Acrobat ja seychelles de 2010

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CÔTE D’IVOIRE À QUOI JOUE GBAGBO ? www.jeuneafrique.com

LE PLUS DE JEUNE AFRIQUE

HEBDOMADAIRE HEBD HE BDOMADAIRE BDOM BD OMAD OM ADAI AD AIRE AI RE INTERNATIONAL INT INT NTER ERNATION ER INDÉPENDANT • 50e ANNÉE • N° 2563 • du 21 au 27 février 2010

NIGER TANDJA

LA CHUTE

DUBAÏ MEURTRE SUR ORDONNANCE

SEYCHELLES La métamorphose

Spécial 16 pages

ALGÉRIE-FRANCE

La déchirure

Jamais l’incompréhension entre les deux pays n’a été aussi profonde. Enquête sur des amants terribles. ÉDITION INTERNATIONALE ET MAGHREB & MOYEN-ORIENT M 01936 - 2563 - F: 3,00 E

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Les Seychelles... pays du perpétuel été, venez quand vous voulez.


CE QUE JE CROIS BÉCHIR BEN YAHMED bby@jeuneafrique.com

Samedi 20 février

« Lʼexcrément du diable »

A

vouons-le: nous envions tous, plus ou moins secrètement, les citoyens de l’Arabie saoudite, du Koweït, des Émirats arabes unis ou encore de la Libye, de l’Algérie, du Nigeria, de l’Angola ou de la Guinée équatoriale. Qu’ont-ils en commun? Leurs pays regorgent d’hydrocarbures (pétrole, gaz). L’argent y coule donc à flots et ils peuvent s’offrir les meilleurs services sociaux, mais aussi les armes les plus sophistiquées. Ceux qui ont la chance d’habiter dans ces pays particuliers ne paient pratiquement pas d’impôts. Tout se passe comme si les millions de barils de pétrole et les milliards de mètres cubes de gaz que ces pays exportent chaque jour se transformaient instantanément en milliard de dollars, en montagnes de billets verts… ✷ De même, nous pensons que le Ghana et l’Ouganda, pour ne citer qu’eux, sont – enfin – bénis des dieux : ne sont-ils pas en train de faire leur entrée dans ce mirifique club des pays exportateurs de pétrole ? Ne vont-ils pas, de ce fait, connaître enfin l’aisance financière et s’engager pour de bon dans la voie du développement économique? Je ne suis ni le premier ni le seul à tenter de dissiper cette illusion, à mettre en garde contre les méfaits réels, inévitables, de l’argent facile, celui qui submerge tout à coup un pays qui n’y était ni habitué ni préparé. Laissons donc de côté le clinquant et considérons les faits. ✷ Les observateurs sérieux savent qu’une « malédiction du pétrole1 » frappe presque tous les pays qui en exportent plus de 2 tonnes par an et par habitant : en deçà de ce ratio, le pétrole (ou tout autre produit du sous-sol) est un simple complément de richesse pour le pays concerné, un « lubrificateur » de son économie. Au-delà – les pays peu peuplés et grands producteurs sont dans ce cas –, le pétrole constitue l’essentiel de la production nationale et des exportations. C’est alors que sa nocivité se déclare et gangrène tout le corps. ✷ Il a été démontré que les pays gros exportateurs d’une ou deux ressources dominantes ont, sur le long terme, un J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 6 3 • D U 2 1 A U 2 7 F É V R I E R 2 0 10

taux de croissance plus faible que les « pays normaux ». L’expérience montre en outre que les bénéfices sociaux attendus de cet enrichissement ne sont presque jamais au rendez-vous. Il suffit pour s’en convaincre de comparer l’état dans lequel se trouve la Libye, gros exportateur de pétrole depuis un demi-siècle, à celui de sa voisine, la Tunisie, qui n’en produit qu’une demi-tonne par habitant et par an: ce sont les Libyens qui vont se soigner en Tunisie, pas l’inverse. Les pays exportateurs de pétrole ne produisent en général rien d’autre ; ils importent tout, y compris leur nourriture. Ces pays enrichis par l’exportation de pétrole, de gaz ou d’une autre ressource minière dominante se sentent plus vulnérables que les autres. Très vite en tout cas, ils deviennent les cibles privilégiées des grands exportateurs d’armes, qui corrompent leurs dirigeants et les inondent, au prix le plus fort, d’une « quincaillerie militaire » dont ils n’ont aucun usage et ne savent pas se servir. Résultat: leurs dépenses militaires annuelles sont dix fois supérieures à celles des pays comparables, mais non « enrichis » par le pétrole. À quoi ont servi les 110 avions Mirage2 que Marcel Dassault et le président Georges Pompidou ont fourgués, au début des années 1970, au jeune colonel Kaddafi, qui les a payés rubis sur ongle avec de l’argent facilement gagné? ✷ N’ayant pas de contribuables, les pays dont les ressources financières proviennent pour l’essentiel du pétrole sont très souvent affligés de dirigeants qui estiment n’avoir aucun compte à rendre: qui contrôle la manière dont le colonel Kaddafi et les siens ont dépensé, au cours des quarante dernières années, les 1000 milliards de pétrodollars entrés dans les caisses libyennes? C’est dans les pays atteints par la « malédiction du pétrole » qu’éclatent le plus facilement les guerres (civiles, de voisinage ou autres): Nigeria-Biafra, Angola, Koweït, Irak-Iran, etc. Et c’est dans ces pays que la démocratie a le plus de mal à s’implanter ou à se maintenir. N’observons-nous pas, en ce moment même, dans le Venezuela de Hugo Chávez, la naissance d’un kaddafisme tropical avec achat effréné d’armes et amenuisement progressif des acquis démocratiques?


CE QUE JE CROIS Comme pour confirmer la règle, trois pays – et trois seulement, dont un africain – font exception. Un seul d’entre eux est pétrolier: la Norvège. Les deux autres dépendent eux aussi d’une source minière dominante mais ont su, comme la Norvège, en atténuer les méfaits. Le Chili produit – et exporte – principalement du cuivre (8 % du PIB, plus de 40 % de ses ventes à l’étranger). Son économie est lourdement dépendante de ce métal dont le cours n’est pas stable. Le Botswana est un petit pays d’Afrique australe enclavé. Sa seule ressource, à l’indépendance, était le diamant extrait et exporté par une tentaculaire et monopolistique entreprise sud-africaine. Il a su négocier avec elle, concluant des accords équilibrés et surtout stables. Aujourd’hui, le diamant représente encore le tiers du PIB du Botswana et les deux tiers de ses exportations. La demande mondiale de diamant s’étant effondrée l’an dernier à cause de la crise économique internationale, le Botswana s’est trouvé du jour au lendemain privé de son principal poste d’exportation. Sans drame et grâce à une aide exceptionnelle de la Banque africaine de développement (BAD) qu’il est sûr d’être en mesure de rembourser, il n’a presque pas senti les effets de la crise. Le cas de ces trois pays – la Norvège va jusqu’à s’interdire de dépenser l’argent du pétrole3 – mérite qu’on en tire un enseignement. ✷ Si ces trois pays constituent des exceptions, c’est que la performance qu’ils ont réalisée est difficile. Mais pas impossible. Une nation dotée d’un sous-sol regorgeant d’un ou deux produits dont l’extraction et la commercialisation sont sources d’argent abondant et facile peut se prémunir

contre ce qu’on a appelé, pour simplifier, « la malédiction du pétrole ». ✷ 1- Il lui faut être une vraie démocratie – ou le devenir et le rester: le Chili, même s’il a été une dictature, la Norvège et le Botswana sont tous les trois, aujourd’hui, de belles démocraties et l’ont été même lorsque leur environnement était dictatorial. Qui dit démocratie dit en effet que la corruption y est dénoncée et combattue. Qui dit démocratie dit, en outre, quasi-impossibilité de sombrer facilement dans la guerre ou dans des affrontements violents. ✷ 2- Mais cette condition nécessaire n’est pas suffisante. Il faut aussi que les dirigeants de ces démocraties prennent des décisions stratégiques justes, s’y tiennent, les appliquent avec courage et rigueur. Le Botswana, le Chili et la Norvège ont eu la chance d’avoir de tels dirigeants. Quant aux deux pays de l’Afrique anglophone, le Ghana et l’Ouganda, qui font leur entrée dans le club des pays enrichis par leur sous-sol, il y a une petite chance que l’un d’eux, au moins, compte parmi les exceptions… ■ 1. Juan Pablo Pérez Alfonzo, ministre vénézuélien des Mines et des Hydrocarbures dans les années 1960 et l’un des fondateurs de l’Opep, a même appelé le pétrole « l’excrément du diable ». 2. En encaissant le très gros chèque d’avance remis par Kaddafi, l’industriel Marcel Dassault a dit, non sans humour : « J’ai été bien inspiré d’appeler cet avion « Mirage ». » 3. La Constitution oblige le gouvernement à placer cet argent en totalité dans un fonds souverain placé hors du pays et réservé « aux générations futures ». Seuls les intérêts produits par ce fonds sont incorporés au budget.

HUMOUR, SAILLIES ET SAGESSE Pour vous faire sourire, grincer des dents – ou réfléchir –, ici, chaque semaine, une sélection subjective, la mienne, de ce qui a été dit ou écrit au cours des siècles par des hommes et des femmes qui avaient des choses intéressantes ou drôles à nous dire. B.B.Y. ■ Tout travail tend à se dilater pour remplir le temps disponible. C. NORTHCOTE PARKINSON ■ Le meilleur même des

gouvernements démocratiques cède toujours devant la résolution d’un homme seul. CHARLES DE GAULLE ■ Ce qu’on appelait autrefois l’âge mûr tend à disparaître. On reste jeune très longtemps, puis on devient gâteux. ALFRED CAPUS ■ Il y a toujours quelque chose de

ridicule dans les émotions de ceux que l’on a cessé d’aimer. OSCAR WILDE

■ Je ne peux pas être impliqué dans soixante-quinze entreprises à la fois: vous partez sur l’arche de Noé et vous vous retrouvez dans un zoo. Je préfère placer des sommes d’argent importantes dans quelques affaires exemplaires. WARREN BUFFETT ■ Quand deux femmes préparent le

repas, il y aura certainement trop de sel. PROVERBE LUO (KENYA)

■ Nous ne sommes que mensonge, duplicité, contrariété, et nous cachons et nous déguisons à nousmêmes. BLAISE PASCAL

■ Le véritable artiste laissera sa femme mourir de faim. Ses enfants se promèneront pieds nus. Sa mère travaillera à l’âge de 70 ans pour lui donner à manger. Lui, en revanche, consacrera toute sa vie à son art… GEORGE BERNARD SHAW ■ Si les Israéliens étaient pas juifs et les Arabes pas musulmans, ça ferait moins d’emmerdes. LES NOUVELLES BRÈVES DE COMPTOIR ■ Toutes les philosophies sont vraies dans ce qu’elles affirment et fausses dans ce qu’elles nient. PIERRE DESGRAUPES ■ La gratitude est un sentiment chronodégradable. GRÉGOIRE

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SOMMAIRE

ÉDITORIAL

Algérie-France : couple infernal

NIGER TANDJA, LA CHUTE

Renversé le 18 février, lʼex-président paie le prix de son acharnement à demeurer au pouvoir. Le récit exclusif dʼun coup dʼÉtat annoncé.

20 PHOTOS DE COUVERTURES : TORSTEN SILZ/AFP ; KAMBOU SIA/AFP ; SEYLLOU/AFP

IMPOSSIBLE À RÉSUMER en quelques mots, la relation qu’entretiennent l’Algérie et la France confine au mystère. C’est un mélange détonant d’éléments antinomiques: haine et amour, méfiance et attirance, répulsion, frustrations, actes manqués ou élans sincères d’amitié. Autant d’ingrédients dont les proportions MARWANE varient au gré des humeurs des BEN YAHMED dirigeants, des intérêts des uns et des autres, des maladresses ou, au contraire, de la volonté exprimée de part et d’autre de se libérer du carcan d’un passé colonial trop souvent utilisé pour justifier des crises à répétition. Passé – et passif – colonial dont la jeunesse algérienne, faut-il le préciser, n’a cure. Quand ses aînés vitupèrent Sarkozy, son gouvernement et ses députés soucieux de défendre les vertus de la colonisation, elle ne rêve que de visas, d’aisance matérielle et de liberté. Pays de cocagne ou non – là n’est pas le débat –, la France a sur cette jeunesse un pouvoir attrayant que d’autres nations, pourtant moins lestées de responsabilités historiques, n’ont pas. En Europe ou ailleurs. Certes, la France demeure le pays qui colonisa l’Algérie et réprima dans le sang, comme à Sétif, le 8 mai 1945, d’innombrables manifestants nationalistes. La colonisation – donc, l’humiliation –, les exactions diverses, la torture, les essais nucléaires de Reggane… Autant de plaies jamais véritablement refermées que la génération des dirigeants algériens issus de la guerre de libération exhibe à chaque querelle. Comme deux amants terribles qui ne peuvent s’empêcher de flirter avec le chaos et la souffrance, et qui, les soirs de dispute, se jettent à la figure reproches, tromperies et insultes. Les comportements politiques auxquels nous assistons actuellement (voir pp. 28-37), la quasi-rupture du dialogue entre les deux exécutifs, doivent, il faut le reconnaître, beaucoup aux maladresses françaises: de la loi du 23 février 2005 à l’affaire Hasseni et de celle des moines de Tibéhirine à l’inscription de l’Algérie sur une liste de pays « à risques ». C’est ainsi: la France peine à comprendre que l’Algérie échappe nécessairement à toute grille de lecture classique. Ce territoire qui se nomma successivement Numidie, Maurétanie, Maghreb central et Régence d’Alger ne fut, avant 1962, jamais uni que par la domination étrangère. Le cycle infernal des invasions et des rébellions y a duré plus de deux mille ans. La gestation de la nation telle que nous la connaissons aujourd’hui a été interminable et souvent douloureuse. Les larmes et le sang ont coulé plus que de raison, façonnant une identité pétrie d’orgueil et de fierté. Raison de plus pour, de part et d’autre, cesser cette sarabande passée de mode, ce « je t’aime moi non plus » lassant. Il faut croire en une relation franco-algérienne dépassionnée et, surtout, fraternelle. C’est une évidence que même l’Histoire n’est pas parvenue à démentir. Mais, pour cela, il faut choisir entre mémoire et avenir… ■

DANS JEUNE AFRIQUE ET NULLE PART AILLEURS

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DUBAÏ LE MOSSAD PIÉGÉ PAR BIG BROTHER Le récit de lʼassassinat dʼun cadre du Hamas par onze espions dans lʼémirat truffé de caméras.

03 08

CE QUE JE CROIS Par Béchir Ben Yahmed CONFIDENTIEL

14

FOCUS

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Niger Tandja, la chute Togo Fabre contre Faure Dubaï Le Mossad piégé par Big Brother Aide Bande de grigous ! Justice Faux dinars et vrais escrocs Afrique-Asie Le printemps du business Humeur Toutankhamon et le mépris de la science

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LʼENQUÊTE

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Algérie-France La déchirure

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AFRIQUE SUBSAHARIENNE

38 41 42 44 45 46 47

Côte dʼIvoire Coup de poker à Abidjan En vérité Maladies infantiles Guinée Doré-Rabiatou, duo ou duel ? Agriculture Le jatropha, nouvel arbre à palabres Sida Des médicaments pour (presque) tous Kenya Fin de la lune de miel Cedeao Report du match Burkina-Sénégal J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 6 3 • D U 2 1 A U 2 7 F É V R I E R 2 0 10


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LE PLUS DE JEUNE AFRIQUE

ALGÉRIE-FRANCE

LA DÉCHIRURE Jamais les sujets dʼincompréhension entre les deux pays nʼont été si nombreux et les tensions si profondes.

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LʼENQUÊTE

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CINÉMA UN DUMAS TROP BLANC À LʼÉCRAN ? Polémique autour du choix de Gérard Depardieu pour incarner le petitfils dʼune esclave noire.

NUCLÉAIRE

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La métamorphose

LE PLUS SEYCHELLES Après avoir frôlé la banqueroute, lʼarchipel a troqué son système socialiste contre un libéralisme à la créole. Spécial 16 pages.

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CÔTE DʼIVOIRE COUP DE POKER À ABIDJAN Jeune Afrique répond aux questions qui se posent après les dissolutions du gouvernement et de la Commission électorale.

SEYCHELLES

POURQUOI LʼIRAN FAIT PEUR La République islamique annonce quʼelle produira du combustible nucléaire à usage civil. Levée de boucliers dans la communauté internationale.

92 L E D E VO I R D ʼ I N FO R M E R , L A L I B E R T É D ʼ É C R I R E

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MAGHREB & MOYEN-ORIENT

48 50 52 54 55

Nucléaire Faut-il avoir peur de lʼIran ? Israël-Palestine Gaza : visite interdite Mauritanie Après lʼexil, la désillusion Libye-Suisse La guerre des visas Maroc Écrivains dʼailleurs mais dʼici

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INTERNATIONAL

56 58 59 60 63 64

Afghanistan Échec aux talibans Portfolio Dialogue des civilisations Argentine Tango fatal à Buenos Aires Parcours Najat Arbib Terrorisme Profession négociateur dʼotages France Monsieur de Villepin aux champs

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L E P L U S D E J E U N E AF R I Q U E

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Seychelles La métamorphose

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ECOFINANCE

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Télécoms Le groupe indien Bharti trouve enfin la bonne tonalité La semaine dʼEcofinance

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J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 6 3 • D U 2 1 A U 2 7 F É V R I E R 2 0 10

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Capital-investissement Large succès des fonds panafricains Financement Année décisive pour la BAD Maritime CMA-CGM cherche un nouveau cap Aérien Envol continental pour Emirates Maroc Tri Atlas sʼélance sur un créneau porteur Analyse De gros nuages menacent lʼAfrique

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LIRE, ÉCOUTER, VOIR

92 95 97 98

Cinéma Dumas : où est le nègre ? Interview Merzak Allouache Théâtre LʼÎle des Grands Lacs Photographie Objectif classes moyennes

85 86 88 90

111

VOUS & NOUS

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Votre journal Éloge de la différence Courrier des lecteurs Post-scriptum


CONFIDENTIEL

POLITIQUE

FRANCE-AFRIQUE SARKOZY, DE LIBREVILLE À KIGALI COMME ANNONCÉ, le chef de l’État français se rendra donc au Gabon et au Rwanda les 24 et 25 février prochains. À Franceville, il ira se recueillir au mausolée de l’ancien président gabonais – une suggestion de son conseiller Robert Bourgi, qui devrait être de l’étape –, avant de s’entretenir avec Ali Bongo Ondimba et de passer la nuit à Libreville. Ce dernier, ravi de la venue – et donc du soutien – de Nicolas Sarkozy, fait préparer minutieusement la visite d’État depuis plusieurs semaines. L’accueil sera beaucoup plus sobre à Kigali, parfaitement étranger à tout ce qui relève du folklore « françafricain ». La présence d’un président français au Rwanda relevant néanmoins de l’événement historique (une première depuis plus de vingt-cinq ans), une cérémonie minimale est prévue à l’aéroport, le 25 au matin, avant un entretien et un déjeuner avec le président Paul Kagamé. Ensuite, Nicolas Sarkozy devrait se rendre au Mémorial du génocide, où il pourra difficilement éviter la partie

CÔTE D’IVOIRE-MALI

SIMONE GBAGBO CHEZ ATT La première dame ivoirienne se rendra à Bamako au mois d’avril pour présenter son livre Paroles d’honneur, au cours d’une cérémonie placée sous le patronage de l’écrivain malien Seydou Badian Kouyaté. Simone Gbagbo devrait également rencontrer le président Amadou Toumani Touré, participer à diverses œuvres sociales et culturelles et lancer un club de soutien à son mari.

consacrée au rôle de l’armée française avant et pendant la tragédie de 1994. Ainsi que l’écrit l’historien Faustin Kagamé, conseiller auprès de la présidence rwandaise, « si la France, ennemie déclarée de toute repentance, tient à se concilier les bonnes grâces d’un État africain sans minerais ni pétrole et qui l’accuse de complicité de génocide, c’est que des raisons de le faire existent ». Nicolas Sarkozy s’en expliquera sur place.

Mémorial du génocide, à Gisozi (Kigali).

DARFOUR QUE DE TEMPS PERDU! Depuis quasiment un mois, rien n’avance à Doha, où sont réunis les représentants des différents mouvements de rébellion du Darfour et de la société civile, ainsi qu’une délégation gouvernementale soudanaise. Les négociations n’ont même pas débuté, les rebelles ayant été incapables jusqu’ici de désigner un chef de délégation. Plus de soixante-dix personnes attendent ainsi, depuis le 24 janvier, dans les hôtels de la capitale qatarie, que des pourparlers s’ouvrent enfin. La réconciliation récente entre le Soudan et le Tchad n’a pour le moment pas eu d’impact sur les chefs rebelles, en particulier sur le Dr Khalil Ibrahim, commandant du Mouvement pour l’égalité et la justice (JEM), la mieux armée et la plus structurée des factions rebelles. Plusieurs observateurs sur place estiment pourtant que les Darfouris auraient tout intérêt à obtenir un accord avant la présidentielle, prévue en avril. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 6 3 • D U 2 1 A U 2 7 F É V R I E R 2 0 10

WOLFGANG KUMM

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UN NOUVEAU « DIRCAB » POUR KABILA ?

Nommé ambassadeur de la RD Congo au Rwanda en juillet 2009, Norbert Nkulu Kilombo n’aura séjourné que très brièvement à Kigali, où il était arrivé en octobre dernier. L’éphémère diplomate est rentré à Kinshasa, à la demande de Joseph Kabila. Selon une source gouvernementale, Nkulu devrait être nommé directeur de cabinet à la présidence congolaise. Il remplacerait ainsi Adolphe Lumanu Mulenda, accusé de s’être comporté de « façon incorrecte » envers Sigrid Anna Johnson, ambassadrice du Canada à Kinshasa. CENTRAFRIQUE

VERS UN REPORT DE LA PRÉSIDENTIELLE Initialement fixées au 18 avril, selon le chronogramme de la Commission électorale indépendante (CEI), les élections générales (présidentielle et législatives) centrafricaines seront vraisemblablement repor tées à la seconde quinzaine de mai. Motif : le retard pris dans la préparation des scrutins par une CEI que le boycott des partis d’opposition avait menée au bord de la paralysie. Le 14 février, après avoir obtenu que soit lancé un audit administratif et financier portant sur la gestion du président de la commission, le pasteur Joseph Binguimalé, jugé partial par les opposants, ces derniers ont décidé de reprendre leurs sièges.

NIGERIA LE NORD S’ACTIVE Le transfert du pouvoir à un ressortissant du sud du Nigeria, le vice-président Goodluck Jonathan (voir J.A. n° 2362), pour pallier l’interminable absence du chef de l’État Umaru Yar’Adua (hospitalisé en Arabie saoudite depuis le 23 novembre), inquiète les membres « nordistes » du People’s Democratic Party (PDP), au pouvoir. Ils pensaient, avec Yar’Adua, être aux commandes pour deux mandats (de 2007 à 2015), comme l’a été le Sud avec l’ex-chef de l’État Olusegun Obasanjo (1999-2007). Mais ils redoutent désormais de voir leurs rivaux s’installer durablement à la présidence. Et manœuvrent pour l’organisation, dès le mois de juin, d’une élection primaire au sein du PDP. Elle serait bien sûr remportée par l’un des leurs. En cas de présidentielle anticipée fin 2010, les « Nordistes » auraient ainsi un candidat fin prêt.

CÔTE D’IVOIRE REVOILÀ IB Depuis près d’un an, on n’avait plus de nouvelles du sergent putschiste Ibrahim Coulibaly, dit IB. Or le voici qui réapparaît. Via son chef de cabinet, Timité Ben Rassoul, il a adressé à une dizaine de journaux ivoiriens une déclaration relative à la situation sociopolitique en Côte d’Ivoire, appelant pouvoir et opposition au « dépassement de soi, à la hauteur d’esprit et à l’apaisement » pour éviter que le pays ne sombre dans le chaos. IB, actuellement en Belgique auprès de sa famille, souhaiterait faire son retour en politique. Mais il reste à régler auparavant l’épineuse question de la levée du mandat d’arrêt national émis contre lui et celle de la réintégration de ses proches licenciés par l’administration.

SÉNÉGAL QUI A RACHETÉ « LES DENTS DE LA MER » ? L’ACADÉMICIEN FRANÇAIS ERIK ORSENNA, l’ex-président Jacques Chirac et une brochette d’intellectuels familiers du Sénégal se sont récemment émus du sort de l’ancienne résidence dakaroise de Léopold Sédar Senghor, surnommée « les Dents de la mer » à cause de son architecture toute en pointes et en triangles, au point qu’OrsenL’ancienne résidence dakaroise de Léopold Sédar Senghor. na envisage de lancer une pétition publique à ce sujet. À l’origine de cette mobilisation, des articles parus dans la presse sénégalaise selon lesquels le président Abdoulaye Wade aurait, par l’intermédiaire d’une société écran, acheté, pour son propre compte et celui de sa famille, cette vaste villa construite sur la corniche de Fann dans les années 1970 et désormais à l’abandon. « Fausse rumeur », rétorque l’entourage de Wade, qui affirme que la résidence a été en réalité acquise par l’État en 2009 auprès des héritiers directs de Senghor (sa veuve Colette et son fils Francis) pour 750 millions de F CFA (1,14 million d’euros) afin de la transformer en musée. « On confond l’État avec Wade », commente un proche. Même son de cloche du côté de la Direction générale des impôts et domaines, interrogée par J.A.: « Il s’agit bien d’une propriété de l’État, et, en imaginant que l’État veuille la céder à un particulier, il faudrait auparavant que l’Assemblée nationale approuve cette transaction. » Affaire à suivre…

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DR

RD CONGO


CONFIDENTIEL

ÉCONOMIE

TUNISIE FEU VERT POUR SOLARTECH-SUD

PÉTROLE IVOIRIEN

DES EAUX MOINS TROUBLES

L’ancien ministre Ahmed Friaa (Équipement, Enseignement supérieur et Technologies de la communication) a réuni un tour de table de la société Solartech-Sud, appelée à réaliser un projet de parc technologique dédié aux énergies renouvelables, à Zarzis, près de la frontière libyenne. Elle sera dotée d’un capital de 200000 euros et comptera parmi ses actionnaires les hommes d’affaires Moncef Sellami (One Tech Group), Moncef Mzabi (Groupe Mzabi), Widad Bouchamaoui (Groupe Hédi Bouchamaoui), Farès Mabrouk (Viamobile), Ahmed Bassalah, PDG de Shell Tunisie, à titre personnel, et un groupe de petits porteurs. Nommé PDG de Solartech-Sud, Ahmed Friaa est à la recherche de partenaires technologiques et de financiers étrangers désireux de s’implanter dans le parc « Eco-Solaire Zarzis-Djerba », l’un des quatre projets tunisiens présélectionnés par l’Union pour la Méditerranée (UPM) dans le cadre du Plan solaire méditerranéen.

« Le brouillard se disperse peu à peu, mais on n’y voit pas encore parfaitement clair. » Telle est l’image utilisée par un bailleur de fonds pour expliquer les progrès réalisés par les autorités dans la divulgation d’informations relatives aux flux physiques et financiers du secteur de l’énergie. Engagé dans l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (EITI), le gouvernement ivoirien a dévoilé, début janvier, en Conseil des ministres, le chiffre de la production de brut, essentiellement offshore, en 2009, qui s’élève à 18,5 millions de barils (+ 12 %) et qui a rapporté 1139 milliards de F CFA, dont 146 milliards iront à l’État, le reste étant réparti entre les opérateurs privés et la société nationale, la Petroci. Les bailleurs de fonds insistent maintenant pour que les sociétés pétrolières publient leurs chiffres de production, afin de pouvoir les comparer avec les données des autorités. Mais ces dernières semblent faire la sourde oreille.

La Biat est convoitée, entre autres, par le groupe Banque populaire.

FRÉDÉRIQUE JOUVAL POUR J.A.

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TOGO BANQUES D’ÉTAT À REPRENDRE L’APPEL D’OFFRES OFFICIEL pour la reprise des quatre banques d’État togolaises ne sera lancé qu’en mars, mais des groupes sont déjà à l’affût. Sur les quatre établissements concernés – la Banque togolaise de développement (BTD), l’Union togolaise de banque (UTB), la Banque internationale pour l’Afrique au Togo (Biat) et la Banque togolaise pour le commerce et l’industrie (BTCI) –, trois ont fait l’objet d’une manifestation d’intérêt. La Société générale a pris une option sur UTB, et le groupe Banque populaire lorgne la BTD et la Biat. Cette dernière est aussi convoitée par la nigériane Sky Bank et la gabonaise BGFI Bank. Si l’État souhaite nouer des partenariats stratégiques, les groupes français militent, eux, pour une privatisation.

BAD

UN PLAN A ET UN PLAN B Les prochaines assemblées de la Banque africaine de développement (BAD) sont toujours programmées les 27 et 28 mai 2010, à Abidjan. C’est ce qu’a confirmé Paul-Antoine Bohoun Bouabré, ministre ivoirien du Plan, de retour de Tunis le 15 février, après avoir présidé une réunion des gouverneurs de l’institution consacrée à l’augmentation du capital de la banque. Mais les dirigeants de la BAD restent inquiets sur l’évolution du climat politique en Côte d’Ivoire, en proie à une crise profonde depuis la dissolution du gouvernement et de la Commission électorale indépendante (CEI), le 12 février (voir pp. 38-41). Si les conditions de sécurité n’étaient pas réunies, la Banque se replierait sur une autre capitale. Certains avancent le nom d’Addis-Abeba, une des options du « plan B », en attendant d’autres candidatures. La décision définitive sera prise à l’issue de la prochaine mission préparatoire des représentants de la BAD, à Abidjan, le 1er avril.

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PUBLI-INFORMATION

▲ Le Dr Jean-Jacques MOKA, Secrétaire Exécutif de l’OCEAC et M. Antoine NTSIMI, président de la commission CEMAC.

▲ Atelier de formation à l’Institut de Recherche de l’OCEAC à Yaoundé.

▲ Le Dr Luis Gomes SAMBO, directeur régional de l’OMS Afrique et le Dr Jean-Jacques MOKA, Secrétaire Exécutif de l’OCEAC.

CEMAC

Vers une politique sanitaire commune aux six états membres de la CEMAC en matière de lutte contre les grandes endémies.

BRAZZAVILLE du 16 au 20 novembre 2010 TABLE RONDE DES PARTENAIRES AU DÉVELOPPEMENT SANITAIRE DE L’AFRIQUE CENTRALE

GENÈVE 15 mars 2010 ▼ La perspective du Centre Inter États de Santé Publique en Afrique Centrale, CIESPAC en construction à Brazzaville.

NOUVEAUX MODES DE GOUVERNANCE DE L’OCEAC ADOPTÉS PAR LA CONFÉRENCE DES CHEFS D’ÉTAT > DU PREMIER RESPONSABLE Le poste de Secrétaire exécutif de l’OCEAC est pourvu par voie de concurrence sur appel à candidature. > DES ORGANES 1 Organes de décision • la conférence des Chefs d’État de la CEMAC ; • le Conseil des ministres de l’U.E.A.C ; • la Commission. 2 Organe d’orientation : la Réunion des Ministres de la Santé. 3 Organe délibératif : Comité de Direction. 4 Organe exécutif : Secrétariat exécutif. > DU CONTRÔLE • Le contrôle budgétaire : la Cour des Comptes Communautaire. • L’interprétation des textes et litiges : la Cour de justice communautaire. • Les audits.

ORGANISATION DE COORDINATION POUR LA LUTTE CONTRE LES ENDÉMIES EN AFRIQUE CENTRALE AGENCE EXÉCUTIVE DE LA CEMAC

SECRÉTARIAT EXÉCUTIF : BP 15665 - Yaoundé, Cameroun

Tél.: (+237) 22 23 22 32 / 22 23 77 86 Fax : (+237) 22 23 00 61 - E-mail : contact@oceac.org

www.oceac.org

DIFCOM/DF - PHOTOS : DR.

SOMMET SPÉCIAL SUR L’HARMONISATION DE LA LUTTE CONTRE LES GRANDES ENDÉMIES EN AFRIQUE CENTRALE


CONFIDENTIEL

CULTURE & SOCIÉTÉ

ÉDITION

MUSÉE DES CONFLUENCES EXPOSITIONS HORS LES MURS

MICHAÏLOF, PLEIN SUD

LE FUTUR MUSÉE DES CONFLUENCES, à Lyon (France), n’est pas encore sorti de terre, mais il s’intéresse déjà à l’Afrique lors de manifestations nécessairement hors les murs. Du 19 mars au 17 avril 2010, au château de Saint-Priest, l’exposition « L’Afrique au quotidien » Mongo, jeune étudiant, à Brazzaville, par Baudoin Mouanda. présentera la collection Meynet. Une étonnante sélection d’objets utilitaires voués le plus souvent à la destruction après usage et qui « racontent des histoires, parlent des sociétés ». Du 28 mai au 27 juin 2010, le musée organise aussi « Passages: des Afriques en créations » sous la forme d’expositions, de rencontres, de projections, de lectures… Cinq jeunes artistes, choisis en partenariat avec la Fondation Blachère (Apt), exposeront dans différents lieux de la ville: l’Algérien Mohamed Bourouissa, le Burkinabè Nestor Da, le Congolais Baudoin Mouanda, la Sud-Africaine Zanele Muholi, le Nigérian Uche Okpa-Iroha… rejoints par le Malien Malick Sidibé et le Congolais Sammy Baloji. BAUDOUIN MOUANDA

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SALON DU LIVRE ESCALE AFRICAINE À BORDEAUX La 8e édition de l’Escale du livre de Bordeaux (France) se tiendra du 9 au 11 avril dans le quartier Sainte-Croix. Parmi les 250 auteurs invités, le Sud-Africain André Brink, qui publie son autobiographie (Mes bifurcations, Actes Sud), le Français d’origine tunisienne Hédi Kaddour (Savoir-Vivre, Gallimard), la Française Fabienne Kanor (Anticorps, Gallimard) et le Franco-Algérien Malek Chebel, spécialiste de l’islam. Une table ronde très attendue devrait réunir Marie NDiaye (Prix Goncourt 2009 pour Trois femmes puissantes) et Véronique Ovaldé (Ce que je sais de Vera Candida, L’Olivier), sur le thème « Figures de femmes ».

BANDE DESSINÉE SLIM RÉCIDIVE

L’Algérie comme si vous y étiez, par Slim.

Nouveau forfait tout en bulles du bédéiste algérien Slim, qui publie à son compte un recueil de quatre-vingts dessins récents. Intitulé L’Algérie comme si vous y étiez, l’album est préfacé par l’écrivain Yasmina Khadra, fan des aventures de Bouzid et Zina, personnages fétiches du bédéiste, que Khadra qualifie de « guide » et d’« éveilleur de consciences ». Proposé à la vente dans les librairies algériennes à partir du 22 février, au prix de 800 dinars (7,90 euros), l’album sera bientôt disponible sur le site internet lulu.com, grâce auquel Slim est parvenu à rééditer certains de ses albums devenus collectors.

Le prochain livre de Serge Michaïlof, Notre maison brûle au Sud, paraîtra le 10 mars aux éditions Fayard. Enseig n a n t à S c i e n c e s - Po et à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, cet économiste qui a travaillé à la Banque mondiale et à l’Agence française de développement (AFD) y analyse les défis des économies émergentes, de la pauvreté et de l’aide internationale. Son précédent ouvrage s’intitulait À quoi sert d’aider le Sud ? ( chez Economica). CÔTE D’IVOIRE

TRÈS CHER CINQUANTENAIRE

Le président de la Commission nationale préparatoire du cinquantenaire de l’indépendance de la Côte d’Ivoire (CNPCICI), l’ambassadeur en France Pierre Kipré, est en quête de ressources privées pour financer les festivités commémoratives. Sont notamment prévus de grands concours artistiques, des exhibitions de danse, des pièces de théâtre, des concer ts, ainsi qu’un grand gala du cinquantenaire, le 7 août, dans plusieurs villes du pays. Budget prévisionnel: 20 milliards de F CFA, dont 4 milliards seront directement apportés par l’État. En mission à Abidjan en février, Pierre Kipré a présenté son dossier aux opérateurs économiques ivoiriens.

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Communiqué

Place financière internationale des Seychelles Les îles des Seychelles sont idéalement situées à la croisée des principaux circuits industriels et commerciaux de l’Asie, de l’Europe et de l’Afrique. Elles offrent une plate-forme unique pour l’accueil des investissements dans ces secteurs clés. En outre, les Seychelles disposent d’un réseau d’investissement vers d’autres pays grâce à des traités bilatéraux de défiscalisation : L’Afrique du Sud, la Chine, Chypre, les E.A.U., la Malaisie, l’Indonésie, l’Île Maurice, le Vietnam, la Thaïlande, le Botswana et l’Oman. Les Seychelles offrent un ensemble d’avantages des plus attrayants dans le monde financier international avec des structures fiscales efficaces et des prélèvements gouvernementaux très concurrentiels dans une zone de commerce international, le tout reposant sur les meilleurs régimes légaux et de normalisation du monde financier. Seychelles International Business Authority (SIBA) est essentiellement un guichet unique pour l’autorisation et les règlementations relatives aux activités économiques offshore à l’usage des sociétés internationales (International Business Companies), des Fiducies, des Trusts, des Protected Cell Company (PCC), des sociétés avec licence spéciale (CSL), des sociétés en commandite (LP) et pour toutes activités dans la zone commerciale internationale (libre) des Seychelles. Depuis peu, SIBA est l’autorité régulatrice pour les fonds mutuels et placements.

La vision de SIBA inclut la croissance par l’innovation, l’amélioration de produits. SIBA peut fournir autorisations et licences avec un minimum de bureaucratie. Des certificats de constitution en société peuvent être délivrés en une heure, ce qui fait de SIBA un des bureaux d’enregistrement les plus rapides au monde. Parallèlement, Seychelles Association of Offshore Practitioners & Registered Agents (SAOPRA) assure le développement du secteur financier grâce aux efforts coordonnés de ses membres. En effet, SAOPRA travaille en collaboration avec SIBA et est à l’avantgarde des innovations législatives et réglementaires. Ses membres sont fiers du rôle de l’association en tant qu’établissement digne de confiance assurant la promotion des Seychelles et le dynamisme de sa place financière. En tant qu’équipe, SAOPRA avance dans la cohésion pour explorer les nouvelles frontières du monde financier international, tout en veillant à élever les normes de sa pratique, de son professionnalisme et de son efficacité pour le plus grand profit de ses clients. Les Seychelles bénéficient ainsi d’une excellente réputation en tant qu’une des places les plus fiables, les plus sécurisées et les plus concurrentielles pour effectuer des affaires. SAOPRA est appelée à continuer à jouer un rôle majeur dans la croissance permanente du secteur financier des Seychelles.

SIBA, Bois De Rose Av. Victoria Mahé B.P 991 - Seychelles ● Tél. : +248 380 800 - Fax : +248 380 000 - Web : www.siba.net

Réalisation DIFCOM C.C. / Photos : D.R

CEO de SIBA, M. Steve D. Fanny


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LES DERNIÈRES NOUVELLES DU MONDE

NIGER

TANDJA, LA CHUTE Renversé le 18 février, lʼex-président paie le prix de son acharnement à demeurer au pouvoir. Récit exclusif dʼun coup dʼÉtat annoncé.

CHRISTOPHE BOISBOUVIER

C

février, il limoge trente-sept éléments de sa garde présidentielle et annonce que les primes vont baisser. « Comment un homme en danger peut-il prendre le risque de mécontenter ceux-là mêmes qui doivent le protéger ? » lâche un de ses anciens collaborateurs. TOUT À COUP, L’ENFER

Ce 18 février, Tandja doit présider un Conseil des ministres important. Deux jours avant, ses voisins ont durci le ton lors d’un sommet de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest. On lui prête l’intention d’annoncer avec fracas le retrait du Niger de la Cedeao. On s’attend aussi à la mise à la retraite anticipée d’un certain nombre d’officiers dont il n’est pas sûr. C’est vers 10 heures, semble-t-il, que les putschistes décident de franchir le Rubicon. Ils sont réunis secrètement à l’intérieur de la caserne de la compagnie d’appui de Niamey, au sud-ouest de la capitale. Là se trouvent notamment le commandant

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e s t un Mama d ou Tandja muet et hébété que les putschistes trouvent dans son bureau, quelques minutes après 13 heures, ce 18 février. « On aurait dit un vieil officier muré dans ses certitudes, ne pouvant imaginer une seconde que ses « enfants » puissent le déposer », confie un des membres de la junte. Depuis quelques semaines, la colère monte dans les rangs de l’armée. Non seulement le président a bafoué les règles de la démocratie pour se maintenir au pouvoir, non seulement il a isolé le Niger sur la scène internationale au risque de couper le robinet de l’aide, mais aussi il « arrose » copieusement les ex-rebelles touaregs et ses généraux pour acheter leur soutien. Une villa clés en main et un bonus de 20 à 50 millions de F CFA (30000 à 76 000 euros) pour quelques officiers supérieurs… et rien pour les autres. Comble de la maladresse : début

Salou Djibo, le chef de la place, et le capitaine Sirfi, un officier de l’armée de l’air très bien introduit auprès de la garde présidentielle. À 11 heures, Tandja ouvre la séance dans la grande salle du palais. Tous les ministres sont là, ou presque. Quelques membres du cabinet sont également présents. Une quarantaine de personnes au total. Le président est en forme et plaisante avec une équipe de télévision venue filmer l’ouverture du Conseil. À 12 h 55, un tir de revolver retentit au-dehors. Un seul. Puis… rien. Au début, les ministres croient qu’il s’agit d’un tir accidentel. Et, tout à coup, c’est l’enfer. Les coups pleuvent sur le palais. Tirs à la mitrailleuse 12.7. Tirs à l’arme lourde. Les vitres explosent. Tout le monde se couche. Tandja s’enfuit dans son bureau et referme la porte à clé derrière lui. Que fait-il pendant ces quelques minutes de répit ? Il téléphone à son chef d’état-major, le général Moumouni Boureïma, et lui demande d’appeler au secours la compagnie d’appui de Niamey. Il ne sait pas que c’est précisément cette unité qui est en train de tirer sur lui, après avoir fait mouvement vers son palais par deux routes différentes – la ville et la corniche, au bord du fleuve. Pis, il ne sait pas que sa garde présidentielle est truffée de soldats mutins is s us de


REBECCA BLACKWELL/AP/SIPA

Mamadou Tandja, en juillet 2009.


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BOUREIMA HAMA/AFP

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À Niamey, sur le choix du chef de cette cet te compagnie. aux abords junte. « Pelé » est là, et pluC’est sans doute l’un d’eux du palais sieurs officiers plaident en qui a tiré un premier coup présidentiel, sa faveur : « Tout le monde de revolver pour donner le le 18 février. le connaît. En plus, en 1999, signal de l’attaque. après le coup de Wanké, En fait, seules les Forces c’est lui qui a agi en faveur nationales d’intervention du retour des civils au pouet de sécurité (Fnis) vont voir. » Mais Salou Djibo est tenter de défendre le présiaussi dans la pièce et il n’est dent en détresse. Les Fnis, pas isolé, loin de là. Dans c’est l’ancienne garde répul’armée nigérienne, il fait partie de ces supérieur de la communication. Pendant blicaine, une unité sous les ordres du « officiers sac à dos » qui se sont renquelques heures, ils peuvent même tout-puissant ministre de l’Intérieur, dus populaires en partant de très bas conserver leurs téléphones portables. Albadé Abouba – donc un corps partiet en prenant du grade à coups de faits Ils en profitent pour rassurer leur famille culièrement choyé par le régime. Mais d’armes. Un de ses hommes : « C’est et alerter leurs amis à travers le monde. les putschistes ont prévu le coup. Un notre unité qui a déclenché l’opération. L’internationale des diplomates et des blindé léger des Fnis est pulvérisé. Le Salou était sur le terrain au moment de banquiers entre en action. Très vite, 19 février, à l’heure où nous mettions l’attaque du palais. Ce n’est pas le cas les officiers putschistes reçoivent des sous presse, le bilan des affrontements de tout le monde. » appels de Paris, de New York, de pars’établissait à une dizaine de morts. tout. Et tous demandent la clémence. Le combat est trop inégal. Les putsFINI LA VIE RÉPUBLIQUE Dès 14 heures, le coup d’État est chistes sont équipés de canons, de À 12h55, « Pelé » était-il en train de « plié » et pourtant personne ne le sait blindés et de mitrailleuses montées déjeuner tranquillement chez lui en encore. La radio et la télévision émetsur des pick-up. Deux hélicoptères de famille? Plusieurs officiers l’affirment. tent normalement. Les partisans de Tanl’armée de l’air entrent même dans la En tout cas, ce soir-là, c’est Salou Djibo dja entretiennent la fiction que leur chef danse et tournent au-dessus du palais. qui est proclamé président du CSRD. a été exfiltré du palais par ses fidèles. Très vite, les assaillants déboulent À 22 heures, sur les écrans de téléviCe n’est qu’à la tombée sion, le colonel Goukoye Abdul Karim de la nuit, quand la radio – le même qui, en juin dernier, avait commence à diffuser de répliqué à l’opposant Mahamadou la musique militaire, que Issoufou que l’armée resterait neutre – les chancelleries comse présente au côté de « Pelé » comme prennent que le putsch le porte-parole de la junte et annonce a réussi. les premières décisions du CSRD. La Commence alors une VIe République chère à Tandja est suslongue attente. Un porte-parole des dans la salle du Conseil et localisent pendue, et toutes les institutions qui putschistes doit parler sur les ondes, le bureau de Tandja. La porte est feren découlent sont dissoutes. mais rien ne vient. La rumeur enfle à mée à clé ? Ils l’enfoncent et tombent Le même soir, dans un premier Niamey. Beaucoup sont persuadés que sur le fugitif. Le chef du commando : entretien téléphonique, « Pelé » a pris le pouvoir. « Pour votre sécurité, je vous prie de « Pelé » nous confie: « De « Pelé », c’est le surnom ne pas opposer de résistance. » Le prétoutes les manières, nous, du colonel Djibrilla Hima sident, abasourdi, n’ouvre pas la bouon n’a pas d’ambitions. che. Comment l’extraire du bâtiment? Hamidou, le commanVous connaissez notre dant de la région militaire Un hélicoptère essaie de se poser aux histoire. Ce qui compte de Niamey – une vieille abords du palais. Impossible. Les noupour nous, c’est l’intérêt connaissance pour les veaux maîtres des lieux décident alors du pays et la démocrade l’évacuer par la route. Mais il faut Nigériens depuis le coup NIGER tie. – Vous allez rendre d’État sanglant de 1999 encore sécuriser un itinéraire jusqu’à la le pouvoir aux civils, (voir p. 17). En réalité, caserne de la compagnie d’appui. Une face à l’armée comme en 1999? – Assules choses ne sont pas heure quarante d’attente. Finalement, rément. » À ce moment, si simples. Au camp de Tandja est emmené sous bonne escorTandja est à quelques la compagnie d’appui de te jusqu’à un véhicule. « Les militaires mètres de « Pelé ». Il est Niamey, les chefs des l’ont traité avec déférence », raconte Il y a trois mois, notre journal (n° 2551) confiné dans une pièce principales unités militaiun témoin. consacrait sa une aux où il va passer sa premières se réunissent; le débat relations délicates re nuit d’homme déchu. est vif. APPELS À LA CLÉMENCE entre l’ex-président Rude journée pour un Très vite, on se met Les membres du gouvernement ne et les militaires. Une vieux chef qui se croyait d’accord sur le nom de la sont pas maltraités non plus. Aïchatou enquête prémonitoire. indéboulonnable… Le junte : Conseil suprême Mindaoudou (Affaires étrangères), Ali lendemain, il était transféré dans une pour la restauration de la démocratie Mahaman Lamine Zeine (Économie et caserne et était, selon ses geôliers, en (CSRD). Si ça peut rassurer les pays Finances) et les autres sont conduits « bonne santé. » ■ amis… En revanche, on discute ferme dans le bâtiment tout proche du Conseil

On discute ferme sur le chef de cette junte : « Pelé » ou Djibo ? Ce dernier l’emportera.

MAROC LES NOUVEAUX BERBÈRES

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QUAND LʼAFRIQUE RÉINVENTE SES VILLES

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RWANDA SALE TEMPS POUR LES REBELLES GUINÉE À QUOI JOUE COMPAORÉ ?

Tandja

Lui-même ancien militaire, le chef de l’État surveille ses ex-compagnons d’armes comme le lait sur le feu.

Enquête

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SAIDOU DJIBRIL/APA

FOCUS 17

REUTERS TV

Le 18 février à Niamey, le colonel Goukoye Abdul Karim (à g.) lit le premier communiqué du Conseil suprême pour la restauration de la démocratie, présidé par le commandant Salou Djibo (ci-dessus).

