ja 2618 du 13 au 19 mars 2011

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CÔTE D’IVOIRE LE MYSTÈRE MANGOU

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 51e ANNÉE • N° 2618•du 13 au 19 mars 2011

MAROC LE ROI FAIT SA RÉVOLUTION

TUNISIE DÉMOCRATIE, ANNÉE ZÉRO

www.jeuneafrique.com

LIBYE KADDAFI CONNECTION

PRINTEMPS ARABE

ET L’ALGÉRIE?? ■ Comment Bouteflika fait face ■ Mêmes causes, effets différents… ■ Recherche secteur privé désespérément ■ Les vérités de Miloud Brahimi

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¢ AFRIQUE PARTENAIRE DU CINÊMA AFRICAIN ET DU FESPACO A l’issue de la 22ème édition du festival panafricain du cinéma et de la télévision, ¢ AFRIQUE, partenaire du FESPACO, félicite tous les participants à cette sélection officielle 2011 et plus particulièrement les lauréats primés lors de la cérémonie de remise des prix qui s’est tenue le samedi 5 mars 2011 à Ouagadougou. ¢ AFRIQUE applaudit les films distingués lors du FESPACO 2011, mettant en lumière le talent et la diversité cinématographique des réalisateurs de tout le continent africain. Par ailleurs, ¢ AFRIQUE se réjouit du palmarès officiel qui a récompensé des films ayant bénéficié d’un financement du Groupe ¢ : UN HOMME QUI CRIE (¢ AFRIQUE et ¢ FRANCE) de Mahamat Haroun Saley du Tchad ; Etalon d’Argent de Yennenga UN MEC IDÉAL (¢ AFRIQUE) d’Owell Brown de Côte d’Ivoire ; Etalon de Bronze de Yennenga NOTRE ETRANGÈRE (¢ AFRIQUE) de Sara Bouyain du Burkina Faso ; Prix de L’union Européenne et Oumarou Ganda UN PAS EN AVANT-LES DESSOUS DE LA CORRUPTION (¢ AFRIQUE) de Sylvestre Amoussou du Bénin ; Prix de la Meilleure Interprétation Masculine pour Sylvestre Amoussou LE POIDS DU SERMENT (¢ AFRIQUE) de Kollo D. Sanou du Burkina Faso ; Prix du Meilleur Montage Enfin, Wasis Diop du Sénégal a reçu le Prix de la Meilleure Musique pour sa contribution à trois films dont UN PAS EN AVANT-LES DESSOUS DE LA CORRUPTION et UN HOMME QUI CRIE. En étant partenaire du FESPACO, ¢ AFRIQUE est heureuse de contribuer au rayonnement et au développement du cinéma africain.


CE QUE JE CROIS BÉCHIR BEN YAHMED bby@jeuneafrique.com

Samedi 12 mars

Il y a urgence !

L

a Tunisie et l’Égypte se sont tout doucement remises au travail : le calme et la sécurité y sont revenus, même si, de temps à autre, un « couac » vient nous rappeler que les deux nations sont en révolution… Fait assez rare dans le monde arabe pour mériter d’être signalé, les deux pays sont des États constitués depuis des siècles à l’intérieur de frontières stables, sûres et reconnues. Leurs classes politiques n’ont donc qu’une obligation : s’entendre, en quelques mois, sur un nouveau système de gouvernement. Il devra être plus juste, démocratique, et, en tout état de cause, satisfaire aux aspirations à la modernité d’une jeunesse ardente, nombreuse, et qui, s’étant révélée capable d’abattre une dictature, restera vigilante et exigeante. Laissons-les chercher la solution adéquate, faisons-leur confiance pour la trouver et soyons prêts à les aider en cas de besoin. ✷ Pour l’heure, la tâche la plus importante – et la plus urgente – pour l’Union africaine et la Ligue arabe – que je trouve trop molles et trop distantes –, mais aussi pour la communauté internationale, lente à se mettre en action, est d’aider la Libye et la Côte d’Ivoire à se débarrasser, le plus vite possible, de Kaddafi et de Gbagbo. Je sais qu’il peut paraître incongru de les mettre dans le même sac, d’appeler à la mobilisation de tous les moyens pour les mettre à l’écart et les empêcher ainsi de nuire. Mais, croyez-moi, ces deux hommes qui s’accrochent au pouvoir sans aucune légitimité et pour les mêmes mauvaises raisons se ressemblent. L’un et l’autre sont devenus un danger mortel non seulement pour leur pays et ses voisins, mais aussi pour le reste du monde. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 18 • D U 13 A U 19 M A R S 2 0 11

Jugez-en : Ils ont à peu près le même âge et, l’un comme l’autre, un ego démesuré. Tous deux se sont glissés jusqu’au sommet de l’État par un acte d’audace et, une fois dans la place, ont, dans les replis de leur âme, décidé qu’ils ne la quitteraient jamais. Quoi qu’il arrive et quelles que soient les conséquences pour leurs compatriotes ou leur région. Dans l’exercice de la fonction, ils ont acquis – s’ils ne l’avaient déjà – un grain de folie et un dangereux savoir-faire. ✷ Gbagbo a perdu sa légitimité le 28 novembre dernier à l’issue d’un scrutin qu’il était persuadé de gagner ; depuis plus de cent jours, il se maintient au pouvoir par la force et administre une partie de son pays avec l’aide de militaires et de civils séduits… par sa fortune. Quant à Kaddafi, il a fini par susciter la révolte de la majorité des Libyens, exaspérés par ses foucades et les excès de son clan. Depuis un mois, il ne règne plus – par le fer – que sur l’ouest de son pays. ✷ Gbagbo et Kaddafi ont attiré le malheur sur leurs pays, dont l’économie se disloque à vue d’œil. Les morts se comptent par centaines, voire par milliers, la plupart civils, les blessés par dizaines de milliers et les personnes déplacées, nationales et étrangères, par centaines de milliers. L’un et l’autre se sont rebellés contre l’ordre démocratique et sont considérés par la communauté internationale comme des parias et des hommes nuisibles ; ils se sont mis hors la loi et ne contrôlent d’ailleurs plus que la capitale de leur pays, dont ils gaspillent l’argent en achat d’armes de mort et de destruction. L’un perturbe par ses manigances le marché mondial du cacao, dont son pays est le principal

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4

CE QUE JE CROIS exportateur ; l’autre désorganise celui du pétrole et du gaz, dont les prix flambent. Chaque semaine qui passe avec Gbagbo et Kaddafi encore au pouvoir est un défi à la communauté internationale : elle les a condamnés, mais les tolère, se révélant incapable d’aider leurs peuples à s’en débarrasser. ✷ Ceux qui comme nous suivent les deux situations de près sont en devoir de sonner l’alarme: la Côte d’Ivoire et toute l’Afrique de l’Ouest sont à la limite de ce qu’ils peuvent supporter sans craquer. Aux termes de sa charte, l’Union africaine est tenue d’intervenir pour protéger les populations des crimes contre l’humanité ordonnés par leurs dirigeants. Jusqu’ici, elle ne l’a pas fait ; sa prise de position du 10 mars est tardive et de surcroît insuffisante. De leur côté, la Libye et ses voisins ont besoin d’une intervention rapide et efficace de la Ligue arabe et de l’Organisation de la conférence islamique (OCI). On l’attend toujours. Les insurgés libyens ont déjà fait appel, d’autre part, à l’aide des Euro-Américains, qui la leur doivent, ne serait-ce que parce qu’ils n’ont pas peu fait pour enrichir Kaddafi, sa famille et son clan. Et pour les armer. ✷ Tous ceux qui ont les moyens d’aider la Côte d’Ivoire et son gouvernement légal, les Libyens révoltés et ceux qui parlent en leur nom à se li-

bérer de Gbagbo et de Kaddafi doivent le faire de toutes les manières possibles, calmement mais rapidement. Cyniques et suicidaires, ces deux hommes ont perdu le sens des réalités: leur discours, que vous entendez comme nous, est devenu irrationnel, et les décisions qu’ils prennent et annoncent jour après jour en ont fait des clients pour la Cour pénale internationale. ✷ Cela dit, c’est désormais en termes de jours, de quelques semaines tout au plus, qu’il faut raisonner. L’objectif est simple: tout faire, absolument tout, pour qu’en Côte d’Ivoire comme en Libye la guerre civile, qui a déjà commencé, n’entre pas dans une phase incontrôlable, qu’elle ne devienne pas un abcès de fixation, voire un cancer qui menace de s’étendre de proche en proche. Pour cela, il faut et il suffit que Gbagbo et Kaddafi soient écartés du pouvoir. Sans ménagement ni délai. ✷ En passant du stade des condamnations et des sanctions à celui de l’action, la communauté internationale sauvera d’abord sa réputation: on ne pourra plus l’accuser de parler pour ne rien faire. Et en ramenant la paix en Afrique de l’Ouest et en Afrique du Nord, elle supprimera les menaces qui pèsent sur la croissance économique mondiale et sauvegardera ainsi ses propres intérêts. ■

HUMOUR, SAILLIES ET SAGESSE Pour vous faire sourire, grincer des dents – ou réfléchir –, ici, chaque semaine, une sélection subjective, la mienne, de ce qui a été dit ou écrit au cours des siècles par des hommes et des femmes qui avaient des choses intéressantes ou drôles à nous dire. B.B.Y. ■ Agissez

comme s’il était impossible d’échouer. WINSTON CHURCHILL ■ L’individu

a toujours connu son épanouissement grâce à ces rencontres successives avec l’extérieur. FRANÇOIS CHENG ■ À une certaine époque, la France commença à perdre ses colonies et beaucoup de l’empire qu’elle aurait dû conserver sur elle-même. ANTOINE BLONDIN ■ La

femme est un chef-d’œuvre de Dieu ; surtout quand elle a le diable au corps. ALPHONSE ALLAIS

■ Nous devons respecter notre prochain et lui faire confiance parce qu’il est notre prochain, pas à cause de sa position ou de son titre. PETER DRUCKER ■ Pour certains, la culture est une boucle d’oreille. Pour d’autres, c’est une oreille. JEAN-CLAUDE CARRIÈRE ■ Obama, il a prêté serment sur la Bible, Sarkozy, c’est sur le menu du Fouquet’s. LES NOUVELLES BRÈVES DE COMPTOIR ■ Est-ce que vieillir consiste à développer une parodie de soi ? YASMINA RÉZA ■ Quand la poule pond un œuf, le coq célèbre son exploit. PROVERBE AFRICAIN

■ L’argent est préférable à la

pauvreté, ne serait-ce que pour des raisons financières. WOODY ALLEN

■ Si vous n’aimez pas les chiens, vous n’aimez pas la fidélité ; vous n’aimez pas qu’on vous soit fidèle, donc vous n’êtes pas fidèle. NAPOLÉON BONAPARTE ■ L’arène

politique est le seul terrain qu’on peut continuer à occuper après avoir été disqualifié. PHILIPPE BOUVARD ■ Il y a des reproches qui louent et des louanges qui médisent. LA ROCHEFOUCAULT ■ La

rapidité est l’essence même de la guerre. SUN TZU

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ALGÉRIE GÉNÉRATION SACRIFIÉE?

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SAHARA LA GUERRE DE L’OMBRE

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REPORTAGE BAGDAD EXPRESS

LE PLUS DE JEUNE AFRIQUE

CAMEROUN FRU NDI SE DÉVOILE

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Charles Taylor

GUINÉE

JUSTICE LA BELLE ET LA BRUTE

GABON

UN AN APRÈS

MAROC

ALGÉRIE

BOUTEFLIKA

reprend la main

On disait le chef de l’État affaibli et son pouvoir menacé par les luttes de clans au sein du sérail. Le remaniement du 28 mai et le programme d’investissements colossal qu’il vient de lancer prouvent qu’il n’en est rien. DÉCRYPTAGE.

LA TUNISIE EN 2050

LE ROI CITOYEN

IIl a su moderniser lla fonction sans toucher t à l’essentiel. Pourquoi, onze ans après P son s accession au trône, Mohammed VI est M toujours t aussi populaire. Spécial 18 pages S

Spécial 20 pages

ANNÉE ZÉRO

Cinquante-deux ans après l’indépendance du pays, tout ou presque est à reconstruire pour le nouveau chef de l’État. ENQUÊTE. La Corniche, à Conakry.

CÔTE D’IVOIRE PRÉSIDENTIELLE 2010

LE CHOC

Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara s’affronteront au second tour. Forces, faiblesses, enjeux, énigme Bédié, bataille d’Abidjan, perspectives… Tout sur le scrutin historique du 28 novembre.

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SOMMAIRE

ÉDITORIAL

Le patient maghrébin

LIBYE LES DERNIERS FEUX DE KADDAFI Il résiste, et contreattaque. Par la ruse, lʼargent et la peur. Mais pour combien de temps encore ? Et qui sont ses derniers soutiens, à lʼintérieur et à lʼextérieur du pays ?

12 MAROC

MOHAMMED VI, LʼANTICIPATEUR En annonçant une réforme de la Constitution, le 10 mars, le souverain marocain a pris tout le monde par surprise. Et a consolidé son trône avec lucidité. Portrait de lʼhomme de la semaine.

16

PHOTOS DE COUVERTURE : AFP PHOTO/STR ; ISSOUF SANOGO

CE NUMÉRO DE JEUNE AFRIQUE consacre une très large place au vent du changement qui souffle sur le monde arabe en général et sur le Maghreb en particulier. Un vent qui ne faiblit pas, démontrant au passage, s’il en était encore besoin, que les Arabes – et les musulmans – ne sont pas « incompatibles » avec MARWANE BEN YAHMED la démocratie. Au contraire, ils la réclament de toutes leurs forces, parfois avec l’énergie du désespoir, à tâtons au départ, puis de manière de plus en plus organisée, à travers un mouvement de révolte qui fédère la majorité de la population. Une quête globale de modernité qui s’appuie sur un constat jusqu’ici seulement esquissé: les mille et un symptômes du mal-être maghrébin – chômage, fracture sociale, libertés octroyées au compte-gouttes, injustice, corruption, jeunesse désabusée, dirigeants autoritaires – ne peuvent être soignés à coups de potions prétendument magiques ou de remèdes d’un autre âge. L’argent ne suffit pas, les despotes éclairés finissent toujours mal, les mesures cosmétiques et disparates censées remédier au malaise général ne sont que des traitements palliatifs qui peuvent soulager mais pas guérir (voir p. 45). Seules panacées, donc, la démocratie et l’État de droit. Au Maghreb, si les symptômes sont identiques, les réponses apportées par les pouvoirs diffèrent. Mohammed VI n’a pas attendu que la pression monte et a pris les devants, décrétant lui-même, à la surprise générale, la « révolution » (voir pp. 16-17). La promesse de changement qu’il a formulée est historique, le cap et le calendrier, clairement fixés. En Algérie, qui cultive décidément sa différence, rien de tel pour l’instant (voir pp. 20-27). Ni dans les coulisses d’El-Mouradia, la présidence, ni dans la rue. Depuis la guerre de libération, beaucoup de sang et de larmes ont coulé, et les Algériens semblent préférer le chemin balisé de l’évolution au sentier semé d’embûches de la révolution. Les premières mesures (emploi des jeunes, lutte anticorruption, levée de l’état d’urgence, ouverture des médias publics à l’opposition, etc.), positives, ne constituent pourtant qu’un premier pas, encore timide. Il en faudra beaucoup d’autres pour atteindre l’objectif – la démocratie pleine et entière – vers lequel la Tunisie, elle, s’est résolument engagée (voir pp. 40-43). Ce n’est sans doute pas le fait du seul hasard si les trois dirigeants « dégagés » ou en passe de l’être sont les moins démocrates et les plus anciens au pouvoir: quarante et un ans pour Kaddafi, vingt-neuf pour Moubarak et vingt-trois pour Ben Ali. Il en va tout autrement de Mohammed VI et d’Abdelaziz Bouteflika, qui ont pris les rênes de leurs pays la même année, en 1999. Ces deux hommes, que tout oppose, ont aussi une carte majeure à jouer, vitale pour toute la région: profiter de cet élan irrépressible pour surmonter enfin leurs différends et transformer ce mirage d’union du Maghreb en réalité. Le printemps arabe unit les peuples. Pourquoi pas leurs dirigeants? ■

DANS JEUNE AFRIQUE ET NULLE PART AILLEURS

03 08

CE QUE JE CROIS Par Béchir Ben Yahmed CONFIDENTIEL

12

FOCUS

12 15 16 18 19

Libye Les derniers feux de Kaddafi France African zapping Lʼhomme de la semaine Mohammed VI Côte dʼIvoire-UA Ouattara, le sacre du printemps Classement « Forbes » Bric et fric

20

LʼENQUÊTE

20

Révolution(s) arabe(s) Et lʼAlgérie ?

28

AFRIQUE SUBSAHARIENNE

28 32 34 36 38 39

Côte dʼIvoire Le mystère Mangou RD Congo Un pour tous et tous contre un ? Niger Il y a une vie après le pouvoir Cyclisme LʼAfrique en selle Procès Taylor Dernier acte Burkina Faso La colère gronde

40

MAGHREB & MOYEN-ORIENT

40

Tunisie Démocratie, année zéro J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 18 • D U 13 A U 19 M A R S 2 0 11


SOMMAIRE 7 CÔTE DʼIVOIRE

LE MYSTÈRE MANGOU Le chef dʼétat-major de lʼarmée, resté fidèle à Laurent Gbagbo, est lʼun des personnages clés de la crise. Qui est-il vraiment ?

20

28

LʼENQUÊTE

RÉVOLUTION(S) ARABE(S) ET LʼALGÉRIE ?

Les causes du mécontentement sont les mêmes : chômage, corruption, jeunesse marginalisée, système politique verrouillé... Mais si lʼembryon de révolte nʼa pour lʼinstant pas pris, de rapides réformes sont plus que jamais indispensables.

TUNISIE

40 43

DÉMOCRATIE, ANNÉE ZÉRO En optant pour lʼélection dʼune Constituante, le président par intérim et le gouvernement scellent la fin de lʼancien régime. Décryptage.

46

45 46 49 49 50

INTERNATIONAL

50 52 53 54 55 56 58 58

Chine Comme un parfum de jasmin Bangladesh Le « banquier des pauvres » viré ! France Dʼun extrême à lʼautre États-Unis Guerre budgétaire Italie-Libye Ils se sont tant aimés ! Parcours Alima Boumédiene-Thiery Justice En attendant Chirac Mexique Courageuse, pas suicidaire

67

EC O F I NA NC E

67

Interview Donald Kaberuka, président de la Banque africaine de développement (BAD)

J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 18 • D U 13 A U 19 M A R S 2 0 11

IRAN

LE GRAND SABOTAGE Assassinats de scientifiques, vente de matériaux défectueux... Tous les coups sont permis dans la guerre secrète entre lʼOccident et la République islamique.

Forum La révolution tunisienne : défis à court terme, opportunités à long terme Droits de lʼhomme Rabat à lʼheure de Tunis et du Caire Arabie saoudite Avant quʼil ne soit trop tard... Iran Le grand sabotage Facebook Parlez-vous « arabish » ? Mauritanie Rendez-vous sur la place rouge

44

DONALD KABERUKA

67

« NOTRE RÔLE EST DʼACCOMPAGNER LES RÉGIMES DE TRANSITION » Tunisie, Égypte, Libye, Côte dʼIvoire... Le patron de la BAD livre son analyse des événements qui secouent lʼAfrique.

L E D E VO I R D ʼ I N FO R M E R , L A L I B E R T É D ʼ É C R I R E

71 72 73 74 76 77

La semaine dʼEcofinance Tunisie Les entreprises à lʼépreuve de la contestation sociale Investissements étrangers Bilan 2010 mitigé au Maghreb Université Le Cap prospecte lʼélite africaine Côte dʼIvoire Une économie au bord du gouffre Télécoms Comium fragilisé par un duel entre actionnaires

78

LIR E, ÉC OUTER , VOIR

78 80 81 82 82

Théâtre Les parents terribles Cinéma « Pégase », Étalon marocain Musique Du hip-hop à lʼopéra Livres Hisham Matar : « Les Libyens renouent avec leur histoire » Venance Konan récidive

96

VOUS & NOUS

96 98

Courrier des lecteurs Post-scriptum


CONFIDENTIEL

POLITIQUE

DJIBOUTI GUELLEH FACE À L’ONDE DE CHOC ARABE IL A SUFFI D’UNE manifestad’un millier de Djiboutiens destion violente, le 18 février, au tinés à être recrutés par l’ONU cœur de Djibouti-ville, avec le comme policiers au Darfour et concours de l’opposition radien Haïti ; et l’embauche, via des cale, pour que le grand voisin sociétés de recrutement amériéthiopien s’inquiète. Le présicaines, de plusieurs centaines dent Mélès Zenawi a aussitôt d’autres sur des chantiers au téléphoné à son homologue IsQatar et à Abou Dhabi. maïl Omar Guelleh pour s’inforEn réalité, plutôt qu’une quelmer de la situation et exprimer conque contagion révolutionses craintes de voir le port de naire chez lui (où la société Djibouti, dont l’Éthiopie dépend civile est inexistante et où les largement pour ses échanges partis d’opposition sont des coextérieurs, bloqué pour cause quilles vides), Guelleh redoute d’instabilité. Guelleh l’a rassuré : les effets d’une déstabilisation Le président Ismaïl l’onde de choc des « révolutions du Yémen voisin, qui pourrait Omar Guelleh. arabes » ne risque guère, selon se traduire par un afflux massif lui, d’atteindre son petit État, à quelques jours de boat people. Mais aussi un surcroît d’agresside l’élection présidentielle du 8 avril. vité du régime érythréen, très proche de celui de Prévoyant, « IOG » a néanmoins fait accélérer Kaddafi. D’ores et déjà, les autorités britanniques la mise en œuvre de diverses mesures sociales ont sollicité Djibouti pour servir de tête de pont visant à employer les jeunes chômeurs. Parmi à l’évacuation du Yémen d’un millier de leurs celles-ci, la formation accélérée (en trois mois) ressortissants. PATRICK ROBERT

8

TOGO

LA LUNE DE MIEL CONTINUE Après un court séjour parisien, l’opposant togolais Gilchrist Olympio était attendu le 12 mars à Lomé, où il devait engager des consultations en vue de l’application de la deuxième phase de l’accord de gouvernement conclu avec le président Faure Gnassingbé. Outre les sept membres de l’Union des forces de changement (UFC) qui siègent au gouvernement depuis mai 2010, il est question de nommer des dirigeants de l’opposition dans les conseils d’administration des entreprises publiques, les représentations diplomatiques, l’administration préfectorale et les directions générales d’établissements publics. L’UFC envisage même de solliciter des candidats dans les rangs d’autres partis, dont elle se sent proche.

RWANDA PAUL KAGAMÉ, FAN DE TWITTER S’il est un chef d’État africain cyberactif pour qui les réseaux sociaux – ces vecteurs privilégiés des contestations modernes – n’ont pas de secret, c’est bien Paul Kagamé. Le président rwandais répond personnellement, dans un délai d’une heure, à la quasi-totalité des messages qui lui sont adressés sur son compte twitter @PaulKagame. Le 7 mars, un club de tennis de Musanze (ex-Ruhengeri), dans le nord du pays, en a fait l’expérience. Apprenant que le président – lui-même joueur de tennis – était en tournée dans la région, les jeunes responsables de l’Ibirunga Tennis Court lui ont adressé un message d’invitation sur Twitter, en précisant : « Nous avons un tee-shirt pour vous ! » Réponse : « OK. Sûr. Je fais un stop. Merci. » L’après-midi même, Kagamé débarquait avec en poche un don de 2 000 dollars pour ce petit club sans grands moyens. Des centaines de Rwandais correspondent ainsi régulièrement avec Paul Kagamé, qui s’accorde le temps nécessaire pour leur répondre. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 18 • D U 13 A U 19 M A R S 2 0 11


9 TUNISIE

MAUVAIS GÉNIES SOUS LES VERROUS Abdelwahab Abdallah, Abdallah Kallel et Abdelaziz Ben Dhia, trois « mauvais génies » de Zine el-Abidine Ben Ali, le président tunisien déchu, ont été arrêtés le 9 mars, en fin de journée, et vont comparaître devant un juge d’instruction. Depuis la fuite de Ben Ali à l’étranger, le 14 janvier, ils étaient en résidence surveillée. Ancien chef de la propagande, Abdallah est déjà visé par une procédure judiciaire. Selon l’ambassadeur de Tunisie à Doha, il aurait en effet demandé à un groupe qatari une grosse commission pour favoriser la conclusion d’un contrat de construction d’une raffinerie en Tunisie. Kallel passe pour avoir été mêlé à des affaires de torture à l’époque où il était ministre de l’Intérieur. Il serait également impliqué dans des opérations financières suspectes au bénéfice de l’ex-parti au pouvoir (aujourd’hui dissous). Enfin, Ben Dhia était, sous Ben Ali, le chef de la « cuisine politique » au Palais de Carthage.

GUINÉE CONDÉ, SARKOZY ET « L’AFFAIRE BOLLORÉ » C’ÉTAIT PRÉVISIBLE. Le 11 mars, le groupe Bolloré a confirmé qu’il s’était vu confier le développement et la gestion du port de Conakry – et a promis d’investir 500 millions d’euros dans l’opération. Trois jours auparavant, le président Alpha Condé avait résilié le contrat de concession attribué en 2008, après un appel d’offres international, au groupe français NCT Necotrans (Getma) pour une durée de vingt-cinq ans. « Des dispositions contractuelles existent pour faire valoir nos droits », estime néanmoins un responsable du groupe. Le chef de l’État guinéen, proche de Vincent Bolloré, pouvait difficilement trouver plus sûr moyen de plomber sa visite à Paris, du 22 au 24 mars. Sa décision de favoriser un groupe français au détriment d’un autre va faire jaser. Fût-ce de manière feutrée, « l’affaire » sera à coup sûr évoquée lors de ses rencontres avec le Medef (patronat français) et le Conseil français des investisseurs en Afrique (Cian), ainsi qu’avec les ministres de l’Économie et des Finances (Christine Lagarde), de la Défense (Gérard Longuet), et de la Coopération (Henri de Raincourt). Il pourrait même en être question, le 23, lors de ses entretiens en tête à tête avec Nicolas Sarkozy – autre proche de Vincent Bolloré – et avec le Premier ministre, François Fillon. D’autres thèmes devraient quand même être abordés au cours de la visite, comme l’aide économique et financière, la coopération militaire (avec, en toile de fond, la nécessaire restructuration de l’armée guinéenne) ou le partenariat privé. Alpha Condé sera accompagné de plusieurs ministres parmi lesquels Bakary Fofana (Affaires étrangères, Intégration africaine et Francophonie) et Mahmoud Thiam (Mines et Géologie). En marge de sa visite officielle, il devrait également rencontrer Bernard Kouchner, un ami de très longue date qui travaille dans la discrétion à la mise en place d’un hôpital mère-enfant à Conakry.

CÔTE D’IVOIRE PLAINTE CONTRE LA SOFRES Me Isabelle Coutant-Peyre, l’avocate parisienne, déposera cette semaine devant le tribunal de Nanterre une plainte pour faux et escroquerie contre l’institut français de sondage TNS Sofres. Les plaignants – plusieurs associations de la société civile ivoirienne proches d’Alassane Ouattara, parmi lesquelles le Mouvement interafricain de réflexion et d’action (Mira), dont le siège est à Paris – souhaitent démontrer que la Sofres a délégué ses

enquêtes d’opinion à une structure locale, Marketing Fields Force, que dirige l’Ivoirien Justin Djahi. Ils produiront notamment le témoignage d’un enquêteur affirmant que la méthodologie du sondeur n’a pas été respectée et que ses collègues et lui ont reçu l’instruction de produire des résultats favorables à Laurent Gbagbo.

SORO ET LES ORGUES DE STALINE Joint par téléphone à la fin de la semaine dernière, le Premier ministre Guillaume Soro se trouvait à Touleupleu, à la frontière du Liberia, dans

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l’ouest du pays. C’est là que viennent de se dérouler de durs affrontements entre les hommes de Losseni Fofana, commandant des Forces nouvelles (FN) pour la région de Man, et les Forces de défense et de sécurité (FDS), fidèles à Laurent Gbagbo. À en croire Soro, les FN ont pris le contrôle de la ville et saisi un BM-21, lance-roquettes autotracté de fabrication russe souvent appelé « orgue de Staline ». « Les combats ont duré trois jours, précise le chef de gouvernement d’Alassane Ouattara. Il était important de contrôler cette voie d’accès pour empêcher le camp Gbagbo de recruter de nouveaux mercenaires. »


CONFIDENTIEL

ÉCONOMIE TRANSPORT AÉRIEN

PORTS ABIDJAN LORGNE L’ASIE ET LA RUSSIE Le Port autonome d’Abidjan est asphyxié par le blocus qui interdit aux navires occidentaux d’accoster (Bolloré, l’opérateur du terminal à conteneurs, fonctionne à 11 % de ses capacités). Pierre Mambé, son directeur général technique, a donc séjourné en Chine du 18 février au 5 mars pour tenter de trouver de nouveaux parAsphyxié par le blocus, le Port autonome d’Abidjan cherche de nouveaux partenaires. tenaires. Il y a rencontré plusieurs armateurs (dont Cosco et Pacific International Lines), ainsi que des représentants de groupes du BTP (Shanghai Construction Group, China Seco Group) en vue d’assurer le financement et l’extension du port. À la fin du mois, ce même Mambé devrait se rendre en Russie et en Inde. Il y a quelques jours, un tanker russe a livré à la Société ivoirienne de raffinage une quantité de pétrole suffisante pour tenir un mois. ISSOUF SANOGO/AFP

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TOUR DE CHAUFFE POUR KORONGO AIRLINES Korongo Airlines, la compagnie que Brussels Airlines (50,5 % du capital) et le groupe industriel Forrest (49,5 %) s’apprêtent à lancer en RD Congo, vient de peindre à ses couleurs son premier Boeing 737. En attendant de rallier Lubumbashi, sa base, l’appareil, dont les ailes ont été refaites pour réduire sa consommation de carburant, assure les liaisons Bruxelles-Prague et Bruxelles-Marseille. Avec un capital initial de près de 10 millions d’euros, la nouvelle compagnie vise d’abord le marché domestique. Avant la fin de l’année, elle assurera des vols quotidiens entre Lubumbashi et Kinshasa. BANQUE

BOA S’ATTAQUE AU GHANA

AUTOMOBILE SORTIE DE ROUTE À MARRAKECH Malgré le succès des deux premières éditions (110 000 spectateurs en 2010), la Fédération internationale de l’automobile (FIA) a, le 8 mars, annulé le Grand Prix de Marrakech (GT, Formule 2), qui devait se dérouler en mai. En cause : le manque de moyens. Seuls les fondateurs de l’épreuve – Aly Horma, un banquier passionné d’automobile, et le groupe Menara – se sont en effet mobilisés. « Nous avons dépensé 15 millions d’euros en infrastructures et 5 millions d’euros par an en frais de fonctionnement », s’indigne Horma, qui regrette notamment le manque de solidarité des acteurs touristiques de la Ville ocre, qui ont pourtant profité de l’événement. L’épreuve sera attribuée à une autre ville africaine, Le Cap est sur les rangs. Le rêve d’Aly Horma d’accueillir en 2013 une épreuve de F1 s’éloigne.

INTERNET CAMEROUN RINGO LA JOUE FUTÉ Premier fournisseur d’accès à internet du Cameroun avec plus de 100 000 abonnés, Ringo rêve d’élargir son royaume. Olivier Leloustre, son fondateur, s’est associé à Charles-Emmanuel Berc, figure française du secteur des centres d’appels, pour commercialiser depuis Yaoundé les espaces publicitaires du Petit Futé, le célèbre guide touristique. Grâce à la loi sur la voix sur l’Internet Protocol publiée le 20 décembre au Cameroun, Ringo peut proposer des services de relations clients de 20 % à 30 % moins chers qu’en Tunisie ou au Maroc. Son patron ne compte pas s’arrêter là. Dans ses cartons : la création d’une régie publicitaire et d’une agence de communication spécialisée dans l’internet et le développement de services d’hébergement.

Après Djibouti, le Ghana : Bank of Africa (BOA) poursuit sa stratégie panafricaine. La filiale de BMCE devrait finaliser prochainement le rachat de Ghana Amalgamated Bank, plus connue sous le nom de Amalbank. Cet établissement de taille moyenne cherche en effet un nouvel actionnaire de référence afin de se recapitaliser, la législation imposant désormais aux banques un capital minimum de 60 millions de cédis ghanéens (28 millions d’euros). Des fonds que BOA appor terait en échange de la majorité du capital. Fin 2009, le total de bilan d’Amalbank avoisinait 165 millions d’euros.

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CONFIDENTIEL

CULTURE & SOCIÉTÉ

LITTÉRATURE FILIÈRE NIGÉRIANE CHEZ ACTES SUD Deux Nigérians, Helon Habila et Sefi Atta, sont au programme des prochaines publications des éditions Actes Sud. Le premier, en qui certains critiques voient le « Soyinka de la nouvelle génération », vient de faire paraître en Angleterre et aux États-Unis (Hamish Hamilton, 2010) un nouveau roman intitulé Oil on Water. Il publie régulièrement dans la collection « Afriques », que dirige l’éditeur et journaliste Bernard Magnier. Quant à Sefi Atta, Actes Sud s’apprête à publier son nouvel opus, un portrait sensible et drôle des Nigérianes d’aujourd’hui. Son titre, quelque peu comminatoire: Avale.

MICHEL VANDEN EECKHOUDT/AGENCE VU

COLLOQUE L’ESCLAVAGE S’EXPOSE À PARIS

Extrait de Martinique: sur les traces de l’esclavage, photo essay de Michel Vanden Eeckhoudt (Vu).

À l’occasion du dixième anniversaire de la loi du 21 mai 2001, qui fait de la traite négrière et de l’esclavage des crimes contre l’humanité, le musée du Quai Branly, à Paris, et le Comité pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage (CPMHE) organisent du 11 au 13 mai un colloque international sur le thème « Exposer l’esclavage ». De nombreuses tables rondes réuniront dans le Théâtre Claude-Lévi-Strauss (situé dans l’enceinte du musée) des personnalités aussi diverses que l’historien Achille Mbembe, le galeriste Olivier Sultan, les plasticiens Barthélémy Toguo, Romuald Hazoumé et William Wilson, l’écrivaine Maryse Condé et bien d’autres. Dédié à la mémoire d’Édouard Glissant (1928-2011), ce colloque fait partie des festivités de l’année des Outre-Mer, dont le commissariat général est assuré par le romancier, poète et essayiste guadeloupéen Daniel Maximin.

THÉÂTRE KOUYATÉ DÉBARQUE SUR « L’ÎLE »

CINÉMA

LES FANS D’ATHOLD FUGARD PEUVENT SE RÉJOUIR. La compagnie Deux Temps Trois Mouvements, que dirige, à Paris, le metteur en scène burkinabè Hassane Kassi Kouyaté, travaille à une adaptation en français de The Island, la pièce la plus connue du dramaturge sud-africain, créée au Royal Court Theatre, à Londres, en 1975, qui a pour cadre l’île de Robben Island, où étaient détenus les prisonniers politiques au temps de l’apartheid. Plusieurs membres de la compagnie Serpent Players, fondée par Fugard en 1973, y furent eux-mêmes emprisonnés, et c’est leur expérience que raconte la pièce. Adaptée en français par Marie-Hélène Estienne et mise en scène par Kouyaté en personne, The Island sera jouée sur la scène du Lavoir moderne parisien du 26 avril au 7 mai. Elle est aussi au programme du festival Villeneuve en scène, près d’Avignon, en juillet.

Auteur (entre autres) de Mobutu, roi du Zaïre et de Katanga Business, le documentariste belge Thierry Michel tourne une nouvelle fois en RD Congo. Son nouveau film traitera de l’affaire Chebeya, du nom d’un militant congolais des droits de l’homme retrouvé assassiné dans sa voiture le 3 juin 2010. Avec son équipe, Michel a enquêté sur ce crime perpétré par les services de police du général Numbi, puis a suivi le procès de ses auteurs. Commencé fin novembre, celui-ci devrait s’achever prochainement. Un nouveau documentaire choc en perspective.

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RETOUR EN RD CONGO POUR THIERRY MICHEL

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12 FOCUS

LES DERNIÈRES NOUVELLES DU MONDE

LIBYE LES DERNIERS Il résiste, et contre-attaque. Par la ruse, lʼargent et la peur. Mais pour combien de temps encore ? Et qui sont ses derniers soutiens, à lʼintérieur et à lʼextérieur du pays ?

CHRISTOPHE BOISBOUVIER et FAROUK HATTAB

P

o ur t e nir, M o uamm ar Kaddafi dispose encore d e q u e l q u e s d iz a in e s de milliers d’hommes. Comment s’assure-t-il de leur fidélité ? Par l’argent et la peur. Les primes des officiers et des soldats ont été multipliées par cinq. Les familles des deux pilotes de chasse qui ont déserté à Malte ont été arrêtées. Avis à tous les officiers et diplomates qui voudraient rejoindre le Conseil national de transition (CNT) à Benghazi : les représailles contre leurs familles seront terribles. C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles le général Ahmed Kaddaf Eddam, un cousin du « Guide », reste très discret depuis sa défection. Il loge dans un hôtel de Damas, en Syrie, et ne dit rien. Plusieurs émissaires du régime sont sous haute surveillance. Quand ils se déplacent dans une grande capitale d’Europe ou d’Afrique, ils sont escortés par des membres de la Katiba, la garde rapprochée de Kaddafi. « Je ne suis jamais seul, confie l’un d’entre eux à un ami. À l’hôtel, il y a même un garde qui dort dans ma chambre. » La peur, toujours. Comme au temps de Staline. Qui sont les derniers fidèles du régime ? D’abord, Ahmed Ibrahim et Abdallah Senoussi. Ahmed Ibrahim est un cousin du « Guide » et un membre influent de la tribu des Gueddafa. Il tient le Mouvement des comités révolutionnaires (MCR). C’est l’idéologue. Abdallah Senoussi, lui, est le beau-frère du numéro un libyen. Il commande la Katiba. C’est le chien de garde. Comme le comman-

dant Abdelsalam Jalloud, ex-numéro deux du régime, il appartient à la très influente tribu des Meghara. « Si Senoussi s’enfuit, le régime s’effondre », analyse un expert. Mais il n’a pas intérêt à s’enfuir. Après l’attentat de septembre 1989 contre le DC-10 d’UTA (170 morts), la justice française l’a condamné par contumace à la prison à vie. Ces derniers jours, lors des apparitions du « Guide » à la télévision libyenne, Senoussi était toujours là, derrière son patron. Il ne parle jamais, mais sa seule présence vaut message. SOUS HAUTE SURVEILLANCE

Quel est le degré de fidélité des militaires ? Le général Abou Bakr Jaber Younes est un homme clé. Issu de la même tribu que le « Guide », il est l’un des douze officiers qui ont renversé le roi Idriss en 1969. Depuis plus de trente ans, il porte le titre de secrétaire (ministre) provisoire de la Défense. Le 7 mars, la téléviInsurgés sion libyenne l’a à Ras Lanouf, montré en train de le 9 mars. présider une réuDans cette ville pétrolière du nion d’état-major. golfe de Syrte, Il est donc toules combats jours à son poste. font rage. Mais Kaddafi s’en méfie. De bonne source, ces deux dernières semaines, il a refusé d’exécuter certains de ses ordres. Plus intéressant encore : il y a quelques jours, son quartier général d’Al-Joufra, au sud de Syrte, a été encerclé par l’une des brigades de la Katiba. Comme plusieurs diplomates, il est sous haute surveillance.

Autre officier important : le colonel Massoud Abdel Hafiz. Les Tchadiens le connaissent bien. Longtemps, cet officier issu d’une tribu arabe du Sud libyen a été l’homme de Kaddafi auprès des rebelles toubous. Un coup avec eux, un coup contre eux. Très influent à Sebha, la grande

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FOCUS 13

TYLER HICKS/THE NEW YORK TIMES-REDUX-REA

FEUX DE KADDAFI

palmeraie du Sud, où il a été gouverneur, il est depuis un mois le nouveau ministre de l’Intérieur, en remplacement du général Abdelfatah Younes, qui a fait défection dès les premiers jours de la révolte. Sur le papier, l’armée libyenne est bien équipée : 800 chars lourds,

2 000 véhicules blindés d’infanterie, des batteries sol-air et quelque 400 avions de combat. En réalité, nombre de ces chars T-55 ou T-72, de ces avions de chasse Mig, Tupolev ou Sukhoi, et des hélicoptères MI 35 sont hors d’usage. L’embargo militaire (1992-2004) a laissé des traces.

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Et l’entraînement des tankistes et des aviateurs est très insuffisant – les pilotes de chasse ne volent que 85 heures par an. Sur les douze avions Mirage F1 que la France a vendus à la Libye en 1973, quatre viennent d’être rénovés. Le mois dernier, deux ont manqué à l’appel, quand leurs pilotes déser-


14 FOCUS teurs les ont posés à Malte. Mais le petit État insulaire n’a pas pu résister longtemps aux pressions libyennes. La semaine dernière, les deux Mirage ont été rendus au régime de Tripoli. De l’aveu de Meftah Missouri, son interprète en français, le « Guide » est féru d’histoire militaire et admire en particulier le général allemand Erwin Rommel, qui mena la vie dure aux Britanniques dans le désert libyen en 1941-1942. Mouammar Kaddafi veutil rééditer le coup des panzers sur Tobrouk, en juin 1942? Probable. Dans les rêves du « Guide », si son armée parvient à garder le contrôle de Ras Lanouf, au fond du golfe de Syrte, elle peut ensuite couper à travers le désert

et avancer plein est vers le port en eau profonde de Tobrouk, près de la frontière égyptienne, afin de rompre les lignes d’approvisionnement du CNT entre Le Caire et Benghazi… Le problème, c’est que l’armée libyenne est loin d’avoir la mobilité de l’Afrika Korps. Avec ses lance-roquettes, ses chars lourds et ses avions, elle a encore une puissance de feu. La bataille de Ras Lanouf l’a montré. Mais elle manque de bon matériel et de combattants. « À l’heure actuelle, Kaddafi est incapable de mener la guerre sur plusieurs fronts, estime

« Il est incapable de mener la guerre sur plusieurs fronts », estime un expert. un expert. Il n’a pas assez de troupes. Surtout, elles ne sont pas motivées. Si le CNT promet l’amnistie à tous les soldats du “Guide”, il risque d’y avoir débandade. » Autre problème, la logistique. Pour approvisionner son armée, le régime doit faire circuler des convois sur l’autoroute côtière. Or cette route n’est pas sûre. Le CNT mène des actions de guérilla jusque dans l’ouest du pays. C’est pourquoi, jusqu’au 11 mars, le régime libyen n’était toujours pas parvenu à reprendre aux insurgés le port de Misrata, la troisième ville du pays, située à seulement 210 km de Tripoli.

L’HOMME QUI VALAIT 400 000 DOLLARS

MARIANNE MEUNIER

RESTE LA CHINE…

MAHMUD TURKIA/AFP

CRÂNE DÉGARNI, air timide et costumes sobres… L’homme qui défie Kaddafi a des allures de passe-muraille. Cela a-t-il abusé le « Guide » ? Une chose est sûre : aujourd’hui, il redoute celui qui fut son ministre. Le 9 mars, la télévision libyenne a annoncé que le régime versera 400 000 dollars à qui livrera Moustapha Abdeljalil. Le président du Conseil national de transition (CNT), 58 ans, est le premier membre du gouvernement à avoir fait défection, le 20 février. En janvier 2010, il avait déjà donné des signes d’insoumission en démissionnant de son poste de ministre de la Justice devant le Congrès général du peuple (CGP), l’équivalent du Parlement. Un affront, seul le clan Kaddafi ayant le droit de faire – et de Moustapha Abdeljalil, président du Comité national de transition. défaire – fortunes et carrières. Pis, Abdeljalil expose publiquement ses raisons : le refus du gouvernement de libérer trois cents prisonniers à l’expiration de leur peine. Mais le « Guide », qui a nommé ministre cet ancien juge de Benghazi en 2007, s’oppose à son départ. « Il avait le droit de dire ce qu’il a dit, mais il n’aurait pas dû le dire ici », explique-t-il devant le CGP. Selon plusieurs observateurs, ce natif d’El-Beïda – une ville du littoral, située entre Benghazi et Tobrouk, berceau de la monarchie – avait été choisi par Seif el-Islam, l’un des fils Kaddafi, pour donner des gages d’ouverture. De fait, les ONG internationales avaient souligné son rôle positif dans l’évolution du code pénal. « Il est considéré comme un technocrate honnête », écrivait à son sujet l’ambassadeur américain à Tripoli dans un télégramme révélé par WikiLeaks. « Il est simple, n’affiche pas sa richesse, il suffit de voir sa vieille voiture! » note de son côté un avocat qui l’a côtoyé au ministère. Cela lui suffira-t-il pour faire l’unanimité parmi les insurgés? ■

Pour faire la guerre, il faut renouveler ses stocks d’armes et de munitions. À la fin de février, le Conseil de sécurité de l’ONU a voté un embargo sur les ventes d’armes à la Libye. Combien de temps le régime Kaddafi pourra-til tenir si cet embargo est réellement appliqué ? La réponse est en grande partie à Moscou, car l’armée libyenne est équipée essentiellement de matériel de fabrication russe. Or, le 10 mars, le président Dmitri Medvedev a interdit par décret « la vente, la livraison et le transfert, depuis la Fédération de Russie vers la Libye, d’armes de tout type, de leurs munitions et de leurs pièces de rechange ». Un coup dur pour le « Guide ». Reste la Chine, le seul grand pays qui semble garder de bonnes relations avec Tripoli. Kaddafi le sait. Il a facilité l’évacuation de quelque 36 000 travailleurs chinois. Pékin a pu envoyer en Libye plusieurs avions de transport militaire, et même une frégate lance-missiles, le Xuzhou. Les avions gros-porteurs sont-ils arrivés à vide ? Fin février, un officier de la très puissante Commission militaire centrale du PC chinois a séjourné discrètement à Tripoli. Le « Guide » promet ouvertement de chasser les compagnies pétrolières occidentales et de les remplacer par des sociétés chinoises. Encore faut-il qu’il tienne jusque-là… ■

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FOCUS 15

FRANCE

African zapping DANS UN MONDE MÉDIATIQUE dominé par les grandes puissances, l’Afrique peine à se faire une place. Y compris dans les journaux télévisés français, à en croire les dernières statistiques de l’Institut national de l’audiovisuel (INA). En 2010, sur les six grandes chaînes hertziennes (TF1, France 2, France 3, Canal+, Arte et M6), 1 353 sujets abordés lors des éditions du soir ont concerné les États-Unis, et seulement 1 475 l’ensemble du continent africain. Avec 36 pays évoqués, l’information africaine a représenté 4,6 % de l’offre totale des JT, soit un p e u p l u s q u ’e n 2 0 0 9 ( 3 , 4 % pour 1 078 sujets et 39 pays) et deux fois plus qu’il y a dix ans (2,2 %). Les raisons sont simples : l’actualité a été très riche en 2010, portée par la Coupe du monde de football, qui a propulsé médiatiquement l’Afrique du Sud, à laquelle 615 sujets ont été consacrés (40 %). La nation Arc-en-Ciel prend ainsi la première place des trois pays les plus évoqués et qui concentrent 65 % de l’information liée au continent. Dans ce trio de tête, on trouve sans surprise la Côte d’Ivoire et la bataille de la présidentielle (201 sujets), et le Niger, avec l’affaire des otages français (147 sujets). L’impression dif fuse de ne découvrir que très rarement un sujet lié à la culture, à l’environnement ou à l’éducation est une réalité : plus d’un sujet sur quatre a pour objet l’actualité violente (conflits armés, guerres civiles, terrorisme), soit 314 en 2010 (297 en 2009), année de la célébration des indépendances. Dans cette logique, la personnalité africaine qui s’est exprimée plus de trois fois dans les éditions du soir des JT, fin 2010, est Laurent Gbagbo. En matière d’of fre comme de diversification des thématiques, on reste sur sa faim. Allez, encore un petit effort ! ■ JUSTINE SPIEGEL J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 18 • D U 13 A U 19 M A R S 2 0 11

ILS ONT DIT ANITA CORTHIER

« Je me lance. Tout Malien doit penser à l’élection présidentielle de 2012. C’est l’avenir du pays qui se joue. La politique ne doit pas seulement être une affaire de professionnels. » CHEICK MODIBO DIARRA Astrophysicien malien (leader du Rassemblement pour le développement du Mali, le RPDM)

« J’avais remarqué qu’il me regardait sans cesse, et il était terriblement séduisant, comme il l’est toujours. Je lui ai alors dit : “Nous devrions faire connaissance.” » HILLARY CLINTON Secrétaire d’État américaine (évoquant sa rencontre avec Bill Clinton, lors de leurs études)

« Kaddafi est fou, et vous ne le saviez pas ? » TAHAR BEN JELLOUN Écrivain franco-marocain

« Si un prochain secrétaire à la Défense conseille au président américain de dépêcher à nouveau un fort contingent militaire dans un pays d’Asie, du Moyen-Orient ou d’Afrique, alors il faut qu’il aille se faire soigner. » ROBERT GATES Secrétaire américain à la Défense (devant l’Académie militaire de West Point)

« Quand j’arrive dans un pays, je regarde sa démographie et sa musique. Avec ça, je sais déjà énormément de choses sur ce qu’il est et va devenir. » JACQUES ATTALI Économiste et essayiste français

LE DESSIN DE LA SEMAINE CHAPPAT TE • NZZ AM SONNTAG (Zurich, Suisse)


16 FOCUS L’HOMME DE LA SEMAINE

MOHAMMED VI Roi du Maroc

E

n politique, comme en amour, l’anticipation est un gage de longévité. Cueillant son peuple par surprise en annonçant une réforme de la Constitution, le roi Mohammed VI vient de consolider son trône avec lucidité. Il étaie aussi les remparts de son royaume pour endiguer la vague révolutionnaire qui déferle sur l’« ancien » monde arabe. « Historique », « courageux », « visionnaire » sont les moins laudatifs des qualificatifs que le discours royal du 9 mars a suscités. La classe politique, toutes tendances confondues, la presse officielle et indépendante, mais aussi l’homme de la rue, barbu ou moustachu, jeune ou chibani, ont salué le sens de l’Histoire manifesté par le souverain chérifien. Après avoir regardé passer les TGV tunisien et égyptien, Nicolas Sarkozy, dont certains doutaient de la lucidité sur les enjeux stratégiques du Maghreb, s’est empressé de saluer « la clairvoyance » et la « sagesse » de « Sa Majesté ». Washington a embrayé sans tarder pour féliciter le souverain, tandis que Madrid soulignait « la capacité de leadership » du fils de Hassan II. Sur le fond, et sous réserve de tenir ses promesses, la royale adresse ne peut que réjouir les démocrates sincères. La nouvelle Constitution, qui sera soumise à référendum, consacrera la dimension ama zighe du p e uple marocain, « élargira » les libertés publiques, érigera la justice marocaine – aujourd’hui souffrante – « au rang de pouvoir indépendant » et « scellera » le principe de séparation des pouvoirs. Le Premier ministre – le dirigeant du parti arrivé en tête aux élections législatives – deviendra ainsi le vrai « chef de l’exécutif », la vie publique sera « moralisée », et le principe de « régionalisation avancée » – qui devrait peut-être permettre de résoudre enfin l’équation du Sahara occidental – sera gravé dans le marbre. Autant d’engagements généreux, lucides et nécessaires de nature à réjouir plusieurs générations d’étudiants en droit public et de sujets-citoyens.

politiques et économiques derrière les lourdes portes du Palais. Sous réserve, encore une fois, de sa déclinaison, ce programme devrait satisfaire les démocrates, qui ont longtemps appelé de leurs vœux « un roi qui règne et un gouvernement qui gouverne ». En prenant de la hauteur plus que de la distance, le « néo-Makhzen » pourrait ainsi s’inscrire de façon paci-

La nouvelle Constitution, qui sera soumise à référendum, consacrera le principe de la séparation des pouvoirs.

