L'Etat de l'Afrique

Page 1

L’É TAT DE L’AFRIQUE 2011

POLITIQUE, ÉCONOMIE, SOCIAL Le classement exclusif des 53 pays africains

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 51e année • HORS-SÉRIE

CÔTE D’IVOIRE La réconciliation est-elle possible?

N° 27

jeuneafrique.com

ALIMENTATION MONDE RÉSEAUX Des prix sous ARABE SOCIAUX très haute tension Le grand réveil Contestation online

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27

L’ÉTAT DE L’AFRIQUE

HS27p001INTER.indd 1

2011

Toutes les clés pour comprendre les (r)évolutions du continent Avec les contributions de :

• Jean Ping • Mo Ibrahim • Souhayr Belhassen • Cheikh Hamidou Kane • Jeffrey D. Sachs

• Thabo Mbeki • Stéphane Hessel • Graça Machel • Mahamat-Saleh Haroun • Dov Zerah

ÉDITION INTERNATIONALE France 7,90 € • Algérie 400 DA • Allemagne 9 € • Autriche 9 € • Belgique 9 € • Canada 12,90 $ CAN • Danemark 70 DK • DOM 9 € • Espagne 9 € • États-Unis 13,90 $ US • Éthiopie 110 Birr • Finlande 9 € • Grèce 9 € • Italie 9 € • Maroc 50 DH • Mauritanie 2 500 MRO • Pays-Bas 9 € • Portugal 9 € • Suisse 15 FS • Tunisie 8 DT • Zone CFA 4 800 F CFA • ISSN 0021 6089

6/05/11 20:06:12



ÉDITORIAL

Les Africains enfin maîtres de leur destin Marwane Ben Yahmed

TUNIS

L

e millésime 2011 de notre hors-série L’État de l’Afrique, cuvée enivrante s’il en est, restera dans les annales. Depuis Tunis, épicentre du séisme qui secoue le monde arabe mais aussi l’Afrique, la demande d’un changement profond s’exprime avec plus ou moins d’acuité, selon le contexte local. Ce vaste mouvement de contestation et cette aspiration sans précédent à rattraper un retard criant dans bien des domaines (développement, libertés, démocratie, citoyenneté, État de droit, justice, etc.) sonne le grand réveil des peuples. Car il ne faut pas s’y tromper: si certains partis ont pris le train en marche pour peser sur leurs scènes politiques respectives, si certaines élites ont rejoint la sarabande des contestataires, c’est bien de la base et non du sommet que provient cet élan irrépressible.

par leurs dirigeants pour expliquer leurs carences et justifier le train de sénateur adopté, et s’impatientent de voir enfin ce potentiel dépasser le stade des promesses.

La plupart des Africains ont surtout constaté qu’ils pouvaient enfin être maîtres de leur destin. La chute de Ben Ali et celle de Moubarak ont eu, peu ou prou, le même impact que celle du Roumain Nicolae Ceaucescu, en décembre 1989: ce qui était impensable devenait possible et tous les régimes similaires en furent ébranlés. Seule différence, mais de taille, le niveau d’information global. Nous avons ainsi découvert, contrairement à ce que nous pouvions penser, qu’en Tunisie, en Égypte ou en Côte d’Ivoire, une grande partie de la population était au courant de (presque) tout: des turpitudes de leurs dirigeants et de leurs familles Les dirigeants africains ont-ils pris la mesure de (merci internet etWikiLeaks), des progrès accomplis ce bouleversement géopolitique majeur, cette par des pays, en Asie ou en Amérique latine, qui « révolution en marche », pacifique, raisonnable, étaient, au moment des indépendances, au même pleine d’énergie et d’idéaux? Ils seraient en tout niveau de développement que les leurs, avec des cas bien inspirés de méditer les leçons de Tunis atouts mais aussi des handicaps similaires. ou du Caire, car ils n’ont pas d’autre choix. Penser Comment imaginer, dans ces conditions, que le que, comme lors des Conférences nationales qui miracle auquel nous assistons, aussi inachevé ont essaimé en Afrique subsaharienne dans les soit-il, se mue en simple mirage? années 1990, les aspirations démocratiques de L’Afrique, cette dernière frontière du dévelopleurs concitoyens pourraient être tuées dans l’œuf pement, ce continent du futur dont la jeunesse est le principal capital, que vantent aujourd’hui certains médias occidenLE MOUVEMENT DE CONTESTATION PARTI DE taux après nous avoir expliqué qu’elle n’était que terre de pauvreté endémiSONNE LE GRAND RÉVEIL DES PEUPLES. que, de violence et de désolation, change. Plus vite qu’on ne le croit. De sinon mises sous l’éteignoir le temps que les Tunis au Cap, en passant par Le Caire, Alger, Rabat, choses se calment serait une profonde erreur. Plus Dakar, Abidjan, Douala, Conakry ou Antananarivo, rien ne sera comme avant. Parce que les Africains l’édition 2011 de L’État de l’Afrique vous propose ont conscience d’être les mauvais élèves de la un voyage à l’intérieur de cette métamorphose, planète dans bien des domaines et qu’ils ne le décrypte les conséquences, dévoile les acteurs supportent tout simplement plus. Certains, qui et, parfois, les écueils qui caractérisent ce changement global, salutaire mais ô combien incertain vivent dans des pays au potentiel inouï, en RD Congo, en Guinée, en Algérie, entre autres, ne qui parcourt le continent, fait le bonheur des uns veulent plus se contenter des mille et une raisons et paralyse les autres. Bonne lecture à tous et – parfois réelles mais jamais suffisantes – invoquées rendez-vous en 2012… ●

Direction François Soudan, Marwane BenYahmed, Amir BenYahmed ■ Rédaction en chef technique Laurent Giraud-Coudière ■ Secrétariat de rédaction Fabien Mollon, Ophélie Négros, Mahalia Rouilly ■ Rédaction graphique Stéphanie Creuzé, ÉmericThérond, Sama Aïchouche, Sydonie Ghayeb ■ Iconographie Dan Torres, Nathalie Clavé ■ Statistiques Jérôme Besnault ■ Révision Alexis Gau, Vladimir Pol ■ Fabrication Philippe Martin, Christian Kasongo ■ Publicité: DIFCOM (coordination Florian Serfaty) ■ GROUPE JEUNE AFRIQUE 57 bis rue d’Auteuil, 75016 PARIS.Tel. 33 1 44301960 – Fax: 33 1 45200967 ■ Ont collaboré à ce hors-série Pascal Airault, Stéphane Ballong, Juliette Bastin, Jordane Bertrand, Pierre Boisselet, Mahamadou Camara, Rémi Carayol, Tirthankar Chanda, Julien Clémençot, Frida Dahmani, Constance Desloire, Muriel Devey, Georges Dougueli, Alex Duval Smith, Samy Ghorbal, Faïza Ghozali, Malika Groga-Bada, Théophile Kouamouo, Antoine Labey, Christophe Le Bec, Christelle Marot, Frédéric Maury, Marianne Meunier, Jean-Michel Meyer, Samia Mezghani, Nicolas Michel, Cécile Sow, Justine Spiegel, Zoé Suarez. JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

3


Un Fonds vert pour la croissance équitable de l’Afrique

L

a création d’un Fonds vert pour l’Afrique pour répondre à ses propres besoins de croissance équitable est une urgente nécessité. Ce fonds, qui serait hébergé à la Banque africaine de développement, favoriserait le développement d’une économie à faible émission de carbone, faisant de l’Afrique un partenaire des plus engagés dans le combat mondial contre les effets du changement climatique.

© 2011 - BAD - Design, Unité des relations extérieures et de la communication/YAL

Pour plus d’informations :

www.afdb.org/climatechange

www.afdb.org


Sommaire

JEUNE AFRIQUE - HORS-SÉRIE N° 27 - MAI 2011

3

Éditorial Les Africains enfin maîtres de leur destin, par Marwane Ben Yahmed

8

L’actualité croquée par Glez 24

TRIBUNE L’équation de la révolte,

26

CÔTE D’IVOIRE Après le chaos

29

TRIBUNE Du très mauvais usage

30

SUD-SOUDAN Le 54e État

TRIBUNE Le Soudan, un exemple

par Fouad Laroui

de la démocratie, par Christian Bouquet

PHOTOS DE COUVERTURE : ROBERTO SCHMIDT/AFP PHOTO. ISSOUF SANOGO/AFP PHOTO. MOHAMED ABD EL GHANY/REUTERS. JOE PENNEY/ STR NEW/REUTERS. HO NEW/REUTERS. PETE MULLER/AFP PHOTO. SERVICE PHOTO PR.

10 ÉVÉNEMENTS 12

MONDE ARABE Le grand réveil

15

TRIBUNE Trésors d’humanité,

32

18

TRIBUNE Les leçons du « printemps »,

34

20

INTERNET Soulèvements en ligne

36

CONFIDENCES DE… Jean Ping, président

38

CORRUPTION La chasse est ouverte

40

PORTRAITS Ennemis pu publics

43

TRIBUNE La Cour pé pénale internationale,

par Stéphane Hessel par Mo Ibrahim

pour l’Afrique ? par Thabo Mbeki CARTE DES CRISES

Des signes d’apaisement de la Commission de l’Union africaine

de l’utopie à l’action, par Souhayr Belhassen et Sidiki Kaba


82

TRIBUNE Afro-atomiste,

83

RELIGIONS Entre guerre et paix

85

TRIBUNE Où sont les femmes ?

86

CULTURE Ces villes qui créent l’événement

par Boubacar Boris Diop

par Graça Machel

44 TENDANCES 46

PALMARÈS 2011

54

TRIBUNE Le bonus démographique, par Jean-Michel Severino

88

TRIBUNE Apprendre sans oublier, par Cheikh Hamidou Kane

56

ALIMENTATION Haute tension sur les prix

90

MÉDIAS À quand la libération des ondes ?

60

TRIBUNE La sécurité alimentaire en question, par Léonard Wantchékon

95

63

TRIBUNE Plaidoyer pour le secteur privé, par Dov Zerah

TRIBUNE Petite introduction à la mort du cinéma en Afrique noire, par Mahamat-Saleh Haroun

64

CLASSES MOYENNES

Valeurs sûres et bonnes surprises

Cent millions de consommateurs

LES 53 PAYS AU CRIBLE 99

111

AFRIQUE DU NORD

Vague révolutionnaire AFRIQUE DE L’OUEST

Hauts et bas de la démocratie 131

143 68

TRIBUNE Défis et opportunités de

l’urbanisation, par Alioune Badiane

70

MINES La ruée vers l’Ouest

73

TÉLÉCOMS Pourquoi l’Afrique n’est pas encore connectée

76

TRANPORT AÉRIEN Un ciel très convoité

78

PALUDISME Enfin des raisons d’espérer

80

TRIBUNE Comment financer la santé

6

pour tous, par Jeffrey D. Sachs

157 170

178

96

AFRIQUE CENTRALE

Rentes pétrolière et incertitudes politiques AFRIQUE DE L’EST

Les foyers d’instabilité demeurent AFRIQUE AUSTRALE

Après la crise, l’embellie économique OCÉAN INDIEN

Le temps des scrutins

Post-scriptum Fanon et Lumumba, deux combats, par Gaston Kelman

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


Algérie Altruck Company Tél. : +213 21 813871 (-73) www.volvotrucks.com/dz Angola Auto Sueco Angola Tél. : +244 22 2331778 www.auto-sueco.pt Égypte Ghabbour Egypt Tél. : +20 2042107794/5/8 www.volvotrucksegypt.com Éthiopie Equatorial Business Group Tél. : +251 11 442 4955 www.ebg-ethiopia.com Ghana Multi Tech Services Ltd Tél. : +233 30 2683351 (-60) www.multitech-gh.net Côte d’Ivoire ATC Comafrique Tél. : +225 08 85 29 85 www.volvotrucks.ci Libye TMD Tél. : +218 21 3705344 www.volvotrucks.com Maroc Volvo Maroc Tél. : +212 22 678500 www.volvotrucks.ma Nigeria ATC Nigeria Tél. : +234 813 778 38 44 www.volvotrucks.com.ng République Démocratique du Congo ATC Kinshasa-Lubumbashi Tél. : +32 2 724 9074 www.volvotrucks.cg République du Congo ATC Congo Tél. : + 32 2 724 90 74 www.volvotrucks.cg Tunisie SAYARA Tél. : +216 71 454299 www.volvotrucks.com

Le NOUVEAU volvo FMX Les activités de chantier font partie de notre corps de métier. Chez Volvo, l’innovation est notre credo depuis plus de 80 ans. Nous profitons également des avancées de Volvo Construction Equipment, leader mondial dans le secteur des tombereaux, pelles et chargeuses sur pneus, par exemple. Toutes ces réalisations sont réunies dans le nouveau et robuste Volvo FMX. Profitez de performances remarquables en matière de chaîne cinématique, de châssis résistant avec une garde au sol élevée et de systèmes de sécurité de référence dans l’industrie. Avec votre savoir-faire au volant et notre réseau d’entretien, vous allez travailler dans des conditions idéales. Profitez de l’avantage ultime, le « facteur X ». Pour garantir votre position de leader et la pérennité de votre activité pendant les années à venir. Découvrez le « facteur X » dès aujourd’hui sur volvofmx.com ou, si vous préférez, contactez votre concessionnaire local Volvo.

Volvo trucks. driving progress www.volvotrucks.com


L’actualité croquée par Glez

Ð TUNISIE, 14 JANVIER 2011 Après plusieurs semaines d’émeutes, le président Ben Ali doit finalement quitter le pouvoir sous la pression de la rue et fuir le pays, le 14 janvier. Un départ qui va enflammer le monde arabe. Le 11 février, l’Égyptien Hosni Moubarak démissionne. Dix jours plus tard, en Libye, les émeutes virent à l’insurrection contre le régime du colonel Mouammar Kaddafi. Ý JUSTICE, 11 MARS 2011 Le procès de Charles Taylor, jugé pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, s’est achevé le 11 mars devant le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL). Mais le verdict n’est pas attendu avant quatre ou cinq mois. Parmi les témoins, la célèbre mannequin britannique Naomi Campbell a dû s’expliquer sur des diamants que l’ancien président libérien lui aurait offerts à l’issue d’un dîner en 1997.

Ð LIBYE, 19 MARS 2011 L’opération Aube de l’Odyssée commence avec le bombardement, par des avions de guerre français, des blindés de l’armée de Mouammar Kaddafi se dirigeant vers Benghazi. La coalition internationale agit sous le couvert d’une résolution de l’ONU qui autorise le recours à la force pour défendre les civils contre les attaques des forces loyales au « Guide » libyen. 8

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


Ý NIGER, 21 MARS 2011 Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) réclame le versement d’une rançon de 90 millions d’euros pour libérer quatre Français enlevés le 16 septembre 2010 à Arlit, où le groupe nucléaire français Areva exploite une mine d’uranium. Le 24 février, trois otages ont été relâchés à la frontière entre l’Algérie, le Mali et le Niger.

Ð CÔTE D’IVOIRE, 13 AVRIL 2011 Le président Alassane Ouattara annonce qu’il va demander au procureur de la Cour pénale internationale, Luis Moreno-Ocampo, d’engager des investigations sur les massacres survenus dans l’ouest du pays au cours de la crise postélectorale. Ces massacres auraient été commis par les partisans de Laurent Gbagbo ainsi que par des fidèles de Ouattara.

Ð SUD-SOUDAN, 9 JUILLET 2011 Du 9 au 15 janvier, la population du Sud-Soudan a voté à plus de 98 % en faveur de la sécession. Les dirigeants du Nord et du Sud-Soudan doivent désormais s’entendre sur la délimitation des frontières et le partage de la manne pétrolière, l’une des principales ressources du pays. L’indépendance effective est prévue pour le 9 juillet. JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

9


ZOHRA BENSEMRA/REUTERS

TUNIS, LE 14 JANVIER 2011. Face à la détermination du peuple tunisien, le président Ben Ali fuit le pays. La VAGUE RÉVOLUTIONNAIRE gagnera bientôt l’ensemble du monde arabe.


MONDE ARABE Le grand réveil

20

INTERNET Soulèvements en ligne

26

CÔTE D’IVOIRE Après le chaos

30

SUD-SOUDAN Le 54e État

34

CARTE DES CRISES Des signes d’apaisement

36

INTERVIEW Jean Ping, président de la Commission de l’Union africaine

38

CORRUPTION La chasse est ouverte

40

PORTRAITS Ennemis publics

L’ÉTAT DE L’AFRIQUE ÉVÉNEMENTS

12


MONDE ARABE Partie de Tunis dès la fin de 2010, la contestation populaire a gagné l’Égypte et la Libye, avant de se propager au Moyen-Orient. Au-delà des risques de déstabilisation, les régimes arabes ne peuvent plus ignorer les exigences démocratiques qui s’expriment dans la rue.

SAMY GHORBAL

L

onde de choc partie de Sidi Bouzid le 17 décembre 2010 est devenue un tsunami. D’abord circonscrit à la Tunisie, l’incendie a gagné l’Égypte et le Yémen, puis Bahreïn, avant de se propager à l’ensemble du monde arabe. Des plus féodales aux plus avancées, toutes les sociétés se sont embrasées, les républiques héréditaires comme les monarchies. Seuls l’Algérie et certains pays du Golfe, rentiers et faiblement peuplés, font encore exception – mais pour combien de temps? Le Tunisien Zine el-Abidine Ben Ali et l’Égyptien Hosni Moubarak ont été chassés du pouvoir. Le Yéménite Ali Abdallah Saleh semblait promis au même destin. En Libye, les forces fidèles au colonel Mouammar Kaddafi sont bombardées quotidiennement par les avions de l’Otan. Même si l’épilogue de la farce barbare et tragique commencée le 1er septembre 1969 tarde à se dessiner, les jours du régime de Tripoli, dont les capacités de nuisance ont été sérieusement entamées, sont maintenant comptés. Reste à savoir si le dénouement prendra des semaines. Ou des mois.

LA FIN DE « L’EXCEPTION CULTURELLE ». Les quatre premiers régimes à vaciller – Tunisie, Égypte, Yémen et Libye – étaient aussi les plus anciens et les plus durs, ceux dont on pensait qu’ils resteraient figés Ð Place dans leur immobilisme pour l’éternité. Al-Tahrir, Ceux dont les dirigeants prédateurs, au Caire, le mégalomanes et corrompus avaient 1er février 2011. concocté des scénarios bien huilés de Dix jours plus tard, sous la succession dynastique. L’extraordinaire PRESSION DE LA RUE, résilience des États autoritaires avait fini le président par convaincre les analystes qu’il exisHosni Moubarak tait une sorte de fatalité, une « exception quittait le culturelle », qui condamnait les pays pouvoir. arabes à vivre sous le joug de princes despotiques, cruels et capricieux, englués dans leur retard et leur archaïsme politique et social. Il faut dire que l’enracinement de l’autoritarisme avait quelque chose de terrifiant. Car, hormis sur ses marges négro-africaines au Soudan et en Mauritanie, aucun régime arabe n’avait plus été renversé de l’intérieur depuis 1970, date du coup d’État de Hafez al-Assad, en Syrie. Les dirigeants se maintenaient 12

au pouvoir contre vents et marées et, quand ils disparaissaient, laissaient la place à des successeurs qu’ils avaient choisis et adoubés, ou à leur progéniture. Le réveil du monde arabe bouscule les préjugés, les idées reçues et les certitudes paresseuses. Il représente un bouleversement géopolitique comparable à celui de la chute du mur de Berlin en 1989 pour l’Europe de l’Est. JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


réveil

BENEDICTE KURZEN/VII NETWORK

ÉVÉNEMENTS

Le grand

Les révolutions tunisienne et égyptienne sont aussi un extraordinaire message d’espoir. Elles scellent la défaite sans appel du nihilisme d’Al-Qaïda et démontrent que le courage et la dignité peuvent former un cocktail autrement plus efficace que des ceintures d’explosifs. Mais surtout, elles laissent augurer d’une réconciliation définitive entre les peuples arabes et l’idée de liberté individuelle et politique. JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

Un verrou psychologique fondamental a sauté à Tunis, avenue Habib-Bourguiba, dans l’après-midi du 14 janvier 2011. C’est la première fois, en effet, qu’un peuple est descendu dans la rue et a abattu son tyran, seul, à mains nues, au nom de la liberté et de rien d’autre… Le vent de la révolte tunisienne s’est propagé, en quelques semaines, à l’ensemble du monde arabe et a même ● ● ● 13


TYLER HICKS/THE NEW YORK TIMES-REDUX-REA

INSURGÉS LIBYENS près du site pétrolier de Ras Lanouf, âprement disputé aux forces pro-Kaddafi (ici le 9 mars 2011). Les jours du régime de Tripoli sont comptés.

● ● ● atteint les rivages tranquilles de l’océan Indien. À Oman, le sultan Qabous, l’un des derniers monarques absolus de la planète, qui cumulait depuis quarante-deux ans les fonctions de chef d’État, de chef du gouvernement, de chef de la diplomatie et de gouverneur de la Banque centrale, a ainsi annoncé, à la mi-mars, un remaniement partiel de son gouvernement et une réforme constitutionnelle.

en octobre 1988 et sont maintenant désabusés. Car ils ont encore en mémoire l’interruption du processus électoral de janvier 1992, la décennie noire de la guerre civile, marquée par d’effroyables massacres, et un présent toujours hanté par le « terrorisme résiduel ». La culture de la contestation n’a pas disparu – pour la seule année 2010, les services de gendarmerie ont recensé 11 500 émeutes, manifestations et rassemblements à travers le pays –, mais elle a secrété des anticorps. Les débordements populaires DES ALGÉRIENS DÉSABUSÉS. L’Algérie reste donc à ce riment invariablement avec destruction. Ils effraient la jour le seul pays relativement épargné par la contestation, « majorité silencieuse » qui, du coup, reste à l’écart de la et cette singularité interpelle. Car tous les « éléments de contestation et empêche la cristallisation d’un processus base » des cocktails révolutionnaires tunisien et égyptien – l’immobilisme politique, la croissance à deux vitesses, révolutionnaire. Quant aux forces de l’ordre, elles ont tiré l’omniprésence de la corruption et le désœuvrement de les leçons des erreurs du passé. Policiers et militaires savent la jeunesse – sont bel et bien réunis au pays d’Abdelaziz maintenant contenir et disperser des rassemblements sans Bouteflika. Circonstance aggravante : les principales villes, faire usage d’armes létales, un « savoir-faire sécuritaire » qui dont la capitale, ont été frappées, début janvier, par une a cruellement fait défaut aux nervis de Ben Ali, de Moubarak, série « d’émeutes de la faim » provoquées par la hausse des d’Ali Abdallah Saleh ou de Bachar al-Assad. La nature du régime algérien constiAU PAYS DE BOUTEFLIKA, LA CULTURE DE L’ÉMEUTE N’A tue l’autre variable déterminante. C’est un mélange de rigidité et de souplesse. PAS DISPARU, MAIS ELLE A SECRÉTÉ DES ANTICORPS. Le pouvoir sait manier le bâton, mais aussi la carotte, et a jusqu’à présent prix des denrées de première nécessité. Pourtant, hormis réussi à désamorcer la contestation en dispensant de une flambée des revendications sociales et catégorielles, généreuses augmentations. Il a réagi promptement aux aucun mouvement politique d’ampleur n’a été signalé émeutes de janvier, en baissant énergiquement les prix. depuis. Les appels à manifester lancés en février et en mars Pays pétrolier, l’Algérie dispose d’impressionnantes réserves par l’opposition et par des figures de la société civile sont financières. Avec une cagnotte de 150 milliards de dollars restés pratiquement lettre morte. (environ 100 milliards d’euros), le gouvernement peut L’intimidation policière n’explique pas tout. La résigna« acheter » la paix sociale. Enfin, la cohésion du régime, tion apparente cache en réalité une immense lassitude : les dont l’armée forme la colonne vertébrale, est bien meilleure Algériens, qui ont cru, longtemps avant les autres peuples qu’en Tunisie ou en Égypte, où les militaires avaient fini par arabes, au printemps de la démocratie, ont fait leur révolution retourner leurs armes contre le pouvoir civil. À cet égard, 14

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


MOHAMMED VI, ROI DE L’ANTICIPATION. À l’inverse, le

Maroc, qui n’avait montré aucun signe de fébrilité en décembre et en janvier, paraît en voie de mutation accélérée. Le roi Mohammed VI a dévoilé, le 9 mars 2011, une spectaculaire réforme de la Constitution. Une commission, présidée par le juriste Abdeltif Menouni, présentera au souverain ses propositions de réformes courant juin, et le texte sera soumis

à un référendum. On en connaît déjà les grandes lignes. Le royaume chérifien s’oriente vers une monarchie constitutionnelle « spécifique », une « monarchie exécutive » mais démocratique. La personne du monarque restera inviolable et sacrée. Cependant, le statut du Premier ministre sera renforcé ; son choix ne sera plus laissé à l’entière discrétion du roi, et il sera choisi obligatoirement au sein du parti arrivé en tête aux législatives. Le gouvernement deviendra pleinement responsable devant le Parlement. Le sillon de la régionalisation, un des chantiers du règne, sera approfondi, et les conseils régionaux élus par le peuple. Le 23e souverain de la dynastie alaouite a préféré impulser le changement plutôt que le subir. Car la révolution tunisienne et ses développements consécutifs au 14 janvier, notamment la démission – sous la pression de la rue – du Premier ministre Mohamed Ghannouchi, ont marqué les esprits au Maroc. Le succès du « mouvement du 20 février », qui s’est traduit par des manifestations nombreuses et disséminées dans tout le pays, a montré la vigueur de la ● ● ●

TRIBUNE

VINCENT FOURNIER/J.A.

Trésors d’humanité

Ex-secrétaire de la commission ayant élaboré à l’ONU la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948), auteur de Indignez-vous! (Indigène, 2010).

N’AVAIT

L

Stéphane Hessel

année 2011 a commencé en fanfare pour le nord du continent africain. Belle surprise pour ceux à qui on avait présenté comme inéluctable le choix entre le despotisme soidisant éclairé et l’islamisme forcément terroriste… Évolution compréhensible, au contraire, si l’on garde en mémoire le rôle créateur que la culture arabe a joué lors de ses siècles porteurs de lumières. Pouvons-nous espérer que le tunnel à travers lequel le wahhabisme a fait passer l’islam – comme ce fut le cas pour le catholicisme à travers l’ère de l’Inquisition – s’ouvrira sur un respect des droits de la personne humaine et donc de la démocratie ? Ce serait la preuve que les valeurs humaines fondamentales, la dignité de la personne et le respect de l’autre, le renoncement à la violence – valeurs proclamées au sortir de la dernière, de la plus

des ambitions de ses contemporains du Maghreb et du Machrek. Capable de faire usage des moyens d’expression et de communication en expansion prodigieuse que les progrès de la science et des techniques ont mis à sa disposition, elle peut être celle d’une vraie harmonisation de la vie en commun des différentes civilisations sur une même modeste planète, dans un coin du cosmos.

La place que l’Afrique est appelée à y prendre ne relève pas de son rang modeste dans le produit économique et commercial, ni seulement de la richesse de son sous-sol. Elle nous est essentielle en raison des trésors d’humanité dont elle a la garde, trésors que, dans les sociétés industrielles occidentales, des siècles de compétition pour le seul profit matériel ont gravement endommagés. Comme désormais nous sommes tous ensemble face LE CHOIX ENTRE DESPOTISME ET TERRORISME aux défis de demain, il est plus RIEN D’INÉLUCTABLE, AU CONTRAIRE. que jamais nécessaire de réviser les formes institutionnelles à donner à la coopération intermeurtrière des guerres mondiales –, seraient nationale, à ce qu’on appelle d’un terme ambigu la gouvernance mondiale, capable nommées à juste titre « universelles ». de garantir aux humains la satisfaction de leurs besoins essentiels, matériels et spirituels, La génération qui est en train de prendre tout en assurant à la nature, dont ils sont une les responsabilités d’une société désormais des composantes trop souvent prédatrice, la mondiale, globale, indépendante et donc solidaire, a tout à apprendre des sursauts et capacité de les accueillir. ●

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

15

ÉVÉNEMENTS

le cas algérien se rapproche du cas syrien, la culture de la violence d’État exacerbée en moins. L’équilibre algérien demeure malgré tout précaire. Le président Bouteflika, qui est apparu très fatigué, a annoncé le 15 avril une révision de la Constitution, la dépénalisation des délits de presse, et une modification de la loi électorale et de la loi sur les partis. Sans donner plus de détails pour l’instant. Et sans convaincre ses détracteurs. Cela suffira-t-il à maintenir le pays à l’écart du mouvement révolutionnaire arabe et à ouvrir la voie à une transition démocratique pacifique ? Beaucoup en doutent.


● ● ● revendication démocratique. La coalition contestataire diplomatique, alors que le conflit du Sahara n’est toujours est hétéroclite, elle transcende les clivages, rassemble des pas réglé. En un sens, la raison d’État incitait au changelaïcs et des islamistes, des arabophones, des berbérophones ment. Un changement dont le roi pense pouvoir maîtriser et des francophones, des militants de partis politiques et des le tempo. C’est un luxe, par les temps qui courent. figures de la société civile. Cette hétérogénéité, ainsi que le renfort des islamistes d’Al Adl wal Ihsane, le mouvement soufi TRANSITION MILITAIRE EN ÉGYPTE. La Tunisie et l’Égypte, de Cheikh Abdessalam Yassine, font sa force. Les plus hardis elles, sont otages du calendrier. Même si les débuts ont été relativement prometteurs, la partie n’est pas encore demandent que la devise du royaume, « Allah, Al Watan, Al Malik » – « Dieu, la Patrie, le Roi » –, soit transformée gagnée. Leurs économies sont exsangues, presque à l’arrêt, et les opinions s’impatientent. La question de l’impunité et devienne « Allah, Al Mouwatana, Al Malik » – « Dieu, et du sort à réserver aux dignitaires des régimes déchus la Citoyenneté, le Roi ». Tout un symbole. Les Marocains aspirent au changement, à plus de justice, à la fin des passeempoisonne littéralement le climat. Zine el-Abidine Ben Ali et son épouse Leïla Trabelsi, qui ont fui et trouvé asile droits et de la corruption. Et dans le même ordre d’idées, des voix toujours plus nombreuses s’élèvent pour exiger que en Arabie saoudite, échapperont sans doute aux poursuile « Makhzen économique », qui avait pris des dimensions inédites depuis la À TUNIS COMME AU CAIRE, LES ÉCONOMIES SONT disparition du roi Hassan II, retrouve EXSANGUES ET LES OPINIONS S’IMPATIENTENT. des proportions plus raisonnables. À n’en pas douter, l’engrenage démocratique va forcer le souverain à faire des concessions pour tes. Mais Hosni Moubarak et sa famille vont devoir rendre des comptes. Les deux fils du raïs, Alaa et Gamal, ont été apaiser la rue. Une chose est sûre : le mur de la peur est arrêtés, et l’ex-président, hospitalisé, devait être entendu tombé, et il n’y a plus de sujets tabous, ou presque. L’étau économique autour des journaux indépendants a été despar la police. Leurs avoirs ont été gelés, comme d’ailleurs serré. Et la presse marocaine privée a retrouvé le mordant ceux des clans Ben Ali et Trabelsi en Tunisie. Quelques qui la caractérisait au début des années 2000. symboles de la répression et de la corruption sont déjà Même si les considérations de politique intérieure derrière les barreaux, à l’instar de Rafik Belhadj Kacem, ont pesé d’un poids déterminant dans la décision du roi d’Ali Seriati, d’Abdelwaheb Abdallah ou d’Abdelaziz Ben Mohammed VI de lancer un nouveau train de réformes, Dhia en Tunisie. Mais l’annonce de leur arrestation et de les données diplomatiques sont aussi entrées en ligne de leur jugement prochain n’a pas suffi à dissiper complètecompte. Le Maroc, qui avait réussi à incarner une synthèse ment les soupçons de collusion qui pèsent sur les autorités séduisante de tradition et de modernité, tient à son image de la transition. extérieure, bien plus que l’Algérie de Bouteflika. Prendre le Sur un plan plus politique, l’Égypte a opté pour un schéma risque de l’immobilisme, c’était de facto ruiner plus d’une de transition militaire, piloté par un Conseil suprême des décennie d’efforts de communication, et affaiblir sa posture forces armées, secondé par un Premier ministre issu de la

Révolutions en chaîne 17 décembre 2010, Tunisie

Immolation par le feu de Mohamed Bouazizi, 26 ans, à Sidi Bouzid. Transporté au centre des brûlés de Ben Arous, il décédera le 4 janvier 2011. 24 décembre, Tunisie

Mohamed Ammari est abattu par la police, à Menzel Bouzayane, et devient le premier martyr de la révolution tunisienne. 9 janvier 2011, Tunisie

Massacre de Kasserine. Les images des victimes, filmées à l’hôpital de la ville, vont embraser tout le pays. 14 janvier, Tunisie

Chute de Zine el-Abidine Ben Ali et effondrement de son régime.

et le siège du parti au pouvoir est incendié par les émeutiers. 11 février, Égypte

18 mars, Yémen

Hosni Moubarak est poussé vers la sortie et remet le pouvoir à un Conseil suprême des forces armées. 17 février, Libye

Benghazi se soulève, début de la révolution libyenne. 3 mars, Tunisie

Démission du Premier ministre Mohamed Ghannouchi, déjà en poste sous Ben Ali. Il est remplacé par Béji Caïd Essebsi. 9 mars, Maroc

Le roi Mohammed VI annonce des réformes constitutionnelles.

16

« Massacre du vendredi », à Sanaa, où des snipers fidèles au président Ali Abdallah Saleh tuent une cinquantaine de manifestants désarmés. 18 mars, Syrie

Début de l’insurrection dans la ville de Deraa. Les morts se comptent par dizaines. 19 mars, Libye

Début des frappes de la coalition internationale contre les forces fidèles à Mouammar Kaddafi, en application de la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l’ONU. 7 avril, Yémen

25 janvier, Égypte

Début des manifestations antiMoubarak. Le 28 janvier est décrété « vendredi de la colère »,

en renfort » par le roi Hamad Ibn Issa Al Khalifa.

14 mars, Bahreïn

Entrée des troupes saoudiennes dans le royaume, « invitées

Le Conseil de coopération du Golfe demande le départ du président Ali Abdallah Saleh.

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


AUTHENTIQUE DÉMOCRATIE. La

AMINE LANDOULSI/WWW.IMAGESDETUNISIE.COM

Ý Le 26 janvier, à Tunis, des MANIFESTANTS

réclamaient la démission du gouvernement de transition.

En Tunisie, les islamistes en embuscade COMBIEN SONT-ILS, que veulent-ils, et que vont-ils faire ? Les islamistes tunisiens font l’objet de toutes les interrogations. Et de tous les fantasmes. Le régime Ben Ali, qui leur avait livré une guerre à outrance, dans les années 1990, prétendait les avoir éradiqués. Aujourd’hui, à la faveur de la révolution, et à l’instar de leur leader historique, Rached Ghannouchi, rentré de son exil londonien le 31 janvier 2011, ils sont de retour. Même s’ils n’ont pris aucune part aux événements qui ont conduit à la chute de Ben Ali, ils semblent idéalement placés pour profiter de la situation. Leur droit à l’expression et à la participation politique a été reconnu, et Ennahdha, leur parti, a été légalisé le 1er mars. Leur organisation, disloquée par la répression, désormais reconstituée, prépare son congrès, qui devrait intervenir avant les élections. Les nahdhaouis sont présents sur tous les terrains: dans les quartiers, les médias et sur la Toile. Leurs militants endurcis, qui sont au bas mot une trentaine de milliers, sont sortis de la clandestinité, et leurs sympathisants, beaucoup plus nombreux, n’ont plus peur de se déclarer. Face à eux, les partis de l’ancienne opposition ainsi que les dizaines de nouvelles formations hésitent sur la marche à suivre. L’ostracisme et la diabolisation ne sont plus de mise, car chacun sait que les islamistes ont payé un lourd tribut à la répression. Surtout, les nouveaux dirigeants du mouvement affichent des convictions modérées. Ils ont renoncé à la violence et accepté le code du statut personnel. Ils ne demandent plus l’application de la charia. Leurs modèles se situent du côté de la Turquie bien plus que du côté de l’Algérie. Ils se sont démarqués des salafistes illuminés du Hezb Ettahrir (non reconnu), partisans d’un rétablissement du califat. Reste à savoir si tous leurs militants de base partagent cette ligne réformiste. Une chose est certaine en attendant: le paysage politique tunisien, très éclaté, et le manque de repères des électeurs risquent de favoriser grandement les desseins d’Ennahdha, dont l’offre politique est la seule S.GHO. à être correctement identifiée. ●

Tunisie, de son côté, s’est engagée sur un chemin plus ambitieux. Le peuple élira, le 24 juillet, une Assemblée constituante et souveraine. La Constituante rédigera une nouvelle Constitution et choisira un type de régime: parlementaire, présidentiel ou semi-présidentiel. Ses travaux prendront plusieurs mois et, ensuite, une nouvelle assemblée législativepourraêtreélue.Cetteintense séquence politique connaîtra peut-être son point d’orgue avec l’élection d’un président, mais tout dépendra des choix des constituants. Rendue caduque par la révolution, la Constitution de 1959 a été mise entre parenthèses le 17 mars, date à laquelle les pouvoirs de Fouad Mebazaa, le présidentparintérim,expiraientthéoriquement. La réalité du pouvoir est assumée par Béji Caïd Essebsi, un bourguibien historique.Malgréses85ans,l’hommea conservé toute son agilité intellectuelle. Il a réussi à se concilier les faveurs de l’opinion et à asseoir son autorité. La situation sécuritaire s’est améliorée. L’économie, elle, est restée à l’arrêt, et c’est un sérieux motif de préoccupation. Plus la transition se prolonge, et plus la sortie de crise sera délicate. Mais aller trop vite aux élections, c’est risquer la sortie de route. Or toutes les incertitudes politiques n’ont pas été levées. Les travaux de l’ex-Commission de la réforme politique, présidée par Yadh Ben Achour, un constitutionnaliste respecté, s’avèrent laborieux. L’instance indépendante, qui comptait initialement une quinzaine de membres, a été élargie à plus de 140 personnalités! Elle a opté pour le mode de scrutin proportionnel, et adopté le principe de la parité hommes-femmes sur les listes. Mais le gouvernement traîne des pieds. Et la question de l’inéligibilité des anciens responsables du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD, le parti de Ben Ali) divise profondément.

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

L’autre source d’inquiétude réside dans la prolifération incontrôlée des partis, dont le nombre dépasse maintenant la cinquantaine, mais qui, pour la plupart, peinent à exister, à recruterdesmembresetàsedoterdeprogrammessolides.Cet engouement pour la politique est signe de vitalité citoyenne. Mais il laisse augurer aussi du risque d’une atomisation de la représentation politique. Ce qui pourrait, à terme, faire le jeu, là encore, des islamistes d’Ennahdha. L’apprentissage de la démocratie ne sera donc pas de tout repos. Mais le jeu en vaut la chandelle: la Tunisie a quelques mois pour inventer sa modernité politique et devenir la première authentique démocratie arabe. Une perspective inimaginable il y a encore quelques mois. ● 17

ÉVÉNEMENTS

société civile, Essam Charaf, nommé le 3 mars. Le référendum constitutionnel du 19 mars a permis d’entériner la limitation à deux du nombre de mandats autorisé pour le prochain président, et de lever les obstacles aux candidatures à la magistrature suprême. Une présidentielle devrait être organisée d’ici à la fin de l’année. Amr Moussa, l’actuel secrétaire général de la Ligue arabe, et Mohamed el-Baradei, Prix Nobel de la paix, sont dans les starting-blocks. Les Frères musulmans ont annoncé qu’ils ne présenteraient pas de candidat. En revanche, ils comptent bien faire étalage de leurs muscles aux législatives, qui se dérouleront en septembre. D’ici là, l’état d’urgence, en vigueur depuis 1981, devrait enfin être levé.


TRIBUNE

MATT DUNHAM/AP/SIPA

Les leçons du « printemps » Mo Ibrahim Président de la Fondation Mo Ibrahim.

D

ans cette euphorie du printemps arabe, je rappelle souvent à mes amis égyptiens qu’ils ne sont pas les premiers, dans la région, à avoir renversé leur gouvernement par un soulèvement populaire. Nous, Soudanais, l’avions fait en 1964. Puis nous avons recommencé en 1985.

Il n’en est pas sorti grand-chose. Dans aucun des deux cas, la révolution n’a amélioré la gouvernance du pays. Mais aujourd’hui, alors qu’une nouvelle génération, jeune, désenchantée, déterminée, prend possession de la rue, on se prend à espérer que les futurs dirigeants seront désormais tenus responsables de leurs actes avec plus de vigueur. Si les Africains ont pu se disputer en d’autres temps la palme du pire dictateur, ils rivalisent aujourd’hui pour faire éclore la révolution la plus accomplie. Les révoltes de l’Égypte et de laTunisie inspirent aujourd’hui le reste du monde. Les temps sont devenus incertains pour les dictatures. L’heure est venue de confondre ceux qui prétendent que la croissance économique peut durablement exister au détriment des libertés civiles dans les pays en développement. L’alliance de la jeunesse et des nouvelles technologies, au cœur des révolutions qui secouent aujourd’hui le nord du continent africain, réduit en poussière les notions conservatrices prônant les avantages de la stabilité sur la liberté.

des outils qu’elles privilégiaient pour déformer ou taire la vérité. Les facteurs déclencheurs de ces révoltes sont multiples : Mohamed Bouazizi et la vague d’immolations qui a suivi la sienne ; les révélations de WikiLeaks sur l’ampleur de la corruption enTunisie; la vulnérabilité des autocrates en fuite. Tous ont joué leur rôle. Mais il est essentiel de mesurer les défaillances caractéristiques de la gouvernance dans ces sociétés pour comprendre pourquoi et comment celles-ci sont ainsi entrées en éruption. Sur le continent africain, la gouvernance enregistre reculs et progrès. Les disparités sont frappantes; de la Somalie au Ghana, de Maurice aux Comores, de la RD Congo au Botswana. À l’intérieur même de chaque pays, on voit se creuser les écarts entre les différents domaines de la gouvernance. L’Indice Ibrahim de la gouvernance africaine définit et évalue la gouvernance à l’aune de la fourniture de biens et de services publics attendus par les citoyens. Cette définition ratisse large, englobant santé, protection sociale et éducation, sécurité des personnes, environnement de l’économie, droits fondamentaux et libertés individuelles, fonctionnement du système judiciaire et régime démocratique.

Publiée en octobre dernier, la livraison 2010 de l’Indice Ibrahim a mis en lumière d’intéressantes similitudes entre pays désormais révoltés. Ils étaient notamment marqués par un écart particulièrement ON SE PREND À ESPÉRER QUE LES FUTURS important entre leurs performanDIRIGEANTS SERONT TENUS RESPONSABLES ces en matière de développement DE LEURS ACTES AVEC PLUS DE VIGUEUR. économique et d’accès à la santé et à l’éducation d’une part, et leurs performances en matière de droits, La révolution des communications contribue de sécurité et de participation citoyenne d’autre à l’émergence d’une prise de conscience part. sociale et politique. Les débats transcendent les frontières, à partir de plateformes inédites On a déjà pu mesurer le potentiel explosif qui échappent au contrôle des États. Les de cet écart à Tunis, place Al-Tahrir au Caire, Égyptiens discutent avec les Tunisiens, qui ou à Benghazi. Une jeunesse éduquée, mais échangent avec les Soudanais et les Libyens. dénuée de perspectives d’emploi, consciente Le développement accéléré des infrastructures de son absence de droits, mais dans l’incapacité de communication, des téléphones portables, d’exiger des changements, a pris les choses d’internet, de la télévision par satellite, des en main. À un niveau plus élevé encore qu’en réseaux sociaux et des sites de vidéos comme Tunisie, huit pays témoignaient, dans l’Indice YouTube a fait exploser la chape imposée par 2010, d’un décalage entre leurs performances les autocraties corrompues, les dépossédant en matière de participation et de droits de

18

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


Libye Défaite annoncée pour Kaddafi

MADS NISSEN/BERLINGSKE/PANOS-REA

Ainsi, laTunisie se classe dans la moitié supérieure de l’Indice dans la plupart des domaines évalués, sauf pour la participation et les droits de l’homme.

LES GOUVERNEMENTS SONT DÉSORMAIS PRÉVENUS : ÉTOUFFER LES ATTENTES DE LEUR JEUNESSE SE FAIT À LEURS RISQUES ET PÉRILS. Et la Libye se hisse dans les cinq meilleurs pays du continent pour ses performances en matière de santé et d’éducation, mais chute parmi les cinq derniers dans les domaines de la participation et des droits. La notion selon laquelle ce sont la croissance économique et un certain degré de développement social qui conditionnent de façon cruciale la stabilité, indépendamment du niveau des libertés individuelles et collectives, est explicitement réduite à néant. Il apparaît bien que l’absence de libertés collectives et individuelles entraîne inégalités économiques et instabilité politique, parce qu’elle s’oppose fondamentalement à un partage équitable des fruits de la croissance. Les gouvernements des pays en développement, à forte démographie, doivent en tirer la leçon : étouffer les attentes de leur jeunesse se fait à leurs risques et périls. C’est la jeunesse qui a mené la révolte, cette jeunesse qui quitte le système éducatif sans aucune perspective d’avenir, cette jeunesse qui végète au creux d’économies contrôlées qui ne profitent qu’à l’élite, sans droit ni possibilité d’apporter des changements significatifs. Même si son mécontentement s’est souvent manifesté par la violence, c’est un grand message d’espoir qu’il faut retenir des événements qu’elle a contribué à façonner. Une nouvelle génération se dresse pour s’attaquer à ces défis de manière innovante, soutenue par la révolution technologique. L’avenir de l’Afrique et de la démocratie africaine est en train de basculer entre les mains de son immense jeunesse. Merveilleuse nouvelle. ●

RASSEMBLEMENT CONTRE LE « GUIDE », le 17 février à Tobrouk.

LES STRATÈGES de la coalition occidentale pensaient que la guerre serait courte et joyeuse. La séquence initiale, marquée par d’intenses bombardements, et au cours de laquelle l’aviation française, première à entrer en action, a joué un rôle prépondérant, autorisait tous les espoirs. Une douzaine d’heures a suffi pour sauver Benghazi et ses 700 000 habitants. Moins de trois jours ont été nécessaires pour imposer une zone d’exclusion aérienne. Cependant, les généraux occidentaux ont vite compris que le scénario le plus optimiste – celui d’une débandade généralisée et d’un effondrement du régime – ne se réaliserait pas. En dépit de défections spectaculaires, comme celles de l’ancien chef du renseignement, Moussa Koussa, et du diplomate Ali Triki, la garde rapprochée du « Guide » et le noyau dur de ses forces militaires ont tenu bon. La coalition a ensuite espéré une percée rebelle. En vain. Mis en déroute devant Syrte, les révolutionnaires, sous-équipés et sous-entraînés, ont reflué jusqu’à Ajdabiya, leur position initiale. Finalement, une guerre de tranchées s’est instaurée, les règles d’engagement particulièrement strictes de la coalition empêchant les alliés de pilonner les forces de Kaddafi disséminées en zone urbaine. À la fin d’avril 2011, tous les ingrédients d’un pourrissement du conflit semblaient réunis. « COUPER LA TÊTE DU SERPENT ». Kaddafi a réussi à gagner du temps. Mais il ne pourra pas gagner la guerre. Ses capacités militaires s’érodent un peu plus tous les jours, l’effet des sanctions économiques et du blocus naval se font sentir. L’essence, et bientôt les munitions, font défaut à Tripoli. L’économie est paralysée. En réalité, l’issue de la guerre ne fait aucun doute. Les rebelles ne pourront pas la gagner, mais la coalition ne peut pas la perdre. Elle peut d’un instant à l’autre décider d’abréger la partie, en prenant des libertés avec la résolution 1973 de l’ONU. L’annonce du déploiement de conseillers militaires aux côtés des rebelles est un premier signe. Le spectaculaire bombardement du bureau du « Guide », dans sa caserne de Bab el-Azizia, en est un deuxième. Les appels à « couper la tête du serpent », qui commencent à se faire entendre du côté du Congrès américain, sont de très mauvais augure pour Kaddafi. ● SAMY GHORBAL

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

19

ÉVÉNEMENTS

l’homme, et celles en matière de développement économique et social : l’Algérie, l’Égypte, la Guinée équatoriale, l’Érythrée, la Libye, le Maroc, le Soudan et le Swaziland.


INTERNETSoulèvements en ligne Face à des régimes autoritaires et des médias verrouillés, les internautes arabes ont massivement investi l’espace de liberté offert par la Toile. Au point d’en faire une véritable force d’opposition. PIERRE BOISSELET

«

L

CAPUCINE BAILLY/COSMOS

es nouveaux médias, notamment satellitaires avec l’objectif de rassembler l’ensemble de l’information et en ligne, assaillent les citadelles des dictacritique sur le régime de Ben Ali. « Nous avons préparé le terrain, assure aujourd’hui Astrubal. Nous travaillions pour teurs les plus coriaces. Si le pouvoir politique rétablir la vérité, qui était déformée par les médias. » ne s’empare pas de ces réels espaces de liberté De fait, lorsque fin 2010 la presse mondiale se délecte des dont disposent les opinions publiques de tous les pays, les espoirs sont réels d’assister à une accélération de l’Histoire. » révélations des télégrammes diplomatiques américains par Contrairement aux apparences, ces phrases ne sont pas WikiLeaks, les médias tunisiens n’en disent mot. En revanche, extraites d’une récente analyse des révolutions arabes. Leur Nawaat parvient à obtenir, en exclusivité, l’ensemble des auteur, Astrubal, un blogueur tunisien, les a écrites en 2002. textes écrits par l’ambassadeur à Tunis. Terrible réquisitoire Difficile d’imaginer alors qu’une décennie plus tard, deux publié sur le site: c’est l’opération « TuniLeaks ». Évidemment, des plus anciens dictateurs du monde arabe tomberaient cela fait alors bien longtemps que Nawaat est censuré au en l’espace de quelques semaines, victimes de l’impact des pays du Jasmin. Tunis, qui a très tôt compris les risques de technologies de la communication. ce nouveau média, « filtrait » étroitement la Toile. Il y a dix ans, le développement de la Toile représentait déjà un espoir pour les « cybermilitants » de la première heure. VIRTUOSES DU CLAVIER. La censure concerne alors, bien Profitant de l’avance de la Tunisie dans le développement sûr, tous les sites dissidents, mais aussi plusieurs médias d’internet, les dissidents trouvaient alors refuge sur le web. internationaux ou encore les plateformes de partage de Dès 2001, Tunezine, un site très critique vis-àvidéos (Dailymotion, YouTube…), particuvis du régime, est fondé par Zouhair Yahyaoui, lièrement populaires partout ailleurs dans le Æ GRÂCE AUX RÉSEAUX décédé depuis. Astrubal (un nom de plume), monde. En partie contre-productive, elle jette SOCIAUX, les insurgés professeur de droit, résidant dans le sud de la plusieurs passionnés de technologie sur les ont pu contourner sentiers de la révolte. Le désormais célèbre France, et son ami Sami Ben Gharbia lui emboîla censure, dévoiler tent alors le pas. En 2004, les deux compagnons Slim Amamou, blogueur-militant devenu des informations et organiser la révolte. créent nawaat.org (« le noyau » en français), secrétaire d’État à la Jeunesse et aux Sports ● ● ●

20

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


Vale s’engage pour l’Afrique Groupe minier de classe internationale, Vale est présent au Mozambique (charbon et phosphate), en Guinée (fer) et en Zambie (cuivre). Le groupe conduit également plusieurs campagnes d’exploration sur le continent, suivies par son équipe de spécialistes basés en Afrique du Sud, à Johannesburg, .

Les investissements de Vale en Afrique participent également au développement humain et durable des communautés. Ainsi au Mozambique, le groupe a financé la construction ou la réhabilitation d’infrastructures de santé et d’un institut géologique. La Fondation Vale a pour sa part créé, en liaison avec les pouvoirs publics et la société civile, un Knowledge Centre, basé sur un modèle qui a déjà fait ses preuves en matière d’amélioration de la qualité de vie de populations locales. Enfin, le groupe participe activement à la création d’emplois au niveau local et investit massivement dans la formation de ses employés comme de ses partenaires, mettant en oeuvre de nombreuses actions pour favoriser leur développement professionnel et personnel.

COMMUNIQUÉ

DIFCOM/C.C.

Au Mozambique, la mine de Moatize, dans la province de Tete, entre en service cette année. Capable de produire 11 millions de tonnes par an, dont 8,5 millions de tonnes de charbon métallurgique, elle représente un investissement de 1,66 milliard de dollars. En Zambie, Vale et son partenaire ARM investissent 400 millions de dollars dans la mine de cuivre de Konkola, dont les réserves sont parmi les plus importantes du pays. Elle produira 45 000 tonnes de concentrés de cuivre par an à partir de 2013. En Guinée, Vale investit sur le site de Simandou et dans les infrastructures de transport qui le desserviront. Capable de produire 50 millions de tonnes de fer par an à terme, Simandou sera le plus important complexe intégré d’exploitation et d’infrastructure minière en Afrique, permettant à Vale de consolider sa position de leader mondial en minerai de fer de haute qualité.

Vale s’est fait connaître en Afrique dès 2004 par des campagnes d’exploration au Mozambique, en Angola et au Gabon. Le groupe applique à l’Afrique les méthodes de management qui sont à la base de son succès. Comme au Brésil, toute sa logistique est intégrée, de la mine à l’exportation. Ainsi, pour s’assurer de disposer des moyens logistiques reliant ses sites de production aux côtes est-africaines, Vale a pris le contrôle de la Northern Corridor Development Company (SDCN), qui gère le port de Nacala, au Mozambique, ainsi que des liaisons ferroviaires avec les pays voisins.

www.vale.com


après la chute de Ben Ali, était de ceux-là. Cogérant d’Alixsys, une société de développement d’applications sur internet, cet entrepreneur subit le contrôle de la Toile – et tente d’y échapper. Comme lui, les militants « technophiles » parviennent à contourner la censure. L’utilisation de « proxies », ces points d’accès basés à l’étranger grâce auxquels on peut accéder au web sans limite et réservés aux internautes expérimentés, devient courante en Tunisie. Mais, même pour les virtuoses du clavier, la solution n’est pas idéale : souvent lentes, ces voies sont fermées par les censeurs à mesure qu’ils les repèrent. ●●●

PEUR DES FAUX « AMIS ». Le développement des réseaux

sociaux, et en particulier celui de Facebook, va changer la donne. Ces sites, sur lesquels les utilisateurs peuvent facilement échanger messages, vidéos, photos ou liens hypertextes, sont beaucoup plus difficiles à contrôler que le reste du Net. D’abord pour des raisons techniques : sur Facebook, par exemple, l’espace de chaque utilisateur est protégé par un mot de passe et la société américaine veille à leur sécurité. De plus, la censure tunisienne opérait principalement par un filtrage, plus ou moins fin, des différentes pages web. Or, sur ce site, la majorité des informations n’est pas constituée de pages, mais de messages, vidéos ou photos, insaisissables car intégrés au site lui-même. Du coup, seules deux options s’offrent à Tunis : autoriser Facebook, avec les risques que cela comporte, ou l’interdire totalement. Le régime semble hésiter. Finalement, à l’été 2008, le site est banni du web tunisien. Mais, à la suite de l’intervention de Zine el-Abidine Ben Ali en personne, l’accès au site est rétabli quelques jours plus tard. A-t-il imaginé que, dans cet espace virtuel comme ailleurs, la peur des autorités suffirait à provoquer l’autocensure ? De fait, de nombreux Tunisiens ont longtemps craint d’être surveillés par de faux « amis Facebook », qui seraient des agents du régime. Mais, avec la publication des images de la sanglante répression des manifestations de Sidi Bouzid et de Kasserine sur le réseau fin décembre 2010, le mur de la peur se fissure. « Dans tous les lieux publics, on faisait attention à ce qu’on disait : on ne savait pas à qui on avait affaire, rappelle Rafik, un jeune Tunisien qui a pris part à la mobilisation. Mais sur Facebook, on sait qui écrit, qui envoie des vidéos. Quand j’ai vu mes

propres amis partager leurs vidéos à visage découvert, ça m’a donné le courage de le faire à mon tour. » La logique des réseaux sociaux, selon laquelle l’information se diffuse par affinité entre le récepteur et l’émetteur, achève de vaincre les dernières craintes : on croit ce que montre tel film aussi parce qu’on connaît personnellement son auteur, ou celui qui le transmet. Désemparé face à des manifestations qui s’emballent sur fond d’hyperactivité incontrôlable du réseau, Tunis tente, à partir du début du mois de janvier, de pirater l’ensemble des mots de passe Facebook des Tunisiens, comme le révélera plus tard le responsable de la sécurité du site américain… « Cette révolution, c’est comme Wikipédia [encyclopédie en ligne, NDLR], analysera, sur la chaîne américaine CBS, l’Égyptien Wael Ghonim, icône du soulèvement dans son pays. Tout le monde produit du contenu. Vous ne connaissez pas les noms des auteurs. Mais tous participent à la création de cet ensemble qu’est la révolution. Et personne n’en est le héros. » Modeste, Ghonim ne s’étend pas sur l’organisation de la révolte égyptienne. Pourtant, sa centralisation, beaucoup plus importante qu’en Tunisie, éclaire une autre caractéristique des réseaux sociaux : leur pouvoir de mobilisation. Au Caire, l’émeute débute le 25 janvier 2011 précisément. Alors que Mohamed Bouazizi est devenu spontanément un symbole de la révolte tunisienne, la « sanctification » de Khaled Saïd, son « homologue » égyptien, est en grande partie l’œuvre de Wael Ghonim. UN OUTIL ESSENTIEL. À l’été 2010, ce dernier, alors res-

ponsable marketing de Google pour la région Maghreb et Moyen-Orient, crée anonymement une page intitulée « Nous sommes tous Khaled Saïd » (www.facebook.com/ ElShaheeed) pour raconter l’histoire de ce jeune homme battu à mort par les forces de l’ordre. À la mi-janvier 2011, il a déjà rassemblé 400 000 adeptes. Les jeunes Égyptiens, excédés par le régime de Hosni Moubarak, n’ont dès lors plus aucun doute : ils ne sont pas seuls. C’est à partir de cette plateforme que Ghonim se ralliera à la mobilisation du 25 janvier, elle-même lancée grâce à Facebook par son compatriote Ahmed Maher en 2009. Contournement de la censure, formation de l’opinion, mobilisation… Les réseaux sociaux ont démontré qu’ils étaient un outil essentiel de contestation. Peuvent-ils cependant jouer un rôle constructif dans l’établissement d’un nouveau Génération Facebook système politique ? Lors du réféILS ONT ENTRE 30 ET 45 ANS, passent une grande partie de leur rendum constitutionnel égyptien temps sur laToile et ont tous joué un rôle majeur dans la mobilisation organisé par l’armée, plusieurs cyberde janvier 2011. ÀTunis, les têtes de pont du cyberactivisme sont Sami militants influents pendant la révoluBen Gharbia et Slim Amamou. Le premier, 43 ans, est entré en tion, dont Ghonim, ont annoncé qu’ils dissidence en créant le blog Nawaat, qui compterait 180000 visiteurs voteraient « non » afin de permettre par mois. Le second, 33 ans, est devenu une telle icône de la lutte à un projet plus ambitieux de voir contre la censure qu’il a été nommé secrétaire d’État à la Jeunesse et le jour. Les Égyptiens ne les ont pas aux Sports dans le gouvernement post-Ben Ali. Au Caire, c’est un autre suivis. professionnel des technologies de l’information et de la La Tunisie se dirige, quant à elle, communication,Wael Ghonim, 30 ans, alors responsable marketing de vers une réforme plus profonde, avec Google pour le Maghreb et le Moyen-Orient, qui a contribué à la l’élection prévue d’une Assemblée mobilisation des internautes. Dans le sillage d’Ahmed Maher, 30 ans, constituante. Reste à savoir si leurs membre du « mouvement du 6 avril », à l’origine des manifestations membres vont, à leur tour, utiliser qui ont conduit à la chute de Moubarak. ● P.B. Facebook, pour faire participer leurs électeurs… ●

22

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011



TRIBUNE

V. FOURNIER/J.A.

L’équation de la révolte Fouad Laroui Écrivain et collaborateur de Jeune Afrique.

CARTE

24

O

N A ASSEZ DIT qu’il ne fallait pas tout confondre, que la situation en Libye n’avait rien à voir avec celle qui prévalait au Maroc – ce qui est tout à fait exact ; que Moubarak n’était pas Ben Ali, même s’ils ont connu le même sort ; que Bahreïn et son mélange explosif sunnites-chiites ne pouvait être comparé à l’Algérie, plutôt homogène ; que le Yémen tribal avait cent ans de retard sur le Liban sophistiqué, etc. On a assez dit tout cela, et toute personne sensée en a tiré la conclusion: il n’y a pas une révolution arabe, il y a des révoltes arabes, chacune profondément marquée par les conditions historiques, sociales, culturelles, économiques locales. Cependant, ces révoltes ont nécessairement des points communs : autrement, on s’expliquerait mal leur concomitance, la similarité de leur déroulement et la très forte ressemblance des slogans qui s’y font entendre – en particulier le fameux Irhal ! (« Dégage ! ») qu’on a entendu dans les rues de Tunis, du Caire ou de Sanaa, et qui sera sans doute le mot de l’année 2011 quand on en fera le bilan en décembre.

spectaculaires : on peut savoir au fin fond du Xinjiang qu’elle a rompu avec son boyfriend. Certains dirigeants arabes ne semblaient pas avoir pris la mesure de ce bouleversement et continuaient à communiquer avec leur bon peuple par le bobard, par les mensonges les plus éhontés. Il y a encore quelques mois, Kaddafi pouvait raconter dans ses discours que le monde entier était ébloui par les exploits accomplis par la Libye – sans se rendre compte qu’en googlisant le nom « Kaddafi », n’importe quel jeune Libyen tombait sur les mots-clés « fou », « tyran », « terroriste », etc.

Et à propos de jeunesse, voici donc le deuxième paramètre : une jeunesse nombreuse, exubérante, ambitieuse, urbanisée, et qui, grâce au facteur précédent, suit en direct ce qui se passe dans le monde, sait comment vivent les jeunes en Europe, en Amérique et ailleurs, et se demande « Pourquoi pas nous ? » Et cette même jeunesse a maintenant les moyens d’échanger ces informations, de les commenter, de se mobiliser s’il le faut, etc. On a parlé de révolution Facebook, c’est un peu exagéré sans doute mais, comme Quels sont donc ces points communs ? Le dans toute exagération, il y a un fond de plus important est sans doute celui de l’acvérité. cessibilité et de la rapidité de l’information. C’est la conjonction de ces deux facteurs C’est bien entendu un phénomène mondial, qui a rendu les révoltes arabes possibles. La et pour mesurer le chemin parcouru on peut volonté d’abattre des dictatures qui s’éternisent, de changer des modes de gouvernement désastreux, PRENEZ DES STATISTIQUES PERTINENTES, UNE de prendre la parole là où elle a été muselée ou confisquée, DE L’AFRIQUE, ET FAITES VOS JEUX… cette volonté existe partout, on pourrait dire naturellement, mais elle ne peut déboucher sur rien tant prendre des exemples à l’échelle du globe. Au XIXe siècle, quand le tsar de Russie prenait qu’elle est dispersée, tant qu’elle ne peut être un oukase, il fallait environ trois mois pour mobilisée rapidement et efficacement. que l’information arrive dans les coins les plus reculés de son empire. Aujourd’hui, Ceux qui se demandent si les révoltes arabes Medvedev n’a besoin que de quelques seconsont généralisables aux pays d’Afrique subdes pour qu’à Vladivostok son représentant saharienne doivent donc se poser une question soit mis au courant de telle ou telle décision simple : l’équation de la révolte y est-elle prise au Kremlin… présente ? Une jeunesse urbaine impatiente, Quant à l’accessibilité de l’information, il revendicative, à qui « on ne la fait plus », plus est bien révolu le temps où les citoyens chinois une information rapide, partout accessible, – les plus nombreux sur terre – ne furent lui permettant de se mobiliser vite et de façon même pas mis au courant du débarquement efficace. Prenez une carte de l’Afrique ainsi de Neil Armstrong sur la Lune. Aujourd’hui, que les statistiques pertinentes (urbanisation, la petite-fille d’Armstrong peut mettre sur pyramide des âges, accès internet, etc.), et Twitter des informations bien moins faites vos jeux… ●

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


Le goût du monde

53 escales dans le monde dont 14 en Afrique Le goût du monde pour Servair c’est – hier, aujourd’hui et demain – beaucoup celui du continent africain. Le goût d’y tisser des partenariats respectueux des normes internationales et des spécificités locales. Le goût des métiers de la restauration et aussi de ceux des services aéroportuaires. Et bien sûr, le goût du service pour répondre aux attentes quotidiennes et événementielles de nos clients : compagnies aériennes, entreprises et collectivités.

www.servair.fr


CÔTE D’IVOIRE Après le chaos C’est au terme d’un bras de fer long et meurtrier qu’Alassane Dramane Ouattara, élu président en novembre 2010, a délogé Laurent Gbagbo du pouvoir. Il lui faut maintenant restaurer la paix dans un pays profondément divisé. PASCAL AIRAULT

I

l attendait cette consécration depuis dix-sept ans, plus exactement depuis la mort du père de l’indépendance, Félix Houphouët-Boigny, le 7 décembre 1993. Alassane Dramane Ouattara (ADO) était alors Premier ministre du « Vieux » et se voyait lui succéder. Mais ce fut Henri Konan Bédié, dauphin constitutionnel en tant que président de l’Assemblée nationale, qui hérita du poste de président avant d’être élu, en 1995 – ses principaux adversaires boycottèrent un scrutin qu’ils ne jugeaient pas transparent. Bédié lancera ensuite l’ivoirité, un concept culturel qui déviera rapidement en une remise en cause de la nationalité de son rival, Alassane Ouattara. Le général Robert Gueï, devenu président à la faveur d’un coup d’État en décembre 1999, puis finalement Laurent Gbagbo surferont sur ce thème pour exclure ADO de la bataille présidentielle d’octobre 2000. Gbagbo sera élu mais devra partager son pouvoir avec une rébellion armée à compter de septembre 2002. Au terme de huit ans de transition, la présidentielle de novembre 2010 devait marquer le retour définitif à la légalité constitutionnelle. Mais Gbagbo a contesté la victoire de son rival et défendu bec et ongles son pouvoir. On pensait même le président sortant prêt à mourir pour empêcher le vainqueur d’accéder au palais présidentiel. In fine, le goût de la vie a été plus fort mais celui qu’on appelle « le woody » (« résistant » en bété) se sera accroché jusqu’au bout. Rappel des événements. LA FORCE, ULTIME SOLUTION. Deux jours après l’annonce

fermer la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) à Abidjan, ce qui entraîne la fermeture des banques de la place. Il va également suspendre les exportations de cacao et imposer, avec l’aide des Européens, un blocus sur les deux ports du pays, Abidjan et San Pedro. Tout cela ne résout pas Laurent Gbagbo à tirer sa révérence. Ouattara se résigne alors à employer la force, comme le lui demande depuis de longs mois son Premier ministre, Guillaume Soro. Ce dernier lance l’offensive militaire le 28 mars, à l’ouest du pays. En quelques jours, les Forces nouvelles (FN, ex-rébellion), rebaptisées Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) après le ralliement d’éléments loyalistes, prennent le contrôle de tout le pays à l’exception d’Abidjan, où les troupes de Gbagbo repoussent les assauts des FRCI et

de la victoire de Ouattara par le président de la Commission électorale indépendante, le 2 décembre 2010, Laurent Gbagbo se fait investir par un Conseil constitutionnel aux ordres qui bafoue ses LE BILAN EST TRÈS LOURD : ON DÉNOMBRE propres règles pour renverser le résultat PLUS DE 3 000 MORTS ET 1 MILLION DE DÉPLACÉS. des urnes. Commence alors une longue période de réclusion au Golf Hôtel pour Alassane Ouattara et ses alliés. Protégé par les soldats de du « commando invisible » dirigé par Ibrahim Coulibaly, un l’ONU, ADO va d’abord s’atteler à renverser pacifiquement ancien sergent putschiste qui vivait auparavant en exil. son adversaire. Mais ses partisans qui tentent de marcher Il faudra finalement l’intervention des hélicoptères franvers la Radio télévision ivoirienne (RTI), le 16 décembre, çais et onusiens, qui détruiront toutes les armes lourdes du régime, pour obtenir la reddition de Gbagbo et de ses seront massacrés par les forces fidèles à Laurent Gbagbo. Il va aussi isoler diplomatiquement le président sortant avec proches, qui vivaient reclus à la résidence présidentielle. Le 11 avril, Laurent et son épouse Simone sont capturés par les l’appui des Nations unies, de Washington, de Paris et de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest FRCI après plus de quatre mois d’une crise postélectorale (Cedeao). Reconnu vainqueur d’un scrutin certifié par l’ONU, qui a conduit le pays au bord du chaos. Le bilan de la crise il procède au remplacement des ambassadeurs hostiles et est très lourd. On dénombre plus de 3 000 morts et 1 milva étrangler économiquement son adversaire en faisant lion de personnes déplacées. Certains éléments des FRCI 26

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


Plus de quatre mois de crise 28 novembre 2010

2 décembre

Abidjan, le 12 avril 2011. Les généraux de l’armée ivoirienne prêtent ALLÉGEANCE au président Alassane Ouattara et à son Premier ministre, Guillaume Soro (à g.).

MICHAEL ZUMSTEIN/AGENCE VU

La Commission électorale indépendante annonce la victoire de Ouattara avec 54,1 % des suffrages.

ont perpétré des massacres à l’ouest du pays et à Abidjan. Des crimes de guerre pour lesquels les ONG et la communauté internationale demandent aujourd’hui que justice soit faite. Alassane Ouattara et Guillaume Soro ont assuré qu’ils n’hésiteraient pas à châtier les coupables dans leurs propres rangs. MOSAÏQUE ETHNICO-RELIGIEUSE. Mais ADO fait également

de la réconciliation la priorité de son début de mandat. Si le Nord et le Centre lui sont acquis, le Sud et l’Ouest ont voté majoritairement pour Gbagbo. « Il faut recréer un tissu fraternel entre les Ivoiriens et panser les plaies ethnico-religieuses », confie-t-il à son ami Michel Camdessus, l’ancien patron du FMI. Il vient de mettre en place une « commission vérité et réconciliation » (lire encadré page suivante). Le chantier est immense et particulièrement difficile à mener. Les Ivoiriens ont déjà tenté de se pardonner en 2001. À l’époque, le Forum de réconciliation nationale, mené par Seydou Elimane Diarra, s’était transformé en tribune ouverte pour les règlements de compte entre partisans de chaque camp. Dix ans plus tard, les griefs sont encore plus importants. L’âpre bataille politique a laissé des traces chez les différentes communautés d’un pays composé d’une large mosaïque ethnique et religieuse, qui a continuellement intégré de nouveaux étrangers venus des pays limitrophes pour gagner leur vie en participant au miracle économique ivoirien. ADO a laissé entendre qu’il pourrait envoyer les époux Gbagbo devant la Cour pénale internationale (CPI). ● ● ● JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

3 décembre

Gbagbo est proclamé vainqueur (51,45 %) par le Conseil constitutionnel. Le secrétaire général de l’ONU reconnaît la victoire de Ouattara. L’Union européenne, la France et les États-Unis demandent à Gbagbo de s’incliner. 4 décembre

Gbagbo investi chef de l’État. Ouattara prête serment « en qualité de président » et reconduit Guillaume Soro au poste de Premier ministre. 7 décembre

La Cedeao, suivie le 9 décembre par l’Union africaine, suspend la Côte d’Ivoire et demande à Gbagbo

de « rendre le pouvoir ». 16 décembre

Échec d’une marche des partisans de Ouattara sur la télévision d’État, gardée par les forces pro-Gbagbo. Manifestation réprimée dans le sang. Blocus du Golf Hôtel, QG de Ouattara. 18 décembre

Gbagbo exige le départ de la mission de l’ONU (Onuci) et de la force française Licorne. 24 décembre

La Cedeao menace d’utiliser la force pour chasser Gbagbo. 6 janvier 2011

Washington gèle les avoirs de Gbagbo. 28 janvier

L’UA décide la mise en place d’un « panel » de chefs d’État sur la crise. 17 février

Gbagbo annonce la nationalisation des filiales des banques françaises BNP Paribas et Société générale. 3 mars

Sept femmes sont tuées lors d’une manifestation pro-Ouattara à Abobo.

7 mars

ÉVÉNEMENTS

Second tour de la présidentielle entre le président sortant Laurent Gbagbo et l’ex-Premier ministre Alassane Dramane Ouattara.

Gbagbo décrète la prise de contrôle par l’État de l’achat et de l’exportation de cacao. Mais le camp Ouattara prolonge la suspension des exportations. 10 mars

L’UA confirme l’élection à la présidence d’Alassane Ouattara. Le camp Gbagbo rejette la décision. 17 mars

L’ONU accuse les forces Gbagbo d’avoir tué entre 25 et 30 « civils innocents » en pilonnant à l’arme lourde le quartier pro-Ouattara d’Abobo. 28 mars

Les combattants pro-Ouattara lancent une vaste offensive militaire, de l’ouest à l’est du pays. 11 avril

Laurent Gbagbo et son épouse Simone sont arrêtés par les forces d’Alassane Ouattara, et conduits au Golf Hôtel, avant d’être placés en résidence surveillée dans le nord du pays.

27


MICHAEL ZUMSTEIN/AGENCE VU

Le président déchu démarche de pacification. D’autant que ● ● ● Mais ira-t-il jusqu’au bout ? En lançant les LAURENT GBAGBO au Golf magistrats de la CPI sur des enquêtes en Côte certaines personnes ont fait l’objet de Hôtel, juste après d’Ivoire, il risque fort de voir les soldats qui l’ont mesures expéditives. C’est notamment sa capture, le 11 avril. fait roi se retrouver dans le collimateur de la le cas d’Ibrahim Coulibaly, alias « IB », justice. Ce qui pourrait aussi compromettre les dont le « commando invisible » avait fait efforts de construction d’une « armée nouvelle », républicaine allégeance à ADO mais n’avait pas déposé les armes. Son chef et dédiée à la protection des citoyens. Prévu par l’accord a été tué dans son fief d’Abobo par les FRCI le 27 avril 2011. de Ouagadougou de mars 2007, ce projet viendra sceller la Tous ces chantiers devraient prendre du temps et repouspaix définitive entre les frères d’armes. Il faudra beaucoup ser les élections législatives à la fin de l’année. En attendant, de doigté pour apaiser les esprits, faire taire les querelles Ouattara devrait gouverner son pays par ordonnance et décret; son parti, le Rassemblement des républicains (RDR), de grade et, surtout, réussir le melting-pot d’unités – armée régulière, ex-rebelles, miliciens, éléments du « commando ayant boycotté les législatives de 2001. Il devra aussi se invisible », etc. – aux antipodes les unes des autres. Tous ne montrer magnanime en tendant la main au Front populaire pourront prétendre rejoindre l’armée, certains devront être ivoirien (FPI), formation de son ancien adversaire. Grands démobilisés avec des perspectives de retour à la vie civile. perdants de la guerre, les cadres de ce parti devront penser Ouattara risque donc de rencontrer des difficultés dans sa à la reconstruction sans les époux Gbagbo. Ils auront fort à faire, alors que les principales forces politiques – RDR, FPI, Parti démocraObjectif réconciliation tique de Côte d’Ivoire (PDCI), Union « JE DEMANDE À TOUS mes concitoyens de tout faire pour que la pour la démocratie et la paix en Côte paix revienne définitivement dans notre pays. Aujourd’hui, une page d’Ivoire (UDPCI), Mouvement des forblanche s’ouvre devant nous et c’est ensemble que nous allons écrire cesd’avenir(MFA)–devraientparticiper notre histoire dans la réconciliation et le pardon », a déclaré Alassane en rangs serrés aux prochaines élections Ouattara dans les heures qui ont suivi la capture de Laurent Gbagbo. locales et législatives. Le président ivoirien a demandé à Jacob Zuma, son homologue La mandature d’ADO ne s’annonce sud-africain, de l’aider à mettre en place une « commission vérité et pas de tout repos. À ses qualités de réconciliation » s’inspirant de celle qui avait été chargée d’enquêter grand commis de l’État et à son talent sur les crimes de l’apartheid. Les victimes étaient invitées à d’économiste, il devra allier un sens s’exprimer devant un forum afin de leur permettre de retrouver la aigu de la politique pour remettre le pays sur les rails du développement. Car dignité. Quant aux auteurs d’exactions, ils avaient avoué leurs forfaits si les Ivoiriens attendent des emplois, avant de se repentir devant les victimes ou les familles concernées. des infrastructures et des prestations La commission ivoirienne pourrait remonter sur plus de dix ans, à sociales, ils doivent aussi réapprendre partir du coup d’État de décembre 1999. Elle sera présidée par Charles à « mieux vivre » ensemble et à partaKonan Banny, ex-chef du gouvernement de transition mis en place P.A. ger les fruits de ce qui fut un pays de après la guerre civile de 2002-2003. ● cocagne. ● 28

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


TRIBUNE

D.R.

Christian Bouquet Professeur de géographie politique et du développement à l’université Bordeaux-III, auteur de Géopolitique de la Côte d’Ivoire, Armand Colin, 2008.

T

OUT AVAIT POURTANT bien commencé. Le premier tour de la présidentielle avait enfin eu lieu et il avait donné des résultats crédibles, correspondant globalement à la réalité des forces en présence. Le débat télévisé Gbagbo-Ouattara préludant au second tour avait été exemplaire. Et les résultats provisoires livrés par la Commission électorale indépendante confirmaient un élément pouvant s’avérer fondateur pour une nouvelle Côte d’Ivoire: le report massif des voix d’Henri Konan Bédié sur Alassane Ouattara. Ainsi s’effaçait la mauvaise image d’un pays divisé entre « sudistes chrétiens » et « nordistes musulmans ». Et le coup d’éponge venait de ceux-là mêmes qui avaient inventé le concept d’« ivoirité ». Il s’est ajouté à ces points positifs, d’une part, la position inédite du représentant spécial du secrétaire général de l’ONU, qui, conformément aux engagements pris à Pretoria en 2005, a certifié la victoire de Ouattara sur la base de ses propres comptages. Et, d’autre part, le fait que la communauté internationale s’est rangée du côté de la démocratie avec une célérité et une unanimité rarement constatées dans l’Histoire. Au point d’être suspectes aux yeux de certains… Était-ce un souffle de printemps politique en Afrique subsaharienne? Hélas, la suite allait confirmer que Laurent

ÉVÉNEMENTS

Du très mauvais usage de la démocratie La spirale de la violence s’est accélérée lorsque des groupes armés considérés comme pro-Ouattara ont commencé à harceler les forces pro-Gbagbo. Alors les « ultras » du régime ont multiplié les dérapages tragiques. Exécutions, actes de torture, viols, disparitions : les exactions ont transformé Abidjan en champ de bataille pour une guerre civile qui ne dit pas son nom. Enfin, l’irréparable a été commis lorsque des armes ont été largement distribuées aux Jeunes patriotes, qui ont davantage pillé, saccagé et tué que réellement défendu le chef de l’État sortant.

Ce triste tableau pourrait préfigurer ce à quoi ressembleraient les démocraties africaines si toutes les élections prévues en 2011 jouaient sur les mêmes arguties et violences. Certes, les sanctions économiques et financières imposées à la Côte d’Ivoire ont affaibli Laurent Gbagbo, tout comme les sanctions individuelles visant certains dignitaires du régime, ainsi que les menaces de la Cour pénale internationale. Jusqu’à la chute finale obtenue par la force. Mais les populations qui pendant des mois en ont payé le prix fort peuvent toujours être tentées par un retour aux vieux réflexes identitaires. Comme si le choix démocratique avait été une erreur. L’avenir de la démocratie, de la paix, de la liberté, des L’AVENIR DES VALEURS QUE L’ON CROIT droits de l’homme et de toutes les valeurs que l’on croit uniUNIVERSELLES SE JOUE EN CÔTE D’IVOIRE. verselles se joue en Côte d’Ivoire, au nom de l’Afrique Gbagbo n’accepterait jamais de perdre.Vaincu tout entière. Et il faut éviter que tous les dans les urnes, il a été contraint, pour tenter autocrates du continent s’inspirent à l’avenir de garder le pouvoir, de livrer bataille. de la « stratégie Gbagbo », à savoir : on ne trafique plus les élections, mais en cas de Pour ce faire, il a d’abord usé des rouages défaite, on fait une relecture des résultats et (roueries) de la diplomatie, en affirmant que on propose au vainqueur un strapontin, lui seul respectait la Constitution de son pays, comme au Kenya ou au Zimbabwe. Ou bien accusant la communauté internationale d’une on instaure la terreur dans son pays, avec ingérence inadmissible. Pratiquant un lobbying comme témoin une communauté internatiointense, il a réussi à diviser les organisations nale impuissante, oscillant entre devoir d’ingérence et droit des peuples à disposer internationales, qui avaient très (trop) vite d’eux-mêmes. Gbagbo a adroitement joué agité la menace d’une intervention militaire. de tous les paradoxes et, cette fois encore, Et pendant que les tentatives de médiation on aurait pu saluer l’habile « boulanger » se répétaient en pure perte, le camp Gbagbo d’Abidjan. S’il n’y avait eu, hélas, tant de sang a renforcé son armement et mis en place un dans la farine… ● régime de terreur.

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

29


Ð Lors d’un RASSEMBLEMENT

JUBA, le 7 janvier 2011, une femme sud-soudanaise dresse fièrement le drapeau de son nouveau pays.

GORAN TOMASEVIC/REUTERS

À

SUD-SOUDAN Le 54e État Son indépendance acquise, le pays va devoir se doter d’un tissu économique, assurer sa sécurité et se réconcilier avec le Nord. Sans négliger les rapports avec ses autres voisins africains. CONSTANCE DESLOIRE

C

est un tout nouvel État de 9 millions d’habitants qui deviendra officiellement indépendant le 9 juillet 2011. Les Sud-Soudanais ont choisi, fin 2010, leur nouvel hymne par concours populaire, maisgardentledrapeauqu’avaitleSud-Soudanlorsqu’iln’était qu’une simple région. Ses couleurs flotteront bientôt aux côtés de celles des 53 autres pays africains qui devraient rapidement reconnaître le Sud comme un nouvel État – le dernier créé sur le continent depuis l’Érythrée en 1993. C’est une sorte d’« anomalie politique » qui dédouble un État en libérant une nation. Un véritable défi pour les Soudanais, pour leurs voisins mais aussi pour toute la communauté africaine. LE SPECTRE DE GUÉRILLAS. Passée l’euphorie populaire,

les Sud-Soudanais devront construire un État à partir de presque rien. La sécurité, que toute nation doit fournir à ses citoyensenpremierlieu,n’estpasgarantie.Surplace,plusieurs petites guérillas, contestant la suprématie du Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM) et peut-être alimentées par Khartoum, ont éclaté depuis février et causé la mort de plusieurs centaines de personnes. L’organisation Small Arms Survey estime que 2,7 millions d’armes circulent au Soudan… Dans le Sud, même le mouvement fondé par John Garang n’est pas uni. Si son leader, Salva Kiir, a réussi 30

jusqu’à présent à sauvegarder la cohésion du parti à grand renfort d’espèces sonnantes et trébuchantes, rien ne dit qu’il pourra empêcher les dissensions internes d’éclater. Le défi sécuritaire et politique du SPLM, mouvement de guérilla depuis 1983, sera de réussir sa mutation en parti civil de gouvernement. Au cours des six années (2005-2011) pendant lesquelles cette organisation dirigeait la région autonome du Sud, elle n’a pas prouvé qu’elle était mûre pour parachever cette évolution. La corruption demeure très forte, les compétences insuffisantes. Sur le plan social, la réintégration de Sud-Soudanais qui vivaient au Nord constitue un important défi. Plusieurs centaines de milliers d’entre eux auront regagné le Sud d’ici au mois de juillet. En réalité, c’est toute la société qu’il faudra réorganiser. Coupées de tout pendant une grande partie de l’année à cause des pluies, donc très autonomes, des franges entières de la population n’auront pas plus d’attache avec Juba que précédemment avec Khartoum. Sans oublier que le système tribal est souvent une source de conflits et que les inégalités profondes qui subsistent devront être résorbées. Enfin sur le plan économique, le Sud-Soudan est un paradoxe : aujourd’hui État parmi les plus démunis au monde avec 92 % de sa population vivant au-dessous du seuil de pauvreté, selon le programme des Nations unies pour le JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


L’or noir en partage

Égypte

Libye

Port-Soudan

Nord-Soudan

Mer Rouge

Tchad

20% de

Khartoum

Érythrée

la production

Éthiopie Centrafrique

80% de la production RD Congo

Sud-Soudan Juba Ouganda

Zones productrices de pétrole Oléoduc à l’étude Oléoducs

Kenya

LA SCISSION DU PAYS pose la question du partage du pétrole, dont le Soudan produit 470000 barils par jour.Trois blocs d’exploitation pétrolifère à cheval sur la frontière, qui produisent déjà 132000 b/j, font l’objet d’intenses discussions. Ils sont détenus à 40 % par le chinois CNPC à travers le consortium Greater Nile Petroleum Operating Company (GNPOC), auquel sont associés le malaisien Petronas

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

(30 %), l’indien ONGC Videsh (25 %) et le soudanais Sudapet (5 %). Mais impossible de savoir exactement quelles sont les quantités de pétrole pompées au Nord et au Sud. CNPC souhaite que les deux États créent un joint-venture qui percevrait les revenus de ces blocs. De l’issue des tractations dépend l’avenir pétrolier du Soudan, actuellement cinquième producteur africain. ● C.D.

31

ÉVÉNEMENTS

armé agissant à l’encontre du pouvoir du voisin. D’autant développement (Pnud), il a le potentiel pour s’enrichir que le Darfour pourrait faire, encore plus que par le passé, de façon substantielle grâce à ses ressources pétrolières. l’objet d’une guerre par procuration. Actuellement, ce sont les 400000 barils de pétrole qu’il extrait chaque jour qui lui procurent 95 % de ses revenus. Il s’agira En Afrique de l’Est, plus largement, l’apparition d’un nouvel Étatentraîneraunereconfigurationdesrelationsbilatérales.Le pour les nouvelles autorités de pérenniser la production en Kenya et l’Ouganda, qui ont soutenu le référendum, devront, bonne intelligence avec les autorités de Khartoum, dans la par exemple, ménager leurs relations avec Khartoum. Toute mesure où les infrastructures d’exportation sont situées au la géopolitique régionale pourrait en être bouleversée. La Nord (notamment le terminal de Port-Soudan). Il faudra question épineuse du partage des eaux du Nil devra intégrer aussi diversifier les revenus du pays. Beaucoup de produits alimentaires dépendent de l’importation, notamment depuis un nouvel acteur, ce qui sera d’autant plus délicat que le sujet l’Ouganda, alors que le potentiel agricole est énorme. Le déveavait été évacué par l’accord de paix de 2005. Plus dangereuse loppement du Sud est une réelle gageure, d’autant qu’il a été encore, l’indépendance du Sud est souvent perçue par les volontairement négligé par Khartoum pendant des décennies. Moins de la POUR PROSPÉRER, JUBA DEVRA ENTRETENIR AVEC moitié des habitants a accès à l’eau KHARTOUM LES MEILLEURES RELATIONS POSSIBLES. potable et seulement un quart de la population adulte savait lire ou écrire opinions publiques de la région comme une victoire des en 2006, selon l’ONU. Seule une cinquantaine de kilomètres de routes est goudronnée pour un territoire de 590 000 km2. États-Unis, qui ont poussé à la signature de l’accord. De quoi La contribution financière des pays étrangers qui, en 2005, exacerber l’antiaméricanisme, voire le terrorisme qui sévit avaient porté l’accord de paix, sera essentielle. notamment en Somalie. Le djihadisme a peut-être un certain avenir en Afrique de l’Est et des groupes radicaux pourraient APPEL AU PARDON. Pour prospérer, le Sud-Soudan devra essayer de s’implanter au Sud-Soudan. Un rapprochement entretenir avec le Nord les meilleures relations possibles. « La de Juba avec Israël, envisagé ouvertement par le SPLM, sécession n’est pas la fin de l’histoire, c’est un nouveau début », pourrait en outre susciter des tensions entre le nouvel État et les pays arabes, d’autant que Khartoum compte de son a affirmé le président du Soudan, Omar el-Béchir. De son côté, le président sud-soudanais, Salva Kiir, a appelé la population, côté réaffirmer son identité arabe et musulmane après la après l’annonce des résultats du référendum, à pardonner sécession d’un Sud largement chrétien. aux habitants du Nord pour les victimes de la guerre civile. Au-delà de la sous-région, la réussite du processus sépaDes gestes vers une réconciliation nécessaire à la paix et la ratiste soudanais pourrait avoir des répercussions sur tout coopération de deux États bientôt interdépendants. le continent. L’indépendance du Sud-Soudan rompt avec le Car le Nord et le Sud-Soudan auront 2000 km de frontière principe d’intangibilité des frontières, qui est l’un des piliers commune à gérer… Avec un certain nombre de questions de l’Union africaine. Il pourrait redonner de l’espoir aux explosives en suspens, de la transhumance des troupeaux peuples sahraouis ou cabindais, qui réclament la mise en des populations nomades au rattachement de la province œuvre d’un processus d’autodétermination. « La Casamance d’Abyei, dont le référendum, prévu en janvier 2011, a été n’est pas le Sud-Soudan », a ainsi estimé utile de rappeler reporté sine die. Quant aux régions frontalières du Kordofan le gouvernement sénégalais à la fin février 2011. Mais la méridional et du Nil bleu, elles sont rattachées au Nord, séparation du Sud du Soudan s’est faite en temps de paix, à mais auront le droit d’établir une consultation populaire la suite d’un accord encadré par l’ONU et soutenu par une pour statuer sur leur avenir. Des commissions planchent mission de Casques bleus, la Minus. Autant de conditions sur d’autres questions techniques, comme la possibilité pour dontaucun mouvementséparatisteducontinentne peutpour les Soudanais d’avoir la double citoyenneté, la répartition l’instant se prévaloir. L’indépendance du Sud pourrait alors de la dette du pays ou l’endossement par le Sud des accords inciter des séparatistes à renoncer aux décisions unilatérales internationaux signés par Khartoum. Il s’agira aussi pour les et sans effet : le référendum d’autodétermination organisé deux capitales de respecter la stabilité de l’autre: un document par le Somaliland en 2001 ne lui a apporté la reconnaissance en préparation les engage à ne pas soutenir de mouvement d’aucun État au monde. ●


TRIBUNE

REUTERS

Le Soudan, un exemple pour l’Afrique? Thabo Mbeki Ancien président de l’Afrique du Sud, président du Groupe de haut niveau de l’Union africaine sur le Soudan.

