REPORTAGE BISSAU CONNECTION
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 54e année • no 2777 • du 30 mars au 5 avril 2014
jeuneafrique.com
MAGHREB Ô RAP! Ô DÉSESPOIR!
BURKINA COMPAORÉ-KABORÉ: DU DUO AU DUEL
DOSSIER INFRASTRUCTURES
SANTÉ FAUT-IL AVOIR PEUR D’EBOLA?
Spécial 12 pages
ALGÉRIE
BOUTEFLIKA
1999 2014
LE VRAI BILAN Spécial 32 pages
ÉDITION INTERNATIONALE ET MAGHREB & MOYEN-ORIENT
France 3,50 € • Algérie 180 DA • Allemagne 4,50 € • Autriche 4,50 € • Belgique 3,50 € • Canada 5,95 $ CAN • Espagne 4 € • Éthiopie 65 birrs Grèce 4,50 € • Guadeloupe 4 € • Guyane 5,50 € • Italie 4 € • Maroc 23 DH • Martinique 4 € • Mauritanie 1 100 MRO • Mayotte 4 € • Norvège 45 NK Pays-Bas 4 € • Portugal cont. 4 € • RD Congo 5,50 $ US • Réunion 4 € • Royaume-Uni 3,50 £ • Suisse 5,90 FS • Tunisie 3,30 DT • USA 6,50 $ US Zone CFA 1 700 F CFA • ISSN 1950-1285
Éditorial François Soudan
3
PHOTOS DE COUVERTURE : AFRIQUE INTERNATIONAL ET MAGHREB & MOYEN-ORIENT : RIADH KRAMDI AFRIQUE SUBSAHARIENNE : LUCAS JACKSON / REUTERS ; AHMED OUOBA
La liberté d’élire… et de réélire
A
U BURKINA, au Burundi, dans les deux Congos, au Rwanda, les trois années à venir s’annoncent décisives pour la démocratie, avec en filigrane l’incontournable débat sur la limitation des mandats présidentiels. Dans ces cinq pays, la Constitution en vigueur interdit aux chefs d’État actuels d’être candidats à leur propre succession. Mais nul ne doute que Blaise Compaoré, Pierre Nkurunziza, Joseph Kabila, Denis Sassou Nguesso et Paul Kagamé s’apprêtent à donner de nouveau rendez-vous à leur peuple, quelque part entre 2015 et 2017. Relayée par l’administration américaine – qui multiplie les messages en ce sens –, mais aussi par l’Union européenne, les ONG, les sociétés civiles locales et bien évidemment les opposants (tout au moins lorsqu’ils ne sont pas encore parvenus au pouvoir), l’argumentation du « touche pas à la limitation des mandats » est connue : c’est le seul moyen d’empêcher la dérive oligarchique de chefs d’État tentés par la présidence à perpétuité, le seul moyen aussi de favoriser la circulation des élites par le biais de l’alternance. Politiquement incorrects, donc peu écoutés et encore moins médiatisés, tant ils sont parasités par l’identité de ceux qui les énoncent (les chefs d’État concernés et leurs partisans), les arguments inverses méritent pourtant d’être entendus, ne serait-ce que pour la clarté du débat. Les voici. 1) Comme d’habitude, il y a deux poids deux mesures dès qu’il s’agit de l’Afrique. Les Européens ont réélu trois fois Helmut Kohl et Felipe González, et deuxfoisMargaretThatcher.LePremierministreluxembourgeoisJean-Claude Juncker a gouverné pendant dix-neuf ans sans que cela ne gêne personne. La France, elle, n’a introduit la limitation des mandats présidentiels qu’en 2008. Était-elle pour autant une dictature ? Quant aux Constitutions, même les plus vieilles démocraties les amendent et les adaptent en permanence, mais ce n’est qu’en Afrique que l’on parle de « tripatouillage ». Pourquoi ? 2) Il n’y a pas de liberté d’élire sans liberté de réélire. La limitation des mandats est donc contraire au principe de la souveraineté populaire. L’alternance, si elle doit se produire, ne doit pas provenir d’une disposition constitutionnelle, mais de la décision des électeurs de « sortir le sortant ». C’est ainsi qu’ont eu lieu les alternances béninoise, sénégalaise ou congolaise.
Vous retrouverez Ce que je crois de Béchir Ben Yahmed le 13 avril, dans le numéro 2779.
6
Confidentiel
8
LA SEM A IN E D E J EU N E A F RIQ U E
8 12 13
Santé Ebola, la fièvre monte Hamadi Jebali Un repli très tactique Eugène Diomi Ndongala Le prisonnier de Kinshasa Égypte Juges et parties Francophonie Je bussote, tu bussotes, il bussote… Prix littéraire En français dans le texte Sénégal Le mur de trop Mali Silence radio Tour du monde
14 15 15 16 21 22
24 Bissau
Connection
3) Limiter les mandats, c’est en effet s’attaquer aux symptômes du mal plutôt qu’à ses racines. Ce qui compte, c’est la transparence des élections et la capacité des oppositions à offrir une alternative crédible. 4) Si l’on veut réellement éviter la captation du pouvoir par un clan, limiter le nombre de mandats ne sert à rien tant qu’on ne limite pas aussi le nombre de candidatures possibles pour un même individu, comme c’est la règle aux États-Unis (mais pas en France). Dans certaines présidences africaines, la tentation d’un scénario du type Poutine-Medvedev-Poutine est déjà sur toutes les lèvres. Or qui est prêt à aller jusque-là ? Sur le plan de ce que l’on pourrait appeler la théorie démocratique, les arguments pour ou contre semblent donc s’équilibrer. Reste la pratique, et la nécessité que s’ouvrent dans les pays concernés de vrais débats sur ce thème, loin des pressions extérieures et des manipulations internes, en tenant compte des spécificités nationales. Il faut avoir confiance dans la capacité de discernement des peuples d’Afrique, laquelle n’est pas moindre que celle des autres. l JEUNE AFRIQUE
24
G RA N D A N G L E
24
Enquête Bissau Connection
32
A F RIQ U E SU BSA H A RIEN N E
32 38
Centrafrique Au cœur du chaos Côte d’Ivoire Duékoué entre ombre et lumière Burundi Nkurunziza fait le coup de poing Burkina Faso Chronique d’un divorce annoncé
40 41
N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
4
Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs 44
MAGHREB & MOY E N - O R I E N T
44 48 49 51
Maghreb Ô rap ! Ô désespoir ! Algérie Interview de Mostefa Bouchachi, député d’Alger Égypte Dans les mâchoires d’Al-Qaïda Tunisie La revanche des diplomates
54
EUROPE, AM É R I Q U E S, A S I E
54 57 58 60 61 61
Italie Matteo Renzi, vite ! États-Unis Quand Obama fait pire que Bush Chine Main basse sur Estoril Parcours Le R, informatique et liberté Turquie Erdogan contre l’oiseau bleu Afghanistan Élection en terrain miné
63
LE PLUS DE JE U N E AFR I Q U E
S LE PAfLU rique une
de Je
ALGÉ
RIE
-2014 1999
s nnée Les ateflika Bou
32
CENTRAFRIQUE AU CŒUR DU CHAOS
63
106
DOSSIER INFRASTRUCTURES 12 PAGES POUR ÉVOQUER L’ACTUALITÉ DU SECTEUR
ALGÉRIE 1999-2014, LES ANNÉES BOUTEFLIKA
Spécial 32 pages
94
ÉCON OMIE
94
Climat des affaires « Les décideurs économiques doivent rassurer les politiques » Maroc Inwi ne veut pas perdre le fil Les indiscrets Gabon La filière bois reverdit Conseil Amine Tazi-Riffi, rattrapé par l’Afrique Banque La course au halal est lancée Baromètre
98 99 100 102 104 105 106 106
126 126 129 130 131 132 133 144 144 146
44
MAGHREB Ô RAP ! Ô DÉSESPOIR !
DOSSIER IN FR A S TR U CTU R E S Construction Veni vidi… Vinci ?
CULTURE & M É DI AS Commémoration Interview de Boubacar Boris Diop, écrivain sénégalais La semaine culturelle de Jeune Afrique Cinéma Une affaire de famille Littérature L’assourdissant silence de la guerre Arts vivants Les marionnettistes de la lagune Ébrié Kiosque La revue VOUS & NOUS Le courrier des lecteurs Post-scriptum
N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
126
RWANDA, 20 ANS APRÈS ENTRETIEN AVEC BOUBACAR BORIS DIOP « Au début du génocide, je confondais victimes et bourreaux » JEUNE AFRIQUE
ALGÉRIE COGETP +213 555 994 893 ANGOLA Auto Maquinaria +244 9 1250 7464 BÉNIN SMT Group +229 21 35 14 02 BOTSWANA Rola +267 316 3200 BURKINA FASO SMT Group +226 66 77 01 01 BURUNDI SMT Group +32 10 47 61 20 CAMEROUN SMT Group +237 99 41 40 30 CONGO SMT Group +242 05 754 95 38 CÔTE D’IVOIRE SMT Group +225 21 75 16 27 DEM. REP. DU CONGO SMT Group +243 820 666 964 EGYPTE Ghabbour Egypt +202 42155314 ETHIOPIE Equatorial Business Group +251 911 457758 GABON SMT Group +241 07 515 008 GHANA SMT Group +233 (0) 302 683350-60 KENYA Auto Sueco Ltd +254 713 974 808 LIBERIA SMT Group +231 888 071 000 LIBYE United Group +218 (21) 7313310 MADAGASCAR Materauto +261 20 22 233 39 MALI Sera +221 33 859 07 70 MAURITANIE Sera +221 33 859 07 70 MAURICE Leal Equipements Compagnie +230 207 2100 MAROC Volvo Maroc S.A. +212 522 764 800 MOZAMBIQUE Babcock International Group +258 21 321 824/25 NAMIBIE Pupkewitz +264 613 10900 NIGERIA SMT Group +234 807 109 02 51 RWANDA SMT Group +32 10 47 61 20 SÉNÉGAL Sera +221 33 859 07 70 SEYCHELLES Leal Equipements Compagnie +230 207 2100 SIERRA LEONE A. Yazbeck and Sons Ltd +232 22 232 324 AFRIQUE DU SUD Babcock International Group +27 11 230 7300
Arrivage prochain
SOUDAN Albarajoub Engineering Co. +249 183 77 84 13 TANZANIE Auto Sueco Ltd +255 753 631 442 TOGO SMT Group +229 21 35 14 02 TUNISIE Nordic Machinery +216 71 409 260 OUGANDA Auto Sueco Ltd +254 713 974 808 ZAMBIE Babcock International Group +260 2 611 693 ZIMBABWE Conquip +263 448 5543
volvoce.com
Bien sûr, rien n’est irréversible. Mais le Volvo A40F va conquérir plus de terrain que pratiquement tout autre tombereau articulé sur le marché. La combinaison d’un puissant moteur Volvo, “dog clutch” différentiels multiples, contrôle automatique à traction et le système unique de direction Volvo signifie que si un véhicule peut passer sans perte de vitesse – ce sera le Volvo A40F. Regardez-le en plein action. Découvrez une nouvelle approche.
ISSOUF SANOGO/AFP
6
p Le président ivoirien recevant Blaise Compaoré à Abidjan, le 4 mars.
BURKINA Ouattara prend les choses en main
A
u mois de janvier, Alassane Ouattara avait envoyé à Ouagadougou trois de ses lieutenants – son frère Téné Birahima, Hamed Bakayoko et Guillaume Soro – pour tenter de réconcilier Blaise Compaoré et les dissidents du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP). En vain. Le président ivoirien a donc été contraint de prendre les choses en main. Le 21 mars, il a invité à Abidjan les trois leaders de la fronde: Roch Marc Christian Kaboré, Salif Diallo et Simon Compaoré – les « RSS », comme on les surnomme. « Il les a surtout écoutés, il voulait comprendre les causes de leur défection », explique un proche de Kaboré. Quatre jours plus tard, sur les conseils de ses hôtes, c’est Zéphirin Diabré, le chef de file de l’opposition, qu’il a reçu au palais présidentiel. À l’issue de ces conversations « cordiales », il a été convenu que Ouattara s’entretiendrait du problème avec Compaoré lors du sommet de la Cedeao, fin mars à Yamoussoukro, puis communiquerait aux opposants le fruit de ses réflexions. L’objectif est évidemment de trouver une issue à la crise politique qui secoue le Burkina depuis trois mois (lire aussi pp. 41-43). l LIBYE (1) CLAP DE DÉPART POUR LA FUTURE ARMÉE
C’est en novembre 2013 à Rabat, lors de la conférence sur la sécurité des frontières sahélo-sahariennes, que Laurent Fabius, le ministre français des Affaires étrangères, avait annoncé le lancement d’un programme de formation de 1 000 policiers libyens. Et c’est en avril que ce programme doit effectivement démarrer. Une douzaine N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
de militaires américains ont été dépêchés à Tripoli pour amorcer le délicat processus de sélection des combattants censés constituer la future armée libyenne. Les Américains doivent en entraîner entre 5 000 et 8 000 d’ici à 2022 sur la base militaire de Novo Selo, en Bulgarie. Coût de l’opération : près de 600 millions de dollars (436 millions d’euros). Ces programmes ont pris du
retard, l’adoption des budgets nécessaires ayant été plusieurs fois bloqués par les islamistes du Parlement de transition. LIBYE (2) LE PROCÈS OUBLIÉ
Le 19 mars, les autorités ont imposé un black-out total sur la première journée du procès de Baghdadi Mahmoudi à la prison d’Al-Hadhba. Les journalistes ont été tout bonnement interdits de prétoire, mais les observateurs
étrangers, les diplomates (notamment les représentants de l’ONU) et les avocats de l’ancien Premier ministre de Kaddafi (parmi lesquels les Tunisiens Leïla Ben Debba et Mehdi Bouaouaja) ont eux-mêmes eu les pires difficultés pour accéder à la salle d’audience. Vice-ministre de la Défense et responsable de la prison, Khaled al-Chérif a invoqué pour sa défense des risques d’attentats et de nouvelles mesures de protection mises en place selon lui au profit des détenus. Mais les avocats ont surtout constaté que le dossier Mahmoudi est désormais joint à celui des fils Kaddafi et de plusieurs anciens hauts responsables sécuritaires, alors que le prévenu est un civil. Le procès devait reprendre le 24 mars, mais a été ajourné au 14 avril. Dix-sept accusés, pourtant placés en détention, n’ont pas été présentés aux juges. LE CHIFFRE
9500
Selon la revue spécialisée Tropical Conservation Science, c’est le nombre approximatif de primates vendus chaque année en Côte d’Ivoire sur le marché de Taï, dans le parc national éponyme, non loin de la frontière avec le Liberia. Du coup, le danger d’extinction des espèces concernées est apparemment réel.
DJIBOUTI SERIAL OBSERVER
Après avoir dirigé la mission de l’Union africaine (UA) pour l’observation de l’élection présidentielle au Mali, Dileita Mohamed Dileita, l’ancien Premier ministre djiboutien, va récidiver en Algérie, le 17 avril. Sollicité par Aisha Laraba Abdullahi, la commissaire chargée des JEUNE AFRIQUE
Retrouvez en page 99 notre rubrique « Les indiscrets », consacrée aux informations confidentielles économiques
Politique, économie, culture & société
UNION AFRICAINE DLAMINIZUMA RECTIFIE LE TIR
Tenant compte des critiques insistantes formulées par certains États membres de l’Union africaine à l’encontre de son shadow cabinet exclusivement composé de Sud-Africains, Nkosazana Dlamini-Zuma, la présidente de la Commission, a replacé au centre de son dispositif son directeur de cabinet, le Burkinabè JeanBaptiste Natama. Longtemps dépossédé d’une partie de ses prérogatives au profit d’un conseiller spécial, Baso Sangqu, ancien ambassadeur aux Nations unies, Natama est désormais associé à toutes les décisions importantes de sa patronne, qu’il accompagne dans ses entretiens avec les chefs d’État. Reste à savoir si ce réajustement suffira à convaincre les États, qui reprochent aussi à DlaminiZuma ses séjours fréquents et prolongés en Afrique du Sud, alors que la charte de l’organisation stipule que le président de la Commission ne doit « ni solliciter ni recevoir aucun ordre d’aucun gouvernement ». SÉNÉGAL LES SCÉNARIOS DE L’AFFAIRE KARIM WADE
Alors que Karim Wade, après un an d’incarcération, sera fixé sur son sort le 17 avril, l’instruction de sa deuxième mise en demeure pour enrichissement illicite marque le pas. « Depuis le 17 octobre 2013, notre client n’a été ni entendu ni confronté », s’étonne l’un de ses avocats. Même son de JEUNE AFRIQUE
Rwanda Vingt ans après LES CÉRÉMONIES DE KWIBUKA 20 (« se souvenir », en kinyarwanda) qui commémoreront le 7 avril à Kigali le 20e anniversaire du génocide des Tutsis du Rwanda revêtiront une ampleur exceptionnelle. Huit chefs d’État africains, Ban Ki-moon, le secrétaire général de l’ONU, John Kerry, le secrétaire d’État américain, Christiane Taubira, la ministre française de la Justice (déjà familière du Rwanda), les chefs des diplomaties britannique, belge, allemande, suédoise et israélienne sont, parmi d’autres, attendus pour cet événement, qui aura pour cadre le Mémorial du génocide et le stade Amahoro.Trois chefs d’État avec lesquels Kigali est actuellement en froid ne devraient toutefois pas faire le déplacement – sauf revirement de dernière minute : Jakaya Kikwete (Tanzanie), Joseph Kabila (RD Congo) et Jacob Zuma (Afrique du Sud). l
cloche chez les défenseurs de ses principaux complices présumés, tels Ibrahim Aboukhalil, alias Bibo Bourgi: « Les confrontations avec les témoins qui nous accusent n’ont toujours pas eu lieu ! » Quatre scénarios s’offrent désormais aux juges d’instruction : 1. remettre Karim Wade en liberté pour leur laisser le temps de compléter leur enquête ; 2. organiser son procès en s’appuyant sur un dossier fragile ; 3. rendre un non-lieu ; 4. lancer une troisième mise en demeure pour le garder en prison six mois de plus.
ALGÉRIE (1) BELKHADEM RÊVE DE REVANCHE
Nommé le 13 mars ministre d’État et représentant personnel du président Bouteflika, Abdelaziz Belkhadem a la ferme intention de reconquérir le secrétariat général du FLN, dont il fut évincé en janvier 2013. Depuis son retour aux affaires, il explique à qui veut l’entendre qu’il n’a perdu la direction du parti qu’en raison de la trahison de quatre ministres, limogés depuis. Discrètement, il tente donc de convaincre ses pairs d’organiser après la présidentielle un nouveau
scrutin afin d’écarter à son tour Amar Saadani, intronisé à la tête du FLN en août 2013 au terme d’un vote très contesté.
ALGÉRIE (2) MON FRÈRE EST MISOGYNE Président du Mouvement de la société pour la paix (MSP), la branche algérienne du mouvement des Frères musulmans, Abderrezak Mokri a commis une gaffe qui risque de lui coûter sa carrière. Dans une lettre publiée sur sa page Facebook, il s’en est pris en des termes d’une rare misogynie à Louisa Hanoune, secrétaire générale du Parti des travailleurs (trotskiste) et seule femme candidate à la présidentielle du 17 avril, à qui il reproche d’être « moche », « méchante » et de « boire du vin ». Tollé général ! Même le fils de feu Mahfoud Nahnah, le fondateur du MSP, a été contraint de dénoncer ces propos et de présenter ses excuses à Louisa Hanoune.
BAD L’hypothèse Jalloul Ayed LES CANDIDATS À LA SUCCESSION de Donald Kaberuka, qui achèvera en 2015 son deuxième et dernier mandat à la tête de la Banque africaine de développement (BAD), ne se bousculent pas au portillon. Du moins pas encore officiellement (le processus doit être lancé lors des Assemblées générales de la banque, au mois de mai à Kigali). Un nom revient pourtant avec insistance : celui de Jalloul Ayed, qui fut ministre tunisien des Finances en 2011 (photo ci-contre). Parmi ses atouts, une solide expérience (Citibank, BMCE Capital, etc.), une bonne connaissance de l’Afrique, de solides réseaux aux États-Unis, en France et au Maroc, mais aussi le fait d’être le ressortissant d’un « petit » pays. Last but not least, son élection représenterait, explique un haut responsable de l’institution, « une sorte de compensation pour laTunisie après le retour du siège à Abidjan ». l
ONS ABID
Affaires politiques de l’UA, il lui a, le 22 mars, donné une réponse favorable. Au Mali, son équipe comptait une cinquantaine d’observateurs. Il devrait en avoir près de deux cents en Algérie. Dileita est attendu à Alger le 11 avril, trois jours avant la fin de la campagne.
N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
7
La semaine de Jeune Afrique
SANTÉ
Ebola, la fièvre remonte
Il est passé par ici, il repassera par là… Depuis les années 1970, ce virus mortel sème régulièrement la terreur, surtout en Afrique centrale. Cette fois, il sévit en Guinée, et essaime au Liberia et en Sierra Leone. HABY NIAKATE
I
l était médecin. Il travaillait à l’hôpital de Guéckédou, cette grande ville de Guinée forestière (Sud) proche de la frontière libérienne. Début février, il tombe subitement malade et décide de consulter un ami, directeur de l’hôpital préfectoral de Macenta, à 80 km de là. Un chauffeur l’accompagne. Son ex-épouse et l’enfant qu’elle porte dans le dos font eux aussi partie du voyage. Ils arrivent à la nuit tombante et, bien sûr, l’ami leur ouvre la porte. Mais en quelques heures, tout s’aggrave et « il » – le médecin – meurt. Suivent le transport et le lavage du corps, puis la veillée funèbre à laquelle la famille et les proches assistent. « C’est de là que tout est parti », raconte Mamady Dramé, représentant de l’ONG internationale Plan à Macenta. Quelques jours plus tard, en effet, l’ex-épouse, le bébé et le chauffeur subissent le même sort : une mort foudroyante et inexpliquée. De son côté, l’ami directeur d’hôpital retourne au travail. Comme tous les matins, ce 24 février, il s’y rend à pied. Il ne se sent pas bien, vomit. Mais, comme tous les matins, il tient une réunion avec son équipe. Soudain, il perd conscience, se reprend. Emmené aux urgences pour passer quelques tests, il tombe rapidement dans le coma et meurt presque instantanément. Son fils, qui était suivi dans le service de pédiatrie, succombera lui aussi. « Sur le coup, nous n’avons pas compris ce qui leur arrivait », confie d’une voix épuisée le Dr Savané, qui assure l’intérim à l’hôpital. N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
PASCALE ZINTZEN/AP/SIPA
8
L’ex-épouse, le bébé, le chauffeur… Tous sont foudroyés par un mal mystérieux.
« Au début, beaucoup ont cru à un phénomène mystique. Il a fallu que les décès se multiplient pour que les gens prennent l’affaire au sérieux », ajoute Mamady Dramé. Les autorités parlent alors d’une « étrange fièvre ». Le 20 mars, plus d’un mois après les premiers décès, des prélèvements effectués sur trois patients sont envoyés à l’Institut Pasteur de Lyon, en France. Le lendemain, le verdict tombe: il s’agit du virus Ebola, contre lequel aucun traitement ni vaccin n’a jamais été trouvé, et de son espèce (il en existe cinq) la plus pathogène, l’espèce Zaïre, dont le taux de mortalité peut atteindre 90 %. Le laboratoire français prévient aussitôt le gouvernement guinéen, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et Médecins sans frontières (MSF). Il faut agir vite. Le pays compte déjà une trentaine de morts. « Détecter une épidémie d’Ebola prend du temps, surtout JEUNE AFRIQUE
dans une région reculée comme la Guinée forestière et dans un pays qui n’en a jamais connu, explique Marie-Christine Férir, responsable des situations d’urgence à MSF Belgique. Et puis les premiers symptômes ressemblent à ceux de la fièvre de Lassa ou du paludisme. Il a donc fallu faire la différence. » CHAUVES-SOURIS. C’est en effet la première fois
qu’un pays d’Afrique de l’Ouest est touché. Ce virus, dont la seule évocation fait froid dans le dos, est apparu pour la première fois en 1976 au Zaïre (actuelle RD Congo), le long de la rivière Ebola, qui lui a donné son nom, et au Soudan. Depuis, il a frappé une vingtaine de fois le continent, dans ces deux pays, mais aussi au Gabon, en Ouganda et au Congo, contaminant au total 2 299 personnes, dont 1 540 sont décédées. Selon les scientifiques, les réservoirs naturels JEUNE AFRIQUE
p Lors d’une précédente épidémie, à Kampungu (Congo), en 2007.
du virus sont certaines espèces de chauves-souris, présentes en Afrique centrale et en Afrique de l’Ouest. Porteuses du virus, elles ne déclarent aucun symptôme, mais peuvent contaminer les singes et les hommes, qui, eux, tombent malades dès lors qu’il y a contact ou morsure. « L’absence d’épidémie dans la région jusqu’ici ne signifie pas que le virus n’y était pas présent chez certaines espèces animales. Seulement, cette fois, les conditions ont été réunies, à un moment et à un endroit précis, pour qu’il y ait transmission de l’animal à l’homme », souligne Éric Leroy, directeur général du Centre international de recherche médicale de Franceville (Gabon), et directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD). Chez l’homme, la maladie est très contagieuse. « Il suffit d’être en contact avec n’importe quel liquide physiologique émanant d’une l l l N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
10
La semaine de J.A. L’événement MALI
GUINÉEBISSAU
Kissidougou
GUINÉE
Districts touchés
Guéckédou
Zone sous surveillance
Conakry
Macenta
SIERRA LEONE
Freetown
Kono Kailahun
Nzérékoré
Lofa
Océan Atlantique 100 km
CÔTE D’IVOIRE
Monrovia
LIBERIA
Cette fois, il attaque par l’Ouest personne atteinte, comme le sang, les vomissures, le sperme ou même la sueur », ajoute Éric Leroy. Après une période d’incubation qui varie de 2 à 21 jours, les symptômes apparaissent. Une fièvre brutale, des maux de tête, une faiblesse générale, suivis de vomissements et de diarrhées. À mesure, le virus se répand dans le sang et dans le système immunitaire, crée des caillots qui bloquent les organes vitaux, provoquant d’importantes hémorragies internes ou externes. La seule solution est de traiter au plus tôt lesdits symptômes, notamment en réhydratant les patients. Mais, le plus souvent, l’issue est aussi rapide que fatale. lll
Pays touchés depuis 1976 • Plus de 100 morts • Entre 10 et 99 morts • Moins de 10 morts • Pas de morts AFRIQUE DU SUD :
1996 CONGO :
2001-2002 ; 2003 ; 2005 CÔTE D’IVOIRE :
1994
PSYCHOSE. « En quatre jours, nous avons déjà
reçu 33 tonnes de matériel pour riposter, déclare Albert Damantang Camara, porte-parole du gouvernement guinéen. Des tentes, des blouses, des gants, des désinfectants… Et des équipes de médecins guinéens et étrangers se sont rapidement rendues sur les lieux. » Celles-ci se fixent deux objectifs. Primo, identifier les malades et recenser toutes les personnes avec qui ils ont pu avoir des contacts. Secundo, les isoler, tout en leur prodiguant des soins, pour couper la chaîne de contamination. Dépêchés par l’OMS et MSF, épidémiologistes, infirmiers, et même psychologues et anthropologues, se dirigent également
GABON :
1994 ; 1996 ; 2001-2002 OUGANDA :
2000 ; 2007 ; 2011 RD CONGO (ET EX-ZAÏRE) :
1976 ; 1977 ; 1995 ; 2007 ; 2008 SOUDAN :
1976 ; 1979 ; 2004
vers l’épicentre de l’épidémie. Les hôpitaux et les logements des malades sont désinfectés, et des kits d’hygiène distribués dans les localités où au moins un cas a été repéré. Il s’agit aussi éviter toute psychose. « C’est le pire qui puisse arriver, explique Marie-Christine Férir. Dans certains pays, on a pu voir des malades abandonnés par des gens qui avaient pris la fuite. Il faut tout faire pour que la population coopère en rapportant les cas suspects, sans peur ni honte. » Le ministère guinéen de la Santé a interdit la consommation de viande de chauve-souris, très rare cependant dans le pays, et lance une campagne de communication pour rassurer les habitants. Mais l’inquiétude grandit. « Au marché, l’anxiété se lit sur les visages, on se salue sans se serrer la main et on rentre vite à la maison », témoigne Mamady Dramé. TESTS. D’abord confinée à la Guinée forestière, l’épidémie a fait l’objet de fausses alertes : à Conakry et jusqu’au… Canada. Dans la capitale guinéenne, des tests effectués sur place avec l’appui des équipes de l’Institut Pasteur de Dakar et de celui de Lyon, s’étaient révélés négatifs. Malheureusement, depuis, la donne a changé. Le 25 mars, le virus est signalé au Liberia (6 cas, dont 5 mortels) et en Sierra Leone (2 cas, dont 1 mortel). Dans ces deux pays, les victimes revenaient toutes de Guinée. Puis, le 27 au soir, alors que les autorités guinéennes pensaient que la situation était sous contrôle et le pic presque atteint, 5 cas sont finalement confirmés à Conakry, forte de 2 millions d’habitants. À l’heure où nous mettions sous presse, le bilan dans la seule Guinée était de 103 cas suspects et de 66 décès. Désormais, tous les voisins sont sur le qui-vive. Mali, Sénégal et Côte d’Ivoire activent leur système de surveillance épidémiologique et déconseillent « tout déplacement non essentiel dans la zone épidémique ». « On se préparait à faire face au choléra, comme l’an dernier, mais on ne s’attendait pas à cela, concède le Dr Sekouba Keïta, qui gère la crise au sein du ministère guinéen de la Santé. Cette épreuve est un véritable test pour nos systèmes de surveillance, qui ont montré certaines fragilités. Nos équipes et nos infrastructures n’étaient pas préparées. Il faudra en tirer des leçons. » l
PAS DE PANIQUE ! UNE PANDÉMIE est-elle possible ? Pour les spécialistes, pas vraiment. Car le mode de transmission du virus, qui est l’une de ses forces, est aussi, paradoxalement, l’une de ses rares faiblesses. « Les virus qui N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
traversent les frontières sont le plus souvent transmissibles par voie respiratoire, ce qui n’a pas encore été prouvé dans le cas d’Ebola », explique Éric Leroy, du Centre international de recherche médicale de Franceville.
Raison pour laquelle le nombre de cas mortels dépasse rarement quelques centaines. Bien en deçà de la grippe (250 000 à 500 000 décès par an dans le monde), la rougeole (122 000) ou même la fièvre de Lassa
(5 000, essentiellement en Afrique de l’Ouest). Pour qu’une pandémie soit envisageable, il faudrait donc que le mode de transmission d’Ebola change. Une hypothèse qui n’est toutefois pas H.N. exclue. l JEUNE AFRIQUE
La semaine de J.A. Les gens
Hamadi Jebali Un repli très tactique
octobre 1949. Ingénieur formé en France, il fut un militant de la première heure du Mouvement de la tendance islamique (MTI, l’ancêtre d’Ennahdha). Porté une première fois à la tête de l’organisation en 1981, il est condamné à mort par contumace en 1987 par le régime de Habib Bourguiba. Rentré en Tunisie après l’amnistie générale de 1988, il est de nouveau arrêté en décembre 1989 et condamné à un an de prison pour un article de presse. Il est condamné, par la suite, à dix-sept années supplémentaires.
L’ancien Premier ministre tunisien quitte la direction d’Ennahdha mais reste membre de la formation islamiste. Il pourrait se présenter comme « indépendant » à la prochaine élection présidentielle.
COLOSSE. Il purgera la quasi-intégralité
FETHI BELAID/AFP
12
p Le 14 mars 2013, après son départ de la primature.
L
’
information a été dévoilée le 23 mars par Zied Ladhari, le porte-parole d’Ennahdha : Hamadi Jebali va quitter prochainement ses fonctions de secrétaire général du parti islamiste tunisien, tout en en restant membre. L’intéressé a confirmé la nouvelle le lendemain sur sa page Facebook. L’annonce n’a pas surpris, tant le divorce était consommé entre l’ancien Premier ministre et les instances dirigeantes de son mouvement. Depuis plusieurs mois, Hamadi Jebali n’assistait plus aux réunions du Majlis elChoura, l’instance décisionnelle suprême du parti. Beaucoup lui prêtent l’intention de présenter une candidature « indépendante » à l’élection présidentielle, censée
se tenir avant la fin de l’année. Lui affirme ne pas avoir encore pris de décision. La démission de Jebali, le numéro deux del’organisation,compliqueladonnepour Rached Ghannouchi, le chef des islamistes tunisiens. Trouver un remplaçant ne sera pas aisé, et les « ultras », bien représentés au sein du Majlis el-Choura, pourraient tenter d’imposer l’un des leurs. Ils reprochent à leur leader d’avoir fait preuve de faiblesse en acceptant qu’Ennahdha renonce volontairement au pouvoir au profit d’un gouvernement de technocrates, nommé en décembre 2013. Ironie de l’histoire, il y a un an, c’est Rached Ghannouchi qui accusait Hamadi Jebali d’être trop complaisant. Fils de menuisier, Hamadi Jebali est né à Sousse, dans le Sahel tunisien, en
de sa peine. La prison le transforme. Celui qu’on présentait comme un doctrinaire tourne le dos à l’extrémisme et devient l’un des théoriciens de la ligne modérée lors de la campagne électorale d’octobre 2011. Les Tunisiens découvrent avec étonnement ce colosse à la voix douce et au sourire énigmatique. La troïka (Ennahdha, Ettakatol, le Congrès pour la République), arrivée en tête des élections de décembre 2011, le désigne Premier ministre. Il doit composer avec des ministres peu efficaces et qu’il n’a pas choisis. La situation se dégrade rapidement, et Jebali comprend, dès l’été 2012, qu’il lui faut une équipe resserrée et aguerrie pour mener à bien sa mission. Il plaide pour un remaniement, sans pour autant aller jusqu’à l’affrontement avec les caciques de son parti. Au soir de l’assassinat de l’opposant Chokri Belaïd, le 6 février 2013, Jebali propose la création d’un gouvernement de technocrates apolitiques. L’opposition, sceptique, croit à une manœuvre de diversion. Son initiative, soutenue par l’opinion mais désapprouvée par la troïka, est torpillée par le Majlis el-Choura d’Ennahdha. Tirant les conséquences de son échec, Jebali démissionne et passe le témoin à Ali Larayedh, qui ne réussira pas à empêcher le meurtre d’un autre opposant, Mohamed Brahmi. l SAMY GHORBAL
NOMINATIONS
MARTIN CHUNGONG UIP Le Camerounais vient d’être élu secrétaire général de l’Union interparlementaire. Il est le premier Africain à accéder à ce poste depuis la création de cette organisation. N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
HAWA AHMED YOUSSOUF UA Cette ancienne ministre djiboutienne de la Promotion de la femme et des Affaires sociales a été nommée représentante spéciale de la présidente de la Commission de l’Union africaine à Madagascar. JEUNE AFRIQUE
EN HAUSSE
MOQREN IBN ABDELAZIZ À 69 ans, ce demi-frère du roi Abdallah d’Arabie saoudite a été désigné comme le prochain héritier du trône, après Salman Ibn Abdelaziz. Ce dernier, âgé de 79 ans, est malade et « pourrait décider de ne plus prétendre au trône ».
FAYEZ NURELDINE/AFP
Eugène Diomi Ndongala Le prisonnier de Kinshasa
GODWIN EMEFIELE
Cet opposant à Joseph Kabila a été condamné à dix ans de détention pour viol sur mineures. Ses proches dénoncent un procès politique.
JEUNE AFRIQUE
DR
Le Sénat nigérian a validé la nomination du directeur général de Zenith Bank à la tête de la Banque centrale du Nigeria. Il remplace Sanusi Lamido Sanusi, démis de ses fonctions en février par le président Goodluck Jonathan. ALAIN JUPPÉ
VINCENT FOURNIER/J.A.
L’ancien Premier ministre français, 68 ans, a été réélu maire de Bordeaux pour un quatrième mandat avec près de 60 % des voix dès le premier tour. Et incarne de plus en plus l’espoir de la droite pour 2017… EN BAISSE
DR
DE MORGEN Ce quotidien belge néerlandophone, classé à gauche, a scandalisé ses lecteurs en publiant un photomontage représentant en singes Barack Obama, le président américain, et son épouse, Michelle.
AHMAD AL-RUBAYE/AFP
HASSAN AL-CHAMMARI Le ministre irakien de la Justice a présenté un projet de loi qui ferait passer l’âge légal du mariage des filles de 18 à 8 ans. Selon lui, le texte « obéit aux règles démocratiques en vigueur dans l’Irak de l’aprèsdictature ». MALAYSIA AIRLINES
DR
DIDI JUNIOR KANNAH
S
aura-t-on un jour la vérité ? Seule certitude : le président de Démocratie chrétienne, Eugène Diomi Ndongala, 52 ans, traverse des moments difficiles depuis la réélection de Joseph Kabila, en 2011. En toile de fond, des poursuites pour « viol sur mineures » qui ont abouti, le 26 mars, à sa condamnation à dix ans de prison. « La fin logique d’un procès politique destiné à faire taire un adversaire actif », tance Patricia, son épouse. Pour elle, l’opposant a commis « deux péchés impardonnables » aux yeux du pouvoir. Le premier, c’est d’avoir appelé au boycott des institutions après les derniers scrutins controversés. Luimême élu à l’Assemblée nationale, il a refusé de siéger dans l’hémicycle. Pis, il dénonce un « hold-up électoral » du président sortant au détriment d’Étienne Tshisekedi. C’est là son second « péché ». En 2012, il crée la Majorité présidentielle populaire, une coalition de partis et d’associations proches de Tshisekedi, pour réclamer « la vérité des urnes ». Mais le jour p Le président de Démocratie de son lancement, en chrétienne, en 2012. juin, il disparaît. Un « enlèvement », selon son parti. « Faux », rétorque Lambert Mende, porte-parole du gouvernement: « Diomi Ndongala a tenté de se soustraire à la justice. Le pouvoir n’a aucun intérêt à nuire à un chef de parti qui n’a qu’un siège à l’Assemblée. » De fait, le trublion n’a guère l’étoffe d’un Tshisekedi ou d’un Vital Kamerhe… Diomi Ndongala réapparaît en octobre 2012, la veille de l’arrivée de François Hollande à Kinshasa pour le sommet de la Francophonie. Il dit avoir été kidnappé et détenu par les services secrets. Après un répit durant lequel il reçoit des soins médicaux, il est emprisonné en avril 2013. Entretemps, son mandat de député a été invalidé, son immunité parlementaire levée. Place au procès. Ou à « une parodie de justice », selon Richard Bondo, son avocat. Quant à bénéficier de la loi d’amnistie promulguée en février par le président Kabila, il ne faut pas y songer. « Les violences sexuelles ne sont pas amnistiables », rappelle Mende. l TRÉSOR KIBANGULA
13
Déjà très critiquée pour la manière dont elle a communiqué à propos de la perte de l’un de ses avions, la compagnie a choqué en annonçant aux familles la mort probable de leurs proches par un SMS. N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
La semaine de J.A. Décryptage
Égypte Juges et parties SCHOT/DE VOLKSKRANT/NEW YORK TIMES SYNDICATE
Les procès de masse contre les Frères se multiplient, 529 accusés ont été condamnés à mort. Signe d’une justice aux ordres ou revanche des magistrats contre le régime déchu de Mohamed Morsi ?
S
aïd Youssef peut prétendre à une place dans le Guinness des records. Le 24 mars, ce juge d’AlMinya (environ 250 km au sud du Caire) a condamné à mort 529 personnes. Les accusés, dont la plupart sont en fuite, ont été reconnus coupables d’avoir attaqué un commissariat et provoqué la mort d’un policier au terme d’un procès expéditif : deux audiences, moins d’une heure au total. La défense n’a pas pu citer de témoins ni présenter de preuves concernant les événements de la mi-août 2013, survenus au plus fort des affrontements meurtriers entre Frères musulmans et forces de l’ordre, qui ont suivi le coup d’État. Les sentences doivent
Frères musulmans est tel que la plupart des médias privés se sont félicités de la nouvelle. « Dieu fasse qu’il y ait 10 000 condamnés à mort, qu’il y en ait 20 000 ! Il n’y a aucune raison d’être triste, ces gens sont des meurtriers », s’est ainsi exclamé Ahmed Moussa, présentateur de la chaîne Sada al-Balad TV. Au lendemain du verdict d’Al-Minya, le procès de près de 700 membres présumés de la confrérie, dont son guide suprême, a été ajourné au 28 avril. La machine s’est emballée depuis D’autresprocéduresdemasse visant des Frères musulmans que la confrérie a été classée et leurs sympathisants sont attenduesdanslesprochaines « organisation terroriste ». semaines. La machine judiêtre revues par le grand mufti d’Égypte, ciaire semble s’être emballée depuis que la confrérie a été classée « organisation avant un éventuel appel. Dans le pays, la terroriste », le 25 décembre dernier. peine capitale n’est que rarement appliquée, même si les tribunaux continuent de prononcer des condamnations à mort: OBSOLÈTE. Alors que le maréchal Abdel la dernière exécution remonte à 2011. Fattah al-Sissi a déclaré, le 26 mars, sa canLa sévérité de ce verdict collecdidature à la prochaine présidentielle – qui tif a laissé avocats et organisations de devrait être pour lui une formalité –, la jusdéfense des droits de l’homme dans un tice rappelle qu’elle est l’un des piliers de état de choc, mais les manifestations de l’État, aux côtés de l’armée et des services soutien ont tourné court. Le rejet des de sécurité (Moukhabarat). « Les juges se
voient comme les héritiers d’une tradition prestigieuse et les garants de l’État de droit. Ils jouissent d’une importante autonomie budgétaire et hiérarchique. L’image d’une justice aux ordres relève du mythe, même si, individuellement, les magistrats subissent des pressions. Mais la législation qu’ils doivent appliquer est obsolète, et les enquêtes s’appuient encore excessivement sur le travail opaque des Moukhabarat », résume le politologue Nathan J. Brown, de la George Washington University. Dans cette aristocratie judiciaire d’environ 16 000 magistrats, où les charges se transmettent généralement de père en fils, on ne pardonne pas à l’ex-président islamiste Mohamed Morsi – toujours en prison – ses tentatives de mettre au pas l’institution : la révocation contestée du procureur général Abdel Meguid Mahmoud, le « coup d’État constitutionnel » du 22 novembre 2012, qui avait vu Morsi s’accorder les pleins pouvoirs par décret, ou les nominations de Frères à des postes stratégiques. La vengeance est un plat qui se consomme épicé. l YOUSSEF AÏT AKDIM
À SUIVRE LA SEMAINE PROCHAINE
7
AVRIL Début des élections législatives indiennes. Le Premier ministre, Manmohan Singh, passera la main à l’issue du scrutin, qui s’achèvera le 12 mai. N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
7-9 UN PHOTO/EVAN SCHNEIDER
14
AVRIL Visite de travail en France d’Ali Bongo Ondimba. Le chef de l’État gabonais, également président en exercice de la Cemac, devrait être reçu le 8 avril à l’Élysée.
11-13
AVRIL Réunions de printemps de la Banque mondiale et du FMI. Les ministres de l’Économie et des Finances des États membres sont notamment attendus à Washington. JEUNE AFRIQUE
ILS ONT DIT
nouveau mot – et sa définition. Parmi d’autres trouvailles, on trouve « afrancien », nom et adjectif pour désigner un Français d’origine africaine. « Bussoter », c’est attendre le bus, alors que « s’enrêver » est synonyme de rêver éveillé. Vous avez la « flemmitude » quand vous n’aimez pas sortir de votre lit. Et la « peurophobie » ? C’est la peur… d’avoir peur. Si l’on vous appelle « mondemoisil », c’est parce que vous êtes un homme non marié. Et si vous aimez acheter sans arrêt, vous êtes « shopivore ». Enfin, lorsque votre interlocuteur a un pincement au cœur, une douleur au moment de vous quitter, il peut vous dire « baïe-baïe ». Et ce n’est pas de l’anglais ! l TSHITENGE LUBABU M.K.
Prix littéraire En français dans le texte VOUS SOUHAITEZ vous procurer les poèmes de Saint-John Perse ouceuxd’AiméCésaire,deuxauteursnésauxAntilles?Sivousvivez dans l’Hexagone, il vous faudra – encore bien souvent – explorer en librairie le rayon littérature française pour l’un, littérature francophone pour l’autre ! Contre cette classification, « dernier avatarducolonialisme»,44auteurs(dontAlainMabanckou,Tahar Ben Jelloun, J.M.G. Le Clézio, Amin Maalouf, Nimrod) signaient en 2007 un « manifeste pour une littérature-monde en français ». Une initiative de Michel Le Bris, fondateur du festival Étonnants Voyageurs, qui constatait que de nombreux « écrivains de langue française, pris eux aussi entre deux ou plusieurs cultures, se sont interrogés sur cette étrange disparité qui les reléguait sur les marges, eux “francophones”, variante exotique tout juste tolérée, tandis que les enfants de l’ex-Empire britannique prenaient, en toute légitimité, possession des lettres anglaises ». De retour de Rabat, où s’est tenue du 6 au 9 mars la dernière édition de ces rencontres littéraires, l’équipe organisatrice a annoncé le 25 mars la création du prix Littérature-Monde. Un jury de huit écrivains, parmi lesquels Boualem Sansal, Ananda Devi et Dany Laferrière, récompensera en juin prochain deux ouvrages – l’un écrit, l’autre traduit en français – publiés en France. Chaque prix sera doté de 3 000 euros par l’Agence française de développement (AFD). « C’est une récompense que nous lançons avec une grande ambition, le plus beau jury possible et la détermination d’en faire un prix de référence de printemps », s’enthousiasme Michel Le Bris, qui dévoilera les premières sélections en avril. l SÉVERINE KODJO-GRANDVAUX JEUNE AFRIQUE
« Sur les tournages américains, il faut marcher droit. Si vous n’êtes pas soumis, vous êtes viré. C’est encore plus violent que la vie dans la Pologne communiste. » AGNIESZKA HOLLAND Cinéaste polonaise
« Je n’ai pas la prétention d’être le bon berger, mais je considère que j’ai plus d’expérience que certains prétendants dans la gestion des affaires de l’État. » GABRIEL AGBÉYOMÉ KODJO Ancien Premier ministre et opposant togolais (à propos de la présidentielle de 2015)
« Le député passe souvent, dans l’opinion, pour un être somnolent, paresseux et léger. Je vous assure qu’on dort beaucoup moins à l’Assemblée aujourd’hui. » MOUSTAPHA NIASSE Président de l’Assemblée nationale du Sénégal
« Si je suis jugé pour ce que j’ai fait et non pour ce que je suis, que je sois déclaré innocent ! » CHARLES BLÉ GOUDÉ Ex-ministre de Laurent Gbagbo et ex-chef des Jeunes patriotes (lors de sa première comparution devant la CPI, le 27 mars)
«
Le système syst a atteint se ses limites et peut s’effo s’effondrer à tout moment. » MOULOUD HAMROUCHE Ancien Prem Premier ministre algérien algérie SAMIR SID
SIQUELQU’UNvousreproche d’« escargoter », il y a des chances que vous ne sachiez comment réagir. Retenez désormais que ce verbe a été inventé par un internaute. Il veut dire « prendre son temps »… à la manière d’un gastéropode. Et si l’on vous affirme que vous vous « mémérisez » ? Là encore, ce n’est pas un compliment. Cela signifie « se vieillir au moyen d’habits hors d’âge ». Autre merveille, le terme « tôtif » : c’est le contraire de… tardif ! Sur près de 3000 mots reçus, ces trois-là ont été retenus par le jury de la Semaine de la langue française, un événement organisé par le ministère français de la Culture du 15 au 23 mars. Il s’agissait pour les internautes de créer un
STANISLAV ZBYNEK/CTK/ABACAPRESS
Francophonie Je bussote, tu bussotes, il bussote…
15
N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
La semaine de J.A. Décryptage
Sénégal Le mur de trop
affirmant le caractère « inaliénable et imprescriptible » du domaine public maritime, ce qui exclut leur appropriation privée, et le recours abusif des autorités à un article dérogatoire du code du domaine de l’État. Ce dernier stipule que les propriétés du domaine public peuvent, dans certains cas, être déclassées.
À Dakar, défigurée par la frénésie immobilière, la construction de la future ambassade de Turquie sur le front de mer provoque une vive indignation.
SYLVAIN CHERKAOUI POUR J.A.
16
p Verra-t-on encore l’océan depuis la corniche ?
C
’
est un modeste mur qui fait parler tout Dakar. Soumise à une frénésie immobilière sans limites, la capitale sénégalaise a vu progressivement l’ouest de son front de mer défiguré par les hôtels, les résidences de luxe et le centre commercial Sea Plazza. Aussi, lorsque l’information s’est répandue qu’un nouveau mur était en construction, celui LE DESSIN DE LA SEMAINE
de l’enceinte de la future ambassade de Turquie, les réactions d’hostilité se sont multipliées, dans la rue et sur les réseaux sociaux. « Nous comptons porter plainte contre l’État pour abus de pouvoir », explique l’architecte Pierre Goudiaby Atepa, président d’honneur de l’association SOS Littoral. Selon l’association, il y a contradiction entre certains textes
GROGNE. La cession du terrain à l’ambassade de Turquie a été accordée par l’ancien président Abdoulaye Wade. Son successeur, Macky Sall, tout comme le maire de Dakar, le socialiste Khalifa Sall (dont le parti est membre de la coalition gouvernementale), doit aujourd’hui gérer la grogne provoquée par le « mur de la honte ». À la mairie, on affirme être opposé au projet d’ambassade tout en s’abstenant d’afficher une position trop tranchée face à cet imbroglio juridique où s’enchevêtrent prérogatives de l’État et des collectivités territoriales. « Nous avons mis en place un cadre de concertation avec le ministère de l’Intérieur pour trouver une solution au problème », a fait savoir Khalifa Sall, tout en incitant les conseillers municipaux à calmer le jeu. « À chaque fois que nous avons intenté une action pour préserver le littoral dakarois, la mairie était à nos côtés », rappelle Pierre Goudiaby Atepa. Selon l’architecte, mobilisé de longue date sur ces questions, si rien n’est fait, « un jour viendra où l’on pourra rallier le centre-ville depuis l’aéroport sans même voir l’océan ». l MEHDI BA, à Dakar
Chappatte • Le Temps • Genève
FRANCE BLEU-BLANC-BRUN
VICTOIRE de l’« antisystème » symbolisé par la « quenelle », ce geste controversé de l’humoriste Dieudonné? Ou défaite de la démocratie? Toujours est-il que les élections municipales françaises ont vu le camp des mécontents gagner du terrain: une abstention inquiétante (36,5 % au premier tour) et un bon score du Front national. L’extrême droite a remporté deux villes de plus de 10000 habitants sans attendre la seconde manche, le 30 mars. N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
JEUNE AFRIQUE
Présidence de la République du Gabon
Agence Nationale des Grands Travaux
L’Agence Nationale des Grands Travaux
Pour accompagner les projets et les chantiers d’infrastructures du Gabon
Transport • Routes • Habitat • Énergie • Eau Santé • Tourisme • Éducation • Télécommunications
Présidence de la République du Gabon
ANGT
Accompagner les grands projets d’infrastructures
Chargée de mener à bien les chantiers prioritaires et structurants du Gabon Émergent, l’ANGT est un maillon essentiel de la stratégie de développement économique du pays. En raison du rôle essentiel des travaux publics dans le plan de développement infrastructurel, l’ANGT a été mise en place dans le but de superviser et de mettre en œuvre les projets, travaux et chantiers prioritaires du Gabon Émergent. Dans le cadre de la promotion durable du développement social, économique et environnemental du pays, l’ANGT s’est fixée comme objectifs :
COMMUNIQUÉ
■
coordonner et de synchroniser les projets en étroite collaboration avec les ministères concernés et en accord avec le Schéma Directeur National d’Infrastructure,
■
développer des procédures afin d’atteindre les niveaux de sécurité, de qualité et de durabilité selon les normes internationales,
■
contrôler et exécuter les projets en tant que maitre d’ouvrage délégué.
Initialement placée sous l’assistance de Bechtel, première entreprise américaine de travaux publics, l’Agence est, depuis le 1 er janvier 2013, une entité indépendante de cette dernière. Comptant plus de 460 employés, elle se présente aujourd’hui comme une institution indispensable au développement du Gabon. À ce titre, l’Agence est actuellement engagée dans la réalisation de plusieurs projets sociaux ou structurants pour le pays.
Construire un réseau moderne pour relier entre elles les principales villes du pays.
Les routes Ce chantier d’envergure se décline en trois grands axes avec le projet de modernisation de la Route Nationale 1 (RN1), celui de l’aménagement des routes urbaines et le transport en commun. L’ANGT est impliquée dans le réaménagement de la route de Glass, à Libreville, où un projet de 1,2 km prévoit une amélioration de la circulation, le stationnement, la sécurité et une meilleure qualité de vie dans le quartier selon les normes internationales. Ce projet permettra également de lancer la première nouvelle ligne de bus haut de gamme à bas prix avec des passages à une fréquence régulière. L’Agence intervient aussi dans le cadre de la réhabilitation et l’élargissement de la route nationale 1 entre le PK5 et PK12, ainsi que 3 kilomètres de voiries connexes dans les quartiers de la capitale. À terme, il s’agit de construire un réseau routier moderne pour intégrer les principales villes du pays avec, en filigrane, l’amélioration du réseau urbain. À ces chantiers s’ajoutent :
Améliorer la sécurité, la circulation et le stationnement pour une meilleure qualité de vie
• Le tronçon Ndjolé-Medoumane, qui permettra de rallier cinq provinces du pays au départ de Libreville, • L’axe Boué-Koumameyong-Lalara vise à relier l’Ogooué-Ivindo au Woleu-Ntem et, surtout d’améliorer la circulation des personnes et des biens entre les deux chefs-lieux de ces provinces, • L’aménagement du tronçon Tchibanga-Mayumba, long de 106 km avec la construction du pont sur la Banio, permettra de rallier le sud du Gabon et de faciliter les échanges interprovinciaux.
L’ensemble de ces projets est réalisé à près de 48 %. Par ailleurs, l’ANGT a apporté son expertise à la construction de nouvelles routes d’accès à Franceville et dans la capitale gabonaise. Compte tenu des difficultés liées à la fluidité du trafic sur la voie express de Libreville, il était impératif que les travaux des échangeurs soient complétés. Au 18 octobre 2013, l’entreprise SOCOBA en contrat avec l’ANGT, a complété les projets d’exécution restants et a apporté toutes les améliorations sur le terrain actuel resté en suspens dans la zone de l’échangeur de Nzeng-Avong. De plus, l’Agence Nationale des Grands Travaux, La Direction de la Sécurité Routière et le Bureau d’études Cositrex ont mis en place une formation destinée aux agents de la Sécurité Routière, dans le but d’améliorer la fluidité de la circulation sur les carrefours giratoires des échangeurs.
Présidence de la République du Gabon
ANGT
De nouvelles routes pour favoriser les échanges interprovinciaux.
Réhabilitation du CES de Mikolongo.
L’éducation Initié par le ministère de l’Éducation, le chantier de la réhabilitation des écoles et universités est supervisé par l’ANGT et s’étend jusqu’en 2016. Le but est de progressivement aménager, réhabiliter et construire des établissements primaires, secondaires et tertiaires dans tout le Gabon. Le programme « Éducation » consiste à identifier les établissements à travers le pays, à les rénover, à augmenter leurs capacités d’accueil et améliorer les conditions d’enseignement et d’apprentissage. L’Agence a travaillé avec les entreprises gabonaises pour construire des salles de classes, des auditoriums et des bureaux pour les professeurs. Elle a aussi réhabilité des bâtiments existants (salles de classes, bureaux, administratifs, dortoirs et logements des enseignants) et donné l’accès à l’électricité et à l’eau. L’étape suivante consistera à construire des « Lycées de l’Émergence Scientifique » dans chaque province.
Construire ou réhabiliter de nouvelles classes pour 14 000 élèves d’ici à fin avril 2014
À titre d’exemples, trois bâtiments de salles de classes ont été construits à l’Ecole nationale des instituteurs, tandis que l’Université des sciences de la santé d’Owendo s’est vue dotée de deux amphithéâtres d’une capacité totale de 700 places. À l’Université Omar Bongo (UOB), un nouvel amphithéâtre de plus de 1 200 places a été érigé et l’auditorium existant de 600 places est en cours de réhabilitation. À cela s’ajoute la réhabilitation et l’équipement des chambres universitaires du pavillon F pour les étudiants. Un programme de réhabilitation et de construction de nouvelles salles de classes est en cours dans les établissements primaires et secondaires pour atteindre l’objectif de 14 000 places assises d’ici fin avril 2014.
École primaire d’Agondjé (construction modulaire Modultec) : l’école du futur.
Les logements sociaux d’Angondjé Afin de surmonter la forte demande de logements à Libreville, la zone d’Angondjé, au nord de la ville, a été identifiée comme une zone de développement pour la population. Pour répondre à ces besoins de logement, le gouvernement a approuvé un nouveau régime de développement de quartier qui prend en compte l’environnement, les besoins sociaux, les lieux de transport, l’espace public et les espaces verts : le SmartCode. Cette approche de conception et de construction repose sur le principe du développement durable et vise à améliorer la qualité de vie des habitants. Ainsi, le développement de ce quartier comprend une gamme de logements pour tous les niveaux de revenu ainsi que des bâtiments publics, un poste de police et une station de pompiers et des espaces verts, des routes, des écoles et des espaces commerciaux. La phase de construction a commencé depuis juin 2012. À ce jour, près de 1000 logements ont été construits sur les parcelles 1 et 10, et les travaux de voirie sont en cours. Par ailleurs, sur les parcelles 3, 4, et 5 où les travaux ont débuté respectivement en mars 2013, juin 2013 et mars 2013, les travaux avancent tels que planifiés.
Présidence de la République du Gabon
ANGT
La santé Dans le cadre de la célébration du centenaire de l’arrivée du Dr Albert Schweitzer à Lambaréné, le gouvernement gabonais et la Fondation Albert Schweitzer ont voulu doter cette ville d’une infrastructure moderne : le Centre international universitaire de recherche et de santé Albert Schweitzer de Lambaréné (CHUIL). Ce centre moderne comprend un bâtiment administratif et un campus dont la réalisation est achevée à 83 %, mais aussi une partie médicale, construite sur le site de l’hôpital régional Georges Rawiri (HRGR). Les deux nouveaux bâtiments (urgences et maladies tropicales) de l’HRGR sont achevés et équipés de matériel médical de haute technologie.
COMMUNIQUÉ
La réalisation du CHUIL englobe aussi la construction d’un quartier résidentiel pour loger les chercheurs et les médecins. Cet espace est réalisé à 87 %. Parallèlement à cette initiative, le gouvernement qui poursuit ses objectifs du Gabon Émergent, souhaite mettre l’accent sur la région du Moyen Ogooué et améliorer l’aspect social et économique de la ville en rénovant et en construisant de nouvelles infrastructures. De manière générale, le gouvernement entend faire du CHUIL un levier de développement axé sur la santé, le tourisme et le commerce. Par ailleurs, le canal entre Ndjolé et Lambaréné permettra de relier par voie fluviale les corridors nord et sud. Les deux villes sont appelées à devenir de véritables pôles internationaux et centres de transit et d’échanges de marchandises.
Un nouveau pôle de commerce et de culture pour améliorer la qualité de vie et créer des emplois
Le projet prévoit « d’avancer sur la mer » à une distance d’un peu plus de 500m agrandissant ainsi la surface du Port Môle. Un centre de conférences, un centre culturel-musée, des centres commerciaux avec restaurants et boutiques, ainsi qu’une plage, des terrains de sports et une marina vont y être construits. Les objectifs de ce projet sont les suivants : • Devenir une des principales attractions de la région d’Afrique Centrale et de l’Ouest, et participer à la stimulation de l’économie locale en créant des possibilités d’emplois, • Offrir un lieu de célébration commune ouvert au public avec cette nouvelle extension du front de mer, • Améliorer la qualité de vie à Libreville. Ce projet couvrira une superficie de 430 000 m2 et se répartira en deux phases. • Phase 1 - Dragages, remblais, conception et construction des structures maritimes et infrastructures terrestres d’ici 2015. • Phase 2 - Développement et construction d’une zone commerciale et culturelle. Le projet « Champ Triomphal » offrira à la population locale une abondance d’expériences inoubliables. Le nouveau centre commercial, les lieux de divertissement et musées ajouteront une atmosphère vibrante et culturelle à la ville de Libreville. Vue aérienne des travaux du Champ Triomphal.
AGENCE NATIONALE DES GRANDS TRAVAUX B.P. 23765, Libreville, Gabon Tél. : (+241) 07 49 18 04
www.angt-gabon.com
DIFCOM/FC - photos : ANGT
Stade Omnisport Omar Bongo.
LE PROJET DU CHAMP TRIOMPHAL Sachant que le tourisme est aujourd’hui une des premières sources de recettes d’exportations bien devant l’automobile, l’alimentation, l’informatique ou encore le pétrole, mettant en jeu des investissements considérables de capitaux, des revenus substantiels et créant des emplois importants, l’Agence Nationale des Grands Travaux et le groupe China Harbour Engineering Company ont signé un contrat prévoyant la transformation du vieux port de Libreville en une zone commerciale et culturelle, à l’horizon 2020, pour un investissement de 59 milliards de francs CFA (environ 90 millions d’euros). Ce contrat a été signé à l’occasion de la deuxième édition du New York Forum Africa (NYFA), qui s’est ouvert le 14 juin à Libreville en présence de plus de 700 décideurs économiques, financiers et politiques du monde.
La semaine de J.A. Décryptage
21
Cette semaine, à la une :
PIERRE ANDRIEU/AFP
Carte interactive
p Hommage aux deux journalistes de RFI tués à Kidal le 2 novembre 2013.
Fondée au début des années 2000, la secte islamiste Boko Haram continue d’ensanglanter le Nigeria. Retour sur une décennie d’atrocités. Flashez ce code QR
Infographies
Mali Silence radio Saura-t-on un jour qui a assassiné Ghislaine Dupont et Claude Verlon, et pourquoi ? Cinq mois après les faits, l’enquête piétine.