Trois colonels en première ligne AUX CÔTÉS du commandant Salou Djibo, chef de la junte, il y a trois « cerveaux », trois colonels unis derrière ce putsch. Ils sont d’autant plus connus des Forces armées nigériennes qu’ils n’en sont pas à leur première participation à une opération de cette nature. Les colonels Djibrilla Hima Hamidou, Abdoulaye Adamou Harouna et Goukoye Abdul Karim ont déjà œuvré, en 1999, aux côtés de Daouda Mallam Wanké, l’instigateur du coup d’État qui a coûté la vie à Ibrahim Baré Maïnassara. Autre point commun: ces putschistes récidivistes ont gravi les échelons de la hiérarchie sous la mitraille. Tous trois ont pris part aux combats qui, dans le nord du pays, opposaient les forces armées régulières aux combattants de la rébellion touarègue. Le 18 février dernier, une fois le putsch réussi, ils n’en ont pas moins décidé de se mettre en retrait au profit du chef d’escadron Salou Djibo, qui a pris la tête du Conseil suprême pour la restauration de la démocratie (CSRD, nom de la junte qui dirige désormais le pays). Une personnalité se distingue, au sein du trio, par son parcours et sa popularité. Ancien prodige du ballon rond, surnommé Pelé en raison de ses prouesses au football, Djibrilla Hima Hamidou a présidé l’Association sportive des forces armées nigériennes

(Asfan), de l’avis unanime le club le mieux géré et le mieux loti du pays. Ce Djerma de 46 ans, formé à l’Académie militaire royale de Meknès, au Maroc, a été élu, le 25 juillet 2009, à la tête de la Fédération nigérienne de football (Fenifoot) pour redresser une structure minée par l’absence de résultats et des scandales à répétition. Connu aussi bien sur les terrains de jeu que sur les terrains de combats, Djibrilla Hima Hamidou fut d’abord aux côtés du putschiste Ibrahim Baré Maïnassara, au pouvoir de 1996 à 1999, avant de le lâcher pour soutenir son tombeur, Daouda Mallam Wanké, chef du Conseil de réconciliation nationale dont il fut le porte-parole. Après l’élection présidentielle de la fin 1999, il est nommé par Mamadou Tandja chef de la division des blindés, puis commandant de la zone de défense numéro 1 de Niamey, Tillabery-Dosso. Le 18 février dernier, il a joué un rôle décisif dans l’occupation des points stratégiques de la capitale. C’est dans son bureau que la presse a été réunie pour recueillir les premières déclarations du CSRD. Issu d’une famille de militaires, Abdoulaye Adamou Harouna a été présenté dans un premier temps comme

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le nouvel homme fort. Il était, ainsi que son frère Djibrill Harouna, avec les « bérets verts » de la compagnie d’appui, l’unité des blindés, qui a fait le coup de feu et pris d’assaut le palais présidentiel. Ce Songhai, ancien aide de camp de Daouda Mallam Wanké, a été ensuite commandant des Casques bleus nigériens en Côte d’Ivoire. Promu colonel en octobre dernier pour ses faits d’armes contre les rebelles touaregs, cet homme taciturne est réputé courageux au combat.

Ces putschistes récidivistes ont gravi tous les échelons de la hiérarchie sous la mitraille. Goukoye Abdul Karim complète le trio. Auteur de la déclaration qui restera dans les annales comme l’acte scellant le coup d’État, il n’a pas été affecté par hasard à cette tâche. Celui qui cumule les fonctions de directeur du renseignement militaire et de porte-parole de l’armée est un habitué des micros et des caméras. En juin 2009, au lendemain de l’appel de l’opposition à l’armée pour « restaurer la démocratie », il avait réaffirmé la « volonté des Forces armées nigériennes de respecter les règles et les institutions de la République ». Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis cette sortie retentissante. ■ CHEIKH YÉRIM SECK

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18 BIO EXPRESS

1952 Naissance à Lomé, le 2 juin 1971 Baccalauréat 1976-1977 DESS à l’université des sciences et technologies de Lille-I (France) 1979 Retour au Togo 1992 Participe à la création de l’UFC 2007 Élu député et président du groupe UFC à l’Assemblée nationale

Jean-Pierre Fabre, candidat de l’UFC à l’élection présidentielle du 4 mars, ici à Lomé, le 7 février.

TOGO

Fabre contre Faure VOICI VENUE SON HEURE – du moins le pense-t-il. Jean-Pierre Fabre, 57 ans, sera le candidat de l’Union des forces de changement (UFC) à l’élection présidentielle du 4 mars prochain, avec l’étiquette de principal challenger du chef de l’État sortant, Faure Gnassingbé. Après avoir longtemps rongé son frein dans l’ombre écrasante de Gilchrist Olympio – président du parti et fils de Sylvanus Olympio, le père de l’indépendance –, le secrétaire général du parti et président du groupe UFC à l’Assemblée nationale (27 sièges), ancien enseignant en économie à l’université du Bénin, a été désigné pour remplacer le leader charismatique, empêché par une mystérieuse maladie lombaire de déposer un dossier de candidature valide.

S’il est élu, il y a de fortes chances pour que Jean-Pierre Fabre pose, pour sa photo officielle, devant une bibliothèque. Et aucun des familiers de sa maison de Kodjoviakopé, un quartier populaire de Lomé, n’ira lui reprocher d’être de ces chefs d’État qui s’exhibent devant des rayonnages encombrés de livres qu’ils n’ont jamais ouverts… Fabre s’attarde volontiers devant sa collection d’ouvrages consacrés à John Fitzgerald Kennedy. « J’achète tout ce qui s’écrit sur lui », reconnaît-il. Il n’avait que 11 ans quand le 35e président des États-Unis fut assassiné à Dallas, mais JFK reste aujourd’hui encore pour lui un objet de fascination intact. Aussi se réjouit-il du surnom d’« Obama » – un autre admirateur de Kennedy – dont l’ont affublé ses partisans. Les yeux brillants de malice,

VINCENT FOURNIER/J.A.

15 janvier 2010 Désigné candidat de l’UFC à la présidentielle du 4 mars il se saisit d’un autre livre culte, L’Art de la guerre, de Sun Tzu, « l’un des meilleurs livres de stratégie qui ait jamais été écrit ». Lui-même joueur d’échecs, Jean-Pierre Fabre a lu les biographies de Bobby Fischer, de Garry Kasparov et d’Anatoli Karpov, précieusement rangées derrière un rayonnage vitré aux côtés d’ouvrages plus politiques – notamment la collection complète des « Foccart » coédités par Jeune Afrique. « IL A LE BON PROFIL »

Reste que, s’il semble s’y préparer depuis longtemps, Fabre n’est pas encore président du Togo. Lors de la présidentielle du 1er juin 2003 déjà il s’y voyait. Mais, lui-même mis hors jeu par le code électoral, Gilchrist Olympio avait alors choisi Emmanuel Bob Akitani pour se présenter à sa place. L’éruptif métis (son grand-père Paul-Marie Cyprien Fabre était marseillais et sa grand-mère, togolaise) doit encore rassembler toutes les tendances du parti et s’assurer du soutien de son mentor, qui, à 73 ans, vient sans doute de rater son dernier rendez-vous avec l’Histoire. Les deux hommes se sont longuement entretenus le 12 février dans l’appartement parisien de Gilchrist Olympio, quelques heures après que Fabre eut été choisi comme candidat d’une coalition d’opposants. Si, pour le colonel François AkilaEsso Boko, ex-ministre de l’Intérieur exilé en France, Jean-Pierre Fabre a le « bon profil », rien ne prouve encore qu’il parviendra à s’imposer aux yeux d’un électorat viscéralement attaché au nom mythique d’Olympio. ■ GEORGES DOUGUELI

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DUBAÏ

Le Mossad piégé par Big Brother 15 JANVIER. UN HOMME ENTRE DEUX ÂGES, veste et chapeau sombres, débarque dans le très futuriste aéroport de Dubaï, joue des coudes au milieu d’une foule de touristes et d’hommes d’affaires que la crise financière n’empêche manifestement pas de dormir, récupère ses bagages et remet placidement son passeport aux douaniers de faction. Il est âgé de 50 ans et prétend s’appeler Mahmoud Abdul Raouf Mohammed. Mais son vrai nom es t Mahmoud al - Mahb ouh. C e n’est pas un inconnu. Fondateur, avec d’autres, des Brigades Ezzedine Al-Qassam, la branche armée du Hamas, il est recherché depuis plus de vingt ans par les services israéliens pour le meurtre de deux policiers et passe aujourd’hui pour le principal responsable de l’approvisionnement en armes du mouvement islamiste palestinien. Curieusement, aucun garde du corps ne l’accompagne. Que vient-il faire dans les Émirats arabes unis ? Il hèle un taxi, gagne l’hôtel AlBustan Rotana, un cinq-étoiles fort luxueux – mais tout ne l’est-il pas

dans le richissime émirat ? –, et s’installe dans la chambre 230. Il ne s’en aperçoit évidemment pas, mais il est déjà pris en filature. Cinq jours plus tard, le 20 janvier, il est retrouvé mort dans sa chambre. Assassiné, mais sans blessure apparente ni traces de violence. A-t-il été étouffé ? Électrocuté ? Ou les deux ? À l’évidence, du travail de professionnels destiné à créer l’illusion d’une mort naturelle. Un accident vasculaire, par exemple. Mais deux autopsies permettront de découvrir la supercherie. Dans un premier temps, la police hésite : Mahbouh a-t-il ouvert à ses agresseurs ou ces derniers ont-ils fracturé la porte à l’aide d’un ingénieux appareillage ? Finalement, il semble qu’ils étaient tout bonnement en possession d’un double de sa carte électronique. CINQ MINUTES CHRONO

Après un mois d’enquête, on en sait un peu plus grâce aux révélations, le 15 février, du lieutenantgénéral Dahi Khalfan Tamim, le chef des services de sécurité de

l’émirat. Il est désormais établi que les assassins étaient au nombre de onze, dont une femme ; qu’ils avaient débarqué à Dubaï vingt-quatre heures auparavant, par des vols séparés, et étaient descendus dans des hôtels différents; qu’ils ont réglé en liquide toutes leurs dépenses et utilisé plusieurs téléphones portables (certains, apparemment, d’origine… autrichienne) ; qu’enfin, pour déjouer la surveillance des caméras, ils ont pris soin de changer constamment d’apparence. Maquillage, lunettes, moustaches postiches et chapeaux : toute la panoplie du parfait petit espion. Deux d’entre eux ont même été filmés dans le hall et l’ascenseur de l’hôtel, en short, serviette autour du cou et raquette de tennis à la main. Le commando était divisé en deux groupes. L’un, composé de sept hommes, avait pour mission de filer discrètement le leader palestinien. L’autre était plus directement chargé de son élimination. L’opération a duré un peu plus de cinq minutes. Quelques heures plus tard, tout ce joli monde avait quitté

QUARANTE ANS D’ASSASSINATS CIBLÉS PAR LA TROMPERIE, LA GUERRE TU MÈNERAS : telle est la devise du Mossad, qui assassine en catimini les élites palestiniennes, politiques ou militaires. Dans les années 1970 et 1980, il élimine une vingtaine de responsables de l’Organisation de libération de la Palestine (l’OLP, alors en exil) dans les pays arabes, dont Ghassan Kanafani, un écrivain lié au Front populaire de libération de la Palestine (au Liban, en 1972), ou Abou Jihad, le numéro deux du Fatah (en Tunisie, en 1988). Ali Hassan Salameh, le chef du groupe Septembre noir impliqué dans la mort d’athlètes israéliens aux J.O. de Munich, est assassiné en 1979. De nombreux responsables politiques sont également tués en Europe : au moins cinq en France (dont Atef Bsisou, le chef de la sécurité de l’OLP) et trois en Grèce. Imad Moughnieh, le chef militaire du Hezbollah, est éliminé en février 2008. Ces quinze dernières années, les assassinats se sont concentrés en Palestine, et c’est principalement le Hamas qui est visé. Il a perdu son « artificier » Yahya Ayache en 1996 dans l’explosion d’un téléphone piégé,

et deux de ses membres dans un attentat à Damas, en décembre 2009. Les circonstances de la disparition de Yasser Arafat, en 2004, rappellent les techniques d’empoisonnement du Mossad. Aucun des échecs de ses services secrets n’a entamé la détermination d’Israël. Ni les erreurs (en 1974, un serveur marocain est tué en Norvège), ni les ratés qui révèlent le visage des espions, ni même les opérations dont le fiasco se transforme en gain politique pour les Palestiniens (en 1997, la liquidation manquée de Khaled Mechaal, le chef politique du Hamas, ordonnée par Benyamin Netanyahou, a permis la libération de Cheikh Yassine). En 1973, Golda Meir, la Première ministre israélienne, avait qualifié l’assassinat de trois dirigeants de l’OLP à Beyrouth d’« opération magnifique ». Le 17 février dernier, Avigdor Lieberman, le ministre des Affaires étrangères, moins triomphateur, a reconnu que son pays pratiquait une « politique d’ambiguïté ». ■ CONSTANCE DESLOIRE J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 6 3 • D U 2 1 A U 2 7 F É V R I E R 2 0 10


Le responsable du Hamas, Mahmoud Al-Mahbouh, et deux agents israéliens, filmés dans l’hôtel Al-Bustan Rotana.

Dubaï. Le chef présumé des tueurs, qui était en possession d’un passeport français, a, semble-t-il, sauté dans un avion pour le Qatar avant de rejoindre Munich. Les autres ont pris des directions variées : Suisse, Hong Kong, Afrique du Sud… Deux comparses palestiniens chargés de l’assistance logistique ont en outre été arrêtés en Jordanie, et prestement extradés vers Dubaï. Selon le Hamas, ils seraient membres du Fatah, le mouvement palestinien rival du président Mahmoud Abbas. EN ROUTE POUR TÉHÉRAN ?

En dépit de leurs déguisements, les membres du commando n’ont pas échappé à l’œil infaillible de Big Brother. Dans l’émirat, il y a des caméras vidéo partout : aéroport, hôtels, bâtiments publics… De recoupement en recoupement, la police a fini par découvrir que tous étaient en possession de passeports européens : six britanniques, trois irlandais, un allemand et un français. Le général Tamim est convaincu que ces documents sont authentiques. Les autorités irlandaises et britanniques jurent le contraire. Si les photos qui y étaient apposées étaient naturellement

celles des tueurs, les noms étaient, dans la majorité des cas, ceux de paisibles citoyens israéliens nés à l’étranger et disposant d’une double nationalité. Découvrant leurs patronymes mêlés à cette sordide affaire, ils sont tombés des nues : la plupart ne se sont à aucun moment séparés de leurs passeports et n’ont jamais mis les pieds à Dubaï. On comprend qu’ils se soient déclarés « bouleversés », « furieux » ou « effrayés ». Dans un premier temps, le général Tamim s’est gardé de mettre ouver tement en cause Israël : les deux pays entretiennent des relations qui, pour n’être point diplomatiques, n’en sont pas moins excellentes. Les preuves s’accumulant, il a fini par franchir le pas, le 19 février, dans une interview au quotidien émirati The National. À l’en croire, « il est certain à 99 %, sinon à 100 %, que le Mossad est derrière l’assassinat ». L’opération rappelle d’ailleurs étrangement la tentative d’élimination d’un autre chef du Hamas, Khaled Mechaal, à Amman, en septembre 1997 (voir encadré). La presse israélienne se déchaîne et dénonce « l’amateurisme » de

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HO NEW/REUTERS

FOCUS 21 l’opération. Dans le quotidien Haaretz, l’analyste militaire Amir Oren va jusqu’à exiger la démission de Meir Dagan, le patron du Mossad, qui semble bien avoir le profil d’un bouc émissaire idéal. Comment, en ef fet, imaginer une seconde qu’une opération de cette ampleur ait pu être décidée sans le feu vert des plus hautes autorités de l’État et du Premier ministre lui-même ? Certains exigent la mise en place d’une commission d’enquête. Des mandats d’arrêt internationaux ont été lancés contre les onze agents en fuite. Reste à savoir pourquoi les dirigeants israéliens ont pris le risque d’éliminer le responsable du Hamas. Et pourquoi maintenant. « Il jouait un rôle clé dans l’approvisionnement du peuple palestinien en argent et en armes, y compris spéciales », a confié Talal Nasser, un porte-parole du mouvement islamiste, au National. « Au moment où il a été tué, il transitait par Dubaï avant de se rendre dans un autre pays », précise Abou Obeida, un autre responsable palestinien. Quel pays ? Chacun sait que les Iraniens, même s’ils s’en défendent, sont, avec les Soudanais, les principaux fournisseurs de leurs alliés palestiniens… Chacun sait aussi que l’un des objectifs de l’opération « Plomb durci », fin 2008-début 2009, dans la bande de Gaza, était de mettre un terme à la contrebande des armes en provenance (notamment) d’Iran…

Moustaches postiches, lunettes… les onze espions avaient (presque) tout prévu. Gazaoui d’origine (il est né dans le camp de Jabaliya), Mahmoud al-Mahbouh vivait en Syrie depuis 1989. Deux ans auparavant, il avait été l’un des instigateurs de la première Intifada. Emprisonné à plusieurs reprises par les Israéliens, qui avaient rasé sa maison à Gaza, il avait échappé à plusieurs tentatives d’assassinat. Il repose désormais dans le camp de réfugiés de Yarmouk, dans la banlieue de Damas. ■ JEAN-MICHEL AUBRIET


UNE EXPERTISE UNIQUE AU CŒUR DE LA REGION : La Banque de Développement des Etats de l’Afrique Centrale (BDEAC) est l’institution de développement de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC). Son activité principale est consacrée au financement des infrastructures de base et à la promotion du secteur privé dans la sous-région CEMAC. Elle prend également une part active dans le financement des institutions de microfinance ainsi qu’au refinancement des institutions financières nationales.

BDEAC

LA BDEAC EST ENGAGEE SUR TOUS LES FRONTS DU DEVELOPPEMENT : Elle finance des projets et programmes tant publics que privés dans les domaines suivants : les Infrastructures de base (énergie, télécommunications, ports, aéroports, routes, chemin de fer, matériels de transport, etc.) ; Les Industries et Agro-industries, et les Mines ; L’Agriculture, l’Elevage, la Pêche et le Développement rural ; L’Exploitation forestière ; L’Hôtellerie ; Les Technologies de l’Information et de la Communication ;

LA BDEAC SE POSITIONNE COMME : Un Acteur central dans la lutte contre la pauvreté dans la CEMAC ; Un Acteur majeur sur le marché financier de la CEMAC ; Un Partenaire de référence pour les bailleurs de fonds et Investisseurs internationaux.

Président : Anicet G. DOLOGUELE Vice-Président : Samuel OBAM MBOM Siège social : Place du Gouvernement BP : 1177 Brazzaville (République du Congo)

Tél. : (242) 281 18 85 Fax : (242) 281 18 80 Site web : www.bdeac.org Email : bdeac@bdeac.org


FOCUS 23

AIDE Bande

ILS ONT DIT

de grigous!

SAMIR GHARBI

« Avec les Jeux au Canada, dans un pays officiellement bilingue, je me suis dit que ça allait être le feu d’artifice, que le pays allait avoir 20 sur 20. Je me trompais. » ABDOU DIOUF Secrétaire général de la Francophonie (à propos de l’usage réduit du français aux J.O. de Vancouver)

« Le niqab est une négation de la personnalité de la femme. » AHMED NAZIF Premier ministre égyptien

« Notre présence ici n’a pas laissé que de bons souvenirs. » NICOLAS SARKOZY Président de la France (lors de son voyage à Haïti)

« L’Europe est un musée. Qu’elle le reste. L’énergie, aujourd’hui, vient de l’Inde, de la Chine, demain de l’Afrique. C’est avec eux désormais que la Russie va traiter. » NIKITA MIKHALKOV Cinéaste russe

« Nous ferons une exception pour tous ceux qui nous amènent des jolies filles. Vous savez, maintenant je suis célibataire. » SILVIO BERLUSCONI Président du Conseil italien (après avoir signé un accord avec l’Albanie pour limiter l’arrivée d’immigrés clandestins)

LE DESSIN DE LA SEMAINE ANDY • SUNDAY TIMES (Afrique du Sud)

NEW YORK TIMES SYNDICATION

SUPERVISEUR VIGIL ANT DE L’AIDE aux pays pauvres, la direction de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) n’hésite pas à morigéner ses ouailles – vingt-deux pays donateurs, en l’occurrence. Le 17 février, son secrétaire général, le Mexicain Ángel Gurría, a révélé que les promesses faites lors du sommet du G8 à Gleneagles (Écosse), en juillet 2005, ne seront pas tenues d’ici à leur échéance de décembre 2010. Souvenez-vous: à l’époque, les chefs d’État des huit puissances économiques mondiales s’étaient engagés à accroître l’aide publique au développement de 50 milliards de dollars par an et à affecter la moitié de cette somme à l’Afrique subsaharienne. Or, selon Richard Carey, le directeur de la coopération de l’OCDE, cette région du monde ne devrait recevoir en 2010 que 12 milliards de dollars sur les 25 milliards promis. Selon nos estimations, son manque à gagner serait de plus de 70 milliards pour la période 2005-2010. Pour l’ensemble des pays pauvres, il devrait s’élever à 21 milliards de dollars en 2010, dont seulement 4 milliards imputables à la crise économique mondiale, le reste relevant de la mauvaise volonté de certains donateurs. L’OCDE a établi son palmarès. Huit pays ont scrupuleusement tenu leurs engagements (Belgique, Canada, Danemark, Luxembourg, Norvège, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas et Suède) et quatre ont presque atteint les objectifs (Australie, États-Unis, Japon et Royaume-Uni). Parmi les dix cancres, les plus mauvaises notes ont été attribuées à l’Italie (qui a « omis » de verser 5,9 milliards de dollars), à la France (4,5 milliards) et à l’Allemagne (4,2 milliards). Preuve que, comme d’habitude, les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent… ■

ANITA CORTHIER

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24 FOCUS

CES

CHIFFRES QUI PA RL EN T

43%

des Sud-Africains vivent avec moins de 1,50 euro par jour.

300

euros. Le prix moyen d’une nuit d’hôtel à Moscou : un record mondial, devant Abou Dhabi, New York et Paris.

65 %

La baisse du nombre des excisions au Sénégal en 2009, selon l’Unicef et le Fonds des Nations unies pour la population.

10545

plaintes déposées en 20 0 9 devant la Halde ( Haute Autorité de lut te contre les discriminations et pour l’égalité), en France, contre 7 788 en 2008.

104,5 millions

de dirhams (9,2 millions d’euros). Le montant des paiements effectués par les Marocains sur internet en 2009, contre à peine 30 millions en 2008.

JUSTICE Faux dinars

et vrais escrocs MALGRÉ LEURS EFFORTS souvent laborieux, les prévenus dans l’affaire des faux dinar s de Bahreïn n’ont pas convaincu les magistrats de la 11e chambre du tribunal correctionnel de Paris. Le 17 février, près de trois mois après la fin du procès, ils se sont vu infliger des peines allant de dix-huit mois à sept ans de prison ferme. La justice leur reproche notamment d’avoir agi « de mauvaise foi, en ayant conscience du caractère contrefait des billets et de leur participation à une opération de blanchiment ». L’ a f f a i r e e s t p a s s a b l e m e n t embrouillée. En 1998, 140 millions de faux dinars de Bahreïn (l’équivalent de 270 millions d’euros) sont imprimés en Argentine. Après avoir transité par le Tchad et le Niger, une par tie de ces billet s arrive en Franc e. Éc o u l é s s u r l e m a r c h é , ils manquent d’entraîner l a c h u t e d e l ’é c o n o m i e du royaume bahreïni. L e 18 juin, plusie ur s personnes sont interpellées à Paris alors qu’elles sont en train de charger des sacs de faux dinars dans deux véhicules. Montant du magot : 7,5 millions d’euros. Bahreïn porte plainte en France, car une partie des faux billets y a été saisie. CONGOLAIS INTROUVABLE

Un « broker » d ’origine c ongo laise, un banquier reconverti dans la philanthropie et le consulting, un ingénieur bon chic bon genre, une ancienne agent immobilier aux traits tirés, un ex-courtier à la Bourse de Paris en fauteuil roulant : ces Pieds nickelés arrêtés en juin 1998 font par tie des sept personnes qui ont été condamnées le 17 février dernier. Manifestement des lampistes… Les deux autres prévenus, qui ne se sont pas présentés au procès, ont été condamnés par contumace. Le Congolais Richard Nozy Mwamba, patron de la Fédération congolaise de football sous le maréchal Mobutu et aujourd’hui introuvable, se serait

fait passer à l’époque pour le représentant de l’imprimerie pour l’Afrique. Il écope de sept ans de prison. PAS DE VISA

L e Tc h a d i e n H a s s a n F a d o u l , conseiller spécial de l’actuel président Idriss Déby Itno à l’époque des faits, a été condamné à cinq ans de prison. Réfugié au Togo depuis près de dix ans et contac té par Jeune Afrique, il assure que son « souhait le plus cher est de [se] présenter devant la jus tice » mais qu’il n’a pas obtenu de visa pour la France. « Je n’y suis pour rien, j’étais fonctionnaire à l’époque », se défend-il. Il admet avoir visité l’imprimerie en Argentine, mais affirme qu’« Idriss Déby est à l’origine de tout ».

Une brochette de lampistes et deux prévenus condamnés par contumace. Le 29 décembre dernier, Fadoul a été arrêté sans raison explicite par la police togolaise à Lomé, puis transféré en voiture dans le nord du pays, près de la ville de Kara. « Enfermé dans une chambre pendant un mois » et rapidement privé de son téléphone, il a été placé en résidence surveillée dans les environs, le 2 février. Depuis quelques jours, il peut à nouveau communiquer. Son hypothèse : par amitié pour Idriss Déby, les autorités togolaises, qui le considèrent comme un témoin gênant, auraient décidé de ne plus le protéger et auraient envisagé de le livrer à N’Djamena. Contacté par Jeune Afrique, le ministère togolais de la Sécurité et de la Protection civile n’a pas souhaité s’exprimer. Quant à Idriss Déby, il affirmait déjà en 2001, dans le quotidien français Le Monde, n’avoir « rien à [se] reprocher ». Fadoul, lui, espère faire appel. À condition de trouver un avocat. ■ MARIANNE MEUNIER

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SUH MYONG-GON/AP/SIPA

FOCUS 25

POMPES FUNÈBRES

ARRÊT SUR IMAGE

Une usine de chaussures, l’extérieur d’une mosquée, une installation dans un musée d’art contemporain? Ou bien Imelda Marcos, l’ex-première dame des Philippines, errant au milieu de sa légendaire collection? Rien de tout cela. Nous sommes à Séoul, dans un hangar de la police, où ces mille deux cents paires de brodequins flambant neufs attendent de retrouver leurs propriétaires. Tous ont été volés, dans des funérariums et des hôpitaux, par un kleptomane sud-coréen. M. Park rêvait d’ouvrir un magasin de chaussures. Logique…

AFRIQUE-ASIE Le printemps du business LES 5 ET 6 AVRIL PROCHAIN, des chefs d’entreprise et des responsables politiques et institutionnels d’Afrique et d’Asie du Sud-Est se réuniront à Singapour pour un forum d’affaires. Objectif de cet Africa and South East Asia Business Forum : renforcer les relations entre les entreprises de ces deux régions du monde. « Des pays comme la Corée du Sud, la Malaisie ou Singapour ont su créer un cadre favorable à l’essor de groupes privés, devenus des champions régionaux et internationaux », explique Didier Acouetey, président du cabinet de conseil en ressources humaines AfricSearch et l’un des organisateurs du forum. Ce rendez-vous, qui se tiendra au cœur de la cité-État de Singapour, vise à mettre en place des joint-ventures, à l’instar de celui qui lie la société ivoirienne Sifca au singapourien Olam dans l’agrobusiness. Il devrait aussi permettre de lever des fonds pour le secteur privé africain. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 6 3 • D U 2 1 A U 2 7 F É V R I E R 2 0 10

Deux fonds d’investissement, le singapourien Temasek (130 milliards de dollars) et le malaisien Khazanah (60 milliards de dollars), seraient à l’affût d’opportunités sur le continent africain. Pour faciliter la démarche de ces apporteurs de capitaux, une chambre de commerce devrait être créée, à l’issue du forum, pour mettre à leur disposition des informations sur les possibilités d’investissement dans chacune des deux régions. Didier Acouetey et Paulo Gomes, le patron de la société d’investissement Constelor, à l’origine de cette initiative, assurent qu’il s’agit d’une première étape vers un nouveau type de coopération qui s’étendra aux pays émergents d’Amérique du Sud. Avec, à la clé, le développement du secteur privé africain et des créations d’emplois. Une alternative à la coopération sino-africaine qui, pour l’heure, n’offre aucun de ces avantages. ■ STÉPHANE BALLONG


Le monde comme vous ne l’avez jamais lu ANALYSES • OPINIONS • PERSPECTIVES 90

Interview

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116

Entré en journalisme par hasard, il a côtoyé les acteurs majeurs de la décolonisation, toujours soucieux de faire son métier en toute subjectivité. Rencontre avec un honnête homme.

Jean Lacouture

itinéraire d’un journaliste engagé et heureux

défaite de la déraison

Propos recueillis par Hamid Barrada et Mathias Lebœuf

François Soudan

Hamid Barrada est rédacteur en chef à l’hebdomadaire Jeune Afrique. Mathias Lebœuf (à droite) est journaliste à La Revue.

indochine,maroc,égypte, algérie, Jean Lacouture a accompagné de sa plume alerte les mouvements d’indépendance de la seconde moitié du xx siècle. Témoin privilégié au cœur d’un monde dans la tourmente, il a relaté les événements et en a interviewé les principaux acteurs : hô chi minh, Bourguiba, nasser… il revient, pour La Revue, sur son parcours et nous livre sa vision du journalisme.

LA REVUE : Qu’est-ce qui a changé dans la presse ? > JEAn LAcoUtURE : La presse a changé de technique, de mode d’expression, de substrat. elle est maintenant orale, auditive, visuelle, au moins autant qu’écrite. Les gens ont trois supports principaux : le net, la radio et la télévision. La presse papier est évidemment en recul. on le voit à travers les chiffres et plus encore, me semble-t-il, dans la pratique du

journalisme lui-même, qui a largement abandonné ce qui était une de ses forces : le rôle des personnes. Quand j’étais un journaliste actif, nous étions des citoyens qui parlions aux autres. aujourd’hui, lorsque vous ouvrez un journal, hormis le quotidien Libération ou les hebdomadaires qui sont encore personnalisés, vous avez des pages très bien faites, mais où sont les individus, sinon dans le sinistre « people »? La presse s’est désincarnée. moi, j’avais l’impression de prendre mon lecteur par le revers de la veste pour lui parler, comme disait mauriac. Lui-même a été l’expression parfaite de ce type de journalisme. il était le grand écrivain qui disait « je » et s’adressait aux autres. nous étions, nous, des mauriac au petit pied. mais nous nous engagions personnellement. au Monde, le journal apparemment le plus pisse-froid de Paris, nous étions des êtres humains qui poussaient un cri, un gémissement ou lançaient un avertissement. nos successeurs ont autant de talent que nous, mais on n’entend pas « leur » voix.

Prèsdesoixante-cinqans après sa mort – le lundi 30 avril 1945, sous les décombres de Berlin – et la chute du iiie reich, le génie malfaisant d’adolf Hitler flotte toujours quelque part au-dessus de la ville de magdebourg, capitale du Land de saxe-anhalt, en ex-allemagne de l’est. c’est là que ses cendres, ainsi que celles d’eva Braun et des huit membres de la famille Goebbels, ont été dispersées une nuit sans lune d’avril 1970, après avoir été extraites d’un caveau secret enterré sous la base militaire soviétique du smersh (contre-espionnage), puis réincinérées, sur ordre exprès du chef du KGB iouri andropov. vladimir Gumenyuk, l’un des trois agents chargés de l’opération, ra-

Directeur de la rédaction de l’hebdomadaire Jeune Afrique.

Chez lui, à Paris, en janvier 2010.

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Seconde Guerre mondiale

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Mai 1945 : l’Europe se réveille au milieu des ruines et des cendres. Le Führer suicidé, le IIIe Reich anéanti, se pose alors la question des responsabilités face à l’horreur.

Portfolio

conte : « on a marché jusqu’au sommet d’une colline qui dominait l’elbe. Là, j’ai ouvert mon sac à dos de toile qui contenait les cendres et je l’ai secoué. sous l’effet du vent, un petit nuage brun s’est formé. en quelques secondes, il s’est évanoui. » du plus grand criminel de guerre de l’Histoire, il ne reste donc rien, aucun lieu, aucune trace, si ce n’est la mémoire encore vive de ses forfaits >>>

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Qui veut la paix assume la guerre

Symbole de la défaite nazie : un soldat de l’Armée rouge hisse le drapeau soviétique au sommet du Reichstag, à Berlin, le 30 avril 1945.

Islande

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À la fin de l’année 2008, ce petit pays d’Europe du Nord, l’un des plus riches au monde, était au bord de la banqueroute. Comment a-t-il pu en arriver là ?

De l’Irak à l’Afghanistan, les États-Unis doivent réparer ce qu’ils ont défait.

chronique d’un désastre annoncé Jacques Trauman

Ee U V E R d A n L du mo

L’Irak aux Irakiens Le retrait des troupes américaines a commencé et devrait être achevé en août 2010. Avec le général Odierno, commandant en chef. Bagdad, le 4 juillet 2009.

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N ° 24

En couverture Personnage atypique, le haut-commissaire aux Solidarités actives revendique sa liberté de parole. Quitte à devoir renoncer à son poste pour se faire entendre.

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Martin « Ministre » d’opposition

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JEAN

À la sortie du Conseil des ministres, le 18 février 2009.

Manifestation contre la politique du gouvernement, le 29 novembre 2008, à Reykjavík.

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l’ in te Pour

Journaliste chargé des économies du Sud et des matières premières à la séquence « économiesentreprises » du quotidien Le Monde.

TouT commence dans les années 1990, après la chute du communisme, à l’apogée du capitalisme triomphant. margaret Thatcher et ronald r reagan avaient ouvert la voie en dérégu­ r dérégu­ lant et en privatisant à l’excès. en 1991, david oddsson, 43 ans, ancien maire de reykjavík, r devient Premier ministre. il le restera treize ans, avant de devenir gouverneur de la Banque cen­ trale d’islande. rude personnage de saga qui pour­ r pour­ rait faire penser à saint olaf, roi de norvège dévot et conquérant, david oddsson est un fervent par­ tisan de l’économie libérale façon friedrich von Hayek et milton friedman – lequel fit d’ailleurs une conférence célèbre à reykjavík, en 1994, au cours r de laquelle il convertit une bonne partie de son auditoire. Politicien flamboyant du Parti de l’in­ dépendance, david oddsson s’autoproclame >>>

elligence pour l’int

Alain Faujas Drôle D’homme que martin hirsch, et drôle de « ministre » ! même son titre de haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, à la Jeunesse et à la vie associative fleure bon le fonctionnaire plutôt que le membre d’un gouvernement. avec son éternel sourire, son œil qui pétille et sa bonne bouille, il tient des propos qui détonnent dans une bouche de ministre, en général condamné à la solidarité gouvernementale et à la langue de bois. sa parole est libre, très libre. récemment encore, il a laissé entendre qu’il n’était d’accord ni avec les expulsions de sans-papiers afghans, ni avec les tests aDn pour vérifier la filiation d’un réfugié, ni avec les propos « malheureux » de son collègue de l’intérieur déclarant que les arabes posent un problème « quand il y en a beaucoup », ni avec ceux tenus sur les minarets qui défigureraient la France, ni avec >>>

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Président en deuil Seul, debout, au cœur de la nuit, face aux cercueils de dix-huit GI tombés en Afghanistan. Base de Dover (Delaware), le 29 octobre 2009.

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Banquier dans une grande institution financière française.

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obama la puissance et la modestie

Président en guerre Devant les cadets de l’académie militaire de West Point, Obama annonce à la nation l’envoi de 30 000 soldats supplémentaires en Afghanistan. Une guerre qu’il n’a pas choisie, mais qu’il va livrer. West Point, 1er décembre 2009.

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FOCUS 27 EN HAUSSE

RAMA YADE

VINCENT FOURNIER/J.A.

Elle se considère comme une « anomalie statistique ». Pourtant, dans un sondage CSA, les Français estiment que leur secrétaire d’État aux Sports est la « jeune personnalité politique » qui a le plus d’avenir.

HUMEUR

AMER HILABI

Zahi Hawass, le chef du Conseil suprême des antiquités égyptiennes, devant la momie du pharaon, en novembre 2007.

À seulement 31 ans, cet Américain d’origine indienne, musulman pratiquant, a été nommé par Barack Obama représentant spécial des ÉtatsUnis auprès de l’Organisation de la conférence islamique (OCI).

Toutankhamon et le mépris de la science

TSHITENGE LUBABU M.K. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 6 3 • D U 2 1 A U 2 7 F É V R I E R 2 0 10

TOURE BEHAN/SIPA

Le ministre sénégalais de la Santé a le vent en poupe. Il a obtenu le recrutement de 860 agents de santé en 2010 et a fait adopter une loi sanctionnant les discriminations envers les personnes affectées par le VIH/sida.

RAFIQ HUSSEINI

DR

Le chef du cabinet de Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, a été démis de ses fonctions. Il a tenté d’abuser de sa position pour obtenir les faveurs d’une jeune femme qui demandait un emploi.

YAHYA JAMMEH

REBECCA BLACKWELL/AP/SIPA

IL A FALLU TRENTE SIÈCLES pour qu’enfin, le 17 février, l’ADN parle, et que son analyse éclaircisse quelquesuns des mystères qui entouraient la momie du pharaon Toutankhamon. S’il est bien le fils d’Akhenaton (qui créa le culte du dieu unique Aton), il n’est pas, en revanche, celui de la sublime Néfertiti, et serait peut-être le fruit d’une union incestueuse. Toutankhamon est mort à 19 ans, rongé par l’arthrose et le paludisme. L’on sait désormais qu’il n’était pas androgyne, comme ses portraits le laissaient supposer. C’est Zahi Hawass, le flamboyant chef du Conseil suprême des antiquités égyptiennes, qui l’a lui-même annoncé au cours d’une conférence de presse au Caire. Cet homme, écrit un confrère, est « détesté par nombre d’archéologues européens ». Et pourquoi donc ? Hawass ferait, selon ces éminents savants, de l’« archéologie spectacle » parce qu’il convoque les médias pour parler de son travail. Il serait en outre « mégalo » et « avide d’honneurs ». Donc méprisable. Mais en quoi son caractère est-il de nature à disqualifier ses travaux ? La vérité est ailleurs. Ce qui dérange, c’est cette volonté affichée par l’Égypte de décider souverainement du sort de ses momies et d’exiger que son patrimoine jadis pillé par les puissances étrangères lui soit restitué. Cette arrogance des nantis, qui veillent jalousement sur leur propre patrimoine et croient être les seuls détenteurs du savoir, rappelle les malheurs de l’égyptologue sénégalais Cheikh Anta Diop. Pour avoir établi l’antériorité des civilisations noires et démontré que l’Égypte pharaonique était nègre, il fut traité comme un pestiféré, raillé, traîné dans la fange de la condescendance par les africanistes du Nord. Sa parole méritait le bûcher, rien de moins. Ces sommités ne pouvaient admettre l’idée d’une quelconque négritude dans l’édification de l’une des plus vieilles civilisations de l’humanité. Pourquoi se montrer si véhément ? Par amour de la science? Ou par refus de croire que l’Autre peut s’élever? Mais raciste, évidemment, personne ne l’est… ■

MODOU DIAGNE FADA

Le président gambien tient l’ONU et ses organisations en piètre estime. Le 16 février, il a expulsé la représentante résidente de l’Unicef, Kang Min-whee. Il avait déjà renvoyé son homologue du Pnud en février 2007.

RAJENDRA PACHAURI

L’Indien, président du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), est critiqué pour ses liens avec des sociétés pétrolières qui auraient en partie financé la publication de son roman, Retour à Almora.

CORBIS

BOURONCLE/AFP

RASHAD HUSSAIN

EN BAISSE


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ALGÉRIE

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FRANCE LA DÉCHIRURE L

CHERIF OUAZANI

lisme. Viendrait-il à être adopté qu’il entraînerait la création de juridictions spéciales chargées de juger les responsables politiques et militaires français pour les crimes de guerre perpétrés entre 1954 et 1962, et pour les crimes contre l’humanité qui auraient eu lieu durant la longue période coloniale (cent trente-deux ans de présence française en Algérie). Soutenue par

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es projets de loi déposés par les députés à l’Assemblée populaire nationale durant l’actuelle législature se comptent sur les doigts d’une seule main. Celui proposé, le 13 janvier 2010, par Moussa Abdi, élu du Front de libération nationale (FLN), fera date. Le texte demande la criminalisation du colonia-

WITT/SIPA

Jamais les sujets dʼincompréhension entre les deux pays nʼont été si nombreux et les tensions si profondes. Enquête sur des amants terribles.

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30 L’ENQUÊTE ▲ ▲ ▲

125 députés (sur 389), l’initiative est une réponse tardive à la loi française du 23 février 2005 qui reconnaissait les côtés positifs de la colonisation (texte finalement abrogé un an plus tard). Nouveauté : l’exigence de repentance, terme qu’abhorre le président Nicolas Sarkozy, ne suffit plus. En plus des excuses demandées à l’ancienne métropole et de la reconnaissance du « génocide », il lui serait désormais exigé des compensations financières, à l’image des accords entre l’Italie et la Libye qui prévoient des dédommagements à hauteur de 5 milliards de dollars sous forme d’investissements. Les poussées de fièvre entre Alger et Paris sont cycliques, mais celle que provoque la démarche du représentant du FLN est sans aucun doute la plus grave car elle menace durablement l’équilibre des relations entre les deux pays. D’autant qu’elle survient dans un climat déjà lourd. Les canaux de dialogue entre les deux capitales sont quasi nuls, les divergences sur des questions géostratégiques s’accumulent (ProcheOrient, Sahara occidental, problèmes de sécurité au Sahel, etc.) tandis que les contentieux juridiques et politiques se multiplient. RENDEZ-VOUS MANQUÉS

Les contacts à un haut niveau entre les deux pays deviennent rarissimes. Le dernier responsable français reçu par le président Abdelaziz Bouteflika fut le Premier ministre François Fillon.

Les contacts à un haut niveau entre les deux pays deviennent rarissimes. Cela remonte à juin 2008. Il séjournait à Alger pour préparer la visite d’État que devait effectuer Bouteflika en 2009 et qui n’a jamais eu lieu. À ce jour, « elle n’est pas inscrite dans le calendrier du président de la République », précise Mourad Medelci, ministre algérien des Affaires étrangères. Même les chefs de la diplomatie n’arrivent pas à caler un rendez-vous malgré les dossiers de coopération bilatérale qui encombrent leurs bureaux. Après avoir raté celui prévu à New York en septembre 2009, en marge des travaux de l’As-

3 QUESTIONS À…

MOHAMMED HARBI Historien algérien

JEUNE AFRIQUE : Comment expliquer qu’il soit si difficile de solder le passé entre la France et l’Algérie ? MOHAMMED HARBI : Cela vient de loin. Après l’indépendance, les Algériens ont considéré les accords d’Évian comme caducs sur certains points. Ils les ont révisés petit à petit de facto. Mais ces accords n’ont jamais été réexaminés de concert et globalement par les deux pays une fois la décolonisation devenue réalité. Et on ne s’est pas interrogé sur la nécessité de définir une politique mémorielle. On ne pouvait donc que se diriger vers un conflit permanent. Les Algériens ont adopté une position victimaire. Et les Français, notamment en raison de l’activisme des groupes de pression pieds-noirs, ont voulu qu’on continue à considérer le passé comme si rien n’avait changé. Beaucoup de pieds-noirs, d’ailleurs, semblent toujours ne pas être sortis de la guerre. Il y a cependant eu des discussions autour d’un traité d’amitié pendant plusieurs années jusqu’en 2005. Il serait intéressant de savoir de quoi on a débattu et sur quoi on a achoppé alors — avant que la fameuse loi sur les bienfaits de la colonisation ne précipite la crise. Le point crucial était-il celui de la double nationalité, comme l’ont laissé entendre certains ?

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Les demandes de l’Algérie – repentance, reconnaissance de crimes de guerre – sont-elles légitimes ? Cette histoire de repentance a d’abord été mise en avant ici et là à propos de la Shoah. L’Algérie a décidé de reprendre ce thème à son compte. Mais la vraie question n’est pas celle-là. L’essentiel, c’est la responsabilité historique de l’État français par rapport à la colonisation. Et les Français se montrent très rigides à ce sujet. Ils se sont par exemple excusés pour la terrible répression à Madagascar, par la voix de Jacques Chirac. Mais jamais pour les souffrances des Algériens. Il y aurait certainement moins de crispation entre les deux pays si la France reconnaissait simplement cette responsabilité historique. La réconciliation est à ce prix.

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Que faire pour en finir avec cette situation entre les deux pays ? Il faut faire une distinction entre ce qui a trait aux États et ce qui concerne les sociétés civiles. Du côté des États, il faudra beaucoup de temps pour qu’on avance. La situation, manifestement, n’est pas encore mûre. Du côté de la société civile, en revanche, beaucoup a déjà été fait et cela devrait continuer, ce qui aidera petit à petit à dépasser le contentieux né de la guerre. Quand Mme de Bollardière, la veuve du général, anime une association d’anciens appelés français qui consacrent leur retraite de combattant à financer des projets en Algérie, c’est remarquable et remarqué. Et il y a eu bien d’autres exemples, notamment des livres et des colloques regroupant des historiens des deux pays. Même si, hélas, certains historiens algériens hésitent encore parfois à officialiser ces initiatives en « oubliant » de livrer le texte de leurs interventions pour publication. ■

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Propos recueillis par RENAUD DE ROCHEBRUNE

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ALGÉRIE-FRANCE

BENJAMIN STORA Historien français, professeur à l’université Paris-XIII

LA DÉCHIRURE 31

semblée générale des Nations unies (la rencontre n’a duré que quelques minutes à cause des divergences à propos de son contenu et du refus de Bouteflika de rencontrer Sarkozy), Ber nard Kouchner et Mourad Medelci ont, d’un commun accord, reporté le voyage que devait effectuer à la mi-janvier 2010 le ministre français des Affaires étrangères à Alger. UN PASSÉ QUI NE VEUT PAS PASSER

Près d’un demi-siècle après l’indépendance, les démons du passé polluent le présent et obèrent l’avenir des relations entre l’Algérie et l’ancienne puissance coloniale. Toutefois, les questions de mémoire n’expliquent pas à elles seules les convulsions cycliques qui caractérisent le dialogue franco-algérien. De puissants lobbies hostiles à toute normalisation existent de part et d’autre: nostalgiques de l’Algérie française dans

Pourquoi cette incapacité française à reconnaître les fautes, voire les crimes, du passé ? La question n’est pas de demander pardon, mais de dire ce qui s’est passé. Jacques Chirac l’a fait en 2005 pour Madagascar. On n’a pas encore entendu ce type de discours sur la guerre d’Algérie. Le nationalisme français et l’orgueil national se sont façonnés autour de cet empire colonial. Le sentiment d’abaissement ou de rétrécissement à la suite de la décolonisation n’a pas été assumé. Avec les conséquences que l’on voit aujourd’hui autour du concept de l’identité nationale. Par sa magie du verbe, de Gaulle avait réussi à dépasser cela. Mais dans le fond, la France a du mal à repenser un nationalisme sans l’empire. Une difficulté d’ailleurs propre à tous les pays européens qui ont un passé colonial. Malgré les blocages apparents, l’effervescence actuelle sur ces questions pourrait bien faire de la France la première à reconnaître ses torts.

l’Hexagone, rentiers de la légitimité révolutionnaire dans l’ex-colonie. Ces groupes de pression, adversaires hier, alliés objectifs aujourd’hui, empêchent toute approche pragmatique dans les relations entre les deux pays. En France, ils se recrutent dans les associations de rapatriés d’Afrique du Nord, tel le Recours. En Algérie, on les trouve au sein de Machaal Echahid (« Le Flambeau du martyr ») ou encore de la Fondation du 8-Mai-1945. Ils paralysent toute initiative de rapprochement, fût-elle l’émanation de la plus haute autorité du pays. Trois anecdotes illustrent le blocage de toute démarche visant à assainir le lourd passif. En juin 2000, Abdelaziz Bouteflika effectue une visite d’État à Paris. L’ambiance est plutôt cordiale avec son homologue Jacques Chirac. En signe de bonne volonté, il invite les rapatriés d’Algérie à « investir » dans leur « pays natal ». Et adresse une invitation personnelle au plus connu des pieds-noirs: le chanteur Enrico Macias. Tollé en Algérie et mobilisation sans précédent de la « famille révolutionnaire », terme générique désignant les associa-

PHILIPPE MATSAS/OPALE

JEUNE AFRIQUE : La proposition de 1 loi en Algérie pour « criminaliser » le colonialisme survient après la loi française sur les bienfaits de la colonisation, en 2005. Comment sortir de cette concurrence mémorielle ? BENJAMIN STORA : Cela va être difficile. Le fossé n’a cessé de s’élargir avec cette guerre des mémoires. En France, les partis politiques pourraient officiellement condamner l’entreprise coloniale. Le président Nicolas Sarkozy a reconnu dans son discours de Constantine, le 5 décembre 2007, que le système colonial était injuste, mais il faudrait un consensus plus large. La gauche est davantage dans une tradition de condamnation. Mais elle était au pouvoir, avec Guy Mollet (1956-1957), pendant la bataille d’Alger. François Mitterrand était garde des Sceaux. Il faut donc un examen critique profond. En Algérie, il y a unanimité pour dénoncer le système colonial. Mais, cinquante ans après l’indépendance, il faudrait être davantage tourné vers les défis de l’avenir pour que l’Histoire ne soit pas utilisée pour justifier les insuffisances du présent.