L

E 9 JANVIER 2011, la population du Sud-Soudan a décidé par référendum d’opter pour l’indépendance – un nouvel État verra donc le jour le 9 juillet 2011 – alors que, dans le même temps, Khartoum tentait de parvenir à un accord pour mettre fin au conflit du Darfour. Depuis son indépendance, le Soudan a été le théâtre de conflits violents. On considère généralement que la racine de ces conflits réside dans l’incapacité du Soudan indépendant (l’un des pays africains les plus divers du point de vue ethnique, religieux et culturel) à établir un régime fondé, tant en théorie qu’en pratique, sur le principe de l’unité dans la diversité. Presque tous les pays d’Afrique qui veulent bâtir une société stable et pacifique sont confrontés à ce problème. La grande majorité des guerres civiles et des conflits de l’Afrique postcoloniale a pour origine l’incapacité de prendre en compte la diversité qui caractérise les pays africains. Ces conflits ont appris à l’Afrique que, pour résister aux forces centrifuges qui poussent à la fragmentation de nos pays encore relativement neufs, nous devons prendre des mesures pour créer et entretenir l’unité nationale, ce qui exige des pratiques démocratiques. Ces conflits nous montrent clairement que l’unité ne peut être obtenue et garantie par la force seule. C’est seulement

d’aujourd’hui. Nous sommes fiers que le Soudan de la révolution soit devenu l’exemple même de ce nouvel espoir. Le Soudan est le plus grand pays africain. Il est au cœur de l’Afrique et à son carrefour. Son vaste territoire borde neuf pays africains. Des frontières communes signifient une origine ethnique commune, une culture commune, et des modes de vie et un environnement similaires. Aussi, s’il y a des désordres au Soudan, ils débordent au-delà de ses frontières, et vice-versa. Un Soudan agité et instable ne peut donc être le ferment de la paix et de la stabilité en Afrique et réciproquement. »

Malheureusement, le Soudan n’a pas mis en œuvre une politique fondée sur cette perspective, ce qui a plongé le pays dans une deuxième guerre Nord-Sud, alimentée par les conflits à l’est et à l’ouest du pays, et a créé la possibilité d’une sécession. Avec ce passé, il est évident que les gouvernements du Soudan et du Sud-Soudan et l’énorme majorité de la population veulent la paix. Les négociations en cours sont marquées par ce désir de paix. C’est pourquoi l’Afrique suit avec le plus grand intérêt l’évolution du Soudan. Concernant la sécession du Sud-Soudan, les deux parties en conflit ont accepté le principe de « deux États viables ». Ainsi que cela arrive durant les périodes de rupture, le pays va connaître des tensions sociaC’EST SEULEMENT EN RESPECTANT NOTRE les, d’incertitude et de malaise. DIVERSITÉ QUE L’ON PEUT PARVENIR À LA PAIX. L’Afrique souhaite profondément que les autorités soudaen respectant notre diversité – en veillant à naises coopèrent efficacement pour gérer cette ce que tous les groupes sociaux aient le même situation délicate, ceci dans l’intérêt de tout sentiment d’appartenance plutôt que de se le continent. Cela suppose que les différentes sentir marginalisés ou exclus de la société – autorités fassent preuve de suffisamment de que l’on peut parvenir à l’unité et à la paix. Le force et de cohésion en leur sein pour que Soudan a tiré cette leçon des épreuves qu’il leurs communautés soient parties prenantes a traversées. de l’accord et par conséquent que personne, de près ou de loin, ne fasse quoi que ce soit Déjà en 1975, avec beaucoup de prescience, qui puisse affaiblir ces autorités. Il est souhaiGaafar al-Nimeiri, qui dirigeait alors le Soudan, table pour l’Afrique que les différentes comformulait explicitement les conditions nécesmunautés du Soudan vivent en paix et saires à son pays et à l’Afrique pour parvenir collaborent à leurs bénéfices mutuels dans le à la paix et à la stabilité. « L’unité basée sur la respect de leurs intérêts divers, mais non diversité est devenue l’essence et la raison antagonistes – qu’elles vivent ou non dans le d’être de l’entité politique et nationale de même État. ● © Project Syndicate, 2010. beaucoup de pays émergents de l’Afrique

32

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011



CRISES Des signes d’apaisement ZOÉ SUAREZ

C

est d’Afrique de l’Ouest que sont venues les bonnes nouvelles au cours des mois écoulés, avec le retour à la vie civile de deux pays membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). La Guinée, tout d’abord, avec la victoire de l’opposant historique Alpha Condé au deuxième tour de l’élection présidentielle de novembre 2010, qui a mis fin à plus de cinquante ans de régime militaire. Le Niger ensuite, avec la victoire de Mahamadou Issoufou à la présidentielle du 12 mars 2011. Ce scrutin a permis de clore une transition militaire d’une année. Le chef de la junte, le général Salou Djibo, auteur du coup d’État du 18 février 2010 contre Mamadou Tandja, s’était engagé à rendre le pouvoir aux civils. La promesse a donc été tenue. Face à ces deux foyers de crise en voie de règlement, le prurit de la Casamance semble se réveiller de nouveau : les combats entre l’armée sénégalaise et les éléments rebelles se sont fortement intensifiés depuis le début de l’année 2011. Dans le même temps, la crise en Côte d’Ivoire a connu son paroxysme entre la victoire d’Alassane Ouattara à la présidentielle du 28 novembre 2010 et la reddition effective de Laurent Gbagbo le 11 avril 2011, à l’issue d’un bras de fer d’une violence sans précédent.

NIGER 12 mars 2011 L’opposant historique Mahamadou Issoufou remporte l’élection présidentielle avec près de 58 % des voix. Ce scrutin met fin à la période de transition d’un an, au terme de laquelle la junte militaire menée par le général Salou Djibo s’était engagée à rendre le pouvoir aux civils, après le coup d’État de février 2010 contre Mamadou Tandja.

SÉNÉGALSÉNÉGAL-CASAMANCE CASAMANCE 27 décembre 2010 Intensification des combats entre l’armée et le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC). En l’espace de trois mois, une trentaine de soldats sénégalais ont été tués dans des affrontements avec les rebelles.

GUINÉE 7 novembre 2010 Alpha Condé, candidat du Rassemblement pour le peuple guinéen (RPG), remporte la présidentielle (52,5 % des voix) face à Cellou Dalein Diallo. Avec cette élection s’achève une transition militaire engagée avec la mort du président Lansana Conté survenue en décembre 2008. C’est la première fois qu’un civil dirige le pays depuis l’indépendance.

CÔTE D’IVOIRE 11 avril 2011 La crise consécutive à l’élection présidentielle du 28 novembre 2010, remportée par Alassane Ouattara (54 % des suffrages) face à Laurent Gbagbo, s’est achevée dans le sang, avec la prise d’Abidjan par les troupes fidèles à Ouattara et la reddition du président sortant.

CENTRAFRIQUE 13 mars 2011 Nouvelles attaques de l’Armée de résistance du

Seigneur (LRA), de Joseph Kony, qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt pour crimes contre l’humanité. Malgré la réélection du président François Bozizé le 23 janvier, la situation sécuritaire reste précaire. En deux ans, la LRA a enlevé plus de 500 personnes et fait des dizaines de morts.

NOUVELLES INSURRECTIONS. Du côté de l’Afrique

centrale, les violences semblent se calmer dans l’est de la RD Congo et en Centrafrique, où des éléments armés continuent toutefois d’entretenir une forte insécurité dans certaines zones. Mais les mouvements politiques proprement dits ont, pour la plupart, déposé les armes pour jouer le jeu institutionnel. En Afrique de l’Est, les motifs d’inquiétude sont toujours nombreux, notamment en Somalie, où les violences perpétrées par les miliciens islamistes dans les zones du centre et du sud du pays sont loin d’être circonscrites, alors que l’autorité du gouvernement de transition est perpétuellement contestée. Quant au Soudan, la partition du pays en préparation devrait se concrétiser le 9 juillet par l’accession à l’indépendance du Sud-Soudan. Mais la situation politique demeure assez instable dans les régions méridionales et plus à l’ouest du pays, le dossier du Darfour n’étant pas encore réglé. À ces foyers d’instabilité déjà anciens, il faut enfin ajouter les insurrections qui se sont déclenchées en Tunisie, en Libye et en Égypte depuis le début de l’année 2011. Car dans ces trois pays, les révolutions arabes ont ouvert la voie à des transitions qui ne sont pas encore allées jusqu’à leur terme. ● 34

RD CONGO 4 mai 2011 Alors que le procès du chef des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), Ignace Murwanashyaka, s’ouvrira en mai en Allemagne, ses troupes conservent un fort pouvoir de nuisance dans l’est de la RD Congo, où elles entretiennent l’insécurité. Certains FDLR sont recherchés par Kigali pour leur implication dans le génocide de 1994.

SOUDAN 9 juillet 2011 Après le référendum du 9 janvier 2011 qui s’est traduit

par une victoire du « oui » à 98 %, le Sud-Soudan va accéder à l’indépendance. Mais la période de transition, qui doit permettre à Khartoum et Juba de négocier certaines répartitions des ressources pétrolières, s’avère délicate. Quant à la crise du Darfour, Khartoum veut clore le processus de paix par un référendum sur son statut administratif.

■ CONFLIT TERRITORIAL ■ CRISE INTERNE

■ RÉVOLUTION POPULAIRE ■ PAYS EN TRANSITION

Les pays en transition incluent notamment les États qui, pour sortir d’une situation de crise ouverte, ont choisi de mettre en place un gouvernement d’union nationale (comme le Kenya en février 2008 et le Zimbabwe en février 2009), ayant pour mission de maintenir la paix civile tout en préparant le retour à la normalité institutionnelle.

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

CAP VERT


MAROCMAROC-SAHARA SAHARA OCCIDENTAL

TUNISIE, LIBYE, ÉGYPTE

8 novembre 2010 Opération des forces de l’ordre marocaines contre un campement de plusieurs milliers de militants sahraouis près de Laayoune, au Sahara occidental. Bilan officiel: 12 morts. Un sixième round de discussions entre Rabat et le Polisario sous l’égide de l’ONU s’est achevé le 9 mars 2011 sans résultats. Rabat défend l’option d’une autonomie sous sa souveraineté, refusant toute idée d’indépendance.

14 janvier 2011 En Tunisie, la chute du président Zine el-Abidine

ÉVÉNEMENTS

Ben Ali, qui a fui son pays sous la pression de la rue après vingt-trois ans de pouvoir sans partage, donne le coup de départ des révolutions arabes. Le 11 février, c’est au tour du président égyptien Hosni Moubarak de quitter le pouvoir sous la pression du peuple. Le 15 février, une manifestation anti-Kaddafi à Benghazi dégénère et marque le début d’une insurrection nationale. Le 19 mars, la communauté internationale lance une offensive aérienne pour soutenir les insurgés.

ÉTHIOPIE-ÉRYTHRÉE 5 avril 2011 Après dix ans de conflit larvé, l’Éthiopie annonce qu’elle

va aider le peuple érythréen à se débarrasser du régime d’Asmara. En août 2010, une coalition de dix partis d’opposition érythréens a décidé de former un parlement en exil à Addis-Abeba pour renverser le président Issayas Afewerki. Mer Méditerranée

Tunis Rabat

TUNISIE

MAROC

Tripoli ALGÉRIE

MAURITANIE Dakar

SÉNÉGAL

GAMBIE GUINÉEBISSAU

GUINÉE Conakry

LIBYE

ÉGYPTE

Mer Rouge

NIGER

MALI BURKINA FASO

Le Caire

TCHAD

Khartoum

Asmara ÉRYTHRÉE

Niamey

CÔTE BÉNIN D’IVOIRE GHANA SIERRA Yamoussoukro LEONE LIBERIA TOGO

NIGERIA

SOUDAN CENTRAFRIQUE Bangui

CAMEROUN

GUINÉE ÉQUAT. SÃO TOMÉ E PRÍNCIPE

GABON

ÉTHIOPIE

CONGO

Océan Atlantique

Juba

DJIBOUTI SOMALIE

AddisAbeba

OUGANDA

RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

RWANDA

KENYA Nairobi

BURUNDI

Kinshasa

Mogadiscio

SEYCHELLES TANZANIE COMORES

ANGOLA

MALAWI ZAMBIE

NAMIBIE

BOTSWANA

MADAGASCAR nationale, chargé d’assurer la transition et de mener le pays aux élections d’ici à la fin de l’année 2011. Ce plan de sortie de crise est contesté par les différentes mouvances de l’opposition. Ce qui ne devrait pas empêcher le chef de l’État, Andry Rajoelina, d’être candidat à la présidence de la République.

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

AFRIQUE DU SUD

Antananarivo

MOZAMBIQUE SW.

26 mars 2011 Nomination d’un nouveau gouvernement d’union

MADAGASCAR

Harare ZIMBABWE

LES.

Océan Indien

SOMALIE 28 mars 2011 Prolongation d’un an du mandat du TFG (gouvernement

fédéral de transition), qui devait expirer en août 2011, alors que ceux du Parlement et du président de transition Sharif Sheikh Ahmed ont déjà été prorogés. Les violences se poursuivent au Centre et au Sud, avec le recrutement accru d’enfants-soldats par les milices islamistes.

35


CONFIDENCES DE | Jean Ping, président de la Commission de l’Union africaine

« L’UA est restée cohérente »

D’une manière plus générale, l’UA est-elle à la hauteur du printemps arabe ? Je crois que oui. Nous n’avons pas fait moins que d’autres, et nous menons, dans plusieurs régions du continent, des missions de bons offices. Mais cela ne doit pas être connu, sinon cela ruinerait nos efforts. Tout de même, la diplomatie africaine n’est-elle pas trop silencieuse ? La discrétion n’empêche pas de faire de très bonnes choses ! Nous avons, par exemple, une ligne de conduite très claire en cas de coup

Non, bien au contraire. Quand il y a beaucoup de personnalités fortes, on perd du temps à se chamailler et à discuter. Maintenant, c’est plus clair. On travaille et on agit.

VINCENT FOURNIER/J.A.

JEUNE AFRIQUE : Des bouleversements majeurs sont en cours en Afrique, notamment en Côte d’Ivoire, mais aussi en Libye… Sur ce dossier précisément, l’Union africaine (UA) n’est-elle pas restée en retrait ? JEAN PING : D’abord, nous ne sommes ni pour la précipitation, qui a caractérisé la réaction de la communauté internationale, ni pour la diplomatie du mégaphone. Depuis le début de la crise, nous avons publié des communiqués clairs, nous avons mené des actions concrètes sur le terrain et nous sommes restés cohérents avec nous-mêmes. Maintenant, il y a effectivement des gens qui pensent qu’il faut parler haut et fort. C’est à la mode… Ils ont peut-être raison. Mais ils risquent de se faire coincer.

sens classique du terme, bien qu’il y ait tout de même une prise du pouvoir par la force. Il va falloir s’adapter, adapter nos mentalités, nos règles et notre mode de fonctionnement. Vous avez vous-même travaillé aux côtés du colonel Kaddafi, quand il présidait l’UA. Il vous a parfois malmené… Et même souvent ! Dire qu’il a voulu me broyer, c’est un euphémisme.Tous les jours, il me menaçait. J’ai même, un moment, envisagé de démissionner tant c’était difficilement supportable. Certains ont dit que j’étais masochiste, mais je n’étais pas là pour régler mes comptes avec Kaddafi. Ce qui était difficile avec lui, c’est qu’il voulait aller toujours plus loin, il bousculait tout le monde. Sa méthode consistait à forcer la main aux gens. C’est cela qui posait problème.

Il y a des gens qui pensent qu’il faut parler haut et fort. C’est à la mode… d’État. Face à ce genre de situation, l’UA condamne et sanctionne : un pays qui connaît un coup d’État est automatiquement suspendu. Maintenant, il faut reconnaître que ce qui s’est passé en Tunisie et en Égypte est différent. Comment doit-on réagir en cas de révolution? Ce ne sont pas des coups d’État au

36

Avec la mise en difficulté de Mouammar Kaddafi, et le fait que le Sud-Africain Thabo Mbeki et le Nigérian Olusegun Obasanjo ont quitté le pouvoir, on a l’impression que l’UA a perdu ses principaux avocats…

Le président en exercice de l’UA, l’Équato-Guinéen Teodoro Obiang Nguema, estime que les concepts de droits de l’homme et de bonne gouvernance doivent être adaptés à la culture africaine… N’est-ce pas de mauvais augure pour la nouvelle gouvernance que souhaite voir instaurer l’UA ? Le président de l’Union africaine est un chef d’État parmi d’autres. Il n’est pas l’UA à lui tout seul. Et puis, quand un pays prend la présidence de l’UA, on s’y réunit deux fois dans l’année, c’est tout. À Madagascar, la transition n’est pas achevée. Il semble que, contrairement à ce qu’il avait dit, Andry Rajoelina sera candidat à la présidentielle… Est-ce un bon signal pour l’Afrique ? L’UA n’a pas géré directement le dossier, c’est la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) qui a la main. Mais ce n’est pas un bon signal. On ne peut pas s’engager à ne pas se présenter après un coup de force, puis décider finalement qu’on va le faire quand même ! Même si, dans ce cas, ce n’est pas vraiment un coup d’État, ce sont des manifestants qui ont pris le pouvoir… L’UA est-elle prête à accueillir un nouveau membre, le SudSoudan ? Bien sûr. Il y a eu des violences depuis le référendum d’autodétermination, mais c’est un processus difficile. Il y avait eu des inquiétudes dans le passé, mais le référendum en lui-même s’est déroulé dans de bonnes conditions et, aujourd’hui, l’UA est prête. ● Propos recueillis par ANNE KAPPÈS-GRANGÉ

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011



CORRUPTION La chasse est ouverte Les pots-de-vin et les détournements de fonds sont courants en Afrique. Certains pays ont décidé de traquer les mauvaises pratiques, mais la route vers la transparence est encore longue. JUSTINE SPIEGEL

D

qu’il fallait aujourd’hui compter sur elle. « Le citoyen est un epuis le 2 mars 2011, trois nouveaux pays africains acteur clé. Une nouvelle stratégie doit être mise en place répondent aux exigences de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE): pour assurer sa participation », plaide Chantal Uwimana. la Centrafrique, le Niger et le Nigeria. Au total, ce sont onze États africains qui sont au stade de conformité. INTOUCHABLES. Mais il ne faut pas se réjouir trop vite. Promue par le gouvernement britannique de Tony Blair à L’Afrique centrale et l’Afrique de l’Ouest accusent encore partir de 2003, l’ITIE recommande aux entreprises de publier un retard important. Au début des années 2000, l’accent a ce qu’elles versent aux États, lesquels sont tenus de faire de été mis sur le cadre juridique. Des textes efficaces existent, même sur ce qu’ils reçoivent. « La corruption est très forte mais ils restent bien souvent inexploités. La convention des Nations unies sur la corruption (dite de Mérida), adoptée en dans le secteur extractif. Dans la mesure où il dégage beaucoup d’argent, la tentation de s’accaparer les richesses est 2003, a ainsi été reconnue par la majorité des pays africains, d’autant plus grande », commente Michel Roy, coordinateur qu’elle invite à se doter de lois et d’institutions anticorrupen France de Publish What You Pay (PWYP, « Publiez ce tion. « Mais bien souvent, les lois nationales instituant une que vous payez »), coalition qui regroupe plus de 600 ONG. Un think-tank américain, Global Financial Integrity, a révélé que, chaque année, entre 600 milliards et 800 milliards d’euros s’évaporent clandestinement des pays en développement du fait de la corruption et de l’évasion fiscale. « Les États disposent d’année en année de budgets plus importants, mais cela n’a pas d’impact sur le quotidien des gens. Alors où va cet argent ? » s’interroge Christian Mounzeo, coordinateur de PWYP au Congo-Brazzaville. Certes, la route est encore longue, mais des progrès notables ont été observés ces dernières années. Au Kenya surtout, plusieurs ministres mis en cause dans des scandales de Le Fonds mondial victime de MALVERSATIONS FINANCIÈRES : près de 4 millions corruption ont été contraints de de dollars de crédits ont été détournés au Mali en 2010. démissionner en octobre 2010. En novembre de la même année, la nouvelle Constitution commission présentent des lacunes. Entre ces organismes nigérienne a intégré la lutte contre la corruption et les et le système judiciaire, on constate un manque évident mauvaises pratiques. Sans oublier le Nigeria : « Pendant la de collaboration », assure Chantal Uwimana. De plus, les campagne présidentielle, la commission anticorruption a données recueillies lors des investigations ne sont pas affiché la liste des personnes qui font l’objet d’une enquête systématiquement communiquées à la justice. pour s’assurer qu’ils ne puissent pas être candidats », se Les maillons forts restent donc intouchables, alors que félicite Chantal Uwimana, directrice régionale pour l’Afrique la lutte contre la corruption appelle avant tout la répreset le Proche-Orient de Transparency International. sion. Ainsi, « la commission nationale anticorruption mise En 2011, la chasse aux biens mal acquis par les ex-préen place au Congo-Brazzaville en 2007 est une structure sidents Ben Ali et Moubarak a replacé la liberté d’accès à jeune, qui se cherche encore. Mais a-t-elle seulement les l’information au centre de la lutte contre la corruption. « Ces moyens de sa politique ? » s’interroge Christian Mounzeo, membre de l’observatoire censé superviser le travail de révolutions à mains nues ont un écho en Afrique subsaharienne. Les citoyens ont eu une prise de conscience et les cette institution. Il ajoute : « Il est fréquent que les textes gouvernants ont déjà commencé à prendre des mesures », qui créent ces institutions ne leur donnent pas les moyens se réjouit Christian Mounzeo. Et la société civile a démontré de leur mission. » ● 38

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011



PORTRAITS Ennemis publics Financiers, dirigeants ou soldats, ils sont responsables de massacres, d’enlèvements, de trafics. Ces hommes sont poursuivis par la justice ou en attente de procès.

MOKHTAR BELMOKHTAR Émir d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi)

SIFAOUI MOHAMED/SIPA

IL SERAIT LE COMMANDITAIRE de l’enlèvement de deux jeunes Français en janvier 2011 à Niamey. Né en juin 1972 à Ghardaïa (Algérie), Belmokhtar est implanté au Sahara, zone incontrôlable aux confins du Sud algérien, du Tchad, du Mali et du Niger. Il a rejoint les moudjahidine afghans en 1991 et fréquenté les camps d’entraînement d’Al-Qaïda. Rentré en Algérie en 1993, il intègre le GIA, avant de rejoindre le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) cinq ans plus tard. Pour financer ses activités, Belmokhtar se lance dans la contrebande, le racket des filières d’émigration clandestine et le trafic de drogue. Ses troupes ne comptent pas plus de 200 hommes divisés en petits groupes très mobiles. ●

40

S IPA AP/ ER/ EUL

ACCUSÉ DE CRIMES DE GUERRE, l’ex-chef rebelle est maintenant général des Forces armées de la République démocratique du Congo. Ntaganda, 39 ans, est pourtant sous le coup d’un mandat d’arrêt de la CPI depuis 2006, pour crimes de guerre. Il s’illustra notamment en Ituri, où 50 000 personnes furent tuées entre 1999 et 2004. De cette époque, Bosco Ntaganda a hérité d’un surnom : « Terminator ». Vers 2005, il rejoint la rébellion de Laurent Nkunda, le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), dans le Nord-Kivu. Trois ans plus tard, pour mettre fin aux combats, Kinshasa et Kigali s’allient à Ntaganda. Évincé, Nkunda est arrêté le 22 janvier 2009 au Rwanda. Quant à son tombeur, il reste protégé par Kinshasa. ●

HEL

BOSCO NTAGANDA Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), RD Congo

ÉTABLI EN FRANCE DEPUIS 2002, le Rwandais Callixte Mbarushimana, 47 ans, exerçait la profession d’informaticien tout en dirigeant les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), rébellion hutue active en RD Congo. Mais le 28 septembre 2010 la Cour pénale internationale (CPI) a émis contre lui un mandat d’arrêt pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis en RD Congo en 2009. Arrêté en France, il a été transféré le 25 janvier à La Haye (Pays-Bas), où siège la CPI. La justice française a également ouvert une information pour d’éventuels crimes perpétrés par Mbarushimana au Rwanda pendant le génocide de 1994. ●

M IC

KATRINA MANSON/REUTERS

CALLIXTE MBARUSHIMANA Secrétaire exécutif des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR)


U TE R S

LE 3 MARS 2011, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Luis Moreno-Ocampo, a annoncé l’ouverture d’une enquête pour crimes contre l’humanité en Libye, visant le colonel Kaddafi, plusieurs de ses fils et quelques hauts responsables. Parmi les membres de la famille incriminés figure Seif el-Islam, 38 ans, directeur de la Fondation Kaddafi et porte-parole officieux du régime. Généralement considéré comme l’un des dirigeants les plus réformistes, il s’est illustré depuis le début de l’insurrection par des déclarations publiques incendiaires incitant à la violence envers les manifestants. La CPI a été saisie à la demande du Conseil de sécurité de l’ONU, qui a également décidé d’imposer un gel des avoirs financiers du « Guide » et de ses fils. ●

E N /R E

IL EST L’UN DES DERNIERS chefs rebelles à refuser de déposer les armes. Le 16 novembre 2010, l’armée nigériane attaquait son quartier général, sans parvenir à le capturer. Deux jours plus tard, ses hommes dynamitaient les deux principaux pipelines du pays. John Togo refuse tout compromis, exigeant une répartition équitable des revenus du pétrole et du gaz. Tout comme le Mend (Mouvement pour l’émancipation du delta du Niger), qui a menacé de reprendre les attentats à la bombe et les attaques contre les installations pétrolières juste avant les élections générales d’avril 2011. ●

SEIF EL-ISLAM KADDAFI Directeur de la Fondation Kaddafi, Libye

H E LG R

JOHN TOGO Leader des Niger Delta Volunteers Force (NDVF), Nigeria

HICHEM

 SÉCUROCRATE  DE L’ANCIEN RÉGIME, exécuteur des basses œuvres de Ben Ali, Seriati a couvert la fuite de son patron le 14 janvier 2011, mais n’a pas eu le temps de prendre le large. Chef de la garde présidentielle, superviseur des forces de sécurité intérieure accusées d’avoir tiré à balles réelles sur les manifestants (300 morts et 700 blessés), Seriati a été arrêté au moment où l’avion présidentiel décollait de la base militaire d’ElAouina, mitoyenne de l’aéroport de Tunis-Carthage, pour se rendre en Arabie saoudite. Deux jours plus tard, le procureur de la République ordonnait l’ouverture d’une enquête contre le général pour « complot contre la sûreté intérieure de l’État », « actes d’agression » et « incitation à s’armer, à commettre des crimes et à provoquer le désordre sur le territoire tunisien ». ●

C H R IS

 NOUS SOMMES EN GUERRE et tous les coups sont permis. » C’est ainsi que le secrétaire général des Flec-PM (Position militaire), une fraction du mouvement historique Flec, a justifié l’attaque perpétrée le 8 janvier 2010 contre le bus de l’équipe de foot du Togo, qui traversait l’enclave de Cabinda pour participer à la Coupe d’Afrique des nations, à Luanda. Bilan : deux morts et treize blessés. Réfugié en France, pays dont il a obtenu la nationalité, le chef rebelle cabindais y a fait l’objet d’une mise en examen en décembre 2010 pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ». Il a été placé en détention en janvier 2011. ●

ALI SERIATI Ex-directeur de la sécurité présidentielle, Tunisie

ÉVÉNEMENTS

RODRIGUES MINGAS Secrétaire général des Forces de libération de l’État du Cabinda (Flec-PM), Angola


FÉLICIEN KABUGA Argentier du génocide, Rwanda

REUTERS PHOTOGRAPHER/REUTERS

DIXSEPT ANS après les faits, le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) n’a toujours pas arrêté l’un de ses principaux accusés, le milliardaire Félicien Kabuga. Suspecté d’avoir été le financier du génocide de 1994, cet homme de 75 ans a été inculpé par le TPIR en 1998. Il aurait commandé les machettes utilisées pour les massacres. Mais l’homme d’affaires continue à mener ses activités au Kenya, où il a échappé à plusieurs opérations de la police et des enquêteurs de l’ONU. En 2002, les États-Unis ont même proposé jusqu’à 5 millions de dollars (5,66 millions d’euros au cours de l’époque) de récompense pour toute information pouvant conduire à son arrestation. En vain. ●

JOSEPH KONY Leader de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA), Ouganda

STUART PRICE/AFP PHOTO

LE CHEF DE LA LRA, qui fait l’objet depuis 2005 d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes contre l’humanité, est toujours en fuite. Et s’il n’est plus un danger politique pour l’Ouganda de Museveni, il conserve sa capacité de nuisance, notamment au sud de la Centrafrique et au nord de la RD Congo, où il a trouvé refuge. En deux ans, son groupe rebelle a enlevé au moins 700 adultes et enfants pour les enrôler de force, estime Human Rights Watch. Le 18 août 2010, Bangui a demandé l’aide de la France pour arrêter les responsables de l’Armée de résistance du Seigneur, qui sème la terreur sur son sol depuis 1998. ●

ISMAIL TAXTA/REUTERS

ALI MOHAMUD RAGE Porte-parole de la milice Al-Chabaab, Somalie

42

IL A POUR MISSION de prédire le pire. Ou de le revendiquer. Porte-parole des islamistes d’Al-Chabaab, il a ainsi annoncé le 12 juillet 2010 que son mouvement était à l’origine des deux attentats qui ont fait 76 morts à Kampala. Il s’agissait de protester contre la présence en Somalie de troupes envoyées par l’Ouganda, « pays infidèle opposé à l’islam » : environ 4 500 des 8 000 soldats composant la force de l’Union africaine en Somalie (Amisom) sont ougandais. En février 2011, le cheikh Ali Mohamud Rage s’en est pris à Nairobi au nom d’Al-Chabaab et de Hizboul Islam. Ces milices, qui contrôlent l’essentiel du sud et du centre de la Somalie, ont l’intention d’attaquer directement le Kenya voisin, accusé d’héberger les membres du gouvernement de transition qu’ils combattent. ● JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


TRIBUNE

Souhayr Belhassen Présidente de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH).

L

ES CRIMES EN CÔTE D’IVOIRE pourraient faire l’objet d’une enquête, a déclaré le bureau du procureur de la Cour pénale internationale (CPI) le 6 avril 2010. En février, le Conseil de sécurité des Nations unies décidait à l’unanimité de saisir la CPI sur les crimes en Libye. Un an plus tôt, la CPI ouvrait une analyse sur les massacres du 28 septembre 2009 en Guinée. Auparavant, le Conseil de sécurité lui déférait la situation du Darfour, et les gouvernements congolais (RD Congo), ougandais et centrafricain demandaient son intervention. Depuis son installation en 2002, la CPI est devenue un acteur majeur sur le terrain de la lutte contre l’impunité. Un constat a prévalu lors de sa création : dans les cas des crimes les plus graves (crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide), les justices nationales ne sont pas en mesure de juger les plus hauts responsables et laissent les victimes sans recours. En adoptant le statut créant la CPI, en 1998, à Rome, les 120 États signataires ont affirmé que l’humanité, par le biais d’une instance judiciaire internationale permanente, avait la volonté de prévenir et de sanctionner de tels crimes. Une mobilisation internationale sans précédent. Pour la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) et ses

ÉVÉNEMENTS

La Cour pénale internationale, de l’utopie à l’action devant la CPI reste longue et complexe en raison de l’importance des droits accordés à la défense, garantie d’impartialité. Mais pour les « victimes participantes », l’action de la CPI demeure fondamentale. La sensibilisation des communautés affectées doit cependant être renforcée et les droits des victimes effectivement respectés.

PHOTOS : VINCENT FOURNIER/J.A.

Les exemples de la Côte d’Ivoire ou de la Guinée le montrent : la CPI fait peur aux criminels. En effet, là où ils sont poursuivis, elle garde les yeux rivés sur l’évolution des procédures et, en cas de partialité, peut décider de reprendre la main. La CPI n’a pas vocation à intervenir là où la justice est impartiale. Mais son implication peut demeurer nécessaire pour empêcher l’impunité. Cette force de Me Sidiki dissuasion en devenir est un outil totalement Kaba nouveau des relations internationales. Son impact dépasse les seuls États signataires du Président statut de Rome. La menace de la CPI pèse en d’honneur effet sur le Soudan et la Libye. Non membres, de la FIDH. ils font l’objet d’une enquête suite à une saisine du Conseil de sécurité. Chacune des six enquêtes en cours à la CPI concerne un pays d’Afrique. Est-elle un outil de domination néocoloniale ? Il faut souligner d’abord que les États africains représentent près d’un tiers des membres. De même, dans chaque situation, les victimes réclament CHACUNE DES SIX ENQUÊTES EN COURS l’action de la Cour. À ceux qui, au nom de cet acharnement À LA CPI CONCERNE UN PAYS D’AFRIQUE. judiciaire contre les pays les plus faibles, luttent contre la CPI, la FIDH répond qu’au contraire il lui faut 164 organisations membres, cette extraordiatteindre l’universalité et intervenir partout naire avancée a en grande partie porté ses où elle le doit, quels que soient la puissance fruits. La CPI est désormais un espoir pour les victimes, une menace pour les prédateurs et le rang de l’État ou des groupes qui comdes droits humains, un outil de justice et un mettent ces crimes. Elle n’y parviendra totaacteur des relations internationales. lement que lorsqu’elle pourra agir partout où des crimes graves sont commis, comme Le recours des victimes à la CPI s’est accru. en Irak, en Tchétchénie, dans les territoires La défiance des populations envers leurs palestiniens, en Afghanistan ou encore en justices nationales est telle que seule une Colombie. La CPI doit être cet outil de la justice pour tous. Et à ceux qui avancent que instance judiciaire indépendante leur paraît la justice peut hypothéquer la paix, nous crédible. Cette idée tient en partie à la possibilité d’une participation directe des victimes, répondons qu’il ne peut y avoir de paix sans impossible jusqu’alors devant les juridictions justice. Et que tant qu’une justice efficace et pénales internationales (pour l’ex-Yougoslavie impartiale fera défaut ici et là, la CPI demeuou le Rwanda par exemple). La procédure rera nécessaire. ●

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

43


FINBARR O’REILLY/REUTERS

À l’aéroport de KIGALI (Rwanda), des INTERNAUTES profitent d’un point d’accès gratuit au wifi.


PALMARÈS 2011 Valeurs sûres et bonnes surprises

56

ALIMENTATION Haute tension sur les prix

64

CLASSES MOYENNES Cent millions de consommateurs

70

MINES La ruée vers l’Ouest

73

TÉLÉCOMS Pourquoi l’Afrique n’est pas encore connectée

76

TRANSPORT AÉRIEN Un ciel très convoité

78

PALUDISME Enfin des raisons d’espérer

83

RELIGIONS Entre guerre et paix

86

CULTURE Ces villes qui créent l’événement

90

MÉDIAS À quand la libération des ondes ?

L’ÉTAT DE L’AFRIQUE TENDANCES

46


PASCAL GUYOT/AFP

PALMARÈS 2010 sûres et surprises

Valeurs bonnes Le peloton de tête change peu: Maurice, l’Afrique du Sud et le Maroc. Mais, derrière, la Tunisie, révolutionnaire, la Guinée et le Niger, démocrates depuis peu, progressent. Tandis que la Côte d’Ivoire plonge…

46

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


LES PROMESSES DE TUNIS. Parmi les progressions, on distinguera les pays ayant connu une amélioration de leur fonctionnement politique, et ceux qui affichent de bonnes performances écoÝ En novembre nomiques. Dans la première catégorie, la 2010, après un Tunisie, par exemple, est dopée par une demi-siècle de dictature, ALPHA révolution qui a déstabilisé le pays durant CONDÉ a été élu plusieurs semaines mais qui devrait très président de la probablement se traduire par des avanGuinée au terme cées significatives en matière de respect d’un scrutin jugé des droits de l’homme ou de lutte contre transparent. la corruption. Parmi les pays les plus fragiles sur le plan politique, on remarquera les progrès de pays naguère mal notés, comme la Guinée et le Niger, où les processus électoraux se sont déroulés de façon transparente et se sont traduits par un transfert du pouvoir aux civils. En revanche, les récents troubles sociopolitiques survenus en début d’année en Côte d’Ivoire et dernièrement au Burkina Faso nuisent au classement de ces États. Autre régression : Madagascar, qui voit depuis trois ans ses résultats économiques menacés par une crise politique et institutionnelle qui paralyse l’activité de la Grande Île. Enfin, dans le bas du tableau, on retrouve comme chaque année une poignée de pays instables. C’est notamment le cas de l’Érythrée, mais aussi du Zimbabwe, où la transition politique, mise en œuvre en 2009 par le président Robert Mugabe et son adversaire Morgan Tsvangirai, traverse une mauvaise passe. Alors que ces pays fragiles voient leur activité pâtir des difficultés politiques, les États pétroliers, plus gâtés sur le plan économique, enregistrent d’importantes progressions dues à la forte reprise des cours des hydrocarbures observée durant l’année écoulée. C’est notamment le cas pour l’Algérie et le Gabon. En revanche, les pays importateurs de produits énergétiques ou de produits alimentaires se trouvent fragilisés du fait d’une conjoncture défavorable. Il s’agit de pays qui manquent de moyens pour financer les politiques éducatives, sanitaires et sociales. Et qui enregistrent donc de piètres performances en matière de développement humain. ● ZOÉ SUAREZ

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

CLASS. GÉN.

PAYS

INDEX J.A.

1

Maurice

3,00

2

Afrique du Sud

5,67

3

Maroc

7,33

4

Tunisie

7,67

5

Algérie

8,67

6

Botswana

8,67

7

Namibie

9,00

8

Égypte

10,00 10,33

9

Seychelles

10

Gabon

13,33

11

Ghana

14,00

12

Kenya

17,33

13

Cameroun

18,00

14

Tanzanie

19,00

15

Libye

19,67

16

Cap-Vert

20,00 20,00

17

Zambie

18

Bénin

20,33

19

Ouganda

23,33

20

São Tomé

23,33

21

Nigeria

24,00

22

Congo

24,33

23

Swaziland

25,33

24

Sénégal

26,33

25

Mali

27,00

26

Mozambique

27,00

27

Mauritanie

28,00

28

Angola

28,33

29

Éthiopie

29,67

30

Rwanda

29,67

31

Togo

29,67

32

Côte d'Ivoire

30,33 30,67

33

Madagascar

34

Guinée équatoriale

31,67

35

Lesotho

32,00

36

Burkina Faso

32,67

37

Niger

34,33

38

Soudan

34,33

39

Comores

36,33

40

Djibouti

36,33

41

Guinée-Bissau

36,67

42

Malawi

36,67

43

Tchad

37,67

44

Guinée

38,00 40,00

45

Sierra Leone

46

Gambie

41,67

47

Liberia

42,00

48

Burundi

43,67

49

RD Congo

43,67

50

Zimbabwe

44,00

51

Centrafrique

44,33

52

Érythrée

50,67

53

Somalie

53,00

TENDANCES

C

omme pour nos précédentes éditions de L’État de l’Afrique (hormis 2010), voici notre classement des pays africains. Ce palmarès, établi en fonction de données statistiques récentes, mais aussi à partir d’un indice de perception reflétant l’opinion de notre rédaction, vise à établir une hiérarchie permettant de comparer les 53 États du continent. Et, au-delà, de mesurer autant que faire se peut les progressions des uns et les régressions des autres, en fonction des événements qui ont marqué, pour chacun d’entre eux, l’année 2010. Pour le réaliser, nous avons tout d’abord élaboré trois indices évaluant le niveau de développement politique (lire p. 48), économique (p. 50) et social (p. 52) de chacun des États de la zone, la moyenne de ces trois notes permettant d’élaborer un classement général des pays africains en fonction de leur gouvernance (ci-contre). Le résultat de ce travail de classement n’est pas forcément surprenant, puisque le peloton de tête reste constitué de « valeurs sûres » – Maurice, l’Afrique du Sud et le Maroc –, alors que la Somalie conserve sa place d’éternelle lanterne rouge. Toutefois, à y regarder de plus près, on peut relever certaines évolutions.

SOURCES: JEUNE AFRIQUE AVEC BANQUE MONDIALE, PNUD, BAD, FMI, CNUCED.

47


POLITIQUE Retours à la démocratie L’État de droit marque des points sur le continent, notamment en Afrique de l’Ouest. Mais alors que la Tunisie et l’Égypte amorcent leur phase de transition, Madagascar tarde à sortir de la crise.

C

omme chaque année, la rédaction de Jeune Afrique a établi un classement politique des 53 États africains. Les critères de bonne gouvernance et d’ouverture démocratique renvoient à la fois à des faits objectifs (liberté de la presse, lutte contre la corruption, organisation de scrutins libres et démocratiques, respect des droits de l’homme), mais aussi à notre perception des situations locales grâce à notre fréquentation du terrain (tensions perceptibles au sein de la population, dérive autocratique du pouvoir, etc.). Ce classement 2011 est donc le fruit de notre propre évaluation des progrès politiques constatés au cours de l’année écoulée ou, au contraire, des graves reculs en matière d’exercice démocratique. Comme pour les années passées, le trio de tête reste formé par Maurice, le Botswana et le Cap-Vert. Ces trois démocraties sont maintenant bien ancrées et chaque rendez-vous électoral se déroule sereinement, qu’il se traduise ou non par une alternance. Ce score, attribué par notre rédaction, est conforme aux classements élaborés par la Banque mondiale ou la Fondation Mo Ibrahim, qui placent également les Seychelles et l’Afrique du Sud dans ce peloton de tête. Autre pays désormais reconnu pour son ancrage dans le camp de

l’État de droit, le Ghana, qui a connu, en décembre 2008, une alternance exemplaire et qui récolte les dividendes économiques et sociaux de son respect des canons démocratiques internationaux. De la même manière, le récent marathon électoral qu’a connu la Tanzanie a prouvé, plus encore que par le passé, que l’ex-Tanganyika, malgré quelques tensions sur l’île de Zanzibar, est tout à fait capable d’assurer un scrutin équitable et dont les résultats sont reconnus par tous. BONUS. Du côté des contre-performances, il est évident que

la Libye régresse vers les profondeurs du classement depuis la violente répression de l’insurrection de février 2011 par le régime de Tripoli. En revanche, la révolution tunisienne constitue un bonus en termes de gouvernance et de respect des droits de l’homme pour le pays du Jasmin, même si celui-ci est toujours en phase de transition et tente d’imaginer son futur. Plus délicate en revanche est la transition en cours en Égypte, où le renversement de Hosni Moubarak n’a pas encore révélé tous les bénéfices que la population pouvait en tirer. De la même manière, au sud du Sahara, la crise postélectorale a coûté cher à la Côte d’Ivoire en termes de crédibilité

Notre méthodologie POUR RÉALISER notre classement annuel des pays africains, nous avons élaboré trois indices évaluant le niveau de développement politique, économique et social des États. Chaque pays a reçu une note, allant de 1 à 53 selon ses performances, dans chacun de ces trois domaines. La moyenne de ces trois notes nous a permis d’établir un classement général. CLASSEMENT POLITIQUE : Nous nous sommes inspirés de critères de gouvernance tels que la stabilité politique, l’efficacité

de l’administration, le respect des lois ou encore la lutte contre la corruption. Pour tenir compte de l’actualité récente, et notamment des événements survenus en Côte d’Ivoire, en Tunisie, en Libye ou en Égypte, nous avons pondéré ces indicateurs en fonction des opinions recueillies auprès des membres de la rédaction de Jeune Afrique. Ce classement s’apparente donc à un indice de perception, le jugement de la rédaction se voulant le reflet d’une réalité à laquelle nous sommes chaque jour confrontés.

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


RANG TAGAZA DJIBO/AP/SIPAW

Au Niger, les putschistes ont rendu le pouvoir aux civils. MAHAMADOU ISSOUFOU (à g.) a remporté le second tour de la présidentielle de mars 2011, face à Seini Oumarou (à dr.).

manufacturière des économies africaines), et le niveau d’endettement, qui reste un élément fondamental des finances publiques des pays concernés. CLASSEMENT SOCIAL : Pour établir ce palmarès, nous avons choisi de nous référer au classement selon l’indice de développement humain (IDH) établi chaque année par le Pnud (Programme des Nations unies pour le développement). Ce classement tient compte de la richesse, de l’éducation et de la santé des populations de chaque pays. La richesse est mesurée

14

Sénégal

15 16 17 18 19 20 21 22

Bénin Niger Algérie Gabon Zambie Égypte Rwanda Éthiopie Kenya Ouganda Cameroun Togo Mauritanie Burkina Faso Sierra Leone Liberia Guinée Djibouti Congo Tchad Nigeria Guinée équato. Comores Angola Malawi Lesotho Madagascar Burundi RD Congo Soudan Côte d'Ivoire Gambie Swaziland Guinée-Bissau Centrafrique Zimbabwe Libye Érythrée Somalie

9

23

ZOÉ SUAREZ

CLASSEMENT ÉCONOMIQUE : Cinq critères ont été retenus, issus des bases de données statistiques d’organismes internationaux. Les pays africains ont tout d’abord été classés en fonction de leur PIB et de leur revenu par habitant. Les autres critères servant à mesurer le développement des économies sont le montant des exportations hors pétrole (pour éviter de favoriser les États producteurs d’hydrocarbures, déjà bien placés en termes de PIB et de revenu par habitant), la valeur ajoutée industrielle (qui mesure la capacité de transformation

10 11 12 13

Maurice Botswana Cap-Vert Ghana Tanzanie Afrique du Sud Seychelles Maroc Namibie Mali Mozambique Tunisie São Tomé

grâce au revenu national brut par habitant, ce qui inclut notamment les transferts de l’étranger et l’aide au développement. Dans le domaine de l’éducation, l’IDH tient compte du nombre actuel d’années de scolarisation ainsi que de la durée moyenne de scolarisation de la population adulte. Enfin, l’espérance de vie reste le principal indicateur de santé. Pour consulter l’intégralité des données utilisées pour l’élaboration de l’IDH des 53 pays africains, se reporter au site web du Pnud : www.hdr.undp.org. ● Z.S.

24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53

TENDANCES

internationale, mais l’alternance qui s’ouvre pourrait, si elle tient ses promesses, remettre rapidement le pays sur la bonne voie. Tout dépendra de la dynamique de réconciliation entre communautés ivoiriennes. Madagascar connaît une situation similaire, en stand-by entre un coup d’État déjà ancien (17 mars 2009) et une élection présidentielle qui doit rendre au pays un régime démocratique. Parmi les bonnes nouvelles de l’année 2010, on notera les progressions de deux pays qui ont achevé leur phase de transition en organisant une élection présidentielle : la Guinée et le Niger. Enfin, dans le bas du tableau, là où se situent les pays les plus fragiles, on retrouve invariablement le Zimbabwe, l’Érythrée et la Somalie, rejoints depuis peu par la Libye du colonel Kaddafi. ●

1 2 3 4 5 6 7 8

PAYS

SOURCE : J.A.

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

49


RANG

POINTS PAYS

1 Afrique du Sud 2 Égypte 3 Maroc

10,2

4 Algérie

11,8

GILLES COULON/TENDANCE FLOUE

5 Maurice

13,2

7 Tunisie

13,6

50

14,4

10 Cameroun

14,6

11 Nigeria 12 Kenya 14 Côte d'Ivoire

16 16,8

20,2

16 Gabon

20,4

EFFORTS DE DIVERSIFICATION. Cependant, ces

hausses du PIB ne sont pas encore suffisamment solides pour atteindre les objectifs de réduction de la pauvreté, puisque le rapport prévoit une croissance de 2,7 % en 2011 du PIB par habitant en Afrique, ce qui est en dessous du seuil de 3 % généralement considéré comme nécessaire pour enregistrer des progrès en ce domaine. Hormis l’Afrique du Sud, les plus hauts revenus par habitant sont le fait des pays pétroliers (Libye, Guinée équatoriale, Gabon, Angola) et miniers (Namibie, Botswana), ou encore de Maurice et des Seychelles. Pour tenir compte des efforts de diversification des pays africains, le classement selon la création de valeur ajoutée et les exportations hors pétrole met en valeur les économies les plus diversifiées du continent. En ce domaine, l’Afrique du Sud et l’Afrique du Nord (Maroc, Tunisie, Égypte) sont en bonne place, mais la Côte d’Ivoire et le Cameroun se distinguent aussi. Idem pour les exportations hors pétrole, où certains font bonne figure, comme le Kenya, la Côte d’Ivoire, le Maroc et la Tunisie. Enfin, pour ce qui est du taux d’endettement, une dizaine d’États sont en deçà de 15 % du PIB. Certains grâce à leurs pétrodollars, d’autres (Cameroun, Bénin, Ouganda, Éthiopie) parce qu’ils ont bénéficié de traitements de faveur de la part des bailleurs de fonds. ● ZOÉ SUAREZ

21

18 Angola

21,4

19 Ouganda

22,4

20 Ghana

progresser d’environ 7 %. Idem pour le Ghana, le Nigeria et le Liberia, trois pays bénéficiant d’investissements étrangers massifs dans les secteurs minier et pétrolier.

19,4

15 Swaziland 17 Botswana

En 2011, la croissance moyenne du PIB en Afrique devrait atteindre 5 %. Et comme l’année dernière, les pays au sous-sol riche seront avantagés.

S

14

9 Namibie

13 Guinée équato. 17,8

ÉCONOMIE Pétrole et mines en tête elon la Commission économique pour l’Afrique des Nations unies (CEA), les perspectives du continent pour 2011 sont favorables, à moins de chocs exogènes : la croissance du PIB devrait atteindre 5 % cette année et 5,1 % en 2012, contre 4,7 % en 2010. Dans son rapport annuel, publié fin mars 2011, la CEA souligne que le redressement de la croissance de l’Afrique traduit des progrès observés aussi bien dans les pays exportateurs de pétrole que dans les pays qui en importent. Toutefois, il n’est pas étonnant qu’en termes de PIB comme de revenu par habitant les pays pétroliers restent dans le peloton de tête. En 2011, la croissance des pays exportateurs de pétrole va atteindre 5,4 %, contre 4,6 % pour les pays importateurs. Et sur les dix premiers États classés selon le volume de leur PIB, six jouent un rôle majeur dans la production d’hydrocarbures (Nigeria, Angola, Algérie, Libye, Soudan, Égypte) alors qu’un septième – la Tunisie – a un volume d’extraction suffisant pour arrondir ses fins de mois. Seuls le Maroc et l’Afrique du Sud doivent leurs performances économiques à la diversification de leurs activités. D’autres pays, importateurs de produits pétroliers, sont également bien placés : ils peuvent compter sur des investissements dans l’industrie minière (comme la Zambie ou la RD Congo avec le cuivre) pour soutenir leurs résultats. Le rapport de la CEA mentionne par ailleurs que l’Afrique de l’Est et l’Afrique de l’Ouest, chacune avec une croissance de 6,4 %, sont bien parties pour rester les régions aux croissances les plus rapides du continent. Parmi les bons élèves, l’Éthiopie et l’Ouganda devraient voir leur PIB

7

6 Libye 8 Zambie

Ý PLATEFORME PÉTROLIÈRE au large de Port-Gentil (Gabon).

7

8,2

21 Tanzanie

23 23,2

22 Soudan

24

23 Mozambique

25

24 Seychelles

25

25 Congo

25,2

26 Bénin

25,8

27 Burkina Faso

26,8

28 Éthiopie

27,2

29 Mali

27,8

30 Madagascar

28,4

31 Lesotho

29,6

32 Zimbabwe

30,2

33 Rwanda

30,8

34 Tchad

31

35 Malawi

32

36 Mauritanie

32

37 Sénégal

32,2

38 Niger

33,2

39 RD Congo

33,2

40 Togo

34,6

41 Burundi 42 São Tomé

37 37

43 Centrafrique

38,4

44 Cap-Vert

38,8

45 Gambie

40,4

46 Guinée

40,4

47 Djibouti 48 Comores

41 41,2

49 Érythrée

41,2

50 Guinée-Bissau

41,8

51 Sierra Leone

43,2

52 Liberia

44,6

53 Somalie

49,4

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


1 Libye

2 Égypte

216 830

2 Guinée équato. 11 081

3 Nigeria

206 664

3 Seychelles

4 Algérie

158 969

4 Gabon

5 Maroc

91 702

5 Maurice

7 303

6 Angola

85 808

6 Afrique du Sud

7 101

7 Libye

77 912

7 Botswana

6 796

8 Soudan

65 930

8 Namibie

5 454

12 062

10 714 8 395

9 Tunisie

43 863

9 Angola

4 812

10 Kenya

32 417

10 Algérie

4 478

11 Éthiopie

30 941

11 Tunisie

4 160

12 Tanzanie

22 434

12 Congo

3 075

13 Côte d'Ivoire

22 384

13 Swaziland

3 073

14 Cameroun

21 882

14 Cap-Vert

3 007

15 Ghana

18 058

15 Maroc

2 868

16 Ouganda

17 121

16 Égypte

2 771

17 Zambie

15 691

17 Soudan

1 643

18 Guinée équato.

14 547

18 Djibouti

1 382

19 Sénégal

12 657

19 Nigeria

1 324

20 RD Congo

12 600

20 Zambie

1 286

21 Gabon

12 563

21 São Tomé

1 133

22 Botswana

12 501

22 Mauritanie

1 096

23 Congo

11 884

23 Cameroun

1 071

24 Namibie

11 451

24 Côte d'Ivoire

1 016

25 Mozambique

10 212

25 Sénégal

964

26 Maurice

9 427

26 Kenya

888

27 Mali

9 077

27 Comores

820

28 Burkina Faso

8 672

28 Ghana

762

29 Madagascar

8 330

29 Tchad

743

30 Tchad

7 592

30 Lesotho

708

31 Bénin

6 494

31 Bénin

673

32 Rwanda

5 693

32 Mali

649

33 Niger

5 603

33 Gambie

606

34 Zimbabwe

5 574

34 Burkina Faso

590

35 Malawi

5 035

35 Rwanda

569

36 Guinée

4 344

36 Tanzanie

543

37 Mauritanie

3 486

37 Ouganda

504

38 Swaziland

3 165

38 Guinée-Bissau

498

39 Togo

3 074

39 Zimbabwe

475

40 Érythrée

2 254

40 Mozambique

473

41 Centrafrique

2 113

41 Centrafrique

469

42 Sierra Leone

1 901

42 Togo

441

43 Lesotho

1 799

43 Érythrée

423

44 Cap-Vert

1 573

44 Guinée

421

45 Burundi

1 469

45 Madagascar

391

46 Djibouti

1 139

46 Niger

383

47 Gambie

1 040

48 Liberia

977

47 Éthiopie

365

48 Malawi

354

49 Seychelles

919

49 Sierra Leone

325

50 Guinée-Bissau

825

50 Liberia

227

51 Comores

557

51 RD Congo

189

52 São Tomé

187

52 Burundi

178

53 Somalie

ND

53 Somalie

ND

SOURCE : FMI, ESTIMATIONS 2010, EN MILLIONS DE $

SOURCE : FMI, ESTIMATIONS 2010, EN MILLIONS DE $

DETTE/PIB PAYS

1 Afrique du Sud

63 915

1 Guinée équato.

1,1

2 Afrique du Sud 18,8

2 Algérie

30 779

2 Algérie

2,7

3 Tunisie

18,4 17,9 5 Maurice 17,9 6 Côte d'Ivoire 17,5 7 Cameroun 17,3 8 Égypte 16,7 16,4 9 Zimbabwe 10 Maroc 15,1 11 Mozambique 15,1 12 Namibie 14,7 13 Madagascar 14,5 14 Sénégal 14,5 13,6 15 Burkina Faso 13,3 16 Burundi 17 Kenya 11,3 18 Zambie 10,5 19 Malawi 10,2 20 Seychelles 9,9 21 Soudan 9,4 22 Togo 8,7 8,4 23 Tanzanie 24 Guinée-Bissau 8,1 25 Ghana 7,9 26 Bénin 7,8 27 Centrafrique 7,7 28 Ouganda 7,4 6,5 29 Liberia 30 São Tomé 6,5 31 Rwanda 6,2 32 Érythrée 6,1 33 RD Congo 5,9 34 Gambie 5,8 35 Mauritanie 5,7 5,7 36 Tchad 37 Mali 5,6 38 Congo 5,4 39 Niger 5,3 4,9 40 Gabon 41 Algérie 4,6 42 Libye 4,5 4,3 43 Cap-Vert 44 Comores 4,1 45 Guinée 4,0 46 Angola 3,9 47 Éthiopie 3,9 48 Botswana 3,8 49 Djibouti 2,5 50 Nigeria 2,5 51 Somalie 2,5 52 Sierra Leone 2,3 53 Guinée équato. 0,1

3 Égypte

19 073

3 Nigeria

4 Lesotho

4 Maroc

17 122

4 Cameroun

5 Tunisie

14 230

5 Libye

6 Nigeria

9 611

6 Zambie

7 Côte d'Ivoire

6 973

7 Maurice

10

8 Namibie

4 957

8 Éthiopie

13,9

9 Zambie

4 705

9 Ouganda

14,2

1 Swaziland

SOURCE : CNUCED, 2008, EN % DU PIB

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

39,5

3 7,2 8 8,6

10 Kenya

4 614

10 Bénin

15,2

11 Libye

4 503

11 Niger

16,2

12 Botswana

4 127

12 Égypte

13 Ghana

3 787

13 Swaziland

14 RD Congo

3 220

14 Gabon

18,1

15 Guinée équato.

3 078

15 Rwanda

18,9

16 Tanzanie

3 052

16 Botswana

20,6

17 Mozambique

2 307

17 Maroc

20,7

18 Maurice

2 171

18 Tchad

21,2

19 Zimbabwe

1 981

19 Burkina Faso

22,4

20 Angola

1 974

20 Namibie

23,5

21 Mali

1 843

21 Kenya

23,8

22 Ouganda

1 723

22 Mali

24,2

23 Gabon

1 667

23 Congo

24,3

24 Éthiopie

1 610

24 Malawi

26,1 27,1

17 17,5

25 Cameroun

1 570

25 Afrique du Sud

26 Sénégal

1 512

26 Angola

28,3

27 Madagascar

1 333

27 Burundi

28,9

28 Soudan

1 248

28 Madagascar

29 Mauritanie

1 215

29 Tanzanie

30 Congo

1 172

30 São Tomé

35,6

31 Bénin

1 078

31 Sierra Leone

36,2

31 34,1

32 Guinée

1 069

32 Comores

45,1

33 Lesotho

1 060

33 Mozambique

47,3

34 Malawi

1 033

34 Ghana

47,6

35 Togo

743

35 Togo

47,7

36 Swaziland

672

36 Centrafrique

48,7 49,7

37 Niger

492

37 Mauritanie

38 Burkina Faso

487

38 Lesotho

50,1

39 Somalie

448

39 Gambie

50,7

40 Seychelles

311

40 Érythrée

53,7

41 Rwanda

235

41 Tunisie

53,7

42 Sierra Leone

211

42 Sénégal

53,8 55,5

43 Tchad

195

43 Cap-Vert

44 Liberia

189

44 Djibouti

45 Burundi

156

45 Guinée

65

46 Guinée-Bissau

100

46 Soudan

67,1

62

47 Centrafrique

99

47 Côte d'Ivoire

48 Djibouti

71

48 RD Congo

126,3

86,3 130,9

49 Gambie

40

49 Seychelles

50 Cap-Vert

35

50 Zimbabwe

186,9

51 Érythrée

14

51 Guinée-Bissau

248,9

52 Comores

10

52 Liberia

382,9

53 São Tomé

6

53 Somalie

SOURCE : CNUCED, 2008-2009, EN MILLIONS DE $

ND

SOURCE : BAD 2009, EN % DU PIB

51

TENDANCES

354 414

EXPORTATIONS HORS PÉTROLE PAYS

RANG

PAYS

1 Afrique du Sud

VALEUR AJOUTÉE INDUSTRIELLE PAYS

RANG

PIB PAR HABITANT

RANG

PAYS

RANG

RANG

PIB


RANG

Éducation, santé, niveau de vie… En matière de bien-être social, beaucoup de pays africains pointent en bas du classement mondial.

A

LE MAGHREB S’EN SORT BIEN. Sur 53 pays

africains, 37 appartiennent à la catégorie des pays à développement humain bas, 11 sont classés dans la catégorie intermédiaire et seulement 5 pointent dans celle des pays à développement humain élevé. Parmi eux, deux groupes se distinguent franchement. Il s’agit bien sûr de trois pays du Maghreb – la Libye, la Tunisie et l’Algérie – et de deux archipels de l’océan Indien, à savoir Maurice et les Seychelles. Précisons toutefois que les performances seychelloises retenues datent de 2007, le premier de la classe africaine n’ayant pas fourni de données statistiques suffisantes pour être classé par le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) en 2010. Nous avons toutefois choisi de le maintenir dans la mesure où la population jouit toujours d’un environnement social assez protecteur 52

et que, malgré une conjoncture économique difficile, le niveau éducatif et sanitaire s’est maintenu au cours des dernières années. Tous les paysfigurant dans le haut du tableau se caractérisent d’ailleurs par des performances comparables, tant en matière d’espérance de vie (entre 72 ans et 75 ans selon les pays) que de PIB par habitant. Celui-ci se situe autour de 8000 dollars en Algérie et en Tunisie, et même à 17 000 dollars pour la Jamahiriya libyenne. Toutefois, il convient d’envisager ces données statistiques avec circonspection, notamment en matière de santé et d’éducation. Avec une durée de scolarisation élevée (plus de seize ans), le système d’enseignement libyen paraît particulièrement performant. Mais si la scolarisation des enfants ne pose pas de problème, ce critère reste plus quantitatif que qualitatif, et ne révèle rien de la qualité des programmes enseignés et des connaissances acquises. En revanche, s’il est un indicateur qui ne présente aucune ambiguïté, c’est bien celui de l’espérance de vie. Et tout en bas de l’échelle, les chiffres parlent d’eux-mêmes : 41,7 ans en Angola, 40,9 ans au Zimbabwe, 40,5 ans en Zambie… L’Afrique australe paie un lourd tribut au sida. Certains pays, comme le Lesotho ou le Swaziland, ont même vu leur indice de développement humain (IDH) baisser entre les années 1990 et aujourd’hui. D’autres ont même connu une chute vertigineuse, comme le Zimbabwe, victime d’une crise politique, économique et sociale majeure : son IDH est passé de 0,336 en 1990 à 0,181 vingt ans plus tard. ● ZOÉ SUAREZ

IDH

1 Seychelles*

0,845

2 Libye

0,755

3 Maurice

0,701

4 Tunisie

0,683

5 Algérie

0,677

6 Gabon

0,648

7 Botswana

0,633

8 Égypte

0,620

9 Namibie

0,606

10 Afrique du Sud 0,597 11 Maroc

0,567

12 Guinée équato. 0,538 13 Cap-Vert

SOCIÉTÉ Développement à plusieurs vitesses u palmarès mondial du développement humain, les plus mauvais élèves en matière de bien-être social sont en Afrique noire : le Niger, la RD Congo et le Zimbabwe. Et encore ne tienton pas compte de l’Érythrée et de la Somalie, qui ont totalement disparu du classement faute de données fiables pour les y maintenir. Quoi qu’il en soit, les dix derniers rangs du classement planétaire sont invariablement occupés par des États subsahariens. Et ce, quelle que soit leur situation. Car la pauvreté touche aussi bien des pays calmes, comme le BurkinaFasoetleMali,quedespayslongtemps tourmentés par la violence, comme le Tchad et le Burundi.

FETHI BELAID/AFP

Avec une durée de scolarisation de plus de quatorze ans, LA TUNISIE EST BIEN PLACÉE.

PAYS

0,534

14 Swaziland

0,498

15 Congo

0,489

16 São Tomé

0,488

17 Kenya

0,470

18 Ghana

0,467

19 Cameroun

0,460

20 Bénin

0,435

21 Madagascar

0,435

22 Mauritanie

0,433

23 Togo

0,428

24 Comores

0,428

25 Lesotho

0,427

26 Nigeria

0,423

27 Ouganda

0,422

28 Sénégal

0,411

29 Angola

0,403

30 Djibouti

0,402

31 Tanzanie

0,398

32 Côte d'Ivoire

0,397

33 Zambie

0,395

34 Gambie

0,390

35 Rwanda

0,385

36 Malawi

0,385

37 Soudan

0,379

38 Guinée

0,340

39 Éthiopie

0,328

40 Sierra Leone

0,317

41 Centrafrique

0,315

42 Mali

0,309

43 Burkina Faso

0,305

44 Liberia

0,300

45 Tchad

0,295

46 Guinée-Bissau

0,289

47 Mozambique

0,284

48 Burundi

0,282

49 Niger

0,261

50 RD Congo

0,239

51 Zimbabwe

0,140

52 Érythrée

ND

53 Somalie

ND

SOURCE : PNUD * IDH 2007

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


C’est avec une approche pratique, que nous repoussons sans relâche les limites de l'innovation pour créer les solutions offrant un avantage compétitif à nos clients, les compagnies aériennes et leurs passagers. Pour eux, notre travail ne s'arrête jamais. Sûreté, Sécurité et Qualité

La référence de l’assistance en escale en Afrique et au Moyen-Orient

Afrique : Afrique du Sud • Bénin • Ghana • Guinée Bissau • Guinée Equatoriale • Niger • République Centrafricaine • Sénégal Moyen-Orient : Jordanie

AHS est un groupe du réseau Menzies Aviation, troisième opérateur mondial d’assistance en escale www.ahs-group.com • info@ahs-group.com


TRIBUNE

VINCENT FOURNIER/J.A.

Le bonus démographique Jean-Michel Severino Ancien directeur général de l’Agence française de développement (AFD), président d’Investisseurs et partenaires, auteur du Temps de l’Afrique (Odile Jacob, 2010).

UNE

54

L

AFRIQUE SUBSAHARIENNE devrait compter environ 1,8 milliard d’habitants aux environs de 2050. Ce chiffre effraie. Dans nos esprits marqués par Malthus, il y a toujours trop d’invités au banquet de la prospérité. Mais voici une autre hypothèse : et si la faiblesse de l’urbanisation et de la densité africaine était une des raisons essentielles de la faiblesse de ses taux de croissance historiques ? Et si le processus de peuplement dans lequel est embarqué le continent représentait « la » chance historique de son développement ? Parlons d’abord du dividende démographique. Plus lentement qu’ailleurs, certes, le continent subsaharien est entré dans la « transition démographique ». Durant cinquante ans au moins, dans la phase aiguë de la croissance démographique, le rapport des actifs aux inactifs ne cessait de se dégrader du fait du faible nombre d’adultes face aux enfants. Cette situation change : d’année en année, le rapport des actifs aux inactifs va s’améliorer, et ceci sans doute pour environ quatre-vingts ans. C’est un moment particulièrement favorable. Il a par exemple

Il ne peut qu’à peine être une base pour une activité d’exportation, car la ressource humaine y manque, y compris pour ce but. Un pays de 20 millions, de 30 millions ou de 40 millions d’habitants est dans une tout autre situation. Et ne parlons même pas des marchés régionaux, objets de complaintes et de frustration, mais qui, petit à petit, se construisent. L’Afrique est littéralement en train de faire son marché. Disons aussi un mot de l’urbanisation. Elle a mauvaise presse. Pourtant, on vit plus longtemps, moins malade, et moins pauvre en ville qu’à la campagne. La prodigieuse urbanisation africaine, qui va doter le continent d’immenses mégalopoles, va sans doute concentrer des abîmes de misère et de violence. Mais elle va aussi propulser la productivité africaine vers des hauts encore jamais atteints par le continent. Elle aussi change le rythme de croissance de l’Afrique.

Enfin, convoquons la question rurale. L’urbanisation aura beau s’accélérer, l’Afrique de 2050 comptera sans doute beaucoup plus de ruraux qu’aujourd’hui. La pression foncière n’aura pas que des mauvais aspects : elle va faire décoller les rendements agricoles. L’expansion des ET SI CE PROCESSUS DE PEUPLEMENT ÉTAIT villes créera les opportunités : que les campagnes nourrisCHANCE HISTORIQUE POUR LE CONTINENT? sent les villes et que ces dernières travaillent pour les correspondu à la grande période de la croiscampagnes est le cycle vertueux de base de sance asiatique. Il est une des raisons imporla croissance économique. Les paysans sont tantes de la reprise de la croissance en Inde. rationnels: ils s’adapteront aux changements, Il a toutes les chances de propulser le dévepourvu que les politiques publiques puissent assurer la sécurité de leurs investissements loppement africain vers le haut pendant et leur offrir des débouchés. longtemps. Car pour se matérialiser, les immenses Évoquons ensuite la densification. La faible potentialités de la croissance démographique, densité africaine faisait peser une hypothèque de la densification et de l’urbanisation demanredoutable sur la rentabilité sociale, éconoderont des politiques sages et pertinentes. mique et financière des investissements en Le choix des hommes, des sociétés, des infrastructures. La croissance démographique gouvernements pourra faire de la démogradu continent va le propulser vers des densités phie la bénédiction d’un continent qui, avec dans les zones habitables sans doute proches près de 2 milliards d’habitants, sera l’un des de 150 habitants au kilomètre carré, soit plus géants du XXIe siècle. Mais il pourra aussi que l’Europe. La face de l’investissement va en faire la malédiction de ses habitants éperen être changée. dus qui chercheront la fuite à travers la migration, régionale ou internationale. Parlons maintenant marchés. Un pays de Parions sur la première hypothèse : c’est la 3 millions d’habitants n’est pas un marché. plus probable. ●

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011



ALIMENTATION Haute tension sur les prix Trois ans après la crise de 2008, la flambée des cours des produits de première nécessité recommence. Mais, cette fois-ci, dans un contexte social encore plus difficile.

ANTOINE LABEY

«

D

u pain et la liberté », réclamaient les manifestants tunisiens aux premières heures de la révolution de décembre 2010, en brandissant des baguettes de plus en plus chères. Si « ventre affamé n’a pas d‘oreille », il a une bouche pour crier sa colère qui se transforme parfois en révolte, puis en révolution. La hausse des prix des produits alimentaires conjuguée à celle du chômage n’a pas été la seule étincelle de la révolution tunisienne qui a mis le feu aux poudres dans le monde arabe. Mais elle a contribué à faire descendre la population dans la rue. En 2010, le prix du blé a augmenté de 80 %, celui du maïs de 86 %… La tendance s’est accélérée au début de 2011, poussant les responsables politiques à tirer la sonnette d’alarme. « Le monde se trouve à la veille d’une crise alimentaire similaire à celle de 2008 », estimait en janvier Olivier De Schutter, rapporteur spécial de l’ONU pour le droit à l’alimentation. Au cours du second semestre 2010, 44 millions de personnes de plus ont basculé dans la pauvreté sous l’effet de la hausse des prix des denrées, constate pour sa part la Banque mondiale. La crainte d’émeutes de la faim a fait sa réapparition. « Aujourd’hui, comme en 2008, prévient Nicolas Bricas, chercheur au Centre international de recherche agronomique pour le développement (Cirad), le risque de crise n’est pas dû à une pénurie mondiale d’aliments, mais à la vulnérabilité et à la détresse de la population paupérisée. » Face à la hausse des prix des produits de première nécessité, la malnutrition progresse chez les familles qui sont contraintes de réduire leur consommation par manque de pouvoir d’achat. Le contexte apparaît encore plus tendu qu’en 2008. Le prix du pétrole, qui provoque des poussées inflationnistes, est reparti de nouveau à la hausse. La crise financière a fait grimper le chômage et réduit les transferts d’argent des travailleurs émigrés. La marge de manœuvre des gouvernements africains pour atténuer le choc s’est également amenuisée. Les taxes à l’importation ne peuvent plus jouer leur rôle d’amortisseur de la hausse aussi bien qu’avant car, après avoir été amoindries, voire supprimées en 2008, elles n’ont pas été totalement rétablies. Quant aux aides directes aux populations les plus vulnérables, elles sont tributaires de la faiblesse des ressources des États.

PLUS DE PRODUCTION, MOINS D’IMPORTATION. Les gouvernements africains doivent aujourd’hui répondre à un double défi. Politique d’abord, avec le risque que le désarroi des populations urbaines face à la valse des étiquettes ne 56

Ð En 2008, déjà, une crise avait suscité de VIVES PROTESTATIONS sur l’ensemble du continent (ici au Cap, à l’appel de la fédération syndicale sud-africaine Cosatu).

débouche sur de larges mouvements de protestation dans la foulée des révolutions arabes. Humanitaire ensuite, car il s’agit d’éviter que la malnutrition ne se développe dans les zones rurales et parmi la population urbaine la plus pauvre. L’une des réponses les plus ambitieuses à la hausse des prix de 2008 fut l’Initiative Riz, lancée au Mali par le président Amadou Toumani Touré. Son objectif était d’augmenter de 50 % la production nationale pour mettre un terme aux importations. À la fin de la campagne 2008-2009, le gouvernement a pu annoncer que son objectif était atteint avec une production de près de 1 million de tonnes. Pourtant, les prix sont restés à leur niveau record de 2008, ce qui a provoqué de vifs débats dans l’opinion publique : les producteurs ont-ils vendu leur riz trop cher ? Les commerçants ont-ils fait monter artificiellement les prix ? Le ministre de l’Agriculture, Tiémoko Sangaré, a fait les frais de cet échec et a été démis de ses fonctions en avril 2009 pour ne pas avoir réussi à contrôler l’opération. Avec le recul, Alexis Roy, chercheur au Centre d’études africaines (CEA) à Paris, s’interroge, dans la revue Politique africaine (n°119, octobre 2010, éditions Karthala), sur la priorité donnée au riz dans un pays où il n’est consommé que par la frange la plus aisée de la population urbaine. Pour lui, « cette initiative renvoyait davantage à la nécessité d’acheter la paix sociale dans les villes maliennes, en une période où la question des prix des denrées alimentaires suscitait inquiétude JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


MIKE HUTCHINGS/REUTERS

TENDANCES et troubles sociaux en Afrique, qu’à la volonté de lutter soutenir les cultivateurs de céréales locales : au niveau de la production pour augmenter la productivité et les mettre contre l’insécurité alimentaire ». à l’abri des aléas climatiques (irrigation), et au niveau de La politique du Malawi a été mieux ciblée. En 2006, à la transformation pour leur permettre d’accroître leurs la suite de plusieurs années de famine, le gouvernement revenus par la création de plus-values et de trouver de a initié une politique très volontariste de soutien aux petits producteurs de maïs, qui est la céréale de base de nouveaux débouchés. Ces céréales ont en plus l’avantage, l’alimentation, en subventionnant largement les engrais et pour les consommateurs, d’échapper presque totalement les semences. L’initiative fut violemment dénoncée par les aux fluctuations du marché international. L’ONG Afrique bailleurs de fonds, Banque mondiale en tête, à cause des Verte, qui suit l’évolution des prix des céréales au Sahel, dépenses qu’elle entraînait. Le gouvernement a répondu constate qu’ils affichent une stabilité remarquable avec à ces critiques en affirmant qu’« il est beaucoup moins coûteux d’aider LA MALNUTRITION PROGRESSE CHEZ LES FAMILLES les gens à produire leur nourriture CONTRAINTES DE RÉDUIRE LEUR CONSOMMATION. que de les aider à consommer de la nourriture importée ». L’opération fut couronnée de succès puisqu’elle mit un terme aux même une tendance à la baisse. En un an, le prix du famines à répétition en relançant le secteur agricole mil a baissé de 12 % à Ouagadougou, de 21 % à Bamako traditionnel. et de 9 % à Niamey. Au Cameroun, le prix du maïs est également orienté à la baisse depuis deux ans, selon les données recueillies par l’Organisation des Nations Unies SIGNAUX D’ALARME. « Le vrai problème, ce n’est pas qu’on ne produit pas assez ; c’est que les revenus en zones pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). rurales sont trop faibles », confirme Olivier De Schutter La crise alimentaire actuelle s’annonce durable. Les pics pour qui « le risque est que l’on réagisse comme en 1974 de 2008 et de 2011 ne sont que des signaux d’alarme dans ou 2008 en développant dans les pays en développement un contexte de hausse mondiale continue des prix des de grandes plantations agro-industrielles qui serviront à produits alimentaires. Elles sont la conséquence d’une rassurer les marchés internationaux, mais ne bénéficiefragilité accrue des marchés agricoles, de plus en plus ront pas aux plus pauvres ». L’alternative serait donc de dépendants de quelques grands pays exportateurs ● ● ● JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

57


● ● ● puisque dix États seulement assurent Indice FAO des prix des produits alimentaires aujourd’hui près de 60 % des exporta250 tions agroalimentaires mondiales. La 210 défaillance de l’un d’eux a immédiatement de fortes répercussions sur le 170 fragile équilibre des échanges mondiaux et donc sur les prix. Au-delà des 130 flambées ponctuelles, génératrices de 90 crises économiques, sociales et politiques, l’indice FAO des prix des produits 50 alimentaires (voir infographie ci-contre) 1990 91 92 93 94 95 96 97 98 99 2000 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 2011 montre qu’après plus de quinze ans de 2003 est prise comme année de référence (indice 100) stabilité (1990-2005) ceux-ci ont quasiment doublé en termes réels. Cette tendance de fond l’Alliance pour la révolution verte en Afrique (Agra). est révélatrice de la tension qui existe et se développe D’autres, comme l’agroéconomiste français, Michel Griffon, directeur adjoint de l’Agence nationale pour sur les marchés mondiaux de l’alimentation, et indique que le défi alimentaire est l’un des plus importants de ce la recherche, prônent une approche intégrée à chaque siècle, d’autant que la croissance démographique accenécosystème et optimisant son potentiel. Cette approche, tue les tensions. L’ONU vient d’ailleurs d’estimer que la dite « agroécologique », vise à rendre l’agriculture plus stabilisation du nombre d’habitants à 9 milliards d’ici durable en régénérant les terres appauvries par l’érosion, à 2050 est loin d’être acquise, ce qui obligerait à revoir la surexploitation et le réchauffement climatique ; ce à la hausse les prévisions de la demande alimentaire type d’exploitation se veut plus économe car il limite la mondiale à cet horizon. consommation d’intrants importés, source d’endettement. Pour le rapporteur spécial de l’ONU, « l’agroécologie est TECHNOLOGIE CONTRE ÉCOLOGIE. Dans ce contexte, une réponse au défi de la pauvreté rurale et elle peut être la relance de l’agriculture africaine s’impose de plus en hautement productive », mais son adoption nécessite plus. Mais comment ? Certains prônent une agriculture « un changement de cap ». industrielle basée sur la monoculture à grande échelle Le choix de telle ou telle politique agricole et son utilisant les dernières avancées technologiques et scienapplication restent du ressort de chaque État, ou groupetifiques comme les OGM, ce dont s’est inspirée l’Initiative ment régional. Mais le temps presse. En 2003, les pays de Riz au Mali. Cette option bénéficie du soutien de grandes l’Union africaine s’étaient engagés à consacrer au moins 10 % de leur budget national à l’agriculture. Aujourd’hui, fondations américaines comme la Fondation Rockefeller ou la Fondation Bill & Melinda Gates (actionnaire de ceux qui le font effectivement se comptent encore sur les Monsanto) qui ont injecté d’importantes sommes dans doigts de la main. ●

L’agro-industrie fourbit ses armes LA POPULATION africaine augmente, les habitudes alimentaires changent. Les groupes agro-industriels investissent sur le continent pour répondre à cette nouvelle demande. La société ivoirienne Sifca et ses partenaires singapouriens Olam et Wilmar ont consacré 15 milliards de F CFA (23 millions d’euros) à la construction d’une nouvelle raffinerie d’huile de palme à Abidjan, la plus grosse du continent. Inaugurée en juin 2010, elle peut produire 1 200 tonnes/ jour d’huile de table (Dinor, Palme d’or) et de la margarine (St Avé). Face au déficit en huile des pays d’Afrique de l’Ouest, qui est actuellement de 800 000 t/an, de nouveaux investissements devraient doubler la production

58

ivoirienne d’huile de table pour atteindre 700 000 t d’ici à 2020. Pour renforcer leur capacité d’action, les deux groupes familiaux français Vilgrain et Castel ont décidé de rapprocher leur activité sucrière. Castel est présent en Côte d’Ivoire, au Gabon et en Centrafrique via sa filiale Sucaf, et Vilgrain au Congo (Saris), au Cameroun (Sosucam) et au Tchad (CST) via sa filiale Somdiaa. « Nous avons constitué un champion de l’agro-industrie en Afrique centrale. Somdiaa est à présent adossé à un groupe qui offre de nouvelles capacités d’investissements », résume Alexandre Vilgrain, PDG de la société du même nom.Toujours dans le sucre, le français Cristal Union s’est associé en janvier 2011 avec l’algérien La Belle pour

construire une raffinerie d’une capacité annuelle de 350 000 t près d’Alger, Coût de l’investissement: 70 millions d’euros. Mais le groupe le plus dynamique sur le continent vient de Singapour. Olam, pratiquement inconnu il y a encore quelques années, s’est associé à l’ivoirien Sifca et s’avère particulièrement entreprenant. À son activité traditionnelle de négoce des matières premières, il a ajouté l’acquisition de concessions forestières et d’unités de transformation agro-industrielles, et pas seulement pour l’export : production d’huile de table, raffinage du sucre (Nigeria), minoteries (Nigeria et Ghana), fabrication de pâtes alimentaires… ● A.LY.

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011



PASCAL PERRICH POUR J.A.

TRIBUNE

Léonard Wantchékon Économiste à l’université de New York.

La sécurité alimentaire en question

L

A SÉCURITÉ ALIMENTAIRE, selon l’économiste indien Amartya Sen, est un élément central du développement humain et de la croissance économique, particulièrement en Afrique. Avec 29 %, le continent a enregistré depuis 2007 le taux le plus élevé de personnes souffrant de malnutrition, soit près de 12 % de plus que les autres pays en voie de développement. La situation est devenue encore plus critique à la suite de l’augmentation des prix des denrées alimentaires en 2007 et surtout après la crise mondiale en 2009. En réponse à cette situation, le G8 et le G20 ont alloué au total 50 milliards de dollars d’aide alimentaire, suivie d’un appui institutionnel du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad) et son Programme commun de développement de l’agriculture en Afrique (CADP). Mais, comme l’ont souligné John Hoddinott et Daniel Gilligan, économistes à l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (Ifpri), l’aide alimentaire non seulement ne résout pas les problèmes de fond de la sécurité alimentaire, mais tend à vulnérabiliser encore davantage les populations. Le principal problème est la faiblesse chronique de la production céréalière, malgré

LE VRAI GOULOT D’ÉTRANGLEMENT LA FAIBLE QUALITÉ DES INFRASTRUCTURES. l’énorme potentiel agricole des pays africains. Selon une étude conduite par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), il y a chaque année 18 millions de nouvelles personnes à nourrir, et 94 millions d’autres à sortir de la malnutrition chronique en Afrique. L’étude conclut que, pour répondre à ces défis, il faudra assurer une croissance annuelle de la production agricole de près de 4,6 %. Ceci n’est pas, a priori, hors de portée pour la plupart des pays africains, vu la qualité du sol et les conditions agroclimatiques. Mais malgré ce potentiel la productivité agricole reste très faible, loin derrière celle des autres pays en développement : dans

60

des conditions agroclimatiques similaires, les pays asiatiques et latino-américains affichent, en moyenne, une production céréalière trois fois plus élevée que celle des pays africains. Cette faible performance est due essentiellement au retard technologique. En effet, une étude de la Banque mondiale effectuée en 2008 au Malawi, en Éthiopie, au Nigeria, en Ouganda et au Mozambique a démontré qu’une adoption de nouvelles technologies peut permettre d’augmenter la productivité dans ces pays de plus de 500 %. Il importe de souligner aussi d’autres aspects très importants de la question, comme l’accès aux marchés locaux, la sécurité de la propriété de la terre et l’accès au crédit agricole. Mais, à mon avis, le véritable goulot d’étranglement demeure la faible qualité des infrastructures rurales et l’enclavement des régions à haute productivité agricole. Des données économiques recueillies au Bénin indiquent que les villages les plus pauvres ou les plus atteints par l’insécurité alimentaire sont aussi ceux où le potentiel agricole est le plus élevé. Ce surprenant résultat provient du fait que les zones de production agricole se trouvent être dans les vallées des principaux fleuves et, de ce fait, manquent de routes en bon état qui faciliteraient l’accès aux marchés. Sans marchés DEMEURE fonctionnels, les exploitants agricoles ne peuvent pas écouler leurs récoltes à des prix raisonnables et, du coup, n’ont pas les revenus suffisants pour subvenir à leurs besoins alimentaires. Pour finir, notons que tous les cas de famine ces dernières années, que ce soit au Niger en 2004-2005, au Malawi en 2001-2002, ou en Éthiopie en 1999-2000, avaient pour cause essentielle une augmentation soudaine des prix des denrées alimentaires, alors que les revenus des paysans et des éleveurs avaient fortement chuté. Cela signifie que la croissance de la production agricole ne peut assurer la sécurité alimentaire que si elle permet de garantir des revenus décents aux populations rurales. Et cela passe avant tout par le développement des infrastructures rurales. ●

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


Destination

GUINÉE ÉQUATORIALE

investir au coeur du Golfe de Guinée Une situation unique en Afrique Centrale. Un potentiel pétrolier et gazier exceptionnel.

© Les Éditions du Jaguar - R. Vandermeeren

Les plus grands projets d’infrastructures de la sous-région. Des marchés en pleine croissance dans les secteurs de l’agro-industrie, de la construction, de l’immobilier, de la finance, des transports et du tourisme.

Destination GUINÉE ÉQUATORIALE


ET L’INFO DEVIENT MONDIALE www.rfi.fr


TRIBUNE

VINCENT FOURNIER/J.A.

Dov Zerah Directeur général de l’Agence française de développement (AFD).

DE

D

ICI À 2050, l’Afrique comptera près de 2 milliards d’habitants. Avec sa forte croissance démographique et l’important développement économique qu’il connaît depuis sept ans, le continent révèle un énorme potentiel. Il doit faire face à des défis tout aussi grands, qu’il faudra relever collectivement. L’Afrique va devoir nourrir 1 milliard de personnes supplémentaires d’ici à quarante ans. L’essor d’une agriculture capable de nourrir les villes et de faire vivre les campagnes est prioritaire. Avec 13 % du PIB et près de 70 % de la population active, ce secteur joue un rôle central dans les économies africaines. Il favorise la création de valeurs, la stabilisation des populations en milieu rural et la lutte contre la désertification. La productivité agricole devra ainsi progresser pour augmenter les quantités de denrées et les rendre accessibles. Cela permettra de sortir de la pauvreté des millions de petits agriculteurs, de subvenir aux besoins des populations rurales et de nourrir les habitants des villes.