CES PROMESSES MET TENT également un terme à l’étrange concept de « monarchie exécutive », qui justifiait jusque-là la concentration et la réalité des pouvoirs J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 18 • D U 13 A U 19 M A R S 2 0 11


FOCUS 17

fique et presque naturelle dans le cours de l’Histoire et dans le processus de renaissance politique du monde arabe. Les slogans des manifestations du 20 février – égalité, démocratie, dignité, liberté – ont été entendus, et le syndrome de l’autisme benaliste a épargné Rabat. Condamné à avancer tant l’attente de son peuple est grande, le monarque alaouite lui envoie donc ce message clair sur l’air d’un tacite « je vous ai compris ». MAIS C’EST AUSSI SUR LA FORME que Mohammed VI a réussi son opération de chirurgie démocratique. Entouré de son frère, Moulay Rachid, et de son fils, Hassan, sur fond de drapeau national, le souverain s’est adressé à la nation avec solennité, alors que le tout-Rabat bruis-

sait de rumeurs sur une royale initiative. Démission du gouvernement périmé d’Abbas El Fassi ? Limogeages de walis en série ? Nouvelles promesses de « développement humain » ? L’oligarchie économique du royaume (dont les tycoons français du CAC 40 sont les parrains) et les dinosaures de la classe politique ont frémi avant d’entendre le roi, lequel a aussi pris de vitesse la quasi-totalité des quotidiens marocains, victimes de leurs délais de bouclage soviétiques. Hassan II avait cloué le cercueil de Franco avec la Marche verte. Mohammed VI a mis en terre celui de la gouvernance arabe du XXe siècle. Un fils, parfois, est fidèle au talent du père. (Lire aussi p.44.) ■ NICOLAS MARMIÉ, à Rabat

SERVICE PHOTO PR

Entouré de son frère, Moulay Rachid, et de son fils, Hassan, le souverain s’est adressé à la nation le 9 mars depuis le palais royal de Rabat.

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18 FOCUS

CES

CHIFFRES

CÔTE DʼIVOIRE-UA Ouattara,

le sacre du printemps

QUI PA RL EN T

340 millions

de Chinois (près de 25 % de la population) auront plus de 65 ans en 2050. Ils étaient 100 millions en 2008.

1,25 million

de dollars (plus de 900000 euros): le montant du don de Google à la Fondation Nelson Mandela pour procéder à la numérisation des archives de l’ancien président sud-africain.

63 %

des Français voient les révolutions ara bes comme « une chance » et « un progrès pour la démocratie », selon un sondage LH2/ nouvelobs.com publié le 9 mars.

240 millions de km.

La distance parcourue en 27 ans par Discovery. La plus ancienne des navettes américaines a atterri pour la dernière fois le 9 mars à Cap Canaveral (Floride), après sa 39e mission.

SIMON MAINA/AFP

20 %

des poste s d e direction d’entreprise sont occupés par des femmes, contre 24 % en 20 0 9, selon le cabinet Grant Thornton.

soin de former un gouvernement d’ouverture et d’aider à trouver « une sortie honorable » pour son rival. Après avoir appelé Abidjan, les émissaires de Gbagbo ont jugé cette décision « inacceptable » et demandé au panel de revoir sa copie. « Ils perdent le sens des réalités », indique un diplomate africain. Dans la soirée, le Conseil a décidé de nommer un haut représentant chargé de la mise en œuvre de ces « solutions contraignantes » en liaison avec un comité de suivi, où siégeront des représentants de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) Alassane Ouattara avec Jean Ping, le président et des Nations unies. de la Commission de l’UA, à Addis-Abeba, le 10 mars. Le camp Ouattara a alors laissé éclater sa joie. Le 11 mars, « NE M’APPELEZ PLUS PRÉSIDENT élu de ADO s’est entretenu avec Mélès Zenawi, Côte d’Ivoire, mais président de la Républile Premier ministre éthiopien, avant de que », confiait Alassane Dramane Ouattara s’envoler pour Abuja où il a rencontré Goo(ADO), d’excellente humeur, à l’issue de dluck Jonathan, le président nigérian. la réunion du Conseil de paix et de sécuReconnu pleinement par ses pairs afririté de l’Union africaine (UA), le 10 mars, cains, Ouattara se rendra le 23 mars au à Addis-Abeba (Éthiopie). Pour ce presommet de la Cedeao. Il espère également mier voyage après plus de trois mois de une levée rapide de la suspension de la réclusion au Golf Hôtel, ADO était accomCôte d’Ivoire aux assemblées de l’UA. pagné d’Amadou Gon Coulibaly, le secréMais le principal défi d’ADO reste de taire général de la présidence, des minisprendre le contrôle effectif du pouvoir. tres Jean-Marie Kacou Gervais (Affaires « Ce n’est plus qu’une question de jours », étrangères), Albert Mabri Toikeusse (Plan), af firme Guillaume Soro, son Premier Mamadou Koné (ex-titulaire de la Justice) ministre, persuadé que les troupes fidèles et de Youssouf Bamba, l’ambassadeur à à Gbagbo vont basculer. Sur le terrain, les l’ONU. Laurent Gbagbo, lui, avait envoyé Forces nouvelles, pro-Ouattara, ont pris le Pascal Affi Nguessan, président du Front contrôle de certaines localités de l’Ouest populaire ivoirien (FPI), et Alcide Djédjé, lors de violents combats. Dans plusieurs son ministre des Affaires étrangères, pour quartiers d’Abidjan, les affrontements le représenter. sont quasi quotidiens. Et le bilan s’alourdit : plus de 400 morts et 68 disparus en RECONNU PAR SES PAIRS AFRICAINS un peu plus de trois mois, selon la FédéLe panel des chefs d’État a soumis aux ration internationale des ligues des droits deux délégations un plan global de sortie de l’homme (FIDH). Près de 300 000 habide crise incluant la question de la présidentants ont fui les zones de combats à Abice, du gouvernement d’union nationale et djan, et 40 000 ressortissants de l’Ouest de l’achèvement de l’accord de Ouagadouse sont réfugiés au Liberia. Le système gou. Dans un long monologue, Affi Nguesbancaire est paralysé, les vivres comsan a attribué l’absence de Gbagbo à des mencent à manquer. Autour de Gbagbo, raisons de sécurité et tenté de démontrer l’étau se resserre. Mais son obstination à que son camp était victime d’un « hold-up s’accrocher au pouvoir pourrait entraîner électoral ». Un discours qui n’a guère ému le pays dans la guerre civile. ■ PASCAL AIRAULT les chefs d’État, qui ont confié à Ouattara le J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 18 • D U 13 A U 19 M A R S 2 0 11


FOCUS 19 EN HAUSSE

CLASSEMENT « FORBES »

La journaliste et militante camerounaise des droits de l’homme a reçu le 8 mars, à Washington, le prix du Courage féminin, décerné chaque année par le département d’État américain à dix femmes du monde entier.

Le Nigérian Aliko Dangote, première fortune d’Afrique.

JEAN-MICHEL MEYER

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M’RABIT KHAMMAR

AIEA

Le 7 mars, le Conseil des gouverneurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a nommé cet ancien cadre de l’Office national de l’électricité du Maroc directeur du bureau de la sécurité nucléaire de l’Agence.

SIHEM BENSÉDRINE

D.R.

Ancienne opposante au régime Ben Ali, la journaliste tunisienne présidera le Groupe arabe d’observation des médias, créé le 6 mars, à Tunis, par dix-huit organisations arabes militant pour les droits de l’homme.

NZANGA MOBUTU VINCENT FOURNIER/J.A.

Vice-Premier ministre et ministre du Travail de la RD Congo, le fils de l’ancien dictateur a été limogé pour « abandon de poste ». Parti à Rome en novembre 2010, il est resté en Europe, sans fournir la moindre explication.

ANDREW, DUC D’YORK

TOBY MELVILLE/REUTERS

Accointances avec les clans Ben Ali et Kaddafi, amitié avec un milliardaire américain condamné pour sollicitation de prostituées mineures, indélicatesses diverses… Cela fait beaucoup pour le fils de la reine d’Angleterre !

HACHEMI RAFSANDJANI

RAHEB HOMAVANDI/REUTERS

LUKE MACGREGOR/REUTERS

Milliardaire? Une « profession » d’avenir. Surtout dans les pays émergents!

D.R.

Bric et fric

MILLIARDAIRE. Une « profession » qui a le vent en poupe. D’après la dernière édition du classement Forbes des plus grosses fortunes, la planète comptait 1 210 de ces Crésus en 2010, soit 214 de plus que l’année précédente. Un record : c’est la première fois que le magazine américain débusque autant de riches depuis son premier palmarès, en 1985. Plus nombreux, les milliardaires sont aussi plus riches. Leur fortune cumulée a crû de 25 % en un an pour atteindre 4 500 milliards de dollars. Davantage que le PIB de l’Allemagne, la quatrième puissance économique mondiale et – ironie du sort – l’un des six pays qui a vu le nombre de ses milliardaires diminuer en 2010. À l’image de l’homme le plus riche du monde, Carlos Slim, le magnat mexicain d e s t é l é c o m s , à la tête d’une fortune de 74 milliards de dollars, les milliardaires des pays émergents contestent la suprématie de leurs pairs occidentaux. Certes, avec 413 milliardaires, les Américains restent en tête, mais les Bill Gates (2e), Warren Buffett (3e) et le Français Bernard Arnault (4 e) sont désormais talonnés par les Indiens Lakshmi Mittal (6e) et Mukesh Ambani (9e) ou le Brésilien Eike Batista (8 e). Des précurseurs qui témoignent de la percée des Bric. Le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine réunissent en effet 301 milliardaires (contre 199 en Europe, hors Russie, donc). Signe de leur forte montée en puissance, la moitié des 214 nouveaux nababs viennent de ces quatre pays. Jadis capitale du communisme triomphant, Moscou compte aujourd’hui plus de grosses fortunes que New York (79 milliardaires, contre 58). L’Afrique, elle, reste stable, avec 14 milliardaires : 8 Égyptiens (dont 4 représentants de la famille Sawiris, 3 de la famille Mansour, ainsi que Mohamed al-Fayed), 4 Sud-Africains (parmi lesquels l ’inamov ib le Nic k y Oppenheimer) , et deu x Nigérians : le banquier Mike Adenuga e t A liko Dan gote (51e ), qui, avec 13,8 milliards de dollars, demeure le plus riche du continent. ■

HENRIETTE EKWE EBONGO

L’ancien président iranien a été démis de ses fonctions à la tête de l’Assemblée des experts, le 8 mars. Le camp conservateur de Mahmoud Ahmadinejad lui reproche sa proximité avec les réformateurs.

EN BAISSE


20 L’ENQUÊTE

RÉVOLUTION(S) ARABE(S)

Manifestation à Alger, le 11 février. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 18 • D U 13 A U 19 M A R S 2 0 11


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ET LʼALGÉRIE? Les causes du mécontentement sont les mêmes : chômage, corruption, jeunesse marginalisée, système politique verrouillé... Mais si lʼembryon de révolte nʼa pour lʼinstant pas pris, de profondes et rapides réformes sont plus que jamais indispensables.

L

CONSTANCE DESLOIRE

DPA/ABACAPRESS.COM

« ’

J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 18 • D U 13 A U 19 M A R S 2 0 11

Algérie n’est ni la Tunisie ni l’Égypte », a déclaré le 14 février Mourad Medelci, ministre algérien des Affaires étrangères. C’est à la fois un constat et une prédiction – une menace, pour dissuader les révoltés. Les autorités comptent sur une exception algérienne pour préserver le pays de l’embrasement. Car l’Algérie concentre la plupart des ingrédients explosifs : un peuple jeune et désœuvré ; un bouillon d’autoritarisme et de corruption qui a longtemps mijoté ; une bonne dose de malaise dans une société tiraillée entre envie de modernité, conservatisme et tabous ; le tout saupoudré de gestes individuels désespérés et des révélations du site internet WikiLeaks. Mais la recette qui a fonctionné en Tunisie, en Égypte et en Libye n’a pas pris en Algérie. Pourtant, la volonté de changement est là, évidente. Quelques personnes isolées ont d’abord essayé d’enclencher une révolte. Depuis décembre 2010, une trentaine d’Algériens ont tenté de s’immoler par le feu – cinq sont décédés. Les rassemblements en hommage au jeune Tunisien Mohamed Bouazizi ont été réprimés à balles réelles, entraînant une colère qui s’est propagée comme une traînée de poudre. Mais en Algérie, les manifestations n’ont pas été étouffées avec la même violence que dans les pays voisins, et des policiers trop zélés ont été sanctionnés. En janvier, ensuite, des jeunes ont essayé d’organiser la mobilisation via internet. Mais le pays ne compte que 14 % d’internautes – contre


22 L’ENQUÊTE plus de 9 000 troubles ou émeutes par mois. Mais ce vaste pays connaît également des fractures régionales et communautaires. Ouvriers de Rouiba, étudiants de Béjaïa ou jeunes du Collectif des chômeurs suicidaires des wilayas du Sud… Des dizaines de révoltés s’époumonent, mais sans parvenir à constituer un front commun. « La dichotomie entre les manifestations planifiées et élitistes d’un côté et les dizaines de grèves spontanées et tentatives de suicides de l’autre empêche l’unification du PEUPLE TRAUMATISÉ mouvement », analysait D’abord parce que la mi-février Amel Boube« décennie noire » et ses keur, chercheuse à l’École 150 000 morts de la guerdes hautes études en scienre civile ont profondément ces sociales, à Paris. marqué les Algériens, qui Pour faire une bonne don ne nt le s e nt i me nt révolution, la présence d’être blasés. La révolud’un tyran dont la détestion ? Ils ont l’impression tation cimente l’opinion de l’avoir déjà faite pour Les marches de protestation (ici à Alger, le 10 octobre 1988), publique est un excellent obtenir l’indépendance en bien que sévèrement réprimées, avaient suscité une vague moteur. Rien de tel qu’un 1962, lors du Printemps d’espoir. Avant que le pays sombre dans la guerre civile. Ceausescu à abhor rer. berbère en 1980, en KabyKaddafi, Moubarak ou Ben Ali se sont lie en 2001 – le Printemps noir – et, Les jeunes, eux, enfants pendant donné la peine, pendant respectivesurtout, en octobre 1988. Des manila décennie noire, aujourd’hui masment quarante-deux, vingt-neuf et festations géantes avaient alors initié sivement au chômage, victimes au vingt-trois ans de pouvoir, de devenir un mouvement démocratique, qui a quotidien de la hogra – le « mépris » des caricatures de dictateurs. Leurs été brusquement interrompu en 1992 teinté d’injustice –, sont apolitiques. inégales contributions au bien-être lorsque les élections législatives, sur Leur colère peine à s’organiser, alors de leurs pays ont été effacées par des le point d’être remportées par le Front que le quotidien d’opposition Liberté années d’autisme et d’autoritarisme. islamique du salut (FIS), ont été annua recensé 112 878 interventions de Le jugement sur Abdelaziz Bouteflika, lées avant le second tour. « maintien de l’ordre » en 2010, soit 74 ans, président depuis 1999, est plus complexe. Moudjahid de la première heure au Front de libération nationale (FLN, au pouvoir depuis bientôt 19 ans, étudiante en gestion et économie cinquante ans), ministre dès 1962, il jouit encore d’une légitimité évidente. « LA JEUNESSE EST LE MAILLON FORT » Les Algériens lui savent gré d’avoir ramené la paix puis sorti le pays de JE SOUTIENS les grands bouleversements dans les l’isolement international pendant ses pays voisins, mais je regrette que cela soit aussi violent. deux premiers mandats. En Algérie, nous avons aussi des problèmes, comme Pourtant, les télégrammes diplomale chômage, mais la situation est différente. La police n’est pas tiques américains révélés par Wikiaussi violente avec les manifestants. Bouteflika n’est pas un Leaks fin 2010 ne l’ont pas épargné. dictateur : il a été élu librement et n’est pas là depuis aussi Son entourage y est décrit comme un longtemps que les autres. Et puis je ne souhaite pas une révo« gang » de « rapaces » : certains de ses lution violente car nous vivons en paix depuis peu. Un coup frères, les plus hauts gradés de l’armée d’État serait un retour en arrière, c’est trop risqué. Il faut en et de nombreux officiels originaires, revanche une réelle opposition, au lieu de quelques manipulacomme lui, de la région de Tlemcen, teurs. En Algérie, il doit y avoir des changements, mais en dousont accusés de s’accaparer rentes et ceur. C’est surtout l’éducation qui doit être améliorée car la postes clés. Le rapport sur les droits jeunesse est le maillon fort en Algérie ! » de l’homme commandé par Bouteflika

Témoignage

GAMMA

34 % en Tunisie. En février, enfin, des organisations politiques et associatives ont initié des marches de contestation chaque samedi. Mais leur principal animateur, le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), de Saïd Sadi, à court de sympathisants et principalement identifié à la Kabylie, peine à mobiliser. Ces marches ont pour l’instant rassemblé bien plus de policiers que de manifestants – à peine quelques milliers. Pourquoi ?

SOUHILA

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lui-même à l’avocat Farouk Ksentini, publié en décembre 2010, a aussi largement démontré la mauvaise gouvernance et l’impunité au sein de l’État. Mais le seuil de tolérance des Algériens pour leur président, réélu en 2009 pour un troisième mandat grâce à une modification de la Constitution, ne semble pas encore dépassé. « Boutef » est plus en phase que d’autres leaders avec l’opinion publique, de par son nationalisme, sa fermeté sur les questions palestinienne ou irakienne, et une vassalité envers Washington bien moindre qu’en Égypte, par exemple. Dans les manifestations, les banderoles « Système dégage ! » étaient plus nombreuses que les slogans s’en prenant nommément à Bouteflika. C’est peut-être ça, la spécificité algérienne. RIEN À VOIR AVEC LA TUNISIE

NAZIM 25 ans, étudiant en audiovisuel « JE SAUTERAI DANS LE PREMIER ZODIAC » ON S’IMMOLE lorsqu’on est à bout de force. Ce malêtre bouffe toute notre énergie chaque jour que Dieu fait. Face à cette désespérance, le pouvoir inaccessible créé une frustration si profonde qu’on finit par tout accepter. On développe presque de l’empathie pour « eux ». C’est le syndrome de Stockholm dans toute sa splendeur. Mais dès que j’aurai terminé mes études, je sauterai dans le premier Zodiac. Je dispose déjà de la moitié de la somme nécessaire à la traversée. Peu importe ma destination, je sortirai d’ici. C’est ma détresse, et celle de mes semblables, qui me pousse ainsi à vouloir quitter le pays de mes ancêtres. Un autre pays, c’est un meilleur avenir. »

renouvelé ses chefs. Mais, des islamistes du Mouvement de la société pour la paix (MSP, ex-Hamas, membre de l’Alliance présidentielle) jusqu’aux trotskistes du Parti des travailleurs, un spectre idéologique assez large est représenté. Rien à voir avec la Tunisie, l’Égypte et plus encore la Libye où la liberté politique était totalement confisquée. C’est toutefois une démocratie incomplète : le gouvernement « n’envisage pas pour le moment » d’accorder leur agrément aux partis qui attendent de voir le jour, et les rangs de ceux qui existent sont extrêmement clairsemés. Les Algériens trouvent néanmoins dans leur presse écrite, parfois véhémente, un espace de débat et d’expression qui joue presque le rôle de l’opposition. C’est aussi un

défouloir, parfois excessif, qui exonère le pouvoir d’ouvrir d’autres espaces de pluralisme. « DES MUSCLES ENGOURDIS »

NEW PRESS/SIPA

Depuis 1962, le « système » algérien s’est profondément enraciné. Grâce aux revenus de la rente pétrolière, Alger ne dépend ni du tourisme, ni des investissements étrangers, contrairement au Caire et à Tunis. Malgré une corruption endémique reconnue par le pouvoir, l’État a pu « acheter » une relative paix sociale en distribuant en transferts sociaux environ 10 % de ses 157 milliards de dollars (environ 113 milliards d’euros) de réserves de change sans avoir à exercer de pression fiscale sur les Algériens. Hélas, l’inflation réduit leur pouvoir d’achat, et la faiblesse du secteur privé laisse sans emploi 50 000 des 120 000 nouveaux diplômés chaque année. Côté politique, le FLN n’a guère

Témoignage

RÉVOLUTION (S) ARABE (S) ET L’ALGÉRIE ? 23

Rassemblement de jeunes chômeurs, à Alger, le 6 février. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 18 • D U 13 A U 19 M A R S 2 0 11

Pour parler de l’Algérie, la cinéaste Sofia Djama a filé la métaphore corporelle dans le quotidien El-Watan. C’était le lendemain de la marche du 12 février, à la fois peu suivie et bloquée par au moins 25 000 policiers. « Ce système a engourdi nos muscles pendant si longtemps que nous en sommes arrivés à ne plus savoir accomplir l’acte le plus naturel que puisse ambitionner un corps humain jeune et a priori en bonne santé : marcher. » Si au cœur du printemps arabe une révolte de grande ampleur explose en Algérie, comment réagira l’armée ? Élément fondateur de l’État et clé du système algérien, elle a évolué depuis la fin de la guerre civile et le deuxième mandat de Bouteflika (2004-2009). Mais, comme en Égypte, les hauts officiers ont aussi d’immenses privilèges à défendre en maintenant le statu quo. Bouteflika, qui agit rarement dans la précipitation, a pour l’instant évité le marchepied fatal des discours télévisés paniqués. Il a, en revanche, levé l’état d’urgence le 23 février, dix-neuf ans après son instauration. Mais s’il veut répondre aux aspirations d’une jeunesse en décalage avec ses aînés, qui peine à supporter son quotidien et qui cherche désespérément les voies d’un avenir serein, le pouvoir va devoir engager de profondes réformes. La patience des Algériens a des limites… ■


24 L’ENQUÊTE

Comment Bouteflika fait face Malgré les rumeurs sur son état de santé et son relatif silence, le chef de lʼÉtat semble avoir gardé la main. Mais sa succession nʼest plus un sujet tabou.

L

actualité nord-africaine ainsi que les émeutes qui ont ébranlé, le 5 janvier, 20 des 48 wilayas (préfectures) algériennes ont amené le président Abdelaziz Bouteflika et son gouvernement à multiplier les mesures d’apaisement. Objectif: calmer un front social en ébullition et désamorcer une contestation politique jusque-là portée par des forces aux capacités de mobilisation réduites. Au-delà de ces mesures (lire interview de Me Miloud Brahimi, p. 27), les révolutions tunisienne, égyptienne et libyenne cumulées à une situation interne faite de conflits sociaux et de jacqueries, qui prennent, parfois, des formes très violentes, ont apporté une innovation: l’après-Boutef n’est plus un sujet tabou. À preuve, les déclarations à l’agence de presse financière américaine Dow Jones du chef de la diplomatie, Mourad Medelci, qui a exclu que le chef de

l’État envisage une présidence à vie. Mais il a également réfuté l’hypothèse qu’il puisse ne pas achever son mandat « pour lequel il a été élu avec une écrasante majorité », balayant ainsi les rumeurs sur un état de santé précaire et renvoyant à leurs chères études les animateurs de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD, une coalition d’organisations de la société civile autour du Rassemblement pour la culture et la démocratie, RCD, de Saïd Sadi), qui a tenté, en vain, de mobiliser la population autour d’un « Boutef dégage ». Pourquoi ? Il y a bien sûr l’itinéraire du personnage et un bilan bien moins sombre qu’on ne le présente. Mais Abdelaziz Bouteflika se distingue de ses prédécesseurs en cumulant les paradoxes. La révision de la Constitution, en novembre 2008, lui a permis non seulement de lever le verrou de la limitation des mandats, mais

également de présidentialiser davantage le régime. Le nouveau texte stipule notamment que le gouvernement est responsable devant lui et non plus devant la représentation nationale. De ce fait, Bouteflika s’implique dans tout et concentre entre ses mains toutes les décisions. « Du simple ordre de mission

LA COURSE POUR 2014 LES VELLÉITÉS du Front de libération nationale (FLN, ancien parti unique) exprimées, en décembre 2010, par son secrétaire général, Abdelaziz Belkhadem, d’investir Abdelaziz Bouteflika pour la prochaine présidentielle prévue en 2014 sont à présent compromises. L’agitation chez les voisins et la brutale intrusion ABDERREZAK MOKRI Étoile montante des Frères musulmans, cet universitaire de 45 ans, ancien président du groupe parlementaire du Mouvement de la société pour la paix (MSP, membre de l’alliance présidentielle), s’est distingué en s’associant aux tentatives de marche revendiquant le changement politique en Algérie. Surfant sur les succès de l’AKP en Turquie, il pourrait réunir les suffrages de l’électorat islamiste et conservateur. Avantages: sa jeunesse et sa virginité politique. Handicap: l’investiture de son parti est loin d’être acquise.

de la jeunesse algérienne dans le débat politique ont changé la donne. Outre l’ancien Premier ministre, Ali Benflis, qui est indéniablement appelé à jouer un rôle malgré son éviction du FLN et son entrée en dissidence, voici quelques autres successeurs putatifs. En tout cas, ceux dont on parle… ■

LOUISA HANOUNE À 56 ans, la secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT) est plus proche du nationalisme ombrageux et souverainiste que du trotskisme. Face à la déliquescence de l’appareil du FLN, son discours populiste pourrait séduire l’électorat nationaliste. Avantage : elle appartient à une génération marginalisée par la précédente. Handicap : l’Algérie ne semble pas prête à élire une femme à la présidence de la République.

AHMED OUYAHIA Jeune loup au sein de la mouvance nationaliste, énarque et charismatique, l’actuel Premier ministre, 58 ans, dirige le Rassemblement national démocratique (RND), deuxième force politique du pays. Sa longue collaboration avec Bouteflika lui vaut d’être présenté comme le candidat de la continuité. Avantage: il jouit de la confiance d’un important électeur, l’armée. Handicap: il bat tous les records d’impopularité.

MOULOUD HAMROUCHE Incarnation de l’aile réformatrice au sein du FLN, le nom de l’ancien Premier ministre de Chadli Bendjedid, 68 ans, est évoqué à chaque élection présidentielle depuis une vingtaine d’années. En perdition, le FLN pourrait rappeler son ex-enfant terrible pour sauver les meubles en 2014. Avantage: une brutale rupture avec le système qu’il a longuement servi. Handicap: il appartient à la génération censée transmettre le pouvoir aux jeunes.

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Le chef de l’État a présidé, à Alger, le banquet officiel lors de la Journée internationale de la femme, le 8 mars, mais n’a fait aucune déclaration.

à l’étranger pour un haut fonctionnaire à l’attribution d’un marché d’envergure, tout passe par la présidence de la République », déplore un diplomate algérien. Bref, Boutef III, celui du troisième mandat, est devenu un « omniprésident ». Le paradoxe? Il se situe dans le décalage entre cette « toute-puissance » et une fragilité due à un état de santé objet de toutes les rumeurs qui a considérablement réduit ses apparitions et déclarations publiques. Le dernier « direct live » remonte à… mars 2009, lors de la campagne électorale pour la présidentielle. Depuis, se sont succédé un scandale financier à Sonatrach, l’assassinat du patron de la police, des émeutes à répétition, la fièvre de la rue arabe, les révélations de WikiLeaks… Sans qu’il sorte d’un mutisme absolu. Boutef communique avec son peuple par… communiqués. Et quand Boutef fait un discours, il est lu par l’un de ses conseillers. Les habits de l’omniprésident sont portés par une personnalité qui semble de plus en plus virtuelle. Cela s’est confirmé le 8 mars. Comme chaque année, le chef de l’État a présidé un banquet officiel à l’occasion de la Journée de la femme. L’adresse que prévoit le protocole a été diffusée par l’agence officielle de presse, APS. Résultat : des sourires et des photos avec quelques invitées mais point de discours et pas le moindre commentaire sur ce

ANIS/NEW PRESS

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printemps arabe. Ses visites à l’intérieur du pays sont un vieux souvenir. Quant à son activité internationale, elle se limite à quelques audiences accordées à des visiteurs de marque, à ses participations aux sommets de l’Union africaine (UA) et de la Ligue arabe, et à quelques visites d’État à l’étranger. Selon un fonctionnaire de l’Union africaine (UA), la présence d’Abdelaziz Bouteflika aux

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assises panafricaines est de plus en plus discrète: « Il n’intervient quasiment plus en plénière et fait distribuer ses discours auprès de ses pairs. J’en suis même arrivé à oublier la tonalité de sa voix. » En l’absence de toute communication sur l’état de santé de l’intéressé, les Algériens s’en remettent aux rares témoignages de ses visiteurs. Celui de Jean-Pierre Raffarin n’est pas le plus rassurant. L’ancien Premier ministre français a été longuement reçu, le 21 février. Le missi dominici de Nicolas Sarkozy a trouvé son interlocuteur en pleine forme, « maîtrisant parfaitement les dossiers en cours de discussion », mais il a également rapporté cette inquiétante déclaration de Bouteflika : « Aujourd’hui, j’ai plus de convictions que de forces. » Sentiment de lassitude d’un chef d’État aux abonnés absents ? Rien de tout cela, assure Mourad Medelci. Il est vrai que la gestion présidentielle des émeutes de janvier contre la cherté de la vie a permis d’éteindre rapidement l’incendie. Une éventuelle contagion des révolutions arabes ? Jamais le Conseil de sécurité nationale n’a tenu autant de réunions. « Opérations de solidarité, diplomatie et gestion de la menace d’Aqmi sont convenablement prises en charge, assure un haut fonctionnaire d’El-Mouradia. Maintenir l’étiquette d’un président virtuel est une profonde méprise. » Les Algériens voudraient bien CHERIF OUAZANI le croire. ■

Recherche secteur privé désespérément La dépendance aux hydrocarbures et la faiblesse du secteur privé empêchent un développement pérenne.

L

Algérie est un cas d’école. Le gouvernement plastronne avec son bas de laine de 157 milliards de dollars constitué grâce à la manne pétrolière et aligne sans coup férir près de 500 milliards de dollars, sur dix ans, pour remodeler le pays (routes, logements, voies ferrées, barrages…). L’effort est réel, louable, et relève du bon sens à l’aune du re-

tard accumulé dans les infrastructures depuis les années 1960. Mais il ne suffit pas. Dans un pays qui doit absorber chaque année l’arrivée sur le marché de l’emploi de 240 000 personnes, contre 123 000 au Maroc et 81 000 en Tunisie*, le décollage économique nécessaire se fait attendre. Le taux de croissance en 2011 devrait être de 3,7 %, selon le Fonds moné-


26 L’ENQUÊTE taire international (FMI), et celui du chômage – quoique en nette diminution par rapport aux années 1990 (plus de 30 %) – reste au-dessus de la barre des 10 %, frappant massivement les jeunes. Au lieu d’irriguer l’économie pour mieux la diversifier et offrir suffisamment de gisements d’emplois à une jeunesse formée, le s v a n ne s p ét r ol iè res l’ont en fait inondée, a l i ment a nt u ne gestion patrimoniale – voire boutiquière – de la rente, une paresse entrepreneuriale et un compagnonnage lorsqu’il s’agit de partager les prébendes. Une réplique en quelque sorte du « syndrome hollandais », lorsque l’exploitation du gaz naturel avait provoqué de graves déséquilibres aux Pays-Bas à la fin des années 1970. Sauf qu’en Algérie cette malédiction de l’or noir se double d’un héritage socialiste aujourd’hui handicapant.

En cause, une maladive défiance à l’égard de l’entreprise privée, la seule pourtant capable de créer des emplois pérennes et de redistribuer efficacement la richesse nationale. Les hommes d’affaires et capitaines d’industrie – aussi rares que courageux – le déplorent. L’État, lui, semble naviguer

Emballage…) et plombé la balance commerciale. Échaudé par le comportement de certains investisseurs étrangers indélicats, Alger est revenu depuis 2009 au bon vieux patriotisme économique. Si la manne pétrolière rend possible ce virage protectionniste, cette mise sous cloche perpétue un cercle vicieux abondamment documenté. L’Algérie se prive de transferts de compétences et freine l’émergence d’un véritable tissu de petites et moyennes entreprises (PME). Les rares groupes privés d’envergure nationale peinent à développer leurs activités. Pendant ce temps, les trabendistes, véritables rentiers de l’économie informelle, continuent de prospérer et importent par conteneurs entiers ce que les Algériens ne sont pas en mesure de produire et peinent à acheter. ■

Les trabendistes, véritables rentiers de l’informel, continuent de prospérer. à vue en multipliant les virages à 180 degrés. Au milieu des années 1990, les autorités ont opté pour le libre-échange, l’ouverture des frontières et la mise sur le marché d’entreprises publiques. Mais à défaut d’un pilotage optimum, ce libéralisme qui devait relancer la machine a laissé le champ libre à des aventuriers (affaires Khalifa, Tonic

PHILIPPE PERDRIX

* Sur la période 2000-2008, selon l’Institut Carnegie Middle East Center.

Le péril jeune À lʼimage de ses deux voisins du Maghreb, lʼAlgérie est en situation de transition démographique. Et nʼest pas parvenue à créer assez dʼemplois pour sa jeunesse éduquée. TUNISIE

MAROC

72

62

19,7

17,6

19,3

32,2

31,2

81e

32,6

10,3

12,3

114

e

4 125

11

12

20,5

2 868

35,4

ALGÉRIE

75 21,5

Océan Atlantique

84e

LIBYE

4 389

23,9 24

MAURITANIE MALI

NIGER TCHAD

SOURCES : WORLD POPULATION PROSPECTS (ONU), PNUD, FMI, CARNEGIE, DOING BUSINESS. Population en millions Part des 15-24 ans (en %,2010)

IDH (Indice du développement humain, classement sur 169 pays, 2010)

PIB par habitant (en dollars 2010)

Part des jeunes dans le chômage total (en %, 2008) Taux de chômage des jeunes (15-29 ans, en % de la classe d'âge scolarisée, 2008)

Taux d'inscription dans l'enseignement supérieur (en % de la population en âge d'entrer dans l'enseignement supérieur, moyenne 2001-2009)

Délai nécessaire pour créer une entreprise (nombre de jours, 2011)

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RÉVOLUTION (S) ARABE (S) ET L’ALGÉRIE ? 27

Miloud Brahimi

AVOCAT, ANCIEN PRÉSIDENT DE LA LIGUE ALGÉRIENNE DE DÉFENSE DES DROITS DE LʼHOMME

LOUIZA AMMI POUR J.A.

INTERVIEW

« Ici, les émeutes sont monnaie courante » Ce ténor du barreau nous livre son sentiment sur la singularité algérienne. Plutôt quʼune révolution, une évolution dans un cadre ordonné a sa préférence. JEUNE AFRIQUE : Le vent révolutionnaire risque-t-il de se lever en Algérie ? MILOUD BRAHIMI : Il y a de nombreuses similitudes entre l’Algérie et la Tunisie, l’Égypte et la Libye : un système vieillissant et clientéliste, une jeunesse nombreuse et marginalisée ainsi qu’une montée exponentielle des revendications sociales et de la contestation politique. Mais ce qui distingue l’Algérie est qu’elle ne vit pas sous une dictature et n’est pas dirigée par une famille prédatrice. La liberté de la presse et d’expression y est totale. Autre spécificité fondamentale : la décennie noire. L’insurrection islamiste a considérablement retardé le processus de démocratisation, mais aujourd’hui l’Algérie est dans une dynamique positive. Ailleurs, le vent révolutionnaire a d’abord commencé par une contestation sociale puis politique, sous forme d’émeutes. Ces dernières ont constitué une nouveauté pour Ben Ali, Moubarak et Kaddafi.

Ici, elles sont monnaie courante. Cela dit, l’Algérie devrait connaître à terme une évolution cardinale. Quand? Comment? Je suis incapable de vous le dire. La classe politique et la société civile souhaitent que cela se fasse dans un cadre ordonné. Si l’ampleur de la contestation politique reste limitée, est-ce dû à la puissance du système ou aux faiblesses de l’opposition ? Ce sont plutôt les effets encore vivaces de la décennie noire. Avec à la clé une sorte de « fatigue générale » de la chose politique. Cependant, il serait erroné de croire qu’il n’y a pas d’évolution. À la suite des émeutes de début janvier, le président a annoncé trois grandes mesures : levée de l’état d’urgence, ouverture des médias lourds [télévisions et radios, NDLR] au débat contradictoire, et dépénalisation de l’acte de gestion [cette loi qui remonte à l’indépendance met les cadres de la

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fonction publique et les gestionnaires des entreprises publiques à la merci des magistrats et indirectement du pouvoir, qui contrôle le parquet]. Beaucoup se sont focalisés sur la levée de l’état d’urgence, présentée comme un symbole de l’ouverture démocratique. Pas moi. Le système a existé et prospéré avant l’état d’urgence. Dieu seul sait combien de temps encore, mais il lui survivra. En revanche, cette dépénalisation est une avancée majeure car elle lève l’épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête de tous les gestionnaires. Elle met fin à une situation qui n’existe dans aucun pays avancé. Ne risque-t-elle pas d’être contreproductive dans la lutte contre la corruption? Au contraire, la pénalisation de l’acte de gestion a constitué un paravent qui faisait croire que la corruption était combattue alors qu’elle prospérait dangereusement. Que sa suppression soit annoncée par le président de la République est un signe très fort d’ouverture. De quoi satisfaire la jeunesse ? Les priorités des jeunes sont certes ailleurs : chômage, mal vie, logement, etc. Mais ils revendiquent aussi un État de droit, et cette mesure fait partie des prémices d’une plus grande ouverture. Nous attendons d’autres signes aussi forts. Lesquels ? Le plus important à mon sens est une profonde refonte de la Constitution comportant une clarification et une institutionnalisation du rôle de l’armée. À l’image du modèle turc, par exemple. Une fois cette clarification faite, on pourra aller sereinement à des élections législatives. De quoi éviter une contamination révolutionnaire ? Je suis convaincu que l’avenir de l’Algérie est entre les mains du président Abdelaziz Bouteflika. C’est à lui de prendre les mesures appropriées pour nous éviter un mauvais remake du scénario tunisien, égyptien ou libyen. ■ Propos recueillis par CHERIF OUAZANI


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CÔTE DʼIVOIRE LE MYSTÈRE MAN

Laurent Gbagbo sʼen méfie, mais ne peut pas sʼen passer; Alassane Ouattara le courtise, mais ne parvient pas à le retourner... Depuis le second tour de la présidentielle, le chef dʼétat-major des armées est un homme très demandé. Portrait. PASCAL AIRAULT et THÉOPHILE KOUAMOUO, avec BAUDELAIRE MIEU, à Abidjan

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alliera, ralliera pas ? Les semaines qui ont suivi le second tour de la présidentielle, le 28 novembre, Philippe Mangou a été très sollicité. À la tête de l’armée ivoirienne depuis 2004, il est l’un de ceux dont la fidélité permet à Laurent Gbagbo de se maintenir au pouvoir. Alassane Ouattara, vainqueur dans les urnes, lui a d’abord envoyé le général à la

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AFRIQUE SUBSAHARIENNE 29 moment crucial de l’histoire de ce pays pour lui donner sa souveraineté et sa dignité. » Aucune ambiguïté non plus lorsqu’il déclare : « Je sais où j’étais et d’où le président m’a enlevé pour faire de moi ce que je suis aujourd’hui. Je ne peux pas le poignarder dans le dos. » Le camp Ouattara a-t-il fait preuve de naïveté en espérant retourner le général Mangou ? Peut-être. Le chef d’état-major n’a jamais fait mystère du peu de sympathie que lui inspire Alassane Ouattara. Dans ses discours, il le dépeint souvent indirectement comme une sorte de « péril ». En outre, racontent ceux qui l’ont côtoyé, l’homme est fier et tient à sa dignité. Il a obtenu ses étoiles de général durant la guerre contre la rébellion. « Mangou, c’est un Ébrié, un chrétien de la région des Lagunes. Sa sphère sociologique est donc en grande partie pro-Gbagbo et il pourrait craindre d’être renié par les siens s’il changeait de camp », résume un journaliste ivoirien.

