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RD CONGO KABILA FACE AU CASSE-TÊTE KINOIS

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 54e année • no 2794 • du 27 juillet au 2 août 2014

TUNISIE Bouali Mbarki : « L’UGTT n’a qu’un seul objectif : sauver le pays »

jeuneafrique.com

DOSSIER QUAND LES VILLES AFRICAINES FONT LEUR RÉVOLUTION

MAROC

1999-2014

Photomontage Jeune Afrique

La métamorphose

Un prince héritier dont beaucoup disaient qu’il n’avait aucun goût pour le trône et peu de chances de durer, un royaume miné par les déséquilibres et le manque d’ouverture… Quinze ans plus tard, le visage de la monarchie et le pays ont profondément changé. Avec les contributions de : Driss El Yazami, Mohamed Tozy, Fouad Laroui…

Spécial 14 pages

ÉDITION INTERNATIONALE ET MAGHREB & MOYEN-ORIENT France 3,50 € • Algérie 200 DA • Allemagne 4,50 € • Autriche 4,50 € • Belgique 3,50 € • Canada 5,95 $ CAN • Danemark 35 DKK • DOM 4 € Espagne 4 € • Éthiopie 65 birrs • Finlande 4,50 € • Grèce 4,50 € • Italie 4 € • Maroc 23 DH • Mauritanie 1100 MRO • Norvège 45 NK • Pays-Bas 4 € Portugal cont. 4 € • RD Congo 5,50 $ US • Royaume-Uni 3,50 £ • Suisse 6 FS • Tunisie 3,30 DT • USA 6,50 $ US • Zone CFA 1700 F CFA • ISSN 1950-1285



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Ce que je crois Béchir Ben Yahmed • bby@jeuneafrique.com

SAMEDI 26 JUILLET

« La guerre de vingt jours »

N

OUS AVONS SENTI, en juin dernier, que le Hamas, qui règne sur Gaza depuis 2007, et l’Israël de Benyamin Netanyahou – premier ministre depuis mars 2009 –, voulaient en découdre. Les déclarations belliqueuses se faisaient plus nombreuses et de plus en plus explicites. Mais lorsque le conflit a éclaté entre eux début juillet, nul n’imaginait qu’il prendrait l’ampleur d’une vraie guerre, durerait trois longues semaines, ferait autant de morts et de blessés, occasionnerait des dégâts aussi impressionnants, révélerait autant de comportements étonnants. n

Soumise à des bombardements aériens et maritimes qui ont précédé l’invasion terrestre, la bande de Gaza est aujourd’hui à moitié détruite ; on a décompté près de 900 morts et quelque 5 000 blessés, dont une majorité de non-combattants, beaucoup trop de femmes et d’enfants. Israël a subi le tir quotidien de centaines de roquettes qui ont fait peu de morts et de dégâts : 1 sur 100 seulement a atteint sa cible. Mais ces tirs ont gêné la population israélienne, ralenti l’économie du pays, suspendu le fonctionnement de son principal aéroport, porté un rude coup à son tourisme et à son image d’invulnérabilité. Israël a eu près de quarante tués, trois fois plus que lors de sa précédente invasion de Gaza (janvier 2009), beaucoup de blessés et des pertes matérielles jugées importantes. Ses civils ont été épargnés. Le bilan est significatif : au total, plus de 95 % de victimes sont palestiniennes, civiles en très grande majorité ; moins de 5 % sont israéliennes, presque toutes militaires. Une fois de plus, on s’aperçoit que l’on ne sait jamais, lorsque débute une guerre, comment elle va évoluer et ce que seront ses conséquences… n L’incendie n’est pas éteint à ce jour ; la poussière n’est pas encore retombée. Mais l’on peut déjà avancer un certain nombre d’observations. 1) Le Hamas. Il s’est trouvé seul cette fois et n’a JEUNE AFRIQUE

pu utiliser que les armes et les munitions qu’il avait stockées. L’Iran et la Syrie lui avaient retiré leur soutien; depuis le renversement de Mohamed Morsi, il y a un an, il a également perdu celui de l’Égypte. Le Qatar, qui l’avait financé, n’a plus le même chef d’État,etlePremierministreturc,RecepTayyipErdogan, qui ne lui a prodigué qu’un soutien verbal – mais appuyé –, est accaparé par sa campagne électorale. Mais, dos au mur, le Hamas s’est bien battu et a, de ce fait, quelque peu amélioré son image auprès d’une frange d’Arabes et de musulmans à la recherche de tout ce qui peut atténuer leur sentiment d’impuissance et d’humiliation. n

2) Israël. Ses dirigeants ont été encouragés à faire la guerre au Hamas par le sentiment que c’est un ennemi discrédité et isolé, même dans le monde arabe, qualifié de terroriste en Europe et aux ÉtatsUnis, détesté par les Juifs israéliens. Il leur est apparu suffisamment faible pour pouvoir être écrasé par la force militaire mais assez menaçant pour justifier des frappes massives atteignant les civils de Gaza. À leurs yeux, le Hamas est l’ennemi parfait, parce qu’il ne veut pas la paix et fédère ainsi contre lui la communauté nationale israélienne. Mais les dirigeants d’Israël n’ont pas suffisamment tenu compte de la détérioration de leur propre image dans le monde, favorisée par leur intransigeance, par la poursuite obstinée de la colonisation et de l’occupation de la Cisjordanie. L’Europe et les États-Unis ont fini par se lasser et, sans le crier sur tous les toits, ont retiré à Israël le soutien inconditionnel qu’ils lui accordaient. Les actuels dirigeants d’Israël n’ont pas prévu non plus que les images de femmes et d’enfants de Gaza criant leur souffrance et leur désespoir devant leurs maisons détruites par les missiles israéliens produiraient un effet aussi dévastateur. J’aimoi-mêmeétéétonnédelaviolenceaveclaquelle mes amis subsahariens non musulmans réagissaient aux conséquences des bombardements israéliens de Gaza. N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014


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Ce que je crois

n

Cette « guerre de vingt jours » et la façon dont elle a été menée ont montré, pour la première fois, les effets négatifs de la politique menée depuis plus de cinq ans par Benyamin Netanyahou sur l’image d’Israël : ce pays a largement écorné le capital de sympathie dont il disposait dans le monde. En Israël même, certains en étaient arrivés à écrire : « Aussi pénible et douloureuse que puisse être pour nous la situation actuelle, n’oublions pas qu’elle est cent fois plus douloureuse pour les Palestiniens de Gaza qui n’ont ni sirène pour les avertir de l’imminence des raids aériens, ni abris à l’épreuve des bombes où se réfugier, ni système antimissile comparable au Dôme de fer pour les protéger. » n

L’interminable conflit israélo-arabe a débuté avec le partage de la Palestine par l’ONU, en novembre 1947. N’ayant accepté ni le partage ni l’État d’Israël qui en est né, les pays arabes ont attaqué ce dernier avec l’intention de le détruire. Seul le président tunisien, Habib Bourguiba, avait recommandé d’accepter le partage et de s’appuyer sur « la légalité internationale », fût-elle injuste, pour gérer le fait israélien.

Il a dit à ses pairs arabes : « Chaque fois que vous ferez la guerre, vous perdrez un peu de votre réputation et beaucoup de vos territoires. » C’est exactement ce qui s’est passé jusqu’en 1978, date à laquelle l’Égypte s’est résignée à faire la paix avec Israël. Le camp arabe, dont elle était le chef, s’est disloqué ; l’intransigeance et l’agressivité ont alors changé de camp. n

Gouverné par la droite nationaliste, Israël a refusé de prendre en considération l’offre de paix arabe de 2002 et s’est lancé ensuite dans une série d’opérations militaires contre ses voisins. J’en ai décompté huit en dix ans* que son armée a conduites avec succès. Mais au prix de la détérioration continue de son image dans le monde, au prix de la paix et des avantages économiques que lui aurait procurés une politique d’entente et de coopération avec ses voisins. L’opération « Bordure protectrice » contre le Hamas qui va s’achever est la neuvième de la série : une fois de plus, Israël aura gagné une bataille et perdu la paix. l * Opération Rempart en 2002 ; opération Arc-en-ciel en 2004 ; opération Jours de pénitence en 2004 ; opération Pluie d'été en 2006 ; opération Changement de direction en 2006 ; opération Orchard en 2007 ; opération Plomb durci en 2008-2009 ; opération Pilier de défense en 2012 ; opération Bordure protectrice en 2014

Humour, saillies et sagesse Pour vous faire sourire, grincer des dents – ou réfléchir –, ici, chaque semaine, une sélection subjective, la mienne, de ce qui a été dit ou écrit au cours des siècles par des hommes et des femmes qui avaient des choses intéressantes ou drôles à nous dire. B.B.Y. u La coutume est plus sûre que la loi. Euripide u C’est dans le travail que l’on retrouve le sens de l’orientation. Tout le reste n’est que chimères. Charlie Chaplin u Une fois que ma décision est prise, j’hésite longuement. Jules Renard u Dans un bief, il ne peut exister qu’un hippopotame mâle. Ahmadou Kourouma u Les racines du chardon vénéneux de la vengeance sont la haine, la cruauté. Une seule graine suffit à transformer un homme bon. Driss Chraïbi N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

u Il est toujours facile d’obéir, si l’on rêve de commander. Jean-Paul Sartre u Tous les incendies de forêts qu’on a l’été ! Le solaire est plus dangereux que le nucléaire. Le Grand Café des brèves de comptoir u Une femme qui écoute fleurette est prête à se rendre comme une ville assiégée qui demande un parlementaire. Ninon de Lenclos u Une armée s’entretient mille jours durant et ne s’emploie qu’un moment. Proverbe chinois

u Je me sers de mon argent pour faire des économies et je me sers de mes économies pour dépenser de l’argent. Francis Blanche u Le plaisir de la table est de tous les âges, de toutes les conditions, de tous les pays et de tous les jours. Jean Anthelme Brillat-Savarin u Un proverbe dit : “Tel père, tel fils.” Un autre : “À père avare, enfant prodigue.” Lequel croire ? Alphonse Allais u Je choisirai le paradis pour le climat, et l’enfer pour la compagnie. Mark Twain JEUNE AFRIQUE


Au service de l’Afrique qui avance

L’Afrique est riche. Riche de sa jeunesse et de son énergie. Riche de son ambition et de sa créativité. Nous croyons en cette richesse. Nous croyons en une Afrique entreprenante où l’initiative et l’innovation sont encouragées. Nous croyons en une Afrique solidaire où le dialogue et le partage d’expérience sont une source d’enrichissement mutuel. Nous croyons en une Afrique compétitive qui prenne la place qui lui revient dans le monde et dans l’avenir. Groupe Attijariwafa bank. Au service de l’Afrique qui avance. Attijariwafa bank société anonyme au capital de 2 035 272 260 DH - Siège social : 2, boulevard Moulay Youssef, Casablanca. Agréée en qualité d’établissement de crédit par arrêté du ministre des finances et de la privatisation n° 2269-03 du 22 décembre 2003 tel que modifié et complété. Téléphone 0522 22 41 69/29 88 88 - RC 333.


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Éditorial

Marwane Ben Yahmed

Deux poids, deux mesures

L

ECONFLITENTRELEHAMASetIsraëlaatteintundegréde violence inimaginable il y a seulement quelques semaines de cela. Un seul mot suffit à le définir : horreur. Or il n’est pas appréhendé à sa juste valeur. Soyons clairs, et tâchons d’éviter directement les habituels procès en antisémitisme. Jeune Afrique n’a jamais caressé les islamistes dans le sens du poil. Ce n’est pas aujourd’hui, alors que nous les voyons à l’œuvre, que cela va changer. Les Gazaouis méritent mieux que le Hamas, comme d’ailleurs les Palestiniens de Cisjordanie méritent mieux que l’actuelle classe politique qui les représente. Il paraît, hélas, que la relève n’est pas pour nous rassurer… Cela étant posé, impossible de renvoyer dos à dos les belligérants, comme on l’entend trop souvent. Israël a « le droit à l’autodéfense »? Certes, mais il est en train de commettre un massacre. Il n’y a pas d’autre mot pour qualifier l’opération militaire qui se déroule à Gaza. Par centaines, femmes, enfants et vieillards sont assassinés, des hôpitaux et des écoles bombardés, des gamins (plus de 200 à ce jour) fauchés en plein jeu. Le nombre de blessés ou de déplacés, tous civils, est effarant. Chaque jour qui passe, télés et radios déroulent froidement le bilan morbide de cette sale guerre, comme on égrène mécaniquement son chapelet. Partout ailleurs, on appelle cela, au minimum, « crime de guerre ». Partout ailleurs, on s’insurgerait avec plus de véhémence, on ferait preuve de plus de commisération. Mais les vies palestiniennes semblent valoir moins que les autres et Israël être au-dessus de tout, y compris du droit international. Pis: cette barbarie se déroule dans la plus totale impunité. Seuls quelques timides appels à la modération ou à la « retenue », dixit Angela Merkel, émanent des gouvernements occidentaux.Oncroitrêver!LePrixNobeldelaPaix(si,si…)Barack Obama ne pipe mot. La grande majorité des intellectuels juifs, si prompts à envahir les plateaux télé et les colonnes des journaux pour dénoncer les crimes commis à Sarajevo, Benghazi ou Alep, n’ont même pas la décence de reconnaître l’hallucinante disproportion entre la menace représentée par les roquettes du Hamas et la réponse de Tsahal. Car on est bien loin de la loi du talion…

Que faire? Un cessez-le-feu est évidemment indispensable, mais guère suffisant. Il faut, surtout, comprendre les fondements mêmes de ce conflit, qui n’a rien de politique. Il s’agit d’un fossé abyssal entre deux peuples persuadés, de manière viscérale et a priori irréconciliable, qu’ils ont droit au même petit bout de terre sans avoir à le partager. C’est parce que cet état de fait a toujours été négligé ou contourné que la plupart des tentatives de résolution du conflit ont échoué. C’est absurde, mais c’est ainsi. Enfin, pour négocier quoi que ce soit, il faut bien avoir un interlocuteur. Or l’Union européenne comme les États-Unis, notamment, refusent obstinément de discuter avec le Hamas. Comment fait-on alors? Une chose est sûre: Israël ne vivra jamais en paix tant que les Palestiniens ne vivront pas libres chez eux. l N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

RD CONGO KABILA FACE AU CASSE-TÊTE KINOIS

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 54e année • no 2794 • du 27 juillet au 2 août 2014

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DOSSIER QUAND LES VILLES AFRICAINES FONT LEUR RÉVOLUTION

TUNISIE Bouali Mbarki : « L’UGTT n’a qu’un seul objectif : sauver le pays »

MAROC 1999-2014 : LA MÉTAMORPHOSE Spécial 14 pages

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 54e année • no 2794 • du 27 juillet au 2 août 2014

CENTRAFRIQUE AVEC LES ANTI-BALAKA

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DOSSIER QUAND LES VILLES AFRICAINES FONT LEUR RÉVOLUTION

RD CONGO

MAROC

1999-2014

Photomontage Jeune Afrique

La métamorphose

Un prince héritier dont beaucoup disaient qu’il n’avait aucun goût pour le trône et peu de chances de durer, un royaume miné par les déséquilibres et le manque d’ouverture… Quinze ans plus tard, le visage de la monarchie et le pays ont profondément changé. Avec les contributions de : Driss El Yazami, Mohamed Tozy, Fouad Laroui…

Spécial 14 pages

ÉDITION INTERNATIONALE ET MAGHREB & MOYEN-ORIENT

KABILA face au casse-tête kinois En annonçant en octobre 2013 la formation d’un gouvernement de « cohésion nationale » qui n’a toujours pas vu le jour, le chef de l’État a plongé son pays dans l’attente et le doute. D’autant que 2016 – et la fin de son supposé dernier mandat – approche à grands pas…

PHOTOS DE COUVERTURES : ÉDITIONS AFRIQUE SUBSAHARIENNE ET INTERNATIONALE : SIPHIWE SIBEKO/REUTERS ÉDITION MAGHREB & MOYENORIENT : GEORGES GOBET ; AZZOUZ BOUKALLOUCH/AP/SIPA

ÉDITION AFRIQUE SUBSAHARIENNE

France 3,50 € • Algérie 200 DA • Allemagne 4,50 € • Autriche 4,50 € • Belgique 3,50 € • Canada 5,95 $ CAN • Danemark 35 DKK • DOM 4 €

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Espagne 4 € • Éthiopie 65 birrs • Finlande 4,50 € • Grèce 4,50 € • Italie 4 € • Maroc 23 DH • Mauritanie 1100 MRO • Norvège 45 NK • Pays-Bas 4 €

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Portugal cont. 4 € • RD Congo 5,50 $ US • Royaume-Uni 3,50 £ • Suisse 6 FS • Tunisie 3,30 DT • USA 6,50 $ US • Zone CFA 1700 F CFA • ISSN 1950-1285

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10 Trafic d’influences RD CONGO Casse-tête kinois

50 3 8

40

LIBYE Les milices jusqu’à la lie

Ce que je crois Par Béchir Ben Yahmed Confidentiel

10

L A SEM A IN E D E J EU N E A F RIQ U E

10 14 15 16 18 20 22

Gaza Trafic d’influences Yahya Jammeh Vingt ans, sinistre anniversaire Matteo Renzi Il parie sur l’Afrique Gabon Caisses sous surveillance Sénégal Bibo Bourgi plaide malade Centrafrique Petit pas vers la paix à Brazza Terrorisme Opération barricades

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G RA N D A N G L E

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Maroc Mohammed VI, pionnier en son royaume

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A F RIQ U E SU BSA H A RIEN N E

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RD Congo Casse-tête kinois Centrafrique Les anti-balaka ont leur « Monsieur Propre » Côte d’Ivoire Abidjan et ses drôles de dames

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JEUNE AFRIQUE


Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs GRAND ANGLE

24

MAROC

Mohammed VI

Pionnier en son royaume

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DOSSIER Urbanisation

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MINES, PÉTROLE, AGRICULTURE, Les rois du négoce étendent leur toile

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RUSSIE Latin lover

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Football Ô vieillesse ennemie ! Coulisses

50

MAGHREB & MOYE N - O R I E N T

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Libye Les milices jusqu’à la lie Mauritanie La nouvelle vie d’Ahmed Baba Miské Coulisses Tunisie Interview de Bouali Mbarki, secrétaire général adjoint de l’UGTT

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EUROPE, AMÉR I Q U E S, AS I E

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Russie Latin lover France À l’UMP, le naufrage guette Parcours Kobus Botha, Captain Barbecue Inde Il faut sauver le Gange! États-Unis Expulsez ces enfants que je ne saurais voir Coulisses

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ÉCON OMIE

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Mines, pétrole, agriculture Les rois du négoce étendent leur toile

JEUNE AFRIQUE

88 Le blues à l’âme

71

Les indiscrets

72

Agroalimentaire Pourquoi Avenport choisit la Chine

74

Burkina Faso La méthode Nassa

76

Investissements Comment le fonds souverain mène sa stratégie

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Baromètre

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D O SSIER

78

Urbanisation

88

C U LT U RE & M ÉD IA S

88

Musique Gnaoua, le blues à l’âme

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Cinéma Annette Kouamba Matondo, caméra au poing

92

Exposition Un train nommé désir

93

La semaine culturelle de Jeune Afrique

104

VOUS & NOUS

104

Le courrier des lecteurs

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Post-scriptum N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

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8

Vol AH5017 Les Burkinabè à la manœuvre RN8

Gossi

Djotodia et Bozizé persona non grata

Alger

GAO RN15

CENTRAFRIQUE

TUNISIE

MAROC Trajectoire prévue du vol AH5017 RN17

LIBYE

MALI Crash du vol AH5017 le 24 juillet

ALGÉRIE

BURKINA

MAURITANIE

Tessalit

Rendez-vous à Rome

MALI

Gao NIGER

SÉNÉGAL

GUINÉE

C

BURKINA

Ouagadougou BÉNIN

NIGERIA

est un témoignage clé, celui d’un habitant de Gossi (160 km au sud-ouest de Gao), qui a permis la découverte de l’épave de l’avion affrété par Air Algérie qui s’est écrasé le 24 juillet, peu avant l’aube, avec 118 passagers à bord. À 13 h 30 (heure locale), cet informateur malien, dont l’identité n’a pas été révélée, alerte la cellule de crise dirigée depuis 6 heures du matin par le général burkinabè Gilbert Diendéré, chef d’état-major particulier du président Blaise Compaoré. Il indique avoir aperçu les débris de l’appareil aux alentours de Gossi. Aussitôt, un hélicoptère de l’armée burkinabè se rend sur les lieux. Sur place, les soldats et le témoin malien découvrent les restes de l’avion éparpillés sur un rayon de 500 m, des corps sans vie étalés sur le sable ainsi que des traces d’eau de pluie. Les militaires filment et prennent des photos sans pour autant partager immédiatement leurs informations avec les responsables de la cellule de crise – les communications étant difficiles dans la région – avant de regagner Ouagadougou. Images à l’appui, le gouvernement burkinabè informe vers 18 heures Français, Algériens, Maliens et Nigériens, avec lesquels les contacts n’ont jamais été rompus depuis la disparition de l’avion des écrans radars. Pour affiner les recherches menées par les Burkinabè, l’armée française décide alors de dépêcher sur les lieux du crash un drone Reaper, qui confirmera à son tour la macabre découverte. l

N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

MÉDIATEUR de la crise centrafricaine, le président congolais Denis Sassou Nguesso a dans un premier temps émis le souhait que les anciens chefs d’État François Bozizé et Michel Djotodia soient invités au forum de la paix de Brazzaville. L’idée a été abandonnée devant les fortes réticences de la communauté internationale et notamment des États-Unis, intransigeants sur la question de l’impunité.

APRÈS L’ACCORD de cessez-le-feu signé à l’arraché le 23 juillet entre les groupes armés, c’est au tour des acteurs politiques d’être invités à pacifier leur pays. La communauté Sant’Egidio, proche du Vatican, prolonge la démarche entreprise en novembre 2013 à Bangui et convie les candidats à la présidentielle de 2015 cette semaine à Rome. Seront présents également des représentants de la communauté internationale, dont Soumeylou Boubèye Maïga, Louis Michel et Cheikh Tidiane Gadio (lire ci-dessous).

Cheikh Tidiane Gadio, l’homme de l’ombre LE CANDIDAT MALHEUREUX à la présidentielle sénégalaise, nommé envoyé spécial de l’Organisation de coopération islamique (OCI) en Centrafrique, joue un rôle de plus en plus important dans la médiation. Il reste un homme de l’ombre, certes, mais de poids : son organisation a promis une aide de 500 millions de dollars à la Centrafrique. l JEUNE AFRIQUE


Retrouvez en page 71 notre rubrique « Les indiscrets », consacrée aux informations confidentielles économiques

Politique, économie, culture & société TCHAD PAS DE DERRICK POUR BÉBÉDJIA

La population était vent debout contre l’arrivée des prospecteurs pétroliers à Bébédjia, dans le sud du Tchad. Furieux contre le projet Doba dont ils n’avaient touché aucun bénéfice, les habitants du fief de l’opposant Ngarlejy Yorongar ne voulaient pas voir de nouveau champ pétrolifère fleurir chez eux. Ni surtout risquer d’être délogés, comme le leur avaient fait craindre les leaders de l’opposition. L’affaire avait été largement politisée. Mais les analyses sismiques sont négatives et Bébédjia n’est pas assis sur une nappe de pétrole. SAS Petroleum devrait en revanche commencer à forer 40 km plus loin.

Tendance

SÉNÉGAL MACKY ET LE MANDAT DE CINQ ANS Ramener le mandat présidentiel de sept à cinq ans : c’était l’une des promesses phares du candidat Macky Sall lors de la campagne de 2012, dont on n’entend plus parler. Et pour cause : la plupart des membres de son entourage, son ex-Première ministre Mimi Touré en tête, tentent de le persuader de revenir sur ce projet. Pourquoi perdre deux ans de pouvoir si l’on n’y est pas contraint ? A fortiori quand l’alliance présidentielle sort affaiblie des élections locales du 29 juin… Pourtant, d’après nos informations, le chef de l’État sénégalais entend respecter sa promesse. Il ne veut cependant pas l’annoncer tout de suite et compte laisser passer les remous postélectoraux mais aussi l’inévitable brouhaha médiatique lié au procès Karim Wade à venir. Il devrait annoncer sa décision début 2015.

Côte d’Ivoire Gilles Touré, vingt ans déjà C’est dans le plus grand des secrets que Gilles Touré, le célèbre couturier ivoirien, prépare son nouveau défilé. Un événement de taille puisqu’il viendra couronner les vingt ans de carrière de l’artiste. Près de 150 tenues seront présentées le 8 novembre dans une « ambiance féerique », à l’Hôtel Ivoire d’Abidjan. En attendant, le styliste, qui coud encore de temps en temps certaines de ses tenues à la main, est en plein tournage des spots télévisés qui annonceront l’événement.

GAZA ÉVACUER LES ALGÉRIENS

JEUNE AFRIQUE

TUNISIE MORJANE, FAISEUR DE ROIS ?

S’il fut longtemps controversé pour avoir été proche de Ben Ali, Kamel Morjane, fondateur du parti El-Moubadara, est devenu l’un des hommes politiques les plus courtisés de Tunisie. Nida Tounes l’a sollicité pour faire liste commune lors des législatives d’octobre tandis que les partis Al-Massar et Afek Tounes lui font des appels du pied pour former un « troisième front », alternative à l’opposition principale entre Ennahdha et Nida Tounes. FRANCE-ÉGYPTE PELLERIN EN ROUTE POUR L’ÉGYPTE

La secrétaire d’État française chargée du Commerce extérieur, du Tourisme et des Français de l’étranger, Fleur Pellerin, se rendra en Égypte à la rentrée, confiet-on au Quai d’Orsay. Ce sera la première visite d’un officiel français depuis l’arrivée au pouvoir d’Abdel Fatah al-Sissi (hormis le passage

éclair de Laurent Fabius le 18 juillet pour évoquer le conflit israélo-palestinien) – une absence diplomatique peu appréciée des autorités égyptiennes. Si Pellerin arrive au Caire avec l’engagement de faire revenir les touristes au pied des pyramides (les Français étaient presque 900 000 à visiter l’Égypte chaque année avant 2010, ils ne sont plus que 100 000), le ressentiment égyptien devrait se calmer. COMMÉMORATION BOUTEF RÉCIDIVE

Nullement impressionné par la polémique provoquée, de part et d’autre de la Méditerranée, par la participation de soldats algériens au défilé du 14 Juillet, à Paris, Abdelaziz Bouteflika a décidé de répondre favorablement à une invitation du roi des Belges pour une participation algérienne à une cérémonie militaire en honneur aux soldats de la Première Guerre mondiale, le 4 août, à Liège.

BEBERT BRUNO/SIPA

Dans la nuit du 20 au 21 juillet, l’Algérie a enregistré son premier martyr à Gaza : un enfant de 3 ans a été tué lors d’un bombardement à Rafah. L’émotion provoquée par la nouvelle a incité la chef de file de l’opposition de gauche, Louisa Hanoune, à interpeller le Premier ministre, Abdelmalek Sellal : « Faites pression sur Abdel Fatah al-Sissi pour qu’il ouvre le poste frontière de Rafah à nos compatriotes piégés sous les bombes. » Selon les confidences de Nadir Larbaoui, a mb a s s a d e u r d’A l g é r i e au Caire, ce ne sont pas les autorités égyptiennes qui bloquent les ressortissants algériens, mais la police du Hamas. Motif avancé : « Si la frontière est ouverte, elle doit l’être pour tout le monde, pas pour les seuls étrangers. » Environ 800 Algériens vivent à Gaza, dont une majorité d’enfants. Une centaine a pu être évacuée au comptegouttes vers Alger.

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La semaine de Jeune Afrique

Trafic d’influences GAZA

Qui tire les ficelles du théâtre de la guerre ? Ultranationalistes israéliens, islamistes palestiniens, mais aussi Égypte, Qatar, Iran et même Turquie… Autant d’acteurs qui poussent leurs pions sur ce jeu d’échecs meurtrier. N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

JEUNE AFRIQUE


L’événement palestiniennes étendaient leurs tirs aux grandes agglomérations israéliennes : Tel-Aviv, Jérusalem et même Haïfa, à 150 km au nord de Gaza. Sur le terrain politique, les choses sont peut-être plus compliquées. Retour sur le jeu d’influences à l’œuvre derrière ce « théâtre de la guerre » où des innocents meurent pour de vrai.

RONEN ZVULUN/REUTERS

En Israël, la pression de l’extrême droite

MAXIME PEREZ,

D

à Jérusalem

eux fronts se mêlent à Gaza : l’un militaire, l’autre diplomatique. Sur le terrain « opérationnel », le Hamas et Israël se livrent une nouvelle bataille sans merci – la troisième depuis l’opération Plomb durci, en 2009. Au pilonnage incessant de ses localités frontalières, l’État hébreu a d’abord répondu par des frappes aériennes contre les bastions islamistes à Gaza, tandis que les factions JEUNE AFRIQUE

p Des blindés de Tsahal manœuvrent au nord de la bande de Gaza, le 18 juillet, cinq jours après le début de l’offensive terrestre.

Quelque 5 millions d’Israéliens vivent dans l’angoisse des alertes antiroquettes. Cette situation a permis à Benyamin Netanyahou de bénéficier d’un large soutien de l’opinion, mais, dans le même temps, le Premier ministre israélien s’est vu pressé par son aile droite de décapiter le mouvement islamiste palestinien. « Je ne comprends pas ce que nous sommes en train d’attendre. Porter un coup au Hamas ne suffit pas, il faut déraciner le terrorisme à Gaza », s’est insurgé Avigdor Lieberman, le chef de la diplomatie israélienne. Jugeant trop molle l’action du gouvernement, il s’est empressé, le 7 juillet, de rompre l’alliance électorale qui, en janvier 2013, avait mené son parti ultranationaliste, Israel Beitenou (« Israël, notre maison »), et le Likoud de Netanyahou à une victoire dans les urnes. Les vociférations de Lieberman ont fait trembler la coalition. D’abord hésitant, le cabinet de sécurité israélien a fini par approuver une incursion terrestre dans la bande de Gaza, ordonnant le rappel de 66 000 réservistes pour appuyer les troupes régulières. Le 13 juillet, après avoir établi une zone tampon de 3 km à l’intérieur de l’étroit territoire gazaoui (large de 12 km), les blindés et l’infanterie ont investi les faubourgs du nord de la bande de Gaza où, selon l’armée israélienne, serait concentrée une grande partie des capacités militaires du Hamas : ses postes de commandement, rampes de lancement et autres tunnels inspirés du Hezbollah, dont certains ont servi à l’infiltration de commandos palestiniens dans le sud d’Israël. Déclenchée le 8 juillet, l’offensive Bordure protectrice s’est mutée en guérilla urbaine, destructrice et meurtrière, en particulier autour de Chajaya, une banlieue de la ville de Gaza où s’entassent près de 120 000 Palestiniens. Priée par le Hamas de ne pas fuir, la population est prise au piège des bombardements et des combats. En une quinzaine de jours, l’offensive sur Gaza y a fait plus de 800 morts et 4 000 blessés. Quant à l’armée israélienne, elle a enregistré ses plus lourdes pertes – une trentaine d’hommes – depuis la seconde guerre du Liban, en 2006. « Les radicaux palestiniens rêvaient d’une bataille de Falloujah [qui, en 2004, avait opposé la guérilla irakienne à l’armée américaine]. Ils semblent avoir été exaucés », note l’éditorialiste israélien Ron Ben Yishaï. N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

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La semaine de J.A.  Benyamin Netanyahou, le Premier ministre israélien.

À Gaza, le Hamas divisé Côté palestinien, cette crise marque le réveil de la branche militaire du Hamas, en retrait depuis que l’organisation assure la gestion de la bande de Gaza et de ses 1,8 million d’habitants. Les brigades Ezzeddine al-Qassam sont frustrées d’avoir abandonné la lutte armée, leur carcan idéologique, et constatent que le Jihad islamique, principale faction rivale, bénéficie désormais des faveurs de l’Iran. « Le temps n’est plus à la retenue contre l’occupant. Chaque Israélien est une cible », a prévenu l’organisation. Poussé dans une surenchère de l’escalade, le Hamas affiche ses divisions. Déjà isolée sur le plan international, sa direction politique craint essentiellement pour sa survie. Mais l’ancien Premier ministre Ismaïl Haniyeh, qui prône une « accalmie », ne peut plus contenir ses troupes. La branche armée du Hamas est appuyée par l’aile dure du mouvement, notamment Khaled Mechaal, qui a trouvé refuge au Qatar après le déclenchement de la guerre civile en Syrie. Dans le collimateur d’Israël depuis une vingtaine d’années, le chef du Hamas s’impose comme un interlocuteur clé. Il multiplie les navettes entre Doha et Le Caire pour faire valoir les revendications de son organisation, rencontre Mahmoud Abbas, le président palestinien, pour afficher un semblant d’unité. Et en dernier lieu, il tranche : « Nous n’accepterons aucune initiative qui ne lève pas le blocus imposé à notre peuple », a-t-il déclaré le 23 juillet.

Dans toute la région, un tohu-bohu diplomatique Seul bémol, et pas des moindres, pour Mechaal: il doit composer avec l’Égypte, qui tente de mener les tractations diplomatiques en vue d’un cessezle-feu. Les relations entre le mouvement islamiste et le pouvoir égyptien, incarné par Abdel Fattah al-Sissi, sont exécrables. En cause, la répression

GALI TIBBON/AFP

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Reuven Rivlin C’est le nom du nouveau président israélien après que Shimon Peres lui a transmis le flambeau, le 24 juillet, à ce poste largement honorifique. Issu du Likoud (comme Benyamin Netanyahou), Reuven Rivlin, 74 ans, est contre la création d’un État palestinien.

brutale des Frères musulmans, dont le Hamas est l’avatar palestinien. Le raïs égyptien l’accuse aussi d’avoir grandement contribué à la déstabilisation du Sinaï, en proie à une insurrection jihadiste. « Si le Hamas avait accepté notre proposition de trêve, il aurait évité l’offensive terrestre israélienne et épargné la vie de nombreux Palestiniens », accuse Sameh Choukri, le ministre égyptien des Affaires étrangères. À Gaza, les brigades Ezzeddine al-Qassam assurent ne pas avoir été « consultées ». Khaled Mechaal en profite pour brouiller les cartes. Il fait intervenir deux autres acteurs de la région : le Qatar et la Turquie, favorables aux positions du Hamas. À l’inverse de certains de ses rivaux arabes, Doha considère depuis longtemps l’isolement régional du Hamas comme une opportunité et injecte plusieurs milliards de dollars dans les caisses du mouvement islamiste palestinien. Officiellement, le puissant émirat affiche pour ambition de reconstruire la bande de Gaza. Officieusement, il souhaite réduire l’influence en Palestine de l’Iran, principal soutien du Jihad islamique.

ET LES AMÉRICAINS ?

L’

administration Obama, à l’évidence échaudée par l’échec du processus de paix, est loin de jouer les premiers rôles dans la crise actuelle à Gaza. Pour l’heure, Washington s’est engagé à transférer 47 millions de dollars (35 millions d’euros) d’aide humanitaire aux civils gazaouis, premières victimes du conflit entre Israël et le Hamas. En apparence, aussi, John Kerry se démène. N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

Habitué aux marathons diplomatiques, le secrétaire d’État a multiplié les entretiens au Caire et s’est même déplacé à Jérusalem pour y rencontrer Ban Ki-moon, le secrétaire général de l’ONU, avant de conclure sa tournée à Ramallah, où il s’est entretenu avec Mahmoud Abbas, le président palestinien. « Il y a des progrès », martèle Kerry,

dont la cote de confiance en Israël vient d’être écornée par des propos enregistrés à son insu sur la chaîne Fox News. « Quelle opération ciblée ! En effet, quelle opération ciblée ! » a-t-il amèrement ironisé, le 20 juillet, pensant que le micro était fermé. Mais le secrétaire d’État se montre aussi critique à l’égard du Hamas : « On leur a proposé un cessez-le-feu, et ils l’ont

refusé. Il est important pour le Hamas de poser les armes et de comprendre qu’en acceptant le cessez-le-feu, on sauve des vies. » Dernière tentative en date de l’obstiné Kerry : le 25 juillet, il a proposé un « cessez-le-feu humanitaire » d’une semaine à compter du 27 juillet. À l’heure où nous mettions sous presse, les deux parties examinaient M.P. cette possibilité. l JEUNE AFRIQUE


AL-WATAN DOHA/KARIM JAAFAR/AFP

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Conscient de l’impact de Doha sur l’aile dure du Hamas, Laurent Fabius, le chef de la diplomatie française, a appelé le Qatar à peser de tout son poids pour parvenir à un cessez-le-feu avec Israël. L’État hébreu, devenu un allié objectif de l’Égypte, s’oppose à l’ingérence du cheikh Tamim Ibn Hamad Al Thani, l’émir du Qatar, qui s’était déjà proposé

www.cimentsafrique.com

p Khaled Mechaal, le chef du Hamas, en exil à Doha.

en bailleur de fonds du Hamas, en 2012, après sa visite historique à Gaza. Au Caire, le gouvernement de Sissi n’oublie pas que Doha a été un soutien de premier plan de l’ancien président islamiste, Mohamed Morsi. Il n’apprécie guère non plus de voir le Qatar se rapprocher de l’Arabie saoudite sur fond de guerre à Gaza (lire p. 54). Derrière ce tohu-bohu diplomatique, des cadres du Hamas continuent de privilégier une médiation égyptienne. « C’est l’interlocuteur le plus sérieux », reconnaît Moussa Abou Marzouk, numéro deux de l’organisation, qui espère la réouverture permanente du point de passage de Rafah, entre Gaza et l’Égypte. Côté israélien, l’optique est différente. « Nous avons accepté la proposition égyptienne afin de supprimer les missiles, les roquettes et les tunnels de Gaza par des voies diplomatiques », explique Benyamin Netanyahou. Le Premier ministre entend s’appuyer sur l’appel – inespéré – de l’Union européenne à « désarmer » le Hamas. Même après un éventuel accord de cessez-le-feu, les chances de voir le mouvement islamiste accéder à cette requête semblent minces. Affaibli, et surtout en quête de légitimité régionale, le mouvement islamiste palestinien paraît plus que jamais engagé dans une lutte à mort contre Israël. l


La semaine de J.A. Les gens

ISSOUF SANOGO/AFP

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p Le leader gambien (à dr.), lors d’un sommet de la Cedeao à Yamoussoukro en 2013.

Yahya Jammeh Vingt ans, sinistre anniversaire Arrivé au pouvoir par un putsch en 1994, le jeune lieutenant avait suscité bien des espoirs. Mais il a vite imposé sa loi par la violence et la terreur.

C

est un anniversaire qui rime avec calvaire. Le 22 juillet 1994, un petit groupe d’officiers gambiens emmenés par un lieutenant de 29 ans, Yahya Jammeh, déposait sans violence le président Dawda Jawara. Les putschistes, qui promettaient de mettre fin à la corruption et au népotisme, ont d’abord suscité l’adhésion de nombreux compatriotes lassés par trente années de gouvernance Jawara. Très vite, pourtant, apparaissent des signaux inquiétants : Yahya Jammeh suspend la Constitution et les partis politiques. En 1996, il rétablit une façade démocratique en se faisant élire président lors d’un scrutin controversé. « Lorsqu’il a fait appel à moi en 1998 pour contribuer à améliorer l’image du régime, il consultait et écoutait encore son entourage, se

souvient le diplomate Sidat Jobe, qui sera pendant plus de quatre ans son ministre des Affaires étrangères. C’est par la suite qu’il a déraillé. » En 2000, le régime bascule : les forces de sécurité ouvrent le feu sur des manifestants, tuant quatorze personnes dont six enfants. Au cours des années suivantes, la répression s’amplifie. Des journalistes disparaissent après leur arrestation par la police, quand ils ne sont pas assassinés en pleine rue. La moindre dissidence peut valoir une incarcération sans procès à la prison de Miles 2, à Banjul, où les tortures sont monnaie courante. À mesure que la peur gagne, le nombre d’exilés ne cesse de croître. Gagné par une paranoïa galopante, Jammeh pratique des purges régulières au sein de l’appareil d’État. Dépourvu

de tout garde-fou, l’Ubu ouest-africain colore sa dérive despotique de touches mégalomaniaques ou mystiques. C’est ainsi qu’il clamera avoir mis au point un remède contre le sida ou qu’il sera soupçonné d’orchestrer des assassinats au nom de prédictions délivrées par les marabouts traditionnels. Entouré d’une garde prétorienne recrutée dans sa communauté d’origine, les Diolas, Jammeh donne désormais libre cours à ses funestes caprices. Déclarant une guerre ouverte aux opposants politiques, aux journalistes, aux organisations de défense des droits de l’homme ou aux homosexuels, il multiplie anathèmes et déclarations tonitruantes. En 2013, il proclame le retrait de son pays du Commonwealth. Quelques mois plus tôt, après un moratoire de près de trente ans, il avait fait procéder sans préavis à l’exécution de neuf condamnés à mort. JUSTICE. À l’occasion du vingtième anni-

versaire de son sinistre règne, un trio d’ONG s’est invité autour du gâteau. La Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (Raddho), Article 19 et Amnesty international ont lancé une campagne commune de sensibilisation assortie d’une journée d’action et de la publication d’une brochure titrée Vingt années de peur en Gambie. Il est temps que justice soit rendue. Le « fou de Kanilaï » (du nom de son village natal) entendrat-il le message ? Rien n’est moins sûr quand on sait que de l’Union européenne (l’un des principaux bailleurs du pays) à l’Union africaine (qui a domicilié à Banjul sa Commission pour les droits de l’homme et des peuples) en passant par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao, dont la Cour de justice a condamné à trois reprises, sans effet, les autorités gambiennes pour des dossiers relatifs aux droits de l’homme), les dérives du président n’ont jamais suscité de réprobation ni de sanction à la mesure du régime de terreur qu’il a instauré. l MEHDI BA, à Dakar

NOMINATIONS

CHRISTIAN GOURCUFF ALGÉRIE Le 19 juillet, l’ex-entraîneur du FC Lorient a été désigné à la tête des Fennecs, la sélection algérienne de football. Il succède au Franco-Bosnien Vahid Halilhodzic. N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

ASSIA BENSALAH ALAOUI OCEMO Ambassadrice itinérante du roi Mohammed VI, elle a été nommée coprésidente de l’Office de coopération économique pour la Méditerranée et l’Orient. JEUNE AFRIQUE


EN HAUSSE

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FOUAD MASSOUM Vétéran de la vie politique irakienne, ce Kurde de 76 ans a été élu président de l’État fédéral, le 24 juillet, par le Parlement. Il succède à son mentor, Jalal Talabani, et devrait désigner un nouveau Premier ministre dans deux semaines.

HADI MIZBAN/AP/SIPA

Matteo Renzi Il parie sur l’Afrique Lors de sa visite de trois jours sur le continent, le président du Conseil italien a amorcé une coopération économique inédite.

ANASTASE MUREKEZI

T

Jusque-là ministre rwandais du Travail, ce membre du Parti social-démocrate a été promu Premier ministre par Paul Kagamé alors qu’il n’appartient pas à sa famille politique. Il remplace Pierre-Damien Habumuremyi.

DR

rois pays en trois jours… Du 19 au 21 juillet, le président du Conseil italien, Matteo Renzi, 39 ans, a visité au pas de course le Mozambique, le Congo et l’Angola. Avec à la clef plusieurs contrats. Au Mozambique, il a décroché un accord d’investissement de 50 milliards d’euros pour le pétrolier Eni. Au Congo, il a obtenu le renouvellement de la licence accordée à Eni pour produire 120 000 barils par jour, ainsi qu’un accord pour la construction d’infrastructures par un groupe de douze entreprises chapeauté par Trevi. Enfin, en Angola, un label national devrait être mis en place sur le modèle du « made in Italy ». Ce déplacement, le premier d’un chef de gouvernement transalpin en Afrique subsaharienne, coïncide avec le début de la présidence tournante italienne de l’UE. Pour l’Italie, cette minitournée vise à poursuivre la diversification de ses fournisseurs de gaz et d’hydrocarbures à la suite de l’instabilité au Maghreb, plus particulièrement en Libye. En amont, les autorités italiennes avaient organisé, le 8 avril à Turin, un business forum avec des partenaires économiques de l’Angola. L’idée était de promouvoir des lignes de crédit pour l’achat de matériel ou de services auprès d’entreprises italiennes. Dans la même logique, il ambitionne de conclure à terme un marché commun avec la SADC (Communauté de développement d’Afrique australe). Son objectif est simple. « Implanter 22 000 entreprises italiennes à l’étranger pour donner un point de plus au PIB dans les mille prochains jours. » L’histoire dira si Mozambicains, Congolais et Angolais seront les pionniers du « made in Italy » et de son style de vie. Alors, à quand pizza et Ferrari à Maputo, Brazza et Luanda ? l

LEONARDO DI CAPRIO

UNIMEDIA/SIPA

Pour préserver les derniers sites sauvages de la planète, l’acteur américain a levé 25 millions de dollars lors d’un gala à SaintTropez. Parmi les contributeurs, le Sud-Africain Patrice Motsepe, qui a acquis un dessin de Picasso pour 1 million de dollars. EN BAISSE

FERNANDO LLANO/AP/SIPA

SAMUEL ETO’O

EMMANUEL DE SOLÈRE STINTZY et FRIDA DAHMANI

Après un Mondial raté, l’international camerounais fait face à des soucis judiciaires. Son ex-compagne a déposé plainte pour « publications obscènes ». Elle lui reproche d’avoir diffusé des photos d’elle dénudée sur internet.