A
près le deuil, voici venu le d’entraide internationale avait été lantemps des questions pour cée fin janvier par le procureur de la République au siège des Nations unies, à les proches de Ghislaine Dupont et de Claude Verlon. New York. « Exceptionnelle » selon le parQui a enlevé et tué les envoyés spéciaux quet, « compliquée » de l’aveu même d’un de Radio France internationale (RFI) avocat, elle vise à auditionner des Casques le 2 novembre 2013 à Kidal ? Et pourbleus qui assuraient, au moment des faits, la sécurisation de Kidal. « Peut-être pour quoi ? Cinq mois après leur assassinat revendiqué par Al-Qaïda au vérifier les informations fourMaghreb islamique (Aqmi), Les proches nies par l’armée française », les deux enquêtes menées suppose un habitué du dosdes victimes simultanément à Paris et à sier, qui rappelle qu’il subBamako semblent au point doutent de la siste de « nombreuses zones mort. Au Mali, Mahamadou version livrée d’ombre ». Kassogué, le juge d’instrucL’hypothèse privilégiée est par l’armée tion chargé du dossier, n’a celle d’un rapt qui aurait mal toujours pas pu se rendre française. tourné. Mais pourquoi ? Sur deux points, les proches des sur les lieux pour des raisons de sécurité. Il n’a donc rencontré victimes doutent de la version de l’armée aucun témoin, et le principal suspect, française. Alors que celle-ci indique Baye Ag Bakabo, est dans la nature. Un avoir découvert les corps à 14 h 30, la magistrat malien reproche à l’armée nouvelle de leur mort circulait dans française de « ne rien faire pour faciliter tout le pays une demi-heure plus tôt. les investigations ». Ensuite, des témoins parlent d’un hélicoptère français sur zone vers 14 heures, ZONES D’OMBRE. En France, l’enquête alors que l’armée assure que l’appareil menée par le parquet de Paris en est toune serait arrivé qu’à 15 h 30. « Les soljours au stade préliminaire. Le 26 mars, les dats français ont-ils tenté d’intercepter proches de la journaliste, réunis au sein le véhicule ? » s’interroge un ami des d’une association (Les amis de Ghislaine journalistes disparus, qui rappelle que Dupont), ont dénoncé le « silence de le commanditaire présumé du rapt, plomb » qui règne autour de cette affaire. Abdelkrim al-Targui, détiendrait touDans la foulée, le parquet a assuré qu’un jours l’otage français Serge Lazarevic. juge d’instruction serait désigné dans les «C’est peut-être un frein à l’enquête. » l prochaines semaines et qu’une demande RÉMI CARAYOL JEUNE AFRIQUE
Cinq États africains ont exécuté des détenus en 2013. L’Égypte vient de condamner 529 Frères musulmans à la peine capitale. Votre pays est-il abolitionniste ? La réponse sur notre carte.
Webdocumentaire Kinshasa FM raconte le quotidien des journalistes en RD Congo. Ce documentaire interactif réalisé par Stéphane Siohan et Matthieu Sartre, diffusé notamment par jeuneafrique.com, a reçu le prix PhilippeChaffanjon du reportage multimédia.
N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
La semaine de J.A. Tour du monde UKRAINE
PHILIPPINES
Barack, où es-tu?
Guérilla décapitée
C
POUR LA GUÉRILLA ARMÉE philippine, sans doute la plus ancienne au monde, la capture, le 22 mars, de Benito Tiamzon, chef du Parti communiste, et de son épouse ressemble à une décapitation. Très symboliquement, l’arrestation a eu lieu une semaine avant le 45e anniversaire du déclenchement de la lutte armée – celle-ci a déjà fait plus de 40000 victimes. Pour le gouvernement, c’est un succès retentissant. Mais gare aux représailles que la Nouvelle Armée du peuple, la branche armée du PC, pourrait décider de déclencher !
ette photo d’Angela Merkel paraissant s’inquiéter de l’absence du président américain lors du Sommet sur la sécurité nucléaire, à La Haye (Pays-Bas), le 25 mars, est amusante. Mais elle est surtout symbolique de la dépendance de l’Europe à l’égard de l’hyperpuissance américaine depuis le début de la crise en Ukraine. Que la chancelière se rassure, Barack Obama était bien là. Et il n’a pas fait mystère de son intention de peser de tout son poids pour contrer l’offensive de Vladimir Poutine. L’objectif est d’aider les pays de l’Union européenne à se passer du gaz et du pétrole russes. L’an dernier, le géant Gazprom leur a livré 133 milliards de m3 de gaz, soit 25 % de leur consommation, dont près du tiers pour la seule Allemagne. On comprend que Merkel y regarde à deux fois avant de déclencher une épreuve de force avec Poutine ! Obama a donc promis d’accroître considérablement la fourniture de gaz américain. Et, peut-être, de libéraliser les licences d’exportation de gaz de schiste. Cela n’ira pas sans contreparties, politiques notamment, mais à la guerre comme à la guerre ! l
Le mot
DÉGUEULASSE C’est ce que Nicole Bricq, la ministre française du Commerce extérieur, pense de la qualité des mets servis lors du dîner d’État donné le 27 mars à l’Élysée en l’honneur du président chinois, Xi Jinping. Le jugement est gastronomiquement abrupt. Il n’était destiné qu’à JeanMarc et Brigitte Ayrault, le Premier ministre et son épouse. Las, une caméra de BFMTV traînait dans les parages…
ESPAGNE
La dérive des Catalans
JOHN THYS/AFP
22
p Angela Merkel, la chancelière allemande, à La Haye, le 25 mars.
FOOTBALL
Fifa la gaffeuse LES BRÉSILIENS AIMENT cultiver le chaos », « la patience n’est pas dans leur ADN », « la ponctualité est ici une notion toute relative »… Ces commentaires et avertissements à l’adresse des visiteurs de la Coupe du monde de football 2014 ont été publiés N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
sur le site internet de la Fifa. Ils ont aussitôt provoqué un tollé dans les médias et sur les réseaux sociaux brésiliens. Le gouvernement du foot mondial jure qu’il avait pour seul objectif d’éviter les « malentendus culturels ». Manqué! Il a été contraint de remballer ses remarques et de présenter des excuses. Jérôme Valcke, son secrétaire général, a débarqué à Rio de Janeiro le 24 mars en pleine polémique.
DEPUIS PRESQUE DEUX ANS, Artur Mas, le président de la Generalitat de Catalogne, rêve de soumettre à référendum un projet d’indépendance de sa région. Le gouvernement de Mariano Rajoy s’y oppose farouchement et le Tribunal constitutionnel vient de lui donner raison : le 25 mars, il a décrété le projet illégal. Mais Mas persiste et signe : il a déjà annoncé que le scrutin aurait lieu le 9 novembre. À en croire un récent sondage, 60 % des Catalans seraient favorables à l’indépendance. THAÏLANDE
Élections pour rien CUISANTE DÉFAITE pour Yingluck Shinawatra, la Première ministre thaïlandaise. Le Parlement a en effet invalidé les élections législatives qu’elle avait tenu à organiser le 2 février. À ses JEUNE AFRIQUE
ARRÊT SUR IMAGE
Ricardo Moraes • Reuters
BRÉSIL
Superflics contre petites filles DES TRAFIQUANTS DE DROGUE ayant attaqué plusieurs postes de police dans trois favelas du nord de Rio de Janeiro, les forces de sécurité ont réagi de manière spectaculaire, comme ici dans le bidonville de Maré, le 26 mars. On ne sait si les trafiquants ont été impressionnés par ces viriles démonstrations, mais ce paisible cycliste et ces petites filles, manifestement, pas du tout. À leur âge, la vie est encore un jeu…
yeux, c’était le seul moyen de sortir de la grave crise politique qui paralyse le pays depuis cinq mois… Boycotté par l’opposition, le scrutin n’avait pu avoir lieu dans l’ensemble des bureaux de vote, ce qui rendait son annulation inévitable. Suthep Thaugsuban, le leader de la contestation, qui n’a pas renoncé à faire tomber le gouvernement, a déjà annoncé que, si de nouvelles élections avaient lieu, il appellerait derechef à les boycotter. COMMUNICATION
Deux stars au Vatican CE SONT LES PERSONNALITÉS les plus suivies sur les réseaux sociaux. Mais le pape François est beaucoup plus populaire auprès des Américains que Barack Obama (63 %, contre 47 %). Le second avait donc intérêt à rendre visite au premier, au Vatican, afin « de l’écouter », de parler avec lui de choses et JEUNE AFRIQUE
d’autres (la lutte contre la pauvreté, la montée des inégalités), et, surtout, de profiter de son aura. À quelques mois d’élections de mi-mandat qui s’annoncent difficiles pour les démocrates, l’opération de communication pouvait ne pas être inutile. Elle a eu lieu le 27 mars. À la satisfaction générale. URUGUAY
De Guantánamo à Montevideo C’EST À LA DEMANDE EXPRESSE de Barack Obama que José Mujica, le président uruguayen, a accepté d’accueillir cinq jihadistes présumés – quatre Syriens et un Pakistanais – détenus sans jugement dans le camp de Guantánamo, à Cuba. On sait que Barack Obama avait promis il y a plus de cinq ans de fermer ledit camp. Et qu’il n’en est apparemment plus question. Ancien guérillero, Mujica
a passé de longues années en prison à l’époque de la dictature (1973-1985), ce qui explique sans doute sa sensibilité au problème. Son opposition s’étrangle d’indignation. TAÏWAN-CHINE
L’accord de la discorde C’EST MANU MILITARI que les forces de l’ordre taïwanaises ont, le 25 mars, délogé les manifestants qui occupaient le Parlement pour protester contre la conclusion d’un accord commercial entre l’île nationaliste et la Chine populaire. Mais ni le lourd bilan des affrontements (137 blessés) ni les manifestations monstres qui se sont ensuivies à Taipei, la capitale, n’ont fait céder le président Ma Ying-jeou, convaincu que l’accord avec la Chine est indispensable pour redynamiser l’économie du pays. N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
23
Grand angle
24
Bissau
SYLVAIN CHERKAOUI POUR J.A.
ENQUÊTE
p Le quartier de Bissau Velho, le plus ancien de la capitale, début mars. N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
JEUNE AFRIQUE
25
Connection
Alors que l’économie de la GuinéeBissau est sinistrée et que l’État sombre chaque jour un peu plus, le trafic de cocaïne et les commerces illicites prospèrent. Peu de chances que la présidentielle du 13 avril change la donne.
À
MEHDI BA,
envoyé spécial à Bissau
peine venait-il d’accepter la flûte de champagne proposée par ses hôtes que le piège s’est refermé. « En guise de champagne, cinquante hommes lourdement armés ont accouru vers nous en criant “Police !” », raconte le capitaine de la vedette qui a conduit le contreamiral José Américo Bubo Na Tchuto, ancien chef de la Marine bissau-guinéenne, sur un yacht croisant au large des eaux territoriales. L’officier devait y rencontrer les émissaires d’un cartel colombien avec lesquels il négociait depuis plusieurs mois l’acheminement et le stockage en Guinée-Bissau d’une première cargaison de cocaïne. Mais ce 2 avril 2013, les Colombiens se révèlent être des agents infiltrés de la Drug Enforcement Administration (DEA) américaine. « Bubo » et ses deux complices présumés sont aussitôt conduits jusqu’à une île de l’archipel du Cap-Vert, avant d’être transférés par avion vers les États-Unis, où ils sont détenus depuis un an. Selon l’acte d’accusation du procureur de New York, étayé par des conversations enregistrées à l’insu de Na Tchuto et de ses acolytes, l’ancien chef de la Marine aurait participé à une première réunion au Sénégal en août 2012. Face à un agent de la DEA, qu’il prenait pour un trafiquant, il aurait évoqué « les conditions d’acheminement de plusieurs tonnes de cocaïne par voie maritime entrel’AmériqueduSudetlaGuinée-Bissau».Pour l’officier, le gouvernement bissau-guinéen étant « affaibli » après le coup d’État survenu quatre mois plus tôt, « la période [était] propice pour organiser la transaction ». Concernant sa commission, il aurait réclamé « 1 million de dollars par tonne de cocaïne acheminée en Guinée-Bissau ». l l l
JEUNE AFRIQUE
N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
Grand angle Enquête En 7 chiffres
l l l S’ils sont parvenus à escamoter « Bubo », les agents américains sont, en revanche, passés à côté de la principale prise qu’ils convoitaient : le général Antonio Indjai, chef d’état-major des Forces armées de Guinée-Bissau (FAGB), impliqué dans un « deal » similaire, monté de toutes pièces par la DEA. Déjà sous le coup d’une interdiction de voyager imposée par l’ONU au lendemain du coup d’État d’avril 2012, Indjai fait l’objet depuis lors d’un mandat d’arrêt international émis par la justice américaine. À Bissau, le gouvernement et l’armée font bloc derrière les deux officiers. Ils contestent purement et simplement la réalité des charges retenues contre eux et qualifient la prise de Na Tchuto de « kidnapping dans les eaux territoriales ».
PIB
822,3
millions de dollars (2012)
Taux de croissance
3% (2013)
Revenu national brut par habitant
510 dollars
ANGINE. Pourtant, l’acte d’accusation de la jus-
tice new-yorkaise fourmille de détails sur des réunions lors desquelles Indjai ou ses complices présumés auraient négocié l’acheminement par voie aérienne de quatre tonnes de cocaïne qui auraient dû être provisoirement stockées en Guinée-Bissau avant de repartir vers différentes destinations, dont les États-Unis. Le chef d’étatmajor se serait également engagé à se procurer des armes – dont des missiles sol-air – en vue de les rétrocéder ensuite aux Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), considérées comme une organisation terroriste par les États-Unis. Si la drogue, l’argent et les armes sont demeurés virtuels tout au long du processus, l’opération a posé de manière spectaculaire la question de l’implication de l’état-major et du gouvernement de ce petit État d’Afrique de l’Ouest dans le trafic de stupéfiants avec l’Amérique latine. Car selon le même document, les émissaires d’Indjai ont informé leurs interlocuteurs que « des responsables du gouvernement bissau-guinéen demandaient, en guise de rémunération, 13 % de la cocaïne acheminée » dans le pays. Le chef d’état-major aurait, par ailleurs, expliqué qu’il
(2012)
Espérance de vie SOURCES : BANQUE MONDIALE ; PNUD ; INSTITUTO NACIONAL DE ESTATÍSTICA GUINÉ-BISSAU ; FMI.
26
54 ans
(2011) Indice de développement humain
0,364
(2012), soit la 176e position sur 187 pays Taux de pauvreté
69,3 % (2010) Pourcentage de la population rurale ayant accès à l’eau
55 % (2011)
serait « seulement un intermédiaire » et que les achats d’armes passeraient « par le gouvernement ». Encore plus troublant, il aurait affirmé aux agents de la DEA qu’il « en [parlerait] au président de la République » de transition, Manuel Sérifo Nhamadjo. Sollicité par Jeune Afrique, le général Indjai a d’abord donné un accord de principe avant d’annuler l’entretien pour cause d’« angine ».
De l’indépendance au scrutin du 13 avril 1973
Assassinat d’Amílcar Cabral, leader du mouvement indépendantiste guinéen Proclamation de l’indépendance, reconnue en 1974 par le Portugal
1980
Coup d’État de João Bernardo Vieira (dit Nino) contre Luis Cabral, demi-frère du héros de l’indépendance Amilcar Cabral
N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
1998-1999
Guerre civile, liée à une rivalité entre deux factions de l’armée. En mai 1999, le rebelle Ansumane Mané renverse Nino Vieira
2003
Kumba Yala, président de la République depuis 2000, est renversé par un militaire
2012
Coup d’État militaire à la veille du second tour de la présidentielle Arrivé largement en tête du premier tour, Carlos Gomes Junior, candidat du PAIGC, est brièvement emprisonné puis contraint à l’exil
2014
Élection présidentielle prévue le 13 avril après avoir été reportée à de multiples reprises
JEUNE AFRIQUE
t Antonio Indjai (en costume bleu), chef d’état-major des armées.
À Bissau, son nom revient souvent dans les conversations, même s’il est prononcé à voix basse. N’est-il pas l’homme le plus puissant de l’armée, donc du pays ? De manière générale, les sources qui acceptent d’évoquer l’implication supposée des Forces armées dans divers trafics (importation de cocaïne, coupe de bois, licences de pêche…) le font confidentiellement. BOMBARDEMENT. Dans un pays où l’armée est capable de faire libérer sous la menace des « mules » tout juste interpellées par la police judiciaire et où la justice passe pour corrompue et muselée, les trafiquants sont clairement avantagés. De son côté, la communauté internationale, consciente de la précarité du régime de transition, préfère ne pas faire de vagues et s’abstient de contrarier les militaires, en attendant un hypothétique retour à la légalité constitutionnelle. En février 2014, Antonio Indjai siégeait paisiblement au Comité des chefs d’état-major de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), qui se tenait à Bissau. Le pays, qui prépare le scrutin présidentiel du 13 avril, est-il pour autant devenu l l l JEUNE AFRIQUE
L’ENFANT TERRIBLE DE LA RÉGION… TOURNANT ostensiblement le dos aux poids lourds de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), l’ancien premier ministre Carlos Gomes Junior « Cadogo », évincé entre les deux tours de la présidentielle de 2012, avait opéré un rapprochement avec la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP). Et en particulier avec l’Angola – dont la présence à Bissau d’un contingent militaire lourdement armé suscita la défiance du Nigeria et la colère de l’armée bissauguinéenne. Une diplomatie risquée, peu appréciée par Dakar, qui a besoin de
Bissau pour négocier avec l’une des branches armées du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC). « Cadogo n’a jamais coopéré avec le Sénégal, il a compris trop tard que c’était une erreur », explique un membre des services de renseignements sénégalais. « Il s’est acharné contre la Cedeao, renchérit un diplomate ouest-africain. Or il n’y a pas d’avenir pour le pays hors de cette organisation. » D’autant que la quasitotalité des bailleurs internationaux ont interrompu leur aide. l M.B.
ANDRE KOSTERS/EPA/CORBIS
27
Grand angle Enquête 3 QUESTIONS À
VINCENT FOUCHER
un « narco-État » ? Conseiller du Premier ministre, chargé de la réforme et de la modernisation de l’État, François Correia estime qu’« il faut relativiser le poids de la Guinée-Bissau dans le trafic qui affecte la sous-région. Nos capacités portuaires et aéroportuaires sont dérisoires », rappelle-t-il. Il est vrai que les portes d’entrée en Afrique de l’Ouest de la cocaïne et des drogues synthétiques ne se limitent pas aux 88 îles de l’archipel des Bijagos. Selon un officier de police européen en poste à Dakar, « les routes de la drogue changent en permanence, la seule chose qui ne change pas ce sont les pays de production ». Actuellement, ajoute la même source, les flux se seraient déplacés vers le Cap-Vert, où le prix du kilo de cocaïne se négocie moins cher. lll
Analyste à l’International Crisis Group (ICG)
« Beaucoup de politiques sont aussi des hommes d’affaires »
D
’
après ce chercheur français, la mainmise de l’État sur les leviers de l’économie freine le développement du pays.
JEUNE AFRIQUE : L’économie de la Guinée-Bissau a totalement sombré. Comment expliquezvous ce phénomène ? VINCENT FOUCHER : Les
Portugais, davantage intéressés par l’Angola, avaient peu investi dans l’économie et la formation de cette colonie. Quant au Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), il a accouché d’un État subventionné par les dons des grandes puissances communistes. Puis le pays a été sevré brutalement des aides internationales dans les années 1990. Habituées à une économie administrée, les autorités n’ont jamais réussi à développer le
PUTSCH. Mais en Guinée-Bissau, la collusion de DR
28
a toujours été tenté de réduire le poids excessif de l’armée. Mais, du fait d’une image d’affairisme et de mauvaise gestion, il a eu du mal à établir sa légitimité. Face à cela, beaucoup de militaires, issus de la guerre de libération et de la guerre civile de 1998-1999, ont le sentiment d’avoir des droits qui doivent être respectés. Donc, quand l’armée prend le pouvoir, elle le rend ensuite à d’autres civils qui lui semblent mieux à même de respecter ses intérêts. En outre, cette armée est un assemblage de grands chefs militaires, disposant de leurs clientèles personnelles, qui entrent parfois en compétition les uns avec les autres.
Les Portugais n’ont jamais stimulé l’économie du pays. potentiel économique du pays. Même le développement spectaculaire de la noix de cajou est un phénomène spontané. Par ailleur s, l’État ayant conservé des leviers – licences, exemptions, concessions, accès au crédit –, on constate une interpénétration entre l’économique et le politique. Beaucoup d’hommes politiques sont aussi des hommes d’affaires. L’armée interfère régulièrement dans le jeu institutionnel. Veutelle accéder au pouvoir ou craintelle de perdre ses privilèges ?
Pour des raisons politiques et budgétaires, le pouvoir civil N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
Le futur président et son premier ministre auront-ils les moyens de réformer le pays ?
Les choses ne seront pas faciles, car ils devront faire bouger les lignes afin de motiver des bailleurs de fonds qui ont fini par se lasser de l’instabilité chronique du pays, sans pour autant braquer l’armée, qui appréhende la perspective d’une réforme. l Propos recueillis à Dakar par MEHDI BA
certaines autorités avec les « narcos » semble particulièrement décomplexée. « Les trafiquants font des profits colossaux et sont en mesure d’acheter tout le monde, explique un spécialiste du trafic de drogue dans la sous-région. Et dans un pays où l’armée est influente, ils ont tout intérêt à négocier avec elle. » En Guinée-Bissau, où fonctionnaires et militaires peuvent rester plusieurs mois sans percevoir leur salaire, chacun s’organise donc comme il peut. « Un officier local m’a un jour expliqué que les responsables politiques se rémunéraient sur les crédits de la Banque mondiale et des bailleurs de fonds et que, de leur côté, les militaires profitaient du trafic de cocaïne pour arrondir leurs fins de mois », raconte Vincent Foucher, analyste à l’International Crisis Group (ICG). « Pour que la Guinée-Bissau soit qualifiée de narco-État, encore faudrait-il qu’il y ait un État », ironise notre policier européen. Or depuis son indépendance en 1973 et l’assassinat d’Amílcar Cabral, l’artisan de la libération, le pays a sombré au point de devenir un « État failli ». Putschs et assassinats politiques à répétition, naufrage des services publics, dépendance budgétaire extrême vis-à-vis des bailleurs… « En raison de son rôle dans la guerre de libération, l’armée n’a jamais vraiment accepté d’être soumise aux autorités civiles », analyse une source, spécialiste des questions de défense. En se débarrassant de l’occupant portugais, elle y a gagné une légitimité inaltérable qui a fini par écraser toute vie institutionnelle. Quarante ans plus tard, le pays continue de payer la dette contractée à l’égard de ses anciens combattants, devenus les véritables « actionnaires » d’une armée où recrutement et promotions sont soumis au népotisme et au clientélisme mais dont la Marine et l’aviation, quasi inexistantes, se révèlent incapables de surveiller le vaste littoral et l’archipel des Bijagos, propices à tous les trafics. Jusqu’à ce JEUNE AFRIQUE
Bissau Connection jour, les velléités de la dégraisser se sont heurtées à des réactions de défiance dans ses rangs. En Guinée-Bissau, tout le monde est convaincu qu’il faut réformer l’armée mais personne n’a osé s’y aventurer. JEUX D’APPAREIL. La malédiction bissau-gui-
néenne se résume à un constat : en vingt ans de multipartisme, aucun Premier ministre ni aucun président n’est allé au terme de son mandat. Si l’armée a largement contribué à entretenir ce chaos institutionnel, elle n’en est pas l’unique responsable. Car au Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC) comme au Parti de la rénovation sociale (PRS) – les deux principales forces à l’Assemblée nationale populaire –, divisions internes et jeux d’appareil l’ont emporté depuis longtemps sur le sens du bien commun. « Nous avons trahi les principes de la lutte de libération, admet Jorge Malu, viceprésident du PRS et candidat dissident à la présidentielle du 13 avril. Certains anciens combattants ne se reconnaissent pas dans ce que notre pays est devenu. » Malgré une population de seulement 1,6 million d’habitants et un potentiel économique largement
inexploité – agriculture, pêche, mines, forêts, tourisme… –, le pays détient l’un des indices de développement humain (IDH) les plus faibles au monde. Même dans la capitale, les routes sont défoncées, les coupures de courant quotidiennes, et les robinets peuvent demeurer plusieurs jours sans eau. Le système éducatif est en berne, celui de la santé en état de mort cérébrale, la justice réputée inapte… Dans un tel contexte, les investisseurs privés ont tourné le dos à l’enfant terrible de l’Afrique de l’Ouest. À l’inverse, des affairistes se sont engouffrés dans la brèche de cet État déliquescent, où des relations haut placées assurent tous les passe-droits. Du pillage des ressources halieutiques à celui des espèces forestières (lire p. 30) et du zircon, une pierre semi-précieuse, à la noix de cajou, des opérateurs chinois, indiens et russes ont compris depuis longtemps les bénéfices qu’ils pouvaient tirer d’un pays où les élites civiles et militaires se paient sur la bête. « Cabral faisait une différence entre ceux qui ont combattu pour la libération et ceux qui seraient chargés de la reconstruction et du développement du pays, conclut Jorge Malu. Nous n’avons pas suivi son conseil. » l
29
En vingt ans de multipartisme, aucun Premier ministre ni aucun chef de l’État n’est allé au terme de son mandat.
POUR QUI VOTE L’ARMÉE ? ENDANT 26 ANNÉES, de Luis Cabral (1973-1980) à Nino Vieira (1980-1999), le régime bissau-guinéen a été tenu par des cadres issus du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), matrice commune aux forces armées. Mais des tensions ont peu à peu apparu entre l’élite du pouvoir civil – urbanisée et lettrée – et une armée composée de ruraux à la formation plus modeste, dont une large proportion était issue de la communauté balante, la principale ethnie. Au pouvoir de 2000 à 2003, le Parti de la rénovation sociale (PRS) de KumbaYala a apporté son soutien aux Balantes pour s’attirer les bonnes grâces des militaires. Il a ainsi développé l’idée que les Balantes, maltraités durant des siècles, méritaient d’obtenir plus de poids
JEUNE AFRIQUE
SYLVAIN CHERKAOUI POUR J.A.
P
p Nuno Gomes Nabiam : un « ami de trente ans » du puissant chef d’état-major.
au sein de l’armée. Ce rapprochement a précipité le divorce entre l’institution militaire et le PAIGC, le parti historique de la libération. En avril 2012, pour empêcher l’élection du candidat de ce parti, Carlos Gomes Junior, arrivé largement en tête du premier
tour, l’armée a interrompu le processus électoral. Deux ans plus tard, le PRS affronte l’élection du 13 avril divisé, avec un candidat officiel, Abel Incada, deux candidats dissidents et un rival indépendant, Nuno Gomes Nabiam, qui a reçu le soutien deYala,
le fondateur du parti. Nabiam – qui est directeur de l’aviation civile – peut également se prévaloir du soutien officieux d’Antonio Indjai, le puissant chef d’état-major, un « ami de trente ans ». De quoi en faire le favori M.B. de l’armée? l N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
Grand angle Enquête
30
Sous coupe réglée
Depuis le coup d’État d’avril 2012, le trafic de bois explose. Une hécatombe écologique dont les retombées financières profitent surtout aux opérateurs chinois.
A
ttablée à la terrasse d’un modeste proscrit toute exportation de bois non maquis du centre-ville de Bissau, travaillé sur place et encadre la coupe l’oreille vissée à son téléphone poret le reboisement, ils enfournent des centaines de troncs d’arbres dans des table,elleenchaînelesappels,sans se soucier des rares clients assis alentour. conteneurs qui iront s’entasser sur les « Un gros coup se prépare, j’ai besoin de immenses cargos qui défilent dans le port de Bissau. beaucoup d’argent, mais ne passe pas par les banques! » La « négociatrice » s’exprime Les essences les plus prisées : le bois de en espagnol. Elle parle brièvement d’or, vène, le doussié, le caïlcédrat et le rhônier. mais semble surtout s’intéresser à la derAux quatre coins du pays, des hectares de nière denrée en vogue dans la capitale : forêt sont dévastés, sans considération madera, le « bois ». « Depuis deux ans, la coupe Dans la zone portuaire, des sauvage de bois explose », centaines de conteneurs sont témoigne un ingénieur forestier. À la faveur de la transition qui a entassés au vu et au su de tous. suivi le putsch d’avril 2012, les pour les retombées sur les populations autorités, déjà passablement dépassées ou locales et sur l’écosystème. compromises,sontdevenuesunevéritable Lorsque les villageois rechignent, passoire face aux trafics en tout genre. quelques billets suffisent généralement Des exportateurs de bois peu scrupuleux, quasi exclusivement chinois, ont à acheter leur silence. Fin 2012, l’Associaprofité de l’aubaine. En cheville avec des tion des jeunes de Fulacunda, dans le sud intermédiaires guinéens bénéficiant de du pays, a tout de même tiré la sonnette passe-droits, ils participent à un massacre d’alarme, bientôt relayée par quelques médias locaux et étrangers. « Lorsque écologique, doublé d’une spoliation en j’ai commencé à en faire état dans mes règle des ressources du pays. En violation totale de la loi forestière de 2011, qui dépêches,onm’aconseillédeparlerd’autre
SYLVAIN CHERKAOUI POUR J.A.
q Chargement de bois dans les environs de Mansodé, au nord du pays.
chose », témoigne le journaliste Allen Yéro Embalo, correspondant de l’AFP et de RFI. BLANCS COMME NEIGE. Toute la journée, des poids lourds chargés de conteneurs sillonnent les routes du pays avant de converger vers la capitale. « Après avoir chargé les troncs en forêt, ils se mettent en route à la tombée de la nuit et entreposent leur cargaison au port avant le lever du jour », raconte notre ingénieur forestier, qui a lui aussi reçu des menaces fin 2013. Dans la zone portuaire, des centaines de conteneurs sont entassés au vu et au su de tous. À l’intérieur de nombre d’entre eux, comme nous le confirme un intermédiaire bissau-guinéen, des troncs, empilés au mépris de la loi forestière et du fisc. À qui profite ce business ? Comme pour la cocaïne, les rumeurs vont bon train. « Les militaires sont impliqués dans le trafic, mais le ministère de l’Agriculture et la Direction générale des forêts et de la faune (DGFF) sont également mouillés », assure un militant écologiste. Si les intéressés se proclament blancs comme neige, l’ampleur de la déforestation, elle, est bien réelle. « C’est l’avenir de tous les Guinéens qu’ils compromettent, s’indigne l’ingénieur forestier. Si un moratoire n’est pas adopté au lendemain de l’élection, les répercussions environnementales seront catastrophiques. » l MEHDI BA
1918-2013 40 ans de combat et… le pardon
L’homme public et privé raconté à travers les images de sa vie. Le portrait d’un homme qui a su combattre et pardonner. Pacifier une nation en feu, et inspirer les conditions d’une société multiraciale. Plus qu’un combattant, un héros qui inspire admiration et affection.
TS*
FFER PORT O FRAIS DE SQU’AU JU
25 cm x 29 cm - 176 pages - ISBN 978-2-86950-472-1
14 31/03/20
Nouvelle édition
57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris, France - Tél.: +33 (0) 1 40 71 71 90 Fax : +33 (0) 1 40 71 71 91 - E-mail: jaguar@jeuneafrique.com - www.leseditionsdujaguar.com DISPONIBLE EN LIBRAIRIE OU DIRECTEMENT EN LIGNE.
Bon de commande Je commande NELSON MANDELA, Charisme et humilité au prix unitaire de 39 € - Frais de port OFFERTS* jusqu’au 30/04/2014. Ci-joint mon règlement par chèque de à l’ordre des Éditions du Jaguar. Signature :
Nom :
Prénom :
Adresse :
€
Date :
Code postal :
Ville :
Pays :
Tél. :
Fax :
E-mail :
* Offre réservée aux clients commandant en ligne ou par correspondance directement auprès de l’éditeur.
Afrique subsaharienne
Au cœur du chaos
CENTRAFRIQUE
q Dans une rue de Bangui, en mars.
SYLVAIN CHERKAOUI POUR J.A.
32
Afrique subsaharienne Un État sans forces armées, une présidente sans pouvoir réel… Malgré l’aide internationale, le pays sombre chaque jour un peu plus dans la violence.
PIERRE BOISSELET,
A
«
envoyé spécial
h bon ? Le gouvernement centrafricain va faire une annonce ? » s’amuse le général Martin Tumenta Chomu. Le Camerounais, commandant militaire de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (Misca), vient d’apprendre qu’André Nzapayeke, le Premier ministre, allait tenir une conférence de presse. Le colosse, chargé de la sécurité du
pays avec son homologue français de Sangaris, le général Francisco Soriano (ils se voient au moins trois fois par semaine), s’en moque éperdument. « Si le gouvernement parle d’une opération, poursuit-il de sa voix de stentor, demandezlui avec quelle force il va la mener ! Ni nous ni Sangaris n’avons d’ordre à recevoir de lui. » LYNCHAGES. À Bangui, plus personne – pas
même la présidente de la transition (lire pp. 34-35) – ne nie l’évidence: le gouvernement ne contrôle absolument plus son territoire. l l l
33
34
Afrique subsaharienne Centrafrique
200
soldats français et
1700 soldats rwandais et burundais dans la capitale
l l l Catherine Samba-Panza dispose certes de tous les attributs du pouvoir : un gouvernement plutôt sérieux et apprécié de Paris ; une pléthore de ministres-conseillers ; une garde personnelle assurée par les Rwandais de la Misca et un agenda surchargé d’incessants déplacements dans la sousrégion. Mais elle n’a pas les moyens de l’exercer. Les préfets qu’elle a nommés n’ont toujours pas quitté la capitale par crainte pour leur sécurité. Se refusant à verser dans un populisme vindicatif – ce qui est tout à son honneur –, Samba-Panza n’a pas non plus réussi à s’imposer dans le cœur de Centrafricains, en quête d’autorité. Seules les forces internationales, par définition moins légitimes, maintiennent un semblant d’ordre. Seulement, leur manque de moyens et de connaissance du terrain est évident. À Bangui, alors que les Français estimaient mi-mars qu’une « paix fragile avait été rétablie », les fusillades et les lynchages se sont multipliés peu après. Quatre mois après le début de leur intervention, les 200 Français de
Sangaris stationnés dans la capitale pour « épauler » les 1 700 Rwandais et Burundais ne sont pas parvenus à mettre fin aux exactions. On imagine avec effroi la situation dans le reste d’un pays plus vaste que la France et la Belgique réunies. BRIQUES. Profitant du vide sécuritaire, des miliciens
anti-balaka dont les chefs ne craignent plus d’être arrêtés (sept d’entre eux se sont évadés sans un coup defeudelaprisondeNgaragbafinfévrier)contrôlent désormais la plupart des quartiers de Bangui, dressant parfois des barrages sur les principaux axes. Ces hommes qui, le plus souvent armés de machettes, se disent chrétiens mais sont couverts de gris-gris et ignorent tout de la miséricorde, affirment défendre lapopulationcontreles«musulmans».Unemenace bien difficile à percevoir à l’heure où ces derniers ne sont plus, à Bangui, que quelques milliers (lire p. 36). Les anti-balaka, désormais considérés par la Misca comme des « ennemis », font montre en revanche d’une efficacité certaine quand il s’agit
Catherine Samba-Panza « Si Bozizé revient à Bangui, il sera arrêté » Élue le 20 janvier, la présidente de la transition a douze mois pour redresser le pays. Mais avec un État aussi délabré, difficile de croire que ce délai sera suffisant. JEUNE AFRIQUE: Vous voyagez beaucoup dans la sous-région. Vous étiez en Angola puis au Gabon en mars. Dans quel but ? CATHERINE SAMBA-PANZA : Les
commence à se mettre en place. Nous pouvons désormais garantir quelques mois de salaire.
présidents d’Afrique centrale se sont personnellement impliqués dans la résolution des crises centrafricaines. On parle d’accords « de Libreville » puis « de N’Djamena ». C’est grâce à ces pays que des solutions ont été trouvées et que j’ai accédé à la magistrature suprême. Je leur manifeste ainsi ma gratitude. Par ailleurs, plusieurs appuis budgétaires ont été annoncés, mais il y a des problèmes de procédure avant les décaissements effectifs. J’assure donc le suivi.
Les forces centrafricaines ont été désarmées. Faut-il revenir là-dessus ?
L’État a versé des salaires en mars pour la première fois en cinq mois. Est-ce la fin de la crise budgétaire ?
Il est trop tôt pour le dire. L’État est dans une situation d’effondrement total. Mais l’appui de la communauté internationale N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
La restauration de l’autorité de l’État est un impératif et nos forces de défense et de sécurité en sont un outil. Malheureusement, elles ne sont pas opérationnelles pour les raisons que vous évoquez. Pour le moment, c’est [la force française] Sangaris et la Misca [Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine] qui opèrent, mais nous avons mis à leur disposition des policiers et des gendarmes. Nous nous battons pour qu’ils soient équipés et réhabilités. Les Faca [Forces armées centrafricaines] constituent un autre problème. Leurs éléments ont été sélectionnés sur des critères essentiellement ethniques. Or nous voulons mettre sur pied une armée
républicaine et représentative de toutes les régions du pays. Cela passe-t-il par la réintégration d’exSéléka?
Cela passera par l’intégration des fils et des filles de ce pays qui répondront à des critères objectifs. Si des éléments de l’ex-Séléka ou des anti-balaka y répondent, pourquoi pas. JEUNE AFRIQUE
Au cœur du chaos de monnayer leur « protection » ou de traquer les civils « musulmans » et leurs biens. À preuve: les centaines de maisons où vivaient autrefois ces derniers qui ont été détruites – plutôt qu’occupées – jusqu’aux murs, démontés pour en revendre les briques. Métaphore parfaite d’un suicide collectif dans un pays où les « musulmans » assuraient une grande partie de Armés de machettes l’activité économique. et couverts de gris-gris, L’humiliation, la peur et la ils se disent chrétiens. perte d’êtres chers subies par les Banguissois pendant les neuf mois qu’a duré la violente occupation des rebelles majoritairement musulmans de la Séléka expliquent sans doute en partie cette réaction épidermique. Mais elles ne sauraient justifier l’invraisemblable torrent de haine revancharde qui emporte la ville. « On ne veut plus vivre avec les musulmans, entend-on à chaque coin de rue. Qu’ils partent tous, sinon, nous allons nous en charger. » Le soupçon d’« islamité » pèse même
désormais, contre toute évidence, sur les soldats rwandais et burundais… On voit donc mal comment le pays parviendra à surmonter ses divisions et à échapper au risque de partition. Car les ex-Séléka ont maintenu leur présence dans l’Est, où ils imposent une « pax sélékana ». Pour éviter toute remise en question des frontières, Sangaris et la Misca prévoient de se déployer dans la région. « Sangaris est sur le point de prendre le contrôle de Bria, et le contingent de RD Congo va s’installer à Bangassou », explique le général congolais (Brazzaville) Jean-Marie Michel Mokoko, chef de la Misca. Mais le risque est grand – et les Français s’en disent conscients – que ces forces entraînent des miliciens dans leur sillage, ce qui mènerait à de nouveaux massacres.
Redoutez-vous une partition ?
On dit que la Séléka a généreusement distribué des passeports centrafricains. Va-t-il falloir faire un tri entre vos concitoyens ?
q Le 20 mars, à Bangui.
FANTÔME. Face à l’urgence de la situation, le relatif optimisme qui prévaut à l’ambassade de France, où l’on assure que « le rétablissement de la paix » passe par « celui de la chaîne pénale, de l l l
C’est une préoccupation. Mais nous n’acceptons pas cet état de fait. La Centrafrique est une et indivisible. Nous avons des échanges avec nos frères et nos sœurs qui se sont repliés dans la zone Est par mesure de sécurité. Nous voulons les rassurer, dans le cadre du processus de réconciliation.
SYLVAIN CHERKAOUI POUR J.A.
Quitterez-vous le pouvoir en février 2015, date prévue pour la fin de la transition ?
La Centrafrique est-elle sous la tutelle de la communauté internationale ?
Non, nous sommes indépendants. Mais nous traversons des moments difficiles et les membres de la communauté internationale, dont nous faisons partie, se sentent obligés de nous accompagner. Les ex-Séléka contrôlant l’est du pays, le territoire est de facto divisé. JEUNE AFRIQUE
Je suis légaliste. Je respecterai mes engagements, à savoir tenir le délai de douze mois qui m’a été imparti. Maintenant, si, sur le terrain, il est objectivement impossible de tenir ce délai à un ou deux mois près, il appartiendra aux forces vives de la nation de le dire. Je ne prendrai aucune initiative pour prolonger ce mandat, mais j’accompagnerai le processus jusqu’au bout. Est-il possible d’organiser un scrutin crédible alors que nombre de vos concitoyens musulmans sont à l’étranger ?
Je ne lie pas le retour de nos frères exilés à l’organisation du scrutin. Il n’y a pas d’élection parfaite. Il faut que les personnes déplacées quittent les camps, mais le problème sécuritaire doit d’abord être réglé. Le déploiement d’une opération de maintien de la paix doit permettre de stabiliser le pays pour parvenir aux élections.
Il y a eu beaucoup d’abus dans l’octroi de ces passeports, il va falloir s’en préoccuper. Mais cela n’a rien à voir avec les élections. Par contre, des actes d’état civil devront être distribués pour identifier les électeurs. Malheureusement, les préfectures, sous-préfectures et communes ont été pillées. Nous devrons repartir de zéro pour le recensement. Cela sera long, mais c’est un préalable. Si les élections se déroulent mal et que leurs résultats sont contestés, nous aurons perdu douze mois. La Cour pénale internationale (CPI) dit s’intéresser à la Centrafrique. Coopérerez-vous avec elle ?
J’ai échangé avec la procureure de la CPI et lui ai affirmé être disposée à l’aider. Ceux qui ont commis des actes graves devront en répondre. Cela n’exclut pas de pardonner dans le cadre de la réconciliation. Les anciens présidents Michel Djotodia et François Bozizé sont-ils libres de revenir en Centrafrique ?
Michel Djotodia ne fait pas l’objet d’une procédure. En revanche, des mandats d’arrêt ont été émis contre François Bozizé. Le jour où il reviendra, nous les ferons jouer. l Propos recueillis par PIERRE BOISSELET N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
35
Afrique subsaharienne Centrafrique l l l l’éducation et de l’emploi des jeunes désœuvrés », paraît quelque peu décalé. Comment un État fantôme pourrait-il conduire de telles actions? Mais pour Paris, autoriser un réarmement de la force centrafricaine reste hors de question : même les aides de Même les aides de camp camp du Premier ministre et de du Premier ministre la présidente ont interdiction de ont été désarmés. porter une arme. De fait, les militaires centrafricains n’inspirent plus confiance depuis l’incident du 5 février à l’École nationale d’administration et de magistrature, au cours duquel un « musulman » venu répondre à un appel des Forces armées centrafricaines (Faca) a été lynché par ses frères d’armes devant les journalistes du monde entier. Il est donc peu étonnant que seuls les militaires « chrétiens » rentrent dans le rang après
avoir, pour certains, fait partie des anti-balaka. Ils défilent chaque jour en uniforme dépareillé dans le camp Kassaï, au milieu des carcasses de blindés datant de l’ère Bokassa. Un nouveau chef d’état-major, le général Jérôme Bouba, a été nommé par la présidente le 4 février. Mais il commande des troupes sans armes ni missions. « On dépense des centaines de millions d’euros pour Sangaris et la Misca, peste son adjoint, le colonel Alfred Service. Nos hommes pourraient faire mieux avec moins ! » La fin de cette transition d’ici à février 2015 paraît difficilement imaginable, puisqu’elle suppose l’organisation d’un scrutin dans un pays sans état civil et où la nationalité d’une partie de la population fait l’objet d’interrogations. Au-delà de cette élection, c’est surtout l’État centrafricain qu’il faut reconstruire. Ce qui pourrait prendre des années. l
GHETTOS POUR MUSULMANS
À
la sortie d’une banque, en plein centre-ville de Bangui, une rumeur parcourt la foule. « C’est un musulman! Il a tué un chrétien au PK5! » Soudain, un petit groupe cherche à lyncher un homme qui vient de retirer de l’argent. Il ne devra son salut qu’aux soldats burundais de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (Misca), qui ouvrent le feu sans hésiter sur les poursuivants. Cette scène, devenue tristement banale dans la ville, montre à quel point s’aventurer en dehors du quartier PK5 est devenu dangereux pour un « musulman ». L’ancien cœur commercial grouillant de vie de Bangui est à présent un sinistre ghetto de quelques centaines d’âmes, s’étendant sur plusieurs pâtés de maison autour de la mosquée centrale. Dans la cour de cette dernière, hommes, femmes et enfants survivent sous la protection des Burundais, dans la crainte d’incursions anti-balaka. Des armes à feu, dont ils feraient un usage offensif selon les chrétiens des quartiers voisins, leur ont été laissées. « Nous ne pouvons pas être là jour et nuit, explique un haut gradé de la Misca. Si on les leur retire, ils se feront massacrer. » La principale menace vient du camp de déplacés de l’aéroport de M’Poko, distant de quelques centaines de mètres, un repaire de miliciens anti-balaka – influents au point que certaines organisations internationales doivent N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
SYLVAIN CHERKAOUI POUR J.A.
36
p Des soldats rwandais devant la mosquée centrale du PK5, à Bangui.
traiter avec eux pour aider la population. Ce camp parsemé de carcasses d’avions est, de fait, protégé par l’armée française qui sécurise l’aéroport. Les militaires hexagonaux n’ont donc pas bonne presse auprès des derniers musulmans de la ville. C’est le cas des centaines d’ex-rebelles de la Séléka, dont certains ont été désarmés par la France et qui vivotent, totalement déprimés, dans les camps RDOT et Béal, en attendant une incertaine intégration dans la force centrafricaine. Mais c’est du PK12, autre ghetto musulman de Bangui qui ne compte plus que quelques dizaines d’habitants, que viennent les critiques les plus vives.
« Nous nous battons contre les anti-balaka noirs et les anti-balaka blancs, les Français, va jusqu’à affirmer Ibrahim Alawad, l’un des chefs de la communauté, né au Soudan et ne parlant pas français. Pourquoi, à chaque fois que Sangaris vient chez nous, sommes-nous attaqués par des anti-balaka? » Des accusations graves et non étayées. Mais il n’est pas exclu que des anti-balaka suivent des patrouilles de Sangaris à leur insu. Les musulmans du PK5 le font, parfois, avec les Burundais de la Misca, pour s’échapper un moment de leur ghetto. l PIERRE BOISSELET JEUNE AFRIQUE
26/28 MAY 2014 NAIROBI, KENYA PAN AFRICAN SUMMIT FOR MEDIA & COMMUNICATIONS
INSCRIVEZ VOS MEILLEURES CRÉATIONS www.africancristal.com/register
Contact : Anna Abudikhina / anna@cristal-events.com / + 33 (0) 1 49 12 07 22
Afrique subsaharienne CÔTE D’IVOIRE
Duékoué entre ombre et lumière Trois ans après les massacres de mars 2011, la grande ville de l’Ouest n’oublie pas, mais poursuit le difficile chemin de la réconciliation et du pardon.
par les hommes du contingent marocain de l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci). Une fosse commune creusée par ces derniers dans le quartier Carrefour accueillera des corps ensevelis à la va-vite. Aujourd’hui, l’endroit est envahi par les herbes. Sur les murs de la mosquée de la gare et de la Coopec, des impacts de balle rappellent la violence qui a saisi la ville. Dans la foulée de la reconquête de Duékoué par les forces pro-Ouattara, des soupçons d’atrocités, relayés par des organisations de défense des droits de l’homme, ont rapidement commencé à germer. La pression de l’ONU obligera le pouvoir à ouvrir dès fin mars 2011 une enquête, confiée à Ouattara Gberi-bê, avocat général près la cour d’appel de Daloa. Trois ans plus tard, les investigations n’ont donné aucun résultat significatif. Et l’enquêteur en chef a quitté Daloa pour la Cour suprême à Abidjan… APAISEMENT. À la mission catholique
THIERRY GOUEGNON / REUTERS
38
p La paroisse du père Ahouré a accueilli des milliers de réfugiés durant les événements.
C
e n’est pas encore le paradis, mais ce n’est pas l’enfer. « Lorsque je suis arrivé, ce n’est pas la ville qu’on nous a tant montrée à la télévision que j’ai découverte », confie Idriss, nouveau venu à Duékoué. Les rues ne sont plus jonchées des corps abandonnés de jeunes miliciens pro-Gbagbo, les cadavres des mercenaires libériens, aux dents jaunies par la drogue, ne parsèment plus la voie qui mène à la mission catholique. Duékoué panse désormaissesplaiescauséesparlesaffrontementsentrepro-Gbagboetpro-Ouattara. N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
Mais la ville revient de loin. Déjà, en 2005, desmassacresavaientétéperpétréspardes milices armées dans les quartiers de Petit Duékoué et de Guitrozon. Tout bascule à nouveauentrele29etle31mars2011,dans leprolongementdelacrisepost-électorale. Jusque-là bastion des milices pro-Gbagbo, Duékoué tombe aux mains des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI). Des maisons sont incendiées, des cases pillées, des hommes, des femmes et des enfants assassinés. Selon un rapport du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), 800 victimes auraient été dénombrées
Notre-Dame-de-l’Enfant-Jésus, la cour est propre, calme, et des parties de foot endiablées s’y déroulent chaque samedi. Rien à voir avec l’atmosphère irrespirable d’il y a trois ans, lorsque 30000 personnes s’étaient réfugiées à la paroisse, accueillies par le père Cyprien Ahouré. « Aujourd’hui, Duékoué ressemble à n’importe quelle ville, souligne ce dernier, la vie a repris son cours, avec le retour de l’administration, des services de sécurité, la réouverture de l’école et la relance des activités commerciales. » Pour le père Ahouré, également présidentlocaldelaCommissiondialogue, vérité et réconciliation (CDVR), il faut compter sur la jeunesse pour tourner la page du passé et bâtir l’avenir. À l’autre bout de la ville, dans son quartier malinké de Kokoman, Amadou Babou s’est longtemps demandé s’il pourrait pardonner au vieux chef traditionnel Baha Tai, dont le fils dirigeait la milice Miloci (Mouvement ivoirien de libération de l’ouest de la Côte d’Ivoire, pro-Gbagbo). Mais cet Ivoiro-Sénégalais, militant du Rassemblement des républicains (RDR) d’Alassane Ouattara, qui a croisé le fer avec la jeunesse des milices pro-Gbagbo, affirmeaujourd’huiavoirpardonnémalgré la perte d’un de ses frères. « Avec l’aide du père Cyprien, soutient-il, et suivant les recommandations du président Ouattara, JEUNE AFRIQUE
PHILIPPE DESMAZES/AFP
39
p Un habitant du quartier Carrefour revenu chez lui en avril 2011. Sa maison a brûlé trois semaines plus tôt pendant les violences.
je suis moi-même allé chercher Baha Tai à la mission catholique, et je lui ai acheté un matelas afin qu’il rentre à la maison. » Un petit tour sur le site des déplacés de Nahibly (essentiellement des membres de la communauté guérée, réputée proGbagbo), sur la route de Guiglo, confirme que la page sombre se tourne peu à peu. L’endroit, victime en juillet 2012 d’une attaque meurtrière malgré la présence de soldats de l’Onuci, a laissé place à des logements sociaux. À Carrefour, la vie a repris, et Claver Pabo, secrétaire général de la Jeunesse et du Comité de retour, y est pour quelque chose. En ouvrant le Kiki’s Plus, espace gastronomique devenu le point de ralliement de la jeunesse de Duékoué, il a créé un endroit où les membres des différentes communautés peuvent se parler sans animosité, ce qui a changé le regard sur le quartier. Résultat : trois quarts des déplacés sont rentrés chez eux. FRAGILE. Sur le terrain, les éléments des
FRCI se font discrets. Quasi invisibles dans la ville, ils sont repliés dans leur cantonnementàl’Officeivoiriendesparcsetréserves (OIPR). Les 70000 habitants de Duékoué ont désormais un maire issu du RDR, le Dr Jean Glahou Tai, qui prêche le pardon et la réconciliation. « Il faut désamorcer la haine dans les cœurs. S’il y a une ville en Côted’Ivoire,sansminimiserlesautres,qui a besoin de réconciliation, vu les atrocités JEUNE AFRIQUE
qu’elle a connues, c’est bien Duékoué. Les gens ont commencé à se parler et à se fréquenter. » Mais ce docteur en Économie, enseignantàl’universitéFélix-HouphouëtBoigny d’Abidjan-Cocody, sait que, pour éviter toute rechute, il faut donner des emploisauxjeunes.Unautreobstacleàsurmonter sur le chemin difficile de la paix est celui du sort des Dozos, auteurs présumés d’une partie des atrocités commises lors de la prise de Duékoué. Ici tout le monde convient que la dynamique de paix ne peut s’écrire sans eux. Dembélé Balla, un vieil homme à la barbe blanche, adjoint au grand chef de ces chasseurs traditionnels,
est catégorique: « Les Dozos de Duékoué n’ont pas participé à la guerre, les Dozos incriminés sont venus avec les militaires, ils nous sont inconnus. » Lanuitesttombée,Duékoués’enflamme au rythme des tubes proposés par des DJ ivoiriens. Dans les maquis, la carte des menus offre le choix entre le poulet et le poisson braisé accompagné d’attiéké et d’alloco. Dans ces odeurs de cuisine, la guerre semble bien loin des esprits. Mais personne n’oublie qu’une simple étincelle, notamment au sujet des querelles foncières, peut suffire à rallumer le feu. l ISSIAKA N’GUESSAN, envoyé spécial
QUEL AVENIR ? LES SIGNES DE PROGRÈS sont bien palpables, mais du chemin reste à faire pour refermer les plaies. Avant même de parler de réconciliation définitive, il convient de mettre en place un réel travail de justice. Il faut ensuite donner des emplois à la jeunesse. Ce sont en effet de jeunes Ivoiriens, désœuvrés, qui se sont
transformés en féroces miliciens, capables d’interdire à des forces onusiennes de sortir de leur camp. Il est indispensable que le gouvernement propose à ces jeunes une alternative crédible et durable, à travers des activités génératrices de revenus. Enfin, le problème du foncier rural n’est pas réglé. Les convoitises sur les
terres sont une source de tensions qui, si elles ne sont pas réglées dans l’équité et dans le respect de la loi, peuvent provoquer un nouvel embrasement. Mais pour l’heure, Duékoué refuse de sombrer à nouveau. Le souvenir du cauchemar de 2011 hantant encore les mémoires, tout le monde semble mettre du sien pour préserver I.NG. la paix. l N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
40
ESEDRAS NDIKUMANA/RFI
t Arrestation de militants du MSD, le 8 mars.
BURUNDI
Nkurunziza fait le coup de poing L’opposition lui conteste le droit de briguer un troisième mandat et manifeste? Le président riposte. En cognant.
L
’
opposition est décidée à barrer la route à l’actuel président, Pierre Nkurunziza, qui souhaite briguer un troisième mandat. Mais il faudra en payer le prix. Du gaz lacrymogène, des matraques, des foules dispersées par des tirs à balles réelles : depuis deux mois, la force et la violence éclipsent le débat politique, cristallisé autour d’une éventuelle révision de la Constitution, et notamment de l’article 96 qui stipule que « le président de la République est élu pour un mandat renouvelable une fois ». De violents affrontements ont éclaté le 8 mars à Bujumbura, la capitale. Ils opposaient les forces de l’ordre aux militants
du Mouvement pour la solidarité et le développement (MSD, opposition) : 69 d’entre eux ont été arrêtés, et 21 ont été condamnés le 21 mars à la prison à vie. Le leader du MSD, Alexis Sinduhije, en fuite, est inculpé par le parquet de Bujumbura pour « insurrection armée ». FAIBLES. « C’est au tour du MSD d’être déstabilisé. Le pouvoir veut affaiblir les formations politiques susceptibles de peser contre le projet de révision de la Constitution », estime Charles Nditije, président contesté de l’Union pour le progrès national (Uprona), qui se trouve lui aussi dans le collimateur du gouvernement. Son mandat a été invalidé début
février par le ministère de l’Intérieur, Edouard Nduwimana. Une décision qui a entraîné la scission de l’Uprona en deux camps. L’aile majoritaire, dirigée par Nditije, a quitté le gouvernement pour aller grossir les rangs de l’opposition. À un an seulement de la présidentielle, la situation se tend. Mais le régime se défend de tout acharnement contre ses opposants. « Il n’y a aucune intention de nuire à l’Uprona ou aux partis d’opposition, assure Edouard Nduwimana. Ils sont déjà faibles, minés par des conflits internes, et se livrent à des comportements de faibles. Je ne fais qu’appliquer la loi pour faire régner l’ordre sur toute l’étendue du territoire national. » FRONT COMMUN. Malgré l’insistance des pressions, l’Assemblée nationale a rejeté à une voix près, le 21 mars, le projet de révision de la Constitution. Dans ce combat, la société civile et l’opposition font bloc. Pour elles, il n’est pas acceptable de changer les dispositions majeures de la Constitution, inspirées par l’accord de paix d’Arusha de 2000, qui a mis fin à la guerre civile et imposé des quotas ethniques. « Les Tutsis sont représentés à 40 % dans les institutions publiques et à 50 % dans l’armée. Le reste, ce sont les Hutus. Cet équilibre est le gage de la stabilité politique au Burundi depuis l’accord d’Arusha. Personne ne voudra revenir quinze ans en arrière », assure un député proche de l’opposition. l YVES ZIHINDULA, à Bujumbura
Coulisses CÔTE D’IVOIRE FPI + 9 PARTIS Dix partis d’opposition emmenés par le Front populaire ivoirien (FPI) de l’ex-président Laurent Gbagbo ont créé le 26 mars, à Abidjan, une plateforme appelée Alliance des forces démocratiques de Côte d’Ivoire (AFDCI). Leur objectif : imposer la convocation des états généraux de la République et participer de façon N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
unitaire à la présidentielle de 2015.
AFRIQUE DU SUD-RWANDA ON SE CALME! À l’issue de ses travaux organisés en Angola, le sommet restreint de la Communauté des États de la région des Grands Lacs a appelé le 25 mars l’Afrique du Sud et le Rwanda à résoudre leur crise diplomatique par le
dialogue. Les présidents Jacob Zuma et Paul Kagamé, présents à Luanda, ont été encouragés à apaiser les tensions nées de l’expulsion croisée, début mars, de diplomates des deux pays.
TOGO PROS DE LA PRESSE Le gouvernement togolais a annoncé, le 26 mars, la convocation entre mai et juin prochains d’états
généraux de la presse. L’un des principaux enjeux de ces assises, qui regrouperont les professionnels des médias publics et privés, sera de favoriser l’émergence d’une presse de qualité, puis d’en faire un facteur de consolidation de la démocratie et de l’État de droit. Le pays compte actuellement une cinquantaine de titres, près de 90 radios et 11 chaînes de télévision, dont l’une est publique. JEUNE AFRIQUE
AHMED OUABA
BURKINA FASO
p Le chef de l’État au palais de Kosyam.
Chronique d’un divorce annoncé Entre Blaise Compaoré et Roch Marc Christian Kaboré, rien ne va plus. Comment en sont-ils arrivés là ?
RÉMI CARAYOL,
L
envoyé spécial
eur histoire commune pouvait-elle se conclure autrement ? Certes, entre Blaise Compaoré le taiseux et Roch Marc Christian Kaboré le bon vivant au rire tonitruant, ça n’a jamais été l’amour fou. Il n’y eut
JEUNE AFRIQUE
dans leur relation ni coup de foudre ni coup de sang. Tout fut soumis à la raison : leur mariage, ses hauts et ses bas… Et même leur divorce. Quand contentieux il y avait, c’est à huis clos qu’il se réglait, loin des regards et sans fracas. Et pourtant, quand Blaise a appris, au matin du 4 janvier 2013, que Roch claquait la porte de « leur » parti, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), entraînant avec lui plusieurs dizaines d’autres figures du régime – dont deux des plus célèbres, Simon Compaoré et Salif Diallo –, il n’a pu s’empêcher de
crier à la « trahison ». « C’est moi qui les ai fait émerger, moi qui les ai mis en avant, s’est-il plaint à un visiteur régulier du palais de Kosyam. Ils n’étaient que des seconds couteaux [sous la révolution]. » De Kaboré sous l’ère Thomas Sankara, on ne sait pas grandchose. Ce fils de bonne famille, que l’on dit à Ouagadougou « né avec une cuillère en diamant dans la bouche », et dont le père, Charles BilaKaboré,futunéminentministre durant les premières années de l’indépendance avant d’intégrer les plus hautes sphères de la Banque N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
42
Afrique subsaharienne Burkina Faso centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), n’était pas prédisposé à s’acoquiner avec des capitaines bercés d’idéaux marxistes. Lui-même le reconnaissait il y a quelques années : « Ma carrière politique n’était pas prévisible. » Il a bien milité dans des associations de gauche à la fin des années 1970,àDijon, oùilsuivaitdesétudes d’économie et de gestion. Mais, de retour au pays, il est resté discret au sein de l’Union de lutte communiste reconstruite (ULC-R), un mouvement ressuscité à la faveur du coup d’État de Sankara et de Compaoré en 1983. Kaboré était un membre anonyme du bureau politique–unrévolutionnaireparmi tant d’autres – et, sion le connaissait, c’était en raison de sa nomination, en 1984, à l’âge de 27 ans, au poste de directeur général de la Banque internationale du Burkina (BIB), l’un des deux principaux établissements du pays. « C’était un militant honnête », résume Valère Somé, un proche de Sankara qui était la tête pensante de l’ULC-R. Jusqu’à la rupture… ALLÉGEANCE. Nous sommes en mai 1988. Sept mois plus tôt, Sankara a été assassiné, Compaoré s’est emparé du pouvoir. Alors que des dizaines de cadres révolutionnaires sont traqués – y compris ceux de l’ULC-R –, Kaboré signe, avec trois autres membres du bureau politique du mouvement, une lettre d’allégeance au nouveau chef de l’État et à sa « rectification de la révolution ». Par ambition? Par conviction ? Ou simplement parce qu’il voulait éviter la case prison ? Pour Compaoré, c’est une bonne prise : le président cherche à s’entourer de cadres moins dogmatiques, capables d’accepter l’ouverture à droite. Il s’appuie pour cela sur des seconds couteaux. Dès lors, les destins de Compaoré et de Kaboré s’entremêlent. Au fil des ans, le banquier devient l’un des architectes du régime. Dans le couple qu’ils forment aux côtés du président, Salif Diallo est le bad cop – l’homme des basses manœuvres et des missions inavouables –, Roch, le good cop. Compaoré trouve en N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
lui un technocrate efficace et un politicien plus brillant que prévu. « Roch a le don d’arrondir les angles. Il a peu d’ennemis. Il sait trouver le consensus », précise un vieux camarade. Idéal, au moment où Compaoré tente d’amadouer les « contre-révolutionnaires ». Un an après son ralliement, Blaise le nomme au gouvernement (aux Transports). Puis il hérite, en 1991, du ministère chargé de la Coordination de l’action gouvernementale.Déjà,ilapparaîtcommeun Premier ministre bis. Il le deviendra
En 1996, c’est la première éclipse : remercié, il perd son poste de Premier ministre. officiellement en 1994, après un détour par les Finances. Mais avec Compaoré, on ne reste jamais longtemps au sommet. En 1996, après deux années délicates à la primature, où il doit faire face à la dévaluation du franc CFA et procéder à de nombreuses privatisations, Kaboré connaît une première éclipse. Remercié, il disparaît
de l’équipe gouvernementale. Entre le président et lui, les relations sont tendues, dit-on. Mais comme l’admet un familier de Kosyam, « il ne faut pas toujours chercher des causes objectives aux disgrâces » décidées par Compaoré. Kaboré s’en remet vite. Réélu députéen1997,ilprendlesrênesdu CDP – qu’il a contribué à façonner – deux ans plus tard, avec l’assentiment de Compaoré. Puis le voilà parachuté président de l’Assemblée nationale en 2002, toujours avec l’aval du chef de l’État. « Roch » apparaît de plus en plus comme le dauphin de « Blaise ». C’est lui qui fait et défait la plupart des ministres et qui dicte la politique du parti. Mais tout le monde ne voit pas cette succession annoncée d’un bon œil. L’armée, qui fait la pluie et le beau temps dans le pays depuis trois décennies, se méfie de cet homme qu’elle trouve trop mou. Elle voit en lui un pleutre incapable de tenir la baraque. « Il fera comme Ali Saïbou après Seyni Kountché », soufflent au président des officiers qui osent la comparaison avec le Niger voisin, où le successeur du JEUNE AFRIQUE
SOPHIE GARCIA POUR J.A.
