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MADAGASCAR EXCLUSIF : RAJOELINA, CARTES SUR TABLE

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 51e année • N° 2626 • du 8 au 14 mai 2011

jeuneafrique.com

CÔTE D’IVOIRE KONAN BANNY, LE RETOUR GABON BRAS DE FER AUTOUR DE BELINGA ALGÉRIE UNE SOIRÉE AVEC BEN BELLA FOOT FRANÇAIS BLACK, BLANC, BEUR

« On l’a eu ! » « We got him ! » Barack Obama, le 1er mai 2011

Le monde après Ben Laden, spécial 10 pages

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| Not for sale.


Le goût du monde

53 escales dans le monde dont 14 en Afrique Le goût du monde pour Servair c’est – hier, aujourd’hui et demain – beaucoup celui du continent africain. Le goût d’y tisser des partenariats respectueux des normes internationales et des spécificités locales. Le goût des métiers de la restauration et aussi de ceux des services aéroportuaires. Et bien sûr, le goût du service pour répondre aux attentes quotidiennes et événementielles de nos clients : compagnies aériennes, entreprises et collectivités.

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Ce que je crois BÉCHIR BEN YAHMED • bby@jeuneafrique.com

SAMEDI 7 MAI

L’après-Ben Laden

D

ANSLANUITDU1ER AU2MAI,BarackObama,président des États-Unis, a annoncé aux Américains et au monde que ses hommes avaient retrouvé Oussama Ben Laden, le chef d’Al-Qaïda, au Pakistan. Et qu’ils l’avaient abattu. Les Américains n’ont pas laissé le corps aux siens, ils ne l’ont pas non plus remis à l’Arabie saoudite pour qu’il soit enterré là où il est né. Ils disent l’avoir confié à la mer. Ils assurent qu’ils ont respecté la dignité de l’homme et les rites de sa religion. Personne ne sait si c’est vrai, et personnellement j’en doute. ■

Nous n’avons pas vu non plus de photos de Ben Laden mort: contre l’avis de ses collaborateurs, dont le directeur de la CIA, le président américain a décidé qu’il n’était pas de l’intérêt de son pays d’en publier. Les clichés du cadavre seraient trop « atroces » pour être montrés. Onn’adoncpaslecorpsdeBenLaden,confisquéparceux qui l’ont tué, et on ne verra pas la photo de sa dépouille: dans ces conditions, certains se persuaderont, malgré tout, que le chef d’Al-Qaïda n’a été ni retrouvé ni tué. Le président des États-Unis a préféré cet inconvénient à celui qui aurait résultéde lapublication de photosmontrant aux musulmans un Ben Laden défiguré. Pourmapart,etavantmêmequesamortnesoitreconnue par son « organisation », j’ai toujours pensé qu’Oussama Ben Laden était bien dans la grande villa pakistanaise dont on nous a montré la photo et qu’il a été exécuté sans merci par les commandos des Navy Seals chargés de cette besogne. ■

Vous et moi devons constater que nous ne disposons que de la version américaine des faits. Nous ne savons que ce qu’ils ont bien voulu dire, ignorons ce qu’ils gardent pour eux et devons croire leurs mensonges jusqu’à ce qu’ils les démentent eux-mêmes : ne nous ont-ils pas sciemment désinformés en racontant d’abord que « Ben Laden était armé et qu’il avait utilisé l’une de ses femmes comme bouclier humain » avant de revenir sur cette assertion, la jugeant sans doute « trop grosse » ? Ne nous disent-ils pas encore aujourd’hui, sans autre précision, que « Ben Laden a résisté », raison pour laquelle ils l’ont tué au lieu de le capturer ? Mais l’Amérique est une démocratie, où, on le sait, la JEUNE AFRIQUE

presse est particulièrement puissante et vigilante. Ses dirigeants ont assurément la possibilité de présenter les faits à leur avantage. Mais ils ne peuvent courir le risque de travestir la vérité. Le récit qu’ils ont fait de la traque de Ben Laden et de sa mort a certes sa part d’ombre, mais il doit être vrai dans ses grandes lignes ; en tout cas, il permet à l’analyste de deviner ce qui est seulement suggéré et d’en tirer beaucoup d’enseignements. Je vous livre les réflexions qu’il m’inspire. ■

1- On savait que Ben Laden redoutait d’être capturé et préférait de loin être tué. Les dirigeants américains, eux, disent qu’ils auraient préféré le capturer et ont été obligés de le tuer. On ne peut pas les croire : de leur propre aveu, ils ont tué un homme non armé et d’autres qui ne l’étaient pas davantage, et blessé des femmes. Il s’agissait pour eux de venger leurs morts en exécutant l’homme qui leur a infligé l’humiliation du 11 septembre 2001. Les ordres devaient être de le tuer, et les commandos l’ont fait sans doute avec plaisir et acharnement, au point qu’il n’était plus présentable. Il s’est agi, à mon avis, d’un meurtre d’État, et la liesse populaire qu’il a déclenchée aux États-Unis a montré que les Américains se sont sentis vengés. J’ajoute que le fait de dérober le corps et de lui refuser un enterrement va dans ce sens, même si les Américains avaient d’autres raisons. « Justice est faite », a dit le président Obama. C’est inexact: « une justice qui tue sans juger n’est pas la justice ». ■

2- Al-Qaïda n’a pas été capable d’assurer la sécurité de son chef, et ce dernier, s’il vivait depuis cinq ans dans la villa de plusieurs étages où il a été surpris et tué, ne se comportait pas comme un homme en guerre, recherché par des ennemis qu’il sait puissants et implacables. Il ne disposait ni d’une protection ni d’un système d’alerte dignes de ces noms. On a pu arriver à l’endroit où il vivait, y pénétrer, le tuer avec son fils, confisquer et son corps et ses documents, avant de se retirer tranquillement, au bout de quarante minutes, sans une égratignure. 3- Le Pakistan se dit l’allié des États-Unis. Il donne l’impression d’être un État vassal, voire un protectorat, en tout N 0 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011


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Ce que je crois cas un pays non gouverné: Ben Laden a pu s’y installer avec un entourage de vingt ou trente personnes sans que les principaux dirigeants politiques du pays le sachent. Quant aux États-Unis, leur équipée contre Ben Laden montre qu’ils peuvent mener au Pakistan toutes les opérations qu’ils veulent sans prévenir ni avoir à s’excuser. 4- Vivant, Oussama Ben Laden, par ses actes et ses paroles, a assuré à George W. Bush une grande popularité et l’a aidé à se faire réélire en novembre 2004. Mort, il rend le même service à son successeur, Barack Obama, dont la cote de popularité a grimpé de onze points du jour au lendemain. S’il est réélu l’année prochaine, il le devra, au moins en partie, au fait d’avoir tué Ben Laden. Cela dit, à cause du chef d’Al-Qaïda, les Américains sont en guerre depuis dix ans, ont dépensé de ce fait 2000 milliards de dollars, se sont lourdement endettés et ont été distraits de leur compétition avec la Chine. ■

5- La mort de Ben Laden aura-t-elle pour conséquence la disparition d’Al-Qaïda et du terrorisme islamiste ? À terme, très certainement, même si une organisation aussi décentralisée qu’Al-Qaïda peut survivre sans chef reconnu et accepté, sans commandement unifié, sous la forme d’entités autonomes. Elle marque en tout cas la fin d’une époque. Ni Ayman al-Zawahiri ni aucun autre dirigeant de l’organisation ne pourra remplacer Oussama Ben Laden, dont Ali H. Soufan* a écrit: « Son parcours était unique, avec son passé de combattant contre les Soviétiques dans les années 1980,

ou celui de richissime homme d’affaires qui plaqua tout pour mener une vie austère de moudjahid. » Il ajoute: « Avec le printemps arabe, Al-Qaïda est devenue quasiment obsolète. Les peuples arabes ont réalisé qu’ils n’avaient pas à combattre leur ennemi lointain américain pour faire tomber leurs dirigeants comme le proclamait Ben Laden. » ■

Autre grand connaisseur du djihadisme, le professeur Olivier Roy est catégorique: « Le fait que les Américains aient réussi à trouver Ben Laden prouve que l’organisation, en perte de vitesse, était à bout de souffle. Ben Laden ne pouvait plus circuler et il n’a atteint aucun de ses objectifs: il n’a renversé aucun tyran arabe – ce que les peuples ont réussi à faire – ni chassé les Israéliens de Palestine. En cours d’extinction depuis le 11 septembre 2001, le mouvement peut encore faire parler de lui, inquiéter l’Amérique et ses alliés, mais il ne peut plus revenir au centre des enjeux du monde musulman. » ■

Quoi qu’il en soit, dans l’après-Ben Laden, les dictateurs arabes ne peuvent plus invoquer son nom pour justifier leur maintien au pouvoir et leurs actes. Mais quid de l’Amérique? Se sentira-t-elle apaisée après avoir tué celui qui l’a humiliée? Profitera-t-elle de sa disparition pour se retirer plus vite d’Afghanistan? Nous ne tarderons pas à le savoir. ● * Ali H. Soufan est un agent du FBI qui a interrogé des détenus membres d’Al-Qaïda.

Humour, saillies et sagesse Pour vous faire sourire, grincer des dents – ou réfléchir –, ici, chaque semaine, une sélection subjective, la mienne, de ce qui a été dit ou écrit au cours des siècles par des hommes et des femmes qui avaient des choses intéressantes ou drôles à nous dire. B.B.Y. Ð L’expérience est une bougie qui n’éclaire que celui qui la porte. Confucius

Ð À vouloir mordre une pierre, on perd ses dents. Proverbe africain

Ð Il n’y a qu’un remède au désespoir: c’est la prière – la prière qui peut tout, qui peut même créer Dieu… Cioran

Ð Le double châtiment de la modernité est de nous faire à la fois vieillir prématurément et vivre plus longtemps. Nassim Nicholas Taleb

Ð L’éducation confère aux femmes le privilège de retrouver à chaque nouvelle aventure amoureuse l’essentiel de leur virginité : la pudeur. Sacha Guitry Ð Il n’y a que deux espèces de plans de campagne, les bons et les mauvais. Les bons échouent presque toujours par des circonstances imprévues qui font souvent réussir les mauvais. Napoléon Bonaparte N o 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

Ð Il semble que le monde est divisé vraiment entre bons et méchants : les bons et les méchants. Les bons dorment mieux… Mais les méchants profitent beaucoup plus de leurs heures de veille. Woody Allen Ð Les sucres lents, ça fait grossir vite. Les Nouvelles Brèves de comptoir

Ð Le plus dur pour les hommes politiques, c’est d’avoir la mémoire qu’il faut pour se souvenir de ce qu’il ne faut pas dire. Coluche Ð Si celui qui parle est fou, au moins que celui qui l’écoute soit sage. Pensée marocaine Ð Ce qu’il y a de plus beau dans la création artistique c’est justement cette part féminine, cette musique qui n’en finit pas de chanter. François Cheng Ð Les succès produisent les succès, comme l’argent produit l’argent. Nicolas de Chamfort JEUNE AFRIQUE


Photos © A. D. Loukou - A. Peskine - A. Blanc - BCI Communication - DPPI - Istockphoto L-A. Baker Musée du Quai Branly - Patoufilms - P. Benzrihem - Thinkstock.

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Éditorial François Soudan

Kagamé, Juppé et nous

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E MINISTRE FRANÇAIS DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, Alain Juppé, est on le sait un homme pétri de qualités. Mais il a un défaut, plutôt répandu chez les énarques: l’allergie aux critiques – et par conséquent, à l’autocritique. Trois mots, dans le n° 2625 de J.A., ont mis sa susceptibilité (et ses nerfs) à vif. Il est vrai qu’il s’agissait du Rwanda, de la France et du génocide, dossier douloureux s’il en est, et qu’à la question que nous lui avions posée – « Alain Juppé serait-il le bienvenu au Rwanda? » – le président Kagamé a eu la réponse cinglante: « Not at my knowledge » (« pas à ma connaissance »). Il est vrai aussi qu’Alain Juppé, qui occupait le même bureau en 1994, n’a pas été ménagé depuis par les autorités de Kigali et qu’il n’a de son côté jamais été avare de critiques à l’encontre de tous ceux qui, en France –à commencer par son prédécesseur Bernard Kouchner–, estimaient indispensable d’exercer sur cette période un droit d’inventaire.

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FOOTBALL FRANÇAIS BLACK-BLANC-BEUR : ET SI C’ÉTAIT UN MYTHE ? Une nouvelle affaire, où il est question de quotas de joueurs binationaux, ébranle les institutions du ballon rond. Racisme ou simple dérapage ?

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Alain Juppé n’a pas tort: on ne connaît pas encore toute la vérité sur les éléments déclencheurs du génocide des Tutsis. Sauf que son propre patron, Nicolas Sarkozy, a déjà fait un grand pas sur ce chemin dans un sens radicalement opposé à celui que suggère le titulaire du Quai d’Orsay. En visite à Kigali en février 2010, il a parlé des « graves erreurs d’appréciation » et de cette « forme d’aveuglement » qui avait alors saisi un gouvernement dont lui-même faisait partie aux côtés de M. Juppé. Une lucidité que ce dernier ne partage manifestement pas, tant les responsables français de l’époque semblent frappés d’une forme incurable d’onchocercose. Dans ce dernier épisode du feuilleton franco-rwandais, certains à Paris (et non des moindres) ont cru déceler une sorte d’instrumentalisation de J.A. Le but: nuire aux relations entre les deux pays – ce qui, soit dit en passant, peut profiter au diable et à son contraire. Faute de convaincre les amateurs de théorie du complot, le mieux est donc que j’avoue tout. Si je ne lui avais pas posé de questions sur ce qu’il pensait d’Alain Juppé, Paul Kagamé n’y aurait pas répondu. Mais j’aurais, tout simplement, mal fait mon métier. ● P.-S. : Pendant qu’à Paris le lointain successeur du comte de Vergennes exprimait son courroux, le très branché Paul Kagamé s’éclatait sur la Toile en répondant aux questions des internautes sur la plateforme World View de YouTube. Gouvernance, corruption, Kaddafi, Mugabe… mais rien sur Alain Juppé. Ouf! NO 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

PHOTOS DE COUVERTURES : SIPA ; RICHARD LOUGH/REUTERS ; JACQUES TORREGANO

Droit dans ses bottes, notre ministre d’État a donc immédiatement convoqué l’ambassadeur du Rwanda – lequel a été reçu dans une atmosphère sibérienne – puis fait sonner la charge par son porte-parole, avant de prendre lui-même les choses en main. Lors d’une conférence de presse, puis devant les députés le 4 mai, c’est un Juppé dressé sur ses ergots qui mène la contre-attaque : « M. Kagamé a dit que je n’étais pas le bienvenu au Rwanda: cela tombe bien. Je n’avais pasl’intention d’y aller, ni de luiserrer lamain. » Vient alors cet avertissement, sur fond de défense de l’honneur de l’armée française: « J’espère qu’un jour la vérité historique sera faite sur ce qui s’est passé au Rwanda entre 1993, un peu avant, et puis pratiquement aujourd’hui. »

SÉNÉGAL MONSIEUR LE PRÉS IDENT ? Candidat déclaré à l’élection de 2012, Macky Sall a fait du départ de Wade une affaire personnelle. Enquête sur un Premier ministre devenu le premier des opposants.

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Ce que je crois Par Béchir Ben Yahmed Confidentiel

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L A SEM A IN E D E J EU N E A F RIQ U E

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Football Black-Blanc-Beur : et si c’était un mythe ? Tour du monde Afrique du Sud Un mariage presque princier Gabon Les tracas d’Africa no 1 Sonatrach Prison ferme pour Meziane Tunisie 1 milliard avant les élections France Lozès vise un cran plus haut Côte d’Ivoire Disparitions inquiétantes Interview Dov Zerah, directeur de l’Agence française de développement Emmanuel Dongala Double couronnement

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G RA N D A N G L E

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Spécial Ben Laden Le djihad sans tête

JEUNE AFRIQUE


Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs

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BOB MARLEY TRENTE ANS DÉJÀ Musicien surdoué, promoteur du mouvement rasta, ce rebelle qui portait l’Afrique en lui continue de faire des émules. Spécial 8 pages, à l’occasion de l’anniversaire de sa mort.

SPÉCIAL BEN LADEN Le djihad sans tête GRAND ANGLE

Le chef d’Al-Qaïda a été froidement exécuté par les Américains. Qui va y gagner ? Y perdre ? Que reste-t-il de l’utopie sanglante qu’il symbolisait ?

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MADAGASCAR « PROLONGER LA TRANSITION SERAIT UNE INJUSTICE » Grande interview du président de la Haute Autorité de transition, Andry Rajoelina.

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ALGÉRIE UNE SOIRÉE AVEC BEN BELLA Le premier président de l’Algérie indépendante nous livre ses vérités. Sans prendre de gants.

GABON BRAS DE FER AUTOUR DE BELINGA La mine de fer serait encore plus vaste que prévu. Les autorités tentent de casser le contrat avec le chinois CMEC pour lancer un nouvel appel d’offres.

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AFRIQUE SUBSAHARIENNE

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Sénégal Macky Sall : monsieur le président? Côte d’Ivoire Konan Banny, le retour RD Congo La route est dégagée pour Kabila Ouganda Le ton monte Soudan El-Béchir sur tous les fronts Allemagne Rwandais à la barre Madagascar Grande interview d’Andry Rajoelina, président de la Haute Autorité de transition

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MAGHREB & MOYEN-ORIENT

Banque d’affaires Les outsiders africains marquent des points Gabon Bras de fer autour de Belinga Sénégal À qui profite la crise énergétique ? Maroc TMSA repris en main Agriculture Le riz thaïlandais au régime sec Royaume-Uni « Bad business » pour le duc d’York Analyse Le monde à l’envers Interview Jean-Louis Billon, président du groupe Sifca Tourisme Slim Chaker secoue l’image de la Tunisie Bourses Les as de la cote Baromètre Bilan en demi-teinte pour les banques

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Libye Pendant ce temps, à Tripoli… Confidences de Nabil Rajab, président du Centre pour les droits de l’homme de Bahreïn Palestine Fatah-Hamas, l’union sacrée Humeur Boulevard du Voleur Attentat de Marrakech La vie continue Document Une soirée avec Ben Bella

JEUNE AFRIQUE

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CULTURE & MÉDIAS

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Spécial Bob Marley 30 ans déjà…

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VOUS & NOUS

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Le courrier des lecteurs Post-scriptum N O 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

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ABDELHAK SENNA/AFPW

ABIDJAN CONCERT POUR LA PAIX

LE CAFÉ ARGANA, À MARRAKECH, après l’attentat du 28 avril.

Maroc Portrait d’un djihadiste en néo-hippie

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rrêté le 5 mai à Safi en compagnie de deux comparses, le principal suspect de l’attentat du 28 avril à Marrakech (dix-sept morts) n’a rien à voir avec l’illuminé qui, deux semaines plus tôt, avait blessé d’un coup de sabre un touriste français dans un café de Tanger. Avancée par la presse française, cette hypothèse est démentie par le ministère marocain de l’Intérieur. Adil El Athmani, l’auteur présumé de l’attentat, qui vivait de petits boulots sur le port de Safi, est un djihadiste individuel ayant fait allégeance à Al-Qaïda. Âgé d’une petite trentaine d’années, il a, à plusieurs reprises, tenté de rejoindre les groupes terroristes combattants – en vain. En 2004, il se fait expulser du Portugal alors qu’il se préparait à se rendre en Tchétchénie. En 2007, il est éconduit de Syrie. Et en mai 2008, il subit le même sort en Libye, où il résidait depuis un mois avec ses deux compagnons, avec le projet de gagner l’Irak. De retour au Maroc, El Athmani végète entre Safi et Casablanca, sans que l’on sache encore quels contacts il a pu avoir avec la nébuleuse salafiste. Formé à la fabrication d’engins grâce à internet, c’est lui qui aurait confectionné au domicile familial les deux Cocotte-Minute de 6 kg et 9 kg bourrées d’explosifs. Après les avoir dissimulées dans une valisette et avoir coiffé une perruque à longs cheveux, Adil El Athmani se serait rendu, guitare en bandoulière et look néo-hippie, sur la terrasse de l’Argana, place Djemaa el-Fna, en plein cœur de Marrakech. Il a caché sa valisette et il s’en est éloigné avant de déclencher l’explosion à distance avec un téléphone portable Nokia. Cinq jours plus tard, un renseignement précis obtenu par la DST marocaine, qui enquête sur cette affaire aux côtés de policiers français, américains et espagnols, a rapidement permis de l’identifier. ● N o 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

Directeur général de MTN Business, Demba Diop s’efforce d’organiser un grand concert pour la paix, qui pourrait avoir lieu le 28 mai, à Abidjan. Plusieurs artistes ivoiriens comme Tiken Jah Fakoly, Alpha Blondy, Asalfo (de Magic System), Billy Billy et Petit Yodé ont été approchés. À cette occasion, un projet de Charte des droits fondamentaux sous la IIIe République de Côte d’Ivoire sera présenté. Il estl’œuvredumouvementPlus jamais ça! lancé au lendemain de l’arrestation de Laurent Gbagbo. Un site internet va également être créé. LE CHIFFRE QUI TRANSPORTE

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C’est le nombre de véhicules fabriqués en Afrique en 2010, selon l’Organisation internationale des constructeurs automobiles. Ce qui est peu par rapport aux quelque 1,4 million de voitures neuves vendues chaque année. L’Afrique du Sud assure à elle seule 80 % de la production, devant l’Égypte (11 %) et le Maroc (8 %). GABON VEOLIA FAIT PAYER L’ÉTAT

En conflit avec l’État gabonais, qu’il accuse de n’avoir pas respecté ses obligations d’investissement contractuelles, le groupe français Veolia a obtenu du gouvernement le règlement de 5 milliards de F CFA (7,6 millions d’euros), sur les 18 milliards qu’il lui réclamait pour améliorer dans toutes les villes du pays les réseaux d’eau et d’électricité gérés par l’une de ses filiales, la Société d’énergie et d’eau (Seeg). À en croire le groupe JEUNE AFRIQUE


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Politique, Économie, Culture & Société

LIBYE Kaddafi trahi par… son téléphone

JOSEPH EID/AFP

C’EST BIEN Mouammar Kaddafi en personne qui était visé dans l’opération de l’Otan qui, dans la nuit du 30 avril au 1er mai, a tué l’un de ses fils, Seif el-Arab, sa belle-fille et trois de ses petits-enfants. Le numéro un libyen a commis l’imprudence d’allumer l’un de ses téléphones portables. Aussitôt, l’état-major de l’Otan l’a localisé dans la résidence de Seif el-Arab, àTripoli, où il se rendait régulièrement. Quarante-cinq minutes plus tard, la maison était pulvérisée par des projectiles de forte puissance… Kaddafi et son épouse IL ALLUME SON PORTABLE. Quarante-cinq étaient-ils encore là au moment des minutes plus tard, la résidence de son premières frappes? Le porte-parole du fils, où il passe la soirée, est pulvérisée. régime deTripoli l’affirme. L’état-major de l’Otan n’en sait rien. En tout cas, le « Guide » l’a échappé belle. Aujourd’hui, l’Otan dément avoir visé la famille Kaddafi et reconnaît seulement avoir frappé « un poste de commandement et de contrôle ». Commentaire d’un proche des services de renseignement de l’organisation transatlantique: « Dans le langage de la maison, Kaddafi lui-même est un poste de commandement. » ●

CÔTE D’IVOIRE LE CIMETIÈRE DES ÉLÉPHANTS Le Premier ministre Guillaume Soro a donné, il y a un mois, l’ordre de détruire une série de monuments érigés à l’initiative de Laurent Gbagbo. C’est le cas de la statue représentant des éléphants installée devant le palais de justice d’Abidjan-Plateau et la cathédrale Saint-Paul, de la fontaine du carrefour de l’Indénié, de la statue de l’église Saint-Jean, de celle disposée au terminus 81-82, à Cocody-Angré, mais aussi d’un édifice portant des inscriptions bibliques qui s’élevait au carrefour Sitorex, à Yopougon. Sous ce dernier monument, les Forces républicaines de JEUNE AFRIQUE

Côte d’Ivoire (FRCI) affirment avoir trouvé des ossements humains. Par ailleurs, à Yamoussoukro, les nouveaux locataires du Palais des hôtes ont, le 10 avril, cassé une dalle en béton de 3 m2 sous laquelle se trouvait un chandelier juif à sept branches enveloppé dans un drapeau d’Israël. À en croire le camp Soro, ces monuments étaient devenus des lieux de rendez-vous nocturnes, où étaient pratiqués des rites

mystiques et idolâtres. Info ou intox ? Toujours est-il que leur destruction est d’abord un acte politique. Il signifie aux Ivoiriens que la page des Refondateurs est définitivement tournée.

