MAROC LE ROI, LA RÉFORME ET LES TERRORISTES
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 51e année • N° 2625 • du 1er au 7 mai 2011
jeuneafrique.com
TUNISIE DANS LA TÊTE DES ISLAMISTES BURKINA CARTON JAUNE POUR COMPAORÉ CÔTE D’IVOIRE GBAGBO & CO.: APRÈS LA CHUTE
RWANDA KAGAMÉ, L’INTERVIEW CHOC
BOUTEFLIKA
LE DERNIER COMBAT Trois ans avant la fin de son ultime mandat, et alors que son état de santé suscite l’inquiétude, le président pourra-t-il tenir sa promesse d’ouverture démocratique ?
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Marwane Ben Yahmed
Le printemps meurtrier
L
E MONDE ARABE se trouve à un moment crucial dans sa quête de changement. La fuite du Tunisien Ben Ali et la chute de l’Égyptien Moubarak ont galvanisé les populations d’autres nations en proie aux mêmes maux et tout aussi pressées d’en finir avec leurs propres despotes. Mais elles se heurtent à des dirigeants qui semblent prêts à tout pour s’accrocher à leur pouvoir vacillant.
En Libye, en Syrie, au Yémen, à Bahreïn, mais aussi, dans une moindre mesure, en Arabie saoudite, à Oman, en Jordanie, le clan des gouvernants honnis a tiré les leçons du sort réservé à deux de leurs pairs, pourtant réputés indétrônables. Si Ben Ali se morfond sur les terres austères d’Arabie, Moubarak et ses fils, eux, ont été placés en détention et devront répondre de leurs actes au cours d’un procès qui promet d’être retentissant. Suprême humiliation pour nos « zaïms », qui avaient déjà du mal à envisager de quitter le pouvoir, quand bien même on leur garantissait l’immunité. Après le temps des promesses, dont ils n’entendaient certainement pas être comptables, tous, désormais, adoptent la même stratégie: faire des concessions limitées dans un premier temps, puis, très vite, accuser d’obscures puissances étrangères ou Al-Qaïda d’être derrière les soulèvements avant de sortir l’artillerie lourde pour mener une répression d’un autre âge, aussi sanglante qu’aveugle. La communauté internationale a réagi, et c’est heureux, pour empêcher « Kaddafou » de se livrer à de meurtrières représailles. Mais elle a aussi détourné pudiquement le regard lorsque l’Arabie saoudite a envoyé ses chars au secours de son voisin bahreïni ou lorsque Bachar al-Assad ou Ali Abdallah Saleh matent dans le sang les aspirations démocratiques de leurs peuples… Une politique du deux poids, deux mesures flagrante, fonction des intérêts à défendre ou des écueils à éviter, même s’il apparaît délicat d’envoyer des bataillons sur une demi-douzaine de théâtres différents… Mais les satrapes du désert ne sont pas les seuls à avoir tiré les leçons des premiers épisodes de cette guerre pour la démocratie et le changement. Avec l’intensification de la confrontation, les « insurgés », animés d’une irrépressible soif de liberté, ne faiblissent pas, quoi qu’il leur en coûte. Et n’exigent plus seulement le départ des raïs, mais aussi leur jugement pour les crimes de masse qu’ils sont en train de commettre… Le sort du printemps arabe se joue sous nos yeux. La folie meurtrière de dirigeants prêts à sacrifier leurs concitoyens donne la détestable impression qu’il se trouve dans l’impasse. Mais le temps ne joue pas en leur faveur : l’émergence d’un nouveau monde arabe est désormais irréversible. Certains l’ont compris. Les autres finiront, tôt ou tard, comme Moubarak ou Ben Ali. ● JEUNE AFRIQUE
Voir en pp. 50-55 dans « Votre journal » la réponse de Béchir Ben Yahmed au Canard enchaîné. Vous retrouverez le « Ce que je crois » à cette place la semaine prochaine.
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Confidentiel
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L A SEM A IN E D E J EU N E A F RIQ U E
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Maroc Terrorisme contre démocratie Tour du monde Nigeria Le fond de l’air est chaud Tribune Libye : attention, terrain glissant ! Tunisie Instance de divorce ? Japon Merci les Africains Série télé Les feux du glamour Afrique du Sud Flamboyante Winnie Port de Conakry Le feuilleton continue Côte d’Ivoire IB emporte avec lui ses secrets Bineta Diop Au nom de toutes les miennes
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G RA N D A N G L E
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Paul Kagamé « Quand un pouvoir tue son propre peuple, cela nous concerne tous »
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A F RIQ U E SU BSA H A RIEN N E
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Burkina Carton jaune pour Compaoré Côte d’Ivoire Gbagbo & Co. : paysage après la chute Tribune Bienheureux Jean-Paul II Congo-Brazzaville Coincés à Impfondo Niger La fin d’une époque
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M AG H REB & M OY EN - O RIEN T
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Algérie Le dernier combat de Bouteflika Libye Confessions d’une Kaddafette Famille Moubarak Plus dure sera la chute Syrie Rami Makhlouf, un cousin pas assez éloigné Hamadi Jebali « Nous ne prétendons pas détenir la vérité » N 0 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
PHOTOS DE COUVERTURES : NYABA OUEDRAOGO ; VINCENT FOURNIER/J.A. ; AFP PHOTO/FAROUK BATICHE ; HICHEM
Éditorial
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Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs
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ALGÉRIE TROIS ANS AVANT LA FIN de son ultime mandat, et alors que son état de santé suscite l’inquiétude, le président Bouteflika pourra-t-il tenir sa promesse d’ouverture démocratique ?
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MAROC CONFRONTÉ AUX ASPIRATIONS de la jeunesse et au printemps arabe, le roi avait promis, en mars, une vaste réforme constitutionnelle. L’attentat de Marrakech va-t-il affecter ce processus ?
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BURKINA SOULÈVEMENTS DANS L’ARMÉE, montée des revendications sociales : le chef de l’État, Blaise Compaoré, a fort à faire. Le début de la fin ? Voire. Mais lui reste serein.
POUVOIR D’ACHAT TANDIS QUE LES REVENUS des ménages africains baissent, les prix des denrées alimentaires grimpent…
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DOSSIER LE CONTINENT n’en finit pas de se construire. L’énergie et les transports trustent l’essentiel des projets d’aménagement. Un marché que se partagent des entreprises non africaines.
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CULTURE LE VAUDOU S’EXPOSE à Paris. La Fondation Cartier a choisi de privilégier la dimension esthétique des objets. Une décision assumée mais polémique.
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Interview Salaheddine Mezouar, ministre marocain de l’Économie Levées de fonds Les valeurs africaines séduites par l’étranger
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VOTRE J OURN A L
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Quand Le Canard enchaîné récidive par Béchir Ben Yahmed
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EUROPE, AM É R I Q U E S, ASIE
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D O SSIER
États-Unis L’énigme Donald Trump France Une Arlésienne à Marseille Venezuela-Libye C’est beau, l’amitié! Religion Inquisition à la chinoise Parcours Madjid Bougherra, Écossais d’adoption
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BTP et infrastructures Des chantiers « africanesques »
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C U LT U RE & M ÉD IA S
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Arts plastiques Énigmatique vaudou Serge Moati « La Tunisie de 2011 me fait penser à la France de 1981 » Médias Ondes de choc Lu et approuvé Turbulences américaines En vue La semaine culturelle de J.A.
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ÉCON OMIE
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Pouvoir d’achat L’inflation m’a « tuer » Aérien Offensive du leasing Exportations L’industrie tunisienne rebondit Immigration Une source de richesse pour l’Europe Argentine Les géants du négoce à l’amende Russie L’aéronautique redécolle
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SOLDATS DU POLISARIO, quelque part au Sahara : combien sont-ils ?
Sahara Confidences onusiennes
A
LORS QUE LE MANDAT de la Mission des Nations unies au Sahara occidental (Minurso) a été, le 27 avril, renouvelé pour un an, un câble de l’ambassade des États-Unis à Rabat révélé par WikiLeaks a discrètement réjoui le Palais royal. Ce document rapporte les confidences faites à ses hôtes par l’ancien représentant spécial de l’ONU au Sahara, le diplomate britannique Julian Harston, lors de son pot de départ offert par l’ambassadeur du Royaume-Uni Timothy Morris, le 26 février 2009. Bien qu’il ait entretenu des relations tendues avec les autorités marocaines (lesquelles avaient même demandé sa tête auprès de Ban Ki-moon), notamment à propos des droits de l’homme, Harston a tiré de son séjour une conclusion définitive : toute perspective d’indépendance du Sahara occidental est « irréaliste », car ce territoire « n’a pas d’économie réelle », le phosphate et la pêche, dont la production est « limitée », offrant « peu de possibilités pour un État viable ». Un constat qui rejoint celui dressé, six mois plus tôt, par le Néerlandais Peter Van Walsum, l’ex-envoyé personnel du secrétaire général, qui avait la conviction que le Maroc n’abandonnerait jamais « son » Sahara. Harston (aujourd’hui à Belgrade) ajoutait que le Front Polisario ne disposait plus que de cinq cents hommes en armes (il en revendique, officiellement, entre 10000 et 15000) et que l’Algérie « détient la clé d’un règlement ». Selon lui, un sommet entre Mohammed VI et Abdelaziz Bouteflika, suivi par des réunions d’experts des deux pays, « pourrait être la bonne option ». Mais, regrettait-il, « les Algériens n’y sont pas prêts ». Deux ans plus tard, rien n’a changé. ●
N 0 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
ANDREW MCCONNELL/PANOS-REA
UEMOA HÉSITATIONS SÉNÉGALAISES
Qui succédera à Soumaïla Cissé à la tête de la Commision de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) lors du sommet de Lomé (prévu le 30 avril, celui-ci a été reporté à une date ultérieure) ? Le BissauGuinéen Paulo G omes, ancien administrateur de la Banque mondiale, et le Nigérien Malam Annou, ancien ministre des Finances, sont d’ores et déjà candidats. Mais c’est le Sénégal qui paraît le mieux placé en raison de son poids économique. Problème : il peine à désigner son champion. Aziz Sow, l’ancien ministre de la Communication, est soutenu par Syndiély Wade, la fille du chef de l’État, et Hadjibou Soumaré, l’ancien chef du gouvernement, par son successeur, Souleymane Ndéné Ndiaye. Quant à El Hadji Abdou Sakho, actuel commissaire aux politiques économiques et à la fiscalité intérieure, il a les faveurs du ministre des Affaires étrangères, Madické Niang. TUNISIE DU NEUF AVEC DU VIEUX
Anciens ministres et compagnons de Habib Bourguiba, Mustapha Filali et Ahmed Ben Salah reviennent sur le devant de la scène. Après avoir siégé à la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, le premier s’apprête à créer sa propre formation, le Parti socialiste destourien (PSD). Le second va relancer le vieux Mouvement de l’unité populaire (MUP). Par ailleurs, Ismaïl Sahbani a donné le 1er mai le coup d’envoi d’un nouveau syndicat, l’Union du travailleur tunisien (UTT). Homme fort de l’UGTT de 1989 à 2000, il en avait été écarté pour cause de mauvaise gestion avant d’être amnistié. JEUNE AFRIQUE
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Politique, Économie, Culture & Société CÔTE D’IVOIRE SPEEDY DIBY
Les discussions entre Paris et Abidjan concernant le soutien français de 400 millions d’euros accordé à la Côte d’Ivoire ont débuté le 11 avril, le jour même de la chute de Laurent Gbagbo. À la manœuvre, côté ivoirien : Charles Koffi Diby, ministre de l’Économie et des Finances. Et côté français : les services de Bercy et de l’Agence française de développement (AFD), où le prêt a été approuvé en conseil d’administration, le 14 avril. La convention entre Koffi Diby et Dov Zerah, le directeur général de l’AFD, a été signée le 26 avril à Paris. ANTITERRORISME SAHÉLIENS EN CONCLAVE
Une réunion extraordinaire du Comité d’état-major opérationnel conjoint (Cemoc), qui regroupe les commandements des armées algérienne, malienne, mauritanienne et nigérienne, s’est tenue le 28 avril, à Bamako. À l’ordre du jour : les effets collatéraux du conflit libyen. Tout indique en effet qu’AlQaïda au Maghreb islamique (Aqmi) tente de profiter de l’occasion pour prendre le contrôle d’une vaste zone allant du Tibesti (au Tchad) au plateau du Djado (au Niger). L’Erg de Mourzouk,
au sud du Fezzan libyen, complète ce triangle de près de 500 000 km2, par où transitent toutes sortes de trafics. Les quatre chefs d’état-major ont adopté une série de mesures pour renforcer la surveillance des zones frontalières et améliorer la coordination en matière de renseignement. CÔTE D’IVOIRE L’AVENIR DE SORO L’avenir de Guillaume Soro semble tout tracé. Jusqu’aux élections législatives (avant la fin de l’année), il restera chef du gouvernement d’Alassane Dramane Ouattara (ADO). En revanche, il devrait abandonner le ministère de la Défense, qui pourrait échoir au général Gaston Ouassénan Koné (PDCI). Dans une seconde étape, après la révision de la Constitution promise de longue date par ADO, il devrait hériter du poste de vice-président créé à cette occasion.
GABON MISSION AU GOLF HÔTEL
L e 27 avr il, Ali Bongo Ondimba a dépêché au Golf Hôtel, à Abidjan, la secrétaire générale de la présidence,
LIBYE Kaddafi craint la panne sèche « CE QUI MANQUE LE PLUS À L’ARMÉE DE KADDAFI, c’est le carburant, confie un ex-homme du sérail. Dans la zone qu’elle contrôle, les capacités de raffinage sont réduites. Mais elle cherche aussi des pick-up, des pièces de rechange et des pneus. » Où s’approvisionne Kaddafi ? « La voie maritime étant coupée, il ne lui reste que les routes du désert. Il achète en Algérie, au Tchad et en Égypte. Les autorités de ces pays ferment les yeux, à condition que ça ne soit pas trop voyant. » Qui sont les intermédiaires ? À Benghazi, Moustapha Abdeljalil, le président du Conseil national de transition (CNT), accuse le général Ahmed Kaddaf Eddam de mener un double jeu. Officiellement réfugié au Caire, il aurait monté un réseau de contrebande entre l’Égypte et la Libye – ce qu’il dément. ●
Laure Olga Gondjout. Pour tenter une réconciliation avec A l a s s a n e Ou at t a ra. E n juin 2005, lors d’un sommet de chefs d’État, Gondjout avait « joué sa carrière » en prenant par la main Laurent Gbagbo pour le conduire a u p rè s d ’O m a r B o n g o Ondimba (traité de « rigolo », quelques semaines auparavant, par l’Ivoirien). Entre les deux rivaux, Ali avait fait son choix. En janvier 2010, lors de sa première visite en Côte d’Ivoire en tant que chef d’État, il s’était abstenu de rencontrer Ouattara, préférant afficher sa proximité avec Gbagbo.
LA LUTTE ANTICORRUPTION AU MALI ? VASTE PROGRAMME !
Le contrôleur contrôlé
VINCENT FOURNIER/J.A.
ENTRÉ EN FONCTION LE 19 AVRIL, Amadou Ousmane Touré, le nouveau vérificateur général du Mali, doit lancer très prochainement un appel d’offres en vue du recrutement d’un cabinet d’audit. Objectif : contrôler la gestion de son prédécesseur, Sidi Sosso Diarra (photo). Les textes prévoient que le bureau du vérificateur soit contrôlé par un auditeur extérieur, tous les trois ans. Ce qui n’a pas été le cas pendant le mandat de Diarra. « J’ai interpellé les autorités compétentes, mais aucune mesure n’a été prise », se défend ce dernier. JEUNE AFRIQUE
RWANDA-FRANCE DONNANT, DONNANT
Discrète visite à Paris, fin avril, du ministre rwandais de la Justice. Reçu à l’Élysée, au Quai d’Orsay et par son homologue Michel Mercier, Tharcisse Karugarama est venu s’assurer que les dixhuit présumés génocidaires rwandais de 1994 réfugiés en France – et qui font l’objet d’instructions devant le tribunal de grande instance de Paris – seront effectivement poursuivis et jugés. Les autorités de Kigali estimant que les procédures traînent en longueur et débouchent un peu trop facilement sur des remises en liberté sous contrôle judiciaire, le ministre Karugarama n’a pas hésité à brandir devant ses interlocuteurs l’épée de Damoclès du rapport Mucyo (2008). Basé sur les enquêtes menées par la justice rwandaise, ce dernier recommande l’établissement de mandats d’arrêt à l’encontre de treize responsables politiques et militaires français en fonction à l’époque du génocide : Édouard Balladur, Hubert Védrine, Alain Juppé, Dominique de Villepin, etc. N 0 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
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La semaine de Jeune Afrique
MAROC
Terrorisme
contre démocratie
Confronté aux aspirations de la jeunesse marocaine et au printemps arabe, le roi avait promis, en mars, une vaste réforme constitutionnelle. L’attentat de Marrakech va-t-il affecter ce processus ?
À
NICOLAS MARMIÉ,
à Rabat
peine refermées les plaies des attentats-suicides du 16 mai 2003 et fait le deuil de ses quarante-trois victimes (dont douze kamikazes), l’appareil sécuritaire marocain est, de nouveau, confronté à une obligation de résultat. À charge, pour lui, de répondre à cette question aussi cruciale que lancinante : qui a osé défier, le 28 avril sur la place Jemaa el-Fna, le processus de N 0 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
démocratisation engagé depuis 1999 et relancé, au Maghreb, par la révolution tunisienne ? Qui a osé s’attaquer à Marrakech, capitale du tourisme marocain et navire amiral du plan stratégique de développement initié par le roi pour entrer dans le IIIe millénaire ? Qui a voulu tuer des ressortissants étrangers, majoritairement français, et s’en prendre aveuglément à des enfants ? Le bilan provisoire communiqué le 29 avril par Taïeb Cherkaoui, le ministre de l’Intérieur, faisait état de quinze morts, dont douze étrangers parmi lesquels six Français, et de vingt-six blessés. JEUNE AFRIQUE
MOHAMED SMYEJ POUR JA
L’événement
LE CAFÉ-RESTAURANT ARGANA, peu après l’explosion, le 28 avril.
Les autorités marocaines ont immédiatement dont l’un des principaux acteurs identifiés est compris quels étaient les enjeux de cette provol’association Al Adl Wal Ihsane, qui négociait, cation criminelle. Personnellement interpellé par jusque-là habilement, son enracinement dans le ce défi terroriste, le roi Mohammed VI a promis jeu politique. L’association d’Abdessalam Yassine de mobiliser tous les acteurs sécuritaires du pays. s’est d’ailleurs empressée, elle aussi, de condamner Plusieurs ministres (Intérieur, Justice, Tourisme) l’attentat. Un crime commis seulement deux semaise sont rendus sur les lieux pour exprimer leur nes après l’élargissement, par grâce royale, d’une compassion et afficher leur centaine de militants isladésir de transparence. mistes, principalement Un crime commis deux La Mosquée de Paris a salafistes. Personnalité semaines après la exprimé son indignation la plus emblématique de libération d’une centaine devant « un crime aussi « la bande des graciés » : horrible que barbare » et le prédicateur Mohamed de militants islamistes. sa crainte qu’un tel acte, Fizazi, dont la seule mendestiné « à affaiblir le royaume chérifien », ne se tion sur un site internet suffit à attirer l’attention des services de renseignements. Quant aux anireproduise. Alger a également fait part de son émotion, à l’instar des alliés occidentaux du Maroc, mateurs du « mouvement du 20 février », ils seront au premier rang desquels, bien sûr, la France. Par sans doute obligés de tenir compte du sentiment la voix de Hillary Clinton, leur secrétaire d’État, les d’union nationale qui s’est imposé dans les heures États-Unis ont proposé leur assistance logistique et qui ont suivi le carnage. Les nouveaux outils de technique pour ce qui constitue aussi une affaire communication – les réseaux sociaux notamde dimension internationale. Car le spectre du ment – tournent déjà à plein régime pour tenter d’identifier ceux à qui profite le crime. Quelque terrorisme hante la capitale du Haouz. Les pré32 millions de citoyens choqués, traumatisés, cédents « attentats de Marrakech » (qui avaient causé la mort de deux ressortissants espagnols, blessés dans leur fierté nationale vont s’inviter, en août 1994) avaient officiellement provoqué la via internet, dans une enquête qui bouleversera fermeture des frontières terrestres avec l’Algérie les équilibres séculaires du Maroc. ● – pays où, selon des sources diplomatiques, aurait été localisé Abderrahmane al-Maghribi, présenté MARRAKECH par les agences de renseignements comme un des EL membres opérationnels d’Al-Qaïda au Maghreb MECHRA islamique (Aqmi). Ledit Maghribi est par ailleurs Mosquée Sidi Bel-Abbès considéré comme l’auteur de menaces explicites contre le Maroc, formulées quarante-huit heures avant le drame du café Argana. Mosquée Ben Youssef
VICTIME COLLATÉRALE. Acte isolé? Règlement de
comptes interne? Les enquêteurs mandatés par le souverainchérifiennedevrontexclureaucunepiste, y compris libyenne – alors que la France intervient militairement contre le régime Kaddafi. Cet attentat survient par ailleurs au moment où s’engage le processus d’ouverture annoncé par Mohammed VI dans son discours du 9 mars, et destiné à lever par étapes les obstacles à la démocratisation du royaume. L’ambitieuse réforme constitutionnelle promise par le souverain et demandée par la jeunesse, qui tente de se fédérer dans la galaxie du « mouvement du 20 février », est désormais soumise à un véritable défi. Celui de l’action. Dirigé par Abbas El Fassi, l’actuel gouvernement, qui tentait laborieusement d’accompagner la marche du printemps arabe, risque d’être la première victime collatérale du bain de sang de la place Jemaa el-Fna. Car le traumatisme que subit aujourd’hui le Maroc et la nécessité de redoubler de vigilance en matière de sécurité risquent de peser lourdement sur un débat politique déjà en pleine effervescence. L’explosion du café Argana affecte directement la puissante mouvance islamiste, JEUNE AFRIQUE
Maison du Pacha KSOUR
QUARTIER SOUKS DES TANNEURS Mosquée Mouassine
Koutoubia
Médina Palais de la Bahia
Palais el-Badi Palais royal
Oliveraie de Bab el-Jedid
Jardin de l’Agdal
PLACE JEMAA EL-FNA
Café Argana
de la Rue toubia u o K
PLACE
Club Méditerranée
Square Foucauld
400 m
Café de France
Banque Poste 50 m N 0 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
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La semaine de J.A. Tour du monde THAÏLANDE-CAMBODGE
HONGRIE
À (l’ultra-)droite toute!
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A NOUVELLE CONSTITUTION HONGROISE ratifiée le 25 avril par le président Pál Schmitt (elle entrera en vigueur le 1er janvier 2012) fait l’objet de très vives critiques, à l’intérieur – où certains vont jusqu’à parler de « putsch » – comme à l’extérieur du pays. Multipliant les références à Dieu, au christianisme et à la famille traditionnelle, elle marque en effet un indiscutable virage ultraconservateur. Elle verrouille de surcroît les institutions au profit du Fidesz, le parti du pouvoir. La Banque centrale, où le Premier ministre, Viktor Orbán, a pris soin de nommer des amis politiques, aura par exemple le pouvoir de bloquer le budget de l’État. Et certainesréformesnepourront être adoptées que si elles obtiennent les deux tiers des suffrages au Parlement. On souhaite bien du plaisir à l’opposition si elle arrive un jour au pouvoir ! Enfin, la nationalité hongroiseseraoctroyéeaux 2,5 millions de magyarophones vivant dans les pays voisins. La Slovaquie et la Roumanie (notamment) soupçonnent la Hongrie de chercher à rétablir son influence sur les territoires perdus lors du traité de LE PRÉSIDENT PÁL SCHMITT ratifiant Trianon, en 1920. ● la nouvelle Constitution, le 25 avril.
PRÈS DE CINQ CENTS détenus islamistes se sont, dans la nuit du 24 au 25 avril, évadés de la prison de Kandahar, dans le sud de l’Afghanistan. Les fugitifs ont emprunté un tunnel de plus de 300 m de long patiemment creusé, cinq mois durant, par des insurgés situés à l’extérieur de l’établissement. Selon les autorités locales, plusieurs commandants talibans figurent parmi eux. Le N 0 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
LE PLATEAU DE DANGREK, entre la Thaïlande et le Cambodge, a de nouveau été le théâtre de violents combats, le 26 avril. Depuis février, les affrontements ont fait une vingtaine de morts et entraîné l’évacuation de cinquante mille personnes. Cette fois, les heurts se sont produits le long de la frontière, à 150 km de Preah Vihear, « à la suite d’une provocation thaïlandaise », précise le Cambodge. Cette zone de 4,6 km2 est revendiquée par les deux pays en raison des hydrocarbures que recèle son sous-sol. LE CHIFFRE QUI DONNE LE VERTIGE
2 079
milliards de dollars
SOIT 83,2 % DE SON PIB : c’est, selon Eurostat, le montant de la dette publique de l’Allemagne en 2 010. Ce pays est désormais, en valeur, le plus endetté de l’Union européenne et de la zone euro, devant l’Italie et la France. NUCLÉAIRE
L’ombre de Tchernobyl
gouvernement a lancé une opération de grande envergure pour tenter de les retrouver. Selon Waheed Omar, porte-parole de la présidence, plus de soixante-dix d’entre eux auraient déjà été repris. Le directeur et sept membres du personnel de la prison ont été arrêtés, en compagnie de plusieurs policiers. Interpol dénonce l’échec « choquant » de la formation des forces de police locales, assurée par l’Otan.
LE 26 AVRIL 1986, le réacteur numéro 4 de la centrale de Tchernobyl, en Ukraine, explosait au cours d’un test de sécurité. C’est, à ce jour, la plus grande catastrophe de l’histoire du nucléaire civil. Renforcé en 2008, le conteneur en béton recouvrant le réacteur endommagé laisse aujourd’hui s’échapper des particules radioactives. Pour financer l’aménagement d’un nouveau sarcophage, la communauté internationale a, le 19 avril, débloqué 550 millions d’euros. Le 26, lors des cérémonies du 25e anniversaire, le président
AFGHANISTAN
Djihadistes en cavale
Ça recommence!
TIBOR ILLYES/AFP
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JEUNE AFRIQUE
ARRÊT SUR IMAGE
AFP
ROYAUME-UNI
God save the princes! UN PRINCE (WILLIAM) ET UNE ROTURIÈRE (KATE MIDDLETON). Un ciel menaçant (celui d’Angleterre, bien sûr). Des centaines de milliers de badauds brandissant l’Union Jack et 2 milliards de téléspectateurs. Une très ancienne et très majestueuse abbaye (celle de Westminster). Une reine déguisée en canari et un prince consort en on ne sait quoi. Deux mille invités triés sur le volet… Une poignée de « people » tirés à quatre épingles… Vous l’avez sans doute compris : le 29 avril, à Londres, c’était le « mariage du siècle ».
Ianoukovitch a estimé qu’il manquait encore 190 millions d’euros… TURQUIE
Il est « fou », Erdogan! EN PLEINE CAMPAGNE pour les élections législatives du mois de juin, Recep Tayyip Erdogan, le Premier ministre turc, a annoncé à la télévision le lancement d’un projet pharaonique destiné à désengorger le détroit du Bosphore, qui traverse la ville d’Istanbul. Celui-ci va être doublé par un canal d’une longueur de 45 à 50 km qui pourra être emprunté par les dizaines de milliers de tankers et de navires marchands qui prennent chaque année cette voie maritime, faisant courir aux riverains de sérieux risques de catastrophe JEUNE AFRIQUE
environnementale. Qualifiant luimême son projet de « fou », l’ancien maire d’Istanbul a déclaré que ce nouveau canal « fera de l’ombre au canal de Suez et à celui de Panamá ». Coût estimé du projet : 10 milliards de dollars. BANGLADESH
Blanchi, mais viré
LES AMBITIONS POLITIQUES de Muhammad Yunus irritant les autorités bangladaises, une commission avait été chargée d’enquêter sur les activités de la Grameen Bank, l’établissement de microcrédit qu’il a fondé il y a près de trente ans. Début mars, le Prix Nobel de la paix a été limogé par la Banque centrale. Depuis, la commission a rendu ses conclusions : aucune trace de
corruption ou de détournement de fonds. Mais Yunus n’a pas été pour autant réintégré dans ses fonctions. HAÏTI
L’heure des comptes
LE PARTI INITÉ (« unité », en créole) du président sortant René Préval aurait triché lors des élections législatives, dont les résultats ont été publiés le 21 avril par le Conseil électoral provisoire (CEP). Dix-neuf candidats ont été déclarés élus, alors que, selon les premiers résultats, ils étaient arrivés en deuxième position. Un regain de violence s’est ensuivi en Haïti. Le 25 avril, jour de la rentrée parlementaire, une nouvelle liste d’élus a été publiée, dans laquelle les sièges contestés ne sont pas pourvus. Une enquête de l’Organisation des États américains (OEA) est en cours. N 0 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
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La semaine de J.A. Décryptage Ý DES ÉLECTIONS QUE LES OBSERVATEURS ONT malgré les violences qui secouent le pays depuis des mois. JUGÉES RÉGULIÈRES,
SUNDAY ALAMBA/AP PHOTO
Nigeria Le fond de l’air est chaud Après leurs parlementaires et leur président, les Nigérians ont élu leurs gouverneurs. Ce scrutin, crucial dans cet État fédéral, s’est déroulé dans un climat très tendu.
D
es législatives, une présidentielle… Le marathon électoral du mois dernier s’est achevé avec l’élection des gouverneurs et des parlementaires locaux, les 26 et 28 avril. Malgré les violences qui ensanglantent le pays depuis décembre 2010, les observateurs nationaux et internationaux se disent globalement satisfaits de la régularité des opérations de vote. Le dernier scrutin est d’importance. Dans cet État fédéral, les gouverneurs sont à la tête de petits pays presque indépendants et peuvent contrecarrer les décisions du pouvoir. Entre le People’s Democratic Party (PDP, au pouvoir) et les principales formations d’opposition, la bataille a été rude. Le parti présidentiel conserve la région pétrolifère de l’État du Delta et fait
une belle percée dans le Nord (il a ravi l’État de Kano au All Nigeria People’s Party, ANPP). Mais il perd deux de ses bastions du Sud-Ouest, Oyo et Ogun, tombés dans l’escarcelle de l’Action Congress of Nigeria (ACN). Le PDP garde la majorité des États, mais l’ACN contrôle le grand Sud, riche en pétrole. Si des incidents ont émaillé le scrutin – urnes sabotées, matériel électoral volé –, c’est surtout l’atmosphère de peur qui lui a donné un sens particulier. Depuis plusieurs mois, les affrontements interreligieux se multiplient. Et la victoire du sudiste chrétien Goodluck Jonathan (réélu à la présidence avec 57 % des voix, contre 31 % pour Muhammadu Buhari, son principal adversaire) n’a pas contribué à apaiser les tensions.
Pour bon nombre de nordistes, majoritairement musulmans, l’élection de Goodluck Jonathan rompt l’accord tacite qui régule la vie politique depuis le retour des civils aux affaires : l’alternance régionale au pouvoir. Née au sein du PDP, cette règle avait fini par se transformer en loi immuable s’imposant à tous les partis. JETÉS DANS DES PUITS. Ni l’impres-
sionnant déploiement militaire ni les appels au calme du nordiste Buhari n’ont permis d’éviter le pire. « On ne veut pas parler de massacres, mais, dans certaines villes, c’était indescriptible », témoigne un journaliste en poste à Abuja, la capitale fédérale. Maisons et commerces brûlés, affrontements à la machette, personnes jetées dans des puits ou immolées par le feu… Bien que les autorités aient refusé de communiquer un bilan des affrontements postélectoraux – pour ne pas exacerber les tensions, disent-elles –, la Croix-Rouge internationale estime qu’environ 500 personnes ont été tuées et plus de 70000 déplacées, principalement dans le Nord. « Ces troubles rappellent les tristes événements qui avaient plongé notre pays dans trente mois d’une déplorable guerre civile », a regretté le président élu dans une adresse à la nation, faisant allusion à la guerre du Biafra (1967-1970) qui avait causé la mort d’au moins 1 million de Nigérians. « Le plus grand problème, c’est la pauvreté, explique Clement Nwankwo, directeur du Policy and Legal Advocacy Centre. Elle est plus criante dans le Nord que dans le Sud. » Le pays est peut-être la première économie d’Afrique de l’Ouest et le premier producteur de pétrole du continent, il n’empêche: 70 % de sa population ne profite pas des ressources du sous-sol. ● MALIKA GROGA-BADA
À SUIVRE LA SEMAINE PROCHAINE
2-26 MAI
Relaxé en première instance dans l’affaire Clearstream en 2010, Dominique de Villepin joue à nouveau son avenir politique avec le procès en appel, qui s’ouvre à Paris. N O 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
9-13 MAI
Istanbul accueille la quatrième conférence de l’ONU sur les pays les moins avancés (PMA). Elle devra définir des stratégies de développement pour la décennie 2011-2020.
11 MAI
Trentième anniversaire de la mort de Bob Marley, disparu en pleine gloire à l’âge de 36 ans. Plus de 200 millions de disques du roi du reggae se sont vendus à travers le monde.
ISLAND RECORDS, HO/AP/SIPA
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JEUNE AFRIQUE
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La semaine de J.A. Décryptage
TRIBUNE Opin Op inio ions & éditoria iaux ux
Attention, terrain glissant!
L Max Hastings Journaliste et historien, il collabore régulièrement au quotidien britannique Financial Times
ES DERNIERS RENSEIGNEMENTS qui nous parviennent de Libye indiquent que les insurgés se recrutent essentiellement parmi les tribus côtières de la Cyrénaïque, tandis que les tribus de l’intérieur du pays resteraient plus ou moins fidèles au colonel Kaddafi. Des rebelles peu aguerris doivent faire face aux troupes mieux armées et mieux organisées qui soutiennent le régime. Les bombardements alliés permettent de retarder la défaite des premiers, peut-être même d’empêcher un massacre. Mais l’Otan ne peut procéder à des frappes aériennes vraiment ciblées, surtout dans les zones urbaines, sans disposer au sol d’hommes capables de guider les avions. Envoyer ces spécialistes sur le terrain, avec les forces nécessaires à leur protection, signifierait que l’Otan s’engage plus avant dans le conflit. Cette option est à l’étude, tout comme l’est le déploiement d’une force « humanitaire » capable de mettre en place une « zone de sécurité » dans la cité côtière assiégée de Misrata. À supposer – même si la volonté politique existe – que l’Otan parvienne à trouver des hommes pour prendre pied sur le littoral libyen, il pourrait se révéler très difficile, ensuite, de les exfiltrer.
même que les dossiers irakien et afghan ne sont pas refermés. La conséquence de ces multiples incertitudes, c’est qu’aujourd’hui les alliés fournissent juste assez d’aide aux rebelles pour empêcher leur défaite, mais pas assez pour arrêter une effusion de sang ou pour atteindre les objectifs fixés au début de leur intervention. « Je suis découragé », me confiait récemment un officier de l’Otan, qui estimait qu’un accord politique devait être recherché pour sortir de la crise, dans la mesure où une victoire militaire indiscutable lui semblait hors de portée sans l’engagement de troupes au sol. Le premier principe à respecter lorsqu’on décide de recourir à la force – principe que bafouent les Britanniques, les Français et les
On voit mal comment on pourrait renverser le régime Kaddafi sans envoyer des troupes au sol… et risquer l’enlisement.
Sur le plan économique, le colonel Kaddafi est soumis à un blocus. Sur le plan militaire, ses troupes doivent ressentir durement les effets du pilonnage aérien auquel elles sont exposées. Pourtant, l’état-major de l’Otan estime que, à moins que le régime ne s’effondre de lui-même, il faudra des mois de bombardements pour le renverser. On voit mal par ailleurs comment le changement de régime pourrait être mené à bien, puis accompagné, sans l’engagement de troupes terrestres chargées, au minimum, de garantir la stabilité. Ce qui exigerait une implication bien plus importante, avec, en arrière-plan, le risque d’un enlisement à long terme, même si la population libyenne est bien moins nombreuse que celle d’Irak ou d’Afghanistan. Cela créerait aussi une profonde division au sein de l’Otan (dont plusieurs États membres refusent déjà de participer aux bombardements) et conduirait le Royaume-Uni, la France et les États-Unis à se poser en arbitres de l’avenir de la Libye, alors N 0 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
Américains – est de s’assurer que cet usage de la force est efficace. Or, un engagement limité aux seules frappes aériennes n’est que rarement, sinon jamais, suffisant. Je continue à croire que l’Occident aura tôt ou tard raison du régime de Kaddafi. Mais Dieu seul sait ce qui arrivera ensuite, et notamment qui s’interposera entre les différentes factions libyennes qui se disputeront le pouvoir. Les tentatives occidentales de construire un État en Irak ou en Afghanistan sont loin d’avoir été couronnées de succès, et il est à craindre que les mêmes causes produisent les mêmes effets en Libye. Au point où nous en sommes, la moins mauvaise des options est sans doute de mener en parallèle deux stratégies : continuer les bombardements pour empêcher l’armée loyaliste de massacrer les rebelles et proposer àTripoli l’ouverture de négociations en échange du respect d’un cessez-le-feu. La Libye serait probablement un pays plus agréable pour tout le monde sans le colonel Kaddafi. Aux Occidentaux de rester prudents quant aux moyens qu’ils sont prêts à mettre en œuvre pour parvenir à ce résultat. ● Financial Times et Jeune Afrique 2011. Tous droits réservés. JEUNE AFRIQUE
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La semaine de J.A. Décryptage
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Tunisie Instance de divorce? Faut-il exclure totalement les anciens bénalistes du scrutin du 24 juillet ? Le gouvernement de transition et les membres de l’institution censée légiférer provisoirement s’opposent sur ce point.
A
près les sit-in des jeunes sur la place du Gouvernement à la Casbah, dans la capitale, verra-t-on les membres de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution manifester à leur tour, voire démissionner pour faire aboutir lesdits objectifs? C’est ce qu’ils ont déclaré envisager, le 28 avril, au cas où le gouvernement persisterait à vouloir leur imposer ses vues à propos de l’élection de la Constituante, prévue le 24 juillet. Formée de représentants des partis politiques, des syndicats, de la société civile et de personnalités indépendantes, l’instance est censée détenir un rôle législatif consultatif depuis que le Parlement est dissous et la Constitution suspendue. Sondésaccordaveclegouvernementporte sur deux points sensibles. ALLUSION. Premier point: l’exclusion des
anciensbénalistesdelaviepolitiquedurant la transition. La Haute Instance a rédigé un projet de décret-loi relatif à l’élection de la Constituante, dont l’article 15 interdit aux responsables du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD, ex-parti au LE DESSIN DE LA SEMAINE
pouvoir) et aux membres des gouvernements ayant servi sous Ben Ali durant ses vingt-trois années de règne de se présenter à l’élection du 24 juillet. « Pas si simple », répond Béji Caïd Essebsi, le Premier ministre par intérim, qui veut limiter ces exclusions aux principaux dirigeants du parti et aux collaborateurs directs de Ben Ali ayant travaillé au palais de Carthage durant ces dix dernières années.
Ennahdha – qui, parmi la cinquantaine de partis nouvellement légalisés, paraît le mieux organisé – est claire. Ces propos encouragent d’anciens cadres du RCD à se regrouper pour la première fois publiquement pour dénoncer la marginalisation dont ils se disent victimes depuis la dissolution de leur parti. À la sortie d’une réunion de l’instance, l’un d’eux prédit un « bain de sang » si l’exclusion est maintenue. Lors d’un rassemblement national devant le Palais des congrès, à Tunis, un millier d’entre eux scandent des slogans hostiles à la « dictature » – celle de la révolution… COMPROMIS EN VUE ? Second point
de désaccord entre la Haute Instance et le gouvernement : la représentation des magistrats au sein de la Commission indépendante de contrôle des élections. « Cela pourrait déséquilibrer Seront-ils uniquement le paysage politique », estime Béji choisis sur une liste de noms proposés par l’AssoCaïd Essebsi, le Premier ministre. ciation (élue) des magistrats, Le 28 avril, lors d’une réunion de l’inscomme le souhaite l’instance ? Ou égaletance, 117 des 131 membres présents ment, comme le stipule un amendement réaffirment que l’article 15 « exprime les gouvernemental, parmi des personnalités principes de la révolution afin de romproposées par un syndicat de magistrats pre avec le passé et d’aller de l’avant vers nouvellement créé ? La Haute Instance une Constituante ne comportant pas voit dans cet amendement une manœuvre d’éléments impliqués dans le soutien à politique susceptible de jeter le discrédit sur la régularité du scrutin. À l’heure où l’oppression ». Pour Caïd Essebsi, rendre inéligibles nous mettions sous presse, un compromis sur ces deux points semblait en vue, dontous les anciens responsables du RCD risque de « déséquilibrer le paysage politinant satisfaction à la Haute Instance. ● que ». L’allusion au mouvement islamiste ABDELAZIZ BARROUHI, à Tunis Toles • The Washington Post • États-Unis
REPRODUIT AVEC L’AUTORISATION DE UNIVERSAL UCLICK. TOUS DROITS RÉSERVÉS
SYRIE L’ONCLE SAM DÉBORDÉ
DEUX GUERRES – en Afghanistan et en Irak – et une intervention en Libye… Malgré la féroce répression menée contre sa population, le président syrien Bachar al-Assad est, pour l’instant, à l’abri d’une réaction militaire américaine et, plus largement, du camp occidental. La communauté internationale tarde à réagir. ●
N 0 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
JEUNE AFRIQUE
ILS ONT DIT
Japon Merci les Africains LE SÉISME ET LA CATASTROPHE NUCLÉAIRE de Fukushima n’y changeront rien. L’aide au développement du Japon à l’Afrique avait déjà dépassé ses objectifs en 2010, avec quelque 2 milliards de dollars (contre 1,68 milliard en 2009), soit 200 millions de plus que l’objectif fixé pour 2012. « Et cette enveloppe ne sera pas inférieure en 2011. C’est la moindre des choses que nous pouvons faire, après les témoignages de soutien, et même l’aide, que nous avons reçus du continent », a assuré Masaki Noke, directeur général adjoint du bureau Afrique au ministère japonais des Affaires étrangères, juste avant d’assister, les 1er et 2 mai, à Dakar, à la réunion de suivi de la 4e Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (Ticad 2008). Agriculture, énergie, éducation… Le champ d’action de la coopération japonaise est vaste. Au lendemain du drame de Fukushima, que pense le Japon du souhait de certains États africains de se doter de centrales nucléaires ? « Nous n’avons pas de conseils à donner, ce sont aux Africains de décider. Nous estimons néanmoins qu’il y a beaucoup d’autres voies à développer, notamment dans les énergies renouvelables », répond celui qui fut, notamment, ambassadeur à Djibouti. « Fukushima nous donne l’occasion de réfléchir à une nouvelle définition de ce qu’est l’énergie », conclut-il, rappelant que son pays finance, par exemple, la plus grande ferme éolienne d’Égypte, d’une capacité de 220 MW, à 350 km au sud-est du Caire. ● MICHAEL PAURON
Série télé Les feux du glamour
JEUNE AFRIQUE
« Faut-il bombarder tous les régimes tordus ? On dit qu’on ne veut pas liquider Kaddafi, mais pourquoi bombarder son palais ? C’est une opération pour chasser les souris ? » VLADIMIR POUTINE Premier ministre russe
« Sans le colonel Kaddafi, les immigrants illégaux africains déferleraient sur l’Europe, et les islamistes établiraient des bases sur les rives de la Méditerranée. » AÏCHA KADDAFI Fille du « Guide » libyen
« Nous avons nous-mêmes 30 % de chômeurs parmi nos jeunes. Rentrez chez vous ! » GAETANO SCULLINO Maire de la ville italienne de Vintimille (« accueillant » des réfugiés tunisiens à la gare)
«
la voilà qui roucoule avec Vladimir Poutine, rendant fou de jalousie l’acteur Alec Baldwin, qui passe, dans la série, pour son ex-petit ami ! Le dirigeant russe n’étant pas présent en chair et en os dans l’épisode (son rôle est joué par un comédien), Condi n’a pas eu le plaisir de lui donner la réplique dans sa langue, qu’elle parle couramment (pour de vrai). Miss Rice, dont la vie privée (réelle) est toujours demeurée un mystère, a déjà tourné le fameux épisode, qui sera diffusé au cours du mois de mai. Bill Clinton avait été initialement contacté, mais il a décliné la proposition. Dommage ! ● JUSTINE SPIEGEL
L’image de l’islam a été profondément dénaturée. L’islam est devenu le symbole de l’antidémocratie, de la violence et du terrorisme, il serait contre l’art, la beauté, le droit des femmes ; aujourd’hui, on le présente comme un fléau. » RACHED GHANNOUCHI Chef du parti islamiste tunisien Ennahdha
« L’âge est une obsession en Europe, mais pas en Afrique. Mon père a vécu jusqu’à 105 ans, ma grand-mère jusqu’à 120 ans, donc j’ai encore du temps devant moi ! » ABDOULAYE WADE Président du Sénégal (qui a exprimé l’intention de briguer un troisième mandat en 2012) N O 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
ISMAIL ZITOUNY/REUTERS, HICHEM
REVOILÀ CONDOLEEZZA RICE ! Pas à la Maison Blanche, cette fois, mais à la télévision. L’ex-secrétaire d’État de George W. Bush, 56 ans, est la nouvelle recrue de 30 Rock, une sitcom qui fait fureur sur la chaîne américaine NBC. Une nouvelle confirmée, le 18 avril, dans le quotidien The Washington Post par Tina Fey, la créatrice de la série. L’intrigue se passe au 30 Rockefeller Plaza, où « Condi » rejoint l’équipe un brin déjantée d’une émission de télévision. Difficile de se représenter cette executive woman toujours tirée à quatre épingles dans un scénario aussi farfelu. Et pourtant…
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La semaine de J.A.
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Retrouvez l’interview vidéo d’Amina Benkhadra, ministre marocaine de l’Énergie : « Nos besoins en électricité vont quadrupler d’ici à 2030. »
SONDAGE Devant les récentes crises du continent (Libye, Côte d’Ivoire…), l’Union africaine (UA) s’est montrée… 2
* SONDAGE RÉALISÉ AUPRÈS DES INTERNAUTES DE JEUNEAFRIQUE.COM ENTRE LE 14 ET LE 28 AVRIL 2011
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1. Lâche. Ses médiations ont juste permis aux autocrates du continent de gagner du temps. 41 % 2. Courageuse. Elle a tenté de résister à l’interventionnisme des Occidentaux. 8% 3. Inutile. 51 % (836 votes*) Les internautes de jeuneafrique.com jugent sévèrement l’action de l’UA lors des récentes crises du continent. Pour 92 % d’entre eux, elle a manqué de courage et d’efficacité.
VOTEZ CETTE SEMAINE :
Laurent Gbagbo doit-il être jugé ? À LIRE AUSSI : France-Algérie : quand Paris se fait le porte-parole d’Alger. N o 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
ALEXANDER JOE/AFP
JOELLE VASSORT
JEUNEAFRIQUE.COM
Afrique du Sud Flamboyante Winnie BIENTÔT HÉROÏNE D’UN BIOPIC (en préparation à Hollywood) et déjà héroïne d’opéra ! Présente à la première mondiale de Winnie, The Opera, le 28 avril, au State Theatre de Pretoria, l’ex-Mme Nelson Mandela (74 ans), pasionaria de la lutte antiapartheid, a pu entendre son « double », la soprano Tsakane Maswanganyi, tempêter : « Avec nos boîtes d’allumettes, nous libérerons ce pays. » « Seul un orchestre de soixante-cinq instruments peut donner vie aux mots puissants et incendiaires qu’utilisait Winnie pour mobiliser la population », explique Bongani Ndodana-Breen, le compositeur.
Port de Conakry Le feuilleton continue Un audit du cabinet français Inecor se montre très critique à l’égard de la concession accordée au groupe Bolloré.
L
a bataille pour la gestion du Port autonome de Conakry (PAC) qui oppose Bolloré à son concurrent français NCT Necotrans n’en finit plus. Un audit du cabinet Inecor, daté de mars 2011, critique la convention de concession du terminal à conteneurs signée le 11 mars entre Dominique Lafont, le directeur général Afrique du groupe Bolloré Africa Logistics (BAL), et Mamadouba Sankhon, le directeur général du PAC. Un contrat signé après la résiliation, le 8 mars, de la concession qui avait été accordée en 2008 à Getma International (filiale de NCT Necotrans) pour une durée de vingt-cinq ans. « Toutes les préoccupations du port et de l’État guinéen ont été prises en compte dans la convention avec Bolloré », déclarait alors Sankhon. Au même moment, le PAC commandait un audit dont les conclusions jettent aujourd’hui le trouble sur une affaire déjà complexe. Notant qu’en plus du terminal à conteneurs BAL a récupéré la gestion du port
conventionnel ainsi que deux projets (une plateforme logistique et un port sec), les auteurs soulignent qu’« il n’existe dans aucun port africain ou européen une exclusivité totale accordée à un même opérateur privé sur toutes les opérations portuaires sur une période d’au moins vingt-cinq ans. Cela équivaudrait à l’instauration d’un monopole privé [qui] sera probablement contesté par les bailleurs de fonds. » Parmi les autres griefs : « Une présentation sommaire du programme »; « Des engagements dont plus de la moitié n’interviendraient pas avant… 2027. » Le feuilleton se poursuit aussi sur le plan judiciaire. Le 3 mai, le tribunal de Nanterre devait se prononcer sur la demande en référé de NCT Necotrans, qui réclame une copie de la convention du 11 mars. Et, le 5 mai, le groupe devait confirmer sa plainte et sa « demande d’ouverture d’une enquête préliminaire pour corruption internationale. » Une plainte contre X… ● JEAN-MICHEL MEYER JEUNE AFRIQUE
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Ý IBRAHIM COULIBALY, un serial putschiste très encombrant.
REBECCA BLACKWELL/AFP
d’Henri Konan Bédié, le 24 décembre 1999. Après avoir contribué à installer au pouvoir le général Gueï, il se brouille avec lui. Ce dernier l’écarte en le nommant attaché militaire au Canada.
Côte d’Ivoire IB emporte avec lui ses secrets Le chef du mystérieux « commando invisible » a été exécuté par ses anciens frères de la rébellion dans la soirée du 27 avril.