NABIL ZORKOT POUR J.A.

ISSIAKA OUATTARA

u Un VRP de luxe pour le pétrolier Eni.

Pour des raisons disciplinaires, l’ex-leader de l’ancienne rébellion, surnommé Wattao, a été démis de ses fonctions de chef du Centre de coordination des décisions opérationnelles, une structure de commandement de l’armée ivoirienne.

AFP

PIERRE TEYSSOT/AGF/SIPA

AMINU MAIGARI Accusé de malversations et de mauvaise gestion, le président de la Fédération nigériane de football a été suspendu à la suite d’un vote de défiance de l’instance exécutive. De nouvelles élections se tiendront fin août. N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014


La semaine de J.A. Décryptage

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Galaxie Centrafrique

Birao

Garba Ouanda Djallé Ndélé Ouadda Bocaranga

Batangafo

Kaga Bandoro

Bozoum

Bambari Sibut Bossembélé

Carnot

Damara BANGUI

Berberati

Kouango

Djéma

Mobaye

Bakouma

Rafaï

Mingala

Obo Zémio

Bangassou Ouango

Mbaïki

Nola Salo

DESIREY MINKOH

Comment s’y retrouver dans la nébuleuse des groupes rebelles ?

Vidéo

Benjamin Stora, historien « La promesse de réouverture des synagogues en Algérie témoigne d’une volonté politique de la pluralité. » VINCENT FOURNIER/J.A.

Gabon Caisses sous surveillance

Il y a 30 ans Le 4 août 1984, la Haute-Volta devenait le Burkina Faso.

Diaporama

DR

Tomon

Boda

Yalinga

Ippy

Griman

DANIEL LAINE/AFP

Gamboula

Yangalia

Bossangoa

Baoro Baboua

Kaouadja

Bamingui

Les plus belles plages d’Afrique.

N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

p Lors d’une fête tournante de l’indépendance, le 17 août 2009 à Lambaréné.

Un audit révèle l’ampleur de la disparition des fonds publics au cours des dix dernières années. Pour reprendre la main, le gouvernement doit agir vite.

L

e 17 juillet, Jean-Fidèle Otandault, le directeur général du contrôle des ressources et des charges publiques, a dévoilé un résumé succinct du rapport d’audit sur les régies financières réalisé par ses services. Le gendarme des finances publiques gabonaises a révélé que l’équivalent de « plus de la moitié du budget de l’État [3000 milliards de F CFA, soit 4,57 milliards d’euros, en 2014] disparaissait dans la nature ». Évidemment, cela ne s’est pas fait en une seule année. Les auditeurs sont remontés plus de dix ans en arrière, notamment pour examiner l’hallucinante gabegie des « fêtes tournantes » célébrant l’indépendance dans une ville différente chaque année, qui aurait fait perdre 400 milliards de F CFA à l’État. Ils ont mis au jour des surfacturations, des marchés fictifs, des pratiques abusives dans la passation des marchés publics, des créances douteuses de l’État détenues par des entreprises… Cet audit sur les finances du pays est loin d’être le premier. Le 23 avril, Christian Magnagna, le ministre du Budget, avait déjà annoncé qu’une mission diligentée entre février et mars avait permis à l’État d’économiser 654 milliards de F CFA. Dont 600 milliards frauduleusement payés à ses fournisseurs entre 2006 et 2012. Tandis

que, pour la seule année 2013, les auditeurs avaient découvert des facturations fictives à hauteur de 54 milliards de F CFA. Si les fêtes dispendieuses mentionnées ont fait l’objet de deux audits au moins avant 2009, elles ont aussi été la cible de décisions de la Cour des comptes. Mais jamais la justice n’a été saisie pour établir les responsabilités et vérifier les allégations d’enrichissement personnel véhiculées par la presse. DETTES DOUTEUSES. Par ailleurs, ces graves dysfonctionnements montrent l’urgence de mener des réformes structurelles. « L’audit parle de 300 milliards de F CFA de dettes douteuses. Pourtant, ces dettes avaient été validées et leur paiement échelonné lors des deux derniers “Clubs de Libreville”, en 2010 et 2012 », relève un inspecteur des finances qui regrette que les créances fictives soient alors parvenues à échapper à tous les organes habilités à en vérifier la régularité. Sollicité, Jean-Fidèle Otandault n’a pas répondu à nos questions. Visiblement, danssavolontédesécuriserl’argentpublic, le gouvernement essaie aussi de rassurer les entreprises inquiètes du non-paiement de leurs créances depuis plusieurs mois. l GEORGES DOUGUELI JEUNE AFRIQUE



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La semaine de J.A. Décryptage

Sénégal Bibo Bourgi plaide malade La détérioration de l’état de santé de l’homme d’affaires, soupçonné de complicité dans l’affaire Karim Wade, hypothèque la tenue du procès, le 31 juillet. Il pourrait être transféré dans un hôpital français.

«

N

otre client est en danger de mort et si demain il lui arrive malheur, c’est la Crei qui sera entièrement responsable. » Pour M e Boubacar Cissé, l’un des avocats d’Ibrahim Aboukhalil (surnommé Bibo Bourgi), soupçonné d’être le principal homme de paille de Karim Wade, le risque que la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) fait courir à son client « s’apparente à un meurtre judiciairement programmé ». Depuis plus d’un an, les avocats de cet homme d’affaires inculpé de complicité ont déposé plusieurs recours visant à permettre à Bibo Bourgi, qui souffre d’une lourde pathologie cardiaque, de se faire opérer dans un hôpital parisien malgré l’interdiction qui lui est faite de quitter le Sénégal. Mais le parquet comme les juges de la Crei s’y sont systématiquement opposés. LE DESSIN DE LA SEMAINE

Au cours des semaines suivantes, l’état de santé de ce dernier a encore empiré, nécessitant une hospitalisation d’urgence. Selon nos informations, c’est alors que la gravité de la situation est revenue aux oreilles du président, Macky Sall, qui a aussitôt chargé son ministre de la Justice, Sidiki Kaba, de prendre les dispositions nécessaires pour permettre que l’opération se déroule en France. En dépit d’une intervention écrite de ce dernier auprès de la Crei, les magistrats sont demeurés inflexibles. Le 28 juin, c’est donc à Dakar que Bibo Bourgi a été hospitalisé. Mais les choses ont mal tourné. Une complication rénale a obligé le chirurgien à poser une sonde et à reporter

Dès sa première nuit en détention, en avril 2013, l’intéressé avait pourtant dû être transféré au pavillon spécial de l’hôpital Le Dantec pour raisons médicales. Deux mois plus tard, après une expertise et une contre-expertise médicales convergentes, il avait été remis en liberté sous contrôle judiciaire. L’un des experts évoL’un de ses avocats met quait notamment un risque en garde contre « un meurtre de « récidive d’infarctus du myocarde et [de] mort judiciairement programmé ». subite ». En octobre 2013, l’opération principale. Pris de douleurs l’homme d’affaires sénégalo-libanais – qui possède aussi la nationalité française « indescriptibles » suite à cette interven– était venu plaider sa cause auprès de tion, Bibo Bourgi a en outre contracté l’ambassade de France à Dakar. une infection nosocomiale. Le 21 juillet, dix jours avant l’ouverture du procès de URGENCE. En février 2014, le consul Karim Wade, ses avocats ont déposé une général adressait à ses interlocuteurs nouvelle requête. Cette fois, le parquet sénégalais une note verbale attirant leur a pris des réquisitions favorables à un attention sur la situation alarmante de transfèrement en France. l Bibo Bourgi. Sans obtenir de réaction. MEHDI BA, à Dakar Toles • The Washington Post • États-Unis ÉTATS-UNIS CRIME ET CHÂTIMENT

CENT DIX-HUIT minutes. C’est le temps qu’il a fallu pour que le mélange létal injecté dans les veines de John Wood, 55 ans, condamné à la peine capitale en Arizona, fasse son effet, le 23 juillet. Près de deux heures d’une agonie barbare et pourtant prévisible. En janvier, dans l’Ohio, le même cocktail de mort avait été utilisé, avec des conséquences similaires : vingt-six minutes de suffocations. Si bien que, en juin, John Wood avait poursuivi l’État d’Arizona, contestant le secret autour des produits utilisés. En vain. La peine de mort est en vigueur dans 32 États américains. N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

JEUNE AFRIQUE


ALGÉRIE COGETP + 213 555 994 893 ANGOLA Auto Maquinaria + 244 9 2782 4434 BÉNIN SMT Group + 229 21 35 14 02 BOTSWANA Rola + 267 316 3200 BURKINA FASO SMT Group + 226 66 77 01 01 BURUNDI SMT Group + 32 10 47 61 20 CAMEROUN SMT Group + 237 99 41 40 30 CONGO SMT Group + 242 06 508 27 13 CÔTE D’IVOIRE SMT Group + 225 21 75 16 27 DEM. REP. DU CONGO SMT Group + 243 815 656 565 EGYPTE Ghabbour + 201 001764279 ETHIOPIE Equatorial Business Group + 251 11 442 4955 GABON SMT Group + 241 07 515 008 GHANA SMT Group + 233 30 268 33 51 KENYA Auto Sueco Ltd + 254 727 534 593 LIBERIA SMT Group + 231 888 071 000 LIBYE United Group + 218 (21) 7313310 MADAGASCAR Materauto + 261 20 22 233 39 MALI SMT Group + 221 781 172 531 MAURITANIE SMT Group + 221 781 172 531 MAURICE Leal Equipements Compagnie + 230 207 2100 MAROC Volvo Maroc S.A. + 212 522 764 800 MOZAMBIQUE Babcock International Group + 258 21 321 824/25 NAMIBIE Pupkewitz + 264 61 310907 NIGERIA SMT Group + 234 802 3747678 RWANDA SMT Group + 32 10 47 61 24 SÉNÉGAL SMT Group + 221 781 172 531 SEYCHELLES Leal Equipements Compagnie + 230 207 2100 SIERRA LEONE A. Yazbeck and Sons Ltd + 232 7730 3042

35 TONNES DE FORCE ET DE PRODUCTIVITÉ

AFRIQUE DU SUD Babcock International Group + 27 11 230 7300 SOUDAN Albarajoub Engineering Co. + 249 183 77 84 13 TANZANIE Auto Sueco Ltd + 255 222 866 333 TOGO SMT Group + 228 99 99 92 15 TUNISIE Nordic Machinery + 216 71 409 260 OUGANDA Auto Sueco Ltd + 254 713 974 808 ZAMBIE Babcock International Group + 260 212 216 200 ZIMBABWE Conquip + 263 448 5543

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Lorsque nous avons énoncé notre pelle 35 tonnes, nous avons voulu mettre la force et productivité en premier. Nous l’avons donc conçu avec un moteur Volvo D8 pour lui donner des performances élevées et une remarquable économie de carburant. Nous l’avons équipé d’une Volvo CareCab – reconnu comme étant le meilleur environnement de l’opérateur sur le marché aujourd’hui, avec climatisation en standard. Aussi, nous lui avons aussi donné un fort châssis renforcé pour l’aider à survivre même sur les terrains les plus rudes. Croyez-nous, c’est la meilleure pelle de sa classe. Parlez-en à votre revendeur. Découvrez une nouvelle approche.


ILS ONT DIT

La semaine de J.A. Décryptage

« Avec trois jours de travail par semaine, nous aurions davantage de temps pour nous détendre et une meilleure qualité de vie. Cela serait aussi une excellente façon de créer de nouvelles activités de divertissements et de loisirs. » CARLOS SLIM Multimilliardaire mexicain de 74 ans, à la tête de la deuxième fortune mondiale. Il estime qu’il faudrait en contrepartie travailler plus longtemps, « jusqu’à 70 ou 75 ans »

« Le monde a besoin d’une Afrique prospère. » DONALD KABERUKA Président de la Banque africaine de développement (BAD)

« L’Europe voit l’Afrique comme elle l’a laissée : en train de tendre la main, alors que ce que nous attendons, c’est une poignée de main entre partenaires. » VÉRONE MANKOU PDG de la start-up congolaise VMK (Brazzaville)

« Même si on liquidait les combattants du Hamas un par un, quelqu’un croit-il vraiment qu’avec eux serait anéantie l’aspiration du peuple palestinien à une indépendance nationale ? » ETGAR KERET Écrivain israélien

« Je me souviens

CHRISTIAN PALMA/AP/SIPA

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Centrafrique Petit pas vers la paix à Brazza Dans la capitale congolaise, les différents acteurs de la crise ont signé un accord de cessation des hostilités. Une avancée symbolique.

L

e palais des Congrès de Brazzaville s’est empli d’émotion, le 23 juillet. Un accord censé mettre fin aux violences qui ravagent la Centrafrique venait d’être conclu. Les représentants des diverses tendances se sont donné l’accolade, avant de chanter à l’unisson l’hymne national. L’affaire était pourtant bien mal engagée. Les membres de l’exSéléka avaient posé comme préalable à tout dialogue la partition du pays entre un Nord musulman et un Sud chrétien. Ils ont surtout refusé, jusqu’au bout, de participer aux commissions qui portaient notamment sur le processus de démobilisation, désarmement et réinsertion. De quoi mettre à l’épreuve les nerfs du président congolais, Denis Sassou Nguesso, médiateur désigné par la Communauté économique des États d’Afrique centrale (CEEAC). Ce dernier a lancé à ses hôtes : « Brazzaville est la première étape d’un long processus qui se déroulera chez vous. » Pour un membre du Groupe international de contact sur la République centrafricaine, l’attitude de l’ex-Séléka « démontre qu’à Brazzaville, toutes les parties ne se sont pas vraiment parlé ». Selon un ministre du gouvernement de transition, « il est clair que l’ex-Séléka n’a pas signé avec enthousiasme. Elle a cédé à une injonction ». À Bangui, il reste un front du refus qui ne s’est pas rendu à Brazzaville, estimant que le forum qui s’y est tenu est « une humiliation nationale ». Mais face aux sceptiques, on trouve aussi des optimistes, parmi lesquels les proches de l’ex-président François Bozizé, tel Bertin Béa, le secrétaire général du parti Kwa Na Kwa, qui affirme : « La bonne foi est de rigueur. Ceux qui ont signé cet accord seront coupables devant l’Histoire s’ils ne respectent par leur parole. » Pendant ce temps, les membres de l’ex-Séléka, qui accusent la présidente, Catherine Samba-Panza, d’être « contre les musulmans », réclament la primature et des ministères de souveraineté, parce qu’il faut « être dans le jeu pour ouvrir le jeu », selon la formule d’Abakar Sabone, du Mouvement des libérateurs centrafricains pour la justice (MLCJ). La suite se jouera à Bangui. l TSHITENGE LUBABU M.K., envoyé spécial à Brazzaville

q Catherine SambaPanza et Denis Sassou Nguesso, le 21 juillet.

GUY-GERVAIS KITINA/AFP

REX/REX/SIPA

d’un temps où je ne me sentais pas belle. À la télévision, je ne voyais que des femmes au teint clair. » LUPITA NYONG’O Actrice mexicanokényane JEUNE AFRIQUE


Somagec GE, bâtir l’avenir Port de Bata

Maîtriser la mer Pour améliorer le transport maritime, Somagec GE a mené de front plusieurs chantiers portuaires en Guinée Équatoriale... Stade d’Annobon

Crédit Photo © J.A. Manzano

Façonner la terre Somagec GE construit des aménagements urbains pour améliorer la qualité de vie des Équato-guinéens…

Aéroport de Corisco

Apprivoiser le ciel Somagec GE a réalisé l’extension de l’aéroport de Malabo et doté Bata, Annobon et Corisco d’infrastructures aéroportuaires modernes…

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Créateur de développement


La semaine de J.A. Décryptage q Déployés sur le mont Chaambi, zone frontalière avec l’Algérie, les soldats tunisiens traquent les combattants islamistes.

ABDERRAZEK KHLIFI/AFP

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Terrorisme Opération barricades frontières, il ne reçoit que des réponses polies, sans véritable volonté d’action. Ces atermoiements jouent évidemment en faveur des terrobandits. S’ils perdent du terrain dans le sanctuaire du Nord-Mali détecteurs électroniques sur la frontière suite aux opérations françaises Serval puis est avec l’Algérie, de Saïdia jusqu’à Figuig, Barkhane, ils ont vite trouvé une « terre d’asile » en Libye, aidés par la porosité soit sur 450 km. des frontières. Depuis ce territoire, ils La sécurisation de ces lignes s’impose expédient des volontaires en Syrie et comme une condition indispensable à la en Irak (au sein de l’État islamique). Ils stabilité régionale, tant pour le Maghreb amplifient également leur présence en que pour toute la bande saharienne. Il faut contenir une menace apparue Tunisie et reprennent pied dans le sud de dans les années 1990 avec la création l’Algérie, d’où ils peuvent « rayonner » en de la katiba Al-Shahada (formée par Mauritanie, au Mali, au Niger… Mokhtar Belmokhtar, appartenant aux Si, pour des questions de souveraineté, Alger est réticent à la création desunitésconjointesévoquées La Libye est devenue une terre par la Libye, en revanche, il est d’asile pour les « terrobandits ». prompt à adopter des mesures de protection pour ses fronGroupes islamiques armés). Déjà à cette tières. Dès mai 2013, il a perçu la « montée époque, les frontières des pays d’Afrique en nuisance » des jihadistes en Tunisie et du Nord n’existaient pas pour ces « tera déployé plus de 6 000 hommes sur le robandits », qui sillonnaient le désert mont Chaambi. Et ses unités commando, et les montagnes. ses forces spéciales, son aviation opèrent le long des frontières sud et est. GARDER L’ASCENDANT. Bien que de Mais ces opérations défensives ne suffiront pas à vaincre durablement ce plus en plus confrontés au « nomadisme fléau. Les pays du Maghreb ne peuvent de l’insécurité », ces États ont tardé à s’affranchir d’actions offensives : elles prendre des dispositions communes. Ainsi, lorsque Tripoli propose à Alger et seules permettent de garder l’ascendant à Tunis, dès novembre 2013, de créer des sur l’ennemi. l LAURENT TOUCHARD et NADIA LAMLILI unités conjointes afin de patrouiller aux

Face à la menace de multiples groupes armés, les pays d’Afrique du Nord se retranchent derrière leurs frontières. Mais la nécessité de passer à l’offensive se fait de plus en plus impérieuse.

P

roche de la frontière entre l’Algérie et la Tunisie, la ville de Tébessa est devenue le QG de pourparlers sécuritaires d’envergure ce mardi 22 juillet. Suite à l’attaque terroriste du mont Chaambi, non loin de là, où quinze militaires tunisiens ont été tués le 16 juillet, le chef du gouvernement tunisien, Mehdi Jomâa, et le Premier ministre algérien, Abdelamelk Sellal, ont scellé un accord visant à mener des opérations concertées le long de leurs frontières. Ainsi, 14 000 soldats algériens et tunisiens seront mobilisés. Un déploiement sécuritaire qui ne se résume pas à une affaire algéro-tunisienne. Du Maroc à l’Égypte, les pays d’Afrique du Nord barricadent leurs frontières face à une hydre aux tentacules gigantesques mêlant islamisme armé, terrorisme, trafics en tous genres… « Le danger terroriste », tel qu’il est officiellement (et vaguement !) nommé. Ainsi, après que les pays voisins de la Libye ont annoncé, le 14 juillet, la création d’une commission commune pour sécuriser les frontières, le Maroc a confirmé la construction d’un grillage truffé de N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

JEUNE AFRIQUE



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Grand angle

q Le 30 juillet 1999, le vingt-troisième monarque de la dynastie alaouite est couronné à l’âge de 35 ans.


Grand angle

MAROC

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Mohammed VI Pionnier en son royaume En quinze ans de règne, le visage de la monarchie a profondément changé. En rupture avec l’héritage de son père, Hassan II, le jeune roi a réconcilié le pays avec son passé et ses racines, l’a modernisé et s’est attaqué aux grands défis sociaux.

FRANÇOIS SOUDAN

GAMMA

I

l faudrait être aveugle, de mauvaise foi ou les deux ensemble, phénomène hélas récurrent en ce qui concerne le Maroc, pour ne pas reconnaître qu’en quinze ans le royaume a profondément changé – et victime d’une incurable allergie à la monarchie pour ne pas rendre à Mohammed VI la part essentielle qui lui revient dans cette spectaculaire transformation. Pour ceux qui ont connu, parcouru, vécu le Maroc d’avant le 23 juillet 1999, quatre évolutions critiques parmi d’autres méritent d’être soulignées, tant elles sont synonymes du changement irréversible voulu par ce roi au seuil de ses 51 ans, dont les pouvoirs sont aussi étendus que ceux de son père et la popularité, incontestablement supérieure. Le travail de mémoire, d’inventaire et finalement de réconciliation avec le passé des « années de plomb » tout d’abord. Entamée dès les premières années du nouveau règne, cette introspection pionnière dans la région est l’une des raisons pour lesquelles le régime a pu, en grande partie, faire l’économie de la vague des printemps arabes. Si le Mouvement du 20-Février, apparu en 2011, a eu pour seul effet concret d’accélérer la mise en place d’une nouvelle Constitution en gestation, c’est bien parce que le monarque avait perçu dès le début des années 2000 la nécessité d’une démarche proactive, participative et inclusive. Qui ne s’aperçoit qu’au Maroc l’État a perdu le monopole de l’espace et du débat public, desserré le carcan de l l l

JEUNE AFRIQUE

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Grand angle Maroc

atteint avec deux années d’avance les objectifs du millénaire en terme de lutte contre l’extrême pauvreté – sont remarquables. Tout comme est évidente la troisième évolution majeure de l’ère M6: l’émergence d’une classe moyenne moderne, ouverte et urbanisée, socle et acteur à part entière du développement. Cette apparition, fruit des mutations économiques, ne doit certes rien au monarque. Mais l’accélération de projets urbains innovants et respectueux de l’environnement à Tanger, Salé, Marrakech, Casablanca et Rabat – décrétée ville verte et ville lumière –, destinés à fournir à cette classe moyenne des conditions adaptées à ses revenus et à ses exigences, provient de sa volonté. RECONQUÊTE. Dernier mouvement significatif

JEAN BLONDIN/REUTERS/MAXPPP

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RETROUVEZ les articles parus dans Jeune Afrique en 1999 au moment de la mort de Hassan II

la pensée unique et permis la libre expression de sujets hier tabous, tels les droits de l’homme ou la peine de mort ? La lutte contre l’indigence et l’exclusion sociale ensuite : elle est pour Mohammed VI le chantier prioritaire d’un règne. Dès son arrivée sur le trône (et sans doute avant), le roi fait le constat des carences et des déséquilibres à la limite du supportable qui minent le pays et menacent la stabilité de son pouvoir. La naissance en 2005 de l’INDH (Initiative nationale pour le développement humain), dont les réalisations sont depuis suivies quasi quotidiennement par le souverain, vient de là, tout comme la frénésie inauguratrice d’un homme qui ne rechigne pas à parrainer des projets parfois très modestes – un centre social de quartier, une maison pour enfants handicapés, un canal d’assainissement – mais dont il a perçu l’impact de proximité et la charge d’exemplarité. lll

PROGRÈS. À l’évidence, le Maroc est loin d’avoir

résorbé en quinze ans ses inégalités, y compris les plus choquantes, tant était profond le déficit en ce domaine. Mais les progrès – salués en juin 2014 par l’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), laquelle a publiquement félicité le royaume pour avoir N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

p Le jeune Mohammed VI quitte le mausolée de Rabat après avoir assisté aux funérailles de son père, le roi Hassan II, le 25 juillet 1999.

enfin: celui qui, peu à peu, a ramené le Maroc vers ses racines nourricières, l’Afrique. Patiemment, Mohammed VI a renoué les fils distendus sous son père, lequel, outré par la reconnaissance d’une indépendance sahraouie fictive, avait fini par tourner le dos au continent, accentuant l’insularité et le tropisme européen – largement artificiel – de son pays. De cette amertume, son fils n’a pas hérité, n’hésitant pas à voyager fréquemment au sud du Sahara, privilégiant l’humanitaire et l’économie. Plutôt que de se lancer dans une épuisante bataille diplomatique au sein de l’Union africaine, M6 a choisi de contourner l’obstacle en incitant les entrepreneurs chérifiens à mettre leurs pas dans ceux de leurs ancêtres. Vue de Rabat, la reconquête de l’Afrique passe par le business. Bien sûr, chacune de ces évolutions doit aussi se lire sous le prisme du politique. En quinze ans, le souverain a dû faire face aux formes modernes de siba – la nébuleuse du 20-Février notamment –, au bourgeonnement de l’islamisme radical, aux menaces, voire aux actes terroristes. Les réponses d’un appareil sécuritaire peu familier du maintien démocratique de l’ordre ont été souvent critiquées, même si, par rapport au règne précédent, celui-ci fait un usage nettement plus modéré de la violence légitime dont tout État est détenteur. Mais, chacune à sa manière, la réconciliation avec le passé, la lutte contre la pauvreté, l’émergence d’une classe moyenne à la fois citoyenne et fière de sa monarchie et la renaissance d’un royaume africain participent à la consolidation d’un régime qui a eu l’intelligence d’évoluer. Au Maroc, où l’allégeance au souverain n’a jamais été inconditionnelle, chaque nouveau monarque se doit de conquérir son trône. C’est peu dire que, en quinze ans, ce prince héritier à qui une escouade d’observateurs mal avisés ne prêtaient aucune appétence pour le job au point de lui accorder six mois de survie, a su relever le défi. l

L’État a desserré le carcan de la pensée unique et permis la libre expression de sujets hier tabous.

JEUNE AFRIQUE



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Grand angle Maroc

15 ans de règne en 15 points 1

DROITS DES FEMMES

La route est longue

Mars 2000. Le Maroc connaît sa première manifestation de rue depuis l’avènement de Mohammed VI. Deux marches, qui opposent islamistes et progressistes. Sujet de discorde : le code de la famille élaboré par le social-démocrate Saïd Saadi, alors secrétaire d’État. Quatre points en particulier ne plaisent pas aux islamistes : le relèvement de l’âge légal du mariage à 18 ans pour les filles, l’abolition de la polygamie, la substitution du divorce judiciaire à la répudiation et le partage des biens en cas de divorce. Face au risque d’une crise politique, le roi, Commandeur des croyants, se saisit du dossier et donne raison aux modernistes, faisant montre d’un ijtihad (effort de réflexion) sans précédent dans le monde arabe. C’est ainsi que la Moudawana – ou code du statut personnel, le droit de la famille marocain – est révisée en 2004. Une belle loi très vite confrontée au manque de formation des juges. Une mesure censée être exceptionnelle comme l’autorisation du mariage des filles mineures devient ainsi presque une règle, avec 85 % de jugements favorables. Si le Maroc a vraiment connu des progrès majeurs sur le dossier du droit des femmes – loi sur la nationalité, instauration d’un quota au Parlement, égalité constitutionnelle –, le rythme

Quinze dates clés N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

des avancées s’est ralenti ces dernières années. En parallèle, de nouvelles problématiques ont surgi, qui réclament un réel courage politique – et une décision royale, pour celles à caractère religieux : la question du viol, l’égalité en matière d’héritage, le droit à l’avortement… Autant dire que la route pour l’égalité des femmes et des hommes est encore longue. l NADIA LAMLILI

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GÉNÉRATION M6

Au royaume des jeunes

Mais que veut dire le terme « génération M6 », qui a fait florès ces quinze dernières années ? Derrière cette expression consacrée par les médias existe un réel phénomène social, celui de l’émergence d’une nouvelle jeunesse, difficile cependant à attribuer à une politique définie par Mohammed VI. Pour l’expliquer, plusieurs paramètres : la modernisation d’un pays où les 10-24 ans représentent plus de 30 % de la population, l’essor d’une société de consommation et des loisirs, l’apparition d’une nouvelle scène culturelle… sans oublier, à titre de symbole, l’identification à un roi dynamique. La génération M6 correspond à un rajeunissement à tous les étages du royaume, depuis les conseillers du roi et les directeurs d’entreprises stratégiques – camarades de classe de Mohammed VI ou anciens élèves de grandes écoles

23 juillet 1999. Mort du roi Hassan II. Son fils Mohammed VI lui succède au cours de la cérémonie de la Bey’a.

américaines et françaises – jusqu’aux bénévoles de la société civile et aux artisans de la movida culturelle. Tous ont un même objectif : construire le nouveau Maroc. Mais cette génération est confrontée au chômage, résultat du retard pris par la réforme du système d’enseignement et de la réalité complexe de la pauvreté. Près de 30 % des 15-29 ans sont sans emploi (selon un rapport de la Banque mondiale publié en juin 2012), ce qui les place à la merci de l’informel et de l’extrémisme. Ce revers de la médaille exige de rassembler toutes les initiatives en faveur de la jeunesse dans le cadre d’une politique claire et intégrée. l N.L.

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PAUVRETÉ

La main tendue

Cent trentième sur 187 pays répertoriés : le Maroc stagne dans le bas du classement des Nations unies suivant l’indice de développement humain (IDH). Et il n’évolue guère. Rien n’aurait donc été fait pour améliorer les conditions de vie ces dernières années ? L’Initiative nationale pour le développement humain (INDH) en témoigne autrement. En lançant ce grand projet en mai 2005, Mohammed VI indiquait que la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale serait le « chantier de [son] règne ». Principaux axes : plusieurs programmes visant à faciliter l’accès des

9 novembre 1999. Limogeage de Driss Basri, ministre de l’Intérieur de Hassan II, en place depuis vingt ans. JEUNE AFRIQUE


THOMAS KIEROK/LAIF

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p La nouvelle jeunesse, qui représente 30 % de la population, profite de l’essor d’une société de consommation.

populations démunies aux services et infrastructures de base (éducation, santé, routes, eau, électricité…) et un soutien de plus en plus important aux activités génératrices de revenus. Neuf ans plus tard, le bilan est tout sauf insignifiant. Quelque 29 000 projets ont été mis en place au profit de près de 8 millions de bénéficiaires. Dans le domaine de la santé, des avancées significatives ont été enregistrées. La mortalité infantile est ainsi passée de 35 décès pour 1 000 naissances en 2005 à 27 en 2012. La grande pauvreté a également reculé. Le gros point noir reste l’éducation, qui accuse encore du retard. Au-delà des réalisations matérielles, l’INDH a eu le mérite de favoriser un nouveau type de relations entre l’administration et la population. Comme les collectivités locales, les associations contribuent aux programmes nationaux, de leur conception à leur mise en

17 octobre 2001. Discours d’Ajdir et première reconnaissance de la « composante amazigh » au sein de la culture marocaine. JEUNE AFRIQUE

œuvre. Sur le plan de la gouvernance, le Maroc a amorcé une petite révolution. l DOMINIQUE MATAILLET

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MÉDIAS

Hyperconnectés

Le temps où il suffisait de se penchersurl’étald’unkiosqueàjournauxpour évaluer l’offre médiatique au Maroc est révolu. En quinze ans, la diversification audiovisuelle et l’explosion du nombre de sites internet ont bouleversé le rapport des Marocains à l’information. Avec près de 17 millions d’internautes, le royaume est le pays le plus connecté d’Afrique. Selon une étude réalisée en 2012 par l’institut Averty, un Marocain sur deux passe plus de quatre heures par jour sur le web. Ils sont 7,2 millions à posséder un compte Facebook et près de 77 000 inscrits sur Twitter. Avec quelque 500 sites

27 septembre 2002. Élections législatives. Driss Jettou devient Premier ministre.

d’information, la Toile marocaine est riche, mais très hétérogène. L’absence de modèle économique, les arrestations de blogueurs et de journalistes ainsi que le manque de professionnalisation menacent encore l’existence des journaux en ligne. Reste que certains sites connaissent un succès considérable, à l’image d’Hespress.com, plateforme d’information et de vidéos arabophone, sacrée troisième plus gros portail d’information du monde arabe par le magazine Forbes Middle East. Autre changement majeur de ces dernières années : l’octroi de licences à onze radios privées en 2006. Loin de l’image sclérosée et ringarde qui lui a longtemps collé à la peau, la radio a gagné le cœur des Marocains de tous âges. Ton percutant, débats de société et programmation musicale de qualité sont les ingrédients du succès des nouvelles stations, comme Hit Radio, Atlantic ou Aswat. l LEÏLA SLIMANI

16 mai 2003. Attentats de Casablanca. Bilan : 45 morts. Accélération de la réforme du champ religieux avec Ahmed Toufiq, ministre des Affaires islamiques. N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014


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Grand angle Maroc

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DIPLOMATIE

Le Sahara, et au-delà

Le conflit au Sahara occidental reste le sujet numéro un de la diplomatie marocaine, domaine réservé de Mohammed VI. Même si, depuis 2012, deux « ministres politiques » – Saadeddine El Othmani (Parti de la justice et du développement, PJD), puis Salaheddine Mezouar (Rassemblement national des indépendants, RNI), en poste depuis octobre 2013 – ont hérité du portefeuille des Affaires étrangères, ce dossier est en réalité géré par des proches du roi. Notamment par son conseiller diplomatique Taïeb Fassi-Fihri, lui-même ancien chef de la diplomatie, et par Mohamed Yassine Mansouri, le patron de la DGED (service du renseignement extérieur). Comme il l’a fait en novembre 2013 aux États-Unis, le roi prend son bâton de pèlerin pour défendre la proposition marocaine, laquelle prévoit une large autonomie pour les Sahraouis en échange de l’abandon de la voie de l’autodétermination. Ces dernières années, Mohammed VI, qui avait jusque-là semblé privilégier la doctrine « Taza avant Gaza » (autrement dit: priorité à la politique intérieure), s’est montré plus offensif sur le front diplomatique. Depuis 2012, il a multiplié les longues visites à l’étranger: Proche-Orient, pays du Golfe, Afrique subsaharienne, États-Unis, Tunisie. l YOUSSEF AÏT AKDIM

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ROYAUTÉ

Histoire de style

À l’origine était l’image du père, et la nécessité de la dépasser pour construire celle d’un jeune monarque moderne à l’écoute de son peuple. En 1999, Mohammed VI accédait au trône avec la lourde mission de marquer le changement tout en s’appuyant sur la tradition de ses ancêtres alaouites. Pas

5 février 2004. Entrée en vigueur du nouveau code de la famille, améliorant le statut des femmes (Moudawana). N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

de rupture radicale, mais un style insufflé à dose homéopathique pour éviter les basculements porteurs de danger dans une société marocaine complexe et un contexte régional agité. S’il a réussi à survoler les attentats terroristes de 2003 et de 2007, les révoltes arabes de 2011 et les tensions sociales, c’est parce qu’il a su imposer son image de monarque humain. Il épouse une roturière et l’expose en public, habitue son peuple aux images de sa petite famille fêtant les anniversaires et autres cérémonies dans sa résidence de Dar es-Salam à Rabat – il n’habite plus au Palais royal – et se laisse lui-même prendre en photo en tenue décontractée lors de ses voyages à l’étranger. Il y a bien un style M6, très différent de celui de Hassan II. Du jet-ski aux voitures de sport, en passant par l’acquisition de tableaux d’art et les vacances d’hiver à

Courchevel… chacun des loisirs du roi est suivi par un effet de mode. Même ses lunettes à montures noires, qu’il a commencé à porter il y a quelques années pour lire ses discours, ont depuis été adoptées par les jeunes citadins. Les Marocains s’identifient à leur roi, et c’est ce lien indéfectible qui a permis à Mohammed VI de continuer à exercer pleinement tous ses pouvoirs. l N.L.

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POLITIQUE INTÉRIEURE

La voix du Nord

Qui ne se souvient du discours de Hassan II, au lendemain des protestations estudiantines de Nador en 1984, au cours duquel il qualifia les manifestants

12 avril 2004. Création d’une Instance Équité et Réconciliation (IER), qui doit faire la lumière sur les atteintes aux droits de l’homme commises depuis l’indépendance. JEUNE AFRIQUE


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TRIBUNE Fouad Laroui

Mohammed VI et les Marocains du monde

NIVIERE/SIPA

Q

p Le roi, son épouse Salma et le prince Moulay El Hassan fêtent l’anniversaire de la princesse Lalla Khadija à Rabat, en février 2011.

d’ « awbach [déchets de la société] vivant de la contrebande et du vol » ? C’est que ces émeutes rappelaient au défunt roi les soucis qu’il avait toujours eus avec ce Nord anciennement colonisé par les Espagnols. En particulier dans les montagnes du Rif, dont il avait violemment réprimé la révolte, entre 1957 et 1959, alors qu’il était encore prince héritier. Bannies des plans de développement, Al-Hoceima, Nador, Tétouan, Ksar elKébir, les villes phares du nord du pays, sont rentrées dans un oubli programmé qui allait en faire une zone désespérément pauvre et une plaque tournante de la drogue et de la contrebande. La rupture dure jusqu’en 1995. Hassan II, déjà l l l

18 mai 2005. Lancement de l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH), grand chantier social du règne. JEUNE AFRIQUE

UEL EST LE RAPPORT ENTRE GAD ELMALEH et Miss Finlande 2012 ? Entre les enfants de Robin van Persie, footballeur néerlandais, et ceux de Fatou Bensouda, procureure générale gambienne de la Cour pénale internationale ? Entre la ministre française Najat Vallaud-Belkacem et David Lévy, ex-ministre des Affaires étrangères d’Israël ? Entre le DG des ventes de Boeing et Ruby, l’affolante « tombeuse » de Berlusconi ? Entre le maire de Rotterdam et le musicien suédois RedOne (deux Grammy Awards en 2010) ? Vous l’avez deviné : ils sont tous Marocains. Ou du moins, ils ont tous vocation à l’être : il leur suffit de demander un passeport. En effet, on ne peut pas perdre la nationalité marocaine, sinon par décret royal – ce qui ne se produit jamais – et puisqu’elle se transmet automatiquement aux enfants, il y a des millions de Marocains potentiels dans le monde. Si on tient compte de la dispersion de ses sujets, réels ou virtuels, sur la surface du globe, on pourrait dire de Mohammed VI ce qu’on disait de Charles Quint : qu’il « règne sur un empire sur lequel le soleil ne se couche jamais ».

Marocains de l’étranger dans leurs sociétés d’accueil, et non qu’elle l’entrave. » Curieusement, l’article 163 de la Constitution dit quelque chose de légèrement différent : « Le Conseil de la communauté marocaine à l’étranger est chargé notamment d’émettre des avis […] permettant d’assurer aux Marocains résidant à l’étranger le maintien de liens étroits avec leur identité marocaine […] [et de] contribuer au développement humain et durable de leur pays d’origine […]. » Cette ambiguïté caractérise la situation actuelle. On n’est plus sous Hassan II, mais, entre assimilation dans les pays d’accueil et « maintien de liens étroits avec leur identité », on louvoie encore. Il faut dire que les enjeux sont considérables. Ces Marocains d’ailleurs transfèrent, bon an mal an, près de 4 milliards d’euros vers leurs familles restées au pays, et tout le monde en profite, à commencer par l’État. C’est le premier poste dans les recettes de la balance des paiements, en alternance, certaines années, avec le tourisme. Or le tourisme dépend aussi, dans une large mesure, des Marocains du monde et de leurs descendants. L’assimilation amoindrirait sans doute ces deux flux.

Oui, mais qu’en faire ? Hassan II plaidait contre l’intégration des Marocains installés hors de leur pays. On se souvient qu’il leur avait demandé de ne pas voter aux élections françaises, sous Mitterrand. Quand les Pays-Bas accordèrent en 1983 le droit de vote à leurs ressortissants étrangers, Hassan II exigea de ses sujets installés dans les polders qu’ils n’en fissent pas usage. Sous Mohammed VI, les choses ont changé. Driss ElYazami, président du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger, organisme officiel rattaché directement au roi, déclarait dans une interview de 2008 : « Il faut que la politique générale du Maroc accompagne l’intégration des

Une équation compliquée A contrario, le soft power que Mohammed VI pourrait exercer par l’intermédiaire de ses sujets suppose un degré avancé d’assimilation, sans lequel leur réussite serait impossible : Ahmed Aboutaleb, le maire de Rotterdam, sert d’abord les Pays-Bas, auxquels il donne des gages tous les jours. Même chose pour Najat Vallaud-Belkacem ou Audrey Azoulay, la conseillère « culture » de François Hollande, qui servent d’abord la République. C’est donc une équation compliquée que Mohammed VI a essayé de résoudre pendant ses deux premiers septennats. Heureusement qu’il a quelques polytechniciens dans son entourage immédiat… l N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014


Grand angle Maroc l l l en fin de règne, décide alors de les réhabiliter sous la pression de l’Union européenne, inquiète du danger que commencent à présenter, pour la stabilité régionale, la culture et le commerce du cannabis marocain. Il crée l’Agence pour la promotion et le développement du Nord, une institution publique chargée de drainer les investissements vers cette région. Mais cette nouvelle politique ne prend réellement qu’avec Mohammed VI, qui réconcilie la monarchie marocaine avec le Nord ainsi qu’avec l’Oriental – qui a toujours pâti du différend entre Maroc et Algérie – en leur consacrant son premier voyage officiel après son intronisation en 1999, lançant au passage de grands projets d’infrastructures. Aujourd’hui, le nord du royaume ne se limite plus aux belles plages de Tanger, M’diq et Al-Hoceima, où le roi va souvent faire du jet-ski. Abritant le plus grand hub portuaire de l’Afrique de l’Ouest, Tanger Med, adossé à une zone franche, un réseau autoroutier et prochainement une ligne TGV entre Tanger et Casablanca, il est devenu un vrai pôle économique. l

N.L.

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ISLAMISME

Sous contrôle

Nommé par le roi en novembre 2011, le chef du gouvernement de Sa Majesté est un islamiste. Abdelilah Benkirane, secrétaire général du PJD, clame dès lors son allégeance. Il faut dire que les barbus n’étaient pas les partenaires de cœur du Palais, qui s’est surtout entouré de technocrates (gouvernements Jettou I et II, de 2002 à 2007). En 2007, un très proche du souverain, Fouad Ali El Himma (nommé conseiller royal fin 2011) créait un « Mouvement de tous les démocrates », prélude du Parti Authenticité et Modernité (PAM), ouvertement anti-islamiste. La cohabitation entre le Palais et Benkirane est un compromis. D’un côté,

JÉRÔME CHATIN/EXPANSION-REA

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p Pour relancer son industrie, le Maroc s’appuie sur des entreprises de pointe, comme SERMP, dans l’aéronautique.

la normalisation du PJD accrédite le changement promis par la Constitution ; de l’autre, son arrivée aux affaires désamorce son potentiel de contestation. Désormais, les islamistes d’opposition sont à chercher dans les rangs d’Al Adl Wal Ihsane, mouvement non reconnu légalement. Avec sa « réforme du champ religieux » – accélérée après les attentats terroristes du 16 mai 2003 –, le pouvoir contrôle et surveille les mosquées et les imams, en promouvant un « islam marocain », autour du soufisme, du rite malékite et de la doctrine achaarite. l Y.A.A.

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Mobilisés!

Le règne de Mohammed VI est aussi celui de la société civile. En quinze ans, le nombre d’associations s’est multiplié, leur domaine d’action s’est élargi et leur visibilité médiatique n’a cessé d’augmenter. On compte

7 septembre 2007. Élections législatives. Le PJD est coiffé sur le poteau par l’Istiqlal, dont le secrétaire général Abbas El Fassi sera nommé Premier ministre. N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

SOCIÉTÉ CIVILE

jusqu’à 60 000 associations en exercice dans le royaume – la plupart jeunes et dotées de moyens très faibles. Au cœur de l’action sociale, elles pallient les lacunes de l’État dans des domaines comme l’éducation, la lutte contre la pauvreté ou les services publics. Comme les nombreuses ONG qui agissent dans les zones rurales, les villages ou les bidonvilles. L’expertise des acteurs du monde associatif est reconnue à tel point que c’est sur eux qu’a presque entièrement reposé l’INDH, grand projet royal de lutte contre la pauvreté. L’autre versant, plus militant, a pris la forme d’actions de lobbying auprès des autorités pour faire avancer certaines causes. Les droits de l’homme, l’égalité hommes-femmes, la lutte contre la corruption mais aussi la représentativité amazigh doivent ainsi beaucoup à la mobilisation de la société civile. Pour le politologue Mohamed Tozy, « la nouvelle Constitution a été l’occasion d’entériner [son] rôle central dans la vie publique, dans le contrôle du gouvernement et comme force de proposition auprès du Parlement ». l L.S.

13 octobre 2008. Le Maroc est le seul pays du sud de la Méditerranée à obtenir le « statut avancé » de la part de l’Union européenne, qui lui permet d’accéder plus librement au marché européen. JEUNE AFRIQUE


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CÉCILE TRÉAL ET JEAN-MICHEL RUIZ

qDans sa démarche « green », le pays mise notamment sur l’énergie éolienne.

