ja 2615 du 20 au 26 février 2011 dossier agroalimentaire

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ÉGYPTE LES VERTIGES DE LA RÉVOLUTION

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 51e ANNÉE • N° 2615•du 20 au 26 février 2011

AGROALIMENTAIRE QUAND L’AFRIQUE AIGUISE LES APPÉTITS Spécial 16 pages

JUSTICE QUI VEUT JUGER HISSÈNE HABRÉ?

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Les frères ennemis Rien ne va plus entre Ali Bongo Ondimba et André Mba Obame. Retour sur vingt-cinq ans de compagnonnage et enquête sur un divorce. ÉDITION AFRIQUE SUBSAHARIENNE France 3,50 € • Algérie 170 DA • Allemagne 4,50 € • Autriche 4,50 € • Belgique 3,50 € • Canada 5,95 $ CAN • Danemark 35 DKK • DOM 4 € Espagne 4 € • Éthiopie 65 Birr • Finlande 4,50 € • Grèce 4,50 € • Italie 4 € • Maroc 23 DH • Mauritanie 1100 MRO • Norvège 41 NK • Pays-Bas 4 € Portugal cont. 4 € • RD Congo 5,50 $ US • Royaume-Uni 3,50 £ • Suisse 5,90 FS • Tunisie 3,30 DT • USA 6,50 $ US • Zone CFA 1700 F CFA • ISSN 1950-1285


aroc Export est un outil de réflexion et de Marketing, dont l’objectif est l’internationalisation des entreprises marocaines et la promotion de l’offre exportable. Il met à disposition des exportateurs des données sur les marchés mondiaux afin de leur permettre une meilleure visibilité sur leurs perspectives de croissance. aroc Export encourage et accompagne les entreprises exportatrices marocaines. Sa stratégie s’articule autour de quatre principaux axes : Promotion, Executive Marketing, Communication et Mise en relation. aroc Export assure aux exportateurs une visibilité optimale et soutenue lors des différentes participations aux multiples foires et salons à l’international.

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LE DOSSIER AGROALIMENTAIRE

Nestlé doit investir 1 milliard de dollars sur le continent d’ici à 2013, aussi bien dans des usines de transformation que dans des filières de production.

MARCHÉ

LʼAfrique aiguise les appétits FUSIONS-ACQUISITIONS, ACHATS DE TERRES, COENTREPRISES… LE CONTINENT ATTIRE DES INVESTISSEURS VENUS DE

TOUTE LA PLANÈTE, ASSURÉS D’Y TROUVER LA RÉPONSE

À DES BESOINS MONDIAUX EN NOURRITURE QUI NE CESSENT

D’AUGMENTER.

TOUR D’HORIZON D’UN GRENIER EN DEVENIR.

MICHAEL PAURON

S

ucre, huile, cacao… pas une matière première produite sur le continent n’échappe aux appétits des grands groupes mondiaux. Fusions-acquisitions, achats de terres, coentreprises… Le secteur est en pleine mutation. ADM, Nestlé, Olam, Wilmar, Cargill, Bunge… A méricains, Européens, Asiatiques… tous sont présents et, pour certains d’entre eux, 2010 a été l’année de la conquête africaine. Parmi les dernières opérations en date, celle du leader de la bière en Afrique, le français Castel, qui a ra-

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cheté le 3 janvier 45 % du capital du groupe agro-industriel Somdiaa, présent dans l’activité sucrière au CongoBrazzaville, au Cameroun et au Tchad. Objectif : constituer un champion de l’agro-industrie en zone Cemac (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale). De fait, le sucre, porté par des cours à la hausse, fait l’objet d’une série d’opérations depuis quelques mois sur le continent (voir p. 70). Le français Cristal Union a ainsi réalisé son premier investissement africain en Algérie, en lançant la construction

© NESTLÉ

DE JEUNE AFRIQUE


66 DOSSIER AGROALIMENTAIRE d’une raffinerie près d’Alger avec son homologue local La Belle. Face à une surproduction européenne, investir hors du Vieux Continent permet notamment au groupe français d’échapper à la quasi-interdiction d’exportation imposée par Bruxelles. DES BESOINS COLOSSAUX

Les opportunités de business sont réelles et répondent autant à des besoins d’investissement locaux qu’à une nécessité de trouver de nouvelles ressources pour satisfaire une demande mondiale croissante. Selon les estimations de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), rien qu’au sud du Sahara, le montant global cumulé des investissements agricoles devrait s’élever à 940 milliards de dollars d’ici à 2050 (environ 700 milliards d’euros), dont 66 % affectés à l’agro-industrie : 207 milliards pour le premier stade de transformation, 159 milliards pour les installations de s m a r c hé s r u r au x et de g r o s, 115 milliards pour les sources d’énergie et matériels divers, 78 milliards pour les dispositifs de chaîne de froid et d’entreposage, et 59 milliards pour la mécanisation. Les besoins sont colossaux. « Le développement de l’agro-industrie en Afrique exigera une injection massive d’investissements en capital fixe et de fonds de roulement », relève dans son programme-cadre l’Initiative pour le développement de l’agrobusiness et des agro-industries en A frique (ID3A). En ligne de mire : les investisseurs privés. Le leader mondial de l’alimentaire Nestlé a pris acte. Non seulement le groupe suisse (2,6 milliards d’euros de

chiffre d’affaires en Afrique) compte sécuriser ses approvisionnements afin de baisser et de stabiliser le prix de ses matières premières, mais il veut aussi pouvoir bénéficier de la montée en puissance des classes moyennes pour écouler ses produits. Conséquences : le groupe investira 1 milliard de dollars d’ici à 2013, tant dans des usines de transformation (Ghana, Algérie, Nigeria, RD Congo, Angola, Mozambique…) que dans les filières de production (« plan Nescafé » et « plan cacao »). Avec pour objectifs de f idéliser les planteurs et de leur acheter en direct (Cargill étant aujourd’hui s o n p r i n c i p a l f o u rnisseur), d’ici à 2015, près de la moitié de ses approv isionnements, soit 23 000 t sur 50 000. Sa dernière ouverture d’usine, en février au Nigeria, a nécessité un investissement de 94 millions de dollars. Et la prochaine, à la fin du mois en RD Congo, représente un coût de 40 millions de dollars. Face au groupe suisse, l’offensive la plus impressionnante vient à n’en pas douter d’Asie. Avec huit opérations en un an, le singapourien Olam (voir p. 79) réalise déjà près de 1 milliard de dollars de chiffre d’affaires sur le continent. Dans son sillage, son compatriote Wilmar (près de 30 milliards de dollars de capitalisation boursière) tente aussi de s’imposer comme acteur de premier plan en Afrique. En décembre 2010, le groupe spécialisé dans l’huile de palme a annoncé la création de deux coentreprises au Nigeria avec l’anglais PZ Cussons. Une raffinerie