C
«
était un chien fou, capable detouslescoups»,disaitde lui Jean-François Cazé, le mercenaire français impliqué avec Ibrahim Coulibaly (IB) dans la tentative avortée de déstabilisation de décembre 2007. Le plus célèbre putschiste deCôted’Ivoireaététuéparsesanciensfrères de la rébellion dans la soirée du 27 avril. Selon le ministère ivoirien de la Défense, il avait refusé, le matin même, de se rendre à un troisième rendez-vous de conciliation. L’ex-sergent-chef de l’armée était réapparu en janvier 2010 à Abidjan à la faveur de la crise postélectorale. Il était le chef du « commando invisible », un mystérieux groupearmédecinqcentshommesopposé aux forces fidèles à Laurent Gbagbo et qui avait pris le contrôle du quartier d’Abobo, dans le nord d’Abidjan. Revendiquant sa part dans la chute du président sortant, il avait demandé, sans succès, à rencontrer Alassane Ouattara. Selon l’entourage d’IB, Guillaume Soro, l’actuel Premier ministre, avait mis son veto. ’
Le 27 avril au matin, les commandants des Forces nouvelles (FN, pro-Soro), Morou Ouattara, Hervé Touré « Vetcho » et Chérif Ousmane, ont rapidement pris le contrôle d’Abobo et réussi à l’encercler dans une résidence à la lisière de la commune d’Anyama. « Je suis très préoccupé et occupé, je vous rappelle dans quelques minutes », confiait-il à J.A. deux heures avant sa mort. Il avait demandé la protection des soldats de l’ONU. Une escorte onusienne était même en route quand le camp Soro lui a demandé de rebrousser chemin. « Il s’est rendu puis ils l’ont ligoté et torturé pour lui extorquer des aveux [NDLR: qui l’a fait revenir en Côte d’Ivoire? Qui le finançait?] avant de l’exécuter sommairement », nous a indiqué un membre de sa famille. IB mort, c’est une partie des secrets des derniers putschs de Côte d’Ivoire qui se sont envolés avec lui. Né le 24 février 1964 à Bouaké, IB intègre l’armée en 1985. Affecté à la garde personnelle de plusieurs personnalités, il est l’un des artisans du renversement
ÉTRANGE LIBÉRATION. IB participe
aussi, en janvier 2001, au complot de la « Mercedes noire », visant à destituer Gbagbo. Le coup échoue. Il se rend alors au Burkina, où il prépare le putsch du 19 septembre 2002. Mais il entre en conflit avec Soro, plus politique, qui l’évince de la rébellion. IB se réfugie alors en France, où il est arrêté en septembre 2003. Accusé de fomenter un nouveau coup de force contre Gbagbo, il est curieusement libéré après vingt et un jours de détention et s’évanouit dans la nature. Son exil le mène au Bénin et au Ghana. Pour Soro, IB est derrière une série de tentatives visant à l’éliminer, notamment le mystérieux coup d’État avorté de décembre 2007, « Noël à Abidjan ». Le militaire souhaitait pourtant faire son entrée en politique et se présenter à la présidentielle. Mais Soro s’y est toujours opposé. Comment a-t-il pu réapparaître à Abidjan?CertainsaffirmentqueGbagbol’a fait revenir mais qu’il s’est retourné contre lui, d’autres que Ouattara et les services français l’auraient armé pour organiser la résistance au président sortant. Toujours est-il qu’IB a toujours pu circuler dans la sous-région malgré deux condamnations des tribunaux français et un mandat d’arrêt international lancé par la Côte d’Ivoire en janvier 2008. « Je présente mes condoléances à sa femme, à ses enfants, a déclaré le président Alassane Ouattara. C’est un jeune homme qui a été garde du corps chez moi. Bien entendu, des choses se sont passées… Cela est regrettable. » Si la mort d’IB en arrange beaucoup, pas sûr que le temps des « petits meurtres entre amis » soit révolu… ● PASCAL AIRAULT et BAUDELAIRE MIEU
CAMILLE MILLERAND
NOMINATIONS
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VENANCE KONAN CÔTE D’IVOIRE Très critique à l’égard de Laurent N O 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
Gbagbo, le journaliste et romancier ivoirien a été nommé, le 27 avril, directeur du quotidien public Fraternité matin.
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RICHARD SEZIBERA CAE Le ministre rwandais de la Santé, exambassadeur aux
États-Unis, a été désigné, le 19 avril, secrétaire général de la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE).
JEUNE AFRIQUE
EN HAUSSE
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EL GÉNÉRAL
Bineta Diop Au nom de toutes les miennes
Le rappeur tunisien de 21 ans, de son vrai nom Hamada Ben Amor, figure dans le classement du magazine Time des 100 personnalités internationales les plus influentes pour avoir contribué à la chute de Ben Ali avec son tube Raïs el-Bled.
La fondatrice de l’ONG Femmes Africa Solidarité figure au classement Time des 100 personnalités qui font bouger le monde.
Le militant de la RD Congo a reçu le Prix des enfants du monde d’une fondation suédoise pour avoir, depuis 1989, fait libérer 4 000 enfants-soldats et 4 500 fillettes esclaves sexuelles, prisonniers de groupes armés.
MALIKA GROGA-BADA JEUNE AFRIQUE
YAYA TOURÉ Selon le magazine américain ESPN, le footballeur ivoirien évoluant dans le club anglais de Manchester City est le sportif le mieux payé du continent africain, avec un salaire de 18,2 millions de dollars par an. EN BAISSE
HABIB EL-ADLI L’ex-ministre égyptien de l’Intérieur et six autres anciens hauts responsables sont jugés pour avoir ordonné de tirer sur les manifestants pendant la révolution, faisant ainsi tuer 846 personnes. Ouvert le 27 avril, le procès reprendra le 21 mai. MIGUEL ÁNGEL RODRÍGUEZ L’ex-président costaricain, 71 ans, a été condamné, le 27 avril, à cinq ans de prison et à une interdiction d’exercer toute fonction publique pendant douze ans pour corruption : il avait reçu 800 000 dollars du groupe français Alcatel. IDRISSA SECK Ancien Premier ministre et ex-dauphin d’Abdoulaye Wade, le secrétaire national du Parti démocratique sénégalais (PDS), futur candidat à la présidentielle de 2012, a été exclu du parti pour « activité fractionnelle ». N O 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
MORTEZA NIKOUBAZL/REUTERS ; JUAN CARLOS ULATE/REUTERS ; VINCENT FOURNIER/JA
STEPHEN LOVEKIN/GETTY IMAGES FOR TIME/AFP
E
n ce 26 avril 2011, le Jazz at Lincoln Center de New York accueille du beau monde. Dans la célèbre salle de concert sont réunis les « 100 » de 2011, ceux qui, selon le magazine Time, font bouger le monde, ainsi que de prestigieux invités. Côté africain, quatre petits nouveaux ont fait leur entrée au classement : l’avocat libyen Fathi Terbil, le blogueur égyptien Waël Ghonim, le rappeur tunisien El Général (lire ci-contre) et la Sénégalaise Bineta Diop, fondatrice de l’ONG Femmes Africa Solidarité (FAS). Entourée de stars du cinéma, de businessmen ou d’hommes politiques, la native de Guéoul (nord-ouest du Sénégal) ne se sent nullement impressionnée. Elle en a vu d’autres. La directrice exécutive de FAS est souvent sollicitée par les chefs d’État de l’Union africaine (UA), s’entretient régulièrement avec Ban Ki-moon, travaille avec Graça Machel, l’épouse de Nelson Mandela… À 61 ans – elle en paraît vingt de moins –, elle a sillonné le monde, serrélamaindesplusgrands,mais a choisi de se consacrer aux femmesafricainesmeurtriesdansleur reconstruction. Un besoin qui lui vient de sa mère, Marèma Lô, militante féministe de la première heure. « Elle nous a toutes mises à l’école, mes trois sœurs et moi, et nous a encouragées à aller le plus loin possible, explique Bineta Diop. Et en tant que vice-présidente des femmes de l’Union progressiste sénégalaise [le parti de Senghor, NDLR], elle m’a appris à qui il fallait s’adresser pour faire bouger les choses. » Mariée à 19 ans, Bineta Diop passe son bac à Addis-Abeba, où son mari, diplomate, est en poste, avant de poursuivre ses études à Paris et d’entrer, en tant que coordinatrice de projet, à la Commission internationale des juristes, à Genève, en 1981. Une ONG qu’elle quittera quinze ans plus tard pour créer FAS, « parce que l’on parle toujours des hommes, mais jamais des femmes ». Depuis 1996, FAS a fait bien du chemin. L’ONG a des bureaux à Dakar, New York, Genève, mais aussi au Soudan, en RD Congo et au Tchad. Non seulement elle est au cœur des processus de réconciliation au Burundi, en Centrafrique et au Liberia, mais elle intervient également dans la formation de soldats sur les droits de l’homme… et de la femme. Ce n’est pas pour autant que Bineta Diop lève le pied : elle prépare un PhD au Centre d’études stratégiques de Paris. Thème de son mémoire: Femmes, paix et sécurité. ●
D.R. ; SCANPIX SWEDEN/REUTERS ; DENIS BALIBOUSE/REUTERS
MURHABAZI NAMEGABE
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Paul
Grand angle
« Quand un pouvoir tue son propre peuple, cela nous concerne tous » Côte d’Ivoire, Libye, RD Congo, France, droits de l’homme, opposition… Le chef de l’État rwandais livre sa part de vérité à sa manière. Parfois lapidaire. Toujours directe. Entretien exclusif avec l’« Iron man » de Kigali.
Propos recueillis à Kigali par
D
FRANÇOIS SOUDAN
écidément,c’estuneautre Afrique que celle-là. Une Afrique où il n’y a ni toits de chaume, ni sachets en plastique, ni mendiants, ni sandales aux pieds, où les cyclomotoristes portent le casque et le gilet fluo, où les rendez-vous s’honorent à l’heure, où les policiers n’exigent rien d’autrequevospapiers,oùl’environnement est protégé comme un trésor national, où fumer est mal vu, où il n’y a ni décharges publiques ni trous béants dans l’asphalte, où l’on se promène en toute sécurité au cœur de la nuit, où l’on se couche tôt pour se lever tôt, où les journées au travail sont des journées de travail, où les délestages d’électricitésontaussiraresdanslacapitale que les accidents de la circulation. Cette fourmilière austère de dix millions d’âmes qu’est le petit Rwanda a pour chef un homme au visage émacié, dont la vie quotidienneestrégléecommeunehorloge suisse et qui rêve d’en faire un Singapour africain : Paul Kagamé, 53 ans, réélu en août 2010 pour ce qui devrait être son dernier septennat. Cet ami du couple Clinton, de Tony Blair et de Bill Gates, chouchou du Forum de Davos, fan de Twitter et de Facebook, parvenuaupouvoirilyadix-septans,après queleRwandadesmillecollinesestdevenu celuidesmillefossescommunes,n’ajamais fait preuve de mansuétude envers ceux
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qui entravent sa marche forcée sur la voie du progrès. MODÈLE. Envers les corrompus, mais aussi les opposants, promptement accusés de divisionnisme ethnique dans un pays où toute mention de l’appartenance aux communautés hutue ou tutsie est officiellement bannie, Paul Kagamé peut se montrer impitoyable. Résultat : des rapports d’ONG souvent très critiques quant au respect de la liberté d’expression et une impression d’unanimisme parfois pesante. Le régime, lui, met en avant d’autres acquis, évidemmentincontestables.Untauxdecroissance de 8 %, une autosuffisance alimentaire désormais assurée et une attractivité certaine pour les investisseurs. Aujourd’hui relié par des vols quotidiens vers l’Europe, Kigali connaît un impressionnant boom immobilier et ambitionne de devenir une ville de congrès. Après Serena, Hilton, Marriott et Radisson s’apprêtent à ouvrir des hôtels à la rentabilité quasi assurée depuis que le dernier rapport « Doing Business » de la Banque mondiale a classé le Rwanda à la cinquième place des pays du continent. Si l’on ajoute à cela les étonnantes perspectivesénergétiquesouvertesparl’exploitationdugazméthanedulacKivuetle ● ● ● JEUNE AFRIQUE
Kagamé
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VI NC EN T
FO UR NI ER
/J. A.
Ý RÉÉLU POUR UN DERNIER MANDAT DE SEPT ANS EN AOÛT 2010, le président Kagamé affirme qu’il ne touchera pas à la Constitution : « Vous verrez bien, quitte à être surpris. »
JEUNE AFRIQUE
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Grand angle Rwanda rôle de hub technologique joué par le Rwanda dans le cadre de la Communauté de l’Afrique de l’Est, on comprend mieux pourquoi, du Gabon, du Togo, du Bénin, du Burundi, du Burkina ou d’ailleurs, les délégations d’officiels venus étudier le « modèle » rwandais se succèdent à Kigali. C’est dire aussi si l’on a parfois du mal à distinguer Paul Kagamé le chef de l’État du PDG de Rwanda Inc. Ce dernier ayant décrété que son pays serait désormais anglophone – une directive appliquée à la lettre –, l’entretien qui suit s’est déroulé en anglais, première langue étrangère du pays. Cela fait longtemps, il est vrai, que Paul Kagamé a renoncé à apprendre le français. « Faute de temps », dit-il. Mais aussi de motivation: « Le chinois me serait sans doute plus utile »… ●●●
JEUNE AFRIQUE: Vous avez, comme tout le monde ou presque, regardé à la télévision les images de l’arrestation du couple Gbagbo à Abidjan, le 11 avril. Que vous inspirent-elles ? PAUL KAGAMÉ : Une sorte de tristesse
quant à la façon dont on fait et conçoit la politique en Afrique. Ces images ont quelque chose de tragique, mais elles sont aussi largement artificielles. Elles tendent à démontrer que ce sont les forces d’Alassane Ouattara qui ont procédé à cette arrestation, mais plus je les regarde et plus je vois derrière l’ombre du metteur en scène étranger. Le fait que, cinquante ans après les indépendances, le destin du peuple ivoirien, mais aussi son économie, sa monnaie, sa vie politique, soient encore contrôlés par l’ancienne puissance
VINCENT FOURNIER/J.A.
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KIGALI, AVRIL 2011. La capitale rwandaise (1 million d’habitants) est une fourmilière ordonnée, propre, austère et en plein boom immobilier.
extérieure dans leurs propres affaires, leur responsabilité est entière. Si votre faiblesse et votre mauvaise gouvernance vous exposent à être manipulé, il est inutile de vous plaindre. Vous aviez de bons rapports avec l’exprésident Gbagbo. Il vous a rendu visite à Kigali à l’époque où vos relations avec la France étaient rompues. Éprouvezvous de la compassion pour le sort qui est le sien ?
Vous faites erreur. Ceux qui viennent nous rendre visite ne sont pas automatiquement nos amis. Quand un chef d’État
À ma connaissance, Alain Juppé n’est pas le bienvenu au Rwanda. Mais la France ne se résume pas à Alain Juppé. coloniale pose problème. C’est cela que ces images montrent avant tout. Si la France est intervenue en Côte d’Ivoire, n’est-ce pas aussi à cause de l’incapacité de l’Union africaine et de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest [Cedeao] à résoudre la crise ?
Tout à fait. C’est la conséquence de notre propre échec collectif et individuel. Quand certains États africains créent euxmêmes les conditions d’une ingérence N o 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
exprime le souhait de venir nous voir, il est le bienvenu. Mais mêler l’amitié à cela est ridicule. Les relations du Rwanda avec la Côte d’Ivoire ne sont pas réductibles à M. Gbagbo ou M. Ouattara. Ce sont des relations d’État à État, de peuple à peuple, d’intérêt à intérêt. Les considérations d’ordre sentimental n’ont rien à voir là-dedans. Aux yeux de la communauté internationale, Alassane Ouattara est légitime, et Laurent Gbagbo ne l’est pas…
C’est un autre problème. D’une part, et nous le savons bien au Rwanda, la communauté internationale ne dit pas systématiquement le droit. De l’autre, toutes les élections ne débouchent pas sur des crises ouvertes. Enfin, je le répète, ce ne sont pas MM. Gbagbo ou Ouattara qui, dans le fond, m’importent. Le peuple ivoirien est-il maître de son destin ? Quelle est, en tant qu’Africains, notre part de responsabilité ? Quelle image d’elle-même l’Afrique donne-t-elle au reste du monde ? Pensons-nous que le spectacle d’une armée étrangère, même sous couverture onusienne, intervenant dans les rues d’une capitale africaine est une bonne chose ? Pourquoi nous, Africains, avons-nous laissé se créer ce type de situation ? Ayons le courage de nous regarder dans un miroir. Pourtant, vous êtes l’un des très rares chefs d’État africains à avoir publiquement approuvé l’intervention occidentale en Libye. N’y a-t-il pas là une contradiction ?
Non. J’ai dit ce que je pensais devoir dire face à une situation tragique où des civils, des populations entières, étaient victimes d’une agression de masse. Que fallait-il faire à partir du moment où l’Afrique n’a ni les moyens ni l’influence nécessaires pour y mettre un terme ? Compter les points ? Certes, je n’ignore pas l’argument classique du deux poids, deux mesures : les Occidentaux et l’Otan JEUNE AFRIQUE
L’interview de Paul Kagamé interviennent là où ça les arrange et pas ailleurs. C’est sans doute exact. Mais cela étant dit, et même si cela relève du « double standard », tout vaut mieux que de rester les bras croisés face à des massacres. Autre argument avancé par certains de vos pairs : ce qui se passe en Libye est une guerre civile, une affaire purement interne à laquelle les Américains, les Français et les Britanniques ne doivent pas se mêler.
Ce n’est pas mon opinion. Quand un pouvoir tue son propre peuple, cela nous concerne tous.
Kaddafi doit-il partir ?
Je crois que Kaddafi est au cœur du problème. Donc, aucune solution ne sera possible tant qu’il sera au pouvoir…
Libre à vous d’interpréter ainsi mes propos.
La rapidité avec laquelle vous avez fait saisir les avoirs libyens au Rwanda a surpris. Étiez-vous obligé d’aller jusque-là ?
Ce sont les mêmes principes et la même doctrine qui fondent l’action de la Cour pénale internationale [CPI]. Et pourtant, vous la critiquez…
La raison en est simple: il y a le principe et l’application du principe. La mise en œuvre de la responsabilité de protéger doit s’appuyer sur une évaluation, une analyse et une connaissance correctes de la situation. Dans le cas contraire, cela s’apparente à de l’ingérence. C’est pour cela que les cas libyen et ivoirien sont à mes yeux différents. Quant à la CPI, je suis totalement pour la justice internationale en tant que principe, mais je suis contre la façon dont cette justice s’exerce et contre la manière dont la CPI opère, particulièrement en Afrique. Je me suis maintes fois expliqué à ce sujet.
Début avril, vous avez eu des mots très durs à l’encontre du ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, dont votre gouvernement avait critiqué la nomination. Les Rwandais, avez-vous dit, « ont été insultés par son attitude et ses prises de position » pendant et
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depuis son arrivée au pouvoir dans le sens d’une amélioration des relations franco-rwandaises. Alain Juppé serait-il le bienvenu au Rwanda ?
Pas à ma connaissance.
Qu’attendez-vous de lui au juste : des excuses ? Une repentance ?
Ce n’est pas à moi de me substituer à des individus qui font face à leurs responsabilités. Ce n’est pas mon affaire, c’est la sienne. Lors de son passage à Kigali, en février 2010, Nicolas Sarkozy vous a invité à vous rendre en France. Comptezvous y aller ?
C’est possible. Cela dépend encore des circonstances, du calendrier et de la formalisation de cette invitation.
Alain Juppé est-il un obstacle à cette visite ?
Non. La France ne se résume pas à Alain Juppé.
Les interventions étrangères en Libye, mais aussi en Côte d’Ivoire, s’appuient sur un concept nouveau: la « responsabilité de protéger ». En résumé : les droits de l’homme sont universels. Chaque État se doit de les respecter. Si l’un d’entre eux ne le fait pas, c’est aux autres de s’en charger. Êtes-vous d’accord ?
Je ne peux qu’être d’accord avec le principe d’une responsabilité de la communauté internationale à l’égard des peuples de ce monde. Le génocide qu’a connu le Rwanda en 1994 est là pour le démontrer a contrario. Cette même communauté avait l’obligation morale d’intervenir et l’on sait qu’elle a failli à son devoir. JEUNE AFRIQUE
LUDOVIC/REA
C’est une coïncidence que la crise actuelle n’a fait que cristalliser. Depuis des mois, nous demandions aux Libyens de respecter leurs engagements contractuels tant dans la téléphonie mobile que dans l’hôtellerie. Rwandatel était au bord de la faillite et Laico se dégradait à vue d’œil. Nous leur avions donné le choix : soit vous investissez, soit nous rachetons vos parts. Leur réponse : des promesses. De toutes les manières, nous en serions arrivés là.
AVEC NICOLAS SARKOZY, LE 25 FÉVRIER 2010. Dans les jardins de la présidence, lors de la visite officielle du chef de l’État français. après le génocide. Depuis, Alain Juppé a fait parvenir un message apaisant à son homologue rwandaise. N’est-il pas temps de tourner la page ?
Je ne retire pas un mot de ce que j’ai dit, avant que ce message nous parvienne. S’il y a de sa part une approche différente du Rwanda et une évaluation nouvelle de la situation, nous examinerons cela. Pour le reste, sa nomination n’ôte rien aux efforts louables faits par le président Sarkozy
Avec votre voisin, le président congolais Joseph Kabila, c’est désormais la lune de miel…
N’exagérons rien. Les choses vont mieux entre nos deux pays, c’est vrai, dans la mesure où les problèmes qui nous séparaient sont désormais traités à la racine. Dans ce contexte, la bonne entente entre les deux chefs d’État est un plus incontestable. Bien sûr, la paix n’est pas encore revenue dans le ● ● ● N o 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
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Grand angle Rwanda
Questionnaire de
Proust
« Respectez-moi, tout comme je vous respecte » Quel est le principal trait de votre personnalité ? Je prends mes responsabilités et je les prends avec sérieux. Je n’accepte pas que l’on me dicte ma conduite ni celle de mon pays. Respectez-moi, tout comme je vous respecte. Quelle qualité préférez-vous chez un homme – ou une femme ? Le caractère. Et le défaut que vous détestez le plus ? La malhonnêteté. Quelle est votre qualité majeure ? L’équité. Et votre principal défaut ? Celui de ne pas connaître mes faiblesses. Votre principale réussite personnelle ? Être demeuré ce que je suis. Votre idée du bonheur ? Satisfaire mes ambitions. Votre idée du malheur ? Le génocide, bien que cela surpasse le malheur. Dans une autre vie, quel métier exerceriez-vous ? Pilote d’avion ou ingénieur. Quoi qu’il en soit, en homme libre. Derniers livres lus ? Naked Economics, de Charles Wheelan, et Competitive Strategy, de Michael Porter. Le héros auquel vous aimeriez ressembler ? Je n’en vois pas. Votre nourriture favorite ? Aucune. Je mange ce que mangent les gens avec qui je suis. Votre boisson favorite ? L’eau, le thé. Un demi-verre de vin quand les circonstances l’imposent, que je goûte plus que je ne bois. En éprouvez-vous du plaisir ? Non. Quel est votre état d’esprit en ce moment ? Serein. Déterminé à agir pour construire le futur. Optimiste avec raison pour l’avenir de mon pays, mais pas optimiste béat, car on ne bâtit rien sans un effort permanent. Que pensez-vous de ce questionnaire ? Décidément, je n’aime guère parler de moi. ● Propos recueillis par F.S. N o 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
Nord-Kivu, où les forces négatives continuent d’opérer et de recruter. Mais les progrès sont évidents.
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Cela fait plus de deux ans que l’ancien chef rebelle congolais Laurent Nkunda est en résidence surveillée à Kigali. Pourquoi ne décidez-vous pas de le remettre aux autorités de son pays, ou tout simplement de le libérer ?
C’est une affaire beaucoup plus complexe que cela sur les plans politique, diplomatique, judiciaire, humain, et qui ne se réduit pas à cette alternative. Nous en parlons, certes, avec les Congolais et nous essayons de trouver ensemble la meilleure solution. L’important est que cela n’obère pas nos bons rapports. Vous avez été réélu en août 2010 avec 94 % des voix. Vous savez bien que ce n’est pas, de nos jours, un score politiquement correct…
Les 82 % de Jacques Chirac en 2002 étaient donc politiquement incorrects ! Auriez-vous préféré un 54 %-46 % comme en Côte d’Ivoire, suivi d’une quasi-guerre civile? Soyons sérieux. Chaque pays a son contexte et ses spécificités : considérer le Rwanda comme la France, en oubliant le génocide de 1994 et son million de victimes, c’est une aberration. Nous pratiquons la démocratie en fonction de notre histoire, de notre environnement et de notre expérience, qui ne sont pas les mêmes qu’en Europe. Nous bâtissons un nouveau pays. N’attendez pas que, du jour au lendemain, nous atteignions une
Ici, les gens votent pour la sécurité, le niveau de vie, la justice, la réconciliation. C’est-à-dire pour l’essentiel. sorte d’idéal universel. Et puis, pourquoi comparerais-je la qualité et la sincérité d’expression de mon peuple à celles des autres ? Oui, au Rwanda, on vote avec un taux de participation de 96 % sans que personne n’oblige qui que ce soit à se rendre aux urnes et sans qu’il y ait besoin de falsifier les résultats. Ici, les gens votent pour la sécurité, le niveau de vie, JEUNE AFRIQUE
L’interview de Paul Kagamé nuisances.Combien,parmilesdixmillions de Rwandais, s’identifient à eux? Une fois de plus, ce qui m’étonne, c’est la facilité avec laquelle certains milieux occidentaux se laissent prendre au jeu de ces criminels déguisés en opposants démocrates.
VINCENT FOURNIER/J.A.
L’ancien Premier ministre Faustin Twagiramungu, qui a lancé depuis Bruxelles la Rwanda Dream Initiative, estime que l’onde de choc des révolutions arabes peut atteindre Kigali. Qu’en pensez-vous ?
AU COURS DE L’ENTRETIEN, À URUGWIRO VILLAGE (KIGALI), LE 14 AVRIL. « Décidément, je n’aime guère parler de moi. »
la justice, la réconciliation, l’éducation. C’est-à-dire pour l’essentiel. Évidemment, dans le monde riche, là où l’abstention électorale est de plus en plus préoccupante, ces chiffres et ces motivations sont parfois considérés avec commisération, voire avec mépris. Mon Dieu, quelle ignorance ! Pour la plupart des observateurs, le niveau de développement démocratique du Rwanda est loin d’atteindre celui de son développement économique. N’y a-t-il pas une part de vérité dans ce jugement ?
Je ne le pense pas. Posez donc la question aux Rwandais, pas seulement dans les villes mais aussi dans le moindre village. Démocratie et développement en sont au même niveau et avancent dans la même et bonne direction. Bien sûr, dans le détail, cela dépend des critères, et l’on pourra toujours dire que l’une remplit 80 % de sa feuille de route et l’autre 90 %. Mais le rythme de progression est identique. Beaucoup de représentants d’ONG soi-disant indépendantes viennent ici et constatent nos succès dans les domaines économique, social et humain : il faudrait être aveugle pour ne pas les voir. Le problème est qu’elles ne le disent pas et semblent ne pas vouloir croire en ce qu’elles voient. Pourquoi ? Je l’ignore. J’en conclus que les progrès enregistrés par un pays comme le Rwanda ne font pas plaisir à tout le monde. Ceux qui vous critiquent n’auraientJEUNE AFRIQUE
ils pas un problème avec vous, plutôt qu’avec le Rwanda ?
Je crois qu’ils ont un problème avec l’Histoire, avec le passé, avec le génocide, avec leur propre culpabilité, avec l’Afrique dans son ensemble. Je n’accepte pas, le gouvernement n’accepte pas, le peuple
Les Rwandais font leur révolution chaque jour. Mais ils la font pour soutenir le processus en cours dans ce pays, non l’inverse.
Amnesty International et Human Rights Watch considèrent vos opposants Victoire Ingabire et Bernard Ntaganda, détenus depuis des mois, comme des prisonniers politiques. Votre opinion ?
Chacun son business. Le nôtre est de faire progresser le Rwanda sans se laisser prendre en otages par ce type de considération. Ingabire et Ntaganda ont enfreint la loi. Ils seront jugés de façon impartiale.
Les Rwandais font leur révolution chaque jour. Mais ils la font pour soutenir le processus en cours, non l’inverse. rwandais n’accepte pas que l’on décide à notre place. C’est le fond du problème. Plusieurs ex-généraux de votre armée et des dissidents de votre propre parti ont fondé il y a peu le Rwanda National Congress, censé regrouper l’opposition en exil. Cela vous inquiète-t-il ?
Ces gens n’ont ni base, ni légitimité, ni avenir. Pour moi, cette initiative est tout simplement inexistante.
Pourtant, des attentats à la grenade ont eu lieu à Kigali et il n’y a jamais eu autant de policiers et de militaires dans les rues…
Oui, mais cela n’est pas contradictoire. L’absence de base et de légitimité populaire mène au terrorisme groupusculaire. Le fait que ces gens aient contracté des alliances avec des génocidaires patentés basés à l’extérieur parle de soi et montre en outre qui ils sont réellement : des
Votre actuel et dernier mandat s’achèvera en 2017. Le Rwanda pourra-t-il vivre sans vous ?
Le contraire serait un échec pour moi et pour nous tous. Vous savez, beaucoup de prophètes de malheur se sont penchés sur ce pays. On lui a annoncé un destin d’État failli, on a prédit que notre expérience allait s’effondrer au bout de deux ans, on a affirmé que le progrès c’était bon pour les villes mais que les campagnes resteraient dans la misère, on a juré que la face cachée de nos performances économiques ne pouvait être que l’oppression et la dictature. Sur tous ces points, nous leur avons donné tort. La dernière variante concerne l’aprèsKagamé. Certains disent que ce sera le chaos, d’autres que je m’accrocherai au pouvoir. En réalité, vous le verrez bien, quitte à en être surpris : le leadership changera de mains, mais le chemin et la direction resteront les mêmes. ● N o 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
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Afrique subsaharienne
BURKINA
Carton jaune pour
Compaoré Soulèvements dans l’armée, montée des revendications sociales : le président burkinabè a fort à faire. Le début de la fin ? Voire. Mais lui reste serein. RÉMI CARAYOL
S
oudain, des tirs se font entendre. Il est aux alentours de 22 heures, ce jeudi 14 avril, quand Blaise Compaoré est surpris chez lui par des détonations ressemblant à des tirs de kalachnikov. Surpris, surtout, par leur proximité évidente. Le président se trouve dans sa résidence officielle, située dans l’enceinte du palais de Kosyam, au fin fond de Ouaga 2000, là où les nouveaux riches rivalisent dans l’art de se faire construire des châteaux forts. Kosyam est bien plus que cela. La citadelle, édifiée à l’écart de toute autre construction, est imprenable. Elle est défendue Plusieurs par le Régiment de la sécurité présidentielle (RSP), de loin le mieux équipé de toute l’armée burkinabè. Le mieux fourni aussi: ses éléments sont considérés comme étant les meilleurs des 12 000 hommes que compte la Grande Muette. Celui qui est censé être le plus fidèle, enfin : le RSP représente un corps autonome dans l’armée, il est dirigé par le chef d’état-major particulier du président, le plus ancien de ses compagnons, acteur majeur du coup d’État de 1987, Gilbert Diendéré. Ses hommes sont les mieux payés de l’armée, à tel point que les autres soldats en viennent parfois à les jalouser. Et pourtant… Ce soir-là, Compaoré vient aux nouvelles : c’est bien au sein du RSP que la mutinerie a éclaté. Le matin même, les hommes de la garde présidentielle ont reçu leur fiche de paie.
Aucune mention n’est faite d’une prime qui leur avait été promise. Une question de temps et d’étapes administratives qui échappe aux soldats, explique l’entourage du président. Comme lors de la première mutinerie, le 22 mars, les jeunes recrues (une soixantaine) issues des promotions 2008-2009 expriment leur mécontentement… à leur manière: tirs de kalach et de lance-roquette, d’abord dans l’enceinte présidentielle, durant près de deux heures, puis dans toute la ville ; incendie de la maison de leur chef, Gilbert Diendéré ; pillages, viols… Le calme ne reviendra que dans la matinée dans la capitale, après que des éléments des deux autres camps de la ville se seront joints à eux.
révoltes ou mutineries ont déjà ébranlé le régime
1999 2006 2007
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Face à ce déchaînement de violence, le président refuse d’envoyer les unités d’élite « mater » les rebelles. Lors de la première mutinerie, fin mars, Compaoré s’y était déjà opposé, alors que l’état-major l’envisageait. « Nous sommes dans l’apprentissage de la démocratie, avait-il affirmé à un conseiller qui ne comprenait pas sa décision. Ce que nous vivons là, ce sont les conséquences JEUNE AFRIQUE
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AHMED OUOBA/AFP
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de cet apprentissage. Nous devons éviter tout retour en arrière. » Le 14 avril, il tient les mêmes propos. « Il a voulu éviter tout affrontement qui aurait pu aboutir à un bain de sang », affirme un de ses conseillers. Le président a-t-il craint pour sa vie ? « Jamais ! rétorque ce conseiller, presque choqué par la question. Les mutins n’ont pas voulu s’en prendre à lui. Ils ont toujours tiré en l’air. » Comme lors de la première mutinerie, ce n’est en effet pas le président qui est visé, mais les supérieurs hiérarchiques. Un militaire mécontent rencontré début avril dans la capitale nous l’avait confirmé: « Nous ne reprochons rien au président. Nous lui faisons toujours confiance. Le problème, c’est les gens au-dessous de lui. » Pourquoi, alors, avoir fui dans son village natal, Ziniaré, situé à une demi-heure de Ouagadougou? « Il n’a pas fui. Il est d’abord resté à Kosyam. Puis, dans la nuit, il a décidé d’aller rassurer sa famille », assure le même conseiller. Depuis quelques jours, Compaoré avait fait venir au Burkina sa bellefamille, qui vit en Côte d’Ivoire et dont la maison à Abidjan aurait été pillée par les milices pro-Gbagbo. « Il y a passé quelques minutes avant de revenir au palais », affirme un proche. Une thèse à laquelle ne croit pas l’opposition, qui veut y voir un acte de lâcheté alors que les habitants de la capitale étaient terrorisés par les mutins. JEUNE AFRIQUE
LE 14 AVRIL, C’ÉTAIT AU TOUR D’ÉLÉMENTS DU RÉGIMENT DE LA SÉCURITÉ PRÉSIDENTIELLE
de se soulever, alors même que le président se trouvait dans son palais de Kosyam, à Ouaga 2000.
Au sein du parti présidentiel, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), dont le siège a été incendié le 16 avril par des commerçants ulcérés par les pillages des soldats, certains reconnaissent que le président « a senti le vent du boulet passer très près ». Au lendemain de cette nouvelle mutinerie, il a d’ailleurs tranché dans le vif en dissolvant le gouvernement de Tertius Zongo et en remplaçant toute la chaîne de commandement de l’armée, du chef d’état-major général au chef de corps du RSP, en passant par les chefs d’étatmajor de l’armée de terre, de l’armée de l’air et de la gendarmerie – seul Gilbert Diendéré, incontournable, a gardé son poste… Mais dans l’entourage du président, on se veut moins alarmiste. « Ces changements, il les avait décidés avant, à l’issue des consultations qu’il avait menées ces dernières semaines. Les événements du 14 avril n’ont fait qu’accélérer les choses. » FUSILLADE. Le président est toujours resté calme,
jurent ses proches, qui rappellent que, le 15 avril, il n’a pas modifié son programme – il a notamment reçu un ministre norvégien à Kosyam. « Je l’ai trouvé serein, souriant même », témoigne un visiteur reçu au palais trois jours après la rébellion du RSP. Serait-il à ce point aveugle ? « Non, il est clairvoyant », rétorque un cadre du CDP. N 0 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
Afrique subsaharienne Ce n’est pas une révolution, sire, lui ont assuré ses plusieurs années que les Burkinabè s’expriment conseillers au plus fort de la fusillade, ce n’est pas sur le mode de la révolte, le régime ayant verrouillé non plus une révolte, ni même une mutinerie. C’est tous les moyens d’expression institutionnels. » juste « une manifestation pour des revendications En 1999, le politologue parlait de la « crise la plus corporatistes », selon les mots d’un des membres grave que le président ait jamais eu à affronter ». de son cabinet. Une de plus, dans une crise que l’on Aujourd’hui, il estime que les contestations actuelcroit, à Kosyam, passagère, et que l’on explique par les sont plus menaçantes encore : « La nouveauté, les difficultés économiques liées à la crise ivoirienne c’est que l’armée y participe. » Peut-on parler du et par l’activisme « historique » des syndicats burkinabè. Même les opposants sont dépassés Il faut dire que ce n’est pas le par l’ampleur de la contestation. premier soubresaut de ce type auquel Compaoré doit faire face. Des mutineries, il en a affronté: en 1999, en 2006 et début du déclin pour Compaoré, vingt-quatre ans en 2007 – à chaque fois pour des motifs différents. après sa prise de pouvoir ? Beaucoup y croient : Des tensions sociales aussi. En 1999 déjà, le régime les opposants bien sûr, quoique dépassés par avait vacillé après l’assassinat du journaliste Norbert l’ampleur des manifestations, mais aussi des Zongo. Face aux manifestations, le président s’était observateurs étrangers, qui notent que les lanengagé à réformer les institutions. Selon le politogues se délient, et même des cadres du CDP. L’un logue Augustin Loada, directeur du Centre pour d’eux, Ablassé Ouédraogo, ancien ministre des la gouvernance démocratique, la crise actuelle Affaires étrangères en rupture de ban, effectuait ressemble fort à celle d’il y a douze ans. Même récemment une comparaison osée : « Compaoré facteur déclencheur – la mort d’un homme dans est arrivé au pouvoir en 1987. Comme Ben Ali. Tous deux ont œuvré au développement de leur pays. Mais tous deux ont aussi péché. Il y a des similitudes entre les deux régimes : la montée des inégalités et de la corruption ; le sentiment d’injustice ; le poids, dans les affaires, de la famille du président… » Ce dernier point fait l’objet de nombreux tracts distribués à Ouagadougou. « Les Burkinabè en parlent énormément entre eux. Ça les révolte », assure le chef de file de l’opposition, Bénéwendé Sankara. SANS GRADES. L’entourage de Blaise Compaoré,
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LES MANIFESTATIONS ONT COMMENCÉ
22 FÉVRIER, après la mort d’un collégien. Depuis, les mouvements de colère ont été réguliers (ici à Ouagadougou, le 16 avril).
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des conditions suspectes, Norbert Zongo en 1998, Justin Zongo (aucun lien de parenté) en 2011. Même point de départ de la contestation – la région de Koudougou.Mêmetimingaussi:ennovembre1998, Compaoré avait été réélu confortablement dès le premier tour; deux mois plus tard, la colère éclatait. Cette fois, les premières manifestations ont eu lieu le 22 février, trois mois après sa réélection avec plus de 80 % des suffrages. Elles n’ont cessé depuis. Le 27 avril, des commerçants et des étudiants ont incendié le domicile du maire de Koudougou. Le 28 avril, des policiers sont sortis de leurs casernes et ont tiré en l’air à Ouagadougou et Bobo-Dioulasso. « C’est logique, estime Augustin Loada, cela fait
qui a promis des mesures pour calmer les esprits, reste confiant. « Pour l’heure, les revendications restent corporatistes », estime un conseiller. Le président sait en outre que les bases sur lesquelles repose son régime sont solides. La première d’entre elles, l’armée, lui reste fidèle. Comme le rappelle un colonel, on ne comptait aucun sous-officier – et encore moins d’officier – parmi les mutins. Tous étaient des sans-grades, qui, même s’ils ont accès aux armes, n’ont ni les moyens ni l’envie de renverser le régime. « La hiérarchie militaire reste unie derrière le président », estime un spécialiste des questions militaires. Ses conseillers reconnaissent toutefois que « la crise a mis en lumière certaines défaillances », notamment au niveau du renseignement. Mais selon un ancien ministre, le problème vient surtout de son entourage, « constitué de courtisans qui l’éloignent de la réalité ». L’optimisme de certains conseillers, qui ne veulent voir que les réussites du président ou qui affirment que « la vie chère est toute relative », frise l’aveuglement. La qualité première de Compaoré, expliquait récemment un de ses proches, « c’est l’art d’anticiper les événements ». Pas cette fois-ci. ● JEUNE AFRIQUE
Afrique subsaharienne
Luc Adolphe Tiao, le joker du président Le tout nouveau Premier ministre a annoncé, le 28 avril, une série de mesures destinées à calmer le jeu.
MARX ET LÉNINE. Fils de fonctionnaire né à Tenkodogo, en 1954, il entre au petit séminaire Notre-Dame-d’Afrique (1969-1974). Sur les bancs de cette école catholique qui a vu passer nombre de politiques burkinabè – dont Roch Marc ChristianKaboré,présidentdel’Assemblée
NYABA OUEDRAOGO
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uagadougou, le 15 avril. La capitale burkinabè se remet péniblement d’un énième mouvement de colère de soldats. Cette nuit-là, ce sont des membres de la garde présidentielle qui ont manifesté, ceux dont on dit qu’ils sont les mieux lotis. Leur mécontentement a eu raison du commandement militaire et du gouvernement de Tertius Zongo Parmi les premiers à témoigner de la sympathie à l’ex-Premier ministre, Luc Adolphe Tiao, 57 ans, ambassadeur du Burkina Faso en France depuis 2008. Un SMS, pour souhaiter bon courage à l’ami qu’il voit et consulte souvent. Le diplomate est loin de se douter que, trois jours plus tard, c’est à lui que Blaise Compaoré proposera de former un nouveau gouvernement. « J’étais sonné, abasourdi… Je pensais sincèrement qu’il plaisantait », raconte-t-il. « C’est d’autant plus surprenant qu’il n’a pas toujours été en phase avec le pouvoir, mais je le voyais mal refuser de servir son pays », commente un ancien collaborateur parisien.
de la déontologie, qui a fait de la Convention collective des journalistes et de la carte de presse ses priorités. « Luc sait prendre le temps d’écouter avant de parler, témoigne Justin Coulibaly, ancien rédacteur en chef du principal quotidien burkinabè, Sidwaya. Et, même si nous étions un média d’État, il tenait à ce que nous couvrions toute l’actualité, quitte à contrarier les autorités de l’époque. » Ce que Tiao n’a pas hésité à faire, en 1982, alors que le régime du médecin militaire JeanBaptiste Ouédraogo réduit les libertés individuelles. Jeune journaliste, il a bravé le pouvoir pour donner la parole aux rebelles de l’époque. Il s’est rendu au Centre d’entraînement commando de Pô, où un jeune capitaine du nom de Blaise Compaoré préparait une révolution. Près de trente ans plus tard, le militaire et le journaliste sont de nouveau réunis. Le premiertaiseux,lesecondaffableetouvert. Et les Burkinabè ont hâte de voir comment va procéder le tandem. « Luc Adolphe Tiao n’est pas du genre à se taire quand cela ne va pas. Quant à Blaise Compaoré, il est bien décidé à reprendre le pays en main. J’ai des doutes sur leur capacité à travailler de concert », commente un journaliste burkinabè. En attendant, Tiao a annoncé le 28 avril plusieurs mesures pour lutter contre la vie chère. Pas sûr que cela suffise à rassurer les Burkinabè. ●
nationale, et Tertius Zongo –, il se destine à la prêtrise. « Mais à la fin du lycée, je me suis rendu compte que ce n’était pas pour moi. Lire Marx ou Lénine, c’était trop progressiste pour être prélat », confesse-t-il. Des années plus tard, diplômé du Centre d’études des sciences et techniques de l’information de l’université de Dakar (Cesti) et titulaire d’une maîtrise en droit obtenue à l’université de Ouagadougou, il devient journaliste. Pour ceux qui l’ont côtoyé, au sein de la rédaction de l’hebdomadaire Carrefour africain, puis en tant que directeur des Éditions Sidwaya (1987-1990) et président du Conseil supérieur de l’information (CSI, 2001-2008), c’est un homme travailleur et respectueux
MALIKA GROGA-BADA
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Mamadou Koulibaly et Paul Yao N’Dré
CÔTE D’IVOIRE
Gbagbo & Co.: paysage après la chute
Un petit tour et puis s’en va
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epuis l’arrestation de Laurent et Simone Gbagbo, le 11 avril, les ex-barons du régime ne vivent plus sous les ors de la République. Si certains ont réussi à se cacher ou à partir à l’étranger, d’autres ont subi l’humiliation d’une arrestation médiatisée et parfois même un passage à tabac. « Nous n’avons pu contenir les débordements de certains de nos militants, reconnaît un proche du président, Alassane Ouattara. L’isolement et la confiscation des téléphones de certaines personnes visent à empêcher tout trouble de l’ordre public et à les protéger. Plusieurs d’entre elles pourraient être poursuivies par la justice. » Le chef de l’État souhaite faire la lumière sur les crimes politiques et économiques commis depuis l’auto-investiture de Gbagbo, le 4 décembre 2010. Il a confié le soin au nouveau procureur par intérim de la République, Koffi Kouadio Simplice, de mener des enquêtes préliminaires contre les époux Gbagbo et contre les principales figures de leur entourage (pour atteinte à la sûreté de l’État, achat illégal d’armes et détournement de fonds publics). Ils recevront la visite de magistrats dans les prochains jours. De quoi étayer un dossier d’accusation et prolonger leur détention provisoire en attendant un éventuel jugement. ● PASCAL AIRAULT et BAUDELAIRE MIEU
Kadet Bertin
L’homme invisible
Mystère total concernant l’ex-sécurocrate de Laurent Gbagbo. Neveu du président sortant, il avait l’entière confiance de son oncle. Victime d’un accident de circulation le 25 mars, il a été soigné à la Polyclinique internationale SainteMarie d’Abidjan (Pisam). Il en est sorti peu avant l’offensive générale des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) sur la métropole et s’est évanoui dans la nature de peur des représailles. L’un de ses collègues du FPI le dit à l’étranger.
Pascal Affi N’Guessan Exilé dans le Nord
A. R/ J.
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Quand il a senti le vent tour- URNIE O ner, Pascal Affi N’Guessan (1), le président du Front populaire ivoirien (FPI), s’est d’abord réfugié sur la 1 base militaire française de Port-Bouët, puis à la Pergola, hôtel du quartier de Marcory, à Abidjan, où logent de nombreux Casques bleus. Le 23 avril, il était en pleine interview avec des journalistes de RFI et de France 24 lorsque N 0 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
des éléments des FRCI ont mis un terme à l’entretien (embarquant au passage le matériel des reporters). Suspecté par l’entourage de Ouattara de vouloir entrer en contact avec Ibrahim Coulibaly, dit IB (chef du « commando invisible » d’Abobo, tué le 27 avril), et de vouloir déstabiliser le pouvoir, il a été conduit au Golf Hôtel, puis placé en résidence surveillée à Bouna, dans le nord-est du pays.
Paul Bohoun Bouabré En fuite
Alassane Ouattara a affrété un jet privé pourlesfairerevenirduGhana.Ausortirde I S SOU F SA son audience avec le chef NO GO /A de l’État, le 20 avril, Mamadou Koulibaly (2) a plaidé pour un retour rapide à la 2 légalité constitutionnelle. Le président de l’Assemblée nationale a notamment demandé que les décrets présidentiels soient validés par les députés. Il a également fustigé les pillages et les représailles dont S UT ER / RE sont l’objet les membres O AG du FPI. Le lendemain, Ouattara s’est entretenu pendant trois 3 quarts d’heure avec Paul Yao N’Dré (3). Visiblement tendu, l e p ré s i d e nt d u Conseil constitutionnel est revenu sur la crise postélectorale – « Nous sommes allés trop loin », a-t-il confié – avant de parler de responsabilité collective. Ouattara devrait être investi le 21 mai à Yamoussoukro. Dans son entourage, beaucoup ne souhaitent pas que Yao N’Dré, qui avait validé l’élection de Laurent Gbagbo, soit à la manœuvre et préféreraient faire appel au président de la Cour suprême. Koulibaly et Yao N’Dré sont repartis au Ghana après leurs entrevues respectives.
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Pour la plupart en fuite ou placés en résidence surveillée, les anciens piliers du régime se font discrets. Petite revue de détail.
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Le ministre du Plan et du Développement de Laurent Gbagbo était hors de Côte d’Ivoire au moment de l’offensive sur Abidjan. Après un bref séjour au Togo, il a été aperçu, fin avril, en Israël. Selon ses proches, il aurait également fait un saut à Bahreïn, dans les Émirats arabes unis. Aujourd’hui, ce natif d’Issia, à qui l’on attribue une fortune colossale, est soupçonné par le camp Ouattara de vouloir préparer la riposte en organisant les patriotes restés à Abidjan.
Alain Toussaint L’agitateur
Arrivé à Paris en janvier, l’ancien conseiller de Gbagbo, qui a la nationalité française, a coordonné et organisé les protestations et manifestations de rue en Europe. Il était très régulièrement invité sur les plateaux de télé et régulièrement vu aux côtés des avocats Roland Dumas et Jacques Vergès, qui ont publiquement pris fait et cause pour l’ex-président.
Alcide Djédjé
Le médiateur désavoué
Après l’attaque de la résidence présidentielle, le 11 avril, celui dont Gbagbo avait fait son ministre des Affaires étrangères a appelé le patron de la mission des Nations JEUNE AFRIQUE
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Gilbert Marie Aké N’Gbo À la Pergola
L’ex-Premier ministre de Gbagbo se trouve, avec d’autres membres de son gouvernement (dont Danièle Boni Claverie, ministre de la Famille du président sortant) et d’anciens piliers du régime, à la Pergola. Philippe-Henri Dacoury-Tabley, proche de Gbagbo et ex-gouverneur de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), y demeure également.
Jean-Jacques Bechio Bastonné
Ancien ministre de la Fonction publique sous Houphouët-Boigny, proche soutien de Laurent Gbagbo, Jean-Jacques Bechio s’est rendu au Golf Hôtel au lendemain de l’arrestation de « son » président. Mal lui en a pris. Dès son arrivée dans le hall de l’établissement, il a été bastonné. Il est aujourd’hui en résidence surveillée à Katiola, dans le Nord, en compagnie de Geneviève Bro-Grébé, ancienne ministre des Sports de Gbagbo.
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Blé Goudé, Gossio, Don Mello
JEUNE AFRIQUE
Portés disparus
Le camp Ouattara a distillé des informations très contradictoires sur Charles Blé 4 Goudé.Onad’abord dit que le « général de la rue » avait été capturé, avant d’affirmer le contraire. Natif du village de Kpôgrébé, dans la
D.R.
unies en Côte d’Ivoire. Choi Young-jin lui a envoyé une escorte pour le ramener à son QG de Sebroko. Djédjé avait déjà négocié, les 4 et 5 avril, à la demande de Gbagbo, un accord de reddition avec l’ambassadeur de France à Abidjan. Ce qui lui avait valu les foudres de Simone Gbagbo, qui l’avait chassé de la résidence. La veille de son arrestation, le président sortant l’a sollicité pour une nouvelle tentative de négociation, mais, cette fois, les diplomates occidentaux n’ont pas donné suite. Djédjé était à la Pergola, le 28 avril, mais le camp Ouattara souhaitait l’envoyer dans le Nord à son tour. LAURENT GBAGBO À SON ARRIVÉE À KORHOGO, au lendemain de sa capture, le 12 avril.