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Comment accélérer ce mouvement de reconnaissance ? Du discours du Vél d’Hiv en 1995 à celui sur Madagascar en 2005 ou sur l’esclavage en 2006, Jacques Chirac a considérablement fait progresser les questions mémorielles. Rappelons que sa visite en Algérie en 2003 avait été un grand succès. Pour relancer cette dynamique, il faut inventer des initiatives communes sur le plan symbolique. Difficile d’envisager un lieu comme celui du cimetière de Verdun entre la France et l’Allemagne. Mais on peut réfléchir à une réconciliation entre anciens combattants. On ne fait la paix des mémoires qu’avec ceux qui se sont combattus. Et puis, il y a les enfants de soldats, de harkis et de combattants de l’ALN… qui ne sont responsables de rien et qui pourraient trouver des espaces de réconciliation. ■

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Propos recueillis par PHILIPPE PERDRIX

De puissants lobbies hostiles à toute normalisation existent de part et d’autre.

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32 L’ENQUÊTE LES COUPLES PRÉSIDENTIELS

L’histoire commune à l’Algérie et à la France a mis ces hommes d’État face à face. Au même moment au pouvoir, comment s’entendaient-ils ? Comment se percevaient-ils ?

CHARLES DE GAULLE HOUARI BOUMÉDIÈNE

Estime réciproque De Gaulle salue en Boumédiène un incontestable homme d’État. Pour le président algérien, de Gaulle incarne la figure du vrai chef, le dirigeant d’un exécutif fort, une sorte de Bonaparte. GEORGES POMPIDOU HOUARI BOUMÉDIÈNE

Premières tensions Entre Pompidou et Boumédiène, peu de rapports, donc peu à dire sur leurs relations. Mais c’est le début de la tension entre les deux pays (crimes racistes en France,

L’affrontement Pour Boumédiène, Giscard est un revanchard, sinon un nostalgique de l’Algérie française. Et les sujets d’affrontement ne manquent pas (pétrole, Sahara occidental, etc.). L’épreuve de force commence.

ERICH LESSING/AKG-IMAGES

VALÉRY GISCARD D’ESTAING HOUARI BOUMÉDIÈNE (2)

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FRANÇOIS MITTERRAND CHADLI BENDJEDID (3)

Le temps de la détente Mitterrand voit en Bendjedid un réformateur. Toutes proportions gardées, une sorte de Gorbatchev algérien. Et Bendjedid se dit qu’il peut compter sur Mitterrand pour le soutenir. JACQUES CHIRAC LIAMINE ZÉROUAL (4)

La distance Avec Chirac à l’Élysée, face à Zéroual et aux autres

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tions et partis algériens se réclamant du nationalisme pur et dur. Un comité « anti-Macias » est même créé. À sa tête : Abdelaziz Belkhadem, alors ministre d’État, représentant permanent de Bouteflika. La mobilisation est si forte que la visite du plus illustre rapatrié est annulée. Enrico Macias ne reverra pas sa ville natale, Constantine. Oran, mars 2003. Près de 1 million d’Algériens réservent un accueil triomphal à Jacques Chirac, ce « héros arabe ». Pour la première fois depuis l’indépendance, des dizaines de milliers de drapeaux français ornent les balcons d’Oran. Oubliées les accusations de torture de l’armée coloniale et les « corvées de bois » des paras de Bigeard. Chirac évoque un traité d’amitié et en esquisse les contours avec son hôte. Mais quelques mois plus tard, des députés proches du président français torpillent son projet en proposant la fameuse loi qui sera adoptée en février 2005.

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UZAN GILBERT

L’acceptation mutuelle De Gaulle observe avec curiosité les premiers pas comme chef d’État de l’ancien leader du FLN. Ben Bella éprouve du respect pour le personnage historique avec lequel la paix a été signée.

nationalisation du pétrole en Algérie).

DALMAS/SIPA

CHARLES DE GAULLE AHMED BEN BELLA (1)

présidents du temps de la guerre civile, les deux pays ont tendance à s’ignorer. La

En décembre 2007, Nicolas Sarkozy effectue sa première visite en Algérie en qualité de président de la République. À la veille de son arrivée, Mohamed Cherif Abbas, ministre algérien des Moudjahidine (Anciens Combattants), déclare que « Sarkozy ne doit son élection qu’au soutien du lobby juif en France ». Ces propos antisémites embarrassent Bouteflika, qui ne prend pas pour autant de sanctions contre le gaffeur…

séparation entre la France et l’Algérie est ressentie de part et d’autre. Une distance s’installe.

mieux avec Jacques Chirac, ex-bidasse dans le djebel algérien, qu’avec Nicolas Sarkozy, encore en culottes courtes au moment de la guerre. À ses yeux, le côté florentin du premier vaut mieux

La posture gaulliste de Chirac trouvait grâce aux yeux de Bouteflika.

UNE QUESTION DE PERSONNES

Les lobbies antinormalisation ont donc leur part de responsabilité, mais l’entente entre les dirigeants joue également un rôle important dans les relations diplomatiques. Paradoxalement, pour Bouteflika, ancien commandant de l’Armée de libération nationale, le courant passait

que l’hyperactivité du second. Il préfère la malheureuse formule de Chirac sur « le bruit et l’odeur » à « l’immigration choisie » de Sarkozy, estimant que si la première insulte, la seconde encourage la fuite des cerveaux. Quand ce dernier, à l’occasion de son voyage en Algérie, l’avait remercié pour les conseils qu’il lui avait prodigués alors qu’il était candidat à l’Élysée, Bouteflika l’avait interrompu pour lui préciser qu’il

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JACQUES CHIRAC ABDELAZIZ BOUTEFLIKA

CHRISTOPHE GUIBBAUD/ABACAPRESS.COM

Le réchauffement Ils s’apprécient, le couple fonctionne bien. Mais il y a l’accroc du vote du Parlement français sur les « aspects positifs de la colonisation ». NICOLAS SARKOZY ABDELAZIZ BOUTEFLIKA (5)

La discorde Les propos de Sarkozy sur l’Algérie – un pays dont les habitants vivent trop dans le passé, selon lui – passent mal, et la querelle autour de la repentance réclamée par Alger provoque la déchirure.

LA DÉCHIRURE 33

5 ment avec la multiplication d’affaires judiciaires qui embarrassent Alger. L’affaire Hasseni, d’abord, du nom du chef du protocole du ministère algérien des Affaires étrangères accusé par un déserteur de l’armée algérienne d’être impliqué dans l’assassinat de l’opposant André Ali Mecili, en 1987, à Paris. Interpellé à Marseille en août 2008 et mis en examen depuis, Hasseni, qui dénonce une homonymie avec le réel commanditaire, a dû attendre plus de dix-huit mois avant que le parquet requière un non-lieu. LE SECRET-DÉFENSE S’EN MÊLE

Autre instruction judiciaire embarrassante : celle de l’assassinat des moines de Tibéhirine (voir p. 35), en 1996, mise sur le dos de l’armée algérienne par l’étrange témoignage, treize ans après les faits, de l’ancien attaché de défense de l’ambassade de France à Alger. La réouverture de l’instruction a provoqué

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une levée immédiate du secret-défense en France. Ce même secret-défense qui est invoqué chaque fois que les Algériens réclament, en vain, la restitution d’archives qui les concernent, notamment la localisation des lieux d’enfouissement des déchets nucléaires. Là aussi, nouveau motif de tension. Entre 1960 et 1966, la France a procédé à 17 essais nucléaires à Reggane (à 1700 km au sud d’Alger) et à In Ekker, da n s la rég ion de Ta ma n ra sset. « L’armée française a attendu plus de quarante-cinq ans avant de nous remettre les plans de pose de mines antipersonnel aux frontières avec la Tunisie et le Maroc. Combien de temps attendra-t-elle avant de nous remettre la liste des sites où elle a enterré ses déchets nucléaires ? » s’interroge Abderrahmane Leksassi, animateur de l’Association des victimes algériennes des essais nucléaires (Avaen). À l’occasion du cinquantenaire de

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s’agissait « d’avertissements et non de conseils ». Un langage qu’on ne le voit pas tenir à un Chirac. Simple décalage générationnel ? Peut-être, mais qui n’explique pas tout. La posture gaulliste de Chirac trouvait grâce aux yeux du président algérien, contrairement à l’alignement systématique de Sarkozy sur les positions américaines, notamment au Proche-Orient. Plus grave, l’hostilité affichée par les ministres français à propos des mesures restrictives en matière d’investissements étrangers et d’importations, adoptées en juillet 2009, a irrité Bouteflika. « Nous avons très peu apprécié, note un proche collaborateur de ce dernier, les menaces proférées par le gouvernement français de mobiliser ses alliés de l’Union européenne pour obtenir de l’Algérie qu’elle fasse marche arrière. » Comme si tout cela ne suffisait pas, la première moitié du quinquennat de Nicolas Sarkozy coïncide égale-

ASLAN/ABD RABBO/LEVINE/NIVIÈRE/SIPA

AVENTURIER PATRICK

ALGÉRIE-FRANCE


34 L’ENQUÊTE LE POIDS DES MOTS

« Peu de pays entretiennent des relations aussi profondes, charnelles, complexes que l’Algérie et la France… Le temps est venu de regarder l’avenir avec sérénité. » Jacques Chirac, le 2 mars 2003 « Une page est bien tournée et c’est à partir de ces peines partagées et de ces aspirations communes que nous nous attachons à construire un avenir plus serein. » Abdelaziz Bouteflika, le 16 août 2004 « Les Français n’ont pas d’autre choix que de reconnaître qu’ils ont torturé, tué, exterminé. » Abdelaziz Bouteflika, le 25 août 2005 « La colonisation a réalisé un génocide de notre identité, de notre histoire, de notre langue et de nos traditions. » Abdelaziz Bouteflika, le 17 avril 2006

Dessin publié dans le quotidien algérien Liberté le 17 février 2010.

« Gerboise bleue » (nom de code du premier tir de bombe nucléaire), le 13 février, l’avocate Fatma Benbraham a a n n on c é q u ’e l le d i s p o s a it de suffisamment de preuves pour attaquer devant les tribunaux internationaux la France pour génocide. « Un rapport militaire français relève la présence au moment des expériences nucléaires de quelque 40000 habitants dans cette région, entre nomades et sédentaires,

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« Je déteste cette repentance qui est une forme de la détestation de soi. La France n’a pas à avoir honte de son histoire. » Nicolas Sarkozy, le 17 avril 2007 « Je ne suis pas de cette génération sur laquelle pèse l’Histoire. » Nicolas Sarkozy, le 10 juillet 2007 « L’Algérie attend la reconnaissance des crimes commis sur son territoire durant les cent trente-deux ans d’occupation française. » Mohamed Cherif Abbas, ministre algérien des Anciens Combattants, le 2 mai 2009 « Je crois qu’ils [les crimes commis par des Français en Algérie] ont été traités, pour beaucoup d’entre eux, juste après la guerre d’Algérie. Moi, mon sentiment, c’est qu’il faut dépasser cela. » Éric Besson, ministre français de l’Immigration et de l’Identité nationale, le 8 février 2010 « Ce projet de loi se fixe pour objectifs de criminaliser le colonialisme et d’exiger de la France qu’elle reconnaisse tous les crimes commis durant sa présence en Algérie, présente des excuses officielles au peuple algérien et verse des compensations financières. » Moussa Abdi, député algérien, le 14 février 2010

Une manière d’internationaliser sa démarche pour la rendre plus efficace. C’est ainsi que des élus algériens parmi les signataires de la proposition de loi ont tenté, lors d’une mission parlementaire au Vietnam durant la première semaine de février, de convaincre leurs interlocuteurs du bien-fondé de leur projet. Ce qui n’a pas manqué de déclencher la colère d’Hubert Falco, secrétaire d’État français aux Anciens Combattants. Dernier dossier qui fâche : l’inscription de l’Algérie sur la liste des pays dont les ressortissants sont à surveiller dans les aéropor ts. « C ’est inacceptable, réagit Abdelaziz Belkhadem, ministre d’État et patron du FLN. La France parle de partenariat d’exception mais agit de manière discriminatoire à notre encontre. Si Paris persiste, il y aura des mesures de réciprocité. » Les Français privés de visa ? La guerre serait véritablement ouverte… Ce serait dramatique, car, pour la majorité des Algériens, méconnaissant leur histoire – qui n’a jamais réellement été écrite –, la France n’est ni le général Aussaresses ni le général Massu. C’est un peu plus « Sarko », Hortefeux ou Besson. Mais c’est aussi, et surtout, Zidane, Diam’s, Akhenaton ou Isabelle Adjani. Tous ceux qui, à leurs yeux, incarnent la France qu’ils aiment. ■

Pour la majorité des Algériens, la France n’est ni Aussaresses ni Massu. explique-t-elle. Cela contredit la version officielle soutenant que les essais ont eu lieu dans des zones sans vie, comme l’avait promis le représentant de la France aux Nations unies en 1957. » L’avocate, soutenue par une communauté de chercheurs et d’historiens algériens, apporte ainsi la caution de la société civile à l’avant-projet de loi de Moussa Abdi. Dans une interview qu’il nous a accordée (J.A. no 2562), le député n’a d’ailleurs pas fait mystère de sa volonté d’associer les parlementaires des autres anciennes colonies françaises au projet de criminalisation de la colonisation. Il compte évoquer la question avec des élus marocains et tunisiens.

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ALGÉRIE-FRANCE

LA DÉCHIRURE 35

En attendant des jours meilleurs, Paris temporise Face aux critiques algériennes, le Quai dʼOrsay et lʼÉlysée patientent. Et relativisent les dossiers qui fâchent.

À

Hortefeux, a révélé que Paris imposait depuis avril 2009 des mesures restrictives aux passagers d’avions venant d’Algérie et de six autres « pays à risque » (le Mali, le Yémen, la Syrie, l’Iran, l’Afghanistan et le Pakistan). À vrai dire, le fidèle des fidèles de Nicolas Sarkozy a parlé un peu vite. S’il avait consulté l’Élysée et le Quai d’Orsay, il n’aurait sans doute pas divulgué cette liste. « C’est une bévue », reconnaît un décideur français. LA QUERELLE DES TRAPPISTES

Au regard de ces deux dossiers, l’affaire des moines de Tibéhirine semble plus facile à gérer, du moins du côté français. Certes, un ancien attaché de défense à l’ambassade de France à Alger laisse entendre que les sept trappistes français auraient été tués en 1996 à la suite d’une bavure de

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Paris, on parle de « refroidissement ». Sous-entendu : « Cela peut se réchauffer. » Vu de France, il y a deux sujets qui fâchent avec l’Algérie : l’affaire Hasseni et la liste des pays à risque. « Oui, c’est vrai, cela fait dixhuit mois que M. Hasseni est mis en examen. C’est long et nous pouvons comprendre que les Algériens soient en colère, concède un haut fonctionnaire français. Mais le parquet de Paris vient de requérir un non-lieu. Et si, dans les prochaines semaines, le juge va dans le même sens, ce sera un caillou de moins dans la chaussure. Cela dit, le juge est souverain. » Autre pomme de discorde : la liste noire. Au lendemain de l’attentat manqué d’Al-Qaïda contre le vol Amsterdam-Detroit du 25 décembre 2009, le ministre français de l’Intérieur, Brice

l’armée algérienne. Certes, Nicolas Sarkozy affirme qu’« il n’y aura pas de secret-défense sur cette affaire ». De fait, en novembre dernier, des documents sur ce drame ont été déclassifiés à Paris. Mais dès juillet dernier, lors du G8 à L’Aquila, en Italie, Nicolas Sarkozy a cherché à calmer le jeu : « Pourquoi voulez-vous qu’avec le président algérien nos relations s’en trouvent bouleversées ? Que la justice dise la vérité. Moi, je m’en tiens au communiqué n o 44 du GIA [Groupe islamique armé] en 1996 revendiquant l’assassinat des moines. » Bien sûr, il reste encore la querelle de mémoire. La France va-t-elle présenter des excuses pour les crimes commis pendant la période coloniale ? « C’est vrai, Chirac l’a fait en 1995 pour les Juifs déportés sous l’Occupation. Mais était-ce la même situation historique ? demande un diplomate français. Et après cela, ne va-t-on pas nous demander une indemnisation ? Sarkozy est allé plus loin que ses prédécesseurs. À Alger, en

RABAT ET TUNIS « TOURNÉS VERS L’AVENIR » « JE COMPRENDS LA DOULEUR DES ALGÉRIENS et même leur colère. La colonisation qu’ils ont subie a été plus longue et plus dure que notre protectorat. Néanmoins, je pense qu’il ne sert à rien de rester otage du passé et d’en arriver à de telles extrémités », affirme un député marocain sous le couvert de l’anonymat. Pour ce parlementaire, la relation passionnelle entre l’Algérie et la France est contre-productive. « Au Maroc, la colonisation n’est plus un sujet central dans nos relations avec la France ou l’Espagne. Il nous arrive de l’évoquer en marge de certaines réunions internationales. Mais l’essentiel c’est d’être des partenaires et de regarder vers l’avenir », ajoute-t-il. En Tunisie, on porte le même regard sur le couple infernal franco-algérien. « Pour les Tunisiens, la page de la colonisation est tournée. Ce type de ressentiment est totalement étranger à notre culture politique. D’ailleurs, c’est tout le sens du réformisme à la tunisienne: la colonisation étant une conséquence du sous-développement, il faut se développer, regarder vers l’avenir et ne plus être des victimes », considère un universitaire tunisien. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 6 3 • D U 2 1 A U 2 7 F É V R I E R 2 0 10

Cela n’empêche pas certains hommes politiques de se faire de temps en temps les hérauts de l’antiimpérialisme. Non sans une certaine dose de démagogie… L’un des candidats à la dernière présidentielle tunisienne, Ahmed Inoubli, avait officiellement demandé à la France des excuses pour la colonisation. Au Maroc, ce sont des parlementaires de l’Istiqlal et de l’USFP qui ont saisi le gouvernement en novembre 2008 pour demander des excuses à l’Espagne et à la France. Mais ces poussées de fièvre sporadiques ne sont jamais suivies d’effet et restent la plupart du temps liées à des tensions conjoncturelles. « Les Algériens interprètent le peu de combativité des Marocains et des Tunisiens sur la question coloniale comme un déni d’Histoire ou comme le signe d’une mollesse de leurs sociétés. C’est un argument auquel sont sensibles les mouvements nationalistes marocains et tunisiens. Ils ne manquent pas de jouer cette carte quand ça les arrange! » explique le politologue marocain Mohamed Tozy. ■ LEÏLA SLIMANI


36 L’ENQUÊTE ▲ ▲ ▲

décembre 2007, il a déclaré que le système colonial avait été profondément injuste. Notre ligne, c’est la reconnaissance, pas la repentance. » Paris continue donc d’espérer que le président Abdelaziz Boutef lika

reviendra à ses bonnes dispositions de 2007. À l’époque, il se félicitait que le nouveau chef de l’État français soit moins « marocophile » que Jacques Chirac et veuille rééquilibrer les relations françaises vis-à-

vis d’Alger et de Rabat. Si l’affaire Hasseni se dénoue, le ministre français Bernard Kouchner souhaite se rendre à Alger. Peut-être en mars ou en avril… ■ CHRISTOPHE BOISBOUVIER

Partenaires particuliers Rattrapée par la Chine, la France perd des marchés à lʼexportation et tente de sauver la mise en investissant sur le long terme. Trop tard ? du nouveau « protectionnisme » algérien et du « gel » de certains contrats. Le tout sur fond de crise politique, de méfiance et de règlements des comptes… du passé colonial. 3,5 MILLIARDS D’EUROS DE PROJETS

L’Algérie ne représente qu’à peine 1 % du commerce extérieur de la France et 5 % de ses importations d’hydrocarbures (gaz et pétrole). C’est donc marginal. Et cela explique le p e u d ’i nt é r ê t de s g r a nde s e nt r e pr i s e s françaises à son égard, qui préfèrent s’installer en Tunisie et au Maroc. Un cercle vicieux devant se refermer, il est logique qu’à force les exportateurs de marchandises françaises voient leur part du marché se rétrécir. Cette dernière est tombée à 16 % des achats algériens en 2009, contre 24 % en 1992. La France demeure encore le premier

Paris a perdu sa place de premier client. Celle de premier fournisseur est menacée. mencé à envisager Alger autrement que comme un « marché à l’export ». Le rattrapage du temps perdu semble aujourd’hui un peu tardif. Deux chiffres illustrent ce déséquilibre : les échanges annuels de marchandises (import et export) varient entre 8 et 10 milliards d’euros par an (chiffres de 2008 et 2009). Mais les investissements annuels français en Algérie sont inférieurs à 500 millions d’euros. Or qui dit investissement dit partenariat durable, de long terme et d’égal à égal. Le commerce, en revanche, peut n’être fondé que sur une relation ponctuelle, intéressée et à court terme. Année après année, ce déséquilibre entre les échanges commerciaux et les investissements a créé une véritable déchirure. L’Algérie s’est mise à loucher ailleurs, vers la Chine, l’Inde, la Turquie, le Brésil, la Corée du Sud… Et la France de se plaindre à son tour

SAMIR GHARBI

PARTS DE LA FRANCE DANS LE COMMERCE EXTÉRIEUR DE L’ALGÉRIE

Dans Da les importations algériennes

En pourcentage

Dans les exportations algériennes Da

25 20 15 10 5

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

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SOURCES : ONS-CCFA

L

es relat ions économ iques ent re les deu x pay s n’ont jamais été très équilibrées, ce qui génère, depuis plusieurs décennies, déceptions et frustrations. Bon panier de matières premières et gros marché de consommateurs : voilà comment la France a longtemps considéré l’Algérie. Ce n’est qu’à la fin des années 1990, voyant que ses positions commerciales étaient menacées par les concurrents, qu’elle a com-

fournisseur de l’Algérie, mais elle est désormais talonnée par la Chine, qui est passée de dixième en 1992 à deuxième en 2009, avec une part de 12 % (contre 2 % au début des années 1990). La France, qui a déjà perdu sa place de premier client de l’Algérie au profit de l’Italie (en 1990), risque donc de perdre sa place de premier fournisseur au profit de la Chine, cette année ou l’an prochain. Pou r i nver ser la tenda nce, les autorités françaises tentent, depuis quelques années, d’encourager leurs investisseurs à s’implanter en Algérie. Selon le Medef, les projets en cours sont estimés à 3,5 milliards d’euros, c’est-à-dire davantage que tous les investissements nets réalisés en une vingtaine d’années (2,2 milliards d’euros). On pense à des usines de tramways, de pièces automobiles, de véhicules de pompiers… Ils viendront conforter la présence des banques et des assurances, de la grande distribution, des fabricants de pneus ou de ciment, des usines de médicaments et des exploitants d’hydrocarbures. ■


LA DÉCHIRURE 37

Jour d’allégresse le 18 novembre 2009 à Paris, quand les Fennecs se qualifient pour la Coupe du monde de football.

Je tʼaime moi non plus Algériens ou dʼorigine algérienne, ils sont plus de 1 million installés dans lʼHexagone. Et vivent parfois difficilement leur double identité.

S

tade de France, 6 octobre 2001. L’équipe de France rencontre la sélection algérienne. Certes le match est amical, mais il revêt un caractère capital. Pour la première fois depuis l’indépendance, en juillet 1962, Français et Algériens s’opposent sur un terrain de football. Un homme symbolise ce trait d’union entre la France et son ancienne colonie autant qu’il constitue le parfait exemple « d’intégration à la française » : Zinedine Zidane, champion du monde en 1998. Fils d’immigrés originaires de Kabylie, la star des Bleus revendique naturellement sa nationalité et sa culture française tout en affirmant puiser son histoire dans celle de ses aînés algériens. L’image est d’Épinal, peut-être. Mais, à la fin des années 1990, elle marque les esprits et, surtout, symbo-

lise assez bien ce que pense le million de ceux qui, comme lui, ont un pied en France et l’autre en Algérie. AIMER LES DEUX PAYS

Mais voilà ! En ce mois d’octobre 2001, le match tourne au grand fiasco. La Marseillaise est d’abord sifflée avant que la rencontre ne soit carrément arrêtée après l’invasion du terrain par des centaines de jeunes, majoritairement issus des banlieues. Bien que ces derniers ne représentent pas l’ensemble de la communauté algérienne, ils n’en illustrent pas moins les rapports qu’entretiennent les Algériens (ou les Français d’origine algérienne) avec la France : entre amour et haine. Ceux qui ont envahi le Stade de France et conspué l’hymne national n’étaient-ils pas présents sur les Champs-Élysées un certain

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12 juillet 1998 pour fêter dans la joie et la bonne humeur la victoire de la France contre le Brésil ? Les Algériens sont comme ça. Ils aiment vivre en France. Ils épousent des Françaises et donnent parfois des prénoms français à leurs enfants, boivent du vin et mangent éventuellement du cochon, vibrent pour les exploits des Tricolores et considèrent Marseille comme la quaranteneuv ième w ilaya d’A lgérie. Mais ils demeurent ombrageux, crispés, circonspects, chatouilleux dès que l’on aborde l’histoire commune des deux pays. Dans l’un de ses sketchs désopilants intitulé « Babor Australie », le comédien et humoriste Fellag décrit le rapport ambivalent qui lie ses compatriotes à la France. Les Algériens ont mené la guerre aux Français pendant sept ans pour les bouter hors d’Algérie, mais si la France devait ouvrir ses frontières, 30 millions d’Algériens y débarqueraient aussitôt. ■ TAYEB BELMADI

PREVOST

ALGÉRIE-FRANCE


38 AFRIQUE SUBSAHARIENNE

CÔT E D ʼI VO IR E

LUC GNAGO/REUTERS

COUP DE POKER

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AFRIQUE SUBSAHARIENNE 39

À ABIDJAN

En prononçant la dissolution du gouvernement et de la Commission électorale indépendante (CEI), Laurent Gbagbo a ouvert une crise profonde. Lʼopposition dénonce un « coup dʼÉtat » et promet davantage de manifestations. Des deux côtés de lʼancienne ligne de front, rebelles et forces loyalistes sont sur le qui-vive. Le pire pourra-t-il être évité ? Décryptage.

PASCAL AIRAULT avec BAUDELAIRE MIEU à Abidjan

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L’annonce du chef de l’État, le 12 février, a plongé le pays dans l’incertitude. Et entraîné sine die le report de la présidentielle J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 6 3 • D U 2 1 A U 2 7 F É V R I E R 2 0 10

Pourquoi le président Laurent Gbagbo a-t-il dissous le gouvernement et la CEI?

L’idée le démangeait depuis longtemps. Déjà, en juillet 2008, il avait tenté de convaincre le Premier ministre, Guillaume Soro, de mettre en place un gouvernement de technocrates pour aller à la présidentielle. Ce dernier l’en avait dissuadé au nom de l’équilibre politique. Depuis la signature des accords de Linas-Marcoussis, en janvier 2003, les différents gouvernements de « réconciliation » ont pourtant montré leurs limites. Les ministres se consacrent essentiellement à la politique dans la perspective d’un scrutin sans cesse repoussé et négligent les tâches pour lesquelles ils ont été nommés. L’opposition, qui pourtant aurait eu là l’occasion de montrer qu’elle était plus vertueuse que le parti au pouvoir, ne s’est pas mieux comportée. Les audits des filières café-cacao, par exemple, attestent de détournements gigantesques qui n’ont pas seulement profité au camp présidentiel. L’argent de l’État a servi notamment à financer les partis, en campagne depuis des mois. Peu de voix se sont d’ailleurs élevées, depuis le 12 février, pour défendre le bilan des ministres sortants. Aujourd’hui, le Rassemblement des républicains (RDR) et le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) ont beau dénoncer un coup d’État, un nouveau gouvernement plus resserré et composé de technocrates ne déplaira pas à l’opinion. En tout cas dans le principe. Car la décision de dissoudre est moins motivée par les carences de ce gouvernement que par un calcul politique. En excluant les ministres de l’opposition, le chef de l’État leur ôte une tribune et surtout leur coupe les vivres. Plus de cagnotte pour le parti, plus de moyens de la part de l’État pour faire campagne, moins de visibilité… Dès son annonce télévisée, le 12 février, le président Gbagbo a retiré aux ministres leur garde rapprochée et leur véhicule, et a fait fermer leurs bureaux, alors qu’ils espéraient encore pour certains sauver leur tête.


Le plus sérieux revers pour l’opposition réside dans la dissolution de la Commission électorale indépendante (CEI), qu’elle dominait. Cette structure a été jugée trop politisée, mais aussi, si l’on en croit les critiques des bailleurs de fonds et de la société civile, dispendieuse et mal organisée. Et, surtout, en s’accrochant à son poste, son président, Mambé Beugré – coupable ou non de fraude –, a donné au chef de l’État un excellent prétexte pour se débarrasser d’une CEI jugée hostile. Ces manœuvres retardent encore une fois l’élection et ajoutent de l’eau au moulin de ceux qui accusent le chef de l’État d’avoir peur de se confronter au verdict des urnes.

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SIA KAMBOU/AFP

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Y a-t-il un danger pour la paix?

Tout dépendra de l’issue des négociations sur le gouvernement et la CEI. Il ne faut pas oublier que le combat initial des rebelles consistait à donner des pièces d’identité aux Ivoiriens et à organiser des élections ouvertes à tous, libres et transparentes. Néanmoins, l’unité est loin de régner au sein des Forces nouvelles (FN, ex-rébellion). Certains chefs de guerre sont derrière Alassane Ouattara quand d’autres sont fidèles au Premier ministre. Face à la montée des tensions, les FN ont mis leurs troupes en alerte maximale. Idem à Abidjan, où les patrouilles ont été renforcées. Le dispositif d’écoutes téléphoniques a été étendu : les hauts gradés sont

Manifestation à Abidjan, le 17 février.

lable » et ont « exhorté tous les acteurs à s’impliquer à ses côtés dans la consolidation des efforts de paix ». Le maintien de Soro à la primature et, surtout, la poursuite du statu quo leur permettent de conserver le contrôle du Nord et le maintien d’une rente estimée à quelque 60 milliards de F CFA par an.

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Qu’en pense le médiateur de la crise, Blaise Compaoré?

Le président burkinabè tente par tous les moyens d’éteindre le feu en Côte d’Ivoire, il joue sa crédibilité de médiateur et doit tenir compte des 3 millions de Burkinabè qui y vivent. Après la dissolution du gouvernement, il a suggéré au président Gbagbo de reconduire un gouvernement de réconciliation, incluant l’opposition, même si celui-ci doit être restreint à quinze ministres. Il considère également que l’on ne doit pas toucher à la structure de la CEI, sur laquelle il y avait consensus. Il serait néanmoins favorable au remplacement des deux dirigeants controversés, Mambé Beugré et le viceprésident, Jean-Baptiste Gomis. Son objectif est également de préserver les acquis des derniers mois, notamment la liste électorale provisoire.

Bédié et Ouattara sont déterminés à s’opposer par tous les moyens au démantèlement de la CEI. désormais surveillés. Quelques incidents ont eu lieu dans plusieurs villes du pays. La tension est perceptible dans un camp comme dans l’autre.

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Que cherchent Guillaume Soro et les com’zone (commandants de la rébellion)?

Guillaume Soro joue son avenir politique et celui-ci passe par la réussite de la transition. Il a donc tout intérêt à rester à la tête du gouvernement pour trouver une légitimité politique qu’il n’a pas encore. « Soro se bat pour lui-même, explique un proche du chef de l’État. S’il sort du jeu, il perd sa capacité à négocier et à tirer les ficelles pour se positionner au lendemain de la présidentielle. » On lui prête, en effet, l’intention de créer son propre mouvement ou d’intégrer en bonne place un des grands partis. Il discute actuellement avec tous les leaders politiques. Il pourrait présenter des candidats aux législatives prévues dans les deux mois suivant la présidentielle. L’objectif n’est pas à portée de main, Soro n’a pas vraiment de fief. Il lui faudra dans le Nord entrer en concurrence avec Alassane Ouattara, proche de certains com’zone. Mais Soro vient de marquer des points. Les FN, en conclave le 16 février à Bouaké, lui ont renouvelé leur « soutien inébran-

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Que peut faire la communauté internationale?

« On ne souhaite plus se mêler des affaires politiques ivoiriennes, explique un diplomate français. La fin de sevrage par l’ancienne puissance coloniale est déjà assez difficile à gérer. » Malgré sa rencontre avec Nicolas Sarkozy, le 12 février à l’Élysée, Alassane Ouattara n’avait obtenu dans l’immédiat aucune condamnation de Paris. Bernard Valero, porte-parole du ministère des Affaires étrangères, s’est borné à demander des élections libres et transparentes. Pour le patron de l’Onuci en Côte d’Ivoire, Choi Young-jin, il faut préserver les acquis de la liste provisoire, achever le contentieux pour obtenir la liste définitive et aller rapidement aux élections. Du côté de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et de l’Union africaine, on est également sur cette ligne de conduite. Quant aux institutions de Bretton Woods, elles subordonnent toujours la reprise totale de l’aide financière et l’annulation de la dette J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 6 3 • D U 2 1 A U 2 7 F É V R I E R 2 0 10


AFRIQUE SUBSAHARIENNE 41 à la tenue des élections. Robert Zoellick, le président de la Banque mondiale, l’a répété à l’issue de son voyage en Côte d’Ivoire fin janvier.

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Que va faire l’opposition?

Cette crise a resserré les rangs des leaders houphouétistes. Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara sont déterminés à s’opposer par tous les moyens au démantèlement de la CEI, seule structure qu’ils contrôlent. Ils en ont informé les Nations unies, le facilitateur Blaise Compaoré et l’Union africaine. Ils souhaitent la conservation de cette structure en l’état avant toute discussion sur la formation du gouvernement. S’ils n’obtenaient pas satisfaction, les leaders de l’opposition, « qui ne reconnaissent plus le pouvoir de Laurent Gbagbo », pourraient appeler à la désobéissance civile. Ils ont demandé à leurs militants et sympathisants de se tenir prêts. Sur le terrain, ils organisent déjà des manifestations pacifiques et pourraient susciter des mouvements de grève. Instituteurs et enseignants des lycées et collèges menacent d’organiser des actions.

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Quelle forme pourrait avoir la nouvelle CEI?

La « nouvelle » CEI devra être moins politisée et plus efficace. Elle devra rapidement mener à bien les dernières étapes aboutissant au scrutin (fin du contentieux, distribution des cartes d’électeur et d’identité, ouverture de la campagne, tenue du scrutin…). Les juristes du camp présidentiel et de la primature travaillent actuellement à sa réorganisation. Plusieurs noms circulent déjà pour succéder au président de la CEI, dont ceux de Mgr Paul Siméon Ahouana, archevêque de Bouaké, Jean Pierre Kutwa, archevêque d’Abidjan, ou Me Bamba Daniel Cheick, grand technocrate de l’État en charge du redéploiement de l’administration dans le Nord. Celui de la vice-présidente de la CEI, Fatoumata Traoré Diop, représentante des FN, a également été proposé. Mais le Premier ministre s’y oppose. S’il souhaite voir son rôle d’arbitre renforcé, il ne veut pas être en première ligne.

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À quand l’élection présidentielle?

Initialement prévu en 2005 et reporté à maintes reprises, le scrutin ne devrait pas se tenir avant juin. Il faut d’abord que les protagonistes de la crise s’entendent sur la composition et le fonctionnement de la nouvelle CEI et que la liste électorale définitive soit publiée rapidement. Toutefois, de nombreux obstacles se dressent encore sur la route menant au scrutin. Il faudra régler le problème de l’accès équitable aux médias d’État. L’opposition dénonce la mainmise du camp présidentiel sur la RTI, qui, de son côté, accuse TV Notre patrie, émettant en zone rebelle, de rouler pour ses adversaires. On s’attend aussi à ce que les partisans du chef de l’État soulèvent de nouveau la question de la réunification du pays et du casernement de la soldatesque des FN. Du côté de la primature et des bailleurs de fonds, on souligne le manque d’anticipation de la CEI. La cartographie des lieux de vote n’est pas encore disponible, le personnel électoral doit encore être formé, les présidents et les assesseurs de bureau de vote désignés. Certains spécialistes misent déjà sur le mois d’octobre et sont persuadés que le chef de l’État attendra d’avoir célébré en août le cinquantenaire de l’indépendance du pays avant de remettre son mandat en jeu. ■ Voir aussi « Comment la société civile ivoirienne juge la CEI » sur jeuneafrique.com J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 6 3 • D U 2 1 A U 2 7 F É V R I E R 2 0 10

En vérité FRANÇOIS SOUDAN

Maladies infantiles

D

’Abidjan à Nairobi, de Lomé à Conakry, quelques-uns des piliers de la bonne gouvernance, ce kit de survie de la démocratie à l’usage des nuls (africains), élaboré par les bailleurs de leçons, sont en train de vaciller. Ainsi en va-t-il des gouvernements d’union nationale, présentés comme la panacée pour préparer dans l’ordre et le consensus des élections incontestées. On sait que ce type de cabinets de cohabitation ne fonctionne déjà pas dans les vieilles démocraties comme la France, où ils sont considérés comme des pis-aller synonymes de paralysie. Imposés, de surcroît, depuis l’extérieur, ils sont sur le continent de véritables chaudrons où bouillonnent grands et petits complots. Kenya, Zimbabwe, Côte d’Ivoire, Guinée: le seul terrain d’entente entre les ministres de ces improbables coalitions réside dans l’accès commun à la mangeoire nationale. Pour leur propre compte et celui de leurs chefs respectifs, représentants du pouvoir et de l’opposition décaissent et encaissent allègrement, ainsi que le démontrent à l’envi les exemples de la filière café-cacao en Côte d’Ivoire et de la filière céréalière au Kenya, toutes deux consciencieusement siphonnées des deux bords. AUTRE PILIER EN VOIE D’EFFRITEMENT: les commissions électorales dites indépendantes. Où le sont-elles réellement? Contrôlés le plus souvent en sous-main par les présidences, mais aussi parfois, comme on le voit en Côte d’Ivoire, par les oppositions, ces organismes budgétivores, dont le parc automobile n’a d’égal que le montant des per diem que se partagent leurs heureux membres, n’ont guère plus de crédibilité que les ministères de l’Intérieur qu’ils sont censés remplacer. Même constat pour les fameux observateurs internationaux, honnêtes parfois, biaisés souvent, myopes toujours, mais dont les rapports – au besoin contradictoires – continuent de servir d’unique label pour juger de la validité d’une élection, quitte un peu plus tard, lorsque leurs conclusions déplaisent, à n’en tenir aucun compte. Idem enfin pour cet ingrédient indispensable à toute alternance qu’est une opposition responsable – c’est-à-dire, dans la plupart des cas, unie face au pouvoir. Congo, Gabon hier, Togo, Guinée, Centrafrique, Côte d’Ivoire aujourd’hui. Partout, la détestation du chef de l’État en place pèse de peu de poids face au choc des ego de ses challengers, et si chacun se déclare en faveur d’une candidature unique, il va de soi qu’il s’agit de la sienne. Au contact des réalités africaines, les vertueux principes élaborés par les docteurs ès gouvernance ressemblent à autant de maladies infantiles de la démocratie. Il serait temps de se demander s’il n’y a pas eu erreur dans les prescriptions. ■


42 AFRIQUE SUBSAHARIENNE GUINÉE

Doré-Rabiatou, duo ou duel ? Le Premier ministre et la présidente du Conseil national de la transition doivent mener le pays aux élections. Une tâche dʼautant plus difficile que le politicien et la syndicaliste se méfient lʼun de lʼautre.

I

ls ont en commun une passion pour la chose publique qui vient de les mener tous les deux à des postes clés : Premier ministre pour lui, présidente du Conseil national de transition (CNT) pour elle. Tous deux ont la lourde mission de cohabiter pendant les cinq prochains mois avec la junte au pouvoir et de mener la Guinée à des élections libres, transparentes et équitables. Une gageure dont ils partagent, avec le président par intérim, le général Sékouba Konaté, la responsabilité, devant les Guinéens et la communauté internationale. Ils partagent aussi leur manque d’expérience dans l’art de gouverner. Ni l’un ni l’autre n’ont occupé de poste ministériel. C’est à peu près tout ce qui les réunit. Jean-Marie Doré est un ténor de la politique ; Rabiatou Serah Diallo (que les Guinéens surnomment « Hadja Rabi ») est une pasionaria du syndicalisme. Il est docteur en sciences politiques, a été fonctionnaire international ; elle a un diplôme de secrétaire de direction et une formation de greffière (même si elle a, en 1984, intégré le corps des magistrats). Il est malin et calculateur, passe pour un agité ; elle est franche, déterminée et affirme haut et fort ses positions. Il aura la direction du gouvernement, elle aura le pouvoir de lui demander des comptes. Entre les deux, la cohabitation, même si elle devra être brève, ne sera pas simple. Rabiatou Serah Diallo a acquis sa légitimité à la base, dans les mouvements associatifs, puis en grimpant dans la hiérarchie syndicale jusqu’à obtenir en 2000 le poste de secrétaire générale de la puissante Confédération nationale des travailleurs de Guinée (CNTG). Elle devient une icône quand, en 2007, elle défie le général Lansana Conté, alors chef de l’État, conduit des manifestations, réprimées violemment, et est elle-même blessée. Hadja Rabi obtient de Conté la formation d’un gouvernement de consensus. Elle avait alors fait preuve d’un courage et d’une détermination qui suscitent encore l’admiration de ses compatriotes. UN CLIMAT DE SUSPICION

Jean-Marie Doré, leader de l’Union pour le progrès de la Guinée, est dans la course à la magistrature suprême depuis 1993. Dix-sept ans qu’il attend son heure, se contentant du poste de député. À 70 ans passés, il n’a

JEAN-MARIE DORÉ Jean-Marie Doré est né à Bossou (Guinée forestière) en 1938. Ce fils d’un chef de canton a fait des études de droit et de sciences politiques (il a un doctorat) en France et en Suisse. Ancien inspecteur du travail en Guinée et fonctionnaire à Genève du Bureau international du travail (BIT, 1963 à 1987), il dirige l’Union pour le progrès de la Guinée (UPG), créée peu après l’instauration du multipartisme en 1990. Élu

député en 1995, il sera deux fois candidat malheureux à la présidentielle (1993 et 1998). De nouveau élu à l’Assemblée nationale en 2002, il refuse de siéger pour protester contre les fraudes électorales. Jusqu’à sa nomination au poste de Premier ministre, le 20 janvier 2010, il était porte-parole du Forum des forces vives de Guinée (FFVG). Une fonction qu’il assuma avec la syndicaliste Rabiatou Serah Diallo.

plus aucune chance d’arriver au sommet. À moins qu’il ne décide finalement de se présenter. La suspicion est là. « Personne n’a confiance en Jean-Marie », affirment à Conakry des responsables de la société civile et de la classe politique. « Il entretient le f lou sur sa candidature à la présidentielle. Nous le soupçonnons de vouloir démissionner un peu avant le scrutin pour se présenter », dénonçaient, sous le couvert de l’anonymat, des membres du Forum des forces vives de Guinée (FFVG), dont Doré fut le porte-parole jusqu’à sa nomination à la primature. Ils lui reprochent, à tort ou à raison, d’avoir « coupé les J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 6 3 • D U 2 1 A U 2 7 F É V R I E R 2 0 10


AFRIQUE SUBSAHARIENNE 43 férait Mgr Albert Gomez de l’Église anglicane. Finalement, les Forces vives ont désigné JeanMarie Doré au détriment de la syndicaliste, notamment pour ne pas contrarier le projet de la junte, et au motif qu’elle avait un plus faible niveau d’études. Déterminée à avoir sa place dans la transition, Rabiatou a alors essayé d’obtenir le très convoité ministère de l’Administration du territoire et des Affaires politiques (Matap), qui supervise les élections. Elle essuie un refus catégorique. Si, en public, les Forces vives vantent les qualités de Doré, sa « maturité » et son « éloquence », en coulisses le discours est tout autre : « Il est instable et calculateur », entend-on ici et là. Il est aussi soupçonné de vouloir utiliser sa nouvelle position pour soutenir la candidature à la présidentielle de Papa Koly Kourouma, un membre de son parti, ministre de l’Environnement dans le gouvernement sortant, de surcroît considéré comme un fidèle du capitaine Dadis.

YOURI LENQUETTE POUR J. A.

Les deux leaders, à Conakry, en janvier.

RABIATOU SERAH DIALLO Rabiatou Serah Diallo est née à Mamou (région du Fouta-Djalon), en 1949, dans une famille modeste. En 1966, elle décroche, à Conakry, un diplôme de secrétaire de direction qui lui permet d’être embauchée à la présidence de la République. Plus tard, elle reprend une formation pour devenir greffière de justice. En 1984, elle intègre le corps des magistrats. Mais c’est surtout à partir de 1985, à la suite de son élection

au sein du bureau exécutif de la Confédération nationale des travailleurs de Guinée (CNTG) en tant que responsable du département des femmes, qu’elle s’impose. Portée à la tête de la CNTG en 2000, reconduite au poste de secrétaire général en 2005, elle sera en 2007 à la tête du mouvement de protestation ayant conduit à l’installation du gouvernement de consensus dirigé par Lansana Kouyaté.

ponts avec eux » et, surtout, de s’être mis au service de la junte, au pouvoir depuis le 23 décembre 2008. À la mi-janvier, alors que trois ténors de l’opposition, Cellou Dalein Diallo, Sidya Touré et Alpha Condé sont à Paris pour choisir un « premier-ministrable », plusieurs sources révèlent que Jean-Marie Doré, originaire des régions forestières comme le capitaine Moussa Dadis Camara, aurait la préférence du général Sékouba Konaté. Les politiques avaient d’autres noms à proposer : Cellou Dalein Diallo militait pour Hadja Rabi, Sidya Touré penchait pour François Lonsény Fall et Alpha Condé préJ E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 6 3 • D U 2 1 A U 2 7 F É V R I E R 2 0 10

RESPECTER LES ENGAGEMENTS

En revanche, Hadja Rabi, qui s’était éloignée de l’opposition sous Dadis, car les syndicats estimaient que leur combat n’était pas politique (ils n’ont pas participé à la grande manifestation du 28 septembre au stade du même nom), suscite plus de sympathie, en tout cas pour l’instant. Et sa nomination au CNT, gênante pour Doré, fait des heureux. Pour les Forces vives, elle devra s’assurer que le Premier ministre ne s’éloigne pas des recommandations de Ouagadougou et de l’Accord politique global interguinéen. Ce texte devrait être signé prochainement par la junte, les Forces vives et le médiateur burkinabè, Blaise Compaoré. Selon un cadre de parti politique ne souhaitant pas être cité, « il était aussi important de mettre un Peul [plus de 30 % de la population] à un poste de haute responsabilité ». Selon lui, Doré regretterait déjà de ne pas l’avoir nommée au Matap, où elle aurait été sous contrôle. La Déclaration de Ouagadougou du 15 janvier 2010 entérine la création du CNT en tant qu’« organe politique délibérant ». Et, selon le projet d’Accord politique global interguinéen, le Premier ministre est tenu de présenter un rapport d’activité deux fois par mois. Le texte autorise, en outre, le CNT à interroger régulièrement le chef du gouvernement et les membres de son équipe. Autant dire qu’il n’aura pas les coudées franches. Le CNT a deux vice-présidents : Mgr Albert Gomez, connu pour sa capacité d’écoute et de négociation, qui sera chargé d’établir le chronogramme des élections ; et Elhadji Mamadou Sylla, ancien secrétaire général de la Ligue islamique de Guinée. Ils aideront peut-être à arrondir les angles pendant cette cohabitation à haut risque. ■

Il est malin, calculateur et volontiers populiste. Elle est franche et déterminée.

CÉCILE SOW, envoyée spéciale à Conakry


Une pépinière à Dimbokro (Côte d’Ivoire).

AGRICULTURE

Le jatropha, nouvel arbre à palabres Les projets de production de biocarburant à partir de cette plante se multiplient en Afrique subsaharienne... mais sont loin de faire lʼunanimité.

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lante miracle ou arbuste maudit ? Entre ses partisans acharnés, multinationales et politiciens en tête, et ses détracteurs, ONG et syndicats paysans, la polémique sur le jatropha fait rage. Les premiers voient dans la culture de cette plante oléagineuse un moyen de reverdir le Sahel tout en produisant du biocarburant, les seconds prédisent un désastre pour la petite paysannerie africaine et son environnement. Depuis cinq ans, les géants verts de l’agrobusiness africain ne jurent que par cette plante. Le pétrolier BP s’est même associé avec la société britannique D1 pour créer un joint-venture dédié spécialement au jatropha. Celui-ci affiche l’ambition de cultiver 1 million d’hectares d’ici à quatre ans. L’allemand Deutsche Biodiesel ou encore l’Indian Oil Corporation (IOC) louent et achètent des terres ou des graines de jatropha. Madagascar, la Tanzanie, le Mali et le Ghana sont les pays en pointe en Afri-

que, et la Côte d’Ivoire songe sérieusement à s’y mettre. L’industriel BPR Afrique, qui organisait un séminaire sur le sujet en novembre dernier, fait du lobbying à Abidjan pour monter une filière dans le pays. LA FIN DES PETITS PAYSANS?