d’huile de palme et une branche de distribution (notamment de margarine) mobiliseront quelque 27,5 millions de dollars côté Wilmar et 27 millions côté PZ Cussons. En février, la multinationale s’est en outre payé le ghanéen Benso Oil Palm Plantation (détenu à 58,45 % par l’américain Unilever), pour 14 millions d’euros. Et ce n’est pas fini. C’est dans le Liberia voisin que le malaisien Sime Darby est venu s’installer – pour la première fois en Afrique – pour planter 10 000 ha (sur une concession de

Le singapourien Wilmar vient de se payer Benso Oil Palm Plantation, au Ghana.

AU CAMEROUN, CADYST-INVEST LANCE UNE USINE DE SEMOULE LE HOLDING CADYST-INVEST, dirigé par le Camerounais Célestin Tawamba et diversifié dans l’industrie pharmaceutique et l’agroalimentaire, inaugurera au début du quatrième trimestre 2011 une usine de semoule de blé dur, qui emploiera quelque 120 personnes. D’un montant de 2 milliards de F CFA (environ 3 millions d’euros), l’investissement porte sur une capacité de production de 130 t de semoule par jour, destinée à approvisionner toute la sous-région. Déjà propriétaire de deux usines de pâtes alimentaires (Panzani Cameroun et La Pasta) et de 14 minoteries, la branche agroalimentaire de Cadyst-Invest dégage annuellement un chiffre d’affaires de 30 milliards de F CFA. Le groupe détient également une usine de médicaments génériques. ■ M.P.

220 000 ha d’une durée de soixantetrois ans) et investir plus de 16 millions d’euros. UN RÉSERVOIR POUR LA CHINE

Le géant chinois ne pouvait rester inactif. Olives tunisiennes, café ougandais, huile d’arachide sénégalaise, graines de sésame éthiopiennes… Pékin, dont la demande intérieure de produits alimentaires ne cesse de croître et les surfaces de production, de se raréfier au profit de zones industrielles, est dans un premier temps devenu un client glouton. Mais l’idée de l’empire du Milieu est aujourd’hui de profiter des besoins africains en financements et en technologies pour s’imposer comme producteur, et s’affranchir ainsi des intermédiaires tout en augmentant ses approvisionnements made in Africa. Aujourd’hui, les ressources primaires – pétrole et mines – représentent 90 % des importations chinoises en provenance du continent, contre seulement 3 % pour l’agrobusiness. « L’Afrique peut devenir un réservoir de nourriture pour les 1,3 milliard de Chinois », estime Andrew Leung Kinpong, analyste du quotidien South China Morning Post (Hong Kong). De fait, le mouvement est déjà amorcé : les exportations agroalimentaires de l’Afrique du Sud (deuxième pays africain partenaire de Pékin après l’Angola) vers la Chine ont plus que doublé en 2010 par rapport à 2009, pour atteindre plus de 65 millions de dollars. Européens et Américains n’ont qu’à bien se tenir. ■

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EXPERTISE

PA RT E N A R I AT


68 DOSSIER AGROALIMENTAIRE

INTERVIEW

Aliou Tomota

PDG DU GROUPE TOMOTA

« LʼHuilerie cotonnière du Mali peut être rentabilisée »

E

n 2005, Aliou Tomota rachetait pour 9 milliards de F CFA (13,7 millions d’euros) l’Huilerie cotonnière du Mali (Huicoma). Son ambition: faire de son groupe un acteur agro-industriel de premier plan dans la sous-région. Cinq années se sont écoulées et l’homme d’affaires malien n’est jamais parvenu à relever l’ancienne entreprise publique. Pis, ses trois usines sont désormais à l’arrêt total, faute de matière première. Pour relancer la machine, Aliou Tomota, 53 ans, déjà présent dans l’imprimerie, la distribution et le BTP, mise désormais sur la production d’oléagineux. JEUNE AFRIQUE : Pourquoi n’avezvous pas réussi à faire véritablement tourner Huicoma depuis son rachat ? ALIOU TOMOTA : D’abord, la dette de l’entreprise quand nous l’avons rachetée était de près de 20 milliards de F CFA, largement plus que les 6 milliards annoncés lors de la signature du contrat. De plus, la baisse des cours mondiaux du coton au cours des cinq dernières années a fait chuter la production. De fait, la Compagnie malienne de développement des textiles, qui a le monopole de la commercialisation du coton, ne nous a livré que 91 000 tonnes de graines pour la campagne 20052006, alors que notre capacité totale de trituration est de 350000 t. Conséquence : en cinq ans, nos trois usines n’ont tourné que six mois à temps plein.

À 53 ans, il est à la tête d’un groupe présent notamment dans le BTP et l’imprimerie.

