L’É TAT DE L’AFRIQUE 2010
PORTRAITS LES PERSONNALITÉS QUI FONT 2010 w w w. j e u n e a f r i q u e . c o m
HORS-SÉRIE N° 24
FOOTBALL L’Afrique retient son souffle
1960-2010
50 ANS D’INDÉPENDANCE Héritage, business et politique
ÉCONOMIE À quand la reprise? MÉDITERRANÉE Le Maghreb en ordre dispersé
JEUNE AFRIQUE HORS - SÉRIE N° 24
DIPLOMATIE Et si l’union faisait la force…
L’ÉTAT DEL’AFRIQUE DE L’AFRIQUE
2010
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ÉDITORIAL
L’HEURE DES COMPTES
L
es 14 anciennes colonies françaises qui célèbrent cette année leur demi-siècle d’indépendance feraient bien de se regarder parfois dans le miroir de leurs voisins. Vue de l’autre Afrique, anglophone, arabophone, lusophone, cette commémoration a quelque chose d’aussi incongru et décalé que le fut, des décennies durant, cet étrange cordon ombilical qui bien après leur naissance continua d’unir ces nouvelles nations à l’ex-colonisateur. Pourtant, tout porte à croire qu’avec ce cinquantenaire aux parfums de nostalgie d’empire (ah ! les arrière-petits-enfants de la « Force noire » du général Mangin défilant sur les ChampsÉlysées le 14 juillet 2010 !) nous assistons à l’épilogue folklorique et chamarré d’une histoire commune. Queue de comète, clap de fin, chant du cygne : la spécificité francophone sur le continent n’est plus qu’une affaire de langue. Pour le reste, Paris n’y pèse pas plus - et plutôt moins - que Pékin, Washington, Dubaï et bientôt New Delhi, Brasilia ou le contre-gouvernement mondial des ONG. Plus que jamais, au cours des douze mois écoulés, les crises qui ont affecté le défunt « pré carré » doivent tout aux tensions et contradictions endogènes et rien à la pseudo-influence d’une ancienne métropole, dont l’ultime représentant en terre africaine a rendu l’âme dans une clinique espagnole, emportant avec lui les derniers masques de la Françafrique. Cela faisait un temps, d’ailleurs, qu’Omar Bongo Ondimba n’avait plus de prise sur l’accélération de l’Histoire. À Abidjan, à Conakry, à Niamey, à Lomé, à Bangui, à Antananarivo et jusque chez lui, à Libreville, d’interminables attentes en élections à demi-convaincantes, de putschs réussis en transitions à hauts risques, chaque pays obéit désormais à sa propre logique, pour le meilleur ou pour le pire. Après le temps des illusions identitaires, parfois meurtrières, voici venu celui des nationalismes mondialisés. L’Afrique a définitivement largué ses amarres postcoloniales pour s’arrimer à l’économie planétaire, sans rien abdiquer de son âme.
FRANÇOIS SOUDAN
L’AFRIQUE A LARGUÉ SES AMARRES POSTCOLONIALES POUR S’ARRIMER À L’ÉCONOMIE PLANÉTAIRE, SANS ABDIQUER SON ÂME.
Alors que la bande intertropicale du continent fait, à quelques exceptions près, du surplace en termes d’intégration régionale et de stabilité politique, ses extrémités nord et sud regardent résolument vers le grand large. L’Afrique australe tout JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
entière fait son « outing » en cette mi-2010 avec la formidable vitrine que lui procure la Coupe du monde de football, et le Maghreb intègre l’espace de développement méditerranéen. Même si, à Alger comme à Tunis et à Tripoli, se pose un évident problème d’usure et de renouvellement des élites politiques, le dynamisme de l’économie compense encore un certain archaïsme et une évidente opacité de la gouvernance. Mais jusqu’à quand ? Si l’on accepte la règle selon laquelle les pays qui réussissent sont ceux où les investisseurs sont sûrs de leurs droits de propriété, où la loi prévaut, où les politiques budgétaires sont enracinées dans des institutions saines et indépendantes, qui, en Afrique, répond à ces critères ? Où l’obligation gouvernementale de rendre des comptes à l’égard de la gestion financière publique est-elle réellement respectée en 2010 ? Hormis l’Afrique du Sud, le Botswana, Maurice et une toute petite poignée d’autres, la réponse est claire : nulle part.Et cela alors même que fleurissent partout, sur l’injonction des bailleurs de fonds, des dispositifs nationaux de lutte contre la corruption. Pas un pays qui ne dispose aujourd’hui de son Inspection générale, de sa Haute Autorité, de sa Coordination, de son Comité d’éthique, etc. Autant d’institutions respectables mais quasi inconnues du public, qui ne publient aucun rapport, n’ont aucun pouvoir et relèvent le plus souvent d’un exécutif qui les instrumentalise dans un double but : donner le change au FMI, à la Banque mondiale et à Bruxelles, et faire planer une vertueuse épée de Damoclès audessus de la tête des politiciens, ainsi placés sous étroite surveillance. Certes, dira-t-on, la corruption peut être un moment incontournable de la vie politique des États en phase de transition démocratique. Un pays comme l’Indonésie n’a-t-il pas réussi son décollage avec (ou malgré) des gouvernements corrompus ? C’est possible. Mais en Afrique, ce paradoxe est inopérant. La corruption y joue un rôle déterminant dans le blocage du progrès économique, et ce qui, hélas, distingue encore ce continent des autres « Sud » (Amérique latine, Asie) avec lesquels elle partageait la même pauvreté jusqu’au milieu des années 1970, c’est bien la persistance du sous-développement. Cinquante ans après les indépendances, plutôt que de continuer à vitupérer un État franco-africain définitivement enterré, réfléchir sur le pourquoi de cette anomalie serait un excellent thème de commémoration. ■ 3
JEUNE AFRIQUE - HORS-SÉRIE N° 24 - MAI 2010
SOMMAIRE 3 6 8
12 POLITIQUE
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Dix-sept pays africains fêtent en 2010 le 50e anniversaire de leur indépendance.
L’ACTUALITÉ VUE PAR GLEZ Les principaux événements de 2009-2010 croqués par notre dessinateur.
ÉDITORIAL L’heure des comptes Par François Soudan SIGLES UTILISÉS L’ACTUALITÉ VUE PAR GLEZ
POLITIQUE PHOTOS DE COUVERTURE: D. SPANNKNEBEL / GETTY IMAGES / U. SPECK / PRESSESPORTS / KOSMOS ENERGY
14 16 18 21 24 28
30 34 38
INDÉPENDANCE Comment gérer l’héritage MARKETING Cinquantenaire à vendre CRISES Désunion nationale UNION POUR LA MÉDITERRANÉE Le Maghreb en ordre dispersé JUSTICE Crimes et châtiments TRIBUNE La CPI, une menace et un recours Par Marianne Meunier RELATIONS INTERNATIONALES Et si l’union faisait la force ? CRIMINALITÉ Foyers de crise PORTRAITS Ils font parler d’eux
ÉCONOMIE 42 45 46 50 52 56 58 60 62
CONJONCTURE Coup de frein sur la croissance INVESTISSEMENTS Un rebond possible en 2010 AGRICULTURE Tirer les leçons de la crise PÉTROLE De nouvelles réserves d’or noir BANQUES Bons et mauvais élèves TRANSPORT AÉRIEN Concurrence de haut vol TÉLÉCOMS En quête d’une autre stratégie SUD-SUD La ruée vers l’Afrique PORTRAITS Ils font parler d’eux
Direction : François Soudan, Marwane Ben Yahmed, Amir Ben Yahmed ■ Rédactrice en chef technique : Frédérique Letourneux ■ Rédaction graphique : Zigor Hernandorena, Stéphanie Creuzé et Valérie Olivier ■ Iconographie : Dan Torres et Nathalie Clavé ■ Statistiques : Jérôme Besnault ■ Révision : Nathalie Bedjoudjou, Thérèse Benoît et Vladimir Pol ■ Fabrication : Philippe Martin et Christian Kasongo ■ Publicité : DIFCOM ■ GROUPE JEUNE AFRIQUE : 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris ■ Tél. : 33 1 44 30 19 60 – Fax : 33 1 45 20 09 67 ■ Ont collaboré à ce hors-série : Pascal Airault, Stéphane Ballong, Tayeb Belmadi, Alexis Billebault, Christophe Boisbouvier,Mahamadou Camara,Rémy Carayol,Frida Dahmani,Muriel Devey,Georges Dougueli,Alex Duval-Smith,Alain Faujas,Faïza Ghozali,Malika Groga-Bada,Anne Kappès-Grangé,Christelle Marot,Frédéric Maury,Marianne Meunier,Nicolas Michel, Pierre-François Naudé,Michael Pauron,Philippe Perdrix,Leïla Slimani,Cécile Sow,Zoé Suarez,Éric Thomas,Tshitenge Lubabu M. K. 4
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
40
ÉCONOMIE Croissance réduite : en 2009, la hausse du PIB africain s’est établie à environ 2 %. Mais la reprise se profile.
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53 PAYS AU CRIBLE Radioscopie politique, diplomatique et socio-économique du continent, État par État. Quels enjeux sous-régionaux et continentaux ? Faits et chiffres.
SOCIÉTÉ
Foot, médias, démographie, environnement...
53 PAYS AU CRIBLE
SOCIÉTÉ 66 70
73 76
81 82 84
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COUPE DU MONDE L’Afrique retient son souffle DÉMOGRAPHIE « Au moins 2 milliards d’Africains en 2050 », Interview de Jean-Pierre Guengant, chercheur à l’IRD ENVIRONNEMENT Quand les écolos font de la politique TRIBUNE La longue histoire d’une littérature engagée Par Alain Mabanckou CINÉMA La dernière séance ? TÉLÉVISION Marché saturé PORTRAITS Ils font parler d’eux
91 103 123 135 149 163
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AFRIQUE DU NORD Plébiscites électoraux AFRIQUE DE L’OUEST Contre-performances AFRIQUE CENTRALE L’après-Omar Bongo Ondimba AFRIQUE DE L’EST Territoires éclatés AFRIQUE AUSTRALE L’année du ballon rond OCÉAN INDIEN Incertitudes malgaches POST-SCRIPTUM L’âge des fleurs Par Mahamadou Camara
SANS MAITRISE, LA PUISSANCE N’EST RIEN Maîtrisez votre puissance, libérez votre passion.
SIGLES UTILISÉS BAD BCEAO BEAC CEA CEDEAO CEEAC CEMAC CEN-SAD CIJ CNUCED
BANQUE AFRICAINE DE DÉVELOPPEMENT BANQUE CENTRALE DES ÉTATS DE L’AFRIQUE DE L’OUEST BANQUE DES ÉTATS DE L’AFRIQUE CENTRALE COMMISSION ÉCONOMIQUE POUR L’AFRIQUE COMMUNAUTÉ ÉCONOMIQUE DES ÉTATS DE L’AFRIQUE DE L’OUEST COMMUNAUTÉ ÉCONOMIQUE DES ÉTATS DE L’AFRIQUE CENTRALE COMMUNAUTÉ ÉCONOMIQUE ET MONÉTAIRE DE L’AFRIQUE CENTRALE COMMUNAUTÉ DES ÉTATS SAHÉLO-SAHARIENS COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE CONFÉRENCE DES NATIONS UNIES SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT
COMESA MARCHÉ COMMUN DE L’AFRIQUE ORIENTALE ET AUSTRALE COFACE COMPAGNIE FRANÇAISE D’ASSURANCE POUR LE COMMERCE CPI FAO FMI HCR IADM IDE
EXTÉRIEUR
COUR PÉNALE INTERNATIONALE ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR L’ALIMENTATION ET L’AGRICULTURE FONDS MONÉTAIRE INTERNATIONAL HAUT-COMMISSARIAT DES NATIONS UNIES POUR LES RÉFUGIÉS INITIATIVE D’ALLÉGEMENT DE LA DETTE MULTILATÉRALE INVESTISSEMENTS DIRECTS ÉTRANGERS
IDH IGAD NEPAD OCDE
INDICE DE DÉVELOPPEMENT HUMAIN INTERGOVERNMENTAL AUTHORITY DEVELOPMENT NOUVEAU PARTENARIAT POUR LE DÉVELOPPEMENT DE L’AFRIQUE ORGANISATION DE COOPÉRATION ET DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUES
OIF OMC OMS ONU ONUDI
ORGANISATION INTERNATIONALE DE LA FRANCOPHONIE ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ ORGANISATION DES NATIONS UNIES ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR LE DÉVELOPPEMENT INDUSTRIEL
PMA PNUD PNUE PPTE SADC SFI UA UEMOA UMA
PAYS MOINS AVANCÉS PROGRAMME DES NATIONS UNIES POUR LE DÉVELOPPEMENT PROGRAMME DES NATIONS UNIES POUR L’ENVIRONNEMENT PAYS PAUVRES TRÈS ENDETTÉS COMMUNAUTÉ DE DÉVELOPPEMENT DE L’AFRIQUE AUSTRALE SOCIÉTÉ FINANCIÈRE INTERNATIONALE UNION AFRICAINE UNION ÉCONOMIQUE ET MONÉTAIRE OUEST-AFRICAINE UNION DU MAGHREB ARABE
INDEX DES ANNONCEURS : AGENCE DU SUD 20 - BANQUE AFRICAINE DE DÉVELOPPEMENT 122 - BANQUE CENTRALE DES SEYCHELLES 169 BGFI BANK 53 - COLINA 57 & 59 - COSSANEX 47 - DEMIMPEX 83 - ECOBANK 27 - GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE DU CAMEROUN 77-80 - ICOM 22 - JURA FILTRATION SAS 54 - MAROC EXPORT 49 - NEPAD 171 - NSIA 2 - ONEP 32 - PERNOD 29 - PEUGEOT 11 - PIRELLI 5 - RENAULT 6 - RIAD MOTORS 55 - SAGE 33 - SN BRUSSELS AIRLINES 69 - TRACTAFRIC EQUIPMENT 23 - TRACTAFRIC MOTORS 7 - TIGER MOTORS 172 - ANNONCES CLASSÉES 86-87.
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L’ACTUALITÉ VUE PAR GLEZ
AFRIQUE, 25 MAI 2009 Premier rapport de la FAO sur les achats de terres à grande échelle. Intitulée « Accaparement des terres ou opportunités de développement? », cette étude qui décortique les transactions foncières internationales en Afrique met en garde sur le risque de léser les populations rurales les plus pauvres.
GHANA, 11 JUILLET 2009 Premier voyage d’Obama en terre africaine. Lors de sa visite au fort esclavagiste de Cape Coast, au Ghana, le président américain plaide pour un continent « libéré de la dictature ». Au même moment, plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest connaissent une grave crise politique.
NIGER, 4 AOÛT 2009 Après avoir dissous l’Assemblée le 26 mai et s’être arrogé les pouvoirs exceptionnels le 27 juin, Mamadou Tandja organise un référendum pour faire avaliser la prolongation de son ultime mandat présidentiel, qui devait expirer en décembre 2009. Mais, le 18 février 2010, un coup d’État militaire le démet de ses fonctions. 8
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
LIBERIA, 25 JANVIER 2010 Élue chef de l’État en novembre 2005, la présidente libérienne Ellen Johnson-Sirleaf, 71 ans, annonce qu’elle sera candidate à sa succession en 2011, en dépit de sa promesse de ne faire qu’un seul mandat. Une décision qui va à l’encontre de la Commission Vérité et Réconciliation, qui recommande son inéligibilité pour trente ans compte tenu de ses liens avec l’ex-président Charles Taylor.
GOLFE DE GUINÉE, 25 NOVEMBRE 2009 Alors que les attaques se multiplient au large de la Somalie, les pirates ouvrent un nouveau front en Afrique de l’Ouest en braquant un pétrolier dans les eaux béninoises. Le Cancale Star, supertanker de 230 mètres de long, est attaqué à une trentaine de kilomètres du littoral par des pirates venus du Nigeria voisin.
ENVIRONNEMENT, 18 DÉCEMBRE 2009 Le Sommet de Copenhague sur les changements climatiques se solde par un échec. Les pays africains militent pour le maintien d’un processus contraignant pour prolonger le protocole de Kyoto afin de fixer des seuils pour les émissions de gaz à effet de serre et limiter le réchauffement de la planète. En vain. JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
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DARFOUR, 23 FÉVRIER 2010 Entrée en vigueur de l’accord de cessez-le-feu au Darfour conclu le 20 février entre les rebelles du Mouvement pour la justice et l’égalité (JEM) et le gouvernement soudanais. La signature du texte a lieu à Doha en présence du président Omar el-Béchir et de ses homologues tchadien et érythréen, Idriss Déby Itno et Issayas Afewerki.
RWANDA, 8 MARS 2010 Quelques jours après avoir reçu le président français Nicolas Sarkozy à Kigali, le président Paul Kagamé, en visite à Londres, officialise l’entrée de son pays dans le Commonwealth. Le Rwanda devient le 54e pays membre de l’organisation anglophone.
GUINÉE, 27 JUIN 2010 Délicate transition à Conakry. Le 7 mars, le président par intérim Sékouba Konaté confirme que l’élection présidentielle se tiendra le 27 juin 2010. Une décision qui intervient après la nomination, le 21 janvier, par la junte de Jean-Marie Doré au poste de Premier ministre. 10
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50 ANS D’IN Dakar, le 3 avril 2010. Inauguration du monument de la Renaissance africaine, point d’orgue des commémorations sénégalaises du cinquantenaire de l’indépendance.
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INDÉPENDANCE Comment gérer l’héritage
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MARKETING Cinquantenaire à vendre
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CRISES Désunion nationale
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UNION POUR LA MÉDITERRANÉE Le Maghreb en ordre dispersé
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JUSTICE Crimes et châtiments
28 TRIBUNE La CPI, une menace et un recours Par Marianne Meunier 30 RELATIONS INTERNATIONALES Et si l’union faisait la force ? 34 CRIMINALITÉ Foyers de crise
EVE COULON/REUTERS
38 PORTRAITS Ils font parler d’eux
L’ÉTAT DE L’AFRIQUE POLITIQUE
DÉPENDANCE
COMMENT GÉRER L’HÉRITAGE En 1960, dix-sept pays* du continent accédaient à l’indépendance. Cinquante ans après, le bilan est plutôt terne. Les élites d’alors ont beaucoup déçu. Leurs successeurs pourront-ils inverser la tendance? TSHITENGE L UBABU M.K.
A
voir 20 ans en 1960, c’était vivre un moment exceptionnel. Privilégiés de l’Histoire, tous ces jeunes adultes ont été les témoins d’un véritable bouleversement. Il faut imaginer leur état d’esprit à l’évocation de ce mot quasi magique qui roulait sur toutes les lèvres : in-dé-pen-dance. C’est à peine si certains ne croyaient pas alors que cette « indépendance » était quelque chose de matériel, qu’ils pouvaient toucher du doigt, étreindre dans leurs bras, caresser comme un amour. Puis le rêve s’est concrétisé, même si, dans le paysage, rien n’a bougé. Les différences oubliées, toutes les communautés nationales se sont mises au diapason. Car ces indépendances ont marqué la fin d’un cycle. Celui qu’Aimé Césaire a si bien décrit dans son Discours sur le colonialisme : « Entre colonisateur et colonisé, il n’y a de place que pour la corvée, l’intimidation, la pression, la police, l’impôt, le vol, le viol, les cultures obligatoires, le mépris, la méfiance, la morgue, la suffisance, la muflerie, des élites décérébrées, des masses avilies. » Pour saluer la libération, les artistes rivalisent de talent et d’imagination, à l’instar du Congolais Joseph Kabasele et de son African Jazz qui chantent « Indépendance Chacha », un air repris par tout un continent. Mais une fois maîtres de leur destin, les peuples africains comprennent vite combien il est difficile d’être indépendant. Ainsi l’ancien Congo belge plonge dans le chaos quatre jours seulement après la proclamation de l’indé14
pendance, à tel point que la Belgique donne l’impression d’avoir décolonisé bien malgré elle. Dans la Fédération du Mali, l’union tentée par le Sénégal et le Soudan français échoue lamentablement. Trois ans plus tard, un président est assassiné au Togo, un deuxième contraint à la démission au Congo-Brazzaville et un troisième renversé au Dahomey. Presque partout, le putsch ou l’assassinat s’imposent comme mode d’accession au pouvoir. L’Afrique se trouve désemparée. Toutes ces tensions n’augurent rien de bon. L’aspiration démocratique pour laquelle beaucoup de leaders se sont battus n’a plus de sens après la série de coups d’État et l’instauration des partis uniques. Comment en est-on arrivé là ? Sans doute parce que les élites au pouvoir n’ont pas cherché à transformer le monde. Elles se sont contentées d’être des consommatrices de biens hérités de la colonisation. Elles ont sacrifié le bonheur collectif sur l’autel de la cupidité et de l’égoïsme. Les puissants ont confondu le bien public avec leur propre patrimoine, l’État avec leur propre personne. Entre leurs mains le pouvoir n’est pas devenu un instrument au service du progrès social. Mais que s’est-il passé au juste pour que la situation se dégrade si vite et en si peu de temps ? Les nouveaux dirigeants n’ont eu qu’une seule ambition: jouir de ce dont ils avaient été privés pendant la colonisation. Beaucoup se sont transformés en oppresseurs, en affameurs, en bourJEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
KEYSTONE/EYEDEA
POLITIQUE À Abidjan, du 24 au 26 octobre 1960, neuf chefs d’État de l’Afrique francophone se réunissaient pour tenter de créer un nouvel espace sous-régional.
reaux de leurs propres peuples. Poussés au désespoir, désenchantés, certains Africains en sont arrivés à regretter l’époque coloniale, affirmant même, en forçant le trait, qu’ils « vivaient mieux avant ». Et beaucoup d’écrivains du continent sont devenus, d’une certaine manière, les relais de cette frustration. À l’image du Nigérian Wole Soyinka, connu pour sa lutte acharnée contre les régimes militaires de son pays. Mais aussi de l’Ivoirien Ahmadou Kourouma (Les Soleils des indépendances, 1968), du Ghanéen Ayi Kwei Armah (The Beautyful Ones Are Not Yet Born, 1968), des Guinéens Williams Sassine (Le Jeune Homme de sable, 1979) et Tierno Monénembo (Les Crapauds-Brousse, 1979) ou encore du Congolais Sony Labou Tansi (La Vie et demie,
militaires, qui ont mis, quinze ans durant, le Nigeria en coupe réglée. Il serait exagéré, malgré tout, d’affirmer que les indépendances sont un échec. Car cela sous-entendrait qu’il faille revenir à la case départ. Mais c’est indéniable : les résultats obtenus ne sont pas à la hauteur des espérances. Qu’il s’agisse de Kwame Nkrumah, de Sékou Touré ou de Modibo Keita, les leaders charismatiques pleins d’idéalisme et sur qui comptait la jeunesse du continent ont déçu dans leur gestion de la chose publique et des hommes. Dans beaucoup de pays, la culture du bien commun reste absente. Il manque cette « race » d’hommes et de femmes qui peuvent sans faillir être des serviteurs de l’État. À la place, c’est trop souvent le règne du paraître, au détriment du bien-être À LA FIN DES ANNÉES 1970, BEAUCOUP D’ÉCRIVAINS SONT des populations. Mais il n’y a pas de DEVENUS LES RELAIS DES FRUSTRATIONS DES AFRICAINS. fatalité africaine. Il y a seulement des dirigeants qui n’ont pas assez voulu, 1979). Il y a chez tous la ferme volonté de mettre à nu les même quand ils en avaient les moyens, transformer leurs turpitudes des fossoyeurs des indépendances. Une attipays en îlots de prospérité. Les faits sont accablants : de tude partagée par beaucoup de musiciens. À Brazzaville, 1970 à 2008, 1 800 milliards de dollars auraient quitté le chanteur Franklin Boukaka fredonne cette question frauduleusement l’Afrique pour atterrir sur des comptes lancinante dans sa chanson Le Bûcheron: « Certains à qui secrets en Occident. Telle est en tout cas la conclusion d’une j’ai donné ma voix ont brillé par leur soif du pouvoir et récente étude publiée par le Global Financial Integrity (GFI) des voitures/Le colonisateur est parti, nous avons obtenu prenant en compte, pour l’ensemble des pays du continent, l’indépendance, mais pour qui? » De son côté, le Nigérian les transferts clandestins de dividendes, l’évasion fiscale, Fela Anikulapo Kuti se pose en grand pourfendeur des le détournement de l’aide extérieure et de fonds publics, la JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
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surfacturation des produits importés et la sous-facturation des exportations, la différence entre la valeur réelle et la valeur déclarée. Si on ajoute à cela les fuites de capitaux dont il n’existe aucune trace écrite et les divers trafics, le manque à gagner pour l’Afrique serait plus que colossal. Or pour réussir l’indépendance, il faut un sursaut d’orgueil, un réveil collectif. Cesser de compter sur la « charité » des
autres pour se relever. Il faut une révolution des mentalités, des méthodes. Et surtout de l’audace. Beaucoup d’audace. ■ * Par ordre chronologique : Cameroun, Sénégal, Togo, Madagascar, RD Congo, Somalie, Bénin, Niger, Burkina, Côte d’Ivoire, Tchad, Centrafrique, Congo, Gabon, Mali, Nigeria, Mauritanie.
Marketing Cinquantenaire à vendre Les comités d’organisation n’ont pas lésiné sur les moyens pour fêter l’événement. Au programme: défilés, concerts géants, mais aussi logos et pagnes.
L
es budgets annoncés en 2010 pour les célébrations du cinquantenaire de l’indépendance de pays d’Afrique subsaharienne atteignent des montants pharaoniques : 20 milliards de F CFA (30,5 millions d’euros) en Côte d’Ivoire, 17 milliards de F CFA (26 millions d’euros) au Congo, 14 milliards de F CFA (21,3 millions d’euros) au Cameroun… Chacun y va de son initiative ou de son projet pour croquer une part de ce gâteau à cinquante bougies, qui ressemble davantage à un gigantesque business. Pour gérer ces budgets, la quasi-majorité des pays a mis en place un comité ou une commission d’organisation chargé de coordonner les célébrations.
l’histoire et de leurs atouts culturels. Partout, il a d’abord fallu inventer des symboles spécifiques pour l’événement. Dans ce sens, un concours pour le logo du cinquantenaire a été lancé dans plusieurs pays, avec une récompense pour le gagnant. Malgré une modeste dotation de 1 million de F CFA (1500 euros) au Mali et au Burkina, de nombreux étudiants graphistes se sont prêtés au jeu. Au Cameroun et en RD Congo, les lauréats ont empoché respectivement 5 millions de F CFA (7500 euros) et 18 millions de francs congolais (15000 euros). En Côte d’Ivoire, l’hymne du cinquantenaire a aussi fait l’objet d’un concours, pour un premier prix de 5 millions
LES AGENCES DE COMMUNICATION ONT PROPOSÉ LEURS SERVICES POUR MÉDIATISER CE PRESTIGIEUX ANNIVERSAIRE. La présidence d’une telle structure est un enjeu important car elle assure à son titulaire une visibilité nationale, voire internationale, pendant de longs mois, avec à la clé la possibilité d’hériter d’un maroquin. Elle permet surtout d’avoir la mainmise sur un budget important, objet de toutes les convoitises. Ce sont donc des fidèles qui sont nommés par les chefs d’État, à l’image du Premier ministre gabonais, Paul Biyoghé Mba, de Pierre Kipré, ambassadeur de Côte d’Ivoire en France, d’Isidore Mvouba, ex-Premier ministre du Congo, ou encore d’Oumar Hamadoun Dicko, ancien ministre du président Amadou Toumani Touré, pour le Mali. Mises en place pour la plupart en 2009, certaines de ces structures sont intégrées au sein du ministère de la Culture, comme au Cameroun ou au Burkina, signe que ces pays ont choisi de mettre l’accent sur la promotion de 16
de F CFA. Au-delà de ces challenges un peu anecdotiques, ce sont surtout les outils de promotion des activités liées aux célébrations qui ont été l’objet de toutes les convoitises. De nombreux hommes d’affaires ont ainsi rapidement contracté des partenariats avec les comités d’organisation. Dans cette course, les agences de communication et les sociétés d’événementiel ont été les premières servies, proposant leurs services pour médiatiser les activités liées à ce prestigieux anniversaire. Basé à Abidjan, Axes Marketing a ainsi obtenu, sans appel d’offres, le juteux contrat du cinquantenaire ivoirien. Avec une dotation globale de 20 milliards de F CFA (30,5 millions d’euros), ce sera sans doute l’un des programmeslespluscoûteux,incluant, selon Pierre Kipré, « des tombolas, des concours régionaux de beauté et de
danse, et des concerts, mais aussi des débats littéraires, politiques et économiques ». L’État ne devrait contribuer qu’à hauteur de 20 % au coût des célébrations, la Commission étant chargée d’obtenir le complément auprès de sponsors. Les grands groupes privés, tels que Banque Atlantique ou Sifca, ont été sollicités, de même que des sociétés étatiques comme Petroci et le Port autonome d’Abidjan. « Notre rôle est de mettre en place le plan média par rapport aux activités définies par la Commission », indique Ismaël BogaN’Guessan, directeur d’Axes Marketing, mais également administrateur de certaines filiales du groupe de l’Aga Khan (IPS, Ivoire Coton, etc.). Sa prestation devrait donc se limiter à l’achat d’espaces publicitaires et à la coordination des activités médiatiques. « Nous avons reçu beaucoup de demandes pour obtenir le financement de projets privés, la plupart du temps par des gens qui n’ont pas fait leurs preuves », soupire le Malien Oumar Hamadoun Dicko, dont la commission peut s’enorgueillir d’avoir mis sur pied un programme très diversifié. Entre colloque international, épreuves sportives, publications consacrées à l’événement, concert géant et monument du cinquantenaire, la fête devrait être belle, même si les moyens sont un peu plus limités du côté de Bamako. Le budget annoncé de 6 milliards de F CFA (9,1 millions d’euros), dont la moitié est apportée par l’État, semble bien maigre par rapport aux dizaines de milliards prévus dans d’autres capitales. Le monument en forme de calebasse qui sera édifié sur le fleuve Niger entre les deux premiers ponts de Bamako, et dont la première pierre a été posée à la fin d’avril 2010, coûtera 1 milliard de F CFA (1,5 million
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
d’euros) soit dix fois moins que le monument de la Renaissance africaine, œuvre du président sénégalais AbdoulayeWadeinauguréeengrandepompe le 3 avril 2010 à Dakar. Étalées sur trois jours, ces festivités auront coûté aux contribuables sénégalais environ 1,5 milliard de F CFA pour l’organisation du défilé et les réceptions données en l’honneur de la vingtaine de chefs d’État présents. Timbres, agendas, livres d’or, DVD, pins, casquettes et tee-shirts sont les autres incontournables de ce type de célébrations. Pourtant, l’objet phare reste sans conteste le pagne. Comme lors de toutes les campagnes électorales, le pagne est un formidable vecteur de communication politique. En Côte d’Ivoire, le pagne du cinquantenaire a été révélé au grand public le 7 mars 2010 lors d’une cérémonie présidée par l’ambassadeur Pierre Kipré. Aux couleurs de la nation, frappé des armoiries de l’État et des photos des présidents Félix Houphouët-Boigny, père de l’indépendance, et Laurent Gbagbo, actuel chef de l’État, il prend une signification toute particulière en cette période préélectorale très agitée. Au Mali, les pagnes du cinquantenaire sont confectionnés par la Compagnie malienne des textiles (Comatex), détenue par un opérateur chinois, et qui commercialise des lots comprenant 100 pagnes à 525 euros. La marge dégagée en partie grâce au « label cinquantenaire » est partagée avec la Commission, qui reçoit des pagnes à offrir dans le cadre des célébrations.
Quant aux tee-shirts, ils sont fabriqués en Chine par des opérateurs locaux, et revendus au prix de 2,25 euros à la Commission, qui en écoule depuis début 2010 environ 5 000 par mois auprès d’associations et de groupes de jeunes. Mais heureusement, au-delà de ces festivités et de ces gadgets publicitaires, la plupart des États ont prévu des investissements dans les infrastructures et les aménagements urbains. Pour embellir le district de Bamako à l’approche des commémorations, ce sont environ 1,8 milliard de F CFA (2,7 millions d’euros) qui doivent être ainsi dépensés pour l’entretien des rou-
tes, selon Mory Kanté, le directeur général de l’Autorité routière. Au Bénin, la capitale administrative Porto-Novo a engagé des travaux d’une valeur de 4 milliards de F CFA (6 millions d’euros), financés par la Banque ouestafricaine de développement (BOAD) afin d’être prête le 1er août 2010. Même chose au Congo, même si les budgets sont plus difficiles à connaître dans le détail. Un programme d’urgence a été mis en place au niveau gouvernemental en mars 2010 pour que chaque ministère puisse entamer les chantiers de réhabilitation nécessaires (routes, électrification, transports) pour le 17 août 2010, date anniversaire de l’indépendance. Une chose est sûre, ce cinquantenaire coûtera cher. Il est pour les régimes africains un moyen de redistribuer une partie des fonds de l’État, comme s’en est fait l’écho la presse d’opposition au Bénin et au Sénégal, et pour laquelle il existe d’autres priorités, notamment dans les domaines sanitaires et sociaux. Selon l’accusation, les sommes décaissées serviraient à récompenser les amis politiques en leur offrant des opportunités d’affaires et à séduire des électeurs potentiels. Les manifestations grandioses passées ou à venir risquent de grever des finances publiques pas toujours bien gérées. Preuve, s’il en est, que cinquante ans après, l’Afrique n’a pas encore atteint la maturité dans ce domaine. ■ MAHAMADOU CAMARA
Le premier road TV
P
armi les idées qui ont germé dans l’esprit des entrepreneurs pour surfer sur la vague des célébrations liées au cinquantenaire, La Caravane de l’intégration figure en bonne place. La chaîne panafricaine Africable, basée à Bamako, a mis au point le premier road TV d’Afrique, avec un circuit qui, du 8 mai au 31 juillet 2010, traversera par la route douze pays d’Afrique de l’Ouest, dont plus de 92 villes, de Dakar à Abidjan. La chaîne, dirigée par Ismaïla Sidibé, diffusera à cette occasion des émissions en direct, afin de donner la parole aux citoyens et de « montrer
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l’Afrique aux Africains ». Ce sont une vingtaine de véhicules qui sont mobilisés, un ULM, des moyens de télédiffusion colossaux et plus de 150 personnes. Le budget devrait dépasser les 2 millions d’euros, en partie financés par les pays traversés, des sponsors privés et certains organismes chargés de promouvoir l’intégration sousrégionale. Parmi eux, l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), l’Organisation de mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS) ou la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). ■ M.C.
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POLITIQUE
HERVE SEVI/AFP
Avec un budget de 30,5 millions d’euros, la célébration ivoirienne est la plus coûteuse.
Crises Désunion nationale
Impasses institutionnelles, coups d’État, conflits frontaliers... Les foyers de tensions sont nombreux. Z OÉ S UAREZ
P
eu de changements en l’espace d’une année sur le front des crises africaines. D’une manière générale, les différends territoriaux restent relativement peu fréquents. Seule la Corne de l’Afrique, avec la poursuite des hostilités entre l’Érythrée, d’une part, et ses voisins éthiopien et djiboutien, d’autre part, reste un foyer de guerre larvée. En revanche, toujours sur le plan bilatéral, le Tchad et le Soudan paraissent être revenus à de meilleurs sentiments, et l’accord de paix signé à Doha en mai 2009 semble, après bien des échecs, se traduire par une véritable accalmie entre Khartoum et N’Djamena. Mais si les contentieux inter-États sont relativement circonscrits, de nombreux pays continuent d’être déstabilisés par des crises internes. Ainsi, au Darfour, la signature d’un cessez-le-feu entre le gouvernement soudanais et l’un des principaux groupes rebelles n’a pas pour autant permis de rétablir la sécurité. Idem en Somalie, où la situation est chaque année plus chaotique. En Afrique centrale, la RD Congo et la Centrafrique connaissent elles aussi des troubles engendrés par des « forces négatives ». En revanche, la traque des rebelles des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) au Kivu a enregistré des résultats concrets. Sur le plan politique, plusieurs crises institutionnelles se sont déclarées en 2009 et ont connu des prolongements – parfois violents – en 2010. Ainsi, un an après le renversement de Marc Ravalomanana, Madagascar est désormais frappé de sanctions par l’Union africaine. Au Niger, la dérive autoritaire de Mamadou Tandja – qui avait décidé de se maintenir au pouvoir malgré la règle constitutionnelle – s’est conclue par un putsch. Quant à la Guinée, elle a connu plusieurs épisodes sanglants à la fin de 2009. Enfin, parmi les pays en transition ayant opté pour la mise en place d’un gouvernement d’union nationale, la situation reste dans l’ensemble très fragile. Au Zimbabwe, les tensions persistantes entre le camp du président, Robert Mugabe, et celui de son Premier ministre, Morgan Tsvangirai, menacent toujours de paralyser le processus. En Côte d’Ivoire, les conditions préalables à l’organisation d’une présidentielle équitable ne sont toujours pas remplies, et le scrutin a déjà été plusieurs fois reporté. Enfin, au Kenya, les résultats de l’enquête diligentée par la Cour pénale internationale (CPI) sur les crimes contre l’humanité commis par le pouvoir et l’opposition après l’élection présidentielle de décembre 2007 pourraient bien déstabiliser le pays. ■ 18
Conflit territorial
Crise interne
Pays en phase de transition* *Les pays en phase de transition incluent les États qui, pour sortir d’une situation de crise ouverte, ont choisi de mettre en place des gouvernements d’union nationale : la Côte d’Ivoire (en avril 2007), le Kenya (en février 2008) et le Zimbabwe (en février 2009). Une situation provisoire qui, dans ces trois pays, a permis de maintenir une situation de paix, qui demeure toutefois très fragile.
SAHARA OCCIDENTAL – MAROC 23 mars 2010 L’émissaire de l’ONU, Christopher Ross, a de nouveau appelé Rabat (favorable à l’autonomie) et le Front Polisario (qui veut l’indépendance) à coopérer avec les Nations unies pour relancer les pourparlers sur l’avenir du Sahara occidental. Des représentants des deux parties se sont rencontrés en février 2010 près de New York, en vain.
CASAMANCE – SÉNÉGAL 21 mars 2010 Accrochages entre l’armée et les rebelles indépendantistes du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC), malgré l’accord de paix signé en 2004.
NIGER 18 février 2010 Coup d’État perpétré par le chef d’escadron Salou Djibo. Le président Mamadou Tandja, qui avait décidé de se maintenir au pouvoir à la fin de son second mandat, est arrêté. Les putschistes ont promis de procéder à des élections au plus tard au premier trimestre 2011.
GUINÉE-BISSAU 1er avril 2010 Tentative de coup de force militaire sur fond de trafic de drogue international et nomination d’un nouveau chef d’état-major. Cette crise intervient treize mois après le double assassinat du chef d'état-major, le général Tagmé Na Waié, et du président de la République João Bernardo Vieira.
GUINÉE 3 décembre 2009 Tentative d'assassinat contre le chef de la junte, Moussa Dadis Camara. Le numéro deux du régime, Sékouba Konaté, prend la tête du pays. Le chef de l'État par intérim a fixé la présidentielle au 27 juin 2010.
CENTRAFRIQUE 30 mars 2010 L’armée centrafricaine dénonce les attaques récurrentes de la rébellion ougandaise de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA), dirigée par Joseph Kony. Depuis 2005, les combattants de la LRA sont installés en Centrafrique ainsi qu’au nord-est de la RD Congo et au Sud-Soudan.
RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO 31 décembre 2009 Fin de l’opération militaire Kimia II dans les provinces des deux Kivus. L’objectif était de traquer les rebelles des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) et de renforcer la sécurité des civils. Quelque 2 000 rebelles ont accepté de se rendre ou ont été arrêtés.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
DARFOUR – SOUDAN
3 mai 2009 Après les accords conclus (en vain) à Tripoli, Khartoum, Riyad et Dakar, c’est à Doha que le Tchad et le Soudan ont fini par normaliser leurs relations. Par ce nouveau texte, signé sous l’égide du Qatar, de la Libye et de l’UA, les deux pays s'engagent à ne pas s'ingérer dans leurs affaires intérieures respectives et à ne pas soutenir de groupes rebelles hostiles.
23 février 2010 Signature à Doha d’un cessez-le-feu entre le gouvernement soudanais et l’un des principaux groupes rebelles du Darfour, le Mouvement pour la justice et l’égalité (JEM). Cet accord est un préalable aux négociations de paix entre le JEM et Khartoum. Mais les rebelles de l'Armée de libération du Soudan (SLA) refusent de participer au processus de paix. Le 29 mars, le JEM a menacé de reprendre les armes en cas d'échec des négociations.
ÉTHIOPIE – ÉRYTHRÉE
Mer Méditerranée
TUNISIE
Rabat MAROC ALGÉRIE
POLITIQUE
TCHAD – SOUDAN
LIBYE
23 décembre 2009 Adoption par l’ONU de sanctions contre Asmara en raison de son action belliciste dans la Corne de l’Afrique, vis-à-vis de Djibouti, de l’Éthiopie et de la Somalie. Elles comprennent un embargo, mais aussi le gel des avoirs et l’interdiction de voyager de certains dirigeants.
ÉGYPTE
MAURITANIE
GAMBIE
GUINÉEBISSAU
TCHAD
GHANA
Yamoussoukro LIBERIA
BÉNIN
N’Djamena NIGERIA
Asmara ÉRYTHRÉE
GUINÉE ÉQUATORIALE
CONGO
DJIBOUTI
SOMALIE
AddisAbeba
CENTRAFRIQUE Bangui
CAMEROUN
GABON
ÉTHIOPIE
SOUDAN
TOGO
CÔTE D’IVOIRE
Khartoum
Niamey
BURKINA FASO
GUINÉE SIERRA LEONE
NIGER
MALI
SÉNÉGAL
OUGANDA
RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO
RWANDA
KENYA Nairobi
Mogadiscio
BURUNDI
Kinshasa
Océan Atlantique
TANZANIE COMORES ANGOLA
MALAWI ZAMBIE
Harare ZIMBABWE
NAMIBIE
BOTSWANA
MADAGASCAR
MOZAMBIQUE SW.
AFRIQUE DU SUD
LES.
Océan Indien
MADAGASCAR
SOMALIE
17 mars 2010 Un an après la prise du pouvoir par Andry Rajoelina, l’Union africaine a voté des sanctions à l’encontre de son régime. L'UA reproche au gouvernement et aux chefs militaires d'entraver l'application de l’accord de partage du pouvoir conclu en novembre 2009 entre les principales mouvances politiques pour préparer de nouvelles élections.
3 décembre 2009 Alors que le pays reste miné par les combats meurtriers entre les forces gouvernementales et le mouvement islamiste Chabaab, il est désormais aussi la proie du terrorisme. L'attentat-suicide survenu dans un hôtel de Mogadiscio a fait 24 morts, dont quatre ministres du gouvernement de transition.
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POLITIQUE
LUDOVIC/REA
Le 13 juillet 2008 se réunissaient à Paris 43 chefs d’État et de gouvernement pour porter l’UPM sur les fonts baptismaux.
Union pour la Méditerranée Le Maghreb en ordre dispersé
Le projet de l’organisation est encore à l’état d’ébauche. Pourtant, les pays arabes pourraient tirer profit d’une meilleure coopération avec l’Europe. PASC AL A IRAULT
«
C
e projet est voué à l’échec. C’est un champ de fait mystère de son scepticisme sur ce dossier, mais mines. Il va alimenter les actes terroristes de préfère avoir « un pied à l’intérieur ». Avant même sa groupes islamistes qui vont le considérer comme création, le ministre des Affaires étrangères, Mourad un projet de croisés, et s’attaqueront en conséquence aux Medelci, déclarait : « Le projet français comporte beaupays musulmans membres. » Ainsi parlait Mouammar coup d’ambiguïtés. » Aujourd’hui encore, les autorités Kaddafi juste avant le sommet de lancement de l’Union algériennes restent circonspectes. Elles ont surtout pour la Méditerranée (UPM), en juillet 2008, par d’autres priorités diplomatiques. D’ailleurs, la presse Nicolas Sarkozy alors président en exercice de l’Union du pays attache très peu d’importance à la question. européenne. Deux ans plus tard, à la veille de la grande réunion de LA LIBYE EST TOUJOURS LE SEUL PAYS DE LA RIVE SUD Barcelone (7-8 juin 2010), la posiÀ REFUSER D’INTÉGRER CETTE ALLIANCE. tion du « Guide » libyen est restée inflexible. Et la Libye est toujours le seul pays de la rive Sud à ne pas vouloir participer à Elle est, par exemple, restée assez discrète sur la nomicette union. Un refus lié au panafricanisme de Kaddafi nation du secrétaire général de l’UPM, le Jordanien qui considère le continent comme un et indivisible. Ahmad Massa’deh, en janvier 2010. De son côté, l’AlgéQuant à l’adhésion des quatre autres États de l’Union rien moyen n’est intéressé que par une UPM qui assoudu Maghreb arabe (UMA), à savoir l’Algérie, la Tunisie, plirait les conditions de délivrance de visa. Certains la Mauritanie et le Maroc, si elle est effective, elle est intellectuels croient néanmoins au projet. À l’image loin d’être totale. L’implication des uns et des autres de l’ancien ministre du Commerce, Smaïl Goumeziane, est plus ou moins forte. Ainsi, l’Algérie, qui entretient aujourd’hui professeur d’université. Dans une tribune une relation passionnelle avec la France, n’a jamais publiée dans le quotidien El-Watan, il appelle l’UPM à JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
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cibler prioritairement la réduction des grandes fractures dans l’espace méditerranéen. Et de citer pêle-mêle les inégalités démographiques (550 millions d’habitants attendus en 2020 dont une grande partie au Sud), les écarts de richesse avec un PIB vingt fois supérieur au Nord, le déséquilibre du marché de l’emploi avec des niveaux de chômage allant de 10 % à plus de 25 % au Maghreb, les déficits commerciaux des pays arabes et la faiblesse des investissements européens. Les investissements directs étrangers (IDE) de l’Europe vers le sud de la Méditerranée représentent 3 % de leurs investissements dans le monde. Smaïl Goumeziane estime les besoins de financement à 200 milliards d’euros sur les cinq prochaines années. Or seuls 5 % de cette somme sont aujourd’hui disponibles.
marocains, tournés vers l’Europe et toujours en quête de débouchés pour le royaume, adhèrent à toutes les initiatives de l’UPM : dépollution de la mer, développement des transports et des énergies renouvelables, attention portée aux petites et moyennes entreprises… C’est certainement aussi le pays qui souhaite une UPM aux prérogatives les plus larges. « L’Union renforcera ses chances et gagnera en légitimité en inscrivant à son agenda le potentiel et les atouts de l’initiative de paix arabe », déclarait le 10 avril 2010, André Azoulay, conseiller du roi et président de la Fondation euro-méditerranéenne Anna Lindh. La société civile et les thinks tanks (comme l’institut Amadeus) se mobilisent pour appuyer le processus de paix et les initiatives économiques et culturelles. Reste enfin le cas de la Mauritanie. Tolérée au sein de l’organisation en raison de son appartenance à l’UMA, elle s’est fait d’abord toute petite, son président, le général Mohamed Ould Abdel Aziz, étant en froid avec la France au lendemain de son coup d’État, en août 2008. Depuis, il s’est fait élire, et sa venue à Paris, en octobre 2009, a permis de dissiper les malentendus. Nouakchott devrait donc s’inscrire dans les projets de l’UPM. Le pays compte déjà d’importants soutiens au sein de l’Union, particulièrement celui de l’ancien président de la République, Ely Ould Mohamed Vall, membre du comité de parrainage politique de l’Institut de prospective économique du monde méditerranéen (Ipemed), un groupe de réflexion qui comprend des personnalités des deux rives. ■
« C’est le nœud du problème, renchérit un diplomate tunisien. On a toujours su que la question palestinienne allait bloquer le processus politique, mais on espérait que les projets avanceraient. Or, la crise économique nous a ramenés à une sombre réalité : les caisses européennes sont vides. » La Tunisie se montre très favorable à la création d’une banque méditerranéenne et elle a déjà reçu Charles Milhaud, l’ancien président du groupe Caisse d’épargne, chargé d’étudier la faisabilité du projet. Cet établissement devra se consacrer au financement des PME et des infrastructures, ainsi qu’à l’ingénierie et à l’assistance technique. Tunis appelle, en outre, à une plus grande flexibilité dans l’organisation de l’UPM : « Les réunions 5+5 [NDLR : 5 pays de la rive Sud et 5 pays de la rive Nord] nous permettent d’avancer concrètement sur les questions en matière d’immigration, d’énergie et d’emploi, es pays du Maghreb poursuit le diplomate. Mais, dès s’intéressent de près au qu’Israël et l’Égypte participent Plan solaire méditerranéen aux rencontres, on retombe dans (PSM), un des premiers projets les problèmes politiques. » Tunis concrets de l’UPM. Cette initiative prône enfin le lancement effectif vise à accroître l’utilisation de projets comme l’Office méditerdes énergies renouvelables. ranéen de la jeunesse, dont le but Elle prévoit la construction serait de favoriser la circulation de capacités additionnelles des étudiants et l’accès au finande production solaire d’une cement pour les entrepreneurs. puissance totale de 20 GW à Du côté du Maroc, le soutien l’horizon de 2020 et l’exportation à l’U PM n’a jamais faibli. Le d’une partie de l’électricité royaume aurait même été ravi produite sur la rive Sud vers d’accueillir ou d’occuper une place l’Union européenne. L’Allemagne, à part entière dans les instances à travers le projet Desertec, dirigeantes de l’organisation, vise à créer un vaste réseau mais son souhait s’est heurté au d’installations éoliennes et veto algérien, le frère ennemi. Les ministres et hommes d’affaires
Un plan solaire pour tout le bassin
L
solaires en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. La France, quant à elle, a lancé Transgreen qui consiste à rassembler au Sud des fournisseurs d’électricité, des gestionnaires de réseau et des fabricants de matériel haute tension sous l’égide d’EDF. Le Maroc a aussi son propre PSM, qui ambitionne de produire 2 000 MW d’ici à 2020 en construisant cinq centrales solaires. Et le plan solaire tunisien (PST) ne compte pas moins de 40 projets à mettre en œuvre dans le cadre de partenariats publics-privés au cours de la période 2010-2016. ■ P.A.
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Justice Crimes et châtiments
Depuis 2004, le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL) a jugé les responsables des principales factions de la guerre civile.
C’est un exercice de thérapie collective, une manière d’exorciser les horreurs passées pour réapprendre à vivre ensemble. Une inévitable catharsis qui doit convaincre les victimes que l’impunité n’est pas une fatalité et faire payer aux bourreaux l’atrocité de leurs crimes. Trois pays ayant connu des crises majeures au cours des années 1990 se sont lancés dans ce long processus destiné à apurer les contentieux. Pour quel résultat? Z OÉ S UAREZ
Sierra Leone Taylor dans le box
À
Freetown, le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL) a quasiment achevé ses travaux. Sa mission : juger les principaux responsables de crimes commis pendant la guerre civile, qui dura plus de dix ans (1991-2001) et causa la mort de près de 120 000 personnes. Cette juridiction mixte, créée par l’ONU et le gouvernement sierraléonais, a délivré ses premiers actes d’accusation en mars 2003. Depuis, la population de Freetown a suivi avec passion les différents verdicts prononcés au cours des six dernières années, jusqu’à ce jour d’octobre 2009 où le TSSL a confirmé en appel les peines infligées à trois anciens chefs rebelles. Ex-leaders du Front révolutionnaire uni (RUF),
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Augustine Gbao, Morris Kallon et Issa Hassan Sesay ont écopé de vingt-cinq à cinquante-deux ans de prison pour « crimes de guerre » et « crimes contre l’humanité » durant la guerre civile. Même si leur mentor, Foday Sankho, décédé en prison en juillet 2003, n’aura pas vécu assez longtemps pour être jugé, les méfaits du RUF ne sont pas restés impunis. Mieux, ils ont été condamnés par une juridiction « locale ». Contrairement au Tribunal pénal international pour l’exYougoslavie (TPIY) et au Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), qui siègent respectivement à La Haye (Pays-Bas) et à Arusha (Tanzanie), le TSSL est implanté là même où les crimes ont été commis.
Ce tribunal fait d’ailleurs partie du système judiciaire national, puisque ses statuts hybrides associent droit international et droit sierra-léonais. Seul l’ancien président libérien Charles Taylor, qui fait l’objet de onze chefs d’inculpation (dont viol, mutilation, esclavage sexuel et enrôlement d’enfants) est jugé à La Haye pour des raisons de sécurité. Son procès s’est ouvert en juin 2007, avant d’être ajourné et de finalement reprendre le 7 janvier 2008. Il pourrait connaître son épilogue à la fin de 2010. Ce verdict permettra de clore définitivement le dernier dossier du TSSL, qui a jugé depuis 2004 les responsables des trois principales factions de la guerre civile, les Forces de défense civiles (CDF, milice progouvernementale), le Conseil révolutionnaire des forces armées (AFRC, ex-junte militaire) et le RUF. ■
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
SYLVAIN SAVOLAINEN/COSMOS
Rwanda Course contre la montre
L
e Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) a été mis en place en novembre 1994 par l’ONU pour juger les auteurs du génocide perpétré cette année-là. Installé à Arusha (Tanzanie), il a prononcé ses premières mises en accusation un an plus tard. Après quinze années d’activité, il a essuyé bien des critiques et rencontré de nombreuses difficultés. Alors que Kigali ne considère pas vraiment d’un bon œil cette justice « concurrente », le Tribunal d’Arusha a fait l’objet de mises en cause répétées de la part des victimes, qui regrettent la lenteur des procédures. Mais les choses pourraient évoluer car désormais le TPIR joue contre la montre. En effet, reportée à deux reprises, la fin des procès en première instance (débutés en janvier 1997) est fixée à la fin de 2010. Au-delà de cette date, un « mécanisme résiduel » devrait prendre le relais du TPIR. Quant aux juges de la chambre d’appel, ils sont autorisés à siéger jusqu’à la fin de 2012. Confrontés à ce JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
Si la plupart des seconds couteaux se cachent en RD Congo, les cerveaux du génocide eux, bénéficient de complicités dans d’autres États africains. Parmi les responsables recherchés, il faut citer Félicien Kabuga, l’argentier présumé du génocide, l’ex-ministre de la Défense Augustin Bizimana, et le major Protais Mpiranya, qui commandait la Garde présidentielle (GP) à l’époque. Bizimana vivrait dans l’ex-Zaïre, et Mpiranya au Zimbabwe. Quant à Félicien Kabuga, il réside probablement au Kenya, malgré les dénégations de Nairobi. Il reste pour l’instant insaisissable, bien que les Américains aient proposé une récompense de 5 millions de dollars pour qui faciliterait sa capture. Parallèlement, le procureur du TPIR a appelé « tous les États membres de l’ONU, et en particulier ceux pour lesquels il existe des preuves significatives que des fugitifs se cachent sur leur territoire, comme le Kenya, à coopérer pleinement avec le Tribunal ». En vain. D’autres pays sont aussi montrés du doigt par Kigali pour leur manque de bonne volonté, comme le Malawi, le Mozambique ou la Zambie. Que se passera-t-il si la traque se prolonge après la fermeture du TPIR ? Les fugitifs capturés pourraient être renvoyés vers le Rwanda ou vers d’autres juridictions nationales. Depuis une dizaine d’années, plusieurs demandes de renvoi d’affaires vers des tribunaux rwandais ont été rejetées par les juges du TPIR, qui doutaient que les accusés puissent bénéficier de procédures équitables à Kigali. Mais, à la suite de ces rejets, les autorités rwandaises ont procédé à des amendements de leur système judiciaire, espérant ainsi lever les réticences des magistrats d’Arusha. En attendant de pouvoir « sous-traiter », le TPIR tente déjà de régler ses propres problèmes, notamment l’accueil des personnes jugées. Pour l’heure, certains condamnés sont incarcérés au Mali et au Bénin. En revanche, le cas de ceux qui ont purgé leur peine ou de ceux qui ont été acquittés est plus épineux. Nombre de « libérés » trouvent difficilement un pays d’accueil, et restent à Arusha, en semi-liberté. Sur les huit personnes acquittées à ce jour, quatre sont dans cette situation. Ainsi, par exemple, l’exministre rwandais des Transports, André Ntagerura, n’a toujours pas trouvé de point de chute cinq ans après son acquittement, alors qu’en théorie les prisonniers libérés à l’issue de leur procès disposent d’un délai de deux semai25
POLITIQUE
compte à rebours, certains avocats dénoncent déjà l’emballement de la machine judiciaire, estimant que le TPIR leur impose des cadences infernales pour pouvoir achever ses travaux dans les délais, et ce au détriment de la défense. Au 31 décembre 2009, huit procès étaient en cours au TPIR, qui, depuis sa création, a prononcé quarante condamnations et huit acquittements. Toutefois, son but ne restera que partiellement atteint tant qu’une dizaine d’inculpés seront toujours en fuite. Depuis la fin de 2009, les services du procureur, Hassan Bubacar Jallow, travaillent d’arrache-pied pour procéder à de nouvelles arrestations. Parmi les fugitifs, le capitaine Ildephonse Nizeyimana a été appréhendé dans un petit hôtel de Kampala le 5 octobre. Ce proche de Juvénal Habyarimana, plus connu sous l’appellation du « Boucher de Butare », a pu être localisé grâce aux investigations de la tracking team (« équipe de traque ») mise en place par le procureur du TPIR pour débusquer les génocidaires en cavale avec le concours d’Interpol.
nes pour quitter la Tanzanie. Et le problème est le même avec les prisonniers libérés en fin de peine. Beaucoup rejettent l’idée de rentrer à Kigali car ils craignent d’y être rejugés. Il faut dire que pour nombre de Rwandais les décisions du TPIR sont difficiles à admettre car elles sont souvent jugées trop clémentes. Ce fut notamment le cas pour l’acquittement, en novembre 2009, de Protais Zigiranyirazo (alias Monsieur Z.), accusé d’être l’un des planificateurs du génocide. Mais au-delà des dossiers les plus polémiques, des critiques de fond reviennent régulièrement, formulées tant par les responsables politiques que par
les associations qui représentent les victimes du génocide. Alors que la justice internationale est parvenue à Arusha à statuer sur le sort d’une cinquantaine d’accusés dans des conditions plus que confortables, au pays des Mille Collines, les jurys populaires – gacacas – chargés de solder les affaires liées aux massacres de 1994 ont jugé près de 1 million de suspects en moins de cinq ans de procès, avec les moyens du bord. Justice expéditive ou réponse adaptée à la situation ? Les autorités plaident pour le principe de réalité : compte tenu du nombre d’accusés, les juridictions classiques auraient mis plus d’un siècle pour apurer le contentieux du génocide. ■
Liberia Sirleaf botte en touche
La Commission Vérité et Réconciliation a mis directement en cause la présidente, élue en 2005.
L
e L iber ia est beaucoup plus lent à exorciser ses v ieu x démons. Et peut-être même n’y p a r v i e n d r a - t- i l j a m a i s . P o u r l’heure, seule une Commission Vérité et Réconciliation (Truth & Reconciliation Commission, TRC) a été chargée d’enquêter sur les crimes commis entre 1979 et 2003 dans le pays. Dans son rapport final rendu public en juin 2009, la TRC a recommandé que huit ex-chefs de guerre – dont l’ancien président Charles Taylor et le sénateur Prince Johnson – comparaissent devant un tribunal spécial pour « crimes contre l’humanité ». L’annonce a aussitôt provoqué la confusion, les personnalités visées répliquant – sur un ton lourd de menaces – qu’elles s’opposeraient à
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toutes poursuites judiciaires à leur encontre. Quelques jours plus tard, les anciens seigneurs de guerre ont toutefois changé de ton, allant même jusqu’à demander pardon au peuple pour les atrocités commises lors de la guerre civile (19892003), qui a fait 250 000 morts. Ces réactions, bien que contradictoires, révèlent à quel point le climat politique reste marqué par la peur et la suspicion. Autre mise en cause formulée par la TRC, celle de la présidente Ellen Johnson-Sirleaf, élue en 2005, qui se voit aujourd’hui reprocher sa collaboration passée avec Charles Taylor. Auditionnée en février 2009 par la Commission, Sirleaf a démenti avoir été membre du mouvement rebelle de Taylor. En revanche, elle
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a reconnu l’avoir rencontré pendant la guerre civile et admis avoir collecté des fonds pour sa milice alors qu’il se préparait, dans les années 1980, à renverser le président Samuel Doe. Accusée par la TRC d’avoir soutenu la guerre civile au Liberia, Sirleaf s’est vu contester le droit d’occuper un poste officiel pendant une durée de trente ans. Ce qui revient, compte tenu de son âge, à lui demander de se retirer définitivement de la scène publique. Devant le Parlement qui la sommait de réagir au rapport, la présidente a préféré botter en touche. Elle a proposé de confier à la future Commission nationale des droits de l’homme la responsabilité de choisir celles des recommandations de la TRC qui pourraient être appliquées, tout en précisant que ce choix devrait être « en conformité avec les lois et la Constitution du Liberia ». Reste que cette façon d’évacuer le problème risque de coûter cher au chef de l’État. Il lui est en effet bien difficile de justifier son refus d’être elle-même la cible des accusations d’une Commission qu’elle a pourtant appelée de ses vœux. Pis, en s’arrangeant avec le Parlement pour que le rapport de la TRC soit enterré, elle donne la nette impression de favoriser l’impunité. Quoi qu’il en soit, le principe de son inéligibilité tout comme les poursuites de chefs rebelles ne devraient pas être adoptés par les parlementaires. D’ailleurs, la présidente a d’ores et déjà annoncé sa candidature pour un deuxième mandat à la présidentielle de 2011. ■
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
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La CPI, une menace et un recours Journaliste à Jeune Afrique. Elle suit notamment l’actualité judiciaire internationale.
PAR
M ARIANNE M EUNIER
À
quoi sert la Cour pénale internationale (CPI)? Les critiques fusent contre l’institution, qui remettent en question sa vocation même: rendre la justice. Il y a ceux qui reprochent à son procureur, l’Argentin Luis MorenoOcampo, de privilégier les enquêtes contre les criminels africains. Pour ces détracteurs, la CPI rend une justice régionale quand sa mission est d’être internationale. D’autres fustigent une politisation de la CPI. Certains pestent enfin contre sa lenteur, arguant qu’aucun procès n’a encore été mené à son terme. Ces critiques ne sont pas injustifiées. La CPI serait plus crédible si des criminels originaires d’un autre continent que l’Afrique attendaient leur jugement dans la prison de Scheveningen, s’il y avait là de puissants dirigeants et si elle avait déjà condamné tous les fauteurs de troubles de la planète. Mais ces critiques oublient souvent un principe implacable, celui de la réalité. Un bref rappel s’impose. La CPI est compétente pour juger les crimes de génocide, les crimes de guerre et les
signature de son texte fondateur (le Statut de Rome), avancer un certain bilan. Certes, elle ne remplit encore que partiellement sa première mission: juger. Deux procès sont actuellement en cours: celui du milicien congolais Thomas Lubanga, d’un côté, et celui qui voit comparaître conjointement Mathieu Ngudjolo et Germain Katanga, poursuivis pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis en RD Congo. Quant au procès de l’ancien vice-président congolais Jean-Pierre Bemba, qui devait s’ouvrir le 27 avril, il a été reporté au 5 juillet. Force est donc de reconnaître que de grands criminels, dont la place est à La Haye, coulent des jours tranquilles. Cependant, la CPI remplit déjà sa deuxième mission: dissuader les criminels en puissance. Au lendemain des massacres du 28 septembre en Guinée – 150 morts –, celui que l’on désigne comme l’un des responsables, Moussa Dadis Camara, a pris peur. Ne serait-il pas allé plus loin si la menace de la CPI n’avait pas plané au-dessus de lui comme une épée de Damoclès? Le président soudanais Omar el-Béchir, visé par un mandat Deux procès sont actuellement en cours. d’arrêt de la CPI depuis mars 2009, est loin d’être sous les verrous, Celui de Bemba a été reporté au 5 juillet. c’est vrai. Néanmoins, il ne peut crimes contre l’humanité commis à partir de se déplacer dans un État signataire du Statut juillet 2002 à condition de ne pas se substituer de Rome sans prendre le risque d’être arrêté. à une justice nationale. C’est pourquoi, par Son image de chef d’État ne peut qu’en pâtir. exemple, l’ancien président tchadien Hissène Surtout, ce mandat d’arrêt est un instrument Habré, au pouvoir jusqu’en 1990, ne peut de chantage à la disposition de ses pairs et des tomber dans son filet. Elle est reconnue par diplomates qui voudraient le faire plier. 110 États, dont 30 africains. En revanche, les Enfin, la CPI est mentionnée lors de masÉtats-Unis, la Chine, la Russie, l’Iran ou encore sacres à grande échelle. Ainsi, en mars 2010, Israël n’en faisant pas partie, il est difficile de au lendemain des affrontements dans l’État faire comparaître leurs ressortissants. de Plateau, dans le centre du Nigeria, certains Le bureau du procureur Luis Morenohabitants ont appelé à l’inculpation du gouOcampo a commencé ses activités il y a seuverneur. De même, en janvier 2008, après l’oflement sept ans, en juin 2003. La CPI, qui a fensive israélienne « Plomb durci » contre la effectivement une mission internationale, bande de Gaza, la Cour a été évoquée comme a disposé, en 2009, d’un maigre budget de un recours pour les familles des victimes. quelque 100 millions d’euros, qui dépend des Bien sûr, ces espoirs ont peu de chances contributions des États parties. Ces quelques d’être satisfaits en raison des limites évofaits permettent de prendre la mesure des quées. Néanmoins, la CPI est devenue tout à capacités de la CPI. Elles sont limitées par le la fois une menace pour les coupables et une temps, la géographie et l’économie. Malgré référence pour les victimes. Ce n’est qu’une ces contraintes, la CPI peut, douze ans après la partie de sa mission. Mais c’est un début. ■
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JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
Relations internationales Et si l’union Les Africains peinent toujours à se faire entendre dans les réunions internationales et à peser sur les débats. Pourtant, lors du sommet de Copenhague, le continent a su défendre ses intérêts. Le début d’une prise de conscience.
exemple, l’Afrique n’a pas encore été capable de choisir le pays qui devrait la représenter en cas de réforme du Conseil de sécurité de l’ONU. Le Nigeria et l’Afrique du Sud restent en lice. Cette dernière semble la mieux placée en raison de l’élan politique donné par Nelson Mandela, alors que le Nigeria ne semble plus vraiment gouverné. D’autre part, l’Afrique du Sud, qui gère près de la moitié de la puissance économique du continent, fait partie du G20, qui a définitivement remplacé le G8 comme organe de réflexion et d’incitation planétaire. Mais Abuja garde ses partisans et ne cédera pas la préséance continentale sans résistance, ce qui ne fera pas l’affaire de la communauté africaine.
A L AIN FAUJAS
Pour l’instant, l’Afrique ne pèse pas très lourd à la Banque mondiale, au Fonds monétaire international (FMI) et à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Le renforcement des droits de vote au FMI pour les pays les plus pauvres n’est toujours pas effectif, dans la mesure où le nombre de pays ayant ratifié cette mesure, pourtant décidée en avril 2008, est toujours inférieur au quorum requis de 85 % des 156 membres. Il ne faut donc pas rêver d’un « grand soir » à la Banque mondiale ou au FMI : les 5 % ou 7 % de droits de vote qui pourraient être ainsi déplacés en 2010 profiteront essentiellement aux pays émergents, aujourd’hui mal représentés dans les instances internationales, au premier rang desquels la Chine ou l’Inde, et non aux Africains.
E
st-ce la Coupe du monde de football qui se tient en Afrique du Sud en 2010 ? Le lent redressement de puissances régionales ravagées par une guerre civile, comme la RD Congo ou la Côte d’Ivoire ? Les promesses de pétrole en Ouganda ou en Tanzanie ? La croissance accélérée des exportations de fleurs du Kenya et de l’Éthiopie ? Quelle qu’en soit la raison, toujours est-il qu’on entend mieux l’Afrique sur la scène internationale, et pas seulement en raison des coups d’État et des opérations de guérillas qui continuent d’y avoir lieu. Certes, le continent reste divisé tant les intérêts et les problèmes de chacun des 53 États divergent. Par 30
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
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faisait la force?
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Preuve toujours que le continent peine à faire entendre sa voix, les pays africains membres du groupe ACP ont été obligés d’abandonner à la fin de 2009 les préférences dont ils jouissaient pour exporter certains de leurs produits, comme la banane, vers l’Union européenne. Par ailleurs, contrairement au Brésil, les pays producteurs de coton de l’Ouest africain n’ont pas obtenu que l’OMC condamne les États-Unis à leur
Pourtant, les rapports de force bougent. La course aux matières premières qui a commencé vers 2005 a replacé l’Afrique au centre de l’échiquier. La Chine et, dans une moindre mesure, l’Inde et le Brésil ont mis fin aux chasses gardées occidentales. Désormais, l’uranium du Niger et de la Namibie, le pétrole du Tchad ou du Soudan, le fer de la Guinée ou le cuivre de la RD Congo peuvent échapper aux grandes entreprises européennes et américaines. Cette nouvelle concurrence offre aux gouvernements africains des marges supplémentaires de négociation. « Le poids des puissances occidentales fléchit, confirme Philippe Hugon, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). Le monde devient multipolaire et l’Afrique peut ainsi diversifier ses partenaires, même si l’Afrique du Sud est le seul État à faire partie du peloton des pays émergents. » C’est ainsi qu’on a vu, en décembre 2009, naître plusieurs zones de libre-échange Sud-Sud, l’Afrique esquissant des marchés communs avec l’Amérique latine et l’Asie pour compenser la paralysie des négociations menées à l’OMC dans le cadre du Cycle
Surexposition temporaire
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n 2009, l’Afrique a été plus présente que d’ordinaire dans les médias occidentaux. En règle générale, le continent n’y faisait que de rares apparitions, et le plus souvent sous son mauvais jour. Le Niger pour la famine, le Soudan pour les morts du Darfour, le Zimbabwe pour son inamovible président, Robert Mugabe, le Kenya pour les violences postélectorales, la Mauritanie pour les coups d’État… La conférence de Copenhague sur le climat, en décembre 2009, a ramené sur le devant de la scène un
continent qui compte le deuxième poumon vert de la planète – la forêt équatoriale d’Afrique centrale – et, à bien des égards, constitue une issue de secours au réchauffement climatique. Une réflexion sur les conséquences de l’aide au développement a également été entamée, qui a donné lieu à une série d’articles. Paru en septembre en France, le livre de l’économiste zambienne Dambisa Moyo, Dead Aid (L’arme fatale), qui en recense les effets pervers, n’y est pas pour rien. Le cinquantenaire de l’indépendance
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de dix-sept pays africains, en 2010, suscite également l’attention et offre l’occasion de dresser des bilans. L’organisation de la Coupe du monde de football en Afrique du Sud, à partir de juin, est aussi un catalyseur. La fusillade contre l’équipe nationale du Togo, dans l’enclave de Cabinda, en janvier dernier, aurait-elle fait la une en France si le rendez-vous mondial du ballon rond n’avait pas été organisé sur le continent? Pas sûr. Reste à savoir si, une fois les festivités passées, l’intérêt perdurera. ■ MARIANNE MEUNIER
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POLITIQUE
payer des dommages et intérêts en raison des subventions outrancières versées à leurs agriculteurs. « Il existe un contraste impressionnant entre le poids dont dispose le continent africain en termes de votes et sa capacité d’in f luence réel le, estime Daniel Bach, directeur de recherche au CNRS et professeur à Sciences-Po Bordeaux. D’une manière générale, les Africains ont toujours du mal à s’accorder, même si on assiste à une montée en puissance de leurs organisations multinationales. On n’imagine plus d’intervention dans un pays du continent sans que l’Union africaine, ou la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), par exemple, aient donné leur aval. » En mars 2008, le Premier ministre britannique recevait les ministres africains des Finances avant le sommet du G20, à Washington.
de Doha et l’atonie économique des pays du Nord. Sans aucun doute, ce seront les pays émergents qui tireront la croissance mondiale dans les prochaines années, ce qui veut dire que leur appétence pour les produits de base africains ne se démentira pas et que l’Afrique renforcera son influence économique et stratégique. Le continent doit dès maintenant s’employer à devenir plus visible sur la scène internationale. En l’occurrence, le sommet de 119 chefs d’État et de gouvernement à Copenhague (Danemark), qui s’est tenu du 7 au 18 décembre 2009, a été une bonne occasion pour l’Afrique de peser sur les débats, même si, au final le bilan de la rencontre est bien maigre. Elle y est arrivée bien préparée. Ses positions étaient claires : pas question d’accepter un réchauffement de plus de 1,5 °C d’ici à la fin du siècle ; ni que les pays développés signataires du protocole de Kyoto s’exonèrent de leurs obligations de réduction d’émissions de gaz à effet de serre (GES) à partir de 2012 ; pas question non plus que les pays riches (et historiquement pollueurs) oublient leurs promesses d’aide pour permettre au Sud d’affronter les conséquences du réchauffement planétaire et notamment à l’Afrique, qui émet seulement 4 % des gaz mondiaux.
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L’Union africaine y est arrivée unie derrière le Premier ministre éthiopien, Mélès Zenawi, et a pratiqué un lobbying efficace à travers le G77, un groupe composé de 133 pays en développement et émergents présidé par l’ambassadeur soudanais Lumumba Stanislaus Di-Aping. À plusieurs reprises, l’UA a tapé du poing sur la table et certains pays influents ont pris L’ALGÉRIE A clairement position. L’Algérie PRIS LA TÊTE a ainsi pris la tête des pays refusant la mort programmée DES PAYS du protocole de Kyoto. Le préREFUSANT sident sénégalais, Abdoulaye Wade, s’est fait remarquer, LA MORT accusant le G8 de n’avoir ANNONCÉE DU jamais tenu ses engagements. Quant à Di-Aping, il a été pléPROTOCOLE biscité par les ONG pour son DE KYOTO. mordant. Raillant les promesses de dons esquissées par les pays riches, il s’est exclamé : « Ils ont été capables de sortir 1 100 milliards de dollars pour sauver leur système financier en trois semaines et ils nous annoncent 10 milliards d’aide ? Même pas de quoi nous payer nos cercueils ! » Gageons qu’au 16 e sommet de la Conventioncadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), qui se tiendra en novembre 2010 à Mexico, le continent africain fera preuve de la même pugnacité et de la même unanimité pour obtenir enfin les dizaines de milliards de dollars dont il a besoin chaque année pour prévenir les catastrophes climatiques. Les périls peuvent aussi se révéler un puissant facteur de l’unité à laquelle aspirent tant les Africains. ■
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Criminalité Foyers de crise Prises d’otages dans la bande sahélienne, trafics de drogue transitant par l’Afrique de l’Ouest, actes de piraterie au large de la Somalie… Le continent est devenu le terrain d’intervention de groupes armés très organisés.
Terrorisme Al-Qaïda fait monter les enchères
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ntre 2 et 5 millions de dollars. C’est le « tarif » présumé d’un otage d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) dans le nord du Mali. Robert Fowler et Louis Guay, les deux diplomates canadiens libérés en avril 2009, se situaient dans la fourchette haute. Alicia Gamez, l’humanitaire espagnole relâchée en mars 2010, était plutôt dans la fourchette basse. Comme tous les autres groupes de ravisseurs, Aqmi fait du business avec ses otages. Cela lui permet d’entretenir une petite armée du désert. Le Français Pierre Camatte, libéré en février 2010, a raconté avoir vu autour de lui jusqu’à trente hommes armés à bord de sept véhicules tout-terrain. Chaque pick-up disposait d’un armement identique : lance-roquettes, mitrailleuse lourde, grenades, armes de poing.
Mais Aqmi se distingue des autres groupes criminels par la brutalité de ses méthodes et par ses objectifs. En mai 2009, l’exécution de l’otage britannique Edwin Dyer a changé la donne. Jusqu’à cette date, le chef présumé de la branche sahélienne d’Aqmi, le vétéran algérien Mokhtar Ben Mokhtar, privilégiait la négociation et finissait toujours pas libérer ses otages (pour la plupart allemands ou autrichiens) moyennant rançon. Depuis le
Visées politiques ou crapuleuses?
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es méthodes sont les mêmes : prises d’otages et attentats. Mais les objectifs n’ont rien à voir. Aqmi dit se battre pour Dieu et le Coran alors que, plus prosaïquement, les rebelles du sud-est du Nigeria luttent pour un meilleur partage des ressources pétrolières dans leur région. Jusqu’à la trêve de juillet 2009, le Mend (Mouvement pour
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l’émancipation du Delta du Niger) a multiplié les rapts d’employés de compagnies pétrolières et les sabotages d’oléoducs. Aujourd’hui, grâce à l’amnistie offerte par Abuja, la production est remontée à 2 millions de barils par jour (après avoir chuté à 1 million). Mais, depuis le début de 2010, un nouveau groupe armé, le Joint Revolutionary Council, revendique
aussi des sabotages, en réclamant la « division du Nigeria ». Autres grands amateurs de prises d’otages, les « Aigles de libération de l’Afrique ». Depuis mars 2009, dans un triangle compris entre le Darfour soudanais, l’est du Tchad et la Centrafrique, ils ont revendiqué le rapt de six Français. Et ne les ont libérés qu’en échange d’une rançon. ■ C.B.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
POLITIQUE SCHALK VAN ZUYDAM/AP/SIPA
Depuis un an, les terroristes d’Aqmi exigent, contre la libération de leurs otages, l’élargissement de leurs compagnons d’armes.
supplice d’Edwin Dyer, les islamistes montrent un tout autre visage, dur et implacable. Sur le front malien, leur nouvel émir est un Algérien chétif d’une cinquantaine d’années, Abdelhamid Abou Zeid, qui mène le Djihad avec la ferveur d’un Ben Laden. Surtout, depuis un an, les terroristes d’Aqmi durcissent les termes de l’échange. Ils ne réclament plus seulement le versement de plusieurs millions de dollars, mais aussi la libération de leurs « frères » détenus dans les prisons maliennes ou mauritaniennes. L’an dernier, en échange de Robert Fowler et Louis Guay, ils avaient obtenu l’élargissement de plusieurs compagnons d’armes. Cette année, Pierre Camatte a été libéré en contrepartie de quatre des leurs, dont deux Algériens, Mohamed Ben Ali et Tayeb Nail, accusés d’avoir participé à l’attentat sanglant d’avril 2007 contre le palais du gouvernement à Alger. Plus que tout autre, ce dernier « troc » met en lumière la stratégie d’Aqmi. Certes, depuis quelques années, l’ex-GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et le combat) est affaibli sur le front algérien (Alger, la Kabylie, etc.). Mais grâce à ses prises d’otages sur le front sud (Mauritanie, Mali, Niger), il se constitue un trésor de guerre qui peut lui permettre de frapper à nouveau les grandes villes d’Afrique du Nord. JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
Pour parer le coup, le régime algérien essaie de tisser une toile d’araignée antiterroriste. Pas simple. En décembre 2009, Abdelaziz Bouteflika a fait adopter par le Conseil de sécurité de l’ONU une résolution qui « criminalise » le paiement de rançons à des « entités terroristes ». Mais, deux mois plus tard, l’un des signataires du texte, Nicolas Sarkozy, est passé outre. Pour sauver la vie de son compatriote Pierre Camatte, le président français a probablement versé une rançon. Mieux, il a fait pression sur son ami malien Amadou Toumani Touré (ATT) afin que celui-ci relâche les quatre islamistes que réclamaient les terroristes. Furieuse, l’Algérie a aussitôt rappelé son ambassadeur en poste à Bamako. La Mauritanie a fait de même. L’affaire Camatte renforce-t-elle les terroristes d’Aqmi ? À long terme, ce n’est pas sûr. Si cette prise d’otage a provoqué une crise entre Alger et Bamako, elle a aussi ouvert les yeux d’Abdelaziz Bouteflika et d’ATT sur la nécessité de mettre en place une coopération transfrontalière entre Tamanrasset et Gao. Le 16 mars 2010, les ministres des Affaires étrangères de sept pays (Algérie, Burkina, Libye, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad) se sont retrouvés à huis clos 35
En avril, les chefs d’état-major de ces sept pays se sont à nouveau réunis près d’Alger pour entrer dans la phase opérationnelle : échanges de renseignements, patrouilles communes. La guerre des sables ne fait que commencer. ■ CHRISTOPHE BOISBOUVIER
dans un grand hôtel d’Alger pour « passer à l’action », selon les propres termes d’Abdelkader Messahel, le « Monsieur Afrique » du gouvernement algérien. Seul couac : l’absence du Maroc, qui a « déploré » ne pas avoir été invité et a « regretté cette attitude d’exclusion face à une menace pourtant commune et identifiée ».
Drogue Sahel Connection ’affaire a fait grand bruit et le président malien Amadou Toumani Touré, qui s’est senti humilié, en « a même piqué une grosse colère », selon un de ses proches. Le 5 novembre 2009, un avion-cargo parti du Venezuela – vraisemblablement un Boeing 727 – s’est écrasé à 15 kilomètres de Gao, dans le nord du Mali, après avoir déchargé plusieurs tonnes de cocaïne. Les trafiquants l’ont ensuite incendié pour effacer d’éventuels indices. L’enquête a révélé que l’appareil, affrété par un cartel sud-américain, avait fait escale en Guinée-Bissau, avant de remonter vers le nord en pilotage manuel sans être repéré par les radars. Ce nouveau développement, de taille, dans le dossier du trafic de drogue en Afrique de l’Ouest fait craindre le pire. « On ne sait pas depuis combien de temps cela dure, on ne peut pas dire si c’est le premier ou le dernier vol de ce type », a précisé Alexandre Schmidt, responsable régional de l’Office de l’ONU contre la drogue et le
LES TRAFICS EN AFRIQUE DE L’OUEST
crime (ONUDC). « Mais cela pourrait être considéré comme un nouveau mode opératoire, et c’est inquiétant », a-t-il ajouté. Le coup a été si spectaculaire que toutes les polices sont désormais mobilisées. Les enquêteurs maliens travaillent en étroite collaboration avec ceux d’Interpol et de la Drug Enforcement Administration (DEA) des États-Unis. Les Américains sont d’ailleurs d’autant plus présents dans la lutte contre les narcotrafiquants qu’ils soupçonnent ces derniers de travailler main dans la main avec les terroristes d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). À la recherche de « cas » exemplaires censés convaincre les pays de la sous-région de la solidité de cette thèse, la DEA a appliqué pour la première fois en Afrique de l’Ouest une loi qui, depuis 2006, permet aux agents américains de poursuivre les narcotrafiquants partout dans le monde lorsque ceux-ci ont des liens avec des Europe
groupes terroristes. Trois Maliens ont ainsi été arrêtés au Ghana à la mi-décembre 2009 puis extradés aux États-Unis, où ils ont été accusés de narcoterrorisme. Une prise à première vue peu convaincante tant les liens de ces trafiquants présumés avec AlQaïda semblent faibles. Peu importe: ces arrestations sont un signal adressé par Washington à Bamako, jugé trop laxiste. « Le vrai problème, c’est la corruption très répandue dans l’armée », confie un responsable du renseignement malien. Ces différentes affaires survenues à la fin de 2009 ont quelque peu occulté les nouvelles pourtant plutôt rassurantes de l’ONUDC. Son dernier rapport, publié le 7 juillet 2009, faisait en effet état d’une baisse du trafic de cocaïne d’environ 50 % en Afrique de l’Ouest depuis 2007. Seules 20 tonnes de poudre blanche sur les mille annuellement produites dans le monde (dont 250 sont commercialisées en Europe) continueraient de transiter par la région. ■ PIERRE-FRANÇOIS NAUDÉ Asie
Europe CIGARETTES
775 millions $ Asie Selon le rapport publié par l’Office des Nations unies COCAÏNE Europe contre la drogue et le crime 1 milliard $ MÉDICAMENTS Europe E-DÉCHETS 438 millions $ 100 millions $ (ONUDC) en juillet 2009 Amérique et intitulé « Trafics latine RTT CAP-VERT transnationaux et État MAURITANIE de droit en Afrique de SENEGAL SÉNÉGAL NIGER IMMIGRANTS l’Ouest : une évaluation MALI 75 millions $ GAMBIE de la menace », le nombre BURKINA FASO de saisies de drogue en GUINÉE GUINEE GUINEEGUINÉE7 millions NIGERIA GHANA BISSAU CÔTE COTE d'armes provenance d’Afrique de D'IVOIRE l’Ouest et à destination TOGO Benin City de l’Europe baisse CAMEROUN Port Harcourt sensiblement depuis deux PÉTROLE ans. L’embellie sera-t-elle Trafic entrant 1 milliard $ Europe FEMMES durable ? Rien n’est moins 300 millions $ sûr. Déjà les réseaux se Trafic sortant réorganisent et cherchent Destination Trafic interne inconnue de nouveaux points d’entrée.
