pays ont eu, comme le Bénin, le courage de reconnaître que l’histoire de l’esclavage et de la traite était une histoire partagée, écrivent-ils. […] Autant la reconnaissance du “crime contre l’humanité” commis par les esclavagistes, quels qu’ils fussent, peut aller de soi, d’autant que ce crime fut dénoncé comme tel par Condorcet dès le XVIIIe siècle, autant la question d’une réparation “sonnante et trébuchante” est délicate, car la question de la responsabilité des descendants apparaît inextricable, ne serait-ce qu’en raison de l’immense métissage de l’Histoire. » l NICOLAS MICHEL
À bord du négrier. Une histoire atlantique de la traite, de Marcus Rediker, éd. du Seuil, 560 pages, 24 euros
Être esclave. AfriqueAmériques, XVe-XIXe siècle, de Catherine Coquery-Vidrovitch & Éric Mesnard, éd. La Découverte, 338 pages, 22,50 euros JEUNE AFRIQUE
Culture médias MÉDIAS
Peinture sur Toile Fondée par deux artistes, Carole Diop et Pascale Obolo, une revue disponible gratuitement sur internet met à l’honneur la création du continent.
DESIGN. Thématique, à contre-courant, la revue n’est pas tributaire de l’actualité. Elle met à l’honneur l’art contemporain, l’architecture, le design. Chaque numéro est accompagné d’un « acte éditorial », à savoir une exposition qui permet un dialogue concret entre les artistes et le public. JEUNE AFRIQUE
La plupart ont eu lieu au Lavoir moderne, espace parisien connu pour abriter les Femen. « Ce n’est pas un hasard, ajoute Pascale Obolo. Notre revue est aussi un acte de résistance et de féminité contre une certaine vision de l’art en France, encore marquée par le colonialisme et rétive à la diversité. À la Tate Gallery, à Londres, on voit régulièrement des expositions consacrées à des artistes du Sud. Quand est-ce que ce sera le cas au palais de Tokyo ou à Beaubourg ? »
Afrikadaa frappe d’abord par la qualité de sa mise en page et l’originalité des iconographies. Véritable « objet éditorial », la facture de la revue est proche de celle du livre d’art. Aujourd’hui, les membres du collectif travaillent bénévolement et se rémunèrent au coup par coup, lorsqu’ils participent à des projets artistiques ou que des institutions leur versent une subvention. « Évidemment, nous devons entamer une réflexion sur un modèle économique plus
FOCUS
SENTIMENTAL
JOËL ANDRIANOMEARISOA
C’est bien le crépuscule qui n’en finit pas dans
Les feuilles blanches de papier froissé, en
En cultivant
ces pays d’hiver et qui s’écroule comme un
foisonnement de tissus noir assemblés par des
cette ambiguïté,
rideau de scène à l’été d’autres horizons.
mains habiles s’appliquent à saisir le temps, le
Andrianomearisoa nous donne
temps du temps, la nature du temps.
à voir la construction collective
Ou c’est l’aurore pour lui, celui qui fabrique les
Celui de l’amour.
du désir de vivre. Joël. Avec le souci du précipice,
d’une architecture sentimentale obsessionnelle, sensuelle et parfois
images de corps sans diablerie autre que celle Jean Loup Pivin
du danger de ne pas sombrer. Le noir, la nuit, le sombre, le désespoir ne sont là que pour
SENTIMENTAL, est une exploration
affirmer plus encore la nécessité vitale.
sensorielle, en interaction avec chacun, une expérimentation. Un laboratoire en
Pourquoi la nature est si présente dans ces
constante évolution avec des éléments
pages noires d’une ville sans pays, qui disputent
en mouvance et des rendez-vous.
leur raison d’être à celles bariolées d’un désir
Un monde, propre à l’artiste, emprunt
champêtre? La nature est ainsi, les saisons,
d’une dualité où douceur et caresse
les pluies, les fleurs, les corps, les amitiés, les
se confrontent parfois avec froideur et
amours, la redoutée solitude qui ressemble
fragilité.
tant à … je ne sais plus quand les larmes se
Il est question de sentiment, de désir et
trompent d’objet.
de corps même !
sombre. !"# $%&&% '()% * +%,- .-/#0(-,1%(#02,( photographie Antananarivo 3455 6,"#&%27 * 6,88%$&0,- '#09:% ;()% /% /#,0&% * <=<>?@ A>B Mix média – textile, bois 2007 6,"#&%27 * ?%9"% C,0#% $#%/0& 'D,&, * E.
‘ L’amour n’est rien sans sentiment. Et Ces arbres géants multipliés aux cieux, que
le sentiment est encore moins sans
l’on croyait issus directement de la mythologie
amour. ’
ancestrale, millénaire, s’écroulent net, en
Laurence Sterne ( 1768 -1769 ) / Un
gisants entiers englués dans la terre.
voyage sentimental.
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DR
D
e la passion et des idées. Voici les ingrédients qui ont présidé au lancement d’Afrikadaa, première revue africaine numérique d’art contemporain. En 2010, l’architecte sénégalaise Carole Diop met en ligne un blog, Afrikadaa, pour faire connaître des artistes du continent. Mais c’est grâce à sa rencontre avec Pascale Obolo, artiste, réalisatrice camerounaise et fondatrice du collectif Diasparis – consacré aux artistes de la diaspora – que le projet d’une revue en ligne voit le jour. En mars 2012, elles créent leur association et lancent la revue dans la foulée, disponible à l’adresse : www.afrikadaa.com. Leur constat est simple : alors que la scène artistique africaine explose sur le continent, elle n’occupe que très peu de place dans les médias, les musées et évidemment les revues d’art françaises. Une situation bien différente de celle des États-Unis, où les African Studies créent dans les universités un espace de réflexion et d’échanges sur l’art africain. Les deux femmes s’inspirent également des nombreuses publications de qualité qui émergent sur le continent lui-même, en particulier dans l’espace anglophone (Afrique du Sud et Nigeria) et au Maghreb. « On s’est placé un peu dans la lignée de la Revue noire. Notre objectif est de créer un pont entre artistes et intellectuels, de donner une place à l’écrit, à la réflexion sur l’art dans un continent dont on a le tort de croire qu’il est resté figé dans l’oralité », explique Pascale Obolo.
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p À consulter à l’adresse suivante : www.afrikadaa.com.
Derrière Afrikadaa travaille un collectif de cinq à six personnes, toutes artistes et d’origines diverses. La revue, numérique, est déterritorialisée. « On utilise tout ce que la technologie peut nous offrir afin de communiquer et d’ouvrir nos horizons », conclut la vidéaste. Carole Diop travaille par exemple depuis Dakar, et la revue bénéficie aussi du regard de Frieda Ekotto, professeure à l’université du Michigan (États-Unis). L’ouverture, qu’elles se sont imposée, sur l’ensemble du continent les a convaincues de publier des articles en anglais et en français. Dotée d’une forte identité visuelle et d’une véritable ligne esthétique, la revue
viable et essayer de trouver des partenaires au long cours, d’autant que nous avons l’intention de lancer une version papier à l’horizon 2015 », reconnaît Pascale Obolo. COLLECTIONNEURS. Là non plus les idées
ne manquent pas. Son lectorat étant en grande partie composé d’étudiants ou d’universitaires, la revue compte proposer des abonnements aux universités. Partant du constat qu’il y a de plus en plus de collectionneurs en Afrique, elle songe également à nouer des partenariats avec des hôtels de luxe, dont les clients pourraient être intéressés par les grands noms de l’art africain. Qui a dit que la passion et les idées ne suffisaient pas? l LEÏLA SLIMANI N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
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Culture médias En vue
n n n Décevant
n n n Pourquoi pas
CINÉMA
n n n Réussi
n n n Excellent
q L’actrice Mama Ndoumbe Diop, dans le rôle de la grand-mère… prétendument agonisante.
Le mensonge Avec un drame psychologique familial virant au polar crépusculaire, le Guinéen Mama Keïta livre un film politique d’une violence extrême.