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INDUSTRIE

La grande oubliée

Le Maroc avait oublié son industrie. Pendant des décennies, il a suivi le modèle espagnol et profité de son soleil pour promouvoir avec succès le tourisme et l’immobilier, mais la conjoncture est devenue moins porteuse. Il a aussi compté sur sa main-d’œuvre bon marché pour miser sur le textile, avant que la Chine ravage le secteur à partir de 2001, avec des coûts encore plus bas. Le Maroc a réussi dans les services (banques, téléphonie, transports) mais la persistance du chômage en raison d’une forte proportion d’entreprises travaillant dans l’informel (30 %) et de la dégradation de la balance commerciale a persuadé le gouvernement de remettre l’industrie à l’honneur. C’est chose faite à travers trois des six « métiers mondiaux du Maroc », l’automobile (Renault), l’électronique et l’aéronautique (Safran, Bombardier), qui augmentent leur production à un

25 mars 2010. Fusion ONA-SNI : le holding royal et son bras financier fusionnent en une seule entité qui ne sera plus cotée en bourse. Désengagement du secteur agroalimentaire. JEUNE AFRIQUE

rythme accéléré. Mais cela profite surtout à Tanger et Casablanca et ne renforce pas un tissu industriel marocain très atomisé. C’est pourquoi Moulay Hafid Elalamy, ministre de l’Industrie et du Commerce, a lancé en avril un « plan d’accélération industrielle » épaulé par un fonds de 20 milliards de dirhams (environ 1,8 milliard d’euros). Sur le modèle des pôles de compétitivité français ou des clusters (grappes industrielles) italiens, ce plan entend faire coopérer, dans un environnement favorable, des PME désireuses d’exporter plus de valeur ajoutée. Objectif : 500 000 nouveaux emplois en sept ans. Ambitieux, car l’industrie n’en a créé que 75000 au cours des dix dernières années. l ALAIN FAUJAS

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ENVIRONNEMENT

Un souverain écolo

LesquinzeansderègnedeMohammedVI ont clairement été marqués par sa fibre « verte » et sa volonté de faire du Maroc

9 mars 2011. En réponse à la contestation du 20 février, le roi annonce une réforme constitutionnelle, adoptée avec 98 % de « oui » lors d’un référendum le 1er juillet.

un royaume écolo, où développement économique et protection de l’environnement feraient bon ménage. Peu de temps après son accession au trône, en 2002, il participe au Sommet mondial sur le développement durable, avant de ratifier le protocole de Kyoto la même année. Une démarche « green » soulignée par le monarque lors de son discours du trône de 2009, et qui se traduit dans les faits par l’adoption d’une Charte nationale de l’environnement en 2010 ainsi que le lancement de grands projets « amis » de la nature. Le projet de ville verte Mohammed-VI à Benguerir, portée par OCP, l’un des plus grands groupes industriels du royaume, en est un exemple édifiant. Ce n’est pas le seul. Dans le domaine de l’énergie, le pays, jusque-là grand consommateur de combustibles fossiles, mise désormais sur l’éolien et le solaire, avec un objectif pour le moins ambitieux : faire passer la part d’énergies renouvelables dans le mix énergétique du royaume à 42 % à l’horizon 2020. Un mégachantier suivi de près par Mohammed VI et dans lequel la l l l

2 janvier 2012. Nomination du cabinet Benkirane. Premières prises de contact, premiers couacs… Le roi laisse du champ à son chef de gouvernement mais garde la main. N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014


Grand angle Maroc

q Le port Tanger Med, un point d’entrée devenu incontournable pour les investisseurs étrangers.

ALEXANDRE DUPEYRON POUR J.A.

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l l l Société nationale d’investissement (SNI), le holding royal qui contrôle Nareva, l’une des premières sociétés marocaines d’énergie éolienne, est directement impliquée. l

MEHDI MICHBAL

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URBANISME

Un pays en chantier

Les sociétés de bâtiment et de travaux publics ne se sont jamais aussi bien portées que sous Mohammed VI. Le monarque a fait du Maroc un chantier à ciel ouvert. Ports, aéroports, autoroutes, infrastructures ferroviaires, grands projets urbains… En mai, il a lancé le programme de développement urbain et touristique « Rabat ville lumière, capitale marocaine

de la culture » pour élever la cité au rang de grande métropole internationale. Cette politique des grands travaux, financés à coups de centaines de milliards de dirhams par le budget public et par des financements internationaux, a été l’un des principaux moteurs de la croissance économique du pays. Elle a surtout favorisé l’émergence d’une classe moyenne qui consomme, voyage, s’ouvre sur le monde, se modernise… Si ce new deal à la marocaine s’essouffle depuis quelques années à cause de la crise financière internationale, il a néanmoins eu le mérite de préparer le royaume à sa deuxième phase de croissance, fondée avant tout sur ses capacités à attirer des investissements industriels à forte valeur ajoutée et à s’exporter. Ainsi, si Renault a installé en 2012 sa plus grande usine hors Europe à Tanger, c’est parce qu’il y a eu au préalable le port Tanger Med, les autoroutes et bientôt la ligne à

10 octobre 2013. Benkirane II : remaniement gouvernemental trois mois après le départ de l’Istiqlal. Avec le RNI, c’est le retour des technocrates.

N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

grande vitesse qui reliera les deux grands pôles économiques du pays : Tanger et M.M. Casablanca. l

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GOUVERNANCE

Changement dans les rangs

Dans l’un de ses premiers discours, le 12 octobre 1999, Mohammed VI promettait un « nouveau concept de l’autorité ». La fine fleur du ministère de l’Intérieur – walis, gouverneurs, directeurs de l’administration centrale – écoutait alors le jeune souverain lui énoncer ses responsabilités : « Assurer la protection des libertés, préserver les droits, veiller à l’accomplissement des devoirs et réunir les conditions nécessaires qu’exige l’État de droit. » Aux représentants de la nation, Mohammed VI demandait l l l

Février-mai 2014. Mohammed VI « l’Africain » entame une tournée : Mali, Côte d’Ivoire, Guinée, Gabon et Tunisie.

JEUNE AFRIQUE


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EN VÉRITÉ François Soudan

Sahara : l’autonomie, sinon rien

L

maîtres dans l’art de politiser le malaise identitaire et les divisions tribales, ainsi que les difficultés qu’éprouve une population sahraouie, largement subventionnée, à s’adapter aux exigences de la compétition économique.

’ARRIVÉE AU POUVOIR EN 1999, à trois mois d’intervalle, d’Abdelaziz Bouteflika et de Mohammed VI avait suscité l’espoir raisonné d’un new deal entre les deux frères ennemis du Maghreb. Quinze ans plus tard, les relations entre l’Algérie et le Maroc évoluent toujours entre le mauvais et l’exécrable, le Sahara demeurant plus que jamais le nœud gordien de cette triste guerre froide. On l’oublie souvent, mais les premiers à pâtir de cette mésentente sont les dizaines de milliers de réfugiés sahraouis du « nomadic park » de la région de Tindouf en Algérie (leur nombre réel est inconnu, le Front Polisario n’ayant jamais accepté un recensement international), lesquels vivent depuis quarante ans dans des conditions précaires, sous la houlette d’un chef suprême « réélu » à onze reprises et dont l’horloge historique s’est arrêtée aux années 1970, bien avant que souffle le grand vent des droits de l’homme. Signe de cette désespérance : la dérive de nombreux jeunes nés après l’exil, entre émigration clandestine vers l’Europe et tentation jihadiste au Sahel.

Quinze ans après, le temps où un secrétaire d’État adjoint américain insistait auprès du président Bouteflika – c’était en février 2000 – pour qu’il « aide » le jeune roi en « contribuant à trouver une solution » au problème du Sahara est définitivement révolu. Les frontières entre les deux pays sont toujours fermées malgré les propositions réitérées du Maroc pour les rouvrir, et Mohammed VI a pris son parti d’une poursuite unilatérale du processus d’autonomie, lequel est de plus en plus perçu par la communauté internationale comme la seule solution viable, sans pour autant oser la valider officiellement – ne serait-ce que parce qu’elle ne se conforme pas aux schémas prêt-à-porter d’une décolonisation classique. Comme chaque année au mois d’avril, l’ONU a ainsi décidé de prolonger de douze mois sa petite opération de maintien de la paix, beaucoup moins coûteuse que le risque d’un conflit ouvert entre les deux voisins. Sans illusions excessives, Rabat attend l’après-Bouteflika et l’arrivée au pouvoir à Alger d’une nouvelle génération pour qu’enfin l’équation saharienne connaisse un début de solution. On ne le répétera jamais assez : ce contentieux vieux de quatre décennies n’est pas la cause, mais la conséquence, de ce dialogue de sourds. l

De l’autre côté du mur de défense marocain, les quinze années écoulées auront été décisives. Lorsque Mohammed VI accède au trône, les conditions d’une vraie crise de confiance, presque d’une rupture sont réunies au Sahara. Le nouveau roi fait alors le bon diagnostic : ce que réclame la grande majorité des Sahraouis, ce n’est pas l’indépendance, mais le respect et la reconnaissance de leur spécificité. L’argent déversé sans compter sur les provinces du Sud ne suffit pas si l’exigence de dignité d’une population de souche désormais minoritaire n’est pas satisfaite et si nul, au nord de l’oued Draa, ne reconnaît ce que le Sahara a apporté au Maroc : un changement de dimension géopolitique capital et une unité retrouvée autour de la monarchie. L’option de l’autonomie et le refus d’un référendum avec vainqueurs et vaincus (qualifié d’« irréaliste » par l’ancien envoyé spécial de l’ONU Peter van Walsum) viennent de là. Pour sortir de « l’impasse illimitée » dénoncée par Kofi Annan, le Maroc dépose en 2007 un plan d’autonomie audacieux, ouvert et modulable, qui inscrit l’avenir de l’ex-Sahara occidental dans le cadre de la décentralisation et de l’ouverture démocratique du royaume. C’est ainsi que se gagnent les cœurs et les esprits.

JEUNE AFRIQUE

AMR NABIL/AP/SIPA

Reste que privilégier la négociation et la persuasion à la répression, tout en maintenant un maillage sécuritaire étroit, a aussi son revers. Le Front Polisario s’engouffre dans la brèche pour tenter de s’implanter à l’intérieur du territoire et de noyauter les revendications sociales. En octobre et novembre 2010, la mise en place puis le démantèlement du camp protestataire de Gdeim Izik (13 morts, dont 11 membres des forces de l’ordre) sont significatifs de ce nouveau rapport de force : les indépendantistes, bien que très minoritaires, sont passés

q Abdelaziz Bouteflika, le président algérien, et Mohammed VI, au sommet de la Ligue arabe en mars 2005.

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Grand angle Maroc l l l des compétences économiques : encourager l’investissement, réduire les tracasseries administratives. Un mois plus tard, le changement prenait surtout la forme d’un limogeage, celui de Driss Basri, vizir du roi Hassan II et ministre de l’Intérieur depuis 1979. Avec lui disparaissait une certaine « peur du flic ». Le départ de cette pièce centrale du dispositif hassanien a précipité la refonte des services, à commencer par la Direction générale de la surveillance du territoire, la police (DGSN) et les renseignements extérieurs (DGED). Des profils plus technocratiques (juristes, diplômés de l’ENA) sont ainsi nombreux à l’Intérieur. Du changement, même si le ministère ne dispose toujours pas de site web et que les ONG nationales (Association marocaine des droits humains) et internationales (Amnesty) s’inquiètent encore de cas de mauvais traitements. l

Y.A.A.

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CULTURE

Le défi berbère

En 1999, la question amazigh était cantonnée aux cercles militants. Hormis quelques partis bien implantés dans les régions berbérophones, la revendication culturelle et linguistique était surtout portée par des associations, relativement connectées à l’international. Le 17 octobre 2001, Mohammed VI, portant l’habit berbère, prononçait le discours d’Ajdir, en pleine région zayane. Une première reconnaissance de la « composante amazigh » au sein de la culture marocaine, appuyée par la création de l’Institut royal de la culture amazigh (Ircam). En 2011, la langue était enfin officialisée, dans la foulée de la réforme constitutionnelle. Mais les défis restent nombreux : après la bataille de la graphie tifinagh (alphabet de la langue amazigh), les enseignants de l’idiome veulent généraliser son apprentissage et jugent les efforts de l’État insuffisants. Surtout, les Berbères, majoritaires, souffrent encore souvent des tares du sous-développement. Les motifs de grogne dans les régions amazighs sont d’abord d’ordre économique et social, que ce soit à Boumalne-Dadès (2008), à Sidi Ifni (2008) ou à Imider (depuis 2011). La question amazigh n’est pas seulement culturelle, elle reste politique. l Y.A.A. l l l N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

DR

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Mohamed Tozy « Le roi gère le temps long, celui de la stratégie » Le politologue, directeur de l’École de gouvernance et d’économie de Rabat, a participé à l’élaboration de la nouvelle Constitution. Il analyse les évolutions du pouvoir, trois ans après le 20-Février. JEUNE AFRIQUE: Depuis 2011, le Maroc est doté d’une nouvelle Constitution et dirigé par un nouveau Premier ministre. Pourtant, on a l’impression d’un certain immobilisme politique. Comment expliquer ce paradoxe ? MOHAMED TOZY : Il n’y a pas réelle-

l’armée et la religion. Et le fait même que ces pouvoirs soient constitutionnalisés les met à portée d’une doctrine et d’une interprétation par la Cour constitutionnelle, lesquelles peuvent être plus ou moins expansives ou réductrices.

ment de paradoxe, sauf à se comparer aux autres pays de la région. Quand on parle de nouveau gouvernement, le changement doit être relativisé. Certes, le PJD [Parti de la justice et du développement, islamiste] dirige le gouvernement, mais il est aussi pris dans une coalition qui, pour le coup, est paradoxale. La deuxième composante la plus importante de la majorité est le RNI [Rassemblement national des indépendants], un parti qui a été de tous les gouvernements, depuis sa création en 1978. Cette situation renforce le pouvoir d’arbitrage du roi, qui reste l’institution la plus puissante.

Vous avez participé à la rédaction de la Constitution. Quels en sont les principes les plus forts ?

Face à ce pouvoir du roi, il y a des nouveautés importantes, occultées dans les premières lectures, un peu hâtives. La Constitution a entériné des principes forts. Premièrement, la source de la souveraineté, exprimée à travers les élections, est le peuple, à côté de la nation. L’expression populaire, par le biais des urnes et d’autres formes de participation, estainsiconsacrée.Deuxièmement,tous les textes réglementaires, de la loi organique à l’arrêté, sont inscrits dans une hiérarchie des normes. C’est quelque

La politique religieuse marocaine est un modèle qui s’exporte. Qu’est-ce qui a changé ?

Si on est attentif, le pouvoir royal a changédenature.Oui,lerapportdeforce politique au quotidien reste clairement à l’avantage de la monarchie, et cela relativise la promesse d’une « révolution en douceur », qui était suggérée par la réforme constitutionnelle de 2011. Mais la monarchie a changé de statut en devenant une institution pleinement constitutionnelle. Tous ses pouvoirs – sans parler de leur interprétation – sont désormais inscrits dans le texte. C’est une grande révolution par rapport au passé, car jusque-là les pouvoirs du roi étaient coutumiers, donc extensibles à l’infini. Cela dit, le roi dispose de larges prérogatives. Et certaines sont même totalement inédites, notamment sur

chose de très important, puisque les modes d’expression de l’État sont ainsi formalisés. Troisièmement, seul le Parlement vote les lois. Ce sont les principes constitutionnels d’un État de droit. Comment passer de la théorie à la pratique ?

Le chef du gouvernement, issu du parti vainqueur des élections, ne peut être renvoyé par le roi. Il y a donc un bicéphalisme, ce qui ne veut pasdire que les deux têtes aient la même taille. En tout cas, la cohabitation est nécessaire. À l’intérieur de cette cohabitation, il y a la reconnaissance de deux temps de la politique. Un temps long, stratégique, dévolu au roi : il est garant des intérêts JEUNE AFRIQUE


DAVID NIVIERE/SIPA

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p Discours annuel du roi lors de la cérémonie d’ouverture de la session parlementaire.

de la nation, arbitre entre différentes composantes de la politique ou de la société, protecteur du pluralisme et de la diversité. Et un temps court : celui du gouvernement, liant le vote et les programmes électoraux à la gestion quotidienne des affaires. Cette division doit encore s’affiner, mais on est loin de la « monarchie exécutive » prônée il y a encore quelques années. Le roi ne fait plus tout.

laquelle à chaque alternance, le nouveau pouvoir remplace l’administration sortante par une administration partisane « à sa main »]. Il y a eu une vraie bataille autour des nominations. Et la méfiance qui s’est installée a fait perdre des mois au gouvernement.

Pourquoi le gouvernement Benkirane n’exerce-t-il pas pleinement ses pouvoirs ?

Oui, c’est d’ailleurs comme cela que l’on peut lire cette coalition gouvernementale, qui n’est pas issue d’une alliance politique. Prenez l’exemple des « non-apparentés », ces profils technocratiques dont les noms ont été « soufflés » au Premier ministre. L’autorité du chef du gouvernement sur ses ministres est assez évidente, même si certains ont des velléités d’autonomie, soit parce qu’ils considèrent que leur loyauté va d’abord au roi, soit parce que la nature des dossiers qu’ils gèrent est jugée sensible. On l’a vu récemment avec une passe d’armes entre Benkirane et le ministre de l’Intérieur, Mohamed Hassad, au sujet des prochaines élections communales. Il y a donc cohabitation à l’intérieur même du gouvernement. Mais Benkirane garde un net avantage sur ses ministres, surtout quand il utilise son talent de communicant.

De l’aveu même des membres du PJD, le problème du gouvernement, et surtout celui des islamistes, est un manque de capacités propres. Le parti majoritaire n’a pas les ressources humaines suffisantes pour gérer le pays. De plus, les habitudes de l’ancien système perdurent et freinent l’installation d’un gouvernement de plein exercice. Ensuite, la gestion de la coalition gouvernementale est compliquée, avec des intérêts parfois divergents entre partis. Avec le remplacement du parti de l’Istiqlal par le RNI, une partie du cabinet semble échapper à l’idée de solidarité gouvernementale. On a l’impression que la loyauté de la « technostructure » est plutôt orientée vers le Palais que vers le gouvernement…

C’est vrai. L’administration a été en partie refroidie par l’entrée en matière du PJD, lequel portait un discours perçu comme hostile. L’arrivée d’un parti qui n’avait jamais connu le pouvoir a fait planer l’ombre d’un spoils system [En politique américaine, pratique selon JEUNE AFRIQUE

Peut-on parler de division du travail au sein du gouvernement: au PJD, la fonction tribunitienne ; au RNI, les aspects techniques et administratifs ?

Où sont passés les jeunes du 20-Février?

Il faut distinguer deux choses : le discours et le mouvement politique. L’esprit est encore présent, la marque 20-Février n’est pas morte. La monarchie parlementaire, qui était sa revendication principale, reste un idéal, un horizon.

Mais ce discours n’a plus de contenu social. Différents mouvements s’étaient ralliés sous sa bannière et sont, depuis, revenus à leurs étendards particuliers : syndicats, islamistes Al Adl Wal Ihsane, AMDH(Associationmarocainedesdroits humains) et Annahj (parti d’extrême gauche), etc. Ce repli officiel a été consacré par le retrait d’Al Adl Wal Ihsane, qui portait le mouvement à bras-le-corps. Mohammed VI est reconnu comme Commandeur des croyants, parfois même à l’extérieur du Maroc. Est-ce un nouvel atout diplomatique ?

C’est l’exemple d’une politique interne qui s’exporte. Depuis une dizaine d’années, le ministère des Affaires islamiques est dirigé par un historien soufi, Ahmed Toufiq, qui poursuit un projet d’élaboration d’un dogme marocain, fondé sur un triptyque : rite malékite, doctrineachaarite,soufisme.Autourdela notion de « sécurité spirituelle », il fallait ériger un rempart contre l’intégrisme et faire pièce à la fois au wahhabisme et au chiisme. Lors de sa dernière visite en Afrique de l’Ouest, Mohammed VI a réalisé un véritable one-man-show où étaient rassemblés tous les ingrédients de l’histoire impériale et du leadership religieux. Ce qui est intéressant, c’est que l’environnement international semble très curieux de ce modèle marocain, qui s’appuie sur une bureaucratisation du religieux. Cela participe, à l’évidence, du prestige du monarque. l Propos recueillis par YOUSSEF AÏT AKDIM

Monarchie et Islam politique au Maroc, de MohamedTozy, Presses de Sciences-Po, 1999 N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014


Grand angle Maroc

lll

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POLITIQUE

En quête de repères

Dans le royaume chérifien, il existe une contradiction préoccupante. Alors que les grands chantiers du pays avancent, sa classe politique régresse. Les partis sont toujours en crise, cristallisée autour de l’idéologie, du leadership ou du discours, devenu populiste à souhait. Les guerres de chiffonniers, par médias interposés, ont remplacé les

CAMILLE MILLERAND

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débats de fond. Une polémique sans fin entre l’Istiqlal de Hamid Chabat, le PJD d’Abdelilah Benkirane et l’USFP (Union socialiste des forces populaires) de Driss Lachgar. Le tableau n’est pas si noir : les évolutions sociales obligent les politiciens à soulever de nouveaux thèmes comme le viol, la légalisation du cannabis, le rôle de la femme ou la peine de mort. Pourtant, la classe politique dans sa globalité n’évolue pas au rythme souhaité. Tout au long de ces quinze dernières années, elle a donc été progressivement

supplantée par les technocrates. Il fallait bien gérer un pays en mouvement. Issus des grandes écoles ou du monde de l’entreprise, ces « managers » ont été placés dans des partis (essentiellement au sein du RNI, libéral), histoire de leur donner une couleur politique, avant d’être nommés au gouvernement. Jusque-là, ce processus de technocratisation a fonctionné. Mais peut-il perdurer ? Construire une démocratie nécessite d’abord de façonner sa classe politique. l N.L.

Driss El Yazami « Le Maroc voit émerger l’individu »

Pour le président du Conseil national des droits de l’homme, les avancées sociales inscrites dans la nouvelle Constitution sont le reflet de décennies d’évolution de la société et du jeu politique.

JEUNE AFRIQUE : En tant que membre de la Commission consultative de révision de la Constitution (CCRC), que pensez-vous de la place des droits de l’homme dans le nouveau texte ? DRISS EL YAZAMI : Si on relit les

contributions au débat constitutionnel des partis politiques, des associations, des syndicats, on voit que la revendication des droits de l’homme était transversale. La commission consultative s’estd’ailleurslargementappuyéesurles recommandations de l’Instance Équité et Réconciliation [chargée d’établir les responsabilités collectives dans les violations des droits entre 1956 et 1999 et dont il fut l’une des chevilles ouvrières]. Un tiers de la Constitution est imprégné de la culture des droits de l’homme. Comment peut-on expliquer une telle évolution ?

Je crois que cela reflète d’abord les évolutions silencieuses qui ont lieu dans notre société. Le Maroc a connu des changements sociaux profonds et dont le rythme s’est accéléré ces dernières décennies. Près de sept millions de Marocains sont aujourd’hui dans le système scolaire. C’est un décollage culturel réel bien que tardif, si on le compare par exemple à la Tunisie. Puis, il y a la transition démographique : en 1970, le taux de fertilité était de N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

sept enfants par femme contre 2,2 aujourd’hui. Par ailleurs, le taux d’urbanisation atteint presque 60 %. Ensuite, les Marocains sont davantage connectésaumonde.Tousceséléments contribuent à faire émerger l’individu comme catégorie sociale.

La tendance est à la multiplication des instances participatives. Au détriment des élections et de la démocratie représentative ?

En encourageant ces institutions, le Maroc participe d’une mondialisation positive. La crise de la démocratie

Un tiers de la Constitution est imprégné de la culture des droits de l’homme. Quel est le rôle des partis politiques dans ce processus ?

Je pense que l’évolution constitutionnelle reflète une histoire politique particulière. La réforme a été amorcée bien avant 2011, et la singularité marocaine doit tenir compte d’une histoire faite de débats pluralistes. Le Maroc n’a pas connu le parti unique, il a même expérimenté un certain libéralisme syndical, partisan, linguistique, voire économique. Parfois contraint, mais réel. Le jeu politique entre partis et monarchie évolue depuis les années 1990. À la fin du règne de Hassan II, il y a eu l’amnistie des prisonniers politiques, la libération des détenus… Cinq films importants sur la répression, bénéficiant de fonds publics, ont été produits entre 2000 et 2004. Et la littérature carcérale a été très riche.

représentative est mondiale, ce dont témoignent l’abstention, la vigueur des mouvements contestataires et la montée du populisme. Le Maroc est en train d’installer des organes de démocratie participative pour épauler la représentation classique. Nous avons eu le médiateur, le Conseil consultatif des droits de l’homme (devenu CNDH), l’Instance centrale de prévention de la corruption (ICPC). Désormais, toutes ces instances sont constitutionnelles et leur nombre s’est même élargi. Si on y ajoute le droit de pétition et d’initiative législative, cela va dans le sens d’une plus grande capacité de participation politique et c’est l’une des ruptures introduites par la Constitution de 2011. l Propos recueillis par YOUSSEF AÏT AKDIM JEUNE AFRIQUE


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Casse-tête

kinois

Il y a neuf mois, le président annonçait la formation d’un gouvernement d’ouverture. Depuis, le monde politique et les milieux économiques sont suspendus à sa décision. Manifestement, Joseph Kabila a quelques raisons de prendre son temps.

PIERRE BOISSELET

O

n ne sait où Joseph Kabila se trouvait dans l’après-midi du 22 juillet. Mais les coups de feu, qui ont fait sursauter tout Kinshasa, n’ont pu laisser le chef de l’État indifférent. Le camp militaire Tshatshi, qui abrite la garde républicaine, était pris d’assaut pour la deuxième fois en moins d’un an. Le 30 décembre 2013, dans la capitale congolaise, l’aéroport de Ndjili et le siège de la RadioTélévision nationale congolaise (RTNC) avaient aussi été investis par un groupe d’hommes munis d’armes blanches et tout aussi mal organisés que ceux du 22 juillet. La réaction de l’armée congolaise, sur les dents, a été la même dans les deux cas : rapide, impitoyable et brutale (sept morts le 22 juillet, six assaillants et un officier). Et rappelle, si cela était nécessaire, la fébrilité qui règne dans le pays. SOLITUDE INÉDITE. À Kinshasa, cela fait plusieurs

mois que les autorités s’inquiètent des risques sécuritaires. En particulier depuis le début des opérations d’expulsions décidées par Brazzaville en avril. Plus de 200 000 Congolais aux opinions et aux intentions mal connues ont traversé le fleuve, et sont venus gonfler le flot d’incertitudes. Par ailleurs, si la rébellion du Mouvement du 23-Mars (M23) a été défaite en novembre 2013, le fief des Kabila, dans le nord de la province du Katanga, est toujours déstabilisé par les milices N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

autonomistes. Si bien que le président a dû se rendre en personne à Lubumbashi pour tenter d’apaiser les craintes de ceux qui s’estiment injustement marginalisés. C’est donc un Joseph Kabila préoccupé par de multiples dossiers qui gouverne la vaste République démocratique du Congo. D’autant qu’il doit assumer cette tâche dans une solitude inédite, depuis la mort dans un accident d’avion, en février 2012, du plus proche de ses conseillers, Augustin Katumba Mwanke. Bien sûr, le président consulte des membres de confiance de son entourage. Parmi eux, sa sœur Jaynet, députée, son ambassadeur itinérant, Séraphin Ngwej, ou encore son ambassadeur à Kigali, Norbert Nkulu, qui passe le plus clair de son temps à Kinshasa, en dépit de ses attributions. Mais aucun n’a acquis l’influence de l’ancienne « éminence grise » de Kabila, qui agissait avec une large autonomie. « Comme le président ne délègue plus, explique un observateur, un goulot d’étranglement s’est formé et la prise de décision s’est ralentie. » S’il est un dossier qui illustre cette quasi-paralysie, c’est celui de la formation du gouvernement dit de « cohésion nationale ». Annoncée dans le discours présidentiel du 23 octobre 2013, elle se fait toujours attendre. Et cela fait donc plus de neuf mois que le monde politique congolais est tout entier suspendu à ce remaniement. Neuf mois pendant lesquels moult conseillers en tous genres ont cru pouvoir annoncer l’identité du prochain Premier ministre ou la date de sa nomination. Neuf mois que des hommes politiques venus l l l JEUNE AFRIQUE

NOOR KHAMIS/REUTERS

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u Le chef de l’État congolais délègue de moins en moins et réfléchit de plus en plus seul.



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Afrique subsaharienne RD Congo des quatre coins du pays séjournent dans des hôtels de la capitale, espérant ainsi pouvoir mieux plaider leur cause. lll

ENTRAVÉ. Cette attente, d’une longueur elle aussi

inédite, fait le bonheur de quelques hôteliers, mais est en revanche nuisible à l’économie. « En ce moment, les investisseurs étrangers préfèrent attendre,constateundiplomateeuropéen.Ilssavent que leurs interlocuteurs dans les ministères ne vont peut-être pas rester en poste très longtemps. Ils savent aussi que la continuité de l’État est encore loin d’être une réalité en RD Congo. » Quant au gouvernement, il s’est trouvé entravé, dès le mois de novembre, par la consigne de se contenter d’expédier les affaires courantes donnée par le Premier ministre, Augustin Matata Ponyo. Ce dernier avait alors remis la démission de tous les membres de son gouvernement. « C’était une décisiondepureforme quin’apasétévéritablement appliquée », minimise aujourd’hui un conseiller à la primature. En réalité, le chef de l’État n’a guère apprécié cette initiative, interprétée comme une manière de précipiter sa décision. Peut-être Matata, qui jouit d’une certaine popularité, y compris chez les bailleurs de fonds étrangers, a-t-il cru pouvoir pousser son avantage pour être rapidement reconduit. Erreur. Pour le président, il était urgent d’attendre et de garder toutes les options ouvertes. Conséquence : c’est à une véritable guerre des « premier-ministrables » (plus ou moins autoproclamés) qu’ont assisté les Congolais, parfois médusés, ces derniers mois. Et c’est bien sûr Augustin Matata Ponyo, tenant du titre, qui s’est retrouvé au centre des attaques. Il y a par exemple eu cette charge d’Albert Yuma Mulimbi, le président de la Fédération des entreprises du Congo – qui, dit-on, est intéressé par le poste. Ce dernier, Katangais, patron, entre autres, de la Gécamines et réputé proche du président, avait sévèrement critiqué la politique de la primature dans un discours prononcé en janvier dernier, allant jusqu’à considérer comme faux les chiffres officiels de la croissance. « Cette attaque est inadmissible! Elle nuit à l’intérêt du pays en remettant en question notre crédibilité, s’énervait-on à la primature. Nous avons été obligés de réagir par un communiqué. » Sur la défensive, le Premier ministre a aussi sévi contre le vice-Premier ministre chargé du Budget, Daniel Mukoko Samba. Alors que le nom de ce dernier circulait comme pouvant être un prétendant sérieux pour le poste, Matata Ponyo l’a suspendu des réunions de son cercle rapproché… Et puis il y a eu ces étranges fuites dans les médias, accusant le ministère des Finances d’avoir ouvert illégalement des comptes, abondés par des fonds publics, dans des banques privées. Derrière le ministre Patrice Kitebi, c’est bien le Premier ministre qui était visé. Une enquête parlementaire avait alors N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

Les « premierministrables » dont les noms reviennent le plus souvent

Augustin Matata Ponyo

Premier ministre

Léon Kengo wa Dondo

Président du Sénat

Daniel Mukoko Samba

Vice-Premier ministre chargé du Budget

Albert Yuma Mulimbi

Président de la Fédération des entreprises du Congo et de la Gécamines

Aubin Minaku

Président de l’Assemblée nationale

Moïse Katumbi Chapwe

Gouverneur de la province du Katanga

été ouverte par le Sénat, présidé par… Léon Kengo wa Dondo. À 79 ans, ce vieux briscard de la politique congolaise se verrait bien retrouver une troisième et dernière fois la primature (il a été deux fois Premier ministre sous Mobutu). Kengo wa Dondo avait annoncé, avant le président lui-même, la constitution de ce gouvernement de cohésion nationale. Et il a consulté pendant plusieurs semaines pour former une équipe incluant des ministres issus de l’opposition. Avait-il mandat pour le faire? Et sinon, le président en a-t-il pris ombrage ? TACITE RECONDUCTION. L’option d’un gouverne-

ment de large ouverture, qui fut longtemps évoquée, paraît en tout cas incertaine aujourd’hui. D’autant que les plus gros poissons de l’opposition se sont pour l’instant tenus à l’écart. Selon un membre bien informé de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS, principal parti d’opposition), des émissaires sont entrés en contact avec la famille du leader du parti, Étienne Tshisekedi (notamment avec sa femme, Marthe), pour proposer un poste à son fils Félix. Mais une déclaration cosignée par celui-là mi-juillet appelant la Cour pénale internationale (CPI) à juger Joseph Kabila démontre que les contacts ont fait long feu. Quant au Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba, toujours détenu par la CPI, il paraît durablement affaibli et ne présente plus le même intérêt pour le pouvoir. Surtout depuis l’arrestation de quatre proches de l’opposant, qui a conduit à de nouvelles charges pour « subornation de témoin ». JEUNE AFRIQUE


Casse-tête kinois fallait donner de l’espoir à une opposition encore très remontée par les élections contestées de 2011 et rassembler le pays pour gagner la guerre dans l’Est. Aujourd’hui, les discussions continuent pour former ce nouveau gouvernement, mais Kabila n’a plus autant de pression pour les faire aboutir rapidement. »

JUNIOR D. KANNAH/AFP

SCÉNARIOS ÉLECTORAUX. Surtout, entre-temps,

Dans l’entourage du Premier ministre, certains estiment même qu’il faut interpréter le silence présidentiel comme une tacite reconduction du gouvernement actuel. Il est vrai que dans son discours du 30 juin, le président annonçait dans une belle litote qu’il allait s’y prendre « avec méthode mais en évitant toute précipitation ». Comprendre: l’agitation ne paiera pas, et le président prendra tout le temps qu’il estime encore nécessaire pour résoudre son casse-tête. « Depuis l’annonce de ce gouvernement de cohésion nationale en octobre 2013, la situation a changé, analyse le chercheur américain Jason Stearns. À l’époque, il

p Gardes républicains à l’entrée du camp militaire Tshatshi, après son attaque par un groupe armé (le 22 juillet, à Kinshasa).

l’approche de l’échéance de 2016, qui devrait être sa dernière année au pouvoir en vertu de la Constitution, est devenue le sujet de préoccupation majeure. La question se pose avec d’autant plus d’acuité que Washington exerce une pression de plus en plus importante sur le sujet (lire encadré). Les scénarios possibles sont encore nombreux. Tenter une révision parlementaire ? organiser un référendum constitutionnel ? laisser le processus électoral s’enliser pour repousser la présidentielle et gagner du temps ? ou désigner un dauphin et se retirer en 2016, avant, peut-être, de se représenter cinq ans plus tard? De la stratégie de Joseph Kabila pour aborder cette échéance cruciale dépendra très certainement la composition du prochain gouvernement. « On ne sait pas quelles sont ses intentions, confie un cadre proche de l’exécutif. Mais s’il veut rester au pouvoir au-delà de 2016, il aura besoin d’un chef de gouvernement très politique et manœuvrier, avec une équipe élargie, pour coopter certains opposants. » S’il décide de quitter la présidence, peut-être le chef de l’État décidera-t-il de préparer dès maintenant un successeur. La composition du futur gouvernement donnera donc des clés pour comprendre ses intentions. Visiblement, Joseph Kabila n’est pas encore arrivé au bout de sa réflexion. Comme il l’a répondu au quotidien belge Le Soir, qui récemment lui demandait une interview : « Le meilleur des discours, c’est le silence. » l

WASHINGTON MAINTIENT LA PRESSION

J

oseph Kabila ne prise pas particulièrement les longs déplacements à l’étranger. Mais c’est lui qui devrait être présent à Washington pour le sommet États-Unis - Afrique, du 4 au 6 août. Il ne rencontrera cependant pas Barack Obama en tête à tête (le président américain a prévu de s’adresser aux chefs d’État du continent collectivement), mais les faits et gestes des deux hommes seront scrutés avec attention par la presse congolaise. Car

JEUNE AFRIQUE

depuis plusieurs mois, les États-Unis se montrent très attentifs à ce qui se passe à Kinshasa, en particulier à l’éventualité d’une révision constitutionnelle qui permettrait au président de se représenter pour un nouveau mandat. On ne compte plus les déclarations en ce sens de Russell Feingold, l’envoyé spécial des États-Unis dans la région des Grands Lacs. Ce message avait été porté par le secrétaire d’État américain, John Kerry, lors de son

passage à Kinshasa en mai. Depuis, un texte signé par Barack Obama lui-même s’est montré encore plus ferme et explicite. Dans un executive order (sorte de décret ayant force de loi) intitulé « À propos de la République démocratique du Congo », publié le 8 juillet dernier par la Maison Blanche, le président américain a modifié les motifs pouvant provoquer des sanctions américaines, à commencer par le gel des avoirs présents sur le sol des

États-Unis. Le texte, qui semble rédigé sur mesure pour tenter de dissuader tous ceux qui seraient tentés de déverrouiller la limitation constitutionnelle du nombre de mandats successifs, cite notamment tous les « responsables ou complices […] d’actions ou politiques qui nuisent au processus démocratique ou aux institutions de la République démocratique du Congo ». Difficile d’être plus clair. l PIERRE BOISSELET N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

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Afrique subsaharienne CENTRAFRIQUE

Les anti-balaka ont leur « Monsieur Propre » Ex-ministre des Sports de François Bozizé, Patrice-Édouard Ngaïssona est devenu le coordinateur général du mouvement. Son objectif : le transformer en un parti politique respectable pour participer aux élections prévues début 2015.

C

réée en réaction aux exactions commises par l’ex-Séléka, qui a pris le pouvoir en mars 2013, la milice anti-balaka (majoritairement chrétienne) cherche à asseoir sa légitimité en tant que parti politique, en vue des élections prévues pour février 2015. Mais les dissensions internes et le manque de structures ralentissent le processus, sur fond de ressentiment ethnique. En parallèle, à Bangui, les exactions commises par ses membres ont fait perdre à la milice la popularité dont elle a pu jouir au début du conflit. Cela n’empêche pas certains politiciens de se réclamer du mouvement anti-balaka et de rechercher ses faveurs. Preuve que le « label » n’est pas encore éculé. BOMBARDÉ. À l’entrée de sa maison,

juchée sur une colline du quartier de Boye-Rabe, dans le nord de Bangui, des hommes en armes fouillent les sacs et les poches des visiteurs. Traversant la cour, Patrice-Édouard Ngaïssona, 42 ans, coordinateur général des anti-balaka, est accueilli par des saluts militaires. Quelques minutes plus tard, bien calé dans son fauteuil, il se dit serein. Il ne craint pas la « justice des hommes ». À raison, semble-t-il. Il a déjà été poursuivi pour détournement de fonds du temps de François Bozizé, qui l’avait bombardé ministre de la Jeunesse et des Sports dans le gouvernement d’union nationale, en février 2013. Fin mai 2013, il a fait l’objet d’un mandat d’arrêt international, lancé par la justice centrafricaine pour « crimes contre l’humanité et incitation au génocide, complicité de tueries et assassinats ». Auditionné dans ce cadre en avril dernier et laissé en liberté sous contrôle judiciaire, le leader anti-balaka sait que la justice a été jusqu’à présent plutôt clémente avec lui. Certes, à la demande des autorités judiciaires centrafricaines, la Cour pénale internationale (CPI) a ouvert une enquête sur les exactions commises dans le pays depuis septembre 2012, laquelle N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

pourrait bien mettre en cause des miliciens anti-balaka. Des accusations que Ngaïssona balaie d’un revers de main : si des exactions ont été commises, c’est sur le principe de l’autodéfense, face aux violences perpétrées par l’ex-Séléka. « Est-ce qu’un soulèvement contre l’arbitraire est passible de poursuites ? Ça n’a pas de sens », s’agace-t-il. Avant de conclure : « Les tueries, on n’en fait plus. » Point. En attendant « la justice de Dieu », le coordinateur général anti-balaka œuvre donc à la transformation de son mouvement en parti politique. Qu’on ne l’accuse pas de vouloir ralentir la tran-

Ensuite, le mouvement aura vraiment de quoi peser et faire face à son adversaire. On retrouve là le président de la Fédération centrafricaine de football et ex-ministre des Sports. Patrice Ngaïssona travaille donc sur les statuts juridiques de son mouvement. Il est aidé dans cette tâche par le capitaine Joachim Kokaté, conseiller ministériel et chargé des relations extérieures pour les anti-balaka. Issu de l’ethnie yakouma, le capitaine Kokaté souhaite une refonte complète de l’armée, constituée essentiellement de Gbayas, l’ethnie de l’exprésident Bozizé. Et le mouvement anti-balaka peut constituer un vivier, si des recrutements pour une nouvelle armée natioIl l’assure, l’ancien chef de l’État nale se révélaient nécesn’a jamais donné un franc à son saires. Il s’agit de lisser le organisation. discours et de « toiletter » un peu le bureau politique, sition : au contraire, il assure qu’il est là afin d’apparaître comme neuf aux yeux pour l’aider. Il rêve d’élections rapides, des électeurs et de la communauté « comme au Mali ». Et, comme on n’est internationale. jamais mieux servi que par soi-même, il ajoute: « Il n’y a pas d’hommes politiques AFFAMÉS. D’ici là, un coup de pouce dans ce pays. Seuls les anti-balaka et du gouvernement de transition serait l’ex-Séléka sont en mesure, aujourd’hui, le bienvenu. En effet, l’argent, les véhide ramener la paix. » Dont acte. cules et les postes offerts par la présidente, Catherine Samba-Panza, ne Reste que, à la différence du mouvement porté par Michel Djotodia, qui, lui, suffisent plus. Patrice Ngaïssona réclame est en mesure de mener des offensives « la reconnaissance intellectuelle » du également sur le plan diplomatique, mouvement par l’État. Son porte-parole, les anti-balaka ne sont pas structurés. Émotion Namsio, va plus loin: « Personne Selon Ngaïssona, il faut « décentraline déposera les armes tant que notre acte ser le mouvement », qui compterait de bravoure ne sera pas reconnu. » Et, 53 000 personnes. Mais aussi « trouver surtout, tant que le mouvement n’aura des financements » et, comme l’a fait pas reçu de financements. Car s’il n’y l’ex-Séléka, cantonner les combattants. avait pas la misère, Ngaïssona l’assure,

Chassés croisés 24 mars Après six mois d’exactions, la Séléka, coalition rebelle (majoritairement musulmane), prend le contrôle de Bangui. Son leader, Michel Djotodia, se proclame chef de l’État.

2013 13 septembre Dissolution de la Séléka par Michel Djotodia.

5 décembre Les milices d’autodéfense anti-balaka (« anti-balles AK 47 », majoritairement chrétiennes) attaquent Bangui. La France lance l’opération Sangaris. JEUNE AFRIQUE


ISSOUF SANOGO/AFP

Afrique subsaharienne

p À Bangui, en février. « Les tueries, on n’en fait plus », jure-t-il aujourd’hui.

ses miliciens ne commettraient pas la moindre exaction. Il les justifie cependant en estimant qu’il est « très difficile de contrôler des hommes affamés ». Proche de François Bozizé, le leader anti-balaka affirme que l’ancien chef de l’État n’a jamais donné un franc à son mouvement – ce que même des membres de sa garde rapprochée contestent. Il dit avoir juste reçu 7 millions de F CFA (10 670 euros), « à titre personnel », de la part de la présidente, Catherine Samba-Panza : « La première fois, dit-il, elle nous a donné 4 millions, et la deuxième, 3. À part cet argent, on n’a rien touché. » C’est d’ailleurs pour une question de répartition des ressources que, ces trois derniers mois, des querelles de leadership ont opposé le coordinateur général au désormais coordinateur général adjoint, Sébastien Wénézoui. Ce dernier

explique que les tensions seraient dues à la proximité de Patrice Ngaïssona avec François Bozizé. Selon lui, l’équipe de Ngaïssona travaillerait discrètement au retour du président renversé et n’aurait rien reversé au mouvement de l’argent offert par l’ancien chef de l’État, son fils et l’actuelle présidente de transition. CHAUD, FROID. Bozizé n’est jamais très

loin. Dans le bureau politique récemment constitué par le mouvement, seuls les Gbayas, son ethnie, seraient représentés, créant des frustrations parmi les antibalaka. L’histoire se répète. En effet, durant ses dix années de pouvoir (de 2003 à 2013), François Bozizé a largement favorisé les Gbayas au sein de l’armée, attisant les frustrations. Ce qui a fait, indirectement, le jeu de la rébellion. Joachim Kokaté, qui souffle le chaud et le froid dans ce conflit interne, veille

à atténuer les tensions ethniques au sein du mouvement : « Les anti-balaka ne sont pas seulement l’affaire des Gbayas », affirme-t-il. Si Kokaté se présente comme opposant à l’ex-président, il a toutefois créé avec lui, lors de son exil en France, le Front pour le retour à l’ordre constitutionnel en Centrafrique (Frocca), dont les partisans œuvrent au retour de Bozizé. Un autre discours apparaît en filigrane. Il y aurait les « vrais » et les « faux » antibalaka. Les « faux » seraient ceux utilisant le label à des fins criminelles, et dont les leaders pourraient se débarrasser s’ils devenaient trop gênants. Quant aux « vrais », il s’agirait des hommes de Ngaïssona, ceux que l’on a envoyés chercher à Bossangoa (dans le nord-est du pays), notamment, après le massacre de leurs familles par l’ex-Séléka, pour constituer le mouvement d’autodéfense. Ces derniers ont permis au gouvernement de transition de s’installer et constituent le gros de l’entourage de Ngaïssona. Mus par un besoin de revanche, ils ont participé aux violents combats qui ont fait tomber la Séléka et fuir les musulmans. D’autres grossissent les rangs de la milice chaque jour, demandant à être alignés sous la bannière nationale. Les divisions internes ont pu être apaisées grâce à la médiation d’une association créée spécialement pour l’occasion, Mouda, présidée par la fille de Catherine Samba-Panza, installée en France. « Sangaris nous a conseillé de rester soudés et de constituer un bureau politique. C’est pour cela qu’on a proposé Wénézoui », explique le capitaine Gilbert Kamezolaï. L’officier a depuis quitté le mouvement. Sébastien Wénézoui, avec son discours pacifiste, ne s’y est pas trompé : « Les anti-balaka sont l’armée et les électeurs de demain. » Et cela mérite bien d’oublier quelques tensions internes. l DOROTHÉE THIÉNOT, envoyée spéciale à Bangui

2014 10 janvier Démission de Michel Djotodia, qui se réfugie au Bénin.