TENDANCES

Plaidoyer pour le secteur privé croissance à l’Afrique, sa productivité est réduite de plus de 40 % et les populations ont trop peu accès à l’eau, aux transports ou à l’énergie. Seules 10 % des ressources énergétiques sont exploitées, alors que le potentiel du continent est immense. Les autres énergies renouvelables, comme la biomasse, la géothermie et l’éolien, restent peu explorées. Pour rattraper son retard et atteindre ses objectifs de développement au cours des dix prochaines années, l’Afrique devra dépenser 93 milliards de dollars chaque année en infrastructures, dont près de la moitié pour des dépenses d’électricité. Les États devront être en mesure de contribuer à cet effort. Les bailleurs peuvent permettre de catalyser les financements extérieurs complémentaires et indispensables à ces investissements.

Enfin, l’Afrique a fait preuve de résilience face à la crise. Contrairement aux idées reçues, le secteur privé y est structurellement dynamique et innovant. Le continent est aujourd’hui un marché prometteur et de nombreux investisseurs africains, européens et émergents l’ont compris. C’est la région du monde qui Au-delà de l’agriculture, les filières agroprésente la plus forte rémunération du capital privé. Une classe moyenne y voit le jour et, industrielles doivent être accompagnées et avec elle, un marché de consommateurs renforcées. Il est, par exemple, frappant de constater que l’Afrique dispose d’un cheptel urbains. C’est dans cet esprit que le président de la République française a lancé en février 2008 l’initiative DANS UN MONDE GLOBALISÉ, LES STRATÉGIES du Cap. Avec 10 milliards d’euros engagés sur cinq ans COOPÉRATION SONT LES SEULES GAGNANTES. pour le développement des PME en Afrique, elle permettra bovin important (9 millions de têtes au Mali d’appuyer près de 2000 entreprises africaines et de créer plus de 300 000 emplois. comme au Burkina Faso, et 3 millions au Sénégal) dont l’exploitation joue un rôle écoFace à ces nouveaux défis, l’engagement nomique et social considérable et que, dans de la France n’a jamais été aussi fort. En 2010, le même temps, on y importe de la poudre l’AFD a apporté des financements à hauteur de lait! Les marges de manœuvre sont imporde 2,2 milliards d’euros, soit une augmentation tantes pour améliorer la productivité de ce de près de 70 % en deux ans. Parallèlement, cheptel. Sur ces questions notamment, les sa filiale Proparco, dédiée au financement du bailleurs internationaux doivent travailler au secteur privé, accompagne le mouvement en niveau des communautés économiques régioaugmentant ses interventions en Afrique. nales et s’appuyer sur des structures privées D’autres acteurs, privés et publics, prennent existantes. aujourd’hui la mesure des changements à Le désenclavement du continent par la mise l’œuvre sur le continent. Nous devons jouer en place d’infrastructures est aussi un défi un rôle mobilisateur. Dans un monde globalisé, majeur à relever. Le mauvais état des équiseules les stratégies de coopération sont pements coûte chaque année deux points de gagnantes. ●

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

63


CLASSES MOYENNES Cent millions de consommateurs Au sud du Sahara, la population considérée comme « solvable » a dépensé près de 400 milliards de dollars l’an passé. Et en 2030, ce montant sera multiplié par six. Cette nouvelle clientèle est désormais la cible des multinationales. JEAN-MICHEL MEYER

I

ls étaient à peine 27 millions en Afrique subsaharienne en 1980. Leur nombre a explosé à 95 millions en 2010. Ils seront 181 millions en 2020 et dépasseront les 200 millions d’individus après 2030, selon les estimations de Proparco, la branche de l’Agence française de développement qui finance le secteur privé. « Ils » ? Les Africains des classes moyennes, bien évidemment. « Le phénomène qui est en train de se produire en Afrique s’explique à la fois par l’explosion démographique et celle de la population urbaine », analysait Luc Rigouzzo, alors directeur général de Proparco, devenu directeur de cabinet du nouveau ministre de la Coopération, Henri de Raincourt. Car n’en déplaise aux sceptiques, une classe moyenne – ou de consommateurs solvables, selon les appellations – se lève sur le continent. Et non seulement les Africains avides de consommer sont toujours plus nombreux, mais ils forment un marché de plus en plus alléchant. En 2010, ils ont dépensé 327 milliards de dollars. Population urbaine et plutôt hétéroclite concentrée dans les parties nord et sud du continent, les classes moyennes ont pour point commun de disposer d’un pouvoir d’achat

qui leur permet de financer des projets plus structurés par le recours au crédit (consommation, auto, immobilier, etc.). Elles se retrouvent principalement dans les pays aux économies diversifiées (Afrique du Sud, Maroc, Égypte, Tunisie). Et si la moitié de la population en Afrique subsaharienne survit avec 1 dollar par jour et 25 % avec 2 dollars, il se trouve que 10 % de la population dépense quotidiennement 4 dollars et 15 % au moins 10 dollars. C’est ce groupe, essentiellement basé en Afrique du Sud, qui compose les 95 millions de consommateurs solvables au sud du Sahara. Et en Afrique du Nord ils seraient plus de 35 millions à disposer d’un revenu d’au moins 400 dollars par mois. « C’est à partir de cette somme que l’on ose franchir le seuil des grandes surfaces », relève Hassen Zergouni, le directeur général du cabinet Sigma Conseil, à Tunis. CERCLE VERTUEUX. Parmi ces consommateurs « aisés »,

12 millions d’Africains consomment les mêmes produits que les Européens, avec des ressources proches du revenu moyen au Portugal et en Italie. « Ce sont les riches, explique Dominique Darbon, professeur à l’Institut d’études politiques de Bordeaux, qui mène des recherches sur les classes moyennes africaines. À côté, il y a une petite prosLa grande distribution, périté qui émerge, comparable à ce que indispensable maillon l’on a observé en Chine, en Inde ou au IMPOSSIBLE D’IMAGINER l’essor de la consommation et des classes Mexique, ajoute-t-il. Ce phénomène est moyennes sans l’arme fatale : un réseau de distribution dense visible depuis deux ans seulement. Ce et structuré. L’Afrique comble peu à peu son handicap dans sont des individus qui sont sortis de la ce domaine. Depuis cinq ans, les grandes enseignes internationales très grande pauvreté, cumulent plus’intéressent au continent. Signe de ce changement, le leader sieurs activités et dégagent un revenu mondial Walmart vient d’acquérir, en mars 2011, pour 3 milliards qui, une fois réglées les dépenses alid’euros, le troisième distributeur sud-africain, Massmart, qui exploite mentaires et de logement, est investi 290 magasins dans 13 pays du continent. C’est une première pour dans des produits plus sophistiqués l’américain dans un pays émergent. Aujourd’hui, le secteur est de santé, d’éducation, d’abonnement dominé par un autre sud-africain, ShopRite, présent dans 17 pays à l’électricité… » avec plus de 1000 points de vente. Le groupe a l’intention d’investir Garagiste à Dakar, cadre dans le quarprès de 300 millions d’euros sur quatre ans. Un dynamisme qui tier d’affaires d’Abidjan, professeur à est aussi de mise au Maghreb. Avec Carrefour (44 magasins sous Rabat ou chargé de clientèle dans une franchise en Tunisie et 23 au Maroc), d’autres acteurs comme banque de Casa, patron de PMEà Tunis, le Français Casino ou le turc BIM sont actifs. Du nord au sud fonctionnaire à Yaoundé… Qu’ils habitent dans les nouveaux immeubles de la du continent (Ghana, Nigeria, etc.) fleurissent aussi les temples de l’achat plaisir : les centres commerciaux. Inauguré à l’été 2010, banlieue de Taounate, dans un immeule centre Bab Ezzouar, à Alger, conçu et exploité par le Suisse Valartis ble du quartier de Bonanjo, à Douala, Group après un investissement de plus de 70 millions d’euros, ou la résidence Payet sur les hauteurs compte un hypermarché et 94 boutiques de marques. À Casablanca, d’Abidjan… Qu’ils se retrouvent à une le Morocco Mall, prévu pour 2011, devrait être le plus grand terrasse de café dans le quartier Ennasr à Tunis, fassent des emplettes au Sea d’Afrique avec 200 boutiques, 14 millions de visiteurs attendus et un chiffre d’affaires annuel de 440 millions d’euros. ● J.-M.M. Plaza, sur la corniche ouest de Dakar ou à Bab Ezzouar, à Alger – les nouveaux

64

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


JOAN BARDELETTI/PICTURETANK

TENDANCES AUJOURD’HUI, AU MOZAMBIQUE, un couple préfère avoir deux ou trois enfants, pourvoir correctement à leur éducation et avoir plus de moyens pour les loisirs.

centres commerciaux qui fleurissent sur le continent… Tous bassins de consommation du continent en 2020 (Alexandrie, sont gagnés par une soif de consommation. Le Caire, Le Cap, Johannesburg et Lagos) pèseront plus de Et ce n’est qu’un début, si un cercle vertueux se met vérita25 milliards de dollars, soit un volume comparable à ceux de blement en place. La jeunesse de la population – un jeune actif Bombay ou de New Dehli. Et plus d’une dizaine d’autres villes surcinqdanslemondeseraafricainen2030–etl’urbanisation africaines – Dakar, Ibadan et Kano (Nigeria), Rabat… – dépasgalopante alimentent en effet cette tendance de fond. En 2040, seront alors les 10 milliards de dollars de consommation par les citadins représenteront 53 % de la population africaine an. « Il s’agit d’un décollage économique robuste et inscrit contre 26 % en 1985. Habitant les villes, les anciens ruraux dans la durée », analyse Amine Tazi-Riffi, responsable Afrique du Nord chez McKinsey. Une tendance qui n’a pas échappé feront moins d’enfants, comme c’est déjà le cas en Tunisie, et disposeront d’un budget plus important. Les consommateurs aux marques les plus mondialisées. « C’est maintenant qu’il seront plus nombreux et concentrés, les marchés s’étendront, y a des cartes à jouer. D’ailleurs, il y a une prise de conscience les circuits logistiques et de distribution s’organiseront, les prix des produits LEUR POUVOIR D’ACHAT LEUR PERMET D’AVOIR diminueront. Avec l’arrivée massive de RECOURS AU CRÉDIT POUR FINANCER DES PROJETS. citadins, la construction de logements dynamisera le BTP, les banques se développeront,lescapitauxaugmenteront,lesservices(notamment au sein des états-majors des multinationales opérant dans l’accès au crédit) seront moins chers… Bref la modernisation les biens et les services liés à la consommation courante. de l’économie s’accélérera et la consommation explosera. Et beaucoup de nos clients américains, européens, mais aussi asiatiques ou d’Amérique latine nous interrogent sur DÉCOLLAGE ÉCONOMIQUE. SelonlesprojectionsdeProparco, la montée de cette classe moyenne sur le continent », note les classes moyennes constitueront un marché de 1760 milAmine Tazi-Riffi. Et ils reconsidèrent l’Afrique comme une liards de dollars en 2030 pour un ensemble de 243 millions terre prometteuse en termes d’investissements. de consommateurs. « Ils consommeront davantage que les En octobre 2010, le géant suédois Electrolux, numéro 300 millions de consommateurs urbains chinois connectés deux mondial de l’électroménager, a signé un accord afin d’acquérir 100 % du capital de l’égyptien Olympic Group pour à internet, qui dépensent aujourd’hui de 1 300 milliards à 340 millions d’euros (l’opération est gelée depuis la révolu1 400 milliards de dollars par an », anticipe Luc Rigouzzo. tion égyptienne). Avec 11 usines (réfrigérateurs, machines à Et d’après d’autres chiffres publiés par le cabinet américain McKinsey, les dépenses des ménages dans les cinq principaux laver, cuisinières, etc.), 7 300 salariés, et 30 % du marché ● ● ● JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

65


JOAN BARDELETTI/PICTURETANK

● ● ● national, Olympic Group, numéro un de l’électroménager en Afrique du Nord, a su profiter de l’émergence d’une classe moyenne égyptienne, qui doublera dans les dix ans pour dépasser les 15 millions de consommateurs. Même engouement dans l’alimentaire. Nestlé, qui a réalisé 2,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires sur le continent en 2009 (cubes Maggi, Nescafé, eau Pure Life, etc.), investira 1 milliard d’euros en Afrique entre 2010 et 2013, notamment dans la construction d’usines (Algérie, RD Congo, Nigeria, Angola…). « Le continent est en pleine transition, et une nouvelle catégorie de consommateurs émerge, avec de nouvelles préoccupations », justifie Frits Van Dijk, le vice-président de Nestlé en charge de l’Afrique. Son challenger mondial, Danone, n’est pas en reste. Le groupe vient d’ouvrir une nouvelle filiale au Mozambique et a repris 100 % du capital de Clover, le numéro un sud-africain des produits laitiers, une opération qui a débouché sur la création de Danone South Africa en 2010. Une tendance qui s’accompagne de la commercialisation de produits à plus forte valeur ajoutée. « La part des produits d’entrée de gamme est forte, mais avec une classe moyenne en pleine croissance, nous misons beaucoup sur une montée des produits plus sophistiqués », explique Pieter Van den Broeck, directeur de la zone Afrique et Moyen-Orient du

L’ÉMERGENCE DES CLASSES MOYENNES favorise l’implantation de supermarchés (ici en Afrique du Sud).

groupe Bic, leader sur les marchés africains des briquets, des rasoirs et des produits d’écriture. Au sud du Sahara, les ventes de rasoirs Bic à valeur ajoutée (bilames et trilames) ont doublé ces cinq dernières années. Et au Maghreb, ce sont les ventes de produits d’écriture haut de gamme qui ont progressé, selon les pays, de 5 % à 15 % en moyenne annuelle sur la même période. En Afrique comme ailleurs, le consommateur sera exigeant. ●

BANQUES Les grandes manœuvres Employés du privé, fonctionnaires, enseignants… La bataille des établissements financiers pour conquérir le grand public a commencé auprès des salariés du continent. FRÉDÉRIC MAURY

«

I

l y a dix ans, personne ne s’intéressait au grand public, lâche un banquier. Les banques ne regardaient que les entreprises et les particuliers fortunés. » C’est désormais fini. Selon une étude de Bain & Company pour Reuters, si le secteur va croître de 15 % par an en Afrique d’ici à 2020, c’est en grande partie grâce au développement du segment « grand public », plus que par l’augmentation de l’activité auprès des entreprises. L’assertion peut paraître surprenante. Comme partout dans le monde, le marché des particuliers sur le continent est un segment bien moins rentable que les activités spéculatives des banques d’investissement, plus complexe à gérer et à pénétrer que celui des entreprises notamment. Mais il a pourtant la cote. Et c’est sans doute la preuve que l’époque où les banques étaient réservées à une minorité s’achève en Afrique. C’est après tout une simple question de mathématiques: des centaines de millions d’Africains n’ont toujours pas de compte alors que le potentiel de développement des entreprises locales et multinationales est déjà largement servi par les organismes financiers, notamment les groupes étrangers. Mais c’est aussi 66

la conséquence d’un changement culturel : le lent recul des établissements bancaires étrangers, notamment français, et l’émergence rapide de groupes panafricains ont changé l’intensité concurrentielle, mais aussi la façon d’appréhender le grand public. Marketing oblige, les banques ne parlent plus que de « mobile banking » (banque par téléphone) tandis que les consultants évoquent le formidable potentiel de « bancarisation » dans les campagnes. À LA CONQUÊTE DES PARTICULIERS. Mais la bataille a

commencé ailleurs : dans les couloirs des entreprises, ceux des hôpitaux ou des écoles, pour la conquête des fonctionnaires, des salariés du privé, des agents du corps diplomatique… Chaque pays d’Afrique subsaharienne francophone compte quelques dizaines de milliers de fonctionnaires et autant de salariés du privé. Un chiffre qui cache une réalité non négligeable : cette clientèle touche un salaire régulier et peut donc s’endetter pour acheter une voiture, de l’électroménager… Du côté des banques, on confirme ce vif intérêt. « Selon le McKinsey Global Institute, l’Afrique ● ● ● JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


Always Caring for You


TRIBUNE

ALAIN GRIMARD

Défis et opportunités de l’urbanisation Alioune Badiane Directeur régional pour l’Afrique et les pays arabes d’ONU-Habitat.

E

N 2010, L’AFRIQUE A DÉPASSÉ le milliard d’habitants, dont 410 millions (soit 41 %) vivent dans des zones urbaines. Alors qu’il a fallu vingt-sept ans au continent pour voir sa population doubler de 500 millions à 1 milliard, le prochain demi-milliard devrait intervenir en dix-sept ans seulement. Le total de sa population passera à 2 milliards vers 2050, dont 60 % vivront dans les villes. La question est de savoir comment gérer cette croissance et transformer l’urbanisation comme force motrice du développement. Au début des années 2040, la population des villes africaines passera à 1 milliard. Comme les villes sont destinées à accueillir la majorité des Africains, c’est aujourd’hui qu’elles doivent investir dans les infrastructures de base, les services sociaux (santé et éducation) et l’habitat, ce qui aurait pour effet supplémentaire de stimuler leur propre économie et de créer des emplois. Retarder ces dépenses est hors de question. Il n’est pas un seul gouvernement en Afrique qui puisse se permettre de faire comme si la transition urbaine accélérée en cours n’existait pas. Le risque d’instabilité et la violence sociale qui accompagneraient ce retard seraient un péril certain pour le continent !

la pauvreté urbaine et les conditions d’habitat et, enfin, la gestion des marchés fonciers urbains. Les villes-régions, couloirs urbains de développement et mégarégions urbaines continuent de faire leur apparition et deviennent de plus en plus visibles à travers toute l’Afrique. Leurs caractéristiques spatiales et fonctionnelles appellent de nouvelles méthodes de gestion urbaine afin d’assurer une gouvernance homogène de ces territoires. Des réformes de grande ampleur sont également indispensables à la fourniture d’un habitat bon marché, de services et d’infrastructures efficaces, qui soient à l’échelle des besoins de ces concentrations urbaines en pleine expansion.

L’Afrique dans son ensemble a démontré, ces dernières années, que l’on peut s’attaquer aux taudis et bidonvilles de manière efficace, puisque 24 millions de pauvres ont vu leurs conditions de vie s’améliorer entre 2000 et 2010. Ces progrès ont toutefois été très inégaux sur le continent. L’Afrique du Nord a réussi à faire reculer entre 13 % et 20 % la part des habitants des taudis et bidonvilles dans sa population urbaine. L’Égypte, le Maroc et laTunisie ont le mieux réussi à cet égard.Toutefois, au Sud du Sahara, le nombre d’habitants des bidonvilles n’a baissé que de 5 %, le Ghana, l’Ouganda et le Sénégal se LES VILLES DOIVENT DEVENIR DES DOMAINES situant au premier rang avec des réductions de plus de 20 % PRIORITAIRES POUR LES POLITIQUES PUBLIQUES. chacun. Il reste beaucoup à faire en matière de lutte contre la Les villes doivent devenir des domaines pauvreté, qui constitue une lourde menace prioritaires pour les politiques publiques, avec pour la stabilité des villes. les investissements voulus pour mettre en De par leurs modes de fonctionnement, les place de bonnes structures de gouvernance, marchés fonciers urbains empêchent l’accès une fourniture équitable de services, des au sol de la majorité des citadins dans toute logements d’un coût abordable et une meilleure l’Afrique. Pour mettre un terme à cette situation distribution des fruits de la croissance et de génératrice d’exclusion, les gouvernements la prospérité. Si les villes doivent pourvoir à doivent réformer les systèmes d’administration ces besoins, il faut renforcer leur situation foncière urbaine, qui se caractérisent par leur financière en leur donnant une plus grande inertie, leurs délais excessifs, leurs procédures pesantes et complexes ainsi que la corruption liberté en matière de fiscalité ainsi que des qui leur est associée. ressources propres dans une politique de L’urbanisation de l’Afrique est à la fois défi décentralisation concertée entre les villes et et opportunité. Elle sera, dans les années à les États. Trois questions fondamentales venir, au centre de la question du développedevront faire l’objet d’une attention particument durable du continent. ● lière : les nouvelles configurations urbaines,

68

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


● ● ● a désormais davantage de foyers disposentpasd’unréseausuffisamment appartenant à la classe moyenne (défidense.Tournéepresqueessentiellement nis comme des foyers disposant de vers les entreprises, avant son rachat revenus supérieurs à 20000 dollars par début 2009 parun investisseur financier, an, soit 13 800 euros) que l’Inde, se Financial Bank ne compte ainsi que réjouit Patrick Akinwuntan, directeur quelques agences par pays, même si de la banque de détail au sein du groupe elle prévoit d’en ouvrir de nouvelles. Ecobank. Cette classe moyenne forme Les établissements les mieux installés une part considérable de notre base ont à ce titre un sérieux avantage qui de clients et est le nouveau carburant leur permet de se concentrer sur l’offre de produits et la différenciation. de la croissance domestique. » Une profession de foi que peu de banquiers africains renieraient. CAP SUR LES COMMISSIONS. Depuis la montée en puissance des Inexistante il n’y a pas si longtemps, groupescommelenigérianUnitedBank la panoplie de produits est désormais for Africa ou le marocain Attijariwafa presque la même partout : compte Bank, la concurrence se fait de plus en courant avec carte bancaire, compte plus acharnée pour la conquête des d’épargne, prêts pour s’équiper ou particuliers. Il faut dire que, notamment acheter une voiture, crédits immobipour le second, ces groupes ont acquis liers, transferts d’argent, avances sur dansleurspaysd’origineuneexpérience salaire… Les plus en pointe tentent réelle dans le domaine avec une double également de donner la possibilité à la stratégie : densification importante du classe moyenne d’investir en Bourse, réseau d’agences et modernisation de via des fonds. Avec des subtilités selon l’offre. Un cocktail qui les différencie les pays. Certains comptent réellement assez nettement des sociétés françaiune classe moyenne importante ou ses : ni BNP Paribas, ni Société générale, qui FONCTIONNAIRES ET SALARIÉS figurent pourtant parmi DU PRIVÉ TOUCHENT UNE PAYE les principales banques de détail en France, RÉGULIÈRE ET PEUVENT DONC n’ont réellement joué S’ENDETTER. ce jeu en Afrique. Elles préfèrentlefinancement du commerce, des campagnes agricoles en croissance ; c’est le cas du Nigeria, ou des multinationales. Face aux succès évidemment, mais aussi du Kenya, du de leurs concurrentes, elles commenGhana, de la RD Congo, du Gabon ou cent tout juste à en faire un sujet de de la Côte d’Ivoire. Beaucoup moins communication. La conquête de la celui du Sénégal, où les banques ciblent classe moyenne n’en reste pas moins davantage le segment des nationaux particulièrement difficile: disposer d’un établis à l’étranger, tout comme au Mali réseau d’agences dans les principales et au Niger… Une fois le client acquis, il villes est nécessaire, mais nullement fautlerentabiliser.EtenAfrique,comme suffisant. « C’est une clientèle générapartoutailleurs,labanquededétailreste lement captive car endettée, explique peu rentable. La marge que gagnent les Patrick Mestrallet, président-directeur établissements sur les taux d’intérêt général du groupe Financial Bank et (la différence entre le taux des crédits banquierexpérimentépuisqu’iladirigé, qu’ils accordent et le taux auquel euxdurant de longues années, l’un des mêmes empruntent cet argent) n’est premiers établissements sénégalais pas énorme. Elle reste de surcroît très (aujourd’hui CBAO Attijariwafa Bank). dépendante des cycles économiques Le mieux est donc de travailler directeet, surtout, elle est amenée à baisser ment avec les entreprises, les casernes du fait de la concurrence. Les bande pompiers, les hôpitaux, les fédéraquiers africains mettent donc le cap sur tions d’enseignants avec deux objectifs. les commissions bancaires, bien plus Tout d’abord, obtenir la domiciliation rentables. En offrant de plus en plus de des salaires dans notre établissement produits qui en génèrent, par exemple et ensuite, faire des offres dédiées aux dans le domaine de l’assurance. Mais employés. » En d’autres termes, approégalement dans le mobile banking, le cher cette clientèle en bloc plutôt qu’au transfert d’argent entre pays africains, cas par cas. Dans l’ensemble, les challes cartes bancaires internationales et lengeurs n’ont guère de choix, car ils ne les offres packagées. ●

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


Ð LA HAUSSE

DU COURS DE L’OR

SVEN TORFINN/PANOS-REA

a entraîné la réouverture de mines en Afrique du Sud. Un pays producteur de plus en plus concurrencé.

MINES La ruée vers l’Ouest Poussées par la hausse des prix des minerais, les majors affluent pour exploiter les gisements du continent. Le sous-sol ouest-africain, riche en fer et en or, suscite bien des convoitises. CHRISTOPHE LE BEC

A

lors que 30 % des réserves du globe sont situées en Afrique, le continent ne pèse que 10 % de la production minière mondiale et ne capte que 5 % des investissements du secteur. Jusqu’en 2005, l’Afrique australe et l’Afrique centrale étaient les principales régions destinataires de ces investissements sur le continent. Mais depuis, les flux se sont à la fois intensifiés et diversifiés. « Le nombre de miniers australiens actifs en Afrique a plus que triplé en cinq ans, avec des investissements atteignant 14,3 milliards d’euros en 2010, répartis dans près de 600 projets miniersàtravers42paysafricains,etplusseulementenAfrique du Sud ou en RD Congo », indiquait, en février 2011, la hautcommissaire australienne pour l’Afrique Ann Harrap, dont le pays est l’un des plus actifs du secteur sur le continent. Profitant de ce contexte, les mines d’Afrique de l’Ouest se sontconsidérablementdéveloppées.«Cequevitactuellement la région est comparable à ce qu’a connu le nord-ouest de l’Australie au début des années 1970: l’amorce d’un boom minier, expliquait, début 2011, Frank Timis, président d’African Minerals, actif en Sierra Leone, en Guinée et au Burkina Faso. La région recèle des gisements de fer, d’or, de cuivre, de bauxite et de manganèse non exploités. Un potentiel exceptionnel par rapport aux réserves mondiales disponibles, alors même que la demande pour ces matières premières explose, dopée par l’industrialisation accélérée de l’Asie. En outre, la proximité de la zone avec l’Europe est un atout majeur pour la région, car il coûte beaucoup moins cher d’y faire venir du minerai d’Afrique de l’Ouest que d’Océanie ou d’Amérique du Sud. » 70

Autre phénomène qui joue en faveur de l’Afrique de l’Ouest: la volonté des grands miniers de diversifier leur portefeuille de gisements. Les groupes présents en Afrique du Sud ont été touchés en 2010 par des coupures électriques et des mouvements sociaux à répétition; ceux implantés en RD Congo ont étééchaudés parlarévisiondes contrats miniers. Ils ne veulent plus mettre tous leurs œufs dans le même panier. Et parmi les ressourcesnaturellesprésentesdanslesous-solouest-africain, deux suscitent toutes les convoitises: le fer et l’or. MÉGAPROJETS. Dans la filière du fer, l’Afrique du Sud et la Mauritanie occupent encore les deux premiers rangs à l’échelle du continent avec des productions moyennes de, respectivement, 41 millions et 11 millions de tonnes annuelles. Mais à l’avenir, la Guinée et la Sierra Leone pourraient bien leur ravir la vedette avec leurs réserves faramineuses estimées entre 10 et 20 milliards de t de fer. En 2010, ce sont pas moins de 6,5 milliards d’euros d’investissements qui ont été annoncés pour l’exploitation des gisements de fer en Guinée, Sierra Leone, Liberia et Côte d’Ivoire, notamment, par les majors comme Rio Tinto, BHP Billiton et Vale, appuyées par des sidérurgistes asiatiques comme Chinalco, Tata Steel ou Shandong Iron and Steel. Derrière cette multiplication des projets, la hausse du cours du fer, qui a plus que doublé en cinq ans, dopé par la demande des aciéries chinoises, dont la production annuelle est passée de 400 millions à 600 millions de t sur la même période. Les groupes, qui jugeaient prohibitifs les coûts logistiques d’exploitation des gisements ouest-africains, sont désormais JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


Devenez notre partenaire EXCLUSIF sur VOTRE pays et déployez une méthode de consulting unique et innovante ! Cette méthode (amélioration de performances) qui repose sur une démarche et un ERP gratuit pour l’entreprise est déjà diffusée avec succès à travers l’Europe. Informations Contact : Frédéric SALINI E-mail : contact@lmd-developpement.ma Tél : +33.180.92.51.70 Site : www.lmd-developpement.fr

TENDANCES

2008, l’once atteignait 1425 dollars à la mi-mars 2011, poussée prêts à dépenser des milliards d’euros (12,9 milliards pour par l’augmentation des réserves des banques chinoises, le Rio Tinto en Guinée, selon la banque d’investissements boom de la joaillerie asiatique, mais aussi par la crise, qui a JP Morgan) dans des voies ferrées minières, telle celle de près de 1000 km reliant les gisements du Simandou et Conakry, renforcé son rôle de valeur refuge. Jugés jadis trop chers à exploiter par rapport à leurs concuren Guinée; ou encore dans des aménagements portuaires rents sud-africains, les gisements du Mali, du Burkina et de gigantesques, comme celui prévu au sud de Freetown, en Sierra Leone. « Demain, on pourra comparer le fer guinéen au la Côte d’Ivoire ont dorénavant la cote auprès des opérapétrole nigérian, en termes d’apport à l’économie nationale », teurs. « Nous apparaissons désormais sur la carte minière s’exclamait, fin juin 2010, Mahmoud Thiam, alors ministre du monde », se félicitait, en 2010, le ministre burkinabè des guinéen des Mines, plein d’espoir sur les revenus dégagés par Mines, Abdoulaye Abdoulkader Cissé, dont le pays est passé le démarrage de ces exploitations. Reste à savoir si ces mégaprojets, LA RÉGION VIT ACTUELLEMENT CE QU’A CONNU annoncés à grand renfort de publicité LE NORD-OUEST DE L’AUSTRALIE AU DÉBUT en 2010, verront tous le jour, survivront DES ANNÉES 1970 : L’AMORCE D’UN BOOM. aux aléas politiques (une révision des contrats miniers en Guinée était en cours début 2011) et profiteront au plus grand nombre. Et si de 2 t d’or produites en 2005 à près de 22 t en 2010. Entre les pays concernés par cette aubaine sauront éviter l’écueil 2003 et 2009, le Burkina a attribué 599 titres d’exploration ou de la monoactivité. d’exploitation à des miniers, et cinq mines d’or sont entrées en production entre 2008 et 2010. La zone sud-ouest du pays est ZONES PROMETTEUSES. Dans la filière aurifère aussi, la jugée aussi prometteuse que les régions aurifères voisines du Mali et du Ghana. Elle devrait donc encore se développer dans donne change. En Afrique de l’Ouest, le Ghana, nommé « Gold Coast » sous le joug colonial anglais, n’est plus la seule les prochaines années. Quant au Mali, troisième producteur destination des grands producteurs d’or comme Randgold ou africain d’or avec 53 t produites en 2010 (deux fois plus qu’en AngloGold Ashanti. Le pays reste le principal producteur de 2000), là aussi les investisseurs sont au rendez-vous. La mine la sous-région avec 100 t extraites en 2010, mais la hausse de de Loulo, gérée par Randgold depuis 2008, devrait augmenter l’once d’or a entraîné une diversification du portefeuille de encore sa production: sur ce seul gisement, 12 t d’or devraient gisementsdesprofessionnels.Alorsqu’ellevalait750dollarsfin être extraites en 2011, contre 8 t en 2008. ●


JEUNEAFRIQUE.COM

DÉSORMAIS SUR VOTRE MOBILE

Le nouveau

jeuneafrique.com iPhone / iPad App TM

TM

Téléchargez l'application gratuitement dès

aujourd'hui sur l'apple store

ou visitez jeuneafrique.com/i-phone pour plus d'information


TÉLÉCOMS Pourquoi l’Afrique n’est pas encore connectée JULIEN CLÉMENÇOT

A

JOSEPH OKANGA/REUTERS

vec 10,9 % d’internautes en 2010 (110,9 millions africaines. Et jusqu’à 2 000 euros et plus lorsqu’il s’agit de personnes), le continent fait figure de cande connecter une zone enclavée grâce au satellite. Des cre à l’ère du numérique. Il arrive bon dernier, tarifs prohibitifs dus, avant tout, à un défaut de raccorderrière l’Asie (21,5 %) et l’Amérique du Sud dement du continent au reste du monde. Jusqu’en 2009, seul le câble SAT3, contrôlé par France Télécom, reliait, (34,5 %). Et que dire de la situation de pays comme le Bénin (2,2 %), le Burkina (1,1 %) ou le Niger (0,7 %), dont à l’ouest, la côte africaine à l’Europe. Mais la situation a la performance frôle la note éliminatoire ? beaucoup évolué. Les câbles Glo-1, Main One et Wacs Plusieurs raisons expliquent le retard africain dans (West African Cable System) raccordent désormais le l’adoption d’internet. D’abord, il y a le prix de la bande Vieux Continent à l’Afrique, alors qu’en 2012 le projet passante, c’est-à-dire le droit à acquitter pour Africa Coast to Europe (ACE) devrait à son utiliser les autoroutes de l’information. En tour être opérationnel. De 340 gigabits par Æ Installation Afrique, il demeure dramatiquement élevé. seconde, la capacité de connexion passera à d’un CÂBLE DE FIBRE Pour une capacité de 1 mégaoctet, équivalent l’échelle du continent à 20 térabits par seconde, OPTIQUE entre les à environ 200 utilisateurs haut débit, il en soit soixante fois plus. Émirats arabes coûtera environ 20 euros en Europe quand le Mais loin d’établir un maillage rationnel, ces unis et le Kenya (ici à Mombasa). prix atteint entre 500 et 750 euros sur les côtes investissements largement financés par ● ● ●

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

73

TENDANCES

Le continent demeure bon dernier dans le classement mondial des utilisateurs d’internet. Mais de nombreux indices indiquent qu’il pourrait rattraper en partie son retard.


● ● ● les opérateurs sont cependant encore mis en œuvre dans une logique de comptoirs. Il n’existe pas de concept de réseau continental. Ainsi, parce que France Télécom lui fait payer le prix fort, l’opérateur Maroc Télécom tire actuellement ses propres câbles à partir du Maroc pour raccorder ses filiales mauritanienne, burkinabè et malienne.

proximité pour rentabiliser ses activités africaines. Et pense y parvenir d’ici trois à quatre ans (lire encadré). Une perspective de plus en plus vraisemblable, si l’on en juge par la percée du téléphone portable comme moyen d’accès à internet. Dans une étude publiée en février, Guy Zibi, patron du cabinet AfricaNext, révèle que « 35 millions d’utilisateurs de mobiles sur le continent se serviraient déjà de leurs terminaux pour échanger des données, dont la moitié à partir d’un smartphone ». D’après lui, leur nombre devrait atteindre 100 millions d’ici à 2015. L’usage du téléphone portable pour aller sur le web se développe pour au moins deux raisons. Premièrement à cause de son prix, à partir de 70 euros pour un mobile permettant, outre ses fonctions de base, de surfer sur le

RÉPONDRE À UN BESOIN LOCAL. L’autre obstacle à la création rapide de réseaux au-delà des zones côtières tient, dans certains cas, à la faible rentabilité de ces investissements pour les opérateurs télécoms et, dans d’autres, au monopole conservé par les États pour la construction de tronçons terrestres en fibre optique. Ainsi, au Cameroun, l’opérateur public Camtel est encore le seul à pouvoir étendre ce type de LE CHEMIN À PARCOURIR POUR DÉMOCRATISER réseau haut débit. Un droit régalien L’ACCÈS AU WEB EST ENCORE LONG. revendu chèrement aux compagnies privées. L’accès au web reste d’autant plus onéreux que les réseaux entre eux ne sont pas toujours Net. Ce alors qu’aucun fabricant informatique ne réussit correctement interconnectés. Au point qu’un e-mail a à proposer d’ordinateur à des prix attrayants pour le toutes les chances de transiter par l’Europe ou les Étatsmarché africain. Deuxièmement, parce que le mobile Unis pour passer d’un pays africain à un autre. est plus facile d’emploi qu’un PC. Sur un continent où Autre argument qui plaide pour une amélioration de le taux de scolarisation reste limité et présente de fortes la connectivité internationale : l’immense majorité des disparités suivant les pays, le niveau d’éducation a longcontenus consultés par les Africains sont encore hébergés temps représenté un obstacle majeur au développement hors du continent. Mais là aussi les choses évoluent. Une des technologies de l’information. étude, réalisée par le cabinet de consulting Balancing La fracture numérique serait donc en cours de réduction. Act et publiée en janvier 2011, a permis d’identifier plus Mais, exception faite du Nigeria (28,9 % d’internautes), d’une centaine de centres de stockage informatique en de l’Égypte (21,2 %), de la Tunisie (34 %) ou du Maroc Afrique. Bien plus que ce qui est habituellement avancé. (33 %), le chemin à parcourir pour démocratiser l’accès « Cela signifie que de plus en plus d’entreprises présentes au web en Afrique est encore long. Un retard qu’il faut en Afrique hébergent leurs données sur le continent », absolument combler si les États veulent à leur tour en explique Sylvain Belêtre, de Balancing Act. tirer un bénéfice économique. Toutefois, la production de contenus et d’applications CRÉATEUR DE RICHESSES. Car ce décalage n’est mal100 % africains est encore très limitée. Ce serait, selon heureusement pas sans conséquence. Il ampute consil’américain Google, l’une des raisons principales du dérablement la croissance économique du continent. manque d’attractivité du web pour les populations subAinsi la plupart des pays africains se privent de facto sahariennes. Car si elle donne accès au monde entier, l’utilisation d’internet répond souvent à un besoin local : d’un secteur, celui des nouvelles technologies, qui est créateur de richesses. Notamment dans le domaine des consulter des horaires d’ouverture d’une banque, repérer un itinéraire, prendre connaissance de l’actualité natioactivités de téléservices (centre d’appels notamment) ou nale… Si le cas est grave, il n’est cependant pas désespéré. de l’informatique. Le business des applications généreLa firme américaine compte bien jouer la carte de la rait, en 2011, 15 milliards de dollars de revenus, selon Google. Preuve du potentiel économique Google et les dernières frontières du web, d’après une étude du cabiEN 2010, Google a vu les requêtes provenant d’Afrique subsaharienne net américain McKinsey & Company augmenter de 50 % sur son moteur de recherche. Attaché à faire tomber publiée en 2010, internet serait ainsi les dernières frontières du Net, la firme de Mountain View participe à l’origine de 25 % de la croissance activement à ce rattrapage. Ainsi tous ses bureaux permanents, de française. Une contribution qui Nairobi, Lagos ou Dakar, aident à la formation des futurs acteurs du devrait doubler d’ici à 2015. Mais web, qu’ils se trouvent dans les universités, au sein des communautés au-delà des infrastructures réseaux, de développeurs informatiques ou dans les organes de presse, en du prix d’internet et des terminaux, les dotant en matériel ou en les sensibilisant à l’utilisation de ses les États africains devront relever un applications. Selon son représentant au Sénégal,Tidjane Deme, autre défi pour réellement en profiter : « une information est deux fois plus pertinente pour un internaute développer sur leurs territoires des si elle est géolocalisée » grâce au logiciel Google Map. Résolument compétences dans le domaine des optimistes, les experts estiment que le géant californien pourrait TIC. Et force est de constater qu’en transformer l’Afrique en marché rentable pour ses affaires dès 2014. ● dehors du Maghreb, de l’Afrique du J.C. Sud ou du Kenya, là encore un long chemin reste à parcourir. ● 74

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


’ J'ai besoin d'une disponibilite‘ 24h/247j/7 et d'un systeme de refroidissement de datacenter redondant qui ne ruine pas mon budget !

‘ L'informatique me depasse ! J'ai besoin d 'une solution de ‘ datacenter facile a’ gerer , ‘ de la conception au deploiement !

Mon activite‘ et mes installations informatiques ‘ ’ evoluent ! J'ai besoin des aujourd'hui d'alimentation et de refroidissement pour 10 nouveaux serveurs !

Faites enfin évoluer votre datacenter au rythme de votre entreprise !

Seule l'architecture InfraStruxure offre le triple avantage d'une disponibilité 24h/24, 7j/7 et 365j/an , d'une grande rapidité et d'économies liées à l'efficacité énergétique Présentation de l'architecture InfraStruxure nouvelle génération

Quel que soit le domaine de croissance de votre entreprise (développement des ventes ou accroissement des effectifs du personnel), vous devez vous assurer que votre datacenter ne représentera pas une entrave à cet essor, mais qu'au contraire, il le favorisera. Bien trop souvent, pourtant, les entreprises se sentent freinées par les capacités limitées de leurs infrastructures et systèmes informatiques. L'espace restant dans les baies est-il suffisant pour accueillir de nouveaux serveurs ? La capacité d'alimentation résistera-t-elle à de plus grandes charges informatiques ? Aujourd'hui, APC by Schneider Electric™ vous aide à répondre à ses questions primordiales grâce à son architecture de datacenter ultra-performante, évolutive, complète et reconnue : InfraStruxure™.

InfraStruxure rime avec business !

Croissance de l'entreprise Evolutivité du datacenter Années

Quand InfraStruxure rime avec business !

Lorsque nous disons qu'un datacenter équipé de l'architecture InfraStruxure rime avec business, que cela signifie-t-il concrètement pour vous ? La réponse est simple. Un datacenter est un atout pour votre entreprise si : il est disponible 24h/24, 7j/7 et 365/an et offre un rendement toujours optimal, il est capable de s'adapter à la vitesse d'évolution de votre entreprise sans perdre en efficacité énergétique, de la planification au fonctionnement, et si il est capable d'évoluer au même rythme que votre entreprise elle-même. Par ailleurs, InfraStruxure est une solution intégrée qui peut être conçue dès le départ selon vos besoins exacts, puis adaptée selon l'évolution future de ces derniers.

La triple promesse du déploiement d'InfraStruxure

InfraStruxure s'inscrit dans notre triple engagement de qualité, qui garantit une disponibilité maximale, de rapidité, qui garantit une adaptabilité simple et efficace aux besoins informatiques, et d'économies liées à l'efficacité énergétique. Comment mieux favoriser vos activités qu'en vous garantissant qualité, rapidité et économies, le tout via une seule et même solution ?

Disponibilité : 24h/24, 7j/7 et 365 jours/an grâce à une alimentation critique de premier ordre via des unités de distribution modulaires emboîtables, un refroidissement de précision et un logiciel de surveillance proactif. Rapidité : déploiement simple et rapide grâce à des composants système compatibles prêts à l'emploi et un système adaptable, quelle que soit la vitesse d'évolution de votre activité.

Efficacité : réalisez d'importantes économies d'argent et d'énergie grâce à des solutions de pointe, notamment les inverseurs 3 positions des onduleurs et les ventilateurs à vitesse variable des unités de refroidissement. Facilité de gestion : les logiciels de gestion InfraStruxure vous permettent de voir et de gérer les niveaux de capacité et de redondance en termes de refroidissement, d'alimentation et d'espace pour un fonctionnement optimal de vos datacenters. Souplesse : grande flexibilité grâce à la compatibilité multi-

constructeur des armoires et à l'évolutivité du système tant en termes d'alimentation que de refroidissement.

Téléchargez gratuitement le livre blanc de votre choix dans les 30 prochains jours et gagnez peut-être un PC touch screen Lenovo® all-in-one ! Connectez-vous sur www.apc.com/promo et saisissez le code clé 88723t Tél. (+213)-21-38-73-81/82/83 • Fax (+213)-21-38-76-79 ©2011 Schneider Electric. Tous droits réservés. Schneider Electric, APC, et InfraStruxure sont la propriété de Schneider Electric Industries SAS ou de ses filiales. Toutes autres marques sont la propriété de leurs détenteurs respectifs. • APC France sas chez Schneider Electric, 2 bis, Route d’Ouled Fayet, Dely Ibrahim, Alger • 998-3811_FR


TRANSPORT AÉRIEN Un ciel très convoité

Asky Airlines, Air Mali, Air Burkina, Air Ivoire, Sénégal Airlines… Pas moins de cinq compagnies se livrent désormais une rude bataille pour gagner des parts de marché en Afrique de l’Ouest. STÉPHANE BALLONG AVEC BAUDELAIRE MIEU, À ABIDJAN

L

SEYLLOU DIALLO

e 25 janvier 2011, Sénégal Airlines a enfin décollé. Plus d’un an après l’annonce de sa création, l’un de ses deux Airbus A320 a relié Dakar à Conakry pour un premier vol commercial. Outre la capitale guinéenne, Banjul, Ouagadougou, Bamako, Abidjan et Nouakchott constitueront le réseau initial du successeur d’Air Sénégal International (ASI). Ce retour d’une compagnie sénégalaise dans le ciel africain, après l’arrivée un an plus tôt d’Asky Airlines, basée à Lomé (Togo), porte à cinq le nombre de transporteurs opérant en Afrique de l’Ouest. Ce qui laisse présager une concurrence féroce. Avant même l’envol du nouveau transporteur, ses promoteurs disaient vouloir en faire une référence dans la sous-région en s’appuyant, notamment, sur son partenariat avec Emirates Airlines. Et c’est au Suisse AIR MALI ET Edgardo Badiali, ancien cadre de PARIS POUR Swissair nommé directeur général de Sénégal Airlines en mai 2010, que revient cette lourde mission. Pour lui faciliter la mise en orbite de la nouvelle compagnie, les autorités sénégalaises ont toutefois pris un certain nombre de mesures. Début janvier, un peu plus de deux semaines avant le lancement de Sénégal Airlines, doté d’un capital social de 17 milliards de F CFA (25 millions d’euros), Dakar a interdit à Brussels Airlines la desserte de toute autre destination sous-régionale en vol continu à partir de sa capitale. « Toute liaison entre la capitale belge et d’autres destinations africaines en passant par Dakar constitue en réalité un détournement de trafic et donc une concurrence déloyale au détriment de Sénégal Airlines et de toutes les

autres compagnies aériennes africaines », a expliqué le ministère sénégalais du Transport aérien. Dakar a indiqué vouloir se conformer à la décision de Yamoussoukro, « qui prône le renforcement de la coopération entre les compagnies aériennes africaines et la nécessité de les préserver d’une concurrence déloyale ». ARRANGEMENTS ENTRE AMIS. Pourtant, des transporteurs

africains sont eux aussi victimes de ce protectionnisme. Asky Airlines, qui a démarré ses activités en janvier 2010 et qui a entamé des démarches pour l’obtention d’un droit de trafic au Sénégal, attend toujours une réponse… Basée à Lomé et détenue à hauteur de 25 % par Ethiopian Airlines, la compagnie est justement considérée comme

AIR BURKINA ONT CESSÉ DE DESSERVIR SE CONCENTRER SUR LE RÉSEAU LOCAL. une sérieuse concurrente de Sénégal Airlines dans la sousrégion. En 2010, Dakar a même déposé une plainte auprès de la Cour de justice de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) pour contester l’accord de siège entre le Togo et Asky Airlines. Dakar jugerait déloyales les exonérations fiscales dont bénéficie la compagnie en raison de son immatriculation comme une société relevant de la zone franche togolaise. Le transporteur sénégalais entend bien rattraper l’avance prise, en un an d’activité, par son concurrent basé au Togo : il prévoit de transporter au total quelque 350 000 passagers d’ici à la fin de 2011. Soit autant que les estimations d’Asky Airlines qui, lors de sa première année d’activité, avait accueilli environ 180 000 voyageurs. Pour y parvenir, Sénégal Airlines affirme miser sur la qualité du service et sur la possibilité de vols directs, quand la majorité des transporteurs régionaux proposent des vols avec plusieurs escales. « En évitant les étapes multiples, on réduit le risque de retard ou les problèmes opérationnels dans des zones où il est parfois difficile de disposer d’une assistance technique », Ý Les équipes de Sénégal Airlines préparent l’Airbus A320 pour son PREMIER VOL reliant Dakar à Conakry, le 25 janvier.

76

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


TENDANCES

avait expliqué Edgardo Badiali à Jeune L’Afrique centrale en ligne de mire Afrique en janvier. Reste que, pour l’heure, le transporteur sénégalais ne dispose que de deux avions quand LA SOCIÉTÉ CAMAIR-CO est entrée le 28 mars 2011 en phase son concurrent togolais en possède d’exploitation avec deux appareils: un Boeing 767-300ER (210 places) déjà quatre (trois Boeing 737 et un et un B737-700 (128 places). Elle desservira les villes de Douala, Dash 8). Mais Sénégal Airlines attend Yaoundé, Garoua et Maroua au Cameroun, ainsi que N’Djamena et un troisième appareil d’ici au mois Paris. Son directeur général, le Néerlandais Alex Van Elk, compte de juin et aurait repris les discussions séduire 400000 passagers d’ici à la fin de l’année. Société à capitaux avec l’avionneur européen Airbus publics, elle s’est fixé comme objectif de devenir rentable d’ici à trois pour une commande de six aéronefs. ans, avant d’envisager d’entrer en Bourse ou de faire appel à des Montant annoncé de l’opération : plus investisseurs privés. Camair-Co est le produit d’un partenariat entre de 500 millions d’euros. l’État camerounais et Lufthansa Consulting. La compagnie emploie Face à la montée de ces deux nouactuellement 330 personnes et prévoit de porter ce chiffre à 450. velles compagnies, Air Mali et Air Autre projet en gestation, Air Cemac pourrait encore prendre Burkina, détenues à 51 % chacune du retard. Le sort de la future compagnie, créée en 2001 par les chefs par le fonds Aga Khan, au sein du d’État de la Communauté économique et monétaire d’Afrique groupe Celestair (avec Air Ouganda), centrale, dépend de ses actionnaires. Les six États membres ont ont revu leur stratégie pour préserver approuvé ses statuts, mais n’ont pas tous débloqué leur participation leurs parts de marché, voire les accroîà l’actionnariat. À la fin de mars 2011, seul le Congo-Brazzaville avait tre. En décembre 2010, soit quelques signé son chèque de 10 milliards de F CFA. Air Cemac pourrait mois après son homologue malien, Air démarrer ses activités en septembre prochain en partenariat avec Burkina a conclu avec le français Aigle South Africa Airways, qui financerait 60 % du projet. Et fournirait les Azur un contrat de représentation S.B. premiers aéronefs de la compagnie. ● réciproque qui permet au burkinabè de commercialiser les vols d’Aigle Azur entre Ouagadougou et Paris. Inversement, la compagnie Sur l’aéroport international d’Abidjan, le trafic passager française vend à Paris les destinations africaines du réseau a diminué de moitié, faisant perdre de facto 50 % de part des deux transporteurs burkinabè et malien. de marché au transporteur. Pourtant, ce hub représente Dans les faits, les deux compagnies ont arrêté les liaisons 60 % de son volume d’affaires. « Les voyagistes et les entre leur capitale respective et Paris, au bénéfice d’Aigle compagnies aériennes ont évité au maximum l’aéroport Azur, pour se concentrer sur leur réseau sous-régional. Air d’Abidjan comme zone de transit », estime un dirigeant de Mali et Air Burkina comptent chacune une quinzaine de la compagnie. Faute de trésorerie, Air Ivoire a suspendu destinations régionales. Cet accord avec Aigle Azur devrait les dessertes de Cotonou, Bamako et Lomé, où les dettes permettre au groupe Celestair de faire de substantielles de manutention et de ravitaillement en kérosène se sont économies et d’accroître le nombre de ses passagers. Tout accumulées. Le transporteur, qui doit plus de 30 milliards en faisant baisser les tarifs au profit des voyageurs… de F CFA à ses principaux fournisseurs, est au bord du dépôt de bilan. Au cours du mois de mars, l’un de ses AVENIR PÉRILLEUX. Dans cet environnement de plus en trois Boeing 737 a été saisi par le loueur américain Apollo plus concurrentiel, Air Ivoire navigue à vue. Avec la crise Aviation, et un second appareil a été cloué au sol pour postélectorale en Côte d’Ivoire, la compagnie nationale – déjà des problèmes techniques. Air Ivoire, n’opérant plus en difficulté avant le début des événements – a traversé une qu’avec un seul avion, a décidé de mettre au chômage zone de turbulences qui a mis en péril son avenir. Tous les technique une partie de son personnel. Reste que, dans projets qui devaient lui permettre de se relancer ont été gelés. un environnement de plus en plus concurrentiel, les Par exemple, l’ouverture de la ligne Abidjan-Lagos, prévue parts de marché perdues par Air Ivoire ne le seront cerpour fin décembre 2010, n’a finalement pu se faire. tainement pas pour tout le monde… ●


PALUDISME Enfin des raisons d’espérer Après des décennies de recherches infructueuses, la mise au point d’un vaccin contre le fléau semble en bonne voie.

JULIETTE BASTIN

JIM YOUNG/REUTERS

U

n moyen d’éradiquer l’un des fléaux sanitaires les plusdévastateursd’Afriqueaurait-ilenfinététrouvé? L’optimisme n’est pas feint aujourd’hui, tant les résultats des recherches visant à l’élaboration d’un vaccin contre le paludisme sont prometteurs. Deux candidats, RTS,S et GMZ2, sont en effet en phase avancée de test et laissent présager la distribution d’un vaccin dans les trois à cinq ans. Le plus avancé d’entre eux, RTS,S, est développé avec un objectif d’immunisation pédiatrique. Dans le meilleur des cas, il devrait être disponible en 2013 pour les enfants de 5 à 17 mois, et en 2015 pour les nouveau-nés de 6 à 12 semaines. Élaboré conjointement par le laboratoire pharmaceutique GlaxoSmithKline (GSK) Biologicals et la Malaria Venture Initiative (MVI), RTS,S est actuellement en test de phase III. Cetteétape,ladernièreduprocessuspréalableàunedemande d’autorisation de mise sur le marché, consiste à vérifier la sécurité et l’efficacité proprement dite, en faisant des essais à grande échelle. Toxicité, effets secondaires, dosage optimal et tolérance ont d’ores et déjà été vérifiés. Dans le cas du RTS,S, les premiers résultats concluants ont été publiés dans le journal médical, The Lancet, en 2005. Ils attestaient de son efficacité pendant au moins dix-huit mois dans la réduction de 35 % du paludisme clinique et de 49 % du paludisme sévère. Ils portaient sur 2000 enfants du Mozambique. La phase III de test a été initiée le 26 mai 2009 dans sept pays africains particulièrement exposés au paludisme : Burkina Faso, Gabon, Ghana, Kenya, Malawi, Mozambique et Tanzanie. Le recrutement des enfants a été

finalisé le 31 janvier 2011. Le groupe des nouveau-nés, âgés de 6 à 12 semaines, se compose de 6538 enfants, et celui des 5-17 mois de 8293. Les résultats initiaux sont attendus pour la fin 2011 pour le groupe des plus âgés, et la fin 2012 pour les plus jeunes. MARIAGE ENTRE FINANCE ET SCIENCE. Les études

conduites sur le RTS,S ont débuté en 1987, dirigées par GSK BiologicalsencollaborationavecleWalterReedArmyInstitute ofResearch,uninstitutappartenantauministèreaméricainde la Défense. Compte tenu des résultats prometteurs obtenus, GSK Biologicals et MVI ont conclu un accord en janvier 2001 visant à développer le vaccin pour les enfantsdanslespaysendéveloppement. Ce partenariat public-privé (PPP) a été Différents types de sérums rendu possible grâce à une subvention LE CYCLE DU PALUDISME comporte deux phases chez l’homme : de la Fondation Gates permettant, en une phase hépatique, sans déclaration clinique de la maladie, 1999,lacréationdeMVI,auseindePath, appelée phase pré-érythrocytaire, et une phase sanguine, une organisation non gouvernemenou érythrocytaire, responsable de la pathologie. La recherche tale internationale. Un nouveau don de vaccinale s’est orientée sur trois pistes : le vaccin préventif, 182,7 millions de dollars (130 millions d’euros) de lafondation a étéeffectué en ou pré-érythrocytaire, qui agit immédiatement après l’entrée juin2009,qui,ajoutéaux400millionsde du parasite dans le foie et avant ou pendant son développement. dollars investis par GSK depuis le début D’autres candidats, les vaccins érythrocytaires, visent à empêcher des recherches, permettra la réalisation les manifestations cliniques de la maladie, lorsque le parasite circule de cette phase III. dans le sang. Leur action consiste soit à tuer le parasite, soit Ces PPP démontrent une fois de plus à protéger contre ses effets délétères. Un troisième type, dit vaccin leur efficacité, combinant puissance altruiste, est étudié. Il ne protège pas la personne vaccinée, mais financière et expertise scientifique et empêche la retransmission du parasite Plasmodium au moustique. technique des gouvernements, fondaCe qui, à terme, diminuera considérablement sa dissémination. tions,ONGetsociétéspharmaceutiques Le candidat RTS,S appartient à la catégorie des pré-érythrocytaires, J.B. afin de produire de nouveaux médicaGMZ2 à celle des érythrocytaires. ● ments. Cette collaboration a permis

78

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


0LE PALUDISME EN CHIFFRES

3,3

milliards

de personnes à risque sont recensées dans le monde, soit la moitié de la population.

247 millions

de cas de paludisme ont été enregistrés dans le monde en 2008, dont 86 % en Afrique.

881000 malades

décèdent chaque année des suites du paludisme, dont 91 % sur le continent. Mortalité et morbidité liées au paludisme impliquent une perte directe de 12 milliards de dollars par an.

40 % des dépenses de santé

publique au sud du Sahara sont consacrées à la maladie. Le PIB du continent serait plus élevé de 32 % si le paludisme avait été éradiqué il y a trente-cinq ans.

d’accélérer les essais thérapeutiques, la délivrance de leurs résultatsetleurséventuellesaméliorations.Deseffortsconjoints seront aussi nécessaires pour assurer une distribution large à prix coûtant de ce vaccin. MVI et GSK travaillent avec les gouvernementsetlesorganisationsinternationalesàévaluerla demande vaccinale et à développer des politiques permettant une distribution efficace. La recherche en cours a confirmé JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

MOUSTIQUES TRANSGÉNIQUES. Si RTS,S apparaît donc comme le probable premier vaccin contre le paludisme avec une protection contre près de 50 % des cas sévères pendant dix-huit mois, il devra être associé aux autres moyens préventifs existants ou à venir. Parmi ces possibilités se trouve notamment la combinaison de vaccins. D’où l’intérêt de poursuivre les recherches, comme c’est le cas à Lambaréné, au Gabon, où un vaccin appelé GMZ2 est en cours de test de phase II, et présente des résultats tout aussi encourageants que l’étaient ceux de RTS,S à ce stade. Coordonné par The African Malaria Network Trust (Amanet), une organisation à but non lucratif, cet essai vise à vérifier l’efficacité et la sécurité de GMZ2 auprès de 1870 enfants sur quatre sites au Burkina, au Gabon, au Ghana et en Ouganda. Deux ans seront nécessaires. Les étapes précédentes ont déjà confirmé que ce candidat permettait d’induire une production d’anticorps spécifiques ciblant des protéines du parasite. Cet essai, dont le budget total est de 9,8 millions d’euros, bénéficie notamment d’un don du partenariat European and Developing Countries Clinical Trials Partnership (EDCTP), qui couvre plus de 50 % des besoins. Enfin, parmi les autres techniques évaluées pour éradiquer le paludisme, une initiative originale consiste à développer des moustiques transgéniques. Les recherches s’inscrivent dans le cadre d’un partenariat entre l’Université de Bamako et celle de Keele, au Royaume-Uni. Financé par le Wellcome Trust à hauteur de 1,8 million de dollars sur trois ans, ce programme, lancéen août 2010 à Bamako, chercheà produire des moustiquesrésistantsauparasite.AuJapon,enmars2010,une équipe de recherche de l’université médicale de Jichi a mis au point un moustique dont la salive contient une protéine servant de vaccin contre la leishmaniose, efficace sur la souris. Pour l’équipe de recherche, cette découverte ouvre de belles perspectivespourdévelopperunphénomèneidentiquecontre le paludisme. Viendra alors le plaisir d’être piqué! ● 79

TENDANCES

que RTS,S n’interagissait pas avec les autresvaccinsinfantilesduprogramme élargi de vaccination (PEV). Les pays ouest-africains, en partenariat avec MVI et les structures en charge de la lutte contre le paludisme au sein de l’ONU, ont d’ores et déjà adopté un cadre pour optimiser l’usage du vaccin, prenant en compte la valeur et l’impact de celui-ci, son coût financier ou encore le rapport coût-efficacité. MVI a également conduit une étude « Investment case for Malaria Vaccine » prouvant l’intérêt économique des États à s’engager dans la prise en charge financière de cette immunisation. Parmi les éléments de cette étude, il est prouvé que ce typedevaccinàefficacitépartiellepeutavoirunfortimpact.Au niveau actuel de financement des donateurs, s’il était mis en œuvre dans le cadre du PEV, le vaccin préviendrait 153 décès pour 100000 nourrissons vaccinés en Afrique. Avec une disponibilité rapide du vaccin, une hausse des financements et une efficacité accrue des PEV (couverture de plus de 90 % de la population cible), il pourrait éviter 491 décès pour 100000 nourrissons vaccinés. Dans ces mêmes conditions, un vaccin à efficacité élevée (90 % contre la maladie clinique grave) permettrait d’éviter 5482 décès pour 100000 nourrissons. En une année, cela représenterait une réduction de 66 % du nombre de décès imputables au paludisme dans le monde.

Ý Si des progrès sensibles ont été faits, les études scientifiques se poursuivent pour ÉRADIQUER LA MALARIA.


TRIBUNE

SIPA

Comment financer la santé pour tous Jeffrey D. Sachs Professeur d’économie et directeur de l’Institut de la Terre à l’Université Columbia (New York).

C’EST

T

OUS LES PAYS devraient assurer une couverture universelle des soins de santé primaires, notamment en matière de maternité, de nutrition, de vaccination, de lutte contre le paludisme. Chaque année, 9 millions d’enfants meurent de maladies qui pourraient être évitées ou traitées, et presque tous ces décès ont lieu dans des pays pauvres. L’insuffisance de leurs moyens les empêche de créer un système de santé, même si le coût par habitant en est très faible. Grâce aux vaccinations, aux techniques de diagnostic et aux médicaments modernes, aux téléphones mobiles et à d’autres technologies, les soins de santé primaires sont peu coûteux : 54 dollars par personne et par an dans les pays pauvres. En raison de leurs très faibles revenus, les pays en développement ne peuvent y consacrer que 14 dollars par personne et par an. Ils ont besoin d’une aide extérieure pour les 40 dollars qui font défaut, un total 40 milliards de dollars par an – étant donné que 1 milliard de personnes défavorisées n’ont pas accès aux soins. Les pays étrangers, notamment les États-Unis, l’Union européenne et le Japon, apportent plus du tiers de cette somme, environ 14 milliards de dollars par an. Il manque donc 26 milliards de dollars par an. Cette somme permettrait de sauver des millions de mères et d’enfants.

Troisième solution: une plus grande contribution des personnes les plus fortunées de la planète. Selon le classement de Forbes, les 1011 milliardaires qui existent dans le monde détiennent tous ensemble une fortune nette de 3500 milliards de dollars. Si chacun d’entre eux participait chaque année à l’effort nécessaire à hauteur de 0,7 % de sa fortune, cela rapporterait presque 25 milliards de dollars. Imaginez ce qui se passerait: grâce à seulement 1000 personnes, 1 milliard d’habitants des pays pauvres pourraient se soigner.

Quatrième solution: elle consiste à regarder du côté des compagnies comme ExxonMobil, qui gagne des milliards de dollars en Afrique mais n’a participé qu’à hauteur de 5 millions de dollars chaque année au programme de lutte contre le LES PAYS RICHES ONT LES MOYENS D’AIDER, paludisme entre 2000 et 2007. ExxonMobil peut, et doit, finanJUSTE L’IMAGINATION QUI LEUR MANQUE. cer davantage le système de soins de santé primaires dont Mais les pays riches ne font pas le geste qui le continent a un besoin urgent – que ce soit serait nécessaire. sous forme de royalties ou de dons. Première solution: les États-Unis pourraient mettre fin à leur guerre coûteuse et à leur enlisement en Afghanistan qui leur revient à quelque 100 milliards de dollars par an. S’ils ne consacraient qu’une toute petite fraction de cette somme à l’aide au développement dans ce pays ravagé par la guerre, ils réussiraient bien mieux à y ramener la paix et la stabilité. Deuxième solution: elle consiste à taxer les grandes banques internationales qui réalisent des bénéfices excessifs par la spéculation. Bien que le secteur financier américain ait failli

80

entraîner l’économie mondiale à sa perte, le gouvernement américain l’a dorloté et l’a protégé au point qu’il réalise à nouveau d’énormes profits. Les banquiers ont recommencé à s’attribuer des primes colossales, plus de 20 milliards de dollars en 2009, alors que cet argent aurait dû aller aux populations déshéritées de la planète. Il est temps de créer une taxe mondiale sur les profits des banques, par exemple en taxant les transactions financières internationales, ce qui permettrait de réunir chaque année des milliards de dollars.

Cinquième solution : les nouveaux pays donateurs tels que le Brésil, l’Inde et la Corée du Sud – qui ont le dynamisme économique et la motivation politique nécessaires – doivent augmenter leur aide en faveur des pays les plus pauvres. Si les États-Unis et l’Europe négligent leur devoir, les économies émergentes vont commencer à les remplacer, devenant des partenaires de confiance pour l’Afrique. Les pays riches prétendent qu’ils n’ont pas les moyens de faire davantage, alors que c’est juste l’imagination qui leur manque. ● © Project Syndicate, 2010.

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011



TRIBUNE

PATRICK BOX/OPALE

Afro-atomiste Boubacar Boris Diop Écrivain sénégalais, auteur de Murambi, le livre des ossements (Stock, 2000).

J

e n’avais rien compris aux événements du Rwanda. Pendant longtemps, j’en ai fait une lecture simpliste : des tribus qui s’entretuent, comme cela arrive parfois en Afrique ou ailleurs ! En somme, il n’y avait ni victimes ni bourreaux. En me rendant sur place, en parlant avec des survivants, j’ai non seulement découvert l’étendue du désastre, mais aussi la complexité et la profondeur de la tragédie qui avait frappé ce pays. Je suis reparti du Rwanda avec beaucoup d’interrogations, car un génocide ne s’explique pas. Mais j’ai compris qu’il fallait en finir avec l’idée que l’Afrique était une sorte de village continental.

Le génocide rwandais n’avait rien à voir avec la guerre civile au Biafra ou le conflit entre Noirs et Arabes du Darfour. Chaque conflit a ses mécanismes spécifiques qui renvoient à une histoire particulière, à des stratégies de domination propres au pays en question. La réalité africaine est aujourd’hui complètement atomisée, même si nos pays modernes sont issus d’une histoire coloniale commune. Même la négritude appartient désormais au passé car il n’existe plus de monde noir homogène uni dans la souffrance !

On me demande souvent si les printemps arabes auront des répercussions sur le continent noir. Cette question n’a pas de sens car les pays africains et les pays arabes n’ont pas évolué au même rythme. En Afrique, le processus démocratique a commencé depuis belle lurette. Dans un pays comme le Sénégal, il y a une véritable liberté de presse. Et les élections qui se sont déroulées récemment au Niger et en Guinée montrent qu’en l’espace de cinquante ans la démocratie s’est véritablement installée sur le continent. Certes, pas partout. L’Afrique centrale reste encore une région très sensible, avec des guerres larvées qui ont fait des millions de morts. Je crois que c’est la qualité des élites qui fait la différence. Le Sénégal a accédé à l’indépendance avec Senghor et la RD Congo avec Mobutu ! En voilà le résultat ! Je suis fasciné par la capacité d’adaptation de la Françafrique. Loin d’être morte, elle a su s’adapter à la réalité d’aujourd’hui. Elle a concentré sa mainmise sur ce que j’appelle l’« Afrique utile ». En font partie les pays comme le Gabon, la Côte d’Ivoire, le Niger, leTogo, le Congo, où la France a des intérêts économiques et stratégiques.

Si j’étais ivoirien, je n’aurais pas voté pour Alassane Ouattara, qui était manifestement le candidat de l’étranger, c’est-à-dire des Français, des Américains, du FMI. Laurent Gbagbo, lui, au SI SENGHOR ET CÉSAIRE SE RENCONTRAIENT contraire, est un nationaliste. N’a-t-il pas tenté de desserrer AUJOURD’HUI, ILS N’AURAIENT RIEN À SE DIRE ! l’étau des entreprises françaises pendant sa présidence ? J’ai toutefois accueilli avec soulagement son Afriques. C’est pourquoi, quand on me arrestation car son acharnement à rester au demande si je suis un afro-optimiste ou un pouvoir mettait en danger la population ivoiafro-pessimiste, je réponds en plaisantant rienne. Si Gbagbo avait un tant soit peu le que je suis un afro-atomiste. L’Afrique s’est balkanisée, comme l’on pouvait s’y attendre. sens de l’Histoire, il aurait décroché depuis Même la littérature africaine est une littérature longtemps. Aucun président africain ne peut à deux vitesses. Il existe une littérature faite gouverner quand il a contre lui l’Union afripar la diaspora africaine basée à Paris ou à caine, l’ONU, l’Élysée et la Maison Blanche. Bruxelles et une littérature écrite par ceux Quant à la France, elle a joué un rôle ambigu qui ont choisi de ne pas quitter le continent. en livrant le président en exercice à son adversaire. Car elle n’a pas vocation par droit Certes, la « diasporisation » n’est pas un divin à s’interposer entre belligérants en phénomène nouveau en lettres africaines, Afrique chaque fois que l’UA se révèle mais le fossé entre les écrivains d’ici et d’ailleurs s’est beaucoup creusé. Si Senghor défaillante. ● et Césaire se rencontraient aujourd’hui, ils Propos recueillis par TIRTHANKAR CHANDA n’auraient rien à se dire ! Le monde noir est loin d’être homogène… D’ailleurs, l’Afrique n’existe pas. Il y a des

82

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


RELIGIONS Entre guerre et paix TENDANCES

Massacres, attentats, lois partiales… Les rapports entre musulmans et chrétiens sont toujours complexes. Outre la différence de confession, cette violence est aussi liée, bien souvent, à des inégalités économiques et au contexte politique. ZOÉ SUAREZ

L

ASMAA WAGUIH/REUTERS

Afrique subsaharienne est incontestablement l’une de contact, voire d’affrontement… « C’est sur cette faille des régions les « plus religieuses » du monde. C’est religieuse sensible que sont intervenues les premières ce qui se dégage de l’étude publiée en avril 2010 par attaques d’Al-Qaïda, comme les attentats contre les ambasle Pew Research Center. Selon ce centre d’études sades américaines au Kenya et en Tanzanie en 1998, et plus américain, le nombre de musulmans comme de chrétiens récemment les conflits ethniques au Nigeria », estime le au sud du Sahara s’est multiplié par plus de vingt au cours Pew Center. Si l’étude a révélé un fort degré de tolérance du siècle dernier. Selon les enquêteurs, qui ont interrogé entre musulmans et chrétiens en Afrique, une minorité 25 000 personnes dans une vingtaine de pays, le nombre de substantielle de sondés (20 %) pense que la violence intermusulmans au sud du Sahara atteint 234 millions, et celui confessionnelle est « souvent » justifiée. de chrétiens 470 millions. Désormais, un chrétien sur cinq dans le monde et un musulman sur sept vivent en Afrique DIALOGUE DE VÉRITÉ. Principal théâtre d’affrontements au sud du Sahara, le Nigeria a encore connu l’horreur à plusieurs subsaharienne. À l’échelle du continent tout entier, « les deux religions s’équilibrent », précise le rapport : chacune reprises en 2010. Les heurts ethnico-religieux entre chrétiens et musulmans survenus à Jos (centre du pays) en janvier compte entre 400 millions et 500 millions de fidèles. Mais « ni le christianisme ni l’islam ne progressent aux dépens ont fait plus de 320 morts selon la police. Toujours à Jos, à la veille de Noël 2010, une série d’attentats à la de l’une ou l’autre religion ». Æ À Alexandrie Le nord de l’Afrique restant massivement bombe et d’attaques d’églises a fait 38 morts. (Égypte), après la mort musulman et le Sud majoritairement chrétien, Mais le nord du Nigeria est coutumier de ces de 21 personnes dans la zone où se rencontrent les deux confesaffrontements. En juillet 2009, le soulèvement L’EXPLOSION D’UNE BOMBE sions se situe au milieu du continent, sur une de la secte islamiste Boko Haram avait déjà fait DEVANT UNE ÉGLISE COPTE ligne qui va de l’Éthiopie au Sénégal. Zone plusieurs centaines de morts, tant parmi ● ● ● le 1er janvier 2011.

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

83


En Algérie, l’adoption de la loi du 28 février 2006, qui ses adeptes que dans les rangs des forces de l’ordre. Ce condamne le prosélytisme non musulman et soumet groupe religieux ultraviolent, qui se réclame des talibans, l’exercice de tout culte à une autorisation administrative, voulait instaurer un État islamiste « pur ». n’a pas arrangé les choses. Ceux qui doivent s’y plier y Massacres au Nigeria, expulsions au Maroc, attentats en voient une manière de contenir le phénomène dérangeant Égypte… Les persécutions contre les minorités chrétiennes des conversions au christianisme dans ce pays où l’islam se multiplient. Les autorités catholiques n’hésitent pas, est religion d’État. Conséquences : les poursuites judiciairégulièrement, à dénoncer les discriminations dont sont res ne sont pas rares. En décembre 2010, des chrétiens victimes leurs ouailles, en particulier en terre d’islam, où évangélistes ont été condamnés à la prison avec sursis s’affrontent les prosélytes des deux camps. Des tensions pour « ouverture d’un lieu de culte sans autorisation ». également ressenties au sommet de la hiérarchie, où la Et en août, deux ouvriers chrétiens ont été arrêtés pour lutte d’influence entre confessions concurrentes alimente parfois un contentieux très ancien. Ainsi, au début de l’année 2011, la plus UN CHRÉTIEN SUR CINQ DANS LE MONDE ET UN haute institution de l’islam sunnite en MUSULMAN SUR SEPT VIVENT AU SUD DU SAHARA. Égypte a décidé de « geler sine die » ses relations avec le Saint-Siège. Le 20 janvier, le Conseil de l’académie de recherche islamique n’avoir pas respecté le jeûne du ramadan. Poursuivis pour de l’université Al-Azhar du Caire expliquait sa décision « atteinte à un précepte de l’islam », ils ont finalement été en rappelant « les offenses répétées du pape Benoît XVI à relaxés en octobre 2010, bien que le procureur ait requis l’égard de l’islam ». Au lendemain de l’attentat contre une trois ans de prison ferme. église copte d’Alexandrie, qui a fait 21 morts, Benoît XVI Du côté du Maroc, les rapports entre les églises et le pouvoir peuvent aussi être vifs. Le 8 mars 2010, une vingtaine de avait multiplié les appels à « l’adoption de mesures pour la protection des minorités religieuses » et à une « [résistance missionnaires étrangers, accusés de prosélytisme chrétien pacifique] à la stratégie de violence qui a pris les chrétiens dans le Moyen Atlas, a été expulsée du royaume. Une sanction pour cible ». Le grand imam d’Al-Azhar, Cheikh Ahmed approuvée par 7 000 oulémas, qui ont profité de l’occasion al-Tayyeb, a accusé le souverain pontife « d’ingérence » pour exprimer leur soutien total au roi Mohammed VI et dans les affaires égyptiennes. L’Église catholique a tenté, dénoncer « une forme de terrorisme religieux ». depuis, de calmer le jeu en s’affichant clairement en faveur d’échanges plus apaisés. TENSIONS INSTRUMENTALISÉES. Malgré cela, on reste à Ce qui n’empêche pas de se parler franchement : « Il des années-lumière de la violence aveugle qui a endeuillé la communauté copte d’Alexandrie, causant lamort de 21 fidèles est temps de passer à un dialogue de vérité, quitte à avoir quelques incompréhensions, estimait l’archevêque de Tunis, réunis dans une église lors de la Saint-Sylvestre – dans la Mgr Maroun Elias Lahham, le 3 février. Si l’on n’est pas nuit du 31 décembre 2010 au 1er janvier 2011. Condamné d’accord, on doit le dire. Mais réagir en coupant le dialogue de toutes parts, cet attentat révèle aussi à quel point les parce qu’on ne s’accorde pas est puéril. » tensions religieuses peuvent être instrumentalisées à des Du côté de l’islam, certains travaillent aussi au mainfins politiques. Le président Hosni Moubarak, alors encore tien de relations plus constructives entre musulmans et au pouvoir, avait stigmatisé « un acte criminel odieux qui a catholiques. Parmi eux, Mohammed Sammak, secrétaire visé la nation, coptes et musulmans », et dénoncé « l’impligénéral du Comité libanais pour le dialogue entre chrétiens cation de mains étrangères » dans ce massacre. Mais des et musulmans, soutient l’adoption d’une fatwa protégeant sources diplomatiques britanniques ont désigné le général les chrétiens en terre musulmane. Le texte affirme que, Habib el-Adly, ministre égyptien de l’Intérieur, comme le commanditaire de cet attentat. Comme quoi les motivations « selon la charia, blesser un chrétien équivaut à blesser un musulman. Et attaquer une église revient à attaquer une religieuses cachent parfois d’autres intentions. Certes, les relations intercommunautaires se tendent mosquée ». Reste qu’elle n’a toujours pas été adoptée par les hautes autorités islamiques et que, en Afrique du Nord au nord comme au sud du Sahara. Mais la pression que les uns ressentent dans les régions où les autres sont notamment, les relations restent souvent crispées. majoritaires, en Égypte, au Nigeria ou ailleurs, s’explique sans doute moins Douze cardinaux africains par la coexistence de religions difféLE SAINT-SIÈGE marque un intérêt accru pour l’Afrique et place ses rentes que par la pauvreté, la répartition inégale des richesses, l’instabilité hommes. Le 20 octobre, Benoît XVI a nommé 20 nouveaux cardinaux appelés à siéger au sein du Sacré collège, instance chargée de politique ou le laxisme des autorités… procéder à l’élection de son futur successeur. Surprise, le nombre de À la racine des violences, on trouve religieux africains siégeant au cœur de ce cénacle progresse fortement. plus souvent des motifs politiques ou Parmi les promus, figurent le Guinéen Robert Sarah, l’archevêque de socioéconomiques que spirituels. Ce Kinshasa (RD Congo), Mgr Laurent Monsengwo Pasinya, l’archevêque qui expliquerait sans doute la réceptiémérite de Lusaka (Zambie), Mgr Medardo Joseph Mazombwe, et le vité croissante de certains à ces « pratipatriarche d’Alexandrie (Égypte), Mgr Antonios Naguib. Un signal fort ques » religieuses violentes. D’ailleurs, en direction du continent, puisque l’Afrique compte désormais les derniers massacres survenus à Jos 12 grands électeurs, contre 62 pour l’Europe et 36 pour les Amériques, se sont déroulés seulement quelques sur un total de 121 votants. ● semaines avant l’élection présidenZ.S. tielle nigériane. ● ●●●

84

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


TRIBUNE

HO NEW/REUTERS

Graça Machel Membre de l’Africa Progress Panel et présidente de la Fondation pour le développement communautaire.

LEUR

L

ÉLECTION d’Ellen Johnson-Sirleaf comme présidente du Liberia, la première femme élue à la tête d’un pays africain, est le symbole de l’avancée des femmes africaines. Le Rwanda, où les femmes représentent plus de la moitié des parlementaires (le taux le plus élevé de la planète), l’Afrique du Sud et le Lesotho sont également dans le peloton de tête en matière d’égalité entre hommes et femmes. Ce sont aussi les femmes qui aident à apaiser les tensions et à guérir les terribles blessures dont souffre l’Afrique en raison de la violence. Elles jouent un rôle fondamental dans la résolution des conflits, dans les processus de réconciliation et dans l’établissement d’un cadre juridique destiné à assurer la paix et à prévenir les atteintes aux libertés fondamentales. Dans les médias et dans la société civile, elles prennent des responsabilités primordiales.

TENDANCES

Où sont les femmes? souvent elles n’ont droit à aucune formation et à aucune aide, et elles font l’objet de discrimination de la part des autorités et des fournisseurs. Elles sont victimes d’injustices de la part du secteur financier, ne recevant que 10 % des prêts accordés aux petits agriculteurs et moins de 1 % de l’ensemble des prêts accordés à l’agriculture, alors qu’elles sont responsables de 80 % des cultures. La coutume selon laquelle la terre et les biens que l’on en tire ne se transmettent que de père en fils au sein d’une famille les place en position d’infériorité totale.

Le potentiel agricole de l’Afrique devrait lui permettre de nourrir sa population et d’exporter des denrées alimentaires dans le monde entier. Mais, pour y parvenir, il est indispensable de reconnaître le rôle central des femmes dans l’agriculture et de les laisser prendre la tête d’une révolution verte à travers le continent. Le manque d’argent et de biens matériels Toutefois, dans le domaine de l’éducation, à leur disposition ainsi que des normes sociale fossé entre filles et garçons reste préoccules archaïques les empêchent d’accéder au pant. De l’école primaire à l’université, l’Africapital dont elles ont besoin pour lancer ou que est encore à la traîne par rapport à développer une petite entreprise : elles ne beaucoup de régions du monde. Or c’est bénéficient que de moins de 10 % du capital grâce aux femmes éduquées que l’Afrique investi dans ce but. Bien qu’on constate que va progresser. Les progrès sont également les femmes investissent avec plus de succès insuffisants en ce qui concerne la possibilité que les hommes et qu’elles respectent davantage les échéances de remboursement, elles continuent MÊME LES ORGANISMES DE MICROCRÉDIT de faire l’objet de discriminations. À conditions identiques, PRÊTENT MOINS QU’AUX HOMMES. même les organismes spécialisés dans le microcrédit leur pour les femmes d’exploiter pleinement leur prêtent moins qu’aux hommes. talent et de participer à l’économie. Ce n’est Les institutions financières doivent suppripas uniquement en Afrique que la contribution mer ces barrières de telle sorte que les femmes des femmes à l’économie est sous-estimée. bénéficient de manière équitable de leurs Mais c’est particulièrement vrai en Afrique services et soient mieux intégrées à l’économie – un continent où les femmes jouent pourtant formelle et au secteur financier. Cela suppose un rôle crucial. d’innover en matière de services et de produits Nos champs ? Ce sont les femmes qui les financiers à offrir à la clientèle en donnant ensemencent et font les récoltes. Nos martoute leur place aux femmes qui participeront chés ? Ce sont les femmes qui vendent et qui à cette démarche. Si les gouvernements et achètent. Ce sont elles aussi qui créent les les principaux acteurs parviennent à donner petites entreprises qui contribuent à la prosaux femmes les moyens de jouer pleinement périté. Le véritable moteur de l’économie leur rôle dans les économies africaines, le africaine, ce sont elles. Pourtant, leur contrifutur n’en sera que meilleur. Pour les femmes bution est presque systématiquement souset pour tout le continent. ● © Project Syndicate, 2010. évaluée et leurs ambitions freinées. Le plus

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

85


CULTURE Ces villes qui créent l’événement

Malgré des coûts financiers élevés, Bamako et Ouagadougou ont décidé de faire la part belle aux manifestations artistiques. Tour d’horizon des festivals qui animent ces capitales.

MALIKA GROGA-BADA

Q

u’il s’agisse du troisième Festival mondial des arts nègres de Dakar (Fesman, du 10 au 31 décembre 2010) ou du Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou (Fespaco, du 26 février au 5 mars 2011), ces manifestations ont, durant quelques jours, braqué les projecteurs sur le continent noir et prouvé qu’il était en mesure d’accueillir des événements culturels de grande envergure. Et si, aussitôt les lampions éteints, certaines métropoles retombent dans la morosité, d’autres continuent de vivre culturellement avec des manifestations de moindre importance, certes, mais tout aussi dynamiques. En la matière, force est de constater qu’en Afrique francophone Bamako et Ouagadougou sont les plus animées. Au point que ces deux capitales sont désormais des « carrefours culturels » qu’il serait difficile de détrôner. Rien ne prédisposait pourtant le Burkina Faso et le Mali à devenir têtes de proue de la culture ouest-africaine. Ces deux pays enclavés n’ont pas les économies les plus florissantes du continent, loin s’en faut. Mais chacun à sa manière a su se faire un nom dans l’organisation de manifestations de référence. CINÉ, MUSIQUE, DANSE ET PHOTO. Avec le Festival pana-

fricain du cinéma de Ouagadougou (Fespaco), dont la première édition remonte à 1969, les autorités burkinabè ont très vite saisi l’intérêt du tourisme d’affaires et de loisirs, et n’ont pas lésiné sur les équipements. Les grandes villes du pays disposent d’hôtels, de centres de conférences et de lieux de spectacles. Et même si les salles de cinéma ont fermé les unes après les autres, on fait en sorte de maintenir un minimum d’infrastructures pour veiller au bon déroulement du Fespaco, qui draine en nombre touristes et

Ð Une chorégraphie de 2 500 danseurs a ouvert le FESTIVAL MONDIAL DES ARTS

NÈGRES, en décembre 2010 à Dakar.

professionnels du cinéma. Idem pour le Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO), gigantesque marché qui attire à chaque édition des centaines d’artisans d’Afrique subsaharienne et du Maghreb, ainsi que des acheteurs du monde entier. Malgré les coûts colossaux que représentent ces deux biennales (les années paires pour le SIAO, impaires pour le Fespaco) en termes d’organisation, le Burkina Faso n’a jamais renoncé à leur organisation. Il a même accueilli les Kora Awards (4 avril 2010), délocalisés au dernier moment

Ailleurs sur le continent AVEC L’ORGANISATION du troisième Festival mondial des arts nègres en décembre 2010, le Sénégal est revenu sur le devant de la scène artistique. Malgré les problèmes d’organisation et la polémique sur le coût de la manifestation, le pays a concentré, pendant trois semaines, expositions, défilés, concerts, conférences sur les peuples noirs

86

et leur potentiel créatif. Autre événement made in Dakar, la biennale de l’art africain contemporain Dak’art, qui reste une référence. En Afrique centrale, le Cameroun fait parler de lui aussi grâce au Salon urbain de Douala (4 au 11 décembre 2010), qui réunit artistes (photographes, designers, peintres) et intellectuels d’Europe et d’Afrique. En RD Congo,

Kinshasa accueille Kin Anima Bulles, festival dédié au neuvième art au cours duquel des dessinateurs européens et sudafricains partagent leur expérience avec leurs homologues congolais. Enfin, sur l’autre rive du fleuve Congo, le Festival panafricain de la musique (Fespam) se tiendra du 9 au 16 juillet 2011 à Brazzaville. ● M.G.-B.

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


PANAPRESS/MAXPPP

TENDANCES

de Johannesburg par son organisateur, Ernest Adjovi. Autant « d’efforts » qui convainquent les bailleurs de fonds de soutenir la multitude d’initiatives qui ont vu le jour et qui rythment la vie burkinabè. Le festival Jazz à Ouaga (dont la 18e édition s’est déroulée du 23 avril au 1er mai 2010) voit sa programmation s’améliorerd’annéeenannée.AprèsavoirreçuleBembeyaJazz (Guinée, 2003), Richard Bona (Cameroun, 2005) et le grand Ali Farka Touré (Mali, 2005), les organisateurs ont accueilli en 2010 le koriste malien Toumani Diabaté – récemment

récompensé d’un Grammy Award à New York – et la chanteuse franco-béninoise Mina Agossi. Côté théâtre, les Récréâtrales (dont la sixième édition s’est tenue en novembre 2010) offrent une multitude de représentations en salles et en extérieur pour « vulgariser » cet art. Côté danse, les Rencontres chorégraphiques de Ouagadougou, biennale initiée par Seydou Boro et Salia Sanou, rassemblent des danseurs africains, caribéens et européens pour des sessions de formation et des spectacles ouverts à tous. ● ● ●

Groupe IHE : Groupe universitaire - Institut des Hautes Etudes Tunis : I.H.E.T 3.avenue Jugurtha Mutuelleville 1002 71844136- 71841855 mail : iehet@gnet.tn

Sousse : I.H.E.S Campus universitaire -Boukhzar 4000. Tél : 73235291- mail : iehes@topnet.tn

www.ihet.ens.tn

www.ihes.ens.tn

www.eseac.ens.tn

Business school of management

Sfax : e.s.e.a.c Angle rue Ibn Badis et avenue d'Alger Tél : 74222550 - mail : contact@eseac.ens.tn


TRIBUNE

ÉMILIE RÉGNIER

Apprendre sans oublier Cheikh Hamidou Kane Écrivain sénégalais, auteur de L’Aventure ambiguë (1961).

