ali bongo ondimba « l’impunité, c’est fini ! »
Hebdomadaire international indépendant • 54e année • n° 2800 • du 7 au 13 septembre 2014
jeuneafrique.com
ebola le pire est-il à venir ?
maurice
une ambition africaine
le pays truste les podiums de la bonne gouvernance et de la qualité de vie. Un modèle pour le reste du continent? Spécial 20 pages
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LE pLUs
de Jeune Afrique
PANORAMA Au pays des miracles
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POLITIQUE Petits arrangements entre ennemis STRATégIE Pourquoi l’île mise sur le haut de gamme INTERVIEW Arvin Boolell, ministre des Affaires étrangères
MAURICE
Une ambition africaine
Guenter StAnDL/LAIF-reA
Africains à part entière, les Mauriciens trustent les podiums de la bonne gouvernance et de la qualité de vie. Leur modèle peut-il s’exporter sur le reste du continent ?
jeune afrique
n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014
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Le Plus de Jeune Afrique
LE pLUs
MAURICE Une ambition africaine de Jeune Afrique
Prélude Olivier Caslin
Le fabuleux destin du confetti mauricien
T
out un symbole! Finjuin,lapremièreconférencemaurice-Afriquea pris ses quartiers à Port louis. sous les ors de l’hôtel maritim, l’événement a attiré les représentants de 28 agences de promotion des investissements, de la tunisie à la namibie en passant par le burkina Faso et Djibouti. une occasion unique pour les « continentaux » de profiter de l’expertise mauricienne. l’île semble en effet être devenue le modèle à suivre en matière de développement. Dopées par la « stratégie africaine » lancée par le gouvernement en 2011, plus de 70 entreprises mauriciennes évoluant dans des secteurs très divers essaiment leur savoir-faire aux quatre coins du continent. Désormais, le défi de Port louis, c’est de le faire savoir.
dont plus d’un tiers est destiné à être investi sur le continent. Cet essor se conjugue à celui d’activités à forte valeur ajoutée, liées en particulier aux technologies de l’information et de la communication (tIC) ainsi qu’à l’outsourcing (externalisation d’opérations ou de services), pour lesquelles Port louis figure déjà parmi les leaders en Afrique. Autant d’atouts qui devraient permettre à son économie de revenir vers les sommets après avoir un peu subi les turbulences de la crise financière internationale. en revanche, les défis posés par son insularité restent entiers. Pour tenir le cap, maurice devra rapidement élever ses normes en matière de couverture numérique, de desserte aérienne et maritime.
Son modèle ? Singapour. Son rêve ? Que de chemin parcouru par ce petit bout d’Afrique sur Entrer dans le club des grandes lequel personne n’aurait misé places financières internationales. une roupie au lendemain de l’indépendance! numéro un africain dans les principaux classements Il en va de l’équilibre social du pays, internationaux, maurice est, avec le Cap-Vert caractérisé ces dernières années par une et le botswana, le pays subsaharien le plus explosion des inégalités au sein de la popusouvent cité en exemple lors des forums écolation. Certes, maurice fait mieux que la nomiques. et quand le Rwanda, autre bon moyenne, avec un PIb par habitant équiélève des institutions financières, cherche valent à celui de la turquie ou du mexique. un président pour son Development board, mais, conséquence du virage libéral pris c’est un mauricien qu’il recrute : l’ancien dans les années 1990, le fossé se creuse entre ministre des Finances Rama sithanen, père les bénéficiaires du global business et les de la diversification économique de l’île. laissés-pour-compte de la mondialisation. la clé du succès semble résider dans la les incertitudes politiques de ces derniers capacité du pays à toujours anticiper. Après mois n’arrangent pas la situation. Désormais le sucre, puis le textile, et en attendant que privé de ses alliés, navin Ramgoolam, le le tourisme et l’immobilier se refassent Premier ministre, dispose d’une majorité une santé, maurice se rêve aujourd’hui en tropfaiblepourpouvoirengagerlesréformes singapour africain et veut faire son entrée nécessaires, au moins jusqu’aux élections dans le club très fermé des grandes places générales prévues l’an prochain et dont la financières internationales, aux côtés de date officielle fait toujours l’objet de tractalondres, Dubaï ou Hong Kong. Passerelle tions. Au grand dam des milieux d’affaires, naturelle et désormais souvent empruntée qui détestent ces périodes de flou. Pourtant, entre l’Asie des capitaux et l’Afrique des le temps presse, surtout si Port louis veut opportunités, l’île voit déjà transiter chaque maintenir sa dynamique de croissance. et année dans ses coffres-forts des sommes entraîner dans son sillage d’autres pays du équivalantàplusd’unefoisetdemiesonPIb, continent. l jeune afrique
n o 2800 • du 7 au 13 sepTembre 2014
Panorama au pays des miracles p. 62 Politique ramgoolam-Bérenger : petits arrangements entre ennemis p. 68 Portrait Cassam uteem, Gandhi en son pays
p. 70
Communautés Derrière la carte postale p. 72 analyse une économie qui sait rebondir
p. 75
stratéGie Pourquoi le pays mise sur le haut de gamme p. 78 interview arvin Boolell, ministre des Affaires étrangères p. 83 Banque Port louis gagne du crédit
p. 84
Portraits Jackpot pour le melting-pot
p. 85
entrePrise le pari gabonais d’iBl p. 90
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le Plus de Jeune Afrique
PAnorAmA
Au pays des
miracles
Lors de son indépendance, en 1968, on ne donnait pas cher de ce caillou volcanique perdu dans l’océan Indien. Et pourtant, dans cet État où les communautés vivent en bonne intelligence, l’essor économique a été fulgurant. Jusqu’aux premiers signes de fatigue… rémi CArAyol,
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envoyé spécial
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ur le Caudan Waterfront (« front de mer »), on peut manger chinois, indien ou breton, retirer de l’argent ou en changer, acheter des montres deluxesuisses,desordinateursaméricainsoudesvêtementsitaliens.On peut aussi se faire une toile, jouer sa mise au casino ou simplement admirer le vieux port, de l’autre côté de la baie, et contempler l’architecture, tantôt d’inspiration asiatique, tantôt de type colonial. On peut tout faire, ou presque. Pour acheter une puce jeune afrique
SEYCHELLES
10 km COMORES
Océan Indien
Port Louis
narvikk
MAURICE
de téléphone locale, « il faut aller dans Port Louis, monsieur! ». Le centre de la capitale mauricienne est à deux pas, derrière la quatre-voies qui traverse la ville. Le temps de s’engouffrer dans un tunnel et, quelques dizaines de mètres plus loin, c’est un autre monde, avec son vieux marché aux fruits et aux épices, ses gargotes chinoises, ses bâtisses colonialesen ruine et ses immeubles de verre, sièges des nombreuses banques (une bonne vingtaine) que compte le pays. Si l’on devait imaginer un parc d’attractions sur le thème de la mondialisation, le Caudan pourrait servir de modèle. Comme beaucoup d’autres lieux à Maurice. À l’image de Bagatelle, sur les hauteurs de la ville, gigantesque centre commercial où l’on trouve tout ce que le monde compte de marques universellement connues. Là où, il y a trois ans, s’étalaient des champs de canne à sucre à perte de vue. Il en reste quelques vestiges sur les bords de la deux fois trois voies qui parcourt l’île d’est en ouest. Mais déjà, en contrebas, un nouveau mall sort de terre. Si lacanneàsucrefaitencorepartieduprésent,ellen’est résolument plus l’avenir – 400000 tonnes de sucre ont été produites en 2013, contre plus de 600000 lors d’une « bonne » année au début des années 2000. jeune afrique
p Le Caudan Waterfront, les Champs-Élysées de Port Louis.
