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DAESH HOLLANDE ET OBAMA DANS LE PIÈGE

Hebdomadaire international indépendant • 54e année • no 2803 • du 28 septembre au 4 octobre 2014

CAMEROUN MARAFA PARLE !

CENTRAFRIQUE OÙ SONT PASSÉS LES MILLIONS DE DOS SANTOS ?

jeuneafrique.com

DOSSIER AÉRIEN LE MOYEN-ORIENT À L’ASSAUT DU CONTINENT Spécial 12 pages

Sexe business En Afrique aussi, nouvelles technologies et évolution des mœurs bouleversent le plus vieux métier du monde. Enquête.

ÉDITION GÉNÉRALE France 3,50 € • Algérie 200 DA • Allemagne 4,50 € • Autriche 4,50 € • Belgique 3,50 € • Canada 5,95 $ CAN • Danemark 35 DKK • DOM 4 € Espagne 4 € • Éthiopie 65 birrs • Finlande 4,50 € • Grèce 4,50 € • Italie 4 € • Maroc 23 DH • Mauritanie 1 100 MRO • Norvège 45 NK • Pays-Bas 4 € Portugal cont. 4 € • RD Congo 5,50 $ US • Royaume-Uni 3,50 £ • Suisse 6 FS • Tunisie 3,30 DT • USA 6,50 $ US • Zone CFA 1 700 F CFA • ISSN 1950-1285


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Ce que je crois Béchir Ben Yahmed • bby@jeuneafrique.com

SAMEDI 27 SEPTEMBRE

Ce mal qui sème la terreur

N

I NOUS NI SURTOUT, et c’est le plus grave, nos dirigeants politiques, pourtant comptables de la santé de leurs concitoyens, n’ont écouté les hommes et les femmes d’expérience. Dès le mois de mars dernier, il y a donc huit mois, l’ONG Médecins sans frontières (MSF) avait prévenu: « Si l’on ne se donne pas les moyens de la combattre, de la faire reculer et de l’éradiquer, la fièvre Ebola, transmise par le virus du même nom, se transformera en épidémie africaine, voire mondiale. Elle se propagera alors à une vitesse terrifiante d’un pays africain à l’autre et pourra même voyager de région à région, de continent à continent. » Ce moment est là, ou approche, et rien, absolument rien n’est plus important que de conjuguer – immédiatement, sans plus aucun délai – tous les moyens et tous les efforts africains et non africains pour combattre l’épidémie. n

Elle s’est déjà mise à croître à un rythme affolant, puisqu’une personne infectée en contamine en moyenne deux, que le temps d’incubation est inférieur à quinze jours et qu’un malade sur deux est emporté par le mal. Il frappe indifféremment hommes et femmes, adultes et enfants, et l’on craint de voir le nombre de personnes contaminées passer à plus de 6 000 à la fin de septembre et à plus de 20 000 en octobre ; celui des décès risque de se situer aux alentours de 10 000 lorsque cette funeste résurgence d’Ebola sera entrée dans sa deuxième année, en décembre prochain. Le virus Ebola s’est pour la première fois transmis de l’animal à l’homme il y a trente-huit ans, dans l’ex-Zaïre (rebaptisé RD Congo) ; depuis, il a fait, toujours en Afrique, des réapparitions qui ont été aisément contenues, ce qui a conduit à ne pas prendre suffisamment au sérieux celle survenue en JEUNE AFRIQUE

Guinée, en décembre dernier, et à juger alarmistes les appels à la mobilisation lancés par Médecins sans frontières (entre autres). On a laissé le mal se propager lentement mais inexorablement en Sierra Leone, au Liberia et même, par cas isolés, à Lagos, mégapole nigériane de 21 millions d’habitants, et au Sénégal. n

Pourquoi les pays africains sont-ils, comme pour le paludisme, plus exposés à ce mal ? Pourquoi estce en Afrique subsaharienne qu’Ebola s’enracine, comme s’il y avait trouvé un terrain favorable ? Parce que les services de santé de ces pays, à l’exception notable de l’Afrique du Sud, ne sont pas assez développés. Ils manquent cruellement de moyens humains et techniques, d’un savoir-faire éprouvé leur permettant de combattre un virus contre lequel il n’existe, pour le moment, ni vaccin ni traitement efficace. Parce que l’habitat, les pratiques sociales et le degré d’information des gens ne sont pas (encore) au niveau requis pour lutter contre un virus qui n’avait jamais encore sévi à une si grande échelle. Notons cette évidence : les couches les plus modestes et les moins éduquées de la population sont davantage exposées à la contamination que les catégories aisées et instruites. n

Médecins sans frontières, qui a l’expérience de la lutte contre Ebola, a engagé, nous dit-on, plus de 2 000 soignants dans les trois pays foyers de l’épidémie. Cuba, la Chine, les États-Unis viennent à leur tour d’envoyer dans ces pays des moyens humains civils (et même militaires pour les États-Unis), de même que la Fondation Bill Gates, largement représentée. Il faut rendre hommage au courage et à l’abnégation des personnels soignants, dont la plupart sont volontaires : en moins d’un an, 200 d’entre N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014


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Ce que je crois eux ont été contaminés et près d’une centaine ont perdu la vie. La France, le Royaume-Uni et l’Espagne, ex-puissances coloniales si longtemps présentes en Afrique? De notoriété publique, elles n’ont plus les moyens (ni la volonté) de se maintenir au premier rang. Elles se contentent donc, jusqu’ici tout au moins, de participer à la lutte contre l’épidémie avec « un minimum décent ». L’Union africaine? François Soudan a déjà, dans nos colonnes (J.A. no 2801), relevé sa carence et celle, plus surprenante, de cette Afrique du Sud qui n’est plus la première puissance africaine que nominalement. Mais où sont les pays d’Afrique du Nord, dont les services de santé auraient dû se montrer plus solidaires ? Où sont les grands producteurs africains de pétrole, qui auraient pu montrer à cette occasion que l’argent de l’or noir peut servir à autre chose qu’au superflu ? n

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) n’a pris conscience qu’il y a environ deux mois de l’ampleur sans précédent du fléau. Sa directrice générale, Margaret Chan, l’a qualifié – avec huit mois de retard – de « plus grand défi en temps de paix », dont « le rythme d’accroissement menace de devenir vertigineux ». « Si nous ne parvenons pas à ralentir l’augmentation exponentielle du nombre des infections, on ne

recensera plus des centaines de cas par semaine mais des milliers, lesquels entraîneront des milliers de morts. Cette épidémie est comme une succession d’incendies qu’il faudra éteindre un par un… » L’épidémie a déjà affecté, voire paralysé, les économies des trois pays qui en sont le foyer; leurs voisins immédiats sont eux aussi touchés par ricochet. Tous les autres Africains et l’ensemble de la communauté internationale leur doivent la solidarité la plus complète, laquelle consiste, pour commencer, à ne reporter aucun voyage dans ces malheureux pays, à n’annuler aucune réunion, sauf celles, rarissimes, qui pourraient favoriser la propagation du virus. Pour se sentir solidaire, il faut et il suffit de se mettre à la place de celles et ceux qui sont exposés à ce mal. n

Dans ces derniers jours de septembre, à la tribune de l’ONU, Margaret Chan, des dirigeants africains et d’autres dont le président des États-Unis ont montré qu’ils ont désormais pleinement conscience de la gravité de la menace. Ils ont pris des engagements fermes qu’il leur faut tenir. La bataille contre Ebola atteindra son paroxysme dans les prochaines semaines et les prochains mois; elle finira par être gagnée si s’engagent à fond ceux qui savent et peuvent. Et si les autres – tous les autres – font montre d’une solidarité sans faille avec les pays et les peuples touchés. l

Humour, saillies et sagesse Pour vous faire sourire, grincer des dents – ou réfléchir –, ici, chaque semaine, une sélection subjective, la mienne, de ce qui a été dit ou écrit au cours des siècles par des hommes et des femmes qui avaient des choses intéressantes ou drôles à nous dire. B.B.Y. u Des lèvres de la femme tombent de sages avis. Euripide u Il est dans la nature d’une grande nation de concevoir de grands desseins. François Mitterrand u Le bonheur. Nous ne savons pas ce que ça signifie, comment le mesurer ou comment l’atteindre, mais nous savons extrêmement bien comment éviter le malheur. Nassim Nicholas Taleb u Les religions, comme les idéologies qui en ont hérité les vices, se réduisent à des croisades contre l’humour. Cioran N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

u La rentrée littéraire, c’est le beaujolais nouveau de la littérature. Le Grand Café des brèves de comptoir u Un homme sur mille est un meneur d’hommes ; les neuf cent quatre-vingt-dix-neuf autres sont des suiveurs de femmes. Francis Blanche u La première fois c’est une erreur, la seconde c’est qu’on le fait exprès. Proverbe chinois u On doit la vérité aux gens intelligents, mais on doit le mensonge aux imbéciles. Georges Courteline

u T’ai-je assez remercié De l’amour que j’avais pour toi ? Anna de Noailles u Le sel de l’existence est essentiellement dans le poivre qu’on y met. Alphonse Allais u Il y a quelque chose de plus haut que l’orgueil et de plus noble que la vanité, c’est la modestie ; et quelque chose de plus rare que la modestie, c’est la simplicité. Antoine de Rivarol u La familiarité engendre le mépris… et les enfants. Mark Twain JEUNE AFRIQUE



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Éditorial François Soudan

Satan is back

DAESH HOLLANDE ET OBAMA DANS LE PIÈGE

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PHOTO DE COUVERTURE : ÉDITION GÉNÉRALE : MEHMET SALIH GULER

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ÊME SI L’ON REPROCHE AUX JOURNALISTES – souvent à raison – de ne parler de l’Afrique subsaharienne que sous l’angle de ses échecs, lesquels masquent le foisonnement de ses réussites quotidiennes, Dieu sait combien il est difficile, en ce mois de septembre 2014, d’être afro-optimiste. De Yaoundé à Dakar, en effet, la question du moment ressemble à l’alternative du diable : quel est le pire des virus, Ebola ou Boko Haram ? De passage à Paris cette semaine, notre confrère Guibaï Gatama, directeur de publication de L’Œil du Sahel, l’un des meilleurs journaux camerounais et sans doute le mieux informé, a ouvert dans mon bureau son ordinateur portable. Sur l’écran défilent des spots de propagande en arabe de la secte mortifère d’Abubakar Shekau, exclusivement destinés à ses généreux donateurs saoudiens, soudanais ou qataris, histoire sans doute de leur démontrer que leur argent est aussi saintement utilisé à Maiduguri et Kousseri qu’à Raqqa et Fallouja. Insoutenable. Irregardable et pourtant regardé, pour tenter de comprendre comment l’horreur peut fasciner les milliers d’adeptes d’une secte qui recrute désormais de façon exponentielle hors de son foyer infectieux nigérian, du nord du Cameroun au sud du Niger – et comment elle peut attirer des sponsors aux cerveaux malades. On y voit un adolescent d’à peine 12 ans décapiter avec application au couteau de cuisine deux policiers en uniforme, puis brandir leurs têtes en hurlant « Allahou akbar ! » Capturé lui aussi lors de la prise de la ville nigériane de Gwoza, fin août, un troisième est écartelé entre deux véhicules 4×4. Son démembrement s’achève à coups de machette. Autre séquence, longuement filmée et sans doute inédite au palmarès de la barbarie: le massacre d’enfants. Ils sont une douzaine, à genoux, les mains liées. Des membres de la secte en treillis, barbes folles et visages découverts, les haranguent. Puis passent à l’acte. Rafales de kalachnikovs à bout portant, balles dans le crâne pour finir. Un gamin tente de s’enfuir, se prend les pieds dans sa djellaba, tombe, se relève, est atteint dans le dos, s’effondre, rampe, puis meurt. Éclats de rire des bourreaux sur fond de chants jihadistes et fin de la vidéo. Ebola, Boko Haram : deux épidémies dont la virulence laisse pantois et qui ont en commun d’être à la fois éradicables, pour peu que l’on s’en donne les moyens, et africaines, donc trop longtemps considérées comme négligeables par le monde riche. Le virus Ebola a été mis au jour en 1976 dans ce qui s’appelait alors le Zaïre : rien, depuis, n’a été fait pour y trouver un remède, aucun laboratoire n’a mis 1 dollar pour élaborer un vaccin. Quant à Boko Haram – dont les victimes ont le désavantage d’être africaines, à mille lieues de l’émotion suscitée par le meurtre abject de ressortissants occidentaux –, l’ersatz de coalition décrété lors du sommet de l’Élysée en juin dernier pour la circonscrire n’est que l’ombre de l’armada mise en œuvre pour effacer de la carte le califat syro-irakien d’Abou Bakr al-Baghdadi. Sur ces deux fronts, l’heure est désormais aux prévisions apocalyptiques, comme si les virus africains ne s’éliminaient qu’une fois leur œuvre accomplie. l N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

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MOYEN-ORIENT Vol au-dessus d’un nid de voyous

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CAMEROUN Marafa Hamidou Yaya

Ce que je crois Par Béchir Ben Yahmed Confidentiel

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L A SEM A IN E D E J EU N E A F RIQ U E

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Moyen-Orient Vol au-dessus d’un nid de voyous Sidy Mokhtar Mbacké La foi et les œuvres T.B. Joshua Prophète de malheur People Le gotha, noir sur blanc Diplomates africains Immunité routière ? Afrique du Sud Et le rival d’Areva arriva… Centrafrique Samba-Panza, dos Santos et les mallettes

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G RA N D A N G L E

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Prostitution Sexe 2.0

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A F RIQ U E SU BSA H A RIEN N E

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Cameroun Interview de Marafa Hamidou Yaya, ancien ministre d’État Tribune La Côte d’Ivoire a la mémoire courte ! RD Congo Ça déménage !

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JEUNE AFRIQUE


Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs

VITTORIO ZUNINO CELOTTO/GETTY IMAGES

GRAND ANGLE

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PROSTITUTION

Sexe 2.0 44

TUNISIE MKN et l’âge du capitaine

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STRATÉGIE Le Moyen-Orient à l’assaut du ciel africain

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FRANCE Sarkozy peut-il le faire ?

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Liberia Bloody Martina Sénégal Il était un petit navire… Coulisses

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MAGHREB & MOYE N - O R I E N T

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Tunisie MKN et l’âge du capitaine Israël-Palestine Quarante-trois hommes en colère Coulisses Algérie Halalmania

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EUROPE, AMÉR I Q U E S, AS I E

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France Sarkozy peut-il le faire ? Parcours Hanane Lamgharraze : la mariée était en blanc Fidji Pas commode, ce Commodore ! États-Unis Plus haut, plus vite… moins noir Coulisses

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ÉCON OMIE

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Angola Au-delà de l’or noir

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ANGOLA Au-delà de l’or noir

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Les indiscrets Pétrole L’Afrique, base de repli de Total ? Interview Jack Kayonga, PDG de Crystal Ventures Aérien Syphax bat de l’aile à la Bourse de Tunis Baromètre

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D O SSIER A ÉRIEN

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Stratégie Le Moyen-Orient à l’assaut du ciel africain

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C U LT U RE & M ÉD IA S

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Cinéma Surprenant Roschdy Zem Littérature Le Fiston des lettres congolaises Télévision Défilés à la chaîne Kiosque La Revue Musique Asa, petit faucon, grand talent La semaine culturelle de Jeune Afrique

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JEUNE AFRIQUE

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CINÉMA Surprenant Roschdy Zem

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VOUS & NOUS Le courrier des lecteurs Post-scriptum N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

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MAROC À la SNI, un Hassan remplace l’autre

MALI GRAND NETTOYAGE À BAMAKO

Désireux de revenir dans les bonnes grâces des bailleurs de fonds, qui, à l’instar du FMI, de la Banque mondiale et de l’Union européenne, ont suspendu une partie de leur aide lorsqu’ils ont découvert, en juin, le détail de certains contrats d’armement et l’acquisition hors budget d’un avion présidentiel, le Mali n’a eu d’autre choix que de faire le ménage. Le 17 septembre, le directeur des finances du ministère de la Défense a été limogé. Bouaré Fily Sissoko, la ministre des Finances, serait également sur la sellette. À la demande de la présidence, N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

le recensement de toutes les personnes impliquées dans les passations de marchés d’armement est en cours. Les coupables d’éventuelles irrégularités seront traduits en justice. Ayant débarqué à la mi-septembre à Bamako, les enquêteurs du FMI s’intéressent notamment à l’acquisition hors budget de six hélicoptères de combat auprès de la société chinoise Qatic. Montant de la transaction : 200 millions de dollars. CASQUES BLEUS TCHADIENS EXCÉDÉS

Le 18 septembre, cinq Casques bleus tchadiens de la Minusma ont été tués au passage de leur

BRAHIM TAOUGAR

DR

M

ême si le départ de Hassan Bouhemou de la tête du holding royal SNI – qui devait être acté lors d’un conseil d’administration de la société le 30 septembre – est aussi dû à des considérations personnelles (le concerné ayant demandé à quitter son poste depuis deux mois), d’autres éléments y ont fortement contribué. Le PDG de la Société nationale d’investissement se serait en effet vu reprocher par le Palais sa participation – sous forme d’un entretien – à une enquête sur « le roi épargnant », publiée fin juillet dans l’hebdomadaire français Le Point, dans laquelle il était qualifié de « trésorier du roi ». Article qui avait entraîné un droit de réponse curieusement attribué à Mohammed VI lui-même. Autre reproche : ne pas avoir su prévenir le scandale immobilier d’Al-Hoceima dans lequel est impliquée la Compagnie générale immobilière (CGI) et qui a nécessité une intervention royale. Même si la SNI n’a aucun lien avec cette affaire, Bouhemou est un proche d’Anas Alami, patron de la Caisse de dépôt et de gestion, maison mère de la CGI. Son successeur à la tête de la SNI devrait

p Hassan Ouriaghli (en haut), actuel PDG d’Optorg, prend la direction du holding royal qu’abandonne Hassan Bouhemou (en bas).

être un bon connaisseur de la maison : Hassan Ouriaghli, actuel PDG d’Optorg, la centrale d’achat parisienne du holding et ancien directeur délégué de l’ONA (absorbé en 2011 par la SNI). l

véhicule sur un engin explosif dans les environs d’Aguelhok. C’est la troisième attaque de ce type en moins de trois semaines. Excédés d’être constamment en première ligne et de vivre dans des conditions précaires (alimentation insuffisante, manque de baraquements, sanitaires en piteux état, etc.), les officiers tchadiens du camp d’Aguelhok ont haussé le ton et amené leur gouvernement à menacer de retirer ses troupes. « Nous comprenons leurs doléances et planchons sur différents changements opérationnels en vue d’améliorer leur situation », confie un responsable de la Minusma. À l’en croire,

le problème devait être abordé par Bert Koenders, le patron de la mission onusienne au Mali, lors de sa rencontre avec Ban Ki-moon le 27 septembre à New York. LIBYE MAHMOUDI SOUS HAUTE PROTECTION

Selon des sources proches de la défense de Baghdadi Mahmoudi, ancien Premier ministre de Kadhafi (20062011), deux avocats tunisiens ont le 14 septembre à Istanbul, où il est réfugié depuis le mois d’août, rencontré Abdelhakim Belhaj, l’ex-jihadiste libyen qui préside aujourd’hui le parti Al-Watan. Belhaj, qui contrôle par ailleurs plusieurs milices JEUNE AFRIQUE


Retrouvez en page 67 notre rubrique « Les indiscrets », consacrée aux informations confidentielles économiques

Politique, économie, culture & société islamistes radicales à Tripoli, leur a assuré que Mahmoudi, qui est l’un de ses cousins, pourra compter à l’avenir sur sa protection. L’ancien chef du gouvernement est incarcéré depuis juin 2012 à la prison Al-Habda, à Tripoli. L’établissement est de facto régenté par Khaled Sherif, un ancien ministre de la Défense qui fut autrefois jihadiste au côté de Belhaj.

MAROC SCÈNE DE MÉNAGE Bouchta Charef, l’un des plus célèbres détenus jihadistes du Maroc, condamné à huit ans de prison en 2011 pour avoir servi de recruteur au Front al-Nosra en Syrie et emprisonné depuis à Salé, puis à Tétouan, aurait menti lors de son procès quant aux conditions de sa garde à vue et de ses interrogatoires par la police. Relayé par plusieurs journaux et ONG de défense des droits de l’homme parmi lesquelles l’AMDH, Charef soutenait avoir été violenté avec une bouteille par des agents de la DGST dans le célèbre centre de Témara. Après l’avoir longtemps soutenu, Zohra Debdoubi, son épouse, a déposé le 19 septembre un témoignage confirmant le diagnostic des médecins qui avaient examiné Charef à l’époque : il n’aurait subi aucune torture de ce type. Dans la foulée, elle a entamé une procédure

de divorce pour les « insultes » que son mari proférerait régulièrement à son encontre lors de ses visites en prison. C’est loin d’être la première fois que la police marocaine est confrontée à ce genre d’allégations, a priori crédibles et a posteriori plus que douteuses.

EBOLA MILITAIRE, VRAIMENT, L’HÔPITAL DE HOLLANDE ?

Le président français, qui, du Mali à l’Irak en passant par la Centrafrique, ne se fait jamais prier pour revêtir l’uniforme de chef des armées, a aussi adopté un ton martial dans la lutte contre Ebola. Le 18 septembre, lors d’une conférence de presse, il a annoncé la mise en place d’un « hôpital militaire en Guinée forestière », sans préciser le nombre de soldats qui y seraient affectés. A-t-il été influencé par Barack Obama annonçant, deux jours plus tôt, l’envoi de 3000 militaires américains au Liberia pour lutter contre la maladie ? L’établissement en questiondevraitcertescompter quelques médecins militaires, mais il sera géré par la CroixRouge et recrutera des personnels civils. Il sera construit dans la ville de Macenta, près de la frontière libérienne, et compteraunecinquantainede lits. La logistique nécessaire à sa mise en place (qui pourrait intervenir d’ici à la fin du mois d’octobre) devrait être acheminéedepuislapistedel’aéroport de N’Zérékoré, à 150 km de là.

FRANCOPHONIE Chaude ambiance à l’OIF

A

ujourd’hui, ils courent l’un contre l’autre, mais il n’y a pas si longtemps, la Canadienne Michaëlle Jean envisageait de s’allier au Mauricien Jean Claude de l’Estrac, candidat comme elle au secrétariat général de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), en novembre. En mai dernier, un conseiller de Christian Paradis, le ministre canadien de la Francophonie, avait en effet proposé un « ticket » à l’Estrac : le retrait de sa candidature contre le poste d’administrateur – lequel est de facto le numéro deux de l’organisation. L’intéressé, qui se trouvait alors en visite au Canada, avait immédiatement décliné. Dans son entourage, on explique qu’il « n’a pas songé une seconde à accepter, et encore moins à proposer le poste d’administrateur à Michaëlle Jean », qui n’a, selon lui, « pas les compétences requises ». Ambiance. l

SÉNÉGAL EN ATTENDANT BIBO

Le procès de Karim Wade reste suspendu à l’état de santé d’Ibrahim Aboukhalil, alias Bibo Bourgi. Le fils de l’ancien président refuse en effet de répondre sur le fond du dossier tant que son homme de paille présumé ne sera pas en mesure de participer aux audiences. Le 12 septembre, la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) s’est rendue à la clinique du Cap pour entendre l’intéressé,

mais l’audition a tourné court, Bibo Bourgi n’étant pas en état de répondre aux magistrats. Quatre jours plus tôt, ses avocats avaient déposé une énième demande d’autorisation de sortie du territoire motivée par de nouveaux avis médicaux – celui notamment d’un cardiologue parisien – afin que leur client puisse recevoir en France des soins adaptés. La décision du tribunal pourrait intervenir avant la reprise du procès, le 13 octobre.

Centrafrique Quand Catherine courtise Idriss REÇUE LE 23 SEPTEMBRE à New York par Idriss Déby Itno, le chef de l’État tchadien, en marge de l’Assemblée générale de l’ONU, Catherine Samba-Panza, la présidente centrafricaine par intérim, a réitéré sa demande d’envoi d’un contingent de militaires tchadiens à Bangui pour JEUNE AFRIQUE

y assurer sa propre sécurité. Sa garde personnelle est jusqu’ici assurée par une unité de soldats rwandais relevant de la Minusca, mais cette dernière souhaite les affecter à d’autres tâches, plus opérationnelles, à l’intérieur du pays. Un peloton de bérets bleus gabonais a alors été

proposé à la présidente, qui a décliné l’offre. LesTchadiens présenteraient, il est vrai, un double avantage: ne pas être sous pavillon onusien et avoir en la matière une vraie expérience. Ils ont en effet longtemps assuré la protection de l’ex-président François Bozizé. l N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

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La semaine de Jeune Afrique

MOYEN-ORIENT

Vol au-dessus d’ Les avions de la coalition internationale formée par Obama bombardent les positions des jihadistes de l’État islamique en Irak et en Syrie. Au risque d’attiser les tensions intercommunautaires. Et pas seulement dans la région. LAURENT DE SAINT PÉRIER

S

«

i vous touchez à mon pays, celaprovoqueraunséisme régional ! » avait menacé le président Bachar alAssad dès octobre 2011 à l’intention de l’Occident, sept mois après le déclenchement d’une révolte politique devenue rébellion armée. L’Occident n’est pas intervenu en Syrie, et c’est justement cette inertie qui, pour nombre d’analystes, a précipité ledit séisme en jetant les zones tenues par les N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

rebelles syriens, ainsi que les régions sunnites voisines d’Irak, entre les griffes de l’État islamique (EI), longtemps allié objectif d’Assad. Ce 23 septembre, les États-Unis ont frappé la Syrie. Non dans le but affiché en 2011 de renverser Assad, mais, selon Barack Obama, pour « affaiblir puis anéantir » l’organisation jihadiste. « On veut absolument voir cette crise sous le prisme de la “guerre contre le terrorisme” subie pendant dix ans sous George W. Bush, confiait en juin Peter Harling, spécialiste de la région à l’International Crisis Group. Des frappes américaines combinées à une intervention iranienne feront le jeu de l’EI, qui puise sa force dans les erreurs commises par ses adversaires. » D’abord déclenchées en Irak à la demande des autorités, les frappes américaines ont offert l’occasion aux radicaux de l’EI de faire trembler la terre entière. Répondant à ces premières attaques, JEUNE AFRIQUE


un nid de voyous l’exécution de deux journalistes américains et d’un humanitaire britannique ont meurtri l’opinion occidentale, attisant les tensions communautaires et indiquant aux aspirants jihadistes du monde entier la direction à suivre. Un nouveau 11-Septembre serait imminent. De la Somalie au Nigeria, du Yémen au Sahel, les fils d’Al-Qaïda ont appelé à se souder contre l’ennemi impie. Le 21 septembre, le groupe Jund al-Khilafah enlevait en Algérie le Français Hervé Gourdel, et le décapitait deux jours plus tard (lire p. 13). Peu après l’entrée en action des bombardiers français contre ses positions irakiennes, l’EI avait lancé à ses partisans : « Si vous pouvez tuer un infidèle américain ou européen – en particulier les méchants et sales Français –, comptez sur Allah et tuez-le par n’importe quel moyen. » En Australie, qui avait annoncé l’envoi d’avions de combat dans la région, la police révélait le 18 septembre avoir JEUNE AFRIQUE

p Image diffusée en septembre par l’État islamique sur le site jihadiste Al-Raqqa.

arrêté quinze personnes projetant des assassinats, et, le 23 septembre, un militant de 18 ans était abattu à Melbourne après avoir poignardé deux policiers. Selon des médias locaux, il portait sur lui le drapeau noir des jihadistes. INCENDIE. Appuyée par des puissances arabes,

l’interventionoccidentaleneva-t-ellepascontribuer à attiser l’incendie régional plutôt qu’à l’éteindre, au risque de profiter à l’EI? « Les Américains n’ont pas beaucoup de cartes en main. Ils ne pouvaient pourtant rester passifs face aux massacres perpétrés par l’EI. Et ils ne peuvent pas traquer l’EI en Irak tout en lui laissant une vaste base de repli en Syrie », constate Peter Bouckaert, chef de la cellule d’urgence de Human Rights Watch. En Irak néanmoins, la riposte semble à la fois tardive et prématurée. Des frappes avaient été envisagées dès la prise de Mossoul en juin, l l l N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

AFP

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La semaine de J.A. L’événement upe de l’État islamique

Jund al-Khilafah (affilié à l’État islamique),

Océan Atlantique

Ansar al-Charia

Algérie

Maroc

Méditerranée

Libye

Syrie

Afghanistan

Irak

Terr. palestiniens

Iran Pakistan

Égypte

Aqmi* Mauritanie

Inde

Mer Rouge Rou ge

Mali

Niger Tchad

Omann

Soudan Yémen

Boko Haram

Djibouti bou bouti

Nigeria

Éthiopie

Shebab * Aqmi : Al-Qaïda au Maghreb islamique ** Aqpa : Al-Qaïda dans la péninsule Arabique

1000 km

mais Obama les avait conditionnées à la formation d’un gouvernement d’union, associant au pouvoir les minorités sunnite et kurde, victimes de discriminations sous Nouri al-Maliki, l’ancien Premier ministre. Certes, cet autocrate contesté a fini par céder sa place à Haïdar al-Abadi, mais, le 26 septembre, celui-ci n’avait toujours pas nommé de ministres de la Défense et de l’Intérieur, deux hommes clés pour la gestion d’une crise autant sécuritaire que politique. « Elle ne pourra être résolue par le seul usage de la force, poursuit ●●●

Somalie

Aqpa**

Océan Indien

Les zones dangereuses ses pour les Français Régions ou pays dans lesquels le ministère des Affaires étrangères déconseille formellement de se rendre en raison du risque islamiste.

XXX Principaux groupes islamistes actifs

SOURCE : MINISTÈRE FRANÇAIS DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

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Bouckaert. Il est essentiel d’assurer aux sunnites qu’ils seront protégés et joueront un rôle dans le gouvernement. » En déclenchant ses frappes avant que ces garanties ne soient apportées par Bagdad, Washington semble faire passer au second plan une solution politique auparavant jugée prioritaire. Appuyées par des Gardiens de la révolution iraniens, les troupes et milices chiites de Bagdad sont en première ligne pour reprendre les positions jihadistes bombardées par la coalition, en pleine

ÉTAT ISLAMIQUE, TRAFIC, FRIC

«

C

’est 400 dollars par mois, ou la conversion à l’islam, ou la mort. »Telles étaient les conditions posées par les jihadistes de l’État islamique (EI) aux chrétiens lors de la prise de Mossoul, dans le nord de l’Irak, en juin. « J’ai dû fuir. Et ils ont tout pillé », confie l’un d’eux, réfugié à Erbil, capitale du Kurdistan. Dans les territoires « gérés » par l’EI, du petit commerçant au patron nanti, tous sans exception doivent subir un système bien huilé de taxes et d’extorsions. À ses débuts, l’organisation terroriste était alimentée par d’autres branches d’Al-Qaïda, quelques subsides rapportés par les jihadistes étrangers et par des sympathisants des N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

pays du Golfe. Au Koweït et au Qatar, cette aide n’était pas considérée comme taboue, mais s’inscrivait dans une stratégie, permise par les autorités, visant à accélérer la chute de Bachar al-Assad et à affaiblir « l’ennemi » chiite. Jusqu’à l’an dernier, des campagnes d’appel aux dons pour l’achat d’armes et l’entraînement de combattants étaient retransmises à la télévision, relayées par des prêcheurs influents tels que Nabil al-Awadi au Koweït.Toutefois, ces financements, facilement traçables, se sont taris sous la menace de Washington. Mais l’EI en a-t-il encore besoin? Au fil de ses gains territoriaux, l’organisation

terroriste, qui serait la plus riche au monde, a fait main basse sur des banques, des entreprises, des institutions publiques et a perçu des rançons versées par des États, comme la France, pour la libération d’otages. À cela s’ajoute le trafic de trésors archéologiques: 36 millions de dollars (28 millions d’euros) rien que pour la zone d’Al-Nabuk, au nord de Damas. C’est toutefois le pétrole qui constitue la première ressource de l’organisation. Dans l’est de la Syrie et le nord de l’Irak, les jihadistes ont privilégié la conquête des champs pétroliers et des raffineries. Aujourd’hui, l’EI produit plus de 25000 barils par jour, qu’il

écoule auprès d’intermédiaires à un prix attractif (25 à 60 dollars pour le light crude oil). La majeure partie est stockée sur des camions qui franchissent la frontière avec laTurquie, pays de destination finale. Des va-et-vient surveillés par les drones de Washington, qui peine à convaincre Ankara d’assécher ce trafic. Le gouvernement turc dément avoir acheté du pétrole à l’EI. Pourtant, les experts sont unanimes: l’EI perçoit entre 1 et 2 millions de pétrodollars par jour. Démanteler leurs circuits financiers et leurs trafics porterait peut-être un coup plus rude aux jihadistes que les frappes militaires. ● JOAN TILOUINE JEUNE AFRIQUE


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zone sunnite – une alliance de circonstance qui conforte la dénonciation jihadiste d’une complicité américaine avec l’ennemi suprême de l’EI, les « séfévides » chiites de la République islamique d’Iran et leurs féaux d’Irak, et qui ravive l’hostilité régionale entre sunnites et chiites. Et lorsque les bombes alliées font des victimes collatérales, les partisans du « calife » Ibrahim, le chef de l’EI, s’empressent de crier à l’agression américaine contre les sunnites, plaçant sur le même plan le dictateur alaouite syrien et le président américain. Le 23 septembre, huit civils étaient tués dans les premiers bombardements américains en Syrie. Dans les pays arabes et musulmans, l’opinion est loin d’être insensible au discours de l’EI sur une nouvelle intrusion américaine en terre d’islam et nombreux sont ceux qui se rangent à ses arguments, bien que la Ligue arabe et les plus hautes autorités sunnites aient condamné les agissements des jihadistes. Pourrait-il en résulter une autre Les partisans fitna (« discorde ») au sein même du « calife » du monde sunnite ? ÉCHEVEAU. Autre élément clé de la

Ibrahim mettent Bachar al-Assad et Obama dans le même sac.

tactique alliée en Irak, la fourniture d’armes aux Kurdes pourrait mener à terme à une partition du pays. « Les Kurdes irakiens, que l’on nous décrit comme des démocrates et des laïques, représentent 11 % de la population et contrôlent 20 % du pétrole, note le politologue Naoufel Brahimi el-Milli. Mais une fois surarmés, ils seront en mesure de contrôler plus du tiers du pays, créant une autre ligne de fracture entre Kurdes et Arabes. » Plus alarmant, Bachar al-Assad pourrait retirer les bénéfices de l’incendie qu’il a allumé. Si Damas avait annoncé que toute attaque sur son sol serait considérée comme une agression, il a finalement prétendu avoir été prévenu par Washington des bombardements contre les positions de l’EI. Ceux-ci ne se sont pas contentés de cibler l’EI : soupçonné de fomenter des attentats en Occident, le groupe Khorasan a lui aussi été frappé. Or il est lié à Jabhat al-Nosra, la branche d’Al-Qaïda qui combat Assad aux côtés des rebelles soutenus par l’Occident… Alors que les insurgés « modérés » de l’Armée syrienne libre sont très affaiblis par leur lutte contre le régime et contre l’EI, les troupes d’Assad pourraient profiter des bombardements alliés pour reprendre des positions dans l’est, le nord et le sud de la Syrie. Ne combattent-elles d’ailleurs pas elles aussi les « terroristes » ? Face à cet écheveau, Obama, Hollande et leurs alliés n’ont eu d’autre choix que de trancher le nœud gordien. Il leur faudra faire preuve de davantage de finesse dans la gestion de cette guerre pour que l’EI et Assad ne puissent leur dire un jour « merci pour ces bombardements ». l JEUNE AFRIQUE

Algérie Des « soldats » pas si inconnus Qui sont les terroristes de Jund al-Khilafah, qui ont exécuté l’otage français Hervé Gourdel? Leur chef, Abdelmalek Gouri, a fait allégeance à l’État islamique.

L

exécution, le 23 sepal-Bared. En mai 2007, ce camp tembre, du Français de réfugiés palestiniens, au Nord-Liban, est le théâtre Hervé Gourdel, kidnappé l’avant-veille, d’affrontements meurtriers a été revendiquée par Jund alentre l’armée libanaise et des Khilafah (« les soldats du caligroupes jihadistes. Selon un fat »). Créée par des dissidents officier de l’antiterrorisme algérien, Abdelmalek Gouri d’Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb faisait partie de la vingtaine islamique), cette organisad’Algériens qui ont participé tion a vu le jour une semaine auparavant, quand son dirià la bataille. Avec une dizaine geant, Abdelmalek Gouri, de ses compatriotes, Gouri alias Khaled Abou Slimane, aurait survécu au siège du a signé un communiqué faicamp et serait parvenu à ralsant allégeance à Abou Bakr lier Damas. En août 2007, de al-Baghdadi, autoproclamé faux papiers lui permettent calife de l’État islamique en de regagner l’Algérie. Il rejoint Irak et au Levant (EI ou Daesh, alors les maquis d’Abdelmalek son acronyme arabe). Droukdel et met son expertise Gouri est né en 1977 dans au service de l’émir d’Aqmi, la bourgade de Si Mustapha dont il devient l’un des chefs (wilaya de Boumerdès). Dès militaires. l’âge de 20 ans, il est arrêté et condamnéàcinqansdeprison VÉTÉRAN. Mais la création de pour soutien au terrorisme. Daesh, en juin 2014, modifie Il bénéficiera en juillet 1999 les relations entre les deux d’une grâce amnistiante hommes. Un mois plus tard, accordée aux jihadistes déciGouri désapprouve le choix dés à revenir dans le droit chemin dans le Condamné à cinq ans cadre de la Concorde de prison, gracié en 1999, civile. Il quitte alors il ne reviendra jamais l’Algérie pour le Liban et la vallée de dans le droit chemin. la Bekaa, où il suit une formation militaire. de Droukdel de renouveler Ce séjour au pays du Cèdre son serment de fidélité à lui inspirera le nom de son Ayman al-Zawahiri, numéro organisation. Jund, que l’on un d’Al-Qaïda, alors même traduit par « soldats » ou que l’EI conquiert des ter« armée », ne fait pas partie de ritoires. Gouri prend alors la sémantique jihadiste algéses distances et crée Jund rienne. La première organial-Khilafah pour mieux se sation à avoir choisi d’inclure rapprocher de cette nouvelle ce terme dans son nom est organisation en plein essor. Il disposerait aujourd’hui d’un Jund Echam, un mouvement salafiste palestinien considéré effectif estimé à une trentaine d’hommes, essentielpar des spécialistes comme l’ancêtre de Daesh. Ce groupe lement des vétérans de Nahr takfiriste sort de l’anonymat al-Bared. l lors des événements de Nahr CHERIF OUAZANI N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014


La semaine de J.A. Les gens

JEAN-MICHEL TURPIN/FEDEPHOTO

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p Le guide spirituel, lors de la cérémonie de clôture du magal de Touba, en 2012.

Sidy Mokhtar Mbacké Ainsi soit-il L’influent khalife général des mourides voit défiler chez lui les puissants de la scène politique sénégalaise.

L

e président Macky Sall, son opposant déclaré Idrissa Seck, son prédécesseur Abdoulaye Wade et le fils de ce dernier, Karim, actuellement jugé pour enrichissement illicite, ont un point commun. Ils ont tous reçu, en septembre, les bénédictions de Serigne Cheikh Sidy Mokhtar Mbacké, 90 ans, le septième khalife général des mourides. Idrissa Seck, qui appartient pourtant à la confrérie tidjane (la plus importante en nombre), s’en est allé faire son jebëlu (« allégeance ») à Keur Nganda, lieu de retraite spirituelle du guide religieux. Au risque de provoquer l’incompréhension dans les rangs de son propre parti. C’est ensuite Macky Sall (tidjane lui aussi) qui a fait une visite de courtoisie au petit-fils de Serigne Ahmadou Bamba Mbacké (plus communément appelé Serigne Touba), fondateur des mourides, de passage à Dakar. Abdoulaye Wade ne pouvait être en reste. Premier – et seul à ce jour – président du Sénégal à être un authentique talibé mouride, l’ancien chef de l’État a rencontré à son tour le guide spirituel. Quant à son fils Karim, incarcéré depuis dix-huit mois,

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il a reçu de Cheikh Sidy Mokhtar Mbacké des berndé (repas copieux) dans sa prison de Rebeuss. « Dites au calife que Serigne Touba m’a donné assez de force pour subir dignement cette injustice », aurait confié le zélé talibé à la délégation du calife général. Silhouette frêle, la barbe blanchie par les ans, l’homme remplit un véritable rôle de guide spirituel. Né en 1924 à Mbacké Kadior, celui que l’on connaît aussi sous le nom de Cheikh Maty Lèye a suivi la formation théologique poussée qui sied aux héritiers de Serigne Touba. Fidèle aux préceptes de son grand-père, ce soufi est aussi agriculteur et a consacré sa vie à l’étude des textes sacrés ainsi qu’à la mise en valeur des vastes exploitations agricoles qu’il possède dans la région de Touba. À l’origine de la création de nombreuses daara consacrées à l’apprentissage du Coran, il finance également chaque année le pèlerinage à La Mecque de plusieurs dizaines de talibés. REVANCHE. « Son premier discours après

sa désignation, en juillet 2010, a été l’occasion d’appeler à la concorde entre confréries et à l’unité des musulmans », rappelle Bakary Sambe, enseignant-chercheur à l’université Gaston-Berger (Saint-Louis). C’est un homme éloigné des préoccupations matérielles qui, pour concrétiser son approche œcuménique, adresse des

offrandes à ses homologues de la Tidjaniya à l’occasion du Maouloud de Tivaouane (la fête annuelle des tidjanes) et reçoit les hommes politiques sans distinction, affichant en la matière une stricte neutralité. Septième khalife général depuis la mort de Serigne Touba, Serigne Cheikh Sidy Mokhtar Mbacké est aujourd’hui le dépositaire de la longue histoire croisée entre le pouvoir politique sénégalais et les confréries. « De Faidherbe à Macky Sall, le pouvoiratoujourseubesoindesconfréries, qui jouent un rôle de stabilisateur social et luioffrentuneformedelégitimité»,rappelle BakarySambe.D’oùl’incessanteprocession du banc et de l’arrière-banc de la scène politique sénégalaise dans ses résidences de Touba, Keur Nganda ou Dakar. Cette reconnaissance constitue une revanche symbolique pour les héritiers de Serigne Touba, autrefois diabolisés. Le magal de Touba, pèlerinage annuel vers la ville sainte, ne célèbre-t-il pas le départ en exil de Serigne Touba, longtemps brimé par l’administration coloniale? En 2013, Macky Sall décidait d’en faire un jour férié. Et depuis les dernières élections locales, on évoque l’adoption d’un statut spécial qui viendrait entériner la situation dérogatoire qui prévaut déjà de facto à Touba, propriété privée où la loi du khalife général se substitue à celle de l’État. l MEHDI BA, à Dakar JEUNE AFRIQUE


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EN HAUSSE

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La semaine de J.A. Les gens JACK MA

CHAD INGRAHAM

À 49 ans, le fondateur d’Alibaba devient l’homme le plus riche de Chine après l’entrée en Bourse, à Wall Street, de ce géant du commerce électronique. Sa fortune est estimée à 25 milliards de dollars (19,6 milliards d’euros) d’actifs. CLINTON NJIE

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La nouvelle star des Lions indomptables du Cameroun vient de prolonger son contrat avec l’Olympique lyonnais. Désormais lié à son club jusqu’en 2019, l’attaquant de 21 ans est récompensé pour son début de saison très réussi. KAMEL DAOUD

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Pour son premier roman, Meursault contre-enquête (Actes Sud), le journaliste et écrivain algérien a remporté le prix François-Mauriac et le prix des Cinq continents de la francophonie. Il est par ailleurs en lice pour le Goncourt. EN BAISSE

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JS KABYLIE Le club algérien est suspendu pendant deux ans de toute compétition continentale par la Confédération africaine après la mort du joueur camerounais Albert Ebossé. Le 23 août, il avait été tué par un projectile à l’issue d’un match contre l’USM Alger.

DR

LOUIS-GASTON MAYILA Arrêté à l’aéroport de Libreville, l’ancien ministre et homme d’affaires gabonais, président de l’Union pour la nouvelle République (UPNR), a été placé sous mandat de dépôt dans le cadre d’une affaire de fausse monnaie.

T.B. Joshua Prophète de malheur Sous le feu des critiques après l’effondrement d’un bâtiment abritant son Église, l’évangélique nigérian crie au complot.

