FEMMES MAROCAINES LIBRES, MAIS PAS TROP… jeuneafrique.com
de Je
LE P
une
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 54e année • no 2768 • du 26 janvier au 1er février 2014
ALGÉRIE COMMENT BENFLIS SE PRÉPARE
LUS
Afriq
ue
CÔT
E
L’élé D’IVOIRE p voit la vi hant e en r ose
Spécial Spéc écia iall 28 pages
BURKINA BLAISE FACE À LA FRONDE BUSINESS LES BONNES AFFAIRES DE DIDIER DROGBA
JESUS CONNECTION D’Abidjan à Kinshasa, enquête sur le raz-de-marée évangélique
ÉDITION INTERNATIONALE
France 3,50 € • Algérie 180 DA • Allemagne 4,50 € • Autriche 4,50 € • Belgique 3,50 € • Canada 5,95 $ CAN • Espagne 4 € • Éthiopie 65 birrs Grèce 4,50 € • Guadeloupe 4 € • Guyane 5,50 € • Italie 4 € • Maroc 23 DH • Martinique 4 € • Mauritanie 1 100 MRO • Mayotte 4 € • Norvège 45 NK Pays-Bas 4 € • Portugal cont. 4 € • RD Congo 5,50 $ US • Réunion 4 € • Royaume-Uni 3,50 £ • Suisse 5,90 FS • Tunisie 3,30 DT USA 6,50 $ US • Zone CFA 1 700 F CFA • ISSN 1950-1285
www.renault.com
NOUVEAU RENAULT KANGOO
Photo non contractuelle
C’EST FOU CE QUE KANGOO PEUT FAIRE POUR VOUS
VOLUME DE COFFRE : 660 LITRES CLIMATISATION RÉGULÉE JANTES ALUMINIUM
RENAULT KANGOO
DRIVE THE CHANGE
3
Ce que je crois Béchir Ben Yahmed • bby@jeuneafrique.com
SAMEDI 25 JANVIER
Du vide au « trop-plein »…
Q
«
uelle est la situation du continent africain en ce début de 2014 ? À quel avenir immédiat est-il promis ? » Celles et ceux parmi vous qui ont lu mon Ce que je crois de la semaine dernière connaissent ma réponse à cette double question: l’Afrique est en retard. Mais grâce à une meilleure éducation de sa jeunesse et à une moins mauvaise gouvernance, elle est en train de bien partir pour le long et difficile voyage du développement et de la démocratie. Je voudrais aller plus loin cette semaine. Ci-dessous, je traiterai des deux évolutions que l’actualité des derniers jours signale à notre attention. n
I- Pays au travail et pays en crise Deux pays africains de moyenne importance sortent enfin d’une crise politico-économique plus ou moins longue et aiguë : la Tunisie (11 millions d’habitants), dans le nord du continent, et Madagascar (22 millions d’habitants), île de l’extrême Sud. Le Mali (15,5 millions d’habitants) les avait précédés de quelques semaines dans la même voie. Mais combien d’Africains restent encore au bord de la route ? Il suffit de regarder une carte, d’écouter ou de lire les médias pour en avoir une idée assez précise. Six pays sont secoués par des turbulences relativement graves qui les mettent hors jeu, pour le moment : la Centrafrique (5 millions d’habitants), l’Égypte (85 millions),laSomalie(10,3millions),laLibye(6,5millions),la RD Congo (75 millions), le Soudan du Sud (10 millions). En ce début de l’année 2014, plus de 10 % des 54 pays africains et près de 20 % de la population du continent sont donc en proie à une crise ouverte qui les empêche, pour un temps indéterminé, de prendre le départ pour le voyage du développement. L’Afrique fait beaucoup moins bien sur ce plan que l’Europe bien sûr, mais aussi que l’Asie et l’Amérique latine. Seulsaumondeàfaireencoremoinsbienquel’Afrique, les vingt-deux pays de la Ligue des États arabes – dont certains sont en Afrique: rapportés à leur nombre et au JEUNE AFRIQUE
pourcentage de la population, près de la moitié d’entre eux – plus de 150 millions d’Arabes – vivent dans des États en quasi-dislocation. n
II- Des sommets dissemblables et pas assez utiles. Rituellement, au début de chaque année, ceux qui sont chargés de l’économie mondiale et se targuent d’en prévoir l’évolution à court terme nous livrent leurs diagnostics et leurs pronostics. L’Organisation internationale du travail (OIT) nous apprend que le nombre de chômeurs recensés dans le monde a dépassé la barre fatidique des 200 millions. Il a crû de 5 millions en 2013 et, jusqu’en 2018, augmentera d’autant chaque année : nous ne sommes pas capables de faire face à la demande d’emploi et, lorsqu’on devient chômeur aujourd’hui, on le reste beaucoup plus longtemps qu’autrefois. Mais une évolution positive de la situation économique se dessine : la Banque mondiale et le Fonds monétaire international ont successivement annoncé que la crise économique s’éloignait et que la croissance revenait. L’année 2014 sera meilleure que 2013 pour le monde entier, et tout indique que 2015 consolidera l’amélioration. L’Afrique subsaharienne passera à plus de 5 % de croissance dès cette année et recevra près de 50 milliards de dollars d’investissements étrangers; en 2015, la progression annuelle de son PIB tendra vers 6 %. La croissance va également revenir en Afrique du Nord pour s’approcher de 4 %. C’est parce qu’ils ont enfin pris le chemin du développement que les pays africains, notamment subsahariens, attirent capitaux et visiteurs. Mais, désormais, ce sont les Asiatiques qui se bousculent pour leur rendre visite ; en ce début de 2014, nous avons vu le Premier ministre du Japon, Shinzo Abe, marcher sur les pas du président chinois, Xi Jinping, pour dire aux Africains : Japan is back ! n
Après avoir enduré des décennies durant la solitude de la femme délaissée, l’Afrique ne sait plus, en 2014, N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
4
Ce que je crois comment faire face aux sollicitations dont elle est l’objet. La plus récente lui vient des États-Unis, dont le président, d’ascendance africaine, a convié ses pairs africains – pas tous cependant – à la Maison Blanche les 5 et 6 août prochain. Pendant de longues décennies, la France postcoloniale a été la seule à inviter « ses » Africains, ceux de son « pré carré », à des sommets France-Afrique presque annuels. Beaucoup se sont tenus, c’est un signe, dans des villes de villégiature françaises: Biarritz, Vittel, La Baule, Nice, Cannes. Parallèlement, nous avons connu les sommets du Commonwealth, eux aussi annuels, qui ont rassemblé autour du Royaume-Uni les pays de cet ensemble qui a cessé de se nommer « britannique ». Ces sommets-là sentaient très fort le paternalisme : le suzerain recevait ses vassaux, la métropole avait encore besoin de ses Africains et ne les a pas oubliés… n
Ce fut ensuite au tour de la Chine de découvrir l’Afrique et d’organiser, le plus souvent chez elle, au XXIe siècle, des forums sur la coopération sino-africaine, soit ministériels, soit au niveau des chefs d’État. Le Japon, lui, a inventé les Tokyo International Conference on African Development (Ticad), qu’il tient tous les cinq ans depuis 1993. Et alors qu’on prépare le prochain sommet AfriqueEurope d’avril prochain, dont on ignore quelle forme il va donner aux relations entre les deux continents, ce
sont les États-Unis qui annoncent leur énième entrée sur la scène africaine. Nous en reparlerons lorsque nous en saurons plus sur ce qu’ils révèlent… et s’efforcent de cacher. Mais que penser de ce trop-plein ? Que l’Afrique n’a pas encore d’adresse ni de numéro de téléphone, comme l’a dit Henry Kissinger de l’Union européenne. L’Union africaine (UA) existe, son siège est à AddisAbeba, et Nkosazana Dlamini-Zuma préside sa Commission. Mais elle n’a ni la légitimité ni l’autorité nécessaire et suffisante pour parler en notre nom. Ce n’est pas sa faute, mais c’est ainsi. n
La preuve que l’Afrique est désunie face à la Fédération des États-Unis d’Amérique est qu’elle a été, d’une certaine manière, convoquée à la Maison Blanche : la date du sommet a été fixée par le président américain après un simple sondage des pays invités. Mais il y a plus humiliant : Barack Obama a, semblet-il, décidé sans se donner la peine de s’en expliquer d’exclure de ce sommet, à titre provisoire ou définitif, cinq, six ou sept pays dont trois nommément cités*. L’aurait-il fait avec la même absence d’explication et de concertation pour l’Europe ou même pour l’Amérique latine ? l * Le Zimbabwe, le Soudan et l’Égypte.
Humour, saillies et sagesse Pour vous faire sourire, grincer des dents – ou réfléchir –, ici, chaque semaine, une sélection subjective, la mienne, de ce qui a été dit ou écrit au cours des siècles par des hommes et des femmes qui avaient des choses intéressantes ou drôles à nous dire. B.B.Y. u Le cœur d’un homme d’État doit être dans la tête. Napoléon Bonaparte
u Méfiez-vous de la facilité. Il faut se garder de tomber du côté où l’on penche. Colette
u La vérité est la chose la plus précieuse que nous ayons. Économisons-la. Maurice Donnay
u Le couple heureux qui se reconnaît dans l’amour défie l’univers et le temps ; il se suffit, il réalise l’absolu. Simone de Beauvoir
u Mieux vaut devenir riche après avoir été pauvre, que de devenir pauvre après avoir été riche. Proverbe chinois
u Il n’est femme qui reste honnête si elle voit qu’on pense qu’elle ne l’est pas. Lope de Vega
u Le grand œuvre s’accomplira par la science, non par la démocratie. Ernest Renan u Si vous avez attrapé un éléphant par une patte de derrière et qu’il cherche à s’enfuir, il vaut mieux lâcher prise. Abraham Lincoln N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
u Descends d’un degré pour choisir une femme ; monte d’un degré pour choisir un ami. Talmud u Pas la peine de faire des trucs utiles, la tour Eiffel ça sert à rien et c’est ça qui rapporte le plus de fric. Le Grand Café des brèves de comptoir
u Ce qu’on appelait autrefois l’âge mûr tend à disparaître. On reste très jeune très longtemps, puis on devient gâteux. Alfred Capus u Nous sommes comme les noix, nous devons être brisés pour être découverts. Khalil Gibran u Un incinéré ne peut pas se retourner dans sa tombe. José Artur JEUNE AFRIQUE
6
Éditorial
Marwane Ben Yahmed
François superstar
D
’
UN CÔTÉ, LA JESUS CONNECTION, la communauté des chrétiens évangéliques, à laquelle nous consacrons le « Grand angle » de ce numéro (lire pp. 24-33). Le vent en poupe, exubérante, moderne, prospère, organisée, influente, vendeuse de rêves, souvent manichéenne, parfois bling-bling. De l’autre, une Église catholique en déclin, austère, engluée dans de multiples scandales, confite, rigide, peu en phase avec un monde en perpétuelle mutation. Pasteurs en costumes à paillettes s’égosillant devant une foule de fidèles en transe contre prêtres vieillissants en soutanes élimées ânonnant leur sermon devant des bancs dégarnis. Le trait est forcé, mais on n’est pas très loin de la réalité…
Et puis le pape François est arrivé. Étonnant souverain pontife que ce Jorge Bergoglio, véritable superstar parmi les catholiques (1,2 milliard de fidèles dans le monde). Une sorte d’Obama spirituel qui suscita dès ses débuts un immense espoir. Un homme simple, humble, drôle, accessible, qui lit ses e-mails et prend souvent le téléphone lui-même pour joindre ses interlocuteurs. Qui ne goûte guère les ors des palais à sa disposition, cultive la spontanéité (ses discours ne sont pas corrigés par la secrétairerie d’État, le « gouvernement » du Vatican), travaille sans relâche, préfère mettre les problèmes sur la table plutôt que de porter des œillères. Un homme qui, visiblement, vit avec son temps – il vante même les mérites d’internet ! –, a le souci de réformer le Vatican, ses dicastères ou la curie romaine, et dont le discours tranche avec celui de son prédécesseur, Joseph Ratzinger, sur les épaules duquel reposait la doctrine de l’Église bien avant qu’il ne devienne Benoît XVI. Décentralisation des structures pour se rapprocher des fidèles, exhortation à l’exemplarité, renforcement de la lutte contre la pédophilie, la corruption ou le blanchiment d’argent, tolérance à l’égard des homosexuels ou des enfants nés hors mariage, dénonciation du consumérisme et du capitalisme sauvage, qui favorise l’exclusion de ceux qui ne sont pas jugés utiles à la société, main tendue aux musulmans, interpellation du monde occidental pour son indifférence lors du drame de Lampedusa, où il s’est rendu… En seulement quelques mois, il aura su faire siennes les grandes questions de notre temps : richesse et pauvreté, équité et justice, transparence, modernité, mondialisation, rôle de la femme, nature du mariage, dérives du pouvoir, etc. Le pape François révolutionne sa fonction, en paroles comme en actes. Il est, au sens propre du terme, hors normes. Prions pour qu’il le reste et entraîne dans son sillage clergé et fidèles : l’espoir est une denrée si rare de nos jours… l N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
PHOTOS DE COUVERTURES : ÉDITIONS INTERNATIONALE ET AFRIQUE CENTRALE : ATOMIC IMAGERY ÉDITION AFRIQUE DE L’OUEST : SEMMICKPHOTO - FOTOLIA ÉDITION MAGHREB & MOYEN-ORIENT : RICK GOMEZ
10 CENTRAFRIQUE CATHERINE ET LES SOUDARDS Le Conseil national de transition a élu une femme. De sa nouvelle présidente, respectée mais inexpérimentée, la population attend rien de moins qu’un miracle.
34
BURKINA FASO ÇA TANGUE À OUAGA Face à l’opposition et aux dissidents de son parti, Blaise Compaoré assure que tout va bien. Enquête sur un bras de fer qui devrait durer de longs mois.
3 8
Ce que je crois Par Béchir Ben Yahmed Confidentiel
10
L A SEM A IN E D E J EU N E A F RIQ U E
10 14 15 16 18 20 21 21 22
Centrafrique Catherine et les soudards Abdelmalek Sellal L’homme qui ne voulait pas être calife Omar Hadrami Rallié à vie RD Congo Numbi le banni Industrie La vitalité de Cevital Croissance C’est encore loin, l’Asie ? Davos Fini le strapontin Tendance Salut, poupée ! Tour du monde
24
G RA N D A N G L E
24
Évangéliques Jesus Connection
34
A F RIQ U E SU BSA H A RIEN N E
34 37 38 39
Burkina Faso Ça tangue à Ouaga RD Congo Les brebis égarées du M23 Érythrée Ils mouillent le maillot Tribune Un long chemin vers les libertés JEUNE AFRIQUE
Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs
7
GRAND ANGLE
• UNION AFRICAINE
Toute la semaine, suivez le sommet de l’UA sur jeuneafrique.com, grâce à nos envoyés spéciaux à Addis-Abeba
24
ÉVANGÉLIQUES Jesus Connection D’Abidjan à Kinshasa, leurs Églises se comptent par milliers. Les pasteurs seraient-ils les nouveaux leaders du continent ?
42
MAROC LIBRES MAIS PAS TROP… Dix ans après la réforme du code de la famille, les acquis des Marocaines font l’objet d’un assez large consensus. Mais le chemin vers une pleine égalité des sexes est encore long.
40 41
Gabon La retraite, elle ? Jamais ! Guinée-Bissau Le feuilleton des réfugiés syriens
42
MAGHREB & MOY E N - O R I E N T
42 46 48 50 52
Maroc Libres mais pas trop… Tunisie Partis cherchent mécènes Libye Tawerghas non grata Monde arabe Succès damnés Algérie Ali Benflis dans les starting-blocks
108 BUSINESS
Drogba 112 113 114 116 118 119 120 120
E UROPE, AMÉR I Q U E S, A S I E
54 57 58 59 60 62
Union européenne Les anti ont le vent en poupe États-Unis Mais si, Obama s’occupe des Noirs ! Parcours Mbuyi Kabunda, un pour tous Espagne Coup d’arrêt à l’IVG Inde La résistible ascension de Narendra Modi Thaïlande Militaires en embuscade
144
63
LE PLUS DE JEU N E A FR I Q U E
160
63
Côte d’Ivoire L’éléphant voit la vie en rose
108
É CON OMIE
CÔTE D’IVOIRE L’ÉLÉPHANT VOIT LA VIE EN ROSE Le pays, qui a tourné la page des années de crise, aspire à rejoindre le club des nations émergentes. Spécial 28 pages
Dans l’immobilier, le textile ou les mines, le footballeur ivoirien jongle avec des millions de dollars. Sera-t-il aussi talentueux en affaires que sur les terrains ?
54
108
63
Le but en or de
144 147 148 149 150
160 162
Les indiscrets Télévision Nessma réduit la voilure Tourisme Chaînes en or Gabon La dame d’acier Monétique Qui veut la peau de Western Union et de MoneyGram ? Baromètre D O SSIER M IN ES Les miniers, de si mauvais voisins ? C U LT U RE & MÉD IA S Édition Honneur aux anciens Cinéma Les ailes de la liberté Musique Un flow très cash Kiosque La Revue, sous le signe de l’Afrique La semaine culturelle de Jeune Afrique VOUS & NOUS Le courrier des lecteurs Post-scriptum
Business Le but en or de Drogba
JEUNE AFRIQUE
N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
8
Sahel Iyad Ag Ghaly en Algérie?
AFRIQUE-ITALIE PRODI AU SECOURS DU LAC TCHAD
Ancien président du Conseil italien (et de la Commission européenne), Romano Prodi quittera prochainement ses fonctions d’envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies pour le Sahel. Dès le mois d’avril, il se mettra au service des pays membres de la Commission du bassin du lac Tchad (CBLT: Cameroun, Niger, Nigeria et Tchad) pour les aider à sauver cette immense étendue d’eau N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
ROMARIC HIEN/AFP
L
es services de renseignements français estiment avoir localisé Iyad Ag Ghaly, l’un des hommes les plus recherchés du Sahel. Le chef d’Ansar Eddine, qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt lancé par la justice malienne et figure depuis un an sur la liste noire des terroristes recherchés par les États-Unis (ainsi que sur celle des Nations unies), se trouverait depuis quelque temps en territoire algérien, vraisemblablement dans les environs de Tinzaouten. Cette commune de la wilaya de Tamanrasset habitée par des Touaregs se trouve à la frontière avec le Mali, au pied de l’Adrar des Ifoghas, juste en face du village jumeau de Tinzaouatène (région d’Abeïbara, en territoire malien). Iyad s’y cacherait entouré de sa famille et de quelques partisans, avec l’assentiment de la Sécurité militaire algérienne. Les Français, qui redoutent une réactivation d’Ansar Eddine et déplorent le manque de coopération d’Alger au Mali « en dépit de débuts prometteurs », ne sont pas vraiment ravis de cette trouvaille, qui n’a pourtant rien d’étonnant : Iyad a toujours été proche des services algériens, qui le considéraient jusqu’au début de l’année dernière comme un partenaire incontournable dans la région. l
p Le chef d’Ansar Eddine interviewé par des journalistes, à Kidal, au Nord-Mali, en août 2012.
menacée par l’évaporation et l’ensablement.Lademandelui en a été faite par le président tchadien Idriss Déby Itno, au nom de ses pairs de la CBLT. FRANCOPHONIE PING, LOIN DE LA POLITIQUE
Souvent cité parmi les candidats potentiels à la succession d’Abdou Diouf à la tête de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), le Gabonais Jean Ping jure ne pas être intéressé. De même, l’ancien président de la
Commission de l’Union africaine a décliné récemment la proposition qui lui avait été faite de représenter l’Afrique centrale au conseil des sages de l’UA. Il ne participera pas non plus au prochain sommet de l’organisation, fin janvier à Addis-Abeba. À tous ceux qui le pressent de revenir en politique, au Gabon notamment, Mao, comme on le surnomme parfois, répète qu’il entend se consacrer à plein temps à ses nouvelles activités. Et notamment à Ping Consulting, son
cabinet d’affaires. Fin avril, il publiera par ailleurs aux éditions Michalon un livre intitulé Éclipse sur l’Afrique. Fallait-il tuer Kaddafi ? NIGER-FRANCE LES RAISONS D’UN RAPPEL
Pourquoi Christophe Bouchard, l’ancien ambassadeur de France au Niger, a-t-il été rappelé fin novembre 2013 à Paris, un an avant la fin de sa mission, et remplacé par Antoine Aufré ? Parce que le Quai d’Orsay n’était pas JEUNE AFRIQUE
Retrouvez en page 112 notre rubrique « Les indiscrets », consacrée aux informations confidentielles économiques
Politique, économie, culture & société
ALGÉRIE HAMROUCHE DIT « NIET » Ancien chef du gouvernement (1989-1991), Mouloud Hamrouche, 71 ans, a, début janvier, été approché par un membre éminent du clan présidentiel qui lui a proposé d’être, le 17 avril, candidat à la viceprésidence en duo avec Abdelaziz Bouteflika. Une fois réélu pour un quatrième mandat, ce dernier, diminué par les séquelles de son AVC, lui céderait la présidence au bout de deux ans. Réponse diplomatique de l’intéressé : « Tout cela n’est pas très clair. » Ce n’est pas la première fois que Hamrouche est sollicité par l’entourage de Bouteflika. Au printemps 2003, il avait été pressenti pour remplacer Ali Benflis à la tête du gouvernement, avant que le chef de l’État ne choisisse Ahmed Ouyahia.
FRANCE DE BANGUI À DJIBOUTI
Serge Mucetti, l’ambassadeur de France rappelé précipitamment à Paris à la veille de l’intervention militaire en Centrafrique, a été nommé à Djibouti, où il remplacera René Forceville à partir du mois de mars. Bangui était le premier poste d’ambassadeur de Mucetti. Il y avait été nommé en mars 2012, juste avant l’arrivée de François Hollande à l’Élysée. JEUNE AFRIQUE
Anniversaire Ex-stars du PAF à Brazza APRÈS CHRISTINE OCKRENT, modératrice et « Madame Loyal » attitrée de forums à Libreville et à Brazzaville, deux autres anciennes stars du paysage audiovisuel français (PAF) devraient imiter prochainement la compagne de Bernard Kouchner. Guillaume Durand, 61 ans (ex-Europe 1, France 2, iTélé, Paris Première, etc.), qui officie aujourd’hui pour Radio Classique, et Charles Villeneuve, 72 ans (ex-TF1), désormais retraité, ont été pressentis pour un job d’animateur à l’occasion du 25e anniversaire du Protocole de Brazzaville, le 11 février. Cet événement, qui regroupera dans la capitale congolaise une brochette de personnalités (parmi lesquelles quatre Prix Nobel : Mohamed el-Baradei, Mary Robinson, Muhammad Yunus et l’ex-président finlandais Martti Ahtisaari) sous le parrainage de Denis Sassou Nguesso, commémorera la signature à Brazzaville, en décembre 1988, de l’accord tripartite Angola-Cuba-Afrique du Sud qui ouvrit la voie à l’indépendance de la Namibie. l MALI-FRANCE L’ACCORD DE DÉFENSE COINCE ENCORE
C’est pour ne pas brusquer l’opinion malienne que Bamako et Paris n’ont pas signé un nouvel accord
de coopération militaire lors de la dernière visite au Mali de Jean-Yves Le Drian, le ministre français de la Défense. Cette visite coïncidait en effet avec la fête de l’armée malienne, le
20 janvier, qui commémore la fermeture des bases françaises par le président Modibo Keïta, en 1961. En réalité, cet accord pose aussi le problème de la coordination entre les deux armées dans la lutte contre les jihadistes du Nord. Si une menace immédiate est clairement identifiée, les forces françaises présentes au Mali doivent-elles agir avec ou sans l’autorisation préalable de Bamako ? C’est tout l’enjeu des dernières discussions. LE CHIFFRE
56,1 MILLIONS Le nombre record de touristes à avoir séjourné en Afrique en 2013, selon l’Organisation mondiale du tourisme (OMT). 19,6 millions d’entre eux se sont rendus au Maghreb et 36,5 millions en Afrique subsaharienne.
LIBYE-ÉGYPTE Le retour de Kaddaf Eddam COUSIN DE MOUAMMAR KADDAFI et ancien ambassadeur en Égypte, Ahmed Kaddaf Eddam coule des jours paisibles au Caire. Placé en détention préventive en mars 2013, puis libéré au mois de décembre suivant (il a des amis de longue date dans l’armée égyptienne), il a été approché par le fédéraliste Ibrahim el-Jadhran, l’homme fort de Cyrénaïque dont les partisans contrôlent les principaux terminaux pétroliers de l’est de la Libye. Selon FarajYasin, le maire deTobrouk, Kaddaf Eddam avait refusé de financer directement les fédéralistes, tout en établissant le contact entre ces derniers et Bachir Saleh, l’ex-grand argentier du « Guide » toujours réfugié en Afrique du Sud. Une connexion de facto est donc établie entre les fédéralistes de Cyrénaïque et le dernier carré des kaddafistes. l N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
MOHAMED EL-SHAHED/AFP
satisfait de la qualité des informations qu’il transmettait. Peu avant son départ de Niamey, une mission du ministère de la Défense avait même dû se rendre sur place pour faire avec lui un point complet de la situation dans le pays.
9
10
La semaine de Jeune Afrique
CENTRAFRIQUE
Catherine et les Pour panser les plaies d’un pays ravagé par les bandes armées, le Conseil national de transition a élu une femme. Respectée, indépendante, rassurante mais inexpérimentée. De leur nouvelle présidente, les Centrafricains attendent rien de moins qu’un miracle…
FRANÇOIS SOUDAN
D
es huit candidats de la short list retenus par le Conseil national de transition (CNT), elle était sans aucun doute la meilleure. Élue le 20 janvier par cet organe à la légitimité très contestable, mais qui a au moins le mérite d’exister au milieu du chaos ambiant, puis investie trois jours plus tard, Catherine Samba-Panza, 59 ans, avait dans sa manche quelques solides atouts : pas d’appartenance politique précise, un passé de militante associative au service des droits de l’homme (et de la femme), une solide formation de juriste acquise en France, une expérience réussie dans le privé à la tête d’un cabinet d’assurances, une pratique de la médiation issue du dialogue national de 2003, dont elle fut la vice-présidente, et un passage apprécié, ces huit derniers mois, à la tête de la mairie de Bangui. De quoi faire oublier en somme que cette épouse d’un ancien ministre connu en Centrafrique, Cyriaque Samba-Panza (dont la carrière a été brutalement interrompue par un AVC qui l’a rendu partiellement handicapé), a été nommée à ce dernier poste par le calamiteux Michel Djotodia et qu’elle manque presque totalement d’expérience politique, ainsi que de connaissance des rouages administratifs. CACOPHONIE. Cette virginité-là, le fait aussi de ne pas avoir encore goûté au pouvoir et à ses multiples tentations, a précisément joué en sa faveur. Après avoir battu au dernier round le fils de l’ancien président Kolingba, candidat en sous-main de l’ex-Séléka et auteur d’une piètre prestation devant les grands électeurs du CNT, cette mère de trois enfants a eu les mots qu’il fallait pour N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
L’événement apaiser les cœurs. Un discours placebo aux effets certes très limités, mais un langage maternel dont les Centrafricains avaient sans nul doute besoin. La Centrafrique étant ce qu’elle est devenue – un État sous tutelle sécuritaire de ses voisins, de l’Union africaine et de la France –, il est évident que les « parrains » ont eu dans cette étrange élection chacun son mot à dire, sa carte à jouer et son candidat à promouvoir. Non sans une certaine cacophonie. Le président congolais Denis Sassou Nguesso, sans doute le plus investi pour la stabilisation de la Centrafrique (il y a envoyé un contingent et il est le seul à avoir déboursé pour payer les fonctionnaires), soutenait ainsi la candidature de Karim Meckassoua, 60 ans, qui est l’un de ses proches. Ancien ministre de François Bozizé pendant six ans (et à cinq portefeuilles différents) après avoir dirigé le cabinet de Jean-Paul Ngoupandé, éphémère chef du gouvernement d’Ange-Félix Patassé, cet ingénieur diplômé du Cnam, à Paris, docteur en ergonomie, est l’un des politiciens centrafricains les plus brillants. Musulman non compromis avec la rébellion de la Séléka et président du conseil d’administration de la société congolaise de gaz, Meckassoua avait également les faveurs appuyées de Jean-Yves Le Drian, le ministre français de la Défense, pour qui la transition devait être dirigée par un homme à poigne et expérimenté. Mais arrivé trop tard dans la course, il a vu sa candidature (tout comme l’ancien ministre de la Sécurité Josué Binoua, qui n’en décolère pas) rapidement retoquée par un CNT dont les dix-sept critères d’éligibilité imposés aux candidats avaient apparemment été définis pour écarter des personnalités trop fortes et trop marquées.
soudards q Catherine Samba-Panza, lors de sa prestation de serment, à Bangui, le 23 janvier.
ISSOUF SANOGO/AFP
FAVEURS. Face à un Bilal Désiré Kolingba, dis-
crètement poussé par le Tchad mais considéré comme trop proche du président « démissionné » Michel Djotodia, Catherine Samba-Panza avait donc toutes les chances d’être élue. Soutenue à Paris par le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, bénéficiant des faveurs de l’Union européenne, des États-Unis mais aussi des représentants à Bangui de l’Union africaine (Jean-Marie Michel Mokoko) et de l’ONU (Babacar Gaye), la « reine Catherine » était, il faut le croire, la plus politiquement et médiatiquement présentable de tous les postulants. Née à N’Djamena, de père camerounais et de mère centrafricaine – Gbanziri de la Ouaka –, elle est en outre considérée comme plutôt proche de Martin Ziguélé, assureur lui aussi et l’un des principaux candidats à la prochaine élection présidentielle, la vraie, qui doit se dérouler dans une dizaine de mois et à laquelle ni elle ni son Premier ministre ne pourront se présenter. Familière du petit monde influent des ONG, engagée dans la lutte contre les violences faites aux femmes et N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
11
La semaine de J.A. L’événement ex-formatrice en droits de l’homme du programme Afrique d’Amnesty International, la nouvelle présidente, dont la sécurité est depuis le 20 janvier assurée par le contingent rwandais de la Misca, n’a pas a priori de « tuteur » régional. Ou plutôt n’avait : autant l’absence, à la cérémonie d’investiture, d’Idriss Déby Itno et de Denis Sassou Nguesso a été remarquée, autant la présence le 23 janvier à Bangui d’Ali Bongo Ondimba a, elle, été commentée. Sur fond de bisbilles de leadership en Afrique centrale, le président gabonais serait-il tenté de mettre à profit l’échec des candidats de ses deux aînés pour jouer sa propre carte ? Reste que la tâche qui attend cette femme respectée et indépendante d’esprit s’annonce extrêmement délicate. Dans cet « État de haine
et de revanche », comme le qualifie Jean-Yves Le Drian, les massacres continuent, et la population musulmane a pris le chemin de l’exode en direction du Tchad, où, grâce à la vigilance du président Déby Itno, aucun acte de vendetta n’a heureusement été signalé à l’encontre de la communauté centrafricaine. Les scènes de violences entre miliciens Séléka et anti-balaka sont à ce point insupportables que l’armée française a mis à la disposition de ses hommes des cellules de soutien psychologique. Rien de tel n’est prévu pour soigner les quatre millions et demi de Centrafricains. Tragiquement démunie, Maman Catherine n’a que son sourire à leur offrir. Autant dire qu’il ne faut pas exiger d’elle un miracle. l
Suivez l’actualité centrafricaine sur jeuneafrique.com
Avec VINCENT DUHEM
3
1
2
4
6
5
Histoires de femmes Joyce Banda, Ellen Johnson Sirleaf ou Aminata Touré aujourd’hui. Sylvie Kinigi, Ruth Perry ou Élisabeth Domitien hier. Ces Africaines ont un point commun : elles sont ou ont été présidentes ou Premières ministres.
D
ans l’enthousiasme, certains l’ont qualifiée un peu rapidement de première femme chef d’État d’Afrique francophone, voire de « troisième présidente de l’Afrique postcoloniale » (le New York Times). Mais Catherine Samba-Panza n’est pas tout à fait une pionnière, y compris chez les francophones. La Burundaise Sylvie Kinigi a ainsi exercé cette fonction par intérim entre octobre 1993 et février 1994, tout comme la Gabonaise Rose Francine Rogombé pendant quatre mois, après la mort d’Omar Bongo Ondimba (en 2009). En Afrique anglophone, la Libérienne Ruth Perry a occupé de facto le fauteuil N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
PHOTOS : CHERKAOUI POUR JA ; BEREHULAK, JOE, VERDY, SANOGO, MAINA/AFP ; MINKOH
12
suprême, en tant que présidente du Conseil d’État, entre septembre 1996 et août 1997, et l’on avait un peu oublié que la toute première femme chef d’État sur le continent restera, pour l’Histoire, une lusophone, Carmen Pereira, présidente de la Guinée-Bissau. Il est vrai que son règne fut météoritique : deux jours, du 14 au 16 mai 1984. Enfin, deux femmes exercent actuellement cette fonction en Afrique – Catherine Samba-Panza étant la troisième depuis son investiture le 23 janvier : Ellen Johnson Sirleaf au Liberia et Joyce Banda au Malawi. Côté Premiers ministres (ou Premières ministres ?), la Sénégalaise Aminata
7
Touré est la seule Africaine à occuper, en ce moment, cette position. La Mozambicaine Luisa Diogo , la Malienne Cissé Mariam Sidibé , les Santoméennes Maria das Neves et Maria do Carmo Silveira, et (déjà) la Sénégalaise Mame Madior Boye les ont précédées à ce poste au cours des années 2000. Mention particulière doit être faite de deux femmes, dont le passage à la tête de leur gouvernement s’acheva brutalement. La Rwandaise Agathe Uwilingiyimana, assassinée par les génocidaires le 7 avril 1994, et… la Centrafricaine Élisabeth Domitien. Ce lointain prédécesseur de Catherine Samba-Panza fut, de janvier 1975 à avril 1976, la première femme Premier ministre en Afrique. Jean-Bedel Bokassa, qui l’avait nommée, finit par la faire arrêter, juger puis emprisonner avant de la bannir de la scène politique. Motif : elle s’était opposée à son projet de se proclamer empereur… l F.S. JEUNE AFRIQUE
SHANGAI PROCHAINEMENT
Explorez le coeur moderne de la Chine avec Ethiopian
www.ethiopianairlines.com
La semaine de J.A. Les gens
Abdelmalek Sellal L’homme qui ne voulait pas être calife Fidèle parmi les fidèles d’Abdelaziz Bouteflika, le Premier ministre algérien a coupé court aux spéculations : non, il ne briguera pas la succession du chef de l’État.
L
es rumeurs et les supputations colportées dans les journaux et sur les réseaux sociaux ont fini par irriter Abdelmalek Sellal. Non, il n’est pas candidat à la succession d’Abdelaziz Bouteflika, en convalescence depuis son AVC survenu le 27 avril 2013. L’exaspération du Premier ministre était telle que, lors d’un récent déplacement à l’intérieur du pays, il aurait enjoint à quelques journalistes de ne plus évoquer cette question : « Arrêtez d’écrire que je suis candidat. » Preuve qu’il n’est pas prétendant à la course au fauteuil présidentiel, il dirige, depuis le 20 janvier, la commission nationale chargée de la préparation et de l’organisation du scrutin du 17 avril. Abdelmalek Sellal, 65 ans, diplômé de l’École nationale d’administration (ENA), Kabyle originaire de Constantine (400 km à l’est d’Alger), a-t-il d’ailleurs jamais songé à être calife à la place du calife ? Certes, quelques lobbies d’affaires ou des amis intéressés rêvaient de le voir partir à la conquête du palais d’El-Mouradia. Mais en aparté, au gré des confidences qu’il lâche à ses proches, Sellal, amateur de bonne chère, de blagues potaches et de musique andalouse, répète qu’il ne nourrit aucune ambition dans ce sens. Et qu’il envisage de terminer sa carrière dans la diplomatie, métier qu’il a eu à exercer comme ambassadeur en Hongrie, avant d’être rappelé en 1998 par le président Liamine Zéroual. À l’époque, ce dernier l’avait chargé, en tant que
CITIZENSIDE/FAYÇAL NECHOUD/AFP
14
p Lors d’une conférence de presse, le 16 décembre 2013, à Alger.
ministre de l’Intérieur, de superviser la présidentielle d’avril 1999, laquelle débouchera sur l’élection d’Abdelaziz Bouteflika. MISSION BALISÉE. Nommé à la tête du gouvernement en septembre 2013, l’exdirecteur de campagne de l’actuel chef de l’État (en 2004 et en 2009) a hérité d’une feuille de route balisée : maintenir la paix sociale par le dialogue, représenter le président à l’étranger et, surtout, assumer par délégation de pouvoirs les fonctions que le chef de l’État n’est plus en mesure d’honorer en raison de sa maladie. Une mission dont il s’est plutôt bien acquitté. C’est que le Premier ministre est aujourd’hui sur tous les fronts, si bien que ses collaborateurs jurent qu’il ne quitte son bureau du palais du gouvernement que très tard dans la nuit, qu’il travaille même le week-end, potasse ses dossiers entre un rendez-vous avec un ministre, une réunion interministérielle,
une entrevue avec le président ou une audience avec un responsable étranger. En un peu plus d’un an, Sellal aura sillonné la quasi-totalité des quarantehuit wilayas (départements) pour superviser les projets engagés dans le cadre des multiples programmes présidentiels et distribuer de généreuses enveloppes budgétaires totalisant plusieurs dizaines de milliards de dollars. Laudateur patenté de Bouteflika, le Premier ministre ne cesse de défendre le bilan des trois mandats présidentiels : retour de la paix, maintien de la stabilité, apurement de la dette extérieure, résorption progressive du chômage. Mais à trop vouloir se faire l’avocat du chef de l’État, Sellal a fini par s’exposer aux moqueries de ses compatriotes, qui raillent ses bourdes linguistiques, ses déclarations approximatives ou son langage un peu trop fleuri. Mais qu’importe, tant qu’il remplit la mission qui lui a été assignée. l FARID ALILAT, envoyé spécial à Alger
NOMINATIONS
SANNÉ MOHAMED TOPAN BURKINA FASO Ex-ambassadeur au Mali, ce professeur de 59 ans a été nommé, le 22 janvier, directeur de cabinet de la présidence du Faso. Assimi Kouanda, son prédécesseur, devient ministre chargé de mission auprès de la présidence. N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
BRAHMI LACHEMI ALGÉRIE Ce magistrat a été nommé président de la Commission nationale de supervision de l’élection présidentielle (CNSEL) par le chef de l’État, Abdelaziz Bouteflika, le 17 janvier. Le scrutin est fixé au 17 avril. JEUNE AFRIQUE
EN HAUSSE
15
ISSAKA SIDIBÉ
Omar Hadrami Rallié à vie AFP
MARIE-THÉRÈSE KEÏTA-BOCOUM
JEUNE AFRIQUE
Cette Ivoirienne, veuve de l’ancien ministre Balla Keïta, a été nommée le 20 janvier rapporteur en Centrafrique par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Sa mission consistera à épauler les autorités dans ce domaine. EN BAISSE
BARA GAYE Le leader des Jeunesses libérales, proche d’Abdoulaye Wade, a été condamné à six mois de prison pour offense au chef de l’État sénégalais. Il avait accusé Macky Sall d’avoir remis des passeports diplomatiques à des « homosexuels », ce qu’il aurait refusé à des chefs religieux. STELLA ODUAH
DR
RACHID TNIOUNI
RESPECTÉ. En 1969, Hadrami est l’un des membres du groupe d’El Ouali, préfiguration du Polisario. À Rabat, il rencontre les autorités et les leaders politiques, qu’il essaie de sensibiliser à l’indépendance du territoire, dominé par les Espagnols. « Notre slogan de l’époque était : “Nous sommes les soldats de Hassan, nous allons libérer la patrie.” » Pourtant, il participera en 1973 à la fondation du Polisario. De 1977 à 1980, il est, avec Ould Salek, l’un des chefs de la diplomatie de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), proclamée en 1976. En 1982, il prend la tête de la sécurité militaire des camps. Et y règne en maître absolu pendant p Mohamed Ali El Admi, six ans. Aujourd’hui de son vrai nom, a fait carrière encore, d’anciens priau ministère de l’Intérieur. sonniers marocains l’accusent de graves violations des droits de l’homme. Durant l’été 1988, il entre en dissidence avec le président de la RASD, Mohamed Abdelaziz. Enlevé, maintenu en résidence surveillée, il est libéré fin avril 1989, puis envoyé à Washington, où il fait défection. « Il fait partie des hommes influents sur le dossier sahraoui. À Rabat, il est apprécié pour son vaste réseau relationnel. Même dans les camps, il reste extrêmement respecté », souligne une source proche du Palais. l YOUSSEF AÏT AKDIM
PIA TORELLI/SIPA
J
Omar, du réalisateur néerlandopalestinen, a été nominé pour l’Oscar du meilleur film en langue étrangère le 16 janvier. C’est la deuxième fois que le cinéaste connaît une telle distinction, après Paradise Now en 2006.
DR
«
e suis né dans la Saguia El Hamra, en 1949. Mon père est un Rguibi, il a servi dans le Makhzen, dans la région de Guelmim, au sudest d’Agadir. » C’est ainsi qu’Omar Hadrami racontait son itinéraire dans les colonnes de Jeune Afrique, en octobre 1989. Dirigeant fondateur du Front Polisario, il avait rallié le Maroc deux mois plus tôt. Depuis, Mohamed Ali El Admi (de son vrai nom) a fait carrière au ministère de l’Intérieur. Il y était encore récemment gouverneurdirecteur de l’Entraide nationale. Le 20 janvier, le roi Mohammed VI l’a nommé wali de la région GuelmimSmara, l’une des trois régions sahariennes du Maroc, à cheval sur l’Anti-Atlas et les territoires toujours contestés par le Front Polisario.
HANY ABU-ASSAD
DR
Passé dans le camp marocain en 1989, cet ex-cadre dirigeant du Polisario a été nommé wali de l’une des trois régions sahariennes.
À 68 ans, ce député du Rassemblement pour le Mali (parti au pouvoir) a été élu le 22 janvier président de l’Assemblée nationale face à Oumar Mariko. Il devient le deuxième personnage de l’État.
La ministre nigériane de l’Aviation s’en prévalait, mais elle n’a jamais obtenu de diplôme américain, a révélé la presse le 9 janvier. On lui reprochait déjà d’avoir fait acheter par son ministère deux BMW blindées pour 1,2 million d’euros.
DR
JUSTIN BIEBER Le chanteur canadien a été arrêté pour conduite dangereuse le 23 janvier, à Miami. La star était sous l’emprise de l’alcool et du cannabis. Des substances illicites avaient déjà été retrouvées lors d’une perquisition à son domicile. N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
La semaine de J.A. Décryptage ses fonctions, Numbi avait usé de son influence pour éviter de comparaître au procès. Sans doute pensait-il alors pouvoir réintégrer son poste à la tête de la police. ENVERGURE. Or, le 28 décembre 2013,
JUNIOR KANNAH/AFP
16
p Lors du procès des assassins présumés de Floribert Chebeya, à Kinshasa, le 27 janvier 2011.
RD Congo Numbi le banni La disgrâce continue pour l’ancien chef de la police. Plusieurs de ses résidences ont été perquisitionnées, et on le soupçonne désormais d’aider en sous-main des rebelles katangais.
I
l fut longtemps un homme clé du régime Kabila. Luba du Katanga comme le président, ce chef de la police, particulièrement redouté, était chargé des basses besognes et des négociations secrètes. Mais aujourd’hui, le général John Numbi est sur la sellette. Le 20 janvier, plusieurs de ses résidences situées dans son fief de Lubumbashi ont été perquisitionnées. Des armes de guerre (dont un lance-roquettes) ont été saisies et dix-huit personnes interpellées dans sa résidence dite du carrefour. Selon des sources concordantes, certaines d’entre elles feraient partie du réseau des « Kata-Katanga », ces miliciens indépendantistes qui sèment la terreur dans la
Charles Bisengimana, un Tutsi de la province du Sud-Kivu qui assurait l’intérim, a été officiellement nommé à ce poste. Deux jours plus tard, une attaque aux allures de tentative de coup d’État était menée par des partisans du pasteur Mukungubila – un homme férocement anti-Tutsis et lui aussi Luba du Katanga. Elle a eu lieu simultanément à Kindu, Lubumbashi et dans trois lieux stratégiques de Kinshasa : le camp militaire Tshatshi, l’aéroport de N’Djili et le siège de la télévision nationale. Aux yeux de nombreux experts militaires, le pasteur n’aurait pas pu lancer seul une opération d’une telle ampleur. Numbi a eu beau protester de son innocence lors d’une conférence de presse organisée dès le lendemain à Lubumbashi, il est accusé en haut lieu d’être à l’origine de ces attaques. Des soupçons qui lui ont certainement valu de subir les perquisitions du 20 janvier. Numbi n’a toutefois pas été immédiatement inquiété. « Le pouvoir marche sur des œufs dans cette affaire, commente une source diplomatique à Kinshasa.
région et maintiennent la pression sur le gouvernement central. Les informations recueillies confirment les conclusions des experts de l’ONU, qui affirment, dans leur dernier rapport, que Numbi « fournit un souDes armes de guerre ont été tien militaire, financier et saisies, dont un lance-roquettes, logistique » à ces rebelles du Katanga. et dix-huit personnes interpellées. La lente disgrâce de John Numbi a commencé dès 2010, après Arrêter un personnage de son envergure, l’assassinat de Floribert Chebeya, le c’est prendre de gros risques pour la président de l’ONG La Voix des sansstabilité du pays. » Une partie des très voix. Les proches de la victime – ainsi influents Lubas du Katanga, qui s’estiment que plusieurs éléments de l’enquête – de plus en plus marginalisés, continuent accusaient celui qui était alors le chef de en effet de soutenir le général. Mais il la police d’avoir commandité l’assassisera désormais très difficile à ce dernier nat du militant associatif. Suspendu de de revenir en grâce. l PIERRE BOISSELET
À SUIVRE LA SEMAINE PROCHAINE
4 FÉVRIER Le procès de l’ancien capitaine rwandais Pascal Simbikangwa pour complicité de génocide et de crimes contre l’humanité s’ouvre devant la Cour d’assises de Paris. C’est le premier procès français lié au génocide rwandais. N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
6 AU 16
FÉVRIER Lors du Festival du film de Berlin, le réalisateur franco-algérien Rachid Bouchareb sera en compétition officielle pour La Voie de l’ennemi, avec Forest Whitaker.
7
FÉVRIER Début des Jeux olympiques d’hiver de Sotchi, en Russie. Entre 5 et 7 Africains seront dans les starting-blocks, en slalom, slalom géant et ski de fond. JEUNE AFRIQUE
Le nécessaire TRAIT D’UNION de l’Union Africaine et des Communautés Économiques Régionales
LA COMMUNAUTÉ DES ÉTATS SAHÉLO-SAHARIENS (CEN-SAD) Bénin
Égypte
Burkina Faso
Érythrée
R. Centrafrique
Gambie
Comores
Ghana
Côte d’Ivoire
Guinée
Djibouti
Libye
Mali
Sierra Leone
Mauritanie
Somalie
Maroc
Soudan
Niger
Tchad
Nigeria
Togo
Sénégal
Tunisie
COMMUNIQUÉ
L’instrument proactif pour la paix, la sécurité et le développement économique et social, national et régional
C
réée en 1998, la Communauté des États Sahélo-Sahariens (CEN-SAD) regroupe aujourd’hui 24 États membres représentant un total de 527 millions d’habitants (53 % de la population africaine). Ils sont répartis sur plus de 15 millions de km2 (51 % de la superficie de l’Afrique), reliant les deux rives du Sahara, sur toute la largeur du continent africain. TRAIT D’UNION GÉOGRAPHIQUE, CULTUREL ET ÉCONOMIQUE La répartition géographique et culturelle des États membres de la CEN-SAD lui confèrent naturellement un rôle de trait d’union entre toutes les Communautés économiques régionales africaines, comme l’UMA (Maghreb), EAC (Afrique de l’Est), la SADC (Afrique australe), le COMESA (Afrique de l’Est et australe), la CEDEAO (Afrique de l’Ouest) et la CEEAC (Afrique centrale). Pour les mêmes raisons, la CEN-SAD est partenaire des principales institutions panafricaines – en premier lieu l’Union Africaine et la BAD – et internationales liées à l’Afrique : Nations unies, FAO, Unesco, PNUE, etc. NOUVELLES AMBITIONS
DIFCOM/FC - Photos : DR - © Abidjan.net
En février 2013 à N’Djamena, au Tchad, une session extraordinaire de la conférence des chefs d’État et de gouvernement de la CEN-SAD a relancé l’organisation sur de nouvelles bases. Sous l’impulsion du président du Tchad, IDRISS DEBY ITNO, désormais président en exercice de la CEN-SAD, l’organisation entend mener à bien des actions constructives pour atteindre ses objectifs : • Promotion et culture de la paix • Intégration économique et coopération tous azimuts entre États membres • Promotion du développement économique et social • Préservation de l’Environnement, lutte contre la désertification
PRINCIPAUX PROGRAMMES • Libre circulation des personnes et des biens (la première étape a été franchie avec la décision portant dispense de visa pour les titulaires de passeports diplomatiques, de passeports de service et les chargés de missions officielles des États) • Développement rural et sécurité alimentaire : > Programme régional de sécurité alimentaire (PRSA) dont la première phase a été exécutée dans cinq (5) États membres ; > Programme de santé animale, lutte contre les épizooties transfrontalières endémiques, > Programme d’établissement de normes sanitaires et phytosanitaires (PANSPS) ; > Programme d’hydraulique villageoise. • Développement social et culturel Organisation d’un grand rassemblement des jeunes visant au rapprochement des peuples, appelé « JEUX DE LA CEN-SAD » dont la première édition a eu lieu en 2009 à Niamey (Niger). La 2e édition est prévue à N’Djamena (Tchad). PERSPECTIVES • Mise en œuvre d’une Stratégie intégrée de Sécurité et de Développement (SDS/ CEN-SAD) • Mise en œuvre de programmes sectoriels dans le cadre de la SDS • Nouvelle architecture institutionnelle de la Communauté • Renforcement du partenariat avec les autres Institutions multilatérales.
S.E.M. IDRISS DEBY ITNO, Président en exercice de la CEN-SAD.
ORGANES ET INSTITUTIONS ■ Conférence des Chefs d’État
et de Gouvernement Président en exercice : M. IDRISS DEBY ITNO, Président de la République du Tchad ■ Conseil Exécutif
Présidé par M. MOUSSA FAKI MAHAMAT, Ministre des Affaires Étrangères du Tchad. ■ Secrétariat Général
Siège à Tripoli (Libye) : P.O.BOX 4041 Fax : +218 21 334 68 54 E-mail : censad_sg@yahoo.com www.censad.org Secrétaire Général p.i. : M. IBRAHIM SANI ABANI ■ Banque Sahélo-Saharienne pour
l’Investissement et le Commerce (BSIC) Siège à Tripoli (Libye), avec des filiales dans 14 pays membres P.O.BOX 93221 Fax : +218 21 4842151 E-mail : bsic@ittnet.net - www.bsicbank.com Président Directeur Général : M. ALI OMAR ALMOKTAR ■ Conseil Économique, Social et Culturel
(CESC/CEN-SAD) Siège à Bamako (Mali) Président : M. MOUSSA BALLA COULIBALY
PARTENAIRES OPÉRATIONNELS UNION AFRICAINE – NATIONS UNIES FAO – UNESCO – PNUE - UMA – COMESA CEEAC – CEDEAO – EAC – SADC IGAD – BAD - OSS – OIM – CILSS En février 2013 à N’Djamena, au Tchad, la conférence des chefs d’État et de gouvernement de la CEN-SAD a relancé l’organisation sur de nouvelles bases.
La semaine de J.A. Décryptage
ÉLIANE BAUMGARTNER/SWISSAID
JEUNEAFRIQUE.COM
Industrie La vitalité de Cevital Il a déjà racheté deux entreprises européennes en faillite en 2013. Et s’intéresse maintenant à FagorBrandt, le géant français de l’électroménager. Décidément, Ie groupe algérien a la pêche.
VIDÉO
Ali Idrissa, coordonnateur de l’ONG Rotab, au Niger: « Il y a un complot pour ne pas appliquer le code minier de 2006 à Areva. »
?
SONDAGE
BRUNO LEVY POUR J.A.
Égypte : trois ans après le déclenchement de la révolution, le général Sissi peut-il encore la sauver ? p Issad Rebrab, le patron de Cevital, invité de RFI et Jeune Afrique, le 5 juillet 2013.
GALERIE V. FOURNIER/J.A. - D. BERKOWITZ/ONU
18
Marcel Gossio, l’ancien directeur du port d’Abidjan, est rentré en Côte d’Ivoire. Que deviennent les autres anciens piliers du régime Gbagbo?
À LIRE AUSSI Santé : et si on pouvait détecter les faux médicaments? N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
I
ssad Rebrab, sauveur de l’économie européenne ? Après avoir acquis en 2013 une usine espagnole d’aluminium et repris l’entreprise française de menuiserie PVC Oxxo Evolution, le patron de l’algérien Cevital a jeté son dévolu sur le fabricant d’électroménager FagorBrandt. Fin 2012, il avait également étudié le dossier du volailler français Doux. Point commun de ces quatre opérations ? Les graves difficultés financières rencontrées par ces entreprises européennes, confrontées à la stagnation économique que traverse le Vieux Continent. Le dossier FagorBrandt est de loin le plus important projet du groupe algérien en Europe : 647 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2012, 1 800 salariés et « 14 % du marché électroménager en France », selon Arnaud Montebourg, le ministre français du Redressement productif. « C’est une très grosse opération pour Cevital », confirme un proche conseiller d’Issad Rebrab. Les deux points forts de ce dernier ? Il propose la meilleure offre, avec la reprise de 1 200 salariés, contre 1 000 pour son principal rival,
le financier Sun Capital. Et il dispose en Algérie d’une usine d’électroménager développée en partenariat avec le géant coréen Samsung : son ajout aux unités de FagorBrandt permettrait de localiser la production de part et d’autre de la Méditerranée, en tenant compte des spécificités des différentes usines. Un argument qui séduit particulièrement Arnaud Montebourg, chantre de la « colocalisation ». C’est d’ailleurs le gouvernement français lui-même, à l’occasion de la visite du Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, à Alger mi-décembre, qui a insisté sur le nécessaire engagement de Cevital dans ce dossier. « BANKABLE ». Reste à Issad Rebrab à financer le projet : il affirme pouvoir mobiliser des milliards de dollars pour investir hors d’Algérie, même si les autorités traînent les pieds pour l’autoriser à sortir des capitaux. Pas question pour autant d’attendre : « Rebrab est “bankable”, affirme un proche. Beaucoup de financiers français et étrangers sont disposés à l’aider. » Réponse mi-février. l FRÉDÉRIC MAURY JEUNE AFRIQUE
COMMUNIQUÉ
PETROMA, L’AVANT-GARDE D’UNE RÉVOLUTION ÉNERGÉTIQUE Contrôlée majoritairement par des intérêts maliens, la société PETROMA est spécialisée dans la !"#$"!#$"% &'"()&*+,-,+*.% &" ,!-./)*!, ", &" !-01.-2" 3"/ $43!*#-!56!"/ &+76+3"/ *6 2-8"6(9 PETROMA détient à 100% le bloc 25 situé au sud du Mali et qui couvre une surface de 43 174 km2. La société est titulaire d’un permis d’exploitation de l’hydrogène sur un espace de 1 264 km2 à l’intérieur de ce bloc. Dans un contexte de souci environnemental de plus en plus prégnant et de crise énergétique annoncée, PETROMA mène une expérience originale autour de l’hydrogène gazeux qui devrait contribuer à l’incontournable mix énergétique.
L’ÉNERGIE DU FUTUR ? S’il est particulièrement abondant sur l’ensemble de la planète et au-delà, l’hydrogène est, la plupart du temps, présent en combinaison avec d’autres gaz comme l’oxygène dans l’eau ou le carbone dans le gaz naturel. Son exploitation demande donc une opération de « reformage » productrice de gaz carbonique et par conséquent néfaste pour l’environnement. Il n’était donc pas, jusqu’alors, considéré comme une ressource énergétique à part entière.
© Impact Media
Mais la découverte de sources naturelles d’hydrogène gazeux changerait totalement la donne avec la perspective de l’exploitation industrielle d’une source d’énergie durable et respectueuse de l’environnement puisque sans aucun rejet de CO2. Sachant que la molécule d’hydrogène est particulièrement énergétique (1 kg d’hydrogène produit trois fois plus d’énergie qu’1 kg d’essence), l’hydrogène gazeux élargit donc considérablement le champ des possibles.
UNE EXPÉRIENCE UNIQUE Et c’est précisément ce qu’expérimente PETROMA. Après avoir mené !"# $%&'# ()#*+,-&./'-"$ .0" ()%1.,!#& ,#$ +-/#"/'.,'/%$ +%/&-,'2&#$ #/ gazières du bloc 25, les conclusions sont prometteuses : «Dans chaque forage, on constate que nous sommes dans un système pétrolier avec des roches mères, des roches riveraines et des roches d’étanchéité qui peuvent constituer des pièges lithologiques et structuraux pour le gaz et le pétrole. Il y a aussi des zones de fractures et de dolérites intrusives qui ont fourni la source de chaleur nécessaire à la maturation des matières organiques», explique Aliou Boubacar Diallo, président de PETROMA. Dans le village de Bourakebougou, à une soixantaine de kilomètres de Bamako, dix jours de tests -"/ %/% "%3#$$.'&#$ +-!& 3-"0&4#& ,. +&%$#"3# ()56(&-72"# gazeux pur à 98% ! Ainsi, les premières évaluations qui font état de 1,7 milliard de pieds carrés de gaz, permettent d’envisager pour la première fois dans l’histoire, l’utilisation d’hydrogène naturel pour la production d’électricité sans aucune émission de CO2. Aujourd’hui, l’hydrogène de Bourakebougou alimente un groupe électrogène qui produit avec succès du courant localement. Demain, il peut produire de l’électricité à un prix raisonnable à partir d’une centrale installée sur place.
PETROMA SA Badalabougou - Rue 111 - Porte 63 - BP 8012 - Bamako – MALI Tél. : +223 20 22 54 25 - www.petroma-mali.com
La semaine de J.A. Décryptage
Croissance C’est encore loin, l’Asie? Les prévisions du FMI pour 2014 sont formelles : l’Afrique est en forme. La preuve ? Elle dépasse les tortues européennes et talonne les dragons asiatiques.
C
’
est un hommage implicite que le Fonds monétaire international (FMI) a rendu à l’Afrique subsaharienne, le 21 janvier, en présentant ses prévisions pour 2014. De toutes les régions du monde, c’est elle dont le taux de croissance connaîtra la plus forte accélération, passant de 5,1 % en 2013 à 6,1 % en 2014, un taux assez peu éloigné des 6,7 % prédits à l’Asie émergente. Seule l’Afrique du Sud devrait afficher une croissance très moyenne sur le continent, avec 1,8 % en 2013 et 2,8 % en 2014. L’Afrique subsaharienne devrait surclasser sans peine la Russie (2 % en 2014), le Brésil (2,3 %), les États-Unis (2,8 %) et même le Mexique (3 %) et l’Inde (5,4 %), sans parler de l’Espagne ou de l’Italie (0,6 %), de la France (0,9 %), de l’Allemagne (1,6 %) et du Royaume-Uni (2,4 %), dont les économies se remettent très lentement de la crise de la dette, qui a fait basculer la zone euro dans la récession. Manifestement, le FMI estime que la baisse des cours des matières premières – et notamment des hydrocarbures – ne freinera pas le dynamisme de l’Afrique. Le LE DESSIN DE LA SEMAINE
XINHUA/ZUMA/REA
20
p Antoinette Sayeh, directrice Afrique au FMI (ici à Lagos, en octobre 2013).
coup de mou qui affecte depuis quelques mois les grands pays émergents, tels la Chine, l’Inde et le Brésil, ne devrait donc pas concerner les économies africaines. RISQUES. En présentant ces prévisions,
Olivier Blanchard, le chef économiste du FMI, a cité deux risques qui pourraient empêcher la croissance mondiale de progresser de 3 % en 2013 à 3,7 % en 2014. D’abord, une fuite des capitaux hors des pays émergents au profit des marchés des économies avancées en nette reprise.
Ensuite, le risque d’une chute des prix dans la zone euro. Aucun de ces dangers ne menace l’Afrique. Les investissements étrangers y sont moins spéculatifs que dans les pays émergents et ils sont en augmentation, et pas seulement dans les industries extractives. Par ailleurs, les hausses de prix parfois trop rapides que connaissent la plupart des pays africains écartent tout danger de déflation. Pour l’Afrique, l’année 2014 s’annonce donc sous les ALAIN FAUJAS meilleurs auspices. l
Chappatte • NZZ am Sonntag • Suisse SYRIE HASSAN NARGUE L’ONCLE SAM
GRAND ALLIÉ de Bachar al-Assad, l’Iran n’a pas été convié aux pourparlers de Genève sur la crise syrienne qui se sont ouverts le 22 janvier sur les bords du lac Léman. Mais à 350 km de là, au cœur des Alpes suisses, Hassan Rohani, le président iranien, était la vedette du Forum économique de Davos. Dans une sorte de pied de nez au secrétaire d’État américain, John Kerry, il n’a pas hésité à s’inviter (verbalement) à la conférence voisine en déclarant : « La meilleure solution, c’est d’organiser des élections libres en Syrie. Aucun tiers, parti ou pays, ne devrait décider en lieu et place du peuple syrien. » N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
JEUNE AFRIQUE
ILS ONT DIT
Thiam ont respectivement représenté l’Afrique anglophoneetfrancophone.Leroidu ciment nigérian avait d’ailleurs été choisi comme coprésident de cette édition 2014, aux côtés, entre autres, de Marissa Mayer, laPDGdeYahoo!,etChristophe de Margerie, le patron de Total. L’entrepreneur franco-ivoirien a participé quant à lui à une conférence destinée à « inciter une nouvelle génération à l’action ». COIN. Mais c’est sur un plan symbolique que cette édition s’est distinguée: contrairement aux autres années, il n’y a pas eu de sessions formelles consacrées à l’Afrique. Les questions africaines ont été intégrées à d’autres sujets mondiaux. « Nous étions fatigués d’être relégués dans un coin Afrique, il en a été tenu compte », se félicite Elsie Kanza, présidente de la délégation africaine à Davos. l NICOLAS TEISSERENC
Tendance Salut, poupée!
AKINTUNDE AKINLEYE/REUTERS
BARBIE N’A PLUS le monopole de la beauté au Nigeria grâce à Taofick Okoya (lire son interview sur jeuneafrique.com). Il y a sept ans, cet entrepreneur de 43 ans a lancé sa propre marque de poupées noires, Queens of Africa, concurrençant la « Barbie black » de la société Mattel, dont la présence était très limitée en Afrique subsaharienne. En proposant des figurines low cost, Okoya a réussi à conquérir le cœur des fillettes. Désormais, cette marque made in Nigeria s’impose de plus en plus sur le marché du jouet avec plus de 6 000 ventes par mois. Son prochain défi ? Exporter ses reines de beauté au-delà du pays… et leur donner « plus de formes, à l’image des Africaines ». l ÉMELINE WUILBERCQ JEUNE AFRIQUE
avec l’aide de ses partenaires extérieurs, va bientôt rendre publics les résultats d’une enquête sur l’un des cas de corruption minière les plus spectaculaires de l’histoire de l’Afrique. J’incite les autres pays à nous imiter. » ALPHA CONDÉ Président de la Guinée (à propos de l’affaire Steinmetz)
« Je ne pense pas que le cannabis soit plus dangereux que l’alcool. » BARACK OBAMA Président des États-Unis
« Avec Poutine, on est devenus copains. On discute de tous les sujets. Sa réputation ne reflète pas ce que je vis quand je travaille avec lui. » JEAN-CLAUDE KILLY Ancien champion français de ski, président de la commission de coordination des JO
« Le luxe est à la fois une affirmation sociale et une forme de bonheur. » PATRIZIO BERTELLI Patron de la marque italienne Prada
« Le problème, c’est que nous ne nous sommes pas donné assez de temps pour savoir ce que nous voulions pour notre pays. Avant de tourner la page, il aurait peut-être fallu la lire ! »
ABD RABBO AMMAR/ABACA
LA DÉLÉGATION africaine présente à Davos grossit d’année en année. La 44e édition du World Economic Forum, qui s’est tenue du 22 au 25 janvier autour du thème du « remodelage du monde », a rassemblé plus de 130 personnalités du continent. Parmi eux, des chefs d’État: le Sénégalais Macky Sall, le Guinéen Alpha Condé, le Rwandais Paul Kagamé, le Nigérian Goodluck Jonathan ou la Libérienne Ellen Johnson Sirleaf, notamment. En ce qui concerne les pays d’Afrique du Nord, la Tunisie avait dépêché un imposant contingent, composé de Mehdi Jomâa, le nouveau Premier ministre, Béji Caïd Essebsi, fondateurdupartiNidaTounes, et Rached Ghannouchi, leader du parti Ennahdha. Abdelilah Benkirane, le chef du gouvernement marocain, était également présent pour débattre de l’avenir de la région. Côté business, les incontournablesAlikoDangoteetTidjane
« La Guinée,
VINCENT FOURNIER/J.A.
Davos Fini le strapontin
21
ANISSA DAOUD, Actrice tunisienne N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
La semaine de J.A. Tour du monde ITALIE
Les menaces du vieux mafieux
EYEPRESS/AFP
22
p Le militant anticorruption Xu Zhiyong, filmé dans sa prison en août 2013. CHINE
Les princes rouges au paradis (fiscal)
R
ésolu à débarrasser le pays « des mouches comme des tigres véreux », Xi Jinping a lancé une impitoyable campagne anticorruption. Ses mots d’ordre ? « Sobriété, probité, transparence. » Fin décembre 2013, il a donné l’exemple en déjeunant dans un troquet de Pékin pour la modique somme de 2,50 euros. Le problème est que, impitoyable, le président chinois l’est aussi envers quiconque s’avise de… dénoncer la corruption. Accusé de troubler l’ordre public alors qu’il se borne à réclamer la transparence sur le patrimoine des hauts fonctionnaires, l’avocat et universitaire Xu Zhiyong vient par exemple d’être traîné en justice. Pour l’ouverture de son procès, le 22 janvier, le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), dont le siège est à Washington, a rendu public un ensemble de documents financiers édifiants. Il apparaît ainsi que 22 000 ressortissants chinois posséderaient des sociétés offshore dans divers paradis fiscaux – notamment les îles Vierges britanniques. Parmi eux figureraient nombre de familiers de dirigeants de premier plan, comme l’ancien président Hu Jintao ou l’ancien Premier ministre Wen Jiabao, mais aussi – ô surprise – de proches parents du président chinois en personne ! l TURQUIE
Erdogan à Bruxelles ALORS QUE LES limogeages et les mutations de magistrats et de policiers accusés d’être impliqués dans un vastecomplotcontrelegouvernementAKP se comptent par centaines et qu’un projet de loi accroissant la mainmise du politique N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
sur le judiciaire est en préparation, Recep Tayyip Erdogan, le Premier ministre, s’est pour la première fois depuis cinq ans rendu au siège de l’Union européenne, à Bruxelles, le 21 janvier. Il a rejeté toutes les accusations d’autoritarisme portées contre lui et s’est essayé à l’humour : « J’ai cru que les chaises allaient voler. » Le projet de loi contesté pourrait, dit-on, être retiré.