Chronique d’un divorce annoncé
Roch Marc Christian Kaboré, en janvier.
général à la poigne de fer a été jugé trop laxiste. Puis c’est Salif Diallo qui lui savonne la planche. Il rêve lui aussi de succéder au patron. « Il n’est pas travailleur. Il est trop libéral… Ce serait un danger de lui confier le pays », glisse-t-il à Blaise à la moindre occasion. Ce dernier commence à douter – a-t-il raison de lui faire confiance? Puis à s’inquiéter. Au fil des ans, « Roch » prend du poids politique. Il séduit l’opposition, qui apprécie ses méthodes à l’Assemblée, tout en plaçant ses hommes à la tête du
CDP. Surtout, il devient « l’homme » des hommes d’affaires – ceux qui, avec les militaires, constituent le pilier du régime. « Son passage à la BIB lui avait ouvert les portes du secteur privé, raconte un des plus puissants businessmans du pays. Puis il est allé aux Finances. À la primature, il a privatisé, ce qui a profité à certains patrons. Il était devenu notre interlocuteur. » « Avant, résume un chef d’entreprise qui a ses entrées à Kosyam, quand un patron avait un problème, c’est Kaboré qu’il allait voir. Aujourd’hui, c’est François. » Car entre-temps, Compaoré a fait son choix: Roch ne prendra pas sa suite. Au milieu des années 2000, charge est donnée à François, le frère du président qui est aussi son conseiller économique depuis vingt ans, de « récupérer » les patrons. En 2007, ce dernier lance la Fédération associative pour la paix et le progrès avec Blaise Compaoré (Fedap-BC), une association dont l’ambition est, officiellement, de « compléter » l’action du CDP, mais qui a pour objectif, à terme, de l’asphyxier et de le priver de ses soutiens financiers. Roch voit tout cela d’un mauvais œil, mais ne pipe mot. Pas son genre. « Il n’a pas de courage, il ne l’ouvrira jamais », estime l’entourage de Compaoré. La cassure définitive intervient en 2011. Le pays est à feu et à sang. Les étudiants sont dans la rue, les fonctionnaires multiplient les grèves et les troufions prennent les armes. Le régime vacille. Dans la tourmente, Blaise ne se sent pas soutenu par son parti. Il a compris
Deux destins Roch Marc Christian Kaboré (56 ans) Ethnie Mossi Religion Catholique Profession Banquier Entrée en politique 1989 (ministre des Transports) Parti Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) Blaise Compaoré (63 ans) Ethnie Mossi Religion Catholique Profession Militaire Entrée en politique 1983 (ministre délégué à la Présidence) Parti Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP)
CANDIDAT À COUP SÛR ENTRE Roch Marc Christian Kaboré, Salif Diallo et Simon Compaoré, « tout est clair dans la perspective de 2015 », affirme leur entourage. Les trois principaux démissionnaires du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) ont lancé le 25 janvier leur propre JEUNE AFRIQUE
parti, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), dont ils forment la troïka dirigeante. Kaboré en est le président, et « il en sera le candidat à la présidentielle », assure d’ores et déjà un cadre du MPP. Il n’a pas eu à batailler longtemps pour s’imposer. « Simon », l’ancien maire de Ouagadougou à la santé
fragile, n’a jamais eu de telles ambitions. Quant à Diallo, qui s’est longtemps rêvé en successeur de Blaise Compaoré, il est malade et sait qu’il n’a plus la force de mener une campagne électorale; mission lui est donnée d’établir une stratégie pour conquérir le pouvoir. l RÉMI CARAYOL
que les barons ne se battront pas pour lui, qu’ils pensent trop à la prochaine élection présidentielle ; il est temps de les remplacer par des hommes de confiance. Mars 2012. Cinquième congrès du CDP. Après un règne de treize ans, Kaboré perd la main. Assimi Kouanda, fidèle parmi les fidèles de Blaise, prend sa suite, et tous les anciens sont mis au placard. « OPA hostile de la Fedap-BC », dénoncent ces derniers en aparté. Mais Kaboré ne réagit toujours pas. Neuf mois plus tard, il n’est même pas candidat aux législatives. Cette disgrâce-là est définitive. RUMEUR. Certes, les mois suivants,
Compaoréluifaitcroirequ’ilcompte toujours. « Tu reviendras », assuret-il. Les deux hommes se voient de temps en temps. Quand la question de l’article 37 de la Constitution, qui interdit au président de se représenter en 2015, resurgit en juin 2013, Compaoré constitue un groupe informel de sept personnes pour y réfléchir.Rochenest,commeSimon Compaoré. Tous deux ne sont pas favorablesàcettemodification,mais quand ils demandent au président de se prononcer, celui-ci louvoie. Sa réponse est pour octobre, promet-il. Puis pour novembre. Mais en décembre, c’est par la presse qu’ils apprennent que le chef de l’État envisage d’organiser un référendum, et donc de se représenter. Roch n’est pas du genre à exploser de colère. Il patiente, tâte le terrain. Dans la plus grande discrétion, il reçoit les chefs coutumiers et rend visite aux évêques. Mais sa décision est prise. « La présidentielle, il y pense depuis des années », confie un ami. Il s’est déjà rapproché de Simon Compaoré et de son vieil ennemi, Salif Diallo. La rumeur court depuis quelque temps qu’ils vont créer un parti – Kaboré laisse ses lieutenants la distiller au fil des mois –, mais Blaise ne veut pas y croire. « Il n’aura pas le cran d’y aller », pense-t-il. Quand, le 3 janvier, il l’invite à Kosyam pour « trouver une solution », il tombe de haut. « C’est trop tard », lui rétorque son ancien dauphin et nouvel opposant. l N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
43
Maghreb & Moyen-Orient
HASSAN OUAZZANI
44
MOHAMED MESSARA/CORBIS
MOHAMED SMYEJ
MAGHREB
DR
De Rabat à Tripoli, ils traduisent, avec des paroles parfois très crues, la colère et les frustrations de la jeunesse face à l’oppression et à l’injustice, mais aussi sa désillusion née des ratés du Printemps arabe. Radioscopie de la scène hip-hop maghrébine.
JEUNE AFRIQUE
p Don Bigg (page de gauche), Issa Ben Dardaf (ci-contre), H-Kayne et concert de Lotfi Double Kanon le 17 juillet 2009 à Alger (en haut, de g. à dr.).
YOUSSEF AÏT AKDIM
B
is repetita placent. Le 14 janvier dernier, le rappeur tunisien El Général – Hamada Ben Amor de son vrai nom – remettait le couvert en sortant sur les réseaux sociaux Raïs Lebled 2 (« le président du pays 2 »). Comme dans le premier opus, paru fin 2010, au moment même où s’enchaînaient les événements révolutionnaires, il s’agit d’un réquisitoire contre le président : hier Zine el-Abidine Ben Ali, aujourd’hui Moncef Marzouki. La date anniversaire du départ de « Zaba » n’a pas été choisie au hasard, et El Général ne se prive pas de « clasher » l’actuel chef de l’État, surnommé Malsouki : « 2014 et c’est toujours la même situation, les mêmes problèmes, la même souffrance / On a viré les Trabelsi et à leur place on a mis de nouveaux Trabelsi. Ils vivent dans le palais présidentiel et nous, nous dormons dans le froid […]. Nous vous avons fait confiance, mais vous avez tué notre révolution au gun. » Pour le N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
Maghreb Moyen-Orient Ô rap ! Ô désespoir !
OMAR SEFOUANE
46
« Le peuple en a marre de ces chiens, marre de ces libertins / Le peuple en a marre des promesses, marre de la perdition / Le peuple en a marre des trahisons, marre des coups bas. » Lotfi Double Kanon (Algérie), Cha3b Krah (« le peuple en a marre ») 2009
« rappeur de la révolution », érigé un peu vite en symbole – le magazine Time en a fait l’une des 100 personnalités les plus influentes de 2011 –, les premiers bilans s’écrivent en gris et noir. L’itinéraire d’El Général peut se lire comme le récit d’une désillusion. Jusque-là inconnu du grand public, Hamada met en ligne, en décembre 2010, sur sa page Facebook, la chanson qui le rendra mondialement célèbre. Le clip s’ouvre sur une archive télévisuelle montrant Zaba, cheveux noir de jais, apostrophant un écolier visiblement terrorisé par le « grand homme ». Comme la totalité des chansons évoquées dans cet article, Raïs Lebled peut facilement être retrouvé sur YouTube, la plateforme vidéo qui est, de loin, la première scène des musiques urbaines dans le monde arabe. Relayé par les réseaux sociaux, le titre-réquisitoire déroule une complainte combinant pathos et un catalogue des problèmes sociaux : inégalités, corruption, violences policières, toutes choses jusque-là taboues. ICÔNE. Le sentiment d’oppression décrit par l’artiste
tunisien se retrouve dans les textes de la plupart de ses compères du Maghreb. Surveillé par la police politique, censuré sur sa page Facebook, Hamada, étudiant en pharmacie, 21 ans à peine, est même arrêté brièvement par la police au plus fort de la contestation. Avec la révolution, il devient une icône que les médias et les partis politiques s’arrachent. Certains trouvent ses textes un poil conservateurs, d’autres vont plus loin et l’accusent de compagnonnage avec les islamistes d’Ennahdha. Pourtant, El Général n’a pas à proprement parler de discours politique. Issu de la petite classe moyenne de Sfax, N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
il habite encore chez ses parents au moment de la révolution. Sa mère gère une petite papeterie, elle porte le voile. Lui-même a tenté d’émigrer clandestinement vers l’Europe à l’âge de 17 ans pour, dit-il, « sentir un air pur. Je ne pouvais pas respirer en liberté ». Il n’est peut-être pas un symbole, mais un exemple vivant des frustrations et des rêves de toute une jeunesse. Au Maroc aussi, où une scène hip-hop a commencé à émerger dans les années 1990, les artistes adeptes de ce style musical cristallisent des antagonismes politiques, pris malgré eux dans le tourbillon du Printemps arabe. La presse s’est beaucoup interrogée sur leur présence (et surtout leur absence) dans les rangs des manifestations du Mouvement du 20-Février. Dans un article au titre provocateur, « Alors, “Nayda” ? » (terme générique que l’on peut traduire par « ça bouge » et désignant la tentative de Movida marocaine qui a suivi l’accession au trône de Mohammed VI), la journaliste de TelQuel Ayla Mrabet réfute les généralisations sur la « jeune scène musicale » : « La “Nayda” n’existe pas. Galvaudé par les médias, ce mot-valise, voulu pour désigner un mouvement de musiques urbaines au Maroc, a mis dans le même sac des groupes fondamentalement différents. » « Parler d’un seul et même mouvement relève de la paresse intellectuelle », confirme Réda Allali, chanteur de Hoba Hoba Spirit. Ce dernier groupe, aux influences plutôt reggae et folk, s’est fait remarquer, en 2011, avec une reprise rock du poèmeLaVolontédevivre,d’Abouel-KacemChebbi, qui fait partie de l’hymne national tunisien. Un clin d’œil appuyé à la révolution tunisienne que Hoba Hoba Spirit a assumé, en dépit de la frilosité de la majorité des rappeurs marocains. PRISON. Dans le royaume où tout change en dou-
ceur, la scène hip-hop ne s’est pas levée en masse pour appeler à la révolution. Au printemps 2011, Don Bigg, la plus grande star locale, s’est même illustré avec Mabghitch (« je ne veux pas »), un titre choc doublé d’un vidéoclip à la réalisation très léchée. Bentley et Mercedes rutilantes, mise en scène très pro, effets spéciaux, celui qui se faisait appeler L’Khasser (« celui qui parle mal ») y dit son rejet du chaos, de l’aventurisme. Dans son style châtié : « Je ne veux pas me la faire mettre. » Surtout, Don Bigg renvoie dos à dos les « barbus » et « les mangeurs de ramadan », allusion à peine voilée à l’attelage hétéroclite du Mouvement du 20-Février. À ce discours plutôt loyaliste – Bigg, qui a été courtisé par de nombreux partis, est le neveu de Milouda Hazeb, cadre dirigeante du Parti Authenticité et Modernité (PAM) –, certains amateurs de rap contestataire préféreront les punchlines (textes chocs) de Lhaqed, nom de scène de Mouad Belghouat. Ce dernier a été happé deux fois par la justice en 2012 : quatre mois ferme, qu’il avait déjà purgés, JEUNE AFRIQUE
5
NICOLAS FOUQUE
« Les policiers sont des chiens / C’est clair dès le départ / Chaque fonctionnaire de l’Intérieur n’est qu’un corrompu de merde / Il se dresse par respect pour ses généraux, lui qui n’est qu’un chien / Nous on est la génération des défoncés, la génération de tous les vices / Coc-cocococaïne, zatla, kétamine. »
Weld El 15 (Tunisie), Boulicia Kleb (« chiens de la police ») 2013
« Si le peuple un jour veut la vie, il doit se lever et défendre ses droits / Assez de silence. Ils exploitent nos ressources et ne nous laissent que des miettes / Alors que tant de militants sont morts pour nous. » Lhaqed (Maroc), Baraka Men Skat (« assez de silence ») 2011
lors de sa première condamnation pour outrage à la police en janvier, puis un an de prison ferme, en mai de la même année, pour une sombre affaire de coups et blessures. Le récit rétrospectif veut que Lhaqed ait payé son engagement aux côtés du 20-Février.Lajusticearetenucontreluiunechanson antiflics, sobrement intitulée Klab Addawla (« les chiens de l’État »). Sa deuxième condamnation confirme, pour ses partisans, que Mouad a été victime d’un acharnement du système. En Tunisie aussi, les rappeurs sont souvent en délicatesse avec les autorités postrévolutionnaires. Devenu célèbre en France, Weld El 15 a payé de sa liberté les paroles très crues de ses chansons antipolice, un grand classique du genre. Dans le pays, l’hostilité entre la police et les jeunes chanteurs est telle que tous les coups semblent permis. D’un côté, certains, comme Weld El 15, n’ont pas peur de menacer les policiers de les « égorger comme le mouton de l’Aïd ». De l’autre côté, la police n’hésite pas à « monter » des dossiers (vol, violences et surtout détention de haschich) pour contraindre aux silences ces insolents. En Libye, où quarante-deux années de doctrine kaddafiste ont banni toute expression occidentale, le « Rab », comme on l’appelle
sur place, est un genre encore nouveau. Il mêle, comme dans les autres pays maghrébins, dialectes locaux, influences gangsta et old school rap. Après une année 2011 très marquée par la figure honnie de l’ex-« Guide », et où les textes étaient autant de déclarations d’amour à Benghazi, à Tripoli ou au djebel Nefoussa, de nouveaux titres assument une parodie des bad boys américains, chez qui le whisky coule à flots, et les armes de guerre, kalachnikovs, fusils 14,5 et hélicoptères font partie du décor, comme dans le clip d’Issa Ben Dardaf I’m Genius. Le contexte guerrier et la dissémination des armes jouent bien sûr un rôle. Dans tous les pays, la scène rap recoupe les lignes de fracture politiques. Il serait illusoire de croire que tous les rappeurs sont des contestataires plutôt libéraux. CONTRADICTIONS. Au-delàdeladuretédespropos,
HASSAN OUAZZANI
Lhaqed
qui peuvent relever de l’incitation à la violence dans les législations liberticides des pays maghrébins, les rappeurs sont aussi conservateurs (parfois), misogynes (souvent) et islamistes (de plus en plus). Les textes de l’Algérien Lotfi Double Kanon, ceux du Marocain Muslim ou du Tunisien Psyco-M sont bourrés de références à la morale, à la religion, voire, comme dans Marionnette de ce dernier, aux différentes théories du complot « sioniste, francmaçon, néoconservateur et illuminati ». Comme le note, dans le magazine en ligne OrientXXI, le sociologue Yves Gonzalez-Quijano, l’orientalisme « invente un rap idéal […]. Le rappeur arabe est donc jeune, révolté, et forcément laïc. L’image est belle, rassurante même… Sauf qu’elle est très partielle. Dans le monde arabe, le rap ne saurait se confondre avec cette scène musicale idéalisée où les “bons rebelles” affrontent, le verbe haut, les “méchants islamistes”. L’univers des rappeurs arabes est complexe et pétri de contradictions ». Au Maghreb comme ailleurs, les rappeurs et leurs textes restent rétifs au romantisme. L’image de « porte-voix » de la révolution ne résiste pas à la lecture de leurs textes. Encore faut-il se donner la peine de les écouter et de les traduire. l N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
Maghreb Moyen-Orient t À la sortie d’un meeting, le 27 avril 2012, à Alger.
FAROUK BATICHE/AFP
48
ALGÉRIE
Mostefa Bouchachi « Notre travail d’opposants n’est pas respecté » Quand la démission d’un député met au jour de graves dysfonctionnements au sein de la chambre basse du Parlement. Interview.
A
ncien président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH), député d’Alger sur la liste du Front des forces socialistes (FFS, opposition) depuis mai 2012, Mostefa Bouchachi n’est pas homme à transiger. Confronté à une série de « dysfonctionnements » au sein de l’Assemblée populaire nationale (APN, chambre basse), il a décidé, le 19 mars, de rendre son tablier. Une première dans les annales parlementaires algériennes. JEUNE AFRIQUE : Pourquoi avez-vous décidé d’abandonner votre siège de député ? MOSTEFA BOUCHACHI : Conscient
d’appartenir à un groupe minoritaire, je considérais néanmoins que notre travail d’opposants serait respecté et que nos propositions de loi allaient être discutées, en commissions ou en plénière. Cela n’a jamais été le cas. Nos demandes de création de commissions d’enquête parlementaire sur la corruption ou sur les événements de Ghardaïa [affrontements interethniques meurtriers] n’ont reçu aucune réponse. N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
Dans votre lettre de démission, vous évoquez des dysfonctionnements, mais les exemples que vous citez sont le lot de toute minorité dans un Parlement…
L’absence de réponse, tout comme le rejet non motivé d’une proposition, constitue une violation du règlement intérieur de l’APN. Mais les dysfonction-
Mon expérience en matière de défense des droits de l’homme et la persistance de certaines pratiques policières au cours des détentions préventives m’ont conduit à proposer un amendement du code pénal afin de rendre obligatoire la présence d’un avocat pendant les gardes à vue. Ce projet d’amendement a été signé par 120 députés etdéposéilyaplusd’unan.Iln’ajamaisété inscrit à l’ordre du jour de la commission ni transmis au gouvernement pour avis. En deux ans de législature, nous avons présenté treize projets de loi qui n’ont jamais quitté les tiroirs du bureau de l’Assemblée. OrlaConstitutiondisposequelesmembres du gouvernement sont tenus de répondre aux questions, écrites ou orales, des députés. Plusieurs de mes demandes d’explications adressées à différents départements ministériels sont restées lettre morte. Tous ces dysfonctionnements ont été signalés au président de l’Assemblée, sans que cela provoque la moindre réaction. Votre démission est intervenue au lendemain du rejet d’un projet de loi visant à indemniser les victimes des événements de 1963 [insurrection armée du FFS contre le système du parti unique]. Est-ce la goutte d’eau qui a fait déborder le vase?
Cela a été important mais pas déterminant. Ce n’est là que l’un des nombreux projets de loi passés à la trappe. Autre aberration insupportable : le gouvernement exige de la France qu’elle reconnaisse ses crimes du 8 mai 1945, alors que
En deux ans, nous avons présenté treize projets de loi. Aucun n’a été discuté. nements ne s’arrêtent pas là et sont légion. Par exemple, l’exécutif n’est pas censé être représenté dans les commissions permanentes de l’Assemblée. Membre de la commission des affaires juridiques, j’ai pu constater que les hauts fonctionnaires de certains ministères étaient non seulement présents, mais participaient au débat. C’est une violation flagrante du principe de séparation des pouvoirs que j’ai signalée au président de notre groupe parlementaire, lequel a saisi celui de l’Assemblée. Face à l’absence de réaction, j’ai gelé, en mai 2013, ma participation à ladite commission.
lui-même refuse d’octroyer aux victimes de ces événements le statut de martyrs qui permettrait à leurs ayants droit de bénéficier d’une indemnisation. Avez-vous informé au préalable le FFS de votre décision de démissionner ?
J’aiévoquélaquestion aveclesmembres de mon groupe parlementaire, ainsi qu’avec le premier secrétaire du FFS. Cela reste une décision personnelle, et elle n’aura aucune incidence sur le parti. Le siège que j’abandonne reste au profit du suivant sur la liste FFS d’Alger. l Propos recueillis par CHERIF OUAZANI JEUNE AFRIQUE
Maghreb Moyen-Orient ÉGYPTE
Dans les mâchoires d’Al-Qaïda Quasi démilitarisé par l’accord de paix israélo-égyptien de 1979, le Sinaï est devenu le sanctuaire d’une demi-douzaine de groupes jihadistes dont les attentats vont se multipliant.
L
e 19 mars, à l’aube, à 30 km au nord du Caire, la petite ville d’AlQanatiral-Khayriyaesttiréedeson sommeil par des rafales d’armes automatiques. Des unités de la police et de l’armée ont donné l’assaut au repaire d’une cellule jihadiste soupçonnée d’avoir attaqué un poste de l’armée quatre jours plus tôt, tuant six soldats, et d’avoir assassiné un général de police, en janvier. Les combats durent quatre heures. Quatre jihadistes sont arrêtés et cinq autres tués. Certains se sont fait sauter, emportant avec eux un général et un colonel de l’armée. « Une grande quantité d’explosifs » a été découverte, déclarent les militaires. Ce même 19 mars, une bombe artisanale explose à l’université du Caire sans faire de victime. Les jours précédents, les démineurs avaient neutralisé des engins dans une école primaire, sous les pylônes d’une ligne à haute tension et dans un tribunal d’Alexandrie.
Il ne se passe plus une semaine sans que des militaires et des policiers soient assassinés. Certes, le vide sécuritaire consécutif à la révolution de 2011 a offert aux extrémistes un contexte propice à leurs opérations, mais la destitution par l’armée, le 3 juillet 2013, du président islamiste Mohamed Morsi a entraîné une recrudescence des actes terroristes. Le 5 septembre 2013, le ministre de l’Intérieur échappait lui-même de peu à un attentat contre son convoi, en pleine capitale. Un symbole de l’État était visé, à des centaines de kilomètres de la matrice du jihadisme égyptien, le désert du Sinaï. ARMEMENT LOURD. À la jonction de
l’Afrique et de l’Asie, entre le canal de Suez et la bande de Gaza, cette péninsule aride est le domaine des tribus bédouines, longtemps marginalisées par le pouvoir central. Ses 60000 km2 de roche et de sable sont un carrefour historique de tous les
trafics. Quasi démilitarisée par l’accord de paix israélo-égyptien de 1979, désertée par la police après la révolution, elle est devenue le sanctuaire des membres d’Ansar Beit al-Maqdis (ABM), affilié à Al-Qaïda et dont la cellule d’Al-Qanatir al-Khayriya avait été prise pour cible le 19 mars. ABM est le plus important de la demi-douzaine de groupes radicaux qui rêvent de convertir l’État égyptien à leur conception de l’islam. Selon les services de renseignements,leurseffectifsoscilleraient entre 7000 et 12000 éléments, estimation portée à 20 000 par les Israéliens : une véritable armée constituée de Bédouins autochtones acquis au fondamentalisme, d’Égyptiens ayant pris le maquis et d’étrangers servant le jihad global. Et qui disposerait d’un armement lourd puisé dans les convois à destination de la bande de Gaza, mais bloqués dans la péninsule par la destruction de la plupart des tunnels de contrebande, et dans les arsenaux de l l l
MOHAMMED BENDARI \ APAIMA/SIPA
q Peu après l’attaque d’un poste de l’armée par les qaïdistes d’Ansar Beit al-Maqdis, le 15 mars, à 30 km au nord du Caire.
JEUNE AFRIQUE
N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
49
50
Maghreb Moyen-Orient l l l feu le colonel Kaddafi. Début mars, un rapport de l’ONU révélait ainsi que les armes libyennes se retrouvaient dans quatorze pays du continent et au-delà, confirmant que l’hélicoptère de l’armée abattu le 25 janvier dans le Sinaï l’avait été par un missile sol-air, comme l’avait alors revendiqué ABM. Principale cible des jihadistes du Sinaï, les forces de sécurité ont payé un lourd tribut. Dès le 30 juillet 2011, la mort de six personnes dans l’attaque d’un commissariat à Al-Arish entraînait le mois suivant l’opération Aigle. Avec l’autorisation d’Israël, Le Caire dépêchait 2 500 hommes et 250 chars dans la péninsule, une force qui n’a pas suffi à empêcher le coup d’éclat du 5 août 2012. Ce jourlà, un commando jihadiste attaque un poste-frontière, tue 16 soldats et s’empare de deux blindés pour tenter de pénétrer dans l’État hébreu, une équipée stoppée net par les missiles israéliens. L’opération Sinaï vient alors renforcer le déploiement de l’armée dans la zone, mais ne suffit pas à enrayer les attaques contre les forces de sécurité,quis’intensifientdangereusement après la destitution de Mohamed Morsi. Depuis juillet 2013, plus de 200 policiers et soldats sont morts dans des attentats ou des affrontements. Le 24 décembre 2013, l’explosion d’une voiture piégée devant un bâtiment de la police fait 16 victimes à Mansoura, dans le delta du Nil, et achève de démontrer la capacité des jihadistes à frapper loin de leur sanctuaire désertique. Autre stratégie des radicaux, prendre à la
gorge l’économie pour anéantir les intémultipliant les arrestations arbitraires rêts de l’armée et précipiter la faillite de et les bombardements aveugles. Et cerl’État. Le pipeline d’Al-Arish, qui fournit tains suggèrent que la prolifération terIsraël et la Jordanie en gaz, roriste sert le discours de Escalade est inlassablement dynal’armée et d’une justice mité. En août 2013, la briaux ordres, qui présentent 30 juillet 2011 gade jihadiste Al-Furqan les groupes jihadistes Attaque d’un poste de police à Al-Arish. 6 personnes tuées. attaqueaulance-roquettes comme le bras armé des un porte-conteneurs Frères musulmans. Le 5 août 2012 transitant par le canal de 25 décembre 2013, au Attaque d’une base militaire. lendemain de l’attentat Suez, axe stratégique dont Les assaillants s’emparent de Mansoura revendile blocage priverait l’État de blindés et foncent vers la qué par ABM, les autoride précieuses devises. frontière israélienne avant tés classaient la confrérie Autre mamelle de l’écod’être stoppés. 16 soldats tués. islamiste parmi les mounomie, le tourisme subit 5 septembre 2013 vements terroristes. Et un coup fatal le 16 février, Attentat contre le convoi du le 24 mars, un tribunal quandunkamikazed’ABM ministre de l’Intérieur. condamnait à la peine se fait exploser dans un bus – le chauffeur et trois capitale 529 Frères pour la 24 décembre 2013 Sud-Coréens sont tués –, mortd’unofficierdepolice Une voiture piégée explose marquant une escalade au cours d’une manifestadevant un bâtiment de dans les violences qui ne tion. L’élection pressenla police, à Mansoura. visaient jusque-là que des tie du maréchal Sissi à la 16 victimes, pour la plupart présidence d’ici au mois cibles sécuritaires. membres des forces de l’ordre. de juin permettra-t-elle 16 février 2014 à l’armée de concentrer MÉTASTASES. Malgré les Attentat suicide contre un ses efforts sur les groupes 11 bataillons, les hélicopbus touristique à Taba. Le tères et les jets déployés jihadistes? Car la menace chauffeur et 3 touristes suddans le Sinaï, l’armée ne concerne pas uniquecoréens sont tués. ne semble pas près d’en ment Le Caire. Entre les reprendre le contrôle. fous d’Allah qui guerroient 15 mars 2014 Pis, les métastases de la en Syrie et en Irak et les Attaque d’un poste de l’armée tumeur jihadiste gagnent groupuscules radicaux au Caire. 6 soldats tués. de Gaza et du Sinaï, l’enLe Caire et ses environs. semble de la région pourrait être bientôt Quand les uns dénoncent la mollesse broyé par les mâchoires d’Al-Qaïda. l de l’armée, d’autres l’accusent d’exciter le mécontentement des populations en LAURENT DE SAINT PÉRIER
Coulisses PROCHE-ORIENT TOURNÉE PAPALE Le pape François effectuera une tournée au ProcheOrient du 24 au 26 mai qui le conduira successivement à Amman, Bethléem, Tel-Aviv et Jérusalem. Il rencontrera notamment le couple royal jordanien, Mahmoud Abbas, le patriarche œcuménique de Constantinople, le grand mufti de Jérusalem, ainsi que le Premier ministre, les deux grands rabbins et le président d’Israël. N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
Il célébrera également une messe à Amman et à Bethléem, et se rendra, entre autres, sur l’esplanade des Mosquées et au mémorial deYad Vashem, à Jérusalem.
25e sommet arabe, qui s’est tenu à Koweït City les 25 et 26 mars. Hormis l’Arabie saoudite, qui soutient l’option armée, les États membres de la Ligue arabe appellent à « une solution politique, sur la base de la conférence de Genève I ».
SOMMET ARABE JARBA REPART BREDOUILLE Venu réclamer des armes, Ahmed Jarba, président de la Coalition nationale syrienne, principale branche de l’opposition, est reparti bredouille du
LIBYE CONFESSIONS INTIMES Tripoli a annoncé l’ouverture d’une enquête après la diffusion sur Facebook d’une vidéo
montrant le président du Parlement en fâcheuse posture. Nouri Abou Sahmein y est interrogé par un milicien, lequel lui demande d’expliquer ce qu’il faisait avec deux jeunes femmes dans un appartement. Plus confuse, la seconde partie de la vidéo donne à voir ce qui ressemble à une arrestation ou à un rapt : Abou Sahmein y apparaît en pyjama. En janvier, il avait démenti la rumeur de son enlèvement. Manipulation ? JEUNE AFRIQUE
t Le Premier ministre (à g.) avec Mongi Hamdi, ministre des Affaires étrangères (debout), et Hatem Atallah, son conseiller diplomatique.
HICHEM
TUNISIE
La revanche
des diplomates Mis à rude épreuve par les errements de l’ex-troïka au pouvoir, ils forment désormais l’ossature du gouvernement de Mehdi Jomâa, qui a fait de la restauration de l’image du pays l’une de ses priorités. SAMY GHORBAL
A
près Alger, Rabat, Abou Dhabi, Riyad et Doha, Mehdi Jomâa est attendu à Washington, du 2 et 4 avril, à l’invitation du président américain, Barack Obama. Ce sera l’ultime étape et le point d’orgue d’un marathon diplomatique entamé au lendemain de son JEUNE AFRIQUE
entrée en fonction, le 27 janvier. Le Premier ministre tunisien, qui a multiplié les contacts de haut niveau – avec John Kerry, le secrétaire d’État américain, ou avec Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères –, semble avoir fait de la restauration de l’image extérieure de la Tunisie l’une de ses priorités. Quitte à marcher sur les plates-bandes du président
provisoire, Moncef Marzouki. La géographie de ses déplacements et leur timing suggèrent l’envie de redonner une direction ferme, cohérente et réfléchie à une action diplomatique qui manquait cruellement de cap. Les deux années qui viennent de s’écouler ont mis les nerfs des diplomates à rude épreuve. La rupture des relations avec Damas, N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
52
Maghreb Moyen-Orient Tunisie décidée le 4 février 2012 de manière cocasse et intempestive par le président Marzouki sans en aviser le ministère des Affaires étrangères, la passivité des forces de l’ordre le 14 septembre 2012 lors de l’attaque de l’ambassade américaine à Tunis par des salafistes, la brouille avec l’Égypte et les Émirats arabes unis autour du cas du raïs islamiste destitué Mohamed Morsi en septembre 2013 : autant d’événements quiontsérieusementécornél’image de la Tunisie. « Les dirigeants de la troïka ont fait preuve d’un mélange d’amateurisme, de naïveté et de démagogie, juge un ancien ambassadeur, aujourd’hui à la retraite. Amateurisme quand, au mépris des usages, Moncef Marzouki choisit de snober Alger pour sa première visite à l’étranger en se rendant à Tripoli. Naïveté quand le gouvernement de Hamadi Jebali s’imaginait que l’argent qatari [qui n’est d’ailleurs jamais arrivé, NDLR] suffirait à faire repartir une économie exsangue. Démagogiequandlegouvernement, pour montrer son soutien indéfectibleàlacausepalestinienne,décide de s’afficher aux côtés des radicaux du Hamas et de dérouler le tapis rouge à Ismaïl Haniyeh. La Tunisie a donné l’impression qu’elle tournait le dos aux fondamentaux de sa politique étrangère. Elle a indisposé gratuitementsesamisetsespartenaires traditionnels, au moment où elle en avaitleplusbesoin.Letoutdansune ambiance de guerre de tranchées, avec une rivalité et des surenchères permanentes entre, d’une part, MarzoukietRafikAbdessalem[alors ministre des Affaires étrangères], et, d’autre part, Hamadi Jebali et Rached Ghannouchi, le président d’Ennahdha… » POLYGLOTTES. Mehdi Jomâa veut
lever les équivoques, dissiper les malentendus. C’est le message qu’il est allé porter aux dirigeants des pays du Golfe et qu’il ira répéter aux Américains. La Tunisie a besoin d’appuis pour se sortir de la mauvaise passe qu’elle traverse. Les caisses de l’État sont vides, l’économie tourne au ralenti, l’endettement extérieur a crû de manière vertigineuse – 25 milliards N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
de dinars (11,4 milliards d’euros) ont été empruntés depuis la révolution, et il en manquerait encore 5 à 6 pour boucler le budget 2014. Pour regagner du crédit, il faudra montrer patte blanche. Rassurer. Le casting gouvernemental obéit à cette logique. Faut-il s’en étonner ? L’un de ses architectes n’est autre que Ghazi Jomâa, frère aîné et conseiller officieux du Premier ministre, qui fut ambassadeur en Turquie, en Argentine et à New York auprès de l’ONU. Nombre de ministres « technocrates » ont donc été choisis en fonction de leur expérience à l’international et sont polyglottes, comme le chef du gouvernement lui-même, qui a travaillé pendant presque vingt ans pour Hutchinson Aerospace, filiale du groupe Total.
La Tunisie a grandement besoin d’appuis extérieurs pour se sortir de sa mauvaise passe. Rompu aux négociations multilatérales, Hakim Ben Hammouda, son « superministre » de l’Économie, des Finances et du Développement économique, est un ancien de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et de la Banque africaine de développement (BAD). Son homologuedel’Agriculture,Lassaad Lachaal, est lui aussi issu de la filière BAD. Taoufik Jelassi, le ministre de
l’Enseignement supérieur, a été président du conseil d’administration de l’opérateur Tunisiana et a enseigné dans les plus prestigieuses universités françaises et américaines. Kamel Ben Naceur, son collègue de l’Industrie, de l’Énergie et des Mines, diplômé de Polytechnique Paris et de l’École normale supérieure, a fait l’essentiel de sa carrière chez Schlumberger et a été détaché pendant plusieurs années comme expert auprès de l’Agence internationale de l’énergie (AIE). TANDEM. Le ministre des Affaires étrangères, Mongi Hamdi, 54 ans, est lui aussi un « multilatéraliste patenté ». Fonctionnaire international, il a travaillé pendant un quart de siècle pour l’ONU, au secrétariat général, à New York, entre 1988 et 1998, puis au siège de Genève, notamment à la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced). Très apprécié dans le cénacle des diplomates internationaux, il tutoie son homologue algérien Ramtane Lamamra, qu’il a longuement côtoyé durant son séjour dans la métropole américaine. Il n’aura aucun mal à faire oublier deux prédécesseurs, l’indélicat Rafik Abdessalem (poussé vers la sortie après la révélation du scandale du « Sheratongate ») et le fantomatique Othman Jarandi, qui lui avait succédé en mars 2013.
« NETTOYAGE » CONTRE-PRODUCTIF LA DIPLOMATIE tunisienne a subi de plein fouet l’onde de choc de la révolution. L’outil diplomatique, théoriquement synonyme de neutralité, avait été perverti par l’ancien régime. Ambassades et consulats étaient même mis à contribution dans la traque des opposants exilés et la surveillance de la diaspora. Nombre de diplomates de carrière, qui pouvaient légitimement aspirer à
devenir chefs de mission diplomatique, ont vu leur ascension contrariée par les « parachutages politiques ». Une ambassade, de préférence dans un pays européen, était fréquemment proposée en « lot de consolation » aux ministres évincés par Ben Ali. D’autres ont joué la carte de la politisation à outrance. Le gouvernement Béji Caïd Essebsi a, en 2011, pris la décision
d’abaisser l’âge de la retraite à 60 ans et de la rendre automatique, ce qui a permis d’écarter « mécaniquement » la plupart des ambassadeurs ayant appartenu à la « génération Ben Ali » et a incité au renouvellement du corps. Mais ce « nettoyage », qui a provoqué le départ de diplomates chevronnés, a aussi créé un « gap », une raréfaction des S.GHO. compétences. l JEUNE AFRIQUE
HICHEM
53
Mongi Hamdi travaillera en tandem avec Hatem Atallah, le conseiller diplomatique de Mehdi Jomâa, qui a été ambassadeur à Washington, Londres, Pretoria et Addis-Abeba. C’est une nouveauté. « Les deux anciens Premiers ministres Hamadi Jebali et Ali Larayedh avaient des cabinets pléthoriques, mais n’avaient pas de conseiller diplomatique à plein temps, explique un ambassadeur tunisien toujours en poste. La création d’un pôle diplomatique fort et la mise en cohérence de son action avec la politique globale du gouvernement constituent des changements significatifs. Mehdi Jomâa veut peser sur la politique étrangère… »
de la tutelle et le blocage des négociations statutaires. La question est sensible : ne rien faire reviendrait à prêter le flanc à la critique des ultras de l’opposition, qui estiment que Jomâa reste l’otage des islamistes, qu’il a pactisé avec eux pour leur garantir l’immunité. Mais, en même temps, il doit éviter de donner le sentiment de lancer une chasse aux sorcières. Il ne peut pas se permettre de se mettre à dos Ennahdha, dont la neutralité bienveillante est indispensable à la réussite de la transition. Une
DÉLAI DE RÉFLEXION. Un dossier
« purge » enverrait un mauvais signal, surtout qu’un accord en bonne et due forme a été entériné, sous le gouvernement Jebali, pour instaurer un quota de 5 % de chefs de poste sur critères politiques. C’est cette procédure qui a, par exemple, permis la nomination d’Adel Fekih, actuel ambassadeur de Tunisie à Paris, proposé par Ettakatol, le parti du président de la Constituante, Mustapha Ben Jaafar.
épineux attend le nouveau chef de l’exécutif tunisien : la révision des nominationspartisanesopéréespar ses prédécesseurs dans le corps des ambassadeurs et des consuls. Les syndicats des personnels du ministère des Affaires étrangères exigent une remise à plat. Fait inédit dans les annales diplomatiques, ils ont observé une grève le 8 novembre 2013 pour protester contre l’attitude JEUNE AFRIQUE
p Depuis son entrée en fonction, le 27 janvier, Mehdi Jomâa multiplie les contacts de haut niveau. Ici avec le secrétaire d’État américain, John Kerry, le 18 février, à Tunis.
Prévu cet été, le traditionnel mouvement diplomatique sera scruté à la loupe.
Pour l’instant, le Premier ministre va vraisemblablement choisir de s’offrir le temps de la réflexion. Le traditionnel mouvement diplomatique de l’été sera scruté à la loupe. D’ici là, Mehdi Jomâa et Mongi Hamdi pourraient s’atteler au règlement des quelques cas réellement préoccupants. « Cinq ou six ambassades posent vraiment problème, décrypte un initié. Par exemple, celles de Berne, Genève, Tripoli ou Riyad. Moins à cause du caractère politique de ces nominations qu’en raison des compétences – ou plutôt de l’incompétence – des intéressés. Chacun en a maintenant conscience, y compris les dirigeants de la troïka. » Karim Azouz, consul général de Tunisie à Paris, ancien représentant d’Ennahdha dans la capitale française, qui fait l’objet de violentes attaques émanant de certaines associations de la diaspora, doit-il se sentir menacé ? Pas obligatoirement, d’après notre source : « Sa nomination relevait certainement d’une maladresse, voire d’une erreur d’appréciation politique. Mais il n’a commis aucun impair. Sur le fond, son bilan n’est pas attaquable… » l N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
Europe, Amériques, Asie
ITALIE
Matteo Renzi,
vite!
Plus jeune Premier ministre de l’histoire du pays – il a 39 ans –, cet homme pressé ne manque ni d’audace ni d’idées. Son plan pour sortir la politique et l’économie du marasme dans lequel elles sont plongées peut-il réussir ?
GUY DINMORE
L
esItaliensontconnutroisprésidentsdu Conseil en tout juste deux ans : Silvio Berlusconi, Mario Monti et Enrico Letta. Le quatrième est en place depuis le 22 février, et les Italiens commencent à peine à s’habituer à lui. Il se nomme Matteo Renzi, est âgé de 39 ans et bénéficie d’un état de grâce assez inattendu. Pour l’instant, une majorité de ses compatriotes lui accordent leur confiance. Pour prendre le pouvoir, le maire de Florence, qui dirigeait parallèlement le Parti démocrate (PD), n’a eu qu’à retirer sa confiance à Enrico Letta, pourtant également membre du PD. Une ascension « quasi miraculeuse », commente un diplomate. Selon les sondages, 67 % des Italiens se déclarent satisfaits de l’impulsion qu’il veut donner à l’économie italienne au cours de ses cent premiers jours au Palazzo Chigi. Il faut dire que la situation pourrait difficilement être plus mauvaise. La récession a été brutale, un million d’emplois ont été perdus, le PIB a baissé de 9 % et la production industrielle de 25 %. Jamais depuis la fin des années 1980 le pouvoir d’achat des ménages n’a été aussi faible. Plus de la moitié des jeunes vivant dans les régions déshéritées du Sud sont au chômage et contraints de s’expatrier pour trouver un emploi. Mais Renzi est un homme pressé. Il a promis des changements « radicaux » dans ce pays longtemps paralysé par les lobbies, la bureaucratie et l’incurie de la classe politique. Ingénument, il admet que son fameux plan de cent jours a pour objectif essentiel de lui faire gagner des voix lors des européennes du mois de mai – son premier vrai test électoral. Quoi qu’il en soit, les 10 millions d’Italiens gagnant moins de 1 500 euros par N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
mois vont bénéficier d’une exonération fiscale de 1 000 euros par an. Les entreprises devront se contenter d’un abattement de 10 % de leurs charges (soit presque 3 milliards d’euros) et, pour les plus petites d’entre elles, d’une baisse des prix de l’énergie. Dès le mois de juillet, le secteur privé va même récupérer plus de 60 milliards d’euros qui lui sont dus par les pouvoirs publics. TAXE. Reste à savoir comment Renzi va financer
ses réformes. Il a promis de diminuer les dépenses publiques de 7 milliards d’euros au cours des douze prochains mois et d’instaurer une taxe sur les gains financiers. L’Italie espère en outre retrouver une certaine liberté d’action en remboursant à des taux inférieurs sa vertigineuse dette publique (2100 milliards d’euros), ce qui reviendra à creuser un peu plus son déficit budgétaire : 3 %, contre 2,6 % actuellement. « Vous n’êtes pas crédible. Ces chiffres ne s’additionnent pas », lui a répondu l’économiste Renato Brunetta, chef du groupe parlementaire de Forza Italia, le parti de Silvio Berlusconi, qui rappelle que toute modification du niveau de l’endettement et des déficits nécessite l’accord préalable de la Commission européenne. Or celui-ci pourra difficilement être obtenu avant le mois de mai. Bruxelles a certes accueilli favorablement l’annonce de certaines décisions, mais a rappelé que l’Italie devait respecter ses objectifs d’endettement et de déficits. L’avertissement a eu pour principal effet d’accroître un peu plus la popularité de Renzi dans son électorat. « Il a très bien compris le sentiment antieuropéen qui prévaut actuellement dans le pays », estime l’un de ses proches. Mais la principale décision prise par Renzi n’a pour l’instant guère retenu l’attention des observateurs. Résolu à assouplir le marché du travail, l l l JEUNE AFRIQUE
GEORGES GOBET/AFP
54
p Au siège de la Commission européenne, le 6 mars, à Bruxelles.
Europe, Amériques, Asie Italie l l l il a en effet autorisé par décret les entreprises nouvelle alliance de centre droit dirigée par Angelino (94 % d’entre elles comptent moins de dix salariés) à Alfano, le ministre de l’Intérieur, qui a rompu avec conserver leurs intérimaires pendant trois ans, au lieu Berlusconi en novembre 2013. Pour la mise en œuvre d’un an actuellement, ce qui leur permet de licencier de son ambitieux programme politique et constitutionplus aisément en fonction de l’évolution de la situation nel, il compte en revanche sur… ce même Berlusconi, économique et d’accroître leur compétitivité sur les au grand dam de la fraction gauchisante du Parti marchés internationaux. démocrate. Son objectif ? Abolir le Sénat et renforcer Sans surprise, Susanna Camusso, la secrétaire généle pouvoir central au détriment des régions dans des rale de la CGIL, l’un des principaux secteurs stratégiques comme l’énergie syndicats du pays, souhaite l’abrogaet les transports. Imprudemment, il s’est L’embellie… tion du décret – ce qu’elle n’a aucune engagé à renoncer à la politique dans % d’Italiens satisfaits du plan économique de 100 jours chance d’obtenir dans l’immédiat. Elle l’hypothèse où il n’y parviendrait pas. présenté par Renzi, selon leur appartenance partisane accuse aussi Renzi de céder au charme douteux du culte de la personnalité, LUNE DE MIEL. Pour l’instant, il s’em82 % 68 % parce qu’il refuse de se lancer dans ploie à mettre en place un nouveau d’interminables discussions avec les système électoral qui limitera la repréorganisations syndicales et patronales. sentation parlementaire des petits partis En fait, ce refus traduit surtout la perte afin de rendre le pays plus aisément d’influence desdites organisations. gouvernable. Un projet de loi en ce sens Forza Italia Parti démocrate vient d’être adopté par l’Assemblée et (centre gauche, Renzi) (centre droit, Berlusconi) MITIGÉ. Matteo Renzi est-il, comme il le sera prochainement soumis aux sénaprétend,unrévolutionnaire?Sociologue teurs. Entre la durée des négociations, 67 % 56 % et éditorialiste au quotidien La Stampa, qui ne s’annoncent pas faciles, et le Luca Ricolfi se montre dubitatif. Il lui temps nécessaire à la réécriture de la reproche de minorer les difficultés qui Constitution, la coalition qui soutient attendent l’Italie, notamment en matière Matteo Renzi a de fortes chances de de réduction des dépenses publiques, et survivre jusqu’aux prochaines élections. de refuser de « payer le prix de l’impoÀ ce moment-là, Berlusconi aura purgé Ensemble Mouvement cinq étoiles (Grillo) pularité » induite par ces changements. les différentes peines auxquelles il a été « Nombre d’entre nous nourrissons à condamné et pourrait être en mesure son égard des sentiments mitigés, entre de mener son parti à la bataille. … après la dépression doute et espoir, incertitude et surprise, « La coalition n’a aucun intérêt à faire Évolution en % de 2008 à aujourd’hui perplexité et confiance », explique-t-il. sauter le gouvernement avant que des Allemagne Roy.-Uni France Eurozone Italie Ces doutes sont évidemment confortés résultats tangibles aient été obtenus. 5 par la jeunesse et l’inexpérience de la Mais ensuite, tout est possible », analyse plupart des membres de son équipe, FilippoTaddei,leconseilleréconomique nc davantage choisis pour des raisons polide Renzi, qui estime que son patron fait 0 ticiennes que pour leur connaissance « un pari sur l’avenir » en réduisant les des dossiers. dépenses publiques pour financer ses -5 Certains diplomates s’inquiètent abattements fiscaux. « L’Italie, c’est deux de la décision de Renzi de se passer pays », reprend-il. Le premier a perdu -10 de ministre des Affaires européennes, tout espoir. Il vit de situations de rente Emploi PIB Revenu net alors que son pays prendra en juillet la par le biais de quasi-monopoles et de des ménages présidence tournante de l’Union europrivilèges divers. L’autre se lance dans péenne. Ancien président du Conseil la révolution technologique et joue la Surtout dans le Sud (2006-2008), Romano Prodi se montre carte de l’exportation. Taux de chômage pour sa part confiant: « Jusqu’à présent, Matteo Renzi va devoir maintenant il montre beaucoup de détermination tenir ses promesses. Fin 2013, l’Italie est Sud et n’hésite pas à prendre des risques. sortie de la récession, mais le chômage Ensemble du pays Centre L’enjeu est énorme, mais ses chances devrait augmenter au moins jusqu’à Nord-Ouest de succès ne sont pas minces. Il va être cet été. « La lune de miel ne devrait pas Nord-Est difficile de maintenir une direction claire durer plus de trois ou quatre mois », 0 10 20 30 40 dans une situation aussi volatile, mais il pronostique Romano Prodi. Beaucoup dispose d’un atout: tout le monde comde jeunes Italiens, qui, faute de salaire, prend bien que c’est peut-être notre dernière chance ne bénéficieront pas des réductions d’impôts, restent, de changer la politique et l’économie de ce pays. » Au au mieux, sceptiques. Mais tout espoir n’est pas perdu. moins Renzi peut-il s’appuyer sur une coalition moins Une nouvelle génération arrive, à qui il reviendra de fragile que celle de Prodi en son temps… remettre le pays sur les rails. Y parviendra-t-elle ? La La vérité est qu’il fait le grand écart entre deux coatâche qui l’attend est gigantesque. l litions. Sur le front économique, il est soutenu par une © Financial Times et Jeune Afrique 2014. Tous droits réservés.
SOURCE : FINANCIAL TIMES
56
N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
JEUNE AFRIQUE
Europe, Amériques, Asie
57
ÉTATS-UNIS
Quand Obama fait pire que Bush
C
’
est l’un des points sombres du bilan de Barack Obama : le nombre des expulsions d’étrangers en situation irrégulière s’élève à 1, 9 million depuis 2009. Soit une moyenne de près de 400 000 par an. Un record. À force d’expulser à tour de bras – plus que n’importe lequel de ses prédécesseurs –, il a fini par s’attirer les foudres de la communauté latino, à laquelle appartient l’écrasante majorité des quelque 11 millions de sans-papiers que compte le pays. Celle-ci, qui vote traditionnellement démocrate, pourrait d’ailleurs le lui faire payer lors des élections de la mi-mandat, en novembre. Car elle n’accepte plus le discours officiel de l’administration, qui se réfugie derrière la stricte application des lois tout en accusant le Parti républicain de s’opposer à toute réforme au Congrès. Pourtant, approuvé en juin 2013 par le Sénat à majorité démocrate, un projet de loi est bel et bien bloqué à la Chambre des représentants, dominée par le Grand Old Party. Il prévoit que les sans-papiers arrivés illégalement dans le pays pourront se voir délivrer une carte de résidence permanente – la fameuse green card – au bout de quelques années. SURSIS. Cette amnistie est jugée scanda-
leuse par nombre de républicains, même si certains responsables de premier plan comme Marco Rubio, sénateur de Floride, y sont favorables afin de ne surtout pas se couper du vote, crucial, des Latinos. En attendant, les associations demandent à Obama d’user de son pouvoir réglementaire pour ralentir le rythme des reconduites à la frontière. Ce qu’il avait accepté de faire en 2012 en accordant un sursis temporaire aux JEUNE AFRIQUE
GABRIELLA DEMCZUK/THE NEW YORK TIMES-REDUX-REA
Aucun président, même son prédécesseur, n’avait expulsé autant d’étrangers en situation irrégulière. Les Latinos pourraient le lui faire payer lors des élections de la mi-mandat.
p Arrestation de militantes pour la réforme de l’immigration, devant le Capitole, à Washington, en septembre 2013.
sans-papiers arrivés jeunes aux ÉtatsUnis et néanmoins visés par une procédure d’expulsion. La mesure avait pesé lourd dans sa réélection. La pression des activistes – l’un d’eux n’a pas hésité à interrompre un discours d’Obama à San Francisco en hurlant devant les médias qu’il avait le pouvoir de suspendre toutes les expulsions – a fini par payer. Le président vient d’annoncer qu’il allait réexaminer sa politique en la matière afin de remédier
Autre point noir : la frilosité d’Obama vis-à-vis des instruments internationaux de protection des droits de l’homme.
CONTRADICTION. Les États-Unis, qui ne reconnaissent pas la compétence de la Cour pénale internationale (CPI), viennent d’annoncer que leurs soldats et agents de renseignements opérant à l’étranger n’étaient en aucune manière tenus par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Cette décision est en contradiction flagrante avec la position Quatre cent mille reconduites des Nations unies. Elle est à la frontière par an. en revanche conforme à la doctrine de l’administration Près de 2 millions depuis 2009. de George W. Bush. à la « crise morale » des familles. Et en On se souvient que celle-ci refusait effet, on imagine aisément la tragédie que ledit pacte, qui interdit notamment que constitue généralement l’expulla torture et les détentions arbitraires, sion d’un parent dont les enfants sont bénéficie aux terroristes présumés citoyens américains… Las, l’annonce détenus à l’étranger par les forces présidentielle risque d’amoindrir les américaines. En 2010, Harold Koh, à chances, déjà minces, de voir le Congrès l’époque principal conseiller juridique se prononcer pour une régularisation d’Obama, avait pourtant estimé qu’une telle position était juridiquement intemassive. La confiance nécessaire à nable. Mais les militaires l’ont emporté l’adoption de toute réforme pourrait en être gravement affectée, a déjà réagi auprès du président. Après tout, Obama John Boehner, le speaker de la Chambre. avait promis en 2008 de fermer le camp Pour les sans-papiers, la route est donc de Guantánamo. On attend toujours. l encore longue. JEAN-ÉRIC BOULIN, à New York N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
Europe, Amériques, Asie CHINE
Main basse sur Estoril Un permis de séjour de cinq ans en échange d’un chèque de 500 000 euros minimum. Tel est le deal proposé par les autorités portugaises aux investisseurs venus de Pékin ou de Shanghai.
CHEONG KAM KA/AFP
58
E
dmund Zhao est l’un des 228 investisseurs chinois à avoir profité ces derniers mois du visa Gold. En échange de 500 000 euros d’investissement – ou de la création de dix emplois –, ce programme permet aux étrangers de bénéficier d’un permis de séjour de cinq ans au Portugal. Edmund Zhao a déjà acheté cinq propriétés à Lisbonne et se retrouve à la tête d’un joli capital immobilier dans la capitale. « J’ai investi 2 millions d’euros et fait venir mon épouse et mes parents. Sans la perspective d’obtenir une carte de séjour, je n’aurais sans doute jamais mis les pieds au Portugal », raconte-t-il. Edmund Zhao distribue à tour de bras sa carte de visite. Il s’y présente comme le président de Golden World Property Investment Consultant Ltd, un titre ronflant qui lui permet surtout de jouer les intermédiaires entre des millionnaires chinois désireux d’émigrer en Europe et les innombrables agences immobilières de la côte portugaise. En réalité, il est le patron de l’un des plus gros promoteurs immobiliers de la région de Hangzhou, au sud de Shanghai. Richissime et discret, il ne fait pas mystère de son souci de mettre à l’abri son capital en s’installant à l’étranger. N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
Le programme Golden Visa a été lancé en octobre 2012 par le gouvernement de centre droit de Pedro Passos Coelho afin d’attirer les capitaux étrangers. Placé sous perfusion financière par la Commission européenne en 2011, le Portugal peine en effet à retrouver la confiance des investisseurs étrangers. Plus de 90 % des
TROIS INVESTISSEURS CHINOIS ont pris récemment des participations dans des entreprises portugaises (assurance et énergie) FOSUN INTERNATIONAL
1 milliard d’euros dans Caixa Seguros STATE GRID
387 millions d’euros
dans Redes Energéticas Nacionais (2012) THREE GORGES
3,5 milliards d’euros dans Energias de Portugal (2011)
investissements viennent d’autres pays européens. Le reste du monde rechigne à s’engager dans un pays au bord de la banqueroute. L’idée de ce programme « visa contre investissement » a déjà été expérimentée au Canada (lire encadré), à Chypre et en Grèce. Depuis quelques mois, d’autres pays comme l’Espagne s’y essaient timidement. Mais personne n’est allé aussi loin que le Portugal, qui brade littéralement ses belles villas en bord de mer en échange d’un permis de résidence. PASSEPORT. À Estoril, Nuno Neefe Durao dirige l’agence Fine & Country. À bord de son luxueux 4x4 de marque allemande, il claironne ses bons résultats : 50 millions d’euros en 2013, soit une cinquantaine de maisons vendues. À lui seul, il a décroché 10 % des investissements chinois. On vient en famille dans cette coquette station balnéaire à l’ouest de Lisbonne. Ce midi-là, les restaurants de poisson sont pleins. Beaucoup de Chinois sont venus visiter des biens à 7 000 euros le mètre carré. Les agences leur vantent les bienfaits de l’air pur, de l’éducation occidentale pour leurs enfants, du système de santé portugais, JEUNE AFRIQUE
Europe, Amériques, Asie t Expatriés au Portugal accueillant un navire de guerre chinois, en avril 2013 à Lisbonne (ci-contre). Gao Hucheng, ministre chinois du Commerce, et Paulo Portas, vicePremier ministre portugais, à Macao, en novembre 2013 (page de gauche).
XINHUA/ZUMA/REA
sur un compte portugais. Et le visa délivré dans la foulée. « Je ne cherche pas à savoir d’où vient l’argent de mes clients, explique Nuno Neefe Durao. En tout cas, il ne s’agit pas de blanchiment, car les banques ont le devoir de s’assurer de sa provenance. Mais il est vrai que nous n’avons pas le droit de promouvoir nos activités directement en Chine. Et que nos clients sont plutôt discrets. » L’homme d’affaires se borne à indiquer qu’il verse en dessousde-table à des intermédiaires chinois 6 % du montant de chaque transaction.
et, surtout, de ce visa qui leur permettra de voyager et d’investir dans tout l’espace Schengen. Au bout de cinq ans, à condition de vivre au moins quinze jours par an au Portugal, ils pourront même demander un passeport et mettre ainsi définitivement à l’abri leur famille et leur capital. Car les fortunes vite édifiées dans le sillage de l’ouverture de la Chine à l’économie de marché, dans les années 1980, peuvent s’évanouir tout aussi rapidement. Il suffit pour cela d’un différend avec un cacique du Parti communiste ou d’avoir « oublié » de payer ses impôts. Chaque année, des dizaines de milliardaires chinois prennent ainsi le chemin de l’exil, en envoyant en éclaireur femmes, enfants… et billets verts. À en croire le China Daily, un quotidien officiel, au moins 50 % d’entre eux nourrissent secrètement un projet d’émigration. Le gouvernement portugais espère attirer cette année 500 millions d’euros d’investissements étrangers non communautaires. Soit 60 % de plus qu’en 2013. Plus de 90 % d’entre eux proviennent d’investisseurs chinois. Dès l’aéroport de Lisbonne, des brochures en mandarin vantent la beauté de cette « Californie JEUNE AFRIQUE
de l’Europe », comme elle se présente désormais. Même les retraités français sont visés, avec un programme de résidence fiscale habilement négocié. Mais les Européens sont tenus de respecter les règles du jeu fiscal, alors que les Chinois jonglent en permanence avec la légalité. Car il leur est formellement interdit de détenir un second passeport et, plus encore, de sortir des millions d’euros du pays sans l’aval des autorités. Mais des agences d’immigration ont vite trouvé le moyen de contourner la difficulté. Grâce à une escouade d’avocats, chinois et portugais, l’affaire peut être réglée en trois jours. Les sommes sont transférées
COULEURS. L’ambassade du Portugal à Pékin, les autorités portugaises et la municipalité d’Estoril refusent de préciser les modalités du programme. Seul Paulo Portas, le vice-Premier ministre, nous communique quelques chiffres : 471 visas Gold accordés en 2013, soit 306,7 millions d’euros investis qui ont « contribué sensiblement à la reprise du marché immobilier ». Il faut dire que le Portugal revient de loin. L’immobilier s’y est effondré de 30 % depuis le début de la crise financière, en 2009. Si la pierre portugaise pourrait retrouver bientôt des couleurs grâce aux Chinois, les investissements industriels en revanche sont toujours à la peine. Les investissements directs étrangers ont plongé de 113 % l’an dernier, d’après la Banque du Portugal. Mais, là encore, les Chinois sont en embuscade (lire encadré). l STÉPHANE PAMBRUN, envoyé spécial
LE CANADA CLAQUE LA PORTE DIX-HUIT ANS APRÈS l’avoir ouverte, le Canada referme brutalement la porte au nez des riches Chinois et met un terme à son Programme d’immigration des investisseurs (PII). Depuis 1986, celui-ci a permis à plus de
300 000 millionnaires chinois d’émigrer vers le Canada. Le deal était le suivant : la résidence permanente en échange d’un prêt garanti de 800 000 dollars. Selon le gouvernement, le PII a été aboli parce que ses retombées
économiques étaient « limitées ». En clair, les Chinois investissaient peu dans l’économie locale et ne payaient pas souvent leurs impôts au Canada. Résultat : plus de 45 000 demandes de visa sont actuellement S.P. gelées. l N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
59
60
PARCOURS | D’ici et d’ailleurs
u « Je suis revenu au Bénin par l’Amérique du sud et la culture afro-brésilienne » , déclare le chanteur.
Le R Informatique et liberté D’origine béninoise, ce jeune rappeur installé au Canada reste à l’écoute des rythmes de l’Afrique et de la rumeur de ses guerres.
M
«
ES MANUSCRITS étaient mes mots et mes oriflammes / Ils ont troqué ma tasse de thé contre un jerrycan / Mais il y a cette voix qui murmure pendant qu’ils ricanent / Si tu te perds, reste calme car le désert est calme » : ainsi chante Christian Hermès Seglobo Djohossou (www.ler1er.com) dans « La Cité des 333 saints », sur son nouvel album Cœur de pion. Même s’il vit dans l’Ontario (Canada), ce jeune Béninois né en 1984 à Djougou continue d’écouter la musique de l’Afrique et d’entendre le bruit des armes qui y résonne. Et il ose les mélanges, n’hésitant pas à marier le « Lacrimosa » du Requiem de Mozart à des rythmiques agbadjas. Aîné d’une fratrie de trois, Christian Djohossou a beaucoup voyagé à travers le Bénin au gré des déplacements de ses parents. Ses souvenirs du quartier
N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
de Hindé, près du grand marché de Dantokpa (Cotonou), sont encore vifs. Et sportifs: « Je traînais avec une bande de potes, avec qui je faisais les quatre cents coups. On jouait beaucoup au foot dans la rue avec des ballons improvisés et des briques pour marquer la limite des buts. Quand une voiture passait, on criait “balle au pied” avant de reprendre le jeu. » Le cliché du rappeur dégrossi à l’école de la rue s’arrête là: « Je suis le premier enfant et, côté éducation, mes parents ont mis le paquet avec moi. » Au collège catholique Père-Aupiais de Cadjehoun, Djohossou s’intéresse à l’écriture et à la musique, en partie grâce à un professeur, M. Sodjinou. Au sein d’un collectif informel baptisé Raïm or daï (pour rime or die), sous le nom de plume d’Hermès, il jette sur le papier ses premiers textes.