Jusqu’à ce que les chercheurs le sortent de son anonymat, à la fin des années 1970, le jatropha poussait tranquillement en Afrique sans embêter personne, planté en haies par les paysans pour délimiter leurs parcelles. Introduites au XVIIe siècle par les Portugais depuis l’Amérique du Sud, les graines de cette plante, connue aussi sous le nom de pourghère (tabanani en wolof ou bagani en bambara), étaient utilisées comme purgatif dans la pharmacopée traditionnelle. Selon les scientifiques, on est loin de tout connaître sur cet arbuste et sur les risques associés à sa culture intensive. « Aucune étude sérieuse n’a été publiée »,

indique Michel Partiot, directeur du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) en Afrique de l’Ouest. « Les racines plongent à 5 m dans le sol. Une fois engagé dans cette culture, il est difficile pour un petit paysan de revenir en arrière. Il n’a pas les moyens de se payer le bulldozer nécessaire à l’arrachage », ajoute le scientifique. Des inquiétudes partagées par le collectif d’ONG et d’organisations paysannes Les Agrocarburants, ça nourrit pas son monde*. « Contrairement à ce qu’on nous dit, ces grandes sociétés ne vont pas s’installer sur les terres les plus arides, explique Ambroise Mazal, membre du collectif. Le jatropha peut pousser presque partout, mais il ne donne son meilleur rendement que sur les terrains irrigués, qui sont donc privilégiés par les industriels, et il est en concurrence directe avec les cultures pour l’alimentation. » Autre critique, ce modèle de grande plantation détruit la petite paysannerie, poussant les agriculteurs indépendants à devenir ouvriers agricoles. À Tamale, dans le nord du Ghana, l’agence de presse des Nations unies Irin a fait état d’un conflit entre des paysans qui affirment avoir été expulsés de force au profit de plantations de jatropha par l’entreprise norvégienne Biofuel Africa (laquelle dément). À Madagascar, les paysans de la région de Tuléar ont saboté en 2007 les plantations de la société britannique Green Energy Madagascar (GEM). Mais la culture du jatropha n’est pas totalement rejetée par les paysans et

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KAMBOU SIA/AFP

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AFRIQUE SUBSAHARIENNE 45

BON RENDEMENT

« Un petit paysan peut produire chaque année entre 5 et 10 t de graines et gagner de 240 000 à 60 0 0 0 0 F C FA (ent re 365 et 914 euros), un complément de revenu appréciable à ce qu’il tire de ses céréales », explique le député, qui a monté une petite usine de pressage à 60 km de Ouagadougou. Selon M. Tiendrébéogo, depuis 2007, ce sont pas moins de 62 000 producteurs burkinabè qui ont adopté le jatropha pour une surface cultivée d’environ 70000 ha. La production de carburant n’est pas destinée à l’export mais aux 300 plates-formes villageoises d’électrification, capables de fonctionner à la fois au jatropha et au diesel classique. Ce modèle en « circuit court » se déploie aussi au Mali, appuyé par le Cirad et l’entreprise française Agrofuel. « L’huile nous permet aussi de fabriquer des savons, de l’huile

Cultivé à petite échelle, il assure un complément de revenu. pour les cheveux. Nous compostons les résidus pour fabriquer de l’engrais. Associé à des céréales, le jatropha fertilise les sols et favorise une meilleure irrigation », énumère Victor Tiendrébéogo. Dans le jatropha, tout (ou presque) serait bon… à condition de le cultiver à une échelle raisonnable. ■ CHRISTOPHE LE BEC

* Membres du collectif Les Agrocarburants, ça nourrit pas son monde: Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD), Oxfam, Synergie paysanne (Bénin), Fase (Brésil), Cinep (Colombie), Les Amis de la Terre.

SIDA

Des médicaments pour (presque) tous Dʼici à 2015, les antirétroviraux devraient être gratuits partout sur le continent. Certains pays sont encore à la traîne pour atteindre lʼobjectif. gérer que l’accès aux ARV. « Ici, il y a longtemps que tout est gratuit, mais il faut presque aller chercher les malades chez eux, parce qu’ils ne peuvent pas se déplacer jusqu’aux centres de distribution, trop malades ou par manque de moyens financiers », explique Didier Kamerhe, coordinateur pour la province de Kinshasa du programme congolais de lutte contre le sida. Sur 22,4 millions de personnes vivent avec le sida les 40000 personnes qui en Afrique subsaharienne. devraient, selon les estimations, recevoir un traiandrine, 32 ans, est séroposititement dans la province de Kinshasa, ve. Depuis quatre ans, elle fait seules 11700 sont sous ARV. la queue, tous les trois mois, dans un centre hospitalier uniLE VENTRE VIDE versitaire d’Abidjan pour ses antirétroLa difficulté est la même au Burkina, viraux (ARV). « Avant, je participais. Au où les ARV sont gratuits depuis le 1er janmoment de payer, on se rend compte que vier dernier. Avant, il fallait dépenser 1 500 F CFA [environ 2,30 euros], c’est 1 500 F CFA par mois pour les médibeaucoup. Entre se soigner et nourrir caments, plus 15 000 à 17 000 F CFA, ses enfants, on choisit les enfants… », plusieurs fois par an, pour les examens explique cette mère célibataire. Depuis biologiques. « Le revenu minimum au 2008, tout est gratuit et cela a changé Burkina Faso est de 32500 F CFA. C’est sa vie. « Maintenant, je ne m’inquiète impossible de se soigner dans ces condiplus », dit-elle. tions », explique Issoufou Tiendrébéogo Avec 22,4 millions de personnes vivant de l’Association African Solidarité. La avec le sida, l’Afrique subsaharienne est nouvelle mesure suscite donc bien des la zone la plus touchée par la pandémie. espoirs, avec tout de même une inquiéSelon les Objectifs du millénaire pour tude sur les délais de mise en route. le développement, tous les séroposi« La gratuité du traitement ARV ne doit tifs doivent avoir accès gratuitement être qu’une étape », estime Penda Traoaux ARV d’ici à 2015. Mais les progrès ré, assistante sociale à Bouaké, dans le en matière d’accès aux médicaments centre de la Côte d’Ivoire. Il est temps de restent inégaux. Si au Botswana et au s’attaquer à un autre problème tout aussi Rwanda 80 % des malades sont traités important: l’alimentation. « Le traitement et suivis régulièrement, au Cameroun, ARV a beaucoup de contraintes. Il doit en RD Congo ou encore en Côte d’Ivoire, être pris à heures fixes, avec des repas ils ne sont pas encore 50 % à recevoir de équilibrés », poursuit-elle. Alors que la traitement gratuit. majorité des malades ne peut s’offrir plus La précarité dans laquelle vivent cerd’un repas par jour… ■ MALIKA GROGA-BADA tains malades est parfois plus difficile à

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SVEN TORFINN/PANOS-REA

les ONG : « Si l’on évite l’écueil de la monoculture et si le paysan reste maître sur ses terres, le jatropha, associé au maïs et au mil, est intéressant à la fois pour l’agriculteur comme pour l’industriel », explique Victor Tiendrébéogo, député burkinabè et chef traditionnel connu et respecté.


46 AFRIQUE SUBSAHARIENNE KENYA

Fin de la lune de miel

NOOR KHAMIS/REUTERS

Associés malgré eux dans un gouvernement dʼunion, le président et le Premier ministre se déchirent autour dʼune affaire de corruption et mettent en péril une paix fragile.

Manifestation le 17 février pour demander le départ des ministres incriminés.

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ui est le chef ? Cette question résume la grave querelle qui oppose le Premier ministre, Raila Odinga, au président, Mwai Kibaki. Le 14 février, Odinga a annoncé que, après les rapports de l’auditeur général et de la firme d’audit PricewaterhouseCoopers, il suspendait de leurs fonctions le ministre de l’Agriculture, William Ruto, et celui de l’Éducation, Sam Ongeri, pour une période de trois mois. À peine l’information avait-elle circulé qu’Ongeri répliquait :

SCIENCES

L

« Je n’ai reçu aucune indication de la part de l’autorité responsable. Et je sais très bien qui est l’autorité responsable. » Peu de temps après, le président Kibaki prenait position en faveur des deux ministres soupçonnés de corruption : « Les dispositions légales sur lesquelles le Premier ministre s’est appuyé ne lui confèrent pas l’autorité nécessaire pour démettre un ministre de ses fonctions. » Et les ministres n’ont pas quitté leur bureau. Le recours aux seuls textes, diversement interprétés par les

parties, ne permettra pas de trancher le différend. Réunis à la tête d’une coalition hétéroclite obtenue à l’arraché par Kofi Annan alors que le pays menaçait de sombrer dans la guerre civile, Odinga et Kibaki ont réussi à donner le change pendant près de deux ans – au prix d’un certain immobilisme. Si la crise éclate aujourd’hui, c’est pour deux raisons essentielles. D’une part, le Kenya est en train de se doter d’une nouvelle Constitution définissant les rôles du président et du Premier ministre, qui doit être soumise à référendum en 2010. D’autre part, les États-Unis, principal allié du pays, ont signifié qu’ils se montreraient très fermes en matière de corruption. Les réformes en effet se font attendre et les scandales se multiplient. Sam Ongeri serait responsable de l’évaporation de près de 1 million d’euros destinés à l’école primaire, quant à William Ruto, candidat déclaré à l’élection présidentielle de 2012, il serait impliqué dans le scandale du maïs subventionné. Alors qu’en 2008 les prix des produits alimentaires s’envolaient, du maïs destiné aux Kényans les plus pauvres était revendu de manière illégale : un détournement évalué à 19 millions d’euros. Dans cette affaire, huit hauts fonctionnaires ont été suspendus de leurs fonctions le 13 février par le président. Alors que la coalition au pouvoir craque de toutes parts, Odinga et Kibaki campent sur leurs positions. Le premier a officiellement demandé l’intervention de Kofi Annan et de l’Union africaine pour résoudre le différend. Le feu qui couve depuis 2007 menace de reprendre. ■ NICOLAS MICHEL

Desmond Tutu, vrai fils dʼAfrique

e Prix Nobel de la paix et archevêque anglican, Desmond Tutu, connaissait ses ascendants : des SothosTswanas et des Ngunis, deux peuples bantous d’Afrique australe. En acceptant de participer à une étude scientifique sur les différents types d’ADN dans le monde, il a appris qu’il avait aussi des ancêtres khoï-khoïs, le nom local des Bushmen. « Je suis véritablement originaire d’Afrique australe. Je suis un descendant des tout premiers hommes », a déclaré Mgr Tutu, cité par Vanessa Hayes, une des scientifiques qui a travaillé sur cette étude. Conduite simultanément aux États-Unis, en Australie et en Afrique du Sud, cette recherche, rendue publique le

18 février, a porté sur le décryptage du génome de cinq Bushmen et deux autres africains d’origines différentes, Desmond Tutu et un Yorouba du Nigeria. L’ADN de plusieurs Européens, Américains et Asiatiques a déjà été étudié. Les scientifiques avaient en revanche moins d’information sur le génotype africain. L’objectif est d’améliorer la connaissance et le traitement des maladies. Cette étude a démontré par exemple que les Khoï-Khoïs n’avaient pas le gène qui rend les Bantous plus résistants au paludisme. Elle a aussi mis en évidence une grande variété de patrimoine génétique chez les Khoï-Khoïs, dont les individus sont parfois plus différents entre eux que F.P. ne le sont les Européens et les Asiatiques. ■ J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 6 3 • D U 2 1 A U 2 7 F É V R I E R 2 0 10


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RD CONGO

Un festin de cochon dʼInde

F J.O. LE SKIEUR DES SABLES TERMINE BON DERNIER Lors de l’épreuve de ski de fond, l’athlète a terminé 93e sur… 93. Ce résultat n’a pas empêché le public de le féliciter chaleureusement. C’est la deuxième participation de Robel Teklemariam aux Olympiades d’hiver, la première remontant aux Jeux de Turin en 2006.

CEDEAO

Report du match Burkina-Sénégal

MALIKA GROGA-BADA

Le secrétariat général de la Communauté, que les deux pays se disputent, reste attribué au Ghana jusquʼen juin.

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uagadougou et Dakar s’agitent depuis des semaines pour promouvoir leur poulain à la tête du secrétariat général de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Tournée régionale pour le candidat sénégalais Aziz Sow, lobbying discret pour le Burkinabè Kadré Désiré Ouédraogo, les deux hommes attendaient que les chefs d’État choisissent parmi eux celui qui devait remplacer le Ghanéen Mohamed Ibn Chambas. Le sommet de la Cedeao, qui s’est déroulé le 16 février, devait être l’occasion d’un vote. Il n’a pas eu lieu. Les textes de la Cedeao précisent en effet que le poste de secrétaire général revient à un pays membre pour quatre ans, un mandat non renouvelable et qui n’est pas nominatif. Il était donc normal que le secrétariat général reste au Ghana. Le pays a choisi pour terminer le mandat, qui s’achève en

juin, Victor Gbeho, ancien ministre et actuel conseiller diplomatique du président Atta-Mills. Les participants au sommet, notamment les deux pays sur les rangs pour le secrétariat général, ont regretté que le Ghana ne fasse pas savoir plus tôt qu’il n’avait pas l’intention d’écourter son mandat. À l’ouverture de ce sommet, qui s’est tenu à Abuja, la question de cette élection était encore inscrite à l’ordre du jour. Mohamed Ibn Chambas a été nommé en novembre secrétaire général du groupe des 79 pays ACP (AfriqueCaraïbes-Pacifique). Il doit prendre son poste à Bruxelles le 1er mars, en remplacement de John Kaputin, de Papouasie-Nouvelle-Guinée. Le Burkina et le Sénégal ont donc encore quelques mois pour fourbir leurs armes et tenter d’obtenir des soutiens dans la région. ■

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ace aux carences en viande dans certaines régions de la RD Congo, le Cent re inter national pour l’agriculture tropicale de Colombie (Ciat) préconise de manger du cochon d’Inde. Déjà consommé en Amérique latine, le rongeur pourrait servir à combler les besoins en protéines et en micronutriments. L’élevage de cochons d’Inde ne présente que des avantages : l’investissement de départ n’est pas élevé, il ne nécessite aucun entretien particulier. Les rongeurs mangent les restes de repas et, élément qui a son importance, ils se reproduisent vite : environ 10 à 15 petits par an. Les premiers tests d’élevage au Sud-Kivu ont été concluants. « Aucun des scientifiques n’avait envisagé le cochon d’Inde comme une solution, a expliqué Michael Peters du Ciat. Maintenant, il pourrait bien y devenir indispensable. » ■

FABIENNE POMPEY

MOT CHOISI

MÉMOIRE

Une mémoire d’éléphant. L’expression n’avait jusqu’ici aucun fondement. Des scientifiques viennent cependant de démontrer que l’animal, qui voit mal mais a une ouïe très fine, peut distinguer et identifier le cri de ralliement d’une centaine de ses congénères sans se tromper. Il peut aussi, selon cette étude effectuée au Kenya, faire la différence entre plusieurs langages humains. Les bêtes sont en effet très nerveuses lorsqu’elles entendent des Massaïs parler – une ethnie qui les chasse – alors qu’elles semblent paisibles à l’écoute du swahili. Il semble que l’anglais, la langue des touristes chasseurs d’images, les laisse indifférents.


48 MAGHREB & MOYEN-ORIENT

NUCLÉ AIR E

FAUT-IL AVOIR PEUR DE Faute dʼavoir trouvé un accord avec les Occidentaux, qui exigent quʼelle leur livre le gros de son stock dʼuranium, la République islamique annonce quʼelle produira elle-même du combustible nucléaire à usage civil. Levée de boucliers dans la communauté internationale.

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PATRICK SEALE

annonce par l’Iran qu’il s’apprête à enrichir de l’u ra n iu m à pre sque 20 %, sous la supervision de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), pour produire des radio-isotopes destinés à son réacteur médical de Téhéran a déclenché une nouvelle vague d’hystérie. Les appels à un durcissement des sanctions pour contraindre la République islamique à abandonner son programme nucléaire ont été renouvelés. Mais plus l’Iran est menacé, plus il devient provocateur et plus les chances de trouver un compromis se réduisent. Le dernier différend en date semble porter sur la quantité d’uranium faiblement enrichi que l’Iran est prêt à échanger avec la Russie et la France contre du combustible nucléaire à usage médical qui ne peut être utilisé à des fins militaires. Se méfiant des intentions occiden-

tales, l’Iran a proposé d’envoyer son uranium à l’étranger en plusieurs lots. Mais les Occidentaux exigent qu’il remette le gros de son stock d’uranium en une seule fois – quelque 1200 kg – pour prévenir toute possibilité d’enrichissement à un niveau permettant une exploitation militaire. Le chef de la diplomatie iranienne, Manouchehr Mottaki, s’est récemment entretenu avec Yukiya Amano, le directeur de l’AIEA. Mottaki a qualifié les discussions de « très bonnes », tandis qu’Amano, plus sceptique, a appelé à une « accélération » du dialogue. Deux coalitions rivales s’opposent sur la scène internationale: la première souhaite imposer des sanctions plus sévères à l’Iran et, si celles-ci se révèlent inefficaces, envisage de bombarder ses installations nucléaires; la seconde prône un dialogue patient avec Téhéran, et rien d’autre qu’un dialogue. Quelque part entre les deux se situe le président des États-Unis, Barack Obama, qui tient le rôle délicat d’arbitre. Sa politique ini-

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MAGHREB & MOYEN-ORIENT 49

LʼIRAN? tiale de main tendue à l’Iran s’est durcie pour se transformer en une opposition impatiente au régime islamique. Obama a même dû admettre à contrecœur que des sanctions plus dures pourraient être nécessaires. C’est un sérieux revers pour sa politique de rapprochement avec le monde arabe et musulman. PÉKIN OPPOSÉ À DES SANCTIONS

Israël et ses alliés aux États-Unis partisans de la ligne dure dominent le premier groupe. Ils font depuis longtemps campagne pour une action résolue contre l’Iran, comme ils l’avaient fait dans les années 1990 pour renverser Saddam Hussein. Ils prétendent que la bombe iranienne représente une menace pour l’existence d’Israël, ainsi qu’un danger à l’échelle mondiale. « Nous devons engager le monde entier dans la lutte contre [le président iranien Mahmoud] Ahmadinejad », a récemment déclaré le président de l’État hébreu Shimon Pérès, adoptant le ton belliqueux du

STRINGER/EPA/CORBIS

Lors d’un exercice de défense antiaérienne, le 24 novembre 2009, en Iran, dans un lieu tenu secret.

Premier ministre Benyamin Netanyahou à chaque fois qu’il évoque l’Iran. Israël laisse entendre régulièrement qu’il déclenchera une action militaire luimême si la diplomatie échoue à réprimer les ambitions nucléaires iraniennes. Parmi les pays européens, c’est la France qui a appelé le plus bruyamment à un durcissement des sanctions, imitée par certaines voix britanniques. Lors de ses récentes auditions devant la commission sur la guerre en Irak, on a entendu un Tony Blair sans remords mentionner l’Iran pas moins de cinquante-huit fois. Il faut « s’occuper » de l’Iran, a déclaré l’ancien Premier ministre britannique, comme lui et l’ex-président américain George W. Bush s’étaient occupés de l’Irak en 2003! La coalition favorable au dialogue avec l’Iran regroupe la Chine, la Turquie, le Brésil et, plus ou moins unanimement, les États arabes. Ces derniers n’ont aucune envie de voir Téhéran se doter de la bombe, mais ils craignent encore davantage une guerre israéloiranienne, qui pourrait avoir des conséquences désastreuses sur la sécurité et la stabilité de la région et sur les exportations de pétrole. La Chine, premier partenaire commercial de l’Iran, est opposée à des sanctions et semble prête à utiliser son veto au Conseil de sécurité pour les contrer. « Évoquer des sanctions maintenant va compliquer la situation et pourrait entraver le chemin conduisant à une solution diplomatique », a affirmé à Paris le ministre chinois des Affaires étrangères, Yang Jiechi. La Turquie, de son côté, plaide depuis longtemps pour des négociations avec l’Iran et s’oppose fermement à une action militaire – ce qui est de toute évidence l’une des raisons du refroidissement des relations israélo-turques. Le Brésil, membre non permanent du Conseil de sécurité, prône aussi le dialogue. Ahmadinejad s’y est rendu en novembre 2009, tandis que le président Lula est attendu en Iran en mai. Amr Moussa, le secrétaire général de la Ligue arabe, a, de son côté, appelé les États membres à ouvrir un dialogue avec l’Iran en vue de conclure une sorte d’accord sécuritaire régional. Cette idée fait son chemin dans les milieux arabes. Alors que l’Iran accélère l’enrichissement de son uranium à des fins pacifiques, comme il en a le droit aux termes

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du traité de non-prolifération (TNP), le désaccord entre les deux coalitions risque de s’accentuer. Mais tout bien considéré, l’idée de punir l’Iran plus qu’il ne l’a déjà été ne semble pas l’emporter. Obama approuve peut-être un certain durcissement du régime de sanctions – à Paris, son secrétaire à la Défense, Robert Gates, a déclaré que « le seul chemin qu’il reste est celui des pressions » –, mais il n’a en aucune façon rejoint les va-t-en-guerre qui recommandent expressément de bombarder l’Iran. Il aurait même prévenu Israël qu’une attaque contre l’Iran nuirait aux intérêts américains. ÉQUILIBRE DES FORCES

Les détracteurs pro-israéliens d’Obama l’accusent d’être trop conciliant. Lors de la dernière conférence de Munich sur la sécurité (5-7 février), le sénateur américain Joe Lieberman, président de la commission sénatoriale sur la sécurité intérieure, a déclaré : « Il faut durcir les sanctions économiques pour que la diplomatie fonctionne. Sinon, nous devrons affronter la perspective d’une action militaire contre l’Iran. Un Iran doté d’armes nucléaires, a-t-il ajouté, provoquerait le chaos au Moyen-Orient, ferait flamber les prix du pétrole et enterrerait tout espoir de trouver une solution pacifique au conflit israélo-palestinien. » Des prédictions qui pourraient se révéler totalement erronées. Loin de provoquer le chaos, une bombe iranienne stabiliserait la région et infléchirait le comportement agressif d’Israël à l’égard de ses voisins. En rééquilibrant les rapports de force avec Tel-Aviv, et en limitant ainsi sa capacité d’action, l’Iran pourrait inci-

Obama aurait prévenu Israël qu’une opération militaire nuirait aux intérêts américains. ter l’État hébreu à faire la paix avec ses voisins, y compris avec les Palestiniens. Et le seul événement qui ferait flamber les prix du pétrole serait une attaque israélienne contre l’Iran. Tout semble indiquer en tout cas que le débat sur l’attitude à adopter à l’égard de Téhéran va se poursuivre sans qu’aucune des deux approches ne marque de point significatif. À moins que des évolutions majeures sur la scène intérieure iranienne n’en décident autrement. ■


50 MAGHREB & MOYEN-ORIENT ISRAËL-PALESTINE

Gaza: visite interdite Par crainte dʼune légitimation du Hamas, lʼÉtat hébreu, quand il ne leur barre pas la route, impose une réglementation stricte aux personnalités étrangères qui souhaitent se rendre dans lʼenclave palestinienne.

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ui aux missions humanitaires et diplomatiques, non au x v i site s p ol it iques. Voilà en substance comment les autorités israéliennes déterminent aujourd’hui l’entrée d’officiels à Gaza. Peu conventionnelle, cette règle s’applique sans exception à toutes les chancelleries et entrave lourdement l’action des personnels diplomatiques sur le terrain. Elle illustre aussi l’un des aspects du blocus auquel est soumise l’enclave palestinienne. Le 19 septembre 2007, trois mois après le coup de force du Hamas et en réponse aux tirs de roquettes sur les localités israéliennes, la bande de Gaza est déclarée « entité hostile » par le gouvernement d’Ehoud Olmert. Depuis, ses quatre postes frontaliers sont maintenus fermés, la circulation de marchandises est réduite au transfert d’aide humanitaire et plus aucun Palestinien n’a la possibilité de se rendre en Israël pour travailler. En principe, les membres d’ONG, les journalistes étrangers et les diplomates ne sont pas concernés par cette mesure et peuvent librement circuler

tout contact extérieur, l’État hébreu ne fait pas non plus mystère de son opposition aux visites de ministres étrangers dans le territoire contrôlé par le mouvement islamiste. « Si un ministre souhaite se rendre à Gaza, il peut le faire par l’Égypte, mais pas depuis notre sol », précise Yigal Palmor, porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères. AGACEMENT BELGE

En un peu plus d’un an, le chef de la diplomatie suédoise Carl Bildt est le seul ministre européen à avoir pu pénétrer dans la bande de Gaza. Sous pression internationale après l’opération « Plomb durci », Israël avait été contraint de lâcher du lest, permettant au ministre scandinave de venir évaluer la situation humanitaire. Carl Bildt avait précédé Javier Solana, chef de la diplomatie de l’Union européenne (UE), puis Tony Blair, le représentant du Quartet (ONU, UE, États-Unis, Russie) au Proche-Orient. Depuis, toutes les demandes officielles ont essuyé un veto israélien : celle de Bernard Kouchner, ministre f rançais des A ffaires étrangères, celle de son homologue turc, A hmet Davutoglu, et, plus r é c e m me nt , c e l le de Charles Michel, m i n i st re belge de la Coopération au développement, qui se trouvait en Israël fin janvier. « Ce type de démarche légitime le Hamas et peut être instrumentalisé. Il se fait même au détriment de l’Autorité palestinienne. Nous refusons de le cautionner », explique Yigal Palmor. Cet argument affiche pourtant ses limites. Dans les trois cas, les visites de ministres n’incluaient aucune rencontre avec des responsables du mouvement islamiste. Membre de la délégation belge qui devait rejoindre

Convois officiels refoulés, longues heures d’attente, fouilles de véhicules consulaires. via le point de passage d’Erez. Mais la réalité est plus arbitraire et se heurte bien souvent aux injonctions sécuritaires de l’État hébreu. Lors de l’offensive militaire menée par Tsahal en janvier 2009, l’accès à la bande de Gaza a tout simplement été interdit. Sporadiquement, Erez ferme également ses portes dès qu’un incident armé se produit dans le secteur. Pour accroître sa stratégie d’isolement du Hamas et le pr iver de

Gaza, Jean-Christophe Charlier est catégorique : « La mission de Charles Michel était humanitaire. Nous avons débloqué des fonds pour aider deux agences de l’ONU à construire des écoles pour la population et venions superviser l’avancement du projet. » Ce con sei l ler de C ha rles M ic hel conteste le leitmotiv israélien de légitimation du Hamas : « Le ministre a toujours été clair, il considère le Ha mas com me u ne orga n isat ion terroriste. La réaction des Israéliens n’est donc pas compréhensible. » Contrariée par cette affaire, la Belgique veut faire adopter une position européenne commune qui garantisse un libre accès à Gaza aux pays impliqués dans sa reconstruction. « Nous avons saisi la Commission européenne », confirme Jean-Christophe Charlier. La semaine dernière, Bruxelles a adressé une lettre en ce sens à Catherine Ashton, haute représentante de l’UE pour les Affaires étrangères.

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MAGHREB & MOYEN-ORIENT 51 tatif et s’assure que les demandes formulées par les services diplomatiques ne sont pas une entorse aux directives du gouvernement à l’égard du Hamas. Rattaché au ministère de la Défense, le Coordinateur des activités gouvernementales israéliennes dans les Territoires (Cogat) est la principale autorité qui valide l’entrée et la sortie d’officiels à Gaza. Chargée d’assurer la coordination avec les ONG, cette adm i n ist rat ion m i lita i re just i f ie les mesures drastiques en vigueur. « Les vérifications sécuritaires que nous effectuons sont liées à la présence du Hamas de l’autre côté de la frontière. Nous étudions chaque demande au cas par cas, affirme un haut gradé du Cogat. Beaucoup de diplomates étrangers veulent entrer à Gaza pour se rendre Tony Blair (à g., compte de la situation. Mais main tendue), représentant du nous préférons que les orgaQuartet au Prochenisations internationales déjà Orient, à Gaza, en place se chargent de ce le 1er mars 2009. travail. »

MOHAMMED SALEM/REUTERS

TIRS DE SEMONCE

Si le t ra itement réser vé au x ministres européens illustre les difficultés des personnalités officielles à se rendre dans la bande de Gaza, il ne permet pas de prendre pleinement la mesure des restrictions israéliennes imposées aux diplomates. Depuis que l’État hébreu a resserré son étau sur le territoire palestinien, les procédures d’accréditation sont nettement plus complexes. Avant le blocus, la présentation d’un passeport diplomatique suffisait à passer sans encombre la frontière entre Israël et la bande de Gaza. Les autorités devaient simplement être alertées la

veille d’un déplacement. « Tout cela a bien changé, témoigne un proche collaborateur du consul de France à Jérusalem. Aujourd’hui, les Israéliens exigent d’être prévenus une semaine à l’avance. Il nous faut aussi préciser les raisons de notre visite à Gaza, notre programme et l’identité de chacun des membres de notre délégation. » Le résultat n’est guère probant. Depuis le mois de décembre, le consulat de France s’est déjà vu signifier trois refus. Dans le processus décisionnel, le ministère israélien des Affaires étrangères ne joue qu’un rôle consul-

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Sur le terrain, cette ingérence israélienne occasionne de nombreuses tensions, principalement avec les pays de l’UE. Convois officiels refoulés, long ues heu res d’at tente au poste-frontière, fouilles de véhicules consulaires, l’entrée de diplomates à Gaza vire parfois au cauchemar. À deux reprises, à la fin de 2008, une quinzaine de véhicules transportant des chefs de projets européens ont ainsi été priés de faire demi-tour. Le 27 janvier, des soldats israéliens en poste à Erez effectuaient même des tirs de semonce pour ralentir la progression d’un convoi mené par le consul de France, Alain Rémy. À Gaza comme à Jérusalem, les diplomates occidentaux semblent résignés à accepter cette situation. « Ce blocus nous gêne, c’est indéniable. Mais, pour ne pas s’attirer d’ennuis, on évite de se plaindre », confie l’un d’entre eux. ■ MAXIME PEREZ, à Jérusalem


À Kiffa, dans l’Assaba, l’une des cinq wilayas où les Négro-Mauritaniens ont été rapatriés.

MAURITANIE

Après lʼexil, la désillusion Les Négro-Mauritaniens sont quelque 20 000 à avoir été rapatriés depuis 2008. Mais beaucoup ont découvert en rentrant chez eux... de nouveaux occupants.

A

près vingt ans d’exil au Sénégal, Fatimata*, 44 ans, a retrouvé son pays, la Mauritanie, il y a huit mois. Mais, pour ses terres, elle devra attendre. « Elles sont cultivées par des Maures, ils nous les ont volées ! » s’énerve cette mère de sept enfants, d’ordinaire d’un naturel calme. Durant son absence, le terrain exploité par sa famille avec une coopérative à Djolly, dans la zone fertile de la vallée du fleuve Sénégal, a été attribué à d’autres. Fatimata ne désarme pas : « Il faut au moins qu’ils partagent. » Les « spoliateurs » ont emprunté et investi pour valoriser l’exploitation? Qu’importe: elle pense avoir plus de droits que quiconque sur cette terre. C’est celle de ses ancêtres. Fatimata fait partie des 60000 NégroMauritaniens expulsés du pays en 1989. À l’époque, un différend frontalier entre Dakar et Nouakchott révèle au grand jour le racisme rampant, notamment au sein de l’État, à l’égard des Négro-Mauritaniens. Certains d’entre eux sont privés de leurs papiers et embarqués dans des avions vers le Sénégal. D’autres sont torturés ou exécutés.

Au pouvoir à l’époque, Maaouiya Ould Taya est renversé en 2005. Un retour serein des « réfugiés » devient envisageable. Sidi Ould Cheikh Abdallahi, élu en mars 2007, puis son tombeur, Mohamed Ould Abdelaziz, au pouvoir depuis août 2008, leur donnent des gages. Le racisme n’est plus un tabou officiel. UN DOSSIER EXPLOSIF

Organisé par le Sénégal, la Mauritanie et le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) en vertu de l’« accord tripartite » signé en novembre 2007, le retour des « Gitans de la Mauritanie » a commencé au début de 2008. Et s’est achevé le 28 décembre dernier. Au total près de 20 000 personnes, 4 700 familles, ont traversé le fleuve. Après avoir reçu un « kit » du HCR – matériel de cuisine, tente, nourriture –, ils ont été installés dans l’une des cinq wilayas (préfectures) de la vallée du fleuve Sénégal. « Nous avons rempli 80 % des objectifs chiffrés, affirme Anne-Marie Deutschlander-Roggia, représentante du HCR, qui avait recensé 24 000 candidats au retour. C’est un bon résultat. »

Mais ce n’est qu’une fois les ex« déguerpis » rentrés que les ennuis commencent. D’après l’accord tripartite, chacun peut choisir son lieu de retour. Comme Fatimata, certains optent pour leur village d’origine et découvrent « chez eux » de nouveaux occupants. Des litiges fonciers éclatent. Ils sont nombreux. En janvier, à Fada, dans la wilaya du Trarza, des femmes rapatriées exigeant la restitution de leurs terres – attribuées à d’autres – ont décidé d’aller les cultiver de force. Certaines ont été interpellées par la police. Sans violence… pour le moment. Mais la question de la terre reste ultrasensible. « Le sujet foncier est potentiellement explosif », admet Anne-Marie Deutschlander-Roggia. Le dossier est épineux. Des programmes d’appui à l’aménagement et à l’exploitation agricoles sont mis en œuvre pour les rapatriés. Mais certains ne sont pas intéressés s’ils ne portent pas sur leurs propres terres et campent sur leurs positions. « Imaginez quelqu’un qui a reçu un périmètre il y a vingt ans, et qui a investi pour l’aménager, explique Ba Madine, directeur de l’Agence

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STÉPHANE LAGOUTTE/MYOP

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nationale d’appui et d’insertion des réfugiés [Anair]. On ne peut pas lui dire du jour au lendemain “dégagez!” » Faut-il alors recourir à la justice? « C’est la plus mauvaise des solutions, poursuit Ba Madine. Il ne faut pas qu’il y ait un gagnant et un perdant. » Reste l’arrangement à l’amiable : en clair, le dédommagement de l’une ou l’autre des parties. À Djolly, l’État a pris en charge les dettes d’un nouvel occupant, qui a fini par céder sa place.

LEADER

N.m. (mot anglais) 1. Qui occupe la place principale. 2. Qui prend la tête d’un mouvement.

MAUVAISE VOLONTÉ ?

L’afflux, en deux ans, de 20 000 personnes (sur une population de 3 millions) est difficile à gérer pour l’Anair – en 2009, son budget était de 2 milliards d’ouguiyas (5,5 millions d’euros). L’accord tripartite prévoit la « réinsertion » des réfugiés. Mais l’état de l’économie nationale ne permet pas de créer des emplois pour tous. En attendant, ils vivotent. Et, comme Fatimata, estiment que « l’État a trahi ses engagements ». Les fonctionnaires encore en âge de travailler s’impatientent eux aussi : ils ont été recensés et attendent d’être réintégrés. « Des instructions ont été données pour que cela soit fait dans les meilleurs délais », promet Ba Madine. Les écoles, où l’enseignement est partiellement en arabe alors que les Négro-Mauritaniens sont francophones, ne sont pas toujours adaptées. Après un

Se sentant trahis par l’État, certains ont préféré rebrousser chemin. bref retour, les enfants de Fatimata sont repartis au Sénégal pour y être scolarisés. Déçus, quelques rapatriés ont également rebroussé chemin. Plus que des problèmes techniques, certains voient dans ces atermoiements le signe d’une mauvaise volonté. « Certains sont tapis dans l’ombre et ne veulent pas du retour, estime Kaaw Touré, porte-parole (exilé en Suède) des Forces de libération africaines de Mauritanie. Y compris dans les cercles du pouvoir. » Une chose est sûre : la confiance n’est pas encore rétablie. ■ MARIANNE MEUNIER

* Le prénom a été modifié.

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Jeune Afrique, l’hebdomadaire qui donne du sens à l’actualité africaine. jeuneafrique.com


54 Les organisateurs du Forum économique mondial de Davos (Alpes suisses), dont il était un habitué, ont annoncé publiquement qu’ils avaient décidé de ne pas l’inviter à l’édition de janvier 2010 en raison du contentieux diplomatique entre la Libye et la Confédération helvétique.

HO NEW / REUTERS

BRUXELLES EMBARRASSÉ

Rachid Hamdani (à g.) et Max Göldi, les deux citoyens suisses « retenus » en Libye depuis le 19 juillet 2008.

LIBYE-SUISSE

La guerre des visas Pour obliger Kaddafi à faire libérer deux de ses ressortissants, Berne a émis une « liste noire » de personnalités libyennes indésirables dans lʼespace Schengen. Riposte de Tripoli, qui déclare les Européens persona non grata.

D

ans son bras de fer avec Mouammar K addaf i à propos de « l’affaire Hannibal », la Suisse est-elle a l lée t rop loi n ? Da ns le jeu des mesures de rétorsion et de contrerétorsion auquel s’adonnent les deux gouvernements, Berne avait cru trouver l’arme fatale pour obliger Kaddafi à libérer les deux hommes d’affaires suisses « retenus » en Libye depuis un an et demi : une « liste noire » d’au moins 180 membres de la nomenklatura dirigeante libyenne considérés comme indésirables, à l’instar de terroristes ou de criminels, et auxquels, de ce fait, il ne sera plus délivré de visa Schengen. Leurs noms figurent depuis novembre 2009 dans le Système d’information Schengen (SIS), un fichier informatique partagé par les vingt-cinq pays européens membres de l’espace commun. En représailles, Tripoli a suspendu, le 14 février 2010, l’octroi de tous types de visas aux ressortissants de l’espace Schengen, avec une dérogation pour les citoyens des pays qui rejettent la liste noire, comme l’Italie et Malte. En tête de cette liste figurent le « Guide », son épouse Safia et leurs

enfants, notamment Hannibal, par qui le scandale est arrivé. Ce capitaine au long cours, célèbre dans les médias pour ses frasques dans les capitales européennes, s’était rangé, et avait atterri à Genève, en juillet 2008, où il était descendu dans un palace avec son enfant et son épouse, enceinte, qui comptait accouc her dans une clinique de la ville au cours des jours suivants. Alertée par le personnel de l’hôtel, qui avait entendu des bruits de dispute dans la suite, la police genevoise avait procédé à l’arrestation d’Hannibal sous l’accusation controversée de brutalité envers ses deux domestiques. Un magistrat suisse indépendant estimera, plus tard, que les conditions de l’arrestation étaient humiliantes et que la durée de détention, de deux jours, était abusive. La sœur d’Hannibal, Aïcha, avocate de son état, également sur la liste, était accourue à Genève pour crier « œil pour œil, dent pour dent ». Seif el-Islam, leader des réformateurs et successeur putatif du « Guide », est lui aussi jugé indésirable en Suisse.

Plusieu r s membres du gouvernement libyen figurent aussi sur la liste noire, dont le Premier ministre, Baghdadi Mahmoudi. À ceux-là s’ajoutent des chefs et des membres des comités révolutionnaires et du Congrès général du peuple (CGP, Parlement), véritables fers de lance du système K adda f i, qui avaient notamment organisé, en 2008, des manifestations devant l’ambassade de Suisse à Tripoli pour protester contre l’arrestation d’Hannibal à Genève. La liste comprend aussi un grand nombre d’hommes clés du clan Kaddafi et qui sont pour la plupart issus de la puissante tribu des Gueddafa : il y a notamment les chefs de la sécurité personnelle du « Guide », ceux des services spéciaux, ainsi que des officiers supérieurs de l’armée. Dès le mois de novembre 2009, la Libye avait mis en garde les capitales européennes, menaçant d’utiliser son droit de « réciprocité » si la liste n’était pas annulée. Berne a tenu bon, bien que Tripoli ait accéléré les procédures qui devaient aboutir à la libération

Parmi les bannis, le « Guide » lui-même, sa famille, son clan, ses proches... des deux Suisses, dont l’un, Rachid Hamdani, a été blanchi par la justice le 31 janvier, l’autre, Max Göldi, étant en attente (à l’ambassade suisse) du résultat de son recours devant la Haute Cour après sa condamnation en appel à quatre mois de prison le 11 février. La crise diplomatique entre la Libye et la Suisse aura en tout cas mis tout le monde dans l’embarras, à commencer par les Européens. C’est pourquoi Bruxelles fait tout pour amener les deux pays à trouver un compromis : l’abandon de la liste noire contre la libération des deux Suisses. ■ ABDELAZIZ BARROUHI

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MAGHREB & MOYEN-ORIENT 55

MAROC

Écrivains dʼailleurs mais dʼici Le 16e Salon international de lʼédition et du livre met à lʼhonneur les auteurs de la diaspora. Rafraîchissant !

ALGÉRIE

E

hammed Bahi. D’autres œuvres ont été traduites du néerlandais au français, notamment C’est par l’autre que l’on se connaît soi-même, d’Yamila Idrissi et Tessa Vermeiren. L’écrivain et critique littéraire Salim Jay a réuni une cinquantaine d’extraits d’ouvrages dans son Anthologie des écrivains marocains de l’émigration, une saga de plus de cinq décennies allant des Boucs, de Driss Chraïbi (1955), au Livre imprévu, d’Abdellatif Laâbi (2010). Lui-même franco-marocain, Jay révèle des talents peu connus, comme les romanciers néerlandais Abdelkader Benali (Noces à la mer), Saïd El Haji (Les Jours

PASCAL AIRAULT

Bienvenue à la BAD !

n 2006, l’Algérie avait décidé de rembourser par anticipation tout ce qu’elle devait à la Banque africaine de développement (BAD) et d’arrêter d’emprunter à l’extérieur. Pourtant, la BAD a choisi d’ouvrir un « bureau national » à Alger – le vingt-cinquième sur le continent –, inauguré en grande pompe le 18 février par le président de la Banque, Donald Kaberuka, en présence de plusieurs membres du gouvernement algérien. C’est que les ambitions de la BAD et de l’Algérie sont les mêmes : jouer un rôle moteur dans la mise en œuvre des projets d’intégration panafricaine, comme la fameuse route transsaharienne en cours d’achèvement et le Trans Saharan Gas Pipeline à l’étude (il reliera les gisements du Nigeria à De g. à dr., Assitan Diarra-Thioune, Donald Kaberuka et Ahmed Ouyahia, l’Europe), mais aussi apporter leurs le Premier ministre algérien, le 18 février, à Alger. compétences en matière de conseil et d’assistance technique. Contrairement au FMI, la BAD est une institution – qui plus le bureau est dirigé par une économiste malienne chevronnée, est africaine – qui n’impose aucun diktat. « Je me réjouis d’être Assitan Diarra-Thioune, 54 ans, qui promet « d’être à l’écoute » à vos côtés pour vous accompagner dans la mise en œuvre de de tous les Algériens: « Ma mission première est de renforcer certaines de vos réformes, dans la formation et le renforceet d’approfondir le dialogue avec les pouvoirs publics, les enment des ressources humaines, dans les études économiques trepreneurs et les universitaires sur les questions de dévelopainsi que dans la promotion du secteur privé », a expliqué pement et les besoins prioritaires de l’Algérie. » ■ SAMIR GHARBI Donald Kaberuka. Doté d’un staff d’une dizaine de personnes, J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 6 3 • D U 2 1 A U 2 7 F É V R I E R 2 0 10

LOUIZA AMMI

Q

ue de talents aux quatre coins du monde! Tel est le principal enseignement du 16 e Salon international de l’édition et du livre (Siel), qui a célébré, du 11 au 21 février, à Casablanca, la production littéraire des « Marocains d’ailleurs ». Partenaires de l’événement, le Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME) et le gouvernement ont cofinancé, avec des éditeurs nationaux – La Croisée des chemins, Le Fennec et Marsam –, la traduction du français à l’arabe de nombreux ouvrages, comme Le Sommeil de l’esclave, de Mahi Binebine, ou Chroniques parisiennes, de Mo-

de Shaytan) et Hafid Bouazza, auteur de nouvelles, romans et pièces de théâtre, considéré comme l’un des jeunes écrivains les plus doués des Pays-Bas. « Ces artistes abordent souvent le thème du retour au pays avec un regard décapant, une liberté de ton, le cœur qui se pince de tel ou tel détail », explique Jay. On y découvre aussi la Flamande Rachida Lamrabet, qui, dans Vrouwland, raconte l’histoire d’un groupe de jeunes Marocains vivant au pays du roi Albert, et la Catalane Najat El Hachmi, dont le roman L’Últim Patriarca a été traduit en français en 2009. Sans oublier la filière française avec Mohamed Hmoudane, qui, dans French Dream, retrace le parcours d’un jeune immigré dans l’Hexagone. ■


56 INTERNATIONAL

AFG HANIS TAN

ÉCHEC AUX TALIBANS

Lʼoffensive de la coalition occidentale dans la province méridionale du Helmand, fief des fondamentalistes musulmans, et lʼarrestation, au Pakistan voisin, dʼAbdul Ghani Baradar, lʼadjoint du mollah Omar, marquent-elles un tournant dans la guerre ?

D

JOSÉPHINE DEDET

epuis des mois, ils marquent des points, c o n t r ôl e n t t r e n t e de s t r e nte - qu at r e provinces de l’Afghanistan et infligent des pertes croissantes aux troupes de la coalition occidentale (520 morts en 2009, près de 80 depuis le début de 2010), qu’ils sont venus narguer jusque dans Kaboul. En position de force, les talibans refusent – du moins officiellement, par la voix du mollah Omar, leur chef spirituel – de négocier avec le président Hamid Karzaï tant que les « envahisseurs » n’auront pas quitté le pays. Le déclenchement, le 13 février, d’une offensive dans l’un de leurs fiefs, la province méridionale du Helmand, et l’annonce concomitante de l’arrestation d’Abdul Ghani Baradar, chef militaire et trésorier de leur mouvement, leur ont porté un coup sévère. La chance seraitelle en train de tourner?

UN VRAI TEST

Il est trop tôt pour juger si cette prise spectaculaire, obtenue grâce à une étroite coopération entre les services américains (CIA) et pakistanais (ISI), suffira à désorganiser l’état-major taliban. Mais une chose est sûre: l’opération « Mushta-

rak » (« ensemble », en dari), qui rompt avec l’attentisme de ces derniers mois, a valeur de test. D’abord, parce qu’il s’agit de la plus vaste offensive menée depuis le début du conflit, en 2001: 12500 soldats engagés, américains et britanniques pour la plupart, épaulés par 2500 hommes de l’armée nationale afghane (ANA). Ensuite, parce que le Helmand est une plaque tournante du trafic de l’opium, vital pour les finances des insurgés. Enfin, parce que, comme l’explique le général James Jones, conseiller de la Maison Blanche pour la sécurité nationale, « c’est la première fois que tous les aspects de la nouvelle stratégie du président Obama sont mis en œuvre ». Et que ces derniers « ne

se limitent pas aux opérations de sécurité, mais s’étendent au développement économique et à la bonne gouvernance, avec une présence bien plus visible des forces afghanes ». L’objectif est de faire de la ville de Marjah et de ses environs la vitrine d’un Afghanistan modèle, administré par ses propres citoyens, où l’insécurité et la corruption ne seraient plus qu’un lointain souvenir. Le succès doit être pérenne, et avoir un effet d’entraînement. Sur le plan militaire, la partie n’est pas facile. Fidèles à leur tactique, les talibans sont en embuscade. Ils ont laissé derrière eux un terrain truffé de mines artisanales, qui retardent la progres-

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INTERNATIONAL 57 renfort pour amener l’adversaire à négocier. Se dirige-t-on vers cette issue ? Là encore, la réponse n’est pas évidente. Depuis des mois, Karzaï tend la main à ses « frères [talibans] désabusés qui ne sont pas membres d’Al-Qaïda » et, en bon seigneur féodal, leur propose de participer à une Loya Jirga (assemblée de chefs tribaux) afin de jeter les bases d’un partage du pouvoir. En vain. Des représentants talibans, des proches de Karzaï et des émissaires occidentaux se sont rencontrés secrètement, sous l’égide des Saoudiens. En signe de bonne volonté, et aussi pour semer la zizanie dans leurs rangs, les noms de cinq talibans « modérés », dont celui d’Abdul Wakil Mutawakil, l’ancien ministre des Affaires étrangères, ont été retirés de la liste noire de l’ONU qui gelait leurs avoirs et leur interdisait de voyager. Les « repentis » se voient proposer de l’argent et un travail. Mais si les responsables américains estiment que 70 % des talibans peuvent être « retournés », le magazine Newsweek est loin de partager cet optimisme: tous les combattants qu’il a interviewés disent avoir perdu un proche dans ce conflit et être mus par un sentiment de revanche.

Compagnie de marines en opération près de Marjah, le 13 février.

sion de leurs adversaires, et se fondent dans la population pour pousser ceuxci à la « bavure ». Le général Stanley McChrystal, commandant en chef des forces alliées, a beau privilégier l’engagement terrestre au détriment des raids aériens, prenant ainsi le risque de perdre des hommes pour « gagner le cœur des Afghans », neuf civils ont été tués dès le début de l’offensive. La suite ne s’annonce guère plus réjouissante. Les effectifs et la formation de l’ANA et de la police afghane sont très insuffisants, sans parler de ceux de l’administration locale. Si le plan Obama, entériné par la communauté internationale lors de la

conférence de Londres, le 28 janvier, a le mérite de la cohérence, « les objectifs n’ont pas été suffisamment clarifiés, estime Hubert Védrine, ancien ministre français des Affaires étrangères. Moderniser l’Afghanistan ne marchera pas, ou bien il faudrait laisser 500000 hommes sur place pendant vingt ans. La seule raison qui légitime notre présence est d’empêcher Al-Qaïda de se reconstituer, de veiller sur notre sécurité à long terme, avec moins de troupes ». En attendant, l’habile McChrystal s’attelle à créer les conditions favorables à un début de retrait. Ce spécialiste de la contre-insurrection a demandé – et obtenu d’Obama – 30 000 hommes en

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GORAN TOMASEVIC/REUTERS

QUID DES PAKISTANAIS ?