MADAGASCAR MAURICE
LA RÉUNION
Est-ce là le « miracle mauricien » que vantent les élites du pays? Un temple dédié non pas au culte hindou, comme il en existe des dizaines sur l’île, mais à la consommation? En partie, oui. Maurice n’a pas eu à entrer dans la mondialisation, elle y est depuis le début de son peuplement, quand les colons (français puis britanniques) sont arrivés et y ont fait venir des esclaves africains, avant d’engager des coolies indiens. Mais le « miracle », c’est bien plus. C’est aussi une scène politique certes complexe et agitée, mais pacifiée – le pays n’a jamais connu de coup d’État. C’est un welfare state (« État providence ») sans équivalent en Afrique, sauf chez le voisin seychellois : santé gratuite (même pour les sans-papiers), école et transports également, caisse de retraite, allocations pour les personnes handicapées… Enfin, c’est un développement économique l l l n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014
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l l l fulgurant. Depuis des années, le pays truste les places d’honneur au palmarès des bons élèves du libéralisme: il est le premier africain au classement « Doing Business » de la Banque mondiale, premier à l’indice Ibrahim de la gouvernance africaine, etc. Et il ne cesse de se régénérer: il y a eu le sucre, puis le tourisme et le textile, et aujourd’hui le global business, avec ses banques, ses assurances, ses services… À Port Louis, on ne compte plus les bureaux de change ou les enseignes de consultants financiers, l’offshore mauricien étant pour l’heure jugé transparent par les institutions internationales – alors que les Seychelles voisines sont souvent considérées comme un paradis fiscal. « Le gouvernement a adopté une stratégie à l’irlandaise, explique un diplomate étranger. Maurice offre un
taux de fiscalité très faible et un environnement des affaires intéressant. » Un libéralisme sans barrières, ou presque. Il ne faut cependant pas se tromper. « Le modèle mauricien tel qu’on le présente aux Africains est un leurre, tient à préciser le syndicaliste Ashok Subron, figure du militantisme sur l’île. Oui, c’est un modèle ultralibéral. Mais s’il fonctionne sans trop de casse, c’est parce que préexistaient des structures sociales – la santé, l’éducation, etc. –, sans lesquelles ce pays n’aurait jamais connu un tel développement. » Lorsque Maurice a accédé à l’indépendance en mars 1968, rares étaient ceux qui donnaient une chance à ce caillou volcanique situé loin de tout, sauf de Madagascar – dont le réveil a toujours
Jack abuin/ZuMa Press/corbis
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p Vue de la capitale
depuis le fort inquiété les milieux d’affaires mauriciens. On lui Adélaïde. prédisait une guerre civile. Et il s’en est fallu de peu. Mais le système électoral mis en place par les Britanniques, quoique décrié aujourd’hui (lire p. 72), semble avoir évité le pire. « Globalement, les communautés vivent bien ensemble, décrit Jean-Claude de l’Estrac, ancien journaliste, député et ministre, aujourd’hui secrétaire général de la Commission de l’océan Indien et candidat à la direction de l’Organisation internationale de la francophonie. Les Mauriciens ont un attachement très fort à leur communauté, mais cela fait trois siècles qu’ils cohabitent en se respectant et en se comprenant. » Officiellement – c’est inscrit dans la en dix ans Constitution –, Maurice compte quatre commu2003-2013 nautés : les hindous, les musulmans (en majorité originaires d’Inde), les Chinois et la « population générale » (principalement des Blancs descendants des colons et des créoles issus de l’esclavage). Elle est en réalité constituée d’une constellation de s lar sous-groupes que le temps a tendance, quoique Le PIB est dol à e d timidement, à diluer. « Nous sommes une société passé de rds illia m en construction », résume Ashok Subron. « Mirage ». La structure de la population mauri-
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cienne n’était pas la seule inquiétude en 1968. Que pouvait donc devenir un pays si petit (2 000 km² pour 1,3 million d’habitants actuellement), presque exclusivement consacré à la culture de la canne Le PIB par à sucre et sur lequel régnait une aristocratie de habitant de familles venues jadis de France ? « C’est cela le miracle, s’enthousiasme Paul Bérenger, figure de la vie politique locale et descendant de ces grandes familles [lire p. 68]. À l’indépendance, les propriétaires terriens auraient pu migrer. Ils ont préféré investir dans le pays et ont su diversifier les activités, construire des hôtels, des usines… » Le père de la nation (et de l’actuel Premier ministre), sir Seewoosagur Ramgoolam (1900- Les IDE* de 1985), un hindou, s’est entendu avec les possédants, pour la plupart blancs: à vous l’économie, à nous la politique. Un pacte dont les Mauriciens subissent encore aujourd’hui les conséquences (les grands groupes sont toujours contrôlés par les descendants de colons et la scène politique est dominée par les hindous), mais qui a empêché que le pays ne tombe dans les pièges de la décolonisation et de l’ethnicisation. Tout n’est pas rose pour autant. « Le miracle mauricien est un mirage », pestent, dans leur
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jeune afrique
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à llars do
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à illionslars m dol de *Investissements directs étrangers
local de Rose-Hill, Jane Ragoo et Reeaz Chuttoo, la secrétaire et le président de la Confédération des travailleurs du secteur privé, l’un des principaux syndicats du pays. Ils luttent contre « la dérive ultralibérale », la « flexibilité outrancière », le « gel des salaires » et les inégalités entre les travailleurs du public et ceux du privé. En 2008, des réformes visant à séduire les investisseurs étrangers ont mis à mal l’État providence. « Aujourd’hui, on peut se faire licencier sans justification ni compensation », dénoncent les syndicalistes. « Depuis trente ans, il y a un consensus, poursuit Reeaz Chuttoo. Tous les partis ont un même programme: le capitalisme. Résultat, aujourd’hui, 100000 travailleurs gagnent moins de 5 000 roupies [118 euros] par mois, le taux de chômage est estimé à 8 % et les inégalités se creusent. » En outre, depuis quelques années, Maurice connaît un afflux de travailleurs venus d’Asie et de Madagascar. Ils sont officiellement 35 000, certainement plus, à travailler dans les zones franches pour une misère et à vivre dans des taudis. « Ces migrations sont souhaitées par le gouvernement, qui voudrait faire du Mauricien moderne un entrepreneur, accuse Chuttoo. Mais cela crée des tensions et la montée d’un sentiment xénophobe. » Non loin de là, toujours à Rose-Hill, Lindley Couronne, un militant des droits de l’homme, fait le même constat, quoique plus mesuré : « Le pays s’est développé matériellement et une classe moyenne a émergé. Mais 10 000 familles vivent dans une extrême pauvreté. » Tout près du local de Dis-moi, son ONG, une fresque résume ce qu’est Maurice aujourd’hui : une église, une mosquée, la représentation d’une divinité hindoue, une montagne, une bonne sœur… et un restaurant KFC. CriMeS. Les jeunes qui l’ont réalisée auraient pu
y ajouter du sang et de la drogue. Car le malaise social né des inégalités et d’une société conservatrice s’exprime de plusieurs manières. Par la violence – chaque jour, les quotidiens racontent en détail des crimes parfois insoutenables – et par la consommation de drogue – le pays est l’un des plus gros clients du continent en matière d’opiacés. Ils auraient pu aussi représenter les leaders vieillissants du pays: Paul Bérenger, Navin Ramgoolam et Pravind Jugnauth… Après avoir succédé à leur paternel (du moins pour les deux derniers), ils sont n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014
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aux affaires depuis quelques dizaines d’années, au gré d’alliances qui ne sont jamais définitives. Et nombre de Mauriciens pensent que le temps est venu de les voir passer la main. « Le miracle s’est essoufflé, convient Jocelyn Chan Low, historien et politologue à l’université de Maurice. Nous sommes à la croisée des chemins. Le welfare state est menacé par le Fonds monétaire international [FMI], qui demande des réformes. Les responsables politiques ont compris qu’il fallait élaborer une nouvelle Constitution, car il est urgent de mieux partager les pouvoirs [lire pp. 68-69]. Sur le plan économique, après le sucre et le tourisme, nous devons trouver de nouvelles voies. Mais avons-nous une vision pour faire de Maurice un pays à hauts revenus ? Et puis il y a l’évolution sociétale : les parents ne contrôlent plus leurs enfants… » La conjoncture politique n’arrange rien. Après avoir perdu ses alliés successifs (le Mouvement socialiste mauricien en 2011 puis le Parti mauricien
l’État providence est menacé par le FMi, qui demande des réformes.
social-démocrate en juin dernier), le patron du Parti travailliste, Navin Ramgoolam, grand vainqueur des législatives de 2010, ne dispose plus que d’une fragile majorité. « Il ne peut plus rien faire, constate Paul Bérenger, le leader du Mouvement militant mauricien, principal parti d’opposition. Nous sommes en pilotage automatique jusqu’aux prochaines élections. » Elles sont prévues pour mai 2015. Mais si Bérenger et Ramgoolam, qui négocient depuis des mois pour conclure une alliance et mener une grande réforme électorale, réussissent enfin à s’entendre, elles pourraient être anticipées. Tout le monde le souhaite, à commencer par les patrons, qui dénoncent les conséquences de la paralysie politique sur l’économie et s’inquiètent de la « mollesse » du taux de croissance (3,3 % en 2013 et 3,5 % prévus en 2014), qu’envieraient pourtant bien des pays. Il est vrai qu’à Port Louis, où l’on est habitué à des pourcentages plus élevés, ces chiffres n’ont rien de miraculeux. l
Christian Bossu-PiCat
t Écologique, le nouveau siège de la MCB, conçu par Jean-François Koenig, dans le quartier d’Ébène, à Port Louis.
on fait un max pour le mix énergétique L’objectif du plan Maurice île durable ? accroître la part du renouvelable dans la consommation nationale.
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epuis 2008, Maurice mise sur la durée. Plus exactement, sur le développement durable. Confronté à une envolée des prix énergétiques, le pays, sous l’impulsion de Navin Ramgoolam, son Premier ministre, a lancé un vaste programme baptisé Maurice île durable (MID).
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Objectif : rééquilibrer le mix énergétique au profit des énergies renouvelables tout en réduisant la consommation intérieure. Les embouteillages de Port Louis coûteraient à eux seuls 1,3 point de PIB annuel au pays. « Essentiellement économique à ses débuts, ce programme s’est étoffé jusqu’à devenir un véritable projet de
société », explique Osman Mohamed, directeur exécutif de la commission MID. Résultat d’une concertation entre les pouvoirs publics, le secteur privé, le monde associatif et la société civile, le plan d’action triennal, qui compte 130 projets dans de nombreux domaines (environnement, emploi, éducation…), a été approuvé par le gouvernement en juin 2013. Son financement, estimé à 6,2 milliards de roupies (environ 147 millions d’euros), est assuré par des taxes supplémentaires prélevées sur les importations du charbon sud-africain brûlé dans les centrales thermiques et sur les carburants – le parc automobile a augmenté de plus de 185 % en vingt ans. Photovoltaïque. Depuis, les premiers projets ont vu le jour : installation d’éoliennes et de chauffe-eau solaires au sein de centres hospitaliers, distribution d’ampoules basse consommation au grand public, entrée en exploitation de fermes photovoltaïques… « Nous espérons atteindre 35 % d’énergies renouvelables d’ici à 2025 », précise Osman Mohamed, pour qui les premiers effets concrets du plan MID devraient se faire sentir à partir de 2016. En attendant, à plus long terme, des campagnes de reboisement, la réhabilitation des côtes endommagées et la mise en place de normes environnementales dans la construction. l olivier CaSliN, envoyé spécial jeune afrique
Le Plus de J.A. Maurice
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Politique
p Paul Bérenger (à g.) et Navin Ramgoolam à Clarisse House, siège de la primature, le 17 avril.