Pourquoi ne pas vous être désengagé de l’entreprise ? Parce que nous croyons en l’agriculture et que nous pensons que cet investissement peut être rentabilisé. Nous disposons pour cela d’un atout certain : les marques et les produits Huicoma jouissent d’une bonne image au Mali, notamment dans l’huile alimentaire. Votre investissement avait été qualifié de très ambitieux en 2005, et on vous reprochait de ne pas connaître le métier d’huilier… Depuis plus de trente ans, j’ai toujours réussi ce que j’ai entrepris. Si Huicoma s’est retrouvé dans la situation de faillite qui a conduit à sa cession, c’est parce que l’entreprise, bien que dirigée par des professionnels, était mal gérée. Une bonne gestion, telle est la clé du succès que nous comptons apporter pour rendre l’entreprise bénéficiaire. Comment comptez-vous relancer Huicoma ? Pour alimenter les usines, nous investissons dans la production d’oléagineux. Nous produisons déjà du tournesol, de

l’arachide et du coton, en expérimentation sur 2 000 ha dans la zone de l’Office du Niger. Nous envisageons, si les tests sont concluants, de nous étendre progressivement sur 140 000 ha. Combien cela vous a-t-il coûté ? Quelque 15 milliards de F CFA pour l’achat des systèmes d’irrigation, des machines, des tracteurs et des intrants. Nous nous sommes appuyés sur l’expertise technique d’ingénieurs indiens, qui forment par ailleurs nos propres employés. Nos investissements se font notamment sur fonds propres, mais nous négocions actuellement l’appui d’investisseurs institutionnels. Quel impact l’échec du rachat de Huicoma a-t-il eu sur vos autres activités ? La digestion de cet investissement a été difficile. Mais nous nous appuyons sur les autres filiales du groupe, qui se portent bien, pour couvrir une partie des 20 milliards de F CFA de pertes générées par Huicoma depuis son rachat. ■ Propos recueillis par STÉPHANE BALLONG et MAHAMADOU CAMARA, à Bamako

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DAOU BAKARY EMMANUEL POUR J.A.

CINQ ANS APRÈS LE RACHAT DE HUICOMA, SES USINES SONT À L’ARRÊT. POUR LES ALIMENTER, L’HOMME D’AFFAIRES INVESTIT DANS LA PRODUCTION D’OLÉAGINEUX.



70 DOSSIER AGROALIMENTAIRE de satisfaire le marché national, mais aussi de saisir les opportunités offertes par la hausse de la demande mondiale. Alors que le déficit annuel du Sénégal en sucre tourne autour de 60 000 t, Aliko Dangote compte produire plus de 100 000 t par an à partir des 40 000 ha qu’il a obtenus du gouvernement sénégalais.

DOUCOURE/APA

EN ALGÉRIE AUSSI

Raffinerie de la Compagnie sucrière sénégalaise, à Richard-Toll.

SUCRE

Yes we canne! DES PAYS AFRICAINS AUJOURD’HUI DÉFICITAIRES POURRAIENT DEVENIR, D’ICI À QUELQUES ANNÉES, EXPORTATEURS. C’EST LA CONSÉQUENCE DE LA FLAMBÉE DES COURS : LES INVESTISSEMENTS AFFLUENT ET LES PLANTATIONS S’ÉTENDENT.

E

n 2030, la demande mondiale de sucre devrait avoir augmenté de 50 % par rapport à aujourd’hui, soit 90 millions de tonnes supplémentaires, selon le négociant Czarnikow. Principale raison : la hausse de la consommation dans les pays émergents et les pays en développement. De fait, depuis plusieurs mois déjà, des tensions sont perceptibles sur les cours : le sucre a atteint 845 dollars la tonne début février, son plus haut niveau depuis 1987, début de sa cotation à Londres. Du coup, de nombreux investissements affluent en Afrique, afin de combler le déficit des marchés intérieurs mais aussi de développer l’exportation. Au Mali, outre le projet sucrier de Markala, financé par la Banque africaine de développement (BAD) à hauteur de 65 millions d’euros (190 000 t de sucre et 15 millions de litres d’éthanol), deux grosses unités de culture et de transformation de la canne à sucre sont en cours de réalisation dans la région de Ségou : Sukala, avec l’appui de la Chine, et Sosumar, avec le sud-africain

Illovo, leader africain du secteur. Au total, ces deux complexes mobiliseront 35 000 ha de terres irriguées à partir du fleuve Niger et pourront produire jusqu’à 250 000 t de sucre par an, alors que le déficit actuel du Mali n’est que de 115 000 t. Illovo, filiale du conglomérat britannique Associated British Foods, ne compte d’ailleurs pas que sur le Mali pour développer sa présence sur le marché mondial, avec un accroissement prévu de s e s e x p or t at i o n s depuis le Mozambique, le Malawi, le Swaziland et la Zambie. Au Sénégal, la vallée du fleuve et ses possibilités d’irrigation attirent les planteurs de canne à sucre. Le monopole de la Compagnie sucrière sénégalaise (CSS) du « roi du sucre », le Français JeanClaude Mimran, est en train d’être remis en cause par l’arrivée d’un concurrent d’envergure, l’homme d’affaires nigérian Aliko Dangote, entrepreneur le plus riche d’Afrique. Là aussi, il ne s’agit pas simplement

Même l’A lgérie, qui ne produit pourtant ni betterave ni canne à sucre – au contraire, le pays figure parmi les dix premiers importateurs de sucre au monde –, s’intéresse au marché mondial. Dans un pays réputé pour avoir multiplié depuis 2009 les obstacles à l’entrée des investisseurs étrangers, le groupe sucrier français Cristal Union s’est associé, après dix-huit mois de négociation, avec son homologue privé algérien La Belle, un acteur de l’agroalimentaire présent dans la production et le négoce de pâtes, de semoule, de café… Fin janvier, les deux partenaires ont officialisé leur accord pour la construction d’une raffinerie de sucre de canne à Ouled Moussa, dans la région de Boumerdès, à 50 km à l’est d’Alger, qui emploiera 250 personnes et produira 350 000 t de sucre par an. Un investissement de 70 millions d’euros. Cristal Union détient 35 % du capital de la raffinerie, contre 65 % pour le groupe La Belle. Il n’empêche : c’est le groupe français qui pilotera et gérera l’investissement. Sur place, les travaux de génie civil sont quasiment terminés. Le démarrage de l’activité est prévu au début de 2012, mais le projet comporte d’ores et déjà une deuxième phase, qui pré-

Au Mali, deux nouveaux complexes pourront produire jusqu’à 250 000 t par an. voit de porter la production annuelle à 700 000 t de sucre d’ici à quatre ans. L’association Cristal Union-La Belle rejoindra alors dans la cour des grands le premier groupe privé algérien, Cevital, qui a déjà annoncé qu’il augmentera la capacité de production de sa raffinerie de sucre de Béjaïa de 1,8 million à 2 millions de tonnes en 2011. ■ ANTOINE LABEY et JEAN-MICHEL MEYER

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DOSSIER 71

DAMOURETTE/SIPA

60 % pour l’achat de bateaux, il semble que l’argent ait été utilisé à d’autres fins. Si bien que les autorités algériennes ont lancé une action en justice contre onze propriétaires de thoniers, qui pourraient être condamnés à rembourser 20 % de la subvention.