KAMBOU SIA/AFP

ATHLÉTIQUE ET PORTANT BEAU

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retraite Abdoulaye Coulibaly pour tâter le terrain, avant que le Premier ministre, Guillaume Soro, ne lui fasse des propositions plus explicites. Dans le camp du président élu, nombreux sont ceux qui pensaient que le général quatre étoiles se placerait du côté de la légitimité démocratique et accepterait une reconduction – inespérée – à son poste. Mais le 21 janvier, à la Radio Télévision ivoirienne (RTI), le militaire douchait leurs espoirs en révélant

qu’il avait été approché et qu’il avait refusé l’offre. Depuis, le général Mangou fait régulièrement la une des organes de presse proches du régime de Laurent Gbagbo. On le voit esquisser quelques pas de danse aux côtés de Charles Blé Goudé, nommé ministre de la Jeunesse, lors d’un meeting de soutien au président sortant. Ses déclarations sont sans équivoque: « Laurent Gbagbo, explique-t-il, est celui que le Seigneur a choisi en ce

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Né le 26 janvier 1952, Philippe Mangou grandit au sein d’une famille méthodiste de Yopougon-Kouté, à Abidjan. Son père, François Koutouan Mangou, est pasteur. Ses revenus sont modestes, mais il jouit du prestige de la soutane et d’un fort réseau relationnel, y compris dans les milieux du pouvoir et de l’argent. Inscrit au Collège moderne du Plateau, puis au Lycée classique d’AbiPassage en revue de la djan, le jeune Philippe troupe, le est athlétique et porte 22 novembre beau. D’abord tenté dernier, à de suivre la carrière Abidjan. de son père, qu’il suit dans toutes ses tournées, il devient choriste, s’essaie à la prédication, mais ne se sent jamais « appelé ». Il rejoint donc l’Université de Cocody, où il obtient un diplôme en droit avant d’intégrer l’École des forces armées de Bouaké, en 1978. À sa sortie, il est affecté au bataillon blindé d’Akouédo, près d’Abidjan. Son père n’y trouve rien à redire. « Mon fils et moi faisons le même job, déclarera-t-il plus tard. Je prie pour l’âme du peuple, et mon fils défend le peuple. » Le jeune homme poursuit une formation en stratégie militaire à l’École d’état-major de Compiègne, en France, et intègre en 1991 la garde républicaine d’Abidjan en qualité de commandant en second du 1er bataillon blindé. Il y demeure


30 AFRIQUE SUBSAHARIENNE demandant au général Doué de preny a des volontaires pour aller au front, jusqu’en décembre 1999, jusqu’à ce que dre le pouvoir. Mangou rencontre alors un jeune officier supérieur se déclare son destin bascule dans la foulée du le général Poncet, chef de l’opération prêt à conduire les troupes au combat : coup d’État du général Robert Gueï. Licorne. « Prions », lui propose l’officier il s’agit du lieutenant-colonel Philippe Philippe Mangou n’est pas une des français. Les deux hommes se tourMangou! », raconte Moïse Lida Kouassi « fortes têtes » qui composent le Cominent vers le Ciel pendant une dizaine dans son livre Témoignage sur la crise té national de salut public (CNSP). Ses de minutes. La discussion qui suit est ivoirienne. On le nomme finalement positions républicaines et favorables au franche. C’est là, affirmera Mangou, porte-parole des Forces armées natioprésident renversé, Henri Konan Bédié, qu’il obtient que les soldats tricolores nales de Côte d’Ivoire (Fanci), puis il est lui valent d’être mis aux arrêts et torturegagnent leur caserne, à Abidjan. envoyé au front, à Yamoussoukro. ré. Ses geôliers lui raseront la tête avant Suspecté de connivence avec l’enLa reconquête est difficile et l’interde lui verser de la soupe bouillante sur nemi, Doué est limogé. Le poste est position des forces impartiales scelle la le crâne. Ils le battront régulièrement proposé à Mangou, qui accepte. Dans partition de facto du pays. Mais qu’imet l’enrouleront de barbelés avant de le un premier temps, le nouveau chef porte : devant la troupe et les Ivoiriens, piétiner. « Ils nous tuaient à petit feu, d’état-major conserve des liens avec son Mangou a fait la preuve de son courage. racontera-t-il par la suite. À certains ancien mentor, puis cesse moment s, le s dou leu r s SOUS L’AUTORITÉ DE MANGOU, tout contact. À Abidjan, on étaient intenses. Pendant DES UNITÉS DIFFICILEMENT CONTRÔLABLES parle de parricide. Mangou qu’ils nous torturaient, ils parvient à faire revenir dans chantaient. » le giron de l’armée son exIl est encore en prison FORCES AÉRIENNES porte-parole, entré en dissilorsque sa femme, encein900 hommes dence, Jules Yao Yao, mais te de leur sixième enfant, commandés par le ne peut empêcher la basreçoit la visite des hommes général Marc Aka Kadjio tonnade du colonel major de Gueï. Les soldats pillent Bakassa Traoré. Soupçonné et cassent une grande parFORCES NAVALES FORCES TERRESTRES de trahison, il est passé à tie des biens de la famille, 1 000 hommes 13 000 hommes commandés par le tabac par des hommes de la menacent de tuer le petit commandés par le général vice-amiral garde républicaine à la sordernier et leur donnent Firmin Detoh Letho Vagba Faussignaux tie d’un repas à la résidence vingt-quatre heures pour de France. Il décédera quellibérer les lieux. Du fond de ques jours plus tard. son cachot, Philippe Mangou GENDARMERIE Devenu un personnage dit n’avoir jamais cessé de 17 000 hommes incontournable du camp prier. Aujourd’hui encore, il commandés par le général Édouard Tiapé Kassaraté présidentiel, Philippe Manfait partie du conseil paroisgou incarne la résistance sial de l’église méthodiste du face à l’oppresseur. Simone Jubilé, près de la résidence CENTRE DE COMMANDEMENT GARDE Gbagbo l’a pris en affecprésidentielle, à Abidjan. Et DES OPÉRATIONS DE SÉCURITÉ (CECOS) RÉPUBLICAINE tion. Lors des événements s’il affirme avoir pardonné 800 hommes 2 500 hommes commandés par le général Guiai Bi Poin de novembre 2004, elle ne à ses geôliers, « grâce à commandés cesse de demander de ses Dieu », il n’a pas oublié que par le général Bruno Dogbo Blé nouvelles. certains des mutins de l’époGROUPE DE SÉCURITÉ DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE (GSPR) Il prend la tête de l’arque – dont le commandant 300 hommes commandés par mée, avec le grade de coloIssiaka Ouattara, alias Watle colonel-major Natanel Brouhaga Ehouman nel-major. Un mois plus tao – sont aujourd’hui des tard, il est promu général cadres de l’ancienne rébelde brigade, puis général de division On l’a souvent vu au plus près des comlion des Forces nouvelles (FN). en 2007. Avec son « homologue », bats avec son gilet pare-balle et son Soumaïla Bakayoko, chef d’état-major bâton de commandement. Il est repéré AU FRONT, EN GILET PARE-BALLE des FN, il gère le volant militaire de par Kadet Bertin, puissant conseiller à Octobre 2000. Le régime du général l’accord de Ouagadougou. Charismala sécurité de Laurent Gbagbo, et par le Gueï vacille. Des coups de feu sont tirés tique, fin diplomate, il entretient de président lui-même. D’abord très proà proximité de la prison. Mangou et bons rapports avec les anciens rebelche du chef d’état-major de l’époque, le quelques-uns de ses compagnons d’inles, les comzones (les commandants général Doué, il s’émancipe progressivefortune s’évadent. Quelques mois plus de zone) et leurs représentants politiment de son mentor. Il devient l’une des tard, il entre au ministère de la Défense ques. « On lui donnerait le bon Dieu pièces maîtresses de l’opération Dignité, – dirigé par un faucon du Front popusans confession, témoigne un proche qui a conduit au bombardement d’un laire ivoirien (FPI, au pouvoir), Moïse de Soro. Il donne l’image d’un homme camp français à Bouaké, en novemLida Kouassi – comme sous-directeur pieux, respectueux des convenances. bre 2004, et, en représailles, à la deschargé de la doctrine et de l’emploi. Il est courtois, ne prononce jamais un truction d’une bonne partie de l’aviation Mais c’est le 19 septembre 2002, jour du mot plus haut que l’autre. On ne s’ativoirienne. La France, dont les chars coup d’État manqué, qu’il se fait remartend pas toujours à cela de la part d’un encerclent la résidence présidentielle, quer. « Au camp Gallieni, lorsque, ayant militaire. » Bon an mal an, les frères est à deux doigts de déposer Gbagbo en délivré mon message, je demande s’il J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 18 • D U 13 A U 19 M A R S 2 0 11


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SIA KAMBOU/AFP

Parmi eux, Bruno Dogbo Blé, patron de la garde républicaine, et Guiai Bi Poin, le chef du Centre de commandement des opérations de sécurité (Cecos). La tactique est simple : il faut empêcher qu’un seul de ces hommes ne contrôle l ’e n s e m b l e d e l’armée. Mangou Avec Laurent n’est pas non plus Gbagbo, le 7 août consulté pour 2010, pour le cinquantième les achats d’aranniversaire de mes et d’équipel’indépendance. ments. Certains de ses adjoints ont senti le vent tourner et le défient ouvertement. Même Simone Gbagbo le bat froid, excédée par les bijoux en or qu’il arbore de manière trop ostensible. La première dame n’a pas oublié ce 7 août 2008, quand, pour les fêtes de l’indépendance, le patron de l’armée est arrivé au palais en grosse cylindrée, alors que les militaires ivoiriens se plaignaient du non-paiement de certaines sident sortant. Il aurait aussi dit à Soro de leurs primes. que la manière – très clanique – dont Laurent Gbagbo gérait ses hommes le « TOUT SAUF OUATTARA » laissait perplexe. Info ou intox ? Les mois ont passé mais Mangou n’a L’homme entretient le mystère. Mais plus la cote. En février 2010, la presse aujourd’hui, on se méfie de lui aussi d’opposition a laissé entendre que Laubien du côté de Gbagbo que de celui rent Gbagbo voulait le limoger dans la de Ouattara : Mangou est un chef foulée de la double dissolution du goud’état-major sous surveillance. « Un vernement et de la Commission élecgénéral, il vous fait le garde-à-vous, la torale indépendante (CEI), dirigée par minute suivante il peut vous faire un Robert Beugré Mambé. Les FN prétencoup d’État », aime à deviser Laurent dent que Mangou s’en est même ouvert Gbagbo. Au début des années 2000, il au général Bakayoko, qui lui a conseillé avait déjà souvent soin de court-circuide prendre ses responsabilités. ter le général Doué. Il passait par des Le fils de pasteur, légaliste et républiofficiers de terrain, fougueux et dispocain, n’a pas bougé une oreille. Ce qui sés à se battre. Ceux-là mêmes que les fait dire aujourd’hui à certains diplomédias ivoiriens appelaient « la légion mates qu’il n’entrera dans l’arène que de l’honneur » et dont Philippe Mangou si Gbagbo lui donne son feu vert, dans faisait partie. une logique du « tout sauf Ouattara ». Aujourd’hui, c ’est Mangou que Ou s’il est hors course. Le général pourGbagbo contourne, en utilisant d’autres rait alors prendre les devants, s’il estime officiers supérieurs, considérés comme que la survie de la nation est en jeu. ■ plus va-t-en-guerre ou plus audacieux.

d’armes font mine de se réconcilier. Des gestes symboliques au début, puis une vraie collaboration au sein du Centre de commandement intégré, mais la confiance n’est jamais totale. L’ARGENT ET LES HONNEURS

On prête à Mangou de s’être lui-même enrichi en investissant notamment dans l’immobilier. Loin de l’image du protestant rigoriste, il a pris goût à l’argent et aux honneurs. Il possède trois résidences à Abidjan, raffole des montres de luxe et des bolides sophistiqués, qu’il conduit lui-même. Jusqu’où est-il allé dans les négociations avec Guillaume Soro ? À en croire les FN, Mangou aurait pris l’engagement de ne pas tuer, notamment lors de la marche des partisans d’Alassane Ouattara, le 16 décembre 2010. Préférant ne pas intervenir directement, il aurait demandé au chef du gouvernement de faire entendre raison au pré-

JULIENNE, MADAME LA GÉNÉRALE LONGTEMPS, LA FEMME DU GÉNÉRAL Mangou a accueilli à son domicile un groupe de prière, composé de plus d’une trentaine de personnes. Prêches enflammés, prédicateurs passionnés, orchestre… Julienne est aussi pieuse que son époux. Baoulée, originaire de la région de Bouaké, cette mère de six enfants est également la présidente d’honneur de l’Association des épouses de militaires de Côte d’Ivoire (Aemci), une association qui fait régulièrement des dons en vivres et mène des actions sociales en faveur des victimes de la guerre. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 18 • D U 13 A U 19 M A R S 2 0 11

Appréciée par Simone Gbagbo, elle a récemment présenté les vœux des femmes militaires au Palais et réaffirmé leur soutien en cette période difficile. « Nous sommes embarquées dans le même bateau que vous. Et nous ramons à l’unisson, avec une foi inébranlable, pour atteindre le rivage », a-t-elle déclaré à Simone Gbagbo. Julienne Mangou ne fait pas de politique : elle est relativement discrète, mais elle a été aperçue brièvement lors la campagne électorale avec Christine Konan, une figure du Front populaire ivoirien (FPI), très active en pays baoulé. ■ P.A.


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Un pour tous et tous contre un? Iront-ils ensemble ou pas ? Dans lʼopposition, chacun estime avoir ses chances. Tout en étant bien conscient du danger quʼil y aurait à affronter Joseph Kabila en ordre dispersé dans une présidentielle à un seul tour.

L

e risque ou la sagesse ? Depuis deux mois, ce dilemme embarrasse l’opposition congolaise. Il n’est pas vain, puisqu’il a pour enjeu le fauteuil présidentiel, confortable dans un pays de 65 millions d’habitants au sous-sol gorgé de richesses. Un bref retour en arrière s’impose. Par souci d’économies et pour préserver la paix (raisons officielles) ainsi que pour permettre à Joseph Kabila de rester à la tête de l’État (raison officieuse), son entourage a imaginé une parade. En janvier, il a soumis au Parlement un projet de révision de la Constitution. Adopté malgré le boycott d’une centaine de députés de l’opposition, le nouveau texte prévoit que l’élection présidentielle, pour le moment fixée au 27 novembre prochain (voir encadré), ne comporte q u ’u n s e u l tour au lieu de deux. En clair, le vainqueur de la prem ière

manche sera le vainqueur tout court. Même au coude-à-coude, le numéro deux n’aura pas de seconde chance. Malgré une combativité affichée, les nouvelles règles du jeu laissent perplexes les principaux candidats de l’opposition. Doivent-ils adopter une stratégie de candidature unique face à Joseph Kabila ? C’est, à première vue, l’option de la sagesse, car elle permettrait d’op-

Le 27 novembre, le vainqueur de la première manche sera le vainqueur tout court.

Nouveau venu dans la course, Vital Kamerhe, ancien président de l’Assemblée nationale.

poser l’adversaire le plus fort qui soit au chef de l’État sortant. Mais l’option du risque est encore loin d’être écartée: que chacun se présente, sûr qu’il est de pouvoir l’emporter face à un président desservi par son bilan, quitte à risquer une dispersion des voix. Candidat déclaré, Étienne Tshisekedi se voit en rassembleur. Lors d’une conférence de presse, le 20 février, le président de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) a lancé « un vibrant appel à toutes les forces de l’opposition pour s’unir

autour de [lui] ». À 79 ans, le « Sphinx de Limete » – son surnom, qui renvoie à la commune de Kinshasa, où il réside – entend conserver son statut d’opposant en chef, construit sous le « règne » de Mobutu Sese Seko. « Sa lutte de trente ans fait de lui une personnalité à aura nationale et internationale, dit son directeur de cabinet et porte-parole de l’UDPS, Albert Moleka. Au niveau de l’opposition, il est le seul candidat qui puisse battre Kabila. » Soucieux, toutefois, de ne pas faire passer Étienne Tshisekedi pour un autocrate, Albert Moleka ajoute cette nuance : « Une candidature unique, nous ne sommes pas contre, mais l’UDPS s’est toujours battue pour la pluralité. » UN MARIAGE DE RAISON

L’appel du « Sphinx » n’emballe pas le Mouvement de libération du Congo (MLC). « Étienne Tshisekedi est une personnalité qui appartient au passé, estime François Muamba, secrétaire général du parti et ancien de l’UDPS. Il veut achever une œuvre alors que le Congo a besoin d’en commencer une. » Avec 64 députés et 17 sénateurs, le MLC est le premier parti d’opposition. Forts de ce statut, de nombreux cadres n’accepteraient pas de voir leur formation s’effacer devant l’UDPS, absente du Parlement pour avoir boycotté les élections de 2006. « Ce que les cadres attendent du MLC, c’est l’affirmation de notre leadership, poursuit François Muamba. Nous avons toujours été sur le terrain. Nous avons fait la g uer re, négocié la paix, pa r t ic ipé à la transition, nous sommes allés à une élection ! » Le secrétaire général du MLC reconnaît

À 79 ans, Étienne Tshisekedi se rêve en rassembleur. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 18 • D U 13 A U 19 M A R S 2 0 11


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PAS LE DROIT À L’ERREUR

Troisième prétendant, Vital Kamerhe n’affiche pas d’intentions de prendre les rênes des anti-Kabila dans la course électorale. Son arrivée dans le camp adverse est récente. Jusqu’en mars 2009, cet ancien directeur de campagne de l’actuel chef de l’État présidait l’Assemblée nationale. Tombé en disgrâce pour avoir dénoncé une opération militaire conjointe avec le Rwanda – dont il n’avait pas été informé –, il a créé son parti, l’Union pour la nation congolaise, et rejoint l’opposition. Son charisme y est reconnu, mais il doit encore construire son aura d’opposant face à un Tshisekedi ou au MLC. Il reconnaît que « l’opposition n’a pas droit à l’erreur ». Il en appelle à une union de l’opposition mais refuse de « personnaliser ». Ses préconisations : une entente autour d’un « socle commun de priorités », qui permettra ensuite de définir un « partage des tâches ». « C’est seulement à partir de cette étape que nous pourrons

DES DÉTAILS QUI N’EN SONT PAS DÈS LE LENDEMAIN DE L’ENTRÉE EN FONCTION de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), le 3 mars, son président, Daniel Ngoy Mulunda, a annoncé la publication prochaine d’un nouveau calendrier électoral. La date du 27 novembre 2011, décidée en août dernier, enfreint la Constitution, qui prévoit la tenue du scrutin quatre-vingt-dix jours avant l’expiration du mandat du sortant, soit en septembre 2011. Il faudrait donc avancer le vote. Mais un autre problème se poserait alors: l’inscription sur les listes. Effective dans 3 provinces sur 11, elle accuse déjà un retard considérable. Autre préoccupation: la sécurisation du vote. Pour éviter que le perdant refuse la défaite, l’opposition compte profiter du renouvellement du mandat de la mission de l’organisation des Nations unies pour la stabilisation de la RD Congo (en juillet prochain), qui, en matière électorale, doit apporter son soutien technique et logistique à l’organisation des scrutins. Vital Kamerhe et François Muamba souhaitent qu’il inclue la sécurisation du scrutin, et notamment la certification des résultats. Tous deux comptent sensibiliser les membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies M.M. et effectuer une tournée à New York en ce sens, avec l’UDPS. ■ dire c’est celui-là ou celui-ci », ajoutet-il. Vital Kamerhe n’exclut pas qu’il y ait dans un premier temps « plusieurs candidats de l’opposition », puis « qu’ils se réunissent un mois avant le scrutin pour en choisir un ». Un moyen, selon lui, de prendre l’adversaire de court. « Chaque candidat doit être disposé à coopérer », explique-t-il. Les 20 et 21 février, Vital Kamerhe a rencontré Étienne Tshisekedi. Et de préciser : « Je suis en pourparlers avec JeanPierre Bemba et je vois aussi François Muamba. » Président du Sénat et membre de l’opposition, Léon Kengo wa Dondo observe à distance et

s’interroge. L’ancien Premier ministre de Mobutu pourrait lui aussi être candidat. « Sa décision n’est pas prise, dit un proche, il n’y a encore ni loi électorale, ni calendrier, ni certitude sur la sécurisation du scrutin! » Originaire de la province de l’Équateur comme JeanPierre Bemba, il pourrait profiter de la mise hors jeu de ce dernier. Mais, selon la même source, « une candidature unique n’est pas une nécessité. Si Kabila a fait la révision constitutionnelle, c’est qu’il n’est pas sûr de l’emporter ». Le président du Sénat attend que les règles du jeu soient fixées pour se prononcer, tandis que les candidats déclarés hésitent à remiser leurs ambitions personnelles. « Il y a une prise de conscience et une confiance à construire », résume un observateur. ■ MARIANNE MEUNIER

Jean-Pierre Bemba, toujours jugé à La Haye, ne sait pas s’il pourra se présenter.

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PHOTOS : VINCENT FOURNIER/J.A., FRANÇOIS LENOIR/REUTERS

cependant la nécessité d’un « mariage de raison » au sein de l’opposition. Mais une crise de paternité empêche le parti de prétendre incarner une candidature unique. Accusé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, son fondateur et chef charismatique, Jean-Pierre Bemba, comparaît devant la Cour pénale internationale depuis novembre dernier. Son procès pourrait avoir pris fin en novembre prochain, mais une procédure d’appel – quel que soit le verdict – devrait maintenir Bemba en détention. En l’absence de condamnation définitive, le Chairman peut en théorie se présenter à la présidentielle. Depuis sa cellule, à La Haye, il communique avec des proches qui laissent planer cette éventualité. Mais, derrière les barreaux, Jean-Pierre Bemba serait alors un candidat fantôme. Le MLC doit désigner son candidat lors de son congrès, prévu en avril. Si Jean-Pierre Bemba est déclaré « empêché », François Muamba, président par intérim, prendra la relève. Mais ce dernier, moins charismatique que le numéro un du MLC et originaire du Kasaï oriental, fief incontesté d’Étienne Tshisekedi, ne peut jouer les dénominateurs communs à l’échelle de l’opposition. Quant aux fans, ils pourraient provoquer une division au sein du parti si « Jean-Pierre » n’était pas désigné candidat.


34 AFRIQUE SUBSAHARIENNE NIGER

Il y a une vie après le pouvoir Difficile exercice que celui qui attend le nouveau président. Il lui faudra ménager les anciens patrons de la junte, tout en prenant soin de ne pas leur donner trop de pouvoir. Une chose est sûre : Salou Djibo, le tombeur de Mamadou Tandja, sera traité avec tous les honneurs.

L

es Nigériens parlent déjà d’un « château ». Pour les longues années de retraite qui l’attendent, Salou Djibo, 46 ans, se fait construire une immense maison – 35 pièces, dit-on – dans son village natal de Namaro. C’est à une cinquantaine de kilomètres au nord-ouest de Niamey, sur la rive droite du fleuve Niger. Les Chinois dirigent le chantier. Il est même prévu de goudronner la piste en latérite qui relie Namaro à la capitale. Seul problème : le financement de la route est libyen… Sur le plan matériel, l’ex-commandant, qui s’est autopromu général quatre étoiles, n’aura pas de souci à se faire. Comme Ali Saïbou et Mahamane Ousmane, il bénéficiera du traitement dû à un ancien chef d’État – avec pension, résidence, véhicules et personnel de maison. Mieux : les deux candidats à sa succession, Mahamadou Issoufou et Seini Oumarou, promettent de modifier la loi pour améliorer le traitement des « ex ». « Si nous gagnons, nous changerons délibérément la loi pour Salou, avoue même un proche de Mahamadou Issoufou. En chassant Tandja, il nous a rendu un immense service. Il ne faudra pas qu’il se sente marginalisé ou frustré. Nous le traiterons avec la dignité due à son rang. » En fait, le chef du Conseil suprême pour la restauration de la démocratie (CSRD) a fait deux jolis cadeaux aux démocrates du Niger. En février 2010, il les a débarrassés de Mamadou Tandja. En octobre, il a neutralisé ses compagnons putschistes – notamment les colonels Abdoulaye Badié et Amadou Diallo – qui voulaient s’incruster au pouvoir. « Avant les arrestations de Badié et de Diallo, le CSRD était une vraie junte, avec une ambition politique et la volonté de garder ses privilèges, confie le conseiller d’Issoufou.

Depuis la mi-octobre, ce n’est plus qu’une coquille vide. Il reste un seul homme fort, Salou. Et, coup de chance, il est honnête. Son discours, c’est : “J’ai fait mon devoir, et je m’en vais.” » Bref, si Issoufou gagne, le général sera soigné aux petits oignons… GENTLEMAN-FARMER

Le tombeur de Tandja va-t-il devenir un paisible gentleman-farmer, à la manière du Nigérian Olusegun Obasanjo après son premier départ du pouvoir, en 1979 ? Pas si simple. Il quittera l’armée, c’est sûr. Mais, en privé, quand l’un ou l’autre de ses

proches l’interroge sur son avenir, il répond : « Je serai disponible pour servir mon pays quand on aura besoin de moi. » Servir comment ? « Il va sans doute monter une ONG, comme l’a fait en son temps ATT [Amadou Toumani Touré, le président malien, NDLR], confie l’un de ses proches. Il s’occupera d’agriculture ou de lutte contre le paludisme. » Salou Djibo médiateur de l’ONU, de l’Union africaine (UA) ou de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) ? « Ce n’est pas une pointure politique comme Rawlings, estime un ancien ministre nigérien, en référence à l’ancien président ghanéen. Il n’est pas passé par une école de guerre en France, en Chine ou ailleurs. Il n’a pas la culture générale d’un Obasanjo. En plus, il est introverti. Dans ses discours, il ne sort jamais de ses notes. Je le vois mal en train de parcourir le monde avec l’aisance d’un ATT. »

DE LA RARETÉ DU « PUTSCHISTE VERTUEUX » PAS FACILE D’ABANDONNER LE POUVOIR quand on l’a pris au risque de sa vie. Il y faut une certaine abnégation. C’est pourquoi le « putschiste vertueux » se fait rare. On pense au Malien Amadou Toumani Touré (ATT), qui s’est emparé du pouvoir en 1991 et l’a rendu dix-huit mois plus tard. Et tout récemment, bien sûr, au Guinéen Sékouba Konaté. Mais il ne faut pas oublier, entre autres : 1. Le Nigérian Olusegun Obasanjo. Arrivé au pouvoir en 1976, il a été le premier officier de son pays à le rendre à un civil, en 1979. 2. Le Ghanéen Jerry Rawlings. Deux fois putschiste (1979 et 1981), il s’est retiré en 2001, au terme de deux mandats. 3. Le Burundais Pierre Buyoya. Deux fois putschiste lui aussi (1987 et 1996), il s’est effacé en 2003. 4. Le Nigérien Daouda Malam Wanké. Huit mois de pouvoir, seulement, en 1999, de l’assassinat du général Baré à l’élection de Tandja. 5. Le Mauritanien Ely Ould Mohamed Vall. Vingt mois de règne, du putsch de 2005 à l’élection de 2007. Évidemment, une telle abnégation confère à ces ex-putschistes une vraie respectabilité. ATT est devenu médiateur en Centrafrique, avant de revenir au pouvoir par les urnes. Buyoya joue aussi les arbitres, pour l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). Rawlings est envoyé spécial de l’Union africaine (UA) en Somalie, et Konaté haut représentant de l’UA. Vall est à la Fondation Chirac, tandis qu’Obasanjo truste à peu près tout, des médiations (RD Congo, Côte d’Ivoire) aux comités (Africa Progress Panel, etc.). Seul Wanké a été mis en quarantaine – jusqu’à sa mort, en 2004. Il est vrai qu’il CH.B. avait liquidé son prédécesseur. ■ J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 18 • D U 13 A U 19 M A R S 2 0 11


AFRIQUE SUBSAHARIENNE 35 madou Ousseini (Défense), Abdou Kaza (Eau) et Mai Manga Oumara (Jeunesse et Sports). Ou le jeune ministre de l’Intérieur, Ousmane Cissé, qui est un neveu de Salou Djibo. Cissé a fait carrière dans la police et les renseignements généraux. Demain, il pourra rester à Niamey pour s’occuper de la lutte contre Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), comme il pourra se recycler à l’ONU – il a déjà été en mission onusienne à Abéché, au Tchad. UNE AFFAIRE DE DOIGTÉ

Dans l’armée, le futur élu devra veiller aussi à l’avenir de quelques officiers, comme le général Souleymane Salou, chef d’état-major des armées – et oncle de Salou Djibo –, le colonel Abdoulkarim Goukoye, porte-parole du CSRD, et les deux frères Adamou Harouna. L’un, Abdoulaye, commande la zone militaire d’Agadès. L’autre, Djibril, dirige une compagnie de parachutistes à Niamey. Chez les Harouna,

Impossible d’écarter tous les militaires qui ont trempé dans des coups d’État !

Le chef du Conseil suprême pour la restauration de la démocratie (CSRD) le 24 décembre dernier, à Abuja.

À Niamey, certains lui prêtent un avenir de militaire à l’UA, comme le général Sékouba Konaté. En décembre dernier, l’ex-président guinéen est devenu haut représentant de l’UA chargé de la « Force africaine en attente » (FAA). Comme Sékouba, Salou Djibo est un officier de valeur, respecté par ses hommes. Le feu, il connaît. Il a

combattu les rebelles toubous dans l’est du Niger. Pourquoi pas un poste militaire à Addis-Abeba ? S’il veut la paix, le futur président du Niger ne dev ra pas seulement s’occuper de Salou Djibo, il devra aussi ménager les autres figures de la transition. Ainsi les trois généraux qui siègent au gouvernement : Ma-

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on est putschiste de père en fils. En 1974, le père a aidé Seyni Kountché à prendre le pouvoir. L’an dernier, Djibril a mené l’assaut contre le palais de Tandja. « En théorie, il n’est jamais bon de garder au sein d’une armée les militaires qui ont fait un coup d’État, observe une figure politique de Niamey, mais si on écartait tous les militaires qui ont trempé dans les putschs de 1996, 1999 et 2010, il n’y aurait plus un seul officier en activité ! » En réalité, tout est là. Une transition postmilitaire est affaire de doigté. « Le futur président ne pourra pas être ingrat avec les officiers qui ont pris des risques, lâche notre homme politique. Mais, en même temps, il devra être extrêmement prudent, et ne pas leur donner trop de pouvoir. » Un temps d’arrêt, et puis : « Dommage que la fondation Mo Ibrahim ne récompense que les anciens chefs d’État qui sont arrivés au pouvoir par une élection… » ■ CHRISTOPHE BOISBOUVIER


36 AFRIQUE SUBSAHARIENNE CYCLISME

cis Ducreux, ancien coureur professionnel reconverti dans l’organisation de compétitions. C’est le seul sport qui sort des grandes villes et qui va à la rencontre des gens. » L’Afrique du Sud vient d’organiser son premier tour estampillé UCI, et la TanCette année encore, des milliers de spectateurs ont suivi zanie devrait faire de même au mois le Tour du Cameroun, qui sʼest achevé début mars. Preuve de juillet. Les boucles organisées au de lʼengouement croissant que suscite la petite reine Maroc et au Gabon (Tropicale Amissa Bongo, Tabo) ont acquis une véritable sur le continent, même sʼil reste beaucoup à faire… renommée. Avec un budget de 2 millions de dollars, la Tabo est souvent décrite comme « très professionnelle » ur la ligne d’arrivée, les comune véritable culture cycliste au Buret « bien gérée » par les connaisseurs. mentaires enf lammés des kina Faso, explique Laurent Bezault, En janvier, plusieurs équipes professpeakers font patienter le ancien directeur de course sur le tour. sionnelles y ont pris part. public : « Il y a des coureurs Le vélo fait partie du patrimoine natioDernière réussite de la petite reine : européens ! Ils sont surentraînés ! Ils nal. D’ailleurs, on en parle souvent au le Tour du Rwanda. En novembre deront des vélos que tu soulèves avec le président Compaoré quand il est à nier, il a drainé plus de 3 millions de petit doigt ! » Une foule nombreuse l’étranger. » spectateurs sur le bord des routes, selon est venue accueillir le vainqueur de Bénin, Niger, Mali, Togo… Une quases organisateurs. La compétition bénéla dernière étape sur le boulevard du rantaine de courses sont aujourd’hui ficie d’une enveloppe pour20-Mai, à Yaoundé. La neutant limitée (550 000 dolvième édition du Tour du PRINCIPAUX TOURS RECONNUS PAR lars, à peine plus que les Cameroun s’est achevée L’UNION CYCLISTE INTERNATIONALE (UCI) 425 000 dollars alloués à le 6 mars et, cette année la préparation du Tour du encore, l’ambiance était Cameroun) pour couvrir au rendez-vous. L’orgales frais d’hébergement, nisation un peu moins. Tour du Maroc Tour d’Algérie de nourriture, de déplaChangement de date au cements et les salaires. dernier moment, retards L’enveloppe couvre égalede plusieurs heures sur ment les prix attribués aux les plannings, problèmes coureurs. Sur le Tour du de logistique, de transfert Cameroun, le vainqueur des coureurs et de sécuTour du Cameroun d’une étape remportait rité routière… L’Union un peu plus de 600 dolcycliste internationale lars (300 000 F CFA) et (UCI) s’est parfois agale maillot jaune à Yaouncée des difficultés renTropicale Amissa Tour du Faso dé empoc ha it env i ron contrées, mais à YaounBongo 1 000 dollars. Parmi les dé, Garoua ou Bamenda, sponsors, peu de surprises: journalistes et spectaon y retrouve les habituelteurs se sont enthousiasles loteries nationales, des més pour cette course, groupes pétroliers (comme « la seule qui soit tenue Tour du Rwanda la Société nationale des par des Camerounais ». hydrocarbures du CameLa seule aussi « qui ne roun ou Petro Gabon), des soit pas organisée par opérateurs téléphoniques des colons » – référence Tour d’Afrique (Camtel au Cameroun, directe à Grandjean Sport du Sud MTN en Afrique du Sud) et Organisation (GSO), l’endes entreprises locales ou étrangètreprise française qui, de la Côte res (Castel, Total, Colgate). d’Ivoire au Sénégal en passant par organisées de manière plus ou moins Figure emblématique du cyclisme régulière en Afrique, mais l’UCI en le Rwanda, organise de nombreuses en Afrique, l’Érythréen Daniel Teklereconnaît moins d’une dizaine (voir épreuves cyclistes en Afrique. haymanot, est passé, à l’âge de 22 ans, infographie). S’y affrontent des couPour l’instant, le Tour du Cameroun par le centre d’entraînement de l’UCI, reurs africains et parfois des Occia bien du mal à rivaliser avec le célèbre à Aigle, en Suisse. Il a ramené chez Tour du Faso. Avec vingt-quatre édidentaux en phase de préparation lui cinq médailles lors des derniers pour les épreuves majeures du circuit tions au compteur et un budget annuel championnats continentaux en novemeuropéen. « Le cyclisme est devenu de plus de 850 000 dollars, ce dernier bre 2010, a terminé sixième du Tour de le sport le plus populaire en Afrique est sans doute l’une des plus ancienl’avenir 2009, qui réunit chaque année, après le foot, assure le Français Frannes compétitions africaines. « Il y a

LʼAfrique en selle

S

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Au Burkina Faso, le vélo fait désormais partie du patrimoine national.

en France, les espoirs du cyclisme mondial, et a remporté une étape sur la dernière Tabo face à des coureurs européens aguerris. « Il a tout du champion, conclut Jean-Philippe Duracka, directeur technique de l’équipe du Cameroun. Le charisme, la force physique et l’intelligence de course. » DE REDOUTABLES GRIMPEURS

Il n’est pas le seul coureur africain à avoir marqué les esprits. Le Marocain Adil Jelloul a terminé troisième de la dernière Tabo. Quant au Rwandais Adrien Niyonshuti, il est déjà passé professionnel dans l’équipe MTN, en Afrique du Sud. Les Rwandais, comme les Kényans et les Éthiopiens, sont de redoutables grimpeurs. Les Burkinabè sont, eux, connus pour être de très bons rouleurs et sprinteurs. La politique s’invite parfois dans les courses. Cette année, les fédérations camerounaises et gabonaises ont refusé que la Côte d’Ivoire prenne part à la compétition, faute de savoir qui, de

CHRISTOPHE ENA AP/SIPA

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Laurent Gbagbo ou d’Alassane Ouattara, avait envoyé les coureurs. Mais l’image véhiculée par le cyclisme africain, ainsi que la couverture assurée par les médias étrangers, est globalement très positive. Malgré cet essor, la marge de progression reste encore importante. À l’exception de l’Afrique du Sud, le continent ne dispose pas de véritable structure de formation, et les écoles de cyclisme sont quasi inexistantes. Seul le centre continental de l’UCI, situé au sud-ouest de Johannesburg, à Potchefstroom, accueille quelques heureux élus. Les meilleurs pourront ensuite se rendre en Suisse. Mais le cyclisme africain a besoin de plus de moyens et de matériel pour rouler vers le professionnalisme. « Il manque encore de sérieux, estime Jean-Philippe Duracka. Il faut aussi un réel projet pour l’Afrique centrale. Aujourd’hui, les Érythréens

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ont un très bon niveau alors qu’il y a cinq ans le cyclisme n’était rien en Afrique de l’Est. C’est la preuve que, quand il y a la volonté et les moyens, les résultats suivent ! » En attendant, c’est l’Afrique du Sud qui tient le haut du pavé avec plusieurs milliers de licenciés. Suivent le Maroc et l’Algérie. Malgré les bonnes performances des nouveaux élèves que sont

Il n’y a pas, à part en Afrique du Sud, de véritables structures de formation. le Rwanda, le Kenya ou l’Éthiopie, le centre et l’est du continent restent les lanternes rouges. Alors à quand un coureur noir sur le tour de France ? À en croire les spécialistes, ce ne serait plus qu’une question de temps. « Et le jour où ça arrivera, promet Francis Ducreux, il aura toute l’Afrique derrière lui ! » ■ MATTHIEU COTINAT, à Yaoundé


38 AFRIQUE SUBSAHARIENNE PROCÈS TAYLOR

Dernier acte des questions de sécurité, le procès de Charles Taylor se tient à La Haye, aux Pays-Bas. Il est le dernier accusé à passer à la barre du TSSL, et le premier ancien chef d’État africain à faire l’objet d’un procès devant la justice internationale. ARMES CONTRE DIAMANTS

Accusé d’avoir alimenté – en armes, en échange de diamants notamment – la rébellion du Front révolutionnaire uni (RUF), qui sévissait alors en Sierra Leone, voisine de son pays, Taylor comparaît pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Mais, pour Courtenay Griffiths, ce procès est « une expression du néocolonialisme du XXIe siècle ». L’avocat en veut pour preuve l’origine subsaharienne de tous les individus inculpés par la justice internationale. « C’est troublant, a-t-il dit. On nous a dit que cette cour

L’accusé à La Haye, le 8 février.

avait été établie pour juger les principaux responsables. Pourquoi, dans ce cas, Mouammar Kaddafi n’est-il pas dans le box ? » WikiLeaks s’est aussi invité au procès. L’avocat a mentionné un télégramme de mars 2009 révélé par le site internet. L’ambassadrice américaine à Monrovia y explique qu’un retour au pays de Taylor suite à un acquittement ou à une peine légère pourrait compromettre la paix. Le jugement est attendu pour la mi-2011. ■ MARIANNE MEUNIER

RD CONGO ARRESTATIONS EN SÉRIE

JUNIOR D. KANNAH

I

l f aud r a at te nd r e av a nt de connaître le sor t de Charles Taylor. Mais le procès de l’ancien président du Liberia (19972003) vient de franchir son ultime étape. Dirigée par Courtenay Griffiths, l’équipe de défense a achevé sa plaidoirie le 10 mars. « Un procès pénal n’est pas un concours de beauté, a déclaré l’avocat britannique. Nous ne demandons pas à la Cour d’aimer Charles Taylor. Mais nous considérons qu’il ne peut y avoir qu’un seul verdict […] : non coupable. » Depuis janvier 2008, l’ancien homme fort de Monrovia, 63 ans, comparaît devant le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL). Cette instance, créée en 2002 par les Nations unies et Freetown pour juger les principaux responsables de la seconde partie de la guerre civile (1996-2002), siège dans la capitale sierra-léonaise. Mais, pour

À Kinshasa, le 7 mars, les autorités disaient avoir arrêté plus de 120 personnes (civils et militaires). Elles sont soupçonnées d’être impliquées dans ce qui a été présenté comme une « tentative de coup d’État » contre le président Kabila, le 27 février. La presse était invitée à filmer les prévenus, dont beaucoup portaient des traces de coups et de brûlures. Il y aurait parmi eux plusieurs membres de l’opposition.

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JERRY LAMPEN/REUTERS

Les avocats de lʼex-président libérien, jugé pour crimes de guerre et crimes contre lʼhumanité, ont achevé leur plaidoirie. Verdict dans plusieurs mois.


AFRIQUE SUBSAHARIENNE 39 BURKINA FASO

B

La colère gronde

is repetita… Trois jours seulement après la réouverture des établissements scolaires, le gouvernement burkinabè a de nouveau suspendu les cours, le 8 mars. Depuis la fin du mois de février, à Koudougou, Koupéla, Pouytenga ou Poa, des manifestants – des élèves pour la plupart – saccagent et brûlent bureaux de l’administration et commissariats de police. La contestation menace de s’étendre à tout le pays et inquiète les autorités. Les causes de la colère ? La mort, le 20 février, à Koudougou, de Justin Zongo, élève en classe de troisième. Officiellement, il a succombé à une méningite, mais, pour ses amis du collège Gesta-Kaboré, il a été battu et torturé par les forces de police, suite à une sombre affaire de plainte déposée par une camarade de classe. Peu après l’annonce de son décès, les collégiens ont organisé une marche pour réclamer l’ouverture d’une enquête, les policiers ont tiré sur les manifestants, tuant plusieurs d’entre eux… Depuis, c’est l’escalade. « Les élèves dénoncent la lenteur de la procédure, ils veulent que justice soit faite. Mais ce n’est pas dans le désordre que l’on peut rendre justice, explique Baba Hama, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement. Des mesures ont été prises pour ramener le calme. » Première de ces mesures : le limogeage du gouverneur et du directeur de la police du Centre-Ouest. Mais pour l’Association nationale des étudiants burkinabè (Aneb), c’est « de la poudre aux yeux ». « Aujourd’hui, ce que nous voulons dénoncer, c’est le climat de terreur que fait régner la police », s’insurge Mahamadou Fayama, de la section Aneb-Ouagadougou. L’association veut organiser des marches pacifiques dans tout le pays. Les enseignants, eux, ont déposé un préavis de MALIKA GROGA-BADA grève pour dénoncer leurs conditions de travail. ■

MOT CHOISI

TÊTE EN L’AIR

En Afrique du Sud, les policiers ont une furieuse tendance à être un peu… tête en l’air. Selon le rappor t d’une commission d’enquête parlementaire, rendu public début mars, les forces de l’ordre sud-africaines ont tout bonnement égaré 20 429 armes depuis avril 2004. Alzheimer précoce ? Non, laxisme, rétorquent les parlementaires : « Les policiers savent bien que, même s’ils perdent leur arme une fois, deux fois, trois fois, ils en auront toujours une autre. » Dans un pays où la criminalité atteint des sommets, tout cela est du plus mauvais effet.


40 MAGHREB & MOYEN-ORIENT

TUNISIE DÉMOCRATIE, En optant pour lʼélection dʼune Constituante, le président par intérim et le gouvernement provisoire enterrent de facto la Constitution de 1959. Et scellent la fin de lʼancien régime.

A

ABDELAZIZ BARROUHI, à Tunis

u siège de la Ligue tunisienne de défense des droits de l’homme (LTDH), dans le quart ie r d ’ E l - O m r a n e , près du parc du Belvédère, à Tunis, l’émotion est à son comble en ce lundi 7 mars. Les dirigeants de la Ligue se réunissent pour la première fois au grand complet depuis plus de six ans, la police politique de triste mémoire n’étant plus là pour les en empêcher. Mokhtar Trifi, président de la LTDH, annonce la décision historique que vient de prendre le ministère de l’Intérieur et dont les Tunisiens rêvaient secrètement depuis des lustres : « la rupture définitive avec toute forme d’organisation s’apparentant à la “police politique”, aussi bien au niveau de la structure, des missions ou des pratiques », ainsi que la dissolution de la direction de la sûreté de l’État. Aussitôt, les défenseurs des droits de l’homme, des vétérans pour la plupart, se lèvent pour entonner l’hymne national. Plusieurs d’entre eux ont les larmes aux yeux. « J’étais constamment surveillée, à mon domicile comme au travail », rappelle Emna Dridi, enfin délivrée. Car il ne saurait y avoir de parole libérée tant que ce corps de police anachronique, et par nature liberticide, continue de harceler les opposants et leurs proches, et de « terroriser » les Tunisiens, individuellement ou collectivement.

Le chargé de la communication du Premier ministère, Moez Sinaoui (près de la tribune), et les membres du gouvernement, peu avant l’allocution de Béji Caïd Essebsi, le 4 mars, au palais de Carthage.

C’est ce qu’a compris le troisième gouvernement provisoire, formé le même jour par Béji Caïd Essebsi, le nouveau Premier ministre de transition, nommé le 27 février par Fouad Mebazaa, le président par intérim. Issu de l’école de Habib Bourguiba, le fondateur de l’État moderne tunisien (voir J.A. no 2617),

Caïd Essebsi ne pouvait choisir meilleur geste pour marquer le large consensus national auquel il était parvenu, à la faveur d’un compromis avec les principales composantes du Comité pour la sauvegarde de la révolution, constitué autour de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT).

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ANNÉE ZÉRO voir personnel de Ben Ali et la toutepuissance de l’ex-parti unique, s’est révélée verrouillée et minée. Elle ne pouvait donc servir de base à la rupture avec le passé et à l’instauration d’une véritable démocratie. En outre, aux termes de la Constitution actuelle, l’élection présidentielle aurait dû inter-

Décision historique : la rupture définitive avec toute forme de police politique.

NICOLAS FAUQUÉ/WWW.IMAGESD

venir au maximum soixante jours après le départ de Ben Ali, soit le 15 mars. Un délai impossible à tenir, compte tenu de l’impréparation des partis politiques, laminés sous l’ancien régime, et de la nécessité de réviser la loi électorale. Par calcul politique, certains, comme Néjib Chebbi, s’étaient prononcés en faveur de la tenue rapide d’une élection présidentielle, moyennant un amendement électoral. Ces voix exceptées, le consensus s’est dégagé autour de la suspension de la Constitution et, partant, de la dissolution de facto de la Chambre des députés et de la Chambre des conseillers.

tion institutionnelle inextricable dans laquelle le précédent gouvernement provisoire de Mohamed Ghannouchi s’était empêtré du fait de calculs politiques contradictoires en son sein. La Constitution de 1959, libérale au départ, avant d’être taillée sur mesure au fil des années pour asseoir le pou-

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Pour pallier le vide constitutionnel et la non-représentativité des deux chambres, c’est un système transitoire inédit de salut public qui a été mis en place sous l’appellation d’Organisation provisoire des pouvoirs publics. Elle est composée de Fouad Mebazaa et du gouvernement transitoire, qui compte actuellement vingt-deux personnalités compétentes, sans aucun lien avec Ben Ali et qui se sont engagées à ne pas se présenter aux prochaines élections. Les décisions seront prises après consultation avec les représentants des partis politiques et de la société civile, notamment au sein de la nouvelle Commission pour la réalisation

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C’est ce large consensus autour d’un « programme » tenant lieu de feuille de route, élaboré par Fouad Mebazaa et le gouvernement de Caïd Essebsi, qui a conduit à opter pour « la légitimité révolutionnaire », du moins par défaut, plutôt que pour « la légitimité constitutionnelle ». Il fallait sortir d’une situa-

SYSTÈME TRANSITOIRE INÉDIT


AFP PHOTO/FETHI BELAID

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Des manifestants saluant la dissolution du RCD, l’ex-parti au pouvoir, le 9 mars, devant le palais de justice, à Tunis. ▲ ▲ ▲

des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique, fusion de la Commission supérieure de la réforme politique présidée par Yadh Ben Achour et du Comité pour la sauvegarde de la révolution. L’Organisation provisoire restera en place jusqu’à la dernière semaine de juillet.

SECONDE RÉPUBLIQUE

D’ici à la fin du mois de mars, la Commission pour la réalisation des objectifs de la révolution, composée d’experts et de représentants des partis, de la société civile et de l’UGTT, aura mis au point un « système électoral spécial » en vue de l’élection « libre, pluraliste et transparente » d’une Assemblée nationale constituante prévue le 24 juillet. Aussitôt élue, la Constituante désignera (ou maintiendra) le président intérimaire et le gouvernement, votera les lois et entamera l’élaboration d’une nouvelle Constitution et d’un code électoral. Ce sera l’acte de naissance de la Seconde République, qui, selon toute vraisemblance, bannira à jamais le présidentialisme à la mode Ben Ali pour adopter une forme de système parlementaire dont le modèle sera cependant difficile à élaborer en raison de l’ouverture – et donc du morcellement – de l’échiquier politique. Le pays compte en effet désormais pas moins d’une cinquantaine de partis, et d’autres pourraient encore voir le jour. Ce qui risque de compliquer, si le code électoral ne s’y prête pas, l’émergence de majorités permettant à la fois l’alternance et le pluralisme le plus large. Quant à l’ex-parti « benaliste », le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), il est définitivement mort et enterré depuis

sa dissolution, le 9 mars, par le tribunal de première instance de Tunis. Au chantier de l’amendement de la loi électorale s’ajoutent ceux ouverts par les deux autres commissions nationales – celle de l’établissement des faits sur les dépassements commis durant les derniers événements et celle d’investigation sur les affaires de corruption et de malversation. Les trois commissions sont indépendantes du gouvernement, qui n’en souligne pas moins la nécessité pour le pays de faire en sorte qu’il n’y ait pas de retour en arrière possible. Pour ce qui la concerne, l’équipe de Caïd Essebsi a plusieurs dossiers sensibles qui l’attendent, dont l’engagement de poursuites « au cas par cas, et non collectivement », précise le Premier ministre, contre les membres du clan Ben Ali-Trabelsi et leurs complices au sein de l’appareil d’État et ailleurs. La priorité des priorités reste cependant le rétablissement de la sécurité. « Il LES QUATRE INSTANCES CLÉS DE LA TRANSITION ■ Organisation provisoire des pouvoirs publics (présidence et gouvernement intérimaires) ■ Commission pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique ■ Commission nationale de l’établissement des faits sur les dépassements commis durant les derniers événements ■ Commission nationale d’investigation sur les affaires de corruption et de malversation

s’agit du maintien de l’ordre, ajoute Caïd Essebsi, mais aussi du retour de la sérénité en général, celle du citoyen et des opérateurs économiques, pour que le pays se remette plus vite au travail. » Il faut impérativement, insistet-il, créer les conditions d’une reprise économique et du retour des investissements étrangers, nécessaires à la création d’emplois pour les jeunes. La Tunisie, estime Caïd Essebsi, a besoin d’une croissance supérieure à la normale pour atteindre 8 % par an. QUI SONT LES « SABOTEURS » ?