Vaudeville à Port Louis Après s’être affrontés des années durant, le Premier ministre et le chef de l’opposition devraient s’allier en vue des élections de 2015. Le but de leurs entrevues parfois secrètes : se partager le pouvoir.
C
ela fait des mois que dure le vaudeville. Ses têtes d’affiche, deux hommes aux caractères diamétralement opposés mais aux parcours intimement liés, se lancent des fleurs, puis s’invectivent, puis se congratulent de nouveau… Le tout sous
l’œil circonspect d’une flopée de figurants qui n’attendent qu’une chose pour entrer en scène : un faux pas de l’un ou de l’autre. Personne ne doute de l’issue. Pourtant, à Port Louis, on ne manquerait pour rien au monde le prochain épisode. Parce qu’ici « on n’est jamais
Bérenger, le lion blanc Il faut l’entendre raconter ses combats ou ses débuts agités en politique. Il faut le voir aussi, avec son visage de héros de BD – moustache blanche, regard mutin –, pour comprendre l’attachement que les Mauriciens portent à Paul Bérenger. « Quand il a annoncé qu’il était atteint d’un cancer, en 2013, tout le pays a eu mal », dit un proche. Voilà plus de quarante ans qu’il anime la vie politique nationale. « On l’aime ou on le déteste. Il ne laisse personne indifférent », admet un adversaire. Né en 1945, il fonde le Mouvement militant mauricien (MMM), à 24 ans, pour s’opposer à la mainmise du PTr sur le pouvoir et dénoncer le communautarisme rampant. Depuis, il s’est converti à la social-démocratie, a mis de l’eau dans son vin, même s’il a passé plus de temps dans l’opposition qu’au pouvoir. Éphémère Premier ministre (2003-2005), il rêve de rediriger le pays, quitte à s’entendre avec son meilleur ennemi. « Mon heure de raccrocher les crampons n’est pas venue », dit-il. l R.C. n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014
à l’abri d’un improbable retournement de situation », souffle un proche d’un des deux protagonistes. Et parce que, si accord il y a, « il sera historique à tous points de vue ». Les deux leaders ne sont pas des perdreaux de l’année. Cela fait trente ans qu’ils dominent la vie politique nationale (lire portraits). D’un côté, le Premier ministre, Navin Ramgoolam, 67 ans, patron du Parti travailliste (PTr), le mouvement qui a arraché l’indépendance aux Britanniques. Après une première expérience à la primature entre 1995 et 2000, cette figure de la communauté hindoue, et fils du « père de la nation », Seewoosagur Ramgoolam, dirige le pays depuis neuf ans. De l’autre, son prédécesseur, à la tête du gouvernement de 2003 à 2005 : Paul Bérenger, 69 ans, grand manitou du Mouvement militant mauricien (MMM), descendant de colons français, converti jeune afrique
Une ambition africaine au marxisme puis à la social-démocratie. Il a été ministre à plusieurs reprises, mais ce ne fut jamais très long. Et voilà neuf ans qu’il est l’opposant en chef. POUR DU BEURRE. Ces deux hommes, qui ont passé une bonne partie de leur vie à se combattre malgré une évidente proximité idéologique (leurs partis adhèrent tous deux à l’Internationale socialiste), ont, depuis six mois, pris l’habitude de se voir en tête à tête, parfois même en catimini. Et pas seulement pour discuter des affaires courantes. Leur objectif : élaborer un accord inédit qui les verrait partir ensemble aux prochaines élections générales, prévues en mai 2015, et, par la suite, faire adopter une grande réforme électorale qui modifierait en profondeur le système politique hérité de la colonisation. En juin, les discussions ont à nouveau achoppé. « On a beaucoup parlé. On était d’accord sur tout. Mais c’était trop beau pour être vrai », expliquait en juillet Paul Bérenger. En août, elles ont repris une énième fois. Un accord aurait été trouvé le 30 août lors d’un ultime rendez-vous. Pour nombre de Mauriciens, ces négociations s’apparentent à de petits arrangements entre ex-ennemis. « Tout d’un coup, deux hommes qui se sont
Ramgoolam, l’héritier
C’est un séducteur. Mais si Navinchandra Ramgoolam occupe une place importante dans le cœur des Mauriciens, c’est surtout parce qu’il est le fils du père de l’indépendance, l’une des figures de la communauté la plus influente (hindoue) et le patron du Parti travailliste (PTr), qui jouit d’une cote de sympathie comparable à celle du Congrès national africain (ANC) de Nelson Mandela en Afrique du Sud. Né en juillet 1947, médecin de formation, Ramgoolam fils est entré en politique sur le tard (son père n’y était pas favorable). Ce n’est qu’en 1991 qu’il prend la tête du PTr. Très vite, il s’impose. Premier ministre de 1995 à 2000, il retrouve la primature en 2005. Mais ce n’est pas un homme de dossiers. Aujourd’hui, il se verrait bien présider la nation et laisser à son adversaire de toujours le rude labeur de Premier ministre. l R.C. jeune afrique
PmSD, mSm : lES DinDOnS DE la faRCE Si Paul Bérenger et navin ramgoolam arrivent à trouver un accord sur une refonte de la Constitution, ils seront les grands perdants. « ils » ? le Mouvement socialiste militant (MSM) de Pravind Jugnauth et le Parti mauricien social-démocrate (PMSD) de Xavier-luc Duval. Depuis des années, ces deux
formations politiques minoritaires profitent d’un système électoral fondé sur les alliances et sur le communautarisme (lire p. 72) pour s’imposer aux deux partis dominants, le PTr et le MMM. en 2010, ils avaient conclu un accord avec le PTr. un an plus tard, le MSM, fragilisé par un scandale politico-
financier, claquait la porte. en juin dernier, c’est le PMSD, irrité par le rapprochement entre ramgoolam et Bérenger, qui a quitté le gouvernement. « ils ont de quoi être inquiets, assure le politologue Jocelyn Chan low. en cas de réforme, ils n’auraient plus aucune chance de jouer un rôle. » l R.C.
Cette entente cordiale, si elle se concréhaïs pendant des années décident de s’entendre au crépuscule de leur carrière tise, « correspond à leur tempérament et politique. Il s’agit pour eux de continuer à leurs ambitions personnelles », indique à rester au pouvoir, de se partager le un homme politique de leur génération. gâteau, ni plus ni moins », souffle un édiBérenger est « un gros travailleur, briltorialiste. « On peut le voir ainsi, admet lant et discipliné, qui veut maîtriser tous un diplomate mauricien qui connaît les dossiers » et qui, malgré une tumeur détectée en 2013 (et soignée depuis), n’a bien les deux hommes. Bérenger rêve d’être Premier ministre et Ramgoolam se pas l’intention de prendre sa retraite. voit bien en président. Il sait aussi qu’il Ramgoolam, lui, est moins acharné à la tâche. « C’est un charmeur, un mondain, aura du mal à rester au pouvoir après dit de lui l’un de ses anciens collaboradix années de règne. Mais il s’agit avant tout d’une chance historique. Dans notre système, À l’un, la présidence, à l’autre, le Premier ministre a tous la primature. Et le même nombre les pouvoirs, c’est une sorte de dictateur constitutionde députés pour leurs deux partis. nel, et le président compte pour du beurre. La réforme envisagée teurs. Il peut passer deux heures à raconter permettrait de rééquilibrer cela. » des histoires qui n’ont rien à voir avec L’idée est de donner plus de prérogales affaires de l’État. Mais les Mauriciens tives au chef de l’État, qui pourrait avoir le l’admirent, et il est issu de la caste la plus pouvoir de dissoudre l’Assemblée natioinfluente. » nale et devrait jouer un rôle diplomatique. Si les négociations butent, c’est sur De modifier le système électoral aussi : des détails, affirment plusieurs acteurs il pourrait être élu au suffrage universel du rapprochement. C’est aussi parce que direct pour sept ans, et non plus au sufles deux hommes devront faire accepter frage indirect. leur choix, non pas à leur parti – qu’ils contrôlent pleinement –, mais à leur tUmEUR. Ramgoolam et Bérenger sont électorat. Déjà, de nombreux Mauriciens d’accord sur les grandes lignes de ce s’indignent. « Une nouvelle génération programme. Sur les conditions égamontante dénonce le verrouillage de lement : au premier la présidence, au la vie publique, explique le politologue second la primature, et à leurs partis Jocelyn Chan Low. C’est vrai que les partis respectifs le même nombre de sièges traditionnels ont du mal à se renouveà l’Assemblée nationale (30). « Notre ler. » D’autres, comme l’ancien président modèle, c’est le Cap-Vert, qui fonctionne Cassam Uteem (lire p. 70), s’inquiètent : avec un président de centre droit et un « Deux hommes au pouvoir, c’est la meilPremier ministre de centre gauche », leure recette pour déclencher des crises précise Bérenger. politiques à l’avenir. » l Rémi CaRayOl n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014
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Portrait
Un gandhi en son pays S’il est tenu à l’écart de la scène politique intérieure, l’ancien président Cassam Uteem est en revanche très actif et écouté à l’étranger.