Le prisonnier de Korhogo Il s’est accroché à son fauteuil, puis terré dans le bunker de sa résidence, à Abidjan. L’ex-chef de l’État a été transféré dans le nord du pays.
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n cette matinée du 12 avril, dans sa chambre du Golf Hôtel, à Abidjan, Laurent Gbagbo,capturélaveille,n’estpasmécontentderevoirChoiYoung-jin.L’ancien président salue le représentant spécial de l’ONU à l’africaine, tête contre tête, et remarque la présence d’Emanuela Calabrini, proche collaboratrice de Choi, d’origine italienne: « Elle est là aussi Carla Bruni! » « Je suis venu vous délivrer deux messages, lui explique alors Choi Young-jin. Les Casques bleus vont vous protéger et l’Onuci va faire ce qui est en son pouvoir pour que vous soyez bien traité. » S’ensuit une discussion courtoise. Quelques heures plus tard, Laurent Gbagbo s’envole pour Korhogo, dans le nord de la Côte d’Ivoire. Ouattara dira plus tard qu’il a pris soin de les placer, lui et son épouse, dans des villages liés à sa famille. Gbagbo est accueilli à l’aéroport par des militaires onusiens puis transféré dans la villaprésidentielleoùs’arrêtaitoccasionnellementFélixHouphouët-Boigny.L’annonce de son arrivée s’est vite propagée dans la ville. Les premiers jours, de nombreux badauds ont rôdé dans l’espoir de l’apercevoir. Mais les hommes de Fofié Kouakou, commandant de zone de Korhogo, et les Casques bleus ont renforcé le dispositif de sécurité. Gbagbo ne reçoit aucune visite, hormis celle des militaires, du personnel de santé mis à sa disposition et des domestiques. Les responsables du Comité international de la Croix-Rouge ont demandé un entretien en tête-à-tête, mais se sont vu proposerunerencontreaccompagnée.Ilsn’ontpasdonnésuite.Aprèsquelquesjours, la curiosité est retombée d’un cran. On ne cherche plus à voir le célèbre prisonnier, mais l’on spécule volontiers sur son sort. Untel l’a vu faire du taxi-moto, l’autre dans un champ de coton… Les plaisanteries vont bon train. ● P.A.
région de Gagnoa (Centre), il a été repéré début avril aux alentours de Dabou, près d’Abidjan. Il était accompagné d’éléments de la garde républicaine, de la police et de l’armée (une vingtaine d’hommes au total). Il changeait régulièrement de planque et évitait de parler au téléphone. Selon nos informations, il se cacherait maintenant au Ghana. On est également sans nouvelle de Marcel Gossio (4). Arrêté
à la résidence présidentielle, l’ex-directeur du Port autonome d’Abidjan a monnayé sa libération auprès de soldats qui se rappelaient qu’il avait autrefois aidé l’un d’entre eux. Certains le disent en cavale aux côtés de Charles Blé Goudé. Ahoua Don Mello, ex-ministre de l’Équipement de Gbagbo et porte-parole de son gouvernement, est lui aussi porté disparu. La rumeur le dit tantôt replié sur N 0 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
Afrique subsaharienne
Pendant ce temps, les militaires…
une de ses résidences secondaires près d’Abidjan, tantôt caché à Paris.
Laurent Dona Fologo Rallié
Le sort réservé aux chefs militaires du régime Gbagbo dépend de leur degré de fidélité à l’ancien président. Ceux qui ont joué la neutralité ou qui ont rallié le camp Ouattara, comme le général Philippe Mangou, chef d’état-major de l’armée, le général Édouard Tiapé Kassaraté, patron de la gendarmerie, et le général Guiai Bi Poin, chef du Centre de commandement des opérations de sécurité (Cecos), ont été maintenus à leur poste. Ce n’est pas le cas du général Bruno Dogbo Blé, commandant de la garde républicaine. Accusé par les pro-Ouattara d’être responsable d’exactions, il a été arrêté le 14 avril
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À l’aube de l’offensive des FRCI sur Abidjan, Laurent Dona Fologo (5) a demandé une protection onusienne. Après la chute de Gbagbo, DE BAR NUS/MA EK I XP le président du Conseil GB PP / économique et social s’est précipité au Golf Hôtel pour 5 faire allégeance à Ouattara. Il n’a pas étéinquiétéetréside toujours à Abidjan.
dans un studio de l’immeuble Harmonie au Plateau, puis conduit en pyjama au Golf Hôtel. Il a ensuite été transféré au camp militaire du commandant Fofié Kouakou, à Korhogo. Autre ancien pilier du régime Gbagbo, le contre-amiral Vagba Faussignaux, commandant de la marine nationale. Ses hommes ont repoussé plusieurs assauts des FRCI jusqu’à ce que sa base de Locodjro soit pilonnée par l’armée française, le 10 avril. Blessé pendant la bataille, il est actuellement en convalescence à Abidjan. Jean-Noël Abéhi, commandant du groupe des escadrons blindés, a organisé la résistance à la caserne de gendarmerie d’Agban. Son unité a plusieurs fois mis en déroute les FRCI. Il est aujourd’hui en fuite. ●
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Simone Gbagbo en territoire ennemi Elle y a cru jusqu’au bout. Même lorsque la fin a paru inéluctable. Le 22 avril, l’ex-première dame a été envoyée à Odienné. Loin de ses partisans, loin de son mari.
MICHAEL ZUMSTEIN/AGENCE VU
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LES IMAGES DE SON ARRIVÉE AU GOLF HÔTEL, le 11 avril, ont fait le tour du monde.
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lle a été transférée à l’aube du 22 avril dans une résidence surveillée d’Odienné, à 670 km au nord-ouest d’Abidjan, en plein pays malinké, à deux pas des frontières guinéenne et malienne, autant dire, pour elle, en territoire ennemi. Simone Gbagbo, née Ehivet, 62 ans, n’a pas cessé de prier ni de lire la Bible depuis son arrestation musclée par les forces d’Alassane Ouattara, comme étrangère au sort N 0 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
qui est désormais le sien. Pendant les jours et les nuits qui ont précédé l’assaut final, cette femme de fer régnait sur le petit peuple du bunker de Cocody, y compris sur son mari, Laurent Gbagbo, qu’elle contrôlait avec un cocktail hallucinant de mysticisme et de bellicisme. Dans l’attente des légions célestes qui, selon elle, n’allaient pas tarder à venir sauver les reclus, l’ex-première dame s’est opposée jusqu’au bout à toute
négociation, qualifiant de « traîtres » – alors que son époux gardait les yeux baissés – les ministres Alcide Djédjé et Koné Katinan venus proposer une reddition honorable. Puis, lorsque la fin est apparue inéluctable, Simone a organisé une cérémonie crépusculaire au cours de laquelle ses petits-enfants ont dû jurer sur la Bible de venger leurs parents et aïeux. Depuis que le couple Gbagbo était « entré en résistance », voici quatre mois, à l’issue d’une défaite électorale dont elle reste largement responsable pour avoir imposé une campagne outrancièrement sectaire entre les deux tours de scrutin, Simone Gbagbo avait pris la main sur son mari. Un retour en force pour le pire, qui a fait une victime collatérale en la personne de Nady Bamba, la seconde épouse, réputée modérée, expulsée du premier cercle dès novembre 2010. Il serait certes injuste de faire de cette fille de gendarme native de GrandBassam, universitaire et militante saisie par le vertige du pouvoir, l’unique bouc émissaire du naufrage de la maison Gbagbo. Mais il n’est pas exclu que derrière la volonté de l’ex-président de partir seul dans sa propre résidence surveillée de Korhogo se cache la conscience tardive d’avoir été – même si ce fut avec son consentement – manipulé… ● FRANÇOIS SOUDAN JEUNE AFRIQUE
Afrique subsaharienne
TRIBUNE Opinio ions ns & éditoriaux
Bienheureux Jean-Paul II
MANOLO MYLONAS/FEDEPHOTO
Karol Wojtyla béatifié six ans après sa mort. Une cérémonie à laquelle devaient assister, le 1er mai à Rome, plusieurs chefs d’État africains et des centaines de milliers de fidèles.
Emery Kabongo Kanundowi Ancien secrétaire particulier de Jean-Paul II, ex-archevêque de Luebo (RD Congo). Il est actuellement chanoine à la basilique Saint-Pierre, à Rome.
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E PAPE JEAN-PAUL II avait l’habitude de dire à notre continent : « Afrique, lève-toi et marche ! » Cela part d’un constat simple. Très souvent, nous donnons, nous Africains, l’impression que, pour suivre notre chemin, les autres doivent nous guider. Nous pensons que notre développement, notre philosophie, notre pratique de la théologie ou des mathématiques dépendent totalement des autres. Pour JeanPaul II, le fait de demander aux Africains de se lever et de marcher était un appel afin que nos peuples cessent de trouver, trop souvent, des justifications extérieures à des problèmes intérieurs. Quand il a commencé à sillonner l’Afrique, il a repris, sur un plan strictement religieux, le message de ses pairs au concile Vatican II. Et surtout le message laissé par Paul VI lors de son voyage à Kampala (Ouganda), en 1969. Il a dit : « Afrique, deviens missionnaire de toi-même ! » Jean-Paul II était favorable à l’inculturation. Au cours de ses voyages, il encourageait, comme le demandaient la plupart des évêques des pays visités, toutes les initiatives destinées à africaniser la pratique religieuse, au lieu de se contenter d’emprunts à d’autres cultures, à d’autres façons de vivre la religion. Cela s’est traduit, par exemple, à l’adoption, dans le Zaïre de l’époque, d’un rite africain de célébration d’une messe de l’Église catholique romaine. Jean-Paul II l’avait approuvé. On peut dire que ses voyages étaient aussi une manière de promouvoir l’inculturation en insistant sur la part de vérité et d’authenticité. Son approche était à l’opposé de celle qui consiste à reprocher aux Africains, ou plutôt aux croyants africains, d’inventer en contestant ce qu’ils ont reçu de l’Occident. Le pape était dans une logique du marcher ensemble, en prenant en compte tout ce que chacun peut apporter de neuf, de positif.
les grandes lignes de l’histoire du pays à visiter. Ensuite, le Saint-Père demandait aux évêques locaux, aux théologiens de proposer des thèmes à aborder, d’en développer quelques-uns afin qu’il puisse s’y référer pour compléter son message destiné à tel ou tel autre pays. Il visait surtout les domaines où il sentait que la participation locale avait été négligée. Aux dirigeants politiques, il n’avait cessé de dire que toute action de leur part devait avoir l’homme comme finalité, au lieu de privilégier la production et la rentabilité à tout prix, qui asservissent l’être humain. Il répétait sans cesse : « Dieu a tout créé pour l’homme. » Dans tous ses discours, il mettait l’accent sur le social, la culture, l’éducation et la formation de la jeunesse. Par rapport au vent de la démocratie qui avait soufflé, dans les années 1990, sur le continent, sa position était claire : les évêques ne devaient pas se transformer en hommes politiques actifs, mais ils avaient le droit, comme tous les autres citoyens, de participer aux processus engagés
Le pape comprenait et encourageait les initiatives destinées à africaniser la pratique religieuse.
Avant de se déplacer, Jean-Paul II ne laissait rien au hasard. Il prenait le temps de connaître JEUNE AFRIQUE
dans leurs pays et de montrer aux politiciens les erreurs à éviter. Il n’a pas poussé les évêques à devenir présidents, ni souhaité que le spirituel prime sur le temporel. Il ne voulait surtout pas que les évêques deviennent partisans. Il a dit ce qu’il fallait dire dans les pays où les gens étaient privés de liberté. Mais il ne pouvait rien imposer. De Jean-Paul II, j’ai appris beaucoup de choses : la persévérance dans le travail, la patience. J’ai appris que ce que nous faisons ne doit pas être aléatoire, ni passager. Il me disait souvent que le christianisme n’est pas seulement doctrine, idéologie, c’est surtout un vécu. Nos peuples doivent ajouter plus de réalisations aux connaissances théoriques. L’Afrique doit apporter quelque chose aux autres. ● N O 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
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Afrique subsaharienne Ý DANS LA
la présence de militaires dans nos villages car ils LA LIKOUALA, menacent notre sécules réfugiés rité. » À son tour, Zéphirin sont Esombe Madengo, direcaujourd’hui plus teur de l’école des réfunombreux giés, parle des difficultés que la de ses 322 élèves, encapopulation drés par huit enseignants, locale. qui n’ont aucun manuel scolaire. Il insiste pour qu’ils aient un uniforme. Soudain, une fausse note : un « pasteur » originaire de Makolo Ngoulou demande la parole. « Nous avons bien accueilli nos frères venus de l’autre rive du fleuve. Mais que nous a-t-on donné en échange pour notre hospitalité ? » À Makolo Ngoulou, tout comme sur les autres sites, la vie n’est pas rose. Selon le PAM et le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef), 32 % des enfants réfugiés souffrent de malnutrition chronique. Le PAM a du mal à trouver les 8 millions de dollars nécessaires pour continuer de nourrir les réfugiés jusqu’en juin et pourrait être amené à réduire les rations alimentaires distribuées. Selon le programme établi par le HCR, le rapatriement aurait dû commencer le 20 avril. Paul Ndaitouroum, représentant du HCR au Congo-Brazzaville, explique que 92 000 personnes ont exprimé leur désir de rentrer dans leur pays, et que le processus devait se faire par étapes. Trois bureaux ont été spécialement ouverts à Mbandaka, Dongo et Libenge, en RD Congo. Des organisations non gouvernementales ont entrepris des travaux de réhabilitation des infrastructures, pendant que des actions sont menées en faveur de la réconciliation des communautés. Mais du retard a déjà été pris. Paul Ndaitouroum explique : « L’espoir existe, ainsi que la volonté des réfugiés. Malheureusement, les moyens ne sont pas encore réunis. Tout dépend des donateurs. » Le HCR a besoin, cette année, de 31,5 millions de dollars pour s’occuper des réfugiés de la Likouala. À ce jour, il n’en a obtenu que le tiers. Un observateur estime que « les donateurs hésitent parce que cette crise silencieuse n’est pas assez médiatisée ». Le statu quo peut être lourd de conséquences si les ressources naturelles – poisson, eau, produits agricoles – viennent à manquer. La population locale aura du mal à supporter longtemps la présence des réfugiés. ● RÉGION DE
ANOUK DESGROSEILLIERS/HCR
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CONGO-BRAZZAVILLE
Coincés à Impfondo
Depuis 2009, près de 120 000 personnes originaires de la RD Congo se sont réfugiées de l’autre côté de la frontière. Leur rapatriement devait commencer fin avril, mais rien n’est prêt.
L
a matinée touche à sa fin. Un soleil généreux répand ses rayons sur Impfondo, chef-lieu du département de la Likouala, dans le nordest du Congo-Brazzaville. Deux véhicules 4x4 quittent la petite route asphaltée et s’engagent, sur la droite, sur une piste tortueuse. Au bout du chemin, un village, Makolo Ngoulou (« pieds nus » en lingala), à 32 km au nord d’Impfondo. Des cases en banco aux toits couverts de paille. Une épicerie et une antenne parabolique. Des palmiers, des manguiers, des papayers et des centaines de réfugiés. Ici, le fleuve Oubangui n’est plus qu’un banal cours d’eau à cause de l’étiage. En face, à perte de vue, se trouve la province de l’Équateur (RD Congo). Makolo Ngoulou est l’un des 63 sites du département de la Likouala où sont installés, depuis fin 2009, quelque 120 000 réfugiés originaires de la région de Dongo, en RD Congo. Ils ont fui les violences intercommunautaires qui ont opposé Enyeles et Monzayas et qui ont conduit à une insurrection armée dirigée par Lebese Mangbama, alias Odjani, actuellement détenu à Brazzaville. Depuis, ils sont sous la protection du HautCommissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Leur subsistance est N o 2625 • DU 1 ER MAI AU 7 MAI 2011
assurée principalement par le Programme alimentaire mondial (PAM). Détail qui a son importance : les réfugiés sont plus nombreux que l’ensemble de la population de la Likouala. QUOTIDIEN DIFFICILE. Sur le seul site
de Makolo Ngoulou, le HCR s’occupe de 1053 réfugiés (381 familles). Ce matin, un homme est à l’honneur : Maye Mwana Mulaka, 54 ans, secrétaire du Comité des réfugiés. Il explique le quotidien des siens et déplore le manque d’assistance sanitaire, d’écoles, d’eau potable, et la modicité de l’aide accordée par le HCR et le PAM. Le retour ? Il est trop tôt pour l’envisager, car « notre pays est encore instable », dit-il. Il ajoute : « Nous ne tolérons pas RÉP. CENTRAF. CAMEROUN CAM
Impfondo GAB GABON
Océan Atlantique
Brazzaville
CONGO
RD CONGO
TSHITENGE LUBABU M.K., envoyé spécial JEUNE AFRIQUE
Coulisses
Afrique subsaharienne
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NIGER
La fin d’une époque
S
on père, Diori Hamani, avait été le premier président du Niger indépendant (1960-1974). Lui dirigeait le Parti progressiste nigérien/Rassemblement démocratique africain (PPN/RDA) et venait de faire son entrée au gouvernement. Abdoulaye Diori Hamani s’est éteint le 25 avril, à l’âge de 66 ans. En 1974, après le putsch qui renverse son père et au cours duquel sa mère est assassinée, Abdoulaye Diori Hamani est contraint à l’exil. Fidèle à l’amitié qu’il porte à Diori Hamani, désormais détenu dans le désert de l’Aïr, le président ivoirien Félix Houphouët-Boigny offre gîte et sécurité à ses enfants. CONTRE TANDJA. Abdoulaye Diori Hamani revient au Niger en 1991, à la faveur de la Conférence nationale, et reprend le flambeau de son père, mort en exil au Maroc. Le PPN/RDA, parti de l’indépendance, végète. Il lui redonne vie. D’abord en s’occupant de la section de Niamey, puis en prenant la présidence. Élu député en 1994, puis en 2004 (législature au cours de laquelle il préside la Commission Défense nationale), cet antitazartchiste convaincu s’allie au Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (le PNDS de Mahamadou Issoufou) pour faire barrage à l’ambition de Mamadou Tandja de s’accrocher au pouvoir. En vain. Abdoulaye Diori Hamani souffrait depuis de long mois d’une maladie chronique. Cela ne l’a pas empêché de s’impliquer dans la campagne électorale aux côtés de son ami Issoufou. À peine élu à la tête du pays, ce dernier lui renvoie l’ascenseur et fait de lui son conseiller spécial, avec rang de ministre. Le 26 avril, les plus hautes personnalités de l’État – dont Mahamadou Issoufou – ont assisté à ses obsèques dans son village de Soudouré, dans la région de Niamey. ● CHERIF OUAZANI JEUNE AFRIQUE
GAËL COGNE/AFP
Le fils du père de l’indépendance, Abdoulaye Diori Hamani, est mort le 25 avril.
TCHAD MOBILISÉS OU PAS ? AU TCHAD, au lendemain du premier tour d’un scrutin présidentiel sans suspense, le taux de participation concentre les querelles. Les trois principaux opposants – Saleh Kebzabo,Wadal Abdelkader Kamougué et Ngarlejy Yorongar – s’étaient retirés de la course du 25 avril, fustigeant un « cirque électoral ». «Tout s’est bien passé, assure pourtant Haroun Kabadi, le secrétaire général du Mouvement patriotique du salut (MPS, au pouvoir). Le boycott n’a pas du tout marché. » Contre-attaque de l’opposition : oui, les électeurs ont suivi son mot d’ordre. Selon Saleh Kebzabo, seulement 20 % desTchadiens auraient voté, un revers pour Idriss Déby Itno, qui aurait « perdu toute légitimité. » Delphine Djiraibe, personnalité de la société civile, a quant à elle noté une désaffection générale des bureaux de vote de N’Djamena, dès 11 heures. Et les observateurs internationaux ? Il y a eu « un effort notable dans la mobilisation », à en croire leur communiqué. Verdict le 9 mai. ●
BURUNDI EN COUPE RÉGLÉE Le gouvernement y voit une avancée démocratique, pas l’opposition. Les députés burundais ont adopté, le 25 avril, une loi qui durcit les conditions d’agrément des partis politiques. Ce sera, selon le ministre de l’Intérieur, l’occasion de réduire le nombre de formations. À signaler aussi que chaque membre fondateur d’un parti devra désormais présenter une attestation de résidence au Burundi. Les leaders de l’opposition en exil seront donc écartés.
GABON BRAINFOREST VS COMILOG
intérêts. Sa plainte a été jugée recevable.
La Comilog, filiale du groupe minier français Eramet, comparaîtra le 26 juin devant le tribunal de première instance de Libreville. L’ONG Brainforest de Marc Ona Essangui accuse la Comilog d’être à l’origine d’une pollution grave dans la région de Moanda (Haut-Ogooué), où la société exploite du manganèse depuis près d’un demi-siècle. Brainforest réclame le versement de 490 milliards de F CFA (747 millions d’euros) de dommages et
GUINÉE KONATÉ REPREND DU SERVICE Quatre mois qu’il était désœuvré – depuis qu’il avait cédé son fauteuil à Alpha Condé. Le 25 avril, l’ancien président de la transition en Guinée, le général Sékouba Konaté, a officiellement été investi comme haut représentant de la Force africaine en attente (FAA), poste auquel l’avait nommé l’Union africaine en décembre dernier. Il est basé à AddisAbeba (Éthiopie). N O 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
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Maghreb & Moyen-Orient
ALGÉRIE
Le dernier combat de Bouteflika Le 15 avril, le chef de l’État a pris date devant la nation : il conduira lui-même le processus de réformes politiques garantissant une authentique ouverture démocratique.
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CHERIF OUAZANI
I
l aura retardé l’échéance le plus longtemps possible. Cela faisait deux ans que le président Abdelaziz Bouteflika s’était muré dans le silence, réduisant ses apparitions publiques aux seules audiences accordées à certains visiteurs prestigieux, s’abstenant de commenter les événements les plus tragiques et de s’adonner à son exercice favori, les bains de foule dans l’Algérie profonde. Le 15 avril, il s’est JEUNE AFRIQUE
Maghreb Moyen-Orient Après avoir rappelé que son premier mandat a été consacré à la restauration de la paix après une décennie de guerre civile, que le second a été marqué par un effort de développement sans précédent pour « rattraper les retards accumulés », le président algérien a énoncé sa feuille de route pour l’année à venir : parachever cette démarche par un programme de réformes politiques visant à approfondir le processus démocratique. « M’appuyant sur la Constitution, j’userai du droit qu’elle me confère pour demander au Parlement de réviser l’ensemble de l’arsenal législatif sur lequel reposent les règles de l’exercice démocratique et le libre choix des citoyens. »
RAMZI BOUDINA/REUTERS
DOUZE MOIS. De toutes les mesures annoncées,
enfin exprimé. Ceux qui s’impatientaient face à son long mutisme ont compris, dès les premières images, les motivations de cette longue « absence ». Le poids de ses 74 ans et la multiplication d’épreuves personnelles – séquelles d’un ulcère hémorragique qui, le 26 novembre 2005, avait failli l’emporter, disparition d’une mère protectrice en juillet 2009, suivie, une année plus tard, de celle de son frère, Mustapha, médecin personnel et précieux compagnon – ont eu raison de son énergie. Si le verbe est sûr, la tonalité est incertaine, le geste hésitant et la voix caverneuse. Au grand dam de ses détracteurs et adversaires politiques, convaincus qu’il ne briserait le silence que pour énoncer son testament, Abdelaziz Bouteflika a décrit par le menu détail ce qui devrait être son dernier combat politique : l’ouverture démocratique. Si changement il y a, changement que réclament ses opposants et qu’imposent la vague révolutionnaire dans la région, un front social en ébullition et les turbulences dans les campus, il ne se fera pas sans lui, encore moins contre lui. Malade ou non, Bouteflika n’est sans doute plus le même homme, mais il garde la main. JEUNE AFRIQUE
Des Algériens suivant en direct
LE DISCOURS DU PRÉSIDENT,
le 15 avril, à Tlemcen.
celle de la révision de la Constitution était la plus attendue. Précédent tunisien oblige (scrutin prévu le 24 juillet), deux partis de l’opposition, le Front des forces socialistes (FFS, de Hocine Aït Ahmed) et le Parti des travailleurs (PT, de Louisa Hanoune), revendiquent une refonte du système et du mode de gouvernance à travers une Assemblée constituante élue. Bouteflika a tranché : la révision de la Constitution « passera par la création d’une commission constitutionnelle, à laquelle participeront les courants politiques agissants et des experts en droit constitutionnel. Elle me fera des propositions dont je m’assurerai de la conformité avec les valeurs fondamentales de notre société, avant de les soumettre à l’approbation du Parlement ou à vos suffrages par la voie référendaire ». Ceux qui réclament la Seconde République en sont pour leurs frais. Bouteflika envisage une révision de la Constitution et non la rédaction d’un nouveau texte fondamental. Cette décision comble Ahmed Ouyahia, Premier ministre et secrétaire général du Rassemblement national démocratique (RND), qui avait estimé que la mise en place d’une Constituante revenait à remettre en question tout ce qui a été entrepris depuis l’indépendance. « À une année du cinquantenaire, cela aurait été du plus mauvais effet », ironise un ancien ministre. L’idée d’une sorte de pacte républicain ou de charte nationale est également ignorée par le chef de l’État. En revanche, il appelle la classe politique,
Oui à une révision de la Constitution, non à l’élection d’une Assemblée constituante. du moins celle qui compte (sur une trentaine de partis, moins de dix disposent d’élus nationaux ou locaux), à contribuer au « renforcement de la démocratie représentative » et aux amendements que devra subir la Constitution. S’agissant de l’échéancier du processus de réformes politiques qu’il entend mettre en œuvre, le président n’a divulgué aucun calendrier précis. Ce qui a fait sortir de ses gonds Bouguerra Soltani, patron du N o 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
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Maghreb Moyen-Orient Mouvement de la société pour la paix (MSP, exHamas),branchealgériennedesFrèresmusulmans, pourtant membres de l’Alliance présidentielle, aux côtés du RND et du Front de libération nationale (FLN, d’Abdelaziz Belkhadem). Soltani qualifie le propos du chef de l’État de « trop vague et en décalage avec l’urgence de la situation politique ». La secrétaire générale du PT, Louisa Hanoune, est plus explicite quant au calendrier. « L’Algérie vit sur un véritable volcan », prédit la trotskiste, qui redoute que la brusque montée de la tension sociale se transforme en chaos institutionnalisé. « On ne peut pas aller plus vite que la musique, assure-t-on à El-Mouradia, siège du palais présidentiel, sur les hauteurs d’Alger. Douze mois pour réviser de fond en comble l’arsenal législatif réglementant la pratique démocratique – code électoral, nouvelle loi sur les partis, plus grande participation du citoyen dans la gestion des affaires locales par le renforcement des prérogatives des
À ceux qui tentent de mobiliser la rue pour obtenir le changement, le président oppose le danger de la fitna. assemblées locales élues, code de l’information consacrant la dépénalisation du délit de presse, réhabilitation de la place du mouvement associatif dans la société – est un délai raisonnable. » Bouteflika évoque l’échéance de la fin de l’actuelle législature, soit mai 2012, pour achever son processus de réformes. QUEL TYPE DE RÉGIME ? La commission consti-
tutionnelle, dont la composition devrait être révélée au cours de la première semaine de mai, devra trancher deux questions fondamentales. La première concerne la nature du régime : présidentiel, semi-présidentiel ou parlementaire. La seconde est relative au statut et à la place de l’armée au sein des institutions. Bouguerra Soltani estime que « la révision de la Constitution serait un non-événement si elle ne consacre pas le régime parlementaire, seul garant de la souveraineté du peuple à travers le suffrage universel ». Un virage à 180 degrés quand on sait que les Frères musulmans ont soutenu sans états d’âme, en novembre 2008, la dernière révision de la Constitution, laquelle avait fait sauter le verrou
SAMIR SID
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BOUGUERRA SOLTANI, du MSP (islamiste), réclame l’instauration d’un régime parlementaire.
de la limitation des mandats (aujourd’hui réclamé par Soltani), permettant ainsi à Bouteflika d’en briguer un troisième, et réduit les prérogatives du Parlement au profit du président. Pour le FLN et Abdelaziz Belkhadem, « le pays n’est pas encore prêt pour le régime parlementaire », arguant des menaces que ferait planer une cohabitation entre un président et une majorité politique qui ne serait pas la sienne. Quant au statut et à la place
Maghreb Moyen-Orient Ý MANIFESTATION CONTRE « LE SYSTÈME », le 16 mars, à Alger.
l’État, conformément aux lois de la République. » Après cinquante-cinq ans de vie militante (il s’est engagé au sein du FLN en 1956), Bouteflika s’apprête à livrer son ultime combat politique : celui du renouveau de l’État. À l’un de ses visiteurs, il a assuré avoir « plus de convictions que de forces ». Le 15 avril, au-delà des images montrant un vieil homme rongé par la maladie, usé par le temps et les épreuves, Bouteflika a pris date devant la nation : c’est lui qui mènera le processus de réformes politiques. Après mai 2012 ? On verra bien. La presse indépendante (premier parti d’opposition, dixit
OMAR SEFOUANE POUR J.A.
Usé et affaibli, il a assuré à l’un de ses visiteurs avoir « plus de convictions que de forces ».
de l’armée, il y a fort à parier que la question sera vite évacuée puisqu’ils sont définis dans le préambule de la Loi fondamentale, lequel ne devrait pas subir d’amendement, les efforts de « renouveau » visant surtout les dispositions relatives à la pratique démocratique. Si Abdelaziz Bouteflika n’est plus le tribun qu’il était, sa détermination est intacte et ses piques toujours aussi acérées. Répondant à ceux qui tentent de mobiliser la rue pour obtenir le changement, en référence à la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD), une coalition de partis et d’organisations de la société civile qui a érigé le samedi (dernier jour de la semaine en Algérie) en journée de marche de protestation sous le slogan « Système dégage! », le président invoque la parole divine. Citant un verset du Coran, « al-fitna achaddou min al-qatl » (« la discorde est plus grave que le meurtre »), le chef de l’État leur assène ce sermon : « Nul n’a le droit de réinstaller, d’une façon ou d’une autre, la peur dans les familles, inquiètes pour la sécurité de leurs enfants ou de leurs biens, ou, plus grave encore, l’inquiétude de toute la nation sur l’avenir de l’Algérie, son unité, son indépendance et sa souveraineté nationale. » PARTICIPATION CITOYENNE. Après deux ans de silence et de solitude, Bouteflika est toujours cette « figure paternelle » qu’il n’a jamais cessé d’être. « Parce que l’État, dit-il, est responsable de la politique de développement, de l’ordre et de la sécurité publics dans le pays, je continuerai à veiller pleinement à la réalisation de nos objectifs, en comptant sur la participation des citoyens et en m’appuyant sur les institutions de JEUNE AFRIQUE
un conseiller du président) n’a pas tardé à user de l’argument de l’état de santé du président de la République. « Les Algériens doivent savoir », titre le quotidien francophone El-Watan, instillant le doute sur les capacités du locataire d’El-Mouradia à gouverner le pays. Ali Yahia Abdennour, 90 ans, leader de la CNCD, s’engouffre dans la brèche et en appelle… à l’armée pour mettre en œuvre l’article 88 de la Constitution prévoyant la destitution du chef de l’État pour raisons médicales. La présidence à vie étant passée de mode après les événements de Tunisie et d’Égypte, un nouveau mandat de Bouteflika n’est plus d’actualité. Désormais, la question est de savoir s’il aura la force et l’énergie d’achever celui en cours, qui expire en avril 2014. Soit trois ans pour parachever son œuvre de reconstruction du pays et sceller le processus de réformes politiques. Qu’on se le dise, en Algérie, l’après-Bouteflika a déjà commencé. ●
SIX RÉFORMES CLÉS Outre la profonde révision de la Constitution, le président Abdelaziz Bouteflika a annoncé un train de réformes pour « consolider » la démocratie représentative. Refonte de la loi électorale, en association avec l’ensemble des partis politiques, présents ou non au Parlement. Le nouveau texte devra garantir la transparence et la régularité des scrutins, y compris par la supervision d’observateurs étrangers. Révision de la loi sur les partis, pour une plus grande implication dans le processus de renouveau. Promulgation d’une loi organique relative à la représentation des femmes au sein des assemblées élues. Renforcement des prérogatives et capacités des assemblées élues locales. Extension du domaine d’activité du mouvement associatif à travers un appel aux ONG nationales existantes à intensifier les initiatives pour soutenir l’ouverture politique. Révision du code de l’information avec, à la clé, une dépénalisation des délits de presse. La révision de la Constitution devra couronner le nouvel édifice institutionnel visant à renforcer la démocratie en Algérie. ● CH.O. N o 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
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Maghreb Moyen-Orient
JOSEPH SYWENKYJ/REDUX-REA
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LIBYE
Confessions d’une Kaddafette Dans des entretiens à la presse internationale, Oksana Balinskaya, jeune infirmière ukrainienne, dévoile un Kaddafi presque paternel et touchant de bons sentiments.
«
R
oi des rois d’Afrique » ? « “Guide” de la révolution » ? Oubliez le protocole : pour ses six infirmières ukrainiennes, Mouammar Kaddafi était « Papounet » (papik, en russe). Avec elles, le tyran de Tripoli était aux petits soins : salaire généreux, logement confortable, cadeaux luxueux et insignes privilèges. Dans des entretiens à Komsomolskaïa Pravda (5 avril) et à Newsweek (18 avril), Oksana Balinskaya, jeune infirmière venue du froid pour prodiguer ses soins au « lion du désert », dévoile un Kaddafi presque paternel et touchant de bons sentiments. Lorsqu’elle débarque à Tripoli de son village de Moguilnoe, en Ukraine, Oksana n’a que 21 ans. Un regard et une poignée de main auraient suffi au colonel pour la choisir parmi six candidates au garde-àvous lors d'un voyage à Kiev. « C’est un grand psychologue », en conclut l’élue, qui restera deux ans à son service. Parmi ses souvenirs du sérail, point de détails macabres dignes des « révélations inimaginables » de Haitham Rashid Wihaib, chef du protocole de Saddam Hussein, ni N 0 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
qu’il aime écouter sur un vieux magnétocassette. Un peu bourgeois, le colonel lui est tout de même apparu un brin excentrique : « Il était si maniaque sur ses tenues qu’il me faisait penser à une pop star des années 1980. » Ý À SON La hantise des germes DOMICILE EN le conduisait à se ganUKRAINE, ter lors de ses tournées LE 5 AVRIL. « Il était si subsahariennes, à la maniaque manière d’un Michael sur ses Jackson du désert. Ses tenues qu’il déplacements nécesme faisait sitaient l’organisation penser à une pop star de véritables caravanes des années aériennes : deux avions1980. » cargos suivaient son jet, l’un pour ses voitures, l’autre pour sa tente et sa garde-robe. L’autoritarisme du « Papounet » n’est pas occulté. « Il est comme Staline : il a tous les pouvoirs et tout le luxe pour lui. » L’Ukrainienne était elle-même l’objet d’un espionnage quasi soviétique : « Mon appartement était truffé de micros et ma vie privée surveillée de près. » Dans ces circonstances, on se demande par quelle magie elle a pu dissimuler une grossesse interdite qui, de plus en plus visible, l’aurait incitée à fuir la Libye avant le début de l’insurrection, comme elle le confesse à Newsweek. D’ailleurs, c’est une tout autre version qu’elle livre à la Pravda : « Nous avons reçu un appel de l’ambassade d’Ukraine qui nous demandait de préparer nos affaires pour partir, ce que nous avons fait. » Autre contradiction, Oksana Balinskaya déclare à Newsweek : « J’ai eu l’impression qu’au moins la moitié de la population libyenne détestait Kaddafi. »
d’allusions aux bunga bunga orgiaques que l’ami Mouammar aurait, selon la sulfureuse Ruby, inspirés à Silvio Berlusconi. Les attouchements pratiqués par Oksana n’ont jamais visé qu’à prendre la tension du « Guide ». « La presse ukrainienne nous appelait le harem de Kaddafi. C’est absurde », clame-t-elle, tordant le cou à bien des idées reçues. Le colonel vivait-il parmi une nuée de pulpeuses créatures ? Il se gantait lors de ses tournées C’est « qu’il aimait s’entousubsahariennes, à la manière d’un rer de belles choses et de belles personnes ». Selon Michael Jackson du désert. WikiLeaks, des diplomates américains s’étaient inquiétés de son Interrogée quelques jours auparavant par la Pravda sur le soutien populaire dont hypertension : intox. « Sa pression artérielle et son pouls sont ceux d’un homme aurait joui le « Guide » il y a encore un an, beaucoup plus jeune. » Vit-il jour et nuit à elle s’étonnait : « Qui vous a dit que son la mode bédouine ? « Il n’a jamais dormi peuple ne le soutenait plus ? » Sollicité dans une tente ! » Celle-ci ne lui sert que sur ces divergences, Newsweek nous a pour recevoir ses invités. conseillé d’aller poser la question à l’intéressée. La jeune infirmière aurait-elle volontairement noirci le portrait de son CONTRADICTIONS. Les confessions d’Oksana évoquent également un « Papounet » pour une presse américaine « Papounet » bonhomme, friand de cousmoins favorable à Kaddafi que ne le sont cous et de pâtes italiennes, de méditales médias russes ? ● tions au grand air et de musique arabe LAURENT DE SAINT PÉRIER JEUNE AFRIQUE
Maghreb Moyen-Orient FAMILLE MOUBARAK
Plus dure sera la chute
AMR DALSH/REUTERS
Hosni, hospitalisé après sa crise cardiaque, accusé de complicité de meurtre par une commission d’enquête ; ses fils placés en détention provisoire ; l’ancienne première dame et ses belles-filles interrogées… L’ex-président et les siens touchent le fond.
L
es prisonniers matricules 23 et 24 BRISÉS. Le moral des fils Moubarak de l’établissement pénitentiaire n’est pas bon, rapporte un gardien, de Tora Farm, au sud du Caire, sous le sceau de l’anonymat. « Ils font tout ce qu’on leur demande et n’élèvent n’ont pas le profil habituel. Généralement hôte d’opposants au préjamais la voix. Il faut garder en tête qu’ils sident Moubarak, la centrale en accueille sont brisés », raconte-t-il au New York désormais les fils, Alaa et Gamal. Depuis Times. Gamal, le cadet, ex-futur présile 10 avril, ils y côtoient l’ancien Premier dent, semble le plus affecté : il a perdu ministre, l’ex-président du Parlement, beaucoup de poids, dort mal et reste très plusieurs hauts dirigeants de l’ancien parti au pouL’armée laissera-t-elle voir… Tous, paraît-il, leur un ex-militaire se faire juger ? ont fait bon accueil. Pour préserver ce qui leur reste Beaucoup en doutent. de dignité, l’avocat des deux frères a obtenu que les photos de leur souvent seul. Vêtus de la tenue blanche arrestation ne soient pas divulguées à des détenus, Alaa et Gamal ne trouvent la presse. Un système de sécurité – et de même pas de réconfort dans les repas surveillance – rapprochée a été mis en gastronomiques qu’ils commandent au luxueux hôtel Four Seasons – comme ils place, qui ne nuira en aucun cas, a dû en ont le droit en détention provisoire. rassurer le directeur de la prison, aux autres prisonniers. Les Moubarak n’ont Soupçonnés d’avoir contraint des entrepas reçu de traitement de faveur. Un lit prises étrangères à nouer des partenachacun, une télévision sans le satellite riats économiques et d’avoir planifié la et un petit réfrigérateur dans leur cellule « bataille des chameaux », le 2 février, commune – comme tout le monde. contre les manifestants du Caire, les JEUNE AFRIQUE
deux frères risquent au minimum vingt ans de réclusion. Quant à leurs épouses respectives, Haidi Rassekh et Khadiga al-Gamal, elles sont interrogées sur l’origine de leur fortune. Leur père, Hosni Moubarak, est pour sa part toujours à l’hôpital de Charm el-Cheikh. Son état de santé ne permet pas son transfert en prison, a tranché le ministre de l’Intérieur, le 26 avril, contre l’avis du procureur. Victime d’une crise cardiaque le 12 avril lors d’un interrogatoire, le père ne pourra rejoindre ses fistons que lorsque la prison de Tora Farm sera équipée d’une unité de soins adéquate. C’est donc à l’hôpital que l’exprésident a appris, le 19 avril, qu’une commission d’enquête – qu’il avait lui-même nommée Ý ALAA (À G.) à l’époque – le juge ET GAMAL complice du meurMOUBARAK, tre de 846 Égyptiens le 6 octobre pendant la révolu2010, au Caire. Des deux tion. « Ce qui est frères, c’est confirmé, c’est que Gamal qui pour utiliser des semble le plus balles réelles contre affecté. les manifestants, il é t a i t n é c e s s a i re d’avoir au préalable l’autorisation de Moubarak », a précisé le juge Omar Marwane, qui préside la commission d’enquête. L’ancien raïs risque en principe la pendaison. Son épouse, Suzanne, 70 ans, est, de son côté, interrogée sur des détournements de fonds destinés à la bibliothèque d’Alexandrie et au festival annuel La Lecture pour tous. Pour l’instant libre, elle pourrait être placée prochainement en détention. UN SYMBOLE. Encore plus, peut-être,
que le départ de Hosni Moubarak, son éventuel procès émeut les Égyptiens : il serait le symbole de la fin de l’impunité. Ce sont probablement des tribunaux civils qui jugeront les Moubarak, mais beaucoup doutent de la volonté de l’armée de faire juger et condamner un ex-militaire. La procédure judiciaire peut durer des années et le Conseil militaire au pouvoir pourrait laisser à Hosni Moubarak, 82 ans, le loisir de mourir avant son jugement. Alaa, 49 ans, et Gamal, 47 ans, ont tout le temps, quant à eux, de voir la justice égyptienne devenir indépendante depuis leur cellule de Tora Farm… ● CONSTANCE DESLOIRE N O 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
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Maghreb Moyen-Orient « Je devrais remercier George W. Bush [alors président, NDLR]: les sanctions ont accru mon soutien en Syrie. Je ne suis pas un homme d’affaires hors la loi. » Les analystes soulignent que, en diversifiant leurs activités jusqu’à la petite entreprise, Makhlouf et ses proches ont attisé le Businessman à l’appétit insatiable, il incarne la concentration des mécontentement du monde des affaires et pouvoirs politique et économique entre les mains de la famille Assad. terni l’image du régime. Selon un expert, le ressentiment provoqué par l’influence n décernant à Rami Makhlouf un économique de la famille s’est amplifié interdisant aux personnes physiques et prix pour son leadership visiondepuis que Bachar a succédé à son père, morales américaines de traiter avec lui, naire et sa contribution à l’éconoen 2000. Sous le règne de Hafez, le butin le qualifiait alors de « puissant homme miesyrienneaudébutdel’année, était plus largement réparti entre divers d’affaires syrien qui a bâti son empire en le magazine londonien World Finance exploitant ses relations avec des membres groupes liés économiquement au régime du régime », le décrivant, en outre, comme etbénéficiantdesesfaveurs.«Aujourd’hui, avait présenté cet homme d’affaires de 41 ans comme emblématique des changeun initié du système ayant « bénéficié de c’est devenu une affaire exclusivement ments positifs survenus dans familiale et le cercle s’est son pays. Mais au moment restreint », explique ce où les manifestations promême expert. démocratiques redoublent Makhlouf a fondé son d’ampleur en Syrie, le cousin principal holding en 2006, germain maternel du présiquand le gouvernement dent Bachar al-Assad semble cherchait à libéraliser incarner une autre sorte de l’économie par la créasymbole. tion de « champions » du secteur privé. Lancé avec L’homme d’affaires le plus puissant du pays est en effet 250 millions d’euros de devenu la cible privilégiée capital, Cham est devenu de la colère populaire et de le groupe le plus important tous ceux qui dénoncent la du pays, actif dans de nomconcentration des pouvoirs breux secteurs. Sa filiale économique et politique Bena gère la branche hôtellerie et immobilier, Cham entre les mains de la famille Capital Group se charge Assad. « Makhlouf voleur ! » ont scandé des dizaines de des volets finance, banque manifestants lors de récentes et assurance de l’empire, et marches dans la ville mérila société Sana s’occupe du secteur de l’énergie et de la dionale de Deraa. production d’électricité. Le « INITIÉ ». Fils du précédent groupe Cham opère égalechefdelaGarderépublicaine, mentdanslasanté,l’éducaRami Makhlouf a la haute tion, le commerce détaxé, main sur pas moins de 60 % etarécemmentobtenuune de l’économie du pays via un licence d’exploitation pour réseau complexe de sociétés. Pearl Airlines, un nouveau Son empire industriel s’étend transporteur privé. des télécommunications au Mais Makhlouf a réacommerce de détail, en paslisé son investissement le sant par les hydrocarbures, la plus spectaculaire dans banqueetletransportaérien. le réseau de téléphonie Il possède même plusieurs mobile Syriatel, dont il est À DAMAS, EN MAI 2007. Le patron du groupe Cham contrôle pas écoles privées. Selon des vice-président. En 2000, moins de 60 % de l’économie nationale. banquiers et des économisle gouvernement avait tes, une telle concentration accordé une concession de pouvoirs empêche pratiquement tout la corruption de l’administration et l’ayant BOT (Build, Operate, Transfer) de quinze ans à Syriatel, détenu à 25 % par l’égypinvestisseur étranger de faire des affaires favorisée ». Makhlouf n’a pas répondu aux courriels répétés du Financial Times à ce tien Orascom Telecom et à 75 % par Drex dans le pays sans son aval. propos. Après l’adoption des sanctions Technologies, une entreprise de Makhlouf Le Trésor américain, qui avait pris américaines, il avait déclaré à Reuters : enregistrée aux îles Vierges. Orascom, qui des sanctions contre Makhlouf en 2008, SYRIE
Rami Makhlouf, un cousin pas assez éloigné
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BALKIS PRESS/ABACAPRESS.COM
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JEUNE AFRIQUE
Coulisses
Maghreb & Moyen-Orient
ACCÈS PRÉFÉRENTIEL. « Makhlouf attend des sociétés qu’elles offrent un festin, mais ne leur permet que de goûter à la soupe », analyse un proche du dossier. Certains avancent que les nombreuses coentreprises constituées par Cham ont vraisemblablement assuré à Makhlouf un accès préférentiel aux marchés publics d’infrastructures. Mais le groupe n’a cessé de marteler qu’il agissait conformément aux règles. En 2009, lors d’une conféPRINCIPALES ACTIVITÉS DU HOLDING CHAM
• Hôtellerie et immobilier (Bena) • Finance, banque et assurance (Cham Capital Group) • Énergie (Sana) • Téléphonie (Syriatel) • Transport aérien (Pearl Airlines) rence sur le partenariat public-privé en Syrie, Mahmoud al-Khoshman, directeur général de Marafeq et Sana – deux filiales de Cham –, avait déclaré que les projets public-privé ne réussiraient que s’ils étaient fondés sur les critères d’honnêteté et d’intégrité les plus élevés. « Le gouvernement devrait traiter tous les entrepreneurs et investisseurs sur le même plan », avait-il affirmé. Pourtant, les récents troubles ont incité certains à jeter un autre regard sur Makhlouf et son empire. World Finance a récemment déclaré que, à la lumière des derniers événements en Syrie, il convenait désormais de « tenir compte d’un agenda politique plus large ». Aussi a-t-il décidé de reconsidérer les distinctions accordées à Rami Makhlouf et à d’autres personnalités syriennes éminentes. ● LINA SAIGOL
© Financial Times et Jeune Afrique 2011. Tous droits réservés. JEUNE AFRIQUE
NOUAKCHOTT INFOS/MK
avait accepté d’assumer 50 % des coûts de démarrage, était responsable de la gestion technique de la licence. Un an plus tard, un violent conflit a éclaté entre les deux partenaires, Orascom accusant Makhlouf de « tenter continuellement » de prendre le contrôle de Syriatel. Le différend a finalement été réglé en 2003 après quinze mois de bataille juridique, Orascom acceptant de céder sa participation en échange du remboursement de son investissement initial et des frais de fonctionnement.
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MAURITANIE AZIZ SOUS PRESSION « AZIZ DÉGAGE ! » Les visages sont les mêmes, mais le discours s’est radicalisé. Le 25 avril, à 10 heures, la Coordination de la jeunesse du 25 février s’est à nouveau rassemblée sur la place des Blocs-Rouges, dans le centre de Nouakchott. « Pendant deux mois, nous avons manifesté pacifiquement pour davantage de justice sociale, mais les pouvoirs publics nous ont ignorés et méprisés, proteste Cheikh Ould Jiddou, l’un des responsables de la Coordination. Nous n’avons plus d’autre solution que d’exiger la démission du président ! » Les forces de l’ordre ont aussitôt dispersé la foule – jeunes, femmes, députés de l’opposition – avec des bombes lacrymogènes. Une cinquantaine de manifestants auraient été molestés et dix-neuf ont été arrêtés. Après quarante-huit heures d’interrogatoire, tous ont été libérés. La vague révolutionnaire arabe menace-t-elle de balayer Mohamed Ould Abdelaziz, élu depuis moins de deux ans ? « Dans un contexte de bouillonnement social, le mouvement ne peut que s’amplifier », assure Mohamed Ould Maouloud, président de l’Union des forces de progrès (UFP, opposition). ●
IRAK - ÉTATS-UNIS RETRAIT DIFFÉRÉ ? Barack Obama s’était engagé à retirer ses troupes d’Irak avant le 1er janvier 2012. Mais il se pourrait que Bagdad lui demande, à la dernière minute, de différer le retrait. Le 22 avril, Mike Mullen, le chef d’état-major de l’armée américaine, a appelé les autorités à se prononcer rapidement. Mais les dirigeants irakiens sont indécis, tiraillés entre l’armée, qui souhaite repousser cette échéance, et une partie de la classe politique, notamment
Moqtada Sadr, qui exige le respect du calendrier.
ABOU DHABI LA SORBONNE SE DÉFILE
ÉGYPTE-ISRAËL SABOTAGES EN SÉRIE
Entre le 8 et le 10 avril, trois militants démocrates ont été interpellés à Abou Dhabi. Hostiles aux réformes, les autorités veulent étouffer la contestation dans l’œuf. Parmi les cyberactivistes arrêtés, Nasser Ibn Ghaith, enseignant à la Sorbonne d’Abou Dhabi. Le président de la prestigieuse institution, Georges Molinié, recommande aux personnes émues par le sort du militant de s’adresser au gouvernement local…
Le 27 avril, pour la deuxième fois depuis février, des inconnus ont fait exploser, le pipeline alimentant Israël et la Jordanie en gaz naturel égyptien. Israël important 45 % de son gaz naturel d’Égypte, ces sabotages répétés posent sérieusement la question de la diversification de son approvisionnement énergétique.