A
dama, devenu Adam dans son exil parisien, n’est plus retourné dans son Dakar natal depuis la fin de ses études parisiennes quinze ans auparavant. Il a sauté dans un avion pour un court séjour de quarante-huit heures au Sénégal après avoir appris par le mystérieux télégramme d’une inconnue que sa grand-mère, qui l’a élevé avec sa sœur Aïcha après les décès successifs de ses deux parents, était à l’article de la mort. Mais il apparaît juste après le débarquement que l’alerte était fausse : la soi-disant agonisante se porte comme un charme. Qui a envoyé le télégramme ? Et dans quel but ? Le film va se dérouler en deux parties. Au cours de la première, qui nous fait visiter loin de tout folklore la rue dakaroise, on suit Adama, le plus souvent accompagné de son ami d’enfance Djibril, alors qu’il cherche à comprendre ce qui lui arrive et, au passage, pourquoi on lui reproche volontiers ce qu’il est devenu. Une sorte de dérive dans
DR
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une atmosphère déjà un peu bizarre qui prépare le spectateur à la suite. Où l’on se retrouve carrément dans un polar crépusculaire, d’une violence extrême pour un film au charme troublant qui ne tombe jamais dans le travers du drame psychologique familial. Tout en racontant une histoire qui tient en haleine, Mama Keïta, réalisateur d’origine guinéenne, aborde, le plus souvent sans trop avoir l’air d’y toucher, des questions cruciales pour l’Afrique d’aujourd’hui. L’émigration des élites bien sûr – ce qu’il considère comme « un phénomène de captation par
COMPILATION
l’Occident des personnes et des savoirs qui répète ce traumatisme originel du continent que fut l’esclavage » – et la violence sous toutes ses formes. Mais aussi : la structure familiale patriarcale, la solidarité, l’honneur, la corruption, les inégalités, etc. Un film d’action qui est aussi un vrai film politique. Et qui a du style. l RENAUD DE ROCHEBRUNE
L’Absence, de Mama Keïta (sortie à Paris le 22 janvier) nnn
RÉÉDITION
Il était une fois le Grand Kallé
Titina ô Titina
C’EST TOUTE L’HISTOIRE D’UN PAYS, de sa musique, à écouter en un coffret de 2 CD rassemblant 38 titres de Joseph Kabasele, le Grand Kallé (1930-1983), l’un des pionniers de la musique africaine moderne. Un double album qui regroupe les morceaux les plus célèbres du fondateur de l’orchestre African Jazz (de Parafifi à Butsana Mama en passant par l’inévitable Indépendance cha-cha, African Jazz Mokili Mobimba…), mais aussi des enregistrements réalisés entre 1951 et 1970 et épuisés depuis. Un livret illustré de 104 pages revient en anglais et en français sur ces vingt ans de carrière qui auront profondément marqué la musique populaire SÉVERINE KODJO-GRANDVAUX du Congo-Kinshasa. l
C’EST UN PETIT TRÉSOR comprenant 7 titres enregistrés en 1988, produit et arrangé à l’époque par Paulino Vieira (le producteur de Cesaria Evora) et devenu dès sa sortie en vinyle un classique de la musique cap-verdienne. Remastérisés par le label d’origine Astral Music, 7 titres qui célèbrent toute la délicatesse de la morna et l’ivresse de la coladeira grâce à la voix envoûtante de Titina (née en 1946), qui apprit à chanter auprès du célèbre compositeur Francisco Xavier da Cruz dit B. Leza, auquel elle rend hommage. l
Le Grand Kallé and The Creation of Modern Congolese Music (Sterns/Harmonia Mundi) nnn
Canta B. Leza, deTitina (Sterns/Harmonia Mundi) nnn
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JEUNE AFRIQUE
Culture médias CINÉMA
BEAU LIVRE
Méditerranée intime un siècle d’Histoire, par ce petit bout de la lorgnette qui dit si bien le réel : le quotidien. C’est parfois impudique, souvent dérangeant, mais le photographe Patrick Zachmann (Magnum) réussit la plupart du temps à trouver le ton juste et l’angle adéquat pour parler simultanément d’une fin de vie particulière et du combat de tant de jeunes pour une vie meilleure. l
C’EST UNE SORTE DE JOURNAL EXTIME , la quête d’un photographe qui cherche à comprendre ses racines, l’exil de sa mère – une Juive séfarade d’Algérie – aujourd’hui vieillissante et les forces qui poussent des milliers de migrants à risquer leur vie sur les eaux traîtresses de la Méditerranée. Une mer entre deux mondes, une mère entre deux rives et une histoire personnelle qui raconte
NICOLAS MICHEL
Mare Mater, de Patrick Zachmann, Actes Sud, 312 pages, 39 euros (exposition du même nom jusqu’au 28 janvier au Mucem, à Marseille) nnn
JEUNESSE
Babakunde
« Monsieur Égoïste »
Annelise Heurtier - Mariona Cabassa
L’ARGENT NE FAIT PAS LE BONHEUR, c’est bien connu. Pourtant, Babakunde, l’homme le plus puissant de sa tribu, l’ignore et finira par l’apprendre à ses dépens. Une fable dans une Afrique mythique dessinée de manière souvent naïve mais non sans une certaine poésie, qui séduira les plus grands. Et qui rappelle que le don de soi est sans doute l’un des biens les plus précieux si l’on veut construire un avenir en commun. l
Babakunde, d’Annelise Heurtier et Mariona Cabassa, éd. Casterman, 32 pages, 13,95 euros n n n
S.K.-G.
MUSIQUE
Méandres mandingues
LISA BOOSTANI
Début d’année et premier album en son nom propre pour Mamani Keïta, l’ancienne chanteuse de l’orchestre national du Mali. Ses trois premiers opus, sortis tous en collaboration, étaient aussi surprenants qu’éclectiques. Avec Kanou, qui signifie « aimer » en bambara, l’exchoriste de Dee Dee Bridgewater réitère l’expérience. Les onze titres sont gérés de main de maître par la diva malienne naviguant entre sonorités rock et tempo électro. Sa voix puissante transportera l’auditeur dans les méandres de la culture africaine moderne. Mamani Keita se produira le 30 janvier à l’Alhambra (Paris) dans le cadre du festival Au fil des voix. l
JEUNE AFRIQUE
Clichés sans frontières DEUX HABITANTS D’ESPIGOULE, petit village proche de Marseille, partent en vacances au Sénégal. Mohamed, dit Momo, a un ami sur place qui lui a promis un accueil chaleureux et un séjour low cost. Jean-Marc, lui, vient de vendre son bistrot et de prendre sa retraite. Il l’accompagne alors dans cette équipée avant de changer de vie. Le dépaysement, surtout loin de Dakar, est certes total pour ces deux supporteurs de l’OM qui ne cessent de comparer ce qu’ils voient avec ce qu’ils connaissent. Mais, bientôt, ils s’ouvriront à l’autre et noueront de vraies relations avec les Sénégalais… Un petit film sympathique. Mais qui, en alignant les clichés sur l’Afrique vue par les Européens pour mieux les dénoncer, manque finalement d’épaisseur. Même revendiquée, la naïveté reste un écueil. l R.R.
Afrik’aïoli, de Christian Philibert (sortie à Paris le 22 janvier) n n n
POÉSIE
Soupirs amoureux ROMANCIÈRE ET ESSAYISTE d’origine iranienne, Fariba Hachtroudi s’est alliée à la peintre Anne Cotrel pour ce petit recueil de poèmes illustrés d’encres noires. Ses vers libres, souvent sensuels et colorés, contrastent avec les encres en vis-àvis ou, parfois sombres et tragiques, les rejoignent. Des chants de douleur et des soupirs amoureux écrits entre Madras et New York, des sensations sonores et visuelles à savourer. l LAURENT DE SAINT PÉRIER
JÉRÔME BESNAULT
Kanou, de Mamani Keïta (World Village Music), sortie le 28 janvier nnn
Abysses, de Fariba Hachtroudi et Anne Cotrel, éd. Chèvre Feuille étoilée, 68 pages, 15,50 euros n n n N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
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Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre -Tél. : 01 44 30 18 76 - Fax : 01 44 30 18 77 - Email. : f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique - 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris - France
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Recrutement - Formation
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DIRECTEUR GÉNÉRAL / DIRECTRICE GÉNÉRALE African Risk Capacity (ARC, la Mutuelle panafricaine de gestion des risques), une Institution spécialisée de l’Union africaine, est une institution de financement du développement, conçue pour aider les États membres de l’Union africaine à résister aux catastrophes naturelles, à s’en remettre et à s’adapter au changement climatique. Parce que les épisodes de sécheresse, les inondations et les cyclones ne se produisent pas durant la même année dans toutes les régions du continent, la solidarité panafricaine dans le cadre de la création de ce fonds commun de gestion des risques de catastrophe est financièrement efficace. La mutualisation des risques à travers le continent permet de réduire jusqu’à 50% le coût des fonds d'intervention d'urgence pour les gouvernements participants. L’ARC lance un appel à candidature pour le poste de Directeur général/Directrice générale de l’Institution. Il/elle est responsable de la direction générale et de la gestion des fonctions opérationnelles et administratives de l'ARC. Travaillant sous la direction du Conseil d'administration de l’ARC (le Conseil de l'ARC), le Directeur général/la Directrice générale définit la vision stratégique de l'Institution et est responsable de sa mise en œuvre et des résultats obtenus. Il/elle est également responsable des relations avec les états membres de l’ARC, les organisations régionales et les partenaires de l’ARC. Le Directeur général/la Directrice générale coordonne également les relations entre l’ARC et son entité financière affiliée, African Risk Capacity Insurance Company Limited. Le Directeur général/la Directrice générale est nommé(e) par la Conférence des Parties de l'ARC pour un mandat d’une durée de 4 ans et siège sans droit de vote au Conseil de l’ARC. Celui-ci est présidé par l’Hon. Dr. Okonjo-Iweala, Ministre chargée de la coordination pour l’économie et Ministre des Finances du Nigeria. Le Directeur général/la Directrice générale doit être ressortissant(e) d’un état membre de l’UA signataire de l’Accord portant création de l’ARC. La liste des états signataires de l’Accord portant création de l’ARC et le texte de celui-ci peuvent être consultés sur http://www.au.int/en/treaties. Responsabilités et rémunération En tant que directeur exécutif/directrice exécutive d’une Institution spécialisée de l’Union africaine, le Directeur général/la Directrice générale a les responsabilités spécifiées dans l’Accord portant création de l’ARC. Il/Elle est nommé(e) au niveau et à la rémunération correspondant à ceux d'un Directeur exécutif adjoint du Programme alimentaire mondial (PAM). L’Institution de l’ARC bénéficie actuellement de l’assistance du PAM, dans le cadre d’un accord de services administratifs et ses bureaux sont temporairement sis au bureau du PAM, à Johannesburg en Afrique du Sud. Formation. Être titulaire d’un diplôme universitaire de 2ème ou 3 ème cycle en économie, sciences politiques, gestion, finance ou dans un domaine connexe. Expérience. Justifier d’au moins 15 ans d’expérience postuniversitaire professionnelle et managériale à des niveaux de responsabilité de plus en plus élevés, aux niveaux national et international, en gestion et levée de ressources pour le développement, et en gestion de personnel nombreux, de préférence de composition multinationale. Posséder de l’expérience en matière de communication avec de hauts fonctionnaires dans une variété de contextes. Une expérience en préparation aux catastrophes, en sécurité alimentaire ou en assistance d’urgence est souhaitable. Langue. La maîtrise d'une langue officielle de l’Union africaine (anglais, arabe, français ou portugais) est indispensable. La maîtrise de l'anglais écrit et parlé est hautement recommandée. Les candidates de sexe féminin en particulier sont encouragées à postuler. Date limite pour le dépôt des candidatures : 30 avril 2014. Les candidatures peuvent être déposées en ligne sur http://www.africanriskcapacity.org/arcdg/application
Appel à candidatures pour le Comité de Direction de l’African Risk Capacity Insurance Company Limited La Mutuelle panafricaine de gestion des risques, African Risk Capacity (ARC), une Institution spécialisée de l’Union africaine (l’UA), a mis en place une société d’assurance mutuelle à but non lucratif en vertu de la réglementation des Bermudes, jusqu'à ce que qu'un cadre juridique et réglementaire offrant les mêmes conditions efficaces existe dans un État membre de l'UA1. Parce que les épisodes de sécheresse, les inondations et les cyclones ne se produisent pas durant la même année dans toutes les régions du continent, la solidarité panafricaine dans le cadre de la création de ce fonds commun de gestion des risques de catastrophe est financièrement efficace. La mutualisation des risques à travers le continent permet de réduire sensiblement le coût des fonds d'intervention d'urgence pour les gouvernements participants, leur permettant ainsi de protéger leurs populations vulnérables, dans le contexte du changement climatique. Les Directeurs pour le Comité de Direction de l’African Risk Capacity Insurance Company Ltd seront responsables de la supervision des activités de l’African Risk Capacity Insurance Company Ltd, y compris de de l’approbation et de la supervision de toutes les politiques et activités relatives à l’administration et aux opérations de l’African Risk Capacity Insurance Company Ltd. Ils sont également tenus de superviser les prestataires de services et de s’assurer que l’African Risk Capacity Insurance Company Ltd se conforme aux lois des Bermudes2. Les Directeurs sont nommés pour des mandats de trois ans renouvelables et seront employés à temps partiel. Les Directeurs percevront des honoraires de 10 000 USD par an ; de plus, les dépenses raisonnables liées à l’exercice de leurs fonctions seront prises en charge. Expérience et connaissances. Les Directeurs de l’African Risk Capacity Insurance Company Ltd possèdent au moins 15 ans d'expérience professionnelle dans le domaine de la finance, de la règlementation d'assurance ou financière, des transactions commerciales, du secteur public et des organisations multilatérales. Les Directeurs ont de bonnes connaissances en financement de risque – de préférence dans le domaine de l’assurance paramétrique – des principales questions de réglementation et des tendances du secteur, des exigences de Solvabilité II, de l’audit, de la réassurance et de la modélisation des risques et sont habitués à travailler avec d’importants prestataires de services, y compris des réassureurs sur le marché privé. Langue. La maîtrise de l'anglais est indispensable. La connaissance pratique d'une autre langue officielle de l’UA comme le portugais ou l’arabe, est utile. Date limite pour le dépôt des candidatures : 31 janvier 2014. Les candidatures peuvent être déposées en ligne sur www.africanriskcapacity.org/ARCLtdDirector/Application.