Que penser, dès lors, de l’arrestation de Baradar à Karachi, dans ce Pakistan si longtemps complaisant à l’égard du mollah Omar et de ses affidés – qu’il cache et protège depuis 2001 ? Signifie-t-elle que les Pakistanais, après des années de double jeu, coopèrent sincèrement avec les Américains? Sans doute faut-il chercher la réponse dans les déclarations (rarissimes) du chef d’état-major, Ashfaq Kayani, qui se dit prêt à jouer les médiateurs entre les Américains et ses (ex-?) protégés afghans. À l’évidence, le général prépare l’avenir: le Pakistan, qui « a des intérêts stratégiques en Afghanistan » et « entend les conserver » pour contrer l’influence de l’Inde, l’ennemi de toujours, sera un acteur essentiel des futures négociations. Avec Baradar, les Pakistanais ont-ils lâché une pièce maîtresse ou un pion dévalué ? Les uns pensent que la perte de ce brillant stratège décapite le mouvement taliban. D’autres croient savoir qu’il voulait négocier avec les Américains et aurait été trahi par les siens. Quel que soit le fin mot de l’histoire, l’arrestation du charismatique bras droit du mollah Omar devrait permettre à la CIA de recueillir des informations capitales. ■


58 INTERNATIONAL

VIETNAM, 1952

BETTMANN/CORBIS

ALGÉRIE, 1955

MICHEL DESJARDINS/TOP-RAPHO

OLEG POPOV/REUTERS

AFGHANISTAN, 2010

IRAK, 2008 Bras levés et regard de bête traquée, dans le collimateur de soldats le doigt sur la détente: scènes de chasse ordinaires le long de la ligne de fracture entre Nord et Sud. Qu’elles soient françaises, américaines ou autres, coloniales ou d’occupation, les troupes étrangères se comportent en terrain provisoirement conquis avec une brutalité aussi immuable que l’humiliation qu’elles imposent aux populations locales. « Vider l’eau pour asphyxier le poisson », disait le général Bigeard. « Clear, hold, and build » (« nettoyer, tenir, construire »), explique le général Petraeus. De la Kabylie au Helmand et du delta du Mékong au triangle sunnite, ces damnés de la terre que sont les civils en zone de conflit paient au prix de leur dignité, et souvent de leur vie, l’arrogance de l’envahisseur et la servilité de ses affidés: Bao Dai, Thieu, le bachaga Boualem, Chalabi, Karzaï… Le résultat est, lui aussi, immuable: après chaque opération, l’occupant publie un communiqué de victoire. Et la résistance, même la FRANÇOIS SOUDAN moins populaire, s’en trouve aussitôt renforcée. ■

PATRICK BAZ/TOPSHOTS/AFP

PORTFOLIO DIALOGUE DES CIVILISATIONS

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INTERNATIONAL 59 ARGENTINE

Tango fatal à Buenos Aires Le couple présidentiel au centre dʼun invraisemblable imbroglio juridico-politico-financier.

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taux de change était le plus favorable. Premier visé: Néstor Kirchner, qui a dû reconnaître avoir acquis 2 millions de dollars pour investir dans un hôtel de luxe dans la province de Santa Cruz, dont sa femme et lui furent l’un gouverneur, l’autre sénatrice. Les députés de l’opposition déposent alors une plainte contre le couple présidentiel pour « enrichissement illicite fondé sur des informations privilégiées ». Ils rappellent que la fortune des Kirchner a triplé depuis l’accession de Néstor à la magistrature suprême, en 2003. Cristina dénonce quant à elle une « conspiration pour faire échouer le règlement de [la] dette et pour imposer une politique de la faim ». FONDS VAUTOURS

Personne en Argentine ne souhaite que cette pantalonnade débouche sur la destitution de la présidente, tant l’économie est mal en point. Cristina Kirchner est pourtant loin d’être irréprochable. A-t-elle choisi de continuer à dépenser à toutva pour remonter dans les sondages après sa défaite aux législatives de 2009? Elle n’a réussi qu’à attirer l’attention sur sa gestion peu raisonnable. Désirait-elle rentrer en grâce auprès des investisseurs internationaux? Elle les a confortés dans le sentiment que l’Argentine est décidément incorrigible. Voulait-elle bénéficier de prêts à des taux enfin raisonnables? Elle n’a réussi qu’à rameuter les créanciers de son pays, qui ont tenté de faire saisir une partie des 6,5 milliards de dollars annoncés et pourraient passer la main aux « fonds vautours » pour faire rendre gorge à l’Argentine. Un flop magistral qui explique amplement l’accident vasculaire de Néstor… ■ NATACH PISARENKO/AP

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ictime d’un malaise, l’ancien Julio Cobos donne tort à Cristina, à qui président argentin Néstor il reproche de n’avoir pas d’abord saisi le Kirchner a subi une opération Parlement; celle-ci réplique en l’accusant de la carotide le 7 février. À de trahison. Quant à la Réserve fédérale sa sortie de l’hôpital, trois jours plus américaine, elle gèle les comptes de la tard, son chirurgien a estimé que le stress avait joué « un rôle significatif » dans cet accident vasculaire. On peut le comprendre. Depuis le 7 janvier, Néstor et Cristina, son épouse et actuelle chef de l’État, sont emportés par un véritable vent de folie, tandis que l’Argentine plonge dans une grave crise constitutionnelle, politique et financière. Ce jour-là, Cristina croit r é s oud r e u n d i le m m e . Faut-il ralentir les dépenses publiques, qui progressent au rythme de 30 %, quand les recettes, elles, ne progressent que de 20 % ? Faut-il, au contraire, commencer à rembourser les 18 milliards de dollars que l’Argentine doit à ses créanciers internationaux ? La présidente tranche : pas de remboursement, mais pas non plus de nouveaux prêts. Dans la foulée, elle signe un décret contraignant la Banque centrale à verser au Trésor 6,5 milliards de dollars. Refus de Martín Redrado, Cristina et Néstor Kirchner, le président de l’institution, en décembre 2009: un vent de folie. qui rétorque que lesdites réserves ont pour vocation Banque centrale argentine… Une comd’assurer la stabilité du peso et non mission parlementaire finit par accepter l’équilibre du budget national. Il est viré le départ de Redrado, qui démissionne le séance tenante. 2 février. Sa remplaçante, une fidèle du parti péroniste, s’empresse de déclarer TRAGICOMÉDIE que la mission de la Banque centrale est S’ensuit un imbroglio tragicomique. aussi d’assurer la croissance économique, Redrado refuse d’abord de partir, tanmais, pour l’heure, la justice l’empêche dis qu’une juge annule son licenciement et le transfert des milliards. Cela ne de donner satisfaction à la présidente. Redrado décide alors de se venger en dissuade pas Néstor Kirchner, à la tête communiquant à la presse une liste de d’une escouade de policiers, d’empêcher Redrado de pénétrer dans les locaux de « personnes au pouvoir qui ont acheté des dollars » en 2008, au moment où le la banque. De son côté, le vice-président

ALAIN FAUJAS


Lʻ Isle Dabondance…

L’

archipel des S e y c he l l e s, découvert en 1742, regroupe 115 îles et îlots dispersés dans l’océan Indien sur une Zone Économique Exclusive de 1,3 million de km 2. Ce chapelet d’îles mérite sa réputation touristique : les plages de sable blanc sont souvent désertes, les récifs coralliens fourmillent de vie, la faune et la flore ont un caractère unique (la fée et la veuve des Seychelles, la tortue géante, le requin baleine, le cocotier de mer…), les montagnes sont admirablement boisées et les paysages d’une grande diversité (granitique, madréporique). Ces remarquables sites offrent aux amoureux d’une nature préservée d’innombrables espaces de découverte. Cet ouvrage richement documenté et illustré explore de manière exhaustive les Seychelles d’hier et d’aujourd’hui.

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LES POINTS CHAUDS DU KIDNAPPING Irak

Mexique

La capitale latino-américaine du kidnapping. La plupart des personnes enlevées le sont en échange d’une rançon.

Les kidnappings visent étrangers et Irakiens. Les otages sont souvent vendus à d’autres groupes criminels.

Venezuela

Les victimes sont presque toujours vénézuéliennes. Les zones les plus dangereuses sont Caracas, la capitale, et les États frontaliers de la Colombie.

Risque très élevé Risque élevé Risque moyen

Nigeria

Le leader africain pour le nombre d’expatriés enlevés. Les victimes ? De riches Nigérians et des employés de firmes pétrolières.

Somalie

42 navires arraisonnés en 2008, 47 l’an dernier. Objectif des pirates : le versement d’une rançon. Grâce à l’intervention de la communauté internationale, le nombre des opérations réussies diminue.

TERRORISME

Pakistan

Les islamistes radicaux pratiquent souvent le kidnapping pour financer leurs opérations.

Afghanistan

Les travailleurs humanitaires et, de manière générale, les étrangers restent les cibles privilégiées des djihadistes.

Profession négociateur dʼotages Des consultants en kidnapping expliquent les ficelles de leur très discret mais très lucratif business.

D

onald Palmer est un homme tranquille. Depuis dix-huit ans, il exerce pourtant un métier dangereux : négociateur d’otages. Il gagne sa vie en marchandant la libération de personnes kidnappées. Palmer, qui a fait ses armes dans le renseignement en Irlande du Nord, n’en est pas peu fier : aucun de ses « clients » n’a perdu la vie au cours de sa détention. « Négocier une rançon est toujours la meilleure solution, explique-t-il. Nous n’employons la force qu’en dernier recours. » À l’heure où les pirates somaliens mènent une campagne de terreur dans la corne de l’Afrique et où des gangs ultraviolents s’attaquent aux riches familles mexicaines, la demande n’a jamais été aussi forte. En constante augmentation, le nombre des enlèvements avoisinait 15000 en 2008. À en croire Armand Gadoury, de chez Clayton Consultants, une société américaine spécialisée, les compagnies d’assurances s’efforcent d’obtenir leur part du gâteau en proposant des polices spéciales dites « K & R », pour « kidnapping et rançon ». La première fut contractée en 1932 après l’enlèvement et le meurtre

du fils de l’aviateur Charles Lindbergh, mais le marché n’a véritablement décollé qu’au début des années 1980, après une vague d’enlèvements en Colombie. L’Institut international des assurances évalue le montant total des primes versées à 300 millions de dollars par an. « DISTRIBUTEURS DE BILLETS »

Les consultants rechignent à dévoiler les détails des transactions et n’ont pas apprécié que le montant des sommes versées à certains pirates somaliens ait été rendu public. La plupart des sociétés travaillant dans des pays à risques contractent en effet des assurances en faveur de leurs salariés, mais ne le disent pas de crainte de mettre leurs vies en danger. À une époque, les employés des firmes pétrolières et gazières au Nigeria avaient hérité d’un surnom évocateur : « distributeurs de billets »… En règle générale, les consultants ne parlent pas directement aux kidnappeurs, mais se rendent néanmoins sur le terrain pour communiquer avec les employeurs et les familles des victimes. Leur tâche prioritaire : rapporter des « preuves de vie ». Ensuite, ils s’efforcent de faire baisser le prix de la rançon, pour

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le cas où une seconde serait réclamée, mais « sans donner l’impression d’avoir pour seul objectif de limiter leurs dépenses », explique Palmer. Certains négociateurs vont plus loin. Des agents de Clayton ont ainsi été présents jusqu’à la phase ultime des négociations avec des pirates somaliens. « Nous nous sommes retrouvés en tête à tête avec eux, raconte Gadoury. Notre homme a personnellement procédé à une remise d’argent. » Policiers et gendarmes ont fini par comprendre que, pour sauver la vie d’un otage, une bonne négociation est souvent plus efficace qu’un assaut des forces de sécurité. Un enlèvement dure, en moyenne, entre deux et trois mois. Seules 3 % des personnes kidnappées sont tuées. « Il est bien plus difficile de négocier avec des kidnappeurs qui ont des revendications politiques, même si l’argent fait souvent partie de leurs motivations », confie un autre consultant. Il n’y aurait à travers le monde qu’une trentaine de consultants en enlèvement disposant de plus de dix ans d’expérience. Donald Palmer est convaincu qu’ils ont à peu près tous le même profil : « Nous montrons de la compassion et nous croyons en ce que nous faisons. Mais évidemment, ça paie bien! » ■ JAMES BOXELL

© Financial Times et Jeune Afrique 2010. Tous droits réservés.

© THE FINANCIAL TIMES/REA SOURCES : CLAYTON CONSULTANTS ; INTERNATIONAL MARITIME BUREAU ; DONNÉES 2008

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62 INTERNATIONAL

ILS VIENNENT D’AFRIQUE, ILS ONT RÉUSSI AILLEURS

PARCOURS

Najat ARBIB

En octobre 2009, cette jeune mère de famille est devenue la première magistrate dʼorigine marocaine en Belgique. Elle rend aujourdʼhui la justice à Arlon.

S

on avenir était tracé. Née d’un père ouvrier, vivant dans un quartier pauvre de Liège (Belgique), fille aînée d’une famille nombreuse, Najat Arbib aidait consciencieusement sa mère aux tâches ménagères. Une sorte de formation à l’épouse et à la maman qu’elle deviendrait, sa communauté l’entourant, entre amour, protection et étouffement. Pourtant, les rails du destin ont été réaiguillés. Aujourd’hui, à 35 ans, la jeune femme est devenue « madame la juge », première magistrate d’origine marocaine de Belgique. Najat Arbib avait 12 ans. Elle se souvient : « Je me suis dit “soit je me marie tôt, soit je travaille rapidement”. Je me suis décidée à étudier sérieusement à l’école. » Le père insiste sur l’éducation, souligne l’importance de la lecture et de l’écriture, inculque le respect d’autrui. Najat veut aller plus loin. Elle travaille d’arrache-pied. Sa fenêtre sur le monde culturel se limite aux journaux télévisés. Seule sortie autorisée : la bibliothèque Les Chiroux. Au milieu des livres, elle découvre le deuxième degré des mots et se familiarise pour la première fois avec un autre univers. Un monde pas forcément meilleur, mais différent. Un monde où les parents sont parfois professeurs, où la lecture n’est pas seulement consacrée aux courriers administratifs. EN 1989, COMME TANT D’AUTRES IMMIGRÉS, les parents de Najat enterrent leur mythe du retour. Ils achètent une maison dans le quartier populaire d’Amercœur. Ce déménagement permet à la petite fille de découvrir d’autres horizons. Elle demande à changer d’école. Elle veut rejoindre l’Athénée Liège 1, une école « bien » du centre-ville. Elle y sera la seule « Arabe » de la classe. Sans renier ses origines, elle entend grandir les yeux ouverts et refuse les codes réducteurs qui contraignent les femmes. Elle se veut discrète. Au grand désespoir de sa mère, elle évite les mariages, ces grandes fêtes où les filles se mettent en vitrine. Les parents ne comprennent pas. Mais ils ont confiance. Son père a pour habitude de dire que « la confiance, c’est comme une allumette. Une fois grillée, c’est fini ». Sa fille ne consumera jamais ce bien précieux. Najat ne chemine pas seule. À chaque étape décisive, son amie Fatima est à ses côtés. Après le bac, Fatima opte pour la médecine. Najat veut suivre, mais par aversion du sang elle choisit la carrière d’« ingénieur civil ».

Elle prépare l’examen d’entrée pendant l’été 1993, ingurgitant des maths jusqu’à la nausée. Le doute s’installe : doit-elle poursuivre dans cette voie pendant cinq ans? Un événement va l’aider à choisir. Un jour d’été, elle rend visite avec son père au voisin. L’homme est gentil, mais son mur va tôt ou tard s’effondrer dans le jardin des Arbib. Il serait bon qu’il le consolide. Najat avance qu’ils ont « quand même le droit à la sécurité ». Et le voisin de répondre au père, incrédule : « Vous ne pensez tout de même pas que vous avez les mêmes droits que nous ? » La voix n’est pas agressive. À l’évidence, ils n’ont pas les mêmes droits. Najat en discute avec son père, qui conclut : « Je pense qu’il a raison. » La réponse ne la satisfait pas. Pour mieux comprendre, elle décide d’étudier le droit. CERTAINS GARÇONS DU COIN ONT DÉJÀ ESSAYÉ ET ILS ONT ÉCHOUÉ. Par amour, les parents de Najat veulent protéger leur fille des désillusions. « Tu vas rater. On ne réussit pas, nous, là-bas. » Un ami du père parie même 5000 francs [125 euros] que Najat ne tiendra pas jusqu’à Noël. Il les doit toujours. Najat a bouclé ses cinq années, brillamment. « Si les parents de Najat ne pouvaient pas suivre sa scolarité, ils étaient néanmoins très ouverts, se souvient Clarisse, une amie de vingt ans aujourd’hui juriste. Sa famille est très aimante, très attentive. Et à l’université, Najat n’était pas la pauvre Arabe du fond de la classe qui voulait s’en sortir. Elle avait de la volonté, sans être obsé-

« Vous ne pensez tout de même pas avoir les mêmes droits que nous ? » lui a-t-on dit un jour. dée par ses études. Elle était très sociable et très populaire. » Son parcours ouvrira la voie à d’autres, comme à Rachida, sa cousine, qui a suivi les cours universitaires de psychologie. « Najat est une référence. Elle m’a donné la motivation nécessaire pour me lancer dans cinq années d’études. » Tout en étudiant, Najat travaille comme caissière dans un magasin de bricolage. Ses collègues de magasin, ouvriers d’origine marocaine, félicitent ses parents pour son ascension sociale. Jadis, les rêves immigrés s’arrêtaient à la caisse. Najat paie ses cours et ses besoins quotidiens. Ses rentrées d’argent préparent aussi le stage au barreau nécesJ E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 6 3 • D U 2 1 A U 2 7 F É V R I E R 2 0 10


INTERNATIONAL 63

6 novembre 1974 Naissance à Liège 20 septembre 1998 Prestation de serment comme avocate 29 mars 2001 Naissance de son premier enfant 5 octobre 2009 Prestation de serment comme juge

saire pour devenir avocate. Deux années au cours desquelles les robes noires ne gagnent pas grand-chose. Une fois dans la profession, Najat Arbib arrache vite l’étiquette d’avocate « communautaire », refusant de se consacrer uniquement aux personnes d’origine marocaine. Malheureusement, elle ne peut éviter de rencontrer dans les lieux de justice d’anciens amis ou des voisins ayant mal tourné. Tantôt un braquage, tantôt la drogue. « Dans notre quartier, les parents se battaient pour inculquer des valeurs aux enfants, mais les tentations étaient parfois trop fortes pour les garçons. Des proches sont devenus héroïnomanes ou sont tombés pour de mauvais coups. » Très marquée par la violence urbaine, la femme de loi a décidé d’élever ses trois enfants à la campagne. Avec les encouragements de son mari, elle a passé avec succès les examens de la magistrature. En octobre 2009, sans même s’en rendre compte, elle est devenue la première juge d’origine marocaine de Belgique! Elle a demandé à travailler à Arlon, dans une petite juridiction. « Nous sommes neuf juges. Je fais de tout : correctionnel, mœurs, droit de la responsabilité. Je siège dans des chambres en appel de justice de paix, des tribunaux J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 6 3 • D U 2 1 A U 2 7 F É V R I E R 2 0 10

de police. J’ai 35 ans, j’en ai encore pour trente ans. Je n’ai pas envie de me spécialiser maintenant. » Madame la juge enchaîne dix audiences par mois. Elle siège deux ou trois fois par semaine. Ses décisions, elle les rédige après avoir couché ses enfants, à 20 heures. NAJAT ARBIB CONTINUE DE BEAUCOUP TRAVAILLER, toujours dans la discrétion. Mais l’ado appliquée a cédé la place à la magistrate épanouie, la « fille bizarre » est devenue « parcours modèle ». Et après avoir pris quelques distances avec sa communauté, elle retrouve avec plaisir son quartier. « Je suis respectée, écoutée, même par des hommes de 60 ans. » Elle évoque des projets d’associations pour les enfants d’immigrés et des projets personnels pour le Maroc. Elle s’y rend quatre fois par an, y envoie ses enfants en vacances. Elle participe aussi à des missions de coopération renforcée entre les justices marocaine et belge. Sereine, elle a réconcilié ses différentes identités. Maintenant, elle se rend volontiers aux mariages avec sa mère. Et elle a toujours en poche l’allumette de son père. ■ OLIVIER BAILLY

Photo : GAËL TURINE/VU pour J.A.


64 INTERNATIONAL FRANCE

Monsieur de Villepin aux champs

À

peine blanchi d a n s l ’a f f a i r e Clearstream – au moins dans l’attente de son procès en app e l – , D om i n ique de Villepin, qui, depuis son renoncement forcé aux ors de la République, exerce le métier d’avocat (« pour faire vivre ma famille », dit-il, dans un élan de simplicité qui ne lui est pas habituel), se lance parallèlement dans une curieuse opération de relookage politique. Avec Dans une porcherie, en Bretagne, le 15 février. un objectif unique, presque obsessionnel : nuire à Nicolas Sarkozy, son ennemi intime, hypothèse, croit-il sérieusement en l’homme qui s’était juré de le pendre ses chances de l’emporter ? Ou son à un croc de boucher. ambition se borne-t-elle à empêcher A-t-il vraiment l’intention, lui qui n’a son rival de faire le plein des voix de jamais brigué aucun mandat électif et droite au premier tour de scrutin, pour ne dispose au Parlement que d’une mieux précipiter sa chute au second ? poignée de fidèles, d’être candidat à Si loin de l’échéance, il lui est encore la présidentielle de 2012 ? Dans cette facile de faire illusion. Seule certitude :

ESPAGNE

V

sa cote de popularité – qui n’a naturellement rien à voir avec des intentions de vote – s’envole (57 % d’opinions favorables), quand celle de Sarkozy flanche dangereusement (38 %). Clin d’œil, sans doute, à son ancien mentor, cet inlassable flatteur de croupes bov ines qu’était, et que demeure, Jacques Chirac, M. de Villepin, qu’on avait rarement v u s’aventurer hors des palais nationaux, a, le 15 février, pris la clé des champs. Une plongée en apparence hasardeuse, en réalité calculée au millimètre près, dans la France rurale, au cœur de la Bretagne hivernale et bourbeuse. Message : « Vous me croyez trop snob pour mener une campagne électorale ? Eh bien, vous allez voir ! » On verra, en effet. Escorté d’un essaim de journalistes et de par tisans empressés, l’ancien Premier ministre a visité une porcherie industrielle, feint de s’émerveiller devant un imposant animal, puis, bonnet en plastique sur la tête et porcelet dans les bras, a lancé, goguenard : « Il ne vous rappelle pas quelqu’un ? » « Nicolas ! » a hurlé un idiot dans la foule. Quel métier ! ■ DOMINIQUE LEROUX/SIGNATURES

Lʼancien Premier ministre défiera-t-il Nicolas Sarkozy lors de la présidentielle de 2012 ? En tout cas, il se comporte comme sʼil était déjà en campagne.

M.Z.

Online, arabophone et gratuit

ous êtes arabe, vous vivez en Espagne et, bien que friand d’information, vous êtes las des sempiternels articles sur les péripéties de la politique ibérique ? Saïd Ida Hassan, 39 ans, pense être en mesure de résoudre votre problème. Cet ancien directeur du bureau madrilène de Maghreb Arabe Presse, l’agence officielle marocaine, a, le 8 février, lancé un journal d’information online arabophone – et gratuit. Immigration, relations entre les pays arabes et l’Espagne, actualité du royaume chérifien… Andaluspress.com se veut un espace d’information et d’expression pour le million d’Arabes – à 90 % d’origine marocaine – établis

en Espagne. « On ne parle d’eux que lorsqu’il y a des problèmes : arrestations de clandestins, trafic de drogue ou attentats », déplore Saïd Ida Hassan. Le 15 février, andaluspress.com, qui compte cinq salariés à plein temps, a enregistré 5 000 visiteurs. Un début. Sa maison mère, l’agence Andalus Media, a été créée il y a quatre mois. Elle dispose d’un capital de 100 000 euros apportés par le fondateur. De l’arrivée d’éventuels investisseurs dépend la réalisation d’une version hispanophone du site (en cours de préparation) et, pourquoi pas, d’un quotidien papier gratuit. ■ M.M. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 6 3 • D U 2 1 A U 2 7 F É V R I E R 2 0 10


LE PLUS DE JEUNE AFRIQUE

SEYCHELLES

Alors quʼil croulait sous les dettes et que ses piliers économiques vacillaient, lʼarchipel a mis le cap sur le libéralisme et réussi, en un an, à redresser la barre.

SYLVAIN GRANDADAM/HOA-QUI

La métamorphose


66 LE PLUS

SEYCHELLES

ROBERTO SCHMIDT/AFP

Le pays derrière

Après avoir frôlé la banqueroute, lʼarchipel de lʼocéan Indien a troqué son système socialiste contre un libéralisme à la créole. Une révolution, accompagnée dʼune mutation de lʼéconomie et du rapport des citoyens à lʼÉtat, qui en a surpris plus dʼun.

RÉMI CARAYOL, envoyé spécial

A

première vue, la carte postale est intacte. Plages de sable blanc et f in, rochers aux formes arrondies se jetant dans des eaux bleu turquoise… « La beauté des Seychelles est immortelle », se plaît à rimer Lena, une jeune hôtesse d’accueil. Aujourd’hui, c’est bien la seule certitude qui vaille. « Longtemps, les

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les plages

Mahé, l’île principale.

Seychellois ont cru qu’ils seraient épargnés par les crises, que l’État, considéré comme une seconde mère, serait toujours là pour les couver. On se croyait hors du monde. Autant dire qu’on est tombés de haut ! » témoigne Victor, un enseignant. La crise est en effet passée par là. À la fin de 2008, les autorités ont dû di re ce qu’i l en éta it au x 87 000 Seychellois : le pays est ter-

riblement endetté, plus personne ne veut lui prêter le moindre dollar, ses réserves financières se limitent à l’équivalent de trois jours d’importations… « Le pays était proche de la banqueroute, explique un diplomate. L’inflation tutoyait les 60 %, les étals des magasins étaient vides, et, de toute façon, nombre de Seychellois n’avaient plus les moyens de consommer. » Les piliers de l’écono-

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mie nationale vacillaient : les acteurs du tourisme craignaient, au début de 2009, une baisse de la fréquentation de 25 %, la pêche enregistrait des tonnages bas comme jamais depuis les années 1980, et les créations de sociétés offshore stagnaient. « Plus aucun État ni aucune banque privée ne voulait nous prêter de l’argent », se souvient Pierre Laporte. Quand, en novembre 2008, cet ancien


68 LE PLUS SEYCHELLES

« Il y a un an, plus aucun État ni aucune banque ne voulait nous prêter d’argent. » vieux modèle socialiste à la sauce créole – impulsé de 1977 à 2004 par le président France-Albert René – contre un costume capitaliste tout neuf et standardisé, quoique toujours teinté d’un fond insulaire, que l’on pourrait résumer ainsi : libéraliser l’économie tout en préser vant les acquis sociaux. CHANGEMENT DE CAP

PÊCHE

De lʼartisanat à lʼindustrie C’EST PAS LA JOIE AU PORT DE VICTORIA. Quelques équipages se préparent à prendre la mer sous un soleil de plomb. Leurs bateaux, plutôt gringalets, n’ont rien à voir avec les deux énormes thoniers senneurs qui ont jeté l’ancre dans la rade. D’autres esquifs reviennent à terre après une semaine de mer et, à voir la tête de Vincent et d’Akon, la pêche n’est pas fameuse. « Avant, il suffisait de partir à 10 km des côtes et de jeter la ligne, maugrée Vincent, le plus âgé des deux. Aujourd’hui, quand on ramène une tonne, la moitié de ce qu’on pêchait avant, on est contents. Et encore, on doit partir plus loin. » À 50 km, 70 km, mais pas trop loin non plus, car les pirates somaliens rôdent. Selon les autorités, ils seraient les premiers responsables de la baisse record enregistrée l’an dernier dans les activités de transbordement des thoniers au port de Victoria (– 67 %). Des mesures ont été prises (voir p. 71) : désormais, pas un thonier ne quitte Victoria sans quelques hommes armés à bord – deux, trois ou plus. Pour Akon, dix ans de métier, le vrai problème ce sont eux, les « gros bateaux », surtout ceux qui viennent d’Iran ou du Japon pêcher dans la zone sans autorisation et piller les fonds. D’autres sont là avec autorisation. La vente des licences à la trentaine de thoniers senneurs étrangers (principalement français et espagnols) enregistrés à Victoria est une activité lucrative pour les Seychelles, qui rapporte 7 à 8 millions d’euros par an à l’État. Après le tourisme, la pêche est le deuxième pilier de l’économie : elle représente 7,7 % du produit intérieur brut (PIB) et un vivier de près de 5 000 emplois. Cependant, les revenus générés par le secteur ont considérablement chuté. Au premier trimestre 2009, les prises n’étaient que de 62 000 tonnes, soit moitié moins qu’au premier trimestre 2008 et le plus faible tonnage enregistré depuis R.C. les années 1980. ■ Ce changement de cap ne s’est pas fait en un jour, mais presque. Porté pa r une vér itable révolut ion des mentalités. Privatisations, déréglementation du système monétaire, libéralisation… « Nous sommes sur la voie d’une économie moderne », s ’e nt h ou s i a s m e le m i n i s t r e de s Finances, Danny Faure, qui a fait ses études supérieures à Cuba et parle aujourd’hui comme un habitué de Wall Street. « La tempête est passée, le bateau est devant », se réjouit-il.

Il est vrai que les statistiques n’ont plus rien à voir avec celles de l’an dernier. En ce début d’année, l’inflation oscille entre 0 % et 1 %. Le taux de change de la monnaie s’est stabilisé : un temps échangé contre 18 roupies, le dollar en vaut désormais à peine 10. Les taux d’intérêt, qui approchaient des 30 % au début de 2009, ont été revus à la baisse, même s’ils restent encore élevés. Les réserves financières ont grimpé à 156 millions de dollars – l’équivalent

▲ ▲ ▲

« Depuis un an, il y a eu une libéralisation de l’économie extrêmement rapide », reconnaît un diplomate, qui souligne par ailleurs l’incrédulité du FMI quant à la capacité des Seychellois à s’adapter. « C’est vrai qu’ils nous ont avoué avoir été très surpris par nos résultats », confie Pierre Laporte. À tel point que le programme de facilitation proposé par le Fonds en décembre 2008 a été stoppé dès décembre dernier, un an avant son terme, et que les Seychelles sont désormais engagées dans un nouveau programme de trois ans.

JEAN-PIERRE DEGAS/HEMIS.FR

cadre du Fonds monétaire international (FMI) a décidé de revenir au pays et de prendre les rênes des finances seychelloises en tant que gouverneur de la Banque centrale, la dette du pays s’élevait à 844 millions de dollars (160 % du PIB). « Pendant des années, explique-t-il, le pays a choisi de financer un système très généreux pour assurer le bien-être de ses habitants en empruntant. Cela a permis d’assurer un certain niveau de vie et de fournir aux Seychellois des services d’une grande qualité. Mais ce n’était plus viable. » Les autorités ont donc tranché dans le vif. En 1991, un quotidien f rançais t it rait, à propos des Seyc helles : « Lénine au paradis ». Un hebdomadaire britannique parlait, quatre ans plus tard, du « Marx Paradise » (« Le paradis de Marx »). Tous deux sont désormais aux oubliettes. En moins de temps qu’il n’en faut pour construire un hôtel de luxe, l’archipel aux 115 îles a troqué son bon

Goélettes dans la baie Sainte-Anne, sur l’île de Praslin.

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CommuniquĂŠ


PÊCHE RESPONSABLE, DÉVELOPPEMENT DURABLE Au cours des 30 dernières années et depuis l’indépendance, les Seychelles ont connu une croissance économique importante, reposant sur la pêche et le tourisme. La Seychelles Fishing Authority, créée en 1984, est l’administration en charge de la gestion du secteur pêche. La croissance de l’économie au cours des deux dernières décennies a coïncidé avec le développement de l’industrie de la pêche thonière et l’établissement de la conserverie IOT. Victoria est devenu un hub régional pour le thon et la pêche industrielle, où opèrent des palangriers Taiwanais, Japonais, Coréens mais aussi Seychellois, depuis qu’une flottille seychelloise de palangriers semi industriels (thon et espadon) s’est développée dans les années 90. Bien que la production halieutique, les exportations de produits de la mer et la création d’emplois soient principalement générées par l’activité industrielle, la pêche artisanale joue un rôle socio-économique crucial pour les communautés locales. La production artisanale alimente 90 % du marché local, sachant que la consommation de produits de la mer aux Seychelles est une des plus élevées au monde avec 58,7 kg par habitant. Les captures du secteur artisanal s’élevaient à 4 475 T en 2005 pour une valeur économique comprise entre 12,7 USD et 15,1 USD et représentant 1,5 a 2 % du PIB. Sa valeur à l’exportation atteignait 3 millions USD en 2005.

Les captures de la pêche artisanale comprennent des espèces pélagiques et démersales, ainsi que des poissons de récifs, langoustes, bêches de mer et poulpes. La pêche artisanale est exclusivement réservée aux citoyens Seychellois. La plupart des pêcheries artisanales sont régies par un système de licences de pêche. Des plans de gestion des ressources existent pour la bêche de mer et la langouste dont la pêche est contrôlée par des mesures réglementaires. Seychelles Fishing Authority

Fishing Port, Victoria, Mahé, Seychelles Tél. : +248 67 03 00 - Fax : +248 22 45 08

Email : management@sfa.sc

www.sfa.sc

En pleine mutation, le secteur de la pêche va prochainement offrir de nouvelles opportunités de production, avec la mise en place d’un plan de développement de l’aquaculture marine.

Réalisation DIFCOM C.C. / Photos : D.R

Le secteur pêche génère 6 000 emplois représentant 17 % des emplois aux Seychelles où 10 % des ménages dépendent de cette activité. La pêche artisanale embauche entre 1 700 et 1 800 personnes.


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Le bon vieux « Marx Paradise » a revêtu un costume capitaliste tout neuf. mis à Victoria de diminuer la charge de ses emprunts privés. Aujourd’hui, la dette représente 50 % du PIB, un niveau soutenable. L’économie aussi va (légèrement) mieux. En 2010, les autorités comptent sur une croissance de 4 %, contre – 8 % l’an dernier. Le secteur touristique a limité la casse en 2009, avec 160 000 entrées (soit une fréquentation en baisse de seulement 1 % par rapport à 2008), et les activités offshore redémarrent. « Nous recevons un grand nombre de projets, mais nous tenons à les sélectionner et à être vigilants », indique le gouverneur de la Banque centrale. Le paradis des touristes ne veut pas devenir celui des fiscalistes. Tout n’est pas rose, évidemment. La fréquentation n’a été satisfaisante que grâce à des efforts de la part des hôtels, qui ont proposé des promotions importantes. Résultat : les revenus liés au tourisme ont chuté de 20 %. « Que veut-on faire ? s’interroge un entrepreneur local. Veut-on que de grands groupes étrangers continuent de venir faire beaucoup d’argent sur place sans en faire bénéficier les Seychellois ? C’est ce que je crains. » DES MERS VIDÉES

Une armada au paradis

LA MENACE DES PIRATES SOMALIENS A CHANGÉ LA DONNE. Ces derniers mois, les bâtiments étrangers, frégates ou croiseurs, se sont multipliés aux Seychelles : 80 marins français y stationnent en permanence, ainsi que des espagnols, des américains… Quand Washington a déployé trois drones Reaper d’espionnage sur l’île de Mahé, en novembre dernier, 200 GI ont débarqué. Beaucoup sont partis, mais l’armée américaine s’est aménagé un entrepôt à l’aéroport. Jusqu’en 2009, les Seychelles pensaient être à l’abri de la piraterie. Quand, en janvier de l’an dernier, un équipage local a été pris en otage dans l’espace maritime de l’archipel, dans une zone fréquentée par des touristes, ce fut l’électrochoc. C’était la première fois depuis longtemps, depuis les attaques de mercenaires au début des années 1980, que le pays était menacé dans son intégrité. Immédiatement, les autorités ont réagi. L’équipage a été libéré contre une rançon. L’opération de sécurisation « Atalante » menée par l’Union européenne plus au nord a été étendue aux Seychelles. Et, depuis, les puissances étrangères envoient régulièrement leurs navires : l’Inde, la France, les ÉtatsUnis… Des sociétés de sécurité privées sont également présentes. Il en va des intérêts vitaux du pays. La piraterie menace la pêche et le tourisme, ses deux piliers économiques, ainsi que l’approvisionnement de l’archipel, qui importe beaucoup de ce qu’il consomme. Plusieurs pays ont signé des accords bilatéraux en vue de former l’armée seychelloise – « une réussite », estime un diplomate. Un plan de restructuration des forces de défense est en cours. En décembre, la première unité spéciale antipiraterie seychelloise, dénommée « Tazar », a vu le jour. Cependant, « la solution au problème, rappelle le chef de l’État, James Michel, se situe en Somalie », à R.C. 1000 km de Victoria. ■ Commando de la marine française arraisonnant un équipage de pirates, en novembre dernier.

(voir ci-dessus), mais elle n’est pas la seule responsable. « Les thoniers étrangers sont en train de vider nos mers. Bientôt, il n’y aura plus de poisson ! » s’insurge le vieux pêcheur. Le « paradis » social a également tendance à s’effriter. On est redescendu sur terre. En quelques mois, 2 500 fonctionnaires (sur un total de 17 000) ont été priés de faire leurs cartons. Bryan Julie, un avocat spécialisé dans le droit du travail, parle de « pressions » pour les faire décam-

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per. « On constate un grand nombre d’abus dans les licenciements, tant au niveau du privé que du public », note-t-il. Ces douze derniers mois, son cabinet a vu 250 salariés licenciés venir se plaindre – une augmentation de 40 % à 45 % par rapport aux années précédentes. Le gouvernement rétorque que les départs volontaires ont été accompagnés d’indemnités, de propositions de formations, et aujourd’hui, indique Danny Faure, la quasi-totalité

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La pêche vit, elle aussi, une période de turbulences (voir p. 68). Au port de Victoria, les marins s’inquiètent. « Aujourd’hui, on doit aller bien plus au large qu’il y a dix ans pour trouver du poisson et on en pêche deux fois moins », se désole Vincent, trentecinq ans de mer. En 2009, le pays a enregistré une chute de 50 % des prises par rapport à 2008. La piraterie n’est pas étrangère à ce phénomène

SÉCURITÉ

ECPAD/AFP

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de près de deux mois d’importations. Enfin, la dette du pays a été considérablement délestée. Le Club de Paris a accordé un allégement de 45 % en avril 2009 – « en guise de satisfaction quant aux réformes engagées », explique un diplomate européen –, et plusieurs accords ont per-


Voyagez avec Air Seychelles et appréciez l’esprit créole Air Seychelles est à l’image du caractère exceptionnel des Seychelles qui allie amabilité, diversité, simplicité et respect des normes internationales. Air Seychelles a été fondée il y a 31 ans avec pour vocation la desserte domestique des iles faisant partie de l’archipel des Seychelles. La compagnie nationale a débuté ses opérations avec seulement deux appareils ‘Twin Otters’. Aujourd’hui elle est un leader régional dans les opérations sur Boeing 767 avec 20 ans d’expérience dans la gestion de ces appareils. Elle poursuit son développement, investissant dans de nouveaux appareils, améliorant sa flotte et ses infrastructures.

Air Seychelles a une flotte de 10 appareils : Service inter- iles • 3 Twin Otters (20 sièges) • 2 Shorts 360 (36 sieges)

Service international • 3 Boeing 767-300 ER (220 sieges) • 2 Boeing 767-200 ER (193 sieges)

Un réseau international Notre réseau est en constante expansion afin de répondre aux demandes de notre clientèle. Chaque semaine, Air Seychelles relie Mahé à 6 destinations européennes et 3 de la région.

Salon Vallée de mai

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Le réseau inter-iles Air Seychelles effectue de nombreux vols inter-iles quotidiens sur Praslin et des vols à la demande vers les iles Frégate, Bird, Denis, Desroches et Alphonse utilisant sa flotte de Twin Otters et Shorts 360 bien adaptée aux vols courts et fréquents. Pearl Class

Pearl Class

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www.airseychelles.com


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des anciens fonctionnaires a intégré le privé. Le chômage est passé de 2 % à 4 %. « La vie est plus difficile, reconnaît Lena, la jeune hôtesse. Nos parents avaient moins de soucis. Nous, les jeunes, on se demande si on aura autant de chance. » Auparavant, les prix des produits de première nécessité étaient fixés par le gouvernement et restaient abordables. Mais, depuis la crise, ils ont considérablement augmenté alors que les salaires sont

L’anse Volbert, sur l’île de Praslin.

TOURISME

Du rêve sur mesure

CE 27 JANVIER, IL Y A DU BEAU MONDE à l’assemblée annuelle des acteurs du tourisme. Ambassadeurs étrangers, ministres, chefs d’entreprise : le Palais des congrès de Victoria est plein à craquer. Il faut bien ça pour saluer le premier pilier de l’économie nationale (37,5 % du PIB), pourvoyeur de près de neuf emplois sur dix. À la tribune, Alain Saint-Ange, le « patron » du tourisme seychellois, détaille sa nouvelle stratégie. À ses côtés, le président, James Michel, le vice-président, Joseph Belmont, et le patron d’Air Seychelles, David Savy. Public et privé main dans la main : s’il en fallait un, le secteur touristique serait le symbole de la mue du pays. Longtemps chasse gardée de l’État, le secteur a pris un nouveau départ au début de 2009. « Le gouvernement a approché les opérateurs privés et a dit : “Vous êtes les mieux placés. À vous de jouer” », résume Saint-Ange. Ainsi naquit le Seychelles Tourism Board (STB), institution mi-publique mi-privée dont il est le directeur. Il était urgent d’agir, car, si le nom Seychelles fait toujours rêver, il a été battu en brèche par la crise financière internationale et a pâti de l’image tronquée d’un tourisme exclusivement de luxe. La fréquentation s’en est ressentie : – 19 % début 2009. À grands coups de promotions, les opérateurs ont sauvé la face et le STB a élaboré une nouvelle communication – « Les Seychelles abordables » – censée attirer une clientèle moins huppée. Résultat, le nombre de touristes n’a finalement chuté que de 1 % en 2009, à 156 000 entrées, et une hausse de 5 % à 6 % est prévue pour 2010. Les projets ne manquent pas. D’ores et déjà, un accord a été passé avec Emirates Airlines (un vol par jour à partir de juin) pour attirer la clientèle arabe. Début février, un hôtel cinq étoiles, le Constance Ephelia – le plus grand du pays, avec 340 chambres –, a été inauguré sur l’île de Mahé. Parallèlement aux complexes de luxe, le STB entend désormais développer le tissu des petits hôtels. ■ R.C. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 6 3 • D U 2 1 A U 2 7 F É V R I E R 2 0 10

VANDERMEEREN/ÉDITIONS DU JAGUAR

« Nous ne voulions pas connaître les troubles que l’on voit à Madagascar. » restés les mêmes : 33 % d’inf lation sur l’année et pas d’augmentation de salaire. Au début de 2010, l’heure de travail est toutefois passée de 15,50 à 16,50 roupies (0,89 à 0,95 euro) minimum. Un salaire moyen tourne autour de 2 600 roupies (150 euros). « Ce n’est pas suffisant pour payer le loyer, les factures et l’alimentation », déplore Victor, persuadé que les commerçants, profitant de la déréglementation, s’en mettent plein les poches. Sans parler de l’essence, dont le prix du litre à la pompe a plus que doublé en quelques mois, passant de 7,86 à 16 roupies. CALME SUR LE FRONT SOCIAL

« Le pouvoir d’achat a baissé, c’est sûr, reconnaît Pierre Laporte. Les gens ont connu des difficultés, certains n’ont pas pu construire leur maison. Mais c’était le prix à payer pour retrouver la stabilité. Et les Seychellois l’ont bien compris. Ce sont des gens instruits. Et le président a énormément communiqué », estime le gouverneur de la Banque centrale. De fait, aucune grève n’a été enregistrée. La révolution a été de velours… L’opposition n’est pas de cet avis. Elle rappelle que le droit de grève est quasi banni du pays et affirme que c’est à elle que l’on doit l’absence de réactions. « Nous n’avons pas appelé à descendre dans la rue, car nous avons joué la carte de la responsabi-


lité. Nous ne voulions pas connaître les troubles que l’on voit à Madagascar, assure Wavel Ramkalawan, le leader du Seychelles National Party (SNP). Et pourtant, nombre de nos militants nous demandaient de réagir. Ils nous en ont voulu… » Dans les locaux un peu vieillots du parti fondé par le premier président du pays, James Mancham, Ramkalawan ne décolère pas. Pour ce prêtre, « le gouvernement fait fausse route. Il est passé en un temps record du socialisme à l’ultralibéralisme. Il ne se soucie pas du petit peuple, qui souffre beaucoup plus qu’auparavant ». Jadis accusé de défendre les intérêts de la grande bourgeoisie, le SNP se présente désormais comme le porte-voix des petites gens. Ramkalawan voudrait « une transition plus souple et moins rapide ». Mais son discours est peu entendu, pour la simple raison, expliquent certains, que le gouvernement a recyclé une partie des idées qu’il défendait auparavant. Sûrement, aussi, parce que l’État-providence est une réalité encore bien présente. PAIERA QUI POURRA

Sous son costume de jeune converti, Danny Faure n’oublie pas d’où il vient. « Nous sommes tous les produits d’un système. Si je suis là, c’est parce que j’ai reçu une éducation gratuite, c’est parce que j’ai été soigné, c’est parce que l’État a financé mes études supérieures. » Et il n’est pas quest ion, assure le m i n ist re des Finances, de toucher à ces fondements. Rares sont les pays, en Afrique, à pouvoir se targuer d’offrir à tous les enfants une scolarité et à tous les habitants une couverture santé totalement gratuites, des pensions pour les retraités ou les handicapés, un système de transports accessible à tous. S’il n’est pas question de toucher à cela, il faudra tout de même réformer. L’État continuera d’assurer ses missions : construction de logements sociaux, aides aux plus démunis, etc. Mais le FMI a demandé que les dépenses publiques soient maîtrisées. « Nous allons aller vers un système plus juste », soutient Danny Faure. Comprendre : ceux qui le pourront paieront. « Pourquoi moi, ministre, je ne participerais pas plus au financement de ma santé ou de mes transports alors que j’en ai les moyens ? »

JEAN-PIERRE DEGAS/HEMIS.FR

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L’identité seychelloise passe aussi par la musique.

SOCIÉTÉ

Le créole contre le communautarisme PENDA CHOPPY EST INQUIÈTE. À l’entendre, le créole serait menacé. « De plus en plus de jeunes parents sont persuadés que c’est la raison de l’échec de leurs enfants. Beaucoup leur parlent en anglais même à la maison, maintenant. » Pourtant, la directrice de l’Institut créole en est persuadée: s’il est une chose qu’il faut conserver de l’époque socialiste, c’est bien l’apprentissage du créole à l’école. En 1981, les résultats scolaires des enfants seychellois étaient catastrophiques. À l’entrée dans le secondaire, très peu savaient lire et écrire l’anglais, la langue d’apprentissage… alors qu’à la maison les enfants parlaient créole. Et, alors que deux ans plus tôt, les pays parlant créole (Seychelles, Maurice et la Réunion dans l’océan Indien, la Guadeloupe, la Martinique et Haïti dans les Caraïbes) s’étaient réunis au sein de l’association Bannzil Kreol, le gouvernement de France-Albert René décide – une première dans le monde – d’enseigner dans cette langue héritée de la traite négrière. L’initiative est une réussite. En 1985 déjà, les premières études font état de l’amélioration des résultats des élèves. Désormais, maîtrisant mieux le créole, ils sont plus à l’aise en anglais et en français, les deux autres langues officielles. Le créole perpétue aussi l’histoire du peuple seychellois, fait d’esclavage, puis de métissage. Dans les rues de Victoria, que l’on soit blanc ou noir, on ne peut pas faire la différence car tout le monde parle la même langue. Ce métissage, qualifié par certains observateurs de « parfait », le pays entend bien le préserver. Outre la réalisation d’un dictionnaire, l’Institut créole travaille à la création d’un logiciel de correction électronique en créole. Histoire de le mettre à la page… Et R.C. de rappeler aux sceptiques que ce n’est pas une langue du passé. ■ Pa r m i les nouveautés, plusieu r s impôts vont être levés, dont une taxe à la consommation (TVA) et un impôt sur le revenu. « La période de l’assistanat est finie », se félicite Antoine Robinson, le secrétaire général du seul syndicat du pays, la Seychelles Federation of Workers Union (SFWU) – dont la fédération est directement liée au parti au pouvoir (ses locaux sont dans la Maison du peuple, le siège du Lepep).

Dans le même temps, afin de promouvoir le secteur privé et d’attirer les investissements étrangers, les entreprises verront leurs charges allégées, avec notamment une baisse progressive de la Business Tax. « Les Seychelles abordables » n’est pas seulement le slogan de la campagne publicitaire lancée par le secteur touristique en 2009 (voir p. 73), c’est aussi le message lancé aux investisseurs. Qui l’ont entendu :

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après les Mauriciens (arrivés dans les années 1990) et les Indiens, les Chinois, les Russes et les MoyenOrientaux s’intéressent désormais à l’archipel. À ses plages évidemment, mais aussi à ses activités offshore et à sa place financière – deux secteurs qu’entend développer Danny Faure. Les acquis sociaux résisteront-ils à ce nouveau discours ? Les membres de l’opposition craignent que, « le cheval de Troie néolibéral désormais dans la place », personne ne puisse lui résister. L’arrivée de cer tains investisseurs à la réputation opaque – Chinois, Russes, Arabes – les inquiète. L’importation de main-d’œuvre

« C’est le grand écart entre bureaucratie et ouverture incontrôlée aux investisseurs. » aussi. « On recense actuellement environ 9 000 travailleurs étrangers, essentiellement dans le tourisme et la construction, explique Antoine Robinson. Ce sont des emplois qui devraient revenir aux Seychellois, mais les jeunes d’aujourd’hui les refusent, et les entreprises en profitent : avec les étrangers, elles ne respectent pas le droit du travail et paient au rabais. » Chaque matin, on assiste à un ballet de camions à benne transportant des dizaines d’Asiatiques vers leur lieu de travail. Si le syndicaliste dit faire confiance au gouvernement, certains entrepreneurs ne cachent pas leur pessimisme. UNE DÉLICATE TRANSITION

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L ot i s au deu x iè me ét age d’u n immeuble discret, à deux pas du ministère des Finances, les locaux de la Chambre de commerce et d’industrie (SCCI), qui compte 350 membres allant du petit entrepreneur local aux grands groupes étrangers, sont à l’image de son influence : restreints. La SCCI s’est longtemps sentie impuissante face à la bureaucratie. Aujourd’hui, sa voix compte un peu plus, mais pas encore assez. « Les lois votées en décembre, qui nous concernent directement, ne nous ont été présentées qu’en janvier. Nous n’avons pas eu notre mot à dire, déplore

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UNE UNIVERSITÉ COMME VITRINE LA CRISE A FAILLI RETARDER SON AVÈNEMENT, mais l’université des Seychelles a bien ouvert ses portes, en septembre 2009. Les moyens sont pour l’instant modestes : un bâtiment réaménagé en guise de campus et une grosse cinquantaine d’étudiants inscrits en informatique ou en business, les seuls cursus proposés. En tout cas, les ambitions sont grandes, à l’image de la réussite scolaire de la plupart des Seychellois, en grande partie due à la gratuité de la scolarisation. « En septembre 2010, nous ouvrirons d’autres cursus: droit, économie, environnement et géographie, histoire, finances… », annonce le président de l’université, Rolph Payet.