COTON STAND-BY À LA CMDT

L a p r i v at i s at i o n d e l a Compagnie malienne pour le développement du textile (CMDT), dont le chiffre d’affaires avoisine 69 millions d’euros, aurait dû s’achever fin avril, mais se trouve une

ALGÉRIE-FRANCE TOUR DE CHAUFFE

Quelque 140 patrons de PME françaises rencontreront 350 de leurs collègues algériens lors du Forum de partenariats organisé, du 29 au 31 mai, à la veille de la Foire d’Alger (du 1er au 6 juin). JeanPierre Raffarin, l’ancien chef du gouvernement français, et Mohamed Benmeradi, le ministre algérien de l’Industrie, de la PME et de la Promotion de l’investissement, en profiteront pour faire le point sur une douzaine de dossiers en instance, comme la construction d’une usine Renault, et d’un vapocraqueur d’éthane par Total et Sonatrach (5 milliards d’euros d’investissement). À la clé : la création de 30 000 à 50 000 emplois en Algérie.

IL INVITE DES STARS FRANÇAISES À VISITER LA TUNISIE

Mehdi Houas, ministre glamour EN PLEIN MARASME postrévolutionnaire, Mehdi Houas, le ministre tunisien du Tourisme, joue la carte du glamour en invitant une trentaine d’artistes français, dont certains (Michel Boujenah, Patrick Bruel, Alexandre Arcady) sont nés en Afrique du Nord, à découvrir le nouveau visage du pays. Arrivés le 7 mai par un vol spécial affrété par Tunisair, ces invités de marque seront pistés pendant tout leur séjour par la presse people française (Voici, Paris Match, etc.). Au programme des réjouissances organisées par l’agence française Bygmalion et la représentation tunisienne d’Ogilvy, des balades informelles dans Tunis, Carthage et La Goulette.

STEVENS FREDERIC/SIPA

français, un protocole d’accord a en outre été signé avec l’État, qui établit un calendrier de règlement des 13 milliards de F CFA restants.

nouvelle fois en stand-by. Le groupe chinois Yuemei, qui était en lice pour la reprise des filiales de Sikasso, Koutiala et Kita, a été désigné adjudicataire provisoire après l’ouverture des offres financières. Mais seules deux entités (dont celle de Kita) devraient lui être cédées, pour éviter de créer une situation de monopole. Les discussions se poursuivent… Un nouvel appel d’offres sera ultérieurement lancé en vue de la cession d’une autre filiale, celle de Fana, qui n’a, à ce jour, pas trouvé preneur.

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La semaine de Jeune Afrique

FOOTBALL

Black-BlancPresque un an après la désastreuse Coupe du monde en Afrique du Sud, le football français est ébranlé par une nouvelle affaire, où il est question de quotas de joueurs binationaux. Racisme, discrimination, ou simple dérapage ?

et si c’était

ALEXIS BILLEBAULT

C

est encore une affaire de huis clos. Il y a presque un an, au cœur d’une Coupe du monde désastreuse pour l’équipe de France, une bande de vingttrois footballeurs frondeurs avait décrété une grève de l’entraînement dans l’intimité d’un bus sud-africain garé à quelques mètres de leur terrain d’entraînement de Knysna. L’arrivée de Laurent Blanc à la tête des Tricolores en juillet 2010, suivie par des résultats encourageants, avait permis au football français de regarder enfin devant lui. Mais, le 28 avril dernier, le journal en ligne Mediapart a révélé la teneur d’une réunion de la Direction technique nationale (DTN), organisée le 8 novembre 2010 dans les locaux de la Fédérationfrançaisedefootball(FFF),etconsacréeà laformationdesjoueursetdescadres.Ladiscussion, enregistréesecrètementparMohammedBelkacemi – responsable de l’association Football de quartier –, dérive rapidement sur la question des joueurs binationaux dans les centres de formation. Et c’est le mot « quotas », prononcé par François Blaquart, alors directeur technique national intérimaire (il succédera à Gérard Houllier en février 2011), qui a tout déclenché. SAUTERIE FÉDÉRALE. Lors de cette réunion, à

laquelle participe notamment Laurent Blanc, Erick Mombaerts, le sélectionneur de l’équipe de France Espoirs, évoque la question des binationaux et la possibilité d’en limiter le nombre dans les centres de formation.Blanc,quis’esttoujoursexpriméavecune certaine liberté sur le sujet, y est favorable. « Quand les gens portent les maillots de l’équipe nationale des 16, 17, 18, 19, 20 ans et Espoirs, et qu’après ils vont aller jouer dans des équipes nord-africaines ou africaines, ça me dérange énormément. Ça, il faut quand même le limiter », déclare « Le Président ». Et tandis que Mombaerts évoque « un tiers de N 0 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

L’ÉQUIPE DE FRANCE avant un match de qualification pour l’Euro 2012 contre le Luxembourg, le 25 mars.

gamins qui peuvent changer [de sélection, NDLR] », Blaquart, suspendu depuis à titre provisoire par son ministère de tutelle le temps de l’enquête menée conjointement par la FFF et l’Inspection générale de la jeunesse et des sports (IGJS), pousse le raisonnement plus loin. « Faut faire un projet… On peut baliser, en non-dit, sur une espèce de quota. Mais il ne faut pas que ce soit dit. Bon voilà, on fait JEUNE AFRIQUE


L’événement

-Beur

présence de joueurs pas très grands et techniques. « Foutaises, s’exclame Pape Diouf, l’ancien président de l’Olympique de Marseille (2005-2009). Prenez l’Ajax Amsterdam des années 1970, qui a tout gagné aux Pays-Bas et en Europe. Dans cette équipe, presque tous les joueurs étaient grands et costauds, et cela ne les empêchait pas d’être techniques et rapides! » (lire l’interview p. 13). Depuis la révélation de l’affaire, les réactions, hâtives, indignées ou mesurées, peuplent les colonnes des journaux et envahissent les ondes. Avec, en fil rouge, la question d’un football français, sinon raciste, au moins discriminatoire. « Il ne faut pas exagérer et être très prudent sur les termes, explique Jacques Faty (FC Sochaux), lui-même directement concerné par la question de la binationalité. J’ai été champion du monde des moins de 17 ans avec la France en 2001. Mais comme je n’avais jamais été appelé en A [équipe de France], j’ai pu profiter des règlements de la Fifa pour jouer avec le Sénégal, mon pays d’origine*. Maintenant, dire que le foot-

un mythe ?

« Regardez les équipes pros ou les centres de formation : le ballon rond, c’est la diversité ! » ball français est raciste, non. Parler de quotas, c’est malvenu, maladroit, très tendancieux, mais ce n’est pas parce qu’une personne a prononcé ce mot que le foot français est raciste. Ça se saurait! Des racistes, il y en a partout, ils sont de toutes les couleurs, et le football n’y échappe pas. Mais cela ne concerne qu’une minorité de personnes… »

A BIBARD/FEP/PANORAMIC

DES PROPORTIONS INCROYABLES. Alexandre

9 binationaux

ont disputé le Mondial 2010 pour une autre sélection que la France, alors qu’ils avaient porté le maillot tricolore dans les sélections de jeunes.

JEUNE AFRIQUE

attention… » Raté! Le mot est lancé, et prend des proportions que les participants à cette sauterie fédérale n’auraient jamais imaginées. Certains d’entre eux expriment ouvertement leur désaccord sur cet éventuel projet, que Blanc défend dans le seul but, assure-t-il, de mettre en place son plan de jeu inspiré du FC Barcelone et de la sélection espagnole (jeu court et rapide) et que favoriserait la

Lacombe, le président de Faty à Sochaux, abonde dans le même sens. « En France, chaque mot prend des proportions incroyables. Mais ceux qui disent que le foot français est raciste sont souvent ceux qui ne connaissent pas ce milieu, constate le dirigeant franc-comtois. Le foot, c’est la diversité ! Regardez la composition des équipes pros, allez faire un tour dans les centres de formation, et vous verrez des Blancs, des Noirs, des Arabes, des Sud-Américains, des joueurs de l’Est ! On s’en fout, de la couleur de la peau, de la religion et des origines ! Et dans mon club, j’ai eu jusqu’à l’an dernier un entraîneur des gardiens algérien [Aziz Bouras, parti au Qatar en juillet 2010], j’ai un recruteur algérien (Abdel Djadaoui), et au niveau administratif, plusieurs personnes issues de la diversité. » Cette absence de relents racistes dans un monde qu’il a longtemps côtoyé, l’ancien international camerounais Romarin Billong (ex-joueur de Lyon, Saint-Étienne, Nancy) la confirme sans le moindre début d’hésitation : « Dans ce milieu, on prend les meilleurs, avance-t-il. Bien sûr, si on parle de quotas, c’est discriminatoire. Mais Laurent Blanc a dit, lors de cette réunion, qu’il n’avait aucun ● ● ● N 0 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

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La semaine de J.A. L’événement

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Opin Op inio ions & éditor oria iaux ux

Former, pas discriminer!

VINCENT FOURNIER/J.A.

A Lilian Thuram Ancien défenseur de l’équipe de France, champion du monde 1998, champion d’Europe 2000

PRÈS UN MONDIAL 2010 catastrophique, je trouve légitime que les instances fédérales du football s’interrogent sur l’avenir. La France ne gagne plus de trophées ? Ayons une réflexion sur le jeu : quelle philosophie permettrait de gagner plus de matchs ; quelle tactique mettre en place, comment se positionner sur le terrain… Le choix de la philosophie détermine le profil des joueurs.Voilà la réflexion que la Direction technique nationale devrait mener. À Bixente Lizarazu, qui soutenait que le football discriminait les joueurs de petite taille, j’avais répondu que non, car, au FC Barcelone, le meilleur joueur du monde était Lionel Messi. Cette histoire de grands ou de petits ne tient pas debout. À Barcelone, il y a certes des joueurs de petite taille, mais il y a aussi des joueurs comme Piqué, qui mesure 1,92 m, Busquets, 1,89 m, qui sont d’une qualité technique semblable aux autres.

Une réflexion sur les orientations techniques et tactiques (jeu au sol ou jeu long…) doit être menée lors de la formation des jeunes. Elle devrait conduire à des ajustements dans les centres de formation, voire dans la formation des formateurs. Elle serait plus constructive que cette détestable discussion sur la morphologie, les origines ou la couleur des joueurs. Que veut dire le « On ne peut pas leur faire confiance » qu’on lit dans la retranscription du débat publiée par Mediapart ? Est-ce une réflexion qui vise à éliminer ce type de joueurs précisément? Je m’interroge. Quoi qu’il en soit, on ne peut élaborer une politique sportive en discriminant des enfants de 12 ans. Ce n’est pas acceptable. S’agissant des binationaux formés en France qui choisissent une sélection étrangère, c’est un faux problème. Les meilleurs ont toujours joué pour la France. À l’inverse, pendant des années et dans leur intérêt, des clubs ont favorisé l’obtention de la nationalité française à des dizaines de joueurs venus d’ailleurs. Avant que la Fifa ne permette aux binationaux de jouer pour l’une ou l’autre sélection, combien de joueurs non sélectionnés chez les Bleus n’ont pas eu de carrière internationale ? Si la règle n’est pas bonne, changeons-la. Mais, en attendant, il faut s’y tenir. ● N o 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

problème avec les gens de couleur ou les NordAfricains. Et je le crois. Il veut changer de projet de jeu, et prendre des joueurs moins athlétiques. Or, des Arabes ou des Noirs qui ne font pas 1,90 m et qui sont techniques et rapides, il y en a : Ben Arfa, Nasri, par exemple. Du racisme, il y en a parfois dans les tribunes. Mais dans les stades de Ligue 1 et de Ligue 2, avec la vidéosurveillance, les stadiers et la police, cela se remarque vite… » Sous le couvert de l’anonymat, le dirigeant d’un club professionnel français ajoute pourtant que la situation est moins reluisante dans le football amateur : « Des “sale nègre”, “sale blanc” ou “sale arabe”, on en entend encore trop souvent. »

●●●

TRIBUNE

« PETITE BÊTE ». Formé à Strasbourg, le FrancoAlgérien Nordine Sam, qui s’est ensuite exilé en Suisse, à Chypre et en Libye – pays qu’il a quitté juste avant le début de l’insurrection contre le colonel Kaddafi – est « seulement gêné par le terme quotas. C’est emmerdant, surtout que cela concerne des enfants de 12-13 ans ». « Cela dit, en parlant de racisme, on cherche la petite bête, tempère le joueur. Que la DTN réfléchisse pour éviter de former trop de joueurs qui pourraient ensuite rejoindre une autre sélection, cela peut se comprendre. Mais dans certains esprits va germer l’idée que si Yoann Gourcuff est retenu en équipe de France malgré des prestations moyennes à Lyon, c’est pour compenser le fait qu’il y a pas mal de Blacks. C’est un risque. »

« En amateur, des “sale nègre“ “sale blanc, “sale arabe“, on en entend encore trop souvent. » D’Algérie, Rabah Saadane, l’ancien sélectionneur des Fennecs, qui a largement utilisé des binationaux lors de la Coupe du monde 2010, ne dépeint pas le football français comme « raciste ». « Le mot “quotas” est sensible, mais c’est une maladresse. Et puis, que la DTN se rassure : les meilleurs joueurs porteront toujours le maillot tricolore. » Il n’empêche que cette affaire, qui a même fait réagir le 3 mai le quotidien américain The New York Times, pourtant peu porté sur la chose footballistique, pourrait permettre d’élargir le débat. L’ancien champion de tennis Yannick Noah a expliqué à Mediapart « qu’il n’y a [dans le football français] quasiment aucun entraîneur black, qu’à la fédération (FFF), il n’y a à peu près personne [issu de la diversité] parmi les dirigeants. Forcément, à un moment, il y a un problème d’équilibre ». ● *En 2003, la Fédération internationale de football association (Fifa) autorise les joueurs de moins de 21 ans possédant une double nationalité à changer une fois d’équipe nationale, à condition de ne pas avoir évolué en équipe A en compétition officielle. En 2009, la Fifa accepte de faire disparaître la limite d’âge. Cette seconde réforme a notamment permis Jacques Faty de jouer pour le Sénégal. JEUNE AFRIQUE


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Pape Diouf « J’étais l’anomalie sympathique » Pour l’ancien président de l’Olympique de Marseille (OM), 59 ans, cette affaire des quotas est le triste reflet de la société française. JEUNE AFRIQUE: L’affaire des quotas évoqués lors d’une réunion de la Direction technique nationale le 8 novembre dernier a-t-elle des relents de racisme ? PAPE DIOUF : À mon sens, cette affaire

n’est qu’un prétexte. Mediapart – même si l’on peut discuter des méthodes utilisées – a révélé quelque chose de beaucoup plus profond, que l’on cachait, par commodité ou par désintérêt. Sans aller jusqu’à parler de racisme, on peut évoquer un football français qui exclut, qui fait le tri. C’est le reflet de la société, et cela me désole.

Jusqu’au moment où on fera comprendre aux joueurs issus de la diversité qu’on n’a plus besoin d’eux? Dans l’armée française, il y avait des tirailleurs sénégalais pour combattre l’ennemi nazi. Et quand on n’a plus eu besoin d’eux, on s’en est séparé. Sur les terrains, il y a des Noirs et des Arabes. Mais ailleurs ? Dans les staffs techniques ? Les cas de Jean Tigana et d’AntoineKombouaré[lepremier,Français d’origine malienne, entraîne Bordeaux ; le second, né en Nouvelle-Calédonie, entraîne le Paris Saint-Germain (PSG), NDLR] sont assez récents. L’absence de diversité dans les instances dirigeantes, dans les commissions et dans les secteurs administratifs est évidente. On ne peut pas la nier. N’avez-vous pas dirigé l’OM ?

[Il rit.] J’étais l’anomalie sympathique, mais une anomalie ! En ce qui me concerne, on ne peut parler d’une quelconque frustration, car j’ai été président du meilleur club français pendant cinq ans. Parfois, j’avais l’impression qu’on se demandait ce que je faisais là. Cette situation, on peut l’étendre à d’autres JEUNE AFRIQUE

YOHANNE LAMOULERE/TRANSIT/PI

Pourtant, on ne peut pas dire que les Noirs ou les Arabes ne soient pas représentés dans les équipes professionnelles françaises. Sans parler des Sud-Américains ou des joueurs d’Europe de l’Est…

Parfois, j’avais l’impression qu’on se demandait ce que je faisais là… secteurs. Combien de Français issus de la diversité sont à la tête d’une grande entreprise ou d’un ministère régalien ?

Vous auriez pu vous en émouvoir un peu plus tôt…

Mais à quoi bon ? Tout est joué d’avance. Pour un Arabe ou un Noir, faire partie des instances dirigeantes du football français, ce n’est pas possible. Alors, ils n’essaient même pas d’aller plus loin. Et pour les entraîneurs ? Quand on parle de Marcel Desailly comme possible entraîneur, c’est du Ghana, mais pas en France. N 0 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011


La semaine de J.A. L’événement Les quotas évoqués lors de cette réunion de 2010 faisaient clairement référence aux joueurs binationaux, susceptibles de rejoindre leur sélection d’origine après avoir été formés en France.

Les binationaux, c’est un prétexte. Pendant longtemps, on a formé des joueurs dans le seul but d’en faire de futurs internationaux français et de leur fermer les portes d’autres sélections. Mais avec les nouvelles réglementations de la Fifa, la donne a changé. Les binationaux veulent avant tout jouer pour la France. Maintenant, s’ils ne sont pas retenus, pourquoi les empêcher de jouer pour le Mali, l’Algérie ou le Sénégal ? Soyons honnêtes : parmi les dix-huit binationaux qui jouent aujourd’hui pour

l’Algérie, combien auraient pu espérer être retenus en équipe de France ? En ce moment, on parle de Moussa Sow [qui a gagné l’Euro 2005 des moins de 19 ans avec la France, NDLR], parce qu’il est le meilleur buteur de Ligue 1 avec Lille et qu’il a décidé de jouer pour le Sénégal. Avoir des regrets a posteriori, c’est facile. Mais qui voulait de lui, quand il était libre, avant qu’il ne signe à Lille en juin 2010 ? [Il jouait alors à Rennes.] Ni Lyon, ni Marseille, ni le PSG ne se sont précipités pour l’avoir. Alou Diarra, qui joue en équipe de France, soutient Laurent Blanc…

Pour moi, Blanc n’est pas raciste. Il a juste été maladroit, et je ne demande pas

Mohammed Belkacemi L’homme à la cassette Il est, à son insu dit-il, à l’origine du scandale. Présent à la réunion du 8 novembre, il en a enregistré les débats. Mais qui est-il au juste ?