A

près avoir, selon la légende, passé quinze mois dans le ventre de sa mère, Temitope Balogun Joshua a vu le jour dans une modeste famille du sud-ouest du Nigeria. Ce 12 juin 1963, rien ne laisse encore présager qu’il deviendra « le prophète », l’un des cinq prédicateurs les plus riches au monde. Aujourd’hui à la tête de l’organisation Synagogue, Church of All Nations (SCOAN), une Église évangélique basée à Lagos et dotée de deux filiales, au Royaume-Uni et au Ghana, il se serait constitué un patrimoine de 10 à 15 millions de dollars (7,8 à 11,7 millions d’euros). Mais le télévangéliste est décrié depuis l’effondrement d’un immeuble situé dans l’enceinte de la SCOAN, à Lagos, le 12 septembre. Cent quinze de ses fidèles y ont perdu la vie. Après avoir rechigné à laisser entrer les secours, T.B. Joshua a soudoyé des journalistes afin de répandre sa version des faits. Selon lui, un mystérieux avion aurait survolé l’immeuble, par quatre fois et à basse altitude, avant qu’il s’écroule. Sûrement une tentative d’assassinat, peut-être un complot de Boko Haram, laisse-t-il entendre. AUTOPROCLAMÉ. Afin de rendre hommage à ses 84 adeptes

sud-africains décédés dans la catastrophe, le prédicateur a annoncé son intention de se rendre à Pretoria. Mais l’ANC (Congrès national africain) exige d’abord que les responsabilités du drame soient établies. Dans la tourmente, le célèbre évangélique pourra-t-il compter sur ses soutiens ? Parmi ceux qui l’ont rencontré figurent Winnie Mandela, John Atta Mills, l’ancien chef de l’État ghanéen décédé en 2012, Joyce Banda, la présidente malawite ou encore Morgan Tsvangirai, ex-Premier ministre zimbabwéen et opposant à Mugabe. Grâce à sa capacité à prédire l’avenir, le prophète autoproclamé aurait vu venir la mort de Michael Jackson, les attentats de Boston, le crash du vol de Malaysia Airlines… mais apparemment pas la catastrophe qui a frappé sa propre Église. l DOROTHÉE THIÉNOT q Il prétend guérir et prédire l’avenir. Cette fois, c’est raté.

Premier ministre de l’Ouganda depuis 2011, ce membre influent du parti au pouvoir a été limogé le 19 septembre. Le présidentYoweri Museveni le soupçonne de préparer une candidature pour l’élection présidentielle de 2016.

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REUTERS

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AMAMA MBABAZI

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ILS ONT DIT

La semaine de J.A. Décryptage

« La musique est une arme douce. Nous pouvons aider l’Afrique grâce à elle. Nous utilisons le même instrument que les politiciens : le micro. »

YOURI LENQUETTE

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People Le gotha, noir sur blanc QUEL EST LE POINT COM MUN entre le communicant Youssouf Ammin, l’architecte Mahmoud Keldi et l’ingénieure en génie atomique Sandra Métho ? Ils font tous trois leur entrée dans l’édition 2014 du Gotha noir de France (Efficience Édition), le Who’s Who de la communauté afrofrançaise. En tout, quelque 200 nouveaux noms (sur 300 au total) sont répertoriés dans ce guide bisannuel, qui entend donner de la visibilité aux personnalités ayant réussi et servir de modèle aux plus jeunes. Petit bémol : une prédominance de profils camerounais. « Une coïncidence, se défend Elie Nkamgueu, initiateur du Gotha et lui-même d’origine camerounaise. Nous sélectionnonssimplementlesmeilleurs, leurs origines importent peu. » Mais ils sont également 200 à quitter l’ouvrage, qui, en cela, se positionne par son dynamisme : si les personnalités n’ont pas d’actualité, elles ne sont pas maintenues dans

SIA TOLNO Chanteuse guinéenne

« La Ligue arabe ne sert à rien. Elle fait illusion, et certains pensent qu’en se réunissant, en pleurant ensemble, l’état du monde changera. » TAHAR BEN JELLOUN Écrivain marocain, membre de l’académie Goncourt

« Au lieu de nous battre pour des frontières, nous devrions nous battre pour prendre place dans le même bus que les citoyens israéliens, en nous inspirant de la lutte antiapartheid ou du mouvement américain pour les droits civiques. » SAM BAHOUR Homme d’affaires palestinien

« Je ne tweete jamais. Je

FRÉDÉRIC BEIGBEDER Écrivain français

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JOËL SAGET/AFP

«

GÉRALD DARMANIN Porte-parole de l’ex-chef de l’État français dans le cadre de sa candidature à la présidence de l’UMP

CLARISSE JUOMPAN-YAKAM

Diplomates africains Immunité routière?

ne comprends pas l’intérêt d’envoyer des phrases à des inconnus alors qu’on peut les rassembler dans des livres. »

Avec Sarkozy, j’ai une sorte d’affinité naturelle. Il a un comportement de mec populaire. Sa façon d’être direct, de dire des gros mots… Il a de beaux costumes, mais on a toujours l’impression qu’il n’est pas très à l’aise dedans. »

l’édition suivante. Les talents, qui grâce au Gotha sont passés de l’ombre à la lumière, se doivent quant à eux d’évoluer pour confirmer leur présence dans ses pages. Y figurer suppose donc de remplir certains critères qui varient en fonction de chaque catégorie socioprofessionnelle. Pour les chefs d’entreprise, par exemple, on tient compte du nombre de salariés, du chiffre d’affaires et de la reconnaissance par leurs pairs. Autre nouveauté dans cette édition préfacée par Lionel Zinsou et postfacée par Manu Dibango, l’ouverture à des personnalités françaises qui revendiquent leur africanité (Ségolène Royal, William Leymergie) ou leur créolité (Edwy Plenel, Marie-Reine de Jaham). Les bénéfices sur les ventes permettront de financer des bourses d’excellence pour des élèves de grandes écoles issus de milieux défavorisés. l

LE WALL STREET JOURNAL a publié la liste des 180 pays dont les diplomatesnepaientpasleurscontraventionspourstationnement abusif à New York. Ils doivent à la ville la bagatelle de 16 millions de dollars (12,5 millions d’euros). Les Africains y occupent une place de choix. En tête de ces mauvais payeurs, l’Égypte, qui a collectionné 17500 contraventions pour 1,97 million de dollars d’impayés. Elle est suivie du Nigeria (7600 pour 895000 dollars), de l’Indonésie (6000 pour 739000 dollars), du Brésil (5300 pour 603000 dollars) et du Maroc (5300 pour 584000 dollars). Si l’on ajoute le Sénégal, à la septième place de l’incivisme, le Soudan à la huitième et l’Angola à la neuvième, six pays africains figurent dans le top 10. Les réactions des chancelleries à ce classement vont du « no comment » à la promesse de payer, en passant par « les personnes en cause ont quitté les États-Unis ». À vrai dire, ces dettes ont été contractées avant 2002 pour la plupart. Cette année-là, Michael Bloomberg, alors maire de New York, a décidé de ne pas renouveler les plaques « corps diplomatique » des mauvais payeurs, et ceux-ci sont rentrés dans le rang. Les Égyptiens n’ont ainsi cumulé depuis « que » 5000 dollars d’amendes. Ils stationnent toujours n’importe où, mais ils paient. l ALAIN FAUJAS JEUNE AFRIQUE



La semaine de J.A. Décryptage

Afrique du Sud Et le rival d’Areva arriva… Rosatom, le géant russe du nucléaire, a-t-il remporté le plus grand marché public de l’histoire sud-africaine ? C’est en tout cas ce qu’il laisse entendre. De quoi inquiéter son concurrent français.

E

n signant un accord de coopération nucléaire avec la Russie, le 22 septembre, Pretoria semblait avoir confié à Rosatom, l’agence russe de l’énergie atomique, le plus gros marché public de l’histoire sud-africaine. Les chiffres très précis donnés à cette occasion par l’entreprise sont éloquents: huit réacteurs construits d’ici à 2023 pour une puissance de 9 600 mégawatts et un coût de 40 à 50 milliards de dollars (31 à 39 milliards d’euros)… sans qu’il ait été procédé à un appel d’offres. Il n’en fallait pas plus pour que l’opposition sud-africaine réagisse, dénonçant vigoureusement un accord trop onéreux, voire douteux. Les autres pays sur les rangs – la Chine, la Corée du Sud, une alliance américano-japonaise et surtout la France – s’inquiètent. Le groupe français Areva, déjà fournisseur de l’unique centrale LE DESSIN DE LA SEMAINE

nation Arc-en-Ciel. Au Quai d’Orsay, on a même fait savoir qu’un accord similaire a déjà été négocié avec Pretoria et qu’il ne reste qu’à fixer une date pour sa signature.

sud-africaine de Koeberg, se positionne depuis 2008 sur ce marché. Et compte sur ce dossier, qu’il n’estime pas bouclé, pour sortir de ses récentes difficultés – le groupe a perdu près de 700 millions d’euros au premier semestre 2014. Présent en Afrique du Sud depuis les années 1970, Areva avait d’ailleurs remporté un appel d’offres en août, pour le remplacement des turbines de Koeberg (pour 300 millions d’euros), qui paraissait de bon augure pour le gros contrat à venir, même si Rosatom n’était alors pas sur les rangs. À Paris, la clarification faite le 23 septembre par le gouvernement sud-africain a soulagé : l’accord avec les Russes n’est qu’un préalable, nécessaire pour soumissionner au futur appel d’offres, mais pas suffisant pour remporter la mise, a indiqué le ministère de l’Énergie de la

GARANTIES. Les Russes sont-ils allés

trop vite en besogne, comme l’affirment certaines sources diplomatiques sudafricaines? Ou ont-ils obtenu des garanties qu’ils n’auraient pas dû dévoiler ? Le président, Jacob Zuma – formé en Union soviétique dans les années 1980 –, s’est en tout cas beaucoup rapproché de la Russie de Poutine ces derniers temps. En octobre 2013, l’ANC avait d’ailleurs signé un protocole d’entente avec Russie unie, le parti du président russe. Et la visite de Zuma à Moscou, en août dernier, a étonné par sa durée : cinq jours. Selon l’hebdomadaire sud-africain Mail & Guardian, les deux chefs d’État auraient secrètement négocié les modalités du futur contrat. Dans un dossier aussi politique que le nucléaire, ces excellentes relations au sommet ne peuvent certes pas nuire. l PIERRE BOISSELET

Chappatte • NZZ am Sonntag • Suisse EBOLA ENNEMI INVISIBLE

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N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

« PAS DE BOTTES sur le terrain », avait assuré la Maison Blanche lors des premières frappes aériennes contre les fous d’Allah en Irak. Mais le 16 septembre, Obama a annoncé l’envoi de 3000 militaires pour combattre en Afrique la propagation d’Ebola. Une perspective de corps à corps avec le virus tueur qui ne doit pas rassurer les boys… JEUNE AFRIQUE



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La semaine de J.A. Décryptage EXCLUSIF

Centrafrique Samba-Panza, dos Santos et les mallettes En mars, le président angolais avait octroyé un don de 10 millions de dollars à son homologue centrafricaine afin de renflouer son pays en faillite. Un quart de cette somme n’est pas entré dans les caisses de l’État. Simple oubli ?

Q

uand on préside – ne serait-ce que par intérim – aux destinées d’un pays pauvre, sinistré, instable et entièrement dépendant de l’aide financière et militaire étrangère, on se doit d’être irréprochable côté gouvernance. Cette leçon, Catherine Samba-Panza devrait la méditer alors que la Centrafrique vient de passer sous quasi-tutelle onusienne et que le Fonds monétaireinternational(FMI)etlaBanque mondiale s’apprêtent à examiner son cas, début octobre, à Washington. Au cœur des préoccupations des grands argentiers de la planète, quidevront décider s’ils accordent ou non un ballon d’oxygène aux finances exsanguesdugouvernementcentrafricain: la gestion, pour le moins opaque, d’une importante somme d’argent remise en main propre à la présidente Samba-Panza par son homologue angolais. L’affaire date d’il y a sept mois. Le 4 mars 2014, Catherine Samba-Panza (CSP) se rend en urgence à Luanda. À Bangui, les caisses du Trésor sont vides et la chef de l’État,étranglée,doit absolument assurerle salaire des fonctionnaires, conformément à ses engagements. Son hôte, le président José Eduardo dos Santos, est riche, et il ne lui déplaît pas de prendre la relève du Congolais Denis Sassou Nguesso, qui, jusqu’ici, comblait seul, tel Sisyphe, les déficits sans fond de la Centrafrique. Il se montre donc compréhensif et, après avoir longuement reçu CSP, s’engage sur un don de 10 millions de dollars (7,8 millions d’euros), dont la moitié lui est remise surle-champ, en liquide, dans des valisettes. Pourquoi en liquide ? Parce que l’Angola n’est pas membre de la zone franc, qu’un virement via Paris prendrait trop de temps et que Mme Samba-Panza est très pressée. De retour à Bangui le lendemain, la présidente remet elle-même les 5 millions cash à trois personnes de confiance, avec pour consigne – aucune banque commerciale de Bangui ne disposant des liquidités nécessaires – d’aller les changer contre des francs CFA à Douala, au Cameroun. N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

Le6mars,MahamatKamoun,conseiller spécial à la présidence (et actuel Premier ministre), Christelle Sappot, fille et chef de cabinet de CSP, et Robert Bokoyo, directeur adjoint du Trésor, se rendent dans la capitale économique du Cameroun et procèdent à l’opération de change auprès d’Ecobank. Le 8 mars, un peu plus de 2 milliards de F CFA (Ecobank empochant au passage une belle commission de 6 %) sont transférés sur le compte du Trésor centrafricain auprès de la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac). Jusqu’ici, tout va bien – si ce n’est que le ministre centrafricain des Finances, Rémi Yakoro, est curieusement tenu à l’écart de toute la transaction.Unebonnepartiedesfonctionnaires recevront, ce mois-là, leur salaire. Quelques semaines plus tard – fin mars, début avril –, la deuxième tranche du don angolais, soit 5 millions de dollars cash, parvient à la présidence de Bangui via un émissaire. Et c’est là que le bât blesse. Le 28 avril, à la demande de Mahamat Kamoun, le directeur général du Trésor, Gabriel Madenga, se fait remettre par

Christelle Sappot, la fille de CSP, la somme de 2,5 millions de dollars qu’il transfère aussitôt sur le compte centrafricain à la Beac, via Ecobank, dont l’agence banguissoise dispose, cette fois, des liquidités nécessaires en francs CFA. PACTOLE. À nouveau, le ministre des

Finances, pourtant unique ordonnateur des finances de l’État, est mis de côté. Il ne sera informé qu’a posteriori, deux jours plus tard, par un courrier du DG du Trésor. Une anomalie et une question évidente : quid de la seconde moitié de la seconde tranche, soit l’équivalent de 1,132 milliard de F CFA, un pactole à l’échelon centrafricain ? Pressée de questions par le FMI, qui a eu vent du don, et par la présidence angolaise, qui apprécie peu cette « disparition » d’une partie du magot, Catherine Samba-Panza charge son directeur de cabinet, Joseph Mabingui, de réagir. En guise de réponse, ce dernier confectionne un tableau (reproduit ci-contre) daté du 14 juillet 2014, dans lequel il est « expliqué » que l’argent manquant a été utilisé sous forme de « fonds politiques » et réparti entre le Premier ministre de l’époque, André Nzapayeké, la présidente et des chapitres aux intitulés aussi vagues (« composantes de la société civile », « assistance sociale et humanitaire », « actions gouvernementales »…) qu’incontrôlables. BONNE FOI. Il va de soi que la procédure

normale en la matière, qui veut que ces fonds de souveraineté doivent d’abord être

q Catherine Samba-Panza et Eduardo dos Santos, à Luanda, le 4 mars.

JEUNE AFRIQUE


23

La devise de la RCA est « Unité- Dignité- Travail » et non pas « Unité- Dignité- Dignité », comme figurant ci-dessous. Il s’agit d’une... erreur de frappe des services de la présidence !

Verbatim Ebola : ce qu’ont déclaré vos dirigeants depuis le début de l’épidémie.

Carte animée Dans le Nord-Mali, les mines font de plus en plus de victimes parmi les Casques bleus. Tessalit Aguelhok

Kidal

p Le justificatif des dépenses portant sur 2,5 millions de dollars, présenté aux bailleurs de fonds par la présidence centrafricaine.

l’urgence de la situation, sans lever pour autant les soupçons qui pèsent quant à l’utilisation des 2,5 millions de dollars. En visite à New York mi-septembre en marge de l’Assemblée générale de l’ONU, Catherine Samba-Panza a décrit avec des motsjustesetémouvantslasituationcatastrophique dans laquelle se trouve son pays. Elle ne parlait pas, on l’aura compris, de sa propre gestion. l FRANÇOIS SOUDAN

Rétrospective

UN PHOTO/X

inclus et comptabilisés au sein du compte courant du Trésor à la Beac avant d’en ressortir, n’a absolument pas été respectée. Face aux bailleurs de fonds internationaux, mais aussi à José Eduardo dos Santos, qui l’a convoquée le 20 août à Luanda pour une brève séance d’explications, et Denis Sassou Nguesso, qui ne cache plus l’agacement qu’elle lui inspire, la présidente par intérim a plaidé la bonne foi et (encore)

BAMAKO

Il y a trente ans, Thomas Sankara prononçait devant l’Assemblée générale de l’ONU un discours resté dans l’Histoire. Réécoutez-le.

Vidéo

DR

Zéphirin Diabré, opposant burkinabè: « Si le référendum a lieu, la machine à fraude va tourner à plein régime. »

JEUNE AFRIQUE

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24

Grand angle


Sexe 2.0 PROSTITUTION

Nouvelles technologies, marketing, offre et demande, concurrence… À bien des égards, en Afrique aussi, les relations tarifées ressemblent de plus en plus à un business comme un autre. Enquête sur le plus vieux métier du monde à l’heure du numérique et de la mondialisation.

D

epuis le mois de septembre, les pays européens sont invités à revoir le calcul de leur PIB en intégrant les revenus issus du trafic de drogue et de la prostitution. Cette préconisation émane directement du Parlement européen, et elle est déjà suivie par l’Italie et la Grande-Bretagne. Un ajustement justifié par le fait que certains pays du Vieux Continent, comme les Pays-Bas, où la vente de cannabis et la prostitution sont légales, comptabilisent déjà ces revenus dans leur PIB. Rome espère ainsi gagner 1 point de croissance… Loin des débats éthiques autour du sexe tarifé, la question se pose en effet de savoir ce que représente économiquement cette activité. En compilant les données disponibles, le total des revenus générés chaque année dans le monde atteint 186 milliards de dollars (près de 146 milliards d’euros). Une addition

probablement bien en dessous de la réalité, de nombreux pays ne disposant d’aucune statistique, notamment en Afrique. Le dossier proposé cette semaine par Jeune Afrique aborde sous un angle inhabituel cette activité parfois interdite, souvent tolérée, voire légalisée dans la limite difficilement contrôlable du consentement et de l’autoentrepreneuriat – en dehors des réseaux de proxénétisme et de traite d’êtres humains. Objectif : donner une vision économique du secteur, éclairer les nouvelles tendances au sein d’un marché souterrain difficile à appréhender. De la passe à 1 euro dans une rue de Bangui aux soirées « bunga bunga » de Casablanca – en référence aux orgies organisées par Silvio Berlusconi – pouvant rapporter à la call-girl jusqu’à 450 euros, nos enquêteurs ont établi (sur la base de témoignages de clients) une moyenne des pratiques en vigueur dans l l l

BRUNO LEVESQUE/IP3

MICHAEL PAURON


JOAN BARDELETTI/PICTURETANK

26

p Une boîte de nuit à Abidjan.

Tarifs par ville et par lieu de rencontres (en euros[1]) Bar et/ou hôtel spécialisés

Abidjan

Discothèque et/ou hôtel milieu de gamme

Domicile du client

Salaire mensuel minimum officiel

76

450

150

91

(2)

48

237

48

180

Bamako

8

NC

45

NC

43

Bangui

3

3

15

NC

27

Casablanca

14

35

180

245

222

Conakry

10

30

200(2)

NC

41

Douala

5

7

50

70

55

Johannesburg

6

25

70

200

150

Kinshasa

10

39

78

NC

80

Libreville

7

15

65

NC

228

15

75

300(2)

NC

213

Alger

Malabo

12

Discothèque et/ou hôtel de luxe

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(2)

(2)

1. Prix convertis en euros à partir de la monnaie locale. 2. Prix de la chambre inclus. NC : non communiqué. N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

JEUNE AFRIQUE


Sexe 2.0 l l l les lieux fermés (bars, discothèques, hôtels, domiciles…). Des tarifs qui prennent en compte de nombreux critères : type de client (local, étranger, africain ou occidental), type de prostituée (physique, âge, nationalité), concurrence dans la ville (nombre de prostituées, présence ou non de femmes étrangères), et parfois même prix de la chambre d’hôtel, quand elle est une condition sine qua non, comme en Algérie. Ainsi, lorsqu’une starlette ivoirienne de la chanson monnaie ses charmes 2 millions de F CFA (3 050 euros) la nuit à un footballeur, le prix moyen de la prostitution de luxe à Abidjan flambe mécaniquement. Les journalistes qui ont enquêté sur ce dossier ont mis de côté leur propre jugement moral – forcément subjectif – pour appréhender les nouvelles formes de prostitution comme s’il s’agissait d’un flux d’échanges économiques « comme les autres ». D’abord parce que la prostitution sur le continent, comme ailleurs, se révèle protéiforme : des drames de la traite d’êtres humains à la revendication du statut de travailleur lambda, en passant par la complexité des relations sociales qui conduisent à des échanges « économico-sexuels » (terme emprunté à l’anthropologue italienne Paola Tabet, auteure de « Du don au tarif. Les relations sexuelles impliquant compensation », dans la revue Les Temps modernes), aucune vérité ne saurait être absolue. De l’Europe à l’Asie en passant par l’Afrique, le débat – même autour de la sexualité et de sa finalité en général – conduit à des incompréhensions tenaces.

STRATÉGIES. Personne ne met en doute, en revanche, le business que représente le sexe tarifé. L’aspect économique est d’ailleurs le moteur de ce marché, qui utilise les mêmes codes que tout autre secteur : les prix sont fixés en fonction de l’offre et de la demande ; les critères de sélection (les « goûts ») varient en fonction des pays et nécessitent de s’adapter ; aucune transaction n’aboutit sans passer par l’art subtil de la négociation ; les stratégies marketing évoluent avec l’arrivée des nouvelles technologies et s’adaptent à la mondialisation ; les bénéfices sont aussitôt réinvestis pour moderniser l’activité et conquérir de nouveaux marchés, ou sont placés dans des valeurs refuges telles que l’immobilier. C’est dans cet environnement moderne et connecté, royaume du téléphone cellulaire et de l’ordinateur, que s’inscrit une frange significative de nouvelles « fées ». Hyperbranchées, les noctambules habituées des maquis glauques et des boîtes de nuit VIP se muent progressivement en escort-girls avec pignon sur web. À ce titre, les réseaux sociaux sont devenus leur terrain de chasse privilégié. Les plus dégourdies conçoivent leur propre site internet, comme de véritables autoentrepreneuses, et embrassent l’ère de l’ecommerce. L’avènement du portable les a l l l JEUNE AFRIQUE

DES LÉGISLATIONS AMBIGUËS

Algérie La prostitution en tant que telle n’est pas pénalisée. Mais le code pénal (articles 342 à 349) prévoit des sanctions : de six mois à deux ans de prison et des amendes pour incitation des mineurs à la débauche et racolage ; de deux à cinq ans de prison pour proxénétisme et création de lieux de débauche

Afrique du Sud La prostitution est illégale Cameroun Est punie d’un emprisonnement de six mois à cinq ans et d’une amende de 20 000 à 500 000 F CFA toute personne de l’un ou l’autre sexe qui se livre habituellement, moyennant rémunération, à des actes sexuels avec autrui Centrafrique La prostitution est illégale Côte d’Ivoire La prostitution n’est pas sanctionnée par la loi pénale, mais elle constitue la condition préalable à divers délits comme le proxénétisme. Le racolage actif et passif est également interdit par la loi. Cette situation spéciale (ni autorisée ni interdite) accepte certaines analyses, dont celle que la prostitution serait une profession libérale, mais interdite de toute publicité, de démarchage, et même de lieu d’exercice Gabon La prostitution en tant que telle n’est pas répréhensible. Mais la loi reste très restrictive. Ainsi, l’article 260 punit le proxénétisme d’un d’emprisonnement de six mois à deux ans et d’une amende de 50 000 à 1 million de F CFA. Le racolage est lui puni d’un emprisonnement de trois mois à un an et d’une amende de 25 000 à 240 000 F CFA. Même peine pour les tenanciers d’un lieu abritant des prostituées

Guinée La prostitution est illégale Guinée équatoriale La prostitution est illégale Mali Le proxénétisme et la traite des êtres humains sont passibles de prison, mais la prostitution, en tant qu’activité libérale, est légale Maroc L’article 490 du code pénal stipule : « Sont punies d’emprisonnement d’un mois à un an toutes personnes de sexe différent qui, n’étant pas unies par les liens du mariage, ont entre elles des relations sexuelles. » L’article 158 précise par ailleurs que sont répréhensibles « l’attentat à la pudeur sans violences, l’outrage public à la pudeur, l’excitation habituelle à la débauche, l’assistance à la prostitution d’autrui » RD Congo Sont illégaux et punis par le code pénal : l’incitation des mineurs à la débauche (de trois mois à cinq ans de prison et amendes), le proxénétisme et la tenue de maisons de débauche ou de prostitution (de trois mois à cinq ans de prison et amendes), la prostitution forcée (de trois mois à cinq ans)

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Grand angle Prostitution rendues mobiles, les a libérées des contraintes de lieu. Elles sont joignables vingt-quatre heures sur vingt-quatre et préservent leur vie privée. « Le portable est un outil stratégique, affirme Thomas Fouquet, auteur d’une étude sur la prostitution clandestine à Dakar. Avoir un appareil performant est important, car l’environnement technologique est perçu comme offrant de nouvelles possibilités. » lll

DOMINATRICES. En ces temps de crispation,

où la place de la femme est sans cesse remise en question, le discours assumé et décomplexé de certaines d’entre elles bouscule les idées reçues. « Je propose toujours d’aller d’abord danser dans une boîte où j’ai une commission sur les boissons. Après, si la personne me plaît, tout est possible », raconte ainsi Oumou, fringante Malienne de 25 ans installée à Dakar. « Elles se considèrent comme des guerrières, des aventurières, poursuit Thomas Fouquet. Elles se posent en dominatrices, avancent le fait de prendre en main leur destin, utilisent ce moyen pour s’émanciper dans une société où le poids de la tradition les oppresse. Et pour assouvir leurs ambitions, leur besoin d’ailleurs. » Dans la capitale sénégalaise, ces « téméraires » (ou doff, en wolof, ainsi qu’elles

En ces temps de crispation, le discours assumé et décomplexé de certaines bouleverse les idées reçues.

se qualifient, littéralement « folle », dans le sens d’excentrique) ont appris sur le terrain plusieurs langues étrangères, apportent un soin tout particulier à leur apparence – sexy mais pas vulgaire et plutôt fashion –, et ont acquis les codes de la haute société. Une posture leur permettant de prendre de la distance par rapport aux thiaga (terme dédaigneux désignant une prostituée « classique »). Les clients sont des « sponsors » qui s’inscrivent si possible dans la durée, le sexe n’est pas toujours au centre de la transaction. Elles deviennent en quelque sorte des maîtresses, entretenues mais libres. Le mariage avec un bon parti n’est pas exclu, sans être une fin en soi. La prostitution s’affiche même parfois avec une impudeur insolente, sous les traits figés d’une certaine Zahia Dehar. Née en 1992 dans la commune de Griss, dans la wilaya de Mascara, en Algérie, cette call-girl connue pour avoir été « offerte » au footballeur français Franck Ribéry pour son anniversaire est aujourd’hui créatrice de lingerie, a défilé pour Karl Lagerfeld et a fini par devenir l’égérie de toute une catégorie de jeunes femmes. Ainsi, ce qui reste une situation subie dans une grande majorité de cas peut aussi devenir un ascenseur social, pris en toute connaissance de cause. l

LES SOLDATS DE LA PAIX, DE BONS CLIENTS ?

E

«

ffet Minusca »: des prostituées zaïroises et camerounaises débarquent à Bangui, dans le sillon des Casques bleus de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en République centrafricaine. Une concurrence pour les Centrafricaines privées de leurs commerces, entassées dans les camps de déplacés, qui se prostituent pour survivre. Certaines depuis le début de la guerre. Comme toujours, l’arrivée de « soldats de la paix » entraîne une inflation de la prostitution de façon quasiment mécanique. Un phénomène déjà observé lors du déploiement de la Mission de l’ONU en RD Congo (aujourd’hui Monusco). Dans la région de Gao, au Mali, la présence de 1236 « soldats de la paix » a également eu des conséquences immédiates. Du Burkina Faso, du Niger, de Côte d’Ivoire ou du Cameroun, des filles sont venues emplir des « maquis » faisant office de bordels militaires de campagne. Régulièrement, la presse malienne accuse les Casques bleus de recourir à des relations tarifées. Après une enquête interne, en mars, la Mission N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

CAMILLE LEPAGE

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p Soldats de la Force multinationale de l’Afrique centrale (Fomac).

des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) a nié ces allégations. « De telles rumeurs interviennent souvent lorsque la présence de nos forces est remise en question, pour des raisons politiques ou sécuritaires », explique Radhia Achouri, directrice de la communication de la Minusma.

Depuis 2003, l’ONU applique une politique de « tolérance zéro » en cas d’exploitation et d’abus sexuels. Les mesures disciplinaires restent toutefois plus faciles à prendre à l’égard du personnel civil, qui dépend des Nations unies, qu’à l’encontre de soldats relevant d’un État – lequel peut se monter plus ou moins coopératif. l D.T. JEUNE AFRIQUE


Sexe 2.0

Du bar à la Toile Les nouvelles technologies transforment la profession. Tandis que les réseaux sociaux offrent des plateformes de rencontres plus discrètes, le mobile banking facilite les transactions.

L

a photo de profil est aguichante. La jeune fille adopte une pose lascive, laissant deviner ses formes sculpturales, sans raffinement ni vulgarité. Elle se prénomme Sandy, se décrit comme une étudiante de 23 ans inscrite dans une école de Dakar et disposée à faire des rencontres. Par chat, elle se montre plus entreprenante et n’hésite pas, après quelques échanges convenus, à entrer dans le vif du sujet. Et propose ses services. « Appelle-moi lorsque tu es à Dakar, on peut se voir, ce n’est pas cher. » Du virtuel au réel, il n’y a que quelques milliers de francs CFA. Sandy a-t-elle cessé de « chasser » les clients dans les bars des grands hôtels, discothèques, maquis et autres lieux bien connus pour se réfugier sur les territoires numériques? Elle met fin à l’échange dès qu’on l’interroge sur son activité. Mais c’est un fait, nombreuses sont les prostituées qui ont cessé de s’user « offline » pour s’adonner à la cyberprostitution, moins risquée, plus rentable et plus discrète. C’est ainsi que de nombreux réseaux sociaux et sites de rencontre sont JEUNE AFRIQUE

via des appareils mobiles va augmenter de 30 % dans le monde – et l’Afrique n’y échappera pas. MODERNISATION. Devenu stratégique,

proposer ses services sur la Toile n’est plus l’apanage des seules prostituées jeunes et hyperconnectées. Certaines surfent aussi détournés de leur usage premier pour sur le développement technologique et se muer en vitrines pour prostituées. la connectivité accrue du continent pour Parmi les plateformes privilégiées, le moderniser leurs activités. De Dakar à site de rencontre Badoo, créé en 2006 et Casablanca, des réseaux plus structurés, basé à Chypre, et l’incontournable géant dotés d’appartements aménagés, sont américain, Facebook. Ce dernier serait apparus. Des ordinateurs, une connexion particulièrement prisé par les étudiantes, à internet, des chambres où les filles selon une étude publiée en juin 2014 par font leur show, le diffusent sur le web et l’université nigériane de Covenant qui peuvent, in fine, proposer une rencontre établit des liens entre l’usage sur place. À Johannesburg, où de ce réseau et la prostitucette pratique est déjà bien Badoo, tion parmi les étudiantes de implantée, retrouver une Facebook… l’État du Delta. Une forme escort à son domicile à l’isd’utilisation renforcée par le Des terrains sue d’un chat ou d’une simple boom des smartphones, qui recherche sur le web coûte de chasse facilitent l’accès à ces sites via environ 150 dollars. privilégiés. leurs applications. Au Kenya, Les nouvelles technologies la moitié de ces petits écrans ont bouleversé un autre aspect de poche actuellement en circulation a de la prostitution, le mode de paiement. été vendue durant la seule année 2013. Grâce au mobile banking, les transactions Au Maroc, une personne sur trois poss’effectuent virtuellement, de mobile à sède désormais ces téléphones highmobile. Parfois, une simple recharge de tech, dont le prix est passé sous la barre téléphone peut même servir de mondes 50 dollars (39 euros). Le cabinet naie, comme à Kinshasa, où les « unités » d’études Juniper Research estime par de crédit téléphoniques sont souvent ailleurs que, d’ici à 2017, la consomdemandées en guise de paiement. l JOAN TILOUINE mation de « contenus pour adultes » N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

DR

p Progressivement, les « fées » de la nuit migrent vers le web.

29


30

Grand angle Prostitution

Concurrence étrangère Depuis une dizaine d’années, des Européennes et des Asiatiques ont fait leur apparition. Notamment des Chinoises, accusées de casser les prix.

S

ouvent décriée pour embaucher exclusivement ses expatriés sur ses chantiers africains, la Chine semble avoir poussé cet entre-soi encore plus loin. Depuis une dizaine d’années – ce qui coïncide avec l’arrivée massive de milliers d’ouvriers chinois –, de nombreuses professionnelles du sexe venant de l’empire du Milieu ont fait leur apparition dans les principales capitales du continent. Ces jeunes femmes arrivent le plus souvent par groupes de cinq à vingt, sans se fixer dans un pays en particulier. Mobiles, elles se déplacent au gré des contrats juteux remportés par les entreprises multinationales. « Depuis quelque temps, les Chinoises installées au Cameroun migrent vers la Guinée équatoriale pour y trouver des compatriotes, mais aussi des expatriés d’autres nationalités », explique le Camerounais Basile Ndjio, docteur en anthropologie sociale et culturelle. Il estime entre 300

et 700 le nombre de prostituées chinoises présentes à Douala. Ces nouvelles venues ciblent toutes les couches de la société, et adaptent leurs tarifs en fonction du client et du lieu où elles exercent. De 3 euros la passe pour une prostitution de rue, le prix peut grimper jusqu’à 70 euros pour un expatrié occidental. Les Camerounaises y voient une concurrence déloyale… Autre lieu, autres mœurs. À Bamako, où la prostitution n’est pas interdite, les « bars chinois » sont bien connus pour

proposer les tarifs les plus bas de la capitale malienne, une passe se négociant autour de 5 000 F CFA (7,60 euros). Mais il ne faut pas se méprendre : si le troquet est tenu par un ressortissant chinois, les « fées », elles, sont africaines. Et si, comme partout, les Chinoises ont fait leur apparition, les filles les plus recherchées ont la peau blanche et viennent pour la plupart d’Ukraine. Ces escort-girls exercent le plus souvent en marge d’une activité salariée,

BAMAKO’S CONNECTION LA BRIGADE des mœurs malienne a recensé, de début 2013 au premier trimestre de 2014, 128 travailleuses du sexe déclarées par les tenanciers d’établissements (bars, discothèques, restaurants, hôtels…) où elles exercent à Bamako. Un chiffre stable par rapport aux années précédentes, et

sûrement en dessous de la réalité. Les Maliennes ne constituent que 5 % à 6 % de cet ensemble. La nationalité nigériane est la plus représentée, suivie par les nationalités guinéenne, ivoirienne, camerounaise, sénégalaise, béninoise, sierraléonaise et

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marocaine. Les femmes du royaume chérifien, très prisées, proposent les tarifs les plus élevés de la capitale. Si une partie des Nigérianes émigrent pour se prostituer en toute conscience, d’autres sont abusées par la promesse d’un travail dans la coiffure ou la restauration… avant d’être contraintes à la D.T. prostitution. l

EXEMPLES DE TARIFS DE PROSTITUÉES ÉTRANGÈRES Nationalité/ ville d’exercice

Prix moyen de la passe, en euros

Une Chinoise à Douala

22

Une Thaïlandaise à Johannesburg

20

Une Camerounaise à N’Djamena

15

Une Ukrainienne à Ouagadougou

76

Une Marocaine à Bamako

70 JEUNE AFRIQUE


Sexe 2.0

L’eldorado européen Des filières structurées se sont mises en place entre l’Afrique et l’Europe. Lorsqu’elles ne tombent pas aux mains des mafieux, ces femmes développent un business florissant.

p Les escort-girls exercent le plus souvent en marge d’une activité salariée.

faisant les beaux jours des établissements de nuit, notamment le Byblos et l’Appaloosa, qui se disputent leurs contrats. Ceux-ci, d’une durée qui n’excède pas six mois, comprennent une clause de non-concurrence empêchant les jeunes femmes d’aller travailler ailleurs au Mali, même à leur terme. Après quoi, soit elles rentrent chez elles, soit elles se rendent dans d’autres pays, notamment les Émirats arabes unis. VISA. « Elles sont payées environ 400 dol-

lars [autour de 310 euros] par mois pour inciter les clients à consommer. Leur présence attire des gens prêts à dépenser beaucoup d’argent. Les patrons ne se préoccupent pas de ce qu’elles font à côté. Pour nous, il n’y a pas de proxénétisme », explique un officier de police. Néanmoins, les mesures prises par la Direction de la police nationale pour durcir les conditions d’obtention d’un visa pour les Russes et les Ukrainiens s’inscriraient dans la lutte contre la traite d’êtres humains, sans que cela soit clairement affirmé. Car une étrange ambiguïté entoure le statut des femmes ukrainiennes. Bien qu’elles soient installées depuis longtemps au Mali, la brigade des mœurs assure n’en avoir jamais entendu parler… Circulez, il n’y a rien à voir. l DOROTHÉE THIÉNOT JEUNE AFRIQUE

TANYA BINDRA

L

ausanne, quartier de Sévelin. Dans que des familles ou des villages entiers les sous-sols d’un immeuble résise cotisent pour permettre à l’une des dentiel abritant une dizaine de leurs de s’envoler, dans l’espoir d’un salons, Irma et Dolly s’apprêtent retour sur investissement. à recevoir dans leur chambrette leurs Mais il y a aussi celles qui se premiers clients du soir. Prostituées débrouillent seules sur le web. Elles se camerounaises installées en Suisse disent en quête d’un mari apte à les depuis respectivement deux ans et six sortir de la misère. Les adresses interans, elles ont choisi de travailler dans net telles qu’affection.org pullulent de un salon de massage, propriété d’une profils d’Africaines. S’il y a des naïves, la plupart savent bien ce qu’elles font compatriote naturalisée suisse. Dans un et se retrouvent assez vite sur le trottoir pays où la prostitution est légale, elles ou sur des sites spécialisés. Toujours disent exercer en toute sécurité. C’était déjà le cas lorsqu’elles évoluaient dans selon la brigade des mœurs de Lausanne, l’une des deux rues fréquentées par leurs les passeports des filles voyagent égaconsœurs, entre 22 heures et 5 heures lement beaucoup, preuve qu’elles les du matin. Selon l’inspecteur Sylvain prêtent volontiers à des connaissances Lienhard de la brigade des mœurs de du pays désireuses de venir se prostituer. Lausanne, le Cameroun et le Nigeria À chaque interpellation, la police vérifie sont les deux pays les plus représentés qu’elle ne sont ni issues des réseaux dans le milieu de la prostide traite d’être humains, tution africaine: une dizaine ni recherchées, ni inscrites L’entourage de Camerounaises et huit au fichier des personnes Nigérianes arpentent quasi disparues. familial quotidiennement les rues élargi de Genève. Comme la loi FELLATION. Et il n’y a pas constitue l’un l’exige, toutes doivent être que la Suisse. Jeune quadra, des principaux Emmanuelle est arrivée en indépendantes et munies d’un permis de séjour. France il y a dix-sept ans réseaux Leur venue en terre helun visa de touriste. d’exportation. avec vète ? L’histoire d’une saine Aide-soignante la nuit émulation : une cousine est dans un hôpital d’Orange, revenueaupaysavecdessignesextérieurs dans le sud de la France, cette mère de de richesse après seulement neuf mois quatre enfants âgés de 18 mois à 16 ans d’absence. Pour Olivier Enogo, auteur déclare qu’elle se prostitue tous les jours d’un ouvrage sur les filières africaines de entre 14 heures et 17 h 30 pour arrondir la prostitution, l’entourage familial élargi ses fins de mois. À 30 euros la fellation, constitue l’un des principaux réseaux 50 euros la pénétration et 150 euros la d’exportation. Une connaissance aguersodomie, cette grande adepte de tontines rie ouvre la voie à la candidate en lui (système de prêt basé sur les relations présentant les bonnes personnes. En de confiance) n’est pas peu fière d’avoir période estivale, des Africaines – dont épargné en trois ans de quoi s’acheter des femmes mariées – se retrouvent ainsi sa petite entreprise de cinq salariés : un en France ou en Suisse et gagnent en salon de coiffure et de soins esthétiques deux ou trois mois l’équivalent de deux dans la ville où elle réside. Elle affirme années de revenus d’un couple. La filière ne rien regretter, elle qui est propriétaire est d’autant plus exploitée que, dans bien de son appartement à Orange et d’un des pays d’Afrique centrale et d’Afrique duplex dans sa ville natale de Banga, de l’Ouest, la prostitution n’est pas perçue au Cameroun. comme un fléau en soi mais comme un Mais si les « Suissesses cameroumoyen de subsistance. Il arrive ainsi naises » au look tapageur de sapeurs l l l N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

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Grand angle Prostitution

FABRICE COFFRINI/AFP

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p Alors que la Suisse est prisée par les Camerounaises, les Marocaines préfèrent les Pays-Bas.

congolais sont le groupe le plus visible et le plus souvent cité, la prostitution consentie concerne tous les pays. Les Marocaines trustent les Pays-Bas tandis que les Gabonaises et les Ivoiriennes occupent le sud de la France. Toutes redoutent la concurrence des Nigérianes et des Ghanéennes, qui cassent les prix. Elles sont réputées arriver par l’intermédiaire des « mamas », une particularité des filières africaines. Anciennes prostituées affranchies (elles ont réussi à acheter leur liberté en remboursant leur dette aux passeurs), les mamas « encadrent » les nouvelles recrues et les enferment moralement. Basées en Afrique ou en Europe, les mamas vantent leurs réseaux et se targuent de posséder des dizaines de passeports – souvent ceux de leurs obligées déjà établies en Europe –, qu’elles monnaient. Et aident à brouiller les pistes: les nouvelles recrues transitent par différents pays avant d’atteindre leur destination finale. Ici,eneffet,lesoupçondetraitehumaine n’est jamais vraiment très loin. À Paris, le Syndicat du travail sexuel (Strass), qui compteparmi ses adhérents des Africaines lll

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décomplexées, épanouies, refuse pourtant cette assimilation constante entre prostitution et exploitation. Pour Bug, porteparole de l’organisation, il est important de souligner que toutes les prostituées ne sont pas exploitées et qu’il y a moins d’exploitées que les chiffres officiels le prétendent.

arrive aussi de ne pas voir le moindre client passer pendant plusieurs jours. Bug sait que la plupart des prostituées effectuent un long périple à travers l’Europe avant de débarquer en France. Les plus douées peuvent espérer rejoindre la Suisse et les Pays-Bas, lieux qui font figure d’eldorado. Mais il ne s’agit pas d’une filière en or. Pour une ou deux « réussites », il y À DOMICILE. Il les estime en revanche a des dizaines d’histoires tristes, voire soumises à la pression de la police et de dramatiques, de récupération : arrivée l’État, en particulier quand elles sont en indépendante dans le en situation irrégulière. Ce métier grâce à son parcours qui pousse les Africaines à Grâce à conquérir de nouveaux termigratoire, une prostituée peut internet, ritoires grâce à internet : la ainsi se faire rattraper par des les femmes groupes mafieux lorsque ceuxNorvège et la Suède, par exemple, leur sont désormais conquièrent ci décèlent chez elle un fort accessibles, tout comme le (un chiffre d’affaires de nouveaux potentiel Canada. Internet influence honorable). Un « testeur » se territoires. aussi leur manière d’exercer. faisantpasserpourunclient est Selon Emmanuelle, on peut alors envoyé pour « l’évaluer ». prendre son temps car on reçoit à domiSi l’examen est concluant, tout est mis en cile. Cela va en revanche plus vite dans œuvre pour la soumettre. Commence la rue, ce qui permet de faire du chiffre. alors la descente aux enfers : blocage de passeport, maltraitance. Elle se retrouve, Certes, ses copines qui travaillent en bon gré mal gré, dans un réseau. l appartement gagnent parfois jusqu’à 800 euros quotidiennement. Mais il leur CLARISSE JUOMPAN-YAKAM JEUNE AFRIQUE


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Afrique subsaharienne

CAMEROUN

Marafa Hamidou Yaya « J’ai servi mon pays. J’en paie aujourd’hui le prix. » N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne Sa chute, l’ancien ministre d’État l’avait vue venir. Il a senti le vent tourner bien avant d’être arrêté. Depuis deux ans, il est le détenu le plus célèbre de Yaoundé. Mais du fond de sa cellule, il garde les yeux tournés vers l’avenir.