Contrairement à une idée répandue à des fins partisanes, ce sont rarement les manifestations populaires et les sit-in encadrés par l’UGTT et les organisations de la société civile qui ont envenimé la situation sécuritaire – à l’exception de quelques incidents provoqués par des débordements d’ordre social ou de règlements de compte dans certaines entreprises et administrations. Les principaux fauteurs de troubles appartiennent à des groupes liés à l’ancien parti au pouvoir. Dans une sorte de « baroud de déshonneur » après la perte de leurs privilèges, ces groupes, ainsi que de mystérieux commandos mieux organisés et parfois armés, cherchent à semer le chaos dans le pays, comme en témoignent les attaques répétées contre le siège du ministère de l’Intérieur ou contre des bâtiments publics dans les régions de l’intérieur, comme à Kasserine. L’hypothèse la plus fréquemment évoquée est qu’il faut chercher le mal à l’intérieur du ministère de l’Intérieur, lequel a pourtant été « épuré », avec la mise à l’écart d’une trentaine de hauts responsables. En attendant la réorganisation des structures de la sécurité intérieure annoncée par le ministère, qui précise qu’elle s’inspirera des « réglementations en vigueur dans les États démocratiques », le mystère entourant les opérations de « sabotage » reste entier. Ni le Premier ministre actuel, ni son prédécesseur, ni les deux derniers ministres de l’Intérieur n’ont été en mesure, jusque-là, d’identifier ceux qui sèment le chaos qu’ils sont censés prévenir et combattre. Caïd Essebsi décrit ce travail d’investigation comme « l’art de démêler des fils de soie dans un bosquet d’épines… Nous voulons nous débarrasser définitivement du passé, mais sans être injustes avec qui que ce soit ». ■

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MAGHREB & MOYEN-ORIENT 43

Forum Défis à court terme, opportunités à long terme

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a Tunisie amorce une transition politique et économique profonde. Les changements amenés par la révolution sont porteurs de promesses et d’espoirs. Les activités économiques devraient reprendre et suivre une courbe ascendante, surtout depuis la formation du gouvernement transitoire dirigé par Béji Caïd Essebsi, dont la priorité est de remettre le pays au travail et d’organiser la transition, avec pragmatisme et dans la transparence. Il n’y a pas lieu de verser dans l’alarmisme. Certes, à court terme, le ralentissement de l’activité économique observé pendant les premiers mois de l’année affectera le niveau de la production dans la première moitié de 2011, mais, selon nos calculs, la contraction induite sera de l’ordre de 1,5 % du PIB en termes réels pour l’année. Il faut cependant s’attendre à une situation budgétaire tendue en 2011 en raison de la contraction de l’activité, de la baisse des recettes fiscales, des revendications sociales et de la lutte contre le chômage, des coûts de réparation des infrastructures et de l’augmentation des subventions des biens de première nécessité et du pétrole, qui s’élèvent à plus de 4 % du PIB.

LA DETTE EXTÉRIEURE demeurera gérable à 47 %

du PIB. Celle arrivant à échéance en 2011 (intérêts plus principal) est d’environ 2,4 milliards de dollars [1,71 milliard d’euros], équivalant à 11,2 % des exportations de biens et services. La Tunisie avait des réserves de change de 8,8 milliards de dollars [6,3 milliards d’euros] à la fin de février, l’équivalent d’environ quatre mois d’importations et suffisantes pour gérer sa dette à court terme. Le pays jouit de la confiance des marchés et des institutions financières internationales. Certes, les agences de notation Moody’s et Fitch ont déclassé la Tunisie d’un cran, mais il est également vrai, et cela joue en sa faveur, que les swaps [échanges financiers, NDLR] sur défaillance de crédit de la Tunisie, qui, en janvier, étaient supérieurs à 200 points de base, continuent de baisser, ce qui est bon signe. Avec la Banque mondiale, la Banque africaine de développement et l’Union européenne, la Tunisie peut obtenir des décaissements rapides de prêts d’appui budgétaire avec restructuration des projets existants. Elle pourra ainsi se focaliser sur la gouvernance, la récupération des biens mal acquis, l’emploi, le développeJ E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 18 • D U 13 A U 19 M A R S 2 0 11

ment régional et le secteur financier. Les banques sont susceptibles de souffrir d’une croissance en créances douteuses causées par l’endettement – pour le moins abusif – des entreprises du clan du président déchu et qui s’élèvent, selon la Banque centrale, à 2,5 milliards de dinars [765 millions d’euros]. LA TRANSFORMATION POLITIQUE EN COURS doit cependant être accompagnée de réformes économiques structurelles pour mettre l’économie sur un sentier de croissance plus performant. Même en pleine croissance, l’économie ne créait, au mieux, que 65 000 emplois par an, chiffre nettement insuffisant. Le pays a besoin d’un meilleur modèle de développement qui améliorera les formations en soft skills [compétences humaines], le climat des affaires, préservera la liberté d’entreprendre et l’innovation créatrice d’emplois.

Pour améliorer la gouvernance, il faut créer un mécanisme de traçage de l’exécution des finances publiques.

LE GOUVERNEMENT DE TR ANSITION de -

vrait mener des actions en adoptant des approches nouvelles. Il s’agit en premier lieu de protéger les plus démunis sans que l’administration ne soit hégémonique et bureaucratique. Il est impératif de « donner une voix aux sans-voix ». Pour améliorer la gouvernance, il faudra instaurer d’une manière opérationnelle un système où chaque responsable doit « rendre compte » et mettre en place un mécanisme de traçage de l’exécution des finances publiques. Il faut aussi abandonner l’approche du sommet vers le bas et lui substituer celle du bas vers le haut. Dans ce cadre, il s’agit de donner aux régions la possibilité de reprendre leur destin en main, avec, entre autres, l’élection des gouverneurs. La décentralisation leur permettra de promouvoir leurs propres projets et d’adapter leur bassin d’emploi à leurs besoins. ■

D.R.

EZZEDDINE LARBI

Ancien économiste à la Banque mondiale, économiste en chef à la Banque africaine de développement (BAD)


HASSAN OUAZZANI POUR J.A.

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Driss El Yazami, président du Conseil national des droits de l’homme.

DROITS DE LʼHOMME

Rabat à lʼheure de Tunis et du Caire Créée à lʼinitiative du roi Mohammed VI, lʼinstitution qui succède au CCDH disposera dʼune plus grande marge de manœuvre et agira en toute indépendance.

L

a décision n’est nullement improvisée. Elle a sans doute été minutieusement préparée et apparaît aujourd’hui comme un prélude à la profonde réforme constitutionnelle annoncée le 9 mars. Alors que les révolutions en série qui secouent le monde arabe mettent les droits de l’homme à l’honneur jusqu’à en faire la principale raison de renverser les tyrannies, le roi Mohammed VI a pris une initiative spectaculaire en la matière. Il a créé, le 3 mars, le Conseil national des droits de l’homme (CNDH) et l’a doté de structures lui garantissant indépendance et efficacité. La nouvelle institution succède au Conseil consultatif des droits de l’homme (CCDH), fondé par Hassan II en 1990. Le CCDH, qui réunissait les différentes sensibilités politiques, avait permis les nombreuses mesures de libéralisation qui ont favorisé l’avènement, en 1998, du « gouvernement d’alternance » dirigé par le socialiste Abderrahmane Youssoufi. Il était en outre chargé de poursuivre l’application des décisions et des recommandations de l’Instance Équité et Réconciliation (IER), présidée par Driss Benzekri (décédé en 2007) et qui a diligenté le règlement des viola-

le CNDH compte 30 membres, dont 8 sont proposés par le Palais, 11 par les ONG et 8 par les présidents des deux Chambres du Parlement. Mais c’est peut-être le choix de son président qui illustre le mieux l’importance du rôle qu’est appelé à jouer le Conseil dans un domaine resté sensible malgré les progrès accomplis. Driss El-Yazami, 59 ans, est un vétéran de la lutte pour les droits de l’homme. Exilé en France pendant trente-sept ans, il a suivi des études de commerce et de journalisme et a milité dans les milieux de l’émigration, produisant une vaste œuvre qui se décline en revues, livres, films, expositions… Secrétaire général de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), il avait déjà été appelé par le roi pour animer le Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME), fonction qu’il devra cumuler pour le moment avec ses nouvelles responsabilités. L’INTUITION DE HASSAN II

tions des droits de l’homme depuis l’indépendance. La mission et les prérogatives du nouveau Conseil sont longuement précisées dans le dahir (« décret royal ») publié au Journal officiel. Son champ d’action est très large : il est « chargé de connaître toutes les questions relatives à la défense et à la protection des droits de l’homme et des libertés ». Il dispose des structures régionales qui vont lui permettre de surveiller les cas d’infraction sur l’ensemble du territoire. Il procède aux enquêtes et investigations chaque fois qu’il possède des « informations confirmées et fiables ». Il examine tous les cas « soit de sa propre initiative, soit sur plainte des parties concernées ». Agissant comme instance de veille et d’alerte, il peut également « intervenir par anticipation ». Le mode de désignation du Conseil est une garantie supplémentaire d’indépendance. Outre son président, son secrétaire général et le responsable chargé de la promotion de la communication entre le citoyen et l’administration, tous trois désignés par le roi,

Le secrétaire général, Mohamed Sebbar, est du même acabit. Ancien dirigeant de Forum Vérité et Justice, il appartient à cette race de militants qui, du temps de Hassan II, ont fait leurs classes politiques dans l’adversité et donnent, sous Mohammed VI, toute la mesure de leur talent. À l’heure des révolutions arabes, un hebdomadaire réputé iconoclaste a consacré sa une au roi avec ce titre: « La Révolution avec lui ». Si un tel objectif paraît sans doute saugrenu à l’extérieur, il n’a rien pour surprendre au Maroc, où l’on doit considérer que la création du CNDH apparaît comme une première contribution à sa réalisation. Voilà quinze ans, en 1996, Hassan II disait ceci :

Instance de veille et d’alerte, le CNDH peut aussi « intervenir par anticipation ». « Il viendra un jour où l’instabilité politique du Maghreb créera des révoltes populaires. J’ai réformé ma Constitution pour avoir la stabilité populaire, politique, économique et sociale. Je mène ma barque pour que le prince héritier puisse la diriger facilement contre vents et marées. Mes sujets resteront toujours attachés à la monarchie. » Étonnant, HAMID BARRADA non? ■

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MAGHREB & MOYEN-ORIENT 45 ARABIE SAOUDITE

Avant quʼil ne soit trop tard... Les largesses du roi pour renouveler le contrat social et prévenir une révolte ne suffiront pas à sauver les Saoud. Qui ne peuvent plus faire lʼéconomie dʼune réforme politique.

PATERNALISME

Il n’empêche. Les largesses du roi semblent s’inscrire dans une tentative de renouvellement du contrat social entre gouvernants et gouvernés, celui qui fonde l’absolutisme en Arabie saoudite et dans le Golfe. Il s’agit d’un paternalisme où la rente pétrolière exonère les gouvernants de leurs obligations politiques en leur apportant les ressources nécessaires pour garantir l’éducation et la santé, mais aussi l’emploi et le logement des gouvernés, en échange de leur loyauté et de leur obéissance. Mais, même pour un royaume doté d’une telle puissance financière, ce pacte semble délabré: les économies pétrolières créent peu d’emplois, surtout quand elles entretiennent une famille royale pléthorique qui feint

de ne pas discerner la frontière entre revenus privés et budget public. De manière plus fondamentale, cette tentative de renouveler le contrat social renforce l’entente historique entre la monarchie et l’establishment clérical, qui est à la base de l’État saoudien. En échange de sa caution religieuse, l’ordre wahhabite exerce un contrôle social déterminant, non seulement sur

NAYEF NE VEUT RIEN ENTENDRE

Mais les frères les plus puissants du roi ne sont pas convaincus de la nécessité d’ouvrir davantage la société. À peine le dialogue était-il engagé que le prince Nayef, ministre de l’Intérieur, convoquait des dissidents dans son bureau. Selon un réformateur présent, il leur aurait déclaré : « Ce que nous avons gagné par le Le « dialogue sabre, nous le garderons par national » lancé par le roi Abdallah le sabre. » en 2003 a tourné P a r c e que l a dy n a s t ie court. accorde u ne i mpor t a nce capitale au consensus familial, l’Arabie saoudite, bientôt confrontée à une succession épineuse, est une monarchie absolue sans monarque absolu. Le roi Abdallah, 87 ans et de santé fragile, est peutêtre son dernier espoir de réforme. Son hypothétique successeur, le prince héritier Sultan, 86 ans, est encore plus affaibli physiquement, ce qui fait de l’ultraconservateur Nayef, 77 ans, le probable futur souverain. Il reste une petite voie d’avenir, mais peu de temps pour l’emprunter. Celle qui orienterait le régime vers une monarchie constitutionnelle respectant l’État de droit. Si les Saoud traitaient leur peuple en citoyens plutôt qu’en serfs, les comportements religieux et publics ils pourraient contrebalancer le poids – ségrégation et claustration des femde l’establishment wahhabite et jeter mes, par exemple –, mais également les bases d’un royaume moderne, en sur l’éducation et la justice. harmonie avec son héritage islamique Aussi le pouvoir wahhabite a-t-il mais aussi en phase avec la nation, la sapé les réformes que le roi Abdallah région et le monde. ■ considère comme essentielles à la surDAVID GARDNER vie du royaume. Le souverain a tenté © Financial Times et Jeune Afrique 2011. de brider les religieux, de réformer Tous droits réservés. l’appareil judiciaire, d’expurger les

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THE NEW YORK TIMES SYNDICATION

A

ugmentations de salaires, annulations de dettes, aides à la construction et à la création d’entreprises : c’est un total de 36 milliards de dollars que le roi Abdallah a décidé de consacrer au bien-être de ses sujets. Mais cette généreuse enveloppe peut aussi être interprétée comme une réponse paniquée à la vague révolutionnaire qui déferle sur le monde arabe. Bien sûr, la maison Saoud est endurante. Elle a résisté au panarabisme de Gamal Abdel Nasser et à la tentative de l’ayatollah Khomeiny d’exporter la révolution iranienne. Elle a surmonté le défi de la violence islamiste et a su gérer sans trop de dégâts la présence d’un demi-million de soldats étrangers sur son sol durant la première guerre du Golfe.

manuels scolaires du fanatisme, de contrôler les enseignants et d’encourager une conception plus tolérante de l’islam. Conscient que l’État saoudien était resté statique, quand ses sujets étaient entraînés vers une modernité fragile et importée comme un climatiseur, il a lancé un « dialogue national » en 2003. S’est ainsi maintenue la perspective d’un gouvernement plus ouvert, d’un contrôle plus étroit de la part royale dans les finances nationales, de droits accrus pour les femmes et même de l’introduction graduelle d’élections.


46 MAGHREB & MOYEN-ORIENT IRAN

Le grand sabotage Assassinats de scientifiques, cyberattaque contre la centrale nucléaire de Natanz, vente de matériaux défectueux... Tous les coups sont permis dans la guerre secrète que mène lʼOccident contre la République islamique.

M

ajid Shahriyari est devenu u n ma r t y r u n jou r d’automne 2010, alors qu’il se rendait à son travail. Il se trouvait sur le boulevard Artesh, à Téhéran, lorsqu’un engin explosif détruisit son véhicule. Cet homme de 45 ans que ses compatriotes décriraient comme un hisbullahi – une personne pieuse et loyale à la République islamique, aisément identifiable à sa mise très simple et à sa fine barbe – était aussi l’un des grands spécialistes du nucléaire iranien. Ce 29 novembre 2010, le scientifique et son épouse sont en route pour l’université Shahid Beheshti, où ils enseignent. Une moto s’arrête à côté de leur voiture, puis démarre en trombe. Quelques secondes plus tard, une explosion souffle la portière gauche. Peu avant, le couple a eu un pressentiment. Mme Shahriyari, qui s’est précipitée hors du véhicule, en réchappe. Lui n’aura pas cette chance. Plus tard, la rescapée déclarera à la télévision d’État que le sang de son mari a été « versé pour la nation ». Cet assassinat n’aurait pas fait les gros titres de la presse mondiale si, le même jour, Fereydoun AbbassiDavani, l’un des collègues d’université de la victime et, aussi, un proche des Gardiens de la révolution, n’avait survécu à une attaque identique. Huit mois plus tôt, Massoud Ali Mohammadi, expert en physique quantique à l’Université de Téhéran, avait été tué dans l’explosion d’une moto piégée près de son domicile. Qui est le commanditaire de cette série noire qui a frappé de stupeur et d’effroi la communauté scientifique iranienne ? Mystère. L’Iran y voit la main d’Israël et des États-Unis, et affirme que ces attentats font partie d’un plan plus vaste, destiné à entraver le développement de son programme nucléaire. En Occident, on présente

une tout autre version : le régime iranien aurait éliminé ces hommes, car il doutait de leur loyauté. Par tons à présent à quelque 1 500 km à l’ouest de Téhéran, en Jordanie. Environ neuf mois avant sa mort, Shahriyari était devenu le représentant de son pays dans le cadre du projet Sésame. Établi huit ans auparavant à Allan, une petite zone rurale du centre du royaume hachémite, ce projet original qui amène des scientifiques israéliens, arabes et iraniens à travailler ensemble s’articule autour d’un accélérateur de particules, don du gouvernement allemand, destiné à l’étude des structures de l’atome. Pour ce projet, les Allemands se sont inspirés de l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (Cern), créée après la Seconde Guerre mondiale afin de favoriser la réconciliation entre Européens.

grande pour que le pouvoir l’élimine. Et, en novembre 2010, le ministre du Renseignement a été sommé de s’expliquer sur l’échec du contre-espionnage à déjouer ces complots. La participation des deux chercheurs au projet Sésame aurait-elle permis aux Israéliens de les identifier ? Cette thèse permettrait d’incriminer le Mossad ou les Moudjahidine du peuple, ce groupe d’opposants iraniens en exil qui veulent faire tomber le régime des mollahs. En Israël, beaucoup pensent que le Mossad est derrière ces meurtres. Son chef à l’époque, Meir Dagan, dont le départ à la retraite a été annoncé le jour de l’assassinat de Shahriyari, passe dans son pays pour l’un des meilleurs patrons que l’institution ait jamais eus. Quand il a pris ses fonctions en 2002, les services israéliens peinaient à se relever de leur dernière bourde : l’assassinat manqué d’un leader du Hamas. Dagan avait pour mission de reconstruire l’agence de renseignements avec « un couteau entre les dents ». Et de se concentrer sur le dossier iranien. Son

LA MAIN DU MOSSAD ?

Mohammadi et, après la mort de celui-ci, Shahriyari ont participé à ces réunions. De quoi attirer les soupçons sur eux Manifestation d’étudiants au moment où des actes devant de sabotage frappaient le l’ambassade programme nucléaire de britannique leur pays. Mohammadi après l’assassinat n’était-il pas un sympathide Shahriyari, le 12 décembre sant du Mouvement vert, 2010, à Téhéran. qui, en juin 2009, avait manifesté contre le régime et réclamé l’invalidation de l’élection présidentielle ? Sur un site web proche de l’opposition, son épouse accrédite cette thèse. Tout comme Reuel Marc Gerecht, un ancien agent de la CIA au Moyen-Orient : « Ces deux hommes étaient au contact d’étrangers. Je parie que, quand les choses ont commencé à mal tourner, le régime les a regardés de travers. » À Téhéran, en revanche, on pense que la valeur scientifique de Shahriyari était trop J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 18 • D U 13 A U 19 M A R S 2 0 11


MAGHREB & MOYEN-ORIENT 47 bilan n’est pas parfait pour autant. En 2010, l’assassinat d’un dirigeant du Hamas, à Dubaï, l’a plongé dans l’embarras : l’opération avait réussi, mais le commando avait laissé suffisamment de traces pour que la police de Dubaï puisse attribuer la paternité de cette action à Israël. Pour certains spécialistes du Mossad, le meurtre des scientifiques iraniens marque un renouveau spectaculaire de l’agence. « Elle leur a envoyé le message suivant : vous devez tenter de faire défection, sinon vous mourrez. C’est un excellent moyen de semer la panique », note un diplomate occidental. D’autres doutent cependant que le Mossad ait pu perpétrer ces assassinats en plein Téhéran sans aide extérieure. Bob Bauer, un ancien de la CIA au Moyen-Orient, privilégie la piste de Moudjahidine du peuple agissant pour le compte de l’État hébreu. Lors d’une conférence de presse donnée quelques heures après la mort de Shahriyari, le président Mahmoud Ahmadinejad a accusé le « régime sioniste » et ses alliés occidentaux.

Quand on lui a posé une question sur le « virus » qui avait mystérieusement frappé les centrales nucléaires, il a pris un ton détaché : « Pour un petit nombre de centrifugeuses, il y a eu des problèmes dus au logiciel installé dans certains équipements électriques, mais tout est réglé. » Ahmadinejad n’a pas nommé le « coupable », mais il ne fait guère de doute qu’il s’agissait de St u x net – ce logiciel malveillant découvert à la mi-2010, une arme de sabotage redoutable dans la guerre secrète que l’Occident mène contre Téhéran.

les faucons de l’administration Bush savaient pertinemment que l’option militaire (le bombardement des sites nucléaires) comportait trop de risques ; par la suite, l’administration Obama a adopté la même ligne. Les

L’objectif est de ralentir les progrès technologiques des pays jugés dangereux. États-Unis se sont donc engagés sur la voie des sanctions, soutenus en cela, depuis la fin de 2006, par des résolutions de l’ONU. Ces sanctions rendent l’Iran tributaire du marché noir. Sous la pression « amicale » des Occidentaux, les trafiquants peuvent être amenés à vendre aux Iraniens des matériaux défectueux et susceptibles d’endommager leurs infrastructures. Ce que confirme John Sawers, le patron du MI6, les services britanniques : l’objectif est de « ralentir » les progrès technologiques des pays considérés comme dangereux (Corée du Nord, Libye…) et d’empêcher qu’ils se procurent des matériaux sensibles.

PRESSION « AMICALE »

Cette guerre ne remonte pas à 2002 et à la révélation de l’existence d’un site d’enrichissement de l’uranium à Natanz. Elle a commencé à l’époque du shah, s’est accélérée dans les années 1990 et a repris de la vigueur au fur et à mesure que l’Iran progressait sur la voie de la maîtrise de l’atome. Même

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Si les informaticiens savent depuis longtemps que les États ou d’autres organismes ont les moyens de mener une cyberguerre, le cas Stuxnet est tout à fait particulier : il s’agit d’un ver informatique agressif capable de se reproduire tout seul et de pénétrer des systèmes industriels (d’une usine, d’une raffinerie ou d’une centrale nucléaire…) afin d’en prendre le contrôle. Contrairement à un virus, il n’a pas besoin d’un programme hôte pour se reproduire et s’infiltrer. Son objectif est d’espionner l’ordinateur dans lequel il se trouve, de détruire ses données et/ou d’envoyer de multiples requêtes vers un serveur internet dans le but de le saturer (voir J.A. no 2601). Durant toute l’année 2010, les scientifiques se sont demandé contre qui exactement Stuxnet avait été conçu. Certes, le ver a infecté des milliers d’ordinateurs dans le monde (en Biélorussie, en Indonésie, en Inde, en Équateur et à Taiwan), mais il semblait tout spécialement viser les installations iraniennes. En 2009-2010, il aurait endom magé ent re 1 000 et

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ZUMA-REA

STUXNET, LE VER FATAL


La voiture de Majid Shahriyari peu après l’attentat qui lui a coûté la vie.

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8 000 centrifugeuses servant à enrichir de l’uranium à Natanz. Si les États-Unis et Israël ont les moyens humains et techniques de fabriquer ce ver, estime David Albright, président de l’Institut pour la science et la sécurité internationale (Isis) à Washington, l’Allemagne les a sans doute aidés – ne serait-ce que parce que la firme Siemens produit des systèmes de contrôle identiques à ceux qu’on trouve à Natanz. Mais comment Stuxnet a-t-il pu pénétrer dans cette centrale ? Cette dernière n’étant pas reliée à internet, le ver a dû être introduit par une clé USB. Or les seuls étrangers qui ont pu accéder au site sont les inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). En décembre 2010, Heydar Moslehi, le patron des services iraniens, a accusé l’AIEA d’avoir infiltré des espions parmi les inspecteurs. Ce que l’institution nie, évidemment. Mark Hibbs, de la Fondation Carnegie pour la paix internationale, est persuadé que les services occidentaux « ont pénétré profondément le programme iranien, sans quoi ce type de sabotage eût été impossible ». Les spécialistes affirment que cette pénétration est le résultat d’un plan conçu par un ou des États et qui aurait nécessité des mois, voire des années de préparation. Quant à savoir s’il a réussi, les avis divergent. Depuis peu, les Américains et leurs alliés se montrent très optimistes. Alors qu’Israël ne cessait de répéter que l’Iran aurait la bombe d’ici un an à dix-huit mois, Moshe Yaalon, le ministre israélien des Affaires stratégiques,

MORTEZA YARAHMADY

48

a évoqué en décembre dernier un délai de trois ans. Un mois plus tard, Dagan a estimé que ce ne serait pas le cas avant 2015. Pour Yoel Guzansky, ancien chef du bureau Iran au Conseil de sécurité nationale israélien, la guerre secrète est « le meilleur moyen d’empêcher les Iraniens de progresser et de les convaincre de retourner à la table des négociations ». Cet te autosatisfaction af f ichée signifie-t-elle que cette stratégie a été payante, ou n’est-elle qu’un moyen de pression psychologique sur les Iraniens ? Leur programme nucléaire a peut-être été touché, mais il se poursuit. « Et s’il était trop tard ? s’interroge l’analyste Ronen Bergman. Ici, en Israël, certains pensent que ce programme est à un stade trop avancé pour que des actions de déstabilisation portent leurs fruits. » « Stuxnet est à la fois un succès majeur et un énorme fiasco, poursuit Bergman. Il s’agit de savoir si l’on veut remporter une bataille ou gagner la guerre. Le ver a infecté des ordinateurs ailleurs dans le monde. Résultat : non seulement les Iraniens sont en alerte, mais ils savent comment le logiciel peut contaminer des ordinateurs. » D’autres facteurs incitent à la prudence. D’abord, s’inquiètent les Américains, si les centrifugeuses P1 utilisées par les Iraniens étaient trop vulnérables, l’Iran pourrait se doter de centrifugeuses plus performantes, comme l’a fait la Corée du Nord. Ensuite, l’Iran

pourrait être tenté d’opérer loin de Natanz et des yeux des inspecteurs de l’AIEA. Des soupçons qui se sont renforcés quand les services occidentaux ont révélé, en septembre 2009, qu’une usine d’enrichissement de l’uranium avait été construite en secret près de la ville sainte de Qom. Cette usine souterraine pourrait fournir aux Iraniens une solution de repli en cas de bombardement de Natanz, ou bien permettre d’enrichir de l’uranium à des niveaux plus élevés et à des fins militaires. Une hypothèse que Gary Samore, le principal conseiller de Barack Obama sur ce dossier, prend très au sérieux. LE PRIX À PAYER

Quoi qu’il en soit, la campagne de sabotage a un prix. Stuxnet a coûté très cher à de nombreuses entreprises industrielles. Et si l’Iran décidait de riposter, on se trouverait à l’aube d’une cyberguerre dévastatrice contre laquelle ni les États-Unis ni Israël ne seraient prémunis. Des responsables politiques et militaires américains savent que les infrastructures vitales de leur pays, telles que les centrales thermiques et électriques, sont extrêmement v ulnérables à des cyberattaques. « La technologie de type Stuxnet est dangereuse, commente Frantz, un expert du sabotage à la

« Qui va se charger de fixer les limites à ne pas franchir ? » DAVID ALBRIGHT, président d’Isis CIA. Elle sème la terreur, mais ouvre aussi la porte à des représailles. Je suis persuadé que la cyberguerre sera le nouveau front. » Pour Albright, « entre les programmes secrets, les assassinats, les sabotages de matériel et les cyberattaques, il se passe trop de choses en coulisses. C’est comme si on avait donné le feu vert à toute opération dirigée contre le programme nucléaire iranien, quelle qu’elle soit. Mais qui va se charger de fixer des limites à ne pas franchir ? Et jusqu’où peut-on aller ? » ■ ROULA KHALAF et JAMES BLITZ (Londres), DANIEL DOMBEY (Washington), TOBIAS BUCK (Jérusalem), NAJMEH BOZORGMEHR (Téhéran)

© Financial Times et Jeune Afrique 2011. Tous droits réservés.

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MAGHREB & MOYEN-ORIENT 49 FACEBOOK

Parlez-vous « arabish »? Pour déjouer la surveillance policière, les jeunes internautes arabes communiquent parfois au moyen dʼun langage codé composé dʼune suite de lettres latines et de chiffres. Ingénieux.

S

abah al-khayr (« Bonjour ») s’écrit « 9aba7 2l5air ». C’est dans ce langage codé que des milliers de jeunes Arabes transmettent parfois leurs messages et mots d’ordre via leurs téléphones portables, blogs et autres réseaux sociaux. Baptisée « arabizi », « arabish », « aralish » ou « chat arabe », selon les usages et les dialectes, ou encore « franco-arabe », si l’on est francophone, cette écriture, composée d’une suite de lettres latines et de chiffres, a été créée spontanément par la génération numérique et s’est révélée

MAURITANIE

E

très efficace pour déjouer la surveillance policière. Les chiffres sont utilisés pour transcrire des phonèmes arabes avec ou sans équivalents dans l’alphabet latin (le ‘ayn, sans équivalent, est ainsi rendu par le chiffre 3, qui lui ressemble morphologiquement). À la source de ce phénomène, une raison pratique: la majorité des téléphones portables et des ordinateurs utilisent l’alphabet latin, des sites comme Facebook ou Twitter ne reconnaissant que depuis peu les caractères arabes. Ce mode d’expression doit aussi son succès à son adaptation à la conversation écrite. Pour Roula, une Libanaise de 32 ans qui maîtrise aussi bien l’arabe que le français, « il permet de chatter comme on parle, d’exprimer ses émotions par des exclamations qu’on ne peut pas transcrire en arabe classique ». D’ailleurs, l’arabish (contraction d’« arabe » et d’« english ») ne s’emploie que pour de courts messages – quelques phrases au maximum –, les textes plus développés étant rédigés en arabe, en français ou en anglais.

On peut aussi voir dans ce langage chiffré un symbole de résistance, l’arabe traditionnel étant assimilé à la langue du pouvoir. L’arabish devient ainsi le dialecte social d’une génération partageant un horizon globalisé et la volonté de s’émanciper des codes traditionnels. « La nayda, sorte de movida marocaine, ne communique que comme ça ! », témoigne Ismaël, un trentenaire de Casablanca. Prompts à repérer ce qui est « tendance », les publicitaires emploient de plus en plus cette écriture pour cibler la jeunesse. Récemment, la compagnie de téléphonie saoudienne Mobily a lancé une campagne pour une ligne prépayée appelée « 7ala » (pour hala, « être agréable au goût, sucré, doux »). Mais cette pratique n’est pas l’apanage de la jeunesse branchée: le forum djihadiste Al-Qal3ah (« La Citadelle ») hébergeait la propagande de l’ancien chef d’Al-Qaïda en Irak, Abou Moussab al-Zarqaoui. ■ LAURENT DE SAINT PÉRIER

Rendez-vous sur la place rouge

rouges », à Nouakchott, le 8 mars.

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D.R.

n Mauritanie, certains sont tentés d’imiter leurs Jets de pierre, gaz lacrymogènes : des affrontements se sont « frères » révolutionnaires tunisiens, égyptiens ensuivis, qui ont donné lieu à des arrestations. et libyens. Depuis que la Coordination du 25 fé« Nos revendications ne datent pas d’hier, explique, sous le vrier, un groupe créé sur Facebook, a lancé un couvert de l’anonymat, un membre de la coordination joint appel à manifester ce jour-là, un vendredi – férié –, après par téléphone. Mais nous tentons évidemment de profiter la prière, quelques centaines de jeunes et de moins jeunes de la situation dans le monde arabe pour les faire entense retrouvent chaque mardi et vendredi sur la « place des dre. » Le départ du chef de l’État, Mohamed Ould Abdelaziz, blocs rouges », un terrain élu en juillet 2009, vague en plein centre de ne fait pas partie Nou a k c h o t t . P a n c a rdes revendications. tes à la main, ils disent « Mais si les maleur lassit ude de voir nifestations sont les militaires occuper le interdites, cela va pouvoir, réclament des arriver », poursuit mesures sociales ou une notre interlocuteur. meilleure répartition des Le 24 février au soir, richesses. veille du premier Au début, les protesrassemblement, tations se sont déroulées le chef du gouverdans le calme. Mais le nement, Moulaye 8 mars, les forces de l’orOuld Mohamed Ladre ont barré l’accès à la ghdaf, a annoncé la « place des blocs rouges ». création de 17 000 Certains ont tout de même emplois. ■ Aux abords de la « place des blocs MARIANNE MEUNIER tenté de forcer le barrage.


50 INTERNATIONAL

CHINE COMME UN

À lʼappel dʼune mystérieuse organisation, des manifestations ont lieu dans de nombreuses villes. Les autorités répriment ces timides velléités de contestation politique, mais annoncent parallèlement un grand programme de « rééquilibrage » social.

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STÉPHANE PAMBRUN, à Pékin

haque dimanche, c’est le même manège. En plei ne r ue com merçante de Wangfujing, à u ne enc ablu re de la place Tiananmen, des centaines de policiers sont aux aguets. Vêtus de tenues antiémeutes, accompagnés de chiens renifleurs et de blindés, ils filtrent les accès à cette artère piétonnière. Des agents en civil du Guoanbu, la très redoutée sécurité intérieure, dévisagent et filment les passants. C’est là, au cœur de Pékin, qu’une mystérieuse « organisation du jasmin » appelle chaque semaine à des rassemblements. À 14 heures, les choses s’accélèrent. Les journalistes étrangers sont écartés sans ménagement, et quelques badauds bousculés. Au même moment, le scénario se répète dans plusieurs dizaines de villes. Combien de manifestants ? Quelques dizaines, quelques centaines tout au plus. La révolution du jasmin est-elle en train de gagner la Chine ? « Non, commente un responsable de la propagande. La révolution est inutile et irréaliste. » Reste que le pouvoir paraît quand même bien nerveux. Dès le 12 février, le Politburo a tenu une première réunion secrète consacrée à la révision des « objectifs de propagande ». En clair : à la nécessité de serrer la vis. Début mars, de nouvelles rencontres ont eu lieu sous l’égide du président Hu Jintao. Pour évaluer les risques d’une contagion en Chine des révoltes arabes. Et tuer dans l’œuf toute forme de contestation. « Comme en A frique du Nord et au MoyenOrient, il y a en Chine un parti unique au pouvoir et de fortes inégalités sociales. Vue de Pékin, toute transformation politique d’un mouvement social

est forcément inquiétante », estime le sinologue Jean-Philippe Beja. Les autorités veulent donc frapper vite et fort. Première étape : le verrouillage des médias. Les programmes des télévisions étrangères sont caviardés s’ils s’avisent de rendre compte des manifestations : les écrans passent au noir. Sur internet, les mots « jasmin », « Moubarak » ou « Ben Ali » sont bloqués, et les forums en chinois sont épluchés par quelque quarante mille gendarmes du Net. Les sites de réseaux sociaux comme Twitter ou Facebook sont de toute façon bloqués depuis les émeutes au Tibet, en 2008. L’internet chinois ressemble aujourd’hui à un vaste intranet. C’est une muraille de Chine que le vent de la révolte arabe a peu de chances d’abattre. VERROUILLAGE

Sur le terrain, des forces de police supplémentaires sont déployées dans les grandes villes. Rien que dans la capitale, plus de 700 000 policiers et agents de sécurité sont mobilisés. Un pour vingt habitants ! Le Parti communiste chinois verrouille tout, la machine policière tourne à plein régime, l’armée est aux ordres, et le président Hu Jintao n’incarne pas à lui seul le pouvoir. Il doit d’ailleurs passer la main l’année prochaine. « Je n’imagine pas les Chinois jouer les martyrs et mourir pour la révolution, nuance le sociologue Jean-Louis Rocca, de l’université Tsinghua, à Pékin. Les manifestations sont toujours la conséquence de problèmes particuliers, comme les expropriations ou la corruption. Jamais ces mouvements ne débordent sur le terrain politique. Les figures de la dissidence comme Liu Xiaobo, le Prix Nobel de la paix,

sont très minoritaires. Sans être provocateur, je dirais que les Chinois sont plutôt satisfaits de leur sort. » Pourtant, à en croire un récent sondage paru dans le très officiel Quotidien du peuple, seuls 6 % des Chinois se déclarent heureux. De la hausse des prix de l’immobilier à l’inflation, en passant par la corruption, les sujets de mécontentement sont nombreux. Lors de son discours du 5 mars devant l’Assemblée populaire nationale, Wen Jiabao, le Premier ministre, a pour la première fois reconnu, du bout des lèvres, l’existence d’« inégalités ». Lors de la conférence de presse qui a suivi, il a enfoncé le clou : « Dans des

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Shanghai, 20 février : dispersion d’un rassemblement en faveur des réformes politiques.

domaines tels que la redistribution des revenus ou la justice, il existe des inégalités auxquelles nous devons porter davantage d’attention. » Wen a donc beaucoup promis : augmentation du salaire minimum, lancement d’un vaste programme de logements sociaux, aides aux paysans les plus pauvres, lutte contre la corruption. Il s’est même engagé à éradiquer la pauvreté en dix ans ! L’ensemble de ces mesures seront validées par l’Assemblée dans le cadre du 12e plan quinquennal (2011-2015). La Chine se prépare également à un atterrissage en douceur de son économie: la croissance devrait repasser sous

les 8 % et se maintenir autour de 7 % au cours des trois prochaines années. Parallèlement, elle va se recentrer sur son marché intérieur. « En permettant à tous les Chinois d’acheter un réfrigérateur ou une voiture, le gouvernement apporte un peu de bien-être aux classes populaires, mais, surtout, il offre des perspectives à l’économie locale, jusqu’ici tournée vers l’exportation », explique Jean-Louis Rocca. « Enrichissez-vous », avait lancé Deng Xiaoping en 1978. « Consommez », pourrait lui répondre, en écho, Hu Jintao. Cette fuite en avant consumériste suffira-t-elle à éviter au pays des lendemains difficiles ? Le gou-

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vernement en est si peu assuré qu’il vient d’augmenter parallèlement le budget de la sécurité intérieure, qui, pour la première fois, dépasse celui de la défense. Les dépenses de maintien de l’ordre vont ainsi augmenter de 13,8 % pour atteindre l’équivalent de 68 milliards d’euros par an. Dans une dizaine de provinces, le budget de la police augmentera plus vite que celui des hôpitaux et des écoles. Si le gouvernement se dit prêt à lâcher du lest, il ne s’agit donc, pour l’instant, que de réformes économiques. Pas question d’ouvrir une brèche politique et de laisser un vent de jasmin souffler sur Tiananmen. ■

ALY SONG/REUTERS

PARFUM DE JASMIN


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sants de chômage et de pauvreté. En 2006, son fondateur s’est vu décerner le prix Nobel de la paix. Ce qui, dans son pays, ne lui a pas valu que des amis en haut lieu. Sa renommée internationale suscite des jalousies. On lui reproche sa suffisance supposée, ses accointances avec les grands de ce monde, les Clinton, Obama, Sarkozy… Mais les hostilités n’ont réellement commencé qu’en 2007, quand Yunus a voulu profiter de sa bonne image dans l’opinion pour créer un parti politique. Le projet a fait long feu, mais le mal était fait. Les ennuis allaient commencer.

Le « banquier des pauvres » viré !

PALASH KHAN/SIPA PRESS

LIMITE D’ÂGE

Arrivée devant la Haute Cour du Bangladesh, le 7 mars à Dacca.

Pionnier de la microfinance et Prix Nobel de la paix, Muhammad Yunus a été licencié par le gouvernement de son poste de directeur administratif de la Grameen Bank (dont lʼÉtat détient 25 % du capital).

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a salle d’audience de la Haute Cour du Bangladesh était pleine à craquer, ce 7 mars, lorsque le juge y a fait son entrée solennelle. Chargé de dire la légalité de la procédure de licenciement visant Muhammad Yunus, le patron de la Grameen Bank, le magistrat a demandé au public de se taire, avant de lire le verdict d’une voix monocorde : « Le maintien du professeur Yunus dans ses fonctions n’est pas fondé en droit. Sa pétition demandant l’annulation de la décision de la Banque centrale du Bangladesh est donc rejetée… » La suite a été couverte par les cris d’indignation des supporteurs du « banquier des pauvres ». Au Ba ngladesh, tout le monde connaît Muhammad Yunus. Économiste de formation et ancien professeur à l’université de Chittagong, ce fils de bijoutier a fondé en 1977 le premier organisme de microcrédit, invention appelée à révolutionner le système bancaire mondial. Traditionnellement,

les plus démunis n’avaient pas accès au crédit, les banques craignant qu’ils ne soient pas en mesure de rembourser les prêts consentis. Du coup, ils étaient à la merci des usuriers… HUIT MILLIONS D’EMPRUNTEURS

La Grameen Bank (qui, en bengali, signifie la « banque rurale ») a mis fin à cette injustice en consentant des prêts aux plus pauv res, notamment dans les régions les plus reculées. Forte de ses quelque 250 agences à travers le pays, elle revendique aujourd’hui 8,3 millions d’emprunteurs, parmi lesquels une écrasante majorité de femmes (97 %), qui utilisent cet argent pour développer une activité rémunératrice. Le succès a été tel que la Grameen Bank a bientôt essaimé à l’étranger, notamment dans les pays occidentaux confrontés à des problèmes grandis-

Il y a d’abord eu un procès en diffamation: le Prix Nobel avait dénoncé un peu trop brutalement l’appétit excessif pour le pouvoir et l’argent manifesté par les hommes et les femmes politiques de son pays. Et puis, au mois de janvier, après la diffusion d’un documentaire norvégien mettant en cause l’opacité de la gestion de la Grameen Bank, une enquête a été ouverte. Depuis, les Norvégiens sont revenus sur leurs allégations, mais le gouvernement bangladais persiste. Profitant des dérives de certaines branches de l’établissement, la Première ministre, Sheikh Hasina, est allée jusqu’à accuser publiquement Yunus de « sucer le sang des pauvres ». Troisième vague de l’offensive, Yunus vient donc d’être limogé de son poste de directeur exécutif de la Grameen Bank – dont l’État bangladais détient 25 % du capital. La Banque centrale fait valoir qu’à 70 ans l’intéressé a largement dépassé la limite d’âge imposée aux fonctionnaires (60 ans). Soutenu par ses employés, ses clients, mais

Dans les cercles dirigeants, sa renommée internationale suscite bien des jalousies. aussi par ses (nombreux) admirateurs à l’étranger, Muhammad Yunus avait contesté la validité juridique de cette décision. La Haute Cour vient de lui donner tort. « Nous nous attendions à ce verdict », ont commenté les avocats de la Grameen Bank, qui envisagent à présent de saisir la Cour suprême. ■ TIRTHANKAR CHANDA

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Vénussia Myrtil (21 ans), étudiante en psychologie et protégée de Marine Le Pen.

FRANCE

Dʼun extrême à lʼautre Ancienne militante du Nouveau Parti anticapitaliste dʼOlivier Besancenot, Vénussia Myrtil a rejoint le Front national, dont elle portera les couleurs lors des prochaines élections cantonales (20-27 mars).

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e regard est méfiant, mais la poignée de main ferme. À l’évidence, Vénussia Myrtil n’est pas très à l’aise avec les journalistes. Mais comment les éviter avec un parcours aussi atypique ? Ex-sympathisante des Jeunesses communistes révolutionnaires (JCR) puis membre du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), Vénussia Myrtil, 21 ans, est la petite jeune qui monte au Front national (FN), dont elle portera les couleurs lors des élections cantonales des 20 et 27 mars à Aubergenville (Yvelines), dans la grande banlieue parisienne.

Son grand écart suscite quelque émoi chez ses anciens comme chez ses nouveaux amis. Et même quelques invectives : « faire-valoir », « parachutée »… L’étudiante en psychologie n’en a cure, elle veut prouver à son mentor, Marine Le Pen, la présidente du FN, qu’elle est à la hauteur de la tâche. « On dit des choses très dures sur moi, mais je m’en fiche. Je suis là parce que les valeurs du Front sont les miennes. Le reste… », dit-elle dans un haussement d’épaules. Avec son teint café au lait, son piercing à l’arcade sourcilière et ses boucles indociles, Vénussia détonne dans le paysage de l’extrême droite française.

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JEAN-CHRISTOPHE MARMARA

INTERNATIONAL 53 Née d’une mère ariégeoise et d’un père guadeloupéen, elle récuse l’idée selon laquelle elle serait la « caution couleur » du parti d’extrême droite. « J’ai vu Marine Le Pen à la télé, en 2009, ses arguments m’ont plu, elle aime la France et veut rendre aux Français ce qui leur revient de droit », argumente la candidate. Des valeurs qui, paradoxalement, étaient déjà plus ou moins les siennes quand elle militait au NPA. Les beaux discours sur la régularisation de tous les étrangers, dit-elle, la « gonflaient », mais c’est une manifestation propalestinienne qui lui a fait prendre la porte. « Pendant la marche, j’ai entendu des prières musulmanes. Là, j’ai dit stop, ce n’est plus possible, la religion relève de la sphère privée », s’offusque-t-elle en tirant sur la croix qui orne son cou. « Un cadeau de ma mère », précise-t-elle pour prévenir toute attaque. UNE LONGUEUR D’AVANCE

La foi relève peut-être de la sphère privée, mais elle est aujourd’hui au cœur du débat politique. La néofrontiste y voit la preuve que le FN a toujours une longueur d’avance sur les autres partis, de gauche comme de droite : « Nicolas Sarkozy veut lancer un débat sur l’islam en France. Avant, c’était l’identité nationale. Tout cela ne montre qu’une chose : c’est nous qui avons raison, et depuis longtemps. » La jeune femme verrait bien « Marine » ceindre l’écharpe tricolore en 2012. Les résultats d’un sondage – controversé – Harris Interactive, qui donnent la présidente du FN en tête du premier tour de la présidentielle avec 24 % des intentions de vote, devant le socialiste Dominique Strauss-Kahn (23 %) et Nicolas Sarkozy (21 %), la confortent dans l’idée que les Français ont besoin de changement. « UMP ou PS, c’est la même chose. À l’Assemblée, ils votent ensemble des lois qui rendent les Français de plus en plus pauvres. » « Marine Le Pen a changé l’image du FN, se réjouit Vénussia. Elle a rendu ce parti crédible, respectable. On est passé du “bouh ! elle est raciste” à “d’accord, on va t’écouter”. » Ouverte, la présidente du FN ? Pas assez pour soutenir le mariage homosexuel, contrairement à Vénussia Myrtil. Déjà, une divergence ? Réponse : « Pas assez importante pour que je quitte ce parti. » Les homosexuels apprécieront. ■ MALIKA GROGA-BADA


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Guerre budgétaire Au Congrès et dans certains États du Midwest quʼils contrôlent, les républicains extrémistes taillent à la serpe dans les dépenses publiques. À brève échéance, ils risquent de paralyser lʼadministration démocrate. Mais ils ont déjà réussi à sortir le mouvement syndical de sa torpeur !