La Libye a opté pour une cession de ses droits à des navires étrangers. Les nouvelles autorisations de pêche dans l’est de l’Atlantique et en Méditerranée (ici au large des îles Baléares) ont baissé de 5 % par rapport à 2010.

THON ROUGE

Des quotas qui fâchent

LES RESTRICTIONS DE PÊCHE PROVOQUENT LA COLÈRE D’A LGER. MAIS, CALCULÉES SELON LES PRISES DE L’ANNÉE PRÉCÉDENTE, ELLES RÉVÈLENT SURTOUT UN SECTEUR AU POINT MORT.

P

olémique à Alger. Le pays a vu son quota de thon rouge se réduire comme peau de chagrin, soit 1 % des prises dans l’est de l’Atlantique et en Méditerranée. Dans cette zone, les autorisations de pêche s’élèvent à 12 900 tonnes pour 2011 (soit 5 % de moins qu’en 2010), dont 56,3 % pour l’Union européenne, 9,5 % pour le Maroc, 7,9 % pour la Tunisie… L’Algérie est ainsi privée des quatre cinquièmes de son quota de 2010, attribués principalement à la Libye et à la Turquie, qui voient en conséquence leurs parts augmenter respectivement à 7 % et 4,1 %. Cette réduction découle de l’absence de pri-

ses par l’Algérie l’an dernier. « On ne voit jamais les Algériens dans les groupes de travail ni dans les grandes réunions de la Cicta [Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique, qui gère aussi les quotas en Méditerranée, NDLR], et ils ne disposent pratiquement d’aucune flottille de pêche », estime un observateur indépendant. ASSISES NATIONALES

Le ministre algérien de la Pêche, Abdallah Khenafou, ne l’entend pas de cette oreille. Alors que le secteur de la pêche s’est vu octroyer une subvention publique de 248 millions d’euros, dont

L’affaire met en exergue un secteur algérien en souffrance. En octobre dernier, à l’occasion des Assises nationales de la pêche organisées à Alger, le ministère a fixé des objectifs ambitieux pour les quatre prochaines années. Cependant, malgré cette prise de conscience, rien n’indique que l’Algérie récupérera ses quotas. Pour la Cicta, les restrictions de pêche sont indispensables si l’on ne veut pas assister à court terme à la disparition totale de l’espèce, alors que la capture illégale de thon rouge aurait représenté environ 2,7 milliards d’euros entre 1998 et 2007. En Libye, le problème a été abordé différemment. Le pays a opté depuis longtemps pour une cession de son quota global à des navires étrangers. La plus grosse compagnie de pêche libyenne, contrôlée par un fils de Kaddafi, a créé des coentreprises avec des pêcheurs européens, japonais et turcs. Ses bateaux, immatriculés en Libye, sont exploités par les pêcheurs étrangers associés, rétribués avec une partie de la pêche. ■ ANTOINE LABEY et MICHAEL PAURON


72 DOSSIER AGROALIMENTAIRE MAROC

Vin trois étoiles, potentiel mondial

LES PRODUCTEURS SOIGNENT LE MARCHÉ CHÉRIFIEN EN METTANT L’ACCENT SUR LA QUALITÉ. AVEC POUR OBJECTIF, À TERME, DE SE FAIRE UNE PLACE DE CHOIX À L’INTERNATIONAL.

res de l’ordre de 450 000 euros en 2010. Là aussi, la qualité constitue le maître-mot, avec notamment une cuvée « spéciale » (20 000 bouteilles par an à 150 dirhams, soit environ 13 euros) déclinée en blanc, en rouge et en rosé. Miser sur le haut de gamme a permis à Val d’Argan de conquérir

royaume, également propriétaire des Celliers de Meknès. Une acquisition qui permet à ce dernier de compléter sa gamme par le haut, avec, en plus du tandem, des vins fins tels qu’aït souala, S de siroua ou CB initiales. Aujourd’hui, la consommation « hors domicile » haut de gamme – grands restaurants et chaînes hôtelières internationales en tête – représente environ 30 % des 9 millions d’euros de chiffre d’affaires de Thalvin. Face au poids lourd Brahim Zniber, qui accapare près de 80 % de part de marché au plan national, d’autres vignobles tirent progressivement leur épingle du jeu, à l’image de Val d’Argan, dans la région d’Essaouira, dans le sud du pays. Créé en 1994 par le Français Charles Mélia, propriétaire du Château de la Font du Loup, à Châteauneuf-duPape (dans le Vaucluse, en France), le domaine a donné en 2000 sa première cuvée. Il en sort quelque 120 000 bouteilles par an, pour un chiffre d’affai-

Les Celliers de Meknès, propriété du Monsieur Vin marocain, Brahim Zniber.

Miser sur le haut de gamme permet de conquérir une clientèle « hors domicile ». une clientèle « hors domicile » comme le groupe Accor, avec ses hôtels Sofitel d’Essaouira, de Fès et de Marrakech. ENCORE PEU D’EXPORTATIONS

BERTRAND RIEGER/HEMIS.FR

S

i leur réputation internationale reste encore à asseoir, les vins marocains (100 millions d’euros de chiffre d’affaires) ont déjà eu l’occasion de faire leurs preuves en s’invitant à quelques tables gastronomiques. « Pendant longtemps, le tandem a figuré sur notre carte », confirme ainsi le sommelier du Plaza Athénée, restaurant trois étoiles du 8 e arrondissement de Paris. Le tandem, un syrah dont le premier millésime date de 2005, est le fleuron de la société Thalvin, qui exploite un certain nombre de vignobles au Maroc, dont l’historique domaine des Ouled Thaleb, à Ben Slimane, à 50 km à l’est de Casablanca. Le potentiel commercial haut de gamme des vins marocains n’a pas échappé longtemps aux grands groupes. En 1991, Thalvin est racheté en totalité par son compatriote Ebertec, distributeur de vins et spiritueux. Dix ans plus tard, Ebertec tombe à son tour dans l’escarcelle de Diana Holding, présidé par l’incontournable Brahim Zniber, le Monsieur Vin du