N° 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
JEUNE AFRIQUE
AVIS DE VACANCE
ADMINISTRATEUR INDÉPENDANT SHELTER-AFRIQUE est une institution financière panafricaine de développement spécialisée dans la promotion de l'habitat et l'aménagement urbain dans les pays africains. L'actuel actionnariat comprend 44 gouvernements africains, la Banque africaine de développement et la Société africaine de réassurance. L'institution se propose de pourvoir au poste d'Administrateur indépendant spécialisé dans les questions liées à la gestion des risques et à l'audit, à partir de ses pays membres. Objectif général et responsabilités clés Participer activement aux réunions et délibérations du Conseil et des comités du Conseil à l'instar de tout autre administrateur, en assurant au Conseil une expertise technique, financière et autre expertise indépendante, et en dirigeant certains comités du Conseil. CANDIDATURES : Les candidats sont invités à transmettre leurs lettres de motivation illustrant leur éligibilité par rapport aux qualifications énumérées, ainsi qu'un curriculum vitae détaillé précisant la nationalité, la date de naissance et les noms et adresses de trois références. Les candidatures devraient être transmises uniquement par courriel à board@shelterafrique.org. Les candidats devraient indiquer le poste auquel ils font acte de candidature, comme l'objet de leurs soumissions par courriel. La date butoir pour les soumissions est fixée au 23 février 2014. Seuls les candidats présélectionnés ayant rempli les conditions susvisées, seront contactés. Nous vous invitons à obtenir de plus amples précisions sur le poste, les qualifications et la rémunération, en consultant notre cyber-site : http://www.shelterafrique.org
AVIS DE VACANCE
POSTE DE DIRECTEUR GÉNÉRAL SHELTER-AFRIQUE est une institution financière panafricaine de développement spécialisée dans dans le développement de l'habitat et l'aménagement urbain dans les pays africains. L'actionnariat de la Société comprend actuellement 44 gouvernements africains, la Banque africaine de développement et la Société africaine de réassurance. L'institution se propose de pourvoir au poste de Directeur général à son Siège à Nairobi, Kenya. 1.0. Objectif général et responsabilités clés Responsable devant le Conseil d'administration, le Directeur général est chargé du leadership général de la mise en œuvre du mandat de Shelter-Afrique de mobiliser des ressources en vue du développement de l'habitat et des infrastructures connexes en Afrique. Collaborant avec les institutions du secteur privé et du secteur public, il/elle identifiera, montera et exécutera des projets de logements et infrastructures connexes, mobilisera les ressources nécessaires qu'il/elle gèrera et affectera de façon prudente de sorte à permettre à Shelter-Afrique de remplir sa mission. D'autre part, il/elle dirigera une stratégie spécifique pour la transformation de Shelter-Afrique en une institution de grade de financement du développement. 2.0 Termes de l'offre Contrat : Le mandat du détenteur du poste est de cinq ans, avec possibilité de renouvellement pour un second et final mandat de 5 ans. 3.0 Candidatures: Les candidats sont invités à soumettre une lettre de motivation illustrant qu'ils possèdent les qualités requises par rapport aux qualifications énumérées, avec un curriculum détaillé, précisant la nationalité, la date de naissance et les noms et adresses de trois références. La limite d'âge pour le poste est de 55 ans au plus à la date de prise de fonction. Les candidatures devraient être transmises uniquement par courriel à board@shelterafrique.org. Les candidats devraient indiquer le poste auquel ils font acte de candidature, comme objet de leurs soumissions par courriel. La date butoir pour la soumission des candidatures est fixée au 23 février 2014. Seuls les candidats présélectionnés remplissant les conditions susvisées seront contactés. Nous vous invitons à obtenir de plus amples précisions sur le poste, les qualifications, et la rémunération afférente en consultant notre cyber-site: http://www.shelterafrique.org
Advisor - Technical Advisory Tax Administration Reform in Africa - Pretoria, South Africa
Your role / As an Advisor, you will work within the programme‘s work area of ‘Tax Administration’ and will assist the partner organisation in
building up a comprehensive and effective capacity building programme. This primarily entails establishing technical assistance capacity within ATAF to provide targeted support to reform the initiatives of its members as well as initiating learning experiences within ATAF. This technical assistance capacity will be linked to the broader ATAF capacity development programme comprising different modules, such as face-to-face training as well as e-learning courses on specific tax issues. You will also support ATAF in establishing this link as well as setting up and implementing a structured long-term curriculum addressing the needs of ATAF‘s members through a variety of training modules. For further information visit our website www.giz.de/jobs.
Your profile / You hold a university degree (BA or higher) in economics, political sciences, public administration or another relevant field and have several years of work experience as a practitioner (e.g. at a Ministry of Finance or in tax administration) or a researcher (e.g. at a research institute). Furthermore you have been involved in technical assistance and/or revenue administration reform and modernisation, preferably in African tax administration or at an African Ministry of Finance, and have gained a solid understanding of organisational and operational challenges of revenue administrations. You have been able to familiarise yourself with the challenges faced by African countries in the field of good financial governance and have gained direct insight into the functioning of revenue administration in different African countries through previous work assignments or the like. Your excellent strategic and analytical skills, as well as your capability to develop a quick and solid understanding of new work areas, complement your strong intercultural skills. You are well organised and trained to manage complex processes, and have excellent written and verbal communication skills. Fluency in English is a prerequisite; a good working knowledge of French would be an advantage. Your application / Please send your application including contact information (telephone number and email address) via our e-recruiting system at www.giz.de/jobs. Under “Jobs and careers”, “GIZ job opportunities”, enter the Job ID 16904. Please apply until 31st January, 2014. Period of assignment: starting as soon as possible until 30th June, 2016. We welcome job applications from people with disabilities.
www.giz.de/jobs
JEUNE AFRIQUE
N° 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
Recrutement
The context / Tax policy and administration has become one of the most prominent issues in the international debate on development cooperation. The topic is especially relevant in Africa, where many countries face widespread challenges in the area of good financial governance and depend heavily on external funding. The African Tax Administration Forum (ATAF) has been established to address this challenge, aiming not only to increase revenues to fund national development programmes in Africa but, more importantly, to use taxation as a tool for improving citizen-state relations. On behalf of the German Federal Ministry of Economic Cooperation and Development (BMZ), the GIZ Programme “Good Financial Governance in Africa” aims to contribute to good financial governance (GFG) by strengthening pan-African public finance networks such as the African Organisation of Supreme Audit Institutions (AFROSAI), the African Tax Administration Forum (ATAF) and the Collaborative Africa Budget Reform Initiative (CABRI). Within the work area of ‘Tax Administration’, which supports the establishment of ATAF, GIZ‘s work focuses on assisting the organisation to establish its own research and capacity development projects.
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Enabling poor rural people to overcome poverty Enabling poor rural people to overcome poverty
The International Fund for Agricultural Development (IFAD) is an international financial institution and a specialized United Nations agency dedicated to eradicating rural poverty and hunger. It does so by financing projects and programmes that increase agricultural productivity and raise rural incomes, and by advocating at the local, national and international level for policies that enable poor rural people to overcome poverty.
Recrutement
IFAD is looking for staff members with strategic vision, a solid team orientation, proven capacity to generate results, and a deep understanding of and commitment to development. IFAD is currently seeking to recruit a: • Finance Assistant, Loans and Grants – IFAD Regional Office in Nairobi, Kenya (G-5): The finance assistant will provide administrative and financial management support to IFAD’s loans and grants portfolio as assigned, in compliance with IFAD policies and operational procedures. Working language for this position will be English; in addition, the successful candidate will be required to be fluent (UN level C) in either Arabic or French. IFAD offers a remuneration package in line with the UN salary scale for locally recruited staff in Nairobi, Kenya. Women are particularly encouraged to apply.