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JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
LA LIBRE BELGIQUE
L
Piraterie Le retour des flibustiers
L
a mobilisation générale contre la piraterie serait effides procès, et sur 25 flibustiers capturés par l’US Navy cace. C’est du moins ce que soutient le département l’an dernier, 24 ont été remis aux autorités de Nairobi. d’État. Même si au premier abord l’effet dissuasif du forEn février 2010, les Seychelles, elles aussi victimes de midable déploiement aéronaval dans le golfe d’Aden seml’insécurité grandissante dans l’océan Indien, ont accepté ble loin d’être évident : le nombre de forfaits perpétrés a de devenir le deuxième pôle régional pour les poursuites été multiplié par dix en deux ans, passant d’une vingtaine judiciaires, et ont même, pour ce faire, modifié leur cadre en 2007 à près de 200 au cours de l’année écoulée. Mais législatif. La nouvelle loi prévoit notamment la qualificaWashington assure qu’une très grande partie d’entre eux tion de « conspiration en vue de commettre un acte de a pu être déjouée. Ainsi, alors que 60 % des attaques piraterie » afin de pouvoir juger des personnes interpellées avaient été couronnées de succès en 2007, seules un quart en mer sans qu’il y ait eu pour autant de flagrant délit. d’entre elles ont réussi en 2009. Mais les modalités pratiques restent à clarifier. Car si les Dans la baie située entre la Corne de l’Afrique et la péautorités seychelloises ont accepté que les coupables soient ninsule Arabique, les flibustiers n’ont même réussi qu’une déferrés devant leurs tribunaux, elles ont exigé que les seule attaque en 2009. Pourtant, si le golfe d’Aden semble pirates reconnus coupables soient transférés en Somalie sécurisé, il n’en va pas de même pour l’espace maritime qui pour y purger leur peine. D’une manière générale, malgré le jouxte: les pirates se sont recentrés sur le bassin de Somalie, zone beauSI LE GOLFE D’ADEN SEMBLE SÉCURISÉ, LES ATTAQUES coup plus vaste, et donc bien plus difSE SONT DÉLOCALISÉES VERS LE LITTORAL SOMALIEN. ficile à surveiller. Bref, en tentant de résoudre le problème, la communauté internationale a surtout réussi à le délocaliser. Les attaques les efforts des pays riverains, les poursuites judiciaires ne s’éloignent des côtes africaines, certaines survenant même sont toujours pas systématiques. À la mi-décembre 2009, plus près de l’Inde que de l’Afrique. Des actes de piraterie 13 pirates somaliens capturés deux semaines plus tôt par ont été constatés jusqu’à 1000 milles nautiques (1852 km) la marine néerlandaise ont été remis en liberté, aucun pays des côtes somaliennes. n’ayant accepté de les juger. Par ailleurs, la piraterie coûte de plus en plus cher. À la Pourtant, de lourds moyens ont été déployés dans la communauté internationale tout d’abord, puisque le coût zone. Le Groupe de contact sur la piraterie au large de annuel de l’opération « Atalante » est supérieur à 230 milla Somalie (CGPCS) mis en place début 2009 comprend lions d’euros. Aux compagnies maritimes ensuite, puisque aujourd’hui 47 pays. Cette coalition associe notamment le montant global des rançons versées en 2009 est estimé une flottille de l’Otan, l’opération « Atalante », déployée à 60 millions de dollars. Et il n’est pas rare de voir un par l’Union européenne et les Forces maritimes combiarmateur débourser 2 ou 3 millions de dollars pour récunées (CMF) dirigées par les États-Unis. Et d’autres pays pérer son navire et son équipage. Les montants sont même s’impliquent de manière croissante, comme la Chine, qui parfois plus importants. On estime que plus de 7 millions a accepté à la fin de 2009 de coopérer avec cette coalition de dollars ont été versés en janvier 2009 pour obtenir la navale internationale. restitution du supertanker saoudien Sirius Star. Un chiffre Côté répression, des efforts ont été faits pour traduire qui inclut non seulement le montant de la rançon, mais en justice les pirates interpellés. Le Kenya s’est notamaussi les sommes versées aux intermédiaires ayant partiment proposé comme lieu de juridiction pour la tenue cipé aux négociations. ■ ZOÉ SUAREZ JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
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POLITIQUE
CARLOS DIAS/EPA/CORBIS
Arrestation par les militaires de la frégate portugaise Álvares Cabral de cinq suspects en novembre 2009, dans le golfe d’Aden.
Ils font parler d’eux GUILLAUME SORO Premier ministre (Côte d’Ivoire)
YURI GRIPAS/AFP
Premier ministre depuis plu s de t r oi s a n s, i l attend, dit-il, l’élection présidentielle pour… par tir en vacances. Q ua nt au sc r ut i n, i l espère bien qu’il aura lieu avant le 7 août 2010, jour du 50e anniversaire
de l’indépendance de la Côte d’Ivoire. Arbitre d’une i nter m i nable précampagne électora le, cet hom me de 38 ans né en pays sénoufo (Nord) ne peut se présenter. Pour cette fois, tout au moins. Tour
à tour leader étudiant, chef rebelle, ministre et chef du gouvernement à la suite de l’accord de O ua g adougou du 4 mars 2007, il ambitionnerait d’accéder un jour à la magistrature suprême. ■
FOUAD ALI EL HIMMA
GOODLUCK JONATHAN
Fondateur du Parti Authenticité et Modernité (Maroc)
Président (Nigeria)
Le leader du Parti Authenticité et Modernité (PAM) a fait en 2009 une entrée tonitruante sur la scène politique marocaine. Il a réussi à constituer en une année la première force politique du pays. Largement vainqueur des élections communales de juin 2009, le PAM se place dans l’opposition, en dépit de la proximité de son fondateur avec Mohammed VI. Va-t-il clarifier sa position d’ici aux législatives de 2012 ? Choisira-t-il de s’allier à l’Union socialiste des forces populaires ou ferat-il cavalier seul ? ■
ALEXANDRE DUPEYRON
Il a prêté serment le 6 mai 2010, au lendemain du décès de son prédécesseur, Umaru Yar’Adua. Mais en fait, en sa qualité de vice-président, Goodluck Jonathan assurait l’intérim depuis le 9 février 2010. Docteur en zoologie, ce chrétien sudiste de 52 ans se retrouve à la tête d’un pays miné par les conf lits intercommunautaires et la corruption. Et doit préparer les élections générales, prévues pour 2011. ■
ABDELHAMID ABOU ZEID Émir d’Aqmi (Algérie)
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RABIATOU DIALLO Présidente du Conseil national de transition (Guinée)
YOURI LENQUETTE POUR J.A.
Il est incontestablement l’une des principales figures d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Âgé de 44 ans, Abdelhamid Abou Zeïd est accusé de plusieurs prises d’otage au Sahel. Il est suspecté d’avoir commandité l’exécution de l’otage britannique Edwin Dyer, en 2009. Il fut aussi l’un des ravisseurs du Français Pierre Camatte, kidnappé le 26 novembre 2009 dans un hôtel de Ménaka, au Mali, et libéré le 23 février 2010. ■
La patronne de la Confédération nationale des travailleurs de Guinée (CNTG) s’est fait un nom lors des manifestations de 2006-2007, réprimées dans le sang par Lansana Conté. Depuis, elle joue un rôle de premier plan sur la scène politique. Pressentie pour siéger au gouvernement, cette Peule sexagénaire est finalement devenue le 8 février 2010 présidente du Conseil national de la transition (CNT). Son objectif : aider la Guinée à organiser des élections transparentes. ■ JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
POLITIQUE
J.PAUL GUILLOTEAU/EXPRESS-REA
entend jouer un rôle sur la scène politique égyptienne. Juriste de formation et diplomate de profession, ce Cairote de 67 ans est rentré en Égypte le 19 février pour entamer une nouvelle carrière. Avec l’objectif affiché de se porter candidat à l’élection présidentielle, alors que le prochain scrutin doit avoir lieu en 2011. Mais il devra d’abord résoudre l’équation constitutionnelle qui rend impossible l’entrée en lice d’un candidat indépendant. El-Baradei pourrait bénéficier du soutien d’une large frange de l’opinion publique qui entend profiter de la fin du mandat de Moubarak pour ouvrir une nouvelle ère. ■
MOHAMED EL-BARADEI
Prix Nobel de la Paix 2005 (Égypte) Ex-directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) de 1997 à 2009, lauréat du prix Nobel de la paix en 2005, Mohamed el-Baradei
RAMTANE LAMAMRA
Commissaire à la paix et à la sécurité de l’Union africaine (Algérie)
SALOU DJIBO Chef de la junte (Niger)
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Le 18 février 2010, Salou Djibo est sorti de l’ombre en renversant Mamadou Tandja. Propulsé président du Conseil suprême pour la restauration de la démocratie (CSRD) et chef de l’État le 22 février, ce chef d ’e s c a d r on de 45 ans a été formé
Président (Afrique du Sud) À partir du 11 juin, le monde entier aura les yeux tournés vers la nation Arc-en-Ciel qui accueille la Coupe du monde de football. Un test majeur pour Zuma, ce Zoulou autodidacte de 68 ans, élu à la tête du pays en mai 2009. Charismatique et populiste, le chef de l’État a su rassurer les milieux d’affaires, inquiets de son élection. En revanche, les tensions intercommunautaires semblent de plus en plus vives, alors qu’il y a déjà dix-neuf ans que le Parlement a aboli les dernières lois constitutives de l’apartheid en Afrique du Sud. ■
BINGU WA MUTHARIKA
Président de l’Union africaine (Malawi) DJIBRIL SY/PANAPRESS/MAXPPP
Successeur d’un autre Algérien, Saïd Djinnit, au poste de commissaire à la paix et à la sécurité de l’Union africaine (UA) en avril 2008, Lamamra est un diplomate chevronné. Ex-ambassadeur d’Algérie auprès des Nations unies, il fut également envoyé spécial de l’UA au Liberia de 2003 à 2007. Depuis, il a participé à diverses médiations. Des Comores à Bissau en passant par le Burundi, il représente l’UA sur tous les fronts, recherchant le meilleur compromis entre dialogue et fermeté. Dans le cas de Madagascar, Lamamra table sur les sanctions comme un moyen d’aider les autorités à renouer avec la négociation. ■
JACOB ZUMA
en Côte d’Ivoire, en Chine et au Maroc. Le 12 mars, le c hef de la junte a décidé de rendre inéligibles les militaires et les membres du gouvernement aux prochaines élections, mais la date du scrutin n’a pas été fixée. ■
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 22 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
Le 31 janvier 2010, Bingu wa Mutharika est officiellement devenu président en exercice de l’Union africaine, succédant à ce poste au très exubérant Mouammar Kaddafi. Le chef de l’État malawite a été choisi par ses pairs de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SA DC), selon une règle tacite de rotation régionale de la présidence en exercice de l’UA. Âgé de 76 ans, il est à la tête du Malawi depuis 2004, ayant été réélu en mai 2009. Titulaire d’un doctorat en économie, il s’est investi dans le développement de l’agriculture de son pays, se fixant comme objectif de le rendre autosuffisant dans le domaine céréalier. ■ 39
À QUAND LA 42 CONJONCTURE Coup de frein sur la croissance
46 AGRICULTURE Tirer les leçons de la crise
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45 INVESTISSEMENTS Un rebond possible en 2010
50 PÉTROLE De nouvelles réserves d’or noir
56 TRANSPORT AÉRIEN Concurrence de haut vol
Après avoir connu un rythme proche de 6 % pendant plusieurs années, la croissance africaine s’est effondrée à environ 2 % en 2009.
BANQUES Bons et mauvais élèves
58 TÉLÉCOMS En quête d’une autre stratégie
L’ÉTAT DE L’AFRIQUE ÉCONOMIE
REPRISE? 62 PORTRAITS Ils font parler d’eux
FRÉDÉRIQUE JOUVAL POUR J.A.
60 SUD-SUD La ruée vers l’Afrique
COUP DE FREIN SUR LA CROISSANCE En 2009, la hausse du PIB africain s’est établie à environ 2 %. Affectant surtout les pays pétroliers et miniers, ce ralentissement a toutefois été compensé par des politiques de relance ambitieuses. F RÉDÉRIC M AURY
L
e mythe d’une Afrique immunisée aura fait long feu. le signe, plus encourageant, de son insertion grandisPar plusieurs biais, la crise économique internatiosante dans l’économie mondiale. Les Bourses africaines nale aura en effet largement impacté les économies ont ainsi beaucoup souffert à la fin de 2008 du retrait africaines, même si la plupart s’en seront sorties avec de nombre d’investisseurs sur les marchés. De même, les moins de dommages que les pays occidentaux. Il n’eminvestissements directs étrangers (IDE), qui ne cessaient pêche: tout au long de l’année 2009, le Fonds monétaire d’augmenter depuis plusieurs années, ont lourdement international (FMI) n’a cessé de réduire ses prévisions de chuté. Les lignes de crédit accordées par les banques croissance pour l’Afrique subsaharienne, passant de plus internationales, notamment en matière de financement du de 6 % de croissance prévus à la fin de 2008 à 1,1 % un an commerce, auront un temps largement manqué. Plusieurs plus tard. La Banque africaine de développement (BAD) a opérations d’emprunts sur les marchés internationaux ont suivi la même voie, pour arriver à 2 % pour l’ensemble du été successivement reportées, notamment celles que précontinent. « Les analyses de l’impact de la crise sur le continent ont évolué, LES TRANSFERTS D’ARGENT RÉALISÉS PAR LA DIASPORA explique Razia Khan, responsable de ONT FORTEMENT DIMINUÉ, NOTAMMENT VERS LE MAROC. la recherche Afrique pour la banque britannique Standard Chartered. Au début, on a pensé que l’Afrique subsaharienne était voyaient le Nigeria et le Kenya, ou ont été purement et trop isolée pour être affectée de manière significative. simplement annulées. Comme souvent en Afrique, il aura Mais dès le dernier trimestre 2008, ce diagnostic n’a plus fallu attendre de longs mois avant que l’économie réelle ne été très crédible. Les marchés financiers de la région ont soit vraiment touchée. L’un des effets les plus visibles de la subi autant de difficultés que beaucoup d’autres avec le crise a été la chute des transferts d’argent réalisés par la retrait de nombreux investisseurs étrangers. Cela a été diaspora africaine et dont dépend pour sa survie une large suivi au premier trimestre de l’année 2009 par une chute part de la population. Au Maroc, l’un des tout premiers des exportations, consécutives à la crise du commerce bénéficiaires de ces mouvements de capitaux, les transmondial. » ferts ont diminué de 10,7 % sur les huit premiers mois La façon dont l’Afrique a vu son économie ralentir très de 2008 avant de repartir à la hausse. Sans surprise non fortement est à la fois un sujet d’inquiétude mais aussi plus, la baisse de la demande internationale, et notam42
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
SÉVERINE ASSOUS
ÉCONOMIE
ment chinoise, a également affecté plusieurs économies africaines. Un phénomène accentué par le décrochage marqué de plusieurs monnaies du continent, principalement celles d’Afrique du Sud et du Nigeria. Parmi les principales matières premières exportées par le continent, le pétrole et les métaux ont vu leurs cours chuter lourdement au cours de l’année 2008. Au final, le FMI estime que les exportations de biens et services en Afrique subsaharienne seraient passées de 41 % du PIB en 2008 à 31,2 % en 2009, entraînant une très forte dégradation de la balance commerciale africaine, pourtant bénéficiaire en 2008. JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
Au plus fort de la crise, la BAD estimait le manque à gagner lié au déclin des exportations en valeur à environ 250 milliards de dollars pour l’ensemble de l’année 2009. Les pays pétroliers ont bien évidemment été affectés, le prix du baril étant en moyenne 41 % inférieur en 2009 à sa moyenne de 2008. Les quatre principaux exportateurs africains – l’Algérie, la Libye, l’Angola et le Nigeria – ont connu, par conséquent, une forte dégradation de leur balance commerciale, Lagos étant de surcroît touché par l’instabilité politique dans la zone du Delta du Niger. La BAD estime ainsi que le déficit de la balance courante 43
que, a connu un net redressement de l’activité avec une hausse de 30 % des arrivées. Plus modestement, l’AfriMilliards de dollars que du Sud a enregistré 9,9 millions 100 d’arrivées contre 9,6 millions un an plus tôt. Ailleurs, le recul a été moindre que dans le reste du monde : en 80 Tunisie ou en Égypte, le nombre de touristes a baissé d’environ 2,5 % sur l’année 2009. Au Maroc, la situation 60 a été plus contrastée, avec un nombre de visiteurs en hausse de 6 %, mais une baisse des recettes d’enParadoxalement, c’est la bonne 40 viron 5,7 %, reflétant une dépense nouvelle de ce ralentissement économoyenne moins élevée. Maurice a mique africain. Les pays les plus pau20 connu un recul d’environ 6 %. vres et, dans une moindre mesure, les Les institutions financières de pays à revenu intermédiaire ont été développement les plus actives sur beaucoup moins affectés que les pays 0 le continent, la Banque mondiale et les plus dynamiques, souvent dépen2005 2006 2007 2008 2009 la BAD, ont réagi très tôt pour faire dants du commerce de minerai et de face aux effets de retournement de pétrole. Mieux, la baisse des prix du pétrole ainsi que celle des prix des denrées alimentaires la conjoncture mondiale. Elles ont notamment mis en ont mis fin, du moins provisoirement, à des situations de place des lignes de liquidités dont la plus emblématique, tension extrême. De manière surprenante, quelques rares le Programme global de liquidité, pour le commerce extésecteurs ont bien résisté à la tempête. C’est le cas, princi- rieur, a été dotée de 5 milliards de dollars. L’objectif ? palement, du tourisme, essentiel aux économies d’Afrique Assurer le financement d’opérations commerciales, via du Nord et qui, grâce à des politiques commerciales actives de grandes banques solidement implantées en Afrique, favorisant notamment des destinations à bas prix, s’est comme Standard Chartered ou Standard Bank. En bien comporté. « Alors que toutes les régions du monde parallèle, la BAD a mis en place auprès d’autres banques ont enregistré des résultats négatifs en 2009, l’Afrique fait africaines de nombreuses lignes de crédit permettant figure d’exception », souligne l’Organisation mondiale du le financement du commerce ou des entreprises. D’une tourisme, qui note une croissance du secteur sur l’ensem- manière générale, l’institution a presque doublé ses engable du continent de 5 %. Malgré un début d’année particu- gements sur le continent. Au cours de l’année fiscale close lièrement inquiétant, les destinations subsahariennes ont en juin 2009, la SFI, filiale du Groupe Banque mondiale globalement continué d’attirer en nombre les touristes. À dédiée au secteur privé, a augmenté ses investissements l’image du Kenya, qui, après une année 2008 catastrophi- au sud du Sahara de 32 %, pour atteindre 1,8 milliard de
ÉVOLUTION DES IDE VERS LE CONTINENT
Source : Cnuced
des pays africains exportateurs de pétrole aurait atteint 4,2 % du PIB contre un surplus de 10,5 % en 2008. Ces pays, qui avaient connu les taux de croissance les plus élevés des dernières années, ont été parmi les plus touchés, leur PIB baissant nettement. Toutefois, les réserves extrêmement importantes accumulées au cours de la dernière décennie les protègent des pires difficultés.
Emploi: cure d’austérité pour les entreprises
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ifficile sur un continent où une grande partie de l’activité reste informelle de décrire avec précision les conséquences du ralentissement économique sur l’emploi. En Afrique du Sud, où les données sont les plus fines, le chômage a augmenté de 23 % à 24,5 % de la population active, en raison principalement de la crise du secteur automobile mondial. Toujours selon le Bureau international du travail (BIT), le taux de chômage serait passé de 10,1 % en 2007 à 10,5 % en 2009 en Afrique du Nord. Ailleurs sur le continent, les exemples de contraction du marché du travail sont nombreux. Environ 8 000 emplois ont ainsi été supprimés en quelques mois
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par les banques nigérianes, après la violente correction qu’a subie le secteur. Au Kenya, plus de 1 000 postes ont été supprimés dans l’horticulture, l’un des tout premiers produits d’exportation du pays, à la suite de la chute des prix et de la baisse des exportations. Le secteur minier a également été lourdement impacté : environ 3 000 postes ont été supprimés dans la province de la Copperbelt (« ceinture de cuivre »), en Zambie, tandis qu’en RD Congo certaines estimations avancent la perte de plus de 300 000 emplois dans le Katanga. La chute du prix des matières premières jusqu’à la mi-2009 a eu de lourdes conséquences en termes d’emploi.
Le taux de chômage demeure globalement assez peu élevé en Afrique subsaharienne, mais l’indicateur reste partiel, de l’aveu même du BIT, car il ne prend en compte ni le niveau des revenus ni le marché noir. C’est surtout la proportion de travail mal payé qui aurait bondi au cours de l’année écoulée. « Si la hausse du chômage dans les pays à bas revenu n’est pas aussi frappante, même de petites augmentations ont de lourdes conséquences étant donnée la pauvreté généralisée et le risque d’instabilité sociale », soulignent les experts de la BAD. Après plusieurs années de déclin graduel, le nombre de travailleurs pauvres en Afrique a retrouvé un niveau similaire à celui de 2003. ■ F.M.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
dollars. Ces engagements massifs ont permis à certaines institutions financières ainsi qu’à de nombreuses entreprises africaines confrontées au tarissement des lignes de liquidités privées d’éviter le pire.
Investissement Un rebond possible en 2010 Peu de grands projets, quelques reports : le bilan de l’année passée est décevant. Mais avec l’émergence de nouveaux secteurs, l’avenir paraît plus radieux.
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quisitions transfrontalières se seraient effondrées de 73 %, ébut novembre 2009, le groupe minier kazakh Eurasian à 5,7 milliards. Des chutes à peu près équivalentes à celles Natural Resources Corporation (ENRC) a signé l’une connues par les autres pays en développement à travers le des plus importantes opérations de l’année: 955 millions monde mais qui ont stoppé net le bel élan africain: pendant de dollars investis pour la reprise de Central African huit années d’affilée, en effet, les IDE à destination du contiMining & Exploration Co. Ce dernier, coté au Royaumenent avaient progressé. « La crise financière internationale Uni, exploite des actifs miniers importants en RD Congo et l’assèchement des liquidités ont un temps largement mais aussi au Mali, au Mozambique et au Zimbabwe. Pour impacté les grosses opérations de fusions-acquisitions », ENRC, cette opération africaine est une première. Pour le souligne un investisseur européen. continent, il est le signe que les partenariats Sud-Sud sont devenus une réalité. Autre preuve, quelques semaines plus Pourtant, les financements semblent de retour depuis tard: la cession des actifs africains de l’opérateur télécom la mi-2009, et l’Afrique suscite toujours un intérêt grandisZain à l’indien Bharti pour plus de 10 milliards de dollars. sant. À preuve, dans une situation plutôt tendue, l’industrie Cet accord, signé le 25 mars 2010, est le plus important en du capital-investissement local est très active. Trois acteurs Afrique depuis de longues années. majeursdusecteur,Groffin,AureosetKingdomZephyrAfrica Les mégaopérations seraient-elles de retour? Il faut dire Management, ont ainsi clos leurs trois nouveaux fonds, pour que l’année 2009 a été atone. Bien sûr, certaines opérauntotaldeplusde1milliarddedollars,etontdéjàcommencé tions ont réussi, comme la reprise de deux blocs pétroliers ougandais par le britannique Tullow Oil pour 1,5 milliard de dollars ou TROIS DES PRINCIPAUX ACTEURS DU CAPITAL-RISQUE EN encore la cession de 65 % du capital AFRIQUE ONT LEVÉ UN TOTAL DE 1 MILLIARD DE DOLLARS. de l’opérateur de téléphonie Meditel à un groupement marocain pour plus àlesinvestirdansdesentreprisesafricaines.Lesinvestisseurs de 1 milliard de dollars. Mais, crise oblige, de nombreux étrangers semblent également avoir repris le chemin des projets n’ont pas vu le jour. C’est le cas dans le domaine de Bourses africaines en 2009, après une brutale désaffection l’immobilier, très porteur ces dernières années, surtout en en 2008. Selon les autorités boursières locales, les financiers Afrique du Nord. Sama Dubai a ainsi reporté le lancement étrangersavaientalorsretiréenviron4milliardsdedollarsen commercial d’un projet de 25 milliards de dollars en Tuni2008 de la Bourse du Nigeria, l’une des plus importantes du sie. Confronté au ralentissement mondial, le géant de l’acier continent. Toutes les autres places avaient alors connu pareil Arcelor Mittal a, quant à lui, ajourné ses projets au Sénégal, sort. Mais, au début de 2010, les investisseurs semblent de repour une valeur dépassant les 2 milliards de dollars. tour avec, parmi les secteurs privilégiés, quelques classiques, Selon les premières estimations rendues publiques décomme les mines, le pétrole, les télécoms et la finance, mais but 2010 par la Cnuced, les flux d’investissements directs aussi quelques nouveaux venus. On citera l’agrobusiness, la étrangers (IDE) en Afrique auraient reculé de 36 % en 2009, santé ou encore la distribution. ■ FRÉDÉRIC MAURY à 55,9 milliards de dollars, et les opérations de fusions-acJEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
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ÉCONOMIE
Plusieurs gouvernements qui disposaient d’une certaine marge de manœuvre financière ont également mis en place des politiques contre-cycliques visant à contrecarrer les effets les plus dramatiques de la crise. L’Afrique du Sud et Maurice ont ainsi associé des politiques d’investissements à une réduction des taux d’intérêt. L’Égypte, le Maroc et la Tunisie se sont également engagés dans des politiques d’investissement massif, notamment dans les travaux d’infrastructures. Sur tout le continent, des mesures ciblées ont été mises en place: packages fiscaux, assistance auprès des secteurs les plus touchés, contrôles de capitaux et de change, nouvelles règles bancaires… Ces différentes actions ont permis à de nombreux pays, notamment ceux à revenu moyen, de relativement bien résister.
Cependant, ces politiques proactives mais aussi le recul général des rentrées de devises ont entraîné une détérioration relativement importante des comptes publics. Selon le FMI, les pays d’Afrique subsaharienne seraient ainsi passés d’un surplus budgétaire de 1,25 % du PIB en 2008 à un déficit prévu à 4,75 % du PIB en 2009. Mais si les pays très dépendants de l’aide extérieure pourraient avoir à en subir les conséquences, la situation devrait sensiblement s’améliorer pour les autres dès 2010. D’autant que leur gestion budgétaire ne suscite pas, loin de là, la même inquiétude que celle des pays occidentaux, lourdement endettés et terriblement déficitaires. Reste à savoir si la crise aura pour effet, à court ou moyen terme, d’alimenter les crises sociales et de réactiver la mal-gouvernance économique. En ce début 2010, le continent semble encore épargné par ces maux, même si les experts estiment que toutes les conséquences de la crise ne sont pas encore connues. Mais l’espoir est de mise car, dans le même temps, ils annoncent déjà un retour à la croissance, avec un taux qui pourrait probablement dépasser les 4 % l’année prochaine. ■
Agriculture Tirer les leçons de la crise
Bien que sept Africains sur dix vivent de la terre, le continent attend toujours de connaître sa « révolution verte ». Pour produire plus et mieux. P HILIPPE P ERDRIX
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es émeutes de la faim en 2008 ont tragiquement révélé les insuffisances de l’agriculture en Afrique subsaharienne. Traditionnelle, éloignée des villes, très faiblement mécanisée et déconnectée des principaux circuits commerciaux, elle est dans l’incapacité de nourrir les 300 millions de personnes vivant en zones urbaines. Et, dans les campagnes, les revenus sont si modestes que les populations réduites à l’autarcie sont immédiatement frappées de disettes dès lors que les greniers sont vides. L’Afrique, qui importe jusqu’à 85 % de ses denrées alimentaires, est ainsi à la merci des marchés internationaux, d’une sécheresse en Australie, d’une spéculation à la Bourse de Chicago, d’une tension sur les stocks mondiaux provoquée par la demande en biocarburants aux États-Unis ou en alimentation pour bétail en Asie… Telle était l’équation de 2008. Entre janvier 2007 et janvier 2008, le prix du blé a augmenté de 83 %. Quant à la tonne de riz, elle est passée de 200 dollars à plus de 800 dollars en quelques semaines. Doit-on craindre un scénario analogue en 2010 ? 46
Avec une production de céréales en hausse constante depuis 2007, le Maghreb est sur la bonne voie, une série d’investissements massifs ayant notamment permis d’augmenter les rendements agricoles. Mais sur le reste du continent, le constat est beaucoup plus alarmant : « Après les précipitations insuffisantes et le recul significatif de la production, la situation devrait être difficile, notamment au Niger, au Tchad et dans le nord du Nigeria », avertit l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Les autres pays en danger sont principalement la République démocratique du Congo, la Somalie, l’Érythrée, le Zimbabwe… Bref, des zones affectées par des tensions politiques, des mouvements de population ou bien encore des conflits armés. D’une manière générale, la bande sahélienne reste la région la plus fragile, avec au moins 10 millions de personnes menacées, selon l’ONG Oxfam. Au Niger, les récoltes ont chuté de 26 % par rapport à l’année dernière et, dans certaines régions, elles ont été quasi nulles. JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
CAMILLE MILLERAND POUR J.A.
Des palmeraies de la société ivoirienne Palmci.
« Les partisans de ce système n’avaient pas prévu qu’il pouvait se gripper », explique Jean-Pierre Boris dans son dernier livre, Main basse sur le riz (Fayard et Arte Éditions). Les pays importateurs ne s’en sortent qu’en période d’abondance et de prix modérés. Dans le cas contraire, « ils se retrouvent pieds et poings liés, dans l’incapacité absolue de trouver une alternative », conclut Jean-Pierre Boris. En 2008, la Banque mondiale a pris conscience de cette impasse en publiant un rapport annuel entièrement consacré à ces questions. Étude sérieuse, plaidoyer efficace, diagnostic imparable : alors que la croissance du PIB agricole est un élément moteur dans la lutte
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L’agriculture occupe 70 % de la population subsaharienne, mais près de 300 millions de personnes souffrent de la faim. Et ce sont pour la plupart des paysans pauvres cultivant péniblement des lopins de terres écrasés par le soleil. La « révolution verte », qui a permis à l’Asie de soluSEUL UN QUART DE L’ESPACE CULTIVABLE EST UTILISÉ ET tionner en grande partie le double MOINS DE 10 % DES TERRES ARABLES SONT IRRIGUÉES. défi démographique et alimentaire, est restée aux portes de l’Afrique. « Depuis une bonne vingtaine d’années, les pouvoirs en contre la pauvreté, les volumes de l’aide consacrée à ce place ont délibérément privilégié les populations urbaisecteur sont passés de 20 % en 1979 à 5 % aujourd’hui. nes et donc les importations, au détriment des popuCherchez l’erreur ! « Il faut en finir avec les effets de lations rurales », dénonce Ndiogou Fall, président du mode qui parasitent les politiques de développement. Réseau des organisations paysannes et des producteurs L’approche sociale actuelle avec les objectifs du milléagricoles de l’Afrique de l’Ouest (Roppa). Avant d’ajounaire est une erreur. Dans les pays pauvres et à majoter : « Il faut inverser cette tendance, protéger les filières rité rurale, c’est d’abord l’agriculture qui peut améliorer locales, augmenter les barrières douanières, instaurer de les conditions de vie des habitants », se désole Serge nouveaux mécanismes de financements et promouvoir la Michailof, commentant son dernier livre, Notre maison recherche, notamment sur les cultures de contre-saison, brûle au Sud (Fayard). « Il faut faire en Afrique ce qui a pour en finir avec la période de soudure qui est chaque été fait en Europe : développer les coopératives agricoannée problématique. » les, subventionner les filières de production et protéger Les chiffres lui donnent raison. En trente ans, l’Afrile marché intérieur », estime pour sa part Alexandre que est le seul continent qui a vu sa production agriVilgrain, PDG du groupe Somdiaa, qui produit du sucre cole par habitant diminuer tandis que les importations et de la farine en Afrique centrale (Tchad, Cameroun, de blé ont été multipliées par 10 ! Les États d’Afrique Congo-Brazzaville, Gabon). ne consacrent que 4 % de leurs dépenses publiques à l’agriculture, contre 11 % à 14 % en Asie. Il faut dire Pour nourrir quelque 2 milliards d’habitants attenque les institutions internationales et autres bailleurs dus en 2050, le continent va devoir multiplier par cinq de fonds n’ont pas franchement été de bons conseils. sa production. Difficile mais pas insurmontable. À ce Convaincus des vertus du libre-échange, ces experts ont jour, seules 4 % à 7 % des terres arables sont irriguées milité depuis les années 1980 pour une spécialisation (contre 20 % dans le monde), 40 % des récoltes sont par région, articulée autour de monocultures ciblées en perdues faute de stockage ou de transport, la consomfonction d’avantages comparatifs supposés. Pour faire mation d’engrais est de 13 kg par hectare, contre 190 kg simple : le riz en Asie et quelques filières d’exportation en Asie du Sud-Est, et seul un quart de l’espace potencomme le coton en Afrique (voir encadré p. 44). Si les tiellement utilisable est cultivé. Autrement dit, il existe sociétés de négoce en ont profité, les nations en déveune vraie marge de progression. Mieux, ce potentiel de loppement ont vu leur dépendance alimentaire croître. terres fertiles peut transformer un continent en
ÉCONOMIE
Seule bonne nouvelle, la production est en hausse au niveau mondial : « Les prix internationaux et donc l’addition sur les importations ne devraient pas s’envoler. Mais il est certain que, dans les régions rurales reculées, les céréales se feront rares. Cela renvoie au problème structurel de la paysannerie africaine », analyse Marc Dufumier, professeur à l’Institut des sciences et industries du vivant et de l’environnement, AgroParisTech.
Amérique latine et Caraïbes
25 20
100
ProcheOrient et Afrique du Nord
80
15
10
5
200
4
0
0
2001
40 1970 1975 1980 1985 1990 2000 2010
200
Asie-Pacifique
Moy e 199 nne 0-9 5
60
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jachère en futur grenier de l’humanité, à l’instar du Brésil et de l’Asie aujourd’hui. Car la plupart des autres parties du monde sont arrivées à saturation en termes de disponibilités foncières, et l’agriculture intensive ne dispose plus des marges de progression suffisantes pour nourrir les 9 milliards d’habitants que comptera la planète en 2050. « Une grande partie de la réponse au défi alimentaire mondial se trouve sur le continent », estime Jean-Michel Severino, le directeur général de l’AFD, qui, dans son dernier ouvrage, Le Temps de l’Afrique (Odile Jacob), analyse les risques mais aussi les opportunités qui se profilent à l’horizon. Les investisseurs ne s’y trompent
Source : FAO
Afrique subsaharienne
8
120
Millions de tonnes
(pré 2010 visi on)
Production alimentaire/hab., base 100 en 2001
pas, si on en juge par la ruée sur les terres agricoles. Selon l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (Ifpri), basé à Washington, 20 millions d’hectares ont été achetés ou loués au cours des deux dernières années, principalement en Afrique. Géants occidentaux de l’agroalimentaire ou financiers du Golfe, Libyens, Russes et Asiatiques… Tout le monde s’y met, le plus souvent dans la plus grande discrétion. Problème, cet « accaparement » des terres est surtout destiné aux cultures d’exportation. « Si on brade nos terres, on contraint des milliers de petits producteurs à la misère », dénonce Ndiogou Fall. Pour que l’Afrique vive sa « révolution verte », il faut avant tout parier sur un équilibre entre un soutien à la paysannerie traditionnelle et la promotion de projets agro-industriels structurants. « Sans recourir à un usage intensif des engrais ni à une irrigation qui menace les ressources en eau, les solutions agro-écologiques existent pour doubler ou tripler la production », assure Marc Dufumier prenant en exemple des expériences menées au Niger et au Mali où la plantation d’arbres (des acacias) a permis d’améliorer les récoltes de mil. Autres signes encourageants : l’émergence ou le développement de champions locaux comme Sifca (huile de palme) en Côte d’Ivoire, Suneor (huile d’arachide) au Sénégal ou encore Socapalm (huile de palme) au Cameroun. ■
IMPORTATIONS DE CÉRÉALES EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE
200
ÉVOLUTION DE LA PRODUCTION AGRICOLE PAR ZONE
Coton: relance espérée «
L
es producteurs ont retrouvé le sourire », estime Didier Mercier, directeur général du négociant Copaco (groupe Géocoton), qui traite entre 15 % et 20 % de la fibre de coton africaine. Après une chute de la production de moitié en cinq ans à 1,1 million de tonnes puis un effondrement du marché en 2009 provoqué par la crise, certains signes permettent de reprendre espoir. Les cours en hausse (au-delà des 80 cents la livre à New York, après être tombée à 64 cents à la mi-octobre 2009) permettent d’obtenir un prix plus rémunérateur: 850 F CFA le kilo en moyenne pour la campagne 2009-2010, contre 650 F CFA en 2008-2009, soit un niveau supérieur au prix de revient. Qui plus est, une partie de la production a déjà été vendue. « On retrouve
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un cycle vertueux. Ces ventes par anticipation bloquent les cours, font rentrer de l’argent et facilitent le lancement de la prochaine campagne, qu’il s’agisse de la mise en place des intrants ou de l’accès aux crédits », explique Didier Mercier, qui estime que la production de fibre en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale devrait ainsi franchir la barre des 500000 tonnes en 2009-2010 (après avoir dépassé le million de tonnes au début des années 2000). La partie n’est pas pour autant gagnée tant les faiblesses structurelles sont pénalisantes. Privatisations chaotiques; conflits d’intérêts permanents entre paysans, égreneurs, et industriels oléagineux; renchérissement des crédits de campagnes; flambée des prix sur les intrants… La filière
africaine a souffert. Aujourd’hui, il convient donc d’inventer un nouveau modèle: intégré (comme du temps de l’ancienne compagnie cotonnière française Dagris), mais articulé autour de nouveaux opérateurs privés qui acceptent de placer le planteur au cœur de leur stratégie de développement. « Après avoir réduit la voilure, il nous faut travailler sur la recherche de nouvelles variétés et améliorer les rendements pour dépasser la tonne à l’hectare. Seule une augmentation de la production permettra d’absorber les coûts fixes », conclut Didier Mercier. Sur une production mondiale de 23 millions de tonnes de fibre, l’Afrique n’est pas en mesure de peser sur l’évolution des cours. Mais avec un coton reconnu comme étant de très bonne qualité, elle peut jouer sa partition. ■ PH.P.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
Pétrole De nouvelles réserves d’or noir
Technologies plus pointues et prix élevé du brut sont autant de facteurs qui profitent à l’exploration dans des zones encore inexploitées.
M ICHAEL PAURON
«
O
n peut extraire du pétrole sur de vieux emplacements avec de nouvelles idées ou sur de nouveaux emplacements avec de vieilles idées; mais jamais sur de vieux emplacements avec de vieilles idées », résume un ancien cadre d’une compagnie implantée de longue date en Afrique. L’adage est à l’image de ce que vit le continent depuis quelques années. Même en temps de crise, les pays pétroliers africains restent très attractifs : les investissements ont continué de progresser en 2009 de 4 % alors qu’ils ont chuté de 16 % au niveau mondial. Poussées par le cours du baril de brent, qui tourne autour de 80 dollars, les compagnies pétrolières redécouvrent le potentiel africain (10 % à 12 % des réserves mondiales). De Nouakchott à Luanda, en passant par Accra, Kampala ou Dodoma, l’activité ne faiblit pas et les bonnes surprises se succèdent. À tel point que l’Afrique subsaharienne se rêve en émirat: l’Angola et le Nigeria sont désormais les deux premiers producteurs africains incontestés, devant l’Algérie et la Libye qui détiennent à eux deux, pourtant, les plus importantes réserves (56 milliards de barils). Derrière ces leaders, plusieurs États espèrent désormais devenir des producteurs de premier ordre. À l’image de la Mauritanie, même si les débuts sont plutôt cauchemardesques. Annoncé comme un futur producteur qui
compte, Nouakchott déçoit: après un pic de production à 65000 barils/jour en 2006 lors de l’inauguration du réservoir de Chinguetti (500 millions de barils de réserve), la production dépasse aujourd’hui péniblement les 17000 b/ jour, extraits dans des conditions difficiles et à des coûts élevés. De quoi refroidir l’ardeur des investisseurs à venir dans un pays qui a vécu deux coups d’État depuis 2005. Après le départ de l’australien Woodside, le malaisien Petronas a pris la relève en 2007 pour 418 millions de dollars. D’après le Fonds monétaire international (FMI), la zone pourrait fournir 20 millions de barils par an d’ici à 2015. La Guinée-Bissau rêve, elle aussi, de pétrodollars. En 2007, la société bissau-guinéenne Petroguin l’annonçait en grande pompe : il existait de fortes probabilités qu’il y ait du pétrole au large de ses côtes. Mais le pays ne parvient toujours pas à sortir de son instabilité chronique. Une zone commune d’exploration avec le Sénégal – gérée par l’Agence de gestion et de coopération (AGC) – a vu le jour pour éviter toute discorde frontalière. La britannique Ophir Energy a finalement repris l’exploration dans le cadre de l’AGC, au large du littoral. La zone renfermerait 1,1 milliard de barils. Convaincu de devenir un jour un producteur significatif de pétrole, le Sénégal envisage
Les heures sombres du raffinage
C
omme toutes les autres majors, à l’exception notable de Total, l’anglo-néerlandaise Shell se retire : en annonçant début avril son départ de 21 pays d’Afrique des activités dites « aval », qui comprennent la distribution et le raffinage, elle a mis en évidence les difficultés que rencontre le secteur depuis plus d’un an. Cette crise s’explique par plusieurs facteurs : avec un baril en hausse et le blocage des prix à la pompe par les gouvernements pour préserver le pouvoir d’achat de la population, les marges sont en chute libre et les dettes s’accumulent. Résultat, les compagnies présentes sur le
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continent ne peuvent résister à l’assaut des raffineurs asiatiques, plus compétitifs, notamment grâce à des capacités plus importantes. La Société ivoirienne de raffinage (SIR) a ainsi dû stopper son activité durant une semaine à la fin de février 2010. Devant les dettes de la société (essentiellement du fait de l’État), les banques, qui avancent des millions d’euros pour l’achat du brut avant de se rembourser à la revente du produit raffiné, n’ont plus suivi. Les autorités ivoiriennes ont finalement dû emprunter pour payer une partie de leur créance. Autre situation symptomatique, celle de la Société africaine de
raffinage (SAR). Après avoir frôlé la fermeture en 2007, la société sénégalaise a eu recours au rachat de ses dettes par Ecobank (33 millions de dollars) et à la cession par l’État de 34 % au groupe saoudien Bin Laden pour 70 millions de dollars. Les besoins sont pourtant là, et la SAR estime qu’il faudrait qu’elle produise 3 millions de tonnes contre 1,3 million aujourd’hui pour répondre aux demandes de la région. Ainsi, malgré ces incertitudes, le continent compte une bonne vingtaine de projets de raffineries, en Algérie, en Ouganda, en Égypte ou au Nigeria. ■ M.P.
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12,2
Tunisie 0,6
43,7
l’immense réservoir Jubilee et obtenir des conditions très avantageuses pour Kosmos Égypte (qui était représentée par l’un 0,5 des dirigeants d’EO). Ce qui se Mauritanie serait notamment traduit par Tchad 6,7 Sénégal 36,2 de lourdes pertes financières 1,1 0,9 pour l’État ghanéen. 1,1 Soudan Mais la bataille pour l’acGuinée-Bissau Nigeria 0,2 0,1 Éthiopie 0,2 quisition de participations 1,8 Cameroun Sierra Leone dans des blocs pétroliers au 1,7 1,6 3,2 0,2 Somalie large des côtes ghanéennes Ghana Ouganda ne fait que commencer: Korea Côte d’Ivoire Guinée équatoriale 2 Congo Seychelles Gabon RD Congo National Oil Corporation, Ghana National Petroleum São Tomé e Príncipe 13,5 Comores C o r p o r a t i o n (G N P C ) o u ExxonMobil… À quel opéLe potentiel africain rateur reviendra la part de Angola 4 milliards de dollars cédée (en milliards de barils) Mozambique par Kosmos ? Autre interrogation : la découverte de ce Réserves prouvées gisement situé à proximité Réserves estimées de la frontière ivoirienne va-telle brouiller les relations avec En cours d'exploration Abidjan? En mai 2009, le Ghana et Madagascar SOURCE : BP Satistical Review of World Energy 2009 la Côte d’Ivoire ont saisi, comme sept et Banque mondiale autres États africains, la Commission des Nations unies pour bénéficier d’une extension déjà, avant toute découverte notable, de renégocier le de leurs zones de prospection maritime. contrat de partage avec Bissau qui prévoit 20 % de la proUne chose est sûre, le golfe de Guinée a confirmé son duction pour ce dernier. potentiel, tiré par l’Angola (premier producteur africain Un peu plus au sud, la découverte de réserves au large en 2009 avec 1,9 million b/j), le Nigeria et la Guinée équades côtes de la Sierra Leone en septembre 2009 suscite toriale. Pourtant, depuis deux ans, les regards se tournent aussi d’immenses espoirs pour un pays encore traumatisé aussi vers l’Afrique de l’Est, notamment vers l’Ouganda. par la guerre civile. Venus B-1 devra être foré encore deux Alors que seules quelques « minors », en l’occurrence ou trois fois avant de préciser son potentiel réel d’ici à la Tullow Oil et Heritage, croyaient au potentiel du lac fin de l’année, estimé jusque-là prudemment à 200 milAlbert, les récentes explorations leur ont donné raison: les lions de barils. Partagé entre l’américain Anadarko (40 %), réserves avoisineraient 2 milliards de barils. Tullow, qui a l’australien Woodside (25 %), l’espagnol Repsol (25 %) récupéré les participations de Heritage, négocie désormais et le britannique Tullow (10 %), la concession Venus fait des alliances avec le français Total et le chinois Cnooc. partie d’une série de blocs qui couvrent les eaux terriL’Éthiopie et la Somalie font aussi l’objet d’intenses toriales du Liberia et de la Sierra Leone, où, dit-on, les recherches: la compagnie éthiopienne SouthWest Energy espoirs sont grands d’y dénicher quelques centaines de millions de barils AVEC LA DÉCOUVERTE DE JUBILEE – 1,8 MILLIARD DE supplémentaires. Amélioration du BARILS –, LE GHANA SE MET À RÊVER DE PÉTRODOLLARS. climat économique, lutte contre la corruption, découvertes pétrolières : la Sierra Leone, qui table sur une croissance de 4,7 % en se démène dans le bassin de l’Ogaden, où elle entend met2010, suscite à nouveau l’intérêt des investisseurs. tre à jour des gisements d’or noir d’ici à un an et demi. La Tanzanie, riche en gaz naturel, est aussi l’objet de toutes Le pays de Koroma peut-il espérer suivre la voie de les attentions. Le français Maurel & Prom et Dominion Oil son voisin ghanéen ? La récente découverte de Kubilee & Gas sont partenaires à hauteur de 50 % chacun dans le (1,8 milliard de barils) a en effet propulsé le Ghana au permis d’exploration de Mandawa (6 811 km² au sud du rang des futurs grands producteurs : à 150 000 b/j dans permis de Bigwa Rufiji Mafia, détenu à 60 % par Maurel un premier temps, le rythme de croisière devrait atteindre & Prom). D’une durée de quatre ans, les explorations 350000 b/j en 2011. Mais avant même que la production pourraient donner des résultats dès cette année. Quant à n’ait officiellement débuté, les rumeurs de corruption se Madagascar, la Grande Île disposerait également de résersont accumulées. L’entreprise ghanéenne EO et l’améves importantes, mais encore difficilement exploitables. Il ricaine Kosmos auraient multiplié les dessous-de-table est possible qu’un jour l’océan Indien concurrence le golfe pendant le dernier mandat de l’ex-président John Kufuor. de Guinée. À condition que les techniques d’extraction EO aurait blanchi de l’argent et fait de fausses déclaras’améliorent et que le prix du baril se maintienne à un tions aux pouvoirs publics pour décrocher une part de niveau élevé pour ne pas freiner les investissements. ■ Algérie
Libye
4,3
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ÉCONOMIE
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Banques Bons et mauvais élèves Si les établissements nigérians sont en pleine tourmente, le secteur financier a plutôt bien résisté à la crise. Pour l’instant. F RÉDÉRIC M AURY
L
a tempête gronde sur le secteur bancaire nigérian. Et Ecobank, que les analystes et les investisseurs pensaient pourtant à l’abri, en a fait les frais, par ricochet… À la mi-février, pour la seconde fois en un an, Fitch Ratings a en effet abaissé la note du groupe bancaire panafricain, né au Togo, en raison de la forte détérioration des actifs de sa principale filiale, Ecobank Nigeria. L’agence de notation rappelle que ce dernier représente plus d’un tiers des actifs du groupe, soulignant ainsi le risque important que font peser sur la solidité du groupe les difficultés de sa filiale. Or après neuf mois d’activité en 2009, la situation est délicate: Ecobank Nigeria a enregistré une perte de 55 millions de dollars et affiche un taux de créances compromises très important, à 27,6 %. À Lagos, le cas n’est pas unique. Les maux dont souffre le secteur bancaire sont nombreux : chute de la capitalisation boursière et augmentation des créances douteuses, mais aussi, dans certains cas, problèmes de gouvernance et abus de confiance… L’explosion
représenté au pire de la crise plus de 3 milliards de dollars. Sous la pression du nouveau gouverneur de la Banque centrale, Lamido Sanusi, toutes les banques de la place ont dû augmenter leur niveau de provisions afin de nettoyer leurs comptes pour l’année 2009. Considérées par les autorités bancaires comme les plus vulnérables et les plus mal gérées, cinq banques ont été reprises en main par l’État en milieu d’année. Parmi elles, Intercontinental Bank et Oceanic Bank, deux mastodontes locaux dont les dirigeants ont été démis de leurs fonctions, avant d’être mis en cause devant la justice. Ce nouveau big bang financier pourrait avoir des conséquences à court et à moyen terme sur les stratégies de développement continental des établissements nigérians.
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Pour l’heure, le principal d’entre eux, United Bank for Africa (UBA), continue d’avancer ses pions en Afrique subsaharienne, malgré un cours de Bourse divisé par neuf et des comptes passés dans le rouge. Début 2010, la banque était active ECOBANK CONTINUE D’AVANCER SES PIONS EN AFRIQUE. dans quinze pays, et maintenait son ELLE EST DÉSORMAIS PRÉSENTE DANS TRENTE PAYS. ambition de s’installer sous peu au Mali, au Congo et en République incontrôlée des crédits et notamment des margin loans, démocratique du Congo. Même ambition affichée du côté ces prêts accordés pour investir en Bourse, aura eu raison d’Ecobank, malgré les difficultés de sa filiale nigériane. de la solidité et des performances financières de la quasiAvec le choix de s’implanter en Tanzanie et en Zambie totalité des banques du pays, dont les fonds propres se sont (respectivement en octobre 2009 et en janvier 2010), le réduits de plus de 60 % au cours des neuf premiers mois groupe est désormais présent dans trente pays d’Afrique de 2009, selon le courtier local Meristem. L’effondrement subsaharienne. Dans la foulée, il a annoncé une nouvelle des cours boursiers en 2008 avait en effet fait monter en organisation transversale, par métiers, pour consolider flèche le nombre de crédits en souffrance, qui auraient l’ensemble de ses activités sur le continent. 52
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JACOB SILBERBERG/PANOS-REA
Courtiers dans la salle des marchés à la Bourse de Lagos.
Leader en qualité de service Si certains la qualifie de banque élitiste la Direction Générale du Groupe BGFIBank préfère parler de banque haut de gamme « la première classe des services financiers en zone CFA ». BGFIBank premier Groupe financier de la zone CEMAC s’adresse aux particuliers, aux institutionnels et aux entreprises qui exigent de leur banque un service d’Excellence. Organisée en portail financier pour répondre à l’ensemble des besoins du client BGFIBank privilégie le sur mesure avec comme leitmotiv d’être le partenaire pour l’avenir de ses parties prenantes. Pour ce faire, BGFIBank a placé la satisfaction Client au coeur de sa stratégie commerciale. Elle touche toutes les activités du Groupe. Elle intervient de la demande d’information, à l’assistance téléphonique, au service après-vente en passant par le développement commercial. Il s’agit d’un facteur de différentiation incontournable dans le développement stratégique du Groupe BGFIBank ! En effet, face à une forte croissance de son activité et à une multiplication de la concurrence, BGFIBank a souhaité engager depuis près de 10 ans une démarche qualité pour apporter davantage de visibilité sur ses prestations et faire reconnaître son savoir-faire. Certifiée, pour l’ensemble de ses activités bancaires, ISO 9001 version 2000 au Gabon depuis 2005 et ISO 9001 version 2008 tout récemment au Congo, cette reconnaissance internationale apporte aux clients des repères pour mesurer la qualité du service rendu et au personnel une organisation optimisée autour d’un objectif commun : la qualité Totale. Ce label ISO capitalise sur le positionnement commercial développé depuis toujours par BGFIBank qui vise l’Excellence. À la position de leader en terme financier s’ajoute un leadership en qualité de service. Avec un taux de satisfaction clients de 85% au Gabon et 92% au Congo BGFIBank a pénétré le paysage bancaire de ses deux pays grâce à une offre de produits et de services en phase avec les attentes des Clients. La qualité concerne l’ensemble des sociétés et marques de BGFIBank qui
www.bgfi.com
se donne pour objectif d’appliquer cette démarche à l’ensemble du Groupe à l’horizon 2015. Pour aller plus loin et en vue d’apporter en toutes circonstances la réponse la mieux adaptée aux besoins de ses clients ou de ceux qui souhaitent le devenir BGFIBank a fait évoluer son organisation commerciale : - En formalisant des engagements de services Clients BGFIBank prend l’engagement d’accompagner ses Clients dans des domaines qu’ils définissent euxmêmes comme prioritaires (l’écoute, la disponibilité, la rapidité). Ces engagements évolutifs au fil de l’eau, en fonction des attentes du Client, sont déclinés à l’ensemble des filiales. - En structurant l’action commerciale par métier Quelque soit le projet privé ou professionnel, BGFIBank est un point d’entrée unique pour accéder à une offre diversifiée de services financiers et à des spécialistes capables de conseiller et d’accompagner les Clients en veillant en permanence à la cohérence entre les solutions proposées et l’évolution de leurs besoins. - En développant une approche multi-canal BGFIBank renforce son réseau monétique dans tous les pays d’implantation et dans tous ses métiers. Parallèlement la banque innove en matière de mobile banking et de e.banking. La refonte totale du site internet www. bgfi.com rentre dans cette phase de développement de l’approche multi-canal. BGFIBank souhaite ainsi que le client puisse choisir le mode d’accès à sa banque qui lui convient le mieux. - En modernisant ses points de vente Les futurs points de vente du réseau d’agence bancaire de BGFIBank seront dorénavant aménagés dans le strict respect de la charte graphique du Groupe afin que le client reçoive ou qu’il soit dans le Groupe le même niveau de qualité de service. À travers toutes ces orientations BGFIBank confirme son choix d’être reconnu comme leader Afrique. Siège Social : 1295 Boulevard de l’Indépendance B.P. 2253 Libreville (GABON) Tél. : (241) 76 23 26 - Fax : (241) 74 08 94 - Télex : 5265
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Autre acteur en plein développement, le marocain Attijariwafa Bank a finalisé en 2009 l’acquisition Le deuxième s’est allié l’année lus encore que les banques de de quatre filiales du Crédit agricole détail, l’assurance est le parent dernière au groupe Bank of (Société ivoirienne de banque, Crédit Africa pour la distribution de ses pauvre de la finance africaine. du Sénégal, Union gabonaise de banproduits. Et le troisième Le secteur affiche dans la plupart que et Crédit du Congo), conforméa reçu l’injection de 35 millions des pays un très faible niveau ment à l’accord conclu avec le groupe d’euros par le capital-investisseur de pénétration, puisque le total français en novembre 2008. Il lui Emerging Capital Partners. Tous des primes versées ne représente restait encore au début de 2010 à mènent en tout cas une politique que 3,6 % du PIB africain, contre obtenir les autorisations nécessaires de développement régional. jusqu’à 7,5 % en Europe ou aux pour l’acquisition de la Société comÀ noter également l’émergence États-Unis. Toutefois, tous les merciale de banque du Cameroun de Globus, un réseau panafricain grands pays du continent ont vu (SGBC). Filiale d’un autre groupe regroupant des sociétés émerger des groupes solides marocain, la BMCE, le groupe Bank dans 28 pays, francophones, au cours des dernières années. of Africa a quant à lui initié ses activianglophones, lusophones, En zone franc, trois sociétés sont tés en RD Congo au cours du premier de l’Algérie à la Tanzanie. ■ F.M. à la pointe: Sunu, Colina et NSIA. trimestre 2010. Dans cette course panafricaine, de nouveaux acteurs ont également émergé. Suivant une tendance déjà tracée par d’autres banques kényanes, la sur les établissements bancaires africains. Cela étant dit, très dynamique Equity Bank a ainsi ouvert des bureaux en l’Afrique du Sud, dont l’économie est entrée en récession Ouganda et au Sud-Soudan, et s’intéresse au Rwanda. Déjà début 2009, fait figure d’exception. Les quatre principaux présente à Maurice, sa consœur I&M Bank s’est installée groupes bancaires du pays ont été affectés par une baisse au début de 2010 en Tanzanie. Preuve supplémentaire de leur rentabilité et une dégradation légère de la qualité que la constitution de groupes régionaux reste partout des crédits accordés, notamment dans le domaine des créd’actualité en Afrique. dits immobiliers. Pourtant, cette situation ne semble pas Finalement, la crise financière qui a frappé les marchés remettre durablement en question la solidité du système. internationaux à partir de 2008 a eu peu de répercussions Au contraire, même, assurent certains: « L’exposition limitée aux sources de financement internationales a, selon nous, été positive pour la flexibilité opérationnelle des banques sud-africaines durant la période récente de stress sur les marchés », soulignait ainsi dernièrement l’agence de notation Standard & Poor’s dans un rapport sur le secteur. Standard Bank, FirstRand, Nedbank et Absa semblent ainsi en bonne position, en ce début d’année 2010, pour profiter d’une éventuelle reprise.
L’assurance, un secteur d’avenir?
P
Pour le reste, les banques africaines affichent plutôt une bonne santé. Ainsi, malgré une perte de 55 millions de dollars au Nigeria, Ecobank est parvenue à afficher sur les trois premiers trimestres de 2009 un bénéfice de 61 millions, en raison des gains engendrés dans ses autres pays d’implantation. Les principales banques marocaines se sont aussi bien comportées. « Attijariwafa Bank et la plupart de ses consœurs ont connu des résultats plutôt robustes en 2008 et au premier semestre 2009, traduisant la bonne résistance du Maroc au retournement financier mondial », souligne l’agence de notation Fitch. Avant d’ajouter que la croissance de la rentabilité d’Attijariwafa devrait toutefois se modérer en 2010. D’une manière générale, le ralentissement économique de l’année écoulée devrait entraîner en 2010 non seulement une baisse de l’activité de crédits mais aussi une dégradation globale de la qualité des prêts déjà accordés. Autant d’éléments qui devraient peser sur la rentabilité des banques africaines. « Cela rend d’autant plus nécessaire la poursuite de la régionalisation, pour limiter l’exposition à une seule économie, et la diversification des métiers, allant du retail aux activités plus sophistiquées, comme la banque d’investissement », estime un banquier africain. ■
Le spécialiste Marocain des véhicules utilitaires et industriels ouvre prochainement sa filiale en Guinée Equatoriale Déjà présent par le biais de solutions de transport de marchandises en Guinée Equatoriale, Riad Motors Holding renforce sa présence dans le continent africain et ouvre prochainement sa filiale en Guinée Equatoriale dans le respect de ses valeurs fondées sur l’Innovation, la Confiance et la Passion. Avec la présence permanente des équipes opérationnelles de qualité, Riad Motors Holding apporte son professionnalisme et son savoir-faire nécessaires aux exigences techniques de nombreux chantiers en cours de réalisation et participe pleinement au développement de la Guinée Equatoriale. Riad Motors Holding, ouverture prochaine, Guinée Equatoriale
Transport aérien Concurrence de haut vol
Après Asky en janvier 2010, Sénégal Airlines et Air Cemac devraient prendre leur envol. Chacune ambitionne de devenir leader en Afrique francophone. STÉPHANE B ALLONG
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troisième appareil devant être mis en service en juin, le transporteur, qui peine à obtenir des droits de trafic pour certaines destinations, prévoit d’ajouter Abidjan, Dakar, Bangui et Malabo à son réseau. Certains pays, qui ont déjà une compagnie nationale ou prévoient le lancement d’un pavillon, craignent que la nouvelle venue soit en réalité le cheval de Troie d’Ethiopian Airlines sur un marché convoité par tous. Par exemple, Sénégal Airlines, officiellement lancé en novembre 2009 pour remplacer la défunte Air Sénégal International (ASI), ambitionne, comme Asky Airlines, de devenir leader en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. Les autorités sénégalaises ont choisi Emirates Airlines comme partenaire stratégique et conclu une lettre d’intention avec l’avionneur européen Airbus portant sur la commande de six appareils : quatre Airbus A320 et deux Airbus A330. Mais la nouvelle compagnie, qui devait démarrer son activité en avril 2010, semble avoir du plomb dans les ailes. Selon le ministère des transports aériens et des infrastructures, le premier vol La compagnie, devrait intervenir au plus tard en basée à Lomé, septembre. Date à laquelle la compaa réalisé son gnie émiratie, qui, selon toute vraipremier vol le semblance, veut faire de la capitale 15 janvier 2010. sénégalaise son hub ouest-africain, Elle dessert ouvrira une ligne Dubaï-Dakar. Déjà treize escales présent à Durban (Afrique du Sud) africaines. et à Luanda (Angola), Emirates prévoit entre Dubaï et Dakar cinq vols directs par semaine, opérés par un Airbus A340-300. La dubaïote n’exclut pas de prendre une participation dans Sénégal Airlines, dont le capital, d’environ 17 milliards de F CFA, est détenu à 64 % par des privés sénégalais. Autre transporteur attendu dans le ciel africain cette année, Air Cemac. Le projet de création d’une compagnie régionale porté par la Communauté économique et monétaire des États de l’Afrique centrale a connu une avancée lors du dernier sommet des dirigeants de cet ensemble, qui s’est tenu du 15 au 17 janvier 2010 à Bangui, en Centrafrique. Après plusieurs années d’aterTNOEL/APA
lusieurs fois annoncé mais toujours reporté, le décollage d’Asky Airlines a finalement eu lieu le 15 janvier 2010. La nouvelle compagnie basée à Lomé, au Togo, a ainsi pris une longueur d’avance sur deux autres projets, toujours en gestation, Air Cemac et Sénégal Airlines. Dotée d’un capital de 120 millions de dollars
et soutenue par Ethiopian Airlines, son partenaire stratégique et actionnaire à hauteur de 25 %, Asky Airlines compte également dans son tour de table le groupe minier sud-africain Sakhumnotho, l’établissement panafricain Ecobank, mais aussi des institutions comme la Banque d’investissement et de développement de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (BIDC) et la Banque ouest-africaine de développement (BOAD). Trois mois après son premier vol commercial, Asky, qui se veut une compagnie panafricaine, étend progressivement son réseau. Cinq nouvelles dessertes (Niamey, Douala, Conakry, Monrovia et Freetown) sont venues porter dès le mois de mars à treize le total de ses escales. « Nous pensons qu’Asky Airlines doit bien s’implanter sur ce marché à fort potentiel, laissé vide par les défuntes compagnies nationales d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale, avant de se lancer vers des destinations intercontinentales », indiquait à Jeune Afrique (no 2553) Girma Wake, le PDG d’Ethiopian Airlines. Avec ses deux Boeing 737 et un 56
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pose d’une flotte de quatre avions de type ATR 72-200 et devrait, à terme, posséder de six à huit appareils. De son côté, Kenya Airways remonte la pente après un exercice 2008-2009 désastreux (avec une perte d’environ 36,5 millions d’euros). Des mauvais résultats imputés aux couvertures prises par la compagnie contre la hausse du prix du pétrole, qui avait atteint le pic de 147 dollars en juillet 2008. Sur les six premiers mois de son exercice 2009-2010, le transporteur kényan a renoué avec
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Ces lancements interviennent LE LANCEMENT DE NOUVELLES COMPAGNIES AFRICAINES dans un contexte mondial difficile INTERVIENT DANS UN CONTEXTE MONDIAL DIFFICILE. pour le secteur, marqué en Occident par un mouvement de consolidation. British Airways et Iberia ont ainsi annoncé, début avril, le profit : son bénéfice net s’est établi à un peu plus de leur fusion, donnant naissance à un mastodonte européen 7 millions d’euros. pour faire face à une concurrence devenue très rude. En Ethiopian Airlines, dont la réputation a failli pâtir 2009, le secteur dans son ensemble a enregistré des pertes du crash, le 25 janvier, du vol ET 409 en partance de estimées à 9,4 milliards de dollars. Et le continent, même Beyrouth et qui a coûté la vie à 90 personnes, devrait s’il a mieux résisté à la déprime, n’a pas été épargné. maintenir le cap. La doyenne des compagnies africaiRoyal Air Maroc (R AM) a ainsi réalisé en 2009 nes, qui affichait une santé insolente au plus fort de la un chiffre d’affaires en baisse de 4,2 % sur un an, à crise (avec un bénéfice net de 112 millions de dollars 11,7 milliards de dirhams (environ 1 milliard d’euros). en 2009, soit une hausse de 165 % par rapport à 2008), La compagnie marocaine, qui a transporté 5,9 millions devrait rejoindre d’ici à juin 2010 le réseau Star Alliance, de passagers (– 3,4 %) l’année dernière, a toutefois mainqui regroupe déjà des compagnies comme Continental tenu ses investissements avec la création en 2009 d’une Airlines, Singapore Airlines, United Airlines, Air Canada filiale spécialisée dans le transport domestique et régioet Lufthansa. Une adhésion qui permettra à Ethiopian nal : RAM Express, détenue à 25 % par l’État. Elle disAirlines de renforcer son image de compagnie sûre. ■
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moiements, les chefs d’État ont finalement décidé de fixer le siège de la nouvelle compagnie à Brazzaville (Congo), au grand dam de N’Djamena (Tchad), qui était en lice. Également actionnaire à 40 % d’Air Cemac, South African Airways, le partenaire stratégique, s’est engagé à fournir des appareils pour permettre à la compagnie de décoller et milite par ailleurs pour que le hub d’Air Cemac soit implanté à Douala… Le premier vol devrait avoir lieu avant la mi-2010.
ISSOUF SANOGO/AFP
Sur le continent, le revenu moyen par abonné devrait atteindre 10,30 dollars par mois en 2011.
Télécoms En quête d’une autre stratégie
Dans un marché qui voit sa croissance ralentir, les opérateurs doivent réviser leur modèle économique et parient sur le développement de l’offre internet. FAÏZA G HOZALI
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es grosses opérations de fusions ont fait la une des journaux économiques durant l’année 2009. Orascom Telecom s’est offert Cell One Namibia en janvier, puis le koweïtien Zain a acquis 31 % du marocain Wana en mars; enfin Maroc Télécom s’est emparé de 51 % du malien Soltelma en juillet. Par ailleurs, Orange a remporté une nouvelle licence en Tunisie, en partenariat avec un acteur local, Divona, et Etisalat a achevé de prendre le contrôle à 100 % du groupe ivoirien Atlantique Telecom, qui opère sous la marque Moov. Mais c’est surtout le sud-africain MTN qui a été l’objet de toutes les attentions. Ses noces tant promises avec l’indien Bharti Airtel devaient donner naissance au leader africain des télécoms – et troisième mondial – avec 200 millions d’abonnés et un chiffre d’affaires de 20 milliards de dollars. Las! MTN et Bharti, qui avaient déjà tenté un rapprochement en 2008, ont buté sur le veto des autorités sud-africaines, rétives à l’idée de voir s’échapper leur fleuron national. L’opérateur indien a finalement continué de poser ses pions sur le continent en se rapprochant de Zain. Ce dernier faisait miroiter ses actifs africains – hors Soudan et Maroc – depuis 2009. 58
Finalement, un deal a été conclu avec Bharti le 25 mars 2010 pour 7,3 milliards d’euros. Un accord qui fera date dans l’histoire africaine des télécoms. Pourtant, l’offensive de Bharti intervient dans un contexte moins porteur qu’il y a quelques années. En effet, si le secteur est toujours en expansion, la tendance est malgré tout au ralentissement : 26 % de croissance annuelle en 2009, contre 35 % en 2008, et le chiffre d’affaires des opérateurs croît moins vite. Les marges brutes d’exploitation s’effritent. L’arpu (revenu moyen par abonné), lui, s’érode : de 11,50 dollars par mois en 2009, il devrait passer à 10,30 en 2011, selon les projections du cabinet d’études Informa Telecoms & Media. « Les dépenses opérationnelles augmentent plus vite que les revenus », résume Guy Zibi, fondateur d’AfricaNext, cabinet-conseil spécialisé dans l’économie des télécoms. Son constat est sans appel: un tiers des opérateurs mobiles en Afrique ne sont pas rentables. Et les parts de marché sont plus difficiles à décrocher désormais, notamment en Afrique subsaharienne, dominée par le trio Orange-MTN-Zain (bientôt Bharti). À eux trois, ils pèsent pour 72 % des abonnés, environ 80 % des revenus générés par le mobile, et près d’un tiers des investissements dans le secteur.
Le taux moyen de pénétration du mobile en Afrique se situait autour de 33 % en 2008, mais ce chiffre cache de grandes disparités. À la conquête de nouveaux marchés, les opérateurs se lancent à l’assaut des zones rurales. Mais ce déploiement se révèle très coûteux, alors même que la clientèle visée affiche de très bas revenus. Résultat, l’expansion géographique s’est soldée par un endettement important. Voilà qui éclaire en partie la cession des actifs africains de Zain (hors Soudan et Maroc), alourdis d’une dette de 1,23 milliard d’euros, ou la déroute de Warid Telecom Côte d’Ivoire, au bord de la faillite sans même avoir pu se lancer. Quant à MTN, il a mis un coup de frein à son programme Village Phone, lancé dans les campagnes ougandaises et rwandaises avec la Fondation Grameen. Les opérateurs n’ont pas le choix : il leur faut changer de stratégie et réviser leur modèle économique. La tendance majeure est à l’externalisation. En juin 2009, Zain a ainsi confié la gestion de son réseau nigérian au suédois Ericsson. Deuxième option en vogue : la mutualisation des infrastructures, qui permet de réduire les coûts. Fondé sur des économies d’échelle, le modèle vient d’Inde, où les opérateurs mobiles offrent le tarif à la minute le plus faible au monde tout en affichant une JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
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Contraints de s’engager dans une diversification de leurs revenus, qui dépendent toujours à plus de 90 % des appels vocaux, les opérateurs doivent notamment parier sur le développement du réseau internet et du haut débit: « Les revenus liés au transfert de données [Data] vont fortement augmenter dans les années à venir », promet Christian de Faria, vice-président de MTN Afrique de l’Ouest et Afrique centrale. Selon différentes estimations, ces nouveaux services devraient contribuer pour plus de 25 % des revenus des opérateurs d’ici quatre à cinq ans (contre 8 % pour MTN et 17 % pour Safaricom en 2009, par exemple). Pour l’heure, l’Afrique subsaharienne affiche les taux de pénétration de l’internet et du haut débit les plus faibles au monde, respectivement inférieurs à
7 % et à 1 %, selon l’OCDE en 2009 (contre 40,4 % et 2 % en Afrique du Nord). Mais les câbles sous-marins promis d’ici à 2011 doperont la capacité de la bande passante. « Lorsque nous nous sommes raccordés à Seacom, raconte Michael Joseph, patron de Safaricom, notre activité Data a doublé du jour au lendemain. Puis celle-ci a encore doublé lorsque nous nous sommes connectés à Teams, dont nous détenons 22,5 % du capital. » La technologie wimax, qui pallie les défaillances des infrastructures filaires en passant par les fréquences hertziennes, a également la cote. Une centaine de réseaux ont été déployés en Afrique, selon les chiffres du Wimax Forum publiés en juillet 2009, soit 21 % du total mondial. Plus de 20 projets étaient annoncés l’an passé. MTN détient des licences dans six pays (Afrique du Sud, Ouganda, Rwanda, Cameroun, Nigeria, Côte d’Ivoire), Orange s’est lancé dans sept autres (Mali, Niger, GuinéeBissau, Botswana, République centrafricaine, Cameroun, Guinée). Les équipementiers multiplient les contrats, comme le leader mondial Alvarion (qui a déployé 60 réseaux wimax en Afrique) ou les chinois Huawei et ZTE, en passe d’évincer les anciens, Alcatel, Motorola et Cisco. De son côté, Zain a confié à Aircom la mutation de son réseau 2G vers la 3.5G au Ghana. Et nombreux sont ceux qui acquièrent des fournisseurs d’accès à internet – comme MTN en Côte d’Ivoire –, voire des opérateurs dans le fixe, pour développer une offre couplée (internet-téléphonetélévision). La bataille du Net est bel et bien lancée. ■
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marge d’exploitation qui flirte avec les 40 %. Pionnière en la matière en Afrique, l’Autorité nigériane de régulation a réglementé le partage des infrastructures comme les stations de base (émetteur-récepteur). Pour rester dans la course et réduire le taux de résiliation d’abonnements, les opérateurs doivent innover et offrir des services à plus forte valeur ajoutée. Ce qui implique des investissements importants. Résultat, bien qu’en plein essor, le MPaiement, service de paiement par mobile, peine à être rentable. Zain (Zap), MTN (Mobile Money) et Orange (OrangeMoney) s’y sont mis. Mais le succès de Safaricom au Kenya, pionnier avec son MPesa (10 millions de dollars transférés par jour), reste une exception.
Sud-Sud La ruée vers l’Afrique
Le continent est devenu une escale incontournable pour les dirigeants des Bric (Brésil, Russie, Inde, Chine). Quand diplomatie rime avec business… PASC AL A IRAULT
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ortez! Devenez des acteurs mondiaux. » Tel était, dès la fin des années 1990, le mot d’ordre de Jiang Zemin. Dix ans plus tard, les entreprises chinoises sont bel et bien installées en Afrique (voir encadré). Le stock des investissements chinois sur le continent était de 17,6 milliards de dollars en 2006 et devrait atteindre 72 milliards de dollars en 2011. Tous les secteurs sont concernés. Dans la construction, China State Construction Engineering Corporation (CSCEC), entreprise publique numéro un du BTP, a ainsi raflé la plupart des contrats de logements sociaux lancés par les autorités algériennes. L’Afrique attire aussi les majors pétrolières comme la China National Petroleum Corporation (CNPC), la China Petrochemical Corporation (Sinopec) et surtout la China National Offshore Oil Corporation (Cnooc), qui ont investi massivement dans les hydrocarbures au Soudan, au Nigeria et en Angola. Par ailleurs, Pékin a promis 10 milliards de dollars de prêts lors du dernier Forum sur la coopération sino-africaine (Focac) qui s’est tenu dans la station balnéaire de Charm el-Cheikh, en Égypte, en novembre 2009. De leur côté, les Indiens sont plus discrets et ne déboursent pas encore des sommes astronomiques. Mais ils sont
de plus en plus actifs. Leurs investissements en Afrique étaient estimés à 3,1 milliards de dollars en 2004. Difficile de savoir aujourd’hui leur niveau exact, ces investissements étant parfois réalisés par la diaspora ou à travers des pays tiers comme Singapour. Le pré carré des hommes d’affaires reste l’est et le sud du continent: le Zimbabwe, l’Afrique du Sud, la Tanzanie, le Kenya, l’Ouganda… Autant de pays où la communauté indienne qui a débarqué pendant la colonisation est encore très nombreuse (1,5 million au total). Le groupe Tata possède des filières en Afrique australe, de la plantation de thé à l’usine d’assemblage de véhicules. En Zambie, Vedanta Resources est devenu l’actionnaire majoritaire de la société minière Konkola (premier producteur de cuivre du pays). À Maurice, Mahanagar Telephone Nigam a développé ses activités en utilisant la technologie de transmission hertzienne de données. Au Zimbabwe, Global Steel a investi 400 millions de dollars pour rénover la Zimbabwe Iron & Steel Company et a hérité de la gestion de l’entreprise pour vingt ans. Les Indiens avancent aussi leurs pions en Afrique de l’Ouest, en Afrique centrale et en Afrique du Nord. Le groupe Mittal s’est vu confier la mise en valeur des mines
Chinafrique: un bilan en demi-teinte
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l n’y a ni cité interdite ni citadelle imprenable. Telle pourrait être la devise du « Politburo » chinois, qui pousse ses ressortissants et ses entreprises à coloniser de nouveaux territoires africains. Une conquête planifiée au plus haut niveau et donnant lieu à plusieurs voyages sur le continent. En dix ans, les échanges sino-africains ont été multipliés par vingt, atteignant plus de 106 milliards de dollars. Les entreprises à capitaux chinois se sont implantées sur le continent aux dépens des groupes occidentaux, qui dénoncent une concurrence « déloyale ». Si elles sont très visibles dans les secteurs traditionnels du BTP et des hydrocarbures, elles sont aussi désormais présentes dans les télécoms et les banques.
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Pour aider ses entreprises publiques, Pékin débloque des prêts concessionnels et des dons, construit des barrages, des routes et des hôpitaux sans s’immiscer dans les affaires intérieures ni réclamer un quelconque progrès en matière de démocratie, de droits de l’homme ou de bonne gouvernance. Elle traite avec tout le monde, y compris avec les chefs d’État mis au ban de la communauté internationale comme Robert Mugabe et Omar el-Béchir… Ce qui ne l’empêche pas de rencontrer de nombreux déboires sur le terrain. En Angola, les projets sont loin d’être sortis de terre. Même déception en RD Congo où le contrat mirifique passé par les autorités a subi une sévère réduction de voilure sous
la pression des institutions de Bretton Woods. Au Nigeria, les accords signés par le président Olusegun Obansanjo sont en cours de réexamen, car des soupçons de corruption planent sur les contrats. Au Sénégal et en Zambie, la présence chinoise est fortement contestée. À Dakar, c’est la concurrence des commerçants chinois qui fait débat dans l’opinion. À Lusaka, ce sont les conditions de sécurité dans les mines exploitées par les sociétés chinoises qui sont dénoncées. Mais si les Chinois deviennent plus méfiants, ils n’ont aucunement l’intention de se retirer. Au contraire, le pays de Hu Jintao a plus que jamais besoin de l’Afrique et de ses matières premières pour faire tourner ses industries. ■ P.A.
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RIA NOVOSTI/REUTERS
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de fer de Falémé au Sénégal et s’est engagé à édifier un port minéralier près de Dakar. Tata assemble des autobus à Dakar destinés à la sous-région et l’entreprise Rites étudie la réhabilitation du chemin de fer intérieur. De nombreuses entreprises indiennes sont aussi implantées au Ghana, comme Ircon (infrastructures ferroviaires). Chez le voisin ivoirien, le groupe de négoce Olam a investi dans l’anacarde et dans le capital de Sifca, la première industrie privée du pays, aux côtés du singapourien Wilmar. Quant à la société Oil & Natural Gas Corporation (ONGC), elle est implantée depuis 1999 et elle exploite, en partenariat avec la Société nationale d’opérations pétrolières de Côte d’Ivoire (Petroci), le champ CI 112. L’ONGC intervient aussi, avec Oil India, Marvis et India Oil Corp, en Libye, au Soudan, au Gabon, au Nigeria, à São Tomé, en GuinéeBissau et au Ghana (parfois avec des sociétés chinoises).
Le président russe en visite en Namibie le 25 juin 2009.
taine d’entreprises y sont dirigées par des entrepreneurs cariocas, dans des secteurs très variés. À l’image de l’entreprise Marcopolo, qui a installé une usine en Afrique du Sud pour construire des autocars. Autre exemple, celui d’Odebrecht qui intervient dans le domaine routier et dans la construction de barrages et de tunnels dans une dizaine de pays. Quant à la Russie, elle opère un timide retour en Afrique. Lors de sa tournée sur le continent, en juin 2009, le président Dmitri Medvedev était accompagné d’une délégation de quatre cents personnes, dont plusieurs ministres et dirigeants de grandes entreprises publiques comme Gazprom (gaz), Rosatom (nucléaire), Rosneft et Lukoil (pétrole) ou Alrosa (diamant). Gazprom et la Nigerian National Petroleum Corporation (NNPC) ont signé un contrat qui ouvre à la Russie l’accès à la septième réserve mondiale de gaz. Le géant gazier russe a investi 2,5 milliards de
De la même façon, le Brésil est présent dans les mines et les hydrocarbures. La major Petrobras est en Angola depuis 1979 LE BRÉSILIEN VALE INVESTIT 1,3 MILLIARD DE DOLLARS POUR et y exploite actuellement six blocs. EXPLOITER UN GISEMENT DE CHARBON AU MOZAMBIQUE. Elle a également acquis des permis de production au Nigeria, au Sénégal, au Mozambique et en Tanzanie. Dans la sidérurgie, Vale, predollars dans le joint-venture Nigaz et s’engage à construire mier producteur de fer et deuxième groupe minier mondial, dès 2010 un gazoduc qui pourrait constituer le premier est présent en Afrique du Sud, en Angola, en Guinée et au tronçon d’un réseau transsaharien. Mozambique. En février dernier, le brésilien a annoncé un Déjà bien placé pour la construction du premier réacteur investissement de 1,3 milliard de dollars pour exploiter l’un égyptien, Rosatom a signé, en mars 2009, un accord de des plus vastes gisements de charbon au monde près de Tete coopération avec Abuja pour la mise en service d’un réac(nord-ouest du Mozambique). C’est l’investissement le plus teur expérimental. Le groupe russe lorgne aussi l’uranium important jamais consenti par une entreprise brésilienne. de la Namibie. Les patrons d’entreprises industrielles mais Les investissements brésiliens en Afrique ont atteint aussi d’établissements bancaires ont récemment demandé entre 2003 et aujourd’hui 10 milliards de dollars. Ils sont l’appui de leur gouvernement pour s’implanter dans le sud surtout concentrés vers les pays lusophones ou détendu continent. Ils projettent d’investir à moyen terme près teurs d’un riche sous-sol. Près de 20 000 Brésiliens se de 5 milliards de dollars dans les pays de la Communauté sont récemment installés en Angola, et près d’une cende développement de l’Afrique australe (SADC). ■ JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
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Ils font parler d’eux LUCAS ABAGA NCHAMA
DONALD KABERUKA
Président de la BAD (Rwanda)
Gouverneur de la Beac (Guinée équatoriale)
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Le Morocco’Mall, le plus grand centre commercial d’Afrique, doit ouvrir ses portes à Casablanca en 2011. Porté par Salwa Akhannouch, PDG d’Aksal, ce projet doit réunir plusieurs enseignes internationales, comme la Fnac, Dior, Gucci, Cartier ou Zara. Ce complexe de 200 000 m 2 , qui abritera plus de 200 commerces et un hypermarché, est le fruit d’un partenariat entre Aksal et Nesk Investment. Il coûtera 200 millions d’euros. Il doit acc uei l l i r 15 millions de v i siteu r s pa r an, pour un chiffre d’affaires attendu de 444,5 millions d’euros. ■ 62
AMADOU KANE Président du conseil d’administration de la Bourse régionale des valeurs mobilières (Sénégal)
Amadou Kane se retrouvera fin 2010 à la tête du conseil d’administration de la BRVM, la Bourse régionale basée à Abidjan. Un succès de plus pour le banquier sénégalais, premier Africain à prendre la tête, en 1996, d’une filiale africaine de BNP Paribas, avant d’être nommé dix ans plus tard à la tête de la région Afrique subsaharienne pour la banque française. Même si cette der-
nière ne semble pas avoir fait de la zone une priorité stratégique… Alors qu’on le dit prêt à revenir à la tête de la Bicis à Dakar, le Sénégalais tentera de doper l’activité de la BRVM et d’en faire une réelle Bourse régionale. Pour l’instant, les entreprises ivoiriennes y restent largement dominantes. Le Sénégal, notamment, n’y compte qu’une valeur cotée: Sonatel. ■
CHARLES KIÉ DG du groupe Banque Atlantique (Côte d’Ivoire) Début 2010, Charles Kié a fêté ses deux ans aux commandes du groupe Banque Atlantique. Un exploit : rares sont en effet les managers à ten i r plus de quelques mois ou semestres dans le groupe de Koné D o s song u i. D ’aut a nt q u e l ’a n c i e n p a t r o n Afrique de l’Ouest pour Citibank n’a pas manqué de missions : consol ide r l a pr é s e nc e de Banque Atlantique dans sept pays de l’UEMOA, f usion ner les ent ités ivoir iennes, se développer en zone Cemac (avec le Cameroun pour l’i nsta nt), et t rouver
ISSOUF SANOGO POUR J.A.