FRANÇOIS SOUDAN

C

À quoi occupez-vous vos journées en prison ?

et homme est le masque de fer le pluscélèbreduCameroun.À62ans, MarafaHamidouYaya,anciensecrétaire général de la présidence et ex-ministre d’État chargé de l’Administration territoriale, survit depuis deux ans et demi dans une cellule du secrétariat d’État à la Défense de Yaoundé. Ce qui fait de lui une personnalité beaucoup plus populaire aujourd’hui qu’il ne l’était lors de son arrestation n’est pas tant le fait qu’il clame son innocence – il n’est pas le seul, parmi les détenus de l’opération Épervier –, mais qu’il ait préféré faire face à la justice alors qu’il aurait eu l’occasion de fuir, ainsi que la qualité de sa production intellectuelle distillée sous forme de lettres ouvertes aux Camerounais, sorties clandestinement de prison et lues avec avidité. Nombreux sont ceux qui, au Cameroun et au sein de la diaspora, admirent la résilience de ce grand baron peul de Garoua, condamné à vingt-cinq ans de réclusion pour « complicité intellectuelle de détournement », même s’ils sont bien rares à avoir le courage de le dire publiquement. Qu’il soit ou non reconnu comme un embastillé de conscience victime d’une lettre de cachet importe finalement assez peu : alors que ses proches attendent sans illusions excessives le résultat de son pourvoi en cassation, Marafa continue de s’exprimer dès qu’il le peut sans rien renier de ses convictions, quitte à renforcer la détermination de ceux pour qui ses ambitions à peine voilées représentent un danger absolu. L’entretien qui suit a été recueilli par correspondance, sans autre but, on l’aura deviné, que de contribuer au débat sur le présent et l’avenir d’un pays qui, plus que jamais, doute de lui-même.

Je réfléchis et je travaille. Je demande aux rares personnes autorisées à me rendre visite de me résumer ce qui est dit dans les journaux, puisque la presse m’est interdite. Vous avez aussi écrit un livre. Comment est-ce possible ?

Ce livre, Le Choix de l’action, était en grande partie achevé quand j’ai été arrêté. C’est un projet que j’avais gardé confidentiel ; très peu de personnes étaient au courant. Aviez-vous compris, quand vous avez été limogé du ministère de l’Administration territoriale, que vous finiriez par être arrêté ?

J’avais conscience que c’était une possibilité avant même d’être exclu du gouvernement. N’avais-je pas dit à l’ambassadrice des États-Unis, Janet Garvey – et le contenu de cette conversation a été révélée par WikiLeaks –, que l’opération Épervier était une campagne d’épuration politique à laquelle je n’échapperais sans doute pas ?

Je n’ai pas voulu fuir à l’étranger. Je n’avais rien à me reprocher.

JEUNE AFRIQUE

DR

p À la sortie du tribunal de Yaoundé, le 16 juillet 2012. À l’issue de son procès, il sera condamné à vingt-cinq ans de réclusion pour « complicité intellectuelle de détournement ».

JEUNE AFRIQUE : Vous avez été hospitalisé à deux reprises à Yaoundé. Comment allez-vous ? MARAFA HAMIDOU YAYA: Intellectuellement et

mentalement, je vais bien, mais j’ai des problèmes respiratoires et ophtalmologiques qui s’aggravent. Mon état n’est pas compatible avec une incarcération, et les autorités le savent parfaitement. Cela dit, j’avais hâte de quitter l’hôpital, parce que ma seule présence perturbait les autres patients et le personnel. À chacun de mes séjours, l’établissement se transforme en forteresse, avec une cinquantaine de soldats armés jusqu’aux dents qui patrouillent dans les couloirs et sur les toits !

Pourquoi ne pas avoir tenté de quitter le pays ?

Beaucoup me l’ont conseillé, y compris à des niveaux insoupçonnés de l’État, mais je n’ai pas été tenté une seule seconde, parce que j’ai toujours servi mon pays avec droiture et que je n’ai rien à me reprocher. Je n’avais aucune raison de fuir, mais toutes les raisons de rester pour m’expliquer publiquement sur mon rôle dans l’affaire de l’avion présidentiel. De ce point de vue, le procès a été une bonne chose : les juges ont reconnu que je n’avais pas détourné ou reçu la moindre somme. Cela ne les a pas empêchés de me condamner à vingt-cinq ans de prison pour « complicité intellectuelle de détournement ». Mais tout le monde sait que je suis innocent et que je suis un prisonnier politique. Regrettez-vous d’avoir fait confiance à la justice?

Non. J’ai été condamné à tort par des juges sous pression. Ne valait-il pas mieux, puisque vous espérez succéder à Paul Biya, que vous soyez libre de vos mouvements ?

C’est vous qui dites que je suis candidat ! Pour l’instant, je suis seulement porteur d’un projet de N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

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Afrique subsaharienne Cameroun développement, de paix et d’équité qui s’appelle la Société de confiance. Le moment venu, c’est le peuple qui dira qui doit lui donner réalité. Par ailleurs, du fait de ma situation, ma voix s’est libérée. Je ne suis plus tenu à aucune solidarité gouvernementale. Je m’exprime en toute indépendance, en homme qui assume son passé.

J’ai formé un pourvoi contre ma condamnation et j’attends depuis deux ans, au lieu des six mois prévus par la loi, que la saisine soit vidée. Je rappelle que, après ma condamnation, mon successeur au secrétariat général de la présidence [Jean-Marie Atangana Mebara] a été condamné pour avoir détourné la somme que j’étais supposé

Selon certaines informations, Boko Haram recrute dans le nord du Cameroun. Cela vous semble-t-il possible ?

La rébellion du Nord est un fantasme. On cherche des boucs émissaires.

Comment pourrait-il en être autrement ? Si les jihadistes du Moyen-Orient parviennent à recruter en Occident, pourquoi les islamistes nigérians ne recruteraient-ils pas dans leur voisinage immédiat, dans un contexte de pauvreté et de désespoir ? Nous devons porter une attention particulière à ces jeunes qui sont tombés dans le piège de l’extrémisme. Ils ont appris le maniement des armes, ils ont peut-être tué. Que fera-t-on d’eux quand ils reviendront au pays ? Quelle est la situation dans le Nord, là où progresse Boko Haram ?

Ces régions, comme celles qui jouxtent la frontière avec la Centrafrique, ont été laissées à l’abandon ces trente dernières années. Aucun projet économique d’envergure n’y a vu le jour. Il y a des différences, bien sûr, et la situation n’est pas la même dans l’Adamaoua, qui est de plus en plus reliée au reste du Cameroun, que dans le Nord ou l’Extrême-Nord. Le Nord est une région qui pourrait être très riche, mais l’État n’exploite pas ce potentiel. L’Extrême-Nord, enfin, est la région la plus peuplée du pays, mais elle est complètement abandonnée à elle-même. Elle subit les affres de la sécheresse, des inondations, de la famine, des épidémies et d’un déficit de scolarisation… Pas étonnant que les jeunes soient sensibles aux sirènes de Boko Haram. Certains journaux vous ont accusé de fomenter une rébellion dans ces zones…

Descendu en flèche ! 1952 Naissance dans une grande famille peule de Garoua (Nord) 1984 Soupçonné d’avoir comploté contre Paul Biya, il est incarcéré pendant deux mois 1997 Est nommé secrétaire général à la présidence 2002

C’est faux. Cela fait plus de quinze ans que le nord du Cameroun est à la merci des coupeurs de route et des bandits. La tuerie de Kolofata, fin juillet, et l’enlèvement de l’épouse du vice-Premier ministre, du lamido de Kolofata et de sa femme nous mettent face à notre incapacité à assurer la sécurité dans la région. Alors que fait le pouvoir ? Il cherche des boucs émissaires. Il veut faire croire que notre modèle social et économique est si solide que l’islamisme radical ne peut s’y enraciner, que nos frontières sont si sûres que Boko Haram n’osera les franchir ! Mais la rébellion du Nord est un fantasme.

Devient ministre de l’Administration territoriale

Où en est l’affaire qui vous oppose à l’État du Cameroun et pour laquelle vous avez été condamné ?

Arrêté puis condamné à vingtcinq ans de prison

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2006 Début de l’opération de lutte anticorruption Épervier 2011 Limogé du gouvernement 2012

avoir dérobée ! Je rappelle aussi qu’un an après ma condamnation, l’avocat de l’État du Cameroun a tenu une conférence de presse à Yaoundé, au cours de laquelle il a reconnu que le litige portant sur l’acquisition de l’avion présidentiel avait fait l’objet d’un accord validé par la justice américaine. Cet accord a consacré l’indemnisation de l’État du Cameroun et a établi la renonciation par ce dernier à toutes poursuites et réclamations ultérieures relativement aux mêmes faits ! Votre assistante, Christiane Soppo, a été assassinée en janvier. Où en est l’enquête ?

Un Rwandais, réfugié au Cameroun, aurait été arrêté. Mais je maintiens que ce meurtre est un odieux assassinat politique. Le pouvoir s’honorerait à traduire les vrais meurtriers devant la justice, mais il n’osera pas le faire. L’enquête de votre journal sur la disparition de l’opposant Guérandi Mbara (lire J.A. no 2801) accrédite l’idée que des groupes d’individus forment des tribunaux occultes, rendent une justice parallèle dans le seul dessein de satisfaire des ambitions et des intérêts privés. Vous avez écrit, dans une lettre ouverte au chef de l’État, que vous craignez pour votre sécurité. Est-ce toujours vrai ?

Pourquoi croyez-vous que l’on m’accuse de préparer une rébellion ? Mon emprisonnement ne suffit pas. Il faut me faire taire définitivement. Mon assistante a été tuée à coups de machette. Un ancien opposant au régime a disparu. Les avertissements sont clairs pour tous. Vous avez été membre du gouvernement pendant près de deux décennies. Avez-vous des regrets ?

Je l’ai dit, j’assume mon passé. Au public de porter un jugement sur mon bilan, mais je suis convaincu qu’il me reconnaîtra au moins deux choses : la première, c’est que j’ai toujours eu pour seul guide l’intérêt général. Je n’ai pas servi le régime, j’ai servi le pays. La seconde, c’est d’avoir eu le courage de m’exposer, de contribuer à ma mesure à faire avancer le Cameroun, serait-ce sous l’autorité d’un président qui a fini par décevoir le pays. J’en paie le prix aujourd’hui. l Propos recueillis par GEORGES DOUGUELI JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne

TRIBUNE

Opinions & éditoriaux

La Côte d’Ivoire a la mémoire courte!

L ABDULAYE DUKULE

DOMINIQUE FAGET/AFP

Conseiller à la présidence du Liberia

E 18 SEPTEMBRE, LES NATIONS UNIES ont adopté une résolution appelant les pays de la sous-région à mettre fin à l’isolement qu’ils ont imposé aux pays affectés par le virus Ebola. Pourquoi? Parce que, pour acheminer les médicaments et l’aide à ceux qui en ont besoin, l’ONU et les États-Unis, qui vont déployer 3000 militaires et du personnel médical au Liberia, doivent pour l’instant utiliser les aéroports ghanéens et espagnols. Parce que, malgré les assurances des uns et des autres, la Côte d’Ivoire refuse toujours de décider de la réouverture de ses frontières et a choisi de prendre des mesures draconiennes disproportionnées, allant jusqu’à interdire l’entrée sur son territoire à toute personne ayant transité par la Guinée, la Sierra Leone et le Liberia. Le pays d’Houphouët-Boigny se place ainsi à la tête des pays les moins solidaires de la sousrégion. Pourtant, il y a tout juste deux semaines, j’ai personnellement aidé à faire évacuer des

p À Monrovia, début septembre.

Ivoiriens vivant au Liberia, en m’assurant qu’ils puissent passer les barrages et emprunter le vol de Royal Air Maroc qui a dû les faire transiter par Casablanca avant d’atterrir à Abidjan. Il y a trois ans, quand la rébellion utilisait le territoire libérien pour lancer des attaques contre la Côte d’Ivoire, le Liberia n’avait pas hésité à fermer ses frontières et à élaborer un dispositif de surveillance militaire qui a permis d’arrêter les chefs de guerre qui commanditaient les attaques. Nous les avons remis à la Côte d’Ivoire. La présidente Ellen Johnson-Sirleaf m’a envoyé comme chargé d’affaires àAbidjan, où j’ai organisé plusieurs rencontres entre officiels libériens et ivoiriens. Nous avons pu mettre en place une stratégie qui a marché et, aujourd’hui, il n’y a plus aucun élément au Liberia qui menace la Côte d’Ivoire.

JEUNE AFRIQUE

Il faut souligner aussi que si le virus Ebola a fait autant de victimes au Liberia, c’est parce que toutes les structures médicales du pays ont été détruites par la guerre meurtrière et destructrice que CharlesTaylor a menée depuis la Côte d’Ivoire, où il utilisait la ville de Danané comme base arrière, au vu et au su des autorités ivoiriennes. Sans cette guerre qui a détruit les institutions de notre pays et causé la mort de 300000 personnes, sans cette guerre qui a provoqué un exil massif des membres de la classe moyenne et des médecins, le Liberia aurait eu les moyens de faire face à l’épidémie. Mais, aujourd’hui, il y a plus de 3 000 médecins libériens réfugiés aux États-Unis, contre une centaine dans tout le pays. Je rappellerais aussi que, en 1993, j’avais accompagné le président Amos Sawyer chez Félix Houphouët-Boigny. À l’époque, toute la communauté internationale, y compris les ÉtatsUnis, l’ONU et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), nous avait encouragés dans cette démarche : si la Côte d’Ivoire fermait ses frontières à Charles Taylor, disait-on, la guerre au Liberia et en Sierra Leone prendrait fin. Lors d’un déjeuner auquel avait pris part le ministre des Affaires étrangères Amara Essy, Houphouët avait répondu qu’il ne pouvait pas fermer la frontière parce qu’il n’en avait pas les moyens, et aussi qu’il ne pouvait pas prendre la responsabilité de mettre des barrières entre des peuples qui vivent en harmonie depuis des siècles. Aujourd’hui, dans un geste de panique touchant à l’hystérie, la Côte d’Ivoire a été le premier pays à tourner le dos à ses frères libériens, guinéens et sierra-léonais. Ce n’est pas honteux, c’est simplement inhumain. C’est une vision myope et amnésique de l’Histoire. Ellen Johnson-Sirleaf, qui considère Alassane Dramane Ouattara comme l’un de ses meilleurs amis politiques, ne souscrirait pas à cette lettre, mais je ne peux m’empêcher de dire ces vérités, parce que la Côte d’Ivoire c’est aussi mon pays, et qu’il joue la politique de l’autruche. l N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

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Afrique subsaharienne

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RD CONGO

Ça déménage! Cela va bientôt faire un an que les Nations unies ont commencé à redéployer leurs fonctionnaires dans l’Est. Mais les faire venir n’a pas été une mince affaire. Et n’est pas sans conséquences.

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ymbole de la présence des expatriés des Nations unies, avec leurs privilèges, le « PX » de Kinshasa, un supermarché détaxé réservé au personnel onusien, a fermé ses portes le 30 août, après huit années de service. Ces derniers mois, les fonctionnaires onusiens s’étaient faits plus rares dans la capitale congolaise. Et pour cause: beaucoup ont été redéployés dans les régions de l’est du pays. C’est Goma, la grande ville du NordKivu, qui a hérité du nouveau siège de la Monusco et de la plupart de ses fonctionnaires. Ils sont désormais plus d’un millier à vivre sur la rive sud du lac Kivu, dans une province qui, depuis vingt ans, a vécu guerres et déplacements de population – sans compter les contingents militaires, déployés dans toute la région mais dont la base est à Goma. Au total, admet la Monusco, 95 % de ses Casques bleus et les trois quarts de ses civils sont désormais positionnés au Katanga, dans la Province-Orientale et dans les deux Kivus. La décision avait été prise en mars 2013 par le Conseil de sécurité. Quatre mois plus tôt, incapables d’empêcher la prise de Goma par les rebelles du Mouvement q Employés uruguayens sur les rives du lac Kivu, à Goma, en avril.

chefs de la Monusco sont ici et qu’ils réagiront vigoureusement en cas d’attaque. » Au-delà du considérable défi logistique (en l’absence de route reliant Kinshasa à Goma, le matériel lourd a dû être transporté par les airs), il a fallu affronter les réticences du personnel. « L’ONU est très bureaucratique, confirme Wafy. En quatorze années d’existence, elle avait pris ses aises à Kinshasa. Certains n’avaient pas envie de s’installer dans une zone instable, où l’état des routes et des réseaux d’eau et d’électricité laisse à désirer. Et puis, c’est une première étape avant un retrait total. Cela a fait réfléchir sur la pérennité des carrières… »

du 23-Mars (M23), les Casques bleus avaient une nouvelle fois été humiliés. Il était temps de prendre des décisions fortes pour montrer que l’ONU ne restait pas les bras croisés à Kinshasa. La plus importante fut la création de la Brigade d’intervention avec ses soldats sud-africains, malawites et tanzaniens. Dotée d’un mandat Au fil des années, l’ONU avait pris offensif inédit, elle allait ses aises à Kinshasa. Certains fournir un appui déterminant à l’armée congon’avaient aucune envie de bouger. laise pour venir à bout des rebelles. « Mais nous avions aussi besoin Une partie des expatriés a obtenu une de civils pour restaurer l’autorité de l’État mutation vers le Mali ou la Centrafrique, dans les zones reconquises », explique le où se créaient, au même moment, de nougénéral nigérien Abdallah Wafy, le chef velles missions promises à un long aveadjoint de la Monusco. Lui-même s’est nir. Mais c’est surtout chez les employés installé à Goma dès novembre 2013 pour locaux, dont les contrats ont été rompus, donner l’exemple. que les réactions ont été les plus vives. « Cela s’est mal passé, continue Wafy. PAR LES AIRS. Selon le gouverneur de Quand vous employez des gens depuis la province du Nord-Kivu, l’opération plus d’une décennie et que des liens se est un succès. « Le commandement s’est sont tissés, il est très difficile de les mettre rapproché du terrain, ce qui permet de à la porte du jour au lendemain. D’un prendre des décisions sans passer par autre côté, les gens de l’Est n’auraient pas Kinshasa, qui est à plus de 2 000 kilocompris que l’on arrive avec des employés mètres, affirme Julien Paluku. Et puis il kinois sans recruter chez eux. » y a eu un effet dissuasif sur les groupes Et lorsque la Monusco, avec son budarmés : maintenant, ils savent que les get annuel de 1,4 milliard de dollars

La Monusco, c’est : • 21 187 militaires • 4 404 civils, dont 2 964 employés locaux • Pour un budget annuel de 1,398 milliard de dollars

SYLVAIN LIECHTI/MONUSCO

• Créée en 1999 sous le nom de Mission des Nations unies en RD Congo (Monuc), son mandat court jusqu’au 31 mars 2015.

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JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne (1 milliard d’euros), se déplace, c’est un pan de l’économie congolaise qui voyage. À Kinshasa, la disparition des salaires des fonctionnaires expatriés, qui avoisinent fréquemment les 10 000 dollars par mois, a forcément des retombées locales: employés de maison et chauffeurs se retrouvent sans emploi, tandis que les restaurants, bars et boîtes de nuit ont vu leurs recettes diminuer. A contrario, « la fin de la guerre et l’arrivée des employés de l’ONU font que le Nord-Kivu connaît en ce moment un véritable boom économique, affirme le gouverneur Paluku. Nos recettes fiscales ont triplé au cours du premier semestre 2014, passant de 5 à 15 millions de dollars par mois. » Ihusi, l’hôtel le plus emblématique de la ville, fait construire un nouveau bâtiment de plusieurs étages, à deux pas du camp de la Monusco. BELLES VILLAS. Mais cette arrivée a aussi

des effets pervers à Goma : les prix des maisons confortables du centre-ville ont flambé – comptez désormais 2500 dollars par mois. « Il y a parfois des manifestations hostiles à la Monusco, reconnaît Paluku. On l’accuse de profiter du conflit. Mais les habitants ont tendance à tout attendre des organisations internationales. S’ils subissent des coupures d’eau ou d’électricité, ils vont le leur reprocher, alors que cela relève de la responsabilité de l’État. » À Kinshasa, de belles villas se sont vidées, et leurs loyers redeviennent abordables. Seuls les services en contact permanent avec le gouvernement congolais (le département des affaires politiques notamment) sont restés. Même les deux unités de police stationnées dans la capitale ont été envoyées dans l’Est. Alors que les échéances électorales approchent, avec le risque de tension qui y est associé dans cette ville frondeuse, le moment était-il opportun ? « Personne n’imagine que nous quittions le pays avant au moins 2016 [date théorique de la prochaine présidentielle], répond Wafy. Nous avons gardé des antennes dans tout l’Ouest pour nous tenir informés et faciliter un redéploiement si nécessaire. » En tout cas, « le pouvoir n’est pas mécontent de voir les 4×4 de l’ONU s’éloigner, assure un diplomate européen. À Kinshasa, la Monusco est appréciée quand elle fournit un soutien militaire et logistique. Beaucoup moins lorsqu’elle se montre critique sur la démocratie ou les droits PIERRE BOISSELET de l’homme. » l JEUNE AFRIQUE

LIBERIA

Bloody Martina Martina Johnson était l’un des lieutenants de Charles Taylor. Elle vient d’être inculpée en Belgique pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

C

est à Gand, en Belgique, au NPFL, sont systématiquement que Martina Johnson pris pour cible. s’était installée. Là qu’elle Les années passent. En 1997, vivait paisiblement Charles Taylor remporte la présiavec son mari, un Belge d’origine dentielle et lui confie la sécurité de libérienne. Là qu’elle a été arrêtée, l’aéroport international de Monrovia, le 17 septembre, et inculpée pour véritable point d’entrée des armes des crimes de guerre et des crimes dans le pays. Six ans plus tard, la guerre contre l’humanité commis au Liberia redémarre. Taylor s’exile au Nigeria et en 1992. La plainte déposée contre elle Johnson disparaît des écrans radars. par trois Libériens en 2012 évoque des meurtres de masse et des mutilaOBSTINATION. La première fois que tions… À l’époque, Martina Johnson son nom ressurgit, c’est en 2009. Il n’avait que 22 ans mais avait déjà figure sur la liste des plus grands développé, selon les témoignages criminels de guerre établie par la recueillis à Monrovia, un art certain Commission Vérité et Réconciliation de la cruauté. – laquelle estime aussi que le NPFL En 1992, cela fait deux ans que le est, à lui seul, responsable de près président Samuel Doe a été assasde 40 % des violations des droits de siné. Charles Taylor, Prince Johnson l’homme recensées à l’époque. Mais et tout un tas de chefs de guerre se Martina Johnson n’est pas inquiétée disputent le pouvoir tandis que les et peut émigrer en Belgique. Il faudra morts s’amoncellent. toute l’obstination d’un homme, Hassan Bility Martina Johnson est En 1992, elle (un ancien journaliste l’une des rares femmes n’a que 22 ans libérien jeté en prison à appartenir à la garde et a déjà rapprochée de Taylor. et torturé sous Charles Elle dirige une unité d’arTaylor, et aujourd’hui développé, au tillerie du Front national à la tête du Global sein du NPFL, patriotique du Liberia Justice and Research un art certain (NPFL, en anglais). S’estProject, à Monrovia) elle livrée à des actes de et d’une association de la cruauté. cannibalisme ? A-t-elle suisse, Civitas Maxima (son directeur, Alain Werner, s’est elle-même émasculé ses ennemis, fait connaître en travaillant pour le comme l’ont écrit certains journaux ? Une chose est sûre : elle ne fait pas bureau du procureur dans le procès de quartier. de Charles Taylor) pour que la justice Surtout, Charles Taylor lui fait s’intéresse enfin à Martina Johnson. confiance. Elle est en première ligne Le symbole est d’autant plus fort lors de l’opération Octopus – l’assaut que la Cour pénale internationale n’a donné contre Monrovia restera l’un jamais paru s’intéresser au Liberia des épisodes les plus sanglants de et à ses 200 000 morts, pas plus que l’histoire de la première guerre du l’ONU n’a manifesté la volonté de Liberia. Des témoignages la placent créer un tribunal ad hoc, sur le modèle aussi sur les lieux du massacre de six du Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL). Et si Charles Taylor religieuses américaines à Monrovia (Charles Taylor a toujours nié la resest aujourd’hui derrière les barreaux, ponsabilité du NPFL dans cet événec’est pour sa responsabilité dans des ment). Sa présence est signalée aux crimes commis en Sierra Leone, pas check-points où les Mandingues et les au Liberia. Là-bas, tout reste à faire. l Krahns, considérés comme hostiles ANNE KAPPÈS-GRANGÉ N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

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Afrique subsaharienne SÉNÉGAL

Il était un petit navire… Le 12 août, le Sea Soul 1 et sa cargaison d’armes ont coulé au large de Dakar. Mais depuis que l’équipage a été inculpé, l’enquête piétine. Qui donc, au Mali, devait réceptionner la précieuse cargaison?

C

est une histoire un peu curieuse et qui, depuis quelques semaines, agite Dakar et Bamako. L’histoire d’un navire chargé d’armes, dont on ne sait pas trop à qui elles étaient véritablement destinées, mais dont on est sûr qu’il a sombré. Parti du port de Jebel Ali, aux Émirats arabes unis, en mars, avec escales au Soudan et en Turquie, le Sea Soul 1 n’était pas tout jeune. Il avait été racheté en 2012 par une société roumaine après six changements de main et presque autant de pavillons – une jolie performance, affirment les connaisseurs. Le 9 août, il arrive donc à Dakar. Le port est bondé, le navire doit amarrer à proximité. Trois jours plus tard, il coule. Les marins, égyptiens et indiens, ont-ils délibérément sabordé le navire, comme tend à le croire la justice sénégalaise ? Ont-ils paniqué ou obéi aux ordres de l’armateur? Ils nient être responsables du naufrage, mais, d’abord entendus comme témoins, ils finissent par être inculpés

début septembre pour sabotage et trafic international d’armes. Qu’est-ce qui pose problème aux douanes sénégalaises ? Le fait que le capitaine du navire n’ait pas pu justifier « la détention régulière » de la cargaison, le 10 août. Le procès-verbal dressé à la suite de cette visite mentionne notamment « 8000 fusils de chasse, 379 kg de poudre explosive et 20 276 000 cartouches ». SURPLUS. Il y a, dans cette affaire, beaucoup de zones d’ombre et de rumeurs. On ignore où les armes (des surplus de l’armée irakienne) et les munitions (fabriquées par la société turque Turaç) ont été chargées. Une source sénégalaise affirme aussi que des lance-roquettes figureraient parmi ce qui était censé n’être que des « armes de chasse ». Quant à l’ambassade turque à Bamako, elle assure n’avoir aucune information officielle sur cette cargaison. Une certitude : les conteneurs devaient être acheminés jusqu’au Mali. Mais étaient-ils promis à un groupe rebelle du Nord, bien que ceux-ci aient

– les événements de ces deux dernières années l’ont prouvé – plutôt d’autres circuits d’approvisionnement ? Devaientils soutenir un coup d’État fomenté par des sympathisants de l’ancien capitaine putschiste Sanogo, comme l’ont un temps cru des diplomates en poste à Bamako ? Étaient-ils destinés à l’armée régulière ou à une milice progouvernementale ? À Bamako, on assure que le gouvernement n’a rien à voir dans cette affaire (une source sécuritaire malienne a pourtant confié à Jeune Afrique que la commande avait bien été passée pour le compte du ministère de la Défense). Officiellement, le chargement était destiné à un particulier, Abdoul Aziz Mangané, le PDG de Carma Mali – un armurier régulièrement sollicité parlegouvernementpourfournirlesforces de sécurité en armes de petit calibre et en munitions. Détail troublant: ce n’est pas la première fois qu’il perd de la marchandise. En 2009, ses locaux bamakois avaient entièrement brûlé. Cette fois-ci, ce sont 2 milliards de F CFA (3 millions d’euros) qui auraient disparu avec le Sea Soul 1. Mangané pourra, en tout état de cause, compter sur la diligence du gouvernement malien, qui, pour une histoire a prioriprivée,aenvoyéàDakarunemission interministérielle, mi-septembre. Elle était composée de représentants des ministères de l’Équipement, de la Défense, de la Justice, du Commerce, et des Douanes. Pas moins. l DOROTHÉE THIÉNOT

Bamako dit ne pas être concerné, mais a envoyé une délégation interministérielle au Sénégal.

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JEUNE AFRIQUE


Coulisses

Afrique subsaharienne

Drôle de conférence de presse que celle qu’ont tenue, le 24 septembre à Accra, Asamoah Gyan, l’ancien attaquant du Stade rennais, et son frère Baffour, footballeur également. Soupçonnés de magie noire, accusés par une rumeur tenace d’avoir sacrifié, au cours d’un rituel, leur ami rappeur Theophilus Tagoe, dit Castro, et sa compagne, disparus en mer le 6 juillet dernier, ils ont assuré n’y être pour rien. « Nous ne portons aucune culpabilité morale ou juridique, ontils affirmé. Nous n’avons pas la moindre idée de ce qui leur est arrivé. » Pendant plusieurs semaines, la presse locale s’est plu à insinuer le contraire, sousentendant qu’Asamoah et Baffour avaient cherché à relancer leur carrière. Le chiffre

113 millions C’est le nombre de faux médicaments qui ont été saisis par l’Organisation mondiale des douanes. C’est beaucoup, surtout lorsque l’on sait que c’est ce qui a été récupéré au cours d’une seule opération et que, menée dans quatorze pays d’Afrique, celle-ci a duré moins de dix jours. C’est au Bénin, en RD Congo et en Tanzanie que la « pêche » a été la meilleure.

JEUNE AFRIQUE

PHIL MOORE/AFP

GHANA ELLE COURT, ELLE COURT, LA RUMEUR…

RD Congo Sur un petit nuage C’est aux États-Unis qu’Akon s’est fait un nom, mais la star du hip-hop n’oublie pas son continent d’origine. Le 21 septembre, il est monté sur scène à Goma, dans l’Est, pour un concert donné à l’occasion de la Journée internationale de la paix (photo) : « Je suis africain. Ma mère, mon père, ils sont tous nés en Afrique [au Sénégal]. Nous, les enfants de la diaspora, nous nous devons de soutenir notre communauté. » l

Nigeria Et pour quelques dollars de plus

OUGANDA SIMPLE COMME UNE APPLI

Au départ étaient trois valises, trois belles valises bourrées de billets de 100 dollars (78 euros). Elles sont arrivées, le 5 septembre, à bord d’un jet privé à l’aéroport Lanseria de Johannesburg. Les hommes qui les transportent (deux Nigérians et un Israélien) viennent tout droit de Lagos et choisissent de ne pas se signaler auprès des douanes sud-africaines. La police s’en aperçoit, saisit le précieux chargement et commence à compter : il y en a pour 9,3 millions de dollars ! L’affaire ne tarde pas à être ébruitée. L’opinion publique nigériane s’en émeut, s’interroge sur la provenance de l’argent, crie à la corruption et

L’application n’est pour l’instant qu’à l’essai dans trois districts du pays. Mais elle paraît déjà promise à un bel avenir. Son nom ? Action for Transparency (A4T). L’idée est de faire reculer la corruption en donnant à la population des informations très concrètes sur les fonds censés être alloués à des centres de santé ou à des écoles près de chez eux. Et s’ils voient, par exemple, que l’ambulance annoncée n’arrive jamais, il leur suffit alors d’appuyer sur le bouton alerte de l’application. L’info est ensuite transmise aux autorités concernées.

réclame l’ouverture d’une enquête. Tout laisse à penser que c’est le gouvernement lui-même qui cherchait à acheter des armes en Afrique du Sud. Résultat, le 23 septembre, c’est au tour du Parlement de s’en mêler et d’exiger des explications. En vain… Furieux de se voir opposer le secretdéfense, 50 députés, membres de l’opposition pour la plupart, ont donc bruyamment quitté l’hémicycle. Le Sénat a, le même jour, ouvert une enquête et promis de tenir le public informé de ses découvertes, via sa Commission de défense. Quant à l’argent, il a été déposé à la Banque centrale d’Afrique du Sud.

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Côte d’Ivoire Air, terre, mer :

renforcer la compétitivité de l’économie ivoirienne

En deux ans, la Côte d’Ivoire a mobilisé des investissements massifs pour construire des routes, des autoroutes et des échangeurs. Elle modernise ses ports, ses aéroports et ses liaisons ferroviaires. Des travaux prioritaires pour consolider son dynamisme économique et développer ses liens avec les pays voisins.

2 000 kilomètres d’autoroute en 2030

Plateforme du commerce maritime ouest-africain

Abidjan et Yamoussoukro, les deux plus grandes villes de Côte d’Ivoire, sont désormais reliées par une autoroute flambant neuve de 230 km, grâce à l’entrée en service de la section Singrobo-Yamoussoukro, sur près de 100 km, et à la réhabilitation du tronçon Abidjan-Singrobo, réalisé en 1981. La Côte d’Ivoire dispose de 6 500 km de routes bitumées et travaille à l’extension de son réseau jusqu’aux frontières des pays voisins. C’est ce que reflètent notamment les travaux de réhabilitation de l’axe Abengourou-Adzopé, à la frontière du Burkina-Faso, lancés en avril 2014. Près de 1 500 nouveaux km d’autoroutes seront construits dans les 15 prochaines années.

Le Port autonome d’Abidjan (PAA), premier d’Afrique de l’Ouest et second du continent, après Durban, en Afrique du Sud, réunit 70 % des activités industrielles du pays. Il représente 90 % des recettes douanières et 60 % des revenus de l’État. Son trafic, qui avait chuté à 5,99 millions de tonnes en 2011, il est remonté à 11,2 millions de tonnes dès 2012.

Des ponts pour fluidifier le trafic

De nombreux ponts sont en train d’êtres réhabilités ou construits. Le plus emblématique est sans conteste le « 3 e pont d’Abidjan ». Annoncée dès 1996, sa construction n’a pu démarrer qu’en septembre 2011. Long de 1 500 mètres, reliant deux quartiers très dynamiques de la capitale économique, le pont Henri Konan Bedié entrera en service en décembre 2015, comme ceux de Jacqueville, à l’ouest d’Abidjan, et de Bouaflé, à l’ouest de Yamoussoukro.

Doubler la capacité d’accueil de conteneurs

Le PAA traite 90 % du commerce extérieur de la Côte d’Ivoire et 70 % des échanges des pays voisins enclavés. La construction en cours d’un second terminal à conteneurs va lui permettre de doubler

© VINCENT FOURNIER/J.A.

COMMUNIQUÉ


sa capacité et de renforcer sa position de plateforme de commerce maritime de première importance. L’investissement réalisé dans le cadre d’un partenariat public-privé (PPP) avec le consortium Maersk/Bolloré/ Bouygues est d’environ 500 millions de dollars. En parallèle, des travaux de modernisation du port de pêche d’Abidjan ont démarré en juin 2014. Un investissement de 29 milliards de F CFA sur deux ans. ●

San Pedro : futur géant

Le Port autonome de San Pedro (PASP) est aujourd’hui le premier exportateur de cacao au monde. En lien avec l’exploitation des richesses minières dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, plusieurs développements sont prévus, pour un investissement de près de 600 millions de dollars. Les travaux comprendront notamment la construction d’un nouveau terminal à conteneurs, la viabilisation du domaine portuaire et la construction d’un dépôt de stockage d’hydrocarbures. Plusieurs partenaires sont sur les rangs pour participer à la construction d’un quai minéralier, relié par chemin de fer à la région minière de Man.

© NABIL ZORKOT / J.A.

CÔTE D’IVOIRE > AIR, TERRE, MER

Bus électrique, bateau-bus et train urbain L’une des métropoles les plus dynamiques d’Afrique, Abidjan prend à cœur d’améliorer et fluidifier ses transports urbains. Les trois nouveaux ponts qui entreront en service à la fin de l’année y contribueront largement, s’ajoutant à la première ligne de bus électriques de Côte d’Ivoire, inaugurée sur le campus de l’Université de Cocody en octobre 2013. Sur la lagune autour de laquelle se déploie la ville, 45 bateaux-bus entreront prochainement en service grâce à un investissement de 20 milliards de F CFA de l’entreprise turque Yildirim et d’une homologue ivoirienne. À plus long terme, un train urbain entrera en service, transportant 300 000 personnes par jour. Des négociations exclusives sont en cours avec un consortium franco-coréen pour sa construction. D’un coût estimé à un mil-

De nouveaux travaux d’extension de l’aéroport Félix Houphouët Boigny d’Abidjan ont été lancés en mars 2014. Ils portent sur l’extension de l’aérogare de fret et la construction d’un terminal d’arrivée. L’objectif est de faire de cet aéroport, qui accueille déjà plus de deux millions de passagers et une vingtaine de compagnies aériennes, desservant plus de 35 destinations dans le monde, l’une de plateformes de transport aérien les plus performantes en Afrique subsaharienne. C’est dans cette perspective que le pays, en partenariat avec Air France et le Fonds Aga Khan, a créé la compagnie Air Côte Ivoire en mai 2012. D’autres projets en cours prévoient la création d’une académie de métiers de l’aviation et de la météorologie à Abidjan, ainsi que la modernisation et l’extension de 15 aéroports à travers le pays, à commencer par ceux de Yamoussoukro et de San Pedro, pour un coût total de 95 milliards de F CFA.

liard de dollars, les travaux dureront environ sept ans.

Nouvelles liaisons ferroviaires Abidjan et Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, sont aujourd’hui reliées par une voie ferrée de 1 156 kilomètres. Exploitée par la société Sitarail, elle joue un rôle économique déterminant dans les échanges économiques entre les deux pays. Des négociations sont en cours pour réunir un investissement de 230 millions de dollars permettant de la moderniser. Une deuxième liaison ferroviaire est en projet. Elle relierait San Pedro et Man, au cœur de la région minière, pour un investissement qui devrait dépasser le milliard de dollars.

DIFCOM_CREAPUB © R. VAN DER MEEREN/LES ÉDITIONS DU JAGUAR SAUF MENTION

Un aéroport international au service de l’Afrique de l’Ouest


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Maghreb & Moyen-Orient

p Mustapha Kamel Nabli arrivant à l’Instance supérieure indépendante pour les élections pour déposer son dossier de candidature, le 17 septembre, à Tunis.

TUNISIE

MKN et l’âge Grand favori de la présidentielle du 23 novembre, Béji Caïd Essebsi, qui va sur ses 88 ans, devra en découdre avec un nouveau rival : l’ex-gouverneur de la Banque centrale. SAMY GHORBAL, N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

envoyé spécial à Tunis

L

annonce, le 17 septembre, de l’officialisation de la candidature de Mustapha Kamel Nabli (MKN) à l’élection présidentielle a mis en émoi le Landernau politicomédiatique tunisien. Elle est intervenue après une semaine de vives frictions avec l’entourage de Béji Caïd Essebsi (BCE), le leader de Nida Tounes, grandissime favori du scrutin du JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient Nabli place sa candidature sous le signe de l’intérêt national et du redressement de l’État. « La présidence de la République est une institution qui a perdu beaucoup de prestige. Elle était, sous l’ancien régime, l’otage des coteries et des clans. Depuis les élections de 2011, elle a été mise au service des intérêts partisans et des influences étrangères », dit-il, en visant implicitement le président provisoire, Moncef Marzouki. « Il est difficile de ne pas faire un lien entre la désacralisation de la fonction et la profusion de candidatures plus ou moins farfelues [lire encadré]. Il est urgent de restaurer la crédibilité de cette institution, symbole de l’État. » Nabli, qui revendique son indépendance vis-à-vis des partis, s’estime le mieux placé pour le faire : « Ce qui a le plus pesé dans ma décision, c’est lorsque j’ai réalisé que les législatives du mois d’octobre pouvaient déboucher sur un Parlement très fragmenté. Les coalitions gouvernementales risquent d’être instables, et l’instabilité politique pourrait s’ajouter à l’instabilité économique et sécuritaire. À mon sens, l’institution présidentielle, si elle est occupée par une personnalité au-dessus des partis, peut être à même d’offrir un peu de stabilité dans ce paysage d’incertitude. »

Bio express 1948 10 février, naissance à Téboulba 1988-1990 Préside la Bourse de Tunis 1990-1995 Ministre du Plan et du Développement régional 1995 Démission 1997 Directeur Afrique du Nord et Moyen-Orient à la Banque mondiale 2011 Gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT)

« SACRIFIÉ ». Économistechevronné,diplômédela

2014 Candidat à la présidentielle du 23 novembre

du capitaine 23 novembre. Peut-elle lui faire de l’ombre ? C’est ce qu’espèrent les soutiens de l’ancien gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), qui vise une place au second tour. Les proches de Nabli, 66 ans, n’ont pas hésité à appuyer là où cela fait mal, en rendant public un certificat médical signé par trois médecins de l’hôpital militaire, manière de souligner, en creux, les doutes récurrents sur l’état de santé de BCE, qui va sur ses 88 ans… JEUNE AFRIQUE

ILYESS OSMANE

2012 Démis de ses fonctions par le président Moncef Marzouki

prestigieuseUCLA,enCalifornie,MKNaétéministre du Plan et du Développement régional entre 1990 et 1995, avant de rejoindre la Banque mondiale, à Washington, comme directeur Afrique du Nord et Moyen-Orient. Il est revenu en Tunisie après le départ de Ben Ali, en janvier 2011, pour devenir gouverneur de la BCT. Son profil de technocrate, rodé au fonctionnement des institutions internationales, lui permet de restaurer un minimum de confianceet d’éviterunefuitedescapitauxetuneffondrementdu dinar, la monnaie tunisienne. Mais il est « sacrifié » en juillet 2012, au terme d’une séquence invraisemblable. Humilié par l’extradition vers la Libye d’un ancien Premier ministre de Kadhafi qui avait trouvé refuge en Tunisie (Baghdadi Mahmoudi), le président Moncef Marzouki exige et obtient la tête de Nabli pour laver l’affront. Hamadi Jebali, le Premier ministre islamiste d’alors, qui avait signé le décret d’extradition de Mahmoudi contre l’avis du président, refuse, avant d’obtempérer finalement. MKN était le bouc émissaire parfait. Ancien ministre de Ben Ali, Sahélien, étiqueté « libéral » et dépeint, à grand renfort de démagogie, comme « l’homme de la Banque mondiale et du FMI », il symbolisait tout ce que Marzouki et ses partisans exècrent le plus. Poussé à son corps défendant dans l’arène politique, l’ancien gouverneur se découvre un tempérament offensif et des ambitions. Il cultive ses réseaux et se rapproche de Nida Tounes, la formation de BCE, mais sans y adhérer formellement. Quand la rumeur de sa candidature à la présidentielle commence à prendre corps, au N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

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Maghreb Moyen-Orient Tunisie printemps 2014, beaucoup d’observateurs croient que MKN pourrait être « le candidat masqué » de Nida, dans l’hypothèse où BCE n’irait pas en raison de son âge. D’autres, tout aussi nombreux, doutent ouvertement de son envie d’aller au bout, et s’imaginent qu’il veut faire monter les enchères pour négocier la primature ou un beau maroquin ministériel en échange de son désistement. L’entourage des deux hommes est pourtant formel : il n’y a jamais eu ni tractations ni deal. En réalité, BCE et MKN sont objectivement en compétition, car ils se disputent le même segment électoral : les modernistes de la classe moyenne, attachés à la civilité de l’État, exaspérés par la gouvernance des islamistes et de leurs alliés du Congrès pour la République (CPR) et d’Ettakatol, et aspirant au retour à une certaine forme de pragmatisme tant politique qu’économique. Leur profil les classe plutôt à droite, mais les deux candidats bénéficient l’un et l’autre de soutiens venus de la gauche : une fraction de la gauche syndicale et indépendante, pour BCE, la gauche intellectuelle bourgeoise, proche d’Al-Massar, l’ex-Parti communiste, pour MKN. Mais les ressemblances s’arrêtent là. Caïd Essebsi est un animal politique, qui dispose d’une force de frappe militante impressionnante, avec entre 70000 et 100000 membres revendiqués pour Nida Tounes. Nabli est un outsider indépendant, engagé dans une course contre la montre pour être prêt le jour J, le 1er novembre, date du démarrage de la campagne officielle.