PLUSIEURS CONVERSATIONS de Toto Riina (84 ans), le capo dei capi incarcéré depuis 1993, avec un codétenu de la prison de Milan ont été enregistrées par la police et rendues publiques. Le chef mafieux y revendique les assassinats, en 1992, des juges Giovanni Falcone et Paolo Borsellino, puis profère des menaces explicites contre un autre magistrat, Nino Di Matteo. Apparemment, il redoute que ce dernier finisse par découvrir les noms de responsables politiques complices de Cosa nostra. Selon les spécialistes, Riina ne pouvait ignorer que ses propos étaient enregistrés. Il s’agirait donc d’un « contrat » lancé de manière détournée contre Di Matteo.
Le chiffre
200 000 000
DE SMS sont quotidiennement interceptés à travers le monde par la NSA. C’est la principale révélation de l’enquête publiée le 16 janvier par le quotidien britannique The Guardian. L’agence de renseignements américaine a-t-elle ensuite les moyens d’exploiter l’intégralité de cette énorme masse de documents volés? Il s’en faut de beaucoup, ce qui est sans doute rassurant.
JAPON
Cette fois, la guerre est vraiment finie ! ÉTRANGE HISTOIRE que celle de ce Japonais décédé paisiblement dans son lit le 17 janvier. En 1944, le sous-lieutenant Hiro Onoda est envoyé aux Philippines avec pour mission de retarder le débarquement américain sur l’île de Lubang en attendant le retour de l’armée impériale. Il se cache donc dans les montagnes couvertes de jungle, où il restera… trente ans ! En février 1974, Onoda finit par être retrouvé par un touriste, mais il s’obstine : non, la guerre n’est pas finie, il ne rendra ses armes qu’à son supérieur, le major Taniguchi. Devenu entre-temps libraire, ce dernier JEUNE AFRIQUE
ARRÊT SUR IMAGE
VOLODYMYR SHUVAYEV • AFP
UKRAINE
Au nom de la liberté, Kiev s’embrase DANS UN INSTANT, CES COCKTAILS MOLOTOV vont s’écraser sur les policiers massés dans le centre de Kiev, la capitale ukrainienne, le 22 janvier. Les émeutiers exigent l’abrogation d’une récente loi restreignant les rassemblements sur la voie publique. Au-delà, ils veulent la démocratie et la liberté, ce que le gouvernement de Viktor Ianoukovitch n’est nullement disposé à leur octroyer. Les affrontements ont déjà fait plusieurs morts.
devra donc se rendre aux Philippines afin de libérer de ses obligations celui qui, techniquement, fut le dernier soldat nippon à capituler. MYANMAR
Reposez armes ! AU TEMPS DE LA JUNTE, des dizaines de milliers d’enfants et d’adolescents avaient été enrôlés dans l’armée gouvernementale. Le 18 janvier, 96 d’entre eux ont été démobilisés. Trois cents l’avaient été en 2012. Ils seraient encore plusieurs milliers, dans l’armée comme dans les différentes guérillas, à porter un fusil parfois plus grands qu’eux. ESPACE
« Rosetta » tire des plans sur la comète SON NOM ? 67P/TG. Son âge ? 4,6 milliards d’années. Sa composition? Gaz, poussière et glace. C’est pour JEUNE AFRIQUE
étudier cette très lointaine comète que l’Agence spatiale européenne (ESA) avait, en mars 2004, lancé la sonde Rosetta. Dix ans et 7 milliards de kilomètres plus tard, le dénouement est proche. En juin 2011, la sonde avait dû être mise en veilleuse: la plupart de ses systèmes avaient été éteints. Son réveil avait été programmé pour le 20 janvier 2014 à 10 heures GMT. Et il a bel et bien eu lieu. Rosetta va à présent déployer son antenne et ses panneaux solaires, puis, flanquée du module Philae, foncervers67P/TG,surlaquelleelledevrait se poser au mois de novembre. MALAISIE
Comment parler à Dieu ? EN OCTOBRE 2013, la justice malaisienne avait décidé que le nom « Allah » utilisé depuis des siècles par les chrétiens pour désigner Dieu serait à l’avenir réservé aux seuls musulmans. Dans la foulée, un véritable autodafé
de bibles avait eu lieu. Le 19 janvier, la prise de position du roi en faveur de ce jugement controversé a encore envenimé la situation. Lawrence Andrew, un prêtre catholique favorable à l’utilisation du nom d’Allah par les chrétiens, a été brûlé en effigie. CANADA
Soûl comme un édile ROB FORD est incorrigible. Maire de Toronto, la quatrième ville d’Amérique du Nord, il a dans un passé récent été convaincu de conflit d’intérêts, de conduite en état d’ivresse, de consommation de crack et de gestes déplacés sur la personne d’une opposante! Déchu de ses pouvoirs exécutifs et suppléé par son adjoint, il avait juré de s’amender. Ce qu’il s’est empressé de ne pas faire. Le 21 janvier, à l’issue d’une sympathique soirée entre amis, il est apparu très éméché sur une vidéo postée sur YouTube. Il tenait des propos véhéments à l’adresse, semble-t-il, de policiers. N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
23
24
Grand angle
ÉVANGÉLIQUES
u Cérémonie d’une Église pentecôtiste, à Goma, en RD Congo.
Jesus
Grand angle
Connection D’Abidjan à Kinshasa, leurs Églises se comptent par dizaines de milliers. Promettant aux foules ce que les hommes d’État ne peuvent offrir, les pasteurs seraient-ils les nouveaux leaders du continent ?
L
a Jesus Connection a de beaux jours devant elle. Si l’on en croit les statistiques (approximatives) des spécialistes des religions, la communauté des chrétiens évangéliques et pentecôtistes au sud du Sahara talonne désormais celle des catholiques, après avoir largement vampirisé les effectifs du protestantisme, dont elle est issue. Avec une armée de fidèles estimée entre 120 et 150 millions d’âmes, cette mouvance acéphale conjuguant technologie numérique et exubérance émotionnelle, christianisme originel et Évangile de la prospérité est, avec l’islam, la forme religieuse la plus expansive en Afrique. D’Abidjan à Kinshasa, de Nairobi à Accra, de Libreville à Johannesburg, ce christianisme conquérant, missionnaire et mondialisé, qui ne connaît d’autre hiérarchie que celle de ses pasteurs et se décline sous des milliers d’appellations différentes (5 000 pour le seul Bénin!), prospère sur les terreaux fertiles de la crise des valeurs, du discrédit de la politique et de la quête du spirituel. Essentiellement urbaines, ces Églises qui prônent une religion à la fois physique et binaire (le bien contre le mal), reposant sur la révélation et l’engagement personnel, recrutent un public jeune, majoritairement féminin, appartenant à des catégories éduquées (étudiants, enseignants, cadres, fonctionnaires) et ayant une forte ambition de mobilité sociale, voire d’enrichissement individuel. La popularité, proche du star-system, que rencontrent les pasteurs les plus connus (et cela quelle que soit leur formation religieuse, souvent sommaire) fait d’eux des clients courtisés et des conseillers écoutés
des dirigeants et des chefs d’État. D’autant que les évangéliques, qui fonctionnent en réseaux et souvent en lobbies, sont présents dans les secteurs clés de l’administration et diffusent leur message transnational auprès des diasporas émigrées. Grands voyageurs, les pasteurs ont souvent un pied dans les banlieues des grandes capitales européennes, où leurs Églises prospèrent, et un autre dans leur pays d’origine, ce qui en fait des agents d’influence particulièrement efficaces. De cette relation entre l’au-delà et la politique survient le meilleur comme le pire. Beaucoup de pasteurs évangéliques sont des hommes de bien, dont la parole redonne confiance, resserre le lien social et prône la vertu. Mais il en est d’autres pour qui la religion est une entreprise financière et dont le langage de combat flirte volontiers avec l’éthnonationalisme, la haine de l’étranger, voire l’incitation à la violence : de la Côte d’Ivoire à la RD Congo, les exemples récents de telles dérives sont nombreux. Le risque que représente ce type d’Églises pour les libertés est dans le fond identique à celui que véhicule toute formation religieuse exacerbée, de l’islamisme radical à l’hindouisme militant. L’investissement exigé de la part des fidèles est en effet total, intense, englobant tous les aspects de la vie en échange d’une part hypothétique de la puissance divine – notion dont l’écho est particulier en Afrique. Sensible depuis la fin des années 1980, la déferlante évangélique est donc devenue l’objet de toutes les convoitises et de toutes les manipulations politiciennes. Au regard du caractère meurtrier qu’a souvent pris, dans le passé, l’interconnexion entre le religieux et la politique, il est permis de s’en inquiéter. l
COLIN DELFOSSE
FRANÇOIS SOUDAN
26
Grand angle Évangéliques AFRIQUE CENTRALE
Des gourous dans l’arène
La prophétesse Kimpa Vita, le martyr Simon Kimbangu, le pasteur Mukungubila… Religion et politique ont toujours formé un mélange explosif en RD Congo, mais aussi dans les pays voisins.
«
P
rophète de l’éternel », PaulJoseph Mukungubila, 66 ans, est le pasteur katangais dont se sont réclamés les assaillants de Kinshasa et de Lubumbashi le 30 décembre 2013. Un évangélique à l’assaut du régime de Joseph Kabila… La folie de l’entreprise peut faire sourire. Mais le bilan est lourd, très lourd. Plus de 100 morts. Et beaucoup pensent que les attaques simultanées de la radiotélévision nationale, de l’état-major de l’armée et de l’aéroport international de Kinshasa ne peuvent pas avoir été menées par les seuls adeptes de « l’Église du Seigneur Jésus-Christ ». Un commanditaire se cachait-il derrière le prédicateur aujourd’hui en fuite ? En RD Congo, religion et politique se fréquentent depuis longtemps. Deux dates. 1706 : Kimpa Vita, alias Dona Béatrice, jeune prophétesse du royaume Kongo, est condamnée à mort par les colons portugais et brûlée vive sur un bûcher. 1921 : Simon Kimbangu, le « messie noir » du peuple kongo, qui réussit à sortir les gens de l’Église des Blancs, est condamné à mort par les colons belges. Sa peine est commuée en réclusion à perpétuité. Trente ans plus tard, il meurt en prison. Aujourd’hui, ces deux martyrs sont aux habitants du Bas-Congo ce que Jeanne d’Arc est aux Français : le symbole d’un combat pour une nation. RÉPRESSION. Pour gagner les voix de
cette province de l’ouest de la RD Congo, le pouvoir de Kinshasa sait qu’il faut passer par Nkamba, la ville natale de Simon Kimbangu, devenue la cité sainte des kimbanguistes. En 1991, Mobutu Sese Seko réhabilite le prédicateur à titre posthume et lui décerne l’ordre national du Léopard. En 2001, Joseph Kabila va saluer le petit-fils de Kimbangu à Nkamba. En retour, les chefs de l’Église kimbanguiste appellent à voter pour le régime en place. Problème : beaucoup de gens du Bas-Congo refusent ce marché. En 2007 et en 2008, ils se révoltent contre N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
l’élection controversée, à Matadi, d’un gouverneur pro-Kabila. Dans la région de Luozi-Manianga, sur la rive droite du fleuve Congo, la répression est sanglante: plusieurs centaines de morts selon l’ONU. Pour la plupart, les victimes sont les adeptes d’un nouveau mouvement mystique, Bundu dia Kongo. À la différence de Kimbangu, Zacharie Badiengila, le fondateur de cette secte, ne se voit pas comme un prophète, mais comme « le grand maître de la sagesse kongo ». Cet ancien professeur de chimie, âgé de 68 ans, se veut à la fois le fils spirituel de Kimbangu et l’héritier politique de Joseph Kasa-Vubu, premier président du Congo indépendant, comme lui originaire du Bas-Congo. Surtout, celui qui deviendra député sous le nom de Ne Muanda Nsemi est le premier leader de RD Congo à revendiquer une identité à la fois mystique et politique. « Regardez le dalaï-lama au Tibet, dit-il. On peut être à la fois chef spirituel et chef politique. » SOUTANE. Cette double identité est aussi
assumée par Frédéric Bintsamou, alias Pasteur Ntumi, 49 ans. Cette fois, nous sommes au Congo-Brazzaville, dans le Pool, à la frontière avec la RD Congo, tout près de la région de Luozi-Manianga
Les Églises évangéliques
s’inscrivent dans la continuité de la Réforme du XVIe siècle en Europe, qui prône l’autorité des Écritures, le salut par la grâce et l’accès direct à Dieu. Dissidentes du protestantisme, elles ne reconnaissent aucune autorité supralocale, privilégiant les communautés fraternelles à une organisation cléricale hiérarchisée. Ce qui explique leur foisonnement et leur diversité.
– le fief de Bundu dia Kongo. Avant 1997, le pasteur Ntumi traitait les malades mentaux de Brazzaville par la prière. Au plus fort de la guerre civile, il se réfugie en forêt, puis rallie derrière sa soutane violette les miliciens Ninjas qui ont fui la capitale. Après plusieurs années de rébellion, Ntumi accepte de négocier. Le président Denis Sassou Nguesso lui offre le poste de délégué général chargé « de la promotion des valeurs de paix et de la réparation des séquelles de guerre ». Depuis 2007, le pasteur a troqué la robe pour le costume. Il est rentré dans le rang. En fait, comme dans la RD Congo voisine, plusieurs figures du CongoBrazzaville se piquent de mysticisme. Mystérieusementdisparudansuneprison coloniale française en 1942, le nationaliste André Matsoua ne prêchait aucune parole du Christ. Mais après sa mort, ses partisans de la région du Pool en font un martyr et lui vouent un véritable culte religieux. En 1960, le premier président du Congo indépendant, l’abbé Fulbert JEUNE AFRIQUE
Jesus Connection
GOSPELS HOMOPHOBES À KAMPALA
C’
« La prolifération des cultes est un désaveu pour l’État africain », écrit le journaliste et essayiste Stephen Smith dans L’Atlas des religions. De fait, comme à l’époque coloniale, plusieurs mouvements mystiques d’Afrique centrale sont aujourd’hui des espaces de contestation de l’État. Parfois autonomiste – notamment au Bas-Congo –, parfois purement politique, cette résistance est très mal tolérée. En RD Congo, le pasteur Kutino Fernando, favorable à l’opposant Jean-Pierre Bemba, a été arrêté en 2006 puis condamné à dix ans de prison pour tentative d’assassinat. En Angola, les prêtres catholiques de l’enclave de Cabinda, dont le charismatique Jorge Casimiro Congo, dit Padre Congo, sont régulièrement suspendus de sacerdoce par leur hiérarchie de Luanda, elle-même sous pression du pouvoir. Sur les rives du fleuve Congo, le messianisme peut être explosif. l
PEINE DE MORT. Le pasteur ougandais Martin Ssempa est connu pour s’être prononcé en faveur de la peine de mort pour les gays. Si les évangéliques américains Lou Engle, Sharon Slater ou Scott Lively ne sont pas allés aussi loin, ils ont néanmoins prêché, lors de visites dans le pays, contre une orientation sexuelle qu’ils jugent non naturelle, non africaine, voire maladive. En 2010, le Family Research Council, une organisation basée à Washington, a même dépensé 25 000 dollars auprès de lobbies opposés à la résolution du Congrès américain condamnant la loi ougandaise contre l’homosexualité. En réalité, les Églises évangéliques ont trouvé en Ouganda un terrain favorable à l’expression et à la diffusion de leurs idées : un pays chrétien, majoritairement pratiquant, et des populations parfois déboussolées par la guerre contre l’Armée de résistance du Seigneur, la pauvreté et les longues dictatures d’Idi Amin Dada et de Milton Obote. l
CHRISTOPHE BOISBOUVIER
NICOLAS MICHEL
p L’ex-président centrafricain François Bozizé, membre de l’Église du christianisme céleste, en novembre 2008, à Bangui.
Youlou, est un prêtre catholique que le Vatican a interdit de sacerdoce ; ses partisans l’appellent « Jésus-Matsoua ». De même, pendant la guerre de 1997, Bernard Kolélas, le leader politique du Pool et des quartiers Bacongo et Makelekele de Brazzaville, suscite chez les Ninjas un attachement mystique. Au plus fort de la bataille, chaque ethnie se réfugie derrière son Église. DÉSAVEU. La Centrafrique n’est pas
épargnée par ce phénomène, avec l’Église du christianisme céleste, fondée à Porto-Novo (Bénin) en 1947 et importée par François Bozizé. En 2001, quand celui-ci passe à la rébellion, le président Ange-Félix Patassé expulse cette chapelle « conspirationniste ». Mais dès sa victoire de 2003, le président Bozizé en fait la première Église africaine de Centrafrique. « François Bozizé est celui que Dieu a choisi pour sauver ce pays », proclament alors ses pasteurs. Reste qu’en 2013 Dieu ne peut empêcher la chute… JEUNE AFRIQUE
VINCENT FOURNIER/J.A.
est un de ces revirements à visée diplomatique dont il est coutumier : après l’avoir fermement encouragée, le président ougandaisYoweri Museveni a finalement décidé de ne pas signer la loi durcissant la répression envers les homosexuels, adoptée à une large majorité par le Parlement en décembre 2013. La fièvre homophobe qui s’est emparée de la « perle de l’Afrique » à la fin des années 2000 et qui a culminé avec la mort du militant David Kato, poignardé en 2011 à son domicile, n’est pas près de retomber pour autant. Elle a soigneusement été entretenue par des Églises évangéliques, notamment américaines, dénoncées dans le documentaire God Loves Uganda, du réalisateur Roger Ross Williams.
N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
27
28
Grand angle Évangéliques
RD CONGO
Pasteur, un job en or
Il n’y a pas de business plus lucratif, à Kinshasa, que les « Églises de réveil ». Leurs guides vendent au prix fort leur bénédiction aux fidèles… et leur influence aux hommes politiques.
«
Q
uand un homme a faim, mieux vaut lui apprendre à… prêcher. » Entendu au dernier festival d’humour Toseka, en juin 2013 à Kinshasa, ce détournement du célèbre dicton de Confucius résume bien la situation des « Églises de réveil » en RD Congo. « Aujourd’hui, une Église rapporte plus qu’une boîte de nuit, assure Mwinyi Hamza Badjoko, anthropologue et opposant politique. Les fidèles sont prêts à se priver pour donner de l’argent N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
à leur “berger”. Ils considèrent ce sacrifice comme un acte de foi et espèrent en retour contracter un mariage, trouver un emploi, voire obtenir un visa pour l’Europe. » Dans les faits, ce sont bien sûr les pasteurs qui s’enrichissent, au point de s’acheter villas et belles voitures. Un exemple ? Pascal Mukuna, très populaire à Kinshasa, ne roule qu’en Lincoln Navigator, tantôt en version blanche, tantôt en version noire… Le prix d’un tel véhicule : pas moins de 55000 euros. Une telle « vitrine » explique
pourquoi les Églises de réveil poussent comme des champignons dans la capitale congolaise – on en compte jusqu’à deux ou trois par rue. « Impossible de connaître leur nombre exact : certaines sont enregistrées auprès de l’hôtel de ville en tant qu’association à but non lucratif, comme l’impose la loi, mais d’autres restent dans l’informel»,admetunfonctionnairemunicipal à Kinshasa. DÉBOUCHÉ. « Le phénomène s’est déve-
loppé au début des années 1970 avec le mouvement du Renouveau charismatique apparu au sein des Églises traditionnelles, décrypte l’abbé Gilbert Shimba, docteur en théologie et professeur de sociologie des religions. Les adeptes de ce courant, gagnés par les enseignements pentecôtistes, se sont détachés du catholicisme JEUNE AFRIQUE
Jesus Connection
L’évangile selon Papa et Maman Olangi Ce couple de prédicateurs, pourfendeur du divorce et de la sorcellerie, est vénéré par des dizaines de milliers d’adeptes.
p Enrichis par leurs fidèles, les « hommes de Dieu » s’offrent villas et voitures de luxe.
pour lancer des Églises dites de réveil. Le pasteur y occupe une place prépondérante dans la vie du fidèle : c’est lui qui sauve, et non plus les sacrements. » Cette tendance a pris de l’ampleur autour des années 1990, après l’échec des politiques d’ajustement structurel imposées par les institutions de Bretton Woods. La grogne sociale est à son comble, le peuple a perdu toute confiance en l’État et se tourne vers la religion. De nouvelles Églises se développent, issues à la fois de mouvements évangéliques, pentecôtistes, charismatiques et prophétiques. Dans un pays à fort taux de chômage, créer une Église est vite devenu une sorte de « débouché sur le marché du travail pour certains jeunes diplômés en quête d’emploi », observe Mélanie Soiron-Fallut, anthropologue spécialiste des mouvements religieux en Afrique centrale : « Le JEUNE AFRIQUE
COLIN DELFOSSE
C
e couple est devenu une institution. Élisabeth Wosho, 63 ans, et Joseph Olangi, 65 ans, sont à la tête de l’une des Églises pentecôtistes les plus populaires d’Afrique. Son nom ? Le Ministère du combat spirituel. La doctrine est inspirée des enseignements de l’Américain T. L. Osborn, un prédicateur évangélique controversé. Aux yeux du couple Olangi, le diable est au centre de tout : il serait responsable de tous les maux de la société dont, bien entendu, la pauvreté, le chômage, la stérilité et le célibat. Même les pratiques ancestrales, assimilées à de la sorcellerie, sont pointées du doigt. Pour s’en délivrer et « combattre tous ces liens », le jeûne et la prière sont recommandés aux adeptes, tandis que nombre d’« enfants sorciers », tenus coupables
de certains malheurs survenus dans les familles, sont mis à l’index par les pasteurs.
prédication à l’extérieur du pays et, après quelques hésitations, « Papa Olangi » a fini par rejoindre sa femme. Avec la réussite que MARIAGE. Dès le départ, l’on sait. Aujourd’hui, à la fin des années 1980, le couple est littéralele message délivré par Élisabeth Wosho a séduit ment vénéré : ses fidèles, hommes et femmes les femmes, premières gagnés à travers le monde, cibles de son évangile. se prosternent devant lui. À l’origine, la mission Et l’affaire est devenue très de « Maman Olangi » lucrative. « À Kinshasa consistait à proposer seulement, ils sont près ses solutions aux prode 50 000 adeptes à venir blèmes de couple dans chaque dimanche suivre le cadre d’une structure les enseignements du qu’elle avait créée, la Communauté internatio- couple, sans compter ceux qui participent aux nale des femmes messagères du Christ (CIFMC). autres cultes organisés par l’Église à travers la Elle-même racontait avoir été « liée par l’esprit ville », relève un observateur. Les Olangi, dont le de divorce », un démon qu’elle avait dû combattre patrimoine immobilier pour sauver son mariage. en Afrique du Sud et au Bénin, entre autres, n’est À la CIFMC, les femmes plus un secret, seraient apprenaient surtout comment se tenir dans le l’un des couples de mariage. Élisabeth Wosho pasteurs les plus riches du continent. l a par la suite commencé à faire des voyages de TRÉSOR KIBANGULA
statut de pasteur confère une position importante dans la société, dans la mesure où la vie sociale de beaucoup d’adeptes tourne autour de l’église, devenue le nouveau lieu de sociabilité. On n’y va plus seulement le dimanche, mais trois ou quatre fois par semaine. Le leader religieux est désormais considéré comme le relais social qui remplace la famille et, surtout, les structures étatiques défaillantes. » Pour conserver cette emprise, les pasteursmultiplientlesinitiatives:campagnes d’évangélisation, journées de guérison, veillées de prière… La conquête des esprits prend des allures de compétition entre prédicateurs, qui n’hésitent plus à lancer des chaînes de radio ou de télévision pour se faire connaître et grossir les rangs de leursfidèles.Plusceux-ciserontnombreux, plus les « bénédictions », qui s’achètent à
prix d’or lors de grands rassemblements de prière dans les stades, seront rentables. Huile miraculeuse, bouteilles de vin portebonheur, bibles bénies, stylos de réussite… Ces prédicateurs promettent tout et n’importe quoi pourvu qu’ils y trouvent leur compte, à savoir bijoux et liasses de billets. RADAR. Leur influence sans cesse grandissante dans la société n’échappe pas au radar des politiques. « Les pasteurs sont écoutés par leurs ouailles, drainent des foules, remplissent des stades: mieux vaut les avoir avec vous plutôt que contre vous », reconnaît un élu de Kinshasa. Ainsi, en fonction de leur ascendant, les leaders religieux sont plus ou moins courtisés par la classe politique. Il existe désormais les pasteurs proches du pouvoir et ceux de l’opposition. lll N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
29
30
Grand angle Évangéliques lll Pour peser davantage, ils se regroupent dans des plateformes : la structure la plus ancienne, Églises de réveil du Congo, se dit « le partenaire social incontournable du gouvernement »; l’Alliance mondiale des Églises chrétiennes est présidée par Pascal Mukuna, réputé proche de Marie-Olive Lembe di Sita, l’épouse du chef de l’État; et le Haut Conseil des Églises de réveil charismatiques et autres compte parmi ses anciens responsables Jean-Marie Runiga, président du Mouvement du 23-Mars en avril 2012. « Pendant les campagnes électorales, ces pasteurs drainent les foules pour les candidats moyennantquelquesbilletsdebanque», lâche Freddy Kita, secrétaire général du parti Démocratie chrétienne… et responsable à Kinshasa de la Mission évangéliquepourlesalutdumonde,une Église qui refuse jusqu’ici de rejoindre l’une ou l’autre association.
ARNAQUE. Car le mélange des genres
comporte des risques. Depuis avril 2013, le « prophète des nations » Denis Lessie est ainsi poursuivi pour « rançonnement de hautes autorités ». Leader de l’Église Arche de Noé, il aurait arnaqué Jean-Baptiste Ntahwa, ancien ministre du Budget. Se faisant passer pour le conseiller spirituel de Joseph Kabila, d’abord accompagné d’un lieutenant de l’armée présenté comme le chauffeur personnel du chef de l’État puis d’un étudiantcampantlerôledupetitfrèredu président, il aurait obtenu de sa victime une Jeep d’une valeur de 25 000 euros en échange de la promesse de figurer dans le prochain gouvernement. Pour sa défense, le pasteur soutient qu’il s’agissait d’une donation. Il a même produitl’actedecessiondevantlesjuges. La voiture lui a effectivement été cédée, mais, selon la partie adverse, elle devait être mise en vente par la suite pour en acheter une neuve au chef de l’État. Si l’affaire éclabousse les Églises de réveil, elle ne suffit pas à estomper l’influence des pasteurs sur les Kinois. Les « hommes de Dieu » peuvent dormir sur leurs deux oreilles, car « les Églises servent aujourd’hui à absorber les frustrations d’une population qui a besoin de trouver la solution à ses problèmes », soutientl’anthropologueMwinyiHamza Badjoko. L’espoir placé en leur mentor, c’est tout ce qui leur reste. l TRÉSOR KIBANGULA, envoyé spécial N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
CAMEROUN
Culte cathodique
Charismatique fondateur du Ministère Va et Raconte, Martin Tsala Essomba possède deux journaux, une radio, une chaîne de télévision et même une marque d’eau… bénite, bien sûr.
D
eson«temple»monteunvacarme de fête foraine. Niché au fond d’une cuvette marécageuse de Yaoundé, ce grand baraquement de bois et de tôles est le cauchemar des voisins. Relayée par de puissants hautparleurs, une voix énergique et métallique claque, interrompant avec autorité une timide traductrice en anglais. Dans la salle comble – d’une capacité de 3500 places –, une assistance visiblement conquise a les yeux rivés sur des écrans plats qui montrent aux derniers rangs les détails de l’office. Des caméras énamourées suivent les mouvements du pasteur qui hurle dans un micro sans fil: avec son costume beige bien taillé et sa cravate en soie, Martin Tsala Essomba semble tout droit sorti d’un film de Bollywood. « Quand ils me voient bien habillé à la télé, ils disent: Tsala Essomba trouble les foyers », se flatte ce quinquagénaire qui parle souvent de lui à la troisième personne.
Tsala Essomba, qui sait user de toutes sortes d’artifices pour capter l’attention des foules. Même si, dans son sac à malices, on retrouve toujours les mêmes ficelles. Pour entretenir la légende, il se réserve le rôle prophétique de celui qui vient « sauver des ténèbres les âmes en perdition ». Le prêcheur camerounais semble mettre ses pas dans ceux de ses devanciers nigérians: David Oyedepo, richissime gourou qui a réussi à faire prospérer son Église Living Faith World Outreach Ministry, ou Temitope Joshua, patron non moins u Près de 3 500 « brebis » assistent au culte du Camerounais devenu chef d’entreprise.
COURROUX. Parfois, pendant l’office, le prédicateur s’éloigne de son pupitre et arpente les allées de son antre, sous la protection de gardes du corps musculeux. Il scrute alors son public endimanché –majoritairementdesfemmesentre30ans et 50 ans – et, soudain, marque un arrêt devant une fidèle qu’il juge mal coiffée. La caméra s’attarde sur l’objet du courroux, l’auditoire émet un grognement de désapprobation. « Quand on est mal habillé, on fait la publicité de la pauvreté ! fulmine-t-il à la face de l’infortunée. Nous ne sommes pas une Église de pauvres ! Si tu n’es pas riche à l’intérieur de toi, tu ne seras jamais riche »… et il s’éloigne sous des « Amen » de contentement. Personne ne s’apitoie sur le sort de la jeune femme humiliée. « Il faut être dur pour pousser les gens à devenir des gagnants », chuchote Pierre, un trentenaire diplômé qui n’a jamais travaillé : « Je viens ici pour avoir du réconfort et de l’espérance. » Pendant ce temps, le show se poursuit. Bienvenue au Ministère Va et Raconte, commel’abaptisésonfondateur.Raconter, c’est d’ailleurs le fonds de commerce de JEUNE AFRIQUE
Jesus Connection nanti de The Synagogue, Church of All Nations (lire p. 32). FEUILLE DE CHOU. « Les journalistes
puisque, sans justifier son revirement, le gouvernement a suspendu la mesure. Mieux, le controversé prédicateur se pose en défenseur des intérêts du peuple face aux étrangers: dans sa bouche, les Chinois et les Indiens sont ainsi des « démons dominateurs venus des ténèbres » qui auraient pris le contrôle de l’économie du pays pour y construire… des bouddhas en or. Dans sa bouche, les Chinois et
les Indiens sont des « démons dominateurs venus des ténèbres ». cation en état d’alerte pour protéger son investissement. Comme principale ligne de défense, Va et Raconte met en avant des arguments censés plaire au régime: « Nous avons toujours prôné la soumission aux autorités, affirme le pasteur. Nous n’avons jamais appelé les jeunes à la révolte. » Le discours semble avoir eu l’effet escompté
MÉNOBA POUR J.A.
doivent s’adresser au directeur de la communication de l’Église. Surtout, pas de photo », s’interpose, un rien menaçant, un membre du service d’ordre qui ne lâche pas d’une semelle les visiteurs au visage inconnu. Derrière l’Église, une véritable organisation comptant quatre directions est à l’œuvre: les affaires spirituelles, l’évangélisation, les finances et la communication. Cette dernière emploie à elle seule 57 des 100 salariés de lastructure. Car l’Église possède deux journaux. Le premier, Cameroun Soir, est une feuille de chou, dite d’informations générales, dans laquelle on peut lire des articles tels que : « L’évêque [catholique] d’Obala épinglé dans une affaire de détournement et de perversionsexuelle».Lasource?Unelettre
anonyme… Tsala Essomba publie aussi une feuille « spirituelle », Va et Raconte Info. Le prédicateur a même créé sa propre radio, Fréquence Vie, mais aussi une chaîne de télévision du même nom. Lorsque le gouvernement a décidé, en août2013, defermerles«Églisesderéveil», il a ainsi mis ses moyens de communi-
JEUNE AFRIQUE
ESCLAVAGE. Pour un écri-
vain camerounais installé aux États-Unis et qui a souhaitéconserverl’anonymat,TsalaEssomba n’est qu’un imposteur. Il l’accuse d’avoir « endoctriné » son père et sa sœur : « Je ne les reconnais plus, se plaint-il. C’est en 2010, à la suite de la mort tragique de notre mère, que ma sœur a tout quitté, université, travail, loisirs, pour être réduite en esclavage dans les plantations de Tsala Essomba. » Partie du Ministère Va et Raconte, la jeune femme a migré vers une autre Église, d’où son frère l’a finalement tirée manu militari, fin novembre, pour la faire interner au service psychiatrique de l’hôpital Jamot de Yaoundé. Comme la plupart des prédicateurs, Tsala Essomba est d’extraction modeste, issu d’une famille paysanne du centre du Cameroun. Parti de rien, il a bâti son « temple » grâce aux dons des « brebis », comme il nomme ceux qui fréquentent son Église, mais aussi à travers une très lucrative affaire d’eau minérale. Doté d’un sens aigu des affaires, il s’est associé à une marque locale qui fournit à l’Église des cargaisons d’eau destinée à être « bénite ». L’étiquette est changée, et la bouteille est vendue au triple de sa valeur. Ce business lui a offert assez de revenus pour racheter le site d’un ancien hôtel de passe qu’il a réaménagé. « Les travaux de remblaiement nécessaires à la construction du bâtiment principal et à l’agrandissement du parking nous ont coûté 300 millions de F CFA [environ 450 000 euros] », aime-t-il raconter. Aujourd’hui, la surface occupée s’étend sur 2 000 m2 conquis sur le marécage. Contrairement au clergé catholique, le prédicateur n’a jamais fait vœu de pauvreté. Au contraire. Il avoue même posséder des entreprises qui exécutent des marchés publics. Preuve qu’au Cameroun pentecôtisme et pouvoir politique ont trouvé un terrain d’entente pour cohabiter sans heurts. l GEORGES DOUGUELI, envoyé spécial N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
31
Grand angle Évangéliques
GEORGE ESIRI/AIDS-AFRICA/REUTERS
32
NIGERIA
p Guérir le sida est l’un des miracles ubuesques que le millionnaire s’attribue.
« Un jour, tu seras président » Il avait prédit, avec raison, un grand destin au Ghanéen John Atta Mills. Depuis, des politiciens de toute l’Afrique demandent audience à T. B. Joshua, « prophète » de The Synagogue, Church of All Nations.
A
vec des Églises dans cinq pays, des milliers de fidèles aux quatre coins de l’Afrique et une chaîne de télévision, le Nigérian Temitope Balogun Joshua, plus connu sous le nom de T. B. Joshua, est l’un des pasteurs évangéliques les plus populaires du continent et l’un des 50 Africains les plus influents, selon nos confrères de The Africa Report. Mais il ne recrute pas seulement dans les masses désespérées. De nombreux hommes politiques se pressent à The Synagogue, Church of All Nations, la plupart du temps pour solliciter ses prédictions – l’une des spécialités de celui qui se fait appeler « prophète ». Celles-ci sont nombreuses et pas toujours très précises, mais quelques-unes l’ont rendu célèbre. T. B. Joshua avait ainsi prédit l’élection, en 2009, du défunt président ghanéen John Atta Mills, qu’il avait reçu à Lagos. L’ancien Premier ministre zimbabwéen N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
Morgan Tsvangirai lui avait aussi rendu visite en 2010, ce qui cette fois n’a pas empêché sa cuisante défaite à la présidentielle de 2013. Prince Johnson, l’ancien seigneur de guerre libérien, compte parmi ses fidèles, tout comme Patience Jonathan, la première dame du Nigeria. Enfin, Winnie Madikizela-Mandela, l’ex-femme de feu Nelson Mandela, a également fait le déplacement à Lagos, en 2011. Comme, plus récemment, son protégé, le jeune populiste sud-africain Julius Malema, qui recherchait « la bénédiction d’un chef spirituel ». GLOIRE. Mais c’est sans doute dans la
vie politique du Malawi que T. B. Joshua est le plus « intervenu ». En 2012, à deux reprises, le 5 février et le 1er avril, il avait prophétisé la mort d’un chef d’État du continent, précisant que celui-ci n’était pas d’Afrique de l’Ouest. Le 5 avril, le président malawite Bingu wa Mutharika rendait
l’âme, offrant au passage au pasteur l’un de ses principaux titres de gloire. Son successeur, l’actuelle présidente Joyce Banda, est devenue une habituée de son Église, qu’elle continue de fréquenter depuis son accession au pouvoir : elle y a encore été vue en décembre 2013. En 2011, elle avait expliqué à Emmanuel TV, la chaîne de T. B. Joshua, comment ce dernier avait guéri par la prière son mari aphasique. Les guérisons extraordinaires constituent en effet une autre « spécialité » du pasteur. Parmi les nombreux phénomènes miraculeux revendiqués sur son site internet, celui qui dit avoir passé quinze mois dans le ventre de sa mère assure pouvoir guérir le sida ou le cancer. Or, d’après l’organisation caritative britannique African Health Policy Network, certains fidèles séropositifs de la branche londonienne seraient décédés après avoir arrêté leur traitement… Pas de quoi gêner outre mesure le « prophète ». Selon une estimation faite en 2011 par le magazine Forbes, le Nigérian a accumulé entre 10 et 15 millions de dollars (entre 7 et 11 millions d’euros) de patrimoine. l PIERRE BOISSELET JEUNE AFRIQUE
LIRE AUSSI Les reportages de Pierre Boisselet à Kigali et d’Haby Niakate à Saint-Denis (France)
CÔTE D’IVOIRE
Gbagbo, messie malgré lui ?
Sous l’influence de prédicateurs comme Moïse Koré, l’ancien président avait fini par croire que Dieu était de son côté. Raté…
I
l a converti Laurent et Simone Gbagbo à l’évangélisme et prédit le destin présidentiel de celui qui n’était alors que « l’opposant historique ». Puis Moïse Loussouko Koré, alias Moïse Koré, a convaincu l’ex-chef de l’État ivoirien de sa destinée messianique : il devait rester au pouvoir pour parachever l’œuvre de libération de son pays contre la « domination » française. Fondateur de l’Église Shekinah Glory Ministries en 1998, Moïse Koré a même fait dresser une chapelle dans le palais présidentiel, juste après la défaite à l’élection de novembre 2010. Le pasteur, qui fut dans
une autre vie une gloire du basket-ball ivoirien, y dirigeait lui-même les quatre prières quotidiennes (6 h 30, 12 heures, 18 h 30 et minuit), avec Laurent Gbagbo au premier rang des fidèles. Il n’hésitait pas, alors, à en appeler au Seigneur afin qu’Il « garde le chef de l’État et sa femme ». Convaincu tout comme son auditoire qu’il était dans le vrai, le gourou souhaitait que « Dieu donne de longs jours au chef de l’État et à la première dame, afin qu’ils conduisent le pays non dans la voie des hommes mais dans la voie du Seigneur ». D’autres « hommes de Dieu » se sont joints à la partie pour persuader
Jesus Connection Gbagbo que les résultats donnés par la Commission électorale indépendante et certifiés par l’ONU ne suffisaient pas pour qu’il quitte le pouvoir, sa mission n’étant pas achevée. Parmi ces « prophètes », Sébastien Zahiri Ziki, bombardé conseiller spirituel à la présidence de la République, et Robert Yayé Dion, l’un des dirigeants de l’Église protestante baptiste Œuvres et Mission internationales. Avec le pasteur Benjamin Boni, de l’Église méthodiste unie de Côte d’Ivoire, ils ont travaillé Gbagbo au corps : selon eux, Dieu l’avait établi « sur le trône » pour longtemps et il finirait par convaincre « les suppôts de Satan ». Mais lorsque, le 11 avril 2011, l’ancien chef de l’État est capturé après l’assaut contre sa résidence, il ne s’est trouvé aucun de ces « prophètes » pour expliquer cette issue qu’ils n’avaient pas vu venir. l SEIDIK ABBA
BÉNIN
Les béni-oui-oui de Boni Yayi
B
oni Yayi était encore directeur de la Banque ouest-africaine de développement (1994-2006), à Lomé, quand il s’est converti au pentecôtisme. Aujourd’hui pasteur de l’Assemblée de Dieu du quartier de Gbèdjromédé, à Cotonou, le président du Bénin continue de prêcher à ses heures perdues. « Après l’ethnie, l’autre cercle immédiat sur lequel repose le pouvoir de Boni Yayi est la religion. Les pasteurs ont envahi tous les arcanes du pouvoir », confie Raoul Hounsounou, directeur de publication de Nord-Sud Quotidien. Dans l’entourage du chef de l’État, Amos Elègbè, son conseiller aux affaires politiques, professeur de géographie à l’université d’Abomey-Calavi et lui aussi adepte de l’évangélisme, est soupçonné d’être derrière le projet de révision de la Constitution initié pour permettre au président de se maintenir au pouvoir après 2016, à la fin de son second mandat. Le pasteur Michel Alokpo, chargé de mission au ministère de l’Intérieur, est également très influent. Ce prédicateur JEUNE AFRIQUE
respecté sert de courroie de transmission entre les milieux évangéliques et Yayi, à l’intention duquel il organise jeûnes et séances de prières. Il gère aussi les fonds secrets mis à la disposition des pasteurs et des Églises par le président, en étroite collaboration avec Valentin Djènontin, le ministre de la Ju s t i c e , i s s u d e l’Église africaine du réveil. Le cercle évangélique de la présidence compte enfin Martial Sounton, ministre du Travail et de la Fonction publique, et Raphaël Edou, ministre de la Gestion des changements climatiques et de la Protection des ressources naturelles et forestières. Bref, le Bénin semble concilier à merveille les deux acceptions, politique et spirituelle, du mot « ministère »… l FIACRE VIDJINGNIGNOU, à Cotonou
YVES TROUGNIN
Lui-même pasteur d’une Église de Cotonou, le chef de l’État s’est entouré de ministres qui partagent ses convictions religieuses.
33
Afrique subsaharienne
BURKINA FASO
ÇA TANGUE
A OUAGA
Face à l’opposition et aux dissidents de son parti qui joignent leurs forces, Blaise Compaoré assure que tout va bien. Enquête sur un bras de fer qui devrait durer de longs mois. RÉMI CARAYOL,
P
envoyé spécial
as de panique. Jusqu’ici tout va bien. Du moins si l’on se fie aux communicants du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP). « Un non-événement » : c’est en ces termes qu’au siège vieillissant du parti, avenue Kwame-Nkrumah, on présente la démission de 75 membres du parti au pouvoir, le 4 janvier, parmi lesquels figurent des architectes du système échafaudé par Blaise Compaoré lors de ces vingt-six dernières années: Roch Marc Christian Kaboré, Simon Compaoré et Salif Diallo (surnommés les RSS). Un peu plus tard, des cadres locaux annonçaient, eux aussi, leur départ. Cependant, la démonstration de force de l’opposition etdelasociétécivile,quiamobiliséle18janvierplusieurs dizaines de milliers de Burkinabè dans les principales villes du pays, pour s’opposer à la création du Sénat et à la modification de l’article 37 de la Constitution – qui limite à deux le nombre de mandats présidentiels –, a changé la donne. Combien étaient-ils dans les rues de Ouaga? Certainement pas 250000, comme l’a claironné l’opposition; pas 10000 non plus, comme l’avancent les autorités; peut-être 60000, peut-être plus. Qu’importe. Le message envoyé à Kosyam est clair : le temps où l’opposition n’arrivait pas à rassembler plus de 2000 personnes est révolu, et si « Blaise » tente de faire sauter le verrou de l’article 37, comme il semble en prendre le chemin, il devra affronter des Burkinabè résolus.
TONITRUANT. Est-il inquiet pour autant ? « Non », jurent ses proches. Le premier cercle du président est cependant plus nuancé dans ses analyses que les communicants du CDP. En aparté, ceux qui le côtoient de près reconnaissent que le départ tonitruant des « RSS » est un coup dur et que cela modifie leurs plans. Le 12 janvier, la Fédération associative pour la paix et le progrès avec Blaise Compaoré (Fedap-BC), une N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
association conçue en 2007 pour faire contrepoids à un parti qui échappait alors au président, devait lancer une pétition visant à demander la modification de l’article 37. Elle ne s’y est finalement pas risquée. « Ce n’est que partie remise », se défend son patron, Adama Zongo. Il faudra du temps pour évaluer l’étendue des dégâts au sein du CDP. Dans l’entourage des démissionnaires, on affirme que ce n’est qu’un début et que la stratégie imaginée parSalif Diallo, le champion des coups fourrés, prévoit plusieurs vagues de démissions. Les RSS se sont également rapprochés de l’opposition et de la société civile. Sur la place de la Nation, le 18 janvier, Kaboré est apparu main dans la main avec Zéphirin Diabré, le chef de file de l’opposition. Leur travail de sape ne se limite pas à la sphère politique. Au Burkina, il faut avoir l’appui des chefs coutumiers et des églises pour se faire élire. Les premiers ont longtemps soutenu Compaoré. Aujourd’hui, ils sont partagés. Le 3 janvier, Kaboré en a réuni 300 pour leur expliquer sa décision de quitter le parti. Mossi pur sucre, issu d’une lignée royale respectée, l’ancien Premier ministre peut, en outre, compter sur le Larlé Naba, l’un des ministres les plus puissants du Mogho Naba, le roi des Mossis. Victor Tiendrébéogo était un député du CDP avant de démissionner lui aussi.
SOPHIE GARCIA
34
FIDÉLITÉ. Kaboré est aussi très proche de l’Église
catholique, et Simon Compaoré exerce une influence certaine dans l’Église protestante – des institutions qui comptent, même si les musulmans, dont Assimi Kouanda, le patron du CDP, est un haut représentant, sont plus nombreux. « Dans une élection, le soutien de l’Église peut peser, convient un visiteur régulier de Kosyam. Mais les clés du pouvoir se trouvent ailleurs au Burkina ». Pour l’heure, l’armée et les milieux d’affaires, les deux principaux piliers du régime, restent fidèles au président. Depuis les mutineries de 2011, Compaoré, qui a pris dans la foulée le ministère de la Défense,
LIRE AUSSI « L’histoire mouvementée de l’article 37, de 1991 à 2014 » JEUNE AFRIQUE
a remis de l’ordre dans les troupes. Toute la chaîne de commandement a été changée et les soldats sont privés de munitions. Seul le Régiment de la sécurité présidentielle (RSP), qui compte un millier d’hommes, est en mesure de se battre. Or « le commandement du RSP est d’une fidélité à toute épreuve envers Blaise », indique un conseiller du président, selon lequel « dans ce pays, le vrai rapport de force est militaire ». C’est aussi ce qu’a déclaré Guillaume Soro, le président de l’Assemblée nationale ivoirienne, aux démissionnaires du CDP lorsqu’il a tenté une médiation début janvier. Sûr du soutien de son armée, persuadé aussi (comme plusieurs observateurs) que le rapprochement entre JEUNE AFRIQUE
Kaboré, Diabré et les autres opposants ne tiendra pas bien longtemps, Compaoré ne semble pas aujourd’hui disposé à plier. Est-il prêt pour autant à employer la force ? Pas sûr.
p Marche de protestation dans la capitale, le 18 janvier.
DIALOGUE. Si après la marche du 18 janvier, le gouver-
nement a affirmé être ouvert au dialogue, l’opposition n’en est plus là. « Nous ne voulons pas négocier, nous demandons à ce que Blaise annonce solennellement qu’il ne modifiera pas l’article 37, affirme un leader de l’opposition. S’il ne dit rien, la prochaine fois, il n’est pas exclu que les manifestants marchent sur Kosyam. Et s’ils y vont, qui tirera sur la foule ? » l N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
Afrique subsaharienne Burkina Faso
Beyon Luc Adolphe Tiao « La rue ne peut pas renverser un gouvernement »
La vague de démissions au sein du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) a-t-elle changé vos plans ?
Pour le Premier ministre burkinabè, la révision constitutionnelle qui permettrait au président de briguer un nouveau mandat doit faire l’objet d’un débat national.
E
n avril, cela fera trois ans que Beyon Luc Adolphe Tiao, ancien ambassadeur du Burkina en France, occupe la primature. Celui qui se définit comme « le premier collaborateur du président » est de ceux qui pensent que Blaise Compaoré n’a pas fini sa mission à la tête du pays. JEUNE AFRIQUE: Des dizaines de milliers de Burkinabè ont manifesté le 18 janvier contre la modification de la Constitution et la création d’un Sénat. C’est un sérieux avertissement… BEYON LUC ADOLPHE TIAO : Il faut
reconnaître que cette marche a rassemblé du monde, mais cela prouve aussi qu’il est possible de s’exprimer librement dans ce pays. Chaque Burkinabè a le droit de manifester. Ce qui ne doit pas nous faire oublier qu’il y en a aussi qui soutiennent le chef de l’État, et qui seraient prêts, eux aussi, à en faire la démonstration. Cependant, nous ne nous inscrivons pas dans un bras de fer. Nous sommes dans une République. Cela signifie que nous utiliserons les voies légales pour appliquer notre politique. Ce n’est pas en descendant dans la rue qu’on fait tomber un gouvernement. Faut-il modifier l’article 37, qui limite à deux le nombre de mandats présidentiels?
Légalement, notre Constitution le permet. Soit en recourant à un référendum, soit en passant par l’Assemblée et en obtenant le vote des trois N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
quarts des députés. Maintenant, il s’agit d’une décision d’ordre politique. Et il est tout à fait normal dans un pays démocratique d’engager ce débat. Quelle voie comptez-vous emprunter : le référendum ou le vote des députés ?
L’idéal serait un référendum car les choses seraient plus claires. Recourir à l’Assemblée aurait été plus simple si nous avions disposé des trois quarts des députés [96 députés sur 127], ce qui n’est pas le cas. Nous devons donc discuter avec nos alliés, mais sans nousprécipiter:nous avons quelques mois devant nous.
Non, même si nous avons été surpris par la décision de ceux qui sont partis. Nous ignorions leur opposition à la création d’un Sénat et à la modification de l’article 37. Le chef de l’État avait mis sur pied une commission, composée justement de ces personnes-là [dont Roch Marc Christian Kaboré et Simon Compaoré], pour lui faire des propositions. Elles avaient souligné les risques qu’il y aurait à modifier l’article 37, mais se disaient prêtes à accompagner le président dans son choix. Elles ont soudainement changé d’avis. Dans cette histoire, la volte-face est générale. Pourquoi avoir décidé de limiter le nombre de mandats à deux en 2000 pour revenir là-dessus aujourd’hui?
Dans une Constitution, les articles ne sont pas figés. C’est le congrès du CDP de 2010 qui a donné le ton en considérant que l’article 37 était antidémocratique. Si le chef de l’État a envie de se représenter, nous pensons qu’il doit pouvoir le faire.
Qui vous dit que Blaise Compaoré ne passera pas la main? Cela fait vingt-six ans que Blaise Compaoré est au pouvoir. N’y a-t-il pas un moment où il faut savoir passer la main ?
NYABA OUEDRAOGO
36
Mais qui vous dit qu’il ne passera pas la main ? Le président a beaucoup fait pour le pays. Ces vingt-six années ont été celles de la paix et du développement. Le Burkina Faso se porte bien sur le plan économique et est un garant de la stabilité dans la sous-région. C’est pourquoi nous pensons qu’il peut continuer à diriger le pays. Que reste-t-il à faire pour en faire un exemple de démocratie ?
Quoi qu’en dise l’opposition, le Burkina Faso est un pays démocratique. Nous n’avons plus de prisonniers politiques, la liberté de la presse est totale… Ce qu’il faut améliorer, c’est la culture citoyenne. l Propos recueillis à Ouagadougou par R.C. JEUNE AFRIQUE
KENNY KATOMBE/REUTERS
37
RD CONGO
Les brebis égarées du M23
p Les deux leaders du mouvement : Sultani Makenga (treillis) et Bertrand Bisimwa (chapeau).
On les soupçonne de préparer de nouvelles attaques. Mais les anciens rebelles du Mouvement du 23-Mars, officiellement dissous, affirment au contraire vouloir rentrer dans le rang.
«
D
essourcescrédiblesfont état de la poursuite du recrutement militaire [et] d’une résurgence d’activités du M23 en Ituri. » À écouter Martin Kobler, le chef de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en RD Congo (Monusco), le 13 janvier, on pourrait croire que les ex-rebelles du Mouvement du 23-Mars (M23) sont sur le point de faire à nouveau le coup de feu dans l’est du pays, à partir du Rwanda et de l’Ouganda, où s’est réfugiée la majorité d’entre eux. Comme les autorités congolaises, les responsables onusiens fondent leurs soupçons sur la relative liberté de mouvement dont bénéficie dans ces deux pays l’ex-mouvement rebelle, officiellement dissous après les accords de décembre 2013. Les anciens chefs du M23, parmi lesquels le « général » Sultani Makenga, se déplacent très facilement en Ouganda. « Pour nous, ce sont des réfugiés, se justifie Ofwono Opondo, porte-parole du gouvernement ougandais. Ils ne sont pas formellement inculpés. Nous n’avons donc aucune raison de les arrêter. » Leshommesdetroupeontétéregroupés dans le camp de Kasese, situé à une vingtaine de kilomètres de la frontière. Selon une source onusienne, ils peuvent circuler aisément. Au moins trois officiers de l’ex-M23 et leurs hommes se trouveraient JEUNE AFRIQUE
du Rwanda (FDLR), que l’armée congolaise tarde à mettre hors d’état de nuire, au grand dam de Kampala et de Kigali. Les ex-M23 attendent beaucoup de la déclaration de Nairobi, qu’ils ont signée d’ailleurs sur le territoire congolais, selon avec le gouvernement de Kinshasa le une source interne au mouvement. 12 décembre au terme de longues négoToutefois, le scénario d’une relance ciations. Certains imaginent pouvoir des hostilités par l’ex-M23 ne paraît pas participer au futur gouvernement « de crédible à court terme. Les hommes qui cohésion nationale ». Et la majorité avaient pris la ville de Goma fin 2012 d’entre eux compte bénéficier de l’amnistie promise à tous ceux qui ne sont ne sont plus en état de menacer direcpas soupçonnés d’exactions. tement la RD Congo. Après leur défaite militaire, en novembre dernier, le gros Le mouvement espère enfin que cette amnistie pourra également bénédes troupes a laissé derrière lui l’essentiel ficier à son ancien mentor, Laurent Nkunda. L’ex-chef Certains imaginent pouvoir du Congrès national pour la participer au futur gouvernement défense du peuple (CNDP), rébellion dont le M23 n’était « de cohésion nationale ». que la continuation, est en de son matériel, puis traversé la fronrésidence surveillée au Rwanda depuis tière ougandaise, et Kampala affirme cinq ans, mais continue de jouir d’une les avoir désarmées. « Le moment serait belle popularité chez ses anciens comtrès mal choisi pour mener une nouvelle pagnons d’armes. « La loi d’amnistie attaque, analyse Jason Stearns, chersera générale et impersonnelle, note cheur et ancien coordonnateur du groupe sobrement François Muamba, chargé d’experts de l’ONU sur la RD Congo. S’il par Kinshasa du suivi des négociations. le faisait aujourd’hui, le M23 ne pourrait Elle est donc applicable à tous ceux qui pas nier qu’il s’appuie sur l’Ouganda et le en rempliront les critères. » Rwanda. C’est intenable politiquement. » À Kampala, Bertrand Bisimwa, chef politique de l’ancien M23, n’imagine AMNISTIE. Les ex-rebelles ne cherchent pas pour sa part que le Rwanda soit un d’ailleurs plus à tenir le terrain, et les obstacle. « Je n’ai pas de contact avec le principaux groupes armés agissant dans gouvernement rwandais, mais il détient le Nord-Kivu sont désormais les rebelles Nkunda pour des raisons politiques, ougandais des Forces démocratiques notamment à la demande du Congo. Je alliées (ADF-Nalu) et les Hutus rwandais ne vois pas quel problème sa libération des Forces démocratiques de libération pourrait lui poser. » l PIERRE BOISSELET N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
Afrique subsaharienne t Natnael Berhane, lors du Critérium du Dauphiné de 2013, en France.
MANTEY
38
ÉRYTHRÉE
Ils mouillent le maillot Leur pays ressemble à une prison. Et pourtant, ils sont une demi-douzaine de coureurs professionnels à se distinguer sur les tours africains et européens.
E
n s’adjugeant le classement général de la Tropicale Amissa Bongo, Natnael Berhane, le coureur érythréen de la formation française Europcar, ouvre une page dans l’histoire du cyclisme africain. C’est le premier sportif du continent à remporter la victoire finale sur cette épreuve disputée depuis 2006. Un succès sur le fil, obtenu grâce au jeu des bonifications lors des sprints intermédiaires, devant l’Espagnol Luis León Sánchez. À 23 ans, Berhane, déjà vainqueur d’étape en 2011, confirme son statut de chef de file. Très ému, le protégé de Jean-René Bernaudeau, qui l’avait aligné sur le Tour de France 2013, a dédié sa victoire à son pays. Indépendante depuis 1993, l’Érythrée vit sous la férule d’Issayas Afewerki. Dans cet État-garnison aux frontières fermées, les hommes et les femmes sont astreints à un service militaire obligatoire de 17 à 40 ans. Journalistes et opposants sont pourchassés et internés dans des conditionsinhumaines.Maisc’estaussilanation phareducyclismeafricain,avecplusd’une demi-douzaine de coureurs professionnels. Leurs succès contribuent à lustrer N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
l’image d’un régime qui présente en réalité de troublantes similitudes avec celui de la Corée du Nord. Depuis la colonisation italienne (1885-1941), le cyclisme fait partie de l’identité nationale dans ce pays de hauts plateaux, bordé par la mer Rouge. INCUBATEUR. Mais la longue guerre de
libération contre l’Éthiopie et le « choix autarcique » d’Afewerki ont entravé le développement de la discipline, empêchant ses athlètes de se mesurer aux meilleurs. Le manque d’équipement – les Dates clés du cyclisme africain 1987 Création du Tour du Faso 1988 Lancement du Tour du Rwanda 2005 Création par l’UCI d’un camp d’entraînement en Afrique du Sud 2010 Daniel Teklehaimanot, sacré champion d’Afrique 2013 Daryl Impey, premier maillot jaune africain du Tour de France
vélos de compétition peuvent coûter jusqu’à 8 000 euros – a longtemps constitué un frein. Tout a changé en 2005, après la mise en place par l’UCI (Union cycliste internationale) d’un camp d’entraînement en Afrique du Sud et d’un Centre mondial du cyclisme (CMC), à Aigle, en Suisse. Les Érythréens ont été parmi les premiers à en bénéficier, à l’instar du pionnier Daniel Teklehaimanot, sacré champion d’Afrique en 2010 et vainqueur du Tour du Rwanda en 2011. Ces structures ont permis de repérer des sportifs aux prédispositions évidentes dès que la route s’élève – Asmara, la capitale du pays, est située à 2 300 mètres d’altitude –, mais qui manquaient cruellement de « science de la course ». Le CMC d’Aigle, véritable incubateur de talents, est devenu un passage obligé pour les espoirs des nations émergentes. Une politique qui a porté ses fruits plus vite que prévu, puisque l’un des anciens pensionnaires du centre, le Britannique Christopher Froome, natif de Nairobi, a remporté le Tour de France en juillet 2013 ! Depuis le milieu des années 1980, la Grande Boucle s’est internationalisée. L’une des étapes de cette ouverture a été l’arrivée en 2002 du Burkinabè Michel Bationo comme ardoisier. Il assurait déjà les mêmes services sur le Tour du Burkina Faso. Dans le sillage de Berhane et de ses poursuivants, l’Afrique peut-elle devenir la nouvelle frontière du cyclisme? Froome, vainqueur de la dernière édition du Tour, et le Sud-Africain Daryl Impey, premier coureur africain à endosser le maillot jaune (en 2013), ont montré la voie… l SAMY GHORBAL
8 000 euros 000 euros
Prix moyen d’un vélo de compétition JEUNE AFRIQUE
Afrique subsaharienne
TRIBUNE
Opinions & éditoriaux
Un long chemin vers les libertés
N JOAQUIM CHISSANO Ancien président du Mozambique et coprésident du groupe de travail de haut niveau pour la Conférence internationale sur la population et le développement (CIPD)
OUS VIVONS UN MOMENT de transformation pour l’Afrique – voire pour le monde. Sous la direction éclairée d’Ellen Johnson-Sirleaf, la présidente du Liberia, les décideurs de tout le continent sont en train de mettre la dernière touche à un document crucial, qui présentera une position africaine commune sur le programme de développement destiné à remplacer les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) après 2015. Depuis les années 1990, l’Afrique a acquis sur la scène internationale une autorité considérable en matière de négociations en restant unie et en créant un consensus sur les questions importantes. Cette stratégie nous a fortifiés à de nombreux égards. Nos voix seront ainsi mieux entendues lorsqu’il s’agira de négocier le cadre de base qui guidera les gouvernements, les bailleurs de fonds et les partenaires au développement dans les années à venir. Il nous faut donc prêter une attention aiguisée à nos objectifs.
Nous ne pouvons plus nous permettre d’accepter la discrimination entre les personnes en fonction de l’âge, du sexe, de l’origine, de
N’acceptons plus les discriminations en fonction de l’origine, de l’identité de genre ou de l’orientation sexuelle.
J’exhorte nos dirigeants à tirer les leçons du passé, mais aussi à prendre en compte les réalités actuelles, et à anticiper l’avenir, car ce nouveau programme aura un impact sur la vie de millions de nos concitoyennes et concitoyens, à un moment particulièrement critique pour le continent. Je les encourage à prendre une position ferme en faveur des droits de l’homme, et à faire progresser les libertés fondamentales. Cela signifie qu’il faut nous appuyer sur trois priorités: l’indépendance des femmes et l’égalité des sexes, l’autonomisation des adolescents et des jeunes, et des droits pour tous en matière de santé. Ces priorités interdépendantes et leurs implications politiques ont été soigneusement analysées par le groupe de travail de haut niveau pour la CIPD, que je copréside. Nous avons constaté qu’elles représentent non seulement des impératifs, mais aussi des investissements intelligents et rentables favorisant la création de sociétés plus équitables, plus saines, plus productives, plus prospères et plus inclusives. JEUNE AFRIQUE
En particulier, les droits en matière de sexualité et de procréation constituent un prérequis à l’émancipation des femmes et des générations de jeunes sur lesquels repose notre avenir. Cela signifie simplement accorder à chacun la liberté – et les moyens – de prendre des décisions éclairées sur les aspects les plus fondamentaux de sa vie : sa sexualité, sa santé et ses relations sociales. Nous souhaitons que chacun puisse choisir la personne avec qui il voudrait se marier ou avoir des enfants, sans aucune forme de coercition ou de violence. Cela implique également un accès effectif et abordable à l’information, à des services publics de qualité et à une éducation sexuelle.
l’identité de genre et de l’orientation sexuelle. Nous avons besoin de libérer le plein potentiel de tout un chacun. En tant qu’Africain d’un certain âge, je comprends que certains puissent se méfier encore de ces idées. Mais il suffit de prendre du recul pour constater que l’évolution générale de l’histoire de l’humanité, surtout au cours du dernier siècle, est marquée par l’expansion des libertés et des droits humains. Les dirigeants africains devraient être à l’avant-garde de ce mouvement, sans aucune retenue, surtout en ce moment critique. L’agenda international que nous allons contribuer à définir n’est pas seulement le nôtre, ici et maintenant, mais celui des générations à venir et du monde. En réfléchissant à ces questions, je me souviens des paroles de l’un de nos leaders qui s’est éteint récemment et qui a acquis une grande sagesse au cours de sa longue marche vers la liberté. « Être libre ne signifie pas seulement se débarrasser de ses chaînes, nous a rappelé Nelson Mandela, mais vivre d’une façon qui respecte et consolide la liberté des autres. » Soyons à la hauteur de ses paroles immortelles. l N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
39
Afrique subsaharienne
40
AFRIKIMAGES
t L’ex-secrétaire générale de la présidence, à Libreville, en 2012.
GABON
La retraite, elle? Jamais! Atteinte par la limite d’âge, Laure Olga Gondjout a dû quitter le Palais du bord de mer. Ne lui reste plus qu’un poste de médiateur de la République. Dur dur pour cette femme d’action…
L
e 18 janvier, au faîte de sa puissance – elle était secrétaire générale de la présidence –, Laure Olga Gondjout a fait ses cartons et vidé ses placards du Palais du bord de mer. Elle a été immédiatement remplacée par Étienne Massard Kabinda Makaga, un homme du premier cercle présidentiel. En politicienne expérimentée, elle s’y attendait un peu depuis le 18 décembre 2013, jour de son soixantième anniversaire, marquant l’âge statutaire de la retraite. Son prédécesseur, François Engongah Owono, en fonction entre 2009 et 2011, avait connu le même sort. Atteint par la limite d’âge, il avait dû plier bagage contre son gré, quittant du même coup la vie publique. Tenaillée par l’envie de conserver son poste, Gondjout aurait bien voulu jouer les prolongations. Sans doute espérait-elle qu’on se souviendrait, en haut lieu, du soutien sans faille qu’elle avait apporté en 2009 à Ali Bongo Ondimba. Ce dernier briguait alors la succession de son père et se heurtait aux résistances des barons du parti au pouvoir. Mais même la fille de Paul-Marie Indjendjet Gondjout, qui
N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
Le 16 janvier, elle est nommée médiateur de la République, une autorité administrative moribonde, plombée par l’inertie du précédent ombudsman, Jean-Louis Messan. Peu de Gabonais prennent cette institution au sérieux et envisagent de la saisir en cas de conflit avec l’administration. Plus grave pour cette ambitieuse, ses nouvelles fonctions sont incompatibles avec ses mandats politiques, dont celui de conseiller municipal du 3e arrondissement de Libreville, de sénateur suppléant, de membre du Comité permanent du bureau politique du Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir). La fondatrice du site d’informations Gabonews, qui envisage de lancer une chaîne de télévision dans les prochains mois, n’est même plus censée siéger dans un conseil d’administration ! Là où ses prédécesseurs se consolaient avec une rémunération mensuelle d’environ 10 millions de F CFA (15 000 euros), elle pourrait vite se sentir à l’étroit. FORTE TÊTE. Peut-elle rebondir, notam-
ment au gouvernement, où on annonce un remaniement ? Pas sûr. D’autant que cette forte tête ne s’est pas fait que des amisàlaprésidence.EnfroidavecMaixent Accrombessi, directeur du cabinet présifut le premier président de l’Assemblée nationale du Gabon indépendant, n’a pas dentiel et plus proche collaborateur du pu déroger à la règle. chef de l’État, elle s’est aliéné l’entourage Contrariée mais conquérante, elle a de ce dernier. La presse ne l’aidera pas décidé de partir à l’assaut de la mairie non plus. Paradoxalement, cette ancienne de Libreville, lors des municipales du ministre de la Communication entretient 14 décembre 2013. Ultime défi qu’elle des relations compliquées avec les jourentendait relever pour faire taire ses nalistes. Elle avait notamment institué détracteurs. Mais elle a présumé de ses en 2009 l’obligation pour les journalistes forces et sous-estimé son impopularité. Sa étrangers de présenter une accréditation liste n’a finalement pas obtenu la majorité à la police de l’air et des frontières. des suffrages. Néanmoins, cette ancienne interprète, qui fut vingt-deux ans durant la secrétaire particulière d’Omar Cette ambitieuse ne devrait Bongo Ondimba, a su se constimême plus pouvoir siéger dans tuer un réseau d’obligés. Rose un conseil d’administration. Christiane Ossouka Raponda, par ailleurs candidate du PDG à Bail achevé à la présidence, Hôtel de la mairie de Libreville, Brigitte Anguilet, ville hors de portée… Gondjout s’était vice-présidente du Conseil national de donc résignée à partir, droite dans ses la communication (CNC), ou Lin Joël escarpins. « J’envisageais de me reconNdembet, le patron du quotidien gouvernemental L’Union, lui doivent en partie vertir dans les affaires », confie à J.A. l’ancienne présidente du conseil d’adleur ascension. Avec son départ, c’est une autre page de l’ère Bongo père qui ministration d’Agro Gabon, une entrese tourne. Même si on n’a pas fini d’en prise publique en difficulté vendue en entendre parler. l 2003 à Siat Gabon, filiale d’un groupe belge. Le pouvoir en a décidé autrement. GEORGES DOUGUELI JEUNE AFRIQUE
Coulisses
Afrique subsaharienne
GUINÉE-BISSAU
Le feuilleton des réfugiés syriens Deux ministres s’affrontent, sur fond de scandale migratoire.