N

OUS D’AFRIQUE NOIRE qui savons lire et écrire dans les langues des anciens colonisateurs européens et qui, de ces langues et des cultures qu’elles expriment, avons une maîtrise suffisante pour utiliser les concepts et les valeurs qu’elles véhiculent comme les « droits de l’homme » et « la démocratie », sommes une minorité comparée à la grande majorité de nos populations, qui n’a pas été à l’école et reste encore largement de culture orale traditionnelle. Et pourtant, c’est cette minorité qui, ayant hérité le pouvoir des mains des anciens colonisateurs, dirige la majorité. Tel est le trait qui caractérise le plus clairement l’État de l’Afrique postcoloniale contemporaine : une majorité dominée par une minorité semi-étrangère, faisant usage, pour la gouvernance de cette majorité, de langues et de concepts étrangers. Les Africains sont majoritairement d’avis « qu’on ne lave pas le sang avec le sang, mais avec de l’eau » ; que « s’il y avait quelque chose de bon dans la guerre, l’agressivité, les chiens l’auraient trouvé » ; que « toute vie vaut une vie ». Ou encore que « le vieillard vaut mieux que son coût », c’est-à-dire que le coût de son entretien et de sa sauvegarde, car les anciens sont les substituts les plus proches des ancêtres disparus. En contrepartie

La Charte du Mandé dit : « Tout homme a deux beaux-parents auxquels il doit respect et considération : les parents de son épouse, et la parole qu’elle a prononcée sans contrainte aucune. » Thierno Souleymane Baal, un des idéologues de la révolutionToorodo de 1774 dans le Fouta sénégalais, énonce que « la parole de l’homme libre est comparable à l’eau que l’on verse sur le sable. Une fois versée, elle ne se ramasse plus ». La sagesse populaire que nous venons d’évoquer a cours dans l’espace soudanosahélien qui correspond à l’ancien empire du Mali et qui concerne donc, totalement ou partiellement, une dizaine d’États modernes : la Mauritanie, le Sénégal, le Mali, la Gambie, la Guinée, la Sierra Leone, la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso et le Niger. C’est dans cet espace que, selon l’historien burkinabè Joseph Ki-Zerbo, s’est développée, entre le VIIe et le XVe siècle – de l’empire du Ghana à celui du Songhaï – une succession de constructions « civilisationnelles » et géopolitiques auxquelles Soundjata Keita donna force de loi en 1236, après avoir dirigé la lutte de douze petits royaumes du Mandé pour s’émanciper du joug de Soumangourou Kanté.

Au XIII e siècle, Soundjata Keita a été un précurseur et un modèle dont on souhaiterait que s’inspirent les dirigeants actuels de l’Afrique. Il a substitué l’unité à la division ; il a codifié et promulgué SOUNDJATA KEITA A ÉTÉ UN PRÉCURSEUR en lois d’empire les principes élaborés au long des siècles pour ET UN MODÈLE DONT ON SOUHAITERAIT et par la société mandingue. La QUE S’INSPIRENT LES DIRIGEANTS ACTUELS. Loi fondamentale qu’il établit ainsi est connue sous le nom de de ce statut privilégié, il est attendu d’eux Charte du Mandé dont les griots un comportement méritoire et irréprochable. ont conservé la mémoire. À bon entendeur salut, à tous les anciens qui se trouvent encore dans les lieux d’exercice Aussitôt couronné, disent-ils, l’empereur du pouvoir. La sagesse traditionnelle édicte passa en revue les règles en usage dans la encore : « Ce n’est pas le roi qui a la royauté, culture mandé, établit un corpus juridique c’est la royauté qui a le roi. »Traduisez : « Ce qui devait s’imposer à tous et qui traitait du n’est pas le roi qui est propriétaire du pouvoir, statut personnel, des relations entre classes c’est le pouvoir qui est propriétaire du roi. » d’âge, classes de la société, des relations Les Africains disent aussi que « le pouvoir entre hommes et femmes, clans, ethnies et est comparable à un œuf. Si tu le serres trop provinces ; qui établissait, par le moyen des fort, il se casse. Si tu ne le tiens pas suffiéquivalences patronymiques et de la parenté samment, il peut glisser de ta main et se à plaisanterie, une véritable citoyenneté de casser ». Encore deux préceptes relatifs à la l’empire permettant la libre circulation des biens et des personnes. La Loi garantit aussi parole donnée.

88

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


C’est ainsi qu’existait dans tout l’espace allant du Cap-Vert au Tchad, de Néma, Tombouctou, Gao, au nord, jusqu’à Kong, Kankan, Kouroussa et les pays de la cola, au sud, un maillage d’équivalences délimitant une véritable citoyenneté malienne. Dans cette Charte, on trouve ainsi des dispositifs relatifs aux biens, à la manière licite de les acquérir, à la gouvernance. Selon Joseph Ki-Zerbo, « le modèle malien est ce que l’Afrique a fait de mieux en matière de structuration territoriale, juridique, politique et culturelle pour marier le pouvoir central avec les exigences de type fédéral et l’autonomie des bases et des marges ». En observant que cette Charte du Mandé a été édictée et proclamée à la même époque que la Magna Carta, on ne peut manquer d’être frappé par le fait que ces textes fondateurs ont eu le même souci et pris le même soin d’organiser les espaces de liberté et de coexistence de l’homme et de la société. Les Mandingues et les AngloSaxons de cette époque lointaine ont traité de cette grave question en fonction de ce que Joseph Ki-Zerbo appelle « le métabolisme des peuples ». S’il était donc ainsi établi que l’Afrique médiévale avait su tirer de sa culture et de ses valeurs les règles d’existence et de gouvernance les plus adéquates, pourquoi les élites dirigeantes de l’Afrique moderne doivent-elles, dans leur œuvre d’édification et de modernisation, aller chercher leurs modèles ailleurs ? C’est, dit l’historien burkinabè, « que beaucoup de cadres africains ont tourné le dos à cet héritage, […] accordant plus de crédit à ce qu’ils ont appris et mal retenu de leur initiation aux sciences modernes ». Pour les élites dirigeantes modernes, deux questions se posent inéluctablement : ce qu’on apprend vaut-il ce qu’on oublie ? Peut-on apprendre sans oublier ? ●

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

BIEN QUE DE GRANDS NOMS DE LA WORLD MUSIC SOIENT MALIENS, BAMAKO N’ACCUEILLE DES FESTIVALS D’ENVERGURE QUE DEPUIS PEU. né à Saint-Malo (France) a posé ses valises à Bamako en 2002, ne cessant de prendre de l’ampleur. Pour la 8e édition (du 22 au 28 novembre 2010), une cinquantaine d’écrivains d’Afrique, d’Europe et d’Amérique ont partagé leur passion des mots avec des élèves dans plusieurs villes du pays (Kayes, Kita, Koulikoro, Ségou, Sikasso, Mopti et Kouakourou), et le slam fait désormais partie des ateliers proposés. Pour couronner le tout, la biennale itinérante Danse l’Afrique danse! (du 29 octobre au 5 novembre) a fait étape à Bamakoen2010.Miseenœuvreaveclecentrechorégraphique Donko Seko, sous la direction de l’Haïtienne Kettly Noël, la manifestation a permis aux professionnels d’échanger, mais aussi et surtout de familiariser un peu plus les Bamakois à la danse contemporaine. FINANCER LES ARTS. À présent qu’elles ont acquis leur statut de capitales de la culture, Bamako et Ouagadougou doivent s’atteler à une autre tâche : financer les manifestations culturelles qui se tiennent dans leur pays. « C’est terriblement frustrant d’avoir à attendre des fonds européens ou américains pour assurer notre propre développement artistique », se désole Alioune Ifra N’Diaye, directeur du BlonBa, une structure culturelle qui anime Bamako avec ses productions théâtrales tous publics. « Autant nous sommes reconnaissants aux pays du Nord de financer les arts et la culture, autant je trouve dommage que cinquante ans après nos indépendances nous en soyons encore à ce stade. » Un pas a tout de même été franchi : pour la première fois, le gouvernement malien a participé au financement de la biennale Danse l’Afrique danse! à hauteur de 200000 euros. Quant à évaluer les retombées financières de ce genre de manifestations, c’est un autre problème : aucun outil ni aucune étude disponibles ne permet encore de mesurer leur impact sur l’environnement socioéconomique. ● 89

TENDANCES

la sauvegarde de la vie, l’intégrité physique, l’honneur et la propriété de chaque sujet. L’article 5 de la Charte reconstituée édicte : « Toute vie est une vie, chacun a droit à la vie et à la préservation de son intégrité. » En ses premier et quatrième articles, la Charte énumère les éléments constitutifs de la société mandé qu’elle régit désormais. La règle des équivalences patronymiques permet à chaque ressortissant de l’empire, lorsqu’il voyage, de changer de patronyme et d’acquérir ainsi les mêmes droits que les autochtones des régions traversées.

● ● ● Au Mali, l’intérêt des gouvernants pour les manifestations culturelles contemporaines s’est révélé plus tardivement. D’abord en raison des difficultés économiques du pays. Ensuite, parce que le sumu – veillée durant laquelle on chante, on danse et on écoute des légendes rapportées par les griots – fait tellement partie du quotidien qu’il a fallu du temps pour en évaluer le potentiel artistique. Et bien que de grands noms de la world music soient maliens (Salif Keita, Ali Farka Touré, etc.), ce n’est que récemment que le Mali a choisi d’accueillir des manifestations culturelles d’envergure internationale. Parmi les plus novatrices, les Rencontres de Bamako, biennale africaine de la photographie qui se tient les années paires – elle a été initiée en 1994 par CulturesFrance et le ministère malien de la Culture –, réunissent des photographes de tous les horizons, autour d’expositions, de conférences et de sessions de formation. Dans leur sillage, la capitale malienne accueille aussi Étonnants voyageurs. Le célèbre festival du livre et du film


MÉDIAS À quand la libération des ondes?

Près de 200 chaînes satellitaires ont, depuis quinze ans, fait irruption sur les petits écrans arabes. Mais curieusement, au Maghreb, les télés privées se comptent sur les doigts d’une main. SAMIA MEZGHANI

B

ALEXANDRE DUPEYRON

ien que le marché publicitaire de l’audiovisuel maghrébin soit estimé à plus de 700 millions d’euros, les chaînes privées restent rares dans cette zone. En mars 1989, le Maroc avait pourtant fait figure de pionnier arabe et africain en lançant 2M, la première chaîne privée du continent. Elle diffusait en crypté (plages réservées aux abonnés) et en clair. Mais à l’engouement des débuts ont succédé les difficultés financières, si bien qu’au bout de sept ans d’existence, 2M, dont le siège est installé à Casablanca, bascule dans l’escarcelle de l’État après le retrait de son actionnaire principal, le groupe ONA. Fin de cette première expérience. Il faudra attendre le 1er décembre 2006 pour que naisse, à Tanger, Medi 1 Sat – rebaptisée Medi 1 TV en octobre 2010 –, qui n’est pas une chaîne totalement privée dans la mesure où une partie importante de son capital est détenue par la Caisse de dépôt et de gestion (CDG), un établissement public. Franco-marocaine lors de son lancement, elle est, depuis 2008, 100 % marocaine, mais a conservé une programmation bilingue (arabe-français). Généraliste, Medi 1 TV se veut « la chaîne de l’information, des débats, de la connaissance et du divertissement ». Sur le plan éditorial, la forme est certes plus moderne que sur les télévisions publiques, mais la direction ne prend aucun risque au niveau du contenu. L’arrivée de nouvelles chaînes pourrait susciter une éventuelle émulation, mais la Haca (Haute Autorité de la communication audiovisuelle) a décidé de surseoir à l’octroi de toute licence de télévision privée. Le pôle privé de l’audiovisuel marocain reste donc encore à bâtir. Idem pour l’Algérie, où la libéralisation du paysage audiovisuel n’est pas à l’ordre du jour. Les autorités semblent avoir été échaudées par l’expérience Khalifa TV, qui émettait d’ailleurs depuis des studios situés en région parisienne, et qui aurait beaucoup nui à Abdelaziz Bouteflika. Cette

MEDI 1TV programme six heures d’informations par jour, des talk-shows ou des reportages. 90

chaîne, qui voulait être un trait d’union entre les deux rives de la Méditerranée, n’a diffusé que pendant six mois, en 2003, avant de disparaître comme le reste de l’empire Khalifa. Si les dirigeants algériens tolèrent une presse écrite critique, ils ne sont pas encore en mesure d’accepter cette même liberté sur leurs écrans de télé. PAS DE POLITIQUE. Curieusement, c’est en Tunisie, l’un

des pays de la région où la presse était, jusqu’au 14 janvier 2011, la plus muselée, que deux chaînes privées se sont fait une place. D’abord, depuis 2005, Hannibal TV, qui cible un public jeune et familial amateur de séries étrangères. Employant 200 personnes, la chaîne appartient à Tunimedia, société dont le capital (de 1 million de dinars tunisiens, soit 506 000 euros) est détenu en totalité par la famille Nasra. Bien que diffusant de l’information, la chaîne n’était pas autorisée à couvrir l’actualité p olitique, mais elle était tenue, jusqu’à la chute de Ben Ali, de retransmettre les allocutions de l’ancien président sans interruption publicitaire. Larbi Nasra, le propriétaire de HTV, et son fils Mehdi ont été accusés de haute trahison et de complot contre la sécurité de l’État durant les jours qui ont suivi la chute du régime. Arrêtés, ils ont été libérés le lendemain. Les programmes ont alors été momentanément suspendus. Depuis mars 2007, Hannibal TV a une concurrente : Nessma, qui se veut « la télé du Grand Maghreb » et diffuse en Tunisie, en Algérie, au Maroc, en Mauritanie et en Libye. Détenue initialement par le groupe publicitaire tunisien Karoui&Karoui World, la chaîne compte deux actionnaires supplémentaires depuis mai 2008: le groupe italien Mediaset et Quinta Communications, dirigé Tarak Ben Ammar, qui détiennent chacun 25 % des parts. Ciblant essentiellement la jeunesse, Nessma propose des séries étrangères, des talkshows, des émissions de divertissement et de sport. Cette chaîne privée a eu le mérite d’être le premier média tunisien à couvrir, dès le 30 décembre, le mouvement de protestation que vivait le pays, avec une émission spéciale faisant intervenir des personnalités connues pour leur franc-parler. Mais Nessma, tout comme Hannibal TV, n’a pu obtenir une licence sous Ben Ali qu’en montrantdessignesd’allégeanceau régime. Maintenant que la liberté d’expression s’est imposée, ces deux chaînes vont devoir se montrer à la hauteur des attentes des citoyens. Car,enattendantl’avènementd’une Al-Jazira maghrébine, Algériens, Marocains et Tunisiens continuent de regarder les télés satellitaires pour s’informer. ● JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


Cameroun

© Hasan Shaheed

© michaeljung - Fotolia

© Michael Nivelet - Fotolia

© SnappyStock, Inc.

© Paco Ayala

La lutte contre le chômage

UNE PRIORITÉ DU GOUVERNEMENT

Q

ue ce soit en milieu urbain ou en zone rurale, les jeunes Camerounais, titulaires ou non d’un parchemin officiel, se trouvent confrontés au quotidien, à la dure réalité du chômage. Cependant, les stratégies mises en place par les pouvoirs publics pour assurer aux jeunes un emploi stable sont nombreuses et diversifiées. Avec 13 700 postes offerts pour la seule année budgétaire 2011, la reprise des concours administratifs gelés depuis plusieurs années, et le recrutement, récemment décidé par le chef de l’État camerounais, de 25 000 jeunes diplômés dans la fonction publique, une brèche s’ouvre enfin dans un marché de l’emploi public marqué du sceau du déséquilibre entre l’offre et la demande. Mais cette initiative n’est pas isolée et elle en complète d’autres tout aussi incisives. Voyage au cœur des multiples engagements des pouvoirs publics en faveur de l’emploi des jeunes, devenu aujourd’hui la priorité des priorités. Message ● I


La lutte contre le chômage

© Diego Ravier / JA

Cameroun

Salle comble dans une université de Yaoundé.

PRENDRE LES DEVANTS

L’annonce par le chef de l’État le 10 février dernier du recrutement de 25 000 jeunes dans la fonction publique en 2011 est ressentie comme une véritable bouffée d’oxygène dans un marché national de l’emploi bien morose.

Le chef de l’État, Paul Biya

D

’aucuns ont cru d’emblée relever la « dimension calculée » de la décision présidentielle en cette année électorale. Deux raisons au moins en justifient pourtant le bien-fondé : le chômage, selon des chiffres récents rendus publics par un Conseil interministériel élargi au secteur privé frappe plus de 20 % de quelque 7,5 millions de Camerounais actifs et les jeunes en payent particulièrement le plus lourd tribut avec 65 % de sans-emploi. Par ailleurs, le gel, au cours des années de crises de 1980, sur exigence des institutions de Bretton Woods, de tout recrutement au sein de l’administration publique a eu pour effet d’y avoir engendré un sous-effectif qu’il importe aujourd’hui de combler. L’un et l’autre de ces facteurs entraînent inéluctablement des préoccupations sociales qu’il importe de maîtriser autant que faire se peut. Et si elle peut s’apprécier dans ce contexte comme une véritable bouffée d’oxygène, l’initiative présidentielle, audelà de l’enjeu important de promotion de la politique gouvernementale de l’emploi qu’elle véhicule, ne saurait se muer en une panacée. Elle requiert davantage, dans ce combat permanent contre le chômage, une synergie

public-privé. L’objectif poursuivi par cette quête de complémentarité est de permettre à l’un dans l’assomption de ses fonctions régaliennes d’instaurer un environnement conséquent propice aux affaires. Et à l’autre l’occasion d’y évoluer en toute sécurité avec la perspective rassurante de générer, dans ce contexte véritablement porteur, des revenus et de nombreux emplois subséquents. La politique de promotion de l’emploi représente, de toute évidence, un enjeu important de la planification de base des pouvoirs publics. Au Cameroun, l’effort du secteur privé, aussi important soit-il, ne peut à lui seul permettre de maintenir un rythme de croissance élevé et un niveau suffisant d’emplois.

Les activités publiques et privées sont complémentaires dans la lutte contre le chômage. C’est une exigence majeure que l’État camerounais et le secteur privé national s’attèlent à concrétiser à travers leurs différentes concertations. Et cela parallèlement à ces stratégies que l’État s’efforce de mettre en œuvre par la réforme de ses institutions publiques aux fins de conduire à terme son processus de développement économique et social.

Message ● II

Reste à déterminer la faisabilité effective de la décision présidentielle. Au ministère des Finances, on ne se fait aucun souci sur ce projet. En raison, affirme-t-on des « réserves budgétaires disponibles à même d’assurer cette absorption ». On y estime en fait, sur la base d’un salaire moyen individuel de 120 000 F CFA, que le montant des fonds nécessaires pour la prise en charge des nouveaux agents publics au cours des six derniers mois de 2011 avoisinerait 18 milliards de F CFA. La conjoncture mondiale avec l’envolée actuelle des cours du pétrole rend la manœuvre encore plus réalisable. Et la stabilisation desdits cours projetée à 87,5 dollars baril mettrait à la disposition du budget de l’État camerounais des recettes supplémentaires de l’ordre de 17 milliards de F CFA. Une autre appréhension a trait au poids des dépenses des agents de service public sur le budget de l’État tant il est vrai que « ce secteur ne crée pas de la valeur ajoutée ». Avec une incidence de 25,9 % des dépenses évaluées de ses agents publics sur le budget de l’État en 2011, (bien en deçà de la moyenne enregistrée dans la zone euro), le Cameroun reste encore dans les normes internationales.


Siège du Fonds National de l’Emploi.

Une groupe de demandeurs d’emploi à Yaoundé.

SOUS LE SIGNE DE L’ENTHOUSIASME L’engouement dont font montre aujourd’hui les candidats au recrutement se nourrit des perspectives tout aussi alléchantes que véhiculent d’autres projets à venir.

D

eux structures ont vu le jour à l’issue de l’annonce du recrutement dans la fonction publique de 25 000 jeunes diplômés : une commission de coordination et de supervision placée sous la direction du Secrétaire général des Services du Premier ministre d’une part, et de l’autre un Comité technique coiffé par le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative. À la première, il revenait d’évaluer toutes les opérations relatives à ce recrutement, alors qu’au second incombait les prérogatives d’élaborer les termes de référence y afférents. Appelée à s’effectuer tout simplement sur étude de dossier, l’opération concerne tous les Camerounais des deux sexes âgés de 40 ans au plus et titulaires de tout type de diplôme délivré par les ordres d’enseignement.

la première étape d’un vaste processus appelé à se décliner en plusieurs autres phases. Dans le même registre, le recrutement par la voie de concours administratif, de 13 700 autres fonctionnaires pour l’année 2011 a été confirmé par Emmanuel Bonde, le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative. Le démarrage imminent des grands projets structurants à l’instar des barrages de Menve’ele ou de Lom Pangar avec à la clé des dizaines de milliers d’emplois directs et indirects, s’inscrit également dans

la même perspective. On ne saurait enfin taire, ce qui aujourd’hui au Cameroun se pose comme un secret de polichinelle : la signature à plus ou moins brève échéance d’une convention entre l’État, les sociétés publiques, parapubliques et privées, avec à la clé, le recrutement de 100 000 jeunes Camerounais. À la tête d’une structure étatique appelée à accompagner les demandeurs d’emploi dans leur démarche d’insertion sociale, Camille Mouté à Bidias, directeur général du Fonds National de l’Emploi (FNE) et par ailleurs l’un des spécialistes attitrés en la matière, est sans nuance sur le sujet. Pour lui, le recrutement en cours, loin d’être une opération de circonstance, répond davantage, par la spécialisation qu’il requiert à différents niveaux, à un besoin réel de personnel au sein de la fonction publique camerounaise. Cette quête de performance au sein de la fonction publique ouvre selon le directeur général du FNE, une voie royale vers un bon niveau de croissance.

La période du dépôt des dossiers a été ouverte pour un mois à compter du 14 mars 2011. Les interminables files d’attente sont les signes éloquents du réel engouement des jeunes Camerounais.

Ce recrutement de 25 000 jeunes diplômés au sein de la fonction publique n’est en réalité que

Dépôt de dossier dans les services du gouverneur à Yaoundé.

Message ● III


LES CLÉS D’UNE RÉDUCTION DURABLE Au-delà des difficultés de toutes sortes, des politiques actives de l’emploi mises en route et adossées à des réformes macro économiques conséquentes.

L

’élaboration d’une politique plus active en matière d’emploi et de chômage repose sur la prise en compte de l’évolution tant économique, sociale qu’institutionnelle du Cameroun. Pour ce faire, le Cameroun s’est doté d’un cadre institutionnel et réglementaire de création d’emplois et de la restauration de l’employabilité. Cela se traduit par un suivi statistique de l’évolution du chômage au Cameroun et la création d’un centre de formation pour jeunes entrepreneurs (organe prévu par la charte des investissements en République du Cameroun) aux fins de susciter l’émergence d’une nouvelle classe d’hommes d’affaires. Ce n’est un secret pour personne ; le contexte national est marqué au fer rouge par les vicissitudes du chômage ambiant et son corollaire de pauvreté et de misère. La riposte des pouvoirs publics, au-delà du déficit de communication dont elle souffre, s’est nourrie depuis un certain temps de quelques initiatives louables qui méritent d’être relevées. Deux départements ministériels entre autres

sont appelés à imprimer, à des degrés divers, une certaine lisibilité à la politique gouvernementale en matière d’emploi : le ministère de l’Emploi et de la Formation professionnelle et, dans une moindre mesure, celui des Petites et Moyennes Entreprises, de l’Économie sociale et de l’Artisanat. À eux incombent la réalisation de la politique nationale de l’emploi, le développement des activités à haute intensité de main-d’œuvre, la promotion des petites et moyennes entreprises, des petites et moyennes industries et la canalisation du secteur informel.

Le Ministère de l’Emploi et de la Formation professionnelle.

Message ● IV

Un des bras séculiers de la politique gouvernementale en matière d’emploi est le Fonds National de l’Emploi (FNE). Créé en 1990 avec comme mission d’assurer l’intermédiation sur le marché de l’emploi, il s’est jusqu’ici illustré avec le concours de partenaires internationaux de renom par des actions et des résultats convaincants : appuis multiformes à la création des micro-entreprises, conception financière et suivi des programmes de formation professionnelle et diffusion des informations sur le marché de l’emploi, insertion des jeunes diplômés et réinsertion des sans-emplois.

Les spécialistes s’accordent à reconnaitre les mêmes objectifs à l’Agence de Service Civique de Participation au Développement et aux Centres Multifonctionnels de Promotion des Jeunes récemment créés et réhabilités par décrets présidentiels. L’un et l’autre sont appelés à apporter Camerounais de 17 à 21 ans « l’encadrement civique et la formation nécessaire à leur insertion sociale ». Le Programme Intégré d’Appui aux Acteurs du Secteur Informel (PIAASI) a également les mêmes préoccupations, tout comme le Programme d’Appui à la Jeunesse Rurale et Urbaine (PAJER-U), ou encore le Projet d’Insertion socio-économique des jeunes par la Fabrication de Matériel Sportif (PIFMAS). Le chef de l’État camerounais, lors de son message traditionnel à la jeunesse, le 10 février 2011, leur a reconnu le mérite d’avoir « permis d’insérer dans la vie économique nationale, plusieurs milliers de jeunes, de lancer des centaines de micro-activités et de Juniors entreprises et de créer des dizaines de coopératives ». Le combat est certes loin d’être gagné, mais l’on n’en est pas moins sur la bonne voie.

DIFCOM C.C. / Copyright R.D sauf mention

La lutte contre le chômage

© Diego Ravier / JA

Cameroun


TRIBUNE J. TORREGLIANO POUR J.A.

MahamatSaleh Haroun Cinéaste, réalisateur de Un homme qui crie, prix du jury du Festival de Cannes 2010.

SANS

À

L’HEURE DE la frénésie médiatique, il est admis que tout ce qui est invisible n’existe pas. Or, depuis un certain nombre d’années, le cinéma en provenance d’Afrique a déserté les écrans internationaux. Nous étions déjà peu visibles, nous voici relégués dans les ténèbres… Longtemps, nous nous sommes couchés sans trop nous poser de questions : des guichets du Nord subventionnaient nos productions. À force d’être sous perfusion pendant de longues années, notre cinéma a fini par s’accommoder de cette maladie chronique. Nous avions omis de penser l’avenir de notre cinéma, de l’inscrire dans une perspective pour mieux le défendre. Assistés, nous l’étions, et nous nous en contentions. Avec la crise actuelle, cet harmattan qui a tout balayé, les choses deviennent de plus en plus difficiles. Certains guichets auxquels nous étions abonnés ont fermé. L’aide au développement a vécu. En conséquence, la production cinématographique en pâtit.

TENDANCES

Petite introduction à la mort du cinéma en Afrique noire Face à cette situation de déshérence, l’irruption du numérique a été salutaire : enfin, une bouée de sauvetage! Grâce à la diminution des coûts de production et à la légèreté des matériels utilisés, on allait voir ce qu’on allait voir! Mais, malgré les nouvelles technologies, force est de constater que la donne n’a pas changé. Parce que les télévisions nationales, qui auraient dû soutenir cette production numérique balbutiante, n’ont pas, dans leur grande majorité, joué le jeu. Or l’enjeu essentiel des télévisions africaines devrait être ceci : permettre l’éclosion de jeunes talents, donner naissance à des œuvres honnêtes qui pourraient trouver leur place sur le marché international. Au lieu de cela, on a vu des télévisions africaines qui exigent même d’être payées pour diffuser les œuvres…

En conséquence, cette promesse d’une nouvelle économie, torpillée dès sa naissance, a plutôt favorisé des réflexes artificiels. La plupart des réalisateurs en Afrique se sont lancés corps et âme dans des séries dont Force est de constater qu’il y a péril en la l’enjeu principal n’est autre qu’alimentaire, demeure parce que les pays africains se sounous entraînant de facto dans une marginacient peu du septième art. Il est difficile lisation sans précédent… Il est évident que, pour ne pas disparaître, aujourd’hui de trouver un seul pays au sud du Sahara qui mette la main à la poche quand le cinéma en Afrique doit d’abord être soutenu, il s’agit de cinéma. Bien entendu, il y a le appuyé et financé en premier lieu par nos propres pays. Pour cela, il faut une mobilisation des cinéastes LES LIEUX DE LUMIÈRE ONT DÉSERTÉ LES VILLES pour sensibiliser nos gouvernants afin que le septième art QU’AUCUNE AUTORITÉ S’EN ÉMEUVE. soit inscrit comme une priorité nationale dans chacun de nos Burkina Faso qui, à travers son Fespaco, pays. C’est ce que nous avons fait au Tchad, distribue des prix en espèces sonnantes et avec Issa Serge Coelo et d’autres, pour que trébuchantes pour les pauvres réalisateurs le cinéma voie à nouveau le jour. que nous sommes. Mais se préoccupe-t-on Après la réouverture de la salle de cinéma Le Normandie à N’Djamena, le gouvernement des enjeux auxquels nous sommes projette aujourd’hui d’en rénover deux autres. confrontés ? Délaissé par les pouvoirs publics nationaux, Un fonds d’aide à la création cinématograle cinéma en Afrique a fini par perdre de sa phique a été mis sur place pour financer la superbe. Les salles ont fermé les unes après production des films, et l’Office national de les autres. De nombreux pays n’en ont plus : la radio et télévision (ONRTV) achète les séries locales à raison de 500 euros l’épisode de ainsi du Cameroun, du Sénégal, du Kenya, etc. Les lieux de lumière ont déserté les villes 26 minutes. Et nous travaillons actuellement sans qu’aucune autorité s’en émeuve, sans sur la maquette de l’Institut de cinéma, qui qu’un groupe de cinéastes de tel ou tel pays verra le jour au plus tard en 2013. C’est un se mobilise… Nous avions laissé faire, indifcombat qui mérite d’être noblement mené pour que vive le cinéma en Afrique. ● férents, apathiques…

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

95


53 États au crible FICHES PAYS 158 ■ AFRIQUE DU SUD 100 ■ ALGÉRIE 160 ■ ANGOLA 112 ■ BÉNIN 162 ■ BOTSWANA 113 ■ BURKINA FASO 144 ■ BURUNDI 132 ■ CAMEROUN 114 ■ CAP-VERT 134 ■ RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE 171 ■ COMORES 135 ■ CONGO 136 ■ RD CONGO 115 ■ CÔTE D’IVOIRE 145 ■ DJIBOUTI 102 ■ ÉGYPTE 146 ■ ÉRYTHRÉE 147 ■ ÉTHIOPIE

138 ■ GABON 117 ■ GAMBIE 118 ■ GHANA 119 ■ GUINÉE 120 ■ GUINÉE -BISSAU 140 ■ GUINÉE ÉQUATORIALE 149 ■ KENYA 163 ■ LESOTHO 121 ■ LIBERIA 104 ■ LIBYE 172 ■ MADAGASCAR 164 ■ MALAWI 122 ■ MALI 106 ■ MAROC 174 ■ MAURICE 108 ■ MAURITANIE 165 ■ MOZAMBIQUE

166 ■ NAMIBIE 123 ■ NIGER 124 ■ NIGERIA 151 ■ OUGANDA 152 ■ RWANDA 141 ■ SÃO TOMÉ E PRÍNCIPE 126 ■ SÉNÉGAL 175 ■ SEYCHELLES 128 ■ SIERRA LEONE 153 ■ SOMALIE 154 ■ SOUDAN 167 ■ SWAZILAND 156 ■ TANZANIE 142 ■ TCHAD 129 ■ TOGO 110 ■ TUNISIE 168 ■ ZAMBIE 169 ■ ZIMBABWE

RÉDACTION Pascal Airault, Jordane Bertrand, Mahamadou Camara, Rémi Carayol, Frida Dahmani, Constance Desloire, Muriel Devey, Georges Dougueli, Alex Duval Smith, Faïza Ghozali, Théophile Kouamouo, Christelle Marot, Marianne Meunier, Nicolas Michel, Cécile Sow, Zoé Suarez.

SOURCES

Environnement, peuplement, langues et religions : Atlas de l’Afrique (Éditions du Jaguar). Population, croissance démographique (2009) : Banque mondiale. Densité de population (2009) : Perspectives économiques en Afrique 2010 (BAD/OCDE). Population urbaine (2010) : Rapport mondial sur le développement humain 2010 (Pnud). Espérance de vie (2009) : Annuaire statistique pour l’Afrique 2010 (BAD, CUA, Uneca), sauf Seychelles (Banque mondiale). Alphabétisation (2008) : Banque mondiale, sauf Algérie (Unicef). Indice de développement humain : Rapport mondial sur le développement humain 2010 (Pnud). Parité monétaire au 1.1.2011 : www.oanda.com. PIB par habitant (2010), PIB et taux de croissance (2007-2010) : FMI. Répartition du PIB (2008) : Banque mondiale sauf Bénin, Burundi, Guinée équatoriale, Mali, Niger, Nigeria, Togo (BAD, 2010), Cameroun, São Tomé e Príncipe (CIA, 2010). Inflation (2009) : BAD. Investissements directs étrangers (2009) : Cnuced. Importations et exportations (2009) : OMC, sauf Burkina Faso et Liberia (Banque mondiale).

96

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


L’ÉTAT DE L’AFRIQUE PAYS PAR PAYS

Afrique du Nord

p. 99

Afrique de l’Est

Afrique de l’Ouest

p. 143

p. 111

Afrique centrale

p. 131

Océan Indien

p. 170

Afrique australe

p. 157


ISBN 978-2-86950-461-5 ISBN 978-2-86950-443-1

ISBN 978-2-86950-451-6

ISBN 978-2-86950-452-3

ISBN 978-2-86950-447-9

ISBN 978-2-86950-464-6

ISBN 978-2-86950-435-6

ISBN 978-2-8650-419-6

ISBN 978-2-86950-425-7

ISBN 978-2-86950-445-5

LA COLLECTION

AUJOURD’HUI

© PHOTO : R. VAN DER MEEREN / LES ÉDITIONS DU JAGUAR

ISBN 978-2-86950-415-8

Pour s’informer, découvrir et rêver…

ISBN 978-2-86950-433-2

ISBN 978-2-86950-408-0

ISBN 978-2-86950-423-3

ISBN 978-2-86950-424-0

PRIX DE L’OUVRAGE : 25 € 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris, France - Tél. +33 (0) 1 44 30 19 70 - Fax : +33 (0) 1 44 30 19 79 - E-mail : jaguar@jeuneafrique.com

Commandez en ligne : www.laboutiquejeuneafrique.com

DIFFUSEURS : EDITOUR (France) tél. +33 (0) 4 75 96 17 00 - LARC (Belgique) tél. +32 24 78 80 03 - OLF (Suisse) tél. + 41 26 467 51 11 - ULYSSE (Canada) tél. +1 514 843 9882 poste 2232.


The Africa Report, la publication en langue anglaise, éditée par le Groupe Jeune Afrique propose, tous les deux mois, une analyse pertinente et incisive des enjeux économiques, politiques et sociaux du continent. Lancé en 2005, le magazine a été primé meilleur business magazine panafricain anglophone, en 2006 et 2007.

The best reference in African affairs

www.theafricareport.com


AFRIQUE DU NORD

Alger

Océan Atlantique

Tanger Fès Casablanca Rabat

Marrakech

Oran

Tunis

Constantine

TUNISIE

Mer Méditerranée

Tripoli

Béchar

Benghazi

Alexandrie Le Caire

MAROC ALGÉRIE

Tindouf

LIBYE

ÉGYPTE Assouan

Nouadhibou

M A U R I TA N I E Nouakchott

MALI NIGER

SOUDAN

TCHAD

SÉNÉGAL

400 km

Afrique du Nord

Vague révolutionnaire

E

n Afrique du Nord, rien ne sera jamais plus comme avant. Le 14 janvier, après plusieurs semaines d’émeutes, le président Zine el-Abidine Ben Ali fuit le pays sous la pression de la rue. Son départ enflamme littéralement le monde arabe, et plus particulièrement les pays du nord du continent africain. Le 11 février, l’Égyptien Hosni Moubarak démissionne, lui aussi à la suite de manifestations en série. Le pouvoir est alors confié à l’armée, qui s’engage à mener la transition vers un régime démocratique. Quelques jours plus tard, en Libye, le mouvement de protestation populaire suscité par les bouleversements politiques dans les pays voisins vire à l’insurrection contre le colonel Kaddafi. Un Conseil national de transition (CNT), basé à Benghazi, se constitue, avec l’appui de la communauté internationale. Une résolution des Nations unies autorise le recours à la force contre le régime de Tripoli. Enfin, les révolutions d’Afrique du Nord vont faire des émules au Moyen-Orient, où le Yémen, la Syrie, Bahreïn connaissent des soulèvements sans précédent.

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE NO 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

100 102 104 106 108 109

Algérie Égypte Libye Maroc Mauritanie Tunisie 99


Algérie

Une prospérité en trompe-l’œil

P

LIBYE

Fonds monétaire international (FMI) our contenir les effets du « prinESPAGNE Mer Méditerranée ESPAGN prévoit un taux de croissance de 4 %. La temps arabe », le président Alger Banque mondiale, elle, table sur 3,7 % Abdelaziz Bouteflika a annoncé, Constantine et un excédent de la balance comle 15 avril 2011, qu’il œuvrera « à intromerciale de 13,5 milliards de dollars. duire des amendements législatifs et TUN. Les grandes institutions financières constitutionnels en vue de renforcer la MAROC MAR mondiales – FMI compris – font chorus démocratie représentative » en Algérie: ALGÉRIE avec elle pour saluer les performances au programme notamment, une noumacroéconomiques du pays et sa gesvelle loi électorale et la dépénalisation tion relativement prudente. des actuels « délits de presse ». Autre MAURIT. signe qui ne trompe pas : l’état d’urMALI FRÉNÉSIE DÉPENSIÈRE. A priori, gence, en vigueur depuis le 9 février 400 km NIGER l’Algérie a tout pour séduire les inves1992, a été abrogé par ordonnance prétisseurs, qui convoitent son marché de sidentielle le 24 février. Cette heureuse près de 35 millions de consommateurs. Mais son pouvoir nouvelle n’a pourtant pas eu le retentissement escompté, d’attraction n’a jamais joué à plein. Surtout depuis les mesusans doute assourdie par le vent révolutionnaire qui souffle res introduites dans la loi de finance complémentaire de sur la Tunisie, l’Égypte et la Libye. Dans ce contexte, cette 2009, avec notamment l’apparition du crédit documentaire mesure a valeur de message : l’État algérien signifie qu’il se pour toutes les opérations d’importation, et l’obligation faite sait solidement arrimé, étranger au séisme contestataire qui aux investisseurs étrangers de s’associer à un partenaire secoue la région. Le pays a bien connu de violentes émeutes, algérien. L’intention était louable : le gouvernement souau début de janvier, déclenchées par une forte hausse des haitait ainsi réduire la facture des importations, soumise à prix de produits alimentaires comme le sucre et l’huile. Bilan: une inflation constante depuis 2000, et imposer un transcinq morts, près de 800 blessés et des centaines d’arrestations fert de savoir-faire et de technologies. Mais le bilan s’est à Alger, Constantine, Oran et en Kabylie. Dans la foulée du révélé moins bon que promis. Les investissements directs geste du Tunisien Mohamed Bouazizi, les cas d’immolation étrangers ont pâti de l’insécurité juridique et des lourdeurs – une dizaine au total – se sont succédé. Mais le pouvoir a administratives. Et si la hausse de la facture globale des su éviter le recours à la force armée face aux manifestants importations a bien marqué le pas, celle-ci accuse tout de et aux émeutiers. Et il a surtout réagi rapidement pour faire même une augmentation de 2,3 % en 2010, atteignant le baisser les prix à coup de subventions. montant record de 40,2 milliards de dollars. Il est vrai que l’Algérie a les moyens de sa politique, arboQuarante ans après la nationalisation du secteur pétrorant une santé financière plus insolente que jamais. Une lier, l’or noir coule à flots, alimentant le flux des dépenses dette extérieure apurée, une croissance de 3,8 % en 2010, publiques, de plus en plus importantes. Grâce en soit 155 milliards de dollars (109 milliards d’euros) de réserves rendue à un baril de brut vendu à 80 dollars en moyenne de change et un fonds de régulation des recettes doté de en 2010 (+ 12 % en un an). En mai 2010, le troisième plan 63,8 milliards de dollars en fin d’année… Des chiffres qui quinquennal (2010-2014) mis en œuvre par le président donnent le tournis. Et l’avenir semble dégagé : pour 2011, le

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 5 juillet 1962 Accession à l’indépendance. 19 juin 1965 Houari Boumédiène renverse Ben Bella et devient chef de l’État. 26 décembre 1991 Victoire du Front islamique du salut (FIS) aux législatives. 14 janvier 1992 État d’urgence. 29 juin 1992 Le président Boudiaf assassiné. Avril 1999 Abdelaziz Bouteflika (FLN) est élu président. Il est réélu en 2004 et en 2009. 29 septembre 2005 Adoption de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. 24 février 2011 Levée de l’état d’urgence.

Le pays en bref ■ Superficie 2 381 740 km2. ■ Population 34,9 millions d’hab.

100

■ Croissance démographique 1,5 %. ■ Densité de population 15 hab./km2. ■ Population urbaine 66,5 %. ■ Espérance de vie 72,7 ans. ■ Alphabétisation (2005-2008) 73 %. ■ Indice de développement humain

(2010) IDH : 0,677 ; rang : 84e sur 169. ■ Langues Arabe (officielle), berbère (plusieurs dialectes), français. ■ Peuplement Arabes, Berbères. ■ Religion Musulmans (religion officielle). ■ Monnaie Dinar algérien. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 98,04 dinars algériens ; 1 $ = 73,50 dinars algériens. ■ PIB par habitant 4 478 $. ■ Répartition du PIB Primaire 6,9 % ; secondaire 62,1 % ; tertiaire 31 %.

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 134,3

170,2

139,8

159

Taux de croissance (en %, à prix constants) 3 2007

2,4

2,4

2008

2009

3,8 2010

■ Inflation 5,7 %. ■ Investissements

directs étrangers 2,9 milliards de $. ■ Exportations 45,2 milliards de $. ■ Importations 39,3 milliards de $. ■ Principales ressources Pétrole, gaz, phosphate, agriculture.

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE NO 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


101

ALGÉRIE

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE NO 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

AFRIQUE DU NORD

Abdelaziz Bouteflika depuis son arriL’affaire Djezzy vée au pouvoir a été dévoilé. L’État y consacrera 286 milliards de dollars. LA QUERELLE A DÉMARRÉ dans le ciment avant de se prendre les C’est presque le double des 150 milpieds dans le football et de tourner à l’affaire d’État. Le contentieux liards évoqués pendant son élaboraautour de Djezzy, numéro un de la téléphonie mobile en Algérie et tion, et, respectivement, 130 milliards filiale de l’égyptien Orascom Telecom (OT) est ancien. et 86 milliards de dollars de plus Acte I : fin 2007, le groupe Orascom cède à Lafarge les cimenteries que pour les deux plans précédents publiques qu’il avait acquises, sans demander l’avis des autorités (1999-2004 et 2005-2009). Au menu : algériennes et en empochant au passage une juteuse plus-value. tramways, barrages, viaducs, usines Acte II : en 2009, les matchs de qualification pour le Mondial de dessalement d’eau de mer, systèopposant l’Égypte et l’Algérie virent à l’empoignade nationaliste mes de raccordement des réseaux et à la crise diplomatique ; Djezzy, dont des locaux sont saccagés, d’adduction d’eau et d’assainisseperd des milliards de dollars. ment, logements par centaines de Acte III : après avoir gelé le rapatriement des dividendes d’OT, et usé milliers… On promet la création de de l’arme fiscale (726 millions de dollars, soit près de 520 millions 3 millions d’emplois. Depuis dix ans, d’euros, de redressement pour la période 2004-2007 et 230 millions le pays est un chantier à ciel ouvert, pour 2008 et 2009) et d’une accusation d’infraction aux changes, où se multiplient les grands projets. l’État algérien a durci sa position face à Naguib Sawiris, patron La plupart, comme le métro d’Alger, d’Orascom Telecom. En 2010, il bloque les tentatives du groupe pour l’autoroute est-ouest ou les villes nouse délester de Djezzy. Et fait jouer un droit de préemption avant velles, attendent toujours d’être livrés, de charger le cabinet Sherman and Sterling LLP France d’étudier une échéance différée de semestre l’opération d’acquisition. Réponse promise pour juin 2011. ● en semestre. Derrière cette frénésie dépensière, le tableau est plus nuancé. La redistriLe ministère des Travaux publics a été éclaboussé à la fin bution des richesses semble limitée. La dépense publique de 2009, puis ce fut le tour de celui des Transports et de (qui représente les deux tiers du PIB hors hydrocarbures) l’Agence nationale des autoroutes en 2010. Attendue depuis irrigue peu l’économie productive. Les PME, qui peinent 2006, la Commission de prévention et de lutte contre la toujours à se financer, se plaignent d’être les mal-aimées corruption a fini par voir le jour, début janvier 2011. de la stratégie économique mise en œuvre. La productivité La classe moyenne, marquée par la baisse de son pouvoir reste faible. Les résultats de l’agriculture ne sont pas à la d’achat, peine à se reconstruire après les années noires hauteur des sommes colossales investies dans le cadre des de la décennie 1990. Et le chômage frappe durement une programmes d’appui successifs. Un certain immobilisme jeunesse nombreuse : les trois quarts des diplômés de semble figer le pays. Le paysage audiovisuel est toujours moins de 30 ans sont chômeurs, selon la Banque mondiale. verrouillé, sous tutelle publique. Le secteur bancaire, public L’agitation sociale est récurrente. Pour la seule année 2010, à 90 %, attend une réforme gelée depuis des années. À en les services de gendarmerie ont dénombré 11 500 émeutes, croire le classement « Transformation Index » publié en manifestations et rassemblements à travers le pays. Les 2010 par le cabinet allemand Bertelsmann, le pays (85e sur grèves gagnent le milieu médical, se renforcent dans le 128) a même régressé d’une place par rapport à 2008 en corps enseignant, se poursuivent, sporadiques, chez les termes de développement économique, social et politique. étudiants. Les conflits sociaux se multiplient dans les entreLe rythme des réformes ralentit, inversement proportionnel prises. L’Union générale des travailleurs algériens (UGTA), à l’inflation de la dépense publique. centrale syndicale dominante, fait face à l’affermissement de nouveaux mouvements autonomes, particulièrement AGITATION SOCIALE. Devant tant de milliards dépensés, actifs dans les secteurs de la santé et de l’éducation. certains commencent à demander des comptes. On s’inAiguillonné par les soulèvements dans les pays voisins, quiète des surcoûts récurrents et de l’absence de mécanismes de contrôle et de suivi efficaces. D’autant que des scandales le pouvoir algérien a brandi une série de mesures censées de corruption éclaboussent ministères et entreprises. Début assurer la paix sociale. Fin 2010, les salaires des fonction2010, le groupe pétrolier public Sonatrach, premier d’Afrique naires ont été révisés à la hausse (+ 50 % pour la police). en termes de chiffre d’affaires et poumon financier du pays Le chef de l’État a également évoqué la nécessité d’assurer l’accès équitable « de l’ensemble des partis et organisations (il fournit 98 % des recettes en devises), était décapité, son nationales agréés » à la télévision et à la radio ainsi que la PDG, Mohamed Meziane, étant accusé de malversations couverture de leur activité. Sauf que l’agrément annoncé financières, comme deux de ses enfants et quatre hauts dirigeants du groupe. Chakib Khelil, jusque-là tout-puissant de partis politiques et de nouveaux journaux a été différé ministre de l’Énergie et des Mines, a également fait les frais sine die. Et malgré la levée de l’état d’urgence, toute manide cette affaire. Il a été évincé lors du remaniement gouverfestation demeure interdite à Alger. nemental de mai 2010 au profit de Youcef Yousfi, qui avait L’ouverture démocratique ? Abdelaziz Bouteflika n’en déjà occupé le poste sous Liamine Zéroual (1995-1999). fait pas son credo. L’opinion publique, échaudée par les Autre épicentre de scandales de corruption, le « chantier effets d’annonce rarement suivis d’applications concrètes, du siècle », celui des 1 216 km de l’autoroute est-ouest. Le mais qui garde en mémoire les sanglantes années 1990, coût du kilomètre aurait atteint allègrement les 8 millions semble mitigée. En attente de gages qui lui permettront de dollars, quand il est en général de l’ordre de 6 millions. de retrouver la foi politique. ●


Égypte

Les incertitudes du lendemain

D

rR

ou

LIBYE

Me

Moubarak a ravivé les inquiétudes ans le sillage de la Tunisie Mer Méditerranée ISRAËL AËL de l’État hébreu, notamment sur la et après plusieurs jours de aïd Port Saïd situation à la frontière entre l’Égypte révolte populaire, l’Égypte a Alexandrie et Gaza. Le Premier ministre israémis un terme à près de trente années Le Caire lien, Benyamin Netanyahou, a mis en de règne, en poussant vers la sortie garde contre un risque « d’instabilité Hosni Moubarak, 82 ans. Le 11 février, ARA ARABIE pendant de nombreuses années » en l’ancien raïs a démissionné. Depuis, ÉGYPTE SAOUDITE Égypte qui pourrait menacer direcl’armée, qui a pris le contrôle du pays, tement son pays. assure l’intérim. Les militaires ont Sur le plan économique, on devrait suspendu la Constitution, dissous assister à une redistribution des cartes le Parlement et promis des élections dans les prochains mois, tant l’ancien démocratiques. Ils ont annoncé qu’ils SOUDAN 300 km régime était miné par la corruption et géreraient les affaires du pays pour la prévarication. La fortune du clan six mois ou jusqu’aux prochaines Moubarak serait comprise entre 40 milliards et 70 milélections législatives et présidentielle. Avec le départ de liards de dollars (soit 29 milliards à 50 milliards d’euros), Hosni Moubarak, une nouvelle ère, remplie d’espoirs et selon des experts cités par le quotidien britannique The d’incertitudes – politiques, mais aussi économiques –, Guardian. Inquiète pour son économie – qui perdait au s’ouvre pour l’Égypte. moins 310 millions de dollars par jour au plus fort de REDISTRIBUTION DES CARTES. Sur le plan politique, les la crise politique, selon une note du Crédit agricole –, partis d’opposition s’organisent, sans que soit réellement l’Égypte a demandé une aide internationale. apparue pour l’instant une figure capable d’assurer la Modèle de pays émergent, soutenue par les bailleurs, relève. Ancien directeur de l’Agence internationale de elle a enregistré une croissance soutenue ces dernièl’énergie atomique (AIEA) et Prix Nobel de la paix en res années et observé une amélioration de son climat 2005, Mohamed el-Baradei, 68 ans, rentré en Égypte à la des affaires. Selon le rapport « Doing Business » 2011 suite des événements, a déclaré que son objectif était de publié par la Banque mondiale, l’Égypte a progressé contribuer à la démocratisation du pays plutôt que d’être de cinq places par rapport à 2010, se classant 94e sur candidat à la présidence. Mal tolérée et marginalisée par 183 États. Elle appartient par ailleurs au clan des Civets, le pouvoir déchu, la confrérie islamiste des Frères musulacronyme des nouveaux pays émergents jugés les plus mans (lire encadré) devrait, elle, gagner en visibilité. Sur prometteurs : Colombie, Indonésie, Vietnam, Égypte, le plan extérieur, les puissances occidentales s’interrogent Turquie et Afrique du Sud. sur l’attitude de l’Égypte à l’égard d’Israël. Jusqu’alors, Au niveau macroéconomique, le pays a connu un taux le pays des Pharaons, soutenu par les États-Unis, a été de croissance de 7,2 % en 2008, avant de ralentir à 4,7 % un élément de stabilisation dans la région. Depuis la en 2009, en raison de la crise financière mondiale. La forte signature des accords de Camp David en 1978, Le Caire demande intérieure et les mesures de soutien du gouverneet Tel-Aviv entretiennent une paix froide. La chute de ment – près de 46 milliards d’euros injectés dans l’économie ge

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 18 juin 1953 Accession à l’indépendance. Avril 1954 Neguib est destitué, Gamal Abdel Nasser est nommé Premier ministre. Octobre 1970 Sadate élu président. 6 octobre 1981 Assassinat d’Anouar al-Sadate. Hosni Moubarak lui succède. Septembre 2005 Moubarak est réélu pour un cinquième mandat. Décembre 2010 Victoire du Parti national démocratique (au pouvoir) aux législatives. 11 février 2011 Moubarak démissionne. L’intérim est confié à l’armée.

Le pays en bref ■ Superficie 1 001 450 km2.

■ Population 83 millions d’hab.

102

■ Croissance

démographique 1,8 %. de population 83 hab./km2. ■ Population urbaine 43,4 %. ■ Espérance de vie 70,3 ans. ■ Alphabétisation 66 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,620 ; rang : 101e sur 169. ■ Langues Arabe (officielle), anglais, français. ■ Peuplement Arabes, Turcs, Berbères. ■ Religions Musulmans, chrétiens coptes, protestants. ■ Monnaie Livre égyptienne. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 7,61 livres égyptiennes ; 1 $ = 5,71 livres égyptiennes. ■ PIB par habitant 2 772 $. ■ Répartition du PIB Primaire 13,2 % ; secondaire 37,5 % ; tertiaire 49,2 %. ■ Densité

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 130,3

162,4

188

216,8

Taux de croissance (en %, à prix constants) 7,1

7,2

2007

2008

4,7

5,3

2009

2010

■ Inflation 16,2 %.

■ Investissements

directs étrangers 6,7 milliards de $. ■ Exportations 23 milliards de $. ■ Importations 45 milliards de $. ■ Principales ressources Gaz naturel, fer, cacao, agrumes, canne à sucre, tourisme.

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE NO 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


103

ÉGYPTE

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE NO 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

AFRIQUE DU NORD

pour l’exercice 2009-2010 – lui ont permis de ne pas trop souffrir. Le secteur Qui sont les Frères musulmans ? de la construction s’est notamment CRÉÉE EN 1928 par Hassan n’hésitent pas à légitimer la trouvéstimuléparlaconsommationdes el-Banna – le grand-père violence. Mais la majorité affirme 83millionsd’Égyptiens.OutreleBTP,les de Tariq Ramadan, intellectuel avoir choisi une voie pacifique industries extractives, les technologies controversé de nationalité pour prendre le pouvoir. Une de l’information et de la communicasuisse –, la confrérie égyptienne modération affichée qui tion, ainsi que le commerce sont restés des Frères musulmans est contribue à leur popularité. relativement dynamiques. Le tourisme apparue comme l’une des Selon les spécialistes, la a repris en 2010: entre 12,6 milliards et principales forces d’opposition confrérie est essentiellement 13 milliards de dollars de recettes attenau régime de Hosni Moubarak. pragmatique. dues, contre 10 milliards en 2009, selon Marginalisés politiquement Au lendemain de la démission les autorités. Le pays des Pharaons a et très surveillés par le pouvoir de Hosni Moubarak, les Frères attiré 14,7 millions de visiteurs en 2010 pendant plusieurs décennies musulmans ont annoncé qu’ils (un chiffre en hausse de 17,5 %), 75 % (la confrérie a été interdite en ne brigueraient pas la présidence d’entre eux venant d’Europe. L’industrie 1954 par Nasser), les Frères de la République, ni ne viseraient du tourisme représentait en 2009 11 % musulmans ont développé leur une majorité dans le futur du PIB et près de 13 % des emplois (avec influence sur le terrain, dans Parlement. Mais ils ont tout 2,5 millions d’Égyptiens travaillant dans chaque ville, gérant des hôpitaux, de même créé leur propre parti le secteur). des écoles, des banques, des politique. En 2005, la confrérie Relativement peu intégrée aux marorganisations de bienfaisance. était parvenue à faire élire près chés financiers mondiaux, l’Égypte On leur prête plusieurs millions de 90 candidats sous l’étiquette n’a pas souffert directement de la d’adeptes, qui représenteraient « indépendants » au Parlement, crise internationale. Les investisseprès d’un tiers des électeurs. soit un cinquième des députés. ments directs étrangers (IDE), touteCe mouvement islamiste, le plus Refusant de cautionner un scrutin fois, ont diminué de 29 %, s’élevant à influent du monde arabe, entaché de fraudes, elle s’était 6,7 milliards de dollars en 2009, selon est également représenté retirée entre les deux tours des la Conférence des Nations unies sur au Moyen-Orient, en Afrique dernières élections législatives, le commerce et le développement et en Europe. en novembre et décembre 2010, (Cnuced). La reprise espérée des IDE L’organisation des Frères largement remportées par le Parti risque de se faire attendre, compte tenu musulmans, partagée entre national démocratique (PND) des récents troubles politiques. Estimée radicaux et modérés, n’est pas de Moubarak. Des milliers de à 5,5 % en 2011 par le Fonds monétaire unitaire. Certains membres membres de la confrérie avaient international (contre un peu moins de soutiennent Al-Qaïda et été arrêtés avant le scrutin. ● 5,3 % en 2010), la croissance devrait elle aussi être revue à la baisse. Parmi les points faibles de l’écopartie de la population, empêtrée dans la recherche d’un nomie égyptienne, figure l’inflation, avec un taux de emploi et d’un logement à un prix abordable. 16,2 % en 2009. Les infrastructures, notamment routières Pour le nouveau pouvoir, les marges de manœuvre et portuaires, ainsi que l’éducation présentent de fortes financières sont étroites : le déficit budgétaire représente lacunes. Seuls 61 % des hommes et 43 % des femmes environ 7,5 % du PIB ; l’aide aux ménages absorbe 30 % atteignent le secondaire, souligne le Programme des du budget de l’État ; et les agences de notation Moody’s, Nations unies pour le développement (Pnud). Surtout, Standard and Poor’s et Fitch ont, en raison des troubles le chômage reste supérieur à 9 %. Environ 700 000 jeunes politiques, dégradé au début de l’année 2011 la note de font leur entrée sur le marché du travail chaque année, la dette égyptienne, rendant plus onéreux le recours à sans grandes perspectives de situation stable. l’emprunt sur les marchés internationaux. Fermée pendant plusieurs semaines au moment de la révolution, COÛT DES ÉVÉNEMENTS. L’économie, insuffisamment la Bourse du Caire a enregistré de fortes pertes : 12 mildiversifiée, est nourrie par les revenus du canal de Suez, liards de dollars au cours des deux premiers jours des du tourisme et du pétrole, les transferts des travailleurs manifestations. Derrière Johannesburg, Le Caire, avec égyptiens expatriés ainsi que l’aide internationale, notamment américaine. Les inégalités et la pauvreté demeurent 83 milliards de dollars de capitalisation à la fin de 2010, persistantes. En 2010, avec un score de 0,620, l’Égypte s’est est la deuxième plus grande place boursière d’Afrique. classée à la 101e position pour son indice de développement Elle compte 212 entreprises cotées. humain (IDH) sur 169 pays, reculant de sept places. Près Les banques elles-mêmes ont fermé plusieurs jours de 40 % de la population vit autour du seuil de pauvreté. au cours des émeutes, de peur de voir les usagers se préUne détresse aggravée par la flambée du prix des produits cipiter pour retirer leur argent. De nombreux analystes alimentaires de première nécessité survenue depuis la considèrent qu’à court terme le coût économique de ces fin de l’année 2010. Les Égyptiens consacrent 40 % à 60 % événements sera considérable, affectant les revenus du de leurs revenus à l’alimentation. Selon de nombreux tourisme et les investissements réalisés par les entreprises analystes, les fruits de la croissance ont été accaparés étrangères. D’autant que, après la révolte politique, les par une élite liée au pouvoir, laissant à l’écart une grande mouvements sociaux se multiplient. ●


Libye

Kaddafi fait de la résistance

E

Avec l’Europe, l’impétueux mportée par le maelstrom 300 km et fantasque colonel a continué des révolutions arabes, la TUNISIE Mer Méditerranée d’entretenir des relations tumulLibye sombre dans la guerre tueuses. Lors du troisième somcivile. À partir du 15 février 2011, Tripoli ALGÉRIE Benghazi met Afrique-Union européenne une série de manifestations (UE), organisé en novembre 2010 contre le régime de Mouammar ÉGYPTE à Tripoli, il a de nouveau réclamé Kaddafi est violemment répriLIBYE au moins 5 milliards d’euros par an mée à Benghazi et Al-Baïda. Mais, à l’UE pour stopper l’immigration parmi les insurgés, la contreclandestine. Une demande jugée attaque s’organise. Le Conseil excessive par cette dernière. Mais national de transition (CNT), NIG NIGER TCHAD SOUDAN le leader libyen a tout de même installé à Benghazi, contrôle averti les dirigeants africains et la région orientale et lance ses européens réunis à Tripoli que, s’il ne disposait pas de troupes contre les villes demeurées fidèles au « Guide ». cette somme, son pays ne jouerait plus le rôle de gardeParallèlement, le CNT obtient le soutien inconditionnel côte pour l’Europe. de la communauté internationale. Le 17 mars, le Conseil de sécurité de l’ONU se prononce en faveur d’un recours DROITS DE L’HOMME BAFOUÉS. Pour les migrants subà la force contre les troupes pro-Kaddafi, ouvrant la voie sahariens qui remontent en direction du nord et tentent à des frappes aériennes. Et le 19, une opération militaire d’atteindre les côtes européennes, notamment via Malte internationale est lancée contre Tripoli à l’initiative de et l’Italie, la Libye est devenue l’un des principaux pays la France, du Royaume-Uni et des États-Unis, qui voient de transit. Bon nombre d’entre eux sont issus de zones dans cette crise l’occasion de se débarrasser de l’encomde conflit, telles que la Somalie, l’Érythrée, le Darfour et brant Kaddafi. l’Afrique de l’Ouest. La Libye est régulièrement accusée de Il est vrai que, dépassé par la crise ivoirienne et par les ne pas protéger les migrants et de bafouer leurs droits. soulèvements survenus en Tunisie et en Égypte, le chef de la Quant à l’histoire stupéfiante de Henry Djaba, kidJamahiriya libyenne a jeté le trouble, suscitant la méfiance nappé, torturé et détenu arbitrairement en Libye entre des pays voisins, notamment occidentaux. Au lendemain de mars et octobre 2010, elle noircit un peu plus le tableau. la chute de son voisin Zine el-Abidine Ben Ali, le « Guide de L’homme d’affaires britannique, d’origine ghanéenne, la révolution » s’est ainsi interrogé sur l’utilité de renverser aurait refusé de verser des pots-de-vin à son partenaire, l’ex-président tunisien. Dans la même veine, il a apporté Mohamed Triki, le fils d’Ali Triki, ex-secrétaire libyen aux un franc soutien à Laurent Gbagbo, battu aux dernières affaires de l’Union africaine et président de l’Assemblée élections en Côte d’Ivoire. Celui qui s’autoproclame le « roi générale de l’ONU en 2009. Rentré en Grande-Bretagne, des rois traditionnels d’Afrique » n’a pas manqué de faire l’homme entend porter l’affaire devant le rapporteur des la leçon aux Occidentaux, accusant notamment la France Nations unies sur la torture et le groupe de travail sur les et les États-Unis d’imposer le président de leur choix à la disparitions forcées. Côte d’Ivoire.

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 1951 Accession à l’indépendance. 1er septembre 1969 Coup d’État du colonel Mouammar Kaddafi. 12 septembre 2003 Levée des sanctions internationales. 21 septembre 2004 Levée des sanctions américaines. 5 mars 2006 Baghdadi Mahmoudi est nommé Premier ministre. Depuis le 15 février 2011 Manifestations violemment réprimées par le régime. 19 mars 2011 Opération militaire contre Tripoli approuvée par l’ONU.

Le pays en bref ■ Superficie 1 759 540 km2.

104

■ Population 6,4 millions d’hab.

PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

■ Densité

71,6

■ Croissance

démographique 2 %. de population 4 hab./km2. ■ Population urbaine 77,9 %. ■ Espérance de vie 74,3 ans. ■ Alphabétisation 88 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,755 ; rang : 53e sur 169. ■ Langues Arabe (officielle), anglais, italien. ■ Peuplement Arabes, Berbères. ■ Religions Musulmans (officielle). ■ Monnaie Dinar libyen. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 1,64 dinar libyen ; 1 $ = 1,23 dinar libyen. ■ Inflation 2,5 %. ■ PIB par habitant 12 063 $.

88,9

77,9

60,2

Taux de croissance (en %, à prix constants) 7,5

2,3

2007

2008

-2,3 2009

10,6 2010

■ Répartition

du PIB Primaire 1,9 % ; secondaire 78,2 % ; tertiaire 19,9 %. ■ Investissements directs étrangers 2,7 milliards de $. ■ Exportations 35,6 milliards de $. ■ Importations 10,1 milliards de $. ■ Principales ressources Pétrole, gaz.

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE NO 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


105

LIBYE

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE NO 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

AFRIQUE DU NORD

En Libye, la question des droits de La Jamahiriya vue par WikiLeaks l’homme a été plusieurs fois évoquée par le groupe de médias Al-Ghad, fondé par Seif el-Islam, le deuxième EXCENTRIQUE, paranoïaque, session annuelle de l’Assemblée phobique, le portrait du colonel fils de Mouammar Kaddafi. Réputé générale de l’ONU, aurait indiqué pour son profil réformateur, Seif elKaddafi esquissé au travers Seif el-Islam à l’ambassadeur Islam s’est vu reprocher son esprit des mémos diplomatiques des États-Unis à Tripoli, Gene d’ouverture. La fondation qu’il dirige américains révélés par WikiLeaks Cretz. L’incident a été tenu secret a annoncé à la fin de 2010 qu’elle ne est peu flatteur, prêtant même par les diplomates américains, s’occuperait plus de politique pour se à sourire. Mouammar Kaddafi qui craignaient qu’en raison concentrer sur les activités caritati« dépend de manière presque des mauvaises conditions ves. Quelques semaines plus tôt, une obsessionnelle d’un petit noyau de sécurité prévalant sur le site vingtaine de journalistes du groupe dur d’hommes de confiance », nucléaire de Tadjoura, près Al-Ghad avaient été arrêtés. Des notes rapportent les documents. de Tripoli, la cargaison puisse Plus inquiétant, une note diplomatiques américaines révélées être volée. par WikiLeaks ont fait état notamment relate que le numéro un libyen Parmi les dernières a retardé pendant un mois, d’une lutte pour le pouvoir entre Seif publications de WikiLeaks el-Islam et son frère Moatassim, proà la fin 2009, l’envoi en Russie en février 2011, des documents de 5,2 kg d’uranium fortement che, lui, des conservateurs. Depuis, révèlent que le Royaume-Uni Seif el-Islam a prouvé qu’il apparteenrichi – prévu dans le cadre aurait conseillé la Libye afin de l’abandon de son programme nait aux cercles les plus radicaux du d’obtenir des autorités régime, incitant à la répression la plus nucléaire militaire –, risquant ainsi écossaises la libération anticipée de provoquer une grave crise brutale contre les insurgés. d’Abdel Basset el-Megrahi, Sur le front social, alors que des environnementale et sécuritaire. ressortissant libyen condamné Cela, parce qu’il s’était senti manifestations contre la vie chère et les à la prison à vie pour l’attentat problèmes de logement ontéclaté dans « humilié » de ne pas avoir de Lockerbie, en 1988. pu dresser sa tente de Bédouin plusieurs villes libyennes en 2010, le Objectif : préserver les relations ni se rendre à Ground Zero lors colonel Kaddafi a ordonné la subvencommerciales entre la Grandede sa visite à New York pour la tion des produits de première nécessité Bretagne et Tripoli. ● à hauteur de 40 %, et la distribution de 2 000 dinars (environ 1 150 euros) aux Et l’après-pétrole ? La Libye peut explorer plusieurs familles les plus démunies. À l’instar des États du Maghreb voies pour diversifier son économie. Avant la crise, le pays et du Moyen-Orient, la Libye a fortement augmenté ses prévoyait notamment de développer ses infrastructures, stocks de céréales, soucieuse d’éviter toute contagion des avec la construction de trois aéroports, d’une dizaine de émeutes sociales. Le ministère de l’Économie a par ailleurs ports, de milliers de logements, ainsi que des projets de annoncé la création d’un fonds d’investissement et de connexion et de production d’électricité dans toutes les développement de 14 milliards d’euros pour financer les régions du pays. Autant d’investissements susceptibles projets de construction de nouveaux logements, des prêts de créer des emplois. hypothécaires et un programme d’assurance santé. Parmi les partenaires internationaux privilégiés figurait l’Italie de Silvio Berlusconi, depuis la signature du traité DIVERSIFICATION DE L’ÉCONOMIE. Le Fonds monétaire d’amitié en 2008 entre les deux pays, soldant le passif colointernational estimait qu’après avoir connu une récession nial par une enveloppe de près de 5 milliards de dollars sur en 2009 (– 2,3 %) la Libye allait renouer avec une forte vingt ans. Depuis, les affaires sont allées bon train. Côté croissance en 2010 (10,6 %) et en 2011. L’inflation devait italien, outre le groupe ENI engagé dans la production également repartir à la hausse, avec 2,5 % en 2010. pétrolière, les entreprises lorgnaient les marchés libyens de Cinq ans après le retour en Libye des grandes compagnies la construction ou encore le secteur des communications. pétrolières, les recherches dans le golfe de Syrte ont finaleENI a par ailleurs signé un contrat de 227 millions de dollars ment donné des résultats. Il était temps. Selon la compagnie (157 millions d’euros) avec l’Office libyen de développement publique National Oil Corporation (NOC), 24 découvertes des villes pour la construction, à El-Agheila, de logements, de pétrole et de gaz ont été effectuées en 2010 (8 par la d’une station de dessalement d’eau de mer et d’infrastructusociété libyenne El Waha, 5 par Turkish Petroleum Company res portuaires. En Italie, les entreprises libyennes prennent Overseas, 4 par la société Al Khalidj Al Arabi, 3 par Medco également position. Depuis quelques mois, Tripoli est Energie, 2 par le russe Tatneft, une par le groupe algérien l’actionnaire principal du groupe bancaire italien UniCredit, Sonatrach et une dernière par la société libyenne Syrte). avec plus de 7 % du capital. Une position qui inquiète les Plus de cinquante compagnies pétrolières internationales autres actionnaires. La Libyan Investment Authority (LIA) opèrent en Libye en collaboration avec les filiales de la NOC. détient par ailleurs, depuis janvier 2011, 2 % du capital de Le sous-sol libyen renferme les plus importantes réserves Finmeccanica, l’un des plus importants groupes du secteur prouvées de pétrole en Afrique, avec 46 milliards de barils aérospatial et de la défense en Italie. Finmeccanica renforce de pétrole et plus de 1 500 milliards de mètres cubes de gaz, ainsi sa coopération avec la Libye après avoir inauguré, en selon l’Organisation des pays exportateurs de pétrole. La 2010, une usine d’assemblage d’hélicoptères à Tarhouna (au capacité actuelle de production de brut est de 2 millions sud-est de Tripoli) détenue à part égale avec la LIA. ● de barils par jour.


Maroc

Réforme constitutionnelle en vue

H

tête des élections de la première uit ans après la série d’atPORTUGAL POR ESPAGNE Chambre du Parlement marocain », tentats-suicides perpétrés à Océan Océ ce qui limitera le choix du souveCasablanca le 16 mai 2003, le Atlantique Atlant rain. Le chantier de la révision de Maroc a de nouveau été frappé par le Rabat la Constitution a été confié à une terrorisme le 28 avril 2011. Cette fois, Casablanca Casabl commission présidée par Abdeltif c’est au cœur de Marrakech que la Menouni, qui devra présenter au roi violence s’est manifestée, causant la Marrakech ses propositions d’ici au mois de juin mort de seize personnes, dont treize ÎLES MAROC (voir encadré). Ce nouveau partage touristes occidentaux. La cible, un CANARIES des pouvoirs entre le monarque et un café situé au cœur touristique de la (Espagne) ALGÉRIE gouvernement issu du Parlement a été ville, sur la place Jemaa el-Fna, a été favorablement accueilli par la classe soufflée par une bombe commandée MAURITANIE politique, y compris par le Parti de la à distance, un procédé utilisé par les 400 km MALI justice et du développement (PJD, militants islamistes qui se réclament islamiste), qui appartient à l’oppod’Al-Qaïda. Les autorités ont annoncé sition parlementaire. qu’elles allaient tout mettre en œuvre pour que l’enquête Si l’année s’annonce riche en réformes, 2010 a été soit rapide et transparente. Certaines ONG, pour leur part, plutôt marquée par la méfiance, notamment entre le ont demandé que la lutte contre le terrorisme ne soit pas Maroc et l’Espagne. Une dégradation sans précédent des un facteur de blocage pour les réformes démocratiques relations diplomatiques entre les deux pays, nourrie par engagées récemment. des incidents survenus au mois d’août 2010 dans l’enclave En effet, le royaume n’est pas resté indifférent aux espagnole de Melilla, située sur la côte méditerranéenne, révolutions arabes, qui se sont propagées à partir de Tunis et par les émeutes de novembre au Sahara occidental. À et du Caire jusqu’au Moyen-Orient. Aussi le monarque Melilla, territoire que le Maroc considère comme occupé, chérifien a-t-il choisi de prendre les devants. Le 9 mars, Rabat a accusé des policiers espagnols de « dérives racisdans un discours à la nation, Mohammed VI a ouvertetes » envers des ressortissants marocains et des migrants ment répondu aux revendications politiques et sociales de subsahariens. plus en plus vives au sein de la population. Renforcement du rôle du Premier ministre, élargissement des libertés CONTESTATAIRES SAHRAOUIS. Plus dramatiques ont individuelles, indépendance de la justice, reconnaisété les heurts qui ont éclaté à la suite du démantèlement, sance de la composante amazighe du Maroc… Le roi a le 8 novembre 2010, d’un campement de contestataires annoncé d’importantes réformes constitutionnelles et sahraouis près de Laayoune. De source officielle marodémocratiques, qui seront soumises à « un référendum caine, ces affrontements ont fait treize morts : deux civils populaire ». et onze agents des forces de l’ordre. Officiels marocains et Concernant le pouvoir exécutif, celui-ci sera pleineindépendantistes favorables aux thèses du Front Polisario ment confié au chef du gouvernement, qui devrait être se sont affrontés par médias interposés, dénonçant une bientôt nommé au sein du « parti politique arrivé en

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie Mars-avril 1956 Accession à l’indépendance. 26 février 1961 Mort du roi Mohammed V. Son fils Hassan II lui succède. Novembre 1975 Annexion du Sahara occidental lors de la Marche verte. Juillet 1999 Mohammed VI devient roi à la mort de son père. Septembre 2002 Driss Jettou devient Premier ministre. 7 septembre 2007 Victoire de l’Istiqlal aux législatives. Abbas El Fassi devient Premier ministre.

Le pays en bref ■ Superficie 446 550 km2

■ Population 32 millions d’hab.

106

■ Croissance

démographique 1,2 %. de population 45 hab./km2. ■ Population urbaine 58,2 %. ■ Espérance de vie 71,6 ans. ■ Alphabétisation 56 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,567 ; rang : 114e sur 169. ■ Langues Arabe (officielle), berbère (plusieurs dialectes), français. ■ Peuplement Arabes, Berbères. ■ Religions Musulmans (religion officielle), juifs, chrétiens. ■ Monnaie Dirham. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 10,93 dirhams ; 1 $ = 8,19 dirhams. ■ PIB par habitant 2 869 $. ■ Répartition du PIB Primaire 14,6 % ; secondaire 30,3 % ; tertiaire 55 %. ■ Densité

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 75,2

88,9

91,4

91,7

Taux de croissance (en %, à prix constants) 5,6

4,9

2,7 2007

2008

2009

4 2010

■ Inflation 1 %.

■ Investissements

directs étrangers 1,3 milliard de $. ■ Exportations 13,9 milliards de $. ■ Importations 32,9 milliards de $. ■ Principales ressources Phosphates, agriculture, tourisme.

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE NO 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


107

MAROC

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE NO 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

AFRIQUE DU NORD

manipulation de part et d’autre. CCRC : mission révision La terrible méprise de l’agence de presse espagnole EFE diffusant une À LA SUITE des manifestations de la parité hommes-femmes. photo non vérifiée d’enfants blessés du 20 février et du 20 mars, et La CCRC, signe d’ouverture de la à Gaza, pour illustrer les violences devant les événements survenus politique marocaine, devra, selon à Laayoune, a achevé de mettre le en Égypte, en Tunisie et en Libye, les lignes de conduite imposées feu aux poudres. À la fin du mois de le roi Mohammed VI a écouté par le roi, « faire preuve d’écoute, novembre, une manifestation rassemles revendications de la rue de concertation, d’ingéniosité blait plus de 2 millions de personnes et mis en place, le 12 mars, et de créativité pour proposer à Casablanca pour défendre l’intégrité une Commission consultative une architecture institutionnelle territoriale. de révision de la Constitution rigoureuse » permettant « de Enfin, le Sahara a encore fait la une (CCRC), chargée d’élaborer faire accéder le Maroc à une des médias avec le démantèlement un nouveau texte fondamental nouvelle ère constitutionnelle d’une cellule terroriste liée à Al-Qaïda qui sera soumis à un référendum démocratique ». au Maghreb islamique (Aqmi) et la populaire. Actuellement, la CCRC est découverte de trois caches d’armes à Abdeltif Menouni, 67 ans, en phase de consultation avec Amgala, dans la zone tampon, en janjuriste universitaire reconnu les partis politiques, avec les vier 2010. De quoi alimenter les soupau Maroc et dans le monde syndicats, mais aussi et surtout çons sur les tentatives de déstabiliser arabo-musulman, préside cette avec les organisations en rapport cette région du Maroc, aussi vaste que instance et s’est entouré de avec le monde associatif et vulnérable. Malgré un environnement 18 membres issus de la société notamment avec la jeunesse difficile, la région a vu l’aboutissement politique ou civile, dont Driss et la génération Facebook. de projets structurants dans le touEl Yazami, président du Conseil « Ma mission s’inscrit dans le sens risme et l’éolien. Le groupe égyptien national des droits de l’homme, d’un approfondissement de la Orascom a annoncé en juillet 2010, Omar Azziman, ancien ministre démocratisation des institutions trois ans après un accord avec le goude la Justice et actuel architecte du royaume », a déclaré à Jeune vernement marocain, le début des de la régionalisation du royaume, Afrique Abdeltif Menouni. travaux de développement de la ville Amina Bouayach, présidente La tâche est lourde et intense, touristique de Chbika, à 50 km au sud de l’Organisation marocaine des mais ne décourage nullement de Tan Tan, sur la côte atlantique. droits de l’homme et promotrice ce « bourreau de travail ». ● Trois ans également après le lancement de l’appel d’offres, le groupement Nareva-GDF Suez (après le rachat filiales agroalimentaires devrait par ailleurs apporter un du britannique International Power) s’est vu adjuger, en regain de liquidités à la Bourse de Casablanca. août 2010, la construction du parc éolien de Tarfaya, dans Un autre rendez-vous important a été la présentation, le sud du pays. D’une puissance initiale de 200 mégawatts, à l’automne, du plan Vision 2020 pour le tourisme. Les ce parc devrait être opérationnel courant 2011. autorités entendent doubler la taille du secteur, en créant Ces projets témoignent de la reprise des investissements 200 000 nouveaux lits hôteliers, en doublant les arrivées dans le royaume chérifien, alors que les investissements de touristes à 18 millions de visiteurs, et en triplant le directs étrangers ont accusé une baisse de 46 % en 2009, nombre de voyages domestiques. Cette nouvelle vision selon les chiffres de la Conférence des Nations unies sur mise sur le développement durable, la diversification des le commerce et le développement (Cnuced). Parmi les offres et la valorisation de l’ensemble du territoire. grosses opérations enregistrées au dernier trimestre de Côté social, le Maroc annonce avoir atteint 70 % des objec2010 : l’entrée de France Télécom au capital de Méditel, et tifs de son plan de lutte contre les bidonvilles. L’Initiative la signature d’un contrat avec Alstom pour la fourniture nationale pour le développement humain (INDH), lancée de quatorze trains à grande vitesse. De quoi redonner en 2005, commence également à porter ses fruits. Les confiance, après le petit coup de frayeur occasionné par les autorités ont annoncé une baisse significative du taux de propos de l’ex-secrétaire d’État français à l’Emploi, Laurent pauvreté, passant de 14 % à 9 % entre 2006 et 2009. Dans le Wauquiez, annonçant des mesures destinées à freiner la domaine de l’éducation, deux ans après le plan d’urgence délocalisation des centres d’appels hexagonaux. Depuis, adopté par le gouvernement, les premiers résultats monles autorités marocaines et françaises tentent de trouver trent une chute significative de 29 % du taux d’abandon un arrangement qui soit favorable aux deux parties. scolaire en première année de primaire entre 2008-2009 et 2009-2010. Sur la même période, la scolarisation des AVANCÉES SOCIALES. Moment fort de cette année : 15-17 ans est en hausse : elle atteint 50,4 %. Dans l’enseila fusion des holdings royaux, l’Omnium nord-africain gnement supérieur, le nombre d’étudiants a progressé de (ONA) et la Société nationale d’investissement (SNI). La 10 % en 2009-2010, pour atteindre 370 000 personnes. Mais nouvelle entité, qui s’est retirée de la cote de la Bourse de l’insuffisance d’étudiants dans le supérieur et la mauvaise Casablanca, entend jouer son rôle d’investisseur profesqualité de l’enseignement public pourraient freiner la sionnel et se départir des filiales jugées matures. L’objectif croissance à long terme. Le taux de chômage avoisine les est de se consacrer aux activités structurantes en phase 10 % pour l’ensemble de la population active, mais atteint de développement, comme les télécoms, la distribution, 18 % chez les diplômés du supérieur. ● l’immobilier et les énergies renouvelables. La cession des


Mauritanie

Sous la menace d’Al-Qaïda

D

Océan Atlantique antique

l’armée mauritanienne lorsqu’elle est epuis juillet 2009, la situation MAROC ALGÉRIE intervenueenterritoiremalienoù,selon politique en Mauritanie s’est Nouakchott,Aqmipréparaituneattaque normalisée, avec la victoire, dès contre une caserne mauritanienne. le premier tour de l’élection présidenLa menace d’Aqmi a nui au tourisme. tielle, de Mohamed Ould Abdelaziz. L’activité, qui faisait vivre la région de Cet ancien général avait mené un l’Adrar (près de 10000 visiteurs en 2008), putsch le 6 août 2008 contre le preMALI Nouadhibou aétéquasiinexistanteen2009eten2010. mier président civil démocratiquement Le reste de l’économie ne s’est guère élu depuis l’indépendance, Sidi Ould M A U R I TA N I E mieux porté. En 2009, elle a connu une Cheikh Abdallahi. Son coup d’État avait Nouakchott récession de l’ordre de – 1,1 %. En cause: donné lieu à une crise institutionnelle la crise mondiale. La Mauritanie a subi de près d’un an, au cours de laquelle 300 km SÉNÉGAL la chute des cours du fer, son premier une partie de la classe politique avait produit d’exportation. La suspension œuvré sans relâche pour qu’« Aziz » des financements des bailleurs de fonds, en raison du coup renonce au pouvoir. En juin 2009, un accord signé à Dakar d’État, explique également la chute du PIB en 2009. avait finalement permis de déterminer un cadre de sortie de L’année 2010 devait donc être celle de la reprise, avec crise, en fixant notamment la date de l’élection présidentielle. une croissance estimée à 4,7 %. Face à la normalisation de Ayant boycotté l’investiture d’Aziz, les partis d’opposition ont la situation, les bailleurs de fonds ont relancé la coopérafini par reconnaître son pouvoir au fil de l’année 2010. tion. Le secteur minier – qui représentait 35 % du PIB en Mohamed Ould Abdelaziz doit en partie son élection à la 2009 – est censé assurer une partie du nouvel essor. Des confiance que lui ont accordée les Occidentaux. Ces derniers investissements massifs doivent accroître la production ont en effet décidé de s’appuyer sur cet homme fort pour lutter de cuivre, et l’injection de 80 millions de dollars (envicontre Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) qui, depuis ron 58 millions d’euros) doit permettre la production de 2007, s’attaque à leurs intérêts en Mauritanie. En août 2009, le 120 000 onces d’or par an. Enfin, la modernisation de la mouvement a encore frappé. Un kamikaze s’est fait exploser flotte doit redynamiser le secteur de la pêche, deuxième devant l’ambassade de France. Au mois de novembre de la source de devises pour le pays. même année, Aqmi a revendiqué l’enlèvement d’humaniLe chef de l’État a fait campagne sur le thème du « président taires espagnols sur la route de Nouadhibou, la grande ville des pauvres ». De fait, en termes de développement humain, du nord du pays. Ils ont été libérés en août 2010. la Mauritanie pointe au 136e rang parmi les 169 pays figurant Pour contrer Aqmi, qui compte un grand nombre de dans le classement du Programme des Nations unies pour combattants mauritaniens dans ses rangs, le chef de l’État a le développement (154e en 2009). Un habitant sur deux ne établi une coopération militaire avec la France, en matière de parvient pas à subvenir à ses besoins de base. La majorité formation notamment. Le contrôle des frontières a été rende l’emploi est informelle et le chômage massif. La demande forcé. Des groupements spéciaux d’intervention, patrouilles additionnelle d’emplois chaque année est estimée à 30 000, de quelque 200 hommes sillonnant le territoire, ont été mis en place. En juillet 2010, la France a apporté son soutien à alors que l’économie n’en crée que 16 000. ●

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 28 novembre 1958 Proclamation de la République islamique de Mauritanie, qui devient indépendante en 1960. 17 décembre 1984 Maaouiya Ould Taya prend le pouvoir. 3 août 2005 Ould Taya est renversé. 25 mars 2007 Élection de Sidi Ould Cheikh Abdallahi à la présidence. 6 août 2008 Coup d’État de Mohamed Ould Abdelaziz. Il est élu à la tête du pays le 18 juillet 2009 avec 52,47 % des voix.

Le pays en bref ■ Superficie 1 025 520 km2.

■ Population 3,3 millions d’hab. ■ Croissance

108

démographique 2,3 %.

■ Densité

de population 3 hab./km2. urbaine 41,4 %. ■ Espérance de vie 57 ans. ■ Alphabétisation 57 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,433 ; rang : 136e sur 169 ■ Langues Arabe (officielle), français, peul-toucouleur, soninké, wolof… ■ Peuplement Maures, Toucouleurs, Peuls, Wolofs… ■ Religion Musulmans (officielle). ■ Monnaie Ouguiya. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 372,26 ; ouguiyas. 1 $ = 279,07 ouguiyas. ■ PIB par habitant 1 097 $. ■ Répartition du PIB (2009) Primaire 20,6 %; secondaire 34,7 %; tertiaire 44,8 % ■ Population

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 2,8

3,5

3

3,5

Taux de croissance (en %, à prix constants) 1

3,7

2007

2008

-1,1 2009

4,7 2010

■ Inflation 2,2 %

■ Investissements

directs étrangers 38 millions de $ ■ Exportations 1,4 milliard de $ ■ Importations 1,4 milliard de $ ■ Principales ressources Fer, pêche, hydrocarbures.

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE NO 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


Paysage après la révolution

L

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 20 mars 1956 Accession à l’indépendance. 25 juillet 1957 Habib Bourguiba devient président de la République. 7 novembre 1987 Zine el-Abidine Ben Ali remplace Bourguiba. 17 décembre 2010 Mohamed Bouazizi, marchand ambulant, s’immole par le feu, déclenchant une vague de protestation. 14 janvier 2011 Ben Ali fuit le pays. Il est officiellement destitué le lendemain. 9 mars 2011 Le RCD, ex-parti-État, est dissous par la justice.

Le pays en bref ■ Superficie 163 610 km2.

■ Population 10,4 millions d’hab.

■ Croissance

démographique 1 %. de population 63 hab./km2. ■ Population urbaine 67,3 %. ■ Espérance de vie 74,2 ans. ■ Alphabétisation 78 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,683 ; rang : 81e sur 169. ■ Langues Arabe (officielle), français. ■ Peuplement Arabes. ■ Religions Musulmans (officielle), chrétiens, juifs. ■ Monnaie Dinar tunisien. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 1,91 dinar tunisien ; 1 $ = 1,43 dinar tunisien. ■ PIB par habitant 4 160 $. ■ Répartition du PIB Primaire 9,9 % ; secondaire 32,6 % ; tertiaire 57,5 %. ■ Densité

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE NO 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 38,9

44,9

43,5

43,9

Taux de croissance (en %, à prix constants) 6,3 2007

4,5 2008

3,1

3,8

2009

2010

■ Inflation 3,5 %.