Les deux hommes se disputent le même électorat : les modernistes de la classe moyenne.

ÉQUIPE DE CHOC. Installée dans une spacieuse villa du quartier de Mutuelleville, à Tunis, son équipe de campagne a des allures de start-up. Une quarantaine de permanents s’y activent, sous l’égide de Ziad Miled, le directeur de campagne, une ancienne tête pensante d’Ettakatol, passé avec armesetbagagesàl’oppositionenjanvier2013.Najla Chaar,ex-directricedelacommunicationd’Ooredoo (anciennement Tunisiana, télécommunications),

supervise la communication du candidat, qui bénéficie des conseils personnalisés d’Amel Smaoui, journaliste, ancienne directrice des programmes de la radio Shems FM et de Telvza TV. L’équipe politique de Nabli compte des transfuges de Nida Tounes, comme Noureddine Ben Ticha ou Tahar Belhassine. On y croise aussi des figures de la gauche, comme Maher Hnine (Al-Massar) et Kamel Jendoubi,l’ancienprésidentdel’Instancesupérieure indépendante pour les élections (Isie). Enfin, il y a celui qu’on ne voit jamais mais dont tout le monde parle:KamelEltaïef,unsulfureuxlobbyistequipasse pour être la personnalité la mieux « réseautée » de Tunisie. Intime de Zine el-Abidine Ben Ali, cet homme d’affaires a fait la pluie et le beau temps entre 1987 et 1992, avant d’être mis sur la touche par Leïla Trabelsi, la seconde épouse de l’ex-président. Il est redevenu incontournable en janvier 2011, et son influence, réelle ou supposée, alimente depuis tous les fantasmes du microcosme. Eltaïef a prêté main-forte à BCE, mais est aujourd’hui en froid avec le leader de Nida Tounes… Ces appuis peuvent-ils faire pencher la balance? « Mustapha Kamel Nabli a une bonne image auprès des élites, mais n’a pas d’assise populaire, contrairement à BCE, qui dispose d’une équation personnelle très forte », tempère un spécialiste de l’opinion. Du côté de Nida Tounes, on affecte une sérénité agacée. « Nous n’avons pas de temps à perdre avec ces polémiques, assène Saïd Aïdi, tête de liste du parti dans la circonscription de Tunis 2. Personnellement, j’ai trouvé le procédé du certificat médical mesquin et peu élégant. Il ne ressemble vraiment pas au Mustapha Kamel Nabli que j’ai connu. Et cela pourrait le desservir au final. Sa candidature ressemble pour l’instant à une bulle médiatique. » En privé, certains cadres de Nida avouent redouter davantage l’impact d’un Mondher Zenaidi, ancien ministre de Ben Ali (lire J.A. nº 2795), qui disposerait de plus de relais auprès de certaines bases populaires. l

LE PAYS OÙ TOUT LE MONDE VOULAIT ÊTRE PRÉSIDENT

C

’est un record mondial dont lesTunisiens se seraient bien passés, qui renvoie l’image d’une classe politique infantile, immature et avide : 75 candidats se sont déclarés pour la présidentielle du 23 novembre. Même si une vingtaine, au minimum, sera invalidée par l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie), la Tunisie a toutes les chances de détrôner le Mali au Guinness Book des records N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

de la politique (37 candidats avaient brigué la magistrature suprême en 2013). Les conditions posées par la loi électorale – 10 parrainages de constituants ou 10 000 signatures de citoyens – n’ont manifestement pas découragé les prétendants. Presque tous les ténors seront de la partie, à commencer par les anciens opposants à Ben Ali, écartés de la course en 2009 par un amendement constitutionnel sur mesure (Ahmed Néjib

Chebbi, Hamma Hammami et Mustapha Ben Jaafar). Le président provisoire Moncef Marzouki tentera de rempiler. Mais tous devront partager l’affiche avec des candidats indépendants, à la notoriété confidentielle, des hommes d’affaires douteux, des hurluberlus plus ou moins sains d’esprit (Moufida Amdouni), un islamopédophile revendiqué (Bahri Jelassi, partisan de la polygamie et du mariage des fillettes de 13 ans), ainsi

qu’avec l’ancien avocat de BelhassenTrabelsi, frère de l’ex-première dame honnie, Mehrez Boussayene ! Un seul poids lourd manquera à l’appel : Hamadi Jebali, l’ancien Premier ministre, qui a renoncé devant le manque d’enthousiasme et les calculs alambiqués de ses (ex ?) camarades d’Ennahdha. Ce n’est pas le moindre des paradoxes de cette élection décidément bien singulière. l S.GHO. JEUNE AFRIQUE


C O N F É R E N C E D E S N AT I O N S U N I E S S U R L E C O M M E R C E E T L E D É V E L O P P E M E N T

FORUM MONDIAL DE L’INVESTISSEMENT 2014 INVESTIR DANS LE DÉVELOPPEMENT DURABLE

13–16 OCTOBRE 2014 – GENÈVE, SUISSE

LE FORUM MONDIAL DES ACTEURS DE L’INVESTISSEMENT Forte pertinence: des soolutions d’invvestissem ment pour relever lees défifiss du dévelooppement durable Haut niveau: chefs d’Etat, dirigeannts d’eentreprises et d’oorganissations internationales, leadders d’oopinion et exxpertts de l’inveestisssem mennt Large béénéficce: opportunités de nettworkking et couverture médiatique mondiale Hautte valeur ajoutée: aucuun frais de participation Voirir pro Vo rogr gram gr amme am me et in insc scririript sc ptio pt ionn su io sur: r: ht http tp:/ ://unctadd-worl rldi dinv nves nv estm es tmen tm entf en tfou tf ourm ou rm.o rm .org .o rg//. Or rg Orga gani ga nisé ni sé par la CN CNUC UCED ED. Pour plus d’info Po form fo rmatio ions ns, me ns merc rcii de con rc onta tact ta cter ct er la Division on de l’l’in inve in vest ve stis st isse is seme se ment me nt et de dess en entr trep tr epri ep rise ri sess: wi se wif@ f@un f@ unct ctad ad.o ad .org rg.. rg


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Maghreb Moyen-Orient ISRAËL-PALESTINE

Quarante-trois hommes en colère Des réservistes du renseignement militaire israélien dénoncent les méthodes d’espionnage pratiquées par l’État hébreu. Et condamnent, en filigrane, la poursuite de l’occupation.

«

T

out au long de l’opération, j’ai accompagné plusieurs équipes engagées dans la collecte et l’analyse de renseignements sur des cibles dans la bande de Gaza – qu’il s’agisse d’armes ou d’êtres humains. Je me souviens du silence écrasant qui régnait dans la salle où nous travaillions juste après le bombardement de ces objectifs. Et de l’espoir d’avoir causé des dommages. Dès qu’une attaque était menée, des acclamations et des applaudissements retentissaient dans la pièce. J’étais mal à l’aise : il était très difficile d’accepter que personne ne se soucie de savoir qui d’autre avait été touché. Pendant cette campagne, des centaines de civils ont été tués. Des victimes collatérales… » Ce témoignage sans concession relate les coulisses de l’opération Plomb durci, en décembre 2008 et janvier 2009, première des trois manches de la guerre qui a opposé jusqu’ici Israël au Hamas palestinien. Les coulisses, car l’homme qui s’en fait l’écho est un ancien membre de l’unité 8200, principale branche du renseignement militaire israélien. Cette missive envoyée via un e-mail est son unique legs. Il ne souhaite ni divulguer son identité ni préciser son rôle exact avant et après le déclenchement de frappes à Gaza. En revanche, il soutient la démarche de ceux qui, comme lui, ont été traumatisés par leur mission dans l’armée et qui viennent de briser le silence. Dans une lettre publiée le 12 septembre par le quotidien Yediot Aharonot,

43 vétérans écrivent : « Nous, anciens combattants de l’unité 8200, soldats réservistes par le passé et aujourd’hui, déclarons refuser de participer aux actions contre les Palestiniens et de continuer à servir comme outils dans l’affermissement du contrôle militaire sur les territoires occupés. » Ils dénoncent une politique d’espionnage généralisée et brutale : « Il n’existe pas de distinction entre les Palestiniens, selon qu’ils sont ou non impliqués dans des violences. L’information recueillie et conservée fait du tort à des personnes innocentes. Elle est utilisée en vue d’une persécution politique et pour créer des divisions au sein de la société palestinienne. » CHANTAGE. Ces objecteurs de conscience

font explicitement référence au recrutement d’informateurs, souvent utilisés pour faciliter les assassinats ciblés. Le message de ces 43 refuzniks se précisera quelques jours plus tard dans les colonnes du Guardian. « Si tel Palestinien a une certaine orientation sexuelle, trompe sa femme ou a besoin d’un traitement médicalenIsraëlouenCisjordanie,ilpeutservir de cible pour du chantage », rapporte une ancienne recrue des services secrets. Ancien de l’unité 8200, Barak Ravid, journaliste au quotidien de gauche Haaretz, déplore qu’aucun des signataires, dont les noms apparaissent floutés en bas de page, n’ait eu le courage « d’être l’“Edward Snowden israélien” et de dire à visage découvert : voilà ce qui s’est passé tel jour, à telle heure, à tel endroit ». À

l’évidence, les auteurs anonymes de ce courrier adressé au Premier ministre, Benyamin Netanyahou, n’ambitionnaient pas d’être les rédempteurs de la démocratie israélienne. Ils ont d’abord agi par conviction politique, « pour le bien du pays ». « Des millions de Palestiniens vivent sous le régime militaire israélien depuis plus de quarante-sept ans. Ce régime nie leurs droits fondamentaux et exproprie de larges étendues de terre au profit de colonies juives, lesquelles sont soumises à une législation différente et distincte. Cette réalité n’est pas le résultat inévitable des efforts de l’État pour se protéger, mais plutôt celui d’un choix. L’expansion des

ILS AVAIENT DONNÉ L’EXEMPLE C’était il y a onze ans. Dans une lettre ouverte publiée par le journal Haaretz le 24 septembre 2003, 27 pilotes israéliens déclaraient ne plus vouloir effectuer de frappes « sur les territoires occupés, la N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

Cisjordanie et la bande de Gaza ». Alors que la seconde Intifada était à bout de souffle, ils refusaient de cautionner la politique d’assassinats ciblés dirigée contre les chefs militaires palestiniens

au motif qu’ils provoquent de nombreuses victimes innocentes. Leur démarche, qui avait déclenché une véritable onde de choc en Israël, avait été motivée par la liquidation dans des conditions dramatiques

d’un haut dirigeant du Hamas, Salah Chehadeh, en juillet 2002. L’attaque, menée à l’aide d’une bombe d’une tonne, avait tué 14 civils palestiniens, dont 9 enfants. l M.P. JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient t Le 22 juillet 2002, la liquidation de Salah Chehadeh avait coûté la vie à 14 civils palestiniens, dont 9 enfants.

Forte de 8 000 hommes, elle s’appuie en partie sur de grandes stations d’écoute qui interceptent des communications téléphoniques, des échanges d’e-mails et des transferts de données. Véritable élite de la nation, les futurs officiers de l’unité 8200 sont d’abord des surdoués en informatique, généralement repérés au lycée par des représentants de l’armée venus sensibiliser les élèves au service militaire. Les formations extrêmement poussées dont ils bénéficient en font des experts en cybernétique, facilement recyclables dans la pépinière high-tech israélienne. Leur fait d’armes le plus médiatique : l’attaque au virus Stuxnet lancée en 2010 contre le système de rotation des centrifugeuses iraniennes.

ADEL HANA/AP/SIPA

ÉTHIQUE. Le fonctionnement interne de

colonies n’a rien à voir avec la sécurité nationale. » D’aucuns se sont largement servis de ce qui apparaît comme un réquisitoire en règle contre l’occupation de la Cisjordanie pour tenter de discréditer l’action de ces 43 objecteurs de conscience. L’armée a ainsi utilisé leur rhétorique militante pour dénoncer une instrumentalisation du service militaire, véritable ciment de la nation, à des fins politiques. Elle tente aussiderelativiserl’impactdecettefronde: « Seuls 10 des 43 refuzniks appartiennent au cercle de décision de l’unité », assure son porte-parole, le général Motti Almoz. SANCTIONS. Tandis que les services de

contre-espionnage israéliens du Shabak ont été chargés de faire la lumière sur cette affaire, l’armée s’apprête à prendre des sanctions disciplinaires « dures et sans équivoque » contre les auteurs de cette lettre. À l’unanimité, y compris à gauche, les responsables israéliens rejettent leur acte d’insubordination. Moshe Yaalon, ministre de la Défense, évoque une « tentative idiote et obscène de soutenir la fallacieuse campagne internationale de JEUNE AFRIQUE

délégitimisation de l’État d’Israël et des soldats de Tsahal ». Dans les faits, c’est le prestige de l’armée qui est écorné. L’unité 8200, souvent comparée à la NSA américaine, est spécialisée dans la collecte, le traitement et l’analyse de signaux électroniques, ainsi que dans le déchiffrage de codes.

Combat inégal Gaza

Israël

PLOMB DURCI

1 330 morts

dont 895 civils

(27 décembre 200818 janvier 2009)

13 morts dont 3 civils

BORDURE PROTECTRICE

(8 juillet-26 août 2014)

72 morts

dont 6 civils

2 147 morts dont 1 739 civils

cette unité et ses méthodes restent évidemment opaques, secret-défense oblige. « Des dilemmes moraux existent dans toute opération de collecte d’informations, reconnaît Amos Yadlin, ancien chef de l’Aman, les renseignements militaires israéliens. Mais il y a aussi des règles, une éthique, des normes de conduite qui sont respectées dans chacune de ces situations. Elles sont conformes aux standards occidentaux et internationaux. » Au sein de l’État hébreu, certaines voix interprètent autrement l’appel des refuzniks de 8200. « Il est très important de les écouter et de comprendre ce qui se tient derrière la décision inhabituelle d’un nombre si important de réservistes, explique Yossi Beilin, figure illustre de la gauche israélienne et ancien architecte des accords d’Oslo. Cet incident a ouvert à beaucoup d’Israéliens un nouveau champ de vision sur le prix que l’État hébreu paie pour la poursuite du contrôle de la Cisjordanie. Il est impossible de considérer que le problème n’existe pas. » D’autres, en Occident mais aussi en Israël, estiment que les assassinats ciblés, loin de viser l’élimination d’un danger, ont au contraire pour but d’exacerber délibérément les tensions,voired’envenimerlasituation afin de provoquer des représailles de l’ennemi… et une contre-riposte israélienne, perpétuant ainsi le cycle infernal de la violence. l MAXIME PEREZ, à Jérusalem N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

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Coulisses

Maghreb & Moyen-Orient

Libye Médiations tous azimuts

YÉMEN SANAA « OUTRAGÉE »

« Il n’y a pas de solution militaire au conflit en Libye. » Le 22 septembre, en marge de l’Assemblée générale de l’ONU, un groupe de treize pays (dont l’Algérie, l’Égypte, le Qatar, l’Arabie saoudite, les États-Unis et la France), l’Union européenne et l’ONU ont appelé à un cessez-le-feu et à la mise en place d’un « dialogue politique ». Tous ont apporté leur soutien à la médiation engagée le 29 septembre par le nouvel envoyé spécial onusien pour la Libye, Bernardo Leon. D’autres tentatives de médiation sont en cours. Comme celle amorcée par les six pays voisins (Algérie, Égypte, Tunisie, Niger, Tchad et Soudan), tous fermement opposés à une intervention militaire étrangère et peu enclins à associer à leur initiative le Qatar et la Turquie, parrains politiques et militaires du camp islamiste. Des personnalités libyennes, tels l’ex-Premier ministre Mahmoud Jibril et l’ex-jihadiste Abdelhakim Belhadj, ont sollicité la médiation du voisin algérien. Qui a confirmé, par la voix de son chef de la diplomatie, Ramtane Lamamra, qu’« un dialogue devrait être lancé en octobre en Algérie ». l

Dans la foulée des manifestations massives de leurs partisans, les rebelles chiites Houthi ont fini par s’emparer, le 23 septembre, de Sanaa. L’accord de cessez-le-feu conclu peu après n’a pas été respecté par la rébellion, qui refuse son désarmement. Des sites militaires ont été pillés, ainsi que les demeures de personnalités du parti islamiste sunnite Al-Islah, très hostile aux chiites. Au 25 septembre, les combats avaient fait plus de 270 morts.

SYRIE LE CONTEUR S’EST TU

Le fracas de la guerre ne couvrira pas son silence éternel. Le 22 septembre, Rachid Hallaq, illustre conteur du café Al-Nofara, dans le vieux Damas, est mort, terrassé par une crise cardiaque. Né en 1942, il avait narré pendant près de vingt ans la geste du chevalier Antar et les tribulations de Sindbad,

juché sur son trône coloré et coiffé d’un tarbouche écarlate, pour un public bien souvent composé de touristes, qui ne comprenaient de ses histoires que la passion qu’elles lui inspiraient. Peut-être le hakawati n’avait-il plus le cœur à vivre, dans le cauchemar qu’est devenue la Syrie depuis

2011. À mesure que les morts s’entassaient, son public s’était fait rare. Sa demeure, située dans une banlieue disputée, avait été dévastée, et sa famille forcée à l’exil. Depuis 2012, le conteur ne se produisait plus que deux fois par semaine et avait dernièrement été remplacé.

JORDANIE ABOU QATADA ACQUITTÉ

Maroc Reines de beauté Élue Miss Beauté arabe 2014 début septembre, à Beyrouth, la Marocaine Chorouk Chelouati, 23 ans, originaire de Rabat, a supplanté ses trente et une rivales sans avoir participé au défilé en bikini. « Par respect pour mes principes et pour les valeurs marocaines », a-telle déclaré, ajoutant que « le bikini [était] une tenue totalement étrangère à la société arabe ». À noter qu’une autre Marocaine, le mannequin Fati Jamali, a remporté de son côté, le 20 septembre, le concours Miss Arab Beauty 2014, toujours à Beyrouth. Joli coup double ! N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

DR

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Faute de preuves suffisantes, le prédicateur Omar Mahmoud Othmane, plus connu sous le nom d’Abou Qatada, a été acquitté le 24 septembre par la Cour de sûreté de l’État, à Amman. Extradé par la Grande-Bretagne en juillet 2013, ce Jordanien d’origine palestinienne âgé de 54 ans était jugé pour son implication présumée dans le « complot du millénaire », un projet d’attentats visant des touristes américains et israéliens et des diplomates occidentaux, en 2000, en Jordanie. JEUNE AFRIQUE


LAHCÈNE ABIB/SIGNATURES

ALGÉRIE

Halalmania

Si l’islamisme politique a été neutralisé et le jihadisme circonscrit, à défaut d’être éradiqué, la bigoterie, elle, progresse de manière préoccupante.

CHERIF OUAZANI

L

p Rayon des ouvrages religieux au Salon international du livre d’Alger. JEUNE AFRIQUE

exécution, le 24 septembre, d’un ressortissant français dans le massif du Djurdjura, à une centaine de kilomètres à l’est d’Alger, est-il le signe d’une radicalisation des esprits, voire d’un renouveau du terrorisme en Algérie ? Rien n’est moins sûr, les premiers éléments de l’enquête

ayant établi que les ravisseurs ne sont pas de nouvelles recrues jihadistes mais des vétérans des Groupes islamiques armés (GIA), survivance d’un passé pratiquement révolu depuis l’adoption par référendum, en 2005, de la politique de réconciliation nationale engagée par Abdelaziz Bouteflika. Mais la nette diminution des capacités de nuisance des groupes terroristes et le recul de l’islamisme politique qui l’a accompagnée contrastent avec le regain de religiosité, voire de bigoterie que connaît la société algérienne. Premier indice de cette tendance: la croissance exponentielle de l’affluence dans les mosquées. Laquelle s’explique en partie par ce que les Algériens appellent avec

humour « promotion zelzla » (promotion « tremblement de terre »), désignant par là « les croyants de la peur », dont la vocation apparaît comme par magie à la suite d’une catastrophe naturelle. Séismes et répliques entretiennent ainsi l’assiduité dans les lieux de culte. « Chez nous, ironise Hanane, étudiante en sociologie à Sétif, la panique fait le bigot. » Le 1er août, à la suite d’un tremblement de terre (six morts et beaucoup de dégâts dans le vieux bâti de la capitale) dont l’épicentre se situait à une vingtaine de kilomètres au large d’Alger, les mosquées ont accueilli plus de fidèles que d’habitude, génération spontanée de pratiquants convaincus que « tout cela est de la faute des femmes qui se dénudent sur les N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014


Maghreb Moyen-Orient Algérie plages et se prélassent au soleil, indifférentes au regarddeshommes».Ainsi, selon ces fidèles de la vingtcinquième heure, le bikini serait le premier responsable de l’activité sismique en Algérie. L’indigence de la vie politique n’est sans doute pas étrangère au recentrage des débats sur des thèmes sociétaux ou, en l’occurrence, sur des tartufferies relayées par les médias et les réseaux sociaux, et dont l’opinion est devenue friande. CONTROVERSES. Yadjouz

Le culte en chiffres NOMBRE DE MOSQUÉES

CADRES GÉRANT LES LIEUX DE CULTE

17 000

23 000

Wilaya la mieux dotée Tizi Ouzou, avec

40 000

pour

1,6

postes

850

mosquées FORMATION D'IMAMS

(Alger et Constantine) et

23

350 pour 3 000

instituts spécialisés

aw la yadjouz ? « Licite ou illicite ? » Chez certains, la controverse n’est jamais innocente et l’arrière-pensée politique toujours de mise. On instille le doute, quitte à travestir les faits. Exemple : des télécoranistes (de plus en plus nombreux avec la libéralisation de l’audiovisuel) ont ainsi dénoncé l’importation par des opérateurs privés de viande rouge prétendument non halal. Et de s’en prendre au laxisme du gouvernement coupable d’autoriser le commerce de viande bovine importée sans vérifier si les conditions d’abattage des bêtes au Brésil, en Argentine ou en France respectent les préceptes de l’islam. « Ces carcasses sont-elles halal? » s’interroge Cheikh Chemsedine, prédicateur vedette de la chaîne Ennahar TV. Pour étayer son propos, il propose des images non datées tournées dans un abattoir d’Amérique latine. Durant une semaine, le débat fait rage, jusqu’au jour où l’on s’aperçoit qu’il s’agit en réalité d’une guerre entre importateurs. Autre sujet de controverse entretenue par les télécoranistes : les crédits Ansej, du nom de l’Agence nationale de soutien à l’emploi des jeunes, un dispositif mis en place par le gouvernement pour promouvoir l’autoentrepreneuriat chez les jeunes. Certains imams ont dénoncé ce système en invoquant le caractère illicite du riba (« l’usure »), les prêts étant assortis de versements d’intérêts. « C’est N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

1,2

230

NOMBRE DE MOURCHIDATE (conseillères religieuses)

2 universités

effacer les enseignements tirés de la « tragédie nationale », à savoir l’insurrecENVELOPPE ALLOUÉE AUX LIEUX DE CULTE tion islamiste des années 1990. « La décennie noire milliard €, dont n’est pas un simple accident de l’Histoire, mais le milliard € fruit d’une agrégation de pour la seule construction dysfonctionnements au de la mosquée El Djazaïr sein de deux institutions (120 000 fidèles) de la République: l’école et la mosquée. Résultat: dilumillions € tion de l’islam ancestral au pour la réalisation de profit d’un islam importé 23 mosquées pôles d’excellence totalement étranger aux valeurs de cohabitation millions € religieuse pacifique qui pour l’édification de ont, de tout temps, caracté250 mosquées risé la société algérienne. » de village ou de quartier Parallèlement au traitement militaire et politique du phénomène jihadiste, un effort de réflexion a été engagé au début des années 2000 pour prémunir la société contre toute tentation de récidive. Premier chantier, l’école. Pour le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, il s’agit de revoir de fond en comble les programmes en matière d’éducation islamique : « Les livres scolaires semblent destinés à former des muftis [hommes de religion énonçant des avis juridiques] plutôt que des citoyens. » Instruction a été q École coranique donnée au département de Nouria à Adrar, Benghebrit, ministre de l’Éducation dans le Sud nationale, de réviser en profondeur algérien.

postes à pourvoir

une attitude totalement hypocrite, déplore Mohamed Aïssa, ministre des Affaires religieuses (lire ci-contre). Ces pseudo-imams encouragent la fraude fiscale, qu’ils présentent comme une ruse commercialeetnoncommeuneatteinte à la loi. Tout comme ils déclarent licite le paiement de pots-de-vin pour faire passer un conteneur de marchandise contrefaite, voire avariée. Bien sûr, il s’agit d’une infime minorité de nos fonctionnaires, dont le comportement menace la longévité professionnelle. » Selon lui, le regain de religiosité ne saurait

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C. HANSEN/ASK IMAGES

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JEUNE AFRIQUE


Halalmania

DÉFICIT EN CADRES. Pour

Mohamed Aïssa, l’instrumentalisation de la religion à des fins politiques a engendré deux perceptions antagonistes de l’islam, l’un, officiel et au service de l’État, l’autre, revendicatif. « L’islam n’est ni l’un ni l’autre, et l’extrémisme est le résultat de ces errements. Il faut réhabiliter notre islam ancestral. Celui de Cordoue. Un islam accepté par l’autre et acceptant l’autre. Notre référent religieux national ? Nous sommes des sunnites de rite malékite ouverts aux autres rites – ibadite, caractéristique de la région du M’Zab, hanafite, fruit de la longue présence [cinq siècles] ottomane et à l’écoute de l’exégèse hanbalite –, car notre société doit s’adapter au temps et à l’espace. Notre islam cohabite pacifiquement avec les autres cultes, héritage de notre histoire. » Comment débarrasser le référent religieux national de l’étiquette d’islam officiel ? « C’est toute la difficulté de la tâche. Comment l’État doit-il gérer le culte, sans interférer dans sa pratique? » D’abord en faisant en sorte que les lieux de culte ne soient pas confiés à de faux prédicateurs et à de vrais charlatans. « Notre islam est celui des Lumières, pas celui de la roqia [« exorcisme »]. Notre imam n’a pas vocation à interdire ou à autoriser, mais à être un modèle de rectitude. » Mais le déficit en encadrement est abyssal. « Nous ne disposons que de 23 000 cadres pour gérer nos 17000 mosquées, explique Mohamed Aïssa, et la majorité des 120 diplômés annuels en sciences islamiques se révèle incapable de diriger la prière. Pis, nombre d’entre eux constituent des vecteurs de propagation d’idées radicales, car la gestion des salles de prière des campus universitaires échappe à notre vigilance. » Vigilance dont fait heureusement preuve l’écrasante majorité d’une population vaccinée par la décennie noire. l JEUNE AFRIQUE

La profession de foi de Mohamed Aïssa Droit dans ses bottes, le nouveau ministre des Affaires religieuses est déterminé à ressusciter l’islam des Lumières.

LOUIZA AMMI POUR J.A.

la teneur des cours d’éducation islamique afin de s’assurer que l’école, le collège et le lycée soient totalement imperméables à « l’idéologisation de la religion ».

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T

rois mois après son entrée, cela a pu se produire, mais après avoir en mai 2014, dans le gouverdécroché ma licence en maths, j’ai resnement d’Abdelmalek Sellal, senti le besoin de réorienter ma quête de Mohamed Aïssa, 51 ans, avait savoir. » Passer du théorème au verset ne fait le tour des médias, publics comme lui a posé aucun problème, car « l’islam, privés. Un bon communicant ? Plutôt un in fine, est la religion qui accorde le plus briseur de tabous. Le 1er juillet dernier, de place à la rationalité ». une semaine avant le début de l’agresPlus universitaire que théologien, sion israélienne contre Gaza, il martèle Mohamed Aïssa veut sortir de la naphtaline l’islam ancestral – plus proche de son intention de rouvrir les lieux de culte chrétiens et juifs fermés durant Cordoue que des hauts plateaux où nomales années 1990 pour raisons de sécudisent des tribus bédouines réputées pour rité. Tollé chez les salafistes, qui appellent à manifesSon intention de rouvrir toutes ter contre cette décision. les synagogues et les églises Peine perdue. Droit dans a provoqué l’ire des salafistes. ses bottes, le ministre ne fera pas machine arrière : « Je suis chargé des Affaires religieuses leur conservatisme et leur imperméabilité et non des Affaires islamiques. » Manière àl’universel–pourfairefaceàl’inquiétante de rappeler que les lois de la République avancée de l’islam d’inspiration wahhagarantissent la liberté de conscience à bite. Son ambition ? Remplacer l’imam tous les Algériens – musulmans, chrétiens septuagénairemanipulantavecprécaution ou juifs –, et à tous les étrangers (autour un vieux manuscrit par un jeune trentede 250 000 personnes). naire, docteur en sciences théologiques, Né à Rouiba le 8 septembre 1963, maniantsanspeinelatabletteélectronique et débattant avec ses pairs par visioconMohamed Aïssa a entamé sa formation férence. « Je n’y arriverai sans doute pas universitaire en 1982 par un Diplôme avant la fin du quinquennat, reconnaît-il, d’études spécialisées (DES) en mathémais je ferai tout pour créer les conditions matiques pour finir, seize ans plus tard, d’une telle mutation. » Bon courage ! l docteur d’État en… sciences islamiques. CH.O. « Je ne saurais vous expliquer comment N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014


Europe, Amériques, Asie

THOMAS SAMSON/AFP

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Europe, Amériques, Asie

FRANCE

Sarkozy

peut-il le faire? Rien ni personne n’empêchera l’ancien chef de l’État de reprendre la présidence de l’UMP, en novembre. Simple hors-d’œuvre. Primaire de la droite en 2016, puis présidentielle en 2017… Les prochaines étapes de sa reconquête s’annoncent beaucoup plus délicates. HENRI MARQUE

N t Au Parc des princes, pendant un match du PSG, le 21 septembre (au 2e plan : Nathalie KosciuskoMorizet).

icolas Sarkozy s’est donc lancé On sait que les coups ne lui font pas peur. « Le pire à la reconquête de l’UMP, risque, répète-t-il à ses visiteurs, est de ne pas en prélude à celle de l’Élysée. Il prendre. » C’est son côté « Culbuto », qui se relève part favori malgré des sontoujours et ne renonce jamais. À condition de ne dages contradictoires. Les uns pas « s’autodétruire en vol », tempère le politologue le donnent gagnant, d’autres Jean-Luc Parodi (lire aussi p. 57) au souvenir des indiquent qu’une majorité de Français ne veut mauvaises manières et des divers esclandres qui pas de son retour, tous traduisent le sentiment ont entaché son hyperprésidence. S’il se présente, ce n’est pas, à l’entendre, que la droite ne ferait pas mieux que la gauche au par « envie » – plutôt entrer au pouvoir. Persuadé que son dynaCarmel, assurait-il comiquement misme balaiera les obstacles et Plus le choix, il y a encore un an. Il s’en fait un libérera les ralliements, il reçoit estime-t-il, il lui devoir moral pour sortir enfin des encouragements flatteurs. faut renoncer à le pays de la débâcle, écarter la « Vous n’êtes pas le meilleur, lui dit sa retraite double menace d’une sanction Valéry Giscard d’Estaing, vous êtes des marchés et d’une explosion le seul. » Dominique de Villepin, dorée. Et sociale dans une France devenue qu’il voulait naguère pendre à un replonger dans « éruptive », et conjurer un tête-àcroc de boucher, affirme qu’il a le marigot. tête final entre le Parti socialiste et tiré les leçons de ses erreurs et de un Front national que Manuel Valls ses échecs. Jean-François Copé, décrit dramatiquement « aux portes du pouvoir ». flairant des aubaines de revanche, l’a de nouveau Autant de circonstances exceptionnelles qui lui rejoint. Une grande partie de la droite gaulliste imposent de renoncer à la bella vita de sa retraite voit en lui le sauveur providentiel conforme à dorée (à 100 000 euros le dîner-conférence) et de son culte du chef. replonger dans le « marigot ». D’autres, en revanche, le trouvent toujours aussi En vain ses adversaires ont-ils tenté de l’en « clivant », alors que le pays, dans l’ambiance anxioempêcher en faisant décider par l’UMP que tout gène de la crise, aspire à l’apaisement. Comment candidat à la présidence du parti s’interdirait de évoluera son image quand il sera passé d’une l’être à la primaire présidentielle. Si le calcul était retraite protectrice aux empoignades de l’arène ? N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

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Europe, Amériques, Asie France meurtrier, le motif était vertueux: comment pourrait-il mener de front le sauvetage du mouvement, le nettoyage de ses finances, le remplacement de ses équipes et la conduite d’une campagne jusqu’à la lointaine échéance de 2017 ? Deux missions à plein temps incompatibles ? Non, répliquent les sarkozystes, deux batailles complémentaires pour gagner la guerre élyséenne. GUERRE DES TROIS. Sarkozy refuse toujours de

participer à la primaire, cette « présélection » dont il s’estime exonéré de fait et de droit par sa légitimité d’ancien chef de l’État. Brice Hortefeux, l’un de ses plus proches confidents, l’affirme sans langue de bois : « Une primaire est utile quand il y a incertitude. Elle devient inutile lorsque le choix s’impose naturellement. » « S’il fait 85 % à la présidence de l’UMP, jubile un autre interlocuteur, c’en sera fini pour tout le monde. » En clair, pour ses deux challengers actuels, Hervé Mariton et Bruno Le Maire, mais, surtout, pour ses deux concurrents les plus dangereux pour la primaire. Alain Juppé, d’abord, qui rappelle: « Quand je me lance, c’est pour gagner. » Les sondages le donnent en deuxième position chez les militants, mais en première chez les sympathisants de droite et du centre, sans souffrir apparemment de l’objection de son âge, qu’il réfute gaillardement : « Mieux vaut un sexa en forme qu’un quinqua amorti. » Il n’aura 71 ans qu’en 2017. Loin derrière, François Fillon garde confiance en sa campagne méthodique de long terme. Juppé le sage et Fillon le patient contre Sarko l’impétueux ? Si réductrice que soit l’image, elle confirme que la guerre des Trois aura bien lieu. Et qu’elle se jouera lors de la primaire de 2016. Car il ne s’agira plus seulement de convaincre quelque 170 000 adhérents pour la plupart acquis d’avance. Mais d’une consultation quasi nationale ouverte à tous les électeurs que cette « avancée » démocratique devrait séduire comme elle a mobilisé les 2 millions de participants à la primaire du PS et contribué au succès de Hollande. Selon le calcul des anti-Sarkozy, elle ne peut qu’affaiblir l’ancien président, ne serait-ce que par l’effet mathématique de la multitude des postulants. Plus ils seront nombreux, plus grandes seront les chances d’affaiblir Sarkozy par un score inférieur aux sondages du moment, voire de lui imposer l’épreuve d’un second tour qui achèverait de redistribuer les cartes. Le clan du revenant a bien vu le piège et prépare la contre-offensive. Devenu le maître du parti, Sarkozy en engagerait la refondation jusqu’à en changer le nom, en déménager le siège, en modifier les statuts et supprimer d’un trait de plume l’encombrante primaire. Mais ce miniputsch ne serait pas sans risque, puisque les statuts ont été approuvés par 90 % des membres du congrès. À toutes fins utiles, Juppé envisage déjà de lier le N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

choix du nouveau président de l’UMP à l’engagement de faire respecter la charte du mouvement. Fillon va plus loin : si Sarkozy réussissait à s’en faire dispenser, il l’affronterait au premier tour de la présidentielle. Mais l’ancien président n’en a cure: dès lors que l’idée de son retour est « dans les têtes et les esprits », il est convaincu qu’une « très grande partie du chemin est faite ». Cellequiluiresteàparcourirnesera À l’UMP, il veut pourtant pas forcément la plus facile. tout changer : le nom, Toutes les élections présidentielles le siège et les statuts. depuis de Gaulle se sont jouées sur le rassemblement et le changement. Le paradoxe de Sarkozy est d’apparaître aujourd’hui meilleur rassembleur – quoique contre lui! – des forces de la gauche que d’une opposition où il se heurtera au même dilemme qu’en mai 2007 : comment prendre des voix à l’extrême droite, où Marine Le Pen jouera de toute façon la carte du pire, sans les reperdre en plus grand nombre au centre, dont les chefs lui gardent une tenace méfiance ? Le plus influent d’entre eux, François Bayrou, lui conseille cruellement de se demander pourquoi de nombreux électeurs centristes ont voté contre APRÈS SON INTERVIEW SUR FRANCE 2, lui il y a cinq ans… LE 21 SEPTEMBRE

TOUT CHANGER. Quant au changement, Sarkozy

75

%

des sympathisants UMP souhaitent que Sarkozy devienne le chef de l’opposition

16%

sont pour Bruno Le Maire

2%

et pour Hervé Mariton, ses adversaires pour la présidence du parti

En revanche, seuls

26%

de l’ensemble des Français souhaitent qu’il soit candidat à la présidentielle de 2017, contre

33%

pour Alain Juppé

SONDAGE IFOP/EUROPE 1/LE FIGARO DU 22 SEPTEMBRE

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l’étend bien au-delà des ruptures de sa précédente campagne. Il promet de « réinventer le modèle démocratique » pour « tout changer dans la façon de faire de la politique » – sans autre précision. Reste à savoir si le chantre du coup d’éclat permanent saura s’appliquer la promesse à lui-même. Et si ce serment rebattu peut lui permettre de retrouver la confiance des Français, alors que le plus difficile est à venir : comment les associer à des réformes qu’ils approuvent dans leur principe, mais refusent dès qu’elles les atteignent dans leurs intérêts ou leurs habitudes. Villepin rêve tout haut quand il conseille à Sarkozy de trancher les débats sensibles par des référendums promis d’avance à l’échec. Fillon est plus pragmatique quand il envisage de gouverner par ordonnance, mais ce courage risque de lui être fatal alors que gauche et droite entretiennent d’une même voix – celle de Sarkozy hier, celle de Hollande aujourd’hui – la dangereuse espérance que le redressement pourra avoir lieu sans les douleurs de l’austérité. Pour les économistes qui surveillent la France à Bruxelles et à Berlin, c’est là le plus grave des dénis de réalité qui paralysent les gouvernants français depuis la crise et les empêchent d’en réchapper. La droite, oublieuse de son bilan et des 600 milliards d’aggravation de la dette, dénonce les atermoiements de la gauche sans lui opposer jusqu’ici d’alternative acceptable par une opinion « défiante envers tous les pouvoirs », de l’aveu même de celui qui est censé détenir le pouvoir suprême. Et pendant ce temps-là, le FN n’en finit plus de monter… l JEUNE AFRIQUE


Sarkozy peut-il le faire ? INTERVIEW

DR

Jean-Luc Parodi Sarkozy vainqueur? Sans doute, mais dans quel état! Conseiller pour les affaires politiques à l’Ifop, le politologue est convaincu que l’ancien président ne sortira pas indemne de la course d’obstacles qui l’attend jusqu’en 2017. JEUNE AFRIQUE: D’où vient le problème de leadership de la droite française ? JEAN-LUC PARODI : La question aurait

pu être tranchée par une victoire nette de François Fillon ou de Jean-François Copé dans leur duel fratricide. Mais en laissant entendre qu’il pourrait revenir et en favorisant les chances d’un quasi-match nul délégitimant, Nicolas Sarkozy a empêché l’UMP de se donner un nouveau leader. Ce qui naturellement s’explique puisque, de son point de vue, ce leader ne saurait être que lui-même. À l’arrivée, sa candidature à la primaire UMP a pour objectif, en redonnant à ce parti et à la droite son leader presque naturel, de vider de son contenu la seconde primaire, réduite à une simple procédure de confirmation de la première. Quels obstacles s’opposent à ce retour gagnant ?

Mon hypothèse est que ce retour sera en effet gagnant, mais que les cicatrices seront nombreuses et que le vainqueur sera à la fois légitime et affaibli. Il y a au moins trois obstacles.

D’abord, l’élection du président de l’UMP. La bonne campagne de Bruno Le Maire, les réticences antisarkozystes d’une fraction minoritaire du parti, le vote des partisans d’Alain Juppé, tout cela peut s’ajouter pour empêcher une victoire triomphale de Sarkozy. Ensuite, les affaires judiciaires en cours. Il est clair que seule une condamnation qui le ren-

peuvent entraver la marche triomphale de ce vainqueur blessé : l’ouverture du corps électoral au-delà des seuls sympathisants UMP, la surparticipation de sympathisants de la droite modérée et une bonne campagne de Juppé. Mais la relative faiblesse de l’antisarkozysme de droite laisse peu de chances à un bouleversement de la hiérarchie.

Couturé de blessures, affaibli, pourra-t-il mener à bien sa politique de réformes? drait inéligible pourrait l’empêcher de se présenter. Toutes les autres procédures renforceraient probablement sa position auprès des militants. Même si la plus embarrassante, le dépassement de ses comptes de campagne 2012, risque de le handicaper, en l’empêchant de mener à nouveau une campagne financièrement hors la loi, elle ne pourra pas l’empêcher de se représenter. Enfin, la primaire pour la présidentielle. Certes, une série d’inconnues

À l’arrivée, un guerrier victorieux, couturé de blessures bien qu’ayant rétabli son leadership sur la droite, devrait l’emporter péniblement sur Marine Le Pen. Loin des 82 % des voix recueillis par Jacques Chirac en 2002. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ajouter aux autres cette nouvelle blessure ne facilitera pas la politique de réformes dont il entend se faire le héros, et l’inexorable austérité par laquelle devra bien passer la France. l Propos recueillis par H.M.

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PARCOURS | D’ici et d’ailleurs

Hanane Lamgharraze La mariée était en blanc Jeune patronne d’Oriental Wedding, cette créatrice propose ses caftans aux Franco-Maghrébines à la recherche de robes de mariage traditionnelles… et modernes.

À

l’origine, l’endroit était une alimentation générale tenue par un Tunisien qui dormait à l’arrière de son commerce. Aujourd’hui, c’est une belle boutique florissante, dirigée de main de fée par Hanane Lamgharraze. En 2009, le premier magasin de location de caftans – comprenez par là de robes de mariage traditionnelles marocaines entièrement cousues main – ouvrait ses portes à Paris. Et alors, me direz-vous ? « Ça a changé la vie de pas mal d’entre nous! » répond tout sourire la patronne d’Oriental Wedding, jolie brunette de 1,72 m, alors qu’elle est en plein rush, occupée à placer des épingles sur une belle tunique bleue qu’une cliente a commandée pour un mariage prévu dans deux jours.

« Une fois sur deux, les robes étaient soit trop courtes, soit trop longues », rappelle-t-elle. C’est en partie pour répondre à la demande urgente de centaines de très nombreuses FrancoMaghrébines désespérées, et aussi pour que les robes ne meurent plus dans un placard, que la trentenaire a décidé de se lancer un jour dans un business dont « elle n’avait au départ aucune idée de l’issue ». Cinq ans plus tard, sa boutique cartonne. Située juste derrière l’Hôtel de Ville, à Paris, elle est l’une des plus connues de l’Hexagone. On y vient de tous les recoins de France, voire même du Maghreb. Un jour de fin juin. Nous sommes ici depuis une heure maintenant et le téléphone ne cesse de sonner. « À

cause des beaux jours, de mars à septembre, tout le monde veut se marier, alors on est débordé ! » Hanane Lamgharraze – son prénom signifie « douceur » en arabe – est sereine. Oriental Wedding reste de loin la référence. Son succès s’explique surtout par l’originalité de ses robes, dessinées par la patronne elle-même. C’est également elle qui voyage aux quatre coins du monde, de Londres à Delhi en passant par Dubaï, pour choisir les tissus. Ses robes sont un subtil mélange d’Orient et d’Occident. Son style métis pourrait à lui seul résumer son histoire. Le parcours de cette jeune femme est atypique. Née de l’autre côté du périphérique, un 20 septembre 1984, à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne), elle quitte la France à l’âge de 3 ans. « Mes parents divorçaient. Contrairement à mes deux sœurs, j’étais trop jeune pour partir en colonie de vacances. Alors ma mère m’a envoyée chez une famille hollandaise, grâce à une association catholique », se souvient-elle, la voix chargée d’émotion, comme toujours quand elle évoque Jean-Louis et Claudia. Le coup de foudre avec le

q Dans sa boutique, dans le 1er arrondissement de Paris.