SALWA AKHANNOUCH
PDG d’Aksal (Maroc)
NICOLAS FAUQUÉ/WWW.IMAGESDETUNISIE.COM
Nommé le 17 janvier 2010 en remplacement du Gabonais Philibert Andzembé, Lucas Abaga Nchama, 48 ans, est un homme du sérail. Détaché de la Banque centrale en 2005 pour occuper, dans son pays, le poste de secrétaire général au ministère des Finances, il y revient en 2007 comme représentant de Malabo au conseil d’administration. Désormais gouverneur, il doit impérativement restaurer la transparence dans la gestion de l’institut d’émission sous-régional. ■
Président de la BAD depuis le 1er septembre 2005, Kaberuka, 58 ans, brigue un nouveau quinquennat. À son actif, une mobilisation exemplaire pour faire face à la crise mondiale, avec le triplement des prêts et dons, à hauteur de 12 milliards de dollars en 2009. Son nouveau challenge : tripler le capital de l’institution pour atteindre 100 milliards de dollars en 2012. ■
de nouveaux capitaux. Ce modeste diplômé, formé à l’École supér ieu r e de c om me r c e d’A bidja n et à l’u n iver sité de Cler mont-
Fer ra nd, a dopé sa carrière à la suite d’un MBA décroché auprès d’HEC, de NYU Stern et de la London School of Economics. ■
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
ÉCONOMIE
ONS ABID POUR J.A.
Que le service mDinar, un système de paiement par mobile, se fasse finalement avec Tunisiana ou Orange, la Biat aura une nouvelle fois prouvé sa capacité d’innovation sur un marché bancaire revigoré depuis quelques années par l’arrivée de nouveaux acteurs. Aux commandes, Slaheddine Ladjimi, bientôt 60 ans. Ce banquier, qui a notamment dirigé la société de Bourse Cofib Capital Finance et présidé la Bourse de Tunis, a été choisi début 2007 par le nouvel actionnaire de la Biat, le groupe Mabrouk, pour mener une politique commerciale agressive auprès du grand public : crédits à la consommation, prêts immobiliers… Avec un relatif succès : la banque dépasse désormais les grandes banques publiques en termes de total de bilan. ■
LAMIDO SANUSI Gouverneur de la Banque centrale du Nigeria On pourrait l’appeler le nettoyeur nigérian : Lamido Sanusi, entré en fonctions mi-2009, a décidé de purger la place bancaire. Le nouveau gouverneur de la Banque centrale a repris en main
cinq banques, dont les dirigeants ont été limogés, et poussé toutes les autres à mieux gérer leurs placements. Il entendait mettre un terme aux prêts douteux, accordés aux mêmes groupes ou
comportant des risques trop élevés… À 48 ans, ce Nigérian originaire du Nord connaît bien le secteur : il y a toujours travaillé, notamment chez United Bank for Africa puis à First Bank. ■
Qui se souvient que Sifca fut un jour un géant mondial du cacao ? Sorti du secteur depuis une dizaine d’années, le groupe ivoirien a depuis misé sur d’autres activités agro-industrielles plus juteuses : le caoutchouc, avec Michelin, l’huile de palme, avec ses deux nouveaux actionnaires singapouriens Olam et Wilmar, et le sucre. Une reconversion menée par Yves Lambelin, le pivot du groupe, et Jean-Louis Billon. Ce dernier, qui a hérité de l’empire familial de son père, a su s’imposer, devenant notamment président de la Chambre de commerce et d’industrie du pays. ■
CAMILLE MILLERAND POUR J.A.
JEAN-LOUIS BILLON PDG de Sifca (Côte d’Ivoire)
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
MOUSSA BENHAMADI
PDG d’Algérie Télécom (Algérie)
N o m m é P D G d ’A l g é r i e Té lé c om (AT ) e n 2 0 0 8, Moussa Benhamadi a l’ambition de passer, dans le domaine de la téléphonie, de 13 millions d’abonnés actuellement à 18 millions en 2013. Avec pour objectif une répartition entre un tiers pour le fixe et deux tiers pour le mobile, secteur très concurrentiel. Le groupe veut aussi mettre l’accent sur l’ADSL et atteindre les 6 millions d’abonnés à internet d’ici à trois ans. Enfin, AT a récupéré en mars 2010 près de 700 millions d’euros de créances sur ses abonnés. ■ D.R.
SLAHEDDINE LADJIMI
DG de la Biat (Tunisie)
ABDOULAYE BIOTCHANÉ Président
de la BOAD (Bénin)
Il n’a pas encore annoncé sa candidature à l’élection présidentielle de 2011, mais il dispose déjà d’un site internet : www.abt2011.com, « seule alternative crédible pour le Bénin en 2011 ». Ancien directeur des études de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), ex-ministre de l’Économie et des Finances de Mathieu Kérékou, puis di rec teu r Afrique du FMI, il est depuis janvier 2008 président de la Banque ouest-africaine pour le développement (BOAD). Un poste qu’occupait avant lui Yayi Boni, l’actuel président du Bénin. ■ 63
1 MILLIARD
66 COUPE DU MONDE L’Afrique retient son souffle 70 DÉMOGRAPHIE Interview de Jean-Pierre Guengant, chercheur à l’Institut de recherche pour le développement 73
ENVIRONNEMENT Quand les écolos font de la politique
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TRIBUNE La longue histoire d’une littérature engagée Par Alain Mabanckou
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CINÉMA La dernière séance ?
82 TÉLÉVISION Marché saturé
D’après les projections de l’ONU publiées en 2009, l’Afrique subsaharienne comptera en 2050 entre 1,5 et 2,7 milliards d’habitants.
YANN ARTHUS BERTRAND/ALTITUDE
84 PORTRAITS Ils font parler d’eux
L’ÉTAT DE L’AFRIQUE SOCIÉTÉ
D’AFRICAINS
L’AFRIQUE RETIENT SON SOUFFLE La nation Arc-en-Ciel semble prête pour accueillir la première Coupe du monde de football en terres africaines (11 juin-11 juillet). Un événement dont la portée dépasse le cadre sportif. A LE XIS B ILLEBAULT
L
a période des doutes a officiellement pris fin… quelques semaines avant le début de la compétition. À la veille du match d’ouverture entre l’Afrique du Sud et le Mexique, le 11 juin au Soccer City de Johannesburg, plus question d’entendre des voix dissonantes sur la capacité de la nation Arc-en-Ciel à organiser la Coupe du monde. En confiant au pays le plus riche du continent la mission d’accueillir les stars du ballon rond pendant un mois, la Fifa (Fédération internationale de football association) veut prouver à la planète entière qu’elle ne s’est pas trompée.
Le président de la fédération l’a répété au début du mois de mars à Durban: « Il n’y a aucun doute dans le monde du football sur le fait que tout est à l’heure », a certifié Sepp Blatter, visiblement agacé par les interrogations récurrentes. « À la Fifa, ce qui nous énerve de temps en temps, c’est que l’on mette en doute la capacité de l’Afrique du Sud à assurer ce Mondial. Pourquoi avoir toujours ces doutes ? Maintenant, allons-y, organisons ce Mondial et on verra pour les questions à la fin de juillet ! » Blatter, qui a tout de même reconnu qu’il avait dû parfois faire preuve de
Payez ce que vous diffusez!
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l est définitivement révolu le temps où les grands événements sportifs, comme la Coupe d’Afrique des nations (CAN) ou la Coupe du monde, étaient gratuitement retransmis par les chaînes africaines. Pour avoir ce privilège, elles ont désormais obligation de mettre la main à la poche. Représentées par l’Union africaine de radiodiffusion (UAR), qui a conclu un partenariat avec Canal
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France International (CFI), elles ont démarché directement auprès de la Fifa l’acquisition des droits de diffusion du Mondial pour la région Afrique subsaharienne. Ainsi, 41 pays de cette zone auront accès aux matchs de la compétition à des tarifs raisonnables. En moyenne, les chaînes africaines devront payer 150000 euros pour diffuser l’ensemble des matchs de la compétition. Rien à voir avec les
sommes astronomiques demandées par la société LC2 – détentrice des droits TV de la CAF –, qui réclamait 1,5 million d’euros pour la diffusion d’une partie des rencontres de la CAN. Au total, pour ce Mondial sudafricain, la fédération a annoncé des recettes de droits TV de plus de 25 milliards de rands sudafricains, soit environ 2,5 milliards d’euros. Un niveau jamais atteint auparavant. ■ STÉPHANE BALLONG
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
JON HRUSA/EPA/CORBIS
SOCIÉTÉ
Au Soccer City, le match Afrique du Sud-Mexique donnera le coup d’envoi de la compétition.
patience avec le pays organisateur, est conscient de l’immense effort accompli par l’Afrique du Sud pour accueillir trente et une sélections, plusieurs centaines de milliers visiteurs et 30 000 journalistes. Selon les sources, entre 3,2 milliards et 4,7 milliards d’euros ont été dépensés pour l’événement, et le budget prévisionnel a explosé officiellement de 40 %. L’Afrique du Sud a construit cinq stades et en a rénové autant. Par ailleurs, un nouvel aéroport a vu le jour à Durban (King-Shaka), et ceux du Cap et de Johannesburg (Oliver-Tambo) ont été modernisés. Les réseaux routier et ferroviaire ont été réhabilités, ainsi que celui des transports publics, sciemment laissé à l’abandon pendant la période de l’apartheid. Enfin, pas moins de 190000 policiers, sans compter les militaires et les agents des sociétés privées, seront en grande partie mobilisés pour assurer la sécurité des visiteurs. Pourtant, malgré l’optimisme réel ou forcé, certaines interrogations demeurent. Tous les travaux liés à l’amélioration des moyens de transport ne sont pas complètement terminés, les abords du Soccer City, un des deux stades de Johannesburg, sont en chantier, et la pelouse de celui de Nelspruit pose de nombreux problèmes. Sans compter que la criminalité, qui fait de l’Afrique du Sud un des pays les plus violents de la planète, ne diminue pas. En début d’année, des bus ont été mitraillés, et ces actes auraient un lien avec la colère du lobby des chauffeurs de taxi et minibus, JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
qui détient 70 % du marché des transports collectifs et qui voit d’un mauvais œil la création d’un nouveau réseau de bus à Johannesburg. Dans la même province du Gauteng, des manifestations organisées dans les quartiers pauvres dégénèrent régulièrement en émeutes. Or l’Afrique du Sud, qui attend beaucoup de cette première Coupe du monde organisée sur le continent, dispose d’une marge de manœuvre très étroite. Si la violence devait perturber la compétition, les conséquences seraient désastreuses pour un pays qui espère attirer davantage de touristes et d’investisseurs étrangers. Grâce à la Coupe du monde, 160 000 emplois ont été créés, et les dépenses effectuées par les étrangers devraient faire du bien à l’économie locale, même si les visiteurs seront certainement moins nombreux que les 450000 attendus. La crise économique mondiale a d’ores et déjà affecté la vente des billets. Face à ce constat, la Fifa a décidé d’augmenter le nombre de place à prix réduit pour les ressortissants sudafricains. Mais rien ne permet d’affirmer aujourd’hui que tous les stades seront pleins. Pourtant, si les supporteurs ne seront peut-être pas aussi nombreux que prévu, les équipes, elles, se sont âprement disputées pour obtenir leur ticket pour Jo’burg. Parfois même violemment. L’Algérie et l’Égypte se sont ainsi données en spectacle pendant plusieurs jours au mois de novembre 2009, avant le dernier match qualificatif au Caire remporté par les Pharaons (2-0) et jusqu’au bar67
ZANGI/RICHARDI/PRESSESPORTS
rage décisif d’Omdurman (Soudan), gagné par les Algériens (1-0). Les pouvoirs publics, les médias et les supporteurs ont entretenu autour de ces matchs opposant deux pays prétendument frère, un véritable climat de haine: déclarations nauséabondes, insultes, drapeaux brûlés, incidents divers, et même gels d’investissements à Alger et au Caire… « Il n’y a rien de vraiment surprenant à tout cela, affirme Youcef Fates, politologue français d’origine algérienne et maître de conférences à l’université de Paris-Ouest Nanterre-La Défense. Tout le refoulé qui existe entre ces deux pays est remonté à la surface. Il y est question de leadership du monde arabe. Alors que la mondialisation uniformise et gomme les spécificités culturelles nationales, on assiste paradoxalement à des poussées nationalistes. » Avec ces événements, le panarabisme rêvé par Nasser n’est qu’un lointain et vague souvenir… « En Algérie, la passion suscitée par ces matchs s’explique en partie par le fait que le pays sort à peine d’une décennie marquée par la violence islamiste et qu’il est toujours
Les Sud-Africains profiteront-ils des retombées de l’événement ?
mal perçu à l’étranger, voire ostracisé. Résultat, le peuple a besoin de s’exprimer et il le fait parfois dans l’excès, en l’absence de tout contrôle », ajoute Youcef Fates. Reste que, au-delà de ces incidents à connotation nationaliste, la compétition sera planétaire. D’autant qu’un grand nombre de joueurs originaires du Sud jouent dans des clubs occidentaux. En la matière, l’Afrique du Sud fait un peu figure d’exception parmi les six équipes africaines qualifiées pour la Coupe du monde. Son sélectionneur brésilien, Carlos
Alberto Parreira, clame d’ailleurs un peu partout que sa sélection sera composée à 70 % de joueurs évoluant en Premier Soccer League, la plus riche du continent. « Parreira fait plaisir à la population locale. Mais sa décision est logique car il n’y a pas de grands joueurs sud-africains évoluant à l’étranger. Pienaar ou Mc Carthy [qui manquera sans doute la Coupe du monde, NDLR] ne sont pas au niveau de Drogba, Essien ou Eto’o », note Pascal Boniface, le directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et coauteur avec Hervé Mathoux de
Trois questions à Pascal Boniface
Coauteur de La Coupe du monde dans tous ses États (Larousse, 2010)
1.
2.
Les pouvoirs algérien et égyptien n’ont pas vraiment atténué les tensions… Au contraire. Imaginez un tel scénario après le France-RFA de juillet 1982 et l’agression du goal allemand Schumacher sur le français Battiston. Si les États allemand et français avaient agi de même, cela aurait pu nuire à la construction européenne! En Égypte comme en 68
Algérie, les pouvoirs sont en difficulté, et ils ont voulu se refaire une santé politique sur le dos de l’autre, en jouant la carte du nationalisme et non du patriotisme. En Afrique, la récupération des affaires du football à des fins politiques est récurrente.
3.
Un bon parcours en Coupe du monde pourrait-il atténuer les problèmes que traverse un pays comme la Côte d’Ivoire ou le Nigeria ? Cela peut créer une dynamique, à condition d’être bien utilisé par le pouvoir politique ! Mais de là à tout résoudre… Les joueurs ivoiriens, parmi lesquels on trouve des chrétiens et des musulmans, avaient montré que l’union était possible en se qualifiant pour la Coupe du monde 2006, et ils ont récidivé en 2010. Pour le Nigeria, cela me semble plus délicat, même si, au sein de la sélection, les deux religions sont représentées. Quant à l’Afrique du Sud, son image est engagée. Si cette Coupe du monde se déroulait bien, y compris sportivement pour l’équipe nationale, cela pourrait constituer un levier pour le pays. ■ PROPOS RECUEILLIS PAR A.B. IRIS
JEUNE AFRIQUE: Avez-vous été surpris par les incidents lors du match Égypte-Algérie, teintés de forts relents nationalistes? PASCAL BONIFACE : Pas vraiment. Il existe une rivalité footballistique entre ces deux pays depuis longtemps, accentuée par la qualification des Égyptiens au détriment de l’Algérie pour la Coupe du monde 1990. Cette rivalité sportive est venue s’ajouter au contentieux historique entre les deux pays. L’Égypte a toujours estimé que l’Algérie lui devait son indépendance, alors que celle-ci pense qu’elle l’a obtenue toute seule. Et l’Égypte pense être le pays phare du monde arabe, alors que les Algériens lui reprochent d’être trop liée aux États-Unis.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
La Coupe du monde dans tous ses États paru en 2010 chez Larousse (voir interview). Mais même quand les sélections ne laissent guère de place aux locaux, les supporters n’en demeurent pas moins très attachés à leur équipe nationale. Et les joueurs le leur rendent bien. « Le public sait aussi qu’ils ne viennent pas pour l’argent », remarque Pascal Boniface. L’histoire est ainsi truffée d’anecdotes rappelant que des joueurs ont pris à leur charge des billets d’avions et des frais d’hébergement, parfois sans voir venir le moindre remboursement. Si les équipes africaines peuvent promouvoir l’esprit de consensus et rassembler des publics parfois très hétérogènes autour d’un stade, peut-on pour autant espérer que la Coupe du monde aura des vertus unificatrices? Rien n’est moins sûr. Il faut dire que la situation politique qui prévaut dans les pays du continent engagés dans la compétition reste bien souvent explosive. À l’image du Nigeria, ensanglanté par les massacres auxquels se livrent alternativement musulmans et chrétiens. La Côte d’Ivoire, elle, n’en finit plus d’attendre la tenue d’une élection présidentielle prévue en 2005 et maintes fois repoussée. L’Algérie continue de panser les plaies d’une décennie de démence islamiste, alors que l’Afrique du Sud demeure minée par la violence et les inégalités sociales. A lors, quand une Coupe du monde s’annonce, les dirigeants politiques des pays qualifiés rêvent de pouvoir tirer profit d’un bon parcours de leur sélection. « Mais il ne faut pas exagérer le pouvoir du football, comme le disait Nelson Mandela, nuance Youcef Fates. Ce sport n’est pas la panacée, il n’a pas le pouvoir de guérir les blessures, même s’il peut éventuellement les atténuer. Cela dépend surtout des contextes. Au Nigeria, par exemple, il est fort peu probable qu’une bonne performance des Super Eagles suffise à atténuer les tensions. » Idem en Afrique du Sud, où il faudra sans doute plus qu’une bonne performance des BafanaBafana pour redonner un second souffle à la nation Arc-en-Ciel… ■
Lomé (Togo)
Cotonou (Bénin)
Ouagadougou (Burkina Faso)
Accra (Ghana)
Lomé, Cotonou, Ouagadougou et Accra viennent s’ajouter au réseau Afrique de Brussels Airlines qui compte désormais 18 destinations. Réservez sans tarder votre vol et volez dès cet été.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
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Interview Jean-Pierre Guengant
Directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (France)
« Au moins 2 milliards d’Africains en 2050 » RECUEILLIS PAR
Z OÉ S UAREZ
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Afrique a franchi l’an dernier le seuil hautement symbolique du milliard d’habitants. Mais au-delà de ce chiffre, le continent dans son ensemble, et sa partie subsaharienne en particulier, reste soumis à des phénomènes spécifiques, à commencer par celui d’une très forte natalité. Le continent est en effet le plus fécond (4,6 enfants par femme) et le plus jeune. Actuellement, un enfant sur quatre naît en Afrique, et rien ne semble susceptible d’enrayer cette dynamique, pas même les problèmes sanitaires pourtant dramatiques que connaissent de nombreux pays. Alors que les autres régions en développement, notamment l’Asie et l’Amérique latine, ont achevé leur transition démographique, le continent africain, lui, en est encore loin. Quelles seront les conséquences pour les décennies à venir? C’est la question que l’on a posée au démographe Jean-Pierre Guengant. Directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), basé en France, cet expert international a collaboré avec la Division de la population de l’ONU. Il fut l’un des premiers chercheurs à prédire, dans les années 1990, que la baisse de la fécondité en Afrique subsaharienne serait beaucoup moins rapide qu’on ne le pensait alors. ✶
On présente souvent l’Afrique comme une exception démographique. En quoi reste-t-elle un continent à part ? JEAN-PIERRE GUENGANT : Je n’aime pas trop le terme d’exception qui, dans le cas de l’Afrique, singularise le plus souvent négativement le continent. Deux faits majeurs caractérisent l’évolution démographique de l’Afrique subsaharienne depuis l’avènement de « l’économie-monde » dominée par l’Occident, c’est-à-dire depuis le XVIe siècle. Le premier, c’est la quasi-stagnation, voire la régression, de la population subsaharienne au-dessous de 100 millions d’habitants entre 1500 et 1900. Au cours de la même période, les populations de la Chine et de l’Europe ont été multipliées par cinq, celles du souscontinent indien et de l’Afrique du Nord par trois. Le second, c’est l’explosion démographique du Tiers Monde au XXe siècle. Mais alors que celle-ci a été de courte durée en Asie et en Amérique latine, du fait de la diffusion 70
rapide de la contraception et de la maîtrise de la fécondité, elle se poursuit sur le continent africain. Alors qu’aujourd’hui la croissance démographique est de l’ordre de 1 % par an en Asie et en Amérique latine, elle est toujours d’environ 2,5 % par an en Afrique subsaharienne. Ces évolutions posent non pas tant le problème de la taille de la population, que celui du temps nécessaire à l’adaptation. Si la Chine et l’Europe, par exemple, ont eu quatre siècles pour s’adapter à une multiplication par cinq de leurs populations, l’Afrique n’a pas encore fini de s’ajuster à la multiplication par huit qu’elle a connue depuis 1900, et à la poursuite de sa croissance démographique. D.R.
P ROPOS
Les différents pays du continent présentent des situations assez hétérogènes. Peut-on toutefois établir une typologie en matière démographique ? La transition tardive de la fécondité en Afrique subsaharienne qui s’est amorcée dans les années 1980, avec vingt ans de retard par rapport à l’Asie et à l’Amérique latine, est également beaucoup plus lente. En effet, elle est avancée ou relativement bien amorcée dans seulement 13 pays sur 48, ce qui ne représente que 14 % de sa population. Elle est plus lente et irrégulière dans 19 pays, et très lente voire inexistante dans 16 pays, ce qui représente 86 % de la population. Comment expliquer ce retard ? Schématiquement, on peut dire que les facteurs qui expliquent cette situation sont d’ordre historique, culturel et politique. L’Afrique subsaharienne a longtemps été considérée comme sous-peuplée du fait des faibles densités de population globales observées et des particularismes de son histoire démographique. Par ailleurs, le maintien d’une forte fécondité reste très valorisé socialement, en particulier dans les sociétés rurales où les femmes sont traditionnellement assignées au rôle de reproductrices. Ces idées dominantes expliquent en grande partie le peu d’empressement des autorités africaines mais aussi des sociétés civiles – à s’intéresser à la diffusion de la contraception et à reconnaître ses effets bénéfiques sur la santé des femmes et des enfants. JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
MIKKEL OSTERGAARD/PANOS-REA
Le maintien d’une fécondité élevée n’est-il pas en décalage avec les évolutions observées dans le reste du monde ? Le nombre moyen d’enfants par femme s’établit aujourd’hui à 2,5 enfants par femme pour l’Asie et à 2,3 pour l’Amérique latine et les Caraïbes, contre 5 pour l’Afrique subsaharienne. On peut interpréter cet écart de deux manières. Il peut traduire un simple décalage dans le temps, le taux de fécondité africain finissant par baisser et atteindre les niveaux observés ailleurs dans le monde. Mais cet écart peut aussi traduire un « décrochage » des évolutions observées en Afrique subsaharienne par rapport à celles observées ailleurs.
Difficile d’échapper au scénario catastrophe… Il faut tout d’abord rappeler que l’objectif de ces chiffres n’est ni de faire peur ni de donner une vision pessimiste du futur… Il s’agit simplement de simulations. D’autres évolutions sont évidemment possibles, car l’évolution de la fécondité dépend de plusieurs facteurs.
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Compte tenu des statistiques disponibles, quels sont donc les scénarios démographiques pour l’Afrique d’ici à 2050 ou 2100 ? L es der nières projec t ions de L’HYPOTHÈSE DE L’ONU D’UNE BAISSE RAPIDE DE LA l’ONU publiées en 2009 donnent FÉCONDITÉ DANS UN AVENIR PROCHE EST TRÈS OPTIMISTE. pour l’Afrique subsaharienne en 2050 une population d’env iron On peut envisager que les femmes africaines décideront 1,5 milliard pour l’hypothèse dite « basse », 2 milliards rapidement d’elles-mêmes de maîtriser leur fécondité. pour l’hypothèse dite « haute » et 2,7 milliards pour L’urbanisation rapide du continent, la progression des l’hypothèse dite « à fécondité constante ». Pour l’enniveaux d’instruction des jeunes filles et des femmes semble de l’Afrique subsaharienne, cela correspond à peuvent favoriser ce type d’évolution. Mais on en est un accroissement de l’espérance de vie à la naissance, encore loin, et les évolutions observées ces vingt derniède 52 ans aujourd’hui à 66 ans vers 2050, associé avec res années pointent plutôt vers une transition beaucoup l’hypothèse d’une diminution progressive de l’impact plus lente. de l’épidémie du VIH/sida. Ces projections reposent aussi sur une émigration nette au départ de la région Comment l’Afrique peut-elle malgré tout reprendre de 300 000 personnes par an. Selon les différents scéle contrôle de sa démographie ? narios, la fécondité passerait de 5 enfants par femme Il faut souligner à ce sujet que la rapidité des tranaujourd’hui à 2 enfants pour l’hypothèse basse et à sitions observées en Asie et en Amérique latine 3 enfants pour l’hypothèse haute. JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
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SOCIÉTÉ
Compte tenu de l’extrême jeunesse de la population (les deux tiers des Subsahariens ont moins de 25 ans), le futur démographique dépendra essentiellement de l’évolution de la fécondité. Or les hypothèses de baisse de la fécondité faites par l’ONU apparaissent très optimistes. Par exemple, le passage de 5 enfants à 2 ou 3 enfants par femme d’ici à 2050 suppose que le pourcentage de femmes utilisant une mét hode de contraception passe d’environ 10 % actuellement à 60 %, voire plus, alors que l’usage de la contraception progresse deux à trois fois plus lentement en Afrique subsaharienne aujourd’hui qu’en Asie et en Amérique latine entre 1960 et 2000. En fait, le futur n’est jamais connu et les scénarios que l’on peut faire à quarante ans d’échéance relèvent du domaine de la prospective. Seule certitude, la population de l’Afrique subsaharienne va continuer d’augmenter fortement dans les années à venir, et, à l’horizon En Afrique 2050, les Subsahariens seront entre subsaharienne, deux et trois fois plus nombreux le nombre moyen qu’aujourd’hui. À l’horizon 2100, les d’enfants par incertitudes sont évidemment plus femme s’établit grandes. Mais on peut dire que si la à 5, contre 2,5 fécondité devait se maintenir autour de moyenne de 3 enfants par femme entre 2050 mondiale. et 2100, la population de l’Afrique subsaharienne pourrait dépasser les 4 milliards.
Tunisie 10,3
Maroc 32
de réduire la mortalité des enfants de moins de 5 ans… Mali 13 Il faut reconnaître que des proMauritanie 3,3 Cap-Vert 0,5 Niger 15,3 grès ont été réalisés depuis les Tchad 11,2 indépendances. Les taux de morÉrythrée 5,1 Sénégal 12,5 Burkina 15,8 talité infantile en Afrique subsaNigeria Gambie 1,7 Soudan Djibouti 0,9 Bénin 8,9 Guinée-Bissau 1,6 42,3 Éthiopie harienne ont été divisés par deux 154,7 Togo 6,6 Guinée 10,1 Centrafrique 4,4 depuis 1960, passant d’environ 82,8 Sierra Leone 5,7 Côte Ghana Cameroun Somalie 9,1 d'Ivoire 23,8 Liberia 4 19,5 150 ‰ au début des années 1960 21,1 Ouganda Seychelles 0,1 Guinée équato. 0,7 à 80 ‰ aujourd’hui. Mais ces taux 32,7 RDC 66 Kenya Gabon 1,5 restent deux fois plus élevés que 39,8 Congo 3,7 São Tomé e Príncipe 0,2 Rwanda 10 ceux observés globalement pour Burundi 8,3 Comores Tanzanie l’Asie et quatre fois plus impor0,7 43,7 tants qu’en Amérique latine. Par Zambie 12,9 Malawi 15,3 ailleurs, il faut souligner qu’en Madagascar 19,6 Population en 2009 Angola 18,5 Mozambique Afrique subsaharienne un enfant (en millions d'habitants) 22,9 Zimbabwe 12,5 sur six meurt avant son cinquième Maurice 1,3 Boswana Namibie 2 anniversaire (avec un taux de Swaziland Le cercle est proportionnel 2,2 1,2 à la taille démographique mortalité de l’ordre de 150 ‰). Lesotho de chaque pays 2,1 Cette forte mortalité résulte de plusieurs facteurs parmi lesquels on peut SOURCE : FNUAP Afrique du Sud citer le manque d’hygiène et les faibles 50,1 performances des systèmes de santé. Encore une fois, les risques pourraient être réduits par une meilleure maîtrise de la fécondité. résulte d’interventions délibérées soit des gouvernements, soit de la société civile. Le laisser-faire qui Considérez-vous la croissance démographique du prévaut encore largement en Afrique subsaharienne en continent comme un facteur de développement ou matière de diffusion de la contraception et de promotion comme un frein ? des droits reproductifs des femmes n’est pas propice à Le milliard d’habitants que compte aujourd’hui l’Afriune accélération des transitions de la fécondité. Pour que ne constitue pas en soi un facteur de développement. accélérer l’utilisation de la contraception, il faudrait En effet, ce milliard de producteurs et de consommamettre en place des programmes qui soient avant tout teurs est réparti entre 53 États, qui sont autant de marinformatifs et sans tabou sur la santé de la reproduction chés différents mal intégrés entre eux, et leur pouvoir et la planification familiale. Le poids de l’Histoire, des d’achat est faible. En fait, la relation entre croissance croyances, des coutumes et des interdits sont autant de démographique et développement doit s’apprécier selon freins à la maîtrise de la fécondité. Cela dit, les autorités l’importance de cette croissance. Le maintien pendant sont aussi responsables en refusant de mettre en œuvre cinquante ans de taux de 2,5 % par an, et la poursuite des politiques courageuses. À ce jour, aucune campagne de fortes croissances dans les décennies à venir constisérieuse – inscrite dans la durée – de promotion du libre tuent un frein à l’épargne, aux investissements, et à la choix des femmes en matière de procréation (comme au constitution d’un capital humain de qualité. Celui-ci est Bangladesh ou en Jamaïque) n’a vraiment été menée en variable selon les pays, mais dans nombre d’entre eux, Afrique subsaharienne. il reste faible, la moitié de la population adulte, voire Faciliter l’accès à l’information, garantir l’accès au davantage, n’ayant pas été à l’école. ■ planning familial, décourager le mariage des jeunes filles, retarder la première grossesse, espacer les autres, former un personnel soignant responsable, éduquer, communiquer… a population urbaine en vivent en milieu urbain. En Voilà quelques-unes des mesures Afrique représente toujours Afrique de l’Est, en revanche, qui permettraient de répondre à en 2010 une faible proportion cette population urbaine ne la demande des femmes, d’éviter de la population totale: 40 % représente que le quart du les naissances non désirées. Cela pour l’ensemble du continent, total. L’Afrique de l’Ouest et aurait aussi pour effet de réduire contre 50 % en Asie et 80 % en l’Afrique centrale se situent à des les grossesses à risques, et donc la Amérique latine. Mais il existe des niveaux intermédiaires, avec des mortalité maternelle et infantile. différences importantes au niveau taux d’urbanisation de l’ordre Des pays comme le Mexique, l’Insous-régional. Ainsi l’Afrique du de 45 %. Pour ces deux sousdonésie et la Thaïlande l’ont fait. Nord et l’Afrique australe sont régions, le basculement urbain Tout comme, en Afrique, Maurice déjà majoritairement urbaines, devrait se produire dans les et la Tunisie. Algérie 34,9
Égypte 83
Libye 6,4
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Les citadins bientôt majoritaires
L
D’une manière générale, le continent semble en effet bien en peine 72
puisque, en 2010, respectivement 52 % et 59 % de leur population
années 2020, et pas avant 2050 pour l’Afrique de l’Est. ■ Z.S.
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Les installations de Mobil Exxon Gas sur l’île de Bonny, dans le sud-est du Nigeria.
ED KASHI/CORBIS
SOCIÉTÉ
Environnement Quand les écolos font de la politique Assèchement du lac Tchad, destruction des forêts du Congo… Les grandes causes ne manquent pas. Mais les partis peinent encore à mobiliser. A NNE K APPÈS-G RANGÉ
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l s’en est fallu de peu. Les États africains ont longtemps boudé les réunions préparatoires, avant de, finalement, faire front commun, en décembre 2009, lors des négociations sur la lutte contre le réchauffement climatique à Copenhague. Ayant le sentiment de ne pas être assez pris au sérieux et redoutant – avec raison – un accord minimaliste sur les réductions de gaz à effet de serre (GES), l’Afrique a renoncé au boycott des travaux pour faire entendre sa voix. L’équation, il est vrai, est injuste. Le continent émet moins de CO2 que le Texas mais pourrait être la région du monde la plus affectée par les conséquences du changement climatique. La liste des désastres environnementaux est déjà longue: déforestation, qui est en partie responsable des émissions de GES, mais aussi érosion côtière, pollution, urbanisation incontrôlée, désertification, gestion catastrophique des déchets… Pour tenter de sensibiliser l’opinion publique, les verts africains se montrent de plus en plus actifs, même s’ils peinent à se faire une place aux côtés des partis politiques traditionnels. Les débuts de l’écologie politique en Afrique remontent à la fin des années 1970, quand le milieu associatif prend conscience de l’importance de préserver l’environnement. Dès 1977, la Kényane Wangari Maathai – future Prix Nobel de la paix – fonde le Green Belt Movement JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
(Ceinture verte) et fait planter plus de dix millions d’arbres en Afrique pour lutter contre l’érosion des sols et fournir du bois aux populations locales. Durant plus d’une décennie, les ONG s’activent et les premiers partis verts font de timides avancées. Mais il faut attendre les années 1990 pour que fleurissent les formations écologistes à la faveur du multipartisme. Dès 1991, on en recense au Cameroun, en Côte d’Ivoire, au Niger, au Mali et au Burkina. Puis, quelques mois plus tard, des partis sont créés au Sénégal, en Guinée, au Maroc. En 1994, à Niamey, est lancée la Coordination des verts d’Afrique, premier signe d’une volonté politique commune. Deux ans plus tard, le premier congrès des verts africains est organisé à Nairobi. L’initiative est reconduite en 2002, à Dakar, mais des dissensions internes paralysent la Coordination – devenue Fédération des verts d’Afrique –, et ses membres peinent à lui redonner du sens. D’une manière générale, la défense de l’environnement passe, parfois encore, pour une incongruité dans des pays où sévissent pauvreté, guerres et épidémies. Pourtant, les partis des verts sont de moins en moins considérés comme un gadget à destination des bailleurs de fonds étrangers. Il faut dire que les militants défendent 73
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René Ngongo
FONDATEUR DE L’ONG OCEAN, RD CONGO
N é à Goma au d é b ut des années 1960, René Ngongo a grandi tout près du parc national des Virunga. D’après la littérature officielle, c’est ici, aux confins de la République démocratique du Congo, qu’il se passionne pour les forêts. Quelques années plus tard, il part pour Kisangani, où il étudie la biologie, puis se consacre à la protection des forêts du bassin du Congo. Pendant les années de guerre, en 1996 et 2002, il refuse de quitter la région et enquête sur l’exploitation des ressources naturelles par les belligérants. Conseiller politique de Greenpeace Afrique, il est aussi le fondateur de l’ONG Ocean (Organisation concertée des écologistes et amis de la nature) et c’est à ce titre qu’il a reçu, en octobre 2009, le prix Nobel alternatif. ■
MARIELLA FURRER/COSMOS
L’écologie serait-elle une nouvelle forme d’opposition, capable de faire trembler les pouvoirs africains ? Nous n’en sommes pas encore là. Mais du Maroc (Fatima Alaoui) à la RD Congo (Ruffin Mpaka), en passant par le Sénégal (Haïdar el-Ali et Ousmane Sow Huchard) et la Côte d’Ivoire (Edmond Édouard N’Gouan), partis et associations écologistes se multiplient avec, pour le moment, des fortunes diverses. En 1998, au Burkina, Ram Ouédraogo, candidat de l’Union des verts pour le développement du Burkina Faso, a remporté 6,61 % des voix à l’élection présidentielle (le meilleur score jamais atteint par un vert pour ce type de scrutin). Mais, dans l’ensemble, la plupart de ces partis ne pèsent pas lourd. Ce ne sont pourtant pas les causes qui manquent. Entre la fonte des neiges du Kilimandjaro, l’assèchement du lac Tchad, la disparition annoncée des gorilles ou les menaces qui pèsent sur le fleuve Niger, les verts d’Afrique paraissent démunis et font souvent pâle figure à côté des ONG locales et internationales qui s’activent sur le terrain. Parmi les luttes emblématiques : la protection des forêts du bassin du Congo, deuxième massif forestier tropical au monde, menacé par la surexploitation du bois. Plus de 65 millions de personnes en dépendent pour leur subsistance, soit plus des deux tiers de la population d’Afrique centrale. Les six pays (Cameroun, Congo, RD Congo, Gabon, Guinée équatoriale et Centrafrique) qui se partagent les 227 millions d’hectares du bassin du Congo se sont engagés à freiner le déboisement, mais avec peu de succès pour l’instant selon les associations de défense de l’environnement, qui, à l’instar de Greenpeace, critiquent le manque de transparence dans la gestion de la filière bois. Il reste donc beaucoup à faire. Réunis à Libreville, en août 2008, pour la toute première conférence interministérielle sur la santé et l’environnement, les représentants des 53 pays du continent ont mis en garde contre l’apparition de nouveaux risques environnementaux: polluants organiques persistants, déchets issus des équipements électriques et électroniques, irradiations, etc. Dans l’actualité récente, le drame du Probo-Koala, qui a déversé ses substances toxiques à Abidjan, tuant seize personnes en août 2006, a pu jouer un rôle d’électrochoc. Mais pour acquérir un vrai poids politique, les verts d’Afrique devront réussir à surmonter leurs querelles intestines et trouver le moyen de lever des fonds. En un mot, il leur revient de ne plus se contenter d’un discours écologique dont les partis traditionnels ne font plus l’économie. Il leur faut agir. ■
Portraits Qui sont les BERTIL ERICKSON/EPA/CORBIS
souvent la cause à leurs risques et périls. Quitte même à connaître la prison. Wangari Maathai en a fait l’expérience à plusieurs reprises sous la présidence de Daniel arap Moi. Le Botswanais Roy Sesana aussi. Pour toutes ces personnalités engagées, la défense de l’environnement se décline souvent sur le terrain des droits de l’homme. À l’image de Maathai, qui milite pour les droits des femmes, ou de Roy Sesana qui défend la réserve du Kalahari et le droit aux terres ancestrales. Même chose au Nigeria, où Ken SaroWiwa, écrivain et activiste écologiste, fondateur en 1990 du Mouvement pour la survie du peuple ogoni (Mosop) qui était parvenu à attirer l’attention sur la pollution des terres du Delta du Niger par les compagnies pétrolières, a été condamné en 1995 à la pendaison, au terme d’une parodie de procès.
Wangari Maathai
FONDATRICE DE L’ONG GREENBELT, KENYA Militante écologiste de la première heure, Wangari Maathai n’abandonne jamais. En 1964, elle est la première femme d’Afrique de l’Est à obtenir un baccalauréat en biologie. Sept ans plus tard, elle décroche un doctorat et fonde, au Kenya, l’ONG Greenbelt (« Ceinture verte ») pour promouvoir la biodiversité tout en créant des emplois pour les femmes. Deux ans plus tard, son mari demande le divorce, la jugeant « trop difficile à contrôler ». Qu’importe: Wangari Maathai fait planter plus de 10 millions d’arbres pour lutter contre l’érosion des sols et fournir du bois à l’usage des populations locales et devient, en 2004, la première femme africaine à recevoir le prix Nobel de la paix. ■ JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
« Robin des bois » africains? Marc Ona Essangui
VINCENT FOURNIER/J.A.
Ni militant politique ni membre d’un parti vert, Marc Ona Essangui est pourtant l’une des figures de l’opposition gabonaise. Calé dans son fauteuil roulant – il a contracté la poliomyélite enfant –, le patron de l’ONG Brainforest parcourt le monde pour empêcher la destruction de la forêt primaire du Gabon. Entamé il y a dix ans, son combat a été couronné, en mai 2009, par le prestigieux prix Goldman. Cette reconnaissance internationale ne l’a pas empêché d’être accusé de vouloir déstabiliser le gouvernement et d’être incarcéré pendant dix jours, à la fin de 2009. Marc Ona Essangui s’est également opposé à un projet d’exploitation minière accordé à des Chinois au beau milieu d’une réserve naturelle. Il œuvre aussi au sein de la branche gabonaise de la coordination « Publiez ce que vous payez », qui milite en faveur de la transparence des revenus tirés du secteur pétrolier. ■
Roy Sesana
Haïdar el-Ali
PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION DES VERTS D’AFRIQUE DE L’OUEST, SÉNÉGAL
DÉFENSEUR DES KALAHARI, BOTSWANA
Haïdar el-Ali est né à Dakar de parents chiites libanais en 1953. Il a 13 ans lorsque, pour la première fois, il met la tête sous l’eau. L’océan ne le quittera plus. En 1984, il prend la direction de l’Océanium, centre de plongée et association de protection des ressources marines. Président de la Fédération des partis écologistes et verts d’Afrique de l’Ouest, il milite pour une gestion durable de l’environnement. On lui doit la création d’une aire maritime protégée de 7000 hectares dans le delta du Saloum. ■
Originaire de la réserve naturelle du Kalahari central, il est le cofondateur en 1992 d’une organisation de défense des droits des Bushmen, le First People of the Kalahari (FPK). En dépit des efforts du FPK, le gouvernement botswanais expulse les Bushmen de leurs terres, autorise l’exploitation des mines de diamant et crée des réserves. En 2005, Roy Sesana et une vingtaine d’autres Bushmen sont arrêtés pour avoir tenté d’aider des familles du Kalahari. La même année, son travail est récompensé par le prix Nobel alternatif. En 2007, la justice tranche en faveur des Bushmen, mais ils n’ont toujours pas pu revenir sur leurs terres. ■
Augustin Senghor
MAIRE DE GORÉE, SÉNÉGAL
Avocat, président de l’Union sportive de Gorée, récemment nommé à la tête la Fédération sénégalaise de football, il est aussi, à 45 ans, le tout premier maire « écolo » du Sénégal. Élu à la mairie de Gorée en 2002, Augustin Senghor a été recon-
duit à son poste en 2009. Membre du Rassemblement des écologistes du Sénégal, il veut faire de Gorée le site le plus propre du pays. Son objectif: développer le tourisme mais aussi lutter contre l’érosion marine et celle des sols. ■
Ram Ouédraogo
AHMED OUOBA
Né en 1951 en Côte d’Ivoire, il a été tour à tour comptable, détective privé, journaliste, imprésario, avant de se convertir à la politique. En 1991, il crée le premier parti écologiste burkinabè, l’Union des Verts du Burkina. En 1998, il porte les couleurs de l’UDVB et obtient 6,6 % à l’élection présidentielle – le meilleur score jamais atteint par un vert pour ce type de scrutin. Ministre de la Réconciliation nationale entre 1999 et 2002, il quitte l’UDVB en 2005 pour fonder le Rassemblement des écologistes du Burkina Faso. Membre du Réseau écologiste mondial, il milite pour une prise de conscience au niveau international. ■ JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
SIPHIWE SIBEKO/REUTERS
RASSEMBLEMENT DES ÉCOLOGISTES, BURKINA
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SOCIÉTÉ
PRÉSIDENT DE L’ONG BRAINFOREST, GABON
La longue histoire d’une littérature engagée Professeur de littérature à l’Université de CalifornieLos Angeles (UCLA). Dernier ouvrage paru : Black Bazar, Seuil, 2009.
PAR
A LAIN M ABANCKOU
A
près les indépendances, les lettres d’Afrique noire d’expression française règlent leurs comptes avec l’Histoire et questionnent les rapports avec l’Occident. L’écrivain africain doit alors reconstituer la mémoire et poursuivre l’œuvre des auteurs de la négritude (Senghor, Césaire, Damas) qui prônaient la valorisation des « cultures nègres ». Pourtant, les textes publiés après ces indépendances s’écartent de la ligne tracée par les tenants de la négritude. De ce point de vue, les œuvres emblématiques sont celles de Yambo Ouologuem (Le Devoir de violence) et d’Ahmadou Kourouma (Les Soleils des indépendances). Si le Malien Ouologuem préfère l’insolence de l’esprit – quitte à pointer la responsabilité des Africains quant à leurs malheurs –, l’Ivoirien Kourouma, pour sa part, convoque l’affrontement entre les sociétés traditionnelles africaines et le modèle de civilisation imposé par l’Occident. À la fin des années 1970, la critique de la colonisation est « remplacée » par le plaidoyer contre les dictatures désormais ancrées dans la plupart des pays du continent. Sony Labou
Kourouma (Allah n’est pas obligé). Le drame le plus marquant survient au Rwanda, en 1994 avec le génocide planifié et exécuté par les Hutus contre les Tutsis. Des œuvres de fiction en font écho: L’Aîné des orphelins de Tierno Monénembo, Murambi de Boubacar Boris Diop et Moisson de crânes d’Abdourahman A. Waberi. Parallèlement, l’édition française ouvre d’autres portes à l’Afrique avec la création de plusieurs collections: « Continents noirs » chez Gallimard ou « Afriques » chez Actes Sud. Les éditions Présence africaine, qui possèdent le fonds historique des lettres africaines, sont confortées dans leur engagement. Le roman policier, jusqu’alors absent du continent, connaît un départ fulgurant avec Achille Ngoye (Agence Black Bafoussa), Moussa Konaté (L’Empreinte du renard) et Abasse Ndione (Ramata)… Depuis les années 1990, il faut compter avec des plumes comme celles des romanciers Daniel Biyaoula (L’impasse), Bessora (53 cm), Fatou Diome (Le Ventre de l’Atlantique), Sami Tchak (Place des fêtes), Kossi Efoui (La Polka), Gaston-Paul Effa (Tout Fin des années 1970, la critique de la colonisation ce bleu), Léonora Miano (L’Intérieur de la nuit), du poète Gabriel fait place à un plaidoyer contre les dictatures. Okoundji (Cycle d’un ciel bleu) et du dramaturge Koffi Kwahulé Tansi est un des auteurs phare de cette ère. (Misterioso -119). Certains, à l’image de Tahar Dans La Vie et demie, en installant au cœur de Ben Jelloun, de Nimrod ou de moi-même, se la fiction africaine le personnage du dictateur retrouvent aux côtés d’autres écrivains de – à l’instar des auteurs latino-américains –, langue française (Édouard Glissant, Michel Labou Tansi dessine également la figure du Le Bris ou encore Jean Rouaud) pour signer le rebelle immortel, bête noire de la dictature. manifeste « Pour une littérature-monde en C’est aussi à cette époque que les voix féminifrançais », publié en 2007 dans le quotidien nes se font entendre avec Mariama Bâ (Une si Le Monde. Est alors annoncée une révolution longue lettre), Aminata Sow Fall (La Grève des copernicienne: « Le centre, ce point depuis bàttu), Ken Bugul (Le Baobab fou) et Véronique lequel était supposée rayonner une littérature Tadjo (Latérite). Elles réclament une « autre franco-française, n’est plus le centre. Le centre Afrique » et brisent les tabous, ceux-là qui jusqu’ici, même si de moins en moins, avait eu leur imposaient un silence. cette capacité d’absorption qui contraignait Puis le vent de la démocratie semble soufles auteurs venus d’ailleurs à se dépouiller de fler après le discours de La Baule prononcé le leurs bagages avant de se fondre dans le creu20 juin 1990 par François Mitterrand. Mais le set de la langue et de son histoire nationale: continent noir devient aussitôt le théâtre des le centre, nous disent les prix d’automne, guerres civiles. On découvre avec stupeur les est désormais partout, aux quatre coins du enfants-soldats. Les romanciers s’emparent monde. Fin de la francophonie. Et naissance de la thématique – notamment Ahmadou d’une littérature-monde en français. » ■
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JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
Cameroun
R DR
PAUL BIYA Président de la République du Cameroun
DE GRANDS PROJETS POUR CHANGER LE CAMEROUN
ésorber la crise énergétique, faciliter les communications, accroître le développement urbain, promouvoir les logements sociaux, exploiter les richesses minières du Cameroun pour accroître le pouvoir d’achat des Camerounais. Tels sont les objectifs des projets en cours et à venir.
COMMUNIQUÉ
MABOUP
Cameroun près des décennies de gel, du fait de la crise économique, le Cameroun renoue avec le lancement des grands chantiers infrastructurels et énergétiques. Il s’agit de faire du Cameroun un pays émergent à l’horizon 2035. Objectif précisé dans le Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi (DSCE), dont la mise en œuvre a débuté en cette année 2010. Ce document conduit par le ministère de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire (MINEPAT) met l’accent sur des projets infrastructurels et industriels visant la relance de l’économie nationale par l’attraction des investissements lourds dans les secteurs sus-évoqués. Leur mise en œuvre ne fait plus l’ombre d’aucun doute, le président de la République, Paul Biya, ayant donné le ton dans son discours à la nation le 31 décembre 2009. À cette occasion, le chef de l’État a annoncé pour 2010 le début effectif des travaux de construction du port en eau profonde de Kribi, de la centrale à gaz naturel de Kribi, des barrages hydro-électriques de Lom Pangar et de Memve’ele, de la mini centrale de Mekin sur le Dja, de la réhabilitation du site de l’ex-Cellucam dans la Sanaga maritime ainsi que la réhabilitation des adductions d’eau de Yaoundé, Douala et de plusieurs autres villes et localités du pays.
Rendu au mois d’avril 2010, des signes traduisant la détermination des pouvoirs publics à engager très rapidement les travaux de mise en œuvre desdits projets sont déjà détectables. Pour ce qui est du port en eau profonde de Kribi, la cité balnéaire accueille depuis janvier dernier une barge autoélévatrice qui travaille sur le site du projet, pour déterminer le positionnement des ouvrages portuaires à mettre sur pied. Estimé à 282 milliards de francs CFA, le port en eau profonde, à caractère commercial et industriel, comprendra plusieurs terminaux : un terminal à conteneur, un terminal fer, un terminal aluminium, un terminal hydrocarbure et un autre polyvalent. Destiné à corriger les limites du port de Douala, son taux de rentabilité interne est estimé entre 11 et 16 % pour un bénéfice actualisé de 66 à plus de 266 milliards de FCFA sur 30 ans. Selon les autorités compétentes, le port en eau profondepourraitêtrefonctionnelen2013.Ce projet va générer plus de 50 000 emplois. Selon Louis Paul Motazé, ministre du MINEPAT, « Il permettra, en optimisant la desserte maritime du Cameroun, d’accélérer l’industrialisation du pays, par la mise en exploitation de nombreuses ressources naturelles ». C’est le cas du minerai de fer de Mbalam dans la région de l’est. Son évacuation jusqu’à Kribi va nécessiter 400 km de voie ferrée.
COMMUNIQUÉ
DR
A
Porter les capacités énergétiques à 3000 MW
LOUIS PAUL MOTAZÉ Ministre de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire
« Le port en eau profonde de Kribi permettra, en optimisant la desserte maritime du Cameroun, d’accélérer l’industrialisation du pays, par la mise en exploitation de nombreuses ressources naturelles.»
Exploitation minière : l’ère industrielle
Dans un contexte où le Cameroun vise l’accroissement de sa production énergétique pour atteindre les 3000 mégawatts à l’horizon 2020, contre 810 mégawatts actuellement (les besoins sont évalués à 1200 mégawatts pour 2011), de nombreux projets liés au secteur vont connaître leur démarrage effectif cette année. Il s’agit entre autres de la centrale à gaz naturel de Kribi, d’une capacité de production annoncée de 216 mégawatts. Evaluée à 170 milliards FCFA, elle comprendra 13 groupes de 16,6 mégawatts chacun et sera livrée, selon les prévisions, en 2011. Le projet de barrage hydroélectrique de Memve’ele, quant à lui, nécessite 365 milliards FCFA. Les 35 milliards prévus pour l’indemnisation des populations sont disponibles. Ce projet comprendnotammentuneusinehydroélectrique d’unepuissanceinstalléede400mégawattsetune ligne HT en 225 Kv reliant l’usine au réseau interconnecté du Cameroun. Et avant même que le premier coup de pioche soit donné, l’énergie qui sera produite ici a déjà été sollicitée par la Guinée équatoriale voisine et de grandes entreprises telles que Hévécam, Socapalm, Wijma. Les travaux de construction du barrage de Lom Pangar, dans la région de l’Est, sont également très attendus. Le projet comprend la construction d’un barrageréservoir d’une capacité utile de 6 milliards de m3 permettant d’augmenter la capacité de régulation du fleuve Sanaga, et par voie de conséquence de saturer, en période d’étiage, les centrales hydroélectriques actuelles ou à construire en aval dudit fleuve (Song Loulou, Edéa, Nachtigaletc), ainsi que la réalisation au pied du barrage d’une usine de production d’électricité d’une capacité de 30 MW.
L’exploitation de son sous-sol pourrait placer le Cameroun parmi les premiers producteurs mondiaux de diamant et de bauxite. Selon le DSCE, le secteur moderne minier à développer vise l’exploration, l’exploitation et la transformation des gisements de cobalt, nickel, manganèse de Nkamouna dans la région de l’Est. Le Président Paul Biya, dans son message à la nation le 31 décembre 2009, a d’ailleurs affirmé ses intentions de voir débuter les travaux de construction des mines concernées en cette années 2010. Les travaux seront menés par l’entreprise Geovic, déjà présente sur le terrain. Le fer de Mbalam, toujours à l’Est du pays, charrie tous les espoirs. Son gisement estimé à 2 milliards de tonnes est l’un des plus importants du monde. Sa production est évaluée à près de 35 MT de fer par an d’ici 2012. Quant au minerai de fer de Kribi tout près du port, sa réserve est évaluée à 1 milliard de tonnes pour une exploitation continue durant 30 ans et plus. Autre minerai et pas des moindres, le diamant. On en a découvert dans la région de l’Est, à Mobilong et Limokoali. Le gisement est estimé à 736 millions de carats, soit cinq fois la production mondiale annuelle. Découverte confirmée en 2009 par le ministre de l’Industrie, des Mines et du Développement Technologique (MINIMIDT), Badel Ndanga Ndinga. C’est l’une des plus grandes réserves connues à ce jour dans le monde. La bauxite de Minim-Martap et de Ngaoundal dans l’Adamaoua est aussi dans la ligne de mire des pouvoirs publics. Au MINIMIDT, les autorités compétentes affirment que ces gisements représentent la 5e ou la 6e réserve du monde. Leur exploitation a été confiée à Hydromines. De quoi donner un coup de fouet à l’économie nationale et offrir des milliers d’emplois aux Camerounais.
DR
Cameroun
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D. RAVIER
Le gouvernement camerounais entend faire bitumer plus de 3 500 km de routes en terre à l’horizon 2020.
Le plan de développement du secteur de l’électricité à l’horizon 2030 prévoit également la construction des centrales hydroélectriques de Song Mbengé, Kikot, Njock, Ngodi, Song Ndong, Nyanzom, Bayomen, Mouila-Mogué, Bagangté, Warak, Comines… À ces projets énergétiques, s’ajoutent ceux concernant les routes et les chemins de fer. Sur plus de 50 000 km de réseau routier national, seuls 10 % sont bitumés. Dans sa stratégie sectorielle, le gouvernement camerounais entend faire bitumer plus de 3 500 km de routes en terre à l’horizon 2020. L’un des plus grands projets à réaliser dans ce domaine en 2010 est celui de la route régionale Sangmélima-Djoum-Ouesso au Congo. Selon le MINEPAT, les financements sont disponibles pour les tronçons SangmélimaBikoula et Bikoula-Djoum. De plus, l’avis d’appel d’offre pour la construction de l’axe Mengong-Sangmélima a été lancé en février 2010. D’une distance de 73 km, son financement à hauteur de 48 milliards de francs
CFA sera supporté par le Bip et les fonds PPTE. Le lancement de l’avis d’appel d’offre pour Ebolowa-Akom II-Kribi est également prévu pour cette année. D’autres projets routiers sont en cours de finition. C’est le cas de Yaoundé-Olama, Ayos-Abong-Mbang-Bonis. Il est également question de la réhabilitation des routes Maroua-Kousseri, Figuil-Maroua ; de l’ouverture de la route Mamfé-Akwaya et du bitumage des axes Kumba-Mundemba, Maroua-Bogo, Djoum-Mintom, Zoétélé-Nkolyop, Foumban-Pont de la Mape, BamendaEkok, Nkolessong-Nding. Quant au chemin de fer, il en existe un seul depuis plus de trois décennies : le Transcamerounais qui couvre moins de 1200 km. Dans les dix ans à venir, un autre millier de kilomètres de voies sera aménagé selon les standards internationaux. Il aura pour but d’achever l’intégration économique des régions septentrionales et méridionales du pays, et de désenclaver les pays voisins ne disposant pas d’accès sur la mer.
COMMUNIQUÉ
DIFCOM / DF - PHOTOS : FOTOLIA SAUF MENTION.
Plus de 3500 km d’axes routiers à bitumer
Cinéma La dernière séance? SOCIÉTÉ
Fermetures de salles, réseaux de distribution défaillants… Certains prédisent même la mort du septième art si rien n’est fait. L EÏL A S LIMANI
L
STEPHAN ZAUBITZER/PICTURETANK
ors du Festival de Cannes 2009, le réa l i sateu r mau r it a n ien Abderrahmane Sissako, épaulé par l’actrice française Juliette Binoche, lançait un cri d’alarme sur la situation du cinéma africain. Fermetures de salles, baisse du nombre de films produits, absence de réseaux de distribution, le continent n’est plus, depuis une dizaine d’années, une terre où le cinéma s’épanouit. Il y a encore vingt-cinq ans, les salles L’un des derniers des capitales africaines accueillaient cinémas de un public nombreux et enthousiaste. Ouagadougou. Arrivé avec la colonisation, le cinéma Une dizaine est le premier loisir de masse auquel de salles ont ont eu accès les Africains. Mais, du disparu entre Sénégal au Bénin, en passant par l’Al1995 et 2002. gérie ou la RD Congo, le constat est le même: les salles obscures disparaissent les unes après les autres. Et ce phénomène semble irréversible, tant il est vrai que les pouvoirs publics et professionnels sont désarmés et peu volontaristes. Les chiffres parlent d’eux-mêmes: dans les années 1970, le Cameroun comptait près de 130 salles. Aujourd’hui, il n’en reste que 4. Idem en Tunisie, où la capitale, qui comptait 62 salles dans les années 1960, n’en abrite plus que 12. Au Sénégal, sur 52 salles disponibles en 1980, il n’en reste que 22, tandis qu’en Côte d’Ivoire, une quarantaine de salles ont fermé entre 1995 et 2002. Même constat au Burkina, pourtant considéré comme une « terre de cinéma » : entre 1995 et 2002, une dizaine de salles ont disparu. Côté programmation, les exploitants font avec les moyens du bord. Les rares cinémas qui restent ouverts projettent surtout des films indiens, qu’affectionne le public, ou bien des films de karaté. Les productions américaines ou européennes arrivent, elles, avec des mois de retard dans le réseau africain. Mais si les salles disparaissent, les Africains n’en ont pas pour autant perdu le goût du cinéma. Dans les rues, les DVD piratés de films américains se vendent en gros. Des projections informelles ont également vu le jour dans de
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nombreux pays. C’est le cas en Mauritanie, où les « écrans dromadaires » proposent des projections nomades. « Il n’y a pas seulement une demande de films, il y a une demande de cinéma, ce qui implique une sortie en salle. Malheureusement, il n’y a plus d’offre », regrette le réalisateur guinéen Cheikh Fantamady Camara. « Le cinéma est devenu une industrie. Pour qu’existent des salles, il faut un public, des productions nationales et un réseau de distribution. C’est un système circulaire: dès qu’un maillon manque, c’est toute la filière qui s’écroule », explique Noureddine Saïl, président du Centre cinématographique marocain (CCM). Or la production africaine se réduit comme peau de chagrin. À lui seul, le Maroc produit par an plus de longs et de courts-métrages que l’ensemble des pays subsahariens. Les circuits de distribution sont eux aussi défaillants. La plupart d’entre eux ont disparu dans les années 1980, après la privatisation des sociétés nationales de production et de distribution (Sonacib au Burkina, Sidec au Sénégal, Onaci au Congo). Même le Consortium interafricain de distribution cinématographique (CIDC), qui avait vu le jour en 1979 et qui regroupait quatorze pays d’Afrique francophone, a dû fermer six ans après sa création, faute d’être rentable. Paradoxalement, il est beaucoup plus facile de voir un film africain sur les écrans européens que sur le continent. Les rares exploitants qui continuent d’exercer doivent résoudre une équation insoluble : faire fonctionner leurs salles avec des moyens modestes, pour un public au faible pouvoir d’achat, et faire concurrence au petit écran qui a envahi les foyers. D’autant que la culture est loin d’être 81
la priorité des pouvoirs publics. Dans ces conditions, beaucoup d’acteurs du secteur considèrent que l’alternative pourrait venir du privé. La mise sur pied d’un réseau de distribution par des investisseurs privés permettrait aux cinéphiles africains d’avoir accès aux films dès leur mise en circulation sur le marché international. Mais pour le moment, seules quelques associations se sont saisies du problème. En Mauritanie, le réalisateur Abderrahmane Ould Ahmed Salem a, par exemple, créé la Maison des cinéastes et diffuse des films et des documentaires dans les coins les plus reculés du pays.
La recette marocaine
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epuis une dizaine d’années, le cinéma occupe une place centrale dans le paysage culturel marocain. La production nationale, qui s’élève à une quinzaine de films par an, a gagné en qualité. Pourtant, là aussi, les salles ferment les unes après les autres. Le royaume ne compte plus que 94 écrans, contre 300 dans les années 1980, selon les statistiques du Centre cinématographique marocain (CCM). Noureddine Saïl, directeur du CCM, a donc lancé un programme pour créer jusqu’à 200 écrans à l’horizon 2012. À coup d’incitations fiscales
Dans cette conjoncture difficile, rares sont les réalisateurs africains qui arrivent à boucler leurs budgets de production pour tourner, et la plupart doivent s’endetter pour terminer leur film. Or des politiques incitatives existent bien, mais elles sont réservées aux nombreux réalisateurs étrangers qui viennent, chaque année, poser leur caméra en Afrique, et plus particulièrement au Maghreb. En 2009, le Maroc a ainsi accueilli 17 tournages de longs-métrages pour une recette de 415 millions de dirhams (36,7 millions d’euros). La même année, 25 autorisations de tournage ont été délivrées à des réalisateurs étrangers en Tunisie. « Pendant trop longtemps, l’Afrique a été exclusivement filmée par des Blancs. D’African Queen aux Mines du roi
et d’avantages financiers, notamment dans l’obtention des crédits, le CCM espère convaincre de nombreux investisseurs privés. Il compte aussi sur les exploitants pour pratiquer des tarifs plus attrayants, avec un billet autour de 15 à 20 dirhams (moins de 2 euros). Une politique qui semble payer: en 2009, le nombre des entrées a atteint plus de 2,6 millions et les recettes ont connu une progression de 3 % par rapport à 2008, pour atteindre 70 millions de dirhams (6,2 millions d’euros) de recettes au guichet. ■ L.S.
Salomon, on donnait à voir un continent sauvage où la nature l’emporte sur l’humain. Il faut soutenir les jeunes créateurs africains et leur donner les moyens de montrer au monde un regard africain sur le continent », considérait le regretté cinéaste sénégalais Samba Félix Ndiaye. Un constat que partage le réalisateur burkinabè Gaston Kaboré, pour qui « chaque peuple a besoin d’être confronté à sa propre image ». Plus qu’un désastre économique, la déconfiture du cinéma africain est avant tout un drame pour l’expression artistique. Et les pouvoirs publics ne pourront pas l’ignorer éternellement. ■
VINCENT FOURNIER/JA
Télévision Marché saturé
De plus en plus nombreuses, les chaînes nationales et panafricaines envahissent le petit écran. 82
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ans quelques années, au regard du grand nombre de chaînes de télévision qui se créent sur le continent, le téléspectateur risque de ne plus s’y retrouver. Aux côtés d’une foultitude de chaînes nationales
publiques ou privées, plusieurs télévisions panafricaines se disputent les audiences de l’espace francophone avec plus ou moins de bonheur. En revanche, les chaînes nationales privées, que l’on compte par dizaines dans la zone, semblent touchées par des maux endémiques, symboles de leur immaturité : les projets sont souvent mal ficelés et sous-capitalisées, les promoteurs n’ont pas de vision à long terme sur les programmes, leurs trésoreries sont généralement grevées par l’absence de politique commerciale et par des stratégies publicitaires aventureuses. Certaines d’entre elles sont en sursis, à l’instar de TéléAfrica au Gabon, qui est pourtant le plus ancien média audiovisuel privé d’Afrique francophone. Le 17 mars 2010, les salariés se sont mis en grève pour réclamer trois mois de salaires impayés. À la décharge de ces chaînes
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nationales privées, il faut dire que l’étroitesse du marché publicitaire ne leur est pas du tout favorable. « Les plus anciens sont les premiers servis », analyse Thierry Ngogang, rédacteur en chef de la chaîne STV2, basée à Douala.
Autre histoire plutôt réussie, celle d’Africable, basée à Bamako. Sa stratégie est fondée sur la diffusion de programmes musicaux, de téléfilms à la mode et de journaux des différentes télévisions nationales. La petite malienneestprésentesurlesbouquetsdes pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale. Il faudra aussi être attentif au destin de Trace TV qui, en dépit de son identité métisse antillo-africaine, est devenue un acteur incontournable du paysage audiovisuel. Créée par le
UN MOIS APRÈS SON LANCEMENT, AFRICA 24 FAISAIT JEU ÉGAL AVEC EURONEWS À ABIDJAN EN TERMES D’AUDIENCE. venue incontournable sur ses points forts, notamment les émissions de débat politique. Un mois après son lancement, en mars 2009, Africa 24 faisait jeu égal avec Euronews à Abidjan, en termes d’audience hebdomadaire. La chaîne, qui déclare 3,5 millions d’euros de chiffre d’affaires, devrait rapidement arriver à l’équilibre de ses comptes.
Martiniquais Olivier Laouchez et le Togolais Claude Grunitzky, elle démarre sur le bouquet de Canal Satellite, ce qui lui permet d’être visible en Afrique et aux Antilles. Lancée avec 3 millions d’euros en 2003 sur les décombres de MCM Africa, rien n’arrête cette chaîne spécialisée dans tous les genres musicaux. ■ GEORGES DOUGUELI
SOCIÉTÉ
Les chaînes panafricaines sont, elles aussi, en proie à des tensions de trésorerie. C’est le cas de la généraliste 3A Telesud, qui accuse régulièrement des retards dans le paiement des salaires de son personnel. Elle pourrait d’ailleurs être prise en main par Charles Villeneuve, l’ancien directeur des sports de TF1, qui doit présenter un ultime plan de sauvetage. Sa consœur généraliste et panafricaine Voxafrica, créée il y a deux ans, n’en est pas encore à ce stade. Visiblement, la chaîne bilingue basée à Londres a intégré le paysage audiovisuel panafricain à petits pas, fidèle à la méthode du pointilleux banquier camerounais Paul Fokam Kammogne, son principal actionnaire. Mais selon les mesu-
res d’AfricaScope, Voxafrica est loin, en termes d’audience, du peloton de tête des chaînes internationales : France 24 tient la position du leader, avec TV5 Monde dans sa roue, suivie d’Africa 24 et d’Euronews. Malgré tout, certaines chaînes commencent à se faire un nom et une place. Comment ainsi ne pas remarquer l’entrée fracassante d’Africa 24 sur le marché ? En une seule année d’émission, la télévision, basée à Boulogne, en région parisienne, est de-
Ils font parler d’eux NDARY LÔ
EMMANUEL DONGALA Écrivain (Congo-Brazza)
Huit ans après Johnny Chien méchant (adapté au cinéma en 2008), l’écrivain congolais revient avec Photo de groupe au bord du f leuve (Actes Sud). Fresque sociale qui évoque le destin de quatorze casseuses de pierres, ce roman lui a été inspiré parce qu’il a vécu lorsqu’il a fui le Congo en 1997 : « Les femmes étaient celles qui souffraient le plus. J’ai voulu leur rendre hommage ». Né en 1941 d’un père congolais et d’une mère centrafricaine, l’auteur de Un fusil dans la main, un poème dans la poche est aujourd’hui installé aux États-Unis, où il enseigne la chimie et la littérature africaine à l’université Simon’s Rock de Boston. ■ 84
SOLY CISSÉ Peintre (Sénégal) À l’occasion de la Biennale de l’art af r icain contemporain de Dakar (7 mai-7 juin 2010), le plasticien sénégalais Soly Cissé a partagé l’affiche avec son collègue camerounais Barthélémy Toguo
YINKA SHONIBARE Plasticien (Nigeria) À partir du 24 mai 2010 et pour dix-huit mois, Yinka Shonibare expose à Londres une bouteille en verre géante contenant une réplique du HMS Victory, le navire de l’amiral Nelson, haute de 2,5 m et longue de 9 m. Comme à son habitude, Shonibare utilise des textiles colorés type wax pour composer les 37 voiles du navire. C’est là la marque de fabrique de cet artiste de 48 ans, partiellement handicapé, qui revisite l’Histoire selon une perspective africaine. ■
C. PLAYER/THE NEW YORK TIMES/REA
En 2008, le plasticien sénégalais Ndary Lô (49 ans) a obtenu le grand prix Léopold Sédar Senghor de la Biennale de Dakar pour son œuvre intitulé La Muraille verte. Il s’agissait d’une forêt d’arbres métalliques dont la plupart des branches étaient en réalité des humains tendant les bras vers le ciel comme pour l’implorer et lui demander de l’eau. Connu pour son travail du fer et ses tentatives pour représenter l’homme en mouvement, Ndary Lô est aussi un peintre talentueux qui réalise des portraits réalistes, frappants par la vivacité de leur expression, comme celui de la militante américaine des droits civiques Rosa Parks. ■
ELISE FITTE-DUVAL/AFRIMAGES/MAXPPP
Sculpteur (Sénégal)
pour l’exposition organisée par l’Institut français de Dakar. Les deux artistes ont planché sur les thèmes « Inondations » et « Immigration » et proposé une dizaine d’installations monumentales. À la fois peintre, photographe, vidéaste, scénographe, designer, Soly Cissé avait déjà fait sensation au Sénégal, en 2006, en remportant le prix de la ville de Dakar, dix ans à peine après être sorti major de sa promotion à l’École nationale des arts de Dakar. Âgé de 41 ans, exposé à la Hayward Gallery (Londres), au musée Dapper (Paris) ou au centre Pompidou lors d’« Africa Remix », Soly Cissé est surtout connu pour ses peintures de silhouettes mi-humaines mi-animales, esquissées à grands traits dynamiques, souvent en blanc sur fond noir, agrémentées de vives taches colorées. Volontiers allégorique, Cissé est aussi un dessinateur hors pair capable de croquer des foules d’hommes zoomorphes, animés d’instincts sauvages et prisonniers de leur condition sociale. ■
ABDERRAHMANE SISSAKO Cinéaste (Mauritanie) On ne présente plus l’auteu r de Heremakono (En attendant le bonheur), lauréat du grand prix du 18e festival de cinéma de Ouagadougou (Fespaco) en 2003. Après s’être fait connaître par la réalisation et la production, . S i s s a k o A. PACCIANI/J.A s’inves-
tit désormais dans la distribution. À la tête de l’association Des Cinémas pour l’Afrique, il milite pour la rénovation des salles obscures sur le continent et parie sur la réouverture de certaines d’entre elles. Sa première collecte a servi à la rénovation du Soudan Ciné, à Bamako (Mali), qui était fermé depuis quatorze ans. ■
SOCIÉTÉ
HÉLA FATTOUMI Danseuse (Franco-Tunisienne)
EN V INC
T FO
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IER /J
.A .
Pour sa dernière création, Manta, cosignée avec Éric Lamoureux, Héla Fattoumi a revêtu un niqab d’un blanc immaculé. Dans ce solo, elle essaye de libérer un corps entravé et interroge ses origines et la place des femmes dans la culture arabo-musulmane. Née à Tunis en 1965, Héla Fattoumi a grandi en France. Depuis 2004, elle codirige avec Éric Lamoureux le Centre chorégraphique national de Caen, qui accueille depuis 2005 le festival Danses d’ailleurs. Un rendez-vous incontournable de la danse contemporaine africaine, ouvert cette année à l’Asie. ■
MOUNIR FATMI Artiste (Maroc) sées de cassettes VHS, de câbles, d’obstacles d’équitation, de photocopieurs, etc. Il a notamment représenté Manhattan avec en
guise de gratte-ciel des livres, des enceintes de chaînes hi-fi, des cassettes VHS, sous le titre Save Manhattan. ■
Cinéaste (Tunisie)
Le tour nage de son f ilm Le Fil a fait scandale en Tunisie. Sorti en France le 12 mai 2010, il ne sera a priori pas diffusé dans son pays. En cause : des scènes de relations homosexuelles. Mehdi Ben Attia a d’abord commencé à travailler à l’écriture de sitcoms pour la télévision. Puis il rencontre le réalisateur français André Téchiné qui l’associe en 2001 à l’écriture du scénario de Loin. Une collaboration reconduite pour Terminus des anges, longmét rage de Téc h i né qu i sortira en 2011. ■
WERRASON
Chanteur (RD Congo)
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
.M.
pour New York, avant de s’installer au Canada. Là, ce fan de hip-hop va pouvoir pratiquer la musique qu’il aime, y mêlant à la fois des accords de soul et des sons traditionnels d’Afrique de l’Est. De quoi se faire un nom, et jouer avec d’autres pointures (M, Oxmo Puccino, Tiken Jah Fakoly). Avant de voler enfin de ses propres ailes. ■
OUR A
C’est un morceau de sa composition, Waving Flag, qui a été choisi comme hymne officiel du Mondial de foot qui se jouera en Afrique du Sud à partir du 11 juin prochain. Autant dire que K’naan a tracé sa route depuis qu’il a quitté Mogadiscio en proie à la guerre civile, en 1991. Fuyant le chaos somalien, sa famille saute dans le dernier vol
HIEN P
K’NAAN Musicien (Somalie)
Ng ia ma Ma k a nda, dit Werrason, alias le « Roi de la forêt », a toujours aimé faire les choses en grand. I l l ’a e n c o r e p r o u v é l e 13 mars 2010, en remplissant pour la quatrième fois la salle du Zénith de Paris. À la tête de son orc hestre, Wenge Musica Maison Mère, l’a r t iste a a lter né t ubes anciens et nouveautés tirées de son der nier a lbu m , Te c h n o Ma le wa . Aprè s trente années de scène, la star du soukous reste l’un des music ien s a f r icains les plus popul a i r e s au monde. ■ J.-C . D
VINCENT FOURNIER/J.A.
Vidéaste, photographe, peint re et sculpteur, Mounir Fatmi (40 ans) a été exposé dans les plus grands musées du monde et son agenda est plein jusqu’en 2013. Originaire de Tanger, il a d’abord travaillé dans une agence de publicité avant de susciter le scandale à Casablanca. C’était en 2003, son travail de peintre était jugé « intéressant ». Effrayé par ce qualificatif, Fatmi a réagi en recouvrant ses œuvres d’une couche de blanc et en titrant : « Peint, effacé ». Après ce geste d’artiste fondateur, il s’est fait connaître avec des installations compo-
MEHDI BEN ATTIA
85
53
ÉTATS
FICHES PAYS 150 ■ 92 ■ 152 ■ 104 ■ 154 ■ 105 ■ 136 ■ 124 ■ 106 ■ 126 ■ 164 ■ 127 ■ 128 ■ 107 ■ 137 ■ 94 ■ 138 ■ 139 ■
AFRIQUE DU SUD ALGÉRIE ANGOLA BÉNIN BOTSWANA BURKINA FASO BURUNDI CAMEROUN CAP-VERT CENTRAFRIQUE COMORES CONGO RD CONGO CÔTE D'IVOIRE DJIBOUTI ÉGYPTE ÉRYTHRÉE ÉTHIOPIE
130 ■ 109 ■ 110 ■ 111 ■ 112 ■ 132 ■ 141 ■ 155 ■ 113 ■ 96 ■ 165 ■ 156 ■ 114 ■ 98 ■ 167 ■ 100 ■ 157 ■ 158 ■
GABON GAMBIE GHANA GUINÉE GUINÉE-BISSAU GUINÉE ÉQUATORIALE KENYA LESOTHO LIBERIA LIBYE MADAGASCAR MALAWI MALI MAROC MAURICE MAURITANIE MOZAMBIQUE NAMIBIE
115 ■ 116 ■ 143 ■ 144 ■ 133 ■ 118 ■ 168 ■ 120 ■ 145 ■ 146 ■ 159 ■ 148 ■ 134 ■ 121 ■ 101 ■ 160 ■ 161 ■
NIGER NIGERIA OUGANDA RWANDA SÃO TOMÉ E PRÍNCIPE SÉNÉGAL SEYCHELLES SIERRA LEONE SOMALIE SOUDAN SWAZILAND TANZANIE TCHAD TOGO TUNISIE ZAMBIE ZIMBABWE
RÉDACTION Pascal Airault, Tayeb Belmadi, Mahamadou Camara, Rémy Carayol, Frida Dahmani, Muriel Devey, Georges Dougueli, Alex Duval-Smith, Malika Groga-Bada, Anne Kappès-Grangé, Christelle Marot, Nicolas Michel, Marianne Meunier, Pierre-François Naudé, Leïla Slimani, Cécile Sow, Zoé Suarez, Éric Thomas.
SOURCES Environnement, peuplement, langues et religions : Atlas de l’Afrique, Éditions du Jaguar. Population (2009) : Banque mondiale. Densité de population (2008) : Rapport Perspectives économiques en Afrique 2009 (BAD/OCDE). Croissance démographique, population urbaine, espérance de vie à la naissance (2008) : World Development Indicators (Banque mondiale 2009). Taux d’alphabétisation des adultes (en % des 15 ans et plus) (1999-2007) : Rapport mondial sur le développement humain (Pnud, 2009). Indice de développement humain : Rapport mondial sur le développement humain (Pnud, 2009). Parité monétaire au 01/01/10 : www.oanda.com. PIB par habitant, inflation, taux de croissance du PIB, PIB (2009) : Fonds monétaire international. Répartition du PIB (2007) : Annuaire statistique pour l’Afrique 2009 (BAD). Investissements directs étrangers (IDE) (2008) : Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (2009). Importations et exportations (2008) : Organisation mondiale du commerce. Sauf Érythrée : répartition du PIB (CIA), IDE 2007 (rapport Perspectives économiques en Afrique 2009 (BAD/OCDE). Seychelles : espérance de vie (Pnud, 2009). Djibouti, Gambie : alphabétisation (Pnud 2009). Zimbabwe : répartition du PIB (CIA).
88
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
■ Afrique du Nord 91
■ Afrique de l’Ouest
■ Afrique de l’Est
103
135
■ Afrique centrale 123
■ Océan Indien 163
■ Afrique australe 149
L’ÉTAT DE L’AFRIQUE PAYS PAR PAYS
AU CRIBLE
ABONNEZ-VOUS ÉCONOMIE Pourquoi l’Afrique va se relancer
ALGÉRIE Que sont devenus les repentis ?
CAN 2010 Cinq mondialistes au banc d’essai
12 FOCUS
FOCUS 13
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MAROC La réforme qui vient du Sud
26
Objectif : éviter que des matières fissiles tombent dans les mains de terroristes.