J

usqu’au 4 mai, il était totalement inconnu du grand public. Depuis, Mohammed Belkacemi, 49 ans, conseillertechniquenationalpour le football dans les quartiers à la Direction technique nationale (DTN) et adjoint du sélectionneur de l’équipe de France des moins de 21 ans de futsal (football en salle) se retrouve bien malgré lui sous le feu des projecteurs. Et, même, sur le gril… Car, comme il l’a reconnu le 4 mai, c’est bien lui qui a enregistré les débats de la fameuse réunion du 8 novembre 2010 à l’insu de ses participants, ce qui pourrait lui valoir une sanction interne ainsi que des poursuites judiciaires. « Je ne suis pas une taupe, a-t-il expliqué le 4 mai à nos confrères de la chaîne InfoSport. J’ai enregistré [cette] réunion pour témoigner en interne des propos inqualifiables que j’avais entendus auparavant. J’ai remis le seul enregistrement à la Fédération le 9 novembre pour confirmer mes propos. Depuis cette date, [il] n’est plus ITELE

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N o 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

entre mes mains. […] Je n’ai donc jamais remis un enregistrement à un journaliste. Maintenant, je m’interroge, comme tout le monde, pour savoir qui avait intérêt à [le] sortir. » ORDRE DU MÉRITE. Belkacemi aurait

remis la cassette à André Prévosto, le directeur adjoint de la Fédération française de football (FFF), un proche de Fernand Duchaussoy, son président. Ancien joueur du Red Star Montreuil, du Paris FC, de Villecresnes, Gueugnon, Tours et Orléans (avec qui il a disputé trois matchs en Ligue 2), Belkacemi – qui est d’origine kabyle – est devenu éducateur

sa démission. Diarra, quant à lui, a dit qu’il n’aurait jamais joué pour le Mali… Je n’en suis pas si sûr. Car s’il n’avait pas été appelé par les Bleus, et que le Mali avait tenté de le sélectionner pour une CAN [Coupe d’Afrique des nations] ou une Coupe du monde, il y serait allé en stop ! Cette affaire peut-elle faire évoluer les choses dans le sens que vous souhaitez ?

Je l’espère, car le conformisme est l’une des valeurs les plus partagées dans le football. Il faut que cela change. Cette France du football me fait penser à celle qui ferme ses frontières aux jeunes Tunisiens. ● Propos recueillis par ALEXIS BILLEBAULT

et entraîneur à Orly, au CA Paris et au Red Star Montreuil, puis conseiller technique départemental au sein de la Ligue de Paris. Très apprécié pour son activité d’éducateur dans les quartiers (comme en témoigne la lettre ouverte que treize responsables de la région parisienne ont signée dans le quotidien Libération du 6 mai), il a ensuite occupé les fonctions d’adjoint d’Henri Émile – un proche de Laurent Blanc – en équipe de France de futsal des moins de 21 ans. Fait chevalier de l’ordre national du Mérite en 2009, Belkacemi entretenait, selon certaines sources, des relations conflictuelles avec certains membres de la DTN, parmi lesquels François Blaquart, dont la nomination à la tête de cette instance lui aurait déplu. Il aurait également mal vécu de ne pas avoir été nommé sélectionneur de l’équipe de futsal des moins de 21 ans. « J’ai l’impression que toute cette affaire sent le règlement de comptes », confie le dirigeant d’un club professionnel. Les conclusions de l’enquêtemenéeconjointement par la FFF et l’Inspection générale de la jeunesse et des sports (IGJS), attendues en ce début de semaine, devraient permettre d’en savoir plus. ● A.B. Ý « JE NE SUIS PAS UNE TAUPE », affirme Mohammed Belkacemi sur la chaîne InfoSport, le 4 mai. JEUNE AFRIQUE


La semaine de J.A. L’événement Les quotas évoqués lors de cette réunion de 2010 faisaient clairement référence aux joueurs binationaux, susceptibles de rejoindre leur sélection d’origine après avoir été formés en France.

Les binationaux, c’est un prétexte. Pendant longtemps, on a formé des joueurs dans le seul but d’en faire de futurs internationaux français et de leur fermer les portes d’autres sélections. Mais avec les nouvelles réglementations de la Fifa, la donne a changé. Les binationaux veulent avant tout jouer pour la France. Maintenant, s’ils ne sont pas retenus, pourquoi les empêcher de jouer pour le Mali, l’Algérie ou le Sénégal ? Soyons honnêtes : parmi les dix-huit binationaux qui jouent aujourd’hui pour

l’Algérie, combien auraient pu espérer être retenus en équipe de France ? En ce moment, on parle de Moussa Sow [qui a gagné l’Euro 2005 des moins de 19 ans avec la France, NDLR], parce qu’il est le meilleur buteur de Ligue 1 avec Lille et qu’il a décidé de jouer pour le Sénégal. Avoir des regrets a posteriori, c’est facile. Mais qui voulait de lui, quand il était libre, avant qu’il ne signe à Lille en juin 2010 ? [Il jouait alors à Rennes.] Ni Lyon, ni Marseille, ni le PSG ne se sont précipités pour l’avoir. Alou Diarra, qui joue en équipe de France, soutient Laurent Blanc…

Pour moi, Blanc n’est pas raciste. Il a juste été maladroit, et je ne demande pas

Mohammed Belkacemi L’homme à la cassette Il est, à son insu dit-il, à l’origine du scandale. Présent à la réunion du 8 novembre, il en a enregistré les débats. Mais qui est-il au juste ?

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usqu’au 4 mai, il était totalement inconnu du grand public. Depuis, Mohammed Belkacemi, 49 ans, conseillertechniquenationalpour le football dans les quartiers à la Direction technique nationale (DTN) et adjoint du sélectionneur de l’équipe de France des moins de 21 ans de futsal (football en salle) se retrouve bien malgré lui sous le feu des projecteurs. Et, même, sur le gril… Car, comme il l’a reconnu le 4 mai, c’est bien lui qui a enregistré les débats de la fameuse réunion du 8 novembre 2010 à l’insu de ses participants, ce qui pourrait lui valoir une sanction interne ainsi que des poursuites judiciaires. « Je ne suis pas une taupe, a-t-il expliqué le 4 mai à nos confrères de la chaîne InfoSport. J’ai enregistré [cette] réunion pour témoigner en interne des propos inqualifiables que j’avais entendus auparavant. J’ai remis le seul enregistrement à la Fédération le 9 novembre pour confirmer mes propos. Depuis cette date, [il] n’est plus ITELE

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entre mes mains. […] Je n’ai donc jamais remis un enregistrement à un journaliste. Maintenant, je m’interroge, comme tout le monde, pour savoir qui avait intérêt à [le] sortir. » ORDRE DU MÉRITE. Belkacemi aurait

remis la cassette à André Prévosto, le directeur adjoint de la Fédération française de football (FFF), un proche de Fernand Duchaussoy, son président. Ancien joueur du Red Star Montreuil, du Paris FC, de Villecresnes, Gueugnon, Tours et Orléans (avec qui il a disputé trois matchs en Ligue 2), Belkacemi – qui est d’origine kabyle – est devenu éducateur

sa démission. Diarra, quant à lui, a dit qu’il n’aurait jamais joué pour le Mali… Je n’en suis pas si sûr. Car s’il n’avait pas été appelé par les Bleus, et que le Mali avait tenté de le sélectionner pour une CAN [Coupe d’Afrique des nations] ou une Coupe du monde, il y serait allé en stop ! Cette affaire peut-elle faire évoluer les choses dans le sens que vous souhaitez ?

Je l’espère, car le conformisme est l’une des valeurs les plus partagées dans le football. Il faut que cela change. Cette France du football me fait penser à celle qui ferme ses frontières aux jeunes Tunisiens. ● Propos recueillis par ALEXIS BILLEBAULT

et entraîneur à Orly, au CA Paris et au Red Star Montreuil, puis conseiller technique départemental au sein de la Ligue de Paris. Très apprécié pour son activité d’éducateur dans les quartiers (comme en témoigne la lettre ouverte que treize responsables de la région parisienne ont signée dans le quotidien Libération du 6 mai), il a ensuite occupé les fonctions d’adjoint d’Henri Émile – un proche de Laurent Blanc – en équipe de France de futsal des moins de 21 ans. Fait chevalier de l’ordre national du Mérite en 2009, Belkacemi entretenait, selon certaines sources, des relations conflictuelles avec certains membres de la DTN, parmi lesquels François Blaquart, dont la nomination à la tête de cette instance lui aurait déplu. Il aurait également mal vécu de ne pas avoir été nommé sélectionneur de l’équipe de futsal des moins de 21 ans. « J’ai l’impression que toute cette affaire sent le règlement de comptes », confie le dirigeant d’un club professionnel. Les conclusions de l’enquêtemenéeconjointement par la FFF et l’Inspection générale de la jeunesse et des sports (IGJS), attendues en ce début de semaine, devraient permettre d’en savoir plus. ● A.B. Ý « JE NE SUIS PAS UNE TAUPE », affirme Mohammed Belkacemi sur la chaîne InfoSport, le 4 mai. JEUNE AFRIQUE


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La semaine de J.A. Tour du monde

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LITTÉRATURE

FRANCE

Opération Carla

FACELLY/SIPA

U

N MARIAGE DU SIÈCLE EN ANGLETERRE, un pape béatifié… Après ces événements planétaires suivis par des millions de téléspectateurs, voici une exquise cerise sur le gâteau : Carla Bruni-Sarkozy serait enceinte ! Mais, pour le moment, chut ! « Bouche cousue », comme le susurre la première dame de France, qui veut « protéger quelque chose et le travail » de son mari. Pari gagné, puisque tout le monde en parle. Acte I : les rumeurs. Carla diffère la sortie de son nouvel album. On l’aurait vue sortir d’un cabinet d’échographie. À potron-minet et en catimini, bien sûr. Acte II : les interviews. Carla reçoit une demi-douzaine de lecteurs du Parisien, puis fait la une de Paris Match. Joues arrondies et châle pudiquement ramené sur le ventre, elle s’épanche : « Je suis ultrasarkozyste et plus EST-ELLE ENCEINTE ? Savamment du tout de gauche » ; ou enorchestrée, la rumeur enfle… core: « Si je pense à la France, je dis que ce serait mieux que [Nicolas Sarkozy] continue. Deux mandats, ce serait bien. » Acte III : perplexité des politologues. Un bébé peut-il doper la popularité en berne du président, candidat plus que probable à sa réélection en 2012 ? Et si c’étaient des jumeaux, comme le prétendent des magazines people ? ● CANADA

La revanche de Harper Renversé le 25 mars après le vote d’une motion de censure par le Parlement, Stephen Harper, le Premier ministre conservateur, a pris une éclatante revanche. Son parti ayant remporté la majorité absolue des sièges lors des élections législatives anticipées, il a été triomphalement reconduit dans ses fonctions le 2 mai – alors que, N o 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

depuis 2006, il ne dirigeait que des gouvernements minoritaires. Le Nouveau Parti démocratique (gauche), du charismatique Jack Layton, triple pour sa part le nombre de ses sièges. Cette spectaculaire percée a fait deux victimes : le Parti libéral, qui domina longtemps la politique canadienne, et les indépendantistes du Bloc québécois.

Un grand d’Argentine  J’ÉCRIS, CAR AUTREMENT, JE SERAIS MORT , aimait dire l’Argentin Ernesto Sábato, décédé le 30 avril à l’âge de 99 ans. Auteur d’une trilogie consacrée à Buenos Aires (Le Tunnel, Alejandra et Abbadon l’exterminateur), traduite dans le monde entier et disponible en français aux éditions du Seuil, il s’inscrit dans la lignée des Julio Cortázar et Jorge Luis Borges, qui firent la grandeur de la littérature argentine au XXe siècle. Communiste dans sa jeunesse et proche des surréalistes français, cet intellectuel engagé fut un opposant farouche à la dictature militaire qui sévit dans son pays après le coup d’État de 1976. Il contribua à faire connaître et condamner les crimes de la junte. LE CHIFFRE QUI DÉCOIFFE

9,7 %

LA CRISE, QUELLE CRISE ? Les spécialistes prévoyaient une progression de 9,5 % au cours du premier trimestre. C’est finalement 0,2 point de mieux. Après + 9,8 % au quatrième trimestre de 2010, l’économie chinoise poursuit sa croissance à un rythme d’enfer. LIBERTÉ DE LA PRESSE

RSF et les prédateurs L’ONG FRANÇAISE Reporters sans frontières s’en prend aux « prédateurs de la liberté de la presse ». Sur les affiches de sa dernière campagne apparaissent les visages de trois d’entre eux : Kim Jong-il, Mahmoud Ahmadinejad et Mouammar Kaddafi. De fait, la Corée du Nord, l’Iran et la Libye se signalent par des exactions répétées contre les professionnels de l’information, mais ils ne sont, JEUNE AFRIQUE


ARRÊT SUR IMAGE

Yoshikazu Tsuno • AFP

JAPON

Après Fukushima, les plates excuses du PDG de Tepco ENTOURÉ DE SES COLLABORATEURS, MASATAKA SHIMUZU, PDG DE TOKYO ELECTRIC POWER CO (agenouillé, au centre), présente, le 4 mai, ses plus humbles excuses aux habitants de Namie contraints de fuir leur bourgade irradiée après la catastrophe de la centrale nucléaire de Fukushima, propriété du groupe industriel qu’il dirige. Ça ne vaut certes pas un bon hara-kiri, mais que voulez-vous, les traditions se perdent…

hélas ! pas les seuls. La liste établie par RSF évoque une quarantaine de pays. Outre les chefs d’État, on y trouve des groupes paramilitaires, des narcotrafiquants et des services de renseignements.

Duvalier, qui soutient que ces fonds appartiennent en réalité à la fondation dirigée par sa mère, envisagerait de poursuivre la Suisse devant la Cour européenne des droits de l’homme.

BRÉSIL PORTUGAL

SUISSE-HAÏTI

Ciel, mon magot! JEANCLAUDE DUVALIER va-t-il devoir dire adieu à son magot ? Une action en confiscation des avoirs de l’ancien dictateur haïtien bloqués dans des banques suisses depuis vingt-cinq ans a enfin été ouverte, le 29 avril, par le département fédéral des Finances. Si le tribunal administratif accède à la requête, lesdits avoirs seront restitués à Haïti. Depuis le 1er février, 4,5 millions d’euros sont gelés, conformément à la nouvelle loi sur la restitution des avoirs illicites. JEUNE AFRIQUE

n’est toujours pas sortie de la récession, a sans doute servi de leçon. Mais rassurez-vous : il y aura quand même des mesures d’austérité. Drastiques.

Bouée de sauvetage APRÈS LA GRÈCE et l’Irlande, l’an dernier, c’est au tour du Portugal de bénéficier d’un plan de sauvetage financier. Le 3 mai, le FMI et l’Union européenne lui ont octroyé une aide de 78 milliards d’euros sur trois ans, mais, soucieux de ne pas plomber davantage la croissance de l’économie locale, ils ont accepté de l’assortir d’un assainissement des comptes publics « plus graduel que prévu » par le gouvernement de José Socrates. L’exemple de la Grèce, qui, un an après la mise en place d’un plan de rigueur,

Critiques onusiennes ALORS QUE LE BRÉSIL s’apprête à accueillir la Coupe du monde de football en 2014, puis les Jeux olympiques, deux ans plus tard, l’ONU s’inquiète : pour permettre la construction des infrastructures requises, plusieurs milliers de familles ont déjà été expulsées, mais aucune proposition de relogement, aucune compensation financière digne de ce nom ne leur a été faite. Raquel Rolnik, la rapporteuse onusienne pour le droit à un logement décent, estime que le procédé s’apparente à une violation des droits de l’homme. N 0 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

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Ý JACOB ZUMA le 21 avril, célébrant la « majorité » de sa fille DUDUZILE (au centre, avec des lunettes).

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Gabon Les tracas d’Africa no 1

MALIKA GROGA-BADA

TSHITENGE LUBABU M.K.

SOWETAN/GALLO IMAGES/WIRELMAGE

il y avait de diamants au mètre carré. La plus belle de toutes, « Dudu », portait une longue robe blanche agrémentée de cristaux Swarovski posés à la main, le cou ceint d’un collier précieux. Sous le regard ému du président et de ses quatre épouses, les tourtereaux se sont dit « oui » sur fond de barrissements d’éléphants. Location de jets privés, policiers, motards…Lescontribuablessedemandent combien va leur coûter cette cérémonie. « Rien ! Les mariés gagnent très bien leur vie », oppose-t-on dans le camp présidentiel. Jacob Zuma, lui, savoure encore ces moments d’émotion. Possible d’ailleurs qu’il suive l’exemple de sa fille. Il se murmure que Nonkululeko Mhlongo, avec qui il a déjà deux enfants, serait en passe de devenir sa cinquième épouse. ●

DEPUIS PRÈS DE DEUX SEMAINES, Africa no 1 a cessé d’émettre sur le continent. Son signal a été suspendu parl’opérateursatelliteEutelsat,auquel la radio internationale gabonaise doit environ 200 millions de F CFA (environ 300000 euros) de factures et de pénalités. La station continue cependant à être diffusée en Île-de-France. Africa no 1 a été créée en 1981 par l’État gabonais, avec la participation d’un holding français, Sofirad, et d’investisseurs privés. Depuis 2006, elle est entrée dans une phase de restructuration marquée par l’arrivée de la Libyan Jamahiriya Broadcasting Corporation(LJBC),désormaisactionnaire principal à hauteur de 52 %, alors que le Gabon détient 35 % des parts, le reste revenant à des privés. Le 4 mai, le conseil d’administration de l’entreprise s’est réuni à Libreville. Selon le compte rendu qui a été fait au personnel, LJBC, organisme dépendant du gouvernement libyen, n’est plus en mesure d’honorer ses engagements. Raison invoquée : la guerre en Libye rend toute transaction financière avec l’extérieur impossible. L’État gabonais a promis de payer son dû à Eutelsat, afin que « les émissions reprennent dans les prochains jours », confie un cadre de la radio. ●

Afrique du Sud Un mariage presque princier LE 23 AVRIL, Duduzile Zuma, la fille du président sud-africain, a convolé en justes noces avec son fiancé, l’homme d’affaires Lonwabo Sambudla. La cérémonie s’est déroulée dans une réserve d’East London (provinceduCap-Oriental),l’Inkwenkwezi Game Reserve, en présence de 650 invités, parmilesquelslesministresdesScienceset des Finances, ou encore Mandla Mandela, petit-fils de Nelson. Jusque-là, rien d’anormal. Mais le faste étalé quatre jours durant fait jaser. « Ici, on a surnommé ce mariage “la mère de toutes les fêtes” », ironise un journaliste sud-africain. Maserati, Mercedes, Porsche, Lamborghini… Le matin de la cérémonie civile, un cortège de voitures plus luxueuses les unes que les autres a pris le chemincahoteuxdelaréserve.Lesfemmes rivalisaient d’élégance et de brillance, tant LE DESSIN DE LA SEMAINE

ÉTATS-UNIS SUPER RAS-LE-BOL

AP

IL EN A MARRE, SUPERMAN ! Dès qu’il vole au secours de la veuve et de l’orphelin, on l’accuse de travailler pour les services américains. La dernière fois, c’est quand il a apporté son soutien aux Iraniens qui manifestaient contre le régime. Alors c’est décidé – et imprimé dans le no 900 d’Action Comics –, il envisage de renoncer à sa nationalité pour devenir « citoyen du monde ». Blasphème ! Nombre de républicains sont montés au créneau pour protester. Selon eux, le personnage créé en 1932 et élevé dans le Kansas ne peut renier son pays. Ce serait le comble de l’ingratitude, pour un immigré débarqué illégalement de la planète Krypton ! N o 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

JEUNE AFRIQUE


ILS ONT DIT

L’ex-PDG du groupe public et quatre de ses anciens collaborateurs ont été condamnés, le 4 mai.