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es gouverneurs aux dents longues, des parlementaires en fuite, le spectre d’une fermeture pure et simple du gouvernement fédéral… Tels sont les ingrédients de la guerre sans merci que se livrent républicains et démocrates. L’enjeu ? Le vote du budget 2011 des États-Unis et l’avenir des services publics dans ce pays. Sur fond de féroce affrontement idéologique. Depuis le 1er octobre 2010, qui marque ici le début de l’année fiscale, le gouvernement fédéral n’a pas de budget. Il est financé par des facilités de paiement votées au coup par coup par les deux Chambres du Congrès : la Chambre des représentants, dominée par les républicains, et le Sénat, où les démocrates sont majoritaires. La dernière en date court jusqu’au 18 mars. Au-delà, si aucun accord n’est trouvé, le gouvernement devra fermer boutique, comme cela fut le cas, quelques jours durant, en 1995,

quand Bill Clinton occupait la Maison Blanche. La pomme de discorde ? Une réduction de 61 milliards de dollars des dépenses publiques exigée par l’aile dure du Grand Old Party, alors que les démocrates ne sont prêts à concéder, au mieux, qu’une dizaine de milliards. « Pour le gouvernement fédéral, consentir à de telles coupes reviendrait à se tirer une balle dans le pied », résume Mark Udall, sénateur démocrate du Colorado. Sans parler du coup fatal porté au programme du président Obama pour la deuxième partie de son mandat : des investissements massifs dans l’éducation et les infrastructures afin de préparer l’Amérique à faire face à la compétition mondiale, et, selon son nouveau mot d’ordre, à « win the future ». Le tout dans le contexte budgétaire le plus difficile de l’après-guerre : chômage à 9 %, déficit équivalant à 11 % du PIB (un record), graves difficultés financières des États…

Pourquoi de telles exigences, alors que les républicains savent bien qu’elles sont inacceptables pour les démocrates ? À cause du fanatisme budgétaire de la majorité des 87 parlementaires républicains élus sous les couleurs du Tea Party lors des élections de la mimandat, en novembre 2010. Comme le dit l’un d’eux, Joe Walsh, le représentant de l’Illinois, « mes électeurs m’ont élu pour mener une guerre, pas pour passer des compromis ». L’ennemi à abattre ? Le Big Government fédéral, cauchemar du Tea Party. Les coupes réclamées par les partisans de ce dernier ne sont évidemment pas choisies au hasard: démantèlement du planning familial, de la radio publique américaine, de l’agence de régulation environnementale… C’est du conservatisme pur et dur – et ça marche! Mis sous pression par sa base, John Boehner, le leader républicain de la Chambre des représentants, a refusé tous les compromis que lui a proposés Joe Biden, envoyé au feu par Obama. Pour la première fois, ce dernier s’est même déclaré disposé à transiger sur une clause essentielle de la loi sur l’assurance maladie. Las, les républicains réclament son abrogation pure et simple. DE L’INDIANA À L’OHIO

antisociales du gouverneur ultraconservateur Scott Walker.

MAX WHITTAKER/THE NEW YORK TIMES-REDUX-REA

Désormais, l’offensive ne se cantonne plus au Congrès et gagne le cœur de l’Amérique, ces États du Midwest qui sont le bastion du Tea Party. Tout a commencé lorsque Scott Walker, le jeune gouverneur du Wisconsin, a proposé une série de mesures destinées à rétablir l’équilibre budgétaire. L’une d’elles était explosive. Elle visait à priver les syndicats de fonctionnaires de leur pouvoir de négocier les conditions de travail des salariés et le statut de leurs adhérents. Une véritable déclaration de guerre. La réplique ne s’est pas fait attendre : manifestations en série dans les rues de Madison, la capitale de l’État (70 000 personnes, le 6 mars, par un froid glacial), occupation pendant deux semaines du Capitole par des pompiers et enseignants en grève, afflux d’activistes venus des quatre coins du Madison, Wisconsin, 24 février: les élus démocrates déchaînés contre les propositions pays… Dans une Amérique J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 18 • D U 13 A U 19 M A R S 2 0 11


que l’on croyait définitivement perdue pour le combat social, la capacité de mobilisation des syndicats a surpris. Depuis peu, la contestation fait tache d’huile dans l’Indiana et dans l’Ohio, les gouverneurs républicains de ces deux États ayant adopté des mesures similaires. Avec, dans l’Ohio, berceau du syndicalisme américain, cette véritable provocation que constitue l’interdiction du droit de grève. PARLEMENTAIRES EN FUITE

Qui va l’emporter ? À ce jour, la contestation continue et les projets de lois sont, sauf dans l’Ohio, bloqués. Dans le Wisconsin et l’Indiana, ils le sont, paradoxalement, faute de parlementaires démocrates pour s’y opposer. Un quorum est en effet nécessaire pour la simple discussion d’une loi. Depuis un mois, les élus démocrates sont donc en fuite dans l’Illinois voisin, de crainte d’être arrêtés par la police de l’État et amenés de force dans l’hémicycle !

60 % des Américains soutiennent les grévistes. Et Obama compte les points. Ce mouvement social est le plus important depuis la grève des contrôleurs aériens brisée par Reagan en 1981. Il aura au moins eu le mérite de ressusciter les syndicats et de réveiller la base démocrate. À New York, fin février, des milliers d’Américains ont ainsi protesté contre le projet de démantèlement du planning familial. « Les républicains ont commis un péché d’orgueil législatif. C’est ce dont nous avions besoin pour, à notre tour, passer à l’attaque », se réjouit Steve Israel, parlementaire de New York et directeur du comité de campagne du Parti démocrate. Selon un récent sondage, 60 % des Américains ont pris le parti des grévistes. Barack Obama est intervenu au début du conflit pour dénoncer les projets du gouverneur Walker, mais, depuis, se contente de compter les points. En laissant la bride sur le cou à sa frange la plus extrémiste, le Parti républicain fait un pari risqué. Il pourrait en payer le prix lors de la présidentielle de 2012. ■ JEAN-ÉRIC BOULIN, à New York J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 18 • D U 13 A U 19 M A R S 2 0 11

Mouammar et Silvio, à Rome, en novembre 2009.

ITALIE-LIBYE

Ils se sont tant aimés!

Pressé par lʼUnion européenne, le gouvernement Berlusconi a fini par geler les ‒ considérables ‒ avoirs du clan Kaddafi dans la péninsule. Mais en traînant les pieds.

A

près avoir longtemps entretenu des relations privilégiées avec Mouammar Kaddafi, Silvio Berlusconi a été contraint de rompre les liens tissés au fil des années – et des contrats juteux. Harcelé par la presse internationale, qui dénonce son peu d’empressement à geler les participations libyennes dans l’industrie et la finance italiennes, et pressé par Bruxelles de rendre son alliance, le Cavaliere n’avait plus le choix… Pour convaincre ses partenaires de sa bonne foi, le gouvernement a décidé de soumettre une série de propositions au Conseil européen. Plusieurs idées ont été évoquées lors de la réunion du Conseil suprême de la défense, le 9 mars à Rome, à commencer par l’envoi d’une mission onusienne sur le terrain. Il s’agirait de dresser un bilan des exactions commises par le clan Kaddafi pour mater la rébellion, puis d’organiser des patrouilles conjointes OtanUnion européenne en Méditerranée pour faire respecter les sanctions. S’agissant des fonds libyens, Rome promet d’appliquer intégralement les mesures décrétées par l’UE. Mais en précisant que seuls le ministère du Trésor, le Consob (le « gendarme de la Bourse » italienne) et la Banque d’Italie disposent de ce pouvoir. Conformément à la volonté de Bruxelles, les investissements du clan Kaddafi en Italie, qui s’élèvent à 3,6 milliards d’euros, devraient donc être bloqués. Mais ce chiffre est à prendre avec des pincettes. Chargée de dresser un état précis des avoirs libyens, la Banque d’Italie (Bankitalia) n’a pas encore rendu sa copie. On sait toutefois que Tripoli détient 2,5 % du capital social d’UniCredit, premier établissement financier italien, 2,01 % de Finmeccanica, le géant de l’industrie militaire, et 1,02 % d’ENI, le groupe spécialisé dans les hydrocarbures, dont la production a chuté de 50 % depuis le début de la crise. Si ce dernier continue néanmoins d’extraire du pétrole et du gaz, c’est, explique Paolo Scaroni, son PDG, « pour le bien du peuple libyen ». Ben voyons. Enfin, la famille du « Guide » libyen détient 14,8 % du groupe de télécoms Retelit et 7,5 % du club de la Juventus de Turin, contrôlé par le groupe Fiat. Reste qu’un nom, et non des moindres, ne figure pas sur la liste noire italienne : celui d’Ubea, la banque qui gère les transactions gazières et pétrolières. Contrôlé par la Banque centrale libyenne, l’établissement compte parmi ses actionnaires la fine fleur du business italien : ENI (5,4 %), Telecom Italia et la banque Intesa Sanpaolo (1,8 % chacun). Un sacré casse-tête en perspective ALEXANDRA BAKCHINE, à Rome pour Bruxelles. ■

REMO CASILLI/REUTERS

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ILS VIENNENT D’AFRIQUE, ILS ONT RÉUSSI AILLEURS

PARCOURS

Alima BOUMÉDIENE-THIERY

Cette sénatrice dʼorigine algérienne, passée du militantisme à la politique, mène plusieurs combats de front ‒ dont celui pour le boycott des produits israéliens...

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heveux maintenus sur le côté par une pince, étole léopard en travers de la poitrine, la sénatrice Alima Boumédiene-Thiery monte à la tribune de la chambre haute du Parlement français. Avec conviction, elle explique aux 14 sénateurs présents ce 28 octobre 2010 pourquoi les Verts soutiennent une proposition de loi sur le non-cumul des mandats. La majorité parlementaire n’est pas très réceptive et la proposition est renvoyée en commission. « C’est les oubliettes…, souffle Alima. Mais on finira par y arriver. » Ces derniers mots résument toute sa philosophie de vie.

DANS LES COULOIRS DU SÉNAT, Alima BoumédieneThiery détonne. Quand ses collègues viennent en voiture avec chauffeur, elle prend chaque matin le train de banlieue depuis Argenteuil, dans le Nord-Ouest parisien, où elle est née en 1956 et où elle a été élue. Au palais du Luxembourg, les descendants de familles aristocratiques, sénateurs de père en fils, sont légion ; le père d’Alima était un émigré algérien analphabète. « Quand on est fille d’ouvrier, on se sent parfois très seule ici, avoue-t-elle. On m’a souvent toisée avec mépris. » Alima Boumédiene-Thiery s’intéresse aux affaires de la cité depuis que, petite fille, elle suivait à la télévision « le journal parlé », comme l’appelait son père. « Il m’a dit de travailler à l’école. Il ne voulait pas avoir “émigré pour rien”. » En 1987, Alima Boumédiene-Thiery donne du sens à l’exil de son père, son « modèle ». Elle obtient sa thèse de doctorat, qui porte sur « les stratégies collectives des filles issues de l’immigration maghrébine ». Pour l’occasion, Mokhtar le musulman sable le champagne. Alima Boumédiene-Thiery, c’est un peu l’archétype de la méritocratie républicaine. Fille d’un Algérien et d’une Française qui se sont rencontrés dans la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale, elle naît dans un wagon abandonné et grandit dans un bidonville, brille au lycée catholique Sainte-Geneviève, fait des ménages dès ses 16 ans pour payer ses études, passe un bac littéraire et devient docteure en sociologie. Des obstacles sur le chemin? Quelques-uns… Une exclusion pour avoir répondu à son institutrice qui avait qualifié, peu après la guerre d’Algérie, son père d’« assassin », et un combat remporté contre une orientation forcée vers une filière courte, « parce que vos parents sont pauvres et qu’ils vont bientôt vous marier… »

Se battre, pour Alima, c’est une habitude. Infatigable, elle est de toutes les luttes, des cénacles au pavé des manifs. Dès l’université de droit à Nanterre, en 1981, elle fonde l’association Tadamoun-Solidarité maghrébine, qui apporte du soutien scolaire et offre des cours d’arabe. « Au lycée, j’avais honte de ma vie au bidonville et je me faisais appeler Mimi. En arrivant à la fac, j’ai rencontré des gens et je suis devenue fière du monde arabe. » La jeune femme, qui a grandi avec des Tziganes, est une des animatrices de la Marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983. Le militantisme s’est transformé en activité professionnelle. Elle a bien essayé, dans un cabinet d’avocats, de travailler comme juriste. « Mais je ne voulais pas faire payer les gens ! » s’amuse-t-elle, répandant un rire chaleureux qui enveloppe ses interlocuteurs. En 1988, elle crée avec des copines Expression maghrébine au féminin, puis travaille pour une association européenne qui forme des travailleurs migrants. Au bar du Sénat, où nous discutons, elle s’interrompt pour claquer la bise au serveur et rire avec lui de leurs SMS échangés la veille. LORSQU’ELLE INTÈGRE LE MONDE DES ÉLUS, Alima Bou-

médiene-Thiery a presque 40 ans. En 1995, elle devient conseillère municipale déléguée à la vie associative à Argenteuil. « Je n’étais proche d’aucun parti, mais j’ai accepté de porter la voix des associations dans une des premières mairies de la “gauche plurielle”. Je ne faisais

« Je ne fais plus confiance au PS depuis qu’il a refusé le droit de vote aux étrangers. » plus confiance au Parti socialiste depuis qu’il avait refusé le droit de vote aux étrangers. Et c’est un sujet sur lequel, pour la mémoire de mon père, je me battrai toujours. Les communistes, eux, avaient essayé de récupérer notre mobilisation contre le Front national. Alors je me suis rapprochée des Verts, le troisième parti de la coalition. » Elle réussit si bien chez les écologistes qu’elle est élue pour l’Île-de-France au Parlement européen en 1999, puis au Sénat en 2004. Là, elle se bat sur plusieurs fronts. « C’est elle, femme, musulmane, qui a fait reconnaître en France les unions civiles homosexuelles conclues à l’étranger ! » s’exclame Tewfik Bouzenoune, son assistant parlemenJ E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 18 • D U 13 A U 19 M A R S 2 0 11


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1956 Naissance dans le bidonville de la route de La Frette, à Argenteuil (banlieue parisienne) 1981 Fonde l’association TadamounSolidarité magrébine 1987 Thèse de doctorat en sociologie 1995 Élue conseillère municipale déléguée à la vie associative à Argenteuil 1999 Élue députée européenne avec les Verts 2004 Premier mandat de sénatrice 2011 Brigue un second mandat au Sénat

taire. « Ça en a surpris certains, mais je suis toujours cohérente, affirme la sénatrice. Je me bats contre toutes les discriminations. D’ailleurs, ça me révolte lorsque l’on veut me communautariser, m’assigner à un seul type de combat. » Pour rester en prise avec les batailles à mener, elle ne s’éloigne jamais longtemps des associations d’Argenteuil, des syndicats de l’Éducation nationale ou des sans-papiers du Val-d’Oise. Elle y habite toujours, avec son compagnon et son fils Ghiwane – qui attend en trépignant d’avoir 15 ans pour siéger au conseil municipal des jeunes. « Les associations sont le terreau de toute chose. Je travaille avec elles, mandat ou pas. » Invitée par des associations locales, elle se rend quand elle le peut en Algérie et au Maroc, près d’Oujda, où elle a enterré son père. Depuis trente ans, elle est aussi au côté des associations pour le droit des Palestiniens – peu fréquentées par ses collègues du Sénat. « Putain ! lâche-t-elle. À Naplouse et à Jénine, en 2002, j’ai vu des corps qu’on sortait des décombres. Et l’odeur de mort à Gaza, il y a deux ans… J’ai prié Dieu qu’il m’empêche de devenir raciste. Lorsque tu as vu ça une fois, tu ne peux plus oublier, tu fais des cauchemars. La colonisation, la guerre. J’ai pensé à l’Algérie. » La Palestine, c’est le premier « amour politique » d’Alima Boumédiene-Thiery. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 18 • D U 13 A U 19 M A R S 2 0 11

Enfant, elle s’indignait devant les actualités télévisées. Plus tard, elle a manifesté sur le pavé parisien, après les massacres de Sabra et Chatila, en 1982. Puis rendu visite à Yasser Arafat, assiégé dans son QG de Ramallah par l’armée israélienne. À Bruxelles, elle a convaincu les eurodéputés de voter la suspension de l’accord d’association entre Israël et l’Union européenne, avant que la Commission européenne, moins démocratique, enterre cette résolution. À CETTE OCCASION, Alima Boumédiene-Thiery a appris que l’élu ne peut pas tout. Le citoyen doit aussi se mobiliser. Le 14 octobre 2010, elle a été relaxée par le tribunal de Pontoise de l’accusation « d’incitation à la discrimination » des produits israéliens. Dehors, des centaines de militants l’ont applaudie. Certains tenaient une pancarte « Touche pas à ma sénatrice! » Elle, radieuse, a embrassé ceux qui étaient venus la soutenir. « Oui, nous boycottons et nous continuerons à le faire tant que les Palestiniens n’auront pas obtenu leurs droits, lance-t-elle à la foule. En tant qu’élue du peuple, c’est mon devoir. C’est un combat juste et, un jour ou l’autre, nous le gagnerons. » L’espoir, toujours. ■ CONSTANCE DESLOIRE

Photo : BRUNO LÉVY


58 INTERNATIONAL JUSTICE

Le procès de lʼancien président français, mis en cause dans lʼaffaire des emplois fictifs de la Ville de Paris, sʼest ouvert 7 mars. Dès le lendemain, il a été reporté aux calendes grecques.

L

a scène aurait dû se dérouler le 8 mars, à 13 h 30 : Jacques Chirac à la barre d’un tribunal répondant à des accusations de détournements de fonds publics, abus de confiance et prise illégale d’intérêts. Mais la centaine de journalistes français et étrangers en ont été pour leurs frais: l’ancien président français n’a pas franchi la porte de la première chambre civile du tribunal de Paris. Une « question prioritaire de constitutionnalité » (QPC) posée par Me Jean-Yves Le Borgne, avocat d’un ancien directeur de cabinet de Chirac à la mairie de Paris, a fait capoter l’audience. Le procès est donc reporté de plusieurs mois. « On a le sentiment que les puissants vont encore échapper à la justice. Il ne faut pas s’étonner que Marine Le Pen soit à 23 % dans les sondages », a immédiatement tonné l’avocat de l’association Anticor, partie civile. On peut d’ailleurs se demander si Jacques Chirac comparaîtra un jour à

la barre des prévenus. Pourtant, à en croire Me Jean Veil, l’un de ses avocats, l’ancien président aurait été « agacé » par ce report, parce qu’il « souhaite s’exprimer » sur les emplois fictifs qu’on lui reproche alors qu’il était maire de Paris et président du Rassemblement pour la République (RPR). Ce n’est pourtant pas la première fois que la tenue de ce procès suscite des interrogations. En janvier, par exemple, des bruits avaient couru sur l’état de santé de l’ancien président censé rendre impossible sa présence à l’audience. On sait, par ailleurs, que les ministères publics, liés à la Chancellerie, ont déjà requis des non-lieux lors de deux instructions menées à Paris et à Nanterre. Et que la principale partie civile, la mairie de Paris, s’est retirée après une transaction financière de 2,2 millions d’euros. Jacques Chirac aurait cependant pu, dès le 9 mars, être jugé sur le fond pour le volet instruit à Nanterre, celui-là même qui a valu à Alain Juppé,

MEXIQUE

GAEL GONZALEZ/REUTERS

«

Marisol Valles García, ex-chef de la police de Praxedis G. Guerrero y Guadalupe.

J

Jacques Chirac à la sortie de ses bureaux parisiens, le 7 mars.

en 2004, d’être condamné en appel à quatorze mois de prison avec sursis. Le tribunal en a décidé autrement et a tout renvoyé à une audience relais, le 20 juin, au cours de laquelle une nouvelle date devrait être fixée. En juin, la Cour de cassation, qui a été saisie de la QPC, aura décidé de la transmettre, ou pas, au Conseil constitutionnel. Sauf surprise, on imagine mal la plus haute juridiction française changer sa jurisprudence sur la prescription des délits financiers, qu’elle soutient fermement. Si un procès devait néanmoins avoir lieu, reste à savoir si ce sera au début de l’automne 2011, ou en 2012, après la campagne présidentielle. ■ NICOLAS VAUX-MONTAGNY

Courageuse, pas suicidaire

e fais ça pour mon peuple, pas pour moi. » En octobre 2010, regard assuré derrière d’épaisses lunettes, Marisol Valles García paraissait sereine. À seulement 20 ans, l’étudiante en criminologie venait d’être nommée chef de la police de Praxedis G. Guerrero y Guadalupe, une commune de l’État de Chihuahua voisine de Ciudad Juárez, ville déchirée par de continuels et sanglants affrontements entre cartels de la drogue. Elle n’a tenu que cinq mois avant d’être contrainte à l’exil. Le 7 mars, la jeune femme a été révoquée pour abandon de poste. Quatre jours auparavant, elle avait disparu sans laisser de traces. Un porte-parole du département américain des douanes et de l’immigration a confirmé, le 9 mars, qu’elle s’était bien réfugiée aux États-Unis avec son mari et son enfant de 1 an. Et qu’elle avait déposé une demande d’asile. Selon ses proches, elle aurait reçu des menaces de mort de la part des cartels, dont certains voulaient la contraindre à travailler pour eux. Ce poste dont personne ne voulait, Marisol Valles avait été la seule à l’accepter, raison pour laquelle la presse locale voyait en elle la « femme la plus courageuse du Mexique ». Du courage, il lui en a fallu pour oublier le sort de ses deux prédécesseurs, l’un et l’autre froidement assassinés par des hommes de main. Mais l’enlèvement, le 26 décembre, d’une policière en poste dans une ville voisine – elle n’a jamais réapparu – a apparemment eu raison de sa détermination. ■ JUSTINE SPIEGEL J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 18 • D U 13 A U 19 M A R S 2 0 11

PHILIPPE WOJAZER/REUTERS

En attendant Chirac


MINISTÈRE DE L’ÉCONOMIE ET DES FINANCES

NIGER

UNE TRANSITION RÉUSSIE POUR UN NOUVEAU DÉPART

S

ur le point de transmettre le pouvoir au président élu le 12 mars, les autorités nigériennes en place depuis un an affichent leur bilan. Restaurer la démocratie, assurer la sécurité alimentaire et assainir les finances publiques : la feuille de route a été respectée.

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PERFORMANCES

Rond-point de l’hôpital, à Niamey, le 18 février 2011

Douze mois de réformes BILAN En un an, les autorités nigériennes ont redressé le pays, rétabli le dialogue national et la démocratie. Au cœur du dispositif : un gouvernement de professionnels qui ont tenu leurs engagements.

D

ouze mois ont passé depuis le renversement du président Tandja, qui refusait de quitter le pouvoir en vertu d’un référendum dénoncé par les Nigériens et la communauté internationale. En ce 18 février 2011, là où d’autres auraient décrété un jour férié, les autorités de transition ont procédé à deux cérémonies : l’inauguration de la Banque agricole du Niger (la Bagri) et la pose de la première pierre du futur immeuble du ministère de l’Économie et des Finances. Symbole de l’assainissement des finances publiques, ces deux projets sont pris en charge par les ressources de l’État.

CINQ SCRUTINS EN CINQ MOIS Remise à plat de tous les dossiers, paiement régulier des salaires et des fournisseurs, interventions d’urgence pour lutter contre la faim, le Niger n’a pas ménagé sa peine. Son économie redressée, il a Page II

pu organiser cinq scrutins à partir d’oc- sur une équipe ministérielle inédite. Un tobre 2010 : référendum constitutionnel, gouvernement resserré de 20 ministres, élections locales, législatives et présiden- dont 5 militaires et 5 femmes, pour la tielle, dont le deuxième tour s’est tenu le plupart inconnus du grand public. La 12 mars 2011, marquant la fin de la tran- moyenne d’âge est inférieure à 55 ans ; sition. Dès l’origine, le Conseil suprême ils ont une réputation de grands trapour la restauration de vailleurs. Ils n’apparla démocratie (CSRD) a « Vous avez un an pour tiennent à aucun lobby prévu dans sa feuille de politique ou militaire et montrer que l’on peut route de rendre le pouse sont engagés à ne gouverner ce pays voir le 6 avril 2011 après pas se présenter aux autrement. » avoir restauré l’État et le élections. « Vous avez dialogue. un an pour montrer que l’on peut gouverner ce pays autreLa réussite de la transition est incon- ment », leur annonce le chef de l’État. testable. Elle a notamment permis une Restauration de la démocratie, assainisreprise rapide des relations avec les or- sement de l’environnement institutionganisations internationales, suspendues nel et juridique, coopération internatioau lendemain du coup d’État. Outre la nale et diversification économique : tous bonne foi des militaires, le succès repose les objectifs ont été tenus. En un an.

UNE NOUVELLE CONSTITUTION Adoptée par 90 % des Nigériens lors du référendum du 31 octobre 2010, en vigueur depuis le 25 novembre, la nouvelle constitution du pays constitue une étape fondamentale du retour à la démocratie. Ses concepteurs ont veillé à y inscrire un volet économique. Ce qui fait du Niger l’un des rares pays en développement à encadrer, dans un texte souverain, l’exploitation de ses ressources naturelles. Elles doivent servir en priorité l’autonomie alimentaire, le développement durable et l’accès aux services sociaux.


PERFORMANCES

INTERVIEW

Mamane Malam ANNOU

Ministre de l’ÉconoMie et des Finances

« Nous avons choisi de mériter l’aide internationale.»

D

e retour au Niger après une carrière de vingt ans à l’international, notamment en tant que consultant en développement pour le Pnud, Mamane Badamassi Malam Annou, 52 ans, a retrouvé le ministère qu’il avait occupé en 1991, chargé à l’époque des Finances. Nommé en mars 2010, il a mené des réformes accélérées qui ont restauré la transparence et l’efficacité. Elles ont aussi permis de juguler la crise alimentaire, financé la transition politique et le processus électoral.

Dans quel état avez-vous trouvé le ministère de l’Économie et des Finances en mars 2010 ? Mamane Malam Annou : Il y avait un grand besoin de redonner confiance, à tous les niveaux de responsabilité. Le pouvoir était trop concentré, les collaborateurs ne prenaient plus d’initiative. Il pouvait se

passer plusieurs mois rempli les critères de entre deux étapes convergence. Ce qui « La première d’un dossier. En rén’empêche pas que urgence était sumé, j’ai trouvé une notre vitalité éconod’assurer le salaire situation qui n’est mique était fragile. des fonctionnaires. » pas le gage de succès d’un ministère de De tous les progestion économique et financière. blèmes que vous avez dû aborder en arrivant, quel était le Le Niger remplissait néan- plus grave ? moins les critères de conver- La première urgence à mes yeux gence de l’UEMOA et faisait était d’assurer le salaire des fonctionmême figure de bon élève aux naires. Sans quoi il serait impossible yeux du FMI… Comment l’ex- de faire appel à eux. Il fallait aussi pliquez-vous ? qu’ils aient les moyens de travailler. La réponse est dans la géographie et Des fournitures, des ordinateurs et le climat. Le Niger est un pays encla- même l’électricité. Ensuite, nous vé. Si ses voisins connaissent la crois- avons commencé à dire à la Nation sance, le Niger connaît la croissance. la réalité de la situation, tout en éviDu point de vue climatique, comme tant de la paniquer ou de réveiller la plus grande partie du PIB est liée d’anciennes revendications. Il a fallu à l’agriculture et à l’élevage, le Niger trouver le juste discours, en même va bien quand le climat est favo- temps qu’il fallait trouver les resrable et il va mal si les pluies ne sont sources financières pour gérer tous pas au rendez-vous. Oui, le Niger a les problèmes. Page III


PERFORMANCES

Pose de la première pierre du futur Hôtel des Finances, le 18 février à Niamey

Le 18 février dernier, jour anniversaire de la transition, vous avez tenu à inaugurer la Bagri et à lancer les travaux du futur Hôtel des Finances. Comment faut-il interpréter ces gestes ? C’est l’aboutissement naturel de la transition. En mars 2010, la première réunion du gouvernement a été essentiellement consacrée à la question de l’insécurité alimentaire qui frappait 7 millions de Nigériens. Mais nous nous sommes aussi demandé ce qu’il resterait de notre action à l’avenir, à part les sacs de riz, les sacs de maïs distribués. C’est là qu’est venue l’idée de créer une banque agricole. Nous avons bénéficié du soutien effectif du Premier ministre et du chef de l’État pour ce projet. L’inauguration de la Bagri représente le couronnement de ce travail qui a duré presque un an. Page IV

Et l’Hôtel des Finances, le futur sources pour la construction d’autres ministère ? ministères. Pour une fois, nous avons Il marque un autre aspect de la tran- demandé à ce que l’on pense à nous ! sition. Pendant un an, notre pays a bénéficié d’une paix sociale qui nous Vous avez élaboré un budget a permis de conduire tous les scru- 2011 qui dépasse les 1 000 tins prévus. La gestion prudente des milliards de F CFA, plus de finances publiques y a largement 40 % supérieur au précédent. contribué. Quand les fonctionnaires Quelles sont les dépenses supsont payés, quand plémentaires ? les fournisseurs sont C’est un saut quantitatif, « La gestion prudente payés, quand l’admides finances publiques certes, mais c’est avant nistration fonctionne, tout un saut qualitatif. a contribué à la paix vous avez la paix soLe Niger est capable de sociale. » ciale. C’est pourquoi se prendre en charge et nous avons voulu son budget 2011 le tramarquer l’anniversaire de la transition duit par trois choix stratégiques. Le prepar la pose de la première pierre du mier est d’accepter de se taxer soi-même. futur ministère de l’Économie et des Le deuxième est de déterminer à quoi Finances. Le bâtiment actuel date seront utilisées en priorité les ressources des années 1960. Il est trop petit et internes ainsi mobilisées. En troisième inadapté. Par ailleurs, jusqu’à présent lieu, nous avons défini la contribution notre ministère a mobilisé des res- que nous attendons de l’extérieur.


PERFORMANCES

Vous faites référence à l’aide internationale au développement… Oui et à ce propos, il y a deux options : faire en sorte qu’on vous la donne ou faire en sorte de la mériter. Nous avons choisi de la mériter en démontrant que nous sommes capables de mobiliser des ressources internes qui financent les dépenses de fonctionnement de l’État. Les ressources extérieures financeront des investissements et le développement social. Sur de nombreux plans, le Niger part avec un certain retard. Il faut donc que la vitesse à laquelle il se transforme soit beaucoup plus grande que celle des autres pays. Le budget 2011 reflète nos ambitions de développement. Certaines seront accomplies, d’autres non. Nous ferons le maximum.

population. On peut aussi le voir constances, j’espère que le Niger comme une contribution à un bien- était considéré comme une solution. être commun. C’est d’ailleurs pour cela que les pays se sont tous pro- Et si ce n’était pas le cas ? gressivement engagés dans des ins- Si, ces dernières années, le Niger Sachant qu’un nouveau gouver- titutions régionales, continentales et est devenu un problème aux yeux nement sera nommé en avril, mondiales. Quelle que soit la dimen- de ses partenaires, ce qui n’est pas comment pouvez-vous être cer- sion, la question fondamentale pour impossible, il est temps de faire en tain que votre budget ne sera pas la réussite de l’organisation est : sorte d’être considéré autrement. La remis en question ? qu’est-ce que chacun apporte ? C’est restauration de la démocratie est un Il n’y a aucune garantie. Avec ce bud- à mes yeux, la bonne approche, grand pas en ce sens. À plus long get, nous avons plutôt que l’approche terme, je pense que nous pouvons voulu montrer qu’il revendicative : je veux proposer de devenir un pôle de « Nos objectifs est possible de défiobtenir ceci… Ou plus production d’électricité qui satisde développement nir une politique souvent : je regrette fasse tous les besoins de l’Afrique sont identifiés économique ambide ne pas l’avoir ob- de l’Ouest. Nous en avons la capaet quantifiés. » tieuse avec les restenu. Dans un cas, cité sur les plans humains et énergésources dont nous les autres vous consi- tiques. Et nous avons la démocratie, disposons. Les objectifs sont identifiés dèrent comme une solution, dans à l’échelon national et régional, pour et quantifiés. Et je ne crois pas qu’il y ait l’autre, vous devenez un problème. en discuter et mener à bien, tous enplusieurs chemins pour les atteindre. Il Jusqu’ici, dans de nombreuses cir- semble, cette ambition. faut avant tout se prendre en charge et c’est ce que nous avons voulu faire avec ce budget. Ceux qui vont nous succéder feront leur propre analyse. BIO EXPRESS S’ils aboutissent à une conclusion dif1983-1988 1992-2006 teur technique du férente, ce sera de leur responsabilité. Directeur de la dette Universitaire spécialisé Millenium Challenge De ce que nous avons fait, il restera de publique en marchés Account au Niger toute façon ceci : nous avons démoninternationaux et tré qu’il est possible de gouverner le 1989-1990 développement mars 2010 Niger autrement. Sur ce plan, un retour Secrétaire général de Ministre de l’Économie en arrière est peu probable. À l’échelon régional, votre pays a-t-il une position à la hauteur de ses ambitions ? Un pays, c’est un territoire et une

la Présidence

1991 Ministre des Finances

2006-2009 Consultant international du Pnud et direc-

et des Finances du Niger

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PERFORMANCES

L’irrigation devient la priorité numéro un.

180 milliards mobilisés pour lutter contre la faim AGRICULTURE À peine nommé, le gouvernement de transition s’est mobilisé pour faire face à une grave crise alimentaire. La situation rétablie, il a lancé une vaste stratégie de développement rural.

P

remière urgence pour la nouvelle équipe gouvernementale, la famine. Elle menace un Nigérien sur deux : 2,7 millions de personnes sont frappées d’insécurité alimentaire sévère (environ 20 % de la population) et 5 millions sont en insécurité modérée. Ces chiffres datent de la fin de 2009, mais le précédent gouvernement n’a rien fait. Le 5 mars 2010, soit quatre jours après la formation du gouvernement de transition, le ministère de l’Agriculture débloque les réserves stratégiques nationales (60 000 tonnes de céréales) et fait appel à la communauté internationale (30 000 tonnes supplémentaires et un appui financier). De plus, il mobilise 16 000 tonnes d’aliment pour sauver le bétail (le pays compte 36 millions de têtes). Cela n’a jamais été fait. RELANCER L’AGRICULTURE ET L’ÉLEVAGE Après la gestion de l’urgence, l’année de transition est mise à profit pour lancer une stratégie déterminée de dévelopPage VI

pement rural dans l’ensemble du pays. çais, à quoi le budget national ajoute C’est indispensable : principale ressource 5 milliards par an. d’exportation, l’agriculture et l’élevage représentent plus de 40 % du PIB, une En parallèle, des actions d’amélioration de proportion qui varie singulièrement sui- la qualité du cheptel sont engagées, avec vant les années, les deux activités étaient une campagne générale de vaccination tributaire de la pluviométrie. D’où la et des actions ciblées visant à renouveler priorité numéro un : valoriser les cultures les troupeaux. Enfin, le Niger a entrepris irriguées. Un vaste plan d’aménagement une politique d’aide à la mécanisation des est confiée à l’Office exploitations agricoles, national des aménageconfiée à la Centrale Le gouvernement ments hydro-agricoles d’approvisionnement intervient aussitôt (ONAHA), tandis que en intrants et matériels et débloque les le projet géant négocié agricoles (Caima). Celleréserves nationales en 2006 avec le groupe ci a défini une politique Areva est remis en route. commerciale innovante Comme d’autres programmes internatio- pour mettre à 200 tracteurs à la disposinaux qui étaient sous-utilisés (lire p. IV), tion du plus grand nombre, dans tout le celui-ci était à l’arrêt. Il vise à l’aménage- pays : crédit, location (à l’hectare, avec ment de 5 000 hectares au nord du pays chauffeur et mécanicien), jusqu’à la senet est financé à hauteur de 11 milliards sibilisation des écoliers aux avantages de de FCFA sur cinq ans par l’industriel fran- la mécanisation.

CHIFFRES-CLÉS DU NIGER 14,2 millions d’habitants (+ 3 % par an) Superficie : 1 267 000 km² Capitale : Niamey, 750 000 habitants 8 régions,

36 départements, 256 communes PIB : 2 748,2 milliards de F CFA (4,2 milliards d’euros) • Agriculture : 48 % (céréales et élevage).

• Industrie (dont mines) : 12 %. • Services : 40 %. PNB par habitant : 182 180 F CFA (278 euros) Données 2010, INS Niger


PERFORMANCES

Le budget 2011 affiche les nouvelles ambitions du pays

De nouveaux locaux pour la Direction générale des impôts

FINANCES Pour la première fois dans l’histoire du Niger, les objectifs de développement économique sont définis et quantifiés avec précision dans les comptes de la Nation.

A

Ces dernières proviennent principalement de l’aide au développement (à hauteur de 198 milliards), mais aussi d’emprunts de l’État et d’appuis budgétaires internationaux. Au-delà de l’énumération des chiffres, ce budget présente une avancée majeure : alors que les ressources externes, emprunts et dons, finançaient autrefois la quasi-totalité des comptes, elles n’y interviennent plus que pour un tiers.

près avoir hérité d’un budget de la Nation totalisant 690 milliards de F CFA pour 2010 et après l’avoir géré au mieux, le gouverCôté recettes, un effort Les recettes de l’État nement nigérien de particulier sera accomreprésentent deux transition a élaboré pli cette année par les tiers des dépenses pour 2011 un équiadministrations des prévues. libre budgétaire plus douanes et des impôts. ambitieux de 45,82 %, Restructurée, modernidépassant pour la première fois dans sée et quasi totalement informatisée, la l’histoire du pays le seuil symbolique de Direction générale des impôts prévoit à 1 000 milliards de F CFA. Ce n’est pas elle seule de collecter 350 milliards de la seule originalité de la loi de finances F CFA, un montant en augmentation 2011, qui distingue avec précision, pour de 60 % par rapport à ce qu’elle avait la première fois aussi, les ressources in- réalisé en 2010, année marquée par la ternes du pays, à 616 milliards de F CFA chute des bénéfices des entreprises du (soit 61 % du budget), et ses ressources secteur minier (elles représentent 8 % externes (390 milliards de F CFA, 39 %). du PIB du pays).

PRIORITÉ À LA SANTÉ ET L’ÉDUCATION En ce qui concerne les dépenses, elles sont définies avec autant de rigueur, en conformité avec la constitution de novembre 2010, qui fixe des seuils minimum pour trois domaines prioritaires : rural (agriculture et élevage), social (santé et accès à l’eau potable) et protection de l’environnement. Même s’il faudra vérifier dans un an si les objectifs constitutionnels ont été respectés, le budget établi par le gouvernement de transition pour 2011 les dépasse largement, particulièrement en matière de santé et d’éducation, qui totaliseront un tiers des dépenses. Sont notamment prévus la mise à niveau des plateformes techniques des trois hôpitaux nationaux et des sept hôpitaux régionaux, la construction de 50 collèges ruraux en matériaux définitifs et l’augmentation des crédits aux établissements d’études supérieures, dont l’université de Niamey et trois IUT qui, dans le courant de l’année, acquerront le statut d’université. Sans oublier l’augmentation du traitement des fonctionnaires, de 10 % à 15 % à partir de janvier, avec un effort particulier en faveur des salaires les plus bas.

RETOUR DE LA CROISSANCE EN 2010 Taux de croissance (en %) 4,2

7,5

5,4 - 0,9

2007

2008

2009

2010 (e)

PIB (en milliards de F CFA) 2 057

2007

2 404

2 481

2 748

2008

2009

2010 (e)

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PERFORMANCES

Le Niger est en ordre de marche GOUVERNANCE Gestion de l’urgence, assainissement des finances publiques, retour sur la scène internationale… Le ministère de l’Économie et des Finances a joué un rôle clé dans la reconstruction du pays.

«N

ous avons réformé l’organisation et les mentalités. Sans créer de rupture, nous avons fait le nécessaire pour que l’administration publique évolue », résume Mamane Malam Annou à propos de son action à la tête du ministère de l’Économie et des Finances du Niger depuis un an. La méthode a porté ses fruits. Jamais, de l’avis même d’autres membres du gouvernement et des collaborateurs directs du ministre, les ressources budgétaires n’ont fait défaut – du moment qu’elles étaient argumentées et inscrites dans les trois objectifs définis par les autorités de transition : restaurer la démocratie, assurer la sécurité alimentaire et assainir les finances publiques. REPRISE DU DIALOGUE S’il a réussi à mobiliser des fonds d’urgence pour la lutte contre l’insécurité alimentaire dès son arrivée, le ministre Annou a également donné aux autres ministères les moyens de faire la politique décidée (Agriculture, Mines et Énergie, Justice…).

Et garanti la bonne marche des affaires en payant régulièrement les salaires des fonctionnaires et les factures des fournisseurs de l’État. Mais la plus grande, et plus discrète manifestation de son action se trouve au sein de son ministère, où il a renforcé et responsabilisé les directions centrales (impôts, économie, statistiques, lutte contre l’évasion fiscale…), remis à plat tous les dossiers à l’abandon et lancé des projets ambitieux sur fonds propres de l’État, comme la Banque agricole ou les travaux du futur ministère devant abriter d’ici à la fin de 2012 les 1 600 agents aujourd’hui éparpillés dans une dizaine d’établissements dont la plupart datent des années 1960. La bonne tenue des finances publiques nigériennes a trouvé sa récompense dès le mois de juin, avec la reprise du dialogue avec l’Union européenne, marquant le retour en grâce du Niger auprès des partenaires au développement. Suivirent le FMI en août, la France en septembre, la Banque mondiale et la Banque africaine de développement (BAD) en octobre, ouvrant la voie à la reprise progressive de la coopération bilatérale. Au total, 296 milliards de F CFA ont ainsi été mobilisés en 2010, dont 177 milliards pour la lutte contre l’insécurité alimentaire et 22 milliards pour la tenue des élections.

Impliqué directement dans le retour de la démocratie et le rétablissement du dialogue, pivot de Le ministre Annou et le Premier ministre Danda posent la restauration de l’image du Niger sur la première pierre du futur Hôtel des Finances. la scène internationale, le ministère de l’Économie et des Finances du Niger a enfin établi pour l’année en cours un budget ambitieux qui traduit la volonté de relance économique du pays. Ministère de l’Économie et des Finances BP 389, Niamey, Niger Tél. : (227) 20 72 23 74 Fax : (227) 20 73 59 34 www.mef-niger.org contact@mef-niger.org

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PERFORMANCES est un publi-information conçu et édité par :

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ECOFINANCE MARCHÉS

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INDUSTRIE

INTERVIEW

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SERVICES

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FINANCE

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MANAGEMENT

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COMMUNIC ATION

Donald Kaberuka PRÉSIDENT DE LA BANQUE AFRICAINE DE DÉVELOPPEMENT (BAD)

« Notre rôle est dʼaccompagner les régimes de transition » TUNISIE, ÉGYPTE, LIBYE, CÔTE D’IVOIRE… LE PATRON DE LA BAD LIVRE SON ANALYSE DES ÉVÉNEMENTS QUI SECOUENT L’A FRIQUE,

DÉTAILLE SES PRIORITÉS ET EXPLIQUE POURQUOI IL DEMEURE CONFIANT DANS

L’AVENIR.

Propos recueillis par JEAN-MICHEL MEYER

VINCENT FOURNIER/J.A.

D

J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 18 • D U 13 A U 19 M A R S 2 0 11

Le 4 mars, à Paris.

étendu, mais déterminé. Le président de la Banque africaine de développement (BAD), 59 ans, a officiellement débuté en septembre 2010 son deuxième mandat de cinq ans à la tête de l’institution, qu’il a hissée au rang de premier bailleur de fonds africain, devant la Banque mondiale. « Ce n’est pas une course, se défend-il. Ce qui est déterminant, c’est la complémentarité et une bonne coordination entre nous. » Il n’empêche, le titre ne le laisse pas indifférent. « Quand les Africains ont créé la BAD, ils souhaitaient qu’elle devienne la première banque de financement du continent. On fait notre travail. » Si la BAD poursuit une stratégie d’après-crise sur le plan économique, elle s’interroge aussi sur les moyens d’aider à rebondir les pays touchés par


68 ECOFINANCE des bouleversements politiques. Donald Kaberuka se dit confiant: « Les Ivoiriens viendront à bout de leur problème, sinon ce sera terrible pour l’Afrique de l’Ouest. Le référendum au Sud-Soudan mettra fin à une guerre civile qui dure depuis l’indépendance. Et pour ce qui est de l’Afrique du Nord, il faut accompagner très vite ces pays afin d’aller de l’avant dans le sens souhaité par les populations. » Sa plus grande crainte ? « La réversibilité des acquis. J’ai connu des pays, comme la Côte d’Ivoire et le Zimbabwe, qui ont fait des progrès économiques énormes, avant de revenir vingt ans en arrière. » ■ JEUNE AFRIQUE : Comment avezvous vécu, à la BAD, la révolution tunisienne ? DONALD K ABERUK A : De façon sereine et en toute solidarité avec les Tunisiens et Tunisiennes qui ont souhaité ces changements historiques, dont nous avons compris la portée. Il nous a fallu nous ajuster aux contraintes de couvre-feu et d’état d’urgence, certes, mais la banque a continué de fonctionner pendant tout ce temps. Avez-vous été surpris par le départ de Ben Ali ? Oui, comme tout le monde. Maintenant, la transition en cours est complexe et elle prendra du temps. Notre rôle est d’accompagner ces changements. J’ai rencontré les nouvelles autorités pour entendre leurs préoccupations. Avant la crise, la Tunisie était le deuxième client de la BAD, avec des engagements autour de 2 milliards de dollars [environ 1,5 milliard d’euros, NDLR]. Nous avons l’intention de continuer sur cette voie, tout en modifiant un peu notre cap

pour aider le pays à régler les problèmes qui sont à la base du mécontentement de certaines couches de la population. La Tunisie était une économie en pleine croissance, de 6 % à 7 % par an, avec un niveau de vie qui s’améliorait tous les jours. Et l’on se rend compte maintenant qu’il y avait un réel problème d’exclusion sociale, surtout dans le sud et dans l’ouest du pays. Il faudra avoir des programmes économiques spécifiques pour ces régions. Tunisie, Égypte, Libye, Côte d’Ivoire… Les événements dans ces pays ont-ils un impact sur votre activité ? Nous l’avons montré pendant la crise financière de 2009 : la BAD est assez

solide pour supporter des chocs extérieurs de cette nature. Pour la Côte d’Ivoire, c’est différent. Les perspectives d’un retour à la normale s’amenuisent. Nous y avons suspendu nos activités parce que le pays a d’importants arriérés de paiements. Déjà, de 2002 à 2008, nos activités étaient bloquées en Côte d’Ivoire pour la même raison. En 2008, nous avons mené une opération d’envergure avec nos collègues du FMI et de la Banque mondiale afin d’apurer les dettes du pays. Les activités avaient redémarré, nous étions sur la bonne voie. Et nous sommes revenus à la case départ… La BAD devait décider de son retour ou non à Abidjan, son siège histori-

COULISSES

Un avocat de la transparence DE PASSAGE À PARIS, DONALD KABERUKA a participé, les 2 et 3 mars, à la conférence mondiale sur l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), qui réunit États, groupes miniers et ONG pour livrer au grand jour les conditions des contrats d’exploitation des ressources minières et pétrolières. Seuls cinq pays africains (Ghana, Liberia, Centrafrique, Niger, Nigeria) répondent aux exigences de l’ITIE. Trop peu ? « Il ne faut pas oublier que l’adhésion à l’ITIE est volontaire. Je salue ces pays qui estiment que ce méca-

nisme les aidera à mieux gérer leurs ressources naturelles », plaide Donald Kaberuka. Pour lui, il faut aller plus loin et veiller à la bonne gestion de ces revenus pour les générations futures. « L’Afrique connaît le “paradox of plenty” – vous êtes riche et pauvre à la fois – ainsi que celui qui conduit souvent les pays riches en ressources naturelles à la guerre civile. Avec une meilleure transparence et plus d’efficacité, les deux paradoxes peuvent être évités. » ■ J.-M.M. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 18 • D U 13 A U 19 M A R S 2 0 11


ECOFINANCE 69

FALONE

Pas du tout, il est arrivé au bon moment. Ce fonds, destiné à moderniser les filières, est la bonne réponse pour trouver des solutions à long terme. Mais il faut aller vite.

que, lors des assemblées générales de juin 2011, à Lisbonne. Est-ce toujours d’actualité ? En 2010, nous avons tenu notre assemblée annuelle à Abidjan. Nous avions commencé à réhabiliter nos bâtiments, nous étions sur le chemin du retour. Aujourd’hui, le pays est au bord de la guerre civile. On ne peut pas imaginer un retour de la banque à Abidjan. Autre sujet d’inquiétude : la flambée des matières premières. Redoutezvous une situation de crise comme en 2008 ? Je suis inquiet du retour de la hausse des prix des denrées alimentaires, et je ne pense pas qu’il s’agisse d’un choc temporaire. Nous devons donc à la fois avoir des réponses à court terme, en aidant les pays à faire face tout en maintenant la stabilité de leurs finances publiques, et travailler sur l’offre et le fonctionnement des marchés nationaux et régionaux. Je ne pense pas que des subventions massives, comme cela a été fait dans le passé, soient la bonne solution. Elles affectent la stabilité macroéconomique des pays. Vous avez lancé en 2010 un fonds d’investissement pour développer les filières agricoles. N’arrive-t-il pas trop tard ?