JEUNE AFRIQUE

14 janvier Catherine SambaPanza, maire de Bangui, est élue présidente du gouvernement de transition.

Janvier-avril Fuyant les violences des membres des milices anti-balaka, des milliers de musulmans se réfugient dans les pays voisins.

20 juin À l’initiative de Mouda, les responsables du mouvement antibalaka se concertent pour créer une coordination unique et aplanir leurs querelles de leadership.

12 juillet Assemblée générale de l’ex-Séléka à Birao, dans le nord du pays, qui reconduit Michel Djotodia (toujours à Cotonou) à la tête de sa coordination politique.

21-23 juillet Forum pour la réconciliation nationale et le dialogue politique à Brazzaville.

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Afrique subsaharienne

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CÔTE D’IVOIRE

Abidjan et ses drôles de dames

PHOTOS : ANANIAS LEKI DAGO POUR J.A.

Trois filles ont débarqué sur les bords de la lagune Ébrié. L’une y a créé sa société, une autre y est auditrice financière pour un grand cabinet, la dernière participe à la réinstallation de la BAD.

L

undi 21 juillet. En ce début de semaine, Abidjan semble plus animéquejamais.Danslequartier d’affaires du Plateau, on s’agite. Un flot de travailleurs en tout genre envahit les rues, tandis que dans les embouteillages onjouedurétroviseurentre4x4bling-bling et taxis déglingués. À10h30,premiertexto:«Problèmelogistique. Est-ce qu’on peut se voir en dehors du bureau? » Pour Haoua Mamoudou, les journées de travail commencent souvent par de petits imprévus. Au sortir d’un rendez-vous, elle débarque en taxi, en tailleurpantalon, petits talons et lunettes carrées. À 31 ans, la businesswoman est à la tête de Focus Ventures (West Africa), une société qui accompagne les entreprises souhaitant s’implanter en Afrique de l’Ouest ou y développer leurs activités. « Un créneau sur lequel il y a de plus en plus de monde », admet-elle. Mais elle a l’avantage d’être sur le terrain depuis plusieurs années. Franco-nigérienne,multidiplômée(business international à l’université de Caen et ingénieriefinancièreàl’universitéParis-XII, en France, cursus complété à l’université nationale de Yokohama, au Japon), Haoua Mamoudou a vécu par intermittence à Abidjan entre 2009 et 2011, lorsqu’elle travaillait pour une société de microfinance. Elle s’y est installée définitivement début 2013. « J’avais une vision assez optimiste de N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

cequeseraitlaCôted’Ivoirepostcriseetme suis dit que le pays bénéficierait d’un effet de rebond économique, explique-t-elle, smartphone et tablette électronique en mains. J’ai donc pris le pari d’y démarrer ma propre activité. Un choix que je ne regrette absolument pas. » Et pour cause: en moins de deux ans, son entreprise a déjà accompagné près d’une vingtaine de clients, s’est agrandie, et a recruté deux nouveaux collaborateurs. « Abidjan a toujours été un hub pour les affaires. Mais il a quelque chose de plus

à Paris, partir pour Londres, New York ou Hong Kong, mais ont préféré les bords de la lagune Ébrié. Désir de profiter et de participer au développement économique du continent, attachement pour le pays ou simple opportunité de carrière, leurs motivations sont diverses. Il est 12h30. Djeneba Gory, 29 ans, se démène, elle aussi, en taxi. Texto: « Je suis un peu en retard, mais on peut se voir maintenant… » Elle revient de l’ambassade du Burkina Faso, où elle a demandé un visa pour sa prochaine mission. Auditrice financièreexpérimentée chez KPMG, le leader « C’est une ville où l’on peut rêver international de l’audit, de devenir qui l’on veut vraiment. » elle a rejoint le bureau HAOUA MAMOUDOU, fondatrice-directrice associée de Focus Ventures régional du groupe à Abidjan il y a tout juste que les autres, ajoute-t-elle. C’est l’une sept mois. L’avenir dans l’Hexagone de des rares villes du continent où l’on peut cetteFranco-Maliennediplôméedel’ESCP rêver de devenir qui l’on veut vraiment, Europe, célèbre école de commerce franquelles que soient nos origines. Dire cela çaise, semblait plus ou moins tracé. peut sembler un peu laudateur, mais c’est C’étaitcomptersanssonenviedevoyager une réalité. » et de travailler sur des projets de développement. « Je voulais vraiment venir en DÉSIR. Comme Haoua, de plus en plus Afrique,dit-elledansunphraséaussirapide que parisien. J’ai contacté les associés à de femmes ouest-africaines choisissent de s’installer dans la capitale économique Abidjan, où je n’avais jamais mis les pieds, ivoirienne. Pas pour suivre un mari ou pourleleurexpliquer.Ettouts’estenchaîné un compagnon, mais parce qu’elles l’ont très rapidement. Six mois plus tard, je faidécidé toutes seules. Jeunes, dynamiques, sais mes valises. » Peut-être même un peu ultradiplômées, elles auraient pu travailler trop rapidement d’ailleurs, vu la petite JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne t L’Américaine Joanna Busby, la Franco-Malienne Djeneba Gory et la Franco-Nigérienne Haoua Mamoudou (de g. à dr.), désormais abidjanaises.

période de galère qu’elle a traversée lors d’une intense recherche d’appartement… Le retour des « cerveaux » de la diaspora ivoirienne et l’arrivée de nombreux cadres étrangers créent en effet une inflation des loyersetunepénuried’appartementsmilieu et haut de gamme. Certains propriétaires vont même jusqu’à demander sept ou huit mois de caution. GRAND RUSH. Un sujet que connaît bien

JoannaBusby,27ans,américaineetconsultante en communication interne au sein de la Banque africaine de développement (BAD). Son job? Gérer en interne l’information relative au (re)déménagement de la BAD et de ses employés du siège « provisoire » de Tunis à celui d’Abidjan. Diplômée de la prestigieuse université américaine Yale et de Sciences-Po Paris, elle est à Abidjan depuis février. « Un choix

Station de Traitement des Eaux de Bouregreg - Rabat.

de raison plus qu’un coup de foudre pour le pays », avoue-t-elle. Jolie robe, collier en perles et talons hauts, elle ajoute, en passant de l’anglais à un français teinté d’accent tantôt très franchouillard, tantôt ivoirien: « Il n’y a pas vraiment de hasard, si on est de plus en plus nombreux ici, c’est qu’ils’ypassedeschoses,quetoutexplose! Contrairement aux pays européens, par exemple, où c’est encore la crise. » Il est 17 heures. Plus de textos, mais du chocolat chaud et des petits gâteaux à la cafétéria du nouveau siège de la BAD. De toutefaçon,ilestpréférabledenepaspartir maintenant: dehors, c’est le grand rush de sortiedesbureaux.EtcommeJoannaBusby se déplace elle aussi en taxi, mieux vaut en profiter pour rester travailler un peu plus tard. Le transport et le téléphone… Deux des postes de dépenses les plus élevées à Abidjan,selonlestroisdrôlesdedames.Qui conseillent vivement à ceux et – surtout – à celles qui sont tentés par l’aventure de bien prendre en compte ces réalités pratiques et financières. l HABY NIAKATE, envoyée spéciale à Abidjan

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Afrique subsaharienne FOOTBALL

Ô vieillesse ennemie! Plusieurs affaires viennent raviver le vieux débat sur l’âge réel des joueurs africains. Or un simple examen des os par IRM permettrait de lever les doutes.

E

L’entraîneur franco-italien Diego Garzitto, en poste au CS Constantine (Algérie), se souvient avoir eu des doutes quand il était le sélectionneur de l’Éthiopie. « Pour la Coupe du monde des moins de 20 ans, en 2001, j’avais des joueurs qui évoluaient en première division depuis des années. Et en RD Congo, au TP Mazembe, mon fils, qui entraînait les jeunes, classait les gamins par catégorie – minimes, cadets, juniors – en fonction de leur taille, car beaucoup n’avaient pas de papiers d’identité. Et quand les joueurs vont en sélection nationale, ce sont les fédérations qui s’occupent des passeports. Elles peuvent faire ce qu’elles veulent… » Ces dernières années, plusieurs sélections de jeunes ont été suspectées de triche. La Gambie, accusée d’avoir falsifié les identités de cinq de ses internationaux de moins de 20 ans pour un match au Liberia vient d’être suspenduedetoutecompétition officielle pour les deux prochaines années par la Confédération africaine de football (CAF).

n février, un site sénégalais affirfootball (Fecofa), à Kinshasa. « Pour mait que l’attaquant de la Lazio, l’Afrique, c’est un véritable fléau », s’exasle Camerounais Joseph Marie père-t-il. Un ex-international, qui préfère Minala, n’avait pas 17 ans mais garder l’anonymat, confirme le manque de plusdudouble(41ans).Gênant,pourcelui fiabilité de certains papiers officiels: « Une qui venait de remporter la Coupe d’Italie femmequiaccouchedansunvillagereculé avec l’équipe des jeunes du club romain. ne déclare pas la naissance tout de suite. Et Après trois mois d’infirmations et d’allégapuis, c’est facile de donner quelques billets tions, l’affaire a été déclarée officiellement close, fin mai par la Fédération italienne de football (FIGC), qui s’est rangée à l’avis du procureur fédéral après examen de différents rapports : le Camerounais, désormais titulaire de l’équipe première, a bel et bien 17 ans (il en aura 18 le 24 août). Mais les nombreuses photos parues du joueur laissent dubitatif. Minala fait quand TEST DU POIGNET. S’il même beaucoup plus est difficile d’éradiquer que son âge… le problème, Constant Ce dossier s’ajoute Omari estime qu’il est aux nombreux cas de possible de le réduire, footballeurs (Roger notamment grâce au Milla, Rigobert Song, « test du poignet », le Nwankwo Kanu, Edel moyen le plus fiable Apoula, Pius N’diefi, pour connaître au plus Taribo West, Ofafemi près l’âge des joueurs. Martins, etc.) dont l’âge « Pour pratiquer ce test, a été remis en cause ces il faut réaliser une IRM. deux dernières décenOr en Afrique, il n’y a nies. Des histoires qui pas beaucoup d’hôpifont parfois (sou)rire. taux équipés et cela Comme récemment coûte cher, explique-t-il. celle d’un autre interMais la CAF envisage de national camerounais, faire subir cet examen p Joseph Minala fêtera officiellement ses 18 ans le 24 août. Mais le Samuel Eto’o qui, par aux joueurs des catégomilieu de terrain de la Lazio de Rome semble très mûr pour son âge. médias interposés, ries moins de 15 ans et n’a cessé de tacler son moins de 17 ans. » entraîneur à Chelsea, le Portugais José à un fonctionnaire pour qu’il rajeunisse Lors de la Coupe d’Afrique des nations Mourinho, après que celui-ci eut émis des un joueur de trois ou quatre ans, ce qui est cadets au Maroc, en avril 2013, la CAF doutes sur son âge devant les caméras de la moyenne de la triche. S’il veut partir en avait décidé d’organiser sur site le Canal+ en février. Europe, il a plus de chances d’y parvenir fameux test. Résultat, trois Ivoiriens, Mais ces affaires d’état civil incertain quand son passeport dit qu’il a 17 ans trois Congolais (de Brazzaville) et trois n’amusent pas Constant Omari, le préplutôt que 21… Les clubs européens ne Nigérians ont été exclus du tournoi. l ALEXIS BILLEBAULT sident de la Fédération congolaise de sont d’ailleurs pas dupes. » PAOLO BRUNO/GETTY IMAGES

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JEUNE AFRIQUE


Coulisses

Afrique subsaharienne

Somalie Sans voix « Qu’il s’agisse ou non d’une chanteuse n’est pas notre problème.Tous les députés sont condamnés à mort, à moins qu’ils n’abandonnent leur mandat. » C’est ce qu’a claironné une fois de plus le porte-parole militaire des Shebab, Abdulaziz Abu Musab, en revendiquant l’assassinat, le 23 juillet, de la députée et chanteuse somalienne Sado Ali Warsame, abattue avec son chauffeur dans le sud de Mogadiscio. Quatrième parlementaire tué depuis le début de l’année, elle avait été investie à la Chambre du peuple en août 2012. Abu Musab a rappelé que les Shebab tueraient des députés et responsables du gouvernement « chaque fois [qu’ils] en auraient l’occasion ». Expulsés de la capitale en 2011 par la Mission de l’Union africaine en Somalie (Amisom, qui compte 22000 hommes), ils multiplient pourtant les attaques, depuis février, contre le Parlement et le palais présidentiel, où leur dernière intrusion date du 8 juillet. l

BÉNIN DU PAIN ET DES SCRUTINS

Emmanuel Tiando, ancien secrétaire général de la présidence et proche du chef de l’État béninois, Boni Yayi, a été élu le 23 juillet à la tête de la Commission électorale nationale autonome (Cena). La magistrate Geneviève Boko Nadjo en assurera la vice-présidence, et le poste de coordonnateur chargé du budget est revenu à Freddy Houngbédji (opposition), fils de l’ancien président Adrien Houngbédji. Ils vont avoir du pain sur la planche, puisque dans les trois années à venir ils devront organiser les élections locales (qui auraient dû se tenir en 2013), les législatives, prévues en mars 2015, et la présidentielle, en mars 2016. JEUNE AFRIQUE

Boko Haram Ennemi commun Quatre États riverains du lac Tchad vont mettre sur pied une force armée multinationale pour lutter contre le groupe islamiste armé nigérian Boko Haram. C’est ce qu’a annoncé Edgar Alain Mebe Ngo’o, chargé de la défense à la présidence du Cameroun, après un entretien entre le président nigérien, Mahamadou Issoufou, et les chefs

des armées et des renseignements des États de la Commission du bassin du lac Tchad (CBLT), réunis les 22 et 23 juillet à Niamey (Niger). « Nous sommes en train de monter en puissance, a-t-il souligné. Chacun des pays membres a pris l’engagement de déployer un contingent de 700 hommes au sein de cette force multinationale. »

AP/SIPA

ABDULFITAH HASHI NOR/AFP

CPLP GUINÉES HEUREUSES

Soulagement à Bissau. Joie à Malabo. Suspendue de la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP) à la suite du coup d’État d’avril 2012, la GuinéeBissau a été réintégrée au sein de l’organisation lors du 10e sommet de celle-ci, le 23 juillet à Dili (Timor oriental). Le président bissau-guinéen n’a pas fait le déplacement mais était représenté par son Premier ministre, Domingos Simões Pereira, qui a fait escale en chemin à Lisbonne et à Bruxelles. Autre ravie du sommet : la Guinée équatoriale, dont l’adhésion en tant qu’État membre a été entérinée, après des années d’attente. AFRIQUE DU SUD LA REVANCHE DU RHINO

Mandla Chauke, braconnier sud-africain, a été condamné, le 23 juillet, à soixante-dixsept ans de prison pour avoir abattu trois jeunes rhinocéros dans le parc Kruger. Au début du mois, deux Mozambicains ont été condamnés à seize ans d’incarcération pour le même crime. « Un message ferme aux braconniers », a commenté Reynold Thakhuli, le porte-parole des parcs nationaux sud-africains, à l’issue du verdict. Sur les six premiers mois de l’année, 588 rhinocéros ont été abattus illégalement, dont 370 dans le parc Kruger, le plus célèbre du pays et le plus « ciblé » par les braconniers, qui viennent pour la plupart du Mozambique voisin. Sur la même période, plus de 60 tueurs de rhinos ont été arrêtés. N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

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Maghreb & Moyen-Orient

LIBYE

Les milices

MAHMUD TURKIA/AFP

Les violents combats à l’arme lourde sur l’aéroport de Tripoli ont révélé au grand jour les conflits permanents entre factions rivales qui minent le pays.

 Sur le tarmac, les roquettes des islamistes ont détruit plus d’une dizaine d’avions libyens.


jusqu’à la lie JOAN TILOUINE

«

I

l faut prendre au sérieux ce qui se passe en Libye avant qu’il ne soit trop tard. » Devant le Conseil de sécurité de l’ONU, le 17 juillet, le chef de la diplomatie libyenne, Mohamed Abdelaziz, tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme. « Ils nous écoutent mais ils n’entendent pas », déplore un de ses proches. « Ils », ce sont notamment les représentants des cinq membres permanents du Conseil. À New York, le ministre les a exhortés à dépêcher des conseillers militaires pour sécuriser des infrastructures névralgiques telles que les ports et les aéroports, la banque centrale, ou encore les champs et terminaux du pétrole censé irriguer l’économie libyenne. Sans succès. Pendant ce temps-là, à l’aéroport international de Tripoli, des combats à l’arme lourde font rage entre des milices rivales et, tout comme la plupart des ambassades, l’ONU a évacué ses 160 employés. D’une intensité jamais atteinte depuis la révolution de 2011, les affrontements ont fait jusqu’à 47 morts et 120 blessés en une semaine. Sur le tarmac, des pick-up de combattants prêts à en découdre roulent à plein régime entre les carcasses d’avions de ligne calcinés ou endommagés par les

balles et les roquettes tirées tous azimuts. Après une dizaine de jours de combats, le ministre des Transports estime les dégâts à plus de 1,5 milliard de dollars (1,1 milliard d’euros). Privée de son principal aéroport, la Libye se retrouve encore un peu plus isolée, minée par une myriade d’autres luttes parfois picrocholines alimentées par des groupes armés qui se mettent au service d’intérêts claniques, tribaux ou régionalistes idéologiques. Ces microconflits font le lit d’une grande guerre civile, tant redoutée, entre les islamistes et leurs opposants, qui déstabiliserait une fois de plus toute la région. « SEIGNEURS DE GUERRE ». Tout a démarré le

13 juillet. Les milices islamistes de Tripoli lancent l’assaut avec le soutien de brigades de la cité industrieusedeMisrata,biendécidéesàarracherl’aéroport aux redoutés groupes armés de Zintan (Qaaqaa, Al-Sawaik et Conseil militaire des révolutionnaires) qui contrôlent ce lieu stratégique depuis la chute de Kadhafi. Partiale, la municipalité de Misrata résume la situation à l’aéroport de Tripoli à « une bataille des révolutionnaires authentiques contre les fidèles de l’ancien régime ». C’est Salah Badi, le représentant islamiste radical au Congrès général national (CGN, ex-Parlement) de cette ville située à 210 km à l’est de la capitale, qui est à la manœuvre. Il est décidé l l l


Maghreb Moyen-Orient Libye

PAULO FILGUEIRAS/UN PHOTO

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à en découdre avec Zintan, dont les milices ont exercé une pression tout au long de l’année sur le CGN, dominé par les islamistes, pour le compte des « libéraux » de l’Alliance des forces nationales de Mahmoud Jibril ou d’Ali Zeidan, l’ancien Premier ministre. À Tripoli, nul n’a oublié le drame survenu le 15 novembre 2013, lorsque des miliciens de Misrata ont ouvert le feu sur une foule pacifique qui réclamait leur retrait de la ville. Échappant à tout contrôle de l’État, ces milices d’anciens révolutionnaires n’obéissent qu’à leurs chefs, eux-mêmes liés à des intérêts politiques qu’ils servent par la force. D’une plume alerte et courageuse, le ministre de la Justice, Salah al-Marghani, a interpellé le 21 juillet ces « seigneurs de guerre » : « Messieurs les commandants de groupe armé, vous devriez vous excuser auprès du peuple libyen pour ce que vous faites. » Et de conclure sans louvoyer : « Si vous vous êtes révoltés contre l’injustice, vous en êtes aujourd’hui la source. » C’était au lendemain de son entrevue à La Haye avec la procureure de la Cour pénale internationale (CPI), Fatou Bensouda, durant laquelle fut évoquée l’éventualité de poursuites contre certains chefs de milice. Pour des raisons stratégiques et pécuniaires évidentes, les islamistes ont tenté, en vain, de faire lll

p Mohamed Abdelaziz, ministre libyen des Affaires étrangères, et Ban Ki-moon, secrétaire général de l’ONU, le 17 juillet, à New York.

transférer les vols internationaux vers l’aéroport de Misrata et la base militaire aéroportuaire de Maitiga. Officiellement rendue au gouvernement par la milice salafiste qui la contrôlait, cette dernière leur sert toujours de base de repli et de stock d’armes. Mais l’aéroport n’est qu’un prétexte. Selon Anas el-Gomati, fondateur du think tank libyen Sadeq Institute, ces combats autour de l’aéroport de Tripoli sont une « conséquence directe de l’opération Dignité », lancée le 16 mai par le général à la retraite Khalifa Haftar, 71 ans, pour « purger » la ville des terroristes islamistes. Alors qu’à Benghazi le groupe terroriste Ansar al-Charia multiplie les offensives et les attentats, à Tripoli, les milices islamistes ouvrent un nouveau front contre les Zintanis, qui soutiennent Haftar. Au sein de la mouvance politique islamiste, l’interruption de cet assaut est soumise à l’abandon de l’opération Dignité, explique-t-on au Parti de la justice et de la construction (Frères musulmans). PERTE DE CONTRÔLE. « Personne ne va gagner »,

prédit une source libyenne bien renseignée qui redoute un statu quo durable et une « contamination » de ce conflit. Selon lui, c’est également le transfert du Parlement (l’ancien CGN est devenu la Chambre des représentants) de Tripoli à Benghazi à la suite des secondes élections législatives du 25 juin qui nourrit la colère vindicative des islamistes. « Ils perdent enfin le contrôle sur le Parlement, qui pourrait faire passer des lois de type antiterroriste qu’ils redoutent », analyse cette source. Toutefois, nul n’ose prédire un avenir législatif radieux tant que les groupes armés radicaux sont présents à Benghazi. Les résultats de ces élections annoncés le 21 juillet laissent entrevoir une nouvelle défaite patente des islamistes, faisant suite à celle subie quatre mois plus tôt lors de l’élection de l’Assemblée constituante. Mais les combats se mènent encore par les armes plus que par les urnes, mettant à mal un embryon de démocratie et de liberté entraperçu au lendemain de la révolution. l

LES VOISINS EN PREMIÈRE LIGNE

L

es six pays voisins (Tunisie, Algérie, Soudan, Égypte, Tchad et Niger) tentent d’harmoniser leurs efforts pour soutenir l’État libyen, amorcer un dialogue entre les acteurs et sécuriser les frontières. À la fin de ce mois, la commission politique confiée à l’Égypte et la commission sécuritaire présidée par l’Algérie sont censées remettre leurs rapports et formuler des propositions. Vu du Caire, N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

le dossier de la Libye est une « question de sécurité nationale et régionale prioritaire », indique-t-on au ministère des Affaires étrangères égyptien, où l’on se défend d’apporter un soutien logistique et militaire à l’opération Dignité du général Haftar, qualifié d’ « épiphénomène ». Mi-juillet, l’ancien Premier ministre Ali Zeidan s’est rendu au Caire pour plaider la cause de Haftar et évoquer

une intervention internationale « examinée » par le gouvernement libyen d’Abdallah el-Thinni. Une piste qui divise dans le pays, y compris au sein du pouvoir, tandis que les milices islamistes et leurs relais politiques ont mis en garde contre un tel scénario. Pour l’Union européenne, « la seule option est une solution politique », tandis qu’au sein de la Ligue arabe d’aucuns estiment que « sans

intervention militaire pour contenir les milices il n’y a pas vraiment de solution pour le moment ». Dans les chancelleries occidentales, les diplomates se montrent prudents, hésitants, mais attentifs et préoccupés. L’un d’entre eux explique qu’il est pour le moment délicat de soutenir un État aussi fragile, sinon « quasi failli ». « Nous sommes en stand-by mais en alerte plus que rouge », J.T. conclut-il. l JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient

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MAURITANIE

La nouvelle vie d’Ahmed Baba Miské L’ancien diplomate et militant de la libération des peuples couche désormais sur le papier sa très longue expérience africaine. Rencontre.

TRIBALISME. Originaire de Chinguetti,

Ahmed Baba Miské devient militant en décembre 1955. Il a 20 ans et participe à la création de l’Association de la jeunesse mauritanienne (AJM, qu’on désignait souvent par « Jeunesse »), dont il est le secrétaire général. Idéaliste et anticolonialiste, il veut changer la société en supprimant le tribalisme et l’esclavage. En août 1958, alors que la France demande à ses territoires d’outre-mer d’exprimer leur souhait d’accéder à l’autonomie, la frange la plus radicale de l’AJM décide de créer un parti, la Nahda. Elle est en effet déçue par Moktar Ould Daddah, alors vice-président du Conseil de gouvernement et secrétaire général du Parti du regroupement mauritanien (PRM), qu’elle juge trop proche de l’administration coloniale. Mais la Nahda n’est pas JEUNE AFRIQUE

YERO DJIGO/TRANSTERRAMEDIA POUR J.A.

D

urant des années, il a été sollicité par d’anciens camarades. Tous indignés face à des manuels scolaires qui, selon eux, ne présentaient pas les vrais héros de l’indépendance. En réponse, Ahmed Baba Miské a accepté d’écrire l’Histoire telle qu’il l’a vécue, dans son dernier livre La Décolonisation de l’Afrique revisitée*. « On a agi complètement à l’envers en érigeant en héros des fantoches qui ont été placés par l’administration coloniale, assure-t-il avec calme, dans un salon de sa maison de Nouakchott. Or, ceux qui se sont réellement battus pour l’indépendance de la nation ont été emprisonnés ou assassinés. » À travers l’« échec » des pères fondateurs et de leurs successeurs, il tente d’expliquer pourquoi, durant ces cinquante dernières années, l’Afrique s’est développée moins vite que l’Asie et pointe du doigt la responsabilité de l’Europe. À 79 ans, Ahmed Baba Miské est de ceux qui ont pris part à la lutte pour l’indépendance de leur pays. Il a été aux premières loges de l’histoire du sien, la Mauritanie.

p L’auteur de La Décolonisation de l’Afrique revisitée, chez lui à Nouakchott.

autorisée à participer au référendum, et ses leaders sont arrêtés et assignés à résidence à Tichit (Centre). « J’ai ensuite contribué à la création du Parti du peuple mauritanien (PPM) et exigé que la Nahda y ait sa place, souligne Ahmed Baba Miské. Mais nous étions mal préparés, nous courions dans le vide après un idéal, j’ai fini par le quitter. » Des amis

Ould Cheikh Abdallahi avec les militaires ayant déposé Maaouya Sid Ahmed Ould Taya, dont l’actuel président Mohamed Ould Abdelaziz. « Sidi » fait appel à lui pour faire partie de ses conseillers. Pourtant, lors de la chute de celui-ci, le 3 août 2008, il ne le soutient pas. « Il a laissé le système de Maaouya se recréer au lieu de l’éradiquer », estime-t-il. Lors de la dernière campagne présidentielle, Ahmed Pour lui, l’Europe a empêché Baba Miské a très clairement le continent de se développer affiché son soutien à l’actuel aussi vite que l’Asie. chef de l’État, Mohamed Ould Abdelaziz. Il lui sait gré d’avoir lui trouvent une porte de sortie: il servira pris à bras-le-corps le problème de la le pays à l’étranger. défense du pays, mais il attend également Pour ce fervent militant sahraoui qu’il lutte contre la corruption et le gaspildébute alors une deuxième vie. Il devient lage. Il ne cache toutefois pas sa déception ambassadeur de la Mauritanie à Abidjan quant à l’évolution de la Mauritanie et et à Washington, représentant permaà la « médiocrité » des gouvernements nent à l’Organisation des Nations unies successifs. Mais l’ancien membre du Front (ONU) de 1963 à 1967, puis directeur des Polisario s’attelle désormais à l’écriture de Pays les moins avancés (PMA) à l’Unesco sa propre histoire : ses Mémoires. l en 1988. « Je me suis lancé dans le combat JUSTINE SPIEGEL, au service des mouvements de libération envoyée spéciale à Nouakchott des peuples, et jusqu’à aujourd’hui, je m’y suis consacré. » En 2005, de retour en * La Décolonisation de l’Afrique revisitée, éd. Karthala, 175 pages, 16 euros Mauritanie, il travaille à l’élection de Sidi N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014


Coulisses

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Maghreb & Moyen-Orient

HO/SPA/AFP

TUNISIE CHERCHE ÉLECTEURS DÉSESPÉRÉMENT

Qatar-Arabie saoudite Ils se reparlent ! Va-t-on vers une réconciliation entre les deux pays ? En mars, l’Arabie saoudite, tout comme les Émirats arabes unis et Bahreïn, avait rappelé ses ambassadeurs à Doha, accusant le Qatar de déstabiliser la région en soutenant notamment la confrérie des Frères musulmans, perçue comme une sérieuse menace pour les monarchies du Golfe. Or le 22 juillet, contre toute attente, le roi Abdallah d’Arabie saoudite a accueilli le jeune émir du Qatar, cheikh Tamim Ibn Hamad Al Thani, à Djeddah, au bord de la mer Rouge. Les deux dirigeants ont discuté de « la situation dans les territoires occupés palestiniens » et des tentatives de médiation en cours, mais aussi de « la coopération entre leurs deux pays ». Concernant la crise de Gaza, Riyad appuie la médiation égyptienne, acceptée par Israël et soutenue par les États-Unis et la France, tandis que le Qatar, allié à la Turquie, a présenté un plan reprenant l’essentiel des conditions du Hamas – et bien sûr rejeté par Israël. l

ALGÉRIE RETOUR À IN AMENAS

Des employés de la compagnie norvégienne Statoil sont de retour sur le site gazier d’In Amenas, dans le sud de l’Algérie, un an et demi après l’attaque terroriste et la prise d’otages qui avaient fait 40 morts en janvier 2013 – l’opération avait été revendiquée par un groupe dissident d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) baptisé « Ceux qui signent de leur sang ». Les expatriés scandinaves sont chargés de mettre en œuvre les mesures de sécurité autour du site, exploité avec l’algérien Sonatrach et le britannique BP, avant le retour du personnel. N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

Égypte-Maroc Bourde cathodique Mais quelle mouche a donc piqué Amani Khayat ? En déclarant que le Maroc était ravagé par le sida et que l’économie du royaume reposait sur la prostitution, la présentatrice de la chaîne égyptienne ONTV a provoqué un incident diplomatique entre Le Caire et Rabat. Très vite, l’ambassade du Maroc a exprimé son intention de porter plainte. Et Sameh Choukri, le ministre égyptien des Affaires étrangères, a

fermement condamné ces propos. Se rendant compte de l’ampleur de sa « bêtise », la journaliste a présenté ses excuses au Maroc en direct, mais le mal était fait. Des confrères égyptiens, outrés par l’ignorance d’Amani Khayat, n’ont pas hésité à lui tomber dessus à bras raccourcis. Le chroniqueur Bassem Youssef a ainsi dédié aux Marocains un épisode de son émission Al Bernameg, sur la chaîne MBC Masr.

Le départ de la course aux élections législatives et présidentielle est imminent. Las, si la classe politique est dans les starting-blocks, il n’en va pas de même des Tunisiens. L’Instance supérieure indépendante pour les élections, chargée de superviser le processus de vote, a finalement accordé une semaine de plus avant de clore l’inscription des électeurs. Sur un corps électoral de 7,5 millions de personnes, 3,5 millions avaient été enregistrées lors du scrutin de 2011 et, au 22 juillet 2014, seuls 520 000 électeurs se sont ajoutés au cortège des enregistrés. Il reste donc un peu plus de 3,4 millions de votants potentiels qui ne se sont pas encore décidés. Ce désintérêt des citoyens inquiète de nombreux partis, surtout face à un électorat islamiste fortement mobilisé. QATAR « ET SI ON LES PAYAIT? »

Fermement critiqué pour ses abus à l’égard des travailleurs immigrés, le pays hôte de la Coupe du monde de football 2022 a annoncé des mesures pour améliorer les conditions de vie de sa pléthorique maind’œuvre étrangère. Ainsi, les employeurs sont tenus d’ouvrir des comptes bancaires au nom de leurs salariés pour les payer dans un délai de sept jours par virement électronique, sous peine de sanctions, et ne peuvent plus les faire travailler en milieu de journée, en raison de la canicule. Toutefois, la kalafa, un système archaïque de « parrainage » des travailleurs migrants que les organisations de droits de l’homme comparent à de l’esclavage moderne, n’a pas été abolie. JEUNE AFRIQUE


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TUNISIE

Bouali Mbarki

« Il faut sauver la Tunisie » Le secrétaire général adjoint de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) défend l’engagement politique de la centrale syndicale et appelle à la réconciliation. Propos recueillis par

FRIDA DAHMANI

A

ffable et droit dans ses bottes, Bouali Mbarki, secrétaire général adjoint de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), aborde sans détour la complexité de l’ultime étape de la transition en Tunisie. Ce chimiste, natif de Sidi Bouzid, militant depuis son adolescence, a été révoqué par JEUNE AFRIQUE

deux fois de la fonction publique en raison de son engagement syndical. Après avoir soutenu le soulèvement du bassin minier de Gafsa en 2008 contre Ben Ali, il est aujourd’hui, l’une des chevilles ouvrières du Dialogue national. À 51 ans, il assure une délicate mission de coordination entre l’Assemblée nationale constituante(ANC)etcetteinitiative du premier syndicat tunisien. Pour mettre fin à une crise sans précédent, l’UGTT forme un quartet avec la centrale patronale de l’Utica, l’Ordre des avocats ainsi que la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH). Il engage partis, élus et gouvernement sur une feuille de route devant conduire le pays à des élections législatives et

présidentielle. L’objectif : préserver une démocratie naissante et les acquis d’une Tunisie fragilisée par une économie exsangue et l’émergence du terrorisme. JEUNE AFRIQUE : Certains reprochent à l’UGTT de se mêler de ce qui ne la regarde pas et de dépasser son rôle de centrale syndicale pour s’impliquer dans la politique… BOUALI MBARKI: Qu’ils révisent

leurs manuels d’histoire. L’UGTT a été le premier mouvement à jouer un rôle à la fois national et social [lire encadré p. 56] dans l’histoire de la Tunisie. En nous impliquant en politique, nous sommes dans notre rôle.L’UGTTesttoujoursintervenue N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

ONS ABID POUR J.A.

u « La responsabilité du gouvernement est engagée. Il doit être courageux, prendre des initiatives. »


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Maghreb Moyen-Orient Tunisie dès que le pays ou l’État ont été touchés. Cela la rend incontournable et atypique. Les faits ont prouvé que la centrale est la locomotive qui peut sortir la Tunisie de la crise. Les objectifs du pays depuis la révolution rejoignent ceux inscrits dans la charte du syndicat, à savoir une Tunisie démocratique, un État civil, l’égalitépourtous,lareprésentativité de toutes les tendances politiques et le respect des droits humains. Nous sommes un organisme atypique parce qu’indépendant et une exception mondiale, les centrales syndicales étant souvent partisanes. Nous restons à égale distance de toutes les familles politiques. Toutes lestendancessontreprésentéeschez nous, mais nous sommes syndicalistes avant tout. Pourquoi l’UGTT a-t-elle initié le Dialogue national?

Le pays était au bord de la guerre civile. La position de l’UGTT lui permettait d’affirmer que, tout au long des trois années perdues à élaborer une Constitution, les problèmes se sont multipliés. La légitimité de l’ANC était fortement contestée, la corruption galopante et les tensions créées annonçaient des drames. Par deux fois, en octobre 2012 et en février 2013, le syndicat a tenté de réunirtouslespartispourseconcertersurunesortiedecriseetaccélérer leprocessusconstitutionnel.Maisla défectiond’EnnahdhaetduCongrès pourlaRépublique[CPR],partisdela troïkaalorsaugouvernement,asigné

l’échec de ces tentatives. L’UGTT a été attaquée par les milices des Liguesdeprotectiondelarévolution [LPR] le 4 décembre 2012, jour de la commémoration de l’assassinat de notre fondateur et héros national, Farhat Hached. Les tensions sont montées d’un cran jusqu’à l’exécution, le 6 février 2013, du leader de gauche Chokri Belaïd. Les assassinats politiques ont-ils constitué un point de non-retour?

Ces actes sont lâches et ignobles. Qui a tué Chokri Belaïd et le député Mohamed Brahmi? Ce dernier était mon cousin, je l’ai tenu dans mes bras et j’ai vu ce qu’ils lui ont fait. Mais que sont devenus les assassins etleurscommanditaires?Sicertains savent, ils ne parleront jamais. La mort de Chokri Belaïd a fait chuter l’exécutif mené par Hamadi Jebali. L’initiative menée par le président de la République Moncef Marzouki a aussi tourné court. Et avec l’exécution de Mohamed Brahmi, le 25 juillet 2013, la confiance s’est effondrée. Le pays allait basculer dans la violence politique et l’anarchie sociale. La grève générale a été décrétée. C’était la fin de la troïka. Il fallait désamorcer ces pièges mortels, d’où l’importance du Dialogue national. Ce dernier était l’unique issue possible. Comment être fédérateur dans un environnement social et politique divisé par les idéologies et une profonde crise de confiance ?

L’UGTT en chiffres Création en 1946

750 000 adhérents, soit 88 % des syndiqués en Tunisie Elle compte

24 unions

régionales,

19

organisations sectorielles,

21

syndicats de base

Les idées peuvent nous diviser mais le pays nous réunit. L’UGTT a protégé et encadré la révolution alors que le pays était au bord de la guerre civile. La Tunisie appartient à tous les Tunisiens, il nous faut aller impérativement vers une réconciliation nationale et refuser les décisions arbitraires. Le choix de l’exclusion est une profonde erreur. La liste de « salut public » que veut établir l’Instance Vérité et Dignité [censée établir les responsabilités des violations commises sous Ben Ali et Habib Bourguiba] va à l’encontre de l’apaisement nécessaire au pays. Je suis fils d’un militant youssefiste – opposant à Bourguiba – et je connais ce sentiment. Il faut tourner les pages, l’Histoire se chargera de les relire. À quoi a abouti ce Dialogue national?

Il fallait mettre fin à la transition et donner une légitimité incontestable au pouvoir par des élections. Nous devions éliminer les obstacles et les raisons de la crise : achever la Constitution,remplacerlegouvernement d’Ali Larayedh par une équipe de compétences indépendantes, dissoudre les LPR, annuler les nombreuses nominations partisanes dans l’administration, et relancer l’Instance supérieure indépendante pour les élections [Isie] afin de préparer ces dernières. L’ANC devait boucler la Constitution et assurer le suivi des affaires courantes à sa charge.Lamissiondugouvernement

L’UGTT, UNE CENTRALE UNIQUE

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our Farhat Hached, fondateur de l’UGTT en 1946, l’action syndicale allait de pair avec la lutte nationale. Soixante ans après son assassinat par les services français en 1952, son « Je t’aime Tunisie » résonne encore. Depuis, la centrale ouvrière fait office de contre-pouvoir structurant en matière politique et sociale. En cela, elle est unique et atypique. Représentative de tous les courants, elle aura pour

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premier président l’éminent théologien Mohamed Fadhel Ben Achour. De ses rangs sortiront des hommes politiques comme Ahmed Ben Salah mais également des syndicalistes pur jus comme Habib Achour. Elle est partenaire du Front national qui remporte les élections de la Constituante en 1956, contribue à la loi fondamentale de 1959, élabore, avec le livre blanc, un projet économique et social pour le pays en 1962,

fournit plusieurs ministres et adhère pendant près de quinze ans au programme du gouvernement. Avec la grève générale du jeudi noir, en 1978, elle s’oppose au régime du parti unique et à la politique libérale du gouvernement. Sous Ben Ali, les rapports avec le pouvoir sont parfois ambivalents mais la centrale reste un espace de revendications et de résistance en l’absence d’une opposition structurée et active. Elle protège les

opposants, dont les islamistes. Son implication dans le soulèvement du bassin minier de Gafsa en 2008 préfigure son rôle dans la révolution de 2011. Les grèves générales organisées en janvier 2011 ont précipité la chute de Ben Ali. Depuis, son soutien à la révolution et au processus démocratique en a fait une figure emblématique, patriotique et majeure de la société civile. l F.D. JEUNE AFRIQUE


THE TUNISIAN1970/DEMOTIX/CORBIS

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étaitd’assurerleretourdelasécurité, la relance économique et la tenue des élections. Cette feuille de route a été agréée par tous, sauf par le CPR de Moncef Marzouki, et elle s’est imposée comme une priorité. Tout le reste est inutile. Votre vis-à-vis est aussi Rached Ghannouchi, président d’Ennahdha…

Rached Ghannouchi sait écouter et est un excellent négociateur. Il est conscient des difficultés et affirme aujourd’hui qu’il faut juguler l’extrémisme. Il craint que ses partisans ne nuisent ou ne s’en prennent à son parti. On pensait qu’avec l’établissement de la feuille de route, le Dialogue national avait achevé sa mission, mais il est toujours en cours. Pourquoi?

Notre tâche s’achèvera avec la tenue du scrutin. Le quartet veille à ce que la feuille de route soit appliquée et joue un rôle de facilitateur entrelesinstancespourpréparerces élections. Ce processus est essentiel, l’opération menée par l’Isie doit tirer parti de l’expérience de 2011 et s’assurer de la participation d’un maximum de Tunisiens et de Tunisiennes. JEUNE AFRIQUE

Les jeunes ont l’impression que la révolution leur a échappé…

Ils sont démoralisés. Bien qu’ils représentent 40 % des électeurs, les partisne s’occupentpas d’eux.Ilfaut les sensibiliser à l’importance des législatives car la future Assemblée sera le centre du pouvoir. Il est également question d’un dialogue économique…

Ce dialogue, qui se tiendra en septembre, est indispensable. Le pays va mal, l’État est faible; d’où la corruption, le système D, l’économie parallèle, l’évasion fiscale. Un terrainfavorableauterrorismeetaux mafias. La responsabilité du gouvernement est engagée, il doit être courageux, prendre des initiatives. Il est essentiel de travailler sur une feuille de route, avec des réformes nécessaires, pour le prochain quinquennat. Mais pour l’UGTT, deux points sont non négociables: préserver le pouvoir d’achat et revenir sur les ratios de la compensation élaborés par le gouvernement, avec unestratégieparétapes.Ilesthorsde questiondetoucherauxplusfaibles. Quel signe positif pourrait par exemple être envoyé?

Je suis de Sidi Bouzid et je connais les besoins des régions.

p Commémoration de l’assassinat de Farhat Hached, fondateur de l’UGTT, devant le quartier général de la centrale syndicale, àTunis, en décembre 2013.

Il faut agir autrement et mettre en placeenTunisieundéveloppement équitable en faisant participer les détenteurs de liquidités à des projets régionaux. Faire appliquer la loi sur le partenariat publicprivé qui a été adoptée par l’ANC serait un premier pas pour attirer l’investissement. Qui pourrait y contribuer?

Nous sommes tous concernés. Les chasses aux sorcières et les menaces implicites faites aux hommes d’affaires doivent cesser. Les listes noires ne sauveront pas la Tunisie. En revanche, il faudrait revoirlamauvaisegestiondesentreprisesconfisquéesmisessoustutelle de l’État. Il est inadmissible qu’on laisse se dévaloriser un capital aussi important, cela revient à trahir le pays. Comment remettre les gens au travail?