L
e fauteuil de président à Maurice? Encore aujourd’hui, Cassam Uteem se demande s’il n’est pas « damné ». Plus de douze ans après l’avoir quitté avec fracas, il remarque que, depuis l’indépendance, aucun de ses occupants n’est allé jusqu’au terme de son mandat. « Nous avons tous démissionné ! » note-t-il sans colère aucune, et même avec une pointe d’amusement. Lui, c’était en février 2002. Élu en 1992 (au suffrage indirect, par les parlementaires, comme le veut la Constitution), Uteem a claqué la porte après dix années de service pour protester contre la promulgation d’une loi antiterroriste qu’il trouvait liberticide. C’était à la suite des attentats du 11 Septembre, et le gouvernement était, selon lui, prêt à brader une partie de sa souveraineté au nom de la lutte contre « les forces du Mal ». Mais ce qui l’a exaspéré par-dessus tout, c’est de ne pas avoir été entendu. « Le président n’a pas beaucoup de pouvoirs. Il est une sorte de recours. Mais il a tout de même son mot à dire sur les lois qui sont votées. Pas cette fois-ci… » se souvient-il.
L’homme est ainsi. Tout en onctuosité, tout en rondeur, mais pas du genre à transiger sur ses valeurs. En 1969, alors jeune militant, il avait quitté son parti après avoir pris position contre ses dirigeants, auprès desquels on lui demandait de s’excuser. Depuis son dernier coup d’éclat, début 2002, cette figure de la communauté musulmane du pays, qui lutta pour l’indépendance dans les années 1960 et fut l’un des leaders du Mouvement militant
Tout en onctuosité, tout en rondeur, mais pas du genre à transiger sur ses valeurs. mauricien (MMM) de Paul Bérenger au début des années 1970, puis successivement député, ministre et maire de Port Louis, n’a pas eu le temps de s’ennuyer. Il a joué les médiateurs au nom de la Global Leadership Foundation, qui rassemble d’anciens présidents. Il a intégré le fameux Club de Madrid, organisation visant à promouvoir la démocratie qui compte parmi ses
ALEXANDER JOE/Afp
Cassam Uteem a été le premier chef d’État musulman du pays, de 1992 à 2002.
membres 95 ex-chefs d’État et de gouvernement. Il a rejoint le comité international d’ATD Quart Monde, ONG qui lutte contre l’extrême pauvreté. Et, depuis la disparition de l’un de ses fils, foudroyé par une crise cardiaque il y a sept ans, il s’occupe de la fondation Oomar Uteem Charitable Trust, qui œuvre pour l’éducation à la santé. Il continue aussi de se battre en faveur des droits de l’homme, du droit des Chagossiens à retrouver leur terre, et pour ce que l’on appelle sur l’île la « mauricianité », autrement dit le sentiment d’appartenir à une même nation. Ignoré. Sur le plan politique,
en revanche, c’est morne plaine. À 73 ans, Cassam Uteem n’a plus d’ambitions électorales. Et si on le consulte sur l’évolution du pays, ce n’est que de manière occasionnelle et officieuse. « Le Premier ministre m’ignore », regrette-t-il. Uteem a bien tenté, à plusieurs reprises, de mettre Navin Rangoolam en relation avec des chefs d’État étrangers, mais « il ne souhaite pas que je joue un rôle », confie-t-il. Descendant de laboureurs venus d’Inde, l’ancien président ne manque pourtant pas d’idées sur le communautarisme (lire p. 72) – « un danger » – ou sur la réforme électorale. Et il jouit toujours d’une belle réputation. « C’est un sage, estime Lindley Couronne, un militant des droits de l’homme. Tout le monde se souvient que, lors des émeutes ethniques de 1999, il a su calmer les choses. » Peut-être pourra-t-il se consoler avec l’ascension de son fils. Le système politique mauricien est ainsi fait que l’on retrouve toujours les mêmes noms au fil des générations. Ramgoolam, Jugnauth, Duval… Chez les Uteem, c’est Reza, 43 ans, député et cadre du MMM, qui assure la relève. Un journaliste du quotidien mauricien L’Express qui l’interviewait en 2011 disait de lui qu’« on lui donnerait le bon Dieu sans confession ». Un héritage de son père, très certainement. l rémI CarayoL
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jeune afrique
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derrière la carte postale Grattez le vernis de l’île au métissage heureux, et un communautarisme très prononcé montrera vite le bout de son nez. Surtout à l’heure du vote.
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our Paul Bérenger, le leader de l’opposition, c’est une avancée majeure, « qui fera date » dans l’histoire de la jeune République de Maurice. Plus prosaïque, Navin Ramgoolam, le Premier ministre, a convenu qu’il ne s’agissait pas d’un choix, mais bien d’une obligation pour son pays, sous peine de se voir tancé par l’ONU. Quoi qu’il en soit, le 11 juillet, Bérenger, Ramgoolam et 61 autres députés (sur 69), issus de la majorité comme de l’opposition, ont adopté ce que la presse a qualifié de « miniamendement ». Désormais, les candidats aux différents scrutins n’auront plus à déclarer leur appartenance communautaire. « Ils pourront le faire s’ils le veulent, mais n’y seront plus obligés », précise Paul Bérenger.
invalidée. Un groupe de militants de gauche, réunis au sein de l’association Rezistans ek alternativ, est à l’origine de cette réforme. En 2005, décidés à contester ce système, ils se présentent aux élections sans spécifier leur appartenance communautaire. Leur candidature est invalidée. Après un long et infructueux combat devant les juridictions mauriciennes, ils s’adressent au Comité des droits de l’homme de l’ONU, qui leur donne raison en 2012. Entre-temps, le nombre de candidats « pirates » a explosé. Lors des élections générales de 2010, ils étaient 104, soit 16 % des postulants, à se présenter sans étiquette communautaire – et n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014
le système électoral en vigueur est un danger. » À l’origine de celui-ci, la volonté du colon britannique d’organiser en communautés les différentes composantes de la société mauricienne : les Blancs et les créoles (descendants des colons français et des esclaves africains), les Indiens (venus en nombre à l’époque de l’engagisme et divisés en nombreux sousgroupes), les Chinois, etc. Puis, à l’aube de l’indépendance, acquise en 1968, la nécessité de rassurer les minorités, qui craignent « le péril hindou ». Ces derniers sont alors majoritaires et remportent la plupart des élections.
à voir eux aussi leur candidature rejetée. Pour Ashok Subron, l’un des leaders de Rezistans, la réforme est une victoire. Mais il reste beaucoup à faire. « Aucun autre pays au monde n’a une représentation politique fondée sur l’ethnicité. C’est le résultat de notre histoire mais, déPassé. Un subtil dosage électoral aujourd’hui, cela nourrit les rivalités est donc mis en place : le « best loser ethniques », regrette-t-il. system », qui ajoute aux 62 sièges de Le « miracle mauricien » tel que le décrivent ses promoteurs présente en effet quelques des candidats « pirates » refusaient failles. Les conflits comde spécifier leur origine ethnique. mu nau t a i re s, p a r f o i s violents, jalonnent son ils ont enfin obtenu gain de cause. histoire : en 1968, 1995, 1999… « Maurice n’est pas une société députés élus 8 sièges pourvus en fonction si stable que cela, confirme Subron. Notre de l’appartenance ethnique sur la base pays n’est pas immunisé contre ce qui des quatre communautés définies par s’est passé, par exemple, au Kenya, et la Constitution : les hindous, les musulmans, les Chinois et la « population générale » (essentiellement les Blancs et les créoles). « Ce système a rassuré les minorités. Mais aujourd’hui il est dépassé », estime Paul Bérenger. « Il faut en finir, admet l’ancien président Cassam Uteem. Car il reste beaucoup à faire pour qu’un vrai sentiment national soit partagé par l’ensemble des Mauriciens. » Certes, les mariages mixtes progressent, et le « mauricianisme » avec. Mais les rancœurs héritées du passé persistent. Les responsables politiques ont longtemps joué de ce critère ultrasensible pour se faire élire. Et rien ne dit que la réforme électorale changera leurs habitudes. Certains de ceux qui ont voté le « miniamendement » ont d’ailleurs d’ores et déjà annoncé qu’ils continueraient à préciser à quelle communauté ils appartiennent. l RéMi CaRaYOl jeune afrique
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maurice une ambition africaine
Le pays est le plus compétitif d’Afrique. Sa recette : les réformes structurelles et la diversification.