Quel est votre bilan à la tête de la BAD en 2010, par rapport à 2009 ? En 2009, nous avons lancé une action anticyclique de grande envergure. La BAD a injecté 12 milliards de dollars dans l’économie afriSiège caine. Ce qui a été historique de la salutaire. Mais avec BAD, à Abidjan. les conditions écoAvec la crise nomiques normales, ivoirienne, qui reviennent petit le retour de l’institution à petit, nous allons n’est plus retrouver un niveau envisagé. d’activité autour de 5 milliards de dollars. Cependant, nous devrons mener des actions supplémentaires pour aider les pays du nord du continent à supporter les chocs extrêmes qu’ils traversent. La BAD réalise d’importants bénéfices. Que deviennent-ils ? Les bénéfices nets de la BAD s’élèvent à environ 500 millions de dollars par an. Ils servent d’abord à conforter nos réserves – nous demeurons une banque. Ensuite, nous prenons en compte les besoins des pays les moins avancés. Nous les soutenons en alimentant depuis notre compte d’excédent le Fonds africain de développement, le Fonds fiduciaire pour la dette et le Fonds d’investissement pour l’agriculture africaine. Nous n’oublions pas non plus les pays à revenu intermédiaire, qui ont aussi des poches de pauvreté, comme on vient de le voir en Tunisie.

consacré aux infrastructures. Et la moitié de ce montant est destinée à l’énergie. En 2011, je souhaite qu’une grande partie des investissements continue d’aller aux infrastructures. Nous travaillons surtout sur des formules de partenariat public-privé et sur la façon d’encourager le privé à se joindre à nous dans ce domaine. Nous consacrons déjà, chaque année, 2,8 milliards de dollars au secteur privé. Et il faut savoir que l’action de la BAD a un effet levier de cinq : si nous mettons 2,8 milliards de dollars sur la table, c’est au final 14 milliards qui sont injectés avec nos partenaires dans l’économie africaine. L’an dernier, la BAD est passée d’un capital de 33 milliards à 100 milliards de dollars. Le souhait des actionnaires est de voir la banque engager plus d’actions dans les pays à faible revenu, notamment par des projets avec le privé. Ce sera ma priorité cette année. La BAD finance 170 projets par an. Comment éviter le saupoudrage ? La question, ce n’est pas le nombre, mais la qualité des projets. Nous avons fait le choix d’être présents là où nous étions le plus fort, dans les infrastructures. Imaginez un pays qui a une forte agriculture, mais qui perd 40 % de ses récoltes parce qu’il n’a pas de routes ou de structures de stockage. Imaginez un pays qui ne produit pas assez d’énergie: comment fonctionnent les hôpitaux et

« On se rend compte à présent qu’il y avait un réel problème d’exclusion sociale en Tunisie. »

Après la gestion de la crise en 2009, avez-vous modifié vos priorités ? Nous sommes dans une logique de gestion de l’après-crise. Nos priorités : consolider les finances de la Banque et répondre aux nouveaux problèmes issus de la crise, comme l’instabilité sur le marché des denrées alimentaires et la hausse du prix du pétrole. Nous voulons aussi mettre l’accent sur la production d’énergie, l’intégration des économies régionales et la sécurité alimentaire. En matière de développement régional, la BAD est déjà le premier bailleur de fonds. 60 % de notre portefeuille est

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les écoles ? Mener 50 ou 100 projets, ce n’est pas la question. Ce qui est important, c’est le ciblage. Pouvez-vous citer un projet qui symbolise votre action ? Nous participons au financement du câble sous-marin [Main One Cable, NDLR] qui relie l’Afrique à l’Europe à travers l’Atlantique. Cette infrastructure de communication à très haut débit aura un impact très important sur la réduction du coût des activités économiques, mais aussi sur l’éducation, la santé… Lors de votre investiture, en septembre, vous souhaitiez engager une


70 ECOFINANCE « réflexion » dans les domaines où vos résultats « n’ont pas été à la hauteur ». À quoi pensiez-vous ? La formation des hommes et des femmes dans le tertiaire, les sciences et la technologie est vraiment capitale. Nous avons regardé ce qui se fait en Asie et nous avons estimé que la formation du capital humain dans les domaines scientifiques est réellement un défi majeur. Nous souhaitons lui donner un coup de pouce, car nous n’avons pas atteint nos objectifs dans ce domaine.

Avec la crise, le taux d’impayés des prêts de la BAD a-t-il augmenté ? Pas du tout. Le taux des impayés à la BAD était de 14 % en 2005, contre 3,5 % aujourd’hui. Il est surtout le fait du Zimbabwe, du Soudan et de la Somalie. Et dans le privé, le taux d’impayés est vraiment insignifiant. Les bailleurs de fonds sont-ils à la hauteur des potentialités du continent ?

La question de la BCEAO [Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest] est surtout politique. Les problèmes de la Beac [Banque des États de l’Afrique centrale] ont été pris en charge tout de suite par les actionnaires. Quant aux systèmes bancaires et financiers africains, ils ont bien tenu face à la crise, grâce à une bonne régulation, une bonne supervision et des mécanismes de résolution des difficultés qui ont bien fonctionné. Nous n’avons pas connu de faillites à grande échelle comme on l’a vu ailleurs. L’Afrique n’a-t-elle pas besoin d’institutions qui s’engagent davantage ? Face aux événements actuels, on n’a pas le sentiment d’une voix forte et unanime qui s’exprime au nom des pays africains… Je ne suis pas d’accord. Dans la crise ivoirienne, l’Union africaine (UA) est présente, il y a cinq chefs d’État dans le panel. Le temps des putschs est terminé. Regardez comment l’UA a réglé la question soudanaise ! Il reste des progrès à faire, mais l’UA n’a pas les moyens de l’ONU. Il faut lui faire confiance, nous venons de très loin. Redoutez-vous un effet de contagion des crises politiques ? Il faut plutôt se demander quelles leçons tirer des événements de Tunisie, d’Égypte et même de Libye. C’est cela qui m’intéresse. Comment accompagner ces pays ? Quelles relations nouer avec eux ? La Tunisie vivait dans une bulle avec l’approbation de la communauté internationale. Je crois qu’il y a des leçons à tirer pour tout le monde. AFDB

On dit que l’Afrique intéresse à nouveau les investisseurs internationaux. L’avez-vous constaté ? Sans doute. L’Afrique a mieux résisté à la crise économique qu’on ne le

et conf lits. Ce qui se passe dans le nord du continent va dans le bon sens. Les révolutions conduisent à une Afrique meilleure. En revanche, le conflit ivoirien renvoie le pays vingt à trente ans en arrière.

Visite d’une

usine de cuivre pensait. Un élément a été Un chiffre. Pour le finanen Zambie, déterminant : le maintien cement du développement en avril 2009. de finances publiques saiafricain, l’aide publique nes. Un autre facteur a au développement est de joué : le coût du risque africain com40 milliards de dollars par an. Les mence à être évalué à sa juste valeur moyens propres mobilisés par l’Afripar les investisseurs. Ce n’est pas moi que sont de 400 milliards de dollars. qui le dis, ce sont des cabinets comme On peut dire, contrairement à ce que McKinsey. La combinaison de ces deux l’on entend souvent, que le continent éléments nous aide beaucoup à dévefinance petit à petit son propre développer l’activité, sauf dans les pays en loppement. guerre ou touchés par des troubles civils. Mais les deux banques centrales, celle d’Afrique de l’Ouest et celle Les révolutions et les conflits actuels d’Afrique centrale, ont des difficulne terniront-ils pas à nouveau l’imatés. Et les banques africaines ne ge de l’Afrique ? sont pas toutes au mieux. Comment Il ne faut pas confondre révolutions agir avec des relais mal en point ?

Et vous-même, en avez-vous déjà tiré ? Nous dialoguons avec les autorités tunisiennes, et nous reconnaissons que nous aurions pu mieux faire pour aider la Tunisie à accompagner les jeunes diplômés sans emploi, lutter contre l’exclusion sociale… Mais je ne crois pas que nous soyons les seuls à avoir fait une mauvaise lecture de la gouvernance de ce pays avant janvier 2011. ■

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L A S E M A I N E D ’ E C O F I N A N C E 71 INVESTISSEMENTS

MAROC

Encore dix ans de bonnes affaires L’AFRIQUE OFFRIRA encore quantité d’opportunités pour au moins dix ans, selon Emerging Capital Partners (ECP), l’un des principaux fonds d’investissement privés présents sur le continent. En une décennie, ECP a déjà injecté plus de 1,3 milliard d’euros dans une cinquantaine de projets. « L’économie africaine, en pleine croissance, peut encore, comme celle d’Asie, absorber de nombreux capitaux. Le problème, c’est que les investisseurs sont encore trop présents là-bas et pas assez sur le continent », déclarait récemment à Reuters, depuis Lagos, Hurley Doddy, codirecteur d’ECP. Et d’ajouter : « Je peux assurer qu’il n’y a pas de bulle Après le mobile (ici en Somalie), le web est le nouveau secteur porteur. spéculative [en Afrique, NDLR]. » D’abord attiré par l’essor de la téléphonie mobile et du secteur bancaire, le fonds d’investissement cherche dorénavant de nouveaux relais de croissance, notamment grâce au développement d’internet. Par exemple en misant sur l’opérateur Wananchi, une compagnie kényane qui propose une offre triple play (internet, télévision et téléphonie) dans neuf pays d’Afrique de l’Est. Au regard de la montée des prix des matières premières alimentaires, l’agriculture possède également, d’après ECP, un fort potentiel. Notamment parce que la productivité des terres cultivables peut être encore améliorée. Quant à la présence des investisseurs chinois ou indiens, elle n’effraie pas outre mesure. Plus que des concurrents, ils constituent pour Hurley Doddy de potentiels partenaires ou acquéreurs lors des cessions d’actifs. Même la crise ivoirienne et les révolutions populaires d’Afrique du Nord n’entament pas l’optimisme d’ECP. Après sans doute un ralentissement des investissements, les changements de régime au Maghreb devraient même, selon les dirigeants du fonds, démultiplier le potentiel de la zone. ■ JULIEN CLÉMENÇOT

ISMAIL TAXTA/REUTERS

La SNI vend ses participations APRÈS AVOIR FUSIONNÉ avec l’Omnium nord-africain (ONA) fin 2010, la Société nationale d’investissement (SNI) confirme qu’elle débutera en 2011 sa stratégie de désengagement, pour ne conserver que des prises de participations minoritaires. Première sur la liste : la société Lesieur Cristal (huile), dont la mise vente est annoncée pour le mois de juin. Elle sera suivie en octobre de Cosumar (sucre). Puis viendrait, à partir de 2012, les groupes Centrale laitière, Attijariwafa Bank, Managem (mines), Marjane (distribution) et Wana (télécoms).

TOGO

Bolloré mise sur le port de Lomé LE GROUPE FRANÇAIS de logistique vient de confirmer son intention d’investir 300 milliards de F CFA (457 millions d’euros) pour l’agrandissement du Port autonome de Lomé. Objectif : doubler le trafic de conteneurs dans les cinq prochaines années, grâce à la construction d’un nouveau quai de 450 m de long. Actuellement, le port a une capacité de 350 000 à 400 000 conteneurs par an. Bolloré partage l’activité de manutention du Por t autonome de L omé avec Manuport, filiale du français Getma.

EN BREF CONTINENTAL AFINIS BRANCHE LES ENTREPRISES Monaco Télécom et Cable&Wireless Communications lancent un opérateur, Afinis Communications, dédié aux grands groupes d’Afrique (accès internet et management de réseaux).

ALGÉRIE FCC DANS LE BTP L’espagnol Fomento de Construcciones Contratas a décroché la construction, en alliance avec ETRHB, d’une ligne ferroviaire de 66 km entre Tlemcen et Akid Abbas, pour 1,2 milliard d’euros.

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GHANA DES RECETTES EN OR En 2010, le Ghana a tiré 2,7 milliards d’euros de sa production d’or, soit une hausse de 27 % sur un an. La production n’a cependant augmenté que de 1 %, à près de 3 millions d’onces.

ZIMBABWE UN INDIEN DANS L’ACIER Essar Africa Holdings investira 540 millions d’euros pour relancer la production de l’aciérie Zisco. L’indien reprend aussi la dette de 245 millions d’euros de l’entreprise publique.

AFRIQUE DU SUD INQUIÉTUDES DES MINIERS La création du groupe minier public AEMC, début mars, inquiète les groupes privés. Il alimentera en charbon les centrales électriques d’Eskom, mais pourrait s’intéresser à d’autres minerais.


72 ECOFINANCE TUNISIE

Les entreprises à lʼépreuve de la contestation sociale R EVALORISATION DES SALAIRES, INTÉGRATION DES INTÉRIMAIRES, NOUVELLES EMBAUCHES… DANS LE SILLAGE DE LA RÉVOLUTION, LES PATRONS FONT FACE À UNE MONTÉE DES REVENDICATIONS

B

assin minier de Gafsa, au centre de la Tunisie. Le climat reste électrique, même si les ouvriers des sites d’extraction de phosphate ont repris le chemin du travail depuis dix jours. Grèves, sit-in… Poussés par la population et l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT), principal syndicat du pays, ils réclamaient 20 000 embauches. Bilan : plus de 4000 ont été concédées; le PDG de la Compagnie des phosphates de Gafsa et du Groupe chimique tunisien a démissionné ; et toute la filière des phosphates, une des principales sources de devises du pays, s’est trouvée à l’arrêt pendant un mois et demi, avec des pertes quotidiennes estimées à plus de 1,5 million d’euros. En fait, dans le sillage du départ de Ben Ali, de nombreux dirigeants ont assisté, impuissants, à une montée de revendications mêlant demandes sociales, règlements de comptes et arrière-pensées politiciennes. Premières touchées, les entreprises publiques. Sous la pression des salariés, les directeurs généraux de la Société tunisienne d’assurances et de réassurances (Star), de Tunisie Télécom, de la Société tunisienne de l’électricité et du gaz (Steg), des Ciments de Bizerte, etc., ont pris la porte, accusés pour certains de mauvaise gestion, pour d’autres d’une trop grande proximité avec l’ancien régime. Cette défiance n’épargne pas le privé. Les secteurs de l’hôtellerie, du textile et de l’équipement automobile font par-

ZOHRA BENSEMRA/REUTERS

DES TRAVAILLEURS.

tie des plus affectés. « En février, nous avons géré une vingtaine de négociations salariales pour des multinationales », confirme un conseiller juridique tunisois. BRAS DE FER

Grève d’employés d’une compagnie de transport routier réclamant la démission de leurs dirigeants, le 21 janvier à Tunis.

Cablitec Tunisie, filiale d’un groupe français spécialisé dans les câbles automobiles, connaissait encore début mars des débrayages à répétition. Au cœur du bras de fer entre la direction et les salariés : la réintégration d’une représentante du personnel licenciée au mois de novembre et la levée de sanctions visant des membres de l’UGTT. Le conflit a rapidement tourné à l’affrontement, et le PDG, Hervé Bauchet, a même acheté des pitbulls pour protéger l’entreprise… « Depuis une dizaine de jours, le climat s’est amélioré, préciset-il. Il n’y a plus de menaces physiques proférées à l’encontre de nos salariés, notre activité a redémarré normalement. Seules 39 personnes refusent

toujours de reprendre le travail. Nous avons dû provisoirement les remplacer par des intérimaires. » Cet apaisement ressenti dans de nombreuses entreprises, le patronat l’attribue au message de fermeté adressé le 4 mars par le nouveau Premier ministre, Béji Caïd Essebsi, au secrétaire général de l’UGTT, Abdessalem Jrad, lui intimant de ne pas mettre en péril l’économie nationale. De fait, le syndicat appelle désormais à la reprise du travail. Mais dans certaines sociétés comme l’usine de fromage Land’Or, le conflit social perturbe encore la production. « Localement, on ne sait pas toujours si le syndicat joue double jeu ou s’il est dépassé par sa base », analyse Hichem Elloumi, président de la branche « électrique et électronique » de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica). L’avocate Donia Hedda Ellouze, qui a mené plusieurs négociations, se veut rassurante : « Si les demandes d’aug-

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ECOFINANCE 73 mentation étaient au départ surréalistes, avec des hausses de 30 % à 40 %, au final les discussions ont abouti à des revalorisations raisonnables de 2 % à 3 %, accompagnées d’avantages sociaux et de primes liées à la productivité. » Chez Cablitec, la direction envisage un effort plus important, avec une augmentation moyenne de 5 %, et jusqu’à 10 % pour certains postes. Car beaucoup d’entrepreneurs l’admettent : une partie des revendications sont justifiées. « Il faut qu’il y ait une meilleure répartition des richesses, par exemple en instituant un système d’intéressement », reconnaît David Sierra, directeur de l’hôtel de luxe The Residence Tunis, lui aussi en proie un temps à un mouvement social. CONTRATS PRÉCAIRES

Toutefois, une frange du patronat met en garde contre des concessions salariales trop rapides. « Il faut faire un état des lieux de la compétitivité de nos entreprises avant de répondre aux souhaits des salariés », plaide Abdelaziz Darghouth, PDG d’Ambiance Déco. Pour lui, il est urgent d’attendre. Sa crainte

serait en fait de devoir remettre la main à la poche une seconde fois si le gouvernement, sous la pression de l’UGTT, devait instaurer des négociations nationales pour chaque filière dans les semaines à venir. Et ce alors que l’Utica, divisée entre héritiers de l’ère Ben Ali et refondateurs, vit une crise interne sans précédent qui l’empêche de tenir pleinement son rôle de contrepoids aux demandes du syndicat. L’aut re a xe pr i nc ipal des revendications concerne l’intégration de centaines d’intérimaires. Des contrats précaires dont la durée peut être légalement prolongée pendant quatre ans. « On ne pensait pas qu’il y avait de tels abus. Dans certains cas, les intérimaires étaient payés 120 dinars [alors que le salaire minimum est de 272 dinars, soit environ 139 euros, NDLR] et les cotisations sociales n’étaient même pas réglées ! » explique Nedra Tlili, directeur général adjoint de la société de matériel industriel Sacmi. Là encore, la plupart des

patrons estiment qu’une évolution de la législation est légitime. Mais il faut faire attention, avertissent-ils, à maintenir une certaine flexibilité dans les entreprises. Pour concilier les attentes des salariés et des patrons, un nouveau cadre réglementant l’intérim devrait être étudié prochainement.

Le défi : trouver le bon équilibre entre justice sociale et compétitivité. L es c hef s d’ent repr ise en sont conscients : plus qu’un ajustement des salaires ou/et des conditions de travail, c’est une révolution du management des entreprises qui les attend. « Nos sociétés doivent être plus transparentes, adopter une meilleure gouvernance, admet un patron tunisois. Manager ses ressources humaines ne peut plus uniquement se limiter à faire des plannings et à réprimander. » ■ JULIEN CLÉMENÇOT

INVESTISSEMENTS ÉTRANGERS

Bilan 2010 mitigé au Maghreb HORMIS LE MAROC ET L’A LGÉRIE, LES PAYS DU SUD ET DE L’EST DE LA MÉDITERRANÉE ONT CONNU UNE FORTE HAUSSE DES IDE. L’ANNÉE QUI VIENT S’ANNONCE PLUS DIFFICILE.

A

près la crise de 2009, le nombre de projets d’investissements directs étrangers (IDE) est reparti à la hausse au sud et à l’est de la Grande Bleue en 2010, du Maroc à la Turquie, d’après un rapport de l’Observatoire des investissements et partenariats en Méditerranée (Anima-Mipo), financé par Bruxelles. Avec 826 projets détectés l’an passé, le nombre d’IDE a progressé de 52 % sur un an. Si l’envolée est moins nette en valeur (+ 17 %), la performance reste de taille, avec l’annonce de 33,2 milliards d’euros investis (contre 28,4 milliards en 2009). L’énergie, la banque, le BTP, les télécoms et les matériaux (ciment, verre…) demeurent les secteurs de prédilection des investisseurs étrangers, qui ont créé 175 000 emplois directs en 2010 et 550 000 indirects. Les entreprises européennes restent largement en tête, avec la moitié des IDE à leur actif. Avec 15 %, les investisseurs nord-américains, un temps distancés, sont revenus à la hauteur de ceux du Golfe. Mais ce sont les pays émergents (Chine, Inde, Corée du Sud) qui connaissent la plus forte progression, avec 10 % du total des IDE. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 18 • D U 13 A U 19 M A R S 2 0 11

La Turquie (13,7 milliards d’euros), l’Égypte (4,9 milliards) et Israël (4,5 milliards) sont les destinations majeures des IDE dans les onze pays du sud de la zone. « Les performances du Maghreb sont globalement décevantes, sauf pour la Tunisie, quasiment au niveau de ses voisins, trois fois plus peuplés », note le rapport. Entre l’Algérie, où les IDE sont en net recul (805 millions d’euros), et le Maroc, en situation stable (2,3 milliards), la Tunisie a retrouvé son niveau d’avant la crise économique (2,4 milliards). Mais c’était avant la révolution de janvier 2011… « La plupart des investisseurs ont, au mieux, mis en stand-by leurs projets tunisiens et égyptiens non engagés, sauf dans les secteurs moins intégrés ou moins risqués (hydrocarbures, minerais…). Les porteurs de projets attendent de voir à quoi l’avenir ressemblera », soulignent les rapporteurs. Jusqu’à présent, seul le géant suédois Electrolux a annoncé, le 10 février, qu’il suspendait son projet égyptien d’usine de fabrication de gros électroménager (lave-linge, réfrigérateurs…), d’un montant de 182 millions de dollars (environ 130 millions d’euros). ■ JEAN-MICHEL MEYER


74 ECOFINANCE UNIVERSITÉ

Le Cap prospecte lʼélite africaine PREMIER ÉTABLISSEMENT DU CONTINENT DANS LES PALMARÈS MONDIAUX, L’UCT ACCUEILLE LES MEILLEURS ÉLÈVES DES PAYS ANGLOPHONES. À L’HEURE DE LA RENTRÉE, ELLE VEUT ATTIRER LES TÊTES BIEN PLEINES DE TOUTE L’A FRIQUE.

I

nstallé sur les pentes du pic du Diable, qui surplombe la ville, le campus de l’Université du Cap (University of Cape Town, UCT) bout d’activité sous le soleil de la fin de l’été austral. Pour leur recrutement de début d’année, les associations étudiantes ont installé leurs stands sur le gazon impeccable qui s’étend entre les bâtiments victoriens. Il y a là de jeunes Sud-Africains noirs, blancs, métis et indiens, mais aussi des étrangers, notamment d’autres pays africains. L’heure est à la décontraction, mais, avec la rentrée qui approche, quelque 21000 étudiants « undergraduates » (jusqu’à la licence) et 5000 « graduates » (en master et au-dessus) se retrouveront bientôt dans une ambiance studieuse sur les bancs des six facultés. En tête des universités africaines dans quasiment tous les classements internationaux (lire encadré), l’UCT a fait de l’internationalisation l’une de ses priorités. Dans ce contexte, les autres pays africains, longtemps négligés, sont devenus l’un de ses champs majeurs de prospection. « L’université s’est rendu compte qu’elle était trop tournée vers l’Europe ou les États-Unis et veut désormais s’ancrer davantage sur le continent », justifie Francis Peterson, le directeur de la faculté d’ingénierie de l’UCT. Ce n’est pas la seule explication. L’internationa-

lisation est un critère clé dans les classements universitaires. Or la chasse aux meilleurs étudiants et aux professeurs les plus compétents met désormais en concurrence les plus grands établissements du monde. Prospecter les pays du continent est donc une solution plus facile, avantageuse et « naturelle ». Une tâche facilitée par la réputation de l’UCT, qui porte allègrement ses 182 ans. Devenue, depuis l’essor de l’industrie minière, le centre de formation de l’élite du pays, elle continue de rayonner. Plus libérale que ses consœurs, enseignant en afrikaans, elle fut l’une des premières universités du pays à admettre des femmes (en 1886), puis des Noirs (en 1920). Elle a été l’un des hauts lieux de contestation de l’apartheid, et peut s’enorgueillir d’une longue liste d’anciens élèves célèbres: les écrivains André Brink et J. M. Coetzee, le cosmologue George Ellis, le découvreur du vaccin contre la fièvre jaune Max Theiler, le Prix Nobel de la paix Ralph Bunche, ou encore Gail Kelly, très influente patronne de la banque Westpac… Aujourd’hui, pour les étudiants francophones, sa réputation ne fait pas de doute. « Tous les Sud-Africains le disent : l’UCT est la meilleure université du pays », affirme Makengo Ndunge, un Congolais qui a préféré y suivre son

master en sciences de l’éducation, plutôt que de continuer à la Cape Peninsula University of Technology. « C’est un professeur de mon ancienne université qui m’a conseillé de présenter ma candidature en master de biologie marine à l’UCT, raconte Henry Abi, un doctorant camerounais. Quand j’ai été accepté ici, je n’ai pas hésité longtemps! » UN ENSEIGNEMENT PARTICIPATIF

Comment expliquer cette attractivité? « Notre rang dans les classements internationaux joue un rôle, c’est indéniable. Mais la qualité de vie à l’UCT, avec son climat méditerranéen et son campus agréable, explique aussi notre popularité », estime Francis Peterson. La qualité des enseignants est une autre clé de ce succès. « Ils doivent être connus à l’international et à la pointe de leur secteur, de façon à dispenser un savoir le plus actuel possible », indique le professeur. Enfin, le mode d’enseignement participatif semble fairel’unanimité : « À l’UCT, il n’y a pas la même barrière hiérarchique entre un élève et son professeur qu’en RD Congo ou même ailleurs en Afrique du Sud. Ici, l’enseignant est disponible, ouvert à nos idées ; on a le droit à l’erreur et cela stimule notre créativité », explique Olivier Oleila, originaire de Kinshasa et doctorant en mathématiques. « On a été très compréhensif avec mon “anglais du village” », complète, reconnaissant, Josué Bosange, un Congolais étudiant la littérature. En 2009, les revenus de l’UCT, université publique, se sont élevés à 1,6 milliard de rands (environ 150 millions d’euros),

AU TOP DES CLASSEMENTS INTERNATIONAUX AVEC CELLE D’ALEXANDRIE, l’Université du Cap (UCT) est l’une des deux institutions d’enseignement supérieur africaines sélectionnées dans le palmarès 2010 du Times Higher Education. Avec ses critères sur la qualité de l’enseignement, sur le niveau de la recherche ainsi que sur l’internationalisation de l’établissement, la revue britannique spécialisée sur le monde universitaire classe l’UCT au 107e rang mondial sur 200 classés (146 e en 2009), très loin devant sa rivale égyptienne, 40 places derrière. Ce sont ses facultés de sciences sociales et de sciences de la vie qui sont les mieux cotées, respectivement aux 42e et 45e pla-

ces mondiales. Dans ces domaines, l’UCT devance par exemple l’École normale supérieure de Paris. Par ailleurs, le classement Eduniversal des écoles de commerce, basé sur les opinions de leurs dirigeants, classe la business school de l’UCT au 23e rang mondial et au premier rang africain (la deuxième, l’Université de Stellenbosch, est à la 70e place). Enfin, le Financial Times, qui classe les meilleurs MBA à partir, notamment, de l’évolution des salaires, de la créativité des enseignants et de la diversité des étudiants, met la formation du Cap au 89e rang mondial sur 100 classées. ■ C.L.B. J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 18 • D U 13 A U 19 M A R S 2 0 11


ECOFINANCE 75

GERALD HAENEL/LAIF-REA

La sélection des étudiants combine examen d’entrée et quotas communautaires.

avec un petit bénéfice de 24 millions de rands. Ses sources de financement proviennent principalement des subventions de l’État (776 millions de rands) et des frais de scolarité (577 millions): un élève déboursera entre 2 000 et 3 000 euros en frais d’inscription pour une année en bachelor, et entre 3400 et 3900 euros pour un master. Le réseau d’anciens constitue une autre ressource financière, en particulier pour l’acquisition d’équipements onéreux à destination des filières scientifiques: « Les laboratoires sont très bien équipés et accessibles. Quand on travaille comme moi sur des sujets pointus comme l’électronique de puissance, c’est un point essentiel », se réjouit Emma Isumbingabo, doctorante rwandaise. IMPLICATION DES ENTREPRISES

Les entreprises aussi ont voix au chapitre, comme l’explique le professeur Peterson : « À la faculté d’ingénierie, nous avons un conseil consultatif pour chacun des grands domaines vers lesquels nos étudiants se dirigent : les mines, la chimie et la construction. Constitués de professionnels reconnus, souvent d’anciens élèves, ils nous tiennent informés des dernières évolutions

de leur secteur et nous permettent de mieux concevoir nos programmes. » Reste que l’université doit réussir à mieux refléter la diversité de la population sud-africaine, et donc accroître le nombre de ses étudiants noirs. « Nous avons mis en place une sélection qui combine un examen d’entrée exigeant avec des quotas que nous faisons évoluer : en 2010, 37 % de Noirs, 33 % de Blancs, 11 % de métis, 10 % d’Indiens et 9 % d’internationaux », explique Francis Peterson, qui reconnaît que ce système similaire à l’« affirmative action » – la discrimination positive – est imparfait, mais reste la meilleure manière de progresser. Second défi à relever : se tourner davantage vers l’Afrique. Depuis 1996, l’UCT a lancé, avec sept universités partenaires de six pays anglophones (Kenya, Ouganda, Botswana, Tanzanie, Zambie, Zimbabwe), le programme Ushepia (University, Science, Humanities and Engineering Partnerships in Africa). Financé par la Fondation Rockefeller et la Fondation Carnegie, il s’agit d’un parcours de formation en alternance de deux ans, à l’UCT puis dans une autre université

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partenaire. « Ce programme forme l’étudiant sélectionné, qui travaille sur un sujet jugé prioritaire pour le continent, mais aussi ses deux superviseurs qui l’accompagnent et apprennent chacun dans les universités où ils se rendent », détaille

L’institution se dit ouverte à des partenariats avec des facultés francophones. le professeur Peterson. Les bénéficiaires du programme (à ce jour, 47 étudiants de master) s’engagent à retourner dans leur pays après leur formation. Année après année, le nombre d’étudiants étrangers africains monte dans les statistiques. Pour l’heure, les Zimbabwéens arrivent en tête (1 014), suivis des Botswanais (238), mais il y a aussi quelques francophones, les plus nombreux sont issus de la RD Congo (59), du Rwanda (48) et du Cameroun (42). Pour faire décoller ces chiffres, l’UCT se dit ouverte à des partenariats avec les universités francophones qui pourraient être attirées par son prestige. ■ CHRISTOPHE LE BEC, envoyé spécial


76 ECOFINANCE CÔTE DʼIVOIRE

Laurent Gbagbo a annoncé, le 8 mars, la nationalisation de la filière cacao par l’État. Concrètement, le président sortant entend relancer les exportations de fèves, suspendues depuis fin janvier. Reste qu’un cer tain nombre de questions se posent, dont celle du préfinancement des achats auprès des paysans, jusque-là assuré par des banques comme Citibank, Standard Chartered… Depuis la mi-février, les principaux établissements du pays sont fermés.

Une économie au bord du gouffre JOUR APRÈS JOUR, LE PAYS S’ENLISE UN PEU PLUS DANS LA CRISE POSTÉLECTORALE, ET À QUEL PRIX ! L E SYSTÈME FINANCIER EST BLOQUÉ, LES EXPORTATIONS DE CACAO SONT AU POINT MORT ET LE CHÔMAGE TECHNIQUE SE GÉNÉRALISE.

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DES PORTS SOUS EMBARGO

Le 28 février à Dakar, les patrons des banques privées qui ont baissé le rideau se sont réunis avec JeanBaptiste Compaoré, le gouverneur par intérim de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), et ont décidé de maintenir la suspension de leurs activités. Ils se sont mis d’accord pour mettre en place un cadre de concertation avec la BCEAO, afin de préparer la reprise coordonnée et ordonnée de leurs activités en temps opportun. Certes, des établissements comme Bicici (filiale de BNP Paribas) et SGBCI (Soc iété généra le) ont été réquisitionnés par le gouvernement sortant et ont été rouverts, mais ils tournent au ralenti. Les seules banques véritablement opérationnelles sont publiques et disposent de très peu de moyens. Outre la question financière, Gbagbo devra ensuite résoudre l’équation des entreprises exportatrices. Après avoir réquisitionné des établissements bancaires, le président sortant Laurent Gbagbo Les ténors que sont Cara annoncé, le 8 mars, la prise en main de la filière cacao par l’État. gill, ADM, Armajaro, etc., ont arrêté leurs activités à plus d’activité économique, affirme un la suite de la décision prise par AlasMieux nantis que les PME, les groupes sane Ouattara, fin janvier, de suspenpatron ivoirien. Toutes les entreprises internationaux tentent quant à eux de dre toute exportation de cacao. À cela ou presque ont mis leur personnel au se replier sur leurs filiales basées dans s’ajoute l’interdiction faite aux navires chômage technique ou ont simpleles autres pays de la sous-région, afin ment fermé. » européens, qui assurent le transport de combler le manque à gagner. Dans de 70 % de la production de café et Si tous les secteurs sont affectés, un document qu’il vient de publier, le de cacao ivoiriens, d’accoster aux ports celui du bâtiment compte parmi les patronat ivoirien estime à 200 millions d’Abidjan et de San Pedro. D’après la plus sinistrés, avec une dégringode F CFA le manque à gagner quotidien CGECI, près d’un tiers de la production lade de son c hif f re d’a f faires de enregistré par chacun des cinq opéra70 % depuis le début de la crise. Par ivoirienne de cacao (entre 1,2 million teurs de téléphonie mobile présents en et 1,4 million de tonnes par an) est exemple, ETDE, filiale du français Côte d’Ivoire, du fait de la coupure des encore dans les champs ou stockée Bouygues Construction, évalue ses SMS, depuis le 24 février. pertes à près de 20 milliards de F CFA dans les entrepôts. ■ C’est dans ce contexte d’effondreSTÉPHANE BALLONG (30,5 millions d’euros). ment de l’économie nationale que lus de trois mois que la Côte d’Ivoire a sombré dans une c r ise postélec tora le, que l’économie du pays, locomotive des huit États de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), tourne au ralenti, et que rien ne laisse entrevoir une sortie de crise… Au contraire, le pays glisse dangereusement vers la guerre civile ! « Aujourd’hui, il n’y a pratiquement

Mais ce sont les PME et les PMI qui sont les plus pénalisées. « Ces entreprises, qui ont souvent une trésorerie tendue, se sont retrouvées du jour au lendemain sans liquidités », explique un responsable de la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (CGECI), une organisation patronale. Conséquence : nombre d’entre elles ne paient plus les salaires depuis fin novembre.

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ECOFINANCE 77 TÉLÉCOMS

Comium fragilisé par un duel entre actionnaires

L A FILIALE IVOIRIENNE DU GROUPE DE TÉLÉPHONIE MOBILE A UN BESOIN IMPÉRATIF D’ARGENT FRAIS. M AIS TOUT NOUVEAU FINANCEMENT EST EXCLU AVANT QUE LE BRAS DE FER ENTRE SES DIRIGEANTS NIZAR DALLOUL ET EUGÈNE M ARIE DIOMANDÉ TROUVE UNE ISSUE. E XPLICATIONS.

MISE À L’ÉCART

Il faut dire que les finances de Nizar Dalloul, fils de l’ancien ministre libanais Mohsen Dalloul et gendre de l’exPremier ministre Rafic Hariri, sont au plus mal. Après avoir prospéré dans le business grâce aux fonds de l’influent clan Hariri, qui a longtemps garanti ses

Eugène Marie Diomandé, président du conseil d’administration.

opérations auprès des banques, il est aujourd’hui criblé de dettes auprès de divers établissements financiers – près de 300 millions d’euros. La cession de Comium Côte d’Ivoire lui permettrait d’effacer son ardoise, puisque six cabinets d’audit ont évalué la filiale à environ 350 millions d’euros. Eugène Marie Diomandé croit voir clair dans le jeu de Nizar Dalloul : « Il veut diluer l’actionnariat minoritaire avant d’engager des discussions en solo avec des investisseurs américains, accuse-t-il. Et ce alors que j’ai un droit préférentiel sur les opérations portant sur le capital. » De fait, le 24 janvier, Nizar Dalloul a convoqué un conseil d’administration à Abidjan pour révoquer Diomandé ainsi que l’Argentin José Roncal, directeur général de Comium Côte d’Ivoire. Les deux hommes ont été immédiatement remplacés, le premier par Nizar Dal-

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VINCENT FOURNIER/J.A.

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epuis l’obtent ion d’u ne licence en 2007, Comium est devenu, sous la marque Koz, le quatrième opérateur de téléphonie mobile en Côte d’Ivoire. La filiale ivoirienne du groupe libanais (également présent au Liberia, en Sierra Leone et en Gambie) peut aujourd’hui s’enorgueillir d’un parc de 2 millions d’abonnés. Mais depuis quelque temps, les difficultés s’accumulent pour Comium Côte d’Ivoire : le réseau a été momentanément suspendu, en janvier, pour défaut de paiement de la redevance due à l’État ; l’opérateur rémunère ses salariés avec du retard et ne règle plus ses fournisseurs… Souscapitalisé (200 millions de F CFA, soit 305000 euros), Comium Côte d’Ivoire a un besoin impératif d’argent frais. Hélas, ce ne sont ni la convention de financement de 160 millions de dollars (environ 115 millions d’euros) signée en mai 2010 avec le fonds d’investissement nigérian African Finance Corporation, ni l’apport prévu de 29 millions de dollars par China Telecom pour financer l’extension du réseau, qui y remédieront. Ceux-ci sont en stand-by. La faute au bras de fer engagé entre le Libanais Nizar Dalloul, fondateur du groupe Comium et détenteur de 85 % du capital de la filiale, et l’Ivoirien Eugène Marie Diomandé, président du conseil d’administration de Comium Côte d’Ivoire. Ce dernier, qui détient 15 % du capital de la société ivoirienne, suspecte Dalloul de « manigancer » pour céder la filiale à son insu.

loul lui-même, le second par Michel Hébert, présent dans le groupe depuis 2008 et ancien cadre de l’égyptien Orascom Telecom. Sur le fond, les deux camps se rejettent la responsabilité des mauvais résultats apparents de Comium Côte d’Ivoire. La « gestion désastreuse de M. Diomandé », justifie Michel Hébert, serait à l’origine d’« un déficit de 1 milliard de F CFA pour le seul mois de janvier ». Qualifiant pour sa part sa mise à l’écart d’illégale et d’infondée, Eugène Marie Diomandé se défend: « J’ai réclamé un audit à plusieurs reprises, mais Nizar Dalloul a refusé à chaque fois. » Avant d’ajouter, en guise de contreattaque : « Je me suis toujours opposé à ses manœuvres pour incorporer les dettes des filiales moribondes de Sierra Leone, du Liberia et de Gambie dans le bilan de Comium Côte d’Ivoire, car cela a eu pour effet de creuser un déficit de 60 milliards de F CFA sur trois ans ! » Pour l’heure, la justice a donné raison à Eugène Marie Diomandé: le 18 février, le tribunal de première instance d’Abidjan a annulé toutes les décisions du conseil d’administration du 24 janvier, et nommé un expert-comptable, Patrice Kazana Coulibaly, comme administra-

Les deux camps se rejettent la responsabilité des mauvais résultats de la société. teur de l’entreprise. Ce dernier devra en outre procéder à un audit des trois derniers exercices. L’affaire est encore loin de trouver un dénouement, mais, en attendant, Eugène Marie Diomandé ne perd pas de temps lui non plus : de son côté, il cherche de nouveaux investisseurs, notamment émiratis… ■ BAUDELAIRE MIEU, à Abidjan


Théâtre

78 LIRE, ÉCOUTER, VOIR

LES PARENTS TERR La dernière pièce de Marie NDiaye, Les Grandes Personnes, est une affaire sordidement banale dʼinstituteur pédophile. Lʼécrivaine fouille les âmes et dissèque les non-dits. Racisme, égoïsme, violence... Lʼhumanité nʼest pas jolie à voir.

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NICOLAS MICHEL

n matin f roid de l’hiver 2001, à Cormeilles, dans l’Eure. Un homme ar mé d’une ferme résolution prend sa voiture et s’en va attendre l’instituteur Marcel Lechien sur le chemin qu’il emprunte tous les matins pour se rendre à l’école. Le maître accepte de s’asseoir sur le siège passager; l’homme le conduit tout droit à la gendarmerie. Aux forces de l’ordre, il déclare simplement: « Je vous

amène un pédophile. » Trois ans plus tard, Marcel Lechien, reconnu coupable de trois viols et de 36 agressions sexuelles sur des enfants, sera condamné à quinze ans de réclusion. L’homme qui l’a dénoncé après quelques mois d’enquête de voisinage n’est ni un détective privé ni un justicier autoproclamé déterminé à traquer les méchants. Jean-Yves Cendrey est écrivain. Il a eu vent de ce lourd secret que peu de gens ignoraient alors qu’il vivait à Cormeilles (1 200 habitants). Marcel Lechien avait été l’instituteur de ses enfants. Sa femme lui a dit : « Tu dois aller le cher-

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LIRE, ÉCOUTER, VOIR 79 Grandes Personnes (Gallimard), sa nouvelle pièce, est jouée au théâtre de la Colline, à Paris, jusqu’au 3 avril 2011. Décor : une salle de classe, quelques petites chaises, un tableau noir. Ou bien le salon d’un duplex chic, des fauteuils et une volée de marches. Comme une menace silencieuse que personne ne verrait, de sombres oiseaux planent au-dessus des personnages. Christophe Perton, qui signe la mise en scène, est un familier de l’œuvre de Marie NDiaye – il connaît la charge d’angoisse dont les volatiles sont porteurs dans ses romans. Car si l’absurde qui régnait sur Un temps de saison s’invite parfois dans les dialogues de cette pièce, c’est surtout un inquiétant sentiment d’oppression qui domine.

Vincent Dissez et Aïssa Maïga.

BENOITE FANTON/WIKISPECTACLE

MISE EN SCÈNE SOBRE ET DIRECTE

IBLES cher. » Sa femme est écrivain aussi. Elle s’appelle Marie NDiaye et son dernier roman, Trois Femmes puissantes, a reçu le prix Goncourt en 2009. L’affaire est sordidement banale. Enfant violenté par un père militaire, adulte qui ne peut supporter que l’on s’en prenne aux enfants, Jean-Yves Cendrey en a fait deux livres : Les Jouets vivants (L’Olivier, 2005) et Corps ensaignant (Gallimard, 2007). Et comme « rien n’existe tant que l’on ne l’a pas décrit », c’est aujourd’hui au tour de Marie NDiaye de transformer la matière charnelle de sa vie en littérature. Les

La première scène autorise quelques éclats de rire (jaune) : un couple de bourgeois évoquent en compagnie d’un couple de « vieux prolétaires » et de leur fils devenu instituteur leurs enfants disparus. La deuxième est beaucoup moins drôle : pantalon et caleçon entortillés sur les chaussures, le maître d’école s’avoue esclave des « exigences » de son corps. « Respectons les humeurs de nos organes. Allons à la selle selon des horaires réguliers. Ne malmenons pas notre sphincter. Habituons-nous à déféquer lentement, avec retenue et discrétion », dit-il. Quelques heures auparavant, cet adulte n’ayant jamais quitté le nid affirmait à ses parents : « Ces interminables conversations de grandes personnes, ça me fatigue. » Célibataire rongé par la solitude et étouffé par ses géniteurs, le maître d’école est un pédophile qui abuse de ses élèves. Madame B., interprétée par la Franco-Sénégalaise Aïssa Maïga, vient le trouver pour le confronter à son crime. « [Karim] dit qu’à plusieurs occasions vous lui avez… dans l’anus un sexe en plastique. » Et le maître de répondre : « Où est le problème ? » Les Grandes Personnes se ramifient et se développent autour de ce drame. Marie NDiaye fouille le dedans des âmes, ausculte silences et omissions, dissèque les non-dits. Plusieurs histoires s’entremêlent : celle de Madame B. qui refuse de voir un « monstre » dans l’homme qui a violé son fils, mais aussi celle de l’enfant adoptif littéralement habité par ses parents naturels, celle de la fille ayant fui l’étouffant confort d’une enfance heureuse, celle de la

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mère adultère, celle du père ignorant que son enfant n’est pas le sien… « Une faute avait été commise et s’épanouissait et ce n’était pas bien », dit la fille. « C’est une ombre qui a fini par la tuer car notre fille est née sous le couvert de la trahison. Quelque chose en moi d’imperceptiblement déloyal a dû s’insinuer dans ma tendresse », dit la mère. Au fond, Marie NDiaye écrit surtout sur le mensonge et l’incommunicabilité. Les deux moments les plus terrifiants de sa pièce opposent, comme en miroir, deux solitudes. Celle du bourreau et celle de la victime, étrangement semblables. Ni l’un ni l’autre ne parviennent à se faire entendre. Le maître d’école crie à sa mère : « Maman, je viole mes petits élèves. » La mère répond : « Ne raconte pas n’importe quoi, mon chéri. Je ne t’aime pas quand tu es comme cela, avide d’histoires malsaines. » Quant à Madame B., qui dénonce les agissements du maître en réunion de parents d’élèves, elle s’entend dire : « Qu’est-ce qu’elle raconte ? » ou pis : « On s’en fout ! On ne la croit pas ! » Sous les ailes noires des oiseaux morts, l’atmosphère est plombée. Racisme, égoïsme, individualisme, violence, mensonge : l’humanité n’est pas jolie à voir. La mise en scène de Christophe Perton, sobre et directe, renforce parfois ce sentiment de trop-plein en n’accordant que peu de place aux éléments de fantastique que Marie NDiaye distille ici et là. L’on étoufferait presque, si l’habile dramaturge n’avait ménagé une échappatoire, sous la forme d’un souvenir d’enfance partagé entre frère et sœur. « LA FILLE: Un jour; nos parents ont acheté un camping-car et tous les étés nous avons sillonné la France. Nous nous arrêtions au bord des ruisseaux. Nous faisions griller des saucisses. Tu t’en souviens ? Parfois, dans la montagne, on pouvait boire à la source et l’eau était glacée. Il y avait des fleurs bleues dans les alpages. LE FILS : Nous dormions sur des couchettes superposées, toi et moi. En tant qu’aînée tu avais droit à celle du haut et tu laissais pendre ta main pour que je la chatouille. » ■ Les Grandes Personnes, de Marie NDiaye, Gallimard, 98 pages, 12,50 euros; à voir jusqu’au 3 avril 2011, au Théâtre de la Colline, à Paris, mise en scène de Christophe Perton. Lire l’interview d’Aïssa Maïga sur jeuneafrique.com


80 LIRE, ÉCOUTER, VOIR

Cinéma « Pégase », Étalon marocain

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ahamet-Saleh Haroun ét a it l’a rc h i favor i de cette 22e édition du Fespaco, qui s’est tenue du 26 février au 5 mars. Primé à Cannes pour Un homme qui crie, le Tchadien avait a priori comme seul grand rival l’Égyptien Yousry Nasrallah. Haroun est reparti avec l’étalon d’argent, après que Nasrallah eut été disqualifié pour ne pas avoir fourni la copie 35 mm réglementaire de Sheherazade, un film dont le propos contestataire et féministe résonne quelque peu avec l’actualité dans le monde arabe. Le jury a surpris en couronnant Pégase, du Marocain Mohamed Mouftakir. Ce film mi-réaliste mi-fantastique n’est pas passé inaperçu. Certains ont dénoncé un long-métrage prétentieux et incompréhensible. D’autres, plus nombreux, ont

Mohamed Mouftakir, le 5 mars, à Ouagadougou.

tasmes et réalité…). Mais le lauréat, à coup sûr doté d’un vrai tempérament de cinéaste, a peut-être aussi, et surtout, le double mérite d’être marocain et auteur de son premier long-métrage. AVANCE SUR RECETTES

On peut en effet supposer que le jury a voulu récompenser un réalisateur non confirmé mais très prometteur, en ces temps où le cinéma africain, dominé sur la scène internationale par le duo Sissako-Haroun depuis la fin des années 1990 (après l’avoir été par le trio Cissé-SembèneOuédraogo), peine à se renouveler. Le Fespaco a ainsi sa lué le pays qui fait le plus d’efforts pour soutenir l’activité cinématographique. Le Maroc, notamment grâce à un système d’avance sur recettes géré par le Centre cinématographique marocain et mettant à contribution divers acteurs nationaux, dont les chaînes de télévision, a produit en 2011 une vingtaine de films de fiction. Soit presque le double de ce que proposent chaque année l’ensemble des autres pays du continent, à l’exception de l’Égypte (moins d’une trentai-

Dominé par le duo SissakoHaroun, la création africaine peine à se renouveler. été envoûtés par la beauté formelle des images et l’épaisseur des personnages. L’Étalon d’or 2011 raconte l’histoire passablement compliquée d’une jeune femme hospitalisée dans un hôpital psychiatrique. Et possède d’incontestables qualités esthétiques. Pégase évoque des thèmes forts (l’enfermement, la différence des sexes, le machisme, le normal et le pathologique, la jonction entre fan-

ne de films par an, essentiellement de divertissement, contre plus de soixante il y a quelques années) et de l’Afrique du Sud (une dizaine au maximum). Or ces deux derniers pays ne tiennent guère leur rang en ce moment, comme l’a démontré cette édition. Même en tenant compte de la regrettable disqualification de deux de leurs films sélectionnés pour la compétition, ni l’Égypte, représentée uniquement par une comédie sans originalité (The Wedding), ni l’Afrique du Sud, qui a proposé un film sur le thème de la lutte contre la xénophobie traité à la manière d’un polar de série B (A Small Town Called Descent), n’ont témoigné d’une quelconque vitalité de leur cinématographie. Il n’est pas certain que ce soit de la quantité que surgit la qualité, comme l’espère le Maroc, mais il est clair que tout commence par la production de films. La part du cinéma africain reste négligeable sur le continent (3 %, contre 70 % pour les films américains, d’après une récente estimation). Le thème du principal colloque organisé cette année s’intitulait « Cinéma africain et marchés ». Un oxymore, ont ironisé certains participants. ■ RENAUD DE ROCHEBRUNE, envoyé spécial

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NYABA OUEDRAOGO

En récompensant le film du Marocain Mohamed Mouftakir, le Fespaco a salué le pays qui fait le plus dʼefforts pour soutenir le septième art.