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Maghreb Moyen-Orient Tunisie
Hamadi Jebali
« Nous ne prétendons pas détenir la vérité »
Le président d’Ennahdha, Rached Ghannouchi, ayant pris de la hauteur, c’est son secrétaire général qui se retrouve en première ligne pour refonder le mouvement islamiste tunisien. Et le réintégrer dans le paysage politique national.
Propos recueillis par ABDELAZIZ BARROUHI
Q
ualifié hier d’« intégriste » par l’ancien pouvoir, il passe aujourd’hui pour un « islamiste intégrateur ». Ainsi apparaît Hamadi Jebali, 63 ans, numéro deux du mouvementislamistetunisienEnnahdha, dont il est membre depuis sa fondation sous la houlette de Rached Ghannouchi, il y a trente ans. Ingénieur de formation, Jebali fut l’un des entrepreneurs pionniers en matière d’énergies renouvelables dans sa ville natale de Sousse. Père de deux filles, marié à Wahida, journaliste comme lui, il a été directeur d’El-Fajr, l’organe « nahdhaoui », toléré pendant trois ans avant que le mouvement ne soit « éradiqué » par Ben Ali en 1991-1992. La lecture et la réflexion en prison, pour les ex-détenus – Jebali a passé quinze ans en détention (1991-2006) –, et la découverte des vertus de la démocratie, pour les exilés, dont Rached Ghannouchi, ont conduit la direction du mouvement à faire un travail de reconstruction en vue de l’intégration d’Ennahdha dans le paysage politique postrévolution. Depuis la légalisation d’Ennahdha en mars 2011, et pour transmettre le flambeau aux plus jeunes, Ghannouchi a pris de la hauteur, se posant désormais comme le
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père spirituel du mouvement, laissant une grande marge de manœuvre à ses lieutenants. Jebali s’est donc retrouvé en première ligne, tenant un discours bien articulé qui relève davantage du credo démocratique que de la littérature islamiste traditionnelle. Il y a vingt ans, il passait déjà dans les milieux de la presse internationale comme l’un des cadres les plus ouverts du mouvement. « Aujourd’hui, il a gagné en souplesse, et je pourrais dire qu’il est peu dogmatique et plutôt pragmatique », estime un journaliste qui l’a connu à l’époque. Avec lui au secrétariat général, l’objectif d’Enna-
AUDE OSNOWYCZ
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JEUNE AFRIQUE : Quel souvenir gardezvous du régime Ben Ali ? HAMADI JEBALI : Celui d’un régime poli-
cier au plein sens du terme. Ennahdha est l’un des mouvements qui ont le plus souffert de l’offensive sauvage du régime.
Le 6 avril, à Monastir, des femmes portant le hijab ont participé aux cérémonies marquant le 11e anniversaire de la mort de Bourguiba. Qu’en pensez-vous ?
La révolution est le fruit de la lutte de toutes les parties et de tous les patriotes. hdha semble être de s’affirmer comme un acteur incontournable dans le jeu politique, quitte à nouer des alliances, mais aussi de veiller à ce que les réformes démocratiques imposées par la révolution se traduisent dans les faits. Sans pour autant être pressé d’accéder au pouvoir.
Cela montre que le hijab est devenu un phénomène partagé par les Tunisiennes, qu’il soit ou non une forme d’expression politique. Elles sont libres de célébrer Bourguiba en tant que personnalité nationale ; les peuples ont besoin d’une mémoire. À Ennahdha, nous sommes de ceux qui parlent le moins de Bourguiba JEUNE AFRIQUE
1947
Naissance à Sousse 1981
Adhère au Mouvement de la tendance islamique (MTI, future Ennahdha) 1988
Directeur de l’hebdomadaire El-Fajr 31 janvier 1991
Arrêté et condamné le même jour à un an de prison pour « diffamation » après la publication dans El-Fajr d’un article de l’avocat Mohamed Nouri demandant la suppression des tribunaux militaires 28 août 1992
Condamné à seize ans de prison ferme pour « appartenance à une organisation illégale » et « volonté de changer la nature de l’État » 15 septembre 2005
Entame une grève de la faim 25 février 2006
Libération à la faveur d’une grâce présidentielle 18 janvier 2011
Sort de sa réserve, quatre jours après la fuite de Ben Ali HAMADI JEBALI à la tribune lors d’une « manifestation politique et culturelle » organisée par Ennahdha, le 17 avril, au Salon des expositions de la Soukra, à l’Ariana (Tunis).
et de Ben Ali, maintenant qu’ils sont dans leurs tombes, politique pour ce dernier… Les dirigeants et militants d’Ennahdha ont pourtant passé ces vingt dernières années dans ses prisons ou en exil…
Ce sont vingt années de perdues pour le pays comme pour Ennahdha. D’autres ont souffert avec nous… C’est ce qui a préparé la révolution, laquelle est le fruit des luttes de toutes les parties et de tous les patriotes, tant sur le plan politique et social que sur celui de la défense des droits de l’homme. Quelles leçons en avez-vous tiré ?
Nous avons fait une évaluation et procédé à notre autocritique en toute objectivité. Les conclusions seront bientôt JEUNE AFRIQUE
rendues publiques, ce qui permettra à la direction de rectifier ses erreurs d’orientation. Nous espérons que tout le monde en fera autant. Chacun doit se réformer avant de pouvoir réformer le pays. Quels sont les principes qui guideront désormais l’action d’Ennahdha ?
Nous nous trouvons dans une situation nouvelle. La révolution a renforcé notre conviction et notre volonté d’agir pour construire un mouvement politique et démocratique [NDLR : Ennahdha utilise le terme de chouri, venant de choura – conseil consultatif islamique], ayant foi dans l’action pacifique et civile. Nous voulons bâtir une société démocratique, fondée sur le pluralisme et sur le respect des libertés individuelles et collectives. Allez-vous nouer des alliances en vue de l’élection de la Constituante, le 24 juillet ?
Nous ne voulons pas monopoliser l’action pour atteindre les objectifs de la
révolution. Nous allons chercher à gagner des sièges autant pour notre mouvement que pour favoriser l’alternance démocratique. Cela nécessite une large alliance avec tousceuxquiveulentpréparerl’alternance, que ce soit des partis ou des personnalités indépendantes. Quel serait le poids électoral de cette alliance ?
Des chiffres circulent, mais ceux qui concernent Ennahdha sont gonflés, avec l’intention de faire peur, à l’intérieur comme à l’étranger. Cela dit, notre objectif est une union nationale avant ou après l’élection, afin d’asseoir dans le pays un modèle démocratique fondé sur la liberté et la justice. Quel est, selon vous, le profil idéal du président de la République et du Premier ministre que la future Constituante est appelée à désigner pour conduire la dernière étape de la transition ?
Il faudrait qu’ils soient des hommes de N O 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
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Maghreb Moyen-Orient consensus. Outre la gestion des affaires urgentes du pays, notamment en matière économique et sociale – ce qui, compte tenu de la période délicate que nous traversons, nécessite un effort de tous, y compris d’Ennhadha –, leur mission est d’agir pour la réussite de la période transitoire. Cela suppose que les institutions de l’État soient impartiales et au service de tous les Tunisiens. À qui pensez-vous quand vous parlez d’impartialité ?
Je pense au président et au gouvernement, qui se doivent, dans la période transitoire, de ne prendre aucune mesure susceptible d’empêcher les partis et le peuple de s’exprimer. Je pense aussi à l’administration, aux services de sécurité, à l’armée nationale, aux médias et aux finances publiques… Ennahdha présentera-t-il des candidats à ces postes ?
Le président du mouvement [Rached Ghannouchi] a annoncé qu’il ne se présenterait pas à la magistrature suprême. Ce qui compte, c’est qu’une alliance nationale gère cette période transitoire. Si cela passe par la désignation d’une personnalitéindépendanteà laprésidence ou à la tête du gouvernement, alors nous sommes pour. Les cadres de l’ex-parti au pouvoir semblent revenir sur le devant de la scène. Craignez-vous une contre-révolution ?
Oui. Il y a des signes d’un retour en arrière réactionnaire. Certains commencent à évoquer la « dictature » de la prochaine majorité politique, le bras de fer entre Ennahdha et le pouvoir… Ce discours cherche à créer une psychose et à empêcher le peuple d’exercer son droit électoral. Ces épouvantails font le lit d’un coup d’État constitutionnel, suggéré par des projets qui circulent, tels que celui d’un « pacte républicain » qui se placerait au-dessus de la Constitution, et de ce fait au-dessus de la volonté du peuple. Les Tunisiens qui vivent du tourisme craignent que le retour d’Ennahdha dans le jeu politique n’ait des effets négatifs sur le secteur…
Sur ce point, nous sommes un mouvementresponsable,nousvoulonsconstruire une économie forte, dont l’une des composantes est le tourisme. Il ne serait donc pas raisonnable que nous détruisions N O 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
Série de portraits de MARTYRS du mouvement islamiste tunisien, victimes de la répression de l’ancien régime.
notre économie et les sources de revenus qui font vivre une frange importante de la population. Bien au contraire, nous disons aux investisseurs et aux hommes d’affaires du secteur d’être confiants, car Ennahdha va les appuyer et les soutenir. Votre mouvement est favorable à la parité hommes-femmes sur les listes électorales en vue de l’élection de la Constituante. N’est-ce pas surprenant ?
C’est là une preuve supplémentaire que nous sommes pour l’égalité des droits entre les sexes et que nous mettons ainsi nos actes en conformité avec nos paroles. Ce qui est en revanche surprenant, c’est que, parmi ceux qui se gargarisaient de mots à propos des droits de la femme et de sa liberté, il s’en trouve qui ne sont pas favorables à la parité parce qu’elle contrarie leurs calculs électoralistes et politiciens. L’opinion publique et les femmes jugeront. Vos adversaires affirment que si Ennahdha accède au pouvoir, elle appliquera la charia, remettant en question les acquis de la femme dans le code du
statut personnel, notamment à propos du divorce et de la polygamie.
Nous sommes pour l’égalité des droits entre tous les êtres. Nous estimons même que les droits de la femme demeurent incomplets. Nous soutenons le code du statut personnel, mais nous voulons aussi l’améliorer en renforçant les droits de la femme dans tous les domaines. C’est là une position de principe qui découle de nos valeurs humanistes. On vous reproche aussi certains interdits religieux liés à des comportements personnels (port du bikini, consommation d’alcool...).
Ces phénomènes doivent être traités avec sagesse et bonne foi dans le cadre de la liberté de croyance qui est un principe fondamental. L’islam est fondé sur la liberté de la foi. Le Coran le dit clairement : « la ikraha fi d-dine » [« Nulle contrainte en religion », II : 256]. Toutes les sociétés ont leurs aspects positifs et négatifs. L’essentiel ici est que personne n’impose ses opinions ou un comportement à qui que ce soit. Le pays est régi par des lois. Nous sommes pour l’État de JEUNE AFRIQUE
Hamadi Jebali à notre avis, ni à une exclusion ni à une distinction entre citoyens en droits et en devoirs. Chacun peut conserver sa spécificité civile et religieuse. Nous approuvons donc cet article, comme c’est le cas de tout le peuple tunisien. Ennahdha est-il un parti religieux ?
Ce n’est pas un mouvement religieux au sens théologique. C’est un parti politique. Nous ne sommes pas des anges et nous ne prétendons pas détenir la vérité. Nous ne faisons pas valoir de vérité de Dieu et nous ne parlons pas au nom de l’islam.
AUDE OSNOWYCZ
Qu’est-ce qui vous distingue alors des laïcs ?
droit, aucune loi n’est au-dessus de l’État de droit. En conséquence, il n’appartient pas à Ennahdha, ni à aucun autre mouvement, qu’il soit au pouvoir ou non, d’agir en dehors de ce cadre constitutionnel et législatif. Êtes-vous favorable au changement de la législation sur l’héritage, selon laquelle la part du fils est deux fois supérieure à celle de la fille ?
Mais pourquoi ne pose-t-on pas cette question au mufti de la République et aux savants de l’islam dont le rôle est d’y répondre ? Encore une fois, nous sommes un mouvement politique civil au même titre que les autres partis politiques. Il y a une loi qui régit ce genre de situation. Ennahdha n’est pas une institution qui énonce des fatwas. Il y a un débat au sein de l’élite à propos de l’article 1 du texte de la Constitution de 1959, qui stipule, à l’instigation de Bourguiba, que « la Tunisie est un pays arabe et sa religion est l’islam ». Où vous situez-vous ?
Cet article fait l’objet d’un consensus au sein du peuple tunisien pour définir son identité et sa référence. Il ne conduit, JEUNE AFRIQUE
La différence est grande. D’abord, nous ne sommes pas d’accord avec eux sur l’acception du concept de laïcité, né en Europe en réaction à l’alliance de l’Église chrétienne avec les pouvoirs féodaux. Nous invitons nos amis au sein de l’élite qui se dit laïque à se débarrasser de ce prêt-à-porter dont ils veulent parer les Tunisiens et qui est contraire à notre religion et à notre histoire. En revanche, si la laïcité est comprise comme la neutralité de l’État, qui se porte garant de la Constitution et de la loi, c’est-à-dire du respect des libertés, dont la liberté de croyance et de l’ijtihad [« effort d’interprétation »], et que cet État se pose en arbitre et ne s’aligne sur aucun parti ou aucune frange de la société, alors nous n’avons aucune objection à cela. La politique a-t-elle sa place dans les mosquées ?
L’État ne doit pas intervenir d’une manière coercitive dans les affaires des institutions civiles, qu’il s’agisse d’organisations, d’associations ou de lieux de
le remplacer par quelqu’un d’autre. Cela est contraire à la démocratie. La solution serait un accord entre les fidèles et l’administration concernée à travers un mécanisme de consultation démocratique. Il y a des groupes se réclamant de l’islamisme radical qui sont apparus au grand jour. Quelle est la position d’Ennahdha à leur égard ?
Nous encourageons le pluralisme, y compris au sein des rangs islamistes, car cela fait partie du débat national. S’il y a des dérives et des violations de la loi, c’est à la justice de se prononcer. De quel mouvement islamiste dans le monde Ennahdha se sent-il le plus proche ?
Notre mouvement a sa propre histoire militante et sa pensée. Il n’est donc pas dans la position de l’imitateur. Il s’appuie sur la réalité tunisienne, qui sert de base à son action. Naturellement, nous tirons profit de toutes les expériences, islamistes ou non. L’approche turque rappelle celle d’Ennahdha sur plusieurs aspects politiques et sociaux. Nous la suivons donc avec intérêt. On évoque des contacts entre des dirigeants d’Ennahdha et des diplomates étrangers, dont les Américains.
Après ma libération, en 2006, j’avais déjà reçu à Sousse une délégation de diplomates américains. Il m’a semblé que les autorités avaient été mises au courant de ce déplacement. Ce n’est pas non plus un secret que nous continuons et continuerons à avoir des contacts avec des diplomates de tous les pays, à condition de ne pas contrevenir à nos principes nationaux et musulmans, c’est-à-dire
Nous soutenons le code du statut personnel et voulons même l’améliorer. culte. La mosquée appartient au peuple. Le régime en place comme les partis se doivent de respecter sa spécificité dans le cadre de la Constitution et de la loi. La mosquée ne doit pas être « partisane » et ne doit pas devenir un lieu de propagande. C’est pourtant le cas…
Il n’est permis ni à Ennahdha ni à aucune partie de destituer un imam pour
n’être l’otage d’aucune partie étrangère ou même intérieure. Au siège de notre mouvement, nous recevons ces temps-ci les visites de diplomates de presque toutes les missions accréditées à Tunis, y compris européennes. Ils viennent s’informer sur nos idées et nos positions. Nous leur demandons à chaque fois de soutenir notre expérience démocratique dans le respect de la souveraineté de notre patrie et de son indépendance. ● N O 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
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Votre journal
Quand Le
Canard
par Béchir Ben Yahmed
ARD DU 20 AVRIL. EN PAGE 3 DU CANARD « Un journal au bord du gouffre »... N 0 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
JEUNE AFRIQUE
Votre journal
enchaîné récidive Cette nouvelle attaque est en revanche reproduite ci-contre dans son intégralité et je n’aurai aucun mal à montrer que l’hebdomadaire qui la véhicule patauge toujours dans les mêmes ornières.
tirait à boulets En 1981, l’hebdomadaire satirique français tirai à nouveau rouges sur Jeune Afrique. Trente ans plus tard, il ouvre ou le feu. Avec les mêmes méthodes – un mélange d’a d’approximation, pétard mouillé. de hargne et de calomnie. Et le même résultat : un p
C
i-contre, je vous donne à lirel’articlequele Canard enchaîné du 20 avril dernier a consacré à Jeune Afrique sous la signature de son « journaliste » – les guillemets s’imposent – Sorj Chalandon. ■
Le titre de l’articlee est tendancieux et racoleur: c’est la règle dans ce journal qui, se prévalant de sa vocation « satirique », s’autorise, sans grand risque, la calomnie et la diffamation, plus souvent encore l’approximation. Le « chapô » de deux ligness destiné à inciter à la lecture est de la même eau. Il révèle la malveillance de son auteur et son intention de nuire : selon lui, notre hebdomadaire était « à l’agonie » en 1997, il y a… quatorze ans. S’il avait consulté un dictionnaire, il y aurait lu : l’agonie est le moment, les heures précédant immédiatement la mort. Notre hebdomadaire, contre lequel le même Canard enchaînéé a déjà mené une campagne qui a duré plusieurs semaines, en novembre-décembre 1981 et jusqu’en janvier 1982, n’est certes pas aussi riche que « l’hebdomadaire satirique », qui a fait de la délation et des attaques mal étayées son fonds de commerce (lire « Les enveloppes du Canard enchaîné », p. 54). Mais Jeune Afrique n’était pas à l’agonie en 1997. S’il l’avait été, il serait mort. N’en déplaise au Canard enchaîné, é, il se porte même, aujourd’hui, plutôt bien. JEUNE AFRIQUE
Lorsque, à la fin de 1981, Le Canard enchaîné à Jeune Afrique né s’est attaqué att Vautier, lequel sous la plume de Patrice P méritait encore mo moins le titre de journaliste, nous avons cr créé une page « Sourire » semaine après où nous avons publié, pu semaine, ce que Le Canard écrivait alors sur nous et dont le caractère excessif et ridicule sautait sautai aux yeux. Faute de place, je ne peux vous vo en montrer, pour votre édification, qu’une livraison (voir q pp. 52-53). ForceestdeconstaterqueLeCanardn’a, Forceestdeconst hélas pour lui et pour po nous, pas changé, ne s’est en tout cas pas amélioré.
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Le Canard d’il y a trente ans a voulu faire accroire à ses lecteurs que nous étions à la solde… de Kaddafi : en 1981, nous étions pourtant déjà, et le sommes demeuré à ce jour, l’adversaire le plus ferme, le plus constant et le plus vigoureux du dictateur libyen et de son clan. Nos lecteurs le savent, et certains d’entre eux pensent même que nous en faisons trop contre lui. Kaddafi le sait tout aussi bien, et c’est d’ailleurs au siège parisien de Jeune Afrique à Paris – pas contre le Canard – que Kaddafi et son âme damnée Abdallah Senoussi ont fait exploser, en 1986, une de leurs bombes, et c’est Jeune Afrique et pas Le Canard enchaîné que Moussa Koussa, l’autre âme damnée de Kaddafi, a assigné en justice en 2008. Le Canard a-t-il eu la décence d’écrire, fût-ce au détour d’un écho, qu’il s’était trompé en nous accusant de ● ● ●
LE CLUB DE DES ACTIONNAIRES DE JEUNE AFRIQUE UNE CINQUANT CINQUANTAINE D’ACTIONNAIRESTUNISIENS – moins de 10 %, en nombre, de nos 600 actionnaires – possèdent ensemble 7,5 % du capital de Jeune Afrique. Afriqu Ce pourcentage est inférieur à celui des ventes de Jeune Afrique enTunisie, qui est, lui, de 11,5 %. Nous avons tenu à ce qu’ils soient des personnes physiques ou morales privées. Et qu’aucun qu’a ne possède même 0,5 % du capital. Plus généralement, nos 600 actionnaires, répartis dans plus de 50 pays général d’Afrique et d’ailleurs, d’a sont tous des petits actionnaires. Nombre d’entre eux ne détiennent détienn que 5, 10 ou 20 actions. Aucun d’eux, en dehors de l’auteur de ces lignes, qui en détient la majorité, ne possède p même 1 % du capital. Chacun est agréé par notre conseil d’administration. d’admi Ils reçoivent gratuitement Jeune Afrique et les autres publications du groupe – une sorte s de dividende en nature, en somme. Mais pas de dividende en a argent. Ils forment le Club des actionnaires de Jeune Afrique et, en général, en sont fiers. Nous facilitons faciliton la sortie du club à ceux qui en ont besoin – ou seulement B.B.Y. envie. ● N 0 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
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Votre journal Æ PENDANT DEUX MOIS, EN DÉCEMBRE 1981 ET JANVIER 1982, Le Canard sonne la charge contre J.A., lequel se fait un plaisir de republier l’intégralité de ces pamphlets dans sa rubrique « Sourire ». Détail piquant : le journaliste procureur du Canard, Patrice Vautier, arrondit ses fins de mois… comme rédacteur en chef d’une revue africaine de publireportages !
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JEUNE AFRIQUE
Quand le Canard enchaîné récidive par Béchir Ben Yahmed connivence avec Kaddafi ? Ce n’est conniv genre de la maison. pas le gen ●●●
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Avant d’en venir à l’affaire d’aujourd’hui, encore un mot sur le métier de journaliste qui est le m mien depuis un bon demi-siècle. avis, il peut être exercé de deux À mon av façons : une bonne et une mauvaise. bonne, qui n’est, hélas pour lui, La bon pas celle du Canard enchaîné, consiste à chercher la vérité d’une affaire, d’un d’une femme, ou bien d’une homme, d entreprise, à déployer beaucoup d’efforts entreprise trouver, à n’écrire que lorsqu’on pour la trou pense l’avoi l’avoir cernée: le journaliste adopte en somme la démarche du juge. La secon seconde, couramment pratiquée par Le Canard enchaîné, revient à se saisir d’une affaire, affa livrée à ce journal bien souvent par d délation, parce qu’on a jugé « au pif»qu’elleserait«vendeuse».Onprocède pif»qu’elle pour la forme, à un simulacre de alors, pou vérification et on la publie rapidement, en général po pour salir quelqu’un: dans cecas, le journal journaliste se fait procureur, prononce réquisitoire et, sans se préoccuper son réqu le moins du monde de savoir si ce qu’il assène est e la vérité, se délecte du mal qu’il fait. fait ■
Dans la présente affaire, les deux personnes les plus importantes, celles person savent exactement ce qui s’est qui save passé, sont citées dans l’article du Canard enchaîné : MM. Mohamed Jeri et Mohamed Jegham. Ils se sont succédé à la direction du cabinet succéd président Ben Ali au moment du pré faits, et, selon M. Jilani Attia, des fa l’informateur du Canard, ce sont l’info qui l’ont approché. eux qu Ils se trouvent en Tunisie, à portée téléphone, et leur témoignage est de tél capital pour connaître la vérité. capi Un journal qui respecte ses lecteurs, un journaliste digne de ce teur nom n’auraient rien écrit avant de les avoir interrogés et écoutés. Celui du Canard n’a même Ce pas essayé : s’il avait été à Jeune Afrique, ou dans tout autre journal Afri soucieux de vérité, son rédacteur so en chef lui aurait demandé de le faire. Si, à Jeune Afrique, il avait, fa par impossible, réussi à faire pa publier son article sans avoir pu recueilli ce témoignage clé, je l’aurais licencié pou pour faute professionnelle caractérisée et j’aurais présenté mes excuses lecteurs. à nos lecteu JEUNE AFRIQUE
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Votre journal Au Canard, l’auteur de l’article destiné à salir Jeune Afrique continuera à sévir : c’est du journalisme irresponsable, la démarche d’un mauvais procureur assuré de l’impunité… ■
Un mot de plus sur le métier de journaliste. Je l’emprunte à l’un des grands de notre profession, Franz-Olivier Giesbert,
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Mais laissons, si vous le voulez bien, Le Canard enchaîné et son « journaliste » dans « l’erreur de jugement et l’imposture » où ils se complaisent et voyons quelle est la vérité de cette affaire. Pour la faire apparaître, il suffit de se poser deux questions et de leur apporter la réponse juste :
C’est parce que l’opération, qui n’était ni secrète ni critiquable, nécessitait l’autorisation de la Banque centrale, laquelle dépend de la présidence tunisienne, que cette dernière est intervenue. patron d’un hebdomadaire français de qualité : Le Point. Dans son dernier livre, Monsieur le président, consacré à Nicolas Sarkozy, il écrit ceci : « J’entends la voix de François Mitterrand susurrer à mon oreille l’un de ses refrains favoris : “Veinards de journalistes, vous pouvez écrire n’importe quoi en toute impunité. Plus vous vous fourvoyez, plus vous pouvez gagner de lecteurs.” Mitterrand avait raison. J’exerce l’une des rares professions où rien ne tue, ni le ridicule ni l’erreur de jugement. D’où un sentiment lancinant d’imposture. »
1) Le Ben Ali de 1996-1997 et son administration étaient-ils ceux qu’ils sont devenus en 2010-2011 – quatorze ans plus tard – et qui sont stigmatisés à juste titre aujourd’hui ? 2) Quelle était la nature de ladite opération de souscription ? ■
1) L’affaire s’est déroulée en 1996-1997, sur plusieurs mois. Le président Ben Ali et son administration n’étaient pas – mais alors pas du tout – ceux qu’ils sont devenus quatorze ans plus tard. Le Canard et son journaliste veulent l’ignorer, mais Ben Ali, dont le premier
mandat a commencé en avril 1989 et le second en mars 1994, était alors celui qui avait sorti la République d’une fin de règne calamiteuse d’un Bourguiba autoproclamé président à vie. Il a, dans la foulée, sauvé la Tunisie d’une prise de pouvoir islamiste par la violence. C’était un réformateur et un modernisateur populaire. MM. Mohamed Jeri et Mohamed Jegham étaient des hauts fonctionnaires et des hommes politiques connus en Tunisie pour leur patriotisme, leur probité et leur compétence. L’un et l’autre ont par la suite été écartés parleprésidentBenAliparcequ’ilsn’adhéraient pas à l’évolution de son régime vers la dictature. Pour la même raison, constatant que cette évolution était devenue irréversible, j’ai cessé de voir le président Ben Ali ou d’avoir la moindre communication avec lui à partir de mars 2005, plus de cinq ans avant sa chute. ■
2) L’opération objet de l’article du Canard consistait à faire souscrire à une augmentation du capital de Jeune Afrique des citoyens privés (personnes physiques ou morales) d’un pays de la zone de lecture de Jeune Afrique, doté d’une monnaie autonome avec contrôle des changes.
LES ENVELOPPES DU CANARD ENCHAÎNÉ Paru en 2008, Le Vrai Canard, de Karl Laske et Laurent Valdiguié, édité chez Stock, décrit « la face cachée du Canard enchaîné » et son fonctionnement. BIEN SÛR, L’HEBDOMADAIRE SATIRIQUE a immédiatement dénoncé une opération menée contre lui par on ne sait quels malveillants : habitué à attaquer les autres en toute impunité, il a mal supporté qu’on regarde dans son arrière-cour… Parmi les révélations de ce livre, le système des enveloppes distribuées chaque année dans la foulée de l’assemblée générale des actionnaires, qui arrête le bilan et le compte des résultats de l’exercice. (La société éditrice gagne chaque année entre 5 millions et 6 millions d’euros, parfois plus). Lisez : « Ça commence à 18 heures [raconte un journaliste]. Ce n’est pas une distribution à proprement parler. La comptable passe discuter avec chacun et lui remet son enveloppe. Dans le temps, il paraît qu’il y avait du liquide à l’intérieur. Aujourd’hui, c’est un chèque. » « Les journalistes du Canard sont parmi “les mieux N 0 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
payés” de la place de Paris, et ils le savent bien. “Les rédacteurs ont un salaire fixe – le salaire moyen se situant aux alentours de 3 750 euros –, trois mois de salaire double et une prime versée en deux fois.” Leur salaire est généralement doublé. Et 7 500 euros n’est encore qu’un salaire mensuel moyen d’un jo journaliste confirmé. Selon nos informations, les dirigeants du Canard, quant à eux, ém émargent à hauteur de 200 000 euros net annuels. Ce qui les place dans la fourchette an de meilleures rémunérations de la “grande des presse”. […] L’entreprise affiche aujourd’hui 81 salariés, que Le Canard dispense d’un comité d’entreprise. “Le PDG – en l’occurrence, moi – signe tous les ans un constat de carence, explique Michel Gaillard. Ce document, adressé à l’administration, constate qu’aucun salarié ne s’est porté candidat à l’élection d’un comité d’entreprise. Il faut croire que les salariés du Canard, qui en sont aussi les actionnaires et élisent chaque année les membres du conseil d’administration, n’éprouvent pas le besoin d’être représentés dans d’autres organes.” » ● JEUNE AFRIQUE
Quand le Canard enchaîné récidive par Béchir Ben Yahmed Était-elle secrète, particulière ? Étaitelle seulement critiquable ? Pas le moins du monde. Elle s’est déroulée sur plusieurs mois, ce qui montre bien que Jeune Afrique n’était pas pressé, encore moins à l’agonie ; nous voulions des actionnaires privés et non publics, nous voulions qu’ils soient nombreux – pour qu’aucun aucun d’eux ne détienne même 0,5 % du u capital et que l’ensemble totalise environ 6 % du capital – et qu’ils soient représentatifs de tous les secteurs d’activité. La présidence de la République tunisienne est intervenue pour la raison n déterminante que voici : la souscription s’est faite en dinars,, monnaie nationale non converertible, mais par son transfert en France dans le capital d’une ne société de droit français elle le devenait un investissement à l’étranger, en francs (c’était avant nt le passage à l’euro), nécessitant ant l’autorisation de la Banque cenntrale tunisienne.
avons informé le gouvernement et mené l’opération en accord avec lui. Je me souviens qu’au Sénégal Léopold Sédar Senghor était président et Abdou Diouf son Premier ministre, qu’en Mauritanie Moktar Ould Daddah était chef de l’État, et son frère, Ahmed, gouverneur de la Banque centrale.
nullement à l’agonie et Ben Ali n’a acheté aucune faveur. ■
En voulez-vous une preuve, ou à tout le moins une indication? En 1999 – deux ans après l’opération –, Jeune Afrique n’a pas hésité à annoncer, avant tout le monde, numéro du 10 au 16 août, la dans son n parution du livre de Jean-Pierre paruti Tuquoi et Nicolas Beau, Notre ami Ali. Fureur du futur dictateur, Ben Al vacances à Hammamet, qui n’a en vac découvert cette annonce dans Jeune découv Afrique que lorsque l’hebdomadaire Afriqu était déjà en vente : il a alors fait saisir tous les exemplaires, dans tous lles kiosques de Tunisie, et a ordonné que Jeune Afrique, seul ordo toute la presse, soit désormais de tou gardé sous douane jusqu’à lecgard ture complète – qui peut prendre deux, trois ou quatre jours – par deux censure. la cen ■
Depuis sa création, Jeune De Afrique est diffusé, pour l’essenAfri tiel, dans des pays dominés par tiel ■ un parti unique et, sauf exception, Lancé à Tunis en 1960, Jeune dirigés par des autocrates ou des diri une Afrique s’est doté, décennie après rès dictateurs. dict décennie, d’un club de six cents Ni Le Canard, ni personne ents petits actionnaires issus de cind’autre n’est qualifié pour d’ lui quante-cinq pays, la plupart afrilu donner des leçons sur la cains. À raison de quelques actions tions conduite à tenir à leur endroit. co ou dizaines d’actions pour chacun, cun, Le « palmarès » des saisies, de manière à ce que la majoritéé du interdictions et suppressions in capital et le contrôle restent entre ntre de publicité dont nous avons été victime parle pour nous ; les mains de son fondateur,, qui ét la liste de ceux qui nous ont se trouvait être (jusqu’en 2008) 8) le directeur de sa rédaction(*). interdit et combattu – Sékou En août 1999, J.A. annonce, deux mois avant sa Les deux tiers de nos lecteurs Touré, Mobutu, Bokassa, eurs parution en librairie, la publication d’un livre très critique se trouvent dans une trentaine Ka d d a f i , B o u m é d i è n e, à l’égard de Ben Ali. Réaction de ce dernier : TOUS LES de pays africains francophones, Houphouët-Boigny, EXEMPLAIRES DE J.A. DISTRIBUÉS EN TUNISIE SONT SAISIS. et nous avons eu pour politique Ratsiraka, Hassan II – est depuis près de quarante ans d’avoir tout aussi éloquente. comme actionnaire dans chacun de ces Les dirigeants africains sont en général Il nous est arrivé de conclure une trêve, pays des hommes et des femmes qui adhècontents, ou même fiers de voir certains toujours de courte durée, avec l’un ou de leurs concitoyens, certaines de leurs l’autre de ces autocrates, mais jamais rent à nos positions et sont représentatifs entreprises, entrer dans le capital de Jeune nous ne nous sommes compromis avec de notre lectorat. Afrique. aucun d’eux. C’est ainsi que nous avons recherché Ilssavent–etlescandidatsactionnairesle Alors, Messieurs du Canard, nous de nouveaux actionnaires, à l’occasion d’augmentations de capital successives, au savent également – que cela ne leur donne attendons avec sérénité votre prochaine « sortie » contre nous. Comme les précéSénégal, en Mauritanie, en Côte d’Ivoire, aucun pouvoird’influencesurl’orientation au Togo, au Burundi, au Rwanda, au Mali, éditoriale du journal et que Jeune Afrique dentes, elle sera portée à la connaissance mais aussi en France, en Belgique, en ne distribue pas de dividendes. de nos lecteurs. Suisse, au Canada… Comme l’on dit chez nous : « Les chiens ■ Certains vivent dans des pays démoC’est très exactement ce qui s’est aboient… » ● cratiques, d’autres non ; certains dans passé dans la Tunisie de 1997 et, par la zone CFA, d’autres pas. Chaque fois, conséquent, Le Canard enchaîné ment, * Depuis 2008, c’est François Soudan qui dirige par courtoisie ou par nécessité, nous tout simplement : Jeune Afrique n’était la rédaction de Jeune Afrique. JEUNE AFRIQUE
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Europe, Amériques, Asie
ÉTATS-UNIS
L’énigme
Donald
Le milliardaire déjanté va-t-il vraiment briguer, en mai, l’investiture républicaine pour l’élection présidentielle de 2012 ? Ou n’est-ce qu’un gigantesque coup de pub ? Quoi qu’il en soit, il multiplie contre Barack Obama les attaques au-dessous de la ceinture. JEAN-ÉRIC BOULIN,
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à New York
n envisageant publiquement de se lancer dans la course à l’investiture républicaine pour l’élection présidentielle de 2012, Donald Trump risque de plomber un peu plus le Grand Old Party, qui n’avait vraiment pas besoin de ça: aucun de ses candidats pressentis pour affronter Barack Obama – ils sont, à ce jour, une dizaine – ne parvient à s’imposer. Avec Sarah Palin, on croyait avoir touché le fond. Mais Donald Trump, c’est encore pire ! Avec son allure de crooner pour dames en croisière et ses déclarations à l’emporte-pièce, Trump, 65 ans, est une sorte de clone américain de Silvio Berlusconi. Milliardaire narcissique, il dirige un empire immobilier, Trump Organization, qui, selon le magazine Forbes, « pèse » 2 milliards de dollars (1,36 milliard d’euros). Dans tout le pays, d’innombrables casinos et complexes pharaoniques portent son nom, telle la Trump Tower, à Manhattan. Trois fois marié, le tycoon a, comme son alter ego italien, un faible pour les femmes beaucoup, beaucoup plus jeunes que lui. Ce Gatsby (le héros de Fitzgerald) pathétique, qui, signe particulier, a la phobie des germes, a fait de sa vie un roman de gare. Son style de vie flamboyant, ses revers financiers à répétition – ses casinos ont été placés en dépôt de bilan –, son divorce ruineux, en 1992, d’avec Ivana, sa première femme, d’origine tchèque, sont une bénédiction pour la presse de caniveau. POLITIQUE SPECTACLE. En plus des affaires, Trump
anime depuis sept ans sur NBC une émission de téléréalité, The Celebrity Apprentice (« L’Apprenti célébrité »). C’est d’ailleurs lors de la finale de la N 0 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
LUCAS JACKSON/REUTERS
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AU COURS D’UNE CONFÉRENCE DE PRESSE, À NEW YORK, LE 10 MARS. Encore pire que Sarah Palin !
saison en cours, le 22 mai, qu’il devrait préciser ses intentions, avant l’annonce officielle de sa candidature, début juin. Vous avez dit politique spectacle ? Etçamarche!Lemoisdernier,unsondagearévélé que Trump figurait parmi les candidats républicains les mieux placés. Deux raisons à cela. D’abord, on l’a vu, l’absence de concurrents enthousiasmants. Ensuite, sa stratégie consistant à remuer les eaux les plus troubles. Le milliardaire a, par exemple, pris la tête des « birthers », comme on dit ici. Des gens qui prétendent qu’Obama, n’étant pas né aux États-Unis, comme il l’affirme, mais au Kenya, ne peut occuper la fonction de président (47 % des sympathisants républicains en sont convaincus, JEUNE AFRIQUE
Europe, Amériques, Asie Californie a ainsi diffusé une caricature d’Obama en chimpanzé. Avec cette légende d’un goût charmant: « Voilà pourquoi il n’a pas d’acte de naissance. » Les déclarations de Trump frôlent souvent la sortie de route. Selon lui, si tous les AfricainsAméricains continuent de soutenir Obama, c’est uniquement en raison de sa race. Récemment, il a affirmé, contre toute évidence, que le président avait été un étudiant médiocre. Sous-entendu: s’il a été admis à Columbia et à Harvard, c’est parce qu’il a trafiqué ses notes. Le tout, bien sûr, sans l’ombre d’une preuve. « Je suis le candidat qu’Obama ne veut surtout pas affronter », fanfaronne-t-il. Ces rodomontades lui tiennent lieu de programme. De toute façon, Il veut démontrer que il se montre, en ce domaine, d’un le président a triché pour opportunisme sans borne,comme en témoigne son récent virage être admis à Harvard. ultraconservateur sur l’avortement et l’assurance santé, dont le seul objectif est de séduire la frange la plus dure des républicains. Ce n’est pas la première fois que Trump envisage d’être candidat, mais, jusqu’ici, c’était surtout pour faire parler de lui. « Tout le monde souhaite que je me présente, mais je n’y ai aucun intérêt », déclarait-il, dès août 1988, devant la convention républicaine. Onze ans plus tard, juste avant la parution d’un livre dont il était le signataire (The America We Deserve, « L’Amérique que nous méritons »), il avait de nouveau évoqué l’hypothèse de sa candidature, mais sous la bannière du Parti de la PRÉSIDENT réforme, formation fantomatique fondée par Ross Donald Trump Perot, un collègue milliardaire. Après avoir qualifié le républicain Pat Buchanan d’« adorateur de VICE-PRÉSIDENTS Hitler » et le démocrate Al Gore de « vache sacrée », Donald Trump Jr, Ivanka Trump, Eric Trump il s’était retiré de la course, sans explications, en février 2000. « Trump n’avait en réalité qu’un seul SIÈGE objectif : faire à nos dépens la promotion de ses 725 Fifth Avenue, hôtels, de son livre et de lui-même », avait sècheNew York ment commenté Perot. Il est vrai qu’avec Trump, le business n’est jamais NOMBRES très loin. Est-ce vraiment un hasard si l’annonce D’EMPLOYÉS officielle de sa candidature coïncidera avec la fin de 22 450 la énième saison de son show télé? Seule certitude: ACTIVITÉS l’audience ne devrait pas en souffrir! On a d’ailleurs Hôtellerie, immobilier, peine à croire que le milliardaire puisse arrêter tourisme, jeu (casinos), définitivement The Celebrity Apprentice, comme divertissement. Organise la loi lui en fait obligation, pour briguer la Maison avec la chaîne NBC les Blanche. Et qu’il accepte de réduire son rôle au sein concours de Miss USA de Trump Organization. Du coup, certains obseret de Miss Univers. vateurs s’interrogent sur ses véritables intentions: et si les primaires républicaines n’étaient pour La fortune personnelle lui qu’un énorme coup de pub ? L’intéressé de Donald Trump est estimée s’en défend à longueur d’interviews : « Pour par le magazine Forbes à la première fois de ma vie, j’y pense sérieuse2,7 MILLIARDS ment. Pourtant, j’aime ce que je fais, Trump DE DOLLARS. Organization est extraordinaire. Mais mon pays ne l’est pas. Il est très mal dirigé. » Il LA TRUMP n’empêche : le doute subsiste. ● ORGANIZATION
Trump
selon un récent sondage). Pour tenter d’éteindre la polémique, la Maison Blanche a publié un extrait de naissance officiel du chef de l’exécutif (l’extrait intégral a été mis en ligne le 27 avril). En vain, pour l’instant. NAUSÉABOND. Trump a annoncé avoir dépêché
des enquêteurs à Hawaii, lieu de naissance du président, afin de démonter la supercherie. Et promis des révélations fracassantes, en mai. Certes, plus l’échéance approche, plus il se montre évasif, mais peu importe: l’essentiel est d’alimenter la polémique. Celle-ci prend d’ailleurs un tour franchement nauséabond. Une responsable du Parti républicain en JEUNE AFRIQUE
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Europe, Amériques, Asie lieux de culte. À l’origine : des caves, des garages, des hangars… Dans ce contexte, l’édification de la Grande Mosquée est devenue urgente. « Ça ne réglera pas tous nos problèmes, mais c’est un symbole fort, qui montrera enfin qu’on existe », estime Nassurdine Haidari. L’idée ne date pas d’hier. Mais il a fallu attendre la réélection de Jean-Claude Gaudin (UMP) à la tête de la ville, en 2001, pour qu’enfin le projet se concrétise. En 2006, l’association La Grande Mosquée de Marseille voit le jour : la mairie met à sa disposition le terrain des anciens abattoirs des quartiers nord ; la première pierre est posée en 2010… « On est dans la dernière ligne droite », annoncent alors les dirigeants de l’association.
FRANCE
Une Arlésienne à Marseille
Dans la cité phocéenne, un quart des habitants sont de confession musulmane. Problème : ils ne disposent d’aucun lieu de culte digne de ce nom. Depuis des années, on parle de construire une Grande Mosquée. Mais le premier coup de pioche se fait attendre !
« PUTSCH ». C’était compter sans les FRANCO ZECCHIN/PICTURETANK
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Salles de prière exiguës : trop de fidèles sont contraints de PRIER DANS LA RUE.
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est devenu une habitude. Le vendredi, à l’heure de la prière de la mi-journée, Ahmed ne sort jamais sans le morceau de carton qu’il conserve, le reste de la semaine, à l’entrée de son petit deux-pièces situé au cœur du Panier, un quartier populaire de Marseille. Il préfère en sourire. « Comme ça, tout le monde sait où je vais. » Ahmed, la trentaine, Marseillais de naissance mais Comorien de cœur, n’est pas du genre à arriver à l’heure. À la salle de prière des Récollettes, à peine plus grande qu’un troquet, il est donc « à peu près certain » de prier dehors. Et il n’est pas le seul… Chaque vendredi, ils sont des dizaines à s’agenouiller sur des cartons, à l’intersection de deux petites ruelles vite encombrées. Le jour de notre rencontre, Ahmed a trouvé une place entre deux scooters. Il a connu pire. « Il y a quelques mois, quand les éboueurs étaient en grève, on était entourés de poubelles. » Restent ces regards de passants obligés, le temps de la prière, de modifier leur parcours. « Il y a dix ans, les gens nous plaignaient. Aujourd’hui, ils nous N O 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
montrent du doigt », se désole Nassurdine Haidari. Ce jeune élu municipal socialiste de 32 ans a, dans une vie antérieure, prêché à la salle des Récollettes. « Sur une dizaine de lieux de prière situés au centre de Marseille, il y en a trois qui débordent, assure-t-il. Et dans toute la ville, pas plus de six. Ce n’est pas beaucoup, mais c’est déjà trop. » CAVES, GARAGES… À Marseille, affirme
divisions qui partagent depuis plusieurs décennies les musulmans de Marseille. Quelques semaines plus tard, en juin, le président de l’association, Nourredine Cheikh, accusé d’être inféodé à l’Algérie, est mis en minorité. Ses partisans crient au « putsch ». Abderrahmane Ghoul, secrétaire général, lui succède. Le début des ennuis : immédiatement, l’Algérie gèle sa participation financière, puis en septembre, l’extrême droite lance un nouveau recours devant le tribunal – le sixième ! – pour empêcher le début des travaux. Dernièrement, c’est le trésorier qui a démissionné, dénonçant un manque de clarté dans les comptes de l’association. Le complexe (une mosquée, une bibliothèque, des salles d’études) nécessite 22 millions d’euros, mais aujourd’hui, affirme l’ex-trésorier, les caisses sont vides. Abderrahmane Ghoul, rencontré fin mars, se veut optimiste : « Aucun pays n’a donné pour l’instant. Chacun attend que les autres se positionnent en premier. Mais ça viendra. En attendant,
un journaliste local, « l’islam n’a jamais vraiment été à l’aise ». C’est le moins que l’on puisse dire. Sur les quelque 850 000 habitants de la cité phocéenne, on estime Coût du projet : 22 millions à plus de 200 000 le nombre d’euros. Mais l’ancien trésorier de musulmans – un quart de la population… Pourtant, on accuse : les caisses sont vides. n’y trouve aucune mosquée. nous démarchons les musulmans de « Trois ou quatre salles font office de mosMarseille. » Mais au marché aux puces, quées, parce qu’elles ont une architecture ancienne, mais aucune n’est digne de ce situé à dix minutes des anciens abatnom », note Nassera Benmarnia, directoirs, la réticence est de mise. « Ça fait trice de l’Union des familles musulmanes des années qu’on nous la promet cette mosquée, on n’y croit plus », explique des Bouches-du-Rhône. Les autres lieux – une soixantaine – sont de simples salles Moussa, un vieux Sénégalais. ● transformées avec les moyens du bord en RÉMI CARAYOL, envoyé spécial JEUNE AFRIQUE
Europe, Amériques, Asie VENEZUELA-LIBYE
C’est beau, l’amitié!
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ombattu par son peuple, délaissé par ses fidèles, condamné par ses pairs et assiégé par une coalition internationale, Mouammar Kaddafi peut encore compter sur quelques rares mais solides amitiés. Hugo Chávez, son indéfectible allié – et bête noire de Washington –, ne cesse de proposer sa médiation afin de lui ménager une porte de sortie honorable. Le 26 avril, après avoir fustigé le bombardement de la Libye, le président vénézuélien a annoncé la présence à Caracas d’une délégation dépêchée par le « Guide » pour tenter de trouver une solution diplomatique. Il est permis de douter du succès de l’opération, les précédentes initiatives vénézuéliennes ayant été rejetées tant par les alliés que par le Conseil national de transition libyen. À la vérité, l’initiative de Chávez conforte plutôt l’administration américaine et l’opposition vénézuélienne, trop heureuses de pouvoir assimiler le trublion de Caracas au tyran de Tripoli. SIMULACRE DE DÉMOCRATIE. Au-delà
de leur commune détestation de « l’hégémonie impérialiste américaine », les affinités entre Chávez et Kaddafi sont nombreuses. L’un et l’autre sont issus d’un milieu modeste et ont fait de leur carrière militaire l’instrument de leurs ambitions politiques, adoptant précocement une idéologie à la fois socialisante et nationaliste. Au culte voué par Chávez à Simón Bolivar, le libérateur de l’Amérique latine, fait écho l’admiration de Kaddafi pour l’Égyptien Gamal Abdel Nasser. Les discours des deux hommes sont imprégnés de la même rhétorique JEUNE AFRIQUE
JORGE SILVA/REUTERS
Origines sociales, parcours, pratique du pouvoir… Entre Hugo Chávez et Mouammar Kaddafi, les similitudes sont nombreuses. Elles expliquent sans doute le soutien sans faille apporté par le premier au second.
MANIFESTATION DE SOUTIEN À LA RÉVOLUTION bolivarienne, le 13 avril à Caracas.
révolutionnaire, panafricaine pour l’un, panaméricaine pour l’autre. Comme Kaddafi en 1969, Chávez a, en 1992, tenté – mais manqué – un coup d’État. Leur pratique du pouvoir présente plus que des similitudes : culte de la personnalité, volonté d’exporter la révolution, dénonciation obsessionnelle de complots impérialistes, persécution des opposants… À « l’État des masses » libyen (Jamahiriya) répondent les comités populaires vénézuéliens, mais ces simulacres de démocratie directe
paramilitaires et de mercenaires que Kaddafi lance en ce moment contre son peuple. SOLIDARITÉ. Un événement explique
peut-être la solidarité manifestée par Chávez à l’égard de Kaddafi. Le 11 avril 2002, à Caracas, une manifestation rassemblant des centaines de milliers d’opposants avait fourni l’occasion à un groupe d’officiers de renverser le président vénézuélien. À la faveur d’une imposante contre-manifestation appuyée par la garde présidentielle, restée fidèle, ce dernier était El Comandante veut jouer les parvenu à reprendre le poumédiateurs. À Washington comme voir, réussissant là où son à Benghazi, il se heurte à un mur. « ami » libyen est en train d’échouer. Il faut souhaiter cachent mal le népotisme et l’autoritaaux Vénézuéliens que la comparaison ne risme le plus effréné. Comme l’économie puisse être poussée trop loin. de la Libye, celle du Venezuela repose sur Lors de la guerre d’Irak de 2003, le sort les hydrocarbures. Mais les nationalisaréservé à Saddam Hussein l’avait à ce tions imposées par les deux hommes dès point effrayé que Kaddafi s’était empressé leur accession au pouvoir ont davantage de renoncer au terrorisme et d’en finir enrichi leurs proches que servi la cause officiellement avec son programme d’ardu peuple. Plus inquiétante encore, mes de destruction massive. La punition la constitution de milices populaires qui lui est actuellement infligée fera-t-elle réfléchir Chávez ? Le message de soutien armées acquises à la cause chaviste et que ce dernier a, le 25 avril, adressé au la présence au Venezuela de dizaines président syrien Bachar el-Assad incite de milliers de « coopérants » cubains à en douter. ● LAURENT DE SAINT PÉRIER rappellent fâcheusement les unités de N O 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
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Europe, Amériques, Asie RELIGION
Inquisition à la chinoise
Dans la République populaire, catholiques et protestants croissent et se multiplient à un rythme… infernal. Pris au dépourvu, le régime tente de réagir. Par tous les moyens.