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PIB par habitant, en dollars (moyenne en Afrique subsaharienne en 2013 : 2 689 $)
10 000 8 000
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8 835
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6 000 4 000
epuis des années, les observateurs étrangers qualifient ses performances économiques de « miraculeuses ». Et, de fait, l’île a connu un taux de croissance moyen de 5,3 % entre 1969 et 2013. « Ce pays a une capacité à rebondir assez exceptionnelle, confirme Sridhar Nagarajan, PDG de la filiale mauricienne de la banque Standard Chartered. À preuve, la façon dont Maurice a su tirer un trait sur sa vocation de port de transit une fois percé le canal de Suez pour se lancer, notamment, dans le tourisme. » Avant de jeter les bases d’une diversification à plus grande échelle. Plutôt que de se laisser isoler par son insularité, le pays s’est au contraire appuyé sur sa position géographique pour jouer la carte de l’ouverture. « La création d’une zone franche, parfaitement gérée par les pouvoirs publics, a été un réel succès », estime Sridhar Nagarajan. En plus de favoriser la création d’emplois sur un marché très réduit, de permettre l’industrialisation du pays grâce à l’investissement local, puis étranger, elle a été une véritable locomotive pour la croissance de l’économie nationale. « Depuis, la logique reste la même, seuls les secteurs concernés par cette stratégie évoluent avec le temps: sucre et textile hier, TIC [technologies de l’information et de la communication] et services financiers ces dernières années », explique Rama Sithanen (lire p. 85), père
de cette stratégie de diversification et des profondes réformes introduites depuis 2006. Une réussite. Maurice a été récompensée l’an dernier en devenant l’économie la plus compétitive d’Afrique subsaharienne selon la Banque africaine de développement (BAD), devant Pretoria. Fort de ses bons fondamentaux, le pays a plutôt bien passé l’écueil de la récession mondiale de 2009, malgré sa forte exposition à la zone euro, qui absorbe chaque année près de 60 % de ses exportations. Certes, l’économie a perdu un peu de son élan, mais le taux de croissance n’est jamais passé sous la barre des 3 %. En 2013, le PIB a encore progressé de 3,1 % selon le Fonds monétaire international (FMI), dont une délégation s’est rendue à Port Louis début août. Il devrait encore gagner plus de 3,7 % cette année et 4 %, voire plus, en 2015. « À condition de mettre en œuvre les réformes nécessaires pour améliorer la productivité et la compétitivité extérieure du pays », précise Martin Petri, chef de la mission du Fonds. nuages. Beaucoup reste à faire pour
que Maurice fasse son entrée, d’ici à dix ans, dans le club des « pays à revenus élevés ». Pour le FMI, « il faut vite relancer l’investissement intérieur ». Or, depuis la crise financière, il marque le pas, de même que les investissements directs étrangers (IDE), qui, après avoir culminé en 2010, peinent à redécoller (voir infographies). Le
2 000 0
2010
2014**
* Estimations - ** Prévisions
Fléchissement des IDE
Investissements directs étrangers, en millions de dollars, en flux entrants (moyenne en Afrique subsaharienne, en 2013 : 958,3 millions de $)
589
600 500
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400 300 200
433 259
248
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2010
2011
2012
2013
pays doit encore développer les infrastructures de transport et de communication. Et investir dans le capital humain afin de faire reculer le taux de chômage, estimé à 8,2 % en 2013, qui touche un jeune Mauricien sur quatre. Pour retrouver la confiance des investisseurs, le pays peut s’appuyer sur un environnement jugé « sans égal sur le continent » selon la Banque mondiale, qui place Maurice au 20e rang sur 189 pays dans son rapport « Doing Business » 2014. Seule l’obtention de permis de construire pose encore quelques problèmes, mais le gouvernement a promis de se saisir rapidement du dossier pour chasser l’un des derniers nuages perturbant son climat des affaires, devenu une référence en Afrique. l Olivier Caslin
air mauritius au pieD Du mur
F
ooad Nooraully en a assez de se répéter. À peine évoque-t-on les carences que le secteur privé impute au transporteur national que le vice-président d’Air Mauritius s’agace: « Pour développer une liaison aérienne, il faut qu’il y ait du trafic. » « Maurice a signé des accords bilatéraux avec vingtcinq pays, et ce n’est pas de notre faute si les autres compagnies n’y viennent jeune afrique
pas », insiste-t-il, rappelant qu’Air India et Virgin Atlantic s’y sont essayées, avant de repartir. Après deux ans de pertes sèches, Air Mauritius a dû sérieusement réduire la voilure. En « coupant du kilomètre », elle a renoué avec les bénéfices et engrangé 7,3 millions d’euros en 2013. Sa recette: moins de vols vers l’Europe en crise, et davantage de liaisons vers l’Inde et la Chine. Les liaisons
Source : FMi, avril 2014
une économie qui rebondit
Revenus par tête en plein boom
avec l’Afrique ont en revanche peu évolué: seul Nairobi est desservi en direct (trois vols par semaine) en plus des grands aéroports sudafricains.Trop peu pour faire de l’île un hub régional. L’arrivée d’Emirates, en décembre 2013, pourrait résoudre une partie du problème. À partir de la fin de l’année, la compagnie assurera deux liaisons quotidiennes entre Dubaï et
Port Louis. Par ailleurs, en juin, China Southern Airlines a lancé son service au départ de Shenzhen. D’autres devraient suivre. D’autant que, depuis septembre 2013, Port Louis dispose d’un aéroport flambant neuf, grâce aux 300 millions de dollars (environ 225 millions d’euros) investis dans un nouveau terminal de 56900 m². À la mesure de la croissance espérée pour le secteur. l O.C. n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014
Source : cnuced, juillet 2014
AnAlyse
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Le Plus de J.A. Maurice
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Stratégie
Pourquoi le pays mise sur le haut de gamme Sucre, textile, tourisme, et désormais TIC et biotechnologies, les produits et services mauriciens ont pris énormément de valeur ajoutée. Et ça paie.
S
de Coromandel, près de Port Louis) en le comme Abercrombie, Hugo Boss, Zara mettant au service des grandes marques ou Kappa s’appuient ainsi sur leurs sousinternationales. traitants mauriciens, surtout depuis que Dans les deux cas, la réussite est ces derniers disposent de leurs propres au rendez-vous. Producteur de sucre filatures, ce qui a fait baisser les prix. brut jusqu’en 2009, Maurice exporte aujourd’hui 90 % de produits raffinés, déSintérêt. « Cette montée en gamme est aussi le seul moyen pour Maurice de déclinés en une quinzaine de références. justifier des coûts de main-d’œuvre bien « Avec la fluctuation des cours mondiaux, il est difficile de savoir si le secteur gagne supérieurs à ceux en vigueur sur le sousplus d’argent qu’auparavant. Mais une continent indien », explique Jean-Paul Arouff, rédacteur en chef de l’hebdochose est sûre: sans ce virage, nos revenus madaire mauricien Business Magazine. seraient bien inférieurs », constate JeanNoël Humbert, président du Syndicat mauricien du Hugo Boss, Zara, Abercrombie… sucre (MSS). Désormais, la les grandes marques s’appuient filière rentabilise au maximum la canne, en utilisant sur les sous-traitants locaux. la bagasse (résidu fibreux) pour produire de l’électricité et la mélasse Même si le modèle montre aujourd’hui ses limites en matière d’emploi. Dans la pour en tirer du bioéthanol, également exporté. filière sucre, le passage à la transformation Même constat dans le textile, où le a permis de limiter la casse, autour de choix d’une stratégie axée sur la qualité métiers plus qualifiés. L’industrie textile, elle, se heurte au désintérêt des jeunes, a permis au made in Mauritius d’exister et de s’imposer face à la concurrence plus enclins à travailler dans une banque asiatique. Des marques de vêtements ou un centre d’appels que de se lancer dans la confection. Résultat, le pays est obligé d’importer une main-d’œuvre Brodeuses électroniques chez RT Knits, un leader du textile (à Pointe-aux-Sables). étrangère non qualifiée. « Ce n’était pas vraiment l’objectif de notre politique de diversification », rappelle Rama Sithanen. Surtout pour un secteur dont les activités et les effectifs fondent, après avoir pourtant permis d’endiguer le chômage sur l’île, qualifié d’endémique, au tournant des années 1990. Mais ce n’est pas du côté du sucre et du textile que se joue l’avenir économique de Maurice. En attendant que le tourisme trouve une nouvelle jeunesse et en suivant l’exemple des activités d’offshoring, en plein essor, « le pays doit maintenant s’intéresser à d’autres niches, notamment dans les secteurs à très haute technicité comme l’ingénierie informatique ou les biotechnologies », estime Jean-Paul Arouff. À condition de faire venir des travailleurs qualifiés ou d’en former sur place comme Singapour et Dubaï ont su le faire en leur temps. l
rt knits
ans valeur ajoutée, point de salut pour Maurice ! En 2006, à la suite de l’arrivée à échéance des accords textiles et sucriers passés dans les années 1970 avec l’Europe et les États-Unis, le pays a dû restructurer son économie en profondeur pour gagner sa place sur un marché mondialisé. Dans le sillage du tourisme version haut de gamme, où il a acquis depuis longtemps ses lettres de noblesse (lire p. 80), Maurice s’est attaqué à d’autres créneaux, en visant la qualité. « L’objectif est de toujours augmenter la chaîne de valeur, pour créer de la richesse et de l’emploi local », explique Rama Sithanen (lire p. 85), ministre de l’Économie et des Finances de 2005 à 2010. Le premier défi était de sortir d’une filière exclusivement sucrière (sucre roux) pour passer à une industrie cannière valorisant les autres composants de la plante (mélasse, bagasse, etc.). Parallèlement, les autorités et les industriels se sont attachés à redéployer le secteur textile (principalement concentré dans la zone franche
Olivier CASlin n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014
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une île, cinq coups de cœur en dehors de ses plages, Maurice a tellement d’autres choses à offrir…
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our la première fois de son histoire, Maurice franchira la barre du million de touristes cette année. Un résultat satisfaisant, mais en deçà des prévisions établies en 2002 par les autorités, qui tablaient sur 2 millions de visiteurs en 2014. La crise financière de 2008 et ses répercussions en Europe, premier marché de l’île, sont passées par là. Mais elles n’ont pas empêché les Seychelles ou les Maldives voisines d’afficher des hausses de fréquentation supérieures à 10 % en 2013 quand Maurice adûsecontenterd’àpeine3%.Plusinquiétant : le taux d’occupation des hôtels s’est affaissé, jusqu’à 55 % l’an dernier, et les dépenses des touristes ont baissé de 9 %. Le secteur pèse toujours 7 % du PIB et 5 % des emplois, mais, comme le soulignent les professionnels mauriciens, il doit se réinventerpourentamerunnouveaucycle. Si certains misent sur le développement de segments à forte valeur ajoutée, comme le tourisme d’affaires ou le tourisme médical, la priorité est de retrouver de la visibilité et de diversifier l’offre en « sortant des plages ». Voici cinq bonnes raisons pour succomber aux charmes de Maurice. Le Saint-Géran S’il fallait en choisir un parmi la centaine d’hôtels multiétoilés posés comme des perles le long des côtes, autant
ANTOINE LORGNIER/ONLYWORLD
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Les Terres des sept couleurs, dans la région de Chamarel.