Musique

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CHRISTOPHE GOUSSARD POUR MUSIQUES DE NUIT

Du hip-hop à lʼopéra Le romancier sénégalais Boubacar Boris Diop vient dʼécrire Leena, spectacle mélangeant rap, slam, chants traditionnels wolofs et art lyrique.

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e projet est une première, un opéra urbain, dansé, chanté, déclamé en français et en wolof. Il s’appelle Leena, et cela fait deux ans que l’auteur Boubacar Boris Diop et le metteur en scène Guy Lenoir y travaillent. « Au moment où il y a tous ces débats sur l’identité, c’est une bonne chose que l’on mette en avant le métissage et ses valeurs », explique Guy Lenoir, qui est aussi directeur artistique de Migrations culturelles Aquitaine Afriques. L’opéra raconte l’histoire de Leena, fille d’immigrés sénégalais. Un père absent, emprisonné pour quelques méfaits. Une mère qui l’élève seule, ne trouvant ni le temps ni l’énergie de transmettre sa culture à sa fille. Pour sa part, la jeune fille se sent bien dehors, entourée de sa bande de potes, à danser le hip-hop et à parler le langage de la rue. Jusqu’à ce que débarque de Talli Bou Mag, quartier populeux proche de Thiaroye, le griot Yakham Lô, frère de sa mère, qui va lui enseigner le wolof. Leena, c’est aussi une histoire de rencontres. Entre le théâtre, l’opéra et le slam. Le hip-hop et les chants tradition-

Arc-en-ciel palestinien

Une création qui mobilise 140 artistes.

nels wolofs. Entre le Sénégalais Boubacar Boris Diop et le Français Guy Lenoir. De leur amitié de vingt ans est née, en 2008, l’idée d’organiser des ateliers d’apprentissage de wolof pour jeunes de la banlieue bordelaise, point de départ d’un projet ambitieux. « Après les ateliers, on se demandait que faire pour valoriser le travail accompli, se souvient Boubacar Boris Diop. Et Guy m’a dit : “pourquoi pas un opéra ?” C’était tellement absurde qu’on en a rigolé… » À présent, ce sont 140 acteurs, musiciens, chanteurs, danseurs… professionnels ou bénévoles qui se relaient sur scène pendant une heure et demie. À la composition musicale, El Hadj N’Diaye et Mathieu Ben Hassen ; aux costumes, Rustha Luna Pozzi Escot, de l’Opéra national de Bordeaux ; à la chorégraphie, Auguste Ouédraogo ; à la direction des chœurs, Philippe Molinié. Là encore, du métissage et de la diversité. ■ MALIKA GROGA-BADA

Leena, de Boubacar Boris Diop, El Hadj N’Diaye et Mathieu Ben Hassen, le 19 mars au Palais des sports de Bordeaux, 15 euros.

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usiciens de Palestine, ils sont trois frères, originaires de Nazareth, en Galilée, et installés en France, rampe de lancement de leur carrière internationale. Ils comptent parmi les joueurs d’oud – le luth roi de la musique orientale – les plus célèbres de la planète. Samir Joubran, le leader et l’aîné (né en 1973) du trio, Wissam (de dix ans son cadet, premier luthier du monde arabe diplômé de l’Institut Stradivari de Crémone, en Italie) et Adnan (né en 1985) connaissent une cote d’amour qui ne fléchit pas. Après leur hommage au poète Mahmoud Darwich, décédé le 9 août 2008 à Houston (États-Unis), ce trio propose une nouvelle échappée belle dont le titre à lui seul est porteur de promesses, As Fâr (« voyages » en arabe). Accompagnés par leur fidèle compatriote percussionniste Youssef Hbeisch, toujours très fin et délicat, ils ont invité l’oudiste et vocaliste tunisien Dhafer Youssef, qui intervient sans autre instrument que sa voix, fulgurante d’intensité, magnétique. Le trio ouvre des chemins buissonniers au luth oriental. « Je ne conçois pas l’oud comme étant uniquement réservé à une tradition ou à un public particulier », déclare Samir Joubran. À travers les variations ciselées de l’instrument, les trois frères racontent des histoires graves et émouvantes, dessinent des arcs-en-ciel inédits, jouent le contraste intrigant, entre vivacité et retenue, douleur et légèreté. Une musique jamais lisse ni banale, mais d’une formidable densité, habitée de forces intérieures, scintillante d’une braise brûlante. ■ PATRICK LABESSE

En tournée, Le Trio Joubran se produira notamment le 4 avril au Théâtre des Champs-Élysées, à Paris. As Fâr, du Trio Joubran (World Village/ Harmonia Mundi).


Livres

82 LIRE, ÉCOUTER, VOIR

Hisham Matar « Les Libyens renouent avec leur histoire »

Fils dʼun dissident torturé par les services de Kaddafi, lʼécrivain revient sur la révolte qui secoue son pays.

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JEUNE AFRIQUE : Depuis le début du soulèvement, votre maison londonienne est devenue le point de rencontre de tous les exilés libyens dans la capitale britannique… HISHAM MATAR : Comme vous le savez, au début, il était très difficile de savoir ce qui se passait à l’intérieur du pays. Les journalistes étrangers n’étaient pas autorisés à entrer en Libye. Alors avec un certain nombre de mes amis exilés à Londres, nous nous sommes réunis chez moi pour vérifier la justesse des informations en provenance de la Libye. Nous passons des coups de fil à nos contacts à l’intérieur du pays. Ces hommes et femmes sont des professeurs, des avocats, des médecins, ou de simples témoins. Ils nous aident à distinguer entre les vraies et les fausses informations. Que vous disent vos contacts sur la capacité de résistance du régime?

CLARA MOLDEN/TELEGRAPH/CAMERAPRESS/GAMMA/EYEDEA PRESSE

omancier et poète, Hisham Matar a été l’un des nombreux intellectuels libyens à at t i rer l’at tent ion su r la cruauté et le cynisme du régime Kaddafi. Fils d’un dissident politique torturé par les services de contreespionnage du « Guide », il vit en exil à Londres. Il a publié en 2006 Au pays des hommes (Denoël), salué par la critique comme « l’un des plus brillants romans de ces dernières années » et qui a manqué de peu le Booker Prize. Il vient de publier Anatomy of a Disappearance (Viking), construit autour du thème de la quête du père et des origines.

Kaddafi n’est pas seulement un dictateur. C’est un psychopathe dangereux. Comme il a peu d’amis à l’étranger, il peut difficilement s’exiler. Il tente donc de perpétuer son régime par la terreur. Contrairement à Ben Ali et à Moubarak, il n’a pas été lâché par les militaires. Mais, selon mes sources, il tient en otages les familles des principaux chefs

militaires du régime. Ces derniers n’osent pas s’opposer à lui ou à ses fils, de peur de voir leurs femmes et enfants se faire massacrer. Il a aussi des mercenaires à son service. Croyez-vous que les militaires et les mercenaires réussiront à mater la révolte et à reprendre les villes tombées aux mains des insurgés?

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LIRE, ÉCOUTER, VOIR 83 Je ne sais pas. J’espère que non. Les attaques, les bombardements des civils n’ont fait que renforcer la détermination de la population à s’émanciper. La jeunesse est en première ligne, affirmant haut et fort qu’elle ne se soumettra jamais. « La victoire ou la mort », telle est sa devise. Comme le criaient les résistants libyens pendant la Seconde Guerre mondiale lorsqu’ils étaient confrontés aux envahisseurs italiens menés par le général Graziani. Les Libyens renouent avec leur histoire. Les mythes du passé ressuscités ressoudent la population, alors que le régime de Kaddafi s’est perpétué en exacerbant les hostilités entre les tribus et les groupes sociaux. Que retiendra l’Histoire de Kaddafi? On se souviendra de ces années comme d’un terrible gaspillage pour la Libye. Quant à Kaddafi, il restera dans l’Histoire comme le tyran mégalomane qu’il est! Il me fait penser au Richard III de Shakespeare, enfermé dans sa folie. Ses excentricités ont fait de lui la risée de la communauté internationale.

C’était humiliant d’être libyen, car notre identité était définie par le grotesque du dictateur. Une des belles surprises de ces journées de révolte a été la découverte par les téléspectateurs du monde entier du peuple libyen : digne, doux, aspirant à vivre en liberté comme tous les peuples du monde.

griefs personnels, j’en veux à Kaddafi d’avoir fait vivre tout un peuple dans un état permanent de folie. Ma vraie revanche sera de le voir un jour jugé. Voyez-vous, la justice a une dimension éducative. Cela permettra à la Libye libre de s’engager dans un processus de guérison et de renaissance.

Votre famille a été victime de la répression policière. Vous avez connu la surveillance, l’exil, la privation. L’heure de la revanche a sonné? Mon père était un dissident politique. Pour échapper à la vindicte du régime, ma famille s’est réfugiée au Caire. J’avais alors 9 ans. Je me souviens de la souffrance que fut ce départ. En 1990, mon père a été enlevé par la police politique égyptienne, qui l’a livré aux Libyens. Il a été emprisonné dans la prison Abu Saleem. En 1995, il a réussi à nous faire parvenir des courriers dans lesquels il racontait les atroces conditions de vie des prisonniers politiques. Ce sont les derniers mots qu’on a reçus de lui. Mon père me manque. Mais au-delà de mes

Croyez-vous que l’opposition qui tente de gouverner les villes libérées pourra tenir le pays demain? L’opposition n’existe pas. Pour l’instant, il y a une vaste coalition des déçus de Kaddafi réunis sur la base des valeurs partagées par tous: démocratie, liberté et justice. À vrai dire, personne ne sait de quoi les lendemains de la révolution seront faits. Mais il me semble que ne pas pouvoir prévoir peut être très positif, car cela nous oblige à être proactifs et imaginatifs. Quarante-deux années d’une dictature qui prévoyait tout pour nous ont rendu les Libyens passifs, peureux et dépendants. Donc, vive l’incertitude des lendemains révolutionnaires! ■ Propos recueillis par TIRTHANKAR CHANDA

Venance Konan récidive Après le succès de ses deux précédents romans, lʼécrivain ivoirien revient sur cinq décennies dʼindépendance. Le ton est toujours aussi caustique et lʼironie mordante.

A

près Robert et les Catapilas (2005) et ne se fasse que des amis dans les palais présiLes Catapilas, ces ingrats (2008), le dentiels. Extraits. journaliste ivoirien Venance Konan, Léopold Sédar Senghor : « L’un de ses plus éditorialiste engagé et multirécicélèbres poèmes est celui dans lequel il dit que diviste de l’ironie mordante, est de retour en la femme noire est belle quand elle est nue. Il librairie avec Chroniques afro-sarcastiques, n’empêche que lorsqu’il lui fallut prendre femme, 50 ans d’indépendance, tu parles ! il choisit d’épouser une femme blanche. Comme Rien ne sert de le lire si l’on espère y trouver quoi il n’y a pas que les femmes noires qui sont des bilans larmoyants, encore moins si l’on s’atbelles quand elles sont nues. » tend à une distribution de bons et de mauvais Sarko : « Il est de la même taille qu’Omar points. Dans le style qu’on lui connaît, caustiBongo, qui était cousin avec les Pygmées de sa que et enlevé, mais parfois un peu simpliste, forêt. […] Il a même voulu mettre son fils, qui Venance Konan raconte l’Afrique et ses cinq avait à peine terminé ses études, à la tête d’un Chroniques afrodécennies d’indépendance à travers une galerie gros truc qui brasse beaucoup d’argent en Fransarcastiques, 50 ans de portraits qui ne manquent pas de piquant. ce. C’est ce que font la plupart de nos chefs. Il ne d’indépendance, Pêle-mêle : Nadège la serveuse « et même plus », pouvait donc que s’entendre avec eux. » tu parles!, de Venance Kongolo Wa Kongolo le sapeur décoloré, les Affaire de couleur : « Kongolo Wa Kongolo Konan, Favre, 152 pages, 18 euros. communistes, les putschistes, la Françafrique, engloutit tout le bénéfice de son petit commerce la Chine, Houphouët-Boigny, Bourgi, Sarkozy, d’alcool trafiqué dans les produits pour devenir les « héritiers » d’États… Tout et tous en prennent pour blanc, et au bout de trois mois, il devint blanc. Enfin, presque leur grade, même si certains reproches sont convenus. S’il blanc. […] Kongolo Wa Kongolo n’était pas trop mécontent du espère que les politiques croqués « ont de l’humour », pas résultat. L’essentiel pour lui était qu’il n’était plus noir. » ■ MALIKA GROGA-BADA sûr pour autant que l’écrivain, exilé à Paris depuis janvier, J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 18 • D U 13 A U 19 M A R S 2 0 11


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ANNONCES CLASSÉES

Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre Tél. : 01 44 30 18 76 – Fax : 01 44 30 18 77 – f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique - 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 Paris –France

REPUBLIQUE DU TCHAD PRESIDENCE DE LA REPUBLIQUE PRIMATURE MINISTERE DE L’EDUCATION NATIONALE SECRETARIAT D’ETAT A L’EDUCATION NATIONALE SECRETARIAT GENERAL DIRECTION GENERALE DE LA PLANIFICATION ET DE L’ADMINISTRATION DIRECTION DES PROJETS EDUCATION PROJET D’APPUI A LA REFORME DU SECTEUR DE L’EDUCATION AU TCHAD

Unité – Travail - Progrès

DEMANDE DE MANIFESTATIONS D’INTERET

Manifestation d’intérêt

N° 009/MEN/SE/SG/DGPA/DPE/PARSET/11

PROJET D’APPUI A LA RÉFORME DU SYSTEME DE L’ÉDUCATION AU TCHAD Recrutement d’un Consultant (Individuel) International pour l’étude des besoins en équipements scientifiques (laboratoires) dans trois lycées à N’Djaména. 1. Le Gouvernement de la République du Tchad a obtenu un financement de l’Association Internationale de Développement (IDA) et se propose d’utiliser une partie du montant de ce financement pour effectuer les paiements au titre du recrutement d’un Consultant (Individuel) International pour l’étude des besoins en équipements scientifiques (laboratoires) dans trois lycées à N’Djaména. 2. Les services comprennent entre autres : Du point de vue générale : il s’agit de proposer sur la base d’un diagnostic détaillé de la situation des équipements scientifiques de laboratoire dans trois lycées et proposer des stratégies pour leur équipement et leur gestion afin d’améliorer les conditions d’apprentissage et d’enseignement ; et d’appuyer la scolarisation des enfants dans les matières scientifiques. Du point de vue spécifique, la mission devra permettre de : (i) faire la situation des laboratoires, tant au niveau des structures physiques que matériels dans six établissements secondaires à N’Djaména dont trois (03) à titre expérimental ; (ii) identifier les matériels adéquats en sciences expérimentales qui peuvent être accessibles et à moindre coût ; (iii) évaluer les structures en charge de la gestion fonctionnelle mise en place par les parents et l’administration ; (iv) identifier le type de laboratoires à expérimenter (ordinaire, semi-micro, micro ou kit) ; (v) identifier le type de personnel à former, proposer un contenu et une stratégie de formation. 3. Le Ministère de l’Education Nationale, à travers la Coordination du PARSET, invite les candidats admissibles à manifester leur intérêt, à fournir les services décrits ci-dessus. Les consultants intéressés doivent avoir le profil suivant : être un spécialiste en gestion de laboratoires et ayant une expérience d’au moins dix ans dans le domaine. Une connaissance en sciences de l’éducation est souhaitée. 4. Un Consultant (Individuel) sera sélectionné en accord avec les procédures définies dans les Directives : Sélection et Emploi de Consultants par les Emprunteurs de la Banque mondiale, janvier 1997 mise à jour Septembre 1997, Janvier 1999, mai 2002, mai 2002 et octobre 2006. 5. Les consultants intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires au sujet des documents de référence à l’adresse mentionnée ci-dessous et aux heures suivantes : • De 7 Heures à 15 Heures : de lundi à jeudi ; • De 7 Heures à 11 Heures : tous les vendredis. 6. Les manifestations d’intérêts doivent être déposées à l’adresse mentionnée ci-dessous au plus tard le 12 avril 2011. Coordination du PARSET - Direction des Projets Education Ministère de l’Education Nationale - B.P. 1174 N’Djaména – Tchad Tél. 235 52 48 92 - E.mail : barka_adams@yahoo.fr - Yorade2@yahoo.fr Le Secrétaire Général du Ministère de l’Education Nationale Dr Dono Horngar J.Y. Neldita JEUNE AFRIQUE N° 2618 – DU 13 AU 19 MARS 2011


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REPUBLIQUE DU TCHAD PRIMATURE MINISTERE DE L’EDUCATION NATIONALE SECRETARIAT D’ETAT A L’EDUCATION NATIONALE SECRETARIAT GENERAL DIRECTION GENERALE DE LA PLANIFICATION ET DE L’ADMINISTRATION DIRECTION DES PROJETS EDUCATION PROJET D’APPUI A LA REFORME DU SECTEUR DE L’EDUCATION AU TCHAD

AC Unité – Travail - Progrès

DEMANDE DE MANIFESTATIONS D’INTERET N° 006/MEN/SE/SG/DGPA/DPE/PARSET/11

PROJET D’APPUI A LA RÉFORME DU SYSTEME DE L’ÉDUCATION AU TCHAD Recrutement d’un Consultant (individuel) International pour la constitution d’un fonds documentaire au bénéfice du Centre National des Curricula.

2. Le Ministère de l’Education Nationale, à travers la Coordination du PARSET, invite les candidats admissibles à manifester leur intérêt à fournir les services décrits ci-dessus. Les consultants (individuels) intéressés doivent avoir le profil suivant : i) Spécialiste de l’information documentaire de niveau Bac + 5 ; (ii) avoir une expérience d’au moins dix ans dans le domaine ; (iii) avoir une parfaite maîtrise de l’environnement du marché du livre ; (iv) être au courant des dernières parutions et avoir des compétences dans la mise en œuvre concrète des TIC au service de la recherche documentaire. 3. Un Consultant (individuel) sera sélectionné en accord avec les procédures définies dans les Directives : Sélection et Emploi de Consultants par les Emprunteurs de la Banque mondiale, Janvier 1997 mise à jour Septembre 1997, Janvier 1999, mai 2002 et octobre 2006. 4. Les consultants intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires au sujet des documents de référence à l’adresse mentionnée ci-dessous et aux heures suivantes : • De 7 Heures à 15 Heures : de lundi à jeudi ; • De 7 Heures à 11 Heures : tous les vendredi. 5. Les manifestations d’intérêts doivent être déposées à l’adresse mentionnée ci-dessous au plus tard le 12 avril 2011 Coordination du PARSET - Direction des Projets Education Ministère de l’Éducation Nationale - B.P. 1174 N’Djaména – Tchad Tél. 235 52 48 92 - E.mail : barka_adams@yahoo.fr - Yorade2@yahoo.fr Le Secrétaire Général du Ministère de l’Education Nationale Dr Dono Horngar J.Y. Neldita JEUNE AFRIQUE N° 2618 – DU 13 AU 19 MARS 2011

Manifestation d’intérêt

1. Le Gouvernement de la République du Tchad a obtenu un financement de l’Association Internationale de Développement (IDA) et se propose d’utiliser une partie du montant de ce financement pour effectuer les paiements au titre du contrat relatif au recrutement d’un Consultant (individuel) International pour la constitution d’un fonds documentaire au bénéfice du Centre National des Curricula. La constitution d’un fonds documentaire doit être adaptée au besoin réel du Centre National des Curricula en prenant en compte les technologies de l’information et de la communication (TIC). Le Consultant aura pour taches : a) la révision de la liste initiale Sur la base des documents existants, le Consultant sera chargé de faire une révision complète et de la liste en s’appuyant sur les catalogues courants d’éditeurs et librairies spécialisés dans le domaine retenu. Les titres anciens doivent être remplacés par les ouvrages équivalents. b) la création d’une bibliothèque virtuelle Le Consultant aura en outre à réaliser une étude sur les possibilités de création d’une bibliothèque virtuelle. Cette étude sera finalisée par la rédaction d’un cahier des charges faisant ressortir des propositions concrètes sur la collecte et le traitement des documents numériques devant alimenter ladite bibliothèque. Il s’agit de la constitution d’une base de données bibliographiques numérisées au Centre National des Curricula et/ou la connexion du Centre à des serveurs ou bases de données internationales. Une connexion performante et permanente à internet est requise pour les ouvrages de référence et les abonnements à des revues scientifiques.


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COMMISSION DE L’OCEAN INDIEN SECRETARIAT GENERAL

APPEL A MANIFESTATION D’INTERET RECRUTEMENT D’UN CONSULTANT POUR LE RAPPORT D’ACHEVEMENT DU PROJET La Commission de l’Océan Indien (COI) est chargée de la mise en œuvre dans ses pays membres (Comores, France/Réunion, Madagascar, Maurice et Seychelles) du Projet d’appui à l’initiative régionale de prévention du VIH/SIDA/IST, financé par un don du Fonds Africain de Développement (FAD). Pour son exécution, le Secrétariat Général de la COI (SG-COI) est assisté d’une Unité de Coordination du Projet (UCP) chargée de la gestion quotidienne du projet. Le présent appel à manifestation d’intérêt s’adresse à des consultants individuels ressortissants des pays de la COI (Comores, France /Réunion, Madagascar, Maurice et Seychelles) et du Continent Africain. L’objet est de recruter un consultant, pour une durée maximale d’un mois calendaire, pour la facilitation, et la rédaction du rapport d’achèvement du projet AIRIS-COI. Les candidats intéressés sont invités à manifester leur intérêt à soumissionner pour cette consultance. Les Termes de Référence relatifs à ladite mission peuvent être obtenus sur demande à l’adresse ci-dessous. Le consultant sera sélectionné selon les règles de procédures du Groupe de la Banque Africaine de Développement (BAD).

Manifestation d’intérêt

Le dossier de manifestation d’intérêt devra comprendre : ◆ une lettre d’intention ; ◆ un curriculum vitae actualisé incluant les références du consultant sur des interventions similaires ; ◆ une proposition financière sous pli fermé séparé Le dossier pourra être remis, soit directement à l’adresse ci-dessous, soit par voie postale, soit par fax ou par courrier électronique avec demande d’accusé de réception, au plus tard le 11 avril 2011 à 15h00, heure de Maurice. Les enveloppes contenant les dossiers comporteront la mention suivante : « Manifestation d’intérêt pour le recrutement d’un consultant pour le rapport d’achèvement » Secrétariat Général de la Commission de l’Océan Indien c/o Projet AIRIS-COI - Avenue Farquhar - Quatre Bornes, Ile Maurice Tél. : +230 427 0137 ou 427 0147 - Fax : +230 427 6958 - E-mail : secretariat.airis@coi-ioc.org

COMMISSION DE L’OCEAN INDIEN SECRETARIAT GENERAL

AVIS D’APPEL A MANIFESTATION D’INTERET RECRUTEMENT D’ECONOMISTES DE LA SANTE POUR UNE MISSION DE COURTE DUREE La Commission de l’Océan Indien (COI) est chargée de la mise en œuvre dans ses pays membres (Comores, France/Réunion, Madagascar, Maurice et Seychelles) du Projet d’Appui à l’Initiative Régionale de prévention du VIH/SIDA/IST, financé par un don du Fonds Africain de Développement (FAD). Pour son exécution, le Secrétariat Général de la COI (SG-COI) est assisté d’une Unité de Coordination du Projet (UCP) chargée de sa gestion quotidienne. Le présent appel à manifestation d’intérêt s’adresse à des consultants individuels. L’objet est de recruter : 1. Un économiste de la santé dans chacun des pays ACP de la COI (Comores, Madagascar, Maurice et Seychelles). 2. Un économiste de la santé international. Les candidats intéressés sont invités à manifester leur intérêt à soumissionner pour ce poste : les candidatures féminines sont encouragées. Cet avis à manifestation d’intérêt permettra à l’UCP d’établir une liste restreinte des consultants jugés capables d’exécuter la mission. Une liste restreinte de cinq à sept consultants sera dressée à l’issue de l’appel à manifestation d’intérêt et la consultation se fera conformément aux règles de procédures de la BAD en matière d’utilisation de consultants. Il est à noter que l’intérêt manifesté par un consultant n’implique aucune obligation de la part de la COI d’inclure ce consultant dans la liste restreinte. Les Termes de Référence relatifs au poste à pourvoir sont disponibles sur demande auprès du projet à l’adresse ci-dessous. Le dossier de manifestation d’intérêt devra comprendre : ◆ une lettre d’intention ; ◆ n curriculum vitae actualisé incluant les références du consultant sur des interventions similaires. Le dossier pourra être remis, soit directement à l’adresse ci-dessous, soit par voie postale, soit par fax ou par courrier électronique avec demande d’accusé réception, au plus tard le 04 avril à 15h00, heure de Maurice. Les enveloppes contenant les dossiers comporteront la mention suivante : « Manifestation d’intérêt pour le recrutement d’économistes de santé » Projet AIRIS COI - Av. Farquhar - Quatre Bornes, Ile Maurice Tél. : +230 427 0137 ou 427 0147 - Fax : +230 427 6958 - e-mail : secretariat.airis@coi-ioc.org

JEUNE AFRIQUE N° 2618 – DU 13 AU 19 MARS 2011


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REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO - MINISTERE DE L’ENERGIE - BUREAU CENTRAL DE COORDINATION (BCECO)

AC

APPEL A LA MANIFESTATION D’INTERET

N° Avis : AMI/269/PMEDE/SNEL/BCECO/DG/DPM/HMS/2011/SC - Source de financement : Don IDA H 269 – DRC Nom du Projet : Projet de Développement des Marchés d’Electricité pour la Consommation Domestique et à l’Export (PMEDE) Services de Consultants : Recrutement du Consultant chargé du Diagnostic et du Renforcement de la structure de gestion de l’exploitation et de la maintenance dans les centrales hydroélectriques d’Inga 1 et 2 Date de publication : 13 mars 2011 - Date de clôture : Mercredi, le 6 avril 2011

Appel d’offre pour une évaluation externe des activités – 2011 WaterNet est un réseau régional pour le développement et le renforcement des capacités en Gestion Integrée des ressources en Eau (GIRE) en Afrique Australe par l’enseignement, la recherche et la formation. WaterNet Trust sollicite des appels d’offres scellés pour une évaluation externe du programme de WaterNet, phase 2. Les termes de références sont disponibles à : http://www.waternetonline.org/ExternalReview2011/ExternalReviewToR.pdf. La date limite pour la soumission des appels d’offre est fixée au 21 Mars 2011 (17h, Temps de L’Afrique Centrale). JEUNE AFRIQUE N° 2618 – DU 13 AU 19 MARS 2011

L’Association de Recherche, de Communication et d’Accompagnement à Domicile des personnes vivants avec le VIH/SIDA est une ONG malienne qui fait des prestations, prévention et soins des IST/VIH SIDA. Elle a besoin d’un Bus médicalisé pour faire le dépistage et la consultation médicale. Pour toutes informations s’adresser à ARCAD-SIDA :

arcadsida@arcadsida.org Tél. 00223 20 23 72 59 Bamako, Mali.

Manifestation d’intérêt - Appel d’offres

Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo a obtenu un don de l’Association Internationale de Développement (IDA) pour financer le « Projet de développement des Marchés d’Electricité pour la consommation Domestique et à l’Export » (PMEDE), et a l’intention d’utiliser une partie des sommes accordées pour financer les services du Consultant chargé du Diagnostic et du Renforcement de la structure de gestion de l’exploitation et de la maintenance dans les centrales hydroélectriques d’Inga 1 et 2. Les services dudit Consultant consistent principalement à : (1) évaluer la conduite et la maintenance des centrales hydroélectriques d’Inga 1 et 2. A ce propos, il devra au préalable procéder à l’ identification des faiblesses liées à la gestion actuelle de l’exploitation et de la maintenance et proposer ensuite une organisation efficace et viable de gestion de l’exploitation et de maintenance de toutes les installations et équipements de production du complexe hydroélectrique d’Inga et du réseau de transport au départ d’Inga (Poste de dispersion d’Inga) ; (2) définir la nature et les coûts d’une exploitation et d’un entretien efficaces des centrales et ouvrages d’Inga et évaluer les options institutionnelles pour l’exploitation et l’entretien.des barrages et digues du complexe hydroélectrique d’Inga. La mission du Consultant (firme) se déroulera en deux phases : 1re Phase : Cette phase consiste à poser le diagnostic de la maintenance, concevoir l’organisation à mettre en place afin de renforcer la structure de cette maintenance. Les différentes prestations du consultant sont : (a) la réalisation d’un diagnostic du système de maintenance en place et du personnel y affecté (outillages, approvisionnement, documents de gestion, stock, logistique…) ; de la gestion financière de la maintenance et des règles de prévention de sécurité ; (b) la conception d’une organisation et la définition d’une politique cohérente et adaptée de maintenance des installations de production hydroélectrique (centrales, barrages, canal d’amenée, etc..), et poste de dispersion d’Inga ; (c) l’évaluation des besoins en formation du personnel de SNEL affecté à la maintenance des installations et la proposition d’un programme de formation dudit personnel ; (d) la préparation des spécifications techniques en incluant les coûts estimatifs pour l’acquisition des matériels (outillage, véhicules,…) de maintenance ; etc. 2e Phase : Cette phase consiste à la mise en œuvre de différentes actions devant concourir à une maintenance systématique et normative des installations électriques hydroélectriques d’Inga notamment : (a) la mise en place d’une structure interne à la SNEL chargée de la gestion rationnelle de la maintenance ; (b) la mise en œuvre des procédures et modes opératoires de maintenance des équipements ainsi que les règles de sécurité et de prévention ; (c) l’implantation d’un système informatique pour cette maintenance ; (d) l’évaluation des options institutionnelles pour l’exploitation et l’entretien des barrages et digues du complexe hydroélectrique d’Inga ; etc. La durée totale de la mission du Consultant est de six mois dont trois mois pour la phase 1 et trois mois pour la phase 2. La mission se déroulera principalement en République Démocratique du Congo dont une bonne partie au site d’Inga, où l’ensemble des documents nécessaires à la mise en œuvre de la mission sera mis à la disposition du consultant et, une autre partie au siège de la SNEL à Kinshasa. La firme qui sera recrutée devra avoir une expérience confirmée et vérifiable d’au moins 10 ans dans les domaines de gestion de l’exploitation et de la maintenance des centrales hydroélectriques. Elle devra de même disposer d’un personnel-clé disposant respectivement d’un diplôme universitaire (BAC+4) dans sa spécialité d’une université reconnue et ayant une expérience éprouvée d’au moins 10 ans dans l’exploitation et la maintenance des installations hydroélectriques. Il est constitué d’au moins de : (1) Un Chef de projet ; (2) Un expert en électromécanique ; (3) Un expert en hydromécanique ; (4) Un expert en contrôle commande et protections ; (5) Un expert en barrages ; (6) Un expert en dragage ; (7) Un expert en transport d’énergie (postes et lignes HT) ; et (8) Un expert en gestion de stock et de l’outillage de maintenance. Le Bureau Central de Coordination (BCECO), pour le compte de la SNEL, invite les candidats admissibles à manifester leur intérêt à fournir les services décrits ci-dessus. Les consultants intéressés doivent fournir les informations indiquant qu’ils sont qualifiés pour exécuter les services demandés (références concernant l’exécution des contrats analogues, expériences antérieures pertinentes dans des conditions semblables, disponibilité des connaissances nécessaires, etc.). Un Consultant sera sélectionné en accord avec les procédures définies dans les Directives « Sélection et Emploi de Consultants par les Emprunteurs de la Banque Mondiale » (Edition mai 2004, révisée en octobre 2006). Les candidats intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires au sujet des services demandés, en particulier les termes de référence détaillés, à l’adresse indiquée ci-dessous, de lundi à vendredi aux heures suivantes : de 9h00 à 16h00 (heure locale) ou au courrier électronique indiqué ci-dessous. Les manifestations d’intérêt rédigées en langue française doivent parvenir, par courrier ou par courrriel, à l’adresse ci-dessous au plus tard le mercredi 6 avril 2011 et porter clairement la mention « AMI N° 269/PMEDE/SNEL/BCECO/DG/DPM/ HMS/2011/SC – Recrutement du Consultant chargé du Diagnostic et du Renforcement de la structure de gestion de l’exploitation et de la maintenance dans les centrales hydroélectriques d’Inga 1 et 2 ». BUREAU CENTRAL DE COORDINATION (BCECO) - Pour le compte de la Société Nationale d’Electricité (SNEL) A l’attention de Monsieur MATONDO MBUNGU, Directeur Général a.i Avenue Colonel Mondjiba, n°372 - Concession UTEXAFRICA - KINSHASA / NGALIEMA - REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO TEL. (+243) 81 513 67 29 – (+243) 81 9999 180 - Email : bceco@bceco.cd avec copie à dpm@bceco.cd; bcecobceco@yahoo.fr ; dpmbceco@yahoo.fr MATONDO MBUNGU Directeur Général a.i du BCECO


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REPUBLIQUE DU CAMEROUN

REPUBLIC OF CAMEROON

MINISTERE DE LA SANTE PUBLIQUE

MINISTRY OF PUBLIC HEALTH

Commission de Passation des Marchés des Equipements Sanitaires, du Matériel Médical et Biomédical, et des Médicaments

Medical Equipment and Drugs Tender’s Board

Paix – Travail – Patrie

Peace – Work – Fatherland

OPEN INTERNATIONAL INVITATION TO TENDER N° 004/OIIT/MOH/CPM-EMM/11 OF JANUARY 17 2011

Appel d’offres

FOR THE SUPPLY OF EQUIPMENT AND MEDICO-TECHNICAL MATERIALS FOR SOME DISTRICT HOSPITAL (DH) AND SOME HEALTH INTEGRETED CENTRE (HIC) IN AREAS (ADAMAOUA, EAST, FAR-NORTH AND SOUTH) OF CAMEROON 1 – PURPOSE Within the framework of the project of Construction, Rehabilitation and Equipment of District Hospitals (DH) and some Integrated Health Centres (IHC) in four Regions (Adamawa, East, Far-North and South) of Cameroon, financed by the Islamic Development Bank (ISDB), the Minister of Public Health hereby launches an Open International Invitation to Tender for the supply of equipment and medico-technical materials to some District Hospitals (DH) and some Integrated Health Centres (IHC) of the above mentioned Regions of Cameroon 2 – SCOPE OF SERVICES The services of this contact include supply, transportation, handling and reception of equipment and medico-technical materials to the DH and IHC, enumerated in point 13 of this invitation to tender. Technical characteristics and the list of equipment to be supplied are specified in SGC. 3 - PARTICIPATION AND ORIGIN The participation to the present call of offers is opened to the bidder of all nationalities, having an experience in the supply of this materials type. The foreign bidder must have a local representative for after-sales services. 4 – FINANCING The Islamic Development Bank (ISDB) in the framework of the multilateral financial cooperation financed the project of Construction, Rehabilitation and Equipment of DH and HIC in four regions (Adamawa, East, Far-North and South) of Cameroon for tax-free part and the Government of Cameroon for taxes. 5 – CONSULTATION OF TENDER FILE Tender files may be consulted during working hours upon publication of this tender notice at the Secretariat of Contracts Service of the Ministry of Public Health, situated near the headquarters of the Cameroon Red Cross in Yaoundé, Tel/fax: 22 22 02 26 or at the health the Project Implementation Unit-ISDB located on the first floor of building CRISAUTO ELIG-ESSONO opposite Hotel GRAND MOULIN. P.O.Box 13184 Yaounde-Cameroon Tel.: (237) 22 01 11 16 / 22 01 11 12, Fax: (237) 22 01 24 08; e-mail: yayadandi1@yahoo.fr. 6 – ACQUISITION OF TENDER FILES Tender files may be obtained during working hours at the Contracts Awards Service of the Ministry of Public Health, situated near the headquarters of the Cameroon Red Cross in Yaoundé, Tel/fax: 22 22 02 26, upon submission of a treasury receipt attesting to the payment of FCFA 400 000 (four hundred thousand) to the Treasury. 7. SUBMISSION OF OFFERS Each bid drafted in French or English in six (06) copies including one (01) original and five (05) copies labelled as such shall reach at the Secretariat of Contracts Service of the Ministry of Public Health, situated near the headquarters of the Cameroon Red Cross in Yaoundé, Tel/fax: 22 22 02 26, against acknowledgement of receipt not later than the April 28 2011 at 10 a.m. local time, and labelled: OPEN INERNATIONAL INVITATION TO TENDER N° 004/OIIT /MOH/CPM/ EMM/11 OF JANUARY 17 2011 FOR THE SUPPLY OF EQUIPMENT AND MEDICO-TECHNICAL MATERIALS IN SOME DISTRICT HOSPITAL (DH) AND SOME HEALTH INTEGRATED CENTRE (HIC) IN AREAS (ADAMAOUA, EAST, FAR-NORTH AND SOUTH) OF CAMEROON “TO BE OPENED ONLY AT THE TENDER REVIEW SESSION” 8 – ADMISSIBILITY OF OFFERS Each bidder shall include in his/her administrative file, a provisional guarantee issued by a well-established bank of an amount for every lots, with a validity period of one hundred and fifty (150) days, or by the bank recognize internationally for the foreign bidders. LOT CAUTION OF SOUMISSION in FCFA 1 2. 500. 000 2 20 000 000 Under penalty of rejection, the required administrative documents must be imperatively produced as original documents or photocopies certified as authentic by the issuing authority according with to the listing under the special tender regulations, within the last three months, otherwise they shall not be accepted. Any bid not in compliance with the specifications of this tender notice and file shall be rejected. Notably, the absence of the provisional guarantee issued by a well-established bank approved by the Ministry in charge of Finance or its non-compliance with the model documents of the tender file shall lead to outright rejection of the bid without any possibility of appeal. 9 - OPENING OF BIDS The bids shall be opened in one phase on April 28 2011 as from 11 a.m. local time by the Contract Award Board for Health Equipment, Medical and Biomedical Material and Drugs of MOH in the Conference Hall of the Tenders Board of MOH located at the CTPS building near the headquarters of the Cameroon Red Cross, in the presence of the bidders or their duly authorized representatives having full knowledge of the file. 10 – DELIVERY DEADLINE The deadline execution set by the contracting authority shall be one hundred and twenty (120) days. 11 – MAIN ELIMINATORY CRITERIA . Absence or non-compliance of bond; . Absence of authorization from manufacturer; . Delivery deadline over 120 days; . Absence of local representative for foreigners; . Inconformity of specifications of some important equipment; . Absence of training program; . Absence of technical documentation in English or French; . Inexhautiveness of supply proposed. A bid shall be rejected at this stage if it does not satisfy all these criteria. Successful tenders shall be evaluated for a second time.

JEUNE AFRIQUE N° 2618 – DU 13 AU 19 MARS 2011


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12 - MAIN QUALIFICATIONAL CRITERIA The evaluation criteria used shall be the binary system, and shall concern the following points: - Bid presentation (compliance of the proposed supplies with the specifications of the tender file, document and intercalary prescriptions); - Completeness and compliance of supplies proposed in the technical specifications of the tender files; - Conformity of indelible engraving appropriate to all equipment and medico-technical equipment with mention « RC – MINSANTE » - Bidders capacity - Experience in similar services and representation of an international firm specialised in the area concerned in accordance with Article 10 of this tender file; - Availability of spare parts; - After-sales Service.

AC

Bid that shall not obtain at least 80% of essential criteria shall be rejected. 13. MAXIMUM NUMBER OF LOTS: The goods are divided into two (02) different lots defined below:

Lot N°

Delivery deadline

Designation

AREAS Adamaoua

East

120 days

Far-North

South

Supply, Installation and Commissioning of Office Furniture, Maintenance Equipment and Miscellaneous for six (06) DH

Adamaoua East Far-North South

Adamaoua

2

120 days

Supply, Installation and Commissioning of Equipment and Medico-technical Equipment for twenty-seven (27) IHC.

East

Far-North

JEUNE AFRIQUE N° 2618 – DU 13 AU 19 MARS 2011

IHC MAYO-BALEO IHC DODEO IHC TCHABBAL-MBABO IHC MAYO-DANKALI IHC MICKEL IHC SALA-POUMBE IHC NGUILILI IHC ADJELA-NDONGO IHC YENGA IHC GUIRVIDIG IHC MAGA-URBAIN IHC MAZERA IHC POUSS IHC TEKELE IHC AFADE IHC GOULFEY IHC KOUSSERI –URBAIN IHC LOGONE-BIRNI IHC MALTAM IHC MARA IHC ZIMADO IHC GRAND –BATANGA IHC NKOLLO IHC ZINGUI IHC MBANG IHC NONG IHC EVOUZOCK DH TIGNERE DH MOULOUNDOU DH MAGA DH KOUSSERI DH AMBAM DH KRIBI IHC MAYO-BALEO IHC DODEO IHC TCHABBAL-MBABO IHC MAYO-DANKALI IHC MICKEL IHC SALA-POUMBE IHC NGUILILI IHC ADJELA-NDONGO IHC YENGA IHC GUIRVIDIG IHC MAGA-URBAIN IHC MAZERA IHC POUSS IHC TEKELE IHC AFADE IHC GOULFEY IHC KOUSSERI –URBAIN IHC LOGONE-BIRNI

Appel d’offres

1

Supply, Installation and Commissioning of Office Furniture for twenty-seven (27) IHC.