La qualité des vins marocains est de surcroît un atout qui pourrait leur permettre de se faire une place de choix à l’export. De plus, confronté à une croissance du marché national qui s’effrite (+ 1 % en 2010), Ebertec fait de l’international un « axe de développement prioritaire », selon Jean-Pierre Dehut, son responsable export. Mais la capacité de production est pour l’heure insuffisante. « Il est inutile d’avoir une croissance de 100 % en Chine si, derrière, notre production ne peut pas suivre », explique Nicolas Chain, responsable marketing chez Ebertec. De fait, le marché marocain accapare aujourd’hui la majeure partie des productions haut de gamme de Brahim Zniber : sur les 4 millions de bouteilles produites annuellement par Thalvin, les exportations se limitent à environ 500 000 bouteilles. Mais l’obtention récente d’un bail emphytéotique de 2 500 ha (portant son total à 4 000 ha) pourrait permettre à la société d’atteindre les objectifs ambitieux qu’elle s’est fixés: + 30 % d’exportation par an d’ici à 2017. Les pays de l’Est (Pologne, Estonie, Lituanie) et d’Asie (Japon, Chine) sont les principaux relais de croissance en ligne de mire. ■ IDIR ZEBBOUDJ

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Nous avons grandi avec l’Afrique Le groupe Advens est le partenaire agroalimentaire de l’Afrique depuis plus de 20 ans. Avec ses filiales Suneor et Geocoton, Advens valorise les filières agricoles de l’arachide et du coton, deux ressources essentielles pour le continent. Premier groupe à s’appuyer sur des partenariats gagnantgagnant avec tous les acteurs, du cultivateur au consommateur, Advens participe activement à l’essor de l’Afrique.

Partenaire de l’essor de l’Afrique


74 ECOFINANCE OLÉICULTURE

Maghreb: la course à lʼolive FACE AU PLAN D’EXPANSION MAROCAIN BASÉ SUR UNE

VALORISATION DES TERROIRS, LA TUNISIE, PREMIER

PRODUCTEUR DE LA RÉGION,

REVOIT SON POSITIONNEMENT.

A

vec 1,7 million d’hectares d’oliveraies – soit un tiers de ses terres agricoles – et une production de 110 000 tonnes d’huile d’olive en 2010 (dont 75 % à destination de l’Europe), la Tunisie demeure le premier producteur maghrébin et le quatrième au niveau mondial, derrière l’Espagne, l’Italie et la Grèce, mais devant le Maroc (cinquième) et l’Algérie (septième, voir encadré). Vendue pendant des décennies en vrac comme huile de coupe, la production tunisienne est en quête de positionnement et, pour se valoriser, mise notamment sur le conditionnement. Les premiers résultats indiquent que ce créneau est porteur: 7570 t d’huile mise en bouteille ont été exportées en 2010, contre 1 600 t en 2006. Toutefois, si l’objectif qualité est atteint, la commercialisation souffre encore de l’absence d’appellation d’origine contrôlée et de label. La Tunisie a pris le virage alors que, dans son rétroviseur, un outsider affiche des objectifs pour le moins ambitieux. Le Maroc, avec ses 680 000 ha d’oliveraies, ne produit que 3 % de l’or vert mondial, mais entend doubler sa surface

À Tebourba, non loin de Tunis, les Moulins Mahjoub ont misé sur le bio.

d’exploitation à l’horizon 2020, à plus de 1,2 million d’hectares. En consacrant à la plantation d’oliviers une majeure partie des fonds alloués par le programme américain Millennium Challenge Corporation (plus de 500 millions d’euros sur cinq ans), l’Agence du partenariat pour le progrès compte imposer le pays, à moyen terme, comme un producteur mondial incontournable. Surtout, le royaume veut faire de l’oléiculture un secteur stratégique pour son développement. « Certaines régions présentent

EN ALGÉRIE, UNE FILIÈRE À RÉORGANISER AVEC 100 000 EXPLOITANTS qui se partagent plus de 300 000 ha, l’Algérie, qui ambitionne de couvrir 500000 ha d’ici à cinq ans, recourt aux plantations intensives et vise un fort rendement – une stratégie que la Tunisie avait fini par abandonner, face à l’appauvrissement des sols et la perte de variétés locales. Septième producteur mondial, l’Algérie produit en moyenne 50000 tonnes d’huile d’olive, absorbées principalement par le marché local. Outre ses méthodes de production, Alger entend revoir aussi ses capacités de transformation et de conditionnement, une première étape avant de s’attaquer aux exportations. ■ F.D.

POL GUILLARD/LES MOULINS MAHJOUB

ET CHERCHE DE NOUVEAUX DÉBOUCHÉS À L’EXPORT.

des atouts considérables pour faire de cette activité un pôle de développement économique et social et de promotion des exportations », indique, un peu convenu, Noureddine Ouazzani, directeur de l’Agro-pôle Olivier de Meknès. En renouant avec la culture de l’olivier, le Maroc a d’emblée axé sa politique sur une valorisation des ter roirs. Un marketing haut de gamme, même si pour l’instant les méthodes de production restent souvent artisanales (95 % du process est encore traditionnel) et que seules les nouvelles exploitations, comme celles des fermes de Béni Mellal, à 200 km au sud-est de Casablanca, répondent aux normes de qualité exigées pour l’export.

LA BATAILLE DE LA QUALITÉ

La bataille entre Tunis et Rabat pourrait se faire sur le plan de la qualité. « Le Maroc a déjà une longueur d’avance, affirme un grossiste italien. La Tunisie doit davantage songer à valoriser sa production qu’à l’augmenter. Cela passe par la création de labels et de marques d’huile emballée pour l’export. » Selon Mourad Ben Slama, spécialiste tunisien du secteur oléicole, « avec un produit de qualité et le préjugé favorable dont jouit actuellement le pays, l’huile d’olive tunisienne a toute sa place sur les marchés internationaux ». De fait, alors que l’huile marocaine s’attaque à son tour à l’Europe – où elle se fait notamment connaître à travers des filières bio comme Oliviers & Co –, la Tunisie explore désormais de nouveaux marchés : les États-Unis, mais aussi le Japon. Avec deux ambassadeurs comme ceux-ci, l’huile d’olive maghrébine n’a pas fini de faire parler d’elle. ■ FRIDA DAHMANI , à Tunis

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76 DOSSIER AGROALIMENTAIRE JUS DE FRUITS

Des PME en manque de liquidités

PASSER À UNE PRODUCTION INDUSTRIELLE RESTE UNE GAGEURE POUR LES MARQUES OUEST-AFRICAINES, QUI PEINENT À DÉCROCHER DES FINANCEMENTS POUR SE DÉVELOPPER.