JIM WATSON/AFP
NUCLÉAIRE OBAMA, OU LA DIPLOMATIE DE LʼAUDACE
l’unique superpuissance. Pas un mot rante sites dans le monde – de quoi sur le déclin de l’Amérique ou sur fabriquer 100 000 bombes et détruire l’émergence d’un monde multipolaire. l’humanité plusieurs fois. Le principal Oubliées, les critiques qui pleuvaient défi, a répété Obama, consiste à metsur Obama avant l’adoption de la réfortre ces dangereux composants hors de me du système de santé. Il n’est plus portée des terroristes, et d’Al-Qaïda en faible ou inefficace : il est l’homme le particulier. plus puissant de la planète, et la soluMais en réalité, c’est deux par deux, tion à tous ses problèmes. et à huis clos, que l’on a abordé les Aux yeux de tous, la conférence a questions essentielles. Obama a solmarqué un progrès significatif vers licité le soutien du président chinois un monde débarrassé de l’arme Hu Jintao pour imposer des sanctions nucléaire, un objectif qu’Obama avait à l’Iran. Il a discuté, séparément, avec défendu dans un discours fondateur Manmohan Singh, le Premier ministre prononcé à Prague, il y a un an. Avant indien, et avec Asif Ali Zardari, le prél’ouverture du sommet, Washington sident pakistanais, car le règlement du a annoncé un changement majeur de conflit afghan dépend de la paix entre stratégie. Rendue publique le 6 avril ces deux pays. 2010, cette nouvelle doctrine stipule que « les États-Unis ne recourront pas NETANYAHOU? ABSENT! à l’arme nucléaire et ne menaceront Obama a également rencontré pas de l’utiliser contre les États qui Nursultan Nazarbaïev, le président du n’en sont pas dotés et qui, signataires Kazakhstan, qui lui a confirmé qu’il du traité de Non-Prolifération [TNP], se autorisait l’aviation américaine à survoler le territoire kazakh pour rejoindre montrent respectueux de ses règles. » Le « rôle fondamental » de l’arsenal la base de Bagram, en Afghanistan. Il s’est aussi entretenu avec Viktor nucléaire américain est de dissuader, non d’agresser, est-il précisé. Ianoukovitch, le président ukrainien, qui a promis d’éliminer, d’ici à 2012, les Même une attaque chimique ou bactériologique contre les États-Unis stocks d’uranium enrichi hérités de la ou leurs alliés ne déclenchera pas de guerre froide. Et il a reçu de nombreux riposte nucléaire, mais « une réponse autres dirigeants, y compris le roi militaire conventionTout au long de l’année, QU’AVEZ-VOUS FAIT DE VOS 50 ANS ? L’ENQUÊTE nelle dévastatrice », affirme Robert Gates, le secrétaire à la Défense. Les États-Unis se sont é gale me n t e n ga g é s à ne pas développer À Washington, le 12 avril. d’ogives nucléaires de nouvelle génération. Abdallah de Jordanie, ce qui montre PATRICK SEALE sa détermination à résoudre le conflit En se fixant ces limites, les ÉtatsUnis espèrent montrer l’exemple et israélo-palestinien. uels qu’en soient les Benyamin Netanyahou a, lui, choisi persuader les puissances qui n’ont résultats immédiats, pas la bombe atomique de renoncer à de ne pas participer à ce sommet. le Sommet sur la sécuL’antipathie que le Premier ministre l’acquérir. Le seul bémol, c’est qu’ils ne rité nucléaire qui s’est s’interdisent pas de faire des entorses israélien éprouve pour Obama, et que tenu à Washington les à la règle. « Notre message en direccelui-ci lui rend bien, a pu jouer dans 12 et 13 avril a sans tion de l’Iran et de la Corée du Nord est cette décision. Peut-être a-t-il craint conteste renforcé le prestige des Étatsclair, explique Gates. Si vous ne jouez de subir le même affront que lors – et celui du président Obama. pas le jeu, si vous contribuez à la prolide sa visite à Washington, quelques DepuisUnis lʼindépendance, en 1960, les présidents Senghor, Diouf et Wade ont su construire On se souviendra de cette réunion de fération, alors nous nous autoriserons semaines auparavant, lorsque Obama un Étatquarante-sept et mener un véritable leurtous pays. Lesde styles et la n’avait conception chefs d’État et deprojet gou- pour à employer les types réponses pas souridu unepouvoir seule fois pour vernement comme du plus grand est ras- mitigé, à notre mais disposition. Indigné, l’Iran a les photographes diffèrent, le bilan économique tous»trois ont préservé lʼessentielet: qu’aucune la paix, confésemblement de dirigeants mondiaux répliqué en accusant les États-Unis de rence de presse commune n’avait été la stabilité la démocratie. depuisetque Franklin D. Roosevelt a se livrer à un « chantage nucléaire » et prévue. convoqué ses pairs à San Francisco, Surtout, Netanyahou a voulu évia annoncé qu’il déposerait une plainte en 1945, pour créer l’Organisation des officielle auprès des Nations unies. ter que la communauté internatioFRANÇOIS SOUDAN Nations unies. nale demande des comptes à son L’objectif affiché de la conférence Le message tacite de ce sommet était de sécuriser, d’ici à quatre ans, pays. Israël refuse de signer le TNP peut :se voir avec un est leÉtrange démesure dans un pays le plus ouvert, le plus était leela suivant Barack Obama et decomme se soumettre aux inspections plus de 1500 tonnes d’uranium enrichiparaître regard d’Occidental où toutetou depuis 1960,sur estqua-accessible et le internationale plus profondément leader mondial, les États-Unis:restent de presque, plutonium éparpillées de l’Agence de remake Stalino-nègre acté sous le signe de la mesure. Pas un mondialisé – au sens positif de ce der! ) * 6 ) 0en ' / "bronze, 3 * ) 6 2 - %copie $. 5 +* .# 0 * - & seul 0( / " 8 coup - 1 .1 d’État – une singularité en tropinier critère – parmi les ex-possessions calisée de « L’Ouvrier Afrique de l’Ouest –, une liberté d’exde l’« empire » français, c’est aussi et la Kolkhozienne », pression pionnière, une alternance et avant tout à trois hommes qu’il le cet archétype du réalisme socialiste exemplaire, une élite et un rayonnedoit. Léopold Sédar Senghor le fondaqui régnait il y a un demi-siècle sur le ment uniques en Afrique francophone teur, Abdou Diouf le grand commis et monde soviétisé, de Berlin-Est à Pyonet dans les organisations internationaAbdoulaye Wade l’opposant. Trois prégyang. Cela peut s’admirer aussi avec les, une stabilité politique à l’épreuve sidents, trois modèles politiques, trois les lunettes 3D de celui qui l’a voulu, des tensions sociales, un multiparconceptions, trois exercices, trois facetdessiné et conçu, pas peu fier d’offrir tisme jamais remis en question depuis tes également sénégalaises du pouvoir à son pays pour le cinquantenaire plus de trente ans, un équilibre et une personnel – intellectuel, technocrate de son indépendance cette allégorie maturité en somme qui ont jusqu’ici et populiste. Trois hommes d’État qui d’une Afrique « sortant des entrailles voué à l’échec les pulsions autoritaires chacun à sa manière se sont fait une de la terre », libérée des chaînes de auxquelles, régulièrement, les régicertaine idée du Sénégal, sans jamais « l’obscurantisme » (et du discours de mes en place ont été tentés de sacricéder au vertige de la dictature. Vaille Dakar), symbole monumental conçu fier. Certes, le clientélisme n’a jamais que vaille, la leçon de Dakar mérite pour durer 1 200 ans face aux houles cessé de demeurer au Sénégal le mode toujours d’être entendue, et ce n’est atlantiques du non-retour, résolument de construction politique privilégié, pas une statue, aussi controversée soitelle, qui empêchera les Africains d’en tourné vers le Nord-Ouest, l’Amériet le bilan économique global d’un que et la mondialisation. Le 3 avril, demi-siècle d’indépendance est très être fiers. ■ veille du jour où le Sénégal célébrera loin d’être à la hauteur de son bilan l’anniversaire de son entrée dans la démocratique. communauté des nations, AbdouMais si ce pays a su intégrer le laye Wade inaugurera cet incroyable meilleur de son héritage colonial et monument de la Renaissance dont on préserver la paix civile, au point d’apne sait encore s’il sera considéré dans cinquante ans par les Africains comme la folie d’un chef ou comme l’œuvre d’un visionnaire.
88 LE PLUS ALGÉRIE
Réélu pour un troisième mandat il y a tout juste un an, le président Abdelaziz Bouteflika poursuit sa politique dʼinvestissements publics, soutenue par une large majorité de la classe politique. Mais, sur le front économique et social, les tensions se font jour.
A
CHERIF OUAZANI, envoyé spécial à Alger
bdelaziz Boutef lika et un terrorisme islamiste certes forn’a pas démarré son tement réduit, mais constituant touJ.A. célèbre le demi-siècle de souveraineté à l’indépendance t r o i s des i è m17 e pays m a n ayant d a t accédé jours une menace pour en la 1960. stabilité du sous le s mei l leu r s au s p i c e s . C ’e s t l e moins que l’on puisse dire. Il n’a pu fêter sa brillante victoire à la présidentielle (plus de 90 % des suffrages exprimés) en avril 2009, contraint à un déplacement à Genève pour rencontrer l’équipe médicale d’une clinique où avait été admis en urgence son frère et médecin personnel, Mustapha. Trois mois plus tard, le 5 juillet, il enterre sa mère, Mansouriah Ghezlaoui, au cimetière de Ben Aknoun, loin des caméras et des objectifs des paparazzis.
SÉNÉGAL LA QLEÇON DE DAKAR
! ) * 6 ) 0 ' / " 3 * ) 6 2 - % $ . 5 + * .# 0 * - & 0( / " 8 - 1 .1
◗ Riche en analyses,
enquêtes et reportages
27
pays et entravant les efforts de développement.
ACQUIS ET INQUIÉTUDES
Un tableau bien noir, donc, d’autant plus que l’Algérie sortait d’une décennie – les deux quinquennats d’Abdelaziz Boutef lika – marquée par de nombreuses performances. Qu’on en juge : le produit intérieur brut (PIB) par habitant a été multiplié par trois, passant de 1 380 dollars par an en 1999 à 4 300 dollars en 2009. Sur la même période, le taux de chômage est tombé de 33 % à 10,2 % de la population active, la det te e x tér ieu re est passée de 33 milliards de dollars à moins de 600 millions. Quant aux réserves de change, el les ont at tei nt la somme astronomique de 149 milliards de dollars au 31 décembre 2009. En termes d’investissements publics, les chiffres donnent également le tournis. Le volume des dépenses publiques au cours de la décennie 1999-2009 est évalué à 300 milliards de dollars. On a beau dire que comparaison n’est pas raison, cet effort d’investissement représente néanmoins le triple du montant affecté au plan Marshall (15 milliards de dollars en 1948, soit 100 milliards de dollars actuels). À cette nuance près que le plan Marshall, destiné à la reconstruction de seize pays européens après la Seconde Guerre mondiale, s’étalait sur qua-
Les revendications se sont muées en une succession de jacqueries dans tout le pays. À ces épreuves personnelles s’ajoutait une conjoncture économique catastrophique : crise financière internationale et effondrement des cours du brut, la principale source de revenus du pays. Sans oublier l’enchaînement de « crises diplomatiques » avec l’Égypte, la France ou le Mali (voir p. 92). Le front intérieur n’est pas plus brillant : une inquiétante mutation de la revendication sociale en succession d’émeutes et de jacqueries n’épargnant aucune région du pays, un paysage politique morose, des institutions et une administration ankylosées par les lourdeurs bureaucratiques, une fonction publique en perpétuelle fronde
! ! !
C
Quarante-sept chefs dʼÉtat et de gouvernement ont participé au Sommet sur la sécurité nucléaire, à Washington. Le président américain a saisi lʼoccasion pour aborder en coulisses les questions essentielles : Iran, Moyen-Orient, Afghanistan...
LE PLUS 89
POLITIQUE VIRAGE À GAUCHE
Le chef de l’État, à l’issue de la cérémonie d’ouverture de la nouvelle année académique ique à Sétif, le 12 novembre 2009.
issement ments tre ans, alors que le investissements engagés par Abdelaziz Bouteflika uteflika ne s, sur un une concernent qu’un seul pays, période de dix ans. uoi ni les le « Vous comprenez pourquoi tinépreuves personnelles ni less contin contingences internationales, et encor encore core es, n’enta ’entamoins les difficultés internes, n’enta-
! ) * 6 ) 0 ' / " 3 * ) 6 2 - % $ - 4 - % $ , 5 + * - % 0( / " 8 0 * # 7 0 " - 1 .1
Le monument de la Renaissance africaine, à Dakar, sera inauguré le 3 avril, à la veille des célébrations du cinquantenaire.
meront la détermination du chef de l’État, explique un proche collaborateur du président algérien. Quant aux tensions avec certaines capitales, elles sont gérées avec calme, sang-froid et sérénité. » Candidat à sa réélection, en avril 2009, Abdelaziz Bouteflika avait
promis à ses concitoyens de maintenir le rythme des investissements publics, c’est-à-dire 30 milliards de dollars par an, sur la période 2010-2014. À l’occasion du 54 e anniversaire de l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA), le 24 février 2010, le président Bouteflika annonce un program-
me d’investissements de 141 milliards de dollars, dont quatre secteurs se partagent à eux seuls la moitié : l’habitat et l’urbanisme (1 million de logements et une dizaine de nouvelles villes), les ressources hydriques (une vingtaine de barrages à réaliser), les travaux publics et les transports.
! ) * 6 ) 0 ' / " 3 * ) 6 2 - % $ - 4 - % $ , 5 + * - % 0( / " 8 0 * # 7 0 " - 1 .1
SEYLLOU/AFP
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Bataille rangée en Afrique centrale Les nouveaux horizons de la BAD
LE CLASSEMENT EXCLUSIF DES 500 PREMIÈRES ENTREPRISES AFRICAINES
Crise de croissance Les riches, un créneau en or Cadres made in Africa Un marché en ébullition
ÉDITION INTERNATIONALE
ÉDITION GÉNÉRALE DOM . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . € 6,00 Espagne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . € 8,00 États-Unis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . $ US 11,90 Finlande. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . € 8,00 Grèce . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . € 8,00 Italie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . € 8,00 Maroc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . DH 45,00
ÉCONOMIE À quand la reprise?
DIPLOMATIE Et si l’union faisait la force…
L’Algérie L’ Algérie et la Tunisie en quête de stratégie
France . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . € 6,00 Algérie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . DA 360,00 Allemagne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . € 8,00 Autriche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . € 8,00 Belgique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . € 7,00 Canada . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . $ CAN 12,90 Danemark . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . DK 59,00
1960-2010
50 ANS D’INDÉPENDANCE Héritage, business et politique
MÉDITERRANÉE Le Maghreb en ordre dispersé
PREMIÈRES BANQUES AFRICAINES MAGHREB
HORS-SÉRIE N° 24
FOOTBALL L’Afrique retient son souffle
Mauritanie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . MRO 1800,00 Pays-Bas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . € 8,00 Portugal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . € 8,00 Suisse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . FS 14,00 Tunisie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . DT 6,50 Zone CFA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . F CFA 3 000,00
France . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . € 6,00 Algérie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . DA 360,00 Allemagne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . € 8,00 Autriche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . € 8,00 Belgique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . € 7,00 Canada . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . $ CAN 12,90 Danemark . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . DK 59,00
DOM . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . € 6,00 Espagne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . € 8,00 États-Unis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . $ US 11,90 Grèce . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . € 8,00 Italie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . € 8,00 Maroc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . DH 45,00 Mauritanie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . MRO 1800,00
Pays-Bas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . € 8,00 Portugal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . € 8,00 Suisse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . FS 14,00 Tunisie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . DT 6,50 Zone CFA . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . F CFA 3 000,00
L’ÉTAT DE L’AFRIQUE
2010
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Alger
Océan Atlantique
Tanger
Marrakech
Oran
Tunis
TUNISIE
Mer Méditerranée
Tripoli
Béchar
AFRIQUE DU NORD
Fès Rabat Casablanca
Constantine
Benghazi
Alexandrie Le Caire
MAROC ALGÉRIE
Tindouf
LIBYE
ÉGYPTE Assouan
Nouadhibou
M A U R I TA N I E Nouakchott
MALI NIGER
SOUDAN
TCHAD
SÉNÉGAL
400 km
AFRIQUE DU NORD Plébiscites électoraux
L
e 9 avril 2009, Abdelaziz Bouteflika remportait l’élection présidentielle, crédité de plus de 90 % des suffrages exprimés. Le 25 octobre 2009, son homologue tunisien, Zine el-Abidine Ben Ali, enregistrait un score équivalent (89,6 % des voix) et se voyait reconduit pour cinq ans à la tête de son pays. En Mauritanie, quelques semaines plus tôt, le 18 juillet, c’était au tour de Mohamed Ould Abdelaziz d’être élu à la magistrature suprême à l’issue d’une période de transition entamée un an plus tôt. Alors que les Marocains fêtaient, le 23 juillet, le dixième anniversaire de l’accession au trône du roi Mohammed VI, le « Guide » Mouammar Kaddafi célébrait à Tripoli, le 1er septembre, les quarante ans de sa révolution libyenne sans évoquer pour autant la possibilité de passer la main. Finalement, seule l’Égypte pourrait connaître dans un proche avenir des changements au sommet de l’État. Tout d’abord parce que Hosni Moubarak, âgé de 81 ans, doit achever en 2011 son cinquième mandat présidentiel. Ensuite parce que sa santé alimente bien des conjectures. Depuis son opération le 6 mars 2010 en Allemagne, le sujet est même évoqué par les médias.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
92 94 96 98 100 101
Algérie Égypte Libye Maroc Mauritanie Tunisie 91
ALGÉRIE
Haro sur la corruption
A
LIBYE
est loin de répondre aux attentes de la bdelaziz Bouteflika a entamé ESPAGN ESPAGNE Mer Méditerranée population. Selon des estimations étasa onzième année à la tête Alger blies par certains syndicats, le minide l’État algérien. Alors que Constantine mum « vital » d’une famille composée l’ancienne Constitution, adoptée en d’un couple et de trois enfants s’élève 1996, limitait le nombre de mandats TUN. à 38300 DA (380 euros) par mois. présidentiels à deux, Bouteflika a MAROC MAR Dopées par cette faramineuse trésofait modifier la Loi fondamentale ALGÉRIE rerie, les autorités vont-elles pouvoir par le Parlement le 12 novembre achever plus rapidement les vastes 2008 lui permettant ainsi de briprojets d’infrastructures ? Baptisée guer un troisième mandat. Réélu le MAURIT. « projet du siècle », l’autoroute qui doit 9 avril 2009 avec 90,24 % des voix, MALI relier l’Algérie d’est en ouest (920 kilole président s’est engagé à poursui400 km NIGER mètres et 11 milliards de dollars) n’est vre sa politique de réformes. Parmi toujours pas réceptionnée en totalité. les priorités de cette « nouvelle ère », À en croire les responsables du ministère des Travaux la suppression de la fonction de chef de gouvernement publics, ce chantier sera totalement achevé au cours de au profit d’un poste de Premier ministre stricto sensu. cette année. La première ligne du métro d’Alger, dont les Désormais, le gouvernement est responsable devant travaux – interrompus pendant plus de vingt ans –avaient le président de la République et non plus devant les démarré en 1983, devra être mise en service avant la fin deux chambres du Parlement comme le prévoyait la de 2010. Quant au tramway de la capitale, construit depuis précédente Constitution. L’agenda politique devrait l’été 2006 par le groupement international Mediterrail qui être plus calme jusqu’aux élections législatives proregroupe le français Alstom, l’italien Todini et l’algérien grammées pour 2012. La coalition présidentielle fédéETRHB Haddad, son premier tronçon, long de 13 kilomèrée autour du FLN (Front de libération nationale), du tres, devrait être opérationnel courant 2010. RND (Rassemblement national pour la démocratie) et Pourtant, les recettes tirées des exportations pétrolières du MSP (Mouvement de la société pour la paix), devrait ont chuté de moitié en 2009, se situant à 43,7 milliards de encore dominer l’Assemblée nationale. dollars, contre 79,3 milliards de dollars en 2008, soit une Sur le plan économique, alors que les réserves de baisse de près de 45 %. Cette baisse s’explique par l’effonchange ont atteint la somme astronomique de 149 mildrement des cours du pétrole, surtout au premier semesliards de dollars au 31 décembre 2009 (un niveau sans tre 2009. Les exportations hors hydrocarbures demeurent précédent depuis l’indépendance du pays en juillet 1962), insignifiantes avec seulement 2,4 % des exportations gloles Algériens continuent de se plaindre, tant de la baisse bales, soit l’équivalent de 1,05 milliard de dollars. Dans constante de leur pouvoir d’achat que de la persistance des le même temps, l’enveloppe des importations a explosé inégalités dans la répartition de la rente pétrolière. Certes (39,5 milliards de dollars en 2008). Inévitablement, le SNMG (Salaire national minimum garanti) a été revalocette évolution négative des recettes pétrolières affecte risé en décembre 2009 à 15000 dinars (150 euros) contre sérieusement la balance commerciale. Une fois de plus, 12000 DA (120 euros) précédemment, mais cette hausse
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
5 juillet 1962 Accession à l’indépendance. 19 juin 1965 Houari Boumédiène renverse Ben Bella et devient chef de l’État. 26 décembre 1991 Victoire du Front islamique du salut (FIS) aux législatives. 14 janvier 1992 État d’urgence. 29 juin 1992 Le président Boudiaf assassiné. Avril 1999 Abdelaziz Bouteflika (FLN) est élu président. Il est réélu en 2004. 29 septembre 2005 Adoption de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. 9 avril 2009 Réélection de Bouteflika.
Le pays en bref
Superficie 2381740 km2. ■ Population 34,4 millions d’habitants.
■
92
■ Croissance démographique 1,5 %.
■ Densité de population 14 hab./km2.
■ Population urbaine 65,3 %.
■ Espérance de vie 72,5 ans.
■ Alphabétisation 75,4 %.
■ Indice de développement humain
(2009) IDH: 0,754 – Rang: 104/182. ■ Langues Arabe (officielle), berbère (plusieurs dialectes), français. ■ Peuplement Arabes, Berbères. ■ Religion Musulmans (officielle). ■ Monnaie Dinar algérien. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 101,49 dinars algériens; 1 $ = 70,65 dinars algériens. ■ PIB par habitant 4 026 $. ■ Répartition du PIB Primaire 8,1 %; secondaire 61,2 %; tertiaire 30,7 %.
PIB (en milliards de dollars) 116,5
135,3
159,7
140,9
Taux de croissance (en %) 2 2006
3
3
2007
2008
2 2009
■ Inflation 5,7 %.
■ Investissements directs étrangers
2,65 milliards de $.
■ Exportations 79,3 milliards de $.
■ Importations 39,5 milliards de $.
■ Principales ressources Pétrole, gaz,
phosphate, agriculture.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
Sonatrach, « business as usual »
C
93
A LGÉR I E
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
AFRIQUE DU NORD
cette situation illustre la fragilité de l’économie algérienne, qui dépend entièrement de la rente énergétique. omment la première Khelil se veut très rassurant : en Conséquence: les autorités ont décidé entreprise d’Afrique, la attendant les décisions de la de revenir au bon vieux principe du 12e compagnie pétrolière au justice algérienne, déclare-t-il, « patriotisme économique ». monde, peut-elle se relever de ce les activités du groupe pétrolier Le gouvernement a donc pris une scandale qui entache son image vont se poursuivre normalement. série de décisions destinées à réduire et écorne sa crédibilité sur le plan Au lendemain de la mise en la facture des importations et ménainternational ? Pour l’ancien examen et de la suspension, le ger ainsi les réserves de change, à tradirecteur général de l’entreprise, 13 janvier 2010, du PDG Mohamed vers le vote, le 18 juillet 2009, de la Abdelmadjid Attar (1997-1999), les Meziane (remplacé le 3 mai par loi de finances complémentaire (LFC). affaires de corruption pour Noureddine Cherouati) ainsi que Les nouvelles mesures imposent, par lesquelles dix cadres de de plusieurs autres de ses exemple, au futur investisseur étranSonatrach sont poursuivis en dirigeants, Sonatrach a conclu ger d’associer, à hauteur de 30 % un justice n’auront pas d’incidences deux importants contrats avec partenaire national (public ou privé). majeures sur le fonctionnement des partenaires étrangers. Le Pour réguler les opérations de comde la compagnie. « Il existe un premier avec un consortium merce extérieur, le crédit documenrisque que sa réputation en soit conduit par Total dans le taire (Crédoc, un formulaire délivré affectée, mais en ce qui concerne développement du permis gazier par la banque où est domicilié l’opél’activité je ne m’attends pas à d’Ahnet pour un montant situé rateur) est désormais exigé pour toute des retards importants, explique- entre 1,5 milliard et 2 milliards de importation. Cette procédure permet t-il. Il ne faut pas oublier que dollars. Le second a été signé la traçabilité des financements et un Sonatrach est la principale source entre l’Alnaft (Agence nationale meilleur contrôle sur la qualité des de revenus de l’Algérie. » algérienne pour la valorisation produits importés. L’instauration de Aussitôt le scandale éventé, les des ressources en hydrocarbures) ce nouveau cadre a créé des remous autorités algériennes ont vite et le groupement francodans la sphère économique en Algérie cherché à rassurer les portugais Total-Partex ; il et jeté le trouble et l’incompréhension partenaires internationaux ainsi représente un investissement de chez les partenaires étrangers. La LFC que les chancelleries étrangères 1,5 milliard à 2 milliards de n’a pas tardé à produire ses premiers sur la pérennité des activités du dollars sur quinze ans pour une effets : une réduction en 2009 de géant pétrolier algérien. Ministre production prévue de 4 milliards 2 milliards de dollars sur la facture de l’Énergie et des Mines, Chakib de m3/an. ■ globale des importations. L’économie devrait enregistrer une forte croissance en 2010. La Banque isolé. Autoroute est-ouest, pêche, hydraulique, chemins de mondiale table ainsi sur une nette hausse du produit fer, télécommunications, banques publiques… Plusieurs intérieur brut (PIB) qui devrait augmenter de 3,9 % en secteurs stratégiques ayant bénéficié d’investissements 2010 (contre 2 % en 2009), grâce au maintien des cours colossaux depuis 1999 sont touchés par des affaires de du pétrole autour de 76 dollars le baril en moyenne. malversations, détournements, surfacturations et autres L’institution de Bretton Woods établit des pronostics transferts illicites massifs de devises. Pis, ces scandales encore meilleurs pour l’année 2011 en tablant sur un PIB impliquent très souvent des hauts cadres de l’État, des en hausse de 4 %. élus locaux ou nationaux, voire même des personnalités Les autorités algériennes se sont aussi lancées dans la réputées proches du pouvoir. Il est certain que la manne lutte contre la corruption. Sonatrach, le géant pétrolier financière qui s’est déversée grâce à la flambée des cours algérien (125 000 employés, 9,2 milliards de dollars de du pétrole – l’Algérie a engrangé plus de 400 milliards de bénéfice net en 2008, pour un chiffre d’affaires annuel de dollars depuis 1999 – aura favorisé la généralisation du plus de 80 milliards de dollars), est au cœur d’un scandale phénomène. Et en dépit des engagements des autorités qui implique la quasi-totalité de sa direction. Une dizaine pour y mettre un terme – ou du moins pour en réduire de cadres de cette entreprise publique sont poursuivis sa nuisance – et la mise en place de divers mécanismes pour malversations et pots-de-vin. L’affaire est d’autant de contrôle (Cour des Comptes, Inspection générale des plus grave qu’elle éclabousse une institution qui assure finances, Banque d’Algérie, etc.), le fléau n’épargne ni les 98 % des recettes en devises. Elle est également révélainstitutions publiques ni les entreprises privées. trice de l’ampleur du phénomène. Certes la pratique du Dans ce contexte, la qualification de l’équipe nationale bakchich n’est pas nouvelle, mais elle a pris des proporpour le mondial 2010 a fait chavirer de bonheur tout un tions inquiétantes au cours de la dernière décennie. Elle peuple. Absente d’une phase finale de coupe du monde constitue désormais une menace pour la crédibilité des insdurant 24 ans – sa dernière participation remonte au montitutions, un danger pour la sécurité nationale et un péril dial mexicain de 1986 –, l’Algérie sera donc présente en pour la cohésion sociale. D’autant qu’elle contribue aussi juin 2010 parmi les grandes nations du ballon rond. Outre à ternir l’image du pays. En 2009, l’Algérie se classait à la qu’il provoque une incroyable frénésie nationale, le foot 111e place (sur 180) au classement de l’ONG Transparency contribue aussi à restaurer l’image de ce pays qui sort à International, selon l’indice de perception sur la corruppeine d’une décennie de terreur. ■ tion. L’affaire qui ébranle Sonatrach est loin d’être un cas
ÉGYPTE
Moubarak va-t-il passer la main ?
S
ge ou rR Me
LIBYE
l’a notamment accusé de « rouler pour ur le ter rain des droits de Mer Méditerranée ISRAËL AËL les Américains » et de fomenter « un l’homme, 2009 a été une année aïd Port Saïd Alexandrie coup d’État constitutionnel ». Dans ces noire en Égypte. Dans un rapport conditions, sa route vers la présidende l’ONU rendu public le 2 décembre, Le Caire tielle risque d’être semée de nombreuseize ONG dénonçaient un « État polises embûches. cier » où la torture est devenue « routiARA ARABIE Quant à Hosni Moubarak, il n’a nière et systématique ». Une situation ÉGYPTE SAOUDITE pas encore dévoilé ses intentions. qui dure depuis longtemps, la loi d’état À 81 ans, le président a paru affaibli d’urgence ayant été décrétée en 1981 après l’ablation de la vésicule biliaire et jamais levée depuis. en Allemagne, au début du mois de Le pays n’en est pas moins en plein mars 2010. La santé du président bouillonnement. Le débat sur la sucSOUDAN 300 km Moubarak, qui est très rarement évocession de Hosni Moubarak, qui a quée publiquement dans le pays, est fêté en 2009 ses vingt-huit années à l’objet d’incessantes rumeurs. la tête du pays, fait rage. L’Égypte semble entrée dans une Moubarak n’a jamais nommé de vice-président, mais il phase de transition, et les législatives de mai 2010 puis la pourrait être tenté de passer le relais à Gamal, son fils. présidentielle de novembre 2011 pourraient redessiner de À 47 ans, Gamal dirige un puissant organe d’orientation façon décisive le futur du pays. Reste à savoir quel candidat politique au sein du Parti national démocratique (PND, au pourra se présenter face à Moubarak. pouvoir) et pourrait donc être investi à ce poste. Gamal le Mohamed el-Baradei pourrait être l’homme de la situalibéral, qui a placé des technocrates à des postes clés, est tion. Selon ses propres dires, il accepterait d’entrer en lice à vu comme celui qui a donné un coup de pouce à la croiscondition que la Constitution soit réformée – pour permetsance égyptienne. tre à tout Égyptien de briguer la présidence. Actuellement, Après trois années de croissance avoisinant les 7 %, l’article 76 de la Constitution stipule notamment que les l’Égypte a connu un léger ralentissement pour atteindre candidats doivent être membres des instances dirigeantes 4,5 % en 2009. Une croissance tirée par les télécommunidu parti qu’ils représentent, que ce parti doit avoir une cations, un secteur qui progresse à un rythme largement existence légale d’au moins cinq ans, et qu’ils doivent résisupérieur à celui de l’économie (entre 10 % et 33 % de der en Égypte depuis au moins un an à la date du scrutin. hausse du chiffre d’affaires selon les sociétés). Mais l’indusEnfin, Baradei réclame que le scrutin soit organisé par une trie métallurgique et sidérurgique ainsi que le secteur de commission réellement indépendante et supervisé par des la construction et des travaux publics ont aussi enregistré observateurs internationaux. À 67 ans, l’ancien patron de de belles performances. La crise mondiale a surtout eu un l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et impact sur l’investissement étranger, qui a chuté d’environ Prix Nobel de la paix en 2005 jouit encore d’une certaine 5,1 milliards de dollars entre 2008 et 2009, alors que baisaura dans son pays. Mais l’annonce de son éventuelle cansaient les transferts de fonds effectués par les expatriés. Le didature a provoqué une campagne médiatique de dénirecul de l’économie égyptienne s’explique également par la grement d’une rare violence. La presse gouvernementale
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
18 juin 1953 Accession à l’indépendance. Avril 1954 Neguib est destitué, Gamal Abdel Nasser est nommé Premier ministre. 15 octobre 1970 Anouar al-Sadate élu président de la République. 6 octobre 1981 Assassinat de Sadate. Hosni Moubarak, du Parti national démocrate (PND), lui succède. Novembre 2000 Élections législatives. Entrée des islamistes au Parlement. Septembre 2005 Moubarak est réélu pour un cinquième mandat.
Le pays en bref
■ Superficie 1001450 km2. ■ Population 81,5 millions d’hab.
■ Croissance démographique 1,8 %.
94
■ Densité de population 76 hab./km2.
■ Population urbaine 42,7 %.
PIB (en milliards de dollars)
■ Espérance de vie 71,6 ans.
■ Alphabétisation 66,4 %. ■ Indice de développement humain
(2009) IDH: 0,703 – Rang: 123/182.
■ Langues Arabe (officielle), anglais, français.
107,4
protestants.
1 € = 7,77 livres égyptiennes; 1 $ = 5,41 livres égyptiennes. ■ PIB par habitant 2 450 $. ■ Répartition du PIB Primaire 14,1 %; secondaire 36,7 %; tertiaire 49,2 %. ■ Inflation 16,2 %.
162,6
187,9
Taux de croissance (en %)
■ Peuplement Arabes, Turcs, Berbères. ■ Religions Musulmans, chrétiens coptes, ■ Monnaie Livre égyptienne. ■ Parité au 01.01.10
130,3
6,9
7,1
7,1
2006
2007
2008
4,5 2009
■ Investissements directs étrangers
9,5 milliards de $.
■ Exportations 24 milliards de $.
■ Importations 47,5 milliards de $. ■
Principales ressources Gaz naturel, fer, cacao, agrumes, canne à sucre, tourisme.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
E
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
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ÉGYPTE
Fous de foot
AFRIQUE DU NORD
de l’opposition classique et n’a plus peur de défier l’État. Sur contraction des revenus tirés du tourisme: la fréquentation internet, les blogs et les forums se multiplient et donnent à touristique a baissé de près de 10 %. Le gouvernement a la jeunesse un nouvel espace d’expression et de liberté. Seul cependant pris les choses en main en organisant des campoint positif à mettre au crédit des autorités, la libération pagnes publicitaires agressives et en mettant en place un en février 2009 de l’opposant Ayman Nour, officiellement plan d’aide aux vols charters. pour raison de santé. En réalité, il s’agissait surtout d’un Pour les plus pauvres et notamment les paysans, qui geste de bonne volonté des autorités envers la nouvelle constituent près de la moitié de la population égyptienne, administration américaine. l’année 2009 a été difficile. Selon le FMI, l’inflation a augSpécificité de la société égyptienne, l’actualité régionale menté (passant de 10,4 % en 2008 à 16,2 % en 2009), mobilise davantage que les injustices locales. Très mobiet la plupart des Égyptiens ont vu leur pouvoir d’achat lisée pendant la guerre de Gaza début 2009, l’opinion chuter. La sécheresse et la politique de libéralisation des publique égyptienne vit de plus en plus mal la position de loyers agricoles ont aussi contribué à la paupérisation d’un son gouvernement à l’encontre des Palestiniens. Elle lui grand nombre de paysans, rendant la situation dans les a notamment reproché son refus d’ouvrir ses portes aux campagnes de plus en plus tendue. À l’avenir, les autoGazaouis pendant l’opération israélienne « Plomb durci », rités devront trouver des solutions pour aider les 40 % d’Égyptiens qui vivent sous le seuil de pauvreté. Chaque année, il faudrait créer 650000 emplois pour absorber les nouveaux entrants sur le marché n Égypte, un match de foot dit très préoccupé par la situation. du travail. peut avoir des conséquences De son côté, la presse des deux Mais d’une manière générale, de très politiques. C’est ce qu’a pays ne s’est pas privée de faire nombreux analystes se montrent découvert la communauté monter la pression en publiant de optimistes pour 2010-2011 et préinternationale après les incidents véritables appels à la violence : en voient que l’Égypte réalise l’une des qui ont émaillé les qualifications Égypte, des étudiants algériens meilleures performances des régions pour la Coupe du monde 2010. sont restés cloîtrés chez eux tandis Proche-Orient et Moyen-Orient. Ce Après le caillassage au Caire du bus que des employés de sociétés résultat sera alors à mettre au crédit de l’équipe algérienne en égyptiennes en Algérie confiaient des autorités, et l’opposition, extrênovembre 2009, une véritable leur crainte d’être pris à partie par mement divisée, aura bien du mal à guerre médiatique et diplomatique la population. Des locaux contrecarrer. Les Frères musulmans, s’est engagée entre les deux pays. d’entreprises égyptiennes, comme s’ils pourront peut-être présenter À Khartoum, où a eu lieu le match ceux d’Egypt Air ou d’Orascom des candidats aux législatives, n’ont décisif, les autorités égyptiennes Telecom, ont en effet été la cible aucune chance d’être présents à la se sont insurgées contre d’attaque. Mais depuis la troisième présidentielle. Le 16 janvier 2010, l’agression qu’auraient subie victoire de l’Égypte à la Coupe c’est Mohamed Badie qui a été élu à certains de leurs ressortissants. d’Afrique des nations (CAN), en la tête de l’organisation. Très conserL’ambassadeur d’Égypte en Algérie janvier 2010, les esprits semblent vateur, ce professeur, qui a passé plus a alors été rappelé par son s’être apaisés. Début février 2010, de dix ans en prison, prône un retrait ministère de tutelle pour l’ambassadeur d’Égypte en Algérie, progressif de la vie politique de son consultation, et le président Abdel Aziz Seifelnasr, a d’ailleurs mouvement et une réorientation vers Hosni Moubarak lui-même s’est repris ses fonctions. ■ des activités sociales et religieuses. Une véritable rupture pour ce parti qui s’était lancé à la fin des années lancée fin décembre 2008. Par son statut de négociateur 1990 dans la course électorale et avait même remporté privilégié avec Israël, le président Moubarak est souvent 88 sièges au Parlement en 1995. Depuis, le parti est dans attaqué par les plus radicaux: qualifié d’« hérétique » par le collimateur des autorités, qui ont procédé à des vagues certains oulémas, il est ainsi accusé de compromission d’arrestations et modifié la loi électorale en leur défaveur. avec l’« ennemi sioniste ». La construction d’un mur souAvec Badie à leur tête, les Frères musulmans semblent terrain à la frontière avec Gaza pour empêcher le passage déterminés à ne plus jouer le rôle d’opposition officielle des Gazaouis dans les tunnels risque d’entamer encore un au régime. Ils jouissent cependant toujours d’une grande peu plus sa popularité. audience dans une société qui pratique depuis vingt ans Moubarak jouit cependant encore d’une certaine aura un islam de plus en plus rigoriste. La décision des autorisur le plan international. Il est le principal allié des Étatstés d’interdire le niqab au sein des universités a d’ailleurs Unis au Moyen-Orient. Et c’est d’ailleurs depuis l’univerprovoqué des manifestations des tenants les plus consersité du Caire que le président américain Barack Obama a vateurs du pays. choisi de faire son adresse au monde musulman, quelques Pour Moubarak, la situation interne est très tendue. Sans mois après son investiture. Du côté de l’Union pour la compter que l’attentat du Caire le 22 février 2009, dans Méditerranée, dont Moubarak est coprésident, la situation lequel une jeune touriste française a été tuée, a réveillé les est moins favorable. Malmenée par la crise et par le blocage peurs du régime et réactivé la menace terroriste. Après les des négociations israélo-palestiniennes, l’UPM n’est pas manifestations de la faim en 2008 et les appels à la grève parvenue à fédérer les peuples du sud de la Méditerranée générale, les voix les plus contestataires continuent de se et reste pour l’instant une coquille vide. ■ faire entendre. La nouvelle génération semble se détourner
LIBYE
Kaddafi et ses courtisans
E
Avec l’Europe, les relations lu pour un an à la tête de 300 km sont fluctuantes. Kaddafi s’est l’Union africaine, le diriTUNISIE Mer Méditerranée rendu en Italie en juin 2009 geant libyen Mouammar pour une visite historique, après Kaddafi a rouvert un dossier Tripoli les « excuses » présentées par qui lui tient à cœur, les ÉtatsALGÉRIE Benghazi les autorités italiennes pour Unis d’Afrique. En un an, il ÉGYPTE la période coloniale. Le pays aura réussi le pari de faire LIBYE de Berlusconi est aujourd’hui adopter un plan qui prévoit une le premier client et premier refonte des institutions de l’UA fournisseur de la Libye. Par d’ici à 2012 et la tenue d’une ailleurs, le Comité populaire conférence en 2017 portant sur général libyen a approuvé, fin le fonctionnement des ÉtatsNIGER NIG TCHAD SOUDAN 2009, l’ouverture d’un bureau Unis d’Afrique. Le « Guide » de la Commission de l’Union libyen plaide pour un gouvereuropéenne à Tripoli en échange d’une représentation nement fédéral continental. Celui qui se fait appeler « le libyenne à Édimbourg (Écosse). Mais quelques semaines roi des rois traditionnels d’Afrique » a laissé à regret les plus tard, froissé par la décision de l’UE de limiter l’attrirênes de l’UA fin janvier 2010 au président du Malawi, bution de visas Schengen aux Libyens, Tripoli a décidé de Bingu wa Mutharika. durcir sa politique de visas à l’encontre des Européens. Le Depuis son retour en grâce au sein de la communauté conflit a duré quelques mois avant que les relations entre internationale, il y a trois ans, la Libye, qui se sait courtila Libye et l’UE ne reprennent un cours normal à la fin du sée pour ses pétrodollars, joue avec les attentes des étatspremier trimestre 2010. majors politiques et celles des grandes entreprises. À coup Entre la Suisse et la Libye, le contentieux demeure. Les de milliards de dollars, ses effets d’annonces portant sur relations diplomatiques se sont détériorées, après l’arrestad’importants contrats industriels ou d’armements déroution à Genève en 2008 d’Hannibal Kaddafi, à la suite d’une tent. Dernier en date, un contrat de défense de 2 milplainte de ses domestiques pour mauvais traitements. Peu liards de dollars pour Moscou, annoncé fin janvier 2010. de temps après, deux hommes d’affaires suisses ont été Quand, dans le même temps, la visite d’une délégation arrêtés en Libye et condamnés pour séjour illégal. Si le fils militaire libyenne de haut rang à l’Élysée relançait les du dirigeant libyen a été relâché, le sort de l’un des ressorspéculations avec la France. Fin 2007, lors de sa visite tissants suisses n’est toujours pas réglé. La tension est moncontroversée à Paris, le colonel Mouammar Kaddafi avait tée d’un cran quand le dirigeant libyen a appelé au djihad ouvert des négociations exclusives qui devaient durer six contre la confédération helvétique, suite à la votation sur mois concernant l’acquisition de quatorze avions de coml’interdiction de la construction de minarets en Suisse. bat Rafale de Dassault, huit Tigre d’Eurocopter et difféUne déclaration que l’ONU a jugée « inadmissible ». rents types de blindés. Mais aucun contrat n’a été signé à De son côté, Seif el-Islam, autre fils du « Guide », semce jour. Effet de manche ? Tripoli a demandé aux sociétés concernées d’actualiser leur offre. ble prendre de l’ascendant. Il a été nommé officiellement
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
1951 Accession à l’indépendance. 1er septembre 1969 Coup d’État du colonel Mouammar Kaddafi. 12 septembre 2003 Levée des sanctions internationales après le règlement du contentieux de l’attentat de Lockerbie. 9 janvier 2004 Indemnisation des ayants droit des victimes de l’attentat du vol UTA. 21 septembre 2004 Levée des sanctions américaines. 5 mars 2006 Baghdadi Mahmoudi est nommé Premier ministre.
Le pays en bref ■
Superficie 1759540 km2.
■ Population 6,3 millions d’hab.
96
■ Croissance démographique 2 %.
■ Densité de population 3 hab./km2.
■ Population urbaine 77,5 %.
■ Espérance de vie 74,2 ans. ■ Alphabétisation 86,8 %.
■ Indice de développement humain
(2009) IDH: 0,847 – Rang: 55/182. ■ Langues Arabe (officielle), anglais, italien. ■ Peuplement Arabes, Berbères. ■ Religions Musulman (officielle). ■ Monnaie Dinar libyen. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 98,69 dinars libyens; 1 $ = 68,7 dinars libyens. ■ PIB par habitant 9 529 $. ■ Répartition du PIB Primaire 2,2 %; secondaire 76,4 %; tertiaire 21,4 %.
PIB (en milliards de dollars) 56,5
71,7
89,9 60,3
Taux de croissance (en %) 5,2 2006
6,8
7
2007
2008
1,8
2009
■ Inflation 2,6 %.
■ Investissements directs étrangers
4,1 milliards de $.
■ Exportations 63 milliards de $.
■ Importations 11,5 milliards de $.
■ Principales ressources Pétrole, gaz.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
L
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
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LI BY E
Dessaler l’eau de mer
AFRIQUE DU NORD
ont été faites dans le pays au cours de l’année 2009. Les numéro deux du régime en octobre 2009, avec le titre sociétés australienne Woodside, canadienne Verenex, de coordinateur général des commandements populaires algérienne Sonatrach et russe Tafneft ont trouvé des gisesociaux. Aussitôt, Seif el-Islam a réintégré Chokri Ghanem ments dans le bassin de Ghadamès (au sud de Tripoli). (ex-Premier ministre) dans ses fonctions de président de L’espagnol Repsol a découvert des réserves onshore au la National Oil Company (NOC, compagnie nationale de sud-ouest de Benghazi. Enfin, la société américaine Hess pétrole), alors que celui-ci avait été contraint à la démisCorporation a aussi découvert du pétrole onshore et du sion quelques semaines plus tôt. Ce retour a rassuré les gaz dans les eaux profondes de la Méditerranée, dans le milieux d’affaires pétroliers : Chokri Ghanem est perçu golfe de Syrte. D’autres compagnies sont sur les rangs, comme un réformateur plus souple que les faucons du comme le britannique BP, le français Total ou le norvécourant nationaliste, représenté par le Premier ministre gien Statoil. Baghdadi Mahmoudi. Globalement, la question de la sucLa Libye prévoit d’atteindre une production pétrolière cession du père reste en suspens, mettant en jeu Seif et de 3 millions de barils par jour d’ici à 2015. En 2009, son frère Mohamed Moâtassim, patron du Conseil natiola production aurait atteint 2 millions de b/j. Entre la nal de sécurité et chef des conservateurs. Quelques mois révision des contrats de prospection et le partage de la avant sa désignation comme numéro deux du régime, production pétrolière, l’or noir aurait rapporté près de les médias du groupe Al-Ghad de Seif el-Islam avaient 10 milliards de dollars à la Libye en 2009, selon la NOC. été nationalisés par le gouvernement libyen. La décision Troisième producteur de pétrole en Afrique, la Libye de lui contester le contrôle de ces médias avait alors été interprétée comme un désaveu pour Seif el-Islam. Sur le front économique, le ralentissement est brutal. La croissance en e « Grand projet de rivière dessalement de 900 000 m3 par 2009 s’est établie à 1,8 %, contre 7 % faite par l’homme », lancé jour. Les projets sont placés sous en 2008, selon le FMI. Parallèlement, au début des années 1980 pour l’autorité de Gecol, la Société le taux d’inflation a décliné, passant parvenir à l’autosuffisance générale libyenne d’électricité. de 7 % en 2008 à 2,6 % en 2009. alimentaire s’achève. Très Compte tenu de l’ampleur des Du côté des investissements directs ambitieux, il repose sur projets programmés, l’entreprise étrangers, la tendance à la baisse est l’installation de 4 000 km de publique libyenne devrait sensible. En 2008, les IDE ont atteint tuyaux pour acheminer l’eau devenir le sixième opérateur 4,1 milliards de dollars, contre extraite dans le désert du d’usines de dessalement d’eau 4,7 milliards l’année précédente Sahara jusqu’au littoral, mais il a de mer au monde. Plusieurs (– 14 %). Un montant qui demeure l’inconvénient de ponctionner stations sont en cours de important puisqu’il représente 56 % la ressource sans la renouveler. réalisation à Zaouia (capacité de de la formation brute de capital fixe L a Libye prévoit désormais 80 000 m3/j), Abou Traba, Derna, et 12,8 % du PIB. de développer ses capacités Sousse et Zouara (chacune d’une L’année 2009 a vu également de traitement d’eau de mer. capacité de 40 000 m3/j). La Libye la signature de plusieurs contrats L’objectif est, d’ici à 2012, possède 2 000 km de côtes sur la importants dans le secteur des infrasd’obtenir une capacité totale de rive sud de la Méditerranée. ■ tructures : télécommunications, construction, transports, eau. Dans les télécoms, la Libye a ainsi signé dispose de réserves évaluées à 41,5 milliards de barils. en novembre avec des équipementiers internationaux, Quant à la production gazière, qui est actuellement de notamment la Société libyo-italienne de communicaprès de 3,5 milliards de m3 par jour, elle devrait doution, Alcatel-Lucent, le chinois Huawei et l’indien Ircon bler d’ici à 2013. Enfin, dans le domaine de l’énergie, North Africa, pour la seconde phase du déploiement de la Libye a entamé en novembre 2009 des négociations son réseau de câbles à fibre optique. Dans la construction, avec le groupe français Areva pour l’achat de centrales l’espagnol Sacyr Vallehermoso a remporté deux contrats nucléaires. pour 300 millions d’euros afin de construire des logements, Sur le terrain des réformes, la Libye envisage de privade moderniser le réseau routier et d’assurer la distribution tiser quatre entreprises publiques en 2010 : les sociétés de l’eau potable, du gaz et de l’électricité de la ville de de télécommunications Al Madar et Libyana, l’entreBenghazi (deuxième ville du pays). En août, le sud-coréen prise sidérurgique Iron and Steel Company, ainsi que la Sunwon Corp. a décroché un contrat de 996 millions de National Commercial Bank. Le Comité populaire génédollars pour la construction de maisons à Tobrouk, ville ral libyen de l’industrie, de l’économie et du commerce portuaire située près de la frontière avec l’Égypte. a annoncé fin janvier 2010 l’adoption d’un plan de déveÀ l’extérieur, la Libye reste fort active. Elle a investi loppement du secteur industriel portant sur la période 5,8 milliards de dollars dans le monde en 2008 (+ 49,7 %). 2010-2013 pour un coût de 2,7 milliards de dollars. Ce En Afrique du Nord, de l’Ouest et centrale, les investisplan prévoit notamment la création de centaines d’unités sements sont réalisés par la Libya Africa Portfolio (LAP), industrielles dans les secteurs de l’agroalimentaire, du via Laaico (agriculture, industrie, télécoms, tourisme), textile, des matériaux de construction, de la chimie et Afriqiya Aero (transport), BSIC (finance) et Libya Oil. de la production de bois, particulièrement au centre et à Côté pétrole, l’exploration se poursuit. Selon la NOC, sept l’est du pays. ■ nouvelles découvertes de gisements pétroliers et gaziers
MAROC
Le royaume résiste à la crise
A
gurer les deux premières stations du vec une croissance de 5 % en PORTUGAL ESPAGNE « Plan azur » – Saïdia dans le Nord 2009, le ministre de l’Économie Océan Océ et Mazagan sur la côte Atlantique. et des Finances, Salaheddine Atl Atlantique Ce plan, qui devait permettre au Mezouar, peut se targuer d’avoir Rabat Casabl Casablanca Maroc d’atteindre son objectif de tenu bon dans la tempête. Grâce à 10 millions de touristes en 2010, a un niveau d’endettement public en Marrakech pourtant connu en 2009 des échecs baisse et à des finances publiques ILES MAROC successifs : retard pris dans les saines, il a pu faire face très rapiCANARIES travaux, retraits des investisseurs dement à la crise en optant pour (Espagne) ALGÉRIE en raison de la crise, campagne des mesures volontaristes, prises en de dénigrement dans les médias. accord avec les opérateurs du pays. MAURITANIE Autant d’éléments qui expliquent Par ailleurs, l’activité économique a 400 km MALI sans doute le limogeage assez brutal continué d’être stimulée par l’augde Boussaïd et la nomination, le 5 mentation de la demande intérieure janvier 2010, du jeune financier Yassir Znagui. Le roi a qui a, en partie, compensé la chute de la demande au réaffirmé ainsi sa volonté de voir le tourisme marocain niveau mondial. Le secteur financier, peu exposé aux décoller au cours de la prochaine décennie. aléas des marchés internationaux, n’a pas été touché La crise a surtout touché les secteurs exportateurs par l’écroulement des Bourses mondiales. Enfin, les comme le textile, le cuir ou les équipements autoconditions climatiques ont été plutôt clémentes : grâce mobiles. L’usine Renault située à Tanger a d’ailleurs à des pluies abondantes, le royaume a réalisé une récolte pris plusieurs mois de retard et ne devrait entrer en céréalière record, dont les effets exogènes ont contribué production qu’en 2012. Le départ de nombreux invesà soutenir la croissance en 2009. Le plan « Maroc vert », tisseurs, notamment issus du Golfe, a considérablelancé en 2009 par le ministre de l’Agriculture, Aziz ment ralenti certains chantiers, comme dans la vallée Akhannouch, devrait permettre de renforcer le secteur du Bouregreg, à Rabat, ou dans les villes nouvelles agricole grâce à un investissement de 150 milliards de construites en périphérie. dirhams (13,3 milliards d’euros) d’ici à 2020. Pour diversifier l’économie et créer des emplois, les Même dans le domaine du tourisme, où l’inquiétude autorités ont fait le pari de l’écologie. Décidé à deveétait pourtant de mise, les autorités ont su réagir à nir un pays modèle sur le continent africain, le Maroc a temps. Le ministre, Mohamed Boussaïd, a lancé dès présenté début 2010 une ambitieuse charte de l’environle début de 2009 un plan d’urgence pour soutenir le nement. La priorité : investir dans les énergies renouvesecteur. Grâce à une baisse des prix importante et à lables, notamment grâce à la toute nouvelle Agence pour une politique de communication agressive, le nombre l’énergie solaire, dirigée par Mustapha Bakkoury. de touristes a atteint 5 millions pendant la haute saison L’année 2009 a aussi été celle de la célébration des dix (contre 4,7 millions en 2008), et les recettes n’ont baissé ans de règne de Mohammed VI. Une occasion pour l’opique de 6 % (contre des prévisions de 15 %). Quoique nion publique et les médias internationaux de revenir sur avec un peu de retard, le ministre a même réussi à inau-
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
Mars-avril 1956 Accession à l’indépendance. 26 février 1961 Mort du roi Mohammed V. Son fils Hassan II lui succède. Novembre 1975 Annexion du Sahara occidental lors de la Marche verte. Juillet 1999 Mohammed VI devient roi à la mort de son père. Septembre 2002 Driss Jettou devient Premier ministre. 7 septembre 2007 Victoire de l’Istiqlal aux législatives. Abbas El Fassi devient Premier ministre.
Le pays en bref
■ Superficie 712550 km2 (y compris le Sahara occidental). ■ Population 31,2 millions d’hab.
98
■ Croissance démographique 1,2 %.
■ Densité de population 69 hab./km2.
■ Population urbaine 56 %.
■ Espérance de vie 71,4 ans.
■ Alphabétisation 55,6 %. ■ Indice de développement humain
(2009) IDH: 0,654 – Rang: 130/182.
■ Langues Arabe (officielle), Berbère
(plusieurs dialectes), français. ■ Peuplement Arabes, Berbères. ■ Religions Musulmans (officielle), juifs, chrétiens. ■ Monnaie Dirham. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 10,96 dirhams; 1 $ = 7,63 dirhams. ■ PIB par habitant 2864 $. ■ Répartition du PIB Primaire 15,4 %; secondaire 30,8 %; tertiaire 53,8 %.
PIB (en milliards de dollars) 88,9 65,6
75,2
90,8
Taux de croissance (en %) 7,8
5,6
5,2
2008
2009
2,7 2006
2007
■ Inflation 1 %.
■ Investissements directs étrangers
2,4 milliards de $.
■ Exportations 20,1 milliards de $.
■ Importations 41,7 milliards de $.
■ Principales ressources Phosphates,
agriculture, tourisme.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
Une année verte
L
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MA R O C
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
AFRIQUE DU NORD
le chemin parcouru et de se féliciter des progrès accomplis en matière de droit des femmes, de développement e sommet de Copenhague de et des investissements afin des infrastructures, de lutte contre la décembre 2009 a été un échec, d’aider le pays à atteindre à pauvreté ou encore de transparence et les pays du Sud ne sont pas l’horizon 2020, l’objectif de 20 % de la vie publique. Une célébration parvenus à convaincre ceux du d’énergies renouvelables dans le quelque peu gâchée par la décision Nord de prendre des mesures bilan énergétique national. prise par les autorités d’interdire les d’urgence. Malgré tout, le Maroc C ette stratégie représente magazines Tel Quel et Nichane datés garde le cap et entend bien se pour le pays de nombreuses du 1er août, qui publiaient en collapositionner en pays leader sur le opportunités d’investissements boration avec le quotidien français continent en termes de respect et de coopérations bilatérales Le Monde un sondage sur la décende l’environnement. Décidé à avec les pays du Nord mais aussi nie M6. Les Marocains s’y disaient à mettre en place les conditions avec des puissances émergentes 92 % satisfaits par les progrès enrenécessaires à un développement comme le Chine ou l’Inde. gistrés, mais les autorités ont jugé durable de son économie et Très dépendant de l’extérieur que ce sondage portait atteinte à la de son agriculture, le pays a pour son approvisionnement personne du roi. engagé une nouvelle stratégie en pétrole et en gaz, le D’une manière générale, la fin de de production d’électricité. Le royaume a tout à gagner à l’année a vu se succéder des proMaroc va ainsi abriter la plus développer le solaire. Cela cès contre des journaux. Serait-ce grande centrale solaire d’Afrique ouvre également au pays des pour autant la fin de la liberté de la grâce à un don du Japon d’une perspectives en termes d’emploi presse ? Pas vraiment, puisque, dès valeur de 7,4 millions de dollars. hautement qualifiés puisque début 2010, la plupart des journaAu mois de janvier 2010, Rabat a plusieurs filières spécialisées listes ont été graciés. Mais ces difféégalement signé avec les Étatsdans les technologies liées rentes affaires auront rappelé à ceux Unis un accord de coopération au développement durable qui l’avaient oublié que les autorités bilatérale sur le développement devraient voir le jour dans les veillent au strict respect des fameudurable. L’accord comprend années à venir au sein des ses « lignes rouges ». des échanges de technologies universités marocaines. ■ Sur le plan de la politique intérieure, l’actualité a été dominée par les élections communales de juin, Côté gouvernement, 2010 sera l’année de la mise en qui étaient un premier test pour le Parti Authenticité œuvre de nombreuses réformes : mise en place d’un et Modernité (PAM), créé fin 2008 par Fouad Ali El code de la route, réforme de la santé et refonte du Himma, proche du souverain. Bien pilotées par le minissystème judiciaire, qui manque aujourd’hui cruelletère de l’Intérieur, ces élections se sont déroulées dans ment de moyens. la transparence, et les autorités se sont montrées très Autre réforme de taille, celle de la régionalisation. sévères face aux cas de corruption ou de clientélisme. Longtemps annoncée, jamais réalisée, elle a pris en Elles ont aussi marqué l’entrée fracassante des femdébut d’année un nouveau départ avec la constitumes dans la politique locale grâce à l’instauration d’un tion d’une Commission consultative de la régionaliquota de 12 % de candidates que les différents partis sation, présidée par l’ancien ministre Omar Azziman. ont respecté. Au terme des élections, le nombre de femL’accélération du processus s’explique en partie par les mes élues dans les conseils communaux a augmenté de rebondissements dans l’affaire du Sahara, qui oppose 250 % par rapport à 2003 ! le Maroc au front Polisario. Le 13 novembre 2009, Mais, surtout, ce vote a été l’occasion pour le PAM la militante indépendantiste Aminatou Haidar a été de s’imposer dans le paysage politique en remportant expulsée vers Lanzarote pour avoir refusé de remplir les élections. Bénéficiant d’un bon réseau de notables la case nationalité sur sa fiche de débarquement à et ayant réussi à convaincre l’opinion, ce nouveau-né a son arrivée à Laayoune, principale ville des provinobtenu la majorité des grandes villes du royaume, preuve ces sahariennes. Au terme d’une grève de la faim de qu’il bénéficie de puissants soutiens. Mais le parti de trente-deux jours de la militante, le Maroc a accepté celui que l’on présente comme « l’ami du roi » a encore le 17 décembre de la laisser rentrer au pays. L’affaire beaucoup à faire. Lors de sa création, il a attiré dans ses est d’autant plus fâcheuse que le Maroc a fait, malgré rangs à la fois des jeunes désireux de changer la vie politout, des avancées sur ce dossier en 2009. Son plan tique et des opportunistes, déçus par d’autres partis, à la d’autonomie a reçu de nombreux soutiens, et l’envoyé recherche d’une victoire électorale facile. Profondément spécial de l’ONU, Peter Van Walsum, a même reconnu hétérogène, ce mouvement devra faire la preuve de sa à demi-mot qu’il était concrètement impossible d’orcrédibilité et préciser ses objectifs. L’arrivée de ce nouveau ganiser un référendum au Sahara. L’année 2010 ne parti, qui s’oppose notamment à l’Istiqlal, a bouleversé les verra sans doute pas ce conflit se résoudre. Mais le équilibres politiques. L’année 2010 devrait voir se nouer royaume semble déterminé à ne pas rester les bras de nouvelles alliances, et le PAM pourrait se rapprocher croisés et à accélérer le processus de développement des socialistes de l’Union socialiste des forces populaires et d’autonomie des provinces du Sud comme de toutes (USFP), faisant ainsi barrage à son ennemi naturel, le ses autres régions. ■ Parti pour la justice et le développement (PJD).
MAURITANIE
Croissance négative
Q
Océan Atlantique antique
campagne d’Aziz, a beaucoup promis : uel premier bilan dresser un an MAROC ALGÉRIE lutte contre la corruption et le clientéaprès l’élection, le 18 juillet 2009, lisme, électricité, scolarisation, santé. à la tête de l’État de Mohamed Avec des accents populistes, l’homme Ould Abdelaziz? Il faut d’abord rappea su séduire un électorat lassé par des ler que la victoire a été franche: Aziz années de gabegie. s’est fait élire dès le premier tour, avec 2010 s’annonce donc comme un test 52,47 % des voix. Des candidats de MALI Nouadhibou pour le nouveau président. Résisterapoids s’étaient pourtant lancés dans t-il à la malédiction du putsch ? La la course : notamment Ahmed Ould M A U R I TA N I E série des coups d’État, entamée le Daddah, leader du Rassemblement Nouakchott 10 juillet 1978 avec la chute de Moktar des forces démocratiques (RFD), preOuld Daddah, est-elle terminée ? Lors mier parti du pays, et Messaoud Ould 300 km SÉNÉGAL de la présidentielle de 2007, chacun Boulkheir, à la tête de l’Alliance popuvoulait le croire. Et pourtant, moins de laire progressiste (APP). Il faut dire deux ans plus tard, « Sidi » était renversé. Pour éviter un tel que l’ex-général a régné pendant plusieurs mois sans parscénario, Aziz devra d’abord maîtriser l’armée. Il ne fait pas tage sur la Mauritanie après avoir renversé, le 6 août 2008, l’unanimité parmi ses rangs. Certains de ses aînés voient le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi, dont il était le chef d’un mauvais œil ce général qui, selon eux, a brûlé les étad’état-major particulier. « Sidi » avait été mis en quaranpes. Le contrôle de la sécurité nationale est aussi un enjeu. taine dans son village natal, à 250 km de Nouakchott. Fin 2009, cinq étrangers ont été enlevés dans le pays. Les La communauté internationale a avalisé l’élection prékidnappings ont été revendiqués par Al-Qaïda au Maghreb sidentielle. Le 2 juin, l’opposition et la junte présidée par islamique (Aqmi). Le groupe, qui a établi sa base arrière Aziz avaient signé sous son égide « l’accord de Dakar ». Le dans le nord du Mali voisin, profite des failles des services texte était conçu comme une solution à la crise politique de sécurité mauritaniens. Il faut se souvenir que c’est après qui paralysait le pays, entre les détracteurs d’Aziz, refuune attaque terroriste (en juin 2005) qu’Aziz a déposé, avec sant tout processus électoral, et ce dernier, prêt à organiser d’autres, Maaouiya Ould Taya (en août 2005). une élection jugée peu crédible. Il prévoyait la démission Le nouveau président devra aussi apporter un début de de Sidi – condition constitutionnelle à la tenue d’un scruréponse aux 3 millions de Mauritaniens dont les besoins tin – et la formation d’un gouvernement d’union natioéconomiques sont criants. En 2009, le taux de croissance nale permettant à l’opposition de superviser, elle aussi, est négatif (– 1 %). Chute sévère par rapport aux 11,5 % la préparation de l’élection. Le plan a été mis à exécution. de 2006. À l’époque, les barils de pétrole commençaient à Mais, dans les faits, l’opposition n’a pas eu voix au chapitre se remplir. Mais depuis, la production est passée de 75000 durant les préparatifs du 18 juillet. Elle a d’ailleurs contesté à 15000 barils par jour. En 2009, le pays a dû payer une la victoire d’Aziz, criant à un trucage du scrutin. Saisi, le lourde facture énergétique. La réconciliation avec les insConseil constitutionnel n’a pas donné suite. Reste que les titutions de Bretton Woods et l’Union européenne devrait perdants n’ont pas su se montrer aussi convaincants que apporter à l’État une bouffée d’oxygène. ■ leur adversaire. Le « président des pauvres », slogan de
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
28 novembre 1958 Proclamation de la République islamique de Mauritanie, qui devient indépendante en 1960. 17 décembre 1984 Maaouiya Ould Taya prend le pouvoir. 3 août 2005 Ould Taya est renversé. 25 mars 2007 Élection de Sidi Ould Cheikh Abdallahi à la présidence. 6 août 2008 Coup d’État de Mohamed Ould Abdelaziz. Il est élu à la tête du pays le 18 juillet 2009 avec 52,47 % des voix.
Le pays en bref ■
Superficie 1025520 km2.
■ Population 3,2 millions d’hab.
■ Croissance démographique 2,5 %.
100
■ Densité de population 3 hab./km2.
■ Population urbaine 41,1 %.
■ Espérance de vie 64,5 ans. ■ Alphabétisation 55,8 %.
■ Indice de développement humain
(2009) IDH: 0,52 – Rang: 154/182.
■ Langues Arabe (officielle), français,
peul-toucouleur, soninké, wolof… ■ Peuplement Maures, Toucouleurs, Peuls, Wolofs… ■ Religion Musulmans (officielle). ■ Monnaie Ouguiya. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 370,74 ouguiyas; 1 $ = 258,07 ouguiyas. ■ PIB par habitant 1043 $. ■ Répartition du PIB Primaire 13,8 %; secondaire 42,9 %; tertiaire 43,3 %.
PIB (en milliards de dollars) 2,7
2,8
3,1
3
Taux de croissance (en %) 11,5 2006
1,1
2,2
2007
2008
-1 2009
■ Inflation 4,95 %.
■ Investissements directs étrangers
103 millions de $.
■ Exportations 1,7 milliard de $.
■ Importations 1,7 milliard de $.
■ Principales ressources Fer, pêche,
hydrocarbures.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
Cinquième mandat pour Ben Ali
S
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
20 mars 1956 Accession à l’indépendance. 25 juillet 1957 Habib Bourguiba devient président de la République. Janvier 1978 Grève générale et émeutes. 7 novembre 1987 Bourguiba est remplacé par Zine el-Abidine Ben Ali. 24 octobre 2004 Réélection de Ben Ali. 25 octobre 2009 Réélection de Ben Ali (89,62 % des voix). Le Rassemblement constitutionnel démocratique conserve la majorité au Parlement.
Le pays en bref ■
Superficie 162155 km2.
■ Population 10,4 millions d’hab.
■ Croissance démographique 1,1 %.
■ Densité de population 66 hab./km2.
■ Population urbaine 66,5 %.
■ Espérance de vie 74,1 ans.
■ Alphabétisation 77,7 %.
■ Indice de développement humain
(2009) IDH: 0,769 – Rang: 98/182.
■ Langues Arabe (officielle), français. ■ Peuplement Arabes.
■ Religions Musulmans (officielle),
chrétiens, juifs. ■ Monnaie Dinar tunisien. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 1,9 dinar; 1 $ = 1,32 dinar. ■ PIB par habitant 3851 $. ■ Répartition du PIB Primaire 11,6 %; secondaire 33,1 %; tertiaire 55,4 %. ■ Inflation 3,7 %.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
PIB (en milliards de dollars) 40,8 31,1
35,6
40,2
Taux de croissance (en %) 5,4 2006
6,4 2007
4,6 2008
3 2009
■ Investissements directs étrangers
2,8 milliards de $.
■ Exportations 19,3 milliards de $.
■ Importations 24,6 milliards de $.
■ Principales ressources Phosphates,
agriculture, industrie textile, tourisme. 101
MA U R I TA N I E – TU N I S I E
▲ ▲ ▲
ans surprise, les élections légisde position de la France et dans une latives et présidentielle d’octomoindre mesure des États-Unis sur Tunis bre 2009 ont ancré la politique les droits de l’homme, la diplomatie Sousse de la Tunisie dans la continuité. tunisienne met toujours en avant la ALGÉRIE Selon les résultats officiels, Zine elstabilité du pays et sa relative bonne Sfax Mer Abidine Ben Ali a remporté pour la santé économique. Le nouveau gouMéditerranée cinquième fois consécutive le fauteuil vernement entend bien poursuivre présidentiel avec 89,62 % des suffradans cette voie. Confirmé à son poste TUNISIE ges exprimés. Un score qui se situe en janvier 2010, le Premier ministre, donc en dessous de la barre de 90 % Mohamed Ghannouchi va travailler LIBYE atteinte lors des deux premières préavec une équipe réorganisée, avec sidentielles pluralistes de l’histoire notamment au poste des Affaires 150 km de la Tunisie indépendante (1999 et étrangères, Kamel Morjane, diplo2004). Les deux candidats proches mate chevronné et ancien haut foncdu pouvoir, Mohamed Bouchiha du Parti de l’unité poputionnaire des Nations unies. laire (PUP) et Ahmed Inoubli de l’Union démocratique Sur le plan économique, la place financière de Tunis unioniste (UDU), ont été crédités respectivement de se prépare à la convertibilité du dinar en 2014 et, si le 5 % et de 3,8 %. Quant à l’universitaire Ahmed Brahim, cours élevé de l’euro n’est pas sans conséquences sur les qui se posait en « seul vrai concurrent », il a réalisé le importations, la mise en place d’un ensemble de mesures score le plus faible, avec 1,57 % des voix sous la bannière d’ouverture dynamise les activités dans de nombreux d’une coalition de gauche regroupée autour de son parti, secteurs. La Tunisie, premier fournisseur industriel de Ettajdid (« Renouveau », en arabe). Aux législatives, le l’Union européenne en Afrique du Nord, a surfé sur la Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD, au vague de la crise mondiale et s’en sort plutôt bien malgré pouvoir) a remporté 161 sièges sur 214 à la Chambre des un fléchissement de la croissance (selon le FMI, 2,95 % députés. À 73 ans, Ben Ali aborde donc ce nouveau quinen 2009 contre 4,65 % en 2008). Si les échanges comquennat avec sérénité. Ce sera en théorie son dernier, merciaux du textile et de l’habillement ont enregistré des car si, selon un amendement constitutionnel datant de baisses d’environ 18 %, ce n’est pas le cas de l’industrie 2002, les mandats présidentiels ne sont plus limités, la pharmaceutique, portée par un ensemble d’exonérations Constitution interdit de se présenter au-delà de 75 ans. et qui affiche un chiffre d’affaires de 300 millions de Ce scrutin a été l’occasion pour des associations de dinars (158 millions d’euros). Les industries mécanidéfense des droits de l’homme de s’opposer au contrôle ques, électriques et électroniques (IMEE) ont aussi le dont font l’objet les médias tunisiens. C’est dans ce vent en poupe et contribuent à 26 % des exportations contexte que Reporters sans frontières (RSF) a dénoncé et 5 % du PIB. L’objectif de la Tunisie est d’atteindre, en novembre 2009 la condamnation à six mois de prison en 2016, 16 milliards d’euros d’exportations industrielferme du journaliste Taoufik Ben Brik, accusé d’avoir les. L’industrie tunisienne est en pleine mutation : après agressé une femme dans la rue. En réponse aux prises des années d’activités de sous-traitance, elle se
AFRIQUE DU NORD
TUNISIE
ciel ouvert. Seuls ont été confirmés les projets de Tunis Sports City par le groupe émirati Bukhatir et celui du port financier mené par le Gulf Finance House du Bahreïn. Ils devraient créer 56 000 emplois pour un investissement de 9 milliards de dollars. La crise de Dubaï a suspendu le projet de Sama Dubai, ainsi que celui de Bled El Ward. En revanche, sont maintenues la réalisation du port en eau profonde dans la région d’Enfidha et l’ouverture de l’aéroport international Enfidha-Zine-el-Abidine-Ben-Ali. Ces mégaprojets d’infrastructures ont permis le développement des équipements routiers et dynamisé des secteurs comme celui du transport et du bâtiment. Toutefois l’augmentation du parc immobilier peut paraître inquiétante du fait des coûts des matières premières, du prix du mètre carré et du taux élevé de logements invendus. Enfin, première source de devises et second employeur en Tunisie, le secteur du tourisme affiche une augmentation de ses recettes de 2 %. La crise mondiale n’a eu que peu d’effets sur les arrivées en Tunisie où la clientèle européenne a souvent été remplacée par des touristes maghrébins. Le secteur se met aux normes internationales et développe des produits spécifiques tels que l’écotourisme, les circuits dans le Sahara... Le premier trimestre 2010 affiche une augmentation des nuitées mais une baisse de la fréquentation européenne, hors britannique et française. Au niveau du secteur primaire, l’excellent cru de la céréaliculture (2,5 millions de tonnes en 2009) devrait réduire le déficit de la balance alimentaire, même si la faible pluviométrie laisse augurer d’inévitables tensions pour l’arboriculture en 2010. Le secteur agricole, qui emploie 16 % de la population active, parie sur les innovations technologiques et le développement de la production biologique. L’envol des prix des matières premières agricoles a eu des conséquences directes pour le consommateur tunisien, et le PIB moyen par habitant s’élève à 3 852 dollars en 2009 (contre 3 955 dollars en 2008), selon financer le recours aux énergies le FMI. renouvelables. Le programme Au sein de la population, urbaine Prosol encourage les installations à près de 70 %, le crédit à la consomsolaires thermiques collectives mation se développe de plus en plus. dans les secteurs industriel et Le Tunisien ne fait plus son shopping tertiaire. Alors que le projet à l’étranger comme il y a quelques « Soleil de Nefta » vise à années. Les hypermarchés et les généraliser l’utilisation du centres commerciaux distribuant les solaire thermique pour la marques internationales connaissent réfrigération, le pompage un grand succès au même titre que de l’eau ou la fourniture les espaces de loisirs, cafés et restaud’électricité aux ménages. La rants. La vie culturelle est également construction de deux centrales très dynamique, et les festivals se éoliennes est prévue au Nord, succèdent. L’arrivée d’Orange, troiet deux unités photovoltaïques sième opérateur téléphonique sur entreront en production en 2010. un marché de trois millions d’interL’exploitation des biomasses nautes assidus montre également est aussi au programme. l’engouement des Tunisiens pour L’objectif est d’économiser, d’ici les télécommunications... Autant de à 2030, 80 millions de tonnes signes qui prouvent que la Tunisie équivalent/pétrole, soit dix ans est entrée de plain-pied dans le de consommation d’énergie pour XXIe siècle. ■ le pays. ■
▲ ▲ ▲
tourne désormais vers des productions à forte valeur ajoutée. L’un des axes de développement est celui du secteur des nouvelles technologies, qui peut compter sur une main-d’œuvre bien formée. Une priorité quand on sait que le taux de chômage, qui atteint 14 %, touche particulièrement les jeunes diplômés. La Tunisie entend devenir un site industriel attrayant, pariant sur un effet boule de neige. Et le mouvement semble bel et bien lancé : l’implantation d’Aerolia, filiale d’Airbus, a permis l’installation de quatre de ses soustraitants en Tunisie (Mecahers, Mécanyvois, Figeac Aéro, et Corse Composites). Le secteur du câble et du câblage se montre aussi très dynamique, entraînant de nombreux investissements de sociétés étrangères. Malgré la crise des équipementiers, le groupe Elloumi continue d’accroître ses parts de marché, et Leoni conforte sa position. De nouveaux industriels s’implantent aussi dans des zones où les incitations sont intéressantes, à l’image des groupes allemands Kromberg & Schubert, Dräxlmaier et Sumitomo Electric Bordnetze ou de l’américain Lear Corporation. Les investissements directs étrangers (IDE) se sont élevés à près de 1,9 milliard de dollars en 2009, et les exportations permettent à la Tunisie de contourner l’étroitesse de son marché. L’une des critiques formulées par les investisseurs étrangers vise la politique syndicale menée par l’UGTT (Union générale des travailleurs tunisiens), qui réclame une amélioration de la rémunération des salariés du secteur privé alors que les employeurs mettent tout en œuvre pour réduire au minimum leurs coûts de production en réaffectant à la Tunisie des marchés initialement attribués, entre autres, aux pays de l’Est. L’activité du secteur immobilier s’est quelque peu tassée, même si les centres urbains sont des chantiers à
L’énergie proprement
P
our faire face à la croissance de la demande et du coût de l’énergie, la Tunisie a décidé d’exploiter toutes les formes d’énergies renouvelables dont elle dispose. C’est ainsi qu’un plan solaire a été établi avec un investissement prévisionnel de 3,6 milliards de dinars (2 milliards d’euros) sur la période 2010-2016. Du jamais vu pour un pays où le premier consommateur est l’industrie avec 36 %, devant les transports (31 %), l’habitat (17 %), les services (9 %) et l’agriculture (7 %). En 2004, les autorités ont mis en place un système d’exonérations pour subventionner le coût d’installations solaires ou photovoltaïques. Aujourd’hui, même les banques octroient des crédits spécifiques pour
102
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
MALI
MAURITANIE
NIGER
Tombouctou Ni ge r Dakar Banjul
AFRIQUE DE L'OUEST
ALGÉRIE
Gao
SÉNÉGAL
Mopti
GAMBIE
Bamako
GUINÉEBissau BISSAU Conakry Freetown
CAP VERT Praia
GUINÉE SIERRA LEONE
Monrovia
LIBERIA
Niamey
TCHAD
Zinder
Ouagadougou
BURKINA FASO CÔTE D'IVOIRE Yamoussoukro Abidjan
Maiduguri
BÉNIN
NIGERIA
é nou Abuja Bé
TOGO GHANA Lomé
PortoNovo
Accra
PortHarcourt
CAMEROUN
RÉP. CENTRAF. 300 km
Océan Atlantique
AFRIQUE DE L’OUEST Contre-performances
L
a Guinée-Bissau ne parvient toujours pas à sortir du chaos : le 1er avril 2010, treize mois après l’assassinat du président João Bernardo Vieira, un nouveau coup de force a eu lieu dans l’armée. Même constat en Guinée, où la répression d’une manifestation dans le stade de Conakry le 28 septembre 2009 a provoqué la mort de quelque 160 personnes. Depuis la mi-janvier 2010, le processus de transition a toutefois pu reprendre. Jean-Marie Doré, personnalité issue des Forces vives, a été nommé pour former un gouvernement d’union nationale et conduire le pays vers des élections d’ici au 27 juin 2010. Au Niger, l’entêtement du président, Mamadou Tandja, de prolonger par tous les moyens son mandat à la tête du pays s’est finalement conclu, le 18 février 2010, par un coup d’État militaire mené par le Conseil suprême pour la restauration de la démocratie (CSRD). Enfin, en Côte d’Ivoire, depuis la mise en cause de la Commission électorale indépendante et la dissolution du gouvernement, en février 2010, le processus électoral est violemment menacé. Quant au Nigeria, il reste en proie à des massacres interreligieux qui menacent la cohésion du pays.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
104 105 106 107 109 110 111 112 113 114 115 116 118 120 121
Bénin Burkina Faso Cap-Vert Côte d’Ivoire Gambie Ghana Guinée Guinée-Bissau Liberia Mali Niger Nigeria Sénégal Sierra Leone Togo 103
BÉNIN
En route pour la présidentielle de 2011
D
des plus vastes scandales de détourébut 2010, on apprenait que BURKINA BURKIN BUR nements de fonds publics au Bénin, 1,2 million de tonnes de maïs FASO FAS Yayi Boni a certes montré qu’il obteallaient être récoltées au Bénin, nait des résultats, mais aussi que ce soit 350 000 t de plus que ce dont le BÉNIN fléau ne reculait pas. Au cœur de cette pays a besoin. Sauf que l’organisme Parakou affaire : la construction et la réhabipublic chargé de gérer ces réserves litation du Palais des congrès et du ne pouvait en stocker que 20000 t et TOG TOGO Centre international de conférences que le surplus risquait d’être perdu… NIGERIA GHANA à Cotonou, à l’occasion d’un sommet Le gouvernement a dû déployer des Porto de la Communauté des États sahélotrésors d’ingéniosité pour sauver cette Novo sahariens (Cen-Sad). Le rapport production record. Deux ans après la Cotonou – accablant – de l’Inspection générale flambée des prix, le Bénin a donc su 150 km Golfe du Bénin de l’État évoque des irrégularités d’un renforcer efficacement sa sécurité alimontant proche de 8 millions d’euros. mentaire. Pour relancer la production Principaux visés, le ministre de l’Urbanisme et, surtout, le céréalière, des semences et des engrais avaient été disministre de l’Économie et des Finances de l’époque, Soulé tribués gratuitement en 2008, puis à crédit en 2009. Les Mana Lawani, ami et ancien collègue du président Yayi résultats ont été au-delà des espérances et le président, Boni. Quelques mois plus tard, en décembre 2009, nouYayi Boni, peut s’en réjouir, lui pour qui l’année 2009 aura veau scandale: cette fois, c’est le coordonnateur national été politiquement très difficile. du Millenium Challenge Account (fonds américain de lutte Élu en mars 2006, après avoir fait campagne sur les contre la pauvreté) qui est placé en garde à vue. Simon thèmes du changement et de la moralisation de la vie Pierre Adovelande est accusé d’être impliqué dans des politique, l’ancien président de la Banque ouest-africaine malversations au sein du groupe immobilier qu’il préside. de développement (BOAD) jouissait pourtant d’une répuMais Adovelande, à qui l’on prête des ambitions présidentation de bon gestionnaire. Mais depuis qu’il a perdu l’aptielles en 2011, crie à la manœuvre politique. pui des députés, en 2008, le chef de l’État est engagé Une bonne nouvelle, toutefois, pour Yayi Boni, parmi dans un bras de fer avec l’opposition. Le 31 décembre tous ces revers : la filière coton semble aller mieux. La 2009, les députés ont ainsi rejeté le budget de l’État pour production est à nouveau en hausse. La croissance s’est 2010, au motif que les chiffres avancés dans le projet de maintenue en 2009 à 2,7 % (contre 5 % l’année précéloi étaient incohérents. Et pour la troisième fois depuis le dente). Enfin, des gisements de pétrole ont été découverts début de son mandat, Yayi Boni a décidé de passer outre au large des côtes du Bénin, début 2009. Les premiers en adoptant le texte par ordonnance. Quant à la mise résultats sont encourageants, selon les experts. Face à en œuvre de la Loi électorale permanente informatisée une opposition rassemblée autour d’Adrien Houngbédji (Lépi) dans la perspective de la présidentielle de 2011, et la candidature probable d’Abdoulaye Bio-Tchané, le elle reste très laborieuse. président pourra s’appuyer sur ces bonnes performances Sur le front de la corruption aussi, l’année aura été économiques pour défendre son bilan. ■ compliquée. En mettant au jour, le 3 juillet 2009, l’un
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
1er août 1960 Accession à l’indépendance. Octobre 1972 Coup d’État du général Mathieu Kérékou. 2 décembre 1990 Instauration du multipartisme. 24 mars 1991 L’opposant Nicéphore Soglo est élu président de la République. Mars 1996 Mathieu Kérékou remporte la présidentielle. Il est réélu en mars 2001. 19 mars 2006 Victoire de Yayi Boni à la présidentielle, avec 74,5 % des voix.
Le pays en bref
■ Superficie 112620 km2. ■ Population 8,7 millions d’hab. ■ Croissance démographique 3 %. ■ Densité de population 82 hab./km2.
104
■ Population urbaine 41,2 %. ■ Espérance de vie 57,2 ans.
■ Alphabétisation 40,5 %.
■ Indice de développement humain
(2009) IDH: 0,492 – Rang: 161/182.
■ Langues Français (officielle), fon, goun,
mina, yorouba, dendi, bariba… ■ Peuplement Fons, Adjas, Peuls, Yorubas, Sombas… ■ Religions Animistes, catholiques, musulmans, protestants. ■ Monnaie Franc CFA. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 655,96 F CFA; 1 $ = 446,34 F CFA. ■ PIB par habitant 711 $. ■ Répartition du PIB Primaire 35 %; secondaire 14,4 %; tertiaire 50,6 %.
PIB (en milliards de dollars) 4,7
5,5
6,7
6,7
Taux de croissance (en %) 3,8 2006
4,6
5
2007
2008
2,7 2009
■ Inflation 2,2 %.
■ Investissements directs étrangers
120 millions de $.
■ Exportations 1,05 milliard de $.
■ Importations 1,9 milliard de $.