« Si Kaddafi résiste à l’Otan, il passera dans l’Histoire comme un des grands hommes du monde arabe. » FIDEL CASTRO Ancien numéro un cubain

L

a présidente du pôle économique du tribunal d’Oran a prononcé, le 4 mai, des peines de prison ferme à l’encontre de cinq anciens dirigeants du groupe pétrolier public Sonatrach, dont l’ex-PDG Mohamed Meziane et Abdelaziz Feghouli, l’ancien vice-président. Ils étaient poursuivis pour « passation de marché contraire à la réglementation » et « dilapidation de deniers publics » dans le cadre d’un contrat de 660 millions de dinars (6,2 millions d’euros) conclu avec une société franco-algérienne, Safir (dont Sonatrach était actionnaire), pour la réalisation de dix bacs de stockage d’azote dans le complexe d’Arzew. Prononcé en l’absence de Meziane, le verdict a provoqué le soulagement de ses quatre coïnculpés, condamnés à un an de prison, dont huit mois avec sursis. Inférieur aux réquisitions, il leur a permis de recouvrer la liberté après plus de quatre mois de détention provisoire. Ce n’est pas le cas pour Meziane, dont l’avocat a annoncé son intention de faire appel. L’ex-PDG a, lui, été condamné à deux ans de prison, dont un avec sursis. N’ayant pas été incarcéré au cours de la procédure, il aurait dû être mis sous écrou dès la levée de l’audience… où il ne s’est pas présenté. La décision du tribunal d’Oran semble anachronique. Alors que la tendance est à la dépénalisation des actes de gestion, les dirigeants de Sonatrach ont été condamnés pour avoir conclu, dans l’urgence, un marché de gré à gré. Et ce alors même que l’avocat du groupe avait reconnu que ce dernier n’avait subi aucun préjudice. ● CHERIF OUAZANI

Tunisie 1 milliard avant les élections LE 3 MAI, la Banque africaine de développement (BAD) et la Banque mondiale (BM) se sont engagées à prêter chacune 500 millions de dollars à la Tunisie. L’annonce a été faite lors de la visite à Tunis de Robert Zoellick, le président de la BM. Les fonds seront versés dès l’approbation du programme par les conseils d’administration des deux institutions, le 30 mai pour la BAD et à la mi-juin pour la BM. Ils seront destinés à lutter contre le chômage – principalement celui des jeunes –, à faciliter l’accès de la société civile à l’information et à rendre l’attribution des marchés publics plus transparente. « En accord avec le gouvernement tunisien, nous avons également décidé de mettre JEUNE AFRIQUE

l’accent sur quatre provinces intérieures particulièrement pauvres – Kasserine, Sidi Bouzid, leKefetGafsa–afind’yaméliorer l’efficacité des services publics », explique Jacob Kolster, responsable des opérations pour l’Afrique du Nord à la BAD. Un signal fort envoyé aux Tunisiens à quelques semaines d’une élection décisive pour le pays, dont l’issue n’est pas sans inquiéter les bailleurs. « Nous devons nous préparer à fairefaceàunesituationpolitique inédite », reconnaît Kolster. Mais le représentant de la BAD se veut rassurant quant à l’utilisation des fonds : « Aucun gouvernement africain nouvellement élu n’est jamais revenu sur les engagements signés par la BAD avec l’un de ses prédécesseurs. » ● JULIEN CLÉMENÇOT

« Avec le départ de Ben Ali, je perds ma muse. J’avais quelqu’un sur qui déverser ma haine. La haine, on ne peut pas la réserver à n’importe qui. Du coup, changer de sujet m’est très difficile. » TAOUFIK BEN BRIK Écrivain et journaliste tunisien

« J’ai caché mes

césars. Je ne me sens pas l’âme d’un dentiste qui affiche ses diplômes, comme aux États-Unis. » TAHAR RAHIM Acteur français

« Mon corps a toujours été mon fonds

de commerce, je me regardais comme un produit. Aujourd’hui, une vie plus normale reprend. Je me prépare le matin comme une belle femme, c’est plus cool. » ADRIANA KAREMBEU Mannequin slovaque (qui se lance dans les affaires)

« La France attend de Benyamin Netanyahou qu’il prenne le risque de la paix. Si le processus est toujours au point mort en septembre, la France prendra ses responsabilités sur la question de la reconnaissance de l’État palestinien. » NICOLAS SARKOZY Président français N 0 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

JEAN BLONDIN/REUTERS - LUKE MACGREGOR/REUTERS - LAURENT HAZGUI/FEDEPHOTO

Sonatrach Prison ferme pour Meziane

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La semaine de J.A.

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Retrouvez l’interview vidéo d’Andris Piebalgs, Commissaire européen au développement : « Il est plus facile de travailler avec Alassane Ouattara. »

SONDAGE Laurent Gbagbo doit-il être jugé ? 3 1

« JE M’INSCRIS DANS LA LIGNÉE DE GAMBETTA ET DU GÉNÉRAL DE GAULLE », explique Patrick Lozès avec emphase.

France Lozès vise un cran plus haut Décidément, la présidentielle de 2012 suscite beaucoup de vocations. Dernière en date : celle du fondateur du Conseil représentatif des associations noires.

I

Les lecteurs de jeuneafrique.com sont partagés sur cette question, même si une majorité (63 %) souhaite voir Laurent Gbagbo jugé dans tous les cas. À noter : à peine plus d’un quart font confiance à la justice ivoirienne.

l aime être partout. Surtout là où on ne l’attend pas. Patrick Lozès, le président du Conseil représentatif des associations noires (Cran), 46 ans, sera candidat à la présidentielle de 2012. Comme il aime décidément surprendre, il a choisi de l’annoncer dans Candidat. Et pourquoi pas ?, un livre à paraître le 12 mai aux Éditions du Moment, dans lequel il présente les grandes lignes de son programme. Béninois d’origine, ce pharmacien devenu le porte-voix des « minorités » entend « être le candidat de tous les Français qui refusent que l’on stigmatise les Noirs, les Arabes et les Asiatiques ». « Je m’inscris dans la lignée de Gambetta ou de De Gaulle, ces grands hommes qui ont refusé le fatalisme », explique-t-il avec emphase.

LA SEMAINE PROCHAINE :

LÉGITIME. Avant lui, Christiane Taubira,

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* SONDAGE RÉALISÉ AUPRÈS DES INTERNAUTES DE JEUNEAFRIQUE.COM ENTRE LE 28 AVRIL ET LE 5 MAI 2011

PHILIPPE JASTRZEB/SIGNATURES

SEBASTIEN PIRLET/REUTERS

JEUNEAFRIQUE.COM

1. Oui, mais par la justice internationale 36 % 2. Oui, mais par la justice ivoirienne 27 % 3. Non, sauf si Alassane Ouattara comparaît également pour les crimes dont sont accusés ses partisans 37 % (721 votes*)

Obama a-t-il raison de refuser de publier les photos du cadavre de Ben Laden? À LIRE AUSSI : African Origins : sur la piste des esclaves affranchis. N o 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

députée de Guyane, s’était lancée dans la course en 2002, au nom des radicaux de gauche (PRG). La même année, Lozès avait brigué la 1re circonscription de Paris aux législatives, sous les couleurs de l’UDF – où il est resté dix-sept ans. Aujourd’hui, il se présente sans étiquette. « La droite a engagé la diversité dans une impasse, et il n’y a rien d’intéressant dans le programme de la gauche en matière d’égalité. Ma candidature est indispensable et légitime, car il est temps que le Front

national arrête de dicter l’agenda politique du pays. » Avec déjà le verbe facile du politicien, il détaille ses trois priorités : l’économie (« inclure les consommateurs exclus est une solution pour relancer l’économie française »), l’éducation (« les élèves issus de l’immigration doivent aussi se retrouver dans les livres d’histoire ») et les statistiques de la diversité (« savoir combien il y a d’immigrés en France pour que l’on cesse d’en débattre »). Mais Lozès est aussi très loin de faire l’unanimité. Alors, il préfère anticiper les critiques et, décidément très sûr de lui, a réponse à tout. Sa candidature risque de contribuer à l’éparpillement des votes face à la montée de Marine Le Pen ? « Il appartient au PS et à l’UMP de proposer un projet mobilisateur et porteur sur les questions d’égalité. » Son retour en politique après six ans d’absence ? « Les réflexes reviennent vite. » Les dissensions au sein du Cran, qu’il va bientôt quitter ? « Une poignée de personnes ont contesté mon élection. Quoi de plus éclatant qu’une décision de justice ? » [La cour d’appel de Paris a tranché en sa faveur le 7 avril, NDLR]. Son côté mégalo? « Non, je ne suis pas l’Obama français ! » Lozès a déjà commencé à collecter les 500 signatures nécessaires pour valider sa candidature. « Ce sera difficile, mais ce n’est pas insurmontable. » ● JUSTINE SPIEGEL JEUNE AFRIQUE


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Côte d’Ivoire Disparitions inquiétantes Plus d’un mois après leur enlèvement, on est toujours sans nouvelles de quatre ressortissants étrangers, dont deux Français.

P

ar pitié, que les ravisseurs nous disent ce qu’ils veulent ! » C’est le cri de désespoir que nous a adressé Jacky Frantz Di Rippel, dont le fils, Stéphane, a été enlevé à Abidjan le 4 avril. Directeur général du Novotel, ce dernier était resté au milieu de ses employés au plus fort de la crise. Ce jour-là, un autre Français, Yves Lambelin, directeur général du groupe Sifca, donne une interview à la chaîne TF1 sur la terrasse de l’établissement. Dans l’après-midi, des militaires font irruption dans le hall. Selon Jacky Frantz Di Rippel, ils exigent de voir les journalistes logés dans l’établissement. Son fils nie leur présence pour les protéger, avec l’aide de Lambelin. Les soldats embarquent les deux hommes ainsi que deux collaborateurs du directeur général de Sifca, le Béninois Raoul Adeossi, son assistant, et le Malaisien Chelliah Pandian, directeur général de Sania, une filiale du groupe.

SIA KAMBOU/AFP

«

UN APPEL À TÉMOINS a été lancé dans la presse ivoirienne pour retrouver Stéphane Frantz Di Rippel, Yves Lambelin et les collaborateurs de ce dernier.

de soutien créé sur Facebook. Malgré cela, et plus d’un mois après les faits, l’enquête n’avance guère.

MORAL AU PLUS BAS. « Toutes les informations qui nous parviennent sont inquiétantes, indique un proche de Lambelin. Mais sans preuve de leur exécution, De forts soupçons pèsent sur on se raccroche au moindre la garde républicaine du président espoir. » De forts soupçons déchu. Mais l’enquête piétine. pèsent sur la garde républicaine, fidèle au président déchu, comme l’a laissé entendre Jeannot On murmure d’abord qu’ils ont été Kouadio Ahoussou, le ministre de la emmenés dans le sous-sol de la présiJustice. Le nouveau président, Alassane dence, au Plateau. Mais quand les miliOuattara, a fait part de son inquiétude taires pro-Ouattara ont pris possession des lieux, ils n’ont pu retrouver leur trace. et demandé à ce que les militaires proDepuis, un appel à témoins a été lancé Gbagbo arrêtés soient interrogés. Les dans la presse ivoirienne et un comité Nations unies et les militaires français de

la force Licorne mènent également des investigations, et une double enquête a été lancée à Abidjan et à Paris – cette dernière pour « enlèvement, séquestration et vol ». Une juge française, Patricia Simon, devrait se rendre très prochainement sur place avec une équipe d’enquêteurs. La compagne de Stéphane, Karine Perrelle, a également prévu de faire le voyage. Du côté de la maison Sifca, le moral est au plus bas. À l’enlèvement de son directeur général s’ajoutent les crimes odieux perpétrés le 4 mai par des mercenaires libériens. Ayant réussi à s’échapper du quartier de Yopougon, ces derniers ont commis des exactions dans les plantations du groupe, à Dabou et Irobo. Bilan : vingt et un morts. La Côte d’Ivoire n’a pas fini de panser ses plaies. ● PASCAL AIRAULT

À SUIVRE LA SEMAINE PROCHAINE

AU 21 MAI Aux Seychelles, James Michel, le chef de l’État sortant, est à nouveau le candidat du Lepep à la présidentielle. Il est déjà le grand favori de ce scrutin. JEUNE AFRIQUE

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REUTERS

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MAI Le 2e sommet Union africaine-Inde se tient à Addis-Abeba. Un rendez-vous important, pour un volume d’échanges de plus de 36 milliards de dollars.

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MAI Alassane Ouattara est investi président de la Côte d’Ivoire àYamoussoukro. De nombreux chefs d’État africains sont attendus à la cérémonie. N 0 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011


La semaine de J.A. Les gens

Dov Zerah Ce qui est prévu pour Tunis et Abidjan Le directeur général de l’Agence française de développement (AFD) précise les contours des plans d’aide annoncés. JEUNE AFRIQUE : L’AFD met en place le plan d’aide français de 350 millions d’euros en Tunisie, annoncé le 20 avril. En quoi consiste-t-il ? DOV ZERAH : La composition de cette

aide est en train d’être précisée pour coller au plus près des besoins. Les premières demandes ont été formulées dès la nomination du gouvernement du Premier ministre Béji Caïd Essebsi, en février. Il y a trois priorités : l’emploi et la formation professionnelle ; le développement régional et le soutien aux zones défavorisées, avec notamment la rénovation de quartiers ; et le secteur financier. Cette aide se décline-t-elle sous forme de dons ou de prêts ? Et est-ce une aide budgétaire ?

Par cette aide sectorielle, nous allons financer des programmes qui relèvent du budget de l’État tunisien. Tout apport de devises revient à soutenir la balance des paiements. Il s’agit d’un prêt avec des éléments concessionnels et déclarable au titre de l’aide publique au développement (APD). Les conditions du prêt sont en cours de discussion. Les autorités tunisiennes souhaitent signer une première convention d’ici à la fin du mois de mai et, si possible, en marge de la réunion du G8, les 26 et 27 mai, à Deauville, à laquelle elles sont invitées. Les premiers décaissements pourraient ensuite intervenir rapidement. Les autorités tunisiennes chiffrent les besoins extérieurs à 2,5 milliards d’euros pour relancer l’économie. Si

on ajoute les engagements des autres bailleurs, nous sommes encore loin du compte…

Elles sont invitées à Deauville pour que d’autres bailleurs accompagnent ce que nous avons initié. Il faut éviter que l’économie tunisienne ne tombe en récession. Heureusement, le pays a de bons fondamentaux, une classe moyenne, une main-d’œuvre compétente, un endettement public limité (40 % du PIB) et il respecte ses échéances de remboursement de prêts internationaux. Par ailleurs, les exportations ont redémarré. Mais il faut reconnaître que la Tunisie fait face à trois chocs : la baisse de la fréquentation touristique, les effets de la crise libyenne, estimés à 1 % ou 2 % du PIB, et enfin les incertitudes, liées aux prochaines échéances politiques, auxquelles font face les entreprises. La France a annoncé, le 12 avril, un plan de soutien à la Côte d’Ivoire de 400 millions d’euros. Où en sommes-nous ?

Un accord de prêt de 350 millions d’euros a été signé le 26 avril. Une première tranche de 200 millions a aussitôt été débloquée, principalement pour payer les fonctionnaires en avril et solder les arriérés de mars. Il s’agit d’une aide budgétaire directe sous la forme d’un prêt concessionnel. Une partie de cette enveloppe sera également affectée aux arriérés de l’État vis-à-vis des sociétés d’eau et d’électricité. Viendra ensuite une seconde tranche de 150 millions. Les 50 millions restants contribueront à l’apurement d’arriérés auprès de la

VINCENT FOURNIER/J.A.

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Banque africaine de développement (BAD) et de la Banque mondiale pour permettre à la Côte d’Ivoire de renouer avec les institutions financières internationales et d’atteindre, à la mi-2012, le point d’achèvement du Programme des pays pauvres très endettés (PPTE). N’est-il pas risqué d’accorder une aide budgétaire dans un pays en crise? Avezvous obtenu toutes les garanties du gouvernement Ouattara-Soro quant à la bonne utilisation de ces fonds ?

L’AFD accorde ce prêt avec une garantie du Trésor français. En outre, nous avons obtenu toutes les assurances des autorités ivoiriennes. Une mission d’évaluation financière se rendra d’ailleurs sur place pour examiner l’exécution de la première tranche avant d’envisager la seconde, qui reste à définir. Mais cette dernière devrait porter sur des créations d’emplois dans le cadre de programmes de réhabilitation (voirie, quartiers, bâtiments publics…). ● Propos recueillis par PHILIPPE PERDRIX

NOMINATIONS

OUSMANE SALATOU DIAGANA BANQUE MONDIALE Désigné manager de l’année par la Banque mondiale en 2009, cet économiste mauritanien a été nommé Directeur des opérations de l’institution région Afrique (Mali, Niger,Tchad et Guinée-Conakry). N o 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

ABDELKADER BENSALAH ALGÉRIE Le président du Sénat algérien, 69 ans, a été chargé, le 2 mai, par le président Bouteflika de conduire les consultations avec les partis et les personnalités nationales sur les réformes politiques. JEUNE AFRIQUE


EN HAUSSE

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DANIEL BARENBOIM

Emmanuel Dongala Double couronnement

Le chef d’orchestre israéloargentin et grand défenseur de la cause palestinienne a donné « un concert pour la paix », le 3 mai, à Gaza, à la tête de vingt-cinq musiciens européens devant un public de 300 personnes.

Déjà primé en novembre 2010, le dernier roman de l’écrivain congolais a reçu, le 2 mai, le prix Ahmadou-Kourouma.

A

DU FLEUVE

(Actes Sud, 2010)

JEUNE AFRIQUE

NICOLAS MICHEL

KASHA JACQUELINE NABAGESERA La fondatrice et présidente ougandaise de Freedom and Roam Uganda (défense des lesbiennes, bisexuels, gays et transgenres) est la lauréate du prix Martin Ennals, qui récompense le travail de son ONG.

La chercheuse marocaine recevra, le 9 mai, à Paris, le Grand Prix de l’Académie des sciences pour l’alphabétisation scientifique des enfants. Depuis 2006, elle encourage la scolarisation des fillettes marocaines en milieu rural.

DR - REUTERS

AFAF MIKOU

EN BAISSE

MAMADOU TANDJA Accusé de détournement de fonds publics, l’ex-président nigérien reste en prison. Le parquet a fait appel de l’ordonnance de remise en liberté provisoire rendue par la cour d’appel de Niamey, le 3 mai. Le recours sera examiné le 10 mai. LAURE-MARIE KAWANDA La ministre desTransports de la RD Congo a été limogée le 3 mai après les naufrages meurtriers survenus les 24 avril et 1er mai dans l’est et le centre du pays. On lui reproche des négligences dans son secteur. RASMANÉ OUANGRAOUA Le chef de la police burkinabè a été démis de ses fonctions par Blaise Compaoré le 6 mai, une semaine après la mutinerie de policiers à Ouagadougou, au cours de laquelle un écolier de 11 ans a été tué par une balle perdue. N 0 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

DR - NB - PATRICK KOVARIK/REUTEURS

PATRICK BOX/OPALE

près le prix Virilo, reçu en novembre 2010 pour son roman Photo de groupe au bord du fleuve (Actes Sud), le romancier congolais Emmanuel Dongala, 59 ans, a de nouveau été honoré, le 2 mai dernier, par le prix Ahmadou Kourouma – doté de 5 000 francs suisses (4 000 euros) –, qui lui a été remis lors du Salon du livre de Genève. Cette récompense ne surprend guère : professeur de chimie et de littérature aux États-Unis, Emmanuel Dongala est l’auteur de six ouvrages remarquables et remarqués. Il y a eu Jazz et vin de palme en 1996, Les petits garçons naissent aussi des étoiles en 2000 et, surtout, Johnny chien méchant en 2002. Ce dernier texte, qui se penche sur le sort des enfants soldats, a été porté sur grand écran en 2008 par le Français Jean-Stéphane Sauvaire sous le titre Johnny Mad Dog. Paru en 2010, Photo de groupe au bord du fleuve est un livre dédié à la cause des femmes. Il évoque la vie de quatorze d’entre elles en Afrique, le « pire endroit pour une femme sur cette planète ». Épouses abandonnées, veuves spoliées, mères violentées, filles violées, les héroïnes de Dongala concassent de la pierre pour obtenir les gravillons utilisés dans la fabrication du béton armé et le revêtement des routes. Le projet de construction d’un aéroport nécessitant une grande quantité de gravier soulève un vent de révolte. Et si cette fois elles Bibliographie vendaient leur production au double du tarif habiUN FUSIL DANS LA MAIN, tuel ? Une revendication UN POÈME DANS LA POCHE Albin Michel, 1974) qui pourrait bien devenir une affaire d’État… Pas LE FEU DES ORIGINES (Albin Michel, 1987) de doute, voilà bien un roman « dont l’esprit d’inJAZZ ET VIN DE PALME (Le Serpent à plumes, 1996) dépendance, de lucidité et de clairvoyance s’inscrit LES PETITS GARÇONS NAISSENT dans le droit fil de l’hériAUSSI DES ÉTOILES (Le Serpent à plumes, 2000) tage légué par Ahmadou Kourouma », comme l’ont JOHNNY CHIEN MÉCHANT (Le Serpent à plumes, 2002) souligné les organisateurs du prix. ● PHOTO DE GROUPE AU BORD


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Grand angle

SPÉCIAL BEN LADEN

Le djihad sans tête

They got him ! Dans la nuit du 1er au 2 mai, le chef d’Al-Qaïda a été froidement exécuté par un commando de l’US Navy. Mais après l’élection de Barack Obama et le déclenchement des révolutions arabes, l’utopie sanglante qu’il symbolisait était, à bien des égards, déjà morte.