C
’
est une de ces situations exceptionnelles dont la Guinée-Bissau a le secret : Mamadou Baldé, le ministre de la Justice, avait ordonné le 24 décembre 2013 l’arrestation de son collègue de l’Intérieur, Antonio Suca Intchama, mis en cause par une commission d’enquête dans l’affaire dite des 74 réfugiés syriens. Et pourtant, un mois plus tard, ce dernier est toujours à son poste. Il a même trouvé le moyen de contre-attaquer en portant plainte, le 7 janvier, contre le procureur Abdu Mane. Il l’accuse d’avoir violé le secret de l’instruction afin de provoquer son implication dans cette affaire. Le 10 décembre, 74 Syriens ne possédant pas les visas nécessaires avaient été embarqués de Bissau vers Lisbonne à bord d’un vol de la compagnie aérienne portuguaise TAP. « Le ministre de l’Intérieur est un colonel de l’armée de l’air, explique un expert des questions bissau-guinéennes. Comme vous le savez, ici c’est l’armée qui détient réellement le pouvoir. Elle ne laissera jamais tomber un des siens. » En attendant l’issue incertaine de ce bras de fer entre le ministre de l’Intérieur et celui de la Justice, l’enquête a au moins permis de retracer l’itinéraire des migrants. Fuyant la guerre dans leur pays, ils étaient arrivés au Maroc en passant par la Turquie, où ils se sont procuré de faux passeports. Puis ils sont arrivés par petits groupes à Bissau par des vols réguliers de la compagnie aérienne marocaine (RAM), munis de visas de transit. « Ils ont attendu de se regrouper avant de décider de poursuivre jusqu’au Portugal, soutient une source guinéenne. Cette affaire révèle l’existence d’un réseau de passeurs qui compte dans ses rangs des diplomates, des businessmen et des policiers. » l SEIDIK ABBA JEUNE AFRIQUE
ÉTATS-UNIS -AFRIQUE OBAMA S’OFFRE SON SOMMET Cela ne s’était jamais produit, ce sera chose faite avec l’invitation adressée par le président américain Barack Obama à 47 chefs d’État et de gouvernement africains, qu’il recevra les 5 et 6 août à la Maison Blanche. Pour ce tout premier sommet, les discussions porteront principalement sur le renforcement des échanges économiques entre les États-Unis et l’Afrique, qui ne représentent que 2 % du commerce entre l’oncle Sam et ses partenaires. Il ne faut cependant pas attendre une révolution de cette rencontre. L’exercice ressemble plutôt à une session de rattrapage pour le premier président afro-américain, dont l’élection en novembre 2008 avait suscité un énorme espoir sur le continent. Et pourtant, le bilan de sa politique africaine, alors qu’il entame la dernière phase de son mandat, se résume à deux voyages sur le continent (2009 et 2013)… l
SOUDAN DU SUD ACCORD À L’ARRACHÉ Un accord de cessez-le-feu entre les belligérants sud-soudanais a finalement été signé le 23 janvier à Addis-Abeba sous l’égide de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (Igad) en Afrique de l’Est. S’il prévoit une cessation immédiate des hostilités entre le camp du président, Salva Kiir, et celui de son rival, Riek Machar, l’accord ne règle pas le sort des personnalités arrêtées à la mi-décembre à Djouba.
NIGERIA BOKO HARAM ET LA POLIO Les violences du groupe islamiste Boko Haram empêchent aussi l’éradication de la poliomyélite au Nigeria, seul pays du continent à présenter une situation endémique. La Fondation Gates dénonce cette
situation dans un rapport, lequel précise que des équipes de vaccination ont été attaquées par les islamistes nigérians. En 2004 déjà, des États musulmans du Nord avaient refusé une campagne de vaccination, l’accusant de stériliser les jeunes filles.
GUINÉE ÉQUATORIALE ÇA CIRCULE À NOUVEAU C’est une situation qui résume l’ambiguïté de la libre circulation en Afrique centrale: la frontière entre le Cameroun et la Guinée équatoriale a été rouverte le 20 janvier… sans avoir été officiellement fermée. Alors que les ressortissants camerounais étaient bloqués depuis trois semaines, les autorités de Malabo ont expliqué qu’il s’agissait simplement de s’assurer qu’ils étaient bien porteurs de visa. L’intégration régionale, tout un programme… N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
41
Maghreb & Moyen-Orient
MAROC
Libres
mais pas trop… Dix ans après la réforme du code de la famille, les nouveaux acquis des Marocaines font l’objet d’un assez large consensus. Mais le chemin vers une pleine égalité des sexes est encore long.
YOUSSEF AÏT AKDIM
T
HAM
D I/ M
E D IA
ACCE
SS
rès populaire au printemps 2012, le Également islamiste, l’actuelle ministre de hashtag #RIPAmina vient de faire sa la Solidarité, de la Femme, de la Famille et du réapparition parmi la Twittoma, la Développement social, Bassima Hakkaoui, est communauté des utilisateurs maroune vieille connaissance de la société civile. En cains du réseau social Twitter. Le 2000, cette universitaire voilée s’était imposée 22 janvier, la Chambre des reprécomme l’égérie du mouvement conservateur, sentants a voté l’amendement de l’article 475 du hostile à une réforme profonde de la place de code pénal, qui permettait à l’auteur d’un viol sur la femme dans la société voulue par le secrémineure d’échapper à la prison en épousant sa victaire d’État Saïd Saadi, mais peu soutenue time. Il y a deux ans, l’opinion publique par le gouvernement. Ironie avait vivement réagi à l’affaire Amina de l’histoire, près de quinze D’aucunes, Filali, du nom de cette jeune fille qui ans plus tard, Hakkaoui se à gauche, s’était donné la mort le 10 mars 2012 heurte aussi à un refus. Son réclament en ingérant de la mort-aux-rats après projet de loi sur les vioavoir été contrainte d’épouser son violences faites aux femmes une révision leur, lequel continuait de la maltraiter n’a convaincu ni les complète du après leur mariage. associations fémicode pénal. nistes – « elles ont PÉTITION. Le jour même du vote des une dent contre députés, l’ONG Avaaz remettait au Parlement une moi » –, ni ses camarades du pétition de plus de 1 million de signatures demanParti de la justice et du dévedant l’abrogation de la loi scélérate. « Aujourd’hui, loppement (PJD) – « les Amina Filali peut enfin reposer en paix. C’est grâce réflexes machistes sont parà la lutte menée par les ONG et la mobilisation de tout ». Présenté par Saadi en certains groupes parlementaires que nous avons 1999, le plan d’action pour pu aboutir », a commenté Khadija Rouissi, élue l’intégration de la femme du Parti Authenticité et Modernité (PAM). Ne au développement a été prenant pas la mesure de l’indignation, maladroit complètement enterré. Et dans ses premières réactions – le ministre de la n’a même pas servi de base à la négociation qui a abouti Justice, El Mostafa Ramid, s’était invité au JT de la chaîne nationale pour défendre la procédure –, à la réforme de la Moudawana le gouvernement dirigé par les islamistes avait dû (code de la famille) en 2004, faire face à la levée de boucliers des associations fruit d’une pression durable féministes, qui ont réussi à alerter la communauté des féministes, mais aussi internationale. d’un compromis avec les l l l N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
Z A IA
42
Maghreb Moyen-Orient
t L’âge du mariage a été repoussé à 18 ans pour les jeunes filles, et le divorce est désormais contrôlé.
Maghreb Moyen-Orient Maroc forces conservatrices – dont les islamistes, qui se sont affirmés publiquement à cette occasion – et d’une habile utilisation par le roi de sa légitimité religieuse de Commandeur des croyants. Le contexte postattentats du 16 mai 2003 a bien sûr pesé, puisque les islamistes ont fini par accepter des changements qu’ils rejetaient catégoriquement trois ans auparavant. Les avancées les plus substantielles concernaient le mariage : l’autorité est désormais conjointe entre les deux époux ; la tutelle (wilaya) est facultative ; l’âge du mariage est repoussé à 18 ans pour les filles, à égalité avec les garçons ; la polygamie est strictement encadrée par l’autorisation du juge et le consentement des épouses ; enfin, le divorce est contrôlé, même si l’égalité n’est pas parfaite. lll
LAXISME. Près de dix ans après l’entrée en vigueur
de la loi [le 5 février 2004], le bilan reste insatisfaisant. Les juges se sont révélés à la fois faibles, laxistes et débordés par les stratégies individuelles de contournement de la loi, quand ils ne sont pas tout simplement partisans d’une lecture conservatrice du texte. Ainsi, la question de l’âge du mariage symbolise parfaitement les limites de la réforme, puisque la loi dispose que le juge peut autoriser le mariage des mineurs sous certaines conditions (mariage comme meilleur choix, avis médical et psychologique). En réalité, ces unions ont explosé, jusqu’à représenter aujourd’hui environ 10 % des mariages contractés. Pour la professeure Nouzha Guessous, l’un des trois membres
JOELLE VASSORT
Rabia Naciri Fondatrice de l’Association démocratique des femmes du Maroc
En octobre 2003, lorsque le roi Mohammed VI a annoncé la mise sur pied d’une commission pour réformer la Moudawana, j’ai ressenti énormément de joie et, surtout, un grand soulagement. Après vingt ans de militantisme et des batailles très dures, j’avais enfin l’impression que les choses allaient changer. Longtemps, on nous a répété que le code de la famille était aussi immuable que le Coran, qu’on ne pouvait pas le réformer. La preuve du contraire a été faite, dans un débat certes conflictuel mais néanmoins démocratique. Cette réforme a été essentielle parce qu’elle a fait sauter une barrière psychologique. Pour moi, la notion de coresponsabilité, qui élimine la primauté de l’homme et la notion de chef de famille, est sans doute l’un des plus grands acquis. Mais il faut continuer de se battre, surtout contre ceux qui répètent qu’on ne peut pas toucher à la polygamie ou à l’héritage. Car il n’est pas question ici de religion mais d’équité et de justice sociale. » N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
AFP
44
de la commission de réforme de la Moudawana, « malgré des conditions très précises, les juges prennent parfois des raccourcis. Certaines motivations feraient rire si les conséquences n’étaient pas dramatiques. Des juges ont par exemple estimé qu’une jeune fille était “pleine” [‘amra], comprenez qu’elle avait une forte carrure. C’est ainsi que des adolescentes de 13 ou 14 ans sont mariées. » Les couloirs des tribunaux de la famille regorgent d’histoires similaires. Bien sûr, l’adoption de la Moudawana n’a pas clos le chapitre des revendications. D’autres avancées ont d’ailleurs suivi. En 2007, la réforme du code de la nationalité a permis l’octroi par la mère de sa nationalité marocaine à ses enfants nés d’un père étranger. C’est ce qui a notamment permis la levée par le royaume – annoncée en 2008 et effective depuis 2011 – des réserves émises à l’encontre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (Cedaw). Cette levée s’est accompagnée de la ratification du protocole facultatif. En juillet 2011, la nouvelle Constitution a permis d’introduire la primauté des traités internationaux. Le nouvel article 19 dispose ainsi que « l’homme et la femme jouissent, à égalité, des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social, culturel et environnemental énoncés dans le présent titre et dans les autres dispositions de la Constitution, ainsi que dans les conventions JEUNE AFRIQUE
Libres mais pas trop… Sabah Chraïbi
DR
Professeure de droit public, présidente de l’Association marocaine pour la promotion de l’entreprise féminine
p Khadija Rouissi, députée du Parti Authenticité et Modernité (PAM).
La réforme de la Moudawana en 2004 reste un souvenir très présent et très émouvant, même si nous étions conscientes qu’il ne suffisait pas d’un texte pour que les mesures soient effectives. Après beaucoup de moments difficiles et des années d’indifférence, nous avions enfin le sentiment d’être écoutées. Dix ans auparavant, Hassan II nous avait dit : “Je sais qu’une femme marocaine ne peut pas sortir du territoire et disposer de son passeport sans l’accord de son époux, et je ne peux pas le tolérer. Il faut que vous arrachiez vos droits, que vous vous battiez. Et dans dix ans, nous réformerons encore le statut de la femme.” Vingt ans plus tard, nos acquis sont irréversibles, et il existe un consensus sur les grandes questions du statut de la femme. Mais il ne faut pas sous-estimer pour autant les poches de résistance qui agissent souvent de manière détournée. Nous devons revoir par exemple le rôle du juge, qui a beaucoup trop de pouvoir en matière de mariage. La question de l’héritage doit aussi faire l’objet d’un débat de fond. »
et pactes internationaux dûment ratifiés par le royaume ». Le même texte annonce la création de l’Autorité pour la parité et la lutte contre toutes les formes de discrimination. QUOTAS. Si le combat pour l’égalité homme-
femme est de longue haleine – le rapport sur l’inégalité des sexes publié par le Forum économique mondial classe le Maroc 129e sur 136 pays –, il est aussi quotidien. La société civile est rompue au travail de terrain sur tous les sujets : alphabétisation, lutte contre le travail des petites bonnes, soutien aux victimes de violences, etc.
Deux dispositions discriminatoires demeurent : la polygamie et l’inégalité successorale. Après avoir dirigé le Printemps de l’égalité, collectif de la société civile qui a joué un rôle phare dans la négociation de la Moudawana, Leïla Rhiwi est aujourd’hui à la tête du bureau maghrébin de l’ONU-Femmes. En décembre 2013, elle expliquait au magazine TelQuel que « de nombreux défis persistent : le code de la famille continue à discriminer les femmes [autorisation de la polygamie, inégalité successorale], et la législation pénale reste fondée, dans son principe, sur le contrôle de la liberté et du corps de la femme, et la sauvegarde de l’honneur masculin JEUNE AFRIQUE
et familial ». En mars 2010, une nouvelle coalition baptisée Printemps de la dignité voyait le jour. Elle comporte majoritairement les mêmes acteurs et vise une législation pénale plus protectrice des femmes, notamment par la suppression des discriminations légales et une sanction plus sévère des violences. Responsable du centre Annajda, qui soutient les femmes victimes de violences, Fatima Maghnaoui prône la vigilance. « La modification de l’article 475 est un pas très important, mais insuffisant. Nous appelons à une révision complète du code pénal pour les femmes », explique cette militante de gauche. Les femmes peuvent en tout cas compter sur leurs élues, de plus en plus nombreuses, grâce notamment à une politique de quotas, institutionnalisée en 2011 par la loi organique régissant la Chambre des représentants. Désormais, sur les 90 sièges de la liste nationale, 60 sont réservés d’office aux femmes (les 30 autres vont aux candidats de moins de 40 ans). Depuis les élections de 2011, 67 femmes siègent ainsi à la chambre basse du Parlement, soit 17 % des députés. Au niveau local, les communales de 2007 ont permis l’élection de 3 408 femmes (12 % du total), même si seule Fatima-Zahra Mansouri dirige une grande ville : Marrakech. Le 20 janvier, Mohammed VI a nommé Zineb El Adaoui wali (préfet) de la région Gharb-Chrarda-Beni Hssen. Une première pour une femme. l N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
45
46
TUNISIE
Partis cherchent mécènes À l’approche des scrutins législatif et présidentiel, prévus dans le courant de l’année, les états-majors des principales formations politiques affûtent leur stratégie… et comptent leurs sous.
«
C
onvaincus qu’il fallait soutenir l’élan démocratique et, par conséquent, les partis, nous avions donné pratiquement à tous ceux qui nous avaient sollicités, surtout les formations emmenées par des opposants à Ben Ali. Mais la débâcle économique est telle que nous pouvons considérer que le retour sur investissement a été nul. Nous ne sommes pas près de reproduire cette erreur », déplore le dirigeant d’une société d’ingénierie informatique. Lequel n’est pas le seul chef d’entreprise à avoir été échaudé par la cacophonie politique. Nasr Chakroun, patron de GlobalNet, qui avait apporté son soutien financier et logistique au Congrès pour la République (CPR), parti fondé par Moncef Marzouki, actuel président de la République, a lui aussi pris ses distances. Au lendemain de la révolution, toutes les bonnes volontés avaient été sollicitées pour construire une classe politique et N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
contribuer dans la foulée à l’élection de la Constituante. Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Sur les quelque 150 partis créés en 2011, certains ont fusionné, d’autres ont disparu ou se sont fondus dans des pôles majeurs, tels qu’Ennahdha, Nida Tounes ou encore le Front populaire. Privés de subventions – sauf pour les
web, alors que certains déboursent jusqu’à 500 000 euros rien qu’en frais de location pour leurs bureaux », s’étonne Ibrahim Missaoui, président de l’Association tunisienne de lutte contre la corruption (ATLCC). Pour les instances de contrôle, l’examen des comptes de tous les partis et des quelque 16000 associations est un vrai casse-tête. Habib Koubaa, directeur au ministère de la Les sources de financement des Gouvernance et de la Lutte uns et des autres sont à ce jour contre la corruption, estime entourées d’un voile de mystère. qu’outre « le cadre légal il faut donner aux structures campagnes électorales –, tous ont été de contrôle des moyens de communicaépinglés par la Commission mixte pour tion modernes pour accéder aux comptes la transparence financière et par la Cour bancaires, tel que le dispose la loi ». des comptes pour ne pas avoir présenté Pourtant, aussi bien Ennahdha que leur bilan, comme les y oblige le décretNida Tounes déclarent la main sur le loi no 87, qui régit l’exercice des partis cœur que leurs sources de financement sont principalement assurées par les cotipolitiques. « Ces décrets-lois font de la transparence une condition essentielle. Or sations et les dons. Ajmi Lourimi, chargé aucun des partis politiques ne mentionne de la communication de la formation ses sources de financement sur son site islamiste, précise : « Tous nos fonds sont JEUNE AFRIQUE
Maghreb Moyen-Orient à 100 % tunisiens ; ce sont nos adhérents, militants et sympathisants qui versent leur contribution à Ennahdha, comme jadis nos femmes et sœurs vendaient leurs bijoux pour soutenir notre lutte. Nous détenons trois comptes courants bancaires, tenons des livres comptables détaillés et disposons d’experts-comptables et auditeurs. Nos comptes sont ouverts à tous ceux qui veulent les consulter, et nous nous soumettons volontiers à tout contrôle. Nous n’avons rien à cacher. Mieux, nous souhaitons que le financement des partis politiques soit totalement transparent. » Pourtant, Ennahdha, à laquelle une grande partie de ses 70 000 adhérents reversent 10 % de leurs revenus, n’a jamais publié de comptes, hormis ceux de la campagne électorale de 2011. Du côté de Nida Tounes, Faouzi Elloumi, patron du groupe Chakira et membre du bureau politique du parti, n’a pas de complexe ; il confirme un apport personnel annuel de 30000 euros, le plafond autorisé par la loi, et assure que de nombreux décideurs en font autant. Mais le parti étant dans sa première année d’exercice effectif, il n’a pas encore eu à publier ses comptes. RÉSEAUX. Avec les seules cotisations annuelles (5 euros en moyenne) et dons (difficiles à quantifier), il est presque impossible de boucler les budgets. Souvent, les membres des bureaux politiques mettent la main à la poche. Chez les destouriens d’Al-Moubadara, chacun d’entre eux participe à hauteur de 250 euros annuels. Les partis se
maintiennent également à flot en utiliélectorale », indique Abdelkader Zgolli, sant leurs réseaux pour diminuer leurs président de la Cour des comptes. dépenses. Un ami hôtelier mettra graFaire appliquer la loi mais également en colmater les brèches seront deux des cieusement à la disposition d’un parti une salle pour une réunion, tandis qu’à chaque attributions de l’Instance supérieure indédéplacement les locations de moyens pendante pour les élections (Isie), qui de transport sont négociées vient à peine d’être désignée par les organisateurs. Mais par la Constituante mais à Budget de la Commission tunisienne deux poids lourds laquelle aucun budget n’a des analyses financières encore été attribué. Et si en millions d’euros (CTAF) a répertorié, à partir les magistrats de la Cour ENNAHDHA (2011) des comptes, comme de notifications bancaires, Aïcha Belhassan, relèvent plus de 200 financements des ambiguïtés dans la loi douteux de partis et d’asso– laquelle use du terme de ciations et juge nécessaire la « financement privé » alors publication des comptes des que celui-ci, autorisé pour formations politiques avant des dépenses de fonctionles élections. À ce jour, seule nement, est strictement l’Alliance démocratique s’est interdit pour soutenir une acquittée de ce devoir. campagne électorale –, les Mais ce n’est pas tant institutions, telles que la la gestion des partis qui inquiète l’opinion publique NIDA TOUNES (2013) Banque centrale de Tunisie que celle de la prochaine (BCT), sont surtout attencampagne électorale. L’étape tives à d’éventuels apports est délicate, d’autant que de fonds étrangers. Mais l’expérience du scrutin de à l’approche des scrutins 2011 n’a pas été concluante. législatif et présidentiel L’État avait contribué à hauprévus dans le courant de teur de plus de 5 millions cette année, les partis sont d’euros au financement de déjà dans les starting-blocks. la campagne des uns et des Nida Tounes s’est adressé à autres, à charge pour ceux l’agenceparisienneOptimus qui avaient recueilli moins de 3 % des pour une formation en matière de levée de suffrages de rembourser les sommes avanfonds, tandis que les principaux hommes cées. À ce jour, « des listes candidates d’affaires sont discrètement approchés par doivent restituer au Trésor de l’État la différentes formations qui veulent s’assusomme de 2,42 millions d’euros au titre rer des rentrées d’argent au plus vite. l du financement public de leur campagne FRIDA DAHMANI, à Tunis
1,7 1
ASSOCIATIONS DE BIENFAITEURS…
L’
association Marhama, présidée par Mohsen Jendoubi, membre du Conseil consultatif d’Ennahdha, ne se contente plus de collecter et de redistribuer des dons. Elle a mis à profit des fonds débloqués par Qatar Charity pour reloger, en moins de neuf mois, vingt-six familles nécessiteuses de Fouchana (gouvernorat de Ben Arous) pour un montant de 48 000 euros. Ce n’est que la première étape d’un plan de développement plus
JEUNE AFRIQUE
ambitieux dans la droite ligne de la vision islamiste, qui prône un désengagement de l’État des questions sociales et son remplacement par la société civile. Depuis 2012, la multinationale humanitaire qatarie a alloué 7,5 millions d’euros – prélevés sur la collecte du zakat, l’aumône légale (2,5 % des revenus de chaque musulman) – en faveur d’un programme d’urgence en Tunisie. Cette enveloppe, destinée à financer la réhabilitation
d’infrastructures, le réaménagement de terres agricoles, ainsi que la construction de logements sociaux, d’écoles et de structures sanitaires, a été répartie entre trois associations, dont l’Association caritative de solidarité sociale et Tunisia Charity, qui bénéficie également d’apports financiers d’ONG islamiques, telles que Human Appeal, World Assembly of Muslim Youth (Wamy) ou Islamic Relief,
basées en Grande-Bretagne ou en Arabie saoudite. « Le décret-loi no 88 de 2011 réglementant le financement des associations ne prévoit aucun plafonnement des dons et n’interdit pas d’avoir recours à des sources étrangères. C’est une faille qui peut conduire à une ingérence étrangère », prévient le fiscaliste Lassaad Dhaouadi, qui associe certaines actions de bienfaisance à du prosélytisme religieux. l F.D. N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
47
Maghreb Moyen-Orient LIBYE
Tawerghas non grata Accusés d’avoir soutenu Kaddafi, ces Noirs descendants d’esclaves ont été dépossédés de facto de leur citoyenneté. Et vivent depuis deux ans la peur au ventre, retranchés dans des habitations de fortune.
A
liMustaphaAlife,83ans,peine à retenir ses larmes quand il évoque ses conditions de vie et envisage l’avenir. Blessé et malade, il vit depuis deux ans avec son épouse dans un sinistre taudis où pullulent les rats, sans eau courante et menacé par les inondations hivernales. Privés d’aides, le couple a dépensé ses derniers deniers, soit2000dinars(environ1150euros),pour bricoler cet abri indigent dans l’obscurité de l’un des douze immeubles abandonnés du bord de mer, en banlieue de Tripoli, transformé en un camp de réfugiés. « Mon pays, c’est la Libye, mais elle ne veut plus de nous. Depuis que je suis arrivé ici, je ne suis jamais sorti. Je ne sortirai que pour rejoindre ma ville, ma terre, afin d’y mourir en paix », confiet-il en pointant de sa main gercée une vieille photographie jaunie par l’humidité. On peut y discerner une ville aux allures d’oasis resplendissante, deviner la beauté de la plus grande source d’eau du pays et imaginer sa faune unique. Il s’agit de Tawergha, petite cité autrefois paisible de 35 000 âmes située à une quarantaine de kilomètres au sud de Misrata. C’est de là qu’ont afflué les 430 familles installées dans le camp de réfugiés, à l’ombre de l’imposant immeuble de l’ancienne Académie navale de Janzour. CHAMP DE RUINES. Aujourd’hui,
Tawergha n’est plus qu’un champ de ruines entouré de palmiers calcinés. Plus personne n’y vit depuis l’assaut lancé par les puissantes milices de Misrata, le 11 août 2011. Ce jour-là, près de 1 300 Tawerghas, des Noirs descendant d’esclaves subsahariens, auraient été tués. Ceux qui l’ont pu, comme ce couple d’octogénaires, ont fui sous les balles et les roquettes de révolutionnaires misratis assoiffésdevengeance,lesTawerghasétant accusés d’avoir prêté main-forte à l’armée loyaliste pendant les trois mois qu’a duré le siège de Misrata (mai 2011) et d’avoir usé du viol comme arme de guerre. Au sein du conseil local de Misrata, certains avancent le chiffre de plus de 1500 femmes violées. Les ONG attendent les preuves, tandis que les Tawerghas démentent. En N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
JOAN TILOUINE
48
p Immeuble abandonné transformé en camp de réfugiés, en banlieue de Tripoli.
vain. Dans toute la Libye, ils sont désormais considérés comme des « traîtres » et ont été dépossédés de facto de leur citoyenneté, le tout sur fond de racisme et de xénophobie, puisque ces Noirs sont également assimilés aux mercenaires africains autrefois employés par Kaddafi.
Cernés par les milices TUNISIE
TRIPOLI Misrata
Tawergha
Benghazi Syrte
ALGÉRIE LIBYE
ÉGYPTE
NIGER TCHAD 200 km
SOUDAN
« Retourner à Tawergha signifie se rapprocher de Dieu, car on est sûr de se faire tuer », explique un jeune réfugié à Benghazi. Pourtant, l’été dernier, des responsables de la communauté avaient un temps envisagé un retour pacifique sur leur terre. Mais à peine ce projet fut-il annoncé que le Premier ministre, Ali Zeidan, s’empressa de déclarer que ce n’était « pas encore le moment ». Même son de cloche du côté de l’ONU, des dignitaires religieux et des chefs de tribu, lesquels ont appelé à reporter sine die cette initiative. Tous redoutent que ce retour ne provoque un bain de sang tant la soif de vengeance des milices de Misrata à l’égard des Tawerghas est inextinguible. « Leur retour n’est pas souhaité et il n’est pas possible pour nous de vivre à côté de ces gens. Le gouvernement doit trouver une autre solution », indique-t-on à la mairie de Misrata. Les autorités, elles, ont longtemps détourné la tête. L’ex-Premier ministre du Conseil national de transition (CNT) Mahmoud Jibril estimait que ce problème devait JEUNE AFRIQUE
Maghreb Moyen-Orient
JOAN TILOUINE
49
p L’épouse d’Ali Mustapha Alife (à dr.), avec des voisins. Le couple a dépensé ses derniers dinars pour bricoler cet abri.
être résolu par les gens de Misrata, alors qu’Ali Zeidan a multiplié les promesses et s’est dit préoccupé par la situation. Mais dans son entourage et dans les ministères, les Misratis font pression. Pourtant, au début de décembre, le Parlement s’était pour la première fois prononcé en faveur d’un retour rapide des réfugiés dans leur ville d’origine. De quoi susciter un brin d’espoir parmi les Tawerghas, dont la situation révèle crûment les nombreux dysfonctionnements qui parasitent le processus de réconciliation avec l’ennemi d’hier : les kaddafistes et leurs soutiens parmi les tribus. VINDICTE POPULAIRE. Si nombre de
Tawerghas ont soutenu l’ancien régime, que ce soit par loyauté, par peur du changement, par conviction ou par ignorance, la ville comptait aussi des combattants morts pour la révolution. Mais la simple mention de Tawergha sur une carte d’identité vaut à son détenteur une privation totale de tous ses droits. Plus JEUNE AFRIQUE
de deux ans après la chute de Kaddafi, le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) évalue le nombre de Tawerghas déplacés à 20 000, sur un total de 200 000 déplacés intérieurs. En sécurité nulle part, ils vivent dans la peur permanente, retranchés dans des camps « tolérés ». « La nouvelle Libye est une prison pour nous, une prison dangereuse, où l’on peut se faire tuer à tout moment. Même l’ONU nous a
le risque d’être contrôlé par des miliciens et transféré vers Misrata, où, selon l’International Crisis Group (ICG), plus de 1 000 Tawerghas sont détenus et torturés dans des prisons illégales. « Il n’y a pas de justice, c’est pire que sous le Guide. Tawergha n’a pas soutenu Kaddafi plus que d’autres villes. Alors quelle est la raison de ce traitement inhumain et indigne de la révolution ? Le racisme ? C’est ça leur démocratie ? » s’insurge Hassen, un quadragénaire qui tente d’organiser la Plus d’un millier d’entre eux scolarité des enfants dans seraient détenus et torturés dans le camp. Les nouveaudes prisons illégales à Misrata. nés n’ont pas d’existence officielle. Tandis que les expliqué qu’il n’y avait aucun endroit sûr 800 universitaires détenus attendent pour nous », s’indigne Ali el-Tawerghi, toujours le transfert de leur dossier de qui fait office de responsable du camp de Misrata à Tripoli pour reprendre leurs réfugiés de Janzour, où, le 6 février 2012, études, mais sans trop y croire. Alors ils des miliciens de Misrata ont surgi de errent au milieu des ordures jonchant vingt-cinq voitures pour ouvrir le feu, la côte rocailleuse qui dégringole vers tuant sept personnes dont trois enfants. la Méditerranée en rêvant de retrouver Quiconque s’aventure hors du camp leur terre. Ou de partir. Loin de la Libye. l s’expose à la vindicte populaire et prend JOAN TILOUINE, envoyé spécial N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
50
Maghreb Moyen-Orient MONDE ARABE
Succès damnés Artistes, entrepreneurs ou scientifiques, ils n’intéressent pas vraiment les médias. Dommage, leurs œuvres mériteraient d’être davantage distinguées.
«
L
e malheur arabe, c’est aussi le regard des autres. Ce regard qui empêche jusqu’à la fuite et qui, suspicieux ou condescendant, vous renvoie à votre condition jugée indépassable, ridiculise votre impuissance, condamne par avance votre espérance. » Au constat désabusé, presque désespéré, établi en 2004 par l’historien libanais Samir Kassir, son compatriote, le journaliste Ricardo Karam, a voulu répondre en créant six ans plus tard les Takreem Awards. Ce prix, qui se veut une sorte de Nobel arabe, vise à « corriger la perception ternie du monde arabe en rendant hommage à ceux qui réussissent ». Évoquer aujourd’hui la philosophie, l’art, les sciences et les techniques arabes renvoie immanquablement à l’âge d’or médiéval qu’incarnent les figures universellement célébrées d’Ibn Sina (Avicenne, XIe siècle), d’Ibn Roshd (Averroès, XIIe siècle), ou encore du Juif arabophone Maïmonide (XIIe siècle). Parfois dénoncé comme un prix occidental créé par des Occidentaux pour l’Occident, le Nobel n’a distingué que deux Arabes en près de cent vingt années d’existence(lesÉgyptiensNaguibMahfouz, littérature, en 1988, et Ahmed Zewail, chimie, en 1999), abstraction faite des très politiques prix Nobel de la paix. En 2013, le poète syrien Adonis, pourtant parmi les favoris pour le Nobel de littérature, n’a reçu que la consolation d’un Takreem d’honneur en novembre. Or depuis 2002, six prix Nobel ont été décernés à des Israéliens (quatre en chimie, deux en économie). Une gifle… « Pourtant, des Arabes brillent dans le monde entier, insiste Ricardo Karam, mais leur réussite intéresse bien moins les médias internationaux que les drames et les polémiques qui secouent la région. L’image des Arabes est bien plus liée à la politique que celle de n’importe quel autre peuple. » Le regard de l’autre détermine aussi la perception que l’on a N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
p Les lauréats des Takreem Awards, le 17 novembre 2013, à Paris.
de soi, et l’objectif du prix arabe est avant tout de « rendre 350 millions d’Arabes fiers d’eux-mêmes ». INVENTIONS PHARES. Après s’être tenue
au Liban en 2010, au Qatar en 2011 et à Bahreïnen2012,lacérémoniedesTakreem Awards s’est déplacée en 2013 vers l’ouest, à l’Institut du monde arabe (IMA), en bord de Seine, « une plateforme panarabe dans une grande métropole mondiale, un tremplin vers le Maghreb », précise Karam. Le 17 novembre 2013, un jury composé de personnalités telles que Lakhdar Brahimi, CarlosGhosnouAndréAzoulayadistingué des lauréats dans huit catégories : philanthropie, femme de l’année, innovation dansl’éducation,environnement,sciences, culture, jeune entrepreneur et leadership d’entreprise. Un neuvième prix est attribué à une personnalité non arabe ayant apporté une contribution internationale et exceptionnelle à la société arabe. Les
Fossé vertigineux
Nombre de brevets arabes :
1 400
contre
2 568 000 pour les États-Unis
lauréats des quatre premières éditions du prix offrent déjà un échantillon éloquent de l’excellence arabe à l’heure contemporaine. Ceux du prix sciences rappellent utilement que l’espèce des savants arabes ne s’est pas éteinte avec l’astronome Taqi al-Din Ibn Ma’ruf en 1585, comme semble l’indiquer la liste établie par Wikipédia, et que la civilisation qui a donné au monde l’alambic et l’astrolabe a encore beaucoup à lui apporter. En 2010, le prix a ainsi distingué l’ingénieur libyen Abdel Magid Salem Hamouda pour ses nombreuses inventions dans le domaine de la mécanique et en particulier dans celui de l’économie d’énergie, une préoccupation cruciale de ce troisième millénaire. L’année suivante, c’est Mujid Kazimi, éminent chercheur palestinien, qui était récompensé. À la tête du département d’ingénierie nucléaire du prestigieux Massachusets Institute of Technology (MIT) de 1989 à 1997, il est l’un des grands experts mondiaux de la conception et de la sécurisation de centrales nucléaires. Né en 1952 au Caire, le docteur Nagy Habib (prix 2012) a mis au point une technique révolutionnaire d’ablation du foie par ondes radioélectriques qui permet de retirer des tumeurs sans causer d’importantes hémorragies. Enfin, la dernière édition des Takreem a couronné le Syrien Amin Kassis, professeur de radiologie à Harvard et détenteur de 63 brevets américains JEUNE AFRIQUE
Maghreb Moyen-Orient Abdelhak Djouadi du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) français a, lui, été récompensé à plusieurs reprises « pour ses travaux remarquables » sur ce même boson.
TAKREEM AWARDS 2013
MANQUE DE FIERTÉ. Dans les domaines
CHRIS STEELE-PERKINS/MAGNUM PHOTOS
et mondiaux portant sur la détection et le traitement du cancer. Des dizaines d’autres savants arabes mériteraient d’être mieux promus, comme l’Égyptien Alaa al-Ghoneimi, chef de service à l’hôpital Robert-Debré, à Paris, et l’un des meilleurs chirurgiens pédiatres au monde en ce qui concerne l’appareil urogénital. Ou encore les quinze physiciens marocains membres de l’équipe de l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (Cern) qui a découvert en 2012 le boson de Higgs, l’élément qui donne leur masse aux particules élémentaires. Né en Algérie,
de la science, mais aussi de l’industrie ou de la culture, nombre d’Arabes devraient bénéficier d’une promotion équivalente à celle dont jouissent les maîtres terroristes et autres despotes de la région. Las, dans le monde arabe même, qui devrait les porter en triomphe, rares sont ceux au fait des réussites mondiales de leurs compatriotes. Exposé depuis des années dans les plus grands musées d’Occident, l’artiste plasticien marocain Mounir Fatmi n’a ainsi réalisé sa première exposition d’envergure dans son pays d’origine que fin 2013, et ce n’est que lorsque le magazine Forbes Pour les plus doués, pas même consacre le Brésilien Joseph reconnus chez eux, l’exil reste Safra banquier le plus riche du monde ou le Mexicain la meilleure solution. Carlos Slim homme le plus riche du monde que l’on se souvient, au talents de se révéler ? Les systèmes édupays du Cèdre, de leurs origines libacatifs y sont engorgés et sous-financés, et naises. « Les médias et les États arabes les sciences sont considérées comme des n’en parlent qu’à partir du moment où la disciplines marginales, les arts comme presse occidentale les a évoqués, ce qui subversifs. est révélateur de notre dépendance et de L’exil reste la meilleure solution pour les plus doués, et les chances sont notre manque de fierté », regrette Karam. Récompensé par le Takreem du aujourd’hui faibles de voir se révéler un jeune entrepreneur en 2013, le Canadonouvel Avicenne dans les cours du préPalestinien Khaled al-Sabawi reconnaît sident syrien Assad ou du roi Abdallah d’Arabie saoudite. Certes, des États du que « de telles réussites contribuent dans le Nouveau Monde à faire voler en éclats Golfe se dotent de campus ultramodernes en partenariat avec les meilleures uniles stéréotypes racistes et violents sur les Palestiniens », mais il propose une versités occidentales, mais ils n’en sont qu’à leurs balbutiements, et beaucoup craignent que ces centres ne deviennent davantage des boutiques à diplômes que des incubateurs de talents. Amin Kassis, le professeur de Harvard lauréat du Takreem sciences en 2013, dresse un constat désabusé : « Aujourd’hui, le monde arabe ne cumule que 1400 brevets, 1800 fois moins que les 2 568 000 brevets américains ! En novembre, des États du Golfe ont acheté pour 100 milliards de dollars (73,8 milliards d’euros) d’avions de ligne. Quel dirigeant arabe aurait l’idée d’investir ne serait-ce qu’un dixième de cette somme dans notre développement scientifique et t L’Égyptien technologique ? Alors seulement, au lieu Naguib d’en être de simples consommateurs, les Mahfouz, Prix Arabes pourraient redevenir exportateurs Nobel de de sciences et de technologies. » l littérature 1988.
JEUNE AFRIQUE
explication plus sombre de ce silence des autorités et des médias arabes sur les succès individuels. « Les jeunes entrepreneurs posent un problème à l’Autorité palestinienne, car ils constituent un précédent d’indépendance et de franc-parler, délivrantundiscoursalternatifquimenace son leadership sur les Palestiniens. » Autre constat, la plupart des lauréats des Takreem Awards dans les domaines des sciences et des affaires, mais aussi dans celui de la culture, ont été formés et reconnus en Occident, où ils se sont pour beaucoup établis. « Nombre d’Arabes qui brillent se sont dissous dans leurs pays d’accueil. Ils sont arabes d’origine, mais français ou américains dans le succès », diagnostique Karam. Quels laboratoires, quels environnements économiques dans le monde arabe permettraient à de tels
LAURENT DE SAINT PÉRIER N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
51
Maghreb Moyen-Orient ALGÉRIE
Ali Benflis dans les starting-blocks Candidat à l’élection présidentielle d’avril, l’ex-chef du gouvernement met progressivement en place son dispositif de campagne.
E
ntre son cuisant échec à la présidentielle de 2004 et l’annonce, le 19 janvier, de sa candidature au scrutin du 17 avril, Ali Benflis, 69 ans, aura connu une « traversée du désert » de plus de dix ans. En retrait de la scène politique, l’ancien chef du gouvernement n’avait pas pour autant renoncé à ses ambitions. « La présidentielle, je m’y prépare depuis dix ans, confie-t-il. Ce challenge relève du devoir de servir mon pays. Je suis prêt à le relever. » Désormais candidat à la succession de Bouteflika, 76 ans, au pouvoir depuis 1999, Ali Benflis, fils de chahid (martyr de la guerre d’indépendance) originaire de Batna, dans les Aurès, peaufine sa stratégie. Dans les bureaux d’avocats situés dans la cité Chaabani, sur les hauteurs d’Alger, ou dans la somptueuse villa de style mauresque qui lui sert de QG, l’homme enchaîne rendez-vous et réunions. Autour de lui, une équipe de fidèles collaborateurs et conseillers – avocats, anciens députés, ex-ministres, discrets hommes d’affaires – s’active. Certains l’accompagnent depuis l’époque où il était directeur de cabinet du président Bouteflika. Première étape de cette campagne, le lancement d’un site internet, la confection des affiches et des badges électoraux, ainsi que l’élection des directeurs des comités de soutien dans les 48 wilayas (préfectures) et à l’étranger (Europe et Amérique). Candidat indépendant, celui qui fut secrétaire général du Front de
libération nationale (FLN) entre 2001 et 2003 entend s’appuyer sur ces réseaux de soutien. « Depuis deux ans, Benflis n’a cessé de structurer ces réseaux, qui constituent une machine de guerre, explique l’un de ses conseillers. Ne bénéficiant pas du soutien de l’administration, il devra s’appuyer sur ces comités, qui représentent son réservoir de voix. » DROIT D’INVENTAIRE. Deuxième étape :
la collecte des fameuses signatures – celles de 60000 électeurs à travers 25 préfectures ou celles de 600 élus locaux –, condition indispensable à la validation du dossier de candidature par le Conseil constitutionnel. L’opération est loin d’être une simple formalité. Les documents, une fois assermentés et légalisés, devront être déposés au plus tard le 4 mars. « Connaissant la légendaire lenteur de notre bureaucratie, nous avons pris les devants et serons en mesure de réaliser l’opération dans les délais », assure encore ce conseiller. Cette deuxième phase achevée, Ali Benflis devra alors passer à la troisième étape : l’organisation de réunions et de meetings aux quatre coins du pays. Un bus équipé d’une connexion internet wifi est prévu pour le déplacement des journalistes qui accompagneront le candidat dans sa tournée électorale. Une fois son programme politique finalisé, Ali Benflis déroulera ses thèmes de campagne, qu’il a déjà énumérés le 19 janvier : lutte contre la corruption, indépendance de la justice, séparation
RYAD KRAMDI
52
des pouvoirs, création d’emplois, poursuite de la politique de réconciliation nationale et réforme de l’école. Va-t-il cogner sur Bouteflika et son bilan? « Ceux qui attendent une campagne sale de la part de Benflis seront déçus, prévient l’un de ses proches. Il n’y aura pas de règlements de comptes ni d’attaques personnelles contre le président. Mais s’il n’est pas habité par un esprit de revanche, il ne s’interdira pas pour autant de faire l’inventaire des trois mandats de Bouteflika. » Benflis se déplacera-t-il à l’étranger pour sensibiliser les électeurs de la diaspora ? Pour l’heure, rien n’a été décidé, croit savoir Abdelaziz Rahabi, ancien
PLUS RÉCONCILIATEUR QUE BOUTEFLIKA ? ALI BENFLIS s’est engagé, le 19 janvier, à mettre un terme à la « crise politique et sécuritaire » qui a ébranlé les « fondements de l’État » au cours des vingt dernières années. En d’autres termes, en finir avec le terrorisme, qui a fait plus de 100000 N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
morts. Dépositaire assumé de l’héritage de Liamine Zéroual et d’Abdelaziz Bouteflika, Benflis se dit prêt à engager « un dialogue avec l’ensemble des acteurs politiques et sociaux » pour approfondir le processus amorcé par les deux
présidents, avant que ce débat ne soit « consacré par une décision souveraine du peuple algérien ». Comprendre: aller plus loin que la loi sur la rahma (« clémence »), initiée par Zéroual en 1995 pour convaincre les terroristes de
déposer les armes, et que la Concorde civile, projet phare de Bouteflika pour ramener la paix. Benflis entend-il faire promulguer une loi d’amnistie générale, ce que l’actuel président s’est gardé de faire? L’avenir le dira. l F.A. JEUNE AFRIQUE
Maghreb & Moyen-Orient
53
REUTERS
Coulisses
p Membres de l’Unité de protection du peuple kurde, à Qamishli (Nord-Est).
SYRIE PRINTEMPS KURDE
p Lors de la conférence de presse du 19 janvier, à Alger.
ambassadeur, aujourd’hui conseiller politique du candidat. En revanche, ce dernier multipliera les contacts avec les représentants des chancelleries étrangères accrédités à Alger. « Les demandes des ambassades se sont accrues depuis l’annonce officielle de sa candidature, souligne Rahabi. Les diplomates étrangers sont conscients qu’il n’est pas un candidat poids plume. Enfant du système – successivement bâtonnier, ministre de la Justice, patron du FLN, chef du gouvernement –, il a un pedigree qui pèse dans la balance. » Ali Benflis craint-il une candidature de Bouteflika, en convalescence depuis son AVC survenu le 27 avril 2013 ? Redoutet-il l’entrée en lice d’un candidat coopté par le clan présidentiel ? A-t-il reçu des assurances de la part de l’armée ? « S’il nourrissait de telles craintes, il ne se serait pas déclaré candidat, objecte l’un de ses proches. Quant à l’institution militaire, qui peut vraiment prétendre connaître ses intentions ? Benflis ne construit pas son plan de campagne sur les rumeurs, les supputations et autres bruits de salon. Il le ferait qu’il changerait de stratégie matin, midi et soir. » l FARID ALILAT, envoyé spécial JEUNE AFRIQUE
Le 21 janvier, à la veille de la conférence de Genève II, les Kurdes du nordest syrien ont choisi de faire un nouveau pas vers l’union de leur nation en proclamant, après la tenue d’élections locales, l’autonomie de la Djézira, la plus importante des trois régions kurdes du pays, en bordure de la Région autonome kurde d’Irak. Les deux autres cantons, Afrin et Kobani, devraient bientôt lui emboîter le pas, a annoncé le Parti de l’union démocratique (PYD), la plus puissante formation politique de la communauté en Syrie. Présidé par le Kurde Akram Hisso, qui s’est adjoint deux vice-présidents arabe et syriaque, le nouveau gouvernement s’est établi à Qamishli et comprend vingt-deux ministres. En 2011, les Kurdes, discriminés sous le régime d’Assad, avaient profité du retrait de l’armée loyaliste pour s’assurer le contrôle sécuritaire de leur région, s’attirant l’hostilité des insurgés, modérés comme jihadistes, qui les accusent de sécession et de connivence avec le régime. l
LIBAN MISS DYNAMITE Cagoule et combinaison noire, ceinture de gros bâtons de dynamite cartoonesques autour de la taille, l’artiste libanaise Rima Najdi, alias ce jour-là Madame Bomba, s’est promenée dans les rues de Beyrouth accoutrée en kamikaze pendant près de six heures, le 12 janvier. Objectif: dénoncer les attentats récurrents qui ne cessent de faire trembler ses habitants, aux réactions outragées ou amusées devant la performance.
ÉMIRATS ARABES UNIS WALL STREET DES VICES Le Loup de Wall Street, le dernier film de Martin Scorsese – sur les dérives d’un courtier en Bourse –, a laissé les spectateurs émiratis bouche bée. Selon le Centre national des médias, le distributeur aurait lui-même pris la liberté de censurer les scènes
« inconvenantes » et de remplacer les jurons par des silences. Au total, quarante-cinq minutes de ce long-métrage de trois heures ont été coupées, et les dialogues ont été hachurés, rendant le film incompréhensible.
ÉGYPTE DÉRAISON D’ÉTAT « Au cours des sept derniers mois, l’Égypte a connu des violences d’État d’une ampleur inconnue », dénonce Amnesty International dans un rapport publié le 23 janvier. Depuis l’éviction du président islamiste élu Mohamed Morsi, on a dénombré 1 400 morts dans des heurts et des milliers d’arrestations. « Le climat ambiant est marqué par la répression et l’impunité », souligne l’auteur du document. Le Premier ministre par intérim a dénoncé une « image déformée » des faits, rappelant que de nombreux policiers avaient aussi été tués. N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
54
Europe, Amériques, Asie
Les anti ont UNION EUROPÉENNE
u Protestation contre la politique de l’Union européenne, à Bruxelles, en décembre 2013.
Europe, Amériques, Asie
le vent en poupe De Rome à Helsinki et de Budapest à Londres, une vague d’euroscepticisme balaie le Vieux Continent, soutenue par une nébuleuse de partis allant de l’extrême droite à l’extrême gauche. Mais son hétérogénéité même en atténue la force.
de l’Ifop pour le quotidien La Croix révélait que 43 % des Français et 44 % des Allemands interrogés avaient une mauvaise opinion de l’Europe, contre, respectivement, 38 % et 36 % un an et demi auparavant. Les peuples ressentent un grand désarroi face à une crise qui n’en finit pas et qui lamine le pouvoir d’achat et l’emploi. L’étranger est perçu comme une menace. Dernière en date, l’enquête réalisée fin novembre par le Centre de ALAIN FAUJAS recherches politiques de Sciences-Po (Cevipof ) et OpinionWay met en lumière une chute de 10 points de la confiance des Français vis-à-vis de l’Europe. Ils ne sont plus que 32 % à croire en omment amélioelle, contre 42 % en 2009. rer l’Union euroAutre signe qui ne trompe pas : les élections. péenne ? D’abord, Les partis populistes ne cessent de progresser. en l’effondrant ! » a claironné Marine C’est le FN qui, en octobre, remporte une élection Le Pen, la présicantonale à Brignoles (Var) contre le candidat de la dente du Front national, devant la presse droite classique soutenue par la gauche… Ce sont anglo-saxonne, le 9 janvier. Elle la juge « irréles électeurs allemands qui, lors des législatives formable en l’état » et s’attend à ce qu’elle de l’automne 2013, font surgir de nulle part un « explose », comme la défunte Union parti antieuropéen, Alternative für Deutschland soviétique. La patronne du FN surfe ainsi (4,8 % des voix)… Les néonazis grecs d’Aube sur la vague d’euroscepticisme perdorée représentent désormais une force électorale ceptible dans tout le importante. Et David Cameron, Un grand désarroi Vieux Continent, de le Premier ministre britannique, Budapest à Londres a beau traiter les adhérents du face à une crise et d’Helsinki à Rome. Parti pour l’indépendance du qui n’en finit pas Les mouvements Royaume-Uni (Ukip) de « barjots et qui lamine antieuropéens ont cinglés et racistes », il tremble de toujours existé depuis le pouvoir d’achat. voir l’électorat conservateur se 1958, estime Philippe rallier à la proposition de Nigel Moreau Defarges, chercheur à l’Institut français Farage, leur leader, d’organiser immédiatement des relations internationales (Ifri), mais « leur un référendum sur le retrait de l’UE. degré de virulence n’a jamais été aussi fort » et « ils prônent désormais un rejet total de la ABSTENTION. Selon les projections réalisées construction européenne, jugée “vendue” à la par Notre Europe-Institut Jacques Delors, les mondialisation ». Autres griefs : cette construcélections européennes qui se tiendront entre le tion est « trop compliquée » et dirigée par des 22 et le 25 mai devraient être marquées par une personnes « choisies pour qu’elles aient le moins importante progression des partis eurosceptiques, de pouvoirs possible ». qui pourraient obtenir 25 % des suffrages en raison Tous les sondages, sans exception, font en effet d’une forte abstention. Le nombre de sièges qu’ils apparaître une forte désaffection des opinions détiennent au Parlement de Strasbourg pourrait publiques à l’égard de l’UE. En novembre 2009, passer de 140 à 200 (sur un total de 650). l’Eurobaromètre indiquait que 77 % des Portugais Les sondages montrent que l’essentiel de cette interrogés faisaient confiance à Bruxelles ; en poussée devrait se concentrer dans cinq pays. En mai 2013, ils n’étaient plus que 33 %. Les plans France, le FN pourrait tripler son score de 2009 d’austérité exigés par la Commission sont passés (6,4 %) et remporter entre 10 et 15 sièges, contre par là… À la mi-septembre 2013, une enquête 3 aujourd’hui. En Espagne, la gauche radicale
DURSUN AYDEMIR/AFP
«
C
N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
55
Europe, Amériques, Asie Union européenne Sortir de l’euro ? Presque impossible. Il est plus facile de jouer sur le sentiment xénophobe…
obtiendrait 9 sièges (au lieu de 1), tout comme les populistes en Pologne. En Italie, le Mouvement 5 étoiles, qui n’existait pas il y a cinq ans, s’adjugerait entre 15 et 20 sièges. En Allemagne, Alternative für Deutschland obtiendra à coup sûr plusieurs députés européens. On s’attend qu’en Grèce la gauche radicale et l’extrême droite améliorent leurs scores antérieurs, tout comme en Finlande et en Autriche. Ces ennemis de l’Europe parviendront-ils à faire trébucher l’UE ? Rien n’est moins sûr. Ne serait-ce que parce que, comme l’explique Yves Bertoncini, directeur de Notre Europe-Institut Jacques Delors, les eurosceptiques forment « une nébuleuse ». Dans le Parlement sortant, ils se répartissent entre quatre groupes politiques. Le groupe des non-inscrits concentre l’essentiel de l’extrême droite avec le FN français, le FPÖ autrichien, le Parti pour la liberté néerlandais et le parti hongrois Jobbik. Celui de la gauche radicale (GUE-GNL) rassemble les élus des partis communistes français et italien et ceux du Parti de gauche français. Les « autonomistes » (ELD) fédèrent l’Ukip britannique, la Ligue du Nord italienne, le Parti populaire danois et les Vrais Finlandais. Enfin, les eurosceptiques au gouvernement (CRE) sont les partisans de Václav Klaus (l’ODS tchèque), de Jaroslaw Kaczynski (le PiS polonais) et de David Cameron (les conservateurs britanniques). « Ils sont profondément divisés, commente Bertoncini. Est-ce que le Mouvement 5 étoiles, qui a d’abord fait campagne contre la corruption, s’alliera avec le Front national ? Comment croire que les Tories accepteront de s’associer avec l’Ukip ? Et que le Front de gauche puisse siéger aux côtés du PiS polonais, qui s’oppose à la fécondation in vitro, autorisée par la Cour
européenne de justice ? Qu’y a-t-il de commun entre le rejet des Allemands, qui estiment que l’UE a trop aidé la Grèce, et celui des Grecs, qui condamnent une UE à la botte des Allemands ? On n’assiste pas à un affrontement des peuples contre l’Europe, mais à un affrontement des peuples entre eux ! » POPULISME. Cette cacophonie de populisme, de
Pro- et antieuropéens : le rapport des forces Voix obtenues en 2009 dans l’ensemble de l’UE
Estimation des sièges obtenus après les élections de mai 2014 dans l’ensemble de l’UE*
PARTIS PROEUROPÉENS
PPE (Parti populaire européen) S&D (Alliance progressiste des socialistes et démocrates) ADLE (Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe) Verts/ALE (Alliance libre européenne)
36 % 25 % 11,4 % 7,5 %
28 % 28 % 8% 5%
7,3 % 4,8 % 4,3 % 3,7 %
8% 6% 4% 12 %
PARTIS ANTIEUROPÉENS
CRE (Alliance des conservateurs et réformistes européens) GUE-GNL (gauche radicale) ELD (Mouvement pour l’Europe des libertés et de la démocratie) Non-inscrits
* Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie, Espagne, Pologne, Roumanie, Pays-Bas représentant 77,5 % de la population de l’UE N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
SOURCE : NOTRE EUROPE-INSTITUT JACQUES DELORS
56
xénophobie, de mise en accusation de la technocratie bruxelloise et d’exaspération due au chômage ne risque donc pas de déboucher sur un renversement de majorité au Parlement européen. Situation qu’Élisabeth Guigou, présidente socialiste de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale française, résume sans ambages: « Il n’y aura ni majorité eurosceptique en France ni majorité eurosceptique dans l’Union. » Les partis classiques en conserveront le contrôle, à la seule condition qu’ils s’unissent. Les experts voient trois combinaisons majoritaires possibles entre la gauche (S&D), qui devrait progresser, la droite (PPE), attendue en léger recul, et les écologistes (ADLE et Verts/ALE). Pourlespartisansdelaconstructioneuropéenne, la menace est ailleurs. « Les eurosceptiques vont jouer sur le refus de la libre circulation des personnes et sur l’envie d’un retour des frontières, prédit Bertoncini. C’est très sensible dans les opinions publiques, qui, en France notamment, ont la phobie du fameux “plombier polonais”. Il est quasi impossible de sortir de l’euro, et aucune majorité ne le demande. En revanche, jouer sur le sentiment xénophobe qui grandit en période de crise est très tentant, comme on le voit avec l’attitude ambiguë de David Cameron ou celle de l’ancien ministre français des Affaires européennes Laurent Wauquiez. Bloquer la circulation des personnes est tellement plus facile que de revenir aux monnaies nationales ! » Un certain nombre de forces s’évertuent à combattre ces dérives centrifuges et nationalistes. Même si leur influence politique s’affaiblit, les Églises, et en particulier les évêques de France, ont entrepris de dénoncer « l’euroscepticisme et l’abstention, qui menacent et augmentent ». « Nous ne pouvons remettre en question ce cadre [européen] qui garantit la paix depuis cinquante ans », s’enflamme Mgr Jean-Pierre Grallet, archevêque de Strasbourg. Ce cadre garantit la paix, mais aussi la liberté et une réelle prospérité. Comment ne pas regarder du côté de Kiev, la capitale de l’Ukraine, où le désir d’Europe mobilise semaine après semaine (comme le 19 janvier, en dépit d’une température glaciale) des centaines de milliers de manifestants déterminés à arrimer, contre l’avis de leurs dirigeants, leur pays à une Union pourtant dénoncée à l’Ouest pour son austérité budgétaire et son chômage massif ? l JEUNE AFRIQUE
57
REED SAXON/AP/SIPA
u La prison centrale de Los Angeles. Aux États-Unis, 2,3 millions de personnes sont actuellement détenues. Parmi elles, 40 % d’Africains-Américains.
ÉTATS-UNIS
Mais si, Obama s’occupe des Noirs! Discrètement, l’administration démocrate a entrepris de corriger l’injustice d’un système répressif toujours beaucoup plus sévère avec les représentants des minorités.
L
es chiffres sont connus. Alors qu’ils ne représentent que 5 % de la population mondiale, les ÉtatsUnis comptent 25 % de la population carcérale, soit environ 2,3 millions de détenus. Parmi eux, 40 % d’AfricainsAméricains. Plus de Noirssont aujourd’hui emprisonnés ou en liberté conditionnelle qu’il n’y avait d’esclaves en 1850, rappelle l’historienne Michelle Alexander dans un livre retentissant paru en 2010. L’auteure y comparait cette incarcération de masse à de nouvelles Jim Crow Laws, du nom de ces lois ségrégationnistes en vigueur dans les États du Sud jusqu’en 1965. L’Amérique postraciale n’est certes pas encore pour demain, mais l’administration Obama a entrepris de démanteler l’arsenal répressif qui en empêche à coup sûr l’avènement. Une révolution silencieuse qui est le meilleur service que le président – souvent accusé de ne pas assez s’en soucier – pouvait rendre à la communauté noire, sans pour autant être taxé de partialité. Grâce à une circulaire du ministre de la Justice rendue publique en août 2013, les procureurs peuvent désormais épargner à certains trafiquants de drogue – ceux qui n’ont par exemple aucun lien avec un JEUNE AFRIQUE
gang – les peines minimales prévues par la loi fédérale. Un individu ayant écoulé 5 kg de cocaïne pourra désormais être condamné à moins de dix ans de prison, alors qu’il aurait auparavant écopé de la perpétuité. Obama a par ailleurs, en décembre, gracié six détenus condamnés à la détention à vie pour trafic de crack. Condamné en 1994, l’un des bénéficiaires était âgé de 17 ans à l’époque des faits. Le but de ces mesures ? Réduire la surpopulation carcérale tout en mettant un point final à la guerre contre l’épidémie de crack, qui, dans les années 1980-1990, ravagea les grandes villes du pays. Menée à grands coups de lois répressives, cette guerre conduisit derrière les barreaux des milliers de consommateurs et de petits
à des considérations économiques : les États-Unis engloutissent chaque année dans leurs prisons 80 milliards de dollars (59 milliards d’euros). Pour faire des économies, plusieurs États conservateurs pourtant peu suspects de clémence envers les délinquants, commele Texaset l’Arkansas,libèrentdésormaisdepetitstrafiquants de drogue. « STOP-AND-FRISK ». Autre avancée :
l’annoncefaiteàlami-janvierquelesagents fédéraux ne pourront plus à l’avenir se fonder sur la religion ou la nationalité d’un individu – l’appartenance ethnique étant déjàprohibée–pourmenerleursenquêtes. Cequi,commel’arelevéunsénateurdémocrate, constituait un véritable « permis de discriminer » les musulmans établis aux États-Unis. On sait que, depuis La guerre contre le crack des les attentats du 11 septembre 2001,cesdernierssontsoumisà années 1980-1990 a fait bondir de 800 % la population carcérale. une surveillance policière renforcée,notammentàNewYork, trafiquants parmi lesquels, bien sûr, un où des organisations communautaires grand nombre d’Africains-Américains. ont d’ailleurs saisi les tribunaux. Comme La population carcérale avait alors bondi il s’y était engagé pendant sa campagne de 800 %. En 2010, une loi avait aligné les électorale, Bill de Blasio, le nouveau maire peines prévues pour les consommateurs démocrate, devrait quant à lui mettre prode crack, en majorité des Noirs pauvres, chainement un terme à la pratique dite du sur celles punissant les consommateurs stop-and-frisk – l’arrestation arbitraire par la police de jeunes issus des minorités. de cocaïne, en général des Blancs aisés. Mine de rien, les droits des minorités Auparavant, elles étaient beaucoup plus auront connu sous la présidence résolusévères pour les accros au crack. ment color blind (littéralement: « aveugle Au-delà de la nécessité de corriger une « injustice », pour reprendre le terme utilisé à la couleur ») de Barack Obama des avanpar le président, la réforme répond aussi cées décisives. l JEAN-ÉRIC BOULIN, à New York N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
58
PARCOURS | D’ici et d’ailleurs
Mbuyi Kabunda Un pour tous Installé depuis plus de vingt ans à Madrid, ce Congolais est l’un des rares africanistes de la péninsule Ibérique.
«
Q
U A N D J E PA R L E d e l’Afrique, je me sens souvent seul, c’est frustrant », reconnaît Mbuyi Kabunda. Sur le campus de l’université autonome de Madrid, dans une salle de cours, lors d’une conférence et jusque dans ses écrits, ce professeur de relations internationales transmet son savoir avec bienveillance et fermeté. Avoisinant les deux mètres, les yeux cachés derrière de grosses lunettes aux branches dorées, cet africaniste chevronné est rieur et chaleureux. Sûr de ses idées, il est prêt à se battre pour les défendre. Évoquer les réalités du continent africain en Espagne n’est cependant pas chose aisée.
« Les Espagnols ont commencé à s’intéresser à l’Afrique avec José Luis Rodríguez Zapatero [Premier ministre entre 2004 et 2011], imaginezvous ! se lamente-t-il. Les questions de l’immigration et du terrorisme au Sahel ont contribué à cet intérêt. Mais aujourd’hui, avec la crise, Mariano Rajoy juge l’Amérique latine plus attrayante, notamment en raison de ses liens historiques et culturels avec l’Espagne. Pourtant, les côtes africaines ne sont qu’à 14 km ! » C’est au nom de cette proximité que Mbuyi Kabunda lutte depuis des années et explique son installation définitive à Madrid, tout en restant très discret sur sa vie privée.