opter pour le plus prestigieux. Adresse mythique, membre des Leading Hotels of the World, Le Saint-Géran a certes un peu perdu de sa superbe face au flamboyant Royal Palm, mais il a su conserver son élégance, entre lagon et sable blanc. CaSeLa nature & LeiSure Park Créé à la fin des années 1970 autour d’une simple volière, le parc de loisirs de Casela, dans l’Ouest, est devenu une attraction majeure (plus de 250 000 visiteurs par an). L’occasion de se promener au milieu d’une nature généreuse et des grands fauves, de caresser des tortues géantes ou de profiter de nombreuses activités. En attendant le parc marin, dont l’ouverture est prévue en fin d’année. ChamareL Intacte ! Protégée de toute pollution touristique par les montagnes et les champs d’ananas, la petite région de Chamarel, dans le Sud-Ouest, regorge de curiosités naturelles – la plus grande cascade de l’île, les Terres des sept
couleurs, dont le nuancier s’étend du brun au mauve… Elle abrite aussi l’unique rhumerie du pays – même si les meilleurs rhums arrangés s’achètent directement auprès des petits producteurs. Grand Baie-La CroiSette Si les centres commerciaux poussent comme des champignons, le Grand Baie-La Croisette, ouvert en 2012, est l’un des plus modernes et luxueux. Situé à deux pas du port de plaisance et des plages les plus cossues du Nord, il accueille, sur 50 000 m², de nombreux food courts, cinq cinémas et une centaine d’enseignes, notamment les plus en vue du prêt-à-porter. Le tout hors taxes. LeS haPPy hourS du Suffren Plutôt léthargique les autres soirs, Port Louis se lâche chaque vendredi jusqu’à 2 heures du matin, le temps d’un happy hour déjanté au Suffren, le grand hôtel du front de mer. Incontournable pour ceux qui aiment « faire du bruit », comme le répète le DJ. l oLivier CaSLin
un hôteLier qui ne manque PaS de « reSortS »
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ondé en 1952, le groupe Beachcomber a pris son temps pour s’aventurer hors de son île. L’hôtelier ne s’est implanté aux Seychelles qu’en 2004 et a ouvert son premier établissement sur le continent en décembre 2013. Il a jeté son dévolu sur le Maroc, attiré par « sa proximité avec l’Europe
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et sa volonté de développer un tourisme de qualité », explique Robert de Spéville, directeur commercial. À Marrakech, le spécialiste ès cinq-étoiles s’est construit un petit palais des Mille et Une Nuits avec vue imprenable sur l’Atlas, pour la coquette somme de 100 millions
de dollars (74,5 millions d’euros). Installé dans un parc de 300 ha, le Royal Palm dispose de 135 suites ainsi que de 90 villas disponibles à la vente (de 650000 euros à 1 million d’euros). « C’est notre premier investissement immobilier de ce genre », précise Robert de Spéville.
Leader à Maurice avec plus de 2 000 chambres réparties entre huit resorts, le groupe tient cependant à maintenir l’île en tête de ses priorités, et compte bien contribuer à la relance du secteur, en perte de vitesse depuis 2008. l o.C. jeune afrique
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Maurice une ambition africaine
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IntervIew
Arvin Boolell « nous sommes des partenaires, pas des envahisseurs » Il n’y a pas que la Chine et l’Inde dans la vie ! Le ministre des Affaires étrangères compte dynamiser les échanges commerciaux avec le reste du continent. Explications.
jeune Afrique : quelles sont les grandes lignes de la diplomatie mauricienne ? ArVin BOOLeLL : Nous défendons une
politique de proximité diplomatique fondée sur le respect d’autrui, ainsi que sur le principe que personne n’est petit ou grand. Nos priorités consistent à défendre notre souveraineté, à promouvoir la prospérité nationale en consolidant nos piliers économiques et en dotant Maurice d’une économie de pays à revenus moyens-supérieurs d’ici à 2020, à promouvoir la paix et, enfin, à instaurer un nouvel ordre économique et politique mondial plus équitable. Pour cela, nous pratiquons une diplomatie économique active. Notre synergie avec le secteur privé nous aide à avoir une meilleure visibilité régionale. Nous sommes ainsi engagés dans la promotion d’une intégration plus approfondie et dynamique avec l’Afrique. C’est ce qui nous a aidés à être mieux compris sur le continent.
jeune afrique
u Ce proche du Premier ministre a intégré le gouvernement en 2005. L’Afrique constitue-t-elle l’une de vos priorités ?
Oui, mais ce n’est pas seulement la priorité de Maurice, c’est celle du monde entier. Nos principaux partenaires sont l’Europe et, bien sûr, l’Inde et la Chine. Mais nous voulons être plus présents en Afrique, qui a un énorme potentiel : une jeunesse dynamique, une classe moyenne émergente… Nous souhaitons contribuer à en faire un continent de libreéchange et jouer un rôle de plateforme pour le relier à l’Asie. Nous avons une carte à jouer. Nous pouvons régler des problèmes commerciaux en cas de litige, avec le Centre international d’arbitrage commercial. Notre fiscalité très légère et nos institutions démocratiques nous valent d’être cités en exemple. Enfin, nous voulons développer notre port et notre aéroport pour en faire un hub régional. Maurice vend déjà son savoir-faire à un certain nombre de pays africains…
Oui, dans le secteur de l’industrie cannière, dans les services, le tourisme… Nous faisons en sorte d’encourager les investissements mauriciens sur le continent et disons à nos jeunes : « Allez en Afrique ! Le continent manque d’ingénieurs, de comptables, de médecins… » Ceci étant,
la sentinelle
A
rvin Boolell, 61 ans, est un homme clé du « système Ramgoolam ». L’un des plus fidèles compagnons de route du Premier ministre, tant au parti travailliste qu’au gouvernement. Voilà neuf ans que ce médecin issu d’une dynastie hindoue bien connue des Mauriciens (son père fut lui aussi ministre) dirige le pays à ses côtés : en tant que ministre de l’Agriculture d’abord (2005-2008) et, depuis six ans, en tant que ministre des Affaires étrangères. Son credo : diplomatie économique, rapprochement avec les autres pays africains et respect de la souveraineté.
nous ne sommes pas des envahisseurs mais des partenaires. L’objectif est de transférer notre savoir-faire pour contribuer au développement de l’Afrique. qu’attendez-vous en retour ?
Nous voulons forger des relations qui permettront un développement durable. L’Afrique connaît une forte croissance démographique, sa jeunesse a beaucoup d’attentes, et sa classe moyenne peut venir passer des vacances ou investir à Maurice, comme les Sud-Africains ou les Angolais le font déjà. Les Mauriciens se sentent-ils africains ?
Ils sont africains à part entière.
L’inde joue-t-elle toujours un rôle de parrain pour le pays ?
Nous avons des relations privilégiées. Quand Maurice a traversé des moments difficiles, l’Inde a toujours été à ses côtés. Mais l’Europe et la Chine aussi. Avec New Delhi, nous nous soutenons à travers les institutions multilatérales. Notre relation est fondée sur le respect mutuel. Jamais l’Inde ne s’est comportée en « Big Brother ». l Propos recueillis à Port Louis par réMi CArAyOL n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014
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Finance
Port louis gagne du crédit Le dynamisme de sa place boursière et son secteur bancaire, structuré et efficace, inspirent de plus en plus confiance aux investisseurs.
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our comprendre la structure économique de Maurice, il suffit de redescendre la place d’Armes de Port Louis, à l’ombre des palmiers royaux de l’avenue QueenElisabeth-II. De l’élégante maison coloniale qui sert de résidence au Premier ministre jusqu’aux bassins du port de commerce qui lui font face, l’artère principale de la capitale est bordée de sièges et d’agences bancaires. Seule Plantation House, qui abrite les organisations professionnelles de la filière sucre, témoigne encore de l’importance que celle-ci revêtit pour l’île. Tout un symbole. ARROGANTS. Le sucre pèse aujourd’hui
STEPHANE FRANCES
moins de 2 % du PIB, contre plus de 75 % au début des années 1970, alors que les activités liées à la finance ne cessent de croître. Elles contribuent pour plus de 10 % à la création de richesses nationales. « Ce qui démontre que le pays n’a rien d’un paradis fiscal, où les services
financiers mauriciens n’hésitent pas à exploiter. Ils espèrent ainsi voir leur île s’imposer comme une plateforme de services incontournable pour tous ceux qui souhaitent investir en Afrique. « Même quand ils viennent de Jo’burg », ajoute malicieusement le banquier.