■ Investissements

directs étrangers 1,7 milliard de $. ■ Exportations 14,4 milliards de $. ■ Importations 19,1 milliards de $. ■ Principales ressources Phosphates, agriculture, industrie textile, tourisme. 109

MAURITANIE - TUNISIE

a révolution du 14 janvier est Tunis à la fin décembre. La puissante Tunis née de la somme des mécontenUnion générale tunisienne du travail tements de diverses catégories (UGTT), bien que proche du pouvoir, Sousse de Tunisiens. Celui de la Tunisie prose joint au mouvement qui gagne en ALGÉRIE Sfax Mer fonde qui n’a pas eu droit à sa part du puissance. La Tunisie commence à gâteau de l’essor économique, celui compter ses morts (243 au total) alors Méditerranée des jeunes (40 % de la population a que Zine el-Abidine Ben Ali, intranmoins de 25 ans) confrontés au chôsigeant au début des émeutes, lâche TUNISIE mage et à un avenir incertain, celui du lest sur les libertés et promet des LIBYE des entrepreneurs las de devoir comcréations d’emploi. Trop tard. poser avec la corruption du pouvoir et de ses alliés. Tous se sont sentis spoCLIMAT SAIN. Le 14 janvier, plus de 150 km liés et instrumentalisés par un régime 40 000 personnes, en plein centre de dont les promesses ne suffisaient plus Tunis, hurlent « Dégage ! » à un sysà masquer les défaillances. Les Tunisiens, en mettant tème honni. Isolé, lâché par l’armée, Ben Ali fuit le pays fin à vingt-trois ans de benalisme, se sont retrouvés, ont immédiatement. L’insécurité est telle que l’état d’urgence découvert la solidarité et voulu la démocratie. est instauré. Le Rassemblement constitutionnel démoLa fronde remonte à 2008. Partie de revendications cratique (RCD, au pouvoir) n’entend pas quitter la scène sociales et professionnelles, la révolte du bassin minier et fomente, avec ses milices, des troubles violents. Les de Gafsa, violemment réprimée, a pris un tour politique Tunisiens ne fêtent pas leur révolution, mais découvrent l’ampleur des malversations du pouvoir et de ses alliés. contestataire qui a dévoilé les faiblesses du « système Ben Après avoir tergiversé sur des interprétations de la Ali ». La révolution qui a triomphé le 14 janvier, c’est Gafsa Constitution, deux gouvernements de transition, conduits à l’échelle du pays ; tous les ingrédients y sont réunis : par Mohamed Ghannouchi, Premier ministre de Ben chômage, précarité, corruption, mise sur la touche des Ali, se succèdent. Si les Tunisiens n’ont plus confiance syndicats, incapacité des forces de l’ordre à contenir les en leurs dirigeants, ils se sentent solidaires et désormais manifestants. Le 17 décembre 2010, humilié et désespéré, libres de s’exprimer. La rue, à laquelle se joignent des Mohamed Bouazizi, un jeune diplômé devenu marchand caravanes venues de tout le pays, réclame le départ des ambulant faute d’emploi, s’immole par le feu pour protester ministres affiliés au RCD, exige l’instauration de la démocontre une police vénale et des autorités indifférentes. cratie et la préparation d’élections. Cette crise politique Aussitôt, les jeunes des régions défavorisées du Centrese double d’une chute de l’activité économique : l’UGTT Ouest, soutenus par la société civile, se soulèvent. instrumentalise la révolution, provoque des grèves et Aux doléances économiques s’ajoutent des demanattise les revendications sociales. Paralysé, le pays perd des de libertés. Les émeutes gagnent tout le pays, tanen six semaines près de 8 milliards de dollars (environ dis que les médias locaux et les puissances étrangères 5,7 milliards d’euros). Mohamed Ghannouchi rend son se taisent. Facebook et Twitter relaient l’information tablier, et la feuille de route du troisième gouvernement ● ● ● et organisent la vague contestataire, qui atteint Sfax et

AFRIQUE DU NORD

Tunisie


● ● ● de transition, dirigé par Béji Caïd Essebsi, fixe l’élection d’une Assemblée constituante au 24 juillet 2011. Les esprits se calment. Avec un outil de travail épargné par les émeutes, des indicateurs macroéconomiques assez fiables et le maintien des institutions, l’économie peut redémarrer dans un climat sain.

DÉSÉQUILIBRE ENTRE LES ENTREPRISES. Malgré ses apparentes prouesses, la Tunisie était une bombe à retardement. Avec ses indicateurs au beau fixe, le pays se présentait, en 2009, comme un miraculé de la crise mondiale. Mais l’année 2010 s’est révélée plus morose. Le « dragon d’Afrique » a accusé le contrecoup de la récession mondiale et révélé les points faibles de son économie, ainsi qu’un certain malaise social. Depuis son accession au pouvoir, Ben Ali avait en fait consolidé un système présidentiel centralisé où il était le seul décideur. Il a repris à son compte et amélioré, par quelques réformes, les objectifs de Bourguiba en matière d’alphabétisation, de santé publique et d’émancipation des femmes, sans toutefois lâcher du lest sur les droits de l’homme et la liberté d’expression. En revanche, il a encouragé les investissements en favorisant l’émergence de secteurs à forte valeur ajoutée. La Tunisie est ainsi devenue un pays à deux vitesses. Si en vingttrois ans elle a fait des pas de géant (avec une croissance de 3,8 % et un PIB de 43,9 milliards de dollars en 2010), elle souffre de la corruption et d’un grave déséquilibre dans la répartition de son tissu entrepreneurial. Au moins 40 % de son économie était détenue par des groupes proches du pouvoir, et le développement a négligé les régions de l’intérieur. Au fil des années, le système a peaufiné sa vitrine, où un pays jeune et dynamique prenait la pose, mettant en avant des secteurs florissants. Mais, en 2010, proclamée « Année de la jeunesse », il n’avait pas prévu de dispositions efficaces pour juguler le chômage qui touche 30 % des jeunes diplômés. Au vu de la dimension réduite du marché local, la Tunisie a opté pour une politique d’ouverture sur l’économie de marché et sur la diversification sectorielle, en encourageant l’exportation. Coûts moindres, prestations technologiques de pointe, ressources humaines performantes, vigilance sur la qualité et proximité géographique avec

l’Europe ont fait émerger un tissu industriel compétitif et attractif pour les investissements directs étrangers (IDE). Cependant, deux secteurs clés, le tourisme et le textile, ont flanché. Le premier, axé sur un modèle de masse qui ne fait plus recette, est la principale source de devises du pays, contribuant à hauteur de 8 % du PIB. Le second, basé sur l’assemblage et le façonnage, a souffert du démantèlement des accords multifibres et de la crise mondiale, avec une chute de 15 % de son chiffre d’affaires malgré 44 millions d’euros d’IDE en 2009. La Tunisie demeure le cinquième fournisseur textile de l’Europe. Secteur phare avec 26 % des exportations et 5 % du PIB, celui des industries mécaniques, électriques et électroniques a composé avec un marché international aléatoire ; sa valeur ajoutée le rend attractif, notamment dans l’aéronautique. L’industrie pharmaceutique apparaît comme un outsider ; elle a réalisé 175 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2009, notamment grâce aux exportations vers le Moyen-Orient et l’Afrique subsaharienne. Développée par l’initiative privée et le partenariat avec des laboratoires internationaux, la filière bénéficie d’incitations fiscales. La santé devient un centre de profit important, car la Tunisie est devenue un hub médical de référence : en 2009, elle a reçu 110 000 patients du Maghreb et d’Afrique subsaharienne, qui ont dépensé 158 millions d’euros. Exportatrices de services, les technologies de l’information et de la communication contribuent pour 10 % au PIB et participent à la diversification de l’économie. Toutefois, le pays a négligé son agriculture qui, depuis toujours, contribue à sa stabilité. Changements climatiques et baisse des ressources hydriques ont rendu les récoltes, notamment en céréales, aléatoires, alors que l’État a pour objectif d’assurer la sécurité alimentaire de sa population.

CONQUÊTE DE LA LIBERTÉ. Avec l’image d’un pays émergent aux fortes potentialités économiques, la Tunisie fait figure d’exemple à l’échelle régionale, si bien que l’Union européenne avait commencé à étudier sa demande d’accéder au « statut avancé », tout en émettant des réserves quant aux libertés. En effet, en dépit de l’ouverture vers l’Europe, l’ancien régime n’avait accepté aucune concession dans ce domaine, arguant d’une lutte contre la menace islamiste. Muselant les Un changement venu de l’intérieur médias, le système jouait sur l’inertie NÉGLIGÉE au point d’être oubliée, c’est la Tunisie de l’intérieur qui de la classe moyenne, composée de a amorcé et soutenu les mouvements contestataires qui ont balayé, consommateurs endettés jouissant en moins d’un mois, vingt-trois ans de dictature. Les Tunisiens ont d’un certain bien-être et ne se souainsi découvert que la pauvreté n’avait pas été éradiquée et que ciant pas de politique. le développement qui fleurissait sur les régions côtières n’avait pas Cependant, les critiques ont fini profité au reste du pays. Las de croire que les études permettraient par trouver des espaces d’expression. d’emprunter l’ascenseur social, les jeunes des régions se sont Internet et la scène artistique en ont insurgés. « Ben Ali pensait que nous pouvions nous contenter de été les relais les plus importants. En pain et de jeux. Mais nous n’avions même plus de pain et plus envie avril 2010, Yahia Yaïch, une pièce de de jouer. Il nous a ouvert internet et nous l’avons utilisé contre lui théâtre de Fadhel Jaïbi et Jalila Baccar pour nous mobiliser et dénoncer les exactions. C’était l’année de la – fondateurs de la troupe Familia jeunesse, nous avons transformé ces miettes en liberté. On a montré Productions – dénonçait la censure et qu’il faut compter avec les laissés-pour-compte », conclut Hatem, décryptait un système arrivé en bout l’un des premiers jeunes à avoir soutenu l’insurrection à Thala, ville de course. Un spectacle prémonitoire située près de Kasserine, à 250 km au sud-ouest de Tunis. ● et symbolique de la chute du pouvoir et de la conquête de la liberté. ●

110

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE NO 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


AFRIQUE DE L’OUEST

LIBYE ALGÉRIE

MALI

MAURITANIE

NIGER

Tombouctou Ni ge r Dakar Banjul

Gao

SÉNÉGAL

Mopti

GAMBIE

Bamako

GUINÉEBissau BISSAU Conakry Freetown

CAP-VERT

GUINÉE SIERRA LEONE

Monrovia

LIBERIA

Niamey

TCHAD

Zinder

Ouagadougou

BURKINA FASO CÔTE D’IVOIRE Yamoussoukro

Maiduguri

Kano

BÉNIN

NIGERIA

no Abuja Bé

TOGO

Porto-

GHANA Lomé Novo Accra

Abidjan

Praia

Lagos

PortHarcourt

CAMEROUN

RÉP. CENTRAF. 300 km

Océan Atlantique

Afrique de l’Ouest

Hauts et bas de la démocratie

L

actualité électorale a été chargée dans la sous-région au cours des mois écoulés. En Guinée, Alpha Condé a été élu à la tête de l’État le 7 novembre 2010 face à l’ex-Premier ministre Cellou Dalein Diallo, mettant un terme à cinquante-deux ans de dictature militaire. Au Niger, le 12 mars 2011, la présidentielle s’est soldée par la victoire de l’opposant historique Mahamadou Issoufou face à l’ex-Premier ministre Seini Oumarou. Un scrutin qui a permis de rétablir un régime civil un an après le coup d’État de février 2010 contre Mamadou Tandja. Moins sereine en revanche, la réélection du Béninois Boni Yayi. Crédité par la Cour constitutionnelle de 53 % des voix au premier tour le 13 mars 2011,il s’est vu contester sa victoire par les principaux candidats de l’opposition, notamment Adrien Houngbédji. Mais le contentieux le plus grave reste celui qui a déchiré la Côte d’Ivoire. Alors que la Commission électorale indépendante donnait Alassane Ouattara vainqueur de l’élection du 28 novembre 2010, le Conseil constitutionnel a reconduit Laurent Gbagbo. Celui-ci a finalement été arrêté le 11 avril au terme d’un bras de fer meurtrier.

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

112 113 114 115 117 118 119 120 121 122 123 124 126 128 129

Bénin Burkina Faso Cap-Vert Côte d’Ivoire Gambie Ghana Guinée Guinée-Bissau Liberia Mali Niger Nigeria Sénégal Sierra Leone Togo 111


Bénin

Une présidentielle contestée

À

est sensiblement inférieure aux perl’issue de l’élection présidenNIGER BURKIN BUR BURKINA formances des « premières années tielle du 13 mars 2011, le préFAS FASO Yayi » (4,6 % en 2007 et 5 % en 2008). sident sortant Boni Yayi a été Le contexte économique, morose, se déclaré vainqueur avec 53 % des voix, BÉNIN caractérise par une contraction des un résultat contesté fermement par investissements publics et une baisse son rival Adrien Houngbédji. Crédité Parakou de la production de coton. de 36 % des suffrages, l’opposant hisTOG TOGO Un des défis les plus importants torique a estimé que son adversaire NIGERIA de 2011 est sans doute de renforcer l’avait emporté grâce à des fraudes. GHANA une agriculture touchée par les inonCertes, le rejet des recours déposés a PortoNovo dations d’octobre 2010, qui ont fait officiellement mis fin au contentieux 43 morts, 680 000 sinistrés et englouti électoral et le président élu Boni Yayi Cotonou 150 km Golfe du Bénin une grande partie des terres arables du a prêté serment le 6 avril. Mais les pays, représentant 40 % des principales tensions se sont néanmoins accrues, productions vivrières. et des manifestations ont été organisées par l’opposition Parallèlement, les conséquences du démantèlement en dans les rues de Cotonou. 2010 de la myriade de structures de placements financiers Très observé en raison de son statut de « laboratoire de proposant à leurs clients des taux d’intérêt mirobolants la démocratie » en Afrique, le Bénin a vu s’affronter cette mettront de longs mois à s’estomper. Les responsables des année trois principaux candidats. Le président sortant entreprises et associations mises en cause dans ces malverBoni Yayi a ainsi fait face à son successeur à la Banque sations ont en général disparu avec l’épargne de plusieurs ouest-africaine de développement (BOAD), Abdoulaye milliers de Béninois. Le 30 juillet 2010, une majorité de Bio-Tchané, originaire du Nord comme lui, qui a tenté députés demandait même la traduction du président Boni d’y débaucher une partie de ses soutiens les plus fervents. Yayi devant la Haute Cour de justice en raison de la proximité Quant à Adrien Houngbédji, 69 ans, c’était vraisemblasupposée de membres influents de son entourage avec ICC blement son dernier grand combat. Il a réussi à créer une Services, une « association à but non lucratif » ayant participé vaste coalition de l’opposition et à obtenir le soutien de à cette vaste escroquerie, et dont la brusque cessation des la quasi-totalité de la classe politique traditionnelle, dont activités a conduit à des pertes de l’ordre de 100 milliards Renaissance du Bénin, la puissante machine politique de de F CFA (152 millions d’euros) pour les petits épargnants. la famille de l’ancien président Nicéphore Soglo. « L’affaire ICC », qui a laissé un goût amer à nombre d’élecÉlu avec 74,5 % des voix en 2006 sous l’étiquette de canteurs, a constitué un argument inespéré pour l’opposition. didat indépendant, avec le soutien de nombreuses forces Mais sans doute pas suffisant. politiques passées depuis dans l’opposition, Boni Yayi Enfin, au-delà de l’élection présidentielle, le Bénin sera a abordé ce challenge électoral dans un contexte moins sous les feux des projecteurs à l’occasion d’une visite du pape favorable. La croissance du PIB prévue par le FMI pour Benoît XVI, prévue du 18 au 20 novembre 2011, à l’occasion 2011 est de 3,6 %. Malgré une augmentation par rapport à des 150 ans de l’évangélisation du pays. ● 2010 (2,8 %, selon le FMI) et 2009 (2,5 %), cette prévision

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 1er août 1960 Accession à l’indépendance. Octobre 1972 Coup d’État du général Mathieu Kérékou. 2 décembre 1990 Instauration du multipartisme. 24 mars 1991 L’opposant Nicéphore Soglo est élu président de la République. Mars 1996 Kérékou élu président. 19 mars 2006 Victoire de Boni Yayi à la présidentielle. Réélu le 13 mars 2011.

Le pays en bref ■ Superficie 112 620 km2.

■ Population 8,9 millions d’hab.

■ Croissance ■ Densité

112

démographique 3,1 %. de population 79 hab./km2.

■ Population

urbaine 42 %. de vie 61,9 ans. ■ Alphabétisation 41 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,435 ; rang : 134e sur 169. ■ Langues Français (officielle), fon, goun, mina, yorouba, dendi, bariba… ■ Peuplement Fons, Adjas, Peuls, Yorubas, Sombas… ■ Religions Animistes, catholiques, musulmans, protestants. ■ Monnaie Franc CFA. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 655,96 F CFA. 1 $ = 480,27 F CFA. ■ PIB par habitant 673 $. ■ Répartition du PIB Primaire 32,7 % ; secondaire 12,7 % ; tertiaire 54,6 %. ■ Espérance

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 6,7

6,7

5,5

6,5

Taux de croissance (en %, à prix constants) 4,6 2007

5

2008

2,5

2,8

2009

2010

■ Inflation 4,1 %.

■ Investissements

directs étrangers 93 millions de $. ■ Exportations 1 milliard de $. ■ Importations 2 milliards de $. ■ Principales ressources Coton (80 % des recettes des exportations), pêche.

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


Le vent du boulet

A

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 5 août 1960 Accession à l’indépendance. 4 janvier 1966 Yaméogo est renversé. Sangoulé Lamizana devient chef de l’État. 4 août 1983 Putsch de Thomas Sankara. 4 août 1984 La Haute Volta devient le Burkina Faso. 15 octobre 1987 Sankara est assassiné. Blaise Compaoré prend le pouvoir. 1er décembre 1991 Compaoré est élu président. Il est réélu en 1998, 2005 et 2010.

Le pays en bref ■ Superficie 274 000 km2.

■ Population 15,8 millions d’hab. ■ Croissance ■ Densité

démographique 3,4 %. de population 58 hab./km2.

■ Population

urbaine 25,7 %. de vie 53,4 ans. ■ Alphabétisation 29 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,305 ; rang : 161e sur 169. ■ Langues Français (officielle), mooré, dioula, peul, tamacheq… ■ Peuplement Mossis, Mandés, Peuls, Bobos… ■ Religions Animistes, musulmans, chrétiens. ■ Monnaie Franc CFA. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 655,96 F CFA. 1 $ = 480,27 F CFA. ■ PIB par habitant 590 $. ■ Répartition du PIB Primaire 31,9 % ; secondaire 21,6 % ; tertiaire 46,5 %. ■ Espérance

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 8,3

8,1

8,7

6,8

Taux de croissance (en %, à prix constants) 3,6 2007

5,2 2008

3,2 2009

4,4 2010

■ Inflation 2,8 %.

■ Investissements

directs étrangers 850 millions de $. ■ Exportations 2,1 milliards de $. ■ Importations 1,2 milliard de $. ■ Principales ressources Coton, élevage, or, canne à sucre. 113

BÉNIN - BURKINA FASO

tmosphère délétère au Zongo, qui avait été reconduit MALI Burkina, secoué par en janvier, a été démis de ses une série de manifestafonctions. Il a été remplacé par NIGER tions qui, fin avril 2011, avaient l’ancienambassadeurduBurkina causé la mort de six personnes, en France, Luc Adolphe Tiao. dont quatre étudiants. Plusieurs Compaoré, qui s’est attribué le Ouagadougou mutineries de sans-grades ont ministère de la Défense dans la fait vaciller le régime fin mars nouvelle équipe, a également B U R K I N A FA S O et début avril. Pour des motifs modifié toute la chaîne de comBobo-Dioulasso différents – revendications salamandement de l’armée. BÉNIN riales, sentiment d’injustice suite Quelques mois avant ces GHANA TOGO à l’incarcération de camarades –, événements, il avait pourtant 100 km CÔTE D’IVOIRE des soldats sont sortis de leurs remporté haut la main la précasernes, ont tiré en l’air, pillé et sidentielle du 21 novembre, violé, à Ouagadougou et en province. Lors de la mutinerie s’arrogeant dès le premier tour 80 % des suffrages. À la la plus grave, menée par des jeunes recrues du régiment tête d’une coalition largement majoritaire à l’Assemblée, il de sécurité présidentielle le 14 avril, le président Blaise avait attaqué son quatrième mandat dans la sérénité. Lors Compaoré a quitté quelques heures durant le palais de de la campagne, il avait annoncé la création d’un Sénat et Kosyam pour se rendre à Ziniaré, son village natal. Un d’un observatoire de la gouvernance et avait promis de couvre-feu a dû être imposé pendant plusieurs jours dans nombreuses réformes politiques. la capitale à compter du 30 mars. Mais les revendications de ce début d’année sont aussi Parallèlement, Compaoré, au pouvoir depuis 1987, a dû d’ordre social. Alors que les chiffres de la croissance sont faire face à la contestation de jeunes, qui ont manifesté, bons (+ 4,4 % en 2010 selon le FMI), les inégalités se creuparfois violemment, pour réclamer justice après la mort sent. Depuis plusieurs années, le gouvernement navigue d’un des leurs, Justin Zongo, décédé selon eux des suites de entre libéralisme et interventionnisme. Il a pris plusieurs blessures infligées par la police à Koudougou. Le président mesures facilitant l’investissement privé, qui ont permis a également été confronté à plusieurs mouvements sociaux, d’attirer les entreprises minières. La production d’or, dont au sein de la magistrature mais aussi des forces de police, les exportations ont dépassé en valeur celles du coton pour qui se sont mutinées le 27 avril dans plusieurs villes pour la première fois en 2009, pourrait avoir doublé entre 2009 réclamer une meilleure rémunération. Pour la première fois (environ 11 tonnes) et 2010. Mais les fruits de la croissance depuis le début des contestations populaires en février, la ne profitent qu’à une minorité de la population, dénoncent grogne a gagné la Compagnie républicaine de sécurité (CRS) les syndicats, toujours très influents. Et la crise ivoirienne a de Ouaga ainsi que le commissariat central de la capitale et fait exploser les prix. Après avoir joué les médiateurs dans la la direction générale de la police. région ces dernières années, en Guinée et en Côte d’Ivoire Ces tensions à répétition ont poussé le président à changer notamment, Compaoré devrait se consacrer entièrement de gouvernement. Le 15 avril, le Premier ministre Tertius à ses concitoyens en 2011. ●

AFRIQUE DE L’OUEST

Burkina Faso


Cap-Vert

Investir pour diversifier l’économie

L

d’euros de la Banque africaine de déveannée 2011 est riche en renloppement (BAD), qui lui a déjà prêté, dez-vous politiques, puisque CAP-VERT fin 2009, 40 millions d’euros pour l’aider les Cap-Verdiens ont élu leurs Î L à résister à la crise. De son côté, le FMI, députés en février et doivent se choisir E S avec lequel le Cap-Vert a mis en œuvre un nouveau président en août. Pedro A U un Instrument de soutien à la politique Pires, qui sera alors âgé de 77 ans, a - V E N T économique (Ispe) jusqu’en mai 2010,a promis de se retirer au terme de son Océan donnéunavisfavorablesurlesréformes second quinquennat, conformément Atl Atlantique en cours. À court terme, le pays contià la Constitution, qui limite à deux le -LE-VENT nue de bénéficier de prêts à conditions nombre de mandats successifs. Mais OUS S S préférentielles, mais ne pourra plus y le chef de l’État sortant, appuyé par le ÎLE prétendre après 2013. gouvernement de José Maria Neves Praia 50 km Une échéance importante pour le (Parti africain pour l’indépendance du Cap-Vert, fortement tributaire de l’aide Cap-Vert, PAICV), peut se targuer d’un publique au développement, qui va devoir investir pour diverbilan appréciable. Il ne sera donc pas facile au leader de sifiersonéconomie.Déjàtrèsaxésurletertiaire,notammentle l’opposition Carlos Veiga (Mouvement pour la démocratie, tourisme (10 % du PIB), le pays ambitionne de devenir un hub MPD) de remporter l’élection. international dans le domaine des transports, en raison de sa Sous la houlette du gouvernement, le pays a relativement position stratégique entre Amérique, Europe et Afrique, mais bien résisté à la crise internationale. Le rythme de croissance aussi de jouer un rôle dans le secteur des services financiers du PIB s’est contracté à environ 3 % en 2009, contre 5,6 % et des technologies de la communication. Enfin, le Cap-Vert en 2008, avant de remonter en 2010 : 4,1 % selon le FMI. Un s’oriente vers les sources d’énergie renouvelable pour réduire ralentissement qui s’explique par le recul de l’activité dans sa dépendance au pétrole. En juillet 2010, le Centre de la les domaines du tourisme et du BTP alors que les investisCommunauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest sements directs étrangers (IDE) fléchissaient. Mais dès la pour les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique fin de 2009, les deux secteurs sont repartis à la hausse et a été officiellement ouvert à Praia, ce qui donne d’emblée les entrées d’IDE se sont stabilisées. Dans le même temps, à l’archipel un rôle de pionnier au niveau ouest-africain. les transferts financiers de la diaspora se sont maintenus. Plusieurs parcs éoliens doivent à moyen terme fournir un Enfin, le gouvernement a accru les investissements publics quart des besoins nationaux en électricité. de 45 % en 2009 et de 20 % en 2010. Le pays doit enfin permettre au secteur privé de créer des En décembre 2007, le Cap-Vert a quitté la catégorie des pays emplois pour pérenniser les importants progrès sociaux lesmoinsavancés(PMA)pourrejoindrecelledespaysàrevenu réalisés depuis vingt ans sur les plans sanitaire et éducatif. intermédiaire (PRI). Un changement de statut qui oblige Praia Dans ce domaine, les autorités veillent à l’adéquation entre la à redéfinir ses relations avec ses partenaires étrangers. Mais formation professionnelle et les besoins du marché du travail les principaux donateurs et les institutions financières interpour faire baisser le chômage. Un fléau qui touche 18 % des nationales n’ont pas pour autant abandonné l’archipel. Pour la période 2010-2013, il pourrait recevoir jusqu’à 110 millions actifs et franchit le cap des 30 % chez les jeunes. ●

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 5 juillet 1975 Accession à l’indépendance. Aristides Pereira devient président. Il est réélu en février 1981. Septembre 1990 Adoption du multipartisme. 17 février 1991 Victoire d’Antonio Mascarenhas Monteiro, du Mouvement pour la démocratie (MPD). Réélu en 1996. 25 février 2001 Élection de Pedro Pires (PAICV) à la présidentielle. 22 janvier 2006 Le PAICV remporte les législatives. Pedro Pires est réélu président en février.

Le pays en bref ■ Superficie 4 030 km2.

114

■ Population 505600 hab.

■ Croissance

démographique 1,4 %. ■ Densité de population 125 hab./km2. ■ Population urbaine 61,1 %. ■ Espérance de vie 71,7 ans. ■ Alphabétisation 84 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,534 ; rang : 118e sur 169. ■ Langues Portugais, crioulo (officielles). ■ Peuplement Métis, Noirs, Blancs. ■ Religions Catholiques. ■ Monnaie Escudo. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 110,27 escudos. 1 $ = 81,54 escudos. ■ PIB par habitant 3 007 $. ■ Répartition du PIB Primaire 8,8 % ; secondaire 18,1 % ; tertiaire 73,1 %.

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 1,3

1,5

1,6

1,6

Taux de croissance (en %, à prix constants) 8,7 2007

5,6 2008

3

2009

4,1 2010

■ Inflation 2,2 %.

■ Investissements

directs étrangers 120 millions de $. ■ Exportations 35 millions de $. ■ Importations 709 millions de $. ■ Principales ressources Bananes, pêche, tourisme.

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


Descente aux enfers

A

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 7 août 1960 Accession à l’indépendance. Félix Houphouët-Boigny devient président. 22 octobre 1995 Élection d’Henri Konan Bédié à la présidence. 24 décembre 1999 Putsch de Robert Gueï. 22 octobre 2000 Gbagbo élu président. 19 septembre 2002 Tentative de putsch. Les Forces nouvelles occupent le Nord. 4 mars 2007 Accord de paix de Ouaga. 28 novembre 2010 Ouattara élu président. Gbagbo refuse de partir. Il est arrêté le 11 avril 2011 par les forces pro-Ouattara.

Le pays en bref ■ Superficie 322 460 km2.

■ Population 21 millions d’hab.

■ Croissance

démographique 2,3 %. de population 65 hab./km2. ■ Population urbaine 50,6 %. ■ Espérance de vie 57,9 ans. ■ Alphabétisation 55 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,397 ; rang : 149e sur 169. ■ Langues Français (officielle), dioula, baoulé, bété, sénoufo… ■ Peuplement Sénoufos, Dans, Agris, Bétés, Baoulés, Dioulas, Malinkés… ■ Religions Chrétiens, musulmans. ■ Monnaie Franc CFA. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 655,96 F CFA. 1 $ = 480,27 F CFA. ■ Inflation 1,4 %. ■ PIB par habitant 1 016 $. ■ Densité

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 19,8

23,5

22,5

22,4

Taux de croissance (en %, à prix constants) 3,8 1,6 2007

2,3 2008

2009

3 2010

■ Répartition

du PIB Primaire 25 % ; secondaire 26,1 % ; tertiaire 48,9 %. ■ Investissements directs étrangers 409 millions de $. ■ Exportations 8,9 milliards de $. ■ Importations 6 milliards de $. ■ Principales ressources Cacao, coton, café. 115

CAP-VERT - CÔTE D’IVOIRE

près dix années sans avec 51,4 % des voix. Contesté par MALI BURKINA élection présidentielle, des manifestations publiques, ce FASO le scrutin du 28 novemdernier a mis en place une stratébre 2010 devait remettre la gie de la terreur en s’appuyant sur GUINÉE Côte d’Ivoire sur le chemin de des éléments zélés des Forces de CÔTE D’IVOIRE la démocratie. Il n’a fait que la défense et de sécurité (FDS) pour Bouaké plonger dans une crise insoludissuaderlespartisansd’Alassane ble qui a fini par dégénérer en Ouattara de réaliser l’installation Yamoussoukro LIBERIA GHANA guerre civile. Pendant de longues pacifique de leur leader. Ceux-ci semaines, le pays a compté deux ont finalement choisi de prendre Abidjan armées, deux administrations, les armes. deux gouvernements et deux Le 16 mars 2011, alors qu’Abi200 km Golfe de Guinée chefs d’État : le président élu djan était la proie de violences avec plus de 54 % des suffrages de plus en plus intenses, l’Union et reconnu par la communauté internationale, Alassane africaine, après sept tentatives de médiation infructueuses, Ouattara, et le président sortant, Laurent Gbagbo, qui a reconnu la victoire d’Alassane Ouattara à la présidentielle. refusait de céder le pouvoir. À coups de décrets et de Le 28 mars, le camp Ouattara lance une vaste offensive déclarations contradictoires, ces deux leaders se sont militaire à partir de la moitié nord du pays, qu’il contrôle. livré une bataille acharnée, qui a finalement basculé dans En quatre jours, les Forces républicaines de Côte d’Ivoire l’affrontement armé. (FRCI, ex-Forces nouvelles) prennent le contrôle de la Pourtant, tous les espoirs étaient permis. Une campagne majorité du territoire ivoirien. S’engage alors la bataille électorale sans violence, une mobilisation exceptionnelle d’Abidjan. Les combats se concentrent sur le siège de la lors des deux tours de scrutin (plus de 80 % de participation), présidence de la République et la résidence de Laurent l’assurance donnée par les deux finalistes de respecter le Gbagbo, où se trouve ce dernier. Le 4 avril, les forces de verdict des urnes. Allié à l’ancien président Henri Konan l’ONU et les troupes françaises de l’opération Licorne Bédié – arrivé troisième au premier tour –, Ouattara, a prennent même part aux combats de manière ponctuelle. distancé Laurent Gbagbo de plus de 350 000 voix au terme Mais c’est aux forces pro-Ouattara qu’il revient de mener d’un second tour jugé crédible par la plupart des missions l’assaut final contre le bunker où s’est retranché le président d’observation internationales. Un résultat certifié par les sortant. Celui-ci est arrêté le 11 avril. Nations unies. ESPOIRS DE REPRISE DÉÇUS. Ces événements sont venus Mais Laurent Gbagbo a sollicité le Conseil constitutionnel, remettre en cause tous les espoirs de reprise. Les perspecprésidé par l’un de ses proches, Paul Yao N’Dré, pour inverser tives étaient pourtant bonnes : en janvier 2010, la Banque le résultat en invoquant des cas de violences et des fraudes mondiale anticipait une croissance de 4,1 % pour 2010. généralisées dans sept départements du Nord et du Centre. Celle-ci devait même atteindre 5,3 % entre 2011 et 2014 Le Conseil constitutionnel, aux ordres, a ainsi annulé quelque en cas de réunification totale du pays, de retour de ● ● ● 600000 suffrages au second tour, donnant la victoire à Gbagbo

AFRIQUE DE L’OUEST

Côte d’Ivoire


● ● ● la confiance du secteur privé et des investisseurs, de réhabilitation des ouvrages publics et de redéploiement des services administratifs sur tout le territoire. Aujourd’hui, les prévisions sont plus sombres. Si la crise persiste, la récession pourrait se traduire par une baisse de 10 % du PIB, voire beaucoup plus. Mais les bailleurs sont désormais prêts à aider le nouveau président – à condition, bien entendu, qu’il propose un programme de bonne gouvernance et s’engage dans la voie des réformes, particulièrement dans les secteurs du pétrole et du cacao. Pour l’heure, ils ont tous suspendu leur coopération. La Banque mondiale a gelé ses investissements (infrastructures, appui aux exportations, développement agricole et revitalisation du secteur privé) d’une valeur de 737 millions de dollars (environ 528 millions d’euros). Tout comme le FMI, qui avait accepté de fournir 566 millions de dollars dans le cadre de son programme Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (FRPC). En outre, les deux institutions de Bretton Woods avaient accordé à la Côte d’Ivoire une remise d’environ 3 milliards de dollars sur

national et réduit les échanges régionaux. Les opérateurs des pays de la sous-région ont contourné les ports d’Abidjan et de San Pedro. En 2001, le Port autonome d’Abidjan (PAA) traitait 1,4 million de tonnes de fret pour les pays de l’hinterland. Mais, avec le début de la guerre, de nombreux opérateurs économiques sont partis à Dakar, Cotonou ou Tema (Ghana). Ce marché est tombé à 205 000 t en 2003 avant de remonter progressivement pour atteindre 1,6 million de t en 2009. Mais aujourd’hui, le PAA a de nouveau perdu ses clients de l’hinterland. « GÉNÉRATION SACRIFIÉE ». En cette période d’insta-

bilité politique, les investissements directs étrangers ont fortement baissé et de nombreuses entreprises étrangères ont quitté le pays ou réduit de manière significative leur activité, dans l’attente de la résolution définitive de la crise. Tourisme, BTP, commerce, industrie, services… La plupart des secteurs d’activité connaissent de grandes difficultés, à l’exception du business de la sécurité. Le chômage, en particulier celui des jeunes, est très élevé. On parle de « génération sacrifiée ». En fait, le pays a surtout réussi à tenir grâce à la bonne Des sous pour reconstruire tenue des exportations de cacao (entre 1,2 million et 1,4 million de t par an) et CHARLES DIBY KOFFI, le ministre au développement de la manne pétropour la Banque mondiale, soit ivoirien de l’Économie et des lière (plus de 50 000 barils par jour). environ 68 millions d’euros). Finances, est à pied d’œuvre pour La France accordera une aide En 2009, 12 millions de t de produits redresser l’économie du pays, pétroliers ont été traitées à Abidjan, de 400 millions d’euros pour meurtrie par plus de quatre mois régler, entre autres, les arriérés soit deux fois plus qu’en 2000. de crise postélectorale. Après Avec la signature des accords de de paiement. D’ici à un an, avoir assisté aux réunions Ouagadougou en mars 2007, les affaile pays pourrait bénéficier de la zone franc à N’Djamena, d’une réduction d’au moins res avaient progressivement repris. Le il s’est rendu, du 14 au 17 avril PIB a progressé de 2,3 % en 2008 et de 3000 milliards de F CFA – soit trois jours seulement 3,8 % en 2009. Pourtant, le malaise (4,5 milliards d’euros) de sa dette après la chute de Gbagbo –, social était toujours perceptible. Le extérieure, qui est estimée à plus à Washington pour assister aux taux de pauvreté est passé de 17 % du double. L’Union européenne Assemblées de printemps des s’est également engagée à fournir dans les années 1980 à près de 50 % institutions de Bretton Woods. aujourd’hui. Les années de crise ont une aide de 200 millions d’euros. Robert Zoellick, le président de la Enfin, une grande conférence profondément affecté l’appareil proBanque mondiale, et Dominique ductif et modifié les comportements. des bailleurs de fonds pour Strauss-Kahn, le directeur général la reconstruction de la Côte Le risque pays a augmenté, la corrupdu FMI, ont promis un soutien tion s’est généralisée, l’insécurité jurid’Ivoire devrait se tenir d’urgence (100 millions de dollars prochainement à Abidjan. ● dique est totale. Dans la majeure partie du pays, mais particulièrement dans la zone septentrionale sous contrôle une dette extérieure totale estimée à 12,8 milliards, dans le des Forces nouvelles (FN, ex-rebelles), les populations ont cadre de l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés souffert d’une profonde détérioration des services sociaux. (PPTE) renforcée. Le statut de PPTE permettait également D’après l’Unicef, sur la période 2003-2009, 16 % des enfants à la Côte d’Ivoire de renégocier sa dette avec le Club de de moins de 5 ans souffraient d’une insuffisance pondérale Paris (États créanciers) comme avec le Club de Londres modérée et grave, et 40 % d’un retard de croissance modéré (créanciers privés). La France était prête à passer l’éponge et grave. Au paroxysme de la crise, au moins 1 million d’ensur une grande partie de la dette ivoirienne, estimée à plus fants n’ont pas fréquenté l’école. L’indice de développement de 2,8 milliards de dollars. humain (IDH) établi par le Programme des Nations unies Autant de coups de pouce qui devaient remettre la Côte pour le développement (Pnud) a fortement baissé, la Côte d’Ivoire sur les rails du développement après dix années d’Ivoire étant actuellement classée 149e sur 169 pays. de crise politico-militaire qui ont eu un impact majeur sur Pour retrouver son lustre d’antan, elle devra d’abord l’économie. De 2000 à 2006, la croissance moyenne est panser ses plaies, refaire son unité et rebâtir un modèle devenue négative (– 0,52 %). À partir de septembre 2002, la de développement. De nombreuses réformes s’avèrent partition du pays s’est traduite par la mise en place de deux nécessaires : celle de la justice, la refonte de l’armée, la zones économiques, l’une contrôlée par le pouvoir, l’autre mise en œuvre d’une nouvelle organisation de la filière par la rébellion. Les tracasseries administratives, le racket café-cacao ou encore la restructuration des entreprises et la corruption ont profondément affecté le commerce publiques. ●

116

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


Obsession sécuritaire

L

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 18 février 1965 Indépendance. 24 octobre 1970 La Gambie devient une république. Dawda Jawara est élu président. 17 décembre 1981 Création de la Confédération de la Sénégambie avec le Sénégal, dissoute le 30 septembre 1989. Juillet 1994 Dawda Jawara est renversé. Yahya Jammeh dirige le gouvernement. Septembre 1996 Une nouvelle Constitution est adoptée. Jammeh remporte l’élection présidentielle. Il est réélu en 2001 et 2006.

Le pays en bref ■ Superficie 11 300 km2.

■ Population 1,7 million d’hab. ■ Croissance

démographique 2,7 %.

■ Densité

de population 151 hab./km2. urbaine 58,2 %. ■ Espérance de vie 56,3 ans. ■ Alphabétisation 45 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,390 ; rang : 151e sur 169. ■ Langues Anglais (officielle), mandingue, wolof, peul… ■ Peuplement Metinkas, Foulas, Wolofs, Jolas, Serahulis… ■ Religions Musulmans, chrétiens. ■ Monnaie Dalasi. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 35,66 dalasis. 1 $ = 26,73 dalasis. ■ PIB par habitant 606 $. ■ Répartition du PIB Primaire 28,5 % ; secondaire 15,1 % ; tertiaire 56,4 %.

■ Population

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 0,8

1

1

1

Taux de croissance (en %, à prix constants) 6

6,3

5,6

5

2007

2008

2009

2010

■ Inflation 4,2 %.

■ Investissements

directs étrangers 47 millions de $. ■ Exportations 15 millions de $. ■ Importations 304 millions de $. ■ Principales ressources Céréales, arachide, pêche. 117

CÔTE D’IVOIRE - GAMBIE

a Gambie fait rarement chef de l’État. Parmi elles, l’ancien parler d’elle en bien. Et patron de l’armée Lang Tombong en ce début 2011, elle ne Tamba, l’ex-chef des services de SÉNÉGAL dérogeait pas à la règle, avec une renseignements Lamin Badjie, et sombre affaire de trafic révélée deux hommes d’affaires. après la saisie, fin octobre 2010, À la mi-janvier 2011, une radio Océan Atlantique par les autorités portuaires de communautaire, Teranga FM, est Lagos(Nigeria),d’uneimportante tombée sous le coup d’une interBanjul GAMBIE cargaison d’armes en provenance diction d’émettre. Au cours des d’Iran et à destination de Banjul. dernières années, pas moins de De vives tensions diplomatiques trois radios ont été suspendues. SÉNÉGAL avec Téhéran et Dakar – qui soupEn novembre 2010, le ministre de 50 km çonne son voisin de soutenir la la Justice, Edward Gomez, avait rébellion casamançaise – se sont prévenu que les « membres diaensuivies. À tel point que la Gambie, pour prouver qu’elle boliques de la société qui se cachent derrière les médias pour n’avait rien à voir avec cette affaire, a décidé de rompre ses ternir l’image du pays » seraient poursuivis… C’est dans ce relations diplomatiques avec Téhéran. Mais, à la mi-février, climat de suspicion que se tiendra, en principe en septembre, un diplomate iranien a reconnu devant des représentants l’électionprésidentielle,dontlevainqueurnefaitaucundoute. des Nations unies que les mortiers, lance-roquettes et greEn novembre 2010, Yahya Jammeh a même affirmé publiquenades stockés dans treize conteneurs étaient bien destinés ment qu’il n’était pas nécessaire d’organiser ce scrutin, car il à la Gambie. Cet aveu n’a surpris personne. est si populaire qu’il n’a pas besoin de bulletins de vote pour Depuis quelques années, le président Yahya Jammeh, savoir si le peuple souhaite qu’il reste au pouvoir. inquiet pour sa sécurité, a considérablement renforcé son Selon la Banque mondiale, 61 % de la population vit auarsenal militaire et son dispositif sécuritaire. En avril 2008, dessous du seuil de pauvreté. Néanmoins, dans certains le Parlement avait déjà voté une loi sur la sécurité, suivie de domaines, la Gambie fait plutôt figure de bonne élève. Sur la création de trois nouvelles structures: l’Agence des renseile plan économique, elle réussit mieux que ses voisins de la gnementscriminels,l’Agencederenseignementsdel’arméeet sous-région. Selon le FMI, son PIB s’est accru de 6,3 % en 2008, l’Agence des services spéciaux, officiellement mises en place de 5,6 % en 2009 et a continué de progresser en 2010: + 5 %. pour « renforcer la sécurité nationale contre les menaces Le tourisme et, plus récemment, l’agriculture sont devenus militaires et assimilées ». Et malgré les dénonciations régules secteurs les plus porteurs. Ainsi, malgré les persécutions lières des organisations de défense des droits de l’homme, dont sont victimes opposants, journalistes et homosexuels intimidations, arrestations et condamnations de journalistes, (menacés de décapitation par Yahya Jammeh), la Gambie d’opposants ou de toute personne soupçonnée d’être hostile continue d’accueillir 100000 touristes par an. Un petit paradis au régime se poursuivent. Le 15 juillet 2010, après un procès pour les Occidentaux en quête de tranquillité, mais où il ne de quatre mois, la justice gambienne a même condamné à fait pas toujours bon vivre. Surtout depuis que le président, mort huit personnes accusées d’avoir comploté contre le lui-même auteur d’un putsch en 1994, se sent menacé. ●

AFRIQUE DE L’OUEST

Gambie


Ghana

Un nouveau pays de l’or noir

C

son PIB –, le Ghana jouit d’une bonne est l’année du grand essor BURKIN BURKINA FASO image consécutive à l’enracinement de pétrolier pour le Ghana. la démocratie et à l’affirmation d’une Alors que le premier baril est tradition d’alternance, et capitalise sur sorti des eaux territoriales du pays le Tamale la visite très médiatisée du président 15 décembre 2010, la production, tirée TOGO américain Barack Obama, les 10 et du champ dénommé « Jubilee », devrait GHANA 11 juillet 2009. Il attire les touristes et croître très vite: de 55000 barils par jour les investisseurs, qui en font de plus (b/j) dans les premiers temps, elle pasKumasi CÔTE en plus une base pour leurs activités sera, selon les prévisions, à 120 000 b/j D’IVOIRE en Afrique de l’Ouest. dès le mois de juin. Un think-tank local, Accra Sur le front politique, l’atmosphère Imani, estime que cette activité devrait Takoradi devrait rester relativement apaisée en assurer à l’État 400 millions de dol150 km Golfe de Guinée 2011. Les prochaines élections génélars (près de 300 millions d’euros) de rales n’auront lieu qu’à la fin de 2012. ressources supplémentaires pendant C’est donc à l’intérieur des deux principaux partis, le National quinze ans. Mais selon des sources gouvernementales, l’État Democratic Congress (NDC) du président John Atta-Mills pourrait engranger jusqu’à 1 milliard de dollars par an, en et le New Patriotic Party (NPP, opposition), que les affronfonction des cours internationaux du brut. Un fonds de statements les plus importants auront lieu. Au sein du NDC, bilisation a été créé, afin d’atténuer l’impact des fluctuations l’ancien président Jerry Rawlings et son épouse Nana Konadu des cours. Un fonds destiné à permettre aux générations se battent pour le contrôle des instances du parti en vue des futures de profiter des pétrodollars a aussi vu le jour. échéances à venir. Au sein du NPP, on soupçonne un lobby La nouvelle donne fera en tout cas bondir le PIB du pays, ashanti – l’ethnie de l’ancien président John Kufuor – de qui est déjà le deuxième producteur mondial de cacao et un savonner la planche au candidat malheureux de 2008, Nana important producteur d’or. De 5 % en 2010, la croissance Akufo-Addo, au profit de John Alan Kwadwo Kyerematen. pourrait, selon le FMI, frôler le cap symbolique de 10 % en Enfin, sur le plan diplomatique, la gestion de la crise 2011 – la Banque mondiale prévoit même une progression de ivoirienne a déclenché une polémique, alors qu’environ 13,4 %. Cette toute nouvelle manne donne au pays l’opportu1 million de Ghanéens vivent en Côte d’Ivoire. Du côté nité d’investir massivement dans les nombreux secteurs qui du pouvoir, on s’est dit décidé à conserver une attitude de en ont besoin, après deux décennies d’ajustement structurel: « neutralité » et, alors que la Communauté économique des il s’agit notamment du réseau routier, des secteurs sociaux, États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) demandait à l’ONU de l’assainissement et des infrastructures énergétiques. Ces d’autoriser la force, Accra a indiqué que le pays n’enverrait pas deux dernières branches sont animées par trois entreprises de troupes dans le cadre d’une éventuelle opération militaire – Ghana Water Company, Electricity Company of Ghana et visant à déloger le président sortant Laurent Gbagbo. De Volta River Authority – souffrant de graves déficits, ce qui son côté, l’opposition a accusé les autorités de jouer double menace la pérennité de leurs activités. jeu et de faire preuve de défiance vis-à-vis des institutions Devenu depuis peu un pays à revenu intermédiaire – princommunautaires. ● cipalement à la suite d’un changement dans le calcul de

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 6 mars 1957 Accession à l’indépendance. 1er juillet 1960 Kwame Nkrumah devient président. Il est renversé en 1966. 30 décembre 1981 Putsch du lieutenant Jerry Rawlings. 3 novembre 1992 Rawlings est élu président. Il est réélu en décembre 1996. Décembre 2000 John Kufuor est élu président. Il est réélu en décembre 2004. 27 décembre 2008 L’opposant John Atta-Mills est élu président.

Le pays en bref ■ Superficie 238 540 km2.

■ Population 23,8 millions d’hab.

■ Croissance

118

démographique 2,1 %.

■ Densité

de population 100 hab./km2. urbaine 51,5 %. ■ Espérance de vie 56,8 ans. ■ Alphabétisation 66 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,467 ; rang : 130e sur 169. ■ Langues Anglais (officielle), gha, twi, ewé, fanté… ■ Peuplement Akans, Dagombas, Gourmantchés, Ashantis, Akwapims… ■ Religions Musulmans, animistes, chrétiens. ■ Monnaie Cédi. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 1,97 cedi ; 1 $ = 1,47 cedi. ■ PIB par habitant 762 $. ■ Répartition du PIB Primaire 33,5 % ; secondaire 25,3 % ; tertiaire 41,2 %.

■ Population

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 15

16,5

15,3

18,1

Taux de croissance (en %, à prix constants) 5,7 2007

7,2 4,1 2008

2009

5 2010

■ Inflation 18,8 %.

■ Investissements

directs étrangers 1,7 milliard de $. ■ Exportations 5,5 milliards de $. ■ Importations 8,1 milliards de $. ■ Principales ressources Or, cacao, diamants, tourisme.

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


Les priorités d’Alpha Condé

L

CÔTE D’IVOIRE

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 2 octobre 1958 Indépendance. 3 avril 1984 Coup d’État militaire. Lansana Conté devient président. 23 décembre 2008 Mort de Lansana Conté. Moussa Dadis Camara devient président. 3 décembre 2009 Tentative d’assassinat contre Moussa Dadis Camara. Sékouba Konaté devient président par intérim. 7 novembre 2010 Alpha Condé est élu président.

Le pays en bref ■ Superficie 245 860 km2.

■ Population 10,1 millions d’hab. ■ Croissance

démographique 2,4 %.

■ Densité

de population 41 hab./km2. urbaine 35,4 %. ■ Espérance de vie 58,4 ans. ■ Alphabétisation 38 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,340 ; rang : 130e sur 169. ■ Langues Français (officielle), malinké, peul, soussou… ■ Peuplement Peuls, Malinkés, Soussous… ■ Religions Musulmans, animistes, chrétiens. ■ Monnaie Franc guinéen. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 9 253,03 francs guinéens. 1 $ = 6 936,67 francs guinéens. ■ PIB par habitant 420 $. ■ Répartition du PIB Primaire 24,8 % ; secondaire 46,4 % ; tertiaire 28,8 %. ■ Population

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 4,2

4,5

4,6

4,3

Taux de croissance (en %, à prix constants) 4,9 -0,3

1,8 2007

2008

2009

3 2010

■ Inflation 4,8 %.

■ Investissements

directs étrangers 141 millions de $. ■ Exportations 1 milliard de $. ■ Importations 1,4 milliard de $. ■ Principales ressources Bauxite, or, diamants, cacao, café. 119

GHANA - GUINÉE

opposant historique Alpha tour, l’ancien Premier ministre Sidya SÉNÉGAL MALI GUINÉECondé, crédité de 52,5 % des voix Touré, soucieux de se refaire une santé BISSAU à la présidentielle organisée au politique. En effet, la grande majorité terme d’un processus électoral moude ses sympathisants, issus surtout de GUINÉE vementé, a succédé le 21 décembre la Basse-Côte, n’ont pas suivi ses consiKankan 2010 au général Sékouba Konaté, chef gnes de vote. L’ex-Premier ministre de Conakry de l’État par intérim. Un demi-siècle de Sékouba Konaté, Jean-Marie Doré, qui SIERRA dictature s’est clos. Premier président avait dû renoncer à sa candidature à LEO LEONE démocratiquement élu pour les uns, la présidentielle pour jouer un rôle imposteur pour les partisans de Cellou dans la transition, est aussi déterminé Dalein Diallo, son challengeur arrivé à revenir aux affaires. Tout comme un LIBERIA en tête du premier tour avec 43,7 % autre ancien Premier ministre, Lansana Océan Océ 200 km Atlant Atl Atlantique des voix, Condé dirige un État où tout Kouyaté, malinké comme Condé, qui reste à faire. a été contraint de soutenir le nouveau La culture démocratique est quasi inexistante. Les clivages président à cause des pressions communautaires. ethniques ont été accentués par les rivalités lors de la campaEn plus de devoir se préparer pour ces élections qui s’angne électorale. L’administration est minée par la corruption. noncent serrées, le chef de l’État doit faire face en 2011 à la Malgré les immenses potentialités du pays, l’économie est grogne grandissante des populations. Les manifestations à terre et les caisses de l’État totalement vides. En Guinée, contre le manque d’eau et d’électricité sont quasi quotidienil n’y a que des priorités. Et pour Alpha Condé, remettre de nes. Et les tensions liées à la cherté des produits de première l’ordre dans la maison ne sera pas aisé. D’autant que ceux nécessité sont très vives. Le risque de dérapage est d’autant qui l’entourent passent pour être insuffisamment qualifiés, plus important que la communauté peule, qui détiendrait voire responsables des échecs des régimes précédents. 70 % des commerces, est accusée de spéculer, tandis que Le Premier ministre, Mohamed Saïd Fofana, est inconnu l’inflation reste incontrôlée. des Guinéens, de même que la majorité des 42 membres de Autre dossier épineux sur la table d’Alpha Condé : celui son équipe. Alors qu’Alpha Condé a axé sa campagne sur le de l’armée. Habituée à bénéficier de privilèges – salaires thème du changement, Fofana s’est entouré de conseillers jusqu’à dix fois plus élevés que ceux de la fonction publique, décriés par le passé, comme Fodé Bangoura, tout-puissant gratuité de l’eau et de l’électricité, réductions sur le prix du secrétaire général à la présidence sous Lansana Conté. riz –, elle grève le budget de l’État (de 30 %, selon la Banque Dans la perspective des élections législatives prévues en mondiale). Réduire les effectifs (45 000) et rationaliser les juin 2011 au plus tard, il faut s’attendre à une recomposidépenses sans créer de remous est un défi de taille. Enfin, tion du paysage politique. L’opposant peul Cellou Dalein sur le plan économique, la priorité annoncée du nouveau Diallo, qui peut encore compter sur un électorat fidèle régime est la renégociation de tous les contrats miniers. Le – malheureusement motivé par des préoccupations plus sous-sol guinéen regorge de ressources: or, diamants, nickel, ethniques qu’idéologiques –, vise le perchoir de l’Assemblée bauxite, fer… Mais seules la paix et la stabilité permettront nationale. Il trouvera sur son chemin son allié du second de prendre un nouveau départ. ●

AFRIQUE DE L’OUEST

Guinée


Guinée-Bissau

Retour au calme

A

craindre quelques frictions, à près les nombreuses SÉNÉGAL Bissau on jure que l’entente entre affaires liées au trafic de les deux hommes est « parfaite ». stupéfiants en 2008, puis Le second pourrait d’ailleurs les assassinats en 2009 du chef rester à la tête du gouvernement d’état-major des forces armées, GUINÉE-BISSAU jusqu’aux législatives prévues en le général Tagme Na Wai, du préBissau juillet 2012. sident João Bernardo Vieira et de Les Bissau-Guinéens s’inquièl’ex-ministre de la Défense et cantent néanmoins pour la santé de didat à la présidentielle Helder leur président, âgé de 64 ans. Proença, Bissau semble avoir GUINÉE Depuis le début de son mandat, il retrouvé une certaine quiétude. Océan afaitunedizainededéplacements Depuis l’éviction, le 1er avril 2010, 50 km Atlantique Atl vers le Sénégal et la France pour du chef d’état-major des forces « raisons médicales » et a même armées, José Zamora Induta, par été plusieurs fois hospitalisé dans ces pays. Il souffrirait d’hyson adjoint António Indjai, suivie de la brève interpellation pertension et de diabète. Quoi qu’il en soit, cet État, qui fait par des militaires du Premier ministre Carlos Gomes Junior, partie des cinq pays les plus pauvres du monde, tente tant aucun incident grave n’a été rapporté. Ce « putsch » entre bien que mal de sortir la tête de l’eau. Mais cela ne sera pas gradés d’une armée réputée corrompue et impliquée dans possible sans le soutien de la communauté internationale. de nombreuses activités illicites, particulièrement le trafic Endécembre2010,Bissauaobtenul’apurementd’unedette de cocaïne, avait fait surgir la crainte de nouveaux troubles, de 1,2 milliard de dollars (905 millions d’euros) dans le cadre mais il n’en a rien été. de l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) En septembre 2010, l’Assemblée nationale a donné son renforcée, opération rendue possible grâce notamment au accord au déploiement dans le pays d’une force de stabilisasoutien des États de la CPLP et de la Chine, intéressée par les tion composée d’éléments de la Communauté économique ressources minières et halieutiques du pays. En juin 2010, la des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), de la Communauté Banque mondiale a pour sa part approuvé le financement de des pays de langue portugaise (CPLP) et de l’Union africaine. 29 projets pour un montant total de 348 millions de dollars. Et L’opposition a crié son désaccord, mais sa voix ne pèse pas l’Union européenne (UE), qui avait suspendu sa coopération lourd. Le Parti pour l’indépendance de la Guinée et du avec Bissau après les événements du 1er avril 2010, pourrait Cap-Vert (PAIGC), du président Malam Bacaï Sanha (élu le relancer, après une rencontre prévue en mars, le financement 26 juillet 2009), compte 67 sièges sur 100, et seulement 28 du projet de réforme de l’armée, estimé à 180 millions de sont occupés par le Parti de la rénovation sociale (PRS) de dollars et considéré comme capital pour la stabilité. Mais Kumba Yala, principal challengeur de l’actuel chef de l’État l’UE exige des garanties sur la bonne gouvernance et la lors de la dernière présidentielle. justice. Il faut dire que la lumière n’a jamais été faite sur les Malam Bacaï Sanha n’est pas gêné par ses adversaires assassinats politiques de 2009 ni sur les multiples affaires politiques. Et même si son ancienne rivalité avec Carlos Gomes Junior, également membre du PAIGC, avait laissé de trafic de drogue qui ont secoué le pays. ●

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 10 septembre 1974 Indépendance. 14 novembre 1980 Putsch de João Bernardo Vieira. Juin-août 1998 Insurrection militaire. 3 février 1999 Mise en place d’un gouvernement de transition. 16 janvier 2000 Kumba Yala élu président. 24 juillet 2005 Vieira est réélu. 2 mars 2009 Assassinat du président Vieira. 26 juillet 2009 Victoire de Malam Bacaï Sanha à l’élection présidentielle.

Le pays en bref ■ Superficie 36 120 km2.

■ Population 1,6 million d’hab.

■ Croissance

120

démographique 2,2 %

■ Densité

de population 45 hab./km2. urbaine 30 %. ■ Espérance de vie 48,2 ans. ■ Alphabétisation 51 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,289 ; rang : 164e sur 169. ■ Langues Portugais (officielle), créole, français, peul, malinké, mandyako… ■ Peuplement Balantes, Foulas, Mandjaques… ■ Religions Animistes, chrétiens, musulmans. ■ Monnaie Franc CFA. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 655,96 F CFA. 1 $ = 480,27 F CFA. ■ PIB par habitant 498 $. ■ Répartition du PIB Primaire 55,5 % ; ■ Population

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 0,9 0,7

0,8

0,8

Taux de croissance (en %, à prix constants) 3,6

3

3,5

0,2 2007

2008

2009

2010

secondaire 12,9 % ; tertiaire 31,6 %.

■ Inflation – 1,5 %.

■ Investissements

directs étrangers 33 millions de $. ■ Exportations 115 millions de $. ■ Importations 230 millions de $. ■ Principale ressource Noix de cajou.

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


Johnson-Sirleaf face au seigneur de guerre

E

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 26 juillet 1847 Indépendance. Décembre 1989 Guerre civile. Charles Taylor prend la tête de la rébellion. 19 juillet 1997 Taylor est élu président. 11 août 2003 Taylor s’exile au Nigeria. 23 novembre 2005 Ellen Johnson-Sirleaf est élue à la présidence de la République. 7 janvier 2008 Début du procès de Taylor devant le Tribunal spécial pour la Sierra Leone.

Le pays en bref ■ Superficie 111 370 km2.

■ Population 4 millions d’hab. ■ Croissance ■ Densité

démographique 0,8 %. de population 36 hab./km2.

■ Population

urbaine 47,8 %. de vie 58,7 ans. ■ Alphabétisation 58 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,300 ; rang : 162e sur 169. ■ Langues Anglais (officielle), mandingue, krou, bassa, vaï… ■ Peuplement Mandés, Krous, Kissis, Américano-Libériens… ■ Religions Animistes, chrétiens, musulmans. ■ Monnaie Dollar libérien. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 92,71 dollars libériens. 1 $ = 69,50 dollars libériens. ■ PIB par habitant 227 $. ■ Répartition du PIB Primaire 61,3 % ; secondaire 16,8 % ; tertiaire 21,9 %. ■ Espérance

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 0,9

0,9

0,7

1

Taux de croissance (en %, à prix constants) 9,4 2007

7,1 2008

4,6 2009

6,3 2010

■ Inflation 7,8 %.

■ Investissements

directs étrangers 378 millions de $. ■ Exportations (2008) 260 millions de $. ■ Importations (2008) 667 millions de $. ■ Principales ressources Diamants, bois, hévéa, cacao. 121

GUINÉE-BISSAU - LIBERIA

n 2009, le Liberia a souffert de avant la guerre (1989-2003), le secGUINÉE SIERRA la crise économique mondiale. teur minier (or et diamants) comptait LEONE Attendue à 10 %, la croissance pour 25 % du PIB, il n’en représente du PIB s’est finalement établie à 4,6 %. aujourd’hui plus que 1,2 %. Plus des CÔTE La faute, principalement, à la baisse deux tiers de la population vit sous D’IVOIRE des envois de fonds de l’étranger, dont le seuil de pauvreté. Avec un taux de Monrovia le pays est dépendant : ceux-ci sont mortalité sous l’effet du paludisme Buchanan passés de 680 millions à 545 millions de 171 pour 100 000 parmi les enfants d’euros entre 2008 et 2009. Et la chute de moins de 5 ans, le Liberia est bien LIBERIA des exportations (de 41,6 % à 27,7 % au-delà de la moyenne africaine (104 du PIB sur la même période) ainsi pour 100000). L’alphabétisation et l’esOcéan que le report des investissements dans pérance de vie à la naissance ont en Atlantique Atl 100 km le secteur minier n’ont rien arrangé. revanche progressé. Conséquence de ce tarissement des Autant de données qui figureront ressources: de nombreux licenciementssont intervenus dans au bilan de la présidente Ellen Johnson-Sirleaf. Première les plantations de caoutchouc et dans le secteur minier. Les femme africaine à avoir été élue chef d’État – en 2005 –, autorités ont réagi avec plusieurs mesures, notamment la celle-ci va remettre son mandat en jeu lors de la présidencréation d’un fonds de garantie et des baisses d’impôts. tielle d’octobre 2011. En novembre 2010, elle a composé L’année 2010 est plus réjouissante, avec une croissance un gouvernement de choc pour se préparer à l’élection. Sa du PIB estimée à 6,3 %. En juin, le pays a bénéficié d’une candidature ignore les recommandations de la Commission annulation totale de sa dette extérieure au titre de l’Initiative Vérité et Réconciliation, chargée de faire la lumière sur les en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE). Désormais, crimes commis pendant les quatorze années de guerre l’ardoise de 4,6 milliards de dollars (3,3 milliards d’euros) civile. En décembre 2009, cette instance a notamment est totalement effacée. Les fonctionnaires (enseignants, préconisé la mise en place d’un tribunal pour juger les infirmiers, policiers) sont les premiers bénéficiaires de cet principaux responsables des crimes, mais aussi l’interdicappel d’air – une augmentation de leur salaire minimum tion de toutes fonctions officielles pendant trente ans pour figure au budget 2010 –, mais le secteur privé doit aussi certains individus ayant une responsabilité dans la guerre y trouver son compte. Baisse de 10 % de l’impôt sur les civile. Pour le rôle financier qu’elle a joué à l’époque, Ellen sociétés, alignement des droits de douane, diminution Johnson-Sirleaf est sur la liste. des délais pour les formalités administratives… Monrovia Lors de la bataille électorale, elle devra affronter un tente d’attirer les investisseurs. sinistre personnage: l’ancien chef de guerre Prince Johnson, Mais ces efforts ne suffisent pas à sortir le Liberia du aujourd’hui sénateur, hier bourreau de l’ex-président Samuel sous-développement. La fonction publique reste le principal Doe, qu’il a torturé à mort en 1990. La Commission élecemployeur, la grande majorité de l’emploi est informelle, torale lui a donné l’autorisation de se présenter. L’ancien le secteur agricole représente 61,3 % du PIB et l’indusfootballeur George Weah, star dans son pays et déjà candidat trie est réduite à sa portion congrue (16,8 %). Alors que, en 2005, sera aussi de la partie. ●

AFRIQUE DE L’OUEST

Liberia


Mali

ATT se prépare à passer la main

L

SÉN.

e président Amadou Toumani Touré (ATT) a surpris tout le monde, le 3 avril 2011, en nommant Mariam Kaidama Cissé au poste de Premier ministre. À 62 ans, cette haute fonctionnaire a été secrétaire exécutive du Comité inter-États de MAURITANIE lutte contre la sécheresse au Sahel de 1993 à 2003. Elle a aussi été deux fois Bamako Ségou ministre, d’abord au Plan en 1991, puis brièvement à l’Agriculture en 2002. Sur GUINÉE sa feuille de route figure notamment CÔTE D’IV. l’organisation de l’élection présidentielle de 2012. Au pouvoir depuis 2002, ATT a dû réaffirmer en février 2011 qu’il ne prolongera pas son bail au-delà des deux mandats autorisés par la Constitution. Au grand dam de certains courtisans, qui l’encourageaient à rester jusqu’en 2014, sous couvert d’harmonisation des mandats présidentiel et législatif avec celui des conseillers communaux. Malgré tout, l’inquiétudedemeure car,àdouzemoisdes échéances,aucun préparatif électoral n’a débuté et la réforme constitutionnelle annoncée en 2010 semble passée aux oubliettes. Pourtant, la présidentielle est déjà dans tous les esprits. Le retour au Mali de Soumaïla Cissé, fondateur de l’Union pour la république et la démocratie (URD), dont le mandat à la tête de la Commission de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) a pris fin en mars 2011, lancera sans doute la précampagne. Il fait partie des favoris, aux côtés d’Ibrahim Boubacar Keïta, leader du Rassemblement pour le Mali (RPM), ancien Premier ministre qui a présidé l’Assemblée nationale de 2002 à 2007. Les deux hommes pourraient mettre en place un ticket pour contrer Modibo Sidibé, chef du gouvernement jusqu’au 3 mars 2011 et pressenti comme porte-drapeau de l’Alliance pour la démocratie au Mali (Adema), le parti majoritaire.

En attendant, ATT doit gérer un front social sensible, avec le vote du nouveau code de la famille, rejeté par la rue en ALGÉRIE 2009, les grèves chroniques au sein de l’éducation nationale, et la hausse des prix liée au blocage politique en Côte MALI d’Ivoire. Mais en 2011 les grands enjeux Gao sont aussi sécuritaires. L’installation d’Al-Qaïda au Maghreb islamique NIGER (Aqmi) dans le Nord a été favorisée BURKINA par les accords d’Alger de 2006, qui insFASO tituaient un retrait de l’armée malienne BÉNIN GHANA auprofitdesmouvementsrebellestouaregs. Quelques années après, prises d’otages européens, trafic de drogue et accrochages avec l’armée démontrent que cette partie du pays est devenue un sanctuaire pour les terroristes salafistes. L’Algérie et la Mauritanie accusent Bamako de laxisme et reprochent à ATT de manquer de fermeté sur ce dossier. Certains de ses proches sont même suspectés de faire double jeu. Rétablir la confiance semble donc devenu le credo du président, qui a réaménagé son dispositif militaire dans le Nord et multiplie les déplacements à Tombouctou et Kidal. Des efforts en partie anéantis par l’attentat devant l’ambassade de France à Bamako, en janvier 2011. Avec une croissance estimée à 5,1 % en 2010, l’économie devrait continuer de progresser, notamment grâce à la bonne tenue des cours de l’or, première ressource d’exportation (50 tonnes par an), et à l’agriculture (36 % du PIB), qui attire de nouveaux investisseurs. La production céréalière devrait ainsi atteindre 7,5 millions de t pour la saison 2010-2011, avec un objectif maintenu à 10 millions de t pour 2012. Quant au coton, l’envolée des cours a favorisé une production de 300 000 t pour la saison 2010-2011, soit 50 % de plus que la campagne précédente, ce qui devrait faciliter la privatisation en cours de la filière. ● 300 km

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 22 septembre 1960 Le Soudan français devient la République du Mali. Modibo Keita en est le premier président. 19 novembre 1968 Modibo Keita est renversé par le lieutenant Moussa Traoré. 26 mars 1991 Putsch militaire d’Amadou Toumani Touré contre Moussa Traoré. Avril 1992 Élection d’Alpha Oumar Konaré à la présidence. Il est réélu en mai 1997. Juin 2002 Amadou Toumani Touré élu président. Il est réélu en avril 2007.

Le pays en bref ■ Superficie 1 240 190 km2.

■ Population 13 millions d’hab.

■ Croissance

122

démographique 2,4 %.

■ Densité

de population 10 hab./km2. urbaine 35,9 %. ■ Espérance de vie 48,8 ans. ■ Alphabétisation 26 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,309 ; rang : 160e sur 169. ■ Langues Français (officielle), bambara, peul, sénoufo, soninké, tamacheq, songhaï, dogon… ■ Peuplement Bambaras, Peuls, Dogons, Bozos, Touaregs, Songhaïs… ■ Religion Musulmans. ■ Monnaie Franc CFA. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 655,96 F CFA. 1 $ = 480,27 F CFA. ■ Inflation 2,2 %. ■ PIB par habitant 649 $.

■ Population

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 7,2

8,8

9

9,1

Taux de croissance (en %, à prix constants) 4,3

5

4,4

2007

2008

2009

5,1 2010

■ Répartition

du PIB Primaire 36,4 % ; secondaire 18,3 % ; tertiaire 45,3 %. ■ Investissements directs étrangers 109 millions de $. ■ Exportations 2,1 milliards de $. ■ Importations 2,6 milliards de $. ■ Principales ressources Or, coton.

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


Les putschistes ont tenu parole

M

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 3 août 1960 Accession à l’indépendance. Hamani Diori devient président. 15 avril 1974 Putsch de Seyni Kountché. 10 novembre 1987 Ali Saibou chef de l’État. 27 janvier 1996 Le colonel Ibrahim Baré Maïnassara prend le pouvoir. 9 avril 1999 Assassinat de Baré Maïnassara. Mamadou Tandja est élu président. Il est réélu en 2004 et renversé en 2010. 12 mars 2011 Mahamadou Issoufou est élu président.

Le pays en bref ■ Superficie 1 267 000 km2.

■ Population 15,3 millions d’hab. ■ Croissance

démographique 3,9 %.

■ Densité

de population 12 hab./km2. urbaine 17,1 %. ■ Espérance de vie 51,9 ans. ■ Alphabétisation 29 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,261 ; rang : 167e sur 169. ■ Langues Français (officielle), haoussa, djerma, peul, tamacheq, kanouri… ■ Peuplement Haoussas, Djermas, Foulas, Touaregs, Kanouris… ■ Religions Musulmans, animistes. ■ Monnaie Franc CFA. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 655,96 F CFA. 1 $ = 480,27 F CFA. ■ PIB par habitant 383 $. ■ Répartition du PIB Primaire 41,2 % ; secondaire 15,1 % ; tertiaire 43,7 %. ■ Population

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 5,4

5,3

4,3

5,6

Taux de croissance (en %, à prix constants) 8,7 3,4 2007

2008

-1,2

3,5

2009

2010

■ Inflation 4,3 %.

■ Investissements

directs étrangers 739 millions de $. ■ Exportations 900 millions de $. ■ Importations 1,5 milliard de $. ■ Principales ressources Uranium, charbon, or, bétail, céréales. 123

MALI - NIGER

ahamadou Issoufou est sorti Cette délicate transition s’est pro300 km LIBYE vainqueur de l’élection préduite dans un contexte de crise alimensidentielle du 12 mars 2011. taire qui a touché près de 8 millions de ALGÉRIE ALG Crédité de 58 % des voix, l’opposant Nigériens, nécessitant l’intervention historique l’a emporté face à l’exurgente des bailleurs de fonds. De son Premier ministre Seini Oumarou, du côté, le gouvernement a dû procéder NIGER Mouvement national pour la société à des distributions gratuites de vivres. MALI Agadez de développement (MNSD), le parti Selon le Programme alimentaire monde l’ex-président Mamadou Tandja. dial, la proportion d’enfants de moins Niamey Ce scrutin permet au Niger de retroude 5 ans souffrant de malnutrition Zinder TCHAD ver un régime civil, un an après le aiguë est passée de 12,3 % en 2009 à BURKINA renversement de Tandja. Le chef de 16,7 % en 2010. FASO NIGERIA BÉNIN l’État déchu avait provoqué une grave Le Niger compte 15,3 millions d’hacrise institutionnelle en changeant en bitants, dont près de 80 % en milieu août 2009 la Constitution pour se maintenir au terme de rural, avec un taux de fécondité compris entre sept et huit son second mandat. enfants par femme. D’après les projections, la population Le 18 février 2010, le Conseil suprême pour la restauraatteindrait 27 millions d’habitants en 2025. Pour ramener tion de la démocratie (CSRD), dirigé par le chef d’escadron sa croissance démographique à 2,5 % d’ici à 2015, Niamey Salou Djibo, arrêtait Tandja et décidait de dissoudre les a adopté une politique visant à faire grimper le taux de institutions, avant d’annoncer le retour à l’ordre constitucontraception de 5 % à 11 % et réduire l’indice de fécondité tionnel dans un délai d’un an. Approuvée par référendum le à cinq enfants par femme. 31 octobre, la nouvelle Constitution fixe la durée du mandat L’économie, dominée par un secteur agricole sinistré par présidentiel à « cinq ans, renouvelable une seule fois », une le déficit pluviométrique, montre de réels signes de faiblesse. disposition qui ne pourra être révisée. Parallèlement, les Résultat : la croissance du PIB demeure très irrégulière, membres de la junte ont pris l’engagement qu’aucun d’entre puisqu’elle est passée de 8,7 % en 2008 à – 1,2 % en 2009. eux ne serait candidat à la présidentielle, ceci afin d’assurer Elle est estimée à 7,5 % en 2011, soutenue notamment par « une conduite sereine et impartiale de la transition ». le secteur minier, en particulier l’extraction d’uranium. Les putschistes ont donc tenu parole, aidés par la comToutefois, ce secteur est confronté à de graves problèmunauté internationale, plutôt satisfaite du départ forcé de mes de sécurité, puisque Al-Qaïda au Maghreb islamique Tandja. Arrêté lors du coup d’État, celui-ci reste en prison. (Aqmi) a kidnappé sept employés des français Areva et L’ex-président est soupçonné d’avoir couvert des malversaVinci le 16 septembre 2010, sur le site d’Arlit. Et l’emprise tions financières, portant sur plus de 64 milliards de F CFA d’Aqmi ne se limite plus au nord du pays : le 8 janvier 2011, (près de 98 millions d’euros). À la suite de la création par deux jeunes Français ont été enlevés par les terroristes au la junte d’une Commission de lutte contre la délinquance cœur de Niamey et tués durant leur fuite. De quoi calmer économique et financière, plusieurs ex-dirigeants ont été l’enthousiasme des investisseurs étrangers, dont le retour incarcérés. était attendu avec la fin de la transition. ●

AFRIQUE DE L’OUEST

Niger


Nigeria

Une réélection controversée

A

BÉNIN

L’incertitude s’est accrue à partir vec 57 % des voix, le président 300 km NIGER du 23 novembre 2009. Ce jour-là, il sortant, Goodluck Jonathan, TCHAD quitte le pays pour l’Arabie saoudite, candidat du Parti démocradont il ne reviendra – en catimini – tique du peuple (PDP), a été déclaré Kano que le 24 février 2010. Pour tout signe vainqueur de l’élection présidentielle de vie, il donne une interview, d’une du 16 avril dès le premier tour. Mais Abuja voix faible, à la BBC, le 12 janvier. des accusations de fraude ont susSon entourage fait alors dire qu’il cité des émeutes dans le Nord. En NIGERIA souffre d’une « péricardite aiguë », trois jours, les heurts, qui ont touché Lagos une infection de la paroi qui entoure 14 des 36 États du Nigeria, auraient le cœur, sans livrer plus de détails. fait plus de 200 morts, d’après l’ONG Port-Harcourt CAMEROUN De retour au Nigeria, il ne reprendra Civil Rights Congress. Le candidat de Golfe de Guinée pas les rênes du pays et finira par l’opposition, Muhammadu Buhari, a s’éteindre. appelé au calme et saisi la commisEn tant que vice-président, Jonathan lui succède jusqu’à sion électorale pour dénoncer des irrégularités. Dans l’enla fin de son mandat, prévue en avril 2011. Sa récente semble, les observateurs ont jugé le scrutin plus honnête réélection remet sur la table la question religieuse, que les précédents mais des résultats anormalement élevés toujours latente au Nigeria. Une règle tacite veut en – de l’ordre de 99 % – en faveur du chef de l’État sortant effet que la présidence alterne entre les deux grandes dans plusieurs États du Sud ont semé le doute. confessions du pays. Umaru Yar’Adua étant musulman Discret, toujours dans l’ombre depuis son entrée en et Goodluck Jonathan chrétien, certains estimaient que politique en 1999, Goodluck Jonathan, zoologue de c’était à nouveau au tour des musulmans de présider formation, a accédé au pouvoir après le décès, le 5 mai aux destinées du pays. 2010, de son prédécesseur, Umaru Yar’Adua, dont il était le vice-président. Les problèmes de santé de Yar’Adua FRACTURE RELIGIEUSE. C’est donc à la tête d’un Nigeria avaient durablement paralysé la vie politique nigériane. divisé que le chef de l’État est réélu. La violence reliIl est vrai que le mystère a toujours plané sur la nature gieuse s’est régulièrement manifestée. En juillet 2009, du mal dont souffrait cet ancien professeur de chimie à des affrontements entre les forces de sécurité et les l’apparence fragile. À plusieurs reprises, il avait montré membres de la secte islamiste Boko Haram (lire encades signes de faiblesse. En pleine campagne électodré) ont fait plus de 700 morts et 3 000 déplacés dans rale, en 2007, il avait été évacué par avion médicalisé le nord du pays. En janvier 2010, des violences à Jos, en Allemagne. Une fois élu, il avait effectué plusieurs dans l’État du Plateau (Centre), ont fait plus 300 morts séjours dans une clinique en Arabie saoudite. Si les et 40 000 déplacés. Ici, la fracture religieuse s’ajoute au raisons officielles de ses déplacements – un « pèlericlivage entre indigènes et non-indigènes. Au Nigeria, nage » dans certains cas – ne trompaient personne, les toute personne pouvant prouver qu’elle est originaire, Nigérians n’avaient aucune information précise quant par son ascendance, de l’un des 36 États qui composent à son état de santé.

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 1er octobre 1960 Indépendance. Mai 1967-1970 Guerre du Biafra. Novembre 1993 Le général Sani Abacha prend le pouvoir. Juin 1998 Abacha meurt. Le général Abubakar devient chef de l’État. 29 mai 1999 Obasanjo est élu président. 21 avril 2007 Yar’Adua est élu président. 6 mai 2010 Goodluck Jonathan succède à Umaru Yar’Adua, décédé la veille. 16 avril 2011 Jonathan élu président.

Le pays en bref ■ Superficie 923 770 km2.

■ Population 154,7 millions d’hab.

■ Croissance

124

démographique 2,3 %.

■ Densité

de population 167 hab./km2. urbaine 49,8 %. ■ Espérance de vie 48,2 ans. ■ Alphabétisation 60 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,423 ; rang : 142e sur 169. ■ Langues Anglais (officielles), français, haoussa, yorouba, ibo, peul-fulani, efik… ■ Peuplement Haoussas, Ibos, Yoroubas, Peuls… ■ Religions Musulmans (Nord), chrétiens (Sud). ■ Monnaie Naira. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 199,90 nairas - 1 $ = 149,86 nairas. ■ PIB par habitant 1 324 $. ■ Répartition du PIB Primaire 35,5 % ; secondaire 32,4 % ; tertiaire 32,1 %. ■ Population

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 165,9

207,1

168,8

206,7

Taux de croissance (en %, à prix constants) 7 2007

6 2008

7

7,4

2009

2010

■ Inflation 12 %.

■ Investissements

directs étrangers 5,9 milliards de $. ■ Exportations 52,5 milliards de $. ■ Importations 39 milliards de $ ■ Principales ressources Hydrocarbures, bois, agriculture (cacao, céréales).

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

gros et de détail représente 15,9 % de l’activité, alors que le secteur manufacturier se limite à une contribution de 2,4 % au PIB. Le climat des affaires s’est dégradé en 2010. Le Nigeria pointe désormais au 137e rang du classement « Doing Business » réalisé par la Banque mondiale, alors qu’il occupait la 134e position en 2009 (118e en 2008). Routes en piètre état, alimentation en électricité aléatoire, multiplicité des impôts et des taxes : les obstacles aux affaires sont nombreux. Sans compter la corruption. Pour 2010, le pays se situe au 134e rang dans le classement de Transparency International en fonction de l’indice de perception de la corruption. Là encore, il enregistre un recul : le Nigeria occupait la 130e place en 2009 (121e en 2008). Les premières victimes de l’affairisme généralisé sont les 155 millions de Nigérians, dont l’espérance de vie stagne à 48 ans. La moitié d’entre eux vivent avec moins de 2 dollars par jour. ● 125

NIGERIA

RÉFORMES EN SUSPENS. Outre l’amenuisement des chances de pacification dans le Delta, la longue absence d’Umaru Yar’Adua a entraîné le blocage des réformes économiques. À la mi-2009, le président avait transmis au Parlement un projet de loi prévoyant d’importants changements dans l’industrie du pétrole, dont le Nigeria est le huitième exportateur mondial. Mais un an après avoir été déposée, la loi n’avait toujours pas été adoptée. Le texte, dénommé « Petroleum Industry Bill », était censé accroître la productivité et améliorer l’organisation du secteur. Principale mesure : le démantèlement de Nigerian National Petroleum Company (NNPC), colosse créé en 1971 qui couvre toutes les opérations, de l’exploration au raffinage. Des structures privées et autonomes, fonctionnant en coentreprises avec les compagnies étrangères, devaient remplacer NNPC. Un accroissement de la fiscalité, source d’inquiétude pour les « majors », était également prévu.

AFRIQUE DE L’OUEST

la fédération, y bénéficie de certains privilèges, en Malgré le ralentissement du rythme des réformes, le matière de bourse pour les étudiants, ou d’emploi pour Nigeria a su amortir le choc de la récession mondiale. les fonctionnaires. Riche en minerais, l’État du Plateau En 2010, la croissance du PIB s’est établie à 7,4 %, contre attire des travailleurs du Nord, musulmans pour la plu7 % en 2009 (6 % en 2008). L’or noir reste le moteur de l’économie. Il représente 80 % des recettes fiscales et part, quand les indigènes sont en majorité chrétiens. Les 95 % des exportations. L’agriculture continue cependant non-indigènes sont souvent la cible de discriminations. de réaliser la première contribution au PIB (36,5 %). Socioéconomique au départ, le conflit prend alors une Elle emploie plus de 70 % de la population active, mais dimension interconfessionnelle. avec de petites exploitations et un manque d’accès aux Autre source de division : le conflit dans la région du delta du Niger, où se situent les réserves pétrolières. Dans technologies, sa productivité est faible. Exportateur de produits agricoles dans les années 1960, le Nigeria en cette zone méridionale, des groupes rebelles – dont le est aujourd’hui importateur net. Troisième contribution plus connu est le Mouvement d’émancipation du delta du Niger (Mend) – réclament un meilleur partage des recettes au PIB après l’agriculture et le pétrole, le commerce de tirées de l’or noir. Leurs méthodes : enlèvement des employés des comLa secte du Nord pagnies pétrolières, sabotage des installations, vol de pétrole. Autant d’opérations qui ont fait chuter le PENDANT LES cinq derniers « Afghanistan » y a été établie. niveau de production à 1,6 million jours de juillet 2009, une flambée Boko Haram n’entretient pas de barils par jour en 2009, alors qu’il de violence a embrasé le nord de liens connus avec Al-Qaïda, culminait à 2,5 millions au début des du Nigeria.Tout a commencé mais cherche à s’y identifier. années 2000. par l’incendie d’un commissariat Le mouvement compterait Un espoir s’est toutefois levé dans l’État de Bauchi. plusieurs centaines d’adeptes, quand, en octobre 2009, les groupes Les affrontements ont ensuite dont des ressortissants des pays armés ont décrété un cessez-le-feu gagné les États de Yobe, Kano voisins. Commissariats, églises, après avoir obtenu une amnistie. Près et Borno. Ils ont opposé les forces prisons: il a pris pour cibles de sécurité à des assaillants de 12 000 combattants ont déposé des symboles du christianisme les armes. Mais la trêve aura été de revendiquant leur appartenance ou de l’État central. à la secte Boko Haram dont courte durée. En mars 2010, à la veille Son chef, Mohammed Yusuf, d’un colloque « post-amnistie » dans le nom, mélange d’arabe tué par balle – à l’âge de 39 ans – et de haoussa, signifie l’État du Delta, deux explosions ont lors des affrontements tué six personnes. Le Mend a revenlittéralement « l’éducation de juillet 2009, avait étudié occidentale est interdite ». diqué les attentats et promis d’autres la théologie à l’université opérations. Le 1er octobre 2010, jour Son credo : l’application de la islamique de Médine, en Arabie charia, actuellement en vigueur de la fête du cinquantenaire de l’insaoudite. Père de douze enfants dépendance, une double explosion à dans 12 des 36 États de la et comptant quatre épouses, fédération, sur tout le territoire. la voiture piégée a tué douze personil avait été arrêté au Nigeria nes dans la capitale fédérale, Abuja, Le mouvement a été créé en 2002 en 2008 avec d’autres membres à Maiduguri, dans l’État de Borno, en plein défilé militaire auquel le de la secte pour « rassemblements président Goodluck Jonathan assisavant d’être délocalisé, en 2004, illégaux » et « trouble à l’ordre dans celui de Yobe, frontalier tait. Encore une fois, le porte-parole public », avant d’être relâché du Niger. Une base baptisée du Mend, Jomo Gbomo, a revendiqué en janvier 2009. ● l’attentat.