« J’écrivais beaucoup pour l’exercice de style de la rime, sur des thématiques adolescentes. C’était souvent des textes rigolos, moqueurs vis-à-vis de mes camarades, rédigés dans une ambiance bon enfant », se souvient-il. Les chansons du groupe marseillais IAM dans les oreilles, il copie sur cassettes audio les CD que ceux qui voyagent lui ramènent de France. Les premiers essais de composition hip-hop virent au fiasco: « J’utilisais les sons natifs de l’ordinateur », expliqueil en riant. Après le bac et un passage par Conakry (Guinée), où sa mère travaille pour le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, Djohossou entreprend les démarches nécessaires pour partir étudier au Nord. Ce sera d’ailleurs le grand Nord, à l’université d’Ottawa, où il se consacrera à l’informatique. Premiers achats, le jour de son arrivée: un baladeur et un casque. « Mon intégration a été relativement aisée, car je pouvais facilement entrer dans n’importe quel cercle, explique-t-il. Je suis persuadé que le JEUNE AFRIQUE
Europe, Amériques, Asie
Devenu développeur de logiciels, il retourne à la musique lors d’un séjour de son père: « Il n’avait jamais vraiment supporté ce que je faisais, mais j’avais mes textes et, ce jour-là, dans ma cuisine, j’ai pris l’initiative de les lui lire. Il m’a dit que c’était bien et que je devais en faire quelque chose. » Cela donnera Maktub, son premier EP, et surtout la création de sa maison de disques, Scribes & Griots. Spectacles, concerts, il en vit désormais « à 75 % », tandis que l’informatique représente 25 % de ses revenus. Mais l’aboutissement, c’est aujourd’hui, avec la parution de Cœur de pion. Un album à son image : bien loin du hip-hop grande gueule, plus suggestif qu’agressif. « J’évite de frapper fort avec le langage, car j’estime qu’on ne s’écoute pas assez entre êtres humains, dit-il. Si j’étais trop revendicatif, le message passerait, mais il n’y aurait pas de conversation après. Je n’aime pas claquer les portes. » Sa chanson consacrée à Tombouctou s’achève ainsi : « Mais ils ricanent à nos récits, ils parlent de lyricale anorexie / Car j’ai perdu mon lexique, mes fils et filles sont dyslexiques / Je suis la cité des 333 saints. » l
TURQUIE
Erdogan contre l’oiseau bleu Le Premier ministre a entrepris de bloquer Twitter, qu’il accuse de relayer les accusations de corruption contre lui. Bonne chance !
N
«
ous allons l’éradiquer! » a menacé Recep Tayyip Erdogan, le 20 mars à Bursa. Le Premier ministre turc veut bloquer Twitter, et peutêtre aussi Facebook, convaincu qu’il est que ces réseaux sociaux ont contribué au mouvement de protestation de Gezi, en mai 2013, et servent aujourd’hui de support aux graves accusations de corruption qui le visent. Mais couper les ailes du petit oiseau bleu, logo du géant californien, ne sera pas chose aisée. Pour l’administration américaine, le blocage turc est un « autodafé du XXIe siècle », et,surleweb,lacommunautédesactivistes s’est mise en ordre de bataille. Elle a reçu le renfort inattendu d’Abdullah Gül, le président turc, qui a tweeté sa désapprobation à ses plus de 4 millions de suiveurs. Et celui d’un tribunal administratif d’Ankara, qui, le 27 mars, s’est prononcé contre le blocage. Hélas, le même jour, c’est YouTube (Google) qui à son tour a été pris pour cible par les autorités. Ce n’est pas la première fois qu’un autocrate tente de bloquer un réseau social. En leur temps, Zine el-Abidine Ben Ali, Hosni Moubarak, Mouammar Kaddafi, Bachar al-Assad et Mahmoud Ahmadinejad s’y étaientessayés.Endépitducontrôleabsolu qu’ils exerçaient sur les opérateurs de
télécommunications nationaux et d’une architecture des câbles internet terrestres et sous-marins ultracentralisée, ce fut un échec retentissant. CONTOURNEMENT. En Turquie aussi,
l’oiseau bleu continue de pépier. Et même beaucoupplusqu’avantl’interdiction.Selon l’entreprise spécialisée We Are Social, le nombredetweetsémisàpartirdelaTurquie aaugmentéde138%.Leshashtags#Turkey, #TwitterisblockedinTurkey et autres déclinaisons figurent parmi les mots clés les plus utilisés du moment. Pour contourner ce que Neelie Kroes, la vice-présidente de la Commission européenne, qualifie de «censure»,lesinternautesturcsontrecours àdesoutilséprouvés.LesVPN,parexemple, cesréseauxvirtuelsprivésquipermettentde sejouerdublocagedesfournisseurslocaux d’accès à internet. Hotspot Shield a ainsi enregistré une augmentation de 33000 % des téléchargements sur mobile. Il y a aussi le navigateur « anonymisant » Tor, mis au point par les militaires américains et très prisé par les geeks: il déroute le trafic par des serveurs éparpillés à travers le monde. Ou le service de tweet par SMS déployé par Twitter. Au fond, les régimes autoritaires sont presque les meilleurs communicants des réseaux sociaux! l JOAN TILOUINE
SELCUK BULENT/SIPA
monde te renvoie la plupart du temps ce que tu renvoies. » Dès 2003, il intègre un collectif de la mouvance hip-hop, Le 8e Art, essentiellement composé d’Africains, qui donne quelques spectacles et concerts. En 2005, il sort un premier album, Ici ou Ailleurs, avec Oriki, un autre membre du collectif. Son nom de plume, Hermès, se transforme: il n’en reste plus que « Le R ». Deux ans plus tard, alors qu’il obtient son diplôme d’ingénieur informaticien, le besoin d’« exprimer pleinement » ce qu’il a à dire se fait sentir. Un deuxième album, « trop ambitieux », ne voit pas le jour. Le R fait une pause, sorte de « quête philosophique » qui passe par la pratique de la capoeira. « Au-delà de l’exercice physique, il s’agissait de me reconnecter avec mes racines à travers une culture née d’un combat et d’une quête de liberté. C’est un trajet inverse de celui des anciens esclaves : je suis revenu au Bénin par l’Amérique du Sud et la culture afro-brésilienne. »
NICOLAS MICHEL Photo : SANDRA ROCHA pour J.A. JEUNE AFRIQUE
61
p Le blocage du réseau social à la une des journaux turcs, le 22 mars. N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
Europe, Amériques, Asie AFGHANISTAN
Élection en terrain miné s’oppose aux États-Unis et n’hésite pas par le biais de son frère, Qayum Karzaï, à humilier Barack Obama », commente qui s’est retiré de la course à son profit. Pakzad. Mais n’est-il pas trop tard ? « Comme Poutine avec Medvedev, le Résolus à torpiller le scrutin, les taliprésident a choisi un personnage sans bans multiplient les attentats. De son envergure pour en faire son homme de côté, Obama a annoncé le 25 février paille », commente Pakzad. que le dernier soldat américain quitteAshraf Ghani n’avait recueilli que 3 % rait l’Afghanistan à la fin de l’année, et des suffrages à la présidentielle de 2009, Al-Qaïda se prépare à faire son retour. mais de nouvelles alliances ont renforcé Quant à l’armée afghane, on voit mal rente-quatreansaprèsl’invasion sa position. Certains soupçonnent que cet comment elle pourrait l’emporter sur soviétique, dix-sept ans après ancien de la Banque mondiale pourrait les talibans. Bref, le retrait américain a la proclamation par les talibénéficier des faveurs des États-Unis. bans d’un Émirat islamique et toutes les chances de plontreize ans après l’intervention de l’Otan, ger de nouveau le pays dans Vingt-sept candidats sur la ligne l’Afghanistan élira le 5 avril son nouveau le chaos. Le successeur de de départ. Dix encore en lice. président. « C’est la première fois que le Karzaï réussira-t-il tout à la pouvoir va être transmis pacifiquement. fois à ménager le nationaEt trois qui tiennent la corde. Avant, c’était toujours par la guerre ou lisme afghan et à s’assurer « Absurde, estime Pakzad. Comment les l’assassinat », explique Karim Pakzad, une assistance sécuritaire américaine ? chercheur à l’Institut de relations interVingt-sept candidats étaient sur la ligne Américains pourraient-ils soutenir un nationales et stratégiques (Iris), à Paris. de départ, une dizaine restent en lice et candidat résolu à poursuivre la politique Nommé à la présidence en 2001 au lentrois tiennent la corde. de Karzaï ? » demain de la chute des talibans, puis Zalmaï Rassoul a reçu le soutien du sorQuant à Abdullah Abdullah, il avait reconduit en 2004 et de nouveau en 2009 tant, dont il fut un proche collaborateur, accédé au second tour en 2009, mais s’était finalement retiré en à l’issue d’un scrutin contesté, dénonçant des fraudes masle président Hamid Karzaï sives. Proche de feu le comne peut briguer un troisième mandat. À son successeur mandant Massoud, il n’est pas pachtoune, l’ethnie majoriéchoira la lourde tâche de poursuivre la reconstruction taire, contrairement à ses deux de l’État et la pacification du rivaux. « S’il l’emporte, cela pays. signifiera que les élections auront été à peu près réguÉCHEC. Les enjeux sont lières et qu’un homme nouénormes. La mission de la veau prend la tête de l’État. Une double légitimité pour Force internationale d’assislutter contre les talibans et tance et de sécurité de l’Otan rétablir de bonnes relations (FIAS) – 86 834 hommes, régionales et internationales », dont 60 000 Américains, en octobre 2013 – s’achèvera le estime l’analyste. 31 décembre. Elle a échoué Reste la question des à stabiliser ce pays miné par fraudes. Des irrégularités le tribalisme, les trafics, la sont inévitables, mais les corruption, et dont une parAfghans ont fini par s’habitie du territoire reste sous la tuer au système électoral et coupe des talibans. Après se détournent des talibans. l’élection, les États-Unis Une génération de jeunes avaient prévu de laisser sur éduqués a émergé, qui rêve place 12 000 hommes, mais d’un autre avenir que celui Hamid Karzaï, le président des guerres tribales. « Si le scrutin se déroule comme en sortant, a refusé de signer 2009, ce sera une catastrophe, l’indispensable accord bilatéral, pourtant approuvé par prévient Pakzad, mais s’il se Scène de rue le Parlement. « À l’approche déroule normalement, alors en période électorale, de la fin de son mandat, il joue tout est possible. » l à Kaboul, le 14 mars. LAURENT DE SAINT PÉRIER au nationaliste intransigeant,
Qui succédera à Hamid Karzaï le 5 avril ? Quel qu’il soit, le futur président va être confronté à une tâche écrasante : mener à bien la reconstruction de l’État et la pacification du pays.
T
ROBERTO SCHMIDT
62
N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
JEUNE AFRIQUE
LE PLUS
de Jeune Afrique
POLITIQUE Les six Premiers ministres du raïs
63
ÉCONOMIE Vers l’ouverture, oui ou non ? SOCIÉTÉ Habitat, emploi, santé, niveau de vie… Le bilan COHÉSION Jours fragiles à Ghardaïa
ALGÉRIE
1999-2014
JEUNE AFRIQUE
FAROUK BATICHE/AFP
Les années Bouteflika N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
D’Alger
Format : 13,5 x 26 cm. 288 pages couleur. Cartes, plans et photos inédits. Prix : 26 € VF : ISBN 978-2-86950-435-6 VA : ISBN 978-2-86950-436-3
57 bis, rue d’Auteuil - 75016 Paris, France Tél.: + 33 1 40 71 71 90 - Fax : + 33 1 40 71 71 91 E-mail : jaguar@jeuneafrique.com
www.leseditionsdujaguar.com …au Hoggar insolite !
BON DE COMMANDE
*Offre spéciale réservée aux clients commandant en ligne ou par correspondance auprès de l’éditeur jusqu’au 30/04/2014
! Je commande L’ALGÉRIE AUJOURD’HUI au prix unitaire de 26 € ! Je commande ALGERIA TODAY au prix unitaire de 26 € (frais de port OFFERTS pour l’Europe et l’Afrique). ! Ci-joint mon règlement par chèque de à l’ordre des ÉDITIONS DU JAGUAR. Signature :
€ Date :
Nom : Prénom : Adresse : Code postal : Pays : Fax :
Ville : Tél.: Courriel :
© PHOTOS : RENAUD VAN DER MEEREN/LES ÉDITIONS DU JAGUAR.
la Blanche…
Le Plus de Jeune Afrique
LE PLUS
de Jeune Afrique
Prélude
ALGÉRIE
1999-2014
Les années Bouteflika
Marwane Ben Yahmed
Ce qui doit changer
S
AU F É N O R M E S U R P R I S E , Abdelaziz Bouteflika va donc poursuivre son bail à El-Mouradia jusqu’en 2019. « Le Plus » que nous vous proposons cette semaine tente d’esquisser le bilan de quinze années de pouvoir, qui ont commencé alors que l’Algérie était exsangue et meurtrie. Il faut se souvenir de ce point de départ pour mesurer le chemin parcouru et comprendre cette obsessionnelle quête de stabilité qui sert aujourd’hui de justification à un quatrième mandat, que certains estiment être celui de trop. Dans une Afrique du Nord en perpétuelle ébullition depuis maintenant trois ans, l’Algérie fait figure d’exception. Là encore, les épreuves traversées par les voisins tunisiens, libyens ou égyptiens servent de repoussoir. Le changement et l’alternance ne sont donc pas pour 2014. Peut-on cependant attendre du mandat à venir de bonnes surprises et, surtout, les réformes de fond dont l’Algérie a besoin? Il est trop tôt pour le dire. En revanche, il est évident que les actuels dirigeants ont conscience qu’ils devront, dès le lendemain du 17 avril, se retrousser les manches. Car si tout le monde reconnaît que beaucoup a été fait depuis 1999, une fois le pays pacifié, sur un plan matériel (infrastructures, logement, santé, éducation, transferts sociaux), c’est bien le moins que l’on pouvait attendre compte tenu des immenses moyens financiers à disposition. Mais il reste tant à faire… De quoi l’Algérie a-t-elle le plus besoin aujourd’hui ? De modernité. En politique, d’abord, pour instaurer un véritable débat démocratique et renouveler les cadres qui ont fait leur temps. La nation ne peut plus se passer des idées nouvelles d’hommes et de femmes qui se soucient moins de leurs privilèges ou de lécher les babouches du zaïm que de faire leur travail : proposer, discuter, faire bouger les lignes, représenter dignement leurs électeurs. Autre défi, colossal, la réforme de l’administration, cette hydre qui étouffe toute une population sous des tombereaux de paperasse et JEUNE AFRIQUE
transforme la vie quotidienne du citoyen lambda ou de l’entrepreneur en infernal parcours du combattant. Un héritage des années Boumédiène, anachronique, paralysant, voire suicidaire pour un pays qui aspire au dynamisme. Ensuite,lasphère économique. Il faut en finir une fois pour toutes avec cette défiance maladiveàl’égarddusecteurprivé,considéré depuis trop longtemps comme l’ennemi à abattre. Pourquoi renoncer à la créativité dont font preuve les Algériens chaque jour? À cette aptitude, érigée en art, à toujours se débrouiller pour contourner les obstacles? Pourquoi ne pas « légaliser » un secteur informel parmi les plus dynamiques au monde? C’est le secteur privé qui doit permettre d’enfin diversifier une économie monomaniaque. C’est lui aussi qui créera les emplois et relancera une industrie dans le coma depuis des lustres. C’est une évidence qu’il est absurde d’avoir à rappeler au XXIe siècle. Enfin, le volet social. Inonder de dinars ceux qui ne s’en sortent pas sans se pencher sur les raisons de leurs difficultés, c’est soigner les symptômes sans jamais s’attaquer à la maladie. Une aberration. On en revient à la politique économique, à l’initiative privée, au cadre fourni par l’État, etc. Une société, quelle qu’elle soit, a aussi besoin d’air, et c’est peu dire que la société algérienne étouffe. Sous le conservatisme, les tabous, l’absence de loisirs et d’accès à la culture, le culte de la corruption et de l’argent facile. Sous le déni également: son code de la famille, et la placequ’ilréserveauxfemmesenparticulier, est un autre anachronisme difficilement acceptable. Autant demander aux Algériens de ne marcher que sur une seule jambe… Ces multiples fers aux pieds – dont la liste n’est hélas pas exhaustive – ne sont évidemment pas le fait d’Abdelaziz Bouteflika. Ils existaient bien avant lui et sont tellement ancrés dans les mentalités qu’ils semblent presque impossibles à briser. Mais à quoi servirait ce quatrième mandat, si ce n’est à régler les vrais problèmes ? l N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
1999-2014 Bouteflika jusqu’au bout de l’Histoire p. 66 GOUVERNEMENT Les six Premiers ministres du raïs ÉCONOMIE Vers l’ouverture, oui ou non ?
p. 68
p. 70
DÉVELOPPEMENT Habitat, emploi, santé, niveau de vie… Le bilan p. 72 COHÉSION Les identités meurtrières p. 81 Jours fragiles à Ghardaïa p. 82 Tribune de Rachid Bellil, sociologue p. 82 SÉCURITÉ À Tébessa, ça craint sur les bords p. 86 PORTRAITS Tout feu tout femmes p. 88
65
66
Le Plus de Jeune Afrique
1999-2014
Jusqu’au bout de l’Histoire
p Le 15 avril 2011, le chef de l’État promettait une ouverture démocratique et une révision de « l’ensemble de l’arsenal législatif ». N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
JEUNE AFRIQUE
Les années Bouteflika Selon ses partisans, le président brigue un quatrième mandat pour parachever son œuvre. Et notamment faire de l’Algérie un pays émergent, doté d’une Constitution relookée.
assurant que « ce sont les réformes politiques de fond, lancées le 15 avril 2011 par le chef de l’État, qui nous ont évité le recours à la rue pour imposer le changement ». Les réformes en question ? La levée de l’état d’urgence, deux décennies après son instauration en 1992 (même si l’interdiction de manifester dans la capitale est toujours en vigueur). CHERIF OUAZANI, envoyé spécial Une nouvelle loi sur les partis, qui a permis à une vingtaine de formations politiques de voir le jour, ainsi qu’une sensible augmentation du our convaincre les électeurs d’accorder leur suffrage au candidat nombre de femmes dans les assemblées élues – qui s’est vérifiée lors des élections municipales Abdelaziz Bouteflika, 77 ans, qui et législatives de 2012. Sans oublier le plus brigue un quatrième mandat le important, une loi sur l’audiovisuel qui met fin 17 avril, son staff de campagne, à un monopole d’État. que dirige Abdelmalek Sellal (lire Le bouleversement de l’offre télévisuelle a pp. 68-69), développe un curieux argumentaire, selon lequel il faudrait reconduire le chef de l’État en effet donné à l’opposition l’occasion d’être dans ses fonctions afin de garantir la sécurité et plus présente dans les médias. Il y avait certes déjà plus de 140 quotidiens arabophones ou la stabilité du pays. Est-ce à dire que l’Algérie, malgré ses indéniables avancées économiques francophones, dont plus de 90 % privés et maniet sociales (lire pp. 72-77 et 78-79), sa diplomatie festement hostiles au chef de l’État. Mais, malgré rayonnante et son statut de puissance militaire une diffusion de plus de 2 millions d’exemplaires régionale, est si fragile qu’elle risque l’implosion par jour (tous titres confondus), leur impact en cas d’alternance ? En termes de marketing sur l’opinion était marginal face à la « parole politique, un tel slogan suffirait à lui seul à ruid’évangile » que distille, chaque soir à 20 heures, ner le bilan des trois mandats d’un président à le journal télévisé de la chaîne publique – suivi nouveau candidat… Ailleurs, sans doute, mais par près de 12 millions de téléspectateurs… pas en Algérie. La fin du monopole d’État a Quinze ans après l’entrée en donné naissance à une dizaine « Dans la région, vigueur de la loi sur la Concorde de chaînes privées généralistes. civile, qui, adoptée par référenManifestations d’opposants, notre pays n’est dum le 16 septembre 1999, a débats contradictoires, reporpas une exception, tages, enquêtes sur les affaires contribué à la reddition de plus mais un exemple. » de 6 000 maquisards de l’Armée économico-judiciaires, images AMARA BENYOUNÈS, islamique du salut (AIS), suiinédites filmées à l’intérieur de ministre du Développement vie, en septembre 2005, par la bidonvilles… La vraie Algérie industriel, leader du MPA Charte pour la paix et la récondéfile désormais à longueur de ciliation nationale, la société journée sur les écrans. Un sacré reste traumatisée par la guerre civile des années changement pour ses habitants, qui n’avaient 1990, ses 200 000 morts et ses 20 milliards de accès à ces images que sur les chaînes étrandollars de pertes pour l’économie. La crainte gères. Cinquante années de monopole, cela d’une rechute l’a prémunie de la contagion révolaisse des traces. lutionnaire du Printemps arabe et l’a, semble-t-il, vaccinée durablement contre le changement. SÉQUELLES. Mais le seul engagement pris par Abdelaziz Bouteflika dans son discours FIN DE MONOPOLE. « Dans la région, notre du 15 avril 2011 et qui attend encore un début pays n’est pas une exception mais un exemple », de mise en œuvre est de taille, c’est celui du estime Amara Benyounès, chef du Mouvement projet de révision constitutionnelle, l’« acte de populaire algérien (MPA, soutenant la candinaissance de la IIe République », comme s’en dature d’Abdelaziz Bouteflika) et ministre du étaient enthousiasmés les partisans du chef Développement industriel. Une manière de de l’État. « C’est pour parachever ce processus, dire que ce n’est pas le spectre d’un retour des explique doctement Abdelaziz Belkhadem, que fantômes de l’islamisme jihadiste qui a rendu le président, malgré les séquelles d’un accil’Algérie imperméable aux vents révolutionnaires, dent de santé, se représente devant le suffrage mais ses avancées démocratiques et sociales. universel. » Ses promesses électorales ? Faire L’ancien patron du Front de libération nationale de l’Algérie un pays émergent avant la fin du (FLN), Abdelaziz Belkhadem, redevenu conseilquinquennat, tout en transformant la « démoler spécial du président le 13 mars, avec rang de cratie populaire » en démocratie sociale. Tout ministre d’État, fournit une autre explication, un programme. l
FAROUK BATICHE/AFP
P
JEUNE AFRIQUE
N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
67
Le Plus de J.A. Algérie GOUVERNEMENT
Les jokers du président Mon premier a fait long feu, mon second a claqué la porte, mon troisième s’est rebellé, les trois autres lui sont restés fidèles. Mon tout ? Six Premiers ministres, que Bouteflika a fasciné, agacé, usé.
DR
68
p Ahmed Ouyahia (à g.) et Abdelaziz Belkhadem, deux « ex- » de retour au sérail.
S
ur les six Premiers ministres qui ont successivement dirigé les gouvernements d’Abdelaziz Bouteflika au cours de ses quinze années à la présidence, cinq sont impliqués, à des degrés divers, dans le scrutin du 17 avril. Aujourd’hui, Youcef Yousfi, ministre de l’Énergie et des Mines, assure un simple intérim d’Abdelmalek Sellal, lequel a pris depuis le 13 mars la direction de la campagne du candidat Bouteflika et devrait retrouver son poste si le président sortant était réélu. Le premier à ouvrir le bal fut Smaïl Hamdani. Ancien ambassadeur d’Algérie en France (de 1989 à 1992), il était le chef du gouvernement de Liamine Zéroual lorsque celui-ci décida de mettre fin à son mandat présidentiel. Abdelaziz Bouteflika le maintint en poste lorsqu’il prit ses fonctions, le 27 avril 1999, jusqu’au 23 décembre suivant. Désormais retiré de la scène politique, à 84 ans, Smaïl Hamdani reste actif sur le plan académique, multipliant conférences, colloques et cours magistraux à l’Institut diplomatique et à l’École nationale d’administration (ENA). Après lui, cinq personnalités se sont succédé au palais du Docteur-Saadane, siège de la primature, tous de la même génération : Ahmed Benbitour (67 ans), N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
Abdelaziz Belkhadem et Abdelmalek Sellal, ils sont tous trois résolument engagés dans la campagne pour la réélection du chef de l’État. Les relations entre le président Bouteflika et ses Premiers ministres n’ont pas toujours été un long fleuve tranquille. Loin s’en faut. Le premier couac date d’août 2000, lorsque Ahmed Benbitour provoqua un clash avec El-Mouradia en reprochant publiquement à Abdelaziz Bouteflika de rogner sur ses prérogatives et, surtout, sur celles du Parlement. Il accusait notamment le président de mettre à profit les périodes de vacances de l’Assemblée populaire nationale (APN, chambre basse) et celles du Conseil de la nation (Sénat) pour légiférer par ordonnances. Excédé, Benbitour finit par jeter l’éponge, devenant ainsi, le 26 août 2000, le premier chef du gouvernement à démissionner dans l’histoire de l’Algérie indépendante. Droit dans ses bottes, Abdelaziz Bouteflika joua alors la transparence et rendit publique la lettre de démission. Dès le lendemain, pour remplacer le susceptible Benbitour, le chef de l’État fit appel à un homme de confiance : Ali Benflis, qui avait été son directeur de campagne électorale, puis secrétaire général à la présidence et, enfin, son directeur de cabinet. Dans la foulée, il offrit à son nouveau chef de gouverne-
Ali Benflis (69 ans), Ahmed Ouyahia (61 ans), Abdelaziz Belkhadem (69 ans) et, enfin, Abdelmalek Sellal (65 ans). Ce dernier, contrairement à ses cinq prédécesseurs, est le seul à n’avoir jamais porté le titre de « chef du gouvernement ». En effet, la révision constitutionnelle de Quand, en 2003, Ali Benflis affiche novembre 2008 a supprimé ses ambitions, la rupture avec le bicéphalisme de l’exécutif: le Premier ministre n’est son mentor devient inévitable. plus responsable devant le ment la direction du FLN, ancien parti Parlement, mais devant le président de la unique et première force politique du République, qui cumule donc désormais pays. Trois ans plus tard, Ali Benflis, le statut de chef de l’État et celui de chef croyant que le moment était venu, affidu gouvernement. cha ses ambitions présidentielles pour 2004, quitte à rivaliser avec son menDROIT DANS SES BOTTES. Comment tor. La rupture était inévitable, pources cinq ex-Premiers ministres se sont-ils tant Benflis refusait de démissionner. positionnés à un mois de la prochaine C’est donc Bouteflika qui creva l’abcès, présidentielle ? Le sénateur Ahmed début mai 2003, en le remerciant et, Benbitour, qui avait annoncé dès la fin suprême humiliation, en le remplaçant 2012 qu’il se porterait candidat, s’est finalement retiré de la course en appelant par Ahmed Ouyahia, le secrétaire général au boycott du scrutin. Ali Benflis, dont la du Rassemblement national démocracandidature en tant qu’indépendant a été tique (RND, rival du FLN). retenue par le Conseil constitutionnel, Discret, efficace, évitant de faire de l’ombre au chef de l’État, Ahmed Ouyahia fait partie des cinq rivaux d’Abdelaziz s’astreignit et se cantonna à suivre et à Bouteflika ; il s’était déjà présenté à la faire appliquer la feuille de route élaprésidentielle de 2004 et est considéré comme le principal adversaire du chef de borée par Bouteflika. Jusqu’à ce que lui l’État sortant. Quant à Ahmed Ouyahia, vienne l’outrecuidance de s’opposer à une JEUNE AFRIQUE
Les années Bouteflika 6 hommes en 3 mandats
Smaïl Hamdani Du 15 décembre 1998 (sous Liamine Zéroual) au 23 décembre 1999
Ahmed Benbitour Du 23 décembre 1999 au 26 août 2000
Ali Benflis Du 26 août 2000 au 5 mai 2003
Ahmed Ouyahia Du 6 mai 2003 au 24 mai 2006
Abdelaziz Belkhadem Du 24 mai 2006 au 23 juin 2008
Ahmed Ouyahia Du 23 juin 2008 au 3 septembre 2012 MUSTAFA YALCIN/AFP
Abdelmalek Sellal Depuis le 3 septembre 2012 – en congé depuis le 13 mars 2014. Son intérim est assuré par Youcef Yousfi. p Abdelmalek Sellal dirige aujourd’hui la campagne du candidat Bouteflika.
hausse artificielle des salaires. En étayant son désaccord par quelques arguments objectifs qu’il mit sur la table en Conseil des ministres : « Notre croissance économique dépend fortement du seul secteur des hydrocarbures. Augmenter les salaires dans ces conditions exposerait le pays à une implosion. » Malgré l’impopularité de son chef du gouvernement, Abdelaziz Bouteflika lui apporta pourtant publiquement son soutien. « Ahmed a raison », trancha-t-il le 24 février 2006 devant des syndicalistes aussi médusés que mécontents. Mais, deux mois plus tard, Ouyahia est limogé sans aucune forme de procès. Et remplacé par Abdelaziz Belkhadem, successeur d’Ali Benflis à la tête du FLN. RETROUVAILLES. Plus qu’un retour à la
norme (puisque le FLN détenait la majorité relative au Parlement), le choix de Belkhadem fut perçu parl’opinion comme un pied de nez de Bouteflika à l’armée, le commandement n’ayant jamais fait mystère de son hostilité à l’égard d’un homme soupçonné de sympathie, voire de connivence, avec les fondamentalistes qui avaient pris les armes contre la République en 1992. Redoutable homme politique, Belkhadem se révéla moins efficace dans le rôle de principal animateur JEUNE AFRIQUE
de l’équipe gouvernementale, alors que Dernier Premier ministre du troil’Algérie devait accélérer le rythme pour sième mandat de Bouteflika, l’énarque Abdelmalek Sellal a été nommé chef de rattraper les retards accumulés en termes daïra (sous-préfet) en 1977, puis wali de développement économique et social. Après vingt-cinq mois de services et (préfet), ambassadeur, ministre de tous moins d’un an avant l’échéance préles gouvernements depuis 1999, avant sidentielle, le 23 juin 2008, Abdelaziz d’accéder à la primature. Même s’il s’est Bouteflika limoge Belkhadem pour rapmis en congé, le 13 mars, afin de prendre peler… Ahmed Ouyahia. Lequel porte en main la direction de la campagne avec efficacité le projet de révision de la du candidat Bouteflika, Sellal est avant tout perçu comme un Premier ministre Constitution, adopté par le Parlement technocrate. Lors de cette réorganisale 12 novembre 2008. Le verrou de la tion des troupes, Ahmed Ouyahia a, lui, limitation à deux mandats présidentiels successifs ayant sauté, Bouteflika pris la tête du cabinet de la présidence pouvait se présenter en 2009. Et espérer de la République, tandis qu’Abdelaziz rempiler pour un troisième mandat. Le choix de Belkhadem, en 2006, Les retrouvailles entre fut perçu comme un pied de nez Bouteflika et Ouyahia auront duré un peu plus du chef de l’État à l’armée. de quatre ans. Jusqu’à ce qu’en septembre 2012 le secrétaire généBelkhadem a été nommé ministre d’État, ral du RND perde à nouveau son bureau représentant spécial du président de la du palais du Docteur-Saadane au profit République. Tous deux apportent leur d’Abdelmalek Sellal. Sans aucune explisoutien inconditionnel à la candidature cation. La disgrâce d’Ahmed Ouyahia prit du président sortant, pour lequel ils vont une nouvelle tournure – inattendue – battre campagne et tenir de nombreux quand il fut contraint, le 3 janvier 2013, meetings (12 pour Ouyahia, 18 pour de démissionner de la direction de son Belkhadem). Mais, qu’il soit politique parti, qui venait de remporter les sénaou technocrate, un Premier ministre de toriales. Souvent, en Algérie, les voies de « Boutef » n’est jamais celui qui donne la politique sont impénétrables. CHERIF OUAZANI le « la ». l N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
69
Le Plus de J.A. Algérie ANALYSE
Entre virage et voie de garage Le pays va-t-il opter pour la libre entreprise et l’économie de marché, ou continuer de miser sur un tout-pétrole qui prend l’eau ?
A
u premier abord, l’Algérie se porte bien, malgré une croissance modeste (+ 2,7 % en 2013) par rapport à celle des autres pays pétroliers. L’inflation s’y est assagie (à 4,5 %), ses dépenses budgétaires ont été réduites et ses réserves en devises atteignent 196 milliards de dollars, soit trois ans d’importations. Ajoutez que sa dépense publique massive a permis de construire logements, routes ou voies ferrées (lire pp. 74-75), et vous comprendrez pourquoi l’Algérie peut s’enorgueillir d’un vrai recul des inégalités depuis dix ans. Voici qu’en cette période préélectorale le Tout-Alger fonde ses espoirs dans le pacte économique de croissance et dans la promesse du gouvernement de défendre enfin la libre entreprise, seule capable de créer de la richesse à long terme et de réduire le taux de chômage, certes tombé sous la barre des 10 %, à 9,8 % fin 2013 (lire p. 76), mais qui s’élève à 21,35 % pour les moins de 35 ans, selon le Fonds monétaire international (FMI). À l’aube de l’élection présidentielle, le pouvoir se serait converti à l’économie de marché et renoncerait à la drogue pétrolière. Quoique affaibli par un accident vasculaire cérébral, le président sortant et candidat à sa propre succession aurait décidéderéformeruneéconomiecorsetée et de libérer les forces du changement. PATHOLOGIE. Faut-il croire en cette révo-
lution? Croisé dans les couloirs du Africa CEO Forum organisé par Jeune Afrique à Genève du 17 au 19 mars, Issad Rebrab, le patron de Cevital, la première entreprise privée algérienne, fait une moue dubitative. « J’y croirai quand j’en verrai les preuves », répond celui qui brûle d’impatience de développer ses activités au sud du Sahara, mais qui ne peut sortir d’Algérie l’argent nécessaire à la réalisation de ses projets. Et comment ne pas comprendre sa réserve… L’Algérie souffre toujours d’une « maladie hollandaise » carabinée, pathologie spécifique aux pays ayant à la fois la chance et le malheur de détenir N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
un sous-sol riche en matières premières et où les autres activités économiques semblent atrophiées. Elle ne produit pas grand-chose d’autre que des hydrocarbures : 34 % de son produit intérieur brut (PIB), 98 % de ses recettes d’exportations et 65 % de ses recettes budgétaires en proviennent. Cette manne a généré deux maux : une compétitivité internationale de plus en plus médiocre et un mépris souverain à l’égard de l’entreprise privée. La compétitivité a été dégradée par un laxisme évident : de 2005 à 2010, les salaires ont bondi de 50 %, bien plus qu’au Maroc ou en Chine (lire p. 78). Dans tous les classements internationaux, certes organisés selon les canons du libéralisme, l’Algérie se traîne en queue de peloton. Forum économique mondial, Banque mondiale, Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ou Heritage Foundation critiquent ses DEUX ANS DE PROGRÈS (en milliards de dollars)
208
PIB
215 65
Exportations Importations de biens
74
2012 2013
47 55
190,6
Réserves de change
196
QUI PAIE SES DETTES S’ENRICHIT (en milliards de dollars)
25,3 3,4
Dette totale
Dette extérieure publique
20,4 0,374 2000
2013
SOURCES : FMI, BANQUE D’ALGÉRIE
70
coûts de production élevés, son manque de transparence, le poids de sa bureaucratie et sa préférence pour les entreprises publiques. Les subventions implicites pour les carburants – qui profitent aux plus riches, propriétaires d’une voiture – amputent les recettes budgétaires de 22 milliards de dollars. Les différents prélèvements sur les bénéfices des entreprises atteignent 72 % du montant de ceux-ci. Pas de quoi séduire les investisseurs étrangers, qui n’ont misé en Algérie que 1,5 milliard de dollars en 2012. Une misère ! L’analyse que le FMI a publiée le 28 janvier sur l’économie du pays est alarmante. Selonsesauteurs,sa«trajectoirebudgétaire n’est pas viable », car « l’Algérie est vulnérable à une baisse prolongée des prix du pétrole, à une dégradation de la conjoncture mondiale, à de nouvelles pressions sur la rente des hydrocarbures et à une intensification des tensions régionales ». REMÈDES. À poursuivre dans cette voie et
en raison de l’épuisement inéluctable de ses réserves pétrolières et gazières, le pays s’expose à devoir recourir aux emprunts d’ici à vingt ans et pourrait dériver vers un endettement redoutable, équivalant à 100 % de son PIB, en 2050. JEUNE AFRIQUE
Les années Bouteflika t Usine d’Aquasim, filiale du groupe Sim, l’un des rares industriels algériens exportateurs.
l’élection présidentielle, mais la réforme avancera.LePremierministre,Abdelmalek Sellal (« en congé » pour diriger la campagne d’Abdelaziz Bouteflika) est pragmatique et semble conscient que l’Algérie ne peut plus se permettre de continuer à vivre en autarcie. Il a récemment dénoncé les risques d’un “inceste intellectuel” jusque dans les universités. » PRIVILÈGES. On en saura bientôt plus
SAMIR SID
sur les nouvelles convictions du gouvernement. Le 31 mars, Mustapha Benbada, ministre du Commerce, devait participer, à Genève, à de nouvelles négociations pour l’adhésion de l’Algérie à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). « Le processus d’adhésion est un dialogue entre le pays candidat et les pays membres de l’OMC, explique Mustapha Sekkate, économiste à la division des accessions du secrétariat de l’Organisation. Au cours de ce dialogue, on vérifie la conformité des règles du commerce extérieur du pays divergent. « Tous les économistes ont avec les deux règles majeures de l’OMC : annoncé la fin de la manne pétrolière et la clause de la nation la plus favorisée, qui souligné l’urgence de prendre un virage interdit à un membre de discriminer ses dans le sens d’une gouvernance digne partenaires commerciaux, et le principe de ce nom, affirme Lies Kerrar, président du traitement national, qui interdit à un du cabinet de développement financier pays de faire une distinction entre les proHumilis.Maislesréservesdedevisesabonduits nationaux et les produits importés dantes, la découverte de nouveaux giseune fois que ceux-ci sont entrés sur son ments et l’éventualité d’un grand potentiel territoire. » Une cinquantaine de pays se en gaz de schiste maintiennent l’illusion sont inscrits pour négocier ainsi de façon que le système actuel peut perdurer. » multilatérale avec Alger. Des négociations bilatérales La compétitivité a été dégradée sont aussi en cours entre l’Algérie et une vingtaine de pays, afin par un laxisme évident et des de préciser les tarifs douaniers à ne pas dépasser pour leurs hausses de salaires excessives. produits et services respectifs. Il appelle de ses vœux l’inscription dans Ce qui coince ? La règle selon laquelle un la Constitution de règles budgétaires qui investisseur étranger ne peut détenir plus conduiraient le pays à en finir avec sa de49%ducapitald’unesociétéalgérienne, dépendance à l’égard des hydrocarbures. mais aussi les privilèges des entreprises Et voudrait que le gouvernement élabore publiques – qui faussent la concurrence – une stratégie industrielle, ce qui suppose et la politique de fixation des prix. Enfin, de réformer le climat des affaires et d’insses partenaires s’interrogent sur la manière taurer une gouvernance moderne. Mais il dont Alger compte s’y prendre pour passer est dubitatif. « La réforme est inévitable. d’une économie planifiée à une économie Le pays la veut, mais dans l’ordre, estime de marché. Voici vingt-sept ans (record Slim Othmani, patron de NCA-Rouiba. Le mondial de durée des négociations) que dosage entre la liberté d’entreprendre et le la réponse se fait attendre. L’Algérie va-tmaintien d’une certaine tradition variera elle enfin y aller, oui ou non ? l en fonction de l’identité du vainqueur de ALAIN FAUJAS
Les remèdes énumérés par le FMI sont nombreux. Il y a les thérapeutiques classiques, comme la limitation de la croissance de la masse salariale, notamment dans la fonction publique, ou l’élimination progressive des subventions. On trouve aussi des préconisations plus originales, telles la transformation du Fonds de régulation des recettes (FRR), qui conserve les surplus de recettes pétrolières, en fonds souverain, sur le modèle du Qatar ou de la Norvège, afin de transmettre aux générations futures un peu de la richesse extraite aujourd’hui. Le FMI conseille encore de lever l’interdiction du crédit à la consommation (instaurée en 2009) et les obstacles aux émissions d’obligations et d’actions des sociétés privées. Il demande de supprimer l’interdiction pour les investisseurs étrangers d’acquérir la majorité du capital d’une société algérienne, quelle qu’elle soit. Il encourage une transparence des recettesprovenantdeshydrocarburesgrâce à l’application des règles de l’Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE). GAZ DE SCHISTE. Le gouvernement qui sortira de l’élection présidentielle suivrat-il les conseils du FMI ? Les réponses JEUNE AFRIQUE
N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
71
72
Le Plus de J.A. Algérie DÉVELOPPEMENT
Un autre monde… Depuis la fin des années 1990, le pays investit massivement pour combler son retard en matière d’infrastructures ou d’emploi. Avec plus ou moins de succès.
O
n ne peut évidemment pas nier que ses richesses en hydrocarbures et les cours haussiers du baril de pétrole et du mètre cube de gaz expliquent en grande partie l’embellie spectaculaire des principaux indicateurs macroéconomiques de l’Algérie depuis la fin de la sinistre décennie 1990-1999. Reste que l’utilisation de cette manne lui a permis, contrairement à bien d’autres pays producteurs, d’atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement des Nations unies avant la date butoir fixée en 2015. La stratégie de développement choisie par le gouvernement algérien, qui repose sur des investissements publics massifs (près de 600 milliards de dollars en quinze ans), est sans doute inappropriée, insuffisante, voire parfois contre-productive (lire pp. 70-71), il n’en demeure pas moins qu’elle a permis au pays d’opérer d’incontestables mutations en un temps record et de rattraper une grande partie de son retard : modernisation et développement des infrastructures, réduction du déficit en logements, forte résorption du chômage, meilleur accès à la santé… De quoi considérablement améliorer la qualité et le niveau de vie des Algériens. En l’occurrence, la consommation des ménages (lire pp. 78-79) a bondi de 20 milliards d’euros en 1999 à près de 100 milliards d’euros en 2012. Leur épargne augmente aussi : sa valeur globale représentait 12 milliards d’euros en 2009, elle était évaluée à 29 milliards en 2013, soit une hausse de plus de 140 % en cinq ans. l CHERIF OUAZANI
Immobilier Vous habitez encore chez vos parents ? Malgré la mise en œuvre de trois plans quinquennaux, le manque de logements reste criant. Résultat, des millions d’Algériens attendent encore d’emménager « chez eux ».
E
ntre l’explosion démographique, l’urbanisation accélérée, les destructions engendrées par les catastrophes naturelles récentes (tremblement de terre en 2003 et inondations en 2001 et 2006), les piètres performances du secteur national de la construction et une gestion immobilière archaïque, la crise de l’habitat n’est toujours pas résorbée. Trouver un appartement ou une maison reste la première préoccupation des Algériens. Pourtant, près de 2,7 millions de logements (sociaux, en location-vente ou habitat rural) ont déjà été réalisés et livrés dans le cadre des trois programmes quinquennaux lancés par l’État depuis N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
2000. Le parc national est ainsi passé de côtière qui bénéficie de la part du lion de 5,4 millions d’unités en 2000 à un peu ces réalisations, avec plus de 2,5 millions plus de 8 millions fin 2013, réduisant d’unités construites, contre 93 000 dans le déficit en logements à 1,6 milles Hauts Plateaux et 56 000 dans le lion d’unités et, surtout, le Grand Sud. Le taux d’occupation : de 5,75 Selon Abdelmadjid parc national de logements habitants par logement en Tebboune, le ministre de comptait 2000, il n’est plus que de l’Habitat et de l’Urba4,68 en 2013, selon les nisme, avec plus de 1 milestimations officielles lion d’unités en cours de fin 2013. Reste à en – comparativement, il réalisation et les projets construire plus de 1,6 million pour de villes nouvelles qui ont est de 3,8 au Maroc et répondre à la été relancés, ce déficit chrode 2,02 en France. Plus de demande nique « pourra être entière80 % des 38 millions d’Algément résorbé dès 2017, et la crise riens vivant sur le littoral (qui du logement ne sera bientôt plus qu’un représente pourtant moins de 9 % de la superficie totale du pays), c’est la bande mauvais souvenir ». Mais comment? Car
8 millions d’unités
JEUNE AFRIQUE
p Logements sociaux en cours de construction à Bouira.
pour tenir le pari, il faudrait construire 200 000 logements par an jusqu’à 2017, quand les capacités de production nationale ne dépassent pas 80 000 unités par an. C’est pourquoi, dès l’an dernier, le gouvernement a fait appel à des entreprises étrangères (portugaises, chinoises, espagnoles, sud-coréennes, turques, égyptiennes, etc.) pour qu’elles réalisent 120 000 logements supplémentaires par an entre 2015 et 2017 en partenariat avec des constructeurs algériens. Un marché lucratif en ces temps de crise. QUALITÉ. Illustration de la place accor-
dée à l’habitat par le gouvernement : sa part dans les investissements publics. L’enveloppe budgétaire annuelle qui lui a été consacrée en 2013 est de 203 milliards de dinars (DA, 1,9 milliard d’euros), alors qu’elle n’était que de 67 milliards de DA en 2000. Le seul plan quinquennal 20102014 a alloué plus de 3 700 milliards de JEUNE AFRIQUE
DA (deuxième poste de dépenses de l’État) à la construction de 2,4 millions de logements, dont : 1 million en public locatif (LPL, qui s’adresse aux ménages dont le revenu mensuel est inférieur à 235 euros), 900 000 logements ruraux et 550 000 logements promotionnels
le gouvernement a requis une montée en gamme dans la qualité des constructions, de façon à ce qu’elles intègrent de meilleures performances techniques et énergétiques. En outre, il a instauré une meilleure prise en compte des normes environnementales et urbanistiques, de la mixité sociale et fonctionnelle, ainsi que des besoins Pour accélérer le mouvement, en services de proximité l’État a fait appel au partenariat dans les projets de rénovad’entreprises de BTP étrangères. tion urbaine, d’extension de quartiers résidentiels et de aidés (LPA, destinés aux citoyens dont les villes nouvelles. C’est-à-dire en veillant à revenus sont six fois supérieurs au salaire y introduire ou réintroduire de la mobilité minimum). En parallèle, des mesures et de l’accessibilité (voirie, transports incitatives ont été adoptées pour dynaen commun), des commerces, des sermiser la promotion immobilière privée. vices (écoles, centres de santé, antennes En même temps qu’il a fait appel au d’administrations, postes de police ou de gendarmerie en milieu rural, etc.), des partenariat entre entreprises de BTP infrastructures sportives et culturelles algériennes et étrangères, en privilégiant les coentreprises à haut niveau et des espaces publics conviviaux. De technique dans ses critères de sélection, CHERIF OUAZANI quoi mieux vivre. l N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
ALEXANDRE DUPEYRON POUR J.A.
73
Le Plus de J.A. Algérie
Infrastructures On ne traîne plus sur les routes Priorité de la politique de grands travaux : les voies de communication et l’accès à l’eau. Une gageure, dans un pays à 80 % saharien.
A
vec une enveloppe de près de 6 400 milliards de dinars (DA, 60 milliards d’euros) consacrée aux programmes d’infrastructures publiques engagés depuis 2000, le pays s’est considérablement équipé, avec deux priorités : développer les voies et moyens de communication, ainsi que la production et la distribution d’eau potable. Près de la moitié des budgets (soit 3 132 milliards de DA) ont été – et sont encore – absorbés par les aménagements routiers. Entre 2000 et 2014, l’Algérie a en effet construit quelque 13 200 km de routes et dispose actuellement de près de 117 500 km d’asphalte, dont plus de 30 800 km de nationales, 85 000 km de routes départementales et communales et 1 000 km d’autoroutes et voies express, auxquels vont bientôt s’ajouter quelque 830 km de liaisons autoroutières et pénétrantes. Ces connexions à l’autoroute Est-Ouest vont desservir les agglomérations de Sétif et Tizi Ouzou, ainsi que Jijel et Bejaïa. Pour la liaison avec le Grand Sud, un autre axe stratégique est en projet, celui de la pénétrante vers Berrouaghia, porte d’entrée du Sahara central et passage obligé pour les voyageurs vers les grandes oasis (Ouargla, Adrar et la ville nouvelle de Hassi Messaoud). GRANDES LIGNES. Le Schéma national
d’aménagement du territoire (Snat) 2025, élaboré en 2006, met l’accent sur le transport ferroviaire comme principal vecteur de croissance et de modernité. Entre 2000 et 2013, plus de 2 100 milliards de DA ont été investis dans le développement du réseau ferré, qui a plus que doublé en quinze ans, passant de 1 770 km à 3 800 km. L’objectif est d’atteindre 4 286 km de voies avant la fin de 2014 et 10 000 km d’ici à 2018. Ce qui fera du réseau ferroviaire algérien N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
OMAR SEFOUANE
74
p Lors de la construction du pont Oulmane-Khalifa, qui relie le Mémorial des martyrs au nouveau ministère des Affaires étrangères (à Alger).
le deuxième du continent après celui de l’Afrique du Sud. Parmi les chantiers récemment achevés, les plus marquants sont la modernisation et la réouverture de la mythique ligne Oran-Béchar (700 km), l’électrification de la totalité du réseau de la banlieue algéroise (sur plus de
170 km), ainsi que la mise en service de nouvelles lignes interurbaines entièrement électrifiées comme M’sila-Aïn Touta, Bordj Bou Arreridj-M’sila ou Aïn M’lila-Tébessa. Sont en cours la modernisation de la ligne Thénia - Tizi-Ouzou (65 km), qui devrait être achevée dès novembre 2014 – en avance de six mois JEUNE AFRIQUE
Les années Bouteflika
DESSALEMENT. Sur le front de l’eau, les investissements ont également été importants. L’enveloppe financière consacrée aux infrastructures et aux ressources hydrauliques entre 2000 et 2014 s’élève à 2 000 milliards de DA. L’Algérie dispose désormais de 60 barrages en exploitation (contre 13 en 2000) et a développé 25 grands réseaux de transport et de transfert d’eau, dont celui d’In Salah-Tamanrasset, sur 700 km. Une véritable performance en milieu désertique et hostile (et un chantier qui a coûté, à lui seul, environ 212 milliards de DA). Plus de 34 stations d’épuration et 3 000 réseaux d’alimentation en eau potable et d’assainissement ont été réalisés, ainsi que des opérations d’aménagement pour mieux protéger les villes exposées aux inondations. Enfin, l’Algérie est désormais l’un des pays les plus en pointe dans le domaine du dessalement d’eau de mer. Le plan de construction de 13 stations, qui produiront à terme 2,26 millions de m3 par jour, est déjà très avancé : 10 ont déjà été mises en service, pour une capacité de production globale de 1,9 million de m3 par jour d’eau potable. Une fois ce programme achevé, le dessalement d’eau de mer fournira aux populations des villes et villages du nord du pays plus de 2,3 millions de m3 d’eau potable par jour. Par ailleurs, 60 milliards de DA supplémentaires ont été mobilisés sur le marché financier pour permettre la réalisation de 8 nouvelles stations de dessalement. l CHERIF OUAZANI JEUNE AFRIQUE
ALEXANDRE DUPEYRON POUR J.A.
sur le calendrier initial ! –, ainsi que le chantier de la nouvelle ligne est-ouest qui reliera Tébessa et Saïda sur 1 000 km, qui avance en même temps que celui de l’autoroute des Hauts Plateaux, lancé en avril 2013. Enfin, plus de 60 gares routières ont été construites, dont une dizaine multimodales (connectant les différents modes de transport). Quant aux infrastructures maritimes, 12 ports commerciaux ont fait l’objet de dragage et de confortement, plus de 20 ports de pêche et une dizaine de marinas sont en cours de réalisation. Et, dans le domaine aérien, sur les 25 projets de réalisation et de modernisation d’infrastructures aéroportuaires, 10 ont été livrés (8 nouvelles aérogares et 2 unités de maintenance à Alger et à Oran).
75
p Mis en service fin 2011, le métro d’Alger transporte 40 000 voyageurs par jour.
SOUS TERRE, SUR TERRE ET DANS LES AIRS
D
epuis trois ans, la modernisation des transports en commun d’Alger et d’Oran a enfin permis aux deux premières villes du pays d’entrer dans l’ère de la mobilité urbaine. Si longtemps attendue, la première ligne du métro d’Alger (deuxième métro souterrain sur le continent après celui du Caire) a été mise en service en novembre 2011, sur 9,5 km, et transporte désormais plus de 40 000 voyageurs par jour. Trois extensions en cours de réalisation, qui devraient étendre le réseau à 17 km d’ici à 2016, pour relier le centre-ville (Grande Poste et place des Martyrs) aux quartiers est de Bab Ezzouar et El-Harrach.
Mais c’est surtout sur le tram que les pouvoirs publics misent désormais. Créée en partenariat avec la Régie autonome des transports parisiens (RATP), l’Entreprise de transport urbain et suburbain d’Alger (Etusa) et l’Entreprise du métro d’Alger (EMA), la Société d’exploitation des tramways (Setram) assure la gestion des 2 réseaux opérationnels et des 12 autres prévus. Les premières lignes ont été mises en service en mai 2011 à Alger (son 3e tronçon, Alger-Est, ouvrira en juillet 2014) et en mai 2013 à Oran. Celui de Constantine est en chantier. Ceux de Sétif, Ouargla, Annaba, Béjaïa, Mostaganem et Batna
devraient commencer prochainement. Enfin, les téléphériques deviennent une alternative de plus en plus sérieuse. À Alger, gérés par l’Etusa, 4 relient déjà la partie basse de la ville à Notre-Dame-d’Afrique, au Mémorial, au Palais de la Culture et à El-Madania. Un cinquième, équipé de 58 cabines, doit être mis en service d’ici au mois de mai entre Oued Koriche et Bouzareah (3 stations sur près de 3 km). À l’intérieur du pays, outre le téléphérique entre Blida et la station hivernale de Chréa, déjà en exploitation, on attend l’achèvement de celui de Lalla Setti, haut lieu touristique de Tlemcen, ainsi que celui de Skikda. l CH.O. N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
Le Plus de J.A. Algérie
Travail Good job
de 1 million de chômeurs en cinq ans et table sur un rythme de 300000 placements par an à partir de 2014. Malgré le boom démographique, le chômage a été réduit de 20 % Des mesures incitatives ont été prises en quinze ans. Mais, pour les jeunes, la galère continue… pour encourager les jeunes à créer euxmêmes leur emploi : mesures de facilitation fiscales, réduction de l’apport n est encore loin du plein-emploi, lesquels 21,35 % n’ont pas trouvé d’emploi personnel au titre du financement de en 2013 (soit près de 1 jeune actif sur 5). mais le taux de chômage est passé l’investissement, ramené de 5 % à 1 % au-dessous de la barre des 10 % Mais ils étaient plus de 54 % en 2000. Chez les diplômés de l’enseignement pour les projets dont le coût ne dépasse depuis 2012, pour s’établir à 9,8 % fin 2013, supérieur, le taux de chômage a égaleselon les données de l’Office national des pas 5 millions de DA et de 10 % à 2 % pour ment connu une baisse significative ces statistiques, alors qu’il flirtait avec les 30 % ceux nécessitant jusqu’à 10 millions de dernières années, passant de 21,4 % en en 2000. Jusqu’à la fin des années 2000, si DA, etc. Une réforme du code des marchés 2010 à 16 % en 2013. la courbe s’était nettement inclinée, le taux publics introduit par ailleurs l’allocation de chômage en Algérie était largement d’un quota de 20 % de contrats publics supérieur (de 5 à 7 points) à la moyenne PLACEMENTS. Depuis 2000, l’économie locaux aux microentreprises, ainsi que régionale. Fin 2013, il est comparable à algérienne a créé près de 5 mill’octroid’uncréditsupplémentaire celui du Maroc (9,1 %) et très inférieur à lionsd’emplois(plusde300000 et sans intérêt de 1 million de Le chômage celui de la Tunisie (15,7 %). postes supplémentaires par DA pour la location d’un local affectait encore Mais ce taux global ne reflète évideman). Ressources mobilisées destiné à une profession ment pas les disparités entre classes d’âge pour favoriser l’accès au tralibérale. Deux dispositifs ont été mis en place pour et catégories socioprofessionnelles. Le vail: 360 milliards de dinars l’accompagnement des rythmesoutenudelacroissancedémogra(DA, 3,4 milliards d’euros), et 16 % des diplômés du phiquedonnelesentimentquelasituation dont 150 milliards de DA jeunes entrepreneurs et des supérieur en 2013 s’est aggravée. Pourtant, le pourcentage de pour l’appui et l’insertion des chômeurs qui voudraient tenchômeurs au sein de la population active diplômés (de l’enseignement ter de créer leur activité: l’Agence est en baisse constante et leur nombre supérieur et de la formation profesnationale de soutien à l’emploi des aussi : ils sont environ 1 million actuelsionnelle), 80 milliards pour le soutien à la jeunes (Ansej) et la Caisse nationale lement (ils étaient plus de 2,4 millions en création de microentreprises, et 130 mild’assurance chômage (Cnac). Depuis 2009, cette dernière a financé près de 2000) sur 11 millions d’actifs. liards pour les dispositifs d’emploi tempo86 400 projets, et l’Ansej a accompagné Cette perception tient aussi au mal-être raire et d’insertion professionnelle. Dans 160 000 jeunes promoteurs. l de la jeunesse. En effet, les plus touchés le cadre de ces derniers, l’Agence nationale par le chômage sont les 16-24 ans, parmi de l’emploi (Anem) a réussi à placer plus CHERIF OUAZANI
O
21,35 % des 16-24 ans
p Au cœur du dispositif : les antennes de l’Agence nationale de soutien à l’emploi des jeunes. N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
LOUIZA.AMMI
76
JEUNE AFRIQUE
Les années Bouteflika
OMAR SEFOUANE
Les régions reculées, en particulier, souffrent d’une grave pénurie de dispensaires, d’un faible niveau de soins et d’un manque de personnel médical. NOUVEAUX CHU. Pour améliorer la couverture médicale, le programme quinquennal 2010-2014 a mobilisé une enveloppe budgétaire de 619 milliards de DA pour la construction de nouvelles structures hospitalières, dont 10 centres hospitalo-universitaires (CHU). Le 17 mars dernier, les contrats de réalisation de 4 d’entre eux ont été attribués à des entreprises étrangères, qui comp Pour compenser la pénurie de spécialistes, certains hôpitaux du Nord menceront les travaux en juin, pour une ont été jumelés avec ceux du Sud. livraison prévue en 2017. Le CHU de Staoueli, en banlieue d’Alger (700 lits), sera réalisé par le groupe italien Rizzani de Eccher-Ospedale San Raffaele, celui de Tizi Ouzou (500 lits) par Construction de centres de soins, formation du personnel médical… le groupement sud-coréen Daewoo E&CLe pays se dote d’une meilleure couverture sanitaire. Heerim Architects, celui de Constantine Reste un point noir : la mortalité infantile. (500 lits) par les partenaires franco-autrichiens Bouygues Bâtiment Internationalecteur clé en matière de déveinfantile (des moins de 5 ans) : même Vamed Aph Paris et celui de Tlemcen loppement humain, la santé a si elle est tombée de 36,9 ‰ naissances (500 lits) par le constructeur britannique bénéficié d’un effort particulier, en 2000 à 26,1 ‰ en 2013, elle demeure International Hospitals Group (IHG). En avec notamment une forte augmentation loin des normes internationales. Elle est, outre, pour renforcer la carte sanitaire, 45 de la part qui lui est consacrée dans le par exemple, deux fois plus élevée qu’en centres spécialisés (mère-enfant, oncolobudget de l’État, puisqu’elle était de Tunisie. Une étude menée par l’Office gie, cliniques du cœur), 377 polycliniques 33 milliards de dinars (DA, 420 millions national de la statistique en 2010-2011 et 1000 services de soins sont en cours de d’euros) en 2000, contre 263,7 milliards a ainsi relevé que plus de 36 000 enfants construction, répartis en particulier au en 2013. Les résultats sont au rendezde moins de 1 an meurent chaque année sein des nouveaux quartiers résidentiels. vous, le rapport 2013 du Programme des en Algérie, dont près de 16 000 à la naisPour renforcer les capacités du secNations unies pour le développement sance, soulignant le manque de suivi teur en termes de ressources humaines, (Pnud) classant d’ailleurs l’Algérie parmi et de soins appropriés pour les mères 2 nouvelles facultés de médecine ont été les 15 nations qui ont le plus réduit leurs durant leur grossesse. ouvertes dans le Grand Sud, à Adrar et carences entre 1990 et 2012. à Ouargla, et 17 écoles d’études Avec un Indice de développeparamédicales sont en cours de UN DÉVELOPPEMENT HUMAIN ÉLEVÉ ment humain (IDH) passant de réalisation ou en projet dans Indice de développement humain/rang sur 187 pays classés 0,562 en 1990 à 0,625 en 2000, différentes régions. Afin de com0,713 Algérie 93e pour atteindre 0,713 en 2012, penser le manque de spécia0,712 Tunisie 94e l’Algérie a rejoint le groupe des listes dans les hôpitaux du Sud, 0,662 pays à développement humain et en attendant la réalisation de 112e Égypte e élevé, grâce à d’importants pro3 CHU à Béchar, Laghouat et 0,591 130 Maroc grès en matière d’espérance de Ouargla, qui viendront renforcer e 0,467 155 Mauritanie vie (73,4 ans en 2012, contre la couverture sanitaire dans ces 71,5 ans en 2000), liés aux régions, les CHU du Nord et des 1 pour 9122 PLUS DE PRATICIENS efforts de formation et de déveHauts Plateaux ont été jumePar nombre d’habitants loppement des infrastructures lés avec des hôpitaux du Sud. 1 pour 2834 de santé, avec une meilleure Dans le cadre de ces conven1 pour 1746 couverture du territoire. Ainsi, tions, des missions médicales et entre 2000 et 2013, le nombre paramédicales sont notamment 2000 d’établissements hospitaliers dépêchées depuis le CHU de est passé de 230 à 291, et celui Beni Messous (sur les hauteurs Spécialistes Dentistes Généralistes des polycliniques de 497 à 1 588. d’Alger) dans les hôpitaux des Toutefois, les défis restent de wilayas du Sud (Ouargla, Adrar 2013 taille, notamment sur le front et Illizi). l 1 pour 1806 1 pour 3128 1 pour 1295 de la lutte contre la mortalité CHERIF OUAZANI
Santé Allô docteurs?