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Nicole Ti r a nt- Ghér a rd i, la secrétaire générale de l’organisation. Cela étant, les réformes engagées par le gouvernement étaient nécessaires, et nous les demandions depuis longtemps. Mais l’État ne s’est pas posé cette question essentielle : comment faire des affaires et créer des emplois aux Seychelles ? » Horizon bien plus pessimiste encore selon un chef d’entreprise pour qui

Fondée pour répondre à une problématique financière (le pays finance toutes les études de ses ressortissants, et un étudiant formé sur place coûte cinq fois moins cher que s’il est envoyé à l’étranger), l’université a vocation à devenir un pôle d’excellence. « Nous voulons en faire un centre de recherche dans les domaines sur lesquels nous voulons mettre l’accent: tourisme, environnement, changements climatiques, sans oublier le créole », explique Rolph Payet. À terme, l’objectif est de faire venir des étudiants des universités du monde entier, dont celles de Londres, Paris, la Réunion, avec lesquelles l’université R.C. des Seychelles a des accords. ■

le pays se trouve écartelé entre, d’un côté, une bureaucratie encore trop puissante, et, de l’autre, une ouverture incontrôlée aux investisseurs étrangers. « C’est le grand écart et, au milieu, le gouffre… constate-t-il. C’est ce gouffre qu’il faut combler. En faisant en sorte que les Seychellois créent eux-mêmes la richesse de leur pays. » Danny Faure le reconnaît, qui veut fournir à ses concitoyens

les clés pour créer leur entreprise. « Nous allons bientôt mettre en place des mesures favorables aux PME », annonce-t-il. Toute transition est délicate, et si le gouvernement ne cache pas sa satisfaction quant aux résultats des réformes, il est conscient de n’en être qu’au début et qu’il faudra être vigilant pour éviter de tomber dans les excès du libéralisme. ■


ES LES SEYCHELLES

Océan Indien

PRASLIN SILHOUETTE

SEYCHELLES : L’ÉCONOMIE 2009, LES PERSPECTIVES 2010 LA DIGUE

Victoria

150 km

10 km

MAHÉ

CHRONOLOGIE 29 juin 1976 Indépendance. Proclamation de la République. James Mancham devient président. 5 juin 1977 Mancham est renversé et remplacé par France-Albert René. 3 décembre 1991 Loi sur le multipartisme. 4-6 décembre 2002 Le Front progressiste du peuple seychellois (SPPF, au pouvoir) remporte les législatives. 14 avril 2004 France-Albert René démissionne et est remplacé, le 16, par son vice-président, James Alix Michel. 30 juillet 2006 James Michel est élu président avec 53,7 % des suffrages. 16 avril 2009 Le Club de Paris et les Seychelles sont convenus d’une annulation nominale de 45 % du stock de dette, le pays s’engageant à mettre en œuvre les réformes requises au titre du programme soutenu par le FMI. 2 juin 2009 France-Albert René cède au président James Michel la direction du SPPF, rebaptisé pour l’occasion Parti du peuple (Lepep). LE PAYS EN BREF Superficie 453 km2 (115 îles). Population 87400 habitants. Espérance de vie 73 ans. Taux d’alphabétisation 92 %. Indice de développement humain 0,845 (57e rang sur 182). Langues officielles Créole, anglais, français. Monnaie Roupie seychelloise (SCR). Parité au 1. 2. 2010 : 1 euro = 15,15 SCR; 1 dollar = 10,94 SCR. PIB par habitant 9640 dollars (estimation). Répartition du PIB Primaire, 3 %; secondaire, 25,6 %; tertiaire 71,4 %.

A"n de consolider leur cadre A macro-économique national, les Seychelles ont mis en œuvre en 2009 des réformes économiques ambitieuses avec le soutien du Fonds monétaire international (FMI). Les réformes monétaires ont dé"ni un cadre régi par les règles du marché, avec libéralisation intégrale du régime de change, alors que la politique budgétaire et "scale a été resserrée par réorganisation du système "scal et amélioration de la gestion des "nances publiques. Les premiers résultats sont très encourageants. L’excédent du solde "scal primaire pour 2008, provisoirement estimé à 15 % du PIB, permet une réduction du stock de la dette intérieure et une restructuration de la dette extérieure. En avril 2009, le Club de Paris a consenti aux Seychelles une réduction de 45 % de sa dette nominale, des créanciers privés accordant des allègements comparables début 2010 tandis que se poursuivent d’autres négociations pour ramener la dette à 50 % du PIB (160 % avant la restructuration). Ces réformes ont rapidement stabilisé les marchés en dépit de l’envolée des taux après la libéralisation. Dès début 2009 le taux de change s’est réapprécié et les taux d’intérêt ont diminué. Fin 2009 l’in!ation revenait à 0,5 %, contre 63 % "n 2008. Du fait de la baisse des importations et des bonnes performances du tourisme, pilier de l’économie seychelloise, le dé"cit courant de la balance des paiements a été ramené à 22 % du PIB (évaluation) contre 46 % en 2008. Les réserves of"cielles nettes de change, passées de 100 à 152 millions de dollars, représentaient 1 mois et demi "n 2009, contre 6 mois "n 2008. En 2010 l’économie nationale devrait renouer avec la croissance, à hauteur de 4 %. BP 701, Independence Avenue Victoria, Mahé, Seychelles Tél. : + 248 28 20 00 - Fax : + 248 22 60 04 Email : enquiries@cbs.sc - Site web : www.cbs.sc

PIB (taux de croissance) 2007 : 0,91 milliard de dollars (+ 7,3 %). 2008 : 0,82 milliard de dollars (– 1,9 %). Estimation 2009 : 0,66 milliard de dollars (– 8,7 %). Prévision 2010 : 0,79 milliard de dollars (+ 4 %). Sources: Banque mondiale, Pnud, FMI (octobre 2009). J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 6 3 • D U 2 1 A U 2 7 F É V R I E R 2 0 10

Bâtiment de la banque, et M. Pierre Laporte, Gouverneur de la banque centrale des Seychelles.

COMMUNIQUÉ

Taux d’inflation 33 %. Il a considérablement chuté (de 63,6 % en décembre 2008 à 2 % en décembre 2009) compte tenu du passage de la roupie, en octobre 2008, d’un régime fixe à un régime flottant.



SEYPEC MT SEYCHELLES PARADISE, utilisé pour l’acheminement des carburants vers les îles et le ravitaillement en offshore.

Créée en 1985 la SEYPEC est un acteur de première importance dans l’industrie pétrolière. Ayant son siège aux Seychelles, elle développe aujourd’hui ses activités à l’échelle mondiale. Après avoir débuté dans l’importation et la distribution de produits pétroliers aux Seychelles, SEYPEC est désormais une compagnie pétrolière à part entière. SEYPEC est l’unique importateur et fournisseur de carburants aux Seychelles pour les stations-service des trois îles principales (Mahé, Praslin, La Digue) ainsi que pour les principaux clients comme la Public Utilities Corporation, qui produit l’électricité, ou la flotte d’autobus de la SPTC (Seychelles Public Transport Corporation). SEYPEC assure aussi l’approvisionnement des îles éloignées de l’archipel. À l’échelle internationale les principales activités de la compagnie sont les soutes mari-

Seychelles Petroleum Company Limited times, le ravitaillement des avions, le stockage et la re-exportation en vrac des carburants. SEYPEC distribue à des tarifs très compétitifs des carburants et lubrifiants pour la navigation maritime. Ses services de soute sont à la disposition des clients 24h/24 non seulement pour les bâtiments à quai, mais aussi en offshore depuis la mise en service de son pétrolier ravitailleur. SEYPEC assure 24h/24 le ravitaillement des avions à l’aéroport international des Seychelles grâce à des équipements garantissant aux compagnies aériennes un service de première qualité. À Victoria SEYPEC propose à ses clients exportateurs des espaces et citernes de stockage en vrac, pour une capacité de 1 million de barils. SEYPEC possède six pétroliers ultramodernes construits en Allemagne. Cinq de ces pétroliers ont un tonnage allant de 32580 à

MT SEYCHELLES PROGRESS, l’un des six pétroliers de la Seypec.

45000 DWT et sont utilisés pour le transport des produits pétroliers à l’échelle internationale. Le sixième pétrolier de 1785 DWT est affecté à l’acheminement des carburants vers les îles et au ravitaillement des soutes en offshore. Contrairement aux autres îles situées au millieu de l’océan, une partie des Seychelles est de nature granitique. Tous les éléments caractéristiques d’un potentiel pétrolifère sont présents et SEYPEC supervise toute activité d’exploration pétrolière dans la zone économique exclusive des Seychelles. Compétence, sécurité, efficacité et respect de l’environnement font partie des priorités de SEYPEC, compagnie pétrolière d’avantgarde dans la région sud-ouest de l’Océan Indien. Sa mission est de faire des Seychelles le pivot régional des activités pétrolières. New Port. Box 222 Victoria, Mahe Seychelles Tél. : +248 290 600 - Fax : +248 224 456


Le Méridien Fisherman’s Cove offre un emplacement idéal à seulement 30 minutes de l’aéroport international et 15 minutes de Victoria, la plus petite capitale au monde. L’hôtel se dresse au bord de la baie de Beau Vallon sur la côte septentrionale de l’île de Mahé, et donne sur les îles Silhouette et North. Les chambres et suites incroyablement distinguées offrent un vaste choix de configurations et de prestations. Les chambres Hibiscus, situées dans le bâtiment principal, occupent l’arrière de l’hôtel et disposent d’un balcon ou d’une terrasse face à l’océan. Les chambres Frangipani jouissent de la vue sur la mer, et certaines sont dotées de petits jardins privatifs. Les suites Classiques proposent un cadre spacieux et offre une salle de séjour séparée. Les suites Deluxes offrent un style contemporain, et les Suites Exécutives sont situées au dernier niveau de la propriété.

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TÉLÉCOMS

Le groupe indien Bharti trouve enfin la bonne tonalité L’OPÉRATEUR VEUT S’EMPARER DES ACTIFS SUBSAHARIENS DE

ZAIN. L’AFFAIRE PARAÎT BIEN

PARTIE POUR CE CHAMPION DU MODÈLE LOW COST.

VERDICT LE 25 MARS. FAÏZA GHOZALI

FRÉDÉRIC NOY POUR J.A.

L

Le koweïtien Zain est présent dans 16 pays d’Afrique subsaharienne, dont le Tchad. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 6 3 • D U 2 1 A U 2 7 F É V R I E R 2 0 10

a troisième tentative pourrait être la bonne. À l’affût d’une opportunité africaine depuis trois ans, le géant indien Bharti Airtel, riche de plus de 121 millions d’abonnés, est plus proche que jamais de conclure. Le 14 février, le groupe koweïtien Zain a indiqué avoir accepté son offre « pour engager des discussions exclusives jusqu’au 25 mars au sujet de la vente de ses filiales africaines », soit ses quinze implantations subsahariennes. Et si ces nouvelles fiançailles africaines de Bharti avortaient, comme ce fut le cas à deux reprises avec MTN? La dernière fois, en 2009, sa tentative de fusionacquisition avec le numéro un d’Afrique du Sud avait braqué les autorités de ce pays qui, à l’idée de perdre un fleuron national, avaient opposé leur veto. Or là, plus question d’actif stratégique pour Zain qui, désireux de se recentrer sur son cœur de cible, le Moyen-Orient, a déjà mis sur le marché ses opérations africaines. L’an passé, Vivendi lui en avait offert 10,5 milliards de dollars. Pas assez cher au goût du vendeur, qui en réclamait 12,5 milliards. À croire qu’il a depuis revu ses ambitions à la baisse. La facture présentée à Bharti – conseillé par le fonds koweïtien Global Investment House et


82 ECOFINANCE est sous-performant, affaibli par une féroce guerre des prix et par un coût mensuel des opérations de réseau qui est le plus élevé du continent : 7 500 dollars par station de base (antennes-relais), contre 2 000 à 4 000 dollars ailleurs en Afrique. Au Kenya, Zain devrait afficher environ 30 millions de dollars de pertes en 2009, contre 100 millions en 2008. Résultat : « Les actifs subsahariens, qui ne comptent que « PACK » PANAFRICAIN pour 15 % des bénéfices nets de Bonne opération? Les avis sont Zain, mobilisent plus de 75 % de mitigés. À la Bourse de Bombay, ses dépenses d’investissement », l’action Bharti a fondu de 15 % note Africa Next. dans les deux jours qui ont suivi Mais alors, pourquoi cet intérêt l’annonce. « D’un certain point de Bharti? À l’étroit dans ses fronde vue, c’est une bonne affaire, tières (voir encadré), malmené nuance Russell Southwood, paSunil Bharti Mittal, fondateur et patron du groupe. par la guerre des prix (moins de tron de Balancing Act, cabinet de 1 centime d’euro la minute d’apconsultants dans les télécoms. En pel) à laquelle se livre sa douzaine de Afrique, l’opportunité d’une opération tégorie Moyen-Orient: le Soudan, 12 % concurrents, le groupe indien cherche multipays se fait rare. » Le « pack » panaà lui seul du chiffre d’affaires du groupe un nouveau relais de croissance. Il n’est fricain de 15 pays est séduisant. Reste (642,8 millions de dollars) et qui a généré pas le seul, une offensive indienne plus que « ce n’est sûrement pas une opéra263,6 millions de dollars de bénéfice net large pointe depuis 2006. Les deux groution rentable à court terme », tranche à la fin septembre 2009; et le Maroc, où il pes publics MTNL et BSNL étaient du Guy Zibi, patron du cabinet de consuldétient 31 % du capital de Wana. Dans sa consortium qui a négocié sans succès, ting Africa Next Investment Research. corbeille subsaharienne, « la moitié des fin 2009, 46 % du capital de Zain. Tous Assurément moins que l’opportunité implantations en valent la peine », estime deux ont aussi posé leur candidature MTN en 2009, un deal deux fois plus Guy Zibi. Dont la Zambie, le Burkina, la à la privatisation de Zamtel. Présent à cher (plus de 23 milliards de dollars), Tanzanie, le Malawi et le Niger. Maurice, MTNL lorgne le Nigeria et le mais plus attractif avec « une meilleure La rentabilité de plusieurs d’entre elles Zimbabwe. Au Kenya, Essar s’est offert sélection de pays », de l’avis d’un expert. est mise à rude épreuve. Au troisième 49 % d’Econet et vient d’acquérir 51 % Tous jugent le prix, qui valorise chacun trimestre 2009, selon Guy Zibi, « sept de de Warid Ouganda et de Warid Congo des 42 millions d’abonnés à 250 dollars, ces opérations accusaient des pertes ». pour 160 millions de dollars. De son trop élevé. D’autant que Zain a exclu de Même le vaste Nigeria – 16 % des recôté, Tata, actionnaire du câble sousla vente deux pays qu’il assimile à la cavenus du groupe en septembre 2009 – FINDLAY KEMBER/AFP

la banque britannique Standard Chartered – est assez proche de ce qu’en proposait Vivendi. Pour engranger les quelque 42 millions d’abonnés que compte Zain en Afrique subsaharienne (62 % de son portefeuille clients), soit quasi 10 % du total des abonnés mobile du continent, le groupe indien doit débourser 10,7 milliards de dollars (7,9 milliards d’euros).

À L’ÉTROIT DANS SES FRONTIÈRES INDIENNES

SOURCE : RAPPORT FINANCIER DU GROUPE

FON DÉ E N 1976 PA R SUN I L Pa c i f i c… Se s a c t i v i té s s on t BHARTI EN CHIFFRES BHARTI MITTAL (homonyme du diverses. Mais Bharti Airtel est Implantations en Asie poids lourd de l’acier), 53 ans sa locomotive, son fleuron. LeaInde, Sri Lanka, Bangladesh et toujours aux commandes du der sur le marché indien avec groupe, Bharti est un puissant 23 % de parts de marché, l’opéNombre d’abonnés 121,8 millions conglomérat familial, à l’instar rateur a un pied au Sri Lanka et, de clients, dont 118,8 millions de ses compatriotes et concurdepuis un mois, au Bangladesh, pour le mobile rents Tata et Reliance. Dans où il a acquis 70 % de Warid un mouvement de diversificaTelecom pour 300 millions de Valorisation boursière tion qui s’est beaucoup appuyé dollars (moins de deux millions 24,6 milliards de dollars sur des alliances avec d’autres d’abonnés). Chiffre d’affaires 2009 97 milliards multinationales, le groupe est En fait, Bharti a déjà un pied de roupies (2 milliards de dollars) déployé en une kyrielle de filiadans l’aire africaine avec une les. Assurances et finance – via filiale distincte, Telecom SeyBénéfice net 473 millions de dollars des joint-ventures avec le franchelles, qui opère dans l’archiçais Axa, notamment –, immopel sous le nom d’Airtel. Mais bilier (Bharti Realty), grande distribution (Bharti tout autre est l’ampleur que lui donneraient les Retail), dans laquelle il a fait alliance avec l’amé- quinze implantations subsahariennes qu’il négocie ricain Wal-Mart, commerce des fruits et légumes avec Zain. Dans ce contexte, son chiffre d’affaires (Field Fresh Foods), en partenariat avec Del Monte pourrait franchir les 10 milliards de dollars. ■ F.G. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 6 3 • D U 2 1 A U 2 7 F É V R I E R 2 0 10


ECOFINANCE 83

Total des abonnés de Zain en Afrique subsaharienne

de rentabilité et de plus-values rapides. Le groupe indien peut compter sur 49,2 millions au 3 trimestre 2009 un partenaire solide, Singapore e contre 41,4 millions au 3 trimestre 2008 Telecom, actionnaire du groupe à hauteur de 30,5 %. A priori, Bharti a les moyens de faire Niger Tchad les investissements néces1,4 1,2 saires, condition sine qua Soudan Burkina non de la réussite de son 7,3 Sierra Leone 1,4 opération africaine. 0,6 Nigeria Reste que, si le deal 14,9 se conclut, il sera d’emblée confronté à un défi : un nécesOuganda Ghana 1,2 saire rebranding pour Gabon Congo 2,2 Kenya 1,4 i mposer sa ma rque. 0,9 2,2 RD Congo Une opération coûteuse Ventilation du chiffre d’affaires et périlleuse en termes 3,6 e (6,1 milliards de dollars au 3 trimestre 2009) Tanzanie d’image et de fidélisation 4,8 client. Difficile pour les Gabon 3% abonnés, déjà confrontés Kenya 2% RDC 4% à l’été 2008 à l’uniCongo 2% Nigeria 16 16% Zambie Malawi for m i sat ion de la 2,9 1,7 Soudan 12% % marque Zain, de s’y Tanzan Tanzanie 3% retrouver. Autres Aut Zambie 3% « Être issu d’un 8% pays émergent ne gaMoyen-Orient rantit pas le succès », 47% prévient par ailleurs Madagascar Russell Southwood. 1,4 Les groupes indiens, qui brassent du volume pour dégamarin Seacom, est monté à 56 % du ger des bénéfices, vont buter sur une capital du sud-africain Neotel. concentration géographique différente « Bharti espère transposer à l’Afrique de la population subsaharienne. « Il ne son business model », explique Matthew elle a ralenti, demeure la plus élevée au faut pas qu’ils arrivent en pays conquis, Reed, analyste chez Informa Telecom, monde. À charge pour les investisseurs insiste Guy Zibi. À beaucoup d’égards, basé à Dubaï. Spécialiste du modèle de s’engager sur le long terme. le marché africain est tout aussi diffilow cost, le groupe indien a ses atouts. Or Bharti n’a pas la pression qu’ont cile que le marché indien, sinon plus. » À commencer par sa taille, un avantage exercée les principaux actionnaires de La preuve avec Warid (groupe Abu concurrentiel dans le secteur. Il affiche Zain, le puissant holding koweïtien Dhabi), présent en Asie, qui vient de céaussi une marge d’Ebitda (excédent brut Kharafi (11,47 % du capital a minima) der la majorité de son capital au Congo d’exploitation) de 40 %, l’une des plus et le fonds souverain Kuwait Investet en Ouganda à Essar. ■ élevées au monde dans le secteur, malment Authority (25 %), désireux, eux, gré un Arpu (revenu moyen par abonné) rogné à moins de 200 roupies (environ LA 4G, LE TÉLÉPHONE À L’HEURE 3 euros) en juin 2009. Ses aptitudes à mettre la pression sur ses fournisseurs DE L’INTERNET MOBILE pour négocier des prix bas et à adapter LA SEMAINE DERNIÈRE À BARCELONE, la 4G était au menu du Moson offre aux segments de population les bile World Congress. Cette technologie dite de quatrième génération plus pauvres (tarification à la seconde…) peut offrir des débits de 100 mégabits à 1 gigabit par seconde selon jouent pour lui. Enfin, sa capacité à opque le terminal est mobile ou nomade. Idéal pour le transport de dontimiser ses coûts et à générer des profits nées, dont la demande explose. Mais la 4G est encore virtuelle. On s’appuie sur les économies d’échelle, obla confond avec la LTE (Long Term Evolution), qui correspond en fait tenues notamment grâce à l’outsourcing à de la 3,9G et commence à peine à être déployée. Les opérateurs de toute la gestion du réseau. occidentaux qui s’y mettent y sont contraints par la saturation de leurs réseaux 3G due notamment à l’usage croissant des téléphones PERSPECTIVES PROMETTEUSES multimédias type iPhone. En Afrique aussi, la technologie LTE, et surÀ plus long terme, les pays subsahatout sa concurrente, le wimax, progressent. Notamment là où, à force riens, dont le taux de pénétration du de retards dans le déploiement des réseaux, on passe directement à mobile est souvent inférieur à 40 %, ces technologies qui empruntent les fréquences radio. À l’instar du offrent de juteuses perspectives. La Cameroun qui, dépourvu de 3G, s’est lancé dans le wimax. ■ F.G. croissance du mobile en Afrique, si SOURCE : RAPPORT FINANCIER DU GROUPE

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84 L A S E M A I N E D ’ EC O F I N A N C E

MAROC

CÔTE DʼIVOIRE

Le rail sous influence française?

Cacao à prix dʼor

UN PROTOCOLE POUR UN PRÊT de 225 millions d’euros a été signé le 15 février entre la France et le Maroc afin de financer le matériel roulant du tramway de Casablanca, à l’occasion de la visite dans le pays d’Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État française au Commerce extérieur. Après 625 millions d’euros accordés en 2007 pour la réalisation de la première ligne TGV africaine entre Casablanca et Tanger, et 150 millions pour le tramway de Rabat, ce nouvel accord porte à 1 milliard d’euros le total des prêts accordés par la France au Maroc pour la réalisation de projets ferroviaires depuis deux ans. Mais ces crédits ne sont pas dénués d’arrière-pensées : ce sont surtout des entreprises françaises qui ont été sélectionnées. Alstom a obtenu un contrat pour 22 rames doubles de tramway à Rabat (90 millions d’euros) et pour 74 rames simples à Casablanca (120 millions), sans compter les rames TGV ou la vente de 20 locomotives à l’Office national des chemins de fer. ■ CHRISTOPHE LE BEC CASA TRAMWAY

Image virtuelle du projet casablancais.

ALGÉRIE

Structuration du leasing LE CRÉDIT-BAIL SE MET EN ORDRE DE BATAILLE du côté d’Alger. Une troisième société vient d’être créée : Ijar Leasing Algérie, codétenue par la Banque exté-

rieure d’Algérie, le portugais Banco Espirito Santo et le groupe financier Swicorp. Née en 2006, la société Maghreb Leasing Algérie a quant à elle renforcé ses fonds propres, comme l’exige une nouvelle réglementation : 23 millions d’euros ont été levés auprès des deux actionnaires de référence, Amen Bank et sa filiale Tunisie Leasing, accompagnés par la Société financière internationale et Proparco.

EST-CE LA CONSÉQUENCE du retour à la confusion politique en Côte d’Ivoire depuis la dissolution du gouvernement, le 12 février, et du risque qu’elle peut faire courir sur les approvisionnements en cacao ? En tout cas, le prix de l’or brun n’a cessé de grimper depuis, atteignant 2 298 livres la tonne à Londres le 17 février, un cours très proche du record historique de 2339 livres atteint le 22 janvier 2010. Les inquiétudes pesant sur la logistique de la filière ivoirienne (43 % de la production mondiale) font craindre un déficit sur le marché international pour la quatrième année d’affilée, malgré une récolte plutôt bonne en Côte d’Ivoire.

TUNISIE

Mabrouk sʼétoffe Le groupe Mabrouk a racheté 50 % du capital de Fly International Airways (exNouvelair International), détenu par TTS et fondé par Aziz Miled. L’homme d’affaires et son fils, Karim, quittent le conseil d’administration. Ils sont remplacés par les frères Mabrouk – Mohamed Ali, Ismaïl et Marwane –, ce dernier devenant le PDG. Officialisée à la mi-février, la transaction a eu lieu en juin dernier. Fly International quitte ainsi le giron de Nouvelair Tunisie, dirigé par Belhassen Trabelsi, fondateur de Karthago Airlines. Les groupes TTS et Mabrouk demeurent associés dans Tunisavia, société spécialisée dans l’aviation d’affaires.

EN BREF LIBYE L’APRÈS-PÉTROLE La Libye a beau être un des pays les plus riches d’Afrique, elle a reçu un don de 744000 dollars de la Banque africaine de développement (BAD) pour l’aider à diversifier son économie, qui dépend à plus de 80 % du brut.

CASINO ROULETTE SUD-AFRICAINE SABMiller s’allie à Gold Reef Casino Resorts pour créer un géant du jeu et de l’hôtellerie. L’opération, d’un montant de 2,7 milliards de dollars, est financée par un échange d’actions.

CEDEAO REPRISE EN 2010 La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) prévoit une croissance de son économie de 4,7 % en 2010, contre 4,4 % en 2009 et 5,1 % en 2007, juste avant la crise.

OUGANDA 8 MILLIARDS POUR PROSPECTER L’Ouganda a estimé ses besoins pour développer son industrie pétrolière à 8 milliards de dollars. Des majors: Lukoil (Russie), Total (France) et Cnooc (Chine) sont en lice pour y investir.

AFRIQUE DU SUD PIB EN HAUSSE La croissance du PIB sud-africain devrait atteindre 2,3 % en 2010 (– 1,8% l’an passé). La lutte contre le chômage – 24,3 % de la population active, contre 22 % en 2007 – sera une priorité du gouvernement.

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ECOFINANCE 85 FINANCEMENT

Année décisive pour la BAD NABIL ZORKOT

Une conserverie de thon, en Côte d’Ivoire, dans laquelle KZAM a injecté près de 15 millions d’euros.

CAPITAL-INVESTISSEMENT

Large succès des fonds panafricains K INGDOM ZEPHYR A FRICA MANAGEMENT ET AUREOS CAPITAL ONT DÉJÀ COMMENCÉ À INVESTIR LES 873 MILLIONS DE DOLLARS QU’ILS VIENNENT DE LEVER. DONT UNE PARTIE IMPORTANTE EST DESTINÉE À DES ENTREPRISES FRANCOPHONES.

L

e capital-investissement africain fait fi de la crise. Alors que les liquidités se font rares sur les marchés internationaux et que les investisseurs restent encore très prudents, deux des plus importantes sociétés de capital-investissement du continent ont en effet annoncé, à quelques jours d’intervalle, le closing de leurs fonds panafricains. En tout, elles ont levé près de 900 millions de dollars : 492 millions pour Pan-African Investment Partners II, le second fonds panafricain de Kingdom Zephyr Africa Management (KZAM), et 381 millions pour Aureos Africa Fund, le premier fonds panafricain d’Aureos Capital. Sans surprise, les deux gérants ont tous deux largement bénéficié du soutien des institutions financières de développement impliquées en Afrique comme la Société financière internationale. Mais l’intérêt a été plus large encore : 40 % des sommes levées par Aureos l’ont été auprès de fonds de pension de personnes fortunées… « Nous avons montré notre capacité à attirer un fonds souverain majeur, Temasek Holdings [le fonds souverain de Singapour, NDLR], qui a investi 75 millions de dollars », souligne Sofiane Lahmar, associé chez KZAM. L’expérience des équipes de KZAM et d’Aureos, une vingtaine de professionnels exerçant en Afrique depuis une dizaine d’années, aura sans doute su convaincre. La perspective d’atteindre des retours sur investissement de l’ordre de 20 % à 25 % par an également… Aureos Africa Fund a déjà investi près d’un tiers des fonds levés dans une dizaine de PME africaines en croissance, son cœur de cible. KZAM a quant à lui consacré 90 millions à trois sociétés de plus grande taille, implantées dans plusieurs pays. « Nous regardons de plus en plus l’Afrique francophone, ajoute Sofiane Lahmar. Cet intérêt s’explique aussi par le fait que les niveaux de valorisation y sont souvent plus intéressants, car il y a moins d’investisseurs potentiels. » KZAM comme Aureos ont d’ailleurs déjà investi une partie de leurs nouveaux fonds dans des entreprises ouest-africaines. Le premier a ainsi injecté 14,3 millions d’euros dans le capital de Thunnus, un producteur et distributeur de thon en boîte basé en Côte d’Ivoire. Le second a pris une participation minoritaire dans les Ciments du Sahel, une compagnie sénégalaise. Les deux gérants britanniques comptent d’ailleurs parmi leurs équipes dirigeantes deux francophones : Sofiane Lahmar FRÉDÉRIC MAURY pour KZAM et Kodjo Aziagbe pour Aureos Capital. ■

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RÉUNIS À TUNIS LE 12 FÉVRIER, les 53 ministres africains des Finances ont voté à l’unanimité la résolution portant sur le triplement du capital de la Banque africaine de développement (BAD), qui passera de 33,7 milliards à 101 milliards de dollars (+ 200 %). C’est énorme par rapport à la dernière augmentation de 1998 (+ 35 %). Mais, selon Donald Kaberuka, le président de la BAD, c’est vital pour consolider sa position de leadership sur le marché africain des capitaux et préserver sa notation AAA (le niveau le plus haut) établie par les agences spécialisées dans l’évaluation des risques. Face au x c r ises successives – alimentaire et pétrolière en 2008, économique et financière en 2009 –, la BAD a été appelée à multiplier ses interventions et à jouer un rôle inhabituel de « pompier »: opérations d’urgence afin de permettre aux États de boucler leur budget et pour aider les entreprises à financer leurs activités liées au commerce extérieur. Ses crédits ont ainsi doublé et atteint 12 milliards de dollars en 2009. Pour relancer la croissance économique en Afrique, le plan stratégique à moyen terme (2010-2012) prévoit un rythme annuel de 10 à 11 milliards de dollars. Si les ressources sont disponibles, évidemment. Si elles ne le sont pas, la banque retombera alors au niveau de 3 à 4 milliards de dollars par an. Ce qui serait catastrophique et contraire aux recommandations du sommet du G20 de septembre 2009, à Pittsburgh (États-Unis). Or le triplement du capital exige l’aval des autres actionnaires de la BAD, les 24 États non régionaux, qui participent à hauteur de 40 %. La plupart d’entre eux sont favorables, mais ce n’est pas encore l’unanimité. Après Tunis, les concertations se sont poursuivies en comité restreint au Cap (Afrique du Sud), du 21 au 23 février. Le vote décisif aura lieu en mai prochain. ■ SAMIR GHARBI


86 ECOFINANCE MARITIME

CMA-CGM cherche un nouveau cap SON ENDETTEMENT TROP LOURD ET LA CRISE INTERNATIONALE OBLIGENT L’ARMATEUR FRANÇAIS À SE RÉFORMER : CHANGER SON ÉQUIPE DIRIGEANTE ET PRÉPARER L’ARRIVÉE DE NOUVEAUX INVESTISSEURS AVANT L’ÉTÉ.

P

lusieurs mois après leur livraison, les bureaux du tout nouveau siège social de CMA-CGM, troisième armateur mondial de porte-conteneurs et acteur incontournable du commerce maritime africain, attendent toujours leurs futurs occupants. Lors du lancement du chantier, en juillet 2006, la réalisation de cette

Début février, elles ont débloqué une première tranche de 80 millions. La condition était claire: que Jacques Saadé, 70 ans passés, prenne du recul dans la gestion des affaires. Et avec lui, son beaufrère Farid Salem, son fils Rodolphe et sa fille Tanya. Les banques, qui ont longtemps eu une confiance quasi aveugle dans le groupe, semblent en effet avoir tout à coup découvert à la fois les vertus de la bonne gouvernance et que la gestion de CMA-CGM était presque exclusivement entre les mains de la famille Saadé… Sous la pression, lors d’une assemblée générale extraordinaire, le 23 décembre au matin, la famille plie. Jacques Saadé perd les commandes du groupe et est nommé au poste, surtout honorifique, de président du conseil d’administration. Farid Salem et Rodolphe Saadé, se retrouvent directeurs généraux délégués. Le nouveau dirigeant s’appelle Philippe Soulié, président du groupe Cnim. Trois administrateurs indépendants, Denis Ranque, Pierre Bellon et

Son patrimoine immobilier, ses compétences et son réseau suscitent un vif intérêt. tour symbolisait le sacre d’une famille, les Saadé. Jacques, fondateur dans les années 1970 de ce qui allait devenir un géant des mers affichant plus de 15 milliards de dollars de revenus. En ces premiers jours de 2010, la ville portuaire de Marseille, où l’armateur est historiquement installé, préfère évoquer la probable cession de cet immeuble qui a coûté environ 300 millions d’euros. Car le groupe maritime français a besoin de cash. La dette du transporteur atteignait 5,6 milliards de dollars à la mi-2009. Auxquels s’ajouteraient 5 autres milliards correspondant aux dizaines de porte-conteneurs géants commandés par l’armateur avant la crise. En octobre dernier, l’annonce des difficultés du groupe français avait fait plonger le cours de Bourse des constructeurs, dont Hyundai et Hanjin. Dur en affaires, ce dernier a revendu récemment l’un des porte-conteneurs qui devait être livré à CMA-CGM pour non-paiement des sommes dues. En décembre, après plusieurs semaines de négociation, les banques créancières du groupe ont accepté de lui accorder une ligne de 500 millions de dollars.

Christian Garin, tous de grands patrons, entrent au conseil d’administration. La gestion quotidienne de CMA-CGM échappe ainsi aux Saadé. « C’est toujours mieux que la faillite qui attendait le groupe si les banques avaient refusé de lui accorder ce prêt et si les chantiers coréens, qui construisent les bateaux sur commande, avaient continué à exiger le respect des contrats », estime un investisseur institutionnel. D’autant que les réelles compétences du groupe, son réseau maritime, développé notamment au départ de la Chine, et ses infrastructures immobilières importantes continuent de susciter l’intérêt des financiers. PLUSIEURS FONDS SUR LE PONT

L’arrivée de nouveaux investisseurs est annoncée dans le courant du deuxième trimestre 2010. Bolloré, sans surprise, serait intéressé. Lié à CMA-CGM par un partenariat stratégique dans la logistique africaine, la faillite de l’armateur, qui lui avait racheté Delmas en 2006, lui aurait sans doute coûté cher. De surcroît, fidèle à sa réputation d’opportunisme, Bolloré se serait sans doute bien vu reprendre à bon compte l’activité maritime africaine de son principal allié. La famille Louis Dreyfus (Louis Dreyfus Armateurs et Groupe Louis Dreyfus, l’un des leaders mondiaux du négoce) s’est également penchée sur le dossier. Louis Dreyfus – qui a un lien privilégié avec Marseille, puisqu’il possède le club de football local, l’OM – est également en quête de diversification et se développe dans de nombreux secteurs d’activité complémentaires ou sans lien avec son métier principal. La famille Saadé, elle, rumine tout à la fois contre les banquiers qui s’intéressent aujourd’hui à la gouvernance du groupe,

DES HAUTS ET DES BAS DANS LES CONTENEURS AFRICAINS PARTOUT, OU PRESQUE, la crise maritime mondiale aura particulièrement affecté l’activité conteneurs, avec un recul moyen des volumes estimé autour de 10 %. En Afrique, la situation aura été très différente d’un port à l’autre, selon les premiers chiffres à notre disposition. Ainsi, malgré une nette diminution du trafic sur le canal de Suez, le terminal à conteneurs de Port-Saïd géré par APM Terminals a vu son activité s’envoler de 11 % en 2009. D’autres sites ont connu des embellies comme le port de Douala, où le volume de conteneurs traités a progressé d’un peu plus de 5 % en 2009. À Tema, au Ghana, la chute a été contenue, à – 4 %. Abidjan et Lomé, en revanche, figurent parmi les ports subsahariens les plus affectés puisque les volumes de conteneurs y ont baissé l’année dernière d’environ 15 %. L’export surtout a nettement ralenti. Dans les ports sud-africains, l’activité F.M. a reculé de 12 % entre mars et septembre 2009… ■ J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 6 3 • D U 2 1 A U 2 7 F É V R I E R 2 0 10


87

LE TOP 5 DU TRANSPORT MONDIAL DE CONTENEURS Rang contre les rapaces qui tournent autour de la proie affaiblie et contre l’État français qui a refusé ce qu’elle demandait : une garantie sur les crédits bancaires. Une décision que l’allemand Hapag-Lloyd a obtenue, lui permettant de faire face à de très lourdes pertes d’environ 900 millions d’euros en 2009. Le gouvernement allemand a en effet accordé une garantie de 1,2 milliard d’euros portant sur la dette bancaire du cinquième armateur mondial… EFFONDREMENT DU MARCHÉ

Confronté à une forte récession, sauf en Afrique (voir encadré), le secteur du transport par conteneurs a souffert. L’effondrement des taux de fret (qui ont remonté depuis) a causé de gros dégâts en 2008. L’excès de commandes de navires de grande capacité a plombé les finances de nombreux armateurs. L’an dernier, beaucoup de porte-conteneurs géants restaient à livrer alors que 15 % de la flotte se trouvaient à l’arrêt. Résultat, tous les comptes sont passés

Opérateur

Pays

Nombre de navires en 2009

(équivalent vingt pieds, l’unité de mesure pour les conteneurs)

Capacité en TEU

1

Maersk Line

Danemark

426

1 740 936

2

MSC

Suisse

431

1 510 720

3

CMA-CGM

France

280

864 893

4

Evergreen

Taïwan

181

629 615

5

Hapag-Lloyd Allemagne

132

496 724

au rouge. Le danois AP Moller-Maersk a enregistré une perte de 706 millions de dollars au cours des trois premiers trimestres de 2009, contre un bénéfice de 3,6 milliards au cours de la même période l’année précédente. Le géant chinois Cosco a annoncé connaître de sérieuses difficultés, avec des revenus divisés par deux en quelques mois. Les groupes cotés ont vu leurs cours s’effondrer. Celui de l’opérateur portuaire dubaïote DP World a par exemple été divisé par cinq entre fin 2007 et mars 2009. Mais seul CMACGM a frôlé la banqueroute. Ailleurs, les groupes ont été sauvés par l’État ou par leurs actionnaires. Ceux d’Hapag-Lloyd ont accepté de réinjecter près de 1,9 milliard d’euros, ceux de l’armateur israélien Zim plus de 500 millions

de dollars. La base capitalistique relativement solide d’AP Moller-Maersk lui a permis de se refinancer sur le marché. Cosco n’a jamais été réellement inquiété, convaincu du soutien de l’État chinois en cas de défaillance. À l’inverse, DP World souffre des difficultés de son principal actionnaire – le groupe para-étatique Dubai World, qui a fait défaut sur une partie de sa dette – et cherche du coup à reconfigurer son capital. CMA-CGM aura de son côté pâti de ne pas avoir ouvert le sien et de ne pas avoir modernisé sa gouvernance. Le second point semble en voie d’être réglé. Le premier est toujours à l’ordre du jour. Sauf si Jacques Saadé, fin stratège, parvient à maintenir son indépendance actionnariale. ■ FRÉDÉRIC MAURY

TOU T E S L E S F E M M E S D’A F R IQU E

LE MONDE DES FEMMES

Joëlle Ededeghe Ndong dimanche 13h10 -13h40 et sur www.africa1.com

SOURCE : RAPPORT 2009 DE L’ONU SUR LE TRANSPORT MARITIME. PHOTO : P. PLISSON/CMA CGM

Avec une dette qui a atteint 5,6 milliards de dollars en 2009, la compagnie a frôlé la banqueroute.


Avec 8 Airbus A380 (dont celui-ci livré en janvier), le groupe fait le pari des super jumbos de plus de 500 passagers.

AÉRIEN

Envol continental pour Emirates À L’INSTAR DE SES CONSŒURS OCCIDENTALES, LA COMPAGNIE DU GOLFE, FUTURE PARTENAIRE DE SÉNÉGAL A IRLINES, RENFORCE SA PRÉSENCE EN A FRIQUE, L’UNE DES RARES RÉGIONS QUI RÉSISTENT À LA RÉCESSION MONDIALE DANS LE SECTEUR.

F

in mars, Emirates Airlines publiera le bilan de son exercice 2009-2010. Alors que l’Association internationale du transport aérien (Iata) a prévu une année noire pour le secteur avec plus de 8 milliards d’euros de pertes cumulées, la compagnie, entièrement détenue par l’émirat de Dubaï, annoncera, elle, des profits en hausse sur un an. En 2008-2009, au plus fort de la crise mondiale, Emirates Airlines avait déjà affiché un bénéfice net de 192 millions d’euros pour un chiffre d’affaires de 8,7 milliards d’euros. Et la contribution de l’Afrique dans ce résultat était alors de 11,3 %, devant celle de l’océan Indien et de l’Asie de l’Ouest (10,8 %). Cette proportion devrait, elle aussi, progresser sur l’ensemble

de l’année 2009. Pour Nigel Page, le directeur commercial de la compagnie pour l’Afrique et l’Amérique, « le continent joue un rôle croissant dans l’expansion d’Emirates depuis le lancement du premier vol à destination du Caire (Égypte), en 1986. Avec le développement du commerce et les perspectives d’une croissance économique en Afrique, nous comptons y renforcer notre présence ». ACTIVITÉ EN HAUSSE DE 20 %

Sur l’exercice qui s’achève, Emirates aura transporté quelque 28 millions de passagers, ce qui représente une augmentation de 20 % en glissement annuel. Et l’Afrique, qui représente 17 des 60 destinations assurées par la compagnie, a été le seul continent où

elle a ouvert de nouvelles lignes. C’est dire la place de la région – l’une de celles qui résistent le mieux à la crise mondiale – dans la stratégie d’expansion d’Emirates et de ses concurrentes. Le 25 octobre 2009, à quelques mois du coup d’envoi de la Coupe d’Afrique des nations en Angola, le transporteur a ainsi inauguré la desserte, trois fois par semaine, de Luanda, la capitale angolaise, à partir de son hub de Dubaï. Quelques semaines plus tôt, le 1er octobre, c’est Durban, en Afrique du Sud, qui est venu grossir le nombre des destinations de la compagnie sur le continent. La nation Arc-en-Ciel est l’un des principaux marchés de la compagnie, qui y dessert déjà neuf villes touristiques. Elle

Le transporteur mise sur la clientèle haut de gamme pour faire la différence. vient d’ailleurs d’ouvrir à Johannesburg un salon luxueux pour ses voyageurs des classes à haute contribution en transit dans la capitale économique sud-africaine. Selon la direction de la compagnie, la demande de ce type de confort issue d’Afrique et

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CHRISTIAN CHARISIUS/REUTERS

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ECOFINANCE 89 d’Asie est en constante augmentation. C’est notamment sur cette clientèle que mise Emirates pour faire la différence avec la concurrence : la compagnie compte investir un peu plus de 100 millions de dollars afin d’équiper sa flotte (145 appareils, dont 8 Airbus A380) d’une première classe. Outre l’ouver t ure de nouvelles lignes en 2009, Emirates a aussi renforcé les fréquences de ses liaisons existantes. Ainsi, un deuxième vol quotidien relie Dubaï à Lagos (Nigeria) depuis la mi-2009, de même que deux vols hebdomadaires sont venus porter à neuf le nombre de dessertes de l’île Maurice. Poursuivant sur cette lancée, le transporteur a scindé sa liaison Dubaï-Tripoli-Tunis en deux vols directs : Dubaï-Tripoli et DubaïTunis. Une décision motivée par l’accroissement des échanges commerciaux et surtout touristiques entre l’émirat et la Tunisie. TROUVER DES ALLIÉS

Mais pour rentrer pleinement dans la course effrénée que les compagnies internationales ont engagée vers l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale, Emirates a adopté la même stratégie qu’Ethiopian Airlines et South A frican A ir ways : s’allier à une compagnie à l’ouest du continent (Asky Airlines) et au centre (la future Air Cemac) afin de drainer le potentiel de croissance de ces régions vers leurs hubs respectifs. Ainsi, le transporteur émirati est devenu en

ETIHAD ET QATAR AIRWAYS DANS LA COURSE KHARTOUM, LE CAIRE, CASABLANCA, JOHANNESBURG et, en septembre dernier, Le Cap. Loin des performances de sa consœur et rivale de Dubaï, la compagnie aérienne nationale d’Abu Dhabi, Etihad Airways, poursuit malgré tout son expansion sur le continent. Et même si elle n’est présente que sur ces cinq destinations, elle attire des voyageurs d’Afrique de l’Ouest sur son réseau grâce aux vols groupés qu’elle réalise dans le cadre d’un accord avec Royal Air Maroc. Avec plus de 40000 Sud-Africains vivant dans les Émirats arabes unis, la nation Arc-enCiel demeure la destination phare pour Emirates et Etihad. Reste un troisième concurrent du Golfe intéressé depuis son hub de Doha par le ciel africain : Qatar Airways, qui dessert quatorze villes du continent. « L’Afrique joue un rôle croissant dans notre développement, grâce à une activité commerciale en pleine expansion », expliquait Akbar alBaker, le directeur exécutif de la compagnie, lors de l’inauguration d’un cinquième vol hebdomadaire vers Tunis, en novembre dernier. ■ S.B. novembre dernier – au grand dam de Royal Air Maroc, d’Air France et consorts – le partenaire stratégique de Sénégal Airlines, qui devrait prendre son envol d’ici à la fin du premier trimestre 2010. Selon les termes de l’accord conclu, Emirates Airlines assurera la formation des pilotes et des personnels de la nouvelle compagnie, lui fournira deux Airbus de type A330 pour démarrer ses activités, de même qu’une assistance technique et commerciale. Emirates devrait ensuite prendre une participation dans le capital de la compagnie, contrôlée à 64 % par le secteur privé sénégalais. Du côté sénégalais, la success story d’Emirates, créé en 1985 avec deux

appareils de location, force l’optimisme. La compagnie, qui a réussi à se hisser parmi les plus grandes du secteur en vingt-cinq ans, fait figure de modèle. Selon un proche collaborateur de Karim Wade, le ministre sénégalais de la Coopération internationale et du Transport aérien, « l’alliance avec Emirates permettra à Sénégal Airlines de proposer à ses futurs passagers des services de haute qualité correspondant aux standards internationaux. De quoi inquiéter les concurrents de Sénégal Airlines ». Une allusion faite aux nouvelles compagnies, Asky et Air Cemac notamment. ■ STÉPHANE BALLONG

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TRI ATLAS

CÉCILE TRÉAL POUR J.A.

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Dès cette année, Younes Horma (à g.), le patron de Tri Atlas Motors, espère vendre 2 000 véhicules.

MAROC

Tri Atlas sʼélance sur un créneau porteur SPÉCIALISÉE DANS LA FABRICATION DE VÉHICULES ULTRAÉCONOMIQUES, LA JEUNE PME VEUT CONCURRENCER LES MODÈLES CHINOIS. EN MISANT SUR LA QUALITÉ.