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est l’histoire d’une Chine à deux visages. D’un côté, des Églises – catholique ou protestantes – souriantes, officielles et subventionnées par l’État. Des Églises dont les prêtres sont nommés par le Parti, les évêques adoubés par le gouvernement central et les pasteurs étroitement contrôlés. Des Églises qui apaisent les cœurs de 21 millions de fidèles (5 millions de catholiques et 16 millions de protestants), mais ne dérange pas les âmes. De l’autre, hors des chemins spirituels balisés par le pouvoir, l’image est moins idyllique. Les héritiers des catacombes romaines vivent et pratiquent leur religion dans la clandestinité, refusant d’être assujettis au Parti. On estime leur nombre à environ 60 millions : 10 millions de catholiques et 50 millions de protestants. L’église Shouwang est l’un de ces lieux de culte cachés. Jusqu’à tout récemment, cette congrégation protestante « souterraine », l’une des plus importantes de la capitale, se réunissait dans un local vétuste. On y parlait peu – prudence oblige –, mais on y priait beaucoup. « Nous voulons vivre notre foi librement, explique une habituée des lieux. À l’inverse, l’Église patriotique, c’est un peu comme le Parti communiste. On n’y
discute pas de la signification des textes sacrés, c’est interdit. » Les autorités ayant brutalement décidé de mettre un terme à ces offices clandestins, la congrégation a été expulsée et a alors tenté de célébrer des offices en plein air. Inacceptable pour le gouvernement, qui, le 10 avril, a appréhendé près de 170 fidèles, et, selon l’association de défense des droits de l’homme China Aid, emprisonné le pasteur Jin Tianming, le 16, empêchant ainsi la célébration des Rameaux, puis l’a relâché le lendemain. DISSIDENCE. L’offensive contre l’Église
Shouwang est le dernier épisode d’une vague de répression déclenchée en décembre 2010 avec l’arrestation d’une centaine de croyants, catholiques et protestants mêlés. Une trentaine de religieux, dont six évêques, seraient toujours incarcérés. Des opérations qui rappellent la lutte menée par Pékin, au début des années 2000, contre la secte Falungong. Un mouvement qualifié de culte satanique, dont des milliers de membres continuent de croupir en prison. « Il y a un raidissement. Le gouvernement tente d’éradiquer l’Église clandestine, estime le père Guillaume Arotçarena, des Missions étrangères, à Paris. Il ne supporte pas que les mouvements religieux
AU ROYAUME DE LA BIBLE À un millier de kilomètres au sud de Pékin, Nankin n’est pas seulement l’ancienne capitale de l’empire du Milieu. Désormais, elle est aussi la capitale mondiale de la Bible. On y imprime les Saintes Écritures au rythme de un million d’exemplaires par mois. Le marché intérieur engloutit 70 % de la production. « Depuis l’ouverture du pays et la libéralisation de la religion, il y a une forte demande », explique Li Chunong, directeur général de l’imprimerie Nanjing Amity Printing. Imprimées en 75 langues, les Bibles de Nankin s’exportent aussi dans une soixantaine de pays. On trouve des versions en anglais, en russe, en espagnol, mais aussi en braille, en thaï et en swahili…` « Notre plus grand marché, c’est le continent africain », révèle Peter Dean, consultant auprès de Nanjing Amity Printing. Ici, les presses tournent à plein régime, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 – même le dimanche ! « Imprimer des bibles, ça me met de bonne humeur. C’est comme travailler pour Dieu », plaisante Zhang Kiwen, un ouvrier. ● S.P. N 0 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
aient une parole autonome en matière économique, sociale ou politique. » « Les autorités veulent empêcher qu’une Église catholique réunifiée devienne un foyer d’opposition », confirme le sinologue Jean-Pierre Cabestan. Les congrégations de l’ombre sont en effet des soutiens affichés de la dissidence chinoise. La moitié des 303 premiers signataires de la Charte 08, qui appelait à des réformes politiques et démocratiques et valut la prison au Prix Nobel de la paix Liu Xiaobo, seraient catholiques. « Les chrétiens ont soif de justice et cela a bien sûr un impact sur la société civile. La justice, c’est ce dont nous manquons le plus », explique un pasteur clandestin. Un discours qui flirte avec la politique et qui, forcément, passe mal du côté du parti unique. Cultes « importés », le catholicisme et le protestantisme sont particulièrement surveillés car les autorités redoutent leur influence libérale et, surtout, les liens qu’ils entretiennent avec l’étranger. JEUNE AFRIQUE
Europe, Amériques, Asie
PETAR KUJUNDZIC/REUTERS
CRÉDIT PHOTO
Ý FIDÈLES DE L’ÉGLISE SHOUWANG, congrégation réformée aujourd’hui frappée par la répression.
Elles voient ainsi la main des États-Unis derrière le bourgeonnement des mouvements évangéliques, que la presse officielle accuse régulièrement d’être financés par des mouvements sectaires américains. Du côté catholique, c’est évidemment le Vatican qui est montré du doigt. Les relations diplomatiques entre la Chine et le Saint-Siège sont rompues depuis que celui-ci a reconnu officiellement Taiwan, en 1951. À l’époque, son ambassadeur avait trouvé refuge dans l’île après avoir été expulsé par Pékin. En 1957, cette rupture a été entérinée avec la création par le régime communiste de l’Église patriotique de Chine. Depuis, les périodes de tension et d’apaisement se succèdent au rythme des ordinations concurrentes d’évêques par Rome et Pékin. Dernier épisode en date : l’ordination épiscopale, fin novembre 2010, du père Guo Jincai dans la ville de Chengde (nord du pays). Une ordination « illégale et nuisible aux relations JEUNE AFRIQUE
En une génération, un demi-milliard de ses habitants sont passés de la pauvreté à l’abondance. Ils habitent dans des villes immenses et peuvent connaître un sentiment de vacuité. Le communisme a détruit une grande partie de la société traditionnelle et des valeurs confucianistes. Aujourd’hui, les religions prennent leur revanche. » Selon le professeur, la Chine est « une terre d’évangélisation ». De fait, on estime que dix mille Chinois se convertissent chaque jour. À ce rythme, la République populaire pourrait « devenir le plus grand pays chrétien au monde, avec, peut-être, 200 millions de croyants d’ici au milieu du siècle ». Au cœur du quartier commerçant de Pékin, à une encablure de la place Tiananmen, l’église Saint-Joseph de Wangfujing est effectivement toujours bondée. Chaque week-end, plusieurs messes y sont célébrées. Le plus souvent, les fidèles sont contraints d’y faire la queue, voire de prier à l’extérieur. Le prêtre a été nommé par le Parti communiste, ses prêches sont relus et validés. Il règne en ce lieu de culte, surnommé la « cathédrale de l’Est », des airs de kermesse. On y joue avec son téléphone portable, on y emmène les enfants pour prier en famille… « C’est tellement agréable de venir à l’église, raconte une jeune femme. C’est calme, reposant. On peut méditer sur sa vie et demander des conseils. » Pour ces fidèles, le sociologue chinois Liu Xiaofang a inventé le terme de « chrétiens culturels », sympathisants mais peu
constructives qui ont été nouées récemment » entre les deux parties, a déclaré le porte-parole du Vatican. C’était en effet la première fois depuis quatre ans qu’un évêque était ordonné sans le feu vert papal. La crispation a atteint son apogée une dizaine de jours plus tard : le 1 er décembre, le « On estime que chaque jour pape Benoît XVI a lancé dix mille Chinois se convertissent un appel en faveur de au christianisme. » l’Église de Chine, qui « vit JEAN-PIERRE CABESTAN, sinologue des moments particulièrement difficiles ». Au même moment, Pékin préparait « son » conclave, pratiquants. Ils sont sensibles à l’aspect l’Assemblée des représentants cathomoderne de cette religion venue de l’extérieur. Une religion teintée d’exotisme liques officiels. Positions totalement dans ce pays où bouddhisme et taoïsme inconciliables, la messe était dite. règnent depuis des siècles. Mais lorsqu’on les interroge sur les catholiques réprimés TERRE D’ÉVANGÉLISATION. Malgré ce et sur le pape, ils tournent les talons. « On contexte tendu, le christianisme est, en ne fait pas de politique ici », répondent Chine, en plein essor. « Ce pays a soif les fidèles de Saint-Joseph de Wangfujing. de spiritualité, souligne le professeur Li Un rêve de parti unique. ● Tianming, du département de théories STÉPHANE PAMBRUN, à Pékin religieuses de l’université de Renmin. N 0 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
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PARCOURS | D’ici et d’ailleurs
BILL MURRAY/SNS GROUP
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MÊME LAURENT BLANC, alors entraîneur de Bordeaux, n’a pu le faire renoncer à son club d’outre-Manche.
Madjid Bougherra Écossais d’adoption Ce fils d’Algériens élevé à Dijon s’imaginait informaticien. Il est aujourd’hui un joueur incontournable de l’équipe de football d’Algérie et des Glasgow Rangers.
Q
«
uand mon père vient me voir à Glasgow, il a du mal à rester, car il ne supporte pas le climat. Moi, je me sens bien. J’adore le Royaume-Uni. » Les brumes de l’Écosse et ses 290 jours de pluie par an n’incitent pas Madjid Bougherra à s’imaginer un avenir sous des latitudes plus ensoleillées. Lui qui, il y a encore cinq ans, n’était qu’un anonyme joueur de Ligue 2 à Gueugnon (Saône-et-Loire) a trouvé de l’autre côte de la Manche son idéal professionnel. Pourtant, Gueugnon et ses anciennes forges avaient déjà pour lui un air de Graal.À Dijon, Madjid Bougherra a grandi dans le quartier de la Fontaine-d’Ouche, considéré comme l’un des plus difficiles de la tranquille capitale bourguignonne. « Ce n’est pas comparable aux cités d’Île-
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de-France, mais il y a de la violence et pas mal de personnes défavorisées. » Dans la rue, Bougherra découvre le football, que son père a pratiqué en Algérie. « Il est arrivé en France après l’indépendance et il a eu plusieurs métiers, notamment dans le bâtiment. Il a connu le chômage. Ma mère restait au foyer pour s’occuper de ses quatre enfants. On ne manquait de rien, mais on sentait que c’était parfois difficile pour eux. » Avec son père, le deal est simple: études d’abord, football ensuite. Même s’il parvient de temps en temps à esquiver les devoirs du soir, Bougherra suit les directives paternelles. Il décroche un bac « informatique de gestion » et valide sa première année de BTS. Le reste du temps, il ne le consacre qu’à sa passion, le football. À Longvic, dans un petit club
de l’agglomération dijonnaise. Là, en division d’honneur, le jeune FrancoAlgérien touche 30 euros de prime de match, qu’il dépense dans les fast-foods. Et puis, alors qu’il envisage de déménager à Chalon-sur-Saône pour jouer en CFA2 (sixième division), Georges Bernard, manager général du FC Gueugnon (Ligue 2), s’intéresse à ce joueur au physique impressionnant. « J’avais 20 ans. Alors que je faisais un essai avec Chalon contre l’équipe B de Gueugnon, il m’a proposé de signer un contrat de qualification à 800 euros par mois. » Bougherra, qui s’était imaginé une vie entre informatique et football amateur, se retrouve propulsé dans le circuit professionnel. À peine arrivé, il s’entraîne avec les pros et joue même un match face à Metz. La saison suivante, il honore sa première sélection avec les Espoirs algériens. « Une grande fierté, car, même si je dois beaucoup à la France, j’ai toujours voulu jouer pour le pays de mes parents. » En attendant de devenir international A JEUNE AFRIQUE
algérien, ce qui finira par arriver le 30 juin 2004, lors d’un match au Zimbabwe (1-1), il devient professionnel et bénéficie de l’entière confiance de Thierry Froger, son entraîneur de l’époque, ex-sélectionneur duTogo et désormais à la tête de Nîmes (L2). « Son parcours est atypique, car il n’est pas passé par un centre de formation. Quand je l’ai vu pour la première fois, j’ai tout de suite senti que c’était plus qu’un bon joueur. Il a un mental incroyable. Je ne suis pas étonné de sa réussite en GrandeBretagne, où le foot est avant tout basé sur le rapport de force. »
HERITAGE IMAGES/LEEMAGE
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LE PALAIS DE GYEONGBOKGUNG, à Séoul, qui date du début du royaume de Choson. CORÉE-FRANCE
Froger parti, Bougherra se heurte au nouvel entraîneur de Gueugnon, Victor Zvunka, qui « ne [le] calcule pas », et s’exile à Crewe Alexandra (Ligue 2 anglaise). « J’ai changé de monde. En Angleterre, les mecs mettent la musique à fond dans les vestiaires, mangent des frites et du fish and chips après les matchs. Les mises au vert sont rares, l’engagement sur le terrain, total. » Son bien-être au Royaume-Uni n’a pas été immédiat. « Crewe était prêt à payer le transfert de 300000 euros à Gueugnon. J’ai eu l’opportunité de jouer à Sheffield Wednesday (Ligue 2), puis à Charlton (Ligue 1), un club londonien. Dans cette ville, je ne me suis jamais senti à l’aise », raconte ce père de deux petites filles. En août 2008, les Glasgow Rangers parviendront à le convaincre de signer pour 3 millions d’euros. « Avec eux, j’ai la quasi-assurance de disputer tous les ans la Ligue des champions. » Même Laurent Blanc, alors entraîneur de Bordeaux, ne parviendra pas, en août 2009, à le persuader de revenir en France. Et puis il y a l’Algérie, son autre passion. Pour ce pays, Bougherra a disputé la Coupe d’Afrique des nations en Angola, puis la Coupe du monde en Afrique du Sud. « Malgré l’élimination au premier tour, une Coupe du monde, ça marque un joueur. Nous avons pris un point à l’Angleterre (0-0), et cela a eu une saveur particulière pour moi. Physiquement et nerveusement, cela n’a pas été facile. Mais que de souvenirs partagés avec nos supporteurs ! » Rendez-vous en 2012, au Gabon et en Guinée équatoriale? ● ALEXIS BILLEBAULT JEUNE AFRIQUE
Les manuscrits de la discorde
Les archives du royaume de Choson avaient été volées par des militaires français, en 1866. Au terme d’un long conflit diplomaticojuridique, une partie d’entre elles vient d’être restituée.
L
e 14 avril, la France a restitué à la Corée du Sud un premier lot d’archives royales conservées à la Bibliothèque nationale (BNF) depuis leur saisie, à la fin du XIXe siècle, par des militaires français. L’affaire remonte à 1866. En représailles au martyre de neuf missionnaires, Henri de Bellonet, ministre de France à Pékin, lance, sous la direction de l’amiral Roze, une expédition maritime contre l’île de Kanghwa, à l’ouest de Séoul. « Dans quelques jours, écrit-il à Napoléon III, nos forces marcheront à la conquête de la Corée, et l’empereur, mon auguste souverain, a seul aujourd’hui le droit et le pouvoir de disposer suivant son bon plaisir du pays et du trône vacant. » CUISANTE DÉFAITE. La fanfaronnade
allait se révéler désastreuse. Sousestimant gravement leurs adversaires, les soldats français (qui prirent le temps de se demander s’il valait mieux piqueniquer « avant ou après l’attaque ») subirent une cuisante défaite, souvent raillée dans les manuels d’histoire coréens. C’est pendant leur retraite précipitée qu’eurent lieu le pillage de la bibliothèque royale de Kanghwa et la « saisie » de 297 volumes d’annales historiques du royaume de Choson (1392-1910).
La redécouverte fortuite de ces archives, en 1975, parmi les documents « chinois » de la BNF, par l’historienne Park Byeng-sen, marqua le début d’un long conflit diplomatico-juridique entre les deux pays. Celui-ci atteint son apogée en 1993 avec la décision personnelle de François Mitterrand de rendre un premier volume à la Corée, qu’il accompagne d’une proposition, officieuse bien sûr : la restitution de l’ensemble des manuscrits en échange de l’octroi de la construction du TGV à l’entreprise française Alstom. De quoi attiser la colère des conservateurs de la BNF, ainsi tenus à l’écart, et relancer un vieux débat : les musées doivent-ils rendre aux pays spoliés les trésors culturels qui leur ont été dérobés ? L’accord signé à Séoul, en novembre 2010, par Nicolas Sarkozy et le président sud-coréen Lee Myung-bak dans les coulisses du G20 met certes fin au contentieux diplomatique. Mais il ne satisfait ni les conservateurs de la BNF ni les Coréens, déçus par la demimesure adoptée. Afin de ne pas créer de précédent, les manuscrits n’ont en effet pas été restitués à la Corée, mais simplement « prêtés pour une période de cinq ans renouvelable »… ● JULIETTE MORILLOT N O 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
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Économie
AÉRIEN
Offensive du leasing
EXPORTATIONS
L’industrie tunisienne rebondit
POUVOIR D’ACHAT
L’inflation m’a
« tuer »
Alors que les revenus des ménages africains progressent peu, les prix des denrées alimentaires grimpent progressivement, retrouvant ou dépassant leur niveau de 2008. Une tendance amplifiée par la remontée des cours du pétrole et qui affecte aussi les factures d’eau, d’électricité et de gaz.
MICHAEL PAURON, avec AURÉLIE FONTAINE à Dakar, et FRIDA DAHMANI à Tunis
L
es institutions internationales sont unanimes : à part les incertitudes liées à la dette publique européenne et américaine, l’économie mondiale se porte mieux. Le Fonds monétaire international (FMI) prévoit en 2011 une croissance de 5,5 % en Afrique subsaharienne et de 4,1 % en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Réjouissant? Pas pour tout le monde. Car l’inflation fait aussi son grand retour. Le spectre d’un taux à deux chiffres, qui avait submergé les économies occidentales dans les années 1970, est même évoqué. Conséquence: « La hausse des prix des denrées alimentaires et des matières premières constitue une menace pour les ménages pauvres et accentue les tensions sociales et économiques », prévient le FMI. Des millions d’Africains – les foyers dépensent jusqu’à 70 % de leur revenu pour se nourrir – voient leur pouvoir d’achat se dégrader de jour en jour, tout particulièrement dans les villes. Marianne Diop, 71 ans, veuve et infirmière à la retraite, vit avec ses enfants et petits-enfants (une dizaine de personnes) dans la maison familiale, à Dakar. « Dans le quartier [Sicap, NDLR], certains
ne peuvent même plus acheter de petits sachets de lait en poudre, c’est devenu trop cher. Pareil pour le sucre », témoigne-t-elle. Depuis 2008 et les émeutes de la faim, le prix des légumes a doublé, tandis que celui du riz a grimpé de plus de 30 % et que celui du kilo d’oignons s’est envolé de 120 %. Pas un pays du continent n’échappe au phénomène. Rien qu’en 2010, les légumes frais ont augmenté de 18,8 % au Bénin, de 8,2 % en Guinée-Bissau, de 10,4 % au Mali, de 15,4 % au Niger, de 10 % au Sénégal, de 20 % en Côte d’Ivoire et de 30 % à 40 % en Tunisie. DÉPRÉCIATION. L’indice des prix alimentaires de la
En 2010, les légumes frais ont AUGMENTÉ DE 13,6 % en moyenne dans les pays de l’UEMOA.
Banque mondiale a presque rejoint en février 2011 son niveau de 2008. Mohamed Benkaddour, président de la Confédération des associations de consommateurs au Maroc, est formel: « Le panier a augmenté de 20 % ces derniers mois. Et si les salariés du public voient leur pouvoir d’achat s’améliorer avec une hausse de leur traitement de 600 dirhams [53 euros], celui des salariés du privé [dont le salaire moyen est de 2110 dirhams] diminue de manière continue. » À Conakry, même si la dépréciation du franc guinéen a beaucoup joué (1 euro s’échangeait
LE PANIER DE LA MÉNAGÈRE DAKAROISE Prix 2009 en F CFA 0000
0000
Prix aujourd'hui N O 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI
PLAQUETTE DE 30 ŒUFS de 1600 00 à 1800 18
de 2 000 0 à 2 500 0
PETITE PETI TITE BOUTEILLE B DE GAZ 1 KILO KILO DE CAROTTES CAROTT CARO CA
1 30 300
1 600 60
entre tr 125 et 150 tre 0
250 JEUNE AFRIQUE
IMMIGRATION
INTERVIEW
LEVÉES DE FONDS
Salaheddine Mezouar
Les valeurs africaines séduites par l’étranger
Ministre marocain de l’Économie
JD SUDRES/VOYAGE GOURMAND
Source de richesse pour l’Europe
contre moins de 4500 francs guinéens en juin 2007, il en vaut aujourd’hui près de 9500), les prix des bananes, des oignons, des tomates ou encore du pain ont doublé en un an. Premier responsable: le prix du baril de pétrole brut,quinecessederemonterpouratteindre(àNew York, WTI) plus de 112 dollars (environ 76 euros) fin avril, contre 86 un an auparavant (et plus de 147 dollars en juillet 2008, son record historique). Avec pour conséquencedirectel’envoléedescoûtsdutransport et des prix de l’énergie (gaz propane et électricité). Autre facteur, la croissance de la demande mondiale de matières premières (tirée par la forte reprise des pays émergents) pousse les cours vers les sommets: le maïs a augmenté de plus de 66 % en un an, quand le sucre a progressé de 32 % – tendance accentuée
par une chute de la production brésilienne et la demande croissante de biocarburant à base de canne à sucre. Mais ce ne sont pas là les seules causes. Selon Momar Ndao, du Conseil économique et social sénégalais, « les intermédiaires augmentent leurs marges et ne jouent pas le jeu. Quand une denrée importée augmente de 1 à l’étranger, elle augmente de 5 à 10 ici ». Contrairementà2008,lahausse n’est pas brutale, mais continue. Les foyers s’en accommodent au jour le jour. « Les ménages consacrent toujours le même budget à l’alimentation, mais rognent sur la qualité, avant de réduire la quantité. En plus, tout l’argent est accaparé par les problèmes d’électricité », relève Momar Ndao. INSTABILITÉ. Les troubles poli-
tiques et sociaux en Afrique du Nord et en Côte d’Ivoire sont venus renforcer la pression. En Égypte, l’inflation touchant les produits alimentaires a dépassé 10 %. À Tunis, c’est la débrouille pour boucler les fins de mois. Hasna préfère ainsi se passer d’un vrai repas le soir: « Avec ma fille, désormais, un yaourt et un fruit suffisent. On a du mal à croire que l’inflation est moindre que l’an dernier [officiellement 3,1 % au premier trimestre, contre 4,9 % sur la même période en 2010] : non seulement les aliments de base ont augmenté mais les factures aussi. Les prix de l’électricité et du gaz ont été multipliés par trois ! » « Le prix à la pompe a augmenté avec la crise libyenne, explique Jalloul Ayed, le ministre tunisiendes Finances. Le risque inflationnisteexiste, mais le gouvernement a pris sur lui et je ne pense pas que ce risque se matérialisera dans un avenir proche. Tout dépendra de comment l’économie se comportera dans les mois à venir. » ●●●
SAC DE 25 KG DE RIZ IMPORTÉ FACTURE D'ÉLECTRICITÉ FACT
40 000 à 50 000/mois
80 000 à 90 000/mois
JEUNE AFRIQUE
7 500
9 000
UNEE BA UN BAGUETTE BAGU GUETTE GU DE PAIN AI AIN 150 0
17 175 N O 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
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Entreprises marchés Un discours rassurant qui tranche avec le sentiment des foyers. Car le chiffre officiel de l’inflation est modéré par la baisse de certains produits, notamment électroménagers et de communication (ordinateurs, téléphones…). Au Niger par exemple, le taux affiché a été de 0,9 % en 2010. Mais à y regarder de plus près, le prix des produits locaux a augmenté de 4,2 %, quand celui des biens importés
●●●
(électroménager…) a baissé de 3 %. Toujours est-il que la tendance haussière risque de perdurer, voire de s’aggraver. Outre les risques politiques qui se font déjà sentir (de violentes manifestations ont lieu depuis plusieurs semaines en Ouganda), une inflation sur le long terme pourrait impacter la croissance en faisant chuter la consommation, l’un de ses moteurs principaux. ●
Des finances publiques au bord de la rupture
du prix du riz, en vendant ses propres stocks à des prix contrôlés et en faisant pression sur les commerçants de gros pour qu’ils n’entretiennent pas la pénurie afin d’augmenter leurs marges. Initiatives insuffisantes: le sac de riz atteignait, le 15 avril, 270000 francs guinéens (27,50 euros), soit presque le même prix que pendant les émeutes de la faim de 2008 (il avait alors atteint 300 000 francs guinéens).
Les subventions restent le principal outil pour contenir la hausse des prix et son impact social. Un coût que tous les pays ne peuvent supporter.
STOCKS. ÀOuagadougou,malgréla
HASSAN OUAZZANI
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L
a marge de manœuvre des États pour contenir l’inflation est de plus en plus étroite. Si les subventions sont déconseillées par le FMI et la Banque mondiale, parce qu’elles creusent les déficits publics et ne profiteraient pas qu’aux plus pauvres, elles restent abondamment utilisées par les gouvernements. Or si les pays exportateurs de pétrole (Nigeria, Égypte, Algérie…) ont renfloué leurs caisses avec des revenus supplémentaires générés par la hausse des cours (+ 30 % depuis un an), ailleurs, la situation est plus compliquée. Au Maroc, Salaheddine Mezouar, ministre de l’Économie et des Finances (lire pp. 72-73), précise que « chaque N O 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
dollar de hausse du cours du baril coûte 30 millions de dollars [plus de 20 millions d’euros, NDLR] à la caissedecompensationpourcontenir l’augmentation du prix du carburant ». Et avec l’hypothèse d’un baril à 120 dollars en moyenne en 2011, le gouvernement du royaume devra débourser 1,5 milliard à 2 milliards de dollars… le prix à payer pour que « le consommateur ne subisse pas de hausse majeure du prix à la pompe », indique le ministre. « L’inflation des produits alimentaires est également contenue – 2,3 % sur les douze derniers mois – puisque nous subventionnons le sucre et les huiles », poursuit-il. De son côté, le gouvernement guinéen tente de limiter la hausse
Au Maroc, Veolia est mis en cause par les manifestants (ici, le 24 avril) pour ses TARIFS JUGÉS PROHIBITIFS.
fermeture pendant plusieurs semaines du port d’Abidjan, point de transit de nombre de produits importés, « la hausse des prix est limitée pour le moment – entre 3 % et 5 % sur le riz, la farine, le sucre ou le lait –, explique Pierre Nacoulma, présidentdelaLiguedesconsommateurs du Burkina, notamment parce que la production locale est suffisante en ce début d’année et que l’État a bloqué les prix des carburants depuis un an. Mais il faut rester vigilant car le risque peut intervenir dès que les stocks seront épuisés », s’inquiète-t-il. Au Mali, le prix du kilo de riz est contenu entre 300 et 350 F CFA (0,46 et 0,53 euro) à Bamako, contre 500 F CFA dans les autres villes de la sous-région. Une performance qui repose sur l’Initiative riz, un programme de plus de 20 millions d’euros lancé en 2008 pour booster la production locale et ainsi lutter contre la hausse des prix. Selon les autorités, la production a augmenté de 50 %, à 1,6 million de tonnes. « Pour les pays, le seul moyen de limiter la hausse des prix des produits alimentaires est d’atteindre l’autosuffisance » conclut l’économiste Philippe Chalmin. ● MICHAEL PAURON, avec STÉPHANE BALLONG, envoyé spécial à Bamako JEUNE AFRIQUE
Entreprises marchés
SEYLLOU DIALLO/AFP
Ý Sénégal Airlines a loué l’un de ses deux Airbus A320 auprès de Gecas, EN COURS D’IMPLANTATION À ACCRA ET AU CAP.
AÉRIEN
Offensive du leasing Attirées par la bonne santé du secteur sur le continent, plusieurs sociétés spécialisées dans l’affrètement d’avions y ouvrent des bureaux. Leur but : se rapprocher de leurs clients et développer leurs activités.
D
ans la foulée du lancement de nouvelles compagnies aériennes, les loueurs et affréteurs d’avions, en quête de relais de croissance, ont mis le cap sur l’Afrique subsaharienne. Dernière implantationendate,celledugroupefrançais Avico à Dakar, au Sénégal, en mars. Avant lui, General Electric Capital Aviation Services (Gecas), filiale du groupe américain General Electric, avait annoncé dès novembre 2010 l’ouverture de bureaux en Afrique du Sud et au Ghana. Des décisions justifiées par les belles perspectives du secteur sur le continent. Selon les chiffres de l’Association internationale du transport aérien (Iata), la croissance y a été de 13 % en 2010, contre 5 % en Europe. Les courtiers et sociétés spécialisées fournissaient déjà leurs services aux transporteurs africains, mais, jusque-là, ils opéraient depuis leurs bases situées hors du continent. Ainsi, Avico, créé par le FrancoTunisien Mourad Majoul, a déjà travaillé avec Air Mali, Air Burkina,
Sénégal Airlines et son prédécesseur Air Sénégal International. Aujourd’hui, c’est à partir de Dakar quelegroupe,spécialisédansl’affrètement d’appareils et le conseil aux compagnies aériennes, veut développer ses activités sur le continent. Pourquoi cette implantation? « Afin deserapprocherdesmarchésetd’être plus réactif à lademande », explique GillesGompertz,ledirecteurgénéral du groupe dont le chiffre d’affaires avoisine100millionsd’eurosparan. L’antenne dakaroise sera dirigée par IbraWane,ex-directeurcommercial d’Air Sénégal International. 10 000 EUROS L’HEURE.Exemple
de service proposé par le courtier aérien : la location d’un avion à un transporteur dont un des appareils opérant une liaison régulière est tombé en panne. Il s’agit donc de services ponctuels, facturés – selon la capacité de l’aéronef – entre 5 000 et 10 000 euros l’heure de vol. Le groupe dispose pour ce faire d’une flotte de deux ATR 49, de deux Airbus A320 et de deux
13
%
La croissance du transport aérien en Afrique en 2010, contre
5
%
en Europe
Boeing 747. Mais il peut aussi jouer les intermédiaires, mobilisant un avion inutilisé par une compagnie au profit d’une autre. QUATORZE PAYS. Gecas intervient
sur le plus long terme. Ses domaines d’activité: le financement et la locationdeflottesen«drylease»–le locataire prenant à sa charge tous les frais d’exploitation, fournissant l’équipage et inscrivant l’avion sur soncertificatdetransporteuraérien. Le bureau d’Accra, en coursd’installation, a vocation à couvrir l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale. Il est dirigé par Isabelle Lessedjina, une Belgo-Congolaise, ancienne de StandardCharteredBank.L’antenne sud-africaineduCapauraencharge toute l’Afrique australe, tandis que le nord du continent resterarattachéaubureau Proche-OrientetMoyenOrient du groupe, basé à Dubaï. Déjà très présent en Afrique, l’américain Gecas estimait en novembre dernier à plus de 2,5 milliards de dollars (plus de 1,8 milliard d’euros, au cours de l’époque) la valeur des appareils qu’il louait à des compagnies aériennes dans quatorze pays d’Afrique. Sénégal Airlines, qui a démarré ses activités en janvier, a ainsi eu recours aux services du groupe américain pour la location d’un Airbus A320. Tout comme la compagnie libyenne Buraq Airlines pour un Boeing 737400 et, surtout, la première compagnie africaine en termes de chiffre d’affaires, South African Airways. ● STÉPHANE BALLONG
TOU T E S L E S CU LT U R E S D’A F R IQU E
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Entreprises marchés Ý En février et mars, la filière textile a vu ses livraisons vers l’étranger CROÎTRE DE 8,6 % ET 24,6 % par rapport à 2010.
ANDREW TESTA/PANOS-REA
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EXPORTATIONS
L’industrie tunisienne rebondit
Malgré un début d’année agité, entre grèves et couvre-feu, les entreprises ont limité les dégâts. Certaines affichent même d’excellentes performances.
E
n cette fin avril, les industries manufacturières tunisiennes sont en passe de réussir leur révolution – notamment celles qui bénéficient du régime offshore et de son statut fiscal très avantageux. Au premier trimestre 2011, les exportations de ces dernières (1,9 milliard d’euros) sont en hausse de 18,5 % par rapport à la même période l’an passé. Les équipementiers automobiles, réunis au sein de la Fédération nationale de l’électricité et de l’électronique, enregistrent même « une progression de leur chiffre d’affaires de 35 % », indique Hichem Elloumi, représentant du patronat et dirigeant du groupe Coficab. Nebhen Bouchaala, partenaire de l’équipementier américain Lear en Tunisie, confirme la tendance : « Grâce aux commandes de Ford et Peugeot, notre chiffre d’affaires [environ 48 millions d’euros en 2010, NDLR] a bondi de 23 % au cours des trois premiers mois N 0 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
de l’année. C’est plus que ce que nous avions anticipé fin 2010. » L’explication : les fournisseurs des constructeurs automobiles ont pu compter sur le redémarrage du marché européen, stimulé par le renouvellement des flottes de véhicules d’entreprises et, en France, par le soutien de l’État.
« Rien n’aurait été possible sans l’implication de l’ensemble des salariés », tient à souligner Moncef Sellami, directeur général du groupe One Tech. Car le secteur n’est pas passé loin de la catastrophe. Au plus fort de la révolution, avec les couvre-feux, les grèves dans les entreprises, au sein des douanes et dans le port de commerce de Radès, l’américain Lear avait par exemple imaginé transférer sa production vers le Maroc, l’Espagne, la Roumanie et la République tchèque. Près de 700000 euros ont même été consacrés à l’élaboration de ce plan B qui aurait signé la fermeture, peut-être définitive, de la filiale (1 100 salariés). De son côté, le constructeur PSA a sorti les grands moyens pour débloquer la situation. Le pont aérien mis en place durant plus de cinq semaines pour s’approvisionner chez ses fournisseurs lui a coûté 30 millions d’euros, dont une partie a été refacturée aux soustraitants tunisiens. AUGMENTATIONS. L’inconnue réside désormais dans l’impact des négociations salariales qui auront lieu dans toutes les entreprises au mois de mai. Certains groupes ont déjà accepté en janvier des augmentations de l’ordre de 8 % à 12 %. « Cumulées sur trois ou
UNE ÉCONOMIE EN QUÊTE DE RELANCE. RÉUNIS À PARIS à l’invitation du patronat français, quatre ministres tunisiens ont tenu, le 27 avril, une conférence sur la situation économique du pays devant un parterre de chefs d’entreprise des deux rives de la Méditerranée. Leur mission : rassurer les investisseurs. Jalloul Ayed, chargé des Finances, a rappelé que la croissance s’élèverait au mieux à 1 % cette année, mais que le déficit budgétaire serait limité à 5 %. Avec ses collègues, Mehdi Houas (Commerce etTourisme), Saïd Aydi (Emploi et Formation professionnelle) et Yassine Brahim (Transport et Équipement), il a aussi précisé que le rôle du gouvernement de transition était avant tout de réussir le passage vers la démocratie. À court terme, les autorités concentrent leurs efforts sur un plan d’urgence économique comprenant des crédits d’impôts, des indemnisations pour les entreprises ayant subi des dégâts (jusqu’à 250 000 euros), la promotion du microcrédit et 60 000 créations d’emplois, dont un tiers dans le secteur public. Au mois de juin, le nombre de chômeurs pourrait atteindre 700 000 selon J.C. Saïd Aydi, soit plus de 19 % de la population active. ● JEUNE AFRIQUE
Coulisses
Les équipementiers automobiles constatent une hausse de leur chiffre d’affaires de 35 %. D’autres, comme Lear, envoient au contraire un signal positif. « Le management américain du groupe a apprécié notre gestion de la crise et vient de donner son feu vert pour l’ouverture d’une nouvelle usine de 650 salariés en Tunisie », indique Nebhen Bouchaala. La confiance entre les soustraitants et leurs clients a aussi été déterminante dans le secteur textile. « J’avais des livraisons prévues fin janvier et début février. Les clients ont accepté de petits décalages, sans discount ni pénalités », se réjouit Mehdi Abdelmoula, propriétaire du groupe Maille Club. La production tunisienne n’a au final connu qu’un trou d’air passager, avec un recul de l’activité de 15 % en janvier. « Février et mars ont vu une augmentation des volumes exportés de 8,6 % et 24,6 % par rapport à la même période en 2010 », indique Samir Haouet, directeur général du Centre technique du textile (Cettex). « Depuis le milieu de l’année 2010, nous profitons du retour des déçus de la Chine », explique Kharrat Zouheir, dirigeant du Groupe méditerranéen de confection (GMC). Et les perspectives pour le secteur sont encourageantes. À preuve, l’annonce récente du groupe italien Benetton, désireux de poursuivre son développement en Tunisie. ● JULIEN CLÉMENÇOT JEUNE AFRIQUE
marchés
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TUNISIE RÉVOLUTION DU FINANCEMENT FACE AUX BESOINS d’investissements de la Tunisie, Jalloul Ayed, ministre des Finances du gouvernement de transition, prévoit la création « dans les semaines à venir » d’une caisse des dépôts et de consignations « pour lancer de grands projets d’infrastructures à l’intérieur du pays », ainsi que d’un fonds d’investissement générationnel, « dont l’épine dorsale sera composée À PARIS, le 27 avril. de partenariats public-privé (PPP) ». « Nous devons impulser une nouvelle manière de gérer le budget de l’État, plus dynamique. L’argent public doit créer un effet de levier », justifiait Jalloul Ayed la semaine dernière, lors d’une visite à Paris. La réforme du système bancaire et financier constitue un autre grand chantier de l’ancien dirigeant de la BMCE. « La part des banques publiques reste trop importante et le pays a besoin d’un vrai marché de capitaux pour financer les projets des entreprises », expliquait-il. Une réforme dont la mise en œuvre reviendra au prochain gouvernement. ●
S
M
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MEDEF
quatre ans, de telles hausses peuvent nous faire perdre les marchés à faible marge comme ceux de la C1 (Citroën), de la Fiesta (Ford) ou de la Polo (Volkswagen) », alerte Nebhen Bouchaala. L’essentiel pour les patrons est maintenant de regagner la confiance de leurs donneurs d’ordres – et pour les filiales, de leurs maisons mères. Implanté à Gafsa, le japonais Yazaki, dont l’activité a été fortement pénalisée par l’agitation sociale, a gelé tous ses projets d’investissement.
Entreprises
• MAROC Les appels d’offres pour le terminal pétrolier Nador West Med seront lancés au 1 trimestre 2012 • ALGÉRIE Le cabinet de ressources er
humaines Teamconsulting International s’allie à l’américain Towers Watson Data Services • MOZAMBIQUE Une usine d’État d’antirétroviraux sera bâtie en 2012 • ZAMBIE Barrick Gold met 5,2 milliards d’euros pour reprendre Equinox Minerals qui détient le 3e gisement de cuivre d’Afrique.
MALI AZALAÏ HÔTELS GRANDIT LE GROUPE HÔTELIER MALIEN, déjà présent dans quatre pays d’Afrique de l’Ouest – Mali, Bénin Burkina Faso et Guinée-Bissau –, est en négociation pour la reprise d’un établissement en Guinée. Il s’agirait du Novotel de Conakry. Le groupe, qui a réalisé un chiffre d’affaires consolidé de 9 milliards de F CFA (13,7 millions d’euros) en 2010, est également en quête d’opportunités d’implantation au Niger. En septembre, la société devrait inaugurer l’Azalaï hôtel de la plage de Cotonou, qu’elle a racheté en 2007 et pour lequel elle a déboursé près de 7 millions d’euros sur fonds propres. ● MAROC TMSA FILIALISÉ ALORS QUE LE PORT deTanger Med tourne à plein régime (8 millions de tonnes y ont transité au premier trimestre, mieux qu’à Algésiras et Marseille), l’Agence spécialeTanger
Méditerranée (TMSA) a finalisé sa réorganisation le 20 avril.Transformé en holding,TMSA détient désormais des parts dans deux grandes filiales, Tanger Med Port Authority (TMPA), chargé des activités portuaires, et Tanger Free Zone, qui pilote les zones économiques, ainsi que dans trois sociétés d’ingénierie. ● GUINÉE RIO TINTO PASSE À LA CAISSE MENACÉ DE PERDRE ses droits sur ses gisements guinéens de fer du Mont Simandou, RioTinto a signé le 22 avril un accord qui l’engage à verser à l’État 700 millions de dollars à la promulgation des décrets présidentiels lui accordant la concession minière et l’approbation de son joint-venture avec le chinois Chalco. Selon JP Morgan, le géant anglo-australien devra encore investir 19 milliards de dollars pour exploiter le fer du Simandou, situé à 800 km de Conakry. ● N 0 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
International
FLORE-AËL SURUN/TENDANCE FLOUE
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Le spectre des 20 000 À 25 000 TUNISIENS ARRIVÉS VIA LAMPEDUSA inquiète Bruxelles. IMMIGRATION
Une source de richesse pour l’Europe Alors que le Vieux Continent, notamment à l’initiative de Paris, veut renforcer l’étanchéité de ses frontières, plusieurs études démontrent l’apport bénéfique des travailleurs étrangers dans son économie.
F
in juin, un sommet européen donnera, selon toute vraisemblance, un tour de vis supplémentaire en restaurant les contrôles aux frontières nationales à l’intérieur de l’espace Schengen. Les 20 000 à 25 000 Tunisiens qui ont « envahi » l’Europe depuis l’île italienne de Lampedusa ont en effet convaincu les États européens de surveiller encore davantage leurs 60000 kilomètres de frontières externes, alors même que plusieurs études battent en brèche les idées reçues quant à l’impact de l’immigration sur leur économie. Et ce n’est pas le seul paradoxe. Le ministre de l’Intérieur français, Claude Guéant, envisage de s’attaquer à l’immigration légale alors même que le pays n’a jamais accueilli aussi peu d’étrangers. Dans les années 1920, l’Hexagone enregistrait l’entrée de 300000 immigrés en moyenne par an. Selon l’Office françaisdeprotectiondesréfugiéset apatrides (Ofpra) et l’Office français
N O 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
de l’immigration et de l’intégration (Ofii), 188780 immigrants (hors UE) sont arrivés légalement en France en 2010. Et ils sont aussi 100 000 à quitter le pays tous les ans… « Que l’on raisonne en stock ou en flux, la France compte parmi les pays européens où l’immigration est la plus faible », a rappelé dans le quotidien Les Échos, le 26 avril, Georges Lemaître, spécialiste des migrations à l’OCDE. Vivent-ils pour autant aux crochets de l’État ? Certes, selon une étude de juillet 2010 du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii), « les immigrés issus du Maghreb ou du reste de l’Afrique sont, respectivement, 1,6 et 1,7 fois plus nombreux à recevoir des allocations chômage, et 3,8 et 3,9 fois plus représentés parmi les bénéficiaires du RMI », devenu depuis RSA. En revanche, ils ne pèsent pas sur les caisses de santé ou de retraite. « L’immigration réduit le fardeau fiscal du vieillissementdémographique,insisteLionel
Ragot, coauteur de l’étude du Cepii. Et sans cet apport, dans l’hypothèse d’une immigration zéro, le besoin de financement de la protection sociale à l’horizon du siècle passerait de 3 % à environ 5 % du PIB. » Dans la même veine, le Conseil d’orientation des retraites (COR) a montré qu’une augmentation du nombre d’entrées de 50 000 par an réduirait le poids du régime des retraites d’un demi-point de PIB à l’horizon 2050. CHÔMAGE. Les immigrés jouent un
« rôle décisif dans la croissance économique à long terme », confirmait l’OCDE dans un rapport publié en 2010. Surtout que, contrairement à une autre idée reçue, la baisse des entrées ne suffirait pas à diminuer fortementlechômage.Lesimmigrés sont les premières victimes de la crise (leur taux de chômage atteint 16 % en France). Main-d’œuvre disponible, flexible, ils occupent en général les emplois précaires et mal payés, notamment dans l’hôtellerie etleBTP.Réduireleurnombrepourrait même, selon des chercheurs, avoir un effet pervers : accroître le travail au noir et donc favoriser l’immigration clandestine. Concrètement, l’université de Lille a calculé que les 5,3 millions d’étrangersprésentsenFranceoccasionnent 47,9 milliards d’euros de dépenses publiques. Dont 11,5 milliards d’euros en prestations de santé, 6,7 milliards en allocations
Les immigrés rapportent 60,3 milliards d’euros par an au budget de la France. familiales et 5 milliards en allocations chômage. Mais les chercheurs lillois ont également calculé que les immigrés remplissent les caisses de l’État à hauteur de 60,3 milliards d’euros par an : ils paient 3,4 milliardsd’eurosd’impôtssurlerevenu, 18,4 milliards de TVA, 26,4 milliards de cotisations sociales… Au final, les étrangers installés en France rapportent12,4milliardsd’eurospar an à la collectivité. Soit 4,4 fois plus que l’impôt sur la fortune. ● JEAN-MICHEL MEYER JEUNE AFRIQUE
International ARGENTINE
ANALYSE
Les géants du négoce à l’amende de paradis fiscaux et manipulations financières avec l’étranger ». En clair, le fisc les suspecte d’évasion fiscale. Selon l’Afip, les exportations de soja argentin des géants du négoce étaient sousfacturées et transitaient par des paradis fiscaux (Uruguay, Suisse, Singapour, Barbade et îles Caïman) avant d’arriver à leur destination finale au prix du marché (Chine et Espagne principalement). Un tour de passe-passe qui aurait permis à Bunge, principal groupe visé par l’Afip, d’éviter le paiement de 252 millions de dollars de taxes au fisc argentin. ●
Alain Faujas
Valse des prix au Sud
L
es pays du Sud n’ont pas connu la récession, comme le prouvent les 5,5 % de croissance de l’Afrique subsaharienne, alors que les pays du Nord se traînent à 2,4 %. Mais, selon le Fonds monétaire international (FMI), le monde en développement le paie par une inflation moyenne infiniment plus forte (+ 7 %) que dans les pays riches (+ 2 %). Le Venezuela (+ 29,8 %), l’Iran (+ 22,5 %), l’Angola (+ 14,6 %), leVietnam (+ 13,5 %), l’Éthiopie (+ 12,9 %), l’Égypte (+ 11,5 %) et le Nigeria (+ 11,1 %) sont les champions de cette valse des prix qui paupérisent les populations.
J.-M.M.
LAURENT GRANDGUILLOT/REA
PREMIER EXPORTATEUR mondial de soja (huile, graines et tourteaux), l’Argentine est l’un des marchés les plus florissants pour les grands négociants mondiaux de céréales, les américains Cargill, Bunge, Archers Daniels Midland (ADM), le suisse Glencore International ou l’allemand Alfred Toepfer International, contrôlé par ADM. Mais leur avenir au pays de la Pampa s’est lourdement assombri. L’Afip, le Trésor public argentin, les a suspendus pour soixante jours du registre des opérateurs de céréales du pays. Une sanction qui repose sur des soupçons « d’opérations triangulaires nocives, utilisations
Opinion ns &é éditoriaux dito oria auxx
LE CONSTRUCTEUR SUKHOÏ a annoncé que 150 de ses SuperJet 100 ont été commandés. RUSSIE
L’aéronautique redécolle FIERTÉ DE LA RUSSIE SOVIÉTIQUE, l’industrie aéronautique du pays a sombré avec le régime communiste. Depuis plus de vingt ans, elle tente de décoller à nouveau et de reconquérir sa place d’antan, soit 10 % du marché mondial d’ici à 2025. C’est en tout cas l’objectif du programme gouvernemental de relance de cette industrie, qui se traduit par trois projets. En tête figure le premier appareil de l’ère post-soviétique : l’avion régional SuperJet 100 (100 places) du constructeur Sukhoï, conçu avec l’aide des grands acteurs de l’aéronautique mondiale. Lors du premier forum aéronautique d’Oulianovsk, qui se déroule actuellement en Russie, Sukhoï a annoncé la commande de 150 SuperJet 100. Autre programme : le moyen-courrier MS-21, pouvant accueillir 150 à 210 passagers, prévu pour 2016. En phase de développement par le groupe Irkout, il est basé en partie sur le Tupolev 204. Et à l’horizon 2020, les industriels russes planchent sur un projet d’appareil de 300 passagers pour le marché du transport low-cost. ● J.-M.M. JEUNE AFRIQUE
Certes, la spéculation y contribue, mais elle ne crée pas la spirale de hausse provoquée, au départ, par une insuffisance de la production par rapport à la demande. La sécheresse en Russie et les inondations en Australie ont raréfié les récoltes de céréales et doublé leurs prix. Faut-il rappeler que 30 % ou 40 % des stocks alimentaires pourrissent en raison de modes de conservation inadaptés ? La fermeture des puits libyens pour cause de guerre civile a propulsé le cours du baril de 80 à 110 dollars en trois mois, car les besoins énergétiques, donc pétroliers, explosent dans tous les pays du Sud. Pour lutter contre cette plaie, les gouvernements sont pris en tenaille. D’un côté, il leur faut contenir l’inflation, faute de quoi se déclenchent des émeutes dites « de la faim » – en fait, des émeutes du pouvoir d’achat en zones urbaines. Les investissements et les touristes fuient ces troubles et le développement est entravé. D’un autre côté, les moyens budgétaires des pays pauvres sont trop chiches pour maintenir les prix des produits de première nécessité à des niveaux acceptables. Une seule thérapeutique possible : une aide internationale ciblée sur les populations les plus vulnérables et exclusivement destinée aux produits de première nécessité. Le FMI n’offre-t-il pas 35 milliards de dollars aux pays démunis d’or noir du Maghreb et du MoyenOrient ? ● N o 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
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Les décideurs INTERVIEW
Salaheddine Mezouar
M INISTRE
MAROCAIN DE L ’É CONOMIE
« On ne peut concevoir l’avenir sans un Maghreb intégré » Printemps arabe, réformes, retombées de la crise européenne, intégration régionale… Le grand argentier du royaume depuis 2007 revient sur les sujets qui agitent l’économie nationale.
PME, favorisée par Royal Air Maroc, qui accroît sa desserte continentale. De par son positionnement géographique et les accords de libreéchange qu’il a signés, le royaume est également une plateforme pour les entreprises européennes désireuses de pénétrer les marchés des pays africains et arabes.
(N.B.: cet entretien a été réalisé quelques jours avant le sanglant attentat de Marrakech.)
La montée de l’extrême droite en Europe et les appels au patriotisme économique vous inquiètent-ils ?
JEUNE AFRIQUE: Quel est l’impact du printemps arabe sur l’économie marocaine ? SALAHEDDINE MEZOUAR: Nous
avons vécu une période d’amalgame. Les images des événements en Tunisie et en Égypte ont provoqué des inquiétudes chez les opérateurs économiques étrangers qui ont réduit leurs investissements lors des deux premiers mois de l’année. Nous nous sommes donc attelés à rassurer nos partenaires. Les fondamentaux de l’économie marocaine sont bons. Le scénario de croissance le plus pessimiste est de 5 % en 2011. L’année agricole sera excellente, avec 88 millions de quintaux de céréales, et on enregistre une hausse des arrivées de touristes. On devrait dépasser les 10 millions d’entrées en 2011, en progression de 5 %. Ce qui nous handicape le plus, c’est l’augmentation du prix des matières premières. Ne souffrez-vous pas des difficultés européennes ?
Ilestévidentquenosexportations industrielles bénéficieraient d’une croissance plus forte en Europe. L’Espagne pâtit d’un manque de reprise de sa demande intérieure, mais en France la dynamique de N O 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
ALEXANDRE DUPEYRON POUR J.A.