SOURCE : ONS
SOURCE : PNUD 2013
S
JEUNE AFRIQUE
N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
77
Le Plus de J.A. Algérie CONSOMMATION
Des tentations par millions Les salaires ont augmenté, et avec eux les envies de shopping. Mais les produits importés ne sont pas à la portée de toutes les bourses.
E
lles sont bien loin les années 1990, cette décennie noire où l’Algérie a dû passer sous la tutelle du Fonds monétaire international (FMI) pour cessation de paiement, où la dette extérieure avait atteint la somme astronomique de 32 milliards de dollars, où les caisses de l’État étaient tellement vides qu’il avait fallu solliciter une monarchie du Golfe pour régler la facture d’un simple bateau de blé. Désormais, le pays a renoué avec l’aisance financière, à la faveur de l’envol des prix du pétrole et du gaz, ses deux principales richesses. Depuis 1999, l’Algérie a engrangé près de 800 milliards de dollars, a remboursé ses dettes, et même prêté 5 milliards au « méchant » FMI en octobre 2012. Mieux, la Banque d’Algérie a accumulé quelque 200 milliards de dollars en réserves de change – dont une bonne partie a été placée en bons du Trésor aux États-Unis. De quoi assurer trois années d’importations, du jamais vu depuis l’indépendance. Et pour clore cette liste de records chiffrés régulièrement exhibée par les autorités pour démontrer que l’Algérie
a bien changé, on peut rappeler que les gouvernements successifs du président Bouteflika ont engagé 600 milliards de dollars dans des projets de développement. Qu’ils ont revalorisé à cinq reprises le salaire national minimum garanti (SNMG), fixé à 18000 dinars (DA, soit environ 180 euros) par mois depuis 2012, alors que la première revalorisation l’avait péniblement fait passer de 6 000 à 8 000 DA en 2001. Qu’ils ont par ailleurs rétabli le crédit à la consommation (supprimé en 2009) et dopé les salaires de 2010 à 2012. Le pouvoir d’achat a-t-il progressé pour autant ? La qualité de vie des Algériens s’est-elle améliorée ? Sont-ils heureux ?
Un salaire minimum multiplié par 3 en quinze ans
Comparé à celui des voisins, non producteurs de pétrole
Salaire national minimum garanti (SNMG) par mois, en dinars algériens
Salaire minimum mensuel (hors secteur agricole) en janvier 2014, converti en euros
15000 18000 10000 12000 8000 6000 1999
2001
2004
2007
2010
2012
IMPORT-IMPORT. Invité le 11 mars à une
conférence au siège du quotidien Liberté, Djamel Zenati, ancien député du Front des forces socialistes (FFS), s’est fendu de cette savoureuse formule : « Celui qui ne s’est pas enrichi sous Bouteflika ne sera jamais riche. » Lyes fait partie de ces Algériens qui ont amassé une petite fortune au cours de ces quinze dernières années. Importateur de
209,5 €
180 €
147,5 €
126 €
Maroc
Algérie
Tunisie
Égypte
PETITS MOYENS SELON UNE ENQUÊTE publiée fin 2013 par l’Office national des statistiques (ONS) afin d’analyser les répercussions des augmentations salariales effectuées en 2012 dans les différents secteurs, le salaire net moyen en Algérie était d’environ 45000 dinars (DA, près de 423 euros) dans le secteur public en 2012 (en hausse de 9,1 % par rapport à 2011) et d’environ 25700 dinars (en hausse de 7,5 %) dans le privé. Les salaires nets moyens les plus élevés sont enregistrés dans les secteurs des industries extractives (85000 DA et, pour les cadres, 105000 DA) et de la finance (50500 DA et, pour les cadres, 62200 DA), les plus bas sont observés dans le secteur privé de la santé et dans la construction (23700 DA et, pour les cadres, 44200 DA). Selon l’enquête de l’ONS, un cadre du secteur public perçoit un salaire net moyen de plus de CÉCILE MANCIAUX 68600 DA, contre 59400 DA pour un cadre du privé. l N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
SOURCE : MINEFI
78
pièces détachées pour véhicules légers, ce père de 3 enfants se qualifie volontiers de privilégié du système. Plusieurs comptes bancaires garnis, villa avec piscine dans le quartier de Dely Brahim, sur les hauteurs d’Alger, progéniture scolarisée dans un établissement privé, vacances dans le sud de l’Espagne, en Thaïlande ou en Égypte… Lyes n’a pas de scrupules à faire étalage de sa fortune. Sa dernière acquisition, qu’il aime exhiber dans le quartier de Sidi Yahia, les Champs-Élysées d’Alger : une limousine flambant neuve payée, en liquide, 7 millions de dinars (environ 70 000 euros). « Ces 7 millions sont une goutte d’eau, dit Lyes non sans fierté. Cette somme ne représente même pas la moitié de la valeur d’un conteneur. Or j’en importe deux à trois par mois. Mais cet argent ne fait pas vraiment notre bonheur. Je peux tout me permettre, mais les lieux de savoir, de distraction et d’évasion sont inexistants en Algérie. On s’y ennuie mortellement. » Ancien trabendiste reconverti dans l’« import-import » – dénomination populaire de l’import-export –, Lyes estime que l’Algérie est un eldorado pour ceux qui veulent gagner de l’argent rapidement. À preuve, au cours de la dernière décennie, le pays a connu une hausse substantielle du nombre de millionnaires en dollars, voire de milliardaires. Une réussite symbolisée par celle de l’industriel Issad Rebrab, patron du groupe privé JEUNE AFRIQUE
p Dans le Centre commercial et de loisirs (CCL) de Bab Ezzouar (banlieue est d’Alger).
agroalimentaire Cevital, entré dans le classement 2013 du magazine Forbes avec une fortune estimée à 3,2 milliards de dollars. « Nous ne produisons rien, nous importons tout, souligne Lyes. C’est pain bénit pour les hommes d’affaires qui sont sur ce créneau, et ce n’est pas demain que cette source va se tarir, car l’économie algérienne dépendra encore de la rente pétrolière dans les vingt prochaines années. On se frotte les mains d’avance… » Il ne croit pas si bien dire. De l’aveu même de l’ancien Premier ministre Ahmed Ouyahia, l’Algérie a importé pour 370 milliards de dollars au cours des quinze dernières années. Pour la seule année 2014, la facture
pourrait même atteindre la barre des 55 milliards de dollars, alors qu’elle était à peine de 10 milliards en 1998. Une vraie dépendance, aussi, au « fabriqué à l’étranger ». PART DE RÊVE. Forcément, ce boom
des importations et le prix des produits importés se ressentent dans la vie quotidienne. De la pomme de terre à la pièce détachée en passant par le téléphone, la voiture, les conserves, les viandes, le blé, les fruits, les vêtements, les Algériens consomment presque exclusivement des produits importés de Chine, d’Argentine, de France, des émirats du Golfe ou de Taïwan. À tel point que certains marchés populaires portent désormais des noms
LAHCËNE ABIB/SIGNATURES
Les années Bouteflika aussi exotiques que Dubaï, Chinatown ou Dallas. De quoi donner à chacun sa petite part de rêve… Mais si tous les produits sont disponibles, ils ne sont pas accessibles à toutes les bourses. D’autant que le pouvoir d’achat des Algériens a sensiblement diminué au cours de ces cinq dernières années, bien que le SNMG ait été revalorisé et bien que les autorités, qui continuent de soutenir les produits de première nécessité (pain, lait, sucre, huile), aient procédé à des revalorisations salariales substantielles (avec effet rétroactif ) pendant l’hiver 2012, dans la foulée des révolutions en Tunisie et en Égypte, pour garantir la paix sociale. Et même si, selon le FMI, le PIB par habitant est passé de 1 630 dollars en 1999 à 5 670 dollars en 2013, le pouvoir d’achat des Algériens s’est érodé. L’inflation, conjuguée à la flambée incessante des prix des produits de grande consommation, grève le budget des ménages. Médecin au service ophtalmologie d’un hôpital public, mère de deux enfants, Nadjet se plaint de la cherté de la vie, malgré un salaire mensuel de 90000 DA, pourtant largement supérieur à la moyenne (lire encadré). « Entre la nourriture et le téléphone, l’entretien et le remboursement de la voiture, le loyer, les soins de santé, la scolarité des enfants, les vêtements… Il ne reste plus grand-chose à la fin du mois, maugrée Nadjet. Pour les vacances d’été, il faut se contenter de la plage. Et il faut compter deux ou trois ans d’économies pour un séjour en Tunisie ou en Turquie », qui restent les deux principales destinations des touristes algériens. l FARID ALILAT
SPORTIVES ET GROSSES BERLINES
O
ù et comment dépenser son argent? Pour répondre à cette cruelle question et aux besoins des « nouveaux riches » algériens, quelques temples pour consommateurs haut de gamme ont vu le jour, surtout dans la capitale, où plusieurs concessionnaires proposent des véhicules de standing, négociables entre 5 millions et 20 millions de dinars (DA, entre 50000 et 200000 euros).
JEUNE AFRIQUE
C’est « le » véritable signe extérieur de richesse. L’engouement pour ces berlines, limousines ou sportives est tel que, du 9 juillet au 9 août 2013, les clients aisés ont pu se rendre à loisir au premier Salon de l’automobile haut de gamme d’Alger. Sur les hauteurs de la capitale et dans ses banlieues chics, les villas avec piscine fleurissent, dont certaines se revendent à plus de
400 millions de DA. Des magasins de luxe, de grandes enseignes d’horlogerie, de vêtements ou d’électronique high-tech ont ouvert à Sidi Yahia, près du quartier huppé de Hydra, à Alger. Et pour ceux qui aiment la discrétion, rien de tel que l’étranger. Les Algériens qui en ont les moyens aiment passer leurs vacances à Paris, à Monaco, dans le sud de l’Espagne ou à Cuba. Pour le shopping, ils
préfèrent Londres, Genève, Dubaï ou Doha, d’autant plus prisé depuis que Qatar Airways propose des vols directs plusieurs fois par semaine. Ils sont aussi de plus en plus nombreux à acquérir maisons, appartements et commerces hors du pays pour assurer l’avenir de leurs enfants, faire des affaires, ou, pour quelques-uns, investir les petites et grandes F.A. fortunes amassées. l N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
79
Le Plus de J.A. Algérie PORTRAIT
De la City au pays profond L’an dernier, Kamal Benkoussa a quitté Londres et sa vie de trader pour faire de la politique à Alger. Il s’apprête à créer un parti, ainsi qu’un think tank de prospective économique.
L
e 5 mars, pour annoncer qu’il renonçait à se porter candidat à la présidentielle, Kamal Benkoussa a choisi un site éminemment symbolique pour les Algériens : le cimetière d’El-Alia, haut lieu de la mémoire collective, où sont enterrés l’émir Abdelkader, fondateur de l’État, les présidents Houari Boumédiène, Ahmed Ben Bella, Chadli Bendjedid et Mohamed Boudiaf, ainsi que toutes les grandes figures du mouvement national. « Je voulais prendre à témoin nos martyrs de la mascarade qui se prépare », explique Kamal Benkoussa. La politique n’a jamais été loin des conversations familiales de cet Algérien de 41 ans, né à Charleville-Mézières (nord-est delaFrance)auseind’unefamilleouvrière originaire du village d’Ifri, berceau de la lutte armée contre le colonialisme, où s’est déroulé le congrès de la Soummam. Son parcours scolaire est brillant : licence en finances et master en économie à l’université Paris-IXDauphine (d’où il sort major de sa promotion en 1996), puis master en ingénierie financière à HEC Montréal. En 2000, il commence sa carrière à Londres comme stagiaire chez Goldenberg Hehmeyer LLP, un fonds d’investissement américain dont il devient senior trader, puis partenaire en 2006… Jusqu’à ce qu’il décide de quitter la City, en 2013, pour s’installer à Alger et entrer en politique. LANCEUR D’ALERTES. Sa vie
à l’étranger ne lui a jamais fait oublier son Algérie, où il revenait « au moins une fois par mois » ces dernières années. En 1993, animateur d’une association d’étudiants berbères à Reims, il organise les premiers envois de médicaments vers les hôpitaux algériens dépassés par le N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
failles de son modèle de développement et à réfléchir aux solutions pour sortir de l’impasse. » Son livre de référence ? La Martingale algérienne, d’Abderrahmane Hadj-Nacer (lire J.A. no 2679, du 13 au 19 mai 2012, pp. 52-55), « sans doute le meilleur ouvrage sur le système algérien », dit-il, rappelant que son auteur est devenu pour lui un ami et une sorte de père spirituel.
nombre de victimes des attentats du terrorisme islamiste. En 2006, devenu expert financier, il se transforme en lanCOUACS. Son retrait prématuré de la ceur d’alertes. « Je voyais venir la crise course à El-Mouradia, Kamal Benkoussa des subprimes et je m’inquiétais de son ne le vit pas comme un échec: « Cela a été impact sur l’économie de mon pays. » une expérience enrichissante, et la quête Multipliant les interventions dans les de parrainages m’a permis de sillonner le pays profond, de me confronter aux médias nationaux et étrangers pour analyser les incidences de la crise financière « Je n’ai rien contre le président, mais qui allait fondre sur il est temps de laisser la place à une l’Algérie, il acquiert une notoriété, devient jeune élite, compétente et intègre ». un conférencier réguréalités du terrain et de jeter les bases lier dans les universités algériennes. Et pour structurer le parti politique que comme il n’est pas homme à parler de j’envisage de créer. » sujets qu’il ne maîtrise pas, se met à la lecture attentive des rapports du FMI, de Certes,ilyaeuquelquescouacs,comme la Banque mondiale, de l’Office national la remise en question de son « algérianité » des statistiques… « Je connais la socioparce qu’il a longtemps vécu à l’étranger, logie de mon pays, résume Benkoussa. ou parce qu’il a un fort accent lorsqu’il J’ai appris à lire ses chiffres, à analyser les parle arabe. « C’était assez blessant, mais cette étape était nécessaire et a été globalement positive. » Pour lui, l’Algérie se conjugue au futur, et il dit préparer son action politique « pour une évolution plutôt qu’une révolution ». En attendant la création de son parti, qui aura pour prolongement un think tank consacré à la prospective économique, Kamal Benkoussa comprend les appels de protestation contre le quatrième mandat d’Abdelaziz Bouteflika que lance le mouvement Barakat ! « Je n’ai rien contre le président, mais il est temps de laisser la place à une jeune élite compétente et intègre, plus à même de relever les grands défis de l’Algérie de demain. » Le 5 mars, au cimetière d’ElAlia, il citait Tocqueville : « Dans les démocraties, chaque génération est un peuple nouveau. » l LOUIZA AMMI POUR J.A.
80
p Dans la cité Diar el-Mahçoul, sur les hauteurs d’Alger, le 12 mars.
CHERIF OUAZANI JEUNE AFRIQUE
Les années Bouteflika SOCIÉTÉ
Les identités meurtrières
DR
La moindre dispute dégénère en affrontements intercommunautaires. Une blague sur les Chaouis provoque un tollé. À l’évidence, la cohésion nationale ne traverse pas une bonne passe.
p Combats de rue entre Maures et Touaregs en août 2013, à Bordj Badji Mokhtar.
N
omades contre sédentaires, ruraux contre citadins, sunnites contre ibadites, Zénètes contre Maures… Les conflits intercommunautaires ont, à un rythme régulier, émaillé la vie de l’Algérie indépendante. Les événements qui ensanglantent la vallée du Mzab depuis décembre 2013 (lire pp. 82-83) en sont l’une des plus vives illustrations. Des affrontements d’une violence sans précédent opposant Mozabites, Berbères d’obédience ibadite – rite minoritaire de l’islam – et Arabes sunnites de la tribu Chaâmba ont enflammé la ville de Ghardaïa. Ils ont déjà provoqué la mort de 8 personnes (5 ibadites et 3 sunnites), fait des centaines de blessés, sans compter les milliers de sinistrés, de sans-abri et de commerçants ruinés par le pillage et l’incendie de leurs maisons ou de leurs magasins. Quelques mois auparavant, en août, le même climat de guerre civile s’était installé à Bordj Badji Mokhtar, dans l’extrême sud du pays (à 2 200 km au sud d’Alger et à 800 km du chef-lieu de la wilaya, Adrar), près de la frontière malienne. Là, c’est une rixe entre un commerçant arabe de
JEUNE AFRIQUE
détriment des ressorts sociaux et des mécanismes ancestraux qui assuraient la coexistence pacifique entre communautés partageant le même espace. « La rudesse des conditions de vie et la rareté des ressources ont contraint nos ancêtres à mettre en place des mécanismes de gestion des conflits qui ont montré leur efficacité. Les mutations sociopolitiques de notre région et, plus généralement, du pays les ont manifestement ankylosés », reconnaît de son côté le chercheur en anthropologie sociale Aouemeur Bakelli, un Mozabite qui revendique fièrement sa lointaine ascendance avec la tribu Ouled Sidi Cheikh, l’une des plus grandes tribus arabes. Moins dramatiques que les événements de Ghardaïa ou de Bordj Badji Mokhtar, mais significatives de ce phénomène de crispation ethnique qui s’est propagé au sein de la société, les réactions enflammées – et démesurées – déclenchées le 14 mars par une boutade d’Abdelmalek Sellal, désormais directeur de campagne du candidat Bouteflika. En installant son staff de campagne électorale, l’ancien Premier ministre, plaisantant avec un participant, a lâché : « Chez nous, à Constantine, on dit “Chaoui sauf ton respect” ! » – expression qui laisse entendre que « Chaoui » (Berbère des Aurès) équivaut à une insulte. Résultat : tollé immédiat sur les réseaux sociaux et manifestations anti-Sellal à Batna,
la tribu Bérabiche (Maures du Sahel) et un client touareg qui a dégénéré en émeute entre les deux communautés, qui cohabitaient pourtant en bonne intelligence depuis des siècles. Bilan : 8 morts et des dizaines de blessés. Désormais, à Bordj Mokhtar, la moindre rencontre sportive nécessite le déploiement d’un impressionnant dispositif policier pour assurer la sécurité des joueurs, des arbitres, des supporteurs et des simples passants, aux abords des stades et des salles omnisports. Des humoristes MÉFIANCE MALADIVE.
parodiant les Gueblis ou les Kabyles ? Impensable aujourd’hui !
Jacobin par définition, l’« État national » a échoué dans sa lutte contre le régionalisme et le sentiment d’appartenance tribale. Le slogan « Une révolution, un peuple » a tourné au déni identitaire, lequel a, paradoxalement, engendré une méfiance maladive à l’égard de « l’autre ». Pour l’anthropologue Rachid Bellil (lire sa tribune p. 85), c’est la conséquence de trois décennies de parti unique, au cours desquelles des apparatchiks, choisis et nommés par le parti-État, ont indûment remplacé les notables locaux au
capitale des Aurès et place forte du nationalisme… Il n’y a pas si longtemps, des humoristes comme Boubagra, parodiant les Gueblis (nomades des Hauts Plateaux), l’Inspecteur Tahar, policier gaffeur brocardant l’accent des habitants de Jijel (300 km à l’est d’Alger) ou Kaci Tizi Ouzou, moquant la rudesse des montagnards de Kabylie, faisaient rire tous les Algériens. Plus maintenant. l CHERIF OUAZANI N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
81
Le Plus de J.A. Algérie
82
REPORTAGE
Jours fragiles à Ghardaïa
PHOTOS : DJAMEL ALILAT POUR J.A.
Depuis décembre 2013, dans la grande cité du Mzab, les heurts sanglants se multiplient entre Berbères et Arabes. Voyage dans la vallée de la peur.
p Inscrite au patrimoine de l’Unesco, la ville millénaire compte quelque 400 000 habitants, dont 300 000 Mozabites.
M
inuit passé, dans le dédale des ruelles sombres et étroites du quartier de Bab Ouel Djema, à Ghardaïa. Bakir et Bachir, deux jeunes Mozabites, ont pris leur tour de garde à 10 heures du soir. Cette tradition millénaire d’assurer la garde de la vieille cité a été renforcée depuis les premiers affrontements de décembre 2013. Dans tous les quartiers, des hommes d’un certain âge veillent devant un brasero en sirotant du thé. Visages couverts de chèches, les plus jeunes patrouillent par petits groupes, à pied ou à moto. Munis de sifflets, ils se tiennent prêts à donner l’alerte en cas d’attaque du camp adverse. En quelques minutes, c’est toute la ville qui pourrait se retrouver sur le pied de guerre. Cela fait des siècles que Berbères mozabites et Arabes chaâmba cohabitent dans cette étroite vallée du Mzab, aux portes du désert, à 600 km au sud d’Alger. Jamais les clashs entre les deux communautés n’avaient atteint ni une telle gravité ni une telle ampleur. Il y a eu quatre morts côté mozabite en décembre, trois côté arabe mi-mars, des centaines de blessés, de maisons N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
et de commerces pillés, incendiés, des cimetières saccagés, des mausolées millénaires détruits, des sanctuaires profanés… La peur et la méfiance se sont installées entre les deux camps, qui se regardent désormais en chiens de faïence.
p Habitants montant la garde dans le quartier de Bab Ouel Djema (le 26 février).
QG de Kameledine Fekhar, l’activiste le plus connu de la vallée du Mzab. Pour ce militant aux multiples casquettes, ce qui se passe n’est ni plus ni moins qu’un « conflit de civilisation » entre la mentalité bédouine des Chaâmba et la mentalité citadine, dont se revendiquent les Mozabites. Fekhar, qui a déjà connu la prison, ne mâche pas ses mots : « Lors de l’indépendance, les terrains étaient à 90 % mozabites. Aujourd’hui, on se
ENCERCLÉS. Ce mardi, les citoyens vaquent à leurs occupations dans un climat tendu. Des fourgons de la police antiémeute stationnent à chaque carrefour, sur « Le premier accrochage a eu lieu toutes les places publiques. en 1975, lorsqu’on a occupé Adossés aux murs, de la totalité des terrains à bâtir. » petits groupes d’agents des forces de l’ordre sont à MOHAMED DEHAM, ex-directeur de l’urbanisme, notable Chaâmba l’affût du moindre incident. Ghardaïa tout entière reste quadrillée par retrouve encerclés par les nouveaux des milliers de policiers et de gendarmes. quartiers arabes. Nous sommes devenus Déserté, lui, par les commerçants une minorité chez nous. Pour eux, nous autant que par les chalands, le vieux sommes des kharidjites, ce qui rend marché aux arcades fait grise mine. Au licite de prendre nos vies et nos biens », se plaint-il. Selon lui, il y a eu beaucoup bout d’une venelle encombrée d’étals plus de violence en 1985, mais ce qui a croulant sous les fruits et les légumes, le siège de la Ligue algérienne des droits changé, cette fois, c’est l’utilisation des de l’homme est devenu celui d’une fonréseaux sociaux et des nouveaux médias dation pour la défense de la culture par les Mozabites pour faire connaître mozabite. Signe des temps. Et c’est le la tragédie qu’ils vivent. JEUNE AFRIQUE
Les années Bouteflika martèle-t-il. Le conflit oppose les ibadites aux malékites, et pas les Mozabites aux Chaâmba. » Selon lui, ce conflit entre le rite ibadite et le rite malékite aurait des origines bassement matérielles. « C’est tout simplement un problème social et foncier », dit-il. Les changements sociaux intervenus au lendemain de l’indépendance auraient exacerbé les vieilles rivalités entre éleveurs ou cultivateurs arabes et commerçants mozabites. « Le premier accrochage entre les deux communautés a eu lieu en 1975, lorsqu’on a occupé la totalité des terrains à bâtir à Ghardaïa », précise Mohamed Deham, qui pense que la solution consiste à implanter de nouveaux lotissements loin de Ghardaïa et de sa vallée surpeuplée. « Le Sahara est vaste », résume-t-il. Quant au conflit entre les deux communautés, il s’agit pour lui d’une question de bon sens : « On doit simplement apprendre à vivre ensemble. »
p Pour l’activiste berbère Kameledine Fekhar, c’est un « conflit de civilisation ».
En effet, en janvier, des vidéos et des photos montrant le parti pris des services de sécurité en faveur du camp arabe ont « fait le buzz » et obligé la police à ouvrir des enquêtes après avoir, dans un premier temps, nié les faits. Postée sur YouTube, la vidéo montrant le meurtre du jeune Mozabite Azzedine Baba Ousmail par une foule hystérique a particulièrement choqué l’opinion. Selon Kameledine Fekhar, cet événement a provoqué une prise de conscience au sein de la société mozabite. « Une JEUNE AFRIQUE
nouvelle génération de Mozabites, moins dociles et plus rebelles, a vu le jour. Ils se sont affranchis de la double tutelle des anciens et de l’État », soutient-il, ajoutant que de plus en plus de jeunes adhèrent à ses vues. Pourtant, il y a encore quelques mois, il passait pour un radical peu fréquentable. Ancien directeur de l’urbanisme de Ghardaïa, Mohamed Deham, un notable chaâmba, écarte d’emblée la thèse du conflit communautaire. « Nous n’avons pas de problèmes avec les Mozabites,
CRIMINELS. Le 6 février, le ministre de l’Intérieur, Tayeb Belaïz, est venu dans la ville, avec le commandant de la gendarmerie nationale, le général Ahmed Bousteila, et le directeur général de la sûreté nationale (DGSN), Abdelghani Hamel. Ils ont annoncé la mise en place d’un centre opérationnel de sécurité cogéré par la gendarmerie et la sûreté nationales afin de « rétablir l’ordre, mettre fin aux échauffourées », et affirmer « la détermination de l’État à appliquer les lois de la République dans toute leur rigueur contre quiconque portera atteinte à la sécurité des individus et des biens ». Début mars, après enquête, trois policiers filmés en train de frapper des manifestants ont été limogés. Mais pour Khoudir Babez, mozabite et membre du comité de coordination et de suivi (CCS) créé après le début des violences pour assurer le dialogue et la concertation avec les autorités, l’État a failli dans sa mission de protection. « C’est une bande de criminels protégés par quelques officiers de police qui est à l’origine du déclenchement des hostilités. Nous, Mozabites, avons toujours été en position défensive », déplore-t-il, avant de dénoncer la négligence des autorités, sans laquelle il n’y aurait pas eu tant de dérapages. « L’État n’est intervenu que soixante jours après le début des affrontements, après qu’il y a eu quatre morts, tous mozabites. C’est la raison pour laquelle la situation a dégénéré N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
83
Le Plus de J.A. Algérie en guerre ouverte », dit-il, d’autant plus amer qu’il estime qu’on a tout simplement voulu effacer l’identité mozabite à travers ses symboles : « Les voyous n’ont pas touché au parc de véhicules neufs, qui vaut des milliards. En revanche, ils se sont attaqués aux cimetières… » La revendication principale du CCS ? Que l’État rétablisse rapidement la sécurité et « punisse les criminels dûment identifiés ». Quant au dialogue, aujourd’hui rompu, entre les deux communautés, il pourrait reprendre sous certaines conditions. « Nous attendons deux choses de la part des Arabes, conclut Khoudir Babez : que leurs imams interdisent le meurtre et le vol des biens, et que, à défaut de condoléances, ils présentent des excuses. » FRACTURE. Pour Bouamer Bouhafs, ingénieur à la retraite et président de la Fondation des Chaâmba, il n’a jamais été question d’excuses : « Nos jeunes n’ont fait que riposter aux attaques des milices paramilitaires mozabites »,affirme-til, tout en reconnaissant que, malgré une histoire jalonnée de frictions épisodiques, jamais les choses n’étaient allées aussi loin. « Il y avait de petits accrochages, mais une telle fracture ! » Selon lui, c’est la communauté chaâmba qui a subi les pires exactions, au point que des centaines de familles se retrouvent aujourd’hui sans rien. « Les Mozabites ont dépassé les lignes rouges. Ils nous ont détruits. On ne va jamais pardonner », assure-t-il. Pourquoi avoir saccagé des tombes ? « Ils se cachaient derrière la clôture du cimetière pour attaquer le quartier arabe de Hadj Messaoud », rétorque Bouamer Bouhafs. Les morts mozabites de décembre ? Il proteste : « Ah non, ce sont des Algériens, nous les avons tous perdus ! » La solution ? « Il faut accélérer la création de conseils communs ayant un droit de regard sur la gestion des affaires de la cité. » Bouamer Bouhafs demande également l’application du principe d’égalité entre les citoyens. Même s’il refuse d’expliquer les motifs d’une telle demande, il ne fait qu’exprimer le sentiment d’exaspération de certains Chaâmba face à ce qu’ils considèrent comme autant de privilèges accordés aux Mozabites : des structures traditionnelles, des écoles privées, des cimetières et des mosquées communautaires, etc. N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
En attendant, le fossé est devenu abyssal entre les deux communautés, qui ne dialoguent plus que par médias interposés. À la moindre étincelle, au moindre incident isolé, la situation dérape et Ghardaïa s’embrase. Comme ce soir du 12 mars, lorsqu’un groupe a attaqué un magasin du centreville. Les trois jours suivants, les violences ont repris, faisant trois morts et des centaines de blessés. Dépassant les murs de la ville, elles ont touché le bourg voisin, Beni Isguen, et ont même atteint Metlili, à 40 km au sud. Lorsqu’il s’est rendu à Ghardaïa, le
16 mars, accompagné de Tayeb Belaïz et du général Ahmed Bousteila, Youcef Yousfi, le Premier ministre par intérim, a appelé la population à dépasser les dissensions pour « regarder le présent et se tourner vers l’avenir ». Mais ce n’est que séparément qu’il a pu rencontrer les représentants des Mozabites et ceux des Chaâmba. À Ghardaïa, les trêves, de plus en plus courtes, ne semblent désormais plus tenir que par la présence massive des forces de sécurité. Et partout dans la vallée l’inquiétude est palpable. l AREZKI SAÏD, envoyé spécial à Ghardaïa
L’EXCEPTION MOZABITE
DJAMEL ALILAT POUR J.A.
84
p L’Institut Ammi Saïd, dans la vieille ville, le 26 février.
D
es centaines d’élèves, calotte blanche sur la tête et pantalon bouffant, se pressent devant le grand portail de leur école sous l’œil vigilant de quelques adultes et d’une dizaine de policiers antiémeute. Ils arrivent à pied, à moto ou à vélo, et s’éparpillent dans la grande cour de l’Institut Ammi Saïd, situé dans un quartier de la vieille ville de Ghardaïa. Il est 8 heures du matin. Plus d’un millier d’élèves poursuivent des études primaires et secondaires dans l’établissement. Aucune fille n’y est admise. Elles ont leurs
propres écoles. Les Mozabites pratiquent une séparation stricte des sexes dans tous les lieux publics. Postés sur le toit de l’imposant immeuble, d’autres policiers veillent. Début février, des assaillants venus des quartiers arabes limitrophes ont tenté de brûler l’établissement. Géré par une fondation du même nom, l’Institut Ammi Saïd, qui affiche un des taux de réussite parmi les plus élevés du pays, est devenu l’un des symboles de la culture ancestrale que les Mozabites tentent de préserver. Certains
malékites de Ghardaïa reprochent ouvertement aux Mozabites de vivre en vase clos, de ne pas donner leurs filles à marier aux Arabes et de refuser de se mélanger aux autres. Berbérophones, d’une part, et ibadites, de l’autre, les Mozabites forment une communauté bien spécifique. Ils sont les seuls aujourd’hui, en Algérie, à disposer de leurs propres structures sociales traditionnelles et de leurs propres écoles communautaires, mosquées et cimetières. l A.S. JEUNE AFRIQUE
Les années Bouteflika
TRIBUNE
Opinions & éditoriaux
Culture imposée, crises à l’arrivée
DR
D RACHID BELLIL Sociologue et anthropologue au Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques d’Alger (CNRPAH)
Mutations touarègues, par Rachid Bellil, Recueils du CNRPAH d’Alger, 2008, 350 pages (750 DA, soit 8 €)
ES CONFLITS INTERCOMMUNAUTAIRES secouent régulièrement l’Algérie profonde. Des printemps berbères en Kabylie aux affrontements répétés entre nomades et sédentaires dans les Hauts Plateaux, des événements de Tkout, en pays chaoui, en 2004, à l’attaque armée menée contre l’aéroport de Djanet par un mystérieux mouvement de jeunes Touaregs du Tassili N’Ajjer, en novembre 2010… Parmi ces crises, celle, récurrente, qui agite la vallée du Mzab est qualifiée par les médias de « conflit ethnique ». Sans doute parce que ces heurts concernent deux communautés occupant le même espace, mais différentes d’un point de vue ethnique (Arabes contre Berbères) et religieux (sunnites contre ibadites). Pourtant, cette approche « ethniciste » pèche en ce qu’elle réduit les deux communautés à d’irréconciliables ennemis, alors même que l’histoire nous enseigne que, depuis qu’elles occupent la vallée, ces deux communautés avaient mis en place des instruments de gestion des éventuels conflits qui pouvaient surgir entre sédentaires berbérophones et nomades arabophones. L’autre argument qui met à mal cette approche est que, en matière de violence, les rivalités entre soffs (« ligues ») internes à la société mozabite sont autrement plus meurtrières que les affrontements avec les Chaâmba, principales tribus arabes de la vallée du Mzab. Outre les mutations engagées depuis l’époque coloniale, l’une des causes de la dégradation des conditions de la coexistence entre les deux communautés est liée au régime du parti unique, qui, durant près de trois décennies, a imposé de discutables choix politiques, économiques, culturels et linguistiques à tout un peuple. Les hommes qui se sont retrouvés au pouvoir après la guerre de libération n’avaient aucune idée de ce que pouvait être la gestion d’un pays aussi vaste, doté d’une telle diversité.
Après le spectre du terrorisme islamiste, on brandit l’épouvantail de la guerre intercommunautaire.
Pendant des années, on a imposé une culture, une langue et une identité autres que celles qui liaient les communautés à leur terroir, à leur passé et à leurs ancêtres. Ainsi, alors qu’elles avaient réussi à établir et à transmettre un ensemble de règles permettant la gestion des conflits et de la violence, les deux communautés JEUNE AFRIQUE
se sont retrouvées opposées. L’une se situant du bon côté du manche parce que parlant la langue du pouvoir, l’arabe, pendant que l’autre était stigmatisée, comme une « minorité tolérée », sur le territoire que ses ancêtres avaient patiemment humanisé. Ces pratiques ont provoqué des changements importants dans le rapport de ces communautés avec leur passé, dans la conscience qu’elles avaient d’elles-mêmes, dans leurs relations avec les communautés voisines et, surtout, avec l’entité nouvelle qui venait d’apparaître : l’État national. On est donc loin de la piste du conflit ethnique qui déboucherait sur la guerre de tous contre tous. Et l’on peut se demander si l’apparition de
cet épouvantail que l’on agite n’aurait pas pour fonction principale d’inhiber les populations. Après le spectre du terrorisme islamiste, voilà celui de la guerre intercommunautaire qui mènera à l’éclatement du pays… L’apparition de pouvoirs centraux dans le Maghreb a souvent été contrariée par des forces qui poussaient non pas à l’unité mais à la dispersion et au repli sur de petits espaces, au sein de territoires homogènes. Sur le long terme, cette structuration des sociétés locales a généré des automatismes et des habitudes entre communautés au sein de ces territoires. Mais ce modus vivendi hérité du passé est en train de disparaître. Le déni identitaire mis en place par le pouvoir politique a été consolidé par l’intrusion de deux nouvelles idéologies. La première est celle portée par la puissance de l’argent, généralement issue de l’économie informelle, dont les intérêts financiers sont menacés par le dynamisme d’entrepreneurs locaux qui ont fait de leur vallée un pôle de commerce et d’industrie prospère, tout en respectant les règles d’une économie fondée sur le travail. La seconde idéologie qui s’est développée est fondamentaliste. Ainsi, les prêches de certaines mosquées de la région appellent les « bons » Châamba malékites à éradiquer les ibadistes, qualifiés de kharidjites. l N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
85
86
Le Plus de J.A. Algérie SÉCURITÉ
Ça craint sur les bords De l’autre côté de la frontière, en Tunisie, le massif du Chaambi sert de repaire à des contrebandiers et à des groupes armés. Et souvent le business finance le terrorisme. Ambiance glauque garantie.
À
7 heures du matin, un vent Tunisie, mais ce que tente d’introduire la glacialengourditBouChebka, Libye en passant par chez nos voisins tunil’un des six points de passage siens », assure-t-il avec un large sourire. Et frontaliers entre la Tunisie et s’il hausse la voix, c’est à cause du bruyant l’Algérie. « Ne vous fiez pas au semblant chassé-croisé des semi-remorques: « Il n’y de calme dans la région, les rumeurs que a rien à craindre. Par ici passent surtout vous entendez à Tunis sont fondées. Le le ciment et la contrebande de denrées massif du Chaambi est vraiment une zone alimentaires ou de produits textiles. Les sensible, même si les terroristes ont certaiterroristes, eux, empruntent d’autres nement décampé depuis longtemps. On vient de découvrir que deux tunMer Méditerranée nels datant de l’époque coloniale, et qui passent sous la montagne, Tunis ont été rouverts… C’est comme cela Alger que les années noires ont débuté en Tébessa Algérie. J’étais déjà en poste ici, je sais Kasserine Bou Chebka de quoi je parle. Seule l’armée peut (poste frontière) donner un tour de vis. » Le douanier Salem refusera d’en dire plus. Il sera le seul, côté tunisien, à montrer une TUNISIE certaine inquiétude. Les habitants de Kasserine et de sa région, eux, semblent interpréter l’absence, ces derniers mois, d’incidents majeurs ALGÉRIE LIBYE dans le djebel Chaambi comme un retour à la normale, une levée de 200 km l’alerte terroriste. Cinqcentsmètresdenoman’sland plus loin, c’est l’Algérie. « Bienvenue à la wilaya de Tébessa », lance Yazid, agent routes ! » hurle-t-il, avec un geste vague de la police des frontières algérienne, en direction des montagnes, où l’on disaprès de nombreuses questions et une tingue le relais de télévision du Chaambi. discrète mais systématique recherche Du côté algérien de la frontière, on d’explosifs, comme il le fait pour tous les s’estime aussi mieux protégé – l’expévéhicules qui franchissent le check-point. rience… –, et mieux équipé pour contrer « Nous ne craignons pas ce qui vient de les plans des groupes armés. Certains
en parlent même comme de gamins qui ne pourront pas tenir longtemps dans la montagne… « Nous ne sommes pas méfiants, mais prudents. Le terrorisme en Tunisie, ce n’est rien par rapport à ce que nous avons vécu dans les années 1990. Ici, les militaires ont pilonné et mis le feu au djebel Bou Bourana pour débusquer les jihadistes. Depuis, plus rien ne pousse ! Cela a commencé de la même manière peut-être, mais en Tunisie ce sont les militaires et l’État qui sont visés. Chez nous, ce sont les civils qui se faisaient égorger », assène Hadj Hassan, 45 ans, ancien contrebandier reconverti en chauffeur de taxi clandestin qui, pour 5 euros, assure l’aller-retour entre la frontière et la ville de Tébessa, à 35 km de Bou Chebka. FOLLES ÉQUIPÉES. Tout le long du
trajet, la présence des tout-terrain du Groupement de gendarmerie nationale de Tébessa semble dissuasive. Pourtant, ici, peu de Tunisiens franchissent la frontière officiellement. Le plus gros du mouvement est celui du trabendo (contrebande). Pour tenter de freiner ce flux clandestin de marchandises, les forces de l’ordre algériennes s’échinent à obstruer aussi souvent qu’elles le peuvent les accès aux pistes. Lesquels sont aussitôt déblayés par les trafiquants, quand ce n’est pas par les agriculteurs. Chacun ici a une histoire à raconter sur les folles équipées des gnatria (« contrebandiers ») algériens, qui font passer en Tunisie du sucre, de la semoule et du lait en poudre – produits subventionnés par l’État –, et ramènent des pâtes, des
ZONE D’ÉRADICATION PRIORITAIRE
L
es services de sécurité algériens surveillent les activistes du massif tunisien du Chaambi comme du lait sur le feu. C’est ce qui a permis à une unité du Groupement des gardesfrontières (GGF) d’intercepter puis de détruire, le 14 mars, à 40 km au sud deTébessa, 2 véhicules. À bord, les 7 hommes lourdement armés N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
(grenades offensives, kalachnikovs, stocks de munitions de différents calibres…) ont été tués. Composé essentiellement de Tunisiens, le groupe était dirigé par Djebbar Abdelkamel, alias Abou Djaafar, un Algérien commanditaire de plusieurs attentats dans la région et recherché depuis une dizaine
d’années. Selon les premiers éléments de l’enquête, le commando envisageait une attaque-suicide contre une zone commerciale ou un site industriel, avec prise d’otages à la clé. Cette année, le dispositif sécuritaire de la gendarmerie de la wilaya de Tébessa est encore renforcé, avec l’implantation d’une section héliportée à
El-Aouinet, d’une troisième unité de GGF à El-Ma Labiod (en plus de ceux de Bir el-Ater et El-Aouinet) et de 10 nouveaux postes avancés (en plus des 15 existants). Le dispositif comprend en outre 28 brigades, une compagnie de recherches et d’investigations, ainsi qu’une section régionale motorisée. l CHERIF OUAZANI JEUNE AFRIQUE
TARAK GAROUACHI POUR J.A.
Les années Bouteflika Dans tous les cas, ce qu’elle vit semble ne laisser indifférent aucun des habitants de la région, qui, presque tous, ont de la famille en Tunisie et ne perdent pas une miette des journaux de Nessma TV. À Tébessa, sans doute plus que nulle part ailleurs en Algérie, on considère que le sort des deux pays est intimement lié. « Fil sara wa el dhara » (« Pour le meilleur et pour le pire »), avait déclaré fin janvier le Premier ministre algérien Abdelmalek Sellal lors de la cérémonie de promulgation de la Constitution tunisienne. « Les Tunisiens nous qualifient volontiers de “grand frère algérien”. Et pour nous ils sont les seuls frères. Nous n’oublions ni leur soutien à notre lutte nationale ni qu’ils nous ont offert une terre d’asile pendant la décennie noire. Ce serait peut-être à notre tour de les aider », suggère Nasser Benhadda, un employé de la wilaya. Pour lui, il ne s’agit pas seulement d’assurer le contrôle et la sécurité aux frontières, mais aussi de contribuer plus sérieusement à empêcher la contrebande, qui finance les extrémistes. Comment ? Étant donné que, p Passage du poste frontière de Bou Chebka, côté algérien. désormais, l’Algérie est riche, elle pourrait par exemple fournir gracieusement, éviter des troubles, surtout en période médicaments, du concentré de tomates, pendant cinq ou dix ans, une certaine des boissons gazeuses et du halva local. électorale », tempête Nejmeddine, un quantité d’hydrocarbures à la Tunisie, de Sur le parcours, quelques éclaireurs et des commerçant tébessois. Et de continuer de sorte que les trafics de carburant seraient chauffeurs aguerris garantissent la bonne maugréer qu’il aurait été plus simple de tués dans l’œuf. À voir… marche des opérations, que le terrain facidésigner Bouteflika président à vie, qu’au Pour l’heure, le rationnement de l’eslite. Il suffit de franchir le col d’El-Khanga, moins les choses auraient été claires, que sence à la pompe semble être sans effet. à une dizaine de kilomètres au-dessus de tout le monde aurait été plus tranquille… Le marché tunisien est trop lucratif pour Tébessa, et de prendre n’importe quelle D’ailleurs, il jure qu’il n’ira pas voter le ne pas laisser le trafic prospérer et les piste vers l’est, la Tunisie est toujours au passeurs filer – ils ne sont bout du chemin. de toute façon que du menu Les anciens émirs ont rasé leur « Les gens cherchent à faire de l’argent fretin, alors que les chefs de barbe, empoché les bénéfices des facile, c’est normal », explique un épiréseau sont connus de tous. cier installé près de la gare routière de En revanche, des deux trafics et ouvert des commerces. Tébessa. Depuis quelque temps, la ville côtés de la frontière, on livre (200 000 habitants) renoue avec sa voca17 avril et répète combien il envie à ses désormais une chasse sans merci aux tion agricole, de même qu’elle préserve voisins de l’est leur révolution. trafics d’armes et de drogue. Mais traquer et bichonne ses vestiges romains, son les hommes dans le maquis n’est pas le principal attrait, devenus lieux de promeSEULS FRÈRES. « Même si on a beaucoup plus important. « Ce qui est essentiel, nade. Mais elle semble surtout débordée exagéré les dangers de cette liberté retrouinsiste un officier de la gendarmerie de par les constructions anarchiques et les vée, il n’en reste pas moins que, pour Tébessa, c’est que les forces de sécurité détritus, sans parler de la circulation juguler le terrorisme et la contrebande, tunisiennes fassent le lien entre trafic chaotique. il faut éduquer les Tunisiens à signaler transfrontalier et terrorisme. » C’est-à-dire C’est l’effet secondaire de la contretout mouvement qui sort de l’ordinaire, que les Tunisiens remontent résolument bande… Les anciens émirs ont rasé leur en particulier les regroupements de forces et avec acharnement les filières, sans barbe, empoché les bénéfices de tous les à leurs frontières. Parce que, finalement, avoir peur de ce qu’ils vont découvrir en trafics qui soutenaient le terrorisme et la Libye est devenue une source de procherchant qui les finance et qui donne ouvert des commerces. « Cela a été très blèmes même chez nous », constate les ordres. Car à Tébessa, comme chez Taïeb Hazourli, un homme d’affaires rapide, souvent incontrôlable. Et inconla plupart des frontaliers, on reste pertrôlé. Les autorités ferment les yeux, car qui, même au plus fort du soulèvement suadé que l’extrémisme n’a pas sa place la priorité est de contenter la population, de 2011, n’a jamais cessé de commercer en Tunisie. l quitte à contourner la loi si cela peut avec la Tunisie. FRIDA DAHMANI, envoyée spéciale JEUNE AFRIQUE
N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
87
Le Plus de J.A. Algérie
88
ZOOM
Tout feu tout femmes
LOUIZA AMMI POUR J.A.
Elles sont médecin, styliste, ingénieure ou web entrepreneuse. Elles animent sociétés, associations, réseaux. Elles ont la pêche, ces Algériennes.
Princesse Zazou Ça flâne pour elle 38 ans, designer, fondatrice de l’agence Bergson & Jung
D
esigner, créatrice, artiste plasticienne, styliste… Hania Zaazoua, alias Princesse Zazou, a plus d’un métier dans son sac. Un sac multicolore, multiforme et à son image : indéfinissable. En 2005, elle a fondé à Alger l’agence de design Bergson & Jung, active dans les domaines de l’architecture, de l’aménagement, de la
N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
communication et de l’événementiel, au sein de laquelle elle a créé sa marque, Brokk’art, qui va du mobilier aux « objets oniriques », en passant par les vêtements. « L’esprit Brokk’art est toujours issu d’une flânerie », explique-telle en tentant de définir son travail. Formée à l’École supérieure des beaux-arts d’Alger et à l’École
supérieure d’art d’Aix-enProvence, en France, l’artiste de 38 ans tire son inspiration de ses « déambulations », réelles ou virtuelles, pour créer paniers, sacs réversibles, meubles d’intérieur, vêtements, compositions graphiques, créations digitales, etc. Les œuvres de la pétillante Algéroise aux racines
kabyles sont entreposées dans son concept store (rue Ali Bettouche à Clairval), qu’elle ouvre depuis janvier au public, mais uniquement sur rendez-vous. « J’ai fait ce choix pour créer une vraie rencontre avec mes invités », justifie la maîtresse de ce véritable cabinet de curiosités. l CHLOÉ RONDELEUX, à Alger JEUNE AFRIQUE
Les années Bouteflika
89
Feriel Ghanem Rose des sables 36 ans, ingénieur-géologue chez Sonatrach
I
JEUNE AFRIQUE
LOUIZA AMMI POUR J.A.
ngénieur-géologue depuis 2005, elle n’est pas peu fière d’être la seule mud logger (« collecteuse de boue ») de Sonatrach, c’est-à-dire la seule géologue chargée de la collecte et de l’étude d’échantillons sur les forages. Relevant de la division amont de la société nationale des hydrocarbures, direction contrôle et surveillance, Feriel Ghanem, alias Mimi, est en effet l’unique femme du groupe à travailler sur les puits de pétrole ou de gaz en cours d’exploration ou de développement. Un isolement total (les chantiers se situent en moyenne à 200 km des centres de vie dans l’immensité désertique), des températures élevées (50 °C en moyenne en journée et – 5 °C les nuits d’hiver), un contact permanent avec des produits hautement toxiques et, depuis l’attaque contre le site gazier de Tiguentourine, une exposition au risque terroriste… Ses conditions de travail sont extrêmement pénibles, pour un salaire mensuel de 130 000 dinars (un peu moins de 1 300 euros). « C’est certes sous-payé, mais ma motivation est ailleurs », dit-elle. Et cet ailleurs, c’est l’amour du Sahara, qu’elle a découvert en 2006, lorsque, diplômée de l’université des sciences et de la technologie Houari-Boumédiène, elle est recrutée par le plus important bureau d’études public spécialisé dans les grands travaux d’infrastructures et affectée au projet de la transsaharienne, sur le tronçon Timiaouine-frontière malienne. Séduite par le désert, elle prend conscience que le seul moyen d’y vivre est d’être recrutée par Sonatrach, où elle postule à la surveillance des forages et qui la recrute en juin 2010. L’ambiance machiste qui règne sur les bases de vie et les chantiers la contraint, dit-elle, à « castrer » sa féminité, à affirmer son autorité de responsable d’équipe et à tenir ses distances avec les rares personnes qui partagent sa vie professionnelle. Douze heures de travail quotidien, au rythme de quatre semaines d’astreinte pour quatre semaines de repos dans son Alger natal. Dur, dur… Mais l’amour du désert est plus fort que la fatigue. l CHERIF OUAZANI N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
Le Plus de J.A. Algérie
90
Amira Bouraoui Citoyenne anti-système 38 ans, médecin gynécologue, membre du mouvement Barakat !
D
LOUIZA AMMI POUR J.A.
u défoulement sur Facebook au militantisme dans la rue, en l’espace de quelques semaines, elle est sortie de l’anonymat du réseau social, dont elle est une activiste assidue, pour devenir la figure de proue du mouvement Barakat ! (« Ça
Majda Nafissa Rahal TIC et geek 21 ans, étudiante en informatique, cofondatrice d’Otaku Events
E
ntre ses études d’informatique à Alger, les formations qu’elle dispense et l’organisation d’événements autour des technologies de l’information et de la communication (TIC), Majda Nafissa Rahal contribue grandement au développement du web algérien. Avec ses lunettes discrètes et son sac en bandoulière, elle ressemble à n’importe quelle étudiante, mais derrière cette simplicité se cache un petit génie de l’informatique. Cette Algéroise possède une parfaite connaissance des logiciels libres dits open source, tels Linux, Ubuntu, Joomla et Mozilla,
N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
dont elle est l’une des quatre représentantes en Algérie depuis 2011. Et c’est donc investie de cette fonction que Majda Nafissa Rahal dirige régulièrement des formations sur le sujet au sein des universités de la capitale et des grandes villes du pays. « J’ai commencé à m’intéresser à l’open source au lycée », raconte-t-elle. À 15 ans, elle a lancé un site éducatif pour les lycéens algériens, edudz. net, qui propose des conseils, un forum et des centaines de documents scolaires en téléchargement libre. Depuis, Majda Nafissa Rahal a aussi créé sa propre entreprise, Otaku
Events, une agence de communication spécialisée dans les TIC, qui regroupe quelques jeunes experts du web et dont « l’objectif est de lancer des événements autour du numérique en Algérie », explique la jeune entrepreneuse. Son Geek Ftour, organisé en juillet dernier pendant le ramadan, a rassemblé près de 200 blogueurs et « influenceurs » . « Ces rencontres sont importantes pour la communauté web en Algérie, souligne Majda. Elles insufflent de l’inspiration et offrent des occasions de partenariats pour de futurs projets TIC. » l CHLOÉ RONDELEUX
Les années Bouteflika « Je suis une citoyenne révoltée. » Fille d’un haut gradé de l’armée, qui dirige une clinique de cardiologie sur les hauteurs d’Alger, elle-même médecin gynécologue exerçant dans un hôpital public, mère de deux enfants, Amira Bouraoui est à l’image de cette nouvelle génération qui revendique l’accès aux postes de responsabilité trustés par l’ancienne génération, celle qui a fait la guerre d’Algérie. Elle aspire à vivre dans un État de droit, dans une Algérie enfin libre, moderne et démocratique. Doté d’un bagout insolent, aussi à l’aise en français qu’en
arabe, ce petit bout de femme ne craint ni les menaces, ni les arrestations, ni les sobriquets dont l’affublent désormais ses détracteurs. « Nous sommes des citoyens, que certains pensaient morts ; nous n’étions qu’en convalescence d’une période douloureuse, dit-elle. Nous réapprenons à marcher, nous apprendrons à courir pour le bien de notre pays, le respect des lois et de la République. L’Algérie n’est ni une monarchie ni une dictature. Ce n’est pas pour ce résultat que tant d’Algériens ont donné leur vie. » l FARID ALILAT
LOUIZA AMMI POUR J.A.
suffit ! »), qui s’oppose frontalement à un quatrième mandat d’Abdelaziz Bouteflika. Déjà, en février 2011, en participant aux manifestations organisées à Alger après la chute des présidents tunisien et égyptien, Amira Bouraoui avait découvert les arrestations musclées, suivies de petits séjours dans les commissariats, pour avoir osé réclamer la fin du « système ». Il en fallait plus pour la dissuader de donner de la voix contre les dirigeants de son pays, qu’elle qualifie allégrement d’« incompétents, de corrompus ou de carriéristes ». Avant de conclure :
91
Le Plus de J.A. Algérie
92
Meriem Mimoun À cent à l’heure Vétérinaire, directrice-fondatrice de Cogeb
E
DJAMEL ALILAT
lle est vétérinaire, chef d’entreprise, pilote de rallye automobile et bénévole au sein de plusieurs associations : on se demande comment cette quadragénaire toujours souriante, mère d’une adolescente de 15 ans, trouve encore le temps et l’énergie de s’occuper de sa petite famille. Formée à l’École nationale vétérinaire d’Alger, sa ville natale, c’est par amour pour l’homme qui allait devenir son mari que Meriem Mimoun a quitté la capitale en 1995 pour s’installer à Béjaïa, ville provinciale entre mer et montagne, « où il fait bon vivre », dit-elle. En plus de son cabinet vétérinaire, elle y a créé une entreprise de matériel bureautique, Cogeb, en 2001. Elle a dû tenir bon face au manque de confiance des banques, qui ne la prenaient pas au sérieux, « au machisme, aux
propositions indécentes, à la corruption… ». Depuis, en tant que secrétaire régionale de Seve, une association de femmes chefs d’entreprise, elle accompagne à son tour les porteuses de projets, notamment en leur dispensant des formations en création et gestion d’entreprise. Meriem Mimoun s’investit également dans une association locale d’aide à l’enfance, El Hanane. « C’est un domaine très sensible, et une autre façon de continuer à se battre pour améliorer les choses », confie-t-elle. Enfin, elle ne néglige pas pour autant sa grande passion, l’automobile. Elle concourt régulièrement dans les rallyes régionaux ou nationaux avec ses coéquipières et amies, et assure le secrétariat général de la Ligue des sports mécaniques de Béjaïa. Pour le plaisir. Mais aussi pour faire de la prévention routière. l AREZKI SAÏD
Besma Belbedjaoui La reine de la récup 29 ans, directrice-fondatrice de Plasticycle
A
vec 5 millions de sachets plastique utilisés et seulement 5 % de déchets solides recyclés chaque année en Algérie, Besma Belbedjaoui a matière à s’occuper. Titulaire d’une licence en biologie (option génétique) et d’un master en marketing et communication, après un stage de deux ans chez un industriel fabricant de plafonds tendus pour mieux connaître le matériau, la Constantinoise a fait du plastique son affaire. Depuis décembre dernier, son entreprise, Plasticycle, récolte, trie et transforme les déchets en granules de polytéréphtalate d’éthylène, plus connues sous le nom de granulés PET. L’usine flambant neuve, installée à Ibn Ziad, à 25 km de Constantine, emploie 5 personnes, qui font tourner deux énormes machines importées N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
de Chine, réalisant à la fois le broyage-lavage-séchage et la granulation des déchets. « Ce projet est né de mon aspiration à faire quelque chose de ma vie qui serve mon pays. Or le marché algérien a un besoin réel en matière de recyclage », explique Besma Belbedjaoui, qui lance en effet l’une des premières expériences industrielles dans cette filière. Un résultat acquis à force de persévérance. « J’ai dû me battre pendant trois ans contre l’administration et les banques », témoigne la jeune chef d’entreprise. Elle a acheté son matériel grâce aux fonds de l’Agence nationale de soutien à l’emploi des jeunes (Ansej), où son dossier est resté bloqué plusieurs années « jusqu’au jour où le Premier ministre, Abdelmalek
DR
Sellal, a annoncé que 2013 serait l’année de l’environnement ! » Sans attendre, Besma Belbedjaoui s’était déjà rendue en 2012 à Shanghai pour le salon international des plastiques, où elle a choisi ses fournisseurs et ses machines. Et, à présent, elle voit la vie CHLOÉ RONDELEUX en vert. l JEUNE AFRIQUE
LOUIZA AMMI POUR J.A.
93
Yasmine Bouchène Par ici les sorties 23 ans, fondatrice et rédactrice en chef de Vinyculture, responsable du pôle digital d’Into Waves
U
n bon plan resto à Tlemcen, des cours de latin ou un test ride en Harley-Davidson à Alger, une séance de cinéma au pied levé à Oran, une exposition à ne pas manquer à Béjaïa, un concert à Relizane ou les dernières sorties de livres, BD, CD et jeux vidéo… Tout est référencé, critiqué et commenté sur vinyculture.com. Depuis sa création, en novembre 2011, le web magazine de l’« actu culture en Algérie » est devenu le guide incontournable des sorties. Il s’est même mis à en organiser, à travers VinyWaves, qui propose notamment des visites de la Casbah d’Alger, des JEUNE AFRIQUE
sorties au musée, des projections de séries sur grand écran et, depuis quelques mois, des ateliers pour enfants. « J’ai créé Vinyculture car mon cœur a toujours balancé entre les médias, le web, la technologie et la culture », explique la fondatrice du webzine, Yasmine Bouchène, diplômée en gestion de l’Institut international de management (Insim) d’Alger. « À la suite de mon expérience au journal El Watan week-end, où je m’occupais de la rubrique high-tech, j’ai d’abord lancé, en 2009, le site d’information Jam Mag, spécialisé dans l’actualité économique et
numérique en Algérie. » En janvier dernier, Jam Mag est devenu Alhubeco. Ce dernier-né de l’agence Into Waves (implantée à Zéralda, dans la banlieue sud-ouest d’Alger, dont Yasmine Bouchène dirige le pôle digital) conserve « les spécialités de son prédécesseur, mais s’est enrichi de nouvelles rubriques développées à l’intention du monde du travail ainsi qu’aux étudiants, explique-t-elle. Cette année, nous allons aussi déménager, consolider les deux sites, qui se portent très bien, et probablement en lancer un troisième, à la fin du second CHLOÉ RONDELEUX semestre ». l N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
Économie
MAROC
Inwi ne veut pas perdre le fil
CLIMAT DES AFFAIRES
« Les décideurs doivent rassurer Comment faire émerger de grands groupes sur le continent ? Par l’investissement ou l’essor des échanges régionaux, notamment. Un thème au cœur d’une réunion à huis clos lors du Africa CEO Forum. Paroles de patrons.
Propos recueillis par
LA RÉDACTION
M
ardi 18 mars, Genève. Dans l’une des salles de l’hôtel InterContinental, où le Africa CEO Forum bat son plein, une dizaine de décideurs du continent, patrons, financiers et institutionnels, sont réunis. Au u Des débats programme : l’émergence animés par de champions panafricains, Paul-Harry encore très rares. Les orgaAithnard, nisateurs ont retenu trois d’Ecobank thèmes susceptibles de (de face à g.), et le journaliste favoriser le développement Alain Faujas rapide de ces grands groupes (de face à dr.). dont le continent a besoin : les investissements africains en Afrique, la question énergétique et la facilitation du commerce régional. J.A. livre l’essentiel des enseignements et recommandations de cette rencontre au sommet. l
REPORTAGE PHOTO : ERIC LARRAYADIEU POUR J.A.
94
Les participants • Lucas Abaga Nchama Gouverneur de la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac)
• Bob Collymore PDG de Safaricom, Kenya
• Amadou Ba Ministre de l’Économie et des Finances, Sénégal
• Mohamed El Kettani PDG d’Attijariwafa Bank, Maroc
N O 2777 • du 30 mars au 5 avril 2014
• Amadou Gon Coulibaly Secrétaire général de la présidence, Côte d’Ivoire • Mo Ibrahim Président de la Fondation Mo-Ibrahim jeune afrique
LES INDISCRETS
Commerce, télécoms, ciment, assurances
GABON
La filière bois reverdit
DÉCIDEURS
Amine Tazi-Riffi McKinsey & Company
BANQUE
La course au halal est lancée
économiques les politiques »
• Donald Kaberuka Président de la Banque africaine de développement (BAD)
• Issad Rebrab Président de Cevital, Algérie
• Pascal Lamy Ancien directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC)
• Évelyne Tall Directrice générale adjointe d’Ecobank Transnational Incorporated (ETI)
JEUNE AFRIQUE
• Albert Yuma Mulimbi Président de la Gécamines, président de la Fédération des entreprises du Congo (RD Congo) • Lionel Zinsou Président du capital-investisseur PAI Partners N O 2777 • du 30 mars au 5 avril 2014
95
96
Entreprises marchés
Comment faire en sorte que les Africains investissent en Afrique ? ISSAD REBRAB : Le premier problème tient aux réglementations dans certains pays. Notre groupe [Cevital] a aujourd’hui trop de liquidités, mais nous avons un problème pour investir [hors d’Algérie], car il est difficile de sortir les fonds. MO IBRAHIM : C’est une question de volonté politique. Vous réussissez, vous avez de l’argent et vous voulez investir en dehors de vos frontières, mais le gouvernement s’y oppose. La même chose s’est produite en Afrique du Sud jusqu’à ce que les autorités comprennent que leurs entreprises gagnaient plus d’argent dans le reste du continent que sur le marché national. BOB COLLYMORE : Il faut dire aussi que les Africains n’ont pas assez confiance en eux. Lorsque Safaricom a ouvert pour la première fois son capital, seuls 20 % ont été acquis par des investisseurs privés – cette part est de 50 % aujourd’hui. Et le seul acteur privé non kényan est un fonds de pension rwandais. Les Africains doivent apprendre à mieux connaître l’Afrique. MOHAMED EL KETTANI : Il faut être souple et innovant en termes de réglementation pour permettre aux marchés de capitaux d’interagir de manière intelligente. Il faut faciliter le transfert des liquidités excédentaires d’un pays à l’autre en utilisant des modèles comme les swap [« échanges »] de liquidités qui ont été instaurés après la crise de 2008 entre la Réserve fédérale américaine et la Banque centrale européenne. La Banque centrale du Maroc interagit avec ses homologues de l’UEMOA [Union économique et monétaire ouest-africaine] et de la Cemac [Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale], qui ont sollicité le gouvernement marocain pour des accords de protection des investissements et des protocoles destinés à éviter la double imposition. Au Maroc, les fonds
de pension viennent d’obtenir l’autorisation d’investir 5 % de leurs actifs hors du pays. C’est un premier pas important. ÉVELYNE TALL : Du point de vue réglementaire, la multiplicité des régulations complique le travail des banques. Présent dans 35 pays [du continent], Ecobank fait face à 21 régulateurs. LUCAS ABAGA NCHAMA: Il faut harmoniser les normes comptables et financières. Entre les pays de la zone franc CFA, l’Ohada [Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires] nous permet d’échanger plus facilement. Nous devons par ailleurs appuyer le développement de marchés de capitaux transfrontaliers. Au niveau de la Cemac, il y a deux places, sous-capitalisées, avec peu de liquidités et très concentrées ; nous travaillons pour les fusionner. Enfin, il faut adopter des réglementations de change explicites. Il faut que les dispositifs, notamment en matière de rapatriement des bénéfices, soient clairs. MO IBRAHIM : La première chose à laquelle réfléchit un investisseur lorsqu’il arrive dans un pays, c’est comment il pourra se désengager. En Afrique, c’est compliqué. Nous avons 17 Bourses dont seules 6 sont liquides. J’ai suggéré, il y a quelques années, de créer une Bourse panafricaine. Les Sud-Africains ont adhéré à l’idée, mais ils voulaient qu’elle soit une filiale de leur propre marché. Ce doit être une coentreprise entre toutes les places boursières actives.