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JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie couple hollandais, qui n’a pas d’enfant, est immédiat et surtout réciproque. « Au début, il était prévu que j’y aille seulement un été. J’y ai passé toutes mes vacances », reprend la jeune femme. Elle a 10 ans quand Jean-Louis et Claudia quittent l’autre pays du fromage pour la péninsule Ibérique. Ça ne fait rien : Hanane Lamgharraze ne rompt pas les liens pour autant avec ceux qu’elle considère comme « sa maman et son papa de cœur ». Elle continue de passer toutes ses vacances de l’autre côté des Pyrénées. L’Espagne ! La jeune femme s’y exile pour six mois, à 21 ans, après avoir obtenu avec brio un BTS en comptabilité. « J’avais besoin d’un break. Ma seconde famille vivait là-bas et j’ai mêlé l’utile à l’agréable. » Aux côtés de Jean-Louis et Claudia, Hanane Lamgharraze apprend beaucoup sur cette « fameuse double culture » dont on parle tant. « J’ai des amis qui sont tiraillés. Sont-ils français, marocains, algériens ? Je ne me pose pas la question. Grâce à ma famille hollandaise, je vis bien avec toutes mes identités ! » Avec eux, elle est occidentale, fête Noël, cherche les œufs dans le jardin à Pâques. En 2011, elle se marie. Le jour J, à Fès, d’où ses parents sont originaires, elle stresse un peu. « Pour le mariage », mais aussi parce qu’elle est habillée de l’une de ses créations, un caftan blanc, qui en étonne plus d’un. « Mes deux familles étaient surprises parce que c’était différent, mais ils m’ont dit après qu’ils avaient adoré. Je portais ce jour-là un beau voilage en mousseline de soie plissée, travaillée avec des galons argentins. » À 30 ans, Hanane Lamgharraze semble totalement épanouie, nageant dans le bonheur. En janvier dernier, en Corse, son premier défilé de mode a été salué par une standing ovation. Au vu du succès d’Oriental Wedding, on peut se demander pourquoi il n’y a pas encore d’autres boutiques. « Disons qu’un autre bonheur d’ordre personnel est sur le point d’arriver », dit-elle, mutine. l NADIR DENDOUNE, envoyé spécial Photo : CAMILLE MILLERAND pour J.A. JEUNE AFRIQUE

FIDJI

Pas commode, ce Commodore! En Occident, Frank Bainimarama passe pour un autocrate infréquentable. Pourtant, il est bel et bien en train de moderniser son pays. Le 17 septembre, il a même été régulièrement élu !

F

rank « Voreqe » Bainimarama a tenu sa promesse. En décembre 2006, au lendemain de son putsch, le chef des armées fidjiennes avait juré de ramener son pays sur la voie de la démocratie. C’est chose faite depuis le 17 septembre, et les premières élections libres organisées depuis huit ans dans l’archipel. Trois jours plus tard, le Commodore en personne a annoncé les résultats dans le grand stade de Suva, la capitale. Vainqueur avec près de 60 % des suffrages, le désormais vice-amiral en retraite – il a eu 60 ans en avril – est dorénavant Premier ministre, élu avec une majorité confortable et l’aval d’une communauté internationale pressée de tourner la page de la dictature. Avec un Parlement qui ne siégeait plus, une opposition en exil, un Grand Conseil des chefs coutumiers renvoyé dans ses villages et des pasteurs méthodistes cantonnés dans leurs temples, Bainimarama a régné sans partage et par décret pendant huit longues années. Mis au ban du Commonwealth, il s’est trouvé de nouveaux amis, chinois notamment, et a provoqué l’ire des États-Unis et de l’Australie, pas franchement ravis de voir les navires de l’Armée populaire de libération patrouiller dans leur arrière-cour.

RESPECT. À l’étranger, le Commodore passe pour un despote, mais, chez lui, il jouit d’une popularité et d’un respect certains. « C’est peut-être le régime le plus progressiste depuis l’indépendance, en 1970 », assure sans rire un journaliste fidjien pourtant bien placé pour savoir que les médias locaux, à commencer par le quotidien du magnat australien Rupert Murdoch (The Fiji Times), ont été mis au pas de manière musclée. Grâce à l’alliance chinoise, le pays s’est doté des infrastructures qui lui faisaient cruellement défaut. Et, peu à peu, la société mélanésienne, longtemps figée dans la tradition, se débloque.

Océan Pacifique

VANUA LEVU TAVEUNI

ILES YASAWA

KORO

FIDJI

Suva

KANDAVU

Mer de Koro

AUSTRALIE

100 km

Bainimarama a rendu l’éducation gratuite, imposé des quotas pour les femmes dans les administrations, instauré un salaire minimum et abaissé l’âge légal de la majorité à 18 ans. « Il a toujours été convaincu d’avoir un rôle historique à jouer et se sent investi d’une mission : mettre fin aux tensions ethno-nationalistes qui, depuis toujours, empoisonnent la vie politique locale et sont à l’origine de quatre putschs, celui notamment qui, en mai 2000, faillit lui coûter la vie », estime un ancien diplomate étranger. « C’est l’argument principal qu’il a utilisé à l’époque pour justifier sa prise de pouvoir », confirme l’universitaire australien Marc Hayes. Quoi qu’il en soit, le terme de « Fidjien » a été étendu à l’ensemble de la population, y compris aux 35 % de ressortissants d’origine indienne établis dans l’archipel depuis plusieurs générations. Mieux, en 2013, une nouvelle Constitution a été promulguée, qui bannit toute discrimination entre communautés. « Si le clivage ethnique entre Mélanésiens et Indo-Fidjiens finit par s’estomper, cela pourrait porter un coup fatal à la culture du coup d’État », veut croire Marc Hayes. C’est en tout cas au nom de « tous les Fidjiens » que Bainimarama a prêté serment le 22 septembre. l OLIVIER CASLIN N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

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Europe, Amériques, Asie ÉTATS-UNIS

Plus haut, plus vite… moins noir Le sport est un miroir dans lequel l’Amérique postraciale aime se contempler. Et ce qu’elle y voit – plusieurs affaires récentes en témoignent – n’est pas toujours très reluisant.

JONATHAN ALCORN/GETTY IMAGES/AFP

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p À Los Angeles, en avril. Bonne question, non ?

A

lors que les États-Unis célèbrent le cinquantième anniversaire du Civil Rights Act, l’emblématique loi sur les droits civiques, la perspective d’une cohabitation harmonieuse entre les différentes communautés ethniques paraît encore bien lointaine. Le 9 août à Ferguson, dans le Missouri, la mort de Michael Brown, 18 ans, l’a rappelé : les jeunes Africains-Américains restent d’éternels suspects sur lesquels, à l’occasion, les policiers n’hésitent pas à tirer. Et le 10 septembre, dans l’Utah, la mort de Darrien Hunt, un Noir de 22 ans abattu de six balles dans le dos par un policier, l’a confirmé. Même le sport, ce miroir dans lequel l’Amérique postraciale aime se mirer, n’est pas à l’abri des préjugés les plus éculés, quoique moins meurtriers. Au mois d’avril, par exemple, les déclarations de Donald Sterling, propriétaire de l’équipe de basket-ball des Los Angeles Clippers, ont fait scandale. Dans une conversation téléphonique enregistrée à son insu, le brave homme suggérait à une amie de s’abstenir de « faire venir des Noirs » aux matchs des Clippers. Il a depuis été radié N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

pour le business, selon lui… « Ils font fuir les Blancs, écrit-il, alors qu’ils ne sont pas assez nombreux pour remplir la salle tout au long de la saison. » Levenson n’aime pas non plus les pom-pom girls noires. Et moins encore la musique hip-hop jouée entre deux quarts-temps. Il a été contraint de s’excuser, mais l’image d’Atlanta en tant que grande ville tolérante du sud des ÉtatsUnis en a pris un sacré coup. Rappelons qu’environ 75 % des joueurs de basket sont noirs.Etqueseulsdeuxpropriétairesd’une équipe de NBA le sont aussi. L’un d’eux se nomme Michael Jordan. L’ex-superstar du basket mondial est aujourd’hui le patron des Charlotte Hornets. HARCÈLEMENT. Le football américain

n’est pas épargné. L’an dernier, Jonathan Martin, un joueur noir de l’équipe des Dolphins de Miami, a accusé l’un de ses coéquipiers blancs de l’avoir harcelé pendant deux saisons. Abreuvé d’injures racistes et sexuelles, il a fini par quitter l’équipe. Même la vague de scandales qui secoue actuellement ce sport – plusieurs joueurs se sont rendus coupables de violences domestiques – n’est pas exempte d’une dimension raciale. Accusé d’avoir frappé jusqu’au sang son fils de 4 ans avec une badine en bois, Adrian Peterson, star africaine-américaine des Minnesota Vikings, a répondu qu’il avait été élevé ainsi par sa famille. Et que c’est cette éducation à la dure qui, selon lui, lui a permis de percer dans le sport professionnel.

à vie de la NBA, condamné à une amende de 2,5 millions de dollars (1,94 million d’euros) et contraint de vendre son équipe (pour 2 milliards de dollars). C’est à présent au tour d’une autre équipe de NBA, les Atlanta Hawks, d’être plongée dans la tourmente. Lors d’une récenteconférencedepresse,DannyFerry, son manager général, s’est laissé aller à des commentaires déplacés sur la personne de Luol Deng, Les Noirs ? « Ils font fuir joueur sud-soudanais des les Blancs et ne sont pas assez Miami Heat pressenti pour signer chez les Hawks. « Il y nombreux pour remplir la salle. » a un peu de l’Africain chez lui, a-t-il estimé. C’est le genre de type à De fait, selon certaines études, la fessée posséder un magasin ayant pignon sur serait plus répandue chez les Africainsrue mais qui vous vendra des produits Américains que dans tout autre groupe contrefaits dans l’arrière-boutique. » Deng ethnique. Un héritage de l’esclavage, a a répliqué qu’il n’y avait pas « un peu » expliqué dans le New York Times Michael mais « beaucoup » d’Africain en lui. Et que Eric Dyson, professeur de sociologie à c’était « une source de force et de fierté ». l’universitéde Georgetown, à Washington. À l’en croire, certains parents noirs corriBUSINESS. Non moins embarrassant, un geraient leurs enfants pour leur apprendre e-mail rendu public récemment mais écrit à garder leur calme le jour, presque inéen 2012 par Bruce Levenson, le propriévitable, où ils auront affaire à la police : taire de ces mêmes Hawks, dans lequel « Ils préfèrent frapper leur progéniture il se plaignait que trop de Noirs assistent plutôt que d’avoir à l’enterrer. » l JEAN-ÉRIC BOULIN, à New York aux matchs de son équipe. Très mauvais JEUNE AFRIQUE


Coulisses

Europe, Amériques, Asie INDE MOM EN BALADE SUR MARS

AFP PHOTO/WAKIL KOHSAR

t Ashraf Ghani, nouveau chef de l’État.

Afghanistan Partage du gâteau Entre Abdullah Abdullah, arrivé en tête au premier tour de la présidentielle, en avril, et Ashraf Ghani, déclaré vainqueur au second, l’affrontement aura duré trois mois. Favori de Hamid Karzaï, le président sortant, Ghani était accusé de fraudes massives par son rival déçu, et la controverse menaçait de dégénérer en une nouvelle guerre civile entre Pachtouns, l’ethnie du nouveau chef de l’État, et Tadjiks, celle de son rival. Sous la pression des Américains et par crainte des talibans, qui, à quelques mois du retrait des 41 000 soldats de la Force internationale d’assistance et de sécurité, multiplient les opérations, les deux hommes ont fini, le 18 septembre, par se partager le gâteau : à Ghani la présidence, à Abdullah la direction de l’exécutif. Anthropologue de formation, ancien fonctionnaire de la Banque mondiale et ancien ministre des Finances, Ghani a été intronisé le 21 septembre. Comme Abdullah, qui fut le bras droit du très antisoviétique et très anti-talibans commandant Massoud, Ghani est favorable à la signature d’un accord de sécurité avec les États-Unis qui permettrait le maintien sur place de 12 000 soldats américains. Mais les deux hommes divergent sur la stratégie face aux talibans : Ghani est favorable à un dialogue, Abdullah y est opposé. l

AVORTEMENT RAJOY RECULE

C’était l’une des grandes promesses électorales de Mariano Rajoy. Voté par le gouvernement espagnol en décembre 2013, le projet de loi restreignant le recours à l’avortement à des circonstances exceptionnelles (viol, danger pour la vie ou la santé de la mère) a été abandonné le 23 septembre. Les polémiques qu’il a déclenchées ont été telles qu’aucun consensus n’a pu être trouvé au Parlement. À l’approche des élections générales (en novembre 2015), le gouvernement joue manifestement la prudence. Il souhaite néanmoins obliger les mineures désireuses d’avorter à obtenir au préalable l’autorisation de leurs parents. JEUNE AFRIQUE

Le chiffre

1 million

Le nombre de bambins conçus par les participants à Erasmus, le programme européen d’échanges universitaires, depuis l’entrée en vigueur de celui-ci, en 1987. C’est ce que révèle un rapport rendu public le 22 septembre par la Commission de Bruxelles. Vingt-sept pour cent des anciens étudiants Erasmus affirment avoir rencontré leur actuel partenaire ou conjoint pendant leur séjour à l’étranger.

Lancée le 5 novembre 2013 par l’Agence spatiale indienne (Isro), la sonde Mars Orbiter Mission (MOM) a été placée en orbite de la planète rouge le 24 septembre. L’engin a été conçu en un temps record – trois ans – et à un prix défiant toute concurrence : 74 millions de dollars (57,7 millions d’euros), soit presque dix fois moins (671 millions de dollars) que Maven, la sonde martienne lancée par la Nasa américaine le 18 novembre 2013. Si tout va bien, MOM tournera pendant six mois autour de la planète rouge à une altitude d’environ 500 km. Elle est censée détecter l’éventuelle présence dans l’atmosphère de méthane, ce qui conforterait la thèse de l’existence sur Mars d’une forme de vie primitive.

CHINE À L’OMBRE, POUR LA VIE

Le verdict est l’un des plus sévères jamais infligés à un opposant. Le 23 septembre, l’intellectuel ouïgour Ilham Tohti a été condamné à une peine de réclusion à perpétuité. Pour « incitation au séparatisme ». Cet enseignant spécialiste des minorités s’est certes toujours battu contre l’assimilation forcée de la minorité ouïgoure musulmane, mais il passe pour un modéré. Il s’oppose par exemple à la sécession de la province du Xinjiang et rejette toute forme de radicalisme islamiste. Qui, comme l’on sait, est à l’origine de la vague d’attentats qui secoue la Chine depuis plus d’un an. N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

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Économie

ANGOLA

Au-delà de En une décennie seulement, le pays s’est relevé de trente années de guerre fratricide. Grâce au pétrole, il a atteint la plus forte croissance au monde et attire à nouveau les investisseurs. Agriculture, infrastructures… Luanda saura-t-il diversifier son économie ? CHRISTOPHE LE BEC,

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envoyé spécial à Luanda

JEUNE AFRIQUE


PÉTROLE

L’Afrique, base de repli de Total ?

DÉCIDEURS

Jack Kayonga PDG de Crystal Ventures

BOURSE

Syphax en pleine zone de turbulences

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p Les chantiers de construction battent leur plein dans la baie de Luanda. JEUNE AFRIQUE

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SIMON DAWSON/BLOOMBERG VIA GETTY IMAGES

l’or noir


Entreprises marchés

C

eux qui ont connu Luanda au sortir de la guerre civile, en 2002, ont du mal à reconnaître la capitale angolaise. Sur la Marginal, la célèbre avenue qui borde la baie et où aiment déambuler les badauds, des dizaines de gratte-ciel sont en construction. Ils côtoient les deux tours de verre de cinquante étages de la Sonangol, la puissante compagnie pétrolière nationale, d’où sortent aux heures de pointe de jeunes cadres dynamiques en costumes et tailleurs impeccables. La nouvelle Assemblée nationale, qui sera inaugurée prochainement, domine désormais le centre-ville avec sa coupole de style colonial portugais, un brin grandiloquent. Doté de 1 250 bureaux – pour seulement 223 députés –, l’édifice aurait coûté la bagatelle de 185 millions d’euros. Il a été construit par le géant portugais du BTP Teixeira Duarte, dont le carnet de commandes ne désemplit pas dans le pays. Depuis le début des années 2000, l’Angola affiche une santé économique impressionnante. Certes, la croissance du PIB a ralenti et ne sera que de 5 % cette année, mais, entre 2001 et 2010, le pays a enregistré la plus forte progression au monde avec une moyenne de 12 % par an. Sur le terrain, celle-ci se traduit notamment par une fièvre bâtisseuse. Dans la ville nouvelle de Talatona, située à 30 km au sud du centre-ville, les condominios (lotissements fermés et protégés), construits par le brésilien Odebrecht, poussent comme des champignons. Fuyant le centre congestionné et les musseques, gigantesques bidonvilles qui abritent les réfugiés d’un conflit qui aura duré trente ans, une partie de la classe moyenne aisée s’y est installée. Mais résider à Talatona ou à Luanda coûte cher. Le loyer d’un quatre pièces doté d’un groupe électrogène capable de pallier les pannes chroniques du réseau électrique atteint 8 000 dollars par mois (plus de 6 200 euros). Selon le cabinet Mercer, la

José Filomeno dos Santos: « La transparence est un impératif pour le fonds souverain »

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Âgé de 36 ans, le fils du chef de l’État a été nommé en 2013 à la tête du fonds souverain de l’Angola (FSDEA), doté de 5 milliards de dollars. Il explique ses objectifs et sa stratégie. Lire l’interview sur jeunafrique.com

capitale angolaise est la deuxième ville la plus chère au monde, derrière Tokyo. Mais ce coût prohibitif de la vie ne rebute pas les investisseurs, bien au contraire. Pour la seule année 2012, le pays a attiré quelque 9,6 milliards de dollars d’investissements directs étrangers. Soit près de trois fois le montant reçu par la RD Congo voisine durant la même période. Selon le « World Investment Report » 2013 de la Cnuced (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement), l’Angola était en 2011 le pays où le retour sur investissement était le plus élevé au monde. Pour s’y installer, il faut donc y mettre le prix. « L’Agence nationale pour l’investissement privé angolaise (Anip), tatillonne sur les transferts de compétence, exige un investissement minimum de 1 million de dollars pour bénéficier du régime fiscal commun. Et mieux vaut avoir un partenaire local solide, notamment pour faire face aux entraves administratives. Mais le jeu en vaut la chandelle », estime un diplomate occidental en poste à Luanda. DE TOUS HORIZONS. Séduits par ces perspectives,

Portugais et Brésiliens ont afflué dans ce pays lusophone d’environ 21 millions d’habitants. Ils prennent d’assaut des postes à compétences techniques ou créent leur propre entreprise. Mais ce sont les groupes chinois qui ont été les premiers à s’implanter dans le pays juste après la guerre civile. Désireux d’accéder aux ressources pétrolières en échange de la construction d’infrastructures, Pékin les a soutenus. À Luanda, leurs équipes de construction ne s’arrêtent jamais de travailler, y compris la nuit. On leur doit le changement phénoménal et rapide du paysage urbain. Derrière cet afflux d’expatriés de tous horizons, il y a d’abord et surtout un engouement pétrolier qui ne se dément pas. Même si sa production quotidienne a stagné au cours de ces deux dernières années, à 1,7 million de barils (81 % issus

Des groupes étrangers au sommet

Odebrecht

Teixeira Duarte

Le premier employeur

Leader de la distribution auto

A

vec pas moins de 24 000 salariés dans le pays, le géant brésilien s’affiche fièrement comme le premier employeur privé. Il est présent dans la construction de barrages, de routes, de logements, mais aussi dans la grande distribution. Sa filiale angolaise est la plus importante dans le monde et représente environ 10 % de son chiffre d’affaires, de quelque 33 milliards d’euros en 2014. N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

E

n difficulté au Portugal, ce groupe familial diversifié, présent dans le BTP, a trouvé le salut en Angola. Il y réalise la moitié de son chiffre d’affaires total, de 1,58 milliard d’euros en 2013. Outre le BTP, il est propriétaire des supermarchés Maxi, mais il est aussi le premier distributeur automobile du pays, détenteur notamment des marques Nissan, Renault, Mahindra, Honda et Peugeot.

Total

Le roi du pétrole

L

e pétrolier contrôle à lui seul un tiers de la production d’or noir du pays (630 000 barils/ jour en 2013, dont 180 000 pour son propre compte). L’Angola, où il emploie environ 8 000 personnes, est en passe de devenir son premier pays d’extraction, grâce à l’entrée en production du bloc offshore de Kaombo, qui doit atteindre 230 000 barils/jour. JEUNE AFRIQUE


IONUT SENDROIU/DEMOTIX/CORBIS

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de gisements offshore profonds), le pays s’est hissé en quelques années au deuxième rang des producteurs subsahariens de brut, derrière le Nigeria. « Presque toutes les majors pétrolières se sont renforcées en Angola, et plusieurs autres compagnies s’y sont installées. Total est le premier producteur du pays avec plus d’un tiers de la production [lire pp. 68-69], suivi de Chevron, Exxon et BP. Seul Shell ne s’y est pas implanté », remarque Benoît Verdier, directeur général de Technip Angola, société d’ingénierie pétrolière aujourd’hui en plein essor. Alors que celle-ci facturait 90 000 heures d’ingénierie en 2011, elle devrait dépasser les 220 000 heures en 2014, en raison des nouveaux projets en cours. « Les réserves offshore “antésalifères” [situées sous une couche de sel au fond de l’océan Atlantique] au large de l’Angola pourraient se révéler aussi prometteuses que celles du Brésil, où Petrobras puise déjà 550 000 barils par jour », fait valoir, très optimiste, le géologue et consultant canadien Tako Koning, installé dans le pays depuis dix-neuf ans. En 2013, l’or noir représentait 96 % des exportations angolaises, 80 % des recettes de l’État, et 46 % du PIB du pays. Les observateurs rencontrés à Luanda estiment que cette manne a été mieux gérée qu’ailleurs en Afrique subsaharienne. « À la différence d’un pays pétrolier comme le Nigeria, l’Angola dispose d’un État fort, très centralisé, qui a étoffé son cadre légal pour organiser intelligemment le transfert des compétences au niveau local et accroître ses rentrées fiscales », estime l’avocat Carlos Manuel da Silva Gomez, qui travaille dans le secteur extractif local depuis 2004. Selon les règles en vigueur dans le pays, JEUNE AFRIQUE

p Le pétrole représentait en 2013 96 % des exportations du pays et 46 % de son PIB.

toutes les compagnies étrangères actives dans le pétrole sont associées à la Sonangol, à travers des accords de licences d’exploration et de production. Présidée jusqu’en 2012 par Manuel Domingos Vicente, l’actuel vice-président du pays et potentiel dauphin du président José Eduardo dos Santos, l’entreprise publique passe pour un cas unique sur le continent. Elle a réalisé un bénéfice de 2,96 milliards de dollars en 2013 et commercialise elle-même ses quotas de l l l

LE DIAMANT RETROUVE SON ÉCLAT LESTRENTE ANS de conflit qui ont déchiré le pays ont sérieusement entaché la réputation du secteur diamantifère. Aujourd’hui repris en main par Endiama, il redémarre progressivement en Angola. Avec le prix des pierres précieuses qui repart à la hausse (+ 10 % attendus en 2014), alors que la production mondiale stagne et la demande – notamment asiatique – croît fortement, les diamantaires s’intéressent à nouveau au pays. La société publique a calqué son fonctionnement sur celui de la compagnie pétrolière Sonangol en nouant des partenariats avec les différentes sociétés extractives

internationales. Il a par exemple conclu des accords prometteurs avec les deux leaders mondiaux du secteur: le sud-africain DeBeers et le russe Alrosa, associé avec le négociant israélien Lev Leviev et Odebrecht dans le mégaprojet minier de Catoca, dans le Nord-Est, près de la frontière avec la RD Congo. Récemment, les deux géants ont relancé leurs activités d’exploration dans le pays. En 2013, les exportations angolaises de diamants représentaient autour de 1,5 milliard de dollars, pour une production estimée à 13 millions de carats, faisant du pays le cinquième producteur mondial. l C.L.B. N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014


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La Sonangol, une machine bien huilée face à deux défis

Entreprises marchés production, ce qui lui permet d’éviter d’avoir recours à des intermédiaires. Mais cette économie essentiellement portée par l’or noir a subi un revers en 2008 avec la chute vertigineuse des prix du baril. Les autorités se sont alors montrées plus rigoureuses et transparentes dans leur gestion des finances publiques, grâce à un programme spécial du Fonds monétaire international (FMI) mis en place entre 2009 et 2012. « L’inflation, qui atteignait des sommets au sortir de la guerre, est désormais modérée. Elle devrait s’établir aux alentours de 7 % en 2014, grâce au travail sérieux de la Banque centrale, indique Nicholas Staines, le représentant du FMI à Luanda. Les réserves monétaires, qui s’étaient asséchées après 2008, sont renflouées. Quant aux procédures d’attribution des marchés publics – et à leur règlement –, elles se sont nettement améliorées. En 2009, l’État présentait des arriérés de paiement pour des contrats publics de quelque 8 milliards de dollars. Ils ont été réduits à 2 milliards en 2012, ce qui marque un net progrès. » lll

EMBRYONNAIRE. Pourtant, beaucoup reste à faire pour relancer définitivement l’économie. À commencer par l’amélioration du climat des affaires, qui reste troublé, tout particulièrement sur les questions de sécurité contractuelle. « La plupart des contrats de location sont informels et les accords commerciaux fluctuent souvent », observe Martin Hercules, représentant local du groupe allemand Commerzbank. Le pays doit également renforcer son secteur privé, peu développé, en dehors des conglomérats appartenant à une douzaine de grandes familles proches du pouvoir. La guerre civile a empêché plusieurs générations de se former, et l’héritage du passé collectiviste du Mouvement populaire pour la libération de l’Angola (MPLA, au pouvoir) n’a guère favorisé l’entrepreneuriat individuel, encore embryonnaire. Enfin et surtout, « la diversification de l’économie est plus que jamais nécessaire », considère

En chiffres :

Croissance du PIB

5,1%

en 2013 (5,2% en 2012) PIB par habitant

5 700 dollars en 2013

(621 dollars en 2001)

Inflation

9,3% en 2013 (10,3% en 2012)

Déficit budgétaire

5%

du PIB en 2014 Dette publique

32,9%

du PIB en 2014 Classement Doing Business :

179e sur 189 pays en 2014

Indice de la perception de la corruption :

153e sur 177 pays

Nicholas Staines. Selon lui, il serait trop imprudent de compter sur les gisements pétroliers antésalifères pour remplir les caisses de l’État, alors même que leurs réserves exploitables ne pourront pas être estimées avant 2015. De plus, l’or noir n’a profité encore qu’à une élite, souvent métissée ou très internationalisée, proche du parti au pouvoir. « Le ressentiment grandit parmi la population déshéritée, assure un diplomate en poste à Luanda. Ses revenus n’ont guère évolué, alors que le coût de la vie est élevé. Sur un salaire mensuel de quelque 250 dollars, un banlieusard doit dépenser 80 dollars dans les transports. » CLIMAT IDÉAL. Pour amorcer – enfin – cette diver-

sification, le gouvernement, qui prépare l’échéance électorale de 2016, a lancé son programme de développement 2013-2017. Priorités des priorités de ce plan d’investissement de 46 milliards d’euros, qui n’en est encore qu’à ses débuts : les infrastructures et l’agriculture. Ce dernier secteur pourrait en effet doper l’économie du pays, avec des sols, des ressources hydriques et un climat idéal, qui permettent jusqu’à trois récoltes par an dans certaines régions. Selon la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), l’Angola est même l’un des cinq États ayant le meilleur potentiel agricole de la planète, avec ses 18 % de terres arables non exploitées. Mais, pour le moment, seule une poignée de groupes internationaux ont lancé des projets dans ce domaine : le portugais Delta, qui veut relancer la production de café (le pays était le quatrième producteur mondial en 1975), et les israéliens Mitrelli et LR Group, dans l’élevage et le maraîchage. Depuis 2002, le pays a parcouru un chemin considérable grâce à l’argent du pétrole. Désormais, le gouvernement doit miser sur l’agriculture pour réduire ses importations alimentaires, enrayer le chômage et faire enfin bénéficier l’ensemble de sa population de la relance économique. l

Le grandinvité de l’économie SAMEDI 4 OCTOBRE, sur RFI à 12 h 10* dans Éco d’ici, Éco d’ailleurs, Lionel Zinsou, président de PAI Partners et concepteur de la Fondation franco-africaine pour la croissance, décrypte les grands enjeux de l’économie. Retrouvez l’essentiel de cet entretien dans Jeune Afrique en kiosque le 5 octobre 2014. Retrouvez les moments forts de cette interview sur www.jeuneafrique.com et sur www.rfi.fr

*heure de Paris, 10 h 10 TU


Entreprises marchés

Les indiscrets

Libre-échange Dernière ligne

CÔTE D’IVOIRE UNE BELLE ENVELOPPE POUR LE FONDS KAYDAN Le président du groupe Kaydan, Alain Kouadio, a structuré son fonds d’investissement immobilier, Kaydan Real Estate, et l’a doté d’une première enveloppe de 100 millions de dollars. Selon nos informations, Kaydan RE, qui est financé par des institutionnels et les banques commerciales, investira d’abord dans l’implantation à Abidjan de la chaîne hôtelière internationale GoldenTulip. Un investissement de 30 millions de dollars. Le fonds ainsi créé fonctionnera par cellules et par types de projets. Il n’est pas exclu qu’il investisse aussi dans DR

droite pour l’Afrique de l’Est

Mais – à l’heure où nous bouclons –, ils n’ont toujours pas signé l’accord intérimaire, contrairement à ce qu’affirmait la presse kényane. Nairobi est d’ailleurs le pays qui risque de perdre le plus. Étant le seul pays à revenu intermédiaire de la zone, même en cas de ratification, il perdra au moins pendant quelques semaines tout accès privilégié au marché européen pour ses exportations. Parmi les produits concernés, ses fleurs coupées, dorénavant taxées entre 8 % et 12 %, et qui ont rapporté 530 millions de dollars (413 millions d’euros) au pays l’an passé. l

Les importateurs marocains de céréales ont tourné le dos au blé français. Désormais, pour combler les besoins du marché local, c’est en Russie qu’ils font leurs emplettes. L’Hexagone, qui a fourni l’année dernière près de 70 % des besoins (en importation) du Maroc en blé devrait ainsi voir sa part de marché descendre cette année à 20 %. En cause ? La qualité de la JEUNE AFRIQUE

la construction de la cité immobilière du groupe de banques et assurances NSIA, pour plus de 60 millions de dollars.

VALERY MOREV/RIA NOVOSTI/AFP

AGRICULTURE LE MAROC BOUDE LE BLÉ FRANÇAIS

ALEXANDRE DUPEYRON POUR J.A.

L

es négociateurs de la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC) sont à Bruxelles depuis le 24 septembre pour tenter de conclure l’accord de partenariat économique (APE) avant la date fatidique du 1er octobre imposée par la Commission européenne. « Les discussions sont en cours et pourraient trouver leur aboutissement avant le week-end », espérait jeudi 25 septembre un expert européen. Les cinq pays de la Communauté (Burundi, Kenya, Ouganda, Rwanda et Tanzanie) se sont accordés sur une même position quelques jours seulement avant de s’envoler vers l’Europe.

récolte dans l’Hexagone, et en Europe de manière générale, jugée « mauvaise » par les professionnels du secteur. Un argument économique qui en cache un autre… on ne peut plus politique. « C’est un échange de

bons procédés. Les Russes ont décidé d’augmenter sensiblement leurs achats de fruits et légumes du Maroc pour contourner les sanctions européennes. On se devait de faire un geste », explique notre source…

COWORKING JOKKOLABS À ABIDJAN ET CASABLANCA Après Dakar, Nanterre, Ouagadougou et Bamako, Karim Sy étend son réseau d’espaces de coworking Jokkolabs aux villes d’Abidjan et de Casablanca. Ces nouvelles implantations seront inaugurées en novembre, lors de la semaine mondiale de l’entrepreneuriat. Au Maroc, Jokkolabs s’est associé auTechnopark de Casablanca. En Côte d’Ivoire, son fondateur s’est rapproché de Pierre M’Bengue, PDG de la société informatique Inova et président du Groupement des opérateurs du secteur desTIC (Gotic). N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

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Entreprises marchés

JEROME SESSINI/GETTY IMAGES

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p La compagnie a intensifié le forage des puits d’exploration en mer très profonde. PÉTROLE

L’Afrique, base de repli de Total? En difficulté au Kazakhstan, le pétrolier français a revu à la baisse ses objectifs. Mais il réaffirme que le continent, qui représente près du tiers de sa production, reste une terre d’exploration de premier plan.

L

annonce n’a été qu’une demi-surprise. Le 22 septembre, à Londres, où ils s’adressaient à leurs investisseurs, les dirigeants de Total ont revu à la baisse leur objectif de production à l’horizon 2017. Le groupe français, deuxième producteur de brut en Afrique derrière l’italien Eni, tablait jusqu’ici sur 3 millions de barils par jour. Désormais, il n’en vise que… 2,8 millions. Cette nouvelle prévision ne vient que confirmer ce qui se dessinait depuis le début de cette année, lorsque le pétrolier, N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

dirigé par Christophe de Margerie, a présenté ses résultats 2013. En février, le groupe, qui a vu son bénéfice net sur cet exercice baisser de 20 %, à 8,4 milliards d’euros, avait déjà laissé entendre qu’il allait réduire sa voilure en matière d’investissements dans l’exploration et la production. DÉBOIRES. Pourtant, jusqu’en

n ove mb re 2 0 1 3 , Ja c q u e s Marraud des Grottes, le directeur Afrique exploration-production (aujourd’hui remplacé par Guy Maurice), maintenait dans

un entretien à Jeune Afrique les prévisions initiales du groupe. De même que sa ferme volonté d’investir sur le continent. Que s’est-il passé depuis ? C’est d’abord en Asie, en mer Caspienne, qu’il faut chercher les principales raisons de cette révision à la baisse. Précisément au Kazakhstan, où l’immense projet offshore Kashagan a pris du retard. Ce gisement est considéré comme l’un des plus importants découverts au cours de ces quarante dernières années, avec 13 milliards de barils de pétrole récupérables. Mais Total n’a pas cessé d’accumuler les déboires. Plusieurs fois repoussée, son exploitation avait enfin JEUNE AFRIQUE


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nos coûts, et beaucoup plus disciplinés dans nos investissements d’exploration. Mais il n’est pas question de réduire nos activités en Afrique », soutient un cadre. Selon lui, des pays comme l’Angola, le Congo, le Gabon ou encore la Côte d’Ivoire restent importants pour le pétrolier. Pour preuve, il affirme qu’une dizaine de FPSO [Floating Production, Storage and Offloading Unit, navire utilisé dans l’industrie pétrolière et gazière pour le traitement et le stockage des hydrocarbures] vont être mobilisés lors des quatre proARMADA. En Afrique, où le pétrochaines années sur le continent. lier français puise environ 30 % D’ici là, le groupe devrait annonde son brut et où il affiche depuis cer, début 2015, une nouvelle l’année dernière une tendance stratégie pour son activité d’exploration et de production. Et c’est le baissière (– 7 %, à 650 000 b/j), Canadien Kevin McLachlan, qui les interrogations se multiplient remplace Marc Blaizot à la direcdepuis l’annonce des dirigeants du groupe. D’autant que depuis tion de cette activité, qui la mettra trois ans Total y mène une polien place et la pilotera. L’homme tique d’exploration qu’il estime a fait ses armes chez Murphy Oil lui-même « très audacieuse ». Sans mais aussi chez Nexen, Mobil et grand succès toutefois. Exxon. Quant à la baisse de la producDe l’est à l’ouest du continent, de la Mauritanie à la tion observée l’année dernière, « elle est liée Côte d’Ivoire en pasLe groupe sant par l’Afrique du au retard de certains mise sur Sud, le Mozambique, projets sur lesquels ses projets l’Ouganda ou le Kenya, Total n’est pas le seul le groupe a intensifié le opérateur. Mais aussi en Angola, forage des puits d’exau Congo et à la cession de certains ploration en mer très actifs », explique notre au Nigeria profonde. Des zones cadre, qui affirme que « géologiquement risle démarrage de cerpour tains projets en cours quées », avait admis relancer sa devrait permettre de Ja c q u e s M a r r a u d production. redresser la barre. des Grottes. Il a ainsi Comme en Angola, explosé son budget où les champs Clov (500 milglobal d’exploration, le faisant lions de barils), détenus à 40 % passer de 1,8 milliard à 2,8 milpar le groupe français, sont liards de dollars entre 2010 et 2013. Mais, à Londres, le groupe entrés en production cette année. a concédé n’avoir pas trouvé les Quelque 160 000 barils devraient « éléphants » qu’il cherchait. À sortir du sous-sol marin quotil’exception de ses découvertes, diennement. Au Congo, le projet plutôt modestes, en Côte d’Ivoire. Moho Nord doit démarrer au preToutefois, depuis la tour en mier trimestre 2015. Le groupe verre qui héberge la direction du table sur l’extraction de 485 milgroupe à la Défense, le quartier lions de barils pour un investissedes affaires situé en région pariment de 10 milliards de dollars. Et au Nigeria, un autre grand projet sienne, on assure que le contiFPSO devrait démarrer à Egina à nent ne sera pas affecté par le la mi-2017, avec un potentiel de nouveau virage que négocie le plus de 500 millions de barils. l groupe. « Bien évidemment, nous serons beaucoup plus vigilants sur STÉPHANE BALLONG JEUNE AFRIQUE

Retrouvez sur

economie.jeuneafrique.com toute l’actualité économique et financière du continent Cette semaine, à la une :

Électricité China Exim Bank prête 300 millions de dollars au marocain ONEE Frontières maritimes Le Ghana s’en remet à un tribunal arbitral international Finance Wafa Assurances s’implante au Cameroun et au Sénégal Santé publique Le 3e sommet Inde-Afrique reporté à cause de l’épidémie d’Ebola La vidéo de la semaine

Aïssatou Cissé Directrice générale de Pendis-CI

La success-story de la vedette des transports à Abidjan

DR

commencé en septembre 2013 avant d’être arrêtée au bout de quelques semaines en raison de problèmes techniques. Et elle ne devrait pas redémarrer avant 2016. Pourtant, le groupe français entendait y pomper quelque 300 000 barils/jour. Outre le Kazakhstan, Abou Dhabi, qui représente jusqu’à présent 6,5 % de la production du groupe (avec 160 000 b/j), devrait voir sa contribution baisser puisque la concession de Total expirera en 2015.

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Décideurs INTERVIEW

Jack Kayonga

PDG de Crystal Ventures

« L’industrie manufacturière du Rwanda est une priorité » Après l’agroalimentaire et les télécoms, le fonds d’investissement veut explorer de nouveaux secteurs. En toute indépendance, assure le patron de la société, détenue par le parti au pouvoir.

N

i fonds souverain ni fonds d’investissement classique, Crystal Ventures a un statut à part au Rwanda. Fondé en 1995 sous le nom Tri-Star Investments, il est entièrement détenu par le Front patriotique rwandais (FPR), l’ancienne rébellion qui a pris le pouvoir en 1994. Il a depuis connu une forte croissance et est devenu le premier employeur privé du pays, avec quelque 12 000 salariés. Ses actifs, valorisés à environ 500 millions de dollars (près de 390 millions d’euros) par sa direction, s’étendent du secteur de la construction à la sécurité en passant par l’agroalimentaire et les télécoms. Alors que des critiques fusent sur l’attribution de certains marchés publicsauxentreprisesdétenuespar cefondsappartenantaupouvoir,Jack Kayonga,son PDGdepuismai 2013, se défend, chiffres à l’appui. Pour ce financier formé au Rwanda et au Royaume-Uni, l’heure est à la prise de décisions stratégiques: trouver desrepreneurspourcertainesdeses filialesetréinvestirdansdenouveaux secteurs à défricher.

JEUNE AFRIQUE: Bras financier du Front patriotique rwandais au pouvoir, Crystal Ventures investit dans le développement de secteurs stratégiques pour l’économie nationale. Mais vous refusez d’être assimilé à un fonds souverain. Pourquoi? JACK KAYONGA: Un fonds souve-

rain appartient à un gouvernement. Lalignequinousséparedel’exécutif rwandais est peut-être ténue, mais elle existe. Quand nous prenons des risques, nous le faisons en tant qu’entrepriseprivée.L’Étatnegarantit pas nos investissements, ne nous verse pas d’argent. Et il n’est pas représenté dans nos instances. Nous avons un double objectif: faire prospérer le fonds tout en contribuant au développement du pays. Lorsque Crystal Ventures a été créé, sous le nom de Tri-Star Investments, nous étions un pays neuf. Il y avait très peu d’investisseurs étrangers. Pourtant, nous devions développer certains secteurs cruciaux. La stratégie adoptée par les dirigeants a été de créer des entreprises sectorielles, de les faire croître, pour, à terme, les revendre. C’est ce que vous avez fait avec Inyange Industries, le leader national des produits laitiers…

Abidjan 16-17 mars 2015

Les stratégies de création de champions panafricains font partie des thèmes majeurs du AFRICA CEO FORUM 2015 www.theafricaceoforum.com N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

Tout à fait. Cette entreprise permet d’offrir un débouché à la production de nos agriculteurs : lait, fruitsdelapassion,ananas…Quand nous l’avons fait, aucun investisseur ne voulait s’aventurer dans ce secteur. Encore aujourd’hui, ils ne se bousculent pas. Il y a d’autres exemples. Dans le domaine du bâtiment, le pays connaissait – et connaît toujours – un boom. Mais presque tous les matériaux devaient être importés.

Bio express 1999 Diplômé en sciences économiques de l’université du Rwanda 2004 Obtient un master en finance et banques à l’université de Cardiff (Royaume-Uni) 2009 Nommé PDG de la Banque rwandaise de développement 2012 Lauréat de deux prix des All Africa Business Leaders Awards : meilleur jeune leader estafricain et du continent 2013 Rejoint Crystal Ventures

LeFPRaalorsdécidédecréerRuliba Clays et East African Granite pour résoudre ce problème. Dans le secteur des télécoms, aucune entreprise étrangère ne voulait venir au Rwanda parce que notre marché était considéré comme trop étroit pour être rentable. La seule façon pour nous de les attirer a été de supporter le risque. Ainsi, en créant MTN Rwanda, nous étions convenus avec le groupe sud-africain que nous lui céderions des parts une fois l’entreprise développée. Au début, nous détenions donc 80 % de MTN Rwanda. Aujourd’hui, il ne nous en reste que 20 %, pour lesquels nous cherchons des investisseurs. Cette industrie est devenue mature: nous n’avons plus de raison d’y être. Nous devons nous concentrer sur de nouveaux secteurs. Avez-vous des projets d’introduction à la Bourse de Kigali?

Nous étudions cette possibilité avec attention. Nous pensons qu’au premier trimestre de l’année prochaine, l’une de nos compagnies pourrait être introduite. Mais nous envisageons aussi d’introduire l’ensemble de Crystal Ventures. Il est temps que les Rwandais détiennent une partie de ce fonds. JEUNE AFRIQUE


Décideurs

DR

ON EN PARLE

Cette critique n’est pas justifiée. Les deux entreprises de construction dont nous sommes propriétaires ne contrôlent même pas 3 % du marché. La part du lion revient aux sociétés chinoises et européennes. Par exemple, nous n’avons jamais construit de routes nationales, uniquement des axes secondaires. Ensuite, regardez les statistiques sur les marchés publics: nous n’avons pas remporté plus de 50 % de ceux auxquels nous avons soumissionné. Nous perdons beaucoup de marchés publics. Comment expliquez-vous que votre société de sécurité, Intersec, soit la seule à avoir le droit de détenir des armes à feu ?

Nous avons été la première sociétédesécuritéauRwanda.Nous avons été les premiers à demander cette autorisation et nous l’avons obtenue. De la même manière que le gouvernement interdit aux particuliers de détenir des armes à feu, il a estimé qu’il n’était pas dans JEUNE AFRIQUE

son intérêt de multiplier les autorisations. C’est une coïncidence. D’ailleurs, une loi est en discussion auParlementpourouvrirlemarché. Mais cette réforme ne nous inquiète pas, nous n’utilisons des armes que dans une infime partie de nos activités. En réalité, seules les banques ont besoin de ce type de matériel pour des questions d’assurance. Le FPR peut-il utiliser vos fonds à sa guise ? Pour ses campagnes politiques, par exemple ?