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consommation se maintient. Nous compensons le ralentissement de la demande extérieure par l’investissement public et la consommation intérieure, qui augmente de 7 % par an.Celaexpliqueaussiladiversification de nos relations commerciales, notamment en Afrique. Ce marché prometteur est une cible stratégique du royaume. Il y a actuellement une dynamique d’investissements de nos grands groupes et de nos PMI-
C’est un discours de politique intérieure qui va à l’encontre de la dynamique de globalisation, de création de richesses par l’échange et le partenariat. Le monde ne peut revenir à des schémas protectionnistes qui détruiront les avantages du commerce international. C’est aussi une conséquence du manque de régulation du système financier. Comme l’Allemagne et la France, nous demandons davantage de garde-fous et de règles. Quelles seront les incidences économiques et sociales de la réforme constitutionnelle ?
Sa Majesté le roi Mohammed VI a appelé à une révolution tranquille en plaçant les acteurs politiques devant leurs responsabilités. Il y a aujourd’hui un décalage entre la Constitution et le degré d’ouverture de la société. La nouvelle Constitution prendra en compte les avancées des dix dernières années en matière de droits de l’homme,
2012 EN LIGNE DE MIRE PRÉSIDENT DEPUIS JANVIER 2010 du Rassemblement national des indépendants, Salaheddine Mezouar, 57 ans, veut transformer ce parti de notables – première force de la Chambre des représentants avec son allié, le Parti Authenticité et Modernité – en formation politique moderne. Il entend attirer des jeunes et fédérer plus de 200000 militants. Objectif: remporter les législatives de 2012. L’ancien capitaine de l’équipe nationale de basket pourrait alors accéder à la primature. ● P.A. JEUNE AFRIQUE
Les décideurs les opérateurs doivent intégrer des facteurs sociaux et d’efficacité.
MOHAMED LAOUINI SOTUMAG Le ministère tunisien du Commerce et duTourisme a annoncé la nomination de Mohamed Laouini au poste de président-directeur général de la Société tunisienne des marchés de gros (Sotumag). Cotée à la Bourse deTunis et comptant l’État comme actionnaire (37,5 % du capital), la Sotumag gère le marché d’intérêt national de Bir el-Kassaâ, le plus important marché de gros de produits agricoles du pays.
D.R.
5%
HICHEM
Qu’attendez-vous de la régionalisation sur le plan économique ?
L’intérêt est d’amener les régions à réfléchir à leur propre dynamique de développement en bénéficiant notamment de l’apport des élites. La dynamique doit prendre sur tout le territoire pour ne pas avoir un Maroc à deux vitesses. Le Grand Casablanca se positionne sur les services avec ses hubs financier, commercial et de transport. Tanger développe l’industrie, le secteur porL’Instance centrale tuaire et la pêche. La en 2011. de prévention de la régionduSoussMassa C’est le scénario corruption manque Drâa possède un fort de croissance du PIB de moyens, et les potentiel agricole et le plus pessimiste rapports de la Cour se dirige naturellement du gouvernement. des comptes n’ont pas vers la transformation toujours d’effet. Y a-t-il de ces produits. L’Oriental une réelle volonté d’améliorer mise sur plusieurs activités, la gouvernance économique ? dont le transport – avec le port Assurément. Les instances sont de Nador –, l’agroalimentaire et le tourisme. aujourd’hui créées et seront prochainement gravées dans le marbre de la Constitution, elles prennent Pour la première fois depuis longprogressivement leur indépentemps, un ministre marocain s’est dance et bénéficient de moyens. rendu en Algérie. Appelez-vous à La société civile a également un l’ouverture de la frontière ? rôle à jouer à travers la création On ne peut concevoir l’avenir d’associations de lutte contre la sans un Maghreb intégré, sans un corruption sur le même modèle partenariat solide entre le Maroc et que celles dédiées à la protection l’Algérie. Les événements et mouvedes consommateurs. ments sociopolitiques actuels dans le monde arabe devraient accélérer Les slogans hostiles à la Lydec, le cours de l’Histoire. Malgré nos filiale de Suez, dans les manifestadifférends, on finira par trouver une tions du 20 février ne vont-ils pas solution pacifique à la question du rebuter les groupes européens ? Sahara. Il faut que les deux parties L’expressionpopulaireestsouvent avancent sur les chantiers éconoliée à une réalité. On reproche à la miques, ce qui facilitera le procesLydec d’avoir augmenté les factures sus politique. L’Union du Maghreb d’eau et de ne pas avoir prévu les cas arabe est un espace de prospérité, de création d’emplois, d’investisextrêmes, comme les inondations quiontaffecté l’approvisionnement. sements, de partage du marché. Le Dans les contrats de délégation de coût de la non-intégration représervice, les entreprises doivent ressente deux points de croissance pecter un cahier des charges et l’État annuelle pour les pays membres, doit y veiller. La Lydec s’est engagée ce qui signifie moins de richesses et à investir dans la rénovation des d’emplois. Les visites ministérielles réseaux, mais elle semble favoriser actuellessontencourageantes.Nous une logique de récupération rapide espérons que l’Algérie nous suivra de ses investissements. Nous sompour la réouverture de la frontière commune. ● mes ouverts à la discussion avec le groupe et nous garantissons la proPropos recueillis à Rabat par tection des investisseurs. En retour, PASCAL AIRAULT JEUNE AFRIQUE
ON EN PARLE
SAAD AOUAD DUET GROUP Le Marocain Saad Aouad quitte Kingdom Zephyr Africa Management, où il supervisait l’Afrique francophone, pour Duet Group (2,4 milliards de dollars sous gestion). Il s’occupera des investissements dans le non-coté en Afrique.
D.R.
de statut de la femme, d’accords de libre-échange, de rééquilibrage des rôles entre l’institution monarchique,legouvernementetle Parlement. Cette nouvelle architecture de gouvernance inclut aussi le projet de régionalisation, les droits et obligations des citoyens, les droits économiques et la transparence financière. Au niveau économique, les acteurs doivent être libres dans un marché ouvert où la compétition et les chances sont les mêmes pour tous. En retour, le citoyen ne doit plus s’en remettre à l’État providence.
JAMAL AHIZOUNE SCB CAMEROUN Jusque-là directeur des projets à l’international d’Attijariwafa Bank, et ancien patron du pôle finance du Crédit agricole au Maroc, Jamal Ahizoune est depuis le 8 avril le directeur général de l’ancienne filiale du Crédit agricole, revendue en 2008 au groupe marocain. Sa nomination fait suite à l’accord signé entre l’État et Attijariwafa Bank, qui attribue 51 % du capital à ce dernier. N O 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
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Marchés financiers
MALCOLM TAYLOR/GETTY IMAGES/AFP
Ý Quelque 200 SOCIÉTÉS intervenant sur le continent sont cotées au Toronto Stock Exchange.
LEVÉES DE FONDS
Les valeurs africaines séduites par l’étranger Les groupes du continent semblent se sentir à l’étroit sur les Bourses régionales. Ils préfèrent aller chercher leurs financements à Londres, New York ou Toronto.
L
es marchés, Aliko Dangote connaît. Le magnat nigérian des affaires y a déjà introduit quatre de ses filiales, dans le ciment, le sucre, la farine et le sel. Un ensemble qui pesait, mi-avril, la bagatelle de 13 milliards d’euros de capitalisation boursière ! Pourtant, le plus riche entrepreneur d’Afrique est décidé : d’ici à la fin de l’année, la principale de ces entités, Dangote Cement, fera également son entrée à la Bourse de Londres. L’objectif ? Capter une partie des milliards qui se destinent chaque mois aux actions des pays émergents mais que les Bourses africaines ont beaucoup de mal à capter. Et pour cause : les deux principaux indices spécialisés dans ces marchés, suivis par la quasi-totalité des gérants de fonds internationaux, incluent une dizaine de Bourses asiatiques, sept à huit places sud-américaines et autant d’Europe de l’Est, mais seulement trois ou quatre Bourses africaines: Johannesburg, Le Caire, Casablanca et, parfois, Lagos. N O 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
Autrement dit, une entreprise cotée sur tout autre marché du continent n’a quasiment aucune chance de figurer sur les radars des grands investisseurs internationaux. Du coup, de plus en plus d’entreprises opérant en Afrique franchissent désormais le pas de la cotation
Des places occidentales très actives… Londres*
18
Toronto*
18 5
Lagos Casablanca
Nombre d’introductions en Bourse en 2010
4
Tunis 2
… qui s’imposent peu à peu Johannesburg
708
New York/Paris*
63
Londres*
58
Casablanca
49
Le Caire
46
Capitalisation
en milliards d’euros (fin mars 2011)
* Entreprises africaines uniquement Places situées sur le continent
internationale, qu’elles soient déjà référencées ou non sur un marché régional. Comme Dangote, les poids lourds du continent sont au rendez-vous : Maroc Télécom est ainsi coté à Casablanca et Paris, Orascom Telecom au Caire et à Londres… Si le NYSE Euronext, qui regroupe notamment les Bourses de New York et de Paris, peut aujourd’hui prétendre être la deuxième place africaine au monde (voir graphique), c’est à ce mécanisme de double cotation qu’il le doit. Dernier exemple en date : Tunisie Télécom, qui, même si le projet est aujourd’hui suspendu, entend être introduit à la fois à Paris et Tunis. À l’ombre de ces mastodontes, les jeunes sociétés affluent également sur les places internationales. À la différence de leurs aînées, elles ne s’embarrassent en revanche pas d’une cotation africaine, mettant directement le cap sur les Bourses britannique, canadienne, ou australienne. C O M PA G N I E S
… et dans le reste du monde
SOURCE : PLACES FINANCIÈRES
74
M I N I È R E S.
Septième place mondiale, Toronto accueille ainsi environ 200 sociétés actives sur le continent, pour l’essentiel de petites compagnies minières. À Londres, où le profil des prétendants aux introductions est plus large, 81 entreprises africaines ou opérant principalement en Afrique ont trouvé leur place sur la cote. La moitié est arrivée sur ce marché au cours des quatre dernières années, dont une quinzaine rien qu’en 2010. Véritable pied de nez aux places du continent, la plus importante introduction africaine de l’année écoulée, tous marchés confondus, a d’ailleurs eu lieu sur les bords de la Tamise : le groupe African Barrick Gold y a levé 884 millions de dollars (environ 606 millions d’euros au cours actuel). Presque au même moment, à Toronto, le producteur aurifère Red Back Mining (aujourd’hui Kinross), dont les deux seuls actifs sont au Ghana et JEUNE AFRIQUE
Baromètre en Mauritanie, récoltait 600 millions de dollars. « La raison qui amène ces sociétés à privilégier des listings à Toronto ou Londres est simple, explique un financier africain. Elles ont besoin de lever régulièrement des fonds en quantité importante pour financer leur développement et elles peuvent le faire sans trop de difficultés sur ces places très dynamiques. En plus, elles trouvent sur ces marchés internationaux toute une série d’intervenants – analystes, avocats, conseils financiers – très qualifiés. » CONCENTRATION. La seule grande
Bourse internationale basée en Afrique et pouvant rivaliser – celle de Johannesburg – aurait logiquement dû attirer ces sociétés. C’est un échec. Depuis sa création, il y a trois ans, l’Africa Board, le panel réservé aux sociétés du continent hors Afrique du Sud, n’a accueilli que deux entreprises. « Beaucoup de fonds d’investissement internationaux trouvent que les contrôles des capitaux en Afrique du Sud sont une barrière pour investir sur le marché », souligne Lauren Crawley-Moore. Selon cette porteparole du London Stock Exchange (LSE, la Bourse de Londres), le développement des « cotations africaines » sur les grandes places internationales n’est de toute façon pas forcément préjudiciable au continent : « Le LSE voit ses activités comme étant favorables à la croissance et au développement des échanges en Afrique. » Il n’empêche : à l’heure où les fusions des marchés de Londres et Toronto d’un côté et de NYSE Euronext et Deutsche Börse de l’autre annoncent la création de mégaplaces boursières mondiales, offrant des opportunités de financement presque illimitées, le Johannesburg Stock Exchange sait, plus que jamais, qu’il a un rôle à jouer. À condition de lancer en Afrique ce mouvement de concentration. Alors les opérations d’introduction en Bourse ou de levée de fonds reviendront sur le continent. ●
Marchés financiers
Baisse paradoxale de l’immobilier Douja Addoha UACN Property Dev. Co Alliances Société immobilière tunisio-saoudienne Heliopolis Housing and Development Co Compagnie générale immobilière Medinet Nasr Housing Six of October Development & Investment T. Mostafa Group Holding Palm Hills Development Co
BOURSE
COURS (US $) AU 27/04/2011
ÉVOLUTION depuis le début de l'année (en %)
C ASABLANCA
13,1
– 2,7
L AGOS C ASABLANCA TUNIS
2,2 91,2 2,2
– 3,1 – 6,6 – 8,8
L E C AIRE
3,3
– 21,2
C ASABLANCA
172,2
– 25
L E C AIRE
3,7
– 30,3
L E C AIRE
10,1
– 44,1
L E C AIRE L E C AIRE
0,6 0,3
– 58,4 – 69,1
VU LE DÉFICIT EN LOGEMENTS sur le continent, les valeurs de l’immobilier résidentiel devraient être appréciées. Pourtant, le secteur est à la peine. Les valeurs égyptiennes accusent de lourdes chutes, en raison de la conjoncture défavorable. Suspectés d’accointances avec l’ancien pouvoir,
les deux plus importants promoteurs privés du pays,Talaat Mostafa et Palm Hills, se sont vu retirer de grands terrains; leurs cours se sont effondrés. Au Maroc, les perspectives sont meilleures. Mais l’une des principales valeurs, la Compagnie générale immobilière, reste très surévaluée. ●
Valeur en vue ADDOHA Une forte performance opérationnelle BOURSE : Casablanca • CA 2010 : 686 millions d’euros (+ 26,1 %)
COURS : 101,2 dirhams (27/04/11) • OBJECTIF : 160 dirhams
AU SEIN D’UN SECTEUR immobilier marocain stimulé par la reprise des développements d’habitats sociaux, Addoha reste notre valeur préférée. En 2010, la performance opérationnelle est forte, portée par la progression du rythme de production et de livraison d’unités sociales et intermédiaires et par un rééquilibrage de la structure financière réduisant la dépendance à l’endettement à court terme. Le résultat d’exploitation progresse de 50,2 % à 2,3 milliards de dirhams [208 millions d’euros], le résultat net de 79 % à 1,8 milliard. La hausse de sa capacité de production d’unités sociales et le faible risque de perte Fayçal Allouch Analyste, CFG Group de valeur sur le segment des résidences principales de haut standing devraient profiter au titre. Bien que supérieure à celle des entreprises comparables de la région Mena du fait des importantes stratégies d’implémentation des investisseurs locaux sur la valeur et le maintien de la politique de contrôle des changes au Maroc, la valorisation d’Addoha est attrayante: le ratio cours/bénéfices [PER] estimé pour 2011 s’établit à 15,2, contre 16,2 pour le marché et 27,6 pour le secteur immobilier. » ●
FRÉDÉRIC MAURY JEUNE AFRIQUE
N O 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
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76
Dossier BTPXxxxxxxx et infrastructures L’enquête PANORAMA
Des chantiers Le continent n’en finit pas de se construire, et l’énergie et les transports trustent l’essentiel des projets d’aménagement. Un marché que se partagent le plus souvent des entreprises non africaines.
« afri
MICHAEL PAURON
L
a route est encore longue : le montant annuel nécessaire pour répondre aux besoins de l’Afrique en termes d’infrastructures est estimé par la Banque africaine de développement à plus de 60 milliards d’euros. Mais la voie se dégage: alors qu’en 2005, 6 milliards d’euros y étaient consacrés, la somme s’élevait à près de 27 milliards en 2009. Premier défi : l’énergie. Pas étonnant, de fait, de voir se multiplier les chantiers pharaoniques dans le secteur. Dernier en date, le barrage hydroélectrique éthiopien qui sera construit par l’italien Salini pour 3,35 milliards d’euros, le plus important projet énergétique du continent. Citons encore les pourparlers entre le minier brésilien Vale et le Liberia, pour la construction d’une centrale de 1 000 mégawatts (lire p. 92)… Mais tout cela reste une goutte d’eau dans un océan de besoins : 8,1 milliards d’euros sont en moyenne investis chaque année dans l’énergie, alors qu’il faudrait en mobiliser 28 milliards pour sortir le continent de l’obscurité et gagner un à deux points de PIB gâchés. LE PRIVÉ, RECOURS ESSENTIEL. Les routes sont l’autre défi du continent. Elles ne progressent que lentement, alors que 90 % des transports en dépendent. En vingt ans, moins de 2 milliards d’euros ont été dépensés dans le bitume. Une brindille, quand on compare aux télécoms, qui ont mobilisé sur la même période près de 100 milliards d’euros. Pourtant, les opportunités pour le secteur privé sont réelles et nombreuses. Au Kenya, l’autrichien Strabag et l’israélien Shikun & Binui ont par exemple remporté un contrat d’environ 520 millions d’euros pour l’aménagement et l’extension de 45 km de route à Nairobi, en plus d’une concession de trente ans sur une portion de 106 km. Fin 2010, le français Eiffage a annoncé la signature au Sénégal d’un contrat de trente ans pour la construction, le financement et l’entretien d’une portion de 25 km de route en rase campagne. Coût de l’opération : 230 millions d’euros. Les compagnies privées sont donc le recours essentiel des États. Reste que, comme l’illustre ce panaché des grands chantiers de l’Afrique, il manque la patte africaine : le savoir-faire étranger domine largement. ● N O 2625 • DU 1 ER MAI AU 7 MAI 2011
MAROC
Port Tanger-Med II
880 MILLIONS D’EUROS Maître d’œuvre : consortium avec Bouygues (France), Besix (Belgique), Saipem (Italie), Somagec (Maroc)
Lancé en juin 2010 par le roi Mohammed VI, le second port à conteneurs devrait voir sa première tranche finalisée en 2014. Sa capacité d’accueil de 2 millions de conteneurs par an s’ajoutera aux 3 millions de Tanger-Med I. SÉNÉGAL
Aéroport Blaise-Diagne 555 MILLIONS D’EUROS Maître d’œuvre : Saudi Bin Ladin Group (Arabie saoudite), en collaboration avec Dar Al-Handasah,Turner et CDE
Le futur aéroport international sénégalais, situé à 45 km de Dakar, devrait ouvrir ses portes fin 2012, avec un an de retard. Il s’étalera sur 260 hectares (contre 800 pour l’actuel aéroport Léopold-Sédar-Senghor) et aura une capacité d’accueil de 3 millions de passagers par an. MALI
Troisième pont de Bamako 46 MILLIONS D’EUROS
Maître d’œuvre : CGGC (Chine)
Le chantier du pont de l’Amitié sino-malienne a démarré en 2009. D’une longueur de 1,6 km, entièrement financé par la Chine, l’ouvrage est en phase d’achèvement et devrait être inauguré avant la fin de l’année. JEUNE AFRIQUE
AFRIQUE DU SUD
Rail : objectif grande vitesse
SÉNÉGAL
Des cimentiers à couteaux tirés
STRATÉGIE
The Arab Contractors, un empire africain
INTERVIEW
Giles Omezi
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Architecte nigérian
canesques » ALGÉRIE
Gazoduc Medgaz 910 MILLIONS D’EUROS Financement : Sonatrach (Algérie), Cepsa (Espagne), Iberdrola (Espagne), GDF-Suez (France), Endesa (Espagne)
Le chantier a débuté en 2007 après six ans de réflexion. Il a été inauguré en mars 2011. D’une longueur de 210 km entre Beni Saf, sur la côte algérienne, et Almeria en Espagne, il plonge jusqu’à 2 160 m et transportera jusqu’à 8 milliards de m3 de gaz par an vers l’Europe.
TCHAD
Centrale électrique de Farcha
ÉTHIOPIE
Barrage hydroélectrique 3,35 MILLIARDS D’EUROS Maître d’œuvre : groupe Salini (Italie)
La construction du plus grand barrage d’Afrique (5 km de long, 50 m de haut) se fera sur le Nil bleu, à 700 km au nord-ouest d’Addis-Abeba. Cet ouvrage, qui entrera en fonction à partir de septembre 2014, offrira une puissance de 5 250 mégawatts.
145 MILLIONS D’EUROS Maîtres d’œuvre : Wärtsilä (Finlande) et CMEC (Chine)
GABON
Stade de football 381 MILLIONS D’EUROS Maître d’œuvre : groupe Bechtel (États-Unis)
Les délais seront tenus, a assuré Henri Ohayon, le président de l’Agence nationale des grands travaux. Le pays n’a de toute manière pas le choix : pour accueillir dignement la Coupe d’Afrique des nations 2012, le nouveau stade devra être prêt au plus tard en janvier 2012. CONGO
Agrandissement du port de Pointe-Noire 570 MILLIONS D’EUROS Financement : Bolloré Africa Logistics (France), pour 82 %
Le plus profond des ports du golfe de Guinée a pour objectif de devenir la première plateforme de transbordement d’Afrique centrale avec, à terme, une capacité de 1 million de conteneurs par an. En 2036, le port occupera quelque 36 hectares, contre 17 aujourd’hui. JEUNE AFRIQUE
KENYA
Développement géothermal 1 MILLIARD D’EUROS Maîtrise d’ouvrage :The Geothermal Development Company (publique)
Plus de 2 000 mégawatts supplémentaires d’ici à 2014 : tel est l’un des premiers objectifs de Nairobi, qui place le secteur énergétique au cœur de sa vision stratégique 2030. Pour ce faire, le pays compte principalement sur la géothermie : le potentiel kényan est estimé à 7 000 MW.
AFRIQUE DU SUD
Train express régional Gautrain
ENTRE 2 MILLIARDS ET 3,5 MILLIARDS D’EUROS Maître d’œuvre : consortium Bombela (lire p. 80)
Ouvert en juin 2010 à l’occasion de la Coupe du monde de football, le Gautrain relie l’aéroport de Johannesburg au centre d’affaires de Sandton en quatorze minutes. Avant la fin de l’année, par le même train, il sera possible d’effectuer le trajet JohannesburgPretoria en quarante minutes. N O 2625 • DU 1 ER MAI AU 7 MAI 2011
CHRISTOPHE CHAUVIN
La première pierre a été posée en mars par le président Idriss Déby Itno pour une livraison en 2012. Outre la centrale de production de 60 mégawatts, une boucle de 90 kilovolts à N’Djamena et des réseaux de distribution seront réalisés par le chinois CMEC.
Dossier BTP et infrastructures Ý Les travaux du lotissement de riads du PROJET BAB ASFI, dans la ville nouvelle de Tamansourt (à 20 km de Marrakech), ont été arrêtés.
agent immobilier: « Il ne me paraît pas possible – sauf dans un ou deux cas marginaux – de déclasser des projets de standing pour en faire des logements sociaux, ne serait-ce que par rapport au prix du foncier. » WILLIAM STEVENS POUR J.A.
78
IMMOBILIER
Les promoteurs la jouent modeste à Marrakech
Après l’éclatement de la bulle immobilière, les professionnels de la Ville ocre se positionnent sur le segment « économique ». Le logement social prendra-t-il le relais des résidences de luxe ?
À
plus d’un titre, Marrakech, joyau touristique du royaume chérifien, est sorti de sa bulle.Rattrapéparlacrisefinancière, le marché immobilier de la Ville ocre, après une période d’euphorie frisant l’indécence entre 2005 et 2008, subit un véritable contrecoup.«Touslessegmentsdemarché – villas, appartements, riads – ont enregistré une baisse », résume le notaire Saïd Harrous. La tendance s’est confirmée au quatrième trimestre de 2010, selon une note de conjoncture de Bank Al-Maghrib et de l’Agence nationale de la conservation foncière, du cadastre et de la cartographie : globalement, les prix de l’immobilier sur Marrakech ont reculé de 2,4 % par rapport au quatrième trimestre de 2009. Dans le détail, le prix des appartements enregistre une baisse de 6,9 %, et celui des villas de 21,7 %! Tributaire à 90 % de sa clientèle étrangère aisée, Marrakech pâtit également du contexte géopolitique N O 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
au Maghreb et au Moyen-Orient, régions bousculées par le « printemps arabe ». « La clientèle étrangère est très frileuse, poursuit Saïd Harrous. Pour elle, le Maroc, ça reste l’Afrique du Nord, alors que lesévénementsinternationauxn’ont rien à voir avec notre pays… » Le vent a semble-t-il tourné: avis de gros temps sur les projets haut de gamme et touristiques! Illustration éloquente avec la mésaventure du promoteur français La Perla World (ex-Mandarine Holding), qui indiquait, en novembre 2010, que les travaux du projet Bab Asfi [prévoyant la construction d’un lotissement de riads à Tamansourt, villenouvelle à 20kmde Marrakech, NDLR] avaient été arrêtés à la fin du premier semestre de 2010. En mars dernier, la société indiquait qu’elle « étudie notamment la possibilité de repositionner le projet sur un segment “économique”, actuellement très porteur au Maroc »… Une orientation stratégique qui laisse sceptique Vincent Benvenuti,
En novembre 2010,
50 %
des habitations de haut standing construites entre 2004 et 2009 étaient toujours disponibles.
MÉTHODE COUÉ. Le logement
social, bouée de sauvetage des promoteurs locaux ? Après s’être temporairement refait une santé en basculant sur le marché locatif, ils entonnent déjà le refrain de la reprise, à l’exemple d’Adil Bouhaja, président de l’Association des promoteursimmobiliersdeMarrakech: « Au plan des mises en chantier, l’année 2011 s’annonce exceptionnelle: la plupart des promoteurs ont finalisé leurs études et déposé leurs demandes d’autorisation. » Des propos qui, s’ils fleurent bon la méthode Coué, reposent tout de même sur quelques certitudes. « La tendance actuelle s’oriente sur l’“économique”, qui reste une niche très favorable eu égard au déficit d’offre sur le marché », confirme Jaafar Derraji, agent immobilier. Il faut dire, aussi, que l’État marocain soutient activement ce segment du marché. La loi de finances 2010 a ainsi entériné des incitations fiscales visant à la fois promoteurs et acquéreurs de logements d’une valeur inférieure à 250000 dirhams (21 850 euros). Joignant les actes à la parole, le groupe Al Omrane, promoteur public, vient de lancer, en présence du roi Mohammed VI, la construction de quatre ensembles immobiliers totalisant 682 appartements à moins de 250 000 dirhams, dans le quartier de M’Hamid, dans le sud de Marrakech. Les groupes privés ne sont pas en reste, à l’image d’Al Amane, qui vient de livrer deux lots d’appartements vendus à partir de 120000 dirhams à Tamansourt, ainsi que des logements de plus haut standing (à partir de 250000 dirhams) en centre-ville. ● IDIR ZEBBOUDJ JEUNE AFRIQUE
Le pont métallique adapté à toutes les situations
Pont de Yagbabou - RCA
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LES POINTS FORTS Norme et qualité : L’UNIBRIDGE® est un pont définitif calculé selon les normes en vigueur dans le pays où il est installé. Un processus de contrôle qualité est mis en place tout au long du cycle de fabrication.
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Transport : sur route, les caissons métalliques sont transportés par semi-remorque ; par voie maritime, ils logent dans des containers de 40 pieds. Montage et démontage : aucune compétence technique spécifique n’est nécessaire et un minimun d’équipement et de matériel léger suffit (pelle mécanique, grue de levage, treuil...).
Pont de Odicon-Tagbak - Philippines
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Flexibilité : La modularité transversale permet au pont UNIBRIDGE® d’accroître la largeur circulable au cours de la vie de l’ouvrage. Il peut être équipé d’un tablier métallique ou béton armé.
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Dossier Infrastructures Ý Avant la fin de l’année, LE GAUTRAIN reliera Pretoria à Johannesburg (50 km) en quarante minutes.
KEVIN WRIGHT/GAUTRAIN
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AFRIQUE DU SUD
Objectif grande vitesse Plusieurs projets de train rapide sont à l’étude, et les entreprises se pressent au ministère des Transports pour décrocher des contrats. Au préalable, Pretoria s’est attelé à réorganiser la gestion du secteur.
D
epuis juin 2010, le Gautrain, œuvre du consortium Bombela (Bombardier, Bouygues, RATP Développement, Murray & Roberts, Loliwe Rail Contractors et Loliwe Rail Express), relie l’aéroport deJohannesburgaucentred’affaires de Sandton en quatorze minutes. Avant la fin de 2011, par le même train, il sera possible d’effectuer le trajet Johannesburg-Pretoria (50 km) en quarante minutes. Un projet titanesque estimé à 20 milliards de rands (2 milliards d’euros) par le gouvernement, à 35 milliards par les syndicats. Mais déjà, Pretoria, encouragé par le sommet de Copenhague en 2009, aspire à de nouvelles aventures ferroviaires. Lanfranc Situma, directeur du projet grande vitesse au ministère des Transports, explique : « L’Afrique du Sud a promis de réduire ses émissions de CO2 de 46 %. Cet engagement nous donne droit à des crédits internationaux si nous construisons du rail. » « En octobre 2010, nous avons lancé une étude de faisabilité qui vise à montrer si le marché existe pour une liaison JohannesburgDurban », a déclaré le ministre des Transports, Sibusiso Ndebele, à l’hebdomadaire Mail & Guardian. La ou les futures lignes à grande vitesse seront des partenariats public-privé et, en attendant le feu N O 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
HANDICAPS. En préalable à l’ex-
vert du gouvernement, fin 2011, pléthore de candidats frappent déjà à la porte du ministère. Le plus ambitieux d’entre eux est Aatec, un consortium sud-africain dont le directeur, Thomas Munn, dit avoir signé un contrat avec l’américain LaunchPoint Technologies pour la création d’une ligne à lévitation magnétique : « Sur le trajet Durban-Johannesburg [550 km, NDLR], nous pourrons assurer des services passagers et fret pour 50 % du prix estimé par le gouvernement [23,6 milliards d’euros sans le fret, NDLR]. Notre système, nommé FasTransit, pourra être posé le long des rails existants et permettra aux autres trains de continuer à rouler. » On sait par ailleurs que China RailwayGroupestaussisurlesrangs pourunprojetquipourraitatteindre quelque 23 milliards d’euros. ZIMBABWE
300 km
BOTSWANA
Messina
MOZ.
Pretoria Johannesburg SWAZ.
NAMIBIE
Lady Smith
Kimberley LESOTHO
Saldanha
De Aar
Le Cap
Le gouvernement étudie aussi la mise en place de lignes à haute vitesse en direction du Cap (1 400 km) et de Messina (500 km). Se posera, à terme, un problème d’interconnectivité régionale. Par souci de vitesse et de confort, le gouvernement sud-africain préfère un écartement de rails de 1435 mm (déjà utilisé pour le Gautrain), alors que les anciennes infrastructures du pays et du reste de l’Afrique australe sont toujours dotées d’un écartement de 1 067 mm, établi au XIXe siècle dans l’objectif colonial de relier Le Cap au Caire.
Durban Océan Indien
Projets de lignes à grande vitesse étudiés par le gouvernement
pansion du rail, le gouvernement s’estatteléàréorganiserlagestiondu secteur. Il a récemment démantelé l’inefficace Transnet, holding qui réunissait les secteurs passagers, fret et infrastructures ferroviaires. Une nouvelle agence, Passenger Rail Agency of South Africa (Prasa), a vu le jour : elle est chargée des passagers et de la maintenance des gares, tandis que Transnet se limite désormais au fret et aux rails proprement dits. Prasa démarre avec déjà quelques handicaps. Entre autres, le légendaire mais déficitaire Blue Train – service de luxe entre Le Cap et Johannesburg –, transféré à Prasa pour un rand symbolique. L’agence estaussi chargée deredresser le Shosholoza Meyl, le service ordinaire entre les deux villes, qui perd 400 millions de rands par an. S’ajoute le réseau de trains de banlieue jaune et gris qui transporte 2 millions de Sud-Africains chaque jour : vols de câbles, vandalisme et violences à bord sont le quotidien du mal-aimé Metrorail, dont les rames et équipements ont une moyenne d’âge de 47 ans. L’année dernière, Tshepo Lucky Montana, le président de Prasa, a demandé 50 milliards de rands sur dix ans pour sauver le réseau intra-urbain, mais il attend toujours la réponse du Trésor. ● ALEX DUVAL SMITH, au Cap JEUNE AFRIQUE
Dossier
Gian Luca Erbacci « Après le tramway, le métro a un gros potentiel »
DG S UD E UROPE, A FRIQUE
INTERVIEW
Nous venons de vendre quatorze rames de TGV au Maroc ! Le marché du métro a aussi un gros potentiel, notamment au MoyenOrient avec la construction de lignes à Ryad et à La Mecque. Des études sont en cours au Qatar et à Abou Dhabi, et des villes comme Amman et Damas ont de réels besoins. Le contexte politique actuel a-t-il ralenti vos projets ?
S
ALSTOM TRANSPORT
igne qu’une nouvelle révolution des transports est sur les rails dans le monde arabe, c’est Dubaï qui a été choisi cette année pour accueillir, du 10 au 14 avril, le 59e congrès de l’Union internationale des transports publics (UITP). Parmi les 252 compagnies présentes,lefrançaisAlstom,numérodeux mondial du transport urbain.
La demande y connaît une croissance inédite depuis quelques années. Sur le segment des tramways, nous allons inaugurer au mois de mai ceux de Rabat et d’Alger, celui de Jérusalem devrait être mis en service cet été, et nous venons de présenter le tramway d’Al-Sufouh, à Dubaï. Enfin, alors
M OYEN -O RIENT D ’A LSTOM
Au-delà du tramway, quel avenir pour le rail ?
L’Afrique du Nord et le Moyen-Orient sont devenus en cinq ans des marchés stratégiques pour le français Alstom, spécialiste du transport urbain.
JEUNE AFRIQUE : Quel bilan tirezvous de votre présence dans la zone Maghreb et Moyen-Orient ?
ET
81
que personne n’y aurait cru il y a cinq ans, l’Algérie est notre plus important marché régional pour ce produit: outre Alger, nous avons remporté deux autres contrats clés en main – Oran et Constantine –, et onze autres villes comptent s’équiper. L’usine de montage que nous allons ouvrir à Annaba renforcera encore notre position pour remporter ces contrats.
La réalisation de nos projets en cours se poursuit au même rythme. Malgré un ralentissement temporaire des appels d’offres en Égypte et en Tunisie, aucun investissement n’a été remis en question : les infrastructures de mobilité urbaine dopent le commerce, la construction, l’urbanisme, la mobilité des personnes et des biens. L’Afrique subsaharienne est-elle aussi un marché d’avenir ?
Ces pays sont pour le moment axés sur leur stabilisation politique et économique. Mais nous avons depuis quelques mois des contacts pour équiper en tramways Yaoundé et Douala. Rien de très concret encore, mais nous sommes prêts à démarrer dès que les autorités voudront concrétiser ces pourparlers. ● Propos recueillis à Dubaï par LAURENT DE SAINT PÉRIER
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Dossier BTP et infrastructures Ý LA SOCOCIM (ici à Rufisque) pourrait construire un centre de broyage de ciment au Mali d’ici à deux ans.
ÉDOUARD CALIXTE
82
SÉNÉGAL
Des cimentiers à couteaux tirés
L’arrivée du nigérian Dangote pourrait perturber un secteur jusque-là tenu par la Sococim et les Ciments du Sahel. Seules solutions : exporter ou s’installer directement dans des pays de la sous-région.
L
a Sococim et les Ciments du Sahel sont inquiets. Les deuxcimentiershistoriques du Sénégal devront bientôt compter avec un concurrent de taille, le géant nigérian Dangote, qui devrait commencer sa production locale de ciment d’ici à la fin de l’année, avec 2,5 millions de tonnes par an. « Au Sénégal, il n’y a pas de place pour un troisième acteur », estime sans ambages Michel Layousse, directeur général adjoint des Ciments du Sahel, qui produit annuellement 2,4 millions de tonnes de ciment. SURPRODUCTION. Du côté de la
Sococim (2,4 millions de tonnes de ciment par an également), on trouve « perturbante la venue de Dangote sur un marché sénégalais déjà saturé ». « La croissance du marché sénégalais est de 4 % par an, ce qui est assez faible », ajoute Éric Holard, directeur général adjoint pour l’Afrique du groupe Vicat, à qui appartient la Sococim. N O 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
Dangote, qui a investi 250 milliards de F CFA (381 millions d’euros) pour sa cimenterie basée dans la région de Pout (Ouest), n’en a cure: le groupe nigérian consacrera 60 % de sa production au marché local, qu’il entend inonder en cassant les prix. « Avec une troisième cimenterie, la Sococim et les Ciments du Sahel risquent d’atteindre une surproduction de 1 million à 2 millions de tonnes chacun entre 2012 et 2015 », anticipe Mamadou Dansokho, chercheur au Consortium pour la recherche économique et sociale (Cres), basé à Dakar. De fait, avec une consommation nationale de 2,4 millions de tonnes par an, les cimentiers sont déjà en surproduction. Le surplus est absorbé par la sous-région, mais les velléités d’exportation sont quelque peu freinées « par le manque d’infrastructures maritimes et les blocages au port », assure Michel Layousse. Et pour ne rien arranger, le groupe nigérian
entend lui aussi occuper ce créneau, en exportant « vers le Mali, la Gambie et la Mauritanie », selon Serigne Aramine Mbacke, directeur général de Dangote Industries Senegal. En outre, pour le professeur Dansokho, si l’exportation pourrait constituer une échappatoire pour Sococim et les Ciments du Sahel, ce ne serait en aucun cas une solution miracle : « Comment faire face au Nigeria et à l’Asie, où les coûts de production sont respectivement de 20 % et 40 % moins chers ? » CONTRE-ATTAQUE. Seule solution
pour les entreprises sénégalaises attaquées sur leurs terres : installer des usines en Afrique de l’Ouest. Et il faut aller vite : au Mali, l’indien West African Cement (Wacem) Les Ciments produira bientôt 1 million du Sahel et de tonnes de ciment, pour la Sococim une demande de 1,7 million. produisent Si la Sococim a le projet d’investir à Bamako d’ici à deux ans, avec la construction d’un centre de broyage de ciment de tonnes par an… d’une capacité de 400 000 t, de son côté Michel Layousse regarde ailleurs : à partir de Dangote Cement janvier 2013, les Ciments du Senegal Sahel seront prêts à produire prévoit une au Bénin 2 millions de tonnes production de de ciment par an; le groupe y a investi 220 millions d’euros. Une autre usine est prévue mi-2012 au Tchad, et une de tonnes par an… troisième mi-2013, « dans un autre pays non loin du Tchad ». Reste que, en s’installant ailleurs sur le continent, les deux cimentiers historiques du Sénégal pourraient bien se retrouver confrontés, encore et toujours, à la même concurrence : en effet, le groupe nigé… mais le rian a annoncé mi-avril la marché construction de plusieurs usisénégalais n’absorbe que nes en Afrique (lire page 92), notamment au Cameroun… et bien sûr au Nigeria. ● de tonnes de AURÉLIE FONTAINE, à Dakar ciment par an
4,8 millions
2,5 millions
2,4 millions
JEUNE AFRIQUE
Le pont métallique adapté à toutes les situations
Pont de Yagbabou - RCA
Pont de Goui - RCA
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Pont de San Fernando Sur - Philippines
Transport : sur route, les caissons métalliques sont transportés par semi-remorque ; par voie maritime, ils logent dans des containers de 40 pieds. Montage et démontage : aucune compétence technique spécifique n’est nécessaire et un minimun d’équipement et de matériel léger suffit (pelle mécanique, grue de levage, treuil...).
Pont de Odicon-Tagbak - Philippines
Pont de Ludag - Philippines
Flexibilité : La modularité transversale permet au pont UNIBRIDGE® d’accroître la largeur circulable au cours de la vie de l’ouvrage. Il peut être équipé d’un tablier métallique ou béton armé.
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Dossier
85
STRATÉGIE
Arab Contractors, un empire africain Active sur le continent depuis quarante ans, la quatrième entreprise égyptienne s’est récemment installée en Zambie et en Éthiopie.
COUP D’ARRÊT. Désormais, tout
est arrêté. Tout comme sont suspendues les ambitions récentes de la société de se développer au Moyen-Orient dans la construction de centrales nucléaires, en association avec son compatriote Orascom Construction Industries (OCI). Le domaine d’activité semble beaucoup moins porteur depuis la catastrophe récente de Fukushima, au Japon. Quoi qu’il en soit, l’international reste au cœur de la stratégie de The Arab Contractors. Avec 60 000 employés et 2,8 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2009 (1,9 milliard d’euros à l’époque), la quatrièmeentrepriseégyptienneest déjà bien placée dans son pays, où elle talonne l’autre géant qu’est OCI. Le groupe figure parmi les 200 plus grandes sociétés de construction au monde et réalise environ 15 % de son chiffre d’affaires hors de ses frontières. JEUNE AFRIQUE
BERTI HANNA/REA
P
our l’Égypte, la situation en Libye est un facteur d’inquiétude. Pour The Arab Contractors, c’est le plus délicat des sujets du moment. Le groupe de construction égyptien avait fait de ce pays frontalier l’un de ses grands espoirs pour 2011. Historiquement implanté à Tripoli depuis cinq décennies, The Arab Contractors espérait retrouver une place sur le marché local – très disputé par les groupes chinois et turcs –, en grande partie grâce à un accord signé fin 2010 entre Tripoli et Le Caire, donnant aux compagnies égyptiennes une sorte de priorité dans les grands projets de construction.
UN CHANTIER AU CAIRE. Le groupe réalise encore 85 % de son chiffre d’affaires à l’intérieur de ses frontières.
L’année dernière, le ralentissement de l’activité en Égypte a été plus que compensé par de nouveaux développements à l’étranger. En Irak, The Arab Contractors a été choisi pour construire 1 million de logements. Surtout, l’entreprise a décroché deux grands contrats au Koweït, dont l’un – la construction d’un hôpital – est d’ores et déjà le plus grand chantier qu’elle ait jamais obtenu. Les deux projets représentent un montant total de plus de 1,4 milliard d’euros. En Afrique, malgré des enjeux financiers plus modestes – surtout au sud du Sahara –, le groupe est solidement ancré dans le paysage du BTP. Présent sur le continent depuis quarante ans, il s’est installé l’année dernière en Zambie et en Éthiopie, portant à 18 le nombre de pays africains (hors Égypte) dans lesquels il opère. Il est très solide en Afrique du Nord, notamment en Algérie, où il a mené de nombreux projets d’infrastructures, et en Libye. Selon des déclarations de son PDG, Ibrahim Mahlab, à l’hebdomadaire égyptien Al-Ahram, The ArabContractorscomptedésormais percer au Kenya et au Nigeria.
e 3 du classement BTP
de Jeune Afrique sur les 500 premières entreprises du continent (50e rang tous secteurs confondus), derrière Murray & Roberts (Afrique du Sud) et Orascom Construction Industries (Égypte)
En Afrique subsaharienne francophone, le groupe est un acteur incontournable de la construction depuis de longues années, il y a décroché de nombreux contrats : pont sur la lagune Ébrié à Abidjan, routes au Cameroun… En Guinée équatoriale, où les projets d’infrastructures sont légion, The Arab Contractors s’est fait une place de choix : construction de la route de contournement de Malabo, rénovation du système d’assainissement et construction d’un pipeline d’eau… CONCURRENCE CHINOISE. Mais,
partout, la concurrence de l’empire du Milieu monte, notamment via les contrats passés d’État à État, qui donnent la prééminence aux firmes chinoises dans les grands chantiers. Refusant d’aborder cette concurrence de front, The Arab Contractors privilégie systématiquement la coopération avec les sociétés de construction de Pékin. Obligé d’opérer ainsi chez lui depuis quelques années, le groupe s’adapte volontiers dans le reste de l’Afrique. L’important est de continuer d’avancer. ● FRÉDÉRIC MAURY N O 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
Dossier BTP et infrastructures INTERVIEW
Giles Omezi
A RCHITECTE
ET DIRECTEUR DU CABINET
L ATERITE
« Les villes nigérianes bouillonnent de bonnes idées, il faut les saisir! » Face à l’explosion démographique du pays, la première économie ouest-africaine tente d’organiser le développement de ses agglomérations. Le chantier est vaste.
N
é à Lagos et formé à Londres, l’architecte Giles Omezi dirige le cabinet Laterite, qui travaille à la fois en Europe (Royaume-Uni, Pays-Bas et Allemagne) et au Nigeria, pays le plus peuplé d’Afrique, où plus d’une dizaine de villes dépassent le million d’habitants. Rien qu’à Lagos, 600 000 nouveaux immigrés viennent s’installer chaque année. Pour Giles Omezi, il est crucial, dans ce contexte, de maîtriser et d’accompagner le développement des agglomérations nigérianes. JEUNE AFRIQUE : Y a-t-il une volonté, au Nigeria, de prendre à bras-le-corps les problèmes d’urbanisme ? GILES OMEZI : Oui, mais elle est récente. Les
Lagos, qui sera en 2015 la ville la plus peuplée d’Afrique avec plus de 12,5 millions d’habitants, ses embouteillages interminables et sa criminalité légendaire, paraît indomptable…
MÉTROPOLES EN EXPANSION (Population, en millions d’habitants) 2010 2020 1. Lagos 2. Kano
autorités s’y attaquent vraiment depuis le milieu des années 2000, même si des projets étaient dans les cartons depuis très longtemps. La plupart des plans d’urbanisme actuels, à Lagos, Port Harcourt, Benin City ou encore Kaduna, datent des années 1970. C’est dire le retard du pays en la matière.
3. Ibadan
Les habitants ont-ils leur mot à dire sur les politiques mises en place dans leurs villes ?
* Estimations
10,5 14,2* 3,4 4,5* 2,8 3,8*
4. Abuja 5. Kaduna
2 3* 1,6 2,1*
Pas vraiment. Les plans urbains sont élaborés de manière centralisée, ce qui offre l’avantage de déterminer des objectifs clairs et permet la
La taille de Lagos alimente tous les fantasmes, mais l’énergie qu’elle dégage peut être utilisée positivement. participation du secteur privé. Les populations ne sont pas les émettrices des idées sur les évolutions de leur ville, même si, parfois, les associations professionnelles influentes sont consultées sur certains projets, comme c’est le cas à Lagos avec les corporations commerçantes pour les aménagements de marchés, ou avec les transporteurs N O 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
routiers pour des projets de transport urbain. Les autorités sont contraintes de composer avec ces organisations car elles ont la capacité de bloquer la ville !
SOURCE : ONU-HABITAT
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La taille de notre capitale économique alimente tous les fantasmes, c’est vrai. Ceux qui connaissent mal la ville disent qu’elle est indomptable, qu’elle broie ses habitants, qu’il faut tout raser pour tout reconstruire. Au contraire, je crois que l’énergie qui se dégage de cette ville peut être utilisée positivement et qu’il faut tirer parti des fortes identités de chacun de ses quartiers. Victoria Island est le territoire de la bourgeoisie et des affaires. Y habiter est une preuve de réussite sociale, et les boutiques de luxe y prospèrent. Les habitants d’Ikeja, où résidait Fela Kuti, fondateur de l’afrobeat, sont, eux, fiers de leur tradition contestataire et festive. Quant à la banlieue de Lekki, elle est devenue une zone pour la classe moyenne, avec de nombreuses créations d’entreprises. Il faut encourager une économie locale à l’échelle de chacun des quartiers, notamment pour limiter les embouteillages, véritable casse-tête à Lagos. Mais je crois qu’on peut être optimiste sur l’avenir de cette mégapole. Parmi les villes nigérianes, Abuja, au centre du pays, capitale politique du pays depuis 1992, est un cas particulier…
Oui, son urbanisation diffère des autres car elle a été construite ex-nihilo, sur des terres solides au centre du pays, où aucune ville n’existait auparavant. À la différence des cités anciennes, lagunaires et marécageuses comme Lagos, où le coût des fondations et de la maintenance des bâtiments est élevé, construire à Abuja est moins onéreux, et surtout l’urbanisation y a été pensée.
Les projets urbains sont extrêmement coûteux… Comment les financer ?
Dans les années 1970, les excédents pétroliers permettaient à l’État de se payer des infrastructures urbaines et de les maintenir, mais aujourd’hui les autorités n’ont plus les moyens de tout prendre en JEUNE AFRIQUE
Dossier
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Pour le logement, justement, quels sont les partenariats public-privé qui fonctionnent ?
Dans les grandes villes, les municipalités n’ont pas de problème à trouver des sociétés privées pour les programmes destinés aux classes moyenne et supérieure : les maisons de 20 millions à 30 millions de nairas [de 90 000 à 135 000 euros, NDLR] trouvent facilement preneurs à Lagos. En revanche, les investisseurs ne se bousculent pas au portillon pour la construction de logements à destination des foyers à revenus modestes, d’un prix autour de 5 millions de nairas. Je n’ai pas vu un seul programme de logements sociaux qui ait véritablement fonctionné au Nigeria… L’impulsion du secteur public est essentielle sur ce créneau. Les programmes immobiliers sont-ils mieux encadrés qu’avant ?
Oui, la réglementation est beaucoup plus stricte aujourd’hui, non pas sur le plan esthétique, mais sur les plans sanitaire et urbanistique, pour éviter la construction de logements mal conçus, et pour que les bâtiments s’insèrent mieux sur des réseaux d’eau et d’électricité existants. C’est une évolution positive.
D.R.
Peut-on parler de l’émergence d’un style architectural africain ?
charge. Il leur faut nécessairement impliquer les acteurs du secteur privé, même si, pour les routes, les transports en commun et le logement social, un engagement fort des pouvoirs publics sera toujours nécessaire, à la différence des projets autoroutiers et de certains programmes immobiliers, comme l’autoroute Lagos-Lekki et le projet résidentiel Eko Atlantic, situé sur Virginia Island.
En Afrique subsaharienne, on ne peut pas dire qu’il y ait une esthétique moderne véritablement locale qui émerge. À Lagos, par exemple, le design des bâtiments évolue en fonction des contraintes climatiques et urbaines ; c’est une architecture pragmatique, il n’y a pas de style propre à la ville. Ce que veulent les Nigérians propriétaires, c’est afficher leur statut social. Ce qui plaît, ce sont les villas avec un look pseudo-méditerranéen, doté, bien entendu, d’un système d’air conditionné très puissant, et donc très onéreux ! Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir en matière d’urbanisme, mais je suis optimiste, les villes africaines bouillonnent de bonnes idées, il faut savoir les saisir ! ● Propos recueillis par CHRISTOPHE LE BEC
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Dossier BTP et infrastructures PAROLES D’ARCHITECTES
Dessine-moi une agglomération… D. BOUGOUMA POUR J.A.
Vision du métier sur le continent, défis de l’aménagement urbain, influences architecturales… Trois jeunes professionnels témoignent. Développement durable et justice sociale sont au cœur de leurs préoccupations. Propos recueillis par MICHAEL PAURON
YOLANDE SEUDA
Camerounaise, 25 ans, ministère du Développement urbain et de l’Habitat.