N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
p Mohamed El Kettani
p Lucas Abaga Nchama
AMADOU BA : On a tendance à prendre les problèmes par la fin, à parler de réglementation, de législation, de facilités fiscales… Mais tant que la question de la circulation des personnes n’est pas réglée, il sera très difficile de résoudre les problèmes en aval.
En Afrique, l’électricité est deux fois plus chère qu’ailleurs. Comment régler cette question énergétique ? MOHAMED EL KETTANI : Quand on analyse les plans du FMI et de la Banque mondiale pour lutter contre la pauvreté, l’accès à l’énergie est souvent oublié. Mais certains pays ont développé des partenariats public-privé qui leur ont permis de couvrir leurs besoins et d’anticiper la demande à venir dans les dix prochaines années.
p Évelyne Tall
p Mo Ibrahim
AMADOU GON COULIBALY: Il y a des actions au niveau national et au niveau régional. La Côte d’Ivoire a ouvert la production d’électricité au secteur privé et achète aujourd’hui des kilowattheures à des producteurs indépendants. C’est une réforme importante, accompagnée par les bailleurs de fonds. JEUNE AFRIQUE
p Donald Kaberuka
Entreprises marchés ALBERT YUMA MULIMBI : La croissance en RD Congo est tirée par les projets miniers, mais, dans deux ans, il n’y en aura plus de nouveaux, faute d’électricité. Aujourd’hui, tout le monde parle du grand barrage Inga III, mais que faire en attendant? Il faut faciliter l’accès au financement d’autres projets. Nous avons un projet de 500mégawattspourlequelilfaudrait600millions d’euros. Mais comme il serait alimenté grâce au
charbon, les bailleurs de fonds sont réticents. DONALD KABERUKA : Nous éprouvons d’énormes difficultés, en particulier pour financer les projets de centrale à charbon. La Banque mondiale aussi, du fait de l’action des lobbies. Or les énergies renouvelables sont longues à développer: il est nécessaire d’utiliser aussi d’autres sources d’énergie, en trouvant un équilibre.
Quelles mesures faut-il prendre en priorité pour développer le commerce régional ? PASCAL LAMY : Deux raisons essentielles expliquent la faiblesse des échanges. La première renvoie au poids de l’Histoire, aux structures traditionnelles du commerce africain et à la rémanence d’un système colonial. Le continent exporte beaucoup de biens qu’il pourrait transformer lui-même. La deuxième raison tient au court terme: les freins à l’intégration régionale, la faiblesse des infrastructures (énergie, transports, etc.). On ne travaille pas assez sur les procédures – ce qu’il faut faire pour franchir une frontière – ni sur l’infrastructure financière et bancaire pour le financement du commerce, qui est sous-développée en Afrique malgré les initiatives de la BAD.
Development Community], du Comesa [Marché commun de l’Afrique orientale et australe] et de la CEEAC [Communauté économique des États de l’Afrique centrale]. Comment harmoniser l’intégration en appartenant à ces trois groupes? La SADC prévoit des exemptions des droits de douane entre ses membres. Mais lorsqu’on importe du poisson de Namibie [membre de la SADC], on ne peut pas le faire exonérer pour ne pas déroger à des accords signés avec le FMI, qui interdisent toute exonération de droits de douane. Veut-on réellement développer l’intégration? Il faut une volonté politique pour nous libérer des diktats de certains bailleurs de fonds. MO IBRAHIM : Le temps est venu pour les
LIONEL ZINSOU : Je ne crois pas aux tra-
casseries douanières et à l’imperfection des douanes. Je crois que celles-ci reflètent deux choses. D’abord la nécessité de rééquilibrer la fiscalité de nos pays. Par exemple, la moitié du budget de l’État béninois provient des recettes douanières. Ce n’est pas possible de dépendre à ce point de la fiscalité de porte. Ensuite, la douane collecte pas mal de choses, mais elle le fait notamment pour le compte de tiers et de toute une hiérarchie au-dessus d’elle. C’est un système sophistiqué de prédation. Il faut réformer les États et réfléchir à long terme. AMADOU BA : Le problème ne se pose pas
de cette manière. Par exemple, dans l’UEMOA, nous partageons la même législation, et il ne devrait pas y avoir de problème de douane ou de TVA. En termes de revenus, la fiscalité intérieure augmente beaucoup plus rapidement que la fiscalité de porte ; cela veut dire que l’ouverture sur l’extérieur s’accentue. Dans les instructions que nous donnons à nos services de douane, l’aspect sécuritaire est souvent mis en avant. C’est notamment le cas au Sahel. ALBERT YUMA MULIMBI : La RD Congo est membre de la SADC [Southern African JEUNE AFRIQUE
hommes d’affaires de prendre leurs responsabilités. Vous devez comprendre la puissance de l’entreprise. Si le FMI adopte une politique qui mine l’intégration africaine et empêche un pays de respecter des engagements signés avec la SADC, il faut écrire une lettre ouverte à Christine Lagarde [sa directrice générale] pour qu’elle change de politique. Vous créez de la richesse, vous créez des emplois, vous devez surmonter votre peur des politiques, du FMI ou de la Banque mondiale, vous êtes plus puissant qu’eux ! DONALD KABERUKA: C’est la responsabilité des hommes politiques, mais aussi celle des hommes d’affaires. Aujourd’hui, la région la plus avancée en la matière est l’Afrique de l’Est. Malgré les problèmes, la Cedeao [Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest] fait son chemin. Il y a deux régions où je ne constate pas de réelle volonté d’avancer tout de suite: l’Afrique centrale et l’Afrique du Nord. Ce n’est pas un problème d’infrastructures, en tout cas pas en Afrique du Nord. Ce n’est pas un problème de migrations, en tout cas pas en Afrique centrale. Nous, les décideurs économiques, avons un travail à faire ensemble pour rassurerleshommespolitiquessurcesquestions.
10
Les recommandations
1
Faire en sorte que les fonds de pension et les compagnies d’assurance puissent investir hors du territoire national
2
•
Faire respecter les accords existants en matière de libre circulation des biens et des personnes, et les élargir
3
•
Faciliter le transfert des liquidités excédentaires d’un pays à l’autre
4
•
Harmoniser les normes comptables et financières et adopter des règles de change claires
5
•
Créer une Bourse panafricaine sous la forme d’une coentreprise entre tous les marchés boursiers actifs
6
•
Rééquilibrer la fiscalité des pays et sortir de la dépendance aux recettes douanières
7
•
Ouvrir la production d’électricité au secteur privé
8
•
Mieux utiliser toutes les sources d’énergie, y compris le charbon
9
•
Faciliter le financement du commerce
10
•
Pousser les hommes d’affaires à prendre leurs responsabilités, à exprimer leurs positions N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
97
Entreprises marchés Actuellement, les échanges de données ne représentent qu’un peu plus de 7 % des revenus d’Inwi, un niveau dans la moyenne marocaine, mais bien inférieur à celui observé sur un marché mature comme celui de la France (30 %). D’après l’ANRT, l’opérateur détient 9,8 % du marché de l’internet grâce à la vente de clés 3G (modems haut débit). Toutefois, sa part de marché devrait rapidement progresser. Le 18 mars, Inwi a lancé une offre 3G+ sur les mobiles à Casablanca et à Rabat. Elle devrait être étendue à l’ensemble du réseau dans le courant de l’année.
MAROC
Inwi ne veut pas perdre le fil L’opérateur voit sa rentabilité s’éroder. Pour résister, il mise sur l’internet. Sa stratégie : appliquer à ce marché les recettes qui lui ont réussi dans le mobile.
A
CONFIDENTIELLES. Mais après une année 2013 qui a encore vu chuter de 23 % le prix par minute des communications depuis un mobile (0,41 dirham hors taxes, soit 0,04 euro), Inwi marque le pas. Son chiffre d’affaires a chuté de 100 millions de dirhams par rapport à 2012, pour s’établir à 6,2 milliards de dirhams. Et, si son état-major garde les données confidentielles, il reconnaît une baisse sensible de la rentabilité. Autre mauvaise nouvelle pour l’opérateur, en lutte avec Méditélécom: ce dernier (détenu à 40 % par le français Orange) a retrouvé quelques N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
« TRIPLE PLAY ». L’entreprise mise
HASSAN OUAZZANI POUR J.A.
«
u Maroc, le prix de la minute de communication est extrêmement bas. Le secteur des télécoms doit retrouver davantage de marge. » De la part d’un opérateur, le discours est attendu. Mais il l’est un peu moins dans la bouche de Frédéric Debord, directeur général d’Inwi. Depuis le lancement de la marque en 2010 (en remplacement de Wana), la filiale du holding royal SNI a fait de la démocratisation du mobile un leitmotiv. Avec un certain succès. En lançant des services innovants comme la facturation à la seconde, son patron assure avoir contribué à faire baisser les prix de 75 % entre 2009 et 2013. Dans le même temps, l’utilisation du portable s’est accrue de 400 % ; elle atteint en moyenne 83 minutes par mois et par usager, d’après l’Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT, le régulateur).
p Le son haute définition : l’une des dernières offres lancée par la marque le 24 mars.
couleurs au quatrième trimestre 2013. Résultat, avec 11,9 millions de clients et une part de marché du mobile de 28 %, Inwi reste en troisième position derrière Maroc Télécom (42,8 %) et Méditélécom (29,2 %). En 2014, Inwi (1200 salariés) fera à nouveau de la relation avec ses clients un axe fort de son marketing. Depuis le 24 mars, il offre à ses abonnés un son en haute définition permettant de converser plus facilement dans les environnements bruyants. Mais pour retrouver une dynamique, son directeur général compte avant tout sur internet. Cette stratégie a le soutien de SNI, l’actionnaire principal, qui, malgré les appels du pied d’un consortium koweïtien associant l’opérateur Zain et le fonds Al Ajial, entend garder les rênes.
TROIS ANS DE CROISSANCE Nombre d’abonnés mobile (en millions) Part du marché du mobile (en %) SOURCE : ANRT
98
28 24,7 20,2
13,5
11,9 9,6 7,4
4,3 Fin Fin Fin Fin 2010 2011 2012 2013
aussi sur la commercialisation d’une connexion fixe ADSL. Mais son lancement est pour l’heure suspendu : Inwi ne parvient pas à accéder aux infrastructures filaires de l’opérateur historique, Maroc Télécom, alors que la loi l’y autorise. « Nous avons saisi le régulateur, explique Frédéric Debord. C’est d’autant plus regrettable que nous sentons une forte demande pour des offres double et triple play [regroupant téléphone et internet ou téléphone, internet et télévision]. On le voit dans tous les pays: l’internet a explosé quand l’ADSL a été libéralisé. » En attendant, c’est dans les services aux entreprises que l’opérateur réalise les performances les plus satisfaisantes. « Nous connaissons une croissance à deux chiffres dans ce secteur », annonce Frédéric Debord sans plus de précision. Héritier du fournisseur d’accès à l’internet Maroc Connect, Inwi possède, chose rare en dehors des opérateurs historiques, ses propres réseaux de fibre optique. « Nous voulons démocratiser l’internet comme nous l’avons fait avec la voix, affirme le directeur général. En 2013, nous avons investi 1,5 milliard de dirhams; cette année, nous atteindrons 3 milliards et, sur les cinq prochaines années, 10 milliards. » L’entreprise entend notamment construire son propre câble sous-marin pour relier Casablanca à l’Europe. l JULIEN CLÉMENÇOT JEUNE AFRIQUE
Entreprises marchés
Les indiscrets
SÉNÉGAL DANGOTE CONFIANT Dangote Cement ne se préoccupe guère des démarches entamées par son concurrent Sococim (filiale du groupe français Vicat) pour tenter d’empêcher le démarrage de sa cimenterie au Sénégal. « Nous avons terminé la construction des installations et sommes en phase de test de l’usine, nous serons prêts d’ici à la fin juin », confie à Jeune Afrique Aramine Mbacke, directeur général du groupe nigérian au Sénégal. « Nous avons obtenu les autorisations auprès de l’État sénégalais voilà maintenant trois ans et demi, il n’y a pas de raison que les autorités reviennent sur leurs engagements », explique de son côté Edwin Devakumar, directeur général et bras droit du tycoon Aliko Dangote.
UE-Afrique de l’Ouest
Le Nigeria boude l’accord
A
prèsplusdedixansde discussions, l’Union européenne (UE) et les pays de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) plus la Mauritanie doivent signer dans quelques jours un accord de partenariat économique (APE). Sauf si l’ensemble du processus est plombé par Abuja. Le 26 mars, lors de la réunion à Yamoussoukro des ministres de l’Économie et des Finances de la sous-région, le représentant du Nigeria a critiqué certains aspects de l’accord, à
commencer par la faiblesse du montant accordé par les Européens aux pays africains signataires pour les aider à ouvrir leurs marchés : 6,5 milliards d’euros sur cinq ans. Le Nigeria rechignerait également à accorder à l’UE le statut de « nation la plus favorisée » prévu dans l’accord. Selon les observateurs, cette réaction aurait été provoquée par l’accueil plutôt tiède réservé par l’Europe à la loi contre l’homosexualité adoptée en janvier par Abuja. l
TÉLÉCOMS LUNE DE MIEL AU MAROC
Alors qu’Etisalat attend les dernières autorisations pour boucler le rachat des 53 % de Maroc Télécom JEUNE AFRIQUE
p Etisalat et les autorités du royaume chérifien seront bientôt associés au sein de Maroc Télécom.
détenus par Vivendi, Rabat, propriétaire de 30 % du capital, affiche sa satisfaction concernant le pacte d’actionnaires négocié avec le groupe émirati. Le gouvernement a notamment réussi à pérenniser le droit de veto qui lui donne la possibilité de s’opposer à l’arrivée d’un nouvel actionnaire. Grâce à cet accord, les filiales d’Etisalat réunies aujourd’hui au
sein d’Atlantique Télécom entreront dans le giron de Maroc Télécom. Ce dernier disposera en outre d’une priorité ité sur l’émirati pour de futures ures implantations dans les pays francophones et lusophones subsahariens iens (à l’exception du Mozambique, zambique, où Etisalat peut ut s’installer s’il est le plus rapide), et même dans quelques pays anglophones ophones du continent.
ERIC LARRAYADIEU-GROUPE JEUNE AFRIQUE
L’assureur panafricain Saham finalise l’acquisition de trois établissements en dehors du Maroc, son pays d’origine. En Afrique centrale, d’abord, où il cherche à mettre la main sur la Compagnie rwandaise d’assurances et de réassurance (Corar), troisième sur son marché, avec un total de primes de 12 millions de dollars (8,7 millions d’euros) et une part de marché de 17 %. Au Liban, ensuite, où il est en cours de négociation avec une société de tiers-gérance dans l’assurance maladie. Au Luxembourg, enfin, où il discute avec une société de réassurance.
ABDELHAK SENNA/REA
ASSURANCES SAHAM FAIT SON SHOPPING
MAROC WENDEL PREND PIED À ANFA Alors qu’il vient d’obtenir son agrément pour intégrer Casablanca Finance City, le holding d’investissement Wendel, coté sur l’Eurolist d’Euronext Paris, a signé le bail de son bureau de Casablanca, situé dans le quartier d’Anfa. Installé dans la capitale économique marocaine depuis quelques mois, Stéphane Bacquaert (photo), chargé du développement en Afrique, devrait être rejoint par au moins un collaborateur dans le courant de l’année.
N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
99
Entreprises marchés
AFP PHOTO/STEVE JORDAN
100
p Des employés de la Société nationale des bois du Gabon, à Owendo.
GABON
La filière bois reverdit Création d’usines mais fermeture d’exploitations, endettement : après l’interdiction de l’exportation des grumes, l’adaptation a été difficile. Quatre ans plus tard, la reprise s’amorce.
D
epuis le 15 mai 2010, plus aucune bille de bois brut ne sort du Gabon. Mettre le pays sur le chemin de l’industrialisation en valorisant sa principale richesse après le pétrole était l’une des priorités affichées par Ali Bongo Ondimba dès son élection, en 2009. Quatre ans plus tard, force est de constater que la transition a été douloureuse. La production a dégringolé de 3 millions de mètres cubes par an en 2009 à 1,6 million aujourd’hui. Après une longue traversée du désert, le français Rougier, l’un des poids lourds du secteur, a annoncé des résultats 2013 encourageants pour sa branche Afrique International, avec un chiffre d’affaires de 116,5 millions d’euros, en progression de 0,7 % par rapport à 2012. Une légère hausse qui s’explique en partie par « le redressement des activités au Gabon », selon le groupe. Rougier, qui possédait déjà une usine de contreplaqué à Owendo (près de Libreville) et
N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
transformation, alors même que nous étions privés des recettes de l’exportation des grumes », explique le gérant d’une société française. « On commence tout juste à ne plus perdre d’argent. La conjoncture est bonne: nos carnets de commandes sont pleins, et les prix en hausse », précise un forestier gabonais qui a vu son chiffre d’affaires divisé par quatre depuis 2010 et a dû licencier les deux tiers de son personnel. Son parc de stockage, autrefois débordant de grumes, est longtemps resté vide. Aujourd’hui, les ballots de planches sciées – la première étape de la transformation –, aux extrémités peintes de couleurs vives, y transitent par centaines avant d’être acheminés vers le port d’Owendo.
deux scieries, à Mbouma Oyali (Sud-Est) et à Mévang (Ouest), a amélioré sa capacité industrielle en créant une deuxième ligne de production à Mévang et une scierie à Ivindo (Nord). L’entreprise vend égalementbeaucoupdegrumesaux industriels locaux, qui en assurent la transformation. DANS LE ROUGE. Comme Rougier,
beaucoup de forestiers reviennent de loin. « Pendant trois ans, on était tous dans le rouge. Il a fallu investir massivement dans les usines de
5%
UNE TRANSITION DOULOUREUSE
15 000
13 000
2009 2013
3
2,3% 600
1,6
850
PRODUCTION (millions de m ) 3
PRODUCTION TRANSFORMÉE (en milliers de m3)
EMPLOIS
(directs et indirects)
CONTRIBUTION AU PIB JEUNE AFRIQUE
101
des principaux objectifs affichés par le gouvernement, le bilan n’est pas encore à la hauteur des attentes. Le secteur représentait quelque 15000 emplois (directs et indirects) en 2009 ; il en compte aujourd’hui unpeumoinsde13000.«Despostes ont été perdus avec la fermeture de certaines exploitations, d’autres ont été créés dans l’industrie », explique Obame Ondo. Une chose est certaine : la filière bois a changé de visage. Sur une centaine d’exploitants avant la réforme, il n’en reste plus qu’une trentaine, surtout européens et asiaDIAGNOSTICS. En 2010, lors de tiques. « D’une certaine manière, cela a permis de faire le ménage. l’application de la réforme, les autorités gabonaises avaient annoncé Beaucoup d’entreprises ne s’étaient la création d’un fonds de soutien pas inscrites dans une démarche à l’industrialisation de la filière, industrielle », explique Obame doté de 20 milliards de Ondo. Qui reste optiL’État aussi miste : « La contribuF CFA (30,5 millions d’euros), ainsi qu’une tion du segment bois au a pâti de la série de mesures d’acPIB était tombée à 1 % réforme. compagnement : exoen 2012, contre 4,5 % Les recettes en 2009, mais elle est nération des impôts sur les sociétés, suspension remontée à 2,3 %. Nous fiscales des droits de douane à pourrons retrouver d’ici du secteur l’importation pour les à quatre ou cinq ans un ont chuté chiffre comparable à produits destinés à la de 71 %. transformation du bois. celui de 2009 [grâce à la Les incitations fisreprisedel’activité].»Le cales ont été en partie appliquées, volumedeboistransforméestpassé mais quatre ans plus tard, « nous de 600 000 m3 en 2009 à 850 000 m3 n’avons toujours pas vu un centime actuellement. du fonds de soutien », assurent en Le secteur doit encore faire face à chœur plusieurs opérateurs gabode nombreux défis, dont le manque de main-d’œuvre qualifiée et le nais, qui se disent endettés. « Les entreprises chinoises ont accès à coût élevé d’accès à l’énergie. Pour d’énormes liquidités grâce à leurs l’instant, seule une poignée d’acbanques publiques, alors que nous teurs, comme Rougier, Corà Wood investissons sur nos fonds propres », Gabon (italien) ou la Compagnie soupirent-ils. « Outre les avantages des bois du Gabon (CBG, français), fiscaux, il existe plusieurs mécaréalisent sur place la deuxième nismesimportantsd’appuifinancier étape de transformation (proindirect », tempère Prosper Obame duction de panneaux, moulures, Ondo, à la tête de la Direction généprofilés rabotés et parquets). La rale des industries, du commerce zone économique spéciale (ZES) du bois et de la valorisation des de Nkok, en cours de création produits forestiers. Et de citer le depuis 2011, devrait accueillir Bureau Industries du bois (BIB), de nouvelles usines consacrées qui propose des formations, des à cette étape, ainsi qu’à la troiconseils ou des diagnostics gratuits sième transformation (produits aux opérateurs. finis, meubles, etc.). « De nombreux D’ailleurs, les forestiers n’ont pas opérateurs veulent s’y installer », été les seuls pénalisés. L’État a enreassure Prosper Obame Ondo, citant gistré une chute de 71 % des recettes l’américain Timberwolf Tropical fiscales de la filière depuis 2010. En Hardwoods et le malaisien BSG. l matière de création d’emplois, l’un ÉLISE ESTEBAN, à Libreville JEUNE AFRIQUE
Retrouvez sur
economie.jeuneafrique.com toute l’actualité économique et financière du continent Cette semaine, à la une :
Afrique centrale Le chinois Noble achètera le fer de Sundance Kenya Le plus grand projet éolien en Afrique sur les rails Maroc Bénéfices record pour BMCE Bank, résultats mitigés pour Attijariwafa Bank Transport & logistique L’Afrique de mieux en mieux connectée, selon la Banque mondiale L’interview de la semaine
David Cowan Économiste chargé de l’Afrique chez Citigroup
« Le départ de Sanusi ne change pas l’équation pétrolière au Nigeria » DR
Si la transition a été aussi difficile, c’est que « le Gabon était mal préparé à ce type de mesures », selon AlainKarsenty,chercheurauCentre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad). « Il n’y a pas de tissu industriel, les coûts de production – salaire, énergie, etc. – sont très élevés, et le port de Libreville, toujours engorgé, est l’un des plus chers de la région… Du coup, les produits locaux ne résistent pas à la concurrence asiatique », explique-t-il.
N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
102
Décideurs CONSEIL
Amine Tazi-Riffi, rattrapé par l’Afrique Né en Suisse, il n’a renoué avec ses origines marocaines qu’après la trentaine. Et a découvert, au passage, un marché prometteur. Depuis, l’ingénieur pilote l’expansion de McKinsey sur le continent.
G
enève, le 18 mars. Dans le hall de l’hôtel InterContinental se tient, très ponctuel, Amine Tazi-Riffi, directeur depuis plus de dix ans du bureau suisse de McKinsey & Company. S’il a accepté de nous rencontrer, celui qui pilote également les activités africaines de la firme pose une condition non négociable : il ne répondra à aucune question ayant trait aux clients du cabinet. Dans cette maison, connue pour conseiller les grands de ce monde, la loi du silence est de rigueur. « La confidentialité est notre principal capital. Si on se met à parler de nos clients, on est hors jeu. Ce n’est pas pour faire dans la langue de bois, mais c’est l’éthique du métier qui nous impose cette règle », explique Tazi-Riffi en mordillant un quignon de pain. Dans les couloirs du palace genevois, ce quadra plutôt menu ne passe pas inaperçu. Et pour cause : il fait partie du club très fermé de ceux qui tutoient les PDG et chuchotent à l’oreille des ministres. « Amine, c’est une sorte de rock star », nous lance, sur le ton de la plaisanterie, un homme d’affaires maghrébin. Au Maroc, il est surtout le planificateur en chef des grands chantiers publics. Un « superconsultant » que certains suspectent d’avoir constitué un État dans l’État. Né en 1970 à Genève dans une famille marocaine, Amine Tazi-Riffi a grandi loin du royaume chérifien. « Mes parents se sont rencontrés en Suisse et y ont vécu toute leur vie, mon père ayant effectué une grande partie de sa carrière aux Nations unies, à Genève. C’est
N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
donc tout naturellement que j’ai choisi de faire ma vie ici », raconte-t-il. Diplômé de l’École polytechnique de Lausanne et du très prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT), ce brillant ingénieur a été repéré et recruté très tôt par McKinsey, dès 1996. Quatre ans à peine après y être entré, il est élu – comme le veut la tradition du cabinet aux 9 000 consultants – senior partner. Le plus jeune de toute l’histoire de McKinsey, « à 30 ans. À l’époque, j’étais le seul Africain et [le seul] Arabe à avoir ce statut », se souvient-il avec émotion. Spécialiste des télécoms et des assurances en Europe, Amine TaziRiffi n’a presque pas de lien avec l’Afrique. Mais un événement va bouleverser sa vie : la naissance de son premier enfant. « J’ai commencé à me demander qui j’étais, quelle histoire j’allais transmettre à mes enfants, quel était le sens de ce que j’entreprenais… J’ai alors décidé de me rendre au Maroc pour mieux comprendre d’où je venais », confie-t-il. Et de voyage en voyage, ce consultant parti à la découverte de son identité détecte un énorme gisement d’affaires. GRIFFE. Le roi Mohammed VI, qui
vient alors à peine de monter sur le trône, a choisi de miser sur une nouvelle génération de technocrates. Le Maroc bouge. Et Amine TaziRiffi est sensible à ce changement. « Dès que j’ai commencé à nouer des contacts, j’ai senti qu’il y avait une demande importante pour les prestations que nous offrons à nos clients européens. J’ai décroché mes deux premiers marchés en 2001, en une semaine », raconte-t-il.
Bio express
1970
Naissance à Genève
1991
Diplôme de l’École polytechnique de Lausanne
1994
Diplôme du Massachusetts Institute of Technology
1995
MBA à l’Insead
1996
Entrée chez McKinsey
2000
Élection comme senior partner
2004
Ouverture du bureau de Casablanca
Depuis, toutes les grandes stratégies sectorielles du pays portent sa griffe : plans Azur (avec son objectif de 10 millions de touristes), Émergence ou Maroc Vert, libéralisation du secteur aérien, nouvelle stratégie du groupe OCP, etc. Une belle réussite sur laquelle le consultant s’appuiera pour convaincre, en 2004, son état-major d’ouvrir un bureau en Afrique du Nord. Ce sera Casablanca. « Jusque-là, le cabinet n’avait qu’un seul bureau en Afrique, celui de Johannesburg. Et il n’envisageait pas particulièrement de se développer dans la région. C’est l’engouement pour nos prestations au Maghreb qui a révélé [au management] le potentiel de cette zone », rappelle celui qui a piloté l’expansion africaine de McKinsey. Dix ans plus tard, « nous avons sept bureaux sur le continent ». Au cours des cinq dernières années, la firme, qui y emploie une armée de 250 consultants, y a traité avec pas moins de 34 États et une centaine JEUNE AFRIQUE
Décideurs
OLIVIER JACQUIN MANGALIS MANAGEMENT GROUP Le Français a été nommé directeur général du groupe hôtelier très actif en Afrique, en remplacement de Denis Sorin. Il était auparavant senior vice president de Rezidor, chargé notamment des ventes.
DR
t Il dirige depuis plus de dix ans le bureau helvète de la firme.
BRUNO LEVY THE AFRICA CEO FORUM/JEUNE AFRIQUE
MANGALIS MANAGEMENT GROUP
ON EN PARLE
du potentiel réel du continent. La question aujourd’hui n’est pas de savoir si l’Afrique va émerger ou non, mais à quelle vitesse elle va le faire », insiste Tazi-Riffi. Un changement que reflète, pour OPTIMISTE. Conseillant des orgalui, l’évolution de la mentalité des nisations internationales actives leaders africains. « Leurs discours en Afrique telles que d’aujourd’hui n’ont rien l’Organisation monà voir avec ceux qu’on Plans Azur, diale de la santé (OMS) pouvait entendre il y a ou l’Onusida, l’homme Maroc Vert, tout juste dix ans. Les a développé une vision dirigeants se posaient Émergence… eux-mêmes des limites. assez optimiste de Il est le l’avenir du continent. Désormais, ils sont Une analyse qu’il a planificateur convaincus qu’il n’y exprimée dans « Lions a aucune raison de ne des grands on the move », un rappas viser haut, de ne chantiers port publié en 2010 pas voir les choses en par McKinsey qu’il a du royaume. grand », commente coécrit et dans lequel il le consultant. Un état souligne le potentiel économique d’esprit positif qu’il juge contaet humain du continent. « C’est en gieux: « Quand parfois j’ai le blues, travaillant sur les stratégies sectoje rends visite à des dirigeants rielles dans différents pays que j’ai africains : ce sont de véritables pris conscience de la puissance sources d’énergie et d’inspiration », du consommateur africain, du assure-t-il. Afrique, quand tu nous tiens… l pouvoir de négociation que les MEHDI MICHBAL, envoyé spécial États sont en passe d’acquérir et JEUNE AFRIQUE
GODWIN EMEFIELE BANQUE CENTRALE DU NIGERIA Le Sénat nigérian a confirmé sa nomination au poste de gouverneur. Ancien professeur de finance, gestion bancaire et assurance dans plusieurs universités, il était jusqu’ici directeur général de Zenith Bank.
KEATING/CO
d’entreprises privées. « On nous dit souvent qu’on a créé le métier en Afrique. Je dis plutôt que c’est le marché qui nous a créés », résume Amine Tazi-Riffi.
DAG SKATTUM ONE THOUSAND & ONE VOICES Cet ancien associé du géant du private equity TPG Capital a été recruté pour lancer le bureau londonien du fonds créé par John Coors, héritier du fondateur de la célèbre brasserie américaine Coors Brewing Co. N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
103
Finance BANQUE
La course au halal est lancée
La finance islamique sera bientôt légale au Maroc. En attendant le vote de la loi qui l’encadrera, les établissements se hâtent d’investir cette niche.
A
HASSAN OUAZZANI POUR J.A.
104
près Attijariwafa Bank, qui a lancé en 2010 sa filiale Dar Assafaa, c’est au tour de BCP et de BMCE Bank de s’engager sur la voie du halal. Les deux banques ont annoncé à une semaine d’intervalle la création prochaine de structures spécialisées dans les services financiers conformes à la charia. « Ce lancement survient en prévision de l’adoption d’une nouvelle loi autorisant l’exercice des banques islamiques au Maroc », précise Brahim Benjelloun-Touimi, directeur général délégué de BMCE
Bank. Même son de cloche du côté de BCP : « Dans tous les sondages d’opinion réalisés récemment, près de 80 % de nos concitoyens ont exprimé un intérêt très fort pour les offres de ce type. D’un point de vue stratégique, nous devons donc leur apporter des solutions adaptées à leurs besoins », souligne Laidi El Wardi, directeur général de labanquededétailetdesMarocains du monde chez BCP. Le texte de loi, préparé par la Banque centrale, a été validé par le Conseildegouvernementenjanvier et n’attend plus que l’approbation
Ouverte dès 2010, la filiale d’Attijariwafa Bank, Dar Assafaa, fait figure de précurseur.
du Parlement. En attendant, les établissements du royaume se mettent en ordre de bataille pour occuper cette nouvelle niche que l’on dit très porteuse. Soucieux de ne rien laisser au hasard, ils comptent s’appuyer sur des partenaires. BCP s’alliera ainsi à une banque du Golfe opérant au Moyen-Orient, en Asie et aux États-Unis, qui apportera l’expertise métier, et à un autre partenaire, institutionnel. « Nous nous sommes préparéspourpouvoirdéposernotre demande d’agrément dès la promulgation de la loi », confie Laidi El Wardi.MêmetendancechezBMCE, qui s’associera à une grande banque islamique du Moyen-Orient. « Nous ne pouvons pas communiquer sur ce partenariat tant que nous n’avons pas le feu vert des autorités monétaires. Mais ce qui est sûr, c’est que BMCEdétiendralamajoritéducapital de cette entité », signale Brahim Benjelloun-Touimi. CRÉDITS. Ces filiales islamiques
auront, comme le prévoit la future loi, un statut de banque à part entière. Autorisées à collecter des dépôts et à les gérer de manière conforme à la charia, elles devront aussi proposer des crédits aux entreprises et aux particuliers. Des financements d’un genre nouveau: l’établissement ne facture pas d’intérêts mais s’associe aux risques encourus par le client. Les normes de la finance islamique régissent également la constitution du capital: ce dernier ne doit pas être issu d’activités non conformes à la charia. Quand le
Le grand grandinvité de l’économie SAMEDI 5 AVRIL, sur RFI à 12 h 10* dans Éco d’ici, Éco d’ailleurs, Carlos Lopes, secrétaire exécutif de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique, décrypte les grands enjeux économiques du continent. Retrouvez l’essentiel de cet entretien dans Jeune Afrique en kiosque le 6 avril 2014. Retrouvez les moments forts de cette interview
sur www.jeuneafrique.com et sur www.rfi www.rfi.fr .fr
*heure de Paris, 11 h 10 TU
Baromètre
à une nouvelle demande du marché et pour attirer les capitaux du Golfe, les banques islamiques – que le texte de loi nomme banques participatives – semblent promises à un avenir radieux. Au Maroc, le taux de bancarisation n’est que de 56 % car une large part de la population juge le circuit financier classique non conforme à ses convictions religieuses. Des clients potentiels qui pourraient être séduits par les nouveaux établissements. Mais ces derniers pourraient aussi attirer des Marocains disposant déjà de comptes bancaires. « Les sondages montrent que plus de 30 % des personnes bancarisées sont prêtes à migrer vers la banque participative. Mais il ne s’agit là que d’intentions, la réalité sera probablement en deçà de ce chiffre. Et la cannibalisation affectera probablement plus les crédits que les dépôts », nuance Laidi El Wardi, de BCP. Youssef Baghdadi, président du directoire de Dar Assafaa, connaît bien ce phénomène. Après seulement trois ans d’activité, et avant même qu’un cadre réglementaire précis existe, la filiale d’Attijariwafa Bank compte 2000 clients, pour un encoursdecréditdeplusde800millions de dirhams à fin 2013. « Tous avaient déjà des comptes dans d’autres banques. Ce mouvement de migration va s’accélérer avec l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, mais je ne m’attends pas à un tsunami. Dans des pays comme la Turquie ou la Jordanie, la part de marché du circuit islamique ne dépasse pas 10 %. À moyen et à long terme,elledevraitsesitueraumême niveau chez nous », explique-t-il. l
« Les cours vont rester élevés en 2014 et 2015 » LES PRIX du palladium ont atteint leur plus haut niveau depuis deux ans et demi, avec une augmentation de près de 5 % depuis que les États-Unis ont annoncé des sanctions à l’encontre d’hommes d’affaires et de hauts fonctionnaires russes. La crainte de sanctions commerciales à l’égard de la Russie, premier producteur mondial (avec 81 tonnes par an), a pu faire monter les cours, mais le fait que les mines soient situées dans le nord du pays – donc à l’abri d’un éventuel conflit armé – réduit les risques. D’autre part, les grèves en Afrique du Sud, deuxième pays producteur (75 tonnes par an), pèsent fortement sur l’offre à court terme. Mais leur impact reste limité, car les mines de
la nation Arc-en-Ciel sont moins riches en palladium que celles de la Russie. Le lancement de fonds (Exchange Traded Funds) spécialisés dans ce métal précieux a également dopé la demande, contribuant à la hausse des cours. Sur le continent, outre l’Afrique du Sud, seul le Zimbabwe produit du palladium – en bien moindre quantité : 10 t par an. Harare semble bien placé pour tirer parti de la situation actuelle. Mais une nouvelle législation, qui impose que des Zimbabwéens détiennent une participation majoritaire dans les projets extractifs, pourrait affecter la production future. Les trois mines du pays sont en effet détenues par
PETER KNUTSON
RADIEUX. Introduitespourrépondre
PALLADIUM
Magnus Ericsson Analyste chez SNL Metals & Mining
des entreprises étrangères. À court terme, les incertitudes planant au sujet de la Russie et de l’Afrique du Sud devraient maintenir les prix du palladium à un niveau très haut. Peut-être même plus haut que les cours observés lors du pic survenu au début de 2011 (voir graphique). Selon notre scénario de base, ils resteront ensuite élevés en 2014 et 2015. » l
Cours à la Bourse de New York (en dollars par once troy) 860 820
845,50
777,22
18.2.2011
26.3.2014
780 740 700 660 620
562,25 25.11.2011
580 31/12/10
01/06/11
31/10/11
29/03/12
28/08/12
25/01/13
26/06/13
25/11/13 26/03/14
SOURCE : LES ÉCHOS.FR
groupe Attijariwafa Bank a lancé Dar Assafaa, il a ainsi doté sa filiale d’uncapitaldedépart de 50 millions de dirhams (4,5 millions d’euros), provenant exclusivement des dividendes tirés du sidérurgiste Sonasid etd’AttijariFinancesCorp,labanque d’affaires du groupe, deux activités jugéeshalal.BCPetBMCEseconformeront également à cette règle de « pureté » des fonds propres.
Finance
MEHDI MICHBAL, à Casablanca JEUNE AFRIQUE
N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
105
106
Dossier
Infrastructures
SGTM
La réussite en héritage
INTERVIEW
Olivier Stintzy Edifice Capital
CONSTRUCTION
Veni vidi… Vinci? Après des années de suprématie chinoise, les français Bouygues, Eiffage et Vinci repartent à l’assaut du continent. Leurs atouts ? Qualité, respect des délais et recours à la sous-traitance locale. THAÏS BROUCK
C
oncurrencedéloyale,néocolonialisme, dumping social… Les entreprises de BTP chinoises ont essuyé, à tort ou à raison, toutes les critiques depuis leur arrivée sur le continent. Les groupes occidentaux, notamment hexagonaux, ont vu, eux, leurs parts de marché s’éroder. Selon un rapport des sénateurs français Jeanny Lorgeoux et Jean-Marie Bockel, rendu public en octobre dernier, la Chine remporte 90 % des marchés de BTP en Afrique. Le chiffre doit sans doute être relativisé, mais illustre l’importance prise par des entreprises souvent publiques bénéficiant du soutien de la China Exim Bank, le bras financier de Pékin. Les entreprises françaises de BTP sont également à la peine dans les projets appuyés par les bailleurs internationaux, pourtant censés être plus respectueux des règles commerciales. Ainsi, entre 2006 et 2009, les Français n’ont obtenu que 1,6 % des appels d’offres émis par la Banque mondiale alors que les Chinois en raflaient près de 30 %. Et même pour les marchés financés par l’Agence française de développement (AFD), les entreprises chinoises réussissent à remporter 7,5 % des appels d’offres tandis que les multinationales tricolores ne dépassent pas les 30 %. L’extension de N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
u À l’image de la construction du pont Henri-KonanBédié à Abidjan, le développement des équipements s’intensifie en Afrique. JEUNE AFRIQUE
REPORTAGE
INGÉNIERIE
Jesa, dessinemoi un projet
BTP
Pour PPC, la bataille se joue au Nord
AFRIQUE DU SUD
Alstom Banlieues Express
107
OLIVIER POUR J.A.
La RATP à un train d’enfer
JEUNE AFRIQUE
N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
Dossier Infrastructures l’aéroport de Nairobi, financée par un prêt de l’AFD et dont les études avaient été réalisées par Aéroport de Paris, a ainsi été attribuée à des entreprises chinoises « dont les offres, qui ont fait l’objet d’un examen attentif, étaient non seulement de 30 % moins chères, mais en tous points conformes aux normes environnementales et sociales exigées », note le rapport. « Si l’État français me fournissait mon matériel et que je ne devais pas payer mes employés, je pourrais aussi proposer des rabais de 30 % », s’énerve le cadre d’une grande entreprise française de BTP. « Nous sommes dans un jeu où les règles sont biaisées », confirme Bouygues Bâtiment, cité dans le rapport des deux sénateurs. GÂTEAU. Pour autant, depuis le début des années
1990, les Vinci, Bouygues ou Eiffage ont volontairement privilégié leur développement dans d’autres régions, notamment en Europe de l’Est, à la faveur de l’ouverture des ex-pays soviétiques. Mais, alors que la croissance s’essouffle sur le Vieux Continent, l’heure du retour en Afrique a sonné. D’autant que le gâteau s’agrandit et que les risques d’impayés s’amenuisent. « L’Afrique a besoin de 100 milliards de dollars chaque année pour ses besoins minimaux en infrastructures », a lancé le 25 février Donald Kaberuka, le président de la Banque africaine de développement (BAD). Des montants colossaux qui aiguisent les appétits. Eiffage ne cache ainsi plus ses ambitions. Alors que le groupe s’était replié sur le Sénégal, une équipe de développement se consacre désormais à la reconquête du continent. Au-delà d’un dynamisme commercial qui commence à porter ses fruits (extension de l’autoroute à péage DakarDiamniadio après avoir livré le premier tronçon en août dernier, terre-pleins portuaires à Lomé, annexe de l’Assemblée nationale à Libreville, etc.), le groupe négocie actuellement l’acquisition d’une
SYLVAIN CHERKAOUI POUR J.A.
108
p L’extension de l’autoroute à péage DakarDiamniadio, confiée à Eiffage, reliera la capitale sénégalaise à son nouvel aéroport.
RECONQUÊTE. Du côté de Bouygues, si le désir
680
millions d’euros Carnet de commandes de Bouygues sur le continent au 31 décembre 2013
LE SOLEIL SE LÈVE À L’EST SI LES FILIALES SPÉCIALISÉES de Bouygues (VSL, DTP Terrassement, Bouygues Énergies & Services) disposent déjà d’implantations dans l’est du continent (Mozambique, Afrique du Sud), Bouygues Construction, le navire amiral du groupe, ambitionne désormais d’y affirmer sa présence, visant particulièrement le Mozambique. Par ailleurs, Colas, une autre de ses filiales, a déjà avancé ses pions dans la région avec des implantations en Ouganda, au Kenya et en Afrique du Sud, ainsi qu’avec l’acquisition de 50 % du capital N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
entreprise en Afrique du Sud. « Nous sommes en plein redéploiement sur le continent, confirme Gérard Sénac, PDG d’Eiffage Sénégal. Mais nous privilégions la qualité à la quantité. Il faut bien choisir nos pays d’implantation et bien sélectionner nos partenaires éventuels, car nous voulons nous inscrire dans la durée. » Objectif affiché : tripler le chiffre d’affaires en Afrique pour atteindre le milliard d’euros d’ici à cinq ans.
du sud-africain Dust-a-Side. De quoi s’offrir des relais de croissance dans presque toute l’Afrique anglophone et profiter d’une représentation au Botswana. De son côté, après avoir décroché un contrat portant sur la construction de deux ouvrages hydrauliques en Ouganda, Sogea Satom a annoncé vouloir profiter des belles perspectives de croissance au Mozambique. Enfin, selon nos informations, Eiffage serait en cours de prospection en Afrique de l’Est. Acquisition ou partenariat? T.B. Les paris sont lancés. l
d’Afrique est affiché moins clairement, certains signes ne trompent pas. Au 31 décembre 2013, son carnet de commandes sur le continent a atteint 680 millions d’euros. « Bouygues est en train de reconquérir des positions au Nigeria, en Côte d’Ivoire et en Guinée équatoriale, et vise désormais de nouveaux marchés au Gabon, au Cameroun, au Mozambique et en Angola », a récemment confié Nicolas de Roquefeuil, directeur chez Bouygues du développement pour le Maghreb, l’Afrique francophone et lusophone, et directeur général de la Société d’étude et de travaux pour l’Afrique de l’Ouest (Setao). À titre d’exemple, Bouygues Énergies & Services (filiale de Bouygues Construction) ambitionne d’atteindre 250 millions d’euros de chiffre d’affaires sur le continent d’ici à 2016 (contre 130 millions en 2012). De la même manière, Colas, la branche « routière » du groupe, affirme avoir réalisé une bonne année 2013 au sud du Sahara, où elle dispose d’une dizaine de filiales, et a acheté 50 % des actions de l’entreprise sud-africaine Dust-a-Side en août dernier. Reste Vinci. Contrairement à ses concurrents, le géant du BTP et des concessions a toujours conservé une présence massive sur le continent. Sogea Satom, sa filiale africaine, dispose d’implantations dans vingt pays et y emploie 16 000 personnes. En 2013, ses revenus ont bondi de 18,5 %, à 1,1 milliard d’euros. « L’objectif est de développer ces implantations tout en renforçant notre présence », confie le groupe. Sogea Satom revient par exemple en Côte d’Ivoire et au Sénégal. Les majors françaises (re)mettent donc le cap sur l’Afrique, avec un succès indéniable, même si elles ont dû renouveler leur manière l l l JEUNE AFRIQUE
Si vous recherchez des machines de travaux publics robustes et fiables à un prix abordable, vous n’avez alors qu’à vous offrir les services de la marque SDLG. Une gamme diversifiée de matériels (chargeuses, niveleuses, compacteurs et tractopelles) qui vous permet de mieux optimiser vos coûts dans les applications les plus délicates. Si vous envisagez d’acquérir une nouvelle machine, n’oubliez pas de prendre ce nom en considération : SDLG.
Pour trouver votre distributeur SDLG :
www.sdlg-africa.com
SDLG • SE-63185, Eskilstuna, Sweden • Tel: +46 15 10 00
110
HASSAN OUAZZANI POUR J.A.
q Le tramway de Rabat, mis en service en mai 2011, a été réalisé par Colas Rail.
l l l de travailler. « Personne ne nous attend en Afrique », assure ainsi un entrepreneur français. Alors comment expliquer ces réussites récentes, malgré la concurrence chinoise ?
MACHINES. « Les marchés sont demeurés porteurs
grâce à la progression des financements publics directs et au maintien de ceux des grands bailleurs de fonds internationaux et des investisseurs privés », analyse-t-on chez Sogea Satom. « En Afrique, il faut être africain, avance par ailleurs Gérard Sénac, d’Eiffage Sénégal. Si vous travaillez avec des cadres français, vous n’êtes pas compétitif. Il faut aussi nouer des partenariats en sous-traitant par exemple entre 20 et 30 % des travaux à des entreprises locales. » Autre aspect fondamental, les entreprises françaises utilisent du matériel performant qui leur permet d’obtenir un meilleur rendement. Sogea Satom possède 9000 machines (niveleuses, camions, etc.) sur le continent. Les groupes français soulignent également leur respect des délais, les efforts en termes de sécurité et ceux pour atteindre les normes européennes en matière de responsabilité sociale et environnementale. Dernière explication, et pas des moindres, les entreprises chinoises auraient tendance à remonter leurs prix. « Nous observons toujours des entreprises qui, pour pénétrer un marché, vont casser les prix de 30 ou 40 %. Mais les compagnies implantées depuis une décennie présentent désormais des offres équivalentes aux nôtres », constate le PDG d’Eiffage Sénégal. l N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
AFRIQUE DU NORD : DU HAUT DE GAMME, SINON RIEN
L
e point commun entre les groupes Colas et Sogea Satom ? Ils ont pris pied pour la première fois sur le continent au Maroc, dans les années 1930. Un peu moins d’un siècle plus tard, ils y sont toujours. Au Maghreb, Colas Rail multiplie les succès. Deux mois après avoir remporté un contrat de 145 millions d’euros pour la réalisation des deux premières lignes du Réseau ferroviaire rapide (RFR) de Tunis, la filiale ferroviaire de Colas (Groupe Bouygues) a gagné, en partenariat avec Egis, le contrat de conception-construction de la ligne à grande vitesse Tanger-Kenitra. Colas Rail participe également au chantier du métro du Caire (avec Bouygues Construction), à l’extension de celui d’Alger et a déjà livré les tramways de Rabat et de Casablanca. Sogea Satom (groupe Vinci) réhabilite pour sa part le siège historique de la Société Générale à
Casablanca et a récemment livré l’extension du port de Dakhla. Du côté de Bouygues Construction, le palais d’hôtes Dar Al Diyafa à Rabat, l’Orangeraie de Souissi et le port de Tanger Med 2 (après l’ensemble portuaire Tanger Med 1) doivent être livrés cette année. Bien que Clemessy, sa filiale de travaux électriques, obtienne quelques contrats en Afrique du Nord, Eiffage est la seule major française à ne pas être un acteur majeur de la région, ce qui semble être un choix délibéré. La stratégie des groupes français consiste à viser le haut de gamme ou des projets qui nécessitent des compétences techniques spécifiques. Seule manière, selon eux, d’être concurrentiels face aux groupes locaux, mais aussi face aux entreprises chinoises, turques, espagnoles, italiennes ou portugaises. l T.B. JEUNE AFRIQUE
Somagec GE, bâtir l’avenir Port de Malabo
Maîtriser la mer Pour améliorer le transport maritime, Somagec GE a mené de front plusieurs chantiers portuaires en Guinée Équatoriale...
Paseo de Malabo
Crédit Photo © J.A. Manzano
Façonner la terre Somagec GE aménage des littoraux et construit des routes, des stations de traitement des eaux et des réseaux d’assainissement…
Aéroport de Bata
Apprivoiser le ciel Somagec GE a réalisé l’extension de l’aéroport de Malabo et doté Bata, Annobon et Corisco d’infrastructures aéroportuaires modernes…
Construire, agrandir, moderniser les infrastructures essentielles que sont les routes, les ports et les aéroports pour encourager le développement économique, mieux relier les hommes et favoriser leurs échanges, voilà les défis que Somagec GE est fière de relever pour contribuer à bâtir l’Afrique du futur. Son engagement en Guinée Equatoriale traduit sa volonté de favoriser le développement humain, le bien-être et la prospérité des citoyens.
Innovation - Confiance - Sécurité - Rentabilité Edificio Ureca, Calle Parque de Africa - BP 405 Malabo - Guinea Ecuatorial Tel: +240 333 09 92 75/76/77 Fax : +240 333 09 92 71/74/79 www.somagecge.com - contact@somagecge.net
Créateur de développement
Dossier Infrastructures SECTEURS
Des chantiers à la pelle Avec 322 projets de plus de 50 millions de dollars chacun en cours au 1er juin 2013, le continent se transforme comme jamais auparavant.
5%
4% 1%
% 9% 4
6% 6%
4%
14%
35%
14%
66 PROJETS
pour un montant de 49,9 Mds $
3%
% % %1 2% 2 1
8%
59%
42%
93 PROJETS
22 PROJETS
pour un montant de 67,7 Mds $
pour un montant de 6,7 Mds $
20% 37%
23% AFRIQUE DU NORD
Énergie Transport Mines
AFRIQUE DE L’OUEST
Eau Immobilier AFRIQUE CENTRALE
12%
Santé
AFRIQUE DE L’EST
Télécoms
6%
Éducation Agriculture
35%
Construction
18% 29%
17 PROJETS
pour un montant de 15,3 Mds $
Chiffres clés
36%
part des bailleurs de fonds dans les financements de projets
36%
part des projets dans l’énergie
25%
part des projets dans les transports
N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
Coût du manque d’infrastructures
2
commerce intra-africain
Social % % 2% 2 1 1%
points de croissance potentielle perdus par pays
% 40 de hausse des prix dans le
Transp. maritime
AFRIQUE AUSTRALE
9% 31%
124 PROJETS
17%
pour un montant de 83,2, Mds $
Ce qu’il faudrait investir en Afrique subsaharienne
93 Mds $ en moyenne sur les dix prochaines
années – contre 25 Mds $ actuellement
18%
19%
JEUNE AFRIQUE
SOURCES : DELOITTE AFRICAN CONSTRUCTION, BANQUE MONDIALE, ICA
112
Société Immobilère et Foncière du Mali
Nos activités ●
Aménagement de terrain pour l’habitat et les services ● Viabilisation de sites urbains et péri-urbains ● Production de logements (sociaux, moyens et hauts standings) ● Transactions immobilières ● Assistance technique
Nos atouts Choix des sites ● Équipements socio - collectifs ● Aménagement urbain de qualité (espace verts, voiries Bitumées) ● Réseaux, eau, électricité, téléphone ● Prix de cession très attractifs ● Conditions d’acquisitions souples ● Suivi personnalisé de chaque client ● Assistance à l’obtention de prêt acquéreur ●
SIFMA, BP E902, Bamako, Mali - Tél. : (+223) 20 23 81 34 Fax : (+223) 20 23 81 36 - www.sifmamali.com
DIFCOM PHOTOS D.R. Illustration : Fotolia
Une Famille, Un Toit
Dossier Infrastructures MAROC
La réussite en héritage
HASSAN OUAZZANI POUR J.A.
La SGTM, ce sont des ponts, des barrages, des aéroports et des filiales en Afrique. Mais c’est aussi et avant tout une belle saga familiale.
p Les deux fondateurs, Ahmed (à g. au premier rang) – entouré de ses fils Hamza et Mohammed – et M’Hammed Kabbaj (à dr.), accompagné de ses enfants, Jihane et Ali.
C
’
est au bout d’un chemin perdu dans la ca mp ag n e d e Bouskoura, bien loin des quartiers chics de Casablanca, que se situe le siège de la Société générale des travaux du Maroc (SGTM). Cultivant la discrétion, l’entreprise n’en marque pas moins de son empreinte les villes et les paysages du royaume. Elle a ainsi construit le premier aéroport de Casablanca, dans les années 1970. On lui doit également le ministère des Affaires étrangères ou encore Dar As-Sikkah, où est frappée la monnaie nationale, tous deux situés à Rabat. L’entreprise s’est développée au début des années 1970, sous l’impulsion du roi Hassan II et de la politique des grands barrages qu’il menait à l’époque. En un peu plus de quarante ans, la société – qui compte plus de 10 000 salariés – s’est hissée au premier rang des groupes de BTP marocains. Aux
N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
commandes,M’HammedetAhmed Kabbaj, âgés respectivement de 69 ans et 72 ans. Les deux frères, ingénieurs, ont fondé l’entreprise après leurs études en France. Le plus jeune est diplômé de l’École spéciale des travaux publics (ESTP), son aîné des Ponts et Chaussées. Originaires des environs de Fès, élevés dans une famille modeste de huit enfants, ils entretiennent l’esprit de clan. Hamza et Mohammed, les fils d’Ahmed, et Jihane et Ali, les enfants de M’Hammed, devront assurer la relève. Comme leurs pères, ils sont passés par de grandes écoles à Paris, Londres ou Montréal. MARINA. En 2013, le chiffre d’affaires de la SGTM devrait s’élever à 3 milliards de dirhams (260 millions d’euros), un montant comparable à celui de l’année précédente. « Nous renouerons avec la croissance dès l’an prochain », promet Hamza Kabbaj, chargé du développement à l’international.
En bref Plus de
10salariés 000 3
milliards de dirhams (chiffre d’affaires 2013) SOURCE : SGTM
114
10 %
environ du CA réalisé hors du Maroc
Au Maroc, les carnets de commandes de la SGTM sont remplis à hauteur de 9 milliards de dirhams. Plusieurs chantiers importants sont en cours, comme la construction des quatre viaducs de la ligne à grande vitesse Tanger-Casablanca, le nouveau port de Safi, la marina de Casablanca ou l’usine d’engrais d’OCP à Jorf Lasfar (4,8 milliards de dirhams à elle seule). L’entreprise, qui a acquis des compétences variées et une réputation de sérieux en collaborant avec de grands donneurs d’ordres publics, entend désormais pousser ses pions hors du Maroc. Faisant valoir son savoir-faire dans le domaine aéroportuaire – les chantiers des aéroports de Fès et de Marrakech sont en cours –, la SGTM a déjà décroché le marché de l’aéroport d’Al-Aïn aux Émirats arabes unis. Mais sa principale priorité est désormais le continent, où elle réalise moins de 10 % de son chiffre d’affaires. ENTHOUSIASME. Comptant parmi les hommes d’affaires ayant accompagné Mohammed VI lors de sa récente tournée africaine, Hamza Kabbaj prospecte dans sept pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale. « Le label marocain s’exporte très bien. Notre objectif est de réaliser 40 % de notre chiffre d’affaires en dehors du Maroc d’ici à cinq ans », explique-t-il. En point de mire, la construction d’infrastructures publiques, qui ont déjà fait la fortune de la SGTM au Maroc. En 2013, la société a ouvert deux filiales, l’une au Burkina Faso, l’autre en Côte d’Ivoire. Dans le premier, elle construit deux barrages, l’un dans la vallée de Samandéni, l’autre sur le fleuve Comoé, à l’ouest de Bobo-Dioulasso. Dans la seconde, elle édifie un pont sur le fleuve Marahoué, à Bouaflé, à une soixantaine de kilomètres de Yamoussoukro. « Comme au Maroc il y a vingt ans, les besoins sont immenses et augurent de belles perspectives. La présence des banques marocaines facilite aussi notre implantation », s’enthousiasme Hamza Kabbaj. l MARIE CADOUX, à Casablanca JEUNE AFRIQUE
Vivre le progrès. Les chargeuses sur pneus L 538 - L 580 de Liebherr. Coût d’exploitation minimal grâce à la basse consommation de carburant, moins d’usure des pneumatiques et des freins Productivité et stabilité plus importantes par le positionnement unique du moteur Moins de composants sensibles à l’usure grâce à un concept de transmission innovant Accessibilité optimale pour l’entretien de tous les composants principaux
www.liebherr.com info.lex@liebherr.com www.facebook.com/LiebherrConstruction
The Group
Dossier Infrastructures INTERVIEW
Olivier Stintzy
Responsable du pôle infrastructures Afrique chez Edifice Capital
« Investir dans les hôpitaux, les écoles, le logement » Pour ce gestionnaire de fonds, les partenariats public-privé permettent de prolonger la durée de vie des équipements à vocation sociale tout en garantissant leur rentabilité.
C
réée en 2010 par d’anciens membres de Natixis Environnement et Infrastructures, la société d’investissement Edifice Capital a fait du secteur des infrastructures l’un de ses principaux champs d’action. Ses fondateurs ont lancé, en partenariat avec la société de gestion Ycap, deux fonds consacrés à l’Afrique, dont l’un, destiné aux infrastructures, devrait disposer de 400 millions de dollars (287,5 millions d’euros) d’ici à 2015. Responsabledupôleinfrastructures Afrique chez Edifice Capital, Olivier Stintzy décrypte l’évolution d’un secteur marqué par l’essor des partenariatspublic-privé(PPP)dansles projets d’infrastructures sociales. JEUNE AFRIQUE: Quel est l’état des infrastructures sur le continent africain ? OLIVIER STINTZY : La faiblesse
des infrastructures est le principal obstacle au développement de l’Afrique. Le rapport sur la compétitivité du Forum économique mondial l’a encore mis en évidence en 2013 en donnant une note de 3,3 points sur 7 à l’Afrique subsaharienne dans ce domaine, alors que la santé et l’éducation obtiennent une note de 4,5. Le dynamisme et le potentiel du continent ne doivent pas masquer la réalité. On considère par exemple que 30 % de la production d’électricité y est perdue en raison de la vétusté des réseaux de distribution. Finalement, le manque d’infrastructures coûte près de 2 points de croissance chaque année à l’Afrique si l’on regarde les chiffres de la Banque mondiale. N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
Qui finance ces infrastructures ?
Souvent les États avec l’aide des bailleurs internationaux. Pour des installations comme les terminaux portuaires, les États délèguent au secteur privé, via des contrats de concession pour une longue durée, le financement, la conception et l’exploitation. On voit également se développer un nouveau modèle appelé partenariat public-privé qui consiste à confier au privé non seulement le financement, la conception, l’exploitation, mais aussi l’entretien et la maintenance des infrastructures dites sociales, c’est-à-dire intervenant dans la santé, l’éducation ou le logement. Cette approche est fortement promue par les bailleurs comme la Banque africaine de développement [BAD] car cela permet de prolonger la durée de vie des équipements et donc, in fine, de limiter l’endettement des États.
Notre priorité: favoriser les sous-traitants locaux. Ces partenariats public-privé incluent des clauses de performance. De quoi s’agit-il ?
Cela signifie que le loyer versé par l’État au gestionnaire de l’infrastructure peut être minoré si la maintenance et l’entretien ne respectent pas le cahier des charges qui a été fixé au moment de la signature du partenariat. Par exemple, si, sur les huit ascenseurs d’un hôpital, seuls six fonctionnent correctement.
CAMILLE MILLERAND POUR J.A.
116
Edifice Capital est l’une des rares sociétés d’investissement à gérer un fonds entièrement consacré aux infrastructures. De quels montants disposez-vous ?
La taille-cible du fonds « Infrastructure PPP Africa » est de 400 millions de dollars. Au premier trimestre 2013, nous en avons levé 60 millions. Une nouvelle levée devrait être finalisée d’ici à quelques semaines, et la totalité de la somme devrait être réunie mi-2015. Nous procédons par étapes car cela permet de mettre en avant notre expérience afin de convaincre de nouveaux investisseurs. Pour le moment, notre fonds a été abondé par des institutionnels africains [fonds de pension et fonds souverains, banque de développement] même si nous discutons aussi avec d’autres partenaires dans les pays du Golfe ou aux États-Unis. L’épargne de l’Afrique représente une manne très importante. On estime que JEUNE AFRIQUE
117
signé en février un contrat avec le Congo [Brazzaville] pour mettre en place un partenariat public-privé au sein de la Direction générale des grands travaux. Cela permettra de formerdesagentsetd’accompagner les projets dans leurs premières étapes. L’idée est de réunir toutes les compétences pour gagner en efficacité sans toutefois rogner les prérogatives des différents ministères, qui demeurent souverains. Nous avons mené une mission similaire au sein de la Banque ouest-africaine de développement [BOAD] afin qu’elle puisse mieux accompagner les États africains dans le montage de leurs partenariats public-privé. Ces partenariats ont-ils des effets sur l’économie locale ?
les fonds de pension du continent gèrent environ 350 milliards de dollars. Pourquoi cibler en particulier les investisseurs africains ?