XAVIER DE CARNIERE FERONIA Le groupe agroalimentaire présent en RD Congo a annoncé la nomination du Français aux postes de directeur général et administrateur. L’ancien directeur financier du groupe belge Siat prendra ses fonctions en janvier 2015.

Nous versons des dividendes prédéterminés au parti. Il utilise cet argent comme il le souhaite, donc je n’exclus pas que cela serve à financer des campagnes. Cela dit, leurs ressources proviennent majoritairement des cotisations des membres. Dans quels nouveaux secteurs souhaiteriez-vous investir ?

L’énergie,l’immobilier.Etbiensûr l’industrie manufacturière, qui est une priorité pour résoudre le problème du chômage. Ce sont encore des projets, mais dans les prochains mois, nous devrions pouvoir faire des annonces plus précises. l Propos recueillis à Kigali par PIERRE BOISSELET

DR

Crystal Ventures s’attire des critiques. Dans le secteur de la construction, par exemple, n’y a-t-il pas un conflit d’intérêts quand le fonds du FPR se voit attribuer des marchés par l’État ?

DR

CYRIL NDEGEYA

YASSER LOUDGHIRI LEFÈVRE PELLETIER & ASSOCIÉS Le Marocain devient associé au sein du bureau casablancais du cabinet international d’avocats. Il travaillait jusqu’ici auprès du bâtonnier Mohamed Loudghiri, partenaire de SNR Denton depuis 2009.

GUY M’BENGUE AFRILAND FIRST BANK L’homme d’affaires prend la présidence du conseil d’administration de la filiale ivoirienne du groupe bancaire camerounais. Il remplace à ce poste Paul Fokam, président du holding Afriland First Group, basée en Suisse. N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

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Finance AÉRIEN

Syphax bat de l’aile à la Bourse de Tunis Un an et demi après son introduction sur la place financière, la compagnie chute en piqué. Christian Blanc, son nouveau PDG, la fera-t-il redécoller ?

A

vril 2013. Syphax Airlines, la jeune compagnie aérienne, entre à la Bourse de Tunis. Le prix de l’action est alors fixé à 10 dinars tunisiens (4,70 euros), et l’opération, pilotée par MAC SA et Tunisie Valeurs, souscrite trois fois et demie. Septembre 2014. Le titre ne vaut plus que 4,75 dinars. En près d’un an et demi, il a perdu plus de la moitié de sa valeur initiale et représente la plus forte baisse parmi les récentes introductions sur la place tunisienne.KaisKriaa,analystechez l’intermédiaire boursier Alpha Mena, parle de « déroute » et affirme que la valeur continuera à baisser. Comment en est-on arrivé là ? Début 2011, au lendemain de la révolution, Mohamed Frikha, déjà PDG de Telnet Holding (logiciels et haute technologie) décide d’investir dans le transport aérien. Il crée Syphax Airlines avec un capital de 10 millions de dinars. Au printemps 2012, les premiers vols sont assurés par deux Airbus A319. C’est quelquesmoisplustardquelacompagnie,pleined’ambition,ouvreson capital à de nouveaux actionnaires. Au passage, elle lève 25 millions de dinars pour financer son développement, qui prévoyait des liaisons intercontinentales. RUMEURS. Mais les promesses

ont été difficiles à tenir, « notamment les liaisons long-courriers », reconnaît Lilia Kammoun, analyste chez TunisieValeurs. La ligne TunisMontréal ne fonctionne que depuis avril et, déjà, des rumeurs évoquent sa fermeture. Dans un récent communiqué, Syphax a expliqué que la ligne reste ouverte, mais que le calendrier sera adapté et que des accords commerciaux avec d’autres transporteurs sont en négociation. N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

JACQUES BRINON/AP/SIPA

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u Christian Blanc, ex-patron d’Air France, remplace le fondateur du transporteur, Mohamed Frikha.

Syphax souhaitant se concentrer sur la desserte de l’Arabie saoudite en période de hajj (le pèlerinage à La Mecque, en octobre), les longcourriers annoncés vers la Chine pour début 2015 pourraient aussi décoller avec du retard. Et pour ne rien arranger, la situation sur le marché national et régional n’est guère plus brillante, plombée par le recul du tourisme et la dépréciation du dinar. L’explosive situation libyenne a également obligé la compagnie à interrompre ses vols vers et depuis cette destination. Estimées à 7,5 millions de dinars dans le business plan, les pertes de Syphax Airlines ont finalement atteint 11 millions. Pour Kais Kriaa d’Alpha Mena, il est clair qu’« au départ la compagnie ne s’est pas dotée des moyens

nécessaires pour réaliser ses objectifs » et que « le prix de l’action a été surévalué ». Mais sa consœur Lilia Kammoun tient à relativiser les difficultés rencontrées par le transporteur: « Beaucoup de sociétés introduites en 2014 ont vu leur valeur baisser durant le deuxième semestre ; Syphax a aussi subi cette chute. » Elle recommande aux détenteurs du titre de ne surtout pas vendre, compte tenu de la faiblesse du cours. De plus, « la majeure partie des pertes a déjà été subie, estime-t-elle. C’est une jeune compagnie avec beaucoup de potentiel. Dans l’industrie, on prévoit en général trois années de pertes au démarrage ». Chez d’autres intermédiaires, la vigilance est de rigueur. « Le nouveau business plan de la JEUNE AFRIQUE


Baromètre

SURSAUT. Pour Lilia Kammoun,

l’arrivée d’un nouveau PDG à la tête de Syphax est plutôt une bonne nouvelle pour la compagnie. Le 11 septembre, la désignation de Christian Blanc, ancien patron d’Air France, a provoqué un léger sursaut du titre Syphax. « C’est l’occasion d’installer une vraie équipe, une vraie structure managériale. Avant, elles reposaient essentiellement sur la personne de Mohamed Frikha », explique l’analyste. Pour redonner de la vigueur à Syphax, il est urgent de trouver plus de financements pour poursuivre l’activité, soutenir sa croissance et continuer à investir. Désormais, tous les analystes soutiennent l’hypothèse d’« une nouvelle augmentation de capital et la recherche d’un partenaire stratégique ou financier ». Mais pour Kais Kriaa, « l’arrivée d’un nouveau partenaire ne laissera pas forcément le pouvoir décisionnaire à Mohamed Frikha ». l

DEVISES

« La baisse de l’euro profite aux produits agricoles africains » EN PLUS d’avoir abaissé son taux directeur, de 0,15 % à 0,05 %, la Banque centrale européenne (BCE) a procédé à la réduction du taux de dépôt dans ses livres (de – 0,10 % à – 0,20 %). Les banques devront donc payer un peu plus cher pour laisser de l’argent à court terme dans ses coffres. Ces deux mesures devraient les inciter à davantage prêter à l’économie, notamment aux PME et aux ménages en difficulté. Et ainsi contribuer à la relance de la zone euro. Le prochain « indice de confiance du consommateur » nous éclairera sur l’impact de ces décisions sur les ménages. Mais, preuve qu’elles ont déjà été bien accueillies, elles ont favorisé la glissade de la valeur de l’euro par rapport

au dollar. Alors que les prévisions pour la fin de l’année se situent à 1 euro pour 1,30 dollar, le 24 septembre, une unité de la monnaie commune s’échangeait contre 1,28 dollar, soit son plus bas niveau depuis quatorze mois. Une bonne nouvelle pour les exportations des pays européens. Pour les économies africaines de la zone franc, qui reposent majoritairement sur l’agriculture, cette dépréciation de l’euro est un atout. L’arrimage du franc CFA à un euro faible en dessous de 1,30 dollar bénéficie à leurs exportations de produits agricoles. Chaque fois que l’euro se déprécie, le franc CFA fait de même, et la compétitivité des produits africains sur les marchés internationaux augmente. À l’inverse,

Ahmed Sylla Responsable adjoint de la trésorerie, zone UEMOA BNP Paribas Sénégal

avec un euro faible et la hausse du prix du baril, l’importation du pétrole brut aura un coût plus élevé. Cependant, dans les deux cas, l’impact est limité, car les échanges des pays de la zone franc se font surtout en euro, donc sans risque de change.Toutefois, l’appréciation du dollar pourrait entraîner une diminution des échanges entre la Chine et la zone CFA, qui s’effectuent essentiellement dans cette devise. l

Cours de l’euro par rapport au dollar 1,325

1,32 $ 1,300

27.8.2014

1,275

1,27 $ 25.9.2014

1,250 25 août 2014

1er sept.

8 sept.

15 sept.

22 sept.

SOURCE : LA TRIBUNE.FR

compagnie a revu ses ambitions à la baisse. Nous conseillons de conserver les titres, mais attendons des réalisations concrètes », explique Haifa Belghith d’Amen Invest. D’après lui, l’engagement en politique de Mohamed Frikha pourrait être mal perçu par le marché. Le patron est en effet tête de liste du parti islamiste Ennahdha à Sfax 2, sa région d’origine, pour les élections législatives. Et candidat indépendant à la présidentielle, en novembre. Ses récentes démissions de Telnet et de Syphax, pour mieux se consacrer à ses engagements politiques, pourraient ne pas suffire. Le sort des deux sociétés semble d’ailleurs lié. « Syphax tire le titre Telnet vers le bas alors que cette dernière société vit une véritable success-story. Le marché n’arrive pas à faire la différence entre les deux entreprises », note Kais Kriaa. Leurs actions affichent aujourd’hui presque la même valeur, alors que les actions de Telnet Holding tournaient autour de 7 dinars lors de l’entrée en Bourse de la compagnie aérienne.

Finance

STÉPHANIE WENGER, à Tunis JEUNE AFRIQUE

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Dossier

Aérien

INTERVIEW

René Décurey, directeur général d’Air Côte d’Ivoire

STRATÉGIE

Le Moyen-Orient

à l’assaut du ciel N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

JEUNE AFRIQUE


HANDLING

AHS Sénégal dans la tourmente

AFRIQUE DU SUD

South African Airways peine à maintenir le cap

INTERVIEW

Mayoro Racine, directeur général de Sénégal Airlines

Profitant de leur position géographique, Emirates, Qatar Airways et Turkish Airlines multiplient les destinations sur le continent. Ethiopian Airlines ou Kenya Airways ne cachent plus leur inquiétude.

CHRISTOPHE LE BEC

L

es avions en provenance du golfe Persique et de Turquie se multiplient sur le tarmac des aéroports africains. De 2008 à 2013, le géant Emirates, basé à Dubaï, a augmenté de 62 % sa capacité vers l’Afrique et y compte 26 destinations aujourd’hui. Ses voisines Qatar Airways (installée à Doha) et Etihad (Abou Dhabi) suivent la même logique, avec des hausses respectives de 44 % et 100 %. Quant à Turkish Airlines, forte d’une flotte de 250 appareils – que ses dirigeants souhaitent porter à près de 400 en 2020 –, elle a triplé sa présence sur le continent. « C’est désormais une région stratégique pour nous, explique Temel Kotil, le PDG de la compagnie. Nous desservons 42 destinations africaines, et notre trafic passagers sur cette région connaît une hausse de plus de 20 % par an depuis une décennie. » Hubert Frach, directeur commercial AfriqueEurope-Amériques d’Emirates, est tout aussi enthousiaste. « La croissance du trafic aérien africain, d’environ 9 % par an, est plus dynamique que les autres. Nous voulons capter ce nouveau marché », indique cet Allemand qui a fait sa carrière chez Lufthansa avant de rejoindre Emirates. Celle-ci, qui a ouvert neuf destinations en cinq ans sur le continent, ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Comme Turkish Airlines, elle pense qu’être la première à se positionner sur les destinations africaines lui offrira un avantage crucial quand la croissance de ce marché atteindra son apogée.

africain JEUNE AFRIQUE

MICHAEL NAGLE/THE NEW YORK TIMES-REDUX-REA

p Basée à Dubaï, Emirates dessert 26 villes du continent. Ici, dans un A380.

RIVAGES. « Les compagnies du Moyen-Orient

sont nos concurrentes internationales les plus agressives sur le continent. Elles bénéficient même souvent d’un accueil favorable de la part des États africains, dont les dirigeants apprécient les émirats du Golfe », observe Henok Teferra, directeur international d’Ethiopian Airlines, que cette offensive inquiète. Lors de la dernière assemblée générale de l’Association des compagnies aériennes africaines (Afraa), en novembre 2013, cette attaque venue du Moyen-Orient constituait le premier sujet de discussion. Alors que les compagnies N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

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Dossier Aérien moyen-orientales ciblaient jusqu’en 2008 le nord et l’est du continent en raison des liens culturels et commerciaux traditionnels entre leurs pays et ces régions, elles étendent désormais leurs réseaux à l’ensemble de l’Afrique. Turkish Airlines et Emirates, les deux acteurs de la zone les plus en pointe, ne négligent aucune région: le premier intervient aussi bien à Kinshasa qu’à Asmara ou à Mogadiscio, le second à Lagos, à Abidjan ou à Durban. Quant à la low-cost FlyDubai, elle a ouvert trois nouvelles liaisons africaines le 25 août, élargissant son champ d’action au centre du continent avec la desserte du Burundi, du Rwanda et de l’Ouganda. Jusque-là, elle n’était présente que sur les rivages africains du golfe Persique et du nord de l’océan Indien. EXPLOSION. Principal moteur de la montée en

puissance de ces transporteurs : l’explosion du trafic aérien entre l’Afrique et la Chine. Les grands aéroports du Moyen-Orient bénéficient d’une situation géographique idéale sur cette route et peuvent jouer un rôle de hub. Selon le système de réservation aérien Amadeus, 70 % des passagers voyageant entre l’Afrique subsaharienne et les capitales du golfe Persique n’ont pas ces dernières pour destinations finales. Seule Saudi Airlines bénéficie d’un trafic point à point conséquent, grâce au pèlerinage à La Mecque. Au regard des transporteurs moyen-orientaux, les compagnies chinoises comme China Airlines font pâle figure : elles ne disposent pas encore d’un réseau africain développé ni de la qualité de service nécessaire. « Nous comptons beaucoup de cadres chinois sur nos vols africains, notamment pour Luanda », note Hubert Frach, dont la compagnie va passer à trois vols hebdomadaires pour la capitale angolaise d’ici à la fin de l’année. « Après les Chinois viennent les Indiens, puis les Australiens. De nombreux cadres de groupes miniers situés à Perth, Sydney ou Melbourne se rendent en Afrique. Ils demandent une prestation haut de gamme que nous sommes les seuls à pouvoir offrir », estime-t-il. Turkish Airlines peut quant à elle compter sur la Russie. « C’est un pays où nous sommes bien implantés, et dont les entreprises, notamment extractives, travaillent sur le continent », explique Temel Kotil. Selon lui, les tensions politiques entre Moscou et les Occidentaux n’ont guère eu d’impact sur le remplissage de ses avions pour le moment. Contrairement aux compagnies du Golfe, Turkish Airlines peut aussi s’appuyer sur un marché domestique conséquent de 80 millions d’habitants, parmi lesquels de nombreux businessmen. « Ces deux dernières années, encouragés par les autorités, les hommes d’affaires ont compris l’intérêt de commercer avec le continent. Les échanges avec l’Afrique représentent désormais 20 % du commerce extérieur turc », se réjouit l l l N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

Pour en savoir plus sur le futur hub d’Emirates

À chacun son plan de vol TOURISTES ET BUSINESSMEN

Hubert Frach Directeur commercial AfriqueEurope-Amériques d’Emirates

« NOUS METTONS L’ACCENT sur les destinations touristiques du continent africain, comme le Kenya et l’Afrique du Sud, et sur celles qui intéressent les hommes d’affaires, telles Luanda ou Casablanca, villes pour lesquelles nous augmentons la fréquence de nos vols. Emirates n’appartient pas à une association aérienne comme Star Alliance ou SkyTeam, nous préférons la croissance interne. Toutefois, nous collaborons au cas par cas avec des compagnies africaines, notamment Air Mauritius, avec laquelle nous travaillons depuis dix ans, et South African Airways, avec laquelle nous partageons les codes de nos quatre vols journaliers entre Johannesburg et Dubaï. »

DIASPORA ET PAYS À RISQUES

Temel Kotil PDG de Turkish Airlines

« NOUS SOMMES DÉSORMAIS l’un des premiers transporteurs aériens du continent. L’intérêt de nous y implanter est indéniable. Quand nous ouvrons une ligne, nous examinons le marché avec attention, notamment les différentes diasporas, et choisissons soigneusement l’avion le plus adapté, pour optimiser nos résultats. Nous faisons attention aux questions de sécurité, mais sans être obnubilés par des idées reçues sur les dangers de tel ou tel pays. En RD Congo et en Somalie, nous gagnons de l’argent. Si nous avions écouté certains médias, nous n’y serions jamais allés… » JEUNE AFRIQUE


© FOND : TSEPOVA - FOTOLIA

ATR, des avions pour

l’Afrique

ATR offre aux compagnies aériennes du monde entier une solution de transport régional sans équivalent : fiabilité, versatilité, prix, les qualités desATR 42 et 72 ont fait de ces deux modèles autant de leaders mondiaux.

La high-tech est le mot d’ordre chez ATR. Directement inspiré des innovations de l’Airbus A380, le cockpit des ATR -600 utilise les plus récentes technologies et les systèmes de navigation et de communication les plus performants.

www.atraircraft.com

ATR compte déjà plus de 180 clients dans 90 pays dans le monde.

! Une cabine entièrement repensée, pour des conditions de confort exceptionnelles. ! Le cockpit des ATR -600 utilise les plus récentes technologies. DIFCOM/DF - PHOTO : DR.

La grande efficacité de ces appareils à hélices a déjà fait ses preuves. 50 % de carburant et 50 % d’émissions de gaz à effet de serre en moins par rapport à un jet de taille équivalente, des coûts d’achat, de maintenance et d’entretien 30 % moins élevés : la turbo propulsion est sans conteste le mode de motorisation de l’avenir.

Les ATR de la série -600 sont les avions plus respectueux de l’environnement aujourd’hui disponibles, avec une consommation de carburant inférieure à 3 litres par personne et par 100 km (ATR72).

© PIERRE BARTHE

PUBLI-INFORMATION

Piste courte (1 000 m), étroite (14 m), bitumée ou pas, en altitude... Les avions de la nouvelle génération ATR -600 peuvent atterrir et décoller dans toutes les conditions. De l’Équateur au Cercle arctique, même soumis aux conditions les plus rudes, la fiabilité des ATR est à toute épreuve.

Le confort des passagers a été de tout temps un critère majeur pour ATR lors de la conception de ses appareils, afin d’assurer aux passagers une expérience optimale sur l’ensemble de ses avions. Les avions ATR de nouvelle génération accueillent de 50 passagers (ATR 42) à 74 (ATR 72) dans des conditions de confort exceptionnelles grâce à une cabine entièrement repensée, depuis les sièges jusqu’aux coffres à bagage.

© PIERRE BARTHE

Plus de 30 compagnies aériennes africaines utilisent déjà des avions ATR : la qualité, la fiabilité et la versatilité des ATR 42 ou 72 font de ces avions une solution de transport parfaitement adaptée à l’Afrique – pour relier les hommes, développer les échanges commerciaux et touristiques.


+300 % 78

Dossier Aérien l l l Temel Kotil, qui a été de toutes les délégations économiques officielles sur le continent ces derniers mois. Pour consolider ses positions africaines, Emirates travaille sans relâche à l’optimisation de son hub, d’où partent déjà 1 600 vols par semaine (contre 1 200 pour Turkish Airlines à Istanbul). « Chaque nouvelle destination au départ de Dubaï est un argument supplémentaire en notre faveur, notamment auprès de notre clientèle des pays africains, dont les aéroports sont souvent mal reliés au reste du monde. Nous cherchons à rendre la correspondance le plus agréable et le plus courte possible », souligne Hubert Frach.

Les compagnies moyen-orientales mettent le paquet

+62 % +44 %

+100 %

42

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11

Turkish Emirates Qatar Etihad Airlines Airways Nombre de destinations africaines Hausse de capacité en cinq ans

DESTINATION FINALE. Mais la compagnie et les

autorités émiraties travaillent également à faire de Dubaï une destination finale à part entière, avec la multiplication des conférences professionnelles dans la capitale des Émirats arabes unis, mais aussi avec l’émergence d’un tourisme haut de gamme. « Une clientèle africaine aisée, issue de l’Angola et du Nigeria notamment, s’y rend pour ses établissements de luxe, et surtout pour y faire du shopping », observe Hubert Frach. À Doha, Qatar Airways applique la même stratégie orientée vers le haut de gamme, et compte déjà 19 liaisons aériennes avec l’Afrique. Turkish Airlines se veut quant à elle moins élitiste que ses rivales du Golfe, avec des prix plutôt moins élevés que ceux d’Emirates ou de Qatar Airways. « Notre gamme d’appareils est très large, ce qui nous permet de choisir l’avion le mieux adapté – en termes de taille comme de combinaison de classes – et d’en changer quand le trafic croît. Posséder une flotte de petits appareils permet de lancer une ligne sans trop de risques, et aussi de cibler des villes moyennes, pas seulement des capitales ou des mégapoles, analyse Temel Kotil. En Égypte, en plus du Caire et d’Alexandrie, nous allons bientôt ouvrir des liaisons vers deux villes plus petites. Et au Nigeria, nous relierons Abuja et Kano d’ici à la fin de l’année… »

Partage de codes Possibilité qu’a une compagnie de réserver elle-même des sièges pour ses propres clients dans les appareils d’une autre compagnie

La compagnie basée à Istanbul se montre aussi plus audacieuse que ses concurrentes. « Nous desservons Mogadiscio depuis 2010, fait valoir Temel Kotil. En 2009, à l’occasion d’une visite d’État de notre Premier ministre, j’ai pu y rencontrer le président somalien, qui m’a fait part du manque criant de liaisons aériennes dont souffrait son pays. En étudiant attentivement le marché, nous avons réalisé qu’une forte demande de la diaspora somalienne demeurait insatisfaite, notamment aux États-Unis. Et sur le plan sécuritaire, nos avions pouvaient atteindre l’aéroport par la mer, sans survoler de zones dangereuses. Nous avons donc créé la ligne, qui est devenue très rentable. » Présente également à Kinshasa, ville encore dédaignée par Emirates, Turkish Airlines étudie aussi la possibilité de relier Djouba, au Soudan du Sud. Face à cette offensive, les compagnies africaines vont devoir réagir. Ethiopian Airlines, Egypt Air et Kenya Airways, qui souhaitent elles aussi profiter du trafic entre l’Asie et l’Afrique, veulent augmenter la capacité de leurs hubs pour résister. Mais la bataille s’annonce difficile, notamment à cause du coût du carburant, plus élevé que celui de leurs concurrents issus d’États pétroliers… l

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Dossier Aérien INTERVIEW

René Décurey

Directeur général d’Air Côte d’Ivoire

« Nous poursuivons notre offensive sur le continent » Alliances avec d’autres transporteurs, renouvellement de sa flotte, augmentation du capital… La compagnie mène une vaste stratégie pour étendre son réseau à toute l’Afrique subsaharienne.

À

latêted’AirCôted’Ivoire depuis mai 2012, le Suisse René Décurey est un fin connaisseur du ciel africain. Ce diplômé de l’École suisse d’aviation de transport a passé cinq années au poste de directeur du développement stratégique du Fonds Aga Khan pour le développement économique, où il a participé au lancement d’Air Burkina, d’Air Mali et d’Air Uganda. Ce polyglotte, qui maîtrise aussi bien l’allemand et le français que l’anglais ou l’italien, fait unpointsurlamontéeenpuissance d’Air Côte d’Ivoire sur le continent.

JEUNE AFRIQUE : Air Côte d’Ivoire envisage des alliances pour renforcer ses dessertes. Où en sont vos discussions avec Kenya Airways ? RENÉ DÉCUREY : Nous avons

q Le dirigeant projette de faire passer le chiffre d’affaires à 98 milliards de F CFA d’ici à 2018.

décidé, avec Kenya Airways, de mettre en place un partage de code croisé, c’est-à-dire la possibilité pour eux d’opérer sur nos vols en Afrique de l’Ouest et pour nous sur leurs vols depuis Nairobi. Pour cela, nous avons besoin de la certification IOSA, que nous devrions obtenir fin novembre. Nous comptons également intensifier notre partenariat avec Air Burkina,

qui commence à renouveler sa flotte en remplaçant ses appareils McDonnell par des Embraer 170. Nous prévoyons aussi une coopération avec Arik Air, qui nous permettra de desservir le Nigeria et leur donnera la possibilité de rayonner sur l’Afrique de l’Ouest. Enfin, nous souhaiterions signer un accord avec la compagnie congolaise ECAir pour opérer sur l’Afrique centrale. Votre actionnaire Air France a annoncé vouloir soutenir la création de Congo Airways. Cette nouvelle compagnie risque-t-elle de vous faire de la concurrence ?

Non. Au contraire, notre objectif est d’offrir le réseau le plus large possible à nos clients. Coopérer avec la future Congo Airways pourrait nous être très profitable. Vous aviez annoncé une augmentation de capital, qu’en est-il aujourd’hui ? lll

ÉMILIE RÉGNIER POUR J.A.

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N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

JEUNE AFRIQUE


©Romaric Oniangué / Groupe Sorom Color

ECAir poursuit sa belle envolée dans le ciel africain

SEPTEMBRE 2011 ! SEPTEMBRE 2014 Trois ans se sont déjà écoulés depuis la création de la compagnie aérienne du Congo, ECAir. Une compagnie moderne, aux normes internationales, forte de talents congolais ayant tous un même objectif : devenir la compagnie aérienne leader en Afrique centrale. ECAir bâtit un réseau régional au centre de l’Afrique. Avec 400 collaborateurs, 128 vols hebdomadaires, 7 destinations desservies, un nouveau site internet (www.flyecair.com) et 220 000 passagers en 2013, la compagnie dirigée par Fatima Beyina-Moussa, passe à la vitesse supérieure : « Trois ans après sa création, notre compagnie est en train de réaliser sa vision panafricaine en faisant de l’Aéroport de Brazzaville un Hub pour toute la sous région».

LE SIÈGE

Le nouveau siège d’ECAir est situé en face de l’Aéroport de Maya-Maya à Brazzaville.

NOUVELLE AGENCE À MAYA-MAYA

L’ouverture de la nouvelle agence commerciale d’ECAir, située au centre de l’aéroport de MayaMaya, est prévue pour début Novembre 2014.

LE RÉSEAU

Le réseau actuel connecte les villes de Brazzaville et Pointe-Noire à Ollombo, Kinshasa, Douala, Cotonou, Dubaï et Paris. Destinations à venir dans les six prochains mois : Libreville, Yaoundé, Luanda, Abidjan, Bamako, Dakar.

LA FLOTTE

ECAir opère actuellement avec 5 avions et va passer à 7 en fin 2014.

1 Boeing 767-300 « Mont Nabemba »

2 Boeing 757-200 « Fleuve Congo » & « Rivière Sangha » 2 Boeing 737-700 « Rivière Niari » & « Riviére Lefini »

2 Boeing 737-300 « Rivière Kouilou » & « Rivière Alima »

Equatorial Congo Airlines,

1604 avenue des Trois Martyrs, Brazzaville, République du Congo Email : communica!on@flyecair.com www.flyecair.com


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Dossier Aérien Notre capital s’élève actuellement à 25 milliards de F CFA [38 millions d’euros]. Nous souhaitons le faire passer à 65 milliards. L’État a déjà fait une avance de 15 milliards, et 5 autres milliards devraient être débloqués d’ici à la fin de l’année. Nos actionnaires Air France et Golden Road – qui réunit des industriels ivoiriens – accompagneront cette augmentation de capital, qui est de notre point de vue suffisante pour le financement de notre plan d’affaires. Nous poursuivons les discussions avec les institutions privées et publiques pour l’ouverture de notre capital. La Banque ouest-africaine de développement[BOAD] vient tout juste de participer à l’augmentation de notre capital à hauteur de 2 milliards de F CFA. lll

L’objectif de 100 milliards de F CFA de chiffre d’affaires serat-il tenu ?

Ce chiffre est compris dans notre plan d’affaires. D’ici à 2018,

Nous considérons nos lignes domestiques comme un service public. nous prévoyons précisément un chiffre d’affaires de 98 milliards de F CFA. Concernant le taux de remplissage, notre objectif pour 2014 est de 400 000 passagers. Cet objectif n’est bien sûr réalisable qu’à condition qu’Ebola ne nous pénalise pas plus en prenant des proportions incontrôlables dans la durée. Au premier semestre 2014, nous avons eu un taux moyen de remplissage de 62 %. En début d’année, il était plus faible, puis a atteint plus de 70 % en mai. Les mois de juillet et août sont nettement au-dessus de 70 %. Justement, quelles sont les conséquences d’Ebola sur Air Côte d’Ivoire aujourd’hui ?

Nous avons suspendu les vols vers les trois pays affectés par l’épidémie [la Guinée, la Sierra N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

Leone et le Liberia] sur recommandation du gouvernement. Ces trois destinations ne représentent pas pour nous des marchés très importants, les conséquences économiques ne sont donc pas encore graves. Malgré cela, nous espérons que la situation pourra se normaliser d’ici au mois de novembre ou décembre. Air Côte d’Ivoire a pour stratégie d’étendre progressivement son réseau sur toute l’Afrique subsaharienne. Quelles seront les nouvelles destinations desservies en 2015 ?

Tout d’abord, nous espérons reprendre très rapidement les vols vers Freetown, Monrovia et Conakry, puis, à partir de novembre, nous prévoyons d’ouvrir des lignes vers Nouakchott et Lagos. En 2015, nous devrions démarrer les vols vers Abuja, Bangui et Luanda. Votre compagnie dispose-t-elle des appareils nécessaires à son expansion ou prévoyez-vous de renforcer votre flotte ?

Pour le moment, nous volons avec trois Airbus A319 et un Embraer 170. Fin septembre, nous réceptionnerons un premier Bombardier Q400 neuf pour les vols domestiques, et un second complétera notre flotte fin octobre pour renforcer notre présence régionale. Nous terminerons ainsi l’année 2014 avec une flotte de six avions. La livraison de deux autres appareils est prévue en avril 2015, et celle d’un troisième en avril 2016. Nous aurons neuf avions en 2016. Nous pouvons ainsi affirmer avec certitude que le réseau, le chiffre d’affaires et la flotte sont en parfait accord avec les objectifs. Vous aviez annoncé les vols domestiques avant la fin de l’année 2014, respecterez-vous le début du calendrier ?

Nous démarrerons les vols commerciaux le 20 octobre pour les villes de San Pedro, Bouaké et Korhogo. Le recrutement du personnel technique a

commencé. Début 2015, une fois la piste d’Odienné goudronnée et l’aéroport de Man réhabilité, nous ajouterons ces deux importantes dessertes à notre réseau. Viendront ensuite les lignes vers Bouna, Bondoukou et Daloa, mais les infrastructures aéroportuaires de ces villes doivent encore être mises à niveau. Au total, nous couvrirons huit destinations en Côte d’Ivoire. Pensez-vous que les dessertes domestiques pourront générer des bénéfices ?

Aucun réseau domestique ne génère des bénéfices, à part peut-être aux États-Unis, grâce à l’étendue et au volume du trafic. Il n’est donc pas prévu que les vols intérieurs soient excédentaires. D’ailleurs, nous avons un accord avec le gouvernement, qui a accepté de subventionner les lignes domestiques… Nous considérons ces liaisons comme un service public. C’est en quelque sorte la contribution d’Air Côte d’Ivoire au développement du pays. La création de la compagnie ne répond pas uniquement à des objectifs économiques, mais vise aussi à permettre à la Côte d’Ivoire de devenir une nation émergente d’ici à 2020. En revanche, nous entendons réduire au minimum les pertes. Quel regard portez-vous sur l’ouverture du ciel africain ?

Avec la libéralisation du ciel africain, toutes les compagnies qui ont ratifié l’accord de Yamoussoukro peuvent atterrir à Bamako, Cotonou ou Abidjan. Egypt Air peut décoller du Caire, embarquer des passagers à Accra avant d’arriver à Abidjan et faire le même trajet en sens inverse. En revanche, la réciproque n’est pas vraie pour les compagnies ouest-africaines, car notre taille ne nous permet pas de couvrir la totalité du continent. Résultat, les gros pavillons d’Afrique du Nord, de l’Est ou du Sud sont les seuls à réellement profiter de l’ouverture du ciel. l Propos recueillis par BAUDELAIRE MIEU JEUNE AFRIQUE



Dossier Aérien HANDLING

AHS Sénégal dans la tourmente Au cœur de l’affaire d’enrichissement illicite impliquant Karim Wade, la société d’acheminement a été placée sous administration judiciaire. Sa gestion, confiée à ADD-Value, est aujourd'hui très discutée.

S

url’aéroportinternational Léopold-Sédar-Senghor, les salariés d’Aviation Handling Services (AHS) continuent de s’activer autour des long-courriersetdesvolsrégionaux. Mais tous savent que leur sort se joue peut-être loin du tarmac, à l’autre bout de la presqu’île du CapVert, où se tient le procès pour enrichissement illicite de Karim Wade. Car depuis 2013, les actionnaires d’AHS – Ibrahim Aboukhalil (dit Bibo Bourgi), son frère Karim et leurassociéPapeMamadouPouye– sont soupçonnés par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) d’avoir servi de prêtenoms au fils de l’ancien président sénégalais. Ce dernier est suspecté d’être le véritable propriétaire de la société. Résultat, l’entreprise a été mise sous administration judiciaire et sa gestion confiée à la société ADD-Value Finance, qui a mandaté pour cette tâche Abdoulaye Sylla. OPACITÉ. Àl’heureoùlesmagistrats

s’efforcent de valider leur théorie, il est difficile d’obtenir des informations fiables sur la situation économique d’AHS. Si l’administrateur provisoire est tenu d’« établir un rapport d’activité mensuel » à l’intention de la justice, les avocats des actionnaires de référence s’inquiètent de n’avoir « aucune visibilité ». « Abdoulaye Sylla gère la

ERICK AHOUNOU

84

p L’administrateur provisoire aurait fait passer le chiffre d’affaires de 5,4 milliards de F CFA à plus de 6 milliards.

société en toute opacité, estime l’un d’eux. De hauts responsables qui avaient été détachés par Menzies Aviation, le partenaire stratégique d’AHS, ont été mis au placard à son arrivée, et le commissaire aux comptes s’est plaint de ne pas avoir pu exercer pleinement sa mission lors des exercices 2012 et 2013. » Il est vrai que le groupe Menzies Aviation, l’un des poids lourds mondiaux du secteur du handling, avait étélaclédusuccèsd’AHSauSénégal et de son développement à travers l’Afrique (lire l’encadré). « Menzies apportait son expertise à AHS, et, en

contrepartie,legroupeavaitdétaché àDakardesmembresdesonéquipe pour contrôler le bon déroulement des opérations », rappelle la même source. Dans son dernier rapport d’activité, daté d’avril 2014 et portant sur l’exercice 2013, Abdoulaye Sylla indique que Menzies Aviation aurait « rompu unilatéralement le contrat d’assistance le 25 juin 2013 » avec AHS. Selon l’entourage de Bibo Bourgi, ce départ serait lié à la purge déclenchée en interne par l’administrateur provisoire afin d’asseoir son contrôle, écartant les principaux dirigeants de la société

UN RÉSEAU OUEST-AFRICAIN DANS L'IMPASSE LE PARTENARIAT entre AHS et Menzies Aviation, débuté en 2003 au Sénégal, a rapidement été étendu à d’autres pays. À la faveur des appels d’offres ou du rachat d’entreprises, AHS s’est implanté en Guinée équatoriale, au Niger, au Bénin, au Ghana, en Centrafrique, en GuinéeN O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

Bissau et même en Jordanie. Toutes ces sociétés sont contrôlées par Pape Mamadou Pouye et Ibrahim Aboukhalil au travers de Menzies Middle East and Africa. Cependant, leurs déboires judiciaires ne leur permettent plus d'assumer un rôle actif dans la gestion de ces sociétés.

Interrogé par Jeune Afrique, le bureau de Menzies Aviation en Afrique du Sud confirme que les entreprises AHS continuent leurs activités en dehors du Sénégal. Seul AHS Niger et AHS Bissau ont cessé d’exister, la première à la suite d'un désaccord avec les autorités, la seconde parce

que le trafic de l’aéroport de Bissau ne permettait pas de couvrir les coûts d'exploitation. Malgré nos demandes, aucun responsable d’AHS ou de Menzies n’a souhaité communiquer d’informations sur l’état de santé des différentes implantations. l JULIEN CLÉMENÇOT JEUNE AFRIQUE


Piece of Mind*

au risque d’aller au clash. De fait, Abdoulaye Sylla mentionne dans son rapport « la cessation des rémunérations du directeur général et du directeur des opérations », « la démission de trois chefs de service » et « quelques licenciements ». Une vague de départs qui aura eu, selon lui, le mérite de permettre de réduire les charges salariales de 11 % entre 2012 et 2013 en dépit d’une revalorisation des salaires. SCEPTIQUES. Toujours selon le rapport d’Abdoulaye Sylla – sollicité via l’un de ses collaborateurs, l’intéressén’apassouhaitérépondre aux questions de Jeune Afrique –, la mise sous administration provisoire aurait permis à la société de faire passer son chiffre d’affaires de 5,4 milliards de F CFA (8,2 millions d’euros) à plus de 6 milliards, faisant un bond de 12 %. « 2013 affiche un résultat qui augmente de 225 % par rapport à 2012 », conclut l’administrateur provisoire. « Pour Les avocats le nombre de compagnies, notre concurdes actionnaires rent Senegal Handling s’inquiètent de Services a une légère n’avoir « aucune avance, mais AHS assure plus de vols », indique visibilité ». une source interne, ajoutant que l’activité de maintenance aéronautique, désormais assurée par AHS, lui permet d’espérer conforter son développement. Cette analyse rassurante laisse pourtant sceptique l'entourage des frères Aboukhalil. « Le poste de charges “prestation de services extérieurs” a connu une augmentation fulgurante de 39 % et les créances dues aux fournisseurs ont également atteint un niveau extrêmement alarmant », s’inquiète l'un de leurs avocats, ajoutant que « les compagnies aériennes n’aiment pas l’incertitude et, surtout, ont besoin d’interlocuteursfiablesetspécialisés dans le secteur ». Mais après avoir déposé sans succès une requête visant à récuser la société ADDValue Finance et Abdoulaye Sylla, ces derniers ne peuvent qu’attendre l’issue du procès Karim Wade pour savoir à quelle sauce AHS Sénégal sera mangée. l MEHDI BA, à Dakar JEUNE AFRIQUE

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Dossier Aérien

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la privatisation de la compagnie. Selon ses estimations, l’État aurait englouti 1,2 milliard d’euros dans des aides d’urgence auprès de SAA. Autant d’argent du contribuable mal dépensé à leurs yeux.

AFRIQUE DU SUD

South African Airways peine à maintenir le cap Toujours dépendant de l'État, le transporteur public compte profiter du développement du marché continental pour se redresser.

«

S

outh African Airways [SAA] est une bonne compagnieaérienne,mais unepiètreentreprise.»Cettephrase, c’est Monwabisi Kalawe, son PDG en personne, qui l’a prononcée dans un entretien accordé à la presse sud-africaine en avril dernier. Il faut reconnaître l’ampleur de la tâche qui lui a été confiée lors de sa nomination en avril 2013. Le transporteur a en effet besoin de 3,5 milliards d’euros pour rester rentable. « Nous ne recevons pas directement de l’argent de l’État. Nous avons simplement besoin de sa garantie pour pouvoir emprunter aux banques », précise Aaron Munesti, son directeur régional pour l’Afrique et le Moyen-Orient. Entre mars 2013 et mars 2014, la compagnie a pourtant réduit ses pertes par rapport à l’année précédente, mais elle reste déficitaire de 68 millions d’euros (contre près de 90 millions entre 2012 et 2013). « Il ne faut pas oublier que SAA, contrairement aux compagnies occidentales, fait des bénéfices en rands,alorsquesescoûtssontmajoritairement en dollars ou en euros. C’est un énorme désavantage »,

FOTO24/GALLO IMAGES/GETTY

q SAA investit actuellement dans de nouveaux Airbus A320.

explique Linden Birns, directeur de PlaneTalking,unesociétédeconseil dans l’aéronautique. Depuis 2011, le rand a en effet perdu près de 50 % de sa valeur par rapport à l’euro. Autre point noir, la masse salariale. En 2008, SAA avait dû la réduire de 20 % en passant à 8 000 employés. En progression, elle est aujourd'hui à 11500 salariés. Par ailleurs, selon Joachim Vermooten, expert en transport aérien, l’émergence des compagnies du Golfe aurait porté un coup supplémentaire à la compagnie, notamment sur les vols depuis l’Europe. Pour sortir la tête de l’eau, le transporteur n’envisage cependant pas de faire appel à des investisseurs privés, et l’État devrait continuer de se porter garant. « C’est une décision plus politique que stratégique. Il faut aussi voir SAA comme une marque qui promeut l’image de l’Afrique du Sud dans le monde, ajoute Joachim Vermooten. D’ailleurs, je ne vois pas quels investisseurs pourraient être intéressés par une entreprise qui enregistre de si grosses pertes. » L’Alliance démocratique, le principal parti d’opposition, réclame

STRATÉGIE. Malgré son mauvais

bilan comptable, SAA compte renouveler sa flotte. L’objectif: acheter des appareils qui consomment 20 % à 25 % de carburant en moins. L’affaiblissement du rand a en effet contribué à l’augmentation du prix del’essence.Lechangementdeflotte est donc devenu un investissement indispensable quand on sait que le fuel compte pour un tiers des coûts opérationnels de la compagnie. « SAA doit envisager une réduction du nombre de ses avions et utiliser des appareils plus perfor-

D’ici à dix ans, la compagnie espère avoir remplacé 30 avions sur les 56 de sa flotte. mants afin d’améliorer sa rentabilité », analyse Joachim Vermooten. « Nous sommes en train de changer dix avions en investissant dans de nouveaux Airbus A320. Certains sont déjà opérationnels sur des destinations africaines », ajoute Aaron Munesti. D’ici à dix ans, South African Airways espère avoir remplacé 30 avions sur les 56 actuels. Les destinations africaines constituent justement l’une des principales cibles de la stratégie de la compagnie. L’émergence de laclassemoyennecorrespondàune nouvelle demande à laquelle SAA compte bien répondre pour étendre son empreinte en Afrique. Mais la compagnie ne va pas pour autant délaisser ses lignes les moins rentables, comme celle vers Pékin, qui représente une perte de 20 millions d’euros par an. Des partenariats avec d’autres transporteurs sont d'ailleurs mis en place sur certaines destinations, y compris avec des concurrents comme Emirates. De l’aveu même de son propre PDG, South African Airways ne devrait cependant pas être rentable avant 2016-2017. l PIERRE DONADIEU, à Johannesburg

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JEUNE AFRIQUE


ASECNA

Les routes du ciel, notre métier

Notre métier >

les routes du ciel

Notre ambition >

recruter les meilleurs

L’ASECNA est un établissement public à caractère

L’ASECNA souhaite recruter dans ses centres de formation,

international créé le 12 décembre 1959 qui a pour

de brillants et ambitieux étudiants ressortissants de ses États

mission de fournir toutes les informations nécessaires

membres en vue de renouveler son personnel par de jeunes

au bon déroulement des vols des aéronefs dans les

cadres sérieux, travailleurs et rigoureux, aptes à assurer son

espaces aériens à sa charge.

avenir et désireux d’être les leaders de l’aviation civile africaine de demain.

Nos Écoles >

des centres d’excellence

L’objectif de l’ASECNA est de susciter la participation d’un très grand nombre de candidats d’un niveau excellent aux concours d’entrée dans ses centres de formation, particulièrement l’EAMAC et l’ERSI, et ensuite les intégrer dans ses effectifs. L’École Régionale de Sécurité Incendie (ERSI), basée à Douala (Cameroun) est une école bilingue (français et anglais) qui forme des pompiers d’aérodrome, des techniciens et des techniciens supérieurs.

> Navigation aérienne ; > Assistance météorologique à la navigation aérienne ; > Maintenance des installations et équipements aéronautiques ; > Transport aérien.

Les atouts des centres

>> Un enseignement de qualité avec des diplômes reconnus ; >> Des conditions d’étude et de vie (hébergement, santé, restauration, loisirs,….) dignes des grandes écoles ;

AGENCE POUR LA SÉCURITÉ DE LA NAVIGATION AÉRIENNE EN AFRIQUE ET À MADAGASCAR

L’École Régionale de la Navigation Aérienne et du Management (ERNAM), basée à Dakar (Sénégal) organise des cycles spéciaux de formation dans toutes les spécialités (finances, comptabilité, management, informatique, etc.) Un Centre AVSEC sis à l’ERNAM, agréé par l’OACI assure une formation d’excellence à la sûreté de l’aviation civile à l’intention de 24 États de l’Afrique de l’Ouest et du Centre.