Le retour au travail est la condition de la relance et de la croissance. Cependant, une évolution des mentalités s’impose pour revaloriser la valeur travail. L’essentiel est que la Tunisie sorte de cette mauvaise passe. La partie n’est pas encore finie. Il faut sauver la Tunisie. l N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014


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Europe, Amériques, Asie

RUSSIE

Latin

lover

Après le crash du vol MH17 en Ukraine, Vladimir Poutine est en passe de devenir un paria en Europe… mais pas en Amérique du Sud. De La Havane à Brasília, le maître du Kremlin fait les yeux doux à ses alliés.

MARIE VILLACÈQUE

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solé, Vladimir Poutine? Depuis que 298 personnes ont trouvé la mort, le 17 juillet, dans le crash du vol MH17 de la Malaysia Airlines, les demandes de sanctions internationales pleuvent sur le maître du Kremlin, tels les missiles qu’il est soupçonné de fournir aux séparatistes prorusses dans l’est de l’Ukraine. Déjà, depuis l’annexion éclair de la Crimée, en mars, l’Union européenne (UE) avait imposé des interdictions de visa et des saisies d’avoirs à l’encontre de 72 personnalités. Et deux jours avant le drame, les Vingt-Huit s’étaient mis d’accord pour cibler aussi des entreprises russes. Mais pour un grand nombre d’États, un pas a été franchi le 17 juillet, prouvant l’inefficacité des mesures adoptées par l’UE pour forcer la Russie à stopper toute aide aux rebelles ukrainiens. Et d’aucuns appellent à renforcer l’arsenal de sanctions en s’en prenant notamment aux placements financiers russes sur les places européennes (notamment à la City), aux contrats énergétiques passés avec le géant Gazprom (on pense à l’Allemagne) et aux fournitures d’armements. Les États-Unis, le Royaume-Uni, la Suède et la Lituanie n’ont d’ailleurs pas caché leur opposition à la vente par la France de navires de guerre Mistral à la Russie. ÉCOUTES. Alors, Poutine « paria » en Europe,

comme l’a affirmé Philip Hammond, le ministre britannique de la Défense ? Peut-être. Mais pour le président russe, il y a bien longtemps que le monde ne se limite plus au Vieux Continent. De fait, les décombres du Boeing 777 étaient encore loin de fumer qu’il effectuait une tournée en Amérique latine, du 11 au 16 juillet. Et il n’a pas perdu son temps. De La Havane à Brasília, il a consolidé N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

L’URSS en miniature ? FIN MAI, une Union économique eurasiatique a été lancée par la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan. À la clé, un marché de 170 millions de consommateurs, auquel devraient se joindre l’Arménie et le Kirghizistan. Noursoultan Nazarbaev, le président kazakh, a précisé que cette union n’avait aucune ambition politique. Pas sûr que Poutine, pour qui l’implosion de l’URSS représente « la plus grande catastrophe géopolitique » du XXe siècle, partage cette vision…

ses alliances, remis en question la mainmise de WashingtonsurlarégionetdéfiéleFondsmonétaire international et la Banque mondiale en lançant, lors du sommet des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), le 15 juillet à Fortaleza (Brésil), une banque de développement et une réserve de change communes aux cinq pays émergents. Pour caresser ses partenaires dans le sens du poil, Poutine sait s’y prendre. Avant de s’envoler pour Cuba, première étape de son voyage – où il a eu un long entretien avec Fidel Castro –, il avait posé un acte fort en annulant 90 % de la dette de 26milliardsd’euroscontractéeparLaHavaneenvers l’ex-URSS. Les 10 % restants seront remboursés sur dix ans et placés sur des comptes dédiés afin d’être réinvestis par la Russie dans l’économie cubaine. Les deux alliés prévoient notamment de coopérer dans le domaine de l’exploration et de l’exploitation pétrolières dans le golfe du Mexique. Tout cela n’est pas pour réjouir Washington, qui observe d’un œil inquiet les relations russocubaines. Quel n’a pas dû être l’agacement de la Maison Blanche, donc, quand la presse internationale a repris l’information d’un journal russe JEUNE AFRIQUE


EVARISTO SA/AFP

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selon laquelle Poutine et son homologue Raúl Castro souhaitaient rouvrir la station d’écoutes de Lourdes, à 160 km des côtes américaines ! Durant la guerre froide, les Soviétiques y espionnaient les communications des États-Unis, mais elle a été fermée en 2001 pour des raisons de budget. Le chef du Kremlin a très vite démenti l’information… mais ne s’est pas privé pour dénoncer « l’hypocrisie » de Washington en la matière. Des propos qui ont fait mouche en Amérique latine, où le scandale de la NSA, en 2013, en avait irrité plus d’un, notamment au Brésil : des révélations avaient montré que la présidente, Dilma Rousseff, avait été placée sur écoute par l’agence américaine. CANAL. Après son escale cubaine, le président

russe a improvisé un crochet par le Nicaragua, allié de longue date de Moscou – son entretien avec le président Daniel Ortega était initialement prévu à La Havane. Pour « satisfaire les besoins prioritaires du pays », il a promis d’étudier la question de la fourniture de blé à Managua et, surtout, de contribuer à la construction d’un grand canal interocéanique pour concurrencer celui de Panama. JEUNE AFRIQUE

p Le 16 juillet, à Brasília, à l’issue d’un sommet réunissant le groupe des Brics et l’Union des nations sud-américaines.

L’annexion de la Crimée ? Cristina Kirchner rêverait de faire de même avec les Malouines.

« Curieusement, Poutine n’est pas allé au Venezuela. Certains ont évoqué les conflits internes au chavisme, mais cela est probablement dû à un problème d’agenda, explique Carlos Malamud, spécialiste de l’Amérique latine à l’Institut Real Elcano, à Madrid. Surtout, la Russie a déjà conclu des affaires avec Caracas et préfère se tourner vers de nouveaux marchés, au Brésil et en Argentine. » D’ailleurs à Buenos Aires, où la présidente Cristina Kirchner s’est montrée solidaire de la Russie en Crimée – une région qu’elle a comparée aux Malouines pour l’Argentine –, un accord a été signé pour poser les bases d’une coopération en matière d’énergie nucléaire. « Si l’objectif principal était de rompre l’isolement de Moscou sur la scène internationale, cette tournée a aussi confirmé la stratégie russe, mue par la nostalgie de l’époque soviétique : revenir en Amérique latine pour y conclure de nouveaux accords et rétablir une présence géopolitique », poursuit Carlos Malamud. Les derniers événements en Ukraine et l’appel de nombre d’États à sanctionner la Russie le confirment : non, décidément, Poutine n’a pas perdu son temps. l N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014


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Europe, Amériques, Asie FRANCE

À l’UMP, le naufrage guette Avis de tempête sur le navire amiral de l’opposition ! Ses cales sont vides, ses capitaines ne cessent d’échanger des coups bas et sa figure de proue, Nicolas Sarkozy, a maille à partir avec la justice. Pis, les Français n’y croient plus…

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u siège de l’Union pour un mouvement populaire (UMP), dans le 15e arrondissement de Paris, on respire un peu mieux depuis le 17 juillet. La destruction par un missile du Boeing malaisien au-dessus de l’Ukraine et l’émotion mondiale qui en a résulté ont mis provisoirement fin au déballage sur la place publique des guerres fratricides et des « affaires » nauséabondes qui accablent la principale formation d’opposition. Déficits abyssaux, phrases assassines à destination de compagnons de parti – et néanmoins concurrents –, mise en examen, le 2 juillet, de l’ex-président Nicolas Sarkozy… Autant d’incidents qui ont ruiné sa réputation. Un sondage de l’institut BVA publié dans le quotidien Le Parisien le 12 juillet montre que 48 % des personnes interrogées souhaitent que l’UMP soit dissoute et remplacée par un autre parti, alors que 38 % préfèrent qu’elle soit réformée. Sarkozy lui-même ne déclare-t-il pas à ses visiteurs que « l’UMP est un ventilateur à m… » ? Ses fidèles supporters, comme Nathalie Kosciusko-Morizet, députée de l’Essonne, ou Christian Estrosi, députémaire de Nice, affirment que l’UMP est « déjà morte » et appellent à faire « table rase » de ce parti vermoulu. MÉNAGE. Celui-ci est d’abord perclus

de dettes. Comme l’a montré un audit officiel, il doit la coquette somme de 74,5 millions d’euros, surtout en raison du déficit de 40 millions d’euros provoqué en 2012 par des dépenses extravagantes durant la campagne présidentielle de Sarkozy. Pour continuer à assurer ses fins de mois, les banques lui ont imposé un échéancier drastique de remboursements : 5,8 millions d’euros en 2015, 11,7 millions en 2016, 29,3 millions en 2017… et il restera encore 27,7 millions d’euros à acquitter. Autant dire que le parti doit se serrer la ceinture. Il lui faut baisser ses dépenses de 20 % et donc faire le ménage, notamment N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

dans les salaires de ses dix permanents (sur 85) qui touchent plus de 8 000 euros par mois. Le coût de ses meetings et des campagnes électorales durant les trois prochaines années ne devra pas dépasser 19,2 millions d’euros. Une gageure avec un congrès en novembre, une primaire en 2016 pour désigner son candidat à l’Élysée et la préparation des élections de 2017. En comparaison, l’UMP avait dépensé 40 millions d’euros durant les deux années qui ont précédé la présidentielle de 2007. FUITES. Mais comme le déplore Alain

Juppé, qui tente d’éviter le naufrage avec deux autres anciens Premiers ministres, François Fillon et Jean-Pierre Raffarin, « ce ne sont pas ses finances qui plombent l’UMP, mais son incapacité à se rassembler autour d’objectifs communs ». En effet, la haine a atteint son paroxysme au sein du parti de droite. On suppose que c’est le clan Fillon qui a fait fuiter dans la presse les 24 000 euros de billets d’avion de l’épouse et collaboratrice de Jean-François Copé, l’ancien président de l’UMP, et que c’est le clan Copé qui a publié les trajets dispendieux en jet ou hélicoptère de Fillon… Début juillet, l’armoire du directeur du service des adhésions a même été fracturée. Ambiance ! Jérôme Lavrilleux, directeur de cabinet de Copé, a été licencié. Il avait reconnu la double comptabilité mise en place avec la société de communication Bygmalion

Fabienne Liadzé, directrice financière, et Pierre Chassat, directeur de la communication. Au total, les effectifs se dégonfleraient d’une dizaine de personnes. L’UMP devrait survivre à ces guerres intestines. La machine s’est remise en marche dans la perspective du congrès du 29 novembre, au cours duquel l’élection du président du parti ne devra pas être controversée comme l’a été celle de Jean-François Copé en novembre 2012. Car la bataille En novembre, la bataille pour pour le poste promet d’être le poste de président du parti acharnée entre Éric Ciotti, Bruno Le Maire, Hervé Mariton promet d’être acharnée. et Nicolas Sarkozy. C’est pourpour camoufler 17 millions d’euros de quoi le triumvirat Fillon-Juppé-Raffarin, qui assure les affaires courantes, a décidé frais de réunions publiques du candique cette élection se déroulerait de façon dat Sarkozy en 2012 et éviter à celui-ci électronique via internet, mode jugé plus une sanction pour dépassement de ses fiable et plus économique qu’un vote comptes de campagne. Licenciés aussi Éric Cesari, qui percevait 12500 euros brut papier. Ce sera un « tour de chauffe » en tant que directeur général du parti, pour la logistique gigantesque qu’il faudra JEUNE AFRIQUE


JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FRENCH-POLITICS POUR LE MONDE

Europe, Amériques, Asie

p Au siège parisien, après l’annonce des résultats des élections européennes, le 25 mai. Le Front national avait alors devancé le mouvement de droite populaire.

mettre en place pour la primaire dite « ouverte », c’est-à-dire celle à laquelle seront conviés en 2016 tous les Français et pas seulement quelque 125000 adhérents afin de désigner le candidat de l’UMP à l’élection présidentielle de 2017. En fait, tout se cristallisera autour de cette primaire à cause de la stratégie élaborée par Sarkozy. Lors de son interview télévisée du 2 juillet, l’ancien président a confirmé que la question qu’il renonce à revenir « ne se pose pas ». Mis en examen pour « corruption active » et « trafic d’influence », dans le collimateur des juges pour les fausses factures organisées avec Bygmalion, cité dans les affaires Tapie, Karachi, Kadhafi et des « sondages de l’Élysée », Sarkozy a choisi de se débarrasser de ses nombreuses casseroles en contreattaquant. Parce que la France est dans JEUNE AFRIQUE

un piteux état à cause de l’impéritie du pouvoir socialiste, parce qu’il est le seul à pouvoir éviter l’explosion de l’UMP, il lui faut sortir de la retraite qu’il s’était imposée et reprendre du service, ditil. Il briguera la présidence de l’UMP en novembre et estime que ce poste et sa qualité d’ancien chef d’État le dispenseront d’en passer par la primaire « ouverte ». Ensuite, il lui sera aisé de l’emporter en 2017 contre Marine Le Pen, la présidente du Front national, dont les sondages prédisent la présence au deuxième tour de la présidentielle. COMPLOT. Mais il y a un hic : les deux

tiers des Français ne veulent plus de lui et, selon un sondage Ipsos de la mi-juillet, c’est Juppé qui est le préféré du moment, l’ancien président reculant à la quinzième place. Pour contourner l’obstacle, Sarkozy

Nous sommes frappés par un scandale financier majeur. Cette situation […] est le résultat de la façon dont l’UMP a été gérée depuis des années. […] La situation s’est dégradée pour deux raisons : l’endettement immobilier, qui était un choix pour préparer l’avenir, et surtout le poids absolument invraisemblable du financement de l’action politique en 2012. […] Aux juges de faire la lumière. Nous en tirerons les conséquences ensuite. » L’ancien Premier ministre François Fillon, dans Le Monde daté 20-21 juillet entend profiter de son aura intacte chez les militants, qui croient dur comme fer à un complot des juges contre leur favori. Si la primaire était limitée aux adhérents, il arriverait en tête avec 38 % des suffrages devant Juppé (32 %), Fillon et Le Maire (8 % chacun), selon un sondage LH2 publié dans l’hebdomadaire Le Nouvel Observateur le 11 juillet. Et le tour serait joué. Les outsiders se battront donc pour que la primaire – à laquelle les centristes pourraient se joindre – demeure ouverte, et Sarkozy pour qu’elle soit le plus fermée possible, car il entend jouer la base contre les caciques. Une furieuse bataille s’annonce, mais aussi une rude épreuve pour l’UMP, où un déluge de boules puantes risque de rendre à nouveau l’atmosphère irrespirable. l ALAIN FAUJAS N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

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PARCOURS | D’ici et d’ailleurs

p Ne cherchez pas l’enseigne de My South Africa, rue Robespierre à Montreuil : les habitués connaissent…

Kobus Botha Captain Barbecue Ogre sympathique et farceur, le Sud-Africain fait découvrir aux Français la gastronomie populaire de son pays. Sa spécialité ? Le braai.

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N BON QUINTAL d’énergie, une barbe en bazar poivre et sel, un regard pétillant de blagueur: Kobus Botha est le grand maître du braai en France. Le braai ? C’est la version sud-africaine du barbecue. Paris Plages, le bal de Radio Nova à Pantin, la Techno Parade, Disney… L’homme, ses recettes et son barbecue de 12 mètres de long sont demandés partout. Installé à Montreuil (Seine-Saint-Denis), où il a reconstruit un petit morceau d’Afrique du Sud, l’ogre sympathique se raconte avec le calme de ceux qui ont déjà vécu deux ou trois vies. Bien entendu, comme tout petit Sud-Africain mâle qui se respecte, Kobus Botha n’a pas attendu bien tard pour touiller les braises. « J’ai commencé à faire le feu à 5 ans, sous la supervision de mon père, dit-il dans un français enrichi par l’accent sud-africain. À 12 ou 13 ans, je le faisais tout seul. »

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Né à Kimberley en 1963, Kobus Botha est le fils d’un professeur-apiculteur et d’une mère employée dans les services administratifs d’une école blanche. Son enfance se passe à Oudtshoorn, capitale mondiale de l’autruche et haut lieu de la culture afrikaans, dans la province du Cap-Ouest. Une certaine rudesse y est de mise: pas d’eau courante, pas d’électricité, des toilettes en extérieur et un enseignement scolaire très strict. « J’étais très bon à l’école, mais j’y étais battu aussi, se souvient-il. Sous l’apartheid, au nom de Dieu et de la nation, c’est ainsi qu’étaient formés les jeunes… » Le petit Kobus est un farceur. Ce n’est guère apprécié: il changera fréquemment d’école, jusqu’à l’adolescence. « J’ai fini par arriver au Cap, dans le très conservateur lycée Jan-Van-Riebeeck, où paradoxalement j’ai été pour la

première fois exposé aux idées de gauche, raconte-t-il. Avant, je ne savais même pas qu’il existait quelqu’un comme Nelson Mandela. Dans les villages en particulier, le gouvernement parvenait à contrôler toute l’information. » À la maison, ses parents n’étaient pas politisés, mais ne pensaient pas qu’être blancs les rendait supérieurs aux autres… « C’est au Cap que j’ai perdu ma religion, poursuit celui qui encore aujourd’hui fustige les manipulations commises au nom de Dieu. Quand on voyage un peu, on se rend compte de ce qui n’est pas normal, pas correct. » Appelé sous les drapeaux pour participer à « la seule guerre chaude de la guerre froide » sur la frontière namibienne, Kobus Botha invoque des problèmes de dos. Résultat : deux ans d’armée « à ne rien faire à côté des plus grands connards du monde ». Sa première vie professionnelle ? Rêvant de cinéma, il suit des cours de théâtre et de littérature à la Michaelis School of Fine Art, mais c’est un ami participant à un tournage qui lui permet JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie d’intégrer une équipe et de gravir les échelons. « Je suis vite devenu assistant réalisateur, mais comme j’ai toujours voulu être le patron, j’ai abandonné l’artistique pour me tourner vers la production. » La base de données du cinéma IMDb le crédite de 17 films et séries entre 1994 et 2005, pour la télévision. C’est dans ce domaine qu’il rencontre une Française, réalisatrice de documentaires. Après de nombreuses tribulations à travers le monde, le couple fini par se poser en France. « À 40 ans, j’ai eu un enfant et ce n’était pas conciliable avec le travail. Nous avons tous les deux décidé d’arrêter. Je ne le regrette pas. » Quelques années plus tard, le besoin de « faire quelque chose » s’impose. Sur les tournages de sa femme, aujourd’hui son ex, Botha s’est essayé avec joie à la cuisine pour les équipes. Pourquoi ne pas monter un « spectacle de barbecue »? Et c’est parti, Captain Barbecue se lance en France, en superhéros gourmet et francophile – même s’il goûte mieux la France des écrivains et des grandes idées révolutionnaires que celle des petits bureaucrates… L’envie d’une « clientèle » limitée d’habitués finit par le ramener à Montreuil, où il s’installe au plus près de son fils. My South Africa ouvre en 2012 rue Robespierre, offre une soixantaine de couverts et se taille une belle réputation autour de son brunch dominical. Quatre employés, des plats entre 12 et 23 euros (bobotie, biltong, chicken peri-peri, boerwors, vetkoek…), un chiffre d’affaires « suffisant pour continuer », un livre de recettes*, des prestations qui se sont développées avec l’année de l’Afrique du Sud en France: si Kobus Botha n’a guère de temps pour voyager, il garde tout de même sa maison de SomersetWest, « entre les vignes et la mer ». Pour Stéphane Fonga, employé du restaurant et par ailleurs mannequin: « Son seul défaut, c’est d’être trop généreux. » Mais la générosité, c’est sans doute le secret d’un braai réussi. l NICOLAS MICHEL Photo : ISABELLE LÉVY-LEHMANN pour J.A.

* Barbecue & autres recettes d’Afrique du Sud, de Kobus Botha, Mango, 148 pages, 20 euros. JEUNE AFRIQUE

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Il faut sauver le Gange! Le nouveau Premier ministre, Narendra Modi, a fait de la dépollution du fleuve sacré l’une de ses priorités. Mais en la matière, la liste des échecs est longue…

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ela fait deux mois que 1985, puis par le GAP 2, de 1993 à 1996. Modi est élu et on perEn 2009, la création de l’Autorité natioçoit déjà des channale du bassin du Gange (NGRBA) n’a gements à Varanasi pas donné plus de satisfaction. Cet [l’autre nom de Bénarès] : l’électricité organisme associant le gouvernement fonctionne presque en continu, les central, les États indiens traversés par ghats [gradins qui descendent vers le le fleuve et la société civile vise l’élimifleuve] sont plus propres… À présent nation de tout rejet d’eau non traitée on espère qu’il va tenir ses promesses d’ici à 2020 (un projet auquel la Banque et nettoyer le Gange ! » Comme Amit, mondiale a contribué à hauteur de vendeur de boissons, les habitants de la 1 milliard de dollars). Mais à six ans de ville comptent sur Narendra Modi pour l’échéance, on est loin du compte. Sur que le fleuve sacré, l’un des plus pollués les 3 milliards de litres d’eaux usagées au monde, soit bel et bien « sauvé ». Les rejetées tous les jours dans le fleuve, un chances de rédemption n’ont jamais été tiers seulement est traité. À Kanpur, les aussi élevées : nationaliste hindou, le 400 tanneries de la ville rejetteraient nouveau Premier ministre a fait de ce 50 millions de litres de déchets par jour, défi titanesque l’une de ses priorités. dont seuls 9 millions seraient traités, « Modi veut faire du Gange le symbole selon l’ONG Eco Friends. de sa réussite, souligne un rédacteur Mais pour le professeur Brahma Dutt en chef du quotidien DNA. Il sait qu’il Tripathi, expert membre de la NGRBA, est attendu au tournant. » « le principal problème reste celui de la Les grandes manœuvres ontdéjàcommencé.Dévoilé Depuis vingt-huit ans, l’État a le 10 juillet, le budget natioconsacré 4 milliards de dollars nal prévoit d’attribuer à ce problème. En vain. 340 millions de dollars (250 millions d’euros) à cette « Ganga Mission ». Voilà pour baisse de débit causée par les systèmes l’enveloppe. Pour le contenu, le goud’irrigation et la construction de barvernement consulte. Le 7 juillet, il rages et de canaux ». Si le flux du Gange a réuni experts, scientifiques, ONG était accru, estime-t-il, « près de 60 % et religieux pour débattre du sujet. de la pollution pourrait être diluée ». Le Sept écoles d’excellence, les Instituts gouvernementprendra-t-ilceproblème indiens de technologie, planchent àbras-le-corps?Alorsquedenombreux sur un plan de sauvegarde du fleuve projets de centrales hydroélectriques qui doit être présenté fin août. « Cette sont prévus, il est permis d’en douter. mission englobe aussi la dépollution Et qu’en sera-t-il de son attitude face à de la Yamuna, principal affluent du la corruption et à l’absence de coordinaGange. Car l’un ne va pas sans l’autre », tion, responsables en grande partie des a indiqué Uma Bharti, la ministre des échecs précédents ? Là encore, le proRessources hydrauliques. fesseur Tripathi s’interroge: « En 2008, le Gange a obtenu le statut de fleuve DÉJÀ-VU. Réjouissantes, ces bonnes national, mais les cinq États qu’il parrésolutions n’en ont pas moins un air court ont continué de travailler chacun dans son coin, et l’utilisation des fonds de déjà-vu. En vingt-huit ans, les gouattribués par le gouvernement central vernements successifs ont dépensé n’a en aucune manière été contrôlée. » 4 milliards de dollars pour dépolluer le Gange. Las, toutes les tentatives ont Devenu uneprioriténationale,leGange échoué, à commencer par l’ambitieux sera-t-il mieux… traité ? l Ganga Action Plan (GAP), décidé en MATHILDE ESLIDA, à Varanasi N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

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Europe, Amériques, Asie ÉTATS-UNIS

Expulsez ces enfants que je ne saurais voir Fuyant les gangs qui sévissent chez eux, des milliers de mineurs d’Amérique centrale franchissent chaque jour le Rio Grande. L’occasion pour les républicains de fustiger la politique migratoire d’Obama.

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inquante-sept mille. C’est le nombre record d’enfants et d’adolescents d’Amérique centrale arrivés seuls et illégalement aux États-Unis depuis octobre 2013. À l’origine de cet exode, l’insécurité chronique qui sévit au Honduras et au Salvador, d’une part, et la grande pauvreté qui ronge le Guatemala, d’autre part – à eux seuls, ces trois pays « fournissent » trois quarts des jeunes migrants concernés. Selon le département américain de la Sécurité intérieure, plus de 2200 mineurs ont ainsi fui, entre janvier et mai, la ville la plus dangereuse au monde selon l’ONU : San Pedro Sula, dans le nord-ouest du Honduras. Seul moyen pour eux d’échapper à la violence des gangs. Au Salvador, le tableau n’est pas plus reluisant : les meurtres d’enfants et d’adolescents âgés de moins de 18 ans ont, selon le New York Times, augmenté de 77 % entre 2013 et 2014. Une autre explication, complémentaire, de cette vague d’immigration est le traitement préférentiel accordé par les États-Unis aux mineurs venant de ces pays d’Amérique centrale – notamment par rapport à ceux du Mexique. Une loi

de 2008, signée par le président George W. Bush et destinée à lutter contre le trafic d’enfants, rend en effet plus difficile l’expulsion de mineurs isolés provenant de pays n’ayant pas de frontières avec les États-Unis. L’administration Bush n’avait bien sûr pas prévu un tel afflux de migrants… aujourd’hui instrumentalisé par le camp républicain pour dénoncer l’incurie de la Maison Blanche.

mesure adoptée quand il était au pouvoir. Le projet de réforme de l’immigration du président Obama, validé par le Sénat (dominé par les démocrates) et qui vise notamment une militarisation accrue de la frontière sud des États-Unis (plus de patrouilles, plus de drones…), est aussi dans son collimateur. Et pour cause : il prévoit la régularisation des 11 millions de sans-papiers du pays, ce que refuse la Chambre des représentants, aux mains des républicains. Ceux-ci s’opposent également au plan d’urgence de 3,7 milliards de dollars (environ 2,7 milliards d’euros) présenté

DRONES. Avec à leur tête Rick Perry, le gouverneur ultraconservateur du Texas – principal État d’arrivée des mineurs –, ils accusent l’administration Obama d’être incapable de sécuriser les frontières. Pure mauvaise Pour le président, c’est « une crise foi, alors que près de 2 milhumanitaire urgente ». Mais pas lions de sans-papiers ont été expulsés depuis 2009 ! question de leur accorder l’asile ! Quant à Sarah Palin, qui observe le problème de son lointain début juillet par la Maison Blanche pour Alaska, elle a même demandé l’impeachrépondre à ce qui est d’abord, selon les ment de Barack Obama pour sa mauvaise mots du président, « une crise humanigestion de la crise. Pour boucler la boucle, taire urgente ». Ces fonds, s’ils étaient les républicains réclament l’abrogation débloqués, permettraient de nommer pure et simple de la loi de 2008. davantage de juges pour statuer sur le sort Mais le Grand Old Party ne se contente des migrants, d’améliorer les conditions pas de tirer à boulets rouges sur une de détention dans les centres disposés le long du Rio Grande, mais aussi de hâter l’expulsion vers leur pays d’origine des mineurs accompagnés d’adultes. HYSTÉRIE. Très peu de voix s’élèvent

d’ailleurs pour que ces jeunes bénéficient de l’asile aux États-Unis, malgré les dangers qu’ils encourent dans leur pays. Lors d’une visite au Texas le 8 juillet, Barack Obama lui-même a jugé « improbable que ces mineurs puissent rester sur le territoire national ». L’hystérie, alimentée par les républicains, est en train de l’emporter sur toute autre considération. Alors que certains demandent l’envoi de la garde nationale à la frontière texane, des manifestants anti-immigration ont bloqué en Californie les bus qui y acheminaient des mineurs depuis le Texas, dont les structures d’accueil étaient submergées. Ou comment le sort des 57 000 enfants perdus de l’Amérique centrale révèle le visage le plus hostile des États-Unis. l JEAN-ÉRIC BOULIN, à New York N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

JEUNE AFRIQUE


Coulisses

Europe, Amériques, Asie

GREG BAKER/AFP

PÉROU « ET CELLE-CI, CHÉRI, ELLE TE PLAÎT ? »

Chine-Japon À vos marques, prêts, partez ! POUR UNE FOIS, la Chine et le Japon sont sur la même longueur d’onde. Le 22 juillet, l’Armée populaire de libération a présenté à la presse ses dernières innovations. Et parmi tout un arsenal militaire, les journalistes ont eu droit à… une démonstration de robots qui dansent (photo). Le même jour, le Premier ministre nippon, Shinzo Abe, qui souhaite faire de la « révolution robotique le fleuron de l’industrie japonaise », a annoncé, à l’issue d’une visite au centre de recherche de Saitama, son intention d’organiser en 2020 les premières cyberolympiades de l’Histoire, parallèlement aux Jeux olympiques de Tokyo. On ignore pour l’instant quelles seront les épreuves proposées aux androïdes, mais nul doute que la Chine alignera ses plus grands champions. l

71%

Cannabis Cultiver son jardin

C’est la proportion de Français dont les « sympathies » ne vont à aucun des deux camps dans le conflit israélo-palestinien, selon un sondage Ifop publié dans Le Figaro le 23 juillet. Preuve que les passions ne sont pas si exacerbées que le laissent penser les affrontements entre casseurs et forces de l’ordre lors de manifestations de soutien à Gaza, et que cette question est loin d’être un sujet clivant dans l’Hexagone. Parmi les 29 % de Français exprimant une préférence, 17 % penchent en faveur des Palestiniens.

À la suite d’un recours déposé par des patients souffrant de douleurs chroniques, la justice allemande a autorisé le 22 juillet trois personnes à cultiver du cannabis à des fins thérapeutiques. L’usage médical de la marijuana, qui soulage notamment les patients souffrant d’un cancer, d’un glaucome, du sida, de l’hépatite C ou de la maladie de Parkinson, fait son chemin dans

JEUNE AFRIQUE

un nombre croissant de pays. Le 7 juillet, New York est devenu le 23e État américain à autoriser le cannabis à des fins thérapeutiques. Et dans l’État de Washington, où même l’usage « récréatif » est permis, l’agence de notation Moody’s a récemment alerté sur le niveau de taxation trop élevé (44 % du prix payé par le consommateur). Si même les financiers s’y mettent !

Depuis son élection en 2011, le président Ollanta Humala a changé à cinq reprises de Premier ministre. Le dernier en fonction, René Cornejo, soupçonné de trafic d’influence, a démissionné. Pour la troisième fois dans l’histoire du Pérou, c’est donc une femme qui a accédé au poste de chef du gouvernement le 22 juillet. Avocate de profession, Ana Jara, jusqu’alors ministre du Travail, est surtout une proche de la première dame, Nadine Heredia, très controversée pour son influence auprès de son mari et du gouvernement. Pour l’opposition, cette nomination ne fait que confirmer cet ascendant. INDONÉSIE MAUVAIS PERDANT

À l’issue de l’élection présidentielle la plus serrée de la jeune démocratie indonésienne, c’est le gouverneur de Jakarta, Joko Widodo, alias Jokowi, qui a été déclaré vainqueur le 22 juillet. Selon les résultats officiels, il a remporté le scrutin avec 53,15 % des voix, contre 46,85 % pour l’ex-général Prabowo Subianto. Ce dernier, qui le jour même du scrutin avait revendiqué la victoire, a d’ores et déjà annoncé qu’il contesterait les résultats auprès de la Cour constitutionnelle. Selon lui, cette « élection malhonnête a été dès le début entachée de fraudes massives, structurées et systématiques ». N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

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Économie

MINES, PÉTROLE, AGRICULTURE

Les rois du négoce étendent leur toile Attaqués en Afrique, les grands traders mondiaux élargissent leur palette d’activités et se font producteurs, distributeurs, voire même banquiers. Enquête sur un bouleversement stratégique inéluctable mais risqué. N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

JEUNE AFRIQUE


AGROALIMENTAIRE

PORTRAIT

GABON

Idrissa Nassa

Sa stratégie se joue ailleurs

PDG de Coris Bank International

SIMON DAWSON, GOH SENG CHONG/BLOOMBERG VIA GETTY IMAGES ; RORY LINDSAY/TRAFIGURA

Pourquoi Avenport choisit la Chine

CHRISTOPHE LE BEC avec GREGORY MTHEMBU-SALTER et PATRICK SMITH (The Africa Report)

I

van Glasenberg sait où il va. Après avoir avalé le groupe minier Xstrata en 2013, le puissant patron du géant du négoce Glencore continue à remonter les filières pétrolière et minière. En avril, il s’est offert Caracal Energy, une junior pétrolière active essentiellement au Tchad, pour 1,35 milliard de dollars (975 millions d’euros environ). Le chef d’entreprise sud-africain entend que Glencore extraie, récolte, transforme, vende et distribue. Une vision que partagent certains de ses grands concurrents dans le domaine du négoce, toutes matières premières confondues, même si leur JEUNE AFRIQUE

p De g. à dr. : Ian Taylor, le patron de Vitol, Ivan Glasenberg, le directeur général de Glencore, et Claude Dauphin, président de Trafigura.

diversification est plus modeste. Acteur incontournable du commerce des denrées agricoles, le singapourien Olam étend ainsi sa toile dans le secteur. « Notre stratégie consiste à couvrir l’ensemble de la chaîne de création de valeur, de l’agriculteur à l’assiette », explique Venkatramani Srivathsan, directeur Afrique et Moyen-Orient d’Olam. Autre grand nom du trading, Trafigura a créé en 2012 une division mines qui détient des projets en RD Congo et en Angola. Il a également acquis le réseau de distribution d’essence de BP en Afrique australe et en Afrique de l’Est. Quant à Ian Taylor, le patron de Vitol (lire encadré p. 69), il est sur la même longueur d’onde. Fini le temps où les grands négociants se contenaient d’acheter les matières premières. Ils prennent maintenant des risques opérationnels, quitte à devenir euxmêmes producteurs et distributeurs. Et parfois même banquiers, comme l’illustre le récent prêt de 1,3 milliard de dollars accordé par Glencore au Tchad (lire l’interview p. 70). MAÎTRISE. Les grandes maisons du trading

n’ont jamais eu froid aux yeux. Peu importent les régimes en place et leurs fragilités, ils vont là où se trouvent le pétrole, les minerais et les matières premières agricoles. Mais cette volonté de maîtriser l’ensemble de la chaîne de valeur laisse les spécialistes du secteur songeurs. « Les traders qui veulent aussi être des producteurs pétroliers et miniers feraient bien d’y réfléchir à deux fois ! s’exclame Gary Busch, directeur général d’International Bulk Trade, spécialisé dans la logistique en Afrique et en Asie. Pourquoi devenir producteur de pétrole au Tchad, prendre autant de risques politiques et financiers quand il est possible de négocier des accords d’achat à long terme à des prix compétitifs avec des compagnies extractives dont c’est le métier ? » En réalité, si les grands négociants comme Glencore, Vitol, Trafigura, Gunvore – tous basés en Suisse – changent leur stratégie, c’est parce qu’ils n’ont guère le choix : leurs liens avec les producteurs africains s’effilochent. Ils risquent de plus en plus de se voir évincer et de perdre leur approvisionnement. Les équilibres géographiques des échanges de matières premières ont été bouleversés ces dernières années. Les places financières de New York et de Londres ne jouent plus un rôle prépondérant dans la détermination des prix, tant pour l’offre que pour la demande. Bombay et Shanghai achètent des quantités de pétrole, de minerais et de céréales plus importantes. L’Inde et la Chine ont aussi établi leurs propres consortiums de négoce, N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

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Entreprises marchés privés et publics, et sont en compétition avec les mastodontes occidentaux comme Glencore. « Jadis, les marchés étaient contrôlés par les groupes européens et américains. Mais de nombreux acteurs sont apparus, et il est devenu difficile d’avoir la main sur le prix d’un produit comme le cacao, qui provient à 70 % du continent africain », observe Jean-Louis Billon, le ministre ivoirien du Commerce, dont la famille est l’actionnaire de référence du producteur d’huile de palme et de caoutchouc Sifca. Les évolutions technologiques bousculent également les méthodes des grands négociants occidentaux. Dans le pétrole et les mines, les systèmes internationaux d’échanges électroniques ont élargi l’accès à l’information. Dans les filières agricoles, la mise en place de Bourses régionales africaines des matières premières, à Addis-Abeba, Lagos, Mombasa et Kigali notamment, change aussi la donne. Les agriculteurs ont désormais accès aux marchés national et international, ils bénéficient d’un prix juste pour leur production, et d’une traçabilité de la vente. « Ainsi équipés, les producteurs pourront négocier avec le même niveau d’information que les acheteurs », estime Eleni Gabre-Madhin, la directrice générale d’Eleni LLC, qui, après avoir créé la Place d’Addis-Abeba, se prépare à réitérer l’expérience ailleurs sur le continent, notamment en Afrique francophone. Selon Jean-Louis Billon, les grands du négoce ne peuvent plus abuser de leur poids pour fausser le jeu de la détermination des prix : « Il y a vingt ans, ils le pouvaient peut-être, mais aujourd’hui c’est impossible. Les systèmes d’information sont tels qu’il est difficile de s’affranchir des règles du marché. » Outre la mondialisation de la demande et la démocratisation de l’accès à l’information, les

GWENN DUBOURTHOUMIEU

68

p Glencore est également actif dans les mines. Ici au Katanga, en RD Congo.

Des traders suisses encore incontournables Les groupes helvètes gèrent

Part de la production 2013 des compagnies pétrolières nationales vendue par les négociants helvètes 86 %

100 %

Millions de barils vendus en 2013 aux traders suisses

20 % du négoce des matières premières

31 %

33 %

Angola

Nigeria

Congo

10,5

93

4,6

43 %

52 %

4% Guinée Cameroun Gabon équat.

Tchad

30 % du trading pétrolier

9,9

5,8

3,9

SOURCES : RAPPORT DE LA DÉCLARATION DE BERNE PUBLIÉ LE 21 JUILLET, BASÉ SUR L’ÉTUDE DE PLUS DE 1 500 CARGOS PÉTROLIERS PARTIS D’AFRIQUE ; SWISSAID N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

3,8

traders doivent aussi compter avec les nouvelles ambitions des gouvernements africains. Les grands producteurs pétroliers comme l’Angola et le Nigeria veulent que des sociétés locales participent à la commercialisation de leur production d’or noir sur les marchés internationaux en lieu et place des négociants occidentaux. « Ces deux pays ont choisi des voies différentes. Le premier a opté pour une commercialisation à travers un seul canal, la compagnie publique Sonangol, ce qui a le mérite d’être économiquement efficace, même si la question majeure de la transparence sur les revenus dégagés subsiste. Dans le second en revanche interviennent une multitude de petites sociétés privées de trading, souvent connectées à des hommes ou à des partis politiques », indique Marc Guéniat, de La Déclaration de Berne, ONG suisse consacrée à la transparence économique. Parmi les traders nigérians les plus en vue à Lagos, on compte Taleveras, fondé par Igho Sanomi, Sahara Group, de Tonye Cole, ou Ontario Oil & Gas, de Walter Wagbatsoma. DIAMANT BOTSWANAIS. L’émergence d’indus-

tries de transformation locales soutenues par les gouvernements remet également en question la domination des traders. Au Tchad et au Niger, les autorités se sont associées avec des groupes chinois pour construire des raffineries d’or noir destinées à approvisionner le marché local. Une manière pour ces pays producteurs de brut de limiter leur dépendance aux vendeurs internationaux de pétrole raffiné. Pour les produits agricoles consommés sur place, des circuits de production et de commercialisation locales évincent les négociants internationaux. Aliko Dangote investit ainsi massivement dans le sucre et le riz chez lui au Nigeria, alors que le pays dépense chaque année 10 milliards de dollars en denrées alimentaires importées. JEUNE AFRIQUE


Entreprises marchés

AMI VITALE/PANOS-REA

Vitol tous azimuts

Face à ces changements, ce sont parfois les négociants eux-mêmes qui implantent des industries de transformation, notamment dans le secteur agricole, pour garder la main sur la production et conserver de bonnes relations avec les États. Ainsi Olam et Louis Dreyfus Commodities ont lancé en Côte d’Ivoire des projets agro-industriels dans le riz et la noix de cajou. Dans le diamant, pour ne pas l l l

p La Bourse éthiopienne des matières premières, à Addis-Abeba, où s’échange une partie du café du pays.

AUX MANETTES DUTRADER néerlandais Vitol depuis 1995 (près de 223 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2013), IanTaylor a multiplié les opérations sur le continent. Comme Glencore, il a racheté des producteurs de matières premières, dont le groupe minier sud-africain CIC Energy (présent dans le charbon) et plusieurs gisements gaziers au Ghana. Sous sa houlette, Vitol a aussi investi dans la recherche pétrolière au Cameroun et dans la logistique au Mozambique, en prenant une part dans le terminal charbonnier de Carvão da Matola. Et surtout,Taylor a lancé son groupe dans la distribution de carburant – à l’autre extrémité de la chaîne des matières premières – à travers une coentreprise avec Shell, dont il a repris le réseau africain de seize stations-service en 2011. l

Communiqué

La société Sage, un des principaux éditeurs mondiaux de logiciels de gestion professionnels, porte à votre connaissance le résultat des actions en justice qu’elle a menées ces derniers mois contre des sociétés pirates. !"# $%&&'("# ") *+),-.)# ")/%0 '&"+$"# #1,234"+) 5 620#*"0-# &*22*"-# $1"0-%# ") $"# 6"*+"# $" 6-*#%+ %+) ,('2"&"+) ,), *+7*(,"#8 9'(" -'66"22" :0" 2"# 2%(*;*"2# #%+) 6-%),(,# 6'- 2" <-%*) $1=0)"0-8 >%6*"-? $*#)-*@0"-? ),2,;A'-("- %0 4"+$-" $"# 2%(*;*"2# #'+# 21'0)%-*#')*%+ $" 21,$*)"0- ;%+#)*)0"+) $"# ';)"# $" ;%+)-"B'C%+ 6'##*@2"# $" 6"*+"# $" 6-*#%+ ") $1'&"+$"#8

Vous avez un logiciel piraté ? D%0# "+;%0-"E $" (-'4"# ;%+#,:0"+;"# )";A+*:0"#? F+'+;*3-"# ") G0-*$*:0"#8 H" 6-"+"E 6'# ;" -*#:0" ") -,(02'-*#"E 4%)-" #*)0')*%+ $3# 5 6-,#"+)8 Mettez-vous en conformité avant le 20 septembre 2014. Passé cette date, Sage entreprendra les actions judiciaires nécessaires pour faire respecter ses droits.

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Plusieurs contrefacteurs (pirates) ont été condamnés par décisions de justice pour avoir reproduit et/ou utilisé illégalement la marque Sage ou ses logiciels.

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Entreprises marchés perdre une source d’approvisionnement essentielle au Botswana, la compagnie De Beers a accepté en 2013 de délocaliser à Gaborone l’ensemble de la taille et de la commercialisation des pierres de Denswana, sa coentreprise avec le gouvernement. Plus aucun diamant botswanais ne transite par Londres ou Anvers, centres du négoce de diamant. Peu à peu, l’étau se resserre autour des négociants. Sur les questions des paiements aux États, de la fiscalité, de l’éthique, de la corruption, entre lll

autres, la société civile exige toujours davantage de transparence de la part de ces entreprises, souvent situées dans des contrées peu regardantes (dont la Suisse). En investissant dans la production et aussi parfois dans la distribution, les traders s’institutionnalisent. Une façon sans doute efficace de conserver leur rang dans ce qui restera encore longtemps le cœur de l’activité de ces géants, le négoce. l

Glencore, banquier de N’Djamena? En échange d’un quota sur sa production d’or noir, le groupe suisse a prêté 1,3 milliard de dollars au Tchad.

E

ntre l’État tchadien et Glencore, c’est le grand amour. « Le groupe suisse est un partenaire stratégique pour nous », reconnaissait Djérassem Le Bémadjiel, le ministre du Pétrole, interrogé par J.A. début juillet. Non content d’être le trader principal de la Société nationale des hydrocarbures (SNH) tchadienne, le groupe d’Ivan Glasenberg a annoncé le 14 avril le rachat de Caracal Energy, une junior pétrolière anglaise active dans le pays. Puis il a aidé N’Djamena à reprendre les 25 % de parts du groupe américain Chevron dans le projet pétrolier de Doba. Pour ce faire, il a prêté à l’État pas moins de 1,3 milliard de dollars (environ 965 millions d’euros), qui lui seront remboursés via un quota de la production de pétrole brut du projet, en exploitation depuis 2004. « En 2013, nous avions entamé des négociations avec Esso, Petronas et Chevron, les trois actionnaires du projet, pour qu’ils cèdent à l’État tchadien 5 % des parts de ce dernier, raconte Djérassem Le Bémadjiel. Nous étions en discussions quand nous avons appris que Chevron sortait du capital. Le groupe américain proposait le français Perenco comme repreneur, mais nous avons bloqué la vente. L’occasion N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

TOM STODDART ARCHIVE

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était trop belle : nous allions pouvoir détenir un quart du capital, soit cinq fois ce que nous escomptions au départ. » Pour apporter les fonds nécessaires à l’État, le trader suisse a lui-même contracté un prêt auprès d’un groupement bancaire incluant notamment le Crédit agricole, Deutsche Bank et la Société générale. « C’était un prêt Jumbo [de grande taille], le montant à mobiliser était important, indique Adrian Mellor, avocat anglais du cabinet Allen & Overy. Glencore a pu le sécuriser rapidement grâce à sa réputation, mais aussi et surtout parce que le projet pétrolier était déjà en exploitation, avec une production future quasi garantie, ce qui limite considérablement les

p Le trader a dû solliciter l’aide d’un groupement bancaire pour réunir la somme.