FRANÇOIS SOUDAN

D

ans cet empire de l’image qu’est l’Amérique,Hollywoodn’estjamais loin.Observez,pagesuivante,cette photopourl’histoirediffuséeparla Maison Blanche, quelques heures après l’exécution d’Oussama Ben Laden, dans la nuit du 1er au 2 mai. Figés, tendus comme s’ils assistaient à une finale du Super Bowl ou au duel ultime d’un western, Barack Obama, Joe Biden, Hillary Clinton, Robert Gates et le staff du Conseil national de sécurité ont les yeux rivés sur un écran qu’on ne voit pas. Des ordinateurs, quelques gobelets de soda et, sur une table hors cadre, un buffet sommaire: chips, crevettes, crêpes fourrées à la dinde. Dehors, c’est un après-midi de printemps ensoleillé, mais, à Abbottabad, là où se déroule l’action, il est un peu plus de minuit. Depuis son bureau de Langley, sur l’autre rive du Potomac, Leon Panetta, le directeur de la CIA, commenteendirectlesimagesdumatchdramatique et terriblement inégal qui oppose les quatre-vingts Rambo des Navy Seals au rempart dérisoire que le terroristeleplusrecherchéaumondeadresséautour de lui: une vingtaine d’hommes (dont un seul était armé), de femmes et d’enfants. « Ça y est, ils ont atteint la cible! » Long silence. « Geronimo en vue! » Long silence. « Geronimo EKIA ! » [Enemy Killed In Action: « ennemi tué en action », NDLR]. Dans la Situation Room, les spectateurs sont tétanisés. Puis Barack Obama se lève: « On l’a eu! » Tonnerre d’applaudissements. La chasse à l’homme la plus longue, la plus coûteuse et la plus exaspérante de l’Histoire vient de s’achever. Le western aussi, N o 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

soignéjusquedanssoncasting,quelesAmérindiens jugeront sans doute obscène: Geronimo, le nom de code donné par la CIA à Ben Laden, fut l’un des plus grands résistants apaches, capturé en 1886 après avoir – lui aussi – tenu tête pendant deux décennies à l’armée américaine. Clap de fin, donc, pour un homme traqué, reclus dans une résidence-forteresse coupée du monde (que les autorités pakistanaises ont, depuis, décidé de raser afin d’éviter qu’elle ne devienne un lieu de pèlerinage), sans téléphone ni internet, qui ne communiquait avec l’extérieur que par messagers, depuis longtemps réduit au rôle d’acteur mythique et symbolique, sorte d’icône légitimante d’une superproduction planétaire. À Abbottabad, charmante petite ville de garnison à 55 km d’Islamabad, par où passa un célèbre major britannique de l’armée des Indes, James Abbott (d’où son nom), le fondateur d’Al-Qaïda se terrait depuis 2005 à deux pas d’une académie militaire, d’un centre médical du ministère de la Défense et du QG de la 2e division du corps d’armée du Nord. Autant dire entre les pattes de l’éléphant, ce qui soulève quand même bien des interrogations quant au jeu exact des autorités pakistanaises et explique pourquoi, quand il a fallu décider si, oui ou non, les forces spéciales du pays hôte devaient être associées aux Navy Seals venus de la base afghane de Jalalabad, Barack Obama a, dès la mi-mars, éliminé cette option par crainte des fuites. PHALANSTÈRE. Repéré par les Américains, depuis

août 2010, avec un taux de certitude de 80 %, le phalanstère Ben Laden abritait aux yeux de ses voisins une famille ultraconservatrice et autarcique, où les femmes portaient la burqa, et dont les domestiques, muets comme des tombes, ne sortaient qu’une fois par mois pour remplir un pick-up Toyota de

Quelle tempête auraient soulevée un procès du chef islamiste et sa condamnation à mort ! vivres et de boissons – Coke, Pepsi et jus de fruits importés – au marché d’Abbottabad. La curiosité étant, dans le nord du Pakistan, un défaut parfois fatal, nul ne posait de questions. Tout juste savait-on que les femmes de cette étrange communauté qui brûlait elle-même ses déchets parlaient arabe, et qu’aucun des neuf enfants n’était scolarisé. C’est là, dans sa chambre au troisième étage de la résidence, que les commandos américains ont trouvé « Geronimo » en shalwar kameez – cet habit traditionnel unisexe porté de Kaboul à Karachi, en passant par New Delhi – et qu’après avoir liquidé son fils Khaled dans l’escalier ils l’ont exécuté d’une balle dans la tête, juste au-dessus de l’œil gauche. C’est là que la « justice », ou plus exactement la loi expéditive de Charles Lynch, a été appliquée à un homme responsable de la mort de milliers ●●● d’innocents, mais désarmé. JEUNE AFRIQUE


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AP/SIPA

Ý OUSSAMA BEN LADEN quelque part en Afghanistan, avril 1998.

JEUNE AFRIQUE

N 0 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011


REX/SIPA

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BIDEN, OBAMA, CLINTON, GATES ET LES AUTRES suivent en direct l’opération dans la Situation Room de la Maison Blanche.

Obama,quiavaitaprioriautorisécetteexécution sans que l’on sache encore si elle était ou non conditionnelle, n’a pas, en la matière, agi différemment de son prédécesseur, George W. Bush, lequel avait explicitement autorisé la mise à mort des deux fils de Saddam Hussein lors de l’assaut donné par les Américains contre leur repaire, en juillet 2003, à Mossoul–àcettedifférenceprèsqu’OudaïetKoussaï, par ailleurs tueurs en série patentés, étaient, eux, armés jusqu’aux dents. Mais avait-il le choix? Qui aurait pu supporter la perspective d’un procès de Ben Laden, héros et martyr salafiste déballant à la barre le détail de ses multiples contacts avec la CIA, au début des années 1980, et le contenu de ses rencontres secrètes avec le chef des services secrets saoudiens, le prince Turki ? Quelle tempête du désert auraient soulevée sa condamnation à mort et son inéluctable exécution par injection létale, à l’aube, dans une prison du Texas! ●●●

Les ennemis de l’Amérique Les éliminations de Hitler, Saddam Hussein et Ben Laden vues par le magazine Time.

7 mai 1945

SAC LESTÉ DE PLOMB. Mort, Oussama Ben

Mohammed Ben Awad Ben Laden, 54 ans, l’était déjà d’une certaine manière, avant même que son corps défiguré ne vienne reposer dans un sac lesté de plomb au fond de la mer d’Arabie, jeté pardessus bord depuis le porte-avions Carl Vinson. Mort pour sa famille élargie, qui s’est contentée de recevoir dans la plus grande discrétion quelques condoléances individuelles en sa résidence de Djeddah. Mort surtout aux yeux de ceux qui, un moment, se reconnurent en certaines de ses phrases, voire de ses actes, parce qu’il disait avec ses mots à lui, concernant Israël et les États-Unis, ce que la « rue arabe », muselée par ses dictateurs, ne pouvait pas dire. L’élection de Barack Obama, qui a en partie vidé desonsenslacritiquepavloviennedel’impérialisme N o 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

21 avril il 2003

20 mai 2011

américain blanc, avait fragilisé ce qui restait du « message » d’Al-Qaïda. Les révolutions arabes l’ont (presque) rendu totalement obsolète. Ces révolutions sont à la fois nationales, non violentes, inclusives, sans connotations religieuses marquées, démocratiques, mixtes et surtout – dans deux pays au moins – directement à l’origine de la chute de deux pharaons. Alors que l’utopie assassine de Ben Laden et son rêve de califat islamique n’ont fait que renforcer Israël et entraîner l’occupation par l’armée américaine de deux pays musulmans, l’Irak et l’Afghanistan, tout en fournissant aux satrapes qu’il prétendait chasser du pouvoir la meilleure des justifications pour y demeurer. Signe du profond désarroi dans lequel est plongée Al-Qaïda, ce message vidéo confus diffusé le mois dernier dans lequel le numéro deux de l’organisation, Ayman al-Zawahiri, appelle le peuple libyen à combattre à la fois les forces de l’Otan et « les mercenaires de Kaddafi ». Même si, quelque part dans les montagnes du Hadramaout, au Yémen, dans les sables du Ténéré, auSahara,danslesvalléesduWaziristan,auPakistan, ou tout simplement sur internet, une « brigade du martyr Oussama Ben Laden » vient sans doute de naître, avec pour objectif de poursuivre le cercle infernal de la vengeance, c’est bien à la fin d’une parenthèse à la fois marginale et omniprésente, spectaculaire et entièrement négative, que le monde vient d’assister. Plus que jamais, le Leaderless Jihad (le « Djihad sans tête ») décrit, il y a trois ans, par l’Américain Marc Sageman ressemble à ces poulets décapités capables de courir un temps avant de s’effondrer. Barack Obama, lui, y a gagné onze points dans les sondages.EtHollywood,lescénariodesonprochain blockbuster. ● JEUNE AFRIQUE


Le djihad sans tête

Ils ne croyaient plus en lui Très populaire chez les musulmans au lendemain du 11 Septembre, le chef d’Al-Qaïda avait, au fil des années, beaucoup perdu de sa crédibilité. Une enquête d’un think-tank américain le confirme. LAURENT DE SAINT PÉRIER

F

aites-vousconfiance à Ben Laden pour agir positivement sur les affaires du monde ? » Depuis 2003, le thinktank américain pose cette même question dans dix-huit pays musulmans, du Bangladesh au Nigeria*. Les réponses font apparaître dans l’opinion musulmane de fortes disparités géographiques : 72 % de réponses positives dans les territoires palestiniens, 15 % en Turquie (2003). Mais aussi une forte érosion de la popularité du djihadiste dans l’ensemble des pays étudiés. En Indonésie, il perd 33 points entre 2003 et 2011, et 38 dans les territoires palestiniens. Au Liban, ils ne sont plus que 1 % à lui faire confiance, contre 19 % en 2003. Il n’y a guère qu’au Nigeria que sa cote de confiance progresse: de 45 % en 2003 à 48 % en 2010. Ce constat rejoint les analyses des spécialistes, pour qui le « déclin » d’Al-Qaïda est inéluctable. On peut y voir un « effet Obama ». Car une enquête du même think-tank montre, parallèlement, une nette amélioration de l’image des États-Unis dans les pays musulmans. Reste que, pour comprendre l’effondrement de la popularité d’« OBL », il faut d’abord s’intéresser à sa genèse. «L’attentatduWorldTradeCenter a eu lieu un an après le déclenchement de la seconde Intifada palestinienne, rappelle l’universitaire français Dominique Thomas. Pour beaucoup de musulmans, Ben Laden a représenté la seule réponse à la toute-puissance américaine, à l’occupation israélienne et à l’impuissance de leurs propres dirigeants. » Pourtant, le héros de la lutte « contre les Juifs et les croisés » n’a, depuis 2001, lancé aucune opération en Israël ou sur le sol JEUNE AFRIQUE

américain. Son dernier fait d’armes en Occident remonte aux attentats de Londres, en 2005. MASSACRES AVEUGLES. En

revanche, les djihadistes qu’il inspire ont multiplié les actions en terre musulmane et massacré aveuglément leurs coreligionnaires. En Jordanie, le triple attentat de novembre2005afaitcinquante-sept morts et horrifié la population. La cote de popularité de Ben Laden s’est aussitôt effondrée : 61 % en 2005, 24 % en 2006. En Irak, les carnages perpétrés par Abou Moussab al-Zarqaoui ont eux aussi révulsé une large partie de l’opinion. Et même suscité la réprobation d’islamistes parmi les plus radicaux. « À partir de 2003, l’extrémisme qui s’est manifesté en Irak a été rejeté par de nombreux membres d’Al-Qaïda, comme Al-Makdissi, le mentor de Zarqaoui », confirme Dominique Thomas. En 2007, l’Égyptien Sayyed Imam Al-Sharif, alias Docteur Fadl, une référence d’Al-Qaïdaen matière dedoctrine,afermementcondamné la stratégie de Ben Laden, précisant même à l’intention de ce dernier :

« Les vrais leaders doivent se placer au premier rang de leurs troupes, non se terrer dans des grottes. » Enlèvements et trafics dans le Sahel, contrôle territorial en Somalie, attentats contre des civils en Irak, attaques des forces gouvernementales au Yémen… De l’Asie centrale à l’Afrique occidentale, les stratégies très contrastées des groupes affiliés à la nébuleuse n’ont pas contribué à accroître sa crédibilité. « Les dissensions au sein d’Al-Qaïda, sa dispersion géographique et son absence de réelle base sociale ont nui à sa lisibilité », analyse Dominique Thomas.

En Indonésie, sa cote de popularité s’est effondrée entre 2003 et 2011 : – 33 % !

Æ VENTE DE TEE-SHIRTS À L’EFFIGIE DE BEN LADEN sur l’île de Zanzibar (Tanzanie), en août 2006.

En outre, la montée en puissance d’un islamisme modéré en Turquie, au Maroc, en Tunisie ou en Égypte offre une alternative raisonnable et efficace au salafisme djihadiste. Enfin, la popularité de Ben Laden tenait beaucoup à son image médiatique. Or, au fil des années, celle-ci s’est faite de plus en plus rare, jusqu’à disparaître presque complètement à partir de 2007. Son assassinat le fait revenir sur le devant de la scène. Mais pour combien de temps ? ● * Le sondage ne prend en compte, dans chaque pays, que les citoyens de confession musulmane.

REX/SIPA

«

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Grand angle Spécial Ben Laden

Les gagnants, les perdants et… les autres Qui peut se réjouir de l’élimination du chef d’Al-Qaïda ? Qui a toutes les raisons de redouter ses conséquences ? Qui ne sait trop sur quel pied danser ? Tour d’horizon. CONSTANCE DESLOIRE

La mort de Ben Laden est une excellente affaire pour… Barack Obama. À un an de l’ouverture de la campagne présidentielle, le chef de l’exécutif américain, souvent accusé de faiblesse sur le plan sécuritaire, a réussi en deux ans et demi ce que George W. Bush n’avait pas réussi à faire en sept. Trois jours après l’assaut, sa cote de popularité avait grimpé de onze points dans les sondages. Ce dénouement pourrait donner un sens à l’intervention en Afghanistan (de plus en plus impopulaire chez les Américains) et, surtout, amener les talibans à la table des négociations. C’est peut-être aussi une bonne nouvelle pour les États-Unis, qui, à terme, pourraient déclarer gagnée la « guerre contre le terrorisme », fermer le camp de Guantánamo et mettre fin aux mesures liberticides exceptionnelles mises en place après le 11 Septembre.

Coût de la traque du chef d’Al-Qaïda pour les États-Unis depuis dix ans Guerre en Irak

806

+ Guerre en Afghanistan

443

+ Sécurité intérieure

690 1939 milliards de dollars

d’Ahmadinejad a profité de l’événement pour réclamer le retrait américain d’Afghanistan. « Cette mort prouve qu’il n’y a pas besoin d’un vaste déploiement militaire pour traquer un seul individu », a déclaré le ministère des Affaires étrangères.

Laden intervient à un moment propice pour les démocrates arabes soulevés depuis le début de l’année. Le développement de leur mouvement pacifique et non religieux est renforcé par la disparition d’une figure qui défendait une idéologie radicalement opposée. Aucun portrait de Ben Laden n’a été brandi dans les manifestations tunisiennes, égyptiennes, yéménites, jordaniennes, syriennes, libyennes ou bahreïnies. Ni, après l’annonce de sa mort, dans aucun pays arabe. Une page se tourne : la jeunesse sait qu’elle a renversé des dictateurs pro-Américains, ce que Ben Laden n’a jamais réussi à faire.

Le gouvernement irakien. À

Bagdad, le chef de la diplomatie est « ravi » de la disparition d’un homme dont « l’idéologie a coûté la vie à des milliers d’Irakiens ». Ben Laden était en effet partisan d’une lutte implacable contre les chiites – laquelle fut particulièrement meurtrière en 2006-2007. Deux jours avant sa mort, le secrétaire d’État à la Réconciliation avait proposé de réintégrer dans la société les membres d’organisations djihadistes qui n’ont pas de sang sur les mains. Ce projet sera-t-il remis en question en cas de représailles? L’armée et la police ont été placées en état d’alerte maximale.

Le régime iranien. Téhéran peut

remercier les États-Unis, qui viennent d’éliminer l’un de leurs ennemis. Proche d’Al-Qaïda, le groupe sunnite Joundallah a, depuis 2009, commis plusieurs attentats meurtriers en Iran. Le gouvernement

Le pouvoir russe. La Maison

La monarchie saoudienne. À

Blanche a informé Poutine et Medvedev du raid contre Ben Laden avant la déclaration officielle d’Obama. Depuis 2001, le Kremlin assimile les groupes sécessionnistes du Nord-Caucase à Al-Qaïda. La lutte contre ces derniers va-t-elle repartir de plus belle ? On ne peut l’exclure. Dès le 2 mai, le ministère des Affaires étrangères a comparé le chef de guerre tchétchène Chamil Bassaïev à Ben Laden… ●

Riyad, c’est le soulagement. En 1994, les autorités du royaume avaient retiré sa nationalité à l’enfant du pays, qu’elles avaient d’abord envoyé en Afghanistan et transformé en héros, avant qu’il ne se retourne contre elles, en 1990. Le prochain numéro un du djihad mondial ne sera plus saoudien, ce qui ne peut qu’améliorer l’image d’un régime contre lequel Al-Qaïda avait, entre 2003 et 2006, multiplié les attaques avant d’être repoussée vers le Yémen. Les révolutionnaires du « printemps arabe ». La mort de Ben Ð PORTRAIT D’ALI ABDALLAH SALEH, LE PRÉSIDENT YÉMÉNITE, lors d’une manifestation à Sanaa, le 29 avril. N o 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

MUHAMMED MUHEISEN/AP

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Elleestunetrèsmauvaise nouvelle pour… Le gouvernement israélien.

Benyamin Netanyahou pourra plus difficilement agiter le chiffon rouge du terrorisme pour justifier sa politique coloniale en Palestine. JEUNE AFRIQUE


Le djihad sans tête

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mener une seule opération hors de leurs frontières. Ils vont être contraints de se recentrer sur les questions somaliennes. Ou de chercher de nouveaux partenaires extérieurs. ●

Elle a des conséquences mitigées pour…

WISSAM/CHINE NOUVELLE/SIPA

Les filiales d’Al-Qaïda. Désormais

MANIFESTATION DU HAMAS À GAZA, EN MARS 2010. Ismaël Haniyeh a été l’un des rares dirigeants arabes à condamner l’élimination d’Oussama Ben Laden.

Le Hamas. Ismaël Haniyeh, qui

dirige le mouvement à Gaza, est l’un des rares dirigeants arabes à avoir déploré « l’assassinat » de Ben Laden. Il a dénoncé le « terrorisme d’État » américain, mais rappelé les différences idéologiques entre Al-Qaïda et son parti. Depuis deux ans, le « mouvement de la résistance islamique » combat pourtant vigoureusement les groupuscules salafistes dans le territoire. Haniyeh a-t-il cherché à ménager une partie de son opinion, très antiaméricaine, et à dissuader ses compatriotes tentés de rallier ces groupes ? Quoi qu’il en soit, il risque de provoquer un décalage avec le Fatah – qui, lui, a salué la mort de Ben Laden –, avec lequel il a signé, le 4 mai, un

JEUNE AFRIQUE

accord de réconciliation. Et de rendre Américains et Européens encore plus circonspects sur le bien-fondé du nouveau gouvernement d’union. Les dictatures arabes. Quarante-

huit heures avant la mort de Ben Laden, Mouammar Kaddafi agitait encore l’épouvantail terroriste, face auquel il se présentait comme un « ultime rempart ». L’un de ses principaux arguments pour se maintenir au pouvoir est désormais caduc. Au Yémen, la position du président Saleh pourrait être dangereusement affaiblie. Alors qu’Al-Qaïda est en pleine expansion dans ce pays, les États-Unis viennent de démontrer qu’ils n’ont nul besoin du soutien d’un potentat aux abois pour éliminer un homme qui les menace. Les Shebab somaliens. Ils ont

Hamid Karzaï. Le président

Æ LE PRÉSIDENT AFGHAN HAMID KARZAÏ lors d’une conférence de presse à Kaboul, le 2 mai.

afghan a immédiatement appelé les talibans « à tirer les leçons de ce qui s’est passé et à cesser les combats ». En tout cas, à négocier. Mais ses adversaires pourraient, au contraire, précipiter leur traditionnelle offensive d’été. Le chef de l’État pourrait aussi profiter de l’occasion pour signifier aux ● ● ●

prêté allégeance à Al-Qaïda au début de 2010, mais n’ont pas été officiellement intégrés à l’organisation. Leur isolement risque de s’accroître. Hassan Dahir Aweys, un de leurs dirigeants, a déclaré que la guerre ne prenait pas fin avec la mort de Ben Laden, mais n’a pas appelé à le venger. Depuis les attentats à Kampala de juillet 2010 (79 morts), ils n’ont pas réussi à

SHAH MARAI/AP PHOTO

Comment continuer d’assimiler le chef d’Al-Qaïda aux leaders palestiniens (« notre Ben Laden à nous », avait dit Ariel Sharon de Yasser Arafat, en 2001)? D’autant que Ben Laden a échoué à s’implanter en Palestine. Et qu’il n’est que rarement parvenu à frapper la diaspora juive. Son élimination pourrait néanmoins inciter les autorités israéliennesàentreprendred’autres assassinats extrajudiciaires parmi ceux qu’elles présentent comme des terroristes.

orphelines, les cellules locales d’Al-Qaïda vont devoir se réorganiser. Mais la mort d’Oussama Ben Laden marque peut-être la fin de l’époque où le djihadisme affichait une relative unité. L’action de ces groupes pourrait prendre de nouvelles formes, diverses, fragmentées, difficiles à comprendre et à contrecarrer. Pour Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa), la disparition du chef est « une catastrophe » qui la contraint à repenser « l’avenir du djihad ». Cellule la plus active de la nébuleuse, elle se sert de la crise actuelle du régime yéménite pour prospérer. Va-t-elle à présent réclamer le leadership du réseau ? Ou chercher à s’émanciper ? Al-Qaïda au pays des Deux Fleuves (l’Irak) est en revanche affaiblie depuis plusieurs années par la concurrence d’autres groupes djihadistes sunnites. Sa marginalisation risque de s’accroître.

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Grand angle Spécial Ben Laden

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● ● ● Américains que la présence de troupes étrangères sur le sol afghan n’est plus justifiée puisque l’objectif initial de l’invasion de 2001 est désormais atteint.

Le régime pakistanais. Tout en se

félicitant de la mort de Ben Laden, le président Zardari a reconnu ne pas avoir été associé à l’opération du 1er mai, dont il n’a pas même été informé. C’est à la fois un aveu humiliant et une précaution vis-à-vis d’une partie de son opinion, qui juge sa position beaucoup trop proaméricaine. Déjà, les talibans pakistanais

ont appelé à la vengeance contre les dirigeants du pays. De son côté, l’ancien président Pervez Musharraf, qui tente de revenir en politique, s’est indigné d’une opé-

Zardari l’a avoué : il n’a même pas été informé de l’opération américaine à Abbottabad. ration étrangère menée « en violation de la souveraineté nationale ». Enfin, le fait que Ben Laden ait pu vivre plusieurs années durant au cœur d’une zone militaire conduit à s’interroger sur l’utilisation que

l’armée pakistanaise fait de l’aide américaine (1 milliard de dollars par an). Bachar al-Assad. Membre de la

communauté alaouite (une obédience du chiisme), le président syrien est un irréductible ennemi de l’islamisme en général (Frères musulmans) et d’Al-Qaïda en particulier. L’élimination de Ben Laden est donc pour lui une bénédiction. En revanche, le rôle de défenseur d’une société laïque et protectrice des chrétiens qu’il se donnait aux yeux du monde risque de perdre de sa pertinence. ●

critiquent son évident manque de charisme et craignent que les combattants du Golfe ne contestent son leadership.

HO/AFP

HO NEW/REUTERS

Anwar al-Awlaki

L’Égyptien AYMAN AL-ZAWAHIRI (à g.) et l’Américain d’origine yéménite ANWAR AL-AWLAKI.