Sénégal De l’électricité dans l’air

J

fer du PDS », a même annoncé « la fin amais depuis son accession au Océan ANIE Atlantique MAURITANIE de [son] compagnonnage » de plus de pouvoir en 2000, la santé d’Abtrente ans avec Wade, un « trompeur » doulaye Wade, 85 ans, n’a suscité Saint-Louis qui l’aurait « abusée ». De surcroît, les autant de commentaires qu’au début « sopistes » sont encore hantés par la de 2011. À tel point que, le 3 février, son Dakar percée historique de l’opposition aux porte-parole Serigne Mbacké Ndiaye a Thiès élections locales de mars 2009. Celle-ci dûdémentirdansuncommuniquéoffiSÉNÉGAL contrôle depuis lors les mairies de sept ciel les informations selon lesquelles le MALI capitales régionales sur quatorze. chef de l’État était hospitalisé en France. GAMBIE Revigorée par ce succès, la coalition Mais ce qui était censé être une bonne Benno Siggil Sénégal n’en est pas moins nouvelle n’a pas atténué l’hostilité à confrontée à une difficulté de taille. l’encontre du « pape du sopi » (« chanGUINÉE 100 km GUINÉE-BISSAU Malgrésonintentionaffichéedeprésengement » en wolof), dont la sortie, selon teruncandidatuniquecontreWade,elle l’opposition, s’annonce peu glorieuse se montre incapable de désigner le futur challengeur. Celui-ci et surtout imminente. Enthousiasmés par les événements pourraitêtreOusmaneTanorDieng,secrétairegénéralduParti survenus en Tunisie et en Égypte ayant abouti au départ des socialiste, Moustapha Niasse, leader de l’Alliance des forces présidents Ben Ali et Moubarak, certains, comme Moustapha de progrès, ou encore Macky Sall, ex-président de l’Assemblée Niasse, ont même imaginé des scénarios semblables au nationale. Néanmoins, elle reste soudée autour d’un objectif Sénégal. Indifférent à ces menaces, Wade, qui a annoncé en commun: faire partir les Wade, père, fils… et fille! septembre 2009 sa participation à l’élection présidentielle du 26 février 2012, s’est déjà choisi un directeur de campagne SINDIÉLY AUSSI. Car Sindiély, la cadette de la famille – éparen la personne du Premier ministre, Souleymane Ndéné gnée jusque-là –, est désormais la cible d’attaques virulentes. Ndiaye. L’année 2011 donnera sans doute lieu à de belles On lui reproche son implication, à la demande du chef de empoignades dans l’arène politique. l’État, dans l’organisation de la troisième édition du Festival Et pour cause. Le Parti démocratique sénégalais (PDS, mondial des arts nègres. Le Fesman III, qui s’est tenu à Dakar au pouvoir) continue d’étaler au grand jour les divisions du 10 au 30 décembre 2010, aurait coûté près de 40 milliards apparues après les ruptures avec Idrissa Seck puis Macky de F CFA (environ 61 millions d’euros). Un montant jugé Sall, deux ex-Premiers ministres tombés en disgrâce et faramineux au moment où la Senelec (Société nationale ayant décidé de s’affranchir du « père ». Des divisions accend’électricité du Sénégal), confrontée à des problèmes de tuées par les intentions supposées du fils biologique Karim trésorerie, n’arrive pas à s’approvisionner en combustibles Wade, ministre d’État, de succéder à son père. En outre, et, par conséquent, à fournir de l’électricité à ses abonnés. des querelles de palais mettent régulièrement en scène C’est pourquoi, au début de 2011, les Sénégalais, qui ne sont des proches du président, comme Awa Ndiaye (ministre jamais aussi souvent descendus dans la rue qu’au cours des du Genre) et Awa Diop (ex-ministre déléguée auprès du trois dernières années, ont de nouveau laissé exploser leur Premier ministre). Le 27 mars 2011, Aminata Tall, ex-secrécolère. Ces manifestations spontanées ont toutefois rarement taire générale de la présidence surnommée « la dame de

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 20 août 1960 Léopold Sédar Senghor devient président du Sénégal. 1er janvier 1981 À la suite de la démission de Senghor, Abdou Diouf devient président. Il est élu en 1983, réélu en 1988 et en 1993 face à Abdoulaye Wade. 19 mars 2000 Wade est élu au second tour. Il sera réélu en 2007 avec 55,9 % des voix. 22 mars 2009 Le PDS perd les élections locales.

Le pays en bref ■ Superficie 196 720 km2.

■ Population 12,5 millions d’hab.

■ Croissance ■ Densité

126

démographique 2,6 %. de population 64 hab./km2.

■ Population

urbaine 42,4 %. de vie 55,9 ans. ■ Alphabétisation 42 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,411 ; rang : 144e sur 169. ■ Langues Français (officielle), wolof, peul-toucouleur, sérère, diola… ■ Peuplement Wolofs, Toucouleurs, Peuls, Sérères, Diolas, Mandingues… ■ Religions Musulmans, catholiques, animistes. ■ Monnaie Franc CFA. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 655,96 F CFA. 1 $ = 480,27 F CFA. ■ PIB par habitant 964 $. ■ Répartition du PIB Primaire 15,7 % ; secondaire 21,7 % ; tertiaire 62,6 %. ■ Espérance

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 11,3

15,4

12,8

12,7

Taux de croissance (en %, à prix constants) 5

2007

3,2 2008

2,2 2009

4 2010

■ Inflation – 1,1 %.

■ Investissements

directs étrangers 208 millions de $. ■ Exportations 2,2 milliards de $. ■ Importations 4,7 milliards de $. ■ Principales ressources Phosphates, arachides, coton, céréales, tourisme.

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


des infrastructures, deux parmi les nombreux grands projets du chef de l’État ont bien avancé. L’aéroport international Blaise-Diagne, situé à Diass, à 45 km de Dakar, d’un coût de 525 millions d’euros, sera livré à la fin de 2012. Trois millions de passagers devraient y passer, contre 1,7 million pour celui de Dakar. Parallèlement à ce projet, la construction d’une autoroute de 35 km (Dakar-Diamniadio) sera achevée à

PUB 1/2 page format total : L = 205 x H = 145 surface utile : L = 185 x H = 125

SÉNÉGAL

BONNES NOUVELLES. Surleplanéconomique,etnotamment

la fin de 2011. L’autre bonne nouvelle est le lancement, le 25 janvier 2011, de la compagnie Sénégal Airlines, dotée d’un capital de 16,5 milliards de F CFA. Elle a été mise sur pied grâce à une participation (64 %) des privés nationaux, le reste étant détenu par l’État. Elle a démarré ses activités avec deux Airbus A320 sur des destinations africaines. Un troisième appareil est attendu vers le mois de juin et les premiers vols vers l’Europe pourraient démarrer au début de 2012. L’arrivée de Sénégal Airlines, qui envisage de transporter 350000 passagers en 2011, devrait donner un coup de pouce au tourisme sénégalais, en léthargie depuis la crise économique de 2008. On a dénombré un peu plus de 490000 visiteurs cette année-là, contre 366 000 en 2009. Ce qui est bien en deçà de l’objectif de 1,5 million annoncé pour 2010. La baisse de la TVA, passée en 2011 de 18 % à 10 % dans le secteur touristique, devrait permettre aux professionnels de rendre leurs tarifs plus attrayants, au moment où la Gambie et le Cap-Vert récupèrent une grande partie de la clientèle qui juge la destination Sénégal trop chère. Un autre dossier important est celui de la Senelec, incapable depuis plusieurs années de fournir de l’énergie de façon continue. L’État a signé en décembre 2010 un accord de partenariat avec le français EDF, prévoyant, entre autres, un audit technique du parc existant, pour accélérer la remise en marche des ouvrages à l’arrêt et renforcer la puissance de ceux qui fonctionnent. En attendant, les opérateurs économiques continuent de subir des pertes liées au manque d’électricité, et la population de réclamer le courant dans ses foyers. Il y a de l’électricité dans l’air. ●

AFRIQUE DE L’OUEST

franchi les limites des quartiers populaires de la capitale ou de sa banlieue. Idem pour les mouvements d’humeur liés à la cherté des denrées de première nécessité, pour lesquelles une baisse des prix de 8 % à 15 % a été annoncée début février. L’État a même initié des « opérations coup-de-poing » visant à vérifier les tarifs dans les commerces, et créé un numéro vert pour permettre aux consommateurs de dénoncer les abus. En 2011, en plus de devoir trouver le moyen de soulager les populations, le gouvernement devra s’impliquer davantage dans la recherche d’une solution à la crise casamançaise. Et ce mêmesileprincipalobstaclerestel’incapacitéduMouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) à se trouver un chef pouvant participer à d’éventuelles discussions de paix: le MFDC est en proie à une lutte de leadership depuis la mort, en janvier 2007, de son dirigeant historique, l’abbé Augustin Diamacoune Senghor. Après une relative accalmie en 2010, les incidents violents entre militaires et éléments arméssupposésappartenirauMFDC,braquagesdevéhicules et vols de bétail ont repris à partir de décembre, faisant un nombre de victimes encore inconnu.


Sierra Leone

Volontarisme économique

L

atténuer sa dépendance à l’égard des es estimations pour 2010 perGUINÉE mines, qui lui procurent l’essentiel de mettent d’espérer une reprise de ses ressources. Selon l’Initiative pour l’économie sierra-léonaise, avec la transparence dans les industries une croissance de 4,5 %. En 2009, du d’extraction (EITI), le secteur minier fait de la crise économique, elle avait Makeni représente 80 % des exportations, dont chuté à 3,2 %, contre 5,5 % en 2008. 60 % pour le seul diamant. Le secteur L’année 2009 avait cependant été celle EONE NE SIERRA LEONE emploie 300 000 personnes, derrière d’une grande réalisation sur le plan Freetown l’agriculture. Mais il s’est contracté en économique:l’inaugurationdubarrage 2009 après la suspension de l’extraction hydroélectriquedeBumbuna,aucentre Kenema LIBERIA par plusieurs compagnies minières. du pays. Le projet était ancien, mais sa Océan L’année 2011 devrait être celle de la mise en service, prévue depuis 1994, 100 km Atlantique reprise, avec le démarrage de l’exploitaavait été maintes fois reportée en raison tion des mines de fer de Tonkolili et de de la guerre civile et de la suspension Lunsar (respectivement dans le nord et le centre du pays). des financements extérieurs. Le barrage de Bumbuna doit Énergie, agriculture, mines… Malgré toutes ces promespermettre d’alimenter tout le pays en électricité et ainsi de ses, la Sierra Leone reste l’un des pays les plus pauvres du réduire les coûts pour les investisseurs, aujourd’hui contraints monde. Elle figure au 158e rang du classement établi par de recourir aux générateurs pour faire face aux délestages. le Programme des Nations unies pour le développement L’État devrait lui aussi réaliser des économies, l’alimentation (Pnud)… sur 169. Les deux tiers des habitants vivent avec en fuel de la centrale thermique actuellement en service lui moins de 2 dollars par jour et plus de la moitié d’entre eux coûtant quelque 1,5 million d’euros par mois. souffrent d’insuffisance alimentaire. Quelques progrès sur Autre perspective : l’exploitation pétrolière. En novemle plan humain sont cependant enregistrés, notamment en bre 2010, un consortium contrôlé par la compagnie amématière de scolarisation des filles. ricaine Anadarko a annoncé une découverte offshore, la Depuis 2010, le chefde l’État, Ernest Bai Koroma, se prépare seconde depuis septembre 2009. Cette même année, des à remettre son mandat en jeu en 2012. Tout indique que cet efforts pour faciliter la création d’entreprises ont été conduits, ancien assureur, élu en 2007, sera de nouveau candidat. Il qui n’ont cependant pas permis à la Sierra Leone de propourra mettre en avant la lutte contre la corruption qu’il gresser dans le classement « Doing Business » de la Banque a menée durant son premier quinquennat. Depuis 2008, mondiale sur l’environnement des affaires: entre 2009 et 2010, les fonctionnaires sont contraints de déclarer leurs avoirs. le pays stagnait à la 143e place (sur 183). Une Commission anticorruption a plusieurs fois traduit en L’agriculture continue d’être le premier secteur de l’écojustice des personnalités qui jusqu’alors faisaient partie des nomie : elle représente 50 % du PIB. La production de riz a « intouchables ». En 2010, la Sierra Leone a ainsi progressé notamment augmenté de 15 % en 2009. C’est la conséquence dans le classement de Transparency International selon du volontarisme des pouvoirs publics, qui ont mis en place l’indice de perception de la corruption, passant du 146e au des aides budgétaires afin de développer les cultures vivrières. 134e rang (sur 178). ● À terme, l’État vise l’autosuffisance alimentaire et souhaite

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 27 avril 1961 Accession à l’indépendance. Mars 1991 Début de la guérilla du Front révolutionnaire uni (RUF) de Foday Sankoh, soutenue par Charles Taylor. Mars 1996 Ahmad Tejan Kabbah élu président. 22 octobre 1999 Création de la Mission des Nations unies en Sierra Leone (Minusil). Mai 2000 Arrestation de Foday Sankoh. Mai 2002 Réélection de Tejan Kabbah. 8 août 2007 Élection d’Ernest Bai Koroma.

Le pays en bref ■ Superficie 71 740 km2.

■ Population 5,7 millions d’hab. ■ Croissance

128

démographique 2,4 %.

■ Densité

de population 79 hab./km2. urbaine 38,4 %. ■ Espérance de vie 47,9 ans. ■ Alphabétisation 40 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,317 ; rang : 158e sur 169. ■ Langues Anglais (officielle), krio, dtemné, mendé, limba… ■ Peuplement Mendés, Temnés, Peuls… ■ Religions Musulmans, chrétiens (minorité). ■ Monnaie Leone. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 5 496 leones. 1 $ = 4 120 leones. ■ PIB par habitant 325 $. ■ Répartition du PIB Primaire 50,2 % ; secondaire 23,5 % ; tertiaire 26,3 %. ■ Population

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 1,7

2

1,9

1,9

Taux de croissance (en %, à prix constants) 6,4 2007

5,5 2008

3,2 2009

4,5 2010

■ Inflation 10,7 %.

■ Investissements

directs étrangers 33 millions de $. ■ Exportations 231 millions de $. ■ Importations 520 millions de $. ■ Principales ressources Diamants, or, cacao, café.

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


Un contexte politique encore fragile

C

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 27 avril 1960 Accession à l’indépendance. 12 janvier 1967 Gnassingbé Eyadéma prend le pouvoir. Il est élu président en 1972. 5 février 2005 Mort d’Eyadéma. 24 avril 2005 Faure Gnassingbé est élu à la présidence lors d’un scrutin contesté. 16 septembre 2006 L’opposant Yawovi Agboyibo devient Premier ministre. 14 octobre 2007 Élections législatives. Komlan Mally devient Premier ministre. 4 mars 2010 Réélection de Faure Gnassingbé avec 60,9 % des voix.

Le pays en bref ■ Superficie 56 790 km2.

■ Population 6,6 millions d’hab.

■ Croissance

démographique 2,4 %. de population 117 hab./km2. ■ Population urbaine 43,4 %. ■ Espérance de vie 62,9 ans. ■ Alphabétisation 65 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,428 ; rang : 139e sur 169. ■ Langues Français (officielle), éwé, kabié… ■ Peuplement Éwés, Kabiés, Minas… ■ Religions Animistes, catholiques, musulmans, protestants. ■ Monnaie Franc CFA. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 655,96 F CFA. 1 $ = 480,27 F CFA. ■ PIB par habitant 441 $. ■ Répartition du PIB Primaire 42,7 % ; secondaire 18,6 % ; tertiaire 38,7 %. ■ Densité

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 2,5

3,2

3,2

3,1

Taux de croissance (en %, à prix constants) 1,9

2,2

2007

2008

3,1

3,3

2009

2010

■ Inflation 1,9 %.

■ Investissements

directs étrangers 50 millions de $. ■ Exportations 800 millions de $. ■ Importations 1,5 milliard de $. ■ Principales ressources Phosphates, coton, café, cacao. 129

SIERRA LEONE - TOGO

est sur fond de contestation de l’Assemblée nationale sur décision que le Togo aborde 2011, de la Cour constitutionnelle. alors que plusieurs événeAprès ces remous politiques, l’année BÉNIN ments politiques majeurs ont mar2011 semble commencer sous le signe qué l’actualité en 2010. En premier de l’apaisement. Les manifestations ont lieu, la réélection à la tête du pays, le perdu de leur vigueur et le thème de la Sokodé 4 mars, de Faure Gnassingbé (le fils contestation du scrutin de mars 2010 aîné de l’ex-chef de l’État Gnassingbé ne semble plus vraiment faire recette. Lac TOGO NIGERIA Volta Eyadéma, décédé en 2005). Le préToutefois, l’opposition radicale ne sident sortant a récolté 60,9 % des manque pas de sujets de mobilisaGHANA suffrages, contre 33,9 % pour Jeantion. Ainsi l’appel, en début d’année, Lomé Pierre Fabre, alors secrétaire général du président Faure Gnassingbé à un 200 km Golfe de Guinée de l’Union des forces de changement « dialogue inclusif » entre les acteurs (UFC). Un résultat contesté par l’oppolitiques n’a été apprécié ni par l’ANC, position radicale regroupée, au sein du Front républicain ni par l’Alliance des démocrates pour le développement pour l’alternance et le changement, présidé par Fabre, qui intégral, ni par le Pacte socialiste pour le renouveau, ni dès le lendemain du scrutin a lancé une série de manifespar Sursaut Togo. tations pour protester contre la réélection de Faure. En Dans ce contexte politique encore très fragile, c’est sur le octobre 2010, la tension a atteint son paroxysme, quand terrain économique que le régime en place tente de déplacer une des manifestations a été fortement réprimée par des le débat. L’occasion de redorer son blason lui a été donnée, éléments de la gendarmerie. le 14 décembre 2010, avec l’annonce de l’atteinte du point L’année 2010 a enregistré aussi une grave crise au sein d’achèvement au titre de l’Initiative en faveur des pays paude l’UFC, liée à l’entrée de sept de ses membres dans le vres très endettés (PPTE). Ainsi, 82 % de la dette extérieure gouvernement, à la suite de l’accord passé, le 26 mai, entre du pays, soit 1,8 milliard de dollars (1,3 milliard d’euros), a Gilchrist Olympio et le Rassemblement du peuple togolais été annulée par le FMI et la Banque mondiale. Deux jours (RPT, au pouvoir). Considérée comme une trahison de plus tard, le Club de Paris annulait à son tour 95 % de la la part d’Olympio, dont le père, l’ex-président Sylvanus dette du Togo, soit 203 millions de dollars. De quoi alléger Olympio, a été assassiné le 13 janvier 1963, cette décision les finances publiques et donner un coup d’accélérateur a fait l’effet d’une bombe. La participation de l’UFC et du aux chantiers engagés par le gouvernement. Comité d’action pour le renouveau au nouveau gouverneLa désignation, le 22 janvier 2011, du président Faure ment a entraîné une recomposition des forces politiques au Gnassingbé à la tête de l’Union économique et monétaire profit de la majorité présidentielle. En réponse à la décision ouest-africaine (UEMOA) est pour sa part à double trand’Olympio, Fabre et ses partisans ont quitté l’UFC pour chant. Certes, Lomé se voit ainsi rétabli sur la scène souscréer l’Alliance nationale pour le changement (ANC). Une régionale, mais les dossiers qu’il aura à traiter sont pour le mesure qui a valu aux députés ralliés à Fabre, qui avaient moins sensibles. Le Togo a pris la présidence de l’Union au été élus en octobre 2007 sur les listes de l’UFC, d’être éjectés moment où la crise ivoirienne était à son paroxysme. ●

AFRIQUE DE L’OUEST

Togo


NIGER

MALI

TCHAD Lac Tchad BÉNIN

BÉNIN

LIBERIA

CÔTE D’IVOIRE

Abéché SOUDAN

N’Djamena

BURKINA FASO GUINÉE

NIGERIA

ÉTHIOPIE

TOGO GHANA

CAMEROUN

Douala Malabo

RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE Bangui

Yaoundé

SOMALIE

OUGANDA

GUINÉE ÉQUAT. São Tomé SÃO TOMÉ E PRÍNCIPE

AFRIQUE CENTRALE

MAURITANIE

ÉGYPTE

LIBYE

ALGÉRIE

Libreville Port-Gentil

GABON

CONGO

Brazzaville

Pointe-Noire

Mbandaka

KENYA

Kisangani

Goma RÉPUBLIQUE RWANDA DÉMOCRATIQUE Bukavu BURUNDI DU CONGO

Kinshasa

TANZANIE

Océan Indien

Matadi Océan Atlantique Lubumbashi 300 km

ANGOLA ZAMBIE

MALAWI

MOZAMBIQUE

Afrique centrale

Rentes pétrolières et incertitudes politiques

L

es lendemains de crise s’annoncent prometteurs pour les pays de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale, dont l’activité reste fortement tributaire des ressources minières et pétrolières. La zone devrait connaître une relative accélération de sa croissance en 2011, avec une hausse de son PIB estimée à 5,2 %, contre 4,2 % en 2010 et seulement 1,8 % en 2009. Parmi les pays les plus performants, figure la Guinée équatoriale, qui peut compter sur ses hydrocarbures, tout comme le Gabon et le Congo. Le Cameroun, en revanche, n’enregistrera que 3,8 % de croissance. Quant au Tchad, sa hausse d’activités devrait atteindre 6,8 %. Mais ces estimations risquent toutefois d’être fragilisées par le processus électoral en cours. Lancé en 2007, il semble menacé, avec le boycott de l’élection présidentielle d’avril par l’opposition, qui rejette également les résultats des législatives de février, remportées par le parti du président Idriss Déby Itno. Mêmes incertitudes politiques du côté de la RD Congo, qui doit organiser son élection présidentielle en octobre 2011, tandis que les législatives pourraient se tenir au début de 2012. JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

132 Cameroun 134 République centrafricaine 135 Congo 136 RD Congo 138 Gabon 140 Guinée équatoriale 141 São Tomé e Príncipe 142 Tchad 131


Cameroun

Reprise en demi-teinte

L

perdure. Par ailleurs, la moitié du PIB e Cameroun n’a pas fini de ressendu pays repose sur le secteur tertiaire : tir le contrecoup de la crise éconoune situation qui n’est pas de nature à miquemondiale.Lesexportations TCHAD promouvoir le développement, alors de bois, de coton, de caoutchouc et que les secteurs primaire et secondaire, d’aluminium ont régressé. Facteur qui peuvent stimuler la croissance, ne aggravant, les cours des matières prereprésentent respectivement que 20 % mières ont baissé. Le démarrage de Garoua NIGERIA et 30 % du PIB. plusieurs projets a été retardé. L’année La conjoncture mondiale peu favo2010 était pourtant censée consacrer 200 km rable n’est pas la seule explication de le « réveil du lion »… RÉP. la lenteur de la reprise, eu égard aux Se fondant sur des prévisions optiC A M E R O U N CENTRAFR. efforts consentis par la communauté mistes de reprise, le gouvernement financière internationale pour doter avait prévu de mettre en œuvre son Douala le pays de confortables marges de Document de stratégie pour la croisYaoundé manœuvre budgétaires. Une imporsance et l’emploi. Ses espoirs reposaient Golfe de Guinée tante remise de la dette extérieure a sur la dynamique de la demande intéainsi été consentie en 2006 (pour un rieure et l’accroissement des investisseGUINÉE ÉQU. GABON CONGO montant d’environ 1 500 milliards de ments publics à réaliserdansle cadrede F CFA) lorsque le pays fut jugé éligible la concrétisation de sa nouvelle politiau programme Pays pauvres très endettés (PPTE) et à l’Iniqueéconomique.HélaspourleprésidentPaulBiya,quidevrait tiative d’allégement de la dette multilatérale (IADM). être candidat à sa propre succession en octobre 2011, il a fallu mettre un coup de frein aux dépenses de l’État, compte tenu SOMBRE TABLEAU. Des problèmes de gouvernance du faible niveau des recettes fiscales et douanières. subsistent, qui sont en partie la cause de ce manque de Cette stagnation de l’activité économique a eu des effets dynamisme. La bureaucratie lourde et procédurière ainsi sur l’emploi, tandis que certains investissements en proque la corruption, qui continue de sévir, dégradent l’envenance de l’extérieur ont été différés. Secteur par secteur, vironnement des affaires. Notant les pays en fonction des l’économie a marqué le pas. Le Cameroun peine à dynamiser facilités à y faire des affaires, le rapport « Doing Business » son agriculture, qui emploie quelque 70 % de la population. de la Banque mondiale classe, dans son édition 2011, le En 2009, le pays a importé pour 500 milliards de F CFA (plus Cameroun au 168e rang sur 183 États. de 762 millions d’euros) de denrées alimentaires. En 2010, En dépit de ce sombre tableau, le gouvernement bataille selon l’Union des exploitants de palmier à huile, il a fallu ferme pour faire avancer les projets « structurants » qu’il importer environ 100 000 tonnes d’huile pour couvrir les compte mettre en avant lors de la prochaine campagne besoins du pays. La production nationale annuelle, chiffrée présidentielle. Pour financer ce programme, un emprunt à 140 000 t, est insuffisante. obligataire de 200 milliards de F CFA a été lancé le 6 décemQuant à l’industrie, elle a manifesté une tendance au bre 2010 et entièrement souscrit en quinze jours (voir redressement, mais a souffert du déficit d’énergie qui

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 1 janvier 1960 Indépendance. Ahmadou Ahidjo devient président le 5 mai. 4 novembre 1982 Démission d’Ahmadou Ahidjo. Paul Biya lui succède. 14 janvier 1984 Paul Biya est élu président. 1er mars 1992 Premières législatives pluralistes. 11 octobre 2004 Réélection de Paul Biya (75 % des voix). er

Le pays en bref ■ Superficie 475 440 km2.

■ Population 19,5 millions d’hab. ■ Croissance

démographique 2,2 %. de population 41 hab./km2. ■ Population urbaine 58,4 %. ■ Densité

132

■ Espérance

de vie 51,4 ans.

■ Alphabétisation 76 %. ■ Indice

de développement humain (2010) IDH : 0,460 ; rang : 131e sur 169. ■ Langues Français, anglais (officielles), ewondo, bulu, peul, bamiléké, douala, bassa… ■ Peuplement Ewondos, Peuls, BetisBulus, Bamilékés, Doualas, Bassas… ■ Religions Animistes, chrétiens, musulmans. ■ Monnaie Franc CFA. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 655,96 F CFA 1 $ = 480,27 F CFA. ■ PIB par habitant 1 072 $. ■ Répartition du PIB Primaire 20 % ; secondaire 30,9 % ; tertiaire 49,1 %.

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 20,4

23,7

22,2

21,9

Taux de croissance (en %, à prix constants) 3,3 2007

2,9 2008

2 2009

2,6 2010

■ Inflation 3,2 %.

■ Investissements

directs étrangers 337 millions de $. ■ Exportations 3 milliards de $. ■ Importations 4,2 milliards de $. ■ Principales ressources pétrole, bois, coton, café, cacao.

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


133

CAMEROUN

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

AFRIQUE CENTRALE

tableau). « C’est une performance ! » s’est réjoui PROJETS FINANCÉS PAR L’EMPRUNT OBLIGATAIRE le ministre des Finances camerounais, Essimi (en milliards de F CFA) Menye. Au total, 619 particuliers et 188 entreprises de la Communauté économique et monétaire de Eau et énergie 98,6 l’Afrique centrale (Cemac) ont souscrit à l’opéBarrage de Memve’ele 59 ration, tandis que d’autres contributions ont été Barrage réservoir de Lom Pangar 24 enregistrées hors de la zone (France, Belgique et Chine). Adduction d’eau de Douala 8,6 Mais d’autres concours extérieurs demeurent Centrale à gaz de Kribi 7 nécessaires. Louis-Paul Motazé, ministre de l’ÉcoPorts et transport aérien 43 nomie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire, a signé début janvier 2011 un accord Port en eau profonde de Kribi 21 de prêt d’un montant de plus de 207 milliards de Camair Co 22 F CFA avec Eximbank of China, pour assurer 50 % Mines 8 du financement global du port en eau profonde de Kribi (Sud), dont les travaux de construction Projet cobalt-nickel de Lomié (Geovic) 8 ont démarré en 2010. Livraison prévue à la fin Télécommunications 4,5 de 2013. Installation de 3 200 km de fibre optique 4,5 D’autres projets sont en phase de réalisation, à l’instar de la centrale électrique à gaz de 216 MW Routes et ouvrages d’art 37,6 qui sera construite à Kribi. Sa mise en service, Deuxième pont sur le Wouri (Douala) 10,6 prévue en décembre 2011, devrait être retardée. Route Ayos-Bonis (Est) 10 La production de cette nouvelle centrale viendra s’ajouter aux 1 017 MWh disponibles, dont Ring Road (Nord-Est) 12 720 MWh d’origine hydraulique et 297 MWh d’oriPénétrantes de Kumba (Sud-Est) 5 gine thermique. Alors que le Cameroun possède le Agriculture 8,3 troisième potentiel hydroélectrique du continent Motorisation agricole (riz et maïs) 2 – après la RD Congo et l’Éthiopie –, il fait face à un grave déficit électrique. Cette situation obère Soutien aux filières de production 6,3 le développement de grandes unités industrielles telles que l’usine d’aluminium d’Édéa (Littoral). Le Bibi Ngota, alors en détention préventive. Sa mort a provogouvernement a donc créé, en octobre 2010, une société, qué des tensions entre la presse et le pouvoir au point de Hydro Mekin, chargée de la construction d’un barrage et susciter une grève des médias. Ces derniers ont reproché d’une centrale sur le cours du fleuve Dja avec la coopération aux autorités pénitentiaires leur « refus de prodiguer des de la Chine. Le projet viendra ainsi s’ajouter à ceux, déjà soins » au journaliste malade. Le 12 juillet 2010, la presse prévus, de Memve’ele et de Lom Pangar. a aussi été éprouvée par la mort du pionnier national du journalisme d’opinion Pius Njawé, fauché par un camion POINTS DE CRISPATION. Si la célébration, le 20 mai 2010, fou sur une autoroute de Virginie, aux États-Unis. Pourtant, du cinquantenaire de l’indépendance du Cameroun franen dépit de ces moments de tension, le climat politique s’est cophone a été, selon le président Paul Biya, un moment considérablement décrispé en fin d’année 2010. Pour la chargé « de tant d’émotions, de souvenirs et de symboles, nous [invitant] plus que jamais à consolider nos acquis, au première fois en vingt ans de rivalité politique, le président premier rang desquels l’unité nationale et la paix », elle n’a Paul Biya et son principal opposant John Fru Ndi se sont cependant pas aplani les querelles auxquelles les politiques rencontrés en décembre à Bamenda, en marge de la célése livrent autour de la transparence électorale. L’instance bration du cinquantenaire de l’armée. Les deux hommes chargée de l’organisation des scrutins, Elections Cameroon se sont promis de s’entretenir autant que nécessaire sur (Elecam), était contestée par les adversaires de Paul Biya. des questions d’intérêt national. À la mi-avril 2011, le pouvoir a donc fini par modifier la Pendant ce temps, la presqu’île de Bakassi a confirmé composition du conseil électoral de l’institution, qui passe sa réputation de foyer d’insécurité, acquise depuis sa de 12 à 18 membres, afin de permettre l’intégration en son rétrocession par le Nigeria – un processus lancé en 2006 et sein de représentants de l’opposition. achevé en août 2008. Cette zone écumée par des groupes Des points de crispation existent aussi s’agissant de la armés politico-mafieux est devenue, à l’instar des eaux mise en application de la réforme de l’État, qui reste loin des somaliennes, une plaque tournante du « business » de objectifs annoncés. Le pouvoir hésite à opérer les transferts l’enlèvement. Des pirates y séquestrent et libèrent contre de compétences attendus des administrations centrales rançon ouvriers de compagnies pétrolières et membres des vers les services décentralisés. Certes, il s’agit d’une vaste autorités administratives. Pour Yaoundé, la sécurisation opération impliquant 360 communes, 17 communautés de la presqu’île s’accompagne d’un ambitieux plan de urbaines et une trentaine de départements ministériels. construction d’infrastructures : le 23 mars 2010, le gouverPour l’heure, seule une dizaine de ministères se sont vérinement a inauguré une route ralliant Mundemba à Akwa tablement impliqués. en passant par Isangele. Grâce à ce tronçon de 75 km, avec Ces difficultés n’ont pas autant ébranlé la paix sociale que une demi-douzaine de ponts, la presqu’île est désormais ne l’a fait le décès, survenu le 22 avril 2010, du journaliste reliée par la route au reste du pays. ●


République centrafricaine

Rendez-vous manqués

E

CAMEROUN

proximité des frontières tchadienne et nCentrafrique,l’année2010devait 300 km soudanaise.Ellessontnotammentlefait être électorale. Prévues en avril TCHAD TCH de groupes comme le Front démocratipuisenmai,laprésidentielleetles que du peuple centrafricain (FDPC) ou législatives ont été deux fois reportées. SOUDAN le Mouvement des libérateurs centrafriLe mandat du chef de l’État, François cains pour la justice (MLCJ). L’Armée de Bozizé, expirant en juin, une modificarésistancedu Seigneur(LRA),originaire tion de la Constitution a été nécessaire RÉPUBLIQUE RÉ d’Ouganda,aégalementélargilechamp pour maintenir le pays dans la légalité. CENTRAFRICAINE de ses attaques et de ses enlèvements Les scrutins se sont finalement déroulés Berberati Bangui jusqu’en Centrafrique, faisant 26 morts en janvier 2011. Le président sortant l’a rien que pour le mois de mars 2010. emporté dès le premier tour avec 66 % RÉPUBLIQUE Enproieàdesrébellionssporadiques, des voix. Face à lui, Ange-Félix Patassé, DÉMOCRATIQUE DU CONGO CONGO le pays peine à enclencher la machine ex-chef de l’État renversé par Bozizé et économique. En 2009, la croissance revenu au pays en 2009 après six ans du PIB s’est établie à 1,7 %. Une légère baisse par rapport d’exil, et l’ancien Premier ministre Martin Ziguélé, qui avait à 2008 – où elle avait atteint 2 % –, qui devait être plus que affronté Bozizé au second tour de la présidentielle de 2005. compensée en 2010, les estimations s’établissant à 3,3 %. Créé en 2009, à l’approche des élections, le parti présidentiel L’élan reste cependant insuffisant pour amorcer un déveKwa na kwa (« Le travail, rien que le travail » en sango) a loppement. Avec une population de quelque 4,4 millions également remporté une victoire écrasante aux législatives, d’habitants, la Centrafrique dispose, en 2010, d’un PIB de favorisée par le boycott du second tour par l’opposition. Cette 2,1 milliards de dollars (environ 1,5 milliard d’euros). Les dernière dénonce une fraude massive. exportations de diamants, sa principale ressource avec le bois, Des questions techniques expliquent les reports des ont diminué en 2009 sous l’effet de la crise. Une reprise était élections. Saisie des listes électorales, distribution des carattendue pour 2010. L’économie est portée par l’agriculture, tes, impression des bulletins de vote : aucune de ces tâches qui représente plus de 50 % du PIB. Faute d’infrastructures (de n’était terminée à temps. L’organisation du scrutin devait routes, notamment), elle reste cependant peu performante. pourtant respecter une feuille de route précise, déterminée Pour 2009 et 2010, les secteurs du bâtiment et des télécoms à l’issue du Dialogue politique inclusif, en décembre 2008. ont aussi contribué à la croissance. Destiné à réconcilier la classe politique et les rébellions, ce Le faible niveau moyen de qualification reste une entrave processus, qui s’est déroulé sous l’égide de la communauté au décollage économique. Selon l’Unesco, un enfant ceninternationale, s’était conclu sur la fixation d’un calendrier trafricain sur trois n’a jamais été scolarisé et seulement électoral, sur la détermination de règles de composition et de 35 % des jeunes terminent le primaire. Un instituteur a en fonctionnement de la Commission électorale indépendante moyenne la responsabilité de 100 écoliers. Plus de 50 % des ainsi que sur la décision de mettre en œuvre un programme adultes sont analphabètes. Ce qui place, pour 2010, le pays de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR). au 159e rang du classement des pays par les Nations unies Mais les objectifs n’ont été que partiellement remplis. De nombreuses attaques ont émaillé les années 2009 et 2010 à en fonction du développement humain. ●

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 13 août 1960 Indépendance. David Dacko est élu président. 1er janvier 1966 Coup d’État de Bokassa. 20-21 septembre 1979 Coup d’État. Dacko reprend le pouvoir. 1er septembre 1981 André Kolingba devient chef de l’État. 19 septembre 1993 Ange-Félix Patassé est élu président. Il est réélu en 1999. 15 mars 2003 Putsch de François Bozizé. 24 mai 2005 Bozizé élu président. Il est réélu en janvier 2011 au premier tour.

Le pays en bref ■ Superficie 622 980 km2.

■ Population 4,4 millions d’hab.

134

■ Croissance

démographique 1,9 %. de population 7 hab./km2. ■ Population urbaine 38,9 %. ■ Espérance de vie 47,4 ans. ■ Alphabétisation 55 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,315 ; rang : 159e sur 169. ■ Langues Français (officiel), sango, zandé… ■ Peuplement Gbayas, Bandas, Yakomas, Sangos… ■ Religions Catholiques, protestants, musulmans. ■ Monnaie Franc CFA. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 655,96 F CFA - 1 $ = 480,27 F CFA. ■ PIB par habitant 469 $. ■ Répartition du PIB Primaire 52,9 % ; secondaire 14,2 % ; tertiaire 32,9 %. ■ Densité

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 1,7

2

2

2,1

Taux de croissance (en %, à prix constants) 3,7 2007

3,3

2

1,7

2008

2009

2010

■ Inflation 3,8 %.

■ Investissements

directs étrangers 42 millions de $. ■ Exportations 120 millions de $. ■ Importations 300 millions de $. ■ Principales ressources Coton, diamants, bois.

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


Les infrastructures restent une priorité

A

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 15 août 1960 Indépendance. Fulbert Youlou devient président de la République. 18 mars 1977 Assassinat de Marien Ngouabi. Joachim Yhombi-Opango lui succède. 5 février 1979 Yhombi-Opango destitué. Denis Sassou Nguesso lui succède. 16 août 1992 Victoire de Pascal Lissouba à la présidentielle. 1993-1994 Guerre civile. 25 octobre 1997 Sassou Nguesso s’investit président. Il est élu en 2002, réélu en 2009.

Le pays en bref ■ Superficie 342 000 km2.

■ Population 3,7 millions d’hab.

■ Croissance

démographique 1,9 %. de population 11 hab./km2. ■ Population urbaine 62,1 %. ■ Espérance de vie 53,7 ans. ■ Alphabétisation 81,1 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,489 ; rang : 126e sur 169. ■ Langues Français (officiel), lingala, kikongo, téké… ■ Peuplement Kongos, Tékés, Laris, Mbochis… ■ Religions Chrétiens, musulmans. ■ Monnaie Franc CFA. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 655,96 F CFA 1 $ = 480,27 F CFA. ■ PIB par habitant 3 075 $. ■ Répartition du PIB Primaire 4,1 % ; ■ Densité

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 8,4

11,8

9,6

11,9

Taux de croissance (en %, à prix constants) -1,6

5,6

7,5

2007

2008

2009

10,6 2010

secondaire 75 % ; tertiaire 20,9 %.

■ Inflation 6 %.

■ Investissements

directs étrangers 2,1 milliards de $. ■ Exportations 5,6 milliards de $. ■ Importations 2,9 milliards de $. ■ Principales ressources Bois, pétrole. 135

RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE - CONGO

vec un taux de croissance de 40 milliards de F CFA (près de 61 mil200 km RÉP. CENTRAF. 10,6 % en 2010 et une dette lionsd’euros),soitenviron1,3%dubudCAMEROUN CAM publique allégée de près de get de l’État (3004 milliards de F CFA en 50 % – l’État ayant atteint le point 2011, en hausse de 6,12 % par rapport à d’achèvement de l’Initiative en faveur 2010). Objectif: réduire les importations des pays pauvres très endettés (PPTE) alimentaires,quis’élèventchaqueannée CONGO en janvier 2010 –, le gouvernement à environ 150 milliards de F CFA. GABON congolais bénéficie d’une conjoncture Pour l’heure, l’économie reste très favorable. Il focalisera cette année ses tributaire des activités pétrolières et Océan actions sur la relance de l’agriculture, la minières, dont la part dans le PIB avoiAtlantique Brazzaville promotion des PME et la poursuite des sine 56,4 %. La production d’or noir, qui RÉPUBLIQUE Pointe-Noire DÉMOCRATIQUE grands chantiers d’infrastructures. assure85%desrecettesdel’État,devrait DU CONGO CABINDA (Angola) Lancéeen2002,laréalisationd’infrasatteindre 127 millions de barils en 2011, tructures économiques de base est l’un contre 114,5 millions en 2010. Premier des objectifs majeurs du chef de l’État, Denis Sassou Nguesso, poste d’exportation, le pétrole partage le rôle de locomotive réélu le 12 juillet 2009 avec 78,6 % des suffrages exprimés. En avec les travaux publics. Dopé par les chantiers d’infrastruc2011,leprogrammesepoursuit,aveclebitumagedenouveaux tures, ce dernier secteur enregistre un taux de croissance de tronçons routiers, dont celui reliant Dolisie à Brazzaville, 12,5 % en 2010, après 9,9 % en 2009. L’exploitation forestière l’achèvement des lignes à haute tension associées au barrage a pâti de la crise internationale : la production de bois en hydroélectrique d’Imboulou, la finalisation des travaux de grumes a fortement baissé en 2008 et 2009 avant de rebondir l’aéroport de Brazzaville ainsi que de la centrale électrique en 2010, avec 1,2 million de m3 contre 945 750 m3 en 2009, à gaz de Pointe-Noire et d’usines de production d’eau potasoit une augmentation de 23 %. ble. Maillon faible du système de transport, le Chemin de Sur le plan politique, l’année 2011 devrait voir se poursuifer Congo-Océan bénéficiera pour sa part d’une partie de vre les discussions entre les partis politiques et le pouvoir l’enveloppe de 15 millions d’euros dégagée, en partenariat en place sur l’organisation des législatives prévues en 2012, avec la Banque mondiale, l’Union européenne et la Banque que l’opposition souhaite « libres, démocratiques et transafricaine de développement, pour financer les réformes et parentes ». Le Front des partis de l’opposition congolaise la diversification économique du pays. affiche deux priorités : son implication dans le processus Une diversification qui passe notamment par l’agriculture, dès la révision des listes électorales – qui doit avoir lieu d’ici dont la relance se matérialise, entre autres, par l’implantation à décembre prochain –, et la fin des dysfonctionnements de nouveaux villages agricoles afin de fournir les centres de certaines institutions, notamment de la Cour constituurbains en produits alimentaires de base. Celui de Nkouo, tionnelle, dont les mandats n’ont pas été renouvelés. Mais au nord de Brazzaville, a été inauguré par le chef de l’État en le paysage politique pourrait être forcé de se recomposer : octobre 2010, et deux autres doivent être érigés à Imvouba en janvier, le ministère de l’Intérieur a annoncé que seuls et Odziba, également dans la région du Pool. Plus générale59 partis politiques (sur 206 recensés) étaient « régulièrement ment, le secteur agricole bénéficiera d’un financement de établis » et conformes à la loi. ●

AFRIQUE CENTRALE

Congo


RD Congo

Campagne électorale à hauts risques

D

avril 2010, plusieurs centaines epuisjanvier2009,l’armée RÉP. CENTRAFRICAINE SOUDAN CAM. de rebelles appartenant à un congolaise a successivegroupe jusqu’alors inconnu, le ment lancé trois opéraKisangani Mouvement de libération indétions militaires dans les provinces OUGANDA CON CONGO pendante et alliés (MLIA), se du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, à Goma sont emparés de l’aéroport de l’est du pays. À chaque fois, l’obRWANDA GABON ON Kinsha Kinshasa RÉPUBLIQUE BURUNDI Mbandaka après avoir lancé une jectif est le même : désarmer et DÉMOCRATIQUE offensive sur la ville en ciblant les rapatrier les Forces démocratiDU CONGO TANZANIE bâtiments officiels. Les FARDC ques de libération du Rwanda ont dû recourir à la Monuc pour (FDLR). Ce groupe rebelle de Océan Lubumbashi Atlantique reprendre le contrôle de l’aéroquelque 6 500 hommes, qui ANGOLA port. Deux policiers et un milicompte notamment des Hutus 400 km ZAMBIE taire ont trouvé la mort. ayant trouvé refuge en RD Congo Très localisée, la rébellion du après avoir participé au génocide MLIA n’a pas l’ampleur de celles qui ravagent l’Est. Mais rwandais de 1994, constituait le prétexte avancé par la rébell’épisode de Mbandaka a mis en évidence l’incurie de l’armée lion du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), congolaise. Le détournement des soldes par les supérieurs, emmené par Laurent Nkunda et soutenu par le Rwanda, un équipement rudimentaire et une désorganisation chropour semer le trouble dans l’est de la RD Congo. nique nuisent à son efficacité. Autre faille : l’intégration des Après un accord inattendu, Kigali et Kinshasa, ennemis anciens rebelles en échange de la paix, qui met en péril la historiques, ont d’abord décidé de mettre hors d’état de nuire loyauté des FARDC. Ainsi, dans l’Est, l’ancien numéro deux les FDLR dans le cadre d’une opération militaire commune, du CNDP, Bosco Ntaganda, participe au démantèlement des Umoja Wetu, au début de 2009. L’armée congolaise a ensuite milices hutues au sein de l’armée. Depuis 2006, ce général lancé de son côté deux offensives, Kimia 2 (2009) et Amani est pourtant sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Cour Leo (2010), avec le soutien de la Mission des Nations unies pénale internationale (CPI) pour des crimes de guerre qu’il au Congo (Monuc, devenue Monusco). Mais si près de aurait commis en Ituri, dans la Province orientale. 3 000 FDLR ont été désarmés, les civils en ont payé le prix fort. Ils ont subi les exactions des FDLR comme celles des « SENTIMENT DE NAUFRAGE ». Son arrestation fait partie de Forces armées de la RD Congo (FARDC), des pillages et la longue liste de doléances des ONG de défense des droits de des viols notamment. Des enfants-soldats ont été recrutés l’homme. En 2010 comme au cours des années précédentes, de part et d’autre. Le noyau dur des FDLR s’est radicalisé, journalistes,hommespolitiquesousimplescivilsonteuàsubir passant des alliances de circonstance avec d’autres groupes des violations de leurs droits les plus élémentaires – liberté rebelles, notamment les milices Maï-Maï. Au final, le nombre d’expression notamment. L’événement le plus représentatif de personnes déplacées dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu est est sans doute l’assassinat de Floribert Chebeya, président de passé de 1 million à 1,2 million entre 2008 et 2010. l’ONG La Voix des sans-voix, dont le cadavre a été découvert Parallèlement à celui de l’Est, un autre front s’est ouvert le 2 juin 2010 (lire encadré). Jusqu’alors, la communauté dans la province de l’Équateur, au nord du pays. En

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 30 juin 1960 Indépendance. Kasa-Vubu président, Lumumba Premier ministre. 24 novembre 1965 Putsch de Mobutu. 17 mai 1997 Soutenu par le Rwanda et l’Ouganda, Kabila renverse Mobutu. 16 janvier 2001 Assassinat de LaurentDésiré Kabila. Son fils Joseph lui succède. 29 octobre 2006 Élection de Joseph Kabila. 22 janvier 2009 Arrestation du chef rebelle Laurent Nkunda.

Le pays en bref ■ Superficie 2 344 860 km2.

■ Population 66 millions d’hab. ■ Croissance ■ Densité

136

démographique 2,7 %. de population 28 hab./km2.

■ Population

urbaine 35,2 %. de vie 47,8 ans. ■ Alphabétisation 67 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,239 ; rang : 168e sur 169. ■ Langues Français (officielle), lingala, swahili, kikongo, tshiluba… ■ Peuplement Lubas, Kongos, Mongos, Zandés, Rundis, Tékés, Bwas, Ngalas… ■ Religions Catholiques, protestants, animistes, musulmans. ■ Monnaie Franc congolais. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 1 180,57 francs congolais. 1 $ = 885,03 francs congolais. ■ PIB par habitant 189 $. ■ Répartition du PIB Primaire 40,2 % ; secondaire 28 % ; tertiaire 31,8 %. ■ Espérance

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 10

11,6

11,1

12,6

Taux de croissance (en %, à prix constants) 6,3

6,2 2,8

2007

2008

2009

5,4 2010

■ Inflation 44,2 %.

■ Investissements

directs étrangers 951 millions de $. ■ Exportations 3,1 milliards de $. ■ Importations 3,6 milliards de $. ■ Principales ressources Cuivre, diamants, or, agriculture et pêche.

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


137

RD CONGO

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

AFRIQUE CENTRALE

internationale – notamment l’Union Le cas Chebeya européenne, la France, la GrandeBretagne et les États-Unis – s’était montrée indulgente avec le régime de À 47 ANS, Floribert Chebeya traînaient deux préservatifs Joseph Kabila. En 2006, elleavait financé dirigeait l’une des plus anciennes usagés, des faux ongles le processus électoral (à hauteur de ONG de protection des droits de et des mèches de cheveux. 370 millions d’euros) et comptait sur l’homme en RD Congo : La Voix Le corps de son chauffeur le jeune chef d’État pour ramener la des sans-voix, qu’il avait créée ne sera jamais retrouvé. paix au cœur de l’Afrique. Mais cette à la fin des années 1980 avec Le procès des assassins fois-ci, les chancelleries à Kinshasa ont un ami. Il avait mis de côté sa présumés s’est ouvert unanimementcondamnél’assassinatde formation initiale – comptable – le 12 novembre 2010 devant Floribert Chebeya. Plus généralement, pour défendre des dossiers une cour militaire. Parmi les le ton des partenaires occidentaux a comme la prise en compte prévenus, plusieurs policiers changé. En décembre 2010, après un de la société civile dans les et un colonel. Le témoin le plus séjour à Goma, l’ambassadeur français négociations de paix ou la fin attendu, John Numbi, inspecteur pour les droits de l’homme, François des arrestations arbitraires… général de la police, après s’être Zimeray, a exprimé un « sentiment de Convoqué le 1er juin 2010 longtemps défilé, a finalement naufrage s’agissant de la situation » en à l’Inspection générale de comparu le 27 janvier 2011. RD Congo. Autrefois, les déclarations la police, à Kinshasa, il n’en Il a déclaré ne pas avoir rencontré des diplomates occidentaux étaient est jamais revenu. Le lendemain, Floribert Chebeya le 1er juin 2010. plus feutrées. son cadavre était découvert Proche de Joseph Kabila, Ces derniers n’ont pas pardonné dans sa voiture dans une mise ce général a été suspendu mais à Joseph Kabila de s’être résolument en scène sordide. À proximité n’a rien perdu de son influence. ● tourné vers la Chine. En septembre 2007, le gouvernement congolais ans et lui donner un caractère illimité. Ébruité, le projet a a signé un contrat avec Pékin : en échange de l’exploitation suscité un tollé. Finalement, une autre solution a été trouvée. de mines de cuivre et de cobalt au Katanga, dont les réserves En janvier 2011, le gouvernement a présenté au Parlement respectives sont évaluées à 10 millions et 620 000 tonnes, un projet de loi faisant passer l’élection du chef de l’État de la Chine s’est engagée à réaliser de gigantesques travaux deux tours à un seul. Le vote de la loi a été boycotté par l’opd’infrastructures pour un montant de 9 milliards de dollars position, mais le texte a été rapidement adopté. Entre autres (7 milliards d’euros à l’époque). Pour Kinshasa, ce doit être le arguments,legouvernementaavancélecoûtdel’organisation moyen de tenir sa promesse de reconstruire un pays dévasté d’une élection à deux tours, ainsi que les risques de troubles par dix années de guerre civile. Mais, pour les bailleurs de entraînés par un deuxième tour, citant en exemple le cas de fonds occidentaux, qui projettent alors d’annuler la colosla Côte d’Ivoire. Mais pour l’opposition, la manœuvre vise sale dette extérieure congolaise (12,3 milliards de dollars), à assurer la réélection de Joseph Kabila même si ce dernier l’opération équivaut à un réendettement inacceptable, l’État ne récolte que 20 % des suffrages. congolais se portant garant auprès de Pékin si l’exploitation Le président devra affronter un ancien allié dans la bataille minière n’atteint pas les niveaux prévus. En 2009, sous la électorale : Vital Kamerhe, ex-président de l’Assemblée pression des bailleurs de fonds, Kinshasa a accepté de revoir nationale, contraint à la démission en mars 2009 pour avoir son engagement à la baisse, à 6 milliards de dollars. Et, de dénoncé le secret entourant l’opération militaire conjointe guerre lasse, le FMI et la Banque mondiale ont consenti à entre Kinshasa et Kigali dans l’est du pays. Il a annoncé sa effacer la dette extérieure en juillet 2010. candidature en décembre 2010 et a déjà commencé à battre DÉCEPTIONS. Les Congolais risquent de ne pas profiter de campagne. Autre rival : Étienne Tshisekedi. Opposant au cet allègement. Pour le seul volet « infrastructures routières », maréchal Mobutu ayant boycotté les élections de 2006, le président de l’Union pour la démocratie et le progrès social qui compte parmi les « cinq chantiers » que Joseph Kabila (UDPS) a également annoncé sa candidature en décemavait promis de lancer pendant sa campagne électorale, bre 2010, le jour de son retour à Kinshasa après deux ans seuls 5 000 km de routes ont été réhabilités entre 2006 et 2010, soit la moitié de l’objectif. Dans les autres secteurs, d’« exil médical » en Afrique du Sud et en Belgique. l’affairisme continue de l’emporter sur la bonne gouverLe cas du Mouvement de libération du Congo (MLC), premier parti d’opposition représenté à l’Assemblée, n’est nance. En août 2009, le permis du canadien First Quantum sur la mine de Kolwezi lui a été retiré sans indemnités. En pas encore tranché. Son président, Jean-Pierre Bemba, étant septembre 2010, il a été transmis à l’entreprise kazakhe jugé à la Cour pénale internationale depuis novembre 2010 Eurasian Natural Resources Corporation pour 175 millions pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité (ils de dollars. First Quantum estime pourtant en avoir investi auraient été commis en Centrafrique en 2002 et 2003), le 450 millions depuis l’obtention de son permis. MLC doit choisir un autre cheval. Mais encore faut-il que Une autre déception concerne la démocratie. À l’approche les adversaires de Joseph Kabila acceptent de participer à de la présidentielle de novembre 2011, le chef de l’État et son une élection dont les préparatifs – inscription sur les listes clan ont plusieurs fois montré leur intention de conserver notamment – avancent au ralenti, alors que l’organisation le pouvoir. En septembre 2009, une « commission d’évaluad’un scrutin national, dans un pays de 66 millions d’habition de la Constitution » a été secrètement mise en place. tants, grand comme plus de quatre fois la France, est un Objectif : faire passer le mandat du président de cinq à sept immense défi logistique. ●


Gabon

Un redémarrage économique bien engagé

E

n 2010, l’économie gabo100 km naise s’est bien reprise GUINÉE ÉQUATORIALE après les secousses politiques de l’année précédente. En Océan Libreville effet, à la suite du décès du présiAtlantique dent Omar Bongo Ondimba, survenu en juin 2009, une transition Port-Gentil Port-G difficile et entachée de violences s’est ensuivie. Des émeutes postélectorales et un couvre-feu de plusieurssemainesdanscertaines parties du pays, dont la capitale économique Port-Gentil, ont poussé des entreprises à cesser momentanément leurs activités. En outre, l’impact de la crise mondiale a engendré une baisse des recettes pétrolières. Ces dernières constituent la principale source de revenus du pays. En conséquence, le PIB a perdu plus de quatre points de croissance et connu une récession en 2009 (– 1,4 %). En 2010, l’évolution du PIB est redevenue positive : + 4,5 %. L’année écoulée aura donc été celle du retour à la stabilité politique et du redémarrage de l’économie. Élu président de la République, Ali Bongo Ondimba a commencé à prendre ses marques en mettant en œuvre son programme de gouvernement. Les nouvelles autorités ont entamé des réformes avec pour objectif de changer le visage du Gabon. Le pouvoir veut offrir l’image d’un pays moderne, ouvert sur le monde et animé de la volonté de rejoindre le club des États émergents. La première mesure symbolique a été l’instauration de la journée continue à partir du 1er janvier 2010. Selon le nouveau système, l’heure d’embauche est fixée à 7 h 30 et la journée de travail s’arrête à 15 h 30, avec une pause de 30 minutes prise entre 11 h 30 et 13 h 30. Un système de roulement entre les employés est également prévu pour garantir la continuité du service. La journée continue devrait permettre aux entreprises de gagner en productivité et

aider les employés à faire des économies sur leurs déplacements. Maislesréformesnesontpassans rencontrer quelques résistances. Il n’en fallait pas plus pour que l’opposition monte au créneau et GABON critique l’absence d’un système de restauration scolaire et d’un Franceville réseau de transports performant susceptible de garantir la ponctualité des travailleurs. Le projet politique du sepCONGO tennat prévoit la mise en œuvre d’une stratégie économique visant à maximiser l’exploitation des richesses naturelles du Gabon. Cette vision a conduit Ali Bongo Ondimba à annoncer, en mars 2010, la création de la Gabon Oil Company, une société nationale chargée « d’optimiser » les recettes pétrolières. Le but poursuivi est de veiller sur les intérêts du pays avec beaucoup plus de vigilance que dans le cadre du partenariat conclu avec les opérateurs privés étrangers, notamment Total Gabon SA. En effet, c’est cette entreprise, détenue à 58 % par Total et à 25 % par le gouvernement gabonais, qui assure environ un quart de la production nationale quotidienne – quelque 250 000 barils, selon les statistiques officielles. CAMEROUN

FAVORISER L’INDUSTRIE LOCALE. Pour la nouvelle gou-

vernance économique, les voies de l’« émergence » passent également par le développement de l’industrie minière. C’est ainsi que le gouvernement a décidé d’entrer au capital du groupe français Eramet. Dans le cadre de leurs discussions, les deux parties ont signé le 20 octobre 2010 un accord en vue de renforcer la participation gabonaise au capital de la Compagnie minière de l’Ogooué (Comilog), passant ainsi de 25,4 % à 35,4 %. La première étape de l’opération, sur la

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 17 août 1960 Accession à l’indépendance. 13 février 1961 Léon M’Ba président. 18 février 1964 Tentative de putsch. 28 novembre 1967 Mort de Léon M’Ba. Albert-Bernard (Omar) Bongo lui succède. 1990 Conférence nationale, multipartisme. 27 novembre 2005 Réélection pour sept ans d’Omar Bongo Ondimba. 8 juin 2009 Mort d’Omar Bongo Ondimba. Son fils, Ali est élu président le 30 août.

Le pays en bref ■ Superficie 267 670 km2.

■ Population 1,5 million d’hab. ■ Croissance

■ Densité

138

démographique 1,8 %. de population 6 hab./km2.

■ Population

urbaine 86 %. de vie 60,9 ans. ■ Alphabétisation 87 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,648 ; rang : 93e sur 169. ■ Langues Français (officielle), fang, pounou, myéné, téké, kota… ■ Peuplement Fangs, Pounous, Tékés, Myénés, Echiras, Adoumas, Kotas… ■ Religions Animistes, catholiques, protestants. ■ Monnaie Franc CFA. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 655,96 F CFA. 1 $ = 480,27 F CFA. ■ PIB par habitant 8 396 $. ■ Répartition du PIB Primaire 4,1 % ; secondaire 64,2 % ; tertiaire 31,7 %. ■ Espérance

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 11,6

14,5

11

12,6

Taux de croissance (en %, à prix constants) 5,3 2007

2,7

-1,4

2008

2009

4,5 2010

■ Inflation 2,5 %.

■ Investissements

directs étrangers 33 millions de $. ■ Exportations 5,1 milliards de $. ■ Importations 2,2 milliards de $. ■ Principales ressources Pétrole, manganèse, bois, diamants.

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


139

GABON

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

AFRIQUE CENTRALE

période 2010-2011, prévoit qu’Eramet cède 3,5 % du capital de la Comilog sur Union éphémère contre Ali la base d’une valorisation des fonds propres de l’entreprise à hauteur de SUR LE PLAN POLITIQUE, de la présidentielle d’août 2009), 4,2 milliards d’euros. Une prise de partil’année 2010 a été marquée par s’est autoproclamé en janvier cipation complémentaire est envisagée la création, le 10 février, de l’Union président de la République, sur la période 2012-2015. nationale (UN), un mouvement avant de se réfugier dans L’autre mesure phare de ce début de d’opposition fondé par d’anciens les bureaux du Programme septennat est l’interdiction d’exporter dignitaires du régime tels que des Nations unies pour le bois en grumes, entrée en vigueur à Zacharie Myboto – ministre le développement (Pnud), partir du 15 mai 2010. Pour le gouverd’Omar Bongo Ondimba pendant à Libreville. nement, ce nouveau dispositif vise à vingt-trois ans, il avait claqué Soutenus par la Coalition favoriser l’émergence d’une industrie la porte du Parti démocratique des partis politiques pour locale et l’exportation de produits finis gabonais (PDG) en mai 2005 l’alternance (CPPA), les barons etsemi-finisàfortevaleurajoutée.Mais, pour lancer sa propre formation de l’UN n’en démordent pas sur le terrain, cette mesure suscite l’inpolitique, l’Union gabonaise pour autant, et se posent quiétude des opérateurs forestiers, qui pour la démocratie et le en critiques acerbes de l’action n’avaient pas prévu d’investir dans la développement (UGDD), gouvernementale. Ils ont création d’unités locales de transformafinalement absorbée par l’UN –, dénoncé l’arrêt « brutal tion du bois. La plupart des entreprises Casimir Oyé Mba, Jean Eyéghé et illégal » de l’exportation forestières existantes ne transforment Ndong, André Mba Obame et du bois, critiqué l’instauration qu’une partie des essences et exportent Paulette Missambo, notamment. « intempestive » de la journée les quantités restantes, au demeurant L’UN, qui constituait la deuxième continue, décrié la baisse des plus importantes. Pour l’opposition, la force politique du pays avec enveloppes budgétaires allouées mesure a été adoptée dans la précipita4 députés et 154 élus locaux, aux ministères de la Santé tion. Cependant, à l’heure des bilans, le a finalement été dissoute par et de l’Éducation, et déploré gouvernements’enfélicite,d’autantque les autorités au début de 2011, l’augmentation de la masse le nombre d’unités de transformation en réponse à la provocation salariale de l’État, passée, selon est en nette augmentation. On compte de son secrétaire exécutif : eux, de 370 milliards de F CFA 93 structures en 2010, contre 82 en 2009 André Mba Obame, homme fort (564 millions d’euros) en 2009 et 79 en 2008. du parti (il est arrivé troisième lors à 425 milliards en 2010. ● Le volontarisme des nouvelles autorités gabonaises est bien accueilli par agro-industriel Olam, basé à Singapour. Celui-ci pourrait les partenaires et bailleurs de fonds. Ainsi, la Banque africaine générer 10 000 emplois. Plusieurs contrats signés avec ce dedéveloppement(BAD)vafinanceràhauteurde36milliards groupe portent notamment sur le développement de la de F CFA (près de 55 millions d’euros) des projets agricoles culture du palmier à huile. Il est question de planter quelque et d’infrastructures dans la province du Woleu-Ntem, dans 200 000 ha de palmiers d’ici à 2014, pour une production le nord du Gabon. Une mission de préévaluation de la BAD annuelle de 1 million de tonnes d’huile de palme. a séjourné dans la province début décembre 2010 pour ce En 2010, le partenariat avec la Chine s’est renforcé. Le chantier, dont les travaux démarreront d’ici 2012. 28 avril, Ali Bongo Ondimba s’est rendu dans ce pays, où il a pris part à l’ouverture de l’Exposition universelle de FIN DES RELATIONS EXCLUSIVES. Globalement, on note une augmentation des investissements directs étrangers, Shanghai. Il a également rencontré les autorités de Pékin, avec lesquelles il a discuté de projets d’intérêt commun tels après l’effondrement enregistré en 2009. Ils constituent un que l’exploitation du gisement de fer de Belinga, attribuée des axes du développement du pays, qui se dit engagé sur à une entreprise chinoise. Dans la foulée, le ministre de le chemin de l’émergence. Si la nationalité des investisseurs s’est considérablement diversifiée, le président Ali Bongo l’Économie, Magloire Ngambia, a paraphé un accord minier avec la Compagnie industrielle et commerciale des mines Ondimba ne cesse de clamer le maintien des liens tradide Huazhou, pour l’exploitation et la transformation locale tionnels avec la France, premier partenaire du Gabon. Le du manganèse du gisement des monts Bembélé, à Ndjolé, 17 août 2010, lors de la célébration du 50e anniversaire de l’indépendance du pays, les troupes françaises ont ouvert dans la province du Moyen-Ogooué. Ouvert aux investisseurs étrangers, le Gabon entend le défilé, suivies par celles du Sénégal. Mais cette position également se lancer à la conquête des marchés internaprivilégiée de Paris est aujourd’hui menacée par la volonté tionaux, notamment ceux de la sous-région. C’est le pari du nouveau régime de mieux valoriser ses énormes ressourréussi par BGFI Bank (ex-Banque gabonaise et française ces minières et forestières. « La France a ses partenaires, internationale), premier établissement financier gabonais les pays africains peuvent aussi avoir leurs partenaires. en termes de part de marché et de chiffre d’affaires. BGFI Ce ne sont pas des relations exclusives. Cela n’existe plus, Bank est devenu la première banque issue d’un pays de c’est terminé. Nous avons des relations avec d’autres pays, la sous-région à s’installer sur le marché camerounais. Le mais cela ne signifie pas qu’il faut rompre avec les anciens groupe a obtenu en août 2010 l’agrément de la Commission partenaires », a justifié le président gabonais en août 2010. bancaire d’Afrique centrale pour ouvrir sa filiale de Douala, En témoigne la signature d’un accord d’investissement de la septième du genre en Afrique. ● 1,5 milliard de dollars (1,1 milliard d’euros) avec le groupe


Guinée équatoriale

Année diplomatique

T

L’essentiel de ces équipements ous les regards seront CAMEROUN Malabo – en 2010, 3,7 milliards d’euros tournés vers la Guinée leurontétéconsacrés–estfinancé équatoriale en 2011. Non BIOKO par le budget de l’État, alimenté seulementsonprésident,Teodoro Bata à 85 % par les recettes tirées du Obiang Nguema Mbasogo, prend Océan Atlantique pétrole brut et du condensat de la présidence de l’Union africaine gaz, dont la production est d’en(UA) pour un an, mais Malabo GUINÉE ÉQUATORIALE viron 400000 barils par jour. Très accueillera le 17e sommet de l’UA tributaire des hydrocarbures, qui en juillet. Pour le chef de l’État, représentent plus de 60 % du PIB, réélu en novembre 2009 avec l’économie du troisième produc95 % des suffrages, ce mandat GABON teur d’or noir d’Afrique subsahasera l’occasion d’oublier le revers 50 km rienne a souffert des baisses de la qu’il a subi, en octobre 2010 à production et des prix pétroliers. Paris, quand le Conseil exécutif De 10,7 % en 2008, la croissance est tombée à 0,9 % en 2010. de l’Unesco a décidé de suspendre le prix Unesco-Obiang Elle devrait remonter à 3,1 % en 2011. Nguema, créé en septembre 2008 et dont il est le sponsor, En complément au pétrole, le pays a misé sur le gaz à la suite de protestations d’intellectuels et de défenseurs transformé en méthanol, en gaz de pétrole liquéfié (GPL) et des droits de l’homme à travers le monde. en gaz naturel liquéfié (GNL). Quelque 1,2 milliard d’euros À Malabo, les entreprises de BTP s’activent pour terminer devraient être investis par la Guinée équatoriale et l’américain le chantier de Sipopo, qui abritera le sommet de l’UA et ses Noble Energy dans le champ d’Alen, dont la production, invités de marque. En 2012, ce complexe, situé à une dizaine qui devrait démarrer à la fin de l’année 2012, atteindra de kilomètres de la capitale et qui comprend un hôtel cinq 37 500 barils de gaz condensé en 2013. L’autre alternative étoiles, un hôpital de 120 lits, une salle de conférences et est le raffinage. Des négociations sont en cours avec KBR, 52 luxueuses villas présidentielles, hébergera une partie des un groupe d’ingénierie américain, pour réaliser une étude invités de la Coupe d’Afrique des nations, coorganisée par la sur un projet de raffinerie d’une capacité de 20 000 b/j, à Guinée équatoriale et le Gabon. Un rendez-vous qui, lui aussi, Mbini, dans la partie continentale du pays. mobilise les sociétés de travaux publics, occupées à rénover Ces perspectives ne doivent pas faire oublier que Malabo et à construire stades, hôtels et autres équipements. figure parmi les lanternes rouges en matière de corruption Plus généralement, la Guinée équatoriale est devenue (168e selon le classement de Transparency International) et un vaste chantier depuis plusieurs années. Objectif : doter de climat des affaires (164e du palmarès « Doing Business » le pays d’infrastructures économiques et sociales de base, de la Banque mondiale). En outre, avec un indice de dévedont certaines, comme le port en eau profonde en cours de loppement humain de 0,538, il est 117e sur 169 pays classés réalisation à Malabo, les aéroports de Bata et Mongomeyen par le Programme des Nations unies pour le développement. ou les sites touristiques en voie d’aménagement dans les Des efforts doivent donc être consentis pour répartir plus îles de Corisco et d’Annobon, visent à créer des activités qui équitablement la richesse tirée des hydrocarbures. ● devront, à terme, prendre le relais du pétrole.

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 29 septembre 1968 Macias Nguema est élu président. Indépendance le 12 octobre. 3 août 1979 Coup d’État du lieutenantcolonel Teodoro Obiang Nguema. Août 1982 Obiang Nguema président. 1er janvier 1985 Adhésion à la zone franc. 1991 Autorisation du multipartisme. Début de l’exploitation pétrolière. Mars 2004 Tentative de coup d’État. 29 novembre 2009 Réélection de Teodoro Obiang Nguema avec 95 % des voix.

Le pays en bref ■ ■

Superficie 28 050 km2. Population 677 300 hab.

140

Croissance démographique 2,6 %. Densité de population 24 hab./km2. ■ Population urbaine 49,5 %. ■ Espérance de vie 50,6 ans. ■ Alphabétisation 93 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,538 ; rang : 117e sur 169. ■ Langues Espagnol, français (officielles), fang, bubi… ■ Peuplement Fangs, Bubis… ■ Religions Catholiques, protestants. ■ Monnaie Franc CFA. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 655,96 F CFA. 1 $ = 480,27 F CFA. ■ PIB par habitant 11 081 $. ■ Répartition du PIB Primaire 67,5 % ; secondaire 26,8 % ; tertiaire 5,7 %. ■

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 12,6

18,4

12,2

14,5

Taux de croissance (en %, à prix constants) 21,4 2007

10,7

5,3

2008

2009

0,9 2010

Inflation 5,5 %. Investissements directs étrangers 1,6 milliard de $. ■ Exportations 9,1 milliards de $. ■ Importations 5,2 milliards de $. ■ Principales ressources Pétrole, gaz naturel, bois. ■

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


En attendant le pétrole

A

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 12 juillet 1975 Accession à l’indépendance. 22 août 1990 Multipartisme. 3 mars 1991 Élection à la présidence de Miguel Trovoada. Il est réélu en 1996. 29 juillet 2001 Élection présidentielle remportée par Fradique de Menezes. 16 juillet 2003 Tentative de coup d’État. 26 mars 2006 Victoire aux législatives du Mouvement démocratique des forces du changement (MDFM), qui soutient le président, Fradique de Menezes. Celui-ci est réélu le 30 juillet 2006.

Le pays en bref ■ Superficie 960 km2.

■ Population 162800 hab.

■ Croissance

démographique 1,6 %. de population 169 hab./km2. ■ Population urbaine 62,2 %. ■ Espérance de vie 65,9 ans. ■ Alphabétisation 88 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,488 ; rang : 127e sur 169. ■ Langues Portugais (officielle), créole. ■ Peuplement Forros, Moncos, Angolars, métis… ■ Religion Catholiques. ■ Monnaie Dobra. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 24 682 dobras. 1 $ = 18 503 dobras. ■ PIB par habitant 1 133 $. ■ Répartition du PIB Primaire 14,7 % ; secondaire 22,9 % ; tertiaire 62,4 %. ■ Densité

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 0,1

0,2

0,2

0,2

Taux de croissance (en %, à prix constants) 6

5,8

2007

2008

4

4,5

2009

2010

■ Inflation 17,3 %.

■ Investissements

directs étrangers 36 millions de $. ■ Exportations 9 millions de $ ■ Importations 114 millions de $ ■ Principales ressources Agriculture, pêche, réserves pétrolières. 141

GUINÉE ÉQUATORIALE - SÃO TOMÉ E PRÍNCIPE

près avoir élu leurs députés en barils. La Cour internationale de justice août 2010, les Santoméens se a alors délimité la Zone économique PRÍNCIPE São Tomé rendrontdenouveauauxurnes exclusive de São Tomé. Et une zone de en juillet 2011 pour désigner leur prédéveloppement conjoint a été définie SÃO TOMÉ sident. Et comme lors des législatives, avec le Nigeria. Les premiers barils E PRÍNCIPE le scrutin à venir risque de se déroude brut sont attendus pour 2014. En ler dans une ambiance délétère. Le mars 2010, le gouvernement, en quête 1er août 2010, la coalition soutenant le d’opérateurs disposant d’une expertise SÃO TOMÉ président Fradique de Menezes a perdu dans l’exploration en eau profonde, a Océan les législatives, devancée par l’Action lancé un processus d’appel d’offres pour Atlantique démocratique indépendante (ADI) de 7 de ses 19 blocs pétroliers. Patrice Trovoada, qui a obtenu 26 sièges Le pétrole ne coule pas encore, mais 5 km sur 55. Le Mouvement de libération déjà des soupçons de corruption pèsent de São Tomé e Príncipe-Parti social sur certains dirigeants. En mars 2010, la démocratique (MLSTP-PSD), de Rafael Banco, est arrivé Cour des comptes a pointé du doigt de nombreuses irréguladeuxième avec 21 sièges ; le Parti de la convergence démorités dans la vente, pour 24 millions d’euros, de l’Entreprise cratique (PCD) est troisième avec 7 sièges ; le Mouvement nationale des carburants et huiles (Enco) au géant angolais démocratique force de changement-Parti libéral (MDFM-PL) des hydrocarbures Sonangol. Finalement, la Cour a obtenu du président Menezes n’a obtenu qu’un seul député. gain de cause, puisqu’en novembre 2010 Sonangol a versé à Conséquence logique: l’opposant Patrice Trovoada a été l’État santoméen un reliquat de près de 750000 euros. nommé Premier ministre le 13 août. Mais, une nouvelle fois, En attendant de toucher ses premiers pétrodollars, São l’absence de nette majorité risque de fragiliser son gouverneTomé e Príncipe reste la plus modeste des économies d’Afriment. Ainsi, depuis l’avènement de la démocratie en 1991, pas que. Son PIB pour 2010 est estimé à 140 millions d’euros, et moins dequatorze Premiersministres sesont succédé à latête son rythme de croissance s’élève à 4,5 %, contre 4 % en 2009 du pays, la majorité absolue n’ayant été obtenue qu’une fois et 5,8 % en 2008. Il devrait augmenter sensiblement en 2011, par le MLSTP, en 1998. Chef du gouvernement pendant trois notamment grâce au secteur du BTP, qui a compensé la chute mois en 2008, ancien ministre des Affaires étrangères, Patrice des investissements directs étrangers (IDE) et du tourisme, Trovoada est l’un des principaux prétendants à la succession provoquée par la crise financière internationale. de Fradique de Menezes, au pouvoir depuis 2001. Contraint d’importer massivement les produits alimenL’ancienne colonie portugaise, qui vit surtout de la pêche taires et pétroliers qu’il consomme, le pays connaît toujours et de l’agriculture, dépend étroitement de l’aide financière une inflation soutenue. L’excès de liquidités introduites internationale. Potentiellement riche en pétrole, c’est l’un des par le biais des royalties pétrolières et de la reprise des IDE rares États du golfe de Guinée à ne pas avoir encore entamé contribue à l’entretenir. Le gouvernement va pourtant devoir l’exploitation de ses ressources. En 1997, la firme texane la juguler pour mener à bien l’accord conclu avec le FMI dans EnvironmentalRemediationHoldingCorporationaestiméque le cadre de la facilité pour la réduction de la pauvreté et pour l’île était assise sur des réserves dépassant les 10 milliards de la croissance, qui s’achève en décembre 2011. ●

AFRIQUE CENTRALE

São Tomé e Príncipe


Tchad

La réconciliation en question

L

SOUDAN

l’opposition. Ses principaux leaders ont e 10 janvier 2011, à l’occasion de LIBYE même menacé de boycotter l’élection la célébration du cinquantenaire présidentielle, dont le premier tour a de l’indépendance du pays, le été reporté au 24 avril. président Idriss Déby Itno a amnistié Ces nouvelles bisbilles surviennent tous les chefs rebelles et prisonniers de TCHAD alors que la sécurité du pays s’améguerre condamnés à mort ou à la prison liore. Depuis la normalisation des à perpétuité. La plupart d’entre eux NIGER Lac Tchad relations avec le Soudan, la guerre s’étaient rendus coupables « d’atteinte des rezzous (raids) semble terminée. à l’ordre constitutionnel, à l’intégrité du N'Djamena Le mandat de la Mission des Nations territoire et à la sécurité de l’État » lors NIGERIA unies en République centrafricaine et del’offensiverebellecontreN’Djamena, Moundou au Tchad (Minurcat) a officiellement en février 2008. Depuis le raccommoRÉP. CAM. 400 km CENTRAFRICAINE pris fin le 31 décembre. La Minurcat dement entre le Tchad et le Soudan au avait pris en mars 2009 le relais de la début de 2010 (les deux pays s’accuforce européenne Eufor pour assurer la sécurité des réfusaient mutuellement de soutenir des mouvements hostiles à giés soudanais et centrafricains et des déplacés tchadiens. leurs régimes respectifs), plusieurs responsables de l’Union Débarrassé des Casques bleus, Idriss Déby Itno commence des forces pour la démocratie et le développement (UFDD) à trouver encombrants les 950 hommes et les trois avions étaient rentrés volontairement au Tchad, escomptant une de chasse déployés depuis 1986 par la France dans le cadre amnistie.C’estdoncsouslesignedelaréconciliationnationale de l’opération Épervier. Le président s’est dit prêt à discuter que le pays a célébré l’anniversaire de son indépendance, d’un maintien du dispositif militaire français, mais pas dans qui aurait dû avoir lieu en août 2010, mais qui a été décalé la capitale, qu’il veut voir « démilitarisée ». en raison de la saison des pluies. Autre signe d’assouplisseL’embellie se traduit déjà sur le plan socioéconomique. ment: la nouvelle loi sur la presse, adoptée en août 2010 par Certes, l’année 2009 a été marquée par un léger recul de le Parlement, qui dépénalise les délits de presse. l’activité compte tenu de la mauvaise performance du secCet apaisement, après des années de troubles, a permis teur agricole et des effets de la crise internationale. Mais le d’organiser des scrutins majeurs. Le marathon électoral creux de la vague est passé, et les investissements le proua commencé dès le 13 février avec les législatives. Plus de vent : en novembre 2010, l’État a cédé 60 % du capital de la 1400 candidats étaient en lice et tous ont signé un code de Société des télécommunications du Tchad (Sotel) au fonds bonne conduite destiné à éviter les dérapages durant la camd’investissement Libyan African Investment Portfolio, pour pagne. Ce vote était d’autant plus important que l’opposition 70 millions d’euros. Le pays, qui a produit en 2010 plus de avait boycotté la présidentielle de 2006 et que les dernières 170 000 barils de brut par jour, pour environ 750 millions législatives remontaient à 2002. Cette fois, les adversaires du d’euros de recettes, bénéficie d’une conjoncture favorable. régime ont donc accepté d’aller aux urnes, conformément à Et peut consacrer une plus grande part de ses dépenses à l’accord politique du 13 août 2007. Mais la victoire écrasante la santé et à l’éducation. Le gouvernement a ainsi décidé de du Mouvement patriotique du salut (MPS, au pouvoir), rendre gratuit le traitement du paludisme en 2011. ● qui a conquis 117 des 188 sièges, a ravivé les rancœurs de

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 11 août 1960 Accession à l’indépendance. 7 juin 1982 Hissène Habré devient président. 1er décembre 1990 Chute de N’Djamena. Idriss Déby Itno devient président le 2 mars 1991. Réélu en 1996, en 2001 et en 2006. 25 janvier 2000 Plainte contre Habré pour crimes contre l’humanité. 31 janvier 2008 Offensive rebelle contre N’Djamena. 3 mai 2009 Accord de paix de Doha signé entre le Tchad et le Soudan.

Le pays en bref ■ Superficie 1 284 000 km2.

■ Population 11,2 millions d’hab.

■ Croissance

142

démographique 2,6 %.

■ Densité

de population 9 hab./km2. urbaine 27,6 %. ■ Espérance de vie 49 ans. ■ Alphabétisation 33 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,295 ; rang : 163e sur 169. ■ Langues Français, arabe (officielles), sara, baguirmi, tuburi, moudang… ■ Peuplement Toubous, Saras, Arabes… ■ Religions Musulmans, chrétiens, animistes. ■ Monnaie Franc CFA. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 655,96 F CFA. 1 $ = 480,27 F CFA. ■ PIB par habitant 743 $. ■ Répartition du PIB Primaire 13,6 % ; secondaire 48,9 % ; tertiaire 37,5 %. ■ Population

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 7

8,4

6,9

7,6

Taux de croissance (en %, à prix constants) 0,2

-0,4

-1,6

2007

2008

2009

4,3 2010

■ Inflation 10,5 %.

■ Investissements

directs étrangers 462 millions de $. ■ Exportations 2,8 milliards de $. ■ Importations 1,9 milliard de $. ■ Principales ressources Coton, bétail, pétrole.

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


ALGÉRIE

LIBYE

ÉGYPTE

Port-Soudan

Nil

SOUDAN

Kassala

Nil Bla nc

El-Obeid

NIGERIA

Gondar

ÉTHIOPIE SOMALIE

Kampala

CONGO

RWANDA

Kismayou Nairobi

Océan Indien Mombasa

TANZANIE

BURUNDI

Obbia

Mogadiscio

KENYA Kisumu

Lac Victoria Kigali

Bujumbura

Golfe d'Aden

Djibouti Berbera Diré Daoua Hargeisa Addis-Abeba Harer

OUGANDA

GUINÉE ÉQUATORIALE RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

DJIBOUTI

Juba

CAMEROUN

YÉMEN

Massawa

Djimma

RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

GABON

ÉRYTHRÉE

Asmara

leu Nil B

Khartoum

TCHAD

Mer Rouge

AFRIQUE DE L’EST

NIGER

ARABIE SAOUDITE

Dodoma

Zanzibar

Dar es-Salaam Mbeya ANGOLA 300 km

ZAMBIE

MALAWI

MOZAMBIQUE

Afrique de l’Est

Les foyers d’instabilité demeurent

P

as d’amélioration notable en Afrique de l’Est au cours des mois écoulés. La Somalie reste le principal foyer d’instabilité dans la zone. Ses voisins immédiats, notamment l’Éthiopie et le Kenya, tentent par tous les moyens d’éviter que les violences perpétrées par les milices islamistes ne se propagent hors du pays.Le 11 juillet 2010,les extrémistes ont perpétré un double attentat à Kampala,causant la mort de 76 personnes. Une manière de sanctionner la participation de l’Ouganda à la force de l’Union africaine en Somalie (Amisom), forte d’environ 8000 soldats.De son côté,le Kenya a fermé toutes ses frontières avec la Somalie, suite aux menaces de représailles proférées par le groupe Al-Chabaab, qui reproche à Nairobi son soutien au gouvernement fédéral de transition (TFG). Autre foyer de troubles, le Sud-Soudan poursuit sa marche chaotique vers l’indépendance, choisie par référendum par la population sudiste en janvier 2011.Reste à définir précisément les termes de la séparation à l’amiable entre Khartoum et le nouveau régime du Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM), qui doit intervenir le 9 juillet 2011.

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

144 145 146 147 149 151 152 153 154 156

Burundi Djibouti Érythrée Éthiopie Kenya Ouganda Rwanda Somalie Soudan Tanzanie 143


Burundi

Une normalisation chaotique

S

RD CONGO

Lac Kivu Malgré les contestations, Pierre eul candidat à l’élection préNkurunziza, 45 ans, leader de l’exsidentielle du 4 juillet 2010, le RWANDA rébellion hutue, est le premier chef de l’État sortant, Pierre TANZANIE représentant d’un pouvoir issu des Nkurunziza, a été réélu avec 91,6 % élections à terminer son mandat. Élu des voix. Un score sans surprise dans BURUNDI par le Parlement en 2005, il a reçu en la mesure où les candidats de l’oppojuillet dernier l’onction du suffrage sition avaient tous appelé au boycott, Bujumbura universel direct, mais sans véritable dénonçant les intimidations du parti challengeur. au pouvoir, le Conseil national pour la Pierre Nkurunziza est un président défense de la démocratie-Forces pour atypique. Maître assistant d’éducation la défense de la démocratie (CNDDLac physique à l’Université du Burundi, il FDD). Pourtant, 77 % des 3,5 millions Tanganyika 100 km rejoint en 1995 la rébellion du CNDDd’électeurs inscrits se sont rendus aux FDD. Condamné à mort par les autournes. Cette réélection est intervenue rités de Bujumbura l’année suivante, il devient le principal un mois après les communales, déjà remportées par le parti interlocuteur du gouvernement de Pierre Buyoya durant les de Pierre Nkurunziza. Le CNDD-FDD a aussi obtenu une très négociations d’Arusha, en Tanzanie. Il signe, en août 2000, large victoire aux législatives – boycottées par l’essentiel de l’accord de paix faisant entrer le Burundi dans une phase l’opposition –, s’arrogeant 81 des 106 sièges de l’Assemblée de transition, qui s’achève par des élections générales en avec 81 % des voix. L’Union pour le progrès national (Uprona, 2005. Le CNDD-FDD en sort vainqueur. Et Nkurunziza majoritairement tutsi) a obtenu 11 % des voix (17 sièges) président. Mais à l’issue de son premier mandat, le pays et le Front pour la démocratie au Burundi (Frodebu) a ne semble pas apaisé. Au point que certains craignent la décroché 5 sièges avec un score de près de 6 %. fin du consensus sur le partage des pouvoirs en vigueur Si la mission d’observation électorale de l’Union eurodepuis dix ans. péenne a salué le « calme » qui a prévalu lors des scrutins, Sur le plan économique, malgré des tentatives de relance, elle a condamné les violences et dénoncé la multiplication la croissance demeure faible (3,9 % en 2010 selon le FMI), des arrestations dans les rangs de l’opposition durant la soumise aux aléas de l’agriculture. Selon les prévisions, la campagne. Elle a « également constaté tout au long du production de café devrait plus que quadrupler pour la processus électoral l’augmentation des atteintes aux libertés saison 2010-2011, atteignant 30 000 tonnes grâce à la météo de réunion, de manifestation et d’expression politique ». favorable et à l’utilisation d’engrais. Idem pour la producEn prêtant serment le 26 août 2010, Pierre Nkurunziza a tion de thé, en hausse de 8,5 % à 7 600 t. Mais, malgré les promis d’assurer la cohésion nationale, la paix et la justice réformes macroéconomiques entreprises depuis cinq ans, le sociale, mais cela n’a pas suffi à calmer le jeu. L’Alliance Burundi a été victime de la crise mondiale, d’une forte chute démocratique pour le changement (ADC), plateforme des cours du café et d’une réduction des investissements constituée de douze partis d’opposition dont les Forces étrangers. Si bien que le pays dépend toujours étroitement nationales de libération (FNL), a refusé de reconnaître les institutions issues de ces élections. de l’aide extérieure pour boucler son budget. ●

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 1er juillet 1962 Indépendance du Burundi. 6 avril 1994 Mort de Ntaryamira dans l’attentat contre Habyarimana. 25 juillet 1996 Pierre Buyoya prend le pouvoir. 28 août 2000 Accords de paix d’Arusha. 19 août 2005 Pierre Nkurunziza, ancien chef rebelle (CNDD-FDD), est élu président. 4 décembre 2008 Accord entre l’État et le Palipehutu-FNL, qui devient un parti politique, le FNL, le 21 avril 2009. 4 juillet 2010 Pierre Nkurunziza est réélu. Le CNDD-FDD est majoritaire au Parlement.

Le pays en bref ■ Superficie 27 830 km2.

144

■ Population 8,3 millions d’hab.

■ Croissance

démographique 2,8 %. ■ Densité de population 298 hab./km2. ■ Population urbaine 11 %. ■ Espérance de vie 50,9 ans. ■ Alphabétisation 17,9 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,282 ; rang : 166e sur 169. ■ Langues Kirundi, français, swahili. ■ Peuplement Hutus, Tutsis, Twas. ■ Religions Chrétiens, musulmans. ■ Monnaie Franc burundais. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 1 603,98 francs burundais ; 1 $ = 1 202,45 francs burundais. ■ PIB par habitant 178 $. ■ Répartition du PIB (2009) Primaire 42 %; secondaire 13,4 % ; tertiaire 44,6 %.

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 1

1,2 1,3

1,5

Taux de croissance (en %, à prix constants) 3,6 2007

4,5 2008

3,5

3,9

2009

2010

■ Inflation 8,3 %.

■ Investissements

directs étrangers 10 millions de $. ■ Exportations 64 millions de $. ■ Importations 402 millions de $. ■ Principales ressources Agriculture, mines (nickel et cassitérite).