Quand le jeune homme congolais est arrivé dans la péninsule Ibérique, au début des années 1990, il s’intéressait surtout au Sahara et au Maghreb. Il s’est finalement tourné vers l’Afrique subsaharienne, les spécialistes du monde arabe étant bien plus nombreux. Son but ? Battre en brèche l’afropessimisme et revenir à un afroréalisme plus pertinent. C’est pourquoi il n’hésite jamais à dénoncer une « pornographie de l’humanitaire » – les ONG véhiculant trop d’images négatives à son goût dans le but de lever des fonds. Pas facile pourtant d’évoquer la réalité des cinquante-quatre pays qui composent l’Afrique. Kabunda prône le respect de la diversité ethnique et culturelle, se dit sceptique sur l’occidentalisation et souhaite la création des « États-Unis d’Afrique ». « La colonisation a divisé ce qui devait former un tout. Dans chaque pays, il y a un problème Nord-Sud », insiste-t-il. Son modèle ? Kwame Nkrumah, président du Ghana de 1960 à 1966, qui souhaitait la formation
q « La colonisation a divisé ce qui devait former un tout. »
N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
JEUNE AFRIQUE
Europe, Amériques, Asie
En RD Congo, le jeune homme avait, à l’époque, une carrière toute tracée à l’université de Lubumbashi. Alors qu’il y enseignait les sciences politiques, une rencontre a bouleversé sa vie : Luis Beltrán y Repetto, professeur à l’université d’Alcalá de Henares, près de Madrid, et fondateur de l’Association espagnole des africanistes (AEA), qui dirigeait à cette époque le collège Notre-Dame d’Afrique. Séduit par cet éminent professeur, Mbuyi Kabunda décide de poursuivre sa formation et s’installe dans la capitale espagnole, où il rédige sa thèse : « Intégration régionale en Afrique : fondements, obstacles et perspectives ». C’est à cette période que le jeune thésard, formé dans la plus pure tradition francophone, découvre l’Amérique latine. « On y insiste sur la culture amérindienne, jamais sur la culture africaine », regrette-t-il. À Buenos A i r e s , B o g o t á , C a rt h a g è n e , La Havane, Caracas, il va se battre corps et âme pour les afrodescendants et tenter d’éveiller chez eux une prise de conscience. « Je souhaite leur rappeler la participation des esclaves noirs dans la construction de leurs pays », explique-t-il. Né « il y a une cinquantaine d’années » à Kolwezi, ville ouvrière du Katanga, Mbuyi Kabunda n’a jamais pu retourner en RD Congo. « Lorsque je finissais ma thèse, la dictature de Mobutu était devenue très agressive, puis l’arrivée au pouvoir de Laurent-Désiré Kabila m’a empêché de rentrer. Depuis quinze ans, je ne suis plus le bienvenu dans mon pays à cause de mes écrits », soupire-t-il. l MARIE VILLACÈQUE, à Madrid Photo : NAVIA/AGENCE VU pour J.A. JEUNE AFRIQUE
ESPAGNE
Coup d’arrêt à l’IVG La droite s’apprête à réduire drastiquement les possibilités de recours à l’avortement. Est-ce bien raisonnable ? En France, la gauche fait l’inverse. Est-ce bien utile ?
ANDRES KUDACKI/AP/SIPA
d’une entité supranationale. Le professeur congolais est confiant: 80 % de la population africaine a moins de 20 ans et 30 % des ressources naturelles de la planète se trouvent sur le continent… Fustigeant l’aide extérieure (il précise d’ailleurs que, avec la crise, l’Espagne a réduit la sienne de 80 %), Kabunda prône un nouveau développement à travers l’éducation et la formation. « Il s’agit d’un vrai travail de missionnaire ! » s’exclame-t-il en riant.
59
p Manifestation devant une clinique madrilène spécialisée, le 28 décembre.
U
«
ne régression qui renverrait les femmes à l’âge de pierre. » C’est en ces termes que Marisol Touraine, la ministre française des Affaires sociales – qui, sans doute, avait abusé de la galette des rois –, a, le 21 janvier, commenté le projet de loi du gouvernement conservateur espagnol visant à limiter drastiquement le recours à l’avortement. L’âge de pierre ? N’exagérons rien. Un recul? Assurément. Adopté fin décembre en Conseil des ministres mais pas encore voté, le nouveau texte n’autorise l’interruption volontaire de grossesse qu’en cas de danger avéré pour la vie ou la santé de la femme. Ou en cas de viol attesté par une plainte. Dans tous les autres cas, y compris la malformation fœtale, l’avortement est interdit. Adoptéeen2010parunechambremajoritairement socialiste, la loi actuelle autorise l’avortement jusqu’à la quatorzième semaine de grossesse, et même jusqu’à la vingt-deuxième en cas de malformation du fœtus. Devenu président du gouvernement l’année suivante, Mariano Rajoy avait promis pendant sa campagne de revenir sur cette loi. Il a tenu parole, et c’est Alberto Ruiz-Gallardón, ministre de la Justice, ancien maire de Madrid et cousin de Cécilia Attias (ex-Sarkozy), qui défend
le nouveau texte. « Nous avons fait la première loi reflétant l’opinion majoritaire des Européens. Une chose sans précédent depuisdesdécenniesquiconsiste àen finir avec le mythe de la supposée supériorité morale de la gauche », pavoise-t-il dans le quotidien conservateur ABC. PORNOGRAPHIQUE. Pour ladite gauche,
le Parti populaire au pouvoir essaie surtout de faire diversion. « Il s’efforce de détourner l’attention, de dissimuler derrière la soutane morale du cléricalisme sa relation pornographique avec l’argent », s’emporte le poète et critique littéraire Luis García Montero, dans InfoLibre. Mais la gauche n’est pas la seule à s’agacer. Un sondage récent de l’institut Metroscopia révèle que 78 % des Espagnols estiment que la réforme n’est nullement nécessaire. Même la majorité des électeurs du PP et des catholiques pratiquants en est convaincue. En France, la majorité socialiste prend le chemin inverse. L’Assemblée nationale vientd’adopterunamendementàlaloiVeil de1975autorisantl’interruptionvolontaire de grossesse (IVG). Le nouveau texte remplace la notion de « situation de détresse » justifiant le recours à l’IVG par la simple volonté des femmes concernées. Comme chacun sait, ce que femme veut… l YOUSSEF AÏT AKDIM N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
Europe, Amériques, Asie INDE
La résistible ascension de Narendra Modi Le très autoritaire, très nationaliste et très charismatique leader du Bharatiya Janata Party (BJP) dirige le prospère État du Gujarat. Et il vise plus haut après les législatives du mois de mai.
S
ur la route qui mène d’Ahmedabad à Champaner, site classé au patrimoine mondial de l’Unesco, le macadam est presque parfait et les bus roulent à vive allure. De part et d’autre de la voie express, les terres agricoles alternent avec les sites industriels. Alstom, Vodafone, Tata, Adani… Les grands groupes indiens et internationaux se disputent l’espace. Bienvenu au Gujarat, paradis du big business ! « Ici, les infrastructures sont nettement meilleures que partout ailleurs en Inde, et les coupures d’électricité sont rares », commente un entrepreneur. Dans cet état de l’ouest de la péninsule indienne, la croissance avoisine 10 % – près du double de la moyenne nationale. C’est un nouveau « tigre » asiatique, où les grands projets foisonnent. Le Gujarat dispose du plus grand parc de panneaux solaires d’Asie et du meilleur réseau routier rural du pays. À lui seul, il attire 15 % des capitaux investis en Inde. Dynamique, moderne, efficace. Cette image du vibrant Gujarat, comme dit le slogan publicitaire, est sans doute la meilleure carte de visite de Narendra Modi, le charismatique Chief Minister de cet État de 60 millions d’habitants. Elle lui permettra peut-être, à l’issue des élections législatives du mois de mai, de devenir le Premier ministre de la fédération. Car NaMo, comme le surnomment les médias, fait aujourd’hui figure de favori. Candidat du Bharatiya Janata Party (BJP), la principale formation nationaliste hindoue, il est l’homme qui monte et fait trembler un Parti du Congrès usé par dix années de pouvoir. SAFRAN. Barbe blanche taillée avec soin
surmontée de fines lunettes, Modi arbore le plus souvent une ample kurta (chemise traditionnelle descendant jusqu’aux genoux) de couleur safran, symbole de son parti. Il soigne son apparence physique autant qu’il calibre son discours. Contrairement à Rahul Gandhi, fils de Sonia et de Rajiv, qui conduit la campagne du Congrès, il a pour lui de ne pas être un héritier. Issu de la classe moyenne N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
SAJJAD HUSSAIN/AFP
60
Chine Pakistan
Népal Bhoutan
New Delhi
Birmanie
Gujarat Mer d’Arabie
GANDHINAGAR
Ahmedabad
laborieuse – son père était épicier –, il « sait ce qu’être pauvre veut dire », comme il le clame à longueur de meeting. Rien à voir, bien entendu, avec la richissime dynastie Nehru-Gandhi, la first family qui domine la vie politique indienne depuis l’indépendance, en 1949, dont il raille volontiers les mesures « sociales ». Modi se montre en revanche très discret sur ses débuts en politique. Très jeune, en effet, il adhère à la Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS), organisation d’extrême droite où il fera ses classes avant d’adhérer en 1987 au BJP, qui en est un peu l’émanation politique. « Construire des toilettes d’abord, des temples ensuite, tel est mon credo », claironne-t-il devant des parterres de jeunes gens médusés. « Je suis connu comme un leader de l’hindutva [suprématie hindoue]. Je ne devrais pas parler ainsi, mais tant pis, je
p Le futur Premier ministre de la Fédération indienne ?
le fais. » Le propos fait mouche dans les milieux d’affaires, dont il est la coqueluche, et dans une large frange de la classe moyenne urbaine, avide de renouer avec une croissance économique digne de ce nom et pressée d’en finir avec un Parti du Congrès discrédité par les scandales à répétition. Adulé par une partie de l’opinion (il compte une multitude de followers sur les réseaux sociaux), il est haï par l’autre. Les musulmans ne sont pas les moins virulents à son égard. Vieille histoire. PROVOCATION. En 2002, alors qu’il vient
d’être élu Chief Minister du Gujarat, cinquante-neuf extrémistes hindous périssent brûlés vifs dans un train à Ghodra. Les représailles qui s’ensuivent sont terribles. À Ahmedabad, la capitale économique, et dans plusieurs villages des environs, des émeutes éclatent. Elles font près de deux mille victimes, dans leur majorité musulmanes. Modi est accusé d’avoir donné à la police l’ordre de ne pas intervenir. Donc, d’avoir favorisé les massacres. Une commission d’enquête est mise en place. Elle mettra onze ans avant de conclure, en décembre 2013, à l’absence de preuves de sa culpabilité. Soulagé, Modi raconte dans son blog JEUNE AFRIQUE
AMI VITALE/GETTY IMAGES
61
p Musulmans rescapés des massacres perpétrés par les hindouistes à Ahmedabad, en mars 2002. Accusé d’avoir donné à la police l’ordre de ne pas intervenir, Modi a été blanchi par la justice.
qu’il a été « meurtri au plus profond de lui-même » par les émeutes et les accusations portées contre lui. Mais une partie de ses opposants restent convaincus que ses juges ont été achetés. « C’est un grand manipulateur, qui s’approprie la réussite économique du Gujarat, estime l’écologiste Mahesh Pandya. Mais notre État a toujours été l’un des plus avancés du pays. Et les Gujaratis, qui sont des businessmen nés, ne l’ont pas attendu pour faire des affaires ! » D’autres accusent sa politique d’avoir multiplié les fractures sociales. « De quel miracle parle-t-on ? s’agace Lajwanti Chatani, professeure de sciences politiques. Je verse 30 % de mon salaire aux impôts pour engraisser les grands groupes privés alors que le secteur public est défaillant. Ici, les profs sont beaucoup moins bien payés qu’ailleurs, mais rien n’est trop beau pour les grands groupes industriels Adani, Essar et consorts, qui se voient par exemple attribuer des terres à des prix bradés. » SONDAGES. Et puis, il y a le style de Modi,
tellement autoritaire qu’il suscite des résistances jusqu’au sein de son propre parti. Sa désignation comme leader de la campagne électorale est d’ailleurs JEUNE AFRIQUE
loin d’avoir fait l’unanimité. Lal Krishna Advani, l’un des dirigeants historiques du BJP, qui l’avait pourtant aidé il y a quelques années, a claqué la porte. « Si Modi devient Premier ministre, ce sera un jour funeste pour la démocratie dans ce pays », se désole pour sa part Suresh Mehta, un ancien du BJP. Il évoque notamment l’absence de contre-pouvoirs, les pressions sur les journalistes et le médiocre rôle joué par l’assemblée du Gujarat : elle ne siège que trente jours
Reste des inconnues. Au mois de décembre 2013, la donne a quelque peu changé avec l’émergence de l’Aam Aadmi Party (AAP), un parti anticorruption vainqueur des élections locales dans l’État de Delhi. Arvind Kejriwal, son leader, est devenu Chief Minister de l’État-capitale avec le soutien du Congrès. Quelle place prendra-t-il à l’avenir, au niveau national? De manière générale, quelle sera l’attitude des innombrables partis régionaux? Choisiront-ils de voler au secours de la victoire en s’alliant au BJP ? En tout cas, leur concours Son élection serait « un jour est indispensable pour funeste pour la démocratie », obtenir la majorité à la Lok Sabha, la chambre basse s’alarme un ancien de son parti. du Parlement. Certains, par an, contre cent jours pour les autres comme Nitish Kumar, au Bihar, ont assemblées de la fédération. d’ores et déjà annoncé leur refus de Dans ces conditions, Modi est-il toute alliance avec le parti hindouiste vraiment en position de remporter les par crainte de perdre leur électorat musullégislatives ? Dans les grandes villes, man, mais sait-on jamais ? L’attrait du les derniers sondages le placent en pouvoir est si fort… « Si Modi obtient 180 tête avec 58 % des intentions de vote. sièges sur les 552 que compte l’Assemblée, il a des chances d’arracher de nombreux Patron d’Infosys, un grand groupe de ralliements. En deçà de ce seuil, ce sera prestation de services informatiques, compliqué », estime Lajwanti Chatani. Narayana Murthy est formel : rien, pas même le souvenir des émeutes de 2002, Bref, le jeu sera peut-être plus serré qu’il ne peut empêcher Modi d’être le pron’y paraît au premier abord. l chain Premier ministre. MATHILDE ESLIDA, à New Delhi N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
Europe, Amériques, Asie 2006 et contraint à l’exil deux ans plus tard en raison de diverses accusations de corruption. Renverser le « régime Thaksin », tel est donc l’objectif affiché par l’opposition, composée des élites de Bangkok, proches du palais royal et des populations du Sud, qui voient en Thaksin une menace pour la monarchie. Pour ces « chemises jaunes » (la couleur royale) opposées aux « chemises rouges » progouvernementales, le système Thaksin est synonyme de corruption au bénéfice exclusif de la famille Shinawatra – celle-ci est soutenue voire adulée par les provinces populaires du Nord et du Nord-Est. Une commission d’enquête vient d’ailleurs d’être chargée d’évaluer le degré d’implication de la Première ministre dans un énorme scandale de détournement de subventions aux riziculteurs.
THAÏLANDE
Militaires en embuscade L’interminable bras de fer entre le gouvernement de Yingluck Shinawatra et son opposition menace de très mal tourner. Et si l’armée jouait les arbitres ?
EN LARMES. Pourtant, en dépit de plus de deux mois de manifestations presque ininterrompues, Yingluck ne renonce pas. Il est vrai qu’elle bénéficie du soutien de son frère, qui communique quotidiennement avec elle, par Skype, depuis Dubaï. Sans cela, il est probable qu’elle aurait déjà abandonné la partie. En décembre 2013, n’avait-elle pas fondu en larmes devant les caméras de télévision en implorant ses compatriotes de p Suthep Thaugsuban, l’un des leaders de la contestation, le 21 janvier. la soutenir ? Sa hantise, c’est que tout s’embrase et que la situation devienne out avait pourtant commencé d’intimidation, dont ils attribuent la resincontrôlable. comme une fête populaire, ponsabilité au gouvernement. D’une Elle est convaincue que les attaques avec fleurs, brochettes et dramême voix, ils appellent à poursuivre à la grenade auraient été orchestrées peaux. L’opération « Bangkok leur combat jusqu’à la démission de par l’opposition dans le but de provoShutdown » visait à paralyser la capiYingluck Shinawatra (46 ans), la Première quer un coup d’État militaire, éventuatale thaïlandaise, raison pour laquelle ministre, quitte à devoir procéder à son lité que le général Prayuth Chan-ocha, des centaines de milliers de militants arrestation et à celle de ses ministres. chef des forces armées, n’a d’ailleurs pas antigouvernementaux étaient descenexclue. Pourtant, nombre dus dans la rue. Et puis tout a dérapé d’observateurs doutent de Sans le soutien permanent de son et, le 20 janvier, l’état d’urgence a été la volonté de ce dernier de frère en exil, la Première ministre proclamé. La veille, après des semaines se lancer dans une telle de tensions, une attaque à la grenade en aventure à quelques mois aurait sans doute jeté l’éponge. plein centre-ville avait fait une trentaine de la retraite… de blessés, dont sept sont dans un état L’opposition souhaite en effet mettre Et puis le duo Yingluck-Thaksin a plus grave. Trois jours auparavant, un engin en place un conseil du peuple, instance d’un tour dans son sac. Le bruit court que explosif avait déjà été lancé dans la foule, non élue qui serait chargée d’entrePrayuth serait finalement moins loyal à faisant un mort et une quarantaine de prendre une réforme électorale en la monarchie qu’on ne le croyait. Et qu’il blessés. profondeur en attendant la tenue d’un aurait déjà retourné sa veste – d’uniforme, À une quinzaine de jours des élecnouveau scrutin, dans un an. La jeune bien sûr. À en croire les écoutes téléphotions législatives anticipées, ces graves chef du gouvernement, au pouvoir niques rendues publiques par la presse, il incidents font craindre une escalade depuis un peu plus de deux ans, est auraitconcluaveclevice-Premierministre, de la violence. Thaworn Senniem et accusée de n’être qu’une marionnette le général Yuthasak Sasiprapha, un accord secret en vue du retour de Thaksin. En Suthep Thaugsuban, les chefs de file entre les mains de son frère, l’ancien échange d’une retraite bien méritée. l de l’opposition, ont déclaré à la presse Premier ministre Thaksin Shinawatra, qu’ils ne céderaient pas à ces tentatives JULIETTE MORILLOT chassé par un coup d’État militaire en WALLY SANTANA/AP/SIPA
62
T
N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
JEUNE AFRIQUE
LE PLUS
de Jeune Afrique
ÉCONOMIE Réformes pied au plancher…
63
INTERVIEW Daniel Kablan Duncan, Premier ministre TRANSPORTS Un turbo dans le moteur AGRICULTURE Terres en vue
CÔTE D’IVOIRE
L’éléphant
voit la vie en rose
HOMER BOSSON/FRATERNITÉ MATIN
Relance économique, sécurité, infrastructures, investissements… Le pays, qui a tourné la page des années de crise, aspire désormais à rejoindre le club des nations émergentes.
u Lors du lancement des travaux de construction du pont Henri-Konan-Bédié, à Abidjan, le 7 novembre 2011. JEUNE AFRIQUE
N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
Le Plus de Jeune Afrique
65
Prélude
Marwane Ben Yahmed
Détente
Les profils du chef de l’État mais aussi de son Premier ministre, Daniel Kablan Duncan – qu’il aurait d’ailleurs voulu à ses côtés plus tôt –, laissaient présager que le développement économique serait leur priorité. Objectif : rejoindre les rangs des pays émergents à l’horizon 2020. Mantra très en vogue sur le continent, notamment en Afrique centrale, l’« émergence » nécessitera beaucoup plus que de longs discours. Les conditions de sa réalisation, qui semble tout de même peu probable en un temps aussi limité compte tenu des nombreux défis à relever, sont d’ailleurs peu ou prou les mêmes que celles qui inciteront les investisseurs à miser sur la destination ivoirienne: potentiel économique, évidemment – mais en la matière tout le monde reconnaît dans le pays d’Houphouët un marché d’avenir important –, mais aussi stabilité, sécurité, infrastructures, connexion au monde extérieur, climat des affaires JEUNE AFRIQUE
favorable, secteur bancaire efficace, ressources humaines disponibles et compétentes, etc. Une économie performante et surtout pérenne a également besoin d’un environnement politique sain. De démocratie et de justice. D’un dialogue fécond entre pouvoir et opposition et d’un projet de société au sein duquel la plupart des Ivoiriens pensent pouvoir trouver leur place. De mémoire, aussi, pour tirer les leçons de vingt années ou presque de tensions et bannir les comportements qui ont abouti à la descente aux enfers de la terre d’Éburnie. Or pour la première fois depuis maintenant deux ans et demi, nous assistons à de réels signes de détente entre les deux camps qui se sont affrontés dans les urnes puis à balles réelles fin 2010-début 2011. Le temps commence à faire son œuvre : les vainqueurs du conflit postélectoral ne se sentent plus autant menacés par leurs adversaires, ceux qui ont soutenu Laurent Gbagbo avant mais surtout après sa folle tentative de se maintenir au pouvoir. Et ces derniers commencent enfin à se projeter vers l’avenir et à l’envisager sans leur icône. Un dialogue a été engagé avec le Front populaire ivoirien (FPI), qui commence à porter ses fruits depuis août 2013 et la libération de quatorze caciques du régime Gbagbo, dont le président de son parti, Pascal Affi Nguessan. Le retour d’exil de l’ancien directeur du port d’Abidjan, Marcel Gossio, proche parmi les proches de Gbagbo, pour « participer à la réconciliation nationale » comme il l’a expliqué, et le transfert dans la capitale économique de douze officiers militaires détenus sans procès dans le nord du pays depuis la chute de leur mentor, illustrent cette décrispation et la nouvelle phase politique dans laquelle la Côte d’Ivoire semble entrer. Une excellente nouvelle pour tous les Ivoiriens. Et un signe que les haruspices de l’économie que sont les investisseurs ne pourront qu’interpréter favorablement… l N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
ÉCONOMIE Réformes pied au plancher…
p. 66
ENTRETIEN Daniel Kablan Duncan, Premier ministre p. 72 EMPLOI Le péril jeune
p. 80
ÉMILIE RÉGNIER POUR J.A.
D
u 29 janvier au 1er février, Abidjan accueille le quatrième Forum international des investissements en Côte d’Ivoire (Investir en Côte d’Ivoire, ICI 2014), quinze ans après la dernière édition. Près de 2 000 participants, hommes d’affaires, opérateurs économiques et acteurs institutionnels venus de plus d’une cinquantaine de pays auront l’occasion de mesurer concrètement le chemin parcouru par la première puissance de l’UEMOA (et deuxième de la Cedeao, après le géant nigérian) depuis l’accession au pouvoir d’Alassane Ouattara, en mai 2011. Après une décennie de crise, les chiffres bruts sont, en tout cas, prometteurs : 9,8 % de croissance en 2012, et des taux du même ordre prévus pour 2013 et 2014. L’enjeu est de taille car, au-delà du marché ivoirien lui-même (24 millions d’habitants, un revenu national brut par tête de 1800 dollars – 1 328 euros – par an), c’est toute l’Afrique de l’Ouest et ses 300 millions de consommateurs qui sont visés. Car Abidjan a l’ambition de devenir le hub et la porte d’entrée de la sous-région. Mais la concurrence est rude…
IMMOBILIER Un toit pour tous
p. 82
TRANSPORTS Un turbo dans le moteur p. 88 INTERVIEW Adama Toungara, ministre du Pétrole et de l’Énergie AGRO-INDUSTRIE Il y a du tonus dans le cacao
AGRICULTURE Terres en vue
p. 96
p. 99
p. 102
DIASPORA Les enfants prodigues p. 104
66
Le Plus de Jeune Afrique
ÉCONOMIE
Réformes
pied au plancher...
Sa gestion du pays lui vaut les félicitations des institutions internationales. Mais les Ivoiriens, eux, attendent impatiemment de goûter aux fruits de la croissance. Pour Alassane Ouattara, qui souhaite se représenter en 2015, le temps presse.
À
chacundesesdéplacementsdans le pays, comme à Bouaké en novembre ou à Yamoussoukro en décembre 2013, la pression se fait plus forte sur les épaules d’Alassane Ouattara. Partout, les élus lui font part de l’impatience des Ivoiriens, notamment parmi ses partisans. Le chef de l’État a beau se féliciter du retour de la sécurité et réaffirmer sa volonté de créer 1 million d’emplois en cinq ans, la population n’a pas encore vraiment goûté aux fruits de la relance. N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
JULIEN CLÉMENÇOT
Une situation paradoxale pour l’exécutif, qui, dans le même temps, obtient un satisfecit des institutions de Bretton Woods. Dans sa note du mois de décembre, le Fonds monétaire international (FMI) reconnaît que les autorités ivoiriennes ont fait des progrès considérables dans la réalisation de leurs objectifs économiques. En 2013, la croissance devrait atteindre 8,7 % du PIB, soit légèrement moins qu’en 2012 (9,8 %), mais un peu plus que la prévision du FMI. Mieux : le pays devrait garder ce cap – entre 8 % et 10 % – jusqu’en 2015. Et bien que l’État soit toujours JEUNE AFRIQUE
67
qui a fait des infrastructures sa priorité. « Leur réhabilitation est une nécessité, mais c’est une idée difficile à faire passer dans l’opinion, car les effets bénéfiques ne se feront pas sentir à court terme », estime-t-il. Pas moins de 6 000 km de routes et de pistes auraient par exemple déjà été réhabilités, d’après Patrick Achi, le ministre des Infrastructures économiques. Des travaux sans précédent au cours de la dernière décennie. « Le président Ouattara a su profiter du soutien financier de la communauté internationale pour mettre en place une politique d’endettement ambitieuse. Une urgence chassant l’autre du côté des bailleurs de fonds, la fenêtre de tir était étroite », juge Jean-Noël Amantchi Gogoua, économiste de la Banque mondiale.
STRINGER/AFP
LIBÉRAL. En 2014, plusieurs chantiers importants
soumis à de fortes contraintes financières, le déficit budgétaire devrait être ramené sous la barre des 3 % du PIB. Mais force est de constater, au-delà des considérations macroéconomiques, que le quotidien de beaucoup d’Ivoiriens reste empreint d’une certaine morosité. Si l’inflation est largement contenue, le pouvoir d’achat des ménages demeure insuffisant pour nombre d’entre eux. Face au risque de grogne généralisée, le chef de l’État a d’ailleurs déjà lâché du lest en surévaluant légèrement le prix du cacao (750 F CFA, soit 1,10 euro par kilo) payé aux 800 000 producteurs du pays pour la campagne en cours, quitte à limiter les marges des industriels (lire pp. 99-100). Toujours dans un souci d’apaisement, il a aussi confirmé le déblocage du traitement des fonctionnaires, peu après avoir approuvé l’augmentation du salaire minimum interprofessionnel garanti (smig). Selon Serge Thiémélé, associé du cabinet Ernst & Young en Côte d’Ivoire, il ne faut pas juger trop sévèrement la politique économique du gouvernement, JEUNE AFRIQUE
p Le chef de l’État inaugure un oléoduc reliant Abidjan à Yamoussoukro, en juillet 2013.
vont se poursuivre, comme la construction du troisième pont d’Abidjan (lire p. 84), l’extension des centrales thermiques d’Azito et de Ciprel, la construction du barrage hydroélectrique de Soubré (lire p. 96) ou le prolongement de l’autoroute Abidjan-Yamoussoukro vers Bouaké (lire pp. 88-90). « Ces projets présentent, en plus, l’intérêt de créer des emplois », souligne Serge Thiémélé. Insuffisant, répondent les détracteurs du gouvernement, qui reprochent au président Ouattara de ne pas avoir suffisamment privilégié les entreprises locales dans le cadre des grands travaux. Aucune obligation n’est par exemple faite aux multinationales en matière de sous-traitance. « Ouattara est un libéral ; pour lui, ce n’est pas un objectif », constate un économiste travaillant pour une représentation diplomatique étrangère. « Dans l’urgence, on peut comprendre que le gouvernement recherche avant tout l’efficacité », répond Serge Thiémélé, qui estime qu’entre 15 % et 20 % du budget des projets aura néanmoins profité aux sociétés implantées localement. Le choix des autorités répond aussi aux exigences des bailleurs de fonds. « Il faut être réaliste, aucune entreprise en dehors des multinationales n’est capable de réaliser de telles commandes. Au lieu de râler, les entrepreneurs ivoiriens devraient se préparer à saisir de futurs contrats, comme la construction d’hôtels, de centres commerciaux ou de marchés de gros », tempère un membre du patronat. Des ambitions aujourd’hui bridées par une pénurie de compétences sur le marché du travail. « Plus d’une décennie de crise a complètement détruit le système éducatif. Les Ivoiriens âgés de 15 à 35 ans en paient le prix », constate un membre de la coalition au pouvoir. Reste que les PME veulent, elles aussi, profiter davantage du retour de la croissance. Mais les gestes du gouvernement en leur faveur demeurent timides. Si Jean-Louis Billon, ministre du Commerce, de l’Artisanat et de la Promotion des PME, a bien présenté en novembre 2013 un plan d’appui de 150 à 200 milliards de F CFA N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
Le Plus de J.A. Côte d’Ivoire
68
pour faire passer leur nombre de 50 000 à 120 000 en six ans, ce dernier n’a pour le moment pas été adopté. Le paiement de la dette accumulée par l’État vis-à-vis des PME entre 2000 et 2010 constitue une autre pomme de discorde. Les entrepreneurs concernés dénoncent notamment le tri opéré par le gouvernement dans les factures à régler. Après audit, seuls 152,9 milliards de F CFA d’arriérés ont été validés, sur un montant estimé au départ à 356 milliards. Le paiement d’une première tranche de 51 milliards de F CFA a d’ailleurs débuté en décembre 2013.
q La centrale thermique d’Azito fait l’objet d’un projet d’extension.
bien social, corruption…) largement ancrés, depuis longtemps, dans les mentalités. Parmi les dossiers que le Fonds suit avec attention, le nouveau code minier ou la restructuration du secteur bancaire public. Sur ce dernier sujet, le président, partisan d’une liquidation des actifs les moins rentables, fait face à des résistances au sein même du gouvernement. « Même si tout n’est pas parfait, le potentiel du marché ivoirien reste important », estime Hichem Ghanmi, directeur du bureau d’AfricInvest à Abidjan. Un jugement partagé par les chefs d’entreprise. Les investissements privés sont passés de 8,8 % du PIB en 2012 à 9,9 % l’an dernier et devraient, en 2014, atteindre 10,4 %, selon les prévisions de la Banque mondiale. Les secteurs de l’agroalimentaire, de la construction et des télécoms font figure de locomotives pour l’économie nationale. C’est finalement la situation politique qui inquiète le plus le milieu des affaires. Nombreux sont les observateurs qui émettent des doutes sur la stratégie de réconciliation nationale mise en place par le pouvoir. Dans ce contexte, l’élection présidentielle de 2015 fait déjà figure d’épouvantail pour une sphère économique en quête de stabilité. « Si la situation ne se clarifie pas d’ici à quelques mois, les investisseurs pourraient mettre certains projets en stand-by », confirme un financier. Jugement des crimes de guerre, dialogue avec le Front populaire ivoirien (FPI), négociation pour une alliance avec le Parti démocratique de Côte d’Ivoire-Rassemblement démocratique africain (PDCI-RDA) pour 2015… Le camp Ouattara aura plusieurs dossiers brûlants à gérer pour faire fructifier la croissance. l
AFP
SACS PLASTIQUE. Parfois difficile, le dialogue entre le pouvoir et les entrepreneurs est cependant loin d’être rompu. À preuve, le report au 20 mai 2014 de l’interdiction de l’utilisation des sacs plastique, décidé fin novembre 2013 à la demande des opérateurs économiques. Le récent déblocage de 7 milliards de F CFA par la présidence pour améliorer la voirie, en piteux état, de la commune de Yopougon, qui abrite la plus grande zone industrielle du pays, témoigne peut-être d’une évolution dans l’attention portée aux chefs d’entreprise. Des efforts, le gouvernement devra aussi en faire en accélérant encore le rythme des réformes. Après la mise en place d’un guichet unique pour la création des sociétés et celle d’un tribunal de commerce, le FMI l’appelle à poursuivre en ce sens afin d’améliorer le climat des affaires ainsi que la bonne gouvernance. Ce dernier chantier reste d’actualité et dépendra de la capacité des Ivoiriens à abandonner les « petits arrangements » (fraude, abus de
Télécoms, construction et agroalimentaire sont les locomotives de la croissance.
N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
JEUNE AFRIQUE
L’éléphant voit la vie en rose t Avec Souleymane Diarrassouba (au centre), directeur général de Banque Atlantique, en décembre 2011.
Billon, ministre du Commerce, de l’Artisanat et de la Promotion des PME, qui reste le meilleur ambassadeur du secteur privé au sein de l’exécutif. Ancien président de la Chambre de commerce et d’industrie, il est le principal actionnaire du géant agro-industriel Sifca et possède des parts de l’opérateur Orange, tandis que son frère David dirige le logisticien Movis. DIASPORA. En dehors de la sphère poli-
Parole d’experts
FRATERNITÉ MARTIN
tique, Ouattara entretient des relations privilégiées avec le monde de la finance. Il est par exemple conseillé par Jean-Luc Bédié, fondateur de la société d’intermédiation boursière Hudson & Cie, et apprécie particulièrement Souleymane Diarrassouba,directeurgénéraldeBanque Atlantique et président de l’Association professionnelle des banques et établissements financiers de Côte d’Ivoire. Parmi les nouveaux venus dans l’entourage du chef de l’État, il y a aussi Ibrahim Magassa, fondateur de la banque d’affaires Algest Consulting, très impliqué dans les projets Le chef de l’État a beau ne jamais avoir évolué dans le secteur privé, de construction de logements sociaux. Ce il est particulièrement bien introduit dans les milieux d’affaires. dernier a été présenté au président par Abdourahmane Cissé, le jeune ministre lassane Ouattara en est la ministres. Membre de l’équipe de camdu Budget (32 ans). pagne de Ouattara en 2010, Gaoussou preuve vivante: on peut être De ses années passées aux États-Unis, un libéral convaincu et mettre Touré,aujourd’huiministredesTransports, Alassane Ouattara a en outre conservé des son talent au service de l’État est toujours actionnaire de la Société ivoiliens solides avec la diaspora ivoirienne. ou d’institutions internationales. En quatre rienne de traitement d’anacarde (Sita), Il est notamment proche d’Ibrahim Keïta, décennies, l’économiste n’a pas fait une dirigée par son épouse, Massogbé Touré ancien codétenteur de la première licence seule incursion dans le secteur privé. Diabaté. Mamadou Sanogo, ministre de GSM en Côte d’Ivoire et ancien adminisAujourd’hui à la tête de la Côte d’Ivoire, la Construction, de l’Assainissement et de trateur de la société Amex International, il n’est pas pour autant déconnecté du l’Urbanisme, garde quant à lui un œil sur fondée parson neveu, le lobbyisteMamadi monde de l’entreprise. Car pour sentir le développement de sa société, Celpaid, Diané, aujourd’hui conseiller diplomabattre le pouls de l’économie, le chef de spécialisée dans le transfert d’argent, ainsi tique à la présidence ivoirienne. C’est lui l’Étatpeutcomptersurlesnombreuxentreque sur ses écoles de commerce et d’ingéqui aurait incité le minier australo-roupreneurs qui figurent parmi ses proches. nieurs, Hetec et Agitel-Formation. main Frank Timis à s’intéresser à la Côte La première d’entre eux n’est autre d’Ivoire. À ne pas confondre que son épouse, Dominique, experte en avec un autre Ibrahim Keïta, le Son gendre et plusieurs de construction résidentielle – un secteur en beau-frèredeOuattaraetactuel ses ministres font partie de plein renouveau à Abidjan –, même si elle président de Versus Bank. cette galaxie de businessmen. a délégué la gestion de sa société immoÀ cette galaxie de businessbilière, AICI. Dans son cercle familial, on men, il convient enfin d’ajouter trouve aussi Benedict Senger, époux de la Autreministrehommed’affaires:Adama Hassan Hyjazi, qui dirige le centre comfille du chef de l’État Fanta Catherine et Toungara (Mines, Pétrole et Énergie), mercial Prima, également présent dans président de Webb Fontaine Côte d’Ivoire, actionnaire de plusieurs sociétés dans l’immobilier et l’industrie. Et, surtout, une société chargée notamment de l’insle secteur pétrolier. Sans oublier Adama Fabrice Sawegnon, patron de l’agence pection des importations en Côte d’Ivoire. Bictogo, éphémère ministre de l’Intégrade communication Voodoo. Artisan de la tion africaine et patron d’ISD Holding, campagne électorale de 2010, c’est lui qui CAMPAGNE. Au sein du gouvernement, fournisseur de solutions biométriques avait trouvé le slogan « ADO Solutions ». l le président peut également s’appuyer sur auprès de plusieurs pays d’Afrique de JULIEN CLÉMENÇOT, l’expérience et les réseaux de plusieurs l’Ouest. Mais c’est sans doute Jean-Louis avec BAUDELAIRE MIEU, à Abidjan
A
JEUNE AFRIQUE
N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
69
PUBLI-INFORMATION
UN PORT AMBITIEUX
AU SERVICE D’UN PAYS ÉMERGENT Vue du port d’Abidjan et de l’implantation des projets en cours.
À travers ce projet, les responsables du Port d’Abidjan ambitionnent d’une part d’accroître le trafic de pêche par l’accueil de tous types de navires et d’autre part de dégager de nouveaux espaces pour l’implantation d’industries de pêche. A l’issue d’un appel d’offre international lancée en 2013, ce marché a été attribué au groupement SOGEA/SATOM-EMCCDREDGING et les travaux devraient débuter en 2014.
Dans la perspective du retour du port d’Abidjan dans le concert des grands ports du monde, des projets ambitieux à court, moyen et long terme ont été initiés pour réhabiliter les infrastructures existantes et en développer de nouvelles afin de répondre efficacement aux besoins sans cesse croissants
DIFCOM/FC - Photos : DR
du secteur et faire face à la concurrence sous-régionale. Parmi ces projets, l’on peut citer : >> 1. La construction d’un deuxième terminal à conteneurs pour accroître le trafic conteneurisé et particulièrement celui des conteneurs en transbordement. Ce terminal disposera d’une longueur totale d’accostage de 1250 m linéaire avec 18 m de profondeur. Il s’étendra sur une superficie de 37,5 hectares et pourra traiter 1 500 000 TEU par an. La signature de la convention de concession pour la réalisation et la construction de ce deuxième terminal à conteneurs du Port d’Abidjan a eu lieu le 19 décembre 2013 entre l’État de Côte d’Ivoire et le consortium APMTerminals/ Bollore Africa Logitics/Bouygues TP, vainqueur de l’appel d’offres. >> 2. L’élargissement et l’approfondissement de la passe d’entrée du Canal de Vridi. Il permettra au Port d’Abidjan
d’accueillir en tout temps des navires porte-conteneurs et conventionnels de plus de 250 m de long et de 16 m de tirant d’eau dans de meilleures conditions de sécurité. Bénéficiant d’un financement d’EXIMBANK, ce projet débutera en 2014 pour une durée de trois ans. >> 3. L’approfondissement des postes 6, 7 et 8 du quai ouest pour permettre l’accueil de navires conventionnels et vraquiers exigeant un tirant d’eau allant jusqu’ à 13,5 m. >> 4. La réhabilitation et la modernisation du port de Pêche qui se traduira par la construction d’un môle, la réalisation de quais de 8 à 10 m de tirant d’eau et la création de 19 ha de terrain industriel par remblaiement de la darse existante.
>> 5. La construction d’une station de traitement de déchets liquides afin d’offrir aux navires et industries, la possibilité de se délester de leurs résidus liquides dans de meilleures conditions de sécurité garantissant la protection de l’environnement marin et lagunaire. >> 6. La construction d’un terminal RORO aux quais sud du port dans l’optique d’accroître le trafic roulier et disposer d’un véritable terminal moderne. Ce projet consiste à réaliser un quai de 250 m linéaires avec 13,5 m de tirant d’eau d’une part et un quai retour de 350 m linéaires avec 13,5 m de tirant d’eau d’autre part. Ce terminal aura une superficie de 10 ha et sera réalisé par remblaiement. La mise en œuvre de tous ces projets permettra au Port d’Abidjan non seulement de rattraper le retard des investissements de développement causés par les dix dernières années de crise ivoirienne, mais surtout de faire un bond significatif vers l’ambition de créer en Afrique un troisième hub, port africain de référence internationale après Tanger et Durban. ■
72
Le Plus de J.A. Côte d’Ivoire ENTRETIEN
Daniel Kablan Duncan « Peu de pays ont obtenu pareils résultats » La croissance est de retour, et elle est forte. Le Premier ministre entend en profiter pour engager plusieurs grands chantiers et attirer les investisseurs, publics ou privés.
S
a connaissance de la fonction (il a déjà été Premier ministre de 1993 à 1999 sous la présidence d’Henri Konan Bédié) est son premier atout. Sa connaissance des dossiers est le second. À 70 ans, Daniel Kablan Duncan a, main dans la main avec Alassane Ouattara, le chef de l’État, remis le pays sur les rails, amorçant un retour à la sécurité, à une paix durable et à la relance de l’économie. Et il ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. JEUNE AFRIQUE: La Côte d’Ivoire connaît une belle croissance économique, mais la population estime qu’elle ne profite pas de cette embellie. Comment rendre cette croissance inclusive ? DANIEL KABLAN DUNCAN : Il faut se
souvenir que nous revenons de loin. La crise postélectorale de 2010-2011 a failli faire basculer le pays dans le chaos. Les infrastructures de base ont été détruites ou laissées à l’abandon. L’objectif du président de la République, après son investiture, était d’amener le gouvernement à assurer la paix et la sécurité, à bâtir le grand chantier de la réconciliation nationale et enfin à amorcer la reconstruction et la relance économiques. Les deux premiers chantiers étaient importants parce que sans paix, sans sécurité et sans réconciliation, il était difficile de faire repartir l’économie. En 2011, notre croissance a été négative de 4,7 % alors que les prévisions étaient comprises entre – 6 et – 8%. Nous avons ensuite élaboré un Plan national de développement [PND] de 11 000 milliards de F CFA pour la période 2012-2015. L’État et le secteur privé national et international ont travaillé en partenariat pour réaliser des investissements massifs dans les infrastructures. Résultat : en 2012, la croissance a été de 9,8 %. Peu de pays ont obtenu un tel résultat, et nous visons les 10 % pour 2014 et 2015. Cette N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
consolidation pourra alors profiter au plus grand nombre. Le principal défi de l’économie ivoirienne est donc de pouvoir disposer d’une croissance forte et soutenue pendant plusieurs années, comme à l’époque du « miracle ivoirien », où, de 1960 à 1980, le pays a connu une croissance moyenne de 7 %, qui a profité à toute la population. L’objectif reste d’être un pays émergent à l’horizon 2020. Quel bilan tirez-vous du PND, qui reste l’un des programmes phares du quinquennat ?
Il comprend deux volets : l’investissement public et l’investissement privé. Les besoins étaient estimés à 4 milliards de dollars [environ 3 milliards d’euros] pour le public, et les bailleurs de fonds se sont engagés pour plus de 8 milliards de dollars. Le secteur privé n’est pas resté en marge. Lors de la réunion des bailleurs de décembre 2012 à Paris, plus de 380 investisseurs ont fait des promesses. La phase d’exécution du PND est donc bien engagée, notamment autour des grands chantiers, comme le pont Henri-Konan-Bédié, la centrale d’Azito ou le barrage hydroélectrique de Soubré. L’objectif était d’atteindre 92 % de réalisation des investissements publics pour la fin de 2013. Quelle est la place réservée aux PME-PMI dans le PND, celles-ci étant considérées comme l’un des maillons faibles de l’économie ivoirienne ?
qu’une partie des marchés publics sera réservée aux PME. Nous avons rencontré nos partenaires, notamment la Banque mondiale, pour qu’ils nous apportent leur concours afin de permettre à nos PME-PMI d’aller de l’avant. Pour ce faire, notre objectif est de professionnaliser les PME, qui doivent renoncer au secteur informel pour devenir des entreprises nationales pourvoyeuses d’emplois. Qu’est-ce qui explique aujourd’hui la faiblesse de la politique du local content (préférence nationale pour l’emploi) ?
Dans ce domaine, l’État n’est pas resté les bras croisés. Nous devons soutenir les Ivoiriens, mais pas à n’importe quel prix. Il faut d’abord agir méthodiquement, en commençant par identifier nos qualités pour pouvoir aller de l’avant. Ne redoutez-vous pas que vos efforts restent vains si, dans le même temps, vous ne parvenez pas à juguler une corruption susceptible de faire fuir les investisseurs?
30 juin 1943 Naissance à Ouellé 1973-1974 Analyste au FMI 1974-1990 Représentant de la Banque
centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) en Côte d’Ivoire, puis directeur au siège de la banque à Dakar
1990-1993 Ministre de l’Économie et
des Finances du gouvernement d’Alassane Ouattara, puis ministre délégué chargé de l’Économie auprès du Premier ministre
1993-1999 Premier ministre du président Henri Konan Bédié. Membre du bureau politique du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI)
1999-2000 Exil à Paris après le coup d’État
du général Robert Gueï, puis retour à Abidjan
2011-2012 Ministre des Affaires étrangères Depuis le 21 novembre 2012
Premier ministre du président Alassane Ouattara, également ministre de l’Économie et des Finances
Les PME-PMI constituent 80 % des entreprises de Côte d’Ivoire, mais elles ne contribuent qu’à 18 % du PIB. Notre objectif est de créer des conditions favorables à leur éclosion et à leur développement. Le gouvernement a élaboré un plan intitulé « Phoenix » pour revitaliser le secteur avec des aménagements fiscaux et pour lui faciliter l’accès aux financements. L’État a également prévu JEUNE AFRIQUE
L’éléphant voit la vie en rose Le chef de l’État nous exhorte régulièrement à combattre ce mal. D’ailleurs, nous venons de mettre en place la Haute Autorité de la gouvernance, qui disposera de tous les instruments nécessaires pour lutter contre ce phénomène. Nous voulons rassurer les investisseurs sur notre
Avec la montée en puissance des Chinois dans les grands projets, ne craignezvous pas de froisser vos partenaires traditionnels ?
Nos amis chinois financent eux-mêmes beaucoup d’infrastructures. La Chine contribue au projet de l’autoroute de
Notre maillon faible? Les PME-PMI, qui ne contribuent qu’à 18 % de notre PIB. volonté d’en finir avec la corruption. Des mécanismes ont été mis en place, comme la création d’un tribunal de commerce. Nous avons engagé plusieurs réformes structurelles et institutionnelles destinées à améliorer l’environnement des affaires, notamment dans les mines et le pétrole. Nous profiterons justement du Forum ICI 2014 [Investir en Côte d’Ivoire, du 29 janvier au 1er février] pour présenter l’ensemble de nos réformes économiques aux investisseurs.
Grand-Bassam pour plus de 120 millions de dollars. Elle participe déjà à la construction du barrage hydroélectrique de Soubré à hauteur de 85 % et vient de consentir au pays une ligne de crédit de plus de 300 millions de dollars. Les prêts des Chinois sont très avantageux : ils courent sur vingt à vingt-cinq ans, avec parfois un différé de cinq ans, et un taux d’intérêt d’environ 2 à 3 %. De tels investisseurs ne sont pas légion. Lors du sommet Chine-Afrique de 2013,
73
Pékin s’était engagé à investir 20 milliards de dollars en Afrique, et la Côte d’Ivoire essaiera d’en capter le maximum. Mais nous sommes également prêts à aller en Inde ou au Danemark chercher les financements susceptibles de soutenir notre économie. Le gouvernement a annoncé une levée de fonds sur les marchés internationaux dès cette année pour relancer l’investissement. Pourquoi maintenant ?
Nous empruntons déjà régulièrement en francs CFA à l’intérieur de la zone UEMOA. Mais, pour mieux soutenir les investissements, l’État envisage de lever en 2014 entre 800 millions et 1 milliard de dollars via des émissions de bons en euros. Un choix très avantageux pour nous. Pourquoi maintenant ? Pas par effet de mode, mais parce que nous sommes liés au FMI, qui nous conseille en matière d’endettement. Et nous devons tenir nos engagements. l Propos recueillis à Abidjan par BAUDELAIRE MIEU
ÉMILIE RÉGNIER POUR J.A.
t Dans son bureau, à Abidjan, le 6 janvier.
JEUNE AFRIQUE
N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
Côte d’Ivoire L’éléphant voit la vie en rose
SIA KAMBOU/AFP
75
p Exercice d’entraînement à la lutte antiterroriste, à l’école de police d’Abidjan.
SÉCURITÉ
On se calme!
D’où l’apparition de coupeurs de route qui sévissent le long des grands axes et même dans certaines agglomérations, rendant les déplacements difficiles. Ce phénomène pourrait être « lié au chômage lors des années de crise politico-militaire, des jeunes », a affirmé le chef de l’État en comme la Banque africaine de dévelopnovembre à Bouaké, fief de l’ex-rébellion. pement (BAD), ou l’arrivée de nouvelles, Avant d’appeler ces derniers « à rendre les comme l’Unesco, qui a ouvert un bureau armes et à s’inscrire dans le programme en septembre dernier. Autant d’implanDDR [désarmement, démobilisation et tations qui permettront de « créer des réinsertion] ». Selon Alassane Ouattara, 27 000 anciens Les démobilisés sont incités à combattants avaient travailler dans l’agriculture ou le été pris en charge fin commerce, générateurs de revenus. décembre 2013 par l’Autorité de désarmement, emplois pour la jeunesse », a pronostiqué démobilisation et réinsertion (ADDR). Alassane Ouattara lors de ses vœux de fin Ils ont été intégrés dans divers corps d’année. Et qui devraient rassurer et attirer (armée, sapeurs-pompiers, administradans leur sillage les investisseurs privés. tion pénitentiaire, régie financière, Eaux et Forêts) ou orientés vers des activités COUPEURS DE ROUTE. Mais pour en génératrices de revenus (agriculture, élevage, artisanat, commerce, etc.). À en arriver là, le chemin a été long et il est croire le gouvernement, près de la moitié loin d’être achevé. Malgré la normalides ex-combattants sont donc désarmés sation politique, la situation sécuritaire et réinsérés. « Mon objectif est que les reste fragile. Une décennie de crises a favorisé la circulation des armes légères. 60 000 à 65 000 jeunes gens à démobiliser
Près de 27 000 ex-combattants ont été désarmés et intégrés dans la police, l’armée et diverses administrations. Résultat : les braquages et les attaques violentes sont en nette régression.
A
ttirer les investisseurs, relancer durablement l’économie: deux missions impossibles si la sécurité n’est pas assurée. Bien conscientes du problème, les autorités ont engagé une vaste réforme du secteur et surveillent les indicateurs avec une attention mêlée, ces derniers temps, d’une certaine satisfaction. L’indice d’insécurité a en effet fortement baissé en deux ans. Cet outil de mesure – qui tient compte, entre autres, des braquages, des attaques de domiciles ou de commerces, des agressions de rue, des vols de véhicules, des accidents de la circulation et du phénomène des coupeurs de route – est passé de 3,8 en janvier 2012 à 1,3 aujourd’hui, se réjouit Bruno Koné, le porte-parole d’un gouvernement dont l’objectif est de ramener cet indice à 1. Pour Daniel Kablan Duncan, le Premier ministre, ces résultats expliquent le retour de bon nombre d’institutions délocalisées JEUNE AFRIQUE
N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
Le Plus de J.A. Côte d’Ivoire le soient pour la fin de l’année [2014] », a proclamé, à Bouaké, le président. Qui a maintenu son objectif de création d’un million d’emplois d’ici à 2015. Parallèlement aux efforts de désarmement et de réinsertion, le gouvernement ivoirien a lancé en novembre 2013 l’opération Téré, qui associe militaires, forces de police et gendarmerie pour réduire les poches résiduelles d’insécurité dans certaines zones du pays.
À Abidjan, la lutte contre le grand banditisme est confiée à des unités spéciales de sécurité. Assistées par vidéosurveillance, les patrouilles motorisées du Centre de coordination des décisions opérationnelles (CCDO) et de la Force de recherche et d’assaut de la police (Frap), placées sous le contrôle de Hamed Bakayoko, ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, quadrillent la capitale économique de jour comme de nuit.
Les résultats de ces efforts multiformes semblent encourageants. « Il y a de moins en moins d’agressions sur les routes et dans les villes », témoigne un commerçant qui emprunte régulièrement l’axe Abidjan-Bouaké. Mais en dépit des progrès réalisés, le gouvernement reconnaît qu’il doit continuer à améliorer la situation sécuritaire pour mettre en confiance les investisseurs. l SALIF D. CHEICKNA, à Abidjan
Salif Koné La tête et les muscles Son entreprise, KS Factory, fournit l’armée ivoirienne en équipements de protection et de communication.
A
ncien membre d’une unité d’intervention de la police ferroviaire française, Salif Koné s’est reconverti dans les affaires dans son pays natal sans quitter le secteur de la sécurité. Sa société, KS Factory, vend des équipements de protection individuelle, du matériel de transmission et de communication, ainsi que des équipements d’intervention et de stimulation pour la formation au tir ou au maniement du bâton de défense à poignée latérale. Né à Abidjan le 5 décembre 1971, Salif Koné arrive en France en 1989-1990, poussé par l’« année blanche » décrétée dans son pays à la suite du soulèvement des étudiants contre le régime de Félix Houphouët-Boigny. C’est par le sport qu’il en vient à travailler dans la sécurité. Ceinture noire de taekwondo au physique impressionnant (1,90 m pour 90 kg), il exerce le métier d’agent de sécurité parallèlement à ses études. Après avoir décroché son brevet de maîtrise en hôtellerie, il exerce quelque temps dans le domaine de la pâtisserie. Puis retourne à ses premières amours : le sport. N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
Il fait partie de l’équipe de France de taekwondo. Pour enfin intégrer, au terme d’une sélection rigoureuse, l’unité d’intervention de la police ferroviaire française. VŒUX. Grâce à son entre-
prise, créée en 2009, Salif Koné entend « apporter sa pierre à la relance économique » de son pays, laquelle, selon lui, passe nécessairement par l’amélioration du climat sécuritaire. Il appelle de ses vœux une restauration de la confiance entre l’État et les entrepreneurs pour résoudre les questions liées à l’emploi et à l’insertion des jeunes. Et s’inquiète notamment des quelque 60 000 jeunes qui attendent une « réponse claire depuis la sortie de la crise postélectorale ». Pour lui, la réinsertion de certains de ces anciens combattants pourrait passer par leur intégration dans les différentes polices municipales (la Côte d’Ivoire compte près de 200 communes). Basé à Abidjan, « KS Factory fournit déjà l’armée [notamment son nouveau fleuron, les forces spéciales] et la police en tenues de qualité et en équipements de
VINCENT FOURNIER/J.A.
76
p Ancien membre d’une unité d’intervention de la police ferroviaire française, il a créé KS Factory à Abidjan en 2009.
protection individuelle », se réjouit le directeur général. Pour l’heure, son entreprise distribue les produits de nombreux fabricants de référence. À plus long terme, Salif Koné envisage d’ouvrir sa propre unité de confection textile et de production de matériel de protection pour
« créer de la valeur ajoutée et satisfaire la demande du marché sous-régional ». Car « après plus de cinquante ans d’indépendance, il n’existe pratiquement aucune structure locale capable d’équiper et de ravitailler les armées africaines », constate-t-il. l S.D.C. JEUNE AFRIQUE
78
Le Plus de J.A. Côte d’Ivoire SECTEUR PUBLIC
Ces vilains petits canards L’État envisage de privatiser quinze entreprises publiques. Un projet qui suscite quelques remous au sein des établissements concernés. ressources de cette banque atteignaient 433,77 milliards de F CFA. Dans la Société ivoirienne de banque (SIB), filiale locale du marocain Attijariwafa Bank, l’État se délestera de 490 000 actions, soit 49 % du capital. D’autres établissements financiers à majorité publique, comme Versus Bank et la Banque pour le financement de l’agriculture (BFA), en font également partie. Dans le secteur agro-industriel, l’État ivoirien se désengagera des 23 % de Sucrivoire (Sifca) qu’il possède, soit 563 500 actions, ainsi que de plusieurs autres entreprises, comme IPS (Groupe Aga Khan). « Le gouvernement n’agit pas ainsi pour brader le patrimoine public. Pendant plus de dix ans, la plupart de ces entreprises ont eu une gestion approximative, faisant peser sur le gouvernement des charges plus importantes en termes de subventions », confie Bruno Koné, le porte-parole du gouvernement. Au sein des entreprises concernées, on s’inquiète des conséquences d’une privatisation sur la pérennité des emplois. DE CONCERT. Les syndicats se préparent
A
près deux années d’atermoiements sur le dossier de la privatisation des entreprises publiques, l’État semble désormais déterminé à boucler ce processus avant la fin de l’année 2014. Lors d’une rencontre avec le Medef (patronat français) en janvier 2012 à Paris, Alassane Ouattara, le président ivoirien, avait annoncé son intention de privatiser un quart des entreprises publiques, vingt ans après la première grande vague lancée entre 1990 et 1994, lorsque l’actuel chef de l’État occupait alors la fonction de Premier ministre du président Houphouët Boigny. Le 2 décembre, Abdourahmane Cissé, le ministre du Budget, a présenté le programme devant le Conseil des ministres, à Abidjan. Quinze entreprises sont concernées, dans divers secteurs d’activité, des mines à la banque en passant par N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
l’agriculture. Une première valorisation datant de 2012 a estimé le capital social de ces sociétés à 116 milliards de F CFA (environ 177 millions d’euros), dont 24,7 milliards de participation financière de l’État.
à défendre leurs intérêts, espérant éviter les énormes vagues de licenciements qui avaient suivi la privatisation de la décennie 1990. Le gouvernement, de son côté, a tenté de rassurer les salariés, promettant le maintien des emplois. Pour cela, il prévoit de procéder au cas par cas. « Tout sera fait selon le schéma prévu. Il consiste
A C T I O N S . La dernière évaluation table Prêts à défendre les intérêts des aujourd’hui sur 94,5 milsalariés, les syndicats espèrent liards de F CFA, avec une participation gloéviter une vague de licenciements. bale de l’État à hauteur de 32,4 milliards de F CFA. Parmi les pour les repreneurs à accorder des actions sociétés concernées par cette opéraaux investisseurs privés ivoiriens et au tion figurent plusieurs établissements personnel à travers la Bourse régionale bancaires, comme la Banque internades valeurs mobilières (BRVM). Le printionale pour l’Afrique de l’Ouest Côte cipe de base est de faire participer les d’Ivoire (BIAO-CI), à laquelle l’État doit nationaux aux privatisations », explique céder ses 200 000 actions, soit 10 % du Cissé, qui supervise l’ensemble de cette capital. La BIAO a connu un dévelopopération, de concert avec le comité de pement important au cours de ces derprivatisation désormais réactivé. l nières années, et, en septembre 2013, les BAUDELAIRE MIEU JEUNE AFRIQUE
Le Plus de J.A. Côte d’Ivoire
ÉMILIE RÉGNIER POUR J.A.
80
EMPLOI
p Des étudiants à la sortie de l’université, à Abidjan, le 14 janvier.
Le péril jeune Même si son taux de croissance frise les 10 %, le pays peine à réduire le chômage des 15-34 ans. Un fléau que l’État a la ferme intention de combattre.
A
près une décennie d’instabilité, la relance économique semble de retour en Côte d’Ivoire, où le taux de croissance a atteint 9,8 % en 2012, selon le FMI. Et même si la population n’en ressent pas encore les effets, le gouvernement assure qu’un taux de croissance aussi soutenu pendant une longue période aura forcément un impact sur la vie quotidienne. « Quelque 772 000 Ivoiriens âgés de 15 à 34 ans sont au chômage », révèle la Banque africaine de développement (BAD), qui a signé en décembre 2013 un accord de prêt de 21,34 millions de dollars (15,6 millions d’euros), en plus d’un don de 7,56 millions de dollars, pour promouvoir l’emploi et l’insertion des jeunes. « C’est l’aboutissement d’un processus entamé en avril dernier, lors de la préparation de la stratégie d’intervention de la Banque en Côte d’Ivoire pour la période 2013-2017 », souligne Agnès Soucat, directrice du département du développement humain de la BAD. Selon Idrissa Bayo, ambassadeur de la Côte d’Ivoire en Tunisie (où siège actuellement la Banque), ces concours financiers vont permettre au gouvernement N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
« d’offrir des opportunités d’insertion aux chômeurs de longue durée » et de créer des emplois pour une « jeunesse vulnérable ». COMPÉTENCES. À en croire Moussa
Dosso, ministre de l’Emploi, des Affaires sociales et de la Formation profession-
Le gouvernement prévoit de créer 1,7 million d’emplois d’ici à 2015. nelle, le chômage touche 9,4 % de la population active. Un chiffre qui devrait être confirmé par une grande enquête, annoncée pour le mois de mai. Mais plus encore que le chômage, le pays souffre d’un important niveau de sous-emploi [inadéquation entre les qualifications et les postes proposés], qui concernerait plus de 5,5 millions de jeunes. Pour y faire face, le gouvernement prévoit de créer 1,7 million d’emplois d’ici à 2015 en développant quatre programmes: le Programme emploi jeune et développement des compétences (Pejedec), l’Agence d’études et de promotion de
l’emploi (Agepe), la Plateforme de services (PFS) et l’Agence nationale de la formation professionnelle (Agefop). Il mise également sur la dynamique du Plan national de développement (PND), qui vise à faire de la Côte d’Ivoire un pôle économique en Afrique de l’Ouest. Pour la période 2012-2015, il s’articule autour de différents axes : la sécurité et la paix, la réconciliation nationale, la reconstruction et les avancées économiques. Dans ce dernier domaine, les efforts se déclinent « en un ensemble de grands projets structurants, publics ou réalisés dans le cadre de partenariats publicprivé », résume Daniel Kablan Duncan, le Premier ministre. Quand au Programme national d’investissement agricole (PNIA) 2012-2016, « d’un coût estimé de 2040 milliards de F CFA, financé à hauteur de 60 % par le secteur privé », il devrait assurer « environ 2 400 000 emplois », promet-il. DYNAMISME. Dans le secteur privé,
Emmanuel Essis Esmel, directeur général du Centre de promotion des investissements en Côte d’Ivoire (Cepici), a annoncé en décembre la création de 2 535 entreprises (inscrites au registre du commerce) en 2013, contre 126 en 2012. Pour lui, ce dynamisme est le résultat des réformes mises en œuvre pour favoriser l’entrepreneuriat, que le Cepici veut étendre au niveau local en 2014. l SALIF D. CHEICKNA JEUNE AFRIQUE
PUBLI-INFORMATION
LA SICTA, FILIALE DU GROUPE SGS, AUX CÔTÉS DE L’ÉTAT IVOIRIEN POUR LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE.
Sur les trois dernières années, le volume des opérations de contrôles techniques est nettement en hausse et cela est le corollaire des efforts fournis de concert avec le Ministère des Transports et ses démembrements. Le nombre de visites est ainsi passé de 360 000 visites en 2011, à plus de 450 000 visites en 2013, soit une évolution de plus de 25 %. Poursuivant ses objectifs de réduire le taux des accidents de la circulation en général et d’agir sur ceux causés par le mauvais entretien du parc automobile, l’État ivoirien appuie la SICTA par des actions initiées par l’Office national de Sécurité Routière (OSER) et par les Campagnes sur la Sécurité routière. Dans ce domaine, le comportement innovant de la SICTA sensibilise les usagers à intégrer dans leur quotidien la nécessité de privilégier leur sécurité.
L’un des nouveaux centres de contrôle techique de la SICTA
DIFCOM/FC - Photos : DR
La Société Ivoirienne de Contrôles Techniques Automobiles et Industriels (SICTA), filiale du Groupe SGS (leader mondial dans les domaines de l’inspection et de la certification), créée en 1974, est spécialisée dans le contrôle technique des véhicules en circulation sur le territoire de la République de Côte d’Ivoire. défectuosités lors des opérations de contrôle technique. • L’harmonisation et l’automatisation du contrôle technique sur toute l’étendue du territoire. • L’édition d’un nouveau certificat de visite technique au format « carte de crédit » depuis le 1er janvier 2013. Il respecte tous les standards de sécurisation en vigueur.
La SICTA a étoffé son personnel en qualité, notamment pour suivre l’évolution de la technologie de pointe qu’elle utilise dans le cadre de sa mission, mais aussi pour assurer une meilleure couverture du territoire, et donc se rapprocher au mieux des usagers avec un service de qualité. En trois années, l’effectif a eu une évolution de 22 % ; la formation initiale est assurée par le Centre de formation de la SICTA. Elle vise les jeunes diplômés en provenance des Centres de formation technique.
La SICTA assure également : • La sécurisation des documents, notamment la Carte Grise et les Plaques d’Immatriculation
Évolution du nombre de total de contrôles effectués depuis 1991
SICTA (MEMBER OF SGS GROUP) Abidjan, Vridi 01 BP 3038 Abidjan 01, Côte d’Ivoire Tél. : (+225) 21 27 58 87 Fax : (+225) 21 27 30 56 www.sicta.sgs.com
2013
2012
2011
2010
2009
2008
2007
2006
2005
2004
2003
2001
2000
1999
1998
1997
1996
1995
1994
1993
1992
500 000 450 000 400 000 350 000 300 000 250 000 200 000 150 000 100 000 50 000 0
1991
Depuis plusieurs années, la SICTA a entrepris la rénovation de ses installations techniques, pour être dans un premier temps en conformité avec les standards internationaux, ensuite pour rassurer le Gouvernement Ivoirien quant à sa réelle capacité à assurer pleinement le rôle qui lui est dévolu, avec professionnalisme et pour la satisfaction des usagers. La SICTA réaffirme son engagement constant aux côtés du Ministère des Transports dans les domaines de la sécurité routière et de la lutte contre la fraude sur les documents. Cet engagement s’est manifesté ces dernières années par les actions et réalisations de nature à accompagner la réforme des Transports initiée par le Gouvernement depuis 2011 et en cours de réalisation d’une part et d’autre part par : • L’exécution d’un vaste programme de modernisation des structures et des procédures de contrôle technique sur toute l’étendue du territoire ivoirien. Un investissement de 3 milliards de francs CFA (plus de 4,6 millions d’euros). • L’acquisition d’équipements respectant les normes euro-systèmes, caractérisés par l’utilisation de Terminaux de Saisie Portable (TSP). L’objectif est de minimiser l’intervention humaine dans la détection des
2002
Émile Ya, Directeur Général de la SICTA
• L’identification des Véhicules Importés d’occasion en Côte d’Ivoire
Le Plus de J.A. Côte d’Ivoire u Lotissements sociaux à Cocody Abatta, en janvier 2013.
ÉMILIE RÉGNIER POUR J.A.
82
IMMOBILIER
Un toit pour tous Résoudre la crise du logement et créer des emplois : en lançant la construction de 60 000 habitations d’ici à 2015, le gouvernement espère faire d’une pierre deux coups.