Quel successeur? Le Majlis al-Choura (Conseil consultatif) d’Al-Qaïda devrait être appelé à désigner le nouveau chef de l’organisation. Deux figures majeures sont en lice. Deux hommes que tout sépare: leur âge (ils ont près de vingt ans de différence) comme leur conception du djihad. Ayman al-Zawahiri

Cofondateur d’Al-Qaïda en 1988, cet Égyptien de 59 ans en est aussi l’idéologue. Il se fait de l’islam radical une conception « classique ». En Égypte puis en Afghanistan, il a passionnément tenté de fonder un État islamique, sans lequel, dit-il, ses actes ne sont que « des piqûres de moustique ». Membre fondateur du Djihad islamique égyptien, il a été condamné pour port d’arme illicite lors de l’assassinat du président Sadate, en 1981. Chirurgien et médecin personnel de Ben Laden, « le docteur », comme on le surnomme, a été, très tôt, favorable N o 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

aux opérations kamikazes. C’est lui qui a fomenté l’attentat de Louxor, en 1997. Torturé en Égypte, il se radicalise, se rallie, en 1998, à l’idée d’un djihad mondial, puis gagne l’Afghanistan, où sa femme et trois de ses filles sont tuées lors d’un raid américain sur Kandahar, trois ans plus tard. Washington offre 25 millions de dollars à qui le délogera de sa cache afghane ou pakistanaise, à partir de laquelle il diffuse périodiquement des vidéos très virulentes. Pour certains, ce théoricien à l’ancienne dirige de facto l’organisation depuis plusieurs années. Mais d’autres

Ce natif du Nouveau-Mexique, aux États-Unis, est le fils d’intellectuels yéménites. C’est un terroriste de la nouvelle génération (il a 40 ans). Imam dans plusieurs États américains, parfaitement anglophone et fin connaisseur des nouvelles technologies, il a développé des outils modernes de propagande, comme son DVD intitulé « 44 façons de soutenir le djihad ». La dangerosité de ce prêcheur d’Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa) repose sur sa capacité inédite à séduire des Occidentaux via internet. Et à les convaincre de lancer des opérations en solitaire. On a retrouvé certains de ses e-mails dans la messagerie de plusieurs kamikazes américains. En février 2011, il est qualifié de « menace terroriste numéro un » aux États-Unis, devant Ben Laden. Il est le premier citoyen américain dont un président a autorisé l’élimination par la CIA. Ce qui le distingue des autres chefs djihadistes, c’est, d’une part, son obsession par les États-Unis – qu’il a quittés à l’âge de 7 ans, mais où il est revenu étudier ; et, de l’autre, la stratégie nouvelle qu’il a mise au point : attaques nombreuses mais d’ampleur limitée, djihad éclaté, sans projet étatique. Depuis 2007, il se cache au Yémen, où il a été condamné à dix ans de réclusion par contumace. Il pourrait profiter de la vigueur d’Aqpa pour prendre du galon au sein d’Al-Qaïda. ● C.D. JEUNE AFRIQUE


Le djihad sans tête

THE NEW YORK TIMES-REDUX-REA

Ý L’ÉMIR ABDELMALEK DROUKDEL (4e à g.) ET SES LIEUTENANTS au cours d’un entraînement en Algérie, en 2008.

Aqmi: un djihadisme mafieux Le chef d’Al-Qaïda entretenait avec les islamistes radicaux algériens des relations anciennes, mais peu suivies. Sa disparition ne devrait rien changer à leur stratégie. Mais porter un coup à leur légitimité.

CHERIF OUAZANI

Q

uatre jours après l’annonce de l’élimination d’Oussama Ben Laden, Abdelmalek Droukdel, alias Abou Moussab Abdelwadoud, l’émir algérien d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), n’avait toujours pas réagi. Sans doute attendait-il la confirmation de la mort de son mentor, intervenue depuis sur certains sites islamistes qui relaient les informations à usage interne. L’histoire des relations entre Ben Laden et les djihadistes algériens commence au milieu des années 1980, quand le premier s’engage en Afghanistan pour combattre les Soviétiques. Pour sa protection et celle de son Maktab al-Khadamat (littéralement : bureau des prestations), sorte de direction logistique du djihad, Ben Laden s’entoure essentiellement d’Algériens. En 1989, après le retrait soviétique, une partie de cette garde prétorienne rentre en Algérie et fonde les premiers JEUNE AFRIQUE

Groupes islamiques armés (GIA), de sinistre mémoire. C’est en septembre 1990 que son nom est pour la première fois mentionné (avec celui d’Ayman al-Zawahiri) par les services algériens. Le Front islamique du salut (FIS) vient de remporter haut la main les municipales. Ben Laden et Zawahiri tentent de convaincre le FIS d’ouvrir en Algérie un Front mondial djihadiste contre l’Occident impie et, dans cet objectif, dépêchent à Alger un émissaire égyptien, membre du Djihad islamique. La direction du FIS, qui se sent le vent en poupe, n’écoute que d’une oreille distraite. Ce serait, estime-t-elle, une erreur tactique de nature à contrarier sa stratégie de conquête du pouvoir… On sait ce qui advint. Au milieu des années 1990, Ben Laden revient à la charge en provoquant une scission au sein des GIA, alors dirigés par Djamel Zitouni. Il reproche à ce dernier de discréditer le djihad en multipliant

les massacres de civils. Au début de 1998, le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) voit le jour. Mais des querelles de leadership l’empêchent, en février de cette même année, à Peshawar (Pakistan), de participer à la réunion qui débouchera sur la création d’Al-Qaïda. Ce n’est que partie remise. En septembre 2006, le GSPC fait allégeance à Al-Qaïda et officialise son adhésion, au mois de février suivant, en adoptant l’acronyme Aqmi. Deux mois plus tard, les attentats kamikazes commencent. NÉBULEUSE. Il n’y a jamais eu

de contacts directs entre Ben Laden et Aqmi. En revanche, il y a eu des échanges épistolaires entre Abdelmalek Droukdel, d’une part, Zawahiri et Abou Moussab al-Zarqaoui, de l’autre. Ben Laden évoque pour la première fois Aqmi dans un message adressé à la France, après le rapt d’employés d’Areva et de Satom, à Arlit, au Niger, en septembre 2010. Droukdel saisit la balle au bond et demandeauxresponsablesfrançais de négocier directement avec Ben Laden la libération des otages.

Désormais privés de caution religieuse, comment vont-ils recruter des combattants ? L’élimination de ce dernier vat-elle entraîner une radicalisation d’Aqmi, comme le laisse entendre Soumailou Boubèye Maïga, le chef de la diplomatie malienne ? On peut en douter, tant sont lâches les liens idéologiques et organisationnels entre les deux groupes. En revanche, un problème de légitimité va se poser. Privé de la caution religieuse d’Oussama Ben Laden, Aqmi va avoir du mal à recruter de nouveaux djihadistes. Et les tendances mafieuses qui ont toujours existé en son sein devraient, en toute logique, s’aggraver. ● N 0 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

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Afrique subsaharienne

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SÉNÉGAL

Prés

ÉMILIE RÉGNIER POUR J.A.

Monsieur le

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JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne

ident?

L’ancien Premier ministre d’Abdoulaye Wade vole à présent de ses propres ailes. Après être tombé en disgrâce, Macky Sall a créé son parti. Candidat déclaré à l’élection présidentielle de 2012, il fait figure d’outsider numéro un. RÉMI CARAYOL,

envoyé spécial

M

ercredi 30 mars, dans les quartiers chics de Dakar. La ville vit au rythme des embouteillages et des délestages, quoique moins nombreuxdepuisquelquesjours. Mais ici, on est loin de cette effervescence. Voilà bientôt deux heures que Macky Sall, qui nous reçoit dans le salon de sa villa cossue et bien gardée, parle de lui, de ses premiers pas en politique, de sa relation – ambiguë, forcément – avec Abdoulaye Wade. On ne s’ennuie pas, mais presque : le président de l’Alliance pour la république (APR) est introverti. Pas tout à fait un taiseux (il se prête volontiers au jeu des questions-réponses), mais pas du genre non plus à se lancer dans des diatribes enflammées. « Macky, c’est sujet, verbe, complément. Rarement sujet, verbe, compliment », se moque un observateur. Il est « sérieux », « compétent », « intègre », disent de lui les politologues sénégalais et les leaders de l’opposition, à laquelle il appartient (lire encadré). Est-ce suffisant pour succéder à Wade à la présidence du Sénégal ? « Il a une tête de “why not”. Ý À SON DOMICILE, Pourquoi pas lui… », nous avait le 5 avril dernier. Une glissé, deux jours auparavant, escale à Cheikh Diallo, un proche de Dakar entre Karim Wade, le fils du présid’incessantes dent, qui se présente comme tournées un observateur indépendant dans le pays. de la vie politique sénégalaise. Pourquoi pas lui, en effet… Mais pourquoi lui ? peut-on également se demander. Peut-être parce qu’il n’est pas si lisse qu’il n’y paraît, que sous son apparente nonchalance se cache « un vrai combattant », si l’on se fie à son bras droit, l’avocat Alioune Badara Cissé. Peut-être parce que, depuis dix ans, cet ingénieur de formation a pris l’habitude de surprendre son monde. ÉTONNEMENT. Il a d’abord étonné les journalistes

en 2004. Tout juste nommé Premier ministre, ce quasi-inconnu a tenu tête aux cadors de l’opposition, les Tanor, Niasse et compagnie, lors de son premier discours de politique générale. Il a ensuite dérouté son propre camp, le Parti démocratique sénégalais (PDS), après avoir refusé de démissionner de son poste de président de l’Assemblée JEUNE AFRIQUE

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Afrique subsaharienne nationale, malgré la demande pressante du président elle fut aussi très modeste. Son père, un Toucouleur de la République, à qui, pensait-on, il ne pouvait rien nommé Amadou Abdoul Sall, fut manœuvre dans la refuser – c’était en 2008. fonction publique, puis simple gardien. Sa mère, égaNous aussi, il nous a désarçonné quand, répondant lement toucouleure, répondant au nom de Coumba à l’ultime question de notre entrevue – « Quels sont Thimbo, vendait des arachides pour compléter le vos modèles politiques ? » –, il a cité Nelson Mandela, maigre revenu du foyer et nourrir leurs quatre enfants. « une légende vivante », Charles de Gaulle, « pour son M. Sall militait au Parti socialiste (PS). Mais Macky, courage et son nationalisme », et… Mao Zedong. Un lui, n’y a jamais adhéré. « C’était le symbole du pousilence, puis cette explication : « Je suis un voir, de l’arrogance », explique-t-il. Avant Les hommes du candidat libéral, mais ce n’est pas incompatible. Je de voter pour Abdoulaye Wade en 1983, crois que la révolution chinoise a eu ses il a frayé avec les maoïstes. Au lycée de mérites. Et puis je pense, comme lui, qu’il Kaolack, d’abord, où il fut « embrigadé » L’homme de confiance faut encercler les villes par la campagne par son beau-frère. À la faculté de Dakar ALIOUNE BADARA CISSÉ pour l’emporter. » ensuite. C’est là qu’il rencontre Landing Coordonnateur national de l’APR, numéro deux du parti, avocat, premier Savané, dont il intègre le mouvement, adjoint au maire de Saint-Louis TOURNÉE. La présidentielle de 2012, Macky And-Jëf, d’obédience marxiste-léniniste. Sall ne pense plus qu’à ça. « C’est un but », Mais rapidement, il en sort. Nous sommes L’homme du parti MBAYE NDIAYE reconnaît-il. Une obsession? Il le nie. Dans en 1983 : Macky Sall pense qu’il faut voter Directeur des structures au sein le passé, il ne s’est cependant pas gêné pour contre le PS, donc pour Wade ; Savané, de l’APR, ancien cadre à la Senelec, affirmerqu’ilavaituncompteàrégleravecle lui, prône le boycott des urnes. En fait, la ancien député, ancien maire des clan Wade. Ce n’est pas un hasard si, depuis fracture est plus profonde : « Je n’ai jamais Parcelles assainies qu’il a fondé son parti, en décembre 2008, cru au marxisme, affirme-t-il aujourd’hui. Le porte-voix Mais je dois reconnaître que ça m’a formé il parcourt le Sénégal. « Il sait que pour SEYDOU GUEYE sur le plan politique. » gagner la présidentielle il faut être présent Porte-parole du parti, conseiller sur tout le territoire », explique un de ses Sall est un libéral, un vrai. C’est aussi un communal, il fut directeur de cabinet de différents ministres après des conseillers. C’est aujourd’hui l’une de ses pur wadiste. En 1983, puis en 1988, il a voté études en sciences politiques faiblesses – « à part le Fatick et le Fouta [dans Wade. Une fois son diplôme d’ingénieur le centre et le nord du Sénégal, NDLR], il géologue en poche, il rejoint naturellement L’homme de Touba MOUSTAPHA CISSÉ LÔ n’a pas de bastion », remarque le juriste le PDS. « Wade avait été emprisonné. À sa Responsable du parti dans la région Babacar Gueye –, mais à ce rythme elle sortie, il a lancé un appel que j’avais trouvé deTouba, la capitale des mourides, sera effacée dans quelques mois. extraordinaire aux cadres sénégalais. J’y ai homme d’affaires, président de la CCI Lorsque nous l’avons rencontré, Macky répondu. » Wade lui fait immédiatement de Diourbel, ancien député Sall revenait tout juste d’une tournée d’un confiance. L’opposant historique ne le La conscience morale mois et cinq jours. « Nous avons traversé regrettera pas: en 1998, lorsque plusieurs MOUSTAPHA DIAKHATÉ responsables du parti, qui ne croient plus Responsable de l’orientation en la possibilité d’une alternance, le fuient, idéologique du parti, économiste, « Sénégalo-compatible », ancien cadre de la BCEAO, ancien Sall reste à ses côtés. En tant que président il parle le wolof, le sérère, chargé de mission à la présidence des cadres du PDS, il prendra une part importante à la victoire de son « mentor » le pulaar… L’homme des tractations à l’élection présidentielle de 2000. MAHMOUD SALEH Chargé, au sein du parti, des 200 localités, 8 départements. Nous avons « C’est un homme fidèle », dit de lui alliances stratégiques et des missions fait 10 500 km. Sans revenir une seule fois Me Cissé. Patient aussi. Après la victoire, Sall spéciales, haut fonctionnaire à Dakar », énumère un de ses conseillers. estime mériter un portefeuille ministériel, L’amazone des banlieues Quelques jours plus tard, il a entrepris une mais il est nommé à la tête de la Société AWA NIANG autre tournée de vingt-deux jours dans la des pétroles du Sénégal (Petrosen). La Membre du Directoire national du région de Kaolack, au sud-est de Dakar. « Et déception est vite oubliée: un an plus tard, parti (la plus haute instance), à chaque fois, on dort chez l’habitant, ajoute il prend les rênes du ministère des Mines responsable des femmes du parti, ce conseiller. Vous en connaissez beaucoup, et de l’Énergie; en 2003, il devient ministre très influente dans les banlieues, commerçante vous, des futurs candidats qui effectuent de de l’Intérieur et porte-parole du gouvernetelles tournées ? La plupart partent quatre ment; en avril 2004, il est nommé Premier ou cinq jours puis reviennent à Dakar. » ministre. Son ascension est fulgurante, son passage à Lors de ces tournées, Sall installe son parti. L’occasion la primature remarqué – et pas seulement parce qu’il de constater « la grande détresse du monde rural » et « la détient, à ce jour, le record de longévité pour un Premier désaffection des hommes politiques ». L’occasion, aussi, ministre d’Abdoulaye Wade. « Il a fait bouger beaucoup deserégénérer.Car«Mackyauncœurdecampagnard», de choses, indique Babacar Gueye. Avant, avec Idrissa c’est son bras droit, Me Cissé, qui l’affirme. Seck, tous les grands projets du président étaient en La campagne, il y est né (le 11 décembre 1961, attente. Seck, c’était un peu le jardinier des rêves de à Fatick), il y a grandi (dans le Fatick, puis dans le Wade : il voulait anticiper les désirs du président sans Fouta). Son enfance fut heureuse, résume-t-il, mais vraiment les réaliser. Sall, c’est le contraire. C’est un sa réserve lui interdit de dire ce que révèlent ses amis : ingénieur tourné vers les grands projets. Son règne a N o 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

JEUNE AFRIQUE


ÉMILIE RÉGNIER POUR J.A.

Afrique subsaharienne

DANS LE QUARTIER DE SANDAGA, à Dakar, le 5 avril. Selon un sondage, il serait le favori dans la capitale pour la prochaine élection présidentielle.

coïncidé avec le début des réalisations: l’autoroute, les travaux de la corniche, l’aéroport… » Avec l’émergence, aussi, d’un certain Karim Wade… Macky Sall travaille dur, obtient des résultats, est apprécié de ses ministres, qu’il ménage – trop parfois, estiment ses proches, qui regrettent sa difficulté à trancher dans le vif. Mais il n’échappera pas à la malédiction des dauphins de Wade. En 2007, la chute est brutale. Naïf, il n’a rien vu venir. « Il faisait une confiance aveugle au président », dit aujourd’hui Me Cissé, un compagnon de route de Wade depuis 1982, qui a suivi Sall en 2008, comme une trentaine de cadres du PDS. Après avoir dirigé la campagne de son mentor, Sall sent « un changement dans la relation ». Quelques jours après sa victoire, interrogé par un journaliste sur son successeur potentiel, Wade répond : « Je ne vois personne autour de moi. » Pour Sall, assis juste à côté, le coup est rude. Il s’agit de la première d’une longue série d’humiliations. Trois mois plus tard, il apprend qu’il ne sera pas reconduit à la primature. Qu’à cela ne tienne, il se console avec la présidence de l’Assemblée nationale. « Il pensait faire cinq ans, jusqu’à la présidentielle de 2012 », indique l’un de ses conseillers. Il n’y restera qu’un an. Sa faute? Avoir convoqué Karim Wade, sans eninformerlechefde l’État,pourqu’ils’explique,devant les députés, sur les comptes de l’Agence nationale de l’organisation de la conférence islamique (Anoci, qui dépend directement de la présidence). C’en est trop pour Wade, qui appelle Macky : « Rends-moi ce que je t’ai donné. Démissionne. » Macky réagit de manière insensée pour ses proches: il refuse. « On ne pensait pas qu’il était capable de lui dire “non” ». Finalement, son mandat est réduit à un an. Puis il perd son poste de numérodeuxauPDS.Sevoitretirersagarderapprochée. Attend en vain son nouveau passeport diplomatique. Se fait fouiller à l’entrée de la présidence, comme un vulgaire visiteur. Est accusé de blanchiment d’argent, avant d’obtenir un non-lieu. Wade, en s’acharnant sur lui, a commis une erreur d’appréciation. Peut-être le pensait-il soumis. Mais avant d’être courtois, l’homme est fier. « On a touché un point sensible : son orgueil », JEUNE AFRIQUE

estime Me Cissé. Les difficultés l’ont transformé. Macky, l’ingénieur taiseux, limite effacé, le serviteur zélé de Wade, s’émancipe. Il quitte le PDS, crée son parti, déclare sa candidature à la présidentielle. Il dit aujourd’hui ne pas en vouloir à Wade – « j’ai toujours beaucoup de respect pour lui » –, mais a fait de sa chute une affaire personnelle. Peut-il y arriver? Poussé par un sondage réalisé courant 2010 par le cabinet Moubarack Lô (sondage qui le donne favori dans la capitale et sa banlieue), il fait aujourd’hui figure d’outsider n° 1 d’Abdoulaye Wade. ORGUEIL. Il a pour lui son CV, note Babacar Gueye,

et une bonne image, surtout auprès des jeunes : « Il ne traîne pas de casseroles. S’il s’est enrichi, il l’a fait de manière très discrète. » Ses détracteurs s’étonnent de ses moyens qui semblent sans limite : plusieurs 4x4, une villa taille XXL et, surtout, une campagne permanente qui coûte forcément très cher. Mais leurs accusations ne dépassent jamais le stade du sous-entendu. Sall a pour lui, aussi, sa personnalité. Certes, ce n’est pas un tribun hors pair, mais « il rassure les Sénégalais », estime Cheikh Diallo. Qui ajoute : « Il est sénégalo-compatible. Dans n’importe quelle région du pays, il peut se faire entendre. Il parle cinq langues : le wolof, le sérère, le pulaar, le français et l’anglais. » Macky Sall a une dernière qualité, et pas la moindre: il sait amadouer. Lui trouver des ennemis à Dakar n’est pas chose aisée. Même l’entourage de Karim Wade semble lui avoir pardonné l’épisode de 2008. La dernière fois que les deux hommes se sont vus, c’était pour la Korité (l’Aïd), en septembre 2010, au domicile de Macky Sall. En deux ans, Sall aura aussi séduit l’opposition à force de discours sur la mal-gouvernance de son ex-mentor, faisant presque oublier les huit années de pouvoir passées à ses côtés, sans jamais tomber dans le piège de l’invective et tout en conservant des liens étroits avec de nombreux dirigeants du PDS. C’est l’avantage quand on est lisse – ou qu’on feint de l’être : on se faufile un peu partout. ●

UN ÉLECTRON LIBRE AU SEIN DU BENNO OFFICIELLEMENT, l’Alliance pour la république (APR) appartient à la coalition des partis de l’opposition, le Benno Siggil Senegal. Mais Macky Sall ne la joue pas aussi collectif que les autres ténors du Benno. Si Moustapha Niasse (APR) etTanor Dieng (Parti socialiste) assurent que la coalition ne présentera qu’un candidat, ils ont accepté l’idée que Sall puisse lui aussi se présenter. « Il n’y aura qu’une seule candidature de l’opposition, et une candidature éventuelle de Sall », admet Niasse. Selon le tout premier Premier ministre de Wade, cette exception s’explique par le besoin de Sall d’implanter son parti dans tout le pays. « L’Alliance des forces de progrès a douze ans d’existence, le PS, cinquante. L’APR, deux ans seulement. » Mais en privé, des membres du Benno disent ceci: « Nous n’acceptons pas, nous constatons. Macky peut se permettre de la jouer ainsi parce qu’il est en position de force.Tout le monde sait que c’est lui qui peut faire perdre Wade. » ● R.C. N o 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

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Afrique subsaharienne CÔTE D’IVOIRE

Konan Banny, le retour Sa nomination à la tête de la Commission « vérité et réconciliation » replace l’ancien Premier ministre aux avantpostes. Dans la perspective de l’après-Bédié au sein du Parti démocratique de Côte d’Ivoire ?