>> Une bonne situation géographique des centres ; >> Les ressortissants des pays membres sont formés aux mêmes méthodes de travail.

Siège social : 32-38 avenue Jean Jaurès, BP 314 Dakar - Sénégal

Tél. : (+221) 33 849 66 00 Fax : (+221) 33 823 46 54

www.asecna.aero

DIFCOM/FC - Photos : DR

L’École Africaine de la Météorologie et de l’Aviation Civile (EAMAC) basée à Niamey (Niger) accueille chaque année plus d’un millier d’élèves et stagiaires d’horizons divers, dans les domaines suivants :


Dossier Aérien « Voyager en jet privé n’est plus un caprice de millionnaire, mais une nécessité pour des hommes tenus par le temps, qui ont besoin de se déplacer d’un bout à l’autre de la planète en quelques heures », précise le directeur.

p À bord de ces bijoux volants, confort rivalise avec technologie et raffinement. MAROC

Dalia Air, le luxe à 30000 pieds Fondé en 2010 par Hind El Achchabi, le transporteur compte parmi les compagnies d’aviation d’affaires les plus prestigieuses de la région Mena.

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également directeur général du transporteur. Ce dernier vient d’achever une mission qui l’a mené de Casablanca à Johannesburg en passant par Dubaï. « Nous effectuons des voyages depuis n’importe où et vers n’importe où. C’est en fonction de la demande de nos passagers », explique le pilote. Une clientèle de toutes les nationalités, composée essentiellement d’hommes d’affaires, de patrons de multinationales et de personnalités politiques de premier rang, à la recherche d’efficacité et de gain de temps. Le prix d’une heure de vol peut varier de 5 000 dirhams (450 euros) pour le Legacy 600 à 9500 dirhams pour le Lineage 1000.

DERNIER CRI. Interrogé sur le

chiffre d’affaires de Dalia et les capitaux investis pour lancer la compagnie, Samir Haloui est moins disert. Il préfère s’étendre sur le luxe déployé pour satisfaire ces passagers pressés mais exigeants. À bord des appareils, dont l’aménagement intérieur allie le confort du cuir à la chaleur du bois laqué, la compagnie a prévu du matériel multimédia dernier cri, une cuisine équipée pour des repas dignes des meilleurs restaurants étoilés, une salle de bains avec des produits de beauté Bulgari… Quant au personnel navigant, il porte des créations Armani et Canali. Cette qualité de service ne s’arrête pas là : exit les attentes à répétition, les contrôles tatillons de sécurité et autre diktats des compagnies aériennes… « Entre l’arrivée et le décollage, le passager n’attend pas plus de trois minutes, sauf s’il veut prendre un café au salon, explique Samir Haloui. Nous mettons aussi à sa disposition un service de handling via notre filiale Dalia Prestige, prévoyant limousine, 4×4 ou minibus… » Dalia Air vient même de s’équiper de deux yachts pour offrir à ceux qui le souhaitent des virées en mer… Qui dit mieux? l PAR MEHDI MICHBAL, à Casablanca

HIND EL ACHCHABI, LE BUSINESS DANS LA PEAU GRANDE PASSIONNÉE d’aviation, cette jeune femme qui a débuté sa carrière dans l’aérien est aujourd’hui à la tête de Dalia Développement, un groupe aux nombreuses ramifications, s’étendant de l’aviation d’affaires aux services de handling en passant par les médias et l’immobilier. Un petit empire du luxe construit en quatre ans. « C’est une femme dotée d’une

intelligence hors norme. Elle a un instinct infaillible pour le business et gère ses équipes avec bienveillance, comme on gère une famille », confie l’un de ses proches collaborateurs. Membre fondatrice de l’Association africaine de l’aviation d’affaires, Hind El Achchabi croit dans le potentiel de l’Afrique, et dans celui des femmes du continent en

DR

E

n janvier dernier, Dalia Air fêtait son quatrième anniversaire. Un événement célébré en grande pompe dans le prestigieux hôtel Royal Mansour de Marrakech. Hind El Achchabi, la présidente de la compagnie, n’avait pas lésiné sur les moyens pour épater ses invités. Ministres, ambassadeurs, hommes d’affaires, stars du show-business… Tous sont venus participer à cette soirée jet-set, à l’image de cette entreprise qui a fait du luxe sa signature. Créé en 2010, Dalia Air a rapidement réussi à se démarquer de ses concurrents – Alfa Air, Medi Business Jet et autres – pour devenir en quatre ans seulement la compagnie de référence dans l’aviation d’affaires au Maroc. Son principal atout : sa flotte. Composée de trois avions Embraer de fabrication brésilienne – deux Legacy 600 d’une capacité de treize places et, dernière acquisition de la compagnie, un Lineage 1000 de dix-neuf places –, les appareils de Dalia Air sont de véritables palaces volants, pilotés par quatorze pilotes entraînés dans les meilleurs centres en Suisse ou en Finlande. « Nous travaillons selon les normes européennes, mais nous avons la volonté de faire mieux que les Européens », insiste le commandant de bord Samir Haloui,

AMINE CHBANI/PURESPRIT

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particulier. Des idéaux qu’elle défend entre autres via son magazine M.M. féminin, Illi. l JEUNE AFRIQUE


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VOUS SEREZ TOUJOURS AU CŒUR DE NOTRE COMPAGNIE.

L’Excellence selon Hervé, A-,,-E(1 ;.-,,( ;."4


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Dossier Aérien INTERVIEW

Mayoro Racine

Directeur général de Sénégal Airlines

« Le dépôt de bilan est inenvisageable » Malgré une situation financière critique, une difficulté à trouver des partenaires et une flotte réduite, le transporteur public veut croire à une issue favorable.

À

son arrivée à la tête de Sénégal Airlines, en février 2014, Mayoro Racine a récupéré une compagnie nationale en grande difficulté, maintenue à flot par Dakar. Sept mois plus tard, il n’a toujours pas trouvé le partenaire stratégique pour aider le pavillon sénégalais à reprendre de la hauteur. Selon la presse sénégalaise, Royal Air Maroc et South African Airways auraient décliné l’offre. Pour passer cette période difficile, la compagnie, qui dessert quinze destinations au départ de Dakar, essentiellement vers l’Afrique, a réduit ses ambitions en exploitant seulement deux avions. En exclusivité, Mayoro Racine apporte quelques précisions sur l’état de santé de Sénégal Airlines. JEUNE AFRIQUE : De quel mal souffre Sénégal Airlines ? MAYORO RACINE : Nous avons

eu des moments difficiles en raison d’un ratio d’endettement important [dont le montant est tenu confidentiel], de certains choix stratégiques et de la conjoncture. En 2000, la décision de Yamoussoukro avait abouti à un contexte très compétitif. Quand Sénégal Airlines a vu le jour, en 2011, certains transporteurs avaient déjà amorti leurs investissements. Nous ne sommes toujours pas sortis de cette phase délicate que représentent les cinq premières années d’exploitation d’une compagnie. Malgré une conjoncture difficile, nous avons tout de même transporté N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

300 000 passagers en 2013 et réalisé un chiffre d’affaires de 38 milliards de F CFA [58 millions d’euros]. Quelles sont les causes de votre surendettement ?

Il résulte d’une conjonction de facteurs : une sous-capitalisation, à hauteur de seulement 16,5 milliards de F CFA, un contexte de libéralisation défavorable pour une « start-up » sous-capitalisée, et enfin un besoin en fonds de roulement excessif. Nous évoluons dans un domaine où les marges bénéficiaires sont très faibles: elles ne dépassent pas 4 % à 5 %. Quels choix stratégiques vous ont été préjudiciables ?

On peut s’interroger sur le choix initial du réseau. La décision avait été prise de faire Dakar-Abidjan en vol direct plutôt que, par exemple, Dakar-Bamako-OuagadougouCotonou. Cette politique n’a pas permis d’optimiser le taux de remplissage. L’américain Gecas a repris, en 2014, les trois appareils qu’il vous louait. Comment avez-vous géré cette situation ?

Les contrats de location avec Gecas arrivaient à terme au moment où Sénégal Airlines se trouvait dans le creux de la vague. Nous avons eu recours à des contrats revolving à court terme afin de maintenir l’activité. L’objectif étant de réduire provisoirement la voilure tout en maintenant la qualité du service.

u Le dirigeant affirme que la dette de sa compagnie pourrait être réglée par un seul créancier.

Nous exploitons aujourd’hui deux avions : un Airbus A320 et un CRJ100 de cinquante places pour les vols domestiques et de voisinage. Et dès le mois d’octobre, nous exploiterons en plus un Bombardier Dash 8-Q400. Où en est votre recherche de partenaires ? Plusieurs compagnies auraient décliné…

Je vous confirme que nous sommes en négociation avec des partenaires stratégiques potentiels. Les règles de confidentialité ne me permettent pas de vous en dire davantage. Qu’attendez-vous de ces partenaires et qu’avez-vous à leur apporter ?

Nous bénéficions de droits de trafic qui nous permettent d’aller un peu partout à travers le monde. Mais nous ne pouvons pas tous les exploiter. D’autres compagnies, qui sont confrontées à un marché mature et qui ont besoin de développer leur trafic, seraient intéressées par cette opportunité. En retour,nous pourrionsbénéficierde leur expérience et de leur notoriété. Y a-t-il un risque, si cette recherche n’aboutit pas, que Sénégal Airlines dépose le bilan ? JEUNE AFRIQUE


SYLVAIN CHERKAOUI/COSMOS POUR J.A.

Your Business Runway

Ce n’est pas envisageable. Notre dette ne représente rien par rapport à celle d’autres compagnies. Il suffirait d’un seul créancier pour résoudre ce problème. Quel rôle l’État entend-il jouer pour éviter cette issue funeste ?

Le président de la République a décidé d’aider cette compagnie car elle représente un levier d’intégration qui s’inscrit dans un plan de relance beaucoup plus vaste de l’économie sénégalaise. Des investissements importants ont déjà été réalisés concernant les infrastructures, puisque le Sénégal s’apprête à inaugurer, en juillet 2015, l’aéroport international Blaise-Diagne, l’un des plus importants d’Afrique de l’Ouest, à Diass (40 km au sud de Dakar). Dans sa phase initiale, ce dernier pourra accueillir 3 millions de passagers, avec un potentiel, à terme, de 10 millions. Unaéroportvitdetaxesetderedevances, lesquelles sont liées à la fréquencedesmouvements.Cen’est pas le vol quotidien d’une compagnieintercontinentalequipermettra de rentabiliser un investissement aussi colossal. C’est avec une fréquence de 200 ou 300 vols quotidiens que Sénégal Airlines pourra contribuer à cet amortissement. l Propos recueillis par MEHDI BA, à Dakar JEUNE AFRIQUE

Montant du chiffre d’affaires 2013

58 millions d’euros


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Dossier Aérien PANORAMA

Météo variable Alors qu’Air France, Tunisair et Air Algérie subissent un vent contraire, la RAM, Brussels Airlines et Kenya Airways profitent, eux, de courants ascendants. Par JULIEN CLÉMENÇOT

Royal Air Maroc

renforcer sa présence en P our Amérique latine, la compagnie

Air France-KLM À LA FIN DU PREMIER SEMESTRE 2014, le groupe franco-néerlandais a présenté des résultats encourageants dans le cadre de son plan de redressement, avec une hausse du nombre de passagers transportés de 2,5 % et un excédent brut d’exploitation prévisionnel de 2,2 milliards d’euros pour l’année 2014, soit une augmentation de 20 % par rapport à l’an dernier. Mais c’était compter sans la grève observée par les pilotes d’Air France en ce mois de septembre. Ce conflit, toujours en cours au moment où nous mettions sous presse, a déjà coûté environ 200 millions d’euros à la société, sans parler de la dégradation de son image entraînée par les annulations de vols. l

Brussels Airlines AVEC ROYAL AIR MAROC, la compagnie belge reste la seule à rallier le Liberia, la Sierra Leone et la Guinée. Son objectif: ne pas altérer les bons résultats enregistrés depuis le début de l’année, avec un taux de remplissage de ses appareils de plus de 81 % sur l’ensemble de son réseau. Encore dans le rouge, Brussels Airlines devrait renouer avec les bénéfices en 2015. Pour y parvenir, elle va augmenter la fréquence de ses vols vers Douala, Yaoundé et Luanda d’un avion par semaine. Idem vers Kigali et Bujumbura, tandis que deux appareils supplémentaires se rendront à Nairobi chaque semaine. Au total, l’offre de sièges sur ses lignes africaines augmentera de 9 %. l

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Ethiopian Airlines

L

e constructeur Boeing a annoncé en septembre la commande de vingt 737-MAX-8 par la compagnie éthiopienne. Estimée à 2,1 milliards de dollars (1,6 milliard d’euros), elle s’accompagne d’une option sur quinze appareils supplémentaires. Tewolde GebreMariam, le directeur général de la société africaine, a précisé que cet accord entrait dans le cadre du plan stratégique Vision 2025, dont l’objectif est de parvenir à transporter 18 millions de passagers par an. En 2013, la compagnie avait pris en charge 5,2 millions de clients, soit une hausse de 13 % sur un an. l

Air Algérie

M

i-septembre, le ministre des Transports algérien a confirmé que le pays souhaitait ouvrir son espace aérien à la concurrence. Air Algérie – dont la qualité de service et les tarifs font l’objet de nombreuses critiques – devrait recevoir l’appui du gouvernement pour s’adapter à ce nouvel environnement. Un audit diligenté par l’inspection générale du ministre des Transports est en cours. Il porte sur la gestion, l’organisation, le recrutement, l’encadrement et la qualité des prestations. Actuellement, la compagnie exploite 43 avions. En juillet, un appareil qu’elle avait affrété pour assurer la liaison OuagadougouAlger s’était écrasé au Mali, faisant 116 morts. l

marocaine a signé un accord interlignes avec sa consœur brésilienne GOL Linhas Aéreas Inteligentes. Elle peut ainsi proposer depuis Casablanca des vols pour Rio de Janeiro, Caracas, Montevideo, Lima, Santiago ou Buenos Aires. La RAM avait déjà signé des accords similaires avec l’américaine JetBlue et la canadienne WestJet pour couvrir le continent nord-américain. Elle s’est également distinguée en septembre comme étant la seule compagnie africaine à maintenir ses vols vers la Guinée, la Sierra Leone et le Liberia en dépit de l’épidémie du virus Ebola. l

Tunisair AFIN DE LIMITER SON DÉFICIT, la compagnie nationale a proposé un plan de départs volontaires à ses salariés. Plus de 1 700 employés devraient quitter l’entreprise. L’objectif est d’économiser 10 millions de dinars (4,36 millions d’euros) sur les 161 millions de dinars de charges salariales déclarés l’an dernier. Selon les chiffres de 2013, Tunisair a un ratio de 116 salariés par avion, contre 30 pour British Airways. La compagnie prévoit en outre d’acquérir 7 avions (Airbus A320 et A330) entre 2014 et 2017 afin d’ouvrir d’autres lignes. l JEUNE AFRIQUE


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Lufthansa n proposant trop de sièges sur ses lignes européennes et américaines, le transporteur allemand a vu s’éloigner ses objectifs financiers pour 2014 et 2015. Au lieu d’opter pour une stratégie encore plus défensive – un plan d’économies est en cours –, la direction du groupe entend au contraire passer à l’offensive pour reprendre de l’altitude. Notamment en lançant des vols long-courriers low cost. Sur le continent, le pavillon allemand a ajouté un vol par semaine à son offre (assuré par un A340300) entre Francfort et Luanda, et intégré Lagos à son réseau de fret. l

Asky Airlines BIEN QUE LA RUMEUR d’une reprise d’Asky (détenue à 40 % par Ethiopian Airlines) par South African Airways ait circulé en mai, Gervais Koffi Djondo, son président, assure qu’il n’en est rien. La compagnie a cependant prévu d’ici à fin 2014 d’augmenter son capital (50 millions de dollars, soit 38,9 millions d’euros) de 20 à 25 millions de dollars afin de poursuivre son développement depuis son hub de Lomé. l

Kenya Airways

C

et été, la compagnie kényane a transféré ses premiersvolsdanslenouveauterminaldel’aéroport Jomo-Kenyatta, réservé à l’alliance SkyTeam. Grâce à cette infrastructure d’une capacité de 1,5 million de passagers par an, qui sera totalement opérationnelle en 2015, l’entreprise pourra poursuivre sa croissance en répondant aux meilleurs standards internationaux. Début septembre, elle a reçu son quatrième Boeing 787-8, ce qui porte sa flotte à 50 appareils. Cinq autres 787-8 sont commandés. l

PHOTOS : DR

E


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Culture & médias

CINÉMA

SURPRENANT

ROSCHDY

ZEM

Jamais là où on l’attend, avec Bodybuilder, l’acteur réalise un troisième film attachant. Et aborde avec originalité l’univers du culturisme et les relations père-fils. Portrait d’un homme modeste qui se tient à distance du star-système.

RENAUD DE ROCHEBRUNE

O

n le dit fort réservé, sinon timide. Sans doute à cause de ces nombreux rôles où il est apparu comme un homme certes viril et très cash, mais guère jovial et peu disert, voire renfermé derrière son visage buriné.Endehorsdesplateauxdecinéma, c’est tout le contraire. C’est un Roschdy Zem très décontracté et souriant qui nous reçoit. Avec son habituelle tenue jean - tee-shirt, il met tout de suite à l’aise son interlocuteur, ne refusant aucune question. Ne dédaignant pas l’humour, il apparaît assez sûr de lui, capable de vives réparties. Sans jouer le moins du monde à la star, malgré une filmographieimposantecomme acteur – dirigé notamment par Patrice Chéreau, André Téchiné, Xavier Beauvois, Anne Fontaine ou Rachid Bouchareb, excusez du peu! – et un début de carrière très prometteur comme réalisateur. Sans doute a-t-on confondu trop souvent son horreur de l’esbroufe et sa réelle modestie avec une quelconque tendance à se replier derrière une carapace. Après un bon quart de siècle de carrière devant ou, comme de plus en plus souvent aujourd’hui, derrière la caméra, Roschdy Zem n’est pas mécontent de pouvoir encore étonner. Habitué à être considéré comme un artiste maghrébin – bien que ce fils de parents marocains très modestes né à Gennevilliers, en région parisienne, se soit toujours efforcé d’échapper à cette étiquette en incarnant des personnages très différents –, il a manifestement voulu changer son image en réalisant son troisième film, Bodybuilder. Même si c’est « peut-être inconsciemment, je voulais

sortir de ce qui fait mon identité professionnelle », avoue-t-il. Après son premier film, Mauvaise Foi, où il rapportait en 2006 toutes les difficultés que peuvent rencontrer deux jeunes, l’un musulman l’autre juive, désirant constituer une union mixte, puis une relecture en 2011 de l’affaire Omar Raddad (Omar m’a tuer) du point de vue du jardinier marocain injustement condamné sans véritable preuve, il a complètement changé d’univers. Bodybuilder explore en effet en suivant ses « héros » dans la région de Saint-Étienne, dans le centre de la France, le monde des culturistes, une microsociété en général quasi invisible et bien souvent méprisée – la gonflette! le narcissisme ! – par une certaine opinion publique.

« JE VOULAIS SORTIR DE CE QUI FAIT MON IDENTITÉ PROFESSIONNELLE. »

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CULTE DU CORPS. Comment

diable une telle idée a-t-elle pu venir à un passionné de sport drogué au foot, pratiquant depuis quelques années le golf à haut niveau et qu’on imaginerait plutôt fasciné par des boxeurs que par des addicts à la musculation célébrant le culte du corps ? « Avant de jouer le rôle d’un policier infiltré dans un réseau de trafiquants de drogue dans Go Fast, en 2007, il m’a fallu suivre un entraînement sportif assez intensif en salle. Quelques années après, toujours marqué par cette expérience, j’ai voulu aller voir comment cela se passait quand on poussait une telle préparation à l’extrême et au quotidien », explique Roschdy Zem. Pour ce faire, le cinéaste a fréquenté des culturistes, qu’il a suivis en compétition, parvenant ainsi à gagner peu à peu leur confiance. « J’ai découvert un monde parallèle, reconnaît-il, une sorte de tribu digne d’intéresser un ethnologue, avec l l l JEUNE AFRIQUE

u C’est Charlie Chaplin qui lui a fait aimer le septième art.


MARCEL HARTMANN/CONTOUR BY GETTY IMAGES


Culture médias Cinéma

MARS DISTRIBUTION

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ses codes, son propre langage, un savoir sans équivalent sur le corps humain, ses organes, la diététique. Des personnages surtout qui ont adopté un véritable style de vie, totalement investis dans ce qu’ils font, qui ne trichent pas et ne sont motivés que par leur passion, jamais par l’appât du gain dans cette discipline où il n’y a pas d’argent en jeu. » L’homme de cinéma entraperçoit alors « un univers gratuit, rare dans notre monde moderne, de surcroît très visuel et avec une composante sociale puisque les individus qu’il concerne sont en majorité des prolétaires. Ne restait plus qu’à trouver une histoire se passant dans ce milieu à raconter ». lll

p Afin de gagner leur confiance, le réalisateur a suivi ces hommes qui sculptent leur corps (ici, l’acteur principal Yolin François Gauvin).

CLOWN. L’ancien vendeur de jeans aux puces

MADOFF DE QUARTIER. Ce qu’il a fait avec sa

coscénariste Julie Peyr, imaginant qu’un adolescent qui s’est mis en danger à force de vouloir vivre de trafics en tous genres dans la banlieue parisienne est envoyé par sa mère et son grand frère loin en province chez son père qu’il n’a pas revu depuis des années afin de retrouver le droit chemin. Un homme taiseux, champion de bodybuilding et qui tient une salle de musculation, qu’a priori tout oppose à ce fils escroc en manque de repères – un Madoff de quartier se rêvant en as de la finance – qui ne le respecte guère. « Contrairement aux apparences, ce film, parti d’une idée ex nihilo, est sans doute le plus personnel que j’aie réalisé », assure Roschdy Zem. Car finalement « être un véritable metteur en scène suppose de ne pas être là où l’on vous attend », et donc « de faire des films qui ne sont pas liés directement ou indirectement à vos origines » mais qui « parlent de sujets qui vous interpellent ». Et ce qui l’a interpellé, en l’occurrence, ce sont aussi bien ces culturistes – des individus injustement ostracisés –, les valeurs qu’ils entretiennent, que les rapports père-fils dans une situation où la communication N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

est quasi impossible. « La pudeur, la difficulté à trouver les mots pour se parler entre les générations, l’amour qu’implique le lien du sang qu’on le veuille ou non, c’est quelque chose que je connais très bien », précise l’acteur-réalisateur. Qui ne dira pas que son propre père, « peu enclin à montrer son affection, un comportement très moyen-oriental », est précocement retourné vivre de son côté à Ouarzazate au Maroc. Et qui confie volontiers qu’il est lui-même un père aimant et attentif mais aussi vigilant et redouté pour ses deux enfants. La prochaine fois que l’on verra Roschdy Zem à l’écran, il apparaîtra au côté de Benoît Poelvoorde, un cambrioleur très amateur et très peu banal dans La Rançon de la gloire, un film de Xavier Beauvois tourné avant l’aventure Bodybuilder. Il s’agit de l’invraisemblable histoire – pourtant authentique – du vol, par deux immigrés, du cercueil de Charlie Chaplin, trois mois après sa mort en Suisse en 1977, dans l’espoir vain d’en tirer une rançon. Une manière de retrouver la légende du cinéma qui l’a marqué bien avant qu’il ne puisse s’imaginer face à une caméra: « Le premier film que j’ai vu, dans une salle de quartier, était La Ruée vers l’or. Depuis, l’inventeur de Charlot est resté pour moi “le” cinéaste, “la” référence du grand écran. »

Bodybuilder, de Roschdy Zem (sortie à Paris le 1er octobre)

de Saint-Ouen n’a pas fini de croiser la route de Charlie Chaplin. Car son prochain film en tant que réalisateur, bâti sur un scénario une fois de plus inattendu, mettra notamment en scène James Thiérrée, qui s’est fait un nom dans le monde du cirque et qui est le propre petit-fils du plus génial clown du septième art. Il jouera là bien sûr… dans une histoire de clown, celle des dernières années de Chocolat, un ancien esclave cubain devenu le plus connu des Auguste au début du XXe siècle avant de tomber dans l’oubli. Lequel Chocolat donnera son nom à ce quatrième long-métrage de Roschdy Zem, dont le rôle-titre sera interprété par Omar Sy. Une trajectoire à l’issue triste, certes, mais qui tournera encore autour d’un héros positif puisque Chocolat ne sombra jamais dans la mélancolie et, contrairement à la plupart des amuseurs, resta toujours un épicurien et un amoureux de la vie. Somme toute un peu comme Roschdy Zem, certes moins exubérant, à l’occasion austère, mais qui a toujours su apprécier ce que lui offraient comme heureuses opportunités les hasards de l’existence et qui se considère comme chanceux. Il ne se rêvait pas acteur, mais a profité pleinement des rencontres fortuites qui lui ont permis de séduire l’objectif. Il ne s’imaginait pas le moins du monde réalisateur, mais a sauté sur l’occasion quand un producteur lui a proposé de tourner lui-même le premier scénario qu’il avait finalisé, celui de Mauvaise Foi. Et alors qu’il frise la cinquantaine, il cultive toujours « le plaisir d’aller vers l’inconnu ». l JEUNE AFRIQUE


14ÈME

FORUM

ÉCONOMIQUE INTERNATIONAL

SUR L’AFRIQUE Par l’Afrique, pour l’Afrique ?

Industrialisation et intégration pour une croissance inclusive 6 OCTOBRE 2014 Organisé par le Centre de développement de l’OCDE

L'édition 2014 du Forum économique international sur l'Afrique, « Par l’Afrique, pour l'Afrique?», organisée en partenariat avec l’Union Africaine, mettra l'accent sur l'industrialisation et l'intégration en faveur d'une croissance inclusive. Session d’ouverture : La transformation économique de l’Afrique : réalisations et défis à relever Session 1 : Améliorer l’accès de l’Afrique aux chaînes de valeurs mondiales et aux marchés régionaux Session 2 : Combler la fracture urbaine-rurale : le défi des politiques territoriales Avec la participation de : Macky Sall, Président de la République du Sénégal Moussa Mara, Premier ministre, Mali Nkosazana Dlamini Zuma, Présidente, Commission de l’Union Africaine (UA) Angel Gurría, Secrétaire général, Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) Mario Pezzini, Directeur, Centre de développement de l’OCDE Romano Prodi, Ancien envoyé spécial de l'ONU pour le Sahel

Date limite d’inscription : 3 octobre 2014 Contact presse : dev.media@oecd.org

En partenariat avec l’Union Africaine

www.oecd.org/fr/forum-afrique #AF14 @OECD_Centre

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Culture médias

Retrouvez l’interview de Fiston Mwanza Mujila

LITTÉRATURE

Le Fiston des lettres congolaises Il rêvait de devenir V.-Y. Mudimbe ou Pius Ngandu Nkashama. Mais il a fini par dessiner sa propre voie. À 33 ans, Fiston Mwanza Mujila signe un premier roman très prometteur, Tram 83.

PHILIPPE MATSAS/OPALE

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p « Le français est une langue africaine », revendique l’écrivain installé en Autriche.

S

a voix est calme, avec un léger accent swahiliphone. Des cheveux épais, des mots plein la bouche. Quand il commence à parler, difficile de l’arrêter. Il ne tarit jamais. Une manie qui transparaît même dans son écriture. « Je m’éclate », reconnaît Fiston Mwanza Mujila alors en promotion à Paris pour son premier roman, Tram 83, un récit nerveux, entrecoupé par « une sorte de notes de musique » qui revient presque à chaque page. Comme pour rappeler l’influence omniprésente de la rumba, du jazz et de la poésie dans son texte surréaliste. Il faut s’accrocher. On y croise à la fois « les musiciens par inadvertance, les prostituées du troisième âge, les creuseurs en mal de sexe, les pasteurs des Églises de réveil, les médecins diagnostiquant dans les boîtes de nuit, les jeunes journalistes déjà à la retraite, les rebelles dissidents, les politiciens “m’as-tu-vu”, les N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

enfants-soldats, les vendeurs d’eau fraîche, les miliciens autoproclamés “maîtres de la terre” »… Bref, toutes sortes de peuplades du « Ville-Pays », cet État chaotique réinventé par l’auteur, mais qui ressemble, à quelques différences près, à son pays d’origine, la République démocratique du Congo (RD Congo). BOÎTES DE NUIT. Chez Fiston Mwanza

Mujila, « écrire, c’est aboyer dans le vide, c’est comme boire de la bière, se faire plaisir ». Pour y parvenir, il n’hésite pas à sortir des sentiers battus. Dès ses débuts, vers la fin des années 1990, dans sa Lubumbashi natale, capitale de la province la plus méridionale de la RD Congo, le jeune écrivain, aujourd’hui âgé de 33 ans, est en quête d’un « style » singulier pour raconter des histoires, écrire des recueils de poésie, des nouvelles ou des pièces de théâtre. Une audace récompensée en 2009

par une médaille d’or en littérature aux VIe Jeux de la francophonie à Beyrouth, au Liban. Un premier pas vers la renommée internationale, car, dans la foulée, il est devenu le « premier Africain » à être désigné « écrivain de la ville de Graz », en Autriche, grâce à La Nuit, une nouvelle qui retrace les rapports tumultueux entre une prostituée et l’un de ses clients. C’est en effet dans les boîtes de nuit, les bars, mais aussi dans les salons de coiffure et sur les marchés que Fiston Mwanza Mujila puise son inspiration. Ces « lieux de socialisation » le fascinent. Lui qui a pourtant été bercé durant toute son enfance dans une « éducation chrétienne, carrée ». Quatrième d’une famille de sept enfants – quatre garçons et trois filles –, il ne pouvait guère s’échapper du cocon familial: « école, église, bibliothèque, point à la ligne », résume-t-il. Seule distraction : écouter les classiques de la rumba congolaise qui passaient en boucle à la maison. Et il y a pris goût. Au point de vouloir « à tout prix » intégrer une école de musique ! Seulement voilà, la famille, modeste – son père vendait des sacs de maïs –, ne peut pas lui payer des études à Kinshasa. Il n’apprendra pas à jouer au saxophone, cet instrument dont il était tombé amoureux… Mwanza se plonge alors dans l’écriture pour « noyer sa frustration ». Mais Fiston est désormais majeur et peut échapper au carcan familial. Vive l’indépendance ! Il passe des heures dans des bars, « ébloui » de découvrir « un monde marqué par des improvisations incessantes », en décalage avec son éducation de base. « C’est dans cette marginalité que j’ai développé mon écriture », raconte-t-il, regrettant toutefois qu’il n’y ait jamais eu à Lubumbashi de « véritable transmission » entre les ténors de la littérature congolaise qui s’y trouvaient et la « nouvelle génération ». Il n’a pas pu croiser le chemin de Valentin-Yves Mudimbe ou celui de Pius Ngandu Nkashama, les écrivains congolais qui le faisaient rêver. « Ils étaient tous partis en exil au cours des années 1990, lorsque le pays a rompu sa coopération avec la France », raconte Mwanza. Conséquence : le seul centre culturel de JEUNE AFRIQUE


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POÉSIE. Grâce à son talent, mais surtout

à son envie d’apprendre, il parvient tout de même à quitter la ville pour participer à des ateliers d’écriture ici et là, à Kinshasa, à Nairobi, et même à Bruxelles. Il prend également part à plusieurs concours organisés par RFI. « Un passage obligé pour éclore », confie-t-il. Avant d’aller poser ses valises pendant une année en Allemagne. Par « envie de découvrir d’autres choses ». Fidèle à lui-même, le Lushois s’essaie à l’allemand, mais la langue ne lui convient pas. Son style qui se veut éminemment poétique en pâtit. « Je n’avais pas d’alibi pour écrire en allemand, confesse-til aujourd’hui. Alors que le français, c’est une langue africaine, ma propre langue », revendique celui qui dit venir de la « dernière ville francophone du continent ». Oui, après Lubumbashi, place aux pays anglophones et lusophones de l’Afrique australe ! Installé désormais à Graz, son « arrière-base », où il vit depuis cinq ans, Mwanza ne s’est pas éloigné pour autant de son Congo. Il y retourne souvent pour se ressourcer, mais aussi pour se confronter au quotidien des citoyens de cet « État qui n’existe que sur papier ». Un pays aux réalités complexes. « Impossible de les raconter dans un livre », explique-t-il. Même s’il se prête finalement à l’exercice, sans jamais se l’avouer, dans Tram 83. « Il ne s’agit que d’une fiction », se défend-il. Pas question de jouer au donneur de leçons avec les politiciens congolais, encore moins avec ses compatriotes. « Qui suis-je pour m’arroger ce droit ? » martèle-t-il. Un refus catégorique de mélanger les genres. l TRÉSOR KIBANGULA

Tram 83, de Fiston Mwanza Mujila, éd. Métailié, 208 pages, 16 euros JEUNE AFRIQUE

p Lors de l’African Fashion Week à Lagos, le 18 mai dernier. TÉLÉVISION

Défilés à la chaîne À l’origine de la Black Fashion Week française, dont la 3e édition se tient du 2 au 4 octobre, Adama Paris a lancé une télé 100 % mode.

L

es tops en vogue, les futures stars faire partie du bouquet sud-africain DStv, de la haute couture, les défilés saileader dans les pays anglophones du sonniers… Depuis le mois d’avril, continent. Un tremplin pour Fashion lesSénégalaisdécouvrentl’envers Africa TV, qui propose actuellement une du décor de l’univers de la mode africaine centaine d’heures de programmes, dont surleurpetitécran.Lancéeparlacréatrice des émissions originales produites par sénégalaise Adama Ndiaye, plus connue l’équipe d’Adama Paris, composée d’une souslenomd’AdamaParis,FashionAfrica dizaine de salariés. Celebrity Closet nous TV est la première chaîne 100 % mode dévoile la garde-robe des stars. Le télépensée par et pour les Africains. crochet La Nouvelle Top cherche à déniEn 2012, alors qu’elle organise la Black cher la prochaine Katoucha. L’émission Fashion Week à Paris, dont la nouvelle édition se tient « Nous sommes africains… Qui du 2 au 4 octobre, Adama mieux que nous peut savoir ce Paris a l’idée de créer une chaîne spécialisée afin de que sont nos tendances ? » décloisonner un domaine monopolisé par les Occidentaux et de séduit déjà des chaînes américaines et valoriser le talent des stylistes et mannefrançaises comme Canal+, tentées par quins locaux, absents des écrans internale rachat du programme. tionaux. « Je voulais offrir une plateforme à nos créateurs et surtout rendre visible OPTIMISME. Malgré le lancement la mode africaine qui, jusqu’à présent, de Fashion TV Africa, qui diffuse la n’intéressait presque personne. Une chaîne internationale Fashion TV sur le aberration au XXIe siècle ! » s’indigne continent, Adama Paris ne craint pas la celle qui est également la fondatrice de concurrence. « Nous sommes africains… la semaine de la mode de Dakar. Qui mieux que nous peut savoir ce que Face au scepticisme des investisseurs, sont nos tendances ? » lance-t-elle. Sa lacréatriceautofinance le projet àhauteur chaîne compte déjà en moyenne 2 000 de 80 millions de F CFA (122000 euros). Et téléspectateurs par jour et commence à s’appuie sur son réseau et sa réputation. attirer les annonceurs, notamment Trace Désormais, les caméras de Fashion Africa TV et Nollywood TV, qui partagent une TV se glissent dans les coulisses des déficible similaire : un public jeune, attiré lésdesFashionWeeksafricainesdeLagos, par les tendances. Si la rentabilité n’est Monrovia ou Kinshasa. Les catwalks pas encore au rendez-vous, Adama Paris, représentent 70 % des programmes. optimiste, espère atteindre l’équilibre Disponible au Sénégal, sur le boudans six mois. Les coulisses des défilés quet américain ASTV – qui coûte environ n’auront bientôt plus de secrets pour les Africains. l 20dollarsparmois(15euros)–etsurl’offre Orange,lachaînegratuitepourraitbientôt ÉMELINE WUILBERCQ N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

GWENN DUBOURTHOUMIEU POUR J.A.

la capitale katangaise ferme ses portes. Les écrivains en herbe se retrouvent, du jour au lendemain, sans structure d’encadrement, sans parrain. Un vide.


Culture médias KIOSQUE

LA REVUE

Côte d’Ivoire: histoire immédiate Le numéro 46 du mensuel La Revue est en vente dans les kiosques depuis le 26 septembre.

larevue.info

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M

«

a première rencontre avec Laurent Gbagbo eut lieu courant octobre 2007 à la présidence de la République, au Plateau, quelques jours après mon arrivée à Abidjan. J’avais lu son livre et lui avais apporté le mien, L’Asie de l’Est et le Rapprochement sino-africain, publié en France chez Berger-Levrault. En agissant ainsi, je voulais souligner que nous étions entre écrivains. Et de fait, nous ne parlâmes que d’histoire et de littérature. » Ainsi commence le récit de Choi Young-jin, qui fut, de 2007 à 2011, le représentant de l’ONU en Côte d’Ivoire. Dans un livre à paraître, le diplomate coréen livre un témoignage exceptionnel sur la crise ivoirienne, qui a culminé avec l’arrestation, le 11 avril 2011, de l’ancien président, dont le procès devant la Cour pénale internationale est attendu en 2015 ou 2016. Parfaitement francophone et bon connaisseur de l’Afrique, ChoiYoung-jin avait été choisi pour cette mission délicate après le départ, dans de très mauvaises conditions, du Suédois Pierre Schori. Chargé de certifier le résultat des élections de novembre 2010, qui se conclurent par la victoire d’Alassane Ouattara, le diplomate se sortit de sa mission avec succès. Mais non sans difficultés, comme il le raconte dans ce témoignage inédit. Il est aussi question d’actualité immédiate dans ce numéro de La Revue avec les élections tunisiennes. Entre les législatives du 26 octobre et la présidentielle du 23 novembre, la classe politique s’agite, et Dominique Mataillet s’est rendu dans la capitale pour faire le point sur les forces en présence. Du côté des islamistes d’Ennahdha, on a délibérément choisi de faire l’impasse sur la présidentielle, l’objectif étant clairement

LaRevue

L E M O N D E C O M M E V O U S N E L’ A V E Z J A M A I S L U

MENSUEL N o 46 OCTOBRE 2014 5,90 €

NUCLÉAIRE IRANIEN

u La Revue no 46, octobre 2014, 148 pages, 5,90 euros en France (3 000 F CFA dans la zone CFA).

LE MENSONGE de Washington Comment la CIA a fait croire au monde que Téhéran développait l’arme atomique

MAROC, ROYAUME DU CHEVAL

Les chevaux arabes et barbes à l’honneur à El Jadida Édition Internationale Algérie 350 DA • Allemagne 6,50 € • Belgique 6,50 € • Canada 6,50 $ CAN • DOM 6 € Espagne 5,90 € • États-Unis 8,50 $ US • Finlande 6,50 € • Italie 5,90 € Luxembourg 6,50 € • Maroc 40 DH • Portugal 5,90 € • Royaume-Uni 5 £ Suisse 8,00 FS • Tunisie 9,000 DT • Zone CFA 3 000 F CFA

de remporter les législatives et de prendre la tête du gouvernement. Un calcul qui s’explique logiquement : avec la nouvelle Constitution, c’est là, et non dans les mains du chef de l’État, que l’essentiel des pouvoirs sera concentré. Reste que la présidence attise les ambitions et que les profils des candidats sont pour le moins variés. Beaucoup de prétendants sont des proches de l’ancien pouvoir et certains se réclament de l’héritage du NéoDestour ou du RCD. L’un des plus solides pourrait bien être Béji Caïd Essebsi, qui fut Premier ministre de transition après la chute du régime Ben Ali. Mais à 88 ans, le favori des sondages est-il encore crédible ? Actualité plus paisible au Maroc, où le mois d’octobre sera celui du Salon du cheval d’El Jadida. Une nouvelle occasion pour le royaume d’afficher son amour des activités équestres et son savoir-faire en la matière, comme l’explique dans un grand dossier notre collaborateur Jean-Louis Gouraud, ambassadeur des Jeux équestres mondiaux qui se sont tenus en France à la fin de l’été. l OLIVIER MARBOT

À LIRE AUSSI DANS CE NUMÉRO beaucoup de dirigeants socialistes européens, Manuel Valls en tête. PLUS DE 4 MILLIARDS D’AFRICAINS EN 2100. Après des siècles de stagnation, la population africaine a entamé une croissance exponentielle et devrait, selon l’Unicef, représenter 40 % de la population mondiale en 2100. MATTEO RENZI, UN NOUVEAU VISAGE POUR L’EUROPE ? Énergie, détermination sans faille et bonhomie décontractée : le président du Conseil italien inspire N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

un livre choc publié par un journaliste américain démontre que les preuves censées accréditer la volonté iranienne de fabriquer la bombe ont été fabriquées.

NUCLÉAIRE IRANIEN, LA FIN DU JEU DE DUPES ? Alors que la négociation entre Téhéran et les grandes puissances se poursuit jusqu’au mois de novembre, JEUNE AFRIQUE



En association avec


Culture médias

Portrait chinois Asa, si vous étiez… • un sentiment ? L’amour • une couleur ? Le rouge • un instrument ? Une trompette JOFFET EMMANUEL/SIPA

• une femme politique ? Aung San Suu Kyi

p Plus zen qu’à ses débuts, la chanteuse a mûri.

• un chanteur disparu ? Fela Kuti

MUSIQUE

Petit faucon, grand talent L’artiste nigériane Asa revient avec un troisième album. Pari réussi pour celle qui fut très vite considérée comme l’un des grands espoirs africains.

S

urletoitd’unrestaurantparisien à la mode, sous une chaleur de plomb – suffisamment rare cette année en France pour être signalée –, Asa (prononcer « acha ») arrive légèrement en retard. « Il y avait beaucoup de monde sur la route », s’excuse-t-elle, calmement, tout sourire. La Nigériane est sereine : une plénitude qui ressort d’ailleurs de son dernier disque, Bed of Stone. Elle le reconnaît volontiers, voire le revendique. Car, depuis 2007 et le succès de son premier album (Asa), vendu à 400 000 exemplaires et récompensé du prix Constantin, l’artiste a mûri. En 2010, son deuxième opus, Beautiful Imperfection, s’était ensuivi d’une tournée harassante de deux années. « J’ai tout donné chaque soir… sans me rendre compte à quel point c’était épuisant », avoue-t-elle. Il lui aura donc fallu deux années supplémentaires pour aboutir Bed of Stone et s’affranchir de toute pression à 32 ans. Résultat : une explosion de couleurs, une envolée soul et pop, des hymnes à reprendre en chœur (comme le superbe « Eyo »)… Le « petit faucon » (traduction d’Asa en yorouba, langue qu’elle utilise aussi pour composer) a JEUNE AFRIQUE

bien fait de prendre son temps, et de la hauteur.

votre image de « chanteuse militante ». Pourquoi ?

JEUNE AFRIQUE : Comment définiriezvous votre dernier album ? ASA : Je dirais qu’il est plus simple que

Je ne crois pas qu’il soit possible de rester de marbre face au monde actuel. J’ai des choses à dire et je continuerai à le faire. Mais de manière différente. Mon message est moins virulent.

les précédents. Mais, surtout, c’est un album plus personnel, plus proche de moi, de ce que je ressens, de ce que je pense, de la personne que je suis devenue. Vous voulez dire que vous avez profondément changé depuis votre premier album ?

Oui, indéniablement. Je crois qu’on appelle ça la maturité ! Je suis plus sage, en même temps je me sens vraiment libre et détachée de toute pression, beaucoup moins stressée ! Et je crois que cela se ressent dans mon écriture. Comment s’est passée la composition ?

J’ai mis deux années à écrire Bed of Stone. J’ai pris mon temps. C’est un album composé sur la route, entre les États-Unis – Nashville, Los Angeles, Austin… –, Paris et Lagos. Auparavant, j’écrivais seule. Là, d’autres auteurs m’ont accompagnée tout au long du processus. Dans une précédente interview, vous indiquiez vouloir vous détacher de

Que ressentez-vous lorsque vous voyez votre pays, le Nigeria, touché de plein fouet par les actes terroristes de la secte islamiste Boko Haram ?