Retrouvez l’interview du ministre du Pétrole sur economie. jeuneafrique.com

risques. » Une opération originale, unique en son genre en Afrique, et comparable, dans le secteur extractif, à ce qu’a fait Trafigura en Russie avec Rosneft Oil, là encore en échange d’un quota sur la production de brut de la compagnie. Marc Guéniat, de l’ONG La Déclaration de Berne, se montre peu enthousiaste à l’égard de ce type d’opérations. « Les négociants de matières premières deviennent les banquiers des États africains, ce n’est pas leur rôle. Grâce à cette opération, Glencore s’assure les bonnes grâces de N’Djamena, un quasi-monopole sur la commercialisation du brut tchadien, et donc une belle part des marges sur la production », regrette-t-il. l CHRISTOPHE LE BEC JEUNE AFRIQUE


Entreprises marchés

Licence télécom Le Mali

se couvre face au litige

E

nviron7milliardsdeFCFA(10,6millions d’euros), c’est le montant que Cesse Kome souhaite réclamer dans le cadre de la procédure d’arbitrage international qu’il a lancée contre l’État malien suite à la « réattribution » de la troisième licence télécom à Planor. L’homme d’affaires malien était en effet associé au groupe burkinabè dans le consortium initialement désigné vainqueur. Prudent, le Mali s’est couvert. En annexe de la

convention de concession, que Jeune Afrique a consultée, Planor s’est engagé à couvrir « la totalité des dommages » dont l’État serait redevable suite à un recours. À peine l’existence de la procédure d’arbitrage connue, l’État a rappelé par courrier à Apollinaire Compaoré, le patron de Planor, son engagement écrit. Alors que Planor prépare son lancement commercial, la note pourrait être plus salée que prévu. l

u Convention signée entre l’État malien et Planor en février 2013.

CÔTE D’IVOIRE DOUBLE PEINE POUR AFRILAND FIRST BANK

À peine installé à Abidjan, après l’acquisition fin 2013 pour 17 milliards de F CFA (25 millions d’euros) des 96,85%dunigérianAccess Bank, Afriland First Bank accumule les déboires. Le groupe camerounais vient d’être doublement condamné. Le préjudice atteint 26 milliards de F CFA dans deux litiges. Le premier concerne la plainte déposée par Pré Kouadio, le directeur général de l’agence de voyage Excell Travel contre la banque parce qu’elle avait refusé de couvrir un chèque sans provision. D’abord débouté, le plaignant a fait condamner la banque à lui verser 500 millions de F CFA en appel arguant qu’il aurait JEUNE AFRIQUE

perdu son agrément Iata (Association internationale du transport aérien) par la faute d’Access. Le second litige, qui implique le paiement de 25,5 milliards de F CFA, sanctionne la participation d’Access Bank dans le détournement des fonds qui devaient indemniser les victimes des déchets toxiques du négociant Trafigura illégalement déchargés à Abidjan en 2006. SUCRE SOMDIAA ENTENDU À YAOUNDÉ

La Société sucrière du Cameroun (Sosucam) respire. La filiale du groupe français Somdiaa, concurrencée par des importations massives du Brésil et d’Asie et par le sucre de contrebande venu

du Nigeria, a été entendue. Après avoir perdu 10,3 millions de dollars (7,8 millions d’euros) en août et septembre 2013, la Sosucam avait menacé d’arrêter l’usine de Nkoteng, l’une de ses deux unités de production. Son directeur général, Louis Yinda, avait dans une missive sensibilisé le président Paul Biya sur cette situation, évoquant même une fermeture définitive « si les conditions de pleine concurrence n’étaient pas rétablies ». Le message semble avoir été entendu puisque Somdiaa note « l’arrêt progressif des autorisations d’importations qui dépassaient largement les besoins nationaux et un meilleurcontrôledesfrontières au nord qui ralentit la fraude en provenance du Nigeria ».

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MAROC AL BARID BANK GAGNE UN MARCHÉ JUTEUX Amine Benjelloun Touimi, (photo), le président du conseil de surveillance de la banque postale marocaine, vient de décrocher un joli contrat. Al Barid Bank aura l’exclusivité de la gestion du statut d’autoentrepreneur, qui sera entériné officiellement en marge de la prochaine loi de finances, en fin d’année. Tous les futurs autoentrepreneurs du royaume devront passer par cet établissement pour « créer leur boîte » et ouvrir leur compte bancaire. « L’obtention du statut se fera sur simple présentation de la carte d’identité nationale. Nous avons simplifié au maximum la procédure, en désignant un interlocuteur unique, pour encourager les gens à sortir de l’informel », signale une source proche du dossier. Ce statut, qui fait partie des chantiers du ministère des PME et de l’Intégration du secteur informel, offrira plusieurs avantages fiscaux, avec notamment un taux simplifié de 1 % sur le chiffre d’affaires. Pour les services du ministère, dirigé par l’ex-trader Mamoun Bouhdoud, le choix de la banque postale n’est pas fortuit, puisqu’elle dispose du maillage territorial le plus dense du pays.

AIC PRESS

Les indiscrets


Entreprises marchés AGROALIMENTAIRE

Pourquoi Avenport choisit la Chine Le holding mauricien s’associe à Ruixing Group pour soutenir ses projets laitiers en Afrique. Et en profite pour s’inviter en Asie.

D

ans le lait africain, l’offensive est généralisée. Tandis que Danone poursuit ses acquisitions (lire encadré), que Lactalis réfléchit à plusieurs développements, notamment avec son partenaire tunisien Mabrouk, que Nestlé conserve ses positions historiques, le mauricien Avenport n’est pas en reste. Début juillet, ce holding familial très diversifié (immobilier, sport, agriculture, transport…) qui compte des participations jusqu’en France et en Nouvelle-Zélande a conclu un partenariat avec Ruixing Group, première entreprise privée chinoise spécialisée dans les fertilisants, qui envisage de se lancer dans la production de lait. « Nous partageons notre savoirfaire avec Ruixing et il nous apporte des fonds pour nous développer dans nos périmètres traditionnels: l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe. Des études d’implantations

sont en cours avec des partenaires locaux au Botswana, au Kenya et au Zimbabwe », explique le FrancoMauricien Éric Sériès, président d’Avenport Investment, détenu par sa famille. La société envisage également de s’étendre plus à l’ouest, au Gabon, après avoir été sollicitée par Libreville. Néanmoins, le patron reste modeste: « Nous sommes trop petits pour nous battre contre les géants mondiaux qui arrivent sur le marché. Nous intervenons sur un marché de niche et visons une clientèlelocale.Notrevaleur ajoutée face aux marques importées, c’est la proximité. Elle garantit la fraîcheur des produits. »

DANIEL IRUNGU/EPA/MAXPPP

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BOOM. Sur un continent où le lait

consommé provient essentiellement de l’étranger, le plus souvent sous forme de poudre, Avenport – qui refuse de communiquer ses revenus – n’est pas un novice. En 2008, il a acquis une ferme laitière industrielle tout juste créée

par un investisseur sud-africain, à Salazie, dans le nord de Maurice. Elle compte 600 vaches, génisses et veaux et une production quotidienne de 25 litres de lait par vache soumise à la traite rotative. La naissance d’Agreenculture

DANONE DOUBLE LA MISE

D

anone maintient son cap africain. Et frappe fort en s’offrant 40 % de Brookside Dairy, le premier groupe laitier du Kenya et l’un des plus avancés au sud du Sahara. « Brookside est un leader sur de nombreux plans, notamment en matière de solidité des marques et de distribution avec 200 000 points de vente et de collecte. La société travaille avec 140 000 éleveurs », explique Emmanuel Marchant, directeur du développement de Danone pour les pays du N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

Sud. Une cible rare que Danone convoitait depuis plusieurs mois, comme l’avait révélé Jeune Afrique en janvier. Un an après avoir repris 49 % du capital de Fan Milk, un groupe de produits laitiers et de jus de fruits présent en Afrique de l’Ouest et très solide au Ghana, le français complète son dispositif subsaharien. Mais alors que Fan Milk importe la totalité du lait dont il a besoin (sous forme de poudre), Brookside, lui, se fournit localement auprès de

producteurs kényans. « Danone a fait de l’Afrique une nouvelle frontière et il était important de mettre un pied en Afrique de l’Est, la plus importante zone de production laitière d’Afrique subsaharienne », ajoute Emmanuel Marchant, qui ne cache pas que le groupe français a l’intention de poursuivre l’offensive. La montée ultérieure de Danone au capital de Brookside (détenu également par la famille Kenyatta à hauteur de 50 % et par le capital-investisseur Abraaj à

hauteur de 10 %) n’est pas encore déterminée. Mais le français ne cache pas ses ambitions pour la société kényane, qui devrait poursuivre son développement géographique en Afrique de l’Est et la diversification de ses produits. Le lait représente encore 80 % des ventes (130 millions d’euros de chiffre d’affaires total) de Brookside, de quoi offrir de belles perspectives à Danone, grand producteur de yaourts. l FRÉDÉRIC MAURY JEUNE AFRIQUE


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Retrouvez sur

economie.jeuneafrique.com toute l’actualité économique et financière du continent Cette semaine, à la une :

Sénégal L’eurobond de 500 millions de dollars largement sursouscrit

p Sur le continent, la majorité du lait consommé est importée.

Holdings, la société qui exploite la ferme et produit déjà 1,2 million de litres par an, a largement participé au boom de la production nationale, passée de 2,5 millions de litres en 2007 à 6,5 millions l’an dernier.

JEUNE AFRIQUE

Automobile Le Nigeria restreint les importations, Peugeot relance l’assemblage local Algérie La plus grande usine Samsung d’Afrique ravagée par un incendie OMPI-INDICE MONDIAL DE L’INNOVATION (GII)

Si Ruixing s’est intéressé aux projets d’Avenport, c’est pour son potentieldedéveloppementafricain certes, mais passeulement. Le mauricien sera aussi mis à contribution en Chine. Pékin connaît en effet des difficultés d’approvisionnement. Après les scandales liés au VITRINE. Une révolution dans un lait contaminé produit sur le terripays qui importait 98 % de son toire chinois en 2008, les autorités ont fait abattre plusieurs millions lait jusqu’à la mise en place d’un de vaches et fermé plan stratégique en Le ministre un grand nombre faveur de la sécurité alimentaire. La d’exploitations, ce gabonais de ferme de Salazie qui a fait chuter la l’Agriculture sert aujourd’hui de production de 20 % s’intéresse vitrine au groupe. Le en 2013, soit l’équi17 juillet, Luc Oyoubi, valent de 6 milliards également au le ministre gabonais de litres en moins. savoir-faire de l’Agriculture, a fait « Ruixing nous a développé le tour du propriéproposé de nous taire dans le cadre de associer au projet sur l’île. négociations pour la chinois de la plus création d’une unité de producgrosse ferme laitière du monde tion similaire au Gabon. Un projet – 50 000 vaches – », précise Éric auquel le Fonds gabonais d’invesSériès. Un pas de plus dans l’intissements stratégiques (FGIS, lire ternationalisation du mauricien pp. 76-77) devrait participer. GEORGES DOUGUELI Avenport. l

Sidérurgie Le géant chinois Shandong Shangang s’installe à Tanger

L’infographie de la semaine Les pays africains les plus innovants Maroc

84e

Tunisie

(32,24)

78e

(32,94) Kenya Ouganda 85e Seychelles 91e (31,85) 51e (31,14) (38,56)

Ghana

96e

(30,26)

00

Rang mondial

(00) Score

Botswana 92e(30,87)

Afrique du Sud 53e(38,25)

Maurice

40e (40,94)

N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014


74

Décideurs BURKINA FASO

La méthode Nassa En fondant Coris Bank, l’entrepreneur burkinabè est l’un des rares Africains à s’être imposés dans la finance. Aujourd’hui, ce banquier des PME entend dupliquer son modèle un peu partout sur le continent.

I

l court, il court, Idrissa Nassa, au rythme de l’expansion de Coris Bank International dans la sous-région. À peine rentré d’une conférence à Nairobi mijuillet, le banquier burkinabè de 49 ans s’est envolé pour Bamako afin de superviser le lancement des activités de la filiale du groupe au Mali, prévu le 1er août. Issu d’une lignée de commerçants, dans la pure tradition des opérateurs économiques nationaux, il s’est d’abord distingué comme importateur et distributeur de riz, de sucre et surtout de pièces détachées pour deux-roues (moto et vélo). Puis, en 2001, a racheté la Financière du Burkina, un établissement de crédit alors en pleine crise, qu’il recapitalise et transformera en banque en 2008. « J’ai beaucoup évolué dans le commerce, l’import-export et la distribution de pièces détachées, de riz et de sucre », confie celui qui a poussé plusieurs membres de sa famille à se lancer dans les affaires. Mais, accaparé par la gestion de son groupe bancaire, il a préféré se délester de ce pan important des affaires familiales. En six ans d’existence, Coris Bank, dont il détient environ 70 % du capital, a atteint 500 milliards

de F CFA (762 millions d’euros) de total de bilan consolidé fin 2013 et s’est hissé au deuxième rang du secteur, juste derrière le groupe panafricain Ecobank. Une performance spectaculaire qui ne lui vaut pas que des amis. « On entend effectivement beaucoup de choses sur Coris », glisse sous le couvert de l’anonymat un cadre banquier, reflétant la jalousie qu’inspire la rapide progression du groupe. S’affirmant étonné d’entendre dire qu’il est proche du pouvoir, le banquier réplique sur le ton de la plaidoirie : « Je n’ai aucun lien, ni d’affaires ni familial, avec des hommes politiques. Aucun n’a de compte dans nos livres ! » Pour ceux qui ont suivi son parcours, le secret de Nassa ne réside

Tchad, Niger, Côte d’Ivoire, Mali, Togo… La banque ne manque pas d’ambitions de développement. pas dans son entregent. « Il a un avantage que les autres banquiers n’ont pas: il a d’abord été commerçant, il va vers la clientèle », résume une source proche de l’Association professionnelle des banques et établissements financiers du Burkina Faso (APBEF-BF). Idrissa Nassa

Du commerce à la banque

1965

Naissance à Ouagadougou

1990

Se lance dans les affaires

2001

Rachète la Financière du Burkina

2008

Crée Coris Bank

2012

Échec d’implantation au Niger

2014

Lance Coris Bank au Mali

n’hésite pas à aller à la pêche aux clients. « Il a amené les PME du secteur informel à travailler avec Coris en leur accordant davantage de souplesse dans les garanties demandéesetenlesaccompagnant intelligemment vers le secteur formel », explique Thierno Seydou Nourou Sy, actuel directeur général de la BNDE (Banque nationale de développement économique) au Sénégal. MÉTHODIQUE. « Il est différent

dans sa conception du financement de l’économie, dans ses relations avec ses clients, mais aussi dans ses rapports avec ses collaborateurs », poursuit celui qui fut directeur général adjoint de Coris. Ses cadres le décrivent

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Décideurs

HÔTELLERIE. Cette méthode et cette stratégie, Idrissa Nassa souhaite résolument les porter hors des frontières du Burkina. Avant son implantation au Mali, le groupe avait déjà tenté de mettre un pied au Niger en 2011 en prenant une participation dans la BIA, deuxième banque du pays. Un essai manqué, puisque Coris revendra ses parts après quelques mois seulement. À la même époque, il s’intéresse de près à la JEUNE AFRIQUE

privatisation de la Commercial Bank-Tchad avant de renoncer, échaudé notamment par l’expérience nigérienne. En 2013, il ouvre une filiale en Côte d’Ivoire et tente au même moment de se rapprocher de la BNDE, une banque des PME en création au Sénégal. En septembre prochain, il s’installera au Togo, toujours avec la même ambition : soutenir le développement des petites et moyennes entreprises. « Notre souhait est de dupliquer l’expérience du Burkina dans les pays d’implantation. Pour l’instant, le marché de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) est une priorité. Mais à terme, nous avons des ambitions africaines », confie Idrissa Nassa. Actif dans l’immobilier et dans l’imprimerie, Idrissa Nassa a aussi des intérêts dans un autre secteur : l’hôtellerie. Déjà propriétaire de deux petits hôtels, il a repris et rénové avec sa Société de promotion et d’aménagements touristiques et hôteliers (Sopatel) l’hôtel Silmandé à Ouagadougou, l’un des fleurons de l’industrie hôtelière du Burkina Faso, dont la gestion est confiée au groupe Golden Tulip. « Si le projet réussit, l’hôtellerie pourrait bien devenir son nouveau challenge », révèle un proche. l NADOUN COULIBALY, à Ouagadougou

DR

comme un manager méthodique et rigoureux. « Il est patient et a une véritable culture du résultat », confie l’un de ses proches collaborateurs, qui figure parmi les cadres qu’Idrissa Nassa réunit plusieurs fois par an pour faire le point et réfléchir aux stratégies. L’homme sait motiver ses troupes, qui ne comptent pas leurs heures, soirs et week-ends compris, et il a su s’entourer de professionnels compétents qui sont le reflet du dynamisme de son groupe. Parmi eux figurent Emmanuel Sawadogo, qui dirige désormais les filiales hors du Burkina, et Diakarya Ouattara, actuel directeur général adjoint du groupe. « Il est de ces patrons qui pensent que, parfois, leurs collaborateurs peuvent leur apprendre des choses », décrypte Thierno Seydou Nourou Sy.

CÉCILE DESREZ CFAO La Française est promue directrice des ressources humaines et de la responsabilité sociale et environnementale du distributeur. Elle était auparavant l’adjointe d’Alain Luchez, qui occupait ce poste.

TOM GUTJAHR AIRTEL Actuellement directeur général de la filiale locale de Millicom,Tigo, au Paraguay, passé par celles duTchad et du Rwanda,Tom Gutjahr prendra la direction de l’opérateur Airtel en Ouganda à partir du 1er août.

DR

CORIS BANK

CFAO

ON EN PARLE

JOYCE SAGOE MILLICOM Venue de British AmericanTobacco et de l’agence de communication Voodoo, elle quitte la Côte d’Ivoire et la communication de MTN pour rejoindre le Sénégal et la direction marketing de Tigo, filiale du groupe Millicom. N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

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Lire aussi l’interview de Serge Mickoto, directeur général du FGIS

Finance INVESTISSEMENTS

Comment le fonds souverain mène sa stratégie Pêche, tourisme, énergie… Le FGIS conclut des partenariats dans des secteurs clés pour le Gabon. Mais sa priorité reste la constitution d’un portefeuille rentable, surtout hors de ses frontières nationales.

L

e Fonds gabonais d’investissements stratégiques (FGIS) a trouvé son rythme de croisière. Né en 2012, le gestionnaire des ressources du Fonds souverain de la République gabonaise (FSRG, ex-Fonds souverain pour les générations futures) a multiplié les opérations ces derniers mois. En mai, il a investi dix milliards de F CFA (15,2 millions d’euros) dans Oragroup, un établissement bancaire présent dans douze pays africains. Il a également misé sur IHS Towers, un gestionnaire panafricain de tours de télécommunications, souscrit à une récente émission obligataire d’un pays d’Afrique de l’Ouest et injecté une centaine de millions d’euros dans deux fonds panafricains gérés par Edifice Capital, dans les infrastructures (Infrastructure PPP Africa) et l’agriculture (Agriland). Héritier d’un portefeuille d’une soixantaine de participations

BAUDOUIN MOUANDA POUR J.A.

76

détenues directement par l’État auparavant, le fonds en a ajouté une vingtaine en deux ans. « Le FGIS a commencé à investir dès 2012 au Gabon. Par exemple dans la société commerciale gabonaise de réassurance SCG-Ré », souligne Serge Mickoto, directeur général du fonds, qui est financé par 10 % des recettes pétrolières (1442 milliards de F CFA en 2013), par 50 % des surplus budgétaires ainsi que par les dividendes de ses participations.

p Le mauricien Ireland Blyth s’est associé au FGIS pour fonder Gabon Seafood.

PREMIERS PAS. Intervenue à peu

près au même moment que celle des fonds souverains du Nigeria, du

À DAKAR, LE DÉVELOPPEMENT AVANT TOUT LE FONDS SOUVERAIN d’investissements stratégiques (Fonsis) du Sénégal devrait annoncer d’ici à quelques mois ses trois premières cibles, dont la société gérant le futur aéroport BlaiseDiagne. « Nous voulons développer le Sénégal et générer du rendement », explique Amadou Hott, le directeur général du N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

fonds. Financé par 6 milliards de F CFA (9,15 millions d’euros) tirés du budget de l’État 2013-2014, le Fonsis devrait surtout bénéficier d’importants transferts d’actifs publics (terrains, participations, etc.) pour atteindre 500 milliards de F CFA de capitalisation dans un État sans manne pétrolière. La loi prévoit

que 75 % du portefeuille soit investi dans le pays, mais le montant pourrait être plus élevé encore. Fonsis entend fédérer les investissements privés, étrangers notamment, dans des secteurs clés (infrastructures, énergie, agriculture…), mais aussi contribuer au capital de futurs champions F.M. nationaux. l

Ghana et de l’Angola, la naissance du FGIS s’inscrit dans un mouvement important de création de fonds souverains en Afrique, dont le cas sénégalais (lire l’encadré) est l’un des derniers exemples. Le Nigeria Sovereign Investment Authority (NSIA) a investi en un an et demi plus de 130 millions de dollars (94,4 millions d’euros), en très grande partie dans des fonds internationaux. Un type d’investissement écarté pour l’instant par le FGIS. « Nous ne sommes pas dans la même situation, explique Serge Mickoto. Pour pallier une éventuelle crise de change et compenser des chocs macro-économiques, le Nigeria cherche en effet à investir dans des placements mondiaux en dollars. » Le patron résume ainsi ses premiers pas : « Le fonds souverain du Gabon est d’abord et avant tout destiné aux générations futures. C’est aussi un fonds de développement, car il est destiné au final à assurer une diversification des ressources du pays. » Au niveau national (20 % du portefeuille direct à terme), le fonds se positionne sur certains des projets structurants du pays dans le tourisme, la pêche, JEUNE AFRIQUE


Baromètre

HORS DES FRONTIÈRES. Le volet

«investissementextérieur»(80%du portefeuille direct) a pour principal objectif de dégager des ressources futures en favorisant une rentabilité régulière. D’où les premiers investissements dans Oragroup ou IHS. « Ces prises de participation sont desexemplesconcretsquimontrent notre engouement et notre capacité à investir hors de nos frontières », se réjouit Serge Mickoto. « Lorsque des fonds souverains sortent du territoire national, leur objectif est aussi de pouvoir attirer dans leur pays des investisseurs étrangers spécialisés dans des secteurs prioritaires », ajoute la spécialiste du secteurfinancierd’uneorganisation de développement panafricaine. Une stratégie délicate à mener pour le FGIS, dont les moyens d’intervention restent limités au regard des plus grands fonds souverains. La jeune structure n’a sous gestion que 650 milliards de F CFA d’actifs, une broutille comparée aux 65 milliards de dollars du Libyan Investment Authority. Mais, sur ce plan-là aussi, le FGIS peutdéjàafficherquelquesrésultats. Le fonds Agriland (dans lequel il a investi) a ainsi choisi le Gabon parmi ses premiers pays cibles. Il y crée une unité de production de poulets pour le marché local. l STÉPHANE BALLONG

CACAO

« L’Afrique de l’Ouest restera la première zone de production mondiale » LA FORTE poussée des prix du cacao, qui ont crû de 13,2 % depuis le début de l’année pour atteindre 1 958 livres (2 476 euros) la tonne, a été nourrie par l’augmentation de la demande mondiale, particulièrement en Asie. Celle-ci a suscité des craintes de déficits qui pourraient paraître paradoxales quand la Côte d’Ivoire et le Ghana, les deux premiers producteurs mondiaux, s’attendent à des récoltes record pour la saison 20132014 et investissent lourdement pour doper leurs rendements à la saison suivante. Mais l’industrie de la fève prévoit que les besoins en cacao vont augmenter de 1 million de tonnes pendant la prochaine décennie et que les déficits seront plutôt la norme que l’exception.

À court terme, les prix élevés vont bénéficier aux exportateurs de fèves brutes, dont les marges vont augmenter. Mais la plupart des agriculteurs devront attendre la prochaine saison pour bénéficier de cette hausse, car les prix à la production sont fixes, aussi bien au Ghana qu’en Côte d’Ivoire. Les prix élevés du cacao sont la meilleure incitation à l’augmentation des rendements, traditionnellement faibles en Afrique de l’Ouest (autour de 400 kg par hectare). Une augmentation indispensable pour la Côte d’Ivoire et le Ghana, où les zones de culture disponibles sont rares. Elle pourrait aussi doper le Nigeria, sur le point de dépasser le Cameroun pour devenir le troisième

Edward George Directeur de la recherche, Ecobank

producteur africain de cacao. Le Sierra Leone et le Liberia, où des investissements importants ont été réalisés, pourraient également devenir des producteurs importants. L’Afrique de l’Ouest n’a pas de rivaux dans le monde et restera la première zone de production de fèves brutes. Mais avec le dynamisme des broyeurs asiatiques, l’Afrique risque de rester un fournisseur sans parvenir à extraire plus de valeur ajoutée de la culture du cacao. » l

Cours à la Bourse de Londres (en livres sterling la tonne) 2000

1 995 12.6.2014

1900

1 958 23.7.2014

1800

1 591 1700

23.7.2013

1600

1500

Octobre 2013

Janvier 2014

Avril 2014

Juillet 2014

SOURCE : FT

l’agrobusiness ou encore les télécoms – sans oublier son souci de rentabilité. Début 2013, il a créé avec le mauricien Ireland Blyth une coentreprise pour doper l’industrie gabonaise de la pêche. Un projet de 100 millions d’euros au total, qui passe notamment par la relance de l’ex-Société industrielle et frigorifique du Gabon, rebaptisée Gabon Seafood. Il s’est par ailleurs associé à Aman Resorts pour développer l’écotourisme au Gabon. Un projet hydroélectrique est également dans sa ligne de mire, mais il n’a pas encore abouti. « Il est trop tôt pour dresser un premier bilan car ces projets structurants démarrent à peine », reconnaît Claude AyoIguendha, banquier et président du conseil d’administration du FGIS.

Finance

et FRÉDÉRIC MAURY JEUNE AFRIQUE

N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

77


Dossier

Urbanisation

GEORGES OSODI/PANOS-REA

78

GRANDS CHANTIERS

L’Afrique des

villes

D’ici à 2050, le continent comptera 300 millions de citadins de plus. Pour les loger tout en réduisant les inégalités, une véritable révolution urbaine est nécessaire. Les grands projets sont déjà lancés. Mais les investissements seront-ils à la hauteur du défi ?

est en marche N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

JEUNE AFRIQUE


MAROC

PORTRAIT

Jean-Charles Tall,

79

fondateur du Collège universitaire d’architecture de Dakar

EKO ATLANTIC

Rabat et Salé, réconciliation capitale

S

ur la presqu’île artificielle de Lagos, au Nigeria, les grues s’activent pour la construction des premières tours d’un projet immobilier pharaonique digne de Dubaï. Baptisé Eko Atlantic, il devrait à terme accueillir 250 000 habitants sur 9 km2, avec pour ambition affichée de devenir le nouveau centre financier de l’Afrique de l’Ouest. Il comprendra des immeubles futuristes abritant des bureaux et des appartements de luxe entourés de marinas. Les premières livraisons sont prévues pour 2020. Fruit d’un partenariat public-privé, ce projet estimé à 6 milliards de dollars (4,4 milliards d’euros) vise à donner un coup de fouet au développement de Lagos, mais il cristallise aussi les critiques. À quelques encablures du chantier, insalubrité, problèmes de transport et insécurité restent le lot quotidien de la grande majorité des habitants. « C’est une enclave sur Victoria Island, qui tourne le dos

JEUNE AFRIQUE

p Eko Atlantic City est le projet phare de Lagos. Construit sur une langue de sable sur Victoria Island (ci-contre), ce quartier d’affaires futuriste accueillera 250 000 personnes (ci-dessus, vue d’artiste). CHRISTELLE MAROT

à Lagos et ses 10 millions d’habitants. Je ne pense pas que ce genre de projet soit durable ni réplicable. Comment va-t-on rejeter les eaux ? » s’interroge Jean-Pierre Elong Mbassi, secrétaire général de l’organisation internationale Cités et gouvernements locaux unis d’Afrique (CGLU). « Gérer la ville telle qu’elle est tout en préparant la cité de l’avenir, c’est un défi pour tous les dirigeants africains. » À l’opposé de la démesure d’Eko Atlantic, Kigali est perçu par beaucoup comme un modèle pour sa gestion urbaine, axée sur la responsabilisation citoyenne. Pays traditionnellement très rural, le Rwanda mise désormais sur sa capitale. Avec son million d’habitants, la ville se démarque par sa propreté et ambitionne de devenir un centre névralgique des services tout en développant le tourisme d’affaires. Une salle de conférences de plus de 2 000 places adossée à des hôtels et des bureaux est en construction. En mai, Kigali a d’ailleurs accueilli pour la première fois les l l l N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014


Dossier Urbanisation

VINCENT FOURNIER/J.A.

80

assemblées annuelles de la Banque africaine de développement. En Afrique du Nord, Rabat axe notamment son développement sur l’offre culturelle. Le musée Mohammed-VI d’Art moderne et contemporain, qui occupera une surface de 6 800 m2 – pour un investissement estimé à 200 millions de dirhams (17 millions d’euros) – doit ouvrir ses portes en septembre. Non loin de là, dans la vallée du Bouregreg, le Grand Théâtre de Rabat s’étendra sur un terrain de plus de 4 hectares avec une salle de 2 050 places, une autre de 520 places et un studio de création et de répétitions. Conçu par l’architecte Zaha Hadid, le complexe devrait accueillir le public en 2017. Son coût est estimé à 1,35 milliard de dirhams. lll

« SMART CITIES ». Alger, à l’image de Casablanca

et de Rabat avant lui, a investi dans le tramway. La mise en service de la troisième extension de la ligne reliant Bordj el-Kiffan à Dergana sur près de 7 km est en effet annoncée pour la fin de l’année 2014. Actuellement, le tramway d’Alger, dont la ligne court sur 20 km, transporte déjà 1,8 million de personnes chaque mois. À Accra, Nairobi, Johannesburg, Abidjan, des projets de smart cities, ou « villes intelligentes », se mettent doucement en place. « Il n’y a pas un seul modèle, mais Accra est sans doute la ville qui a réalisé les progrès les plus fulgurants ces dix dernières années en matière de gouvernance. Et Maputo connaît un développement phénoménal, boosté par l’exploitation des ressources en gaz et en charbon du pays, avec des financements intérieurs N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

p La Kigali City Tower donne une nouvelle image de la capitale rwandaise, qui mise sur les services et le tourisme d’affaires.

et extérieurs, notamment sud-africains », souligne Alioune Badiane, directeur des programmes de l’ONU Habitat. Les défis sont colossaux pour le continent, que ce soit en matière d’assainissement, d’accès à l’eau et à l’électricité ou encore pour la construction de logements et d’infrastructures de transport… Et le temps presse. Selon les projections, la population africaine devrait quasiment doubler et dépasser les 2 milliards d’habitants en 2050 ! Ce sont près de 300 millions de nouveaux citadins qu’il faudra accueillir. « Le besoin d’investissements urbains est estimé à 25 milliards de dollars par an pour l’Afrique subsaharienne. Nous sommes encore très éloignés de ce chiffre. L’ampleur de la croissance urbaine l l l

LES MÉGALOPOLES FACE AU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE DE DAKAR AU CAP et d’Alexandrie à Durban, la plupart des grandes villes sont déjà touchées par la montée du niveau des mers. Sans oublier les tempêtes, les inondations et l’érosion côtière. Si les cités du Maghreb sont, elles, relativement épargnées, les villes de l’intérieur du continent sont également exposées par le biais de pertes de récoltes et de hausse des coûts de l’énergie. « Nous travaillons sur le concept de ville résiliente. Il ne faut pas

planifier seulement sur quatre à cinq ans, mais sur le long terme. Les États doivent interdire les constructions en bord de mer et éviter que les populations ne s’installent dans des zones à risque », insiste Alioune Badiane, directeur des programmes de l’ONU Habitat. Gérer le changement climatique, c’est aussi privilégier des architectures adaptées usant de la ventilation traversante et des matériaux résistants à la chaleur, CH.M. en particulier la terre. l JEUNE AFRIQUE



82

Dossier Urbanisation à venir sur le continent n’est pas suffisamment comprise par les décideurs africains et les bailleurs de fonds. Cela va engendrer une série de problèmes en matière de finances publiques pour les collectivités locales », prédit Thierry Paulais, directeur adjoint pour l’Afrique subsaharienne à l’Agence française de développement (AFD). lll

DES DÉCIDEURS DÉPASSÉS. Une contrainte financière que Khalifa Sall, le maire de Dakar réélu en juin dernier, espère lever. Notée BBB+ à long terme par l’agence de notation Bloomfield Investment Corporation pour la première fois fin 2013, la capitale sénégalaise est l’une des rares villes africaines à pouvoir aller chercher aujourd’hui des financements sur le marché régional obligataire. Le maire veut soigner l’image de sa cité et a lancé des opérations de « recasement » des vendeurs ambulants. L’idée ? Prévoir des espaces de commerce leur permettant de travailler dans la légalité. D’autre part, l’aménagement de la corniche se poursuit. Dakar est également la deuxième ville africaine, avec Durban, à avoir été sélectionnée pour intégrer le programme « 100 villes résilientes » lancé par la fondation Rockefeller. À ce titre, elle a reçu une subvention de 1 million de dollars pour développer sa stratégie de résistance aux catastrophes naturelles. Les travaux du futur pôle urbain de Diamniadio, relié à Dakar par la nouvelle autoroute à péage, ont débuté en mai. La nouvelle ville, située à une trentaine de kilomètres de la capitale, devrait abriter 40 000 logements, un pôle industriel et commercial ainsi qu’un hôpital universitaire, des universités et des hôtels. Mais les projets d’urbanisme de la capitale sénégalaise ne font pas l’unanimité. « Les aménagements sur la corniche de Dakar sont ostentatoires et circonscrits au cœur historique, souligne Mactar Faye, urbaniste et géographe de l’ONG Urbanistes sans frontières. Il n’y a pas de plan de développement global pour l’agglomération. Dans l’Est, le quartier de Pikine, par exemple, est devenu l’un des plus peuplés, et les banlieues, livrées à elles-mêmes, sont un enjeu politique. »

Il faudrait investir 25 milliards de dollars par an dans les villes d’Afrique subsaharienne.

Villes durables, villes inclusives (dont le développement est orienté pour réduire les inégalités) : sur le continent africain, ces concepts sont récents et les décideurs politiques locaux manquent souvent de vision. Le développement urbain d’Abidjan, par exemple, reste adossé à ce qui a pu se faire dans les années 1960 et jusqu’au milieu des années 1980. Pour Issa Diabaté, directeur général de l’agence Koffi et Diabaté Architectes en Côte d’Ivoire, « il faut à Abidjan un développement urbain plus dense » : « On doit construire plus haut, rassembler davantage de gens sur un même espace, non seulement pour éviter que la ville ne s’étale mais aussi pour retrouver la notion de vie en communauté. Dans l’inconscient collectif, le modèle d’habitat, c’est une maison. Mais pour améliorer nos conditions de vie, il faut se tourner vers d’autres solutions. Le développement durable et la mobilité doivent être au cœur des schémas directeurs. » GOUVERNANCE. Un développement urbain vertueux requiert une vision, mais aussi une bonne gouvernance. Luanda, capitale parmi les plus chères au monde, connaît encore des épidémies de choléra, en raison des problèmes d’eau et d’assainissement. À une trentaine de kilomètres de là, la ville nouvelle de Kilamba, construite par une société chinoise et capable d’abriter 500 000 personnes, demeure une citédortoir et peine à attirer les Luandais. « On ne peut pas avoir des villes à deux vitesses, des centres avec des buildings et, juste à côté, des gens qui n’ont accès ni à l’eau potable ni à l’assainissement ! tempête Alioune Badiane. Gouvernance, planification et financement sont les points clés du développement des villes africaines. Sans la gouvernance, rien ne marchera ! Regardez Conakry. Cette ville connaît des coupures d’électricité récurrentes. La Guinée est le château d’eau de l’Afrique et Conakry manque d’eau ! Il faut mettre en place des mécanismes permettant aux citoyens de croire en leur ville. Ainsi, ils seront capables de sanctionner une mauvaise gestion. » l

SMARTPHONES ET « BIG DATA » AU SERVICE DES CITADINS

«

P

arler de villes intelligentes en Afrique, c’est s’interroger sur les moyens de tirer profit des nouvelles technologies afin d’améliorer les conditions de vie des populations », indique Habib Bamba, senior manager spécialiste des nouvelles technologies au cabinet d’audit Deloitte en Côte d’Ivoire. Comment? « En

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s’appuyant sur le fort taux de pénétration du téléphone mobile sur le continent, soit plus de 70 %. » Au Kenya, une plateforme permet aux citoyens et aux fournisseurs d’échanger par SMS et signaler en temps réel les problèmes d’accès à l’eau potable. « Cette initiative publique réalisée en partenariat avec IBM a permis

de s’occuper prioritairement de régions qui avaient besoin de points d’eau », précise Habib Bamba. En Côte d’Ivoire, l’analyse de milliards d’informations statistiques (big data) fournies par le trafic des téléphones mobiles entre 2011 et 2013 a permis d’identifier les mouvements de population à Abidjan. Cette observation a été très utile

pour décider des lieux de construction des routes nouvelles et de la réaffectation de plus de 500 bus, 5000 minibus et 11000 taxis partagés. « En matière de big data, l’Afrique en est encore à un stade embryonnaire. Mais on doit s’attendre à un véritable boom d’ici à 2020 », estime CH.M. Habib Bamba. l JEUNE AFRIQUE


E

NERGIE FFICACITE

COGÉNÉRATION, LA BONNE SOLUTION POUR L’AFRIQUE

Aujourd’hui en Afrique, les besoins en électricité sont tels que le marché des générateurs électriques est florissant. La plupart ont un rendement de l’ordre de 40 % (ce chiffre désigne le rapport entre l’énergie consommée, sous forme de gaz ou de carburant, et l’énergie électrique produite), mais les entreprises, institutions et particuliers n’ont qu’une priorité : la disponibilité d’électricité pour l’industrie, les ordinateurs, la climatisation…

COMMUNIQUÉ

La cogénération, parce qu’elle combine la production de chaleur et d’électricité (CHP, Combined Heat and Power, en anglais), présente un rendement bien supérieur. Techniquement, la chaleur utilisée pour produire l’électricité est récupérée et peut être utilisée, par exemple sous forme d’eau chaude ou de fluide caloporteur dans les climatiseurs. Ce n’est pas une technique nouvelle mais elle tend à s’imposer sur le continent : avec la montée en puissance des besoins en électricité, la cogénération trouve son application dans un nombre de plus en plus grand de situations. « C’est notamment le cas des aéroports, des centres commerciaux, des hôpitaux et des immeubles de bureaux,

explique Kenneth Gaynor, Directeur technique de Cummins Afrique. Il y a aussi de nombreuses applications dans les agro-industries. » Les technologies CHP de Cummins sont utilisables dans les 51 pays africains où le groupe est présent. Compte tenu de sa dimension, et de la vitesse à laquelle son économie se développe, le Nigeria est un marché prioritaire. De plus, le gaz naturel y est abondant, ce qui permet d’utiliser des techniques de « tri-génération » (chaleur, électricité, réfrigération), qui présentent un rendement supérieur à 90 %. Mais Cummins est prêt à faire bénéficier de la cogénération tous les utilisateurs de générateurs électriques, dans tous les pays et quelque soit l’énergie primaire qu’ils utilisent. « La rentabilité est très simple à démontrer, explique Conan Jones, directeur du développement de Cummins. Dans toutes les

usines, on utilise de l’eau chaude. Avec la CHP, plus besoin de chauffe-eau ! ». De plus, les générateurs CHP de Cummins sont des machines ultramodernes, qui présentent une maintenance simplifiée et s’intégrent parfaitement dans un système de gestion de process industriel. Malgré tout, le prix d’acquisition d’un générateur de base reste plus attractif et c’est encore le facteur décisif pour bon nombre de directeurs d’usines africains, qui oublient le prix et la quantité de carburant qu’ils devront acheter par la suite. Les commerciaux et les techniciens de Cummins déploient de nombreux arguments pour les convaincre qu’à long terme, la technologie CHP est la plus intéressante. « De plus en plus, nos clients africains sont attentifs à ces aspects financiers et au retour sur investissement », conclut Conan Jones. ■

Pertes (10 %) - Conduit de cheminée - Chaleur rayonnée - Bruit

Transfert Chaleur d'échappement

Haute température (~30 %) pour : - Chaudière à vapeur - Séchage - Refroidisseurs

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Dossier Urbanisation MAROC

Rabat et Salé, réconciliation capitale

Depuis 2005, un vaste plan d’urbanisme a métamorphosé les rives du fleuve qui sépare les deux villes. Un chantier qui vise à résorber les fractures géographiques, mais aussi sociales. Pour l’économiste Mekki Zouaoui, grand défenseur de son Salé natal, « le défi majeur est d’infléchir la tendance à la bipolarisation sociale et urbaine. À ce titre, le tramway et les deux rocades prévues qui vont relier les deux villes font fortement progresser l’intégration géographique de Rabat et Salé ». PATRIMOINE. En octobre 2013, HASSAN OUAZZANI POUR J.A.

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epuis son promontoire, la casbah de Rabat semble regarder avec condescendance les remparts de Salé, sa sœur de lait roturière qui lui fait face. Entre l’aristocratique capitale du royaume et l’ancien nid de corsaires, le fleuve Bouregreg et son embouchure étaient encore il y a quelques années une déchirure polluée, difficile à franchir, grignotée par les constructions sauvages et corsetée, côté Rabat, par une ceinture autoroutière. Difficile alors d’imaginer les agréables promenades et les ensembles immobiliers harmonieux qui bordent aujourd’hui un fleuve rendu à la nature. Celui-ci a été désensablé et, avec sa marina flambant neuve, Salé la populaire se prend à rêver de yachts et de milliardaires. Si l’on peut toujours traverser en barque le bras d’eau réhabilité, un tramway dernier cri court maintenant sur le pont Hassan-II, inauguré en 2011. Le 10 janvier 2014, c’était au tour du pont Moulay-Youssef d’être ouvert à la circulation. D’ancienne frontière, l’embouchure du Bouregreg N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

est ainsi devenue le trait d’union qui réconcilie les deux sœurs pour leur offrir un avenir commun. CONVERGENCE. Véritablement lancé en 2005, le projet d’aménagement du Bouregreg affiche l’ambition, sur 6 000 hectares, de « restituer aux citadins des deux rives un espace commun, aménagé pour être un lieu de convergence ». Neuf ans plus tard, l’agglomération Rabat-Salé-Témara est l’un des meilleurs exemples de développement urbain durable du continent. Et les réalisations vont se poursuivre avec la construction d’un port sur l’Atlantique, d’une autre marina, d’un grand théâtre de 2 000 places, de musées, d’un hôpital, d’ensembles de logements, de commerces, etc. En mai dernier, le plan de la ville pour 2014-2018 a été lancé par le roi Mohammed VI. Investissement prévu pour l’ensemble de l’agglomération : 18 milliards de dirhams (1,59 milliard d’euros), une somme en nette hausse par rapport au montant investi (7,78 milliards de dirhams) sur la période 2006-2011.

p Le pont Hassan-II a été inauguré en 2011. Long de 1,2 km, il comporte un tablier pour les voitures et un autre pour le tramway et les piétons.

l’organisation internationale Cités et gouvernements locaux unis (CGLU) avait choisi la capitale marocaine pour accueillir son 4e Sommet des dirigeants locaux et régionaux, qui a rassemblé quelque 3000 représentants venus du monde entier. Ayant vocation à moderniser l’agglomération, les programmes mis en œuvre visent aussi à préserver et à mettre en valeur un patrimoine naturel et culturel remarquable. En 2012, l’Unesco a d’ailleurs inscrit Rabat sur sa liste du Patrimoine mondial. Mais les défis à relever restent importants, rappelle Mekki Zouaoui : « Le pouvoir d’achat des ménages est environ 40 % plus élevé à Rabat qu’à Salé. Cette fracture, que beaucoup qualifient de bombe sociale à retardement, constitue aujourd’hui le problème majeur de l’agglomération capitale. » Pour y répondre, l’économiste prône l’innovation institutionnelle: « Salé

Ancienne frontière, l’embouchure du Bouregreg est devenue un trait d’union entre les deux cités. devrait bénéficier des attributs administratifs de la capitale, c’est pourquoi je pense qu’il faudrait unifier les deux villes. Cet acte politique serait la réponse audacieuse à la nécessité d’adapter les limites du territoire administratif de la capitale aux réalités d’aujourd’hui. » l LAURENT DE SAINT PÉRIER JEUNE AFRIQUE



Dossier Urbanisation l’environnement. « Avant d’envisager la pose d’un climatiseur, regardons comment on peut créer des aérations naturelles et évitons les grandes façades vitrées », plaide-til. Une démarche qui l’a guidé lors de la conception de l’immeuble ClairAfrique, place de l’Indépendance à Dakar, où les larges balcons jouent le rôle de pare-soleil. Cette approche, Jean-Charles Tall l’a acquise à l’École nationale supérieure d’architecture de Marseille. « Il y avait là-bas un groupe de chercheurs intéressés par le Tiers Monde, qui accordait aussi une grande importance aux dynamiques sociales », se souvient-il.