Delivery place


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MINISTERE DE LA SANTE PUBLIQUE (suite)

South

Supply, Installation and Commissioning of Equipment and Medico-technical Equipment of General Medicine, of Dental Medicine, of Operating Room, of Ophthalmology and ENT, Medical Imaging, Blood Bank and Laboratory for six (06) DH

Adamaoua East Far-North South

IHC MALTAM IHC MARA IHC ZIMADO IHC GRAND –BATANGA IHC NKOLLO IHC ZINGUI IHC MBANG IHC NONG IHC EVOUZOCK DH TIGNERE DH MOULOUNDOU DH MAGA DH KOUSSERI DH AMBAM DH KRIBI

Appel d’offres

The bidder shall propose one complete lot and may be awarded only one lot. Each lot shall constitute a bid. 14 – VALIDITY of offers Bidders shall be bound by their bids for a period of one hundred and twenty (120) days with effect from the date of opening of bids. 15 – FURTHER INFORMATION Further information may be obtained during working hours at the Execution Units for the Project of Construction, Rehabilitation and Equipment District Hospital (DH) and Health Integrated Centre (HIC) in four Areas (Adamawa, East, Far-North and South) of Cameroon. Project of cooperation: Ministry of Public Health and Islamic Development Bank (CEP Santé-BID), at the first stage of Building: CRIS-AUTO at ELIG-ESSONO opposite GRAND MOULIN Hotel. Tél. : (237) 22 01 11 16 / 22 01 11 12, Fax: (237) 22 01 24 08, e-mail: yayadandi1@yahoo.fr

THE MINISTER OF PUBLIC HEALTH

MINISTERE DE LA COMMUNICATION SECRETARIAT GENERAL RADIODIFFUSION TELEVISION DU BURKINA

BURKINA FASO Unité- Progrès- Justice

Avis d’Appel d’offres international N°2011- 01/MCTC/SG/DG RTB Financement : Budget de la RTB, gestion 2011 Objet : Acquisition d’un car de reportage numérique à six (06) caméras HD au profit de la RTB. 1. Le Directeur Général, Président de la Commission d’attribution des marchés de la Radiodiffusion Télévision du Burkina (RTB) lance un appel d’offres ouvert pour l’acquisition d’un car de reportage numérique à six (06) caméras au profit de la RTB en un (01) seul lot. 2. La participation à la concurrence est ouverte à toutes les personnes physiques ou morales agrées pour autant qu’elles ne soient pas sous le coup d’interdiction ou de suspension et ayant leur base fixe au Burkina Faso ou non, et en règle vis-à-vis de l’Administration de leur pays d’établissement ou de base fixe. Les entreprises non nationales sont tenues d’avoir une réprésentation au Burkina Faso ou être en groupements avec au moins une entreprise burkinabè. 3. Le délai de livraison ne devrait pas excéder : six (06) mois. 4. Les soumissionnaires éligibles, intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires et consulter gratuitement le dossier d’appel d’offres dans les bureaux de la Direction de l'Administration et des Finances (DAF) de la RTB 02 B.P. 2530 Ouagadougou 02 ; téléphone : +226 50-46-26-68 / +226 50-33-35-69 sis au 6ème étage de l'immeuble de la CGP sur l’Avenue du Général Aboubacar Sangoulé LAMIZANA. 5. Tout soumissionnaire éligible, intéressé par le présent avis, doit retirer un jeu complet du dossier d’appel d’offres dans les bureaux de la Direction de l'Administration et des Finances (DAF) de la RTB moyennant paiement d’un montant non remboursable de deux cent cinquante mille (250 000) F CFA auprès de l’Agence Comptable de la RTB sise à la Direction de la Télévision Nationale sur le Boulevard de la Revolution, téléphone +226 50 45 61 56. 6. Les offres présentées en un original et trois (03) copies, conformément aux Instructions aux soumissionnaires, et accompagnées d’une garantie de soumission d'un montant de vingt cinq millions (25 000 000) F CFA devront parvenir ou être remises au Secrétariat de la la Direction de l'Administration et des Finances (DAF), au plus tard le jeudi 28 avril 2011 à neuf (09) heures T.U. L’ouverture des plis sera faite immédiatement en présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent y assister. En cas d’envoi par la poste ou autre mode de courrier, la Personne responsable des marchés ne peut être responsable de la non réception de l’offre transmise par le soumissionnaire. 7. Les soumissionnaires resteront engagés par leurs offres pour un délai de quatre vingt dix (90) jours, à compter de la date de remise des offres. L'administration se réserve le droit d'apporter toute modification ultérieure ou de ne donner aucune suite à tout ou partie du présent appel d’offres. Le Président de la Commission d’attribution des marchés Yacouba TRAORE, Chevalier de l’Ordre National JEUNE AFRIQUE N° 2618 – DU 13 AU 19 MARS 2011


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PROJET DE REOUVERTURE ET D’ENTRETIEN DES ROUTES HAUTEMENT PRIORITAIRES, « PRO ROUTES »

AC

Fonds Fiduciaire BM-DFID (P101745)

Avis d’Appel d’Offres International (AAOI) - N°004/MITPR/CI/PRO-ROUTES/2011 « FOURNITURE DE CARBURANT ET LUBRIFIANTS POUR LA BRIGADE DE L’OFFICE DES ROUTES DE KALEMIE, PROVINCE DU KATANGA » 7. Les soumissionnaires intéressés peuvent obtenir un dossier d’Appel d’offres complet en français en formulant une demande écrite à l’adresse mentionnée ci-dessous contre un paiement non remboursable de 100 $ US (Cent Cinquante Dollars Américains). Ce montant peut être réglé en espèces à la caisse contre un reçu, par chèque certifié et/ou par virement direct sur le compte ci-après de la Cellule Infrastructures dans les livres RAWBANK en précisant le numéro du DAO pour lequel le versement est effectué (NUMERO DU COMPTE : 0501-0100132602-20 EURO, SWIFT: RAWBCDKIXXX, IBAN : FR76 0510005101010013260220). Le Dossier d’Appel d’Offres acquis sera expédié par voie électronique ou retrait à la Cellule Infrastructures. Sur demande du soumissionnaire et moyennant un paiement complémentaire forfaitaire de 50 USD (Cinquante Dollars Américains), la Cellule Infrastructures peut se charger d’expédier ledit dossier par courrier rapide. Elle ne sera en aucun cas tenue responsable des retards ou pertes subis durant cet acheminement. 8. Les Offres devront être soumises à l’adresse ci-dessous au plus tard le 28 avril 2011 à 15h00’. La soumission des offres par voie électronique « n’est pas » autorisée. Les offres remises en retard ne seront pas acceptées. Les offres seront ouvertes au jour ci-dessus en présence des représentants des soumissionnaires présents en personne, à l’adresse mentionnée ci-dessous à 15h30’ (heure locale). Les Offres doivent comprendre « une Garantie d’Offre », pour le montant fixé dans le Dossier d’Appel d’Offres et par lot comme suit: - Lot 1 : 20.000 USD - Lot 2 : 3.000 USD 9. L’adresse à laquelle il est fait référence ci-dessus est la suivante : Cellule Infrastructures 70A, Avenue Roi Baudouin, n°70A, Kinshasa/Gombe République Démocratique du Congo Téléphone : (+243) 81.037.64.94 E-mail : celluleinfra@vodanet.cd - Site web : www.celluleinfra.org Kinshasa, le 08 Mars 2011 Amidou SERE Coordonnateur

MINISTERE DE LA DEFENSE NATIONALE DIRECTION GENERALE DU SERVICE DE SANTE MILITAIRE

AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL Visa de conformité juridique Date de lancement : 13 mars 2011 - Appel d’offres : N°01/MDN/DGSSM/2011 Nom du projet : Fourniture, installation et mise en service d’un scanner 64 coupes pour le service d’imagerie médicale de l’Hôpital d’Instruction des Armées Omar BONGO ONDIMBA de Libreville Gabon Source de financement : Budget de l’Etat gabonais 1. OBJET La Direction Générale du Service de Santé Militaire lance un appel d’offres pour l’acquisition d’un scanner 64 coupes. Le soumissionnaire retenu assurera l’installation, la mise en service, la formation du personnel ainsi que la maintenance de l’appareil fourni. 2. ALLOTISSEMENT Les prestations sont réparties en lot unique et indivisible. 3. PARTICIPATION Sont admis à concourir, toutes les entreprises, sociétés, personnes physiques et morales non concernées par les mesures d’exclusions des articles 11, 127 et 128 du décret n°001140/MEFBP du 18 décembre 2002 portant Code des Marchés Publics. 4. RETRAIT DU DOSSIER ET RENSEIGNEMENTS Tout soumissionnaire intéressé par le présent avis, peut retirer un jeu complet du dossier d’appel d’offres à l’adresse ci-dessous moyennant le paiement au Trésor Public d’un montant non remboursable de 500 000 F CFA. Ministère de la Défense Nationale - Direction Générale du Service de Santé Militaire Sise au 1er étage de l’immeuble abritant le Secrétariat Général du Ministère de la Défense BP 2154 Libreville Tel : (241) 76 - 35 – 39 / 72 – 33 - 58 Fax 77 - 21 – 56 - edourommel@yahoo.fr Les soumissionnaires intéressés peuvent obtenir des renseignements complémentaires à la même adresse ou sur le site Internet de la Direction Générale des Marchés Publics http://www.marchespublics.gouv.ga 5. DEPÔT DES OFFRES ET GARANTIE DE SOUMISSION Les offres doivent être déposées à l’adresse mentionnée ci-dessus, au plus tard le 28 avril 2011 à 10 heures (heure locale) et être accompagnées d’une garantie de soumission d’un montant équivalent à 2 % du montant de l’offre. 6. OUVERTURE DES PLIS Les plis seront ouverts en présence des représentants des soumissionnaires qui le souhaitent, le 28 avril 2011 à 11 heures (heure locale) dans l’auditorium de l’Hôpital d’Instruction des Armées Omar BONGO ONDIMBA. Le Directeur Général des Marchés Publics Le Directeur Général du Service de Santé Militaire par intérim Jean Félix SOCKAT Médecin Général Romain TCHOUA

JEUNE AFRIQUE N° 2618 – DU 13 AU 19 MARS 2011

Appel d’offres

1. Cet Avis d’appel d’offres fait suite à l’Avis Général de Passation des Marchés paru le 12 Février 2008 et le 21 mai 2009 dans le Dg Market. 2. Le Gouvernement de la République Democratique du Congo a sollicité et obtenu des dons d’un Fonds Fiduciaire (DFID) et de l’Association Internationale pour le Développement qui totalisent environ 123 millions de dollars des Etats-Unis pour financer « le Projet de réouverture et d’entretien des routes hautement prioritaires, PRO-ROUTES », et a l’intention d’utiliser une partie de ces dons pour effectuer des paiements au titre des marchés de fournitures de carburants et lubrifiants figurant au point 3 ci-après. La passation des Marchés sera conforme aux règles et procédures d’éligibilité de la Banque mondiale et aux dispositions spécifiques des Accords de financement du projet PRO-ROUTES. 3. La Cellule Infrastructures sollicite des Offres fermées de la part des soumissionnaires éligibles et répondant aux qualifications requises pour fournir des articles suivants repartis en lots indivisibles, chaque lot constituant un marché : 3.1. Pour la Brigade de Kalemie avec livraison à Kalemie : - Lot 1: 600 m3 de Gasoil - Lot 2: 35.100 litres de Lubrifiants et 3.600 kg de Graisse 4. La Passation de Marchés sera conduite par Appel d’Offres Ouvert International tel que défini dans les « Directives : Passation des marchés financés par les Prêts de la BIRD et les Crédits de l’IDA », édition Mai 2004 et révisée en Octobre 2006 et Mai 2010, ouvert à tous les soumissionnaires de pays éligibles tels que definis dans les Directives. 5. Les soumissionnaires éligibles et intéressés peuvent obtenir des informations auprès de la Cellule Infrastructures ; sise avenue Roi Baudouin, n°70A, à Kinshasa/Gombe (RDC), Tél. (+243) 81 037 64 94, E-mail : celluleinfra@vodanet.cd et prendre connaissance des documents d’Appel d’offres à l’adresse mentionnée ci-dessous de 9h00’ à 16h00’. 6. Les exigences en matière de qualification sont : la conformité aux spécifications, le délai de livraison et le montant de l’offre (priorité au moins disant). Une marge de préférence « ne sera pas » octroyée aux soumissionnaires nationaux éligibles. Voir le document d’Appel d’offres pour les informations détaillées.


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AC

REPUBLIQUE DU SENEGAL Un Peuple – Un But – Une Foi

Ministère de la Coopération Internationale, des Transports Aériens des Infrastructures et de l’Energie (MICITIE)

REPUBLIQUE DU SENEGAL

AGEROUTE SENEGAL

(Agence des Travaux et de Gestion des Routes)

Dossier d’Appel d’Offres International

Appel d’offres

pour les travaux de Construction et de bitumage de la route MATAM-LINGUERE : Section : Patouki-Ourossogui d’environ 41 km. N° D/777/A3 1. Cet Avis d’appel d’offres International fait suite à l’Avis Général de Passation des Marchés de l’AGEROUTE paru dans les journaux « le Sud Quotidien » du 31 décembre 2010 et « Le Quotidien » du 3 janvier 2011. 2. L’Agence des Travaux et de Gestion des Routes (AGEROUTE), agissant au nom et pour le compte du Ministère de la Coopération Internationale, des Infrastructures, des Transports Aériens et de l’Energie, comme maître d’ouvrage délégué, a obtenu du Fond Koweitien pour le Développement Economique Arabe (ci-après dénommée F.K.D.E.A dans tout ce document) un prêt, avec l’intention d’utiliser une partie de ces fonds pour effectuer des paiements au titre du marché pour les travaux de construction et de bitumage de la route Matam - Linguère (Section Patouki – Ourossogui d’environ 41 km). 3. L’AGEROUTE sollicite des offres fermées de la part de candidats éligibles et répondant aux qualifications requises pour effectuer les travaux de construction et de bitumage de la route Matam- Linguère (Section Patouki – Ourossogui d’environ 41 km). 4. La passation du Marché sera conduite par Appel d‘offres International tel que défini dans l’accord de prêt signé avec le Fonds Koweitien et en application des dispositions du Code des Marchés publics et ouvert à tous les candidats éligibles comme défini ci-après : l’Appel d’Offres est réservé uniquement aux entreprises koweïtiennes de catégorie A et aux entreprises originaires des pays membres de la Banque Islamique de Développement (BID). Les listes des entreprises koweitiennes retenues sont jointes ci-après. Les entreprises originaires des pays membres de la BID devront répondre aux critères suivants : (i) être crées ou installées dans un pays membre ; (ii) avoir leur lieu d’activité dans un pays membre ; (iii) appartenir pour plus de 50% à une ou plusieurs entreprises installées dans un ou plusieurs pays membres (ces entreprises doivent également remplir le critère de nationalité par rapport à ces pays) et /ou à des ressortissants de ces mêmes pays membres ; (iv) disposer d’au moins de 80% de l’ensemble des personnes qui doivent assurer des prestations dans le cadre du marché à exécuter dans le pays où les biens et services sont à fournir ou qui sont employées directement par l’entreprise ou par un sous-traitant. Les entreprises originaires des pays membres de la BID désireuses de présenter une offre sont appelées à chercher un partenaire parmi les entreprises koweïtiennes figurant sur la liste ci-après. Une offre n’est valable que si elle est présentée par un groupement composé d’entreprises koweïtiennes et d’entreprises originaires de pays membres de la BID. Une offre présentée individuellement par une entreprise originaire des pays membres de la BID ou koweïtienne ne sera pas admise. Les offres présentées par un groupement de deux ou plusieurs entrepreneurs associés doivent répondre aux conditions suivantes : • l’offre et, dans le cas ou elle est retenue, le modèle de marché, seront signés de telle sorte qu’ils engagent légalement tous les membres du groupement ; • un des membres du groupement sera désigné comme responsable principal ; il apportera la preuve que cette désignation a été préalablement autorisée en présentant un pouvoir délivré par les signataires dûment autorisés de chacun des membres du groupement ; • le responsable du groupement sera autorisé à assumer les responsabilités et recevoir les instructions de tous les membres du groupement et l’ensemble de l’exécution du marché lui sera exclusivement confié ; il sera le seul intermédiaire pour les paiements effectués ; • tous les membres du groupement seront responsables conjointement et solidairement de l’exécution du marché et une déclaration à cet effet sera jointe à l’autorisation à laquelle il est fait référence ci-dessus, ainsi qu’à la soumission et à la convention (dans le cas où leur offre est retenue) ; • un exemplaire de la convention liant les membres du groupement sera joint à la soumission. 5. Les candidats intéressés peuvent obtenir des informations auprès de l’AGEROUTE – au Siège auprès de Mr Moustapha FALL : mfall@aatr.sn – à l’Antenne régionale de SAINT – LOUIS / MATAM - auprès de Mr Mor Gueye GAYE : mgaye@aatr.sn et prendre connaissance des documents d’Appel d’offres à l’AGEROUTE sise à la Rue David Diop x Rue F Fann Résidence Dakar à compter du 14 mars 2011 à 10 heures. 6. Les exigences en matière de qualifications sont : • Disposer de liquidités et/ou de facilités de crédit net de tout autre engagement contractuel et à l'exclusion de tout paiement d'avance qui pourrait être fait dans le cadre du Marché, d'au moins Deux Milliards (2 000 000 000) de F.CFA ; • Avoir réalisé un chiffre d'affaires moyen annuel pour des travaux de construction de Vingt Quatre Milliards (24 000 000 000) de Francs CFA au moins au cours des cinq (5) dernières années à compter de 2006 et ayant présenté une situation financière saine et positive. Dans le cas d’un groupement, les chiffres pour chacun des membres du groupement seront ajoutés pour déterminer si cette condition est remplie. Cependant, pour que le groupement soit éligible, chacun des membres devra remplir au moins 50% de ce critère minimum et le chef de file 70% ; • avoir une expérience en tant qu’entreprise principale pour la construction, au cours des cinq (5) dernières années, d’au moins deux (2) ouvrages de nature et de complexité similaires (Le linéaire minimum de route bitumée avec revêtement en béton bitumineux devra être d’au moins 50 km pour

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AC

LISTE DES ENTREPRISES KOWEITIENNES PRESELECTIONNEES Entreprises

Téléphone

Fax

1 Burhan Internationnal Construction Company

+(965) 2484 4663

+(965) 2481 1196

2 Mouhammad Abdulmonhsin Al-Kharafi & Sons General Trading & Contracting

+(965) 2481 3622

+(965) 2481 3740

3 Ahmadiah Contracting & Trading Company

+(965) 2481 3414

+(965) 2483 1367

4 Combined Group Company for Trading & Contracting

+(965) 2484 1137

+(965) 2484 4387

5 United Gulf Construction Co.

+(965) 2474 7188

+(965) 2471 8923

6 Shaheen al Ghanim Roads & Bridges Co.

+(965) 2434 3520

+(965) 2434 3019

7 Mushrif Trading & Contracting Co.

+(965) 2476 6172

+(965) 2474 1423

8 Copri Construction Entreprise

+(965) 2483 5596

+(965) 2483 2318

9 Boodai Construction Company 10 House of Trade & Contracting Co.

+(965) 2242 1968

+(965) 2242 1969

+(965) 2461 0946

+(965) 2461 0940

11 Consolidaded Contractors Company (Kuwait)

+(965) 2398 0355

+(965) 2398 5320

12 Kuwait Company for Prosses Plant Construction & Contracting

+(965) 2246 6650

+(965) 2245 1410

13 Al-Ghanim International General Trading & Contracting

+(965) 2280 4044

+(965) 2484 7197

14 First Kuwaiti Trading & Contracting Co.

+(965) 2242 5200

+(965) 2240 6421

15 Green Line General Trading and Contracting Company

+(965) 2571 0133

+(965) 2571 0083

16 Arab Contractor (Kuwait) Co.

+(965) 2241 1925

+(965) 2240 2418

17 Kuwait Systems General Trading & Contracting Compagny

+(965) 2224 6152

+(965) 2224 6159

18 Mubarak al-Hajraf Est for Trading & Contracting

+(965) 2484 2904

+(965) 2484 2904

19 Medco General Trading and contracting Co.

+(965) 2241 6904

+(965) 2245 7939

20 Sai General Trading and Contracting Co

+(965) 2482 2190

+(965) 2482 1669

JEUNE AFRIQUE N° 2618 – DU 13 AU 19 MARS 2011

Appel d’offres

une route en 2 voies ou 25 km en 2 x 2 voies ou plus). Pour cette condition, les ouvrages mentionnés devraient être achevés à hauteur d’au moins 75%. L’évaluation de ces références sera basée sur des attestations fournies par les maîtres d’ouvrages. Ces attestations (original ou photocopie légalisée) porteront la signature du Maître d’Ouvrage et devront préciser : - l’intitulé du projet ; - les principales caractéristiques ; - le montant des travaux. Cette condition devra être entièrement remplie par le chef de file. 7. Les candidats intéressés peuvent obtenir un dossier d’Appel d’offres complet en formulant une demande écrite à l’adresse de l’AGEROUTE mentionnée ci-dessus contre paiement d’un montant non remboursable de Trois Cent Mille (300 000) F CFA par chèque certifié et barré émis au nom de l’AGEROUTE ou par versement au compte n° 022007105706.54 ouvert au nom de l’AGEROUTE auprès de la banque SGBS sise à l’Avenue du Président Léopold Sédar SENGHOR à Dakar. Le dossier d’Appel d’offres peut être retiré au siège de l’AGEROUTE sise à l’adresse indiquée ci-dessous à compter du 14 mars 2011. 8. Les offres devront être soumises à l’AGEROUTE sise à l’adresse mentionnée ci-dessus au plus tard le 17 mai 2011 à 10 heures 30 minutes précises. Elles seront ouvertes en présence des représentants des candidats qui souhaitent y assister à l’AGEROUTE à l’adresse ci-dessus le 17 mai 2011 à 10 heures 30 minutes précises Les offres doivent comprendre une garantie de soumission d’un montant de Trois Cent Millions (300 000 000) de FCFA et rester valides pour une durée de 120 jours à compter de la date limite de leur remise. Les offres remises en retard ne seront pas acceptées. 9. Le soumissionnaire est tenu de visiter les sites des ouvrages et ses environs et d’obtenir par lui même et à ses risques tous les renseignements qui peuvent s’avérer nécessaires pour la préparation de l’offre et la conclusion d’un marché pour la réalisation des travaux. Les coûts liés à cette visite sont à la charge du soumissionnaire. Cette visite est obligatoire et elle permettra aux soumissionnaires d’éclaircir certains points du dossier qui auraient pu leur sembler obscurs. Une attestation de cette visite des lieux sera délivrée par le représentant de l’AGEROUTE. Cette attestation devra être incluse obligatoirement dans la soumission. 10. Le délai d’exécution sera au maximum de 14 mois. Le Directeur Général de l’AGEROUTE Ibrahima NDIAYE


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Divers - Appel d’offres

AC

Plan Cameroon/Global Fund Project Opposite German Embassy P.O. Box 25236

INTERNATIONAL CALL FOR BIDS

Plan Cameroon is an international Child Centered Community Development Organization with no religious,political or governmental affiliation working in Cameroon since 1996. Plan is a child centered organization with primary concern on children’s rights,safety and well being and has in its interest to create safe environments for children with more attention paid to child protection.All employees and partners are therefore expected to comply with our Child protection policy. Plan Cameroon has been granted the opportunity to implement the Global fund Project Round 9 (malaria component) for the next five years over the country. Plan Cameroon desires to purchase the following goods: I- VEHICLES : • (01) VEHICLE STATION WAGON 4X4: Diesel (double Tank 87L+63L), 5 Speed manual, 5 doors, Tyres 265/65R17,Wheelbase 2790 mm,Cylinder 2986 cc,Air Conditioned,Air bags driver and passengers,Power assisted steering,07 Seater ,CD player; • (02)VEHICLES PICK-UP 4X4 DOUBLE CABIN:Diesel,5 Speed manual,Air Conditioned,Power assisted steering,05 Seater,CD player. II- OFFICE MATERIALS: • (05) LAPTOPS: Minimum configuration Core i5 560M / 2.66 GHz - vPro - RAM 2 GB - HDD 320 GB - DVD±RW (±R DL) /; DVD-RAM - NVS 3100M - Gigabit Ethernet -WLAN:802.11 a/b/g/n,Bluetooth 2.1;EDR -TPM - fingerprint reader,Smartcard reader -Windows 7 Pro - 14";Widescreen LED backlightTFT 136; • (15) DESKTOP COMPUTERS :Minimum configuration Hard Disk:CMT - 1 x Core 2 Duo E4600 / 2.4 GHz - RAM 1 GB - HDD 1 x 80 GB – DVD±RW (±R DL) / DVD-RAM - Gigabit Ethernet –Windows 7 Pro 32 Bits;Monitor:Flat panel display -TFT - 17"; • (15) UNINTERRUPTIBLE POWER SUPPLIERS : 540 Watts / 1500 VA, Input 230V / Output 230V, Interface Port USB; • (14)VIDEO PROJECTORS :LCD projectors - 2700ANSI lumens - XGA (1024 x 768) - 4:3; • (14) PRINTERS BLACK/WHITE: laser - A3/A4 - 1200 ppp x 1200 ppp – up to 16 ppm - capacity: 350 leaves – parallel,series,Network Card orWIFI; • (01) COLOR PRINTER :duplex - laser - Legal - 1200 dpi x 600 dpi - up to 30 ppm (mono) /up to 30 ppm (color) - capacity:350 sheets - USB,1000Base-T,Dimensions (WxDxH) 20.2 in x 19.3 in x 14.1 in,WIFI CARD; • (01) PHOTOCOPIER : Print Speed - 18ppm Mono; Print Resolution - 1200 x 600 dpi; Max Paper

MINISTERE DES MINES

République du Mali

Un Peuple - Un But - Une Foi

DIRECTION ADMINISTRATIVE ET FINANCIERE

Avis de Report Le Ministre des Mines porte à la connaissance des soumissionnaires que suite au lancement dans l’Hebdomadaire International “JEUNE AFRIQUE” n° 2616 du 27 février 2011 au 5 mars 2011 de l’avis de manifestation d’intérêt relatif à l’étude pour la réforme institutionnelle du secteur pétrolier, que la date d’ouverture des plis initialement prévue le 5 mars 2011 est reportée au vendredi 15 avril 2011 à 10 heures.

Bamako, le 8 mars 2011 La Directrice Administrative et Financière Mme DIAKITE Mama Anta M’BODJ Inspecteur des Services Economiques

T + (237) 22 21 54 58 F + (237) 22 21 54 57 www.plan-international.org

Size -A3;Network –Yes;Duplex – Option;ADF – Option;Finishing Options –Yes;Memory - 16MB ROM,128MB RAM;Black &White Device;Laser Printer; • (05) SCANNERS:Scanner type:flatbed,Scan resolution,optical :Up to 4800 dpi,Bit depth:96-bit, Levels of grayscale: 256, Scan size, maximum (flatbed): 8.5 x 12.3 in, Scan file format:Windows: BMP, JPEG, GIF,TIFF,TIFF compressed, PNG, PCX, Flashpix (FPX), PDF, PDF searchable, RTF, HTM, TXT;Macintosh:TIFF,PICT,JPEG,GIF,Flashpix,PlainText,PDF,HTML,RichText; • (04) DIGITAL CAMERAS:compact - 12.1 Mpix - optical zoom:4 x - supported memory:MMC,SD, SDXC,SDHC,MMCplus – silver. All Bids should carry the different descriptions, Unit price and delivery date for each item and forwarded in a sealed envelope to the attention of the Global Fund Project Manager carrying their various inscriptions: I-“Vehicles Global Fund Project” II-“Office materials Global Fund Project” THE REQUIREMENTS FOR QUALIFICATIONS ARE: • Justify the availability of after sale services (stocks of spare parts); • Cloned computers will not be accepted; • The original brochures and catalogs describing the proposed equipments; • The tenders will remain committed to their bids for a period of ninety (90) days after the deadline for submission of bids; • If sent by mail or other means,Plan Cameroon is not responsible for non receipt of the document by the tender. DELIVERY TERMS: • Goods should be delivered at Plan Cameroon’s Office located at the address indicated below; • Prices should be free of Custom duties. This request is open to the general public for their bids after which there will be a selection process and the selected company will be contacted. Selected bids should be sent to the following address: Plan Cameroon’s Country Office situated at Nouvelle Route Bastos,Opposite German Embassy,P.O.Box 25236,Messa-Yaoundé,Tel.(237) 22 21 54 58 or by Email Cameroon.co@plan-international.org Deadline of submission of bids:04th April 2011 at 5:00 pm GMT Famari BARRO COUNTRY DIRECTOR PLAN CAMEROON

POSTE VACANT : SECRETAIRE EXECUTIF La Coalition pour une Cour africaine des Droits de l’Homme et des Peuples plus Effective dispose d’un poste vacant pour un secrétaire exécutif. Le travail s’effectue à Arusha, en Tanzanie, et nécessite de nombreux déplacements à l’étranger. Un salaire conséquent sera attribué au postulant retenu, en fonction de ses compétences et de son expérience. Pour plus d’informations, consultez notre site internet www.africancourtcoalition.org. Merci d’envoyer votre CV et lettre de recommandation à l’attention de M.Tito BYENKYA avant le 31 mars à

admin@africancourtcoalition.org

Retrouvez toutes nos annonces sur le site : www.jeuneafrique.com JEUNE AFRIQUE N° 2618 – DU 13 AU 19 MARS 2011


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Reprise des activités de la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières

AC

La Bourse Régionale des Valeurs Mobilières de l’Afrique de l’Ouest - UEMOA, BRVM Informe les Emetteurs, les Intermédiaires et les Investisseurs que la suspension des séances de cotation effective depuis le 14 février 2011 est levée depuis le 1er mars 2011. Les séances de négociation, de cotation, de Règlement / Livraison et toutes les opérations de gestion et d’administration sur titres cotés à la BRVM et inscrits au DCBR ont repris depuis le 1er mars 2011 Les structures Centrales du marché ont mis en place un Plan de Continuité des Activités sur un site de repli situé à Bamako au Mali. La BRVM et le DCBR assurent les acteurs du marché du fonctionnement normal de la Bourse et du Dépositaire, d’un service sécurisé et intègre placé sous le contrôle du CREPMF, Autorité de contrôle et de régulation du MFR. La BRVM et le DC/BR remercient tous les intervenants du marché pour la confiance qu’ils ont montré envers le Marché Financier Régional (MFR) de l’UEMOA pendant cette période difficile. Pour toute information et communication financière : BRVM Site de repli : Immeuble SONAVIE, Hamdallaye ACI 2000, B.P.E 1398 Bamako Tél: (223) 44 90 18 10 Fax : (223) 44 90 18 11 E-mail : brvm@brvm.org - Site internet : www.brvm.org

JEUNE AFRIQUE N° 2618 – DU 13 AU 19 MARS 2011

Divers

La Direction Générale


96 VOUS & NOUS

COURRIER DES LECTEURS Une liste des dictateurs et de leurs forfaits

RÉVOLUTIONS LA LIGUE @RABE DU NET

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 51e ANNÉE • N° 2617•du 6 au 12 mars 2011

www.jeuneafrique.com

■ Votre relation des événements dans les pays arabes est exemplaire, et je vous félicite d’avoir fait votre révolution même si vos combats sont bien plus anciens SUITE ET FIN que ces événements. L’AGONIE DU DICTATEUR LIBYEN INQUIÈTE SES OBLIGÉS, RÉJOUIT SES ENNEMIS Vous méritez toujours ET SOULAGE LA MAJORITÉ DE SES PAIRS Enquête dans les coulisses de la Libyafrique plus le respect de vos lecteurs. À quand la fin des dictateurs subsahariens ? J.A. no 2617. L’alternance est la seule solution politique. Mais les despotes ont bien compris une chose : il faut corrompre l’opposition pour durer. Tout cela n’est pas l’apanage des pays africains. L’Asie, l’Europe orientale et même, sans aucun doute, l’Europe occidentale, devraient faire leurs révolutions. Là où l’alternance est impossible, les peuples arabes ont choisi la révolte démocratique. D’autres vont suivre leur exemple. En disant cela, assis dans mon fauteuil, je ne risque rien, alors que ces gens mettent en jeu leur vie pour la liberté. Dressez chaque lundi la liste des dictateurs et de leurs méfaits ! Seuls les peuples en colère, hélas, se libéreront de leurs oppresseurs. Le jour où les Africains découvriront à quel point ils ont été spoliés par des dirigeants sans scrupules, d’ailleurs appuyés par de puissants intérêts économiques étrangers, je ne doute pas qu’il y aura d’autres révolutions. Votre relation de la crise ivoirienne est elle aussi exemplaire : M. Gbagbo a maintenant trop de sang sur les mains… PATRICE CHEVY, GARCHES, FRANCE ÉDITION GÉNÉRALE

France 3,50 € • Algérie 170 DA • Allemagne 4,50 € • Autriche 4,50 € • Belgique 3,50 € • Canada 5,95 $ CAN • Danemark 35 DKK • DOM 4 € Espagne 4 € • Éthiopie 65 Birr • Finlande 4,50 € • Grèce 4,50 € • Italie 4 € • Maroc 23 DH • Mauritanie 1100 MRO • Norvège 41 NK • Pays-Bas 4 € Portugal cont. 4 € • RD Congo 5,50 $ US • Royaume-Uni 3,50 £ • Suisse 5,90 FS • Tunisie 3,30 DT • USA 6,50 $ US • Zone CFA 1700 F CFA • ISSN 1950-1285

Quand le peuple trinque

■ Nos dirigeants doivent arrêter de jouer à l’autruche pour résoudre les crises qui secouent le continent. On note

un enlisement en Côte d’Ivoire, où le panel désigné pour trouver une solution ne cesse de reporter l’annonce des décisions contraignantes pour les deux parties. Et c’est le peuple qui trinque. Tout le monde est d’accord pour dire que Ouattara a gagné l’élection. Au lieu de chercher à vouloir plaire à je ne sais qui, il faut trouver une solution qui va faire partir le perdant, point barre. Pourquoi tourner autour du pot ? À propos de la Libye, je me demande qui est ce chef qui prétend aimer son peuple tout en le traitant de « bande de rats ». Kaddafi voit le complot partout et refuse d’affronter la réalité. Je voudrais qu’un contradicteur me démontre que les principes modernes de la démocratie sont nés en Afrique. S’ils nous viennent de l’Occident, qu’on les applique tels quels (alternance au pouvoir, liberté, multipartisme…), qu’on arrête de nous agiter la menace islamiste. Ou alors, pourquoi ne pas se mettre à l’école chinoise ? Malgré le manque de démocratie, il y a alternance au pouvoir, et l’année prochaine la Chine changera de dirigeants sans élections démocratiques. Quelle belle leçon ! JULIEN EWULGA, LYCÉE BILINGUE DE MUÉA-BUÉA, CAMEROUN

La statue de Bourguiba

■ Je cite Si Béji Caïd Essebsi, actuel Premier ministre tunisien, qui disait: « Lorsque le temps fera son œuvre, que le bon grain se sera débarrassé de l’ivraie, et que l’Histoire prendra le pas sur l’actualité, Habib Bourguiba sortira alors du purgatoire et la statue équestre du plus illustre des Tunisiens reprendra sa place à Tunis, sur l’avenue HabibBourguiba, face à la statue d’Abderrahman Ibn Khaldoun, le sociologue tunisien le plus illustre de tous les temps. » Même si Bourguiba a commis des erreurs politiques, il reste le fondateur de la Tunisie moderne, instruite, éveillée et respectée dans le monde. Il reste le libérateur de la femme tunisienne, celui qui a sorti le peuple de l’obscurantisme. L’identité ne se construit pas que sur la fiesta. Le nondit, les secrets de famille, le silence, la négation et la scotomisation sont schizophréniques. On ne peut construire que sur la vérité et la réalité. Alors ? Mes chers amis, réconcilions-nous avec notre histoire dans toutes ses composantes. On avancera mieux, plus vite et surtout dans la cohérence. À ce titre, Si Béji, au nom de la restauration

Droit de réponse à... Laico Hotels & Resorts Management Nous démentons catégoriquement le contenu de l’article paru dans le no 2617 de J.A. En effet, Laico Hotels & Resorts Management (société de gestion hôtelière) a racheté, en 2009, les 25 % de part détenus par Aziz Miled, qui n’est donc plus notre partenaire. Par ailleurs, Laico Management continue son développement dynamique et gère avec succès 14 hôtels pour le compte de différents propriétaires, dont Laico Investment. La société

négocie en ce moment même de nouveaux contrats de management afin d’agrandir son portfolio d’hôtels à l’international. Et Laico Management transfère son siège à Bruxelles tout en gardant des bureaux régionaux à Tunis et à Nairobi. Nous estimons que ces affirmations erronées nous portent gravement préjudice. Réponse : L’article incriminé relatait le lancement, en 2008, de Laico Hotels & Resorts, né

d’un partenariat, à l’époque, entre la société Tunisian Travel Service et la Libyan African Investment Company (Laico). Quant aux réserves sur les investissements libyens dans le secteur de l’hôtellerie en Afrique, elles paraissent justifiées au regard de l’actualité. Même si cela ne remet pas en cause, en effet, les activités propres de gestion hôtelière du groupe Laico Hotels & Resorts Management. J.A. reviendra sans doute sur ce sujet.

J E U N E A F R I Q U E N ° 2 6 18 • D U 13 A U 19 M A R S 2 0 11


VOUS & NOUS 97 de notre identité, au nom de « la vérité dans la parole et le dévouement dans l’action », rendez-nous la statue équestre de Bourguiba sur l’avenue qui porte son nom. ZINE EL ABIDINE ENNAIFER, E-MAIL

Obama et la géopolitique

■ Si George W. Bush était au pouvoir, que serait devenue la révolution tunisienne ? La réponse à cette question nous montre à quel point la présidence d’Obama est une révolution en matière de géopolitique. Cela d’autant que les Américains ont joué un rôle crucial dans le succès de ce qui s’est passé. Contrairement à Michèle Alliot-Marie, l’exministre française des Affaires étrangères, qui a volé au secours de Ben Ali, les Américains étaient clairs et nets : le départ inévitable des présidents tunisien et égyptien. Les observateurs n’ont pas noté qu’Obama a du sang tiers-mondiste, si je puis dire. Contrairement aux autres dirigeants occidentaux, qui étaient persuadés que les Arabes ne méritaient pas la démocratie, Obama y croyait. C’est d’ailleurs dans ce contexte qu’on peut replacer son discours historique au Caire, en 2009. FATHI TOUNAKTI, HAMMAM LIF, TUNISIE

Crise ivoirienne : lʼUnion africaine prend son temps

■ Le panel des cinq chefs d’État africains qui doit apporter une solution pacifique à la crise ivoirienne à travers des mesures contraignantes s’est octroyé tout le mois de mars pour réfléchir encore. Ces présidents, qui ne sont aucunement menacés dans leur intégrité physique chez eux, ont décidé de prendre tout leur temps alors que, quasiment tous les jours, des dizaines de pauvres Ivoiriens tombent sous les balles de M. Gbagbo. Cette reculade de l’Afrique qui veut se prendre en charge est la preuve évidente de la lâcheté et de l’inconscience de nos dirigeants. Ils sont les premiers à dire que les Occidentaux nous marchent dessus. Mais lorsqu’il s’agit de prendre leurs responsabilités, ils deviennent atones. Le mois de février a donné le temps à la Côte d’Ivoire d’allonger sa liste de morts. Il a aussi offert à M. Gbagbo l’occasion d’acquérir des armes, des hélicoptères de combat, de recruter des miliciens. Certaines populations opprimées ont décidé d’organiser la résistance contre la barbarie et la dictature. Le mois de mars 2011 permettra, à cause du manque de courage de nos pauvres présidents, de faire entrer définitivement le pays dans le cycle infernal de la guerre civile. L’Afrique et la communauté internationale ont laissé le temps aux Ivoiriens, comme ce fut le cas au Rwanda, pour qu’ils se préparent à la mort. C’est bien dommage ! MOUSSA SANOGO, DUGNY, FRANCE

Cameroun : à quelques nuances près

■ Nous avons apprécié à sa juste valeur le dossier de J.A., dans son édition no 2614, qui décrypte la situation socio-économique du Cameroun. Mais nous pensons qu’Alain Faujas a un peu exagéré certaines données. Premièrement, il est erroné de rapporter que le transport des marchandises entre Douala et N’Djamena dure soixante jours. Puisqu’il fallait, en 2005, sept à dix jours pour faire un aller-retour entre Bangui et Douala (1 450 km), on ne saurait parler de deux mois pour un aller simple entre Douala et N’Djamena (1 880 km), au moment où une bonne partie de ce tronçon non revêtue il y a quelques années l’est déjà presque en totalité en cette année 2011. Et si l’on prend en compte les efforts faits par les services de douane et l’assainissement sur les contrôles routiers, l’exagération dans l’article de M. Faujas devient alors notoire. Par ailleurs, il est faux d’affirmer qu’au Cameroun « il faut toujours verser une contribution de quelque 150 000 F CFA pour inscrire son enfant dans une “bonne” école publique, dite gratuite ». Le dire n’est qu’une volonté manifeste de ne pas reconnaître les efforts entrepris par la communauté éducative au Cameroun. Même si on ne peut nier que les dessous-de-table ne sont pas rares. En ce qui concerne la construction des ports de Kribi et de Limbé, l’on ne saurait parler de double emploi pour deux projets qui apparaissent plutôt complémentaires. Plateforme logistique de transbordement pour l’Afrique centrale, le port de Kribi servira à l’exportation des richesses minières, alors que Limbé pourrait bien non seulement être un port pour les conteneurs mais servir également de chantier naval. ABRAHAM NDJANA MODO, YAOUNDÉ, CAMEROUN

Côte dʼIvoire : péril en la demeure

■ Il est malheureux de constater que des individus qui ont fui l’Afrique par manque de démocratie et de bonne gouvernance soutiennent un usurpateur comme Gbagbo. Ces chantres de l’indépendance de l’Afrique n’éprouvent aucune honte à dire qu’ils sont français alors qu’ils ont la peau aussi noire que le charbon de bois. S’ils aiment l’Afrique, pourquoi ces soi-disant intellectuels ne reviennent pas s’y installer ? Ils encouragent cet importateur de déchets toxiques qui menace d’effacer Abobo de la carte d’Abidjan. Aujourd’hui, la guerre civile est imminente, en partie à cause de ces pseudo-intellectuels qui vivent en Europe en toute sécurité. NAMONGO YAYA SILUE, E-MAIL

TOU T E S L E S CU LT U R E S D’A F R IQU E

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POST-SCRIPTUM

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL

P O L I T I Q U E , É C O N O M I E , C U LT U R E Fondé à Tunis le 17 oct. 1960 par Béchir Ben Yahmed (51 e année)

Édité par SIFIJA

Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS Tél. : 01 44 30 19 60 ; Télécopieurs : rédaction 01 45 20 09 69 ; ventes : 01 45 20 09 67 ; Courriel : redaction@jeuneafrique.com

Récompensons les Kaddafi à leur juste valeur C’EST LA SAISON DES OSCARS, Golden Globes et autres récompenses destinées aux professionnels du cinéma. Dans un bel esprit d’émulation, nous proposons ici de créer la Tomate d’or de la pire prestation télévisuelle de l’année. Deux films se détachent du lot, qui semblent pouvoir truster les Tomates d’or de toutes les catégories. Il s’agit des interventions FOUAD hallucinantes des deux Kaddafi, il n’y a LAROUI pas longtemps, à la télé. Pire acteur : le jeune Seif semble hésiter entre le parrain (version Al Pacino) pour les menaces, Madame Soleil pour les prédictions apocalyptiques et un voyou de banlieue pour les insultes. Kaddafi père est, en revanche, très cohérent dans son interprétation du type le plus incohérent qu’on ait jamais vu. Golden Tomato pour le fils ! Pire mise en scène : Kaddafi père reprend l’avantage. Le discours qu’il prononce est censé se dérouler devant une foule. Le colonel, juché sur une tribune, parle derrière un lutrin et les mouvements de sa tête (de gargouille) semblent s’adresser aux milliers de partisans à sa gauche puis à sa droite. Or, dès la fin de sa dégoulinade, la caméra se recule et on constate que la « foule » se réduit à exactement neuf personnes et demie – sans doute des extras recrutés pour l’occasion. Le metteur en scène avait peut-être bu (du lait de chèvre) mais ce n’est pas une excuse. On lui jette un tombereau de tomates à la tête. Pire scénario : Seif s’adresse aux Libyens en leur promettant les pires désastres s’ils persistent à vouloir exister. Cependant, il y a dans ce scénario une inconséquence monumentale : ledit Seif n’occupe aucune fonction officielle dans le pays. À quel titre prend-il la parole ? Comme on dit à Hollywood : who is this guy ? Tomate d’or pour l’auteur du scénario, qui n’a pas vu la lacune. (Le rédac’ chef de J.A. m’objecte que Kaddafi non plus n’occupe officiellement aucune fonction dans le pays. OK, bon, d’accord, Tomate d’or pour ce scénariste aussi. D’ailleurs, c’est le même. Il va pouvoir se faire une soupe.) Pire costume : Kaddafi père gagne haut la main. Il porte une espèce de toge couleur caca d’oie, qui l’embarrasse plus qu’elle ne l’habille, ainsi qu’un couvre-chef indéfinissable qui glisse de temps en temps sur son front, l’obligeant à relever d’une main la chose, tout en essayant de retenir sa toge caca d’oie de l’autre main et de brandir les feuilles de son discours d’une troisième (oui, oui, Kaddafi semble avoir trois mains. Rien ne nous étonne plus, venant de ce clown jongleur). Pire pire : (Cette catégorie n’existe pas mais on l’invente pour l’occasion.) S’il ne reste dans l’univers qu’une seule tomate pourrie et qu’il faille la lancer à la tête de Seif ou de son géniteur, pour résumer leur prestation, que feriezvous ? Vous pouvez voter en m’envoyant un mail. Ou une tomate. ■

Direction Directeur de la publication : BÉCHIR BEN YAHMED (bby@jeuneafrique.com) Directeur général : Danielle Ben Yahmed Vice-présidents : Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed Actionnaire principal : Béchir Ben Yahmed RÉDACTION Directeur de la rédaction : François Soudan Directeurs exécutifs : Marwane Ben Yahmed, Amir Ben Yahmed Rédactrice en chef déléguée : Élise Colette Rédacteur en chef technique : Laurent Giraud-Coudière Conseillers de la direction de la rédaction : Hamid Barrada, Abdelaziz Barrouhi (à Tunis), Aldo de Silva, Dominique Mataillet, Renaud de Rochebrune Secrétariat : Chantal Lossou, Joëlle Bouzignac Chefs de section: Joséphine Dedet (Focus), Philippe Perdrix (Coverstory), Anne Kappès-Grangé (Afrique subsaharienne), Tarek Moussa (Maghreb et Moyen-Orient), Jean-Michel Aubriet (International), Cécile Manciaux (Le Plus), Jean-Michel Meyer (Ecofinance), Séverine Kodjo-Grandvaux (Lire, écouter, voir), Tshitenge Lubabu M.K. (Vous et Nous) Rédaction: Pascal Airault, Stéphane Ballong, Tirthankar Chanda, Julien Clémençot, Constance Desloire, Georges Dougueli, Christophe Le Bec, Marianne Meunier, Nicolas Michel, Fabien Mollon, Pierre-François Naudé, Ophélie Négros, Cherif Ouazani, Michael Pauron, Leïla Slimani, Justine Spiegel, Cécile Sow (à Dakar), Fawzia Zouari; collaborateurs: Edmond Bertrand, Christophe Boisbouvier, Muriel Devey, Chedli Klibi, André Lewin, Nicolas Marmié, Patrick Seale, Cheikh Yérim Seck; accords spéciaux: Financial Times RÉALISATION Maquette : Zigor Hernandorena (directeur artistique), Christophe Chauvin, Stéphanie Creuzé, Valérie Olivier, Émeric Thérond ; révision : Nathalie Bedjoudjou (chef de service), Vladimir Pol ; fabrication : Philippe Martin (chef de service), Christian Kasongo ; service photo : Dan Torres (directrice photo), Nathalie Clavé, Vincent Fournier, Claire Vattebled ; documentation : Anita Corthier (chef de service), Sylvie Fournier, Florence Turenne, Angéline Veyret JEUNEAFRIQUE.COM Responsable éditoriale : Élise Colette, avec Pierre-François Naudé ; responsable web : Jean-Marie Miny ; rédaction et studio : Cristina Bautista, Haikel Ben Hmida, Pierre Boisselet, Maxime Pierdet, Lauranne Provenzano VENTES ET ABONNEMENTS Directeur marketing et diffusion : Philippe Saül ; marketing et communication : Patrick Ifonge ; ventes au numéro : Sandra Drouet, Caroline Rousseau ; abonnements : Céline Champeval avec : COM&COM, Groupe Jeune Afrique 18-20, avenue Édouard-Herriot, 92350 Le Plessis-Robinson Tél. : 33 1 40 94 22 22, Fax : 33 1 40 94 22 32. Courriel : jeuneafrique@cometcom.fr ■ COMMUNICATION ET PUBLICITÉ

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Gérant commandité : Béchir Ben Yahmed ; vice-présidents : Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed Directeur général adjoint : Jean-Baptiste Aubriot ; secrétariat : Dominique Rouillon ; finances, comptabilité : Monique Éverard et Fatiha Maloum-Abtouche ; juridique, administration et ressources humaines : Sylvie Vogel, avec Karine Deniau (services généraux) et Delphine Eyraud (ressources humaines) ; Club des actionnaires : Dominique Rouillon IMPRIMEUR SIEP - FRANCE. COMMISSION PARITAIRE : 1011C80822. DÉPÔT LÉGAL : MARS 2011. ISSN 1950-1285.

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Idée reçue n°1

“La place des femmes est à la maison” Dans le monde, des femmes et des hommes se battent contre ces idées reçues. Soutenez-les et signez la pétition !

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petition.femmes.carefrance.org

8 mars 2011, centenaire de la journée internationale de la Femme www.carefrance.org

CARE France est une association de solidarité internationale, reconnue d’utilité publique, qui mène des projets avec et pour les femmes.

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