C

réé en 1986 au Sénégal, Zena Exoticfruits est surtout réputé pour ses confitures. Mais dans la zone industrielle de Dakar, la PME produit aussi, entre autres, des sirops de bissap, gingembre, bouye et tamarin – distribués à quelque 150 clients réguliers, dont des hôtels, des compagnies aériennes, des enseignes de grande distribution, des mini-marchés, des stations d’essence, des épiceries… « Notre ancienneté fait que nous sommes devenus u ne référence i ncontou r nable », raconte Randa Filfili, gérante. Prospère, la société affiche aujourd’hui un chiffre d’affaires de 250 millions de F CFA (381 000 euros). Le secret de cette réussite ? « Nous sommes la seule industrie organisée et structurée de transformation de jus de fruits au Sénégal. » Ivorio en Côte d’Ivoire, Délicio au Burkina Faso, Bravo au Bénin… Les jus de fruits africains, quand ils résistent à l’assaut des marques internationales, peinent encore à dépasser le cadre de leur marché local. Car mis à part en Afrique du Sud, passer à une production industrielle reste une gageure. Conditionnement, packaging, normes internationales pour l’export, formations… Autant d’investissements lourds que peu de PME-PMI peuvent encore se permettre seules. Des sites internet comme EspaceAgro.com ou Africa-Trade.ci offrent même, entre autres, de mettre en relation les pourvoyeurs de fonds et les entreprises dans le besoin.

ou au Ghana – qui se ravitaillent chez lui, Zena Exoticfruits, régulièrement contrôlé par des laboratoires extérieurs, pénètre « timidement » mais sûrement les marchés d’Europe et des États-Unis, et entend s’attaquer au Canada, à l’Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Le burkinabè Délicio (82,5 millions de F CFA de chiffre d’affaires), qui produit nectars et cocktails depuis 2004, s’est quant à lui vu exonéré de taxes douanières par l’État lorsqu’il importe du matériel industriel. Les banques lui ont fourni le reste des financements nécessaires à son développement. Sans ces aides, la patronne, Alice Thérèse Ouedraogo-Yaro,

HABIBOU BANGRÉ

EN PASSANT PAR L’HEXAGONE…

MORIBA

TIMIDE PERCÉE EN EUROPE

« Pendant longtemps, nous avons fonc t ion né su r fond s pr opre s », témoigne Randa Filfili, qui, grâce à l’aide du West Africa Trade Hub, un organisme financé par l’Agence des États-Unis pour le développement international (Usaid), espère décrocher prochainement un emprunt de 1 million d’euros auprès des banques. En plus de quelques marchands étrangers – installés en Mauritanie, au Mali

aurait peut-être dû licencier sa vingtaine d’employés de Ponsomtinga, à 20 km de Ouagadougou. Il lui restait à trouver une stratégie de communication convaincante. Laquelle ? Assurer la promotion de la marque en livrant gratuitement et « en exemptant du paiement de la consigne », explique Sâ Simon Traoré, chargé du marketing et des ventes. Résultat : 360 000 bouteilles par an de jus de mangue, tamarin, tangelo, grenadille et bissap trouvent leur place dans des restaurants, maquis, hôtels et autres boutiques d’alimentation, aux côtés des grandes marques internationales. ■

POUR MORIBA OUENDENO, un Malien installé en France qui fabrique des jus portant son prénom, « les pays africains producteurs de fruits ne sont pas encore prêts à les transformer en jus ou n’en ont pas les moyens ». Fa c e a u x b i è r e s e t a u x sodas étrangers, il regrette que « les jus de fruits locaux [soient] considérés à tort comme la boisson du pauvre ». Lui a choisi l’Hexagone pour produire, lancer et développer ses jus, élaborés à partir de fruits importés du Mali et du Sénégal. Avec un chiffre d’affaires d ’environ 6 50 000 euros par an (objectif : 5 millions Des produits à base de fruits venus d’euros d’ici à trois ans), la du Mali et du Sénégal. société créée en 1996 a fait appel à des fonds de développement pour emprunter 500 000 euros et « passer à la vitesse supérieure ». Aujourd’hui, 30 % de sa clientèle en France est africaine. La marque est en outre déjà timidement présente au Mali, et devrait l’être cette année au Sénégal et au Burkina Faso (hôtels de standing, supermarchés…). L’ambition de son fondateur : « Produire en Afrique après avoir imposé Moriba comme une référence africaine H.B. haut de gamme. » ■ J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 15 • D U 2 0 A U 2 6 F É V R I E R 2 0 11


Communiqué

RELEVER LE DÉFI DE L’AGRICULTURE AFRICAINE Arysta Lifescience implanté depuis plus de 30 ans, continue son développement. Q : Les ravageurs, les mauvaises herbes restent un fléau majeur en Afrique. En tant que firme multinationale, comment répondez-vous à ces spécificités ?