For detailed information, visit our website www.ifad.org/job Please send your application through the IFAD online system by 31 January 2014
N° 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
The International Fund for Agricultural Development (IFAD) is an international financial institution and a specialized United Nations agency dedicated to eradicating rural poverty and hunger. It does so by financing programmes and projects that increase agricultural productivity and raise rural incomes, and by advocating at the local, national and international level for policies that enable poor rural people to overcome poverty. IFAD is looking for professionals with strategic vision, a solid team orientation, proven capacity to generate results, and a deep understanding of and commitment to development. IFAD is currently seeking to recruit: • Associate Vice-President and Chief Development Strategist, Strategy and Knowledge Department (SKD), level Assistant Secretary-General: A member of Senior Management and strategic leader of SKD, who successfully manages and motivates his/her team to drive and monitor IFAD’s participation with regard to emerging issues in smallholder-based agriculture and rural poverty reduction. A competent and reputable professional guiding IFAD’s strategic contribution to policy dialogue, knowledge management, and programming, including promotion of inclusion of agriculture and rural development in emerging climate finance modalities. • Associate Vice-President, Programme Management Department (PMD), level Assistant Secretary-General: A member of Senior Management and a strategic professional, who provides leadership to the staff of the Department at headquarters as well as in 40 IFAD country offices. An accomplished and competent candidate responsible for developing and managing IFAD’s programme portfolio (when co-financing is included, the scale of this is currently over $2 billion annually) and overseeing project identification, design, financing, and supervision. • Treasurer of IFAD and Director, Treasury Services Division (TRE), grade D-1: A competent and experienced Treasurer, who is directly responsible for leading the strategic and financial management of all aspects of IFAD’s $3bn investment portfolio and cash operations and who successfully motivates and leads the Treasury team. IFAD offers a competitive remuneration and benefits package that includes tax-free salary, dependency allowance, education grant up to university level, medical and group life insurance, home leave and pension plan. IFAD is committed to achieving diversity and is seeking a balanced workforce from its Member States. Women are particularly encouraged to apply. For detailed information, visit our website www.ifad.org/job. Please send your application through the IFAD online system by 18 February 2014. JEUNE AFRIQUE
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World Bank Group Recruitment of freelance English French translators
Avis de recrutement
JEUNE AFRIQUE
KPMG RDC recrute un responsable des services bancaires aux entreprises, pour le compte d’une Banque Commerciale d’ACCESS BANK RDC, succursale du Groupe Access Bank bien implanté en Afrique. Rémunération nette approximative : 10000 USD Qualification : Avoir un diplôme en économie. Une expertise en banque ou un master. Avoir un diplôme en informatique ou tout autre qualification est un atout ; Avoir une expérience minimum de 16 dans le domaine du Marketing dont au moins 12 ans dans le secteur bancaire. Un minimum de 8 ans passé en tant que responsable du développement des affaires et de la gestion des clients ; Les candidatures (lettre de motivation en deux pages maximum, CV mis à jour + trois références, copies des diplômes + photo passeport) doivent être transmises par email à l’adresse : tfashingabo@kpmg.cd ou par courrier à l’adresse suivante : KPMG, Immeuble BCDC, 7ème Etage, Boulevard du 30 juin, Kinshasa, Gombe au plus tard le samedi, 31/01/2014 à 16 h 00’. N° 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
Recrutement
2iE, Institut International d’enseignement supérieur et de recherche, lance un appel à candidatures pour le recrutement de 15 agents dans les domaines de l’enseignement, de la recherche et du management. La date limite de réponse est fixée au 15 février 2014. Le détail des annonces est disponible sur www.2ie-edu.org, rubrique présentation. Appel à candidatures 2014, liste des postes vacants : • Un(e) directeur(trice) financier et des ressources • Un(e) enseignant(e) chercheur(e) en Génie des Procédés-Modélisation des transferts de polluants • Un(e) enseignant(e) chercheur(e) en Génie Civil avec spécialité Mécanique des Sols Géotechnique et Matériaux • Un(e) enseignant(e) chercheur(e) en Génie Civil avec spécialité Structure, Béton Armé et précontraint • Un(e) enseignant(e) chercheur(e) en Sciences du Climat • Deux ingénieurs(es) de recherche en Gestion des Ressources en Eau • Un(e) ingénieur(e) de recherche en Chimie Analytique des Métaux • Un(e) ingénieur(e) de recherche en Biologie Cellulaire et Toxicologie • Un(e) ingénieur(e) de recherche Assistant en Génie Civil • Un(e) ingénieur(e) informaticien • Deux technicien(ne)s supérieur(e)s en informatique • Un(e) chargé(e) des projets événementiels • Un(e) comptable Les candidatures féminines sont vivement souhaitées. La pratique courante de l’anglais et la connaissance du Système de Management de la Qualité sont des atouts. Composition du dossier de candidature • Une demande adressée au Directeur Général de 2iE, tenant lieu de lettre de motivation • Un Curriculum Vitae détaillé faisant ressortir les expériences professionnelles ou personnelles • Une copie certifiée conforme des diplômes obtenus et une copie des certificats de travail et attestations de formations ou stages • Les noms et adresses de deux références professionnelles Le dossier complet doit être envoyé par voie postale ou par courriel, au plus tard le 15 février 2014 17h00, à Monsieur le Directeur Général de 2iE : A l’attention de Monsieur Noufou SANOGO Chef du Service des Ressources Humaines Institut International d’Ingénierie de l’Eau et de l’Environnement (2iE) Rue de la Science, 01 BP 594 Ouagadougou 01, Burkina Faso Tél. : +226 50 49 28 00 /50 49 28 50 Fax : +226 50 49 28 01 E-mail : noufou.sanogo@2ie-edu.org L’Institut International d’Ingénierie de l’Eau et de l’Environnement (2iE) se réserve le droit de ne donner aucune suite au présent avis de recrutement. Seuls les candidats présélectionnés seront contactés. Les dossiers déposés ou transmis ne seront en aucun cas remis. Présentation de l’institution Situé à Ouagadougou (Burkina Faso), dans un pays réputé pour ses traditions d’accueil et d’hospitalité, 2iE est un Institut International d’enseignement supérieur et de recherche spécialisé dans les domaines de l’Eau et l’Assainissement, l’Environnement, l’Énergie et Électricité, le Génie Civil, les Mines et les Sciences Managériales. 2iE attache une grande importance aux valeurs de respect, de diversité, d’engagement, de responsabilité et de mérite. Y travailler, c’est rejoindre une institution dynamique, ouverte sur le monde, qui accompagne et participe au développement d’un continent en pleine croissance. Animée par des équipes multiculturelles, engagées et exigeantes, 2iE attache une grande importance à l’évolution interne de ses salariés, et propose des postes dans l’enseignement, la recherche, ou le management. Retrouvez le détail des annonces sur notre site Internet : www.2ie-edu.org, rubrique présentation.
The Translation and Interpretation Unit (GSDTI) of the World Bank Group is holding an examination on February 12, 2014 to recruit English ! French translators for its roster of external vendors. The two-hour examination will be administered online and successful candidates will be added to the Bank’s roster of external vendors. Interested candidates who meet the requirements set out below are invited to submit their résumés together with a one-page cover letter summarizing their qualifications and experience by e-mail to translator-recruitment@worldbank.org no later than 12 noon (EST) on Monday, February 10, 2014. Requirements • Degree in translation or related discipline from a recognized university or institution of higher learning and at least five years of proven experience as a professional translator • Ability to produce accurate and stylistically appropriate translations in French of English texts on a wide range of subjects covering the activities of the World Bank Group with little need for revision and/or oversight • Ability to plan and organize work to meet established deadlines • Familiarity with CAT and related computer-based tools • Specialized knowledge in fields such as public finance, accounting, law or the social sciences would be an asset • Ability to also translate into French from languages other than English an asset
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Working to improve the future.
Avis de pré-qualification - Recrutement
DIRECTEUR GÉNÉRAL
Le Centre du Riz pour l’Afrique (www.AfricaRice.org) est une organisation de recherche panafricaine leader œuvrant pour l’amélioration des moyens d’existence en Afrique par des activités scientifiques et des partenariats efficaces. Association intergouvernementale composée de 25 pays membres africains, AfricaRice est l’un des 15 Centres internationaux de recherche agricole qui sont membres du Consortium du CGIAR. Nous recherchons un Directeur Général qui libérera le potentiel d’AfricaRice et réalisera sa mission qui est d’être reconnu comme l’un des principaux centres mondiaux de la recherche agricole. Le poste est temporairement basé à Cotonou, au Bénin, et implique des déplacements à travers le monde. Le candidat idéal est un dirigeant exceptionnel d’organisations scientifiques, ayant démontré sa capacité à construire des équipes collaboratives et hautement efficaces en R&D dans les pays en voie de développement. Il ou elle aura conduit le changement et mis en place des organisations prospères dans les secteurs privés et / ou publics du monde actuel. Critères de Qualifications supplémentaires: • Etre ressortissant de l’un des 25 pays membres d’AfricaRice. • Doctorat ou équivalent dans le secteur agricole, le développement économique ou la gestion. • Un minimum de 10 années d’expérience réussie tant à la tête de grandes équipes ou d’organisations de recherche scientifique, de préférence en Afrique, que dans la mise en œuvre de partenariats fructueux avec les partenaires de recherche et de développement régionaux et internationaux des secteurs publics et/ou privés. Le candidat retenu aura démontré une grande capacité dans la mobilisation des ressources. La date butoir pour le dépôt des candidatures a été prolongée jusqu’au 31 Mai 2014. Les femmes qualifiées sont vivement encouragées à faire acte de candidature. Tous les candidats qualifiés sont invités à soumettre leur CV à Gabriella Snoeck, Kincannon & Reed Global Executive Search: gsnoeck@KRsearch.net.
The '67 8 '1&5,%#( 6(9%-$2%($ Bank is the European Union’s financial institution. It works in support of EU development and economic co-operation policies by financing investment in both public and private sectors.
The EIB is seeking to recruit for its Regional Office in Dakar, Senegal, on the basis of a fixed-term local contract:
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To find out more details about the job offer or to apply please go to +$$,-.//%&%0&1*$2%($3%*435&) The position is open to Senegalese nationals and other nationals with a valid Senegalese work permit.
We believe that Diversity is good for our people and our business. We promote and value diversity and inclusion among our staff and candidates, irrespective of their gender, age, nationality, race, culture, education and experience, religious beliefs, sexual orientation or disability.