GRANdS NOmS. L’île, qui compte 22 banques, peut s’appuyer sur deux fleufinanciers et la gestion de fonds représenteraient plus de 60 % de l’économie », rons : la Mauritius Commercial Bank (MCB) et la State Bank of Mauritius souligne Sridhar Nagarajan, le PDG de la branche locale de la banque Standard (SBM). Non seulement ces deux établissements couvrent près de 60 % du Chartered. Pourtant, avec un rythme marché national, mais ils sont aussi minimal de croissance de 5 % par an, les classés parmi les 100 plus grandes services financiers, dynamisés par des banques africaines. Maurice accueille produits offshore très rentables, pourégalement quelques grands noms de la raient rapidement détrôner les filières manufacturières, principal pilier du PIB. finance internationale, comme HSBC, Depuis l’arrivée du premier établissement de créles activités financières dit sur l’île, en 1838, pour contribuent pour plus de 10 % accompagner le développement sucrier, ce secteur a aux richesses nationales. fait du chemin. Il est même devenu l’un des plus structurés et des Barclays, Deutsche Bank ou les sud-afriplus efficaces du continent, avec la place cains Standard Bank et Investec. « Autant financière sud-africaine. « Notre avand’établissements qui crédibilisent la tage est d’être beaucoup mieux perçus place financière mauricienne », estime à l’étranger que leurs établissements, Rinsy Ansalam, directeur général de jugés parfois un peu arrogants, notamBourse Africa, l’un des quelque 900 fonds ment en Afrique », confie un cadre de d’investissements installés à Port Louis. la Banque centrale. Un atout que les Pour renforcer la confiance des investisseurs, en plus des atouts que représentent sa situation géographique et La State Bank of son bilinguisme, Maurice a capitalisé Mauritius, sur la place sur la série d’accords passés avec une d’Armes, à Port Louis. vingtaine de pays du continent sur la double imposition ou la protection des investissements. Résultat : depuis quatre ans, selon une étude de la revue britannique The Banker, les fonds transitant par Maurice avant d’être investis à l’étranger représenteraient 60 % des avoirs du secteur bancaire local, soit l’équivalent de 170 % du PIB national. Dans sa stratégie de développement, le secteur peut également s’appuyer sur la Bourse de Maurice (Stock Exchange of Mauritius, SEM), l’une des plus dynamiques d’Afrique et la seule sur le continent a avoir introduit une plateforme de cotation multidevise. Ses dirigeants sont actuellement en discussion avec leurs homologues d’Accra pour renforcer les liens avec le Ghana Stock Exchange. En attendant d’améliorer ses connexions avec les Bourses sudafricaines, kényanes ou marocaines. l OlivieR CASliN
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business
Jackpot pour le melting-pot Autochtones, descendants de colons ou expatriés, ils reflètent la diversité de l’île. Leur point commun : ils portent l’expérience et les investissements du pays sur les marchés africains.
rama Sithanen
60 ans, ministre de l’Économie et des Finances de 1991 à 1995, vice-Premier ministre et ministre des Finances de 2005 à 2010, actuel président de Rwanda Development Board et d’International Financial Services
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out le monde veut aller au paradis, mais personne ne veut mourir. » Est-ce à lui-même que Rama Sithanen applique cette maxime qu’il se plaît à répéter ? Au paradis, l’éminent économiste y vit depuis sa naissance, à Port Louis, en avril 1954. Quant à sa capacité à renaître, l’ancien vice-Premier ministre, considéré par certains comme le meilleur ministre des Finances de Maurice, en a fait la preuve à plusieurs reprises. Comme son pays, le père de la diversification économique mauricienne a su faire preuve de résilience. Et s’il préfère répondre d’un petit rire presque gêné aux questions d’ordre privé, il est en revanche intarissable dès qu’il s’agit d’expliquer en détail la réussite économique de Maurice. La mèche en bataille, il joint le geste à la parole, s’emporte ou s’enthousiasme, captive et convainc.
la sentinelle
«
Éconduit depuis 2010 d’un jeu politique local qui semble vouloir le cantonner à un rôle d’expert constitutionnel et financier dans lequel il excelle, Rama Sithanen fait désormais profiter le secteur privé de son savoir-faire en matière de stratégie de développement. Président d’International Financial Services, l’un des cabinets de conseil les plus en vue de l’île, il siège également au conseil d’administration du groupe multisectoriel Rogers & Co et d’Air Mauritius. Mais c’est peut-être à l’étranger que sa bonne parole est le plus écoutée. Invité aux quatre coins du monde, du Botswana aux Samoa, cet ancien étudiant de la London School of Economics multiplie les allers-retours entre Port Louis et Kigali depuis sa nomination, il y a un an, au poste de président de Rwanda Development Board. « Je contribue à la réflexion stratégique, mais c’est aux Rwandais de décider de ce qu’ils veulent réaliser », tempère celui qui aspire à partager une expérience mauricienne devenue un modèle à suivre. l Olivier CASliN
Cédric de Spéville 34 ans, PDG de Food & Allied
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jeune afrique
YanCe/la sentinelle
a famille de Spéville en a fait du chemin depuis que le premier de ses membres a posé le pied sur ce qui était encore l’Isle de France, en 1794 ! Petit dernier de la dynastie, Cédric occupe depuis un an le fauteuil de PDG de Food & Allied. À 34 ans, il est à la tête de l’un des groupes les plus diversifiés de l’île, qui réalise un chiffre d’affaires supérieur à 300 millions d’euros par an. Ce qui n’était au début, en 1966, qu’un simple élevage de poulets est devenu, sous la houlette de Michel, son père, une entreprise spécialisée dans la filière avicole (de la provenderie aux restaurants KFC), puis dans l’agroalimentaire, la logistique portuaire, le tourisme d’affaires et la publicité. Food & Allied compte 3 800 employés et a implanté des filiales à Madagascar, ensuite à la Réunion et, depuis 2010, en Afrique du Sud. Le groupe a su négocier les virages de la diversification et du développement. Dernier en date, celui de l’éducation, pris en décembre 2013 sous la conduite de Cédric de Spéville : Food & Allied est devenu l’actionnaire majoritaire du Charles Telfair Institute (CTI), grand établissement d’enseignement supérieur privé installé à Moka. Créé en 1999, il compte 1 600 étudiants répartis dans quatre facultés. « Cet investissement n’a rien à voir avec le profit ; il se fait dans le cadre d’une vision à long terme des besoins de notre pays », explique le jeune patron. Passé par les meilleures universités de Paris, Londres et New York avant de terminer son apprentissage de businessman aux côtés de son père, ce golfeur expérimenté pense déjà au prochain coup gagnant. Comme faire venir ses anciens professeurs de Columbia sur le campus flambant neuf du CTI. l O.C. n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014
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Ameenah Gurib-Fakim 54 ans, directrice générale du Centre de phytothérapie et de recherche (Cephyr)
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meenah Gurib-Fakim a la main verte. Pas seulement parce que son bureau,avecvueimprenablesurlequartier d’affaires d’Ébène, déborde de plantes grasses, qui prennent paresseusement le soleil derrière la baie vitrée. Voilà bientôt vingt-cinq ans que cette chimiste de formation s’est spécialisée dans la science des végétaux. Après des études universitaires au Royaume-Uni, cette Mauricienne est
rentréeaupayspourconstituerlapremière base de données des plantes médicinales endémiques. « Je suis tombée dedans et n’en suis jamais ressortie », sourit-elle. Première femme professeur d’université de l’île, première doyenne de la faculté des sciences, Prix L’Oréal-Unesco 2007 pour son inventaire des plantes de Maurice, docteur honoris causa à la Sorbonne… L’enseignante-chercheuse
multirécompensée a pris la tête, en 2011, du Centre de phytothérapie et de recherche (Cephyr), la société qu’elle avait créée deux ans plus tôt avec l’appui de quelques industriels locaux. Elle travaille actuellement à la mise en place d’un pôle de recherche et développement en biotechnologie pour créer et commercialiser des produits fondés sur les vertus médicinales, cosmétiques et nutritionnelles des plantes mauriciennes. « Ce secteur a une très forte valeur ajoutée et va bientôt peser lourd dans l’économie nationale », assure-t-elle. l O.C.
Antony Withers 60 ans, directeur exécutif de la Mauritius Commercial Bank
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orsqu’il résume son parcours à la tête de la Mauritius Commercial Bank depuis son arrivée en 2006, le Britannique Antony Withers, en bon joueur de cricket, lance une volée de chiffres… qui marquent. Sous sa direction, la première banque du pays a vu son capital croître de 13 milliards (environ 9,8 milliards d’euros) à 51 milliards de dollars, et le cours de son action quadrupler, pour dépasser les 7 dollars. La banque a développé des activités dans une vingtaine de pays africains, mais « c’est la croissance de l’économie mauricienne qui a dopé ses résultats », souligne Antony Withers. Diplômé de l’université de Cambridge, passé par la Commerzbank, puis la Lloyds, le banquier est bien résolu à ne plus quitter Maurice. « Ma maison est ici dorénavant », assure-t-il sous les boiseries en acajou du siège de la vénérable institution. Il vient d’ailleurs de demander la nationalité mauricienne. l O.C. jeune afrique
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Dhaneshwar Damry
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aurice abrite un véritable trésor et personne ne le sait. Exceptés le FBI et Dhaneshwar Damry, qui en détient les clés. L’homme est l’heureux patron de Bhumishq, groupe mauricien spécialisé dans les hautes technologies au service de la finance. Dans le sous-sol en béton armé d’un bâtiment anonyme du quartier d’affaires d’Ébène, à Port Louis, où le groupe siège depuis 2008, trône une batterie d’armoires électriques. Un centre de données comme les autres, dirait-on… « Sauf qu’ici transite l’ensemble des transactions réalisées par carte de crédit dans la région, ainsi qu’une bonne partie des codes de fabrication pour Visa et Mastercard », confie Dhaneshwar Damry. Une installation sans équivalent en Afrique et qui, selon son développeur, est « la
M. Sarat Dutt Lallah CEO Mauritius Telecom
vingt-cinquième plus importante du genre dans le monde ». Avec sa stabilité et ses connexions privilégiées avec le continent, Maurice était la plateforme idéale pour accueillir un tel équipement. L’ancien avocat devenu businessman, grand ami du Premier ministre Navin Ramgoolam, voit déjà plus loin. Il est en train d’installer un centre de données de toute dernière génération à Addis-Abeba (Éthiopie), avant d’équiper de nouveaux clients à Nairobi (Kenya), Accra (Ghana) et Maputo (Mozambique). Bhumishq signifie « l’amour de la patrie » en sanscrit. Pour Dhaneshwar Damry, la patrie n’est pas seulement l’Inde, dont sa famille est originaire, ni Maurice, où il est né : « C’est l’Afrique dans son ensemble. » l O.C.