John BARNES Directeur Général Arysta LifeScience Afrique et Moyent-Orient

Q : Vous êtes leader en Afrique, quelle est la clé de votre succès ? JB : Pour moi, tout repose sur une solide organisation et une forte présence sur le terrain. C’est primordial ! Nos 5 filiales implantées en Afrique de l’Ouest depuis plusieurs dizaines d’années nous permettent aujourd’hui d’asseoir notre position de leader sur le business coton. L’acquisition de Tsunami, acteur majeur en Afrique du Sud, nous place à plus de 20% de parts de marché dans ce pays clé. Cependant de nombreux progrès restent à faire dans la zone Afrique du Nord Moyen-Orient. L’ouverture de bureaux en Iran et plus récemment au Maroc, nous permet d’étendre notre activité sur le modèle de l’Afrique de l’Ouest et du Sud. Q : Dans un contexte d’augmentation des prix des denrées agricoles, quelles sont pour vous les principales cultures ? JB : Le riz est en plein essor sur tout le continent et cette culture sera essentielle à l’avenir pour répondre au besoin alimentaire croissant. De nombreux projets nationaux sont en cours et nous les soutenons autant que possible. Le cacao est également en plein développement. La Côte d’Ivoire et le Ghana à eux seuls subviennent à plus de 65% de la production mondiale de fèves. De même, le bon niveau des cours mondiaux du sucre et du coton, permet l’accroissement des surfaces à plus d’1 500 000 ha de canne à sucre et 3 000 000 ha de coton. Pour moi, il était essentiel que nous soyons en phase avec ces spécificités africaines. En terme d’organisation, des équipes d’experts ont été créées sur chacune des cultures majeures.

JB : Beaucoup de travail reste à faire dans la lutte anti parasitaire. Nous œuvrons pour adapter nos produits aux besoins du marché. Encore une fois, tout commence par le terrain. Je peux vous citer l’exemple du désherbage de la canne à sucre. Notre expertise de terrain et nos travaux de recherche nous ont permis de développer des programmes de traitements avec en particulier notre spécialité herbicide, le DINAMIC, aujourd’hui très apprécié des planteurs. Q : Comme dans beaucoup de secteur de l’économie africaine, la contrefaçon est récurrente sur la zone. Est-elle également présente dans votre secteur d’activité ? JB : Je suis très sensible à cette question. Oui, la contrefaçon et les importations illégales sont fortement présentes. Les produits contrefaits sont dangereux. Leurs compositions et concentrations en matières actives ne sont pas garanties, et ce n’est qu’un exemple. Ils constituent dans tous les cas une véritable menace et ont des impacts négatifs sur les cultures, la qualité des récoltes et la santé des utilisateurs. En outre, les produits passent de pays en pays sans forcément respecter les homologations territoriales et les contraintes douanières : c’est un frein important pour le bon développement des politiques agricoles nationales ou régionales. Q : On parle de contrefaçon. Comment assurez-vous le suivi de vos produits? JB : La mise sur le marché d’un produit ne s’arrête pas à la vente! Ma responsabilité au quotidien est d’accompagner les utilisateurs et de les former aux bonnes pratiques agricoles. Ceci inclut la sécurité des applicateurs, le respect de l’environnement et le bon usage du produit. Par une application encadrée, le respect de la dose et de l’intervalle minimum entre le traitement et la récolte par exemple, nous garantissons la qualité de la récolte. J’ai souhaité créer une nouvelle activité prenant en compte l’ensemble de ces questions et permettant de répondre aux exigences des consommateurs en terme de qualité et de traçabilté des aliments, la «Food Chain».

Afrique & Moyen Orient


78 ECOFINANCE STRATÉGIE

historiques (noix de cajou, sucre, café) et se déployer vers d’autres filières, en tout une vingtaine de produits agricoles. Certes, Olam reste un grand importateur de denrées alimentaires sur le continent, mais il y cultive aussi du riz, y coupe du bois, y construit des usines de transformation de cacao ou d’huile de palme, de raffinage de sucre ou de fabrication de pâtes alimentaires…

Olam lʼafricain

Usine de coton, au Mozambique. Le groupe veut être présent du champ au produit fini.

PLANTATIONS DE PALMIERS EN CÔTE D’IVOIRE, MINOTERIES NIGERIA, FORÊTS AU CONGO… L A MULTINATIONALE ASIATIQUE INVESTIT TOUJOURS PLUS SUR LE CONTINENT, SOUVENT EN ASSOCIATION AVEC DES GROUPES LOCAUX.

AU

Q

ui arrêtera Olam? Début 2011, le géant asiatique du négoce a bouclé une nouvelle opération en Afrique subsaharienne, la huitième en un an. Cette fois, c’est TT Timber International, dont les filiales exploitent 1,6 million d’hectares de forêts au Congo et au Gabon, qui, pour 29,6 millions d’euros, est tombé dans l’escarcelle du singapourien, déjà bien garnie depuis l’acquisition en 2010 du nigérian Crown Flour Mills et du ghanéen Wheat Mill. Céréales, cacao, bois, palmiers à huile… Olam développe peu à peu sa présence dans la plupart des grands produits agro-industriels et s’est engagé l’année dernière à sortir de sa poche environ 600 millions d’euros dans différents projets. De quoi renforcer sa position de leader dans l’agrobusiness africain, notamment autour du golfe de Guinée. Peu le savent, mais en 2010 Olam réalisait déjà sur le continent un chiffre d’affaires d’environ 900 millions d’euros, deux fois plus qu’en 2005. Avec les opérations annoncées cette même année, et qui porteront leurs fruits d’ici à quel-

ques mois – ou quelques années –, le bilan devrait joliment grimper… Car, à l’image de plusieurs de ses concurrents, dont ADM, Wilmar et Louis Dreyfus Commodities, Olam a fait de l’Afrique une priorité stratégique pour les années qui viennent. Et il y applique à la lettre sa stratégie de développement : remonter la chaîne de valeur, être présent du champ agricole jusqu’au produit fini, étendre la gamme des productions

FRED HOOGERVORST/PANOS-REA

PENSER LOCAL

Né en Afrique (lire encadré) avant de s’installer à Singapour, le groupe a vite compris une spécificité africaine: être et penser local. « Olam a eu l’intelligence de s’allier avec des groupes locaux plutôt que d’y aller seul, explique un agroindustriel ouest-africain. Il apporte ses méthodes de management, ses compétences techniques et ses synergies internationales. L’associé local amène sa connaissance du terrain et celle du monde politique, un élément fondamental dans notre région. » Au Nigeria, Olam s’est ainsi allié à la famille Lababidi, qui détient un groupe diversifié présent dans la minoterie, les télécoms et les infrastructures portuaires. En Côte d’Ivoire, son allié est JeanLouis Billon, patron du groupe Sifca (palmiers à huile, caoutchouc, sucre). En association avec Wilmar, Olam a pris en 2008 une série de participations dans le holding, mais aussi dans ses filiales Palmci (qui récolte l’huile de palme) et Sania (qui la transforme). Son idée forte : être présent à la fois dans les produits d’import-export mais aussi dans la transformation de denrées pour la demande locale. Dans certains pays comme le Nigeria, la demande est en effet promise à une véritable explosion, portée par une classe moyenne en plein FRÉDÉRIC MAURY boom. ■