F
aciliter l’accès au logement pour tous: c’était un point essentiel du programme d’Alassane Ouattara lors de la présidentielle de 2010. Un engagement accueilli avec un certain scepticisme par beaucoup d’Ivoiriens. Ce n’est finalement qu’en 2013 que le programme d’envergure promis a été lancé, sous la houlette de Mamadou Sanogo, ministre de la Construction, du Logement, de l’Assainissement et de l’Urbanisme. Il y avait urgence… Selon Guillaume Koffi, président du Conseil national de l’ordre des architectes, il manque 400 000 logements (dont 200 000 pour la seule agglomération d’Abidjan). Or l’offre n’atteint pas 3 000 logements par an, construits par les propriétaires ou par des promoteurs immobiliers souvent critiqués pour la qualité de leurs prestations et pour leurs tarifs excessifs. Résultat : le déficit s’accroît de 40 000 à 50 000 unités par an, selon Doumbia Brahima, directeur du Centre de facilitation des formalités d’accès au logement (Ceffal). N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
et mai 2013, les Ivoiriens non propriétaires et gagnant moins de 400 000 F CFA (610 euros) par mois (et par ménage) ont eu la possibilité de s’inscrire pour acheter un logement. Les centres ont été pris Le programme lancé l’an dernier par le d’assaut : 56 000 dossiers ont été enregisgouvernement prévoit la construction de trés (dont 90 % concernent Abidjan). Les 60000 logements d’ici à 2015, dont 50000 demandeurs doivent ensuite être répartis dans la capitale économique. Il porte entre les différents sites, en fonction de sur 2 000 hectares, qui ont été répartis leurs souhaits et de leur budget. entre 38 promoteurs ivoiriens et étranBien qu’ils soient plafonnés, les prix gers (parmi lesquels l’américain ABD et varieront en effet selon leur emplacement et la société chargée du projet : de 5 à 15 millions de Quelque 2 000 hectares ont été F CFA pour un logement de répartis entre 38 promoteurs, 250 m2 vendu dans le cadre des programmes sociaux. ivoiriens et étrangers. Ceux-ci représenteront 60 % les marocains Addoha et Alliances). Et de l’offre de chaque promoteur ; les 40 % pour l’heure, « on est dans les temps », restants seront en vente libre. Pour les se félicite Doumbia Brahima. Les villas opérateurs, tous les intrants sont exonérés témoins ont été dévoilées en novembre de TVA. Ce programme n’a pas encore et décembre 2013, et des logements atteint sa vitesse de croisière. Mais pour devraient être livrés en 2014. le gouvernement, il représente également, au-delà des nécessités sociales, un PRIS D’ASSAUT. « Cette politique suscite levier de croissance. « L’un des critères beaucoup d’espoir chez nos compatriotes de l’émergence du pays sera l’acquisition qui sont dans une situation de précarité et d’un logement par chaque Ivoirien », souhaitent mettre leurs familles à l’abri », rappelle Doumbia Brahima. l souligne le directeur du Ceffal. En avril ISSIAKA N’GUESSAN, à Abidjan JEUNE AFRIQUE
L’éléphant voit la vie en rose
C’EST EN AOÛT 2007 que tout a commencé, lorsque Souleymane Sidibé s’est lancé dans la vente de terrains nus viabilisés. Cinq ans plus tard, sa société, Oribat, livrait un premier lot de 300 logements – la deuxième tranche, de même importance, sera achevée à la fin du premier trimestre 2014 – à la cité Don Mello, à Abidjan. Si l’entreprise a diversifié ses activités dans la construction et la promotion immobilière, celles-ci restent en effet concentrées autour de la capitale économique, où elle bâtit plusieurs lotissements. « Vu nos superficies, nous construisons des villes », clame Souleymane Sidibé : Ori 2 comptera environ 260 logements, Ori Fraternité plus de 160 maisons et Ori Saphir une trentaine de villas de standing. Mais Oribat revendique aussi une « nouvelle vision de l’immobilier » accessible. Dans la métropole – où le mètre carré de terrain coûte environ 22 500 F CFA à Cocody, selon Souleymane Sidibé –, ses « maisons économiques » de 2 à 4 pièces, construites hors du programme gouvernemental, sont proposées entre 10 et 20 millions de F CFA pour 100 à 230 m2 de I.N. surface habitable. l
3CB Les villas de Pauline AVEC SES 25 AGENTS et sa centaine de contractuels apporteurs d’affaires, l’entreprise de Pauline Koffi attire une clientèle vaste et variée, dont des Ivoiriens de la diaspora. La demande est abondante et les projets sont au rendez-vous. Courtage Conception & Construction Bâtiment (3CB) a bâti à San Pedro, pour la Société ivoirienne de construction et de gestion immobilière (Sicogi), 115 logements en 2005, 100 en 2008 et 20 en 2012. Et sous la direction de Pauline Koffi, formée à la maîtrise d’ouvrage, 45 villas de moyen standing sont en cours de construction. Commandées mi-2013 pour le compte du Syndicat national des agents du Trésor (Synatresor), elles doivent être livrées au premier semestre 2014, et une partie d’entre elles sera mise à la disposition des fonctionnaires de la Banque africaine de développement (BAD). Un autre projet de 600 logements attend des financements. Avec le boom de l’immobilier, la directrice de 3CB s’attend à une augmentation du prix du mètre carré de terrain. Elle qui rêve « que chaque Ivoirien ait un toit et s’y sente à l’aise » souhaite donc que « l’État s’attache à encadrer l’accès à la I.N. propriété ». l JEUNE AFRIQUE
La BAD encore dans les cartons
L
’
année 2014 verra le retour de la Banque africaine de développement (BAD) à son siège d’Abidjan, après une décennie à Tunis. Un déménagement permis par la stabilisation de la situation politique et facilité par l’arrivée au pouvoir d’Alassane Ouattara. Il sera précédé par des travaux de réhabilitation du siège, la mise à disposition de nouveaux bâtiments dans le quartier du Plateau, la rénovation de l’immeuble CCIA et les dispositions prises pour la scolarisation des enfants du personnel. L’État ivoirien a prévu de décaisser une cinquantaine de milliards de F CFA pour ces différents chantiers, complétés par les 61 milliards affectés par la BAD pour la réfection de son siège. Sur le plan institutionnel, les préparatifs battent leur plein. Pour l’hébergement des 2500 fonctionnaires de la banque concernésparcedéménagement, en revanche, ça sera plutôt chacunpoursoi.Aucuneactioncommune n’est encore fermement engagée, regrettent les acteurs du secteur immobilier, même s’ils se disent confiants. « La BAD nous a approchés, mais nous voulons
une commande ferme », souligne Souleymane Sidibé, gérant de la société de promotion immobilière Oribat. Pour aider les fonctionnaires, les autorités ivoiriennes ont créé un site internet recensant les offres de logements répondant aux critères de la Banque. Le moyen et le haut standing sont les plus demandés. « Ce retour a provoqué un engouement pour l’immobilier », se félicite Sidibé. Toutefois, aucune incidence sur le prix au mètre carré n’a encore été relevée. Rien d’étonnant, pour Doumbia Brahima, directeur du Centre de facilitation des formalités d’accès au logement (Ceffal): « Il s’écoulera un certain délai avant que les conséquences sur les prix se fassent sentir. » Et pas seulement sur l’immobilier : écoles, concessionnaires automobiles, PME… Tous guettent le retour de la BAD, à l’image de Farikou Soumahoro, président de la Fédération nationale des commerçants de Côte d’Ivoire, et Barthélémy Coulibaly, consultant chez Grant Thornton. «Toutcepersonnelconsommera, cela boostera la croissance », affirme ce dernier. l I.N.
u 1 700 logements neufs devraient être construits pour accueillir les fonctionnaires de la banque.
ÉMILIE RÉGNIER POUR J.A.
Oribat Maisons économiques
83
N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
Le Plus de J.A. Côte d’Ivoire PROFIL
KS Transport, c’est elle Michelle Kouao Zegoua est une entrepreneuse heureuse : chaque jour, 1 300 usagers empruntent ses lignes de bus.
ÉMILIE RÉGNIER POUR J.A.
84
p L’ouvrage devrait accueillir 100 000 véhicules par jour. MOBILITÉ URBAINE
Et Henri-Konan-Bédié enjambera la lagune… Baptisé du nom de l’ancien président, le troisième pont d’Abidjan doit être livré en fin d’année. Pas trop tôt pour les habitants, qui l’attendent depuis quinze ans.
I
l va changer la vie des Abidjanais. Attendu depuis plus de quinze ans, le troisième pont de la capitale économique doit être livré fin 2014. Le gigantesque chantier, d’un coût estimé à 126 milliards de F CFA (192 millions d’euros), arrive à son terme. C’est dans le quartier Cocody-Riviera, à quelques encablures du domicile du chef de l’État, que se dresse l’ouvrage. Pour l’heure, une dizaine de piles pointent hors de l’eau de la lagune et supportent les dalles du pont qui avance allègrement vers Marcory. Sur le chantier, confié à la Société anonyme de construction du pont Riviera-Marcory (filiale du français Bouygues), 1 400 ouvriers ivoiriens (dont 10 % de femmes) et 60 expatriés s’activent pour respecter les délais. Pour suivre l’avancement des travaux, Daniel Kablan Duncan, le Premier ministre, et Patrick Achi, le ministre des Infrastructures économiques, ne manquent pas d’effectuer des visites régulières. Une fois achevé, le pont, baptisé Henri-Konan-Bédié, permettra de relier la Riviera (dans la partie nord N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
de la ville) à Marcory (dans le sud) en quinze minutes. Long de 1,5 km, il devrait accueillir 100 000 véhicules par jour. Les usagers piaffent d’impatience, mais s’inquiètent déjà du montant du droit de passage. ABONNEMENT. Un péage sera en effet installé, concédé pour trente ans à la Société concessionnaire du pont Riviera-Marcory (Socoprim). « C’est l’État qui décidera du montant final [du péage] à la suite des propositions de Socoprim, qui tiennent compte des modalités de remboursement des prêts contractés auprès des bailleurs », précise Mariana Neyran, chargée de la communication et de l’environnement chez Socoprim. Le prix envisagé est pour l’heure de 750 F CFA par passage – un système d’abonnement est également prévu. Mais pour Alex N’Guettia, entrepreneur dans la filière noix de cajou, « même 500 F CFA seraient trop ». Son espoir ? L’octroi d’une subvention par l’État, afin que ce troisième pont tant espéré ne soit pas « le pont des riches ». l ISSIAKA N’GUESSAN
G
areroutièred’Adjamé.Unepetite femme énergique se dirige vers son bureau, après avoir cédé le passage à une cliente. Directe, spontanée et pleine d’humour, Michelle Kouao Zegoua dirige KS Transport, société spécialisée dans le transport routier de personnes et de biens entre Abidjan et Gagnoa (Centre-Ouest), un trajet de près de 300 km. Quelque 1 300 personnes empruntent chaque jour ses lignes. C’est son père, Samuel Kouao, un N’zima, mécanicien auto à GrandBassam, qui a fondé l’entreprise en 1979. En 2002, lorsque la société de transit qu’elle avait créée avec son mari ferme, il lui propose de rejoindre KS Transport. « Ama » (son petit nom n’zima) en prend la direction générale en 2008. Travailler dans le secteur des transports est donc un choix dicté par les circonstances, mais dont elle semble s’accommoder : « Toutes mes amies me disaient: “La gare routière, c’est sale, tu es courageuse.” Je leur répondais que dans la boue on trouve de vrais trésors. » Sous sa houlette, l’entreprise, qui compte 150 employés, a réalisé un chiffre d’affaires de 1,4 milliard de F CFA (2,2 millions d’euros) en 2012.
NATATION. Des résultats qui permettent à cette fervente chrétienne – elle fait un pèlerinage chaque année à Lourdes, Fatima, Medjugorje ou en Israël – de venir en aide à son prochain. KS Transport octroie ainsi cinq bourses d’études par an à des enfants dans le besoin. « L’éducation, c’est le socle de la réussite », souligne Michelle Kouao Zegoua, mère de deux filles, qui a ellemême arrêté ses études en classe de seconde. Passionnée de natation et de marche, elle commence parfois ses journées en faisant du sport avant de rejoindre, assez tôt, son bureau. Cette femme au caractère bien trempé n’avoue qu’un rêve encore inassouvi : « Recevoir une décoration. » l I.N. JEUNE AFRIQUE
Précurseur du commerce moderne en Afrique de l’Ouest 1969 > Yasser Ezzedine crée la Société commerciale du CentreOuest (SOCOCÉ, commerce de gros et demi-gros).
1994 > Lancement du commerce de détail avec le « Club SOCOCÉ », à Abidjan, sur 1 500 m2.
1996 > Ouverture de l’Espace Latrille.
2001 > Lancement de Socoprix à Abidjan.
2002
> Le Groupe SOCOCÉ rachète la CDCI (Compagnie de distribution de Côte d’Ivoire) et créée King Cash.
Acteur de l’économie ivoirienne
GROUPE SOCOCÉ
Leader
de la distribution en Côte d’Ivoire Depuis sa création en 1969, le Groupe Sococé participe à la modernisation et à l’efficacité des circuits de distribution en Côte d’Ivoire. Aujourd’hui, son expérience dans le commerce de gros, de demi-gros et de détail (plus de 2 000 employés) et sa dimension (près de 120 points de vente sur l’ensemble du territoire) lui permettent de sécuriser ses approvisionnements et d’améliorer chaque jour son rapport qualité/prix.
Parmi les autres filiales du Groupe SOCOCÉ :
Premier magasin à proposer le concept de vente en demi-gros à Abidjan
SOCOPRIX Commerce Général Rue des Carrossiers, Zone 3 05 BP 1734 - Abidjan 01, Côte d’Ivoire Tél. : (+225) 21 24 36 63 Fax : (+225) 21 24 60 01
Société de transformation de produits agricoles : ramassage, transformation et conditionnement pour l’exportation
SOCOPAG Rue des Carrossiers, Zone 3 05 BP 1734 - Abidjan 01, Côte d’Ivoire Tél. : (+225) 21 24 91 61 Fax : (+225) 21 24 51 61
Promotion immobilière et construction (plusieurs programmes à Abidjan, totalisant 5 000 logements)
L’Espace Latrille est le premier hypermarché ivoirien À sa création par Yasser Ezzedine en 1996, l’Espace Latrille est le premier centre commercial intégré de toute l’Afrique. Encore aujourd’hui, il est le premier en Afrique de l’Ouest et propose : • l’hypermarché SOCOCÉ (3 000 m2 de surface de vente) • 30 boutiques et services • des banques • une cafeteria, un salon de thé, un bar, une garderie • une salle polyvalente (cinéma et spectacles) • 700 places de parking • un espace indépendant de 1 800 m2 (enseignes GIFI, CELIO et ETAM Lingerie).
SCI LES ROSIERS Rue Pierre et Marie Curie – 18 BP 1511 Abidjan 18, Côte d’Ivoire Tél. : (+225) 21 25 63 25 Fax : (+225) 21 24 60 01 www.lesrosiers.com
ESPACE LATRILLE – Cocody 2 Plateaux – Abidjan - 01 BP 3556 Abidjan 01, Côte d’Ivoire - Tél. : (+225) 22 41 92 88 - Fax : (+225) 22 41 92 68
ALEKSANDAR MIJATOVIC/FOTOLIA
PUBLI-INFORMATION
Numéro 1
dans tout le pays
La CDCI est présente partout en Côte d’Ivoire avec aujourd’hui plus de 100 magasins CDCI Gros, CDCI Demi-Gros et supermarchés King Cash. Apprécié pour sa proximité, ses petits prix et son offre adaptée de produits locaux et de marques internationales, le réseau de supermarchés King Cash ne cesse de se développer. La CDCI a rejoint le groupe SOCOCÉ en 2002. Elle comptait à l’époque une dizaine d’implantations en Côte d’Ivoire.
Il y avait 100 points de vente e en 2012, 110 aujourd’hui et la stratégie est d’atteindre rapidement 200 magasins dans l’ensemble du pays. INTERVIEW
Président du Groupe SOCOCÉ et de CDCI
Latrille, CDCI, King Cash… Pourquoi tant d’enseignes ? YASSER EZZEDINE : Il faut savoir s’adapter au terrain, à ses spécificités. Depuis 1994, nous avons répondu à l’évolution de la demande et des aspirations des consommateurs en élaborant des modèles adaptés. C’est ainsi que nous avons créé Les Clubs Sococé, en 1994, puis l’Espace Latrille et, en 2002, les supermarchés de proximité King Cash. À chaque fois, c’est un concept adapté, qui correspond à la clientèle et c’est un succès. C’est également vrai pour King Cash ? Y. E. : C’est vrai dans l’ensemble du groupe. Un supermarché King Cash est proche de la population, il lui propose des produits locaux et de première nécessité mais aussi des marques internationales à bon prix. Pour nous, il
s’agit de serrer les coûts en permanence. Pour y parvenir, nous avons développé notre propre réseau de centrales d’achats, à Abidjan et dans les grandes villes. Ce dispositif nous permet aussi d’avoir une offre variée et de qualité. Aujourd’hui, vous donnez un coup d’accélérateur ? Y. E. : En dix ans, la CDCI est passée de dix à cent points de présence dans le pays, dans un environnement économique qui n’était pas toujours porteur. Compte tenu de l’évolution des modes de consommation, nous avons décidé d’accélérer le rythme des ouvertures de magasins King Cash. Nous souhaitons en créer dix par an. Et cela rien qu’en Côte d’Ivoire. Car nous constatons une demande de plus en plus grande des consommateurs dans l’ensemble de la région. Ce que nous avons fait ici peut facilement s’adapter au Burkina, au Mali et dans d’autres pays.
« Nous souhaitons créer dix magasins King Cash par an »
Boulevard du Port – 01 BP 1271 - Abidjan 01, Côte d’Ivoire Tél. : (+225) 21 24 54 65 - Fax : (+225) 21 24 31 43 - www.cdci.ci
DIFCOM/DF - PHOTOS : DR SAUF MENTION.
Yasser Ezzedine
Le Plus de J.A. Côte d’Ivoire
t L’autoroute du Nord : un chantier lancé il y a trente-deux ans et enfin réalisé.
CAMILLE MILLERAND
88
TRANSPORTS
Un turbo dans le moteur Grâce à l’autoroute du Nord, Abidjan et Yamoussoukro sont désormais à deux heures l’une de l’autre. D’autres tronçons et des lignes de chemin de fer devraient suivre, dans tout le pays.
L
es véhicules avancent rapidement sur le ruban de bitume lisse et noir qui relie Abidjan et Yamoussoukro, les capitales économique et politique de la Côte d’Ivoire. Après trente-deux ans d’attente, les 230 km de l’autoroute du Nord ont enfin pu être inaugurés le 11 décembre 2013 par Alassane Ouattara. Un premier tronçon de 140 km avait été construit en 1981 par le président Houphouët-Boigny, avant que la crise économique des années 1980 ne vienne interrompre son projet. Il a fallu attendre 2007 pour que le chantier soit relancé, grâce à un prêt de 180 milliards de F CFA (environ 274 millions d’euros) accordé par la Banque islamique de développement et l’Opep au gouvernement de Laurent Gbagbo. « Le prolongement de l’autoroute jusqu’à Yamoussoukro vient parachever N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
le rêve que les Ivoiriens ont partagé avec Houphouët-Boigny », affirme Augustin Thiam, gouverneur du district autonome de Yamoussoukro. Ce petit-neveu du Vieux, comme le surnomment encore affectueusement les Ivoiriens, souligne « les conditions de sécurité et de rapidité optimales » offertes par cette autoroute qui place les deux villes à deux heures l’une de l’autre. De quoi relancer les activités commerciales et touristiques de Yamoussoukro, comme le confirme son gouverneur. ROTATION. Les premiers à s’en réjouir ?
Les compagnies de transport. « La nouvelle autoroute va nous faire gagner du temps. Les rotations sont plus rapides et les pannes dues au mauvais état de la route vont diminuer », souligne
Kouassi Yao, responsable de l’Union des transporteurs de Bouaké (UTB) à Yamoussoukro. Les automobilistes applaudissent également. « Cette route était devenue beaucoup trop dangereuse », rappelle l’un deux. Le premier tronçon a été entièrement rénové grâce à un financement de 35 milliards de F CFA apporté par des bailleurs locaux, indique Patrick Achi, le ministre des Infrastructures économiques. Dès son accession au pouvoir, le président Alassane Ouattara avait fait de la réalisation de cette autoroute l’une de ses priorités, dans le cadre plus général du Programme présidentiel d’urgence (PPU), mis en place dès mars 2011 alors qu’il était encore retranché à l’Hôtel du Golf avec son gouvernement. « Devant l’état de dégradation généralisée des infrastructures de base, la présidence a décidé d’agir le plus vite possible pour soulager les difficultés quotidiennes de la population », explique Saïdou Touré, coordonnateur du PPU, depuis ses l l l JEUNE AFRIQUE
COMMUNIQUÉ
Au cœur du développement des TIC en Côte d’Ivoire
A
près s’être pleinement investi dans la vulgarisation du téléphone mobile en Côte d’Ivoire, MTN Côte d’Ivoire a pleinement adhéré à la nouvelle vision de MTN Group : être à l’avant-garde de la fourniture d’un audacieux nouveau Monde Numérique.
■ Précurseur du haut débit mobile il y a 4 ans avec ses clés et ses boîtiers wifi mobiles à des tarifs compétitifs, MTN CI s’est très vite imposé comme un acteur incontournable des TIC sur toute l’étendue du territoire ivoirien.
Wim VANHELLEPUTTE, DG de MTN Côte d’Ivoire
« Le monde de la communication évolue. Internet est aujourd’hui un outil incontournable. Par ce canal, on peut s’exprimer, s’informer, apprendre, échanger, avoir et conclure des opportunités d’affaires, et faciliter son quotidien. Le monde a changé. Dans ce nouveau monde numérique, MTN se veut être un canal puissant qui met à la disposition de ses clients tous les outils de communication qui peuvent faciliter et améliorer leurs vies », souligne le Directeur Général de MTN Côte d’Ivoire, M. Wim VANHELLEPUTTE.
MTN dote les écoles de salles multimédia.
■ Grâce à la création d’un portail local de téléchargement de contenus vidéo et musicaux, des concours de création d’applications locaux, MTN CI est aujourd’hui, une plateforme d’expression pour de nombreux producteurs et talents ivoiriens. Au nombre des activités de vulgarisation des TIC, il y a lieu de citer les actions menées par la Fondation MTN CI, notamment le projet « Génération Numérique », lancé en 2006, qui vise à équiper les établissements scolaires de salles multimédia. ■ MTN CI a accru le niveau de ses investissements dans les infrastructures de dernières générations pour avoir des réseaux plus étendus et plus performants. Grâce à la connexion au câble sous-marin WACS en 2012, et à son large réseau national de fibre optique, de nombreuses entreprises
Œuvrer à rendre la vie de ses clients encore plus radieuse est bien une réalité chez MTN Côte d’Ivoire.
locales et internationales peuvent interconnecter leurs sites sur toute l’étendue du territoire, à la sous-région et au reste du monde.
■ Pour s’adapter à la croissance des échanges de données, MTN CI a entrepris de bâtir deux nouveaux Data Centers aux standards internationaux et conformes aux principes du développement durable. Ainsi à fin 2014, au total trois Data Centers seront mis à la disposition des clients. « Cet investissement de plusieurs milliards de F CFA est justifié et nécessaire dans la mesure où il tient compte de l’évolution du marché ivoirien et de l’augmentation de la demande des données via la dématérialisation des documents, les applications et logiciels. Il sera aussi un des éléments-clés du déploiement de services à forte valeur ajoutée pour les clients, comme le Cloud computing, vital pour les entreprises », explique le Directeur Général de MTN Côte d’Ivoire, M. Wim VANHELLEPUTTE.
DIFCOM/FC - Photos : DR
Avec plus de 7 millions d’abonnés (voix et data) à fin décembre 2013, MTN CI est un opérateur télécoms majeur en Côte d’Ivoire.
Le Plus de J.A. Côte d’Ivoire Le gouvernement a également prévu de consacrer une enveloppe importante à l’entretien du réseau routier. « Ce budget, d’un montant de 200 milliards de F CFA en 2013, devrait doubler cette année », indique Fofana. CONSORTIUM. En dehors des routes,
la Côte d’Ivoire a également de grandes attentes en matière d’infrastructures ferroviaires, même si celles-ci n’en sont encore qu’au stade de projet. La ligne Abidjan-Ouagadougou-Tambao pourrait débuter au premier trimestre 2014. « C’est une liaison majeure, qui va grandement faciliter le commerce entre le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Niger et le Bénin », insiste Gaoussou Touré, le ministre ivoirien des Transports. Son budget prévisionnel est de 2 000 milliards de F CFA. « Les travaux doivent être réalisés en built operate transfert p Les besoins en infrastructures de transports (BOT). Le secteur privé étant le moteur sont de l’ordre de 2 300 milliards de F CFA. du développement économique, il est essentiel que nous lui fassions confiance l l l locaux installés dans le quartier chic complément. L’addition devrait atteindre pour l’engager de plus en plus à nos de Cocody. « Après huit mois d’enquête les 82 milliards de F CFA puisque le chancôtés », justifie-t-il. sur le terrain, les besoins en matière d’intier comprend également la réfection de Le gouvernement suit également de frastructures ont été évalués à 2 372 mill’ancienne route Abidjan-Grand-Bassam. très près le dossier de la liaison ferroliards de F CFA pour l’ensemble du pays Alassane Ouattara a également annoncé viaire entre San Pedro et Man, prévue [hors Abidjan] », révèle l’ingénieur. en 2012 la remise à neuf de divers tronpour accompagner l’exploitation du fer Les secteurs de l’eau et de l’énergie, çons interurbains pour plusieurs mildu mont Klahoyo dans l’ouest du pays. liards de F CFA. Si la plupart des chantiers La compagnie Pan African Minerals de la santé et de l’éducation sont les plus concernés, mais plus de la moitié (PAM), appartenant à l’homme d’afannoncés par la présidence ont bien été de cette somme, soit 1 429 milliards de engagés, beaucoup ont pris du retard. Ce faires australo-roumain Frank Timis, et F CFA, doit être consacrée aux seules qui ne manquera pas de se répercuter l’indien Tata Steel ont déjà été retenus infrastructures routières. De 2012 à 2013, sur leur date de livraison. pour sa réalisation. « Les études détaille gouvernement aurait investi 200 millées sont en cours. Nous liards de F CFA « pour la rénovation du devrions pouvoir démarrer Parmi les projets, la liaison réseau routier existant et l’ouverture ce projet au plus tard en ferroviaire San Pedro-Man. Coût de nouvelles pistes rurales », selon le 2015, avec un investisseministère des Infrastructures. À cela ment de plus de 600 milestimé : 600 milliards de F CFA. s’ajoutent plus de 20 milliards pour finanliards de F CFA », confie le cer le vaste programme de réhabilitation De nouvelles réalisations sont ministre des Transports. du réseau dégradé d’Abidjan. Alassane également attendues en 2014. Fin Le dernier dossier lancé par le Ouattara s’est ensuite attaqué à d’autres décembre 2013, Siandou Fofana, le gouvernement, celui du train urbain chantiers structurants comme celui de directeur général du Fonds d’entretien Anyama-aéroport d’Abidjan, n’a pas l’autoroute Abidjan-Bassam. Longue routier (FER), a annoncé le lancement encore débuté faute d’investisseur. des travaux sur deux nouveaux axes autod’une trentaine de kilomètres, elle fait « Nous avons reçu la proposition d’un partie de la section ivoirienne de la route routiers dans les prochains mois. « Le consortium franco-coréen mais il ne transafricaine tracée entre Lagos et la chantier de l’autoroute de la Côte, depuis nous convient pas du tout », explique capitale économique ivoirienne. le quartier de Yopougon à Abidjan vers Gaoussou Touré. Les études de faisala ville portuaire de San Pedro, démarbilité sont terminées, et l’État cherche RETARD. Entamés en août 2012, les trarera en mars. Il sera suivi, en juin, par le toujours les bailleurs qui pourront vaux ont été réalisés en trente mois, pour début de la construction de l’autoroute apporter les 350 milliards de F CFA un investissement de 63 milliards de Yamoussoukro-Bouaké », précise le resnécessaires à la réalisation de cette ponsable du FER, qui rappelle que le F CFA. Ils ont été financés à hauteur de ligne, censée entrer en exploitation 52,7 milliards par le groupe de BTP China président Ouattara « a promis de réaliser « au plus tard courant 2017 », selon les Machinery Engineering Corporation chaque année au moins 50 kilomètres vœux du ministre. l de route ». ÉVELYNE AKA, à Abidjan (CMEC), l’État se chargeant d’apporter le AFP
90
N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
JEUNE AFRIQUE
Le Plus de J.A. Côte d’Ivoire « Nous imposons le moins de contraintes possible aux compagnies qui veulent venir chez nous », ajoute Sinaly. Les statistiques communiquées par l’Autorité soulignent une hausse de la fréquentation, qui a atteint 1 178 000 passagers en 2013 contre 640 000 en 2011. Et, observe Sinaly, « 26 % de ce trafic a été assuré par Air Côte d’Ivoire, la compagnie nationale ».
AÉRIEN
Ciel embouteillé Les nouvelles compagnies comme les passagers affluent à Abidjan. Air Côte d’Ivoire entend bien en profiter.
PERFORMANCE. Lancé en novembre
2012, Air Côte d’Ivoire multiplie les performances. En seulement une année d’activité, le transporteur a réalisé un chiffre d’affaires de 28 milliards de F CFA (environ 43 millions d’euros), selon René Decurey, son directeur général. Son capital est passé de 2,5 milliards de F CFA lors de sa création en mai 2012 à 25 milliards en novembre 2013. La compagnie ambitionne de le porter à 65 milliards de F CFA en 2014. Elle projette également de doubler sa flotte, avec 8 avions dès cette année. Pour l’heure, elle effectue « plus de 430 vols chaque mois », affirme Gaoussou Touré, le ministre des Transports. Et dessert actuellement une vingtaine de capitales ou grandes villes africaines, dont Dakar, Bamako, Ouagadougou, Conakry, Accra, Lomé, Cotonou, Douala, Yaoundé, Libreville, Brazzaville, Pointe Noire, Niamey, Monrovia, Freetown, Lagos, N’Djamena, Kinshasa. Le prochain défi d’Air Côte d’Ivoire sera de développer les vols intérieurs. Dans cette perspective, l’État a lancé les travaux de réhabilitation des aérodromes des principales villes du pays profond. « Beaucoup de travaux ont été réalisés à Yamoussoukro, Bouaké, Korhogo et Odienné. À Man et à San Pedro, il s’agit surtout de terminer les travaux pour le 31 mars au plus tard, afin que nous puissions démarrer les vols vers ces villes début avril », résume Gaoussou Touré. Les travaux de réhabilitation ont pays. coûté environ 14 milliards de F CFA, et il reste encore 3 milliards d’investissements à réaliser selon le ministre. Les autorités ont bien l’intention de mettre tous les atouts de leur côté pour assurer le succès de la compagnie nationale, même s’il s’agit surtout désormais d’obtenir la certification américaine tant convoitée pour l’aéroport d’Abidjan en 2014. l ÉVELYNE AKA
ISSOUF SANOGO/AFP
92
p Lors de l’inauguration du transporteur national, à Abidjan, le 23 octobre 2013.
L
’
aéroport international FélixHouphouët-Boigny d’Abidjan attend un invité de marque. Le 28 janvier, la compagnie Air France fera atterrir l’un de ses Airbus A380 sur le tarmac de la capitale économique ivoirienne, à l’occasion du forum ICI (Investir en Côte d’Ivoire). Tout un symbole… À compter d’octobre 2014, le gros-porteur de la compagnie française se posera « régulièrement » en Côte d’Ivoire. « C’est la conséquence du boom économique que connaît le pays. Et si l’avion est mis en ligne, cela veut dire qu’il y aura des passagers », se réjouit Silué Sinaly, le directeur général de l’Autorité nationale de l’aviation civile (Anac). Des travaux d’aménagement sont d’ores et déjà en cours pour préparer l’arrivée du super jumbo : parking élargi, construction d’une bretelle parallèle à la piste d’atterrissage… Autant d’améliorations
N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
qui pourront ensuite bénéficier à d’autres compagnies, de plus en plus nombreuses à venir en Côte d’Ivoire. FRÉQUENTATION. En trois ans, l’aéroport
d’Abidjan a vu les opérateurs affluer. « En 2011, 17 compagnies aériennes étrangères desservaient la Côte d’Ivoire. Aujourd’hui,
En 2011, 17 compagnies étrangères desservaient le Elles sont 24 aujourd’hui. elles sont 24 », confie Silué Sinaly. Turkish Airlines, Egyptair, Corsair, South African Airways, Eagle Atlantic Airlines, Ethiopian Airlines, Camair-Co font partie des nouvelles venues. Rwandair et le nigérian Arik frappent à la porte. Depuis l’ouverture du ciel ivoirien, le pays fait l’objet d’un certain engouement.
JEUNE AFRIQUE
Formation des producteurs de cacao en Côte d’Ivoire
26 pays Olam est présent dans 26 pays africains
2,5 millions de tonnes de produits agricoles achetés en Afrique l’année dernière
2,8 millions de producteurs leurs communautés bénéficient du soutien d’Olam et de son réseau africain
840 millions de dollars à ce jour, Olam a investi 840 M $US en Afrique, contribuant à la création d’emplois et au renforcement des capacités
50 usines Olam exploite 50 sites de transformation de produits tels que l’anacarde, des céréales, du sésame, du coton, du riz, du cacao, de l’huile de palme, des produits laitiers et conditionnés
olamonline.com
Contribuer à une meilleure qualité de vie Depuis le lancement de nos activités au Nigeria en 1989, Olam a contribué à améliorer les conditions de vies de nombreuses populations, de la plantation, à l’usine et au consommateur final. Un groupe agro-industrielle mondial qui répond aux besoins en matières premières et alimentaires de 13 600 clients. Un succès réalisé grâce au soutien de nos employés, de nos planteurs et de nos partenaires en Afrique.
FRANCK AKPOUE
94
p San Pedro veut diversifier ses activités.
MARITIME
Ils se remettent à flot Fini les années de galère. Les ports d’Abidjan et de San Pedro reviennent dans la course pour tenter de doubler leurs concurrents régionaux.
L
e Port autonome d’Abidjan (PAA) revient dans la course. Pour supplanter ses concurrents directs dans la région – Lomé, au Togo ; Tema, au Ghana ; Cotonou, au Bénin ; Pointe-Noire, au Congo ; et Kribi, au Cameroun –, il cherche à attirer des investissements. Hien Sié, directeur général du PAA, a pour cela élaboré un ambitieux plan de développement des infrastructures qui doit en faire dans trois ans un port de référence sur la façade Atlantique du continent – entre Durban, en Afrique du Sud, et Tanger, au Maroc. Déjà, on perçoit les premiers signes de relance. Le trafic global a progressé de 7 % en 2013, après s’être élevé à 22 millions de tonnes l’année précédente. Une augmentation qui, néanmoins, ne permet pas aux autorités portuaires de se reposer sur leurs lauriers. « D’ici à 2020, nous investirons plus de 2 milliards d’euros dans le développement de nos infrastructures sous la forme de partenariats public-privé (PPP) », confie Hien Sié.
THON. Son projet phare reste le second terminal à conteneurs, rebaptisé Côte d’Ivoire Terminal et concédé en mars 2013 auconsortiumconstituéd’APMTerminals, de Bolloré Africa Logistics (BAL) et de Bouygues Travaux Publics, après un appel d’offres international contesté. L’État ivoirien investira 380 milliards de F CFA N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
(580 millions d’euros) dans ce mégaprojet et les concessionnaires contribueront à hauteur de 160 milliards de F CFA. Le futur terminal, qui sera opérationnel en 2017, doublera la capacité du port, qui passera à 2,5 millions de conteneurs. Le PAA a également pris en compte le boom minier qui se profile au Burkina Faso, au Mali et en Côte d’Ivoire en étendant son terminal minéralier. Les installations actuelles traitent 300 000 tonnes de manganèse environ chaque année, et l’objectif est d’atteindre 3 millions de tonnes de minerais divers à moyen terme, essentiellement en provenance des mines de manganèse et de zinc du Burkina.
4,2 millions de tonnes à la fin de 2013. Les autorités portuaires ont décidé de diversifier les exportations de produits agricoles et de ne plus se contenter des volumes de café et de cacao. Ainsi, coton et anacarde (noix de cajou) transitent déjà depuis plusieurs mois par San Pedro. Le gouvernement souhaite faire de ce dernier le grand port occidental de la Côte d’Ivoire, capable de desservir la région de la Guinée forestière comme le sud du Mali et l’est du Liberia. Dans la perspective d’une exploitation minière dans l’ouest du pays, San Pedro pourrait se trouver doté d’un grand terminal minéralier, pour un coût estimé à 300 milliards de F CFA. Bénéficiant d’un tirant d’eau Point fort du PAA: son second de 12 mètres, San Pedro peut accueillir les grands navires et terminal à conteneurs, qui compte renforcer ses activités de sera opérationnel en 2017. transbordement, dont il s’est déjà fait une spécialité. Cette activité a Le port de pêche doit aussi modernireprésenté 2,8 millions de tonnes fin 2013, et l’armateur italo-suisse Mediterranean ser ses infrastructures, alors que la Côte d’Ivoire est déjà le deuxième exportateur Shipping Company (MSC), également de thon au monde, après le Japon. Enfin, concessionnaireduterminalàconteneurs, le terminal consacré aux céréales n’échapprévoit d’investir 250 millions d’euros perapasàlavaguederénovationsencours, pour accompagner l’augmentation de ses dans l’objectif d’accroître les volumes de trafics. Persuadé de son potentiel, le port riz, de maïs et de blé, entre autres. reviendra sur tous ses projets du 7 au 9 mai prochain lors de la Semaine industrielle et À l’ombre de l’ogre abidjanais, le port portuaire de San Pedro (Sinport 2014). l de San Pedro, lui, a géré 3,2 millions de tonnes de marchandises en 2012, et ciblait BAUDELAIRE MIEU JEUNE AFRIQUE
COMMUNIQUÉ
Réhabilitation, modernisation et développement des aérodromes de l’intérieur du pays
L
a Société d’Exploitation et de Développement Aéroportuaire, Aéronautique Et Météorologique (SODEXAM), société d’État, est chargée de l’exploitation et du développement des aéroports, de la météorologie et également de la médecine aéronautique, aéroportuaire, de l’expertise médicale et de soins d’urgence en Côte d’Ivoire. Dans le cadre de la réalisation des grands travaux de l’État de Côte d’Ivoire et en prélude aux vols domestiques de Air Côte d’Ivoire, la SODEXAM a entrepris, en collaboration avec la compagnie aérienne nationale et le BNETP, un vaste programme de réhabilitation des neufs aérodromes du pays, pour un coût estimatif de 45 milliards de FCFA soit 68,6 millions d’euros.
Cette réhabilitation concerne dans un premier temps les aérodromes de Bouaké, Korhogo, Man, Odienné, San-Pedro et Yamoussoukro.
45 MILLIARDS
DE F CFA À INVESTIR Ceux de Bondoukou, Bouna, et Daola suivront quelques mois plus tard. Les travaux de réhabilitation portent sur six projets dont cinq ont fait l’objet d’appel d’offres à concurrence. Ils concernent les équipements aéroportuaires et aéronautiques, les équipements d’électricité d’aérodromes, les aires de mouvements, les raccordements aux réseaux publics, des terrassements généraux et des voiries,
ainsi que des bâtiments techniques et commerciaux. Dans le souci de livrer dans un délai raisonnable les aérodromes de Bouaké, Korhogo, Man, Odienné, San-Pedro et Yamoussoukro, la Direction Générale de la SODEXAM, maître d’ouvrage délégué, a instruit les responsables techniques de veiller au bon déroulement et à l’exécution des travaux en cours. À ce jour, le planning d’exécution est strictement respecté. Tout porte à croire que, dans les mois qui suivent, Ivoiriens et touristes pourront voyager à l’intérieur du pays grâce à la compagnie nationale Air Côte d’Ivoire et être accueillis sur les différents aérodromes dans les meilleures conditions de confort et de sécurité.
SOCIETE D’EXPLOITATION ET DE DEVELOPPEMENT AEROPORTUAIRE, AERONAUTIQUE ET METEOROLOGIQUE
NOTRE MISSION : LES AEROPORTS ET LA METEO
Météorologie
Centre de Soins et d’Urgence Expertises Médicales 15 BP 990 ABIDJAN 15 CÔTE D’ IVOIRE / Route de l’ Aéroport International Félix HOUPHOUET BOIGNY Tel: (+225 ) 21 58 20 01/ (+225) 21 27 87 36 / Fax: (+225) 21 27 73 44 / Mail: infos@sodexam.ci / site web: www.sodexam.org
DIFCOM/FC - Photos : DR
Gestion Aéroportuaire, Aéronautique et Sécurité Aéroportuaire
Le Plus de J.A. Côte d’Ivoire INTERVIEW
Adama Toungara « La demande en électricité ne cesse de croître. À nous de l’anticiper » En tête des priorités du ministre du Pétrole et de l’Énergie, le développement des centrales thermiques et la recherche en hydrocarbures.
S
inistré par dix années de crise politique, le secteur des hydrocarbures et de l’énergie retrouve peu à peu son dynamisme. Adama Toungara, le ministre du Pétrole et de l’Énergie, revient sur les nombreux dossiers qui font de ce secteur l’un des piliers du développement économique ivoirien. JEUNE AFRIQUE: La Côte d’Ivoire a connu de fréquents délestages électriques. Pourquoi une telle situation ? Va-t-elle s’améliorer ? ADAMA TOUNGARA : La Côte d’Ivoire
a connu un délestage sévère en 2010 parce que tous les segments de son système électrique – la production, le transport et la distribution – avaient atteint la limite de leur capacité, faute d’investissements. L’équilibre entre l’offre et la demande reste très précaire, et le risque de délestage en cas d’avarie d’une unité de production est quasiment permanent. Ces deux dernières années, la demande a encore augmenté de 25 %. Il est donc urgent d’engager les actions qui nous permettront de doubler notre puissance installée d’ici à 2020 pour la porter à 3 500 MW. Tributaire du thermique à 65 % pour produire son électricité, le pays dispose-t-il de ressources en gaz suffisantes pour satisfaire ses besoins ?
Difficilement, vu l’état actuel des réserves de gaz naturel récupérable. C’est pourquoi nous encourageons la recherche pétrolière ainsi que la mise en exploitation des gisements marginaux. Afin de sécuriser nos approvisionnements gaziers, nous avons également diversifié nos sources en optant par exemple pour le GNL [gaz naturel liquéfié]. N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
Quel rôle le secteur privé joue-t-il dans l’effervescence qui règne dans la filière ?
CAMILLE MILLERAND POUR J.A.
96
Une offre énergétique insuffisante ne va-t-elle pas freiner la relance économique ?
Nous sommes bien conscients que sans énergie il n’y a pas de développement. Une énergie abondante et régulière, de bonne qualité et bon marché, est nécessaire à la réalisation de nombreux investissements productifs, eux-mêmes favorables à la création de richesse et d’emplois. Si nous souhaitons devenir un pays émergent en 2020, il faut lancer des plans d’action efficaces pour assurer la diversification de nos sources d’approvisionnement et le dévelop-
Nous sommes en effet sollicités par les investisseurs du monde entier, qui font à nouveau confiance à notre pays et à ses dirigeants. Cette tendance nous permettra de rattraper le retard pris dans la réalisation des investissements et surtout d’anticiper les futurs besoins du secteur de l’électricité. Le gouvernement a signé de très nombreuses conventions avec des opérateurs privés ces trois dernières années, sous forme de contrats BOO [Build, Own, Operate] ou BOOT [Build, Own, Operate, Transfer]. Des protocoles d’accord ont été établis pour l’extension descentralesthermiquesdeCiprel,Azitoet Aggreko, pour la réalisation de la nouvelle centrale thermique de Songon, et pour la mise en concession du projet hydroélectrique de Soubré. Des négociations sont en cours pour l’aménagement d’autres sites de production à travers le pays. Et en matière d’accès à l’électricité, que compte faire le gouvernement ?
Le risque de délestage en cas d’avarie est quasi permanent. pement de nos champs pétrolifères à l’horizon 2016. Depuis décembre 2011, nous avons signé 19 contrats de partage de production, et nos opérateurs ont foré 17 puits. Les levés sismiques 3D ont été réalisés, et les tout premiers forages d’exploration auront lieu courant 2014. Nous lancerons également cette année la promotion des blocs de notre offshore très profond.
Le ministère s’est fixé pour objectif de faire de la Côte d’Ivoire l’une des premières plateformes énergétiques d’Afrique subsaharienne. Nous allons poursuivre la mise en œuvre du plan 2012-2030, qui évalue les investissements à réaliser dans le secteur de l’électricité à 9 474,7 milliards de F CFA [14,4 milliards d’euros]. L’électrification des localités d’au moins 500 habitants doit être réalisée au plus tard en 2015. Un tiers d’entre elles seulement était connecté au réseau fin 2012. l Propos recueillis à Abidjan par SALIF D. CHEICKNA JEUNE AFRIQUE
PUBLI-INFORMATION
VOTRE PARTENAIRE
EN CÔTE D’IVOIRE
Plus de 1 300 collaborateurs
Un leader à votre service N°1 des télécommunications mobiles, fixes et Internet, le groupe Orange-Côte d’Ivoire Telecom s’engage au quotidien aux côtés des entreprises et des populations ivoiriennes. Avec ses 120 boutiques, Orange-Côte d’Ivoire Télécom est le professionnel toujours proche de vous. Le groupe Orange-Côte d’Ivoire Télécom, c’est Côte d’Ivoire Télécom, l’opérateur historique, chargé de la téléphonie fixe, de la vente de capacités, de trafic et de location d’infrastructures, et Orange CI, qui exploite un réseau mobile depuis1996.
DIFCOM/FC - Photos : DR
Fort de la qualité de ses ressources humaines, le groupe maintient son leadership dans tous les domaines des télécommunications en investissant près de 20 % de son chiffre d’affaires annuel. Ce qui lui vaut plus de 8 millions de clients identifiés sur le mobile – face à 5 concurrents dans un pays qui présente un des plus fort taux de pénétration en Afrique subsaharienne (plus de 89 %*) –, et la 1ère place en téléphonie fixe, l’accès à Internet via ADSL ou mobile (Wimax et HotSpots Wifi). Orange Côte d’Ivoire-Telecom fait de l’innovation un levier majeur de son développement. C’est pourquoi, il est le premier opérateur à lancer la 3G+ en Côte d’Ivoire, premier à disposer d’un technocentre et d’un centre de tests client, premier à utiliser les capacités
Orange est partenaire du forum Investir en Côte d’Ivoire (ICI 2014), retrouvez-nous sur notre stand.
www.orange.ci - www.citelecom.ci www.aviso.ci
exceptionnelles de transmission des câbles sous-marin à fibres optiques SAT3 et ACE. Ces réalisations lui valent aujourd’hui d’être le « hub » Internet de la Côte d’Ivoire et de la sous-région.
Orange a reçu la certification « Top Employer »*** décernée aux entreprises appliquant les meilleures pratiques en termes de politique et programmes de ressources humaines en Afrique.
C’est aussi pour répondre au développement des TIC et à l’exigence de qualité des clients entreprises qu’a été créée une Business Unit dédiée aux Services ICT**. Son objectif, qui couvre les domaines de la téléphonie d’entreprise, des solutions LAN et WLAN, des communications unifiées, des services hébergés, … est d’accompagner les entreprises présentes en Côte d’Ivoire, dans leur transformation IT à travers des solutions globales, innovantes et à forte valeur ajoutée.
Avec sa Fondation, le groupe leader des télécoms en Côte d’Ivoire contribue depuis 2006 au bien-être des populations dans les domaines de la santé, de l’éducation et de la culture à travers 275 projets réalisés. Enfin, grâce au « Projet village », elle équipe les villages à la fois « d’un point d’eau, d’un centre de santé et d’une école » depuis 2012.
Un groupe performant et socialement responsable À côté du Système de Management Qualité du groupe sur les marchés Entreprises et Opérateurs certifié ISO 9001 Vs 2008 par l’AFAQ, le groupe conduit une démarche RSE pour la réduction de la fracture numérique, le respect de l’environnement et un développement business socialement responsable.
Mamadou Bamba, Directeur Général de ce groupe leader dans son secteur, socialement responsable et partenaire des grands événements en Côte d’Ivoire, interviendra à l’occasion du forum ICI 2014 sur le thème « TIC : Les infrastructures pour un passage à l’économie numérique et les opportunités d’investissement ».
- (*) chiffres ATCI juin 2013 - (**) Technologies de l’information - (***) Partout dans le monde, le Top Employers Institute certifie l’excellence des conditions de travail proposées par les employeurs à leur personnel.
120 boutiques pour être plus proche de vous
ORANGE-CÔTE D’IVOIRE TELECOM Immeuble le Quartz, Boulevard V. Giscard d’Estaing -11 BP 202 Abidjan
La Côte d’Ivoire, des origines de l’homme à nos jours ... Histoire et géographie
18 x 24 cm - 80 p ISBN : 978-2-86950-493-6
13€ SEULEMENT
FRAIS DE PORT OFFERTS*
25
€
21 x 28,5 cm - 136 p ISBN : 978-2-86950-492-9
SEULEMENT
FRAIS DE PORT OFFERTS*
57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris, France Tél.: +33 (0) 1 40 71 71 90 Fax : +33 (0) 1 40 71 71 91 E-mail : jaguar@jeuneafrique.com www.leseditionsdujaguar.com
BON DE COMMANDE
OUI, je commande L’ATLAS DE CÔTE D’IVOIRE
Nom :
OUI, je commande L’HISTOIRE DE LA CÔTE D’IVOIRE
Adresse :
au prix unitaire de 25 € - FRAIS DE PORT OFFERTS* au prix unitaire de 13 € - FRAIS DE PORT OFFERTS*
Ci-joint mon règlement par chèque de à l’ordre des ÉDITIONS DU JAGUAR. Signature : Date :
€
Prénom :
Code postal :
Ville :
Pays :
Tél.:
Fax :
Courriel :
*FRAIS DE PORT OFFERTS JUSQU’AU 28-02-2014. OFFRE RÉSERVÉE AUX CLIENTS COMMANDANT EN LIGNE OU PAR CORRESPONDANCE DIRECTEMENT AUPRÈS DE L’ÉDITEUR.
Côte d’Ivoire L’éléphant voit la vie en rose
99
AGRO-INDUSTRIE
Il y a du tonus dans le cacao
XINHUA/ZUMA/REA
Après avoir connu une longue déshérence, la filière se restructure. Distribution de meilleurs revenus aux paysans, amélioration de la qualité des fèves… Les progrès sont déjà sensibles.
A
u début des années 1980, le père de la nation ivoirienne, Félix Houphouët-Boigny, a cru pouvoir asseoir définitivement la suprématie de son pays – et son endettement – sur le cacao, dont les cours atteignaient des sommets. Mal lui en a pris, car la dégringolade des prix a plongélaCôted’Ivoiredansunegravecrise économique. Une guerre civile, dont les armes ont été financées par les précieuses fèves, s’en est ensuivi. Lalibéralisationdusecteuràlademande du FMI et de la Banque mondiale, la disparition de la célèbre Caisse de stabilisation et la multiplication des acteurs ont encore aggravé l’opacité de la filière. Avec les prédations qui en ont résulté, la rémunération des planteurs est tombée à JEUNE AFRIQUE
p Le pays assure plus d’un tiers de la production mondiale.
25 % du prix d’exportation, l’une des plus basses au monde. Dèssonarrivéeàlaprésidence,Alassane Ouattara a engagé une profonde réforme de la filière. Elle est à la fois vitale pour les entrées de devises – les recettes du cacao
le ministre de l’Agriculture. Ils n’entretenaient plus leurs vergers et se tournaient vers d’autres cultures de rente, alors que le cacao, dont la Côte d’Ivoire assure plus d’un tiers de la production mondiale, demeure une culture économiquement et socialement stratégique. »
Les producteurs n’entretenaient plus leurs vergers et se tournaient vers d’autres cultures de rente. et du café représentent 15 % du PIB du pays – et pour le monde rural, puisqu’un quart de la population vit peu ou prou du cacao. « Les producteurs, dont 60 % ont plus de 60 ans, ne gagnaient plus leur vie, explique Mamadou Sangafowa Coulibaly,
FLUCTUATIONS. Depuis le
31 janvier 2012, une réforme ambitieuse a donc été mise en place: création d’un prix minimum garanti pour le planteur correspondant à 60 % du prix CAF (coût, assurances, fret), ainsi que d’un fonds de réserve pour assurer le versement de ce prix minimum malgré les fluctuations des cours mondiaux; institution d’un marché à terme géré par l’État et des opérateurs N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
Le Plus de J.A. Côte d’Ivoire
des produits à base de cacao et de chocolat de qualité supérieure, confirme que les paysans ont amélioré leurs techniques de fermentation des fèves. « C’est un succès, caruneréellevolontépolitiqueaaccompagnélamobilisationdusecteurprivé,estime Laurent Pipitone, directeur de la Division économie et statistiques à l’Organisation internationale du cacao (ICCO). Deux problèmes avaient alerté les autorités : le travail des enfants dans les plantations et le risque que la désaffection des agriculteurs pour les cacaoyères n’aboutisse à une pénurie de matière première. » Ainsi, Barry Callebaut a calculé que, faute d’un rebond de production, il lui manquerait 1 million de tonnes en 2020 pour fabriquer ses beurres et ses poudres. Parvenus aux mêmes conclusions, Cargill ou ADM, ses concurrents, cherchent eux aussi à améliorer l’environnement des planteurs (santé, éducation…) pour les persuader de rester en brousse et d’acquérir de meilleures compétences techniques. Tout n’est pas parfait pour autant. « On est encore loin de crier victoire, nuance Laurent Pipitone. La population des planteurs ne se renouvelle pas vraiment. Et on assiste au même phénomène au Ghana ou au Vietnam, car le cacao n’est pas la culture de rente la mieux valorisée sur le marché mondial. » De fait, les agriculteurs se demandent en permanence s’ils ont intérêt à poursuivre une culture beaucoup plus exigeante que celle de l’hévéa ou du palmier à huile. Reste enfin l’épineuse question de la transformation locale. Le gouvernement N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
du prix de sortie d’usine, inférieur de 40 % auprécédent.LeministredesFinancesveut mettre fin à cette subvention qui a privé l’État de dizaine de milliards de F CFA de recettes.Soncollèguedel’Agricultureargue que la mesure ne devait durer que cinq ans et qu’elle était uniquement destinée à compenserletraitementdefèvesdequalité médiocre. Évidemment, les industriels du chocolat, qui ne veulent pas renoncer à leur avantage, invoquent la valeur ajoutée et les emplois qu’ils procurent au pays. Les négociations se poursuivent, mais sans acrimonie.
Production
(en milliers de tonnes)
2011 2012 2012 2013
1486 1475 348 342 TRANSFORMÉES
TRANSFORMÉES
de la France) un laboratoire du chocolatier Cémoi, dont les chercheurs se fixent pour objectif de déterminer les saveurs les mieux adaptées aux palais africains. En arrière-plan subsiste un conflit fiscal latent. Depuis trente ans, la Côte d’Ivoire favorise les sociétés qui transforment le cacao sur son sol. Alors que le droit unique de sortie différé (DUS) acquitté par les exportateursdecacaobrutestcalculésurle prixrenduCAFàLondres,celuiacquittésur les produits transformés est calculé à partir
SOURCE : ICCO
REBOND. Barry Callebaut, leader mondial
souhaiterait que les industriels transforment sur place 50 % des exportations (contre 30 % aujourd’hui) et que les chocolats prêts à la consommation supplantent les produits semi-finis. « D’autant que le marché africain demande à être développé. Nous devons offrir à toute une classe moyenne en expansion un chocolat adapté à ses goûts », indique le ministre de l’Agriculture, qui a inauguré le 19 décembre 2013 à Perpignan (sud-ouest
DONT
privés, qui stabilise les prix pour les chocolatiers et assure la transparence du marché ; aménagement des pistes pour faciliter le transport des fèves vers les ports d’Abidjan et de San Pedro; réduction des coûts des intermédiaires, ce qui a permis une baisse de la parafiscalité. « Lors de la première campagne, nous avons fixé le prix à 725 F CFA [1,10 euro] le kilo et 1 176,059 milliards de F CFA ont été distribués aux producteurs, poursuit le ministre. Pour la deuxième campagne qui commence, ce prix a été fixé à 750 F CFA. Tous les transformateurs vous le confirmeront, l’entretien des vergers s’est amélioré, et avec lui la qualité des fèves, au point que certains n’ont plus besoin de les usiner. La réforme a été un succès. Il faut désormais la consolider et l’étendre à l’anacarde [noix de cajou] et au coton. »
DONT
100
SÉISME. Un problème d’une tout autre ampleur plane sur le cacao ivoirien. Le Ghana voisin, deuxième producteur mondial, qui conduit une politique monétaire laxiste, profite de son taux de change pour avantager ses produits. Et, notamment, rendre son prix d’achat du cacao plus intéressant que celui de la Côte d’Ivoire, contrainte à la plus stricte orthodoxie monétaire en raison de son appartenance à la zone franc. Les autorités ivoiriennes pourraient donc légitimement se demander s’il ne serait pas plus avantageux de créer une zone monétaire avec des pays comme le Ghana et le Nigeria, dont l’économie est semblable à la leur. Dans ce nouveau cadre, le cacao ivoirien lutterait à armes égales avec son concurrent ghanéen. Si cette idée venait à s’imposer, la perspective d’une sortie de la Côte d’Ivoire de la zone franc provoquerait un séisme politique à Abidjan, dont les répliques se feraient sentir jusqu’à Paris. l ALAIN FAUJAS
PARIS BOUDE-T-IL ? LA FRANCE serait-elle hantée par le souvenir des deux Sukhoï 25 qui bombardèrent Bouaké le 6 novembre 2004, tuant neuf militaires français – avions en partie financés par des fonds détournés du cacao (et du café) ? Toujours est-il que Paris se hâte lentement pour s’impliquer dans la renaissance de la filière cacaoyère ivoirienne. Certes, par la voix
d’Yves Boudot, son directeur Afrique, l’Agence française de développement (AFD), se félicite que « la catastrophe annoncée n’ait pas eu lieu » et que « le monde agricole ivoirien ait fait preuve d’une étonnante résilience ». Le Contrat de désendettement et de développement (C2D) signé entre la France et la Côte d’Ivoire prévoit d’affecter 630 millions
d’euros à des projets divers, entre 2012 et 2015, dont 20 % consacrés au monde rural… mais pas directement au cacao. Les crédits iront à l’entretien des pistes, aux semences, aux centres de recherche et aux organisations de producteurs dans les cultures de rente, le caoutchouc et le coton ayant priorité sur le café et le cacao… l A.F. JEUNE AFRIQUE
102
Le Plus de J.A. AGRICULTURE
Terres en vue Pour rattraper le retard en matière de financement du secteur, 24 millions d’hectares ont été mis à disposition d’investisseurs privés. Riz, café, hévéa, ils peuvent tout produire !
P
our assurer un développement équilibré et global du secteur agricole, le gouvernement a élaboré le Programme national d’investissement agricole (PNIA) pour la période 2012-2016. D’un coût estimé à 2 000 milliards de F CFA (environ 3 milliards d’euros), ce plan a pour ambition majeure de rattraper le retard accumulé ces dix dernières années en matière de financement. « Le PNIA permettra de créer 2,4 millions d’emplois et de sortir
définitivement 6 millions de personnes de la faim et de la pauvreté », explique Mamadou Sangafowa Coulibaly, le ministre de l’Agriculture. Pour trouver les fonds nécessaires qui permettront à son secteur agricole d’atteindre 9 %
de croissance par an, l’État compte s’appuyer sur les investisseurs privés. Pour cela, il prévoit de mettre à disposition des grands groupes internationaux quelque 24 millions d’hectares de terres arables.
PUB 1/2 PAGE Format total (avec débords de coupes) L = 200 x H = 140 Tractafric Motors Corporation, votre distributeur officiel Surface utile (déllimitée enFord noir)en: Côte d’Ivoire | Cameroun | République Démocratique du Congo L = 185 x H = 130 Plus d’infos sur www.tractafrictmc.com
TRACTAFRIC MOTORS Corporation
Votre adresse en Côte d’Ivoire: Téléphone : Fax : Email :
Km 4, Bd de Marseille, Zone 3 - Abidjan +225 21 75 03 00 +225 21 75 03 17 africauto@sdaci.net
Côte d’Ivoire L’éléphant voit la vie en rose t Plantation de palmiers à huile près d’Ehania, à 150 km d’Abidjan.
TROIS GÉANTS AUX DENTS LONGUES
OLIVIER POUR J.A.
OLAM
Sur les onze projets planifiés, sept sont déjà en phase d’exécution notamment dans les filières du riz, de l’anacarde, du palmier à huile, de la banane dessert, du café et du cacao. Tout au long de l’année 2013, les responsables des grandes compagnies agro-industrielles ont fait des séjours réguliers en Côte d’Ivoire pour convaincre les pouvoirs publics de la nécessité de financer leurs projets. Des multinationales, comme le groupe Louis Dreyfus, Novel Côte d’Ivoire et Export Trading Group, se sont positionnées sur la filière riz. Dans ce secteur, la Côte d’Ivoire a produit 1 million de tonnes en 2013 et compte tripler ses volumes d’ici à 2016 grâce à des investissements massifs. VERGER. Dans les filières du café, du cacao, du palmier à huile et de l’hévéa, Nestlé, Olam, Cargill ou encore Cémoi développent de nombreux projets à travers le pays. Abidjan cherche à retrouver sa place de premier producteur africain de café, qu’il a perdue depuis plus de dix ans, et espère multiplier par trois ses volumes dans les deux prochaines années après avoir produit 100000 tonnes en 2013. Le pays cherche également à consolider sa place de leader mondial dans le cacao. Dans ces deux secteurs, le groupe Nestlé prévoit d’investir 35 milliards de F CFA d’ici à 2020 dans le renouvellement des vergers, afin de mieux sécuriser ses approvisionnements. Jusqu’à aujourd’hui, c’est près de 513 milliards de F CFA qui ont déjà pu être récoltés pour financer le PNIA. l BAUDELAIRE MIEU JEUNE AFRIQUE
PRÉSENT EN CÔTE D’IVOIRE depuis vingt ans, le groupe singapourien Olam est un acteur important dans les filières agricoles du pays. Son champ d’opération s’étend à plusieurs productions, comme le café-cacao, le palmier à huile, l’anacarde et le coton. En 2012, l’entreprise a inauguré dans la région de Bouaké la plus grande unité de transformation d’anacarde du continent, d’une capacité annuelle de 30 000 tonnes, pour un investissement de 17 milliards de F CFA (25,9 millions d’euros). Dans le même temps, Olam a monté une usine de transformation de fèves de cacao de 30 milliards de F CFA à San Pedro. Dans les oléagineux, grâce à son partenariat capitalistique avec le groupe agro-industriel Sifca, il élabore également plusieurs projets dans l’huile de palme. Au cours de ces trois prochaines années, Olam prévoit B.M. d’investir plus de 100 milliards de F CFA en Côte d’Ivoire. l
CARGILL IMPLANTÉ DANS LE PAYS depuis la fin des années 1990, Cargill West Africa multiplie les projets dans la filière cacao. De 2011 à 2013, le géant américain, en partenariat avec l’Agence nationale de développement rural (Anader), a investi 1,8 milliard de F CFA dans la formation de 60000 producteurs de cacao issus de 100 coopératives. Cargill prévoit également de distribuer plus de 600000 plants de cacao à très fort rendement pour renouveler le verger ivoirien. Leader incontesté dans le négoce du cacao, le groupe agro-industriel envisage par ailleurs d’investir dans l’huile de palme. Étalé sur cinq ans, son plan de développement, estimé à 200 milliards de F CFA, prévoit la création de plantations industrielles de palmiers à huile sur une superficie de 50000 hectares, ainsi que l’implantation d’une usine de transformation. Mais les investissements, qui devaient être débloqués avant la fin de l’année 2012, tardent, notamment à cause de la mise à disposition des terres. Cargill ne désespère pas de pouvoir prochainement réaliser ce projet, qui pourrait B.M. créer 50000 emplois. l
LOUIS DREYFUS SPÉCIALISÉ DANS LE NÉGOCE DU RIZ et dans les engrais depuis une cinquantaine d’années en Côte d’Ivoire, le groupe franco-suisse Louis Dreyfus Commodities (LDC) connaît très bien le contexte local. Le 31 janvier 2013, Margarita Louis-Dreyfus, la présidente du groupe, s’est déplacée à Abidjan pour signer avec le gouvernement ivoirien un accord prévoyant la création de rizicultures dans le nord du pays, dans les régions du Poro, du Tchogolo et de la Bagoué. Dans le cadre de cet accord, LDC s’est engagé à investir 30 milliards de F CFA dans la culture de riz. Le document prévoit également la mise à disposition d’environ 100 000 à 200 000 hectares de terres irrigables pour la production de 300 000 tonnes de riz paddy. Un projet qui devrait bénéficier à 60 000 producteurs, encadrés par le négociant. Pourtant, depuis la conclusion de l’accord en 2013, le projet n’a toujours pas démarré, LDC restant dans l’attente de la finalisation des procédures B.M. administratives avec le gouvernement. l N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
103
Le Plus de J.A. Côte d’Ivoire
104
DIASPORA
Les enfants prodigues Décidés à prendre en main le développement de leur pays d’origine, les Ivoiriens de l’étranger montent leurs propres projets. Et ça marche !
Q
uand ils décident d’investir dans leur pays d’origine, les Ivoiriens résidant à l’étranger se heurtent bien souvent à un mur de procédures administratives, sans structures adéquates pour les accompagner. Membre du réseau des porteurs de projets soutenus par la Chambre de commerce et d’industrie de Paris, Augustin Kouadio participe régulièrement à ses rendez-vous. Comme ce 1er octobre 2013, à la Bourse de commerce de Paris, où a lieu la seconde édition du IT Tuesday, une soirée de rencontres entre entrepreneurs et business angels (investisseurs). « Je suis reparti déçu et frustré, car les fonds proposés ne concernaient que des projets franco-français », explique-t-il amèrement, lui qui se rêve un destin à la Larry Page, le cofondateur de Google.