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


Guelleh triple la mise

L

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 27 juin 1977 Accession à l’indépendance. 9 avril 1999 Ismaïl Omar Guelleh devient chef de l’État. Il est réélu en 2005. 8 février 2008 Élections législatives boycottées par l’opposition. 19 avril 2010 Réforme constitutionnelle supprimant la limitation du nombre de mandats présidentiels à deux. 6 juin 2010 Accord avec l’Érythrée sur le conflit frontalier dans la zone de Doumeira. 8 avril 2011 Ismaïl Omar Guelleh est réélu.

Le pays en bref ■ Superficie 23 200 km2.

■ Population 864202 hab. ■ Croissance

démographique 1,7 %.

■ Densité

de population 37 hab./km2. urbaine 76,2 %. ■ Espérance de vie 55,8 ans. ■ Alphabétisation (2009) 70,3 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,402 ; rang : 147e sur 169. ■ Langues Arabe et français (officielles), afar et somali. ■ Peuplement Afars, Issas, Somalis… ■ Religion Musulmans. ■ Monnaie Franc djiboutien. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 232,67 francs djiboutiens ; 1 $ = 174,43 francs djiboutiens. ■ PIB par habitant 1 383 $. ■ Répartition du PIB (2009) Primaire 3,7 %; secondaire 17,9 % ; tertiaire 78,4 %. ■ Inflation 1,7 %. ■ Population

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 0,8

1

1

1,1

Taux de croissance (en %, à prix constants) 5,1

5,8

2007

2008

5

4,5

2009

2010

■ Investissements

directs étrangers 100 millions de $. ■ Exportations 75 millions de $. ■ Importations 410 millions de $. ■ Principales ressources Activité portuaire, tourisme, pêche, baux des bases française et américaine. 145

BURUNDI - DJIBOUTI

e8avril,IsmaïlOmarGuellehaété l’océan Indien, Djibouti accueille aussi YÉMEN reconduit à la tête du pays, avec les forces européennes de l’opération ÉRYTHRÉE un score plus que confortable : Atalante. Deux avions de patrouille 80,63 %. Une réélection permise par maritime (un allemand et un espala réforme constitutionnelle du 19 avril gnol) y stationnent en permanence. 2010, qui supprime la limitation du Quant au Japon, il envisage lui aussi une DJIBOUTI nombre de mandats présidentiels à implantationpérennepoursécuriserles ÉTHIOPIE ÉTH Golfe deux. Cette réforme, adoptée à l’unaroutes maritimes, avec deux bâtiments d'Aden nimité, avait été menée comme une porte-hélicoptères,desavionsdereconDjibouti formalité, l’opposition – qui a boycotté naissance et 150 hommes. les dernières législatives – n’étant pas Face à cet intérêt renouvelé, Djibouti représentée au Parlement. D’ailleurs, fait monter les enchères. En 2003, le SOMALIE 30 km depuis le boycott de la présidentielle de loyer annuel de la base française est 2005 puis celui des législatives en 2008, passé de 18 millions à 30 millions les adversaires du camp présidentiel peinent à exister. d’euros (fin du bail en 2012). Les Américains paient 30 milIsmaïl Omar Guelleh, 63 ans, commence donc son troilions de dollars (21,7 millions d’euros). Et les Japonais sième mandat. Ce qui va lui permettre de faire aboutir les semblent prêts à verser jusqu’à 40 millions de dollars. grands dossiers en suspens, à commencer par le règlement Une source de revenus appréciable, d’autant que le pays a connu un relatif ralentissement de sa croissance (5 % en du différent frontalier avec l’Érythrée. Aux termes d’un accord 2009 et 4,5 % en 2010, contre 5,8 % en 2008), principalement signé le 6 juin 2010 sous les auspices du Qatar, Asmara a dû à la baisse des investissements directs étrangers. La accepté de retirer ses troupes de la zone de Ras Doumeira, société Dubai Port World, qui exploite les ports et aéroports que son armée occupe depuis 2008. de Djibouti, ambitionne toujours de faire du pays un hub Secondsujetcapital,larenégociationdel’accorddedéfense logistique régional de premier plan. Mais la crise financière, conclu entre la France et Djibouti en 1977, évoquée par le préajoutée à la piraterie, a handicapé le trafic maritime. sident français Nicolas Sarkozy avec son homologue le 19 janToutefois, la reprise de l’économie devrait se concrétiser vier 2010. La France, qui dispose de près de 3000 hommes à dès 2011, alors que l’inflation, qui a atteint le niveau record Djibouti – sa plus importante base militaire à l’étranger –, n’a de 12 % en 2008 avant de retomber à 1,7 % en 2009, semble pas l’intention de perdre cette position stratégique, à la fois plutôt bien contrôlée : elle ne devrait pas excéder 4 % en base de projection pour ses forces aériennes et navales (une 2011. Parallèlement, l’ouverture du secteur bancaire à plus dizaine de Mirage 2000, des hélicoptères et des bâtiments de concurrence a permis d’améliorer l’accès aux services de guerre) et terrain d’entraînement idéal. financiers à travers une politique de bancarisation et de faciMais d’autres armées s’y sont également installées. Le litation de l’octroi de crédits. Une des opérations majeures de petit État est devenu l’une des pièces maîtresses de la lutte l’année écoulée a concerné le groupe Bank of Africa (BOA), antiterroriste menée par les États-Unis dans la Corne de qui s’est porté acquéreur en août de la Banque Indosuez Mer l’Afrique, avec quelque 2000 soldats logés au Camp Lemonier. Rouge (BIMR), propriété du Crédit agricole. ● Par ailleurs, depuis que les pirates somaliens écument

AFRIQUE DE L’EST

Djibouti


Érythrée

Asmara au ban des nations

L

un parlement en exil pour renverser année 2010 n’a pas bien comARABIE Mer Rouge SOUDAN SAOUDITE Afewerki et préparer la transition. mencé pour le régime d’Asmara. Il est vrai que s’opposer au régime Dès le 23 décembre 2009, le ÉRYTHRÉE très autoritaire du président Afewerki Conseil de sécurité de l’ONU a décrété depuis Asmara est impossible. Vingt des sanctions contre l’Érythrée en raiYÉMEN Asmara ans après l’accession effective du son de son soutien aux milices islamispays à l’indépendance, l’emprise du tes de Somalie. Le texte voté par 13 des Front populaire pour la démocratie 15 membres du Conseil de sécurité Assab et la justice (FPDJ), parti unique, est (la Libye a voté contre et la Chine s’est ÉTHIOPIE totale. Nombre d’opposants ont été abstenue) prévoyait l’instauration d’un incarcérés et la presse est totalement embargo sur les armes à destination de DJIBOUTI muselée. Le cas de Dawit Isaak, arrêté l’Érythrée ainsi que le gel des avoirs et 200 km avec d’autres intellectuels en septeml’interdiction de voyager pour certains bre 2001, est emblématique. Depuis de ses dirigeants. Ces sanctions sont dix ans, l’écrivain et journaliste détenu au secret ignore de également motivées par l’attitude hostile d’Asmara envers quoi il est accusé. L’Érythrée figure en dernière position (sur Djibouti à propos de leur frontière commune. 128 pays) du classement 2010 de la liberté de la presse établi Sur ce dernier point, la situation semble s’être améliorée. Le par Reporters sans frontières. 6 juin 2010, les deux pays ont signé, grâce à la médiation du Une partie de la population a donc choisi de partir vers Qatar, un accord pour régler le contentieux sur leurs frontières les pays limitrophes. Ainsi, l’est du Soudan héberge près de maritimeetterrestre.Depuisplusieursannées,ilss’affrontaient 70 000 réfugiés fuyant la politique de conscription militaire dansunezonesoussouverainetédjiboutiennemaiscontestée obligatoire, la sécheresse et le manque de perspectives par Asmara: le cap Doumeira et l’île de Doumeira. L’Érythrée économiques. Avec ses ressources naturelles réduites, occupe la zone litigieuse depuis le 16 avril 2008. l’Érythrée est dépendante des fonds envoyés par la diaspora En revanche, les relations demeurent exécrables avec et de l’aide internationale, tandis que l’état de l’économie Addis-Abeba. Asmara a encore accusé les troupes éthiopiens’est détérioré sous l’effet de la tension persistante avec nes d’avoir lancé une attaque sur leur frontière commune en l’Éthiopie, des dépenses militaires et d’un fonctionnement janvier 2010, offensive démentie par Addis. Les désaccords de plus en plus hermétique. Les exportations ont culminé frontaliers avaient provoqué une guerre sanglante entre les à 15 millions de dollars (10,7 millions d’euros) en 2009, deux voisins de 1998 à 2000. Malgré l’accord de paix signé contre 540 millions de dollars pour les importations. En en 2000 à Alger, la tension reste grande : frontières fermées, fait, l’économie demeure tributaire des performances agrirelations diplomatiques rompues, échanges économiques coles. Avec un revenu annuel par habitant de 300 dollars, nuls. La haine qu’Asmara voue à son grand frère éthiopien l’Érythrée est l’un des dix pays les plus pauvres de la planète. est d’autant plus tenace que certains opposants au président Seule lueur d’espoir, l’entrée en production de la mine d’or Issayas Afewerki se sont établis à Addis pour lutter contre de Bisha, dans laquelle la compagnie canadienne Nevsun son régime. Début août 2010, une coalition de dix parResources a investi 235 millions de dollars. ● tis d’opposition érythréens a pris la résolution d’y former

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 24 mai 1993 Accession à l’indépendance, après quarante et un ans sous domination éthiopienne. Issayas Afewerki devient président. Mai 1998 Début de la guerre avec l’Éthiopie. 12 décembre 2000 Accord de paix d’Alger. Avril 2002 La Cour internationale de justice attribue le village de Badme à l’Érythrée. Mais l’Éthiopie conteste la décision. 6 juin 2010 Accord avec Djibouti sur le conflit frontalier dans la zone de Doumeira.

Le pays en bref ■ Superficie 117 600 km2.

■ Population 5,1 millions d’hab.

■ Croissance

146

démographique 2,9 %.

■ Densité

de population 43 hab./km2. urbaine 21,6 %. ■ Espérance de vie 60 ans. ■ Alphabétisation 65 %. ■ Indice de développement humain (2007) IDH : 0,472 ; rang : 165e sur 182. ■ Langues Tigrinya, arabe (officielles), afar, tigréen… ■ Peuplement Tigrinyas, Tigréens, Sahos, Afars… ■ Religions Musulmans, orthodoxes, animistes. ■ Monnaie Nafka. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 19,96 nafkas ; 1 $ = 15 nafkas. ■ PIB par habitant 424 $. ■ Répartition du PIB (2009) Primaire 14,4 %; secondaire 22,2 %; tertiaire 63,4 %. ■ Population

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 1,3

1,4

1,9

2,3

Taux de croissance (en %, à prix constants) 1,4 2007

- 9,8

2008

3,6

1,8

2009

2010

■ Inflation 34,7 %.

■ Investissements

directs étrangers Négligeables. ■ Exportations 15 millions de $. ■ Importations 540 millions de $. ■ Principales ressources Cuivre, pétrole, sel.

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


L’opposition neutralisée

L

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 19 décembre 1944 L’Éthiopie redevient État souverain sous le règne de Haïlé Sélassié. 3 juillet 1974 Le Négus est déposé. En 1977, Mengistu Haïlé Mariam prend le pouvoir. Juin 2000 Élections législatives. Victoire du Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (EPRDF), de Mélès Zenawi. 23 mai 2010 Écrasante victoire de l’EPRDF de Zenawi aux législatives: l’opposition ne remporte qu’un seul siège.

Le pays en bref ■ Superficie 1 104 300 km2.

■ Population 82,8 millions d’hab. ■ Croissance

démographique 2,6 %.

■ Densité

de population 43 hab./km2. urbaine 16,7 %. ■ Espérance de vie 55,7 ans. ■ Alphabétisation 36 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,328 ; rang : 157e sur 169. ■ Langues Amharique (officielle), oromo, somali, arabe. ■ Peuplement Oromos, Amharas, Tigréens, Sidamos, Afars… ■ Religions Chrétiens orthodoxes, musulmans… ■ Monnaie Birr. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 21,92 birrs ; 1 $ = 16,43 birrs. ■ PIB par habitant 365 $. ■ Répartition du PIB Primaire 44,5 % ; secondaire 13,2 % ; tertiaire 42,4 %.

■ Population

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 19,6

26,7

32,3

30,9

Taux de croissance (en %, à prix constants) 11,8

11,2

9,9

2007

2008

2009

8 2010

■ Inflation 36,4 %.

■ Investissements

directs étrangers 94 millions de $ ■ Exportations 1,6 milliard de $ ■ Importations 8 milliards de $ ■ Principales ressources Café, thé, épices, élevage. 147

ÉRYTHRÉE - ÉTHIOPIE

e 6 octobre 2010, l’oppotout juste de la nommer, au côté Mer YÉMEN Rouge sante la plus célèbre du de huit autres candidats, pour le pays, Birtukan Mideksa, prix Sakharov 2010 de la liberté Golfe a été libérée. Emprisonnée au de l’esprit. C’est aussi un moyen DJIBOUTI d'Aden lendemain des émeutes de médiatique efficace pour clouer 2005, qui avaient causé la mort le bec aux ONG, qui peuvent SOMALIE de quelque 200 personnes, parfois se montrer, à son goût, Diré Daoua accusée de complot contre la un peu trop regardantes sur la Addis-Abeba Constitution, graciée, libérée, question des droits de l’homme. puis emprisonnée à nouveau Pour Zenawi, le risque politique ÉTHIOPIE SOUDAN pour avoir enfreint les termes est d’autant plus limité que cette de son amnistie, la magistrate libération intervient plusieurs SOMALIE 300 km KENYA de 36 ans a adressé une lettre de mois après la victoire sans appel repentance au Premier ministre. de son parti, le Front démocraExprimant ses « profonds regrets pour avoir trompé le tique révolutionnaire du peuple éthiopien (EPRDF), aux peuple et le gouvernement éthiopien en démentant avoir élections législatives du 23 mai. Laminée, l’opposition été graciée », elle écrit : « Je supplie le peuple et le goun’existe virtuellement plus. vernement éthiopien de me pardonner. » Une confession qui n’est pas sans rappeler certaines pratiques propres CHAUD ET FROID. Zenawi avait annoncé la couleur juste après avoir glissé son bulletin dans l’urne, à Adoua, sa ville aux régimes communistes les plus durs… Comme par d’origine, dans la région du Tigré : « Pouvez-vous imaginer exemple celui du Derg, qui pesa sur l’Éthiopie pendant un endroit sur terre où un gouvernement qui a permis une une quinzaine d’années. croissance à deux chiffres pendant sept ans puisse perdre Il n’empêche : Mélès Zenawi est revenu sur des propos une élection ? Personne n’a jamais vu pareil événement. » définitifs prononcés à la mi-décembre 2009 au cours De fait, les huit partis d’opposition réunis sous la band’une conférence de presse : « Il est hors de question de nière du Medrek n’ont pas réussi à ébranler la domination négocier avec qui que ce soit la libération de cette femme. du « Parti de l’abeille ». Avec plus de 99 % des suffrages, Jamais. Oubliez ça. » Les temps changent et sans doute l’EPRDF et ses alliés ne concèdent à l’opposition qu’un le chef de l’État a-t-il à cœur de ménager son image, seul des 547 sièges parlementaires. Girma Seifu Maru, élu écornée en Éthiopie comme à l’étranger par ses dérives d’Addis-Abeba, se sent bien seul face à tous ses collègues autoritaires. Représentant de l’Afrique lors du sommet du acquis aux idées du Premier ministre. « Si je n’étais pas au G20 à Londres en avril 2009 et de l’Union africaine lors du Parlement, ils pourraient faire ce qu’ils veulent, confie-t-il. sommet de Copenhague sur le changement climatique en Or aujourd’hui, je dis ce que je pense et ma position doit décembre 2009, l’homme n’est plus tout à fait le leader de être enregistrée. » Et même si Birtukan Mideksa a déclaré, la « renaissance africaine » célébré durant ses premières à sa sortie de prison : « Je ne peux rien dire pour l’instant, années au pouvoir. La libération de son opposante la plus je vais avoir besoin de temps pour penser au futur », ● ● ● crédible est un gage donné aux Occidentaux qui venaient

AFRIQUE DE L’EST

Éthiopie


● ● ● lui continue de penser qu’elle fera un jour ou l’autre son retour en politique. Au lendemain des élections, le chef de la mission d’observation de l’Union européenne, le Néerlandais Thijs Berman, évoquait l’encadrement serré des populations en ces termes : « La forte participation le jour des élections a été ternie par le rétrécissement de l’espace politique et le déséquilibre du jeu politique. La séparation entre le parti au pouvoir et l’administration a été gommée dans de nombreux cas au niveau local. » Le scrutin a été bien encadré : outre la présence policière intense en ville, des responsables officiels et des milices des administrations locales (tataqi) auraient fait du porte-à-porte pour inciter les citoyens à « bien » voter. Dépourvue de chef et armée du seul rejet de Zenawi, l’opposition n’a pu convaincre. « Ils sont divisés, confie une jeune avocate, et plus personne ne leur fait confiance. » Le 28 mai 2011, Mélès Zenawi fêtera ses vingt ans à la tête de l’Éthiopie. Il a d’ores et déjà laissé entendre que ce mandat serait le dernier. Sur bien des points, son bilan est

année besoin d’une aide alimentaire importante. Selon l’ONU, 5,2 millions de personnes étaient concernées pour l’année 2010. Le Premier ministre s’est engagé à remédier au problème. Lors du lancement, en septembre, du plan quinquennal de croissance et de transformation (GTP), il a ainsi déclaré : « Nous avons défini un plan qui nous permettra, à l’horizon 2015, d’être surproducteurs et de nous nourrir sans avoir recours à l’aide alimentaire. » FRONTIÈRES INSTABLES. Il table pour cela sur une crois-

sance économique de 15 %, sachant que, selon le FMI, celle-ci atteignait 11,2 % en 2008, 9,9 % en 2009 et 8 % en 2010. Dans le cadre du GTP, le gouvernement espère une croissance agricole comprise entre 8 % et 15 %. L’économie nationale repose principalement sur la production de café, de thé, d’oléagineux, de fleurs, de khat, de bétail, ainsi que sur l’extraction d’or – 540,5 millions de dollars (plus de 387 millions d’euros) ayant été obtenus grâce à la vente de 48 tonnes d’or ces dix dernières années. Le secteur primaire représentant à lui seul plus de 40 % du PIB, le pays compte sur quelque 3 milliards de dollars de revenus d’exportation en 2010-2011. Le boom du bâtiment Les exportations de café devraient quant à elles rapporter 940 millions « QUAND LE BÂTIMENT VA,TOUT VA! » Difficile de savoir si le Premier de dollars en 2010-2011. ministre éthiopien Mélès Zenawi connaît la maxime, mais tout Reste que la transition entre une semble indiquer qu’il l’applique. Depuis les émeutes de 2005, son agriculture de subsistance et une gouvernement a en effet réagi à la fronde des villes en relançant production agricole orientée vers le secteur immobilier. Sachant qu’en Éthiopie la terre reste toujours l’exportation est loin d’être achevée, la propriété de l’État, les locations ont été consenties plus facilement notamment en raison des problèet les investissements encouragés. Résultat: les villes se transforment mes d’infrastructures, de transport et à vue d’œil et l’on ne compte plus les chantiers. Derrière des d’énergie. Sur ce dernier point, l’Éthiopalissades de tôle ondulée s’élèvent des bâtiments de plusieurs pie ne peut que se réjouir d’avoir signé, étages, monstres de béton adossés à de fragiles échafaudages avec le Burundi, l’Ouganda, le Rwanda, en bois d’eucalyptus… Addis-Abeba voit pousser des immeubles la Tanzanie et le Kenya, un accord sur disparates dans tous ses quartiers. Le plus haut d’entre eux pourrait le partage des eaux du Nil, qui devrait bien être l’hôtel construit par le groupe chinois Guangdong Chuanhui in fine déposséder l’Égypte de son au centre-ville, qui devrait dépasser les 223 m du Carlton Center droit de veto sur les projets des pays de Johannesburg (Afrique du Sud). Un investissement de plus situés en amont. La création d’une de 100 millions d’euros. ● Commission du bassin du Nil pourrait permettre à l’Éthiopie de mieux utiliser le fleuve, tant pour l’irrigation que pour la production d’électricité. positif : outre la paix qu’il a apportée au pays en mettant Pour autant, Addis ne peut faire fi des situations politifin à la « terreur rouge » de Mengistu Haïlé Mariam et en ques à ses frontières qui mettent régulièrement sa diplomaintenant tant bien que mal sous contrôle les rebelles de matie au défi. Au nord, l’ennemi numéro un, le voisin la région Oromo (Front de libération Oromo) et de l’Ogaden érythréen vivant sous la botte d’Issayas Afewerki, est (Front national de libération de l’Ogaden), il a permis la toujours observé du coin de l’œil. À l’est, la Somalie livrée stabilité ainsi qu’une forte croissance économique. Sans au chaos demeure une source d’inquiétudes et l’armée doute doit-il aussi en partie sa longévité à sa capacité à éthiopienne surveille de près la frontière. À l’ouest, la souffler le chaud et le froid à point nommé. À titre d’exemple, partition du Soudan suscite un certain nombre d’intersa réaction aux émeutes de 2005 a été violente : les soldats rogations… Îlot de stabilité dans la Corne de l’Afrique, ont reçu l’ordre de tirer à balles réelles sur les manifestants. l’Éthiopie s’attire la sympathie et le soutien appuyé des Mais, constatant que les villes, et en particulier AddisOccidentaux – en particulier des États-Unis. Abeba, étaient les principaux foyers de la contestation, il Pour Mélès Zenawi, c’est de l’intérieur que la menace décidait dans la foulée de stimuler l’économie à travers pourrait venir, après deux décennies au pouvoir. Les évéle secteur du bâtiment. Des logements, des emplois : une nements survenus en Afrique du Nord (Tunisie, Égypte, réponse à l’inquiétude qui s’était manifestée. Aujourd’hui, Libye, etc.) ont essaimé jusqu’à Djibouti. Une révolte en la capitale éthiopienne est devenue un immense chantier Éthiopie est pour l’heure improbable, mais – même si les où l’on construit à tour de bras. connections internet n’y sont pas très bonnes – le mot En fait, dans les années à venir, c’est principalement « beka » (« assez ») apparaît d’ores et déjà sur certains sur l’économie que Zenawi jouera son bilan. Peuplée profils du réseau social Facebook… ● d’environ 85 millions d’habitants, l’Éthiopie a chaque

148

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


Turbulente cohabitation

L

SOMALIE

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 12 décembre 1964 Indépendance. Jomo Kenyatta devient président. En octobre 1978, Daniel arap Moi lui succède. 27 décembre 2002 Mwai Kibaki devient président de la République. 27 décembre 2007 Victoire revendiquée par Mwai Kibaki face à Raila Odinga. 1er avril 2010 Vote par le Parlement de la nouvelle Constitution, définitivement adoptée par référendum le 4 août 2010.

Le pays en bref ■ Superficie 580 370 km2.

■ Population 39,8 millions d’hab. ■ Croissance ■ Densité

démographique 2,6 %. de population 67 hab./km2.

■ Population

urbaine 22,2 %. de vie 54,9 ans. ■ Alphabétisation 87 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,470 ; rang : 128e sur 169. ■ Langues Anglais (officielle), swahili, kikuyu, luo… ■ Peuplement Kikuyus, Luhyas, Luos, Kalenjins, Kambas… ■ Religions Protestants, catholiques, animistes. ■ Monnaie Shilling kényan. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 106,73 shillings kényans ; 1 $ = 80,01 shillings kényans. ■ PIB par habitant 888 $. ■ Répartition du PIB Primaire 27 % ; secondaire 18,8 % ; tertiaire 54,2 %. ■ Espérance

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 28,9

26,6

30,1

32,4

Taux de croissance (en %, à prix constants) 6,9 1,3 2007

2008

2,4

4,1

2009

2010

■ Inflation 9,3 %.

■ Investissements

directs étrangers 141 millions de $. ■ Exportations 4,4 milliards de $ ■ Importations 10,2 milliards de $. ■ Principales ressources Thé, café, horticulture, bois, tourisme. 149

KENYA

a crise ivoirienne aura été une reprocher à leur Premier ministre une SOUDAN ÉTHIOPIE fort opportuniste volte-face. aubaine pour au moins une personne : le Premier ministre En effet, depuis l’annonce du départ du président Daniel arap Moi, en 2002, kényan, Raila Odinga. En le choisissant comme médiateur, le président Raila Odinga militait pour la mise en OUGANDA de la Commission de l’Union africaine, œuvre d’une nouvelle Constitution reposant sur un partage du pouvoir Jean Ping, lui a offert une occasion K E N YA en or d’affirmer sa stature internatioplus équilibré entre le président et le Kisumu Lac nale. Politicien habile qui a déjà en Premier ministre. C’est cet engagement Victoria tête l’élection présidentielle de 2012, qui a fini par provoquer l’éclatement Nairobi Odinga en a profité pour dire tout le de la coalition Arc-en-Ciel et poussé Odinga à affronter son ancien allié lors mal qu’il pense de son équipée avec le président Mwai Kibaki. Et, bien sûr, de du référendum constitutionnel de 2005. Mombasa Océan La suite de l’histoire est connue: le poste la coalition hétéroclite qui tente bon Indien an mal an de gouverner le pays depuis de Premier ministre a finalement été créé en 2008, sur mesure, pour résoudre les dramatiques événements du début TAN TANZANIE 200 km 2008 (1300 morts et 300000 personnes un conflit qui menaçait d’entraîner le pays dans la guerre civile. déplacées). Pour Raila Odinga, la solution kényane est plus que banLa surprise est venue un peu plus tard. Poussés par l’opinion publique et par Washington à établir une nouvelle Loi cale: elle s’apparente à un véritable « viol de la démocratie ». Se positionnant en vertueux défenseur du droit – comme fondamentale, les hommes politiques kényans sont tombés d’accordsuruntextequi…n’instituepascepostesipolémique lorsqu’il critique le régime de Robert Mugabe au Zimbabwe ou s’oppose à l’invitation du président soudanais Omar de Premier ministre. L’explication est simple: en 2012, Mwai Kibaki ne pourra pas se représenter. Et même si plusieurs el-Béchir, poursuivi par la Cour pénale internationale, en candidats se sont d’ores et déjà déclarés, Raila Odinga part territoire kényan – il a martelé qu’il voulait « protéger la grand favori. S’imaginant à la tête du pays, sans doute ne voix du peuple de Côte d’Ivoire ». Une manière de rappeler souhaite-t-il pas s’encombrer d’un Premier ministre. à ses concitoyens que lui aussi s’est vu voler une victoire Pour l’heure, ce revirement n’a pas eu de conséquences électorale. politiques. Lors du référendum du 4 août 2010, les Kényans se sont en majorité prononcés en faveur d’une nouvelle VOLTE-FACE OPPORTUNISTE. Les interventions d’Odinga République. Dans le calme, alors que l’attentat du 13 juin en Côte d’Ivoire auprès de Laurent Gbagbo et d’Alassane Ouattara n’ont pas porté leurs fruits. Pire, sa médiation maladans le parc Uhuru de Nairobi (6 morts, 104 blessés), lors d’un droite a été considérée comme un échec complet. Cela dit, les rassemblement en faveur du « non », avait pu faire craindre Kényans ne devraient pas lui en tenir rigueur: les problèmes le pire. Même le très controversé William Ruto, alors ministre de la Côte d’Ivoire ne comptent pas parmi leurs priorités… de l’Éducation supérieure et partisan du « non », a reconnu En revanche, s’ils se montrent regardants, ils pourraient bien sa défaite et invité ses fidèles à accepter le verdict des ● ● ●

AFRIQUE DE L’EST

Kenya


(CPI) qui statuera au cours de l’année 2011 sur le cas de six d’entre eux. Le 15 décembre 2010, le procureur Luis MorenoOcampo a révélé leurs noms et indiqué que la seconde chambre préliminaire de la CPI allait étudier les preuves et entendre les avocats des accusés. Avant d’émettre une citation à comparaître, un mandat d’arrêt, ou d’abandonner les poursuites. Une décision qui pourrait s’avérer lourde de conséquences pour l’avenir. Deux candidats potentiels à l’élection présidentielle de 2012 sont en effet sur la sellette : le vice-Premier ministre, ministre des Finances et fils du père de l’indépendance, Uhuru Kenyatta, et William Ruto. Parmi « ceux qui portent le plus de responsabilités », comme le dit Luis MorenoOcampo, on compte aussi un ancien haut responsable de la police, le major général Hussein Ali, le chef de la fonction publique, Francis Muthaura (proche de Kibaki), le ministre de l’Industrialisation, Henry Kosgey (proche d’Odinga), et enfin un journaliste de Kass FM, Joshua arap Sang. Bien entendu, tous se déclarent innocents… Dans cette atmosphère délétère, la mise en œuvre du nouvel ordre constitutionnel risque Un référendum apaisé de prendre du temps. Si le paysage politique ne semble guère devoir évoluer dans les mois à La nouvelle Constitution du Kenya a été approuvée massivement venir, l’économie connaît, elle, un vérilors du référendum du 4 août 2010. Selon la commission électorale table sursaut. Réduite à 1,3 % en 2008, indépendante, le « oui » a obtenu 5,9 millions de voix (soit 67 % limitée à 2,4 % en 2009, la croissance des suffrages exprimés), alors que le taux de participation s’est du PIB est estimée à 4,1 % en 2010. élevé à 71 %. Pour le Kenya, ce référendum réussi a été l’occasion Mieux, le Fonds monétaire internatiode prouver que le pays pouvait faire montre d’unité alors même nal (FMI) table sur 5,4 % pour l’exercice que ses lignes de fracture – économiques, ethniques, religieuses – restent nombreuses. budgétaire de juillet 2010 à juin 2011 – et 6,1 % pour l’exercice 2011-2012. Le débat qui a précédé le vote a essentiellement porté sur des questions d’ordre religieux. Les chefs chrétiens sont montés Signe d’un certain retour à la normale, les revenus du tourisme se sont au créneau pour s’opposer au fait que les tribunaux de cadis conservent leurs prérogatives en matière de mariage et d’héritage accrus de 43 % durant les six premiers pour les musulmans. Ils se sont aussi élevés contre l’avortement mois de 2010 par rapport au premier « pour raisons médicales », autorisé par la nouvelle Constitution. semestre de 2007, une année record Mais en acceptant la sanction électorale, ils ont prouvé, si besoin en la matière. Autre source de revenus était, que le pays pouvait gérer pacifiquement ses divisions. ● importante : les exportations de thé. Favorisées par de bonnes conditions climatiques et encouragées par les fortes demandes chinoise et indienne, elles ont augmenté la chronique – et paralyse souvent les travaux de la coalition. de 51 % durant les huit premiers mois de 2010 par rapport Ainsi, le processus de nomination, en janvier 2011, de quatre à la même période en 2009. hauts responsables du secteur judiciaire a-t-il provoqué d’inMalgré les difficultés traversées, le Kenya reste un acteur terminables débats. Comme souvent, les désaccords entre le important de la région : 23 % de ses exportations se font président et le Premier ministre, repris en chœur par leurs vers ses voisins de la Communauté d’Afrique de l’Est. Les partisans respectifs, militants du Parti de l’unité nationale entrepreneurs du pays investissent en Ouganda, en Tanzanie, (PNU) pour Kibaki et du Mouvement démocratique orange au Rwanda, où ils trouvent aussi des débouchés pour leurs (ODM) pour Odinga, ont grippé la machine. produits, même si certaines lourdeurs bureaucratiques ralentissent encore la mise en place d’un véritable marché ATMOSPHÈRE DÉLÉTÈRE. Il faut dire que la question judiciaire obsède le monde politique. Depuis les violences du commun. Les principaux investissements, gouvernemendébut de l’année 2008, l’idée de juger les responsables suit taux comme privés, vont vers l’immobilier, les réseaux de son cours. Deux procédures parallèles devraient en théorie télétransmission et les infrastructures. permettre la « vérité » et la « réconciliation ». L’une porte sur Bon élève, le pays a reçu récemment un satisfecit du FMI. Fin janvier 2011, le Fonds a approuvé un prêt de 509 millions les dérives du régime depuis l’indépendance, tant sous Jomo de dollars. L’idée ? « Contribuer à maintenir une discipline Kenyatta (1964-1978) que sous Daniel arap Moi (1978-2002). L’autre sur la dernière élection présidentielle. Mais dans les budgétaire pendant le processus de décentralisation, tout deux cas, les dirigeants jouent la montre. en gardant l’inflation à des niveaux bas dans le contexte Concernant les heurts de janvier 2008, le Parlement a du régime de taux de change variable du Kenya. » Le pays écarté à plusieurs reprises la possibilité de juger les responrevient de loin, mais les interrogations sur la capacité de sa sables localement. C’est donc la Cour pénale internationale classe politique à se réformer demeurent. ●

● ● ● urnes : « Les Kényans ont parlé et nous respectons leur décision. Tous les Kényans ont gagné », a-t-il déclaré. Si l’idée de créer un poste de Premier ministre a été abandonnée, le texte permet de réduire (un peu) les pouvoirs du président en accroissant ceux des élus locaux. Le Parlement estdésormaisdiviséendeuxchambres, l’Assembléenationale et le Sénat. Ce dernier, où siègent les 47 représentants des « counties » nouvellement créés, dispose d’un droit de regard sur l’action présidentielle. Dans le cadre de cette décentralisation, quelque 100 milliards de shillings (environ 850 millions d’euros) devraient être transférés à des gouvernements régionaux élus démocratiquement. En outre, la Constitution limite désormais à 22 le nombre de ministres – ce qui devrait réduire les coûts de gouvernement, aujourd’hui considérables. Au-delà, la création d’une commission chargée des questions foncières pourrait – enfin ! – permettre d’amorcer une réforme longtemps différée. Malgré ces avancées, le jeu des alliances et des contrealliances au plus haut sommet de l’État ne cesse d’alimenter

150

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


Quatrième mandat pour Museveni

E

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 9 octobre 1962 Indépendance. 22 février 1966 Coup d’État de Milton Obote. 25 janvier 1971 Amin Dada renverse Obote. Avril 1979 Renversement d’Amin Dada. 25 janvier 1986 Yoweri Museveni prend le pouvoir avec l’Armée de résistance nationale. 14 juillet 2006 Pourparlers de paix avec l’Armée de résistance du Seigneur, qui combat le gouvernement depuis 1988. 18 février 2011 Museveni réélu président.

Le pays en bref ■ Superficie 241 040 km2.

■ Population 32,7 millions d’hab. ■ Croissance ■ Densité

démographique 3,3 %. de population 136 hab./km2.

■ Population

urbaine 13,3 %. de vie 53,5 ans. ■ Alphabétisation 75 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,422 ; rang : 143e sur 169. ■ Langues Anglais (officielle), swahili, luganda… ■ Peuplement Bagandas, Karamajongs, Basogos, Itesots, Banyankoles… ■ Religions Catholiques, protestants, animistes, musulmans. ■ Monnaie Shilling ougandais. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 3 034,96 shillings ougandais ; 1 $ = 2 275,20 shillings ougandais. ■ PIB par habitant 504 $. ■ Répartition du PIB Primaire 22,7 % ; secondaire 25,8 % ; tertiaire 51,5 %. ■ Espérance

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 11,9

14,4

15,8

17,1

Taux de croissance (en %, à prix constants) 8,4

8,7

2007

2008

7,2 2009

5,8 2010

■ Inflation 11,1 %.

■ Investissements

directs étrangers 799 millions de $. ■ Exportations 2,5 milliards de $ ■ Importations 4,3 milliards de $ ■ Principales ressources Café, thé, tourisme. 151

OUGANDA

t c’est reparti jusqu’en 2016 ! d’exportation (185 millions de dollars, 100 km SOUDAN Yoweri Kaguta Museveni fêtera soit 132 millions d’euros) –, qui devrait alors ses trente années de poubénéficier de l’ouverture des frontières voir… Les trop nombreux candidats de consécutive au lancement du marché Gulu l’opposition – Kizza Besigye, Norbert commun entre cinq pays d’Afrique de l’Est, le 1er juillet 2010. Le chef Mao, Olara Otunnu, Bidandi Sali et OUGANDA RÉP. DÉM. RÉP d’autres – n’ont pas réussi à l’inquiéde l’État attend aussi beaucoup des DU CONGO Jinja ter. Le 18 février 2011, l’homme fort du revenus du pétrole. Le britannique Kampala pays a remporté l’élection présidentielle Tullow Oil devrait commencer l’exKENYA Mbarara sans difficultés, avec 68,4 % des voix. Au traction du brut l’année prochaine, Lac pour atteindre 200 000 barils par jour pouvoir depuis 1986, il n’a pas lésiné Victoria sur les moyens : avec des dépenses de en 2015, les réserves étant estimées à TANZANIE RWANDA 2,5 milliards de barils. campagne cinquante fois supérieures Sur le plan international, et en dépit à celle de l’opposition, il a sillonné le de quelques critiques de circonstances, Museveni demeure pays, abreuvé les électeurs de SMS et même fourni aux plus un proche allié des États-Unis: en 2009, le pays a reçu quelque nécessiteux de la farine, du sucre et du savon… 390 millions de dollars d’aide en provenance de Washington. Si ses dérives autocratiques – et homophobes – sont souEt ce sont les forces ougandaises qui ont formé, après le retrait vent montrées du doigt, Museveni peut se targuer d’avoir des Éthiopiens, le gros des troupes de la Mission de l’Union apporté paix et stabilité. Dernière victoire en date : l’Armée africaine pour la Somalie (Amisom), qui compte environ de résistance du Seigneur, de Joseph Kony, qui terrorisait 8 000 hommes. Le déploiement de cette force de maintien le nord du pays, n’est plus que l’ombre d’elle-même. Pour de la paix fait suite à la guerre entre le gouvernement de les cinq années à venir, les défis du chef de l’État seront transition et les milices islamistes, qui se poursuit depuis donc économiques : les Ougandais attendent des emplois, décembre 2006. Conséquence de cet engagement: le 11 juillet un meilleur système de santé et un secteur éducatif plus 2010, une attaque revendiquée par les milices Chabaab a fait performant. Même si la croissance est soutenue – environ 76 morts en plein cœur de la capitale, Kampala. 7,2 % en 2009 et 5,8 % en 2010, selon les estimations du Fonds Pour autant, le terrorisme ne constituera sans doute pas la monétaire international –, elle doit être évaluée à l’aune d’une principale menace pesant sur le régime ougandais. Sa jeucroissance démographique supérieure à 3 % par an. Si l’on en croit les intentions affichées lors du lancement nesse, informée des changements intervenus dans le monde du National Development Plan en avril 2010, l’idée est de arabe, pourrait se montrer plus regardante sur son niveau de passer d’un revenu de 500 dollars par tête aujourd’hui à vie et ses espaces de liberté. D’ici à 2016, les Ougandais seront 900 dollars en 2015 et de réduire la proportion de la popuenviron 40 millions, dont 10 millions âgés de 18 à 30 ans. lation vivant sous le seuil de pauvreté de 31 % à 24,5 %. Et 80 % des 280 000 utilisateurs ougandais du réseau social Pour atteindre ces objectifs ambitieux, Museveni compte Facebook ont aussi entre 18 et 30 ans… Sur le plan politique, sur le développement du commerce avec le nouvel État ils n’ont connu que Museveni : le souvenir des dictatures du Sud-Soudan – la zone représente son plus gros marché d’Idi Amin Dada et de Milton Obote s’estompe. ●

AFRIQUE DE L’EST

Ouganda


Rwanda

Nouveaux défis pour Kagamé

L

rapport Investir sans frontières e président Paul Kagamé, OUGANDA de la Banque mondiale l’a classé 53 ans dont dix à la tête de TANZANIE parmi les États où la législation l’État, a triomphalement est la moins restrictive pour les été réélu le 9 août 2010 avec investissements directs étrangers. 93 % des voix. Tout au long de sa Ainsi, le Rwanda est l’un des rares campagne, le candidat du Front Lac pays au monde où il faut moins patriotique rwandais (FPR) a mis Kigali Kivu Kiv d’une semaine pour établir une en avant les progrès socioéconoRÉP. RWANDA filiale d’une société étrangère. miques réalisés. Reconduit, il a DÉM. Sur le plan politique, la camdécidé de rendre l’enseignement DU CONGO pagne pour la présidentielle a été de base obligatoire et gratuit dans émaillée d’incidents. Début 2010, les écoles publiques. Reste qu’en BURUNDI 50 km Kigali a connu une vague d’atmatière de lutte contre la pauvreté tentats à la grenade, certes sans le Rwanda a encore du chemin à conséquence. Parallèlement, un ancien chef d’état-major de faire. Pays très agricole, il compte encore 28 % d’habitants l’armée, Faustin Kayumba Nyamwasa, a fui en Afrique du Sud souffrant d’insécurité alimentaire. Très enclavé, il est soumis où il a été victime, en juin, d’une tentative d’assassinat, alors à des coûts de production élevés. Pour remédier à cet isoquedeux générauxfraîchementpromusétaientmis auxarrêts lement, un projet de construction d’un tronçon ferroviaire pour « conduite immorale ». Le 21 avril, Victoire Ingabire, de 450 km reliant Kigali à Isaka (Tanzanie) et à Bujumbura opposante et candidate autoproclamée à la présidentielle, (Burundi) est en cours. Son coût (3,5 milliards de dollars, était arrêtée. Enfin, le 3 janvier 2011, la justice militaire a soit 2,5 milliards d’euros) sera partiellement pris en charge requis des peines de prison contre quatre anciens proches de par la Banque africaine de développement. Parallèlement, Kagamé (dont Kayumba Nyamwasa), jugés par contumace le gouvernement a obtenu en mai 2010 un don de l’Union pour « atteinte à la sécurité de l’État ». De quoi donner du européenne de 73,8 millions d’euros pour améliorer son grain à moudre aux opposants du président, et des idées à réseau routier et développer le secteur agricole. ses alliés les plus audacieux. Selon la Constitution, le second Le pays reste très dépendant de l’aide étrangère, dont la septennat de Kagamé sera son dernier. Et la perspective de contribution au budget a dépassé 45 % en 2009. Toutefois, sa succession pourrait réveiller les ambitions. Kigali s’est engagé en 2010 avec le Fonds monétaire interMalgré ces sujets de tension, Kagamé peut compter sur le national dans un programme ISP (instrument de soutien des politiques économiques), sans déblocage de nouveaux soutien international, y compris au plan judiciaire. Callixte financements. Sa stratégie de développement et son proMbarushimana, secrétaire exécutif des Forces démocratiques gramme « Vision 2020 » mettent l’accent sur l’expansion de libération du Rwanda (FDLR), a été arrêté le 11 octobre des activités non agricoles, notamment des services. 2010 à Paris et remis à la Cour pénale internationale le Non sans succès : considéré comme étant à la pointe 25 janvier 2011. Il faisait l’objet d’un mandat d’arrêt pour son des réformes économiques, le Rwanda a fortement amérôle présumé dans des crimes de guerre et contre l’humanité lioré l’environnement des affaires. En octobre 2010, le commis dans l’est de la RD Congo en 2009. ●

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 1er juillet 1962 Accession à l’indépendance. Juillet 1973 Putsch de Juvénal Habyarimana. Octobre 1990 Attaque du Front patriotique rwandais (FPR). 6 avril 1994 Habyarimana est tué dans un attentat. Début du génocide. 4 juillet 1994 Victoire du FPR. 2 août 1998 Début de la guerre en RDC. 23 mars 2000 Paul Kagamé est élu président de la République. 30 juillet 2002 Accord de paix avec la RDC. 9 août 2010 Paul Kagamé est réélu.

Le pays en bref ■ Superficie 26 340 km2.

■ Population 10 millions d’hab.

152

■ Croissance

démographique 2,8 %. de population 380 hab./km2. ■ Population urbaine 18,9 %. ■ Espérance de vie 50,7 ans. ■ Alphabétisation 70 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,385 ; rang : 152e sur 169. ■ Langues Anglais, français, kinyarwanda, swahili. ■ Peuplement Hutus, Tutsis, Twas. ■ Religions Chrétiens et musulmans. ■ Monnaie Franc rwandais. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 778,59 francs rwandais ; 1 $ = 583,68 francs rwandais. ■ PIB par habitant 570 $. ■ Répartition du PIB Primaire 37,4 % ; secondaire 14,1 % ; tertiaire 48,5 %. ■ Densité

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 3,7

4,7

5,2

5,7

Taux de croissance (en %, à prix constants) 11,2 5,5 2007

2008

4,1

5,4

2009

2010

■ Inflation 10,3 %.

■ Investissements

directs étrangers 119 millions de $. ■ Exportations 193 millions de $. ■ Importations 1,2 milliard de $. ■ Principales ressources Agriculture, mines, tourisme.

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


Le chaos, encore et toujours

U

KENYA

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 1er juillet 1960 Indépendance. 15 octobre 1969 Coup d’État de Siad Barre. 27 janvier 1991 Chute de Siad Barre. Début de la guerre civile. Décembre 1992 Opération Restore Hope. 10 octobre 2004 Abdallahi Yusuf Ahmed est élu président par le Parlement. Mai-décembre 2006 L’Union des tribunaux islamiques contrôle le pays. Intervention de l’armée éthiopienne. 31 janvier 2009 Cheikh Sharif Cheikh Ahmed est élu président par le Parlement.

Le pays en bref ■ Superficie 637 660 km2. ■

Population 9,1 millions d’hab.

Croissance démographique 2,3 %. Densité de population 14 hab./km2. ■ Population urbaine 37,5 %. ■ Espérance de vie 50,1 ans. ■ Alphabétisation ND. ■ Indice de développement humain Non classé. ■ Langues Somali, arabe (officielles). ■ Peuplement Somalis (plus de 90 %). ■ Religions Musulmans (majorité sunnite). ■ Monnaie Shilling somalien. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 2 082,20 shillings somaliens ; 1 $ = 1 560,95 shillings somaliens. ■ PIB par habitant N.D. ■ Répartition du PIB Primaire ND ; secondaire ND ; tertiaire ND. ■

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) ND

ND

ND

ND

Taux de croissance (en %, à prix constants) ND

ND

ND

ND

2007

2008

2009

2010

Inflation ND. Investissements directs étrangers 108 millions de $ ■ Exportations ND. ■ Importations ND. ■ Principales ressources Élevage, sel, gaz. ■ ■

153

RWANDA - SOMALIE

ne fois de plus, la Somalie s’ilMais la détermination des milices ne DJIBOUTI lustre par la violence. La société faiblit pas. À la fin de 2009, les Chabaab britannique Maplecroft a publié avaient fait allégeance à Al-Qaïda et Hargeysa le 15 novembre son Indice du risque s’étaient alliés à un autre groupe rebelle, terroriste dans le monde. Ce classebasé à Kismayo, dans le sud du pays, ment, établi sur la base du nombre et « pour libérer la Corne de l’Afrique ». ÉTHIOPIE de l’intensité des attentats, ainsi que sur Depuis, ils font également cause coml’histoire du pays en la matière, place la mune avec leurs anciens rivaux islaSomalie en tête – avec 556 actes terrorismistes du Hezb al-Islam. Océan Indien SOMALIE tes entre juin 2009 et juin 2010, qui ont De son côté, la communauté interprovoqué la mort de 1437 personnes –, nationale poursuit son combat contre Mogadiscio devant l’Afghanistan ou l’Irak. la piraterie. Une flottille de navires de Sur le plan politique, le pays reste en guerre patrouille depuis près de deux proie à l’instabilité après la démission, ans dans le golfe d’Aden, sans parvenir le21septembre2010,duPremierminisà éradiquer ce fléau. Au 1er juillet 2010, tre, Omar Abdirashid Ali Sharmarke. on estimait que 22 navires marchands 200 km Celui-ci a décidé de quitter le gouverétrangers étaient entre les mains des nement fédéral de transition (TFG), pirates somaliens, et plus de 400 memincapable de cohésion face à l’insurrection islamiste qui bres d’équipage captifs. Le paiement de rançons de plusieurs s’étend dans le sud et le centre du pays. Le TFG s’est doté millions de dollars contribue à entretenir le phénomène. d’un nouveau chef le 1er novembre, le quatrième depuis 2004. Face à ce chaos, le Somaliland et le Puntland, deux MohamedAbdullahiMohamedaéténomméparleprésident, territoires autonomes du nord de la Somalie, ont convenu Cheikh Sharif Cheikh Ahmed. Mais les divisions entre ce en septembre 2010 de collaborer en matière de sécurité. dernier et le président du Parlement, Sharif Hassan Cheikh Certains membres de la communauté internationale se Aden, risquent d’entraver l’action du Premier ministre. sont engagés à agir en faveur de ces deux territoires. Ainsi Malgré son manque d’efficacité et la corruption qui le les États-Unis prévoient de dépêcher sur place davantage de diplomates et de travailleurs humanitaires, pour faire de mine, le TFG demeure le seul rempart possible contre le cette zone un rempart contre l’extrémisme venu du Sud. chaos en Somalie, selon la communauté internationale, qui Pendant ce temps, dans la partie méridionale du pays, la le soutient à bout de bras. D’autant que le conflit s’étend. Le situation humanitaire est catastrophique. En mars 2010, les 11 juillet 2010, les islamistes ont perpétré un double attentat milices islamistes ont ordonné la cessation des activités du à Kampala, en Ouganda, causant la mort de 76 personnes. Programme alimentaire mondial. Selon l’Organisation des Pour les miliciens Chabaab, il s’agissait de sanctionner Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, 2 millions de la participation du pays à la force de l’Union africaine en Somaliens (presque un quart de la population) ont eu besoin Somalie (Amisom), forte de 6000 soldats. Le 25 juillet, l’Union d’aided’urgenceen2010,bienquedespluiesplusimportantes africaine a donc décidé d’accroître les moyens de l’Amisom que d’habitude aient dopé les récoltes vivrières. ● en envoyant 2 000 hommes supplémentaires en Somalie.

AFRIQUE DE L’EST

Somalie


Soudan

Un État à réinventer

L

rR

ou

ge

TCHAD

Me

Compte tenu de ces événements année 2010 a été la dernière 400 km ÉGYPTE politiques, l’année 2010 a été parpour le Soudan unifié, indépenLIBYE ARABIE ticulièrement tendue. D’autant que dant depuis 1956. « Une année SAOUDITE Port-Soudan le pays a dû faire face à une contracremarquable », pour le représentant tion de son économie. La baisse du de l’ONU au Soudan, Haïlé Menkerios, prix du pétrole, amorcée à la fin de qui a précisé que « les réalisations ÉRYTHRÉE Khartoum 2008, s’est traduite par une croissance avaient été impressionnantes ». Par en berne, à 4,5 % en 2009 (contre ces propos, c’est à la plus importante SOUDAN 11,3 % en 2006). Parallèlement, la d’entre elles qu’il fait référence : le dette extérieure s’est creusée, pasréférendum d’autodétermination des RÉP. sant de 16 milliards de dollars en habitants du Sud, sur la tenue duquel Juba CENTRAF. 2000 à 20,1 milliards en 2009 (envile doute a plané tout au long de l’année. RD CONGO OUG. ron 14 milliards d’euros). Khartoum Mais les contradictions relevées dans nourrit pourtant de grandes ambiles déclarations du Parti du congrès tions en matière pétrolière. Le gouvernement prévoit de national (PCN, au pouvoir) n’ont pas suffi à entamer la détermultiplier par deux, d’ici à 2013, sa production actuelle mination des Sud-Soudanais. Consultés en janvier 2011, ils de 470 000 barils par jour. De même, la production d’or ont choisi à 98,83 % de devenir indépendants (lire encadré). devrait doubler, pour atteindre 40 tonnes annuelles en Khartoum s’était engagé à en reconnaître le résultat qu’au 2012. cours des tout derniers jours de décembre 2010. Pour le régime, l’année avait commencé par une conforTRANSITION. S’appuyant entre autres sur ces prévisions, table victoire en trompe-l’œil, à la présidentielle et aux le Fonds monétaire international (FMI) annonce une législatives – les premières élections multipartites depuis reprise de la croissance pour 2010 (5,5 %) et 2011 (6,2 %). 1986. Sous-équipés et trop démunis pour faire campagne, Mais après la scission, Khartoum devra élaborer de nouparfois divisés au sujet du référendum qui se profilait, velles stratégies économiques, puisque 50 % du budget de nombreux partis ont choisi de ne pas participer à ces du Soudan uni provenait des revenus du pétrole, dont scrutins. Rassemblés au sein de la coalition du Consensus 80 % des réserves sont situées au Sud. C’est pourquoi la national, ils craignaient des fraudes massives. C’est dans perspective de la perte du Sud (plus d’un cinquième du ce contexte biaisé qu’Omar el-Béchir, le président sortant territoire et presque un quart de la population) a longet candidat du PCN, a été réélu avec 68 % des voix. Yasser temps été rejetée par Khartoum. Arman, le candidat du Mouvement populaire de libération Malgré tout, le référendum s’est déroulé sans accroc du Soudan (SPLM, qui dirige la région autonome du Sud), majeur. Nord et Sud ont jusqu’au 9 juillet pour prépaa pris part aux élections générales… mais s’est retiré de rer leur séparation définitive. Pendant cette transition, la course à la présidentielle. Pour le mouvement sudiste, Khartoum devra impulser une réorientation dans de qui est allié au gouvernement et devait assurer la tenue nombreux domaines pour reconfigurer son nouvel État, du référendum séparatiste quelques mois plus tard, le « le Soudan réel », comme l’a appelé le président El-Béchir boycottage aurait été délicat.

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 1er janvier 1956 Accession à l’indépendance. Début de la guerre civile. 30 juin 1989 Coup d’État d’Omar el-Béchir. 9 janvier 2005 Accord de paix avec l’Armée populaire de libération du Soudan (SPLA). 30 juillet 2005 Mort de John Garang. 4 mars 2009 Mandat d’arrêt de la CPI contre Omar el-Béchir relatif au conflit au Darfour. Avril 2010 Réélection d’Omar el-Béchir. 9 juillet 2011 Indépendance du Sud-Soudan.

Le pays en bref ■ Superficie 2 505 810 km2.

■ Population 42,3 millions d’hab. ■ Croissance

■ Densité

154

démographique 2,2 %. de population 17 hab./km2.

■ Population

urbaine 40,1 %. de vie 58,5 ans. ■ Alphabétisation 69 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,317 ; rang : 158e sur 169. ■ Langues Arabe (officielle), anglais, dinka, nuer, chillouk… ■ Peuplement Arabes, Nubiens, Bejas, Dinkas, Nuers, Chillouks. ■ Religions Musulmans sunnites, chrétiens, animistes. ■ Monnaie Livre soudanaise. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 3,30 livres soudanaises ; 1 $ = 2,48 livres soudanaises. ■ PIB par habitant 1 643 $. ■ Répartition du PIB (2009) Primaire 30 % ; secondaire 26 % ; tertiaire 44 %. ■ Espérance

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 46,5

58

54,6

65,9

Taux de croissance (en %, à prix constants) 10,2 2007

6,8 2008

4,5

5,5

2009

2010

■ Inflation 10,5 %.

■ Investissements

directs étrangers 3 milliards de $. ■ Exportations 7,8 milliards de $. ■ Importations 9,7 milliards de $. ■ Principales ressources Pétrole, élevage, coton et céréales.

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


de l’Union européenne et du Centre Jimmy Carter. Il a été déclaré crédible et pacifique par l’ONU. Le Sud-Soudan deviendra un État indépendant le 9 juillet 2011. ●

Khartoum s’emploie également à reconfigurer ses relations internationales. Il réclame aux États-Unis les « récompenses » promises pour la bonne tenue du référendum d’autodétermination : levée des sanctions en place depuis 1997, désinscription de la liste des « États qui soutiennent le terrorisme ». Des actes pour lesquels la diplomatie américaine a posé de nouvelles conditions au début de l’année 2011. En premier lieu, elle attend des progrès sur la situation au Darfour. « La normalisation de nos relations, a rétorqué le chef de la diplomatie soudanaise, ne doit pas être prise en otage par le Darfour. » Discrètement, loin des caméras – braquées au Sud – et derrière les barbelés des camps de réfugiés, cette région de l’ouest du pays a connu un regain de violence en 2010. Les affrontements militaires ont été réguliers : 2 300 morts violentes en 2010 et 44 000 personnes nouvellement déplacées entre décembre 2010 et janvier 2011 ont été comptabilisées au Darfour, qui représente presque un tiers du territoire et de la population du « Nord-Soudan ». « Les années 2009 et 2010 ont été pires que les précédentes », estime un responsable humanitaire, sous le couvert de l’anonymat. Des zones entières sont complètement inaccessibles depuis que treize des principales ONG travaillant

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

qu’il s’était allié au gouvernement en 2006. Prévu par le document de paix de 2006, le référendum devait être l’aboutissement de concertations. Mais c’est seul qu’Omar el-Béchir veut reprendre la main, alors que la pression qui pèse sur lui s’est encore accrue en 2010. Le procureur de la Cour pénale internationale, Luis Moreno-Ocampo, a fait ajouter le chef d’inculpation de « génocide », en juillet 2010, aux charges retenues contre Omar el-Béchir dans le mandat d’arrêt émis en mars 2009 (crimes de guerre et crimes contre l’humanité). Dans un document révélé par WikiLeaks, il l’accuse en outre d’avoir détourné 9 milliards de dollars des caisses de l’État. La levée du mandat d’arrêt pourrait-elle être un outil de marchandage dans les mains des diplomates internationaux ? Toujours est-il que les prochains mois seront cruciaux. Le Soudan, ancienne colonie britannique, creuset de plusieurs ethnies aux relations codifiées, va devoir réinventer tout son système social, politique et économique après le départ des Sudistes. Un défi qui va bien au-delà du seul cas du président El-Béchir. ● 155

SOUDAN

LE PROBLÈME DU DARFOUR.

AFRIQUE DE L’EST

dans la région (Action contre la faim, Care International, en décembre 2010, et non « le Soudan virtuel », en train de Oxfam Grande-Bretagne…) ont été expulsées du pays en disparaître. Première conséquence de la partition pour le 2009. On a relevé plus d’une trentaine d’enlèvements de Nord : une agitation politique et sociale dès janvier 2011. Casques bleus, de travailleurs humanitaires et d’OcciImputant au régime la perte du Sud, une coalition de dentaux en deux ans, et les attaques contre la Minuad 32 partis d’opposition a réclamé des réformes démocrati(Mission conjointe des Nations unies et de l’Union afriques profondes. Des manifestations d’étudiants appelant caine au Darfour), qui compte 22 000 personnes, se sont le pouvoir à saisir cette opportunité sans précédent ont également multipliées. été durement réprimées, dans la capitale et les provinces Le régime, craignant de voir lui échapper une autre frontalières. Et le régime a gardé en détention l’opposant partie de son territoire, vient de décider unilatéralement historique islamiste Hassan al-Tourabi, du 17 janvier au d’organiser un référendum sur le statut du Darfour, le 2 mai 2011. 1er juillet 2011. Les États-Unis ont protesté, de même Pour donner le change, Khartoum a entamé un dialoque les principales factions rebelles : le Mouvement gue avec certains partis d’opposition pour la réécriture pour la justice et l’égalité (JEM), l’Armée de libération d’une nouvelle Constitution. Celle de 2005 ne sera plus du Soudan (SLA, dirigée par Abdel Wahid al-Nour) et valide en juillet. Mais le pouvoir contrôle entièrement le sa faction dissidente, dirigée par Minni Minnawi, qui a cadre de ces consultations, qui ne laisse qu’une marge de repris les combats contre Khartoum cette année, alors manœuvre très étroite aux autres parties. Le PCN entend orienter la nouvelle Loi fondamentale sur « l’identité » du Soudan. La question religieuse a toujours été source de Vers un 54e pays africain conflit entre le Nord, majoritairement Pas moins de 3,25 millions d’électeurs sur les 4 millions d’inscrits musulman, et le Sud, majoritairesont allés voter entre le 9 et le 15 janvier 2011 au Sud-Soudan. ment chrétien. La Constitution de Ils ont décidé, à presque 99 % des voix, de faire de cette région 2005 affirmait « le caractère multiethautonome un État indépendant. Cette consultation a mis fin à une nique, multiculturel et multiconfesguerre civile d’une durée totale de trente-huit ans (en deux phases : sionnel » du Soudan. Omar el-Béchir 1956-1972 puis 1983-2005), qui a fait 2 millions de morts. Au cœur a déjà annoncé qu’il entendait faire du conflit : la répartition des ressources par l’État central, de la charia « la seule source de la la régionalisation du pays, la place de l’islam dans la loi… Constitution » et de l’arabe « la langue L’autodétermination des Sud-Soudanais avait été prévue en 2005 unique » du pays – des projets déjà dans l’accord de paix global signé entre Khartoum et le Mouvement affichés lors de sa prise de pouvoir de libération des peuples du Soudan (SPLM). Il prévoyait d’exploiter en 1989. Jusque-là contrariée par les six années de la transition, jusqu’en 2011, pour « rendre l’unité les Sudistes, cette ambition connaît du pays attractive ». Mais ni le Nord ni le Sud – où John Garang, aussi des opposants au Nord, dont signataire du traité pour le SPLM, est décédé en 2005 – n’ont fait 2011 révélera le nombre et la capacité les efforts nécessaires. Le scrutin a été observé par des panels d’action.


Tanzanie

Kikwete reparti pour cinq ans

L

Océan Indien

avril2010,leconfirme.Legouvernement eprésidentsortant,JakayaKikwete, 400 km RÉP. DÉM. OUGANDA a accordé la nationalité tanzanienne à du Chama Cha Mapinduzi (CCM, DU CONGO quelque 162 000 Burundais installés «Partidelarévolution»),aétéréélu Lac KENYA RWANDA Victoria sur son territoire depuis 1972. En 2000, pourunsecondmandatdecinqans,avec la Tanzanie abritait la plus importante 61 % des voix lors de la présidentielle du Arusha BURUNDI population de réfugiés du continent : 31 octobre 2010. Ses adversaires, le canDod Dodoma près de 680000 personnes, pour l’essendidatdupartiChadema,WilbrodSlaa,et tielvenuesdelaRDCongoetduBurundi celuiduFrontciviqueuni(CUF),Ibrahim Dar voisins. Depuis le début du processus Haruna Lipumba, n’ont recueilli respecTANZANIE es-Salaam TA de paix en 2002, 360 000 Burundais tivement que 26 % et 8 % des suffrages. sont rentrés chez eux, selon le HautPourtant, la compétition a été plus âpre MAL. Commissariat des Nations unies pour que lors du scrutin de 2005 – Kikwete MOZAMBIQUE les réfugiés. À ceux qui avaient fui les avait emporté 80 % des voix. violences ethniques des années 1970, Pour ce quatrième scrutin organisé les autorités ont proposé de choisir entre la nationalité en Tanzanie depuis le retour au multipartisme, en 1992, les tanzanienne et le retour au Burundi. Environ 50 000 ont observateursduCommonwealthontexpriméleursatisfaction décidé de repartir. quant au déroulement du vote, même si quelques heurts se Sur le plan économique, le pays a connu un léger ralensont produits durant et après le dépouillement. Seul bémol: tissement de son activité en 2009, avec une croissance de la manifestation organisée le 5 janvier 2011 à Arusha par le 6 %, contre une moyenne de 7 % par an entre 2001 et 2008. Chadema pour contester la réélection de Kikwete. Plusieurs La crise financière internationale a donc un peu freiné cette dirigeants ontété brièvementarrêtésetlesforcesdel’ordreont progression, tandis que les tensions inflationnistes se sont ouvert le feu, causant la mort d’au moins deux militants. accentuées. Mais le pays a bénéficié d’une aide financière du Depuis sa création en 1964, la Tanzanie a été épargnée Fonds monétaire international dans le cadre de la facilité de par les troubles politiques. Si, lors des précédents scrutins, protection contre les chocs exogènes (PCE) et mis en œuvre l’île de Zanzibar a pu connaître des troubles, ils ont cette fois en juillet 2009 un plan de relance qui a donné ses premiers été évités grâce à une nouvelle disposition constitutionnelle, résultats en 2010 – 6,5 % de croissance attendue. adoptée par référendum en août 2010, qui prévoit le partage L’agriculture, qui reste la principale activité des deux tiers du pouvoir entre les deux partis arrivés en tête des élections. de la population, s’est distinguée en 2010, avec l’augmentaLe CCM, vainqueur des législatives avec 50,1 % des voix, va tion des récoltes des principales cultures vivrières. La filière gouverner l’île avec ses adversaires du CUF. coton a profité pour sa part de prix particulièrement élevés. Autre originalité des élections de 2010, un albinos a été En revanche, la production de café a diminué en raison de élu député ; une première dans ce pays où les personnes la sécheresse, avec à peine 40 000 tonnes collectées en 2010 souffrant de cette maladie génétique sont victimes de fortes contre 68 000 t la saison précédente. Parmi les secteurs pordiscriminations. teurs figure également le tertiaire, avec les services financiers, La Tanzanie s’illustre donc comme une terre de tolél’immobilier, les télécoms et le tourisme. ● rance en Afrique de l’Est. Une décision importante, prise en

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 1961 Indépendance du Tanganyika. 1963 Indépendance de Zanzibar. 26 avril 1964 Union du Tanganyika et de Zanzibar. Proclamation de la République, Julius Nyerere en devient le président. 25 avril 1977 Instauration du parti unique. Octobre 1995 Premières élections démocratiques. Mkapa devient président. Août 2010 Réforme constitutionnelle. 31 octobre 2010 Jakaya Kikwete, président depuis le 21 décembre 2005, est réélu.

Le pays en bref ■ Superficie 945 090 km2.

■ Population 43,7 millions d’hab. ■ Croissance

156

démographique 2,9 %.

■ Densité

de population 46 hab./km2. urbaine 26,4 %. ■ Espérance de vie 56,3 ans. ■ Alphabétisation 73 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,398 ; rang : 148e sur 169. ■ Langues Swahili, anglais… ■ Peuplement Sukumas, Chaggas, Makondes, Hayas, Massaïs… ■ Religions Chrétiens, musulmans, animistes. ■ Monnaie Shilling tanzanien. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 1 977,02 shillings tanzaniens ; 1 $ = 1 482,10 shillings tanzaniens. ■ PIB par habitant 543 $. ■ Répartition du PIB (2009) Primaire 29 % ; secondaire 24 % ; tertiaire 47 %. ■ Population

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 16,8

20,7

21,3

22,4

Taux de croissance (en %, à prix constants) 7,1

7,4

2007

2008

6

6,5

2009

2010

■ Inflation 12,1 %.

■ Investissements

directs étrangers 645 millions de $. ■ Exportations 3,1 milliards de $. ■ Importations 6,3 milliards de $. ■ Principales ressources Agriculture, fer, tourisme.

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


CABINDA

TANZANIE

RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO

Luanda

MALAWI

Lilongwe

ZAMBIE

ANGOLA

Nampula

Lusaka

Blantyre Harare

Bulawayo

BOTSWANA

Océan Windhoek

Gaborone

MOZAMBIQUE Pretoria

Johannesburg

Maputo Mbabane

SWAZILAND

Kimberley

Océan Indien

Maseru

AFRIQUE DU SUD

LESOTHO Le Cap

MADAGASCAR

Beira

ZIMBABWE

NAMIBIE

Atlantique

AFRIQUE AUSTRALE

Huambo

Durban

Port Elizabeth

300 km

Afrique australe

Après la crise, l’embellie économique

A

près avoir senti le vent du boulet en 2009, les pays d’Afrique australe renouent avec des rythmes de croissance plus conformes à leurs espérances.Au Botswana, en Namibie, en Afrique du Sud, les activités minières ont retrouvé des couleurs au cours de l’année écoulée. La nation Arc-en-Ciel bénéficie aussi de l’organisation de la Coupe du monde de football, qui lui a permis d’enregistrer une forte hausse du nombre de ses visiteurs: un peu plus de 8 millions de touristes en 2010, 15 % de plus qu’en 2009. Le Mondial a drainé plus de 300 000 visiteurs venus spécialement pour l’événement. Si l’Afrique du Sud tire son épingle du jeu, le Zimbabwe continue de s’enliser dans une crise politique que le gouvernement d’union nationale formé en 2009 par le Mouvement pour le changement démocratique (MDC) de Morgan Tsvangirai et l’Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (Zanu-PF) de Robert Mugabe ne parvient pas à surmonter. Le climat politique est de plus en plus tendu à l’approche des élections anticipées souhaitées par Mugabe, qui ne veut plus du partage du pouvoir avec ses adversaires de l’ex-opposition. JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

158 160 162 163 164 165 166 167 168 169

Afrique du Sud Angola Botswana Lesotho Malawi Mozambique Namibie Swaziland Zambie Zimbabwe 157


Afrique du Sud

Dans le club des pays émergents

E

MOZ.

les secteurs de l’économie « verte », n 2010, seize ans après la fin de ZIMBABWE l’agriculture, les mines, l’industrie et le l’apartheid, l’Afrique du Sud a BOT BOTSWANA tourisme. Il s’appuie sur les syndicats, non seulement réussi le pari de Pretoria qui devront accepter de restreindre recevoir la Coupe du monde, mais elle leurs exigences salariales, et impliest aussi sortie gagnante de la crise écoJohannesburg Joh que le secteur privé en imposant une nomique mondiale. Quant au président NAMIBIE SWAZ. limite sur les bonus des dirigeants et polygame Jacob Zuma, même si sa vie LESOTHO cadres gagnant plus de 550 000 rands privée défraye parfois la chronique, AFRIQUE (56 000 euros) par an. et même s’il peine à maintenir l’ordre Durban DU SUD Océan Unnouveauprogrammededévelopà l’intérieur de l’alliance qui soutient Atl. pement rural est également envisagé le Congrès national africain (ANC), Le Cap Océan Indien et les aides aux PME seront contrôlées il a su depuis les élections générales 300 km par une agence performante. L’Afrique d’avril 2009 mettre en place une équipe du Sud mettra en place des mesucompétente de ministres et de hauts res pour former plus de 30 000 ingénieurs d’ici à 2014 et fonctionnaires. Si ceux qui dirigent au sommet de l’État 50 000 artisans d’ici à 2015. Les mesures de discrimination semblent avoir fait leurs preuves, l’administration locale, en positive (Black Economic Empowerment ou BEE) seront revanche, pose de réels problèmes de gouvernance et de corélargies aux populations pauvres. Des efforts seront faits ruption. Des déviances quipourraient avoir unsérieux impact pour stimuler l’épargne et l’investissement, représentant sur les résultats des élections municipales de mai 2011. actuellement 16 % des revenus nationaux alors qu’il faudrait NOUVEAU CHEMIN. Pour tenter de minimiser la grogne dans atteindre entre 20 % et 25 %. les bidonvilles, où il est fréquent que 50 % des jeunes soient Le plan s’accompagne d’un engagement de l’État à sans emploi, le ministre du Développement économique, investir sur trois ans plus de 20 milliards de rands dans Ebrahim Patel, a annoncé en novembre 2010 un programme la compagnie d’électricité Eskom, pour l’aider à finaliser visant à créer 5 millions de nouveaux postes de travail d’ici son programme de modernisation des infrastructures et à 2020 pour réduire le taux de chômage officiel à 15 % (au freiner la hausse des tarifs. Le pays, dont les besoins en lieu de 25 %). Élaboré à la suite de la publication d’une électricité devraient doubler d’ici à 2030, a été secoué en étude portant sur quinze pays (principalement asiatiques 2008 par une crise énergétique qui a coûté des milliards mais comprenant aussi le Botswana) qui ont su maintenir de rands et sérieusement réduit la confiance des investisun taux de croissance annuel de plus de 7 % pendant vingt seurs. À l’investissement dans Eskom s’ajoute un deuxième ans, le New Growth Path (« Nouveau Chemin vers la croisprogramme d’amélioration des infrastructures pour pérensance ») est pris beaucoup plus au sérieux que la promesse niser les milliers d’emplois créés grâce aux chantiers de la faite par Zuma en juin 2009 – mais non concrétisée – de Coupe du monde. créer 500 000 emplois avant la fin de l’année. Peu de temps après l’annonce du programme par Ebrahim Le plan de Patel s’attaque aux défaillances de la formaPatel, deux des grandes agences de notation, Fitch et tion professionnelle. Il cible pour les nouveaux emplois Standard & Poor’s, ont révisé leurs appréciations pour

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 1948 Institution du système de l’apartheid. 31 mai 1961 Proclamation de la République. 2 novembre 1990 Libération de Nelson Mandela et légalisation du Congrès national africain (ANC). 27 avril 1994 Mandela est élu président. 14 juin 1999 Thabo Mbeki lui succède. 22 avril 2009 L’ANC remporte les élections générales. Jacob Zuma devient président. 11 juin-11 juillet 2010 Le pays accueille la Coupe du monde de football.

Le pays en bref ■ Superficie 1 221 040 km2.

■ Population 49,3 millions d’hab. ■ Croissance

158

démographique 1,1 %.

■ Densité

de population 41 hab./km2. urbaine 61,7 %. ■ Espérance de vie 51,7 ans. ■ Alphabétisation 89 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,597 ; rang : 110e sur 169. ■ Langues 11 langues officielles: afrikaans, anglais, zoulou, xhosa, pedi, tswana, sotho, tsonga, swazi, venda, ndebele. ■ Peuplement Bantous, Zoulous, Xhosas… Communautés blanche et indienne. ■ Religion Chrétiens, musulmans. ■ Monnaie Rand. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 8,83 rands ; 1 $ = 6,60 rands. ■ PIB par habitant 7 101 $. ■ Répartition du PIB Primaire 3,3 % ; secondaire 33,7 % ; tertiaire 63 %. ■ Population

PIB (en milliards de dollars, à prix courants)

354,4

285,9

276,8

287,2

Taux de croissance (en %, à prix constants) 5,5 2007

3,7 2008

-1,8

3

2009

2010

■ Inflation 7,1 %.

■ Investissements

directs étrangers 5,7 milliards de $. ■ Exportations 62,6 milliards de $. ■ Importations 73,2 milliards de $. ■ Principales ressources Agriculture, viticulture, élevage, mines, tourisme.

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


159

AFRIQUE DU SUD

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

AFRIQUE AUSTRALE

l’Afrique du Sud, de « négative » à « staUne couverture sanitaire universelle ble ». Fitch a souligné que la bonne santé économique de l’Afrique du Sud LE GRAND CHANTIER annoncé Parallèlement à la réforme – avec une croissance du PIB prévue pour 2011 et qui va s’étendre des structures de soins, le projet à 3,4 % et une inflation attendue à sur les quinze années à venir NHI prévoit le recrutement, 5,5 % en 2011 selon le Fonds monétaire consistera à mettre en place à court terme, de médecins international (FMI) – n’est ni le fait progressivement un système et d’infirmières étrangers pour du hasard, ni uniquement due aux d’assurance maladie accessible remédier au manque d’effectifs. priorités actuelles d’investissement à tous les Sud-Africains. Des mesures qui visent à pallier des pays du Nord. Elle est le résultat Le plan du gouvernement, les insuffisances du système d’une réelle politique monétaire, a baptisé National Health public de santé, qui souffre précisé l’agence, ajoutant que le New Insurance (NHI), prévoit également d’un manque aigu Growth Plan représente « une nouvelle la création d’un fonds piloté de structures équipées en zones approche, selon laquelle le gouvernepar le ministère de la Santé ; rurales. Conséquence : 18 % ment a lancé un dialogue avec tous il serait alimenté par une des Sud-Africains s’adressent les secteurs de l’économie pour colcontribution de solidarité à des médecins ou à des lectivement s’attaquer au problème versée par les 5,9 millions hôpitaux privés. Le marché du chômage chez les jeunes et pour de Sud-Africains imposables, des assurances santé privées augmenter la croissance ». par une augmentation de la TVA est estimé, en 2010, à quelque Dans son rapport « Perspectives de ainsi que par une augmentation 97 milliards de rands. l’économie mondiale » (mise à jour de la part du budget dédiée Le ministre de la Santé, de janvier 2011), le FMI prévoit une à la santé, qui devrait passer Aaron Motsoaledi, estime que croissance de 5,5 % pour l’Afrique de 11,5 % à 14,5 %. si l’on additionne les dépenses subsaharienne en 2011. L’Afrique En 2012, année de lancement de l’État et des particuliers, du Sud se positionne de plus en plus du système, 128 milliards la somme totale déboursée comme la porte d’entrée de cette de rands (environ 13,1 milliards pour la santé en 2010 atteint région, sinon du continent dans d’euros) devraient être consacrés environ 200 milliards de rands. son ensemble. Le président Zuma au projet. L’enveloppe annuelle Un système de santé réorganisé l’a dit lors de sa visite au Caire en augmentera au fur et à mesure et financé par le Fonds NHI octobre 2010, et l’a répété au Forum de l’extension du dispositif pour ne coûterait donc guère plus économique mondial de Davos en atteindre, en 2025, 376 milliards cher que le système à deux janvier 2011. de rands. vitesses actuellement en place. ● Boostée par ces prévisions prometteuses, la nation Arc-en-Ciel a rejoint en 2011 le cercle des éconoanalystes notent aussi que les placements sud-africains mies émergentes les plus puissantes, baptisé Brics (pour sont jugés attrayants par les fonds de pension. Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud). Le pays L’Afrique du Sud semble déterminée à miser fortement est aussi membre du groupe Civets (avec la Colombie, ces prochaines années sur sa présence dans le cercle des l’Indonésie, le Vietnam, l’Égypte et la Turquie), moins pays émergents, Brics ou Civets, ainsi que sur sa position connu que le précédent, mais de plus en plus coté pour favorable en tant que porte d’entrée de l’Afrique australe. ses perspectives de croissance. L’Europe n’est plus son principal marché d’exportation ; elle a été dépassée en 2009 par l’Asie, qui a acheté pour FRAGILE RAND. Seule inquiétude en matière économi162 milliards de rands de produits sud-africains (soit que : la fragilité du rand, dont la valeur gonfle à mesure 31 % des exportations du pays). Annabel Bishop, analyste que les investisseurs tournent le dos aux marchés boipour la banque d’investissements Investec, prévoit que teux de l’hémisphère Nord. En janvier 2009, un dollar l’Asie demeurera le marché principal de l’Afrique du Sud s’échangeait contre 9,20 rands ; deux ans plus tard, la pendant encore un ou deux ans : « Un des effets de la devise américaine est tombée à près de 7 rands. Dans récession de 2008-2009 et du boom qui l’a précédée a été ce domaine, selon un rapport publié en janvier 2011 par le renforcement des liens d’échanges entre les pays en voie les analystes de Renaissance BJM, l’Afrique du Sud reste de développement, car beaucoup de ces pays ont utilisé le vulnérable aux décisions du marché et à la volatilité des boom pour augmenter leur capacité de production. » grandes devises. « La force du rand est davantage due La plupart des analystes s’accordent pour dire que, à des facteurs mondiaux qu’à des transactions ou des financièrement, l’Afrique du Sud est sortie perdante de facteurs internes. C’est source d’incertitude », explique la Coupe du monde. En réalité, il serait réducteur de ne Renaissance BJM. En 2010, la Reserve Bank, sous preschiffrer l’impact du Mondial qu’en termes pécuniaires. sion des exportateurs, s’est interrogée sur le bien-fondé Car cette belle réussite en matière d’organisation a aussi d’une dévaluation. La décision de ne pas toucher au permis aux Sud-Africains de se faire remarquer sur la scène rand semble pour le moment la bonne, car la force de internationale. Et peut-être de se dire que, pour avancer, la monnaie pousse l’inflation à la baisse, protégeant le pays contre la flambée des prix des denrées alimentaires leur pays n’a plus besoin d’impressionner l’Europe. Ni même de se soucier d’exporter ses minerais et ses vins et du pétrole, et réduisant les dangers de surchauffe qui peuvent accompagner l’essor d’une classe moyenne. Les vers le « vieux monde », aujourd’hui surendetté. ●


Angola

La question cabindaise refait surface

E

brut. La question d’une solution n 2010, l’Angola a fêté les 200 km RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE CABINDA pacifique se pose de façon aiguë à trente-cinq ans de son DU CONGO l’heure où le pays s’est doté d’une indépendance, dont huit Constitution quirappellelecaracannées de paix. Si le gouverneOcéan Luanda tère « indivisible » de la nation ment peut se targuer de cette Atlantique angolaise. Ce premier texte fonstabilité consolidée, l’attaque ANGOLA damental, qui remplace le cadre du bus de l’équipe nationale de Lobito Lob législatif hérité de la période colofootball togolaise à Cabinda, qui Huambo nialeportugaise,récusetouteidée a fait deux morts et un blessé ZAMBIE defédéralisme,voired’autonomie grave le 8 janvier 2010, à deux pour Cabinda. jours du coup d’envoi de la Coupe Promulguée en février 2010, la d’Afrique des nations (CAN), a NAMIBIE Constitution est par ailleurs très remis sur le devant de la scène les favorable au parti au pouvoir, le revendications des sécessionnisMouvement populaire pour la libération de l’Angola (MPLA), tes cabindais. Plus d’un an après les faits, le volet sportif est en et au chef de l’État, José Eduardo dos Santos. Stipulant que le passe d’être réglé, avec la levée de la suspension des Éperviers président est la tête de liste du parti vainqueur des législatives, – qui s’étaient retirés de la compétition – et la promesse de ilpermetàl’actueldirigeant,âgéde68ans,d’éviteruneélection compensations financières par la Fédération internationale au suffrage universel direct et repousse les prochaines élecde football (Fifa). Mais les conséquences judiciaires et politions générales à 2012. Il met en place un régime présidentiel, tiques devraient se faire encore longtemps sentir. supprime le poste de Premier ministre et assure au chef de La double revendication de l’attaque par deux branches l’État une impunité d’une durée de cinq ans après la fin de son concurrentes du Front de libération de l’enclave de Cabinda mandat. Opposée au texte, censé clore la période de transition (Flec) a mis au jour le morcellement de l’organisation qui démocratique, l’Union nationale pour l’indépendance totale réclame l’indépendance pour les 300 000 habitants de ce de l’Angola (Unita), principal parti d’opposition, a refusé de territoire coincé entre le Congo-Brazzaville et la RD Congo. Si participer au vote. Mais l’ancien groupe militaire n’a guère les toutes les factions continuent de se réclamer du Flec historimoyens de peser face à un MPLA tout-puissant (191 sièges que, créé en 1963 pour lutter contre les Portugais, les divisions sur 220 au parlement) qui se fait depuis huit ans le chantre entre le Flec-Renovada (Flec-Rénové), le Flec-Forces armées de la paix et de la reconstruction tous azimuts. cabindaises (Flec-Fac) et le Flec-Position militaire (Flec-PM), n’ont jamais été aussi vives. Le mouvement apparaît sans OR NOIR. Pour la deuxième année consécutive, le gouréelle direction et peine à retrouver une ligne d’action fédévernement a cependant été contraint de contrôler plus ratrice, affaibli par la présence de 30 000 militaires angolais drastiquement les dépenses publiques pour faire face à la déployés depuis la fin de la guerre civile. chute de ses recettes pétrolières et diamantifères en 2009. L’attaque a également consolidé la détermination du gouBrutalement stoppée, avec 0,7 % en 2009, sa croissance vernement de Luanda à renforcer son emprise sur l’enclave économique, qui avoisinait les 20 % entre 2005 et 2007, a pétrolière, qui assure 60 % de la production nationale de

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 11 novembre 1975 Proclamation de l’indépendance. Début de la guerre civile entre le Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA) et l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (Unita). 21 septembre 1979 José Eduardo dos Santos (MPLA) devient président. 20 novembre 1994 Signature des accords de paix de Lusaka (Zambie). Décembre 1998 Reprise de la guerre civile. 22 février 2002 Mort du chef de l’Unita, Jonas Savimbi. Fin des hostilités le 4 avril.

Le pays en bref ■ Superficie 1 246 700 km2.

■ Population 18,5 millions d’hab.

160

■ Croissance

démographique 2,6 %. de population 15 hab./km2. ■ Population urbaine 58,5 %. ■ Espérance de vie 47,6 ans. ■ Alphabétisation 70 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,403 ; rang : 146e sur 169. ■ Langues Portugais (officielle), umbundu, kimbundu, kikongo, tchokwé. ■ Peuplement Ovimbundus, Kimbundus, Bakongos, Bushmen. ■ Religions Animistes, chrétiens. ■ Monnaie Kwanza. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 123,27 kwanzas; 1 $ = 92,27 kwanzas. ■ PIB par habitant 4 813 $. ■ Répartition du PIB Primaire 6,6 % ; ■ Densité

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 84,2 60,5

74,5

85,8

Taux de croissance (en %, à prix constants) 20,3 2007

13,3 2008

0,7

2009

5,9 2010

secondaire 67,8 % ; tertiaire 25,7 %.

■ Inflation 14 %.

■ Investissements

directs étrangers 13,1 milliards de $. ■ Exportations 40,1 milliards de $. ■ Importations 17 milliards de $. ■ Principales ressources Pétrole, diamant.

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


BULLETIN D’ABONNEMENT

nouve nou nouvelle velle vel ve le formule forrmul fo mule

nouve nou velle vel ve le fo forrmul mule nouve nou velle ve le fo forrmul mule

Abonnez-v Abonn ez-vous ez-vo ez-v us !

Abonnez-v Abonn ez-vo ez-v ous !

Abonne Abo nnez-v nne z-vous z-v ous !

Abon Ab Abonnez-vous onne on nezne z-vo zvous vo us !

nou nouvelle uvellle e formule fo orm mule

Découvrez la nouvelle formule de Jeune Afrique q à partir artir de nouve nou velle vel ve le fo formul mule mul e

39€ seulement

nouvel nou velle le formule forrmul fo mule no ouvelle formunouvelle le vel

*

nouvel nou ve le fo forrmul mule e

Abonnez-v Abonn ez-v us ! ez-vo

AAbonnez-vous Ab bonne nnez n eous z-v vous ! Abonne Abo nnez-v z-vous z-v !

Abonnez-v Abonn ez-vo ez-v ous !

Abonnez-vous ! Abon Ab onne on nezne z-vo zvous vo us ! Abonnez-v Abonn ez-vo ez-v ous !

JE CHOISIS MA FORMULE

Je coche l’abonnement de mon choix. Pour les offres 1 an et 2 ans, je recevrai chaque année les trois hors-série à paraître : L’état de l’Afrique, Les 200 premières banques africaines et Les 500 premières entreprises africaines.

3 mois

6 mois

1 an

Zone

(22 N° + 2 N° doubles)

(44 N° + 4 N° doubles + 3 hors-série)

2 ans

(11 N° + 1 N° double)

France métropolitaine* Europe Maghreb / CFA USA / Canada Reste du monde

❒ ❒ ❒ ❒ ❒

❒ ❒ ❒ ❒ ❒

❒ ❒ ❒ ❒ ❒

❒ ❒ ❒ ❒ ❒

Formule

Abonnez-v Abonn ez-vous ez-vo ez-v us !

Abonne Abo nnez-v nne z-vous z-v ous !

✓ ❒ Oui, je souhaite m’abonner à Jeune Afrique

Abonne Abo nnez-v nne z-vous z-v ous !

39 € 49 € 55 € 59 € 65 €

69 € 89 € 99 € 109 € 119 €

135 € 159 € 179 € 209 € 229 €

(88 N° + 8 N° doubles + 6 hors-série)

235 € 295 € 335 € 389 € 439 €

J’INDIQUE MES COORDONNÉES

JE JOINS MON RÈGLEMENT PAR

❒ Mme ❒ Mlle ❒ M.

❒ Chèque bancaire à l’ordre de SIFIJA

Nom

❒ Carte bancaire n°

Prénom

❒ Visa

Société

❒ Mastercard

❒ Amex

Date de validité

Adresse

Notez les 3 derniers chiffres au dos de votre carte, près de la signature

Code postal Pays

❒ Je souhaite recevoir une facture acquittée.

Ville Tél.

Email COM&COM - Groupe Jeune Afrique 20, Avenue Édouard-Herriot 92350 Le Plessis-Robinson - France

DNF 2011

L’Afrique change, Jeune Afrique aussi. Ab bonnez-v vous vous s!

nou uvelle e ffo oormule rm lee fo nou nouvelle no n uvuelle formule orm mule

ANGOLA

BON VOISINAGE. En matière commerciale, la Chine reste son premier partenaire. Les échanges entre les deux États ont dépassé 19 milliards de dollars, retrouvant presque les niveaux d’avant la crise. Des accords de partenariat ont été signés entre la société pétrolière nationale Sonangol et Norinco, entreprise chinoise d’armement qui a des activités dans le secteur pétrolier. Les deux pays envisagent aussi de renforcer leur coopération militaire.