■ Principales ressources Coton (80 % des
recettes des exportations), pêche.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
Compaoré peaufine sa candidature
C
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
5 août 1960 Accession à l’indépendance. 4 janvier 1966 Yaméogo est renversé. Sangoulé Lamizana devient chef de l’État. 4 août 1983 Putsch de Thomas Sankara. 4 août 1984 La Haute-Volta devient le Burkina Faso. 15 octobre 1987 Sankara est assassiné. Blaise Compaoré prend le pouvoir. 1er décembre 1991 Compaoré est élu président. Il est réélu en 1998 et en 2005. 6 mai 2007 Le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) remporte les législatives.
Le pays en bref
■ Superficie 274000 km2. ■ Population 15,2 millions d’hab. ■ Croissance démographique 2,9 %.
■ Densité de population 54 hab./km2. ■ Population urbaine 19,6 %. ■ Espérance de vie 52,6 ans. ■ Alphabétisation 28,7 %. ■ Indice de développement humain
(2009) IDH: 0,389 – Rang: 177/182.
■ Langues Français (officielle), mooré,
dioula, peul, tamacheq…
PIB (en milliards de dollars) 5,8
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
8,1
8,1
Taux de croissance (en %) 5,5
■ Peuplement Mossis, Mandés, Peuls,
Bobos… ■ Religions Animistes, musulmans, chrétiens. ■ Monnaie Franc CFA. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 655,96 F CFA; 1 $ = 446,34 F CFA. ■ PIB par habitant 564 $. ■ Répartition du PIB Primaire 32,1 %; secondaire 23,9 %; tertiaire 44 %.
6,8
2006
3,6 2007
5 2008
3,2 2009
■ Inflation 2,6 %.
■ Investissements directs étrangers
137 millions de $.
■ Exportations 550 millions de $.
■ Importations 1,8 milliard de $.
■ Principales ressources Coton, élevage, or,
canne à sucre.
105
B ÉN I N – B U R K I N A FAS O
’est le 5 août prochain que Sur le plan économique, les MALI le Burkina fêtera le cinenjeux portent sur la concluquantième anniversaire de sion avec le FMI d’un nouvel NIGER son indépendance. L’occasion accord triennal, au titre de la pour certains de souligner Facilité pour la réduction de que l’act uel chef de l’État la pauvreté et pour la croisOuagadougou burkinabè, Blaise Compaoré, sance (FRPC), prenant la suite arrivé au pouvoir le 15 octobre de celui couvrant la période B U R K I N A FA S O 1987, a passé près de la moi2007-2010. Les principales Bobo-Dioulasso tié de ce demi-siècle à la tête réformes structurelles lancées BÉNIN du pays. À l’évidence, chaque en 2010 visent à mieux mobiliGHANA TOGO camp affûtera ses armes pour ser les recettes de l’État. Cette 100 km CÔTE D’IVOIRE dresser un bilan négatif ou réforme fiscale doit permettre positif des années Compaoré. de rationaliser les exonérations La joute électorale sera d’autant plus aiguisée que la et de redéfinir le montant de la TVA ainsi que l’impôt sur présidentielle est prévue pour novembre prochain et que les sociétés. À terme, l’objectif est aussi d’aboutir à une le président en exercice briguera, sans aucun doute, un meilleure maîtrise des dépenses publiques. nouveau mandat de cinq ans. S’il le remporte, ce sera Mais le pays doit aussi gérer les retombées de la crise théoriquement son deuxième et dernier quinquennat financière internationale et les effets résiduels de la forte (après deux septennats). À moins que la Constitution hausse des prix des denrées alimentaires et du pétrole qui, ne soit remaniée pour faire sauter le verrou de la limicourant 2008, s’était soldée par de véritables « émeutes de tation des mandats. la faim ». Des dispositions ont été prises en 2009 pour tenLa bataille pour la présidentielle a commencé dès les ter d’atténuer les effets de la crise sur les ménages les plus premiers jours de l’année. Avec, pour l’opposition, les prépauvres et, grâce à l’octroi de subventions sur les intrants, occupations habituelles: sécurisation du fichier électoral, permettre aux agriculteurs de relancer la production transparence du scrutin… Mais l’enjeu majeur reste de vivrière. En 2010, ces mesures devraient être renforcées, réussir l’alternance, ce qui suppose nécessairement une et la politique agricole affinée. L’objectif est d’augmenter la candidature unique. Or beaucoup d’observateurs assurent production céréalière en créant des systèmes d’irrigation déjà que l’union sacrée risque d’être bien difficile à réaliet des infrastructures rurales, et de favoriser la transforser. D’abord parce que les opposants ou ceux qui se réclamation. Le gouvernement promet également qu’un effort ment comme tels ont des difficultés à se regrouper autour sera fait en faveur de la filière coton. d’un même chef de file. Mais surtout parce qu’il est très Si le pays a atteint en 2009 une croissance de 3,2 %, difficile de trouver un vrai challenger face au président selon le FMI, il reste encore beaucoup à faire pour boosen exercice. Du coup, la présidentielle 2010 pourrait bien ter l’économie burkinabè. Pour y parvenir, les autorités n’être qu’un remake de celle de 2005, quand Compaoré parient avant tout sur une plus grande implication du avait été élu avec 80,3 % des suffrages. secteur privé, en particulier des PME-PMI. ■
AFRIQUE DE L'OUEST
BURKINA FASO
CAP-VERT
Les bailleurs aux petits soins
M
sent d’ici un ou deux ans les 240 milalgré la crise, le Cap-Vert contilions de dollars dans les domaines du nue de prouver qu’il est un CAP-VERT logement, de l’énergie et même de modèle en matière de bonne Î L l’industrie : construction d’une usine gouvernance. C’est avec les féliciE S de ciment et rénovation des chantiers tations de la Millenium Challenge A U navals de Cabnave. Corporation que l’archipel a com- V E N T Fort de ces appuis, le gouvernement mencé l’année 2010. L’agence améOcéan de José María Neves (Parti africain ricaine d’appui au développement Atlantique Atl pour l’indépendance du Cap-Vert, a indiqué que la gestion, initiée en N E T V -LEOUS PAICV) a opté pour une stratégie 2005, d’une première enveloppe de S S ÎLE de sortie de crise « par le haut », en 116 millions de dollars avait été couPraia mettant l’accent sur l’investissement ronnée de succès et que le pays allait 50 km public pour compenser la chute de bénéficier de la deuxième phase de ce l’investissement privé (– 64 % au preprogramme. Bien que le Cap-Vert soit mier trimestre 2009 par rapport à celui de 2008, année passé au rang de Pays à revenu intermédiaire (PRI) en où les investissements directs étrangers avaient cependant 2009 – son PIB par habitant s’élevant en 2008 à plus de doublé). Près de 300 millions d’euros doivent ainsi être 3464 dollars –, les bailleurs de fonds ne l’abandonnent pas. injectés dès 2010 dans la modernisation d’infrastructuFin janvier 2010, le Portugal lui a ainsi ouvert une ligne res portuaires et la construction d’un nouvel aéroport (à de crédit de 200 millions d’euros pour la construction de Santo Antão). Enfin, le Cap-Vert ne néglige pas les énergies logements sociaux. Dans un premier temps (d’ici à 2011), renouvelables. Grâce aux financements carbone, quatre 8000 habitations devraient être construites et 15000 rénoparcs éoliens sont d’ores et déjà en construction. D’une vées. Le Portugal, principal partenaire économique du pays valeur de 94 millions de dollars, le projet doit fournir à (il absorbe 43 % de ses exportations), a également annoncé l’archipel le quart de sa consommation électrique. qu’il allait financer la construction – pour 100 millions de En dépit des récentes turbulences financières, le bilan dollars – de trois barrages dans l’île de Santiago. du président Pedro Pires, au pouvoir depuis 2001, est donc La Banque mondiale continue elle aussi d’appuyer le Capflatteur – même si le Cap-Vert continue d’importer 80 % Vert, auquel elle a octroyé en décembre 2009 une nouvelle de sa consommation alimentaire. Entre 2002 et 2007, le ligne de crédit (sur trois prévues) de 15 millions de dollars nombre d’entreprises actives a par exemple augmenté de pour des programmes de lutte contre la pauvreté. Quant à la 38 %. Et il ne sera pas facile pour le leader de l’opposition Banque africaine de développement (BAD), elle a annoncé, Carlos Veiga (Mouvement pour la démocratie, MPD) de début 2009, un programme triennal d’aide de 287 milremporter l’élection présidentielle prévue pour le début de lions de dollars portant essentiellement sur la construction l’année 2011. À moins que le PAICV ne se déchire quand il d’infrastructures. Même la coopération chinoise n’est pas sera question de désigner son candidat. Pour l’instant, le en reste. Alors qu’en 2008 les projets financés par Pékin président du parti et Premier ministre, José María Neves, s’élevaient à 23 millions de dollars (avec notamment la a décidé de ne pas se présenter. ■ construction d’un stade national), il est prévu qu’ils dépas-
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
5 juillet 1975 Accession à l’indépendance. Aristides Pereira devient président. Il est réélu en février 1981. Septembre 1990 Adoption du multipartisme. 17 février 1991 Victoire d’Antonio Mascarenhas Monteiro, du Mouvement pour la démocratie (MPD). Réélu en 1996. 25 février 2001 Élection de Pedro Pires (PAICV) à la présidentielle. 22 janvier 2006 Le PAICV remporte les législatives. Pedro Pires est réélu en février.
Le pays en bref
Superficie 4030 km2. ■ Population 500000 hab. ■
106
■ Croissance démographique 2,2 %.
■ Densité de population 132 hab./km2.
■ Population urbaine 59,6 %. ■ Espérance de vie 71,9 ans.
■ Alphabétisation 83,8 %.
■ Indice de développement humain
(2009) IDH: 0,708 – Rang: 121/182. ■ Langues Portugais, crioulo (officielles). ■ Peuplement Métis, Noirs, Blancs (une minorité). ■ Religion Catholiques. ■ Monnaie Escudo. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 110,26 escudos; 1 $ = 72,59 escudos. ■ PIB par habitant 3444 $. ■ Répartition du PIB Primaire 11,5 %; secondaire 17,7 %; tertiaire 70,8 %.
PIB (en milliards de dollars) 1,2
1,5
1,7
1,8
Taux de croissance (en %) 10,8 2006
7,8 2007
5,9
4,1
2008
2009
■ Inflation 1,2 %.
■ Investissements directs étrangers
209 millions de $.
■ Exportations 32 millions de $.
■ Importations 825 millions de $.
■ Principales ressources Bananes, pêche,
tourisme.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
2010, année électorale?
L
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
7 août 1960 Accession à l’indépendance. Félix Houphouët-Boigny devient président. 22 octobre 1995 Élection d’Henri Konan Bédié à la présidence. 24 décembre 1999 Putsch de Robert Gueï. 22 octobre 2000 Laurent Gbagbo est élu président. 19 septembre 2002 Tentative de putsch. Les Forces nouvelles occupent le nord du pays. 4 mars 2007 Accord de paix de Ouaga entre Laurent Gbagbo et les Forces nouvelles. Guillaume Soro devient Premier ministre. 12 février 2010 Dissolution du gouvernerment.
Le pays en bref
■ Superficie 322460 km2. ■ Population 20,6 millions d’hab.
■ Croissance démographique 1,9 %. ■ Densité de population 61 hab./km2. ■ Population urbaine 48,8 %. ■ Espérance de vie 48,7 ans. ■ Alphabétisation 48,7 %. ■ Indice de développement humain
(2009) IDH: 0,484 – Rang: 163/182.
■ Langues Français (officielle), dioula,
baoulé, bété, sénoufo…
■ Peuplement Sénoufos, Dans, Agris, Bétés,
Baoulés, Dioulas, Malinkés…
■ Religions Chrétiens, musulmans. ■ Monnaie Franc CFA. ■ Parité au 01.01.10
1 € = 655,96 F CFA; 1 $ = 446,34 F CFA. ■ PIB par habitant 1052 $. ■ Répartition du PIB Primaire 47,5 %; secondaire 19,8 %; tertiaire 32,7 %.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
PIB (en milliards de dollars) 17,4
19,8
23,5
Taux de croissance (en %) 0,7
1,6
2006
2007
2,3 2008
22,5
3,7 2009
■ Inflation 1 %.
■ Investissements directs étrangers
353 millions de $.
■ Exportations 10,1 milliards de $. ■ Importations 7,1 milliards de $. ■ Principales ressources
Cacao, coton, café.
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C A P-VE R T – C Ô TE D’ IVO I R E
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a présidentielle se tiendentiel demande la révision des MALI BURKINA dra-t-elle enfin en 2010 ? commissions électorales locaFASO Reportée à maintes repriles ainsi qu’un audit de la liste. GUINÉE ses depuis 2005, personne Mais il exige aussi du Premier n’ose plus s’avancer. Le procesministre, qui est aussi secrétaire CÔTE D'IVOIRE sus allait pourtant bon train général des Forces nouvelles Bouaké au début de l’année 2010. La (FN, rebelles reconvertis) de liste électorale provisoire était procéder au désarmement des Yamoussoukro LIBERIA GHANA publiée, la phase de contentieux chefs de guerre et de leurs homen voie de s’achever et le début mes. En l’absence de volonté Abidjan de la campagne officielle sur le politique, le processus pourrait point d’être lancé. On pariait rester longtemps enlisé. 200 km Golfe de Guinée sur un premier tour avant la Pourtant, tout semble prêt fin du premier trimestre. Mais, pour la bataille finale. Sur alors que l’on approchait du but, le camp présidentiel est les vingt postulants qui ont déposé leur dossier avant venu remettre en cause cette liste, en janvier, en accusant l’échéance du 16 octobre, quatorze candidats ont été retele président de la Commission électorale indépendante nus. Les trois favoris sont le président sortant, Laurent (CEI), Robert Beugré Mambé, d’y avoir introduit frauduGbabgo, l’ancien chef de l’État Henri Konan Bédié, leusement 429 000 personnes. Un bras de fer s’est alors renversé par un putsch en décembre 1999, et l’ex-Preengagé avec l’opposition sur la révision de la liste et la mier ministre d’Houphouët-Boigny, Alassane Dramane démission de Beugré Mambé. Finalement, le président Ouattara. Les challengers sont Francis Wodié, du Parti Gbagbo a prononcé la dissolution du gouvernement et de ivoirien des travailleurs (PIT), briguant pour la troisième la CEI, le 12 février 2010. Il s’est ensuivi une période de fois la magistrature suprême, Albert Mabri Toikeusse, de négociations entre le chef de l’État, le Premier ministre, l’Union pour la démocratie et pour la paix en Côte d’Ivoire Guillaume Soro, le médiateur de la crise, Blaise Compaoré, (UDPCI, créée par feu le général Gueï), et Innocent Anaky et les représentants de l’opposition pour la formation du Kobénan, du Mouvement des forces d’avenir (MFA). nouveau gouvernement et de la CEI. L’ancien directeur général des douanes, Gnamien Konan, Un nouveau gouvernement a été nommé le 23 février sera également de la partie au nom de l’Union pour la 2010, puis complété le 4 mars par la distribution de onze Côte d’Ivoire. Tout comme l’humoriste Dolo Adama, dit portefeuilles à des membres de l’opposition. Par ailleurs, Dahico. La seule candidate féminine, Jacqueline Oble les membres de la CEI ont élu un nouveau président en Lohoues, est une ancienne ministre de la Justice passée la personne de Youssouf Bakayoko, ancien ministre des par le Rassemblement des républicains (RDR). Affaires étrangères. Le PDCI conserve la présidence de Même si la campagne officielle n’a pas encore débuté, la CEI, une condition sine qua non posée par l’opposition les principaux leaders sillonnent le pays. La caravane pour participer au gouvernement. Mais, début mai, la CEI Alassane Ouattara a presque bouclé le tour de toutes les n’avait toujours pas réglé le contentieux. Le camp présirégions. « Adosolutions », surnom issu de son
AFRIQUE DE L'OUEST
CÔTE D’IVOIRE
tivité. Finalement, l’augmentation ne devrait pas dépasser les 3 %. Pourtant, les pluies abondantes ont eu des effets bénéfiques sur l’agriculture et l’agro-industrie. Il faut aussi noter le dynamisme du secteur minier, du raffinage et de l’industrie chimique. Cependant, l’investissement stagne autour de 10 % du produit intérieur brut (PIB). Il demeure donc trop faible pour répondre aux besoins d’une économie en croissance. Le secteur bancaire (19 établissements) est relativement liquide et rentable mais de nombreux établissements locaux ont un niveau de liquidité inférieur aux ratios prudentiels (75 %). Les grandes banques de la place restent très prudentes en attendant l’élection pour relancer leurs prêts. La crise sociopolitique a laissé des séquelles en entraînant la disparition de 35 % des entreprises. La Côte d’Ivoire occupe une position inquiétante (168e sur 183) dans le dernier rapport « Doing Business » de la Banque mondiale. Le racket engendre un manque à gagner de 150 milliards de F CFA (228 millions d’euros) pour l’État. Dans le nord de la Côte d’Ivoire, les commandants de zone (ex-rebelles) continuent de contrôler l’essentiel des ressources. Bois, coton, armes, cacao, pièces détachées… les trafics continuent. Le redéploiement de l’administration et le retour à des caisses a Côte d’Ivoire a bénéficié en mai, et privées (Club de Londres) uniques sont loin d’être effectifs. en décembre 2009 d’une en mars qui ont permis d’effacer Dans la filière café-cacao, les prinannulation de dette de près de 700 milliards de F CFA en cipaux responsables des structures de 209 milliards de F CFA (424 millions cinq mois (435 milliards pour le gestion sont emprisonnés depuis près de dollars) par l’État français. Club de Paris et 268 milliards pour de deux ans en attente de jugement. L’accord signé à Abidjan par le le Club de Londres). Le comité de réforme de la filière, ministre de l’Économie et des La Côte d’Ivoire s’est qualifiée en présidé par la conseillère juridique Finances, Charles Diby Koffi, et mars pour l’Initiative PPTE, qui lui du chef de l’État, Géraldine Odéhouri Paris comporte également un permet d’espérer une importante Brou, a remis son rapport en octorééchelonnement complémentaire réduction de sa dette extérieure, bre dernier. Il préconise la création de 320 milliards de F CFA et un estimée à près de 13 milliards d’un Haut-Commissariat du café et « différé exceptionnel » de de dollars. Pour l’obtenir, les du cacao rattaché à la présidence, la 1010 milliards de dollars, qui autorités se sont engagées à mise en place d’un organe de gestion fera l’objet d’une annulation rendre publics les revenus des de la filière et d’un mécanisme de très importante au moment où hydrocarbures et du café-cacao, ventes à terme, et enfin l’instaurala Côte d’Ivoire aura atteint le à réintégrer et à limiter les tion d’une chambre des producteurs. point d’achèvement de l’Initiative dépenses des grands travaux à Cette réforme doit privilégier la rémuen faveur des pays pauvres Abidjan et à Yamoussoukro dans nération des producteurs et réduire la très endettés (PPTE), c’est-àle budget de l’État. Elles ont aussi ponction fiscale de l’État. Les autorités dire probablement en 2011. Ces promis d’améliorer la fiscalité ont également l’intention d’augmenter bonnes nouvelles font suite à la et la gouvernance ainsi que de la production pétrolière (50000 barils négociation favorable des dettes renforcer les dépenses en matière par jour) grâce à une mise à niveau bilatérales publiques (Club de Paris) de lutte contre la pauvreté. ■ technologique et de développer les industries traditionnelles du caoutchouc, du bois et de l’agroalimentaire. Ces mesures doivent Malick Coulibaly, son directeur adjoint de cabinet, le soin être appuyées par une réforme du système judiciaire et de piloter sa campagne. Pascal Affi Nguessan, président de nouveaux financements dans le cadre de l’annulation du FPI, a été nommé porte-parole de campagne. Le camp de la dette (voir encadré). La normalisation des relations Gbagbo s’est ressoudé et s’est même élargi à certains financières avec les créanciers extérieurs, conjuguée à démocrates et républicains comme Laurent Dona Fologo l’amélioration de la situation politique et sociale à court ou Danièle Boni Claverie. Il a aussi le soutien actif de la terme, devrait débloquer l’accès à une aide considérable galaxie patriotique menée par le leader des jeunes, Charles des donateurs. Les effets s’en font déjà sentir. Le budget Blé Goudé, et de certains mouvements de femmes. de l’État pour l’année 2010 s’équilibre à 2 481 milliards Sur le plan économique, le pays se redresse progresside F CFA (3,8 milliards d’euros). La part du service de la vement. Après une croissance de 3,7 % en 2009, les prédette y est ramenée à 21,9 %, contre 32,5 % en 2009. Une visions tablaient sur une hausse de plus de 4 % en 2010. bouffée d’oxygène qui devrait permettre aux autorités de Mais les délestages électriques intervenus à la suite des reprendre les investissements dans le domaine social. ■ problèmes rencontrés à la centrale d’Azito ont pénalisé l’ac-
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slogan de campagne, fait partout des propositions pour résoudre les problèmes du pays (emploi des jeunes, santé, eau, école, logement). Il a chiffré son programme de redressement de la nation, prévu sur cinq années, à 12000 milliards de F CFA (18,3 milliards d’euros). Henri Konan Bédié se montre le plus agressif dans ses discours contre le FPI et les refondateurs. Il dresse un bilan catastrophique des dix années de pouvoir du président Gbagbo. Le « sphinx de Daoukro » a présenté son programme de gouvernance devant le patronat début janvier. Défendant un programme libéral, il propose la mise en place de grands pôles de développement (agro-industrie, mine et énergie, technologies de l’information) et l’instauration de zones franches industrielles régionales pour attirer les entreprises exportatrices. Les deux leaders houphouétistes ont prévu de s’allier dans l’optique d’un second tour de la présidentielle, si l’un des deux doit affronter le président sortant. Ce dernier a présenté son équipe de campagne au mois d’octobre dernier. Il a créé la surprise en confiant au nordiste Issa
Dette ivoirienne, l’ardoise magique
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JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
Menaces sur les droits de l’homme
T
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
18 février 1965 Accession à l’indépendance. 24 octobre 1970 La Gambie devient une république. Dawda Jawara est élu président. 17 décembre 1981 Création de la Confédération de la Sénégambie avec le Sénégal, dissoute le 30 septembre 1989. Juillet 1994 Dawda Jawara est renversé. Yahya Jammeh dirige le gouvernement. Septembre 1996 Une nouvelle Constitution est adoptée. Jammeh remporte l’élection présidentielle organisée la même année. Il est réélu en 2001 et 2006.
Le pays en bref
■ Superficie 11300 km2. ■ Population 1,66 million d’hab.
■ Croissance démographique 2,6 %. ■ Densité de population 171 hab./km2. ■ Population urbaine 56,6 %. ■ Espérance de vie 59,9 ans. ■ Alphabétisation 42,5 %. ■ Indice de développement humain
(2009) IDH: 0,456 – Rang: 168/182. ■ Langues Anglais (officielle), mandingue, wolof, peul… ■ Peuplement Metinkas, Foulas, Wolofs, Jolas, Serahulis… ■ Religions Musulmans, chrétiens. ■ Monnaie Dalasi. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 37,62 dalasis; 1 $ = 26,19 dalasis. ■ PIB par habitant 440 $. ■ Répartition du PIB Primaire 27,6 %; secondaire 17,4 %; tertiaire 55 %.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
PIB (en milliards de dollars) 0,5
0,8
0,7
0,6
Taux de croissance (en %) 6,5
6,3
6,1
2006
2007
2008
4,6 2009
■ Inflation 4,5 %.
■ Investissements directs étrangers
63 millions de $.
■ Exportations 14 millions de $.
■ Importations 329 millions de $.
■ Principales ressources Céréales,
arachide, pêche.
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C Ô TE D’IVO I R E – GAM B I E
ristement connu pour son appel au dialogue et à la paix homophobie notoire et les en Casamance (région sud du talents de guérisseur qu’il Sénégal en proie à un conflit SÉNÉGAL prétend posséder, le président indépendantiste), puis, en Yahya Jammeh n’a pas fini de décembre, il a reçu son homochoquer l’opinion publique. En logue sénégalais, Abdoulaye Océan Atlantique septembre 2009, il a menacé, Wade, en visite à Banjul. Après lors d’une émission diffusée à la tentative d’assassinat contre Banjul GAMBIE la télévision et à la radio natiole chef de la junte guinéenne, nales, de tuer tous ceux qui Moussa Dadis Ca ma ra, le chercheraient à saboter ou à 3 décembre 2009, Jammeh a SÉNÉGAL déstabiliser son gouvernement: aussi tenté de se rapprocher 50 km « Nous ne tolérerons pas que des des opposants guinéens, auxgens se posent en défenseurs quels il a promis son soutien. des droits humains au détriment de notre pays. [...] Nous Il a même reçu dans la capitale Cellou Dalein Diallo, sommes prêts à tuer les saboteurs. » Ce message a aussitôt ancien Premier ministre et leader de l’Union des forces été condamné par la Commission africaine des droits de démocratiques de Guinée (UFDG), et Jean-Marie Doré, l’homme et des peuples, l’instance de l’Union africaine de l’Union pour le progrès de la Guinée (UPG), devenu qui siège en Gambie. Par ailleurs, Amnesty International Premier ministre de transition. continue de dénoncer la situation des journalistes. Depuis Si la gestion du pouvoir de Yahya Jammeh est l’objet de 2007, une trentaine ont fui le pays. Les professionnels de critiques, le FMI considère pourtant que le pays réalise des la presse, quand ils ne sont pas écroués pour « sédition », progrès économiques, et la Banque mondiale, son principal sont régulièrement intimidés. Tout comme les rares oppobailleur de fonds, s’est engagée à hauteur de 36 millions de sants. En mars 2009, le chef de l’Alliance nationale pour dollars dans divers projets (éducation, santé, commerce et la démocratie et le développement (NADD, qui regroupe développement des infrastructures). six partis politiques) et patron du journal Foroyaa, Halifa La Banque africaine de développement (BAD) a, pour Sallah, a été arrêté et accusé d’« espionnage », puis finasa part, fait un don de 6,16 millions de dollars dans le lement relâché sans explication. Un an plus tard, en cadre du Programme d’appui budgétaire à la réduction mars 2010, dix personnes, dont l’ancien chef du personnel de la pauvreté. Elle a aussi octroyé un prêt de 6,4 mildes forces armées, ont également été arrêtées et inculpées lions de dollars pour le développement de l’élevage et de de « trahison ». Selon l’accusation, ils auraient tenté de l’agriculture. Le projet devrait toucher 3000 ménages. Une renverser le président en 2009. aubaine dans un pays où près de 60 % de la population vit Si certains observateurs n’hésitent pas à dénoncer dans la pauvreté. En 2009, la Gambie affichait une croisla paranoïa dont ferait preuve Yahya Jammeh, celui-ci sance de 4,6 %. Un taux supérieur à la moyenne régionale, semble, malgré tout, vouloir se racheter une conduite sur malgré une baisse significative due à la diminution des la scène internationale : en octobre 2009, il a lancé un recettes du tourisme, principale source de revenus. ■
AFRIQUE DE L'OUEST
GAMBIE
GHANA
L’or noir, du rêve à la réalité
E
sous le seuil de pauvreté. Selon le FMI, n pleine crise mondiale, les BURKIN FASO BURKINA 20 milliards de dollars de recettes sont débuts du mandat de John Attaattendus sur la période 2012-2030. Mills à la tête du Ghana n’auront Appuyé par les bailleurs de fonds pas été des plus faciles. Une situaTamale (450 millions de dollars au titre du tion délicate amplifiée par l’héritage TOGO budget 2010 ont notamment été déblolaissé par l’ancienne équipe de John G H A N A qués dans le cadre du Mécanisme de Kufuor, au pouvoir de 2000 à 2008. soutien des multiples donateurs), le Le déficit budgétaire a explosé, pour Kumasi CÔTE Ghana devrait enfin pouvoir lancer ses atteindre 14,5 % du PIB fin 2008, du D'IVOIRE chantiers prioritaires: eau, électricité, fait notamment de l’organisation des Accra télécommunications, logement. Le élections législatives et présidentielle, Takoradi Ghana prévoit par ailleurs de ramener et de celle de la Coupe d’Afrique des 150 km Golfe de Guinée le déficit budgétaire à 4,5 % du PIB nations (CAN). Ainsi, en 2009, la en 2011. Le Ghana Stock Exchange croissance du Ghana a fortement (GSE), qui avait réalisé en 2008 la meilleure performance ralenti, à 3,5 %. Parallèlement, le taux d’inflation a grimpé parmi toutes les places financières du monde, avec une à 19,2 % en moyenne sur l’année. croissance de 58 %, devrait aussi profiter de l’embellie liée En 2010, malgré les pressions attendues sur les prix au pétrole et de la bonne tenue du cédi, la monnaie locale, de l’électricité et du pétrole, le ministère ghanéen des pour repartir à la hausse. Finances table sur un taux d’inflation moyen de 10,5 %. Le Jusqu’alors, ce sont le cacao et l’or qui ont fait la richesse ralentissement de l’inflation déjà constaté sur les derniers du Ghana. Deuxième producteur mondial de cacao, dermois de 2009 a été jugé comme un signe encourageant rière la Côte d’Ivoire, le Ghana devrait en produire 700000 par la Banque centrale. tonnes en 2009-2010, contre 650000 durant la campagne Le nouveau président, 65 ans, semble vouloir rassurer. précédente, dans un contexte de hausse des cours. Autre Son objectif : rétablir les grands équilibres macroécosecteur moteur: celui de l’or. Deuxième producteur africain nomiques en réduisant la dette, l’inflation et le déficit d’or derrière l’Afrique du Sud, le pays a décidé fin 2009 de budgétaire. Il s’est également engagé à combattre sérieudoubler les royalties payées par les compagnies minières sement la corruption en prônant la fermeté à l’égard des à 6 %, afin de faire croître les revenus du secteur. Une contrevenants. annonce qui n’a pas vraiment ravi les principaux opéraEn 2010, le pétrole devrait couler pour la première fois teurs. Parmi eux: Gold Fields Ghana, AngloGold Ashanti, au Ghana sous la bannière des sociétés américaines Kosmos Golden Star Resources, Red Back Mining et Newmont Energy et Anadarko Petroleum, et britannique Tullow Oil. Ghana Gold. La production courante totale atteint 9 milUne manne qui pourrait faire tourner les têtes. Les autorités lions d’onces d’or par an, tandis que les ressources actuelprévoient de produire 150000 barils par jour pour commenles sont estimées à 78 millions d’onces. Des centaines de cer, et plus de 350000 b/j en 2011. Cette manne pétrolière compagnies minières locales et étrangères sont engagées devrait constituer une véritable bouffée d’oxygène pour cet dans l’exploration et le développement. ■ État de 23,5 millions d’habitants, dont 80 % vivent encore
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
6 mars 1957 Accession à l’indépendance. 1er juillet 1960 Kwame Nkrumah devient président. Il est renversé en 1966. 30 décembre 1981 Putsch du lieutenant Jerry Rawlings. 3 novembre 1992 Rawlings est élu président. Il est réélu en décembre 1996. Décembre 2000 John Kufuor, leader du Nouveau Parti patriotique (NPP), est élu président. Il est réélu en décembre 2004. 27 décembre 2008 L’opposant John AttaMills est élu président.
Le pays en bref
■ Superficie 238540 km2. ■ Population 23,4 millions d’hab. ■ Croissance démographique 2 %.
110
■ Densité de population 103 hab./km2. ■ Population urbaine 50,1 %. ■ Espérance de vie 60,4 ans. ■ Alphabétisation 65 %. ■ Indice de développement humain
(2009) IDH: 0,526 – Rang: 152/182.
■ Langues Anglais (officielle), gha, twi,
ewé, fanté… ■ Peuplement Akans, Dagombas, Gourmantchés, Ashantis, Akwapims, Krobos… ■ Religions Musulmans, animistes, chrétiens. ■ Monnaie Cédi. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 2,03 cédis; 1 $ = 1,41 cédi. ■ PIB par habitant 671 $. ■ Répartition du PIB Primaire 38,5 %; secondaire 28 %; tertiaire 33,5 %.
PIB (en milliards de dollars) 12,7
15,1
16,6
15,5
Taux de croissance (en %) 6,4
5,7
2006
2007
7,3
3,5 2008
2009
■ Inflation 19,2 %.
■ Investissements directs étrangers
2,1 milliards de $.
■ Exportations 5,2 milliards de $
■ Importations 10,2 milliards de $
■ Principales ressources Or, cacao,
diamant, tourisme.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
Une carte à jouer pour l’opposition
D
CÔTE D'IVOIRE
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
2 octobre 1958 Accession à l’indépendance. 3 avril 1984 Coup d’État militaire. Lansana Conté devient président. Janvier 2007 Manifestations (115 morts). 23 décembre 2008 Mort de Lansana Conté. Moussa Dadis Camara devient président. 28 septembre 2009 Manifestation de l’opposition réprimée. Plus de 150 tués. 3 décembre 2009 Tentative d’assassinat contre Moussa Dadis Camara. Sékouba Konaté devient président par intérim.
Le pays en bref
■ Superficie 245860 km2. ■ Population 9,8 millions d’hab. ■ Croissance démographique 2,1 %.
■ Densité de population 38 hab./km2. ■ Population urbaine 34,2 %. ■ Espérance de vie 56,5 ans. ■ Alphabétisation 29,5 %. ■ Indice de développement humain
(2009) IDH: 0,435 – Rang: 170/182.
■ Langues Français (officielle), malinké,
peul, soussou… ■ Peuplement Peuls, Malinkés, Soussous… ■ Religions Musulmans, animistes, chrétiens. ■ Monnaie Franc guinéen. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 7104,23 francs guinéens; 1 $ = 4945,24 francs guinéens. ■ PIB par habitant 414 $. ■ Répartition du PIB Primaire 25,3 %; secondaire 39,5 %; tertiaire 35,2 %. ■ Inflation 4,6 %.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
PIB (en milliards de dollars) 4,2
4,5
4,4
2,9
Taux de croissance (en %) 4,9 2,5
1,8
2006
2007
2008
– 0,3
2009
■ Investissements directs étrangers
1,35 milliard de $.
■ Exportations 1,4 milliard de $. ■ Importations 1,6 milliard de $. ■ Principales ressources Bauxite, or,
diamant, agriculture (cacao, café, etc.)
111
G H A NA – G U I N ÉE
érives autoritaires du capitaine Mais, en 2010, les Forces vives SÉNÉGAL MALI GUINÉE Moussa Dadis Camara, masdevraient pouvoir encore compter BISSAU sacre de populations civiles le sur trois anciens Premiers ministres 28 septembre 2009 lors d’un rassem(Cellou Dalein Diallo, Sidya Touré et GUINÉE blement de l’opposition (entre 150 François Lonsény Fall) et sur le leader Kankan et 200 morts, selon Human Rights historique, Alpha Condé, déterminés Conakry Watch et l’ONU), tentative d’assassià user de tous les moyens légaux pour SIERRA nat du chef de la junte le 3 décembre que le pouvoir revienne aux civils. LEO LEONE dernier… L’heure du changement Condition indispensable, selon eux, à a-t-elle sonné? L’opposition, soutenue la normalisation et au développement LIBERIA par les syndicats et les organisations du pays, qui est sous le coup de sancOcéan Océ de la société civile, avec lesquels elle tions depuis le 28 septembre: interdic200 km Atlantique Atlant Atl compose le Forum des forces vives de tion de séjour de certains responsables Guinée (FFVG), ose y croire et entend du CNDD dans les pays de l’Union jouer un rôle de poids lors de la présidentielle qui devrait se européenne, gel des avoirs à l’étranger, etc. tenir le 27 juin 2010. La feuille de route a été fixée par l’acLa vie économique minée par la corruption sous Lansana cord signé entre le président par intérim, Sékouba Konaté, Conté s’est arrêtée sous Dadis. Non seulement les instituet Dadis à Ouagadougou, le 15 janvier 2010. Ainsi, l’oppotions financières comme le FMI et la Banque mondiale ont sant Jean-Marie Doré a été nommé Premier ministre de la suspendu leur aide, mais l’Union européenne a aussi mis en transition tandis que la syndicaliste Rabiatou Sérah Diallo veilleuse plusieurs programmes, par exemple dans le secpréside le Conseil national de transition (CNT). teur de la pêche. L’UE prévoyait pourtant une aide annuelle L’opposition, aussi timide que muselée durant le règne de de 450000 euros et un montant de 1,6 million d’euros sur Lansana Conté, a pris des galons sous Dadis. Elle a gagné le quatre ans pour le développement d’un système de contrôle soutien de la majorité des Guinéens, mais aussi de la comdes zones de pêche. Malgré sa mise au ban de la commumunauté internationale, préoccupée par la dégradation de nauté internationale, le gouvernement a tout de même la situation politique et sociale en Guinée. La bonne tenue signé en octobre un contrat avec la China International du prochain scrutin, auquel ne participera en principe Fund (CIF) et la compagnie pétrolière angolaise Sonangol aucun membre du Conseil national pour la démocratie et le d’un montant de plus de 7 milliards de dollars prévoyant développement (CNDD) ou du gouvernement, est cruciale. la construction d’infrastructures. Mais pour faire face au défi de la démocratisation, l’opposiSur le plan social, les populations éprouvées par la cherté tion doit conserver le soutien des syndicats et de la société de la vie, le manque d’eau et d’infrastructures scolaires ou civile et parler d’une seule voix. Ce qui ne sera pas évident. sanitaires restaient, début 2010, dans l’attente d’un changeLe groupe a déjà exposé ses divergences (ordre des scrutins, ment politique. Mais aussi de l’éventuelle traduction devant liste des participants aux négociations de Ouaga, candidala Cour pénale internationale (CPI) du capitaine Moussa ture indépendante, etc.), et certains, comme l’ex-chef du Dadis Camara et des responsables du massacre du 28 sepgouvernement Lansana Kouyaté, ont claqué la porte. tembre identifiés par les enquêteurs de l’ONU. ■
AFRIQUE DE L'OUEST
GUINÉE
GUINÉE-BISSAU
Coup de force dans l’armée
T
projet de 3,9 millions de dollars rafic massif de cocaïne SÉNÉGAL pour renforcer les capacités du et assassinats politiques ministère de l’Énergie et des sont les deux facteurs qui Ressources naturelles dans le sous-tendent le nouveau « coup domaine de la gestion de l’eau de force » qui est intervenu le GUINÉE-BISSAU et financé pour le même mon1er avril 2010 en Guinée-Bissau: Bissau tant un projet sur l’eau en milieu le chef d’état-major adjoint, rural. La Banque mondiale enviAntonio Ndjai, s’est imposé sage par ailleurs de construire comme le nouvel homme fort du des réservoirs d’eau potable à pays avec l’appui de l’ex-chef de GUINÉE Bissau et d’installer 24 km de la marine bissau-guinéenne, le Océan canalisations, pour un coût de contre-amiral Bubo Na Tchuto, 50 km Atlantique Atl près de 6 millions de dollars. De accusé en août 2008 de tentative son côté, l’Union économique et de putsch. Le Premier minismonétaire ouest-africaine (UEMOA), après avoir débloqué tre, Carlos Gomes Junior, a été brièvement arrêté. Cette en mai 2009 une aide budgétaire de 10 millions de dolnouvelle crise est intervenue treize mois après le double lars, s’est jointe en novembre dernier à la Communauté assassinat du président João Bernardo Vieira et du chef économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) pour d’état-major, le général Tagmé Na Waié. Pourtant, la réacfournir une aide supplémentaire de 3,8 millions d’euros. tion des autorités avait été plutôt rapide, avec l’organisaUne bouffée d’air frais pour cet état dont 80 % du budget tion d’une élection présidentielle le 26 juillet 2009, dans un dépend de l’aide internationale. calme relatif. Malam Bacaï Sanha, le candidat du Parti pour Quant à la vie économique, après une période de létharl’indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert (PAIGC) gie, elle pourrait connaître des jours meilleurs en 2010 avait remporté le scrutin avec 63 % des voix, contre 36 % grâce à plusieurs projets. Alors que la Chine se présente déjà à son adversaire, Kumba Yala, du Parti de la rénovation comme un partenaire privilégié, l’Espagne annonce qu’elle sociale (PRS). soutiendra le secteur de la pêche. L’État suit également de Cette nouvelle fronde risque de fragiliser encore un peu près un projet d’exploitation de gisements de pétrole lourd plus le pays déjà classé parmi les plus pauvres au monde. dans la zone maritime commune avec le Sénégal (réserves En 2007, le taux de mortalité chez les enfants de moins de estimées à 1,1 milliard de barils). La société Angola Bauxite 5 ans était de 240 ‰, selon l’Unicef, et le taux de mortalité a signé en mai un accord de construction et de gestion d’un maternelle, de 1 sur 130, restait l’un des plus élevé de la port à Buba (Sud-Ouest) pour l’acheminement de ce mineplanète. Les difficultés d’accès à l’eau potable sont l’une des rai. Les réserves seraient d’environ 113 millions de tonnes. principales causes de maladie. L’épidémie de choléra qui a Mais il est à craindre que l’instabilité au sein de l’armée et la touché le pays en 2008, et qui est officiellement enrayée santé fragile du président Sanha, plusieurs fois hospitalisé depuis février 2009, a tué 225 personnes. en France et au Sénégal, remettent en cause l’ensemble de La seule bonne nouvelle de l’année 2009 est venue de ces projets. ■ la Commission européenne, qui a approuvé en mars un
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
10 septembre 1974 Indépendance. 14 novembre 1980 Putsch de João Bernardo Vieira. Fin de l’union avec le Cap-Vert. 3 juillet 1994 Élections multipartites. Juin-août 1998 Insurrection militaire. 3 février 1999 Mise en place d’un gouvernement de transition. 16 janvier 2000 Kumba Yala élu président. 24 juillet 2005 Vieira est réélu. Novembre 2008 Élections législatives. 2 mars 2009 Assassinat du président Vieira 26 juillet 2009 Victoire de Malam Bacaï Sanha à l’élection présidentielle.
Le pays en bref ■
112
Superficie 36120 km2.
■ Population 1,6 million d’hab.
■ Croissance démographique 3 %.
■ Densité de population 60 hab./km2.
■ Population urbaine 29,7 %.
■ Espérance de vie 46,8 ans.
■ Alphabétisation 64,6 %.
PIB (en milliards de dollars) 0,3
0,4
0,8
Taux de croissance (en %)
■ Indice de développement humain
(2009) IDH: 0,396 – Rang: 173/182. ■ Langues Portugais (officielle), créole, français, peul, malinké, mandyako… ■ Peuplement Balantes, Foulas, Mandjaques… ■ Religions Animistes, chrétiens, musulmans. ■ Monnaie Franc CFA. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 655,96 F CFA; 1 $ = 446,34 F CFA. ■ PIB par habitant 512 $. ■ Répartition du PIB Primaire 46 %;
0,4
0,6 2006
2,7 2007
3,3
3
2008
2009
secondaire 13,6 %; tertiaire 40,4 %.
■ Inflation – 1,7 %.
■ Investissements directs étrangers
15 millions de $.
■ Exportations 98 millions de $.
■ Importations 160 millions de $.
■ Principales ressources Noix de cajou.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
Solder les comptes de la guerre
L
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
26 juin 1847 Le Liberia devient indépendant. Décembre 1989 Guerre civile. Charles Taylor prend la tête de la rébellion. Septembre 1990 Assassinat de Samuel Doe. 19 juillet 1997 Taylor est élu président. 11 août 2003 Charles Taylor s’exile au Nigeria. 23 novembre 2005 Ellen Johnson-Sirleaf est élue à la présidence de la République. 29 mars 2006 Extradition de Charles Taylor pour comparaître devant le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL). 7 janvier 2008 Début du procès de Taylor.
Le pays en bref
■ Superficie 111370 km2. ■ Population 3,8 millions d’hab. ■ Croissance démographique 5 %.
■ Densité de population 39 hab./km2. ■ Population urbaine 60,1 %. ■ Espérance de vie 46,1 ans. ■ Alphabétisation 55,5 %. ■ Indice de développement humain
(2009) IDH: 0,442 – Rang: 169/182.
■ Langues Anglais (officielle), mandingue,
krou, bassa, vaï…
■ Peuplement Mandés, Krous, Kissis,
Américano-Libériens… ■ Religions Animistes, chrétiens, musulmans. ■ Monnaie Dollar libérien. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 1,75 dollar libériens; 1 $ = 1,21 dollar libériens. ■ PIB par habitant 239 $. ■ Répartition du PIB Primaire 75,9 %; secondaire 7,2 %; tertiaire 16,9 %.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
PIB (en milliards de dollars) 0,6
0,7
0,8
0,9
Taux de croissance (en %) 7,8 2006
9,4 2007
7,1 2008
4,6 2009
■ Inflation 7,4 %.
■ Investissements directs étrangers
144 millions de $.
■ Exportations 242 millions de $.
■ Importations 205 millions de $.
■ Principales ressources Diamant, bois,
agriculture (hévéa, cacao, etc.).
113
G U I N ÉE-B I S S A U – LI B E R IA
e processus de normalisation, augmentation des recettes fiscales GUINÉE SIERRA entamé avec l’élection d’Ellen provenant de l’exploitation du fer : LEONE Johnson-Sirleaf à la tête du pays elles pourraient atteindre 260 milen novembre 2005, se poursuit. Le lions de dollars d’ici à 2014 (17 % du CÔTE procès de Charles Taylor, qui s’est PIB). Par ailleurs, le FMI a annoncé D'IVOIRE ouvert en janvier 2008 devant le une remise totale de la dette du Monrovia Tribunal spécial pour la Sierra Leone Liberia en 2010, si le pays confirme Buchanan (TSSL), devrait aboutir dans les proses bonnes performances. chains mois. L’ancien président est Reste à rassurer les partenaires du LIBERIA poursuivi pour crimes de guerre et pays, inquiétés par la mauvaise goucrimes contre l’humanité commis vernance. En juillet 2009, Sirleaf a dû Océan entre 1991 et 2001 en Sierra Leone. renvoyer le directeur de la Compagnie Atl Atlantique 100 km En revanche, le contentieux hérité de nationale de raffinage du pétrole la guerre au Liberia suscite toujours (LPRC), Harry Greaves, suspecté de de vifs débats. Sept ans après la fin de la crise, les parcorruption. Une autre affaire met en cause le ministre de lementaires devaient se prononcer sur le rapport de la l’Information, Laurence Bropleh. Suspendu de ses fonctions Commission Vérité et Réconciliation (TRC), chargée d’enen septembre 2009, il doit rembourser plus de 180000 euros quêter sur les crimes commis entre 1979 et 2003, et qui détournés en empochant des salaires payés à des employés ont fait 250000 victimes. fictifs de son administration. La lutte contre les détourneCe rapport recommande que huit ex-chefs de guerre comments de fonds publics est d’actualité. paraissent devant un tribunal spécial pour les crimes contre Les trafics en tout genre coûtent cher à l’économie. Ainsi, l’humanité, au risque de provoquer de nouveaux affronteles activités de pêche illicite, menées par des navires étranments. La TRC souhaite aussi que l’actuelle présidente, qui gers dans les eaux territoriales libériennes, font perdre au est accusée d’avoir financièrement soutenu la faction rebelle pays quelque 12 millions de dollars par an. Idem pour la de Charles Taylor, n’ait plus le droit d’occuper de fonctions production de café et de cacao, dont une partie part en officielles. Témoignant devant la TRC en février 2009, contrebande vers la Guinée et la Sierra Leone. Pourtant, le Johnson-Sirleaf a reconnu avoir rencontré Taylor pendant la potentiel agricole est important. Un accord d’investissement guerre et a admis avoir collecté des fonds pour lui lorsqu’il de 1,6 milliard de dollars a été signé par le gouvernement se préparait à renverser le président Samuel Doe. avec le groupe indonésien Golden Agri-Resources, qui enviSi l’atmosphère politique reste délétère, l’économie est sage de cultiver 200000 hectares de palmiers à huile dans en pleine reconstruction. Après un fléchissement de la le sud-est du pays. Et d’autres projets similaires sont en croissance à 4,6 % en 2009, l’activité devrait progresser préparation. Mais si des investissements ont lieu dans les de nouveau. La hausse du PIB pourrait être de l’ordre de cultures de rente, les productions vivrières ont souffert au 7,5 % l’an prochain et le pays connaître une croissance à début de 2009. Des hordes de chenilles légionnaires ont « deux chiffres » de 2011 à 2013. Cette relance s’appuiera dévasté les cultures dans le nord du Liberia, faisant crainessentiellement sur le secteur minier. Le FMI prévoit une dre une crise alimentaire majeure. ■
AFRIQUE DE L'OUEST
LIBERIA
MALI
Face à l’insécurité
L
SÉN.
e problème touareg semble en voie de résolution depuis que, au cours de l’année 2009, les combattants rebelles ont finalement rejoint le processus de paix. Néanmoins, les problèmes du Nord-Mali n’en sont pas pour autant réglés, car la menace MAURITANIE rebelle a laissé place à des enlèvements réguliers de ressortissants Bamako Ségou étrangers dans la sous-région, par la branche d’Al-Qaïda au Maghreb islaGUINÉE mique (Aqmi). Le 23 février 2010, l’otage français Pierre Camatte a été libéré en échange de l’élargissement par les autorités maliennes de quatre islamistes réclamés par Al-Qaïda. Une décision qui a provoqué le courroux de l’Algérie et de la Mauritanie, leurs pays d’origine. D’une manière générale le président Amadou Toumani Touré (ATT) se voit reprocher par ses voisins et par les Occidentaux une gestion trop laxiste des groupes terroristes présents sur son sol, alors que son pays bénéficie d’un appui militaire étranger important. Il est vrai que des bandits armés, agissant sous la bannière d’Aqmi, sévissent dans le pays et se livrent à des trafics en tout genre. Le crash d’un Boeing qui transportait de la cocaïne depuis le Venezuela, en novembre 2009, près de Gao, a révélé l’ampleur du phénomène et a contribué à écorner davantage l’image du Mali, au point de rendre la désaffection touristique préoccupante. Peu touchée par la crise internationale, l’économie malienne devrait connaître en 2010 une croissance de 4,8 %, contre 4,5 % l’année précédente. La pluviométrie garantira une excellente campagne agricole pour 20092010, avec une production céréalière qui devrait atteindre l’objectif de 6,2 millions de tonnes. Quant au coton, il verra cette année la privatisation de la Compagnie malienne de
développement des textiles (CMDT). Dans le secteur des mines, le début des forages pétroliers dans le Nord, à l’iniALGÉRIE tiative d’ENI (Italie) et de Sonatrach (Algérie), ainsi que la montée en puissance des mines d’or de Ségala et MALI Tabakoto sont des signaux prometGao teurs. L’économie sera aussi tirée par le secteur du BTP, grâce à la politique NIGER de grands travaux lancée par le chef BURKINA de l’État à travers le pays (autoroute FASO Bamako-Ségou, barrages de Felou BÉNIN GHANA et de Taoussa, hôpital de Mopti), et dans la capitale (aéroport, troisième pont, hôpital, Palais des sports). Ces ouvrages doivent être finalisés d’ici à septembre 2010, pour les célébrations du cinquantenaire de l’indépendance. Sur le plan politique, les députés devraient voter une seconde mouture du nouveau code de la famille avant la fin de l’année – une première version jugée trop progressiste par des associations islamistes avait jeté dans la rue en août 2009 des dizaines de milliers de manifestants. Cet épisode a révélé la solitude du chef de l’État, sans troupes ni parti pour soutenir son projet. Quant à la révision constitutionnelle en cours, elle devrait aboutir, entre autres, à la création d’un Sénat et du statut de chef de l’opposition, et à un redécoupage administratif. Dans ce sens, le chef de l’État a annoncé le 19 avril la tenue d’un référendum avant la fin de 2010. Et bien que des voix s’élevaient pour inviter ATT à solliciter un troisième mandat, il a décidé de ne pas toucher au verrou qui en limite le nombre à deux. Il ne devrait pas non plus demander à l’Assemblée nationale, comme cela se murmurait à Bamako, de voter le report des scrutins présidentiel et législatif de 2012 pour les faire coïncider avec les communales de 2014. ■ 300 km
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
22 septembre 1960 Le Soudan français devient la République du Mali. Modibo Keita en est le premier président. 19 novembre 1968 Modibo Keita est renversé par le lieutenant Moussa Traoré. 26 mars 1991 Putsch militaire d’Amadou Toumani Touré contre Moussa Traoré. Avril 1992 Élection d’Alpha Oumar Konaré à la présidence. Il est réélu en mai 1997. Juin 2002 Élection d’Amadou Toumani Touré à la présidence de la République. Il est réélu en avril 2007.
Le pays en bref
■ Superficie 1240190 km2. ■ Population 12,7 millions d’hab. ■ Croissance démographique 3 %.
114
■ Densité de population 10 hab./km2.
■ Population urbaine 32,1 %. ■ Espérance de vie 54,8 ans. ■ Alphabétisation 26,2 %.
■ Indice de développement humain
(2009) IDH: 0,371 – Rang: 178/182.
■ Langues Français (officielle), bambara,
peul, sénoufo, soninké, tamacheq, songhaï, dogon… ■ Peuplement Bambaras, Peuls, Dogons, Bozos, Touaregs, Songhaïs… ■ Religion Musulmans. ■ Monnaie Franc CFA. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 655,96 F CFA; 1 $ = 446,34 F CFA. ■ PIB par habitant 656 $. ■ Répartition du PIB Primaire 37 %;
PIB (en milliards de dollars) 6,1
7,2
9
8,8
Taux de croissance (en %) 5,3 2006
4,3 2007
5,1
4,5
2008
2009
secondaire 27,2 %; tertiaire 35,8 %.
■ Inflation 2,2 %.
■ Investissements directs étrangers
127 millions de $.
■ Exportations 1,6 milliard de $.
■ Importations 2,5 milliards de $.
■ Principales ressources Or, coton.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
La fin de l’ère Tandja
M
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
3 août 1960 Accession à l’indépendance. Hamani Diori devient président. 15 avril 1974 Coup d’État de Seyni Kountché. 10 novembre 1987 Ali Saibou chef de l’État. 1990-1995 Rébellion touarègue. 27 janvier 1996 Le colonel Ibrahim Baré Maïnassara prend le pouvoir. 9 avril 1999 Assassinat de Baré Maïnassara. En novembre, Mamadou Tandja est élu président. Il est réélu en décembre 2004. 18 février 2010 Coup d’État contre le président Mamadou Tandja.
Le pays en bref
■ Superficie 1267000 km2. ■ Population 14,7 millions d’hab. ■ Croissance démographique 3,5 %.
■ Densité de population 11 hab./km2.
■ Population urbaine 16,3 %. ■ Espérance de vie 57,3 ans.
■ Alphabétisation 28,7 %.
■ Indice de développement humain
(2009) IDH: 0,34 – Rang: 182/182.
■ Langues Français (officielle), haoussa,
djerma, peul, tamacheq, kanouri… ■ Peuplement Haoussas, Djermas, Foulas, Touaregs, Kanouris… ■ Religions Musulmans, animistes. ■ Monnaie Franc CFA. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 655,96 F CFA; 1 $ = 446,34 F CFA. ■ PIB par habitant 370 $. ■ Répartition du PIB Primaire 43,9 %; secondaire 14,9 %; tertiaire 41,2 %.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
PIB (en milliards de dollars) 3,6
4,2
5,4
5,2
Taux de croissance (en %) 5,8 2006
9,5 -0,9
3,3 2007
2008
2009
■ Inflation 4,3 %.
■ Investissements directs étrangers
147 millions de $.
■ Exportations 880 millions de $.
■ Importations 1,4 milliard de $.
■ Principales ressources Uranium,
charbon, or, bétail, agriculture (céréales). 115
MA LI – N I G E R
amadou Tandja a payé le prix chef d’escadron Salou Djibo et d’un 300 km LIBYE fort son entêtement à vouloir Premier ministre civil, Mahamadou s’accrocher au pouvoir. Le Danda, qui était jusqu’alors conseiller ALG ALGÉRIE 18 février 2010, le président nigérien a à l’ambassade du Canada au Niger. en effet été renversé par trois colonels Quant à Tandja, il a été placé en qui ont institué un Conseil suprême résidence surveillée aux abords du NIGER pour la restauration de la démocratie palais présidentiel. La junte a proMALI Agadez (CSRD). L’ère Tandja aurait dû théomis la tenue d’élections au premier riquement prendre fin le 22 décemtrimestre 2011 en assurant que les Niamey Zinder bre – date officielle de la fin de son militaires n’y participeraient pas. TCHAD mandat. Mais, après dix ans passés Les mois qui viennent s’annonBURKINA FASO au pouvoir, Tandja avait décidé d’orcent donc compliqués pour Niamey, NIGERIA BÉNIN ganiser un référendum constitutiond’autant que la crise économique monnel afin de se maintenir trois années diale a donné un brusque coup d’arrêt supplémentaires à la tête de l’État et ainsi de faire sauter à la croissance du pays (9,5 % en 2008; – 0,9 % en 2009). la limitation du nombre de mandats. Opposées au projet, Portée par les performances de l’agriculture et par les secl’Assemblée nationale et la Cour constitutionnelle avaient teurs des mines et des télécoms, l’économie reste fragile et tour à tour été dissoutes, en mai puis en juin 2009, alors très dépendante de l’aide internationale. On est certes loin que Tandja s’arrogeait les pouvoirs exceptionnels. En dépit de la grave crise alimentaire qu’a connue le pays en 2005, de l’opposition quasi unanime de la classe politique, de la mais 60 % de la population vit toujours avec moins de société civile et de la communauté internationale, un réfé1 dollar par jour. Quant aux perspectives, elles dépendront rendum s’était donc tenu le 4 août, entérinant l’adoption du secteur minier: Niamey attend beaucoup du démarrage d’une nouvelle Loi fondamentale. de la production d’uranium sur le site d’Imouraren, qui La communauté internationale avait condamné et sera exploité par le français Areva en 2012. Cela devrait sanctionné économiquement les dérives autoritaires du permettre au Niger de doubler sa production. président déchu. En décembre, les États-Unis avaient Sur le plan sécuritaire, la situation s’est en partie normamême annoncé l’arrêt de toute coopération non humanilisée dans le Nord: les différentes rébellions touarègues, taire. Cela concernait les prêts consentis par la Millenium très actives depuis 2007, ont tour à tour déposé les armes. Challenge Corporation, l’agence fédérale de lutte contre Les trafics transfrontaliers demeurent en revanche particula pauvreté, pour un montant total de 23 millions de lièrement nombreux dans la région sahélo-saharienne. Les dollars mais aussi les programme de l’Usaid, l’agence de accrochages avec l’armée nigérienne se sont multipliés et développement dépendant du département d’État (4 mille pays doit faire face à la menace terroriste. En témoigne lions de dollars en 2009). l’enlèvement, à la fin de 2008, de l’envoyé spécial du secréAu lendemain du coup de force militaire, la comtaire général de l’ONU, Robert Fowler, finalement libéré en munauté internationale a surtout appelé à une rapide avril 2009. Plusieurs touristes européens ont également été transition. Le CSRD s’est doté d’un chef de l’État, le enlevés par Al-Qaïda au Maghreb islamique. ■
AFRIQUE DE L'OUEST
NIGER
NIGERIA
Goodluck Jonathan succède à Yar’Adua
L
BÉNIN
suprême est censée être occupée altera mor t du président Umar u 300 km NIGER nativement par des représentants du Yar’Adua, le 5 mai, met fin à une TCHAD sud et du nord du pays. Si le passage longue période d’incertitudes de témoin à Goodluck Jonathan, origiau Nigeria. Elle avait commencé en Kano naire du Sud, était intervenu trop tôt, novembre dernier, quand l’ancien cela aurait remis en question le prinprofesseur de chimie, âgé de 58 ans, Abuja cipe implicite de l’alternance – l’élecavait été hospitalisé à Djeddah, en tion du Nordiste Yar’Adua ayant eu lieu Arabie saoudite. Motif officiel de son NIGERIA après huit ans de pouvoir du Sudiste séjour médical : une « péricardite Lagos Obasanjo. aiguë » – inflammation de la paroi qui Sa disparition a fait voler en éclats entoure le cœur. Mais les conditions Port-Harcourt CAMEROUN le gentlemen’s agreement. Dès le 6 mai, de son retour au pays, trois mois plus Golfe de Guinée Goodluck Jonathan a prêté serment tard, n’avaient pas levé les doutes sur à Abuja. Il restera donc au pouvoir son état de santé, Yar’Adua restant jusqu’à la fin du mandat entamé par son prédécesseur, en invisible pour la population. avril 2011. Ensuite, pour la présidentielle, le PDP – qui a Les Nigérians savaient bien que la santé de leur chef était toutes les chances de remporter le scrutin du fait de son vacillante. En août 2008, celui-ci avait annulé un voyage contrôle sur l’appareil d’État – devra trancher: va-t-il préofficiel au Brésil. Au lieu de son périple prévu en Amérique senter un candidat du Nord ou du Sud? Certains veulent latine, il s’était rendu à Djeddah, prétendument pour un faire respecter la tradition. En avril 2010, l’ancien chef de pèlerinage. Mais la raison du changement de programme l’État Ibrahim Babangida (au pouvoir de 1985 à 1993), invoquée n’avait abusé personne. Déjà, durant la campagne membre du PDP, a déjà déclaré qu’il se présenterait. L’ancien pour la présidentielle d’avril 2007, il avait dû être évacué vice-président Atiku Abubakar (de 1999 à 2007) a, pour sa par avion médicalisé en Allemagne. Quand il était gouverpart, quitté l’opposition et rejoint le PDP à la fin avril. Mais neur de l’État septentrional de Katsina (de 1999 à 2007), l’ex-chef de l’État, Olusegun Obasanjo (au pouvoir de 1999 Umaru Yar’Adua avait fait installer dans un hôpital local à 2007) ne l’entend pas ainsi. Ayant effectué deux mandats, une unité spécialisée dans le traitement rénal et y aurait il ne peut se présenter une troisième fois. Mais ce natif du subi deux greffes de rein. Sud verrait bien son poulain, Goodluck Jonathan, rempiler Malgré les manifestations organisées par l’opposition, en 2011. La bataille s’annonce rude au sein du PDP. Yar’Adua n’a jamais démissionné. Incapable de gouverner, D’ici à 2011, le nouveau chef de l’État devra se démener il avait quitté le pays sans transmettre les pouvoirs à son pour parvenir à quelques résultats. Avec 36 États, plus de vice-président, Goodluck Jonathan, 52 ans, membre émi250 ethnies, une population de 150 millions d’habitants qui nent du Parti démocratique populaire (PDP). La situation se partage en nombre égal entre chrétiens et musulmans avait conduit le Parlement à trouver un compromis, à la et un État affaibli par des dictatures militaires successives, mi-janvier: Goodluck Jonathan prendra les rênes du poule Nigeria constitue un cocktail explosif. Régulièrement, voir uniquement en l’absence du chef de l’État. Un moyen de respecter une règle non écrite: depuis 1999, la magistrature le pays qui détient les premières ressources pétrolières du
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
1er octobre 1960 Proclamation de l’indépendance. Mai 1967-1970 Le Nigeria oriental tente de faire sécession: guerre du Biafra. Novembre 1993 Le général Sani Abacha prend le pouvoir. Juin 1998 Abacha meurt. Le général Abdulsalami Abubakar devient chef de l’État. 29 mai 1999 Le général Olusegun Obasanjo est élu président. Il est réélu en avril 2003. 21 avril 2007 Umaru Yar’Adua élu président. 6 mai 2010 Goodluck Jonathan succède à Umaru Yar’Adua, décédé la veille.
Le pays en bref
■ Superficie 923770 km2. ■ Population 151,3 millions d’hab.
116
■ Croissance démographique 2,3 %. ■ Densité de population 162 hab./km2. ■ Population urbaine 48,4 %. ■ Espérance de vie 47,2 ans. ■ Alphabétisation 72 %. ■ Indice de développement humain (2009)
IDH: 0,511 – Rang: 158/182.
■ Langues Anglais (officielles), français,
haoussa, yorouba, ibo, peul-fulani, efik, edo. ■ Peuplement Haoussas, Ibos, Yoroubas, Peuls… ■ Religions Musulmans (Nord), chrétiens (Sud). ■ Monnaie Naira. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 211,72 nairas; 1 $ = 147,38 nairas. ■ PIB par habitant 1142 $. ■ Répartition du PIB Primaire 33,2 %; secondaire 35,6 %; tertiaire 31,2 %. ■ Inflation 12,3 %.
PIB (en milliards de dollars) 145,4
165,9
207,1
173,4
Taux de croissance (en %) 6,2
7
2006
2007
6 2008
5,6 2009
■ Investissements directs étrangers
20,3 milliards de $.
■ Exportations 80,7 milliards de $. ■ Importations 41,7 milliards de $.
■ Principales ressources Hydrocarbures
(pétrole et gaz), bois, agriculture (cacao, céréales).
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
Concours de circonstances
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
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N I G E R IA
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AFRIQUE DE L'OUEST
Mend n’est que l’un des plus importants d’entre eux), les continent est le théâtre de violences. Au cours des premiers autorités ont proposé une amnistie aux combattants en mois de l’année 2010, les affrontements entre chrétiens et échange de leur reddition. Certains ont répondu présent, musulmans ont été particulièrement sanglants dans l’État dont trois hauts commandants. Dans la foulée, le Mend a de Plateau (situé dans le centre du Nigeria). Dans cet Étatdécrété un cessez-le-feu « illimité ». Mais qui a été de courte frontière entre le Nord, à majorité musulmane, et le Sud, à durée. En décembre, le groupe a annoncé avoir commis prédominance chrétienne, la religion est un point de fricune attaque contre un oléoduc utilisé par les compagnies tion récurrent. Deux massacres successifs, l’un en janvier Shell et Chevron. Il a justifié son acte par la suspension de plus de 300 personnes, essentiellement des musulmans, des discussions en raison de la maladie du chef de l’État. l’autre en mars d’environ 500 personnes, surtout des chréEn 2010, le programme de développement de la région, tiens, a laissé craindre un embrasement de la ville. En juillet 2009, c’était des affrontements entre les membres de la secte islamiste Boko Haram et les forces de sécurité qui avaient fait plus de e successeur d’Umaru Yar’Adua inquiété pour corruption. Puis il 600 morts et 3000 déplacés, dans le est un nouveau venu en politiest monté en grade grâce à nord du pays. Mélange d’arabe et de que. Ses compatriotes ne Olusegun Obasanjo, dont il est le haoussa, boko haram signifie littéraconnaissent vraiment Goodluck poulain. Quand il a fallu choisir un lement « l’éducation occidentale est Jonathan, 52 ans, que depuis que colistier à Umaru Yar’Adua pour la interdite ». Créé en 2002, ce groupe le Parlement a décidé de lui présidentielle de 2007, l’ancien musulman dissident préconise l’apaccorder le pouvoir de façon tran- chef de l’État a pensé à lui, plication de la charia à l’ensemble des sitoire, en réaction à la prolongacroyant trouver là un fidèle idéal. États de la fédération (la loi islamique tion de la maladie du chef de Discret voire falot, peu expériest aujourd’hui en vigueur dans douze l’État. C’était en février 2010. menté, Goodluck Jonathan a-t-il États). Utilisant un arsenal varié – du Auparavant, ce fils de fabricant de les épaules assez solides? Depuis coupe-coupe au fusil de chasse –, ses pirogues, zoologue de formation, février 2010, il a fait preuve de membres ont pris pour cibles des cométait un homme de l’ombre. Il a poigne, fermant la porte du missariats, des prisons, des églises… fait ses premiers pas dans le Conseil des ministres aux retardaAutant de symboles du christianisme sillage du gouverneur de Bayelsa taires, remaniant le gouverneou de l’État fédéral, qu’ils voudraient – son État natal, dans le sud du ment ou serrant la main à Barack voir devenir islamique. pays –, dont il était numéro deux, Obama, à Washington. Reste à Ces groupes ne semblent pas entrede 1999 à 2005, avant de prendre savoir si cela suffit pour diriger le tenir de lien direct avec Al-Qaïda. La sa place, son « boss » ayant été géant nigérian. ■ communauté internationale redoute néanmoins que le Nigeria, et particulièrement sa partie septentrionale, condition sine qua non à l’arrêt définitif des combats, devra à majorité musulmane, ne devienne un terrain de recruêtre poursuivi. tement du mouvement terroriste. La tentative d’attentat, Ce serait aussi le moyen de stopper la chute de la prole 25 décembre, sur un vol reliant Amsterdam à Detroit, duction pétrolière. Depuis l’apparition du Mend, en 2006, a confirmé ces craintes, le jeune terroriste, Omar Farouk elle est passée de 2,6 millions de barils par jour à 1,8 milAbdulmutalab, étant un ressortissant nigérian. lion. En 2009, les revenus mensuels de la Nigerian National L’autre foyer de violence chronique se situe dans le sud du Petroleum Corporation (NNPC), la compagnie nationale, pays, dans la région pétrolifère du Delta du Niger. Durant sont tombés à 1 milliard de dollars, contre 2,2 milliards l’année 2009, le Mouvement d’émancipation du Delta du l’année précédente. Le manque à gagner est considérable Niger (Mend) a continué de mener ses actes terroristes : pour l’État, qui tire 90 % de ses recettes d’exportation des sabotages d’oléoducs, attaques de plates-formes, enlèhydrocarbures. Dans un mouvement symétrique, le pays vements d’employés des compagnies pétrolières. La vioa dû également faire face en 2009 à l’augmentation des lence est montée d’un cran quand, au mois de juillet, des coûts de l’énergie. Premier exportateur africain de brut, assaillants ont attaqué un débarcadère au port de Lagos, la le Nigeria fait aussi partie des premiers importateurs de capitale économique, alors qu’ils cantonnaient d’ordinaire pétrole raffiné. Avec quatre raffineries qui ne fonctionnent leur action à la zone du Delta. qu’au quart de leurs capacités, le pays est contraint d’acheter Le Mend justifie son action en revendiquant une l’essence à l’étranger. meilleure répartition des recettes tirées de l’or noir, dont En 2009, le secteur bancaire a lui aussi souffert. Près la population de la région ne profite pas. La pollution de de 8 000 employés ont été mis à la porte entre les mois leur environnement immédiat due au torchage du gaz, au d’août et de décembre. À la fin du troisième trimestre, neuf déversement des déchets et aux fuites de pétrole constitue établissements ont totalisé des pertes de 10 milliards de pour les habitants la seule retombée directe de l’exploitadollars. Parmi eux, des grands noms comme Oceanic Bank, tion des hydrocarbures. D’après la Constitution de 1999, Afribank, United Bank of Nigeria… Que vont-ils devenir? toutes les richesses naturelles reviennent de plein droit Lamido Sanusi, le gouverneur de la Banque centrale nommé à l’État central. Seule une partie des recettes pétrolières en juin 2009, a exigé que les banques revoient leurs métho(13 %) est ensuite reversée à l’État de production. Ce qui des de gestion des risques et s’alignent sur les standards pour le Mend est très insuffisant. Pour mettre fin à la terinternationaux. ■ reur que font régner des groupes armés dans le Delta (le
SÉNÉGAL
L’épineux dossier de la Casamance
L
e Parti démocratique sénégamairie de Dakar, il a recommencé Océan ANIE Atlantique MAURITANIE lais (PDS) peine toujours à se depuis la fin de 2009 à se déplacer remettre de sa défaite aux élecrégulièrement à l’intérieur du pays, tions locales du 22 mars 2009. Après soit dans le cadre de ses fonctions Saint-Louis avoir perdu dans la bataille plusieurs gouvernementales, soit pour y faire Dakar grandes villes, dont la capitale, la promotion de son mouvement, la Thiès Dakar, tombée aux mains du Parti Génération du concret, qui a souSÉNÉGAL socialiste (PS), il tente aujourd’hui tenu le PDS lors de la présidentielle MALI de se refaire une santé. À la suite et des législatives de 2007. Mais en GAMBIE de l’annonce, en septembre 2009, ce début d’année 2010, il n’avait toude sa candidature à l’élection présijours pas révélé publiquement ses dentielle de 2012, le chef de l’État, véritables intentions sur le terrain GUINÉE 100 km GUINÉE-BISSAU Abdoulaye Wade, a entrepris de politique. remobiliser tous les anciens cadres Du côté de l’opposition, réunie au du PDS et de réintégrer notamment les ex-Premiers sein de la coalition Benno Siggil Sénégal (BSS), l’anministres Idrissa Seck et Macky Sall, qui ont un lourd nonce prématurée de la candidature de Wade à la prépassif avec le clan présidentiel. Le premier a été emprisidentielle de 2012 a eu pour effet d’accélérer le débat sonné pendant quelques mois, accusé du détournement sur la présentation d’une candidature unique. Toutefois, de 26 milliards de F CFA (39,6 millions d’euros) dans malgré les intentions affichées, tout porte à croire l’affaire dite des « chantiers de Thiès ». Le second a qu’aucun compromis ne sera trouvé sur cette question. été « banni » du perchoir après avoir convoqué devant Alors qu’Ousmane Tanor Dieng, à la tête du PS, considère l’Assemblée nationale Karim Wade, le fils du président, qu’il est le mieux placé pour être candidat, il est peu propour qu’il s’explique sur la gestion des fonds de l’Agence bable que des leaders comme Macky Sall, de l’Alliance nationale de l’Organisation de la conférence islamique pour la République (APR), devenu membre du BSS après (Anoci). Si Seck a scellé sa réconciliation avec son mensa brouille avec Wade, ou encore Moustapha Niasse, de tor début novembre 2009 (la Haute-Cour ayant requis l’Alliance des forces de progrès (AFP) et ancien baron du un non-lieu contre lui quelques mois auparavant), Sall PS, s’effacent devant lui. D’autant que les socialistes sont se dit, en revanche, totalement opposé à un retour dans déjà restés au pouvoir pendant quarante ans. le parti présidentiel. Mais dans les deux cas, on peut Sur le plan social, le dernier trimestre de 2009 a été s’attendre à des rebondissements. particulièrement agité. En octobre, plusieurs manifesAlors que Wade père tente de resserrer les rangs, Wade tations populaires violentes ont eu lieu à Dakar et dans fils, nommé au portefeuille de la Coopération internasa banlieue. Pour la première fois depuis l’arrivée au tionale, de l’Aménagement du territoire, des Transports pouvoir de Wade, en 2000, des chars de combat ont aériens et des Infrastructures en mai 2009, avec rang de même été positionnés pour dissuader des casseurs en ministre d’État, veut se forger une image. Après avoir colère de saccager leurs quartiers. Les manifestants complètement disparu de la scène après sa défaite à la entendaient montrer leur mécontentement à l’encontre
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
20 août 1960 Léopold Sédar Senghor devient président du Sénégal. 1er janvier 1981 À la suite de la démission de Senghor, Abdou Diouf devient président. Il est élu en 1983, réélu en 1988 et 1993 face à Abdoulaye Wade. 19 mars 2000 Wade est élu au second tour. 21 avril 2004 Macky Sall, Premier ministre. 25 février 2007 Élection présidentielle. Wade est réélu avec 55,86 % des voix. 22 mars 2009 Le PDS perd les élections locales.
Le pays en bref
■ Superficie 196720 km2. ■ Population 12,21 millions d’hab. ■ Croissance démographique 2,5 %.
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■ Densité de population 64 hab./km2. ■ Population urbaine 42,4 %. ■ Espérance de vie 63,3 ans. ■ Alphabétisation 41,9 %. ■ Indice de développement humain
(2009) IDH: 0,464 – Rang: 166/182.
■ Langues Français (officielle), wolof,
peul-toucouleur, sérère, diola…
■ Peuplement Wolofs, Toucouleurs, Peuls,
Sérères, Diolas, Mandingues… ■ Religions Musulmans, catholiques, animistes. ■ Monnaie Franc CFA. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 655,96 F CFA; 1 $ = 446,34 F CFA. ■ PIB par habitant 983 $. ■ Répartition du PIB Primaire 14,6 %; secondaire 24,3 %; tertiaire 61,1 %.
PIB (en milliards de dollars) 9,4
11,3
13,3
12,7
Taux de croissance (en %) 4,8 2,5
2,4 2006
2007
2008
1,6 2009
■ Inflation - 1 %.
■ Investissements directs étrangers
706 millions de $.
■ Exportations 2,3 milliards de $.
■ Importations 6,5 milliards de $.
■ Principales ressources Phosphates,
arachides, coton, céréales, tourisme.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
L
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
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S ÉNÉGA L
Le scandale de la Renaissance
AFRIQUE DE L'OUEST
de F CFA, aura déjà pris son envol. Sénégal Airlines, de la Société nationale d’électricité (Senelec), incapadont le lancement devrait avoir lieu au second semestre ble de fournir du courant de façon continue. Un mois de 2010, prendra le relais d’Air Sénégal International, plus tard, c’était au tour de l’opposition de descendre liquidé en avril 2009. Autre changement de taille attendu dans la rue pour demander le départ du chef de l’État. en 2010 dans le monde des entreprises, la réforme insEnviron 15 000 personnes ont marché pour dénoncer le titutionnelle de Senelec. Il est prévu le dégroupage des pouvoir et la tentative de corruption du représentant du activités et la création de trois filiales, dont chacune Fonds monétaire international (FMI) au Sénégal, Alex aura la responsabilité d’un secteur : la production, le Segura, à qui Wade avait offert, au terme de son mantransport et la distribution. Déficitaire depuis plusieurs dat, la somme de 65 millions de F CFA (99 000 euros). années, la société entend ainsi rationaliser son fonctionAu moment où les Sénégalais ne cessent de se plaindre nement et limiter les pertes. de la vie chère, du manque d’électricité… ce cadeau préPar ailleurs, le ministère des Finances assure que la sidentiel a évidemment suscité l’indignation. dette contractée par l’État envers le secteur privé, qui L’année 2009 a aussi été marquée par le dossier épis’élevait à 174 milliards de F CFA à la fin 2008 – avec neux de la Casamance. Après une relative accalmie d’importants arriérés de paiement aux entreprises du observée depuis la signature, en décembre 2004, d’un BTP – a été totalement épongée. L’année 2010 devrait accord de paix entre le gouvernement et le Mouvement donc s’annoncer sous de meilleurs auspices pour les des forces démocratiques de Casamance (MFDC), les entrepreneurs, très sollicités dans les nombreux projets hostilités ont repris en août. Depuis lors, une quinzaine immobiliers haut de gamme. Le plus grandiose et le plus de militaires ont été tués dans des attaques ciblées tancher est le Waterfront de Teylium, sur la corniche ouest dis que plusieurs civils ont péri dans des braquages. À de Dakar. Le groupe a investi 50 millions d’euros dans son arrivée au pouvoir en 2000, Abdoulaye Wade s’était la construction d’un complexe hôtelier, d’un centre comengagé « à mettre un terme au conflit en 100 jours ». mercial et de résidences en bord de mer. Enfin, selon les Mais malgré la fréquence des incidents, devenus quasi prévisions du FMI, la croissance en 2010 sera de 3,5 %, hebdomadaires, le pouvoir n’a entrepris aucune action contre 1,6 % l’année précédente. Légère éclaircie en vue, concrète pour rétablir le dialogue avec les indépendandonc, même si cette hausse dépendra en partie de la tistes, sous prétexte que le mouvement, qui connaît reprise économique au niveau mondial. ■ une crise de leadership, ne présente aucun interlocuteur crédible. En outre, la présence militaire dans la région du Sud a été renforcée. Les populations, en proie à la panique, ont recommencé à fuir les zones enclavées et à évisont engagés à payer l’entreprise e 3 avril 2010, à la veille de la ter les déplacements nocturnes. En nord-coréenne qui a réalisé les célébration du cinquantenaire quelques mois, la situation est devetravaux, Mansudae Overseas de l’indépendance du Sénégal, nue si explosive que même Yahya Project Group of Companies. Abdoulaye Wade a inauguré le Jammeh, le président de la Gambie, Quant aux recettes d’exploitation monument de la Renaissance frontalière de la Casamance, a lancé du site (qui comprendra un africaine en présence de ses un appel à la paix. musée, une salle de spectacle, homologues d’une vingtaine Su r le pla n économ ique, les un centre d’affaires, des de pays. Cette œuvre en grands travaux engagés au Sénégal restaurants), 35 % reviendront bronze rappelant L’Ouvrier sous l’impulsion du président Wade au président sénégalais, car il et la Kolkhozienne et érigée se pou r suivent. L es deu x plus est celui qui a imaginé l’œuvre sur l’une des deux collines grands projets en cours sont la et qui en possède les droits de qui surplombent Dakar a fait construction de l’autoroute à péage propriété intellectuelle. Les 65 % couler beaucoup d’encre. La Dakar-Diamniadio, d’une distance restants devraient revenir à l’État polémique a d’abord porté sur de 34 km, et de l’aéroport internapour financer la construction de son esthétisme et son utilité. tional de Diass, situé à une quaran« cases des tout-petits » (écoles Avant de glisser sur son coût taine de kilomètres de la capitale. maternelles gratuites implantées - plus de 15 milliards de F CFA ! Des enveloppes de 320 milliards et au Sénégal) jusque dans la sous(soit 22,8 millions d’euros) – et 173 milliards de F CFA ont été resrégion. sur l’utilisation des futures pectivement mobilisées pour leur Au total, 222 000 tonnes de recettes. Wade a bien essayé réalisation. Les travaux sont finanmatériel ont été utilisées pour la d’expliquer que rien n’était sorti cés entre autres par l’État, la Banque des caisses de l’État et de clarifier construction du monument de africaine de développement (BAD), la Renaissance africaine haut de le montage financier, mais rien la Banque mondiale et l’Agence fran150 m. Sa durée de vie estimée n’y a fait. çaise de développement (AFD). La est de 1 200 ans. Chaque année, En août 2009, Wade avait en livraison est prévue en 2012. D’ici 300 000 visiteurs sont attendus effet révélé que le monument là, selon des informations émanant sur le site. Or, en avril 2010, il avait été payé en… terrains. Près du ministère dirigé par Karim Wade, n’a guère accueilli que quelques de 40 ha ont en effet été cédés la nouvelle compagnie aérienne écoliers et curieux. ■ à des promoteurs locaux qui se sénégalaise, financée par des privés nationaux à hauteur de 17 milliards
SIERRA LEONE
La justice en marche
F
Un mois plus tôt, le président reetown est en passe de tourGUINÉE Ernest Bai Koroma avait remanié son ner une page de sa douloureuse équipe. Sur vingt-quatre ministres, histoire. Le Tribunal spécial treize ont conservé leur portefeuille pour la Sierra Leone (TSSL), créé en et cinq ont quitté le gouvernement. 2003 par l’État, avec le soutien des Makeni Le chef de l’État, élu en 2007, a Nations unies, pour juger les princiconservé autour de lui un groupe de paux auteurs des atrocités commiEONE NE SIERRA LEONE techniciens dynamiques. Objectif : ses pendant la deuxième partie de Freetown restaurer l’image du pays, encore la guerre (1996-2001), a prononcé associée aux atrocités de la guerre, son ultime verdict. En octobre 2009, Kenema LIBERIA et mettre la Sierra Leone sur les rails Augustine Gbao, Morris Kallon et Issa Océan du développement économique. Sesay, trois anciens rebelles du Front 100 km Atlantique Début 2009, Ernest Bai Koroma révolutionnaire uni (RUF), ont écopé avait fixé quatre priorités au pays, de peines allant de vingt-cinq à cindans le cadre de son « programme pour le changequante-deux ans de prison. Déclarés coupables de crimes ment » : agriculture, énergie, infrastructures et services de guerre et de crimes contre l’humanité, ils avaient fait sociaux. Il y a encore fort à faire. La Sierra Leone reste un appel du verdict six mois plus tôt. La sentence a finalement importateur net de nourriture malgré la part importante été confirmée. L’imposant édifice du TSSL, posé sur une (près de 60 %) occupée par l’agriculture dans le PIB. colline qui domine Freetown, va pouvoir plier bagage en Les coupures de courant sont fréquentes. Et des anciens 2010. Le travail du tribunal n’est cependant pas terminé. À combattants sont encore en attente d’indemnités. La Haye, il juge Charles Taylor dans les locaux de la Cour Malgré une annulation de 90 % de la dette extérieure, en pénale internationale (CPI). L’ancien président du Liberia, 2006, la Sierra Leone reste très dépendante de l’aide. D’ici pays frontalier de la Sierra Leone, est lui aussi accusé de à 2013, l’État devrait recevoir en moyenne 32,2 millions crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Il aurait d’euros par an de la Commission européenne. Même si, en soutenu la rébellion du RUF. Les audiences de Charles 2009, le pays a logiquement souffert de la crise financière Taylor ont repris en janvier 2010. internationale – la croissance est passée de 5,5 % en 2008 Malgré le travail de la justice qui est en marche, la à 4 % – un espoir est cependant venu éclairer l’avenir. Il sécurité est encore précaire. En mars 2009, des violences est arrivé de l’océan. En septembre, la compagnie amériont éclaté en plein centre de Freetown entre des particaine Anadarko a découvert au cours d’un forage au large sans du Congrès de tout le peuple (All People’s Congress, de Freetown une épaisse couche de pétrole. Probablement APC), au pouvoir, et des sympathisants du Parti du peuun vaste gisement, dont les réserves sont actuellement ple sierra-léonais (SLPP). Une vingtaine de personnes estimées à 200 millions de barils. D’autres forages sont ont été blessées et une dizaine arrêtées. Il aura fallu encore nécessaires pour en savoir plus quant au potentiel l’intervention des forces de l’ordre et l’appel au calme, en hydrocarbures des eaux territoriales sierra-léonaises. à la télévision, du chef de l’État pour que cessent les affrontements. La réponse devrait être connue fin 2010. ■
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
27 avril 1961 Accession à l’indépendance. Mars 1991 Début de la guérilla du Front révolutionnaire uni (RUF) de Foday Sankoh, soutenue par Charles Taylor. Mars 1996 Ahmad Tejan Kabbah élu président. 22 octobre 1999 Création de la Mission des Nations unies en Sierra Leone (Minusil). Mai 2000 Arrestation de Foday Sankoh. Mai 2002 Réélection de Tejan Kabbah. 8 août 2007 Élection d’Ernest Bai Koroma à la présidence de la République.