RÉPUBLIQUE DU MALI
Avis de pré-qualification LOT 2 : Réalisation des ouvrages et équipements suivants : station d’exhaure, canalisation de refoulement d’eau brute, station de traitement, station de reprise, télégestion, bâtiments techniques et administratifs Le Gouvernement de la République du Mali à obtenu de l’Agence Française de Développement (AFD), du Fonds Européen de Développement (FED) et de la Banque Européenne d’Investissement (BEI) des financements en vue de réaliser la 1re phase du projet d’Alimentation en eau potable de la ville de Bamako à partir de la localité de Kabala, opération désignée Projet KABALA. La Société Malienne de Patrimoine de l’Eau Potable, (SOAMPEP SA), Maître d’Ouvrage du projet, entend affecter une partie de ces financements au LOT 2 portant sur la réalisation des ouvrages et équipements suivants : station d’exhaure, canalisation de refoulement d’eau brute, station de traitement, station de reprise, télégestion, bâtiments techniques et administratifs. L’appel d’offres relatif au LOT 2 sera régi par les procédures et les règles de provenance des trois bailleurs de fonds précités. Le Maître d’Ouvrage entend pré-qualifier dans le cadre précédent des entreprises pour la réalisation des ouvrages et équipements suivants : - Station d’alerte ; - Station d’exhaure d’une capacité de 6 300 m3/h ; - Canalisation de refoulement d’eau brute DN 1200 mm d’une longueur d’environ 700 m ; - Ouvrages de traitement d’une capacité en sortie de 6 000 m3/h ; - Ouvrage de stockage d’eau traitée ; - Poste de refoulement d’eau traitée ; - Bâtiments réactifs, ateliers mécanique et électrique, autres locaux techniques ; - Bâtiments, locaux, et ouvrages administratifs, d’habitation, et de gardiennage ; - Dispositif de récupération des eaux de lavage et des boues ; - Dispositif de traitement des boues par lits de séchage ; - Conduite d’évacuation des rejets vers le fleuve Niger ; - Equipements électriques de la station de traitement et du poste de refoulement d’eau traitée - Système de télégestion et poste de contrôle-commande. La conception de la station doit tenir compte d’une extension à court terme à
N° 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
12 000 m3/h (tranche 11 de 6 000 m3/h supplémentaire qui pourra faire l’objet d’une tranche (conditionnelle du présent marché). Une extension à plus long terme de deux tranches supplémentaires de capacité unitaire 6 000 m3/h est prévue. La filière de traitement comprend les étapes suivantes : - Dégrillage ; - Coagulation, floculation, décantation ; - Filtration sur sable ; - Remise à l’équilibre calco-carbonique ; - Désinfection par hypochlorite de sodium produit par électrolyse. Les entreprises intéressées peuvent obtenir de plus amples renseignements et consulter le document de pré-qualification auprès de la SOMAPEP-SA à l’adresse indiquée ci-dessous. Les entreprises intéressées peuvent disposer gratuitement du jeu complet du dossier de pré-qualification en français en faisant la demande écrite à l’adresse indiquée ci-dessous. Les dossiers de candidature pour la pré-qualification doivent être déposés sous enveloppe cachetée à l’adresse ci-dessous avant le 20 Février 2014 à 10h00mn heure locale, et doivent être clairement marqués. Candidature de pré-qualification Projet d’alimentation en eau potable de Bamako à partir de Kabala (1re phase) LOT 2 - Réalisation des ouvrages et équipements suivants : station d’exhaure, canalisation de refoulement d’eau brute, station de traitement, station de reprise, télégestion, bâtiments techniques et administratifs. Adresse pour tout contact et pour le dépôt des candidatures de pré-qualification : SOMAPEP-SA Quartier : Magnambougou Faso Kanu BP 1528 Ville : Bamako Pays : Mali Numéro de téléphone ; +223 (0) 20 22 00 26 Numéro de télécopie : +223 (0) 20 22 02 00 Personne de contact : M. Cissoko : bandia.cissoko@somapep.ml
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AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL 2) Tout soumissionnaire éligible intéressé par le présent avis pourra acheter un jeu complet du dossier d'appel d'offres dès le 15 Janvier 2014 moyennant le paiement d'un montant non remboursable de 200 000 OUGUIYA à la TRÉSORERIE GÉNÉRALE. 3) La visite des lieux prévue le 09 Février 2014.est obligatoire. Le lieu de rendez-vous est fixé à 09 heures locales au poste de police situé à la sortie de la ville de Bassiknou vers Fassala. Elle sera suivie par une réunion d'information prévue le 13 Février 2014 à 12 heures à la Direction des Infrastructures de Transport. 4) La validité des offres est de 90 jours à compter de la date d’ouverture de celles-ci. 5) Chaque offre accompagnée d'un cautionnement provisoire de Cent Cinquante Millions d’Ouguiyas (150 000 000) UM valable pour 118 jours à compter de la date de dépôt des offres fixé à 10 heures locales le 23 Mars 2014. L’ouverture des offres se fera en deux temps. L’Ouverture des offres techniques en séance publique est fixée le 23 Mars 2014 à 10 heures 30 locales en présence des représentants des soumissionnaires qui le souhaitent à la Commission de Passation des Marchés Publics des Secteurs des Infrastructures (CPMPSI), 1ére Etage, Immeuble du Ministère de l’Equipement et des Transports Sebkha/NOUAKCHOTT / MAURITANIE. L’Ouverture des offres financières se fera uniquement pour les soumissionnaires qualifiées techniquement. AHMED OULD JIDDOU
AVIS D’APPEL À MANIFESTATION D’INTÉRÊT INTERNATIONAL : Pré-qualification FOURNITURE ET MISE EN ŒUVRE D’UN SYSTÈME D’INFORMATION DE VENTE D’ÉNERGIE PRÉPAYÉE Dans le cadre de l’amélioration de sa qualité de service, la Société d’Energie et d’Eau du Gabon (SEEG) lance un appel à manifestation d’intérêt international relatif à la fourniture et la mise en œuvre d’un système d’information de vente d’énergie prépayée. Les entreprises ou groupements d’entreprises intéressées par cet appel d’offres doivent posséder une expérience suffisante dans la mise en œuvre des systèmes similaires. Les dossiers de pré-qualification sont à retirer dès le 20 janvier 2014 à partir de 9h00 (heure locale) à la Direction des Achats et Gestion Stocks (DAS) de la SEEG, sis à la base technique face à l’immeuble CENACOM Bâtiment N°16-Porte N°11 à Libreville. Le retrait des dossiers est subordonné au paiement d’un montant de 250 000 FCFA (francs CFA), soit 381.12 Euros non remboursable. Le paiement est à effectuer au 4ème étage Siège Social portes n°413 et n°415 de 12h00 à 15h00 (heure locale). La date limite de retrait des dossiers est fixée au 31/01/2014. Tous les documents seront obligatoirement rédigés en français et les interlocuteurs proposés doivent également parler français. Les dossiers de soumission doivent être déposés au plus tard pour le 19/02/2014 à 15h00 (heure locale) à la DAS de la SEEG.
BP 2187 Libreville Gabon - Tel (241) 01 76 76 07 Fax : (241) 01 76 78 28 – E-mail panoumba@seeg-gabon.com
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N° 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
Appel d’offres - Manifestation d’intérêt
Le Ministère de l’Equipement et des Transports de la République Islamique de MAURITANIE invite par le présent appel d'offres les candidats éligibles à présenter leurs offres techniques et financières sous pli fermé pour l'exécution des travaux de construction du tronçon Bassiknou – Fassala (63,8 Km) : lot 3 de la route Néma – Bassiknou – Frontière du Mali. La consistance des principaux postes du lot 3 est donnée à titre indicatif ci-après : • la réalisation de travaux de terrassement (déblais : 83 310 m3, Remblais : 360 000 m3) ; • la réalisation de travaux de couches de chaussée (Couche de Fondation : 200 000 m3 ; Couche de Base : 160 000 m3 ; Accotements : 10 000 m3 ; Enrobé (5cm) : 510 000 m2) ; • la construction des ouvrages hydrauliques ; • le désensablement et le dégagement des emprises, • la mise en place de bornes penta-kilométriques, • la mise en place de la signalisation horizontale et verticale et • la mise en place de bordures à ras dans la traversée des agglomérations • l’aménagement de carrefour. La durée d'exécution des travaux ne peut excéder 28 mois. 1) L’Appel d’Offres est ouvert : a) :aux entreprises ou groupements d’entreprises originaires des pays membres de la ligue des Etats Arabes ; b) les entreprises originaires des pays non frappés par les mesures de boycott de la ligue des Etats Arabes.