Même constat à la Fédération des associations de la diaspora ivoirienne (Fadiv). Créée en février 2012 et dirigée par le Dr Moussa Kader Diaby, la Fadiv conseille et oriente les membres de la diaspora ayant un projet, mais également les entreprises étrangères qui veulent investir en Côte d’Ivoire. Une cellule spéciale, le Club économique et d’affaires de la diaspora ivoirienne (Ceadi), a été lancée le 11 octobre 2013. Sa direction a été confiée à Hermann Kouassi, un ancien de la banque d’investissement du Crédit agricole en Normandie. COMBAT. La Coordination générale des
Ivoiriens de la diaspora (Cogid), de JeanPaul Ouraga, mène le même combat. Selon Gervais N’Cho, son secrétaire général, l’organisation prévoit de créer cette année un cabinet international
d’études et d’accompagnement des investisseurs et des entreprises ivoiriennes de la diaspora « afin de renforcer les partenariats passés avec le BNETD [Bureau national d’études techniques et de développement] et l’Inie [l’Institut ivoirien de l’entreprise] ». Un fonds d’investissement sera également lancé par la Cogid d’ici à la fin de l’année 2015 « afin de mutualiser les ressources financières pour accompagner et susciter l’esprit entrepreneurial ». Le Haut Conseil des Ivoiriens de la diaspora (HCID), présidé par Fofana Daouda, a pour sa part installé deux commissions. L’une, économique, « répertorie les porteurs de projets », l’autre, financière, « instaure des systèmes d’accompagnement et de sécurisation des investissements ». Plus de deux ans après l’appel lancé à la diaspora par Alassane Ouattara à Paris, Bernard Allakagni Traoré, titulaire d’un doctorat en sciences de gestion obtenu à l’université de Rennes 1 (France), s’apprête à franchir le pas. Mi-février, il s’envole pour Korhogo, où un poste d’enseignant-chercheur l’attend à l’université Péléforo-Gbon-Coulibaly. L’appel semble avoir été entendu. l ALAIN AKA
Anselme Konan Nettoyage industriel
L
déplace que lorsque c’est vraiment nécessaire. » Six ans plus tard, sa petite entreprise est une affaire qui roule. « Même si, peste-t-il, nous avons perdu énormément de temps à cause de la crise postélectorale. » Entretemps, en décembre 2011, il a fondé Fuzion Services France, à Nantes. Mais sa fierté, il la tire du contrat passé avec Pierre Fakhoury Operator (PFO) pour « la remise en état de l’esplanade de l’Hôtel Ivoire ». Aujourd’hui, Anselme Konan et ses équipes veulent « sensibiliser les Ivoiriens à l’hygiène et au tri sélectif des déchets ». D’où le partenariat entre Fuzion Services et Evolictis, un cabinet de formation installé à Nantes et dirigé par Martial Kouadio. Premier public visé : le personnel de l’usine de transformation de noix de cajou appartenant au groupe asiatique Olam, à Bouaké. l A.A.
DR
a crise ivoirienne ne l’a jamais découragé. En pleine incertitude politique après l’attaque de l’avion du Premier ministre Guillaume Soro, Anselme Konan monte Fuzion Services à Abidjan en mars 2008. Une entreprise qui veut « professionnaliser le nettoyage industriel en Côte d’Ivoire ». Responsable d’exploitation chez Saphir, à Nantes (France), il confie les rênes de sa société à Hermann Konan, son frère cadet. Commence alors la course aux contrats. Mai 2008 : rendez-vous est pris avec un important groupe hôtelier à Abidjan. Le nouveau patron s’envole pour un séjour de quarante-huit heures. L’affaire ne sera finalement pas conclue. Anselme Konan en tire les leçons : « Je privilégie désormais l’e-mail et le téléphone et ne me
N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
JEUNE AFRIQUE
105
Michel Bayeron Cocody et Issy-les-Moulineaux, main dans la main i Michel Bayeron est injoignable à Paris, c’est qu’il est sur le continent. Il a ainsi passé le réveillon de la Saint-Sylvestre sur les bords de la lagune Ébrié, à Abidjan. Pour se ressourcer en famille bien entendu, mais aussi pour régler les derniers détails du projet de partenariat entre Cocody et la ville française d’Issy-lesMoulineaux, en région parisienne. « Je voudrais que Cocody connaisse le même développement économique. » Le dossier est en bonne voie. Mathias Aka N’Goan, le maire de cette commune d’Abidjan, a rencontré André Santini, son homologue français, le 21 novembre 2013, lors d’un déplacement en France. Docteur en droit public et ancien membre du Conseil économique et
DR
S
social d’Issy-les-Moulineaux, Michel Bayeron, auteur d’État de droit et Constitutionnalisme – l’exemple de la Côte d’Ivoire (2011), a récemment rejoint le Réseau CLE, un cabinet d’une soixantaine d’avocats dirigé par Me Henri de Langle, qui le présente comme un spécialiste au « parcours universitaire brillant ». Selon Me de Langle, « le
continent constitue aujourd’hui le nouveau monde économique, et la Côte d’Ivoire la plateforme de développement de l’Afrique de l’Ouest ». En 2014, d’importants projets d’investissement – conseillés par le Réseau CLE – verront le jour en Côte d’Ivoire et sur le reste du continent. l A.A.
COMMUNIQUÉ
L’Office de Sécurité Routière (OSER) de Côte d’Ivoire Mission
PUB 1/2 PAGE Pour y parvenir, l’OSER agit, sous l’impulsion du Ministre des Transports, sur tous les leviers à sa disposition :
PRENDRE TOUTES LES MESURES POUR ASSURER LA SÉCURITÉ DES USAGERS DE LA ROUTE.
Objectif
• Éducation routière dès le plus jeune âge,
FAIRE BAISSER LE NOMBRE ET LA GRAVITÉ DES ACCIDENTS DE LA ROUTE.
• Formation des moniteurs d’auto-écoles et des inspecteurs de permis de conduire,
Office de Sécurité Routière
La Côte d’Ivoire en route pour l’émergence à l’horizon 2020 se doit d’avoir un système de transport sécurisé. Le Ministère des Transports, à travers l’OSER, y travaille avec détermination.
• Recyclage des conducteurs
Formatprofessionnels total (avec débords de coupes) L = 200 H = 140 • Sensibilisation et x information de la population,
• Contrôleutile de l’état mécanique des Surface (déllimitée en noir) véhicules, L = 185 x H = 130 • Lutte contre les comportements à risque (vitesse, alcool, téléphone au volant…),
Le Ministre ivoirien des Transports en pleine campagne de sensibilisation.
• Études et recherche sur les facteurs d’accidents.
Formation sur simulateur de conduire.
OFFICE DE SÉCURITÉ ROUTIÈRE (OSER) 01 B. P. 7801 Abidjan 01, Côte d’Ivoire Biétry, angle Bd VGE / Bd de Marseille Tél. : (+225) 21 25 24 86 / 21 25 27 44 Fax : (+225) 21 25 27 45 www.oser-ci.net Difcom - F.C. Photos : DR
Le Plus de J.A. Côte d’Ivoire
106
A
près avoir assuré la promotion de la communauté noire en France avec Africagora, Dogad Dogoui veut constituer le premier réseau mondial de PME d’Afrique et des diasporas, mais aussi de PME de pays émergents ou de membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) liées au continent. Pour ce faire, il a fondé le club Africa SMB (Small & Medium Business) en septembre 2012, à Paris. Cette année, l’entrepreneur francoivoirien se lance un nouveau défi: organiser une rencontre internationale d’affaires au Maroc, l’Africa SMB Forum. Elle se tiendra du 12 au 14 mars à
Casablanca sur le thème « interconnecter et financer les PME pour l’emploi et la croissance inclusive ». Le 20 septembre 2013, Dogad Dogoui s’est rendu à Abidjan, où il a pris contact avec la Chambre de commerce et d’industrie, la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (CGECI), le Mouvement des petites et moyennes entreprises (MPME) et une cinquantaine de dirigeants de PME. Il espère qu’une délégation ivoirienne participera à la première édition de l’Africa SMB Forum. « Je veux mettre mon réseau au service des entreprises africaines en général et ivoiriennes en particulier », glisse-t-il.
VINCENT FOURNIER/J.A.
Dogad Dogoui Réseau de PME
Aujourd’hui, Dogad Dogoui est sans conteste l’une des personnalités les plus en vue de la diaspora ivoirienne, voire africaine, en France. Notamment pour avoir contribué à la naissance des Assises nationales de l’intégration républicaine en 2002, à la Semaine de la diversité en 2004 et au programme Talents de la diversité la même année. Un homme à suivre. l A.A.
Hermann Kouassi Au service des collectivités
N
«
DR
ous avons plus à apporter à la Côte d’Ivoire qu’à la France. » Arrivé à Paris en 2005 pour y poursuivre ses études, Hermann Kouassi est détenteur d’un master en management financier international de la Rouen Business School. En 2007, il devient analyste financier pour la banque de financement et d’investissement Crédit agricole CIB (ex-Calyon). Deux ans plus tard, il prend la route de l’Espagne et
pose ses valises à la banque Caixa. Sa principale mission: mettre en place des projets de développement. « Certains d’entre eux m’ont fait penser à la Côte d’Ivoire, un pays où beaucoup reste à faire. » Fin 2009, il profite d’un bref séjour sur place pour créer le Cabinet Maurlane Consulting Group. Objectif: aider les collectivités territoriales à se renforcer via des fonds privés et publics. Les responsables des mairies de Djébonoua, du Plateau et de Bonon sont contactés, des négociations
lancées. Kouassi songe à des pépinières d’entreprises pour dynamiser le tissu économique, mais n’oublie pas le conseil en développement durable. Malheureusement, la crise postélectorale éclate fin 2010. Les activités de Maurlane Consulting Group sont mises en veille. L’année qui commence sera synonyme de renouveau pour celui qui, depuis octobre 2013, est directeur exécutif du Club économique et d’affaires de la diaspora ivoirienne (Ceadi). l A.A.
Marc Amani Yao Alternative immobilière
P
DR
arce qu’« un petit chez-soi vaut mieux qu’un grand “chez-les-autres” », Marc Amani Yao souhaite aider les Ivoiriens de la diaspora à devenir propriétaires dans leur pays. Et leur éviter ainsi des surprises désagréables. « Très souvent, constate-til, on confie le projet immobilier à un ami ou à un membre de la famille. À l’arrivée, l’argent a bien été dépensé, mais pas dans l’achat d’une maison ! » Voilà pourquoi ce père de trois enfants propose une alternative plus professionnelle et moins risquée. « L’accédant monte son projet avec nous en France et y règle ses factures. En contrepartie, nous exécutons les travaux en Côte d’Ivoire avec un contrat en bonne et due forme. » N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
Ce diplômé en agroéconomie de l’Institut national supérieur de l’enseignement technique (Inset) de Yamoussoukro est venu à Paris en 1994 pour « importer de l’ananas ivoirien en France ». À la suite du coup d’État de 1999, il arrête tout, travaille comme directeur de supermarché. Puis se forme au droit immobilier avant de lancer Aznet, en 2002, une société spécialisée dans l’investissement immobilier dotée d’une adresse prestigieuse sur les Champs-Élysées. Marc Amani Yao est aussi à l’origine de la Foire africaine de Paris, lancée en 2011. La 3e édition de cette grande fête culturelle et économique aura lieu du 18 au 21 avril A.A. 2014. l JEUNE AFRIQUE
L’éléphant voit la vie en rose
Constant Couassi-Blé Envie d’optique
O
DR
pticien de formation, Constant Couassi-Blé le constate avec amertume: « Plus de 90 % des personnes souffrant de troubles de la vue dans le monde vivent dans les pays en développement, et particulièrement en Afrique. » C’est pour y remédier qu’il a lancé le projet Envie d’y voir, destiné à rendre les lunettes accessibles au plus grand nombre. « L’objectif est de développer une douzaine de magasins d’optique en Côte d’Ivoire », avant d’implanter le projet au Sénégal, au Bénin et au Togo en 2015 via des franchises. À terme, ce sont les pays de l’Union économique et monétaire ouestafricaine (UEMOA) et de l’Afrique francophone qui sont visés. Né en 1964 en Côte d’Ivoire et arrivé en France à l’âge de 16 ans, M. Constant – comme l’appellent affectueusement ses clients – est
Force !"#$%!&'(#
propriétaire de deux magasins d’optique dans le nord de la France. Pour monter Envie d’y voir, il s’est associé à Jimmy Adjovi-Boco, ancien capitaine des Écureuils du Bénin, diplômé de l’École supérieure de commerce de Lille, qui a cofondé, en 2000, l’association Diambars (avec Saer Seck, Bernard Lama et Patrick Vieira). Ensemble, ils ont choisi Essilor, numéro un mondial des verres correcteurs, comme partenaire technique, et prévoient de travailler en étroite collaboration avec des sociétés locales. Ce 29 janvier, Constant CouassiBlé participe au forum Investir en Côte d’Ivoire (ICI 2014), à Abidjan, en compagnie de deux amis et investisseurs potentiels: Marc Grolin, de Projex, et Alain Dolium, fondateur d’Obad Mobile Marketing. l A.A.
wPUB 1/2 PAGE
Parce que l’énergie est nécessaire à l’accomplissement de vos projets, BIA vous !"#$ %& '!%()!* +*$#,-$.
/($ 0!1#$ -*'1&%%&)!* '!-1 2$ 3$)1$ 1&-%%$ !( 2$ 3%('-$(#' 4+,&5&6'7 &0$8 %$' ,&44$' 9(44-*' :!5$# ;$*$#&)!* $1 <$8*!,$*7 BIA répondra parfaitement à vos besoins +*$#,+)=($'.
Format total (avec débords de coupes) L = 200 x H = 140
)*+%$,(-.com
Surface utile (déllimitée en noir) L = 185 x H = 130
107
108
Économie
TÉLÉVISION
Nessma réduit la voilure
BUSINESS
Le but en or de
Drogba Dans l’immobilier, le textile ou les mines, le footballeur ivoirien jongle avec des millions de dollars. Sera-t-il aussi talentueux en affaires que sur les terrains ?
BAUDELAIRE MIEU,
Comme Michael Jordan ou Magic Johnson, ex-superstars des parquets de la NBA, Didier cène surréaliste le 7 janvier à Drogba n’a pas attendu la retraite pour s’initier Abidjan. Dans les bureaux du aux joies du business. Il a su valoriser son image Premier ministre Daniel Kablan en Afrique, où il dispose de contrats publicitaires Duncan, Didier Drogba semble avec Orange et Windhoek Lager, une bière namihésitant. La star ivoirienne du bienne. Depuis son transfert en 2004 de Marseille club de Galatasaray, avec qui il fut à Chelsea pour le montant alors astronomique de champion de Turquie en 2013, également triple 37 millions d’euros, l’international ivoirien a aussi champion d’Angleterre et vainqueur de la Ligue investi massivement dans l’immobilier, notamdes champions avec Chelsea, aurait presque le ment à Abidjan et à Bamako, la capitale malienne trac. Il s’apprête à finaliser avec Kaba Nialé, d’où est originaire son épouse Lala Diakité la ministre chargée de l’Économie et des Drogba. Sans oublier que, comme le Finances, et Abdourahmane Cissé, son Son patrimoine: révèle l’un de ses proches,« son départ homologue du Budget, son entrée dans en Chine en 2012, après son sacre en le capital de la Société des mines d’Ity Ligue des champions européenne (SMI), qui exploite un gisement d’or avec le club anglais de Chelsea, n’était dans l’ouest du pays. Le footballeur millions d‘euros guidé que par le business. Drogba est demande deux heures de répit. Puis il très actif dans l’import-export de biens s’éclipse, laissant là le Premier ministre et de consommation. La Chine lui offrait les deux membres de son gouvernement. l’opportunité de développer cette activité ». Pour un homme habitué à jongler avec les millions d’euros, les 3 milliards de F CFA (4,5 millions DÉVOLU. Àl’époque,Drogbasongedéjààmontersa d’euros) que représente la cession de 5 % des propre entreprise en Côte d’Ivoire et prospecte les parts de l’État dans la SMI ne devraient pas peser secteurs attractifs, à fort taux de croissance. Il s’en lourd. Mais ce jour-ci, c’est une autre affaire qui ouvre à Hamed Bakayoko, ministre de l’Intérieur, se joue, bien plus que le simple changement de qui lui conseille de s’intéresser au processus de main de 60 000 actions : l’arrivée officielle de la privatisation de plusieurs sociétés à participation star ivoirienne dans le monde féroce des affaires. publique que le gouvernement s’apprête à lancer. A-t-il alors en tête les échecs financiers de certains Drogba jette son dévolu sur la SMI, pour laquelle grands sportifs ? Pense-t-il à Samuel Eto’o, dont il cible le rachat de 10 % de parts que l’État met les affaires au Cameroun ont fort mal commencé à la disposition des investisseurs ivoiriens. Après (lire p. 111) ? « Non, il pense plutôt à de célèbres d’âpres négociations, en juin 2013, le président Alassane Ouattara décide de lui en céder la moitié. basketteurs américains qui ont su préparer leur reconversion dans le business », raconte un proche. Quatre mois plus tard, le footballeur s’appuie l l l
S
à Abidjan
300
N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
JEUNE AFRIQUE
TOURISME
Chaînes en or
Madeleine Berre Présidente de la Confédération patronale gabonaise
MONÉTIQUE
Qui veut la peau de Western Union et de MoneyGram ?
109
t Lors d’une soirée de charité donnée pour sa fondation, en 2012 à Londres.
ZED JAMESON/FLYNET UK/VISUAL PRESS
DÉCIDEURS
AFP
WENG LEI/AFP
110
sur son cercle rapproché pour monter Keyman Investment, avec un capital initial de 10 millions de F CFA. « La création de Keyman Investment répond au souci de rassembler toutes les affaires de Didier au sein d’une seule entité. Nous nous consacrons pour le moment à consolider notre premier investissement officiel dans la mine d’Ity », confie à Jeune Afrique Thierno Seydi, le manageur du joueur, également administrateur de la nouvelle société. lll
GARDE RAPPROCHÉE. Mais Drogba ne devrait pas s’arrêter en si bon chemin. À la différence de ses aînés basketteurs, qui se sont spécialisés l’un dans l’habillement sportif, l’autre dans le business urbain (prestations de loisirs en ville), c’est un portefeuille diversifié que l’Ivoirien veut construire. On lui prête ainsi des ambitions dans le textile. Ses proches préfèrent rester prudents, conscients que l’aventure, si elle est fondée sur la solide fortune de Drogba (qui a gagné près de 15 millions d’euros en 2013), est encore un peu fragile pour que de trop N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
p À Shanghai en 2012 (en haut), où il a développé ses activités d’importexport. Signature des accords sur la mine d’Ity, le 7 janvier 2014 (en bas).
Son meilleur conseiller ? Albert, son père et son complice.
importantes ambitions soient dévoilées publiquement. « Nous avons décidé de nous consacrer à notre premier investissement », insiste Idriss Yacine Diallo, administrateur de Keyman Investment. Vice-président chargé du marketing à la Fédération ivoirienne du football (FIF), Idriss Diallo a sillonné l’Afrique et le monde pour trouver des partenariats pour les Éléphants, l’équipe nationale. Son carnet d’adresses est un atout pour la nouvelle entreprise, et il ne se prive pas de l’utiliser. « Nous n’excluons pas des prospections au Sénégal, au Gabon et dans d’autres pays, même en Occident », préciset-il après quelques jours passés à Libreville pour développer le Drogba business. Avec Thierno Seydi, Idriss Diallo est l’un des hommes forts chargés des projets de Didier Drogba dans le monde des affaires. L’avocate française Pascale Perez, conseil juridique du footballeur depuis plusieurs années et administratrice de Keyman Investment, complète cette garde rapprochée. Côté famille, Albert, le père du joueur, le conseille également beaucoup sur ses choix. « Son père est son complice idéal. Ils se parlent régulièrement au téléphone»,confirmeundesprochesdufootballeur. Mais ce dernier n’a pas voulu impliquer directement son cercle familial pour diriger Keyman. L’homme, qui pèse aujourd’hui près de 300 millions d’euros, a une idée précise de son avenir de retraité du sport: du conseil dans le domaine du ballon rond ; de la philanthropie avec sa fondation, qui construit actuellement des hôpitaux pour enfants en Côte d’Ivoire, et un portefeuille d’affaires diversifié et rentable. À 35 ans, sa reconversion s’annonce prometteuse: sur la base des bénéfices réalisés en 2013 par la mine d’Ity, il faudra seulement deux ans à Keyman Investment pour récupérer sa mise initiale. « C’est un geste fort d’investir dans mon pays. C’est une façon de montrer le chemin aux Ivoiriens », a confié le footballeur. l JEUNE AFRIQUE
Entreprises marchés
Eto’o n’a plus de batterie Management instable, stratégie peu lisible, manque de réactivité… L’entreprise de télécommunications lancée en 2012 par le sportif camerounais est à l’agonie.
L
ALESSANDRO ALBERT/SELF ASSIGNMENT/CONTOUR BY GETTY IMAGES
es affiches et parasols estampillés Set’Mobile se font rares dans les callbox, ces points de revente fixes de crédits de communication qu’on trouve à Douala et Yaoundé. « J’ai rangé ma puce à la maison depuis des mois », raconte Xavier, un call-boxer établi dans le centreville de la capitale camerounaise. L’un de ses confrères continue de s’approvisionner, mais à hauteur de 5 000 F CFA (7,60 euros) mensuels seulement, car « c’est à peine si deux à trois clients par mois demandent encore du crédit Eto’o Télécom », souffle-t-il. Lancé officiellement en septembre 2012 – un concert géant avait même été organisé à Douala dès la fin de l’année 2011 –, Eto’o Télécom, l’opérateur de réseau mobile virtuel (MVNO) de la star du football camerounais, est désormais à l’agonie. Envolés les objectifs de 3 % de parts de marché en 2014 et de 20 millions d’euros de chiffre d’affaires. « Le principal péché de Set’Mobile [la marque utilisée par Eto’o Télécom] réside dans son manque de lisibilité par le marché. Il a voulu jouer sur le
même terrain que les leaders alors qu’il aurait pu se positionner sur des niches intéressantes (ethnies, jeunes…) », résume RobertMartin Silo-Samé, cofondateur de Sisaroma, un cabinet spécialisé dans les télécommunications. PUCES. Minée par des problèmes
de management, l’entreprise n’a jamais décollé. « Au moment du lancement, la société vendait des puces mais n’était pas encore en règle, confesse un des proches de l’avant-centre de Chelsea. Ces problèmes administratifs ont retardé le démarrage des activités de deux mois. » Entre-temps, les deux leaders Orange et MTN se sont organisés, baissant leurs tarifs à 50-60 F CFA la minute, contre 70 pour Set’Mobile. « Un réajustement du prix a été maintes fois proposé, mais les décideurs ne voulaient rien entendre », avoue un ancien cadre. Il faudra plus d’un an pour ramener le prix à 40 F CFA. Trop tard ? Ce hiatus traduit en tout cas un profond malaise dans le management. Set’Mobile a épuisé deux
Set’Mobile traînerait une ardoise de
300
millions de F CFA auprès d’Orange Cameroun
q À Milan, en novembre 2010.
directeurs généraux : les Français Charles Gueret et Hervé Perrin. Sous la direction du premier, une série de licenciements et de démissions a même alimenté la chronique médiatique. Le nombre d’abonnés – près de 300000 étaient revendiqués après une année de fonctionnement – aurait fondu comme neige au soleil. Interrogé, le comité de gestion mis sur pied pour relancer les activités rechigne à communiquer. « Nous sommes en pleine négociation avec notre partenaire », explique son président, l’avocat Gabriel Parfait Kaldjob – « les yeux et les oreilles de Samuel Eto’o » selon un exemployé – pour esquiver les questions de Jeune Afrique. Entamés depuis quelques mois, les pourparlers avec Orange Cameroun – qui loue son réseau à Eto’o Télécom – piétinent. En cause, une lecture divergente de la situation. L’opérateur virtuel traînerait une ardoise de près de 300 millions de F CFA auprès de son partenaire. Pour la filiale du français, l’estimation de la valeur actuelle – et donc de la solidité – de Set’Mobile constitue donc un préalable avant toute poursuite du partenariat. VILLA. « L’argent n’est pas un problème, assure-t-on dans l’entourage du footballeur. Il a les moyens de payer, mais il estime qu’il faut partir sur des bases claires. » Set’Mobile, qui redoute une absorption, aimerait explorer les conditions d’une entrée d’OrangeCameroundanssoncapital, pour bénéficier d’une véritable assistance technique. « Samuel estime que c’est son bébé, et il n’est pas question de le céder à quiconque », avertit son entourage. En attendant qu’un terrain d’entente soit trouvé pour sauver ce qui est sa première tentative en tant qu’entrepreneur, le capitaine des Lions indomptables a trouvé de quoi se consoler en enchaînant les acquisitions immobilières à titre personnel. Dernier achat en date : la luxueuse villa de son ami Yves-Michel Fotso, à Douala… l OMER MBADI, à Yaoundé
JEUNE AFRIQUE
N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
111
Les indiscrets MÉDIAS EURONEWS S’AFRICANISE La chaîne d’information Euronews, regardée chaque jour par 7 millions de téléspectateurs européens, va lancer Africanews, un média panafricain multilingue. Ce projet, à l’étude depuis un an et demi dans le plus grand secret, doit démarrer en 2015, d’abord en français et en anglais. Sa rédaction sera basée sur le continent. Créée en 1993 à Lyon, Euronews est reçue par 400 millions de foyers dans 155 pays.
Investissements
Wendel a les mains libres
M
BOURSES LUCAS ABAGA NCHAMA À LA MANŒUVRE
Lucas Abaga Nchama (photo), le gouverneur de la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac), devra faire preuve de persuasion et de diplomatie. Sur décision des ministres d e s Fi na n c e s d e l a Communautééconomique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), il
N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
a repris en main, en toute confidentialité, le dossier de rapprochement entre les Bourses de Libreville et de Douala. Un projet dans l’impasse depuis plusieurs années. L’Équato-Guinéen devra présenter prochainement aux ministres des Finances de la zone une équipe restreinte chargée d’établir une feuille de route consensuelle pour doter la Cemac d’un marché financier unique et crédible.
CHRISTOPHE LEBEDINSKY/WENDEL
ission réussie pour Stéphane Bacquaert (photo), directeur associé de Wendel chargé du développement en Afrique, tout juste rentré de Lagos. Au terme de plus de quatre heures de négociations et moyennant une offre de 4,35 nairas (0,02 euro) par action, l’assemblée générale qui réunissait plus de 300 petits actionnaires d’IHS, un opérateur de tours de télécommunications, a accepté de sortir celui-ci de la cote à Lagos. Objectif de l’opération ? Avoir les mains libres. De fait, la société d’investissement française se retrouve désormais aux commandes, avec à ses côtés le capital-investisseur panafricain Emerging Capital Partners (ECP),lefondssouverainKoreaInvestment Corporation (KIC), l’institution financière de développement néerlandaise FMO et le sud-africain Investec. Le holding IHS, basé à Maurice, détient 100 % de ses filiales, actives notamment au Nigeria, au Cameroun et en Côte d’Ivoire… et bientôt au Rwanda et en Zambie. l AGRO-INDUSTRIE LE CONTINENT FIER DE SON HUILE DE PALME
Après le distributeur français Super U, c’est son homologue belge Delhaize qui est dans le collimateur du lobby africain de l’huile de palme. Le think tank nigérian Ippa (Initiative for Public Policy Analysis) a écrit à son PDG, Franz Muller, pour lui demander de cesser sa campagne de dénigrement contre cet oléagineux cultivé dans le Golfe de Guinée. En septembre, sa chaîne de supermarchés a lancé une pâte à tartiner garantie sans huile de palme avec force publicité. Le courrier est cosigné par plusieurs dirigeants d’organisations non gouvernementales du Nigeria, du Bénin et du Ghana.
DO REGO NE REVIENT PAS La commission boursière nigériane exigeait son retour… Il n’en a rien été. Le 9 janvier au matin, la Securities and Exchange Commission (SEC) donnait sept jours à Ecobank pour réintégrer Laurence Do Rego dans ses effectifs. La directrice exécutive Finance et Risque avait été exclue la veille, cinq mois après sa suspension. Ecobank a refusé d’obtempérer aux injonctions de la SEC. Et Thierry Tanoh a pu s’en expliquer lui-même à Lagos, le 20 janvier : basé à Lomé, le groupe est soumis au droit du travail togolais… et non nigérian.
VINCENT FOURNIER/J.A.
Entreprises marchés
JACQUES TORREGAN/FEDEPHOTO POUR J.A.
112
JEUNE AFRIQUE
REX/SIPA
Entreprises marchés
p Tarak Ben Ammar détient 46 % du groupe audiovisuel. TÉLÉVISION
Nessma réduit la voilure Malgré ses efforts, la chaîne à vocation maghrébine ne trouve pas encore son public en dehors de Tunisie. Mais il en faut plus pour décourager son principal actionnaire.
S
ept ans après son lanc e m e n t, l e g ro u p e audiovisuel tunisien Nessma devait réaliser ses premiers bénéfices. Las, l’exercice clos fin décembre 2013 s’est encore soldé par une perte, de 900 000 euros environ selon son principal promoteur, Tarak Ben Ammar. À ce jour, les actionnaires de Nessma (Ben Ammar avec 46 %, Mediaset 30 % et Nabil Karoui 24 %) ont investi plus de 50 millions d’euros – sans parvenir à l’équilibre. Pourtant, la chaîne a trouvé sa place dans le paysage tunisien, se classant troisième fin 2013 avec 21,3 % d’audience quotidienne, derrière la chaîne publique El Wataniya 1 et sa rivale privée Ettounsiya. À sa décharge, les conséquences de la révolution survenue il y a trois ans ne cessent de bouleverser les plans établis. « Nous avions prévu de réaliser 2 millions d’euros de profit, mais l’assassinat, en juillet 2013, du député de l’opposition Mohamed Brahmi a complètement déstabilisé le marché JEUNE AFRIQUE
publicitaire – en plein ramadan », explique Tarak Ben Ammar. Or le mois saint peut représenter jusqu’à 70 % des recettes des chaînes en Tunisie. Selon une étude de la société de sondage Sigma, les investissements des annonceurs entre janvier et août 2013 à la télévision avaient baissé de 28 % par rapport à la même période l’année précédente. ÉQUILIBRE. Un coup dur pour Nessma, qui venait par ailleurs d’adopter une nouvelle stratégie. Le 22 avril 2013, le groupe a en effet lancé trois grilles de programmes afin de mieux toucher les différents publics maghrébins. La verte est destinée à l’Algérie, la rouge à la Tunisie et dans une moindre mesure à la Libye, et la bleue à la France. Cette tentative, si elle n’a pas tourné au fiasco, n’a pas rencontré le succès escompté. « En Algérie, nous avons investi environ 2,5 millions d’euros et nous sommes à l’équilibre », indique Tarak Ben Ammar. Face à la concurrence
– notamment de la part d’Ennahar TV, d’Echorouk TV et de Dzair TV –, Nessma n’a cependant pas trouvé son public et reconnaît vouloir réduire la voilure cette année. Fin décembre, le quotidien algérien L’Expression signalait d’ailleurs que plusieurs contrats de collaborateurs basés à Alger n’avaient pas été renouvelés. Mais il en faut plus pour décourager l’homme d’affaires. « L’an dernier, nous avons validé le concept Nessma en France. La chaîne est depuis disponible sur les bouquets de Free, d’Orange et de SFR. L’accueil est très bon », indiquet-il. La grille 2013 a coûté 1,3 million d’euros. Reste maintenant à entamer le travail de prospection publicitaire. Selon le patron, la régie de TF1 serait intéressée par le projet. « Il y a entre 6 et 7 millions de Maghrébins dans l’Hexagone et personne ne s’adresse à eux », constate Tarak Ben Ammar. Côté production, le Franco-Tunisien envisage dans un premier temps la création d’émissions de débat à l’occasion du ramadan. SATELLITE. Via son bouquet de
Trois grilles de programmes
Algérie
Tunisie et Libye
France
chaînes Dfree, l’homme d’affaires compte aussi diffuser Nessma en Italie : « Je possède le spectre de fréquences nécessaire. Il suffit de sous-titrer les programmes pour toucher les 2,5 millions de Maghrébins vivant dans la péninsule. » Nessma a-t-elle encore les moyens de ses ambitions ? Pour Tarak Ben Ammar, cela ne fait aucun doute : « Lorsque j’ai acheté la chaîne égyptienne OnTV à Naguib Sawiris fin 2012, nous sommesconvenusqu’ildeviendrait actionnaire de mon holding Prima TV [la maison mère de Nessma, qui détient un bouquet satellite, le distributeur Eagle Pictures et la société de production Lux Vide]. C’est ce qu’il a fait en apportant 90 millions d’euros en avril 2013 », détaille-t-il avant de promettre une année 2014 passionnante pour ses chaînes avec trois élections majeures en Algérie, en Égypte et en Tunisie. l JULIEN CLÉMENÇOT N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
113
Entreprises marchés TOURISME
Chaînes en or Marché à fort potentiel, le continent est le nouveau champ de bataille des groupes hôteliers internationaux. Et les acteurs locaux ne resteront pas sur le banc de touche.
A
près le MoyenOrient, c’est maintenant à l’Afrique subsaharienne que s’intéressent les grands groupes internationaux . Marriott, Hilton, Starwood ou encore InterContinental multiplient les hôtels dans la région. Le premier a d’ailleurs inauguré la tendance en 2013 en prenant le contrôle des 116 établissements du sud-africain Protea, pour un montant de 186 millions de dollars (137 millions d’euros). « Le continent constitue le grand marché d’avenir de notre industrie », assure Michael Wale, le directeurEurope,AfriqueetMoyenOrient de Starwood. En 2012, le nombre de visiteurs internationaux a pour la première fois passé la barre des 50 millions sur le continent selon l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), qui prévoit une fréquentation supérieure à 85 millions de personnes en 2020. Cenesontpourtantpaslesvacanciers qui intéressent les chaînes hôtelières. « La cible principale, ce sont les voyageurs d’affaires, à l’échelle domestique et régionale », précise Alex Kyriakidis, responsable de ce marché pour Marriott. Dans la foulée de la croissance économique connue ces dernières années par le
continent, une clientèle africaine émerge, qui augmente les besoins en matière d’établissements de qualité dans les grandes villes, encore largement sous-équipées. « Le potentiel est énorme », affirme Rick Menell, du Crédit suisse à Johannesburg. D’autant plus que les voyageurs d’affaires paient cher leurs séjours. Aucune chambre n’est accessible à moins de 500 dollars dans un trois-étoiles de Luanda par exemple. APPÉTITS. Pour trouver la meilleure façon de répondre à cette demande, les responsables des géants hôteliers parcourent le continent. Mais les opérations de rachat comme celle de Protea par Marriott restent limitées, faute de cibles susceptibles de satisfaire les appétits des grandes enseignes internationales. Parmi les groupes régionaux existants figurent le kényan TPS Eastern Africa, qui possède 32 établissements sous la marque Serena, et le sud-africain Tsogo Sun Holdings, qui gère plus de 90 hôtels et casinos. City Lodge Hotel Group, également installé à Johannesburg (55 adresses), reste trop concentré sur son marché régional, tout comme les marques Onomo et Azalaï, qui poursuivent
HAMISH NIVEN/PROTEA HOTELS
114
p Au Cap, l’un des établissements Protea rachetés par Marriott.
leurs implantations à travers l’Afrique de l’Ouest (lire l’encadré). « La croissance du secteur sera essentiellement organique », prédit Trevor Ward, consultant pour le groupe nigérian W Hospitality Group. Depuis début 2013, plus de 200 hôtels sont en cours de réalisation dans l’ensemble de l’Afrique subsaharienne, soit 40 % de plus qu’un an auparavant. Le groupe français Accor mène la
SAGAS AFRICAINES
L
e Mali, le Burkina Faso, la Guinée-Bissau, le Bénin… Et bientôt le Sénégal, la Côte d’Ivoire et la Mauritanie.Tout doucement mais sûrement, Mossadeck Bally, le PDG de la chaîne hôtelière Azalaï, tisse sa toile africaine. Si les groupes internationaux se sont lancés dans la conquête du continent, le patron malien entend bien jouer sa partition N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
lui aussi. Disposant déjà d’une capacité d’accueil de 700 chambres dans sept hôtels répartis entre quatre pays, il prévoit de l’augmenter de 40 % d’ici à la fin de l’année 2015. Il prépare ainsi l’ouverture de son premier établissement à Abidjan avant la fin de cette année. Deux autres suivront en 2015, à Dakar et à Conakry.
Objectif de ce groupe qui pèse aujourd’hui une vingtaine de millions d’euros de chiffre d’affaires : s’implanter dans les huit pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) avant de s’étendre au Ghana, en Mauritanie et au Nigeria. Mais il n’est pas seul en Afrique de l’Ouest. Le Sénégalais Yérim Sow a
récemment annoncé la création du groupe Inaugure Hospitality, basé à Barcelone tout comme Mangalis, sa filiale de gestion.Yérim Sow, qui possède déjà le Radisson Blu de Dakar, entend investir au total 315 millions d’euros dans la construction de 2 200 chambres et suites réparties entre 15 hôtels dans 13 pays africains. l STÉPHANE BALLONG JEUNE AFRIQUE
115
Retrouvez sur
economie.jeuneafrique.com toute l’actualité économique et financière du continent Cette semaine, à la une :
Mauritanie Tunisie Télécom renonce à céder ses parts dans Mattel Sidérurgie Algerian Qatar Steel voit le jour danse avec une trentaine d’ouhôtelset7500chambresannoncées, vertures programmées, devant le Nigeria reste la destination la plus l’américain Carlson Rezidor, qui prisée par les groupes, devant le en annonce 28, et Marriott, Kenya, le Ghana ou encore le 22. Viennent ensuite Hilton, Gabon. qui a planifié la construcParallèlementauxgrandes tion de 17 hôtels, puis compagnies internatioStarwood, qui en prévoit nales, les investisseurs 15, et InterContinental, 9. africains s’intéressent Avec eux aussi de très près au CAPITALES. Une telle secteur. Le Sénégalais expansion s’annonce Yérim Sow mobilise ainsi nouveaux pourtant ardue. Les 315 millions d’euros pour hôtels et compagnies internatioconstruire 15 hôtels en nales doivent faire face Afrique de l’Ouest et à la fragmentation d’un en Afrique centrale. marché africain constitué Quelques années plus chambres de 54 pays ayant chacun tôt, un tel financement prévues, leurs propres langue et aurait été très difficile à le Nigeria cadre juridique et où les trouver, mais depuis que reste la possibilités de croissance le continent a été idendestination la concernent la plupart du tifié comme un marché plus courue temps les capitales unid’avenir par l’industrie quement.«Lescompagniesdevront hôtelière mondiale, l’argent ne s’adapter au contexte », estime semble plus être un problème. l Pascal Gauvin, directeur régional ROGER BLITZ et JAVIER BLAS Inde, Afrique et Moyen-Orient chez © Jeune Afrique et Financial Times InterContinental.Avec49nouveaux Tous droits réservés
Maroc La SNI cède 24,5 % de Cosumar à un pool d’investisseurs Côte d’Ivoire Le chinois Hanergy veut investir 500 millions de dollars dans les énergies renouvelables
49
L’interview de la semaine
7 500
JEUNE AFRIQUE
Agnès Soucat Directrice du département développement humain de la BAD
DR
« Le grand défi de la santé, c’est la construction institutionnelle »
N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
116
Décideurs GABON
La dame d’acier Nouvelle patronne des patrons, Madeleine Berre a la réputation d’être une femme à poigne. Un atout certain quand on doit défendre les intérêts du secteur privé.
E
ntre deux conciliabules avec ses collaborateurs, Madeleine Berre reçoit dans son bureau, au cœur du petit quartier des affaires de Libreville. Tailleur gris impeccable, perles fines aux oreilles… Tout en sobriété. Autour d’elle, les piles de dossiers en cours s’amoncellent, comme pour rappeler que, après le bavardage, le travail l’attend. À 47 ans, la directrice générale du cabinet Deloitte Juridique et Fiscal au Gabon, mariée et mère de trois enfants, est la première femme élue à la tête de la Confédération patronale gabonaise (CPG), porteparole d’environ 300 entreprises, qui génèrent près de 80 % du PIB national et emploient 90 % des salariés du privé. Fin décembre, le conseil d’administration de l’organisme l’a plébiscitée par 33 voix sur 34 personnes présentes. Dans la capitale, cette élection n’a pas surpris. « Elle a toujours été à nos côtés. Elle connaît tous les dossiers et toutes les réformes que nous avons engagées, la maison et ses rouages. Nous sommes dans la continuité », a déclaré HenriClaude Oyima, le président sortant. Ceux qui la côtoient professionnellement décrivent une « bosseuse » au caractère ferme, sous des apparences douces et souriantes. Avec humour, elle renchérit : « Je suis faite en acier trempé. » Grande spécialiste du droit des affaires et du travail, après vingt ans de conseil juridique sur des dossiers sensibles liés au pétrole, aux mines, aux banques ou à l’agro-industrie, elle répète à l’envi que son métier N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
est « une passion », pas un sacerdoce, « même s’il n’a pas toujours été facile » de le concilier avec une vie de famille. Après quatre années à la tête de la Commission droit et fiscalité de l’organisme patronal, elle s’estime à sa place en « patronne des patrons ». « Je ne représente aucun secteur en particulier, mon métier est transversal et concerne tout le secteur privé », explique-t-elle avec assurance.
p Cette Gabonaise de 47 ans est associée du cabinet Deloitte Juridique et Fiscal.
SÉRAIL. Formée en France au début
des années 1990, elle a décroché un DESS en droit des sociétés commerciales et fiscalité à l’université Panthéon-Assas (Paris 2). Pas vraiment un hasard : pour elle, le droit est une affaire de famille. Sa mère n’est autre que Rose Francine Rogombé, l’actuelle présidente du Sénat, qui assura la transition au pouvoir à la mort d’Omar Bongo Ondimba. Première femme magistrat du Gabon, celle-ci a fait toute sa carrière dans le sérail judiciaire,
GENÈVE, 17-19 MARS
Le rôle des organisations patronales dans la transformation économique de l’Afrique est l’un des thèmes majeurs du AFRICACEOFORUM 2014
theafricaceoforum.com
tour à tour substitut du procureur de la République, juge d’instruction, vice-présidente du tribunal de grande instance de Libreville, procureure de la République et conseillère à la chambre juridique de la Cour suprême. « Elle m’a fortement influencée. Quand j’étais enfant, elle m’emmenait souvent au tribunal le samedi matin. J’adorais ça, je farfouillais dans ses dossiers, je voulais déjà être avocate! » raconte Madeleine Berre. De retour au pays après ses études, le milieu des affaires alors florissant lui ouvre les portes du cabinet Fidafrica (PricewaterhouseCoopers), où elle fait ses armes pendant dix ans. Avant de rejoindre la concurrence en 2002: « C’était une grande opportunité pour ma carrière. Deloitte venait d’arriver au Gabon et il était très excitant de participer à la création de la filiale », assure-telle. Rapidement cooptée associée, elleparticipeàlastratégiedugroupe JEUNE AFRIQUE
Décideurs vingt conseillers juridiques et fiscaux entre Libreville et Port-Gentil. À la tête du patronat, elle doit poursuivre l’avancée de dossiers tels que l’allègement des charges qui pèsent sur les entreprises, la flexibilité de l’emploi, la couverture sociale, la dynamique entrepreneuriale ou le règlement de la dette intérieure du Gabon. Elle va notamment participer à la réforme des codes de protection sociale et du travail, dans un contexte difficile : le taux de chômage frôle 30 % chez les jeunes. « Il faut absolument être plus présent dans les processus de formation, souligne la patronne de la CPG. Les jeunes Gabonais sont diplômés, mais leurs qualifications ne correspondent pas aux besoins des entreprises. Il y a des juristes, des sociologues, des économistes… Alors qu’on a besoin de techniciens, d’ingénieurs, de métiers pratiques. »
gouvernement a tendance à faire des lois déconnectées des réalités », explique une source proche du milieu des affaires. Oyima, qui avait succédé en 2005 à l’homme d’affaires français Jean-Claude Baloche, patron de Socoba-EDTPL (BTP), « a donné une couleur gabonaise à la confédération. Jusque-là, la CPG était considérée comme l’antichambre des réseaux français. Mais il a su en faire un véri-
Sa mère n’est autre que Rose Francine Rogombé, présidente intérimaire du pays en 2009. table syndicat patronal, capable de s’adapter aux changements », commente la même source. Discrète,MadeleineBerren’enest pas moins influente. Outre le rôle politique de premier plan tenu par sa mère, son père, le franc-maçon Jacques Rogombé, a été conseiller spécial d’Omar Bongo. Elle-même a épousé l’entrepreneur André Berre, issu d’une grande famille myénée de la région, et neveu d’André Dieudonné Berre, ancien maire de Libreville. Un avantage qui pourrait s’avérer utile, même si l’intéressée s’agace qu’on puisse dire que c’est parce qu’elle est « fille de » qu’elle en est arrivée là. Il est vrai que dans ce cas, elle travaillerait plutôt dans un cabinet ministériel ou une grande entreprise publique… l
DR
LOBBYING. Pour faire entendre ces
– au board, comme on aime à dire dans ce milieu aux influences très anglo-saxonnes. En 2011, c’est la consécration : elle prend les rênes du cabinet. Aujourd’hui, Madeleine Berre travaille avec une équipe de plus de
positions, Madeleine Berre devra pratiquer un intense lobbying auprès des dirigeants gabonais. Son prédécesseur, Henri-Claude Oyima, l’incontournable PDG du groupe BGFI Bank, avait ses entrées au plus haut sommet de l’État. « Grâce à ses relations très privilégiées avec la présidence, Oyima a permis à la CPG de peser davantage dans les réformes, ce qui est une bonne chose car le
ÉLISE ESTEBAN, à Libreville
KEBIR OULD MOULAYE TAHER BANQUE CENTRALE DE MAURITANIE Jusqu’ici directeur général des marchés et de la gestion de la liquidité à la BCM, l’ancien ministre vient d’être promu gouverneur adjoint de l’institution émettrice. JEUNE AFRIQUE
MURAT OZULKU EMERGING MARKETS PAYMENTS Cet ancien de Citibank a été nommé directeur général de sa division, chargée du secteur bancaire. Il aura la responsabilité, entre autres, des plateformes basées en Égypte, en Jordanie et au Nigeria.
DR
DR
DR
ON EN PARLE
RALF HALBACH ROCHE MAROC Âgé de 46 ans, il dirige la filiale marocaine du groupe pharmaceutique suisse depuis le 1er janvier. Ce chimiste de formation est également responsable du Management Center d’Afrique du Nord et d’Afrique de l’Ouest. N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
117
Finance à la menace créée par ce système. Inventée en 2009 par un informaticien caché derrière le pseudonyme de Satoshi Nakamoto, cette monnaie électronique n’est soumise à aucune autorité de contrôle. Comme l’explique Philippe Herlin, chargé de cours au Conservatoire national des arts et métiers (Paris) et auteur d’un livre sur la révolution du bitcoin, sa force réside dans la quasi-gratuité des transferts (0,03 euro l’opération), même entre deux pays dont les monnaies sont différentes : « C’est un avantage concurrentiel fondamental par rapport aux autres moyens de paiement et de virement. »
MONÉTIQUE
Qui veut la peau de Western Union et de MoneyGram? Grâce à des solutions technologiques innovantes, de nouveaux acteurs du transfert d’argent contestent la suprématie de ces géants du secteur.
PHARMACIE. LeKenya,connupour
PASCAL SITTLER/REA
118
E
stimés à 60 milliards de dollars (44,3 milliards d’euros) par an, les transferts de la diaspora africaine sont bien plus importants pour le continent que l’aide publique au développement ou les investissements directs étrangers – respectivement de 56 et de 50 milliards de dollars chaque année. Longtemps dominé par l’américain Western Union, le marché des envois internationaux d’argent vers l’Afrique a été quelque peu bouleversé par l’arrivée de MoneyGram, un autre opérateur venu des ÉtatsUnis, actif sur le continent depuis le début des années 2000. Dix ans plus tard, les tarifs sont encorejugés(beaucoup)tropélevés par bon nombre d’institutions. La Banque mondiale évalue ainsi le coût des transferts à 12,4 % de la somme envoyée, ce qu’elle explique par la « faible concurrence » sur ce marché. Bien qu’Hervé Chomel, vice-président pour l’Afrique de MoneyGram, affirme que ce chiffre N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
est « plus proche de 6 % », les deux sociétés contrôlent en effet plus de 50%dumarchéformel.Malgrécette domination, la Banque mondiale s’est fixé pour objectif de ramener à 5 % le coût des envois de fonds dans le monde cette année. L’enjeu est de taille : en cas de réussite, l’ensemble des migrants africains et leurs familles économiseraient 4 milliards de dollars par an, selon l’institution.
p L’échange de bitcoins, monnaie électronique inventée en 2009, ne coûte quasiment rien.
Les migrants perdent chaque année 4 milliards de dollars en frais de commission. Les nouvelles technologies, notamment les monnaies virtuelles, pourraient contribuer à casser le duopole Western UnionMoneyGram. Les sites d’information spécialisés abondent ainsi en articles sur le potentiel du bitcoin sur le continent. Plus récemment, la baisse du cours de Western Union à la Bourse de New York a été reliée
son avance en matière de banque mobile – M-Pesa, le service proposé par l’opérateur Safaricom, est utilisé par 70 % des habitants –, constitue un terrain d’expérimentation privilégié. Kipochi (« porte-monnaie » en swahili), une start-up britannique fondée à Nairobi par le Danois Pelle Braendgaard en juin 2013, propose à ses clients de transférer des bitcoins et de les créditer sur un compte M-Pesa. Seuls problèmes: il faut accéder à internet et savoir acheter des bitcoins, une opération qui reste complexe pour le plus grand nombre. Pelle Braendgaard lui-même reconnaît que « sa difficulté d’utilisation constitue une barrière à l’entrée ». D’autres services en ligne tentent de capter la manne des migrants. Ainsi PayPal, le tout premier acteur du paiement sur internet, a signé un partenariat avec Equity Bank : moyennant une commission de 2,9 %, les bénéficiaires d’un virement via PayPal peuvent retirer l’argent à un guichet de la banque kényane. Quant aux britanniques Skrill ou Payza, s’ils permettent eux aussi de transférer des fonds à des taux inférieurs à 5 %, ils requièrent soit un compte en banque, soit un accès internet à l’arrivée. Pour Rania Belkahia, l’Afrique nécessite une approche différente. Avec Jérémy Stoss et François Sevaistre, la Marocaine a cofondé Afrimarket l’année dernière, une solution de transfert de type cash JEUNE AFRIQUE
Baromètre
ALLIANCE. Ces nouvelles solutions
remettront-elles en question la domination des deux opérateurs historiques?D’aprèsHervéChomel, ces dernières ne représentent pas plus de 5 % des transferts internationaux. Malgré tout, MoneyGram et Western Union ont entamé une riposte. Le premier a lancé il y a un anunpartenariatavecFirstNational Bank (FNB), l’une des principales banques d’Afrique du Sud, pour la réalisation de transactions sur téléphone mobile. Il a également noué une alliance avec PayPal et sous-entend qu’il pourrait bientôt annoncer un accord avec l’un des principaux opérateurs de banque mobile en Afrique. Western Union, qui n’a pas souhaité s’exprimer dans le cadre de cet article,aquantàluisignéfin2012un partenariat avec Ecobank au Kenya pour permettre aux clients de cette dernière d’accéder à ses services, soit en ligne, soit depuis un guichet automatique. Sur un continent encore très faiblement bancarisé et peuconnectéàinternet,riennevaut un réseau physique étendu pour inspirer confiance aux clients. Un point clé dans ce domaine – pour l’instant. l NICOLAS TEISSERENC JEUNE AFRIQUE
RIZ
« Ni risque de pénurie
ou de hausse des cours » LE RIZ ASIATIQUE consommé en Afrique se négocie entre 310 et 450 dollars [228 et 331 euros] la tonne selon la provenance (l’Inde, le Vietnam et la Thaïlande). Les cours se sont stabilisés depuis septembre 2013, après un an et demi de baisse. Les volumes échangés sur les marchés mondiaux n’étaient que de 40 millions de tonnes en 2013, alors que la production de la planète est de 495 millions de tonnes. Depuis fin 2011, pour soutenir ses producteurs, la Thaïlande a une politique d’achat de riz local à des prix 50 % plus élevés que ceux du marché mondial. Ses volumes exportés ont donc fondu, passant de 10 millions de tonnes en 2010 à 6,5 millions de tonnes en 2013, ce
qui a renchéri les prix. Mais cette baisse a été contrebalancée par la hausse de la production du Vietnam et surtout de l’Inde, qui a beaucoup baissé ses barrières douanières dans le même temps. L’Afrique reste un pôle majeur d’importation de riz: le continent achète à l’extérieur 40 % de ce qu’il consomme. Le Nigeria est le deuxième importateur mondial (derrière la Chine), avec 2,4 millions de tonnes en 2013! Tandis que Madagascar fait figure de bon élève, avec 300000 tonnes importées pour 3 millions de tonnes produites. La hausse de la production africaine (entre 2 % et 3 % par an) ne rattrape pas celle de sa consommation (de 5 % à 6 %). Cette situation devrait durer plusieurs années. Le continent continuera à être massivement
Patricio Mendez del Villar Spécialiste du riz (OsiRiz/rapport Cyclope)
approvisionné par les pays asiatiques. À court terme, il n’y a risque ni de pénurie ni de hausse des cours, comme lors des émeutes de la faim de 2008. L’inconnue réside dans la crise politique thaïlandaise. Si l’opposition arrivait au pouvoir, elle devrait arrêter les subventions aux producteurs locaux et trouver un moyen de se séparer d’une partie de son stock faramineux de 20 millions de tonnes de riz. Ce qui ferait baisser les cours. » l
Prix moyen de la tonne de riz* (en dollars) 600
551
26.9.2011
550 500 450 400
420
11.11.2013
350 300 3 janv. 2011
2 janv. 2012
7 janv. 2013
20 janv. 2014
SOURCE : OSIRIZ/CIRAD
to goods, par opposition au traditionnel cash to cash. Plutôt que de transférer un montant en liquide, cette jeune pousse basée à Paris propose à ses clients, via son site, d’employer la somme versée à un usage particulier : frais scolaires, pharmacie, produits alimentaires… avec la garantie que cet argent sera exclusivement réservé à cette affectation. Présent pour l’instant en Côte d’Ivoire, au Sénégal et au Bénin, Afrimarket compte déjà 10 000 clients et vient de signer un partenariat avec la Compagnie de distributiondeCôted’Ivoire(CDCI), qui compte 110 supermarchés dans le pays. Selon Rania Belkahia, 70 % des migrants africains aimeraient avoir un droit de regard sur les fonds envoyés, et, grâce à cette solution, l’argent profite directement au secteur formel. Le développement fulgurant d’Afrimarket suscite d’ailleurs les plus vives craintes chez MoneyGram et Western Union.
Finance
* Calculé à partir des cours des riz indien, thaïlandais, vietnamien et américain.
N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
119
120
Dossier
Mines
OR
Il baisse, baisse, baisse
INTERVIEW
Jean-François Fourt PDG d’Osead
Lesminiers, de Grèves, accidents écologiques, trafics en tout genre… Conscients que leur image n’est pas toujours reluisante, les géants du secteur adoptent des politiques de responsabilité sociale des entreprises en faveur des populations. Parmi leurs domaines d’action : la santé, l’emploi, la formation. CHRISTOPHE LE BEC
L
a réputation de l’industrie minière n’est pas brillante. Mondialisée, liée aux grandes places financières anglosaxonnes, avec une histoire marquée par des conflits sociaux à répétition, de graves pollutions et un manque de transparence, son image reste mauvaise. Ces derniers mois, les grèves dans les mines d’or et de platine en Afrique du Sud ou de bauxite en Guinée, les accusations d’évasion fiscale à l’encontre de Glencore-Xstrata en Zambie, ou encore de
N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
corruption en RD Congo ont donné du grain à moudre à ses détracteurs. Les attentes des communautés suscitées par l’industrie minière sont d’autant plus importantes en Afrique que la majorité des gisements sont situés dans des zones reculées et souvent négligées : les mines de la Société nationale industrielle de Mauritanie (SNIM), deuxième producteur de fer en Afrique, se trouvent au milieu du Sahara ; le complexe de cuivre et de cobalt de Tenke Fungurume, le plus important d’Afrique centrale, est au Katanga, où la faiblesse du réseau électrique est patente. Quant au mégagisement de fer de Simandou, pas encore JEUNE AFRIQUE
Pétromonarchies en quête de bons filons
ÉQUIPEMENT
Caterpillar face à la meute
AREVA
Guerre des nerfs au Niger
PORTRAIT
Daphne Mashile-Nkosi PDG de Kalagadi Manganese
si mauvais voisins? exploité, il se trouve à plus de 1000 km de Conakry, dans une région forestière sans infrastructures de transport viables. COMMUNAUTÉS. Prenant davantage en compte
leur environnement et… leur réputation, notammentauprèsdesinvestisseursenBourse,lesgroupes miniers ont, depuis le début des années 1990, mis en place des politiques de responsabilité sociale des entreprises (RSE) de plus en plus élaborées. « D’abord centrée sur la sécurité des travailleurs et l’atténuation des impacts négatifs de la présence d’une mine, la RSE des groupes privés est devenue un véritable programme décliné en plusieurs volets : la formation et l’emploi local, la santé et la sécurité, la gouvernance et la transparence, l’environnement et la contribution au développement des communautés », égrène Prisca Piot, spécialiste JEUNE AFRIQUE
p Mouvement social près de Rustenburg, en Afrique du Sud, devant une mine de platine exploitée par le britannique Lonmin.
en développement durable chez Teranga Gold au Sénégal et ancienne de la Banque mondiale. Ces dernières années, les budgets liés à la RSE ont explosé. Le géant brésilien Vale, premier producteur de fer dans le monde, affirme y avoir consacré en cinq ans 6 milliards de dollars (4,4 milliards d’euros), pour un chiffre d’affaires de 46,5 milliards de dollars et un bénéfice net de 5,5 milliards en 2012. Présente au Mozambique, en Angola, en RDC, en Guinée et en Afrique du Sud, l’entreprise a prévu un budget mondial de RSE de 975 millions de dollars en 2014. Un montant qui doit servir à financer des programmes allant du développement communautaire à la protection de l’environnement. Le groupe Randgold, actif au Mali, en Côte d’Ivoire, au Sénégal et en RD Congo, indique lui que ses dépenses de développement communautaire sont passées de 963 000 dollars en 2010 à l l l N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
121
THEMBA HADEBE/AP/SIPA
INVESTISSEMENTS
GWENN DUBOURTHOUMIEU
122
33 millions de dollars en 2012, pour un chiffre d’affaires de 1,367 milliard de dollars en 2012 et un bénéfice net de 508 millions de dollars. Au Sénégal, la convention minière signée entre Teranga Gold et l’État prévoit 425 000 dollars dépensés chaque année pour des projets de développement local adjacents à la mine de Sabodala, à comparer à un bénéfice net de 79,9 millions de dollars. Entre les grandes compagnies (majors) et les juniors, pas de bons ou de mauvais élèves. Les premières ont de plus gros budgets RSE et surtout une méthodologie éprouvée, notamment pour les questions foncières. En revanche, les juniors minières qui vont plus loin que le stade de l’exploration s’adaptent plus finement au contexte local, même avec moins d’argent. Pourtant, malgré les montants engagés, la RSE n’a pas la cote auprès des ONG. « Nous n’avons pas confiance dans les initiatives volontaires des groupes privés », indique Richard Solly, coordinateur de London Mining Network. « Toutes les études sérieuses prouvent les limites des programmes de RSE, et mettent en avant la quasi-impossibilité d’en mesurer les bénéfices, et en particulier dans le domaine extractif », estime-t-il, citant notamment le rapport « Impact » de la Commission européenne, publié en septembre 2013. « En dépit des belles déclarations et de l’adoption de codes de conduite par des groupes comme Rio Tinto, BHP Billiton et Anglo American, ces derniers ont été impliqués dans des conflits majeurs avec les communautés locales autour de leurs mines », fait valoir London Mining Network. Un double discours relevé également par l’alliance syndicale IndustriAll, qui a publié en 2011 un rapport au vitriol sur Rio Tinto, dénonçant en particulier l’attitude de la compagnie à l’égard de ses salariés et des communautés locales en Namibie, au Mozambique, en Centrafrique et en Afrique du Sud. « Ce sont des consultants rémunérés par les entreprises qui sont censées vérifier ce qui se passe. Les groupes miniers sont à la fois juges et parties. Une véritable industrie de lll
N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
p À Lubumbashi, en RD Congo, en 2010. L’impact environnemental des activités minières suscite l’inquiétude des populations.
la RSE est née, avec des prestataires de service qui survolent souvent les problèmes, et vont parfois jusqu’à parler au nom des communautés locales », regrette London Mining Network. Pour l’ONG, la seule solution pour changer la donne tient à l’introduction d’une régulation contraignante, contrôlée par des auditeurs indépendants. OPACITÉ. D’après la chercheuse et consultante
milliarlldasrs de do
6
Montant consacré ces cinq dernières années par le brésilien Vale aux actions de RSE
Malgré les montants engagés, ces initiatives n’ont pas la cote auprès des ONG.
canadienne France Bourgoin, qui a réalisé plusieurs études sur la RSE minière en Tanzanie, au Mozambique et au Ghana, les seules impositions de normes et de législations ne permettront pas d’améliorer les pratiques. « En Tanzanie, on a changé la législation minière pour être certifié conforme à l’Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE). Mais la publication des chiffres des revenus miniers n’a guère fait évoluer les comportements du gouvernement et des compagnies aurifères en matière de transparence. Les conditions d’obtention des licences minières sont restées opaques. De même, ce n’est pas parce qu’unconsultantacochétouteslescasesd’unegrille “standard” du Conseil international des mines et métaux (ICMM) sur les ressources humaines que les mauvaises habitudes disparaissent. L’obtention d’une certification peut parfois s’avérer une opération marketing s’il n’y a pas de changement volontaire d’attitude du management. Heureusement, il faut le reconnaître, dans un certain nombre de groupes, anglo-saxons notamment, les choses vont dans le bon sens, même si les compagnies asiatiques sont moins sensibles à la RSE », affirme cette anthropologue diplômée en économie. Elle ajoute : « Certaines ONG présentent les choses de manière caricaturale, comme si les grandes compagnies minières, telle Rio Tinto, servaient exclusivement les intérêts de leurs riches actionnaires, banquiers de la City londonienne, aux dépens des pauvres mineurs africains. Pour que les programmes réussissent et s’améliorent, il est essentiel que les ONG, communautés locales JEUNE AFRIQUE
Dossier et gouvernements acceptent de coopérer avec les groupes privés, en sortant d’une posture idéologique ou politique ! » « La durée d’exploitation des mines peut atteindre plus de trente ans. Cela oblige les sociétés à penser leurs programmes de RSE sur le long terme. On est sorti de la logique paternaliste. Les projets financés par les groupes miniers ne sont plus séparés, mais intégrés à la mine, avec des politiques de ressources humaines et de formation, mais aussi d’approvisionnement local, permettant à des sociétés locales de se développer, notamment dans les transports, la restauration, l’agriculture, le nettoyage ou le gardiennage. Autre point crucial, la fermeture des mines est désormais préparée bien plus en amont », se réjouit Prisca Piot. À l’avenir, l’intégration des projets miniers dans les tissus régionaux devrait être davantage prise en compte par les entreprises. Si les législations des pays – très disparates – vont continuer à se renforcer, la RSE restera dépendante du bon vouloir du management des compagnies minières. Avec souvent, pour seul contre-pouvoir en cas de mauvaises pratiques, le plaidoyer de la société civile et le regard des médias. La mise en place de « gendarmes » indépendants de la RSE n’est pas encore pour demain. l
Marc Ona, secrétaire exécutif de l’ONG Brainforest, coordinateur de la campagne « Publiez ce que vous payez » au Gabon Les politiques de RSE des groupes miniers sont des démarches positives, qui profitent à la fois aux entreprises et aux populations locales. Mais il est nécessaire que les principes qui les régissent soient inscrits dans les lois du pays, et surtout qu’il y ait un contrôle effectif par l’État des réalisations, ce qui n’est pas le cas au Gabon. C’est la société civile qui a alerté l’État sur les agissements de China Machinery Equipment Corporation (CMEC), titulaire du gisement de fer de Belinga, qui empiétait sur un parc national. C’est en se fondant sur le fait que ce groupe n’avait aucune politique en matière de RSE que le gouvernement a fini par lui retirer le permis minier en décembre 2013. De son côté, le groupe Eramet, qui exploite le manganèse gabonais, affichait, comme la plupart des groupes européens, des principes de RSE. Mais nous avons relevé que leur activité polluait la rivière Moulili. Depuis que nous avons alerté l’opinion, il faut reconnaître que l’entreprise s’est attelée à réhabiliter la zone. Mais sans pression extérieure, les groupes miniers agissent rarement. »
MOTORS
YOUR MINING SPECIALIST ANYWHERE IN THE WORLD
CUSTOM-MADE VEHICLES | EUROPEAN ENGINEERING & QUALITY CONTROL
MINING STANDARDS : WINCH BUMPER,
Stock Europe
HD SUSPENSIONS, ROPS, LIGHTINGS, TIRES...
‘’ALWAYS FIRST WITH SECURITY, SAFETY & COMPLIANCE’’ Contact: Rue Arthur Maes 100, B-1130 Brussels, BELGIUM Tel: +32 2 724 90 71
Web: www.demimpex-motors.com Email: mining@demimpex-motors.com
123
124
Dossier Mines
MAROC Pénalisé par la baisse de la demande mondiale de phosphate et de ses dérivés, OCP a vu la valeur de ses exportations passer de 4,3 à 3,6 milliards de dollars en 2013. Pour contrer cette tendance, le géant marocain entend multiplier la promotion de l’utilisation – encore faible – des engrais dans le royaume, et plus largement en Afrique.
Maroc TENDANCE
Métaux et dossiers chauds
S
i elle a pu donner des signes de faiblesse, la demande chinoise en métaux de base ne semble pas vouloir ralentir autant qu’annoncé. De bon augure pour les groupes miniers, qui craignaient une poursuite de la baisse du cours des matières premières après une année 2013 décevante. Ce contexte plus favorable devrait les inciter, à l’exception des spécialistes de l’or dont le rebond est incertain, à maintenir leurs investissements sur le continent. Toutefois, plusieurs dossiers chauds les attendent. En Zambie et en Afrique du Sud, les tensions sociales risquent encore de perturber le fonctionnement des mines, tandis que la dégradation du climat politique au Mozambique pourrait mettre des projets en stand-by. En outre, plusieurs pays (Zambie, Niger, Zimbabwe ou RD Congo) envisagent de modifier leur législation pour mieux tirer profit de l’exploitation de leurs ressources naturelles. Autant de menaces en perspective pour les opérateurs. J.A. décrypte les tendances à venir. l JULIEN CLÉMENÇOT
N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
Mauritanie Niger
Guinée
Ghana
GUINÉE 2014 sera-t-elle l’année de Simandou, le plus important gisement de fer d’Afrique encore inexploité ? Le gouvernement poursuivra cette année ses discussions avec le groupe anglo-australien Rio Tinto pour trouver un accord financier sur la construction du chemin de fer, indispensable à l’évacuation du minerai. Les autorités tenteront également de mettre un terme au conflit qui les oppose à l’homme d’affaires franco-israélien Beny Steinmetz, détenteur avec le brésilien Vale de permis miniers à Simandou. En parallèle est attendue la reprise du développement de la mine de bauxite de Sangarédi, rachetée par les émiratis Mubadala et Dubai Aluminium Co à BHP Billiton et Global Alumina.