« Nous disposons des infrastructures adéquates et d’une panoplie d’offres pour répondre aux besoins de toute entreprise »
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À propos de Mauritius Telecom Mauritius Telecom (MT), leader dans le secteur des télécommunications domestiques et internationales à Maurice, est le premier fournisseur de services voix, mobile, Internet et haut débit avec Orange pour partenaire stratégique. Depuis 2008 les services mobile et internet de MT sont commercialisés sous la marque Orange. MT offre une panoplie de produits et services innovants dont l’IPTV, la TV sur mobile, Orange Money, l’iPhone, la fibre pour les foyers et les entreprises, la 4G ainsi que des solutions Cloud. www.mauritiustelecom.com www.orange.mu
info : 8900
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37 ans, PDG de Bhumishq Group
Le Plus de J.A. Maurice IntervIew
Vidia Mooneegan «Notre savoir-faire mérite d’être connu» Le pays peut-il devenir une plateforme de services majeure entre l’Asie et l’Afrique ? Les réponses du directeur général de Ceridian, expert en ressources humaines.
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pécialisé dans la gestion des ressources humaines au service des grandes multinationales et présent dans une cinquantaine de pays, le groupe Ceridian s’est implanté en 2004 à Maurice, où il emploie plus de 700 personnes, pour un chiffre d’affaires annuel de 20 millions de dollars (près de 15 millions d’euros). Son directeur général, Vidia Mooneegan, 45 ans, est considéré comme l’un des pionniers de l’offshoring (délocalisation des activités de services ou de production des entreprises) dans le monde. JEUNE AFRIQUE : Maurice veut devenir une plateforme financière et une plateforme de services pour les entreprises désireuses de prendre pied en Afrique. Quels sont ses meilleurs arguments ? VIdIA MooNEEgAN : Les mêmes que
ceux de Hong Kong avec la Chine. Outre sa proximité géographique et culturelle avec le continent, l’île est aussi située
Mooneegan est considéré comme un pionnier de l’offshoring.
prestations au moins équivalente à ce que l’on peut trouver en Europe ou en Amérique du Nord, mais pour un coût inférieur d’un tiers. Que manque-t-il donc à Maurice pour atteindre son objectif ?
Une plus grande visibilité internationale. Le pays doit davantage communiquer sur son savoir-faire, notamment dans le domaine des nouvelles industries, comme les biotechnologies, qui démarrent très fort ici. Attention néanmoins à ne pas se disperser. Il faut définir les deux ou trois filières dans lesquelles nous pouvons
Les jeunes diplômés savent qu’ils ont de meilleures perspectives ici qu’en Occident. entre l’Afrique et l’Asie, qui vont connaître les taux de croissance les plus élevés dans le monde au cours des cinquante prochaines années. Sa population très diversifiée (originaire d’Afrique, d’Asie, d’Europe…) lui donne une identité universelle très favorable au développement des affaires. Maurice peut également s’appuyer sur ses atouts structurels. C’est une économie dont le sérieux est mondialement reconnu, avec un secteur bancaire très rigoureux, très encadré. Enfin, le pays a acquis des compétences indéniables en matière d’offshoring, avec une qualité de n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014
vraiment apporter quelque chose de différent, et tout le monde – universités, secteur privé, organismes de promotion de l’investissement… – doit se concentrer sur ces secteurs. Le pays dispose-t-il de ressources humaines suffisantes en nombre et en compétence ?
Pas encore. Mais pourquoi ne pas prendre exemple sur Dubaï ou Singapour, en faisant venir de l’étranger une maind’œuvre qualifiée, voire hautement qualifiée, qui permettra de combler nos manques en matière de compétence et
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d’expertise? En plus de doper l’économie et la consommation, cela permettrait à l’État d’obtenir davantage de rentrées fiscales. Le tout sous contrôle très étroit des pouvoirs publics, pour éviter les problèmes avec les populations locales. Par ailleurs, de très nombreux Mauriciens partent étudier dans les meilleures universités européennes ou américaines et ont déjà compris qu’ils ont de meilleures perspectives ici qu’en Occident. La diaspora a un rôle très important à jouer en la matière. Comment expliquez-vous le taux de chômage important des jeunes ?
Ils n’ont pas les diplômes attendus par le marché local de l’emploi. Le système éducatif est resté trop académique. Dans une économie de services, il faut développer d’autres compétences, ce qu’on appelle les soft skills, c’est-à-dire le sens de l’organisation et de l’initiative, la flexibilité et la polyvalence, les capacités à gérer un projet, à faire preuve de créativité, à assumer des responsabilités. Aujourd’hui, nous avons par exemple trop de banquiers et de financiers, alors que nous manquons de cadres dans les technologies de l’information et de la communication. Il faut d’urgence réorienter les jeunes vers des carrières mieux indiquées, notamment dans le domaine de l’informatique, où nous n’avons pas assez de personnel qualifié. l Propos recueillis à Port Louis par oLIVIER CASLIN jeune afrique
Le Plus de J.A. Maurice EntrEprisE
le pari gabonais d’iBl Après s’être hissé au rang de deuxième holding du pays, le groupe a fait escale chez ses voisins insulaires, puis mis le cap sur le continent. Destination Kampala et Libreville.
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epuis sa création en 1972, le groupe Ireland Blyth Limited (IBL) multiplie les bonnes prises. Né de la fusion entre deux des plus grandes compagnies d’import-export de Maurice, Ireland Fraser et Blyth Brothers, établies à Port Louis depuis le début du XIXe siècle, IBL se veut le gardien d’une tradition commerciale et d’un savoir-faire entrepreneurial qui assurent depuis longtemps la bonne fortune de l’île. Avec le temps et l’appui de ses investisseurs (le groupe est coté à la Bourse de Maurice depuis 1994), IBL a su se diversifier et se développer. Fort d’un chiffre d’affaires de plus de 650 millions de dollars (près de 485 millions d’euros) pour l’exercice 2012-2013, il est devenu le deuxième holding mauricien après son compatriote, le Groupe Mon Loisir (GML), l’un des plus grands conglomérats sous-régional, qu’il a d’ailleurs intégré depuis 2010. Présent dans les secteurs de la grande distribution, de la logistique maritime et aérienne, des services financiers, de la représentation commerciale, de l’ingénierie mécanique et des produits de la mer, IBL compte 88 sociétés actives, 7500 employés et représente plus de 200 marques. concurrence. Depuis quelques années, il cherche à repousser les frontières et s’intéresse de très près à l’Afrique. « Le marché local étant de plus en plus étroit et concurrentiel, nous devons forcément aller voir ailleurs pour assurer notre expansion », explique Nicolas Maigrot, le directeur exécutif du groupe, depuis son bureau qui domine les bassins portuaires de la capitale mauricienne. Aprèsunepremièreapprocherégionale, dans les secteurs du transport et de la logistique à la Réunion, aux Comores et à Madagascar, ainsi que dans celui de la pêche aux Seychelles, le groupe a pris n o 2800 • du 7 au 13 septembre 2014
p Le siège d’IBL, sur le front de mer de Port Louis. dr
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rendu à Maurice en octobre 2013), porte sur la réorganisation et la modernisation de l’usine de Gabon Seafood, à Libreville, et la création des structures industrielles nécessaires à la mise en place d’une filière locale de pêche hauturière, ainsi que d’un chantier naval pour l’entretien de la flotte. « Nous sommes très fiers que le Gabon ait vu en nous un partenaire privilégié pour développer son industrie marine », se félicite le patron « le Gabon a vu en nous du groupe, qui signe ainsi le un partenaire privilégié pour premier PPP de son histoire. Après un an d’allersdévelopper son industrie marine. » retours entre les deux capiment, pour une durée de vingt-cinq ans, tales, le projet n’a pas encore réellement d’une industrie locale de transformation démarré. Des accords concernant l’expordes produits de la mer. L’investissement tation des produits transformés à forte initial est estimé à 25 millions d’euros, valeur ajoutée vers le marché européen se font encore attendre. Aucune raison de financés à 60 % par IBL et à 40 % par le Fonds gabonais d’investissements s’inquiéter pour Nicolas Maigrot. Depuis stratégiques (FGIS), mais il pourrait début juillet, la première campagne atteindre 100 millions d’euros à long expérimentale de pêche a été lancée, terme, en fonction des projets réalisés. Car, dans des eaux gabonaises forcément à l’image de ce que le groupe développe poissonneuses puisque jamais véritaà Maurice depuis quinze ans, « il s’agit de blement exploitées. Elle va se poursuivre créer une véritable filière intégrée, de la pendant plusieurs mois. « Nous aurons pêche à la commercialisation de produits ensuite beaucoup plus de visibilité sur transformés », précise Nicolas Maigrot. le potentiel réel de ce projet », assure le Le dossier, soutenu par le président directeur exécutif d’IBL. l gabonais Ali Bongo Ondimba (qui s’est olivier cASlin
pied sur le continent en 2012. D’abord en Ouganda, avec l’acquisition de 50 % de la compagnie Fresh Cuts, spécialisée dans la production et la distribution de viande. Puis au Gabon, avec lequel le groupe mauricien semble avoir tissé les liens les plus solides. En février 2013, IBL a signé avec Libreville un accord de partenariat public-privé (PPP) pour le développe-
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