Cela correspond à un souci éthique et stratégique. Impliquer des co-investisseurs africains est une manière de nous prémunir contre les revirements réglementaires ou législatifs parfois imposés rétroactivement par les États. Quels sont les projets dans lesquels vous investissez ?
D’ici à quelques mois, nous espérons officialiser une prise de participation dans la construction d’un pôle hospitalier universitaire à Abuja en partenariat avec l’État nigérian et AFAM Comprehensive Healthcare Group, qui gère déjà une clinique à New York. Nous investirons dans la première phase du projet en installant dans des bâtiments existants un centre JEUNE AFRIQUE
« mères-enfants » d’une centaine de lits, dont les équipements seront fournis par GE Healthcare. Par ailleurs, nous travaillons à la mise en place d’un réseau panafricain de centres de diagnostic médical. Il y a en Afrique une classe moyennequiconsommeetrendces projets rentables. Nous souhaitons aussi investir dans une centrale à fioul au Mali en partenariat avec un groupe industriel local. Le montage de ces deux derniers projets sera finalisé cette année. Nos investissements seront généralement compris entre 10 millions et 20 millions d’euros. L’objectif est d’offrir à nos investisseurs une rentabilité d’environ 20 % à l’échéance du fonds dans quinze ans.
p Le financier français a collaboré à plusieurs think tanks spécialisés dans les relations EuropeAfrique.
Ces projets profitent effectivement aux entreprises locales. Elles peuvent postuler aux activités de sous-traitance comme la blanchisserie dans le cadre d’un projet hospitalier, par exemple. Les garanties des bailleurs et la présence de gestionnaires privés permettent aux PME d’obtenir plus facilement des crédits. Cela renforce aussi le secteur financier. Les banques africaines assurent le financement à court et moyen termes tandis que les banques de développement assurent les financements plus longs. Les groupes africains de BTP demeurent encore largement absents…
Edifice Capital propose aussi ses conseils dans le domaine des partenariats public-privé aux États et aux banques de développement…
La situation évolue. Les groupes sud-africains, nigérians, égyptiens et marocains se développent. Les gouvernements ont pris conscience de ce déséquilibre et réfléchissent à la meilleure manière de leur réserver une partie des contrats. On pourrait donner des « points supplémentaires » lors des appels d’offres aux dossiers qui intègrent la sous-traitance locale pendant la construction et l’exploitation de l’infrastructure. l
Effectivement. Notre structure luxembourgeoise a, par exemple,
JULIEN CLÉMENÇOT
Propos recueillis par
N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
118
Dossier Infrastructures TRANSPORT FERROVIAIRE
La RATP à un train d’enfer
Les vaches sud-africaines n’ont pas le temps de le voir passer. Conçu et exploité par la Régie française, le Gautrain relie Pretoria et le centre de Jo’burg en quarante minutes.
82 km
de réseau entre Pretoria, Johannesburg et l’aéroport O.R. Tambo
10 stations (3 souterraines et 7 aériennes) 15 km de tunnels km de viaducs
et 10,5
Hatfield
Pretoria
24 rames Bombardier 1 rame= 4 voitures
Centurion
160 km/h
Midrand
Rhodesfield
Marlboro Sandton
450 passagers par train
Aéroport O.R. Tambo
12 à 30 min.
Rosebank
entre chaque train
Park (centre de Jo’burg)
vitesse maximale
En circulation
de 5 h 30 à 20 h 30
Consortium Bombela : RATP Dev, Bouygues Travaux publics, Bombardier (Canada), Murray & Roberts (BTP sud-africain), SPG (groupement d’entreprises sud-africaines représentant des intérêts du Black Economic Empowerment)
D
evant la gare centrale de Pretoria, le contraste entre le bâtiment de 1910, tout en briques ternies par le temps, et la structure de verre et d’aluminium voisine inondée de soleil, est saisissant. Dans la Gautrain Station, gare ouverte en 2011, un train fuselé gris argent déverse une foule de passagers venus de Johannesburg. Des élégantes et des hommes d’affaires, en majorité blancs, pressent le pas sur le carrelage immaculé, guidés par une voix suave émanant de discrets haut-parleurs. L’Afrique du Sud a-t-elle vraiment changé ? On peut en douter. Derrière la clôture, autre ambiance. Le long du vieux réseau géré par la compagnie publique Passenger Rail Agency of South Africa (Prasa), sous les injonctions que les mégaphones aboient, une véritable cohue, essentiellement noire, s’échappe d’une rame aux
N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
couleurs délavées. Les deux services assurent le même trajet, mais pas au même rythme : Prasa met plus de deux heures là où le Gautrain file en quarante minutes ; ni aux mêmes tarifs : ceux du train rapide sont quatre fois plus élevés.
banlieue-dortoir du même nom, au nord de Jo’burg. Seuls les balayeurs, désœuvrés faute du moindre détritus à ramasser, apportent un peu de couleur dans leur salopette bleu roi. Alentour, aucun commerce ne propose de café ou de snack. « Il est interdit de consommer la moindre nourriture dans l’enceinte de la gare », sous peine d’une amende de 70 rands (environ 4,7 euros), préviennent des affichettes. « Cela nous facilite beaucoup la tâche », apprécie Denis Tassin, directeur de la maintenance chez RATPDev, qui avoue que son employeur « rêverait d’introduire ce genre de pratique à Paris »… Quand, en 2006, le consortium Bombela, composé du canadien Bombardier et des français Bouygues Travaux publics et RATP, a remporté l’appel d’offres de 2,3 milliards d’euros lancé quatre ans plus tôt par la province du Gauteng, « tout était à refaire en matière de transports en commun », se souvient Arnaud Legrand. Géré par de grandes sociétés publiques, le réseau de passagers cumule alors les problèmes : des taux de rendement et de ponctualité terriblement bas, une grande insécurité dans les rames… « C’était intenable pour un pays organisateur de la Coupe du monde de football. » Décision est donc prise de chercher à l’étranger les compétences susceptibles d’assurer la réussite du futur TGV sud-africain, en autorisant le premier partenariat public-privé dans
PÉCHÉ ORIGINEL. Tout un monde
sépare les deux gares… « C’est un peu le péché originel du Gautrain, convient Arnaud Legrand, PDG de Bombela Operating Company, l’opérateur du train détenu à 51 % par la RATP Dev, filiale du Groupe RATP (Régie autonome des transports parisiens). Il a été pensé au lendemain de l’apartheid pour désengorger le trafic routier entre les deux villes et aider la classe moyenne blanche établie le long de la ligne à se rendre au travail. » Sa clientèle est donc « composée de Blancs à 70 % ». Et cette proportion est plus que respectée sur les quais de la station Midrand, qui dessert la
Élégantes et hommes d’affaires, en majorité blancs, pressent le pas, guidés par une voix suave. le secteur ferroviaire et en accordant l’exploitation du Gautrain à la RATP Dev jusqu’en 2026. Résultat : une régularité assurée à 99,7 % et une seule agression officiellement répertoriée. Les 450 employés de Bombela ont de quoi être fiers. Claire Myeni, contrôleuse en chef, ne regrette pas d’avoir quitté le KwaZulu-Natal et Transnet, l’opérateur national de fret ferroviaire, pour participer à JEUNE AFRIQUE
119
l’aventure. « Tout est plus moderne, mieux organisé et contrôlé », confirme la jeune femme de 32ans, talkie-walkie en bandoulière, le regard fixé sur le réseau stylisé qui couvre un pan de mur du centre d’opérations « le plus sophistiqué de la sous-région ». Selon la position des onze rames qui assurent la rotation, les diodes rouges et vertes s’allument ou s’éteignent. Devant les écrans alimentés en permanence par les 750 caméras de surveillance installées dans les dix gares et le long des 82 km de voies ferrées, Pascal Pellacœur, directeur des opérations, explique : « Comme les vaches qui regardent passer les trains, nous n’avons rien à faire jusqu’au moment où un problème est signalé. Nous réagissons alors très vite. » De toute façon, les conducteurs n’ont pas droit à l’erreur. « Au moindre écart de vitesse supérieur à 5 km/h, le train s’arrête. À plus de 8 km/h, il repart
directement au dépôt », reprend le vétéran de la RATP. SUEURS FROIDES. Derrière les manettes de son engin lancé à 160 km/h, Simon Masilela garde le pied bien appuyé sur la pédale qui permet de vérifier qu’il est toujours
Les conducteurs n’ont pas droit à l’erreur… Au moindre excès de vitesse, la machine s’arrête. éveillé. Cela fait trois ans qu’il est là, et il n’en revient toujours pas. « J’étais terrifié la première fois que je me suis retrouvé seul aux commandes », sourit le chauffeur de 29 ans, qui reconnaît avoir encore quelques sueurs froides lorsqu’il pleut et que « les conditions de freinage deviennent plus délicates ». Aucun incident à déplorer jusqu’à présent. Malgré son prix, le Gautrain a trouvé son public et
prouvé son utilité. « Nous transportons 50 000 personnes par jour en moyenne, soit la capacité maximale du réseau en son état actuel », estime Arnaud Legrand. L’opérateur doit réceptionner une douzaine de voitures supplémentaires « afin d’accélérer les cadences et de ramener les temps d’attente à dix minutes au maximum », alors que la ligne doit être prolongée cette année, au nord vers les faubourgs éloignés de Pretoria et au sud pour rallier Soweto. Conforté par cette réussite, le gouvernement sud-africain songe même à réaliser une vraie ligne TGV entre Johannesburg et Durban, distantes de 570 km. « Pour une mise en service à l’horizon 2023 », précise le responsable de RATP Dev, qui pourrait cependant voir ce marché lui filer sous le nez puisqu’un groupe japonais semble tenir la corde. l OLIVIER CASLIN, envoyé spécial à Johannesburg
Qui peut répondre à tous vos besoins en équipements et services?
ouvrage d’art - routes - travaux de réfection
marques premium - niveleuses - pelles sur pneus fiabilité - pelles sur chenilles - Bomag - robustesse Komatsu - équipements performants - tombereaux bulldozers - Sandvik - chargeuses - compacteurs recycleurs - finisseurs - grappins - cisailles - ponts africa.biagroup.com
Dossier Infrastructures INGÉNIERIE
Jesa, dessine-moi un projet Fruit de l’union entre OCP et l’américain Jacobs, la coentreprise met ses connaissances techniques au service de l’exploitation du phosphate.
«
C
’est comme l’enfant unique de deux parents qui s’aiment et vivent ensemble. » Nicolas Simonin, directeur général de Jacobs Engineering SA (Jesa), décrit en ces termes la coentreprise née du rapprochement en août 2010 de la compagnie marocaine OCP, numéro un mondial des phosphates, et de l’américain Jacobs, l’undesleadersmondiauxdel’ingénierie (11,8 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2013, soit 8,55 milliards d’euros). Trois ans après sa création, Jesa est plus que jamais liée à l’activité d’OCP. En effet, la nouvelle firme apporte à la société marocaine ses connaissances techniques et son savoir-faire, en gérant de A jusqu’à Z les infrastructures nécessaires (construction d’usines, de ports, de pipelines…) à l’exploitation du phosphate. La coentreprise conçoit en amont les projets et les conduit à leur terme: elle dessine les plans, évalue les coûts de fabrication, construit les bâtiments… Preuve que les deux compagnies sont étroitement liées: près de 75 % du chiffre d’affaires de Jesa (169,7 millions de dollars) provient aujourd’hui de son activité avec OCP. Le groupe marocain entend profiter de l’expérience de son partenaire américain en matière de projets industriels dans la chimie pour optimiser son plan d’investissements, évalué à plus de cinq milliards de dollars pour la période 2009-2015. Parmi les grands travaux pilotés par Jesa : la modernisation des mines de phosphate de Khouribga et de Benguerir, la
N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
DANIELE DOMENICALI
120
p La coentreprise modernise les mines de Khouribga, à 120 km de Casablanca.
construction des usines d’engrais de Jorf Lasfar ou la création d’un pipeline de 235 km utilisé pour le transport du phosphate entre les deux sites principaux d’OCP, les mines de Khouribga et les usines de Jorf Lasfar. En dehors du Maroc, Jesa travaille aussi pour d’autres groupesspécialisésdansl’extraction du phosphate en Afrique, à hauteur de 10 % de son chiffre d’affaires. UNIVERSITÉ. Ces dernières
années, l’entreprise a cherché à se diversifier et participe à la conception des futurs hôpitaux universitaires de Tanger et d’Agadir. En matière d’éducation, elle apporte son concours à la construction de l’université Mohammed-VI Polytechnique, située dans les environs de Benguerir. Jesa, qui compte déjà 1 000 salariés, espère doubler cet effectif d’ici àdeuxans.Enl’espacedetroisanset demi,500personnesontétéembauchées au Maroc: une cinquantaine de salariés d’OCP ont intégré la structure, près de 150 sont venus de la maison mère Jacobs, auxquels il faut ajouter les 200 salariés de
Team Maroc, un cabinet d’ingénierie impliqué notamment dans des projets d’accès à l’eau et d’infrastructures routières, racheté en 2012 par Jacobs Engineering SA. Une centaine de personnes travaillent aussi depuis un centre d’expertise technologique sur les phosphates basé en Floride. Pour pallier l’absence de compétences locales dans
La société, qui compte 1 000 salariés, veut doubler son effectif d’ici à deux ans. le secteur de l’ingénierie, Jesa a choisi de créer sa propre académie. Près de 400 personnes y ont déjà reçu une formation en leadership et en relations humaines. Le centre pourrait à l’avenir ouvrir ses portes à des ingénieurs issus d’autres sociétés. « Notre objectif est de professionnaliser le métier de manageur de projet », insiste Nicolas Simonin. Avec, en point de mire, l’accroissement de son activité en Afrique subsaharienne dans le sillage des groupes marocains. l MARIE CADOUX, à Casablanca JEUNE AFRIQUE
VOTRE CONCESSIONNAIRE CATERPILLAR EN AFRIQUE DE L’OUEST JA Delmas vous apporte expertise et conseil grâce à ses équipes multiculturelles et à son esprit de service sans frontières. *
www.jadelmas.com
LA FORCE DE NOTRE RESEAU BENIN BURKINA FASO COTE D’IVOIRE GAMBIE GUINEE GUINEE BISSAU
*
HIER COMME DEMAIN, PARTENAIRES SUR TOUS LES TERRAINS.
LIBERIA MALI MAURITANIE NIGER SENEGAL TOGO
© 2013 Caterpillar. All Rights Reserved. CAT, CATERPILLAR, BUILT FOR IT, their respective logos, «Caterpillar Yellow,» the «Power Edge» trade dress as well as corporate and product identity used herein, are trademarks of Caterpillar and may not be used without permission.
L’EXPERTISE DE NOS EQUIPES
> NOS METIERS : MINES & CARRIERES·ENERGIE· INDUSTRIE·CONSTRUCTION & FORET· > NOTRE SAVOIR-FAIRE : FORMATION·CONTRATS DE SERVICE·CONSEIL & SUPPORT TECHNIQUE· OCCASION & LOCATION·NOUVELLES TECHNOLOGIES·
Dossier Infrastructures BTP
Pour PPC, la bataille se joue au nord Concurrencé sur son propre terrain, le champion sud-africain du ciment lorgne les marchés neufs du continent, en pleine frénésie de construction. Dans sa ligne de mire, le Rwanda, la RD Congo et l’Algérie.
E
n s’implantant dans la région de Kimpese, à l’ouest de la RD Congo, Pretoria Portland Cement (PPC), le leader sud-africain du ciment, confirme ses velléités d’expansion, notamment dans la région des Grands Lacs. Coût de l’investissement : 230 millions de dollars (environ 170 millions d’euros) pour la construction d’une nouvelle usine, d’une capacité de 1 million de tonnes par an. Fin 2012 déjà, PPC avait annoncé la couleur en rachetant 51 % des parts du cimentier rwandais Cimerwa, pour 70 millions de dollars. Happy-Girl Buthelezi, directrice du développement, confirme : « Nous voulons doubler la part de notre chiffre d’affaires horsd’Afrique du Sud, pour passer de 22 % à 40 % d’ici à 2016-2017. » L’an dernier, les revenus de l’entreprise ont augmenté de 13 %, pour atteindre 8,3 milliards de rands (près de 600 millions d’euros). « Cet objectif paraît réaliste, car PPC va viser des marchés moins concurrentiels, où tout reste à faire », commente Jean Pierre Verster, analyste pour la société d’investissement 36ONE Asset Management. Si PPC lorgne ailleurs, c’est qu’en Afrique du Sud la demande a beaucoup diminué. Depuis la Coupe du monde de football de 2010, le rythme de construction a ralenti. De plus, le contexte économique national pénalise le secteur. « La faiblesse du rand freine les importations, et la perte de confiance des investisseurs a un impact indirect : moins d’investissements, donc moins de constructions et moins de ciment », remarque Jean Pierre Verster. Le géant sud-africain est en outre attaqué sur son propre territoire par son grand rival: l’usine de Sephaku Cement, détenue à 64 % par le nigérian Dangote, a ouvert en janvier. « Face au durcissement du marché N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
bien loin des 240 kg de l’Afrique du Sud), ce n’est pas la première fois que PPC tente une incursion. En juillet 2012, son offre lors de la privatisation de la Cimenterie nationale (Cinat) avait été déclinée, l’angolais Nova Cimangola lui ayant été préféré. L’entreprise persiste dans son choix congolais, attirée par les aides – d’importantes réductions fiscales pendantlescinqpremièresannées– qu’accorde l’État aux investisseurs étrangers. Encouragée, aussi, par la position stratégique du pays. « La construction du barrage du Grand Inga va booster la demande de ciment. Nous voulons faire de la RD Congo le moteur de l’Afrique centrale, comme l’Afrique du Sud l’est en Afrique australe. Ainsi, à terme, nous pourrons espérer exporter vers les pays voisins », préciseladirectricedudéveloppement.
DR
122
local, l’entreprise se tourne vers d’autres pays africains. Alors que Dangote se déploie dans le Sud, PPC part à la conquête du Nord », explique l’analyste. INCURSION. Le Nord, là où se situent les pays à fort potentiel. Des territoires en plein essor en matière de construction et où l’offre est encore faible. « Nous voulons répondre à cette demande soit en construisant des usines lorsqu’il n’existe pas de structures, comme en RD Congo, soit en achetant des parts dans des sociétés déjà implantées, comme au Rwanda », annonce Happy-Girl Buthelezi. En RD Congo, où la consommation annuelle de ciment par habitant est la plus faible d’Afrique (16 kg,
p Le géant a réalisé près de 600 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2013.
INGRÉDIENTS. PPC vient aussi de mettre un pied en Algérie, où la production nationale ne suffit pas à satisfaire la demande en ciment, qui croît de 8 % chaque année depuis 2006. Le 9 février, le sud-africainasignéuneconventiond’investissement avec la Hodna Cement Company pour la construction d’une usine censée ouvrir en 2016. Un projet qui, financé à 80 % par des banques locales, est estimé à 350 millions de dollars, PPC détenant 40 % du capital. « Comme en RD Congo, il s’agit d’un grand pays, avec une population importante et unecapacitédeconstructionélevée. Et il y a tous les ingrédients pour fabriquer du ciment sur place », explique Happy-Girl Buthelezi. L’Afrique francophone n’est pas la seule cible de l’entreprise, qui a aussi racheté 27 % des parts d’une compagnieéthiopiennepour12millions de dollars l’an dernier. Une expansion qui devrait, à terme, la conduire dans le golfe de Guinée. l PIERRE DONADIEU, à Johannesburg JEUNE AFRIQUE
Dossier Infrastructures
p L’entreprise française s’est engagée à ce que 65 % du matériel soit made in South Africa.
ALSTOM
124
AFRIQUE DU SUD
Alstom Banlieues Express D’ici à 2025, 600 trains électriques livrés par l’équipementier français desserviront les faubourgs des grandes villes. Objectif : donner un coup de jeune à un réseau poussif.
«
I
l s’agit de l’un des plus gros contrats jamais signés dans le domaine du transport ferroviaire. » Les dirigeants d’Alstom n’étaient pas peu fiers, le 14 octobre dernier, lorsqu’ils ont conclu un accord de 4,8 milliards d’euros avec l’opérateur public Passenger Rail Agency of South Africa (Prasa). Il prévoit la livraison, entre 2015 et 2025, de 600 trains électriques, soit 3 600 voitures, pour un budget de 51 milliards de rands (environ 3,8 milliards d’euros), auxquels s’ajoutent 13 milliards de rands pour en assurer la maintenance pendant dix-huit ans. « Nous sommes là pour trente ans au moins », se réjouit Jérôme Boyet, directeur Afrique australe d’Alstom. Plusieurs poids lourds du secteur (Siemens, Bombardier, Stadler…) étaient également dans la course. Pour faire la différence tout en respectant les impératifs du Black Economic Empowerment N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
(politique encourageant le transfert du pouvoir économique vers la majorité noire), Alstom s’est associé à la société locale d’ingénierie Actom au sein du consortium Gibela Rail Transportation, où il est majoritaire à 61 %. L’équipementier français s’est également engagé à ce que 65 % du matériel soit made in South Africa. Il a donc entamé la construction d’une
« Nous sommes là pour trente ans au moins. » JÉRÔME BOYET, directeur Afrique australe d’Alstom
usine à Ekurhuleni, à l’est de Johannesburg. De quoi créer au moins 1 500 postes, en plus des 33 000 emplois indirects que la commande suscitera dans le pays. En attendant son ouverture, prévue en 2015, les vingt premiers trains sortiront de l’usine de Lapa, au Brésil. « Cette unité est la dernière du groupe à fabriquer des rames
en acier Inox [devenu beaucoup trop cher, sauf dans les pays producteurs] comme celles que nous livrerons en Afrique du Sud. Cela nous permet de ne pas prendre de retard, tout en formant sur place une partie de notre personnel sudafricain », explique Jérôme Boyet. VIEILLISSANT. Conçus pour s’adapter à l’écartement des voies spécifique à l’Afrique du Sud (1 067 mm, contre 1 435 mm pour les normes internationales), les nouveaux véhicules circuleront à 120 km/h sur les réseaux de banlieue du Cap, de Johannesburg, de Durban et de Pretoria. Chaque rame de six voitures pourra transporter jusqu’à 1 300 passagers. Ce contrat constitue la première étape d’un plan de modernisation de 10 milliards d’euros lancé par Prasa pour remplacer d’ici à vingt ans ses trains de banlieue vieillissants – les plus récents datent de 1986. Alstom s’est déjà positionné sur la deuxième tranche du programme. Le groupe entend s’appuyer sur sa future usine pour conquérir les marchés voisins, à commencer par le Mozambique, désireux lui aussi de moderniser ses services ferroviaires. l OLIVIER CASLIN, à Johannesburg JEUNE AFRIQUE
Toute l’économie africaine est sur jeuneafrique.com
En direct, toute l’actualité économique et financière du continent La vie des entreprises zone par zone et secteur par secteur Les décideurs qui comptent... et ceux qui montent L’essentiel des opérations financières, de la vie boursière et des banques en Afrique Les grands dossiers de référence (l’eau, le transport aérien, le BTP...) Les classements exclusifs de Jeune Afrique*
* Les classements des 500 premières entreprises africaines et celui des 200 premières banques en Afrique.
jeuneafrique.com est édité par le
Flashez ce code QR pour accéder directement au site
126
Culture & médias
COMMÉMORATION
Boubacar Boris Diop « Au début du génocide, je confondais victimes et bourreaux » À la veille du vingtième anniversaire de la tragédie rwandaise, l’écrivain sénégalais évoque sa compréhension tardive d’un événement qui l’a profondément bouleversé.
L
Propos recueillis à Dakar par
«
MEHDI BA
esmortsdeMurambifontdesrêves eux aussi, et leur plus ardent désir est la résurrection des vivants. » Il aura fallu quatre longues années à l’écrivain et journaliste sénégalais Boubacar Boris Diop pour ressentir et comprendre ce qu’avaient vécu, en 1994, les 50 000 suppliciés de Murambi, exterminés en une nuit dans l’école où ils avaient cru pouvoir trouver refuge, et avec eux les Tutsis du Rwanda, plongés dans la tourmente d’un génocide. En couchant les dernières lignes de Murambi, le livre des ossements (Stock, 1999), le romancier pouvait mesurer le chemin parcouru, lui qui, en 1994, avait été le spectateur distant, depuis Dakar, d’un événement majeur pour l’Afrique auquel, pourtant, il n’avait rien compris. Depuis son premier séjour au Rwanda, Boubacar Boris Diop est retourné plus d’une trentaine de fois dans
N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
ce pays, qui hante désormais sa pensée et son œuvre. Le 6 avril, à Kigali, il retrouvera certains des écrivains africains qui avaient partagé son voyage initiatique en 1998, dans le cadre du projet « Rwanda : écrire par devoir de mémoire », à l’occasion d’un café littéraire consacré à « la mémoire panafricaine du génocide des Tutsis au Rwanda ». JEUNE AFRIQUE : D’avril à juillet 1994, quelle a été votre perception du génocide perpétré contre les Tutsis du Rwanda ? BOUBACAR BORIS DIOP : Je me rappelle avoir
entendu à la radio l’annonce de la mort, dans un attentat, des présidents rwandais et burundais, mais c’est à peu près tout. C’était trop loin. Qu’est-ce qui se passait là-bas exactement ? Un avion abattu, des massacres, des exécutions, des Hutus, des Tutsis… Je ne savais pas vraiment ce que tout ça voulait dire. Dans ces cas-là, on se représente des ethnies qui s’opposent de manière sauvage depuis des millénaires. JEUNE AFRIQUE
SYLVAIN CHERKAOUI POUR J.A.
On ne fait pas dans le détail car on n’a pas les clés. Au terme des cent jours qu’a duré le génocide, je n’avais toujours rien compris. Cette incompréhension vous a-t-elle conduit à écrire des choses à l’époque que vous avez regrettées par la suite ?
Dans mon quatrième roman, Le Cavalier et son ombre, paru en 1997, j’évoque le Rwanda et j’y confonds allègrement victimes et bourreaux. Ce passage est exclusivement centré sur l’exode des Hutus dans les camps de l’ex-Zaïre. Les personnes à plaindre, sous ma plume, sont ceux qui ont participé au génocide. Je confondais tranquillement Jean Moulin et Klaus Barbie. Je n’en suis pas fier aujourd’hui. Quel est le déclic qui vous a permis de comprendre la singularité du génocide des Tutsis ?
À Lille, dans le cadre du festival FestAfrica !, un ami journaliste rwandais aujourd’hui décédé, Théogène JEUNE AFRIQUE
p L’auteur de Murambi, le livre des ossements, à Dakar (le 25 février).
Karabayinga, de RFI, s’était étonné de l’ignorance des auteurs africains face au génocide de 1994. Par la suite, avec FestAfrica !, le projet est né de permettre à des écrivains africains d’origines diverses d’aller sur place afin de prendre la mesure de ce qui s’était passé. En 1998, nous sommes donc partis au Rwanda avec Abdourahman Waberi, Véronique Tadjo, Koulsy Lamko, Tierno Monénembo, Nocky Djedanoum, Monique Ilboudo et Meja Mwangi. Personnellement, j’y suis allé à reculons. Mais au bout d’une semaine sur place, j’ai pris conscience que je n’avais rien compris et que je n’en avais pas le droit. J’étais écrivain, journaliste, universitaire. Si moi je n’avais rien compris, comment le Sénégalais moyen, moins équipé pour s’informer, aurait-il pu comprendre ? Comment s’est déroulé ce premier séjour au Rwanda?
Nous avons pris le temps de parler avec des rescapés comme avec des bourreaux, nous sommes allés dans les prisons, nous avons visité les sites du N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
Culture médias Commémoration
SPÉCIAL RWANDA
t « Trous de mémoire », de la série Les Hommes debout, que le Sud-Africain Bruce Clarke a consacrée au génocide.
génocide… Ce qui m’a aidé, c’est ma formation de journaliste : je sais écouter. Et là-bas, j’ai beaucoup écouté. Et j’entendais tout, même ce qui n’était pas formulé. Nous sommes restés deux mois. Mais après mon retour au Sénégal, j’ai eu besoin d’y revenir. Je n’aurais pas pu écrire Murambi, le livre des ossements sans être retourné là-bas. De son côté, mon ami Koulsy Lamko a considéré qu’il n’était pas quitte avec cette histoire. Il est resté vivre quatre ans au Rwanda et a créé à Butare un centre universitaire des arts.
où je m’amusais avec le lecteur. J’ai complètement laissé tomber cette approche après Murambi. J’ai simplifié mon écriture. C’est là aussi qu’est née votre envie d’écrire en wolof…
Vous dites souvent que votre rencontre avec le Rwanda a marqué un tournant dans votre œuvre et dans votre parcours. Pourquoi ?
J’ai ressenti la profonde différence qu’il y a entre parler de quelque chose à partir de ses préjugés et en faire directement l’expérience. J’ai écrit Murambi avec beaucoup de dépouillement et de simplicité. Je ne pouvais envisager de me livrer à des effets de style après ce que j’avais vu et compris au Rwanda. Auparavant, mes romans étaient des textes d’avant-garde, expérimentaux, des jeux de piste BRUCE CLARKE/ADAGP
128
CONSTRUIRE LA MÉMOIRE DU FUTUR
L
e 6 avril prochain, à l’occasion de la vingtième commémoration du génocide de 1994, une partie des écrivains qui avaient participé en 1998 au projet « Rwanda: écrire par devoir de mémoire », initié par FestAfrica! sous l’égide duTchadien Nocky Djedanoum, se retrouveront à Kigali dans le cadre d’un café littéraire sur le thème « Penser et écrire notre histoire, la mémoire panafricaine du génocide des Tutsis du Rwanda ». À l’initiative duTchadien Koulsy Lamko et en collaboration avec les organisateurs de « Kwibuka 20 », le Sénégalais Boubacar Boris Diop, l’Ivoirienne VéroniqueTadjo et la Burkinabè Monique Ilboudo se joindront à la Rwandaise
N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
Scholastique Mukasonga pour évoquer cette résidence qui leur avait permis, ainsi qu’à huit autres écrivains africains, de venir toucher du doigt la réalité d’un génocide jusque-là demeuré dans un angle mort de la conscience panafricaine, avant de produire chacun une œuvre littéraire sur cette tragédie. Une démarche rétrospective mais aussi prospective, comme le résume Koulsy Lamko: « Il s’agit, à travers des événements littéraires et artistiques, d’amorcer la mémoire du futur, celle qui met des Africains en face de leur histoire, en face de leur responsabilité, et les invite à penser cette histoire, à en prendre M.B. les rênes. » l
Le génocide des Tutsis a d’abord été un génocide culturel, spirituel. À l’époque coloniale, l’Église catholique a décrété que tout ce qui n’était pas authentiquement chrétien au Rwanda – donc tout ce qui était rwandais – relevait du paganisme et conduisait en enfer. Avec l’avènement du catholicisme, les Rwandais ont perdu leur âme, ce qui peut expliquer en partie la cruauté à l’œuvre en 1994. Finalement, ce génocide est un miroir qui m’est tendu à moi, sénégalais, africain. N’oublions pas que ce que la France est allée défendre dans cette galère, c’est la langue française, c’est une position d’influence. C’est cela qui m’a conduit à oser écrire en wolof, ce dont j’avais toujours rêvé mais dont je me sentais incapable. Le Rwanda a été un déclic. Je me suis dit : soit on se réapproprie notre langue et notre culture, soit on crèvera tous jusqu’au dernier. Comment expliquez-vous que l’Afrique occidentale n’ait presque rien produit sur ce génocide ?
La profondeur de notre aliénation est telle que nous sommes parfois semblables à des zombies. Certes, le manque de moyens rendait difficile une présence de nos médias sur place, et nous nous abreuvions quasi exclusivement à l’AFP et aux reportages des chaînes de télévision françaises. Mais, pour l’essentiel, il s’agit de la peur d’affronter dans le miroir l’image négative que nous avons de nous-mêmes. Nous avons intégré une vision racialisée de notre histoire : le Rwanda, c’est moi, noir et africain, pareil pour la Centrafrique. Ce qui s’y déroule, ce sont des secrets de famille honteux à ne surtout pas exposer sur la place publique. Au final, nous nous percevons nous-mêmes avec les yeux des autres, car cette Afrique-là est plus un fantasme qu’une réalité. L’Afrique reste le continent des lieux lointains. Notre révolution copernicienne consisterait à juger chaque tragédie ou réussite africaine comme un événement singulier. l JEUNE AFRIQUE
SPÉCIAL RWANDA
Culture médias En vue
n n n Décevant
n n n Pourquoi pas
n n n Réussi
n n n Excellent
129
ALBUM
LADYBIRDS FILMS
Dessiner l’indicible
TÉMOIGNAGE
À cœur ouvert Dans un documentaire poignant, bourreaux et victimes reviennent sur leur expérience de l’horreur.
N
’
attendez ni révélation fracassante ni image spectaculaire. L’ambition du documentaire 7 Jours à Kigali, coréalisé par notre collaborateur Mehdi Ba, est tout autre : faire raconter la première semaine du génocide de 1994 par ceux qui l’ont vécue. Hormis l’actuel ministre rwandais de la Défense, James Kabarebe, et l’ancienne présentatrice vedette de la Radio-Télévision libre des Mille
Collines, Valérie Bémériki, la plupart des témoignages sont ceux d’anonymes qui, rescapés, journalistes, Casques bleus et même génocidaires, livrent de leur expérience personnelle de l’horreur. L’absence d’images d’archives (seules des vues aériennes et des documents radiophoniques servent d’illustration) rend leurs terribles récits encore plus poignants. l
Regards féminins
ON A PEU L’HABITUDE de décliner le génocide des Tutsis au féminin. Pourtant, les Rwandaises en ont été un « rouage
essentiel, faisant rentrer la violence au sein des familles », résume Alexandre Westphal. Avec Violaine Baraduc,
La Fantaisie des Dieux. Rwanda 1994, d’Hippolyte et de Patrick de Saint-Exupéry, Les Arènes, 96 pages, 19,90 euros nnn
BON À SAVOIR
PIERRE BOISSELET
7 Jours à Kigali, de Mehdi Ba et Jeremy Frey, diffusion le 2 avril à 22 h 15 sur RTBF La Une et le 4 avril à 23 h 10 sur France 3 nnn
TÉLÉVISION
En exergue, il a choisi deux citations. L’une d’elle fut prononcée par François Mitterrand : « Dans ces pays-là, un génocide, ce n’est pas trop important… » Patrick de Saint-Exupéry ne s’est jamais remis de ce qu’il a découvert sur les collines alors qu’il était grand reporter au Figaro. Vingt ans après, il retourne sur les lieux avec le dessinateur Hippolyte pour exprimer l’indicible. Comme le précise la deuxième exergue, signée de Boubacar Boris Diop, « la mémoire d’un génocide est une mémoire paradoxale : plus le temps passe, moins on oublie ». l M.B.
le réalisateur a filmé pendant plus de sept mois des femmes incarcérées à Kigali pour leur participation au génocide. lM.B.
À mots couverts, d’Alexandre Westphal et de Violaine Baraduc, diffusion sur France 5 fin 2014
D
ans un livre d’entretiens menés par François Soudan, le président rwandais revient sur son itinéraire personnel, le génocide, les guerres du Congo, la renaissance de son pays, les droits de l’homme… L’Homme de fer. Conversations avec Paul Kagamé, paraîtra en septembre en français aux éditions Nouveau Monde (Paris) et en anglais chez Enigma Book (New York) sous le titre Iron Man. l
nnn
SANS OUBLIER
DOCUMENTAIRES Les Dames de la colline, de Chloé Henry-Biabaud, sur Planète le 4 avril à 00h25 La Surface de réparation, de François-Xavier Destors et MarieThomas-Penette, sur Arte le 8 avril à 22h30 20 ans plus tard, d’Aimable Karirima Ngarambe, diffusions prévues en JEUNE AFRIQUE
Belgique, en France au Canada et au Rwanda
Gallimard, 112 pages, 11,90 euros
Intore, d’Eric Kabera, sur le net: http://intore-themovie.com
Ce que murmurent les collines, de Scholastique Mukasonga, éd. Gallimard, 160 pages, 15,90 euros
LIVRES La Chanson de l’aube, de Vénuste Kayimahe, éd. Izuba, 24 euros Englebert des collines, de Jean Hatzfeld, éd.
Politiques, militaires et mercenaires français au Rwanda, de Jean-François Dupaquier, éd. Karthala 480 pages, 28 euros
Le Génocide au village, d’Hélène Dumas, éd. Seuil, 384 pages, 23 euros THÉÂTRE HagatiYacu (Entre nous), de Dalila Boitaud-Mazaudier et Cécile Marical, Compagnie Uz et Coutumes, en tournée en France d’avril à juillet N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
Culture médias CINÉMA
Une affaire de famille Dans un moyen-métrage audacieux, Mati Diop prolonge l’un des films les plus marquants du cinéma africain, Touki Bouki, signé par son oncle Djibril Diop Mambety.
S
ilhouette fine et noire, pull velu sous lequel apparaît un tee-shirt du groupe britannique Joy Division… Lorsqu’elle arrive en trombe à l’entretien, avec son look taillé dans le rock, on se dit que Mati Diop aurait pu suivre la voie musicale tracée par son père, Wasis. Raté. Cette comète de 31 ans se fait un prénom dans les salles obscures, dans le sillage de son oncle Djibril. Yeux noisette, taches de son sur peau cappuccino: sa beauté métisse éclatait déjà dans 35 Rhums, le film de la réalisatrice Claire Denis. Après ces premiers pas en tant qu’actrice (et déjà le premier rôle féminin), une dizaine d’autres rôles ont suivi. Mais Mati s’impose aujourd’hui comme réalisatrice, avec un moyen-métrage projeté au Cinéma du Panthéon, à Paris, à partir du 2 avril, et déjà primé par plusieurs festivals (le Festival international de cinéma de Marseille, le Festival international du film d’Amiens…). TECHNICOLOR. Mille Soleils est une
HENNY GARFUNKEL/REDUX-REA
130
p Après des débuts d’actrice, la fille de Wasis Diop s’impose comme réalisatrice.
correspond aux premiers pas démocratiques du Sénégal, sous l’égide de Léopold Sédar Senghor] et celle d’aujourd’hui, qui veut renouveler le personnel politique. Je souhaitais également jouer de l’ambiguïté entre réalité et fiction… le tout sans signer un “film calebasse”, garni de clichés sur le folklore africain. » Le résultat est un ovni cinématographique. S’il accuse encore certaines maladresses (un fil narratif décousu, des flous
manière d’assumer et de prolonger l’héritage familial. Il continue l’histoire de Touki Bouki, réalisé par Djibril Diop Mambety en 1972. Dans ce long-métrage qui a marqué la génération de son auteur, deux amants prennent la décision de quitter Dakar pour rejoindre Paris. Mais tandis qu’Anta, la jeune femme, prend la mer, son amour, Mory, ne peut se résoudre à fuir son pays. Dans Mille Soleils, Mati Diop part sur les traces de Magaye Un ovni cinématographique Niang, l’acteur sénégalais ambitieux qui donne à voir qui interpréta Mory et qui, à l’image de son personnage, une Afrique kaléidoscopique. a préféré l’Afrique à l’Europe. Ce premier moyen-métrage est parqu’on imagine pas toujours volontaires), il révèle la plasticienne derrière la réalisaticulièrement ambitieux. « J’ai tenté de trice.MatiDiopfilmeuneAfriquekaléidosrelever de multiples défis de mise en copique, montrant le rouge des abattoirs scène, souligne la réalisatrice. Je voulais raconter l’histoire des acteurs, de ce qu’ils de Dakar, la fièvre jaune qui s’abat sur les sont devenus. Mais aussi établir un diarues de la ville et surtout ses nuits bleues, logue entre la génération de Magaye [qui ponctuées de palabres et d’embrouilles. N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
Par petites touches impressionnistes, elle cerne le destin de son personnage, sorte de Gary Cooper africain, promenant sa dégainedecow-boydéglinguésurlethème musical du célèbre western High Noon. Elle brosse surtout de beaux moments d’émotion en technicolor, comme lorsque son héros assiste à la projection de Touki Bouki et doit affronter ses rêves brisés. AUTODIDACTE. La trajectoire atypique de
Mati Diop explique cette patte de plasticienne. Passé son bac à Paris, où elle est née et a grandi, elle voulait se libérer du carcan scolaire. « Je ne souhaitais pas intégrer une école de cinéma comme la Femis, m’inscrire dans une tradition française qui ne me passionnait pas. J’avais besoin de liberté, d’apprendre à faire les films… en les faisant. » En autodidacte, la jeune femme commence par réaliser des vidéos et des bandes sonores pour des pièces de théâtre montées par des amis. Poussée par la nécessité, « comme une fièvre », elle JEUNE AFRIQUE
Culture médias réalise bientôt un premier court-métrage, Last Night,resté confidentiel.Maissonrapport passionné et « organique » au cinéma a besoin d’être canalisé. Elle intègre une résidence d’artistes du Palais de Tokyo, qui abrite le Musée d’art moderne de la ville de Paris, puis l’école Le Fresnoy, située dans l’agglomération lilloise, une école transdisciplinaire formant aux arts visuels et aux nouvelles technologies. De fait, son cinéma est empreint des qualités et des défauts de beaucoup de créations contemporaines : une volonté farouche d’échapper à la facilité, à l’explication, qui génère autant d’images fortes que de lenteurs contemplatives et de flous scénaristiques. Son style séduit ses pairs. Sur la dizaine de films courts à son actif, beaucoup ont été récompensés. Atlantiques, réalisé en 2010, a notamment reçu un Tiger Award au Festival international du film de Rotterdam. Snow Canon, réalisé en 2011, a été sélectionné en compétition à la 68e édition de la Mostra de Venise. IMPROVISATION. Mille Soleils est le pro-
jet dans lequel elle s’est le plus investie. Elle mûrit l’idée depuis 2008. Son oncle, mort dix ans auparavant d’un cancer du poumon, laisse alors un grand vide. Et elle mesure l’importance de Touki Bouki, qui n’était resté pendant longtemps pour elle qu’une cassette VHS traînant dans le salon familial. « Je n’ai pas grandi dans le culte de ce film, mais j’ai compris que c’était un objet exceptionnel. Mille Soleils n’est pas un hommage, mais un moyen de me retourner sur une histoire qui est aussi la mienne. » Après avoir réalisé de longs séjours à Dakar dans son enfance, la jeune femme retourne au pays et, aidée par son cousin, part caméra numérique au poing, pour filmer des séquences de nuit en préparation du tournage. Celui-ci dure finalement une quinzaine de jours dans la capitale sénégalaise. Entre deux scènes rigoureusement écrites, la réalisatrice réussit à capter des moments d’improvisation très vivants, comme cette conversation houleuse entre son personnage principal et un chauffeur de taxi, en fait un rappeur issu du groupement de protestation Y en a marre. La diffusion de son moyen-métrage dans un cinéma parisien est une belle opportunitépourlajeuneréalisatrice.Mais celle-ci espère aujourd’hui que le film, qui continue de tourner dans les festivals, rencontrera aussi un public africain. l LÉO PAJON JEUNE AFRIQUE
LITTÉRATURE
L’assourdissant silence de la guerre Premier ouvrage des éditions Elyzad à être traduit aux ÉtatsUnis, Nos silences, de Wahiba Khiari, témoigne du dynamisme de la maison tunisienne.
P
aru en 2009 aux éditions voix à qui veut bien m’entendre. Ici, Elyzad, le roman Nos on a peur des mots, on les chasse, on silences, de Wahiba Khiari, les brûle, puis on les remplace par le ne cesse de tracer sa route silence », écrit-elle. à la rencontre de son public. Pour Nos silences est aussi une déclala première fois, fin 2013, les lecration d’amour à la littérature. Dans teurs algériens ont pu se le procurer une très belle scène, l’enseignante à l’occasion du salon international du demande à ses élèves de s’inspirer de livre d’Alger (Sila). « En Caroline du la célèbre chanson de John Lennon, Nord, deux universitaires se sont lanImagine, pour penser un autre monde, cés dans la traduction de cet ouvrage sans « guerre et sans religion ». Les dont ils jugent la lecture intéressante élèves s’en révèlent incapables : le fanatisme tue l’imagination et la pour les étudiants en histoire et en capacité à rêver. féminisme », explique la fondatrice de la maison d’édition tunisienne Élisabeth Daldoul. Lauréat du prix POÉSIE. Dans une très belle langue, Senghor en 2010, ce livre s’est vendu avec un style affirmé, Wahiba Khiari à 3 000 exemplaires au Maghreb, un nous replonge dans ces années bon chiffre selon l’éditrice. sombres et insuffle beaucoup de Situé dans les années 1990 en poésie à ses monologues. Néanmoins Algérie,Nossilencesretrace on regrette qu’elle n’ait le destin de deux femmes pas choisi de construire confrontées à l’horreur de son livre autour d’une la décennie noire. L’une, trame narrative plus professeur d’anglais, parsolide, autour d’une viendra à quitter son pays histoire qui permettrait et à échapper à la violence. de mieux distinguer chaque personnage, L’autre, enlevée à sa famille et retenue dans le maquis, chaque destin. On finit vivra de plein fouet la folie par se perdre dans les meurtrière et le fanatisme multiples voix qui s’enreligieux. Sous forme de trelacent et on ne sait confessions, ces deux pas toujours qui parle voix brisent l’omerta. Le ni à quel moment de mutisme est au cœur de l’histoire. Le livre aurait Nos silences, ce roman. Il obsède l’écrigagné à conserver cette de Wahiba Khiari, vaine algérienne installée veine poétique tout en éd. Elyzad, 124 pages, à Tunis depuis 1998, pour renforçant la trame 13,90 euros romanesque. qui les années de guerre Reste de ce récit une ont été plombées par le voix magnifique et tremblante. Un silence de ceux qui avaient peur, de ceux qui étaient endeuillés et de ceux témoignage empreint de sincérité qui n’ont pas eu le courage de dénonet de force sur ces années ayant laissé un pays traumatisé qui, pour cer ou de se révolter. envisager l’avenir, devra immanEn faisant œuvre d’écriture, Wahiba quablement affronter ces silences. Khiari se fait la voix des femmes, « Car ces mots […] finiront par s’oupremières victimes de cette guerre blier si personne ne les écrit. » l civile, devenues des objets sexuels, LEÏLA SLIMANI des ombres aphones. « Je crie sans N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
131
Culture médias ARTS VIVANTS
Les marionnettistes de la lagune Ébrié Récompensée à plusieurs reprises, une compagnie ivoirienne offre un spectacle humaniste grâce à de gigantesques personnages hauts en couleur. Reportage. Dans l’atelier que la compagnie a aménagédansuncoinducampementd’Abatta s’entassent les marionnettes géantes faites deplaquesdemousserecouvertesdetissu. Au gré de la visite, entre deux machines à coudre, on tombe sur une girafe, un éléphant, un crocodile. Dans un coin est accroché un lot de marionnettes à fils. CARNAVAL. Grâce à la diversité et à la
qualité de ce matériel qu’ils fabriquent eux-mêmes avec le plus grand soin, Soro Badrissa et ses acolytes peuvent répondre aux sollicitations les plus variées : carnavals, fêtes scolaires… En 2010, le chorégraphe Georges Momboye leur a commandé une centaine de marionnettes pour accompagner le ballet qu’il a présenté au stade Félix-Houphouët-Boigny p Lors du Marché des arts du spectacle africain, à Abidjan (le 6 mars). pour le cinquantenaire de l’indépendance de la Côte d’Ivoire. Leur renommée our dénicher les artistes Si les membres du groupe qu’il a dépasse les limites de l’agglomération d e l a c o mp ag n i e Iv o i re constitué entre-temps pratiquent la abidjanaise. En 2012, par exemple, ils ont Marionnettes, il faut emprunmarionnette à fils, à gaine, à tige, etc., participé à « Rendez-vous chez nous » au ter sur une quinzaine de kiloce sont surtout les personnages géants Burkina Faso ainsi qu’au festival Tenimètres la route qui conduit d’Abidjan à dans lesquels ils se glissent et virevoltent Tedji, au Bénin. L’année suivante, en sepBingerville. Peu avant l’entrée de cette qui emportent l’adhésion du public. Leur tembre 2013, ils ont été primés lors d’un ville, qui fut la capitale de la Côte d’Ivoire spectacle actuel, La main qui donne, concours organisé à Charleville-Mézières, de 1900 à 1934, on quitte le goudron pour a remporté la médaille d’or aux sepdans le nord-est de la France, à l’occasion rouler quelques centaines de mètres tièmes Jeux de la Francophonie, à Nice, de la Journée internationale de la paix. sur une mauvaise piste qui serpente La huitième édition du entre les plantations de palmiers à huile. Marché des arts du specAu rythme de musiques urbaines C’est là, à Abatta, au bord de la lagune tacle africain (Masa), qui entraînantes, de sympathiques Ébrié, sur un vaste terrain sablonneux s’est tenue du 1er au 8 mars à de 2 hectares, que les marionnettistes Abidjan, les a mis de nouveau monstres s’entremêlent. se sont établis, en 2008. en vedette. Entre un concert Tout a commencé en 2002 au village en septembre 2013. Selon les tableaux, de zouglou et une performance de danse Ki Yi M’Bock, cet étonnant centre de les marionnettistes forment ensemble les contemporaine,leurprestationaenchanté formation artistique créé à Cocody il y cinq doigts d’une main ou bien chacun la foule réunie sur la pelouse du Palais de a quelque trente ans par l’artiste d’orid’entre eux figure à lui seul une main la culture de Treichville. gine camerounaise Werewere Liking. d’une couleur spécifique : noir, blanc, Des projets, tels la création d’une école À l’époque, les jeunes du village sont jaune, rouge, brun. Un spectacle qui d’art de la marionnette et l’organisation tous attirés par la danse, la musique, symbolise la solidarité et la fraternité d’un festival international, les artistes de la le théâtre. Soro Badrissa, le futur fonentre les « races ». lagune n’en manquent pas. Encore faut-il dateur et directeur artistique d’Ivoire Ces monstres sympathiques tourque les moyens financiers suivent. Avec Marionnettes, lui, se familiarise avec noient, s’entremêlent, les doigts montent la récompense obtenue aux Jeux de Nice, un art peu pratiqué en Côte d’Ivoire et et descendent. Détendus, ceux-ci laissent ils ont construit une jolie petite scène au révèle ses talents en matière de fabriapparaître un visage humain à la place de beau milieu de leur base d’Abatta. De quoi cation d’accessoires. Werewere Liking l’ongle. Le tout au rythme de musiques organiser sur place leurs spectacles. Mais, l’aidera à monter son premier spectacle, urbaines entraînantes, ponctuées de comme beaucoup d’artistes africains, ils Soro d’Abidjan, avant qu’il ne décide de sont encore loin de pouvoir vivre décemchansons au message humaniste. Dans voler de ses propres ailes en trouvant ment de leur travail. l tel ou tel morceau, on reconnaît la voix rapidement son style propre. DOMINIQUE MATAILLET, envoyé spécial de Werewere Liking. DR
132
P
N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
JEUNE AFRIQUE
Culture médias LA REVUE
LaRevue
larevue.info
Le vrai Poutine Le numéro 41 du mensuel La Revue est en vente dans les kiosques depuis le 28 mars.
F
ace à une situation si compliquée qu’elle vous paraît incompréhensible, si embrouillée que vous avez du mal à vous forger une opinion personnelle, vous avez le choix entre deux solutions. Ou bien vous attendez que Bernard-Henri Lévy s’exprime sur le sujet. En prenant une position exactement inverse à la sienne, vous aurez une forte chance d’être dans le vrai. L’autre solution est que vous vous procuriez La Revue. Pour vous aider à comprendre quelque chose, par exemple, à la situation en Ukraine, bien plus complexe – humainement, historiquement, économiquement – qu’il n’y paraît, et à juger sainement l’attitude de la Russie dans cette affaire. Il apparaît nettement qu’une des clés de compréhension réside dans la personnalité deVladimir Poutine. Raison pour laquelle La Revue, dans son numéro d’avril, lui consacre sa couverture et un dossier de 16 pages. Pour y voir plus clair sur ce personnage resté mystérieux malgré une exposition en pleine lumière qui dure depuis plus de treize ans, La Revue n’a pas lésiné sur les moyens. Elle a fait appel aux meilleurs spécialistes. À commencer par le Pr Georges Sokoloff. Ce Français, d’origine russe, comme son nom l’indique, conseiller du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (organisme parisien dépendant du Premier ministre) et membre du conseil scientifique du Haut Collège d’Économie de Moscou, n’est pas un simple chercheur en chambre: Poutine, il le connaît. Ce dernier l’a reçu et consulté à plusieurs reprises. La force principale de Poutine, explique-t-il, est sa parfaite adéquation aux aspirations comme aux frustrations de l’immense majorité des Russes. Plus qu’un hyperprésident (comme le fut en France un Sarkozy), Poutine est un président hyper-russe, archi-russe.
MENSUEL N o 41 AVRIL 2014 4,90 €
L E M O N D E C O M M E V O U S N E L’ A V E Z J A M A I S L U
EXCLUSIF
LE VRAI POUTINE ÉCONOMIE
ARGENTINE DE NOUVEAU EN PLEURS
u La Revue no 41, avril 2014, 132 pages, 4,90 euros en France (3 000 F CFA dans la zone franc).
HISTOIRE
POMPIDOU UN MORT À L’ÉLYSÉE Le récit d’Édouard Balladur
Barack Obama ma
PARLE DE LA PAIX AU MOYEN-ORIEN IENT Algérie 350 DA • Allemagne 5,50 € • Belgique 5,50 € • Canada 6,50 $ CAN • DOM 5 € • Espagne 4,50 € • États-Unis 8,50 $ US • Finlande 5,50 € Italie 4,50 € • Luxembourg 5,10 € • Maroc 40 DH • Portugal 4,50 € • Royaume-Uni 5 £ • Suisse 7,50 FS • Tunisie 9,000 DT • Zone CFA 3 000 F CFA
L 17263 - 41 - F: 4,90 - RD
KIOSQUE
L’autre expert auquel La Revue a fait appel, c’est…Vladimir Poutine lui-même, qui, dans un ouvrage pas encore paru en France, livre ses souvenirs de jeunesse. Or, comme l’écrit Juliette Morillot, qui en a sélectionné et traduit les principaux passages, « c’est souvent dans l’enfance que se trouvent les clés de la personnalité ». Quant à l’inextricable complexité des relations entre la Russie et l’Ukraine, dont le sort de la Crimée n’est qu’un des aspects, elle fait l’objet d’une magistrale explication par un écrivain qui est aussi un fin connaisseur de l’Histoire, l’éditeur Claude Durand. Lequel ne manque pas d’égratigner au passage (sans s’abaisser à mentionner son nom) « cet intellectuel français, coutumier de ce genre de palinodie, appelant l’Europe à intervenir en Ukraine alors qu’elle n’y était déjà que trop engagée ». On aura reconnu ici Bernard-Henri Lévy, exnouveau philosophe reconverti dans l’interventionnisme militaire tous azimuts pour satisfaire ce que Jean-François Kahn appelle, dans une chronique dont La Revue donne un extrait, son « manichéisme absolu »… l JEAN-LOUIS GOURAUD
À LIRE AUSSI DANS CE NUMÉRO reportage à Abidjan, Dominique Mataillet a découvert une Côte d’Ivoire qui, peu à peu, se remet de son histoire tourmentée des quinze dernières années.
Orsenna retrouve son personnage fétiche dans Mali, ô Mali ! La Revue l’a rencontré.
8
9
L’INVITÉ DE LA REVUE
OBAMA LE PACIFICATEUR ? Lors d’un long entretien avec le journaliste Jeffrey Goldberg, le président américain évoque Israël, l’Iran et la Syrie. Avec un message commun : il est temps de faire la paix. LA RENAISSANCE D’ABIDJAN. Chantiers civils, rénovation des infrastructures, dynamisme économique : parti en JEUNE AFRIQUE
ERIK ORSENNA, RETOUR AU MALI Douze ans après Madame Bâ, l’écrivain Erik
ERIK ORSENNA
Dernières nouvelles du Mali Grand amoureux des Afriques, l’académicien raconte pour La Revue cette passion parfois contradictoire, entre fascination, motifs de colères et d’espoir. PROPOS RECUEILLIS PAR FRÉDÉRIC FERNEY PHOTOS DE BRUNO LEVY
N
É EN 1947, Érik Arnoult est fier de compter dans sa famille des banquiers saumurois, des paysans luxembourgeois et une papetière cubaine. Après des études de philosophie, de sciences politiques et d’économie, il publie son premier roman sous le nom d’Erik Orsenna, en hommage à la capitale imaginaire du Rivage des Syrtes, de Julien Gracq. Il est appelé en 1981 au cabinet du ministre de la Coopération, devient ensuite conseiller culturel et « plume » de François Mitterrand, puis entre au Conseil d’État en décembre 1985. Prix Goncourt pour L’Exposition coloniale en 1988, il est élu à l’Académie française la même année. En 2002, il publie Madame Bâ, un roman inspiré de ses séjours au Mali dans lequel il donne la parole à une institutrice de Bamako, qu’il ressuscite aujourd’hui dans Mali, ô Mali 1. Adepte du réalisme quand il est magique, Orsenna nous offre une ode aux peuples du Sahel, une satire de la mondialisation et une critique acerbe des alliances meurtrières entre les nomades et les mafias, sous le manteau d’un islam défiguré par la corruption et la crapulerie.
LA REVUE N° 41 - AVRIL 2014
! Mali, ô Mali par Erik Orsenna, éd.Stock, 402 pages, 21,50 euros.