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Annonces classées MINISTÈRE DE L’ÉCONOMIE, DES FINANCES, DU PLAN, DU PORTEFEUILLE PUBLIC ET DE L’INTÉGRATION PROJET DE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DE TRANSPARENCE ET DE GOUVERNANCE - Crédit n° 5063-CG Unité d’Exécution du Projet - B.P 2116 Brazzaville, République du Congo, Tel : 05 551 96 11, 06 921 91 16 - Courriel: prctg@yahoo.fr
AVIS DE SOLLICITATION À MANIFESTATION D’INTÉRÊT N°04/MEFPPPI-CAB/PRCTG-SPM/14 « Recrutement d'une firme en charge du recrutement de quatorze (14) Ingénieurs développeurs devant appuyer techniquement l’équipe du projet Système Intégré des Dépenses et des Recettes de l’Etat (SIDERE) auprès de l’Office Congolais de l’Informatique (OCI) devenue Agence Congolaise des Systèmes d’Information (ACSI) »
Manifestation d’intérêt
semblables, etc.). Les consultants intéressés peuvent s’associer pour ren1. Le Gouvernement de la République du Congo a obtenu auprès de forcer leurs compétences respectives. Dans le cas d’une association, les l’Association Internationale de Développement (IDA) un crédit n° 5063consultants doivent indiquer clairement le Chef de file et sa nationalité. CG, pour le financement des activités du Projet de Renforcement des capacités de Transparence et de Gouvernance (PRCTG), et a l’intention 4. Sur cette base, un cabinet d’études sera sélectionné conformément aux Directives de la Banque « Sélection et Emploi des Consultants par les d’utiliser une partie du montant dudit Don pour financer les services de Emprunteurs de la Banque Mondiale de janvier 2011 ». Le Consultant consultants ci-après : Recrutement d'une firme en charge du recrusera sélectionné sur la base de la méthode de Sélection fondée sur la tement de quatorze (14) Ingénieurs développeurs devant appuyer qualité technique et le coût. techniquement l’équipe du projet Système Intégré des Dépenses et des Recettes de l’Etat (SIDERE) auprès de l’Office Congolais de 5. Les intéressés doivent s’adresser à l’Unité d’Exécution du PRCTG pour obtenir des informations supplémentaires, à l’adresse ci-dessous, les l’Informatique (OCI) devenue Agence Congolaise des Systèmes jours ouvrables, de 8 h 00 à 14 h 00. d’Information (ACSI) ». L’objectif de la mission est de procéder au recrutement de quatorze (14) 6. Les manifestations d’intérêt doivent être déposées sous pli fermé ou en version électronique à l’adresse ci-dessous, au plus tard, le mardi Ingénieurs développeurs devant appuyer l’équipe du projet SIDERE. 11 Février 2014 à : La durée de la mission est d’un (01) mois calendaire y compris la souPROJET DE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DE mission du rapport final de sélection des quatorze (14) Ingénieurs déveTRANSPARENCE ET DE GOUVERNANCE loppeurs. UNITÉ D’EXÉCUTION DU PROJET 2. L’Unité d’Exécution du PRCTG, invite les candidats intéressés à maniSECTION PASSATION DES MARCHÉS fester leur intérêt à fournir les services décrits ci-dessus. Les Consultants B.P 2116 Brazzaville, République du Congo ; Derrière le intéressés doivent fournir des informations pertinentes indiquant leurs Commissariat Central - Courriel : prctg@yahoo.fr capacités techniques à exécuter lesdits services. Brazzaville, le 16 .Janvier 2014 3. Les consultants intéressés doivent fournir les informations indiquant qu’ils Le Coordonnateur sont qualifiés pour exécuter les services (brochures, références concerMarie Alphonse ITOUA nant l’exécution de contrats analogues, expérience dans des conditions
MINISTÈRE DE L’ÉCONOMIE, DES FINANCES, DU PLAN, DU PORTEFEUILLE PUBLIC ET DE L’INTÉGRATION PROJET DE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DE TRANSPARENCE ET DE GOUVERNANCE - Crédit n° 5063-CG Unité d’Exécution du Projet - B.P 2116 Brazzaville, République du Congo, Tel : 05 551 96 11, Courriel : prctg@yahoo.fr
AVIS DE SOLLICITATION À MANIFESTATION D’INTÉRÊT
N° 05C/MEFPPPI-CAB/PRCTG-SPM/14
« Recrutement d’un Consultant individuel international en vue d’assister la Direction des Systèmes d’Information du Ministère de l’Economie, des Finances, du Plan, du Portefeuille Public et de l’Intégration au plan organisationnel, fonctionnel et technique dans la mise en œuvre du SYSTÈME INTÉGRÉ de Gestion des finances Publiques (SIDERE), volet Trésor) »
1. Le Gouvernement de la République du Congo a obtenu auprès de l’Association Internationale de Développement (IDA) un crédit n° 5063-CG, pour le financement des activités du Projet de Renforcement des capacités de Transparence et de Gouvernance (PRCTG), et a l’intention d’utiliser une partie du montant dudit Don pour financer les services de consultants ci-après : Recrutement d’un Consultant individuel international en vue d’assister la Direction des Systèmes d’Information du Ministère de l’Economie, des Finances, du Plan, du Portefeuille Public et de l’Intégration au plan organisationnel, fonctionnel et technique dans la mise en œuvre du Système Intégré de Gestion des finances Publiques (SIDERE), volet Trésor. 2. L’objectif général de la mission est d’appuyer l’équipe du projet SIDERE dans la mise en œuvre du système SIDERE, volet trésor. Pour ce faire, le consultant poursuivra les objectifs spécifiques ci-après : • aider à finaliser dans les meilleurs délais la fiabilisation et la mise en œuvre cohérente du système SIDERE, volet trésor ; • apporter des appuis fonctionnels sur la gestion comptable et financière à travers le système SIDERE particulièrement ; • aider à la mise en œuvre organisationnelle du système auprès des directions générales du Budget et du Trésor public. La durée de la mission est de trois (03) mois calendaire y compris la soumission du rapport final. 3. L’Unité d’Exécution du PRCTG invite les candidats intéressés à manifester leur intérêt à fournir les services décrits ci-dessus. Les Consultants intéressés doivent fournir des informations pertinentes indiquant leurs capacités techniques à exécuter lesdits services. Le dossier de candidature devra comporter les renseignements suivants : • les copies des diplômes ; • les compétences du candidat pour la mission, notamment l’indication de références techniques vérifiables en matière de missions similaires (liste des précédents clients pour ce type de mission : année, coût de la mission, nom et adresse complète du représentant du client) ; • l’adresse complète du consultant (localisation, personne à contacter, BP, Téléphone, Fax, Courriel). N° 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
Profil du Consultant : Le consultant individuel international devra: i) être titulaire d’un diplôme universitaire (Bac + 5) ou équivalent en gestion financière et comptable et budgétaire, en finances publiques, en organisation ou dans une discipline similaire ; ii) avoir au moins 10 ans d’expériences dans la participation à une mission de réforme des finances publiques comprenant les modules : (i) d’audit ou de l’état des lieux, (ii) d’élaboration des manuels de procédures de gestion et/ou leur mise à jour, (iii) d’informatisation du Trésor public ou d’une entité similaire ; iii) avoir une bonne connaissance de la comptabilité publique en rapport avec l’approche française du droit budgétaire, d’une part, les procédures OHADA et les Directives du CEMAC, d’autre part ; iv) avoir une bonne connaissance de l’administration congolaise, des réformes en cours et d’un logiciel spécifique de gestion des finances publiques serait un atout ; v) avoir une bonne connaissance dans l’utilisation des logiciels de bureautique notamment : Word, Excel, PowerPoint et Internet/Intranet. 4. Sur cette base, un Consultant individuel sera sélectionné conformément aux Directives de la Banque « Sélection et Emploi des Consultants par les Emprunteurs de la Banque Mondiale de janvier 2011». Le Consultant sera sélectionné sur la base de la comparaison des CV. 5. Les intéressés doivent s’adresser à l’Unité d’Exécution du PRCTG pour obtenir des informations supplémentaires, à l’adresse ci-dessous, les jours ouvrables, de 8 h 00 à 16 h 00. 6. Les manifestations d’intérêt doivent être déposées sous pli fermé ou en version électronique à l’adresse ci-dessous, au plus tard, le mardi 11 Février 2014 : PROJET DE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DE TRANSPARENCE ET DE GOUVERNANCE UNITÉ D’EXÉCUTION DU PROJET - SECTION PASSATION DES MARCHÉS B.P 2116 Brazzaville, République du Congo Derrière le Commissariat Central - Courriel : prctg@yahoo.fr Brazzaville, le 16 .Janvier 2014 Le Coordonnateur Marie Alphonse ITOUA
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RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO MINISTÈRE DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE, URBANISME, HABITAT, INFRASTRUCTURES, TRAVAUX PUBLICS ET RECONSTRUCTION - CELLULE INFRASTRUCTURES PROJET D’AMÉNAGEMENT DE LA ROUTE BATSHAMBA-TSHIKAPA, SECTION PONT LOANGE-PONT LOVUA (63 km) Don n° : 2100155023025 - P-CD-DB0-002
AVIS À MANIFESTATION D’INTÉRÊT SERVICES DE CONSULTANT : PRESTATIONS DE L’AUDIT DES COMPTES POUR LES EXERCICES 2013 à 2015 Date : AMI N° : 001/MATUHITPR/CI/BAD/2014
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N° 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
Manifestation d’intérêt - Divers
1. Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo (RDC) a obtenu du Fonds Africain de Développement (FAD) un don d’environ 53,55 millions d’UC, en diverses monnaies pour financer le coût du projet d’aménagement de la route Batshamba–Tshikapa, section Pont Loange – Pont Lovua. Il se propose d’utiliser une partie des fonds accordés au titre de ce don pour effectuer des paiements autorisés au titre du contrat des prestations de l’audit des comptes. 2. Les services prévus au titre de ce contrat comprennent les prestations de l’audit des comptes du projet susmentionné pour les exercices 2013, 2014 et 2015. Ils concernent les travaux : (i) d’aménagement et bitumage de la section Loange-Pont Lovua (63 km) ; (ii) de réhabilitation de 80 km de pistes rurales connexes ; (iii) de réhabilitation d'infrastructures sociales dans la zone du projet ; et (iv) de réhabilitation des bureaux de l'Office des Routes. Calendrier et durée de la mission Le démarrage de la mission est prévu: • Pour le mois de mai 2014, en ce qui concerne la première mission qui portera sur les comptes du 1er octobre 2012 au 31 décembre 2013. • Pour le mois d’avril 2015 s’agissant des comptes de l’exercice clos au 31 décembre 2014, • Pour le mois d’avril 2016, en ce qui concerne les comptes de l’exercice clos au 31 décembre 2015. Lieu de la mission La mission est prévue à la Cellule Infrastructures à Kinshasa et dans les sites d’exécution du projet. 3. La Cellule Infrastructures du Ministère de l’Aménagement du Territoire, Urbanisme, Habitat, Infrastructures, Travaux Publics et Reconstruction, ci-après dénommée « l’Organe d’Exécution » (OE), invite les consultants à présenter leur candidature en vue de fournir les services décrits ci-dessus. Les consultants intéressés doivent fournir les informations indiquant leurs expériences et capacités démontrant qu’ils sont qualifiés pour les prestations (documentation, référence de prestations similaires, expérience dans des missions comparables, disponibilité des connaissances nécessaires parmi le personnel permanent ou ponctuel, une lettre de motivation (2 pages maximum) expliquant les motivations profondes d’intérêts pour le présent projet, les qualifications et expériences spécifiques pertinentes et similaires à prendre en compte pour l’examen des expériences d’intérêts en vue de la constitution de la liste restreinte, etc.). 4. Les consultants peuvent se mettre en association pour augmenter leurs chances de qualification. 5. Les critères d’éligibilité, l’établissement de la liste restreinte et la procédure de sélection sont conformes aux « Règles et Procédures pour l’utilisation des consultants » de la Banque Africaine de Développement (Edition de Mai 2008, révisée en juillet 2012) qui sont disponibles sur le site web de la Banque à l’adresse : http://www.afdb.org. L’intérêt manifesté par un consultant n’implique aucune obligation de la part de l’Emprunteur de le retenir sur la liste restreinte. 6. Pour répondre aux critères de sélection : a. Le Consultant doit être soit un Cabinet d’Audit et d’Expertise Comptable de réputation internationale, faisant profession habituelle de réviser les comptes, régulièrement inscrit au Tableau d’un Ordre des Experts-comptables reconnu au plan national ou régional ou international par l’IFAC ou la FIDEF, ou un Cabinet d’Audit et d’Expertise comptable agréé par l’Institut des Reviseurs Congolais (IRC) ou la CEMAC et ayant une expérience confirmée en audit financier des comptes des projets de développement notamment les projets financés par la BAD, la Banque Mondiale, l’Union Européenne, …. b. Il doit avoir effectué pendant les 5 dernières années au moins 2 missions similaires avec un ou plusieurs parmi les bailleurs cités ci-dessus. c. Une expérience prouvée du cabinet en audit des projets de développement. 7. Les consultants intéressés peuvent obtenir les informations supplémentaires au sujet des documents de référence à l’adresse indiquée ci-dessous et aux heures suivantes : du lundi au vendredi de 09h00 à 12h00 et de 13h00 à 15h30 (heure locale). 8. Les expressions d’intérêt doivent être déposées à l’adresse mentionnée ci-dessous, au plus tard le 04 février 2014 à 15.h 00, heure locale. Elles devront porter expressément la mention : « AMI N°001/CI/BAD/2014-RECRUTEMENT D’UN CABINET D’AUDIT EXTERNE CHARGÉ DE L’AUDIT DES COMPTES DU PROJET D’AMÉNAGEMENT DE LA ROUTE BATSHAMBA-TSHIKAPA, SECTION LOANGE-PONT LOVUA ET DES AMÉNAGEMENTS CONNEXES, POUR LES EXERCICES 2013 à 2015 ». Cellule Infrastructures 70 A, Avenue Roi Baudouin - Commune de la Gombe, Kinshasa - République Démocratique du Congo. Tél. : (+ 243) 81 010 26 81 - (+ 243) 99 315 22 26 E-mail : info@celluleinfra.org - Site web : www.celluleinfra.org Théophile NTELA LUNGUMBA Coordonnateur a.i
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Vous & nous
Le courrier des lecteurs Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.