DORIS LAURENCE GNANGAO
LE MÉTIER D’ARCHITECTE au Cameroun fait l’objet de divers préjugés, comme la pratique d’honoraires excessivement élevés. En outre, il n’y a pas assez – et même presque pas – de concours d’idées, ni de réglementation favorisant la consultation de l’architecte. L’une de mes références est le Français Armand Salomon, qui a conçu des bâtiments au Cameroun tels que le ministère des Postes et des Télécommunications ou l’hôtel de ville de Yaoundé. Il a utilisé des formes, des couleurs et des textures liées à nos cultures, alors que beaucoup de bâtiments de nos villes sont impersonnels. La cité de demain devra être adaptée aux modes de vie des Africains, sans pour autant favoriser des comportements anti-urbains. Elle devra être planifiée, réglementée, sécurisée et partagée, car actuellement le citadin n’est pas consulté et ne se sent concerné par aucune des stratégies. La ville africaine ne saurait par ailleurs être différente sans une amélioration des comportements de ses habitants. » ●
Burkinabè, 26 ans, cabinet Batir.
NICOLAS EYIDI POUR J.A.
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J’AIME LES STYLES du Zimbabwéen Michael Pearce (immeuble de bureaux Eastgate à Harare, conçu sur le modèle d’une termitière), de l’AngloIrakienne Zaha Hadid ou du Britannique Norman Foster. La majorité des constructions et des conceptions au Burkina n’est malheureusement pas encore le fait d’architectes. Nous devons en outre adapter nos conceptions aux matériaux disponibles et nous efforcer de changer les mauvaises habitudes de nos maçons, qui n’ont pas reçu de véritable formation. Les acteurs des villes africaines commencent à réfléchir à un mode de planification et de gestion approprié à nos réalités: Ouagadougou, par exemple, vient de se doter d’un schéma directeur d’aménagement du Grand Ouaga. Sa mise en application devrait permettre de relever les défis de développement et donc d’aménagement. Je rêve de villes africaines où les populations défavorisées auraient accès à un logement décent,auraient droit à la sécurité foncière à l’abri des spéculations. Croissance urbaine chaotique, occupation du sol anarchique, changement climatique, cherté de l’énergie… Face à ces problèmes, architecture et urbanisme durables doivent être nos maîtres mots. » ● JEUNE AFRIQUE
Dossier
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IBRAHIM KANATÉ INFLUENCÉ par le Germano-Américain Ludwig Mies van Der Rohe et l’Américain Frank Lloyd Wright, j’apprécie la composition simple des espaces qui privilégient l’ergonomie et la fonctionnalité. Une nécessité sous les tropiques pour dompter les nombreuses contraintes climatiques et budgétaires. Dans l’organisation des villes antiques africaines (Tombouctou, Djenné, etc.), on détectait déjà des règles qui donnaient une spécificité locale à leur aménagement. Cela mérite d’être promu, alors que l’on assiste à une mondialisation des aménagements urbains. L’un des plus grands enjeux des villes africaines est de rompre avec l’improvisation et de se tourner vers une planification urbaine, avec un
FALONE POUR J.A.
Ivoirien, 24 ans, Archibo Design.
fort réseau intra-urbain capable de supporter les immenses flux de déplacement interne des populations, avec des services publics de qualité pour tous les citadins
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sans discrimination sociale. Enfin, l’aménagement des villes africaines gagnerait à prendre en compte les questions écologiques, jusque-là traitées comme secondaires. » ●
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www.jadelmas.com L’Esprit de Service
N.TADEGNON/APANEWS
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L’institution togolaise accueille 330 ÉTUDIANTS venus de quatorze pays. FORMATION
Écoles en construction
L’enseignement en architecture et en urbanisme reste limité. Quelques établissements, comme l’Eamau à Lomé, tirent leur épingle du jeu.
E
nmatièred’enseignement supérieur, l’offre de formation qui s’ouvre aux aspirants architectes ou urbanistes s’avère relativement restreinte sur le continent. Le Maghreb est la région la mieux pourvue, avec des écoles en Tunisie, au Maroc et en Algérie, comme l’École nationale supérieure d’architecture (Ensa, exEpau) à Alger, qui compte plus de 2 000 étudiants. Parmi les dernières-nées, l’École supérieure d’architecture de Casablanca (EAC, privée) a ouvert en 2004. Mais en Afrique subsaharienne, notamment francophone, la situation est plus difficile. Les universités, souvent saturées et
faiblement équipées, sont éloignées de l’univers professionnel. Quant aux établissements privés, ils en sont encore à leurs balbutiements, même si les tentatives se multiplient. À l’image du Collège d’architecture de Dakar, qui forme depuis 2008 des techniciens spécialisés, et de quelques autres établissements au Cameroun et au Gabon. UN LIEU DE RECHERCHE. Reste,
au Togo, la très réputée – mais difficile d’accès – École africaine des métiers de l’architecture et de l’urbanisme (Eamau). Née à la fin des années 1980, elle propose trois filières de formation majeures : architecture, urbanisme, gestion
urbaine. Elle reçoit 330 étudiants venus de quatorze pays d’Afrique centrale et d’Afrique de l’Ouest. À la sortie, ses diplômés occupent des postes au plus haut niveau dans leur pays, pour l’essentiel au sein du secteur public durant les premières années de leur carrière. « Boursiers quand ils sont étudiants, nos diplômés sont d’abord recrutés par l’État ou par les collectivités territoriales. Mais après quelques années ils créent souvent leur propre structure. Ils sont immédiatement opérationnels », explique N’Da N’Guessan Kouadio, directeur général de l’Eamau. L’école est aussi un lieu de recherche sur l’architecture africaine : études et colloques permettent ainsi de faire émerger une « écriture architecturale propre à une Afrique qui ne peut se contenter de prendre ses modèles hors du continent », assure le directeur. Ces objectifs obligent aujourd’hui l’école à aller plus loin. « Nous ne recrutons pour l’instant que 50 étudiants chaque année, sur un millier de candidatures ! déplore N’Da N’Guessan Kouadio. L’école est donc loin de répondre aux espoirs qu’elle suscite. » La solution ? Multiplier les capacités d’accueil avec l’objectif, en 2014, de pouvoir accueillir 500 étudiants sur un nouveau campus. Et créer de nouvelles filières capables de prendre en compte les spécificités africaines dans leurs enseignements, comme les exigences climatiques et l’environnement socioculturel. ● CHRISTINE MURRIS
Maisons Sans Frontières Congo Construire aujourd’hui votre villa de demain MSF Congo I - Présentation L’agencement du « Chemin d’Avenir » sous l’impulsion du Président de la République, Monsieur Denis SASSOU NGUESSO, ainsi que les dispositions juridiques et économiques prises récemment par l’État Congolais, particulièrement les lois sur les régimes domaniaux et fonciers sur la promotion immobilière et la construction garantissent le droit de propriété ainsi que l’investissement privé sur l’ensemble du territoire national. L’État Congolais, à travers son adhésion au NEPAD et à l’OHADA fonde un climat favorable pour les affaires, ce qui permet à notre pays d’obtenir une notoriété nationale et internationale de plus en plus large face aux exigences de la mondialisation. Par la dynamique des institutions économiques de la CEMAC et de la CEEAC, de l’extension du port autonome de Pointe-Noire, de la route reliant Pointe-Noire à Brazzaville et du projet du pont et rails desservant Brazzaville et Kinshasa sur le fleuve Congo, le développement durable du Congo, de la région, de la sous-région et de la zone du Golfe de Guinée, pointe à l’horizon.
L’activité de promotion immobilière que développe la société « MAISONS SANS FRONTIERES CONGO » (MSFCongo) créatrice d’emplois et génératrice de ressources, exige des compétences, des techniques et un savoirfaire à la hauteur des exigences des partenaires économiques et des acquéreurs. L’aménagement et de la construction du « lotissement ROC de TCHIKOBO » répondent pleinement aux objectifs du développement économique durable du Congo, tels programmés par le Gouvernement. Les équipes qui constituent la société « MAISONS SANS FRONTIERES CONGO » (MSFCongo) bénéficient de l’expérience déjà acquise dans le secteur de la promotion immobilière avec comme base de qualité, le dynamisme, la rigueur, la maîtrise technique, la bonne gestion et respect de l’aménagement urbain.
II - Projets Lotissement ROC de TCHIKOBO : Axe Central
III – Réalisations Lotissement ROC de TCHIKOBO
L’impact de l’habitat en milieu urbain peut contribuer pleinement au développement durable du Congo par la création de nouveaux espaces constructibles et de promotion immobilière. La société « MAISONS SANS FRONTIERES CONGO » (MSFCongo) en apportant une solution aux problèmes majeurs d’infrastructure et d’assainissement en plein centreville de Pointe-Noire, au travers des grands travaux réalisés dans le bassin de TCHIKOBO, conformément aux documents d’urbanisme (plans directeurs) l’opération d’aménagement et de construction d’immeubles dans le « lotissement ROC de TCHIKOBO » ambitionne de donner à la capitale économique un ensemble immobilier de grande envergure. Cet ensemble cohérent regroupe une zone d’activités tertiaires et une zone résidentielle de grand standing en harmonie avec son environnement.
une nouvelle route longeant le littoral. La société MAISONS SANS FRONTIERES vous propose 3000 maisons de divers standing avec une vue imprenable sur le bord de mer, dans un domaine de 600 hectares, face au Port. Situées dans l’extension urbaine du centre-ville, les résidences « CARAIBES » vous proposent une meilleure qualité de vie, avec une énergie propre et renouvelable (solaire) et une alimentation en eau à partir d’une nappe phréatique d’une grande pureté. Saisissez l’opportunité de devenir propriétaire dans les résidences « CARAIBES » et bénéficier des multiples services de santé, écoles, bibliothèques, centres commerciaux, administrations, activités sportives, hôtels, golf et parc zoologique.
Le projet « lotissement ROC de TCHIKOBO » a déjà permis la construction de plus de 300 villas de haut standing en plein centre ville de Pointe-Noire derrière la mairie centrale. Il prévoit la construction de 16 immeubles qui abriteront des banques, des administrations, des commerces, des hôtels, des cliniques le long d’un boulevard principal « Axe Central » en zone tertiaire.
La nouvelle ville de « KOUNDA » Les résidences « CARAIBES ». Offrez-vous un nouvel espace de vie d’exception dans la nouvelle ville de KOUNDA, à seulement 10 minutes du centre-ville de Pointe-Noire par
Le projet d’aménagement de la « lagune de TCHIKOBO » a eu pour objectif de réunir à un moment précis une conjoncture d’opportunités exceptionnelles à l’occasion d’importants travaux de dragage du port autonome de PointeNoire, qui ont été effectués au début de l’année 2 000. Cette conjoncture a permis de satisfaire aux objectifs d’utilité publique fixés par les autorités nationales et locales et également de doter la ville de Pointe-Noire de capacités immobilières nouvelles correspondant à ses besoins de développement. Cette opération favorise l’équilibre du plan général d’urbanisme en créant une liaison socio-économique entre la ville et le port tout en supprimant une lagune insalubre qui demeurait avant ces travaux un problème majeur d’urbanisme et d’environnement.
Roger ROC
Directeur Général MSF CONGO
MSF Congo S.A.R.L Siège social : BP. 13 934, Brazzaville - Succursale : BP. 1 320, Pointe-Noire - Informations TCHIKOBO : +242 22 94 17 60 Email : tchikobo@msfcongo.com - Informations KOUNDA : +242 05 709 30 08, +242 06 671 06 20 -
Site Web: www.msfcongo.com
Dossier BTP et infrastructures LIBERIA
Vale dans l’hydroélectricité
ZHU LAN/IMAGINECHINA
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CIMENTERIES
Sinoma consolide ses positions
La compagnie chinoise, maître d’œuvre des unités de production de Dangote, profite de l’expansion africaine du groupe nigérian.
L
e chinois Sinoma poursuit son offensive sur l’Afrique, dans le sillage du groupe Dangote. La compagnie basée à Pékin sera le maître d’œuvre des projets de cimenteries annoncés début avril par la société du milliardaire nigérian Aliko Dangote. Le contrat, dont le montant s’élève à près de 1 milliard d’euros, comprend la construction d’usines au Nigeria, au Congo, au Gabon, en Tanzanie, en Éthiopie et au Cameroun. Au total, ces sites permettront de produire 16,5 millions de tonnes de ciment. Déjà retenu en 2008 pour la réalisation de lignes de production au Nigeria, le groupe chinois est aussi en course sur un autre projet au Sénégal.
En une décennie, l’entreprise publique cotée à la Bourse de Shanghai est devenue l’une des plus importantes sociétés de construction d’usines de ciment dans les pays émergents. Des succès dus notamment à ses prix cassés, y compris sur la fourniture de l’acier, indispensable aux chantiers. En outre, Sinoma accepte les risques financiers liés aux contrats EPC (contrats globaux incluant l’ingénierie, l’approvisionnement et la construction), quand les entreprises européennes s’y refusent. Une stratégie gagnante. En 2010, la compagnie a enregistré une hausse de ses profits de 51,6 %, soit un total de 115 millions d’euros. ● JULIEN CLÉMENÇOT
LE GROUPE MINIER BRÉSILIEN Vale est en discussion avec Monrovia pour la reconstruction d’une usine hydroélectrique dans l’ouest du Liberia. Depuis la fin de la guerre civile, en 2003, six firmes ont signé des contrats dans le secteur minier. Ces accords représentent des investissements d’environ 10 milliards de dollars (environ 6,9 milliards d’euros) au total, une somme sur laquelle les autorités comptent pour participer à la reconstruction du pays: routes, énergie, chemin de fer… La remise en route de cette usine hydroélectrique permettrait à Monrovia de retrouver une puissance de quelque 1000 MW d’électricité. Le contrat pourrait être détaillé avant cet été. ●
TANZANIE
Barrage russe à Rumakali L A FIRME RUSSE Zarubezhstroi Corporation (Zars) a annoncé le 19 avril, lors du neuvième African Investment Forum, à Dar es-Salaam, qu’elle investira 700 millions de dollars (480 millions d’euros) sur cinq ans dans une usine hydroélectrique, à Rumakali, dans la région d’Iringa, dans le sud de la Tanzanie. Le complexe, d’une puissance initiale de 222 MW, atteindra à terme une puissance de 464 MW. La société russe, dirigée par Razmik Tarverdyan, est déjà implantée en Libye et en Ouganda, où elle a remporté le contrat du projet hydroélectrique de Karuma. ●
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Culture & médias
vaudo ARTS PLASTIQUES
Énigmatique
Comment exposer un culte qui reste mystérieux ? La Fondation Cartier pour l’art contemporain, à Paris, a choisi de privilégier la dimension esthétique des objets associés à la pratique. Une décision assumée, mais polémique.
NICOLAS MICHEL
E
lle est debout devant la porte, les bras le long du corps, la tête légèrement penchée sur le côté, comme empesée par une vague tristesse. Les veines du bois dont elle est faite ont été creusées par l’eau, le temps, le vent peut-être. Matériau brut, grâce du port : sa beauté est saisissante – même pour quelqu’un qui ignorerait tout de sa signification. Il s’agit d’une sculpture dite « bocio gardien », présentée au tout début de l’exposition « Vaudou » qu’organise la Fondation Cartier pour l’art contemporain, à Paris, jusqu’au 25 septembre 2011. Elle n’est pas seule : outre les bocio gardiens sculptés dans des troncs d’arbre et disposés à l’entrée des maisons pour les protéger et assurer la bonne entente de la famille, les visiteurs peuvent contempler, dans le clair-obscur du sous-sol, près d’une centaine de statuettes plus petites, chargées de cauris et d’ossements, parfois ligaturées ou transpercées de taquets, enveloppées d’une aura sombre et mystérieuse. Les organisateurs de l’exposition, dont la scénographie solennelle est signée par le célèbre designer italien Enzo Mari, ont fait le choix, radical, de ne rédiger aucun cartel explicatif. « Nous avons recherché une confrontation directe qui permette au spectateur d’entrer immédiatement en contact avec les œuvres, explique l’une des commissaires de l’exposition, Leanne Sacramonne. La fonction exacte et précise de l’objet est impossible à
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En savoir plus
Voodoo, de Gaël Voodoo Turine, éd. Lannoo, 228 pages, 45 euros.
Vaudou, collectif, Vaudou llectif, catalogue de l’exposition, éd. Fondation Cartier pour l’art contemporain, 236 pages, 49 euros.
connaître. C’est un parti pris que nous essayons d’assumer. » Collectionneur d’objets liés au culte vaudou et directeur de l’Office de tourisme d’Abomey et région, le Béninois Gabin Djimassé se montre compréhensif vis-à-vis de cette décision. « Je ne la condamne pas, dit-il. Même si l’on se mettait à donner des explications, la compréhension resterait difficile. Le vaudou, c’est une religion, une culture, une philosophie, une vie pour nous. » DÉSACRALISÉ. Ainsi, le plus facile reste de se
promener entre les bocio pour le seul plaisir des sens – un plaisir garanti par l’étrange beauté des pièces appartenant, pour la plupart, à la collection de l’expert Jacques Kerchache (1942-2001). Marchand d’art controversé, collectionneur avisé, baroudeur ayant écumé le Bénin dans les années 1960, ami du président français Jacques Chirac, qu’il aurait convaincu de créer le musée du Quai Branly, l’homme défendait cette position contemplative, aujourd’hui fréquente: « La valeur est dans l’œuvre qui se trouve devant moi, quelle que soit son origine, sa provenance, écrivait-il. Je n’ai pas besoin de traducteur, ni d’historique, ni de descriptif. Seul m’importe ce que l’artiste a voulu faire. » Ethnologue, professeur au Muséum national d’histoire naturelle, auteur du livre Le Scandale des arts premiers. La véritable histoire du musée du Quai Branly (éd. Mille et Une Nuits), Bernard Dupaigne s’inscrit en faux contre cette approche. « C’est une position de paresseux : “Admirons sans chercher à comprendre” ; de raciste : “Cela ne sert à rien de chercher la pensée des créateurs derrière la beauté des œuvres, ni la fonction de leur travail, ni le sens qu’il avait pour la société.” Pourquoi se demander à quoi les objets correspondaient dans leurs sociétés d’origine puisque, maintenant, ils ne sont plus que des marchandises désacralisées? En faisant sortir les œuvres du champ scientifique, on les fait entrer dans celui de la spéculation. Mais cela reste un appauvrissement de la connaissance, JEUNE AFRIQUE
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NOMBRE DE BOCIO (comme celui présenté à gauche) se retrouvent aujourd’hui loin de leur terre d’origine, le Bénin.
un refus de l’autre, qui va jusqu’au mépris, puisque le créateur ne pense pas… » Ainsi, celui qui veut tenter de s’introduire, même de manière furtive, dans la magie du vaudou devra donc se reporter au film, au catalogue et aux divers fascicules – le Guide des enfants est ludique et instructif ! – qui accompagnent l’exposition. Gabin Djimassé apporte pour sa part quelques précisions utiles sur les bocio. « […] Dans le contexte et l’imaginaire de la culture fon, […] pour atteindre la force insaisissable, divine, chacun peut utiliser l’intermédiaire qui lui est le plus proche, et à travers lequel se manifeste le souffle, écrit-il. Le bocio est un de ces objets. “Bocio” peut littéralement se traduire du fongbé (langue fon) par “cadavre qui possède du souffle divin”. » L’Occidental, pour qui la notion de vaudou se résume fort souvent à l’image d’une poupée percée d’aiguilles, apprendra que si le taquet de bois fiché dans la poitrine « vise à provoquer la mort », les taquets en général « ne sont rien d’autre qu’un élément servant à enfermer un souhait dans la sculpture », comme l’explique Leanne Sacramonne. COMBATTRE LES PRÉJUGÉS. Où se situer, entre l’immédiateté esthétique et les humaines complexités de l’anthropologie ? Gabin Djimassé apporte une réponse en demi-teinte : « On ne peut pas exposer le vaudou, car on ne peut pas exposer une religion. Ce que l’on voit, ce ne sont que quelques éléments qui participent à la gestion du culte… » Lui-même laïc et collectionneur, il ajoute : « Moi, je souffre à la place des objets. Ils ne sont pas dans leur environnement. Les statuettes montrées en vitrine, il faut habituellement entrer dans l’intimité des gens pour les voir. Elles ne sont pas conçues pour leur aspect esthétique ou bizarre, mais pour leur fonctionnalité. La preuve, on y verse régulièrement des éléments sacrificiels qui finissent par les recouvrir. Reste que les exposer en Europe a des aspects positifs : cela permet de parler du vaudou, de lever un coin du voile et de combattre un certain nombre de préjugés sur la pratique. » Pour lui, c’est aussi l’occasion de s’élever contre « la saignée » dont est victime le Bénin : nombre de bocio se retrouvent désormais loin de leur terre d’origine – aux États-Unis par exemple. « Si cela continue ainsi, les Béninois que nous sommes ne sauront plus ce qu’il s’est passé avant nous, s’exclame Djimassé. C’est une perte immense, car pour avancer les jeunes ont besoin de savoir ce que les anciens ont laissé. » Une perte pour les Béninois, sans doute, mais des gains confortables pour les collectionneurs et marchands avertis. Le 13 juin 2010, lors de la dispersion d’une partie de la collection Kerchache par la maison de vente aux enchères Pierre Bergé & Associés, plusieurs bocio ont été vendus aux alentours de 10 000 euros pièce. ● N o 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
PHOTOS YUJI ONO/FONDATION CARTIER
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Serge Moati « La Tunisie de 2011 me fait penser à la France de 1981 » Fidèle du président français François Mitterrand, le documentariste revient sur son parcours, trente ans après l’élection de mai 1981. Pour lui, un même vent de liberté souffle aujourd’hui sur son pays de naissance, la Tunisie.
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était il y a trente ans. Le 10 mai 1981. La gauche arrivait au pouvoir et rêvait de « changer le monde ». Trente ans après (Le Seuil, 330 pages, 19,50 euros) est la chronique allègre de cette époque, une splendide rétrospective de cette France où tout semblait possible et paraissait devoir être inventé. C’est aussi le portrait en creux d’un jeune homme idéaliste et ambitieux. Du fils d’un notable tunisien, juif, socialiste, militant pour l’indépendance. Serge Moati n’a que 11 ans quand il se retrouve orphelin. Ce sont de ces drames qui marquent une vie, aussi accomplie soit-elle. On comprend mieux dès lors sa fascination pour François Mitterrand, incarnation d’une figure paternelle absente. Son ascension sera filmée par Moati depuis le congrès d’Épinay (1971), au cours duquel il prend la tête du Parti socialiste (PS), jusqu’à la kitschissime cérémonie du Panthéon de 1981, en passant par les duels télévisés des élections présidentielles et ses derniers vœux aux Français. Aujourd’hui, le documentariste, qui, « à 64 ans, n’a pas l’intention de devenir un mec de droite », s’apprête à filmer les coulisses de la campagne présidentielle de 2012 et à publier un essai écrit « à chaud, avec émotion » sur les événements de Tunisie, sa seconde patrie. JEUNE AFRIQUE: Quel regard portez-vous sur la révolution tunisienne ? SERGE MOATI : Je suis de ceux qui pen-
sent, peut-être à tort, que le 14 janvier [jour de la fuite de Ben Ali, NDLR] marque le début de l’indépendance. Je souhaite de tout mon cœur que la Tunisie connaisse la démocratie qui lui a été confisquée depuis fort longtemps et qui n’est pas un luxe de bourgeois français interdit aux pays arabes. Il faut tordre le cou à ceux qui parient avec un air supérieur N o 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
que les pays arabes ou africains ne sont pas capables d’y accéder. Vous êtes donc optimiste ?
Je suis un pessimiste actif. Je veux que ça marche ; que, pour une fois, l’utopie gagne. On peut me traiter de gogo, mais je préfère être gogo avec ceux qui font bouger le monde que réaliste avec ceux qui ne font que le freiner.
d’un Conseil supérieur de l’audiovisuel, organisation de débats… Ce rapport a dû être enterré dans les sables de Foum Tataouine ! Vous quittez la Tunisie pour la France, en 1957. Puis, en 1965, vous répondez à une petite annonce et c’est au Niger que vous apprenez votre métier de cinéaste…
J’ai adoré ce pays. Je m’y suis fait des frères et sœurs – des lycéens de mon âge, puisque je m’occupais d’une télé scolaire et du cinéclub. J’ai découvert les danses de possession, la tradition africaine, la franc-maçonnerie à laquelle j’ai été initié. J’étais un jeune homme ardent qui voulait changer le monde. Le Niger m’a offert
Je suis de ceux qui pensent que le 14 janvier marque le début de l’indépendance. Aviez-vous senti venir cette révolution?
Oui, juste après la mort de Mohamed Bouazizi [dont le suicide a déclenché les premiers mouvements de révolte, NDLR]. Une anecdote m’a marqué. Je loue une maison à l’année à La Marsa, au bord de la plage. Des amoureux flirtaient tranquillement quand des flics sont arrivés comme des sauvages et les ont fait déguerpir. Un de mes amis leur a dit : « Arrêtez, que vous ont-ils fait ? » Quelques semaines plus tôt, il n’aurait jamais agi ainsi, car il savait que ça pouvait tourner au vinaigre. La plupart des gens avaient très peur, parce qu’ils avaient un appartement ou un emploi à défendre. Je suis de ceux qui avaient peur aussi. Je ne possède rien en Tunisie, mais je fais partie de la communauté juive et je n’avais pas envie qu’indirectement cela lui attire des ennuis. Aviez-vous des contacts avec Ben Ali ?
Je l’ai vu une fois, juste après qu’il a pris le pouvoir, en 1987. Il m’a dit : « Vous êtes un fils de Tunis et un conseiller de Mitterrand, aidez-moi à libéraliser la télévision. » Moi, naïf, je passe un weekend auprès de lui et, un mois plus tard, je lui remets un rapport : télévision indépendante du pouvoir politique, création
l’espace et la fraternité. J’avais l’impression de sortir de l’orphelinat. L’immense savane africaine, la virginité du monde… C’était beau. Vous y retournez ?
De temps en temps. J’ai fait plein de films en Afrique. J’aime beaucoup ce continent mais, par moments, il m’effraie. Il y avait plus de gentillesse avant, parce qu’il y avait plus de traditions, des sociétés initiatiques qui créaient un vrai ordre – qui ne reposait pas sur l’argent. Vous rencontrez Mitterrand en 1970. Comment vous est-il apparu ?
Impressionnant. Il était beau, d’abord. Très cultivé, extrêmement attentif. C’était un homme en pleine possession de sa vie : il aimait les femmes – vous riez, mais cela compte : ce n’était pas un politique classique. Ce n’est pas un hasard s’il a dit : « Après moi, il n’y aura plus que des comptables. » Nous parlions poésie, cinéma, femmes… C’était un homme drôle, à l’humour distancié et qui, pour moi, avait le mérite inouï de connaître la France des chemins vicinaux, des collines et des départements… Voyager avec lui était délicieux. Il m’a appris la France. JEUNE AFRIQUE
Culture médias Ý LE RÉALISATEUR D’ORIGINE TUNISIENNE filmera bientôt la campagne présidentielle de 2012, en France.
Vous êtes de ceux qui l’ont fait répéter pour son débat du second tour face à Chirac, en 1988. Qui a eu l’idée de lui faire appeler son adversaire « monsieur le Premier ministre » ?
Bérégovoy ou Fabius, je ne sais plus. Mais là où Mitterrand est fort, c’est qu’il ne se trompe pas une seule fois, lors du débat. Il avait une maîtrise extraordinaire. C’est pour cela que je l’adorais, moi qui suis impatient, émotif… Mitterrand m’a appris des choses qui n’ont aucun rapport avec la politique. À se battre sur ce qu’on croit être essentiel et à ne pas dévier. L’opiniâtreté, l’acharnement. Et il l’a fait : en quatorze ans, rien de capital n’a été entaché. Les socialistes voulaient « changer la vie ». L’avez-vous changée ?
Vous savez bien que non. Mais on a fait des choses concrètes, doublé les allocations familiales, le salaire minimum… On ne savait d’ailleurs pas très bien ce qu’on entendait par cette injonction rimbaldienne. Je croyais qu’on allait tous s’aimer, qu’il n’y aurait plus jamais de méchanceté.
BRUNO LÉVY POUR J.A.
C’était merveilleux !
Au début des années 1970, vous avez déjeuné chez lui avec René Bousquet, qui organisa la rafle des Juifs au vélodrome d’Hiver, en 1942. Cela ne vous a pas choqué ?
Je ne sais pas qui c’est, à l’époque ; c’est Jacques Attali – présent lui aussi à ce déjeuner – qui m’explique. Ça a glissé sur moi, je ne mesurais pas… Quand Mitterrand a dit à Attali : « Bousquet a sauvé notre réseau de résistants pendant la guerre », je n’avais pas de raison de douter de lui. Quel droit avais-je, moi, trente ans après, de condamner un type qui avait été blanchi à la Libération ? Je
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préfère me souvenir du Mitterrand jeune résistant, très courageux, qui fédérait les mouvements de prisonniers. Et puis, j’aime la complexité chez les gens. Notre seul moment de séparation s’est produit en 1986, au moment de la cohabitation. J’ai démissionné de la direction de FR3 [la chaîne de télévision régionale], car cela me déplaisait de découdre sous la droite la politique que j’avais mise en œuvre sous la gauche. « On ne déserte pas », m’a-t-il engueulé. On n’a plus échangé un mot jusqu’en 1988. Et là, grand seigneur, il m’appelle pour m’occuper de sa campagne…
Oui, mais on en était là, il y avait cette même naïveté, ce même enthousiasme qui, aujourd’hui, me poussent à croire que tout va bien se passer en Tunisie. Allez-vous filmer la campagne présidentielle de 2012 ?
Oui, j’adore filmer les coulisses de la politique. Je suis alors extraordinairement neutre. Ce qui m’intéresse, c’est le côté romanesque des choses. Je filme d’ailleurs plus facilement la droite que la gauche parce que, pour moi, c’est plus exotique. Je voudrais, aussi, que la gauche réinvente un peu de lyrisme. Le programme du PS est sage, raisonnable. Cela vous déçoit ?
Je pense que ce n’est plus de mon temps. C’est pour cela que ce livre est important pour moi : il parle d’une époque pas si lointaine où la gauche rêvait et savait faire rêver. On ne peut pas faire de politique réelle sans faire rêver. ● Propos recueillis par JOSÉPHINE DEDET N o 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
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ÉMILIE RÉGNIER POUR J.A.
ZEYNA THIATE, DEGUENE CHIMERE DIALLO ET NDIAYE MÔ NDIAYE, animateurs de Wareef, l’une des émissions phares de la TFM.
MÉDIAS
Ondes de choc
Voilà six mois que la télévision du chanteur Youssou Ndour a été autorisée à émettre. Disposant de gros moyens, elle s’est rapidement imposée dans le paysage audiovisuel sénégalais. Reportage.
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ilence en régie. Le mois de mars touche à sa fin, il est midi. Wareef, l’une des émissions phare de Télévision Futurs Médias (TFM), a repris après une pause d’un quart d’heure. Face à une demidouzaine d’écrans, le réalisateur, Tonton Mac, dirige calmement les techniciens. Tout en souplesse, malgré le stress du direct et l’apparente jeunesse de l’équipe. De l’autre côté du mur, sur le plateau surchauffé par les projecteurs, Ndiaye Mô Ndiaye, Deguene Chimère Diallo et Zeyna Thiate échangent en wolof sur le thème du jour : la planification familiale. À chaque semaine son débat : dans le passé, il a été question d’argent facile (des gigolos, de la prostitution), de pédophilie, de mariages interreligieux, de virginité… « Parfois, les échanges sont très durs. Il m’est arrivé de pleurer devant les caméras », confie Zeyna Thiate. « Dans la rue, il m’est aussi arrivé de me faire insulter. On dit que je suis indisciplinée. N 0 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
Mais je ne fais que parler au nom de ma génération. » Ce n’est jamais simple, au Sénégal, de se faire le porte-parole d’une jeunesse en rupture de traditions, surtout face à un sage aussi respecté que tonton Ndiaye. L’homme à la carrure imposante, enveloppé dans un boubou bleu et caché par des lunettes de soleil, est un monument du petit écran
Lancée en octobre 2010, la TFM, plus connue pour être « la télé de Youssou Ndour », a donné un coup de jeune au paysage audiovisuel sénégalais, pourtant bien fourni. Par choix : « On avait la volonté d’apporter une nouvelle manière de faire de la télé », indique Charles Faye, le directeur des sports, qui fait également office de conseiller en communication de la chaîne. Par obligation aussi : « Au début, on n’avait pas le droit de faire de l’info. On a donc misé sur le sport et les débats. » UN BUDGET COLOSSAL. Longtemps, les
autorités ont refusé une fréquence au chanteur, déjà patron de deux médias peu favorables au président Wade : le quotidien Youssou Ndour veut faire de TFM L’Observateur et la radio la première télévision africaine. RFM, tous deux nés en 2003. Une sorte d’Al-Jazira du continent. Quand Youssou Ndour a fini par obtenir sa licence, national : dix ans de télévision publique en mai 2010, celle-ci lui interdisait de avant de rejoindre la TFM. « À la RTS diffuser des journaux d’information. [Radio Télévision sénégalaise], je n’étais Mais, depuis janvier, l’interdit est tombé. pas à l’aise, dit-il. On ne travaillait pas Un soulagement pour l’unique actiondans de bonnes conditions et on avait naire, qui y fourre son nez à peu près moins de liberté. Cette émission est une tous les jours malgré un agenda chargé. bonne chose. Elle donne la parole aux « Youssou a mis beaucoup d’argent dans jeunes, qui ont besoin de s’exprimer. cette télé. L’investissement initial a été Elle nous permet aussi de leur donner de 1,4 milliard de F CFA [2,1 millions des conseils. » d’euros]. Entre 2008 et 2010, ça a été une JEUNE AFRIQUE
Culture médias période très difficile : il a dû acheter le matériel, payer les salaires, rembourser les emprunts, assurer la maintenance, sans aucune rentrée d’argent », indique Charles Faye, qui rappelle que, « sans info, une télé n’est pas viable ». Depuis quelques mois donc, la TFM propose deux journaux, en wolof et en français. « Ce ne sont pas des journaux classiques. Il y a des reportages, mais nous proposons également de nombreuses rubriques. Nous voulons aller au-delà de l’info », explique Khalifa Diakhaté, le présentateur du journal en français. Et ça marche, si l’on en croit la direction, qui, en l’absence d’études sur les audiences, se fonde sur la publicité pour l’affirmer. « On vend de plus en plus de pubs dans la tranche 20 heures-22 h 30. » Autre signe : les nombreux appels en provenance de l’étranger, lors de l’émission Wareef. Si la TFM n’est pour l’heure visible que sur le littoral sénégalais en analogique, elle l’est dans le monde entier via le satellite. « Youssou Ndour a une vraie ambition. Il veut faire de la TFM la première télévision africaine. Une sorte d’Al-Jazira du continent », précise un journaliste de la chaîne. Il s’en est donné les moyens : un budget annuel colossal (1,8 milliard de F CFA), un matériel dernier cri (« ça n’a rien à voir avec ce que j’ai connu avec la RTS », affirme un animateur), et un personnel de qualité (« il a recruté les meilleurs », estime un monteur). En tout, la TFM compte 105 employés. Situé sur la route des Almadies, un quartier chic de Dakar, dans l’ancien studio d’enregistrement de Youssou Ndour, le siège de la TFM ressemble à une ruche en pleine effervescence. Pendant que Zeyna Thiate se fait bousculer par tonton Ndiaye dans le studio, tout près de là, une dizaine de monteurs, tous très jeunes, s’abîment les yeux sur leurs Mac. Dehors, des journalistes partant en reportage croisent des ouvriers construisant de nouveau locaux. Au sous-sol, où se trouvent trois studios, Kouthia, la star de la chaîne, réfléchit aux sketches du jour. Dans quelques minutes, celui qui se compare aux Guignols de l’info français enregistrera son émission, Kouthia Show, diffusée entre 18 et 19 heures. Un rendez-vous satirique qui fait un carton. La veille, c’est un Kaddafi hystérique qui en a pris pour son grade. Ce soir ? Il imitera le président Wade en personne. « Il a reçu les lutteurs hier. On va bien rigoler. » ● RÉMI CARAYOL, envoyé spécial au Sénégal JEUNE AFRIQUE
Lu et approuvé ALAIN MABANCKOU Écrivain franco-congolais
TURBULENCES AMÉRICAINES
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ERCIVAL EVERETT, professeur de bibliothèque, il découvre une de littérature et de création science occulte proche de l’hypnose littéraire à l’université de qui lui permettra de se dépêtrer des Californie du Sud, soucis à venir. s’impose de plus en plus comme l’un des écrivains Pas Sidney décide américains les plus imporcependant de fuir Atlanta tants et les plus originaux. pour regagner LosAngeles, Dans Pas Sidney Poitier, armé d’un faux permis et nous ne sommes pas loin d’une voiture. Nous de l’univers de Effacement voilà alors plongés dans (Actes Sud), chef-d’œuvre une histoire digne des frèqui fit découvrir l’écrivain res Coen, entre O’Brother en France. et The Big Lebowski. À Ce nouveau roman nous peine sorti d’Atlanta, il est présente un personnage arrêté par un policier blanc Pas Sidney au nom étrange, Pas et enfermé en prison. Poitier, Percival Sidney, sorti du ventre de Revenu à Atlanta, Pas Everett, Actes sa mère après vingt-quatre Sidney entre à l’université Sud, 298 pages, 22,50 euros. mois ! Dès ses premières noire en soudoyant une rencontres avec le monde administratrice. Sa resextérieur dans les quartiers semblance avec l’acteur Sidney Poitier est de plus en plus noirs de Los Angeles, il essuie brimades et moqueries sur l’acteur noir flagrante. Dans cette fac, il rencontre l’écrivain Percival Everett, l’auteur américain Sidney Poitier, sans savoir pourquoi. Plus tard, à la mort de de Effacement, professeur de « phiMme Poitier – qui avait investi dans losophie du non-sens » et qui lui l’entreprise Turner –, Pas Sidney trouve une ressemblance troublante avec… le chanteur et comédien Harry Belafonte ! Le parcours de Pas Sidney continuera sur ce r y t h m e e ff r é n é , hérite d’une fortune colossale. Le ponctué de situations burlesques. patron de la société, Ted Turner – le Dans ce récit drôle et cruel, Percival magnat des médias américains –, Everett retrace en réalité l’itinéraire recueille le jeune enfant noir, qui d’un Noir américain qui porte sur devient Pou-ah, dans l’une de ses ses épaules les turbulences de l’Amérésidences d’Atlanta. Pas Sidney vit rique des années 1970-1980. On ne au rythme des exercices d’aérobic s’empêchera pas d’y voir l’œil incisif de Jane Fonda, des conversations du Chester Himes de La Fin d’un primitif et le parcours effronté de ce avec Turner, des cours particuliers donnés par une « sœur » noire plan« pauvre » Lee Anderson dans J’irai cracher sur vos tombes, de Boris tureuse aux accents marxistes, des Vian. Un livre qu’on aura du mal à leçons d’arts martiaux pour se protéger des jeunes qui le frappent. Rat refermer. ●
Une histoire digne des frères Coen, entre O’Brother et The Big Lebowski.
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Culture médias En vue ROMAN
■ ■ ■ Réussi
■ ■ ■ Excellent
Crime sans châtiment
NOTRE COLLABORATEUR BIOS DIALLO, mauritanien passionné de littérature, s’est lancé dans l’écriture (essais, poésie…) pour matérialiser son rêve d’une Mauritanie pacifiée. C’est le thème de son premier roman, Une vie de sébile, qui raconte une histoire d’amour entre une Pulaar et un métis maure. Histoire tragique, cet amour transgressif tra sif porte rte aussi en lui l’espoir de la réconciliation entre les différentes communautés mauritaniennes. La narration, trop classique et explicative, n’est pas toujours à la mesure du rêve qu’elle porte. ● TIRTHANKAR CHANDA
Une vie de sébile, de Bios Diallo, L’Harmattan, 198 pages, 19 euros ■■■
MUSIQUE
Mélodie des sables UN CHANT DU DÉSERT, lancinant et tendre. Accompagnée par des guitares électriques dont les notes tournent en boucles apaisantes, la voix douce d’Omar Moctar, dit Bombino, né en 1980 à Agadez (Niger), tisse d’en(N ivrantes mélodies iv qui donnent le goût qu du vertige et exaltent l’imaginaire. te L’univers de ce chanteur-guitariste touareg inspire une hallucinante force tranquille. Outre ce disque éclairé de Bombino, alors que s’annonce un nouveau Tinariwen, sont également parus récemmentlesnouveauxalbumsdes groupes touaregs Tamikrest, Terakaft et Toumast, qui ont aussi chacun des arguments pour ravir les amateurs de blues du désert. Le son touareg serait-il celui d’une nouvelle vague de la musique africaine en Europe ? ● PATRICK LABESSE
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■ ■ ■ Pourquoi pas
ROMAN
Réconciliation mauritanienne
Agadez, de Bombino (Cumbancha-Pias)
■ ■ ■ Décevant
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APRÈS SYNGUÉ SABOUR (Goncourt 2008), Atiq Rahimi s’attaque à un chefd’œuvre de la littérature russe. Un pari osé mais relevé avec brio. Un jeune Afghan assassine une usurière maquerelle qui abuse de sa fiancée. Mais « à peine Rassoul a-t-il levé la hache pour l’abattre sur la tête de la vieille dame que l’histoire de Crime et châtiment lui traverse l’esprit ». À l’instar de Raskolnikov, le héros de Dostoïevski, Rassoul sombre dans
une culpabilité qui le ronge. « Le meurtre n’a pas apaisé [sa] soif de vengeance. Il ne [l’]a pas réconforté. Au contraire, il a créé un abîme dans lequel [il s’] enfonce de jour en jour. » Rassoul devient « la victime de [s]on propre crime », que ses compatriotes refusent de condamner. En temps de guerre, « tuer est l’acte le plus insignifiant qui puisse exister ». Dans un style à la fois dépouillé et lyrique, Atiq Rahimi signe une fable aux accents… kafkaïens, qui interroge l’influence de la littérature sur la vie réelle. ● SÉVERINE KODJO-GRANDVAUX
Maudit soit Dostoïevski, d’Atiq Rahimi, P.O.L., 320 pages, 19,50 euros
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POLAR
Dans l’enfer des Flats BIENVENUE DANS LES FLATS, un township du Cap, où les « putes » sont « défoncées au tik », où les gangs font la loi et où les flics sont blancs, obèses et corrompus. Bienvenue dans l’univers terrifiant de Roger Smith. Le romancier sud-africain y parachute Jack Burn, l’ex-marine en cavale, Benny, l’ancien taulard, Disaster Zondi, l’enquêteur zoulou et Gatsby Barnard, le policier fou et raciste, survivance des années de l’apartheid. Les Blancs vivent dans des bunkers quand, dans les Flats, on tue, on viole, on torture. Du déjà lu ? Sans doute. Mais efficace tout de même. ● ANNE KAPPÈS-GRANGÉ
Mél Mélanges de sangs, de Roger Smith, Calmann-Lévy, 306 pages, 20,50 euros ■■■
DÉCOUVERTE
Imany, l’autre Tracy Chapman VOICI UNE VOIX ET UN NOM À RETENIR. Lancée par Malick N’Diaye, le producteur d’origine sénégalaise qui a découvert Ayo, Imany livre un petit bijou qui mêle avec sensualité la sobriété de la folk à la chaleur de la soul. Un timbre grave et suave à la Tracy Chapman et une légèreté qui n’est pas sans rappeler les ballades afro-soul d’Ayo, l’ex-mannequin d’origine comorienne (Nadia Mladjao, de son vrai nom) signe les douze morceaux de ce premier album chanté en anglais et saupoudré de quelques notes comoriennes (« Take Care »). ● S.K.-G. BARRON CLAIRBORNE
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The Shape of a Broken Heart, d’Imany (ThinkZik), disponible le 9 mai ■■■ JEUNE AFRIQUE
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LES FILMS DU RAPHIA
BON À SAVOIR
CINÉMA
Pirates ou corsaires?
Le Camerounais Jean-Marie Teno s’intéresse à la situation du cinéma en Afrique et à la multiplication des lieux de projection informels.
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ieux saints : curieux titre pour un portraits de personnages en observant la documentaire dont les héros sont vie quotidienne des voisins et amis de Boubacar Nanema, que tout le Bouba – du joueur de djembé à l’ingénieur monde appelle « Koro Bouba » sans emploi devenu écrivain public et dans le quartier populaire de Saint-Léon philosophe de rue. à Ouagadougou, et son vidéoclub. Quand Ce minuscule ciné joue un rôle de on sait que cette salle – une cour et quelcentre culturel dans un lieu défavorisé, ques chaises face à une modeste téléviallant jusqu’à organiser des séances sion – est située non loin de la cathédrale gratuites ou presque pour les enfants et de la grande mosquée de la capitale lors des vacances, alors même que son burkinabè et qu’elle sert de propriétaire-animateur n’en lieu de prière chaque matin, vit que chichement (des on comprend mieux. Mais recettes journalières autour Lieux saints évoque aussi de 2 500 F CFA ; moins de 4 euros). Mais avec une proune messe bien particulière où certains se rendent pour grammation faisant la part regarder ensemble des imabelle aux films d’action et ges sur un écran. Une messe aux chefs-d’œuvre africains, qui célèbre le lien entre créa« acquis » au prix d’un DVD, on a affaire ici à une entretion et sacré, montrant que prisedepiratage,alorsqueles le visible cache et révèle un Lieux saints, de Jean-Marie salles « normales » de Ouaga mystère qui fait le prix des Teno (sortie œuvres cinématographiques ont tant de mal à équilibrer le 4 mai) ■ ■ ■ et explique la fascination leurscomptesavecdestickets comme les émotions qu’elles à 500 F CFA – dix fois plus suscitent. qu’au cinéclub – après avoir payé leurs Le Camerounais Jean-Marie Teno, l’un charges et rétribué les cinéastes. Teno des meilleurs documentaristes du contin’esquivepaslaquestiondelaconcurrence nent, ne s’est pas intéressé à ce vidéoclub déloyale. Il a même emmené avec lui le plus grand nom du cinéma burkinabè, pour se contenter de proposer un bon Idrissa Ouédraogo, pour qu’il assiste à la reportage sur le cinéma populaire en projection de l’un de ses films. Son verdict: Afrique. Son film, accompagné comme ce lieu ne constitue pas une menace. Au toujours de considérations de l’auteur contraire, il accoutume au septième art, prononcées d’une belle voix chantante, s’interroge sur le rapport du public au sinon au grand écran, ceux qui ne peuvent cinéma, comme sur celui des cinéastes à y avoir accès autrement. ● leurs spectateurs. Et propose d’attachants RENAUD DE ROCHEBRUNE JEUNE AFRIQUE
Proposé pour le prestigieux prix Prince des Asturies de la Concorde, l’écrivain algérien Yasmina Khadra publiera son prochain roman le 8 septembre, aux éditions Julliard. L’Équation africaine relate l’histoire d’un médecin allemand qui part en mission humanitaire avec l’un de ses amis. Les deux hommes sont pris en otages au large de la Somalie. Libérés, ils doivent ensuite surmonter l’épreuve du retour dans leur pays. Une réflexion sur la violence – sa brutalité en Afrique, son caractère plus insidieux en Occident. Les autorités égyptiennes ont annoncé le 26 avril qu’une statue d’Amenhotep III (père d’Akhenaton et grand-père deToutankhamon) a été découverte en sept morceaux près de Louxor. Haute de 13 m, c’est la plus grande de ce pharaon jamais trouvée. Zaha Hadid a inauguré le 28 avril le pavillon Mobile Art, qu’elle a conçu à l’origine pour Chanel en 2007. Cet espace, nouvellement implanté sur le parvis de l’Institut du monde arabe (Paris), a ouvert ses portes avec une exposition consacrée à une sélection d’œuvres de cette architecte d’origine irakienne. Le 19 mai, la réalisatrice marocaine Leïla Kilani présentera Sur la planche à Cannes. Son film figure, en effet, dans la sélection de la Quinzaine des réalisateurs. Le 6 juin,Tahar Ben Jelloun publiera deux ouvrages chez Gallimard. Par le feu est une fiction consacrée à Mohamed Bouazizi. Dans L’Étincelle, l’écrivain marocain analyse les raisons des mouvements qui secouent le monde arabe et leurs chances de réussite. N O 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
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ANNONCES CLASSÉES
Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre -Tél. : 01 44 30 18 76 - Fax : 01 44 30 18 77 - Email. : f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique - 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris - France
AVIS D’APPEL D’OFFRES OUVERT
PORT AUTONOME DE LOME,TOGO (Afrique de l’Ouest) Date : 01/05/2011 - Appel d’offres N° PAL 001/11 Nom du projet : Réhabilitation des ducs d’albe n° 3 et 4 sinistrés de l’appontement pétrolier au Port de Lomé/Togo Financement par l’assureur de « AS VENETIA » GmbH & Co Kg, Hambourg/Allemagne 1) Le Port Autonome de Lomé / Togo a obtenu de l’assureur de « AS VENETIA » Gmbh & Co KG, Hambourg, la garantie du financement de la réparation du sinistre aux ducs d’albe n°3 et 4 de l’appontement pétrolier du Port de Lomé causé par le vraquier « AS VENETIA ». Il est prévu qu’une partie des sommes accordées au titre de ce financement sera utilisée pour effectuer les paiements prévus au titre du marché issu de la présente procédure d’appel d’offres. Sont admis à concourir tous les soumissionnaires répondant aux critères de compétence, d’expérience prouvée et de référence tels que définis dans les documents de l’appel d’offres. Les enterprises togolaises soumissionnaires devront être en règle vis-à-vis des administrations fiscals et parafiscales togolaises et devront présenter un quitus y relatif établi par ces administrations. 2) Le Port Autonome de Lomé représenté par son Directeur Général, lance le présent appel d’offres ouvert pour les Travaux de réhabilitation des ducs d’albe n°3 et 4 de l’appontement pétrolier du Port de Lomé, comprenant : • La fabrication et la mise en place par battage ou vibro-fonçage de 8 pieux métalliques, • La fabrication et le montage des équipements des ducs d’albe, • Les travaux de sablage et de peinture ainsi que de protection cathodique respctifs. Le délai d’exécution pour l’ensemble des travaux est estimé à cinq (5) mois. Les soumissionnaires intéressés à concourir peuvent obtenir des informations supplémentaires et examiner le Dossier d’Appel d’Offres dans les bureaux du Port Autonome de Lomé, Secrétariat Général de la Direction Générale, B.P. 1225, Lomé/Togo ; Tél. : 00228 227 47 42, Fax. : 00228 227 26 27. Une visite officielle des lieux peut être organisée sur demande des soumissionnaires. Les soumissionnaires intéressés à y participer devront se manifester auprès de l’Ingénieur-Conseil.