LA REVUE N° 41 - AVRIL 2014
N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
133
ANNONCES CLASSÉES
Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre -Tél. : 01 44 30 18 76 - Fax : 01 44 30 18 77 - Email. : f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique - 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris - France
www.sai2000.org COURS INTENSIFS D’ANGLAIS École Commerciale Privée fondée en 1955 THIS SCHOOL IS AUTHORIZED UNDER FEDERAL LAW TO ENROLL NONIMMIGRANT ALIEN STUDENTS
Comptabilité sur ordinateur Gestion de bureau sur ordinateur dBase Management® Microsoft Office Suite - Windows Traitement de texte Microsoft® Lotus Suite - (T1) Internet access • Membre accrédité du “ACICS” • Établissement reconnu par le Département d’Éducation de l’État de New York • Commence dès ce mois-ci • Cours offerts le matin, l’après-midi et le soir. Tél. (212) 840-7111 Fax (212) 719-5922
Recrutement - Formation
SKYPE : StudentClub
GALVmed Vacancies 1) Communications Manager 2) Communications Officer The Global Alliance for Livestock Veterinary Medicines (GALVmed) is a unique non-profit organisation funded by Bill & Melinda Gates Foundation and the UK Department for International Development. GALVmed’s purpose “Protecting Livestock – Improving Human Lives” is at the heart of everything we do. Strong two-way communication between GALVmed and all its stakeholders and by a much wider audience is crucial to its success. The communication of the GALVmed mission and performance is challenging both because of the number and variety of interested parties, and because of the complexity of the message that needs to be put across. By developing new veterinary vaccines and the associated processes by which to make these widely available and affordable, GALVmed is playing a major role in improving the livelihoods for the world’s 900 million poor livestock farmers and needs good communications at all levels to succeed. Interested in either of these posts? If you have... COMMUNICATIONS MANAGER, based in Edinburgh, UK or Nairobi, Kenya • Minimum of 5 years’ experience as a Communications professional • Broad experience in developing countries • Track record at management level in a technical / scientific organisation • Knowledge of Animal Health an advantage • Experience in developing and running communication & advocacy strategies for not-for-profit organisations • Experience in management of staff and projects • Experience of establishing and maintaining partnerships • Understanding of donors / funding • Excellent English writing and editing skills with ability to produce finished copy • Flexibility to travel internationally
COMMUNICATIONS OFFICER, based in Edinburgh, UK or Nairobi, Kenya • Minimum of 3 years’ experience as a Communications professional • Experience in Social Media • Ability to advise on content and design of IT presentations • Experience in both internal and external communications • Familiar with website and internet development • Understanding of donors / funding • Ability to produce staff bulletins / newsletters • Ability to advise on organisation of PR events • Excellent English writing and editing skills with ability to produce finished copy • Flexibility to travel internationally
SPANISH-AMERICAN INSTITUTE 215 W 43 St. (Times Square) Manhattan, NY 10036-3913
...then GALVmed would like to hear from you! Please visit our website http://www.galvmed.org/about-galvmed/vacancies-1/ to review the full job descriptions. If you would like to discuss either of the roles further please contact our Senior Director of Policy & External Affairs – hameed.nuru@galvmed.org. Application is by CV, with a covering letter outlining your interest in the role and also an indication of your current salary, sent to recruitment@galvmed.org.
info@sai2000.org
Closing Date by which applications must be received is 13th April 2014 – please also indicate in your covering letter where you read this advert
Program Officer - Policy & Advocacy The Alliance for a Green Revolution in Africa (AGRA) is working with African governments, donors, NGOs, the private sector and African farmers to significantly and sustainably improve the productivity and incomes of resource poor farmers in Africa through agricultural development. AGRA aims to ensure that smallholders have what they need to succeed: good seeds and healthy soils; access to markets, information, financing, storage and transport; and policies that provide them with comprehensive support. AGRA has its headquarters in Nairobi, Kenya, a regional office in Accra, Ghana and is opening several country-based offices across Africa. AGRA is seeking to recruit an experienced and exceptional individual to fill the position of Program Officer, Policy and Advocacy. Reporting to the Director of AGRA’s Policy and Advocacy Program, the Program Officer will develop and lead innovative investments to advance AGRA’s policy and advocacy agenda. The Program Officer position is internationally recruited and will be based in Nairobi, Kenya on a three (3) year renewable contract. This position involves extensive travel throughout Africa and occasionally outside Africa. Specific responsibilities will include: • Supporting AGRA’s engagement with national governments and donors for the design and implementation of appropriate policies and institutions. This with the aim of creating an enabling environment for investment by smallholder farmers and agribusinesses; • Collaborating with staff in other AGRA Programs to identify and overcome policy-related constraints on technology development, dissemination and uptake; • Identifying, developing, and maintaining strong relationships with other partners who are working to improve food and agricultural policies in Africa; • Supporting the activities of AGRA-facilitated Policy Action Nodes and Hubs that are working to improve policy processes, support systems and advocacy platforms in the continent; • Supporting fund-raising activities to map out and consolidate the Policy and Advocacy Program’s strategic activities; and
N° 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
• Supporting efforts to strengthen capacity for policy design, implementation, monitoring and evaluation at national and regional level. Key qualifications, knowledge and experience required: • Minimum of a Master’s degree in Agricultural Economics, Economics, Public Finance, Public Administration, Law or related disciplines; • A relevant Doctorate degree will be an added advantage; • Minimum of 10 years’ experience leading policy-related development initiatives, primarily in Africa; • At least three (3) years’ senior-level management experience designing and implementing policy and regulatory reform in the public sector; • Experience managing complex initiatives with proven ability to develop high impact partnerships; and • Excellent verbal and written communication skills with a team orientation and strong collaborative skills. For more information on this position, applicants can visit www.agra.org An attractive remuneration package commensurate with the position’s responsibilities will be negotiated with the successful candidate. If you believe you can clearly demonstrate your abilities to meet the relevant criteria for this role, please submit your application with a detailed CV, stating your current position, current remuneration, e-mail and telephone contacts and quoting the reference number (Ref.: PO–P&A / 03-14) on your application letter. To be considered, your application must be received by 14 April, 2014 addressed to: The Director Executive Selection Division - Deloitte Consulting Limited Deloitte Place, Waiyaki Way - Westlands, Nairobi Kenya Email: agra@deloitte.co.ke - Tel: +254 20 423 0000 Deloitte refers to one or more of Deloitte Touche Tohmatsu Limited, a UK private company limited by guarantee, and its network of member firms, each of which is a legally separate and independent entity. Please see www.deloitte.com/about for a detailed description of the legal structure of Deloitte Touche Tohmatsu Limited and its member firms. © 2014 Deloitte Consulting Limited
JEUNE AFRIQUE
Avis de Recrutement .* /,"0$* !123 $,4%*(' )5(% 6*$' 789: $5;% )* <=>2?@A 3 ,*B,0'* -
Un (01) Directeur D’agence-pays !"#$% & ! Avoir un BAC+5, MBA en gestion, commerce, ou équivalant, d’une grande ecole; ! Avoir au moins 05 ans d’experience dans un poste similaire; ! être agé de 35-45 ans; '())(#*) & ! développer l’activité de l’agence en assurant !"#$$%&'(()*)+, -) (&+ $.'//%) -"#//#'%) 0 ! développer le lobbying de l’agence afin d’accroitre le $)%$!) %)!#,'&++)! ), #,,'%)% -) +&12)#1 3#%,)+#'%)( 0 ! mettre en place et piloter la stratégie commerciale, technique, et financière de l’agence ; ! manager son équipe de collaborateurs autour d’un plan d’action comptant des objectifs spécifiques me surables, qu’il aura défini ; Un (01) Directeur Général Adjoint d’une société de distribution !"#$% & ! !"#$% &' (!)*+ ,-(!. /' 0/12#' #& 3#44/%3/ 56&'/ 0%7'5/ 83#9/ : ! !"#$% &'/ /;<8%$/'3/ 5/ =+ 7'1 4$'$4&4 57'1 &' <#1>/ 1$4$97$%/ : ! ?>%/ @08 5/ A=BC= 7'1D
Un (01) Directeur Général d’une société financière !"#$% & ! !"#$% &' (!)*+ /' E7'N&/ 56&'/ 0%7'5/ 83#9/: ! !"#$% &'/ /;<8%$/'3/ 5/ + 7'1 4$'$4&4 57'1 9/ 5#47$'/ E7'37$%/ : ! ?>%/ @08 5/ A+BC+ 7'1 : '())(#*) & ! -#'>/% 9/ (&1$'/11 <97' : ! R879$1/% 9/ <%#P/> : <7%23$</% 7& %/3%&>/4/'> 5& S>7H: ! 4/L%/ /' <973/ /> <$9#>/% 97 1>%7>80$/ 3#44/%3$79/M >/3G'$N&/M /> J'7'3$O%/ 5/ 97 1#3$8>8 : ! 58"/9#<</% 96732"$>8 5/ 97 1#3$8>8 /' 711&%7'> 96733%#$11/4/'> 5/ 1#' 3G$H%/ 567H7$%/ : ! 47'70/% 1#' 8N&$</ 5/ 3#997E#%7>/&%1 7&>#&% 56&' <97' 56732#' 3#4<>7'> 5/1 #EP/32Q1 1<83$JN&/1 4/1&%7E9/1M N&6$9 7&%7 58J'$ :
JEUNE AFRIQUE
!"#$% & ! !"#$% &' (!)*+M -(! /' 0/12#'M 3#44/%3/M #& 8N&$"797'>M 56&'/ 0%7'5/ /3#9/: ! !"#$% 7& 4#$'1 =+ 7'1 56/;</%$/'3/ 57'1 &' <#1>/ 1$4$97$%/: ! T>%/ 708 5/ A+BC+ 7'1: '())(#*)& ! R879$1/% 9/ <%#P/> 5/ 3%872#' 5/ 97 1#3$8>8 : ! R879$1/% 96$'1>79972#' 3#4<9O>/ 5/1 $'Q%71>%&3>&%/1 '83/117$%/1 : ! U8<9#I/% >#&>/ 97 9#0$12N&/ N&/ 97 4$1/ /' V&"%/ 5& <%#P/> /;$0/ : ! W7%23$</% 7& %/3%&>/4/'> 5& S>7H : ! 4/L%/ /' <973/ /> <$9#>/% 97 1>%7>80$/ 3#44/%3$79/M >/3G'$N&/M /> J'7'3$O%/ 5/ 97 1#3$8>8 : ! 58"/9#<</% 96732"$>8 5/ 97 1#3$8>8 /' 711&%7'> 96733%#$11/4/'> 5/ 1#' 3G$H%/ 567H7$%/ : ! 47'70/% 1#' 8N&$</ 5/ 3#997E#%7>/&%1 7&>#&% 56&' <97' 56732#' 3#4<>7'> 5/1 #EP/32Q1 1<83$JN&/1 4/1&%7E9/1M N&6$9 7&%7 58J'$ : Directeur général d’une société de location de matériel de BTP !"#$% ! !"#$% &' (!)*+ ,-(!. /' 0/12#'M 3#44/%3/M 89/3>%#4837'$N&/ #& 8N&$"797'> 56&'/ 0%7'5/ 83#9/ : ! !"#$% 5/1 3#4<8>/'3/1 7"8%8/1 /' 0/12#' /> 5/1 3#4<8>/'3/1 5/ 3#44/%3$79 : ! !"#$% 7& 4#$'1 =+ 7'1 56/;<8%$/'3/ : ! ?>%/ @08 5/ A+BC+ 7'1 : '())(#*) & ! 58"/9#<</% 96732"$>8 5/ 97 1#3$8>8 /' 711&%7'> 96733%#$11/4/'> 5/ 1#' 3G$H%/ 567H7$%/ : ! 58"/9#<</% 9/ 9#EEI$'0 5/ 97 1#3$8>8 57'1 9/ 1/3>/&% 4$'$/% : ! 4/L%/ /' <973/ /> <$9#>/% 97 1>%7>80$/ 3#44/%3$79/M >/3G'$N&/M /> J'7'3$O%/ 5/ 97 1#3$8>8 : ! 47'70/% 1#' 8N&$</ 5/ 3#997E#%7>/&%1 7&>#&% 56&' <97' 56732#' 3#4<>7'> 5/1 #EP/32Q1 1<83$JN&/1 4/1&%7E9/1M N&6$9 7&%7 58J'$ : !"#$"%&'&"( )* +"%%&*, %+,,"+ -+ .#,(/0,(#*1 23""(23%3. /(,0+1 2#4(+ -3 -(4%5.+1 -+) 0,,+),0,(#*) -+ ,"0/0(% +, -+ ),06+. 4)( -&((')%( -)2%&+, 5,%) )+2&67( #18 #-%)(()( (1'2#+,)( 9 recru_2013@yahoo.fr et /ou recrut2014@outlook.fr Seuls les candidats retenus seront contactés. La date limite de dépôt des dossiers est fixée au 15/04/2014
N° 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
Recrutement
'())(#*)& ! )#'>%$E&/% F 58"/9#<</% 96732"$>8 5/ 97 1#3$8>8 /' 711&%7'> 96733%#$11/4/'> 5/ 1#' 3G$H%/ 567H7$%/ : ! )#'>%$E&/% F 58"/9#<</% 9/ 9#EEI$'0 5/ 97 1#3$8>8 7J' 56733%#$>%/ 9/ 3/%39/ %/972#''/9 /> 7K%/% 5/ '#&"/7& <7%>/'7$%/1 : ! )#'>%$E&/% F 4/L%/ /' <973/ /> F <$9#>/% 97 1>%7>80$/ 3#44/%3$79/M >/3G'$N&/M /> J'7'3$O%/ 5/ 97 1#3$8>8 : ! 47'70/% 1#' 8N&$</ 5/ 3#997E#%7>/&%1 7&>#&% 56&' <97' 56732#' 3#4<>7'> 5/1 #EP/32Q1 1<83$JN&/1 4/1&%7E9/1M N&6$9 7&%7 58J'$ :
Un (01) Directeur Général d’une société de carrière
136
Annonces classées
UNION ÉCONOMIQUE ET MONÉTAIRE OUEST AFRICAINE ------------------------La Commission -----------Le Président
APPEL À CANDIDATURES POUR LE RECRUTEMENT DE JEUNES PROFESSIONNELS DE L’UEMOA
Recrutement
La création en 1994, de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (l’UEMOA) traduit la volonté de ses Etats membres (Bénin, Burkina,Côte d’Ivoire,Guinée-Bissau,Mali,Niger,Sénégal,Togo) d’élargir aux volets des politiques économiques,la coopération qu’ils poursuivent dans le domaine monétaire depuis plus de quarante ans. L’Union s’est donnée pour objectif, de contribuer à la création d’un espace communautaire unifié, dynamique, performant et moderne, inséré dans la région Afrique et dans le Monde, au service des économies nationales devenues complémentaires et au profit d’une population unie et solidaire dans sa diversité.
- environnement, - genre et développement, - télécommunication, informatique, - secteur privé, entreprise, - commerce, - douane, - concurrence.
Depuis quelques années, l’Union a obtenu des succès importants à travers la réalisation d’un cadre macro-économique stable pour la sousrégion, l’harmonisation des législations nationales et l’adoption de politiques sectorielles communes,innovantes et porteuses de croissance économique.
3. Critères de sélection : - excellentes références académiques ; - excellente maîtrise de l’outil informatique ; - capacité d’analyse,bonne connaissance des outils de gestion de projets ; - vif intérêt pour l’intégration régionale, dynamisme et capacité à travailler en équipe dans un milieu multi culturel ; - capacité à communiquer à l’écrit et à l’oral en anglais serait un atout ainsi que la connaissance du portugais.
En adoptant son Programme Economique Régional (PER) en 2004, l’Union s’est engagée dans une nouvelle phase marquée par la réalisation d’actions concrètes et structurantes d’amélioration des conditions de vie des populations.Afin de renforcer les acquis de l’Union et de l’aider à relever les principaux défis à venir, la Commission de l’UEMOA a mis en place le Programme de Recrutement des Jeunes Professionnels (PRJP), destiné à valoriser la participation de ressources humaines dynamiques et jeunes à l’œuvre d’intégration régionale.
4. Composition du dossier de candidature Les dossiers de candidature devront comporter les pièces suivantes : - une lettre de motivation exposant l’intérêt pour l’intégration régionale ; - un curriculum vitae ; - le formulaire de candidature ; - les références académiques avec précision des mentions des diplômes (ou relevés de notes, le cas échéant) ; - un certificat de nationalité.
1. Présentation du programme Le Programme de recrutement de Jeunes Professionnels de l’UEMOA est un programme hautement compétitif,destiné aux jeunes de 30 ans au maximum, prêts à contribuer à la réalisation des missions de l’Union. Ce programme recrutera des jeunes cadres,qui seront affectés dans les Départements et Organes de l’UEMOA. Ils recevront un encadrement personnalisé auprès des professionnels séniors de l’Institution. Les plus méritants pourraient être recrutés au bout de dix-huit (18) mois, après évaluation. 2. Conditions d’éligibilité Peuvent répondre à cet appel, les ressortissants des Etats membres de l’UEMOA, âgés de 30 ans au plus au 31 décembre 2014, détenteurs d’un diplôme de BAC + 5 au minimum, en économie, gestion, statistiques,sciences de l’ingénierie,sciences sociales,développement international, ou toute autre discipline connexe en relation avec les secteurs d’activités suivants : - sécurité alimentaire, - sécurité sanitaire des végétaux et des animaux, - transport et aménagement du territoire, - tourisme, - artisanat, - santé et éducation, - gestion financière, audit, fiscalité, - statistique, - gestion des projets, suivi – évaluation, - industrie,
N° 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
Tout dossier de candidature incomplet sera rejeté. 5. Dépôt des candidatures Pour tout dépôt de candidature, aller sur le site www.uemoa.int, rubrique « Recrutement ». Date limite de dépôt de candidature le 12 mai 2014. 6. Conditions d’emploi et de rémunération Conformément aux principes qui régissent le programme, les Jeunes Professionnels sont affectés dans les Départements ou Organes pour une durée de dix-huit (18) mois et pour répondre à des besoins précis et ne sont pas recrutés pour pourvoir à des postes vacants. Ils recevront une indemnité forfaitaire mensuelle pendant cette période au bout de laquelle ils pourraient être recrutés en qualité de fonctionnaires, après évaluation. 7. Les missions et responsabilités des jeunes professionnels : - assister les cadres dans les Départements/Organes ; - assumer des responsabilités de soutien en tant qu’assistant pour les activités des cycles de projets ; - contribuer à différentes tâches opérationnelles et participer aux réunions des différents Services ; - participer aux missions dans le cadre du déroulement des programmes et projets du Département/Organe. Le Commissaire chargé du Département des Services Administratifs et Financiers Essowè BARCOLA
JEUNE AFRIQUE
Annonces classées
137
ROYAUME DU MAROC
OFFICE NATIONAL DE L’ÉLECTRICITÉ ET DE L’EAU POTABLE-BRANCHE EAU - ONEE-BRANCHE EAU PROJET DE RENFORCEMENT DES SYSTÈMES D’AEP DANS LES ZONES D’AGADIR ET DE CHTOUKA AIT BAHA AU MAROC COOPÉRATION ONEE-BRANCHE EAU – BID 4 AVIS GÉNÉRAL DE PASSATION DE MARCHÉS L’ONEE-BRANCHE EAU a obtenu de la Banque Islamique de Développement (BID) un prêt en vue du financement du projet d’alimentation en eau potable des populations des provinces d’Agadir et de Chtouka Ait Baha. Le projet consiste en la réalisation de projets visant l’accès à l’eau potable des zones rurales et le renforcement des systèmes d’adduction des zones urbaines. Le projet comprend les sous-projets suivants : Composante urbaine : Le projet de transfert des eaux de la station de dessalement de Cap Ghir se compose des ouvrages suivants : • Réalisation d’une station de pompage au niveau de la station de traitement Tamri (Q=1450 l/s, HMT =35 m). • Pose d’un système adducteur en béton précontraint et en fonte de diamètre 1600 mm sur un linéaire de 56 km. • Réalisation de trois réservoirs pour une capacité de stockage de 10 000 m3 chacun. • Réalisation d’une station de pompage à côté de la SP2 (Q =2460 l/s, HMT =80 m). • Ligne électrique. • Télégestion. Composante rurale : Deux projets sont programmés dans le cadre de cette composante à savoir : • Projet d’extension de la station de traitement d’Ait Baha pour un débit supplémentaire de 40 l/s. • Projet d’AEP des douars de la 1ère tranche de Chtouka Ait Baha. Le projet consiste à réaliser les activités suivantes : a- Travaux de construction des systèmes d’alimentation en eau potable : Ces systèmes seront mis en place à travers la réalisation des travaux de génie civil (réservoirs, stations de traitement, bâches, brises charges, etc.), la fourniture et la pose de conduites, la fourniture et l’installation des équipements et leur électrification (stations de pompage, stations de traitement, lignes électriques, télégestion). Dans le milieu rural, le mode de desserte en eau potable est prévu comme suit : • les centres agglomérés seront desservis par des branchements individuels, • les douars disposant de système d’alimentation en eau potable, seront branchés au niveau de leurs réservoirs existants, • les douars ne disposant pas de système d’alimentation en eau potable seront desservis par des bornes fontaines.
OFFICE NATIONAL DE L’ELECTRICITE ET DE L’EAU POTABLE – BRANCHE EAU AVENUE MOHAMMED BELHASSAN EL OUAZZANI – CODE POSTAL 10.220 - RABAT Personnes à contacter : M. Fouad SELMANI (fselmani@onee.ma) et Mlle. Ilham ES-SEMLALI (iessemlali@onee.ma ) Téléphone : +212 5 37 66 72 56/77 77 - Fax : +212 5 37 66 72 22
Industrie Pharmaceutique Director.
installée en Afrique de l’Ouest recherche Pharmaciens-industriels ayant au minimum 5 ans d’expériences pratiques. Ecrire au journal : Jeune Afrique 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris sous référence : ACFL/2775 qui transmettra avec CV, Photo, lettre manuscrite et Prétentions. Ces dossiers peuvent également être transmis par mail à l’adresse
« mas_services47@yahoo.fr ». JEUNE AFRIQUE
N° 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
Avis de marchés - Recrutement
b- Services de consultants : Les services de consultants comporteront principalement les activités suivantes : • Examens et validation des études Avant-Projet Sommaire et Avant-Projet Détaillé. • Supervision des travaux: comporte le suivi technique de la réalisation des travaux et consiste en la vérification des études techniques d’exécution, participation à l’évaluation des offres des soumissionnaires, participation au règlement des problèmes techniques de chantier, assistance technique à la réception des travaux et suivi des indicateurs physiques et financiers de l’avancement des travaux. • Pour la composante rurale : campagnes d’animation et d’encadrement. Cette activité consiste à assurer l’élaboration et la mise en œuvre d’un programme d’animation au profit de la population rurale bénéficiaire en vue de promouvoir son adhésion au projet et sa participation au choix de l’emplacement des bornes fontaines. Elle permettra également de la sensibiliser sur le mode de gestion de l’eau, l’hygiène et l’assainissement, et assurera la formation et l’encadrement des gardiens gérants des bornes fontaines et des associations des usagers de l’eau potable pour les branchements individuels. L’acquisition des biens et travaux se fera conformément aux Directives de la Banque en matière d’acquisition des biens et travaux. L’acquisition des services de consultants se fera conformément aux Règles et procédures de la Banque en matière d’utilisation des consultants. Les soumissionnaires intéressés peuvent obtenir des informations complémentaires et devraient confirmer leur intention, à l’adresse suivante :
138
Annonces classées FONDATION POUR LE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS EN AFRIQUE ÉCOLE NATIONALE D’ADMINISTRATION FACULTÉ DE DROIT ET DES SCIENCES ÉCONOMIQUES DE L’UOB PROGRAMME DE FORMATION EN MANAGEMENT DU SECTEUR PUBLIC N°000026/ACBF/ENA/FDSE/PFMSP II
APPEL À CANDIDATURES
AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL POUR LE RECRUTEMENT D’UN EXPERT EN PLAIDOYER ET POUR L’ORGANISATION D’UNE TABLE RONDE DES BAILLEURS DE FONDS (CONSULTANT INDIVIDUEL) Dans le cadre du projet « Gestion intégrée et concertée des ressources en eau des Systèmes Aquifères d’Iullemeden, de Taoudéni / Tanezrouft et du Fleuve Niger » GICRESAIT, financé par la Facilité africaine de l’eau et le Fonds français pour l’environnement mondial, l’Observatoire du Sahara et du Sahel (OSS), organisation internationale basée à Tunis, lance un appel d’offres pour le recrutement d’un Expert en plaidoyer et pour l’organisation d’une table des Bailleurs de fonds.
Appel d’offres - Formation
Le délai de soumission des dossiers de candidature est fixé au 30 avril 2014. Toutes les formalités de candidature à ce poste, sont disponibles sur le site web de l’OSS : http://www.oss-online.org/fr/ao-gicresait
La Faculté de Droit des Sciences Economiques (FDSE) de l’Université Omar BONGO et l’Ecole Nationale d’Administration (ENA) de Libreville ouvrent conjointement, grâce à un financement de la Fondation pour le Renforcement des Capacités en Afrique (ACBF), la deuxième phase du Programme de Formation en Management du Secteur Public (PFMSP II). Etalée sur deux semestres (1 année), et débouchant sur un diplôme de Master en Management du Secteur Public, cette formation professionnalisante de niveau bac+5 est accessible aux ressortissants des pays francophones d’Afrique Centrale et de l’Océan Indien à savoir : Burundi, Cameroun, Comores, Djibouti, Gabon, Madagascar, République Centrafricaine, République du Congo, République Démocratique du Congo, Rwanda, Seychelles et Tchad. Les conditions pour postuler et bénéficier d’une bourse de l’ACBF sont les suivantes : - être agent de l’administration publique depuis au moins cinq (5) ans ; - être titulaire d’un diplôme de niveau bac+4, à défaut, être titulaire d’un diplôme de niveau bac+3 et justifier d’une expérience professionnelle d’au moins dix (10) ans dans l’administration publique ; - être âgé de 49 ans au plus au 1er janvier 2014. Les candidats titulaires d’un diplôme de niveau bac+4, mais ne répondant pas aux autres conditions exigées ci-dessus ou ne bénéficiant pas de l’appui financier de l’ACBF, peuvent également faire acte de candidature, à la condition de justifier de la capacité à prendre en charge les frais de formation. Les formulaires à remplir en vue de la constitution du dossier de candidature peuvent être téléchargés sur le site de l’Ecole Nationale d’Administration (ENA)-Gabon : www.enagabon.com, ou retirés au secrétariat du Programme de Formation en Management du Secteur Public (Ecole Nationale d’Administration). Les dossiers peuvent être déposés directement au secrétariat du Programme de Formation ou envoyés par e-mail à l'adresse suivante : Pfmsp2@yahoo.fr La date limite pour le dépôt des dossiers est fixée au 15 avril 2014 à 18 heures. Fait à Libreville, le 27 mars 2014 Le Coordonnateur du PFMSP II Alain Christian PANDZOU
RÉPUBLIQUE ISLAMIQUE DE MAURITANIE MINISTÈRE DES FINANCES - MINISTÈRE DU PÉTROLE, DE L'ÉNERGIE ET DES MINES CELLULE DE PILOTAGE POUR LA MISE EN ŒUVRE DU PROCESSUS DE LA RESTRUCTURATION DE LA SOMAGAZ
L'AVIS DE REPORT DE LA DATE LIMITE DE SOUMISSION DES OFFRES : APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL OUVERT RELATIF À LA CESSION DES ACTIONS DE L'ÉTAT DANS LE CAPITAL SOCIAL DE LA SOMAGAZ DONT L'AVIS A ÉTÉ PUBLIÉ LE 10/02/2014 DANS LE N° 10385 CHAAB ET N° 6192 HORIZONS, LE 11 /02/2014 SUR LE PORTAIL WWW.PMD.MR ET LE 24/02/2014 SUR LE SITE WWW.DGMARKET.COM Vu la volonté de l'Etat de jouer pleinement son rôle de régulateur de la filière gaz butane à égale distance des opérateurs du secteur, une Cellule de Pilotage chargée de la conception et du suivi du processus de désengagement de l'Etat du Capital de la Société Mauritanienne de Gaz (SOMAGAZ) a été créée par arrêté conjoint n°0689/MF/MPEM du 14 mai 2013. Le désengagement de l'Etat du capital social de la SOMAGAZ s'inscrit dans le cadre d'une réforme structurelle du secteur aval des hydrocarbures visant à complètement libéraliser la filière gaz butane conformément à l'esprit de l'ordonnance 2002-005 du 28 mars 2002 à travers l'émergence d'opérateurs capables d’assurer, d’une manière pérenne sous le contrôle des organes compétents de l'Etat, l'approvisionnement du pays en gaz butane. A cet effet, la Cellule a lancé un Appel d’Offres international ouvert pour la sélection d'un acquéreur de la totalité des actions de l’Etat dans le capital social de la SOMAGAZ. Ainsi la Cellule invite, par le présent avis d'Appel d'Offres, les personnes morales désirant soumissionner et qui répondent aux critères d'éligibilité définis à présenter leurs offres à cet effet. La date limite de remise des offres était fixée au dimanche 30 mars 2014 a 10 heures.
N° 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
Par le présent avis, la date limite de remise des offres est fixée au mercredi 30 avril 2014 à 10 heures au lieu du dimanche 30 mars 2014 à 10 heures TU précédemment publié. Le Dossier d’Appel d'Offres est disponible pour être acheté par les sociétés intéressées depuis le 12 février 2014. Sur demande écrite adressée au Secrétariat de la Cellule de Pilotage de la Restructuration de la SOMAGAZ, au siège du Ministère du Pétrole, de l'Energie et des Mines au contact ci-après : Téléphone : +222 22680058, E-mail : mookhoum2002@yahoo.fr , le dossier d’appel d'offres peut être retiré après présentation d'un reçu de paiement d'un montant non remboursable d'un million (1 000 000) d'Ouguiyas dans le compte d'Appui au Secteur des Hydrocarbures Raffinés n° 3001199 ouvert au Trésor Public mauritanien. Les plis seront ouverts par la Cellule en présence des représentants des soumissionnaires qui le souhaitent les mêmes date et heure arrêtées ci-dessus, dans la salle de réunion du Ministère du Pétrole, de l’Energie et des Mines à l'adresse indiquée ci-dessus. Le Président. Cheikh Ould Sid’Ahmed
JEUNE AFRIQUE
Annonces classées
139
RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR, SÉCURITÉ, DÉCENTRALISATION ET AFFAIRES COUTUMIÈRES PROJET DE RENFORCEMENT DES CAPACITÉS DE GOUVERNANCE
PRCG
AVIS AUX SOUMISSIONNAIRES REPORT DE DATE DE DÉPÔT DES OFFRES Dossier d’Appel d’Offres International pour la mise en œuvre de systèmes informatisés de gestion informatique de la Chaine de la Dépense Simplifiée du Kasaï Occidental (AOIF001/PRCG/CN/PM/01/2014) À la suite de la décision du Comité Technique Informatique agissant au nom du Gouvernement de la République Démocratique du Congo, portant suppression de la composante 1 et du transfert des compétences relatif à l’Applicatif dans le Dossier d’Appel d’Offres International pour la mise en œuvre de systèmes informatisés de gestion informatique de la Chaine de la Dépense Simplifiée du Kasaï Occidental (AOIF001/PRCG/CN/PM/01/2014), il est porté à votre connaissance que la date limite de dépôt des offres fixée au 25 mars 2014 est reportée au 08 avril 2014. Toute autre information supplémentaire peut être obtenue en nous contactant à l’adresse mail : prcgrdc@gmail.com Fait à Kinshasa, le 20 mars 2014. Le Coordonnateur National Popaul KIZUNGU CHIHISA
MINISTÈRE DE L’ÉCONOMIE ET DES FINANCES SECRÉTARIAT GÉNÉRAL
RÉPUBLIQUE DU MALI UN PEUPLE-UN BUT- UNE FOI AAOI n° : 01-MEF-DFM
A cet effet, le Gouvernement de la République du Mali lance par le présent avis, un appel d'offres international pour la sélection d'un investisseur susceptible de poursuivre l’activité de la société. 2. Les investisseurs intéressés peuvent retirer le dossier d’appel d’offres international à la Direction des Finances et du Matériel du Ministère de l’Economie et des Finances, contre paiement de la somme d’un million [1.000.000] FCFA. Le dossier peut également être obtenu sur demande écrite (e-mail accepté) précisant l'identité de la personne pour le compte de laquelle le dossier d’appel d’offres international est demandé. Cette demande devra être adressée au Directeur des Finances et du Matériel du Ministère de l’Economie et des Finances à l’adresse suivante : Direction des Finances et du Matériel du Ministère de l’Economie et des Finances sise à Hamdallaye ACI 2000- BP : 234 Tél : +223 20 22 53 41/20 22 58 58 Fax : 20 22 01 92/saliadoum74@yahoo.fr Seuls les professionnels de l’industrie pharmaceutique, remplissant les conditions du Règlement d’appel d’offres, pourront remettre des offres pour l'acquisition des actions en cession. 3. Il est précisé que les investisseurs désireux à participer à cet appel d'offres sont appelés à remettre leurs offres au plus le jeudi le 22 Mai 2014 à 10 heures (heure de Bamako), conformément aux conditions définies dans le Règlement d’appel d’offres. Les offres devront être déposées à l'adresse de la Direction des Finances et du Matériel du Ministère de l’Economie et des Finances ci-dessus. La date limite pour la remise des offres est fixée au jeudi le 22 Mai à 10 heures (heure de Bamako) au plus tard. Les offres seront ouvertes le jeudi le 22 Mai 2014 à 10 heures 30 minutes (heure de Bamako), en présence des soumissionnaires qui souhaitent y participer. P/Le Ministère de l’Economie et des Finances P.O Le Secrétaire Général Mme Sidibe Zamilatou CISSE
JEUNE AFRIQUE
N° 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
Appel d’offres
1. Dans le cadre de la poursuite de sa politique de privatisation, le Gouvernement de la République du Mali a décidé de céder l’ensemble des actions de l’Usine Malienne de Produits Pharmaceutiques (UMPP) à un investisseur privé.
140
Annonces classées République Démocratique du Congo - MINISTÈRE DES RESSOURCES HYDRAULIQUES ET ELECTRICITÉ - CEP-O / REGIDESO
CELLULE D’ÉXECUTION DES PROJETS DE LA RÉGIE DE DISTRIBUTION D’EAU
Avis d’appel d’offres International
Appel d’offres
AOI N° 009/CEP-PEMU/COORD/AOI/TR/2014 Projet d’Alimentation en eau Potable en Milieu Urbain (PEMU) REGIDESO Don IDA N° H4350 1. Cet avis d’appel d’offres fait suite à l’Avis général de passation de marchés publié dans DG Market, UNDB du 17 Février 2009. 2. Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo a obtenu un Don de l’Association Internationale pour le Développement (IDA) pour financer le coût du Projet d’Alimentation en Eau potable en Milieu Urbain (PEMU). Il est prévu d’utiliser une partie du montant du don pour effectuer les paiements autorisés au titre du Marché des travaux d’amélioration de la desserte en eau potable dans la ville de Kinshasa: Construction et équipement d'une nouvelle station de pompage « Ozone ». 3. La Cellule d’Exécution des Projets (CEP-O/REGIDESO) invite les soumissionnaires éligibles et qualifiés à présenter leur soumission cachetée en vue de la réalisation des travaux de construction et équipement d’une nouvelle station de pompage sur le site de Binza Ozone à Kinshasa, comprenant : ✓Construction d’un bâtiment pour la nouvelle station de pompage abritant les pompages Haute Pression (HP), Moyenne Pression (MP) et Basse Pression (BP) comprenant : • La construction du nouveau bâtiment; • La fourniture et le montage de quatre groupes motopompes (GMP) HP, deux GMP MP et trois GMP BP, y compris tous les équipements électriques et hydrauliques des groupes motopompes; ✓Réhabilitation de trois bâches de pompage (3 x 2500m3) et la construction de leurs nouvelles chambres de vannes; ✓Fourniture et montage des équipements hydrauliques des bâches de pompage; ✓Raccordement des conduites d’adduction de l’usine de traitement d’eau de Lukunga et de la station de pompage (SP) Kintambo aux nouvelles conduites de la station Ozone; ✓Raccordement des conduites de refoulement de la nouvelle SP ‘Ozone’ aux conduites existantes du réseau; ✓Réhabilitation du réseau d’évacuation d’eau de la station Ozone; ✓Construction d’un nouveau bâtiment MT et les raccordements des installations aux nouvelles lignes MT. Le délai maximum d’exécution desdits travaux est de treize (13) mois. 4. L’Appel d’offres se déroulera conformément aux procédures d’Appel d’offres international spécifiées dans la publication de la Banque « Directives: passation des marchés financés par les [crédits ou dons] de la BIRD et les crédits de l’IDA version 2011 », et est ouvert à tous les soumissionnaires des pays qui répondent aux critères d’éligibilité tels que définis dans le Dossier d’appel d’offres. 5. Les soumissionnaires intéressés éligibles peuvent obtenir de plus amples renseignements auprès de CEP-O/REGIDESO, à l’adresse ci-dessous. 6. Les exigences en matière de qualifications sont les suivantes: Capacité financière : • Chiffre d’affaires moyen annuel durant les trois dernières années (2011-2012-2013) équivalent à deux fois la valeur du N° 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
marché envisagé, bilans certifiés des trois dernières années par attestation d'un cabinet comptable ou commissaires au compte faisant foi et attestant des résultats et capitaux propres représentant au moins 30 % de la valeur du marché. Références : • Avoir au moins deux (02) références de prestations de même nature au cours des cinq dernières années (2009, 2010, 2011, 2012, 2013) documentation à l'appui / preuve écrite, que les fournitures qu'il propose remplissent les conditions d'utilisation (catalogues et certificats ISO des différentes fournitures), et sont conformes techniquement au cahier des charges des équipements proposés. 7. Le Dossier d’Appel d’Offres complet en français peut être acheté par les soumissionnaires intéressés par demande écrite à l’adresse ci-dessous contre un paiement non remboursable de 500 USD ou équivalent en franc congolais. Le paiement sera effectué par versement d’espèces ou par chèque certifié auprès de la caisse de la CEP-O ou en espèces ou par virement au compte n° « 0010533100831102 USD», intitulé Ministère des Finances V/C PEMU-DAO swift/ECOCCDKI avec la mention «Achat du DAO travaux d’amélioration de la desserte en eau potable dans la ville de Kinshasa (Construction et équipement d'une nouvelle station de pompage "Ozone"» auprès d’ECOBANK/Kinshasa. Le Dossier d’appel d’offres sera remis contre présentation de la preuve de paiement, ou envoyé par courrier rapide moyennant un montant supplémentaire de 250 USD, et la CEP-O/REGIDESO ne sera en aucun cas tenue pour responsable des retards ou pertes subis dans son acheminement. Seules les soumissions des candidats ayant acheté les dossiers d’appel d’offres seront acceptées. 8. Les Soumissions devront être déposées contre accusé de réception à l’adresse ci-dessous au plus tard le 19/05/2014 à 11 heures locales. Les dépôts électroniques ne seront pas admis. Les soumissions présentées hors délais seront rejetées. Les soumissions seront ouvertes le 19/05/2014 à partir de 11 heures 30 locales dans la salle des réunions de la Cellule d’Exécution des Projets à’ l’adresse ci-dessous en présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent y assister. 9. Une visite des sites des travaux sera organisée par le Maître d’Ouvrage Délégué le 11/04/2014 à partir de 10 heures locales. 10. Toutes les Soumissions doivent être accompagnées d’une Garantie de Soumission, pour un montant égal à 150.000 USD ou l’équivalent en Franc congolais. Le taux de conversion de référence est celui décrit à l’IAS 34.1. 11. L’adresse mentionnée ci-dessus est : Centre de Formation REGIDESO, 22007 Route de Matadi / Binza-Ozone /Kinshasa-Ngaliema Tél : (+243) 81 50 47 691 et (+243) 99 99 20 948 Email : cepo@regideso.cd Jean Louis BONGUNGU LOEND’a NAMBA Coordonnateur National JEUNE AFRIQUE
Annonces classées Avis d’appels d’offres International CAMEROUN Construction d’une petite centrale hydroélectrique et des réseaux de distributions électriques associés
!"#$% &' ()'*&'&+, -.! ()/01&* !"#$ %&'()* - +,-,.'() /011 23 4%567(%76 8 !9:1 - /901
!" )##* +,
!
!/01234/! 541!6167/ *(8 !"#$% - &"#'(')*"+,)*-./$0-(($ 1 23456 !"#$% - 78! 1 22946 !"#$% - :.-;<'%1 =>456 !"#$ %&& '()* &+ ,( -( .( - !!"" # $$ %&'# $( $& ($ $$
Ghana
Projet Mbakaou Carrière
1. Dans le cadre du contrat de subvention CRIS N°2011/263502 (10ème FED), le GIE MBAKAOU CARRIERE envisage d’attribuer des marchés de travaux et fourniture pour la construction d’une petite centrale Hydroélectrique (1,4MW) à Mbakaou (Adamaoua), de la ligne d’évacuation 30kV et des réseaux de distributions dans les villages avoisinants. 2. Le projet est constitué de 3 appels d’offres : • Référence de publication : DAO/MBAKAOU/PCH. Appel d’Offres de travaux pour la construction de la Petite Centrale Hydroélectrique (lots Génie Civil, Equipements hydro-électromécaniques, conduites de transfert) • Référence de publication : DAO/MBAKAOU/RESEAU/FOURNITURES. Appel d’Offres de fourniture pour les matériels des réseaux Moyenne et Basse tension (lot poteaux métalliques, lot câble, lot divers, lot poteaux bois) • Référence de publication : DAO/MBAKAOU/RESEAU/TRAVAUX. Appel d’Offres de travaux pour la construction des réseaux Moyenne et Basse tension (un lot unique). L’avis détaillé pour chaque appel d’offres est disponible sur simple demande à l’adresse email suivante : mbakaou@iedinvest.com ou peut être téléchargé sur le site du maître d’œuvre www.ied-sa.fr/fr/accueil/actualites.html 3. Les dossiers d’appel d’offres peuvent être obtenus (version papier et électronique), au coût de 100.000 FCFA ou 150 € (paiement à l’ordre de IED INVEST) aux adresses suivantes : Projet MBAKAOU CARRIERE IED Lieu-dit Mfandena 2 Chemin de la Chauderaie BP 16 109 Yaoundé. Cameroun 69 340 Francheville. France Tél: + 237 22 20 71 25 Tél: + 33 4 72 59 13 20 mbakaou@iedinvest.com mbakaou@iedinvest.com 4. Toute question concernant le présent appel d’offres doit être adressée par écrit au maître d’œuvre : IED. 2, chemin de la Chauderaie. 69340 Francheville. France. Tel +33(0)4 72 59 13 20. Fax +33(0)4 72 59 13 39. E-mail : g.ducrest@ied-sa.fr et h.yvanoff@iedsa.fr (avec mention de la référence de publication indiquée au point 2) 5. Le lieu de dépôt des offres est : GIE MBAKAOU CARRIERE, S/C IED INVEST CAMEROUN, BP 16 109 Yaoundé, Lieu-dit Mfandena, Yaoundé. Cameroun. La date limite de remise des offres est fixée pour chaque appel d’offres : • DAO/MBAKAOU/PCH : 05 juin 2014 à 14h00 • DAO/MBAKAOU/RESEAU/FOURNITURES : 22 mai 2014 à 14h00 • DAO/MBAKAOU/RESEAU/TRAVAUX : 22 mai 2014 à 14h00
Algérie
hangars métalliques préfabriqués
!"#$% &'$#%(')$% *'+,% %( -.$)/0% )(."@.$)1"2'#34"2 +32 3 353 33 99
frisomat.com/afrique
Nigéria JEUNE AFRIQUE
N° 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
Appel d’offres - Propositions Commerciales
)!*+ " ,-./*,0+123%&45!*+0,15 - '-6 " (((0+123%-63708/
141
142
Annonces classées PREMIER MINISTÈRE
BURKINA FASO Unité - Progrès - Justice
SECRÉTARIAT GÉNÉRAL MAÎTRISE D’OUVRAGE DE L’AÉROPORT DE DONSIN N° 2014 – 0 /PM/SG/MOAD
AVIS DE PRÉQUALIFICATION DES ENTREPRISES
Avis de Préqualification
1) OBJET Le Gouvernement du Burkina Faso a décidé, avec le soutien de ses partenaires techniques et financiers, la construction du nouvel Aéroport International de Ouagadougou et de ses voies d’accès, dans le village de Donsin situé à 30 km au nord-ouest de la ville de Ouagadougou. Dans ce cadre, le Burkina Faso a obtenu de partenaires techniques et financiers arabes (BID, BADEA, FSD FKDEA et OFID), un financement en vue de la réalisation des travaux de construction de la plateforme aéroportuaire de Donsin. Et il a l’intention d’utiliser une partie du montant de ce financement pour effectuer les paiements au titre des Travaux de construction des chaussées aéronautiques lot 2 A des travaux de construction de la plateforme aéroportuaire de Donsin. Le Gouvernement du Burkina Faso représenté par le Directeur Général de la Maîtrise d’ouvrage de l’Aéroport de Donsin, informe les entreprises de travaux publics ou de génie civil qu’un avis de pré qualification ouvert est lancé pour la sélection d’entreprises en vue d’un Appel d’Offres restreint pour l’exécution des Travaux de Construction des chaussées aéronautiques, lot 2 A des travaux de construction de la plateforme aéroportuaire de Donsin du nouvel aéroport international de Ouagadougou Donsin. 2) DESCRIPTION DU LOT Les travaux de construction des chaussées aéronautiques, Assainissement et réseau d’hydrants objet du lot 2A sont définis ainsi que suit : • Terrassements généraux ; • Chaussées aéronautiques ; • Balisage Catégorie II ; • Assainissement ; • Clôture OACI. 3) ORIGINE DU FINANCEMENT Le financement du présent projet sera assuré par : - La Banque Arabe pour le Développement Economique en Afrique (BADEA) ; - Le Fonds Koweïtien pour le Développement Economique Arabe (FKDEA) ; - Le Fonds Saoudien pour le Développement (FSD) ; - La Banque Islamique de Développement (BID) ; - L’OFID (Fonds de l’OPEP) ; - Le Burkina Faso. 4) PARTICIPATION À LA PRÉQUALIFICATION La participation à la concurrence est permise à toutes les entreprises ou groupements d’entreprises éligibles aux fonds de la BADEA, du FKDEA, du FSD, BID et de l’OFID. Tous les biens et services faisant l’objet du présent projet doivent provenir de pays éligibles au sens de la définition déjà signalée au paragraphe ci-avant et les dépenses effectuées au titre du présent projet seront limitées à ces seuls biens et services. Les entreprises Burkinabé devront être en règle vis-à-vis des Administrations fiscales et parafiscales et doivent avoir un agrément technique pour la catégorie T4 du Ministère des Infrastructures et du Désenclavement suivant l’Arrêté N°0004/MITH/CAB du 17 janvier 2005. Les Entreprises ou Groupements d’Entreprises désireux de participer à l’appel d’offres ultérieur devront faire parvenir leur candidature à la pré qualification. Les critères de présélection porteront surtout sur la capacité financière, technique ainsi que sur l’expérience à des travaux similaires. Le nombre d’entreprises admis dans un groupement est de trois au maximum. Le Dossier de candidature à la qualification des Entreprises doit être remis en quatre (04) exemplaires dont un (01) original et trois (03) copies marqués comme tels. La date limite de réception des candidatures à la qualification est fixée au 08 Mai 2014 avant 10H 00 (heure locale) à l’adresse ci-après :
N° 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
JEUNE AFRIQUE
Annonces classées
143
MAÎTRISE D’OUVRAGE DE L’AÉROPORT DE DONSIN Rue : 1090, Avenue Professeur Joseph Ki-ZERBO Numéro bureau : deuxième étage/Directeur technique de la MOAD - VILLE : OUAGADOUGOU 03 B.P. 7027 Ouagadougou 03 - BURKINA FASO Tél. : (226) 50 324817 / 50 324818 - Fax. : (226) 50 331003 - Adresse électronique : moad@primature.gov.bf Suivie de l’ouverture des plis dans la salle de réunion de la MOAD au troisième étage en présence des représentants des candidats qui le désirent.
6) MISE À DISPOSITION DES DOSSIERS ET DES RENSEIGNEMENTS COMPLÉMENTAIRES Le dossier de présélection peut être consulté par les candidats auprès de : MAÎTRISE D’OUVRAGE DE L’AÉROPORT DE DONSIN Rue : 1090, Avenue Professeur Joseph Ki-ZERBO Numéro bureau : deuxième étage/Directeur Technique de la MOAD - VILLE : OUAGADOUGOU 03 B.P. 7027 Ouagadougou 03 - BURKINA FASO Tél. : (226) 50 324817 / 50 324818 - Fax. : (226) 50 331003 - Adresse électronique : moad@primature.gov.bf Il peut être retiré à l’adresse ci-dessus : (1) sur présentation du reçu de paiement de deux cent mille (200 000) francs CFA correspondant au prix d’achat non remboursable du dossier. Ce paiement aura été effectué auprès de la Direction Générale du Contrôle des Marchés et des engagements financiers (DGCMEF) 01 BP 6444 Ouagadougou 01, Tél. : (226) 50 32 47 75 / 50 32 46 12. (2) et après avoir signé un registre ouvert à cet effet à la Direction Générale de la Maîtrise d’Ouvrage de l’Aéroport de Donsin. Le non respect de cette procédure pour obtenir le dossier de présélection est éliminatoire et le dossier de candidature à la Pré qualification de l’entreprise concernée sera écarté et non ouvert. La Personne Responsable des Marchés, Président de la Commission d’attribution des marchés Wendoana Pascal KIMA
JEUNE AFRIQUE
N° 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
Avis de Préqualification
5) QUANTITÉS ESTIMÉES ET DESCRIPTION SOMMAIRE DES TRAVAUX Les quantités estimées et la description sommaire de ces travaux de réalisation des principaux ouvrages de la piste 05/23 (3500 m de long) sont données à titre indicatif et se présentent comme suit : 5.1 Travaux préparatoires et terrassements des chaussées aéronautiques : • Débroussaillage, nettoyage de l’emprise, stockage de la terre végétale : 1000 ha • Déblais réutilisés en remblais : 800 000 m3 • Déblais mis en dépôt hors du site : 350 000 m3 • Remblais provenant d’emprunt : 80 000 m3 5.2 Chaussée aéronautiques en béton bitumineux (piste, voies de circulation et routes de service) : • Béton Bitumineux (BBSG, BBA, BBME) : 80 000 tonnes • Grave bitume : 160 000 tonnes • Graves reconstituées (concassés) : 250 000 m3 5.3 Chaussée aéronautiques en béton de ciment (aires de stationnement avions) : • Dallage béton (généralement épaisseur 40 cm sur 15 cm béton maigre) : 90 000 m2 • Joints et goujons : 25 000 ml 5.4 Marquages aéronautiques : • Peinture : 19 000 m2 5.5 Oléo réseau : • Installation d’un oléo réseau sous l’aire de stationnement depuis le dépôt de carburant 5.6 Ouvrages d’assainissement et de drainage : • Caniveaux divers : 10 000 ml • Séparateurs hydrocarbures (de capacités différentes) : 6 unités • Terrassements des noues de transfert : 770 000 m3 • Autres terrassements : 112 000 m3 • Dalots divers : 1 500 ml • Bassin de dépollution (18 000 m2 de géomembrane) : 1 u 5.7 Balisage lumineux : • Balisage Cat II de l’OACI • Construction des bâtiments centrale électrique et sous-stations exclus 5.8 Eclairage des aires de stationnement : • Mâts et projecteurs : 22 unités 5.9 Clôture intérieure : • Clôture OACI : 14 500 ml Le délai d’exécution estimé des travaux est de trente (30) mois.
Vous & nous
Le courrier des lecteurs
trois pages consacré à Nicolas Sarkozy, intitulé « L’affaire de trop? »Vouspouvezlesconsulter sur notre site jeuneafrique .com. l
Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.
MBY
Diversité Le cas De la Morena DANSVOTRE DOSSIER intitulé « Une Marianne “black-blanc-beur” ? » (J.A. no 2775, du 16 au 22 mars), vouscitezenexempledespersonnes issues de l’immigration pour leur intégration politique réussie. Parmi elles, Juan Antonio de la Morena, maire de Villamantilla, en Espagne. Mais, comme vous l’avez si bien précisé, son père est espagnol, sa mère équatoguinéenne, ce qui en fait un métis et non un Noir. Juan AntoniodelaMorenaestd’ailleursun exemple inapproprié pour votre article puisqu’il n’est aucunement issu de
l’immigration africaine : il est espagnol de par sa filiation paternelle. l DINA YANOGO, Burkina Faso
Sarkozy Épargné par « Jeune Afrique »? JE VOUS LIS avec beaucoup d’attention et j’ai parfois l’impression d’avoir entre les mains Le Figaro, en particulier lorsqu’il s’agit de Nicolas Sarkozy ! Nulle part dans vos colonnes je n’ai lu une enquête sur l’argent de la Libye, qui aurait financé la campagne du candidat Nicolas Sarkozy lors de la dernière présidentielle française. Toute la presse reprend Mediapart quand il s’agit de Jé rô m e Ca hu z a c, ma i s
personne ne relaie le site d’Edwy Plenel quand il dénonceSarkozy!L’avalanche d’affaires qui touche l’ancien présidentsemblelaisserJeune Afrique de marbre. Je suis sidéré quand votre journal présente sa scandaleuse tribuneauFigaro(J.A.no 2776,du 23au29mars),quicomparela France à l’Allemagne de l’Est, comme un « coup mûrement réfléchi », dans la perspective de 2017, et cela sans prendre position! l YANN TREMBLIER, Boulogne-sur-Mer, France
Réponse
Nous venons pourtant de publier dans le n° 2774 (9-15 mars) un article de
France (T)rêve de discours… OUI, J’AI FAIT UN RÊVE, le lundi 24 mars, après le premier tour des élections municipales. J’ai rêvé que le président français François Hollande adressait à la nation le discours suivant : « Françaises, Français, chers compatriotes, après les résultats des élections municipales, je vous l’avoue humblement : je me suis trompé. Je ne vous ai pas “compris”, pas plus que je n’ai entendu vos cris désespérés, et ce depuis mon élection. Pour vous exprimer mes regrets, je p À Tulle (en Corrèze), le 23 mars 2014. vous confirme que j’ai décidé de dissoudre l’Assemblée nationale. En attendant l’élection d’un nouveau Parlement, je formerai un gouvernement d’union nationale. J’appelle par conséquent toutes les forces de la nation à me rejoindre. J’entreprendrai de grandes réformes, soumises à référendum, telles la diminution du nombre de députés et de sénateurs, ou la modification de la carte des régions. Je supprimerai les avantages régaliens accordés aux élus, ce qui me permettra de réduire nos dépenses de fonctionnement, de relancer nos entreprises, de donner du travail et de l’espérance au peuple de France. Je vous ai compris. » Et moi, je crois que j’ai rêvé. Mais que ce fut bon d’entendre ce discours. l PIERRE DURO, Hécourt, France
TUCAT-POOL/SIPA
144
N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
Démocratie À géométrie variable DEPUISlapromulgation de la nouvelle loi sur l’homosexualité en Ouganda, les réactions du monde occidental m’intriguent. Ainsi, dans l’affaire de l’annexion de la Crimée par Moscou, les Occidentauxontdéfenduavec véhémence les nouvelles autorités ukrainiennes, les seules légitimes parce qu’issues de la Rada, le parlement du pays. Mais ces mêmes Occidentaux – États-Unis en tête –, vite rejoints par la Banque mondiale, ne comprennent pas que les présidents nigérian et ougandais promulguent une loi votée presque à l’unanimité par leurs parlementaires. Alors je m’interroge sur cette démocratie à géométrie variable, qui tantôt respecte le vote des députés, tantôt veut passer outre leur choix. Et je prierais les donneurs de leçons d’admettre une bonne fois pour toutes que les Africains, dans leurgrandemajorité,puissent avoirunpointdevuedifférent du leur sur le sujet de l’homosexualité. l OLIVIER CHARLES KOFFI OUSSOU, Abidjan, Côte d’Ivoire
Tunisie Incertaines élections TOUT LE MONDE en Tunisie ne parle que des élections à venir, la question la plus communément abordée étant celle de la date de leur tenue. On devrait plutôt se demander si ces différents scrutins auront effectivement lieu, tant le contexte régional est incertain. De la Libye à la Mauritanie, le Sahel inquiète (Libye, Mali). Le terrorisme, JEUNE AFRIQUE
Vous nous
qui se nourrit de cette insécurité, aura forcément des répercussions sur d’éventuelles élections. Le fait que l’Algérie augmente ses effectifs militaires à la frontière avec la Tunisie devrait également nous interpeller. La situation politique et sécuritaire n’y est pas stable non plus. On ne peut évoquer les élections en Tunisie en faisant totalement abstraction de ce contexte. l FATHI TOUNAKTI, Hammam Lif, Tunisie
Kabila Il faut respecter la Constitution J’AI ÉTÉ CHOQUÉ à la lecture de votre article intitulé « Et si Kabila partait? » ( J.A . n o 2775, du 16 au 22 mars). C’est scandaleux de
145
Qui a oublié les fraudes lors des élections présidentielles de 2011, après manipulation de la Commission nationale électorale et de la Cour suprême ? Doit-on modifier une Constitution pour satisfaire les intérêts d’une seule personne? l WILLY KABULA, Kinshasa, RD Congo
p J.A. no 2775, du 16 au 22 mars 2014.
voir certains sbires et députés du président Kabila vouloir tout faire pour maintenir leur suzerainaupouvoir.C’estclair et net, il faut respecter la Constitution, et, donc, ne pas toucher à son article 220 ! Car la Constitution, c’est la démocratie, une norme qui garantit à chaque citoyen le respect de ses droits dans un pays.
Le désastre peut être évité. Nous devrions prendre exemple sur le Sénégal, pays qui, grâce au respect de la Constitution, est resté stable dansuncontinentparfoisbien tumultueux. Kabila essaie de s’attirer les faveurs des médias afin d’organiser un référendum dansdemauvaisesconditions.
Rectificatif. Contrairement à ce que nous avons écrit dans la légende de la photo de Jean-Oscar Sanguza Mutunda, maire de Lubumbashi (Jeune Afrique no 2775, du 16 au 22 mars, p. 78), l’intéressé a été non pas élu, mais nommé en 2010. l LA RÉDACTION
RETROUVEZ CHAQUE LUNDI
JEUNE AFRIQUE SUR VOTRE IPAD ! > Achetez Jeune Afrique où vous voulez, quand vous voulez ! > Retrouvez la version intégrale du magazine sur votre iPad > Bénéficiez d’un tarif préférentiel > Ayez accès à tous les anciens numéros de Jeune Afrique
Flashez ce code QR pour accéder directement au site
Pour y accéder, TÉLÉCHARGEZ l’application Zinio sur l’App Store.
146
Post-scriptum Tshitenge Lubabu M.K.
Fondateur : Béchir Ben Yahmed, le 17 octobre 1960 à Tunis bby@jeuneafrique.com
Édité par SIFIJA Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS Tél. : 01 44 30 19 60 ; télécopieurs : rédaction : 01 45 20 09 69 ; ventes : 01 45 20 09 67 ; courriel : redaction@jeuneafrique.com Directeur général : Danielle Ben Yahmed Vice-présidents : Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed Directeur de la publication : Marwane Ben Yahmed
Papas présidents!
RÉDACTION
C’
EST REPARTI. La plupart de nos dirigeants, bien ou mal élus, malgré de longues années de pouvoir, se sont illustrés par leur impéritie. Ils n’ont pas réussi à nous faire manger à notre faim, à nous construire de belles écoles, à éradiquer les maladies qui nous tuent, à dompter l’électricité, à assainir l’eau, à tracer des routes… Rien, sauf à prolonger la jouissance du pouvoir. Nuit et jour, ils complotent contre nous, musellent toute voix discordante, embastillent les fortes têtes. Tous les mensonges sont bons pour confisquer le pouvoir. Quand leurs mandats, limités par la Constitution, arrivent à terme, des courtisans zélés, jamais repus, les supplient de ne pas partir. Comme si, sans eux, le soleil risquait de ne plus apparaître tous les matins à l’est. Les hommes de paille, toute honte bue, osent nous dire que leurs champions doivent parachever l’œuvre d’édification du pays. Sauf que, on peut le vérifier dans toute l’histoire de l’humanité, aucun roi, aucun empereur, aucun prince, aucun président n’a jamais rien achevé. On n’achève pas, on apporte simplement sa pierre à l’édifice. Prétendre le contraire est une hérésie. Faut-il ou non modifier une Constitution ? Évidemment, si cela se justifie. Mais réviser la loi fondamentale pour qu’un homme, un seul, multiplie les mandats est inacceptable. Car une république n’est pas un royaume. Ni un costume taillé sur mesure. Surtout pas une association de malfaiteurs dont la seule ambition est l’accumulation au détriment de l’État et du plus grand nombre. La démocratie n’a de sens que s’il y a alternance. Sinon, pourquoi organiser des élections grâce, souvent, à l’aide financière de la communauté internationale qui a, ainsi, son mot à dire sur des situations qui relèvent de notre souveraineté ? D’aucuns prétendent que celui qui a accumulé des mandats sans discontinuer ne peut partir que si son successeur lui garantit l’impunité. Si je comprends bien, quand on est à la tête d’un pays, on doit s’illustrer par la mauvaise gouvernance et la gabegie pour, à la fin, refuser de passer le témoin à condition d’être absous ? Tous les prétextes sont bons pour ces prédateurs qui prennent des peuples entiers en otage et retardent, par là même, la marche en avant.
Un ancien président français a déclaré, dans les années 1990, qu’il y avait incompatibilité entre Afrique et démocratie, ou une ânerie de ce genre. Malheureusement, il se trouve encore des Africains pour y accorder du crédit. Dans les sociétés modernes, la démocratie a remplacé la tyrannie. Ce n’est pas un système parfait, bien entendu. Mais il donne au moins à tout citoyen, quelle que soit sa condition, le droit d’élire librement ses représentants pour une durée déterminée. Et celui de les sanctionner lorsqu’ils n’apportent pas de solution à ses problèmes. S’il y en a qui confondent république et royauté, restaurons alors tous nos anciens royaumes. Ainsi, il n’y aura plus de Constitution à respecter, plus de partis, plus d’élections… Un seul homme, le papa roi, pourra diriger pendant cinquante ans. Comme nos actuels papas présidents. Vive nous, vive la léthargie ! l N O 2777 • DU 30 MARS AU 5 AVRIL 2014
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL POLITIQUE, ÉCONOMIE, CULTURE
JEUNE AFRIQUE
Directeur de la rédaction : François Soudan (f.soudan@jeuneafrique.com) Directeurs exécutifs : Marwane Ben Yahmed (mby@jeuneafrique.com), Amir Ben Yahmed (aby@jeuneafrique.com) Rédaction en chef : Seidik Abba (s.abba@jeuneafrique.com), Élise Colette (éditions électroniques, e.colette@jeuneafrique.com), Laurent Giraud-Coudière (technique, lgc@jeuneafrique.com) Secrétariat : Chantal Lossou Chefs de section : Joséphine Dedet (La semaine de J.A.), Michael Pauron (Grand angle), Anne Kappès-Grangé (Afrique subsaharienne), Tarek Moussa et Nadia Lamlili (Maghreb & MoyenOrient), Frédéric Maury (Économie), Jean-Michel Aubriet (Europe, Amériques, Asie), Cécile Manciaux avec Olivier Caslin (Le Plus de J.A.), Séverine Kodjo-Grandvaux (Culture & médias), Clarisse Juompan-Yakam (Vous & nous) Secrétaires de rédaction : Sabine Clerc, Fabien Mollon, Ophélie Négros Rédaction : Youssef Aït Akdim, Farid Alilat, Mehdi Ba (à Dakar), Stéphane Ballong, Pierre Boisselet, Rémi Carayol, Olivier Caslin, Julien Clémençot, Frida Dahmani (à Tunis), Georges Dougueli, Samy Ghorbal, Christophe Le Bec, Omer Mbadi (à Yaoundé), Mehdi Michbal (à Casablanca), Nicolas Michel, Haby Niakate, Cherif Ouazani, Laurent de Saint Périer, Nicolas Teisserenc Joan Tilouine, Tshitenge Lubabu M.K. ; collaborateurs : Edmond Bertrand, Renaud de Rochebrune ; accords spéciaux : Financial Times Responsable de la communication : Vanessa Ralli (v.ralli@jeuneafrique.com) RÉALISATION Maquette : Marc Trenson (directeur artistique), Emeric Thérond (premier rédacteur graphiste), Christophe Chauvin, Stéphanie Creuzé, Julie Eneau, Valérie Olivier ; révision : Nathalie Bedjoudjou (chef de service), Vladimir Pol ; fabrication : Philippe Martin (chef de service), Christian Kasongo ; service photo : Dan Torres (directrice photo), Nathalie Clavé, Vincent Fournier, Claire Vattebled ; documentation : Anita Corthier (chef de service), Sylvie Fournier, Florence Turenne, Angéline Veyret JEUNEAFRIQUE.COM Direction éditoriale : Élise Colette ; chefs d’édition : Pierre-François Naudé, Frédéric Maury (économie) ; rédaction : Joël Assoko, Elena Blum, Vincent Duhem, Jean-Sébastien Josset, Trésor Kibangula, Mathieu Olivier, Benjamin Roger Responsable web : Jean-Marie Miny ; studio : Cristina Bautista, Jun Feng et Maxime Pierdet DIFFUSION ET ABONNEMENTS Direction : Danielle Ben Yahmed et Amir Ben Yahmed ; vente au numéro : Sandra Drouet (responsable adjointe) ; Maty N’Dome (chef de produit) ; abonnements : AMIX, Service abonnements Jeune Afrique, 326 rue du Gros Moulin, BP 10320, 45200 AMILLY. Tél. : 33 2 38 90 89 53, Fax : 33 2 38 98 41 15, courriel : abonnement-ja@jeuneafrique.com COMMUNICATION ET PUBLICITÉ DIFCOM (AGENCE INTERNATIONALE POUR LA DIFFUSION DE LA COMMUNICATION) S.A. au capital de 3 millions d’euros – Régie publicitaire centrale de SIFIJA 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 Paris Tél. : 01 44 30 19 60 Fax : 01 45 20 08 23/01 44 30 19 86. Courriel : regie@jeuneafrique.com Président : Danielle Ben Yahmed ; directeur général : Amir Ben Yahmed ; direction centrale : Christine Duclos ; direction du développement : Florian Serfaty ; secrétariat : Chantal Bouillet ; chef de studio : Chrystel Carrière ; gestion et recouvrement : Pascaline Brémond ; service technique et administratif : Carla de Sousa Direction de la publicité : Laure Nitkowski, avec Catherine Weliachew, Virginie Vatin, Zehia Yahiaoui (directrices de clientèle), Nsona Kamalandua (chef de publicité), assistées de Patricia Malhaire ; annonces classées : Fabienne Lefebvre avec Blandine Delporte, Richelle Abihssira, assistées de Sylvie Largillière Chargées de mission : Nisrine Batata, Zine Ben Yahmed, Fatoumata Tandjan REPRÉSENTATIONS EXTÉRIEURES MAROC SIFIJA, Nabila Berrada. Centre commercial Paranfa, Aïn Diab, Casablanca. Tél. : (212) (5) 22 39 04 54 Fax : (212) (5) 22 39 07 16. TUNISIE SAPCOM, Mourad Larbi (m.larbi@sapcom-jeuneafrique.com) 15-17, rue du 18-Janvier-1952, 1001 Tunis. Tél. : (216) 71 331 244 ; Fax : (216) 71 353 522. SOCIÉTÉ INTERNATIONALE DE FINANCEMENT ET D’INVESTISSEMENT S.C.A. au capital de 15 millions d’euros. Principal actionnaire : Béchir Ben Yahmed Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS | RCS PARIS B 784 683 484 TVA : FR47 784 683 484 000 25 Gérant commandité : Béchir Ben Yahmed ; Directeur général adjoint : Jean-Baptiste Aubriot ; secrétariat : Dominique Rouillon ; contrôle de gestion : Charlotte Visdeloup ; finances, comptabilité : Monique Éverard et Fatiha Maloum-Abtouche ; juridique, administration et ressources humaines : Sylvie Vogel, avec Karine Deniau et Adelaïde Grenier ; Club des actionnaires : Dominique Rouillon IMPRIMEUR SIEP - FRANCE. COMMISSION PARITAIRE : 1016C80822. DÉPÔT LÉGAL : À PARUTION. ISSN 1950-1285.