Le pays en bref
Superficie 71740 km2. ■ Population 5,56 millions d’hab. ■
120
■ Croissance démographique 1,7 %.
■ Densité de population 82 hab./km2.
■ Population urbaine 38 %.
■ Espérance de vie 42,8 ans. ■ Alphabétisation 38,1 %.
■ Indice de développement humain
(2009) IDH: 0,365 – Rang: 180/182. ■ Langues Anglais (officielle), krio, dtemné, mendé, limba… ■ Peuplement Mendés, Temnés, Peuls… ■ Religions Musulmans, chrétiens (minorité). ■ Monnaie Leone. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 5483,6 leones; 1 $ = 3817,12 leones. ■ PIB par habitant 311 $. ■ Répartition du PIB Primaire 56,8 %; secondaire 8,4 %; tertiaire 34,8 %.
PIB (en milliards de dollars) 1,4
1,7
1,9
1,9
Taux de croissance (en %) 5,1 2006
6,4 2007
5,5 2008
4 2009
■ Inflation 9,2 %.
■ Investissements directs étrangers
30 millions de $.
■ Exportations 220 millions de $.
■ Importations 560 millions de $.
■ Principales ressources Diamant, or,
cacao, café.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
Continuité à la tête de l’État
L
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
27 avril 1960 Accession à l’indépendance. 12 janvier 1967 Gnassingbé Eyadéma prend le pouvoir. Il est élu président en 1972. 5 février 2005 Mort d’Eyadéma. 24 avril 2005 Faure Gnassingbé est élu à la présidence lors d’un scrutin contesté. 16 septembre 2006 L’opposant Yawovi Agboyibo devient Premier ministre. 14 octobre 2007 Élections législatives. Komlan Mally devient Premier ministre. 4 mars 2010 Réélection de Faure Gnassingbé avec 60,88 % des voix.
Le pays en bref
■ Superficie 56790 km2. ■ Population 6,5 millions d’hab. ■ Croissance démographique 2,7 %.
■ Densité de population 121 hab./km2. ■ Population urbaine 42,1 %. ■ Espérance de vie 58,8 ans.
■ Alphabétisation 53,2 %.
■ Indice de développement humain
(2009) IDH: 0,499 – Rang: 159/182.
■ Langues Français (officielle), éwé,
kabié… ■ Peuplement Éwés, Kabiés, Minas… ■ Religions Animistes, catholiques, musulmans, protestants. ■ Monnaie Franc CFA. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 655,96 F CFA; 1 $ = 446,34 F CFA. ■ PIB par habitant 422 $. ■ Répartition du PIB Primaire 42,3 %; secondaire 19 %; tertiaire 38,7 %.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
PIB (en milliards de dollars) 2,2
2,5
2,9
2,9
Taux de croissance (en %) 4 1,9 2006
2007
1,1
2,5
2008
2009
■ Inflation 1,9 %.
■ Investissements directs étrangers
68 millions de $.
■ Exportations 900 millions de $.
■ Importations 1,5 milliard de $.
■ Principales ressources Phosphates,
coton, café, cacao.
121
S I E R R A LE O N E – TO G O
e président togola is, Fau re l’agriculture représente une source Gnassingbé, a été réélu le 4 mars de croissance non négligeable, avec 2010, avec 60,88 % des suffraune contribution de 40 % du PIB, BÉNIN ges exprimés, à l’issue d’un scrutin elle souffre d’une faible productivité, contesté par l’opposition. Celle-ci a en liée en grande partie aux techniques effet d’emblée soutenu que l’élection d’exploitation rudimentaires. D’où Sokodé avait été remportée par Jean-Pierre l’accent mis en 2010 et 2011 sur le Lac Fabre, soutenu par le collectif de l’opredressement de la filière coton, dont TOGO NIGERIA Volta position Front républicain pour l’alterla production a reculé de plus de 50 % nance et le changement (Frac). Faure entre 2001 et 2008, la relance du café GHANA aura fort à faire pour apaiser le climat et du cacao, l’augmentation de la proLomé politique et rétablir la confiance. Les duction vivrière et les services. Pour 200 km Golfe de Guinée nombreuses manifestations organice faire, d’importants investissements sées par l’opposition ont réveillé de seront réalisés dans les télécommunimauvais souvenirs. Ceux de la longue crise sociopolitique cations, l’énergie et les infrastructures de transport rouamorcée au début des années 1990 et qui n’a vraiment pris tières et portuaires. Cela devrait notamment concerner fin qu’en 2007, avec la tenue des élections législatives. la construction d’un troisième quai au Port autonome de Un premier pas vers le redressement économique et Lomé afin de répondre au trafic en hausse. financier a été réalisé en avril 2008 avec la signature Après avoir atteint 4 % en 2006, le taux de croissance d’un accord triennal au titre de la Facilité pour la réducest tombé à 1,9 % en 2007 et à 1,1 % en 2008, un ralentistion de la pauvreté et pour la croissance (FRPC) avec le sement principalement lié aux problèmes rencontrés par FMI, qui a consacré la normalisation des relations du les filières du phosphate et du coton. En 2009, il atteint Togo avec la communauté financière internationale et 2,5 %. La crise financière intervenue fin 2008 n’a donc ouvert la voie à un retour de l’aide au développement. pas trop affecté le pays. Outre les investissements privés, En novembre 2008, le Togo a atteint le point de décision une bonne partie de la croissance en 2009 et 2010 devrait de l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés encore provenir de l’aide internationale. (PPTE), ce qui a permis de faire progressivement redéBien qu’en hausse, la croissance actuelle ne permet pas marrer l’économie et de redorer l’image du pays auprès de réduire durablement la pauvreté, qui touche environ des investisseurs privés. 60 % de la population. D’où la nécessité d’accélérer les Durant les trois dernières années, d’importantes réforréformes et de dégager des ressources pour financer les mes macroéconomiques et structurelles ont été engagées. infrastructures. L’un des enjeux de 2010 sera l’atteinte du Le secteur financier et la filière des phosphates ont été point d’achèvement, sans doute au troisième trimestre, qui en grande partie assainis. Toutefois, malgré les progrès permettra à Lomé de bénéficier de l’Initiative d’allégement réalisés, la structure du PIB n’a pas été fondamentalede la dette multilatérale (IADM). Ainsi, près de 650 milment modifiée. Les exportations reposent sur trois proliards de F CFA de dette publique extérieure, sur un monduits, les phosphates, le ciment et le coton, et bien que tant estimé à 680 milliards, devraient être effacés. ■
AFRIQUE DE L'OUEST
TOGO
Produire du savoir pour modeler l'avenir
L
a recherche, la production et le partage du savoir sont inscrits au cœur des activités du groupe de la Banque africaine de développement (BAD). Ces composantes-clés de la gestion du savoir contribuent largement à la lutte contre la pauvreté. Car le savoir joue un rôle crucial dans la transformation économique et la promotion du développement. C'est pour ces raisons que le groupe de la BAD a comme objectif, à terme, de se positionner comme un centre de savoir sur les questions liées au développement économique et social en Afrique.
© 2009 - BAD - Design, Unité des relations extérieures et de la communication/YAL
Conformément au rapport du Panel de haut niveau (HLP) produit sous la direction de M. Paul Martin, ancien premier ministre canadien, et M. Joachim Chissano, ex-président du Mozambique, « la Banque complète ses services financiers par les services du savoir, y compris les études d’analyses et de politiques économiques. Ces études fournissent les fondements essentiels aux nouvelles initiatives politiques et à la capacité de réaction du groupe de la BAD aux nouveaux défis du développement ». Conscient des enjeux du savoir dans la promotion du développement, le groupe de la BAD apporte son soutien à la recherche et au renforcement des capacités des institutions africaines. Il compte établir un fonds fiduciaire pour la gestion du savoir (Knowledge Management Trust Fund) destiné à mobiliser et à gérer les ressources nécessaires au renforcement de sa capacité de recherche, de production et de gestion du savoir. Le groupe de la BAD a également lancé d'autres initiatives telles que la Conférence économique africaine, le Programme des éminents conférenciers et le Partenariat pour le programme de valorisation des compétences (PASDEP). Le groupe de la BAD participe à des échanges de cadres avec le secteur privé, les institutions nationales, régionales et internationales, les universités et instituts de recherche ainsi qu’avec les syndicats et ONG pour développer le partenariat au service du savoir, en vue de modeler l’avenir.
www.afdb.org
LIBYE
ALGÉRIE
TCHAD Lac Tchad
Abéché SOUDAN
N’Djamena BENIN
NIGERIA
ETHIOPIE
TOGO
CAMEROUN
Douala Malabo
RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE Bangui
Yaoundé
GUINÉE ÉQUAT. São Tomé SÃO TOMÉ ET PRINCIPE
AFRIQUE CENTRALE
NIGER
MALI
Libreville Port-Gentil
GABON
CONGO
Brazzaville
Pointe-Noire
OUG.
Kisangani
Mbandaka
RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO
Goma Bukavu
Kinshasa
KENYA RWANDA BURUNDI TANZANIE
Matadi Océan Atlantique 300 km
Lubumbashi ANGOLA
MALAWI
AFRIQUE CENTRALE L’après-Omar Bongo Ondimba
I
ncontestablement, la disparition du président Omar Bongo Ondimba, décédé le 8 juin 2009 dans une clinique de Barcelone, aura modifié profondément la donne dans la sous-région. Le processus est déjà amorcé, avec la redistribution des cartes – et des postes sensibles – au sein de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac). Mais l’absence du « Vieux », réputé pour ses conseils, ses arbitrages et ses médiations, risque de se faire sentir au-delà de ce cénacle, notamment pour les pays les plus instables du continent. Certes, Ali Bongo Ondimba, le successeur d’OBO, semble marcher dans les pas de son père en matière de diplomatie, mais il lui reste à s’approprier les indispensables réseaux sur lesquels reposait son influence. JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
124 Cameroun 126 République centrafricaine 127 Congo 128 RD Congo 130 Gabon 132 Guinée équatoriale 133 São Tomé e Príncipe 134 Tchad 123
CAMEROUN
Avec le soutien du FMI
D
actualité judiciaire en dépassant les epuis de longs mois, le Cameroun limites imposées par le secret de l’insvit à un rythme tranquille. Rien truction. Les syndicats de journalistes à voir avec l’agitation de l’année TCHAD dénoncent quant à eux une volonté de 2008, marquée par des manifesta« museler » la presse. Ils critiquent un tions violentes. Quelques polémiques manque de transparence de la part médiatiques l’ont cependant tiré de Garoua des autorités judiciaires. Enfin, l’arson atonie. Les médias ont répercuté NIGERIA gent détourné n’a toujours pas été de grosses disputes, portant notam200 km récupéré. Depuis le déclenchement ment sur le livre publié en mai 2009 de l’opération en 2006, les prisons par le journaliste français François RÉP. Mattei, Le Code Biya (Balland). Pour C A M E R O U N CENTRAFR. se remplissent mais le Trésor public attend toujours les premiers retours son auteur, cet ouvrage est « une rare Douala de fonds. tentative de portrait » du mystérieux Yaoundé Sur le front des polémiques, en et secret président camerounais. Mais Golfe revanche, la controverse qui a fait écho pour les opposants, la publication est de Guinée à la nomination en décembre 2008 loin d’être innocente. Ils dénoncent GUINÉE ÉQU. GABON CONGO des membres de Elections Cameroon une opération de communication mar(Elecam) a perdu en intensité. Même quant l’entrée en campagne électorale si les opposants déplorent toujours la « trop forte reprédu président sortant, pour la présidentielle prévue en 2011. sentation » du parti au pouvoir au sein des organes de La promotion du livre a également relancé les rumeurs qui l’institution et militent pour que les règles du jeu électoral prêtent au chef de l’État l’intention d’anticiper le scrutin. camerounais soient déterminées par toutes les familles Tout au long de l’année, les Camerounais ont aussi spépolitiques, de façon consensuelle. culé sur de possibles règlements de comptes politiques à En dépit de ces éternels débats, le Cameroun a poursuivi travers les arrestations opérées dans le cadre de l’opérason redressement économique. La crise financière n’a eu tion de lutte contre la corruption « Épervier ». En 2009, qu’un impact limité. Pourvu d’un bon cadre économique, même si d’autres hauts responsables de la République ont le pays a su essuyer ce revers de conjoncture mondiale en été arrêtés et mis en détention, les procédures ont connu préservant sa stabilité, a reconnu la représentante locale un léger ralentissement. Beaucoup s’interrogent sur le de la Banque mondiale, le 20 novembre 2009. Toutefois, sens de cette campagne d’assainissement. D’abord, les les exportations de bois, d’aluminium, de coton et de critères qui déterminent le choix des personnes à pourcaoutchouc ont régressé, et les conséquences de ce recul suivre devant les tribunaux restent parfois flous: épinglés ont été aggravées par la baisse des cours des matières par le ministère en charge du contrôle de l’État, certains premières. Tous ces aléas s’étant ajoutés à la baisse des gestionnaires publics n’ont pourtant pas été inquiétés par recettes douanières, l’État a dû solliciter en juin 2009 un les juges d’instruction. Sceptique, la presse dénonce une soutien auprès du Fonds monétaire international (FMI). opération à deux vitesses. Ensuite, plusieurs journalistes Le 2 juillet, l’institution lui a accordé un prêt de 70 milsont poursuivis devant la justice pour avoir traité de cette
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
1er janvier 1960 Indépendance. Ahmadou Ahidjo devient président le 5 mai. 4 novembre 1982 Démission d’Ahmadou Ahidjo. Paul Biya lui succède. 14 janvier 1984 Paul Biya est élu président. 1er mars 1992 Premières législatives pluralistes. 30 juin 2002 Le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) remporte les législatives. 11 octobre 2004 Réélection de Biya (75 % des voix). Ephraïm Inoni est nommé Premier ministre.
Le pays en bref
■ Superficie 475440 km2. ■ Population 19 millions d’hab. ■ Croissance démographique 2 %.
124
■ Densité de population 40 hab./km2. ■ Population urbaine 56,9 %. ■ Espérance de vie 50,8 ans. ■ Alphabétisation 67,9 %. ■ Indice de développement humain
(2009) IDH: 0,523 – Rang: 153/182.
■ Langues Français, anglais (officielles),
ewondo, bulu, peul, bamiléké, douala, bassa… ■ Peuplement Ewondos, Peuls, Betis-Bulus, Bamilékés, Doualas, Bassas… ■ Religions Animistes, chrétiens, musulmans. ■ Monnaie Franc CFA. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 655,96 F CFA; 1 $ = 446,34 F CFA. ■ PIB par habitant 1115 $. ■ Répartition du PIB Primaire 22,7 %; secondaire 30,2 %; tertiaire 47,1 %.
PIB (en milliards de dollars) 18
20,4
23,7
22,2
Taux de croissance (en %) 3,2
3,3
2,9
2
2006
2007
2008
2009
■ Inflation 3 %.
■ Investissements directs étrangers
260 millions de $.
■ Exportations 4,3 milliards de $.
■ Importations 4,3 milliards de $.
■ Principales ressources Pétrole, bois,
coton, café, cacao.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
D
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
125
CAMEROUN
L’opération « Épervier » continue
AFRIQUE CENTRALE
À quelques réglages techniques et financiers près, le liards de F CFA (144 millions de dollars), pour lui permetlancement des travaux de la centrale thermique à gaz tre de tenir ses engagements. Mais les économistes ne se de Kribi serait imminent, selon les autorités. Elle sera sont pas accordés sur l’opportunité de ce réendettement. construite à proximité de la ville balnéaire et sera livrée Certains experts estimaient que, au regard de sa posivers la fin de 2011, selon la Kribi Power Development tion financière, l’État n’avait pas besoin de financements Corporation (KPDC), la filiale de l’électricien AES-Sonel, supplémentaires du FMI, dont la doctrine et les modèles qui en est le maître d’œuvre. La centrale comprendra opératoires sont parfois jugés inappropriés aux besoins 13 moteurs de 16,6 MW chacun. D’un coût total estimé à de l’économie du pays. Pourtant le gouvernement n’est 160 milliards de F CFA, elle devrait permettre d’accroître pas revenu sur sa décision, bien décidé à profiter de ce l’offre d’énergie de 216 MW. concours financier pour poursuivre sa politique de soutien Selon les termes des conventions signées en janà la consommation. En effet, pour juguler la forte hausse vier 2008 et mars 2009, KPDC devrait acheter auprès des prix des produits de première nécessité, les autorités de la Société nationale des hydrocarbures (SNH) du gaz ont décidé d’agir sur les tarifs douaniers et la fiscalité. Les naturel habituellement torché au-dessus des puits de exonérations ont infléchi la tendance, mais ont réduit les pétrole. L’énergie produite devrait être vendue à AESrecettes de l’État. Sonel, qui en assurera la distribution à travers le réseau Pour se mettre à l’abri d’autres crises, le gouvernement camerounais. La nouvelle centrale va permettre de résorentend poursuivre la modernisation de l’appareil de prober le déficit énergétique que connaît le pays depuis les duction pour le rendre plus compétitif. Jean Nkuete, viceannées 2000 et, pourquoi pas, d’exporter de l’électricité Premier ministre chargé de l’Agriculture, a annoncé avoir vers les pays voisins. ■ achevé en juillet 2009 des études portant sur la création d’une banque agricole. Le projet est crucial car, d’année en année, le Cameroun importe davantage de denrées alimentaires pour nourrir sa personnalités, dont des ministres ans son discours du population. Yaoundé importe 120000 en fonction, directeurs généraux, 31 décembre 2009, Paul Biya tonnes de maïs par an et achète du riz parlementaires et hauts a annoncé aux Camerounais que à l’extérieur. Et, pour faire face à une fonctionnaires. En décembre, l’opération « Épervier » pénurie de sucre qui s’est déclarée en continuerait envers et contre tout. Édouard Etondé Ekoto et Alphonse octobre 2009, il a fallu en commanSiyam Siwé, respectivement PCA et Arrêter, juger et emprisonner des der 10 000 tonnes à un producteur DG du Port autonome de Douala, ministres, directeurs généraux congolais. C’est en grande partie en sont placés en détention. En 2008, (DG), députés, pour détournement raison de cette dépendance alimenc’est au tour de Jean-Marie de deniers publics, qu’ils soient taire accrue que le pays doit la hausse proches collaborateurs ou non, n’a Atangana Mebara, ex-secrétaire de ses déficits. général de la présidence, d’Urbain pas ébranlé le régime de Yaoundé Un document de stratégie pour la Olanguena Awono, ex-ministre de dans ses fondements. Bien au croissance et l’emploi, centré sur la la Santé publique, de Polycarpe contraire, les procès ont rehaussé création de richesse, a été élaboré. Abah Abah, ex-ministre de la cote de popularité du président Le plan repose principalement sur l’Économie et des Finances, et de auprès de la population. De le retour de l’investissement public Zacchaeus Mungwe Forjindam, DG même, les bailleurs de fonds ont à travers la mise en place de grands des Chantiers naval et industriel applaudi la campagne projets, lors de la prochaine décendu Cameroun, d’être appréhendés. d’assainissement. nie : construction du port en eau En 2009, l’opération a connu un En 2006, Emmanuel Gérard profonde de Kribi, qui pourrait créer léger ralentissement. Seuls Paul Ondo Ndong, DG du Fonds spécial 20000 emplois; mise en eau des barNgamo Hamani, ancien d’équipement et d’intervention rages de Lom Pangar et de Memve’ele administrateur de la Cameroon intercommunal (Feicom), Gilles et construction des centrales de Airlines, Jérôme Mendouga, Roger Belinga, DG de la Société Nachtigal, Song Mbengue, Warak, ex-ambassadeur à Washington, et immobilière du Cameroun (SIC), Colomines, Ndockayo, qui devront Jean-Baptiste Nguini Effa, DG de Joseph Edou et André Booto porter les capacités de production la Société camerounaise des à Ngon, respectivement DG et électriques du pays à 3000 MW. Par dépôts pétroliers (SCDP) ont été président du conseil ailleurs, l’exploitation du gisement de arrêtés. Depuis janvier, elle a d’administration (PCA) du Crédit fer de Mbalam (Sud-Est, quatrième foncier du Cameroun, sont arrêtés, toutefois donné un coup réserve mondiale avec 2400 millions d’accélérateur avec l’arrestation jugés et condamnés après de tonnes de minerai) devrait débuter de Haman Adama, ex-ministre de plusieurs mois de procédure. en 2012. Le joint-venture camerounol’Éducation de base, de Catherine En septembre 2007, le vicecoréen C&K Mining devrait exploiter Abena, récemment limogée de son Premier ministre chargé de la dès la fin de 2010 le gisement diaposte de secrétaire d’État à Justice, Amadou Ali, demande à mantifère de Mobilong (Est), riche un cabinet privé, piloté par Francis l’Enseignement secondaire, et de de 736 millions de carats. Enfin, on Henri Engoulou, ancien ministre Dooh Collins, d’enquêter sur le prévoit l’aménagement de 1 000 km du Budget. ■ patrimoine d’une soixantaine de de voies ferrées ou la construction du yard pétrolier de Limbé…
RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE
Instabilité persistante
L
CAMEROUN
incidents ont été signalés, notama Commission électorale indé300 km ment dans la région des trois frontièpendante (CEI) a finalement TCHAD TCH res que partage la Centrafrique avec décidé le 29 avril 2010 de reporle Tchad et le Soudan. Plusieurs de ter les élections présidentielle et SOUDAN ces accrochages sont à mettre sur le législatives, initialement prévues compte de la Convention des patriopour le 16 mai, à une date qui n’était tes pour la justice et la paix (CPJP), pas encore fixée au moment où nous RÉ RÉPUBLIQUE un mouvement apparu à la fin de mettions sous presse. Cette décision CENTRAFRICAINE 2008 et qui a revendiqué plusieurs constitue un premier épilogue à la Bangui Berberati attaques contre la ville de Ndélé, en longue bataille qui a opposé durant 2009. Des travailleurs humanitaires tout le début de l’année 2010 le préRÉPUBLIQUE français ont été enlevés. Pour ne rien sident sortant, François Bozizé, canDÉMOCRATIQUE DU CONGO CONGO arranger, les combattants de l’Armée didat à sa propre succession, et le de résistance du Seigneur ouganCollectif des forces du changement, daise (LRA) ont depuis plusieurs mois installé leurs bases qui regroupe la principale coalition d’opposition, l’Union arrière dans le nord de la RD Congo et effectuent de des forces vives de la nation (UFVN), et les mouvements fréquentes incursions en Centrafrique, où ils se rendent politico-militaires ayant intégré le processus de paix. coupables de vols et de meurtres. L’armée ougandaise L’espoir né, fin 2008, de la tenue du Dialogue politique les pourchasse jusque sur le territoire centrafricain et inclusif (DPI) aura donc été de courte durée. L’année a même affirmé y avoir tué, en janvier 2010, le numéro 2009 avait pourtant plutôt bien commencé. Dès le mois deux de la LRA. Enfin, les Faca, qui ne contrôlent pas de février étaient désignés les membres du Comité de tout le territoire, sont régulièrement accusées d’exactions suivi du DPI, conformément aux recommandations contre les civils. formulées en présence de tous les acteurs (y compris En matière de gouvernance, des réformes ont certes été d’Ange-Félix Patassé, l’ancien président revenu de son engagées pour assainir les finances publiques et redresser exil au Togo) deux mois plus tôt. Au même moment avait l’économie (la croissance s’est maintenue à 1,7 % en 2009, lieu la toute première réunion du comité de pilotage soit un niveau très légèrement supérieur à celui de l’année du programme de Désarmement, Démobilisation et précédente). Mais, dans la pratique, les dérapages ont Réinsertion (DDR). Quelques jours plus tard, le recenseencore été très nombreux et les quatre filières traditionment des anciens rebelles était lancé pour leur permetnellement créatrices de richesse que sont le diamant, le tre, à terme, de rejoindre les rangs des Forces armées bois, le coton et l’élevage en ont encore souffert. Quant centrafricaines (Faca). aux projets d’investissements qui avaient été conclus Mais à la mi-2010, la situation sécuritaire est à noudans le secteur minier, ils ont pris du retard. La faute, là veau très préoccupante : les principaux groupes rebelles encore, à l’insécurité juridique. Ainsi, le démarrage de la signataires de l’accord de paix de Libreville, en novemproduction d’uranium sur le site de Bakouma, initialebre 2008, ont certes suspendu leurs activités, mais le ment prévu en 2012, pourrait être reporté. ■ processus de DDR est long et coûteux, et de nombreux
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie 13 août 1960 Indépendance. David Dacko est élu président. 1er janvier 1966 Coup d’État de Bokassa. 20-21 septembre 1979 Coup d’État. Dacko reprend le pouvoir. 1er septembre 1981 André Kolingba devient chef de l’État. 19 septembre 1993 Ange-Félix Patassé est élu président. Il est réélu en septembre 1999. 15 mars 2003 Putsch de François Bozizé. 24 mai 2005 Bozizé élu avec 64 % des voix contre l’ex-Premier ministre Martin Ziguélé.
Le pays en bref
■ Superficie 622980 km2. ■ Population 4,4 millions d’hab. ■ Croissance démographique 1,9 %.
126
■ Densité de population 7 hab./km2.
■ Population urbaine 38,5 %.
■ Espérance de vie 45,1 ans. ■ Alphabétisation 48,6 %.
■ Indice de développement humain
(2009) IDH: 0,369 – Rang: 179/182.
■ Langues Français (officiel), sango,
zandé… ■ Peuplement Gbayas, Bandas, Yakomas, Sangos… ■ Religions Catholiques, protestants, musulmans. ■ Monnaie Franc CFA. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 655,96 F CFA; 1 $ = 446,34 F CFA. ■ PIB par habitant 447 $. ■ Répartition du PIB Primaire 56,6 %; secondaire 13,6 %; tertiaire 29,8 %.
PIB (en milliards de dollars) 1,4
2
2
1,7
Taux de croissance (en %) 3,8
2006
3,7 2007
2,2
1,7
2008
2009
■ Inflation 3,5 %.
■ Investissements directs étrangers
121 millions de $.
■ Exportations 195 millions de $.
■ Importations 310 millions de $.
■ Principales ressources Agriculture
(coton), diamant, bois.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
Sassou Nguesso confirmé
L
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
15 août 1960 Indépendance. Fulbert Youlou devient président de la République. 18 mars 1977 Assassinat de Marien Ngouabi. Joachim Yhombi-Opango lui succède. 5 février 1979 Yhombi-Opango est destitué. Denis Sassou Nguesso lui succède. 16 août 1992 Victoire de Pascal Lissouba à la présidentielle. 1993-1994 Guerre civile. 25 octobre 1997 Denis Sassou Nguesso s’investit président. Il est élu le 10 mars 2002. 12 juillet 2009 Réélection de Sassou Nguesso.
Le pays en bref ■
Superficie 342000 km2.
■ Population 3,7 millions d’hab.
■ Croissance démographique 2,1 %.
■ Densité de population 11 hab./km2.
■ Population urbaine 61,3 %.
■ Espérance de vie 55,6 ans.
■ Alphabétisation 81,1 %.
■ Indice de développement humain
(2009) IDH: 0,601 – Rang: 136/182. ■ Langues Français (officiel), lingala, kikongo, téké… ■ Peuplement Kongos, Tékés, Laris, Mbochis… ■ Religions Chrétiens, musulmans. ■ Monnaie Franc CFA. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 655,96 F CFA; 1 $ = 446,34 F CFA. ■ PIB par habitant 2537 $. ■ Répartition du PIB Primaire 9,2 %;
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
PIB (en milliards de dollars) 7,8
10,8
7,7
Taux de croissance (en %) 6,2 2006
– 1,6 2007
5,6 2008
9,5
7,6
2009
secondaire 70,5 %; tertiaire 20,3 %.
■ Inflation 6,9 %.
■ Investissements directs étrangers
4,3 milliards de $.
■ Exportations 9 milliards de $.
■ Importations 3 milliards de $.
■ Principales ressources Bois, pétrole.
127
R ÉP U B L I Q U E C E N TR AFR I C A I N E – C O N G O
’année 2010 devrait être « proculation routière, une fois la route 200 km RÉP.CENTRAF. pice » au Congo. C’est du moins Brazzaville-Pointe-Noire achevée. CAMEROUN CAM ce qu’a assuré le chef de l’État Par ailleurs, l’amnistie de l’excongolais, Denis Sassou Nguesso président Pascal Lissouba, en exil (DSN), dans son message de vœux depuis 1997 et poursuivi pour haute adressé à la nation, six mois après trahison et détournements de fonds CONGO sa réélection à la tête du pays, le publics, devrait être acquise en 2010. GABON 12 juillet 2009, avec 78,6 % des Sassou Nguesso s’y est engagé et, le suffrages. Si aucun enjeu politique 15 décembre 2009, le Sénat a adopté Océan majeur ne se profile à l’horizon, des une loi dans ce sens. Autre dossier Atlantique Brazzaville dossiers restent toutefois à régler. Sur délicat, sur le plan externe cette RÉPUBLIQUE Pointe-Noire DÉMOCRATIQUE le plan interne d’abord, avec l’équafois : celui de l’afflux, dans la région DU CONGO CABINDA (Angola) tion Ntumi, dernier point noir pour le d’Impfondo, dans le nord du pays, de régime. Après le ralliement des prinquelque 90 000 réfugiés venus de la cipaux « opposants » au camp présidentiel, dont celui, en RD Congo, après les affrontements meurtriers qui ont eu 2005, de Bernard Kolélas (décédé le 12 novembre 2009), lieu en 2009 à Dongo, dans la province de l’Équateur, ex-opposant et leader du Mouvement congolais pour la entre Enyeles et Munzayas. démocratie et le développement intégral, et de son fils, Reste que la paix ne deviendra vraiment une réalité que Guy Brice Parfait Kolélas, il reste à obtenir celui du passi la situation socio-économique s’améliore. Une grande teur Ntumi, alias Frédéric Bintsamou, chef du Conseil majorité de Congolais n’a pas encore accès à l’éducation, national des républicains (CNR). Certes ce dernier, réfuaux services de santé, à l’eau et à l’électricité. Selon le gié depuis douze ans dans son fief du Pool (Sud), est ministre de l’Énergie, l’alimentation en eau et en électrirevenu à Brazzaville le 28 décembre 2009 pour y assumer cité des grandes villes devrait s’améliorer en 2010 grâce les fonctions de délégué général chargé de la Paix et de à l’implantation de microcentrales hydroélectriques en la Réparation des séquelles de la guerre. Mais l’homme milieu rural, la construction de la centrale à gaz de Pointen’en est pas à un revirement près. Nommé en mai 2007 Noire et la mise en fonctionnement de la centrale hydropar un décret présidentiel à ce poste en vertu des accords électrique d’Imboulou. de paix de 2003, il n’avait jusqu’à présent pas encore pris Sur le plan économique, le grand enjeu de 2010 reste le ses fonctions. point d’achèvement de l’Initiative PPTE, qui assurera une Pourtant, la paix dans le Pool est aujourd’hui cruciale. remise d’au moins 90 % de la dette extérieure du pays, Il y a peu de temps encore, la région restait difficile à traestimée à 5,5 milliards de dollars. Une échéance maintes verser, les trains du Chemin de fer Congo-Océan (CFCO) fois reportée en raison de problèmes de « gouvernance ». étant fréquemment attaqués par les miliciens Ninjas, issus Cette fois, les autorités promettent de faire des efforts, de l’ex-branche armée du CNR. La stabilisation de la zone notamment en matière de lutte contre la corruption. Le pourrait permettre d’améliorer le transit ferroviaire entre taux de croissance s’élevait à 7,6 % en 2009, et devrait se la capitale et son port maritime, et de fluidifier la cirmaintenir à ce niveau en 2010. ■
AFRIQUE CENTRALE
CONGO
RD CONGO
Les chantiers de Kabila en question
I
équation complexe. Les FARDC l y a plus d’un an, le 20 janRÉP.CENTRAFRICAINE SOUDAN CAM. comptent dans leurs rangs d’anvier 2009, les Forces armées ciens rebelles, intégrés après les de RD Congo (FARDC) lanKisangani accords de paix successifs. La çaient une opération conjointe OUGANDA CON CONGO corruption gangrène l’armée. avec leur voisin rwandais dans Goma Certains gradés détournent la la province du Nord-Kivu, dans RWANDA ON Kinsha GABON Kinshasa RÉPUBLIQUE BURUNDI solde de leurs troupes. Difficile, l’est du pays. Baptisée « Umoja DÉMOCRATIQUE dans ces conditions, de dispoWetu » (« notre unité », en DU CONGO TANZANIE Océan ser d’hommes efficaces et disswahili), elle avait pour but de Atlantique ciplinés. traquer les membres des Forces Lubumbashi À K i n sha sa, l’opérat ion démocratiques de libération du ANGOLA « Umoja Wetu » a déclenché Rwanda (FDLR). Ce groupe de 400 km ZAMBIE une tempête, car s’il est un quelque 6 500 rebelles hutus, thème qui fédère la classe polidont certains ont participé au tique congolaise, c’est bien celui de la défiance à l’égard de génocide de 1994, s’était réfugié en RD Congo après les Kigali. Le Rwanda est accusé d’entretenir la guerre dans massacres. l’est du pays pour profiter de ses formidables ressources L’opération a eu pour résultat immédiat l’arrestation minières (or et coltan notamment). Scellée sous la pression de Laurent Nkunda. À la tête du Congrès national pour des États-Unis, l’alliance militaire avec le Rwanda s’est la défense du peuple (CNDP), cet ex-général tutsi des faite dans le plus grand secret. Le Parlement s’est senti FARDC justifiait la guerre qu’il avait relancée dans l’est de trahi. Pour avoir critiqué l’entrée des troupes rwandaises la RD Congo (en octobre 2008) par la présence des FDLR. dans le pays, le président de l’Assemblée nationale, Vital Achevée en février, l’offensive a été suivie par une autre Kamerhe, membre du Parti du peuple pour la reconstrucopération militaire, « Kimia II » (« la paix », en swahili et tion et le développement (PPRD, au pouvoir), a même été en lingala). Lancée en mai avec le soutien de la Mission contraint de démissionner, en mars, remplacé au perchoir des Nations unies en RD Congo (Monuc), elle a pris fin par Evariste Boshab. en décembre. Puis l’opération « Amani Leo » (« la paix Avec le départ de Kamerhe, qui partage désormais son aujourd’hui », en swahili) a pris le relais en janvier 2010. temps entre la RD Congo et l’Afrique du Sud sans mener Au total, quelque 2000 membres des FDLR auraient été ouvertement d’activités politiques, le paysage politique rapatriés au Rwanda en 2009. Mais malgré les succès milicongolais paraît bien atone. Bien que membre du PPRD, taires annoncés, les organisations de défense des droits de Kamerhe avait pris l’habitude d’afficher publiquement ses l’homme ont dénoncé le lourd tribut payé par la populadivergences avec le gouvernement. L’opposition apparaît tion lors des offensives. Selon Human Rights Watch, elles plus que jamais affaiblie. Le premier parti d’opposition, ont conduit au massacre délibéré de 1 400 civils entre le Mouvement de libération du Congo (MLC), a perdu janvier et septembre 2009. La Monuc est par ailleurs de son poids depuis que son chef, l’ancien vice-président accusée de complicité, ayant apporté un appui logistique à « Kimia II ». L’État congolais est confronté à une Jean-Pierre Bemba, est incarcéré à La Haye, accusé par la
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
30 juin 1960 Indépendance. Joseph KasaVubu est président, Patrice Lumumba Premier ministre (assassiné le 17 janvier 1961). 24 novembre 1965 Coup d’État de JosephDésiré Mobutu qui se proclame président. 17 mai 1997 Soutenu par le Rwanda et l’Ouganda, Kabila renverse Mobutu. 16 janvier 2001 Assassinat de LaurentDésiré Kabila. Son fils Joseph lui succède. 29 octobre 2006 Élection de Joseph Kabila. 22 janvier 2009 Arrestation du chef rebelle Laurent Nkunda.
Le pays en bref
■ Superficie 2344860 km2. ■ Population 64,2 millions d’hab. ■ Croissance démographique 3,2 % ■ Densité de population 28 hab./km2.
128
■ Population urbaine 33,9 %. ■ Espérance de vie 46,8 ans. ■ Alphabétisation 67,2 %. ■ Indice de développement humain (2009)
IDH: 0,389 – Rang: 176/182. ■ Langues Français (officielle), lingala, swahili, kikongo, tshiluba… ■ Peuplement Lubas, Kongos, Mongos, Zandés, Rundis, Tékés, Bwas, Tchokwés, Ngalas… ■ Religions Catholiques, protestants, animistes, musulmans. ■ Monnaie Franc congolais. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 1149,60 francs congolais; 1 $ = 800,20 francs congolais. ■ PIB par habitant 171 $. ■ Répartition du PIB Primaire 25,6 %; secondaire 26,3 %; tertiaire 48,1 %.
PIB (en milliards de dollars) 11,6 8,8
10
11,1
Taux de croissance (en %) 5,6
6,2
6,1
2006
2007
2008
2,8 2009
■ Inflation 46,2 %.
■ Investissements directs étrangers
1 milliard de $.
■ Exportations 3,9 milliards de $.
■ Importations 4,1 milliards de $.
■ Principales ressources Cuivre, diamant,
or, agriculture et pêche.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
Le procès de l’année
I
129
RD CONGO
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
AFRIQUE CENTRALE
Cour pénale internationale de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité (voir encadré). nitialement prévu le 27 avril, le d’être l’auteur direct des Qui sera, dans ces conditions, en procès de Jean-Pierre Bemba a massacres, le patron du MLC est mesure d’être candidat face à Joseph été reporté au 5 juillet. Arrêté en accusé d’en être responsable en Kabila en 2011? Si toutefois les élecmai 2008 à Bruxelles, le chef du raison de la fonction de chef tions se tiennent. En effet, un proMouvement de libération du militaire qu’il occupait à l’époque. longement de deux ans du mandat Congo (MLC) devrait enfin Que risque Jean-Pierre Bemba ? présidentiel (de cinq ans aujourd’hui), comparaître devant la Cour pénale La CPI n’ayant encore prononcé prenant prétexte de la guerre et du internationale (CPI), à La Haye. Les aucune condamnation, il est manque de moyens, n’est pas exclu. audiences seront publiques et difficile de le dire. Néanmoins, la En attendant, le gouvernement a retransmises sur internet. bataille n’est pas gagnée pour le été remanié le 19 février 2010. Si le Luis Moreno-Ocampo, le procureur procureur. Au départ, Luis Premier ministre, Adolphe Muzito, de la CPI, accuse Jean-Pierre Moreno-Ocampo avait imputé figure pourtant très controversée, a Bemba de crimes de guerre et de huit chefs d’accusation à l’ancien été reconduit, vingt nouvelles personcrimes contre l’humanité. Ces vice-président congolais. Après nalités ont fait leur entrée. actes, dont des viols, auraient été plusieurs examens du dossier, En 2006, le processus électoral commis par ses troupes en les juges de la CPI en ont (législatives et présidentielle) avait Centrafrique, en 2002 et 2003. finalement éliminé trois. Mais coûté 370 millions de dollars. Il avait À l’époque, le MLC était un il semble difficile pour Jeanété financé par les bailleurs de fonds. mouvement militaire. À sa tête, Pierre Bemba, challenger de Ces derniers seront-ils prêts à mettre Jean-Pierre Bemba avait été Joseph Kabila en 2006, d’être une nouvelle fois la main au porteappelé en renfort par le président candidat à la présidentielle de feuille? Il leur est impossible d’ignocentrafricain de l’époque, 2011. Si elle est maintenue, elle rer la RD Congo : le pays compte un Ange-Félix Patassé, confronté à aura lieu un an après l’ouverture dixième des réserves mondiales de une rébellion. S’il n’est pas accusé de son procès. ■ cuivre et 34 % de celles de cobalt, il fait partie des plus peuplés d’Afrique (65 millions d’habitants) et, avec ses prêt, de 79 millions de dollars, a été décaissée en décemneuf frontières, s’impose comme un pivot pour le contibre 2009. nent. Néanmoins, les contributeurs s’impatientent de voir À long terme, l’amélioration de la situation économique les réformes et la reconstruction du pays aboutir. est l’une des conditions pour la pacification du pays. Mais à En 2006, Joseph Kabila a été élu sur le programme des court terme, la présence de la Monuc permet d’assurer un « cinq chantiers »: reconstruire les infrastructures routièsemblant de sécurité. Son mandat lui prescrit de protéger res, quasi inexistantes ou dans un état calamiteux; rendre les civils, d’appuyer l’armée dans l’élimination des menaces les systèmes de santé et d’éducation accessibles au plus rebelles, de soutenir le renforcement des institutions et la grand nombre; donner un toit décent à ceux qui n’en ont réforme de la sécurité. Une tâche qu’elle tente d’accomplir pas; instaurer des réseaux de distribution d’eau et d’élecavec quelque 20000 hommes (de 50 nationalités différentricité dignes de ce nom ; créer des emplois. La tâche est tes) et 90 bases réparties sur le territoire (dont 60 dans le immense et l’année 2010 sera cruciale pour le bilan de Nord-Kivu et dans le Sud-Kivu). En décembre, la Monuc Joseph Kabila. est ainsi intervenue en renfort des FARDC et de la police La situation économique ne joue pas en sa faveur. Fin nationale après les affrontements entre milices sur fond de 2008 et tout au long de l’année 2009, la RD Congo a soufquerelles ethniques dans la région de l’Équateur (Ouest). fert de la crise. Le secteur minier, première activité écoSi les forces onusiennes et loyalistes n’ont pu empêcher la nomique, a été particulièrement touché. L’effondrement fuite de quelque 100000 habitants au Congo-Brazzaville, des cours des métaux a conduit plusieurs compagnies elles ont réussi à rétablir un semblant de calme. à fermer leurs usines ou à réduire leur production. De Pour autant, la présence de la Monuc dans le pays ne 6,1 % en 2008, la croissance est passée à 2,8 % en 2009. fait pas l’unanimité. Voilà dix ans qu’elle a été créée. En Les fondamentaux macroéconomiques sont très fragiles. 2009, les autorités lui ont demandé de présenter un plan En 2009, le taux d’inflation a été particulièrement élevé: de départ progressif. Il devra être remis avant le 30 juin 46,2 % sur l’année. 2010, date symbolique du cinquantième anniversaire de Une bouffée d’oxygène s’annonce cependant. Après des l’indépendance. Parmi les pays contributeurs, une certaine mois de bataille, les pays créanciers du Club de Paris, le lassitude se fait également sentir. La Monuc est la mission Fonds monétaire international (FMI) et la Banque monde maintien de la paix la plus importante dans le monde diale ont accepté, en décembre 2009, le principe d’une à l’heure actuelle. Son budget est colossal : 3,5 milliards annulation de la dette extérieure colossale du pays. de dollars pour la seule période allant de juillet 2009 à fin D’un montant total de 13 milliards de dollars, elle pourmai 2010. Son mandat, qui devait expirer le 31 décembre rait être ramenée à 4 milliards de dollars à la mi-2010. 2009, est en effet régulièrement prolongé. Néanmoins, Parallèlement, le FMI a mis à la disposition de Kinshasa après dix ans et des résultats mitigés, la question du retrait un prêt de 550 millions de dollars sur trois ans pour soudes Casques bleus est posée avec plus d’acuité. En attentenir le pays dans la mise en œuvre de son programme dant, la guerre est toujours là. ■ de développement. La première des sept tranches du
GABON
Ali Bongo Ondimba, l’héritier
L
’année passée aura été très 100 km mouvementée pour ce petit GUINÉE émirat pétrolier d’Afrique ÉQUATORIALE centrale. Le premier coup de tonOcéan Libreville nerre est intervenu le 14 mars Atlantique 2009: éloignée du pays depuis plusieurs années à cause d’une Port-Gentil Port-G pathologie dite « orpheline » et hospitalisée à Rabat (Maroc), Edith Lucie Bongo Ondimba, 44 ans, épouse d’origine congolaise du chef de l’État, décède. À l’image du « Boss », le pays semble alors en état de choc. Les obsèques officielles mobilisent toutes les forces du pays, dans une union sacrée. Pouvoir et opposants communient pendant le deuil. Les funérailles de la première dame se tiennent en présence des présidents de la sous-région. Le 22 mars, lors de l’inhumation à Oyo, au Congo, Omar Bongo Ondimba (OBO), 74 ans, montre déjà d’inquiétants signes de dégradation physique. Après le deuil marathon, le président s’économise et n’apparaît plus à la télévision. Ses proches le disent accablé par la presse internationale qui se fait l’écho de l’affaire dite « des biens mal acquis ». Début mai 2009, Françoise Desset, la doyenne des juges d’instruction du pôle financier de Paris, juge en effet recevable la plainte déposée, notamment par Transparency International (TI), en décembre 2008 pour « recel de détournement de fonds publics » visant le président gabonais et ses homologues congolais, Denis Sassou Nguesso, et équato-guinéen, Teodoro Obiang Nguema. D’après l’ONG, le patrimoine immobilier des trois chefs d’État en France s’élèverait à 160 millions d’euros. Un reportage diffusé sur la chaîne du service public France 2 n’hésite pas à montrer certains des biens visés, provoquant un incident diplomatique entre Paris et Libreville. Le Gabon
dénonce une tentative de déstabilisation. De leur côté, les autorités françaises invoquent l’indépendance de la justice et la liberté de la presse. Mais Omar Bongo Ondimba GABON est déjà au plus mal. Dans la nuit du 5 au 6 mai, le chef de Franceville l’État est accueilli dans la clinique Quiron, à Barcelone, pour s’y faire soigner. Il décède finalement le 8 juin, plongeant CONGO le Gabon dans l’incertitude. Le président n’ayant ni adoubé de dauphin ni rédigé le moindre testament politique, les observateurs craignent alors le pire. Le ministre de la Défense nationale, Ali Bongo Ondimba, décrète la fermeture des frontières. Le 10 juin, Rose Francine Rogombé, présidente du Sénat âgée de 66 ans, est désignée chef de l’État par intérim. Les obsèques d’Omar Bongo Ondimba se déroulent sur fond de luttes intestines entre différents clans regroupés autour de dignitaires du régime prétendant à la succession. Le Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir) met en place une instance chargée de désigner le candidat du parti à l’élection présidentielle. Ali Bongo Ondimba, le fils du président défunt, est alors choisi. Ses concurrents, Jean Eyeghe Ndong, vice-président du PDG et Premier ministre d’OBO, Casimir Oyé Mba, membre du Bureau politique, ancien chef du gouvernement et ministre d’État chargé des Mines, Daniel Ona Ondo, vice-président de l’Assemblée nationale et ancien ministre de l’Enseignement supérieur, ne peuvent s’y résigner. Après avoir claqué la porte du parti, ils ne sont pas reconduits dans le nouveau gouvernement dirigé par Paul Biyoghe Mba et décident de se porter candidats indépendants à la présidentielle. Quant CAMEROUN
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
17 août 1960 Accession à l’indépendance. 13 février 1961 Léon M’Ba devient président. 18 février 1964 Tentative de putsch. 28 novembre 1967 Mort de Léon M’Ba. Albert-Bernard (Omar) Bongo lui succède. 15 juin 1968 Création du Parti démocratique gabonais (PDG), parti unique. 1990 Conférence nationale, multipartisme. 27 novembre 2005 Réélection pour sept ans d’Omar Bongo Ondimba. 8 juin 2009: Mort d’Omar Bongo Ondimba. Son fils, Ali est élu président le 30 août.
Le pays en bref
■ Superficie 267670 km2. ■ Population 1,4 million d’hab. ■ Croissance démographique 1,5 %.
130
■ Densité de population 5 hab./km2.
■ Population urbaine 85,1 %. ■ Espérance de vie 57,3 ans.
■ Alphabétisation 86,2 %.
■ Indice de développement humain
(2009) IDH: 0,755 – Rang: 103/182.
■ Langues Français (officielle), fang,
pounou, myéné, téké, kota… ■ Peuplement Fangs, Pounous, Tékés, Myénés, Echiras, Adoumas, Kotas… ■ Religions Animistes, catholiques, protestants. ■ Monnaie Franc CFA. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 655,96 F CFA; 1 $ = 446,34 F CFA. ■ PIB par habitant 7468 $. ■ Répartition du PIB Primaire 5,3 %; secondaire 63,7 %; tertiaire 31 %.
PIB (en milliards de dollars) 9,5
11,6
14,5
11
Taux de croissance (en %) 1,2 2006
5,6 2007
2,3
– 1,5
2008
2009
■ Inflation 2,1 %.
■ Investissements directs étrangers
20 millions de $.
■ Exportations 8,7 milliards de $.
■ Importations 2,4 milliards de $. ■ Principales ressources Pétrole,
manganèse, bois, diamant.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
À
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
131
GAB O N
Scandale à la Beac
AFRIQUE CENTRALE
un Gabon exempt de corruption et d’injustice. Je veux un au ministre de l’Intérieur, André Mba Obame, lui aussi Gabon où les élites circulent et se renouvellent », clame le candidat indépendant, il a refusé de postuler à l’investiture nouveau président dans son discours d’investiture. du parti au pouvoir, estimant la partie jouée d’avance. Le 29 octobre, la cour d’appel de Paris juge irrecevable Vingt-trois candidatures sont retenues par la Commission la plainte déposée par Transparency, estimant que l’ONG électorale nationale autonome et permanente (Cenap) n’a subi aucun préjudice personnel direct de la corruption en vue de la présidentielle fixée au 30 août. Ali Bongo qu’elle entend dénoncer. Les relations avec la France se Ondimba, 50 ans, est présenté comme le favori. S’ouvre normalisent. Au même moment, Paris choisit de conseralors une campagne aussi intense que dispendieuse à traver sa base militaire de Libreville. Les accords de défense vers le pays. Le 28 août, un communiqué annonce le désisseront néanmoins renégociés. tement de onze candidats en faveur d’André Mba Obame, Sur le plan économique, 2009 n’a pas été un millésime mais, quelques heures plus tard, quatre d’entre eux démenheureux pour le Gabon. Compte tenu de la maladie du tent la nouvelle. Tous les candidats se rejoignent dans leur président, des longues semaines de deuil national, puis désir de changement, jusqu’au fils Bongo, qui se présente de la périlleuse transition et de la contestation violente lui-même comme le héraut de la rupture. des résultats de la présidentielle, le pays a très souvent À l’issue du scrutin à un seul tour, Ali Bongo Ondimba été à l’arrêt. Le projet d’exploitation du gisement de fer de est désigné vainqueur avec 41,73 % des suffrages. Ses deux Belinga n’a toujours pas démarré. Le contrat signé avec les principaux adversaires, André Mba Obame (25,88 %) et opérateurs chinois en 2006 pourrait même être renégocié le leader de l’UPG (Union du peuple gabonais), Pierre à la demande du gouvernement gabonais, agacé par les Mamboundou (25,22 %), refusent de reconnaître la vicretards du consortium adjudicataire de la concession. toire du candidat du PDG. Des violences éclatent dans la ville pétrolière de Port-Gentil, qui a massivement voté Mamboundou. Le consulat de France est incendié. L’ancienne puissance coloniale est peine élu à la tête du pays, indépendant sont interpellées et accusée d’avoir soutenu le fils d’Omar Ali Bongo Ondimba a trouvé gardées en détention préventive Bongo Ondimba. Bilan des émeutes: à l’ordre du jour de son tout au Gabon. trois morts, selon le gouvernement, premier Conseil des ministres Mis en cause, le directeur de tandis que l’opposition parle d’une le premier scandale de sa cabinet du président, Jean-Pierre quinzaine de personnes décédées. présidence. Révélés par Jeune Oyiba, a également démissionné, L’état d’urgence est décrété. Saisie Afrique (n° 2540), des en novembre, pour se consacrer à de plusieurs recours en annulation détournements perpétrés au sa défense. Mais la prompte du scrutin, la Cour constitutionnelle Bureau extérieur de Paris de la réaction d’Ali Bongo Ondimba n’a se prononce pour un recomptage Banque des États de l’Afrique finalement pas été payée de des voix et confirme l’élection d’Ali centrale (Beac) ont mis en cause retour: ses homologues de la Bongo Ondimba, avec 41,79 % des plusieurs ressortissants gabonais. Communauté économique et voix. L’opposant historique Pierre Dans les faits, de 2004 à monétaire de l’Afrique centrale Mamboundou arrive deuxième du juillet 2008, 2400 chèques (Cemac) ont décidé que le poste de scrutin, avec 25,64 % des voix, et frauduleux ou suspects ont été gouverneur ne serait plus passe ainsi devant l’ex-ministre de émis, 38 virements suspects ont exclusivement réservé à un l’Intérieur André Mba Obame, crédité été repérés, 1298 retraits en Gabonais, comme le stipulait le de 25,33 % des suffrages. liquide non reversés et non consensus de Fort-Lamy (1973). Le troisième président élu de la enregistrés dans le livre de caisse, Le président peut toujours profiter République gabonaise prête serment ont été effectués. À peine le de ce revers, qui pourrait être le 16 octobre et confirme Paul Biyoghe scandale a-t-il été révélé que le perçu par ses compatriotes comme Mba dans son rôle de Premier minisConseil des ministres a décidé de un signal à leur intention. Une tre. Un gouvernement de trente memremplacer le gouverneur, Philibert manière de dire que le mode de bres est constitué. Fini les équipes de Andzembé. Les principales gouvernance paternaliste plus de quarante ministres du temps personnes citées dans un rapport qu’a connu le pays est d’Omar Bongo Ondimba. Le nouveau d’enquête réalisé par un cabinet définitivement révolu. ■ président engage un renouvellement de la quasi-totalité du personnel de la présidence, supprimant les nombreux Dans le domaine agroalimentaire, les objectifs n’ont pas postes qui servaient à récompenser fidèles, alliés et memété atteints malgré les investissements dégagés dans le bres de la famille. L’administration est aussi profondément cadre du Programme national d’investissement à moyen remaniée : plusieurs directeurs généraux d’organismes terme (PNIMT) pour 2009-2013, qui devaient permetpublics sont congédiés ou mutés, et le cumul des postes tre au pays de réduire de 5 % par an les importations est interdit. Les salaires des dirigeants d’entreprises publide manioc, de riz, de bananes plantain, de viande et de ques sont désormais plafonnés. Un audit de la fonction légumes. Selon le ministère de l’Agriculture, les importapublique est annoncé. Cette vaste opération n’épargne pas tions de denrées alimentaires pourraient même atteindre les partisans du président, réduits pour certains à ronger 447 milliards de F CFA en 2015 si rien n’est fait pour inverleur frein en attendant un hypothétique poste de directeur ser la tendance. ■ ou d’ambassadeur dans une mission à l’étranger. « Je veux
GUINÉE ÉQUATORIALE
PAZ
Des ambitions sous-régionales
A
chef de l’État a ainsi accordé près plusieurs années de CAMEROUN Malabo l’amnistie à cinq des mercelobbying actif, Malabo naires accusés d’avoir pris a enfin obtenu le poste BIOKO les armes pour renverser le de gouverneur de la Banque Bata régime de Malabo et condamdes États de l’Afrique centrale Océan Atlantique nés, en 2004, à de lourdes pei(Beac). Lors du 10 e sommet nes de prison. de la Communauté économiGUINÉE ÉQUATORIALE Teodoro Obiang Nguema, que et monétaire de l’Afrique 67 ans, a été réélu fin novemcentrale (Cemac), qui s’est bre 2009 pour un nouveau tenu à Bangui en janvier 2010, mandat de sept ans, le présil’Équato-Guinéen Lucas Abaga GABON dent sortant ayant remporté, Nchama a ainsi succédé au 50 km selon les résultats officiels, un Gabonais Philibert Andzembé, peu plus de 95 % des suffraen poste depuis juillet 2007 et ges. Un score qui vaut au régime les critiques récurrenrelevé de ses fonctions après la révélation d’un vaste tes de plusieurs ONG internationales et de l’opposition, scandale politico-financier. Jusqu’alors ce poste revenait représentée principalement par Placido Mico Abogo. Le systématiquement à un Gabonais, vestige du consensus leader de la Convergence pour la démocratie sociale dit de Fort-Lamy (du nom de la capitale tchadienne où (CPDS) a obtenu 4 % des votes à la présidentielle. il fut adopté en 1973), qui permettait à Libreville et à Cette ancienne colonie espagnole est aujourd’hui le Yaoundé de s’attribuer les postes les plus importants troisième pays producteur de pétrole en Afrique subde la Cemac. Malabo avait clairement signifié, il y a saharienne, derrière le Nigeria et l’Angola, avec une plusieurs années déjà, son indignation de n’obtenir que production estimée à plus de 400 000 barils par jour. des postes subalternes alors que le pays détient plus de Malabo dispose aussi de réserves gazières estimées à 40 % des réserves de la Beac. Forte de sa puissance 40 milliards de m3 et qui représentent aujourd’hui un financière, la Guinée équatoriale espérait faire fléchir quart de ses recettes d’exportation. Le président Teodoro les présidents gabonais et camerounais, mais s’était Obiang Nguema a bien appelé, début 2010, à la diverheurtée à une fin de non-recevoir. Il aura donc fallu sification des sources d’activité et de revenu en misant attendre le décès d’Omar Bongo Ondimba, en juin 2009, davantage sur l’agriculture, l’élevage et le commerce, pour que les chefs d’État de la Cemac acceptent que le mais son pays tire encore des hydrocarbures plus de poste de gouverneur de la Beac soit tournant et attribué 90 % de ses recettes. Par ailleurs, il a poursuivi sa poliselon l’ordre alphabétique des pays membres. tique de grands travaux, avec en ligne de mire l’organiCette décision est venue conforter la montée en puissation (avec le Gabon) de la Coupe d’Afrique des nations sance du président équato-guinéen, qui veut asseoir son en 2012. À terme, les autorités souhaitent faire de la leadership régional. Mais il lui reste encore à lisser son Guinée équatoriale un pôle régional en matière de logisimage diplomatique. Teodoro Obiang Nguema s’y est tique et de services. ■ employé, durant toute l’année 2009. En novembre, le
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
29 septembre 1968 Macias Nguema est élu président. Indépendance le 12 octobre. 3 août 1979 Coup d’État du lieutenantcolonel Teodoro Obiang Nguema. Août 1982 Obiang Nguema président. 1er janvier 1985 Adhésion à la zone franc. 1991 Autorisation du multipartisme. Début de l’exploitation pétrolière. Mars 2004 Tentative de coup d’État. 29 novembre 2009 Réélection de Teodoro Obiang Nguema avec 95 % des voix.
Le pays en bref ■
Superficie 28050 km2.
■ Population 659197 hab.
■ Croissance démographique 2,4 %.
132
■ Densité de population 18 hab./km2.
■ Population urbaine 39,2 %.
■ Espérance de vie 52,1 ans. ■ Alphabétisation 87 %.
■ Indice de développement humain
(2009) IDH: 0,719 – Rang: 118/182.
PIB (en milliards de dollars) 9,6
12,2
Taux de croissance (en %)
■ Langues Espagnol, français (officielles),
fang, bubi… ■ Peuplement Fangs, Bubis… ■ Religions Catholiques, protestants. ■ Monnaie Franc CFA. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 655,96 F CFA; 1 $ = 446,34 F CFA. ■ PIB par habitant 9579 $. ■ Répartition du PIB Primaire 2,2 %; secondaire 94,9 %; tertiaire 2,9 %. ■ Inflation 7,1 %.
18,5
12,6
10,3
9,9
2007
2008
1,26 2006
5,3 2009
■ Investissements directs étrangers
1,3 milliard de $. ■ Exportations 16,3 milliards de $. ■ Importations 3,3 milliards de $. ■ Principales ressources Pétrole, gaz
naturel, bois.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
Rivalités partisanes
L
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
12 juillet 1975 Accession à l’indépendance. 22 août 1990 Instauration du multipartisme. 3 mars 1991 Élection à la présidence de Miguel Trovoada. Il est réélu en 1996. 29 juillet 2001 Élection présidentielle remportée par Fradique de Menezes. 16 juillet 2003 Tentative de coup d’État. 26 mars 2006 Victoire aux législatives du Mouvement démocratique des forces du changement (MDFM), qui soutient le président, Fradique de Menezes. Celui-ci est réélu le 30 juillet 2006.
Le pays en bref
Superficie 960 km2. ■ Population 160954 hab.
■
■ Croissance démographique 1,6 %.
■ Densité de population 165 hab./km2. ■ Population urbaine 60,8 %.
■ Espérance de vie 65,8 ans.
■ Alphabétisation 87,9 %.
■ Indice de développement humain
(2009) IDH: 0,651 – Rang: 131/182. ■ Langues Portugais (officielle), créole. ■ Peuplement Forros, Moncos, Angolars, métis… ■ Religion Catholiques. ■ Monnaie Dobra. ■ Parité au 01.01.09 1 € = 21998 dobras; 1 $ = 15313 dobras. ■ PIB par habitant 1174 $. ■ Répartition du PIB Primaire 23,6 %; secondaire 16,4 %; tertiaire 60 %.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
PIB (en milliards de dollars) 0,1
0,2
0,2
0,1
Taux de croissance (en %) 6,7
6
5,8
2006
2007
2008
4 2009
■ Inflation 16,9 %.
■ Investissements directs étrangers
33 millions de $.
■ Exportations 11 millions de $.
■ Importations 114 millions de $.
■ Principales ressources Agriculture,
pêche, réserves pétrolières.
133
G U I N ÉE ÉQ UATO R I A LE — SÃ O TO M É E PR ÍN C I P E
’archipel de São Tomé e Príncipe Carvalho, était ainsi jugée au début de est rentré dans une zone de turl’année par le Tribunal des comptes de PRÍNCIPE bulences politiques. Les élections l’archipel pour un manque à gagner São Tomé prévues en avril ont finalement été d’environ 100000 euros dans le budSÃO TOMÉ décalées : les locales et régionales get du ministère du Travail, dont elle E PRÍNCIPE auront lieu le 25 juillet et les législaavait la charge à l’époque des faits. Le tives le 1er août. Le second quinquenprésident du même tribunal, Francisco nat du président Fradique de Menezes, Fortunato Pires, a également accusé SÃO TOMÉ qui doit s’achever en septembre 2011, le Premier ministre de vouloir « neuest marqué par une instabilité croistraliser » son travail. « De nombreux Océan Atlantique sante. En vingt ans, le pays a connu biens de l’État vont entre des mains quinze gouvernements, dont huit privées en dehors de tout contrôle, 5 km sous l’actuel chef de l’État. En cause: comme c’est le cas de terrains et de la rivalité qui oppose ce dernier à ses véhicules », a-t-il affirmé, accusant le différents Premiers ministres dans le cadre d’un système gouvernement de « complicité ». semi-présidentiel mis en place en 2006. Début novembre 2009, avec deux mois de retard par Dernier conflit en date, celui causé par Fradique de rapport aux délais légaux, le chef de l’État a cependant proMenezes lui-même qui, le 19 décembre 2009, s’est fait élire mulgué la loi-cadre sur les opérations pétrolières et l’attriprésident de son parti, le Mouvement démocratique des bution de blocs d’exploitation adoptée par le Parlement en forces du changement-Parti libéral (MDFM-PL), avant de juillet. L’exploration de nouveaux gisements dans la Zone se démettre moins d’un mois plus tard devant le tollé proéconomique exclusive (offshore) dépendait de l’adoption de voqué dans l’opposition par son attitude. La Constitution ce cadre légal. Les premiers blocs devaient être attribués interdit en effet au chef de l’État d’exercer une quelconque au premier trimestre 2010. Parallèlement, São Tomé et le « fonction publique ou privée » en dehors de sa charge. Nigeria ont créé une commission militaire conjointe pour Devant les menaces proférées par le parti présidentiel de sécuriser leur zone commune d’exploitation. Quatre blocs retirer du gouvernement ses quatre ministres, le Premier sont déjà en activité, et quatre autres doivent être attribués ministre, Rafael Branco (Mouvement de libération de São début 2011. Tomé e Príncipe-Parti social démocratique, MLSTP-PSD) Autre signe de bonne santé, l’archipel a conclu un accord a estimé, le 30 décembre 2009, que le pays s’acheminait de coopération économique avec le Portugal en juillet 2009, vers une situation de chaos. entré en vigueur le 1er janvier 2010. Désormais, l’escudo est En outre, la loi de financement des partis politiques n’est arrimé à l’euro, ce qui devrait permettre au pays de mieux pas respectée puisque la plupart d’entre eux reçoivent des maîtriser son inflation. Elle était de 16,9 % en 2009 – une subsides de l’étranger (du Nigeria ou de l’Angola princicatastrophe dans un pays où le PIB par habitant était de palement), ce qui pose des problèmes en matière de lutte moins de 1 174 dollars en 2009. Par ailleurs, le Portugal contre la corruption. Les « affaires » sont nombreuses. La accompagne cette coopération d’un crédit de 25 millions ministre de la Communication sociale, Maria de Cristo de dollars. ■
AFRIQUE CENTRALE
SÃO TOMÉ E PRÍNCIPE
TCHAD
Retour au calme tout relatif
L
SOUDAN
la force de l’Union européenne (Eufor) e processus électoral, qui doit LIBYE le 15 mars 2009, peine à maintenir la débuter à la fin de l’année, est sécurité dans l’Est compte tenu de l’imdéjà menacé. Le Comité de suivi mensité de la zone à surveiller. Après de l’accord politique de 2007, regroud’âpres discussions, Idriss Déby Itno, pant pouvoir et opposition, demande TCHAD très critique vis-à-vis de la Minurcat, a la révision des listes électorales, ce donné son accord pour que le mandat qui compromet le calendrier préviNIGER Lac Tchad de cette mission soit prolongé jusqu’au sionnel. Des législatives doivent se 15 mai 2010. tenir le 28 novembre et le 12 décemN'Djamena L’insécurité persistante ne facilite bre 2010. Elles doivent être suivies NIGERIA pas l’activité, notamment dans l’agripar la présidentielle, prévue pour le Moundou RÉP. culture, également éprouvée par une 23 avril 2011. Les dernières législaCAM. 400 km CENTRAFRICAINE météo difficile. Les rendements ont tives remontent à 2002. Initialement baissé en 2009 à cause d’une mauprévues pour 2006, les suivantes n’ont vaise pluviométrie. Le manque d’eau se fait particulièpu être organisées, en raison, notamment, de la tenue d’un rement sentir autour du lac Tchad, dont la superficie a référendum constitutionnel. Le mandat des députés élus été divisée par trois en cinquante ans. Quant au sud du en 2002 avait alors été prolongé. pays, il est éprouvé par la chute des récoltes de coton. Alors que la situation intérieure se détend, les menaces Conséquence des difficultés rencontrées par le secteur prid’offensives rebelles contre N’Djamena semblent s’éloigner. maire, la croissance du PIB est, depuis plusieurs années, Parallèlement, alors que le Tchad et le Soudan s’accusaient atone, voire négative (– 1,5 % en 2009). Pourtant, les depuis 2003 de soutenir les rébellions en lutte contre leurs recettes pétrolières (48 % du PIB) sont en hausse du fait du régimes respectifs, les premiers signes d’apaisement sont rétablissement progressif des prix: elles étaient estimées apparus en novembre 2008, en marge d’une conférence pour 2009 à plus de 500 milliards de F CFA (762 millions internationale organisée au Qatar. Le Soudan et le Tchad d’euros), soit près de 60 % des recettes publiques. Le pays, ont signé, début mai 2009, à Doha, un accord de réconciliaqui produit 170000 barils/jour, tire environ 750 millions tion parrainé par le Qatar et la Libye. Le 9 février 2010, le d’euros de recettes de l’or noir par an. président soudanais Omar el-Béchir a reçu à Khartoum la Mais la gestion des ressources publiques est toujours visite de son homologue tchadien, « mettant fin à tous les minée par les pratiques illicites. Le 31 octobre 2009, le problèmes entre le Tchad et le Soudan ». Et, le 10 avril, la secrétaire général de la présidence et numéro deux du frontière terrestre entre les deux pays a été rouverte après Mouvement patriotique du salut (MPS, au pouvoir), Haroun sept ans de fermeture. Kabadi, a été interpellé pour une affaire de corruption. Il La crise du Darfour continue pourtant d’affaiblir le est accusé d’avoir perçu illégalement de l’argent lors de l’atTchad, qui a dû accueillir 300 000 réfugiés soudanais tribution d’un marché de manuels scolaires passé par l’Éduet doit gérer 200 000 personnes déplacées dans l’Est. La cation nationale. Six membres du gouvernement devaient Mission des Nations unies en République centrafricaine et aussi être entendus dans le cadre de cette affaire. ■ au Tchad (Minurcat), qui a pris officiellement la relève de
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
11 août 1960 Accession à l’indépendance. 7 juin 1982 Hissein Habré devient président. 1er décembre 1990 Chute de N’Djamena. Idriss Déby Itno devient président le 2 mars 1991. Il sera réélu en 1996, en 2001 et en 2006. 25 janvier 2000 Plainte contre Habré pour « crimes contre l’humanité ». Juillet 2003 Début de l’extraction pétrolière. 31 janvier 2008 Offensive rebelle contre N’Djamena. 3 mai 2009 Accord de paix de Doha signé entre le Tchad et le Soudan.
Le pays en bref
■ Superficie 1284000 km2. ■ Population 11,1 millions d’hab.
■ Croissance démographique 2,8 %.
134
■ Densité de population 9 hab./km2.
■ Population urbaine 26,8 %. ■ Espérance de vie 51 ans.
■ Alphabétisation 31,8 %. ■ Indice de développement humain
(2009) IDH: 0,392 – Rang: 175/182.
■ Langues Français, arabe (officielles), sara,
baguirmi, tuburi, moudang…
■ Peuplement Toubous, Saras, Arabes… ■ Religions Musulmans, chrétiens,
animistes. ■ Monnaie Franc CFA. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 655,96 F CFA; 1 $ = 446,34 F CFA. ■ PIB par habitant 687 $. ■ Répartition du PIB Primaire 66 %; secondaire 7,3 %; tertiaire 26,7 %.
PIB (en milliards de dollars) 6,3
7
8,4
6,9
Taux de croissance (en %) 0,2
0,2
2006
2007
– 0,2 2008
– 1,5 2009
■ Inflation 10 %. ■ Investissements directs étrangers
834 millions de $.
■ Exportations 4,6 milliards de $.
■ Importations 1,8 milliard de $. ■ Principales ressources Coton, bétail,
pétrole.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
ÉGYPTE LIBYE Port-Soudan
SOUDAN
Kassala
Nil Bl anc
Bleu
El-Obeid
Gondar
DJIBOUTI
ÉTHIOPIE SOMALIE
OUGANDA RWANDA
Lac Victoria Kigali
Bujumbura
Obbia
Mogadiscio
KENYA Kisumu
Kismayou Nairobi
Océan Indien Mombasa
TANZANIE
BURUNDI
Golfe d'Aden
Djibouti Berbera Diré Daoua Hargeisa Addis-Abeba Harer
Juba
Kampala
YÉMEN
Massawa
Djimma
RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE
RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO
ÉRYTHRÉE
Asmara
Nil
Khartoum
Mer Rouge
AFRIQUE DE L'EST
Nil
TCHAD
ARABIE SAOUDITE
Dodoma
Zanzibar
Dar es-Salaam Mbeya 300 km
ZAMBIE MOZAMBIQUE
AFRIQUE DE L’EST
Territoires éclatés
L
a sous-région est restée, au cours de l’année écoulée, affectée par plusieurs crises qui risquent, régulièrement, de la déstabiliser. Dans la Corne de l’Afrique, l’éclatement de la Somalie se confirme chaque jour un peu plus, avec une mobilisation renforcée des miliciens islamistes et une généralisation de la criminalité sur les côtes de l’ex-colonie italienne. L’Érythrée entretient des relations belliqueuses avec la plupart de ses voisins, notamment l’Éthiopie et Djibouti, avec lesquels elle nourrit des contentieux territoriaux apparemment insolubles. Enfin, le Soudan est porteur à lui seul de multiples menaces de crises. Avec, en ligne de mire l’échéance du référendum de janvier 2011 sur l’autodétermination du sud du pays qui pourrait, si elle est entérinée, entraîner la reprise de la guerre. JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
136 137 138 139 141 143 144 145 146 148
Burundi Djibouti Érythrée Éthiopie Kenya Ouganda Rwanda Somalie Soudan Tanzanie 135
BURUNDI
Le test du suffrage universel
L
RD CONGO
entamé la distribution d’un million de e Burundi tente de sortir depuis Lac Kivu cartes d’identité pour permettre aux 2006 de treize ans d’une guerre RWANDA Burundais de s’inscrire sur les listes civile qui a fait au moins 300000 TANZANIE électorales. morts. Signe encourageant, les derMalgré ce consensus apparent, niers soldats de la Force de l’Union BURUNDI le climat est toujours délétère, et africaine (UA), chargés d’assurer la plusieurs sous-officiers de l’armée, protection des ex-rebelles des Forces Bujumbura soupçonnés d’appeler les soldats à nationales de libération (FNL), ont la révolte, ont été arrêtés en décemquitté Bujumbura le 31 décembre bre 2009. Par ailleurs, la société civile 2009. L’UA avait déployé des troupes est montée au créneau pour dénonau Burundi après la signature de l’acLac cer l’assassinat du vice-président de cord de paix d’Arusha, en 2000. Les Tanganyika 100 km l’Observatoire de lutte contre la corFNL ont renoncé définitivement aux ruption et les malversations éconoarmes et se sont transformées en parti miques du Burundi (Olucome), Ernest Manirumva, tué le politique en avril 2009, après l’intégration d’une partie de 9 avril 2009. Début décembre, plusieurs associations ont leurs combattants dans l’armée et la police nationale. exigé l’arrestation de quatre hauts gradés de la police du Fin décembre 2009 était également rendu public le pays, soupçonnés d’avoir joué un rôle dans cet assassinat calendrier électoral pour les prochains mois. Les élections qui serait, selon elles, directement lié à plusieurs scandes conseillers communaux doivent avoir lieu le 21 mai dales financiers révélés par l’Observatoire, notamment 2010, la présidentielle le 28 juin, les législatives le 23 juillet dans la passation de marchés publics. En novembre, le et les sénatoriales le 28 juillet. Si un second tour s’avère gouvernement a tenté d’interdire les activités de l’un des nécessaire pour la présidentielle, il aura lieu le 26 juillet au principaux collectifs de la société civile, le Forum pour le plus tard. En 2005, l’actuel chef d’État burundais avait été renforcement de la société civile (FORSC), mais a dû faire élu par les deux Chambres du Parlement, conformément machine arrière face aux pressions internationales. à l’accord d’Arusha. Mais, cette fois-ci, l’élection se fera au Face à cette agitation politique et sociale, l’activité suffrage universel direct. économique reste atone, essentiellement tirée par les Les FNL ont désigné fin novembre 2009 leur leader, cultures de thé et de café. La croissance du PIB a atteint Agathon Rwasa, comme leur candidat à la présidentielle. 3,5 % en 2009. Avec un revenu par habitant de 163 dolAutre postulant sérieux, l’ex-président de la transition, lars en 2009, le Burundi est le quatrième pays le plus Domitien Ndayizeye, du principal parti d’opposition parpauvre du monde, et la moitié de son budget dépend lementaire du Burundi, le Front pour la démocratie au de l’aide internationale. L’État a toutefois commencé Burundi (Frodebu). Rwasa et Ndayizeye, tous deux issus de à normaliser ses relations avec les bailleurs de fonds. l’ethnie hutue, devraient être les principaux adversaires du Bénéficiaire de l’Initiative PPTE pour l’allègement de président sortant, Pierre Nkurunziza, du Conseil national sa dette, le Burundi a atteint le point d’achèvement en pour la défense de la démocratie (CNDD). Le processus est janvier 2009. ■ donc lancé. Dès la mi-décembre 2009, le gouvernement a
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
1er juillet 1962 Indépendance du Burundi. 6 avril 1994 Mort de Ntaryamira dans l’attentat contre Habyarimana. 25 juillet 1996 Pierre Buyoya prend le pouvoir. 28 août 2000 Accords de paix d’Arusha. 19 août 2005 L’ancien chef rebelle des Forces pour la défense de la démocratie (FDD), Pierre Nkurunziza, est élu président. 4 décembre 2008 Accord politique entre le Palipehutu-FNL et le gouvernement. 21 avril 2009 Les FNL se transforment en un parti politique.
Le pays en bref
Superficie 27830 km2. ■ Population 8,1 millions d’hab.
■
136
■ Croissance démographique 4 %.
■ Densité de population 331 hab./km2.
■ Population urbaine 10,3 %. ■ Espérance de vie 49,9 ans.
■ Alphabétisation 59,3 %.
■ Indice de développement humain
(2009) IDH: 0,394 – Rang: 174/182. ■ Langues Kirundi, français, swahili. ■ Peuplement Hutus, Tutsis, Twas. ■ Religions Chrétiens, musulmans. ■ Monnaie Franc burundais. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 1752,63 francs burundais; 1 $ = 1220 francs burundais. ■ PIB par habitant 163 $. ■ Répartition du PIB Primaire 46,7 %; secondaire 16,8 %; tertiaire 36,5 %.
PIB (en milliards de dollars) 0,9
1
1,1
1,3
Taux de croissance (en %) 5,1 2006
3,6 2007
4,5 2008
3,5 2009
■ Inflation 11,3 %.
■ Investissements directs étrangers
1 million de $.
■ Exportations 57 millions de $.
■ Importations 403 millions de $.
■ Principales ressources Agriculture, mines
(nickel et cassitérite).
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
Pivot stratégique dans la région
L
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
27 juin 1977 Accession à l’indépendance. Hassan Gouled Aptidon devient président. 9 avril 1999 Ismaïl Omar Guelleh, président du Rassemblement populaire pour le progrès (RPP), devient chef de l’État. 12 mai 2001 Accord de paix entre le gouvernement et le Front pour la restauration de l’unité et de la démocratie (Frud), mouvement en rébellion. Janvier 2003 Élections législatives remportées par le RPP et ses alliés. 8 avril 2005 Réélection d’Omar Guelleh.
Le pays en bref
■ Superficie 23200 km2. ■ Population 847732 hab.
■ Croissance démographique 1,7 %.
■ Densité de population 36 hab./km2.
■ Population urbaine 87,4 %.
■ Espérance de vie 55,3 ans.
■ Alphabétisation 70,3 %. ■ Indice de développement humain
(2009) IDH: 0,52 – Rang: 155/182.
■ Langues Arabe et français (officielles),
afar et somali. ■ Peuplement Afars, Issas, Somalis… ■ Religion Musulmans. ■ Monnaie Franc djiboutien. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 243,21 francs djiboutiens; 1 $ = 169,30 francs djiboutiens. ■ PIB par habitant 1304 $. ■ Répartition du PIB Primaire 3,7 %; secondaire 17,9 %; tertiaire 78,4 %. ■ Inflation 1,7 %.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
PIB (en milliards de dollars) 0,8
0,9
1
1
Taux de croissance (en %) 4,8
5
2006
2007
5,8
2008
4,9 2009
■ Investissements directs étrangers
234 millions de $.
■ Exportations 69 millions de $.
■ Importations 580 millions de $.
■ Principales ressources Activité portuaire,
tourisme, pêche, bail des bases française et américaine.