T

r i A t la s Motor s n’au r a it peut-être jamais vu le jour si le consulat américain de Casablanca avait été plus rapide… En décembre 2005, Younes Horma, jeune ingénieur de 30 ans diplômé à Boston, est en vacances à Marrakech, sa ville natale, qu’il a quittée en 1995. Mais le renouvellement de ses papiers américains l’oblige à y séjourner plus longtemps que prévu. Au lieu d’en profiter pour se prélasser, le jeune spécialiste dans le développement de systèmes électroniques se met en tête de débusquer un domaine dans lequel il pourrait lancer une affaire. Dans les rues de la Ville ocre, il observe l’apparition d’un nouveau t y pe d’engin : le triporteur. « Des épiciers ou des maçons qui n’avaient pas les moyens d’acquérir une voiture avaient acheté ces petits véhicules, aisément maniables dans la médina », se souvient-il. Mais ces modèles de marque Motochima ou Skygo venus de Chine, souvent entrés

en fraude dans le pays, étaient difficilement assurables et leur finition mettait en danger la sécurité des passagers. Younes Horma a alors l’idée de lancer un triporteur marocain inspiré des véhicules chinois, mais en soignant la qualité et en intégrant des composants locaux. Il est d’autant plus convaincu qu’avec seulement 2,5 millions de voitures pour 33 millions de Marocains, son projet peut trouver une clientèle entre la voiture économique et la mobylette.

conclura avec les dirigeants du groupe Ménara, une société diversifiée (BTP, immobilier, pièces auto) fondée par Abderrahmane Zahid, lui aussi originaire de Marrakech. Ménara prend 51 % des parts dans la société, nommée Tri Atlas Motors, et Younes Horma 49 %. L’objectif est d’atteindre l’équilibre financier en 2012 pour 20 millions de dirhams (DH, 1,8 million d’euros) d’investissement. Après trois ans de conception et d’industrialisation, le premier véhicule est commercialisé en août dernier. De l’unité de production sortent à la fois des Triam (triporteurs à essence) et des Trelec (voiturettes électriques). Tri Atlas veut en vendre

Les triporteurs marocains intéressent déjà des importateurs ouest-africains.

SOLIDE PARTENARIAT FINANCIER

En 2006, il organise un voyage en Thaïlande et en Chine à la recherche d’un partenaire. Il le trouvera près de Nankin, avec DB, fabricant de triporteurs et de véhicules électriques. « J’ai été séduit par la qualité de leurs produits », souligne Younes Horma. De retour à Marrakech, il se met en quête d’un solide partenariat financier, qu’il

2 000 au total cette année. Avec une gamme de triporteurs qui s’étend de 15 900 DH (1 400 euros) à 45 000 DH, le constructeur vise les petits commerçants, le secteur touristique, les institutionnels (comme la gendarmerie) et veut également répondre à la demande au-delà du Maroc. La commune de Rufisque, au Sénégal, souhaite ainsi assainir le parc de véhicules de ses commerçants en les aidant par la microfinance à acheter des triporteurs. Des importateurs maliens et ivoiriens se sont aussi manifestés. ■ CHRISTOPHE LE BEC, envoyé spécial

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ECOFINANCE 91

Analyse ALAIN FAUJAS

De gros nuages menacent lʼAfrique

L

es Africains se croyaient tirés d’affaire. Les prix des denrées alimentaires et du pétrole, dont les augmentations avaient tant saigné leurs budgets en 2008, avaient reflué. Les cours des matières premières dont regorge le sous-sol africain étaient, eux, repartis à la hausse en 2009, avec des doublements pour le cuivre ou le pétrole notamment, ce qui promettait de remettre d’aplomb leurs recettes publiques et leurs balances commerciales. Tant et si bien que Banque mondiale et Fonds monétaire international (FMI) leur promettaient une sortie de crise plus rapide que pour les pays développés. Et même un retour des belles années 2000, quand la croissance dépassait en moyenne 5 % sur l’ensemble du continent. Ce n’était peut-être pas suffisant pour atteindre les Objectifs du millénaire et diviser par deux la pauvreté, mais cette cadence était bonne à prendre pour améliorer le sort des déshérités comme de la classe moyenne en Afrique. HÉLAS, DES CRAQUEMENTS VENUS DU NORD font redouter qu’une réplique de la crise soit en cours. Dubaï incapable d’honorer ses dettes, la Grèce en grand danger de se trouver dans la même situation, l’Espagne pointée du doigt par la spéculation : on est en train de découvrir avec effroi que la dette souveraine des États de la planète a atteint à la fin de 2009 la somme phénoménale de 50 000 milliards de dollars ! Branle-bas de combat en faveur des économies. Une fois dépensés les 2 900 milliards de dollars des plans de relance, une fois supprimées les réductions d’impôts, les bonifications de crédit, les subventions à certains produits de consommation comme l’automobile, les pays industrialisés vont devoir se serrer la ceinture s’ils ne veulent pas déclencher une nouvelle récession. Dans le même temps et pour de tout autres raisons, la Chine appuie sur le frein d’une économie en état de surchauffe. Des « bulles » spéculatives gonflent dangereusement à la Bourse de Shanghai, notamment sur les matières premières, en raison d’un crédit trop abondant et distribué sans discernement. L’empire du Milieu a de l’argent en abondance (1 400 milliards de dollars), mais il doit le consacrer à ses infrastructures plutôt qu’à ses exportations, à relever le niveau de vie de ses citoyens plutôt qu’à l’investissement à l’étranger. La Chine devrait donc,

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elle aussi, se montrer moins entreprenante et moins généreuse dans les mois à venir. Les conséquences de cette prudence en passe de devenir universelle ne vont pas tarder à peser sur l’Afrique. La demande mondiale est en train de faiblir, comme en témoignent les nombreux paramètres (fret maritime, indices d’activité, indices de confiance) qui disent que les échanges internationaux se figent en ce début d’année. Or moins de demande veut dire moins de devises sous forme d’investissements et de recettes d’exportations, moins de salaires, moins de dépenses publiques, moins d’écoles, moins de routes, moins d’hôpitaux, etc. UN AUTRE DANGER POINTE. La crise de la dette devrait généraliser d’ici à la fin de 2010 le relèvement des taux d’intérêt. Cette hausse rendra plus coûteux les prêts destinés au développement et réduira d’autant les budgets des États africains. Autrement dit, l’économie mondiale est en train d’amorcer ce que les experts appellent une courbe en « W », c ’es t-à - dire qu’une petite rechute va succéder à la belle reprise de 2009. Les marchés boursiers et ceux des matières premières ont senti venir cette mauvaise passe et sont tous en chute depuis le début de l’année. Combien de temps pourrait durer cette potion amère? Quelques mois en principe, si un vent de panique ne se met pas à souffler sur le monde. Qui en souffrirait le plus ? Les États les plus endettés et les pays les plus dépendants du commerce international. Même les plus pauvres, qui ne sont pour rien dans la récession, vont devoir se serrer la ceinture. Et c’est parfaitement injuste. ■

Même les pays les plus pauvres, qui ne sont pour rien dans la récession, vont devoir se serrer la ceinture.

Voir aussi « Aide au développement : promesses non tenues » sur jeuneafrique.com


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Cinéma DUMAS : OÙ La sortie du film LʼAutre Dumas a soulevé une vive polémique en France. Les raisons? Gérard Depardieu dans le rôle de lʼécrivain. Lʼacteur blanc pouvait-il incarner le petit-fils dʼune esclave noire?

S

LEÏLA SLIMANI

a f y Nebb ou n’i m a g inait sans doute pas que son dernier film, L’Autre Dumas, provoquerait une telle levée de boucliers. Ce film en costumes, de facture plutôt classique, en salles depuis le 10 février, raconte la relation entre l’immense écrivain Alexandre Dumas et son « nègre » le plus célèbre, Auguste Maquet, campé par Benoît Poelvoorde. Or Dumas, quarteron, petit-fils d’une esclave noire de Saint-Domingue et fils d’un général métis, est incarné par le blond Gérard Depardieu. Dès le 7 février, Serge Bilé et Emmanuel Goujon ont réagi en trouvant le choix de Depardieu « étonnant au moment où la France se gargarise de diversité et de promotion des minorités ». Il n’en fallait pas plus pour alimenter la polémique et faire monter au créneau l’actrice franco-rwandaise et ancienne Miss France Sonia Rolland, la journaliste martiniquaise Audrey Pulvar ou encore les représentants du Conseil représentatif des associations noires (Cran).

Alexandre Dumas en 1865.

ADOC-PHOTOS

REPRÉSENTATION IMAGINAIRE

Mal à l’aise face à cette levée de boucliers, les agents de Gérard Depardieu et de Safy Nebbou n’ont pas donné suite aux demandes d’interview de Jeune Afrique. Quant au producteur du film, Frank Le Wita, il n’a pas souhaité répondre à nos questions, arguant qu’il s’était déjà exprimé dans le quotidien Le Monde. Dans l’édition du 11 février, il expliquait en effet que le film n’était pas « un documentaire mais une représentation. On est dans l’imaginaire. La truculence de Depardieu incarne parfaitement Dumas ». Un argument auquel souscrit,

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EST LE NÈGRE? en partie, l’acteur camerounais Emil Abossolo-Mbo (Plus belle la vie, Ezra…). « Dans une œuvre de fiction, le réalisateur est libre de donner tel ou tel aspect à un personnage, même si celui-ci a existé, comme c’est le cas pour Dumas. » « ILS LUI ONT FRISÉ LES CHEVEUX »

Si l’art du cinéma est un exercice de liberté, il doit pouvoir transcender la couleur, et tout un chacun doit pouvoir incarner n’importe quel personnage. « Pour moi, Depardieu c’est Dumas et Dumas c’est Depardieu. Il pourrait aussi bien jouer Toussaint-Louverture ou même Joséphine Baker et l’on reviendrait à la tradition shakespearienne où les hommes jouaient tous les rôles », explique l’acteur camerounais Eriq Ebouaney, actuellement à l’affiche dans Disgrâce et La Horde (voir J.A. no 2560). Pour lui, c’est le talent de Depardieu

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qui compte et qui le rend légitime. « Je trouve la polémique un peu inutile. C’est du gaspillage d’énergie. En plus, ils ont fait un effort en lui frisant les cheveux et en lui donnant une carnation pas trop pâle », ajoute-t-il. Mais justement, c’est là que le bât blesse. Si le réalisateur voulait que l’acteur ressemble à Dumas, pourquoi ne pas être aller jusqu’au bout de la démarche en choisissant un comédien métis ? D’autant que ces dernières années la mode des biopics au cinéma a poussé toujours plus loin la recherche de la ressemblance entre l’acteur et son personnage, comme avec Marion Cotillard dans La Môme, Éric Elmosnino dans Gainsbourg (vie héroïque) ou encore, aux États-Unis, Morgan Freeman (Nelson Mandela) dans Invictus et Forest Whitaker (Idi Amin Dada) dans Le Dernier Roi d’Écosse. « Dumas était aux trois

PASCAL CHANTIER

« Choisir un acteur métis aurait été une erreur historique. » Safy Nebbou.

Gérard Depardieu dans le film L’Autre Dumas.

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BLANCHIR L’ICÔNE

Pour Naïma Kadiri, l’agent en France, entre autres, d’Antonio Banderas, de Marie-Anne Chazel ou encore de Christian Clavier, « la vraie question, c’est de savoir quel acteur était le mieux placé pour incarner Dumas. Et malheureusement, il n’y a pas beaucoup d’acteurs noirs qui peuvent concurrencer un Gérard Depardieu ». La logique économique, qui veut qu’un film repose sur un acteur bankable, est sans doute le principal frein à l’émergence d’acteurs de couleur. « Comme on veut des acteurs connus, on prend toujours les mêmes et du coup on ne prend pas de risques. Il est véritablement moins facile de financer un film dont le rôle principal est tenu par un Noir », ajoute Naïma Kadiri. « Il faut arrêter de dire que seul Depardieu pouvait jouer Dumas. On aurait très bien pu imaginer Thierry Desroses, Roschdy Zem ou même Dieu-

UN TOURNANT POUR SAFY NEBBOU NÉ À BAYONNE EN 1968 de père algérien, le réalisateur Safy Nebbou se destinait d’abord à une carrière de comédien. Élève de Tsilla Chelton, qui a formé notamment les acteurs du Splendid (Gérard Jugnot, Christian Clavier…), il travaille pendant huit ans au Théâtre des chimères, dirigé par Jean-Marie Broucaret. Successivement acteur et animateur Le réalisateur d’atelier pour les jeunes, il met en scène Safy Nebbou. près d’une trentaine de spectacles dans les années 1990. Safy Nebbou s’essaie au septième art en 1997 avec un premier court-métrage, Pédagogie, puis avec Bertzea en 2001 et Lepokoa en 2003. Le Cou de la girafe (2004) est son premier long-métrage. Il dirige alors Sandrine Bonnaire et Claude Rich dans un mélodrame autour de la famille et de la mémoire. Il retrouve Sandrine Bonnaire pour son deuxième film, L’Empreinte de l’ange (2008), un thriller psychologique sur la maternité. L’Autre Dumas, film d’époque assez classique, est un tournant dans la carrière de Safy Nebbou, qui change complètement de registre pour l’occasion. ■ L.S. Au théâtre, les choses ont un peu évolué et, depuis quelques années, des acteurs noirs se sont vu proposer de grands rôles du répertoire. Mais la France reste un cas à part. « Dans son Hamlet, Peter Brook avait confié le rôle du prince de Danemark à un acteur noir. En Angleterre, personne ne s’en est offusqué. Mais quand il a présenté son spectacle en France, les gens n’arrêtaient pas de lui demander si ce n’était pas un peu ridicule de faire jouer un prince danois par un Noir. Moi-même, un réalisateur m’a dit un jour: “J’aimerais bien te faire jouer Dom Juan, mais les gens ne comprendraient pas” », raconte Emil Abossolo-Mbo. Pour une célèbre directrice de casting parisienne, c’est sur le plan symbolique que le choix de Depardieu est gênant. « Je suis certaine que Safy Neb-

« Il est vraiment moins facile de financer un film dont le rôle principal est tenu par un Noir. » donné dans ce rôle. Et je suis sûr qu’il y en a encore des dizaines d’autres qu’on ne connaît pas et dont le talent aurait pu être exploité à cette occasion », s’insurge Emil Abossolo-Mbo. Comme beaucoup, il défend la liberté du réalisateur mais regrette que « la balance penche toujours dans la même direction. Qu’aurait pensé le public si on avait fait jouer Napoléon par un Noir ? »

PASCAL CHANTIER

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quarts blanc, ça aurait été une erreur historique de choisir un acteur métis, même si c’est une éventualité à laquelle on a réfléchi. Il avait les yeux bleus comme Depardieu et les cheveux crépus, on a frisé ceux de l’acteur et on lui a foncé le teint », s’est défendu Safy Nebbou dans Le Parisien.

bou n’avait aucune mauvaise intention. Mais on ne peut pas s’empêcher de voir une forme de reconstruction historique dans ce geste. “Blanchir” l’icône qu’est Alexandre Dumas, c’est retirer une part de la vérité. Le grand public ignore ou occulte le fait que Dumas était noir. En choisissant Depardieu, Nebbou a entretenu ce mythe, comme si un auteur français aussi célèbre que Dumas ne pouvait être que blanc. » Comme le fait remarquer Emil Abossolo-Mbo: « Aujourd’hui, c’est aux réalisateurs africains, antillais et maghrébins de réagir en s’emparant de grands thèmes historiques. C’est en créant et en donnant notre vision des choses que nous pourrons le mieux répondre à ceux qui nous reprochent de trop nous plaindre et de nous comporter en victimes. » ■ Retrouvez la tribune de Claude Ribbe sur jeuneafrique.com

ERRATUM JE ME PERMETS DE RÉAGIR à la suite d’une information erronée publiée dans la rubrique « Confidentiel » du no 2562 (du 14 au 20 février 2010) de Jeune Afrique. En effet, cet article fait état d’un grand concert au Divan du monde le 20 mai, pour la célébration des 50 ans de l’indépendance du Cameroun, ainsi que de mes cinquante ans de carrière. Je démens fermement

cette information, car je n’ai jamais été contacté pour un tel événement. ■ MANU DIBANGO

Réponse : Toutes nos excuses à Manu Dibango, à l’organisateur Franck Biyong ainsi qu’à nos lecteurs pour la publication de cette information erronée. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 6 3 • D U 2 1 A U 2 7 F É V R I E R 2 0 10


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INTERVIEW

Merzak Allouache RÉALISATEUR ALGÉRIEN

« Je ne suis pas un beur, mais un Algérien qui vit en France »

S

es plus grands succès sont des comédies. Comme Omar Gatlato, ce film désabusé sur la jeunesse d’Alger, petit chefd’œuvre d’humour et de sensibilité qui lui valut dès ses débuts, au milieu des années 1970, une immense notoriété en Algérie puis dans le monde entier. Ou Chouchou, l’histoire burlesque d’un travesti algérien qui se rend en France, qui a pulvérisé des records au box-office – 4 millions d’entrées rien que dans l’Hexagone ! –, grâce surtout il est vrai à la présence dans le rôle-titre de l’humoriste Gad Elmaleh. Aujourd’hui, Merzak Allouache, également auteur de nombreuses tragicomédies à portée sociale, de Salut cousin à Bab El Oued City ou Bab El Web, nous donne à voir un tout autre spectacle. Avec Harragas, le plus connu et le plus prolifique des cinéastes algériens en activité a abandonné la veine comique pour le drame. Malgré quelques belles répliques dont on ne sait si elles appartiennent au registre de l’humour ou à celui du dérisoire et de l’absurde, Harragas décrit du début – une scène de suicide filmée de manière très originale – jusqu’à la fin un univers noir et

PHILIPPE GUILBERT

Dans un film âpre, Merzak Allouache décrit lʼunivers désespéré des harragas, ces clandestins qui traversent la Méditerranée sur des embarcations de fortune. Il explique à J.A. comment il sʼest intéressé au sujet et ses difficultés à tourner en Algérie.

désespéré. Cet univers, c’est celui des « brûleurs », les harragas, ces hommes qui décident de tout abandonner pour tenter, sur des embarcations improbables, le voyage clandestin vers l’Europe. On les appelle ainsi parce qu’avant de partir ils brûlent aussi bien leur passé (métaphoriquement) que leurs papiers d’identité (réellement) afin de minimiser le risque d’être renvoyés dans leur pays d’origine. Ce qui pourtant, comme c’est le cas dans le film, se produit le plus souvent… du moins s’ils ont réchappé aux dangers mortels de cette traversée à haut risque. Un film âpre, dur, sans guère de concessions à l’esthétisme et sans happy end. Mais un beau film, plein d’émotion, qui tient le spectateur en haleine d’un bout à l’autre. Et qui ajoute une pièce importante au débat sur l’émigration. Pour l’Algérie comme pour les pays de l’autre côté de la Méditerranée, à commencer par la France. ■

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JEUNE AFRIQUE : Pourquoi chois i r p a r t i c u l i è r e m e n t c e s uj e t aujourd’hui? MERZAK ALLOUACHE : Je rentre régulièrement en Algérie, plusieurs fois par an. À chaque fois, je remarque à quel point le pays grouille de jeunes et à quel point ils font face à des problèmes terribles. Cette situation n’est pas nouvelle, bien sûr : en 1975, quand je tournais Omar Gatlato, je parlais déjà de la mal-vie, des difficultés à trouver du travail, des jeunes qui ne pouvaient se raccrocher qu’à la musique, aux fêtes de mariage, de toutes ces choses qui vont mal. Mais elles se sont aggravées. J’ai pensé qu’il était à nouveau nécessaire d’en parler. Comme je ne suis pas quelqu’un qui fait du documentaire, j’ai réalisé ce film-là sur ces jeunes qui veulent partir. Le phénomène des harragas algériens est un phénomène étrange et terrible à la fois. J’ai beaucoup appris dessus grâce à la presse algérienne, qui ne se prive


96 LIRE, ÉCOUTER, VOIR pas d’évoquer la détresse de cette jeunesse marquée par la dureté des années précédentes, par les émeutes de 1988 puis par les massacres de la guerre avec les islamistes. Et qui a découvert ensuite les kamikazes, qui parle de violence, de désespoir et parfois de suicide. La situation est même plus grave aujourd’hui

Harragas, pourtant fort critique, a obtenu le soutien du ministère algérien de la Culture. Votre travail reçoit donc l’appui des autorités… Disons l’appui de la Commission, composée notamment de cinéastes et d’écrivains, qui décide, depuis l’époque du multipartisme, des aides à accorder aux

enfermement avec ses violences. Sans faire bien sûr l’apologie de cette aventure, et sans regard moral sur ce qu’ils font. J’ai même essayé jusqu’à un certain point de rejoindre le documentaire, de ne pas faire de commentaires.

PHILIPPE GUILBERT

Scène du film Harragas, en salles à Alger le 18 février et à Paris le 24.

que ce que je montre avec ce film. Et je la ressens peut-être d’autant plus que je fais beaucoup d’allers-retours entre les deux rives de la Méditerranée… Un handicap, cet exil, même volontaire, pour tourner des films qui traitent de l’Algérie ? Par force, je vis un peu de façon schizophrénique mon rapport à l’Algérie. Il y a surtout un problème important, qui me touche : je sens une réticence à ce que je vienne filmer. Je sais qu’il y a une part de rancœur, de jalousie. Autre chose aussi sans doute : ceux qui vivent sur place sont confrontés à un phénomène d’autocensure, ils ne peuvent pas toujours aller jusqu’au bout de ce qu’ils ont envie de dire. Je suis plus libre dans mes choix, je crois. Mais j’éprouve de grandes difficultés, notamment morales, à chaque fois que je tourne, je suis de plus en plus dans une situation de stress. C’est malgré tout de ce pays qui m’a vu naître et grandir, et que je vois se transformer, que j’ai envie de parler. Je ne suis pas un beur, je suis un cinéaste algérien qui vit en France pour l’instant. Parce qu’après Bab El Oued City, en pleine période de violences, n’ayant aucun moyen d’assurer ma sécurité alors que j’avais tourné un film contre les islamistes, j’ai eu peur.

projets des cinéastes. Et, contrairement à ce qui s’est passé pour mon film précédent, j’ai obtenu aussi l’autorisation de tourner. Ce qui ne veut pas dire que lors de la sortie algérienne de Harragas il n’y aura pas des débats, des polémiques. Mais tant mieux. Le problème, pour que les films soient vus, ce n’est d’ailleurs pas tant la censure, cet archaïsme en voie de disparition, que la faiblesse du parc de salles. D’autant que mes films ne passent guère à la télévision. À part les tout premiers, ils ne sont jamais programmés, même quand la télévision algérienne est coproductrice. Je ne pense pas qu’il y ait des consignes. Mais, comme on le sait, il y a des gens plus royalistes que le roi… Dans Harragas, n’y a-t-il pas d’une certaine façon deux films, le premier, à terre à Mostaganem, sur la situation des jeunes en Algérie et la préparation du départ, l’autre, sur la barque en mer, sur le périple des harragas? Les causes du départ, je les considère comme connues, comme presque évidentes en tout cas. Ce n’était pas le sujet que je voulais traiter. La première partie sur l’attente du départ me sert surtout à présenter les personnages avant de passer à la traversée en elle-même. J’avais envie d’accompagner les personnages dans ce voyage dangereux, ce huis clos, cet

Dans le film, même les personnages qui arrivent après mille difficultés sur une plage sont finalement arrêtés et refoulés. Il y a pourtant des cas plus heureux… Je crois qu’a priori il s’agit d’une traversée suicidaire. Dans le film, tous ne meurent pas et c’est déjà bien. Et les seuls qui n’ont peut-être pas raté leur projet d’émigration, même si cela ne reste qu’une hypothèse improbable à la fin du film, ce sont les plus miséreux sur la barque, ceux qui viennent du Sahara, qui ne savent pas nager et qui n’ont pas pu gagner la terre ferme par leurs propres moyens. Cela me plaisait de leur laisser une petite chance. Avec la reconnaissance internationale qu’obtiennent certains cinéastes comme Tariq Teguia ou Rabah Ameur-Zaïmeche, assistons-nous à une certaine renaissance du cinéma algérien grâce à l’arrivée d’une nouvelle génération ? Ma génération, celle des lendemains de l’indépendance, celle qui a tourné plutôt confortablement dans un cadre protégé par l’État et dans un pays doté d’un vrai réseau de salles, a en tout cas presque disparu. Beaucoup de cinéastes de cette génération ont cessé de travailler quand le système dit socialiste a été démantelé, il y a plus d’un quart de siècle. Car ils ne savaient pas comment se prendre en charge. Ceux qui sont restés sur place ont commencé à tourner en rond sans trouver de solution pour continuer à faire des films. Seuls ceux qui étaient ou sont allés à l’extérieur ont pu parfois poursuivre leur œuvre. Et les cinéastes que vous avez cités sont d’ailleurs des réalisateurs qui vivent à l’étranger. Aujourd’hui, il y a en Algérie même une génération de jeunes très dynamiques, qui semblent impatients, qui tournent déjà des courtsmétrages et qui donnent l’impression que le cinéma peut repartir dans le pays. Mais comment, en racontant quoi ? Et comment seront-ils aidés ? Y aura-t-il à nouveau une vraie politique culturelle, cette fois non bureaucratique, pour les soutenir? Attendons de voir. ■ Propos recueillis par RENAUD DE ROCHEBRUNE

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Théâtre

LIRE, ÉCOUTER, VOIR 97 cette pièce ne tient pas que dans sa distribution. « Elle parle de liberté, d’oppression, de résistance, insiste Roland Mahauden. Après chaque représentation, nous provoquerons le débat avec l’assistance. Dans l’est de la RD Congo, ça ira, je sais que les peuples se rencontrent. Mais ailleurs ? »

Les deux acteurs Ados Ndombasi Banikina (au premier plan) et Diogène « Atome » Ntarindwa.

STÉPHANIE JASSOGNE

PAILLOTE AVEC WIFI

LʼÎle des Grands Lacs Transposée en Afrique centrale, la pièce sud-africaine LʼÎle sera jouée en RD Congo, au Rwanda et au Burundi. Avec la force symbolique dʼune distribution rwando-congolaise.

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oland Mahauden, le directeur du Théâtre de poche (Bruxelles), est de retour. Fatigué, mais heureux de ses quinze jours passés en Afrique centrale. Lors de ce périple à travers la RD Congo, le Rwanda et le Burundi, il a discuté financement et visité les lieux qui accueilleront la tournée de L’Île, la pièce des Sud-Africains Athol Fugard, John Kani

et Winston Ntshona. Une tournée dans l’Afrique des Grands Lacs qui reflète la distribution de la pièce: deux hommes, le Congolais Ados Ndombasi Banikina et le Rwandais Diogène « Atome » Ntarindwa. « En avril 2008, nous avons organisé un atelier pour comédiens à Kisangani, explique le Belge Roland Mahauden. Il y avait des Congolais venant des quatre coins du pays, mais également un Rwandais qui allait jouer L’Île en Belgique. Là, la force symbolique d’une distribution rwando-congolaise m’est apparue. » L’histoire originale (deux prisonniers politiques enfermés dans des geôles sud-africaines) a été modifiée. Les prénoms ont à présent une consonance swahilie et rwandaise. Et l’action a été transposée quelque part dans un pénitencier en Afrique centrale. La force de

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À Kisangani, Olivier Maloba (42ans) se pose la même question. Il dirige le groupe de théâtre Taccems à l’espace culturel Ngoma, un lieu réhabilité avec le soutien du Théâtre de poche. L’électricité se fait rare, la ville a été dévastée par la guerre, et la création culturelle ressemble beaucoup à un luxe. Pourtant, sous une paillote qui lui sert de bureau (avec wifi), Olivier prépare cette tournée sur laquelle il sera assistant à la mise en scène. Soutenue par Africalia (Belgique), la troupe de Kisangani participera au financement de la tournée dans l’est du pays. « Notre théâtre est là pour choquer le public et les politiques, explique-t-il. Nous contribuons à notre liberté en participant à la diffusion de L’Île dans l’est du Congo. Nous ferons participer les défenseurs des droits de l’homme pour passer le message de la liberté et de la résistance auprès d’un public congolais encore apeuré par le théâtre. » La tournée se produira dans des centres culturels et des universités, mais également dans des lieux moins cossus comme le local de la Croix-Rouge, à Goma, où « la profondeur de la scène fait entre 2 et 3 m, explique Roland Mahauden. Mais en ajoutant des tables bloquées avec des cales, ça devrait aller ». Pour éviter les couacs techniques, l’éclairagiste du théâtre bruxellois se déplacera avec un léger kit lumière et son. Pour le reste, fidèle à l’esprit du théâtre des townships, le décor est quasi inexistant et se créera sur place. Offrir la culture à travers des pays jadis en conflit sur des planches, même bancales, peut-être n’est-ce pas un luxe, après tout. Peut-être est-ce là que commence vraiment la liberté? ■ OLIVIER BAILLY, envoyé spécial à Kisangani

L’Île, d’Athol Fugard, John Kani et Winston Ntshona, mise en scène de Roland Mahauden, le 2 mars au centre WallonieBruxelles, les 7 et 9 à Kinshasa, le 10 à Matadi, les 12 et 13 à Kisangani, le 14 à Goma, le 16 à Bukavu, le 18 à Bujumbura et les 20 et 21 à Kigali.


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Photographie Objectif classes moyennes Deuxième prix du World Press Photo dans la catégorie « vie quotidienne », Joan Bardeletti travaille sur les classes moyennes africaines. Un projet qui mêle recherches en sciences humaines et démarche artistique.

A

kissi Kouadio* a 32 ans. Mère célibataire, elle est inscrite en DEA de sociologie à l’université de Cocody (Côte d’Ivoire). Pour vivre et financer ses études, elle a monté un business center dans une cité universitaire. Elle y salarie deux personnes qui s’occupent du cybercafé, de la photocopieuse et des diverses activités de traitement de texte. Akissi Kouadio gagne environ 200 000 F CFA (300 euros) par mois grâce à l’entreprise qu’elle a créée avec les 600000 F CFA de sa bourse d’études. Ni pauvre ni riche, elle pense appartenir à la « classe moyenne ». « Je peux subvenir à mes besoins vitaux : m’habiller, me déplacer, me loger », dit-elle. Classe moyenne: le mot est lâché. Mais quelle réalité recouvre-t-il en Afrique ?

L’objectif ? « D’abord, il s’agit de caractériser, plutôt que de définir, cette population mal connue, explique le photographe. Nous voulons sensibiliser le grand public et les chercheurs pour qu’ils se lancent dans des études plus approfondies. À terme, il s’agit aussi de façonner une autre image de l’Afrique. » MYSTÉRIEUSE ET FLUCTUANTE

Professeur de sciences politiques responsable de l’équipe de recherche associée au projet, Dominique Darbon souligne le caractère vague – voire dépassé – de la notion de « classe moyenne » et la nécessité de l’affiner : « Il y a d’un côté les pauvres, de l’autre les élites, deux catégories très visibles. Et, au milieu, il y a des gens qui vivent, qui élèvent leurs enfants, qui les envoient à l’école, qu i ont u n revenu. Ils sont sortis de la précarité totale – ils n’ont plus besoin d’aller quémander dans la rue –, mais ils sont sans cesse menacés par le déclassement. Mieux cerner ce groupe peut permettre de comprendre en quoi il participe à la stabilisation politique et au développement économique. » Joan Bardeletti a d’abord eu l’idée, en 2006, d’un simple reportage photo. Une rencontre avec Marc Levy, ancien chef du bureau des politiques de développement et de la prospective au ministère

« Ces populations participent à la stabilisation politique et au développement économique. » Difficile de donner une réponse simple et, à vrai dire, le sujet est rarement évoqué. C’est ce constat qui a poussé le photographe français Joan Bardeletti à lancer, en 2008, son projet « Classes moyennes en Afrique », qui mêle recherches en sciences humaines et photographie. Akissi Kouadio est l’une des nombreuses personnes qu’il a rencontrées, interrogées et photographiées dans ce cadre.

français des Affaires étrangères, l’a convaincu d’entreprendre une enquête en profondeur. Après deux ans de maturation, Bardeletti était prêt à se lancer. La méthode choisie sera à peu près la même pour les six pays sélectionnés. Dans chacun d’eux, des chercheurs locaux et/ou employés par des centres de recherche français (comme l’Institut français de recherche en Afrique [Ifra] de Nairobi) déblaient le terrain pendant environ six mois – dont deux à temps plein – sous l’œil attentif du Centre d’étude d’Afrique noire (Cean) de Bordeaux (France). Ils épluchent les données quantitatives existantes et identifient une dizaine de personnes qui, selon eux, appartiennent à cette mystérieuse et fluctuante « classe moyenne ».

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LIRE, ÉCOUTER, VOIR 99 développement. Une grande exposition publique, à Paris cette année et à travers l’Afrique en 2011, permettra de présenter l’ensemble des photographies et une synthèse des recherches. Le site mentionné plus haut permet d’ores et déjà de se faire une idée du chemin parcouru. « Site internet, webdocumentaires, publications, émissions de radio, expositions, CD-Rom, je veux diffuser cette connaissance de la façon la plus ample possible, s’enthousiasme Bardeletti. Il faut valoriser les classes moyennes! »

Jeunes filles d’une école privée de Nairobi, en 2009.

« La principale difficulté, c’est le manque criant de données, analyse Dominique Darbon. Tout le monde parle de ce groupe social, mais on a très peu de chiffres, et ceux que l’on a sont impossibles à vérifier. Certains existent car les États les ont fournis aux organismes internationaux, mais ils sont difficiles à obtenir. » Résultat : la plupart du temps, une étude quantitative solide fondée sur des données « dures » demeure chimérique. Le travail de recherche est avant tout exploratoire. Il débouche néanmoins sur des publications mises en ligne sur internet dès qu’elles sont disponibles (www.classesmoyennesafrique.org/fr). Et Bardeletti s’appuie sur celles-ci pour réaliser son travail documentaire.

En effet, une fois que les chercheurs ont identifié des personnes représentatives de la classe moyenne, à l’instar d’Akissi Kouadio, le photographe se rend sur place à leur rencontre. Il les photographie dans différents contextes (chez elles, au travail, pendant leurs loisirs), les interroge et les enregistre. « L’idée n’est pas d’affirmer qu’ils sont représentatifs, mais de donner une idée de la manière dont ils se perçoivent. » Trois pays ont ainsi été passés au crible au cours de 2009 : la Côte d’Ivoire, le Kenya et le Mozambique. Le Maroc le sera en mars prochain, suivi par un pays du Sahel et un pays d’Afrique centrale. Joan Bardeletti compte achever son projet fin 2010 avec la publication d’un livre et l’organisation d’une conférence sur les liens entre classe moyenne et

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JOAN BARDELETTI/PICTURE TANK

À MI-CHEMIN

Cet aspect multimédia n’est pas qu’un gadget à l’intention des férus de nouvelles technologies – loin de là. « Nous, les chercheurs, sommes habitués à utiliser toujours les mêmes outils, analyse Dominique Darbon. On ne va pas naturellement vers la photo ou le cinéma. Pourtant, la photo rend visible ce que l’on ne parvient pas à visualiser – tels les éléments d’identification que sont l’immobilier ou les vêtements. » Le travail du photographe permet notamment de comprendre, bien mieux qu’avec de froides statistiques, la signification de tel ou tel achat. « Il y a un jeu d’aller-retour entre la recherche et la photographie, affirme Darbon. Nous modifions nos grilles d’analyse en fonction de ce que nous voyons. » Soutenu par l’Agence française de développement (AFD, à hauteur de 70 000 euros) et par le ministère français des Affaires étrangères (MAE, 55 000 euros), le projet est aujourd’hui à mi-parcours. Joan Bardeletti déclare sans ambages être à la recherche de 80000 euros supplémentaires pour boucler le budget. « Pour l’instant, ce qui me dérange vraiment, c’est de ne pas avoir un partenaire africain qui soit le pendant du MAE ou de l’AFD », se désole-t-il, sans perdre espoir. Il le sait: les États ne peuvent pas se permettre d’ignorer trop longtemps leurs « classes moyennes », qui sont souvent leurs « forces vives ». Surtout quand elles sont animées par la même détermination qu’Akissi Kouadio. « Je pense qu’il y a de réelles possibilités dans mon pays et je souhaite valoriser mon parcours scolaire. Si je ne réussis pas les concours de la fonction publique, je chercherai la stabilité financière via des investissements dans la culture de l’hévéa », dit-elle. ■ NICOLAS MICHEL

* Le nom et le prénom ont été changés.


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ANNONCES CLASSÉES

Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre Tél. : 01 44 30 18 76 – Fax : 01 44 30 18 77 – f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique - 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 Paris –France

SOLLICITATION DE MANIFESTATION D’INTERET Relative à un audit financier et comptable du PISE II (exercices 2009 et 2010)

Manifestation d’intérêt

NOM DU PAYS : MALI MAÎTRE D’OUVRAGE : Ministère de l’Education, de l’Alphabétisation et des Langues Nationales (MEALN) NOM DU PROJET : Programme d’Investissement du Secteur de l’Education (PISE II) SERVICE DE CONSULTANTS Audit financier et comptable du PISE II (exercices 2009 et 2010) FINANCEMENT : Agence d’Investissement et de Développement (IDA) / convention N°42222 1 Le Gouvernement du Mali a obtenu un financement de l’IDA destiné à la réalisation de la deuxième phase du Programme d’Investissement du Secteur de l’Education (PISE II), dont une partie sera utilisée pour effectuer les paiements au titre du contrat relatif à un Audit financier et comptable du PISE II (exercices 2009 et 2010). Cet audit, relatif aux flux financiers du PISE II, couvre la totalité des ressources du budget de l’Etat dédiées à l’Education et la contribution des partenaires techniques et financiers sous formes d’aide budgétaire sectorielle et/ou d’aide projet. L’audit couvre les exercices 2009 clos le 31 décembre 2009 et 2010 clos le 31 décembre 2010. Le rapport définitif pour les appui-projets devra être fourni au plus tard le 30 juin N+1 et le 30 septembre N+1 pour l’aide budgétaire sectorielle et la contribution nationale. Toutefois, les ressources gérées directement par les PTF et/ou par des agences ou cellules d’exécution sont exclues du champ de cet audit. La durée de l’intervention, pour chaque exercice budgétaire, est estimée à environ cinquante cinq (55) jours travaillés étalés sur 2,5 mois. Le Ministère de l’Education, de l’Alphabétisation et des Langues Nationales invite les prestataires à manifester leur intérêt à fournir les services décrits ci-dessus. Ils doivent fournir les informations indiquant qu’ils sont qualifiés pour exécuter les services demandés, à savoir : - Expérience générale du Consultant : présentation du Consultant (incluant le nombre d’années d’existence et les chiffres d’affaire réalisés en 2007 et 2008) et des projets qu’il a conduits (incluant la durée, le secteur d’intervention et la zone géographique) ; - Expérience spécifique du Consultant : fiche des projets devant faire ressortir toutes les expériences en matière d’audit financier et comptable de projets ou programmes du secteur public financés par des partenaires au développement ; - Les moyens humains du Consultant : curriculum vitae devant faire ressortir toutes les expériences en matière d’audit financier et comptable de projets ou programmes du secteur public financés par des partenaires au développement. La mission d’audit sera composée d’une équipe de plusieurs experts, sur la base des travaux à mener et des orientations ci-dessus. Le personnel clé est le suivant : ✔ Un (01) expert comptable diplômé (associé responsable) disposant d'au moins quinze (15) années d'expérience dont cinq (05) années en audit de projets/programmes financés par des partenaires au développement ; ✔ Un (01) directeur de mission expert comptable diplômé, disposant d'au moins dix (10) années d'expérience dont cinq (05) années en audit de projets/programmes financés par des partenaires au développement ; ✔ Un (01) spécialiste en passation des marchés disposant d'au moins cinq (05) années d'expérience dans ce domaine pour des projet/programmes financés par des partenaires au développement ; ✔ Un (01) spécialiste en finances publiques disposant d’une expérience d’au moins cinq (05) ans dans le domaine de la préparation et du suivi de l’exécution budgétaire ; ✔ deux (02) auditeurs seniors disposant d'au moins cinq (05) années d'expérience en cabinet d’audit dont trois (03) dans le domaine d’audit des projets financés par des partenaires au développement. Le choix du personnel de terrain complémentaire est laissé à l’appréciation du consultant retenu. Les candidats seront ultérieurement sélectionnés par le MEALN en accord avec les procédures de la Banque mondiale et après avis de non objection de la Banque mondiale. Les candidats intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires ou disposer des termes de référence à l’adresse ci-dessous : Division Approvisionnement et Marchés Publics Direction Administrative et Financière Ministère de l’Education, de l’Alphabétisation et des Langues Nationales ACI 2000 Hamdallaye, Face ex-Flamboyant – Bamako – Mali. Tél. : (00223) 20 29 59 80 / (00223) 20 29 59 82 ; fax. : (00223) 20 29 59 81 Courriel : hamadaf_2@yahoo.fr du lundi au jeudi de 8 heures à 16 heures et le vendredi de 8 heures à 12 heures. Les manifestations d’intérêt doivent être déposées à l’adresse ci-dessous au plus tard le 15/03/2010 après la date de publication de l’appel à manifestation d’intérêt à 12 heures TU à la Direction Administrative et Financière du Ministère de l’Education, de l’Alphabétisation et des Langues Nationales ACI 2000 à Hamdallaye, Face ex-Flamboyant - Bamako - Mali. Le Ministre Pr Salikou SANOGO Officier de l’Ordre National

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AC Agence Autonome des Travaux Routiers Avis à manifestation d’Intérêt POUR LA SELECTION DE CANDIDATS EN VUE DES ETUDES D’AVANT PROJET DETAILLE ET D’ELABORATION DE DOSSIER D’APPEL D’OFFRES (DAO) POUR DES TRAVAUX D’AMENAGEMENT DE VOIRIES URBAINES ET D’ASSAINISSEMENT Y COMPRIS ECLAIRAGE PUBLIC DANS LA BANLIEUE DE DAKAR 1. L’Agence Autonome des Travaux Routiers (AATR), agissant au nom et pour le compte du Ministère de la Coopération internationale, de l’Aménagement du Territoire, des Transports aériens et des Infrastructures, a l’intention de réaliser, sur financement de l’Etat du Sénégal, des études d’Avant projet détaillé et d’élaboration de dossier d’appel d’offres pour des travaux d’aménagement et d’assainissement y compris éclairage public d’environ 70 Kms de voiries urbaines dans la banlieue de Dakar. 2. Les services consistent : d’une part en l’exécution des études d’avant projet détaillé comprenant les études topographiques, géotechniques, les études hydrauliques et hydrologiques, d’impact environnemental, socio-économiques et économiques ; et d’autre part en l’élaboration d’un dossier d’appel d’offres pour la réalisation des travaux.

4. Les consultants seront présélectionnés selon les règles de procédures du nouveau code des marchés publics du Sénégal portant n°2007-547 du 25 avril 2007 et sur la base de la sélection «qualité-coût» et de la grille d’évaluation des critères ci-après: • Qualification Générale dans le domaine (20 pts) ; • Expériences pour des missions similaires : « Deux projets de voiries urbaines en béton bitumineux en travaux neufs ou de réhabilitation d’au moins 20 kms en 2x1 ou 3x1 voies ou 10 kms en 2x2 voies comprenant de l’assainissement routier et éclairage public et deux projets d’assainissement pluvial avec d’importants ouvrages hydrauliques tels que des stations de pompage et conduites enterrées.» (40 pts soit 10 pts par projet réalisé) ; • Qualification du personnel permanent pour coordonner la mission (40 pts). Ce personnel doit comporter au minimum les qualifications et compétences suivantes : ✓ un (1) ingénieur en génie Civil ou équivalent, Chef de Mission, d’au moins 15 ans d’expériences dans le domaine des études routières. Il devra avoir réalisé, en tant que Chef de Mission d’études, au moins trois (3) études routières en avant projet sommaire ou détaillé sur des projets d’envergure et de consistance similaires durant les dix (10) dernières années. (10 pts) ; ✓ un (1) ingénieur en topographie ou équivalent, d’au moins dix (10) ans d’expériences dans le domaine des études topographiques ou de photogrammétrie, ayant réalisé au moins trois (3) projets d’études routières d’envergure et de consistance équivalentes durant les huit (8) dernières années. (10 pts) ; ✓ un (1) ingénieur hydraulicien, hydrologue, hydrogéologue ou équivalent, d’au moins dix (10) années d’expériences dans le domaine des études d’assainissement routier et/ou pluvial, ayant participé en tant qu’ingénieur hydraulicien, hydrologue ou hydrogéologue, à l’étude de trois (3) projets routiers ou d’assainissement pluvial durant les huit (8) dernières années. (10 pts) ; ✓ Un (1) ingénieur géotechnicien, géologue ou équivalent, d’au moins dix (10) ans d’expériences dans le domaine des études géotechniques, ayant participé en tant qu’ingénieur géotechnicien, à l’étude de trois (3) projets routiers d’envergure et de consistance équivalentes durant les huit (8) dernières années. (10 pts). 5. Le nombre minimum de points requis est de soixante (60) et une liste restreinte de cinq à sept bureaux d’études ou firmes, sera établie à l’issue de cet appel public à manifestation d’intérêt. Il est permis aux candidats de s’associer pour renforcer leurs compétences. 6. Les candidats intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires, à l’adresse mentionnée ci-dessous et aux heures suivantes: 9 H 00 à 13 h 30 et 13 H 30 à 17 H. 7. Les dossiers de candidatures doivent être déposées au secrétariat de la Cellule de Passation des Marchés de l’AATR, sis à l’adresse ci-dessous au plus tard le 23 mars 2010 à 10 heures 30 minutes précises (heure locale) : Agence Autonome des Travaux routiers, rue David DIOP x F, Fann Résidence, BP : 25 242 Dakar-Fann . Tel: (221) 33 869 07 51 Fax : (221) 33 869 07 51 Email : aatr@aatr.sn ou mcfaye@aatr.sn ou gstine@aatr.sn. 8. La langue de travail sera le français. Il est à noter que l’intérêt manifesté par un bureau d’études ou une firme, n’implique aucune obligation de la part de l’AATR de l’inclure sur la liste restreinte. Le Directeur Général Ibrahima NDIAYE

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Manifestation d’intérêt

3. L’AATR invite les candidats éligibles et intéressés à manifester leur intérêt pour les services décrits ci-dessus, en fournissant les informations suivantes : (i) les domaines d’intervention ainsi que les années d’expériences du Candidat ; (ii) ses qualifications dans le domaine des prestations ci-dessus et notamment les références concernant l’exécution de contrats analogues et d’envergures équivalentes ; (iii) les capacités techniques et de gestion du Candidat ; (iv) Les références des clients bénéficiaires des prestations décrites.


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Avis d’appel d’offres

REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO PROGRAMME NATIONAL MULTISECTORIEL DE LUTTE CONTRE LE VIH/SIDA – P.N.M.L.S FOURNITURE REACTIFS, CONSOMMABLES POUR LA TRANFUSION SANGUINE ET LES EQUIPEMENTS MEDICAUX POUR LE CPTS ET LES 42 ZONES DE SANTE DE LA PROVINCE DE L’EQUATEUR APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL DAOI N° 01/CN-PNMLS/CORDAID/2010 Date de publication : 15 février 2010

Appel d’offres

1 . Cet avis d’appel d’offres fait suite à l’Avis général de passation de marchés publié pour ce projet dans Development Business, no 644 du 16 décembre 2004. 2 . Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo a reçu un Don de l’Association Internationale pour le Développement pour financer l’Acquisition des Médicaments contre les Infections Opportunistes, et a l’intention d’utiliser une partie de ce Don pour effectuer des paiements au titre du Marché relatif à l’Acquisition de réactifs, consommables pour la transfusion sanguine et les équipements médicaux pour le CPTS et les 42 Zones de Santé de la Province de l’Equateur, DAOI N°01/CN-PNMLS/CORDAID/2010. Le CORDAID pour le compte du Programme National Multisectoriel de Lutte contre le SIDA, « PNMLS » sollicite des offres fermées de la part de soumissionnaires éligibles et répondant aux qualifications requises pour fournir les réactifs, consommables pour la transfusion sanguine et les équipements médicaux pour le CPTS et les 42 Zones de Santé de la Province de l’Equateur en République Démocratique du Congo. Le présent marché est identifié en trois (3) lots. Lot 1 : Réactifs Lot 2 : C o n s o m m a b l e s p o u r l a t r a n s f u s i o n s a n g u i n e Lot 3 : Equipements médicaux 3 . La passation du Marché sera conduite par Appel d‘offres international (AOI) tel que défini dans les « Directives : passation des marchés financés par les Prêts de la BIRD et les Crédits de l‘IDA », et ouvert à tous les soumissionnaires de pays éligibles tels que définis dans les « Directives de Passation de Marchés Financés par les Prêts de la BIRD et les Crédits de l’IDA de Mai 2004, mises à jour Octobre 2006 » 4 . Les soumissionnaires éligibles et intéressés peuvent obtenir des informations auprès de CORDAID, et prendre connaissance des documents d’Appel d’offres à l’adresse mentionnée ci-dessous de 9 heures à 16 heures. 5 . Les exigences en matière de qualifications sont : a) Capacité financièr e Le Soumissionnaire doit fournir la preuve écrite de la réalisation d’un chiffre d’affaires d’au moins 1.500.000 USD au cours de 3 der n i èr e s a n n é e s. b) Capacité technique et expérience Le Soumissionnaire doit prouver sa compétence et son expérience dans la fourniture des produits ou équipements sus mentionnés.