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n l’avait oublié, et on avait tort. Depuis la dernière élection présidentielle, il restait tapi dans sa belle résidence du quartier Riviera Beverly Hills. Pas de déclarations publiques, mais de nombreux coups de fil et quelques visites discrètes. En bon amateur de rugby, Charles Konan Banny (CKB) s’est glissé dans une mêlée ouverte. Il s’est fait oublier dans le pack, et hop ! au dernier moment, il a bondi et marqué l’essai. Pourquoi Alassane Ouattara l’a-t-il désigné pour présider la « Commission pour le dialogue, la vérité et la réconciliation »? D’abord parce que c’est un homme du centre. Dans tous les sens du terme. Charles Konan Banny est issu d’une grande famille baoulée du centre de la Côte d’Ivoire. Pour réconcilier les Dioulas du Nord et les Bétés du Sud-Ouest, Banny

REUTERS/THIERRY GOUEGNON

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école de commerce de Paris, le jeune Banny a très vite appris l’art du compromis à la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), dont il a été gouverneur pendant quinze ans, de 1990 à 2005. Sous la présidence Bédié, au plus fort de l’ivoirité et de la campagne anti-Ouattara, il a essayé – en vain – de réconcilier les deux hommes. Puis, sous la présidence Gbagbo, il a accepté une mission impossible : tenter Baoulé, c’est l’homme du de ramener la paix entre le Nord centre. Banquier de formation, et le Sud. Premier ministre de décembre 2005 à mars 2007, il a il a l’art du compromis. tout de même réussi à décrisper le Baoulé est bien placé. Pour ce poste les relations Gbagbo-Soro lors de quatre ultrasensible, le président Ouattara a tables rondes à Yamoussoukro. « En 2007, je n’ai pas marqué l’essai, reconnaît-il d’abord songé à un Bété de son camp, aujourd’hui. Mais en rugby, tout ce qui l’homme d’affaires Marcel Zadi Kessy. Mais CKB a aussi des connexions dans le rapproche le ballon de la ligne d’en-but, Sud-Ouest. Il est né à Divo, où son père c’est bien ! » était planteur. Et son demi-frère, Alfred Banny, est de mère bétée. De surcroît, HOUPHOUÉTISTE. Ses points faibles ? D’abord son étiquette politique. Banny par son épouse, Massandié, originaire de Touba, dans le Nord-Ouest, Banny a n’est pas neutre. Houphouétiste de la des attaches avec les Dioulas. Bref, CKB première heure, CKB est l’un des ténors est assez représentatif du melting-pot du bureau politique du Parti démocraivoirien… tique de Côte d’Ivoire, le PDCI. Avant Homme du centre, CKB l’est aussi par le premier tour de la présidentielle, en son caractère. Est-ce dû à sa formation octobre dernier, il a mené campagne pour le candidat Henri Konan Bédié. Il a de banquier ? Diplômé de l’Essec, une N o 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

mouillé la chemise à Man, sur les terres de Robert Gueï. Puis, entre les deux tours, il a dirigé la campagne du candidat Ouattara à Bouaké et Yamoussoukro. « Comment Banny peut-il faire une médiation entre les pro-Gbagbo et ses propres coéquipiers ? Ce n’est pas sérieux ! » lance un proche de Laurent Gbagbo. Autre handicap, son image de serviteur de la France. En janvier 1994, c’est sous la pression des Français que le gouverneur Banny accepte – avec, c’est vrai, l’assentiment de tous les chefs d’État – de dévaluer le franc CFA. En décembre 2005, c’est au terme d’un sommet AfriqueFrance à Bamako que le Français Chirac, le Nigérian Obasanjo et le Sud-Africain Mbeki annoncent la nomination de Banny à la primature de Côte d’Ivoire. Sa mission – Chirac s’en cache à peine : déposséder Gbagbo de ses pouvoirs régaliens, en faire une reine d’Angleterre, et organiser des élections au plus vite. On connaît la suite. Jusqu’à la rupture de mars 2007, Banny restera, aux yeux de Gbagbo, « l’homme de Chirac ». Mais CKB ne se réduit pas à cette image. Loin s’en faut. Au sein du PDCI, Banny est un poids lourd. En dehors de Bédié, c’est même le seul qui ait une envergure internationale. Depuis son JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne de l’année. Au sein du PDCI, beaucoup ivoiriens, Ouattara et Bédié. Or, sans autonomie, la nouvelle commission n’est s’en réjouissent. En juillet 2010, quand a pas crédible. couru la rumeur de sa candidature à la Autre atout : malgré la cohabitation présidentielle, Banny a été violemment houleuse des années 2005-2007, CKB a attaqué lors d’une réunion du bureau toujours réussi à garder le contact avec politique du parti. Il a fallu un tête-àle camp Gbagbo. En décembre dernier, tête Bédié-Banny pour calmer le jeu. quand sa femme a été bloquée à l’aéroEt aujourd’hui, certains soupçonnent Bédié d’avoir approuvé le choix de Banny port d’Abidjan, il lui a suffi d’un coup à la tête de la commission pour mieux de fil à la présidence pour faire lever la mesure. Le lendemain, son « Surtout, dire aux journalistes épouse était dans l’avion pour Paris. Privilège rare, quand il que le patron est inoffensif. » a voulu rencontrer ses amis UN PROCHE DE CKB Ouattara et Bédié, reclus au Golf Hôtel, il a obtenu l’autoriisoler son rival. Mais d’autres rétorquent Ý AVEC LE CHEF DE sation personnelle du général qu’Henri Konan Bédié n’est plus candidat L’ÉTAT, Alassane à grand-chose. Déjà, avant le premier tour, Mangou d’y aller par la route Ouattara (à g.), le er et de franchir tous les barrail avait confié à Jeune Afrique : « Ce sera 1 mai, à Abidjan. ges à bord de son véhicule. mon dernier combat. » Aujourd’hui, les Qui étaient ses contacts dans le camp visiteurs de Daoukro le confirment : « Le Gbagbo ? Désiré Tagro, Sokouri Bohui “vieux” aspire à un rôle de grand sage, et Alcide Djédjé… de faiseur de roi. » Surtout, CKB n’a que 68 ans, et encore RIVALITÉS. Ces derniers mois, CKB de belles années devant lui. Si le PDCI ne s’est forgé une réputation de médiateur fusionne pas avec le Rassemblement des de la dernière chance. Après la chute républicains (RDR) d’Alassane Ouattara, de Gbagbo, il a tenté d’apaiser la viola bataille pour la succession du « Sphinx lente querelle entre les frères ennemis de Daoukro » promet d’être rude. Le passage à la tête de la BCEAO, ce brillant Guillaume Soro et IB (Ibrahim Coulibaly). premier round aura lieu le jour où le économiste connaît toute la classe poliÀ deux reprises, il a parlé avec IB au téléprésident ivoirien désignera, comme tique ouest-africaine. Y compris en zone phone. Le 27 avril, c’est l’échec. IB est promis entre les deux tours, un nouveau anglophone. En janvier dernier, son vieux Premier ministre issu des rangs du parti exécuté. compère nigérian Olusegun Obasanjo l’a La nouvelle mission de CKB est-elle sa houphouétiste. Beaucoup de noms circonsulté par téléphone avant de venir dernière ? Pas sûr. Certes, les travaux de culent : des politiques comme Alphonse à Abidjan pour tenter une médiation la commission risquent de durer un an Djédjé Mady, Jeannot Ahoussou, Patrick Gbagbo-Ouattara. Pour Banny, ce réseau ou deux – celle d’Afrique du Sud a tenu Achi, voire Daniel Kablan Duncan ; et est vital. Il lui donne une certaine indéquatre ans. Banny ne pourra donc pas se des économistes comme Marcel Zadi pendance par rapport à ses deux patrons présenter aux législatives prévues à la fin Kessy, Thierry Tanoh et Tidjane Thiam. « Attention, prévient Kouadio Konan Bertin (KKB), le patron des jeunes du DANS L’UNIVERS DE CKB parti, on ne veut pas d’un technocrate de l’extérieur qui va débarquer quand DEPUIS SON DÉPART tumultueux de la primature ivoirienne, Charles on aura fini de se faire tuer ! » Konan Banny (CKB) gère son cabinet privé, situé dans une concession Bref, dans une bataille qui risque de mitoyenne de sa résidence du quartier Riviera Beverly Hills, à Abidjan. tourner à la foire d’empoigne, CKB garde On trouve d’abord le cercle familial, avec l’épouse, Massandié, toutes ses chances et peut faire de la et les deux frères : Jean, l’avocat, et François, l’intendant. Vient ensuite le fidèle de toujours, un parent également : le businessman Léon commission un tremplin. À condition de réussir la réconciliation des Ivoiriens – pas Konan Koffi Junior, proche de l’homme d’affaires Koné Dossongui. une mince affaire ! – et de revenir sur la C’est l’homme des missions secrètes. scène politique au bon moment. « Vous Mais CKB s’appuie également sur une poignée de conseillers triés savez, Banny n’est pas un conspirateur et sur la centaine qui gravitaient autour de lui pendant ses années à la primature. L’universitaire et brillant intellectuel Léonard Kodjo n’est pas obsédé par le pouvoir », dit un assure la fonction de directeur de cabinet. Noël Coulibaly, un ancien de ses conseillers. « Les élections, il n’y de la BCEAO, gère les questions logistiques et opérationnelles. pense pas tous les matins en se rasant », Jamais très loin du patron apparaissent également Lambert Kouamé confie un autre de ses proches. À croire Damo, très pointu sur les traditions baoulées, Jean M’Bahia, qu’ils se sont passé le mot : « Surtout, dire aux journalistes que le patron est le docteur en sociologie, et Franck Kouassi Sran, le spin doctor. Enfin, FadigaYvonne est l’indéfectible assistante. ● inoffensif… » ● BAUDELAIRE MIEU, à Abidjan JEUNE AFRIQUE

CHRISTOPHE BOISBOUVIER N 0 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

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Afrique subsaharienne Ý AVEC KOFI ANNAN, MARY ROBINSON ET DESMOND TUTU (de g. à dr.), le 2 mai, à Korhogo.

THE ELDERS/JEFF MOORE/AP/SIPA

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CÔTE D’IVOIRE

Gbagbo joue avec les mots L’ex-président, en résidence surveillée dans le nord du pays, a profité d’une visite des Elders pour parler du « président Ouattara ».

L

aurent Gbagbo a-t-il fait un premier pas ? S’il n’a toujours pas reconnu la victoire de son adversaire lors de l’élection présidentielle du 28 novembre 2010, il a parlé du « président Ouattara » lors de la visite des Elders, le 2 mai à Korhogo, dans le nord de la Côte d’Ivoire. La délégation était composée de l’archevêque sudafricain Desmond Tutu, de l’ex-secrétaire général de l’ONU Kofi Annan, et de l’ancienne présidente d’Irlande et ex-haut

commissaire aux droits de l’homme de l’ONU, Mary Robinson. Problème : fallait-il comprendre président de la Côte d’Ivoire ou du parti, le Rassemblement des républicains (RDR) ? Cette question est restée sans réponse, selon un témoin de l’entretien. BAVARD. Apparemment détendu et

souriant, l’ancien chef de l’État, en résidence surveillée depuis le 13 avril, s’est entretenu à huis clos pendant trois

quarts d’heure avec ses hôtes. Il a appelé au retour à la paix. Bavard, il a déclaré qu’il fallait « panser les plaies du pays ». « La crise aidera les Ivoiriens à gagner en maturité, a-t-il poursuivi. Le Ghana a connu huit coups d’État, et le Nigeria a vécu plusieurs coups de force, mais ces pays ont pu organiser des élections sans palabres. Je ne suis pas anxieux pour l’avenir de la Côte d’Ivoire. On se connaît tous dans ce pays, c’est cela notre force. Je tutoie Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié, autant qu’ils me tutoient. Le temps viendra où l’on se parlera. » On en sait aussi un peu plus sur les conditions de vie de Laurent Gbagbo. Il a demandé une bible et des livres au ministre de la Justice, Jeannot Ahoussou, l’homme-orchestre de toutes les procédures judiciaires en cours contre l’exprésident et ses proches. Ce dernier a préféré lui remettre le tome 2 de la biographie d’Houphouët-Boigny écrite par le journaliste ivoirien Frédéric Grah Mel. À Korhogo, la sécurité de Laurent Gbagbo est assurée par les hommes du commandant Fofié Kouakou des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI). Le gouvernement Soro a par ailleurs envoyé sur place le docteur Christophe Blé, le médecin personnel et homme de confiance de l’ancien numéro un ivoirien. ● BAUDELAIRE MIEU, à Abidjan

RD CONGO

La route est dégagée pour Kabila La prochaine élection présidentielle est fixée au 28 novembre. Probable candidat, le chef de l’État sortant fait figure de favori.

A

près avoir obtenu de l’Assemblée nationale un scrutin présidentiel à un tour, le président de la RD Congo, Joseph Kabila, dispose à présent d’une date pour briguer un second mandat. La Commission électorale nationale indépendante (Ceni), présidée par Daniel Ngoy Mulunda – un proche du chef de l’État –, a fixé l’élection couplée avec celle des députés au 28 novembre. Le N o 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

nouveau président prêtera serment le 20 décembre, deux semaines après la fin constitutionnelle du mandat actuel. « Il n’est pas sûr que ce calendrier soit tenable: le fichier électoral n’est pas à jour et la loi électorale est toujours en discussion à l’Assemblée nationale », estime un observateur international, qui s’interroge sur la mobilisation, dans ces conditions, des bailleurs de fonds. Sur un budget de 220 millions de dollars (148,2 millions

d’euros), près de 200 millions auraient déjà été promis par l’Union européenne, la Belgique et la Grande-Bretagne, notamment. « La communauté internationale n’a guère le choix. Elle doit soutenir et accélérer le processus électoral, sinon le pays pourrait de nouveau s’enfoncer dans le chaos », analyse le responsable d’une organisation internationale présente en RD Congo. À charge pour les candidats de l’opposition – dont le seul déclaré est pour l’instant Étienne Tshisekedi – de proposer aux électeurs une alternative crédible et offrir un certain suspense. ● PHILIPPE PERDRIX JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne

STEPHEN WANDERA/AP SIPA

Ý L’OPPOSANT KIZZA BESIGYE lors de son interpellation, le 28 avril à Kampala.

OUGANDA

Le ton monte

Confronté aux contestations politiques, à la vie chère ou à l’usure du pouvoir, le régime de Museve ni traverse une passe difficile. Et réprime les manifestations de l’opposition.

Y

oweri Museveni, le président ougandais, et son principal opposant, Kizza Besigye, auraient pu se rencontrer le samedi 30 avril dans la capitale kényane pour renouer le dialogue. Cela n’a pas été le cas : alors que le chef de l’État goûtait les charmes du tapis rouge et de l’hôtel Intercontinental, le candidat malheureux aux élections présidentielles de 2001, 2006 et 2011 était soigné à l’hôpital de Nairobi. Il y avait été transporté d’urgence après une violente interpellation à Kampala par les forcesdel’ordre,deuxjoursplustôt.Depuis le 11 avril, cet ancien médecin personnel de Museveni, qui dirige aujourd’hui le Forum for Democratic Change (FDC), est à la tête d’un mouvement de contestation déclenché par la hausse des prix. Selon le Bureau ougandais des statistiques, le prix des denrées alimentaires a augmenté de 31 % entre mars et avril. Renonçant à porter en justice les allégations de fraude imputées au parti présidentiel – le 18 février 2011, Museveni a remporté l’élection avec 68,4 % des voix – l’opposition a appelé la population à se

rendre au travail à pied pour protester pacifiquement contre la vie chère. « La population se sent marginalisée et elle manifeste aujourd’hui contre cette marginalisation », a déclaré Besigye. DÉRIVE AUTORITAIRE. Au pouvoir depuis

a été la plus violente : la police a brisé les vitres de sa voiture avant de l’asperger de gaz lacrymogène, sous l’œil des caméras. Le jour suivant, les émeutes tournaient au drame à Kampala : deux tués par balles et 143 blessés. Depuis l’hôpital de Nairobi, l’ancien ministre de l’Intérieur (Internal Affairs) de Museveni, caché derrière des lunettes noires et assis sur une chaise roulante, a appelé au calme, tout en promettant de nouvelles manifestations. Quant au président ougandais, il a réagi à sa manière avec un habile mélange d’humour et d’arrogance. « Il n’y a aucun problème à ce que M. Besigye marche, soit pour aller au travail, soit pour faire de l’exercice, a-t-il déclaré. Tout ce que nous demandons, c’est qu’il se mette d’accord avec la police. » Contestant les images, il a aussi affirmé : « Je pense que les lentilles de CNN ne voient pas très bien, car elles ne montrent pas le chef de l’opposition en train d’attaquer les policiers. On m’a dit que les femmes utilisaient du gaz lacrymogène pour se protéger des violeurs, mais je n’en avais jamais entendu parler avant… […] Il a préféré un hôpital de Nairobi alors que nous en avons de bons en Ouganda… Je lui souhaite un prompt rétablissement. » Au-delàdeces réponsesdecirconstance

1986, loué pour avoir ramené la paix et la stabilité dans un pays exsangue après les dictatures successives d’Idi Amin Dada et de Milton Obote, proche allié des Occidentaux, qui voient en lui un gage de stabilité dans la région troublée des Grands Lacs, Museveni est En trois semaines, les heurts de plus en plus souvent critiqué entre manifestants et forces pour ses dérives autoritaires. Et le moins que l’on puisse dire, c’est de l’ordre ont fait huit morts. qu’il n’a guère apprécié que des manifestants expriment leur mécontenà un opposant, Museveni estime que la tement dans la rue. Depuis trois semaicontestation ne s’amplifiera pas. C’est nes, les heurts ont causé la mort de huit peut-être faire fi un peu vite du vent qui personnes. Plus de 250 manifestants ont souffle depuis le Maghreb. Un syndicat de été blessés et 580 arrêtés par les forces travailleurs kényans a d’ailleurs profité de de l’ordre. Kizza Besigye lui-même a été son passage à Nairobi pour lui rappeler blessé à la main par une balle en plastiles mésaventures de Ben Ali et Moubarak, que et interpellé quatre fois avant d’être en Tunisie et en Égypte. ● relâché. La dernière arrestation du 28 avril NICOLAS MICHEL

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Afrique subsaharienne Ý

LE PRÉSIDENT SOUDANAIS

PARLEMENT, à Khartoum, le 4 avril dernier. AU

EBRAHIM HAMID/AFP

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SOUDAN

El-Béchir sur tous les fronts

Après le Sud-Soudan et le Darfour, une nouvelle menace pèse sur Khartoum : la vague de soulèvements dans le monde arabo-musulman.