Appel d’offres
3) Le Dossier d’Appel d’Offres pourra être retiré par les candidats sur demande formulée en avance de 5 jours à l’Ingénieur-Conseil INROS-LACKNER AG, Port de Lomé/Togo (e-mail : il-lome@voila.fr) ou Bremen/Allemagne (bremen@inros-lackner.de), contre paiement de 200 000 FCFA ou 305,00 Euro, correspondant au prix de vente non remboursable d’un dossier sous forme digitalisée (CD). 4) Les offres présentées en un (1) original et trois (3) copies papier devront être valides pour une période de 90 jours à compter de la date limite de la remise des soumissions et doivent être accompagnées d’une garantie d’offre d’un montant de deux cents mille Euros (200 000 €) ou de sa contre valeur en FCFA. Elles doivent être remises à : Port Autonome de Lomé Secrétariat Général de la Direction Générale - Lomé / Togo avant le 06/06/2011 à 11 heure locale, heure de forclusion. Les plis seront ouverts le même jour à partir de 11h30 dans la salle de réunion de la Direction du Port en présence des soumissionnaires ou de leurs représentants uniques. 5) Les clauses du Règlement particulier de l’appel d’offres et celles des Conditions de contrat sont les clauses du FIDIC, version 1999 (« FIDIC RED BOOK »). 6) Les principaux critères de qualification, en plus des critères de compétence, d’expérience et de références en la matière, auxquels les soumissionnaires doivent satisfaire, sont les suivants : a) avoir réalisé un chiffre d’affaires annuel moyen pour des travaux similaires, notamment de battage ou vibro-fonçage de pieux ou palplanches, au cours des cinq (5) dernières années d’un montant équivalent à dix millions d’Euros (10 000 000 €), b) avoir réalisé avec succès en tant qu’Entrepreneur principal, au cours des cinq (5) dernières années au moins deux (2) projets de travaux similaires, avec références à l’appui, c) avoir à sa disposition au moment des travaux le personnel très expérimenté en travaux de battage ou vibro-fonçage de pieux ou palplanches inclinés, avec attestation de disponibilité et les CV et références de ce personnel à l’appui, d) avoir à sa disposition au moment des travaux le matériel de battage ou vibro-fonçage requis sur ponton ou plateforme flottante/levante, avec attestation de disponibilité et relevé des caractéristiques du matériel à l’appui, e) disposer de liquidités et/ou présenter des pièces attestant que le soumissionnaire a accès ou à sa disposition des facilités de crédit d’un montant au moins équivalent à deux millions d’Euros (2 000 000 €). 7) Le Maître de l’Ouvrage se réserve le droit de ne donner aucune suite à tout ou partie du présent Appel d’Offres. Le Directeur Général du Port Autonome de Lomé N° 2625 • DU 1er AU 7 MAI 2011
JEUNE AFRIQUE
REPUBLIQUE DU TCHAD PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE PRIMATURE MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE SECRÉTARIAT D’ÉTAT A L’ÉDUCATION NATIONALE SECRÉTARIAT GÉNÉRAL DIRECTION GÉNÉRALE DE LA PLANIFICATION ET DE L’ADMINISTRATION DIRECTION DES PROJETS ÉDUCATION PROJET D’APPUI A LA RÉFORME DU SECTEUR DE L’ÉDUCATION AU TCHAD
UNITE- TRAVAIL- PROGRÈS
Avis d’Appel d’Offres International
République du Tchad
Projet d’Appui à la Réforme du Secteur de l’Education au Tchad (PARSET) Acquisition et acheminement dans les centres de santé des médicaments et micro nutriments destinés aux élèves Don N° H 023 – 0 – CD Appel d’Offres International N° 01/C.PARSET/DPE/2011 1. Le Gouvernement de la République du Tchad a obtenu un don de l’Association Internationale de Développement (IDA) pour financer le coût du projet d’Appui à la Réforme du Secteur de l’Education au Tchad (PARSET). Il se propose d’utiliser une partie du montant de ce don pour effectuer les paiements autorisés au titre du marché relatif à l’acquisition et l’acheminement dans les centres de santé des médicaments et micro nutriments destinés aux élèves. 2. Le Ministère de l’Education Nationale, à travers la Coordination du PARSET, invite, par le présent avis d’appel d’offres, les candidats remplissant les conditions requises à présenter une offre sous pli cacheté pour l’acquisition et l’acheminement dans les centres de santé scolaire des médicaments et micro nutriments sous la Dénomination Commune Internationale (DCI) destinés aux élèves dans un délai de cinq (5) mois après la notification de l’approbation du Marché par l’Autorité compétente. Il s’agit des produits de santé et de compléments de nutrition définis sous la Dénomination Commune Internationale (DCI) ci-après : • Praziquantel : 600 mg en 10 blister de 10 comprimés sécables : 720 000 comprimés ; • Mebendazole 500 mg en 10 blister de 6 comprimés : 360 000 comprimés ; • Fer 200 mg + acide folique 200 mg en blister de 10 comprimés : 1000 000 comprimés ; • Vitamine A 200 000 U.I. en capsule vrac en boîte de 100 gélules : 360 000 gélules.
4. Les candidats intéressés remplissant les conditions requises peuvent obtenir un complément d’information auprès de la Coordination du PARSET/Direction des Projets Education et peuvent examiner le dossier d’appel d’offres à l’adresse indiquée ci-après Coordination du PARSET/Direction des Projets Education/Ministère de l’Education Nationale B.P : 1174 – Tél. : 2235 51 58 32 entre 08 et 15 Heures (Heure locale) tous les jours ouvrables et le vendredi de 8 à 11 Heures (Heure locale). 5. Les candidats intéressés peuvent acheter un jeu complet de documents d’appel d’offres rédigés en français, à l’adresse indiquée ci-après, moyennant paiement d’un montant non remboursable de soixante quinze mille (75 000) francs CFA ou en une monnaie librement convertible. Le paiement devra être effectué en espèce pour les nationaux. Pour les sociétés étrangères, par transfert. Les Candidats n’ayant pas de représentants à N’Djaména peuvent payer en plus, une somme de cinquante mille (50 000) F CFA ou de sa contre valeur dans une monnaie librement convertible comme frais d’expédition afin que la Coordination du PARSET (Direction des Projets Education) leur fasse parvenir le dossier complet de l’Appel d’Offres à une adresse précise qu’ils voudront bien indiquer. Le dossier sera envoyé par courrier rapide. 6. Les offres doivent être envoyées à l’adresse indiquée ci-après au plus tard le 17 juin 2011 à 09 heures précises (Heure locale). Elles doivent être accompagnées d’une garantie d’offre d’un montant au moins égal à deux pour cent (2 %) du montant de la soumission en monnaie nationale ou d’un montant équivalent en monnaie librement convertible. Les offres reçues après le délai fixé seront rejetées. Les plis seront ouverts en présence des représentants des Soumissionnaires qui souhaitent assister à la séance d’ouverture le 17 juin 2011 à 10 heures précises (Heure locale) dans la salle de réunions de la Direction des Projets Education (Coordination du PARSET), Sise derrière le Building de Moursal. Coordination du PARSET - Direction des Projets Education Ministère de l’Education Nationale - B.P : 1174 – Tél. 00 235 51 58 32 - Email : barka_adams@yahoo.fr ; yorade2@yahoo.fr Le Secrétaire Général du Ministère de l’Education Nationale Dr Dono Horngar J.Y. NELDITA JEUNE AFRIQUE
N° 2625 • DU 1er AU 7 MAI 2011
Appel d’offres
3. Le processus se déroulera conformément aux procédures d’appel d’offres international décrites dans les Directives : Passation des marchés financés par les prêts de la BIRD et les crédits de l’IDA ; tous les candidats des pays satisfaisant aux critères de provenance énoncés dans les Directives sont admis à soumissionner.
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Annonces classées REPUBLIQUE TUNISIENNE MINISTERE DE LA DEFENSE NATIONALE
APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL N° 09/2011/D.G.M.R.E. Le Ministère de la Défense Nationale se propose de lancer le présent appel d’offres pour l’acquisition de pièces de rechange (Superstructures, Tuyaux et Marmites d’Echappements, Radiateurs et réservoirs à Carburant). Les fournisseurs intéressés par cet appel d’offres peuvent retirer le dossier y afférent auprès de LA DIRECTION GENERALE DES MATERIELS ROULANTS ET DES ESSENCES – RN 1 - KM 30 – FONDOUK DJEDID - 8012 – NABEUL contre le versement de vingt cinq dinars par mandat postal au nom du Régisseur des recettes du Ministère de la Défense Nationale CCP N° 616-82 et ce tous les jours ouvrables comme suit : Du lundi au jeudi de 09H00 à 12H00 et de 13H00 à 15H00. Vendredi et Samedi de 9H00 à 13H00. Les offres techniques doivent être adressées au plus tard le 03 Juin 2011 (le cachet du bureau d’ordre de l’administration faisant foi). Les candidats doivent présenter leurs offres comme suit : L’offre technique constituée des documents administratifs et des documents techniques (article concernant « conditions de participation » paragraphe 3-1) du cahier des charges administrative particulières, consignée dans une enveloppe fermée et scellée portant la mention « A NE PAS OUVRIR OFFRE TECHNIQUE DE L’APPEL D’OFFRES N° 09/2011/DGMRE relatif à l’acquisition de pièces de rechange » sera envoyée par la poste en recommandée ou par courrier rapide (le cachet du bureau d’ordre de l’administration faisant foi) à l’adresse sus indiquée. Les soumissionnaires dont les offres techniques seraient retenues seront invités à envoyer leurs offres financières ultérieurement.
Appel d’offres
REPUBLIQUE TUNISIENNE MINISTERE DE LA DEFENSE NATIONALE
APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL N° 10/2011/D.G.M.R.E. Le Ministère de la Défense Nationale se propose de lancer le présent appel d’offres pour l’acquisition de pièces de rechange pour véhicules du type (LAND-ROVER DEFENDER). Les fournisseurs intéressés par cet appel d’offres peuvent retirer le dossier y afférent auprès de LA DIRECTION GENERALE DES MATERIELS ROULANTS ET DES ESSENCES- RN 1 - KM 30 – FONDOUK DJEDID - 8012 – NABEUL contre le versement de vingt cinq dinars par mandat postal au nom du Régisseur des recettes du Ministère de la Défense Nationale CCP N° 616-82 et ce tous les jours ouvrables comme suit : Du lundi au jeudi de 09H00 à 12H00 et de 13H00 à 15H00. Vendredi et Samedi de 9H00 à 13H00. Les offres techniques doivent être adressées au plus tard le 03 Juin 2011 (le cachet du bureau d’ordre de l’administration faisant foi). Les candidats doivent présenter leurs offres comme suit : L’offre technique constituée des documents administratifs et des documents techniques (article concernant « conditions de participation » paragraphe 3-1) du cahier des charges administratives particulières, consignée dans une enveloppe fermée et scellée portant la mention « A NE PAS OUVRIR OFFRE TECHNIQUE DE L’APPEL D’OFFRES N° 10/2011/DGMRE relatif à l’acquisition de pièces de rechange » sera envoyée par la poste en recommandée ou par courrier rapide (le cachet du bureau d’ordre de l’administration faisant foi) à l’adresse sus indiquée. Les soumissionnaires dont les offres techniques seraient retenues seront invités à envoyer leurs offres financières ultérieurement.
N° 2625 • DU 1er AU 7 MAI 2011
JEUNE AFRIQUE
Annonces classées REPUBLIQUE TUNISIENNE MINISTERE DE LA DEFENSE NATIONALE
REPUBLIQUE TUNISIENNE MINISTERE DE LA DEFENSE NATIONALE
AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL
AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL
La Division Achat et Transit de l’Armée de Mer se propose de lancer un appel d’offres international pour l’acquisition des éléments flottants.
La Division Achat et Transit de l’Armée de Mer se propose de lancer un appel d’offres international pour l’acquisition d’un système d’écrémage au profit de l’Armée de Mer.
Les soumissionnaires intéressés peuvent retirer les dossiers de l’appel d’offres pendant les jours ouvrables (horaire administratif) à l’adresse suivante :
Les soumissionnaires intéressés peuvent retirer les dossiers de l’appel d’offres pendant les jours ouvrables (horaire administratif) à l’adresse suivante :
Division Achat et Transit de l’Armée de Mer Base Navale de la Goulette – 2060 – LA GOULETTE
Division Achat et Transit de l’Armée de Mer Base Navale de la Goulette – 2060 – LA GOULETTE
Le coût du dossier est fixé à la somme de 25,000 Dinars payable par mandat postal adressé au nom du Régisseur des Recettes du Ministère de la Défense Nationale CCP n° 616-82.
Le coût du dossier est fixé à la somme de 25,000 Dinars payable par mandat postal adressé au nom du Régisseur des Recettes du Ministère de la Défense Nationale CCP n° 616-82.
Les offres techniques doivent être adressées à l’adresse cidessus indiquée dans une enveloppe cachetée, recommandée et portant lisiblement en haut et à gauche « Ne pas ouvrir Appel d’Offres n° 01/DAT/2011 pour l’acquisition de … » au plus tard le 03 Juin 2011, le cachet du bureau d’ordre de la DAT faisant foi.
Les offres techniques doivent être adressées à l’adresse cidessus indiquée dans une enveloppe cachetée, recommandée et portant lisiblement en haut et à gauche « Ne pas ouvrir Appel d’Offres n° 02/DAT/2011 pour l’acquisition de … » au plus tard le 03 Juin 2011, le cachet du bureau d’ordre de la DAT faisant foi.
N° 01/DAT/2011
AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL N° 01/2011/CMTS
Le Ministère de la Défense Nationale (Centre Militaire de Transfusion Sanguine), lance un Appel d’Offres International N° 01/CMTS/2011 pour l’acquisition des fournitures médicales et réactifs de laboratoires. Les fournisseurs intéressés peuvent retirer les dossiers d’Appel d’Offres pendant les jours ouvrables (de lundi à jeudi de 08h à 15h, vendredi et samedi de 08h à 13h) à l’adresse suivante : CENTRE MILITAIRE DE TRANSFUSION SANGUINE Ras-Tabia, 1 Rue des Etats Unis – 2000 LE BARDO Contre paiement de 25 Dinars par mandat CCP au RIP 1700100000000616.82 24 au nom de Mr. Le Régisseur des recettes du Ministère de la Défense Nationale. L’offre technique sera envoyée uniquement, dans une enveloppe fermée et portant la mention « A Ne pas ouvrir Appel d’Offres International n° 01/CMTS/2011 » à l’adresse sus indiquée, au nom de Mr. Le Chef du Centre Militaire de Transfusion Sanguine, dernier délai le 03 Juin 2011, (cachet du bureau d’ordre du Centre Militaire de transfusion Sanguine faisant foi). Toute offre parvenue après ce délai ou ne respectant pas les conditions sera automatiquement rejetée. Les fournisseurs acceptés techniquement, seront avisés ultérieurement pour présenter leurs offres financières. JEUNE AFRIQUE
N° 02/DAT/2011
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Appel d’offres - Formation
REPUBLIQUE TUNISIENNE MINISTERE DE LA DEFENSE NATIONALE
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AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL
COURS INTENSIFS D’ANGLAIS
1) Le Directeur Général de l’Institut Géographique du Mali invite, par le présent Appel d’Offres, les soumissionnaires éligibles selon les dispositions de l’article 18 du Décret n°08-485/P-RM du 11 août 2008 portant procédures de passation, d’exécution et de règlement des marchés publics et des délégations de service public à présenter leurs offres sous pli fermé, pour la fourniture et l’installation d’un réseau de deux (02) stations permanentes d’observations GPS GNSS en RTK à buts multiples pour le compte de l’Institut Géographique du Mali. II s’agit d’un lot unique et indivisible. 2) L’Institut Géographique du Mali a obtenu du budget d’État le financement pour la fourniture de matériels techniques modernes de cartographie et de topographie. Une partie de ces sommes accordées au titre de ce projet sera utilisée pour effectuer les paiements prévus dans le cadre de, l’exécution du marché de fourniture et d’installation d’un réseau de deux(2) stations permanentes d’observations GPS GNSS en RTK à buts multiples. 3) Les prestations prévues dans le cadre de ce marché sont à réaliser dans un délai de Cent Vingt (120) jours. 4) Les soumissionnaires intéressés à concourir peuvent obtenir des informations supplémentaires et examiner le dossier d’appel d’offres dans les bureaux de l’Institut Géographique du Mali BP 240 Bamako Sogoniko (Faso-kanu) Tel 00223 20 20 28 40 Fax : 00223 20 20 46 27. 5) Le Dossier D’appel d’Offres pourra être acheté par les candidats , sur demande écrite au service mentionné ci-dessus et moyennant paiement d’un montant non remboursable de Cent Mille (100000) Francs CFA. 6) Les Clauses des Instructions aux soumissionnaires et celles du Cahier des Clauses administratives Générales sont les clauses du « Dossier Type d’Appel d’Offres », passation des marchés de fournitures Août 2009 publié par la Direction Générale des Marchés Publics et des Délégations de Service public. 7) Toutes les offres doivent être déposées à l’adresse indiquées ci-dessus au plus tard le 07 juin 2011 à 10H et être accompagnées d’une garantie d’offre d’un montant au moins égale à Six Millions Deux Cent Cinquante Mille (6 250 000) Francs CFA. 8) Les Offres demeureront valides pour une durée de Quatre Vingt Dix (90) Jours à compter de la date d’ouverture des plis fixée au 7 juin 2011 à 10 heures. 9) Les offres doivent être présentées en langue française et seront remises à l’Institut Géographique du Mali, BP 240-Bamako, SOGONIKO (Fasso-Kanu) au plus tard le mardi 07 juin 2011 à 10 heures. L’ouverture des plis aura lieu le même jour dans la salle de conférence de l’Institut Géographique du Mali en présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent être présents à l’ouverture.
École Commerciale Privée fondée en 1955 THIS SCHOOL IS AUTHORIZED UNDER FEDERAL LAW TO ENROLL NONIMMIGRANT ALIEN STUDENTS
Comptabilité sur ordinateur Gestion de bureau sur ordinateur dBase Management® Microsoft Office Suite - Windows Traitement de texte Microsoft® Lotus Suite - (T1) Internet access • Membre accrédité du “ACICS” • Établissement reconnu par le Département d’Éducation de l’État de New York • Commence dès ce mois-ci • Cours offerts le matin, l’après-midi et le soir. Tél. (212) 840-7111 Fax (212) 719-5922 SKYPE : StudentClub SPANISH-AMERICAN INSTITUTE 215 W 43 St. (Times Square) Manhattan, NY 10036-3913
Appel d’offres - Formation
info@sai2000.org
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N° 2625 • DU 1er AU 7 MAI 2011
Le Directeur Général Ando ENKO GUINDO Ingénieur des Constructions Civiles JEUNE AFRIQUE
Annonces classées Plan Benin Country Office Patte d’Oie Parcelle 122 08 BP 699 Cotonou BENIN
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Tél. +(229) 21 30 39 51/21 30 64 97 Fax +(229) 21 30 54 42 Benin.co@plan-international.org www.plan-international.org
AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL OUVERT N°0050/CO/PO 4172/FY11 Pour l’acquisition de condoms masculins dans le cadre de la lutte contre le VIH/SIDA sur le round 9 du Fonds Mondial
Plan est une organisation humanitaire internationale de développement communautaire centré sur l’enfant sans affiliation confessionnelle, politique ou gouvernementale. La mission de Plan est d’apporter des améliorations durables dans la qualité de vie des enfants défavorisés des pays en développement, à travers un processus qui unit les personnes de cultures différentes et donne un sens et une valeur à leur vie. Plan Bénin a obtenu la subvention du Fonds Mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, pour le compte du 9ème tour afin de mettre en œuvre le projet dénommé : « Accélération de l’accès aux services de prévention de l’infection par le VIH, de soins et traitement et de soutien à base communautaire ». Six (06) Domaines de Prestations de Services (DPS) ont été confiés à Plan Bénin dont celui relatif à la promotion des préservatifs. La mise en œuvre de ce DPS prévoit la mise en place d’un système d’approvisionnement et de stockage en vue d’assurer une disponibilité permanente et rationnelle des condoms en collaboration avec la Centrale d’Achat des Médicaments Essentiels et Consommables Médicaux (CAME). Aussi, pour assurer l’approvisionnement en préservatifs, la CAME, lance-t-elle pour le compte de Plan Bénin, un Appel d’Offres International Ouvert pour l’acquisition de 6 868 600 emballages unitaires (conditionnement de 100) condoms masculins. Cet appel d’offres est ouvert à égalité de conditions aux entreprises qualifiées dans le domaine et disposant de l’expertise et de l’expérience requises pour la fourniture de condoms masculins répondant aux spécifications techniques exigées dans le Dossier d’Appel d’Offres.
Les soumissionnaires peuvent retirer le dossier complet d’Appel d’Offres ou obtenir de plus amples informations à partir du lundi 02 mai 2011 à 8 heures (heures locale, GMT +1) à l’adresse suivante : DIRECTION DE LA CAME 01 BP 3280 Cotonou – BENIN, Ex ONP – PK3 – route de Porto-Novo : TÉL. : (229) 21 33 09 48/21 33 28 64 ; Fax : (229) 21 33 08 51 ; e-mail : came.benin@intnet.bj Site Web : http//www.camebenin.org Toutes les offres doivent parvenir sous plis fermés ou être déposées au Secrétariat de la CAME à l'adresse indiquée ci-dessus, au plus tard le lundi 30 mai 2011 à 10 heures (heure locale, GMT +1). L'ouverture des offres aura lieu le même jour à 10 heures 30 mn, heure locale, dans les locaux de la CAME. La livraison est prévue à Cotonou au cours du mois de septembre 2011. Les soumissionnaires qui le souhaitent peuvent assister ou se faire représenter à la séance d'ouverture des offres. Les soumissionnaires resteront engagés sur leurs offres jusqu’à l’adjudication définitive et la signature du marché avec la CAME. Pour tout renseignement complémentaire, se rapprocher de la Direction de la CAME à l’adresse indiquée ci-dessus. Bell’Aube HOUINATO, Représentant Résident
Regional Head of Human Resources IUCN, the International Union for Conservation of Nature, was founded in 1948 and brings together over 1,100 members (States, government agencies, NGOs and affiliates) and some 11,000 scientists and experts from 181 countries in a unique worldwide partnership. Its mission is to influence, encourage and assist societies throughout the world to conserve the integrity and diversity of nature and to ensure that any use of natural resources is equitable and ecologically sustainable. IUCN is looking for an enthusiastic and talented candidate to fill the position of Regional Head of Human Resources (RHHR) located at Ouagadougou, Burkina Faso, its Regional Office for West and Central Africa. The Regional Head of Human Resources will be responsible for building a dedicated and motivated workforce in the region, and ensuring that global best practices in human resources management are implemented in support to IUCN’s programme in Central and West Africa. The position reports directly to the Regional Director and functionally to the Head, Global Human Resources in the IUCN Headquarters in Switzerland. Expected start date: Type of contract: Closing date for applications: Location:
June 1, 2011 One year (renewable) May 13, 2011 Regional Office for West and Central Africa Ouagadougou, Burkina Faso
For more information about the position, and to apply to the job, please visit the following link: https://hrms.iucn.org/iresy/index.cfm?event=vac.show&vacId=240 IMPORTANT: Only applications made through the online recruitment system will be accepted.
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Appel d’offres - Recrutement
VACANCY ANNOUNCEMENT
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Annonces classées BANQUE DES ETATS DE L'AFRIQUE CENTRALE
SERVICES CENTRAUX Commission chargée de la coordination et de la sélection du cabinet de consultants pour l’organisation du concours de recrutement des Agents d’Encadrement Supérieur à la BEAC
AVIS DE SÉLECTION INTERNATIONALE OUVERTE n° 01/BEAC/SG/DOAAR/CGAM/2011
D’UN CABINET DE CONSULTANTS POUR L’ORGANISATION D’UN CONCOURS DE RECRUTEMENT DES AGENTS D’ENCADREMENT SUPERIEUR La Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC) sollicite les services d’un Cabinet de Consultants pour l’organisation d’un concours de recrutement des Agents d’Encadrement Supérieur (AES), pour les métiers suivants : METIERS STATUTAIRES ✔ Gestion des Réserves de Change, ✔ Recherche, Etudes et Stabilité financière, ✔ Programmation et Politique Monétaires
Avis de Sélectiont
METIERS D’APPUI ET DE SURVEILLANCE BANCAIRE ✔ Système d’Information Comptable, ✔ Audit et Contrôle, ✔ Gestion des Ressources Humaines, ✔ Juristes, ✔ Monéticien, ✔ Ingénieur des Travaux, ✔ Ingénieur électromécanicien. Les services attendus du Cabinet comprennent : ✔ la rédaction et la publication de l’avis de concours dans les médias internationaux et locaux et sur les sites Internet du cabinet sélectionné et de la BEAC ; ✔ la réception par le cabinet des dossiers de candidature et l’établissement de la liste des candidats autorisés à concourir ; ✔ la convocation des candidats autorisés à concourir ; ✔ le choix des matières ; ✔ la confection des épreuves pour tous les métiers en français et leur traduction en anglais, en espagnol et en arabe ; ✔ l’organisation des épreuves écrites du concours ; ✔ la correction des copies ; ✔ le dépouillement et la délibération ; ✔ la restitution des résultats d’admissibilité au Gouvernement de la Banque, présentés par ordre de mérite, par métier et par nationalité ; ✔ la publication par le cabinet de la liste des candidats retenus pour passer les oraux par ordre de mérite, par métier et par nationalité sur les sites Internet de la BEAC et du cabinet ; ✔ l’organisation des épreuves orales et des tests psychotechniques ; ✔ la restitution des résultats définitifs au Gouvernement de la Banque, présentés par ordre de mérite, par métier et par nationalité ; ✔ la publication par le cabinet, de la liste des candidats déclarés définitivement retenus, sur les sites Internet de la BEAC et du cabinet. Les cabinets appelés à concourir doivent jouir d’une réputation internationale dans le domaine des procédures de recrutement par voie de concours ou de sélection des candidats à des emplois dans les institutions d’envergure et justifier d’une expérience d’au moins 5 ans en la matière. Les cabinets intéressés peuvent retirer le dossier de sélection comprenant (1) le présent avis, (2) le règlement particulier de la sélection, et (3) les termes de références, contre paiement d’une somme non remboursable de Francs CFA 500 000 (cent cent mille), soit 762,25 euros, aux adresses ci-dessous : Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC) Services Centraux, 736, avenue Monseigneur Vogt, BP : 1917 Yaoundé, CAMEROUN. Tél. : (+237) 22 23 40 30/60, Fax : (+237) 22 23 33 29. - BEAC - Direction Nationale - BP 83 - Yaoundé (Cameroun) ; - BEAC - Direction Nationale - BP 112 - Libreville (Gabon) ; - BEAC - Direction Nationale - BP 851 - Bangui (RCA) ; - BEAC - Direction Nationale - BP 501 - Malabo (Guinée Equatoriale) ; - BEAC - Direction Nationale - BP 126 - Brazzaville (Congo) ; - BEAC - Direction Nationale - BP 50 - N’Djamena (Tchad) ; - Bureau de la BEAC à Paris - 48, avenue Raymond-Poincaré, 75016 Paris (France). Le financement de cette opération est prévu dans le budget de l’année 2011 de la BEAC. Les offres sous pli scellé anonyme comportant la mention “ AVIS DE SÉLECTION INTERNATIONALE OUVERTE n° 01/BEAC/SG/DOAAR/CGAM/2011 D’UN CABINET DE CONSULTANTS POUR L’ORGANISATION D’UN CONCOURS DE RECRUTEMENT DES AGENTS D’ENCADREMENT SUPERIEUR, A N’OUVRIR QU’EN SÉANCE DE DÉPOUILLEMENT “, doivent être déposées en dix (10) exemplaires au plus tard le 23 mai 2011 à 13 heures, heure locale, à l’adresse ci-après : A Monsieur le Gouverneur de la BEAC - Commission chargée de la coordination et de la sélection du cabinet de consultants pour l’organisation du concours de recrutement des Agents d’Encadrement Supérieur - Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC) Services Centraux (DRH), 736, avenue Monseigneur Vogt, BP : 1917 Yaoundé Cameroun - Tél. : (+237) 22 23 40 30/60, Fax : (+237) 22 23 33 29 Yaoundé, le 19 avril 2011, Le Vice-Gouverneur, Président de la Commission, TAHIR HAMID NGUILIN
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Avis de vacance de poste
NB : Date limite d’envoi des dossiers : le 31 mai 2011 JEUNE AFRIQUE
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Recrutement
Le Fonds de Solidarité Africain (FSA), est une Institution Financière Multilatérale qui a pour mission de participer au développement économique de ses Etats Membres, en facilitant le financement des projets d’investissement tant dans le secteur public que privé. Ses principaux mécanismes d’intervention sont la Garantie Financière, la Bonification de taux d’intérêt et l’Allongement de durée de prêts. Il offre également à ses partenaires, la Gestion de fonds pour compte de tiers. Le FSA compte actuellement treize (13) Etats Membres que sont : le Bénin, le Burkina Faso, le Burundi, la Centrafrique, la Côte d’Ivoire, le Gabon, l’Ile Maurice, le Mali, le Niger, le Rwanda, le Sénégal, le Tchad et le Togo. Son siège est basé à Niamey au Niger. Dans le cadre de ses nouvelles orientations, le Fonds ambitionne de diversifier ses instruments opérationnels, de renforcer ses interventions en faveur des Etats Membres et d’améliorer son efficacité opérationnelle. Dans cette perspective, le Fonds procède au recrutement d’un Chargé d’Affaires confirmé. I) RESPONSABILITES ET TACHES Sous l’autorité du Directeur des Opérations et dans le cadre des objectifs assignés à sa Direction, le Chargé d’Affaires assumera les responsabilités et tâches ci-après : - recevoir et analyser les demandes d’intervention adressées au Fonds de Solidarité Africain par les Gouvernements des Pays membres, les Banques et les Sociétés de Gestion et d’Intermédiation Financière, et s’assurer de la conformité des projets présentés avec les règles d’intervention régissant le Fonds ; - procéder à l’évaluation et à l’instruction des projets soumis et élaborer les rapports et notes de présentation à soumettre au Conseil d’Administration ; - développer un portefeuille d’affaires et en assurer la gestion et le suivi ; - assurer le suivi des projets bénéficiant des interventions du Fonds aussi bien dans la phase d’exécution que durant leur exploitation, directement ou en liaison avec les partenaires financiers du Fonds ; - participer à la définition et à l’atteinte des objectifs de développement du Fonds et à l’optimisation de ses performances opérationnelles ; - participer à la mise en œuvre du marketing des produits offerts par le Fonds et à celle des actions de promotion ; - suivre l’évolution de la situation socio-économique et financière des Etats Membres du Fonds et élaborer des notes circonstanciées à l’attention de la Direction Générale ; - réaliser des études techniques que lui confiera sa hiérarchie ; - participer à l’élaboration du rapport d’activités de la Direction des Opérations dans le cadre du Rapport Annuel du FSA ; - exécuter toutes tâches relevant de sa sphère d’activités conformément aux instructions de la hiérarchie. II) PROFIL - être ressortissant(e) d’un des pays membres du Fonds ; - être titulaire d’un diplôme d’études supérieures (minimum BAC+ 5), en économie, finances, gestion des entreprises, ou d’un diplôme d’ingénieur. Une formation en analyse de projets, ingénieries financière et/ou techniques bancaires (formation de type CEFEB, COFEB ou équivalent) constitue un avantage ; - justifier d’un minimum de cinq (05) ans d’expérience professionnelle à un poste d’Analyste Financier ou de Chargé d’Affaires / Chargé d’investissement dans une banque, un organisme de garantie, un organisme de capital-risque / capital-investissement ou une institution financière internationale ; - avoir la maîtrise des techniques bancaires et financières, des techniques d’analyse de risques et d’évaluation des projets et entreprises ; - avoir une parfaite maîtrise de l’outil informatique (traitements de textes et tableurs) et de l’usage d’internet ; - avoir des bonnes dispositions de communication et un sens aigu d’organisation ; - être capable de travailler sous pression et en équipe ; - être bilingue (Français / Anglais) ; - être apte et disposé à effectuer des voyages par air et par route. III) COMPOSITION ET LIEU DE DEPOT DES DOSSIERS Les dossiers de candidature doivent comprendre : - une lettre de motivation adressée au Directeur Général du Fonds de Solidarité Africain et mentionnant les prétentions salariales ; - un curriculum vitae détaillé ; - une (01) photo d’identité récente. Les dossiers de candidature doivent être adressés soit par courrier express au Directeur Général du Fonds de Solidarité Africain (FSA), 617 Avenue du Président Karl Carstens, BP : 382 Niamey, République du Niger soit par courrier électronique à l’adresse suivante : fsa@fonds-solaf.org ou fsa@intnet.ne
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Recrutement
EXCITING CONSULTING OPPORTUNITY IN PORTS DEVELOPMENT IN EAST AFRICA TradeMark East Africa (TMEA) is an initiative funded by a range of development agencies to promote regional trade and economic integration in East Africa. TMEA works closely with national governments, business and civil society and East Africa Community (EAC) institutions. It supports East African economic integration by unlocking economic potential through (i) a reduction in transport and related costs along the key corridors in East Africa; (ii) engaging private sector and civil society to positively influence regional integration policies and practices for growth in trade; (iii) supporting partner states to substantially increase the implementation of a comprehensive framework for regional integration; and (iv) supporting EAC institutions to develop a comprehensive framework for regional integration. TMEA, in liaison with the COMESA-EAC-SADC Tripartite, IGAD and TradeMark Southern Africa (TMSA), is organising a High Level Investment Conference scheduled for 28 and 29 September 2011, where bankable projects and a project pipeline that will deepen regional integration will be presented for financing considerations, under the direction of the Tripartite. The objectives of this conference will be to agree and endorse at a high level the action plan for the development of the Northern, Central, Djibouti and Lamu Corridors; avail resources to develop a list of indicative projects for infrastructure investments on the Northern, Central, Djibouti and Lamu Corridors; undertake to have a smaller number of near-bankable or bankable projects that will be highlighted for public and private investment; and avail resources for regulatory reform and trade logistics technical assistance projects required to support investment in infrastructure for the Northern and Central Corridor. We seek to recruit a high calibre, results-oriented and self-driven professional to provide leadership, direction and technical expertise in support of the infrastructure investment conference in the position detailed below. Ports Adviser Reporting to the Deputy Chief Executive Officer - Regional Programmes, the Ports Adviser will lead the strategic analysis of the current operational efficiency of the Ports of Mombasa and Dar es Salaam and their capacity to effectively support trade facilitation and competitiveness within East and Central Africa regions. S/he will work with the TMEA Infrastructure Adviser to design strategic investment proposals geared towards improved port performance, in infrastructural and procedural competency in East Africa for the purpose of increasing trade and economic N° 2625 • DU 1er AU 7 MAI 2011
performance. The Ports Adviser will liaise with the TMEA Infrastructure Adviser to coordinate port infrastructure project development and packaging ahead of the infrastructure investment conference. This will include supporting the development and packaging of specific sequenced port investment projects that combine heavy infrastructure development with complementary Information and Communications Technology (ICT) projects for a holistic improvement of East African ports. The successful candidate will work closely with the Kenya and Tanzania Port Authority officials. In addition, s/he will work closely with the TMEA Economic Corridor team in Nairobi, Port Specialists in Dar es Salaam, as well as the TMEA Kenya and Tanzania Country Directors and their respective teams. This position requires an individual with high personal drive, initiative and leadership. The ideal candidate will possess an undergraduate degree in Ports Management, Engineering, Economics, or a related discipline. A Masters’ degree in a relevant field is an added advantage. The successful candidate must have at least 10 years of ports and infrastructure related experience preferably gained within East Africa including demonstrable skills and experience in ports development and management particularly related to improving cargo handling at ports, modernising port equipment and increasing port utilisation and efficiency. Application details The position is available on a 3 year contract beginning in June 2011 and will be based in Nairobi, Kenya. If your aspirations and experience match this exciting opportunity, please send us a cover letter and detailed CV, including your qualifications, experience, present position, and current remuneration. It should include names and addresses of three referees, a working e-mail address, and daytime telephone contacts. The cover letter must clearly indicate ‘Ports Adviser’ on the subject line. Send your application to recruitment@trademarkea.com by Friday, 6 May 2011 by 5.00pm East African time. Interviews are scheduled for the week commencing 16 May 2011 and will be held in Nairobi, Kenya. Further details about TradeMark East Africa can be found on our website: www.trademarkea.com Applications received after the deadline time and date will not be accepted. We reserve the right to accept or reject any application. Only short-listed candidates will be contacted. JEUNE AFRIQUE
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Creating Opportunity Where It’s Needed Most
Recrutement
ETUDIER AUX USA
Partez d’un REVE Evaluez vos options pour en faire un DEFI
Grâce à un suivi, transformez le en une REALITE Site web : http://www.ostructure.com/ JEUNE AFRIQUE
Directeur Général H/F - Burkina Faso - CDI - 110K€ Rattaché à la Direction Générale du Groupe, vous êtes en charge de définir et de mettre en œuvre la stratégie commerciale. Vous supervisez les aspects financiers et motivez vos équipes.Vous animez les relations avec les partenaires et les autorités locales et êtes garant du développement de l’activité et du respect des objectifs de rentabilité. Vous justifiez d’une expérience de 5 à 10 ans en tant que Directeur Général dans le secteur industrie en Afrique. Vos atouts sont : capacité à mobiliser et fédérer les équipes, expérience confirmée en management interculturel, anticipation, réactivité et force de propositions. Réf. : FADS015635 Postulez par email : fads@fedafrica.com
Fed Africa, cabinet de recrutement Middle et Top Management dédié au continent africain - www.fedafrica.com
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Vous & nous
Le courrier des lecteurs Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.
L’heure de vérité PLAISE À DIEU que le Cameroun ne connaisse pas la situation que nous avons vécue en Côte d’Ivoire ces dix dernières années, et que les indices de développement humain illustrent trop bien. La plupart des intellectuels camerounais qui se sont exprimés dans vos colonnes sur la fin de la présidence et du régime de Laurent Gbagbo ont deux choses en commun : ils ne vivent pas au Cameroun, et ils soutenaient ou défendaient Laurent Gbagbo. Le Festival international du film des droits de l’homme a été interdit au Cameroun. Mes yeux et mes oreilles sont ouverts pour saisir les réactions de Mme Beyala, MM. Kelman, Mbembe et autres. Grands ouverts. ●
Les vertus de la Françafrique SI LA FRANÇAFRIQUE sert à déloger les petits dictateurs qui s’accrochent au pouvoir, nous la voulons ! Si elle permet de sauver les pauvres populations massacrées par ces roitelets sanguinaires comme à Abobo, nous en raffolons. Si la France vient libérer les peuples et imposer la démocratie, nous en sommes fiers et demandons encore plus. Vive la Françafrique ! Tant que les Africains ne seront pas capables de régler les crises en Afrique, nous encouragerons les Français à imposer la démocratie dans ce continent plein d’espoir. Alors, longue vie à la Françafrique ! Vive la Côte d’Ivoire libre ! ●
S. KOUAMÉ
MARÈME SAGNA, Dakar, Sénégal
GNINAKAN SORO
UNE NOUVELLE FORMULE SÉDUISANTE TOUTES MES VIVES FÉLICITATIONS, chers Béchir BenYahmed, François Soudan et toute l’équipe de J.A., pour votre géniale idée de nouvelle formule de votre hebdomadaire, qui est devenu également, en quelque sorte, le « mien » ! Après avoir parcouru tous les nouveaux numéros de cette nouvelle formule et réalisé une brève comparaison avec l’ancienne, j’en déduis ce simple constat : c’est du nouveau et de l’ancien (mais non « vieillot ») bien tissés et plus colorés. L’information est enrichie, diversifiée et plus aérée. Cependant, la section Culture & médias, en soi intellectuellement nourrissante, me paraît un peu redondante et quelque peu décousue… J’ai peur que le lecteur (non suffisamment averti) ne se perde dans la présentation de petites brèves sur des parutions (romans, nouvelles, cinéma). Il faudrait plutôt lui présenter, comme le fait l’écrivain Alain Mabanckou, la moelle enrichissante de deux ou trois nouveaux ouvrages importants. Des ouvrages qui éclairent le questionnement sur les problèmes aigus de la mondialisation, par exemple, et leurs retombées sur le continent africain. Si vous me le permettez, je demanderai à votre rédaction de ne pas négliger de signaler la date de parution (mois et année) de tout livre présenté dans Culture & médias. En effet, il arrive souvent que l’on se contente de ne donner que la maison d’édition, le nombre de pages et le prix. C’est scientifiquement incomplet pour un lecteur-chercheur. Cela dit, je dois avouer que le travail abattu par l’équipe de J.A. est très louable. Et la nouvelle formule l’améliore encore, aussi bien sur le plan de la créativité que sur celui de l’esthétique et de l’infographie. Allez donc de l’avant ! ● ALOYS SHANYUNGU MPENDA-WATU, Goma, RD Congo N 0 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
Justice pour tous JE VOUS FÉLICITE, même si, parfois, je n’approuve pas vos analyses. Mais J.A. est exceptionnel. Sarkozy a son Saddam en Côte d’Ivoire, comme ce fut le cas pour Bush en Irak. L’alibi ? Des armes massives. Honteux ! Je ne suis pas d’accord avec la façon dont la France a installé Ouattara en Côte d’Ivoire avec la complicité de l’ONU et de Blaise Compaoré. Aujourd’hui, Guillaume Soro est le numéro deux de la Côte d’Ivoire, alors que c’est un rebelle. Demain, la France installera tous les rebelles au sommet des États africains. Cela m’inquiète. Donc, pour guérir la Côte d’Ivoire, il faut juger Gbagbo & Cie. D’accord, mais en remontant jusqu’au début des événements, avec un certain Ibrahim Coulibaly, dit IB. Et que la justice n’oublie pas les Forces nouvelles, en commençant par Duékoué. ●
Une passion ancienne SALUT À TOUTE LA RÉDACTION ! Je suis un de vos fidèles lecteurs. Votre magazine approfondit mes connaissances. Tout a commencé dans mon enfance lorsque mon père, après avoir lu J.A., me montrait les photos des grands hommes que vous publiiez. C’est ainsi que j’avais fini par me passionner pour J.A., qui demeure pour moi un héritage laissé par mon père, Pierre Ramséngar, après sa mort. Malgré ma pauvreté, je me sacrifie pour avoir ne serait-ce qu’un numéro de J.A. chaque mois. Je me sens heureux et fier de vous lire. Tout ce que je vous souhaite, c’est une vie éternelle. Le monde est votre maison. ● THÉODORE NODJIHITIBAYE, N’Djamena, Tchad
Fidélité sans faille JE SUIS, PARMI D’AUTRES, un vieux lecteur de J.A.: plus de quarante-cinq ans sans aucune interruption. C’est un « camarade » indispensable auquel je veux rendre hommage. J’ai d’abord lu le journal, à l’époque encore peu connu, du fait de mon métier (participation en tant que jeune cadre aux activités internationales JEUNE AFRIQUE
Vous nous
D.R.
dessinait, venant de son créateur et animateur d’ensemble : son président, Béchir Ben Yahmed. Depuis cette première époque, devenu par la suite patron d’un cabinet d’affaires, j’ai toujours apprécié les analyses de J.A., qui s’étendent à bien des pays dans le monde. Et c’est un travail journalistique de grande qualité. Enfin, j’ai tiré parti du mensuel La revue, nouveau cousin de J.A. qui, sur d’autres plans, me permet de mieux comprendre « les va-et-vient » de l’Histoire dans ses complications et imbrications. Longue vie à J.A. comme il le mérite. ●
En souvenir de Jean Védrine Lors de la disparition de Jean Védrine (au centre sur la photo), en janvier 2010, J.A. lui avait rendu un hommage remarqué à travers la plume de Jean Lacouture. C’est pourquoi je vous fais part d’une manifestation organisée à Casablanca, le 16 avril, en souvenir de cet homme d’exception, qui a beaucoup œuvré pour l’amitié entre la France et le Maroc. La médiathèque du lycée Massignon porte désormais le nom de Jean Védrine. Cela s’est passé en présence des membres de sa famille, dont son fils Hubert Védrine. Et des amis comme M’Hamed Boucetta, Mahjoubi Aherdane, André Azoulay, la famille d’Abderrahim Bouabid. Ce fut l’occasion de rappeler comment, dans les années 1950, Jean Védrine s’était attelé à convaincre les gouvernements et l’opinion en France de mettre fin au protectorat. ● A.B., CASABLANCA, Maroc d’une banque française présente à l’étranger, appelée à devenir la plus importante de sa catégorie). Par la suite, après de nombreuses années passées dans ce même établissement, le temps de la retraite sonna. J’ai alors créé un cabinet de conseils financiers à vocation internationale. Dès mes débuts dans cette banque, la lecture de J.A. m’a apporté une connaissance des pays africains, voire du Moyen-Orient, base de mes activités, qui m’a grandement aidé dans l’aptitude à saisir « qui était qui » et de quoi il s’agissait. Autrement dit des hommes responsables et leurs JEUNE AFRIQUE
affaires. J’ai accordé une importance particulière à l’éditorial du journal non pas seulement pour comprendre la ligne de conduite de la rédaction, mais surtout pour la vision du monde qu’il
FRANÇOIS HECKER, directeur général honoraire de la Banque nationale de Paris (BNP)
Haïti : le choix de la jeunesse J’AI LU DANS J.A. n° 2622 l’article consacré à l’élection de Michel Martelly à la tête d’Haïti. Pour moi, ce choix du peuple haïtien est l’ultime espoir pour remettre sur pied cette île ravagée depuis maintenant deux siècles par les drames, les reconstructions défaillantes, les coups d’État incessants des politiciens mafieux… Michel Martelly ne doit pas, en tout cas, sa victoire à la corruption ou aux connexions politiques. Les gens, surtout les jeunes, dégoûtés par une classe politique mythomane, lui ont fait confiance. N’est-ce pas là le plus important ? Je ne suis pas surpris par cette victoire. Je crois à la sincérité de Martelly quand il parle de travailler pour sortir Haïti de ses malheurs et de redonner aux Haïtiens leur liberté, leurs droits, leur dignité. Non, le président Martelly ne deviendra pas un maître chanteur comme ses prédécesseurs. Fok souwete bon kouraj e devouman nan Michel Martelly ! ● WILLY KABULA PETEMBUE, Amsterdam, Pays-Bas
Rectificatifs ME RÉFÉRANT À un article paru dans J.A. n° 2622 consacré à la Tunisie et intitulé « Touche pas aux droits de la femme », j’aimerais rectifier deux informations me concernant. Premièrement, je n’ai pas de blog. Je suis juste assez active sur internet et particulièrement sur les réseaux sociaux. Deuxièmement, je suis loin d’être l’initiatrice de Nhar ala Ammar. Je n’ai fait que participer activement à relayer et soutenir la campagne sur Facebook. ● MOUNA BEN HALIMA, Tunis, Tunisie N 0 2625 • DU 1 ER AU 7 MAI 2011
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HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL POLITIQUE, ÉCONOMIE, CULTURE
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Post-scriptum Fawzia Zouari
Fondé à Tunis le 17 oct. 1960 par Béchir Ben Yahmed (51e année) Édité par SIFIJA Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS Tél. : 01 44 30 19 60 ; Télécopieurs : rédaction 01 45 20 09 69 ; ventes : 01 45 20 09 67 ; Courriel : redaction@jeuneafrique.com DIRECTION Directeur de la publication : BÉCHIR BEN YAHMED (bby@jeuneafrique.com) Directeur général : Danielle Ben Yahmed Vice-présidents: Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed Actionnaire principal : Béchir Ben Yahmed
Dérives méditerranéennes
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A ME RAPPELLE LA PREMIÈRE GUERRE DU GOLFE. Entre les rives nord et sud de la Méditerranée, c’est la discorde. Et les amitiés franco-arabes s’en ressentent. À preuve, je me suis accrochée avec ma copine Françoise, celle dont je vous parle de temps en temps dans ces colonnes. Elle dit ne pas comprendre ces Tunisiens qui fuient leur pays alors qu’ils viennent de faire la révolution. Je corrige : ils ne « fuient » pas leur pays, ils le « quittent ». Elle fait semblant de ne pas m’entendre. Cette révolution l’a laissée « baba », poursuit-elle. Elle s’attendait à ce que les enfants de Bourguiba soient réconciliés avec leur pays et contents de rester chez eux. Qu’ils n’aient qu’une envie, un devoir : mettre la main dans le cambouis, construire le chantier de la démocratie, quitte à faire du bénévolat. Je lui réponds que les Tunisiens ont besoin de dignité, certes, mais de pain également, ce que les nantis occidentaux comme elle ne comprennent pas. Elle insiste : « À leur place, je serais restée. La révolution mérite qu’on se sacrifie pour elle. » J’esquive pour mieux attaquer : « Et moi, à la place de certains Français, j’aurais milité pour réhabiliter la révolution de 1789. Elle est en passe de se fissurer, de perdre ses valeurs fondamentales, dont la fraternité. Y a qu’à voir : on traite les clandestins comme des bêtes pestiférées. Or la Tunisie abrite dignement ses quelque 200 000 réfugiés – soit dix fois plus que les arrivants de Lampedusa – à qui elle offre le couvert et le gîte. » Françoise s’est tue, avant de se raviser : « Tu ne comprends pas les enjeux. Sans ce flux d’immigrés, nous n’aurions pas été menacés par la vague Marine Le Pen. » Une insidieuse envie de l’énerver me fait dire : « Et encore ! Tu n’as rien vu du tsunami qui se prépare si les révolutions maghrébines accouchent de l’islamisme! Ce sera la vraie déferlante arabe sur l’Europe. » Elle rétorque : « Mais, là au moins, ceux qui fuiront l’intégrisme seront des laïcs, ils ne réclameront ni niqab ni viande halal chez nous ! » Je réponds qu’on ne les distinguera pas forcément des autres. La plupart des musulmans de France ont beau respecter la laïcité plus strictement que le ramadan, ils sont pris malgré tout pour des islamistes. J’ajoute que le parallèle peut être fait avec le parti lepéniste : 80 % de ses adhérents n’ont jamais fréquenté un Maghrébin, mais ils rêvent néanmoins de les voir déguerpir. Françoise s’est levée en soupirant. « Je ne te comprends pas. Allez, faut que je parte ! » J’ai failli lui lancer : « C’est ça, dégage ! » Mais s’il y a quelqu’un à qui on peut demander de dégager, c’est à moi qui suis dans son pays. Entre une France qui ne veut plus de ses immigrés musulmans et les révolutions arabes qui risquent de basculer dans l’islam pur et dur, où aller ? Le souvenir des femmes de mon village jadis enfermées entre quatre murs me revient : acculées au pire, ne sachant où aller, elles avaient cette phrase à la bouche : « Mon Dieu, où vais-je trouver refuge ? » Comme quoi, le monde n’a peut-être pas changé ! ●
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