Mais Luanda n’en cherche pas moins à diversifier ses partenaires et se tourne vers son voisin, l’Afrique du Sud. La première visite d’État du président José Eduardo dos Santos à Pretoria, en décembre 2010, a confirmé l’embellie entre les deux pays, après des décennies de relations tendues en raison de la guerre civile. Signe de cette volonté mutuelle de rapprochement, le président sud-africain Jacob Zuma avait déjà choisi l’Angola pour sa première visite d’État, quelques mois après son élection en 2009. Objectifs affichés des deux leaders, qui entretiennent de bonnes relations personnelles: relancer le dialogue politique et la coopération économique. Les pays devraient notamment collaborer dans le domaine pétrolier, avec l’objectif de devenir autosuffisants. L’ancienne colonie portugaise importe en effet 50 % de son carburant faute de raffineries, alors que l’Afrique du Sud dispose de la seconde capacité de raffinage du continent, mais produit très peu de brut. Le retour de la croissance devrait permettre à l’Angola de poursuivre son programme de remise en état des infrastructures (routes, ponts, voies ferrées, hôpitaux, bâtiments publics, etc.) assuré essentiellement par des entreprises chinoises et brésiliennes, et de tenter d’atténuer les inégalités, criantes. Le 15 octobre 2010, le président angolais a reconnu devant le Parlement la nécessité de donner la priorité à la lutte contre la pauvreté – 70 % des 18,5 millions d’habitants vivent toujours avec moins de 2 dollars par jour – et la malnutrition, qui concerne encore 45 % des enfants selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). ●

AFRIQUE AUSTRALE

légèrement rebondi à 5,8 % en 2010 grâce à la remontée des cours du brut. La production de pétrole a atteint 1,9 million de barils par jour, permettant à l’Angola de disputer au Nigeria le titre de premier producteur africain. La crise a néanmoins révélé les faiblesses d’une économie toujours peu diversifiée, l’or noir représentant plus de 95 % de la valeur des exportations. Longtemps dédaigné par Luanda avant d’être appelé à la rescousse en 2009, le Fonds monétaire international (FMI) a poursuivi son programme de crédit (1,4 milliard de dollars, soit environ un million d’euros, sur 27 mois) pour rétablir l’équilibre macroéconomique et répondre à la crise de liquidités. Les versements devraient se poursuivre jusqu’en 2012. En contrepartie, le pays s’est engagé à améliorer la transparence de ses finances publiques et faciliter le développement du secteur privé. Ce dernier devrait progresser deux fois plus vite que la branche pétrolière en 2011. La lutte contre la corruption reste cependant insuffisante: l’Angola est classé par Transparency International au 168e rang sur 178 pays évalués en 2010 dans son Indice de perception de la corruption.

Date et signature :

+33 1 40 94 22 22 Indiquez le code DNF2011

jeuneafrique@cometcom.fr Indiquez le code DNF2011

* Tarif France métropolitaine. Offres valables jusqu’au 31/12/2011. Conformément à la loi informatique et liberté (art.34) vous disposez d’un droit d’accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant auprès du Groupe Jeune Afrique.


Botswana

Une crise minière dévastatrice

P

que la valeur des ventes de Debswana our les Bushmen du Kalahari, ANGOLA ZAMBIE devrait revenir aux niveaux atteints lors l’année 2011 a commencé par de la période 2007-2008. une victoire judiciaire dans le ZIMBABWE La crise mondiale a eu un effet procès qui les opposait au gouverneNAMIBIE dévastateur sur l’économie botswament botswanais, accusé de « traiteFrancistown naise. L’effondrement de lademande de ment dégradant » à leur encontre. La cuivre,denickelet,surtout,dediamants Courd’appeladécidéfinjanvierderejeBOTSWANA a imposé la suspension des activités ter un jugement de 2010 qui interdisait Gaborone extractives dès la fin de 2008, provoà cette communauté l’accès à l’eau sur quant un important recul du PIB au ses terres ancestrales. En 2002, le goupremier trimestre 2009. La chute de la vernement a expulsé les Bushmen de la AFRIQUE production de diamants, secteur qui réserve du Kalahari central. Ceux-ci ont 200 km DU SUD assureenvironlesdeuxtiersdesrecettes alors saisi la Haute Cour botswanaise, publiques, a pesé sur le plan budgéqui a reconnu qu’ils avaient été évincés taire. Cependant, les excédents enregistrés sur les exercices de manière illégale et avaient le droit de retourner sur leurs antérieurs et l’ampleur des réserves de change ont permis terres. Mais les autorités ont tenté d’empêcher leur retour en au pays de maintenir ses grands programmes de dépenses les empêchant d’accéder à l’unique puits de la réserve. dans le budget 2009-2010. Le Botswana a toutefois connu, Pour l’ONG Survival International, ces manœuvres sont pour la première fois depuis 2003, un déficit de l’ordre de destinées à favoriser l’exploitation diamantifère. La réserve se 15,5 % du PIB sur cet exercice. situe en effet au cœur de la région la plus riche en diamants D’importants progrès ont été réalisés sur la voie des au monde. Le 18 janvier 2011 – quelques jours avant que la Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), Cour d’appel ne se prononce –, les autorités ont donné leur surtout dans les domaines de la santé et l’éducation. Mais feu vert à la compagnie Gem Diamonds pour exploiter un malgré les efforts déployés en matière de formation, l’offre gisement d’un potentiel de 3 milliards de dollars (plus de de main-d’œuvre qualifiée est inférieure à la demande, et 2,1 milliards d’euros) à Gope, dans le Kalahari central. Gem le chômage reste élevé, surtout parmi les jeunes. Il touchait Diamonds avait racheté en mai 2007 cette concession à De en 2005-2006 60 % des 15-19 ans et 45 % des 20-24 ans. Ces Beers pour 34 millions de dollars. mêmes tranches d’âge sont les plus exposées au VIH/sida, Après une année 2009 catastrophique, le renversement dont le taux de prévalence atteint 17,6 % à l’échelle nationale. de conjoncture rend l’exploitation diamantifère de nouveau Pour réduire les pratiques discriminatoires liées au sida, le très attrayante. Ainsi, au début de 2010, la société minière gouvernement a amendé le code du travail afin d’empêcher Debswana Diamond Co., joint-venture entre De Beers et le les licenciements fondés sur le statut virologique. gouvernement, visait une croissance de 17 % sur l’année. Sur le plan politique, le Botswana est un pays très stable. La production de l’entreprise avait reculé à 17,1 millions de En octobre 2009, le Parti démocratique du Botswana (BDP) a carats au cours de l’année précédente, contre 32,3 millions remporté les législatives (45 sièges sur 57), ce qui a permis à de carats en 2008. Toutefois, selon les autorités, la reprise du son leader, le président Ian Khama, de rester au pouvoir. ● marché mondial sera progressive : ce n’est qu’en 2012-2013

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 30 septembre 1966 Indépendance. 18 juillet 1980 Ketumile Masire est élu par le Parlement à la tête du pays. 16 octobre 1999 Festus Mogae, issu du Parti démocratique du Botswana (BDP) est élu président. 1er avril 2008 Festus Mogae cède son siège au vice-président, Ian Khama. 18 octobre 2009 Élection de Ian Khama à la présidence de la République. 27 janvier 2011 L’État est reconnu coupable de « traitement dégradant » à l’encontre des Bushmen du Kalahari.

Le pays en bref ■ Superficie 581 730 km2.

162

■ Population 1,9 million d’hab.

■ Croissance

démographique 1,5 %. de population 3 hab./km2. ■ Population urbaine 61,1 %. ■ Espérance de vie 55,1 ans. ■ Alphabétisation 83 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,633 ; rang : 98e sur 169. ■ Langues Anglais (officielle), setswana… ■ Peuplement Tswanas, Bushmen… ■ Religions Chrétiens, animistes… ■ Monnaie Pula. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 8,45 pulas ; 1 $ = 6,33 pulas. ■ PIB par habitant 6 796 $. ■ Répartition du PIB Primaire 1,9 % ; secondaire 52,9 % ; tertiaire 45,2 %. ■ Densité

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 12,4

13,5

11,7

12,5

Taux de croissance (en %, à prix constants) 4,8 2007

3,1 2008

- 3,7 2009

8,4 2010

■ Inflation 8,2 %.

■ Investissements

directs étrangers 234 millions de $. ■ Exportations 3,5 milliards de $. ■ Importations 4,7 milliards de $. ■ Principales ressources Élevage, mines (diamant, nickel, cuivre), tourisme.

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


Un royaume en sursis ?

C

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 4 octobre 1966 Indépendance. 4 décembre 1970 Coup d’État de Leabua Jonathan, le roi Moshoeshoe II s’exile. 2 avril 1993 Restauration de la monarchie. 7 février 1996 Letsie III devient roi. 23 mai 1998 Victoire du Congrès du Lesotho pour la démocratie (LCD) aux législatives. Pakalitha Bethuel Mosisili devient Premier ministre. 17 février 2007 Le LCD remporte les législatives, Pakalitha Bethuel Mosisili est reconduit. Suite à des contestations, des troubles ont lieu en juin.

Le pays en bref ■ Superficie 30 350 km2.

■ Population 2,1 millions d’hab.

■ Croissance

démographique 0,8 %. de population 68 hab./km2. ■ Population urbaine 26,9 %. ■ Espérance de vie 45,6 ans. ■ Alphabétisation 90 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,427 ; rang : 141e sur 169. ■ Langues Anglais (officielle), sotho… ■ Peuplement Sothos, Basothos, Ngunis… ■ Religion Chrétiens. ■ Monnaie Loti. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 8,78 lotis ; 1 $ = 6,58 lotis. ■ PIB par habitant 708 $. ■ Répartition du PIB Primaire 7,2 % ; secondaire 34,8 % ; tertiaire 58 %. ■ Inflation 4,8 %. ■ Densité

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 1,6

1,6

1,6

1,8

Taux de croissance (en %, à prix constants) 2,4 2007

4,5 2008

5,7 0,9 2009

2010

■ Investissements

directs étrangers 48,7 millions de $. ■ Exportations 750 millions de $. ■ Importations 1,9 milliard de $. ■ Principales ressources Hydroélectricité, agroalimentaire, élevage, tourisme. 163

BOTSWANA - LESOTHO

rises économique, politique et espoir en dynamisant le secteur, mais 30 km AFRIQUE démographique. Le Lesotho, ses retombées ont été amoindries par la DU SUD petit État de 30 350 km2 totaconcurrencechinoise.Pire,Washington lement enclavé dans l’Afrique du Sud, souhaite étendre aux pays pauvres Maseru va-t-il disparaître ? Toujours est-il que non africains les franchises de frais de la dissolution du royaume dans son douane dont bénéficie Maseru dans grand voisin a été évoquée en 2010, le cadre de l’Agoa. Une lourde menace LESOTHO après que le pays s’est soumis au pour les économies du continent. Mécanisme africain d’évaluation par Outre le textile et les mines, la crise a les pairs, dans le cadre du Nouveau provoquéen2009unnetralentissement partenariat pour le développement des transferts de fonds des travailleurs AFRIQUE de l’Afrique (Nepad). émigrés : ces envois, qui comptaient DU SUD Le rapport préliminaire des experts pour près de 11 % dans le revenu des mandatés par l’Union africaine (UA) ménages en 2003, sont tombés à 5 % en dresse un constat plutôt sombre : sur les 5 millions de 2009. L’essentiel des revenus est maintenant le fait du secteur Lesothans, 3 millions vivent en Afrique du Sud, où ils des services qui, avec une agriculture peu performante, travaillent essentiellement dans les mines. Aujourd’hui, concentre l’essentiel des emplois. l’espérance de vie dépasse à peine 45 ans, un quart des Cette détérioration de la conjoncture risque de remettre Lesothans sont séropositifs – ce qui situe le pays en troien cause les bénéfices tirés de la croissance jusqu’en 2008 : sième position à l’échelle planétaire en termes de taux de une réduction des inégalités de revenus avait alors permis prévalence du VIH/sida –, et la croissance de la population de diminuer la proportion de Lesothans vivant avec moins est tombée à 0,8 % en 2009. de 1 dollar par jour. Celle-ci est passée de 45,4 % en 1999 Il est vrai que cet audit a eu lieu au pire moment. La crise à 33,1 % en 2008. La progression du PIB, si elle pouvait se mondiale a eu de graves incidences sur l’économie, compropoursuivre, permettrait au pays d’atteindre l’Objectif du mettant les perspectives pour 2010 et au-delà. La croissance millénaire pour le développement (OMD) visant à réduire du PIB a été fortement freinée à la suite du ralentissement de moitié la pauvreté à l’horizon 2015. Mais la proportion de brutal de l’industrie textile au Lesotho et des réductions pauvres a augmenté d’environ 2 % en 2009, selon les autorid’activité dans les mines en Afrique du Sud. L’emploi dans tés. Et la chute du revenu des ménages risque d’accélérer ce le secteur secondaire a diminué de 4,1 % en 2009. phénomène, tout en réduisant le taux de scolarisation. La filière textile, principale source d’emploi en milieu À ces faiblesses socioéconomiques s’ajoutent des tensions urbain, a été confrontée à une sévère diminution de la politiques. Les experts de l’UA n’évoquent pas explicitement demande en provenance des États-Unis. Voté en 2000, la l’idée de l’absorption du Lesotho par l’Afrique du Sud, mais loi américaine sur la croissance et les possibilités éconoils ont contribué à relancer une idée dont on parle depuis miques en Afrique (Agoa) – qui permet à certains pays des années à Maseru. Le gouvernement du Lesotho a fait subsahariens d’exporter aux États-Unis une large gamme de imprimer un résumé de leur rapport dans le but d’ouvrir produits sans payer de droits de douane – avait suscité un un débat national. ●

AFRIQUE AUSTRALE

Lesotho


Malawi

Plus-value agricole

A

alimentaire fragile mais réelle, faisant près un an de présidence du Malawi un exemple sur le continent. tournante de l’Union afriTANZANIE ZAMBIE Parallèlement, les récoltes de tabac, caine, le chef de l’État Bingu principal produit d’exportation, ont été wa Mutharika a laissé la place à son bonnes, représentant 70 % des recettes homologue équato-guinéen et devrait Lac en devises. concentrer son énergie sur les défis qui Malawi Sur le plan politique, Bingu wa attendent son pays. Le Malawi, petit Mutharika a remanié le gouvernement, État enclavé d’Afrique australe, manM A L AW I MOZAMBIQUE avec le départ de quatre figures imporque cruellement d’infrastructures et la Lilongwe tantes dont Goodall Gondwe, ancien pauvreté y reste un problème majeur. ministredesFinancesetex-directeurdu La moitié des 15,7 millions d’habitants FMI pour l’Afrique. Ténor du Parti provivent avec moins de 1 dollar par jour, et MOZAMBIQUE gressiste démocrate (DPP, au pouvoir), le taux de prévalence du sida (11 % des Blantyre re il fait l’objet depuis 2010 d’une enquête 15-49 ans) est préoccupant. Disposant pour corruption dans le cadre d’un prod’une majorité absolue au Parlement gramme d’achat d’engrais. Le président depuis sa réélection en 2009, le prési150 km a également renforcé ses pouvoirs en dent devrait pouvoir mener des réforprenant le commandement de la police mes longtemps ajournées en raison de et en s’arrogeant la gestion des entreprises publiques. l’instabilité gouvernementale du premier mandat. Mais c’est la rivalité pour la présidentielle de 2014 entre En 2010, le déficit budgétaire s’est significativement réduit Peter wa Mutharika, ministre de l’Éducation et frère du prégrâce à une amélioration de la collecte des impôts et à la sident, et Joyce Banda, vice-présidente, qui devrait animer la hausse de l’aide internationale (40 % du budget national). Les vie politique durant les trois années à venir. Première femme à recettes publiques devraient continuer à augmenter grâce à occuper ce poste, Joyce Banda, 60 ans, a été exclue du parti au la poursuite de la révision du système fiscal. Signe de l’intérêt pouvoir et pourrait devenir une sérieuse concurrente face au des bailleurs de fonds pour ses réformes structurelles, le candidat du DPP. Du côté de l’opposition, le Parti du congrès Malawi a été le premier pays à bénéficier d’une nouvelle ligne du Malawi (MCP) peine à sortir d’une guerre des chefs entre de financement du Fonds monétaire international (FMI), de la jeune garde et John Tembo, 78 ans, leader historique et 80 millions de dollars (environ 57 millions d’euros). bras droit de l’ancien président Hastings Banda. Le pays devrait pouvoir compter sur une petite embellie En matière sociétale, le Malawi a fait parler de lui, en économique, même si la croissance s’est légèrement ralenmai 2010, avec la condamnation à quatorze ans de prison tie en 2010 (6 % contre 7,5 % en 2009). L’agriculture, qui d’un couple d’homosexuels pour s’être marié. La sentence a représente un tiers du PIB et emploie 85 % de la population, provoqué une levée de boucliers dans le monde et Bingu wa reste vulnérable aux aléas climatiques. Mais le programme Mutharika s’est résolu à gracier les deux hommes. De quoi de subventions à l’agriculture familiale (14 % du budget), reposer la question de l’interdiction de l’homosexualité au lancé dès 2004 contre l’avis de certains bailleurs, a permis de vaincre les disettes chroniques et d’atteindre une sécurité Malawi comme dans la majorité des pays d’Afrique. ●

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 6 juillet 1964 Le Nyassaland britannique devient la République du Malawi. 6 juillet 1967 Kamuzu Banda élu président. 20 mai 2004 Bingu wa Mutharika, du Front démocratique uni (UDF), est élu président. Il quitte l’UDF en juin 2005 et fonde le Parti démocratique progressiste (PDP). 19 mai 2009 Réélection de Mutharika. 31 janvier 2010-30 janvier 2011 Présidence tournante de l’Union africaine.

Le pays en bref ■ Superficie 118 480 km2.

■ Population 15,2 millions d’hab.

■ Croissance ■ Densité

164

démographique 2,8 %. de population 129 hab./km2.

■ Population

urbaine 19,8 %. de vie 53,9 ans. ■ Alphabétisation 73 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,385 ; rang : 153e sur 169. ■ Langues Anglais, chichewa (officielles), nyanja, yao, ngoni… ■ Peuplement Tumbukas, Angonis, Nyanjas, Chewas… ■ Religions Protestants, catholiques, musulmans. ■ Monnaie Kwacha malawite. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 199,46 kwachas malawites ; 1 $ = 149,53 kwachas malawites. ■ PIB par habitant 355 $. ■ Répartition du PIB Primaire 34,3 % ; secondaire 20,6 % ; tertiaire 45,1 %. ■ Espérance

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 3,5

4,1

4,7

5

Taux de croissance (en %, à prix constants) 5,8 2007

8,8 2008

7,5 2009

6 2010

■ Inflation 8,5 %.

■ Investissements

directs étrangers 60 millions de $. ■ Exportations 920 millions de $. ■ Importations 1,7 milliard de $. ■ Principales ressources Tourisme, agro-industrie.

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


Premier avertissement pour le Frelimo

R

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 25 juin 1975 Indépendance. Samora Machel, du Front de libération du Mozambique (Frelimo), devient président. Novembre 1976 Rébellion de la Résistance nationale mozambicaine (Renamo). 19 octobre 1986 Joaquim Chissano succède à Samora Machel (décédé). 4 octobre 1992 Accords de paix. 28 octobre 1994 Premières élections libres. Chissano est élu chef de l’État. 28 octobre 2009 Armando Guebuza est réélu président (75 % des voix).

Le pays en bref ■ Superficie 801 590 km2.

■ Population 22,9 millions d’hab.

■ Croissance

démographique 2,3 %. de population 29 hab./km2. ■ Population urbaine 38,4 %. ■ Espérance de vie 48,1 ans. ■ Alphabétisation 54 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,284 ; rang : 165e sur 169. ■ Langues Portugais (officielle), makua, tsonga, shona… ■ Peuplement Makuas, Tsongas, Nyanjas… ■ Religions Animistes, chrétiens, musulmans. ■ Monnaie Métical. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 42,88 méticals; 1 $ = 32,15 méticals. ■ PIB par habitant 473 $. ■ Répartition du PIB Primaire 28,6 % ; secondaire 24,3 % ; tertiaire 47,1 %. ■ Densité

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 9,9

9,8

10,2

8,1

Taux de croissance (en %, à prix constants) 7,3

6,7

6,3

6,5

2007

2008

2009

2010

■ Inflation 3,4 %.

■ Investissements

directs étrangers 881 millions de $. ■ Exportations 2,1 milliards de $. ■ Importations 3,7 milliards de $. ■ Principales ressources Mines, pêche, bois, gaz. 165

MALAWI - MOZAMBIQUE

éélu confortablement fin 2009, le Dans ce contexte, l’État, appuyé TANZANIE président Armando Guebuza a par l’aide internationale, a amplifié MALAWI MOZAMBIQUE dû faire face à un sérieux coup de son programme de développement ZAMBIE semonce en 2010. Trois joursd’émeutes des infrastructures, annonçant la Nampula urbaines, en septembre 2010 à Maputo, construction d’un deuxième port ont fait 13 morts et plus de 400 blessés, en eau profonde à Maputo et d’un MADAGASCA SCAR SCA MADAGASCAR ZIMBABWE révélant l’ampleur des frustrations des deuxième barrage hydroélectrique Beira pauvres en milieu urbain et la diffidans le nord-ouest du pays, en aval de Océan an culté pour le Front de libération du celui de Cahora Bassa, le plus grand ien Indien Mozambique (Frelimo, au pouvoir) d’Afrique. Le gouvernement a égaleAFRIQUE à y répondre. Déclenchées après une ment multiplié les contacts avec ses DU SUD Maputo hausse du prix du pain de 17 %, ces voisins pour l’ouverture du fleuve 300 km SWAZ. manifestationsspontanéessesontétenZambèze à la navigation. Quelque dues à plusieurs villes de province. 55 % des habitants vivent toujours sous L’usage de la force et l’intransigeance du gouvernement, le seuil de pauvreté, tandis que le défi de la lutte contre le qui a refusé dans un premier temps de revenir sur le prix sida reste entier, avec 11,5 % de la population touchée. des denrées, ont témoigné d’une crispation nouvelle du Pour le pouvoir mozambicain, un autre avertissement est régime, loin des années d’ouverture vécues sous la présivenu de Washington et de la publication par le site internet dence de Joaquim Chissano (de 1986 à 2005). Les émeutes WikiLeaks de télégrammes diplomatiques américains. ont ainsi mis au jour l’absence de relais d’expression Ceux-ci l’accusaient explicitement de collusion avec des démocratique face à un Frelimo ultramajoritaire (plus trafiquants de drogue, qui bénéficieraient de complicités au des trois quarts des sièges au Parlement). La Résistance plus haut niveau à Maputo. Le Mozambique est ainsi décrit nationale du Mozambique (Renamo, principal parti comme « la deuxième place africaine la plus active pour d’opposition, issu de l’ancienne guérilla), empêtrée dans le transit des narcotiques », après la Guinée-Bissau, et le des divisions internes, échoue toujours à proposer une président Guebuza est mis en cause pour ses liens « directs » alternative crédible. avec deux hommes d’affaires originaires d’Asie du Sud-Est, Cette flambée de mécontentement a également mis en soupçonnés d’être à la tête d’importants réseaux de trafic évidence la fragilité de l’économie, tournée vers l’exportation d’héroïne, de cocaïne et de haschich vers l’Afrique du Sud de matières premières, et sa très forte dépendance à l’égard et l’Europe. Signe de la préoccupation de Washington, dès de l’Afrique du Sud, malgré une solide croissance estimée à le mois de juin, le Trésor américain a gelé les avoirs aux 6,5 % en 2010. La ruée vers le sous-sol mozambicain (charÉtats-Unis de trois sociétés appartenant à Mohamed Bachir bon, tantale, titane, gaz, pétrole, cuivre, or, argent), débutée Suleiman, propriétaire de MBS, le plus important groupe au milieu de la décennie 2000, s’est poursuivie en matière de commercial du pays. Dans la foulée, Interpol a annoncé prospection et d’exploration, mobilisant des investisseurs une enquête sur les routes de la drogue passant par le étrangers toujours plus nombreux : Brésiliens, Australiens, Mozambique, mettant à mal l’image de « success story » Indiens, Britanniques, Canadiens, Chinois, etc. longtemps associée à ce pays d’Afrique australe. ●

AFRIQUE AUSTRALE

Mozambique


Namibie

Uranium, le nouveau diamant

R

semble se confirmer. La production éélu en novembre 2009 avec 300 km ANGOLA ZAMBIE de gemmes a augmenté de près de plus de 75 % des suffrages, 19 % l’an dernier, après une chute de la Hifikepunye Pohamba a entamé demande mondiale qui avait contraint son second mandat sous le signe de la les mines à fermer pendant quatre mois reprise alors que son parti, l’OrganisaBOTSWANA au début de 2009. Le pays a produit tion des peuples du Sud-Ouest africain Walvis Bay Windhoek 929 000 carats en 2009, contre 2,2 mil(Swapo), conserve sa majorité des deux lions en 2008. Signe de l’amélioration tiers au Parlement. Rien ne semble NAMIBIE annoncée, la compagnie Namdeb a devoir remettre en cause la suprémalâché du lest : les ouvriers ont obtenu tie de la Swapo, ancien mouvement une augmentation salariale de 10 %. de lutte pour l’indépendance, qui a Océan La plupart des autres filières (cuivre, toujours remporté les élections à une Atlantique AFRIQUEE DU SUD manganèse, zinc) ont également été majorité écrasante depuis 1990. Même touchées. Seul l’uranium a bien résisté. si une partie de l’opposition, dont le On estime que quelque 8000 emplois pourraient être créés au Rassemblement pour la démocratie et le progrès (RDP), a cours des cinq prochaines années, avec le lancement prévu contesté les résultats. de quatre mines d’uranium. Ce qui portera à six le nombre Hifikepunye Pohamba a prêté serment le 21 mars 2010, de sites en exploitation dans le pays, qui est actuellement le à l’occasion du vingtième anniversaire de l’indépendance. quatrième producteur mondial, devant la Russie. Plusieurs Le chef de l’État a déclaré qu’au cours de ce mandat priorité firmes spécialisées ont déjà lancé d’ambitieux projets, à serait donnée au développement rural, à la lutte contre le l’instar du français Areva. Ce dernier s’est vu attribuer en chômage et aux grands projets agricoles. Des travaux d’ir2008 une licence d’exploitation pour le site uranifère de rigation doivent permettre l’extension des terres cultivables Trekkopje. Cette mine, qui va mobiliser près de 1 milliard destinées notamment à la riziculture et la viticulture. de dollars d’investissements (environ 730 millions d’euros), Sur le plan économique, la Namibie, qui a connu un taux devrait être la première du monde par sa taille. Parallèlement, de croissance moyen de 4 % par an au cours de la dernière Sergueï Kirienko, dirigeant de l’Agence russe de l’énergie décennie, reste très dépendante de son voisin sud-africain. atomique (Rosatom), a annoncé lui aussi un investissement Pays à revenu intermédiaire, avec un PIB par habitant de de 1 milliard de dollars dans l’exploration en Namibie. l’ordre de 4 500 dollars en 2009, elle a bénéficié de plusieurs Multiplication des projets miniers, redressement des prix annéesfavorablesavantd’entrerenrécession(–0,8%)en2009 du diamant, investissements accrus dans les infrastructures puis de renouer avec la croissance (4,4 %) en 2010. La chute et fréquentation touristique en hausse (1 million de visiteurs des cours de la plupart des matières premières minérales a par an)… Les perspectives s’améliorent. Toutefois, l’État entraîné une forte baisse d’activité (– 48 %) dans le secteur reste confronté à d’énormes défis sociaux. Avec une forte minier, qui constitue le quart de son PIB. prévalence du sida (environ 20 %) et un taux de chômage La filière diamant (qui représente environ la moitié de la de 51 %, la Namibie a également l’indice d’inégalité des valeur ajoutée de l’exploitation minière) a été particulièrerevenus le plus élevé du monde. ● ment malmenée, mais son redémarrage annoncé en 2010

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 1966 Rébellion de l’Organisation du peuple du Sud-Ouest africain (Swapo), dirigée par Sam Nujoma, contre l’Afrique du Sud. 21 mars 1990 Indépendance. Nujoma est élu président. Réélu en 1994 et 1999. 2001 Nujoma s’engage à ne pas participer à l’élection présidentielle. 15-16 novembre 2004 Hifikepunye Pohamba, candidat de la Swapo, devient président avec 76 % des voix. Il est réélu le 28 novembre 2009.

Le pays en bref ■ Superficie 824 290 km2.

■ Population 2,2 millions d’hab. ■ Croissance

166

démographique 1,9 %.

■ Densité

de population 3 hab./km2. urbaine 38 %. ■ Espérance de vie 61,7 ans. ■ Alphabétisation 88 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,606 ; rang : 105e sur 169. ■ Langues Anglais (officielle), afrikaans, allemand, ovambo, herero, damara. ■ Peuplement Ovambos, Kavangos, Hereros, Damaras, Bushmen… ■ Religions Chrétiens. ■ Monnaie Dollar namibien. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 8,69 dollars namibiens ; 1 $ = 6,51 dollars namibiens. ■ PIB par habitant 5 455 $. ■ Répartition du PIB (2009) Primaire 9,4 % ; secondaire 32,6 % ; tertiaire 58 %.

■ Population

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 8,8

9

9,4

11,5

Taux de croissance (en %, à prix constants) 5,4 2007

4,3 2008

-0,8 2009

4,4 2010

■ Inflation 8,8 %.

■ Investissements

directs étrangers 516 millions de $. ■ Exportations 3,5 milliards de $. ■ Importations 5,1 milliards de $. ■ Principales ressources Diamants, or, argent, uranium, élevage et pêche.

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


Un royaume dans le rouge

L

MOZAMBIQUE

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 6 septembre 1968 Proclamation de l’indépendance du royaume du Swaziland. 12 avril 1973 Le roi Sobhuza II dissout le Parlement et interdit les partis politiques. 10 août 1983 La reine Ntombi est intronisée. 25 avril 1986 Le roi Mswati III, son fils, monte sur le trône. 21 octobre 2003 Législatives boycottées par l’opposition. 16 octobre 2008 Barnabas Dlamini devient Premier ministre.

Le pays en bref ■ Superficie 17 360 km2.

■ Population 1,2 million d’hab.

■ Croissance

démographique 1,5 %.

■ Densité

de population 68 hab./km2. urbaine 21,4 %. ■ Espérance de vie 46,4 ans. ■ Alphabétisation 87 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,498 ; rang : 121e sur 169. ■ Langues Swazi, anglais (officielles), afrikaans, zoulou… ■ Peuplement Swazis, Zoulous, Tsongas, Shangaans… ■ Religions Chrétiens, animistes. ■ Monnaie Lilangeni. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 8,71 lilangenis ; 1 $ = 6,53 lilangenis. ■ PIB par habitant 3 073 $. ■ Répartition du PIB Primaire 7,3 % ; secondaire 49,4 % ; tertiaire 43,3 %. ■ Inflation 4,1 %. ■ Population

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 2,9

2,8

3

3,2

Taux de croissance (en %, à prix constants) 3,5

2007

2,4 2008

1,2 2009

2 2010

■ Investissements

directs étrangers 66 millions de $. ■ Exportations 1,5 milliard de $. ■ Importations 1,6 milliard de $. ■ Principales ressources Charbon, agroalimentaire (sucre), élevage, tourisme. 167

NAMIBIE - SWAZILAND

année2011amalcommencépour souligne les limites de cette option, 30 km le Swaziland, qui doit faire face car les recettes générées par ce secteur à une crise financière majeure. sont en baisse, y compris dans des pays AFRIQUE Alorsquelahaussedesprixdesproduits comme la Namibie et le Botswana, dont DU SUD Mbabane de base se poursuit, les aides sociales les sous-sols sont plus riches que celui verséesparlegouvernementdiminuent. du Swaziland. Car les revenus du royaume baissent. En matière de lutte contre le sida, un SWAZILAND Le Swaziland a bénéficié jusque récemprogrammedepréventionapermisune ment du boom des recettes de l’Union baisse sensible du nombre de décès dus douanière de l’Afrique australe (Sacu) au VIH au cours des deux dernières – en 2009, celles-ci représentaient enviannées, ainsi que des nouvelles infecron 20 % de son PIB –, mais avec la crise tions. Le Swaziland affiche toutefois le internationale, elles ont chuté d’environ taux de prévalence du VIH le plus élevé 70 % et risquent de diminuer encore au au monde: 26 % des Swazis âgés de 15 à cours des prochaines années. 49 ans sont séropositifs. Malgré cela, certains continuent LeFondsmonétaireinternational(FMI)apubliéunrapport de minimiser les conséquences de la pandémie. Ainsi, en suggérant des mesures d’ajustement fiscal pour compenser août 2010, le prince Mangaliso, frère du roi Mswati III, a la diminution des recettes douanières, mais le ralentisseestimé que la menace du sida était « exagérée » par les firmes ment de l’activité les rend difficilement applicables. Le pays pharmaceutiques et les fabricants de préservatifs avides de subit les effets de l’expiration du traitement préférentiel de profit. Ce qui n’a pas manqué de susciter la colère du Conseil l’Union européenne dont bénéficiaient ses exportations national de réponse d’urgence au VIH/sida. (sucre et textiles). Si bien que la croissance de l’économie, Sur le plan politique, de nouveaux attentats à la bombe qui atteignait 2,4 % en 2008, s’est repliée à 1,2 % en 2009. En (non revendiqués) ont été perpétrés en juin 2010, visant des 2010, la croissance a atteint 2 %, en deçà des 5 % nécessaires cibles gouvernementales ainsi que l’opposition. La maison pour réduire la pauvreté de 30 % d’ici à 2015. du militant Alex Langwenya a explosé le 8 juin. Cet oppoL’une des recommandations du FMI est de réduire la masse sant dirige la Confédération de la jeunesse du Swaziland salariale de la fonction publique. Le gouvernement a ainsi (Swayoco), au sein du Mouvement uni pour la démocratie annoncé la suppression de 7 000 postes de fonctionnaires (Pudemo). Les attentats à la bombe ont gagné en intensité en 2011, ce qui risque d’aggraver le chômage, qui touche depuis 1995, lorsqu’une arme incendiaire a gravement déjà 40 % des actifs. Malgré cela, le FMI estime que la dette endommagé le Parlement. En 2008, la loi sur le terrorisme publique risque de passer de 19 % du PIB en 2010 à 31 % en a interdit un certain nombre d’organisations, notamment le 2011, voire à 75 % d’ici à 2015. Quoi qu’il en soit, il est peu Pudemo et le Swayoco. Plusieurs de leurs membres ont été probable que le secteur privé attire suffisamment d’invesaccusés d’opérations terroristes et emprisonnés. L’opposition tisseurs pour atténuer les conséquences de la crise. accuse les forces de sécurité du pays d’utiliser les attentats à Le gouvernement envisagerait également d’accroître ses la bombe comme une couverture pour justifier les détentions revenus en dopant l’exploitation minière. Toutefois, le FMI arbitraires de militants opposés à la monarchie absolue. ●

AFRIQUE AUSTRALE

Swaziland


Zambie

Les Chinois au cœur des débats

L

MALAWI

de l’opposition en faveur d’une a Zambie est entrée en 2011 TANZANIE RÉPUBLIQUE « Zambie aux Zambiens ». Le dans une année de camDÉM DÉMOCRATIQUE retour des cours du cuivre à pagne, avec des élections DU CONGO des sommets (10 000 dollars la générales prévues au mois d’octonne) a aussi relancé les investobre. Le duel pourrait être serré tissements canadiens, suisses entre le chef de l’État, Rupiah Ndola et indiens. La production de la Banda, du Mouvement pour une ZAMBIE région de la Copperbelt a excédé démocratie multipartite (MMD), ANGOLA 720 000 tonnes, une première et Michael Sata, leader du Front Lusaka MOZAMBIQUE depuis 1973, et les autorités patriotique (PF), qui jouit d’une tablent sur un record de 1 million bonne popularité malgré trois de tonnes à l’horizon 2012. échecs successifs à la présidenZIMBABWE 200 km NAM. BOTSWANA Mais ces bons résultats, à la tielle. Lors du scrutin de 2008, ils base d’une croissance de 6,6 % étaient arrivés au coude à coude. en 2010, doivent encore se traduire par une amélioration Tout va dépendre de la capacité de l’opposition, composée des conditions de vie des Zambiens, dont les deux tiers du PF et de l’Alliance démocratique unie, à proposer un vivent toujours sous le seuil de pauvreté. Certes, le pays candidat unique. Elle pourrait également bénéficier de a fait d’indéniables progrès en matière sociale : il est en l’instauration d’une présidentielle à deux tours, grâce à une passe d’atteindre quatre des sept Objectifs du millénaire réforme constitutionnelle. Mais le projet de Constitution, pour le développement (OMD) qu’il s’était fixés. Le taux de après cinq ans de débats, n’a toujours pas abouti. prévalence du sida continue de baisser, faiblement mais Parmi les thèmes de la campagne, la lutte contre la corrégulièrement (environ 15 %), et l’accès aux antirétroviraux ruption ainsi que le développement de l’agriculture et de progresse. Le climat des affaires s’est encore amélioré en l’industrie manufacturière figureront vraisemblablement 2010, classant la Zambie parmi les dix pays du monde ayant en bonne place. Mais c’est le rôle de la Chine qui devrait fait le plus d’efforts dans ce domaine. redevenir la question centrale, après avoir déjà focalisé Le pays reste cependant trop vulnérable aux variations les débats, sur fond de vif sentiment anti-Chinois, lors des du cours du cuivre, et la corruption affaiblit la portée des élections de 2006. Depuis, la place de l’empire du Milieu réformesmacroéconomiquesengagéesdepuisunedécennie. dans l’économie n’a cessé d’augmenter. Le Fonds mondial de lutte contre le sida a provisoirement Le cuivre, dont le pays est le premier producteur africain, suspendu son aide à Lusaka après des soupçons de détourest le secteur privilégié du géant asiatique, qui a annoncé nements de fonds. Seul signe positif en ce domaine: la Cour plus de 5 milliards de dollars (environ 3,7 milliards d’euros) suprême a rejeté la demande de l’ex-président Frederick d’investissement dans les cinq ans à venir et la construction Chiluba, qui souhaitait éviter l’application d’un jugement d’une centrale hydroélectrique d’ici à 2017. Parallèlement, d’un tribunal britannique qui, l’ayant reconnu coupable de de nouveaux conflits entre patrons chinois et mineurs zamfraude, avait gelé ses comptes bancaires alors qu’il avait été biens, survenus à la fin de 2010 dans le nord du pays, ont ravivé les tensions et pourraient nourrir les arguments acquitté dans son pays en 2009. ●

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 24 octobre 1964 Indépendance de la Rhodésie du Nord, qui devient la Zambie. 31 octobre 1991 Frederick Chiluba, fondateur du Mouvement pour la démocratie multipartite (MMD), est élu président. 27 décembre 2001 Levy Mwanawasa est élu président. Février 2003 Chiluba arrêté pour abus de pouvoir et détournement de fonds. 19 août 2008 Mort de Levy Mwanawasa. Rupiah Banda lui succède en octobre.

Le pays en bref ■ Superficie 752 610 km2.

■ Population 13 millions d’hab. ■ Croissance

168

démographique 2,5 %.

■ Densité

de population 17 hab./km2. urbaine 35,7 %. ■ Espérance de vie 46,4 ans. ■ Alphabétisation 71 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,395 ; rang : 150e sur 169. ■ Langues Anglais (officielle), bemba, nyanja, tonga, lozi, kilunda, luvale… ■ Peuplement Tongas, Lozis, Nyanjas, Bembas… ■ Religions Chrétiens, animistes. ■ Monnaie Kwacha zambienne. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 6 301,35 kwachas zambiennes ; 1 $ = 4 723,90 kwachas zambiennes. ■ PIB par habitant 1 286 $. ■ Répartition du PIB Primaire 21,2 % ; secondaire 46,3 % ; tertiaire 32,5 %. ■ Population

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 11,5

14,7

12,8

15,7

Taux de croissance (en %, à prix constants) 6,2

5,7

6,3

6,6

2007

2008

2009

2010

■ Inflation 13,4 %.

■ Investissements

directs étrangers 959 millions de $. ■ Exportations 4,3 milliards de $. ■ Importations 3,8 milliards de $. ■ Principales ressources Cuivre, cobalt, pierres précieuses, tourisme.

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


Attention, élections !

A

MALAWI

Océan Indien

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 18 avril 1980 Accession à l’indépendance. Robert Mugabe devient Premier ministre. 31 décembre 1987 Mugabe, de l’Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (Zanu-PF), devient chef de l’État. 29 mars 2008 Victoire de l’opposition aux législatives. Mugabe refuse de quitter le pouvoir. 15 septembre 2008 Signature d’un accord de partage du pouvoir. 11 février 2009 Morgan Tsvangirai est nommé Premier ministre.

Le pays en bref ■ Superficie 390 760 km2.

■ Population 12,5 millions d’hab.

■ Croissance

démographique 0,5 %. de population 32 hab./km2. ■ Population urbaine 38,3 %. ■ Espérance de vie 45,7 ans. ■ Alphabétisation 91 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,140 ; rang : 169e sur 169. ■ Langues Anglais (officielle), shona, ndebele… ■ Peuplement Shonas, Ndebeles, Blancs… ■ Religions Chrétiens. ■ Monnaie Dollar zimbabwéen. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 498 dollars zimbabwéens ; 1 $ = 373 dollars zimbabwéens. ■ PIB par habitant 475 $. ■ Répartition du PIB (2009) Primaire 18 % ; secondaire 29 % ; tertiaire 53 %. ■ Densité

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 5 4

4,6

5,6

Taux de croissance (en %, à prix constants) - 3,7 2007

- 18,9 2008

5,7

5,9

2009

2010

■ Inflation 9 %.

■ Investissements

directs étrangers 60 millions de $. ■ Exportations 2,3 milliards de $. ■ Importations 2,9 milliards de $. ■ Principales ressources Tabac, coton, maïs, élevage, diamant, nickel, or, cuivre. 169

ZAMBIE - ZIMBABWE

près plus de deux ans de goudollar américain en 2009 – ont permis vernement d’union nationale d’assurer une reprise de l’économie. entre le président Robert En 2010, le taux de croissance a atteint ZAMBIE Mugabe et le Premier ministre Morgan 5,9 %, tiré par les cours élevés de l’or Tsvangirai, le spectre de la crise poliet du platine, deux des principales tique a ressurgi au Zimbabwe. À la fin exportations minières du pays. Dans Harare NAM. de 2010, Mugabe a en effet appelé à le domaine agricole, la production de la tenue d’élections présidentielle et tabac a doublé: elle représente plus de ZIMBABWE législatives dès 2011. Objectif pour le la moitié des exportations. Bulawayo doyen des chefs d’État africains: mettre La reprise reste cependant fragile, BOTSWANA fin au plus vite au partage du pouvoir alorsqueleprésidentMugabeamenacé MOZAMB. avecleMouvementpourlechangement de saisir les sociétés étrangères si les AFRIQUE 200 km démocratique (MDC). Sans surprise, sanctions européennes et américaines DU SUD Robert Mugabe, 87 ans, candidat à sa contre lui et son entourage n’étaient pas propre succession après plus de trente ans passés à la tête du levées. La « loi d’indigénisation », entrée en vigueur courant pays, a été investi par son parti, l’Union nationale africaine 2010, pourrait également effrayer les investisseurs. Source du Zimbabwe-Front patriotique (Zanu-PF). de désaccords au sein du gouvernement d’union nationale, D’abord opposé à cette échéance, le MDC s’est finaleelle donne cinq ans à toutes les sociétés ayant un capital ment dit prêt pour un scrutin présidentiel en 2012. Mais supérieur à 500 000 dollars (366 000 euros) pour céder la il a refusé que les élections législatives se tiennent avant moitié de leurs actions à des Zimbabwéens. Les groupes 2013, exigeant toujours que les conditions d’un vote libre bancaires britanniques Barclays et Standard Chartered sont et équitable soient garanties. Le parti de Morgan Tsvangirai concernés, tout comme les entreprises minières étrangères. réclame aussi que le projet de nouvelle Constitution, au Mugabe compte par ailleurs sur sa politique dite de « regard point mort depuis deux ans, soit adopté au plus vite. La vers l’Est » pour briser son isolement. Intéressés par les resbataille autour de ces échéances et la tenue d’un scrutin sources en cuivre et en diamant du pays, les investisseurs de dès 2011 font planer le risque de nouvelles tensions. La l’empire du Milieu pourraient renforcer leur présence, après crise politique qui avait culminé en 2008, lorsque le MDC une visite du chef de la diplomatie chinoise début 2011. et son leader, vainqueurs au premier tour des élections, Sur le plan social, la situation reste difficile. La légère avaient renoncé à participer au second tour en raison des embellie de l’économie n’a pas permis d’inverser la tendance violences, reste dans tous les esprits. en matière de développement et de lutte contre la pauvreté. Les craintes portent également sur l’économie. Elle a Environ 65 % des 12,5 millions d’habitants vivent sous le seuil retrouvé quelques couleurs depuis deux ans, grâce à la de pauvreté et, pour la première fois, le Zimbabwe figure au stabilité du gouvernement d’union nationale, mais pourrait dernier rang du classement des Nations unies sur le dévelopfaire les frais d’un regain des tensions. Les réformes finanpement humain, derrière le Niger et la RD Congo. Une place cières – suppression des contrôles sur les mouvements de de lanterne rouge qui témoigne des conséquences profondes fonds, abandon provisoire de la devise nationale au profit du et durables laissées par la crise depuis dix ans. ●

AFRIQUE AUSTRALE

Zimbabwe


Victoria

TANZANIE

Océan Indien

SEYCHELLES

COMORES ZAMBIE

Moroni MALAWI

Dzaoudzi

Antsiranana (Diego-Suarez)

Mayotte

Mahajanga

MOZAMBIQUE

Can

ZIMBABWE

al d

eM

oza

mb

iqu e

(FRANCE)

Antananarivo

Toamasina (Tamatave)

MADAGASCAR Fianarantsoa

MAURICE Saint-Denis

Port-Louis

La Réunion (FRANCE)

Toleara (Tuléar)

AFRIQUE DU SUD

300 km

SWAZ.

Océan Indien Le temps des scrutins

L

171 172 174 175 170

Comores Madagascar Maurice Seychelles

a période électorale qui s’est ouverte dans la zone de l’océan Indien a été marquée par deux scrutins importants. Tout d’abord les législatives mauriciennes, en mai 2010, qui se sont soldées par une large victoire de la coalition du Premier ministre sortant, Navin Ramgoolam, qui a remporté 41 des 62 sièges à l’Assemblée nationale. Il bat donc Paul Bérenger, son challengeur au poste de Premier ministre. Le 26 décembre, ce sont les Comoriens qui se sont rendus aux urnes pour choisir un successeur à Ahmed Abdallah Sambi, soupçonné par ses adversaires de vouloir jouer les prolongations au pouvoir. C’est finalement le Mohélien Ikililou Dhoinine qui lui a succédé au poste de président de l’Union. Autre rendez-vous, celui de la présidentielle seychelloise, prévue le 21 mai et qui devrait se solder par la victoire du président sortant, James Michel. Enfin, à Madagascar, on attend toujours de connaître la date des scrutins présidentiel et législatifs qui doivent mettre un terme à la crise institutionnelle ouverte avec le renversement de Marc Ravalomanana en mars 2009. Ceux-ci pourraient se tenir d’ici à la fin de l’année 2011. JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


Sambi passe la main

I

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 7 juin 1975 L’archipel, excepté Mayotte, accède à l’indépendance. Août 1997 Crise séparatiste. Les îles d’Anjouan et de Mohéli tentent de faire sécession. 14 avril 2002 Azali Assoumani est élu président de l’Union des Comores. 14 mai 2006 Ahmed Abdallah Sambi, de l’île d’Anjouan, est élu président. 26 décembre 2010 Ikililou Dhoinine, de l’île de Mohéli, est élu président.

Le pays en bref ■ Superficie 2 230 km2.

■ Population 659100 hab. ■ Croissance

démographique 2,4 %.

■ Densité

de population 302 hab./km2. urbaine 28,2 %. ■ Espérance de vie 65,8 ans. ■ Alphabétisation 74 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,428 ; rang : 140e sur 169. ■ Langues Français, arabe, comorien (officielles). ■ Peuplement Bantous, Arabes, Malgaches… ■ Religions Musulmans. ■ Monnaie Franc comorien. ■ Parité au 1.1.2011 1 € = 491,97 francs comoriens ; 1 $ = 367,85 francs comoriens. ■ PIB par habitant 820 $. ■ Répartition du PIB Primaire 45,8 % ; secondaire 12 % ; tertiaire 42,2 %. ■ Population

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 0,5

0,5

0,5

0,6

Taux de croissance (en %, à prix constants) 0,5

1

2007

2008

1,8

2,1

2009

2010

■ Inflation 4,5 %.

■ Investissements

directs étrangers 9 millions de $. ■ Exportations 13 millions de $. ■ Importations 150 millions de $. ■ Principales ressources Noix de coco, girofle, ylang-ylang, vanille, tourisme. 171

COMORES

l y a cinq ans, personne (ou presMohéli a été le théâtre d’affrontements que)neconnaissaitIkililouDhoinine entre des manifestants et les forces GRANDE COMORE dans l’archipel. En 2011, ce discret de l’ordre. Des protestataires ont été pharmacien mohélien de 48 ans sucjusqu’à évoquer « la séparation » et, Moroni Océan Indien cède à Ahmed Abdallah Sambi à la comme en 1997 à Anjouan, ont brandi présidence de l’Union des Comores. Il des drapeaux français. Finalement, COMORES a été élu le 26 décembre 2010 avec près les différentes parties, pressées par ANJ ANJOUAN Mutsamudu de 61 % des voix, au cours d’un scrutin la France et l’Union africaine, se sont entaché d’irrégularités. entendues le 16 juin pour des élections MOHELI Dhoinine, premier Mohélien à préen novembre et décembre. Dzaoudzi sider le pays, hérite d’une situation Trois jours plus tôt, le colonel Combo MAYOTTE relativement apaisée. Il compte, dans Ayouba, chef de corps de l’Armée natio30 km (France) les exécutifs des îles, deux alliés: Anissi nalededéveloppement,étaittuédevant Chamsidine à Anjouan et Mouigni son domicile. Ce meurtre, qualifié de Baraka Saïd Soilih en Grande Comore, également élus le « politique » par le gouvernement, a effrayé la classe dirigeante 26 décembre avec le soutien de la mouvance présiden– les assassinats sont rares dans l’archipel – et secoué un tielle – seule Mohéli, où le gouverneur sortant, Mohamed Ali monde militaire déjà sous tension. Soupçonné par la justice Saïd, a été réélu, s’est donnée à l’opposition. Un luxe, dans d’être mêlé à cette affaire, le chef d’état-major, Salimou Amiri, un pays miné depuis dix ans par les conflits de compétences a été limogé et placé en résidence surveillée. Depuis, l’armée entre les exécutifs insulaires et l’Union. Avec la nouvelle est restée dans les casernes et le calme est revenu. Constitution, approuvée par les Comoriens en mai 2009, Dhoinine devrait ainsi pouvoir se consacrer au développeDhoinine, élu pour cinq ans, disposera en outre d’une ment économique du pays. Pour la plupart des Comoriens, année supplémentaire pour mener à bien ses projets, et de la situation n’a guère évolué en 2010 : le PIB par habitant plus de pouvoirs que ses prédécesseurs. Il jouit par ailleurs stagne, les projets touristiques annoncés ces dernières années du soutien d’une large coalition de partis politiques, alors n’ont toujours pas vu le jour, et l’emploi reste rare. Les seules que l’opposition, incapable de s’entendre, sort laminée de lueurs d’espoir sont venues de Doha et de Washington. Au cette année électorale. Qatar, où s’est tenue une conférence des bailleurs de fonds Quelques mois plus tôt, personne ne pouvait imaginer en mars 2010, les Comores ont récolté 540 millions de dollars un tel épilogue. Craignant que Sambi s’éternise au pouvoir, (près de 400 millions d’euros) de promesses de dons. Trois l’opposition s’était unie dans une coalition, la Convergence semaines plus tard, le FMI, satisfait de la rigueur budgénationale pour mai 2010. Objectif : forcer le président taire que s’est imposée le pays, annonçait son éligibilité à à organiser des élections en mai 2010 et à respecter le l’Initiative pays pauvres très endettés (PPTE). En 2012, les mandat de quatre ans pour lequel il avait été élu en 2006. Comores pourraient voir une grande partie de leur dette L’adoption par le Congrès, le 1er mars, de la prolongation (144 millions de dollars, sur 254 millions) effacée, à condide son mandat jusqu’en novembre 2011 a mis le feu aux tion de poursuivre les réformes engagées – et notamment poudres. Pendant deux mois, en mars et avril, l’île de de réduire le nombre de fonctionnaires. ●

OCÉAN INDIEN

Comores


Madagascar

Vers une sortie de crise

D

civile, réunie au sein de la Coordination eux ans après le départ forcé de COMORES nationaledesorganisationsdelasociété Marc Ravalomanana, le 17 mars civile (Cnosc), et sur les partis politi2009, et la prise de pouvoir ques oubliés par la médiation. Pressé d’Andry Rajoelina soutenu par une par la France, il a annoncé qu’il ne partie de l’armée, ce dernier était en serait pas candidat à la future élection pass de gagner le pari d’une solution Antananarivo Toamasina masina présidentielle. de sortie de crise « malgacho-malgaDès le mois de mai, plusieurs conféche » qui lui avait valu, dans un premier Océan Indien rences ont été organisées en vue d’étatemps, les foudres de la communauté MADAGASCAR blir un calendrier électoral et de poser internationale. MAURICE les bases d’une nouvelle Constitution. Après les échecs des sommets de LA RÉUNION Elles ont abouti à la signature de l’acMaputo et d’Addis-Abeba en 2009, la 300 km (France) cord d’Ivato, le 11 août 2010. Signé par rencontre de Pretoria, en avril 2010, une centaine de partis et micro-partis organisée sous le patronage de la (dont certains créés de toutes pièces pour l’occasion), ce France et de l’Afrique du Sud, était présentée comme pacte a établi un calendrier électoral – qui ne sera qu’en « celle de la dernière chance ». Cela n’y a rien fait : encore partie respecté – et instauré un Parlement de transition une fois, le président de la Haute Autorité de la transiconstitué de deux chambres, le Congrès de la transition tion (HAT) et les trois anciens présidents de Madagascar et le Conseil supérieur de la transition. Si les proches de (Marc Ravalomanana, Didier Ratsiraka et Albert Zafy), Rajoelina y sont nombreux, on y trouve aussi des membres représentant chacun une mouvance, ont été incapables de de la société civile et d’anciens partisans de Ravalomanana, trouver un terrain d’entente. S’en est suivie la dissolution de Ratsiraka et de Zafy. de l’équipe de médiation et le retour sur le devant de la Au fil des mois, les mouvances de l’opposition ont en scène de la Communauté de développement d’Afrique effet volé en éclat. En septembre, des membres du Tiako australe (SADC), qui a aussitôt chargé Joaquim Chissano, i Madagasikara (TIM), le parti de Ravalomanana, ont l’ancien président mozambicain, de relancer le dialogue. décidé de participer aux institutions de la transition. Le Mais il était trop tard. mouvement s’est scindé en deux, et l’un de ses anciens dirigeants, Raharinaivo Andrianantoandro, est devenu ULTIMATUM. De retour à Antananarivo, Rajoelina a opté un des principaux alliés de Rajoelina après son élection pour la voie unilatérale, défendant une solution « malà la présidence du Congrès. L’Alliance pour la rénovation gacho-malgache ». Poussé par l’armée, qui lui avait lancé de Madagascar (Arema), le parti de Ratsiraka, s’est aussi un ultimatum afin qu’il présente un calendrier crédible de scindée en deux tendances, et le camp de Zafy a également sortie de crise avant la fin d’avril 2010, irrité par la politique vu ses membres se déchirer. de blocage des opposants et par la position de la SADC, jugée Rajoelina, de son côté, a travaillé son image. En août et trop favorable à Ravalomanana, « Andry TGV » a amorcé un en septembre 2010, le président et sa femme ont parcouru dialogue national sans l’aval des trois autres mouvances ni de la communauté internationale. Il s’est rabattu sur la société le pays et multiplié les promesses. En tout, « Andry TGV » a

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 26 juin 1960 Accession à l’indépendance. 14 juin 1975 Didier Ratsiraka élu président. Il revient au pouvoir en janvier 1997. Décembre 2001 Marc Ravalomanana se proclame vainqueur de la présidentielle contre Ratsiraka, qui s’exile en juillet 2002. 3 décembre 2006 Ravalomanana est réélu. 17 mars 2010 Ravalomanana transfère le pouvoir à un directoire militaire, qui le confie à Andry Rajoelina, le maire d’Antananarivo.

Le pays en bref ■ Superficie 587 040 km2.

■ Population 19,6 millions d’hab.

172

■ Croissance

démographique 2,7 %. de population 33 hab./km2. ■ Population urbaine 30,2 %. ■ Espérance de vie 60,8 ans. ■ Alphabétisation 71 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,435 ; rang : 135e sur 169. ■ Langues Malgache, français. ■ Peuplement Merinas, Betsimitsarakas, Betsileos, Sakalavas. ■ Religions Chrétiens, animistes. ■ Monnaie Ariary. ■ Parité au 01-01-11 1 € = 2 800,59 ariarys malgaches ; 1 $ = 2 099,50 ariarys malgaches. ■ PIB par habitant 391 $ ■ Répartition du PIB Primaire 25,2 % ; secondaire 17,3 % ; tertiaire 54,9 %. ■ Densité

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 7,3

9,4

8,3

8,6

Taux de croissance (en %, à prix constants) 6,2 2007

7,1 2008

- 3,7 2009

-2 2010

■ Inflation 8,9 %.

■ Investissements

directs étrangers 543 millions de $. ■ Exportations 1,1 milliard de $. ■ Importations 3,3 milliards de $. ■ Principales ressources Agriculture, mines.

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


Surtout, la HAT a, ce jour-là, démontré qu’elle avait le soutien des généraux. En plein milieu du scrutin, des officiers de l’armée ont en effet tenté de prendre le pouvoir. Le régime avait déjà subi une mutinerie en mai, au sein de la Force d’intervention de la gendarmerie nationale (FIGN), mais celle-ci avait été circonscrite sans trop de dégâts. Ce 17 novembre, la menace s’est avérée plus consistante. À la tête d’une vingtaine d’officiers, deux anciens partisans de Rajoelina ont déclaré avoir suspendu les institutions de la transition. Erreur fatale : ils ont parlé avant d’agir. Les autres officiers ne les ont pas suivis, les forçant à capituler trois jours plus tard. L’HOMME PROVIDENTIEL. Depuis lors, l’armée s’est faite

173

MADAGASCAR

discrète. Et en nommant des militaires à des postes clés, Rajoelina s’est assuré leur fidélité. Au fil des mois, il s’est ainsi imposé comme l’homme providentiel. Une stature qu’il a définitivement acquise le 11 décembre, lors de la promulgation de la IVe République, au cours de laquelle il s’est mis en scène dans les rues d’Antananarivo. De fait, la communauté internationale a dû revoir sa copie. Longtemps Wisco, l’avance qui fâche favorables à Ravalomanana, les ÉtatsUnis, l’Afrique du Sud et la SADC se LE 25 MAI 2010, le gouvernement de la transition a annoncé sont finalement ralliés à la voie « malla signature du plus gros contrat jamais conclu par le pays dans gacho-malgache » de Rajoelina. Le le domaine des mines : deux ans après le lancement de l’appel 31 janvier 2011, la SADC a présenté aux d’offres (sous l’ère Ravalomanana), le consortium chinois Wisco Malgaches un plan de sortie de crise a obtenu le droit d’exploiter, pour une période de trente ans, qui frise le copier-coller avec l’accord les mines de Soalala (côte ouest), qui renfermeraient 600 millions signé à Ivato. Selon cette « feuille de à 700 millions de tonnes de fer. Selon les autorités, le contrat avoisine route », Rajoelina reste le président les 6,5 milliards d’euros et pourrait générer plus de 100 000 emplois. de la transition, il nomme le Premier Une bonne nouvelle qui a fait grincer des dents. Wisco a versé une ministre et les membres du gouverneavance de 72 millions d’euros au gouvernement, immédiatement ment et il pourra en outre se présenter utilisée par Rajoelina pour financer ses promesses de campagne. à l’élection présidentielle, à condition Les opposants ont dénoncé la signature d’un contrat « qui engage de démissionner soixante jours avant les Malgaches pour plusieurs décennies » par un gouvernement le scrutin. non reconnu. Des ONG ont regretté « l’opacité entretenue autour Ce blanc-seing accordé au jeune du contrat ». Quant aux bailleurs, ils s’interrogent sur les raisons président en a surpris plus d’un. Il qui ont poussé Wisco à avancer une telle somme. ● semble que la communauté internationale, lassée d’une crise qui n’en finit plus, souhaite la fin la plus rapide de la transition afin d’éviter une crise sociale qui menace depuis l’exploitation de la mine de fer de Soalala (lire encadré). plusieurs mois. Malgré les mesures gouvernementales, les Parallèlement, le régime a durci son discours envers les prix des produits de base n’ont cessé de grimper depuis opposants. Une semaine avant le référendum constitula fin de 2010. tionnel de novembre 2010, une vingtaine de dirigeants et Le pays sort exsangue de ces deux années de paralysie. sympathisants des trois autres mouvances, parmi lesquels Le PIB a poursuivi sa chute (8,3 milliards de dollars en 2010, Fetison Andrianirina, le porte-parole de Ravalomanana, ont contre 8,6 milliards en 2009, selon le FMI) et la croissance est été arrêtés et incarcérés au motif qu’ils avaient participé à restée négative (– 2 % selon le FMI, contre – 3,7 % en 2009). une manifestation interdite – quelques jours plus tôt, la HAT Toutes les aides internationales, bilatérales et multilatérales, avait prohibé les meetings des militants prônant le boycott ayant été suspendues, de nombreux projets structurants du référendum. Fetison et ses compagnons de cellule ne ont été abandonnés. Le budget de l’État, lui, est passé de seront libérés qu’au bout de trois mois, après plusieurs 1,1 milliard d’euros en 2009 à 900 millions d’euros en 2010. rejets de leurs demandes de remise en liberté. Et les dépenses publiques ont chuté de 47 % en un an… C’est dans ce contexte tendu que s’est tenu le référendum. De nombreuses usines ont en outre mis la clé sous la Le 17 novembre, les Malgaches ont voté à 74,1 % en faveur porte à la suite de la décision des États-Unis, en 2009, de de la nouvelle Constitution. Si des failles ont été observées ne plus accorder de facilités douanières, au titre de l’African dans le processus électoral – ce qui a notamment poussé Growth and Opportunity Act (Agoa), aux produits fabriqués le gouvernement à repousser les élections municipales à Madagascar. Les estimations les plus prudentes évoquent prévues en décembre 2010 –, le régime est sorti grandi de 70 000 pertes d’emploi. De nombreux Malgaches se sont ce scrutin, y gagnant une légitimité électorale qu’il n’avait réfugiés dans le commerce informel. ● pas jusqu’à présent.

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

OCÉAN INDIEN

annoncé la construction de neuf hôpitaux et de quatre stades dans un futur proche. En octobre, il a décidé de renouer avec la vente, dans des boutiques d’État, de quinze produits de première nécessité à prix bradés – à commencer par le riz – en faveur des plus démunis. En novembre enfin, le président a lancé un vaste plan de construction de logements sociaux à bas prix, destinés aux classes moyennes. Pour financer ces programmes, Rajoelina s’est accaparé les (faibles) moyens des ministères. En juillet, il a annoncé au gouvernement que désormais, « toutes les dépenses publiques doivent être réorientées vers des projets visibles et palpables » qui devront être réalisés avant la fin de la période de transition. Les ministres font la moue : leurs budgets fondent comme neige au soleil (– 44 % en moyenne). Celui de la présidence, lui, a explosé : ses crédits initiaux étaient dotés de 24,5 millions d’euros ; ils sont passés, d’un coup, à 84 millions en 2010. Dans le budget 2011, ce montant est retombé à… 13 millions d’euros. Mais, entre-temps, Rajoelina a pu compter sur l’avance de 72 millions d’euros versée en juin par le consortium chinois Wisco en vue de


Maurice

Nouvelles pistes de croissance

P

La grande satisfaction vient du our la première fois depuis 1991, secteur touristique, qui a connu une les Mauriciens n’ont pas changé croissance de 7,3 % : près de 1 million de chef de gouvernement à la d’étrangers ont visité l’île en 2010. A suite des élections législatives. Le 5 mai contrario, le secteur de la canne à sucre 2010, le Premier ministre sortant, Navin Port-Louis poursuit son agonie. Malgré de bonnes Ramgoolam, leader du Parti travailliste, conditions climatiques, la récolte 2010 a été reconduit, à l’issue d’une camOcéan (452 000 tonnes) a été inférieure à la pagne pauvre en débats mais riche en Indien MAURICE précédente (467000 t). Elle risque d’être débordements communautaristes. Sa moins bonne encore en 2011, en raison coalition, l’Alliance de l’avenir, l’a aiséd’une vague de sécheresse qui a touché ment emporté face à l’Alliance du cœur, les Mascareignes en début d’année. de Paul Bérenger. Ramgoolam dispose Océan 10 km Indien Pour faire face à cette crise, le gouverainsi d’une majorité confortable au nement continue d’explorer de nouvelParlement, avec 41 sièges sur 62. Mais les pistes: externalisation des services de groupes étrangers, en s’alliant avec le Mouvement socialiste militant, de Pravind services financiers offshore, tourisme médical… Le pays a Jugnauth, jusqu’ici dans l’opposition, le Parti travailliste a en outre développé sa coopération avec un certain nombre fait le choix de redéfinir sa politique économique. de pays africains (RD Congo, Mozambique) et asiatiques Exit le très libéral ministre des Finances, Rama Sithanen. (Inde, Chine), Ramgoolam voulant faire de Maurice « le Il était le symbole des réformes de ces dernières années, pont » entre les deux continents. qui avaient valu à l’île d’être citée en exemple par la Banque Port-Louis s’est également montré actif au niveau diplomondiale, mais qui étaient à l’origine d’un fort méconmatique. Le 7 juin 2010, il a signé avec Paris un accord tentement des classes populaires. Sithanen a dû céder historique sur la cogestion de Tromelin, un îlot administré son portefeuille à son ennemi juré, Pravind Jugnauth. Ce par la France et revendiqué depuis des années par les dernier avait promis, lors de la campagne, de revenir sur autorités mauriciennes. Si les relations avec Paris sont un certain nombre de réformes entreprises par Sithanen. au beau fixe, celles avec Londres se sont détériorées. La L’une de ses premières mesures a été la mise en place d’une volonté britannique, révélée au début de 2010, de faire de taxe de responsabilité sociale pour les entreprises. l’archipel des Chagos, administré par la Grande-Bretagne On est cependant loin d’un virage socialiste. Comme et revendiqué par Maurice, un parc marin protégé, a mis l’année dernière, l’île est en tête des pays africains au classele feu aux poudres. Le gouvernement a entamé des démarment « Doing Business » de la Banque mondiale, et se place ches auprès du Tribunal international du droit de la mer. en tête du palmarès sur la bonne gouvernance élaboré par Selon les révélations du site internet WikiLeaks, l’objectif de la Fondation Mo Ibrahim. Même si la crise internationale a Londres serait, avec ce parc, d’empêcher les Chagossiens de eu des conséquences, le pays a vu sa croissance repartir à la revenir vivre sur leurs terres. Un projet jugé « hypocrite » et hausse (3,6 %), après une chute de 2,5 points en 2009 (2,5 %, « malhonnête » par le chef de la diplomatie mauricienne, contre 5 % en 2008). Le taux de chômage est resté relativement stable (7,5 % en 2010) et l’inflation a été maîtrisée (2,5 %). Arvin Boolell. ●

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 12 mars 1968 Accession à l’indépendance. 1er mars 1993 La République est proclamée. Cassam Uteem est élu président. 2001 Principe de la présidence tournante adopté par le Mouvement socialiste militant (MSM) d’Anerood Jugnauth et le Mouvement militant mauricien (MMM) de Paul Bérenger. 7 octobre 2003 Anerood Jugnauth devient président, Paul Bérenger Premier ministre. 5 mai 2010 Le Parti travailliste du Premier ministre, Navin Ramgoolam, remporte les élections législatives.

Le pays en bref ■ Superficie 2 040 km2.

■ Population 1,27 million d’hab.

174

■ Croissance

démographique 0,5 %. de population 631 hab./km2. ■ Population urbaine 41,8 %. ■ Espérance de vie 72,1 ans. ■ Alphabétisation 88 %. ■ Indice de développement humain (2010) IDH : 0,701 ; rang : 72e sur 169. ■ Langues Anglais (officielle), créole, français, hindi. ■ Peuplement Indiens (Vaish), Créoles… ■ Religions Hindouistes, chrétiens, musulmans. ■ Monnaie Roupie mauricienne. ■ Parité au 01-01-11 1 € = 39,40 roupies ; 1 $ = 29,53 roupies ■ PIB par habitant 7 303 $ ■ Répartition du PIB Primaire 4,4 % ; secondaire 29,1 % ; tertiaire 66,5 % ■ Densité

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 7,5

9,3

8,6

9,4

Taux de croissance (en %, à prix constants) 5,4

5 2,5

2007

2008

2009

3,6 2010

■ Inflation 2,5 %

■ Investissements

directs étrangers 257 millions de $ ■ Exportations 1,9 milliard de $. ■ Importations 3,7 milliards de $. ■ Principales ressources Industrie textile, agro-industrie (sucre) et tourisme.

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011


Base avancée contre la piraterie

L

FICHE SIGNALÉTIQUE Chronologie 29 juin 1976 Accession des Seychelles à l’indépendance. Juin 1977 France-Albert René président. 3 décembre 1991 Loi sur le multipartisme. Décembre 2002 Le Front progressiste du peuple seychellois remporte les législatives. 14 avril 2004 Le vice-président James Michel remplace France-Albert René. 27 août 2006 James Michel est élu président avec 53,7 % des suffrages. Juillet 2010 Danny Faure devient viceprésident.

Le pays en bref ■ Superficie 450 km2.

■ Population 87972 hab.

■ Croissance

démographique 1,2 %. de population 185 hab./km2. ■ Population urbaine 55,3 %. ■ Espérance de vie 73 ans. ■ Alphabétisation 92 %. ■ Indice de développement humain Non déterminé. ■ Langues Créole, anglais, français (officielles). ■ Peuplement Bantous, Asiatiques, Européens, métis… ■ Religions Catholiques, anglicans. ■ Monnaie Roupie seychelloise. ■ Parité au 01-01-11 1 € = 16,07 roupies seychelloises ; 1 $ = 12,04 roupies seychelloises. ■ Inflation 2,4 %. ■ PIB par habitant 10 714 $. ■ Densité

JEUNE AFRIQUE HORS-SÉRIE N° 27 ● L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011

PIB (en milliards de dollars, à prix courants) 1

0,9

0,9 0,8

Taux de croissance (en %, à prix constants) 19,7 2007

-1,3

0,7

2008

2009

4 2010

■ Répartition

du PIB Primaire 2,3 % ; secondaire 22,4 % ; tertiaire 75,3 %. ■ Investissements directs étrangers 243 millions de $. ■ Exportations 431 millions de $. ■ Importations 811 millions de $. ■ Principales ressources Pêche, tourisme. 175

MAURICE- SEYCHELLES

archipel reste un paradis 4 % du PIB. En 2010 cependant, SEYCHELLES SE touristique, mais si l’on en le tourisme s’en est bien sorti. SILHOUETTE parle aujourd’hui dans les Avec 174 500 visiteurs, le record médias, les états-majors et les a été battu (en hausse de 10 % chancelleries, c’est parce qu’il par rapport à 2009). Selon les Victoria MAHÉ est devenu l’épicentre de la autorités, la conserverie de thon lutte contre la piraterie mariet la pêche artisanale ont égaleMAHÉ time dans l’océan Indien. 2010 ment remonté la pente. Un autre Océan Indien 10 km a ainsi été rythmée par les signasecteur se porte bien : l’offshore, 10 km tures d’accords de coopération, en passe de s’imposer comme le les cérémonies de réception de troisième pilier économique. En matériel militaire et les mani2010, ce secteur comptait 14 700 PRASLIN 150 km LA DIGUE festations pour fêter le retour sociétés, contre 12 400 en 2009. de marins libérés par les pirates Après deux années de crise liée somaliens. au surendettement et à la faillite du système économique En janvier 2011, l’armée indienne a envoyé à Victoria un mis en place à la fin des années 1970, le pays a retrouvé le avion de surveillance maritime. L’Inde a également promis moral. La croissance est en hausse (4 % en 2010, contre 0,7 % aux Seychelles deux hélicoptères d’une valeur totale de en 2009) et l’inflation a été contenue (2,4 %, contre 31,7 % 15 millions d’euros. Fin décembre 2010, les Émirats arabes l’année précédente). Enfin, la dette extérieure continue de unis ont fait un don de cinq patrouilleurs aux garde-côtes baisser : estimée à 844 millions de dollars à la fin de 2008 seychellois. Quelques mois plus tôt, les deux pays avaient (environ 600 millions d’euros), elle se situait autour de signé un accord portant sur le financement d’une nouvelle 450 millions début 2010. base d’opération équipée d’un système radar et de matériel Après une période de réformes mal vécues par la popude communication. Coût annoncé : 11 millions d’euros. lation, et alors que l’archipel, réputé pour la réussite de son L’Union européenne (UE) a accordé de son côté un don modèle d’intégration, a vu la montée d’un discours xénode 3 millions d’euros à l’archipel. Le pays « joue un rôle phobe, le gouvernement entendà nouveau mettre l’accent sur constructif et important pour combattre [les pirates] », a lesocial.DannyFaure,leministredesFinances,aannoncédes expliqué l’ambassadeur de l’UE. hausses de dotations pour la santé, l’éducation et le logement Il faut dire que le président James Michel a fait de la lutte social, ainsi que des augmentations de salaires. contre la piraterie sa priorité depuis deux ans. Outre les Une manière de préparer au mieux l’élection présidentielle patrouilles au large de leurs côtes, les Seychelles ont accepté qui devrait se tenir avant le mois de juillet. James Michel, de juger et d’incarcérer les pirates sur leur territoire. Une soutenu par le parti Lepep (ex-SPPF, au pouvoir), part favori. charge qui pèse sur le système judiciaire du pays. Mais il Élu en 2006 dès le premier tour, il briguera un second quinne peut pas faire autrement. En 2009, la piraterie a eu de quennat avant de laisser la place, certainement, à Danny lourdes conséquences sur les deux piliers économiques que Faure. En juillet 2010, le secrétaire général du parti a été sont la pêche et le tourisme. Cela a représenté une baisse de nommé au très symbolique poste de vice-président. ●

OCÉAN INDIEN

Seychelles


Partenaires du continent Venez bâtir votre avenir

Recrutements Top et Middle Management pour l’Afrique

... comme 45 000 étudiants le font dans l’un de nos 400 programmes. Parmi eux, Tony Toufic, MBA 4 000 étudiants proviennent de 110 pays. Université Laval

Contrat local - Expatriation - Missions

À travers le monde, plus de 240 000 diplômés ont bâti leur avenir chez nous.

Dakar, Sénégal tony.toufic@vre.ulaval.ca ulaval.ca/senegal (221) 77 332 2488

• une équipe de consultants multiculturelle • une culture du résultat • des outils et méthodes de recherche internationaux • une expérience terrain de l’Afrique • un partenaire conseil à vos cotés qui s’inscrit dans la durée

contact@fedafrica.com T : + 33 1 40 82 19 81 Ville de Québec - Canada

www.fedafrica.com

30 ANS D’EXPÉRIENCE EN TÉLÉCOMMUNICATIONS RETROUVEZ TOUS NOS PRODUITS :

www.soicex.com 12,(&., )"5*7' %++ # 1,68-!/,& 0 *4.92$!/,&

Radio HF/BLU

Radio Numérique VHF/UHF

Transmission de données, SMS & localisation GPS

! Système TRUNK • Communications cryptées • GPS intégré 0 '3' • 2 communications simultanées • Interconnexion IP Multisites

Sur + de 3000 km

SOICEX Electronique BP 92 139 - 31521 Ramonville, France E-mail : info@soicex.com - Tél. : +33 561 733 072 - Fax : +33 561 756 040

equipment company

Matériel BTP et Travaux Miniers pour l’Afrique Livraison directe des Etats-Unis • Service Francophone

+1 - 904 - 732 - 2939 • salesfr@pioneerjax.com

www.pioneerjax.com

Fondation pour les études et recherches sur le développement international

Le think tank français pour des idées sur le développement www.ferdi.fr 63, bd François-Mitterrand 63000 Clermont-Ferrand – France Tel +33 (0)4 73 17 75 30 Fax +33 (0)4 73 17 75 38 Fondation reconnue d’utilité publique par décret du 15.01.03


Partenaires du continent MICHAEL PAGE INTERNATIONAL Spécialiste du recrutement de cadres et de dirigeants sur le continent africain

Paul Mercier - Managing Director +33(0)1 41 92 44 55 paulmercier@michaelpage.fr

Paris ! Londres ! Johannesburg ! Casablanca ! Alger ! Le Caire ! Tunis

Apple recrute des partenaires

dans le cadre de son programme APR Pour accompagner son développement international, Apple cherche des partenaires qui pourront implanter localement des points de vente de type APR (Apple Premium Resellers). Ce programme commercial et marketing, rejoint par plus de 700 entrepreneurs et investisseurs en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique, vous permet d’ouvrir un point de vente dédié à l’univers Apple tout en bénéficiant d’un important soutien dans la conception du showroom et l’accompagnement de l’activité.

saisir cette ue, opportunité uniq ail à em un r merci d’envoye onseil.com elalami.s@microc dossier tre no ir vo ce pour re d’infor mation.

Si vous souhaitez


HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL POLITIQUE, ÉCONOMIE, CULTURE Fondé à Tunis le 17 oct. 1960 par Béchir Ben Yahmed (51e année)

POST-SCRIPTUM

Édité par SIFIJA Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS Tél. : 01 44 30 19 60 ; Télécopieurs : rédaction 01 45 20 09 69 ; ventes : 01 45 20 09 67 ; Courriel : redaction@jeuneafrique.com DIRECTION

Gaston Kelman

Fanon et Lumumba, deux combats

I

ls sont nés en 1925 à quelques jours d’écart, le 2 et le 20 juillet. Ils sont morts la même année, 1961. En 2011, on commémorera le cinquantenaire de leur disparition. Ils ont incarné, chacun à sa façon, la lutte contre l’oppression. Il s’agit du Congolais Patrice Lumumba et de l’Antillais Frantz Fanon. Comment ne pas penser à eux en ce printemps arabe qui s’annonce comme le deuxième mouvement de la libération de ces peuples ?

Si le premier mouvement auquel les deux hommes ont pris part visait à défaire ces peuples d’un joug extérieur, il s’agit cette fois de se libérer de dictateurs locaux, victimes du syndrome postcolonial. En effet, les populations opprimées, une fois libérées, reproduisent l’arbitraire du colon. Celui-ci avait le pouvoir sans être élu par ceux qu’il gouvernait, il imposait le travail forcé au peuple qui vivait dans la misère, alors que lui vivait dans l’opulence. Voilà ce qui explique essentiellement les détournements de deniers publics qui paraissent si normaux en situation postcoloniale. Mais le destin, l’action et la mémoire des deux hommes sont très différents. Le temps de l’intellectuel n’est pas celui du politique. L’un s’inscrit dans la durée et l’autre dans l’immédiateté. Lumumba était un politique qui voulait exercer le pouvoir. Fanon était un intellectuel qui théorisait sur la libération. Profondément non-violent, il savait cependant que la violence allait devenir inévitable. Quand l’aventure de Lumumba s’arrête dans ce fût d’acide où l’on a dissous son corps, son épitaphe la plus emblématique est cette université moscovite qui porte son nom grâce à la récupération que la Russie de la guerre froide a faite de sa mort attribuée à la CIA.

Directeur de la publication : BÉCHIR BEN YAHMED (bby@jeuneafrique.com) Directeur général : Danielle Ben Yahmed Vice-présidents: Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed Actionnaire principal : Béchir Ben Yahmed RÉDACTION Directeur de la rédaction : François Soudan (f.soudan@jeuneafrique.com) Directeurs exécutifs : Marwane Ben Yahmed (mby@jeuneafrique.com), Amir Ben Yahmed (aby@jeuneafrique.com) Rédactrice en chef déléguée : Élise Colette (e.colette@jeuneafrique.com) Rédacteur en chef technique : Laurent Giraud-Coudière Directeur artistique : Zigor Hernandorena Conseillers de la direction de la rédaction : Hamid Barrada, Abdelaziz Barrouhi (à Tunis), Aldo de Silva, Dominique Mataillet, Renaud de Rochebrune Secrétariat : Chantal Lossou, Joëlle Bouzignac Chefs de section : Joséphine Dedet (La semaine de J.A.), Philippe Perdrix (Grand angle), Anne Kappès-Grangé (Afrique subsaharienne), Tarek Moussa (Maghreb & Moyen-Orient), Jean-Michel Aubriet (Europe, Amériques, Asie), Cécile Manciaux (Le Plus de J.A.), Jean-Michel Meyer (Économie), Séverine Kodjo-Grandvaux (Culture & médias), Tshitenge Lubabu M.K. (Vous & nous) Rédaction: Pascal Airault, Stéphane Ballong, Tirthankar Chanda, Julien Clémençot, Constance Desloire, Georges Dougueli, Christophe Le Bec, Nicolas Marmié (à Rabat), Nicolas Michel, Fabien Mollon, Pierre-François Naudé, Ophélie Négros, Cherif Ouazani, Michael Pauron, Laurent de Saint Périer, Leïla Slimani, Justine Spiegel, Cécile Sow (à Dakar), Marie Villacèque, Fawzia Zouari; collaborateurs: Edmond Bertrand, Christophe Boisbouvier, Muriel Devey, André Lewin, Patrick Seale, Cheikh Yérim Seck; accords spéciaux: Financial Times RÉALISATION Maquette: Émeric Thérond (conception graphique, premier maquettiste), Christophe Chauvin, Stéphanie Creuzé, Valérie Olivier; révision: Nathalie Bedjoudjou (chef de service), Vladimir Pol; fabrication: Philippe Martin (chef de service), Christian Kasongo; service photo: Dan Torres (directrice photo), Nathalie Clavé, Vincent Fournier, Claire Vattebled; documentation: Anita Corthier (chef de service), Sylvie Fournier, Florence Turenne, Angéline Veyret JEUNEAFRIQUE.COM Responsable éditoriale : Élise Colette, avec Pierre-François Naudé ; responsable web : Jean-Marie Miny ; rédaction et studio : Cristina Bautista, Haikel Ben Hmida, Pierre Boisselet, Maxime Pierdet, Lauranne Provenzano VENTES ET ABONNEMENTS Directeur marketing et diffusion : Philippe Saül ; marketing et communication : Patrick Ifonge ; ventes au numéro : Sandra Drouet, Caroline Rousseau ; abonnements : Céline Champeval avec: COM&COM, Groupe Jeune Afrique 18-20, avenue Édouard-Herriot, 92350 Le PlessisRobinson. Tél. : 33 1 40 94 22 22 ; Fax : 33 1 40 94 22 32. Courriel : jeuneafrique@cometcom.fr ●

COMMUNICATION ET PUBLICITÉ AGENCE INTERNATIONALE POUR LA DIFFUSION DE LA COMMUNICATION

S.A. au capital de 3 millions d’euros – Régie publicitaire centrale de SIFIJA 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 Paris Tél. : 01 44 30 19 60 Fax : 01 45 20 08 23/01 44 30 19 86. Courriel : difcom@jeuneafrique.com

Président-directeur général : Danielle Ben Yahmed ; directeur général adjoint : Amir Ben Yahmed ; direction centrale : Christine Duclos ; secrétariat : Chantal Bouillet ; gestion et recouvrement : Pascaline Brémond ; service technique et administratif : Chrystel Carrière, Mohamed Diaf RÉGIES Directeur de publicité : Florian Serfaty avec Catherine Weliachew (directrice de clientèle), Sophie Arnould et Myriam Bouchet (chefs de publicité), assistés de Patricia Malhaire ; annonces classées : Fabienne Lefebvre, assistée de Sylvie Largillière

Le décès de Fanon, des suites d’une leucémie, marque le début d’une mémoire exceptionnelle. Paradoxalement, la France qu’il a tant aimée – il sera l’un des plus jeunes résistants de la Seconde Guerre mondiale – l’ignore totalement, et pour cause! Le jeune médecin-chef de l’hôpital de Blida, en Algérie, n’a pu comprendre que cette France pour la liberté de laquelle il s’est battu, une fois libérée, poursuive l’asservissement d’autres peuples. Dans ses écrits et sur le terrain, Fanon devient un apôtre de la libération et de l’humanisme. Il ne se bat pas pour une race ou pour une nation, mais pour un idéal.

COMMUNICATION ET RELATIONS EXTÉRIEURES Directeur général : Danielle Ben Yahmed ; directrice adjointe : Myriam Karbal ; chargés de mission : Balla Moussa Keita, Nisrine Batata

L’universalité et l’intemporalité du message de Fanon prennent toute leur dimension dans ce printemps arabe. La liberté passe toujours par un soulèvement des masses et rien ne peut arrêter un peuple qui part à la conquête de sa dignité. ●

Gérant commandité: Béchir Ben Yahmed; vice-présidents: Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed Directeur général adjoint: Jean-Baptiste Aubriot; secrétariat: Dominique Rouillon;contrôle de gestion: Sandrine Razafindrazaka; finances, comptabilité: Monique Éverard et Fatiha Maloum-Abtouche; juridique, administration et ressources humaines: Sylvie Vogel, avec Karine Deniau (services généraux) et Delphine Eyraud (ressources humaines); Club des actionnaires: Dominique Rouillon

REPRÉSENTATIONS EXTÉRIEURES MAROC SIFIJA, NABILA BERRADA. Centre commercial Paranfa, Aïn Diab, Casablanca. Tél. : (212) (5) 22 39 04 54 Fax : (212) (5) 22 39 07 16. TUNISIE SAPCOM, M. ABOUDI. 15-17, rue du 18-Janvier-1952, 1001 Tunis. Tél. : (216) 71 331 244 ; Fax : (216) 71 353 522. SOCIÉTÉ INTERNATIONALE DE FINANCEMENT ET D’INVESTISSEMENT

S.C.A. au capital de 15 000 000 euros Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS | RCS PARIS B 784 683 484 TVA : FR47 784 683 484 000 25

IMPRIMEUR SIEP - FRANCE. COMMISSION PARITAIRE: 1011C80822. DÉPÔT LÉGAL: MAI 2011. ISSN 1950-1285.

178


Connectez votre entreprise en toute sécurité. Où que vous soyez.

SkyVision peut subvenir à vos besoins de connectivité, où que vous soyez et quelles que soient vos exigences. Dans la conjoncture économique mondiale actuelle, une connectivité fiable est cruciale et c’est pourquoi les sociétés du monde entier comptent sur SkyVision, un fournisseur leader de solutions de télécommunications IP via des réseaux satellite et fibre terrestre. La technologie avancée et l’infrastructure complète des solutions institutionnelles de SkyVision vous offrent: Un contrôle et une flexibilité accrus à travers des limites géographiques g Une architecture réseau à latence faible pour les applications sensibles g Une connectivité fluide entre votre siège et les sites distants g Un réseau personnalisé selon vos exigences spécifiques g

SkyVision. Votre fournisseur mondial de connectivité. Contactez-nous à l’adresse: info@skyvision.net w w w. s k y v i s i o n . n e t T é l . : + 4 4 2 0 8 3 8 7 1 7 5 0


Présent dans plus de pays africains qu’aucune autre banque, le groupe Ecobank offre à ses clients une connaissance inégalée du continent ainsi que l’expertise d’une banque de détail, commerciale et d’investissement, avec une prise en charge des opérations de change, de gestion de trésorerie et de financement.

Expert de l’Afrique Présent dans plus de pays africains qu’aucune autre banque au monde Bénin • Burkina Faso • Burundi • Cameroun • Cap-Vert • Congo (Brazzaville) • Congo (République Démocratique) Côte d’Ivoire • Gabon • Gambie • Ghana • Guinée • Guinée-Bissau • Kenya • Libéria • Malawi • Mali • Niger Nigéria • Ouganda • République Centrafricaine • Rwanda • São Tomé e Príncipe • Sénégal • Sierra Leone Tanzanie • Tchad • Togo • Zambie • Zimbabwé Présence internationale : Dubaï • Johannesburg • Paris

www.ecobank.com


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.