137
B U R U N D I – DJ I B O U TI
’adoption par l’ONU de sanctions nationale contre le terrorisme, la base YÉMEN contre l’Érythrée pour son action américaine compte également environ ÉRYTHRÉE déstabilisatrice en Afrique de l’Est 1 200 hommes. Et, dans le cadre des constitue une victoire diplomatique opérations de lutte contre la piraterie, pour le gouvernement djiboutien. le Japon a déployé en décembre 2009 Asmara a été condamné le 23 décemune force interarmes de 650 militaiDJIBOUTI bre 2009 pour son soutien aux milires à Djibouti et dans le golfe d’Aden. ÉTHIOPIE ÉTH Golfe ces islamistes somaliennes, mais aussi Initialement hébergé par la base améd'Aden pour son attitude hostile envers son ricaine de la Force militaire combinée Djibouti voisin. La résolution 1907 demande pour la Corne de l’Afrique, un détachenotamment à l’Érythrée de retirer ses ment terrestre japonais devrait occutroupes de la zone frontalière avec per une structure permanente dont la SOMALIE 30 km Djibouti et de lancer des discussions construction a été annoncée à la fin du permettant de conclure un accord premier trimestre de 2010. entre les deux pays sur ce sujet. Reste à savoir si Asmara L’intérêt stratégique de Djibouti contribue à dynamiser tiendra compte de l’avis de l’ONU. Déjà, en janvier 2009, l’activité économique. Le pays bénéficie d’investissements le Conseil de sécurité avait adopté la résolution 1862, donstructurants, comme le terminal à conteneurs de Doraleh, nant cinq semaines à l’Érythrée pour retirer ses forces de géré par l’opérateur DP World, inauguré en mars 2009. la zone frontalière de Ras Doumeira. Sans succès. Enfin, en matière énergétique, le chinois CGCG a officialisé La tension entre les deux pays reste vive depuis cette ses recherches de ressources géothermiques et annoncé la incursion en avril 2008 de troupes d’Asmara en territoire construction d’un terminal gazier et d’une centrale électridjiboutien, et le conflit coûte 5 millions de dollars par mois que au gaz de 150 MW. D’autres projets en matière d’énerà Djibouti. Néanmoins, il est hautement improbable que gie solaire et éolienne sont à l’étude. Paris et Washington laissent la crise dégénérer dans un Sur le plan politique, le Parlement a ratifié le 19 avril pays qui occupe une place si stratégique dans la zone. 2010 une réforme constitutionnelle permettant au préLes relations avec l’ancienne tutelle coloniale se sont sident, Ismaïl Omar Guelleh, de briguer un troisième assouplies depuis qu’en mai 2009 la cour d’appel de mandat, lors de l’élection prévue l’année prochaine. La Versailles a prononcé la relaxe de deux responsables djiConstitution limitait jusque-là le nombre de mandats à boutiens, Djama Souleiman et Hassan Saïd, jugés pour deux. L’opposition, qui avait boycotté les dernières élecsubornation de témoins dans l’enquête sur l’assassinat du tions législatives en 2008 et qui n’était donc pas repréjuge Bernard Borrel, en 1995, à Djibouti. La cour d’appel a sentée à l’Assemblée a dénoncé ce vote. La réforme de également levé le mandat d’arrêt international contre les la Constitution réduit également la durée du mandat deux accusés. L’affaire Borrel a empoisonné pendant des présidentiel à cinq ans, contre six précédemment. Par années les relations entre Paris et son ex-colonie, qui disailleurs, il introduit une limite d’âge de 75 ans. Ismaïl pose d’une importante base militaire française, avec près Omar Guelleh, qui aura 63 ans en novembre prochain, de 3000 hommes. Implantée dans le cadre de la lutte interpourrait donc briguer un quatrième mandat en 2016. ■
AFRIQUE DE L'EST
DJIBOUTI
ÉRYTHRÉE
Embargo de l’ONU sur les armes
L
au pays après avoir disputé un tour’Érythrée reste l’un des principaux ARABIE Mer Rouge SOUDAN noi au Kenya, ont disparu à Nairobi. acteurs de la crise politico-miliSAOUDITE En 2007, le gouvernement érythréen taire qui ravage la Corne de l’AfriÉRYTHRÉE avait pourtant imposé à tout sportif que. Le 23 décembre 2009, le Conseil voyageant à l’étranger le dépôt d’une de sécurité de l’ONU a décidé de YÉMEN Asmara caution de 6 700 dollars et l’obligasanctionner Asmara pour son action tion de rester sous la surveillance déstabilisatrice en Somalie et son d’officiels tout au long de son séjour. attitude hostile à l’égard de son voisin Assab L’ONU estime que 62000 Érythréens djiboutien. La résolution 1907 a été ÉTHIOPIE (sur 5,3 millions) ont quitté leur pays approuvée par 13 des 15 membres du en 2009, ce qui fait de ce petit pays Conseil. Seule la Libye a voté contre, DJIBOUTI riverain de la mer Rouge le deuxième alors que la Chine s’est abstenue. 200 km pourvoyeur de demandeurs d’asile au Ouvertement accusé de vouloir renmonde. Officiellement, l’est du Soudan verser le Gouvernement fédéral de accueille à lui seul plus de 66000 réfugiés érythréens. Le transition (GFT) somalien en soutenant les milices islamisHCR estime que la politique érythréenne de conscription tes, le régime érythréen s’est vu imposer un embargo sur militaire ainsi que la sécheresse et la récession économique les armes, alors que certains de ses dirigeants sont soumis poussent chaque mois quelque 1800 personnes à franchir au gel de leurs avoirs et à des restrictions de leurs déplacela frontière vers le Soudan. ments. Le Conseil de sécurité demande également le retrait Outre la dictature d’Afewerki, les réfugiés fuient égades troupes d’Asmara de la zone frontalière qui fait l’oblement la misère. En 2007, la Banque mondiale estimait jet d’un conflit avec Djibouti (la région de Ras Doumeira, que l’Érythrée était le pays le plus touché par l’insécurité promontoire stratégique qui surplombe l’entrée de la mer alimentaire en Afrique. Un an plus tard, elle le citait à Rouge) et réclame l’ouverture de discussions entre les deux nouveau parmi les États les plus pénalisés par la crise alipays. Cette résolution constitue une victoire pour l’Éthiopie mentaire et énergétique mondiale. voisine, résolument hostile au régime d’Asmara. Asmara importe au moins 40 % de ses besoins alimenVivant en état de siège quasi perpétuel, la population taires et l’intégralité de ses besoins en carburant. Selon doit se soumettre aux diktats d’un régime militaire inflexile FMI, le pays consacre près de 10 % de son PIB à ces ble, sous la férule d’Issayas Afewerki. L’Érythrée était en deux postes. Si l’inflation reste très élevée (34 % en 2009), 2009 le pays d’Afrique qui comptait le plus grand nombre la croissance économique affiche malgré tout un taux de de journalistes emprisonnés, d’après le Comité pour la 3,6 %. Mais le secteur primaire souffre de conditions géoprotection des journalistes (CPJ). Avec une vingtaine de graphiques extrêmes et le développement de l’industrie détenus, il arrive à la quatrième place au niveau mondial, reste très limité. Dans ce contexte, les Érythréens de la après la Chine, l’Iran et Cuba. diaspora constituent une véritable ressource. Leurs transFace à ce climat de terreur, les Érythréens sont très nomferts financiers (estimés à plus de 1 milliard de dollars par breux à fuir leur pays. Le 13 décembre 2009, douze joueurs an) permettent à ceux qui restent de survivre. ■ de la sélection nationale de football, qui devaient rentrer
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie Novembre 1962 Annexion par l’Éthiopie. Guérilla du Front de libération de l’Érythrée. 24 mai 1993 Accession à l’indépendance. Issayas Afewerki devient président. Mai 1998 Début de la guerre avec l’Éthiopie. 12 décembre 2000 Accord de paix d’Alger. Avril 2002 La Cour internationale de justice attribue le village de Badme à l’Érythrée. Mais l’Éthiopie conteste toujours la décision. 23 décembre 2009: Le Conseil de sécurité de l’ONU sanctionne Asmara.
Le pays en bref ■
Superficie 117600 km2.
■ Population 5 millions d’hab.
138
■ Croissance démographique 3,1 %.
■ Densité de population 48 hab./km2.
■ Population urbaine 20,8 %. ■ Espérance de vie 58,5 ans.
■ Alphabétisation 64,2 %.
■ Indice de développement humain
PIB (en milliards de dollars) 1,2
Taux de croissance (en %)
(2009) IDH: 0,472 – Rang: 165/182.
■ Langues Tigrinya, arabe (officielles), afar,
tigréen…
■ Peuplement Tigrinyas, Tigréens, Sahos,
Afars… ■ Religions Musulmans, orthodoxes, animistes. ■ Monnaie Nafka. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 21,23 nafkas; 1 $ = 15,1 nafkas. ■ PIB par habitant 363 $. ■ Répartition du PIB Primaire 17,4 %;
1,3
1,9 1,5
–1
2006
1,3
1
2007
2008
3,6 2009
secondaire 23,2 %; tertiaire 59,4 %.
■ Inflation 34 %.
■ Investissements directs étrangers
ND.
■ Exportations 17 millions de $.
■ Importations 530 millions de $.
■ Principales ressources Cuivre, pétrole, sel.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
Élections sous haute surveillance
E
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
19 décembre 1944 L’Éthiopie redevient État souverain sous le règne de Haïlé Sélassié. 3 juillet 1974 Le Négus est déposé. En 1977, Mengistu Haïlé Mariam prend le pouvoir. Juin 2000 Élections législatives. Victoire du Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (FDRPE), de Mélès Zenawi. 15 mai 2005 Victoire contestée du FDRPE de Zenawi aux législatives. Décembre 2006 Début de l’intervention armée en Somalie. Un retrait des troupes s’amorce en janvier 2009.
Le pays en bref
■ Superficie 1104300 km2. ■ Population 80,7 millions d’hab.
■ Croissance démographique 2,5 %.
■ Densité de population 79 hab./km2.
■ Population urbaine 16,9 %.
■ Espérance de vie 53,4 ans.
■ Alphabétisation 35,9 %. ■ Indice de développement humain
(2009) IDH: 0,414 – Rang: 171/182.
■ Langues Amharique (officielle), oromo,
somali, arabe. ■ Peuplement Oromos, Amharas, Tigréens, Sidamos, Afars… ■ Religions Chrétiens orthodoxes, musulmans… ■ Monnaie Birr. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 17,98 birrs; 1 $ = 12,52 birrs. ■ PIB par habitant 390 $. ■ Répartition du PIB Primaire 47,5 %; secondaire 12,8 %; tertiaire 39,7 %.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
PIB (en milliards de dollars) 15,2
19,5
26,4
32,3
Taux de croissance (en %) 11,5
11,5
11,6
2006
2007
2008
10 2009
■ Inflation 36,4 %. ■ Investissements directs étrangers
93 millions de $.
■ Exportations 1,6 milliard de $.
■ Importations 7,7 milliards de $. ■ Principales ressources Café, thé,
épices, élevage.
139
ÉRY TH RÉE – ÉTH I O P I E
▲ ▲ ▲
n 2009, le Premier minisrôle central pour le développeMer YÉMEN Rouge tre éthiopien a représenté ment de l’Éthiopie » de prolonl’Afrique lors du sommet ger encore un peu sa présence Golfe du G20 à Londres, en avril, et à la tête du pays. Ce sera donc d'Aden DJIBOUTI présidé la délégation de l’Union lui et nul autre qui conduira le africaine lors du sommet de FDRPE lors des élections généSOMALIE Copenhague sur les changerales prévues en mai 2010. Diré Daoua Addis-Abeba ments climatiques, en décemDifficile de dire comment va bre. C’est dire si sa voix porte, se dérouler le scrutin, mais le au-delà de la Corne de l’Afrique. précédent de 2005 fait craindre ÉTHIOPIE SOUDAN Salué il y a de cela quelques le pire. À l’époque, après que années par un Bill Clinton qui la Coalition pour l’unité et la SOMALIE 300 km KENYA voyait en lui un héraut de la démocratie (CUD) eut remporté « renaissance africaine », Mélès 109 sièges sur 546, de nombreux Zenawi demeure aujourd’hui un allié incontournable des manifestants avaient été arrêtés et près de deux cents perÉtats-Unis, qui considèrent l’Éthiopie comme un îlot de stasonnes avaient trouvé la mort dans des heurts avec les bilité face au danger islamiste croissant que représentent forces de l’ordre. Condamnés à la réclusion à perpétuité la Somalie et même le Yémen voisins. Ces deux pays sont pour « complot contre la Constitution » et « incitation à connus pour abriter des membres de réseaux terroristes et, une rébellion armée », les principaux dirigeants de l’opposien particulier, d’Al-Qaïda. tion avaient été graciés deux ans plus tard, en juillet 2007. Arrivé au pouvoir par les armes à la tête du Tigrayan À l’exception de la présidente du Parti de l’unité pour la People’s Liberation Front en 1991, Zenawi a mis fin au démocratie et la justice, Birtukan Mideksa. Pour avoir osé règne sanglant du « Négus rouge », Mengistu Haïlé prétendre qu’elle n’était pas à l’origine d’une demande de Mariam –, aujourd’hui condamné à mort et réfugié au grâce, cette dernière a été réincarcérée fin décembre 2008. Zimbabwe – et engagé les réformes nécessaires au déveElle croupit depuis lors en prison, et Zenawi n’a pour l’insloppement économique de son pays. Quelque vingt années tant nullement l’intention de la faire libérer. Interrogé sur plus tard, il a envisagé de prendre sa retraite et d’entraîner ce point à la mi-décembre 2009, il répondait: « Il est hors à sa suite les caciques de son parti, le Front démocratique de question de négocier avec qui que ce soit la libération révolutionnaire du peuple éthiopien (FDRPE). « Mon point de cette femme. Jamais. Oubliez ça. » de vue personnel c’est que… j’en ai assez. […] On ne parle Birtukan Mideksa n’est pas le seul chef de l’opposition pas seulement de Mélès. On parle de l’ancienne génération. à être d’ores et déjà hors jeu pour les élections de 2010. Le parti a besoin de nouveaux chefs qui n’ont pas vécu la Élu maire d’Addis-Abeba en 2005, exilé aux États-Unis, lutte armée », déclarait-il avec son franc-parler coutumier Berhanu Nega, qui dirige le mouvement d’opposition en juin 2009. La nouvelle, peu fréquente sur le continent, Ginbot 7, a été condamné à mort par contumace pour une avait de quoi surprendre. À peine trois mois plus tard, le supposée tentative d’assassinat contre des membres du FDRPE, réuni en congrès, demandait à celui qui « joue un gouvernement. Dans ce climat, les lambeaux d’op-
AFRIQUE DE L'EST
ÉTHIOPIE
Dans ce contexte, il y a donc fort à parier que Zenawi rempilera pour un mandat de cinq ans à la tête du pays. Si son action a jusqu’ici été louée, avec quelques grincements de dents, par les bailleurs de fonds et la communauté internationale, États-Unis et Royaume-Uni en tête, l’avenir ne s’annonce pas de tout repos. Sur le plan des affaires étrangères, l’Éthiopie entretient toujours des relations tendues avec l’Érythrée d’Issayas Afewerki. Au-delà des tensions frontalières, le voisin indépendant depuis 1993 continue de jouer un rôle déstabilisateur dans l’ensemble de la Corne de l’Afrique en apportant – dans la mesure de ses moyens – son soutien au Front de libération Oromo, au Front national de libération de l’Ogaden ainsi qu’à certains groupes armés en Somalie. Et pour ce qui est de ce dernier pays, l’intervention éthiopienne qui s’est achevée après deux ans d’occupation, au début de 2009, n’a pas permis d’apporter le moindre espoir de stabilité. Le gouvernement de transition ne contrôle qu’une très faible partie du territoire, le reste étant livré aux milices islamistes. L’Éthiopie doit donc monter la garde sur sa frontière. Pour autant, le plus grand défi de Mélès Zenawi sera d’ordre interne et essentiellement économique. Selon le FMI, la croissance du PIB reste autour de 10 % en 2009 - après plusieurs années à 11 %. Mais si le chiffre est honorable, l’économie reste très dépendante de la situation internationale comme du climat. Elle repose principalement sur la production agricole: l’Éthiopie vend du café, du thé, des oléagineux, du khat, des fleurs, de l’or, et possède l’un des plus importants cheptels d’Afrique. Les revenus du café, estimés à 371 millions de dollars en 2009, devraient atteindre 419 millions de dollars en 2010, selon le FMI, grâce notamment à la levée de l’embargo japonais qui avait été imposé après la découverte de forts taux de pesticide dans certains échantillons. Reste que la transition entre une agriculture de subsistance et une production agricole orientée vers l’exportation est loin d’être achevée. Principales causes : les infrastructures de transport et d’énergie. La construction de barrages importants devrait néanmoins permettre au pays de mieux profiter de ses ressources hydrauliques. Actuellement en cours, la construction par l’entreprise italienne Salini Costruttori du barrage Gilgel Gibe III, d’un coût de Birtukan Mideksa a nié avoir 1,7 milliard de dollars, pourrait fourdemandé pardon et, après avoir refusé de revenir sur cette nir quelque 1 870 MW d’ici à 2012. Inauguré début janvier, son petit déclaration, elle a de nouveau été frère (Gilgel Gibe II) a une capacité enfermée. de 420 MW, mais l’effondrement d’un Depuis, Zenawi ne veut plus entendre parler d’elle. Il faut tunnel de conduite d’eau a repoussé de quelques mois sa mise en service. dire que cette juge talentueuse À terme, le pays envisage d’exreprésente un réel danger pour porter de l’électricité chez ses voilui. Mais si elle est défendue par sins. « Il est possible d’accélérer le des organisations comme Amnesty développement sans polluer l’enviInternational, les principaux ronnement », a déclaré Zenawi lors bailleurs de fonds occidentaux de l’inauguration du barrage. Sans – et au premier rang les Étatsdoute ignorait-il les controverses Unis – restent muets sur son cas. liées à l’impact social et environneL’ombre de Mideksa planera sur les mental des barrages construits sur la élections générales de mai. ■ rivière Gilgel Gibe. ■
▲ ▲ ▲
position semblent peu à même de résister au « rouleau compresseur » Zenawi. Bien qu’unis sous le pavillon du Medrek (Forum pour le dialogue démocratique en Éthiopie), les différents partis qui s’apprêtent à affronter le FDRPE ne donnent guère une impression de cohésion, tant sur le plan structurel que d’un point de vue idéologique, chacun conservant son chef et son organisation. Entravée par des actions en justice et des condamnations sévères, la presse ne peut par ailleurs pas porter efficacement la voix de la contestation. Tout comme la société civile. Deux lois adoptées en 2009 restreignent de manière draconienne le pouvoir d’influence des associations. La première, adoptée par le Parlement en janvier 2009, concerne les organisations non gouvernementales (ONG). Celles qui oseraient émettre un avis iconoclaste ne sont plus les bienvenues en Éthiopie. Toute organisation étrangère (ou qui tire plus de 10 % de ses financements de source étrangère) ne peut plus traiter des problèmes ethniques, des droits de la femme, des droits des enfants et de la question du règlement des conflits. La loi institue de surcroît l’établissement d’une agence de contrôle chargée de surveiller le travail des organisations humanitaires. Étrange attitude dans un pays qui avoue lui-même dépendre de l’aide internationale, notamment en matière de nutrition. Selon une étude menée fin 2009 par plusieurs agences des Nations unies et le gouvernement, quelque 5,2 millions d’Éthiopiens auront en effet besoin d’une aide alimentaire en 2010. En 2009, le pays a reçu plus de 2 milliards de dollars d’aide… En juillet 2009, le gouvernement éthiopien a aussi mis en place une nouvelle loi antiterroriste qui étend les pouvoirs de la police, durcit les condamnations à l’encontre des militants de l’opposition et assimile à des actes terroristes certaines formes d’opposition non violentes. Pour Human Rights Watch, « la nouvelle loi antiterroriste éthiopienne contient des clauses qui influeront sur les médias en faisant des journalistes et des rédacteurs en chef les éventuels complices d’actes de terrorisme s’ils publient des citations considérées comme un encouragement ou un soutien apporté à des actes terroristes ou, simplement, à des revendications politiques ».
Birtukan Mideska, condamnée à vie
À
35 ans, Birtukan Mideksa, la représentante du principal parti d’opposition éthiopien, l’Unité pour la démocratie et la justice, est condamnée à la prison à vie. Après l’élection de 2005, qui avait vu l’opposition infliger un sévère revers à Mélès Zenawi, des affrontements avec les forces de l’ordre avaient fait près de 200 morts et les principaux opposants au Premier ministre avaient été condamnés pour trahison. Enfermés pendant dixhuit mois, ils avaient été « graciés » par les autorités. Mais lors d’un voyage en Suède,
140
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
Nouvelle Constitution, nouveau départ?
C
SOMALIE
▲ ▲ ▲
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
12 décembre 1964 Indépendance. Jomo Kenyatta devient président de la République. En octobre 1978, Daniel arap Moi lui succède. 27 décembre 2002 Mwai Kibaki, candidat de la Coalition nationale Arc-en-Ciel (Narc, opposition), devient président. 27 décembre 2007 Victoire revendiquée par Mwai Kibaki face au candidat du Mouvement démocratique orange, Raila Odinga. Violences intercommunautaires. 1er avril 2010 Adoption par le Parlement de la nouvelle Constitution.
Le pays en bref
■ Superficie 580370 km2. ■ Population 38,5 millions d’hab.
■ Croissance démographique 2,7 %.
■ Densité de population 66 hab./km2.
■ Population urbaine 21,5 %.
■ Espérance de vie 54,6 ans. ■ Alphabétisation 73,6 %. ■ Indice de développement humain
(2009) IDH: 0,541 – Rang: 147/182.
■ Langues Anglais (officielle), swahili,
kikuyu, luo…
■ Peuplement Kikuyus, Luhyas, Luos,
Kalenjins, Kambas… ■ Religions Protestants, catholiques, animistes. ■ Monnaie Shilling kényan. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 107,51 shillings kényans; 1 $ = 74,84 shillings kényans. ■ PIB par habitant 912 $. ■ Répartition du PIB Primaire 26,1 %; secondaire 17,9 %; tertiaire 56 %.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
PIB (en milliards de dollars) 22,5
27,1
29,5
32,7
Taux de croissance (en %) 6,4
7,1
2006
2007
1,7 2008
2,1 2009
■ Inflation 11,7 %. ■ Investissements directs étrangers
96 millions de $.
■ Exportations 4,9 milliards de $.
■ Importations 11,1 milliards de $. ■ Principales ressources Thé, café,
horticulture, bois, tourisme.
141
ÉTH I O P I E – K E N YA
rise au sommet de l’État. Le candidats ayant fait plus de 1 000 SOUDAN ÉTHIOPIE 14 février 2010, le Premier minismorts et quelque 300 000 déplacés –, tre, Raila Odinga, annonce qu’il Kibaki et Odinga ont été contraints, suspend de leurs fonctions le ministre sous la pression internationale, de de l’Agriculture, William Ruto, et le former un large gouvernement de ministre de l’Éducation, Sam Ongeri, coalition doté d’un… poste de Premier OUGANDA pour une période de trois mois. Peu de ministre renforcé. K E N YA temps après, le président, Mwai Kibaki, Pendant deux ans, les Kényans n’ont Kisumu prend position en faveur des deux pu qu’observer les atermoiements d’une Lac Victoria hommes, soupçonnés de corruption : équipe dirigeante pléthorique, paralyNairobi « Les dispositions légales sur lesquelsée par ses dissensions internes. Ce les le Premier ministre s’est appuyé ne n’est que le 17 novembre 2009 qu’enfin lui confèrent pas l’autorité nécessaire la promesse de 2002 a débouché sur Mombasa Océan pour démettre un ministre de ses foncune proposition concrète. Ce jour-là, Indien tions », déclare-t-il. In fine, les minisun projet de nouvelle Constitution tres n’ont pas quitté leurs bureaux. Ce a été présenté au public et soumis à TANZANIE TA 200 km n’est là qu’un nouvel épisode dans le l’appréciation des Kényans, encouracombat qui oppose Kibaki et Odinga. gés pendant un mois à faire part de Leur entente a connu son apogée en 2002 quand ils leurs suggestions. Le Parlement l’a finalement adoptée le se sont unis pour barrer la route au dauphin désigné de 1er avril 2010, sans aucun amendement. Première avancée Daniel arap Moi, Uhuru Kenyatta. La Coalition Arc-ennotable de l’exécutif emmené par Kibaki et Odinga depuis Ciel (Narc), qu’ils dirigeaient alors, s’était engagée à offrir les accords de février 2008, cette nouvelle Constitution au pays, dans les cent jours, une nouvelle Constitution. devrait être soumise à référendum dans le courant de l’anNégocié en coulisses avant la présidentielle entre les deux née 2010. Elle suscite déjà un vif débat entre les différenalliés d’alors, un Memorandum of Agreement stipulait que, tes communautés religieuses du Kenya. Aujourd’hui, les en cas de victoire, Kibaki obtiendrait le poste de chef de principaux opposants à la nouvelle Loi fondamentale sont l’État et qu’Odinga hériterait d’un poste de Premier minisen effet les Églises chrétiennes, qui contestent la section tre « renforcé ». En 2005, les Kényans ont été appelés à de l’article 26, qui autorise les médecins à interrompre se prononcer par référendum sur une nouvelle Loi fonune grossesse si celle-ci met la vie de la mère en danger, damentale. Trahi par un Kibaki peu enclin au partage du ainsi que les articles 169 et 170, qui laissent autorité aux pouvoir, Odinga a alors mené campagne pour le « non » et tribunaux de cadis en matière de mariage, de divorce et profité de sa large victoire pour lancer son nouveau parti, d’héritage pour les musulmans. le Mouvement démocratique orange (ODM). Le référendum s’annonce comme un scrutin à haut risFin 2007, l’Histoire a bégayé et entraîné le pays au bord que qui pourrait – comme ce fut le cas en 2005 – exadu gouffre. Au terme d’une présidentielle violemment cerber les divisions internes de la coalition et laisser le contestée – les émeutes opposant les partisans des deux champ libre aux nombreuses personnalités qui se
AFRIQUE DE L'EST
KENYA
sident américain s’est permis d’écrire personnellement, en août 2009, à une quinzaine d’hommes politiques et hauts fonctionnaires pour les avertir qu’ils ne seraient plus autorisés à voyager aux États-Unis s’ils continuaient de mettre un frein aux réformes. Il faut dire qu’en dehors des questions relatives à la Constitution le gouvernement n’a guère progressé sur le combat contre l’impunité, la réforme foncière, la lutte contre la corruption, l’éducation, le chômage des jeunes, les inégalités, la mise en place d’une commission électorale fiable… Les pratiques abusives du passé sont loin d’être oubliées. Exemple: avant d’être contré in extremis par le Parlement, le président Kibaki avait décidé unilatéralement de prolonger à la tête de la Commission kényane de lutte contre la corruption (KACC) le controversé Aaron Ringera. La manœuvre a fait long feu, mais Ringera continuera de e Kenya, c’est connu, exporte Nyambeni Hills, qui doivent profiter pendant dix ans de certains des fleurs, du thé et du café. produire environ 150 kg sur des avantages (voiture avec chauffeur, Cependant, les consommateurs parcelles de 250 m2 au maximum. gardes du corps, etc.). occidentaux peuvent aussi trouver Plus de 80 % des exploitants sont Paralysé par les affrontements polichez leurs marchands de fruits et des femmes, qui peuvent gagner ticiens qui ralentissent le processus de légumes des haricots verts environ 25000 shillings par an décision, le Kenya affronte aussi une produits en Afrique de l’Est. (240 euros). Frigoken fournit une conjoncture économique difficile – la Surtout durant la contre-saison, formation aux paysans, ainsi que crise mondiale ne faisant qu’amplic’est-à-dire l’hiver de les graines, les engrais et un fier les graves difficultés occasionl’hémisphère Nord. La production soutien technique. Les haricots, nées par la sécheresse. Épine dorsale kényane, environ 200000 tonnes cueillis à la main, sont récupérés de l’économie kényane, l’agriculture par an, est contrôlée à 60 % par la dans un centre de collecte, triés et a violemment souffert du manque société Frigoken, fondée par l’Aga conditionnés à moins d’une d’eau. Principal secteur d’exportation, Khan Fund for Economic dizaine de kilomètres de leur lieu l’horticulture a en outre subi la baisse Development (Akfed) en 1989 et de production. FriGoken dit faire drastique des achats en Europe et le filiale de l’Industrial Promotion appel à de nombreux producteurs contrecoup de la longue interruption Services (IPS). Environ 40 % des pour promouvoir le du trafic aérien provoquée par l’érupharicots verts sont exportés frais développement rural et favoriser tion du volcan islandais Eyjafjöll. vers leur destination finale. l’épargne. Mais l’entreprise se Mais, pour les Kényans, c’est surtout Particularité de Frigoken: elle est heurte à la concurrence illégale de le prix des denrées alimentaires et le sous contrat avec quelque certains exportateurs qui viennent contenu de leur assiette qui importent. 35000 petits exploitants installés parfois acheter la production des Mauvaises récoltes, mort du bétail : entre les rives du lac Victoria et les exploitants sous contrat. ■ d’après le gouvernement et les Nations unies, quelque 3,8 millions d’entre eux auraient aujourd’hui besoin d’une aide alimentaire. La lutte s’annonce d’autant plus fratricide que le pays n’a Le manque d’eau ne pèse pas seulement sur l’agriculture. pas réussi à juger les responsables des exactions commiCertains barrages hydroélectriques ne fonctionnent plus ses entre décembre 2007 et février 2008. Ce qui a poussé qu’à 30 % de leur capacité, et le recours à la production le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Luis thermique augmente drastiquement les coûts de l’électriMoreno-Ocampo, à prendre personnellement les choses en cité, déjà élevés. Dans ce contexte, la croissance reste assez main. Le 31 mars 2010, les juges de la CPI l’ont autorisé à faible (2,1 %) pour l’année 2009, et l’inflation demeure, ouvrir une enquête sur les donneurs d’ordres, ceux qui ont elle, assez forte (11,7 %). Une situation qui rendra sans « organisé, planifié et encouragé les attaques » ayant suivi doute difficile la mise en place du plan gouvernemental de l’élection présidentielle de 2007. Sont particulièrement relance par l’emploi. À titre d’exemple, le projet Kazi kwa visés onze hauts responsables kényans (dont six ministres). Vijana (Kenya Youth Empowerment), qui vise à employer Luis Moreno-Ocampo s’est rendu dans le pays, début avril, de nombreux jeunes, entre autres pour la construction ou pour poursuivre ses investigations. le maintien des infrastructures, pourrait pâtir de restricConséquence directe de la faible efficacité de la coalition tions budgétaires provoquées par la nécessité de répondre au pouvoir, le retard pris dans la mise en place des réforen urgence au problème alimentaire qui préoccupe tant mes pèse aussi sur les relations que le Kenya entretient les Kényans. Mais pour parvenir à cet objectif, il faudra avec son principal allié, les États-Unis. Même s’il continue que les hommes politiques mettent de côté leurs ambitions de considérer que Nairobi demeure un partenaire de poids personnelles. Sans quoi le mécontentement pourrait de dans la lutte contre le terrorisme, Barack Obama se montre nouveau entraîner le pays dans la même spirale de violence très exigeant envers le pays de ses origines (son père était qu’au début de 2008. ■ kényan). Sachant la grande popularité dont il jouit, le pré-
▲ ▲ ▲
préparent déjà pour la présidentielle de 2012. Le texte de la nouvelle Loi fondamentale contient, de fait, une surprise de taille: alors qu’Odinga militait depuis des années pour la création d’un poste de Premier ministre, la perspective de 2012 semble l’avoir convaincu d’opter finalement pour un régime de type présidentiel. Dans deux ans, Kibaki, qui sera alors âgé de 81 ans, ne devrait pas se représenter… Mais Odinga, lui, ira au combat, face à de nombreux adversaires motivés: l’actuel vice-président Kalonzo Musyoka, l’ancienne ministre de la Justice Martha Karua, le vice-Premier ministre et ministre des Finances Uhuru Kenyatta, le nouveau ministre de l’Éducation supérieure, William Ruto.
Le haricot vert de contre-saison
L
142
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
Les réserves pétrolières du lac Albert
C
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
9 octobre 1962 Accession à l’indépendance. 22 février 1966 Coup d’État de Milton Obote. 25 janvier 1971 Amin Dada renverse Obote. Avril 1979 Renversement d’Amin Dada. Juin 1981 Yoweri Museveni fonde l’Armée de résistance nationale (NRA). 25 janvier 1986 Museveni prend le pouvoir. 1988 Début des combats de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA). 23 février 2006 Museveni réélu président. 14 juillet 2006 Pourparlers de paix avec la LRA à Juba (Sud-Soudan).
Le pays en bref
■ Superficie 241040 km2. ■ Population 31,7 millions d’hab. ■ Croissance démographique 3,2 %.
■ Densité de population 157 hab./km2. ■ Population urbaine 12,8 %. ■ Espérance de vie 52,1 ans. ■ Alphabétisation 73,6 %. ■ Indice de développement humain
(2009) IDH: 0,514 – Rang: 157/182.
■ Langues Anglais (officielle), swahili,
luganda… ■ Peuplement Bagandas, Karamajongs, Basogos, Itesots, Banyankoles… ■ Religions Catholiques, protestants, animistes, musulmans. ■ Monnaie Shilling ougandais. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 2676,64 shillings ougandais; 1 $ = 1863,2 shillings ougandais. ■ PIB par habitant 474 $. ■ Répartition du PIB Primaire 22,5 %; secondaire 25,8 %; tertiaire 51,7 %.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
PIB (en milliards de dollars) 10
11,9
14,6
15,7
Taux de croissance (en %) 10,8
2006
8,4
9,1
2007
2008
7 2009
■ Inflation 14,2 %. ■ Investissements directs étrangers
787 millions de $.
■ Exportations 2,2 milliards de $.
■ Importations 4,5 milliards de $. ■ Principales ressources Café,
thé, tourisme.
143
K E N YA – O U G AN DA
’est l’histoire d’une poignée de la future échéance ne sera pas une 100 km SOUDAN main qui n’a pas eu lieu. Fin partie de plaisir. Son rival malheudécembre 2009, le président reux en 2001 et 2005, Kizza Besigye, Yoweri Kaguta Museveni et l’ancien devrait de nouveau se présenter contre Gulu secrétaire général adjoint de l’ONU, lui sous les couleurs du Forum pour Olara Otunnu, participent à une le changement démocratique (FDC). OUGANDA RÉP. DÉM. RÉP même cérémonie à Gulu, dans le nord Quant à Olara Otunnu, il est probable DU CONGO Jinja du pays. Les journalistes sont sur les qu’il se présente à l’élection sous les Kampala dents. Museveni a conquis le pouvoir couleurs du Congrès du peuple ouganKENYA Mbarara par les armes il y a vingt-trois ans, en dais, l’ancien parti de Milton Obote, Lac 1986 ; Otunnu s’est exilé aux Étatss’il ne parvient pas à unifier l’oppoVictoria Unis il y a vingt-trois ans, après avoir sition. Pour convaincre les électeurs, TANZANIE RWANDA été ambassadeur de son pays auprès Museveni ne pourra guère invoquer de l’ONU et ministre des Affaires la menace de l’Armée de résistance du étrangères dans le gouvernement de Milton Obote. De Seigneur (LRA). En fuite entre la RD Congo, la Centrafrique retour en Ouganda depuis le mois d’août, Otunnu a frôlé et le Soudan, le prophète autoproclamé Joseph Kony, à la la mort, le 21 décembre, dans un accident impliquant sa tête d’un tout petit nombre d’hommes, n’est plus un danger voiture et des véhicules de la garde présidentielle… Dans crédible pour la sécurité du pays. ce contexte tendu, les deux hommes vont-ils se serrer la Reste l’économie. Le président peut d’ores et déjà se félimain et sceller leur réconciliation ? Non. Otunnu reste citer d’avoir fait entrer son pays dans le club très prisé des assis sur sa chaise, et Museveni déclare : « La réconciliaproducteurs de pétrole. Les britanniques Tullow et Heritage tion est possible, à condition que les fauteurs de troubles ont découvert des réserves estimées à quelque 2 milliards se repentent. » de barils dans le bassin du lac Albert. Plusieurs grandes Pour le président ougandais, l’année 2010 marquera compagnies sont sur les rangs pour fournir les 12 à 15 mille début du long marathon conduisant à l’élection présiliards de dollars nécessaires pour la mise en production, le dentielle de 2011. Si une grande majorité des Ougandais raffinage et le transport des hydrocarbures. reconnaît qu’il a apporté au pays la sécurité et la stabilité Mais en attendant la manne pétrolière, l’Ouganda doit se économique, son aura commence à pâlir sérieusement. En contenter de ses ressources traditionnelles, essentiellement particulier à Kampala, où les partisans du roi du Buganda, issues de l’agriculture (café, thé, poisson) et de la petite le kabaka Ronald Mutebi II, n’acceptent pas les manœuvres industrie. Ancien ennemi, le Soudan représente désormais visant à réduire l’influence du monarque traditionnel. En un débouché important pour les produits ougandais. La septembre, la police et l’armée sont intervenues contre des crise mondiale n’a pas trop affecté le pays, soutenu par manifestants pro-Mutebi. Bilan: trente morts. les bailleurs de fonds, mais elle a provoqué une baisse des Contraint d’accepter le multipartisme – une contrepartie investissements étrangers et un resserrement du crédit. Le lui permettant de faire sauter le verrou constitutionnel de pays poursuit pourtant sa politique de développement des la limitation du nombre de mandats –, Museveni sait que infrastructures (transports, BTP). ■
AFRIQUE DE L'EST
OUGANDA
RWANDA
Kagamé défend son bilan
S
Sur le front régional, les évéur le plan diplomatique, OUGANDA nements récents ont également le Rwanda a incontesTANZANIE permis à Kigali de garder la tablement marqué des main, notamment dans sa lutte points en 2009, s’illustrant contre les rebelles hutus basés par son appartenance ambidans l’est de la RD Congo. Des valente à l’Afrique centrale offensives ont été organisées et à l’A f r ique de l’ E st. L e Lac Kigali Kivu Kiv contre les quelque 5 000 hom28 novembre 2009, K igali RÉP. RWANDA mes regroupés au sein des a été officiellement admis DÉM. Forces démocratiques de libéau sein du Commonwealth. DU CONGO ration du Rwanda (FDLR). En Cette admission renforce l’anjanvier 2009, Kigali et Kinshasa crage de ce pays enclavé au BURUNDI 50 km ont lancé une opération milisein du monde anglophone taire conjointe qui a affaibli les au détriment de ses relations rebelles. Enfin, le 17 novembre 2009, leur chef, Ignace avec la francophonie. Le pays des Mille Collines avait Murwanashyaka, a été arrêté en Allemagne: il est poursuivi déjà adhéré en 2007, en même temps que le Burundi, à pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. l’East African Community (EAC), ensemble économique Sur le plan de la politique intérieure, le président Paul jusqu’alors limité aux trois pays anglophones voisins, le Kagamé a été réélu en décembre à la tête du FPR. Une Kenya, l’Ouganda et la Tanzanie. manière d’annoncer sa probable candidature à la présidenParadoxalement, c’est au moment même où le Rwanda tielle, prévue le 9 août 2010. Kagamé aura alors l’occasion de intégrait la famille anglophone que Paris et Kigali ont défendre son bilan, notamment en matière de lutte contre décidé de renouer le dialogue. Le président français, la corruption. Le régime a décrété la « tolérance zéro » face Nicolas Sarkozy, s’est même rendu le 26 février 2010 à aux détournements de fonds publics. Résultat: le Rwanda Kigali, où il a rencontré son homologue rwandais. Cette se classe au premier rang des pays d’Afrique centrale et visite a permis de normaliser les relations après des d’Afrique de l’Est, et à la 89e place dans le rapport 2009 de années de fortes tensions entre les deux pays. Les relal’ONG Transparency International, qui évalue l’efficacité de tions diplomatiques étaient rompues depuis 2006, date la lutte contre la corruption dans 180 pays. En deux ans, de l’émission de mandats d’arrêt par la justice française près d’un millier de personnes ont été poursuivies. à l’encontre de proches du président Paul Kagamé, soupAutre performance, celle de Kigali dans le classement çonnés d’avoir pris part à l’attentat en 1994 contre le pré« Doing Business ». L’édition 2010 du rapport de la Banque sident Habyarimana. Dans le dossier judiciaire, Agathe mondiale sur le climat des affaires distingue le Rwanda, Habyarimana a été arrêtée en France le 2 mars 2010, soulignant le fait qu’une entreprise peut y être créée en trois avant d’être libérée et placée sous contrôle judiciaire. Le jours. De quoi contribuer à entretenir la croissance du PIB, Rwanda a émis un mandat d’arrêt international contre qui se maintient à 4,1 % en 2009. La production agricole a elle et souhaite son extradition pour la juger pour son même augmenté de 15 %. ■ implication présumée dans la planification du génocide.
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
1er juillet 1962 Accession à l’indépendance. Juillet 1973 Putsch de Juvénal Habyarimana. Octobre 1990 Attaque du Front patriotique rwandais (FPR). 6 avril 1994 Habyarimana est tué dans un attentat. Début du génocide. 4 juillet 1994 Victoire du FPR. 2 août 1998 Début de la guerre en RDC. 23 mars 2000 Paul Kagamé chef de l’État. 30 juillet 2002 Accord de paix avec la RDC. 28 novembre 2009 Kigali devient membre du Commonwealth.
Le pays en bref Superficie 26340 km2. ■ Population 9,72 millions d’hab.
■
144
■ Croissance démographique 2,9 %.
■ Densité de population 395 hab./km2.
■ Population urbaine 18 %.
■ Espérance de vie 46,7 ans.
■ Alphabétisation 64,9 %.
■ Indice de développement humain
(2009) IDH: 0,46 – Rang: 167/182. ■ Langues Kinyarwanda, français, anglais, swahili. ■ Peuplement Hutus, Tutsis, Twas. ■ Religions Chrétiens et musulmans. ■ Monnaie Franc rwandais. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 805,09 francs rwandais; 1 $ = 560,42 francs rwandais. ■ PIB par habitant 536 $. ■ Répartition du PIB Primaire 38,5 %; secondaire 15,4 %; tertiaire 46,1 %.
PIB (en milliards de dollars) 2,8
3,4
5,2
4,5
Taux de croissance (en %) 7,3
8
2006
2007
11,2
4,1 2008
2009
■ Inflation 10,4 %.
■ Investissements directs étrangers
103 millions de $.
■ Exportations 269 millions de $.
■ Importations 590 millions de $.
■ Principales ressources Agriculture,
mines, tourisme.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
Au bord du gouffre
E
KENYA
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
15 octobre 1969 Coup d’État de Siad Barre. 27 janvier 1991 Chute de Siad Barre. Début de la guerre civile. Décembre 1992 Opération Restore Hope. 10 octobre 2004 Abdallahi Yusuf Ahmed est élu président par le Parlement. Mai-décembre 2006 L’Union des tribunaux islamiques contrôle le pays. Intervention de l’armée éthiopienne. 31 janvier 2009 Cheikh Sharif Cheikh Ahmed est élu président par le Parlement.
Le pays en bref
■ Superficie 637660 km2.
■ Population 8,9 millions d’hab.
■ Croissance démographique 2,9 %.
■ Densité de population 14 hab./km2.
■ Population urbaine 36,5 %.
■ Espérance de vie 48,6 ans.
■ Alphabétisation ND.
■ Indice de développement humain
(2009) IDH: ND – Rang: ND.
■ Langues Somali, arabe (officielles).
■ Peuplement Somalis (plus de 90 %).
■ Religions Musulmans
(à majorité sunnite).
■ Monnaie Shilling somalien. ■ Parité au 01.01.10
1 € = 2089,39 shillings somaliens; 1 $ = 1454,42 shillings somaliens. ■ PIB par habitant ND. ■ Répartition du PIB Primaire ND; secondaire ND; tertiaire ND.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
PIB (en milliards de dollars) ND
ND
ND
ND
Taux de croissance (en %) ND
ND
ND
ND
2006
2007
2008
2009
■ Inflation ND. ■ Investissements directs étrangers
87 millions de $. ■ Exportations ND. ■ Importations ND. ■ Principales ressources Élevage, sel, gaz.
145
R WA N DA – S O M A LI E
xécutions publiques, attentats, de l’Éducation, de l’Éducation supéDJIBOUTI assassinats… En dix-huit années rieure, de la Santé et des Sports qui de crise, jamais la situation n’a ont à leur tour été tués. Les chefs de Hargeysa été aussi grave : près de la moitié de la police et de l’armée ont aussitôt été la population dépend de l’aide extélimogés, mais il en faudra plus pour rieure. En 2009, les combats, la sécheécraser l’insurrection islamiste. L’UE ÉTHIOPIE resse et les inondations ont provoqué envisage, certes, de doter le gouvernele déplacement d’un demi-million de ment d’une armée formée par ses soins, personnes supplémentaires, et 20 % mais sans illusions excessives tant les Océan Indien SOMALIE des enfants de moins de 5 ans soufobstacles (financiers notamment) sont frent de malnutrition. Pour ne rien nombreux. Paris et Madrid avaient déjà Mogadiscio arranger, début 2010, le Programme joué un rôle clé dans la mobilisation alimentaire mondial (PAM) a dû susinternationale pour lutter contre la pendre ses opérations dans la plupart piraterie dans le golfe d’Aden et c’est des localités du sud du pays, majoritaiaujourd’hui une véritable armada rement sous le contrôle des islamistes qui quadrille les eaux somaliennes et 200 km radicaux. escorte les navires. Mais la zone à couL’année 2009 avait pourtant comvrir est immense: des actes de piraterie mencé avec un signe encourageant : l’élection, par le ont été signalés à presque 2000 km des côtes. Parlement, du nouveau président d’union nationale, l’anÀ cette situation sécuritaire catastrophique s’ajoutent cien dirigeant des Tribunaux islamiques, Cheikh Sharif sécheresses et mauvaises récoltes. L’économie somalienne, Cheikh Ahmed. Dès le mois de février, il a nommé un goutrès largement informelle, repose sur l’élevage et l’agrivernement composé de ministres issus du Gouvernement culture. Seuls points positifs: les transferts de revenus en fédéral de transition et de l’Alliance pour la re-libération de provenance de la diaspora (1,5 milliard de dollars par an) la Somalie (ARS, groupe d’opposition à dominante islamiet les bonnes performances des entreprises de télécomque, formé à Asmara en 2007). Mais depuis mai 2009, ce munications. La Somalie, privée d’internet à haut débit, gouvernement doit faire face à une nouvelle insurrection bénéficie d’une des meilleures couvertures de téléphonie de la milice radicale Chabaab. Soutenu à bout de bras par mobile de tout le continent, avec trois réseaux opérant sur la communauté internationale, le chef de l’État ne contrôle l’ensemble du territoire. En revanche, les islamistes radiplus que quelques quartiers de Mogadiscio, la capitale, caux qui contrôlent le sud du pays ont interdit la diffusion avec le soutien des 5300 soldats de la Mission de l’Union de films à la télévision, trois ans après avoir fermé les salles africaine en Somalie (Amisom). Les membres de son goude cinéma. Dans les zones qu’ils contrôlent, ils demandent vernement sont régulièrement la cible d’attaques, menées aux hommes de se couper la moustache et de se laisser par les Chabaab ou par les insurgés du Hezb al-Islam. En pousser la barbe ; pour les femmes, le port du voile est juin 2009, un attentat-suicide a coûté la vie du ministre de exigé. Et tous sont encouragés à assister aux exécutions la Sécurité intérieure. En décembre, ce sont les ministres publiques. ■
AFRIQUE DE L'EST
SOMALIE
SOUDAN
El-Béchir se maintient... dans la tourmente
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le déclenchement de ces poursuites e président Omar el-Béchir et 400 km ÉGYPTE depuis le 14 juillet 2008, l’initiative son Parti du congrès national LIBYE ARABIE a été diversement accueillie sur la (PCN) ont remporté les élecSAOUDITE scène internationale. tions générales qui se sont dérouPort-Soudan Au Soudan, elle est intervenue lées du 11 au 16 avril 2010 (avec sur fond de tensions politiques exa68,24 % des voix). Il faut dire que ÉRYTHRÉE Khartoum cerbées, faisant craindre une intences élections dites multipartites sification des conflits qui déchirent l’étaient de moins en moins après SOUDAN le pays. Si la crise au Darfour s’est l’annonce du boycott du scrutin par faite plus discrète dans les médias le parti politique Umma, qui avait RÉP. ces derniers mois, elle n’en est pas remporté les dernières législatives, Juba CENTRAF. pour autant résolue, en dépit de en 1986. De son côté, le Mouvement R.D. CONGO OUG. l’implication du Qatar, de la Libye de libération des peuples du Soudan et des États-Unis – qui, dans ce dos(SPLM) – issu de l’Armée de libérasier, se sont dotés l’an dernier d’un émissaire spécial tion des peuples du Soudan (SPLA) –, qui codirige le en la personne du général Scott Gration – pour tenter pays, s’était retiré de la course à la présidentielle et de parvenir à la signature d’un accord de paix global des trois scrutins au Darfour. Il n’était resté présent entre le gouvernement et les mouvements rebelles de que dans le Sud. la région. Cette victoire électorale suffira-t-elle à redonner Début 2010, un certain nombre d’avancées y ont touune certaine crédibilité à l’homme fort de Khartoum ? tefois été enregistrées. Le 8 février d’abord, le président Rien n’est moins sûr. Depuis le 4 mars 2009, en effet, tchadien, Idriss Déby Itno, s’est rendu à Khartoum pour son image est fortement écornée. Au pouvoir depuis normaliser les relations entre son pays et le Soudan. vingt ans, Omar el-Béchir est devenu le premier chef Une visite qu’il n’avait plus effectuée depuis six ans, les d’État en exercice poursuivi par la justice internadeux pays s’accusant jusqu’alors mutuellement de servir tionale pour crimes de guerre et crimes contre l’hude base arrière aux rébellions avec lesquelles ils sont manité, au Darfour, une région de l’ouest du Soudan aux prises sur leurs territoires respectifs. Le 23 février, en proie à un violent conflit qui aurait fait quelque puis le 18 mars, le gouvernement soudanais a signé 300 000 morts et près de 3 millions de déplacés depuis des cessez-le-feu ouvrant la voie à des négociations en son déclenchement en février 2003. Les violences qui vue de parvenir à des accords de paix définitifs avec s’y déchaînent sont le résultat « d’un plan commun deux mouvements rebelles qui sévissent au Darfour, organisé au plus haut niveau des autorités soudale Mouvement pour la justice et l’égalité (JEM) et le naises », précise le mandat d’arrêt de la Cour pénale Mouvement de libération et de justice (MLJ). Enfin, internationale (CPI), qui n’a toutefois pas retenu le courant mars toujours, trois humanitaires français qui chef d’accusation de génocide à l’encontre du président étaient détenus depuis plusieurs mois dans la région El-Béchir. Incontestable victoire du procureur de la ont été libérés. CPI, l’Argentin Luis Moreno-Ocampo, qui réclamait
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
1er janvier 1956 Accession à l’indépendance. Début de la guerre civile dans le Sud. 30 juin 1989 Coup d’État d’Omar el-Béchir. 9 janvier 2005 Accord de paix avec l’Armée populaire de libération du Soudan (SPLA). 30 juillet 2005 Mort de John Garang. Salva Kiir devient vice-président du Soudan. 4 mars 2009 La CPI émet un mandat d’arrêt à l’encontre d’Omar el-Béchir pour crimes de guerre et crime contre l’humanité au Darfour. Avril 2010 Réélection d’Omar el-Béchir.
Le pays en bref
■ Superficie 2505810 km2. ■ Population 41,35 millions d’hab. ■ Croissance démographique 2,3 %.
146
■ Densité de population 16 hab./km2. ■ Population urbaine 43,5 %. ■ Espérance de vie 58,9 ans. ■ Alphabétisation 60,9 %. ■ Indice de développement humain
(2009) IDH: 0,531 – Rang: 150/182.
■ Langues Arabe (officielle), anglais, dinka,
nuer, chillouk…
PIB (en milliards de dollars) 36,4
58
54,7
Taux de croissance (en %) 11,3
■ Peuplement Arabes, Nubiens, Bejas,
Dinkas, Nuers, Chillouks. ■ Religions Musulmans sunnites, chrétiens, animistes. ■ Monnaie Livre soudanaise. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 3,28 livres soudanaises; 1 $ = 2,28 livres soudanaises. ■ PIB par habitant 1398 $. ■ Répartition du PIB Primaire 31,5 %; secondaire 28,7 %; tertiaire 39,8 %.
46,5
2006
10,1 2007
6,8 2008
4,5 2009
■ Inflation 11,3 %. ■ Investissements directs étrangers
2,6 milliards de $.
■ Exportations 12 milliards de $.
■ Importations 9,1 milliards de $. ■ Principales ressources Pétrole, élevage,
coton et céréales.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
P
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
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S O U DA N
Le calendrier des élections générales
AFRIQUE DE L'EST
mission est d’autant plus exposée qu’elle souffre touSimple manœuvre politique à l’approche d’un renjours d’un important manque de moyens matériels et dez-vous électoral crucial pour Omar el-Béchir en humains. Le 29 août, deux de ses employés civils ont quête d’une légitimité démocratique pour contrer la été enlevés par des hommes armés non identifiés à CPI ? Les difficultés rencontrées dans la finalisation Zalingei… Une première depuis qu’elle a pris le relais de l’accord de paix entre le JEM et Khartoum peuvent de la Mission de l’Union africaine au Soudan (Muas), le laisser penser. Véritable volonté de sortir de la crise en janvier 2008. du Darfour, à l’heure où le Sud-Soudan menace de Pour de nombreux observateurs, les prises de posireplonger dans la violence ? L’hypothèse n’est pas à tion radicales du PCN s’expliqueraient par sa crainte exclure non plus. de voir sa suprématie sur le pays remise en question Durant toute l’année 2009, la partie méridionale par le référendum d’autodétermination du Sud-Soudan du pays a été en effet très instable. Au mois de juin, prévu en janvier 2011, au cours duquel il apparaît de un convoi naval du Programme alimentaire monplus en plus clairement que la région devrait faire dial (PAM) qui acheminait plus de 700 tonnes de v iv res à une quinzaine de milliers de réfugiés de la région a été victime d’une embuscade sur le fleuve Sobat. Quelque 2 500 Sudour la première fois depuis législatives et les régionales qui Soudanais ont trouvé la mort en vingt-quatre ans, des élections viennent d’avoir lieu constituent 2009 au cours d’affrontements trigénérales ont été organisées au l’aboutissement de l’accord de baux qui ont également provoqué Soudan entre le 11 et le 15 avril paix global (APG) signé le 9 janvier le déplacement de 350 000 person2010. Si la population s’est rendue 2005 entre les autorités de nes environ. aux urnes en 2000 à l’occasion Khartoum et l’ex-rébellion sudiste Présentés au départ comme de d’une élection présidentielle de l’Armée de libération des simples rivalités pour le contrôle remportée haut la main par Omar peuples du Soudan (SPLA), devenue de ressources vitales comme l’eau el-Béchir – un scrutin qualifié à le Mouvement de libération des et les pâturages, ces combats ont l’époque de « mascarade » par peuples du Soudan (SPLM). L’APG atteint une telle fréquence et un l’opposition -, les Soudanais a mis fin à vingt et un ans d’une tel degré de violence que tous les n’avaient effectivement plus guerre fratricide entre le Nordobservateurs craignent désormais élu leurs députés depuis 1986. Soudan, majoritairement qu’ils prennent un « aspect dangeAvec le référendum sur musulman, et le Sud-Soudan, à reusement politisé ». Or un réfél’autodétermination du Suddominante chrétienne et animiste, rendum d’autodétermination doit Soudan prévu pour le mois de qui a fait quelque deux millions se tenir dans la région au plus tard janvier 2011, la présidentielle, les de morts. ■ en janvier 2011, selon les termes de l’accord de paix global (APG) qui a mis fin à plus de vingt ans de sécession. Il est vrai que, pour les autorités du Nord, guerre entre le SPLA et le gouvernement de Khartoum, une sécession de la partie sud du pays serait une bien en janvier 2005 (voir encadré). mauvaise opération économico-diplomatique. Vue Au mois de décembre 2009, le regain de tension dans de Khartoum, en effet, cette éventualité comporte l’ensemble du Soudan était tel que l’ONG International deux risques majeurs : l’enclenchement d’un procesCrisis Group (ICG) redoutait que le pays ne s’enfonce sus d’implosion du Soudan d’une part ; la perte de à nouveau dans la guerre. Elle en imputait très largela manne pétrolière qui irrigue l’économie nationale ment la responsabilité à l’« intransigeance » du PCN. depuis 1999 de l’autre. La plupart des six millions de Profondément agacée par « l’ingérence » de la CPI dans barils de réserves dont dispose le Soudan se situent ses « affaires intérieures », la puissante formation du dans le sud du pays, ou sur la zone de contact avec le président El-Béchir a en effet prouvé tout au long de Nord. Or l’or noir en est aujourd’hui la principale resl’année 2009 qu’elle gardait un important pouvoir de source : selon le Fonds monétaire international (FMI), nuisance tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du Soudan, en 2008, les 450 000 barils extraits chaque jour dans et qu’elle n’hésiterait pas à en faire usage. le pays représentaient 95 % de ses revenus d’exporDès le lendemain de son inculpation par la CPI, le tation et 60 % de ses revenus intérieurs. président a d’ailleurs ordonné l’expulsion de treize Pour le PCN, le maintien d’une telle richesse dans ONG étrangères accusées de dénigrer son pays, le giron du Nord est donc une nécessité. Elle lui faisant craindre une aggravation de la situation assure l’arrivée d’importants investissements directs humanitaire dans les provinces soudanaises les plus étrangers (IDE), lui permet de s’affranchir de cultupauvres. Une semaine plus tard, trois membres de res d’exportation bien moins rentables comme le la section belge de Médecins sans frontières (MSF) coton, le sésame ou la gomme arabique, et continue – un Français, un Canadien et un Italien – ont été de tracter son PIB, même si son taux de croissance a enlevés au Darfour. À plusieurs reprises, la Mission beaucoup souffert de la crise économique en 2009. conjointe des Nations unies et de l’Union africaine qui Alors qu’il avait dépassé le seuil des 10 % en 2006 opère dans la région (Minuad) a également dénoncé et 2007, il a chuté à 6,8 % en 2008, pour atteindre le « harcèlement » dont ses soldats et son personnel 4,5 % en 2009. ■ technique font l’objet dans l’ouest du Soudan. La
TANZANIE
Kikwete brigue un second mandat
L
Océan Indien
tilisants. Néanmoins, le Tanzania es électeurs tanzaniens doivent 400 km RÉP. DÉM. OUGANDA Coffee Board vise 120 000 t d’ici à voter en octobre 2010 pour élire DU CONGO 2014-2015, grâce à l’augmentation les membres du Parlement et le Lac KENYA RWANDA Victoria de la surface mise en production, président de la République pour un de 250 000 à 300 000 hectares, et mandat de cinq ans. C’est la quaArusha BURUNDI la mise en place de techniques de trième élection présidentielle depuis Dod Dodoma production et de commercialisation l’instauration du multipartisme dans plus modernes. La récession a par le pays. Arrivé au pouvoir en 2005, Dar ailleurs touché de plein fouet le secJakaya Kikwete, l’actuel chef de TANZANIE es-Salaam TA teur horticole, les exportateurs de l’État, briguera un second mandat. noix de cajou et de sésame. Quant Une élection qui devrait le reconMAL. au tourisme, qui draine habituelleduire aux plus hautes fonctions, tant MOZAMBIQUE ment plus de 700 000 visiteurs par la principale opposition installée sur an, il serait en recul de près de 10 % l’île de Zanzibar semble incapable pour les arrivées internationales. de menacer le Chama Cha Mapinduzi (CCM, Parti de la Par ailleurs, le ministre de l’Énergie et des Minerais, révolution), au pouvoir depuis l’indépendance. À l’actif du William Ngeleja, a annoncé début 2010 son intention d’ingouvernement en place: la lutte contre la corruption et de terdire l’exportation des minerais et des pierres précieuses bonnes performances économiques malgré la crise. brutes afin d’accroître les revenus. L’exploitation minière, En 2009, la Tanzanie a en effet connu une croissance en plein essor ces dernières années, représente actuellede près de 5,5 %, contre 7,4 % l’année précédente. Mais ment 52 % du total des exportations tanzaniennes. des incertitudes demeurent, portant notamment sur Avec la crise, des investissements dans des projets miniers le ralentissement du crédit octroyé au secteur privé, majeurs ont été reportés, voire annulés, comme ceux de la la baisse des recettes fiscales et celle des investissefonderie d’aluminium de Mtwara (3,5 milliards de dollars), ments directs étrangers. En 2009, les IDE sont tombés à de la mine de nickel de Kabanga (165 millions de dollars) 650 millions de dollars (– 14,4 %). ou de la compagnie canadienne Iamgold. Néanmoins, les En 2010, la croissance attendue avoisine les 6 %. Elle compagnies étrangères restent attentives. Dans le secteur pourrait retrouver un rythme plus soutenu dès 2012, à aurifère, les compagnies américaine Ruby Creek Resources 7,5 %, selon le FMI. D’ici là, les autorités tanzaniennes et canadienne Douglas Lake Minerals fondent de grands s’efforcent de soutenir l’emploi, les revenus du secteur espoirs dans l’exploration de la mine de Mkuvia, située rural, et de faire face à d’éventuelles pénuries alimendans le sud du pays. La Tanzanie revendique la troisième taires. L’agriculture, qui représente environ 30 % du place en Afrique pour la production d’or, derrière l’Afrique PIB, souffre. La récolte de café, notamment, devrait du Sud et le Ghana. Le pays détient des réserves estimées atteindre seulement 50 000 tonnes pour la campagne à plus de 1000 t d’or. Autre secteur sur lequel la Tanzanie 2009-2010, contre 68 000 t pour la campagne précéfonde des espoirs : l’uranium, dont la production devrait dente. En cause : une maladie qui a touché les plants de café, la sécheresse et la moindre utilisation des ferdébuter dans trois ans. ■
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
Décembre 1961 Indépendance du Tanganyika. Décembre 1963 Indépendance de Zanzibar. 26 avril 1964 Union du Tanganyika et de Zanzibar. Proclamation de la République, Julius Nyerere en devient le président. 25 avril 1977 Instauration du parti unique, le Chama Cha Mapindunzi (CCM). Octobre 1995 Premières élections démocratiques. Benjamin Mkapa devient président. Il est réélu en octobre 2000. 21 décembre 2005 Jakaya Kikwete devient président. Majorité du CCM au Parlement.
Le pays en bref
■ Superficie 945090 km2. ■ Population 42,5 millions d’hab. ■ Croissance démographique 2,5 %.
148
■ Densité de population 46 hab./km2.
■ Population urbaine 25,5 %.
■ Espérance de vie 52,9 ans.
■ Alphabétisation 72,3 %.
■ Indice de développement humain
(2009) IDH: 0,53 – Rang: 151/182.
■ Langues Swahili, anglais…
■ Peuplement Sukumas, Chaggas,
Makondes, Hayas, Massaïs… ■ Religions Chrétiens, musulmans, animistes. ■ Monnaie Shilling tanzanien. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 1894 shillings tanzaniens; 1 $ = 1318,4 shillings tanzaniens. ■ PIB par habitant 550 $. ■ Répartition du PIB Primaire 30 %; secondaire 23,3 %; tertiaire 46,7 %.
PIB (en milliards de dollars) 14,3
16,7
20,7
22,3
Taux de croissance (en %) 6,7
7,1
7,4
2006
2007
2008
5,5 2009
■ Inflation 12,1 %.
■ Investissements directs étrangers
744 millions de $.
■ Exportations 3 milliards de $.
■ Importations 7 milliards de $.
■ Principales ressources Agriculture, fer,
tourisme.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
CABINDA
TANZANIE
Luanda Huambo
MALAWI
Lilongwe
ZAMBIE
ANGOLA
Nampula
Lusaka
Blantyre Harare
Bulawayo
BOTSWANA
Océan Windhoek
Gaborone
MOZAMBIQUE Pretoria
Johannesburg Kimberley
AFRIQUE DU SUD
Maputo Mbabane
SWAZILAND
Océan Indien
Maseru
LESOTHO Le Cap
MADAGASCAR
Beira
ZIMBABWE
NAMIBIE
Atlantique
AFRIQUE AUSTRALE
RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO
Durban
Port Elizabeth
300 km
AFRIQUE AUSTRALE L’année du ballon rond
D
u 11 juin au 11 juillet 2010, la planète aura les yeux rivés sur l’Afrique du Sud. Si l’économie sud-africaine a souffert de la crise internationale, la Coupe du monde devrait avoir un effet de relance, à condition que les festivités se déroulent sans incident majeur. Mais audelà de la résonance médiatique du Mondial, Jacob Zuma va devoir convaincre sur le long terme. Même s’il a déjà réussi, malgré tout, à lever les incertitudes qui avaient suivi son élection et qu’il est parvenu à rassurer, en partie, les investisseurs. Dans les « pays satellites », la situation est moins favorable. Au Zimbabwe, le gouvernement d’union mis en place par Morgan Tsvangirai sous l’autorité de Robert Mugabe a bien du mal à surmonter ses divisions. Et en Angola, le report des élections générales prouve que les doutes nés de l’après-guerre civile sont encore forts et minent toujours la cohésion nationale. JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
150 Afrique du Sud 152 Angola 154 Botswana 155 Lesotho 156 Malawi 157 Mozambique 158 Namibie 159 Swaziland 160 Zambie 161 Zimbabwe 149
AFRIQUE DU SUD
Le test de l’après-Mondial
S
MOZ.
statistiques officielles, de 23 % à 25 % i l’organisation de la Coupe du ZIMBABWE entre 2009 et 2010. Et pourtant Zuma monde a été un véritable dopant BOT BOTSWANA avait promis, avec la Coupe du monde, pour le secteur du bâtiment, elle la création de 1 million d’emplois, demeure, malgré tout, un pari risqué Pretoria surtout dans le secteur du BTP. Selon pour le Trésor sud-africain. Il restera Johannesburg Joh certaines estimations, l’ensemble des déficitaire sur le projet et devra gérer NAMIBIE SWAZ. travaux (la construction de cinq staun probable éclatement de la « bulle » LESOTHO des et la modernisation de six autres) après le coup de sifflet final. Entrée AFRIQUE aurait coûté 56,8 milliards de dollars en récession en 2009 pour la première Durban DU SUD Océan aux contribuables sud-africains. Or fois depuis seize ans, l’économie sudAtl. si l’Afrique du Sud espérait dans un africaine a subi de plein fouet les Le Cap Océan Indien premier temps recevoir en retour près effets de la crise mondiale, passant de 300 km de 2,2 milliards de dollars en attirant 3 % de croissance en 2008 à – 1,8 % 450 000 visiteurs, cette somme semen 2009. Même si la croissance pourble aujourd’hui largement surestimée. rait être stimulée en 2010 par la Coupe du monde, le taux Pour que l’économie reparte en 2010-2011, il faudra pressenti de 2 % semble optimiste. Ce sont surtout les secdonc poursuivre les investissements dans les secteurs teurs minier et de l’automobile qui ont sévèrement subi les fondamentaux: les mines, l’automobile et le secteur de la effets de la baisse de la demande mondiale. Seul le secteur téléphonie. Après plusieurs années de déclin en partie lié bancaire a été épargné, en partie grâce à des taux d’intérêt à la conjoncture économique mondiale mais aussi à des élevés mais aussi grâce au visionnaire National Credit Act, pannes électriques en 2008-2009, le secteur minier (or, une loi datant de 2007 qui a évité aux petites entreprises diamant, platine, fer, charbon) stagne. Même le royaume et aux consommateurs sud-africains de s’endetter autant des Bafokengs, du nom de cette tribu localisée près de que ceux des pays de l’hémisphère Nord. Johannesburg dont les terres sont riches de réserves de Mais si les investisseurs étrangers se sont montrés dans platine, cherche à diversifier son économie : le prix du un premier temps inquiets par l’arrivée au pouvoir de Jacob platine a chuté de 60 % entre mars 2008 et janvier 2010. Zuma, réputé pour ses prises de position à gauche, ils se Par ailleurs, après de longs mois d’attente, le gouvernedisent aujourd’hui confiants. Il faut dire que le nouveau ment a rendu public, début 2010, un programme de subprésident avait, dès son élection en avril 2009, su rassurer ventions de l’industrie automobile, portant à 116 millions les marchés en créant un poste sur mesure pour le très de dollars sa contribution sur 2009-2011. Les principaux respecté ancien ministre des Finances, Trevor Manuel: il constructeurs internationaux (Renault-Nissan, Mercedes préside la Commission nationale du Plan. Sa politique de et Volkswagen) ont confirmé, à la suite de cette nouvelle lutte contre l’inflation – qui s’est stabilisée à un taux moyen disposition, leur présence jusqu’en 2020. de 7,1 % en 2009 – a été poursuivie par ses sucesseurs. Les grandes compagnies publiques que sont Eskom De son côté, la gauche du Congrès national africain (électricité) et Transnet (pipelines, ports et réseaux fer(ANC) milite pour l’adoption de mesures visant à faire roviaires) continuent d’éprouver des difficultés. Si, pour baisser le taux de chômage : celui-ci est passé, selon les
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
1948 Institution du système de l’apartheid. 31 mai 1961 Proclamation de la République. 2 novembre 1990 Libération de Nelson Mandela et légalisation du Congrès national africain (ANC). 27 avril 1994 Nelson Mandela devient président de la République. 14 juin 1999 Thabo Mbeki succède à Mandela. Il est réélu le 14 avril 2004. 18 décembre 2007 Zuma à la tête de l’ANC. 22 avril 2009 L’ANC remporte les élections générales. Jacob Zuma devient président.
Le pays en bref
■ Superficie 1221040 km2. ■ Population 48,7 millions d’hab. ■ Croissance démographique 0,5 %. ■ Densité de population 39 hab./km2.
150
■ Population urbaine 60,8 %. ■ Espérance de vie 49,5 ans. ■ Alphabétisation 88 %. ■ Indice de développement humain (2009)
IDH: 0,683 – Rang: 129/182.
■ Langues Onze langues officielles, dont
afrikaans, anglais, zoulou, xhosa, pedi, tswana, sotho, tsonga, swazi, venda, ndebele. ■ Peuplement Bantous, Zoulous, Xhosas… Communautés blanche et indienne. ■ Religions Chrétiens (catholiques, protestants et Églises indépendantes). ■ Monnaie Rand. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 10,6 rands; 1 $ = 7,4 rands. ■ PIB par habitant 5823 $. ■ Répartition du PIB Primaire 3,2 %; secondaire 31,9 %; tertiaire 64,9 %. ■ Inflation 7,1 %.
PIB (en milliards de dollars) 283,8
257,9
287,2
276,8
Taux de croissance (en %) 5,3
5,1
2006
2007
3
– 1,8
2008
2009
■ Investissements directs étrangers
9 milliards de $.
■ Exportations 80,1 milliards de $.
■ Importations 99,5 milliards de $. ■ Principales ressources Agriculture,
viticulture, élevage, mines, sidérurgie, agroalimentaire, tourisme.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
L’ANC à l’épreuve du pouvoir
C
151
A FR I Q U E D U S U D
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
AFRIQUE AUSTRALE
l’instant, 80 % du fret sud-africain passe toujours par la route, Transnet a reçu en 2009 près de 10 milliards ’est au cours de la première communiste. L’aile gauche de dollars pour moderniser certains moitié de 2011 que le Congrès traditionnelle de l’alliance avait ports et le réseau de chemin de fer. national africain (ANC) devra aidé Jacob Zuma Cet investissement devrait permetfaire face à son premier test à prendre la place du président tre à plusieurs ports, dont ceux de électoral depuis le passage à la Mbeki. Mais elle se sent Durban, du Cap et de Ngqura (près démocratie, en 1994. Les aujourd’hui délaissée. de Port Elizabeth), d’augmenter leur élections municipales attendues Un espace est donc à prendre capacité d’ici à 2012. À l’occasion de entre mars et juin 2011 seront sur la gauche de l’échiquier la Coupe du monde, des efforts ont l’occasion pour de nouveaux politique sud-africain. Il reste à également été réalisés en matière partis tels que le Congrès du savoir si un parti aura les reins d’expansion des transports publics. peuple (Cope, mouvement suffisamment solides pour Le Gautrain, qui reliera l’aéroport de dissident de l’ANC) d’exploiter fédérer les plus pauvres, dont Johannesburg à la ville et à Pretoria, les défaillances des dix-sept une grande partie se retrouve devrait être entièrement opérationnel années d’exercice du pouvoir par aujourd’hui électeurs sans avant la fin de 2010. l’ANC. Fondé par des proches de jamais avoir connu l’apartheid. De son côté, Eskom subit depuis l’ex-président Thabo Mbeki en Une partie de la jeunesse a 2009 des crises de gestion qui novembre 2008, le Cope avait d’ailleurs violemment exprimé défraient régulièrement la chronique. déjà tenté sa chance aux son mécontentement ces Des pannes en série, causées par la élections générales d’avril 2009, dernières années, allant jusqu’à trop faible capacité de production et mais, faute de structures locales incendier des townships. En par le manque d’entretien des infraset de programme clair, n’avait mai 2008, des attaques tructures existantes, ont à plusieurs récolté que 7,4 % des suffrages. xénophobes avaient même reprises paralysé l’industrie et les Les résultats de cette éclaté à l’encontre de mines. Pour y remédier, l’expansion échéance électorale locale mais ressortissants d’autres pays de la centrale nucléaire de Koeberg, aussi une éventuelle grogne africains. Pour retrouver la située près du Cap, devrait être annonéconomique post-Mondial confiance de ces électeurs, l’ANC cée courant 2010. Jusqu’en 2012 au pourraient faire éclater l’alliance devra lutter contre la pauvreté moins, l’Afrique du Sud connaîtra un gouvernementale formée par des bidonvilles et s’attaquer à la déficit de 2100 MW. Début avril 2010, l’ANC avec les syndicats (Cosatu) corruption qui mine les la Banque mondiale a consenti un prêt et le minuscule Parti municipalités qu’il contrôle. ■ de 2,77 milliards d’euros à Eskom, qui servira surtout à la construction de la centrale à charbon de Medupi (dans résistance afrikaner AWB, a fait craindre le réveil des tenla province du Limpopo). sions raciales. Preuve de la grande fébrilité de la nation Dans ce contexte, l’économie sud-africaine est tirée par Arc-en-Ciel. Il faut dire que tout reste à faire dans un pays le tertiaire (qui représente presque 65 % du PIB), avec, en où le système éducatif est l’un des plus pauvres et où les tête, les services financiers. Autre secteur porteur, celui entreprises se plaignent de ne pas pouvoir accéder à une des télécoms: le taux de pénétration du téléphone mobile main-d’œuvre suffisamment qualifiée. s’est ainsi élevé à 100 % en 2009. En revanche, l’objectif Dans le domaine de la santé, le pays a augmenté de 20 % de fournir un accès à internet à un quart de la population ses dépenses, et 95 % des Sud-Africains vivent aujourd’hui avant 2010 n’a pas été atteint (le taux de pénétration est à moins de 5 km d’un dispensaire. Par ailleurs, le nouveau de 10 %, selon le ministère de la Technologie), notamprésident s’est engagé à créer en 2010 un système de sécument parce que le gouvernement n’a que très tardivement rité sociale, financé par le contribuable. Pourtant, la situaouvert le secteur à la concurrence. tion sanitaire du pays reste très critique, avec notamment Sur le plan social, l’Afrique du Sud reste très inégalil’un des taux les plus élevés du monde de VIH (26,8 % des taire: elle rivalise avec la Colombie en affichant l’écart de femmes enceintes entre 20 ans et 24 ans, selon le ministère revenus entre riches et pauvres le plus extrême au monde. de la Santé). Jacob Zuma a rapidement abandonné la posiPlus de 12 millions de Sud-Africains vivent aujourd’hui tion défendue par Thabo Mbeki (qui mettait en doute le lien d’aides sociales, et ils devraient être 13 millions dans entre le VIH et le sida), mais le pays est loin d’atteindre son ce cas en 2010-2011. Certes, le programme de Black objectif consistant à permettre à 80 % des malades d’avoir Economic Empowerment (BEE, discrimination positive accès aux traitements antirétroviraux d’ici à 2012. censée compenser les méfaits économiques de l’apartheid) Globalement, durant toute la première année de son a fait ses preuves dans les conseils d’administration des mandat, Zuma a fait beaucoup de promesses. Avec la tenue grosses sociétés, où l’on trouve désormais une représendu Mondial en ligne de mire, seule comptait la constructation équitable entre les différentes communautés. Mais tion d’une bonne image à l’international. Ce n’est qu’après malgré la naissance d’une classe moyenne et d’une petite la finale, le 11 juillet, que la population et le secteur des élite noire, la grande majorité n’a pas, depuis seize ans, affaires exigeront que Zuma et son gouvernement se metvu les changements qu’elle attendait. Résultat, dans les tent réellement au travail pour obtenir des résultats, tant townships, les tensions sont réelles et l’assassinat, le 3 avril sur le terrain économique que sur le plan social. ■ 2010, d’Eugène Terreblanche, le chef du mouvement de
ANGOLA
Le MPLA peine à changer son image
C
mort, même si le MPLA a tenté e devait être la grande fête 200 km RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE CABINDA de l’affaiblir en le divisant. La africaine du ballon rond. DU CONGO stratégie de pacification angoMais aussi, accessoirement, laise, qui s’incarne dans l’accord une grand-messe médiatique Océan Luanda de Namibe (2006) signé avec au service de la promotion du Atlantique une partie seulement des mourégime angolais, dirigé depuis ANGOLA vements indépendantistes du plus de trente ans par le leader Lobito Lob Cabinda, a donc subi un échec du Mouvement populaire de Huambo patent. libération de l’Angola (MPLA), Il reste à savoir si la répression José Eduardo dos Santos. La ZAMBIE dont sont victimes les journalisCoupe d’Afrique des nations tes et les militants des droits de (CAN) organisée par l’Angola NAMIBIE l’homme du Cabinda va s’accendu 11 au 31 janvier 2010 devait tuer. L’ONG américaine Human donc assurer au pays une visibiRights Watch (HRW) a estimé que le gouvernement angolité internationale et consacrer la « bonne gouvernance » lais voulait « apparemment utiliser l’attaque perpétrée lors du parti dominant. de la CAN pour justifier des mesures sévères » à l’encontre Échec sur toute la ligne. À peine les premiers projecdes sympathisants de la cause cabindaise. teurs étaient-ils braqués sur ce qui devait être la vitrine Il est d’autant moins probable que le MPLA desserre du « nouvel Angola » que les balles du Front de libération l’étau sur son enclave pétrolière qu’il règne désormais en de l’enclave de Cabinda (Flec) l’ont fait voler en éclats. Le maître sur toutes les institutions du pays. L’Union nationale 8 janvier, la sélection nationale togolaise qui se rendait à pour l’indépendance totale de l’Angola (Unita), dirigée par Cabinda depuis Pointe-Noire pour son premier match s’est Isaías Samakuva, est désormais hors jeu. Le parti fondé par fait mitrailler par le mouvement rebelle. feu Jonas Savimbi n’a recueilli que 10 % des voix aux légisUn peu avant 15 heures, les deux véhicules des Éperviers latives de septembre 2008. Avec plus de 80 % des suffrages (l’un avec l’équipe et l’autre avec le matériel) se sont préexprimés, et plus des deux tiers des sièges à l’Assemblée sentés à la frontière, où une imposante escorte militaire nationale (129 sur 220), le MPLA n’a eu aucun mal à faire angolaise les attendait. Quelques kilomètres plus tard, les voter « sa » Constitution – la première du pays. premières balles ont fusé. Les assaillants étaient à une Celle-ci a été adoptée le 21 janvier en l’absence des dizaine de mètres, de chaque côté de la route. Pendant députés de l’Unita, qui ont accusé le MPLA de « coup près de trente minutes, rebelles et militaires ont échangé d’État constitutionnel ». « Lors des dernières sessions des coups de feu. Le bilan est lourd: deux personnes ont de la Commission constitutionnelle, tous les partis ont été tuées. Sept autres, dont deux joueurs, ont été plus ou voté contre les propositions du MPLA. Celui-ci a donc moins gravement touchées. adopté tout seul un système qui donne au président des Du coup, c’est tout le discours du gouvernement angolais pouvoirs de dictateur », a ainsi estimé Alcides Sakala, qui s’est trouvé réduit à néant. Contrairement à ce qu’il porte-parole de l’Unita. En cause : l’élection indirecte du aime à répéter, le Flec, qui a revendiqué l’attaque, n’est pas
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
11 novembre 1975 Proclamation de l’indépendance. Début de la guerre civile entre le Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA) et l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (Unita). 21 septembre 1979 José Eduardo dos Santos (MPLA) devient président. 20 novembre 1994 Signature des accords de paix de Lusaka (Zambie). Décembre 1998 Reprise de la guerre civile. 22 février 2002 Mort du chef de l’Unita, Jonas Savimbi. Fin des hostilités le 4 avril.
Le pays en bref ■
Superficie 1246700 km2.
■ Population 18 millions d’hab.
152
■ Croissance démographique 2,8 %.
■ Densité de population 14 hab./km2.
■ Population urbaine 56,7 %. ■ Espérance de vie 43,1 ans. ■ Alphabétisation 67,4 %.
■ Indice de développement humain
(2009) IDH: 0,564 – Rang: 143/182. ■ Langues Portugais (officielle), umbundu, kimbundu, kikongo, tchokwé. ■ Peuplement Ovimbundus, Kimbundus, Bakongos, Bushmen. ■ Religions Animistes, chrétiens. ■ Monnaie Kwanza. ■ Parité au 01.01.10. 1 € = 128,107 kwanzas; 1 $ = 89,175 kwanzas. ■ PIB par habitant 3 971 $. ■ Répartition du PIB Primaire 9 %;
PIB (en milliards de dollars) 84,9 45,2
59,2
68,8
Taux de croissance (en %) 18,6
20,3
2006
2007
13,2 2008
– 0,4 2009
secondaire 69,1 %; tertiaire 21,9 %.
■ Inflation 14 %.
■ Investissements directs étrangers
15,55 milliards de $.
■ Exportations 67,1 milliards de $.
■ Importations 21,1 milliards de $.
■ Principales ressources Pétrole, diamant.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
A
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
153
A N G O LA
Le grand retour des Portugais
AFRIQUE AUSTRALE
Le pays peut s’appuyer sur les fortes potentialités du chef de l’État pour un mandat de cinq ans renouvelable sous-sol maritime du pays pour partir à la conquête de une fois. Comme en Afrique du Sud, le leader du parti qui marchés étrangers. Il est considéré aujourd’hui comme le remporte les législatives devient de facto président. Dos premier producteur d’or noir en Afrique subsaharienne, Santos, âgé de 67 ans, devrait donc rester en place lors devant le Nigeria, leader jusqu’en 2008. Doté de 13,5 mildes prochaines élections, en 2012. Avec la possibilité de liards de barils de réserves prouvées et avec une producrempiler jusqu’en 2022. tion quotidienne de près de 1,9 million de barils, « l’Angola, Deuxième changement: le Premier ministre est désoravec Sonangol, semble se doter d’une société aux ambitions mais remplacé par un vice-président choisi parmi les dépumondiales, à l’instar de Petrobras ou de Gazprom », estités par le chef de l’État, qui voit ses pouvoirs renforcés. mait, fin 2009, Frédéric Cegarra, vice-président de Total Enfin, la nouvelle Loi fondamentale consacre – ressources chargé des opérations du groupe en Angola. minières et agricoles obligent – la propriété de l’État sur Il reste que le pays doit faire face à la recrudescence l’ensemble des terres. Et réaffirme le caractère « indiviside la corruption, un mal endémique qui gangrène son ble » de la nation, en référence notamment à la rébellion économie. L’Angola a été classé en 2009 parmi les dix sécessionniste du Flec. pays les plus corrompus d’Afrique par Transparency Avant la révolution des Œillets (1974), le MPLA avait International. Le MPLA semble toutefois vouloir prenpourtant promis au Flec, créé en 1963, au moins une large dre la lutte contre ce fléau très au sérieux et Dos Santos autonomie du Cabinda sur le modèle fédéral soviétique. a prôné en la matière la tolérance zéro. Et les résultats Promesses vite rangées aux oubliettes dès l’indépendance semblent déjà au rendez-vous : une vaste enquête a par de 1975. Depuis, le pouvoir central refuse catégoriqueexemple abouti, le 18 février 2010, à l’arrestation de dixment d’envisager la moindre concession pour un territoire huit personnes pour le détournement de 137 millions de qui a produit, durant les trois premières décennies postdollars de la Banque centrale. coloniales, environ 60 % de l’or noir angolais. Une contriDes petits employés de la Banque centrale et du minisbution qui se réduit désormais à 40 % ou 50 %. tère des Finances sont soupçonnés d’avoir transféré des L’or noir est la principale richesse exploitée en Angola. fonds entre septembre et novembre 2009 vers plusieurs Mais le vrai boom pétrolier n’a eu lieu qu’après la fin de la pays dont le Portugal, l’Allemagne, la Chine, Dubaï, guerre civile en 2002. Depuis, le pays a confirmé son leal’Autriche, la Suisse, les îles Caïman et les États-Unis, a dership pétrolier en Afrique et a intégré le 1er janvier 2007 indiqué le procureur général. Les enquêteurs ont réussi à l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), récupérer environ 100 millions de dollars et saisi plusieurs qu’il a présidée en 2009. À la fin de cette même année, Luanda a accueilli le 155e sommet du cartel. La rencontre, qui réunit tous les ans les principaux repréprès s’être désintéressé de son une brasserie en Angola. Un sentants du monde de l’or noir, a été ancienne colonie, le Portugal investissement de 120 millions perçue comme une consécration pour investit désormais massivement de dollars qui devrait démarrer l’Angola. Quelques semaines plus en Angola. Ses exportations y ont en mai 2011 et créer plus de 1000 tard, la Société nationale d’exploitaaugmenté de 35 % en 2008. Hors emplois directs et 10000 indirects. tion des hydrocarbures (Sonangol) secteur pétrolier, le Portugal a pris La vigueur des échanges entre a décroché – au terme d’âpres négola première place des investisseurs les deux pays s’accompagne ciations – un contrat en Irak pour étrangers dans le pays, avec plus aussi d’une vague d’immigration l’exploitation de deux champs dans de 1 milliard de dollars injectés croissante de Portugais. Ils le Nord du pays. L’appel d’offres depuis 2007. Signe, entre autres, seraient aujourd’hui 100000 lancé par les autorités irakiennes de ce retour spectaculaire, à vivre en Angola. Si ce n’est avait pourtant vu la participation de António Pires de Lima, le directeur pas autant qu’à la veille de toutes les majors. Dès cette année, du fabricant de boissons portugais l’indépendance (500000), c’est Sonangol exploitera donc pour vingt Unicer, a finalement été autorisé tout de même deux fois plus ans le champ de Najma (858 millions le 25 janvier 2010 à construire qu’en 2007. ■ de barils) et versera au gouvernement irakien 6 dollars par baril pompé. Sur le second site, Qayara (807 millions voitures de luxe, des BMW, des Bentley et des Porsche. Le de barils), la société publique angolaise devrait payer scandale a vraisemblablement coûté son poste au ministre 5 dollars par baril. des Finances, Severim de Morais, qui a été remplacé par Outre l’Irak, l’Angola veut également investir dans Carlos Alberto Lopes lors du remaniement du 3 février l’exploration et la production au Brésil, en Équateur, et à 2010. L’objectif de cette politique d’assainissement est douSão Tomé e Príncipe. La compagnie nationale a d’ailleurs ble: décourager toute velléité de contestation interne dans conclu fin 2009 un accord de partenariat avec les autole MPLA et attirer plus d’investissements dans les secteurs rités de cet archipel situé à 350 km des côtes du Gabon, non pétroliers en vue de diversifier l’économie. qui deviendra producteur dans deux ou trois ans. « Nous Parmi les pays les plus présents en Angola ces dernières allons investir 100 milliards de dollars entre 2008 et 2014 années: la Chine, bien sûr, mais aussi le Brésil et, enfin – dans l’exploration et la production, et creuser cent puits grande nouveauté –, le Portugal, qui fait un retour spectapar an », avait indiqué en 2008 Manuel Vincente, président culaire dans son ancienne colonie (voir encadré). ■ de Sonangol.