Imposture À propos de pseudo-spécialistes… J’AI particulièrement apprécié le « Postscriptum » de Fouad Laroui intitulé « Exclusif : les uns contre les autres ! », sur les ps eudo-sp é cialistes du Maghreb (J.A. no 2763-2764, du 22 décembre 2013 au 4 janvier 2014). Combien de fois a-t-on disserté sur « nous » pendant que nous, bras croisés et gentils, écoutions des « experts » nous expliquer ce qu’il y a dans nos têtes, nos estomacs, nos montagnes et nos couffins ! Le comble et le
Nobel, ce sont sans doute les milliers de symposiums et de « discussions » sur « l’intégration » et « l’incompatibilité de l’islam avec la démocratie » qui à un moment nourrissaient nombre « d’experts » et de « politicards », ainsi que la scène politique. Les podiums étaient pris d’assaut par de « blonds Scandinaves » (même pas les agents bronzés de service qu’on trouve toujours ici et là) qui nous exposaient, à nous, dans la galerie Schwarzkopf (« tête noire »), les problèmes et les sentiments des
immigrés ! Et que faisionsnous ? On était les pleureuses (inconsciemment)-applaudisseuses (consciemment) ! l SAMAI SALIM, Berlin, Allemagne
Maroc N’oublions pas Ahmed Dlimi DANS VOTRE « Grand angle » consacré aux « 50 qui f[er]ont le Maroc » de 2014 (J.A. n o 2765, du 5 au 11 janvier 2014), j’ai relevé une bien curieuse phrase au sujet du général Abdelaziz Bennani.
Kabila Procès en nationalité C’EST AVEC une grande consternation que j’ai lu votre édito intitulé « Le funambule » (J.A. no 2765, daté du 5 au 11 janvier). Si je vous réponds, c’est pour accomplir un devoir patriotique, pour vous dire combien j’ai été souvent abasourdi par vos analyses négatives et diffamatoires à l’égard de celui que les Kinois surnomment affectueusement Le Raïs JKK ou encore La Force tranquille. Joseph Kabila n’est pas le premier président dont la nationalité congolaise est contestée injustement. Avant lui, le président Joseph Kasa-Vubu était traité de « chinois », Mobutu Sese Seko, de « centrafricain ». Et ce n’est pas tout : p J.A. no 2765, vice-président de la République pendant la transition (entre du 5 au 11 janvier 2014. juin 2003 et décembre 2006), Jean-Pierre Bemba était considéré comme brésilo-portugais. Utiliser un argument identitaire contre un président en exercice est fallacieux et vain. Joseph Kabila est bien le fils de son père et personne n’a le droit de lui contester sa filiation au libérateur du Congo, Mzee Laurent-Désiré Kabila. Rien ne justifie qu’on critique la gouvernance du président Joseph Kabila, qui a hérité d’un pays complètement ruiné par trois décennies d’un pouvoir tyrannique, où prévalaient la corruption généralisée et la misère de la population. Le président de la République déteste les discours démagogiques et privilégie les actions visibles. Nous devons nous habituer à cette personnalité sage, discrète, proactive, à qui sa probité morale impose une certaine réserve, loin de la démagogie ostentatoire que nous avons connue durant la deuxième République. Puisque vous récidivez chaque année en tirant à boulets rouges sur le président Joseph Kabila, puis-je simplement vous demander d’être anormalement et exceptionnellement sérieux en 2015 ? l PIERRE-YVES KUSHILU, Paris, France Réponse : Ce qui me consterne – pour reprendre votre vocabulaire –, c’est la façon dont vous avez (mal) lu mon édito, lequel, concernant le mauvais procès en nationalité fait au président Kabila, disait exactement l’inverse de ce que vous me reprochez. Un conseil : relisez-le. l FRANÇOIS SOUDAN N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
En effet, avancer qu’« il a fait toute la guerre du Sahara » est erroné : l’artisan de la pacification de nos provinces sahariennes n’est autre que le général Ahmed Dlimi. Et j’en veux pour preuve les propos d’Abdelaziz Dahmani dans un article intitulé « Sahara, le tournant », paru dans Jeune Afrique n o 1029, daté du 24 septembre 1980. En effet, ce dernier présentait le général Dlimi comme « l’homme de confiance du roi ». Il ajoutait : « On a pu le voir le même jour au Sahara, jumelles et carte d’état-major à la main par 48 °C à l’ombre. Puis dans les salons des palais royaux de Rabat ou de Fès en tant que chef des aides de camp du roi. Cette casquette lui permet d’être l’un des plus proches collaborateurs du roi. C’est aussi l’un des rares officiels marocainsàconnaîtrel’essentiel de l’affaire du Sahara sous toutes ses facettes. » l DAKHLA ABDERRAHIM, Rabat, Maroc
Réponse : Écrire que le géné-
ral Bennani a « fait toute la guerre du Sahara » ne signifiait évidemment pas qu’il a été le seul ni qu’il en a été, du débutàlafin,l’uniqueetprincipal chef militaire. Chacun sait au Maroc que le général Dlimi, décédé il y a trente ans tout juste, y a pris une part éminente. Mais ce n’était pas là le sujet de notre « Grand angle », relatif aux personnalités actuelles qui « feront le Maroc » en 2014. l F.S.
Dieudonné Deux poids deux mesures? JE SUIS OUTRÉ par la cabale menée contre Dieudonné depuis l’Élysée, la Place Beauvau et la Place Vendôme. Non que je partage cequiluiestreproché,loin,très JEUNE AFRIQUE
Vous nous
Tourisme Néfaste surexposition MARRAKECH ! Là où le désert rejoint les monts enneigés, ville ocre lovée dans sa verte palmeraie, cité impériale de mille monuments ornée, centre culturel palpitant du Maghreb lointain, hot spot de la jet-set internationale : la brochure était alléchante. Mon séjour du nouvel an m’a laissé un goût bien amer. Certes la ville est magnifique, mais tant dénaturée… Ses abords systématiquement bétonnés en style « kaufmann-mauresque » uniforme sur des kilomètres, sa palmeraie qui se meurt, palmiers rabougris, dévorés par de grosses villas ventrues et « remparées », ses rues congestionnées par un incessant trafic, ses souks devenus le bazar du déguisement arabe, ses restos si chics et si chers, ses marchands plus avides que les voleurs d’Ali Baba… Pourra-t-elle se remettre un
AGE FOTOSTOCK
loin de là. Mais simplement, alors que MM. Aussaresses, Bousquet, Le Pen et Papon, auteursdefaitsetdéclarations autrement plus graves, s’en tirent avec une gentille tapette sur la joue, parfait bouc émissaire, Dieudonné cristallise toutes les indignations. On se croirait revenu à ces temps pas silointains où,pour chaque bombe posée par des Moyen-Orientaux parfaitement identifiés, Charles Pasqua,ministredel’Intérieur, prétendant « terroriser les terroristes », renvoyait par pleins charters ultrasécurisés, avec forcepublicité,dessans-grade maliens et sénégalais totalement étrangers à ces attentats. Il fallait donner l’illusion qu’onnelafaitpasàlaFrance. l
p Marrakech, place Jemaa El Fna.