Le Soumissionnaire doit prouver, documentation à l’appui, la réalisation d’un marché similaire au cours de 3 dernières années 6 . Une marge de préférence applicable à certaines fournitures fabriquées localement ne sera pas octroyée aux soumissionnaires éligibles. Voir le document d’Appel d’offres pour les informations détaillées. 7 . Les soumissionnaires intéressés peuvent obtenir un dossier d’Appel d’offres complet en Français en formulant une demande écrite à l’adresse mentionnée ci-dessous contre un paiement non remboursable de 100 dollars américains. La méthode de paiement sera par dépôt direct ou virement sur le compte CORDAID à la Banque Commerciale du Congo ( BCDC) n° 101-0130658-48 USD , intitulé CORDAID/BAS PRO.SECU TRANS.BM, SSWIFT CODE : BCDCCDKI. Les soumissionnaires devront prendre en charge les frais d’expédition du Dossier d’Appel d’offres par l’Acheteur. 8 . Les offres devront être soumises à l’adresse ci-dessous au plus tard le 31 mars 2010 à 11 heur es précises (heure locale de Kinshasa : TU+1). La soumission des offres par voie électronique ne sera pas autorisée. Les offres remises en retard ne seront pas acceptées. Les offres seront ouvertes en présence des représentants des soumissionnaires présents en personne ou à distance à l’adresse mentionnée ci-dessous le xx xx (Date de publication + 45 jours) 2010 à 11 heures 30 minutes. Les offres doivent comprendre une garantie de l’offre, pour un montant de : Lot 1: 4.000 USD Lot 2: 7.000 USD Lot 3: 4.000 USD L’adresse à laquelle il est fait référence ci-dessus est : CORDAID POUR LE COMPTE DU PROGRAMME NATIONAL MULTISECTORIEL DE LUTTE CONTRE LE VIH/SIDA - « P.N.M.L.S » Av e n u e M i l a m b o , n°12, Quartier BASOKO Commune de Ngaliema Kinshasa REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO T é l é p h o n e : 00 243 (0) 81 9 202 191 00 243 (0) 81 144 38 03 E-mail : arjanne.rietsema@cordaid.net Fait à Kinshasa, le 15 février 2010 Mme ARJANNE RIETSEMA JEUNE AFRIQUE N° 2563 – DU 21 AU 27 FEVRIER 2010


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REPUBLIQUE GABONAISE MINISTERE DE L’EQUIPEMENT, DES INFRASTRUCTURES

AC

ET DE L’AMENAGEMENT DU TERRITOIRE Date Appel d’offres n°

: :

22 février 2010 01/MEIAT/CAB/SG/DGEI

N° du prêt

:

GA-0046

AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL OUVERT 1. Le Gouvernement Gabonais a obtenu le financement auprès de la Banque Islamique de Développement (BID) pour réaliser l’aménagement en béton bitumineux d’un tronçon routier du Programme d’Aménagement du Réseau Routier (PARR). Une partie des sommes accordées au titre du financement sera utilisée pour effectuer les paiements prévus pour l’exécution du marché des travaux d’aménagement de la route Akiéni-Okondja (74 km). 2. Le Ministère de l’Équipement, des Infrastructures et de l’Aménagement du Territoire lance un appel d’offres unique en vue de la réalisation de la route Akiéni-Okondja dont les principales quantités sont approximativement :

Tranche conditionnelle : (i) Travaux d’aménagements connexes ; (ii) Travaux de construction de postes de pesage et de parkings grumiers ; 3. Les principaux critères de qualification auxquels les soumissionnaires doivent satisfaire sont les suivants : (i) avoir réalisé au cours des cinq (5) dernières années un chiffre d’affaires moyen annuel, pour les travaux de construction de routes, d’un montant au moins équivalent à quarante milliards (40.000.000.000) F CFA ; (ii) avoir réalisé avec succès en tant qu’entrepreneur principal au moins un projet similaire au cours des cinq (5) dernières années ; (iii) disposer du matériel nécessaire pour l’exécution des travaux demandés ; (iv) proposer un personnel d’encadrement ayant au moins dix (10) années d’expérience dans la réalisation de travaux similaires ; et (v) disposer d’une facilité de crédit propre ou auprès d’un établissement financier de premier ordre d’un montant au moins équivalent à dix milliards (10.000.000.000) F CFA. 4. À titre indicatif, le délai d’exécution est de 30 mois. 5. Vous êtes invités par la présente à soumettre une proposition technique et financière pour la réalisation des travaux nécessaires à la mise en œuvre des projets cités en objet. 6. Votre proposition pourra servir de base à de futures négociations, dans la perspective finale d’un contrat entre votre firme et le Client désigné dans les Données Particulières de l’Appel d’Offres (DPAO).

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8. Les soumissionnaires éligibles intéressés peuvent obtenir des informations complémentaires et consulter le Dossier d'Appel d'offres à l’adresse indiquée ci-dessous : Secrétariat Général du Ministère de l’Équipement, des Infrastructures et de l’Aménagement du Territoire B.P. 49 Libreville Gabon, Tél : 00 241 76 15 21 Fax 00 241 76 34 88 e-mail : antoinemeniemeyi@yahoo.fr 9. Le Dossier d’Appel d’Offres pourra être acheté par les candidats, sur demande écrite au service mentionné ci-dessus et moyennant paiement d’un montant non remboursable de cinq cent mille (500.000) Francs CFA, ou de sa contre-valeur en monnaie librement convertible. 10. Toutes les offres doivent être déposées à l’adresse indiquée ci-dessus au plus tard le mardi 27 avril 2010 à 15h 00 (heure locale) et être accompagnées d’une garantie de soumission à hauteur d’un (1) milliard Francs CFA (ou de leur contre-valeur en monnaie convertible). La garantie de soumission sera établie par un établissement bancaire de premier ordre et devra rester valable cent cinquante (150) jours à compter de la date de remise des offres. La garantie de soumission sera, au choix du soumissionnaire, sous forme d'un chèque de banque certifiée ou d'une garantie bancaire. L’absence ou la non-conformité de cette garantie de soumission au modèle joint au Dossier d’Appel d’Offres entraînera l’élimination de la soumission correspondante. 11. Les plis seront ouverts le mardi 27 avril 2010 à partir de 15h 30 (heure locale) dans la salle de réunion du Ministère de l’Équipement, des Infrastructures et de l’Aménagement du Territoire sise au 1er étage, en présence des membres de la commission d’évaluation des offres, des Experts du Ministère, et des représentants des soumissionnaires qui le souhaitent. 12. La clause préférentielle des entreprises nationales et régionales n’est pas applicable. 13. La visite groupée des sites, qui est recommandée, et la réunion préparatoire à l’établissement des offres auront lieu du 25 au 28 mars 2010. Le lieu de rencontre pour se rendre sur le site est le Ministère de l’Équipement, des Infrastructures et de l’Aménagement du Territoire, dont l’adresse est sus indiquée. Le Directeur Général des Marchés Publics Noé Molière ENGOT Le Ministre de l’Equipement, des Infrastructures et de l’Aménagement du territoire Général Flavien NZENGUI-NZOUNDOU

Appel d’offres

Tranche ferme : (i) Débroussaillage avec et sans essouchements : 2 784 276 m2 ; (ii) Terrassement en déblai et en remblai : 2 217 395 m3 ; (iii) Construction d’une chaussée de largeur 7 m en béton bitumineux (26 596 m3 de BB + 74 952 m3 de GB + 143 551 m3 de GNT + 344 891 m3 de GL) + deux accotements en enduit monocouche de largeur 1,5 m ; (iv) Remplacement des buses métalliques par des buses et dalots en béton armé et construction de nouveaux ouvrages hydrauliques (42 buses et 17 dalots) ; (v) Drainage longitudinal par fossés bétonnés (7,51 km) et caniveaux rectangulaires 10,49 km) ; (vi) Réhabilitation d’un ouvrage d’art existant ; (vii) Aménagement des carrefours et traversées d’agglomérations par la réalisation de voies et aires de stationnement, de trottoirs ; (viii) Signalisation horizontale et verticale et les dispositifs de sécurité ; (ix) Aménagements de dispositions environnementales.

7. Lors de l’établissement de la proposition technique, vous êtes censés examiner l’ensemble des conditions et instructions figurant dans les Dossiers de Consultation. Si vous ne fournissez pas toutes les informations demandées, vous porterez l’entière responsabilité d’une telle omission, qui pourra entraîner le rejet de votre proposition.


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AC Sénégal Airlines est le nouveau porte drapeau de la République du Sénégal, basé à Dakar. Créé par le gouvernement, la compagnie est une société privée qui fait partie du Groupe Air Sénégal (GAS). Sénégal Airlines ambitionne de devenir l'un des principaux transporteurs en Afrique, qui gère une flotte d'avions modernes, monocouloirs et gros-porteurs vers des destinations à travers le continent africain ainsi que vers l'Europe.

Directeur Général basé à Dakar

Recrutement

tasc aviation, consultant de la compagnie Sénégal Airlines, invite les experts de l'aviation à postuler à cette offre, en indiquant clairement leur disponibilité et leurs références.

Le candidat retenu aura la responsabilité de la mise en place, de l'entrée en service et de l'opérationnalité de la nouvelle compagnie aérienne. Il rendra compte directement au PCA et au Conseil d'Administration. Le titulaire doit assurer le leadership et la vision stratégique de Sénégal Airlines pour le développement de la compagnie afin que la qualité des services répondent aux normes de sécurité strictes et soient en adéquation avec les attentes des actionnaires pour un résultat commercial positif. Il ou elle sera également responsable du respect des normes de sécurité exigées par les Autorités de l'Aviation Civile du Sénégal. - Avoir au moins 3 ans d'expérience de DG dans une compagnie aérienne internationale (Europe, Moyen-Orient, Afrique, Asie); - Avoir au moins 10 ans d'expérience en tant que directeur dans une compagnie aérienne (niveau Vice Président et plus); - Avoir au moins 20 ans d'expérience dans le domaine du transport aérien avec un parcours prouvé; - Avoir une grande expertise dans le domaine commercial, opérationnel et financier; - Avoir une grande expertise dans la mise en place de réorganisation, d'expansion et de croissance d'une compagnie aérienne; - Avoir la capacité et l'expérience de mettre en oeuvre un business plan dans le secteur aérien.

Seuls les candidats présélectionnés seront contactés. Les demandes doivent être accompagnées d'un passeport valide clairement scanné. Elles doivent être envoyées au plus tard le 28 février 2010, par courriel à recruitment@tasc.aero. Les demandes tardives ne seront pas prises en compte. Merci de mentionner : SNGL/10/CEO/FEB01 dans la ligne objet. Sénégal Airlines est un employeur offrant l'égalité des chances.

SENEGALAIRLINES tasc aviation marketing services JEUNE AFRIQUE N° 2563 – DU 21 AU 27 FEVRIER 2010


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AC Senegal Airlines is the new flag carrier of the Republic of Senegal, based in Dakar. Established by the Government, the carrier is a privately controlled entity and part of the holding company Groupe Air Senegal (GAS). Senegal Airlines aims to become one of the leading carriers in Africa, operating a fleet of modern single-aisle and wide-body aircraft to destinations across the African continent as well as to Europe.

tasc aviation, the chief project consultants of Senegal Airlines, now invite industry veterans and experts to apply for the following position, clearly indicating joining availability and traceable references.

Chief Executive Officer Dakar Based

MINIMUM PREREQUISITES: ·At least 3 years experience in the role of an international airline CEO (Europe, Middle East, Africa, Asia) ·At least 10 years experience in a senior airline management role (vice president level and above) ·At least 20 years overall airline management experience with a proven and traceable track record ·Strong commercial, operational and financial acumen ·Extensive expertise in airline projects: reorganizations, expansion and growth ·Ability to implement the approved business plan and lead the airline into the future

Due to the anticipated volume of applications, only short-listed candidates will be contacted. Applications accompanied by a clear scan of a valid passport, should be sent no later than the 28h February 2010, via email to recruitment@tasc.aero. Late applications will not be considered. Please state SNGL/10/CEO/FEB01 in the subject line. Senegal Airlines is an equal opportunity employer.

SENEGALAIRLINES tasc aviation marketing services

JEUNE AFRIQUE N° 2563 – DU 21 AU 27 FEVRIER 2010

Recrutement

The successful candidate will have the overall responsibility for all aspects of the airline formation and subsequent entry into service and operations thereafter, and will report directly to the Chairman and the Board of Directors. The incumbent has to provide leadership and strategic direction of Senegal Airlines in all aspects of the company's development, ensuring that quality services are matched with stringent safety and within the shareholder's expectations for a positive commercial outcome. He will also be responsible for ensuring the level of safety standards required by the Senegal Civil Aviation Authorities.


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Recrutement

AC

Recrutement d'un expert chargé de la lutte contre la prolifération des armes légères et de petit calibre COMMUNAUTE ECONOMIQUE DES ETATS DE L’AFRIQUE CENTRALE RECRUTEMENT D’UN EXPERT LUTTE CONTRE LA PROLIFERATION DES ARMES LEGERES ET DE PETIT CALIBRE Dans le cadre de ses efforts pour réduire les causes de l’insécurité en Afrique Centrale, la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC) recrute un expert en matière de lutte contre la prolifération des armes légères et de petit calibre (ALPC). Fonctions et responsabilités principales • Appuyer les Etats membres de la CEEAC dans la mise en place des mesures juridiques et techniques nécessaires pour lutter efficacement contre la prolifération des ALPC • Constituer et entretenir une base de données documentaire, qualitative et quantitative, sur la circulation des ALPC dans la région CEEAC, son volume, ses caractéristiques, ses ressorts et ses acteurs • Préparer le Secrétariat général de la CEEAC à exercer le rôle anticipé par l’Instrument juridique sous-régional de lutte contre les ALPC • Mobiliser les appuis techniques et financiers internationaux au service de l’action de la CEEAC contre la prolifération des ALPC. Qualifications exigées • Etre titulaire d’un diplôme bac+5 en sciences politiques, relations internationales, économie ou équivalent, ou être diplômé d’une école de police ou de gendarmerie • Min. 8 ans d’expérience professionnelle dont 5 à des postes liés à la règlementation du port ou du commerce des armes • Notions avancées de droit international et des conventions internationales relatives aux armements

• Compréhension approfondie du fonctionnement de l’Etat, des institutions policières et militaires et des groupes armés non officiels en Afrique Centrale • Maîtrise parfaite des outils informatiques de base et connaissance des outils de gestion de bases de données • Maîtrise du cycle du projet et des contacts avec les bailleurs de fonds • Excellente capacité de rédaction en langue française et maîtrise de l’anglais à des fins professionnelles; connaissance d’une autre langue de la Communauté (portugais, espagnol) souhaitée. Lieu d’affectation : Libreville, Gabon. Nombreux déplacements dans la région CEEAC. Rémunération : salaire et autres avantages concédés aux experts en service au Secrétariat général de la CEEAC. Nationalité : être ressortissant d’un Etat membre de la CEEAC. Candidatures : les candidatures incluront : • Une lettre de motivation • Un curriculum vitae • Des copies certifiées des diplômes • La référence de deux personnes pouvant attester des qualités professionnelles et morales du candidat. Elles seront adressées avant le 25 mars 2010 à : Secrétariat général de la CEEAC A l’attention de Monsieur le Secrétaire Général de la CEEAC B.P. 2112 Libreville, Gabon E-mail : dawile_fr@yahoo.fr ou tsangou@yahoo.fr

RECRUTEMENT D’UN ANALYSTE COMMUNAUTE ECONOMIQUE DES ETATS DE L’AFRIQUE CENTRALE MECANISME D’ALERTE RAPIDE DE L’AFRIQUE CENTRALE RECRUTEMENT D’UN ANALYSTE Dans le cadre du renforcement de ses capacités d’anticipation des risques et des conflits, le Mécanisme d’alerte rapide de l’Afrique Centrale (MARAC) recrute un analyste de haut niveau. Fonctions et responsabilités principales • Produire avec une périodicité rapprochée des analyses de format variable permettant d’éclairer les instances de décision de la CEEAC sur les risques de conflit en Afrique Centrale et les mesures à prendre en vue de la prévention ou de la résolution des conflits • Contribuer au perfectionnement méthodologique de la recherche d’informations du MARAC et à l’accroissement de la qualité de ses outils analytiques • Contribuer à développer les sources d’information du MARAC, notamment en prenant appui sur un réseau de correspondants décentralisés • Apporter un appui analytique à tout déploiement de terrain de la CEEAC. Qualifications exigées • Etre titulaire d’un diplôme bac+5 en sciences politiques, relations internationales, sociologie ou équivalent • Min. 8 ans d’expérience professionnelle dont à 5 des postes d’analyste/rédacteur au sein du service diplomatique, services de renseignement, institution internationale, ou centre de recherche réputé • Compréhension approfondie des enjeux politiques et sécuritaires de l’Afrique Centrale

• Capacité de rechercher, sélectionner, hiérarchiser, et organiser l’information combinant sens du détail et perception des tendances lourdes • Impeccable capacité rédactionnelle en langue française et capacité de produire des documents clairs, concis, structurés, propres à éclairer l’action • Maîtrise de l’anglais à des fins professionnelles; connaissance d’une autre langue de la Communauté (portugais, espagnol) souhaitée • Résistance au stress et capacité de travail intensif lorsque les circonstances le requièrent • Maîtrise parfaite des outils informatiques de base (Word, Excel, Internet) Lieu d’affectation : Libreville, Gabon. Nombreux déplacements dans la région CEEAC. Rémunération : salaire et autres avantages concédés aux experts en service au Secrétariat général de la CEEAC. Nationalité : être ressortissant d’un Etat membre de la CEEAC. Candidatures : les candidatures incluront : • Une lettre de motivation • Un curriculum vitae • Des copies certifiées des diplômes • La référence de deux personnes pouvant attester des qualités professionnelles et morales du candidat. Elles seront adressées avant le 25 mars 2010 à : Secrétariat général de la CEEAC A l’attention de Monsieur le Secrétaire Général de la CEEAC B.P. 2112 Libreville, Gabon E-mail : E-mail : dawile_fr@yahoo.fr ou tsangou@yahoo.fr

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AC RECRUTEMENT D'UN CONSEILLER JURIDIQUE A LA MICOPAX La Mission de Consolidation de la paix de la CEEAC en République Centrafricaine (MICOPAX) recrute un conseiller juridique MISSIONS DU POSTE Conseiller le Chef de mission sur toutes les questions relatives au mandat, au statut de la mission et à tous les aspects juridiques de son action avec l‘Etat, les populations et la communauté internationale.

LES DOSSIERS DE CANDIDATURE DOIVENT ETRE ENVOYES Aux adresses suivantes: A monsieur le Secrétaire Général de la CEEAC Libreville B.P. 2112 – GABON E-mail : infosecgene@ceeac.org dawile_fr@yahoo.fr ou tsangou@yahoo.fr Date limite de dépôt de dossier : 25 mars 2010 COMPOSITION DES DOSSIERS • Lettre de motivation • Curriculum vitae détaillé incluant les coordonnées complètes du candidat • Copies certifiées des diplômes • Certificats de travail pour tous les emplois antérieurs supérieurs à six mois • Identité complète de trois personnes de référence qui peuvent attester des qualités professionnelles et morales du candidat.

RECUTEMENT D'UN CONSEILLER REFORME DES SECTEURS DE LA SECURITE A LA MICOPAX La Mission de Consolidation de la paix de la CEEAC en République Centrafricaine (MICOPAX) Recrute un CONSEILLER REFORME DES SECTEURS DE LA SECURITE (RSS) MISSIONS DU POSTE Identifier les actions à engager par la MICOPAX, en collaboration avec les autorités centrafricaines et les partenaires internationaux, pour appuyer le processus de réforme des secteurs de la sécurité issu du Séminaire national RSS d’avril 2008 et assurer le suivi de la mise en œuvre de ces actions par les différentes composantes de la MICOPAX. PROFIL EXIGE Formation • Etre titulaire d’un diplôme d’études supérieures (Baccalauréat +5 ou équivalent) en sciences politiques, relations internationales, sociologie, sciences sociales ou équivalent ; • Formation de base ou spécialisée au maintien de la paix souhaitée Expérience • Disposer d’un minimum de 5 ans d’expérience professionnelle dans un service national de sécurité ou une institution internationale active dans le domaine du soutien et de la consolidation de la paix • Posséder au moins 2 ans d’expérience dans le domaine de la RSS ; • Expérience au sein d’un programme international RSS vivement souhaitée Nationalité : Etre ressortissant d’un Etat membre de la CEEAC Connaissances spécifiques • Bonne connaissance des institutions et services de sécurité en Afrique Centrale

JEUNE AFRIQUE N° 2563 – DU 21 AU 27 FEVRIER 2010

• Parler et écrire impeccablement la langue française • Maîtriser l’anglais à des fins professionnelles • La connaissance du Sango est un avantage • Maîtrise parfaite des outils informatiques : Word, Excel, Internet. Aptitudes • Aptitude au travail d’équipe multidisciplinaire fondé sur la communication et le partage de l’information • Aptitude au fonctionnement en réseaux formels et informels • Aptitude à convaincre ses interlocuteurs, nationaux et internationaux ; • Résistance au stress et capacité de travail intensif lorsque les circonstances le requièrent LES DOSSIERS DE CANDIDATURE DOIVENT ETRE ENVOYES A l’attention de Mr le Secrétaire Général de la CEEAC CEEAC Libreville B.P. 2112 – GABON E-mail : infosecgene@ceeac.org, ou tsangou@yahoo.fr ou dawile_fr@yahoo.fr Date limite de dépôt de dossier : 25 mars 2010 COMPOSITION DES DOSSIERS • Lettre de motivation • Curriculum vitae détaillé incluant les coordonnées complètes du candidat • Copies certifiées des diplômes • Certificats de travail pour tous les emplois antérieurs supérieurs à six mois • Identité complète de trois personnes de référence qui peuvent attester des qualités professionnelles et morales du candidat.

Recrutement

PROFIL EXIGE Formation • Etre titulaire d’un diplôme d’études supérieures en droit (Baccalauréat +5 ou équivalent) ; • Formation souhaitée à l’exercice de la profession en contexte de mission de maintien de la paix Expérience • Disposer d’un minimum de 5 ans d’expérience professionnelle au sein du service juridique d’une institution publique nationale ou d’une institution internationale ; • Expérience en contexte de mission de maintien de la paix souhaitée Nationalité Etre ressortissant d’un Etat membre de la CEEAC Connaissances spécifiques • Excellente connaissance du droit national centrafricain • Bonne connaissance du droit international public relatif au maintien de la paix et du droit applicable aux représentations diplomatiques

• Bonne connaissance des standards internationaux relatifs au comportement des forces de maintien de la paix • Bonne connaissance des standards internationaux en matière de droit de l’homme et de droit humanitaire • Parler et écrire impeccablement la langue française • Maîtriser l’anglais à des fins professionnelles • La connaissance du Sango est un avantage • Maîtrise parfaite des outils informatiques : Word, Excel, Internet.


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AC

www.sai2000.org

UNITED NATIONS INDUSTRIAL DEVELOPMENT ORGANIZATION

COURS INTENSIFS D’ANGLAIS

Reducing Poverty Through Sustainable Industrial Growth

École Commerciale Privée fondée en 1955

UNIDO is seeking highly qualified candidates with a commitment to the core values of the Organization:

THIS SCHOOL IS AUTHORIZED UNDER FEDERAL LAW TO ENROLL NONIMMIGRANT ALIEN STUDENTS

* Professionalism * Integrity * Cultural Sensitivity *

Chief, Human Resource Planning and Development Unit, P-5

Divers - Recrutement

(VA-2010/001)

The incumbent will lead a dynamic team whose mandate is to deliver human resource services related to HR planning, job analysis and classification, recruitment and selection, organizational learning and training, career development and staff performance management. The job requires thorough understanding of the role of HR planning and staff development, advanced knowledge of related human resource functions, strategic thinking, analysis and decision making abilities; advanced level in written and oral communication, inter-personal and public relations skills. All applications must be submitted through the Online Recruitment System. For more details on these positions and deadlines for the receipt of applications, please visit our website: www.unido.org

Bâtiments industriels

Employment

Comptabilité sur ordinateur Gestion de bureau sur ordinateur dBase Management® Microsoft Office Suite - Windows Traitement de texte Microsoft® Lotus Suite - (T1) Internet access • Membre accrédité du “ACICS” • Établissement reconnu par le Département d’Éducation de l’État de New York • Commence dès ce mois-ci • Cours offerts le matin, l’après-midi et le soir. Tél. (212) 840-7111 Fax (212) 719-5922 APPEL GRATUIT SUR INTERNET PAR NET MEETING 166.84.191.135 SPANISH-AMERICAN INSTITUTE 215 W 43 St. (Times Square) Manhattan, NY 10036-3913

info@sai2000.org

RECRUTEMENT D'UN CONSEILLER POLITIQUE A LA MICOPAX La Mission de Consolidation de la paix de la CEEAC en République Centrafricaine (MICOPAX) recrute UN CONSEILLER POLITIQUE

info@frisomat.com Tél : +32 3 353 33 99

http://africa.frisomat.com

Formation • Etre titulaire d’un diplôme d’études supérieures (Baccalauréat +5 ou équivalent) en sciences politiques, relations internationales, sociologie, sciences sociales ou équivalent ; • Formation de base ou spécialisée au maintien de la paix souhaitée Expérience • Disposer d’un minimum de 5 ans d’expérience professionnelle dans des postes de conseil politique au sein d’une institution nationale, internationale, ou d’un centre de recherche réputé ; • Expérience au sein d’une opération de maintien de la paix de l’ONU ou de l’Union africaine vivement souhaitée Nationalité : être ressortissant d’un Etat membre de la CEEAC Connaissances spécifiques • Bonne connaissance des enjeux politiques et sécuritaires de l’Afrique Centrale • Parler et écrire impeccablement la langue française • Maîtriser l’anglais à des fins professionnelles • La connaissance du Sango est un avantage ; • Maîtrise parfaite des outils informatiques : Word, Excel, Internet LES DOSSIERS DE CANDIDATURE DOIVENT ETRE ENVOYES Aux adresses suivantes: A monsieur le Secrétaire Général de la CEEAC Libreville B.P. 2112 – GABON E-mail : infosecgene@ceeac.org - dawile_fr@yahoo.fr ou tsangou@yahoo.fr Date limite de dépôt de dossier : 25 mars 2010 COMPOSITION DES DOSSIERS • Lettre de motivation • Curriculum vitae détaillé incluant les coordonnées complètes du candidat • Copies certifiées des diplômes • Certificats de travail pour tous les emplois antérieurs supérieurs à six mois • Identité complète de trois personnes de référence qui peuvent attester des qualités professionnelles et morales du candidat.

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AC Le Centre de recherches pour le développement international (CRDI), organisme canadien, appuie des travaux de recherche dans les pays en développement afin d’y favoriser la croissance et le développement. Il en résulte des solutions locales, novatrices et durables, qui offrent des choix aux personnes qui en ont le plus besoin et font changer les choses. Trois des directeurs régionaux du CRDI ont annoncé leur intention de prendre leur retraite en 2010, au terme d’une longue et distinguée carrière au Centre. Cela ouvre des perspectives d’emploi à l’étranger pour des leaders d’expérience qui sont novateurs et dynamiques.

DIRECTEUR RÉGIONAL (trois postes)

Le Caire, en Égypte • Nairobi, au Kenya • Singapour

Le poste de directeur régional est le point de convergence de la présence et de la gestion du CRDI dans une région en développement donnée. Relevant du vice-président, Stratégie générale et gestion régionale, le titulaire de ce poste représente le CRDI dans la région, exerce une veille stratégique, coordonne l’exécution de la programmation du CRDI sur les plans scientifique et technique, et ce, dans le contexte d’une gestion matricielle, dirige une équipe pluridisciplinaire formée de professionnels et gère le bureau régional. Il joue également un rôle clé pour ce qui est de veiller à la cohérence et à la pertinence de la programmation du CRDI dans la région. Si l’idée d’une carrière apte à produire des effets durables vous sourit, nous vous invitons à faire partie de notre équipe de professionnels talentueux et motivés et à profiter d’un milieu de travail stimulant, multiculturel et caractérisé par l’apprentissage.

Date limite pour postuler : le 12 mars 2010 Le CRDI souscrit au principe de l’égalité d’accès à l’emploi et invite les femmes, les autochtones, les personnes handicapées et les personnes qui font partie des minorités visibles ayant les qualités requises à poser leur candidature.

Retrouvez toutes nos annonces sur le site : www.jeuneafrique.com JEUNE AFRIQUE N° 2563 – DU 21 AU 27 FEVRIER 2010

Votre succès sur ce poste reposera notamment sur votre capacité à fournir conseils et analyses fondés sur de nouveaux débouchés, contextes géopolitiques… Profil du candidat: • Vous justifiez d’une expérience confirmée dans le secteur de l’énergie du Golfe et/ou du Maghreb; • Vous possédez une maîtrise des facteurs politico-économiques qui influent sur le secteur Gaz et les investissements; • Vous disposez de solides connaissances en transport de gaz dans la région. Ce poste, à plein temps ou à temps partiel, nécessitera de fréquents déplacements dans la région. Vous parlez par ailleurs l’arabe ainsi que l’anglais et/ou le français de façon parfaitement professionnelle. Votre salaire correspondra à vos compétences et vos responsabilités. Pour postuler à l’offre, envoyez votre curriculum vitae ainsi que vos coordonnées avant le 12 mars 2010 à stadvisorsad@mellaartint.com Mellaart International s’engage à garder toutes les informations de votre dossier de candidature strictement confidentielles. Istanbul Tel: +90-216-369 69 90 www.mellaartint.com

Recrutement - Divers

Pour de plus amples renseignements sur le poste, sur le régime de rémunération concurrentiel offert et sur la façon de postuler, prière de se rendre à www.crdi.ca/emploi ou de communiquer avec Wendy Hoskin whoskin@crdi.ca ou Claude Olivier colivier@crdi.ca.

SECTEUR GAZIER DANS LES PAYS DU MAGHREB ET DU GOLFE CONSEILLERS STRATEGIQUES


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VOUS & NOUS 111

VOTR E J O UR N AL

«

L

Éloge de la différence

e lecteur doit lire dans La Revue ce qu’il de Schneider, car, comme Sénèque et Montaigne, il ne trouve nulle part ailleurs », aime à dire pense que la récompense d’une bonne action, c’est de Béchir Ben Yahmed. On peut dire qu’avec l’avoir faite. la dernière livraison de son bimestriel Dans un passionnant article sur la politique amériBBY n’a pas fait mentir sa directive. Car qui connaît caine au Moyen-Orient, le général Étienne Copel nous en fin de compte Martin Hirsch, haut-commissaire rappelle qu’Obama a nommé à la tête du Central Comfrançais aux Solidarités actives, « ministre d’oppomand le général David Petraeus, disciple de la doctrine sition » comme l’énonce Alain Faujas, auteur de ce de la Counterinsurgency. Or qui a inventé cette docpassionnant article ? trine ? David Galula, un officier français diplômé de Extraterrestre de la politique, Saint-Cyr en 1939 et aujourd’hui Martin Hirsch l’est en effet. Petittotalement oublié en France. fils d’Étienne Hirsch, commissaiMais pas aux États-Unis, où son re général au Plan qui refusa à de livre Contre-insurrection. Théopour l’intelligence dumonde Gaulle de devenir son ministre, rie et pratique est un classique, fils de Bernard Hirsch, directeur lecture obligée des stagiaires général des Ponts et Chaussées, du Command and General Staff lui-même normalien (en bioloCollege de Fort Leavenworth. Le L’extraterrestre gie), énarque, conseiller d’État, général Copel nous fait découvrir politique directeur de cabinet de Bercette passionnante théorie et son nard Kouchner quand celui-ci application par l’armée amériJEAN LACOUTURE fut secrétaire d’État à la Santé, caine, dont dépend le succès des Mon idée du journalisme Martin Hirsch se retrouve, contre États-Unis en Afghanistan et en HAÏTI Le regard toute attente, président (bénéIrak. de Sylvie Brunel vole) d’Emmaüs de 2002 à 2007. RUGBY Un sport Qui se serait attendu à le voir à ce SA M Y GHOR BA L , POU R SA de caste ? MÉDECINE poste ? « Je suis entré à Emmaüs PART, nous entraîne en TuniLe modèle tunisien sans me demander de quelle obésie et nous fait découvrir cette dience était cette association, surprenante vérité : grâce à des dit Martin Hirsch. J’ai découvert choix politiques judicieux et à 3:HIKSLI=XU\ZUY:?k@a@c@o@a; petit à petit qu’il y avait pas mal des hommes et femmes d’excepde curés… Je ne pensais pas que tion, le système de santé tunisien o La Revue du monde n 24, février-mars 2010, moi, agnostique aux trois quarts est au niveau de celui des pays 148 pages, 7,50 euros. juif et pour un quart protestant, développés. Qui le sait ? je me retrouverais un jour à la Interviewé par Hamid Barratête de cette “Église”. » Quel parcours ! da et Mathias Lebœuf, Jean Lacouture nous livre les réflexions d’un grand journaliste au parcours excepNICOLAS SARKOZY, ÉLU PRÉSIDENT, lui propose tionnel, et modèle de « l’honnête homme » tel qu’on d’entrer au gouvernement. Martin Hirsch lui répond le conçoit en France depuis Montaigne. Ses souvenirs « non merci ». Sarkozy explose : « Vous êtes sur un sur le Maroc, l’Indochine, la Tunisie, l’Égypte et l’Algévélo, je vous file les clés d’une bagnole et vous me dites que vous ne voulez pas d’une bagnole. » Finalement, Martin Hirsch n’acceptera pas d’être ministre, mais haut-commissaire en échange de la promesse de l’instauration d’un revenu de solidarité rie sont d’inestimables trésors d’une actualité parfois active – ou RSA. Car Martin Hirsch se bat pour une encore brûlante. À lire avec gourmandise. idée, pas pour un poste. « Il faut en finir avec cette Cette cuvée est trop riche pour être résumée en une idée désespérante que la société doit tourner avec les page. Oui, décidément, Béchir Ben Yahmed a réussi plus performants de ses membres et faire la charité son pari : ce qu’on ne trouve pas ailleurs, on le trouvera aux autres. » Ce n’est pas un politicien, diagnostique dans La Revue. ■ JACQUES TRAUMAN Henri Lachmann, président du conseil de surveillance FÉVRIER-MARS 2010 - N° 24 - 7,50 €

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« Vous êtes sur un vélo, je vous file les clés d’une bagnole et vous n’en voulez pas… »

J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 6 3 • D U 2 1 A U 2 7 F É V R I E R 2 0 10


112 VOUS & NOUS

COURRIER DES LECTEURS ■ La Confédération africaine de football (CAF) et son président, Issa Hayatou, ont commis quelques erreurs. Mais ce n’est pas une raison pour les diaboliser après l’attentat contre l’équipe togolaise. Il y a eu, en 1972, un attentat contre les athlètes israéliens en Allemagne. Ce n’était pas en Afrique. Si on pense que Hayatou fait du foot business, c’est qu’il vit simplement son époque. Fait-on mieux le foot business à la CAF qu’à l’UEFA ou à la Fifa ? Laquelle de ces deux institutions peut annuler une compétition à cause d’un incident comme celui de Cabinda ? En organisant des rencontres à Cabinda, l’Angola a voulu simplement mettre en avant son unité. Si des pays comme le Cameroun et la Côte d’Ivoire organisent la Coupe d’Afrique des nations, vont-ils ignorer des parties de leurs territoires parce qu’elles sont « rebelles » ou « sécessionnistes » ? HUGUES MBALA MANGA, YAOUNDÉ, CAMEROUN

La CAF doit réparer sa faute

UNION AFRICAINE BYE-BYE KADDAFI

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 50e ANNÉE • N° 2561 • du 7 au 13 février 2010

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■ La CAN 2010 s’est achevée sur une note très négative pour moi. Les équipes africaines qui L’INTERVIEW étaient présentes en Angola et EXCLUSIVE la CAF ont manqué de solidarité. On ne pouvait certes pas annuler la compétition, vu ce FOOTBALL L’affaire qu’elle a coûté financièrement à l’Angola et à toutes les équipes. Mais cela ne pourra jamais être une excuse pour ne pas compatir au malheur qui a frappé l’équipe togolaise. Quel est ce pays qui, se trouvant dans la situation du Togo, aurait accepté de jouer? Si le business et l’argent priment sur la dignité humaine et la valeur de la vie, c’est déplorable! « Il y a une interférence gouvernementale, ce que nous ne pouvons pas accepter », a déclaré Issa Hayatou. Bien dit. Mais qui prend en charge une équipe nationale? N’est-ce pas le gouvernement? Jeune Afrique (voir le no 2561) attribue à Hayatou l’expression « interférence gouvernementale », alors que TV5 a parlé d’interférence politique. Jugeons-le à travers ses propres mots. L’organisation de la CAF est-elle apolitique? Pourquoi, lors de l’élection de ses dirigeants, certains chefs d’État s’en mêlent? L’organisation elle-même n’est-elle pas calquée sur le modèle politique? Au nom de la justice et de la paix, la CAF et M. Hayatou doivent revenir sur leur décision. Le Togo doit participer à la prochaine CAN sans condition. JOHNNY NTUMBA DIPA, OSAKA, JAPON TOGO

FAURE GNASSINGBÉ

PÉTROLE & GAZ QUAND LE CONTINENT PROFITE DE LA CRISE

L’effigie de Sékouba Konaté, le nouveau numéro un guinéen.

longtemps que le général Sékouba Konaté avait été choisi par la communauté internationale grâce aux calculs de la France. Lorsque l’ex-numéro un de la junte se faisait soigner au Maroc, le ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner souhaitait qu’il y restât. Oui, la Guinée est une sous-préfecture française ! Sinon, quand on part de chez soi pour des raisons de santé, on y retourne pour poursuivre la convalescence. Pour le reste, le capitaine Moussa Dadis Camara n’avait pas à tirer sur le peuple de Guinée. Il aurait dû simplement encadrer la marche pacifique de l’opposition. Les militaires ne de devaient pas non plus violer nos mamans, nos sœurs et no femmes ! Il faut qu’ils lisent Camara Laye et Léopold nos Sédar Senghor pour comprendre l’importance que nous ac accordons à la femme africaine. Elle est la base de notre ex existence. LUCIEN ZÉZÉ, TRANÅS, SUÈDE

Spécial 12 pages

Hayatou

Le président de la Confédération africaine de football.

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La Guinée, une sous-préfecture française ?

■ Hier, la Guinée de Sékou Touré n’était pas une souspréfecture française. Aujourd’hui, elle est en train de le devenir. En effet, le scénario qui se dessine en ce moment avait été préparé avant même que Moussa Dadis Camara ne soit blessé par son aide de camp. Il y a

Les affres du pouvoir en solo

■ Il est des hommes de pouvoir qui, arrivés à des plateaux pl ou moins élevés, éblouis par la beauté des lieux, flattés plus pa leur ego, s’interrogent sur l’opportunité de poursuivre par l’ascension. Parmi eux, certains – croyant être arrivés au sommet du monde – décident qu’ils ne grimperont plus et qu’ils déploieront leur dernière énergie à s’accrocher. Abdoulaye Wade est de ceux-là. Quelle déconvenue pour le peuple sénégalais, à qui il avait promis la lune ! Quel est ce régime qui claironne sa détermination à durer, là où le contrat est de gouverner ? Le Sénégal, cette pirogue sans cap, nous donne le tournis. Le pouvoir pour lui-même est la source du séisme social qui nous agite et de l’apocalypse qui nous guette. Certes, l’héritage était lourd, et l’espoir immense. Mais tout de même, un système de santé toujours aussi gangrené au bout de dix ans… Si ce n’est pas du mépris, c’est de l’incompétence. Qui ne soigne pas les Sénégalais ne peut les aimer. C’est rédhibitoire ! Trompés, nous avons introduit le loup dans la bergerie, l’égocentrisme au cœur de l’État, la désolation dans les foyers, le recul comme alternative au développement, et le ridicule comme représentation nationale. Le mépris des lois et l’infantilisation des serviteurs de l’État étouffent les multiples talents dont la libération favoriserait le développement minimal de la société sénégalaise. Refusons la péréquation entre la volonté de Dieu et le désordre étatique. Ancrons dans nos esprits que l’action est une des formes les plus abouties de prière. OUSMANE CISS, ANTHY-SUR-LÉMAN, FRANCE J E U N E A F R I Q U E N ° 2 5 6 3 • D U 2 1 A U 2 7 F É V R I E R 2 0 10

YOURI LENQUETTE‡

Cabale contre Hayatou


VOUS & NOUS 113 Le Nobel de la paix en perte de prestige ?

■ Jusqu’en 1960, le prix Nobel de la paix fut presque sans exception attribué à des personnes ou organisations originaires d’Amérique du Nord ou d’Europe occidentale. Depuis, il est devenu plus universel, et tous les continents comptent désormais plusieurs lauréats, dont onze femmes. Un seul lauréat a refusé le prix : Le Duc Tho, négociateur nord-vietnamien qui n’avait pas supporté d’avoir à le partager avec Henry Kissinger, alors que les combats se poursuivaient (la guerre du Vietnam ne prit fin qu’avec la chute de Saigon, le 1er avril 1975). Conscient des crises qui affectent la sécurité et la paix dans le monde, le comité Nobel prend des initiatives destinées à focaliser l’attention générale sur un sujet particulièrement important : la crise du Moyen-Orient. D’où l’attribution pour la première fois, et à titre exceptionnel, à trois personnalités de la région : Itzhak Rabin, Yasser Arafat et Shimon Pérès. Au lieu d’instaurer un processus irréversible d’une paix durable, ce prix a déclenché une série d’événements qui ont marqué à jamais le destin de tous les pays de la région : l’assassinat de Rabin en 1995, le maintien d’Arafat, pendant de longues années, dans une situation de quasi-séquestration suivi d’une mort dans des conditions non entièrement élucidées. Quant à Pérès, après avoir organisé et cautionné, tout au long de sa carrière, des actions répressives contre les Palestiniens, il se prévaut d’une intervention marquée par la haine et la subjectivité, à Davos, pour légitimer le massacre de quelque 1 500 femmes et enfants. C’est la première fois qu’un lauréat est ouvertement accusé de crimes de guerre… Pour le choix d’Obama, qualifié de téméraire par des experts norvégiens, le Comité ne

s’est appuyé que sur des promesses de campagne qui comprenaient des déclarations sur le désarmement nucléaire, le dialogue avec les musulmans, l’abandon du projet de bouclier antimissile en Pologne sans pour autant sous-estimer l’adoption, le 24 septembre 2009 à l’ONU, de la résolution destinée à promouvoir le désarmement nucléaire. Toutefois, ce prix et son prestige soulèvent une question d’une grande pertinence et acuité : quels sont l’apport et l’influence des lauréats dans le processus de maintien et de renforcement de la paix dans le monde ? ABDERRAZAK ESSAIED, ANCIEN REPRÉSENTANT DU HCR EN AFRIQUE CENTRALE PUIS AU MOYEN-ORIENT

À la mémoire de Mamadou Bah

■ C’est avec beaucoup d’émotion que j’ai lu dans J.A. (no 2559) l’article sur la disparition de Mamadou Bah, l’ancien porte-parole de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (Minustah), dans l’effondrement de l’immeuble qui abritait leur quartier général, lors du tremblement de terre de Port-au-Prince, le 12 janvier. Je me souviens encore de ce brave homme que j’ai bien connu durant mon stage à Radio Okapi (une structure mise en place par les Nations unies), à Kinshasa. Le jour du tremblement de terre, Mamadou Bah, connu pour son dynamisme, devait encore être en train de travailler. Que son âme repose en paix, et que le Dieu de nos ancêtres ne l’oublie pas dans son gouvernement lors de sa résurrection. JEPHTÉ MBAMBI MAKAYA, MATADI, RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

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POST-SCRIPTUM

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL

P O L I T I Q U E , É C O N O M I E , C U LT U R E Fondé à Tunis le 17 oct. 1960 par Béchir Ben Yahmed (50 e année)

Édité par SIFIJA

Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS Tél. : 01 44 30 19 60 ; Télécopieurs : rédaction 01 45 20 09 69 ; ventes : 01 45 20 09 67 ; Courriel : redaction@jeuneafrique.com

« Made in China » JE NE SUIS JAMAIS ALLÉE EN CHINE. Mais tous les jours que Dieu fait je consomme chinois et je bénis la providence d’avoir créé l’empire du Milieu, qui sait soigner nos soifs d’achat et devancer nos désirs enfouis. Que l’Occident, dans son orgueil, refuse d’admettre que la Chine a sauvé de la crise des secteurs FAW ZIA entiers de son économie – dont récemZOUARI ment l’industrie de luxe française –, libre à lui. Mais moi, je dis qu’il faut être riche pour cracher sur les produits asiatiques. Que nous, Africains, Arabes et autre démunis, savons gré à la Chine d’avoir arrosé de ses bienfaits matériels nos ruelles et nos marchés du Sud, des souks de Casablanca aux trottoirs de la médina de Tunis – dits « en jachère » parce que réservés aux articles chinois –, en passant par les faubourgs de Marseille, ville musulmane comme chacun sait. Mme Kinza peut changer de chaussures toutes les semaines si ça lui chante. Si Mohamed peut taper sur un clavier venu de Pékin, fût-il sans garantie. Et les bambins paraderont le jour de l’Aïd en vêtements de contremarque. Qu’Allah bénisse la Chine ! Et voilà que, après avoir satisfait tous nos désirs de consommation, notre bienfaitrice se lance dans la distribution d’un produit miracle censé contourner les tabous du corps et faire l’économie des scandales conjugaux et autres crimes d’honneur. En effet, la société Gimino vient de mettre sur le marché… des hymens. Si, je vous jure ! Et la pub crève déjà les écrans égyptiens, au grand dam des cheikhs d’Al-Azhar. De quoi s’agit-il ? D’un kit de virginité à l’usage des demoiselles qui n’ont pu garder leur hymen intact jusqu’au mariage. Il est constitué d’une petite poche translucide remplie de liquide rouge dont la belle doit « s’équiper » une demi-heure avant le rapport sexuel. Sous l’effet de la chaleur corporelle, la membrane artificielle se dilate puis se rompt lors de la pénétration, provoquant la sensation d’une vraie défloration. On s’en doute, sitôt connue, l’invention a provoqué des polémiques dans les pays arabo-musulmans. Les imams se sont arraché les cheveux, les mamans ont feint de s’indigner, les médecins ont ricané quand ils n’ont pas prévenu sur les risques sanitaires, les sexologues ont annoncé la fin proche de la virginité et la démocratisation de l’hymen artificiel. Quant aux intéressées… elles en étaient déjà à négocier les kits via internet et d’autres voies d’acheminement secrètes. Il paraît que ça marche et que les bonhommes n’y voient que du feu. À condition de ne pas faire plus qu’il n’en faut. Comme cette Saoudienne qui, pour fêter son deuxième anniversaire de mariage, a voulu surprendre son époux en lui offrant pour la seconde fois un hymen scellé made in China. Et qui s’est retrouvée à la porte. Ce n’est pas aux Asiatiques que l’époux en voulait. Il a soupçonné sa femme d’avoir eu recours au même procédé lors de sa première défloration. Ah, ces hommes ! Même avec les meilleures intentions, on n’arrive jamais à leur faire plaisir. Que ce soit en succombant au vice ou en multipliant les vertus ! ■

Direction Directeur de la publication : BÉCHIR BEN YAHMED (bby@jeuneafrique.com) Directeur général : Danielle Ben Yahmed Vice-présidents : Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed Actionnaire principal : Béchir Ben Yahmed RÉDACTION Directeur de la rédaction : François Soudan Directeurs exécutifs : Marwane Ben Yahmed, Amir Ben Yahmed Rédacteur en chef exécutif : Cyril Petit Rédactrice en chef déléguée : Élise Colette Conseillers de la direction de la rédaction : Hamid Barrada, Abdelaziz Barrouhi (à Tunis), Aldo de Silva, Samir Gharbi, Dominique Mataillet, Renaud de Rochebrune Secrétariat : Chantal Lossou Chefs de section : Joséphine Dedet (Focus), Philippe Perdrix (Coverstory), Fabienne Pompey (Afrique subsaharienne), Tarek Moussa (Maghreb et Moyen-Orient), Jean-Michel Aubriet (International), Cécile Manciaux (Le Plus), Jean-Michel Meyer (Ecofinance), Séverine Kodjo-Grandvaux (Lire, écouter, voir), Tshitenge Lubabu M.K. (Vous et Nous) Rédaction : Pascal Airault, Stéphane Ballong, Rémy Carayol, Tirthankar Chanda, Georges Dougueli, Faïza Ghozali, Christophe Le Bec, Nicolas Marmié, Marianne Meunier, Nicolas Michel, Pierre-François Naudé, Cherif Ouazani, Michael Pauron, Cheikh Yérim Seck, Leïla Slimani, Justine Spiegel, Cécile Sow (à Dakar), Fawzia Zouari ; collaborateurs : Edmond Bertrand, Christophe Boisbouvier, Muriel Devey, Chedli Klibi, André Lewin, Patrick Seale ; accords spéciaux : Financial Times RÉALISATION Maquette : Zigor Hernandorena (directeur artistique), Christophe Chauvin, Stéphanie Creuzé, Valérie Olivier, Émeric Thérond ; révision : Nathalie Bedjoudjou (chef de service), Vladimir Pol ; fabrication : Philippe Martin (chef de service), Christian Kasongo ; service photo : Dan Torres (directrice photo), Nathalie Clavé, Vincent Fournier, Claire Vattebled ; documentation : Anita Corthier (chef de service), Sylvie Fournier, Florence Turenne, Angéline Veyret JEUNEAFRIQUE.COM Responsable éditoriale : Élise Colette, avec Pierre-François Naudé ; responsable web : Jean-Marie Miny ; rédaction et studio : Cristina Bautista, Haikel Ben Hmida, Pierre Boisselet, Maxime Pierdet, Lauranne Provenzano VENTES ET ABONNEMENTS Directeur marketing et diffusion : Philippe Saül ; marketing et communication : Patrick Ifonge ; ventes au numéro : Sandra Drouet, Caroline Rousseau ; abonnements : Céline Champeval (ventes@jeuneafrique.com), avec : COM&COM, Groupe Jeune Afrique 18-20, Avenue Édouard-Herriot, 92350 Le Plessis-Robinson Tél. : 33 1 40 94 22 22, Fax : 33 1 40 94 22 32. Courriel : jeuneafrique@cometcom.fr ■ COMMUNICATION ET PUBLICITÉ

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