GHANA La baisse du cours de l’or (– 28 % en 2013), conjuguée à la hausse continue des coûts de production, a largement déstabilisé les compagnies présentes au Ghana comme AngloGold Ashanti ou Newmont Mining. Résultat, l’extraction du minerai a baissé de 18 % au troisième trimestre de 2013, supprimant 4 000 emplois.
Gabon
GABON Fin décembre, China Machinery Engineering Corporation (CMEC) a accepté de céder ses 75 % du capital de la Compagnie des mines de Belinga à l’État gabonais, mettant fin à un conflit de plus de quatre ans. 2014 devrait donc être consacrée à la recherche d’un nouveau partenaire capable d’exploiter cet important gisement de fer. Aux dernières nouvelles, BHP Billiton restait très intéressé.
BOTSWANA 2014 marquera un test grandeur nature pour la compagnie sud-africaine De Beers, qui fait le pari de l’africanisation en transférant de Londres à Gaborone la taille et la vente de diamants.
AFRIQUE DU SUD La nation Arc-en-Ciel, poids lourd dans l’extraction mondiale de platine et d’or, fait grise mine : chute des cours, hausse des coûts de production et revendications sociales. Les groupes miniers, piliers historiques de l’économie nationale, vivent une crise sans précédent. Les risques de grèves resteront élevés en 2014 tant que les négociations sur les hausses de salaires n’auront pas abouti. Quelques compagnies continuent néanmoins d’investir, mais plutôt dans l’exploitation de gisements de charbon. Selon l’agence Bloomberg, le géant suisse Glencore Xstrata a investi 1,1 milliard de dollars en 2013 (812 millions d’euros) et devrait poursuivre son effort cette année.
JEUNE AFRIQUE
125
MAURITANIE En 2013, la société nationale industrielle et minière a enregistré un record de ventes de plus de 13 millions de tonnes de minerai de fer. D’ici à 2025, le deuxième producteur africain de fer entend intégrer le top 5 mondial. En octobre 2013, la compagnie a annoncé la découverte d’un gisement de plus de 800 000 tonnes à Tizerghaf.
NIGER Alors que la convention les liant a expiré le 31 décembre 2013, le français Areva et Niamey sont toujours en négociations pour trouver un accord sur l’évolution de la redevance payée par le groupe minier sur la valeur des ressources extraites. Le Niger représente un tiers de la production d’uranium du groupe français.
RD CONGO La bonne gouvernance du secteur est une question récurrente en RD Congo, comme l’a rappelé fin 2012 la suspension de l’aide du Fonds monétaire international en raison du manque de transparence dans le secteur des mines. Selon Mark Bristow, patron de Randgold, 90 % des opérateurs ne respecteraient pas la loi. Le pays est engagé depuis environ deux ans dans une révision de son code minier, ce qui suscite beaucoup d’inquiétudes malgré l’implication de la Banque mondiale. Une des principales mesures pourrait être la prise d’une participation de 15 % de l’État dans tous les nouveaux projets. Les coupures d’alimentation électrique restent l’autre problème récurrent rencontré par les opérateurs. Le secteur demeure néanmoins toujours aussi dynamique compte tenu de la richesse des gisements de cuivre et de cobalt de la région du Katanga. En décembre 2013, Glencore Xstrata a par exemple annoncé avoir acquis pour 430 millions de dollars 14,5 % du capital de la mine de Mutanda, ce qui porte sa participation à 69 %.
République démocratique du Congo
ZIMBABWE Outre la levée des sanctions européennes qui sonne le renouveau de l’industrie diamantaire zimbabwéenne, les derniers mois ont été marqués par l’affirmation des ambitions nationales dans le secteur du platine. Le pays entend talonner la Russie d’ici à 2017 en en produisant près de 15 tonnes par an. Par ailleurs, afin de stopper les exportations de platine brut, le chef de l’État a donné deux ans aux groupes miniers (Impala Platinum, Anglo American Platinum…) pour qu’ils construisent une raffinerie dans le pays.
Zambie
Zimbabwe
Botswana
Afrique du Sud
Mozambique
Madagascar
ZAMBIE La production de cuivre zambienne a continué, selon les autorités, de dépasser les 800 000 tonnes en 2013, malgré la persistance de plusieurs conflits sociaux et de coupures d’électricité. L’objectif de l’État est d’atteindre 1,5 million de tonnes dans les deux ans. Une révision du code minier est par ailleurs à l’étude pour permettre au pays de davantage tirer profit de l’exploitation de son sous-sol. En outre, le gouvernement entend prochainement délivrer des licences de prospection dans les provinces de Luapula et du Nord, riches en or, diamant, cuivre et nickel.
MADAGASCAR Depuis 2011, le secteur des mines est quasiment à l’arrêt sur la Grande Île, à l’exception des gisements d’ilménite et de nickel, exploités respectivement par l’anglo-australien Rio Tinto et le canadien Sherritt. Pour obtenir la reconnaissance de la communauté internationale, qui le suspectait de corruption, le président Rajoelina avait consenti à stopper l’attribution de permis d’exploration et d’exploitation. Mais cette décision a entraîné une très forte chute des investissements miniers, qui représentaient en 2009 plus de 1 milliard de dollars. La relance du secteur est l’une des priorités dans un pays riche en nickel, titane, cobalt, charbon, uranium et fer.
MOZAMBIQUE Cette année, le brésilien Vale a prévu d’investir plus de 2,5 milliards de dollars dans le pays, principalement dans des projets logistiques. 761 millions de dollars seront consacrés au développement de la phase 2 de la mine de charbon de Moatize. Par ailleurs, Maputo devrait lancer un appel d’offres pour l’attribution de nouveaux permis d’exploitation de gisements de charbon dans les provinces de Tete et de Niassa en juin 2014. Mais un regain de violence politique pourrait modérer l’engouement des investisseurs.
N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
Dossier Mines
t Sur le site de Loulo-Gounkoto, au Mali, un lingot est martelé durant le processus de raffinage. OR
Il baisse, baisse, baisse Depuis des mois, les cours du métal précieux dégringolent. Les groupes aurifères ont trop produit, et à des coûts trop élevés. Une restructuration de la filière paraît inévitable.
«
L
’industrie minière aurifère doit se réinventer. Pendant dix ans, la plupart des groupes actifs dans l’or ont entretenu les attentes irréalistes de leurs actionnaires et des gouvernements des pays dont ils exploitent les gisements. Ils ont fait comme si la hausse des prix du précieux métal jaune n’allait pas s’arrêter ! Jamais l’industrie n’avait autant produit d’or que pendant les deux trimestres de l’année dernière ! Le marché a été saturé », regrette Mark Bristow. Pour ce Sud-Africain, président de la compagnie Randgold, présente au Mali, au Sénégal, en Côte d’Ivoire et en RD Congo, l’heure de la restructuration de la filière a sonné. Et elle sera particulièrement douloureuse en Afrique. Avec la persistance d’une inflation réduite en Occident, l’amélioration de la situation économique
N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
dans les pays émergents et le resserrement de la politique monétaire américaine, l’or a perdu son statut de valeur refuge. Résultat: son cours est passé de 1 650 à 1 220 dollars l’once entre le début et la fin de l’année2013.Aujourd’hui,laplupart des compagnies réduisent leurs dépenses (y compris d’exploration)
Cours du lingot en euros à Paris
et licencient. Même les deux premiers producteurs du globe, Barrick Gold, actif en Tanzanie, et Newmont Mining, fortement présent au Ghana, ont péché par optimisme : ils ont bâti leurs plans de développement sur des cours respectifs de 1 500 et de 1 400 dollars. Ils doivent à présent réduire leurs ambitions. L’un et l’autre ont d’ores et déjà annoncé qu’ils reverraient leurs réserves à la baisse de respectivement 7,6 % et 10 % en abandonnant certains projets jugés insuffisamment rentables. Pour Nivaash Singh, analyste chez le sud-africain Nedbank, l l l 41 360
(moyenne mensuelle) 40 000 30 000 20 000
28 606
10 549
10 000 0
déc. 2004
déc. 2005
déc. 2006
déc. 2007
déc. 2008
déc. 2009
déc. 2010
déc. 2011
déc. 2012
déc. 2013
Du Burkina au Ghana, en passant par le Kenya et l’Afrique du Sud… Partout le moral est en berne. JEUNE AFRIQUE
SIMON DAWSON/BLOOMBERG VIA GETTY IMAGES
126
ERAMET is a leading global producer of nickel, manganese and high-performance special steels. The Group employs 15 000 people around the world. ERAMET s subsidiary COMILOG, is a major actor of the Gabonese economy and the world s largest producer of high grade manganese ore. COMILOG is present in processing factories in Europe, Asia and in North America. COMILOG is undergoing major changes towards the industrialization of the Gabonese mining sector with the launching in 2014 of the Moanda Metallurgical Complex and also with its subsidiary, Maboumine working on a mine and an industrial project of niobium and rare earth near Lambaréné.
www.eramet.com
l l l il faut distinguer les différents producteurs d’or en trois groupes : « Le premier, composé d’entreprises comme Newmont Mining, Barrick Gold, Goldcorp, AngloGold Ashanti ou encore Gold Fields qui arrivent à maintenir des coûts de production inférieurs à 800 dollars l’once. Pour eux, pas de risque majeur, estime-t-il. Viennent ensuite les producteurs dont les coûts oscillent autour de 1 000 dollars l’once et qui sont concernés en premier lieu par la faiblesse des cours. Il s’agit par exemple de Harmony, Sibanye Gold, DRD Gold ou encore Dundee. Et enfin, il y a les entreprises dont les projets ne sont pas encore en phase d’exploitation. Celles-là sont en danger. Non pas à cause d’un éventuel coût élevé de l’exploitation, mais parce qu’elles ne peuvent pas lever de capitaux, le prix de l’action étant fortement corrélé au cours de l’or », précise-t-il. Une situation confirmée par Mark Bristow : « Il n’y a plus d’argent sur les marchés. Heureusement pour nous, notre endettement est réduit, et les pics d’investissements sur notre mine de Kibali en RD Congo – qui doit produire 18 tonnes par an – sont passés », fait-il valoir, précisant au passage que les coûts de production y sont de seulement 650 dollars l’once (hors coûts du capital, qui s’élèvent à 150 dollars l’once).
FONTE. En Afrique francophone,
la situation de la filière aurifère est particulièrement préoccupante au Burkina Faso. « Ce pays s’est hélas lancé tardivement dans l’industrie, et la taille de ses gisements est petite », observe Mark Bristow. Les juniors (petites compagnies) du pays ont vu leurs cours fondre comme neige au soleil, telle la Semafo, détentrice de la mine de Mana, dont la valeur de l’action à Toronto, qui atteignait 9 dollars en 2010, est descendue à 3,3 dollars le 20 janvier. Une situation qui prive les sociétés de capacité d’autofinancement. De fait, la Chambre des mines du Burkina Faso a envoyé en juillet dernier une note alarmiste au ministèredesMines,luidemandant de revoir les taxes appliquées. Elle N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
RANDGOLD
Dossier Mines
fait état de licenciements chez les neufs producteurs d’or que compte le pays, avec 500 emplois perdus en 2013. Chez le voisin malien, la situation est plus contrastée : AngloGold Ashanti a arrêté en septembre dernier l’exploitation de sa mine de Yatela, mais Randgold indique que ses gisements de Loulo et de Morila gardent des coûts de production attractifs, respectivement de 700 et 800 dollars l’once. En matière d’exploration, l’activité s’est toutefois réduite partout en Afrique de l’Ouest francophone, à l’exception notable de la Côte d’Ivoire, qui, du fait de la crise politique et sécuritaire, avait été oubliée par les juniors. En décembre dernier, la société Amara Mining a par exemple annoncé l’identification à Yaouré, au centre du pays, d’un gisement de 6 millions d’onces d’or (environ 180 tonnes).
p La mine de Kibali, dans la région d’Ituri, en RD Congo.
Ailleurs en Afrique, le moral est en berne, au Ghana, dont les mines sont vieillissantes, mais aussi au Kenya et en Tanzanie. Quant à l’Afrique du Sud, le pays reste empêtré dans des discussions tendues avec les syndicats, alors que les mines d’or sud-africaines, dans leur grande majorité souterraines et âgées, présentent des coûts d’exploitation élevés. BARRIÈRES. D’après les analystes,
Évolution de la demande mondiale en or (en tonnes) 1 200 1 000 800 600 400 200 0
2010 2011 Joaillerie Technologie
2012
2013
Placements Achat des banques centrales
SOURCE : WORLD GOLD COUNCIL
128
le rebond des cours de l’or n’est pas pour demain: la plupart d’entre eux s’attendent, en 2014, à un cours situé entre 950 et 1 170 dollars l’once. La demande asiatique, qui aurait pu relancer les prix, reste insuffisante. La mise en place en 2013 de nouvelles barrières à l’entrée du marché indien, grand consommateur de métaux précieux pour la joaillerie, limite son impact. Quant au marché chinois, en forte hausse, il n’est pas encore suffisant pour faire à lui seul remonter les cours, qui devraient stagner cette année. D’après Mark Bristow, « pour résister à la crise, il faudra impérativement que les compagnies aurifères adoptent un langage de vérité vis-à-vis des populations locales, des gouvernements et des actionnaires, dont les préoccupations concernent le court terme. Seuls les groupes qui parviendront, sur leurs projets, à créer une coalition avec ces différents acteurs en sortiront grandis », estime le Sud-Africain. l CHRISTOPHE LE BEC JEUNE AFRIQUE
APPROVISIONNEMENT EN COMBUSTIBLE
RÉACTEURS & SERVICES
RECYCLAGE & VALORISATION
ÉNERGIES RENOUVELABLES
AREVA, un des premiers producteurs mondiaux d’uranium
Déployés sur les 5 continents, les salariés du groupe nouent des partenariats stratégiques, explorent de nouveaux gisements et développent des projets miniers ambitieux, pour garantir à ses clients un accès durable à l’uranium. AREVA s’inscrit parmi les premiers producteurs mondiaux d’uranium, faisant de l’activité minière un pilier du modèle intégré du groupe. AREVA est présent en Afrique au travers de ses activités minières au Niger, au Gabon et en Namibie. Engagé dans une démarche de performance, de sécurité et d’amélioration continue, AREVA exerce ses activités minières dans le respect de l’environnement et des hommes, et contribue au développement économique des territoires et de leurs populations.
www.areva.com L’énergie est notre avenir, économisons-la !
Crédit photos : © AREVA - Maurice Ascani
Premier maillon du cycle du combustible nucléaire, l’activité minière d’AREVA assure la recherche, la production et la commercialisation d’uranium dans le monde, pour produire de l’électricité faiblement carbonée.
Dossier Mines INTERVIEW
131
Jean-François Fourt
t Sa filiale marocaine est la valeur la plus performante de la Bourse de Casablanca.
« Tous nos cadres, géologues et mineurs sont africains » Ce serial entrepreneur passé par la Silicon Valley a lancé sa propre société, Osead, et racheté une mine de plomb argentifère au Maroc. Depuis, il cherche à se développer en Afrique.
S
itué au cœur du 8e arrondissement de Paris, le bureau de Jean-François Fourt ne cadre pas vraiment avec l’image qu’on se fait d’un bureau de patron. Une statuette de Hugo Chávez trône au milieu de divers ouvrages politiques du défunt Comandante, juste à côté d’une veste rouge vif de la Société pétrolière nationale vénézuélienne, négligemment jetée sur une chaise. « C’est Chávez qui me l’a offerte », précise fièrement l’homme d’affaires, devenu proche de l’ex-président révolutionnaire grâce à ses liens avec le Parti humaniste, un courant politique internationaliste JEUNE AFRIQUE
et… antilibéral. Une rencontre qui, au début des années 2000, l’amène aussi à découvrir le continent : « Il avait très envie de se rapprocher de l’Afrique et m’a demandé d’intervenir auprès de certains chefs d’État », explique Jean-François Fourt. Un parcours atypique pour cet entrepreneur infatigable, qui, après un doctorat sur le clonage de la truffe à l’université de Californie, a passé vingt ans dans la Silicon Valley et introduit une dizaine de sociétés en Bourse à travers une autre de ses créations, Innovative Trade Resources. Rentré en France, il fonde Truffle Capital, une société
d’investiss ement qui gère aujourd’hui 600 millions d’euros, levés notamment auprès de fortunes privées françaises et européennes. Enthousiasmé par un voyage au Maroc, il décide en 2006 de créer la société Osead afin de racheter la Compagnie minière de Touissit (CMT), qui exploite des mines de plomb argentifère à Tighza. Coup de chance : le cours de l’argent décuple en quelques années. Mais Jean-François Fourt ne compte pas s’arrêter là. Si l’Afrique ne représente que 10 % des investissements de Truffle, lui-même y passe la moitié de son temps. Il nourrit de grands projets miniers, mais vise aussi l’agroindustrie, les services pétroliers et l’énergie. JEUNE AFRIQUE : Pourquoi avoir choisi les mines pour vous implanter en Afrique ? JEAN-FRANÇOIS FOURT : Au
départ, j’avais développé une technologie pour séparer les N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
VINCENT FOURNIER/J.A.
Fondateur du groupe Osead
132
Dossier Mines hydrocarbures des schistes bitumineux, qu’on trouve en particulier au Maroc. J’ai fait des essais sur le gisement de Tighza, détenu par la CMT. Les schistes n’étaient pas adaptés à ma technologie, mais j’ai découvert une unité de production minière dotée d’un gros potentiel, et ce malgré sa mauvaise gestion. Comme cette société perdait de l’argent, il n’a pas été difficile de convaincre son propriétaire de vendre. J’en ai fait l’une des plus belles mines du continent. Que pèse le Maroc dans le chiffre d’affaires d’Osead ?
Osead réalise un chiffre d’affaires d’une centaine de millions d’euros pour un millier d’employés. Ils sont environ 700 à travailler pour la CMT, qui depuis quatre ans est à la fois la société la plus performante de la Bourse de Casablanca, celle qui connaît la plus forte croissance et distribue le plus de dividendes. Quels sont vos projets miniers en dehors du Maroc?
Nous investissons plusieurs millions d’euros par an au renouvellement de nos réserves, et actuellement la production augmente dansnosgisementsmarocains.Mais nous sommes en prospection active pour des opérations de croissance externe. Nous avons ainsi acquis quatre mines d’or en Guyane, pour 5 millions d’euros, via la CMT. Et rien en Afrique?
Dès la création d’Osead, nous avons commencé à prospecter sur le continent. Par exemple, en Côte d’Ivoire, nous sommes prêts à démarrerl’exploitationd’unemine d’orprèsdeSéguéla,aunordd’Abidjan. Nous avons aussi deux permis d’explorationaurifèreauNiger,dans les zones de Téra et de Manda. Tout cela nécessite des années d’investissement. On aimerait bien lancer ces deux projets en 2014, mais il restebeaucoupdequestionsadministrativesàrégler.EnMauritanieet en Algérie, nous avions aussi commencé à exploiter des gisements d’uranium, mais nous avons dû arrêter à cause de l’explosion de la centrale japonaise de Fukushima. N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
Nous n’avions pas la trésorerie nécessaire pour attendre que les cours remontent. Aujourd’hui, on est en stand-by dans ces deux pays. L’évolution des cours des métaux précieux n’est-elle pas un sujet d’inquiétude pour vous ?
Quand on a repris la CMT, le cours de l’argent était à 6 dollars l’once, il est actuellement à 20. L’or est aujourd’hui à 1 200 dollars l’once, mais il est monté jusqu’à 1700. Nous avons besoin d’un cours à 1000 dollars l’once pour être rentables. Tous nos business plans sont établis sur des cours plus bas que ceux d’aujourd’hui. Les groupes miniers mettent de plus en plus l’accent sur la responsabilité sociale des entreprises. Quelles sont vos initiatives dans ce domaine ?
Nous défendons un développement minier raisonnable. Par exemple, je fais intervenir des agronomesavantl’arrivéedesgéologues. Dans un premier temps, nous faisons du développement agricole autour des mines pour acquérir une véritable légitimité auprès des villageois. Cette approche est extrêmement importante. Nous avons menédesprogrammesdeplantation de jatropha, par exemple en Côte d’Ivoire. Les graines de jatropha peuvent servir à faire fonctionner des groupes électrogènes ou à fabriquer du savon, le tout à destination de l’économie locale. Quand nous envoyons des géologues un ou deux ans plus tard, ils sont bien reçus. D’autre part, nous faisons travailler seulement des Africains. Au Maroc, je suis le seul « expatrié ». Tous nos cadres sont marocains, et nous avons trouvé la même configuration en Afrique subsaharienne. Nous avons un réseau de géologues et de mineurs de grande qualité. Tous sans exception sont africains. Les États africains sont nombreux à revoir leurs codes miniers. Quelle est la meilleure formule pour capter la rente sans décourager les investisseurs ?
Il faut toujours moderniser un code minier, car les pratiques, les
coûts d’extraction et les techniques changent. Les pays évoluent, les modes de récupération de la rente aussi. C’est la responsabilité de l’État d’établir une stratégie, pour aujourd’hui et pour les générations futures. La Côte d’Ivoire, le Cameroun, le Burkina possèdent un code minier moderne, avec des sociétés nationales qui permettent de prendre des participations. Pensez-vous que les miniers doivent transformer localement leurs minerais, et, vous-même, comment procédez-vous ?
La transformation locale dépend du type de minerai. Les fonderies nécessitent des investissements gigantesques. Pour cela il faut que l’entreprise ait une taille critique. Pour notre part, nous allons le plus loin possible dans la transformation sur place. Dans le cadre de la
Parmi nos projets, la fabrication de lingots d’or sur le continent. CMT, nous vendons du concentré d’argent [stade intermédiaire de la transformation]. Nous étions nous-mêmes actionnaires d’une fonderie, mais l’avons revendue. En revanche, en Guyane, nous fabriquons des lingots d’or, et nous voulons faire de même en Afrique. Nous avons par ailleurs mis au point un système breveté pour valoriser la filière de l’or artisanal dans les pays africains. Cela consiste à apporter des technologies et des machines qui permettent aux artisans de l’or d’aller plus loin dans la valorisation de leur travail. Nous proposons aux orpailleurs de traiter leurs rejets, à la condition qu’ils n’aient pas utilisé de mercure. Nous allons au plus près des zones d’extraction artisanale avec un camion, ou bien nous installons une miniusine pour traiter les minerais sur place. C’est déjà le cas au Niger, et nous avons le même projet en Côte d’Ivoire. l Propos recueillis par NICOLAS TEISSERENC JEUNE AFRIQUE
African Minerals est fier d’être le plus grand exportateur de minerai de fer à travers l’Afrique de l’Ouest avec une mine, un port et un chemin de fer entièrement intégrés et dédiés à son activité. www.african-minerals.com
Dossier Mines fonds Mubadala ont annoncé que leur coentreprise serait le cinquième producteur mondial d’aluminium à la fin du premier semestre de 2014. Très énergivore, cette industrie bénéficie aux Émirats d’un accès à une électricité à bas coût. La prise de contrôle de Sangarédi sécurisera une partie de leurs approvisionnements. Reste que, pour certains observateurs, la création de 14 000 emplois semble très improbable. Des doutes qui n’émeuvent pas le ministre guinéen des Mines, Mohamed Lamine Fofana: « L’accord répond aux priorités et aux besoins actuels de la Guinée. C’est un catalyseur pour une plus grande implication des Émirats arabes unis. »
INVESTISSEMENTS
Pétromonarchies en quête de bons filons
Soucieux de sécuriser leurs approvisionnements, les pays du Golfe lorgnent de plus en plus l’or, la bauxite ou le cuivre africains.
D
epuis plusieurs années, les rapports de Deloitte l’annoncent : le MoyenOrient est en passe de devenir un acteur majeur du secteur minier. Selon les consultants du cabinet, tous les indices sont réunis : une hausse des besoins en matières premières due à la multiplication des projets d’infrastructures, une capacité d’investissement élevée et la volonté des pétromonarchies de diversifier leurs économies. La prédiction semblait hasardeuse jusqu’à l’accord conclu le 25 novembre 2013 entre Conakry et le consortium Guinéa Alumina Corporation (GAC) regroupant Dubai Aluminium et le fonds émirati Mubadala Development Company. Avec ce premier deal en Afrique de l’Ouest, les Émirats arabes unis affichent clairement leurs ambitions. Cinq milliards de dollars devraient être investis dans les
huit prochaines années pour le développement de la mine de bauxite (utilisée pour la fabrication de l’aluminium) de Sangarédi, située dans le nord-ouest du pays. Un milliard sera consacré à l’exploitation du gisement, tandis que les quatre autres serviront à construire une raffinerie d’une capacité annuelle de 2 millions de tonnes d’alumine, ainsi qu’un port à Kamsar destiné à exporter le minerai. Le projet devrait créer 14 000 emplois. Un accord qui tombe à pic pour le gouvernement guinéen après une série de déconvenues dans le secteur minier ces dernières années. SÉRIEUX. Mais ces engagements
sont-ils crédibles ? « Ce sont des entreprises publiques, elles ont donc de solides garanties financières », avance Baba Hady Thiam, un avocat guinéen. Le projet s’inscrit en outre dans une véritable stratégie industrielle. En juin dernier, Dubai Aluminium et le
5 milliards de dollars devraient être investis dans les huit prochaines années pour le développement de la mine de bauxite de Sangarédi, en Guinée
OFFSHORE. Cet accord a visi-
q Des techniciens à l‘usine de Kamsar (Guinée), où transite le minerai extrait du gisement de Sangarédi, exploité par des entreprises émiraties.
GEORGES GOBET/AFP
134
N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
blement fait des émules. Lors du 3e sommet afro-arabe qui s’est tenu à Koweït en novembre 2013, le président nigérien Mahamadou Issoufou a appelé de ses vœux de futurs partenariats avant d’entamer une visite officielle en Arabie saoudite. « Plusieurs structures du Qatar et du Koweït se sont montrées intéressées par les ressources en uranium du pays, même si rien de concret n’a encore été vraiment lancé. L’intérêt du Niger est économique, mais aussi politique, avec un but clair : mettre la pression sur Areva [partenaire avec lequel l’État négocie une hausse de la fiscalité] », explique un avocat d’affaires. Pour l’heure, c’est au Soudan qu’un autre projet minier porté par un investisseur arabe fait parler de lui. Associé au canadien Diamond Field International, le saoudien Manafa International Trade Company, conglomérat présent notamment dans l’industrie pétrochimique, détient depuis 2010 un permis pour exploiter des gisements offshore d’or et de cuivre, respectivement évalués à 150 tonnes et 1 million de tonnes. Les opérations devraient débuter cette année, mais la chute vertigineuse du cours du métal jaune depuis un an pourrait mettre, au moins temporairement, un terme à l’aventure. l DAMIEN DURAND JEUNE AFRIQUE
Marcelino Tauzene, one of the Mozambican employees at the Moatize Coal Mine
Photos: Marcelo Coelho / Vale agency
We value the
Coal shipment at the Port of Beira
Vale is a Brazilian mining company with operations around the world. Our mission is to transform natural resources into wealth and sustainable development in countries in which we operate including Mozambique, Malawi, Zambia and Guinea. Through continuous investments in social and environmental initiatives, we aim to preserve the balance between the conservation of biodiversity and the development of the communities. The Moatize Coal Mine in Mozambique is a solid example of how mining can contribute to the sustainable development of a country and reinforces our commitment to the future of Africa. It is expected to reach 22 million tons per annum with the rump up of production through the implementation of Moatize II and Nacala Railway Project. In addition, the Nacala Railway Corridor and Nacala Port will significantly increase the export capacity from Moatize. In Africa Vale has promoted activities to increase the local economy, providing a growth in business with local suppliers, and has also generated about 18,000 jobs, mostly local workers. By working together with the African people, Vale is committed to building a better future to all.
vale.com
For a world with new values.
Dossier Mines ÉQUIPEMENT
Caterpillar face à la meute « Avec les distributeurs de Caterpillar, nous nous partageons environ 85 % du marché minier », estime Cédric Leturcq, directeur marketing chez Bia. Tous ont l’avantage de disposer des gammes complètes de produits. Les compagnies minières évitent de multiplier les fournisseurs afin de ne pas alourdir la facture des services connexes.
Longtemps seule sur le marché des engins de génie civil en Afrique subsaharienne, la marque américaine voit les concurrents affluer. Pour préserver son avance, elle mise sur le savoir-faire de ses distributeurs.
L
eadermondialdelaconstruction d’engins de génie civil, Caterpillar (50 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2012) a longtemps dominé le marché subsaharien, à l’exception de l’Afrique australe. La marque américaineétaitpratiquementseule en Afrique de l’Ouest, représentée par JA Delmas, ainsi qu’en Afrique centrale, où Tractafric assure sa distribution dans dix pays. Mais de prometteuses perspectives commerciales ont modifié la donne. Certes, les ventes d’engins de génie civil ont baissé en 2013 (– 26 % à la fin d’octobre, selon les statistiques de l’Association of Equipment Manufacturers), surtout dans le secteur minier, en raison de la chute des cours des métaux de base. Une reprise durable est toutefois espérée pour 2015, tant pour le marché minier que pour celui des travaux publics.
BULLDOZERS. Résultat, depuis dix ans, tous les grands constructeurs ont débarqué sur le continent. Bia est depuis 1998 le distributeur exclusif de Komatsu. Son chiffre d’affaires en Afrique, tiré essentiellement par la vente des bulldozers et des camions du constructeur japonais, est passé de 98 millions d’euros en2008à238millionsen2012.Dans ce laps de temps, la société, à l’originedirectementprésentedanscinq pays d’Afrique, s’est étendue à dix autres,etespèreêtreimplantéedans dix-sept d’ici à la fin de l’année. Le suisse Liebherr, lui, est représenté depuis 1999 par le Français André Girard, un ancien de « Cat » en Côte d’Ivoire, au Bénin, au Togo, au Mali et au Ghana. Fournisseur d’équipements pour les sablières béninoises et les mines de phosphate togolaises, ce dernier a aussi décroché un gros contrat avec Bouygues pour la construction du troisième pont N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
JACQUES TORREGANO/DIVERGENCE
136
d’Abidjan. Volvo, enfin, est partenaire de SMT, qui, depuis la fin des années 2000, a élargi son réseau à neuf pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale en plus de sa plateforme de départ en RD Congo. En 2011, les marques britannique JCB et chinoise Liu Gong ont profité des ambitions de la branche équipement de CFAO pour s’installer dans huit pays du continent. Mais face à la meute des concurrents, Caterpillar reste, selon ses représentants, JA Delmas et Tractafric, un solide leader. Les responsables des deux concessionnaires ne citent pour autant aucun chiffre. « Le marché est trop restreint et irrégulier, révéler le volume des ventes revient à livrer une information stratégique », explique un concurrent.
p Camion de terrassement de la firme dans une mine d’uranium au Niger.
ENTREGENT. Dans les travaux publics, la concurrence est accentuée par l’arrivée de constructeurs chinois. « Depuis deux ou trois ans, l’Afrique est devenue leur eldorado, assure Leturcq. Beaucoup d’entrepreneurs, qui obtiennent des chantiers grâce à leur entregent, n’ont pas les moyens de leurs ambitions. Ils sont obligés de recourir à du matériel low-cost et d’amortir sur du très court terme, alors que les entreprises plus solides investissent sur du matériel “premium” et réclament des interlocuteurs sur place. » Pour répondre à cette demande, JA Delmas propose des services de location de courte et de longue durée, de l’assistance technique ou des contrats de maintenance. Trois cents techniciens sortent chaque année de ses cinq centres de formation (Mali, Burkina, Côte d’Ivoire, Liberia, Mauritanie), indique la direction de l’entreprise. Celle-ci précise que deux tiers de ses 2 000 collaborateurs sont affectés à l’assistance technique, la même proportion que pour Tractafric et ses 1 500 employés. Au-delà des ventes d’engins neufs, Delmas mise
Le japonais Komatsu, le suédois Volvo, le britannique JCB et le chinois Liu Gong: tous à l’offensive! aussi sur la fourniture de pièces d’occasion intégralement révisées selon les normes du constructeur. Cette activité, déjà présente en Côte d’Ivoire et au Mali, sera d’ailleurs étendue au Burkina en 2014. l SAÏD AÏT-HATRIT JEUNE AFRIQUE
UNE ENTREPRISE Imaginez une plateforme indépendante unique bénéficiant d’une expertise en approvisionnement, formulation, conditionnement et distribution de produits dans le secteur de l’énergie. Notre présence en Afrique subsaharienne depuis plus de 25 ans, nous a amenés à développer des produits et des services spécialisés, adaptés aux besoins du continent.L’intégration de ces savoir-faire nous permet d’offrir les avantages d’une plateforme intégrée, flexible, efficace et fiable. Imaginez Oryx Energies—le fruit de la fusion des activités traditionnelles de négoce et d’aval pétrolier d’AOG. www.oryxenergies.com
Votre partenaire énergétique de choix en Afrique.
PA NO S-R KEM AL JUF RI/
EA
PA NO RO B HU IBE RS/
S-R EA
Dossier Mines
LEURS IL
VU D’A
138
p Exploitation d’étain sur l’île de Bangka (à g.) et surveillance géologique de la mine d’or et de cuivre de Grasberg.
INDONÉSIE
Jakarta revoit son agenda
L’interdiction d’exporter tous les minerais bruts, afin d’en favoriser la transformation sur place, devait entrer en vigueur le 12 janvier. Elle a finalement été très assouplie sous la pression des compagnies privées.
C
ela faisait déjà plusieurs mois que les analystes, les marchés et les multinationales du secteur scrutaient avec attention l’entrée en vigueur de la loi indonésienne interdisant les exportations de minerais bruts (bauxite, nickel, cuivre, fer, zinc, etc.). Jakarta entendait ainsi favoriser l’émergence d’une industrie locale de transformation dans un secteur stratégique, représentant une manne financière de plus de 10 milliards de dollars en 2012 (7,4 milliards d’euros), soit 5 % des exportations du pays, d’après la Banque mondiale. Mais les autorités ne sont finalement pas parvenues à résister au lobbying des grands groupes. Initialement prévues pour débuter le 12 janvier dernier, les restrictions aux exportations de minerais bruts ont été revues à la baisse une heure seulement avant la date butoir… De quoi réjouir les investisseurs, notamment les firmes américaines Newmont et Freeport McMoRan Copper & Gold, cette dernière exploitant l’une des plus grandes mines d’or et de cuivre du monde dans la province de la Papouasie. Ce coup de théâtre de dernière minute émane directement du président de la République, Susilo BambangYudhoyono. Il a signé une nouvelle réglementation permettant à une soixantaine de groupes miniers nationaux et étrangers d’exporter du cuivre, de l’étain, du fer, du
N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
manganèse et du zinc jusqu’en 2017. Les contours de cette nouvelle loi restent flous, mais les acteurs du secteur se sont engagés à construire des raffineries pour traiter les minerais bruts. Des taxes à l’exportation ont été par ailleurs instaurées. Elles augmenteront progressivement dans les trois prochaines années.
avec le gouvernement a donc largement tourné en leur faveur. Sûres de leur fait, elles n’avaient d’ailleurs pas consenti les investissements pour construire les usines indispensables au traitement des minerais, invoquant une baisse de la rentabilité et refroidies par l’obligation de laisser la majorité du capital à des investisseurs indonésiens. Elles avaient également mis en garde les autorités sur les conséquences à court terme de l’interdiction totale des exportations. Selon elles, non seulement les revenus du pays en auraient souffert, mais de nombreux emplois auraient été menacés le temps de la construction des usines. Reste que, sur le long terme,
En revanche, l’embargo sur les exportations de bauxite et de nickel – ressources rapportant plus de 2 milliards de dollars de revenus par an au pays – est maintenu. Les marchés ont immédiatement réagi, et le cours du nickel a progressé de plus de 2 %, à 14 190 dollars la tonne, le 13 janvier, au London Metal Seul l’embargo sur les Exchange. Car l’Indonésie est exportations de bauxite le premier exportateur mondial et de nickel est maintenu. de ce minerai nécessaire à la fabrication d’acier inoxydable, l’Indonésie a bien évidemment tout mettant sur le marché entre 18 % et à gagner à développer une industrie 20 % de l’offre mondiale, selon la de transformation. En Afrique, des banque Goldman Sachs. Se montrant situations comparables existent. Au rassurant face à une baisse de l’offre Katanga, dans le sud de la RD Congo, indonésienne pour la bauxite et le des annonces pour restreindre les nickel, Jero Wacik, le directeur général exportations de cuivre et de cobalt sont de la branche charbon et minerais du régulièrement faites, sans qu’elles se ministère de l’Énergie et des Mines, soient concrétisées pour l’instant. Plus a déclaré que son pays disposait de suffisamment de capacités de raffinage au sud, le voisin zambien a renoncé à imposer une taxe de 10 % sur les (en activité, en construction ou en exportations de cuivre brut. Résister aux projet) pour traiter ces deux minerais. multinationales n’est définitivement pas Entamé en 2009 au moment de une mince affaire. l l’adoption du nouveau code minier, le RYADH BENLAHRECH bras de fer engagé par les compagnies JEUNE AFRIQUE
Dossier Mines remplaçable, mais elle dispose avec le site d’Imouraren, concédé en 2009, d’un moyen de pression supplémentaire. Initialement prévue pour 2012, l’ouverture de cette mine qui contient les plus importantes réserves d’uranium du continent a été repoussée par Areva, l’entreprise avançant des raisons de sécurité. « Le président Mahamadou Issoufou a réclamé sa mise en service pour la fin de 2015, mais Areva ne s’est toujours pas engagé sur cette date », constate Rolake Akinkugbe, spécialiste des matières premières pour Ecobank. La baisse des cours constatée ces derniers mois, actuellement au plus bas à 35 dollars la livre, ne pousse pas non plus l’opérateur à investir les 1,9 milliard d’euros nécessaires au démarrage d’Imouraren.
AREVA
Guerre des nerfs au Niger Entre Niamey et le géant français du nucléaire, l’heure est à la renégociation du taux d’imposition des ressources minières. Qui aura le dernier mot ?
L
eshistoiresd’amourfinissent mal, en général. Celle entre Areva et l’État du Niger ne déroge pas à la règle. Après plus de quarante ans de vie commune, la mariée nigérienne a parfois la furieuse envie de donner un grand coup de canif dans le contrat pour récupérer un bout de sa dot. Mais les enjeux sont si importants que la raison finit par l’emporter. C’est bien ce qui devrait se passer une nouvelle fois dans le bras de fer fiscal qui oppose les deux parties. Le 31 décembre dernier, les conventions minières qui lient depuis dix ans le Niger à l’opérateur français pour l’exploitation d’uranium sur les sites d’Arlit sont arrivées à échéance sans qu’aucun accord n’ait pu être trouvé. Le Niger veut en profiter pour augmenter ses revenus en appliquant la loi minière de 2006, qui prévoit un taux d’imposition pouvant aller jusqu’à 12 % de la valeur des ressources extraites. De son côté, le groupe français revendique la poursuite de l’application de la loi minière
459
millions d’euros Bénéfices pour le Niger provenant de l’exploitation de l’uranium depuis 1971, soit
13 %
de la valeur totale des exportations SOURCE : OXFAM
de 1993, qui porte les prélèvements fiscaux supportés par les sociétés Somaïr et Cominak (détenues respectivement à hauteur de 64 % et 34 % par Areva) à 5,5 % maximum. Depuis six mois, les deux parties sont engagées dans une véritable guerre des nerfs. D’abord pimentées par des menaces à peine voilées, les discussions ont pris une meilleure tournure ces dernières semaines. Mohamed Bazoum, le ministre nigérien des Affaires étrangères, a déclaré le 6 janvier que son pays était prêt « à entendre les arguments d’Areva ». Depuis, plus rien ne filtre. Les autorités de Niamey et Areva gardent le silence. Dans les deux camps, les intérêts commerciaux sont si forts que personne ne veut parasiter les pourparlers en cours.
RALENTI. Face à un marché plutôt
P R E S S I O N. Si Areva paraît
aujourd’hui avoir repris le contrôle des discussions, c’est parce que la compagnie a su se rendre indispensable. Non seulement elle a acquis une expertise difficilement
q Dans l’usine de traitement du minerai d’uranium d’Areva à Arlit, au Niger.
JACQUES TORREGANO/DIVERGENCE
140
N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
déprimé, Areva a même arrêté au début de l’année la production des sites d’Arlit, officiellement pour des raisons de maintenance, mettant 5 300 employés au chômage. La faiblesse des cours constitue d’ailleurs le meilleur argument d’Areva, qui prétend que ses mines nigériennes ne seront plus rentables en cas de révision de son régime fiscal. Pour des raisons stratégiques, le groupe français ne peut pourtant pas prendre le risque de se fâcher durablement. Quatrième producteur de la planète, le Niger pèse chaque année un tiers de l’approvisionnement en minerai d’Areva, et l’opérateur peut bien signer des contrats en Namibie ou en Mongolie, « il faut quinze ans pour démarrer une mine », rappelle Anne-Sophie Simpere de l’ONG Oxfam. Reste un constat. Selon l’étude publiée par Oxfam fin 2013, Niamey n’aurait récupéré que 13 % de la valeur des exportations d’uranium depuis le début de l’extraction en 1971, soit 459 millions d’euros. Areva a beau contester ces chiffres, il n’en demeure pas moins qu’après seulement un an d’exploitation le pétrole (plus de 100 millions d’euros) a rapporté davantage en 2012 aux finances de l’État que l’uranium (70 millions)… l OLIVIER CASLIN JEUNE AFRIQUE
Your Partner for Power Opérant plus de 190 sites à travers le monde, Aggreko est le leader mondial dans la fourniture de centrales électriques mobiles. Notre prestation de service est « clé en main »: Ingénierie, exploitation et maintenance sont réalisées par nos équipes hautement qualifiées afin de vous assurer flexibilité et fiabilité. Que votre besoin soit de quelques Mégawatts afin d’alimenter une mine isolée du réseau, ou de quelques centaines de Mégawatts THT en fonctionnement continu pour soutenir le réseau national, Aggreko fournit une solution sur mesure, où que vous soyez et en quelques semaines seulement.
Aggreko, Power Specialists in the Utilities Industry Siège Régional d’Aggreko Paris T: +33 1 6973 2334 Luanda +244 227 280 280
Lagos +234 1 404 1009
Aggreko opère depuis plus de 190 sites à travers le monde. Pour connaître le bureau le plus proche de chez vous, rendez-vous sur : www.aggreko.com/contact
Cape Town +27 21 525 6760
Dossier Mines en 2000 au rachat de certains actifs miniers appartenant aux groupes AngloAmericanetBHPBilliton.Une opérationrenduepossiblegrâceaux financements de plusieurs banques dans le cadre de la politique Black Economic Empowerment. Dès l’année suivante, Daphne Nkosi et plusieurs autres femmes d’affaires noires travaillent sur les ébauches du projet d’exploitation de manganèse. Mais ce n’est que quatre ans plus tard qu’elles obtiennent le permis minier. Et c’est seulement avec le soutien de la banque Investec, puis d’IndustrialDevelopment Corporation, une institution publique sud-africaine, qu’elles parviennent à payer les études de faisabilité à même de convaincre les futurs investisseurs.
AFRIQUE DU SUD
Au nom des siennes Militante passée au monde des affaires, Daphne Mashile-Nkosi est la première femme à diriger une compagnie minière dans le pays.
À
55ans,DaphneMashileNkosi reste une exception en Afrique du Sud, à plus d’un titre. Non seulement elle fait partie des rares femmes noires chefs d’entreprise, mais elle est même la seule à ce niveauderesponsabilitédanslesecteur minier. Kalagadi Manganese, la société qu’elle dirige, exploite trois gisements de manganèse autour de Hotazel, dans la province du CapNord. Leurs réserves sont évaluées à 102 millions de tonnes. En novembre 2013, la femme d’affaires a reçu les félicitations du ministre du Développement économique Ebrahim Patel lors de l’inauguration de l’usine construite pour exploiter ce complexe minier. Le président Zuma l’a même présentée comme une héroïne. Car Daphne Nkosi entend incarner un nouveau modèle de développement. « Il n’est pas normal que la région du CapNord soit l’une des plus riches et que le taux de pauvreté y soit aussi élevé », déclarait-elle en décembre à The Africa Report. Pour y parvenir, la patronne veut privilégier la transformation locale. Une fois extrait, le précieux minerai va être usiné sur place afin de produire de l’aggloméré de manganèse. Et, à terme, une partie de cette production, 700000 tonnes sur un total de 2,3 millions, sera destinée à une fonderie qui doit être construite à environ 900 km de distance dans la zone industrielle de Coega, à proximité de Port Elizabeth. Au total, le complexe minier de Kalagadi Manganese aura nécessité un investissement de 5,3 milliards de rands (356 millions d’euros), dont 1,6 milliard pour la seule usine de production d’aggloméré. Des N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
REMOUS. En 2008, Daphne Nkosi
CAMILLE MILLERAND POUR J.A.
142
infrastructures dont les populations locales tireront également profit, qu’il s’agisse de l’accès à l’électricité ou à l’eau potable. ENGAGÉE. Rien ne prédestinait
la militante Daphne Nkosi, née à Soweto, profondément marquée par les émeutes antiapartheid de 1976, à prendre la direction d’une telle entreprise. Engagée au service de la défense du droit des femmes dans le monde rural, fondatrice d’une banque de développement, elle est entrée dans le secteur minier par accident. Impliquée à Mpumanlanga, elle est remarquée à lafindesannées1990parsonhomonyme, Sipho Nkosi, patron de la compagnie charbonnière Eyesizwe, qui souhaite développer un projet dans cette zone. Sollicitée pour intégrer l’entreprise, elle participe
p Le 16 décembre 2013, lors d’une séance de travail à Paris.
et ses partenaires signent un accord avec ArcelorMittal, auquel ils concèdent 50 % du capital contre 318 millions d’euros. Mais le partenariat tourne court. Arguant de problèmes de gouvernance dans la gestion du projet, ArcelorMittal refuse de poursuivre les investissements, et Nkosi doit batailler pendant plusieurs années devant la justice avant de pouvoir racheter la part du groupe basé au Luxembourg. Une opération qui devrait être bouclée en 2014 pour 328 millions d’euros. En 2010, Daphne Nkosi avait également dû faire face à une tentative de putsch à la tête de Kalagadi Manganese de la part de l’un des actionnaires. Mais là encore, la femme d’affaires fit front et resta à la tête de l’entreprise. Obstinée,
Elle a bataillé en justice contre ArcelorMittal, puis fait face à un actionnaire putschiste… parfois autoritaire, mais avec une touche de féminité, insiste-t-elle, la patronne ne baisse jamais les bras. En 2014, sa société devrait réaliser environ 12 milliards de rands de chiffre d’affaires, avec l’objectif d’employer 50 % de femmes. l JULIEN CLÉMENÇOT JEUNE AFRIQUE
Vivre le progrès.
www.liebherr.com info.lex@liebherr.com www.facebook.com/LiebherrConstruction
Le Groupe
144
Culture & médias
Honneur aux anciens
ÉDITION
Deux éditeurs viennent de donner une seconde vie au roman le plus célèbre de la littérature africaine signé Chinua Achebe et à l’ensemble de l’œuvre du poète congolais Tchicaya U Tam’si. TSHITENGE LUBABU M.K.
N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
L
eslecteursfrancophonesconnaissaient Le monde s’effondre,deChinuaAchebe. Désormais, ils liront Tout s’effondre. Quarante-sept ans après la première traduction en français par Présence africaine, en 1966, du chef-d’œuvre de l’écrivain nigérian mort en mars dernier à l’âge de 83 ans, Actes Sud en propose une nouvelle édition. « Tout est parti de la volonté de faire découvrir (ou redécouvrir pour quelques-uns) cet écrivain majeur et tout particulièrement son premier roman, devenu une référence absolue dans l’histoire littéraire africaine. Un livre dont les anglophones ont célébré en 2008 le cinquantième anniversaire de la JEUNE AFRIQUE
Culture médias
SOPHIE BASSOULS. STEVE PYKE
t Les écrivains Tchicaya U Tam’si (ci-contre, en 1980) et Chinua Achebe (ci-dessous, en 2008).
parution, événement rarissime qui méritait bien une nouvelle traduction. Le traducteur a proposé, avec raison, semble-t-il, cette nouvelle version plus juste, plus proche du titre anglais, Things Fall Apart », explique Bernard Magnier, directeur de la collection « Lettres africaines » d’Actes Sud. Chinualumogu Achebe avait 28 ans lorsqu’il a publié, en 1958, Things Fall Apart (phrase tirée d’un vers du poète irlandais William Butler Yeats dans The Second Coming) aux éditions Heinemann, à Londres. Né en 1930, le jeune homme, après ses études à l’université d’Ibadan, a enseigné pendant quelques mois avant d’être recruté par le Nigerian Broadcasting Service comme producteur. Lecteur d’auteurs tels que Joseph ph Conrad, John Buchan, Henry Rider der Haggard, Joyce Cary, Ernest Hemingway, ay, Achebe avait été profondément révulsé vulsé par ce qu’il avait pu découvrir dans leurs écrits. « Le moment clé […] fut celui où je compris que [dans] les livres que je lisais, ces romans coloniaux dans lesquels le bon explorateur blanc ou le bon missionnaire sionnaire uvages blanc allait et vivait au milieu de sauvages, en grand danger, ces histoires n’étaient pas aussi simples ou innocentes que je le présumais. En tant qu’enfant vous vous identifiez aux bons, aux missionnaires, aux explorateurs, parce que c’est de JEUNE AFRIQUE
cette façon que le récit est agencé », expliquera-t-il plus tard, justifiant ainsi sa vocation d’écrivain. Il voulait alors écrire une « nouvelle histoire ». Ce sera la genèse de ce premier roman dans lequel il évoque Umuofia, un village du pays ibo, dans l’est du Nigeria, sa région d’origine, avant la colonisation. Le héros, Okonkwo, est un homme hors du commun. Travailleur infatigable, multiple champion de lutte attaché à sa terre, à sa culture, paquet de nerfs qui terrorise ses quatre épouses, ses nombreux enfants et ses voisins. Mais tout change à l’arrivée des Britanniques, qui imposent leur religion et leur vision du monde. Plutôt que de se soumettre, Okonkwo préfère tuer un représentant de l’ordre nouveau avant de se suicider. Pour le jeune Achebe, c’était une réponse à tous les auteurs ethnocentristes qu’il avait lus jusque-là. Une fois la première version du roman terminée, Achebe, qui travaille toujours à la radio, ne s’imagine pas qu’il a réalisé un livre fondateur. Lors d’un séjour à Londres, où il suit une formation à la BBC, il montre son manuscrit à l’un de ses formateurs, Gilbert Phelps, auteur aux éditions Heinemann. Surprise : Phelps est séduit. L’éditeur aussi. Things Fall Apart est publié dans une version cartonnée. Le tirage est modeste : 1000 exemplaires. L’accueil de la critique britannique est plutôt favorable. Au Nigeria, le prix de vente est un peu élevé par rapport au pouvoir d’achat local, et on ne trouve pas le livre partout. Mais le public le découvre petit à petit, même s’il a fallu un an pour en épuiser le maigre stock. En 1962, alors que l’auteur ne s’y attend pas, Heinemann republie l’ouvrage en livre de poche, avec une couverture très colorée qui capte l’attention du public. La première traduction en français est réalisée par les éditions Présence africaine quatre ans plus tard, Pr sous le titre Le monde s’effondre. Elle sera so suivie d’une version en livre de poche en su 1972. En un demi-siècle, le livre d’Achebe est devenu un véritable phénomène éditorial dans le monde : première meilleure tor vente de l’histoire de la littérature africaine ve avec 12 millions d’exemplaires vendus et av traduction dans une cinquantaine de langues. L’écrivain nigérian a eu le privilège rare de voir, L’éc de so son vivant, son livre devenir un classique et atteindre à l’universel. ABSENCE. Si rééditer ce chef-d’œuvre n’a pas
p L'une des premières éditions et la version anniversaire publiée cinquante ans plus tard, en 2008.
été compliqué, on ne peut pas en dire autant pour l’œuvre du Congolais Gérald-Félix Tchicaya U Tam’si (1931-1988). À en croire l’écrivain et critique littéraire Boniface Mongo-Mboussa, qui s’en est chargé, ce fut un véritable parcours du combattant. Tout commence au début des années 2000, à l’occasion d’une exposition sur la littérature congolaise organisée par l’ambassade du CongoBrazzaville à Paris. Presque toutes les œuvres l l l N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
145
146
Culture médias Édition sont là. Sauf – rareté oblige – celles du plus important des porte-flambeaux de cette littérature: Gérald-Félix Tchicaya U Tam’si, poète, romancier, dramaturge, nouvelliste, dont le premier recueil de poèmes, Le Mauvais Sang, publié en 1955 aux éditions Caractères, à Paris, a reçu le Grand Prix littéraire de l’Afrique-Équatoriale française. « J’ai alors été interpellé par Patrick Tchicaya (le fils du poète, mort il y a deux ans), raconte Boniface Mongo-Mboussa. Il s’est offusqué de l’absence des livres de son père. J’étais moi-même surpris. Nous avons décidé de tout faire pour rééditer son œuvre en 2008, à l’occasion du vingtième anniversaire de sa disparition. Patrick Tchicaya m’a demandé d’associer sa sœur au projet. »
HUMEUR
lll
Opinions & éditoriaux Fabien Mollon
J’y perds mon Chinua!
I
l suffit d’un rien pour qu’une bonne nouvelle vous mette en rogne. Ainsi, il y a tout lieu de se réjouir que l'année de la mort de Chinua Achebe les éditions Actes Sud aient offert une seconde jeunesse à l’œuvre de l’écrivain nigérian. Sauf que, non content de proposer une nouvelle traduction de Things Fall Apart (1958), la maison a aussi remplacé la gourmette au poignet du bébé. Le roman, célèbre et célébré dans l’espace francophone sous le titre Le monde s’effondre depuis sa première traduction chez Présence africaine en 1966, a été rebaptisé Tout s’effondre. Si l’on avait voulu déprécier la valeur de classique que revêt ce livre aux yeux du monde littéraire – écrivains africains, universitaires et journalistes y font sans cesse référence –, l’on ne s’y serait pas pris autrement. Désormais, comment désigner l’histoire d’Okonkwo tentant de maintenir les coutumes ancestrales face à l’arrivée des Européens ? Selon la tradition littéraire ou la modernité éditoriale ? Au risque de passer pour des conservateurs, les lecteurs francophones peuvent à raison se sentir dessaisis d’un symbole de leur culture collective, d’un monument de leur patrimoine commun. Changerait-on le nom de la tour Eiffel sous prétexte d’une nouvelle couche de peinture ? C’est aussi nier le travail de pionnier de Présence africaine. Tabula rasa, avant moi le néant ! Pour être beau joueur, on concédera néanmoins que cette nouvelle version évite certaines pesanteurs et circonlocutions que présentait sa devancière – mais, ce faisant, l’écriture perd parfois de sa puissance d’évocation. Et on saluera la parution simultanée, toujours chez Actes Sud, d’un recueil d’articles et de discours de Chinua Achebe : Éducation d’un enfant protégé par la Couronne (inédit en français). La quatrième de couverture, bien sûr, présente l’homme de lettres nigérian comme l’auteur de… Tout s’effondre. l
N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
CASSE-TÊTE. Facile à dire, mais la suite va se
p Tout s'effondre (230 pages, 21,80 euros) et Éducation d'un enfant protégé par la Couronne (200 pages, 21,80 euros), de Chinua Achebe, traduits par Pierre Girard, Actes Sud
transformer en véritable casse-tête. « Tchicaya U Tam’si ayant publié chez différents éditeurs, dont certains n’existent plus, il fallait retrouver leurs héritiers, leurs ayants droit, afin d’obtenir des autorisations », explique-t-il. Ce travail de longue haleine va durer… treize ans. Impossible, donc, de tenir le moindre délai. Au terme de toutes ces péripéties, Boniface Mongo-Mboussa voit le bout du tunnel. Mais il y a mille pages à rééditer. Ce qui nécessite des moyens financiers importants. Sollicitées, les éditions Gallimard sont intéressées par le projet. Mais elles ne sont pas disposées à s’engager à perte et exigent une contribution financière… Mongo-Mboussa ne sait à quelle porte frapper. Au Centre national du livre, les délais sont trop longs. Il se demande s’il ne faut pas solliciter les admirateurs du poète en lançant une souscription. L’idée est vite abandonnée. Il se tourne alors vers Henri Lopes, ambassadeur du Congo-Brazzaville en France et lui-même écrivain. Résultat : un chèque, qui permet de débloquer la situation. Après ce premier tome, consacré à la poésie, deux autres suivront, qui seront consacrés au roman et à la nouvelle, ainsi qu’au théâtre, en octobre prochain et en mars 2015. l
CÉSAIRE AU COMPLET
L’
année 2013 était celle du centenaire de la naissance d’Aimé Césaire, disparu en 2008. Des commémorations ont été organisées ici et là pour lui rendre hommage. L’une des actions les plus importantes reste sans doute cette édition complète de son œuvre, enrichie par des documents d’archives inédits, dont trois versions inconnues du Cahier d’un retour au pays natal, ainsi que des essais de poétique et d’esthétique. Ce travail a été mené sous la direction d’Albert James Arnold, professeur T.L.M.K. à l’université de Virginie. l
Aimé Césaire, poésie, théâtre, essais et discours, édition critique coordonnée par Albert James Arnold, CNRS éditions/ Présence africaine, 1 806 pages, 35 euros JEUNE AFRIQUE
Culture médias entourage qu’elle critique sans arrêt, à commencer par sa sœur chez laquelle elle réside. Thierno, au contraire, est tout à fait à l’aise sur la terre de ses ancêtres, et encore plus à l’aise avec les beautés locales. APAISEMENT. Turin, Dakar, New York.
HAUT ET COURT
Trois villes, trois destins. Sophie finira par rencontrer à nouveau l’amour, Thierno ses racines et celles de la musique qu’il joue, et Abdoulaye, semble-t-il, un travail. Trois parcours, donc, vers l’émancipation et l’apaisement. Ce qui permet au film, bien qu’il évoque sans concession les affres de l’exil, les défis de l’altérité et les manquements à la solidarité entre émigrés, de ne jamais verser dans le mélodrame. Rien d’étonnant de la part d’une cinéaste qui aime « l’entre-deux » et se dit « toujours résolument optimiste ». Son précédent film, le moyen-métrage Un transport en commun, qui l’a révélé en 2010 aux yeux du public comme de la critique, en témoignait : pour raconter le p Des galères… mais aussi, d’un continent à l’autre, des rencontres magiques. savoureux voyage en taxi-brousse d’une dizaine de personnages entre Dakar et CINÉMA Saint-Louis, Dyana Gaye n’avait pas craint de proposer une véritable comédie musicale où les acteurs, des amateurs pour l’essentiel, s’exprimaient en chantant et, parfois, en dansant. Avec son premier long-métrage, Des étoiles, la Franco-Sénégalaise La musique, élément à nouveau essenDyana Gaye célèbre le mouvement et la rencontre. En musique. tiel dans Des étoiles, est depuis toujours présente dans la vie de Dyana Gaye : son i l’on regarde une étoile en disparu… Pour aller travailler sur un père, Ayib, a débarqué en Europe dans particulier, elle a l’air bien chantier au loin, comme ses amies les années 1970 pour y jouer, en comseule. Mais il y en a une africaines coiffeuses qui partageaient pagnie de Wasis Diop, dans l’orchestre infinité. Et ensemble elles son logement le prétendent ? Non : une du West African Cosmos. Aussi adoreforment des dessins, des constellations. » séquence se déroulant à New York nous t-elle, bien sûr, les comédies musicales de L’Italienne qui prononce ces paroles dans apprend qu’il a quitté depuis longtemps Vincente Minnelli, mais également, sans Des étoiles parle sans nul doute au nom la capitale du Piémont – où il avait d’aildoute parce qu’ils célèbrent la liberté de la réalisatrice. Car ce beau film choleurs une compagne – pour traverser sous toutes ses formes, les films de John ral, premier long-métrage de la Francol’océan avec l’aide d’un Cassavetes. Et les cinéastes Sénégalaise Dyana Gaye, raconte la vie passeur et rejoindre le supafricains ? Rien d’étonnant, de personnages au départ esseulés mais posé eldorado américain. pour une femme ayant touqui, toujours en mouvement, finiront Lequel ne lui réserve que jours vécu en France mais par savoir comment affronter leur destin des galères… qui a tenu récemment à grâce à la magie des rencontres. À Dakar, la Sénégalaise obtenir la nationalité sénéAmy a, elle, fait le chemin galaise, si elle cite avant ELDORADO. Dyana Gaye aime « les gens inverse et vient de revetout les « anciens » Djibril qui bougent, parce que le mouvement nir pour la première fois Diop Mambety, Safi Faye sous-entend la liberté ». Elle le prouve depuis vingt ans dans son et Sembène Ousmane, sur l’écran, où l’on voit d’abord atterrir pays natal, accompagnée avant d’évoquer Alain de son fils Thierno, qui ne Sophie, jeune femme en provenance Gomis. Une constellation connaît pas l’Afrique, afin de Dakar débarquant à Turin pour y assurément brillante et Des étoiles, d’assister à l’enterrement qui compte désormais une retrouver son mari, Abdoulaye, depuis de Dyana Gaye de son ex-époux. Très aménouvelle étoile. l longtemps émigré en Italie. Mais voilà, (sortie à Paris le 29 janvier) ricanisée, elle choque son RENAUD DE ROCHEBRUNE bien que prévenu de son arrivée, il a
Les ailes de la liberté
«
S
JEUNE AFRIQUE
N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
147
Culture médias t Pour « imposer le métissage » dans ses textes, il mêle le français au peul, au wolof et au hassania.
LAURENT PRIEUR POUR J.A.
148
MUSIQUE
Un flow très cash Créateur du festival Assalamalekoum, le rappeur mauritanien Monza prépare deux albums. Et n’a pas sa langue dans sa poche.
S
on nom de scène, c’est Monza. Comprenez : musique originale native de la zone authentique. Cette zone authentique, c’est l’Afrique. Car, s’il est citoyen mauritanien, Kane Limam se revendique avant tout africain. Tête d’affiche de la scène rap mauritanienne, cet auteur-interprète et producteur de 33 ans combat l’injustice avec les mots. « Pour ne pas en devenir complice », dit-il. Autoproclamé Président 2la Rue Publik (titre de son premier opus, en 2004), très impliqué dans le développement de la culture urbaine, il prône des valeurs qu’il estime en voie de disparition, telles que la fraternité et le multiculturalisme. Pour « imposer le métissage » dans ses textes, il mêle le français et les langues nationales : le peul, le wolof ou le hassania. « En Mauritanie, on ne veut pas assumer qu’il y a plusieurs communautés, alors qu’elles sont une richesse, déplore Monza d’une voix calme. Avant de parler d’unité nationale, il faut d’abord accepter les identités nationales. Ensemble, on est plus fort. »
N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
premier album en 2004, le premier CD entièrement réalisé en Mauritanie. À l’époque, le colonel Maaouiya Ould Taya est au pouvoir : les 1 500 disques sont confisqués. Qu’importe. Tous sont réédités, et le groupe part en tournée à travers le pays. La jeunesse a enfin son porte-voix. Les jeunes artistes, en revanche, n’ont toujours pas de scène et s’estiment muselés. Monza a l’idée de les promouvoir lui-même. Il lance son label, Zaza Productions, et, en 2008, crée Assalamalekoum Festival International, consacré aux cultures urbaines, dont la 7 e édition se tiendra en juin 2014. Grâce notamment à l’appui de l’Institut français, l’événement accueille chaque année une cinquantaine d’artistes mauritaniens et étrangers (parmi lesquels Daraji Family, DJ Gee Bayss, La Fouine, Sefyu ou Tunisiano) et attire des dizaines de milliers de spectateurs. Depuis, Monza a monté l’Assalamalekoum Tour (des ateliers d’écriture, de danse et de création musicale) dans les alliances franco-mauritaniennes, ainsi qu’Assalamalekoum Découverte, un concours pour détecter de nouveaux talents. Il s’occupe aussi de huit artistes (six rappeurs et deux groupes), et espère pouvoir créer un jour une Hip-Hop Academy Mauritanie, qui accompagnerait les musiciens de la salle de répétition
Monza s’est tourné vers le hip-hop dès l’âge de 15 ans avec son premier groupe, African Prodige, animé par un besoin viscéral de s’exprimer après que son père, engagé dans l’opposition lors des événements de 1989, eut été jeté en prison. En 1998, Monza « Si le pouvoir ne fait pas bien rejoint le collectif d’artistes les choses, on le dit. C’est notre Intelligentsia, à l’origine de la création de son second groupe, manière de contester. » Do Re Mifa. Il s’y bat pour la reconnaissance du rap mauritanien (il n’existait alors qu’une trentaine au studio. « Beaucoup abandonnent de groupes) et pour que la musique « ne leurs études et tombent dans le bandisoit plus seulement assimilée au griot et tisme ou la débauche. Avec le hip-hop, devienne un mode d’expression ». on les récupère et on en fait des artistes, qui ont un vrai métier. » Monza n’oublie MUSELÉS. Avec son alter ego Couly Man, pas pour autant sa propre carrière. Il ils montent leur propre formation, La se produit au Maroc, au Danemark, en Rue Publik, en 2000. « Si le pouvoir ne France… Et se concentre sur la sortie fait pas bien les choses, on le dit. C’est de deux albums, le 3 juin, l’un électro notre manière de contester. » Grâce au hip-hop et le second live, dont il partage soutien financier de l’homme d’affaires gratuitement chaque semaine un titre Ahmed Ould Hamza (qui n’était pas sur son site web. En attendant la sortie encore président de la communauté d’un best of au mois de septembre. l urbaine de Nouakchott) et l’appui du JUSTINE SPIEGEL, Centre culturel français, ils sortent leur envoyée spéciale à Nouakchott JEUNE AFRIQUE
Culture médias KIOSQUE
LA REVUE
Sous le signe de l’Afrique Le numéro 39 du mensuel La Revue est en vente dans les kiosques depuis le 24 janvier.