BOTSWANA
La chute du diamant plombe l’économie
L
nombre d’emplois générés par la filière e président Ian Khama a été reconANGOLA ZAMBIE (25 % de la population active) reste duit à la tête du pays le 18 octobre limité. Les autorités tentent de déve2009. Celui qui a succédé en 2008 ZIMBABWE lopper les industries locales de taille à Festus Mogae a été élu sans diffiNAMIBIE Francistown et de polissage pour accroître la valeur culté alors que sa formation, le Parti ajoutée de l’activité diamantifère. démocratique du Botswana (BDP), BOTSWANA Ce recul a conduit les investisseurs obtenait une large victoire aux légisà limiter leurs ambitions. Le projet de latives, remportant 45 des 57 sièges Gaborone mine de diamants de Gope, qui a fait au Parlement. Âgé de 56 ans, Khama l’objet d’une vive polémique parce qu’il commence son quinquennat dans avait provoqué le déplacement forcé un contexte très difficile. Si le pays a AFRIQUE de Bushmen du Kalahari, a finalement connu une forte croissance pendant 200 km DU SUD été abandonné début 2009 en raison des années grâce à l’exploitation du de la récession. Ce qui n’empêche pas diamant, il a produit en 2009 moitié Debswana de croire à la reprise. La compagnie a annoncé moins de gemmes que l’année précédente, entraînant une qu’elle investira 3 milliards de dollars au cours des quinze forte récession économique. Après plusieurs années d’exprochaines années pour prolonger la vie de sa mine de cédents budgétaires, la chute des recettes publiques a déjà Jwaneng, la plus grande exploitation de diamants au provoqué une diminution des dépenses sociales. monde. À partir d’octobre 2008, Debswana, joint-venture assoD’ailleurs, le FMI croit aussi à la relance, annonçant un ciant le gouvernement et le groupe diamantaire sudtaux de croissance de 4,1 % pour 2010. Bien noté par les africain De Beers, a annoncé la fermeture temporaire de bailleurs de fonds, le Botswana fait figure de cas particulier quatre mines. Deux d’entre elles, Damtshaa et Orapa, sont sur le plan international. Après s’être illustré sur la scène restées à l’arrêt jusqu’à la fin de 2009. Cette réduction diplomatique par son hostilité au président zimbabwéen, des activités a provoqué le licenciement de près de 600 Robert Mugabe, pourtant soutenu par ses pairs d’Afrique personnes. australe, Ian Khama s’est opposé à la décision de l’Union Le Botswana est le premier producteur mondial de diaafricaine de ne pas appliquer le mandat d’arrêt lancé par la mants. En 2006, les quatre mines à ciel ouvert du pays Cour pénale internationale (CPI) contre le président souont permis d’engranger 1,6 milliard d’euros. La compagnie danais Omar el-Béchir. Debswana produit plus de 30 millions de carats par an, soit Sur le plan intérieur, Ian Khama n’a pas pris que des 22 % du total mondial. La production de diamants non décisions populaires. En 2009, il a ainsi tenté d’interdire taillés est la première industrie du pays: elle fournit 50 % par décret l’importation d’alcool au nom de la lutte contre des recettes publiques, 35 % du PIB et 70 % des rentrées de l’alcoolisme, avant de se résoudre à simplement taxer les devises. En dehors du diamant, l’économie reste peu diverspiritueux à hauteur de 30 %. Le chef de l’État a justifié sa sifiée. Mis à part l’élevage bovin, le tourisme et quelques décision en expliquant que l’abus de boisson favorisait le activités industrielles (pharmacie, montage automobile), la croissance reste très dépendante des gemmes. Mais le viol, la violence, les accidents de la route et le sida. ■
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
30 septembre 1966 Proclamation de l’indépendance. 18 juillet 1980 Ketumile Masire est élu par le Parlement à la tête du pays. Il est réélu en octobre 1989 et en octobre 1994. 16 octobre 1999 Festus Mogae est élu président. Il est issu du Parti démocratique du Botswana (BDP). Le 1er avril 2008 Festus Mogae cède son siège au vice-président, Ian Khama. 18 octobre 2009 Élection de Ian Khama à la présidence de la République.
Le pays en bref
Superficie 581730 km2. ■ Population 1,9 million d’hab.
■
154
■ Croissance démographique 1,3 %.
■ Densité de population 3 hab./km2.
■ Population urbaine 59,7 %.
■ Espérance de vie 51 ans.
■ Alphabétisation 82,9 %.
■ Indice de développement humain
(2009) IDH: 0,694 – Rang: 125/182. ■ Langues Anglais (officielle), setswana… ■ Peuplement Tswanas, Bushmen… ■ Religions Chrétiens, animistes… ■ Monnaie Pula. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 9,42 pulas; 1 $ = 6,56 pulas. ■ PIB par habitant 6407 $. ■ Répartition du PIB Primaire 2,2 %; secondaire 53,7 %; tertiaire 44,1 %.
PIB (en milliards de dollars) 11,3
12,3
13,4
11,6
Taux de croissance (en %) 5,1
4,4
2006
2007
2,9
–6 2008
2009
■ Inflation 8,1 %.
■ Investissements directs étrangers
ND.
■ Exportations 4,9 milliards de $.
■ Importations 5,2 milliards de $.
■ Principales ressources Élevage, diamant,
nickel, cuivre, tourisme.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
Enclave maudite?
A
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
4 octobre 1966 Proclamation de l’indépendance du royaume du Lesotho. 4 décembre 1970 Coup d’État de Leabua Jonathan, le roi Moshoeshoe II s’exile. 2 avril 1993 Restauration de la monarchie. 7 février 1996 Letsie III devient roi. 23 mai 1998 Victoire du Congrès du Lesotho pour la démocratie (LCD) aux législatives. Pakalitha Bethuel Mosisili devient Premier ministre. 25 mai 2002 Pakalitha Bethuel Mosisili est reconduit à la tête du gouvernement.
Le pays en bref
Superficie 30350 km2. ■ Population 2,02 millions d’hab.
■
■ Croissance démographique 0,6 %.
■ Densité de population 66 hab./km2.
■ Population urbaine 25,5 %.
■ Espérance de vie 43 ans. ■ Alphabétisation 82,2 %.
■ Indice de développement humain
(2009) IDH: 0,514 – Rang: 156/182. ■ Langues Anglais (officielle), sotho… ■ Peuplement Sothos, Basothos, Ngunis… ■ Religions Catholiques, protestants, anglicans. ■ Monnaie Loti. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 10,45 lotis; 1 $ = 7,27 lotis. ■ PIB par habitant 642 $. ■ Répartition du PIB Primaire 7,1 %; secondaire 34,6 %; tertiaire 58,3 %.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
PIB (en milliards de dollars) 1,7
1,5
1,6
1,6
Taux de croissance (en %) 8,1 2006
5
3,5
1,4
2007
2008
2009
■ Inflation 7,7 %.
■ Investissements directs étrangers
199 millions de $.
■ Exportations 900 millions de $.
■ Importations 2 milliards de $.
■ Principales ressources Hydroélectricité,
agroalimentaire, élevage, tourisme.
155
B OTS WA NA – LE S O TH O
près deux années de croissance disposition de la production sotho, 30 km AFRIQUE – de l’ordre de 3,5 % en 2008 seulement 3 % vont effectivement à DU SUD et de 5 % en 2007 –, l’éconol’agriculture alors que, depuis 2002, mie de ce royaume enclavé sera mise une succession de sécheresses et Maseru à rude épreuve par les contrecoups d’inondations ont plongé le pays dans de la crise économique mondiale. Le une crise alimentaire sans précédent. secteur textile, qui a largement proD’après le Programme alimentaire LESOTHO fité de la loi sur la croissance et les mondial (PAM), près de 450 000 perpossibilités économiques en Afrique sonnes, soit le quart de la population, (Agoa), se maintient tant bien que ne sera pas en mesure de se nourrir mal. Quarante mille personnes trad’ici à la prochaine récolte d’avril. AFRIQUE vaillent dans ce secteur, premier L’organisation présente depuis 1965 DU SUD pourvoyeur d’emplois avant même dans le cadre d’un programme de la fonction publique. Cependant soutien d’urgence est quasi installée l’exercice reste difficile : les industries importent leurs à demeure, augmentant chaque année ses aides. matières premières et l’enclavement du pays augmente Par ailleurs, le sida continue de faire de nombreux considérablement les coûts de production. Les produits morts. Le taux de prévalence, qui atteint 23 % dans la finis sont donc plus chers, moins compétitifs que ceux des tranche 15-49 ans, est le troisième plus élevé au monde. concurrents asiatiques. Un foyer sur deux accueille au moins un orphelin du sida, Les cours du diamant n’étant pas au plus fort, les induset 22 % d’entre eux ont à charge un malade. tries minières réduisent ou suspendent leurs activités. Sur le plan financier, la situation est moins précaire. Le taux de chômage avoisine les 40 % et de nombreuses Le royaume a bénéficié d’un prêt de 362 millions de dolfamilles ne vivent que grâce aux salaires des mineurs lars dans le cadre du Compte du millénaire (CMA) des sothos qui travaillent en Afrique du Sud. États-Unis. La Banque arabe pour le développement écoAutre problème, le relief. Le pays est montagneux, avec nomique en Afrique (Badea) lui a également octroyé un très peu de sols arables : moins de 10 % de la surface prêt de 10 millions de dollars pour la construction du totale du Lesotho est exploitable, et le sol est peu fertile. barrage de Metolong, qui approvisionnera la capitale et Seulement un quart des besoins vivriers sont couverts par ses alentours en eau potable. À cela s’ajoutent 25 millions la production, et les surfaces consacrées à l’agriculture de de dollars accordés par la Banque mondiale pour renforsubsistance se réduisent. L’imperméabilité des sols, l’érocer le dispositif. sion et les techniques agricoles rudimentaires finissent Depuis 1998, le Lesotho a du mal à renouer avec la d’assombrir le tableau. stabilité politique. La situation reste très tendue entre le Le programme national d’aide à l’agriculture, Lesotho gouvernement et l’opposition menée par Tom Thabane, Food Security Policy, initié avec l’appui de la Communauté ancien ministre des Finances. La médiation menée par la de développement des États de l’Afrique australe (SADC), SADC n’est pas parvenue à trouver un compromis entre les n’a pas fait changer les choses. Sur les fonds mis à la partis pour la répartition des postes au Parlement. ■
AFRIQUE AUSTRALE
LESOTHO
MALAWI
Un secteur minier plein de promesses
L
rie est aggravée par la baisse des prix a réélection, il y a tout juste un des produits d’exportation, à coman, le 19 mai 2009, de Bingu wa TANZANIE ZAMBIE mencer par le tabac. Sa production a Mutharika n’aura été qu’une foratteint 224 000 tonnes, en baisse de malité. Le chef de l’État sortant s’est 10 % par rapport aux prévisions pour vu crédité de 2,7 millions de voix tanla campagne 2008-2009. dis que son principal challenger, John Lac Malawi La réduction des achats d’engrais Tembo, n’en totalisait que 1,2 million. risque également d’affecter les récolLe candidat du Parti démocratique M A L AW I MOZAMBIQUE tes de céréales, alors que la politique progressiste (PDP) sort renforcé de Lilongwe volontariste mise en œuvre par le cette consultation. En revanche, gouvernement pour atteindre l’autoses adversaires sont dans une mausuffisance alimentaire commençait à vaise passe. Son prédécesseur, Bakili MOZAMBIQUE porter ses fruits. Ce qui risque égaleMuluzi, qui prévoyait de se présenter Blantyre re ment d’affecter la croissance du PIB, à la présidentielle, a été inculpé de qui devrait retomber à 8 % en 2009, corruption en février 2009. Accusé contre 9,7 % l’année précédente. de détournement de fonds publics 150 km Malgré ce ralentissement, les entrepour un montant de 12 millions de prises continuent d’investir, notamdollars alors qu’il était à la tête de ment dans les télécoms ou l’industrie. Le groupe Lafarge l’État (1994-2004), Muluzi avait déjà été inquiété pour prévoit de construire une cimenterie pour un montant de les mêmes faits en 2006, mais les poursuites avaient été 200 millions de dollars. Le secteur minier (5,8 % du PIB) suspendues, pour être relancées l’an dernier. En septema lui aussi le vent en poupe. En mai 2009, les autorités ont bre 2009, la justice a toutefois réduit les charges retenues débloqué 200 millions de dollars pour le démarrage du contre lui. Toutefois, quelques semaines plus tard, l’ancien projet d’extraction d’uranium de Kayelekera, piloté par président a annoncé son retrait de la vie politique. l’australien Paladin, dans le district de Karonga (Nord). Sur le plan économique, le Malawi est devenu, en Les réserves y atteignent 11000 t. Le montant des recettes 2009, le premier bénéficiaire de la Facilité de protection annuelles est estimé à 200 millions de dollars pendant les contre les chocs exogènes (ESF), un mécanisme conçu dix ans d’exploitation. Enfin, le sud-africain Thuthuka, par le FMI pour aider les États les plus éprouvés par la en partenariat avec l’australien Globe Metals & Mining, crise économique mondiale. Malgré les aides, le Malawi va investir dans l’extraction du niobium à Kanyika. Le a connu un fort renchérissement de ses importations de projet vise à produire 3 000 t par an à partir de 2012. carburants et d’engrais, provoquant une accélération Dans le domaine des infrastructures, la BAD a apporté son de l’inflation, estimée à 8 % en 2009. Pour juguler ce concours à l’amélioration du réseau routier pour 60 mildérapage, les autorités ont conclu en novembre 2009 un lions de dollars. Quant à la Banque mondiale, elle a débloaccord avec le FMI portant sur le principe de flexibilité qué 30 millions de dollars pour la lutte contre le sida pour de la monnaie locale, le kwacha, dont la valeur ne cesse les trois prochaines années. ■ de chuter en raison de la pénurie de devises. Cette pénu-
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
6 juillet 1964 Le Nyassaland britannique devient la République du Malawi. 6 juillet 1967 Kamuzu Banda élu président. 17 mai 1994 Le leader du Front démocratique uni (UDF), Bakili Muluzi, est élu président. 20 mai 2004 Bingu wa Mutharika, candidat de l’UDF, est élu président. Il quitte l’UDF en juin 2005 et fonde le Parti démocratique progressiste (PDP). 19 mai 2009 Réélection de Mutharika. 31 janvier 2010 Présidence de l’Union africaine.
Le pays en bref
■ Superficie 118480 km2. ■ Population 14,28 millions d’hab. ■ Croissance démographique 2,6 %.
156
■ Densité de population 148 hab./km2. ■ Population urbaine 18,7 %. ■ Espérance de vie 48,7 ans. ■ Alphabétisation 71,8 %. ■ Indice de développement humain
(2009) IDH: 0,493 – Rang: 160/182.
■ Langues Anglais, chichewa (officielles),
nyanja, yao, ngoni…
■ Peuplement Tumbukas, Angonis,
Nyanjas, Chewas…
■ Religions Protestants, catholiques,
musulmans. ■ Monnaie Kwacha malawite. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 200,63 kwachas malawites; 1 $ = 139,66 kwachas malawites. ■ PIB par habitant 328 $. ■ Répartition du PIB Primaire 36,3 %; secondaire 17,2 %; tertiaire 46,5 %.
PIB (en milliards de dollars) 3,1
3,6
4,3
4,6
Taux de croissance (en %) 6,7 2006
8,6
9,7
8
2007
2008
2009
■ Inflation 8,4 %.
■ Investissements directs étrangers
37 millions de $.
■ Exportations 770 millions de $.
■ Importations 1,6 milliard de $.
■ Principales ressources Tourisme,
agro-industrie.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
La démocratie fragilisée
P
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
25 juin 1975 Indépendance. Samora Machel, du Front de libération du Mozambique (Frelimo), devient président. Novembre 1976 Rébellion de la Résistance nationale mozambicaine (Renamo). 19 octobre 1986 Joaquim Chissano succède à Samora Machel (décédé). 4 octobre 1992 Accords de paix. 28 octobre 1994 Premières élections libres. Chissano est élu chef de l’État. 28 octobre 2009 Armando Guebuza est réélu président (75 % des voix).
Le pays en bref
Superficie 801590 km2. ■ Population 21,8 millions d’hab.
■
■ Croissance démographique 1,9 %.
■ Densité de population 27 hab./km2.
■ Population urbaine 37 %.
■ Espérance de vie 42,4 ans. ■ Alphabétisation 44,4 %.
■ Indice de développement humain
(2009) IDH: 0,402 – Rang: 172/182. ■ Langues Portugais (officielle), makua, tsonga, shona… ■ Peuplement Makuas, Tsongas, Nyanjas… ■ Religions Animistes, chrétiens, musulmans. ■ Monnaie Métical. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 43,53 méticals; 1 $ = 30,3 méticals. ■ PIB par habitant 464 $. ■ Répartition du PIB Primaire 28,4 %; secondaire 26,1 %; tertiaire 45,5 %.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
PIB (en milliards de dollars) 7,2
10
9,8
8,1
Taux de croissance (en %) 8,7 2006
7
6,8
6,3
2007
2008
2009
■ Inflation 3,2 %.
■ Investissements directs étrangers
587 millions de $.
■ Exportations 2,6 milliards de $.
■ Importations 3,8 milliards de $.
■ Principales ressources Mines, pêche,
bois, gaz.
157
MA LAW I — M O Z A M B I Q U E
as sûr que l’image de ce pays Et le 18 janvier, un gouvernement de TANZANIE longtemps présenté comme 28 ministres (et 23 vice-ministres) a MALAWI MOZAMBIQUE modèle de bonne gouvernance été investi sous la direction du nouZAMBIE soit sortie grandie des dernières élecveau Premier ministre, Aires Ali, qui Nampula tions générales du 28 octobre 2009. remplace ainsi Luisa Diogo. À la suite Le Front de libération du Mozambique de cet échec, la Renamo s’est enfonMADAGASCA SCAR SCA MADAGASCAR ZIMBABWE (Frelimo) et la Résistance nationale cée dans une crise interne qui menace Beira mozambicaine (Renamo), principal son existence même. À la mi-février, Océan an parti d’opposition depuis la fin de déjà, 22 députés du parti (sur 51) Indien ien la guerre civile, en 1992, se sont en avaient bravé l’interdiction énoncée AFRIQUE effet ligués pour essayer de briser par Dhlakama de siéger à l’Assemblée, DU SUD Maputo l’élan d’une force politique monen protestation contre de présumées 300 km SWAZ. tante : le Mouvement démocratique fraudes aux élections. Après le départ du Mozambique (MDM), fondé en de plus de 1600 de ses membres vers mars 2009 par Daviz Simango. Celui-ci, maire de Beira, le MDM, la Renamo se dirige, lentement mais sûrement, transfuge de la Renamo et candidat à la présidentielle, vers sa fin politique. apparaît de plus en plus comme une alternative crédible Elle aurait pourtant dû profiter de la gestion critiquable aux deux grands partis historiques. Mais, début septemdu pays par le Frelimo depuis trente-quatre ans, dont dixbre 2009, alléguant des erreurs dans la constitution des huit de multipartisme. D’autant que ces dernières années la dossiers de candidature, la Commission nationale éleccroissance à deux chiffres des années 1990 paraît révolue. torale a invalidé les listes du MDM dans neuf circonsElle est passée de 8,7 % en 2006 à 6,3 % en 2009. Seule criptions législatives sur treize, provoquant l’émoi de la vraie bonne nouvelle de l’année: l’inauguration du premier communauté internationale, qui soupçonne les autorités pont sur le Zambèze qui va ainsi relier le nord et le sud du de manipulation. Enfin, Simango a également vu, un mois pays. Baptisé du nom de l’actuel président, il mesure près avant le scrutin, les mandats de neuf députés de son parti de 2,5 km de long et a coûté plus de 60 millions d’euros. suspendus par l’Assemblée de la République, au motif Le gouvernement est également attaqué sur son nonqu’ils avaient été élus en 2004 sur une autre liste. respect des libertés. Amnesty International a tiré la sonCes attaques contre le MDM s’expliquent avant tout par nette d’alarme sur l’impunité dont bénéficient les forces la perte de vitesse des deux partis dominants. Le taux de de l’ordre. La culture de la violence est encore prégnante. participation est passé de 80 % des inscrits en 1994 à 36 % Le 9 juin 2010, Simango lui-même a été victime d’une tenen 2004, pour finalement remonter légèrement en 2009 tative d’assassinat à Nacala (Nord). L’arme du crime a été à près de 40 %. Le Frelimo est sorti grand vainqueur des retrouvée dans la maison où logeait Afonso Dhlakama. élections avec 191 députés sur 250, pour 51 à la Renamo Si celui-ci a nié toute implication dans l’attentat, un des et 8 au MDM. Armando Guebuza a été réélu à la tête de responsables de sa sécurité et neuf autres membres de l’État avec 75 % des voix, tandis qu’Afonso Dhlakama la Renamo ont été arrêtés. Ils sont depuis en attente de (Renamo) n’en récoltait que 16,54 % et Simango 8,6 %. jugement. ■
AFRIQUE AUSTRALE
MOZAMBIQUE
NAMIBIE
Face aux caprices du climat
L
dans le développement du site et la e président Hifikepunye Pohamba 300 km ANGOLA ZAMBIE construction d’une usine de dessaa été réélu avec plus de 75 % lement. Trekkopje pourrait produire des suffrages lors du scrutin du jusqu’à 4 000 tonnes de minerai par 28 novembre 2009. Son parti, l’Orgaan pendant dix à douze ans. nisation du peuple du Sud-Ouest afriBOTSWANA L a c roi s sa nce économ ique a cain (Swapo), conserve la majorité au Windhoek Walvis Bay connu un ralentissement en 2008, Parlement. Le Rassemblement pour qui s’est aggravé en 2009 (– 0,7 %). la démocratie et le progrès (RDP), NAMIBIE Si la reprise est attendue pour 2010 parti dissident formé par l’ex-minis(+ 1,8 %), grâce à la filière uranifère, tre des Affaires étrangères, Hidipo presque tous les secteurs de l’éconoHamutenya, est arrivé en deuxième Océan mie namibienne ont rencontré des difposition avec 11,3 % aux législatives, Atlantique AFRIQUEE DU SUD ficultés au cours de l’année écoulée. et son leader a obtenu 11 % des voix à Même le tourisme, qui a connu une la présidentielle. À 74 ans, le président forte expansion ces dernières années (près de 1 million de Pohamba conforte sa réputation d’homme de consensus. visiteurs par an), a vu ses performances baisser. Vivant dans l’ombre de son voisin sud-africain, la Enfin, dans le secteur primaire, si la pêche se porte Namibie tente toutefois de diversifier les partenariats. plutôt bien, l’agriculture a beaucoup souffert des inonAinsi, le président cubain Raúl Castro a été reçu à dations du début de l’année 2009. Au cours du mois de Windhoek en 2009. Le président russe Dmitri Medvedev a mars, les précipitations ont fait une centaine de morts et lui aussi fait étape en Namibie, en juin 2009, dans le but de quelque 200000 sinistrés en Namibie, conduisant le chef développer des partenariats dans le domaine énergétique, de l’État à déclarer l’état d’urgence dans les zones affectées notamment le nucléaire. En 2007, une licence d’exploraet à lancer un appel à l’aide internationale. Les crues ont tion d’uranium avait déjà été accordée par la Namibie à un atteint un niveau sans précédent depuis plus de quarante consortium dirigé par le russe Tekhsabexport. ans, aggravant les risques sanitaires comme le paludisme, Pour profiter pleinement du boom de l’uranium, la la diarrhée et tout simplement la pénurie de vivres. Cette Namibie doit impérativement accroître sa production de catastrophe semble confirmer la vulnérabilité du pays face yellow cake, jusqu’à présent extrait sur un nombre limité au réchauffement climatique dans cette région du globe. de sites. Celui de Rossing South, opéré par la société ausSelon les spécialistes, les températures ont déjà augmenté tralienne Extract Resources, a bénéficié d’un investissede 1,2 °C en un siècle en Namibie, ce qui en fait déjà le ment de 700 millions de dollars. Extract compte atteindre pays le plus aride d’Afrique subsaharienne. Et la hausse une production annuelle de 4 500 tonnes d’ici à 2012. devrait s’accélérer. Entre les inondations destructrices Autre exploitation, celle de Trekkopje (à 300 km à l’ouest et l’aggravation de la sécheresse, les caprices du climat de la capitale), dont la mise en production par Areva est pourraient coûter entre 1 % et 6 % par an à l’économie attendue en 2010. Le groupe français, qui est présent en du pays. Sans compter l’impact dramatique à long terme Namibie depuis le rachat pour 2,5 milliards de dollars sur la pêche, qui représente 7 % du PIB. ■ du canadien UraMin, a investi 750 millions de dollars
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
1966 Rébellion de l’Organisation du peuple du Sud-Ouest africain (Swapo), dirigée par Sam Nujoma, contre l’Afrique du Sud. 21 mars 1990 Indépendance. Nujoma est élu président. Réélu en 1994 et 1999. 2001 Nujoma s’engage à ne pas participer à l’élection présidentielle. 15-16 novembre 2004 Hifikepunye Pohamba, candidat de la Swapo, devient président avec 76 % des voix. Il est réélu le 28 novembre 2009.
Le pays en bref
■ Superficie 824290 km2. ■ Population 2,1 millions d’hab. ■ Croissance démographique 1,3 %. ■ Densité de population 3 hab./km2.
158
■ Population urbaine 36,9 %.
■ Espérance de vie 52,9 ans.
■ Alphabétisation 88 %.
■ Indice de développement humain
(2009) IDH: 0,686 – Rang: 128/182. ■ Langues Anglais (officielle), afrikaans, allemand, ovambo, herero, damara. ■ Peuplement Ovambos, Kavangos, Hereros, Damaras, Bochimans… ■ Religion Chrétiens. ■ Monnaie Dollar namibien. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 10,17 dollars namibiens; 1 $ = 7,08 dollars namibiens. ■ PIB par habitant 4543 $. ■ Répartition du PIB Primaire 10,2 %; secondaire 36 %; tertiaire 53,8 %. ■ Inflation 9,1 %.
PIB (en milliards de dollars) 8,8
8,8
9,5
8
Taux de croissance (en %) 7 2006
5,5 2007
2,9
– 0,7
2008
2009
■ Investissements directs étrangers
746 millions de $. ■ Exportations 5,95 milliards de $. ■ Importations 3,18 milliards de $. ■ Principales ressources Mines (diamant,
or, argent, uranium), élevage et pêche.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
Dernier bastion de la monarchie absolue
D
MOZAMBIQUE
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
6 septembre 1968 Proclamation de l’indépendance du royaume du Swaziland. 12 avril 1973 Le roi Sobhuza II dissout le Parlement et interdit les partis politiques. 10 août 1983 La reine Ntombi est intronisée. 25 avril 1986 Le roi Mswati III, son fils, monte sur le trône. 21 octobre 2003 Législatives boycottées par l’opposition. 16 octobre 2008 Barnabas Dlamini devient Premier ministre.
Le pays en bref
■ Superficie 17360 km2. ■ Population 1,2 million d’hab. ■ Croissance démographique 0,6 %.
■ Densité de population 67 hab./km2.
■ Population urbaine 25,1 %. ■ Espérance de vie 39,7 ans.
■ Alphabétisation 79,6 %.
■ Indice de développement humain
(2009) IDH: 0,542 – Rang: 142/182.
■ Langues Swazi, anglais (officielles),
afrikaans, zoulou… ■ Peuplement Swazis, Zoulous, Tsongas, Shangaans… ■ Religions Chrétiens, animistes. ■ Monnaie Lilangeni. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 10,43 lilangenis; 1 $ = 7,26 lilangenis. ■ PIB par habitant 2907 $. ■ Répartition du PIB Primaire 7,3 %; secondaire 49,4 %; tertiaire 43,3 %. ■ Inflation 7,6 %.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
PIB (en milliards de dollars) 2,9 2,7
3
2,8
Taux de croissance (en %) 2,9 2006
3,5
2007
2,4 2008
0,4 2009
■ Investissements directs étrangers
10 millions de $.
■ Exportations 1,8 milliard de $.
■ Importations 2,2 milliards de $.
■ Principales ressources Charbon,
agroalimentaire (sucre), élevage, tourisme. 159
NAM I B I E — SWAZ I LA N D
écidée il y a cinq ans, la gradans ce minuscule pays. Les tradi30 km tuité des deux premières années tions locales qui veulent que chaque d’école primaire est enfin effecfils qui se marie reçoive un lopin de AFRIQUE tive. Les Swazis se sont précipités terre – pour y construire sa maison DU SUD dans les établissements scolaires… et nourrir sa famille – transforment Mbabane pour constater que les classes, surle pays en un puzzle difficilement chargées, ne pouvaient accueillir cultivable. Résultat, la production de leurs enfants. Malgré les cinq années cultures vivrières est en chute libre. SWAZILAND qui séparent le vote de la loi de sa Sans compter que les techniques mise en œuvre, aucune infrastrucagricoles appauvrissent les sols. Par ture supplémentaire n’a été prévue, ailleurs, le surpâturage et les sécheni aucun recrutement d’enseignants. resses réduisent la qualité et la quanJusqu’à présent, la plupart des élèves tité des cultures. Au final, deux tiers allaient à l’école une année sur deux, des Swazis vivent grâce à l’aide du ou bien les familles ne scolarisaient qu’un seul enfant Programme alimentaire mondial (PAM). tandis que les autres travaillaient aux champs. Il reste Autre problème, la chute de l’espérance de vie: de 60 ans donc fort à faire. en 1990, elle atteint à peine la barre des 40 ans aujourd’hui. Si le taux d’alphabétisation est de l’ordre de 80 %, les Au Swaziland, le taux de prévalence du VIH est l’un des deux tiers de la population vivent avec moins de 1 dolplus élevé au monde: 26 % chez les 15-49 ans, presqu’une lar par jour. L’école gratuite pèsera lourd sur les finances femme sur deux est séropositive. La petite taille du pays, publiques de cette petite monarchie. Les aides et le coml’afflux de travailleurs saisonniers, le refus des hommes merce entre les pays de la Communauté de développement d’utiliser le préservatif et la polygamie sont autant de facdes États de l’Afrique australe (SADC) se réduisent comme teurs qui favorisent la propagation du virus. peau de chagrin, crise financière oblige. Sans compter Le royaume, cer né par l’A f r ique du Sud et le les recommandations du Fonds monétaire international Mozambique, demeure une monarchie absolue. Le roi est (FMI), qui préconise une réduction plutôt drastique des au-dessus des lois, l’opposition est interdite et les partis dépenses publiques. Dans le cadre de son plan d’austérité, sont enregistrés comme associations. Chaque tentative de l’État a supprimé les bourses et annoncé que les étudiants changement de l’ordre institutionnel a été réprimée dans paieraient désormais la moitié des frais d’inscription à le sang, et le grand voisin sud-africain n’exerce aucune l’université. Les tentatives de protestation ont été sévèrepression sur le tout-puissant roi Mswati III. Il faut dire ment réprimées et les universités fermées. que le président sud-africain, Jacob Zuma, est fier de la La croissance du Swaziland est en baisse constante. culture zouloue – que partagent les deux pays – et très De 3,5 % en 2007, elle est passée à 0,4 % en 2009. Ses respectueux des traditions. La SADC, dont l’Afrique du exportations, dont la moitié est destinée à l’Afrique du Sud est un poids lourd, reste muette devant le train de Sud, ont considérablement chuté. La population, qui a vie somptuaire du roi, malgré les crises alimentaires à quasi doublé depuis 1968, se sent de plus en plus à l’étroit répétition dont souffre le pays. ■
AFRIQUE AUSTRALE
SWAZILAND
ZAMBIE
Terres agricoles à vendre
L
MALAWI
observée depuis 2008, le niveau e président Rupiah Banda, TANZANIE RÉPUBLIQUE des prix remonte, ce qui incite vainqueur de l’élection DÉM DÉMOCRATIQUE les opérateurs à relancer leurs présidentielle anticipée du DU CONGO activités. 30 octobre 2008, s’est toujours En septembre 2009, la comprésenté comme le digne sucpagnie Konkola Copper Mines cesseur de Levy Mwanawasa, Ndola (KCM), filiale du britannique mort brutalement le 19 août ZAMBIE Vedanta Resources, a signé 2008. Ce dernier s’était illustré ANGOLA un contrat avec la société en partant en croisade contre la Lusaka MOZAMBIQUE Moolmans, f iliale du sudcorruption et en redressant la africain Aveng. Cet accord situation économique et finanporte sur l’augmentation de la cière du pays. Chargé de gérer ZIMBABWE 200 km NAM. BOTSWANA production de cuivre à 500000 l’héritage, Banda doit encore tonnes en 2011, contre environ faire ses preuves. 200 000 t en 2009. Quant au géant BHP Billiton, il a lui C’est notamment le cas en matière de lutte contre les aussi relancé ses travaux d’exploration des minerais de détournements de fonds publics. Ainsi, le 17 août 2009, cuivre, d’or et d’argent dans l’ouest de la Zambie. De quoi l’acquittement de l’ex-président Frederick Chiluba, accusé rassurer les autorités, qui veulent conforter leur place de d’avoir volé 500 000 dollars dans les caisses de l’État, n’a premier producteur africain de cuivre, l’objectif étant de pas fait bonne impression sur les partenaires du pays. Et porter la production à 1 million de t par an d’ici à 2011, pour protester contre les détournements d’argent dans contre 600 000 t actuellement. Toutefois, ces ambitions l’administration, les bailleurs de fonds ont bloqué en pourraient se heurter au manque de ressources énergéoctobre 2009 une aide budgétaire de près de 60 miltiques. En juin 2009, la compagnie d’électricité Zesco a lions de dollars, remettant en question l’exécution du commencé à importer 250 MW d’électricité depuis l’Afribudget 2009. que du Sud et la Namibie. Pourtant, la Zambie n’a pas été trop affectée par la récesEnfin, outre le cuivre, les terres arables suscitent égasion mondiale: sa croissance est de 6,3 % en 2009, contre lement des convoitises. Le ministre de l’Agriculture a 5,8 % l’année précédente. Cette performance est liée à la annoncé en juin 2009 que des entreprises américaines et remontée sensible des prix du cuivre survenue au second émiraties souhaitaient investir de grandes exploitations semestre 2009, après un premier semestre difficile. Malgré agricoles en Zambie. Une société américaine a proposé de cette embellie, la dette publique a connu une forte croisconsacrer jusqu’à 200 millions de dollars à la production sance durant toute l’année 2009 et l’inflation reste à un de canne à sucre et de bioéthanol, alors que les Émiratis niveau très élevé (13,4 % selon les estimations du Fonds recherchent 200 000 hectares pour cultiver du riz et du monétaire international). blé. Il est vrai que le pays dispose d’un important potentiel L’économie zambienne repose sur l’exploitation des resen la matière puisque seulement 20 % des terres arables sources minières (70 % des recettes d’exportation), notamsont cultivées. ■ ment le cuivre et le cobalt. Après la dépression des cours
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
24 octobre 1964 Indépendance de la Rhodésie du Nord, qui devient la Zambie. 31 octobre 1991 Frederick Chiluba, fondateur du Mouvement pour la démocratie multipartite (MMD), est élu président. 27 décembre 2001 Levy Mwanawasa est élu président. Il est réélu en septembre 2006. Février 2003 Chiluba arrêté pour abus de pouvoir et détournement de fonds. 19 août 2008 Mort du président, Levy Mwanawasa. Rupiah Banda remporte la présidentielle en octobre.
Le pays en bref
■ Superficie 752610 km2. ■ Population 12,6 millions d’hab. ■ Croissance démographique 1,9 %.
160
■ Densité de population 16 hab./km2.
■ Population urbaine 35,4 %.
■ Espérance de vie 42,8 ans. ■ Alphabétisation 70,6 %.
■ Indice de développement humain
(2009) IDH: 0,481 – Rang: 164/182.
■ Langues Anglais (officielle), bemba,
nyanja, tonga, lozi, kilunda, luvale…
PIB (en milliards de dollars) 14,7 10,9
Taux de croissance (en %) 6,3
6,3
5,8
6,3
2006
2007
2008
2009
■ Peuplement Tongas, Lozis, Nyanjas,
Bembas…
■ Religions Chrétiens, animistes. ■ Monnaie Kwacha zambienne. ■ Parité au 01.01.10
1 € = 6577,38 kwachas zambiennes; 1 $ = 4578,5 kwachas zambiennes. ■ PIB par habitant 1086 $. ■ Répartition du PIB Primaire 21,3 %; secondaire 33,9 %; tertiaire 44,8 %.
13
11,4
■ Inflation 13,4 %.
■ Investissements directs étrangers
939 millions de $.
■ Exportations 5,1 milliards de $.
■ Importations 5,1 milliards de $.
■ Principales ressources Cuivre, cobalt,
pierres précieuses, tourisme.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
Les espoirs de la dollarisation
I
MALAWI
Océan Indien
▲ ▲ ▲
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
18 avril 1980 Accession à l’indépendance. Robert Mugabe devient Premier ministre. 31 décembre 1987 Mugabe, de l’Union nationale africaine du Zimbabwe (Zanu-PF), devient chef de l’État. 29 mars 2008 Victoire de l’opposition aux législatives. Mugabe refuse de quitter le pouvoir. 15 septembre 2008 Signature d’un accord de partage du pouvoir. 11 février 2009 Tsvangirai est nommé Premier ministre.
Le pays en bref
■ Superficie 390760 km2. ■ Population 13,5 millions d’hab.
■ Croissance démographique 1 %. ■ Densité de population 34 hab./km2. ■ Population urbaine 37,2 %. ■ Espérance de vie 44,3 ans. ■ Alphabétisation 91,2 %. ■ Indice de développement humain (2009)
IDH: ND – Rang: ND. ■ Langues Anglais (officielle), shona, ndebele… ■ Peuplement Shonas, Ndebeles, Blancs… ■ Religions Catholiques, protestants, anglicans. ■ Monnaie Dollar américain, rand. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 10,6 rands; 1 $ = 7,4 rands. ■ PIB par habitant 375 $. ■ Répartition du PIB Primaire 40 %; secondaire 40,5 %; tertiaire 19,5 %.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
PIB (en milliards de dollars) 3,7
4,4
3,6 3,1
Taux de croissance (en %) – 6,3
– 6,9
2005
2006
4
– 14 2007
2008
■ Inflation ND.
■ Investissements directs étrangers
52 millions de $.
■ Exportations 2,1 milliards de $.
■ Importations 2,9 milliards de $.
■ Principales ressources Tabac, coton, maïs,
élevage, diamant, nickel, or, cuivre.
161
ZAM B I E — Z I M B A B W E
l y a lieu d’être optimiste pour l’autre côté, on trouve une population l’économie zimbabwéenne, car il qui soutient massivement le Premier semble impossible qu’elle puisse ministre, Morgan Tsvangirai, et son ZAMBIE tomber plus bas qu’en janvier 2009. Mouvement pour le changement Confronté à un taux record d’hypedémocratique (MDC), militant pour rinflation (500 milliards pour cent), le libre-échange et le retour des ferHarare le pays a profité de la nomination du miers blancs. Premier ministre Morgan Tsvangirai Le MDC accuse le parti de Mugabe ZIMBABWE pour abolir l’usage du dollar zimbabd’avoir saboté une économie qui, Bulawayo wéen au profit du dollar américain jusqu’en 2000, se portait bien. En BOTSWANA et du rand sud-africain. Malgré cela, 1990, le Zimbabwe comptait un PIB MOZAMB. il est fort probable que les sociétés par habitant de 900 dollars, ainsi AFRIQUE 200 km DU SUD minières continueront de travailler qu’un système scolaire excellent et avec prudence, rapatriant leurs biens un système de santé performant. En les plus précieux vers l’Afrique du Sud voisine à chaque 2009, le PIB par habitant n’était plus, selon le FMI, que nouvelle crise politique. Le fleuron de l’économie, l’agride 375 dollars. culture, a cessé de fonctionner à la suite du départ, entamé En mars 2008, les Zimbabwéens ont exprimé leur au début des années 2000, de 4000 fermiers blancs chasvolonté de changement en votant massivement pour sés de leurs exploitations par une campagne de terreur le MDC, tant au niveau parlementaire (où il a obtenu menée par des vétérans de la guerre de libération. Le secla majorité) qu’à la présidentielle. Entre les deux tours teur ne pourra redémarrer que lorsque les autorités auront de cette élection, Mugabe, au pouvoir depuis 1980 et véritablement décidé de sécuriser l’accès au foncier, en incapable d’envisager son propre départ, a cautionné introduisant des baux respectés par tous. Seuls des « invesune violente campagne d’intimidation et a remporté le tisseurs-cowboys » ou ceux qui sont prêts à travailler avec second tour de scrutin grâce au retrait de Tsvangirai. le régime du président Robert Mugabe tentent aujourd’hui Ce n’est qu’en février 2009, à la suite d’une médiation de profiter des opportunités qu’offre le Zimbabwe. Ces sud-africaine, que Tsvangirai est entré au gouverneentrepreneurs sont peu nombreux et parient principalement, occupant le poste de Premier ministre auprès de ment sur les secteurs du diamant et du tabac. Et ne misent Mugabe, ce dernier conservant le fauteuil présidentiel. que sur des investissements rentables à court terme. Une cohabitation qui s’est révélée au fil des mois de plus Le Zimbabwe se divise aujourd’hui en deux. D’un côté, en plus difficile. À la mi-octobre, après l’arrestation d’un on trouve un petit groupe d’ex-libérateurs anticolonialistes, de ses proches, Morgan Tsvangirai a suspendu pendant au premier rang desquels il faut citer Robert Mugabe, qui un mois toute relation avec le camp présidentiel. Depuis défendent jalousement leurs privilèges. Ils tentent de son retour à la table du Conseil des ministres, Tsvangirai conserver une position dominante, feignant d’ignorer avance à petits pas vers son but, qui est l’adoption d’une que le Zimbabwe a perdu son rôle clé en Afrique ausnouvelle Constitution aboutissant a des élections libres. Il trale depuis la libération de Nelson Mandela en 1990. De compte sur la pression exercée sur Mugabe par les
AFRIQUE AUSTRALE
ZIMBABWE
Gideon Gono, qui a longtemps usé et abusé de la planche à billets. Selon The Economist Intelligence Unit (EIU), le vrai problème tient au fait que Mugabe et ses alliés font tout pour que la situation actuelle perdure. Depuis trente ans, ils sont installés dans un système de patronage politico-militaire difficile à briser. Même si le nouveau gouvernement a pris en charge la paie des fonctionnaires de base (infirmières, médecins, professeurs, policiers et soldats), les hauts fonctionnaires sont habitués à arrondir leurs fins de mois par le biais d’avantages acquis grâce à leurs liens avec Mugabe. Politiquement, la principale ambition de Mugabe est de faire sauter les sanctions imposées par l’Union européenne (UE) et les États-Unis, qui l’empêchent, lui et 170 proches du régime, de voyager dans l’hémisphère Nord et d’accéder à leurs comptes bancaires. Les Occidentaux devraient annuepuis que de nombreux toursur place. ler certaines sanctions courant 2010 opérateurs ont rayé le pays de Les activités cynégétiques pour lâcher du lest et permettre au leurs catalogues, seul le secteur créent de nombreux emplois MDC de poursuivre, malgré tout, le de la chasse attire encore les induits, dans la taxidermie, dialogue avec la Zanu-PF (Zimbabwe touristes, surtout les Russes et les notamment. Dans la capitale, African National Union-Patriotic Espagnols. Les amateurs de safaris Harare, la société Feredays Front). De même, le Zimbabwe, malréservent des mois à l’avance, par fabrique et commercialise aussi gré ses dettes, devrait retrouver son téléphone ou par mail, le lion, le depuis 1910 des accessoires de droit de vote au FMI. buffle ou le guépard qu’ils chasse – sacs en toile, ceintures Le défi de l’année pour le MDC, souhaitent tuer. Ces visiteurs de munition, sacs de couchage – et surtout pour son ministre des paient jusqu’à 10000 dollars pour appréciés par les chasseurs dans le Finances, Tendai Biti, est en effet avoir le privilège de chasser dans monde entier. Le PDG, Nick Knill, de poursuivre les négociations avec la brousse. Avec l’exode de vient de relancer l’activité de la Zanu-PF, même si la tentation est 3 millions de Zimbabwéens en l’usine après deux ans d’arrêt. La forte de jeter l’éponge. Biti a réussi, dix ans, les terres et les forêts sont dollarisation et le retour de la une fois déjà, à augmenter les salaires redevenues sauvages et désertes, demande étrangère ont apporté des fonctionnaires et des militaires (à un cadre idéal pour traquer les une véritable bouffée d’oxygène. 200 dollars par mois) et doit poursuibêtes sauvages. Au camp de la Dans sa boutique de Harare, vre en ce sens pour tenter d’améliorer société ThreeWays Safaris, par Feredays vend aussi la botte progressivement le niveau de vie de exemple, les chasseurs sont logés légendaire « Courteney », la population. Avocat de formation, il et nourris pour 100 dollars la nuit, fabriquée à Bulawayo, dans le sud aura le soutien de l’Union européenne dans des chalets proches d’une du pays, depuis trois générations. et du FMI, qui suivent de près ses faits rivière où l’on échange des Faite de peau de buffle, d’antilope et gestes. S’il ne parvient pas à obteanecdotes autour d’un feu. Toutes ou encore d’éléphant, chaque nir le départ de Gideon Gono, Biti les semaines, un ou deux paire de chaussures est essaiera sans aucun doute de réduire chasseurs étrangers sont présents numérotée. ■ les pouvoirs de la Banque centrale, ce qu’il a déjà commencé à faire. En 2010, le ministre des Finances devrait aussi essayer d’obtesurtout bénéficié à la classe moyenne, présente dans les nir pour le Zimbabwe le statut de pays pauvre très endetté villes, mais elle a porté préjudice aux paysans, qui vivent (PPTE) pour garantir l’annulation de sa dette de 6 milaujourd’hui entièrement du troc. Les indices économiques liards de dollars. affichés par le FMI, notamment le taux de croissance de Pourtant, de toutes petites lueurs d’espoir apparaissent 4 % en 2009, n’influent que sur le pouvoir d’achat de quelde temps à autre au Zimbabwe. Depuis janvier 2010, la ques milliers de citadins. Le PIB s’est élevé à 4,4 milliards dollarisation a permis à nouveau l’usage de cartes de de dollars en 2009, selon le FMI. Mais il reste difficile de crédit, ce qui est indispensable pour attirer les touristes croire à la fiabilité de ces indices tant l’économie zimbaau Parc national de Victoria Falls. Les autorités espèrent bwéenne semble atone. Pour vivre, les urbains comptent d’ailleurs que des Européens venus en Afrique du Sud pour sur Western Union pour recevoir les virements de leurs la Coupe du monde feront un détour par leur pays. Si le proches, partis en Afrique du Sud ou en Grande-Bretagne, Zimbabwe n’est pas à proprement parler un terrain fertile et ceux des campagnes dépendent de l’aide alimentaire pour les investissements, il possède néanmoins les atouts internationale. d’une terre à conquérir. Reste à savoir si Biti saura mettre L’agence Business Monitor International prévoit, la Banque centrale hors jeu. Et si Tsvangirai aura assez de au mieux, une faible croissance en 2010, même si elle poigne pour convaincre les investisseurs que son pays peut n’imagine pas de progrès significatifs tant que le poste être reconstruit en dépit d’un président incontrôlable. ■ de gouverneur de la Banque centrale restera occupé par
▲ ▲ ▲
médiateurs sud-africains, motivés pour leur part par le risque de voir la Coupe du monde ternie par des débordements chez leur voisin. Tant que les Occidentaux seront disposés à fournir de l’aide alimentaire à la population et de l’aide logistique au MDC, le bras de fer se poursuivra. Selon l’agence Business Monitor International, un organisme britannique d’analyse de risques, le manque de devises pourrait constituer un véritable obstacle au retour de la croissance. Et la population ainsi que les petits investisseurs pourraient bien perdre patience. Déjà plus de 3 millions de Zimbabwéens (sur 11 millions) ont quitté le pays, majoritairement pour l’Afrique du Sud. La récente dollarisation des échanges a
Le paradis de la chasse
D
162
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
Victoria
TANZANIE
SEYCHELLES
Océan Indien
OCÉAN INDIEN
COMORES ZAMBIE
Moroni MALAWI
Mayotte
ue mb iq eM oza al d
MOZAMBIQUE
Antsiranana (Diego-Suarez)
(FRANCE)
Ca n
ZIMBABWE
Dzaoudzi
Mahajanga
Antananarivo
Toamasina (Tamatave)
MADAGASCAR
MAURICE Port-Louis
Saint-Denis
Fianarantsoa
La Réunion (FRANCE)
Toleara (Tuléar) 300 km
OCÉAN INDIEN Incertitudes malgaches
A
lors que Maurice et les Seychelles s’illustrent par une incontestable stabilité politique, Madagascar et les Comores ont encore connu une année agitée. À Moroni, le spectre d’une nouvelle crise séparatiste a été ranimé après que le président de l’Union des Comores, Ahmed Abdallah Sambi, a obtenu du Congrès le prolongement de son mandat jusqu’en novembre 2011, sous prétexte d’harmoniser le calendrier électoral. À Madagascar, l’atmosphère reste délétère après l’échec des négociations entre le président de la Haute Autorité de transition (HAT), Andry Rajoelina, et les représentants de l’opposition. L’homme fort de Tana a choisi unilatéralement d’organiser des élections législatives, présentant ce scrutin comme la seule sortie de crise possible pour la Grande Île. Les différentes mouvances de l’opposition contestent ce vote et réclament d’être associées à l’exercice du pouvoir. JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
164 165 167 168
Comores Madagascar Maurice Seychelles 163
COMORES
Sambi prolonge son mandat
J
les Comoriens se sont prononcés à amais les Comores n’avaient connu NGAZIDJA 94 % en faveur de la réforme constiun tel drame. Le 30 juin 2009, (GRANDE COMORE) tutionnelle proposée par le présiun Airbus A310 de la compagnie dent, qui réduit l’autonomie des îles. Yemen Airways s’est abîmé au large Moroni Océan Indien Boycotté par l’opposition, le référende la Grande Comore alors qu’il était dum s’est déroulé dans des conditions en phase d’atterrissage. L’avion transCOMORES contestables. Par ailleurs, Sambi a été portait 153 passagers en provenance NDZ NDZUANI Mutsamudu (ANJOUAN) conforté par le résultat des élections de Paris et de Marseille, via Sanaa. La législatives, les 6 et 20 décembre plupart étaient des Comoriens établis MWALI (MOHELI) 2009. Sa mouvance a remporté 20 sièen France ou des Français d’origine Dzaoudzi ges à l’Assemblée nationale, contre 4 comorienne qui rentraient au pays MAORE (MAYOTTE) à l’opposition. Le scrutin a été validé pour y passer des vacances. Seule une 30 km (France) par les observateurs internationaux, passagère de 14 ans, Bahia Bakari, a mais il a été qualifié par l’opposition survécu. Le gouvernement comorien de « parodie de démocratie ». et la compagnie yéménite ont été pointés du doigt, accuCette large majorité a permis à Sambi de prolonger son sés de ne pas avoir respecté les règles de sécurité. Mais mandat. Élu en avril 2006, il ne pouvait théoriquement pas l’origine du crash reste à déterminer. À la suite de cet accise représenter en avril 2010, la présidence (tournante) de dent, le président Ahmed Abdallah Sambi a décrété un l’Union devant échoir à un ressortissant de l’île de Mohéli. deuil national. Des milliers de Comoriens ont perdu l’un Le 1er mars 2010, le Congrès a décidé d’harmoniser le calendes leurs, mais les conséquences de cet accident vont bien drier électoral pour réduire les coûts et a, par conséquent, au-delà du drame familial. Le contrecoup économique a été prolongé le mandat de Sambi jusqu’en novembre 2011. Ce immédiat, suscitant une baisse de l’activité commerciale. vote, contesté par l’opposition, a entraîné des troubles à Outre ce crash, l’année a été marquée par trois élections Mohéli. Certains manifestants ont menacé de faire sécescontestées. La première s’est déroulée à Mayotte, la quasion si Sambi ne partait pas cette année. trième île de l’archipel restée sous administration française Pendant ce temps, la majorité des Comoriens s’en sort en 1975. Depuis, Moroni ne cesse de la revendiquer. Le difficilement. Les fonctionnaires comptent plusieurs mois 29 mars 2009, les Mahorais se sont prononcés à 95,2 % en d’arriérés de salaire, et le secteur privé reste embryonnaire. faveur de la départementalisation. Un score sans appel qui Quelques projets financés par le Qatar, le Koweït ou les devrait faire de Mayotte le cinquième département franÉmirats arabes unis ont vu le jour, comme la Banque fédéçais d’outre-mer en 2011. Cette élection a été qualifiée par rale des Comores, mais la plupart tardent à sortir de terre. Sambi de « nulle et non avenue ». Les négociations bilatéraLa filière des produits de rente (vanille, ylang-ylang, etc.) les initiées par les deux pays en 2007 ont été suspendues. est au plus mal. Seule lueur d’espoir: le pays est sur le point Et Moroni veut remettre à l’ordre du jour de l’ONU la quesde bénéficier de l’initiative PPTE et d’obtenir l’effacement tion de Mayotte – une première depuis 1995. de sa dette extérieure, évaluée à 254 millions de dollars. Sur le plan intérieur, les deux autres élections ont accenDécision en 2010. ■ tué le clivage entre Sambi et l’opposition. Le 17 mai 2009,
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
7 juin 1975 L’archipel, excepté Mayotte, accède à l’indépendance. Août 1997 Crise séparatiste. Les îles d’Anjouan et Mohéli tentent de faire sécession. 23 décembre 2001 Adoption par référendum de la Constitution de l’Union des Comores. 14 avril 2002 Élection du président de l’Union des Comores, Azali Assoumani. 14 mai 2006 Ahmed Abdallah Sambi, natif de l’île d’Anjouan, devient président. 17 mai 2009 Référendum sur la réforme constitutionnelle réduisant l’autonomie des îles.
Le pays en bref
■ Superficie 2230 km2. ■ Population 643 571 hab.
164
■ Croissance démographique 2,5 %. ■ Densité de population 336 hab./km2. ■ Population urbaine 28,1 %. ■ Espérance de vie 65,6 ans. ■ Alphabétisation 75,1%. ■ Indice de développement humain
(2009) IDH: 0,574 – Rang: 139/182. ■ Langues Français, arabe, comorien (officielles). ■ Peuplement Bantous, Arabes, Malgaches… ■ Religion Musulmans. ■ Monnaie Franc comorien. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 491,97 francs comoriens; 1 $ = 343,25 francs comoriens. ■ PIB par habitant 799 $. ■ Répartition du PIB Primaire 39,8 %; secondaire 10,6 %; tertiaire 49,6 %.
PIB (en milliards de dollars) 0,4
0,5
0,6
0,5
Taux de croissance (en %) 1,2 2006
0,5
1
1,1
2007
2008
2009
■ Inflation 4,8 %.
■ Investissements directs étrangers
8 millions de $.
■ Exportations 13 millions de $.
■ Importations 180 millions de $.
■ Principales ressources Noix de coco,
girofle, ylang-ylang, vanille, tourisme.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
Une crise politique qui n’en finit pas
L
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
26 juin 1960 Accession à l’indépendance. 14 juin 1975 Didier Ratsiraka élu président. Il revient au pouvoir en janvier 1997. Décembre 2001 Marc Ravalomanana se proclame vainqueur de la présidentielle contre Ratsiraka, qui s’exile en juillet 2002. 3 décembre 2006 Ravalomanana est réélu. 17 mars 2010 Ravalomanana transfère le pouvoir à un directoire militaire, qui le confie à Andry Rajoelina, le maire d’Antananarivo.
Le pays en bref
■ Superficie 587040 km2.
■ Population 19,1 millions d’hab.
■ Croissance démographique 2,7 %.
■ Densité de population 34 hab./km2.
■ Population urbaine 29,5 %.
■ Espérance de vie 59,8 ans.
■ Alphabétisation 70,7 %.
■ Indice de développement humain
(2009) IDH: 0,543 – Rang: 145/182.
■ Langues Malgache, français.
■ Peuplement Merinas, Betsimitsarakas,
Betsileos, Sakalavas. ■ Religions Chrétiens, animistes. ■ Monnaie Ariary. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 2764,41 ariarys malgaches; 1 $ = 1924,3 ariarys malgaches. ■ PIB par habitant 412 $. ■ Répartition du PIB Primaire 25 %; secondaire 20,1 %; tertiaire 54,9 %.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
PIB (en milliards de dollars) 5,5
7,3
9,5
8,5
Taux de croissance (en %) 5
6,2
7,1
2006
2007
2008
-5 2009
■ Inflation 9 %. ■ Investissements directs étrangers
1,5 milliard de $. ■ Exportations 1,3 milliard de $. ■ Importations 4 milliards de $. ■ Principales ressources Agriculture, mines.
165
C O M O R E S – MADAGAS C A R
▲ ▲ ▲
a crise politique, inaugurée par tion, les Églises malgaches ont passé la COMORES une série de manifestations main à la communauté internationale à partir de décembre 2008, a qui a créé un Groupe international de connu de nombreux rebondissements contact (GIC). Afin d’éviter un face-àtout au long de l’année 2009 sans face délicat entre Ravalomanana et jamais trouver d’issue. Le 17 mars, Rajoelina, les médiateurs ont invité Antananarivo Toamasina masina le président Marc Ravalomanana à la table des négociations les deux a abandonné le pouvoir à un direcanciens présidents, Didier Ratsiraka, Océan Indien toire militaire, lequel s’est empressé en exil à Paris depuis 2002, et Albert M A D A G A S C A R de le remettre à Andry Rajoelina, Zafy, qui s’était retiré de la vie politiMAURICE le jeune leader de l’insurrection. À que depuis plusieurs années. RÉUNION la tête de la Haute Autorité de tranCes quatre leaders se sont retrou300 km (France) sition (HAT), un regroupement de vés pour la première fois à Maputo, la partis et de personnalités politiques capitale mozambicaine, entre le 5 et qui se sont donné pour objectif d’élaborer une nouvelle le 8 août. Au bout d’intenses négociations, ils ont entériné Constitution. L’ancien maire d’Antananarivo a nommé un le principe de la mise en place d’une transition « neutre, gouvernement et un Premier ministre, Monja Roindefo, pacifique, consensuelle et inclusive ». qui a tenté de mettre en place des institutions provisoiTrois semaines plus tard, les quatre mouvances se res malgré de vives tensions dans la capitale – plusieurs sont à nouveau retrouvées à Maputo afin de procéder à bombes artisanales ont explosé dans des lieux publics en la répartition des postes. La tâche n’était pas aisée : les juin et juillet – et la désapprobation de la communauté protagonistes avaient deux jours pour s’entendre sur 457 internationale. nominations, dont celles du président de la transition, du Celle-ci a, dans son ensemble, refusé de valider ce vice-président, du Premier ministre et des 28 ministres. qu’elle a qualifié de « coup d’État ». Madagascar a été temMalgré une prolongation de vingt-quatre heures, le somporairement exclu d’un certain nombre d’organisations, met n’a abouti à aucun accord. parmi lesquelles la Communauté pour le développement La rencontre d’Addis-Abeba du 3 au 6 novembre, présende l’Afrique australe (SADC) et l’Organisation internatiotée comme celle de la dernière chance, a eu plus de succès. nale de la francophonie (OIF). Plusieurs pays ainsi que Après d’âpres négociations, les différents protagonistes se l’Union européenne ont en outre suspendu leur aide finansont entendus sur le cadre institutionnel de la transition cière. Un temps désireux de passer outre la réprobation et sur la nomination, annoncée un mois plus tôt, d’Eugène étrangère, Rajoelina a dû revoir sa stratégie, sous peine de Mangalaza, un proche de Ratsiraka, au poste de « Premier s’aliéner des subsides indispensables au fonctionnement ministre de consensus ». Monja Roindefo a dû quitter, de l’administration: l’aide publique au développement, qui contraint et forcé, la résidence du Premier ministre, non a chuté de 40 % en 2009, représente selon le Pnud 75 % sans dénoncer l’attitude de la communauté internationale. du budget d’investissement de l’État malgache. Ce départ a marqué le divorce entre Rajoelina et Roindefo, Se révélant finalement incapables d’assurer la médiaun duo constitué le 7 février 2009.
OCÉAN INDIEN
MADAGASCAR
tionale et à l’approche des fêtes de fin d’année, le gouvernement de transition a finalement autorisé leur retour, mais Rajoelina a jugé « caducs » les accords de Maputo et d’Addis-Abeba. Le 20 décembre, il a nommé un militaire, Camille Vital, à la primature. Ce choix a été perçu comme un avertissement lancé aux opposants. Mais il est surtout motivé par la volonté du président de ne pas s’aliéner l’armée, minée par les divisions. Dans un contexte tendu (attentat à la bombe, rumeurs de coup d’État, dissensions au sein de l’armée), Rajoelina a annoncé la tenue d’élections législatives, qui devraient se tenir en octobre 2010. Le 17 mars, l’Union africaine a sanctionné le régime de la transition. Tout le monde s’accorde sur un point : il est urgent de trouver une sortie de crise. Déjà sensiblement freinée par la crise financière internationale à partir du troisième trimestre a nouvelle est tombée le poste à Antananarivo, ils n’y sont 2008, l’économie malgache a été mise 23 décembre 2009: en 2010, pas parvenus. en lambeaux par la crise politique. En Madagascar ne bénéficiera pas Les conséquences sont octobre 2009, le bureau des Nations des avantages offerts par la loi dramatiques. Éligible depuis 2000 unies installé à Antananarivo estisur la croissance et les possibilités à ce processus, Madagascar a été, mait à 228 000 le nombre d’emplois économiques en Afrique (Agoa). selon un rapport du département perdus depuis le début de l’année. La Le président américain Barack d’État américain, un « leader croissance n’avait cessé de progresObama en a décidé ainsi, en dans l’utilisation des avantages ser ces cinq dernières années: + 5 % accord avec le Congrès. L’un commerciaux » autorisés par en 2006, + 6,2 % en 2007, + 7,1 % des critères pour participer à cette loi. Jusqu’à en devenir en 2008… En 2009, le pays est entré ce programme de facilitations presque entièrement dépendant : en récession, avec un taux de – 5 %. commerciales est le respect de 85 % de ses exportations Le PIB, qui se situait à 9,5 milliards l’État de droit et de la démocratie. de textile, l’un des secteurs de dollars en 2008, est retombé à Or, Washington, comme d’activité les plus performants 8,5 milliards en 2009. Outre les l’ensemble de la communauté du pays, finissaient sur le marché pillages qui ont abouti, fin janvier internationale, n’a jamais reconnu américain en 2009. La suspension 2009, à la destruction de plusieurs le pouvoir d’Andry Rajoelina. de Madagascar du bénéfice de unités de production et à la perte de Après l’accord d’Addis-Abeba signé l’Agoa a obligé un certain nombre nombreux emplois, essentiellement le 6 novembre, les entrepreneurs d’entreprises installées dans les dans la capitale, le Groupement des malgaches se voulaient pourtant zones franches à fermer, faute entreprises de Madagascar (GEM), confiants. Pour convaincre de débouchés. Selon différentes principal syndicat patronal du pays, les États-Unis, il suffisait aux estimations, la rupture de ce a enregistré de nombreuses annularesponsables politiques de former programme pourrait entraîner la tions de commandes. un gouvernement de consensus. perte de plus de 20 000 emplois La production industrielle a chuté, Mais, malgré les avertissements directs et des dizaines de milliers selon les secteurs, de 25 % à 80 %. de l’ambassadeur américain en d’emplois indirects. ■ Le secteur touristique est également sinistré: alors que le nombre de visiteurs était passé de 277 000 à 375 000 entre 2005 et 2008, mêmes qui avaient été nommés par Monja Roindefo avant il a considérablement baissé lors du premier semestre de l’accord d’Addis-Abeba. Une décision unilatérale dénoncée 2009 (134 000 touristes contre 231 000 lors des six prepar les trois autres acteurs de la crise: le couple Ratsirakamiers mois de 2008, selon l’Office national du tourisme). Ravalomanana, réconcilié depuis le sommet d’AddisL’artisanat et le transport, qui représentent des viviers Abeba, et Zafy, jusqu’alors plutôt proche de Rajoelina. Ce d’emplois importants, ainsi que le commerce, ont été plus dernier s’est alors retrouvé complètement isolé. touchés encore. Seules quelques niches ont été épargnées: Le processus engagé à Maputo a définitivement volé les télécommunications, qui ont bénéficié de l’introduction en éclats… à Maputo. Invités par le médiateur Joachim du haut débit en novembre 2009, et l’exploitation minière Chissano, les trois opposants à Rajoelina se sont retrouvés (ilménite, nickel, cobalt). La dernière mauvaise nouvelle au Mozambique du 3 au 8 décembre. Mais le président est arrivée des États-Unis en décembre 2009 [voir encade la transition a refusé de s’y rendre, estimant qu’il était dré], lorsque Barack Obama, le président américain, a honteux pour le pays de devoir s’expatrier pour nommer annoncé que Madagascar ne pourrait plus bénéficier, en des ministres. La signature d’un accord entre les trois 2010, des avantages commerciaux de la loi sur la croismouvances sur la répartition des postes a précipité la fin sance et les possibilités économiques en Afrique (Agoa). des pourparlers. Parlant de « haute trahison », Rajoelina a Une décision qui devrait plonger le pays encore un peu dans un premier temps interdit le retour au pays des trois plus dans la crise. ■ délégations. Sous la pression de la communauté interna-
▲ ▲ ▲
Mais le « sacrifice » de Roindefo n’aura servi à rien. Encore une fois, les pourparlers ont, au retour d’Addis-Abeba, buté sur le partage du pouvoir. Un mois durant, les quatre mouvances se sont déchirées sur l’attribution des portefeuilles ministériels et les prérogatives des deux coprésidents nommés à Addis-Abeba – Emmanuel Rakotovahiny pour la mouvance Zafy, et Fetison Andrianirina pour la mouvance Ravalomanana. Ces derniers se voyaient comme des présidents au même titre que Rajoelina, quand celui-ci ne voulait les cantonner qu’à leur rôle de vice-présidents. La tension est montée d’un cran lorsque Rajoelina a convoqué fin novembre un Conseil des ministres – ceux-là
Les pertes sèches de l’Agoa
L
166
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
Thérapie de choc
L
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
12 mars 1968 Accession à l’indépendance. 1er mars 1993 La République est proclamée. Cassam Uteem est élu président. 2001 Principe de la présidence tournante adopté par le Mouvement socialiste militant (MSM) d’Anerood Jugnauth et le Mouvement militant mauricien (MMM) de Paul Bérenger. 7 octobre 2003 Anerood Jugnauth devient président, Paul Bérenger Premier ministre. 5 mai 2010 Le Parti travailliste du Premier ministre, Navin Ramgoolam, remporte les élections législatives.
Le pays en bref
Superficie 2040 km2. ■ Population 1,3 million d’hab.
■
■ Croissance démographique 0,8 %.
■ Densité de population 622 hab./km2.
■ Population urbaine 42,5 %.
■ Espérance de vie 73 ans.
■ Alphabétisation 87,4 %.
■ Indice de développement humain
(2009) IDH: 0,804 – Rang: 81/182. ■ Langues Anglais (officielle), créole, français, hindi. ■ Peuplement Indiens (Vaish), Créoles… ■ Religions Hindouistes, chrétiens et musulmans. ■ Monnaie Roupie mauricienne. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 41,36 roupies; 1 $ = 28,79 roupies. ■ PIB par habitant 6 838 $. ■ Répartition du PIB Primaire 4,8%; secondaire 28 %; tertiaire 67,2 %.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
PIB (en milliards de dollars) 6,3
8,7
8,7
6,9
Taux de croissance (en %) 3,5
4,2
2006
2007
6,6 2008
1,5 2009
■ Inflation 2,5 %.
■ Investissements directs étrangers
383 millions de $.
■ Exportations 2,4 milliards de $.
■ Importations 4,6 milliards de $.
■ Principales ressources Industrie textile,
agro-industrie (sucre) et tourisme.
167
MA DAGAS C A R – MA U R I C E
es plus pessimistes pronostipromulguées en février 2009, ont perquaient un effondrement de l’écomis, selon certains économistes, de nomie mauricienne. Finalement, limiter les licenciements et d’attirer le pays, en proie depuis 2008 à des les investisseurs étrangers. Très libédifficultés après le démantèlement rales, elles sont cependant critiquées Port-Louis d’accords commerciaux avec l’Union par les syndicats et l’opposition. Ces européenne sur le sucre et le textile, réformes ont permis au pays de grimOcéan s’en est plutôt bien sorti. Certes, des per au 17e rang dans l’édition 2010 du Indien MAURICE usines ont fermé, notamment dans classement « Doing Business » de la le textile, et les licenciements se sont Banque mondiale – soit un gain de multipliés: entre février et août 2009, sept places par rapport à l’année préOcéan 23 entreprises ont mis la clé sous la cédente. En tête des pays africains, 10 km Indien porte, et plus d’un millier de personMaurice est citée en exemple par la nes se sont retrouvées au chômage. publication. Une cinquantaine d’autres sociétés ont réduit de façon Symbole de l’ancrage du pays dans la mondialisation, drastique leurs effectifs (environ 1300 salariés ont perdu le projet Jin Fei, une immense zone franche chinoise leur emploi). Le taux de croissance est passé en un an de située au nord de la capitale, a été officiellement lancée 6,6 % à 1,5 % et celui du chômage de 7 % à 8 %. en septembre 2009, pour un investissement total de 1 milDe nombreux mouvements sociaux ont rythmé l’année, liard d’euros. Le complexe, qui s’étend sur 211 hectares, notamment dans la filière de la canne à sucre. En avril s’apparente à une ville d’un nouveau type: à la fois zone 2009, des dizaines de Mauriciens sont allés jusqu’à faire franche pour les industries traditionnelles (textile) ou plus la grève de la faim – la troisième depuis 2004 – pour promodernes (informatique, pharmaceutique, solaire), platetester contre le système du sale by levy, un procédé consisforme de services, site touristique… Il devrait permettre tant à mettre aux enchères la propriété de particuliers qui de créer entre 30000 et 40000 emplois à partir de 2012. ne peuvent rembourser leur emprunt bancaire. Si le projet inquiète une partie de la population, qui craint Malgré tout, le gouvernement a limité la casse. D’abord, que les emplois ne reviennent qu’aux Chinois, il est prél’inflation a été maîtrisée, passant, selon les estimations senté par le Premier ministre, Navin Ramgoolam, comme du Fonds monétaire international, de 9,7 % en 2008 à une grande victoire. 2,5 % en 2009. Le pays a surtout réussi à relever la tête Dans ce contexte, le Parti travailliste, au pouvoir depuis au cours du second semestre, affichant notamment de 2005, a remporté les législatives du 5 mai 2010. Comme bonnes performances dans le secteur touristique, après en 2005, ces élections opposaient le Premier ministre un début d’année 2009 pourtant très difficile : la baisse Ramgoolam, leader travailliste allié au Mouvement sociade la fréquentation a ainsi été limitée à 6,8 % par rapliste militant (MSM), à son prédécesseur, chef de file du port à 2008, grâce notamment à un mois de décembre Mouvement militant mauricien (MMM), Paul Bérenger. record (103 000 visiteurs). Deux lois relatives à l’emploi, Cette victoire devrait se traduire par la poursuite de la l’Employment Relations Act et l’Employment Rights Act, politique de diversification de l’économie. ■
OCÉAN INDIEN
MAURICE
SEYCHELLES
À l’heure de la reprise
L
tisations; déréglementation de e « paradis » sort tout juste SEYCHELLES SE la convertibilité de la roupie, de l’enfer. Un an après avoir SILHOUETTE dont le taux était auparavant frôlé la faillite, en novemdéfini par l’État ; transparence bre 2008, les Seychelles ont des finances publiques… Cette retrouvé un visage plus pimpant Victoria MAHÉ révolution des mentalités n’a pas à partir du second semestre fait que des heureux. Le taux de de l’année 2009. Début 2010, MAHÉ chômage a augmenté, même s’il les autorités seychelloises se Océan Indien 10 km reste relativement faible (4 %), montraient même optimistes, 10 km et le pouvoir d’achat a chuté, les encouragées par les satisfecit du salaires n’ayant pas été revus à FMI et des autres partenaires PRASLIN la hausse en 2009. Pourtant, les financiers. Après deux années 150 km LA DIGUE Seychellois, dans l’ensemble, de récession (– 1,8 % en 2008 ont accepté ces réformes. et – 7,5 % en 2009), elles préIl faut dire que les acquis sociaux hérités de l’ère sociavoyaient une croissance positive de 4 % en 2010. liste ont pour la plupart été maintenus. La santé et l’éducaL’état des finances s’est amélioré. Après avoir atteint un tion restent gratuites, et l’État continue de subventionner taux record de 63 % au plus fort de la crise, l’inflation a été la construction de logements sociaux et le transport. Le de 31,8 % en 2009, mais elle est revenue à un niveau viable gouvernement envisage toutefois la création d’un impôt en fin d’année – entre 1 % et 2 %. Le taux de change de la sur le revenu et d’une TVA dans les années à venir. monnaie s’est stabilisé: un temps échangé contre 18 rouLes « nouvelles Seychelles » entendent aussi multiplier pies, le dollar en valait 11 en fin d’année. Les taux d’intéles pôles de richesses. Les deux piliers de l’économie, le rêt, qui s’approchaient des 30 % début 2009, ont été revus tourisme (37 % du PIB et 85 % des emplois) et la pêche à la baisse même s’ils restent encore élevés. Les réserves restent essentiels. Mais la crise les a mis à mal. Après un financières, qui représentaient trois jours d’importations début d’année inquiétant, la fréquentation touristique ne début 2009, ont grimpé à 156 millions de dollars – soit s’est stabilisée (– 1 % en 2009) qu’au prix d’énormes proprès de deux mois d’importations. Enfin, la dette du pays motions. La pêche est aussi menacée: le pays a enregistré a été considérablement allégée. Estimée à 844 millions de en 2009 une chute de 50 % des prises par rapport à 2008 dollars fin 2008 (160 % du PIB), elle est tombée à 510 mil– le plus bas tonnage depuis les années 1980. lions fin 2009, grâce notamment à un allègement de 45 % La piraterie n’est pas étrangère à ces résultats. Depuis décidé par le Club de Paris en avril 2009. le début de 2009, les pirates somaliens se sont rapprochés Pour retrouver l’équilibre financier, il a fallu faire des des côtes seychelloises, jusqu’à kidnapper un équipage sacrifices. Le pays, dirigé depuis 1977 par le Front prolocal. Depuis, les autorités ont renforcé leur système de gressiste du peuple seychellois (SPPF, devenu Lepep), un défense et bénéficient de l’appui des principales puissances parti d’obédience socialiste, a dû mettre en œuvre une étrangères qui envoient régulièrement sur place navires série de mesures libérales encouragées par le FMI: réforme de la fonction publique, délestée de 2 500 agents ; privaet soldats. ■
FICHE SIGNALÉTIQUE
Chronologie
29 juin 1976 Accession des Seychelles à l’indépendance. Juin 1977 France-Albert René président. 3 décembre 1991 Loi sur le multipartisme. Décembre 2002 Le Front progressiste du peuple seychellois remporte les législatives. 14 avril 2004 Le vice-président James Michel remplace France-Albert René. 27 août 2006 James Michel est élu président avec 53,7 % des suffrages. Mai 2007 Le SPPF (au pouvoir) remporte les législatives.
Le pays en bref ■
Superficie 450 km2.
■ Population 86335 hab.
168
■ Croissance démographique 0,5 %.
■ Densité de population 185 hab./km2.
■ Population urbaine 54,7 %.
■ Espérance de vie 72,8 ans.
■ Alphabétisation 91,8 %.
■ Indice de développement humain (2009)
IDH: 0,845 – Rang: 57/182. ■ Langues Créole, anglais, français (officielles). ■ Peuplement Bantous, Asiatiques, Européens, métis… ■ Religions Catholiques, anglicans. ■ Monnaie Roupie seychelloise. ■ Parité au 01.01.10 1 € = 15,89 roupies seychelloises; 1 $ = 11,06 roupies seychelloises. ■ PIB par habitant 8 973 $. ■ Répartition du PIB Primaire 2,5 %;
PIB (en milliards de dollars) 1
0,9
0,8
0,8
Taux de croissance (en %)
2005
7,3
-1,9
2006
2007
2008
secondaire 20,6 %; tertiaire 76,9 %.
■ Inflation 31,8 %.
■ Investissements directs étrangers
364 millions de $.
■ Exportations 390 millions de $.
■ Importations 912 milliards de $.
■ Principales ressources Pêche, tourisme.
JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 24 ■ L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010
LE SECTEUR BANCAIRE DES SEYCHELLES STIMULÉ PAR LA LIBÉRALISATION ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
A
vec la libéralisation de l’économie des Seychelles fin 2008 (suppression des contrôles sur les taux de change et opérations bancaires), le pays tend vers une modernisation de son système financier. Les pratiques restrictives du secteur bancaire et une approche politique monétaire répondant aux besoins de financement de l’État représentaient un obstacle majeur au développement de l’économie.
Banque Centrale des Seychelles
Les Seychelles comptent sept banques. Deux paraétatiques, les cinq autres des filiales de banques étrangères (Mauritius Commercial Bank, Barclays Bank, Seychelles Ltd, Bank of Baroda et Habib Bank). Dépôts, prêts, transferts de fonds, lettres de crédit et autres services constituent les principales activités bancaires. Avec la libéralisation de l’économie et après des années de pénurie en devises étrangères, les banques ont commencé à innover en fournissant à leurs clients de nouveaux produits (cartes de crédit et de paiement, services bancaires online...). Le lancement des réformes a engendré une croissance importante du secteur bancaire. L’actif total de l’industrie est passé de $815 millions en 2008 à $ 1,065 milliard en 2009(+ 31 %). Le total des dépôts des banques a augmenté de $ 658 millions en 2008 à $ 905 millions en 2009. Alors que le bénéfice avant impôts a crû de 39 % ($ 25 millions en 2009), le taux de rendement de l’actif (ROA) et celui du rendement des capitaux propres (ROE) du secteur se sont élevés respectivement de 6,3 % et de 89 % en 2008. Désormais, les autorités s’appuient sur la réussite de leur programme de réformes pour attirer d’autres banques internationales. Selon le gouverneur de la Banque centrale, M. Pierre Laporte, il est nécessaire « d’attirer des banques internationales pour développer notre secteur financier. Cela stimulera la concurrence, améliorera la qualité de service, apportera l’innovation et le savoir-faire aux employés du secteur, dont une amélioration de l’image du pays comme centre financier ». Les activités bancaires et d’assurances sont supervisées par la Banque centrale. Ces contrôles rigoureux ont protégé le système bancaire du pays de l’impact négatif de la crise financière internationale. Les autorités se sont engagées à veiller à ce que la libéralisation de l’économie se déroule dans un cadre juridique approprié et favorable à la poursuite du développement du secteur bancaire. A cette fin, un examen approfondi des législations et le renforcement des capacités de surveillance sont en cours depuis fin 2008. Il se poursuit…
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HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL
POST-SCRIPTUM
P O L I T I Q U E , É C O N O M I E , C U LT U R E Fondé à Tunis le 17 oct. 1960 par Béchir Ben Yahmed (50 e année)
Édité par SIFIJA
L’ÂGE DES FLEURS
D
e Libreville à Abidjan, en passant par Douala, Bamako ou Lomé, un mot est particulièrement d’actualité en cette année 2010 : cinquantenaire. Il est dans toutes les bouches, sur les pagnes, tee-shirts et casquettes, à la télévision ou inscrit en grandes lettres lumineuses sur les bâtiments publics. MAHAMADOU Et pourtant, un petit sondage C AMARA dans les rues des capitales africaines ne tarde pas à montrer que cet événement n’est pas compris par tous. Pour l’ouvrier rencontré sur un chantier à Cotonou, le mot prononcé « sinkan-te-nê-r » devient « cimetière ». Qu’enterre donc l’Afrique cette année : les reliquats du colonialisme ou ses dernières illusions ? Du côté de Kinshasa, le chauffeur de taxi imagine qu’il s’agit d’un grand inventaire. Il n’a pas tout à fait tort, tant les anniversaires sont une occasion de faire le bilan des actions passées, de se débarrasser de ce qui est obsolète en gardant ce qui peut encore servir. Au grand marché de Bamako, un commerçant fait l’amalgame avec le mot « container », comme si les festivités organisées n’étaient qu’une occasion de plus de faire du business en important quelques gadgets. Finalement, ces différentes interprétations montrent qu’il serait bien judicieux de faire plus souvent confiance à la sagesse populaire… Toutefois, pour la majorité de la jeunesse africaine, qui a bien compris le sens du mot, le cinquantenaire ne représente ni plus ni moins qu’une grande fête, une occasion de danser, chanter et boire plus que de raison ! Malgré les efforts déployés par les États, à travers les commissions nationales d’organisation, pour créer l’engouement, faire participer l’ensemble des populations aux activités du cinquantenaire, en faisant au passage leur publicité, la mayonnaise ne prend pas. Comme s’en plaignait une ménagère d’Adjamé, quartier populaire d’Abidjan, en Côte d’Ivoire, « pourquoi célébrer le cinquantenaire alors que nous n’avons ni électricité ni de quoi manger ? » Ce type de remarque désabusée illustre une nouvelle fois le décalage entre les Africains et leurs dirigeants et laisse à penser que ce type de célébration n’est fait que pour les élites. Si l’on en croit la célèbre phrase de l’écrivaine Alexandra David-Néel selon laquelle « l’anniversaire de naissance n’est en somme que la commémoration de la farce sinistre que nous ont faite nos parents en nous mettant au monde », on peut en déduire que le continent était mal parti dès le départ! Mais plutôt que de suivre l’afro-pessimisme ambiant, nous préférerons la maxime suivante : « Cinquante ans, âge où vivent bien des rêves, âge qui est encore, sinon la fleur de l’âge, l’âge des fleurs. » Alors hâtons-nous de faire éclore ces fleurs, le centenaire arrive à grands pas ! ■ 170
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