Je me sens personnellement atteinte puisque les jeunes filles qui ont été kidnappées [200 étudiantes ont été enlevées à Chibok, en avril] sont du même village qu’une partie de ma famille. Je connais bien les lieux. Ce qui se passe est indescriptible. Jusqu’à cet événement, je vivais les choses de manière détachée, comme une observatrice extérieure. Cet enlèvement, inqualifiable, m’a violemment ramenée à la réalité. Je ne peux plus faire comme si cela ne me concernait pas.

Bed of Stone, d’Asa (Naïve)

Quels artistes écoutezvous actuellement ?

J’écoute de tout, mais j’avoue apprécier en ce moment tout particulièrement les Américains Bruno Mars, Mute Math, ou encore Sixto « Sugar Man » Rodriguez. l Propos recueillis par MICHAEL PAURON N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

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Culture médias En vue

n n n Décevant

n n n Pourquoi pas

n n n Réussi

n n n Excellent

ESSAI

CINÉMA

Vous avez dit réac?

Prière de dialoguer DANS UNE BANLIEUE française, une très jeune femme est tuée, probablement par un beur. Bien que dévasté par ce crime, son frère, un prêtre catholique, reste vivre sur place car, penset-il, il pourra soutenir les proches de l’assassin qui faitcertainementpartiede sesvoisins.Troubléparcet acte de charité extrême, Akim, qui s’apprête à devenir imam, se met petit à petit à s’intéresser

à la chrétienté. Au point finalement de décider de se convertir. Avec ce sujet fort délicat, la catholique Cheyenne Carron a voulu faire un film plaidant, dit-elle, pour « la tolérance interreligieuse ». Excellente intention. Mais l’aspect didactique voire militant du propos et la vision parfois manichéenne de l’islam ne servent pas toujours ce dessein. l RENAUD DE ROCHEBRUNE

L’Apôtre, de Cheyenne Carron (sortie à Paris le 1er octobre)

LES SONS DE LA SEMAINE

À découvrir sur

Pour enchanter vos journées, J.A. a sélectionné pour vous du blues remixé façon électro, une découverte envoûtante, un hommage aux migrants africains… Bonne écoute !

Victor Démé remixé par Synapson En 2008, le public découvrait le chanteur burkinabè Victor Démé, qui, à 46 ans, sortait son premier album après trente ans de carrière. Une révélation. Ce disque de blues épuré comportait notamment « Djon Maya », titre étincelant de poésie. Six ans plus tard, le

duo français Synapson lui redonne un second souffle, électro cette fois-ci, dans un remix particulièrement réussi. Les deux DJ n’en sont d’ailleurs pas à leur coup d’essai dans leur réappropriation des musiques noires, puisqu’on leur doit déjà les très bons remix de Bonga (« Mona ki ngi Xica ») et du Garifuna Collective (« Seremei Buguya »).

Et aussi… la voix de la chanteuse sénégalaise Julia Sarr (ex-choriste de Lokua Kanza, Youssou Ndour, Salif Keïta, Mano Solo, Alpha Blondy, MC Solaar…) est incontestablement la sensation forte de cette rentrée musicale avec son envoûtant premier opus, Daraludul Yow (L’Autre Distribution) ; l’Algérienne Djazia Satour s’aventure quant à elle sur les terres du groove noir américain avec « Bittersweet », premier single d’Alwane (ZZ Production/Music Unit, sortie le 6 octobre) ; enfin, Damon Albarn et Tony Allen reviennent avec le très beau clip de « Go Back », titre en hommage aux migrants africains, en attendant la sortie de Film of Life le 21 octobre (JazzVillage). l JEAN-SÉBASTIEN JOSSET

nnn

VOUS ÊTES DE GAUCHE et fâché avec les religions ? Ce livre est fait pour vous. Le pasteur et théologien français Stéphane Lavignotte, jadis engagé en politique chez les Verts et ancien journaliste, déconstruit les idées reçues sur les religions et la foi par une approche sociologique et théologique. Sans occulter le conservatisme naturel et les crispations actuelles chez les chrétiens, les musulmans et les juifs, il montre comment certains croyants et institutions religieuses ont été les moteurs de transformations sociales positives de leur société. Principal écueil : l’auteur consacre l’essentiel de son discours au christianisme et beaucoup moins à l’islam et au judaïsme, et ce dans le contexte européen sécularisé. l CHRISTOPHE LE BEC

Les religions sont-elles réactionnaires ?, de Stéphane Lavignotte, éd.Textuel, 140 pages, 13,90 euros n n n

ROMAN

Je suis malade, nous somme malades RESCAPÉ D’UN CRASH d’avion, un jeune métis perd la mémoire. Il est hospitalisé dans un centre particulier qui recourt aux soins traditionnels grâce à des guérisseurs intégrés à l’équipe médicale. Pour son premier roman, Nafissatou Dia Diouf propose une réflexion intéressante sur la prise en charge des troubles psychiques en Afrique et sur les difficultés de soigner ceux qui souffrent d’acculturation. Mais, à trop vouloir défendre son propos – l’importance d’une compréhension collective et culturelle de la maladie –, l’auteure alourdit la veine romanesque de La Maison des épices, malgré une intrigue plutôt bien menée. l SÉVERINE KODJO-GRANDVAUX La Maison des épices, de Nafissatou Dia Diouf, éd. Mémoires d’encrier, 312 pages, 20 euros nnn © Vincent Fournier/JA

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Chaque soir sur TV5MONDE

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Culture médias

Et il est comment le dernier…

PHOTOGRAPHIE

Chapitre manquant

… Lieve Joris

L LONDON STEREOSCOPIC COMPANY/HULTON ARCHIVE/GETTY IMAGES

Une exposition remarquable revient sur la présence africaine en Grande-Bretagne au XIXe siècle.

p Albert Jonas et John Xiniwe, chanteurs sud-africains (1891).

U

n groupe de jeunes chanteurs sud-africains, une ancienne esclave drapée dans une vaste robe victorienne, un prince éthiopien… Jusqu’au 29 novembre, l’exposition « Black Chronicles II » présente à Londres de superbes clichés d’Africains datant du XIXe siècle. Avec Mark Sealy, la cocommissaire Renée Mussai entend utiliser l’histoire de la photographie pour « éclairer les chapitres manquants de l’histoire et de la culture britanniques, et en particulier l’histoire et la culture noires ». VASTE PROJET. Ainsi les images des chanteurs sud-africains

ont-elles été réalisées entre 1891 et 1893 dans les studios de la London Stereoscopic Company, à l’époque où les artistes, cherchant à lever des fonds pour construire une école dans leur pays, avaient chanté pour la reine Victoria à Osborne House, sur l’île de Wight. Les plaques de verre avaient disparu depuis plus de cent vingt ans… Sara Forbes Bonetta fut, elle, enlevée en Afrique de l’Ouest et « sauvée » par le capitaine Frederick E. Forbes, qui « l’offrit » à la reine. Quand au prince éthiopien, Dejazmatch Alamayou, il fut amené en Angleterre à l’âge de 7 ans après que les troupes britanniques eurent tué son père en Abyssinie. Il mourut de pleurésie en 1879… Autant d’histoires individuelles ressuscitées qui viennent démontrer que l’interpénétration culturelle entre l’Afrique et le Royaume-Uni est bien plus ancienne qu’on veut bien le dire. « Black Chronicles II » n’est que le premier pas d’un projet plus vaste, « The Missing Chapter », visant à explorer la « relation ombilicale » entre l’ancienne puissance coloniale et son empire. l NICOLAS MICHEL

« Black Chronicles II », jusqu’au 29 novembre à Rivington Place, à Londres nnn JEUNE AFRIQUE

es relations, toujours plus étroites, entre la Chine et l’Afrique… C’est à un vaste et alléchant sujet que s’attaque l’écrivaine belge néerlandophone Lieve Joris (Mon oncle du Congo, Mali Blues) dans son dernier ouvrage, Sur les ailes du dragon. Ni roman ni essai, ce livre ressemble à une compilation de carnets de route écrits au cours des voyages de ces dernières années. Il s’agit donc du récit d’une déambulation, au gré des rencontres, et qui ne sait pas vraiment où il va. On y croise les petites mains de ce nouvel âge de la mondialisation : commerçants africains de passage à Shanghai pour remplir quelques conteneurs, jeunes Chinois en quête d’ailleurs qui atterrissent sur le continent, le plus souvent pour ouvrir une petite échoppe ou, plus rarement, universitaires passionnés d’Afrique. Il faut reconnaître à Lieve Joris un certain talent pour se glisser dans l’intimité de ses personnages. Cela donne une série de rencontres souvent plaisantes à lire, parfois drôles et touchantes… mais pas toujours instructives. On se demande ainsi si la vie de Shudi, un Chinois qui fut ouvrier puis commerçant en Afrique

du Sud, détaillée par l’auteure au point que nous sont décrits ses traumatismes familiaux issus de la Révolution culturelle, nous apprend véritablement quelque chose de la relation sino-africaine. Quant à la description du vieux Dubaï écrasé par le soleil, a-t-elle véritablement sa place dans ce livre ? L’accumulation d’anecdotes et de trajectoires individuelles, contées avec des qualités littéraires relatives et sans réel travail de documentation, ne suffit pas à en faire un grand livre. Que l’auteure a-t-elle à nous dire de fondamental à la suite de ses pérégrinations ? En refermant ce pavé de 400 pages, on se le demande encore. l PIERRE BOISSELET

Sur les ailes du dragon, de Lieve Joris, traduction d’Arlette Ounanian, éd. Actes Sud, 400 pages, 23, 80 euros, à paraître le 1er octobre n n n

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Recrutement

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Annonces classées Votre Partenaire dans la Maîtrise des Risques & la Valorisation du Potentiel Humain Iso 9001:2008-2420003

AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL Objet : Recrutement du Commissaire aux comptes de l’OHADA Date : 28 septembre 2014 - Financement : BUDGET OHADA 2014

Appel d’offres - Recrutement

Le Secrétariat Permanent de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) lance un Appel d’Offres International en vue du recrutement d’un cabinet de réputation internationale pour assurer le Commissariat aux Comptes des Institutions de l’OHADA au cours des années 2014, 2015, et 2016. Ces institutions sont : - Secrétariat Permanent de l’OHADA (SP OHADA) à Yaoundé au Cameroun ; - Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature (ERSUMA) à Cotonou (Bénin) ; - Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) à Abidjan (Côte d’Ivoire). Contre le versement d’une somme non remboursable de cent mille (100 000) francs CFA, payable par chèque certifié, transfert bancaire ou, contre récépissé, en espèces entre les mains du Directeur Financier et Comptable du Secrétariat Permanent, le dossier d’Appel d’offres (DAO) pourra être retiré, à partir du 29 septembre 2014, à l’adresse suivante : Secrétariat Permanent de l’OHADA, Immeuble OHADA, quartier Hippodrome, face MINREX, B.P 10 071 Yaoundé – Cameroun Tél. : (+237) 22 21 09 05 / fax: (+237) 22 21 67 45, courriel : secretariat@ohada.org A leur demande, le Secrétariat Permanent pourra expédier, par courrier express contre paiement d’une somme forfaitaire de cinquante mille (50.000) francs CFA pour les frais d’envoi, le DAO aux cabinets qui en font la demande. La date limite de remise des offres au Secrétariat Permanent de l’OHADA à Yaoundé, est fixée au 24 octobre 2014 à 14 H (heure locale du Cameroun). L’ouverture des offres en séance publique devant les soumissionnaires qui le désirent ou leurs représentants, aura lieu le même jour à 15 heures GMT. Le Secrétaire Permanent

Le MEFPPPI recherche 14 Directeurs Généraux (H/F) pour les usines en construction de la Zone Industrielle et Commerciale de Brazzaville Mission : A la tête d'une unité de production qui comptera à terme une centaine de personnes, vos principales attributions seront de : • Représenter la société auprès des partenaires locaux et internationaux (clients, fournisseurs, prestataires), des administrations, des banques et des autorités locales ; • Définir et mettre en oeuvre la stratégie de développement de la structure selon les orientations du Conseil d’Administration et adapter les moyens humains et matériels pour atteindre les objectifs fixés ; • Mettre en œuvre une organisation performante et veiller à la sécurité des personnes, des installations et des moyens logistiques disponibles ; • Piloter et développer les activités commerciales de l’entreprise ; • Assurer la gestion juridique et financière de la société selon les normes et codes en vigueur ; • Définir les prévisions budgétaires et les objectifs financiers de l’entreprise tout en veillant à leur respect au cours de l'année ; • S’assurer que l’entreprise respecte la règlementation congolaise en matière de Gestion des Ressources Humaines et être garant du bon climat social ; • Animer et fédérer les équipes autour d’un projet de société ;

Filiale de APAVE INTERNATIONAL

• Collaborer étroitement avec le Directeur Général Adjoint en charge des opérations techniques et s’assurer de l’optimisation de la chaîne de production. Profil : Issu(e) d'une formation supérieure, idéalement d’un MBA, vous justifiez d’une expérience probante d’au moins 5 ans dans le management d’une unité de production de fabrication de matériaux, ou dans le domaine industriel. Vous avez démontré votre capacité à piloter une nouvelle entité, et vous possédez une forte capacité à organiser et fédérer les équipes autour d'objectifs communs. Enfin, vous détenez les compétences clés du poste : autorité, charisme, capacités managériales, aptitudes à la négociation et à la gestion des hommes, culture technique. La pratique de l’anglais est souhaitée, le portugais est un plus.

Nos domaines d’intervention Conseil en Organisation & RH Accompagnement Normes ISO Formation Professionnelle Contrôle de Construction Essais et Mesures Inspection Electrique, Levage/Colisage, CND

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AVIS D’APPEL D’OFFRES OUVERT INTERNATIONAL N°: SCB/SPA EXT/MAB/FRT 01/2014 POUR LA FOURNITURE ET INSTALLATION DE MATÉRIELS D’IRRIGATION ET DE DRAINAGE, FOURNITURE DE MATÉRIELS DE FERTIGATION À LA PLANTATION SPADI (S/P DE TIASSALÉ) Dans le cadre de la mise en œuvre des contrats de subvention cofinancés par l’Union Européenne et la Société d’études et de développement de la Culture Bananière (SCB) sur le programme des Mesures d’Accompagnement Banane, MAB 2012, la SCB envisage d’attribuer un marché de fournitures et installation de matériels d’irrigation sous frondaison et de drainage, fourniture de matériels de fertigation pour l’extension de sa plantation SPADI située dans la S/P de TIASSALE. Ce marché est divisé en quatre lots : • Lot 1 : Fourniture et installation de matériels complets d’irrigation sous frondaison pour 50 Ha • Lot 2 : Fourniture de 3 électropompes et leurs accessoires • Lot 3 : Fourniture de matériels de fertigation • Lot 4 : Fourniture de matériels de drainage Le Dossier d’Appel d’Offres ainsi que le détail du présent avis de marché peuvent être obtenus gratuitement au : Secrétariat Cellule MAB SCB, Abidjan-Plateau Bd Lagunaire, Immeuble horizon, 9ème étage Tél : 00 225 20 33 12 83/ 00 225 20 32 88 34 Fax: 00 225 20 21 38 48 Mail : mab@scb.ci 07 H 30-16 H 30 (heure d’ouverture et de fermeture des bureaux) La date limite de remise des offres est fixée au 17 novembre 2014 à 12 H 30. Toute offre reçue après la date limite de remise des offres ne sera pas prise en considération.

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Annonces classées RÉPUBLIQUE ISLAMIQUE DE MAURITANIE

RÉPUBLIQUE DU SÉNÉGAL

MINISTÈRE DU PÉTROLE, DE L’ÉNERGIE ET DES MINES

MINISTÈRE DE L’ÉNERGIE ET DU DÉVELOPPEMENT DES ÉNERGIES RENOUVELABLES

SOCIÉTÉ MAURITANIENNE D’ÉLECTRICITÉ (SOMELEC)

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SOCIÉTÉ D'ÉLECTRICITÉ DU SÉNÉGAL (SENELEC)

AVIS GÉNÉRAL DE PASSATION DE MARCHÉ

N° 01/2014/lignehtmrsn - Projet régional d’interconnexion électrique entre le Sénégal et la Mauritanie. Type de publication : Avis Général de Passation de marché Type de Marché : Appel d'offres international ouvert avec pré-qualification Secteur : Énergie

Pays : République Islamique de Mauritanie / République du Sénégal Date de publication : 28/09/ 2014 Statut : Ouvert

Nom du projet : Projet régional d’interconnexion électrique entre le Sénégal et la Mauritanie. Le Gouvernement mauritanien et le Gouvernement sénégalais ont sollicité un financement de l’Agence Française de Développement (AFD), de la Banque Islamique de Développement (BID) et du Fonds Fiduciaire UE-Afrique pour les Infrastructures (ITF) pour couvrir les coûts des prestations relatives à la supervision, la conception, la fourniture et le montage de la ligne 225 kV entre Nouakchott (Mauritanie) et Tobène (Sénégal) et des postes associés.

Lot 4 - La supervision et le contrôle des travaux des lots 1,2 et 3. M.O. République Islamique de Mauritanie. Financement ITF (gestion déléguée AFD). La sélection de (ou des) entreprise(s) qui sera chargée de la construction des ouvrages constituant le Projet se fera par voie d’Appel d’Offre International avec pré-qualification pour les travaux et appel à manifestation d’intérêt pour les prestations de maitrise d’œuvre. Les marchés des lots 1, 2 et 4 seront passés conformément aux procédures de l’AFD et celui du lot 3 conformément aux procédures de la BID. Les avis spécifiques de pré-qualification et d’appel à manifestation d’intérêt relatifs aux différents marchés seront publiés au moins 60 jours après publication du présent avis, sur les sites internet de l’AFD (http://afd.dgmarket.com) et de la BID (www.isdb.org), ainsi que dans les journaux nationaux et dans un journal de grande diffusion internationale. Les candidats intéressés peuvent obtenir un complément d’information auprès de : La Société Mauritanienne d’Electricité (SOMELEC) 47, Avenue de l’Indépendance - BP 355 Nouakchott - République Islamique de Mauritanie Télécopie : 00 222 45 25 39 95 - Courriel : lignehtmrsn@somelec.mr Contact : Le Conseiller du Directeur Général chargé des marchés ou le Directeur d’Exécution des Projets La Société d'Electricité du Sénégal (SENELEC) 28, rue Vincens - BP 93 Dakar - République du Sénégal Télécopie : 00 (221) 823.12.67 - Courriel : lignehtmrsn@senelec.sn Contact : Le Directeur de l’équipement et de l’environnement

Objectif du projet : La Mauritanie propose d'exporter une partie de sa production d'électricité vers le Sénégal qui souhaite importer une énergie électrique compétitive. A l'horizon 2017, l'export entre la Mauritanie et le Sénégal serait de 125MW. Dans ce contexte, il est nécessaire de renforcer l'interconnexion entre ces deux pays par une ligne 225 kV pouvant transiter jusqu’à 250 MW. Les composantes du projet : Lot 1 - Conception, fourniture et montage d’une ligne de 225kV entre le poste de Nouakchott Centrale Nord et Keur Pèr (204 km) et des postes associés (225 kV/90kV à Béni Nadji et l’extension du poste existant à Nouakchott Centrale Nord, 225kV) – Maître d’ouvrage (M.O.) République Islamique de Mauritanie. Financement AFD. Lot 2 - Conception, fourniture et montage d’une ligne de 225kV de Keur Pèr à Saint Louis (74 km) et des postes associés (225 kV/30kV à Saint Louis Est et extension du poste existant à Tobène, 225kV) - M.O. République du Sénégal. Financement AFD. Lot 3 - Conception, fourniture et montage d’une ligne de 225kV entre Saint Louis et Tobène (144 km)- M.O. République du Sénégal. Financement BID.

DATE : 04 SEPTEMBRE 2014 - APPEL D’OFFRES N° : 001/2014/BID/ADDS N° DU PRÊT BID : 0058DI - TITRE DU PRÊT BID : PROJET DE RÉDUCTION DE LA PAUVRETÉ URBAINE À BALBALA – PRÉPUB 1. Le Gouvernement de DJIBOUTI a obtenu un prêt de la Banque Islamique de Développement « BID », pour financer le coût du PROJET DE RÉDUCTION DE LA PAUVRETÉ URBAINE À BALBALA. Il est prévu qu'une partie des sommes accordées au titre de ce prêt sera utilisée pour effectuer les paiements prévus au titre du présent appel d’offres. 2. Le Gouvernement de Djibouti par délégation de maîtrise d’ouvrage, a chargé l’Agence Djiboutienne de Développement Social (ADDS) de la mise en œuvre de Travaux d’Exécution de l’Infrastructure de Base à Balbala, DJIBOUTI. 3. Dans le cadre de la mission qui lui est confiée, l’Agence Djiboutienne de Développement Social (ADDS) lance un Appel d'Offres ouvert pour l’exécution des travaux suivants : Lot : Voirie en Enrobé Dense et Adduction d’Eau Potable. 4. Moyennant le paiement d'un montant non remboursable de cinquante mille Francs Djibouti (50 000 FDJ), les frais de cheminement du dossier non compris. Les soumissionnaires intéressés peuvent obtenir des renseignements complémentaires auprès de l’ADDS dont l’adresse est ci-dessous indiquée. 5. Le soumissionnaire est réputé avoir visité le site du chantier et ses environs et avoir une parfaite connaissance de l’état des lieux et de la nature des travaux à réaliser. Les coûts liés à la visite du chantier sont à la charge du soumissionnaire. Le soumissionnaire est invité à prendre connaissance qu’une visite de site de chantier (obligatoire) est programmée pour le : 29 Septembre 2014 à 10 Heures (heure locale). Le lieu de départ est le siège de l’ADDS. 6. Les offres doivent être accompagnées d’une caution de soumission d’un montant de deux millions (2 000 000 FDJ) Francs Djibouti du présent lot, et doivent être adressées au plus tard le : 19 Octobre 2014 à 10 Heures (heure locale). Les plis seront ouverts en présence des soumissionnaires qui souhaitent assister à l'ouverture des plis, qui aura lieu le 19 Octobre 2014 à 10 Heures 15 Minutes (heure locale). 7. Le dossier d'Appel d'Offres peut être acheté auprès de l’ADDS : Agence Djiboutienne de Développement Social (ADDS), Rue Djama Elabeh - Plateau du Serpent - Djibouti - Téléphone: +253 21 35 86 55 Télécopie: +253 21 35 71 84. Courriel: direction@adds.dj ; lynda_abdourahaman@adds.dj - (Ouvert du samedi au jeudi de 7h00 à 14h00).

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Avis de marché - Appel d’offres

AVIS D'APPEL D'OFFRE INTERNATIONAL LOT : VOIRIE EN ENROBÉ DENSE ET ADDUCTION D’EAU POTABLE


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Annonces classées PREMIER MINISTÈRE --------------------SECRÉTARIAT GÉNÉRAL --------------------MAITRISE D’OUVRAGE DE L’AÉROPORT DE DONSIN

BURKINA FASO --------------------UNITÉ – PROGRÈS – JUSTICE

FINANCEMENT : IDA

AVIS À MANIFESTATION D’INTÉRÊT N° 2014-015/PM/SG/MOAD/PRM du 19 août 2014 Recrutement d’un consultant pour l’Assistance Technique à la Direction Technique de la Maîtrise d’Ouvrage de l’Aéroport de Donsin.

Le Gouvernement du Burkina Faso a décidé, avec le soutien de ses partenaires techniques et financiers, la construction du nouvel Aéroport International de Ouagadougou-Donsin et de ses voies d’accès, dans le village de Donsin situé à 30 km au nord-ouest de la ville de Ouagadougou. Dans ce cadre, le Burkina Faso a obtenu de l'Agence Internationale de Développement (IDA), un financement en vue de la mise en œuvre du Projet d’Infrastructures de Transport de Donsin (PITD). Il a l’intention d’utiliser une partie du montant de ce financement pour effectuer les paiements au titre des services intitulés : Assistance Technique à la Direction Technique (DT) de la Maîtrise d’Ouvrage de l’Aéroport de Donsin (MOAD).

Manifestation d’intérêt

Les principales missions de l’Assistance Technique sont l’appui : -

au suivi et au contrôle de la mise en œuvre des projets ; à la passation de marchés ; à l’administration des contrats et la gestion des contentieux ; à la revue des livrables des consultants et des entreprises ; à la maîtrise d’ouvrage des travaux.

Le Consultant (Bureau ou cabinet d’ingénieurs conseils) assurera la mise à disposition d’une équipe d’experts devant appuyer la MOAD à travers la DT pour l’atteinte des objectifs fixés par la mise en œuvre des composantes des projets du programme de construction du nouvel aéroport International de Ouagadougou-Donsin qui comprennent en leurs différentes étapes : - les études ; - la planification de travaux ; - les Appels d’Offres et conclusion de contrats ; - les installations des missions de contrôle et de surveillance ainsi que et des entreprises de travaux ; - les prestations des consultants et l’exécution des travaux par les entreprises ; - les paiements des factures et des décomptes des prestations et des travaux réalisés et ; - le contrôle des coûts et des budgets. L’assistance technique proposera ses prestations durant la phase des études initiales, des études résiduelles ou complémentaires nécessaires à la réalisation des travaux de construction de l’aéroport de Ouagadougou-Donsin ainsi qu’à la phase de réalisation des travaux. Le Consultant (bureau ou cabinet d’ingénieurs conseils) fournira le personnel et tous les moyens nécessaires pour garantir que toutes les exigences du Maître d’œuvre seront respectées.

(dans l’hypothèse d’un démarrage de la mission en janvier 2015), à partir du lancement des processus de passation de marchés pour les travaux et se termine environ deux mois après l'achèvement du dernier contrat de travaux de construction. Les missions du Consultant ci-dessus citées sont prévues pour être exécutées en deux (2) principales périodes : une période de base de 2015 à 2016 ; soit 24 mois et une période d’option de 2017 à 2018 ; soit 24 mois également. Le financement des prestations de la période de base (2015 – 2016) sera assuré par un prêt de la Banque Mondiale (IDA). La période optionnelle sera prise en charge à travers un autre appui financier à rechercher par la MOAD et ne pourra être mise en œuvre qu'en cas d'exécution satisfaisante de la période de base et sur la base d'une requête du Gouvernement auprès du partenaire financier que celui-ci souhaitera solliciter. Pour plus d’information, le consultant pourrait consultant les Termes de Référence disponible à l’adresse ci-dessous. A cet effet, la Personne Responsable des marchés de la Maitrise d’Ouvrage de l’Aéroport de Donsin, invite les candidats admissibles à manifester leur intérêt à fournir les services décrits ci-dessus. Les consultants intéressés doivent fournir les informations indiquant qu’ils sont qualifiés pour exécuter ces services (brochures, références concernant l’exécution de contrats analogues, expérience dans des conditions semblables, disponibilité des compétences nécessaires parmi le personnel, etc.). Un consultant sera sélectionné en accord avec les procédures définies dans les Directives: Sélection et Emploi de Consultants par les Emprunteurs de la Banque mondialei, édition 2011. Les consultants intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires au sujet des documents de référence à l’adresse ci-dessous. Les manifestations d’intérêt devront être rédigées en français, présentées en (04) quatre exemplaires dont un (1) original et trois (03) copies et être déposées à l’adresse ci-dessous au plus tard le 14 octobre 2014 au Secrétariat du Département Technique de la MOAD sis au 1090, avenue Professeur Joseph KI ZERBO, 2ème étage de l'immeuble de l'ex-premier ministère ; 03 BP 7027 OUAGADOUGOU 03 Tel: 50 32 48 16/17/18 ; Fax: 50 33 10 03 ; Courriel : moad@moad.bf entre 08 heures et 12 heures UT et 15 heures et 17 heures UT. La Personne Responsable des Marchés, Président de la Commission d’attribution des marchés Wendoana Pascal KIMA

La durée totale des services principaux du Consultant est de 48 mois

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Formation - Divers

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Vous & nous

Le courrier des lecteurs Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.

Barbarie Indignation à géométrie variable JE SUIS MOIMÊME musulman et je désapp rouve t o t a l e m e nt l e s méthodes des extrémistes et autres jihadistes qui ne parlent pas plus qu’ils n’agissent au nom de l’islam et des

musulmans. La décapitation d’innocents ne fait aucunement partie des recommandationsduprophèteMohammed et de l’islam. Cela étant, je ne sacrifierai pas non plus à cette mode de l’indignation sélective, évidente quand ce sont des Occidentaux qui sont tués.

Bien que compatissant à la douleur des proches des victimes, je ne peux m’empêcher de demander à M. Obama et à ses suiveurs ce que représentent à leurs yeux les 2500 morts palestiniens, dont plusieursenfants.Cetteimpression du deux poids deux

Le Lions Club Tunis Doyen répond à J.A. En réponse à notre article intitulé « Ces clubs où les VIP se retrouvent » (J.A. no 27962797, daté du 10 au 23 août 2014), le Lions Club de Tunis nous a adressé le texte ci-dessous. la pauvreté et l’exclusion, et toujours On ne sait pas où l’auteure est allée au front pour lutter contre les injustices chercher les éléments constitutifs de son sociales, souvent à mains nues, sans sujet sur les clubs en Tunisie, car à la gros moyens, mais surtout en y mettant lecture de son article, les bras nous en du cœur. tombent tant le fond est indigent, Ces associations bénévoles, qui insidieux, superficiel, et surtout injuste. s’échinent au prix de tant d’efforts, Car faire passer les associations de service de mobilisation et de générosité que sont le Lions et le Rotary pour un pour lever des fonds, sont présentes regroupement de personnes frivoles et dans toutes les régions du pays… déjantées, vives à dégainer et à étaler Alors oui, rien que pour tout cela et leurs atours et attributs de richesse relève plus encore, ne vous en déplaise, nous d’une pure spéculation, d’un raccourci de continuerons à nous habiller en Prada… réflexion, et d’une légèreté intellectuelle Mais sans rancune, sachez que notre consternante de la part d’une journaliste porte reste toujours ouverte, loin des pourtant expérimentée. En serait-elle oripeaux et des artifices que vous avez rendue, faute d’information, à nous cru déceler, et que la compréhension, rappeler les arguments éculés des le respect et la solidarité fondent dialectiques sur la lutte des classes avant toute autre considération qu’on pensait révolus ? notre comportement sociétal. l S’il est vrai que ces réunions et soirées LE LIONS CLUB TUNIS DOYEN existent souvent, car elles sont au cœur même de l’objet social de Réponse : Notre dossier ces associations et clubs sur les riches visait à donner présents dans plus de un aperçu d’une certaine 200 pays, votre journaliste frange de la société. Il n’a aurait dû creuser au-delà jamais été question ni de du strass et des paillettes traiter de l’action des clubs de qui l’ont éblouie le temps bienfaisance ni de la dénigrer. d’un soir, pour mieux Nous n’avons fait que comprendre et aller au rapporter des faits dont nous fond de ces activités qui pouvons témoigner – comme fondent et scellent les liens tant d’autres personnes, entre les divers groupes de d’ailleurs –, et cela sans la société civile aucune intention de nuire. l d’aujourd’hui, en guerre p J.A. no 2796-2797, LA RÉDACTION contre la misère, du 10 au 23 août 2014. N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

mesuresqu’éprouventcertains, dont je suis, conduit chaque jour de plus en plus de jeunes Européens à aller grossir les rangs jihadistes. Israël peut tuer des Palestiniens, les drones américains peuvent décimer des familles entières au Pakistan, en Irak ou au Yémen, une indifférence totale salue ces actes condamnables. Mais on se rend subitement compte de la douleur de la mort quand on touche à des Occidentaux ou à des Israéliens. Lorsque les États-Unis et leurs alliés considéreront tous les morts de la même manière, l’humanité aura fait un grand pas vers la paix et la quiétude. l TOURÉ ALMAMY, Abidjan, Côte d’Ivoire

Naufragés Quid de la dignité humaine? J’AI ÉTÉ TRÈS DÉÇUE de voir, en double page dans Jeune Afrique, des images de corps échoués et en putréfaction illustrant votre reportage intitulé « Mort à crédit » (J.A. no 2802, daté du 21 au 27 septembre). Certes, je salue le travail des reporters et des photographes qui font connaîtrelatragédiequisejoue surlesrivesdelaMéditerranée. Cependant,ladignitéhumaine requiert un minimum de respect pour les dépouilles de ces personnes décédées dans les circonstances que l’on sait. Un autre cadrage aurait peut-être été plus adéquat: votre journal pourrait se retrouver entre les mains de proches de ces infortunés aventuriers. l NDEYE MANE SALL, Paris, France

Réponse: Nous comprenons

votre émotion. Mais comment mieux donner à voir la réalité du drame qui se joue quotidiennement en Méditerranée que cette image JEUNE AFRIQUE


Vous nous

choc ? Il n’y a, de notre part, aucun voyeurisme. l F.S. Ebola Pas tous des Zuma L’ É D I T O R I A L d u numéro 2801 intitulé « À quoi sert Mme Zuma? », signé FrançoisSoudan,colletrèsbien à la réalité de la pandémie d’Ebola qui sévit actuellement en Afrique occidentale et qui nous a tous surpris parce qu’aucun pays touché ne s’est jamais préparé à un tel défi ou n’a jamais imaginé devoir faire face un jour à un tel drame. Nous, Africains (surtout l’Union africaine), regardons en spectateurs les ravages de cette maladie comme une fatalité. Il s’agit ici encore d’un problèmedemal-gouvernance

à l’échelle continentale que vous avez eu le courage et le méritedesoulever.Cependant, quand un tel article se termine par : « Au fait : Nkosazana Dlamini-Zuma est médecin. Onl’avaitoublié…»,jecriehaut et fort qu’une injustice est faite à toute une corporation de professionnels. À vous lire, les médecins seraient des « handicapés intellectuels » ou « des incapables congénitaux » dans la gestion d’une institution. l

p J.A. no 2801, du 14 au 20 septembre 2014.

1992, avant de se lancer dans la politique à plein temps. Rien de plus. l F.S.

DOCTEUR MAURICE SODJI KWAMIVI, Lomé, Togo

Réponse : Il n’en est rien,

rassurez-vous. Je voulais simplement dire que nous avions, pour la plupart, oublié que Mme Zuma avait exercé votrenobleprofessionjusqu’en

Mandela Un prix pour aller de l’avant L’AFRIQUE VIT un paradoxe. D’un côté elle dément la prédiction d’un René Dumont grâce à son regain de dynamisme et à sa croissance économique plus

qu’honorable, de l’autre elle reste un foyer de tensions et un terreau pour les maladies endémiques, en même temps qu’elle subit mal-gouvernance et absence de démocratie. En somme,lecheminversledéveloppement semble amorcé, mais reste à le baliser par de nouvelles actions et des incitations créatives. Le prix Mandela-Union internationale des journalistes que je lance s’inscrit dans cette dynamique. Il vise à distinguer, à encourager toute femme et tout homme pour son action en faveur de l’alternance démocratique et de l’innovation scientifique. Pour en savoir plus, contacter l’UIJA, à Paris. l LANCINÉ CAMARA, Paris, France

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HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL POLITIQUE, ÉCONOMIE, CULTURE

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Post-scriptum Tshitenge Lubabu M.K.

Séance académique

U

N APRÈSMIDI DE SEPTEMBRE, quelque part à Kinshasa, une école supérieure de commerce est en effervescence. La raison en est simple: des étudiants doivent défendre leur travail devant un jury pour obtenir une licence, l’équivalent d’un master 1 en France. Entourés de leurs proches, rongés par le stress, ils attendent dans une salle étroite où ils étouffent de chaleur, la climatisation ayant rendu l’âme. La cérémonie doit commencer à 15heures.Maiscen’estqu’à16heuresqueleprésidentdujuryapparaît. De grande taille, il porte un costume noir et une chemise beige. Une cravate noire à rayures jaunes pend à son cou. Le jury ne compte que deux personnes – le président et le secrétaire –, alors que le règlement prévoit trois membres au moins. Le président prend la parole pour prodiguer quelques conseils aux étudiants : pas de panique, pas d’applaudissements ni de sifflets, il faut simplement répondre aux questions posées. Il demande ensuite à ceux qui ne sont pas étudiants de quitter la salle pour éviter tout débordement, tout cri de joie, toute tentative d’influencer le jury par des commentaires déplacés. Aucun mot d’excuse pour son retard. Malgré quelques vaines protestations, les parents et amis des étudiants s’exécutent. La soutenance des mémoires va commencer. Mais quelque chose cloche. Selon le règlement, les documents doivent être déposés au jury soixante-douze heures avant le jour J afin que ses membres les lisent. Or tel n’a pas été le cas. Et même si cela avait été fait, comment peut-on lire sérieusement en un temps aussi court une soixantaine de textes d’au moins une centaine de pages chacun ? Faute de mieux, le président du jury indique la procédure à suivre : chaque étudiant remet son mémoire au secrétaire, qui le parcourt en quelques minutes, en tire une question qu’il pose à l’intéressé et lui laisse le temps de se préparer pour répondre. Se présente alors une jeune femme. Elle porte une tenue en pagne vert avec, comme motifs, des fleurs blanches. Fonctionnaire dans une régie financière, elle a suivi des cours du soir. Et c’est elle qui ouvre le bal. Le secrétaire du jury l’interroge sur la définition du mot « exonération ». « C’est une faveur que les services douaniers accordent aux commerçants », répond-elle. « Êtes-vous sûre de votre réponse ? » lui demande le secrétaire. Silence de morte. Trois minutes s’écoulent. Toujours pas de réponse. Le membre du jury reprend la parole pour dire qu’« une exonération est une exemption de paiement des droits de douanes ». Fin de l’épisode. Six candidats plus tard. C’est le tour d’un quadragénaire, fonctionnaire lui aussi à la Direction générale des douanes et accises (DGDA). Question: « Que signifie l’acronyme DGDA ? » L’intéressé répond juste. Nouvelle question : « Et le mot accises? » Un lourd silence s’installe. Le secrétaire du jury, agacé, lui envoie alors un uppercut verbal : « Vous travaillez dans un service sans en connaître l’objet. Quelle honte ! » Au suivant. Dehors, tous ceux qui viennent de passer devant le jury sont accueillis avec des cris de joie par leurs parents et amis. Pourtant, aucun résultat ne sera connu avant plusieurs jours. Pourquoi cette allégresse? L’un des candidats répond, l’air malicieux: « Ici, personne n’échoue. » Têtes bien pleines ou têtes vides couronnées, en fin de compte? Commentaire d’un professeur: « Les diplômes sont délivrés à ceux qui ne les méritent pas. » l N O 2803 • DU 28 SEPTEMBRE AU 4 OCTOBRE 2014

JEUNE AFRIQUE

Fondateur : Béchir Ben Yahmed, le 17 octobre 1960 à Tunis bby@jeuneafrique.com

Édité par SIFIJA Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS Tél. : 01 44 30 19 60 ; télécopieurs : rédaction : 01 45 20 09 69 ; ventes : 01 45 20 09 67 ; courriel : redaction@jeuneafrique.com Directeur général : Danielle Ben Yahmed Vice-présidents : Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed Directeur de la publication : Marwane Ben Yahmed RÉDACTION Directeur de la rédaction : François Soudan (f.soudan@jeuneafrique.com) Directeurs exécutifs : Marwane Ben Yahmed (mby@jeuneafrique.com), Amir Ben Yahmed (aby@jeuneafrique.com) Rédaction en chef : Élise Colette (éditions électroniques, e.colette@jeuneafrique.com), Laurent Giraud-Coudière (technique, lgc@jeuneafrique.com) Secrétariat : Chantal Lossou Chefs de section : Joséphine Dedet (La semaine de J.A.), Michael Pauron (Grand angle), Anne Kappès-Grangé (Afrique subsaharienne), Tarek Moussa et Nadia Lamlili (Maghreb & MoyenOrient), Frédéric Maury (Économie), Jean-Michel Aubriet (Europe, Amériques, Asie), Cécile Manciaux avec Olivier Caslin (Le Plus de J.A.), Séverine Kodjo-Grandvaux (Culture & médias), Clarisse Juompan-Yakam (Vous & nous) Secrétaires de rédaction : Élisabeth Castaing, Sabine Clerc, Fabien Mollon Rédaction : Youssef Aït Akdim, Farid Alilat, Mehdi Ba (à Dakar), Stéphane Ballong, Pierre Boisselet, Rémi Carayol, Olivier Caslin, Julien Clémençot, Frida Dahmani (à Tunis), Georges Dougueli, Samy Ghorbal, Christophe Le Bec, Omer Mbadi (à Yaoundé), Mehdi Michbal (à Casablanca), Nicolas Michel, Haby Niakate, Cherif Ouazani, Laurent de Saint Périer, Joan Tilouine ; collaborateurs : Edmond Bertrand, Christophe Boisbouvier, Renaud de Rochebrune ; accords spéciaux : Financial Times Responsable de la communication : Vanessa Ralli (v.ralli@jeuneafrique.com), avec Fatou Tandiang RÉALISATION Maquette : Marc Trenson (directeur artistique), Christophe Chauvin (infographiste), Stéphanie Creuzé, Julie Eneau, Christian Kasongo, Valérie Olivier ; révision : Nathalie Bedjoudjou (chef de service), Vladimir Pol ; fabrication : Philippe Martin (chef de service) ; service photo : Dan Torres (directrice photo), Nathalie Clavé, Vincent Fournier, Claire Vattebled ; documentation : Angéline Veyret avec Sylvie Fournier et Florence Turenne JEUNEAFRIQUE.COM Direction éditoriale : Élise Colette ; chefs d’édition : Pierre-François Naudé, Frédéric Maury (économie) ; rédaction : Joël Assoko, Elena Blum, Vincent Duhem, Jean-Sébastien Josset, Trésor Kibangula, Mathieu Olivier, Benjamin Roger Directeur technique : Julien Hédoux ; studio : Cristina Bautista, Jun Feng et Maxime Pierdet DIFFUSION ET ABONNEMENTS Vente au numéro : Sandra Drouet (responsable adjointe) ; Maty N’Dome (chef de produit) ; abonnements : AMIX, Service abonnements Jeune Afrique, 326, rue du Gros-Moulin, BP 10320, 45200 AMILLY. Tél. : 33 2 38 90 89 53, Fax : 33 2 38 98 41 15, courriel : abonnement-ja@jeuneafrique.com COMMUNICATION ET PUBLICITÉ DIFCOM (AGENCE INTERNATIONALE POUR LA DIFFUSION DE LA COMMUNICATION) S.A. au capital de 3 millions d’euros – Régie publicitaire centrale de SIFIJA 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 Paris Tél. : 01 44 30 19 60 Fax : 01 45 20 08 23/01 44 30 19 86. Courriel : regie@jeuneafrique.com Président : Danielle Ben Yahmed ; directeur général : Amir Ben Yahmed ; direction centrale : Christine Duclos ; direction du développement : Florian Serfaty ; secrétariat : Chantal Bouillet ; chef de studio : Chrystel Carrière ; gestion et recouvrement : Pascaline Brémond ; service technique et administratif : Carla de Sousa Direction de la publicité : Laure Nitkowski, avec Catherine Weliachew, Virginie Vatin, Zehia Yahiaoui, Nsona Kamalandua (directrices de clientèle) assistées de Patricia Malhaire ; annonces classées : Fabienne Lefebvre avec Blandine Delporte, Richelle Abihssira, assistées de Sylvie Largillière Chargées de mission : Nisrine Batata, Zine Ben Yahmed, Fatoumata Tandjan REPRÉSENTATIONS EXTÉRIEURES MAROC SIFIJA, Nabila Berrada. Centre commercial Paranfa, Aïn Diab, Casablanca. Tél. : (212) (5) 22 39 04 54 Fax : (212) (5) 22 39 07 16 TUNISIE SAPCOM, Mourad Larbi (m.larbi@sapcom-jeuneafrique.com) 15-17, rue du 18-Janvier-1952, 1001 Tunis. Tél. : (216) 71 331 244 ; Fax : (216) 71 353 522 SOCIÉTÉ INTERNATIONALE DE FINANCEMENT ET D’INVESTISSEMENT S.C.A. au capital de 15 millions d’euros. Principal actionnaire : Béchir Ben Yahmed Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS | RCS PARIS B 784 683 484 TVA : FR47 784 683 484 000 25 Gérant commandité : Béchir Ben Yahmed Directeur général adjoint : Jean-Baptiste Aubriot ; secrétariat : Dominique Rouillon ; contrôle de gestion : Charlotte Visdeloup ; finances, comptabilité : Monique Éverard et Fatiha Maloum-Abtouche ; juridique, administration et ressources humaines : Sylvie Vogel, avec Karine Deniau et Adelaïde Grenier Club des actionnaires : Dominique Rouillon IMPRIMEUR SIEP - FRANCE. COMMISSION PARITAIRE : 1016C80822. DÉPÔT LÉGAL : À PARUTION. ISSN 1950-1285.



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