A
près deux longs mois d’interruption, pour cause de fêtes de fin d’année, La Revue réapparaît enfin, datée de février 2014, rajeunie et embellie (relookée, comme on dit) malgré la présence en couverture d’un personnage pas spécialement séduisant (quoique…) : le président français. La Revue n’est pas Closer… Mais les révélations que contient l’article de François Soudan donnent à comprendre les vrais ressorts de ce personnage complexe et mystérieux. Dans l’éditorial qui ouvre ce numéro, Béchir Ben Yahmed rappelle d’ailleurs une phrase prononcée par la compagne (ou ex-compagne ?) du président, Valérie Trierweiler : « Nul ne sait qui est François Hollande. Pas même moi » ! Grâce à François Soudan, on en saura tout de même un peu plus. Pour moi, cependant, la politique franco-française n’est pas le principal sujet de ce numéro. Ce serait plutôt l’Afrique, omniprésente d’un bout à l’autre. À commencer par un tableau apocalyptique de la démographie africaine. Si l’on compte aujourd’hui un peu plus de 1 milliard d’Africains, on en comptera bientôt, annonce Dominique Mataillet, plus de 2 milliards! « Un Terrien sur 7 est africain en 2013, écrit-il. La proportion passera à 1 sur 4 en 2050 et à 1 sur 3 en 2100 »! Cela n’ira pas sans conséquences, on le devine, sur la marche du monde. Parmi le milliard d’Africains d’aujourd’hui, La Revue a choisi le plus riche, pour en brosser le portrait. Il s’agit du Nigérian Aliko Dangote, qui a fait fortune dans le ciment. Âgé de 56 ans, il possède une fortune, d’après le magazine spécialisé Forbes, d’un peu plus de 20 milliards de dollars (14,7 milliards d’euros). Une paille, comparée à la fortune (près de 70 milliards de dollars) de Bill Gates, le fondateur de Microsoft, qui a décidé d’en utiliser une partie pour la recherche médicale, et auquel Olivier Marbot consacre dans ce même numéro un article : il y est indirectement question de l’Afrique, car l’objectif de Bill Gates est de vaincre une maladie qui frappe principalement les Africains, le paludisme. S’il y parvient, quelle influence cette victoire aura-t-elle sur la démographie africaine ? Je
u La Revue no 39, février 2014, 130 p., 4,90 euros en France (3 000 F CFA dans la zone CFA).
poserai la question à Dominique Mataillet. L’Afrique est encore présente dans ce numéro de La Revue : j’y raconte en effet, dans ma chronique (« La bride sur le cou »), la réception du grand (dans tous les sens du terme) sculpteur sénégalais Ousmane Sow à l’Académie (française) des beaux-arts. S’il est donc beaucoup question des Africains dans La Revue, il y est également beaucoup questions des Juifs ! Il y a, d’abord, l’apparition d’un nouvel éditorialiste, l’ancien parlementaire israélien Uri Avnery, dont on nous annonce qu’il y tiendra désormais une chronique régulière, intitulée « Profession de foi ». Il y a, ensuite, l’analyse de Gérard Haddad sur la (relative) détérioration des relations entre l’Allemagne et Israël. Il y a, enfin, dans l’article que je consacre à l’Azerbaïdjan, un couplet sur les bonnes relations qu’entretiennent les pays turcophones avec les Juifs. La place me manque pour vanter tous les mérites de ce nouveau numéro de La Revue, dont les collaborateurs restent majoritairement des messieurs. Pour compenser, sans doute, cette écrasante « domination » masculine, La Revue a donné cette fois une large place aux dames : les trois invités du mois sont trois femmes. Dans l’ordre d’apparition en scène: Muriel Mayette-Holtz, directrice de la Comédie-Française (interviewée par Juliette Morillot), l’historienne Élisabeth Badinter (invitée à déjeuner par Anne-Sylvaine Chassany), et la jeune photographe Isabelle Vayron, à laquelle La Revue consacre son portfolio du mois. l JEAN-LOUIS GOURAUD
À LIRE AUSSI DANS CE NUMÉRO États-Unis marque une évolution de la stratégie militaire américaine de ces dix dernières années. Mais entre problèmes éthiques et efficacité toute relative, ces appareils sans pilote soulèvent bien des questions.
LES DRONES, PRÉDATEURS OU JUSTICIERS ? L’utilisation des drones militaires par les JEUNE AFRIQUE
ISLAM, LES DÉRIVES DU DISCOURS Port du voile obligatoire, obsession du halal, multiplication de fatwas dérisoires… Le monde musulman semble pris de manie
juridique. Souvent au détriment d’une réelle connaissance du texte coranique, explique l’islamologue Abdelmajid Charfi. TURING, L’HOMME QUI A VAINCU ENIGMA Alan Turing, génie des mathématiques, a permis aux Alliés de triompher plus rapidement des nazis. Il est aussi à l’origine de l’invention de l’ordinateur. Pourtant, persécuté à cause de son homosexualité, il a fini par se donner la mort. N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
149
Culture médias En vue
n n n Décevant
n n n Pourquoi pas
n n n Réussi
n n n Excellent
JOURNALISME
Panorama mondial GRAND REP OR T E R a u Fi g a r o, grand arpenteur du monde arabe et très bon connaisseur de l’Afrique, Renaud Girard a eu l’idée de réunir ses chroniques internationales rédigées pour le quotidien français entre fin 2011 et mars 2013, projetant un panorama kaléidoscopique du monde en marche en ce début de 2014. De reportages vivants en décryptages savants, de Benghazi à Téhéran, de Beyrouth à Gao en faisant quelques détours par la mer de Chine ou le Kremlin, Girard livre une compilation passionnante des événements couverts ces trois dernières et turbulentes années. À la fin de chaque texte, de très utiles « Repères » permettent d’en saisir le cadre historique et politique. l LAURENT DE SAINT PÉRIER
Le Monde en marche, de Renaud Girard, CNRS Éditions, 376 pages, 19 euros nnn
ENFANCE
Conte-moi la savane QUOI DE PLUS MAGIQUE et de plus intriguant, pour un enfant de 6 ans, que la vie de la savane au pied du légendaire mont Kilimandjaro ? Pour répondre aux questions de sa petite fille, qu’il avait emmenée en safari aux confins de la Tanzanie et du Kenya, Patrick Fort, journaliste à l’AFP longtemps en poste à Libreville, a imaginé une série d’histoires qu’il consigne dans ce livre. Il révèle ainsi – à sa façon pleine d’humour – pourquoi le lion est jaune, pourquoi l’hyène rit ou encore comment le porc-épic a gagné ses épines. Si les illustrations sont parfois répétitives, l’originalité de ces petits contes animaliers compense largement. l PIERRE BOISSELET
Toutes petites histoires du Kilimandjaro, de Patrick Fort, Éditions Sépia, 10 euros, 66 pages nnn N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
ANAÏS PACHABÉZIAN/BABEL
150
p Une fuite en avant à travers le Styx méditerranéen. ROMAN
Odyssées modernes Dans une fiction très réaliste, Fabienne Kanor décrit la trajectoire de deux migrants, du Sénégal à l’Italie.
M
bour, Tenerife, Rome, L a mp e d u sa. Te l l e s sont les quatre étapes, du Sénégal à l’Italie en passant par l’Espagne, qui jalonnent le cinquième roman de Fabienne Kanor, Faire l’aventure. Quatre points sur une carte qui dessinent, dans notre géographie mentale nourrie des images de secouristes impuissants sur les côtes européennes, les routes migratoires entre l’Afrique et l’Occident. En imaginant le destin de deux jeunes Sénégalais par-delà les mers, l’écrivaine française d’origine martiniquaise dépasse la simple actualité et donne chair et âme à ces trajectoires. Tandis que Marème cherche la sécurité dans les bras d’hommes blancs aveugles à sa détresse d’exilée, Biram, débarqué par pirogue aux Canaries, arpente la calle dans l’espoir d’écouler sa camelote auprès des touristes pour financer la suite de son voyage.
L’auteure écrit: « C’était cela, après tout, faire l’aventure : perdre son argent et en gagner d’un coup, vouloir La Mecque et délaisser l’Éternel, nettoyer la merde des autres et s’acheter des complets étincelants, respirer l’air des princes et zoner en chien, ne plus jamais revoir sa mère et croiser son premier amour par hasard. » Dans cette fuite en avant à travers le Styx méditerranéen – un passeur italien est affublé du nom de Charon –, les héros ne sont jamais loin de se perdre, d’oublier leur passé pour un avenir chimérique. Comme si, tel Orphée à la sortie des Enfers, il leur était interdit de regarder en arrière. Fabienne Kanor, elle, ouvre les yeux des lecteurs des deux rives sur une certaine expérience de la migration, ici fictive mais tellement vraisemblable, au-delà des fantasmes européens comme des illusions africaines. l FABIEN MOLLON
Faire l’aventure, de Fabienne Kanor, JC Lattès, 368 pages, 18 euros
nnn JEUNE AFRIQUE
Culture médias PHOTOGRAPHIE
Mégalo mais beau À L’AUBE de ses 70 ans et après avoir passé sa vie à montrer celles d’orpailleurs brésiliens, de fermiers rwandais, de femmes zo’és ou, plus récemment, de tortues des Galápagos, le photographe Sebastião Salgado retrace son propre parcours. De la ferme de son père dans l’État du Minas Gerais jusqu’aux boulevards parisiens où il s’est exilé, il raconte ses engagements et son amour pour la
photographie. Salgado adore beaucoup dans son livre. Et le public le lui rend bien, qui s’est précipité en masse à sa dernière exposition : « Genesis », ode à la nature et plaidoyer environnementaliste. Critiqué pour avoir été financé par le géant minier Vale, le FrancoBrésilien l’est aussi parfois pour ses clichés trop léchés et ses plans presque posés. Mais on prend plaisir à lire le récit de sa vie, tout comme on continue d’admirer la profondeur de ses noirs et l’éclat de ses blancs. l ÉLISE COLETTE
De ma terre à la terre, de Sebastião Salgado, avec Isabelle Francq, Presses de la Renaissance, 178 pages, 16,90 euros
nnn
CINÉMA
La dictatrice
Jacky au royaume des filles, de Riad Sattouf, sortie à Paris le 29 janvier nnn
ET SI LE MONDE était gouverné par le « deuxième sexe » ? C’est ce qui arrive dans le royaume de Bubunne, où règne une femme dictateur et où les hommes, réduits à jouer les seconds rôles, portent tous une sorte de burqa. Dans cette comédie où tout ce qui caractérise les sociétés patriarcales a été inversé, il s’agit de faire rire tout en dénonçant le conditionnement culturel des sexes. Après l’excellent Les Beaux Gosses, le second film de Riad Sattouf, connu jusqu’ici comme auteur de bandes dessinées, fourmille d’idées et propose un casting de premier ordre (Anémone, Charlotte Gainsbourg, Vincent Lacoste, Didier Bourdon, Noémie Lvovsky). Seul problème : malgré leur multiplication, les gags, volontiers grossiers, ne font pas souvent mouche. Dommage. l RENAUD DE ROCHEBRUNE
151
DOCUMENTAIRE
La colonie pénitentiaire QUAND ON VIENT de la Corne de l’Afrique ou du sud du Sahara, réussir à atteindre Ceuta, enclave espagnole en territoire marocain, tient de l’exploit. Non seulement il a fallu traverser des déserts et des routes terriblement dangereuses, mais il a aussi fallu ensuite contourner par la mer le mur de barbelés qui entoure Ceuta sur des esquifs improbables, quand ce n’était pas à la nage. Tout ça pour croire arriver dans un morceau d’Europe et, si l’on n’est pas expulsé, se retrouver pour un temps indéterminé dans une prison à ciel ouvert, condamné sans connaître la sentence. Un documentaire truffé de témoignages édifiants, hélas parfois répétitif, mais qui devrait être projeté dans les pays d’émigration si l’on veut décourager les candidats à l’exil sans papiers. l R.R.
Ceuta, douce prison, de Jonathan Millet et Loïc H. Rechi, sortie à Paris le 29 janvier nnn
CONTE
Une hirondelle fait le Printemps MATTIAS DE LEEUW/RUE DU MONDE
DANS LA LIGNÉE des textes engagés publiés par les éditions Rue du Monde, Aziz, le jasmin et l’oiseau bleu est l’un des plus contemporains. Si les enfants y verront une magique histoire de liberté, les adultes y entendront les échos d’une actualité récente. Les auteurs, Laïla Koubaa et Mattias De Leeuw, racontent à leur manière les révolutions qui ont secoué le monde arabe et dressent le portrait sans concession d’opulents dictateurs vautrés dans le culte de la personnalité… et ennemis des oiseaux. Poétique NICOLAS MICHEL et gentiment grinçant. l Aziz, le jasmin et l’oiseau bleu, de Laïla Koubaa et Mattias De Leeuw, Rue du monde, 32 pages, 17 euros, sortie le 6 février nnn JEUNE AFRIQUE
N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
Genève, 17-19 mars 2014
2E ÉDITION
Le forum des dirigeants des grandes entreprises africaines Une plateforme exceptionnelle de rencontres. Un outil stratégique pour développer votre activité en Afrique et à l’international. Inscriptions et informations : www.theafricaceoforum.com Ils participent au AFRICA CEO FORUM
DONALD KABERUKA Président, Banque Africaine de développement
MARIA LUISA ABRANTES DG, Angola Investment Agency (ANIP)
MOULAY HAFID ELALAMY Ministre de l'Industrie et du Commerce (Maroc)
ASHISH THAKKAR PDG, Mara Group (Ouganda)
JEAN-PHILIPPE PROSPER Vice-président, IFC
ISSAD REBRAB Président, Cevital (Algérie)
EMMANUEL FABER Directeur Général Délégué, Danone (France)
KOLA KARIM PDG, Shoreline Group (Nigeria)
VALENTINE SENDANYOYE RUGWABIZA PDG, Rwanda Development Board
TEWOLDE GEBREMARIAM PDG, Ethiopian Airlines
CAROLE KARIUKI DG, Kenya Private Sector Alliance (KEPSA)
LIONEL ZINSOU Président, PAI Partners
SAÏD IBRAHIMI PDG, Casablanca Finance City
DAPHNE MASHILE-NKOSI Présidente, Kalahari Resources (Afrique du Sud)
CO-HOST
DIAMOND
PLATINUM
GOLD
PARTNERS
OFFICIAL CARRIER
AWARDS
Islamic Corporation for the Development of the Private Sector
MEDIA PARTNERS
rainbow
unlimited
GALA DINNER
KNOWLEDGE PARTNER
ANNONCES CLASSÉES
Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre -Tél. : 01 44 30 18 76 - Fax : 01 44 30 18 77 - Email. : f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique - 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris - France
BANQUE AFRICAINE DE DÉVELOPPEMENT DÉPARTEMENT DES SERVICES GÉNÉRAUX ET DES ACHATS
Division des achats institutionnels Fax : + (225) 20 20 54 55 / e-mail : tender@afdb.org
AVIS D’APPEL D’OFFRES TRAVAUX D’EXTENSION DU SIÈGE DE LA BAD À ABIDJAN – CÔTE D’IVOIRE CONCEPTION (PHASES 1 & 2) ET RÉALISATION DES TRAVAUX DE LA PHASE 1 « BÂTIMENTS DE PARKING ET SERVICES ESSENTIELS » Appel d’Offres (AO) N° : ADB/ITB/CGSP/2014/0006
JEUNE AFRIQUE
N° 2768 • DU 26 JANVIER AU 1ER FÉVRIER 2014
Appel d’offres
1. La Banque Africaine de Développement (BAD) invite, par le présent Appel d’offres, les soumissionnaires éligibles à présenter leurs offres sous pli fermé, pour les Travaux d’extension du Siège de la BAD à Abidjan-Côte d’Ivoire. Après la conception globale du projet, ces travaux se dérouleront en deux (02) phases : Phase 1 : Réalisation des parkings et services essentiels Phase 2 : Construction des bureaux et du centre de conférence 2. Le présent appel d’offres est réparti en deux (02) tranches : I. Tranche ferme : 1.2. Conception des bâtiments de parkings et services essentiels 1.3. Conception du bâtiment de bureaux et du centre de conférence 1.4. Réalisation des bâtiments de Parkings et services essentiels (phase 1) II. Tranche conditionnelle : 2.1. Construction du Bâtiment de bureaux et du centre de conférence (phase 2). 3. Le Processus de Passation des Marchés se déroulera conformément aux Règles et Procédures de la Banque Africaine de Développement régissant les acquisitions de biens, travaux et services pour l’usage interne de la Banque. 4. Sont éligibles, les entreprises ou groupements d’entreprises constitués conformément à la législation d’un pays membre de la BAD. 5. Le dossier complet d’appel d’offres est téléchargeable sur le site web de la Banque à l’adresse suivante : http://www.afdb.org/en/about-us/corporate-procurement/procurement-notices/current-solicitations. Les soumissionnaires intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires en adressant une demande à l’adresse e-mail suivante : tender@afdb.org. 6. Le présent appel d’offres se déroulera en deux (02) étapes : • Au titre de la première étape, le soumissionnaire est invité à soumettre une offre technique non tarifée pour les deux tranches. • Au titre de la deuxième étape, à l’issue de l’évaluation de la 1ère étape, le soumissionnaire sera invité à soumettre une offre technique révisée et une offre financière pour chacune des deux tranches. L’offre financière devra être accompagnée d’une déclaration de garantie de soumission. 7. Afin de permettre aux soumissionnaires de mieux préparer leurs offres en ayant une vue sur l’étendue du marché et disposer de toutes les informations nécessaires, une visite des lieux non-obligatoire suivie d’une conférence avant la soumission est prévue le 04 Févier 2014 à 10 heures (heure d’Abidjan, Côte d’Ivoire). Pour ce faire, les représentants des soumissionnaires seront invités à se présenter à 9h45mn devant le siège de la BAD sise à Abidjan, Plateau (Côte d’Ivoire) – Côté SUD. 8. Au titre de la 1ère étape, Les soumissionnaires éligibles sont invités à soumettre leur offre en Français ou Anglais, sous pli scellé en six exemplaires (1 original + 5 copies) par courrier ou en main propre au plus tard le 17 Mars 2014 à 14h00, heure locale d’Abidjan à l'adresse ci-dessous en mentionnant clairement la référence de l’Appel d’offres en caractères gras, de façon bien lisible et bien en vue. Banque Africaine de Développement Division des Achats Institutionnels (CGSP.2) - Immeuble CCIA - 01 B.P. 1387 Abidjan 01 (Côte d’Ivoire) Avenue : Jean-Paul II - Bureau N° 26 P: 26ème étage Appel d’Offres N° : ADB/ITB/CGSP/2014/0006 Acquisition de Travaux d’extension du Siège de la BAD « A N’OUVRIR QU’EN SÉANCE DE DÉPOUILLEMENT » 9. Les offres doivent être valides durant une période de 120 jours suivant la date limite de dépôt des offres. 10. Toute offre soumise en retard sera rejetée.
154
Annonces classées RÉPUBLIQUE TUNISIENNE
RÉPUBLIQUE DU SÉNÉGAL
MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE
MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DE L’ACTION SOCIALE
AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL N° 01/CMTS/2014 Acquisition de fournitures de prélèvements Le Ministère de la Défense Nationale (Centre Militaires de Transfusion Sanguine), lance un Appel d’Offres International N° 01/CMTS/2014 pour l’acquisition de fournitures de prélèvements (poche à sang + filtres). Les fournisseurs intéressés peuvent retirer les dossiers d’Appel d’Offres pendant les jours ouvrables (de lundi à jeudi de 08 h à 16 h, vendredi et samedi de 08 h à 13 h) à l’adresse suivante : CENTRE MILITAIRE DE TRANSFUSION SANGUINE (Ras-Tabia, 1 Rue des Etats Unis 2000 le Bardo) Contre paiement de 25 Dinars par mandat CCP au RIP 1700100000000616.82 24 au nom de Mr le Régisseur des recettes du Ministère de la Défense Nationale. L’offre sera envoyée dans une enveloppe fermée et portant la mention « A NE PAS OUVRIR APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL N° 01/CMTS/2014 » à l’adresse sus indiquée, au nom de Mr le Chef du Centre Militaire de Transfusion Sanguine, dernier délai le 12 Mars 2014 (cachet du Bureau d’ordre du centre Militaire de Transfusion Sanguine faisant foi). Toute offre Parvenue après ce délai ou ne respectant pas les conditions sera automatiquement rejetée.
Un Peuple - un But - Une Foi
PHARMACIE NATIONALE D’APPROVISIONNEMENT
Appel d’Offres International : F_SAMPE_029 « AOI PNA N° 12/2013 »
AVIS RECTIFICATIF Cet avis rectificatif fait suite à l’avis d’appel d’offres publié le lundi 06 janvier 2013 dans le quotidien le Soleil. Suite à une modification du nombre d’items contenus dans le dossier de l’appel d’offres sus référencé il est porté à l’attention des candidats les modifications ci après : La date limite de dépôt des offres initialement prévue le 25 Février 2014 à 10 heures est reportée au mardi 04 mars 2014 à 10 heures précises. Les offres remises en retard ne seront pas acceptées. Les offres seront ouvertes en présence des représentants des candidats présents à l’adresse ci-après Route du service Géographique, Hann, Dakar Sénégal, le mardi 04 mars 2014 à 10 heures. Le Directeur Dr Annette Seck NDIAYE
Appel d’offres
MINISTÈRE DE LA COMMUNICATION ET DES NOUVELLES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION (MCNTI)
RÉPUBLIQUE DU MALI UN PEUPLE – UN BUT – UNE FOI
AVIS D’APPEL D’OFFRES OUVERT INTERNATIONAL (AAO n° 14-001/AMRTP-DG du 20/01/2014) 1. L’Autorité Malienne de Régulation des Télécommunications/TIC et Postes (AMRTP) invite, par le présent Appel d’Offres ouvert international, les soumissionnaires éligibles selon les dispositions de l’article 18 du Décret n°08-485/P-RM du 11 août 2008 portant procédures de passation, d’exécution et de règlement des marchés publics et des délégations de service public à présenter leurs offres sous pli fermé, pour : Lot : Fourniture, installation et mise en service d’un système de contrôle du trafic national & international et de lutte contre la fraude. 2. L’Autorité Malienne de Régulation des Télécommunications/TIC et Postes s’est dotée, sur fonds propres, d’un budget pour la fourniture, l’installation et la mise en service d’un système de contrôle du trafic national & international et de lutte contre la fraude. 3. Les prestations prévues dans le cadre de ce marché sont à réaliser dans un délai maximum de trois (03) mois. 4. Les soumissionnaires intéressés à concourir peuvent obtenir des informations supplémentaires et examiner le Dossier d’Appel d’Offres dans les bureaux de : L’Autorité Malienne de Régulation des Télécommunications/TIC et Postes (AMRTP) ; Rue 360 Hamdallaye ACI 2000 BP : 2206, Bamako. 5. Le Dossier d’Appel d’Offres pourra être acheté par les candidats, sur demande au Département Administration et Finances de l’Autorité N° 2768 • DU 26 JANVIER AU 1ER FÉVRIER 2014
Malienne de Régulation des Télécommunications/TIC et Postes à l’adresse mentionnée ci-dessus et moyennant paiement d’un montant non remboursable de deux cent mille (200 000) Francs CFA. 6. Les clauses des Instructions aux soumissionnaires et celles du Cahier des Clauses Administratives Générales sont les clauses du Dossier Type d’Appel d’Offres ; Passation des Marchés de Fournitures, Août 2009, publié par la Direction Générale des Marchés Publics des Délégations de Service Public. 7. Toutes les offres doivent être déposées à l’Autorité Malienne de Régulation des Télécommunications/TIC et Postes (AMRTP). Rue 360 Hamdallaye ACI 2000 BP : 2206 Bamako, au plus tard le 28/02/2014 à 15 heures et être accompagnées d’une garantie d’offre d’un montant au moins égal à : vingt millions (20 000 000) de FCFA. Toutefois, les offres peuvent être reçues en salle, juste avant le début proprement dit d’ouverture des plis. 8. Les offres demeureront valides pour une durée de 120 jours à partir de la date d’ouverture des plis fixée au 28/02/2014 à 15 heures. 9. Les plis seront ouverts en présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent être présents à l’ouverture, le 28/02/2014 à 15 heures, à l’Autorité Malienne de Régulation des Télécommunications/TIC et Postes (AMRTP). Le Directeur Général de l’AMRTP Dr CHOGUEL K. MAIGA JEUNE AFRIQUE
Annonces classées
155
Avis d’Appel d’Offres International République Démocratique du Congo Projet de Renforcement des Capacités en Gouvernance (PRCG) Mise en œuvre de Systèmes Informatisés de Gestion de la Chaîne de la Dépense Simplifiée de la province du Kasaï-Occidental Don IDA H 752 - DRC - N° AOIF001/PRCG/CN/PM/01/2014 Date limite : le mardi 11 mars 2014
Projet de Renforcement des Capucités en Gouvernance (PRCG) Boulevard Colonel Tshatshi dans l’enceinte du Ministère de l’Intérieur Kinshasa/Gombe. République Démocratique du Congo Tél. : +243 992905762 ; +243 992905768 E-mail : prcgrdc@gmail.com
JEUNE AFRIQUE
N° 2768 • DU 26 JANVIER AU 1ER FÉVRIER 2014
Appel d’offres
1. Le Gouvernement de la République démocratique de Congo à reçu un don de l’Association Internationale de Développement pour le financement du Projet de Renforcement des Capacités en Gouvernance (PRCG), à l’intention d’utiliser une partie du montant de ce don pour effectuer les paiements au titre de l’accord ou des accords résultant du présent AAO N° AO1F001/PRCG/CN/PM/01/2014. 2. Le PRCG est l’agence d’exécution pour le projet et invite, par le présent Avis d’Appel d’Offres, les candidats remplissant les conditions requises à présenter une offre sous pli cachetée pour la mise en œuvre de Système Informatisé de Gestion de la Chaîne de la Dépense Simplifiée de la province du Kasaï Occidental. 3. Le processus se déroulera conformément aux procédures d’Appel d’Offres International (AOI) décrites dans les Directives : Passation des marchés financés par les prêts de la BIRD et les crédits de l’IDA ; sont admis à soumissionner tous les candidats des pays satisfaisant aux critères de provenance énoncés dans les Directives et répondant aux critères de qualification minimum suivants extrait de la section des DPAO concernant la clause 6.1 a) des IS. 4. Les candidats intéressés remplissant les conditions requises peuvent obtenir un complément d’information auprès du Projet de Renforcement des Capacités en Gouvernance (PRCG) à l’adresse indiquée ci-après Boulevard Colonel Tshatshi dans l’enceinte du Ministère de l’Intérieur Kinshasa/Gombe. République Démocratique du Congo de 9 heures à 16 heures. 5. Les candidats intéressés devront acheter un jeu complet de documents d’Appel d’Offres rédigés en français, sur demande écrite à l’adresse indiquée ci-après : Boulevard Colonel Tshatshi dans l’enceinte du Ministère de l’Intérieur Kinshasa/Gombe. République Démocratique du Congo moyennant paiement d’un montant non remboursable de 350 $US (Dollars américains trois cent cinquante). Le paiement sera effectué par versement en faveur du PRCG au compte bancaire n° PRCG DAO V/C DAT 03000949703-38 auprès de la RAWBANK. Le retrait du DAO par le soumissionnaire est conditionné par la remise, à la trésorerie du PRCG, de la copie du bordereau de versement des espèces authentifiée par la banque. Le retrait du DAO par le soumissionnaire se fait à la Cellule de Passation des marchés/Coordination Nationale du PRCG sur présentation de l’original du reçu émis par le trésorier. Pour les soumissionnaires qui le souhaitent, le Dossier d’Appel d’offres sera envoyé, à leur risque et péril, contre présentation de la preuve de paiement, par courriel. Les frais d’expédition du dossier étant à la charge des soumissionnaires concernés. 6. Les offres doivent être envoyées à l’adresse indiquée ci-après : Boulevard Colonel Tshatshi dans l’enceinte du Ministère de l’Intérieur Kinshasa/Gombe. République Démocratique du Congo au plus tard le mardi 11 mars 2014 à 11 heures 00’ (heure de Kinshasa GMT+1). Elles doivent être accompagnées d’une garantie d’offre d’un montant minimum de 10.000 USD (dix mille dollars américains) ou d’un montant équivalent en monnaie librement convertible. Les offres reçues après le délai fixé seront rejetées. Les plis seront ouverts en présence des représentants des Soumissionnaires qui décident d’assister à la séance d’ouverture à l’adresse et heure indiquées ci-après : Boulevard Colonel Tshatshi dans l’enceinte du Ministère de l’Intérieur Kinshasa/Gombe. République Démocratique du Congo, le mardi 11 mars 2014 à 11 heures 30’. 7. A l’attention des Soumissionnaires éventuels sur le fait : i) qu’il leur sera demandé, dans le cadre de leur soumission, de certifier que tous les logiciels sont couverts par une licence valide ou ont été produits par eux ; ii) que les infractions seront considérées comme des cas de fraude pouvant donner lieu, entre autres sanctions, à l’exclusion du Soumissionnaire concerné de toute participation future à des marchés financés par la Banque mondiale. Popaul KIZUNGU CHIHISA Coordonnateur National
156
Annonces classées MINISTÈRE DE L’ÉCONOMIE FORESTIÈRE ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE PROJET FORÊT ET DIVERSIFICATION ÉCONOMIQUE - CRÉDIT N° 5121-CG Unité de Coordination du Projet B.P 14 564 Brazzaville, République du Congo, Tél. : +242 05 616 95 74/06 817 06 33, Courriel : pfdecongo2011@yahoo.com
AVIS À MANIFESTATION D’INTÉRÊT N° 011 RELANCE/MEFDD-CAB/PFDE/AMI/C/14 « Recrutement d’une firme pour appuyer la campagne d'information médiatique du Ministère de l’Economie Forestière et du Développement Durable »
Manifestation d’intérêt
1. Le Gouvernement de la République du Congo a obtenu auprès de l’Association Internationale de Développement (IDA) un Crédit (n°5121-CG) pour financer les activités du Projet Forêt et Diversification Economique (PFDE), et a l’intention d’utiliser une partie du montant dudit Crédit pour financer les services de consultants ci-après : « Appui à la campagne d'information médiatique du Ministère de l’Economie Forestière et du Développement Durable ». 2. La mission consiste à appuyer la Direction de la Communication et de la Vulgarisation à finaliser la stratégie et le plan de communication du Ministère de l’Economie Forestière et du Développement Durable (MEFDD) et à élaborer des campagnes d’information autour des activités clés du MEFDD comme la traçabilité du bois, le reboisement, l’implication des populations locales et autochtones dans la gestion forestière, les initiatives de Réduction des Emissions dues à la Déforestation et à la Dégradation des forêts (REDD),… 3. L’Unité de coordination du PFDE, chargée par le Ministère de l’Economie Forestière et du Développement Durable de la mise en œuvre dudit projet, invite les agences de communication spécialisées dans le domaine à manifester leur intérêt pour les services décrits ci-dessus et à fournir les informations indiquant qu’ils ont la capacité technique d’exécuter lesdits services (note de présentation de l’agence, missions similaires exécutées…). 4. Sur cette base, les consultants seront sélectionnés conformément aux Directives de la Banque « Sélection et Emploi des Consultants par les Emprunteurs de la Banque Mondiale, Edition de janvier 2011». La sélection sera basée sur la qualité technique et le coût. 5. Les consultants désireux d’obtenir des informations complémentaires peuvent s’adresser à l’Unité de Coordination du PFDE, à l’adresse ci-dessous, les jours ouvrables. Les Termes de Références peuvent être consultés à la même adresse. 6. Les manifestations d’intérêt doivent être déposées sous pli fermé ou en version électronique à l’adresse ci-dessous, au plus tard, le 17/02/2014 à l’adresse ciaprès : PROJET FORÊT ET DIVERSIFICATION ÉCONOMIQUE UNITÉ DE COORDINATION DU PROJET, Case J-142/V, OCH Moungali III, Tél. : (242) 05 616 95 74/06 817 06 33, Courriel : pfdecongo2011@yahoo.com Brazzaville, le 24/01/2014 Le Coordonnateur du PFDE, Fidèle NKOUNKOU
MINISTÈRE DE L’ÉCONOMIE FORESTIÈRE ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE - CRÉDIT N° 5121-CG Unité de Coordination du Projet B.P 14 564 Brazzaville, République du Congo, Tél. : 05 616 95 74/06 817 06 33, Courriel : pfdecongo2011@yahoo.com
AVIS À MANIFESTATION D’INTÉRÊT N° 012/MEFDD-CAB/DEP-PFDE/14 « Recrutement d’un consultant international assisté d’un consultant local chargés de l’élaboration d’une stratégie de développement des PME de menuiserie » 1. Le Gouvernement de la République du Congo a obtenu auprès de l’Association Internationale de Développement (IDA) un Crédit (n°5121-CG) pour financer les activités du Projet Forêt et Diversification Economique (PFDE), et a l’intention d’utiliser une partie du montant dudit Crédit pour financer les services de consultants ci-après : Elaboration de la stratégie de développement des PME de menuiserie. 2. La mission vise à élaborer une stratégie de mise en place d’un tissu économique autour des grandes industries de bois et des agglomérations,pouvant participer à la diversification de l’économie par la création de la valeur ajoutée et à la satisfaction des besoins nationaux en produits finis de qualité. 3. L’Unité de coordination du PFDE, chargée par le Ministère de l’Economie Forestière et du Développement Durable, de la mise en œuvre dudit projet, invite les candidats intéressés à manifester leur intérêt pour les services décrits ci-dessus et à fournir les informations indiquant qu’ils ont la capacité technique d’exécuter lesdits services (qualifications, expérience professionnelle dans le domaine, missions similaires exécutées,…). 4. Les consultants seront sélectionnés conformément aux Directives de la Banque « Sélection et Emploi des Consultants par les Emprunteurs de la Banque Mondiale, édition de janvier 2011 » par comparaison de CV. 5. Les consultants désireux d’obtenir des informations complémentaires peuvent s’adresser à l’Unité de Coordination du PFDE, à l’adresse ci-dessous, les jours ouvrables. Les Termes de Références peuvent être consultés à la même adresse. 6. Les manifestations d’intérêt doivent être déposées sous pli fermé ou en version électronique à l’adresse ci-dessous, au plus tard, le 17/02/2014 à l’adresse ci-après : PROJET FORÊT ET DIVERSIFICATION ÉCONOMIQUE, UNITÉ DE COORDINATION DU PROJET, Case J-142/V, OCH Moungali III, Tél. : (242) 05 616 95 74/06 817 06 33 - Courriel : pfdecongo2011@yahoo.com Brazzaville, le 24/01/2014 Le Coordonnateur du PFDE Fidèle NKOUNKOU N° 2768 • DU 26 JANVIER AU 1ER FÉVRIER 2014
JEUNE AFRIQUE
Annonces classées
157
AVIS À MANIFESTATION D’INTÉRÊT SECRÉTARIAT PERMANENT
COMMUNIQUÉ Dans le cadre de la mise en œuvre du Projet d’Amélioration du Climat des Investissements (PACI N° H799-3A), financé par le Groupe de la Banque Mondiale, le Secrétariat Permanent de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) informe le public de la publication de cinq (05) Avis à Manifestation d’Intérêt. Ces avis sont relatifs à : 1. La création d’un cursus du diplôme d’expertise comptable dans l’espace OHADA ; 2. La création et l’opérationnalisation des ordres dans les pays au sein de l’espace OHADA ; 3. La dissémination des normes professionnelles d’accomplissement des missions d’audit et d’expertise comptable et d’un code éthique dans les pays membres de l’espace OHADA ; 4. La création d’un équivalent du Conseil Permanent de la Profession Comptable (CPPC) dans la zone OHADA ; 5. L’opérationnalisation d’un Système Assurance Qualité dans l’espace OHADA. Les Termes de Référence y relatifs pourront être consultés sur le site de l’OHADA à l’adresse suivante : http://www.ohada.org/appels-doffres-sp.html ainsi que sur le site dgMarket de la Banque Mondiale. Les manifestations d’intérêt écrites doivent être déposées à l’adresse ci-dessous en personne, par courrier, par facsimile ou par courrier électronique au plus tard le 20 février 2014 à 14h00 heure locale (GMT+1) : Secrétariat Permanent de l’OHADA Immeuble OHADA, quartier Hippodrome, face MINREX B.P. 10071 Yaoundé – Cameroun Tél. : (+237) 22 21 09 05 / fax : (+237) 22 21 67 45, courriel : secretariat@ohada.org
Le Centre International pour la Trypanotolerance (CIT) a reçu un financement du Groupe de la Banque Africaine de Développement (BAD) sous forme de don afin de financer les coûts de l’Unité Régionale de Coordination (URC) du Projet Régional de Gestion Durable du Bétail Endémique (PROGEBE) (www.progebe.net). L’URC a l’intention d’utiliser une partie de ce don pour financer les services de consultant individuel pour la production et diffusion d’un film documentaire sur les expériences et résultats clés du projet en deux versions (en anglais et en français), conformément aux « Règles et Procédures pour l’utilisation des Consultants » de la BAD, édition mai 2012, disponibles à : http://www.afdb.org. L’URC invite les Consultants individuels éligibles et qualifiés, à manifester leur intérêt à fournir les services décrits, ci-dessus, en fournissant les informations pertinentes sur leurs capacités et qualifications. Ces informations devront inclure la description et les références de prestations similaires, des échantillons, leur expérience dans des missions comparables, leur disponibilité, la liste indicative de prix, leur CV ainsi que ceux de l’équipe avec laquelle ils seraient susceptibles de travailler et tout autre document pertinent. Les expressions d'intérêt doivent être déposées, en personne, par poste ou par email, à l'adresse mentionnée ci-dessous au plus tard le jeudi 6 février 2014 à 16 heures et porter expressément la mention « PROGEBE-URC – FILM DOCUMENTAIRE ». Attention : PROGEBE-URC, ITC, Kerr Serign, PO Box 4060, Bakau, Gambie. Téléphone : +220 446 02 18/+220 446 04 73 ; E-mail : rokiatu.cham@progebe.net et alassane.diallo@progebe.net avec alphad@unops.org en copie.
AVIS DE SOLLICITATION À MANIFESTATION D’INTÉRÊT
N° 06C/MEFPPPI-CAB/PRCTG/14
« Recrutement d’un Consultant individuel international pour l’identification des besoins et l’élaboration d’un programme de formation des cinq (5) organisations de la société civile en République du Congo »
1. Le Gouvernement de la République du Congo a obtenu auprès de l’Association Internationale de Développement (IDA) un crédit n° 5063-CG, pour le financement des activités du Projet de Renforcement des capacités de Transparence et de Gouvernance (PRCTG), et a l’intention d’utiliser une partie du montant dudit Don pour financer les services de consultants ci-après : Recrutement d’un Consultant individuel international pour l’identification des besoins et l’élaboration d’un programme de formation de cinq (5) organisation de la société civile en République du Congo. 2. Cette mission vise à élaborer un programme de formation de cinq (5) organisations de la société civile en République du Congo en matière de suivi - évaluation de la mise en œuvre des principales réformes publiques Il s’agira (i) d’établir un état des lieux des compétences actuelles des membres des OSC sélectionnées ; (ii) de définir, au regard du périmètre d’intervention de ces OSC sus mentionnées, les quantités et les qualifications requises pour la conduite efficiente des missions suivi-évaluation de la mise en œuvre des principales réformes publiques ; (iii) de déterminer les écarts entre les compétences actuelles et celles requises ; (iv) de proposer des modules spécifiques de formations destinés à accroitre progressivement, les capacités professionnelles des membres des OSC sélectionnées ; (v) de déterminer les coûts estimatifs des modules spécifiques de chaque formation. La durée de la mission est de soixante (60) jours y compris la soumission du rapport final. 3. L’Unité d’Exécution du PRCTG invite les candidats intéressés à manifester leur intérêt à fournir les services décrits ci-dessus. Les Consultants intéressés doivent fournir des informations pertinentes indiquant leurs capacités techniques à exécuter lesdits services. Le dossier de candidature devra comporter les renseignements suivants : • les copies des diplômes ; • les compétences du candidat pour la mission, notamment l’indication de références techniques vérifiables en matière de missions similaires (liste des précéJEUNE AFRIQUE
dents clients pour ce type de mission : année, coût de la mission, nom et adresse complète du représentant du client) ; • l’adresse complète du consultant (localisation, personne à contacter, BP, Téléphone, Fax, Courriel). Profil du Consultant : Le consultant individuel international devra être : i) Etre titulaire d’un diplôme BAC +5 en ressources humaines, ayant une expérience d’au moins dix (10) ans dans le domaine de la planification des besoins en ressources humaines, en développement des capacités techniques et professionnelles et de gestion des programmes et des plans de formation ; ii) Avoir l’expérience en matière des missions de suivi - évaluation des réformes publiques serait un atout. 4. Sur cette base, un Consultant individuel sera sélectionné conformément aux Directives de la Banque « Sélection et Emploi des Consultants par les Emprunteurs de la Banque Mondiale de janvier 2011». Le Consultant sera sélectionné sur la base de la comparaison des CV. 5. Les intéressés doivent s’adresser à l’Unité d’Exécution du PRCTG pour obtenir des informations supplémentaires, à l’adresse ci-dessous, les jours ouvrables, de 8 h 00 à 16 h 00. 6. Les manifestations d’intérêt doivent être déposées sous pli fermé ou en version électronique à l’adresse ci-dessous, au plus tard, le mardi 18 février 2014 : PROJET DE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DE TRANSPARENCE ET DE GOUVERNANCE UNITÉ D’EXÉCUTION DU PROJET - SECTION PASSATION DES MARCHÉS B.P 2116 Brazzaville, République du Congo, Derrière le Commissariat Central Courriel : prctg@yahoo.fr Brazzaville, le 23. Janvier 2014 Le Coordonnateur Marie Alphonse ITOUA
N° 2768 • DU 26 JANVIER AU 1ER FÉVRIER 2014
Manifestation d’intérêt
MINISTÈRE DE L’ÉCONOMIE, DES FINANCES, DU PLAN, DU PORTEFEUILLE PUBLIC ET DE L’INTÉGRATION PROJET DE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DE TRANSPARENCE ET DE GOUVERNANCE - Crédit n° 5063 -CG Unité d’Exécution du Projet - B.P 2116 Brazzaville, République du Congo, Tel : 05 551 96 11, Courriel : prctg@yahoo.fr
158
Annonces classées
World Bank Group Recruitment of freelance English to French translators
Divers - Recrutement
The Translation and Interpretation Unit (GSDTI) of the World Bank Group is holding an examination on February 12, 2014 to recruit English → French translators for its roster of external vendors. The two-hour examination will be administered online and successful candidates will be added to the Bank’s roster of external vendors. Interested candidates who meet the requirements set out below are invited to submit their résumés together with a one-page cover letter summarizing their qualifications and experience by e-mail to translator-recruitment@worldbank.org no later than 12 noon (EST) on Monday, February 10, 2014. Requirements • Degree in translation or related discipline from a recognized university or institution of higher learning and at least five years of proven experience as a professional translator • Ability to produce accurate and stylistically appropriate translations in French of English texts on a wide range of subjects covering the activities of the World Bank Group with little need for revision and/or oversight • Ability to plan and organize work to meet established deadlines • Familiarity with CAT and related computer-based tools • Specialized knowledge in fields such as public finance, accounting, law or the social sciences would be an asset • Ability to also translate into French from languages other than English an asset
Fabrication & Commercialisation de Groupes Electrogènes toutes puissances Études & réalisations Assistance technique Pièces de rechange Maintenance
BP N°1 - 37190 Vallères - France www.lepron-sa.com - 33(0)2 47 45 45 50
Retrouvez toutes nos annonces sur le site : www.jeuneafrique.com N° 2768 • DU 26 JANVIER AU 1ER FÉVRIER 2014
JEUNE AFRIQUE
Annonces classées
Working to improve the future. The '67 8 '1&5,%#( 6(9%-$2%($ Bank is the European Union’s financial institution. It works in support of EU development and economic co-operation policies by financing investment in both public and private sectors.
The EIB is seeking to recruit for its Regional Office in Dakar, Senegal, on the basis of a fixed-term local contract:
!
"#$%& '()*(%%& (ID 101014)
To find out more details about the job offer or to apply please go to +$$,-.//%&%0&1*$2%($3%*435&) The position is open to Senegalese nationals and other nationals with a valid Senegalese work permit.
We believe that Diversity is good for our people and our business. We promote and value diversity and inclusion among our staff and candidates, irrespective of their gender, age, nationality, race, culture, education and experience, religious beliefs, sexual orientation or disability.
Société de Conseil en solution RH pour les profils de dirigeants et d’experts sur le continent africain. Secteur BTP
Directeur de Chantier/Route (H/F) République du Congo 80 K€ Réf : DCC39
Directeur Général (H/F) Angola 150 K€ Réf : DGAN28
Directeur Administratif et Financier (H/F) Côte d’Ivoire 100 K€ Réf : DACI34
USG Professionals Africa 21 Boulevard Haussmann 75009 paris africa@usgprofessionals.fr Tél : 01 53 00 81 81 www.usgprofessionals.fr/africa
Cabinet spécialisé dans le développement des RH et dédié à l’Afrique subsaharienne
Recrute des Chargé(e)s de comptes Pays pour chacun des Pays de l'Afrique francophone subsaharienne*.
Recrute pour renforcer son pool de Formateurs, des Experts Formateurs de haut niveau. Chargé(e)s d'animer des modules de formation Professionnelle en développement des compétences pour l'ensemble des fonctions managériales au sein des entreprises et organisations : management, marketing & commercial, procurement, finance etc., ainsi qu'en leadership & développement personnel. Zone d'intervention Ensemble des Pays francophones de l'Afrique subsaharienne Mission • Animer des formations professionnelles et des séminaires, • Piloter des missions d’accompagnement du changement, de conseil et de développement des compétences de l’ensemble de la ligne managériale chez nos clients • Analyser les besoins, concevoir des dispositifs complexes et multimodaux, • Contribuer à l'adaptation des supports pédagogiques et des outils de suivi. Profil De formation supérieure, vous avez une expérience significative en formation, coaching, mentoring, management d’équipes, acquise au sein de postes opérationnels ou en cabinet conseil. Vous maîtrisez votre(vos) domaine(s) de compétence et êtes reconnu(es) comme un Expert(e) dans ce(s) domaine(s). Vous avez un véritable goût pour la pédagogie, possédez une bonne expérience de la gestion de projet et une bonne connaissance des entreprises et organisations. Les qualités qui feront votre succès : capacité d’écoute, d’analyse et de synthèse, capacité à travailler en mode collaboratif, organisation, rigueur, implication, créativité, curiosité. Les recrutements se feront sur la base de contrats de consultants et vous interviendrez selon des plannings convenus. Les candidatures de Managers en poste au sein d'entreprises et organisations sont par conséquent encouragées. Contenu du dossier de candidature : Lettre de motivation, CV détaillé avec photo. Envoyez votre candidature par email avant le 15 février 2014 à :
Profil De formation bac + 5, vous bénéficiez d’au moins 2/3 ans d’expérience dans la vente de solutions idéalement dans le secteur des services. Les qualités qui feront votre succès : tempérament commercial, capacité d’analyse et d’écoute, aisance relationnelle, organisation, rigueur, curiosité et ouverture d’esprit, capacité à travailler en mode collaboratif. Contenu du dossier de candidature : Lettre de motivation avec indication du Pays* pour lequel vous postulez, CV détaillé avec photo. Envoyez votre candidature par email avant le 15 février 2014 à : Email : recrutement.f2014@gmail.com * République Démocratique du Congo, Congo, Togo, Benin, Sénégal, Mali, Côte d’Ivoire, Guinée, Burkina Faso, Niger, Cameroun, Gabon, République Centrafricaine, Tchad.
JEUNE AFRIQUE
Email : recrutement.f2014@gmail.com
N° 2768 • DU 26 JANVIER AU 1ER FÉVRIER 2014
Recrutement
Cabinet spécialisé dans le développement des RH et dédié à l’Afrique subsaharienne
Mission • Définir et mener des actions commerciales auprès des principaux prescripteurs d’achats de formation, • Négocier et obtenir la mise en place de conditions de partenariats ou de référencement pour l’ensemble des solutions du cabinet • Prospecter les clients et détecter les projets potentiels, identifier les axes de formations à développer • Préparer les interventions dans le Pays en collaboration avec les équipes d'Experts.
159
Vous & nous
Le courrier des lecteurs Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.
Égypte Référendum et marche arrière VOTRE ARTICLE sur l’Égypte et son nouveau maître m’a semblé bien optimiste, un peu à l’image de ce « oui » presque unanime des Égyptiens à la Constitution. Trop unanime pour être juste! Le score du référendum, 98,1 %, rappelle les plus riches heures des dictatures « populaires et démocratiques » arabes,etpourcause:sil’onn’a pas relevé de fraudes d’envergure (ce qui ne veut pas dire qu’il n’y en a pas eu), la campagne a été faussée, confisquée, déviée. Dans une atmosphère de paranoïa antiislamiste et de chasse aux Frères musulmans – la force politique victorieuse aux dernières législatives – les campagnes pour le « non » ont été danslesfaitsinterdites,ledroit demanifesterayantétépréalablement supprimé. Avec des médiasautrefoiscomplicesde Moubarak et aujourd’hui acquis à Sissi, les Égyptiens ne se sont vu proposer aucun choix. Les jeunes, qui avaient
faitlarévolutionde2011,nes’y sont pas trompés en désertant les isoloirs. Le retour d’un général au pouvoir, dans la meilleure tradition des raïs absolutistes d’Égypte, que semble prophétiser l’article serait un bien triste retour de matraque pour ceux qui ont cru à la liberté et à la démocratie, qui ont saigné et sont parfois morts pour elles. l ZIAD HAMAMI, Sousse, Tunisie
mais une tâche herculéenne l’attend. Avec pour interlocuteur une femme, les rebelles de la Séléka sauront-ils se montrer galants et courtois ? Pas si sûr. Unefractiondecesrebellesest bien entraînée, bien équipée, et contrôle une partie du territoire d’où sont extraits les diamants. Pour le salut du pays, CatherineSamba-Panzadevra souventtrancherdanslevif… l HUGUES MBALA MANGA, Douala,Cameroun
Centrafrique Hercule est une femme UNE ADMINISTRA TION moyenâgeuse, un Étatinexistant,unearméefantôme, des populations déchiréesparunconflitfratricide,un paysaufonddugouffre…Voilà la misérable fortune dont hérite Catherine SambaPanza, l’ancienne maire de Bangui élue à la tête de la République centrafricaine. Sa nette victoire au second tour contre Désiré Kolingba – fils d’un ancien président – témoigne de sa crédibilité au seindumicrocosmepolitique,
Djotodia « JeuneAfrique » s’est-il trop avancé? DANSVOTRENUMÉRO double daté du 22 décembre 2013 au 4 janvier 2014 (J.A. no 2763-2764), l’article consacré à Michel D jotodia a pour titre : « L’homme qui ne voulait pas dupouvoir…maisquiaimerait bien le garder ». Sauf que, coup de théâtre, le 10 janvier, Michel Djotodia quittait, presque incognito, le pays qu’il dirigeait pour le Bénin. Qu’importent les
Lumumba Déjà cinquante-trois ans ! Confronté à l’oppresseur, il sut se montrer coriace Mais conquérir la liberté lui coûta un grand sacrifice Aux délices du pouvoir, il préféra le respect du devoir Dans l’avenir de son peuple, il plaça ainsi foi et espoir Mais on jugea ce dessein trop noble pour l’Afrique ! À ce héros importun, on réserva une fin tragique Trahi, traqué et torturé on l’exhiba telle une souillure Pour mieux tuer le mythe, on le priva de sépulture AP/SIPA
160
p Léopoldville, 2 décembre 1960. Patrice E. Lumumba (3e à dr.), 24 heures après son arrestation. N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
Mais de son héroïsme, nous étions déjà convaincus Il repose dans nos cœurs éplorés mais invaincus À ces vies sacrifiées car si valeureuses L’Histoire réserve une place précieuse l MARLYATOU DIALLO, Dakar, Sénégal
p J.A. no 2763-2764, du 22 décembre 2013 au 4 janvier 2014, p. 44.
tractations conduites par la France et des pays de la sous-région (Tchad, CongoBrazzaville et Gabon) pour l’y contraindre, ce départ sans esclandre d’un supposé amoureuxdupouvoirintrigue. Jeune Afrique aurait donc mal évalué les ambitions de l’ancien homme fort de Bangui? l TOUNGARA BALLA, Abidjan, Côte d’Ivoire
Réponse
Le départ précipité de Michel Djotodia en a effectivement surpris plus d’un. Néanmoins, cela fait-il de lui un homme qui ne nourrit aucune ambition ? Selon toute vraisemblance, il n’a pas quitté le pouvoir de son plein gré.Commevousl’indiquez, il a plutôt été poussé vers la sortie par de très fortes pressions diplomatiques. l LA RÉDACTION
Foot Frank Ribéry maltraité? JE SUIS UN PEU agacé par l’attitude de certains observateurs français après l’attribution du Ballon d’or 2013 à Cristiano Ronaldo au détriment de Frank Ribéry, détenteur de plusieurs titres collectifs enlevés au cours de l’année 2013, contrairement à son challengeur, qui a connu JEUNE AFRIQUE
Vous nous
une saison plutôt triste. Les votants auraient donc été durs avec le Français. Sauf que, en Afrique,YayaTouréa,lui,remporté le Ballon d’or africain, devant Obi Mikel, champion d’Afrique avec le Nigeria à la CAN 2013. Ne pas pouvoir se prévaloir d’un titre collectif n’enlève rien au talent de chacundesdeuxgrandsjoueurs. l AUGUSTIN ARMEL MINKA, Douala, Cameroun
p J.A. no 2766, du 12 au 18 janvier 2014.
Libye Du printemps à l’hiver LE GRAND ANGLE sur la Libye ( Jeune Afrique, n o 2766, du 12 au 18 janvier 2014) donne à réfléchir. Pour certains, la disparition du colonel Mouammar Kaddafi augurait une ère de
Hommage RIP, Alain Gouttman ! Grand ami et ancien collaborateur de Jeune Afrique, Alain Gouttman s’est éteint le 14 janvier, à l’âge de 71 ans.
I
L ÉTAIT VENU à l’Afrique tardivement, au milieu des années 1970, pour prendre la direction commerciale puis éditoriale d’une maison d’édition spécialisée, créée par l’un de ses amis de jeunesse, Jean-Louis Gouraud, directeur de la rédaction de Jeune Afrique entre 1968 et 1975. Bien qu’ignorant alors à peu près tout de l’Afrique – à l’exception de ses musiciens, notamment l’illustre Manu Dibango, qu’il avait connu sur scène, à une époque où Alain jouait encore de la guitare –, il en devint très vite un bon connaisseur, apprécié de ses interlocuteurs. Au point de devenir, quelques années plus tard, le conseiller très écouté de plusieurs leaders politiques, à Djibouti, en Angola, aux Comores, en Côte d’Ivoire, au Togo et ailleurs. Ancien musicien (il appartint, dans les années 1960-1970, au groupe qui
paix,d’indépendancevis-à-vis del’Occident,etde«démocratie ». Hélas ! Le « printemps » tantrêvéestdevenuun«hiver» froid,euégardau«chaos»que vous donnez à voir et à lire! Faudrait-il regretter le « Guide », considéré par certains comme un « dictateur »,
accompagnait la chanteuse de variété Sheila dans ses tournées), Alain Gouttman était par-dessus tout un brillant historien, l’un des meilleurs spécialistes du Second Empire (français) et de son fondateur, Napoléon III, auxquels il a consacré plusieurs livres qui font référence, en particulier une remarquable histoire de La Guerre de Crimée, en 1995, qui lui valut le prix Napoléon. Grâce à sa courtoisie, à sa bienveillance et à son humour, Alain Gouttman ne se fit que des amis dans tous les milieux qu’il fréquenta. Ce fut le cas, bien sûr, à Jeune Afrique, où l’annonce de sa disparition a été reçue avec une infinie tristesse, tant à la rédaction que dans les services commerciaux et administratifs. Nous présentons nos condoléances à son épouse, Claude Kaufmann, et à ses deux enfants, Thomas et Laura. l
mais dont le pays, sous son long règne, était en paix ? La houle démocratique venue du Nord, que des puissances voudraient voir installer en Afrique, nous réserve encore bien des surprises. Et la naissancedenouvellespoudrières estàcraindre!Alors,sil’Afrique
a besoin de « démocratie », en quoi consiste-t-elle ? En des électionstruquéesenamontet subventionnéesutilementpar des«amis»?Etsionlaissaitles pays africains faire leur propre choix et se frayer leur propre chemin? l ALOYS SHANYUNGU, Paris, France
Le grandinvi grandinvité de l’économie SAMEDI 1er FÉVRIER 2014, sur RFI à 12 h 10* dans Éco d’ici, Éco d’ailleurs, Jean-Louis Billon, ministre ivoirien du Commerce, de l’Artisanat et de la Promotion des PME, décrypte les grands enjeux de l’économie africaine. Retrouvez l’essentiel de cet entretien Retr dans Jeune Afrique en kiosque le 2 février. *heure de Paris, 11 h 10 TU Retrouvez les moments forts de cette interview sur Retr
www.jeuneafrique.com et sur www.rfi.fr
161
162
Post-scriptum Tshitenge Lubabu M.K.
Vie publique, vie privée
L
E MOIS DE JANVIER aura été, en France, celui de l’outrance. Des torrents d’encre et de salive ont coulé sans discontinuer. Tout ce déchaînement de passions à cause d’un article publié par un magazine appartenant à la catégorie communément appelée « presse de caniveau » et qui parlait d’une liaison entre le président François Hollande et une actrice assez connue. Les photos qui illustrent l’article ont été prises, bien entendu, par un paparazzi. Les lecteurs ne se sont pas contentés des ouï-dire, ils ont préféré voir, lire le magazine en question. Si bien que, vingt-quatre heures après sa parution, il n’y avait plus d’exemplaire disponible dans certains kiosques, particulièrement à Paris. La preuve, s’il en faut, qu’une affaire de mœurs ne laisse personne indifférent, en particulier lorsqu’elle concerne un chef d’État. Tous les autres médias, ceux qui sont « sérieux », en ont fait leurs choux gras. Je ne me suis pas empêché d’écouter les arguments des uns et des autres : journalistes, politologues, psychanalystes, philosophes, écrivains, historiens, bouffons, politiciens, etc.
Si j’ai bien compris les analystes, Hollande est coupable. Coupable d’être sorti nuitamment de son palais, à l’arrière d’un scooter, au lieu d’être président vingt-quatre heures sur vingtquatre. Que serait-il arrivé, selon un expert, en cas d’attaque nucléaire parce qu’il n’avait pas la combinaison sur lui ? Que serait-il arrivé, d’après un autre, si un jihadiste lui avait tendu une embuscade ? Et puis, qu’est-ce que c’est que ce président qui n’est pas marié, qui couvre la France de honte à l’étranger, s’indigne un franchouillard. Une autre éminence, se prenant pour un mage, décrète qu’à cause de ce « scandale » Hollande n’a aucune chance d’être réélu en 2017. Partout, les mêmes discours. D’autant que, plus affligeant encore, ce sont les mêmes invités qui font le tour des plateaux de télévision, des studios de radio, signent des articles dans la presse. Que faut-il en retenir ? Qu’il y a eu trop de bruit pour rien. Que les uns et les autres, dans une hypocrisie renversante, se sont transformés en défenseurs d’une vertu qui n’existe nulle part et en croisés du « Bien » contre le « Mal ». Les brailleurs, installés dans leur confort, ne se battent pas avec autant de hargne contre les inégalités, le racisme, la précarité, le manque de logements, l’exclusion… Nous voilà dans un monde où les bavards ont raison, où des directeurs de journaux réputés affirment, sans aucune gêne, qu’ils ont toujours « tapé sur Hollande » et qu’ils sont prêts à recommencer. Que font-ils alors de la déontologie, de l’objectivité ? Cela dit, je ne veux pas m’ériger en donneur de leçons. Que chacun fasse selon sa conscience. Je note néanmoins l’essentiel : dans cette affaire où la vie privée d’un chef d’État a été déballée sur la place publique, le magazine en cause n’a pas été interdit. Ses responsables n’ont pas été enlevés et jetés dans un cachot putride des services secrets. Personne n’a été battu à mort, personne n’a reçu la moindre balle dans la tête. Dans nos pays lointains, les dirigeants devraient comprendre que la liberté d’expression est un droit humain. Bâillonner est une bêtise. l N O 2768 • DU 26 JANVIER AU 1 ER FÉVRIER 2014
JEUNE AFRIQUE
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL POLITIQUE, ÉCONOMIE, CULTURE Fondateur : Béchir Ben Yahmed, le 17 octobre 1960 à Tunis bby@jeuneafrique.com
Édité par SIFIJA Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS Tél. : 01 44 30 19 60 ; télécopieurs : rédaction : 01 45 20 09 69 ; ventes : 01 45 20 09 67 ; courriel : redaction@jeuneafrique.com Directeur général : Danielle Ben Yahmed Vice-présidents : Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed Directeur de la publication : Marwane Ben Yahmed RÉDACTION Directeur de la rédaction : François Soudan (f.soudan@jeuneafrique.com) Directeurs exécutifs : Marwane Ben Yahmed (mby@jeuneafrique.com), Amir Ben Yahmed (aby@jeuneafrique.com) Rédaction en chef : Seidik Abba (s.abba@jeuneafrique.com), Élise Colette (éditions électroniques, e.colette@jeuneafrique.com), Laurent Giraud-Coudière (technique, lgc@jeuneafrique.com) Secrétariat : Chantal Lossou, Joëlle Bouzignac Chefs de section : Joséphine Dedet (La semaine de J.A.), Michael Pauron (Grand angle), Anne Kappès-Grangé (Afrique subsaharienne), Tarek Moussa (Maghreb & Moyen-Orient), Frédéric Maury (Économie), Jean-Michel Aubriet (Europe, Amériques, Asie), Cécile Manciaux (Le Plus de J.A.), Séverine Kodjo-Grandvaux (Culture & médias), Clarisse Juompan-Yakam (Vous & nous) Secrétaires de rédaction : Sabine Clerc, Fabien Mollon, Ophélie Négros, Louisa Yousfi Rédaction : Youssef Aït Akdim, Farid Alilat, Mehdi Ba (à Dakar), Stéphane Ballong, Pierre Boisselet, Rémi Carayol, Julien Clémençot, Frida Dahmani (à Tunis), Georges Dougueli, Samy Ghorbal, Trésor Kibangula, Christophe Le Bec, Nicolas Michel, Haby Niakate, Cherif Ouazani, Laurent de Saint Périer, Joan Tilouine, Tshitenge Lubabu M.K. ; collaborateurs : Edmond Bertrand, Christophe Boisbouvier ; accords spéciaux : Financial Times Responsable de la communication : Vanessa Ralli (v.ralli@jeuneafrique.com) RÉALISATION Maquette : Marc Trenson (directeur artistique), Emeric Thérond (premier rédacteur graphiste), Christophe Chauvin, Stéphanie Creuzé, Julie Eneau, Valérie Olivier ; révision : Nathalie Bedjoudjou (chef de service), Vladimir Pol ; fabrication : Philippe Martin (chef de service), Christian Kasongo ; service photo : Dan Torres (directrice photo), Nathalie Clavé, Vincent Fournier, Claire Vattebled ; documentation : Anita Corthier (chef de service), Sylvie Fournier, Florence Turenne, Angéline Veyret JEUNEAFRIQUE.COM Direction éditoriale : Élise Colette ; chefs d’édition : Pierre-François Naudé, Frédéric Maury (économie) ; rédaction : Joël Assoko, Vincent Duhem, Jean-Sébastien Josset, Trésor Kibangula, Mathieu Olivier, Benjamin Roger et Nicolas Teisserenc Responsable web : Jean-Marie Miny ; studio : Cristina Bautista, Jun Feng et Maxime Pierdet DIFFUSION ET ABONNEMENTS Direction : Danielle Ben Yahmed et Amir Ben Yahmed ; vente au numéro : Sandra Drouet (responsable adjointe) ; Maty N’Dome (chef de produit) ; abonnements : AMIX, Service abonnements Jeune Afrique, 326 rue du Gros Moulin, BP 10320, 45200 AMILLY. Tél. : 33 2 38 90 89 53, Fax : 33 2 38 98 41 15, courriel : abonnement-ja@jeuneafrique.com COMMUNICATION ET PUBLICITÉ DIFCOM (AGENCE INTERNATIONALE POUR LA DIFFUSION DE LA COMMUNICATION) S.A. au capital de 3 millions d’euros – Régie publicitaire centrale de SIFIJA 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 Paris Tél. : 01 44 30 19 60 Fax : 01 45 20 08 23/01 44 30 19 86. Courriel : regie@jeuneafrique.com Président : Danielle Ben Yahmed ; directeur général : Amir Ben Yahmed ; direction centrale : Christine Duclos ; direction du développement : Florian Serfaty ; secrétariat : Chantal Bouillet ; chef de studio : Chrystel Carrière ; gestion et recouvrement : Pascaline Brémond ; service technique et administratif : Carla de Sousa Direction de la publicité : Laure Nitkowski, avec Catherine Weliachew, Virginie Vatin, Zehia Yahiaoui (directrices de clientèle), Nsona Kamalandua (chef de publicité), assistées de Patricia Malhaire ; annonces classées : Fabienne Lefebvre avec Blandine Delporte, Richelle Abihssira, assistées de Sylvie Largillière Chargées de mission : Nisrine Batata, Zine Ben Yahmed, Fatoumata Tandjan REPRÉSENTATIONS EXTÉRIEURES MAROC SIFIJA, Nabila Berrada. Centre commercial Paranfa, Aïn Diab, Casablanca. Tél. : (212) (5) 22 39 04 54 Fax : (212) (5) 22 39 07 16. TUNISIE SAPCOM, Mourad Larbi (m.larbi@sapcom-jeuneafrique.com) 15-17, rue du 18-Janvier-1952, 1001 Tunis. Tél. : (216) 71 331 244 ; Fax : (216) 71 353 522. SOCIÉTÉ INTERNATIONALE DE FINANCEMENT ET D’INVESTISSEMENT S.C.A. au capital de 15 millions d’euros. Principal actionnaire : Béchir Ben Yahmed Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS | RCS PARIS B 784 683 484 TVA : FR47 784 683 484 000 25 Gérant commandité : Béchir Ben Yahmed ; Directeur général adjoint : Jean-Baptiste Aubriot ; secrétariat : Dominique Rouillon ; contrôle de gestion : Charlotte Visdeloup ; finances, comptabilité : Monique Éverard et Fatiha Maloum-Abtouche ; juridique, administration et ressources humaines : Sylvie Vogel, avec Karine Deniau (services généraux) et Delphine Eyraud (ressources humaines) ; Club des actionnaires : Dominique Rouillon IMPRIMEUR SIEP - FRANCE. COMMISSION PARITAIRE : 1016C80822. DÉPÔT LÉGAL : À PARUTION. ISSN 1950-1285. Ce numéro s’accompagne d’un encart abonnement sur une partie de la diffusion