DU NIGERIA À SINGAPOUR TRENTE PAYS et des usines dans treize d’entre eux. Le poids d’Olam sur le continent ne date pas d’hier. Le groupe y est même né à la fin des années 1980. Il n’était alors qu’un exportateur nigérian de noix de cajou, filiale de l’indien Kewalram Chanrai. En dix ans, il s’est transformé en leader du négoce de produits agricoles et de denrées alimentaires, affichant 6,1 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2010. Pour se développer sur l’ensemble de la chaîne de valeur agro-industrielle, Sunny Verghese, le cerveau qui a bâti le succès d’Olam, a quitté le Nigeria pour rejoindre les centres financiers mondiaux : Londres jusqu’en 1996, puis Singapour. Il a aussi insufflé avec quelques autres groupes asiatiques comme Wilmar un peu de transparence dans un secteur qui adore l’opacité. Coté en Bourse, Olam communique sur toutes ses opérations. ■ F.M. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 15 • D U 2 0 A U 2 6 F É V R I E R 2 0 11



Au Burkina Faso, 80 % des cultures cotonnières sont des organismes transgéniques.

OGM

Marché ouvert pour les leaders LES SEMENCES GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉES PASSENT

AU STADE DE L’EXPLOITATION À GRANDE ÉCHELLE DANS PLUSIEURS PAYS.

L’AMÉRICAIN MONSANTO ET LE SUISSE SYNGENTA SONT LES PREMIERS À EN BÉNÉFICIER.

L

e débat sur les OGM est-il encore d’actualité ? Les biotechnologies sont désormais soutenues par de nombreux organismes et fondations qui veulent promouvoir les dernières découvertes scientifiques pour initier une « révolution verte ». Et nombreux sont les pays à se lancer. L’ancien secrétaire général des Nations unies, Koffi Annan, qui préside l’Alliance pour une révolution verte en Afrique (Agra), estimait récemment que le continent « ne doit pas se détourner du potentiel des biotechnologies ». Un business énorme s’ouvre aux deux géants mondiaux déjà bien implantés, l’américain Monsanto et le suisse Syngenta. Leader mondial sur le marché des semences et numéro deux des biotechnologies, Monsanto s’est fait connaître sur le continent avec l’introduction de son coton Bt, génétiquement modifié pour résister aux insectes. Au Burkina Faso, l’autorisation de culture à grande échelle du coton transgénique a été accordée en 2008, à la suite d’études menées sept ans durant par l’Institut de l’environnement et de recherches agricoles et Monsanto. Pari gagné

pour l’américain : le gouvernement burkinabè annonçait récemment que 80 % des cultures cotonnières de la campagne 2010-2011 étaient des OGM. Le coton Bt de Monsanto est également cultivé en Afrique du Sud et en Égypte, et les essais sont autorisés depuis 2009 au Mali. Le groupe américain a également mis au point un maïs résistant à la sécheresse, qui sera introduit gratuitement entre 2013 et 2017 au Kenya, au Mozambique, en Ouganda (Kam-

XAVIER ROSSI/REA

80 DOSSIER AGROALIMENTAIRE pala a annoncé en outre le démarrage d’essais en plein air de cultures transgéniques de bananes et de manioc), en Tanzanie et en Afrique du Sud, via le programme international Water Efficient Maize for Africa – financé par les fondations de Bill Gates et de Warren Buffett, il est doté d’un budget de 35 millions d’euros. Avec l’espoir d’accroître la productivité de 20 % à 35 %. La fondation de Gates est désormais une alliée de poids : elle vient d’acquérir 500 000 actions du leader mondial des OGM pour 27 millions de dollars. NOUVELLES VARIÉTÉS HYBRIDES

Face au rouleau compresseur Monsanto, Syngeta mise sur un organisme à but non lucratif, la Fondation Syngenta pour une agriculture durable, dont l’objectif est d’« améliorer les conditions de vie des petits agriculteurs », dit la firme suisse. Elle collabore depuis longtemps avec des centres de recherche africains comme l’Institut d’économie rurale du Mali – pour les céréales – ou AfricaRice à Cotonou – pour le riz –, afin de mettre au point de nouvelles variétés hybrides. Mais le cœur des activités de la fondation, en matière de biotechnologies, se situe au Kenya. Le groupe suisse y finance, à raison de 750 000 euros par an, le Biosciences Eastern and Central Africa Hub, une structure scientifique destinée à accueillir et fédérer des programmes de recherches africains sur les biotechnologies animales et végétales. Surtout, elle travaille avec l’Institut kényan de recherche agricole sur la mise au point d’un maïs doté de gènes de résistance aux insectes. La firme suisse n’est jamais loin du géant américain. ■ ANTOINE LABEY et MICHAEL PAURON

UNE LÉGISLATION APPROPRIÉE POUR QUE LES OGM SORTENT DES CENTRES DE RECHERCHE, le feu vert des autorités est indispensable. En Afrique de l’Ouest, la Banque mondiale finance depuis 2006, dans le cadre de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), un projet régional sur la biosécurité qui doit créer une vaste zone où la culture des OGM sera autorisée. Si le Burkina Faso a été le premier pays d’Afrique de l’Ouest à adopter en 2006 une telle législation (mise en application deux ans plus tard), d’autres l’ont suivi depuis, comme le Mali en 2008, malgré la vive opposition de certaines organisations de la société civile, tandis que le Bénin a reconduit son moratoire sur les OGM jusqu’en 2013. En Afrique de l’Est, les 19 pays du Marché commun de l’Afrique orientale et australe (Comesa) ont adopté en octobre dernier un projet qui libéralise de fait la culture des OGM. ■ A.L. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 15 • D U 2 0 A U 2 6 F É V R I E R 2 0 11


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