PORTRAIT

Les convictions bien étayées de Jean-Charles Tall Formation locale des architectes, approche bioclimatique… Cet agitateur d’idées bouscule les conservatismes pour que renaisse une école sénégalaise de la construction.

CÉSURE. De retour au Sénégal

SYLVAIN CHERKAOUI POUR J.A.

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I

p « L’habitude, c’est d’aller chercher les compétences à l’extérieur », déplore-t-il.

l s’est fait connaître comme lanceur d’alerte lorsqu’il dénonçait les dérives de l’agence nationale chargée de gérer le sommet de l’Organisation de la conférence islamique (OCI), à Dakar en 2008. Aujourd’hui, à 58 ans, Jean-Charles Tall se lance dans un nouveau combat. En septembre, l’école privée qu’il a fondée en 2008 avec son associée Anna Jouga et son confrère Mouhamadou Naby Kane entend ouvrir un master d’architecture en partenariat avec l’université de Thiès (ouest du Sénégal). Mais pour l’heure, le Conseil de l’ordre, dont il a pourtant été président de 1998 à 2003, n’est pas prêt à reconnaître le futur diplôme. « Certains craignent qu’on ne forme de futurs concurrents. Mais le Sénégal manque cruellement de professionnels! Le pays ne compte que 130 architectes en exercice. Soit un pour 100 000 habitants (contre 45 pour 100 000 habitants N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

en France). » Depuis la fermeture de l’école d’architecture de Dakar en 1991, pas un seul professionnel n’a été diplômé dans le pays. Résultat: à Dakar, plus de neuf bâtiments sur dix sont construits sans le concours d’un architecte. Pour le fondateur du Collège universitaire d’architecture, dont la licence forme des techniciens supérieurs et permet à certains étudiants de poursuivre leur cursus en France ou à l’école d’architecture de Lomé, les choses doivent changer. Et ce n’est pas l’opposition de l’establishment qui va l’impressionner. Son passage au prytanée militaire de Saint-Louis a forgé son caractère, et son engagement au sein des associations africaines en France à la fin des années 1970 lui a donné le goût de la lutte. En matière d’architecture, JeanCharles Tall ne manque pas non plus de convictions. Il observe avec satisfaction un intérêt grandissant pour les projets tenant compte de

au début des années 1980, JeanCharles Tall n’adhère pas aux directives du président Senghor. Tous les bâtiments officiels mis en chantier devaient alors répondre aux canons de l’architecture soudano-sahélienne. « Je suis Africain. Je n’ai pas besoin de le revendiquer », assume-t-il. Néanmoins, il déplore le virage pris depuis une vingtaine d’années : « On construit aujourd’hui à Dakar comme on le ferait à Berlin. » La marque selon lui d’une fêlure entre les décideurs et les architectes. « L’habitude, c’est d’aller chercher des compétences à l’extérieur pour les projets d’envergure », déplore-t-il, comme pour le nouvel aéroport de Diass. Jean-Charles Tall parle en connaissance de cause. De 1990 à 1997, il fut le directeur technique du cabinet du grand architecte

À Dakar, plus de neuf bâtiments sur dix sont construits sans le concours d’un architecte. sénégalais Pierre Goudiaby Atepa, pour lequel il a notamment supervisé la construction de l’aéroport de Banjul en Gambie. Au Sénégal, il est aussi le père des stationsservice Elton, dont le toit en forme de vague est reconnaissable entre tous. Autant d’expériences qu’il souhaite désormais partager au travers de son collège. l JULIEN CLÉMENÇOT, envoyé spécial à Dakar JEUNE AFRIQUE



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Culture & médias

u Marcus Miller (à dr.) main dans la main avec le maalem Mustapha Baqbou après une fusion réussie, le 14 juin dernier.

MUSIQUE

Le Menacée de disparaître, la tradition musicale des descendants d’anciens esclaves subsahariens revit grâce au festival d’Essaouira. Mais les maalem doivent aujourd’hui relever un nouveau défi : innover. YOUSSEF AÏT AKDIM, envoyé spécial

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aceauport,lagrandescènedufestival Gnaoua et musiques du monde d’Essaouira se dresse, majestueuse, sur la place Moulay-el-Hassan ouverte aux quatre vents. Deux mouettes, perchées sur le mur cernant la place, veillent. Vigies impassibles, à l’image de l’indolence qui prend le visiteur. À côté, résonnent les grands tambours et les crotales des Gnaouas de la parade accueillant les invités de marque. Neila Tazi Abdi, qui préside le festival depuis sa création en 1998, est

entourée de quelques ministres du gouvernement Benkirane (mais aucun islamiste), du conseiller du roi André Azoulay, de Son Altesse impériale perse Farah Diba (femme du Chah), de Leïla Shahid, représentante de la Palestine à Bruxelles, de l’ambassadeur des États-Unis à Rabat, Dwight Bush, et d’une foule d’anonymes. Pour sa 17e édition, du 12 au 15 juin, le « Woodstock marocain » est devenu populaire, et même pour les mondanités, il est conseillé de tomber la cravate. Dans quelques heures, l’ouverture du festival se fera sur la grande

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scène avec le violoniste Didier Lockwood, rejoint plus tard par le maalem Hassan Boussou. Maalem (« maître »), un titre qu’il a hérité de son père, Hmida Boussou, l’un des grands noms de ce genre musical. Connus des seuls initiés il y a encore une vingtaine d’années, les Gnaouas (ceux qui viennent de Guinée, une étymologie possible) traînaient une bien mauvaise réputation: celle d’un ordre confrérique malfamé à mi-chemin entre le saltimbanque et le mendiant. Depuis près de deux décennies, ces « clochards célestes » sont devenus les hôtes des plus grands noms de la musique mondiale : cette année encore, le bassiste américain Marcus Miller, la chanteuse folk-soul germano-nigériane Ayo, le trompettiste franco-libanais Ibrahim Maalouf. Leur

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musique, qualifiée de blues africain, est devenue incontournable. À Essaouira, la fête se décline en grand format ou en concerts intimistes reprenant le format des lila, ces séances d’invocation des esprits divins que certains assimilent à de l’exorcisme. Passeurs et intercesseurs, les musiciens amadouent les mlouk, esprits invisibles. Mais si on y prête attention, elles doivent bien être là, ces créatures tapies dans l’ombre des remparts ocre de l’ancienne Mogador, portées par les alizés qui balaient la ville et lui assurent ce climat tempéré. Quand le rythme s’accélère, les mlouk s’emparent des corps, qui paraissent alors agités par une gigue incontrôlable, et de l’âme, jusqu’à l’évanouissement parfois. l l l

Gnaoua Anthologie, coffret de 9 CD, 7 livrets et 1 livre, édité par l’association Yerma Gnaoua

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blues à l’âme


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Culture médias Musique « There’s a natural mystic blowing through the air » (« une mystique naturelle souffle dans l’air »), chantait Bob Marley. Quelque chose d’ineffable. La libération lascive des corps, s’ajoutant au syncrétisme évident de traditions spirituelles diverses. Et peu importe si les Gnaouas se conçoivent comme des musulmans pieux, invoquant sans cesse les saints et le Prophète. lll

Les instruments gnaouis

WAH-WAH. L’esprit vaguement libertaire qui ras-

semble femmes voilées et jeunes filles cheveux dénoués au vent, locaux et étrangers en goguette, soufis et adeptes d’autres nourritures de l’esprit, tout ce melting-pot fait « l’esprit gnaoua ». « Il y a quelques décennies, il était inimaginable, pour certains maalem, de laisser des Blancs participer à une lila », se souvient Karim Ziad, directeur artistique du festival. Reconnu aujourd’hui comme un genre musical, le tagnaouite a pour porte-parole l’association Yerma Gnaoua, chargée de préserver le patrimoine et de défendre les intérêts des artistes. La musique gnaoua a dorénavant son anthologie, dévoilée en juin dernier. Réalisée sous la direction du musicologue marocain Ahmed Aydoun et du maalem Abdeslam Alikane, elle est une étape supplémentaire dans une approche patrimoniale rigoureuse. La réalisation majeure de ce festival a été de faire de la marge, d’un art considéré comme mineur ou du moins folklorique un centre, une vitrine attractive pour toute la ville d’Essaouira. Ancienne base navale et autrefois principal port de Tombouctou, dont la conception avait été ordonnée par le sultan Mohammed Ben Abdellah (dit Mohammed III) en 1764 à l’ingénieur français Théodore Cornut, Essaouira était tombé en déshérence dans le courant du XXe siècle. Aujourd’hui, la ville tire la majorité de son dynamisme économique du tourisme et de la culture. Pour les Gnaouas, qui ont continué à transmettre leur tradition orale et musicale à l’ombre des nombreuses confréries de la ville, l’événement est un tournant. « Le festival a vraiment sauvé la musique gnaoua. Elle était appelée à disparaître », souligne Karim Ziad. Et de poursuivre : « Le regretté maalem Hmida Boussou disait que la musique gnaoua a été sauvée de l’extinction à Essaouira. Les plus grands se détournaient de leur art, d’autres se tournaient vers d’autres influences. » En soirée de clôture, le maalem Hamid El Kasri a repris le classique Chalaba, manifeste et quasihymne du festival : « Messieurs, ne prenez pas le tagnaouite comme de la mendicité déguisée. Nos aïeux l’ont honoré et nous l’ont légué comme un patrimoine précieux », et il a partagé la scène avec le Malien Bassekou Kouyaté. Tout un symbole pour le festival qui, à l’image de cette ville, se veut le lieu de réunion et de transmission entre les deux rives du Sahara. Ce concert commun a visiblement conquis le public, tant le ngoni, certes « customisé », N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

p De haut en bas : Le guembri, sorte de luth-tambour ; les crotales métalliques ou qraqech ; le tbal (tambour aussi nommé ganga), que l’on frappe à l’aide de deux baguettes.

de Kouyaté semblait ouvrir des voies audacieuses au guembri plus traditionnel de Kasri. À l’origine, les deux instruments sont semblables. On retrouve d’ailleurs des déclinaisons de cette basse en bois recouverte de peau, à deux ou trois cordes, chez les griots mandingues, les Peuls de Guinée et… les Gnaouas d’Afrique du Nord. Ici, c’est l’instrument du maalem, qui pince et gratte de ses doigts et bat le caisson comme un tambour. « Il faut sauter le pas, explique Kouyaté. Mon père ne voulait pas que je fasse des solos, mais je ne pouvais pas me contenter de garder le ngoni à trois cordes des ancêtres. Aujourd’hui, mon instrument a neuf cordes. J’ai dit à maalem Hamid d’essayer la pédale wah-wah. J’espère qu’il le fera. » RENCONTRES. Fusion : le mot est sur toutes les lèvres sans que personne ne sache le définir. À Essaouira, ce sont d’abord ces concerts à rallonge où les maalem du cru rencontrent sur scène des musiciens internationaux. On connaît la liste, plus ou moins mythique, des artistes entrés dans la transe des crotales assourdissants et des lignes sourdes du guembri : Robert Plant, Randy Weston, voire Jimi Hendrix, qui a un temps résidé à Essaouira. Plus près de nous, de grands noms ont donné à la fusion souirie ses titres de noblesse : Louis Bertignac, Nguyên Lê, Pat Metheny, Maceo Parker, etc. Bâtir des rencontres aveclesmeilleursartistespermetauxmaalemde s’ouvrir, comme dans une gigantesque session musicale de rattrapage qui se poursuit encore. Arrangeur de génie et compositeur prolifique, Karim Ziad parvient, dans le choix des artistes qu’il programme et la conception des fusions, à faire durer la magie de ces rencontres. Quitte à se mettre lui-même derrière la batterie, pour des improvisations éphémères et sublimes. « La fusion est réussie quand le musicien invitéaccompagnelemaalemgnaouaetessaie d’intégrer sa musique », témoigne le maalem marocainAbdeslamAlikane,égalementdirecteur artistique du festival. « À charge pour les Gnaouas d’être ouverts et hospitaliers. C’est un art complexe où la spontanéité et l’improvisation prennent leur part, mais il y a aussi du travail, de la préparation. » Invité de marque cette année, le génial Marcus Miller – qui a composé Tutu, le grand album du retour de Miles Davis dans les années 1980 – a pu ainsi dialoguer avec le maalem Mustapha Baqbou, dont la technique se rapproche du slam, qu’il affectionne. « J’ai regardé ses concerts sur YouTube, écouté beaucoup de musique gnaoua, qui présente de nombreuses ressemblances avec la samba du Brésil, le calypso des Caraïbes. Nous avons répété une heure, mais je reviendrai jouer avec Baqbou. » Promesse d’un plaisir sans cesse renouvelé, la fusion est certainement la voie du renouveau pour les maalem. l JEUNE AFRIQUE


Culture médias CINÉMA

Annette Kouamba Matondo, caméra au poing Déterminée et combattante, cette femme de culture installée à Brazzaville explore la société congolaise dans des courtsmétrages engagés.

É

le théâtre, la peinture, les musées… » Un virus qui coule toujours dans ses veines à son retour au Congo-Brazzaville en 1990. « Pendant des années, j’ai collectionné des statuettes, reproductions de belles et majestueuses reines égyptiennes. Ma préférée était Néfertiti, pour sa bravoure. Mais, pendant la guerre de 1993, tout a été pillé… »

CASSEUSES DE PIERRES. Son père (aujourd’hui décédé) lui aura également n’avons pas vu la guerre passer… Mon oncle avait une bibliothèque. Mes sœurs transmis le goût de l’indépendance. « Il et moi passions notre temps à lire. On nous disait toujours, à mes sœurs et à moi : “Votre premier mari, c’est votre oubliait les mauvaises nouvelles, on s’évadait. » La culture a toujours été très présente dans sa « Votre premier mari, c’est votre vie, notamment depuis salaire, votre travail. Ne comptez une soirée mémorable de l’année 1986, lorsque la que sur vous-même ! » petite Annette découvre salaire, votre travail. Ne comptez que Carmen en Allemagne. « Mes sœurs et sur vous-même !” Il serait fier de moi moi trouvions ringard d’aller à l’opéra ! aujourd’hui ! » Il est vrai qu’Annette Mon père, attaché militaire dans ce pays, a insisté. J’ai été si impressionnée par les Kouamba Matondo a toujours persévéré. voix… Depuis ce jour, je suis attirée par De quoi avons-nous peur ? (2010), son deuxième court-métrage, sur la censure et l’autocensure des journalistes, montre comment dépasser ses peurs grâce au théâtre. Et elle espère pouvoir bientôt diffuser son troisième film (Au-delà de la souffrance, 52 min) sur les proches des victimes des explosions du dépôt de munitions de Mpila (quartier est de Brazzaville) le 4 mars 2012. Trois producteurs recherchent actuellement des financements dans ce but. « S’il le faut, je demanderai à des amis de se cotiser avec moi pour que le film soit diffusé. C’est important de donner de l’espoir et le courage de se battre aux Congolais, en montrant comment certains se reconstruisent ! » assure-telle. Le courage… À l’image de ces femmes qui, dans les carrières de la capitale, cassent des pierres en plein soleil à longueur de journée, avec parfois un nourrisson au dos… Sans doute le sujet de son prochain documentaire. Tant Annette se sent proche de leur « détermination ». l p Comment dépasser ses peurs et l’autocensure ?

OPÉRA. On n’oublie pas, on pardonne a été projeté au Burkina (compétition officielle Fespaco en 2011), en France, en Égypte et à l’Institut français du Congo, à Brazza. « Les familles ont applaudi. Pouvoir parler de leurs disparus a représenté une thérapie pour eux », observe-t-elle très émue. La douleur de perdre un être cher, Annette Kouamba Matondo connaît, elle aussi… « Une de mes sœurs, Jeannette, est morte en 1998, pendant la guerre. Réaliser ce premier film a réveillé cette douleur enfouie en moi. Cela m’a aussi permis de faire son deuil. » Célibataire, Annette a adopté Marinette, la fille de Jeannette. Avec du recul, elle se dit que les conflits, ont, très étrangement, aussi eu leurs bons côtés : « Nous JEUNE AFRIQUE

BAUDOUIN MOUANDA POUR J.A.

panouie. Malgré les guerres passées et les épreuves de la vie. À 41 ans, Annette Kouamba Matondo, rédactrice en chef à La Nouvelle République, un journal de Brazzaville, est une battante. Son engagement, elle a choisi de l’exprimer à travers les images en 2010 lorsqu’elle réalise son premier court-métrage, On n’oublie pas, on pardonne. Un documentaire de 26 minutes qui évoque la nécessité d’écrire. Pour ne pas oublier. Pour se souvenir de la souffrance des familles des disparus du Beach. Plus de 350 réfugiés n’ont plus donné aucun signe de vie depuis leur retour au pays et leur passage, en mai 1999, au port fluvial de Brazzaville. Les assassins présumés ont été acquittés lors d’un procès, et les familles attendent toujours des réponses…

s’interroge la journaliste de 41 ans (ici le 14 juillet).

EMMANUEL DE SOLÈRE STINTZY N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

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Culture médias

SIDOLI/RAMBAUD

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p Affiche d’un spectacle de cabaret (1896)

EXPOSITION

Un train nommé désir Reliant deux mondes qui ne se connaissent pas, l’Occident et l’Orient, le mythique Orient-Express nourrit bien des fantasmes. Le confinement des voitures a exacerbé la vision érotique de ce singulier « cheval de fer ».

C

onnaissez-vous le One Two Two ? Sans doute pas et c’est normal: cet établissement bien sous tous rapports a fermé en 1946. Ah, ne roulez pas des yeux de vierge effarouchée, nous allons employer un vocable bien sage, quoique réservé aux plus de 18 ans. Bref, sis au 122, rue de Provence, non loin de la gare Saint-Lazare, le One Two Two était une maison close. Oui, vous avez bien entendu, un bordel fréquenté par le Tout-Paris dans l’entredeux-guerres et devenu l’un des quartiers généraux de la Gestapo, sous l’Occupation, avant de succomber à la loi Marthe Richard. Quel rapport, me direz-vous, avec l’exposition « Il était une fois l’OrientExpress », qui se tient à l’Institut du monde arabe (IMA), à Paris ? Eh bien, l’histoire de ce lieu pas comme les autres fait partie des nombreuses anecdotes rassemblées par le commissaire Claude Mollard pour accompagner la présentation, sur le parvis N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

de l’IMA, de la locomotive et de quelques wagons d’un des trains les plus fameux, voire le plus fameux, du XXe siècle. MEURTRE. Analysant le huis clos de l’Orient-Express comme un « lieu érogène»,BlancheElGammalestalléepêcher dans la mémoire de Fabienne Jamet, la patronne du One Two Two, quelques précisions sur la fameuse « chambre OrientExpress », inspirée par la ligne reliant Paris à Istanbul depuis 1883. Chacun ses fantasmes, et, pour certains, c’était le train : « La voyageuse du sleeping était peu farouche. Les inconnus lui plaisaient. Et vous n’aviez très vite plus aucun doute, elle adorait faire l’amour dans un sleeping. Au-dessus de l’étroite couchette, le mini-éclairage d’un wagon-lit mettait en lumière vos ébats, bercés par le bruit régulier d’un train en marche. Derrière la vitre du compartiment, le paysage (…) défilait de toute sa longueur de toile montée sur

déroulant. Il avait suffi pour déclencher le double mécanisme d’appuyer à l’entrée sur un bouton. » Lorsqu’il eut l’idée de créer, en 1873, la société Georges Nagelmackers & Cie, qui deviendrait plus tard la Compagnie internationale des wagons-lits et des grandsexpresseuropéens,leBelgeGeorges Nagelmackers n’imaginait sans doute pas la multitude de fantasmes que son « cheval de fer » nourrirait. Il aurait même été formidablement choqué s’il avait pu lire – né en 1845, il mourut en 1905 – le roman que publia un certain G.A., en 1907. Guillaume Apollinaire, puisqu’il s’agit de lui, situe en effet l’une des plus mémorables scènes des Onze Mille Verges dans l’intimité d’un wagon traversant l’Europe. « Le prince Mony et Cornabœux avaient pris place dans l’Orient-Express; la trépidation du trainnemanquapointdeproduireaussitôt son effet, écrit-il. Mony banda comme un cosaque et jeta sur Cornabœux des regards enflammés. Au-dehors, le paysage admirabledel’estdelaFrancedéroulaitses magnificences nettes et calmes. Le salon était presque vide; un vieillard podagre, richement vêtu, geignait en bavant sur JEUNE AFRIQUE


Culture médias Le Figaro qu’il essayait de lire. » Poursuivre Mais comment expliquer que ce train en dans les peintures orientalistes – sans que la citation serait inconvenant. particulier,plusqueleglacialTranssibérien, leurs auteurs aient pourtant jamais passé Du sexe, des frissons… Éros et Thanatos se soit chargé de tant de fougueux fanla porte d’un harem –, répondait la femme faisant la plupart du temps bon ménage, la tasmes, jusqu’à être exposé comme une voilée croisée dans la rue, totalement inacmort s’invite souvent à bord de ce train qui œuvre d’art sur le parvis de l’IMA, où près cessible et désirable par ce fait même. » se joue des frontières et relie deux mondes de 2000 personnes le visitent chaque jour? Cet orientalisme, « invention de l’Occiqui se connaissent mal, l’Oc« Il faut chercher l’explication dent », selon l’intellectuel Edward Said, cident et l’Orient. L’obscène dans le mythe orientaliste, n’appartient pas encore au passé. Certes, IL ÉTAIT UNE FOIS double meurtre décrit par affirme Claude Mollard. Au l’Orient-Expressnerouleplus,depuislongL’ORIENT Apollinaire ne connaîtra en XIXe siècle, l’odalisque est un temps supplanté par l’avion. Mais il contiEXPRESS modèle obligé qui permet aux nuedefascineretd’inspirer:«Aujourd’hui, rien la gloire du best-seller d’Agatha Christie Le Crime de artistes de peindre le corps de les visiteurs éprouvent un besoin d’identil’Orient-Express(1934),inspiré la femme. L’Orient-Express fication, dit Mollard. Ils entrent dans le vrai par les voyages de l’écrivaine offre une capacité de confrontrain, voient de vrais objets et se retrouvent qui accompagnait son mari tation entre le mythe et la réatransférés à la fois dans l’Histoire et dans le lité. Ainsi la réalité turque est mythe. Ils deviennent James Bond ou Mata archéologue. bien différente de celle imagiHari… » Bientôt, ils pourront même, s’ils en Le cinéma, né comme « Il était une on sait en 1895 en gare de née: les femmes y sont émanont les moyens, repartir vers Istanbul dans fois l’OrientLa Ciotat (sud de la France), cipées, arborent des coupes à un train de luxe décoré par des designers Express », éprouvera une longue fascila garçonne… » Dans le catacontemporains. « Nous allons recréer un jusqu’au 31 août à nation pour la machine de logue de l’exposition, Agnès Orient-Express d’ici à cinq ans, affirme le l’Institut du monde fer et d’acier transportant directeur de la “marque” Orient-Express à Carayon écrit : « La femme arabe, à Paris des centaines de passagers orientale, particulièrement, la SNCF, Franck Bernard. Ce sera un trainà travers toute l’Europe. Bien sûr, les cristallisait le fossé culturel et le fantasme. croisière qui circulera en Europe, à Venise, adaptations du roman d’Agatha Christie Elle était ambivalente et devait le rester Vienne, Istanbul. Il contribuera à remettre sont nombreuses, et la prochaine serait en avant la notion de voyage et à tirer nos pour préserver le mythe. Aux odalisques produits. » Le fantasme, apparemment, actuellement en préparation à Hollywood lascives, pleines de sensualité et d’effronfait encore recette! l sous la houlette de Ridley Scott… Mais terie érotique, si largement représentées NICOLAS MICHEL cela ne doit pas faire oublier qu’en 1963 James Bond et Tatiana Romanova (Sean JOSÉPHINE ET LA VOITURE 3309 Connery et Daniela Bianchi) ont affronté le Spectre à bord de l’Express et qu’en LA VOITURE 3309 était 1985 Robert McCallum s’est permis une une voiture-lit de parodie pornographique intitulée Luxure première classe. Elle dans l’Orient-Express, avec Tracey Adams. offrait 16 couchages Et quoi de mieux pour exciter l’imagiet circula sur le nation que toutes ces femmes sublimes, Simplon-Orient« femmes du monde ou bien putains », Express de 1928 à 1939. qui empruntèrent la ligne? Leurs noms? En 1929, elle faisait La fabuleuse danseuse-espionne Mata partie du convoi qui Hari, la « première star noire » Joséphine fut bloqué pendant Baker, la belle Maria del Pilar, sauvée par dix jours par la neige le trafiquant d’armes Basil Zaharoff des à une centaine de mains étrangleuses de son mari, ou encore kilomètres d’Istanbul: la très imaginaire Madone des Sleepings, les passagers ne Lady Diana Wyndham, que l’on doit à survécurent que grâce Maurice Dekobra (1925). à l’aide des villageois Une exposition événement à l’Institut du monde arabe

© Illustration : Malika Favre

4 avril - 31 août 2014

MAGIE. On y revient encore et toujours…

Pour Blanche El Gammal, « la conjonction du voyage en train, avec son lot de “transports” et d’“aventures” dans un lieu étroit et clos, et de l’image d’un Orient lascif ne pouvait qu’exciter les fantaisies les plus débridées. […] L’Orient-Express est certes le train du sexe, mais aussi plus généralement le train des plaisirs et des instants magiques, hors du temps et des lieux. Il est, au propre comme au figuré, le lieu du grand écart. » JEUNE AFRIQUE

alentour. Le 12 septembre 1931, elle accueillait Joséphine Baker quand le train fut victime d’un attentat, à Biatorbágy (Hongrie). Deux voitures et la locomotive tombèrent dans un ravin, entraînant la mort de 22 personnes. Secouée mais vivante,

AKG-IMAGES/NORDICPHOTOS

1, rue des Fossés Saint-Bernard 75005 Paris http://www.imarabe.org billetterie IMA-FNAC

p L’artiste dans le fameux train (1928).

Joséphine Baker fit de son mieux pour venir en aide aux blessés et aux rescapés. Elle aurait même, dit-on, improvisé un récital sur place. Bien des années

plus tard, en 1984, la voiture 3309 fut utilisée pour le tournage d’Il était une fois en Amérique, de Sergio Leone. Une bien belle N.M. carrière! l N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

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Culture médias En vue

n n n Décevant

n n n Pourquoi pas

n n n Réussi

n n n Excellent

ROMAN

CINÉMA

Le choix d’Ali Accusé d’être le père d’un enfant conçu hors mariage, un Algérien hésite à avouer sa stérilité. Le considérera-t-on toujours comme un homme ?

A

mor Hakkar voit le jour en 1958 à Khenchela, au cœur des Aurès, mais rejoint Besançon, en France, avec ses parents dès l’âge de 6 mois. Ce n’est que quarante ans plus tard, en 1998, qu’il redécouvre sa région natale où, bien que continuant à séjourner le plus souvent en Franche-Comté, il tourne désormais régulièrement des films attachants. Lesquels explorent les impasses auxquelles se heurte la vie des Algériens en raison des traditions archaïques qui persistent, en particulier dans l’intérieur du pays. Avec La Preuve, on découvre l’histoire du chauffeur de taxi Ali, marié depuis deux ans à Houria, une veuve déjà mère de deux filles. Comme celui-ci ne parvient pas à avoir d’enfant avec cette femme qu’il aime profondément, il se rend à plus de 100 km de chez lui, à Batna, pour réaliser en cachette un test de stérilité. Sur le chemin du retour, il prend comme passagère une jeune femme… qui l’accuse bientôt de l’avoir mise enceinte et porte plainte. Arrêté, il se sent incapable de faire face à son épouse et à son La Preuve, d’Amor Hakkar père impatient d’avoir un (sorti à Paris le 23 juillet) descendant. S’il se disculpe nnn aux yeux de tous grâce au test qui prouve son infertilité, il devra affronter une situation impossible : le considérera-t-on toujours comme un homme ? Préférera-t-il choisir le malheur plutôt que ce qu’il pense être le déshonneur ? Bénéficiant de l’interprétation remarquable dans le rôle d’Ali de Nabil Asli, un acteur formé au théâtre dont le talent a déjà éclaté au cinéma grâce à deux films récents de Merzak Allouache (Le Repenti, en 2012, et Normal !, en 2013), La Preuve, bien que jamais caricatural, pâtit quelque peu d’un scénario linéaire et d’une réalisation trop classique. l RENAUD DE ROCHEBRUNE

Amer Angola 1975, l’Angola conquiert l’indépendance. La guerre civile fait rage. Le jeune Rui et sa famille fuient l’eldorado qui leur a permis d’échapper à la misère des années 1950 dans le Portugal de Salazar. Mais peu avant leur départ, le Le Retour, de Dulce père de l’adolescent est Maria Cardoso, traduit arrêté par des miliciens du portugais par qui le soupçonnent d’être Dominique Nédellec, « le boucher de Grafanil ». éd. Stock, 312 pages, 20 euros nnn Rapatriée comme des milliers d’autres colons, la famille doit (ré)apprendre à vivre en métropole, s’adapter aux nouvelles conditions de vie dans un pays en pleine révolution. Un monologue (mené par Rui) sur la douleur de l’exil. Mais aussi un portrait sans concession du petit monde des colons, son idéologie, son racisme, sa suffisance. l SÉVERINE KODJO-GRANDVAUX

POLAR

De Kampala à Londres C’EST UN VENT MAUVAIS qui souffle sur Londres. Un vent lourd de sang et chargé de mort qui force l’inspecteur Jack Carrigan, légende de la police locale, à se replonger dans un passé qu’il aurait préféré oublier. Un vent sale et moite qui fait trembler la diaspora ougandaise et invite, dans les appartements insalubres d’une HLM du quartier de Queensway, l’ombre de Joseph Kony. Dans Le Vent à gorge noire, le Britannique Stav Sherez passe avec une facilité déconcertante de la critique musicale au polar. Le rythme est là, le suspense aussi, et c’est plutôt réussi. l ANNE KAPPÈS-GRANGÉ

Le Vent à gorge noire, de Stav Sherez, traduit de l’anglais par Éric Moreau, éd. Stock, 408 pages, 22 euros nnn


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Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre -Tél. : 01 44 30 18 76 - Fax : 01 44 30 18 77 - Email. : f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique - 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris - France

AUTORITÉ DE RÉGULATION DES TÉLÉCOMMUNICATIONS ET DE LA POSTE (ARTP) NIAMEY, LE 22 JUILLET 2014 AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL RELATIF À LA FOURNITURE D’UN SYSTÈME DE GESTION AUTOMATISÉE DU SPECTRE (SGAS)

Le présent avis d’appel d’offres fait suite à l’avis général de passation de marchés publié dans l’hebdomadaire sahel dimanche n° 1581 du 28 février 2014. 1. Le Directeur Général de l’ARTP invite les candidats remplissant les conditions requises à présenter une offre sous pli cacheté pour la fourniture d’un système de gestion automatisée du spectre. 2. La participation à la concurrence est ouverte à toutes les personnes physiques ou morales ou groupements desdites personnes en règle vis à vis de l’Administration (voir détails dans instructions aux soumissionnaires) pour autant qu’elles ne soient pas sous le coup d’interdiction ou de suspension. Les candidats ont la possibilité de soumissionner pour un, plusieurs ou l’ensemble des lots. 1. Les candidats intéressés peuvent obtenir un complément d’information et consulter gratuitement le dossier d’appel d’offres auprès de la Direction des Ressources Humaines et des Moyens Généraux de l’ARTP entre 9 Heures à midi. 2. Tout candidat éligible, intéressé par le présent avis, doit acheter un jeu complet du dossier d’Appel d’offres, auprès de l’Autorité de Régulation des Télécommunications et de la Poste (ARTP), 64 Rue des Bâtisseurs, Niamey et moyennant paiement d’un montant non remboursable de trois cent mille (300 000) FCFA. 3. En cas d’envoi par la poste ou tout autre mode de courrier, les frais y afférents sont à la charge de l’acheteur et la personne responsable du marché ne peut être responsable de la non réception du dossier par le candidat 4. Les offres présentées en un original et quatre (4) copies, conformément aux Instructions aux Soumissionnaires, et accompagnées d’une garantie de soumission de quatre millions (4 000 000) de FCFA devront parvenir ou être remises à l’adresse suivante : 64 rue des Bâtisseurs Niamey , le mercredi 10 Septembre 2014 à 10 heures précises. 5. L’ouverture des plis aura lieu le mercredi 10 Septembre 2014 à 11 heures dans la salle de réunion de l’ARTP Niamey. 6. Présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent y assister. Les offres reçues après le délai fixé seront rejetées. 7. Les soumissionnaires resteront engagés par leurs offres pour un délai de 90 jours, à compter de la date de remise des offres. Par décision motivée, l’ARTP se réserve le droit de ne donner aucune suite à tout ou partie du présent Appel d’offres. ALMOUSTAPHA BOUBACAR

La Fédération des Paysans du Fouta Djallon (FPFD) a reçu un Don du Fonds International de Développement Agricole (FIDA), du Gouvernement Guinéen et de l’Organisation des Pays Exportateurs du Pétrole (OFID) pour couvrir les coûts d’un Projet d’aménagement de la plaine de Tokosséré (100ha) et la construction du barrage de Nombé, dans la sous-préfecture de Timbi Madina, Préfecture de Pita et entend affecter une partie de ce Don aux paiements relatifs au marché du lot 1 (Aménagement des 100ha) et du lot 2 (travaux de construction du barrage, la fourniture et la pose d’une conduite d’eau en fonte ou acier galva, la fourniture et l’installation de deux (2) motopompes et la construction de l’abris du groupe de pompage pour l’irrigation de 28 ha de la plaine de Nombé). 1. La Fédération des Paysans de Fouta Djallon (FPFD) invite les soumissionnaires éligibles et qualifiés à présenter leur soumission cachetée en vue de l’exécution des travaux. 2. Le délai d’exécution des travaux est de quatre (4) mois par lot à compter de la date de notification du marché. 3. L’Appel d’offres se déroulera conformément aux procédures d’Appel d’offres spécifiées dans la publication du FIDA « Directives : passation des marchés financés par le FIDA », et est ouvert à tous les soumissionnaires des pays qui répondent aux critères d’éligibilité tels que définis dans le Dossier d’appel d’offres. 4. Les soumissionnaires intéressés peuvent obtenir de plus amples renseignements auprès de la Fédération des Paysans de Fouta Djallon (FPFD) à Timbi Madina BP 52 – Pita – République de Guinée Tél. : 00224/628 36 68 16 ou 622 08 15 95 ou 622 40 84 95 Email : fpfd2002@yahoo.fr 5. Les Soumissions devront être déposées à l’adresse ci-dessus au plus tard le lundi 15 Septembre 2014 à 12 h 00. Les soumissions présentées hors délais seront rejetées. Les Soumissions seront ouvertes physiquement en présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent y assister à l’adresse ci-dessus le même jour, à 15 h 00 dans la salle de réunion de la Fédération des paysans de Fouta Djallon (FPFD). 6. Toutes les Soumissions doivent être accompagnées d’une caution de Soumission de 1,2 % du montant de l’offre financière par lot. Timbi Madina, le 24/07/2014 Le Président de la FPFD Moussa Para DIALLO

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Formation - Appel d’offres

AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL N° 004./PNAAFA/FPFD/TOKOSSÉRÉ-NOMBE/2014 DON N°: DSF 8056 FPFD


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AGEROUTE SENEGAL (Agence des Travaux et de Gestion des Routes) REPUBLIQUE DU SENEGAL Ministère des Infrastructures, des Transports Terrestres et du Désenclavement

Banque Ouest Africaine de Développement

AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL N°D /996/A3 TRAVAUX D’AMÉNAGEMENT D’INFRASTRUCTURES À TIVAOUANE : LOT 1 : RÉHABILITATION DE LA VOIE DE CONTOURNEMENT DE TIVAOUANE, (ENVIRON 5 KM). LOT 2 : RÉALISATION DE 25 KM DE PISTES DE DÉSENCLAVEMENT DANS LA RÉGION DE THIÈS.

Appel d’offres

1. Le Gouvernement de la République du Sénégal a reçu un prêt de la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD) pour financer les travaux d’aménagement et de bitumage du tronçon Tivaouane -Touba Toul - Khombole d’environ 37 Km situé dans la région de Thiès. Suite aux économies réalisées sur l’accord de prêt, le gouvernement à l’intention d’utiliser une partie de ce prêt pour effectuer des paiements du marché des travaux de réhabilitation et de bitumage de la voie de contournement de Tivaoune (environ 5 km) ainsi que l’aménagement d’environ 25 km de routes en terre dans la région de Thiès. 2. Le Ministère des Infrastructures des Transports Terrestres et du Désenclavement du Sénégal représenté par l’Agence des travaux et de Gestion des Routes (AGEROUTE) Sénégal, sollicite des offres sous pli fermé de la part de soumissionnaires éligibles et répondant aux qualifications requises pour exécuter les Travaux. 3. La passation du Marché sera conduite par Appel d‘offres international (AOI) ouvert tel que définit dans les « Directives : passation des marchés financés par les Prêts de la BIRD et les Crédits de l‘IDA » et ouvert à tous les soumissionnaires de pays éligibles tels que définis dans les Directives de la Banque mondiale de mai 2004, révisées en octobre 2006. 4. A tire indicatif, les travaux projetés comprennent essentiellement : Lot 1 :Voie de contournement de Tivaouane : Désignation des travaux Terrassement Assises de Chaussée Béton bitumineux Béton légèrement armé dosé à 300 kg/m3 pour trottoirs Béton armé dosé 350 kg/m3 pour ouvrages hydrauliques

Unités m3 m3 m2 m3 m3

Quantité approximatives 25 000 16 000 40 000 1 500 50

Lot 2 : routes en terre : Désignation des travaux Terrassement Couche de roulement Béton armé (dosage 350 et 300 kg/m3)

Unités m3 m3 m3

Quantité approximatives 60 000 27 000 175

Le délai d’exécution des travaux est de six (6) mois pour le Lot 1 et de huit (8) mois pour le lot 2 et toute offre proposant un délai supérieur sera considérée comme non conforme et écartée. 5. Les soumissionnaires éligibles et intéressés peuvent obtenir des informations auprès de l’Agence des Travaux et de Gestion des Routes (AGEROUTE) Sénégal (ageroute@ageroute.sn ou pdndiaye@ageroute.sn ou cdia@ageroute.sn) et prendre connaissance des documents d’Appel d’offres à l’adresse mentionnée ci-dessous de 09 heures à 17 heures (heures locales) tous les jours ouvrables à l’adresse ci-après : Agence des Travaux et de Gestion des Routes Sise à la rue David Diop x Rue F, Fann Résidence – Dakar - BP : 25 242 Dakar – Fann - Téléphone : 33 869 07 51 6. Les exigences en matière de qualifications sont : Pour le lot 1 : • avoir réalisé au cours des dix (10) dernières années trois (3) projets de construction/réhabilitation/entretien périodique de routes revêtues ayant au moins chacun une valeur minimale d’un milliard (1 500 000 000) francs CFA, un linéaire de 5 Km dont un (1) projet au moins en béton bitumineux et un (1) projet réalisé dans la zone Afrique de l’Ouest ; • avoir au minimum un chiffre d’affaires moyen annuel des activités de construction de deux milliards cinq cent millions (2 500 000 000) francs CFA au cours des cinq (5) dernières années à compter de 2009 ; • disposer de facilité de crédits auprès d’un établissement financier de premier ordre d’un montant équivalent à trois cent millions (300 000 000) francs CFA. Pour le lot 2 : • avoir réalisé au cours des dix (10) dernières années trois (3) projets construction/réhabilitation/entretien périodique de routes en terre ayant au moins chacun une valeur minimale de cinq cent millions (500 000 000) francs CFA, un projet d’un linéaire de 20 km dont un (1) projet réalisé dans la zone Afrique de l’Ouest ; • avoir au minimum un chiffre d’affaires moyen annuel des activités de construction d’un milliard (1 000 000 000) francs CFA au cours des cinq dernières années, à compter de 2009 ;

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• disposer de facilité de crédits auprès d’un établissement financier de premier ordre d’un montant équivalent cent millions (100 000 000) francs CFA. Aucune marge de préférence ne sera octroyée aux soumissionnaires éligibles. Voir le document d’Appel d’offres pour les informations détaillées. Les soumissionnaires intéressés peuvent obtenir le Dossier d’Appel d’Offres complet en langue Française à l’adresse mentionnée ci-dessous contre paiement d’un montant non remboursable de cent mille (100 000) francs CFA ou par chèque certifié et barré émis au nom de l’AGEROUTE SÉNÉGAL ou par versement au compte n° SN153 01301 301090002540 ouvert au nom de l’AGEROUTE SÉNÉGAL auprès de la banque UBA sise à la Route des Almadies à Dakar. 7. Le Dossier d’Appel d’Offres peut être retiré au siège de l’AGEROUTE sise à l’adresse indiquée ci-dessus à compter du 30 juillet 2014 8. Les offres devront être soumises à l’adresse ci-dessous, au plus tard le 09 septembre 2014 à 10 heures 30 minutes précises (heure locale). Elles seront ouvertes en présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent y assister à l’adresse mentionnée ci-dessus, le 09 septembre 2014 à partir de 10 heures 30 minutes précises (heure locale). Les offres remises en retard ne seront pas acceptées. 9. Les offres doivent être valides pour une durée de cent vingt (120) jours à compter de la date limite de leur remise. 10. Les offres doivent comprendre une garantie de soumission d’un montant de quarante millions (40 000 000) francs CFA pour le lot 1 et quinze millions (15 000 000) francs CFA pour le lot 2. Elles devront rester valides jusqu’à vingt-huit (28) jours après expiration de l’Offre. 11. La visite du site du projet est facultative, chaque soumissionnaire étant libre d’en décider la date et sa propre organisation. (Voir article 7 des instructions aux soumissionnaires). Néanmoins une visite de site groupée (présence facultative) afin de recueillir éventuellement les observations formulées par les candidats se tiendra comme suit : Lieu : Direction régionale de l’AGEROUTE à Thiès, Sénégal - Date : 14 Août 2014 Le Directeur des Travaux et des Ouvrages d’Art (DGTOA), dont l’adresse est mentionnée ci-dessous, sera la personne de contact pour confirmer la participation : Mr Aly BA : aba@ageroute.sn ; pdndiaye@ageroute.sn ; cdia@ageroute.sn. A l’issue de la visite, le soumissionnaire se fera établir une attestation de visite par le directeur régional de l’AGEROUTE de Thiès. Cette attestation est facultative. Le Directeur Général de l’AGEROUTE Ibrahima NDIAYE

REF : AO/BRICKS /23072014/02

Dans le cadre du projet “Renforcement de la résilience à travers l’innovation, la communication et les services sur les connaissances (BRICKS)” financé par la Banque Mondiale, l’Observatoire du Sahara et du Sahel (OSS), organisation internationale basée à Tunis, lance un appel d’offres pour le recrutement de deux experts : • Expert Sénior en Suivi & Evaluation • Expert Junior en Système d’Information Géographique Le délai de soumission des dossiers de candidature est fixé au 31 Août 2014 à minuit, heure de Tunis. Toutes les formalités de candidature à ces postes sont disponibles sur le site de l’OSS : http://www.oss-online.org/fr/ao-bricks

RÉPUBLIQUE TUNISIENNE MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE

AVIS DE REPORT DE LA DATE LIMITE DE REMISE DES OFFRES RELATIVES À L’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL N° 05/2014

Le Ministère de la Défense Nationale (La Division Achat et Transit de l’Armée de Mer) informe les fournisseurs ainsi que les représentants dûment mandatés intéressés par l’appel d’offres internationale N° 05/2014 réservé aux entreprises italiennes pour la fourniture des équipements et de matériel de plongée au profit du centre de formation professionnelle de plongée de ZARZIS, que la date limite de réception des offres au bureau d’ordre de la DAT est reportée au 31 juillet 2014 à 12h, dans les mêmes conditions. La séance d’ouverture des offres se tiendra le 01 Août 2014 à 12h au Club Nautique de la Marine Tunisienne sis à la base Navale la goulette (Tunis). JEUNE AFRIQUE

WHERE PROFESSIONALS GO The Language Teaching Centre (LTC) was established in 1996 LTC provides a high standard of English training - General & Intensive courses (all levels) - Business English courses - TOEFL, IELTS & Cambridge preparation courses - Online lessons - Qualified and experienced teachers - Small groups 902 Pier House, 13 Heerengracht Street, Cape Town, 8001 Tél. : +27(0)21 425 0019 Fax : +27(0)21 419 5120 email: info@ltc-capetown.com web: www.ltc-capetown.com skype: have.your.say

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Appel d’offres - Formation

APPEL D’OFFRES POUR LE RECRUTEMENT DE 02 EXPERTS (Sénior et Junior) (Consultants individuels)


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UNION DES GROUPEMENTS AGRICOLES DE SOUMBALAKO AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL

Appel d’offres

1. L’Union des Groupements Agricoles de Soumbalako (UGAS) a obtenu du PNAAFA un (don/subvention) pour le financement de l’organisation. II est prévu qu’une partie de ces fonds soit utilisée pour effectuer des paiements au titre du marché relatif aux travaux de réhabilitation d’anciens périmètres aménagés de 52,10 ha en faveur de l’Union des Groupements Agricoles de Soumbalako (UGAS). 2. L’UGAS sollicite des offres fermées de la part de candidats éligibles et répondant aux qualifications requises pour la réalisation des travaux notifiés au point 1 en 5 lots répartis comme suit : Lot 1 : Travaux de Réhabilitation du périmètre de Bodhèwèl (16,60 ha). Lot 2 : Travaux de Réhabilitation du canal principal et des ouvrages spécifiques du périmètre de Dounkiba (35,5 ha). Lot 3 : Travaux de Réhabilitation des canaux secondaires du Périmètre de Dounkiba. Lot 4 : Fourniture, installation et essais des motopompes et accessoires à Bodhèwèl et à Dounkiba. Lot 5 : Clôture grillagée des périmètres de Dounkiba et Bodhèwèl (5 725 ml). NB : Un soumissionnaire peut postuler pour plusieurs lots. 3. Le dossier d’appel d’offre peut être obtenu au siège de l’Union des Groupements Agricoles de Soumbalako (UGAS), sis au quartier Pétèl, Commune Urbaine de Mamou, Tél 622 04 52 99 / 657 49 38 82 ; email : ugasmg@gmail.com du 25 juillet au 08 Septembre 2014 de 9h30 à 16h30, moyennant un paiement de un million de francs Guinéens (1 000 000) non remboursables. 4. Les offres devront être soumises à la même adresse ; celles en retard seront rejetées ; l’ouverture des plis aura lieu le 08 Septembre 2014 à 10 heures 30 précises en présence des représentants des candidats qui le souhaitent. 5. Les soumissionnaires intéressés éligibles peuvent obtenir de plus amples renseignements auprès de l’UGAS. 6. Les offres doivent comprendre une garantie de soumission de 50 000 000 GNF et seront valables pour 90 jours à compter de la date limite du dépôt. Mamou, le 25 Juillet 2014 Le Président de l’UGAS Thierno Boubacar KALLO

AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL Réf : : MR/408/NKT/TFM/DA/2 Dans le cadre de son programme d’assistance aux personnes vulnérables au VIH Sida, la Croix-Rouge Française (en partenariat avec le Croissant Rouge Mauritanien et le Fond Mondial) souhaite acheter les biens décrits ci-dessous : LOT N°1 : Riz (275 000 kg.) LOT N°2 : Légumineuses (61 600 kg.) LOT N°3 : Sardines en boîtes (8 250 kg.) LOT N°4 : Lait en poudre (11 000 kg.) LOT N°5 : Huile végétale (30 800 litres) LOT N°6 : Sucre (2 200 kg.) LOT N°7 : Sel iodé (660 kg.) Nous invitons les entreprises souhaitant soumissionner à l’un ou plusieurs de ces lots à retirer un dossier par voie électronique ou à l’adresse suivante : Délégation de la Croix-Rouge française NOT 316,Tevragh Zeina BP 2074 Nouakchott log-mauritanie.frc@croix-rouge.fr

Retrouvez toutes nos annonces sur le site : www.jeuneafrique.com

La remise des dossiers d’appel d’offres est fixée au 28/08/2014 à 16H00.