jour des conséquences fatales des belles brochures disséminées chez tous les touropérateurs du monde ? l ZIAD HAMAMI, Sousse, Tunisie
PAP SARR, Paris, France
Toutes les clés pour comprendre les (r)évolutions du continent
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Hebdomadaire international indépendant • 54e année
CROISSANCE LE CONTINENT VA-T-IL AUSSI BIEN QU’ON LE DIT ? DÉFENSE CE QUE VALENT VRAIMENT NOS ARMÉES PORTRAITS DIX PATRONS PLEINS D’IDÉES ET… D’AVENIR
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2014 Toutes les clés pour comprendre les (r)évolutions du continent
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L’Afrique en
L’AFRIQUE DU NORD DANS TOUS SES ÉTATS
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*disponible également sur www.laboutiquejeuneafrique.com et en version digitale
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HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL POLITIQUE, ÉCONOMIE, CULTURE
Post-scriptum Fouad Laroui
Ce qui ne s’est pas passé en 2013 QUELQU’UN REPROCHA un jour à Voltaire le fait qu’il se répétait souvent. – Cessez de faire les mêmes bêtises, je cesserai de me répéter en les dénonçant, répliqua le grand Arouet. Toutes proportions gardées (n’est pas Voltaire qui veut), c’est le sentiment qui m’étreint en chaque début d’année quand j’observe le déluge de prévisions, de prédictions, d’horoscopes, etc., qui nous ensevelit. Y a-t-il encore des benêts pour y croire ? Il semble que oui, malheureusement, et il faut donc se répéter, chaque année, en en montrant l’inanité. Dans le magazine Maroc Hebdo daté du 10 janvier 2013, page 26, un certain Abdelaziz El Kh…, « grand » astrologue marocain dont l’antichambre ne désemplit pas, paraît-il, tant ses prédictions sont recherchées, exposa de façon péremptoire ce qui allait advenir en 2013. Cette belle année ayant passé, voyons voir ce que valait la science de ce monsieur. « En Syrie, la guerre civile prendra fin en mars 2013. » Excellente nouvelle. Cependant, la paix retrouvée a fait plusieurs dizaines de milliers de morts depuis mars, à croire que la paix est bien plus meurtrière que la guerre. Le devin concluait ainsi : « Bachar al-Assad sera capturé par les rebelles. » Certes, certes, mais son sosie règne toujours à Damas. On n’est pas plus avancés. « Barack Obama échappera à de nombreux attentats terroristes. » Oui, mais que signifie « nombreux » ? Sept ? Six ? Cinq ? Quatre ? Pourquoi « nombreux » ne commencerait-il pas avec « zéro » ? Notre mage avait raison. (Et moi j’ai de nombreux milliards à la banque.) « Algérie : Bouteflika se retirera au profit d’une personnalité civile choisie par l’armée. » Il faut vraiment être de mauvaise foi (comme vot’ serviteur) pour contester que cette prédiction se soit effectivement réalisée en 2013. En effet, rien n’interdit de considérer qu’Abdelaziz Bouteflika a cédé la place à Bouteflika Abdelaziz. La preuve : c’est bien ce dernier qui est au pouvoir, non ? Aaaalors ? « Catastrophes naturelles : le Maroc, l’Algérie et la Tunisie connaîtront de violents séismes. » Effectivement, ils sont violents, les séismes indétectables sur l’échelle de Richter. Tiens, il vient tout juste de s’en produire un, là, à l’instant. Nom d’une pipe, il est fort, ce sorcier. « Le leader du Polisario succombera cette année à un cancer. » On peut prendre ses désirs pour de futures réalités mais il faut éviter de les donner pour des certitudes. Ou alors, il faut s’entourer d’un peu de mystère, m’sieur le druide. Par exemple, vous auriez pu dire : « Cette année, peut-être, un type que je ne nommerai pas succombera, ou non, à une maladie dont je me garderai bien de prononcer le nom. » Vous me dites : « Mais à ce compte-là tout le monde peut faire des prédictions ! C’est n’importe quoi ! » Je ne vous le fais pas dire… l N O 2767 • DU 19 AU 25 JANVIER 2014
JEUNE AFRIQUE
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Ce numéro s’accompagne d’un encart abonnement sur une partie de la diffusion
MINISTÈRE D’ÉTAT, MINISTÈRE DE L’EMPLOI, DES AFFAIRES SOCIALES ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE
RÉPUBLIQUE DE CÔTE D’IVOIRE Union – Discipline – Travail
MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE ET DE L’ENSEIGNEMENT TECHNIQUE MINISTÈRE DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE
AVIS DE RECRUTEMENT COORDONNATEUR DE PROJET Le Conseil d’Administration de l’Agence Française de Développement a approuvé le 20 décembre 2012, une subvention de Contrat de Désendettement et de Développement (C2D) en faveur de la République de Côte d’Ivoire pour le financement du programme « Développement de l’éducation, la formation, l’insertion des jeunes - DEFI-Jeunes ». La première partie du programme, le projet C2D Education-Formation (C2D-EF), contribuera à soutenir le gouvernement dans la mise en œuvre de sa politique du secteur Education-Formation. Ce projet se décompose en plusieurs composantes et objectifs spécifiques : 1. Composante 1 / Enseignement fondamental : accroître la proportion d’une classe d’âge qui achève une scolarité de qualité au primaire et au collège ; 2. Composante 2 / Enseignement technique et formation professionnelle : améliorer l’adéquation formation-emploi ; 3. Composante 3 / Enseignement supérieur : soutenir l’Etat ivoirien dans la remise à niveau d’urgence des universités et la professionnalisation des filières de formation ; 4. Composante transversale / Gestion du projet à travers la mise en place d’une Unité de Coordination du projet C2D Education-Formation (UCP-EF). La maîtrise d’ouvrage des composantes respectives est attribuée aux trois départements Ministériels : Ministère de l’Education Nationale et de l'Enseignement Technique (MENET), Ministère d’Etat, Ministère de l’Emploi, des Affaires Sociales et de la Formation Professionnelle (MEMEASFP) et Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique (MESRS). La maîtrise d’ouvrage d’une partie des activités de la composante 3 est déléguée à l’Institut National Polytechnique Houphouët Boigny (INP-HB) par son ministère de tutelle (MESRS). Dans ce cadre, le MENET, le MEMEASFP et le MESRS vont recruter, sur les fonds du C2D, un Coordonnateur de l’Unité de Coordination du Projet C2D Education-Formation (UCP-EF). I. DESCRIPTION DU POSTE a) - Fonctions et responsabilités : Le coordonnateur assurera la direction et l’animation de l’UCP-EF. A ce titre, il sera chargé de : • la gestion administrative et technique du Projet ; • la planification, la coordination et la mise en œuvre des activités en concertation avec les points focaux C2D, les directions concernées du MENET, du MEMEASFP et du MESRS et le Secrétariat Technique C2D (ST-C2D) ; • la préparation et l’actualisation du plan annuel d’activités et du plan de passation de marchés ; • l’ordonnancement des dépenses conformément aux manuels de procédures tels qu’agréés par l’Agence Française de Développement ; • le lancement et la mise en œuvre diligente des procédures de marchés conformément au manuel de procédures C2D ; • la présentation des marchés à l’autorité compétence pour approbation ; • la signature des marchés et le suivi de leur exécution jusqu’à la réception définitive des travaux, services, équipements ; • le management de l’équipe UCP-EF et la coordination du plan de travail ; • l’articulation avec le ST C2D et avec les points focaux des ministères techniques sur tous les aspects relatifs à la bonne mise en œuvre du projet ; • le respect des procédures adoptées pour la mise en œuvre du projet C2D Education formation ; • la coordination avec d’autres programmes et services intervenant sur des activités relevant de l’objet du projet C2D-EF ; • le suivi évaluation des activités ; • la participation aux réunions du Comité Technique Bilatéral C2D en tant que de besoin. Le Coordonnateur a sous sa responsabilité l’ensemble du personnel de l’UCP-EF. Il rend compte de ses activités, de manière trimestrielle, à la Task-Force sectorielle interministérielle sous la supervision du collège des Directeurs de Cabinet du secteur Education-Formation (MENET, MEMEASFP et MESRS).
b) Qualifications et Expériences requises • Etre titulaire d’un diplôme en Ingénierie, Gestion, Droit, Economie ou autre (minimum Bac+4) ; • Avoir au moins 10 ans d’expérience professionnelle en tant que manager ; • Avoir au moins 5 ans d’expérience dans la gestion des projets financés par des partenaires au développement ; • Disposer si possible d’une expérience (au moins 2 ans) dans au moins un des sous-secteurs du secteur de l’éducation-formation (éducation de base, enseignement technique et formation professionnelle, enseignement supérieur et recherche scientifique) ; • Avoir une connaissance de l’outil informatique et des logiciels courants (Word, Excel, Power point, etc.) ; • Avoir des dispositions pour travailler en équipe ; • Bonnes capacités de communication. Le poste de Coordonnateur est ouvert aux indépendants et aux agents fonctionnaires de l’Etat, de nationalité ivoirienne et qui répondent aux critères ci-dessus. Il s’agit d’un poste à temps plein qui ne peut être cumulé avec d’autres fonctions, dans le secteur privé ou au sein de l’administration. II. DURÉE DE LA MISSION La durée du contrat du Coordonnateur est de un (01) an renouvelable sur trois (03) ans, ou plus selon la durée du projet. Le renouvellement ne peut intervenir que si ses états de service sont satisfaisants pour le projet et le renouvellement sera soumis à la non objection l’AFD. III. LES DOSSIERS DE CANDIDATURE Les candidats intéressés devront soumettre un dossier de candidature en langue française comprenant : 1. une lettre de motivation démontrant l’aptitude du candidat à assumer le poste ; 2. un curriculum Vitae détaillé certifié sincère ; 3. les attestations pour les déclarations figurant dans le CV ; 4. la photocopie des diplômes ; 5. les références clairement indiquées du candidat notamment les coordonnées des anciens employeurs des trois dernières années. Les dossiers de candidature devront être adressés à Monsieur le Coordonnateur de la Task Force sectorielle sous pli fermé portant la mention « Confidentiel Candidature au Poste de Coordonnateur de l’Unité de Coordination du Projet C2D Education-Formation ». Les dossiers doivent être déposés en un original et quatre (4) copies dans les locaux de la Task Force sectorielle, sise aux II plateaux – quartier Polyclinique des II Plateaux, rue K20, lot 1338, ilot 08 non loin de l’ONG « SERVIR » à ABIDJAN, au plus tard le 7 février 2014 à 16h00, heure locale. Pour tout renseignement contact (aux heures ouvrables) : téléphone : (+225) 22 41 87 26 IV. PROCÉDURE DE SÉLECTION Le recrutement sera effectué par avis à manifestation d’intérêt (appel à candidature). La procédure de sélection comportera deux (2) phases : - une phase de présélection des candidats par l’établissement d’une liste restreinte des candidats les plus qualifiés pour la mission au regard de l’analyse des dossiers de candidature reçus ; - une phase de sélection par une interview des candidats présélectionnés sur la liste restreinte approuvée par l’AFD pour déterminer le candidat à retenir pour le poste. Après avis de non objection de l’AFD sur le rapport de sélection, le candidat retenu sera invité pour les négociations en vue de l’attribution du contrat. Seuls les candidats dont les dossiers seront retenus seront contactés. N.B : Les Termes de Référence du poste peuvent être sollicités par mail à l’adresse : taskforcesectorielle@outlook.fr