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BURKINA FASO

MINISTÈRE DES INFRASTRUCTURES, DU DÉSENCLAVEMENT ET DES TRANSPORTS SECRÉTARIAT GÉNÉRAL DIRECTION GÉNÉRALE DE LA SOCIÉTÉ DE GESTION DU PATRIMOINE FERROVIAIRE DU BURKINA N° 2014 001/MIDT/SG/DG-SOPAFER-B

UNITÉ - PROGRÈS - JUSTICE

ÉTUDE RELATIVE À LA RÉVISION DES CRITÈRES DE LA POST QUALIFICATION EN ÉVALUATION DES OFFRES DU SECTEUR DU BTP DU BURKINA FASO MANIFESTATIONS D’INTÉRÊT - l’analyse de l’environnement institutionnel du secteur ; - l’analyse du cadre législatif, règlementaire, et politique ; - l’identification des acteurs clés du secteur ; - l’analyse des enjeux, description du niveau des capacités institutionnelles, organisationnelles, et individuelles ; - le renforcement des capacités institutionnelles et des capacités technologiques. Il devra parler et écrire couramment en français et mettra en œuvre tous les moyens nécessaires à la bonne exécution de sa mission (personnels, logements, matériel de bureau, moyens de déplacements et de télécommunication, etc.). 7. Les Consultants nationaux et étrangers intéressés peuvent obtenir des informations complémentaires au sujet des documents de référence à l’adresse ci-dessous et aux jours ouvrables de 08 heures à 12 heures et de 15 heures 30 minutes à 17 heures : Direction Générale de la Société de Gestion du Patrimoine Ferroviaire du Burkina (SOPAFER-B) 97, Rue de la Culture, Ouagadougou - 01 B.P. 192 Ouagadougou 01 – Burkina Faso Tél. : (226) 50 31 35 99 / Fax. : (226) 50 31 35 94 8. Les manifestations d’intérêt peuvent être déposées soit par poste, soit main à main ou par mail à l’adresse ci-dessous au plus tard le vendredi 12 septembre 2014 à 09 heures (heure locale) avec la mention « Manifestation d’intérêt de services d’un Consultant pour une étude relative à la révision des critères de la post qualification en évaluation des offres du secteur du BTP du Burkina Faso : Direction Générale de la Société de Gestion du Patrimoine Ferroviaire du Burkina (SOPAFER-B) 97, Rue de la Culture, Ouagadougou - 01 B.P. 192 Ouagadougou 01 – Burkina Faso Tél. : (226) 50 31 35 99 / Fax. : (226) 50 31 35 94 Adresse mail : yanongdo@yahoo.fr 9. L’ouverture de plis est publique et aura lieu le vendredi 12 septembre 2014 à 09 heures, dans les locaux de la Direction Générale de la Société de Gestion du Patrimoine Ferroviaire du Burkina (SOPAFER-B) 97, Rue de la Culture, Ouagadougou Ouagadougou, le 31 juillet 2014 Le Directeur Général de la Société de Gestion du Patrimoine Ferroviaire du Burkina (SOPAFER-B) Ahamado OUEDRAOGO

RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO - MINISTÈRE DES RESSOURCES HYDRAULQUES ET ÉLECTRICITÉ SOCIÉTÉ NATIONALE D’ÉLECTRICITÉ (SNEL) SARL - COORDINATION DES PROJETS PROJET DE MARCHÉ D’ÉLECTRICITÉ EN AFRIQUE AUSTRALE - (SAPMP) - FINANCEMENT IDA H500 - ZR MARCHÉ 6-6 : FOURNITURE DES PRODUITS PHARMACEUTIQUES DANS LE CADRE DES SERVICES D’INFRASTRUCTURES COMMUNAUTAIRES

AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL - AOI N° 016/ SAPMP/SNEL/CDP/DG/CPM/JSNM /2013/MF 1. Le présent appel d’offres fait suite à l’avis général de passation des marchés du projet indiqué ci-dessus publié dans les journaux UNDB Online et Dg Market et dans les journaux locaux de la République Démocratique du Congo en date du 12 avril 2007. 2. La République Démocratique du Congo a obtenu un financement de l’Association Internationale de Développement pour financer le coût du Projet de Marché d’électricité en Afrique Australe. Elle se propose d’utiliser une partie du montant de ce crédit pour effectuer les paiements autorisés au titre du marché 6-6 intitulé : Fourniture des produits pharmaceutiques. 3. La Coordination des projets de la Société Nationale d’Electricité (SNEL) sarl invite les candidats admis à concourir, entreprises ou groupements d’entreprises, à soumettre leurs offres sous pli scellé pour les fournitures et services connexes concernés. Les fournitures concernées sont les produits pharmaceutiques destinés aux centres de santé ou dispensaires à construire dans sept villages situés au Katanga. 4. L’Appel d’Offres se fera selon les procédures d’Appel d’Offres International définies dans les Directives de Passation de Marchés Financés par les Prêts de la BIRD et les Crédits de l’IDA de mai 2004, mises à jour octobre 2006 et mai 2010. Le DAO type de la Banque Mondiale est « Passation des Marchés de Fournitures ». Il est ouvert à tous les candidats originaires des pays membres de la Banque mondiale et remplissant les conditions stipulées dans les Directives. 5. Les candidats répondant aux critères de participation et qui le souhaitent, peuvent obtenir tous renseignements complémentaires auprès de la Coordination des projets de la SNEL sarl (CDP/SNEL), et examiner les documents d’appel d’offres à l’adresse reprise ci-dessous de 9 H00 à 16 H00. 6. Les soumissionnaires intéressés peuvent acheter un jeu complet du dossier d’appel d’offres à l’adresse mentionnée ci-dessus sur présentation d’une demande écrite et moyennant paiement d’un montant non remboursable de deux cents dollars américains (200 USD). Le paiement sera effectué par versement d’espèces au compte n° « 101-0130403-37 USD», intitulé "SNEL VENTE DAO" auprès de la Banque Commerciale du Congo (BCDC) /

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Kinshasa. Le Dossier d’appel d’offres sera envoyé, contre présentation de la preuve de paiement, par courrier. 7. Les Soumissions devront être déposées à l’adresse ci-dessous avant le mardi 26 Août 2014 à 15H00’ (heure locale, TU+1) sous pli scellé et doivent être clairement marquées « AOI n°16/SAPMP/SNEL/CDP/DG/CPM/JSNM/2013/MF : Marché 6-6 : Fourniture des produits pharmaceutiques dans le cadre des Services d’infrastructures communautaires ». Elles doivent être accompagnées d’une garantie de soumission d’un montant de dollars américains vingt milles ($US 20.000). La garantie de soumission sera une garantie bancaire. Cette garantie de soumission demeurera valide pendant vingt-huit (28) jours au-delà de la date limite initiale de validité des offres, ou de toute nouvelle date limite de validité demandée par l'Acheteur et acceptée par le Soumissionnaire, conformément aux dispositions de la Clause 20.2 des IS. La période de validité initiale des offres est de cent vingt (120) jours. Les dépôts électroniques ne seront pas admis. Les soumissions présentées hors délais seront rejetées. Les Soumissions seront ouvertes physiquement en présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent y assister à l’adresse ci-dessous le mardi 26 Août 2014 à 15H30’ (heure locale,TU+1) à l’adresse ci-dessous : SOCIÉTÉ NATIONALE D’ÉLECTRICITÉ (SNEL) sarl COORDINATION DES PROJETS (CDP) A l’attention de Monsieur MASOSO BUMBA, Coordonnateur des projets 2381, Avenue de la Justice - B.P.500 Kinshasa 1 KINSHASA / GOMBE RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO TÉL. (+243) 81 700 54 28 – (+243) 81 004 00 30 Email : cdp.snel@yahoo.fr avec copie à masbumba@yahoo.fr et ilungaclaire@yahoo.fr MASOSO BUMBA Coordonnateur des Projets

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Manifestation d’intérêt - Appel d’offres

1. Dans le cadre de l’exécution du programme d’activités de la Société de Gestion du Patrimoine Ferroviaire du Burkina (SOPAFER-B) et de son Budget 2014, le Président de la Commission d’Attribution des Marchés de la Société de Gestion du Patrimoine Ferroviaire du Burkina lance un appel à manifestations d’intérêt en vue du recrutement d’un Consultant individuel pour une étude relative à la révision des critères de la post qualification en évaluation des offres du secteur du BTP du Burkina Faso. 2. Le Consultant s'acquittera de sa mission sous l’autorité du Comité de Suivi de la mise en œuvre des conclusions et recommandations des états généraux des acteurs du BTP du Burkina Faso et en collaboration avec la Société de Gestion du Patrimoine Ferroviaire du Burkina (SOPAFER-B). Les Directions techniques chargées de la passation des contrats dans le Ministère en charge des infrastructures routières, le Ministère en charge du bâtiment et celui en charge des aménagements hydrauliques lui fourniront, toutes les données et informations en leur possession et relatives à leur programme d’activités en tant qu’agences d’exécution des travaux du Bâtiment et des Travaux Publics (BTP). 3. Contexte de la mission. Le secteur du BTP est animé par une diversité d’acteurs aussi bien publics que privés. Des efforts ont été consentis par l’Administration Publique pour aider les acteurs privés qui y évoluent. On peut noter entre autres la création de nouvelles structures au niveau étatique pour accélérer la réalisation de grandes infrastructures « AGETEER, AGETIB », création du fonds d’entretien routier du Burkina, création de l’ARMP, etc. 4. Objectifs et but essentiels de la mission. L’objectif général est de déceler les contraintes liées aux critères de post qualification en évaluation des offres selon la règlementation en vigueur et la gestion des marchés du secteur du BTP du Burkina Faso et de proposer des solutions. 5. Conditions de participation. Le Consultant sera de formation Bac + 4 au minimum (Ingénieur dans le domaine du BTP, économiste, financier, juriste ou socio-économiste). Il devra avoir au moins 10 années d’expérience générale et au moins 5 ans d’expérience dans le domaine des marchés publics. 6. Critères de sélection Le Consultant devra avoir participé au cours des cinq (05) dernières années à au moins deux (02) prestations similaires. Le Consultant devra avoir des capacités dans les domaines suivants :


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Annonces classées

RÉPUBLIQUE DU CAMEROUN Paix – Travail – Patrie

REPUBLIC OF CAMEROON Peace – Work – Fatherland

MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS

MINISTRY OF PUBLIC WORKS

SECRÉTARIAT GÉNÉRAL

SECRETARIAT GENERAL

DIRECTION GÉNÉRALE DES ETUDES TECHNIQUES

DIRECTORATE GENERAL OF TECHNICAL STUDIES

DIRECTION DES ÉTUDES TECHNIQUES DES BÂTIMENTS ET AUTRES INFRASTRUCTURES CELLULE DES ÉTUDES DES INFRASTRUCTURES FERROVIAIRES

DEPARTMENT OF STUDIES FOR BUILDINGS AND OTHER INFRASTRUCTURES RAILWAY INFRASTRUCTURES’ STUDIES UNIT

AVIS D’APPEL À MANIFESTATION D’INTÉRÊT N° 73/AMI/MINTP/SG/DGET/DETBAI/CEIF POUR LA RÉALISATION DES ÉTUDES DE FAISABILITÉ DES ITINÉRAIRES PRIORITAIRES DU CHEMIN DE FER DU CAMEROUN.

Manifestation d’intérêt

Article 1er : objet de l’Appel à manifestation d’intérêt Le Ministre des Travaux Publics, lance un Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI) pour objet l’étude de faisabilité des itinéraires prioritaires du chemin de fer du Cameroun. Le présent AMI a pour objectif de constituer, conformément à la réglementation des Marchés Publics, une liste de Bureaux d’Etudes Techniques (BET), Cabinets d’études ou groupements de consultants qui seront invités à soumettre une proposition technique et financière, dans le cadre d’un appel d’offres restreint. Article 2 : consistance des prestations L’appel d’offres international restreint qui sera lancé à l’issue de l’AMI concerne les études de faisabilité des itinéraires de court terme prévus dans le Plan Directeur Ferroviaire National (PDFN). Il s’agit des tronçons ci-après : ➢ Lot 1 : tronçon Edéa – Kribi (tronçon S1 du PDFN, long d’environ 136 km) ➢ Lot 2 : tronçon Douala – Limbe (tronçon S3 du PDFN, long d’environ 74 km) ; ➢ Lot 3 : tronçon N’Gaoundéré – Douala (tronçon S4 du PDFN, long d’environ 908 km); ➢ Lot 4 : tronçon N’Gaoundéré - Kousseri (tronçon M3 du PDFN, long d’environ 684 km). Les itinéraires de court terme S1, S2, et S3, sont destinés à valoriser notre potentiel minier, et à assoir une dynamique industrielle et une synergie entre les trois pôles portuaires de Douala, Limbé, et LOLABE(Kribi). L’itinéraire M3, N’Gaoundéré – Kousseri, assure la continuité du TRANSCAMEROUNAIS vers la partie septentrionale du pays, dans un double objectif d’aménagement et de sécurisation du territoire. Ce tronçon contribuera également au désenclavement de la République du Tchad, et une prise en compte des trafics induits du Nord-est du Nigeria, voire une interconnexion avec le chemin de fer en projet Dakar-Port Soudan. Les spécifications retenues dans le PDFN sont des standards modernes, notamment une plateforme à deux (2) voies, un écartement de rails à 1435 millimètres, et des options d’évolutivité longitudinale, transversale, et technologique. Article 3 : financement Ces études de faisabilité seront financées par les ressources internes de l’Etat, notamment le budget d’investissement Public des exercices budgétaires 2014, 2015, et 2016, avec le concours de plusieurs partenaires financiers, dont certains ont déjà exprimé leur volonté de participer à ces projets. Article 4 : les critères de qualification Le présent AMI s’adresse aux BET spécialisés dans le domaine ferroviaire, et dotés d’une expérience suffisante dans des projets similaires. Les principaux critères de qualification sont les suivants : - L’expérience du BET dans les prestations similaires (notée sur 30 points) ; - La qualification des experts du BET (notée sur 60 points) ; - Le matériel du BET (noté sur 10 points). 4.1 – L’évaluation de l’expérience du BET Le BET devra avoir réalisé au moins une étude d’importance similaire dans le domaine ferroviaire. N° 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

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4.2 – L’évaluation des experts du BET Le BET devra présenter pour chaque lot sollicité, les experts ayant au minimum les qualifications et expériences ci-après :

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13

Poste Chef de mission Ingénieur ferroviaire Ingénieur ouvrages d’art Ingénieur géotechnicien Ingénieur hydrologue ou hydraulicien Ingénieur topographe Ingénieur de télécommunications Economiste des transports Analyste financier Environnementaliste Socio économiste Expert en genre Juriste institutionnaliste

Niveau d’études Ingénieur Bac+5 ans Ingénieur Bac+5 ans Ingénieur Bac+5 ans Ingénieur Bac+5 ans Ingénieur Bac+5 ans Ingénieur Bac+5 ans Ingénieur Bac+5 ans Bac + 5 Bac + 5 Bac + 4 Bac + 4 Bac + 3 Bac + 5

Domaine ferroviaire, génie civil, génie mécanique Chemin de fer Génie civil Génie civil Génie civil ou génie rural Topographie Télécommunication, signalisation, Economie des transports Etude économique et financière des voies ferrées Environnement Economie et Sociologie Expertise en genre Droit

A 15 12 12 12 12 12 12 15 15 10 10 10 10

B 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3

N.B. : la colonne A indique le nombre minimal d’années d’expérience dans le domaine concerné, la colonne B désigne le nombre minimal de projets similaires ; et est considéré comme projet similaire tout projet de chemin de fer (en termes d’étude, de contrôle des travaux, ou d’exécution des travaux) d’envergure similaire (longueur, nombre d’ouvrages, etc.) 4.3 – L’évaluation du matériel du BET Le BET devra présenter une liste du matériel à mobiliser dans le cadre des études envisagées. 4.4 – La qualification du BET Seuls les BET ayant obtenu au moins 70 points seront retenus dans la liste restreinte pour l’appel d’offres. Article 5 : composition du dossier de manifestation d’intérêt Au risque de voir son offre disqualifiée, chaque BET devra présenter de la façon la plus claire et détaillée possible, les éléments suivants, qui doivent être obligatoirement communiqués, et pourront faire l’objet de vérification.

5.2 – Dossier technique (enveloppe B) - la liste du personnel-clé, avec les CV et les copies de diplômes ; - les références des candidats dans les prestations similaires, au cours des dix (dix) dernières années ; - les bilans ou extraits des bilans comptables des trois (03) dernières années. Article 6 : dépôt du dossier de manifestation d’intérêt Le dossier de manifestation d’intérêt sera déposé au Ministère des Travaux Publics, Direction Générales des Etudes Techniques, Direction des Etudes de Bâtiment et autres infrastructures, Cellule des Etudes des Infrastructures ferroviaires, - Yaoundé, au plus tard le 1er septembre 2014 à 12 heures, heure locale, ou envoyé par poste à l’adresse sus-indiquée, le cachet de la poste faisant foi, avec la mention suivante : Appel à Manifestation d’intérêt N° 73/AMI/MINTP/SG/DGET/DETBAI/CEIF Pour la réalisation des études de faisabilité des itinéraires prioritaires du chemin de fer du Cameroun. Article 7 : renseignements complémentaires Les renseignements complémentaires peuvent être obtenus à l’adresse mentionnée à l’article 6 ci-dessus, ou par mail à l’adresse suivante : mintpdgetdetbai40@yahoo.fr. Le Ministre des Travaux Publics Patrice AMBA SALLA JEUNE AFRIQUE

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Manifestation d’intérêt

5.1 – Dossier administratif (enveloppe A) - une lettre de motivation, mentionnant l’intention du candidat de répondre à l’appel d’offres restreint au cas où il serait sélectionné, et comportant l’adresse et la raison sociale du candidat ; - les statuts ou textes qui justifient l’existence légale du candidat ; - l’accord de groupement le cas échéant ; - tout document légal attestant que le candidat n’est pas en faillite ou en liquidation judiciaire ; - tout document attestant que le candidat est en règle avec l’administration fiscale de son pays ; - l’autorisation faite au Ministre des Travaux Publics et à ses mandataires, de procéder à toute vérification qu’il jugera utile


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Manifestation d’intérêt - Recrutement

RECRUTEMENT D’UN CONSEILLER EN PARTENARIAT PUBLIC PRIVÉ L’objectif du Système d’Echanges d’Energie Electrique Ouest Africain (EEEOA/WAPP) consiste à créer un marché régional d’électricité en Afrique de l’Ouest, à travers l’élaboration et la mise en place d’infrastructures électriques clés permettant aux Etats Membres de la CEDEAO d’accéder aux ressources énergétiques économiques. La mise en place d’un pool énergétique ouest Africain entièrement fonctionnel permettant la commercialisation et les échanges d’énergie électrique dépend entre autres de la préparation et de la réalisation opportune des projets importants de production électrique à travers des Sociétés à Objectif Spécifique, dans le cadre de partenariat public-privé. Pour ce faire, le Secrétariat Général de l’EEEOA a, dans le cadre de l’Initiative Power Africa du Président Obama, bénéficié de l’appui de l’USAID et souhaite recruter un Conseiller Technique résident en Partenariat Public Privé en vue de renforcer ses capacités. Les candidats intéressés doivent disposer d’une Maîtrise ou d’un Diplôme d'études supérieures dans un domaine pertinent, de préférence un MBA (analyse financière économique), Génie Electrique ou Mécanique ou Génie Civil ou équivalent. Avoir un diplôme d'études supérieures dans le domaine juridique en plus sera considéré comme un atout. Il/elle doit se prévaloir d’une expérience professionnelle minimum de 10 ans dans le secteur de l’électricité avec 5 ans dans le développement et/ou dans la mise en œuvre de projets de production électrique dont au moins deux centrales électrique d’une puissance installée de 300 MW. Particulièrement, le candidat devrait disposer d’une bonne compréhension et des aptitudes appropriées pour appliquer des analyses techniques, financières et économiques sur les projets afin d’établir leur caractère

bancable et leur viabilité, particulièrement sur les projets de centrales à cycle combiné au gaz. Aussi, il/elle devrait avoir été impliqué dans l’élaboration des documents légaux et institutionnels pour la mise en place des sociétés à objectifs spécifiques (sociétés de projets) ainsi que dans la négociation d’accords commerciaux (Accords d’Achat d’Energie, Accords de Service de Transport) et d’autres accords de projets électriques impliquant des partenariats privés. Le Conseiller en PPP sera basé à Cotonou (Bénin) et effectuera des voyages fréquents. Les candidats doivent parler couramment l’anglais ou le français avec une connaissance pratique de l’autre langue. Les Termes de Référence détaillés pour la mission à accomplir sont disponibles sur le site web de l’EEEOA www.ecowapp.org. Le poste vacant est d’une durée de trois (3) ans avec une période probatoire de six (6) mois. La rémunération est très attrayante et comparable à celle des Organisations Internationales. Les candidatures féminines sont vivement encouragées. Les lettres de candidatures marquées « Candidature/Conseiller PPP EEEOA » doivent être adressées par courriel à : consultants@ecowapp.org, ou par la poste à l’adresse du : Secrétaire Général West Africa Power Pool (WAPP) Zone des Ambassades, PK 6, Akpakpa - 06 BP 2907 Cotonou, Bénin. Date limite de dépôt des candidatures : 19 septembre 2014 à 17 heures (Heure de Cotonou). Toutes les demandes de complément d’informations relatives à ce recrutement doivent être adressées à massylla@ecowapp.org, au plus tard le 12 septembre 2014.

MINISTÈRE DE LA GOUVERNANCE LOCALE, DU DÉVELOPPEMENT ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE République du Sénégal Un Peuple – Un But – Une Foi

Unité de Coordination de la Gestion des déchets solides (UCG)

BANQUE ISLAMIQUE DE DÉVELOPPEMENT (BID)

PROGRAMME NATIONAL DE GESTION DES DÉCHETS (PNGD) - PHASE 1 PROJET DE GESTION DURABLE DES DÉCHETS SOLIDES URBAINS (PGDSU) - DATE : 15 JUILLET 2014 - DMI N°110/14

AVIS DE SOLLICITATION DE MANIFESTATION D’INTÉRÊT RELATIF À LA SÉLECTION D’UN CABINET CHARGÉ DE L’ÉLABORATION D’UN NOUVEAU MÉCANISME DE FINANCEMENT DU SECTEUR DES DÉCHETS AU SÉNÉGAL

1 Cet Avis de manifestation d’intérêt fait suite à l’Avis Général de Passation des Marchés paru dans « Le Soleil » du 29 janvier 2014 2 Le Gouvernement du Sénégal, a reçu un financement de la Banque Islamique de Développement (BID), pour le Projet de Gestion durable des Déchets Solides Urbains (PGDSU), et a l’intention d’utiliser une partie du montant de ce financement pour effectuer les paiements au titre du contrat de prestations intellectuelles pour un cabinet chargé d’élaborer un nouveau mécanisme de financement du secteur des déchets au Sénégal. 3 Les services sollicités comprennent, entre autres : • La consolidation de la situation actuelle du financement du secteur des déchets au Sénégal et les possibilités de benchmarking ; • La proposition d’une nouvelle stratégie de financement ; • La déclination du cadre législatif et réglementaire en matière de financement du secteur ; • La proposition d’un mécanisme approprié de mobilisation des ressources ; • La formulation d’un plan d’actions ; • La mise en place d’un cadre de suivi - évaluation. 4 L’Unité de Coordination de la Gestion des déchets solides (UCG), rattachée au Ministère de la Gouvernance locale, du Développement et de l’Aménagement du Territoire invite les cabinets d’études des pays membres de la BID à manifester leur intérêt, à fournir les services décrits ci-dessus. Les candidats intéressés doivent fournir les informations suivantes : • Les informations indiquant qu’ils sont qualifiés pour exécuter les services (brochures, références concernant l’exécution de contrats analogues, expérience dans des conditions semblables, disponibilité des connaissances nécessaires parmi le personnel, etc.) ; • La nature des activités du candidat et le nombre d’années d’expérience ; • L’organisation technique et managériale du consultant ; • Les qualifications générales et l’expérience du personnel-clé. Etant donné la nature des prestations demandées qui requièrent une pluridisciplinarité, les candidats peuvent s’associer pour renforcer leurs compétences respectives. N° 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

5 Les critères pour l’établissement de la liste restreinte sont : Critères de Qualification requis

Note

1. Nature des activités du candidat en rapport avec le domaine des prestations 2. Nombre d’années d’expérience du Cabinet 3. Qualification du candidat dans le domaine des prestations 4. Organisation technique et managériale du Cabinet 5. Qualifications générales et nombre de personnels professionnels

[15] points [10] points [45] points [10] points [20] points

NOTE GLOBALE [100] points A l’issue de l’analyse, les cabinets qui auront obtenu les meilleures notes supérieures ou égales à la note minimale de 75 points seront retenus pour constituer la liste restreinte. 6 Un consultant (remplissant les conditions pour être considéré comme un bureau d’études ressortissant d’un pays membre de la BID) sera sélectionné sur liste restreinte, en accord avec les procédures spécifiées dans les Directives pour l’Utilisation des consultants dans le cadre des projets financés par la Banque Islamique de Développement (édition mai 2009). 7 Les candidats intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires au sujet des documents de référence auprès du Secrétariat de l’UCG, Sacré Coeur III, Cité Keur Gorgui, 3ème étage Immeuble Y2, Appartement B Dakar, adresse électronique : pngd@pngd.org, tous les jours ouvrables de 08 heures à 16 heures (heure locale, TU). 8 Les manifestations d’intérêt doivent être déposées, à l’adresse ci-dessous, en personne, par courrier, par facsimile, ou par courrier électronique au plus tard le Mardi 19 Août 2014 à 15 heures précises (heure locale). Unité de Coordination de la Gestion des déchets solides (UCG) Tél : (221) 33 869 02 62 - FAX : (221) 33 824 71 22 E-mail : pngd@pngd.org ; ucg@ucg-sn.com Le Coordonnateur Ibrahima DIAGNE JEUNE AFRIQUE


Annonces classées 2831, avenue de la Justice Kinshasa Gombe

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RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

SOCIÉTÉ NATIONALE D’ÉLECTRICITÉ Avis de pré-qualification international pour l’exploitation de fibres optiques sur les câbles de garde de lignes à haute tension de la SNEL

Monsieur Masoso Bumba Coordination des Projets Société Nationale d’Electricité (SNEL) Avenue de la Justice, n° 2831 Quartier SOCIMAT Kinshasa – Gombe République Démocratique du Congo Tel : + 243 817 005 428, +243 810040030 E-mail: cdp.snel@yahoo.fr, masbumba@yahoo.fr ilungaclaire@yahoo.fr

Monsieur Stéphane de Vaucelles Associé-Gérant Compagnie Financière CADMOS Rond Point Schuman 11 1040 Bruxelles Belgique Tel. : + 32 2 256 75 57 Fax : + 32 2 256 75 03 E-mail : stephanedevaucelles@cf-cadmos.com

La demande de Dossier de Pré-qualification devra être effectuée formellement par courrier, courriel ou par télécopie et devra préciser qu’il s’agit d’une « Demande du Dossier de Pré-qualification pour l’exploitation de fibres optiques sur les câbles de garde des lignes à haute tension de la SNEL ». A réception de la demande, le Dossier de Pré-qualification sera expédié sous pli fermé par la SNEL ou par la Compagnie Financière Cadmos, qui ne sera en aucun cas tenue responsable des retards ou pertes subis dans son acheminement. Les offres de pré-qualification des Soumissionnaires, présentées selon la forme requise par le Dossier de Préqualification, devront être déposées au plus tard le 30 septembre 2014 à 14 h 00 TU (15 heures locales : TU+1) à la Coordination des Projets à l’adresse susmentionnée, en portant expressément la mention « Offre de pré-qualification pour l’exploitation de fibres optiques sur les câbles de garde des lignes à haute tension de la SNEL ». La SNEL refusera toute offre de pré-qualification reçue en dehors de la date et de l’heure limites de soumission indiquées préalablement. Les Soumissionnaires seront informés de la suite donnée à leur candidature dans les conditions et selon les modalités prévues par le Dossier de Pré-qualification. Le Coordonnateur des Projets MASOSO BUMBA JEUNE AFRIQUE

N° 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

Avis de pré-qualification

La Société Nationale d'Electricité sarl (« SNEL ») , représentée par la Coordination des Projets, a décidé de procéder à la présélection d’investisseurs privés expérimentés pour l’exploitation d’une partie de ses fibres optiques excédentaires sur les câbles de garde (« CGFO ») de ses lignes à haute et très haute tension existantes. Des câbles à fibres optiques ont été déployés par la SNEL notamment entre les centrales hydroélectriques d'Inga (proches de Kinshasa) et Kasumbalesa (située à la frontière avec la Zambie) sur une longueur de plus de 2.200 km ainsi que sur le réseau électrique à haute tension au Bas-Congo et à Kinshasa. Les câbles de fibres optiques sont installés notamment sur les nouvelles lignes électriques et certaines lignes existantes à haute tension ainsi que sur l'une des lignes très haute tension existantes entre Inga et Kolwezi : La SNEL a l’intention de mettre à disposition une partie des fibres optiques non nécessaires à ses besoins à des Investisseurs disposant d’une solide expérience dans l’exploitation de fibres optiques. A cet effet, la SNEL, par le présent avis, lance un appel à pré-qualification aux investisseurs privés pouvant être intéressés (les « Soumissionnaires ») par l’exploitation d’une partie de ses fibres optiques excédentaires sur les câbles de garde de ses lignes à haute et très haute tension existantes. La sélection des Soumissionnaires s’effectuera en deux étapes par le biais d’un processus d’appel d’offres International. Les Soumissionnaires sont donc invités, en premier lieu, à se pré-qualifier afin de participer au processus d’appel d’offres. Seuls les Soumissionnaires pré-qualifiés pourront participer à cette deuxième étape. Le descriptif synthétique du réseau de fibres optiques de la SNEL et la liste des critères de pré-qualifications, des déclarations requises et des documents nécessaires, sont inclus dans le dossier de pré-qualification (le « Dossier de Pré-qualification ») auquel cet avis est assujetti. Les candidats pourront se procurer le Dossier de Pré-qualification disponible dès le 30 juillet 2014 auprès de :


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Vous & nous

Le courrier des lecteurs Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.

Spécial Israël-Palestine Combien de morts encore ? COMBIEN DE FOIS encore redira-t-on que ce sont les Gazaouis qui les premiers ont attaqué, sans en apporter la preuve ou nous faire entendre leur version ? Ce n’est pas la première fois qu’Israël déclare la guerre aux Palestiniens en prétextant une mystérieuse roquette lancée sur son territoire. Tout comme les déclarations de Benyamin

Netanyahou, Premier ministre israélien, l’augmentation du budget de la défense « non conventionnelle » (porté à 1,3 milliard de dollars, soit 0,5 % du PIB) démontre que cette guerre était décidée depuis un certain temps déjà. Comment admettre alors que Manuel Valls soupçonne d’antisémitisme quiconque ose défendre les droits des Palestiniens ? Le Premier ministre français fait partie

En France, des droits à géométrie variable LA CHARTE DES DROITS DE L’HOMME stipule que tous les hommes sont égaux en droit et en dignité, quels que soient leur race, leur religion, leur sexe… Des cours d’éducation civique me l’ont rappelé durant toute ma scolarité: d’abord à l’école primaire, en Afrique, puis dans les amphithéâtres des universités de France, « pays des droits de l’homme », précisément. Ne pas condamner, ne pas agir, garder le silence ou encore rester neutre revient à cautionner le massacre des Palestiniens par l’armée israélienne, un véritable carnage qui se déroule sous nos yeux. C’est en France, pays des droits de l’homme donc, qu’on interdit aux citoyens de manifester. Ce qui choque, ce n’est pas tant l’indifférence des politiques – de gauche comme de droite d’ailleurs – que ce mensonge éhonté selon lequel les manifestations seraient l’apanage de la communauté musulmane désireuse de transporter le conflit israélo-palestinien en France. Ne soyons pas naïfs, certes il y a des casseurs (ils sont une minorité) dans les manifestations, je le déplore et le condamne. Mais en déduire un « conflit entre juifs et musulmans » me paraît indécent et honteux. Juifs, musulmans, chrétiens, agnostiques, bouddhistes et athées ont manifesté ensemble pour dire non aux massacres. Ça, c’est la France: les gens de tout bord qui se lèvent pour la dignité des hommes et des femmes. Loin de la France selon Hollande, où les droits de l’homme sont à géométrie variable, où la vie d’un Palestinien ne vaut pas celle d’un Israélien. l SANKARA SAKHO, Paris, France N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

de ceux qui, à cours d’arguments, agitent l’épouvantail de l’antisémitisme. Ils défendent l’État d’Israël d’une bien piètre façon ! l GALÉRY GOURRET HOUSSEIN, Biarritz, France

Et pourtant Allah et Elohim ne font qu’un… LA BANDE DE GAZA est à feu et à sang. Cette nouvelle escalade a fini de nous convaincre que la paix entre les peuples israélien et palestinien, pourtant liés par une histoire commune, est impossible. Prisonniers de leurs religions respectives, les extrémistes des deux camps en portent la lourde responsabilité. Dans ces conditions, est-il encore nécessaire de solliciter une action de l’ONU? L’institution est elle-même discréditée, autant pour son manque de réaction systématique face aux exactions de l’État hébreu que pour son silence insidieux face aux pays qui financent le terrorisme. Reste donc la prière pour espérer la paix ! Mais tant qu’on n’aura pas compris que ce Dieu est le même, il y aura toujours des morts entre la Palestine et Israël. l HUGUES MBALA, Douala, Cameroun

Inspirez-vous de Mandela ! LE COMBAT du peuple palestinien est juste, noble et légitime. Il a parfaitement le droit de vouloir se c o n s t i t u e r e n Ét a t, e t

l’agression israélienne de ces dernières semaines est parfaitement regrettable. Mais l’entière responsabilité de ces massacres revient au Hamas ! Le Hamas n’a ni les armes ni les compétences requises pour battre Israël sur le terrain de la confrontation armée. Toutes ses provocations seront toujours sanctionnées, parce qu’Israël aussi a parfaitement le droit de se défendre et de protéger ses citoyens dans la foulée. Pourquoi donc le Hamas expose-t-il son peuple à de telles horreurs s’il n’est pas capable de le défendre quand viennent les représailles ? Pourquoi ne tient-il pas compte, une fois pour toutes, du rapport de force et n’envisage-t-il pas d’autres options que la violence et la terreur ? Mandela a bien pu libérer son peuple du joug de l’apartheid face à un régime tout aussi puissant que celui d’Israël ! Le dialogue et la sagesse ont eu raison de la force. Pourquoi ne pas s’inspirer de ce magnifique personnage ? l AUGUSTIN ARMEL MINKA, Douala, Cameroun

Hymne aux enfants de Gaza À GAZA, il n’y a ni Dôme de fer protecteur ni abri antibombe où se réfugier comme il en existe en Israël. Dans leurs maisons, à l’école, à l’hôpital, dans la rue et même en jouant au football sur la plage, les enfants de Gaza sont décimés par les missiles et les obus de Tsahal… Faire bombarder conjointement par l’aviation, la marine et l’artillerie cette bande de terre exiguë, surpeuplée, assiégée, revient à commettre un carnage. La mémoire ne s’effacera pas, l’Histoire ne pardonnera JEUNE AFRIQUE


Vous nous

FINBARR O’REILLY/REUTERS

 Gaza, 20 juillet 2014. Au moins 50 Palestiniens tués lors de cette seule journée.

pas. Tôt ou tard, ceux qui ont encouragé, commandité ces crimes barbares devront répondre de leurs actes devant la justice internationale. JACQUES POKAM, Tunis, Tunisie

Pourquoi ne peut-on pas critiquer Israël ? L’ÉTATD’ISRAËLfoulant aux pieds le droit international est depuis longtemps une réalité acceptée par nos démocraties bien-pensantes. Celles-là mêmes qui s’empressent de donner des leçons d’humanité et de civilisation. Celles-là aussi qui restent prisonnières d’une culpabilité

post-Seconde Guerre mondiale responsable d’une cécité de bon aloi. Grâce à son sacrosaint droit à la sécurité, Israël peut tout se permettre, même le massacre de centaines d’enfants, de femmes et de vieillards dans cette prison à ciel ouvert qu’est la bande de Gaza. Comment en serait-il autrement puisque, à chaque

fois, nos responsables politiques redisent encore et encore son « droit de se défendre », balayant d’un revers de main l’horreur et la tragédie semée par les bombes de Tsahal ? Arguer d’une lutte contre le Hamas et le « péril islamiste » et alléguer de « dommages collatéraux » et de « frappes ciblées »

n’est plus soutenable : Israël a franchi un seuil dans l’indicible et l’innommable. Il ne s’agit plus, comme on veut nous le faire croire, d’une « guerre » avec ce que cela suppose de règles. On peut critiquer avec virulence n’importe quel pays ou régime à travers le monde sans être mis à l’index pour intolérance ou racisme. Or, pour nous, il s’agit ni plus ni moins de dénoncer explicitement le bellicisme et la politique guerrière d’un État, du sionisme avec ses visées coloniales et son idéologie fascisante, bien éloignée du message de paix véhiculé par le judaïsme. Nous ne le répéterons jamais assez, l’antisionisme n’est pas et ne sera jamais l’antisémitisme qu’il faut combattre au nom du vivre-ensemble et de la fraternité universelle. l KAMEL MEZITI, historien des religions, Le Mans, France

Précision. À la suite de l’interview d’Arthème Ahoomey-Zunu, Premier ministre togolais (J.A. nº 2792, daté du 13 au 19 juillet), la cellule communication de la primature précise que, si M. le Premier ministre n’a jamais fait partie du Rassemblement du peuple togolais (RPD), il est, en revanche, bien membre de l’Union pour la République. Arthème Ahoomey-Zunu a par ailleurs été ministre de l’Administration territoriale en 2006, au sein du gouvernement dirigé par Yawovi Madji Agboyibo, et non dans celui d’Edem Kodjo.

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HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL POLITIQUE, ÉCONOMIE, CULTURE

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Post-scriptum Fawzia Zouari

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Le Maghreb des misogynes

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IGNES DESCENDANTES des moudjahidate algériennes, nobles battantes du Maroc, filles de Bourguiba, vous pouvez être fières de vos élus ! Si, si. Je vais vous donner trois exemples qui vont vous prouver à quel point ces messieurs soutiennent votre cause et sont convaincus de vos droits. – Au Maroc, lors de son intervention mensuelle à la Chambre des conseillers, à la mi-juin, le chef du gouvernement marocain Abdelilah Benkirane a déclaré : « Les femmes qui travaillent ne trouvent plus le temps pour se consacrer à leurs enfants et à leur famille. » Et alors ? « Il faut les sacraliser au foyer au lieu de les voir d’une manière condescendante. » C’est un point de vue personnel ? « C’est notre point de vue au Parti de la justice et du développement (PJD). Si nous avons tort, nous assumons notre erreur. » Fermez le ban. Et toi, bobonne, rentre chez toi, ta place est aux fourneaux. – En Algérie, Abdelmajid Menasra, président du Front du changement (FC) – qui devrait adopter le slogan « Tout changer, sauf le statut des femmes » –, a fait une déclaration quasi similaire, à quelques jours d’intervalle, lors d’un colloque international organisé en hommage au fondateur du Hamas algérien, Mahfoud Nahnah, dont il se veut l’héritier. Il a martelé son opposition à l’article 31 du projet de révision constitutionnelle, qui propose la parité entre hommes et femmes dans les assemblées élues et consacre l’égalité des sexes du point de vue de la loi : « Je refuse que la femme soit l’égale de l’homme. » Vous pouvez répéter ? « C’est un principe sur lequel nous serons intransigeants au FC. Car la famille n’a rien à voir avec la politique du pays. » Tournez les babouches. Et toi, bobonne, comprends une fois pour toutes que tu es inférieure et le resteras à jamais. – En Tunisie, le 1er mai, le député Ibrahim Gassas – chauffeur de poids lourd de son état –, connu pour ses sorties dignes de prestations au cirque, s’est fendu d’un laïus sur les dames qui en a décoiffé plus d’une : alors que l’on discutait de l’article 23 portant sur la représentativité des femmes dans les listes de candidats aux futures élections législatives, il a affirmé, gesticulant et postillonnant à en éclabousser les premiers rangs de l’Assemblée constituante : « Les femmes doivent se prosterner devant leur mari et leur laver les pieds. » D’où tu tiens ça, Ibrahim ? « Ce sont là les recommandations du Prophète. » Et d’ajouter cette fatwa de son cru : « Au lit, elles ont obligation de ne jamais tourner le dos à leur époux. » Autrement dit, de refuser ses assauts. Et le député-chauffeur d’ajuster son turban 33 tours pour repartir chez Dame Gassas, en pleine conversation avec elle-même. Allez, bobonne, prépare la bassine d’eau et couche-toi là. Vous aurez saisi toute l’ironie amère de mes propos, les filles. Sale temps où les changements se font contre les femmes, réduites à l’esclavage au nom de la religion… l

N O 2794 • DU 27 JUILLET AU 2 AOÛT 2014

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