Q

ue l’on ne s’y trompe pas. Si le président El-Béchir a accepté les résultats en janvier du référendum d’autodétermination au Sud-Soudan, cela ne signifie pas qu’il s’apprête à lâcher du lest. Le Sud-Soudan sera officiellement indépendant le 9 juillet. En attendant, le président soudanais tente d’obtenir les meilleurs arrangements économiques et sécuritaires possible, notamment sur la question du partage des revenus pétroliers. Interrompues le 12 mars, les laborieuses discussions n’ont repris que le 1er avril. Juba soupçonne Khartoumdenepasjouerfranc-jeu.Depuis janvier, des violences entre l’armée du Sud-Soudan et divers groupes rebelles ont causé la mort d’au moins un millier de personnes. Le 14 mars, le Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM, au pouvoir dans le Sud) a rendu publics des documents qui prouveraient le soutien de Khartoum à ces milices. Le régime d’El-Béchir, qui n’a pas intérêt à la reprise

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d’un conflit, a nié. Mais il semble bien vouloir quand même affaiblir le SPLM, accusé d’aider les rebelles du Darfour. CAR, DANS L’OUEST, LE DARFOUR est

rue du Nil-Bleu, El-Béchir passe outre. « Nous n’avons plus le temps d’engager d’autres pourparlers », a-t-il répondu alors qu’une conférence internationale doit se tenir à Doha du 18 au 23 mai pour adopter un accord de paix. En fait, El-Béchir est pressé : les États du Nil-Bleu et du Sud-Kordofan (régions pétrolifères et autrefois hôtes de rébellions sudistes) contestent également de plus en plus son autorité. LatensionestpalpableaussiàKhartoum. Le Parti du congrès national (NCP), du président, au pouvoir depuis vingt-deux ans, affronte une mobilisation politique qui s’inspire ouvertement des révolutions tunisienneetégyptiennepourrevendiquer un changement de régime. Des manifestations sont réprimées violemment. Un footballeur a même été arrêté comme un dangereux contestataire après avoir clamé dans un stade : « À bas Inqaz ! » – le nom de l’équipe adverse mais aussi l’ancien nom du NCP… Autre signe de raidissement dans les allées du pouvoir : en janvier dernier, l’opposant historique et leader islamiste, Hassan el-Tourabi, a été arrêté pour incitation « à la sédition dans la rue ». Remis en liberté, le 2 mai, ce vétéran de la politique soudanaise, âgé de 79 ans, n’a pas désarmé. « J’appelle le peuple soudanais à lancer sa propre révolution contre la corruption », a-t-il lancé à des journalistes invités à son domicile de Khartoum. En janvier, il avait jugé « probable » un soulèvement dans son pays. Conscient de cette menace, le régime a ouvert des discussions avec certains partis d’opposition sur une modification de la Constitution intérimaire, caduque à partir du 9 juillet. « Le pouvoir veut faire

une deuxième vis à resserrer au plus vite. Hors de question, pour Omar el-Béchir, de perdre le contrôle d’une autre partie du territoire national. Il a d’ailleurs annoncé, le 29 mars, la tenue d’un référendum, qui devrait se tenir « J’appelle le peuple à lancer le 1er juillet, sur un nouveau sa propre révolution. » statutadministratifdelaprovince. Le Mouvement pour HASSAN EL-TOURABI, opposant historique la justice et l’égalité (JEM) des changements a minima pour apaiser et le Mouvement pour la libération et la les contestations et en contrôler tout le justice (LJM), les deux principaux mouvements rebelles, ont rejeté cette décision processus », estime Fouad Hikmat, de unilatérale. Même ton à Washington. Or, l’International Crisis Group. Pas sûr cepenaprès avoir conditionné la levée des sancdant qu’El-Béchir ait les bons outils pour tions américaines à la bonne tenue du la nouvelle maison nord-soudanaise : les référendum dans le Sud, l’administration aspirations démocratiques grandissent Obama exige des progrès sur la question jusque dans les rangs du NCP… ● du Darfour… Dans le palais présidentiel, CONSTANCE DESLOIRE

JEUNE AFRIQUE


Coulisses

Afrique subsaharienne

ALLEMAGNE

Rwandais à la barre

I

gnace Murwanashyaka, président des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), et son adjoint Straton Musoni sont jugés depuis le 4 mai par un tribunal spécial de Stuttgart, en Allemagne. Les deux hommes sont poursuivis pour des crimes de guerre (39 chefs d’accusation) et des crimes contre l’humanité (26 chefs d’accusation) que les FDLR, à leur instigation, auraient commis en RD Congo (Nord-Kivu et Sud-Kivu), en 2008 et 2009. Il s’agit de massacres, de viols, de pillages, d’incendies. Dans un rapport publié par l’ONU en novembre 2009, il est indiqué que Murwanashyaka s’est entretenu 240 fois au téléphone, entre septembre 2008 et août 2009, avec ses hommes sur le terrain, dont le général Sylvestre Mudacumura, chef de la branche armée. Cela s’est répété 14 fois entre le 5 et le 16 mai 2009, période au cours de laquelle les FDLR ont attaqué le village de Busurungi, tuant 96 civils, en plus de ceux qui ont été brûlés vifs dans leurs maisons. PERPÉTUITÉ. Murwanashyaka et Musoni

ont été arrêtés à Karlsruhe (sud-ouest de l’Allemagne) en novembre 2009. N’ayant été réclamés ni par Kigali ni par Kinshasa, les deux hommes sont jugés dans le cadre du code allemand relatif aux crimes qui violent le droit international. Cette nouvelle disposition, qui remonte à 2002, repose sur le principe de la compétence universelle et s’applique aux crimes jugés par la Cour pénale internationale (CPI), dont les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité. Bien qu’affaiblies par l’arrestation de leurs leaders politiques, les FDLR continuent de sévir en RD Congo. S’ils sont reconnus coupables, Ignace Murwanashyaka et Straton Musoni encourent la réclusion criminelle à perpétuité. ● TSHITENGE LUBABU M.K. JEUNE AFRIQUE

PIUS UTOMI EKPEI/AFP

Deux chefs de la rébellion hutue des FDLR sont poursuivis à Stuttgart pour crimes contre l’humanité.

GHANA MME RAWLINGS CANDIDATE EN 2012 ! CE QUI N’ÉTAIT QU’UNE RUMEUR au Ghana est devenu une certitude. L’expremière dame, Nana Konadu Rawlings, a annoncé le 5 mai sa candidature à la présidentielle de 2012. L’épouse de l’ancien homme fort du pays, Jerry Rawlings – qui a dirigé le Ghana pendant vingt ans après deux coups d’État successifs, en 1979 et en 1981 –, n’est pas une inconnue. Militante politique, elle s’est déjà signalée par son action en faveur de la cause des femmes ghanéennes. Première femme à briguer la présidence au Ghana, elle va devoir se présenter à des élections primaires où elle affrontera l’actuel chef de l’État, John Atta-Mills, issu, comme elle, du National Democratic Congress (NDC), fondé par Rawlings. Ce dernier a critiqué publiquement la gestion du pays par son successeur. Selon les analystes, l’annonce de la candidature de Mme Rawlings révèle combien le parti au pouvoir est rongé par des divisions internes. ● TIRTHANKAR CHANDA

CAMEROUN ROTATIONS DANS LA POLICE À cinq mois de l’élection présidentielle et quelques jours après le braquage d’une banque à Douala, le délégué général à la sûreté nationale, Martin Mbarga Nguelé, a procédé, le 3 mai, à une série de nominations. Sur décret présidentiel, Jean-Marie Mvogo est le nouveau commandant du groupement spécial d’opération, chargé notamment des interpellations dans le cadre de l’opération

Épervier. Jacques Dili quitte la police des frontières pour la direction de la police judiciaire. ZAMBIE LE COÛT DU PALUDISME Depuis 2000, trois entreprises zambiennes employant 33000 personnes ont mis en place un programme de lutte contre le paludisme. Selon le dernier rapport du partenariat Roll Back Malaria, le nombre de cas et le niveau d’absentéisme ont chuté de 94 % sur la période 2000-2009. En Afrique, 39 % des

patrons considèrent que le paludisme a un impact considérable sur le business. ARGENT SALE 337 MILLIARDS D’EUROS EN AFRIQUE DE L’OUEST Un chiffre ahurissant. Chaque année, en Afrique de l’Ouest, le blanchiment d’argent (corruption, trafic de drogue, d’êtres humains et d’armes, contrebande et fraude fiscale) représente 337 milliards d’euros. Une évaluation de la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). N o 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

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MADAGASCAR

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Andry

« Prolonger la transition serait une injustice » Plus de deux ans après son arrivée au pouvoir et à quelques jours d’un sommet décisif de la SADC (Communauté de développement de l’Afrique australe), le président de la Haute Autorité de transition, Andry Rajoelina, répond à nos questions. Crise politique, élections, Ravalomanana, Ratsiraka, Zafy, armée, relations avec la France, nouveaux partenaires… Interview exclusive. N o 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

JEUNE AFRIQUE


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AU PALAIS PRÉSIDENTIEL à Antananarivo, le 2 mai. Propos recueillis à Antananarivo par

P

MARWANE BEN YAHMED

lus de deux ans après le départ forcé, en mars 2009, de Marc Ravalomanana, Madagascar est toujours enlisée dans un processus de sortie de crise au sein duquel une chatte ne retrouverait pas ses chatons. Entre une communauté internationale divisée, de multiples médiations qui n’ont fait que compliquer davantage cet inextricable écheveau d’alliances

JEUNE AFRIQUE

contre-nature et d’intérêts divergents – qui savent cependant se rassembler quand il s’agit de se partager un gâteau disputé depuis l’indépendance du pays – et des acteurs politiques qui se multiplient à la vitesse de l’éclair, entre nouveaux partis et dissidences des anciens, il y a de quoi avoir de sérieux maux de tête… Après l’échec des sommets de Maputo et d’Addis-Abeba, en 2009, de celui de « la rencontre de la dernière chance »

à Pretoria, en 2010, c’est désormais la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) qui a la main sur le processus. La feuille de route qu’elle a proposée, fin janvier, a surpris : Andry Rajoelina reste le président de la Transition, nomme le Premier ministre et les membres du gouvernement, et pourra se présenter à l’élection présidentielle à condition de démissionner soixante jours avant le scrutin. Voilà qui ressemble à un blanc-seing accordé au jeune président et à un coup d’arrêt pour les trois N 0 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

YVES LALAND POUR J.A.

Rajoelina


Afrique subsaharienne Madagascar

JEUNE AFRIQUE : Madagascar s’enlise depuis maintenant plus de deux ans dans une crise politique majeure. Les différentes tentatives de médiation ont toutes échoué. Comment sortir de cette impasse ? ANDRY RAJOELINA : Je suis convaincu

que la solution doit venir du peuple. C’est ce même peuple qui s’est soulevé en 2009 pour réclamer changement et justice sociale. Les différentes médiations ont échoué car il y a eu trop d’intervenants, qui ne maîtrisaient pas toujours la réalité du terrain. Ensuite parce qu’on N o 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

GREGOIRE POURTIER/AFP

mouvances incarnées par les anciens présidents Didier Ratsiraka, Albert Zafy et Marc Ravalomanana. Une sortie de crise qui se clarifie petit à petit mais qui devra cependant être validée par le sommet extraordinaire de la SADC du 20 mai prochain, en Namibie. Soucieux d’en finir avec une transition qui n’a que trop duré, Andry Rajoelina, 36 ans, a multiplié les déplacements de dernière minute pour sensibiliser ses pairs de la région. Conscient de l’influence de son ancien modèle Marc Ravalomanana sur le poids lourd sudafricain, qu’il attribue essentiellement à ses moyens financiers, « TGV » sait que la partie est loin d’être jouée. Il contrôle la situation intérieure mais dépend toujours de l’extérieur. Ce fils de militaire ayant servi sous le drapeau français, autodidacte issu de la classe moyenne, a toujours su mobiliser les foules. Il a organisé les soirées les plus courues de la capitale, a créé un empire dans la communication et les médias et a conquis de haute lutte la mairie d’Antananarivo en décembre 2007, infligeant ainsi à Ravalomanana son plus sérieux revers depuis 2001. Les trajectoires similaires des deux hommes – Merina des hauts plateaux, self-made-men débarqués en politique – s’entrechoquent. « Marc » lance les hostilités contre le jeune « Andry », suspend sa chaîne de télévision, multiplie les contrôles fiscaux et tente de le destituer de la mairie. La guerre est déclarée. Son épilogue est en train de se jouer, mais de nombreux supplétifs se sont joints aux deux principaux belligérants. Les Malgaches, qui pensaient en avoir fini en faisant tomber Ravalomanana, attendent la fin des hostilités pour que la Grande Île, au bord du gouffre, puisse enfin reprendre sa marche en avant…

STEPHANE DE SAKUTIN/AFP

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est allé chercher d’anciens présidents, eux-mêmes renversés plus ou moins directement par la population. Ils n’attendaient que cela pour revenir sur le devant de la scène… La transition n’a que trop duré et plonge Madagascar dans l’instabilité économique et sociale du fait des sanctions qui nous ont été appliquées. Il est grand temps de sortir de cette situation. Nous avons franchi un pas avec l’adoption de la nouvelle Constitution, celle de la IVe République. Lors du référendum du 17 novembre dernier, 52 % des électeurs se sont rendus aux urnes, et la Constitution a été adoptée à 75 %. Nous avons réalisé ce que les partis politiques réclamaient depuis des années. Pourquoi des pays qui, pour certains, ne connaissent pas la réalité de la situation ici devraient décider de l’avenir de 20 millions de Malgaches ? La SADC a proposé une feuille de route. Nous devons l’examiner et la valider lors de son sommet du 20 mai prochain, afin d’aller aux élections, seul viatique pour sortir de l’impasse. Après avoir prôné depuis un an et demi cette sortie de crise « malgacho-malgache », vous semblez donner désormais plus d’importance à la SADC. Pour quelles raisons ?

C’est en forgeant qu’on devient forgeron, comme le dit le proverbe. Nous avons fait le tour des dirigeants des États de la SADC pour leur expliquer la réalité de la situation. Ils commencent ainsi à se rendre compte que, durant ces deux années, la crise a été très mal interprétée. Nous ne pourrons nous en sortir

que par des élections. On accepte des transitions anticonstitutionnelles sans sourciller en Tunisie ou en Égypte, mais pour Madagascar, cela semble beaucoup plus compliqué… C’est étonnant. Quels sont les contours de la feuille de route qui sera examinée justement lors du sommet de la SADC du 20 mai ?

Les grandes lignes correspondent à la politique que nous menons : participation des différentes forces politiques au gouvernement, élargissement des institutions avec la création de deux Chambres, organisation des élections par une Commission électorale nationale indépendante (Ceni), adoption du bulletin unique, nécessité pour ceux qui JEUNE AFRIQUE


L’interview d’Andry Rajoelina Ý LES TROIS ANCIENS PRÉSIDENTS : Didier Ratsiraka (à g.), Albert Zafy (ci-contre) et Marc Ravalomanana (ci-dessous). « Ils veulent le chaos et l’échec de la transition », accuseTGV.

présidents ne souhaitent pas la tenue d’élections. Ils veulent le chaos et recherchent l’échec de la transition.

JEROME DELAY/AP/SIPA

Quelle garantie pouvez-vous donner à ceux qui craignent, compte tenu de votre position, que vous n’influiez sur le résultat de l’élection présidentielle ?

gèrent la transition et qui voudraient se présenter de démissionner deux mois avant la date du scrutin… Dans quel délai pourraient se tenir ces élections ?

Nous entamons notre troisième année de transition. C’est trop long, beaucoup trop long. Il est injuste de prolonger la crise. Les élections doivent être organisées avant la fin de l’année. La Ceni est prête, la refonte de la liste électorale le sera sous peu. Nous attendons le feu vert…

C’est paradoxal, tout de même…

Vous savez, il y a des gens qui veulent que la transition dure le plus longtemps possible. Pour être clair, les trois anciens JEUNE AFRIQUE

La feuille de route est là pour donner ces garanties. Nous venons d’évoquer un certain nombre de mesures, dont la mise en place de la Ceni et du bulletin unique – une grande première dans l’histoire du pays, où l’achat de voix et la « disparition » des bulletins de l’opposition étaient monnaie courante. L’accès des candidats à la liste électorale n’existait pas non plus auparavant. Y compris quand j’étais candidat à la mairie d’Antananarivo, que j’ai remportée face au candidat du pouvoir… Cette fois-ci, elle sera consultable par tous les candidats un mois avant les élections. Enfin, nous souhaitons que le scrutin soit supervisé par la communauté internationale et des observateurs.

Même si vous avez annoncé, en mai 2010, que vous ne vous présenteriez pas…

Les États-Unis venaient de suspendre leur programme pour la croissance et le développement économique en Afrique (Agoa), les accords de Maputo et d’Addis étaient irréalisables, Madagascar ne percevait plus un sou d’aide, les financements étaient bloqués… Jean Ping, le président de la Commission de l’Union africaine, m’avait laissé trois choix : appliquer des accords inapplicables, démissionner pour me présenter – mais à l’époque c’était trop risqué pour la stabilité du pays – ou mener la transition sans possibilité de me présenter par la suite. Dans ce dernier cas, il s’engageait à ce que nous obtenions la reconnaissance internationale, la fin des sanctions, ainsi que l’aide nécessaire à l’organisation des élections. Dans l’intérêt supérieur de la nation, j’avais donc accepté de ne pas me présenter à la présidentielle. Mais j’avais pris soin de préciser que si je prenais mes responsabilités, j’attendais en retour que la communauté internationale prenne les siennes. J’attends toujours… Je suis libre de me présenter. Au moment voulu, je déciderai en mon âme et conscience.

Didier Ratsiraka et Marc Ravalomanana, condamnés par la justice malgache, pourront-ils, eux, concourir à cette élection ?

On ne peut pasenvisager un seul instant qu’une personne condamnée puisse se présenter. Cela dit, une loi d’amnistie doit être adoptée par les deux Chambres. Mais je pense que tout ce qui est crime de sang ne peut être amnistiable. Imaginez-vous que les présidents Ben Ali ou Moubarak, qui ont fait tirer sur leurs concitoyens comme Marc Ravalomanana, se présentent en Tunisie ou en Égypte ? L’ancien chef de l’État a payé des mercenaires

Je sais que je serai élu président, maintenant ou dans cinq ans. Serez-vous candidat à l’élection présidentielle ?

Je sais que je serai élu président, maintenant ou dans cinq ans. Ce qui est prioritaire pour moi, actuellement, c’est de résoudre la crise politique une bonne fois pour toutes et de participer au développement du pays. Mais personne ne peut m’empêcher d’être candidat.

pour diriger la répression et commander directement les forces armées malgaches. Cela relève de la haute trahison. Le peuple l’avait porté au pouvoir. Mais quand il a réclamé la justice sociale, Ravalomanana lui a répondu par les armes. Lorsque vous avez lancé cet appel à marcher sur la présidence, pensiez-vous N 0 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

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Afrique subsaharienne Madagascar que Ravalomanana pourrait donner l’ordre de tirer ?

Pas du tout. Nous manifestions depuis plus d’un mois sur la place du 13-Mai. Les Malgaches avaient mis en place un sit-in, ici, devant le palais, pour demander le départ du président. Ils n’avaient pas d’armes, pas même un bâton ! Certains sont prêts à tout pour s’accrocher au pouvoir, y compris aux pires extrémités. Il suffit de voir ce qui se passe dans le monde arabe… Avez-vous des contacts avec Marc Ravalomanana ?

Non, aucun.

Et avec les mouvances des autres anciens présidents, Ratsiraka et Zafy ?

Il n’y a pas de relations directes. Mais ils sont dans l’opposition. Et les partis politiques qui les ont soutenus sont tous présents au sein de la Transition, dans les deux Chambres du Parlement et au sein du gouvernement. Le frère cadet de Didier Ratsiraka est même ministre de l’Énergie… Vous dites que la crise, depuis 2009, leur a permis de revenir sur le devant de la scène. Cela signifie-t-il qu’ils n’ont pas vraiment intérêt à ce qu’elle prenne fin ?

C’est vrai, c’est une erreur de la médiation dont nous subissons toujours les conséquences. Ratsiraka et Zafy auraient dû jouer les facilitateurs pour résoudre la crise politique, comme des sages

ALEXANDER JOE/AFP

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« EN MARS 2009, Ravalomanana a payé des mercenaires pour diriger la répression. Cela relève de la haute trahison. »

les pouvoirs. Il y a de vrais débats lors des Conseils des ministres. Selon un rapport de l’International Crisis Group, « le mode de gestion de Madagascar a été de tout temps, depuis l’indépendance du pays, népotique, une petite élite s’accaparant le pouvoir politique et économique jusqu’à ce que les exclus du système décident de s’organiser et de renverser le pouvoir par la rue ». Que faire, selon vous, pour mettre fin à cette « malédiction » malgache ?

Tout change. Avant, le verdict des urnes ne reflétait pas du tout la réalité politi-

La France ne m’a jamais demandé de ne pas me présenter à la présidentielle. chargés de nous guider. Mais ils en sont devenus acteurs et ils veulent reprendre leur part d’un pouvoir qui les a quittés il y a longtemps. Tout le monde, y compris les médiateurs de la SADC, a fini par comprendre cela. Il n’en demeure pas moins qu’ils ont leurs partisans au sein des instances de la Transition. Certains vous répondront que les ministres n’ont pas beaucoup de pouvoir et que c’est vous qui décidez…

Nous sommes en période de transition : l’important est de gérer les affaires courantes et d’organiser des élections libres et transparentes. Je n’ai pas tous N o 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

que à Madagascar. Impossible pour les opposants de prendre le pouvoir ou de participer au développement du pays sans passer par la rue. Dans notre nouvelle Constitution, le Premier ministre doit être proposé par les partis majoritaires au sein de l’Assemblée nationale. Il y a donc une possibilité de cohabitation. La clé, c’est le mode de désignation du pouvoir : les élections. Quand elles ne reflètent pas la volonté de la population, tôt ou tard, vous en payez le prix. Avec de vraies élections, le peuple pourra désigner ses dirigeants, les sanctionner ou leur faire confiance. L’opposition pourra enfin s’exprimer, apporter son écot au débat

démocratique, critiquer… Bref, jouer pleinement son rôle. Cela n’a jamais été le cas dans notre histoire. Quand vous êtes légitime, vous n’avez rien à craindre, sinon le verdict des élections suivantes. Ce cercle vertueux obligera les dirigeants à rendre des comptes et à défendre un bilan. La crise a plongé Madagascar dans un état de déliquescence avancé. Paradoxalement, vous avez lancé une série de grands travaux. Comment financez-vous les activités de l’État ?

Ce que nous avons traversé jusqu’à maintenant a été un test pour Madagascar. Une sorte de révélateur. Nous avons été sanctionnés par la communauté internationale. Mais nous avons pu augmenter le salaire des fonctionnaires, et le pays tourne à peu près normalement. Comment avons-nous fait ? C’est simplement de la bonne gestion. La Banque mondiale nous a félicités, pour la première fois depuis des années, sur la limitation de nos dépenses et notre bon recouvrement fiscal. En ce qui concerne les investissements, Madagascar a beaucoup de potentiel. Nous avons octroyé les gisements de fer de Soalala à Wisco, une société chinoise. Le montant de l’avance qu’ils nous ont consentie – plus de 100 millions de dollars – a été alloué à la construction de centres hospitaliers dans les grandes villes. Nous sommes en train de construire des logements sociaux, des salles omnisports, des centres d’exposition et des JEUNE AFRIQUE


L’interview d’Andry Rajoelina salles de théâtre. Nous subventionnons des produits de première nécessité dans les quartiers défavorisés. Nous parvenons à faire, dans des circonstances difficiles, ce que les dirigeants qui se sont succédé n’ont pas fait en cinquante ans. Ils disposaient pourtant de l’aide internationale. Nos hôpitaux ont été construits avant l’indépendance, entre 1924 et 1960… Depuis, rien ! Vous rendez-vous compte? Cela suppose de beaucoup travailler, de mettre fin à la gabegie qui régnait jusqu’à présent avec des dépenses publiques incontrôlées. Bref, de la rigueur. Je vous assure que cela suffit amplement.

touristique de l’océan Indien. Nous allons accompagner ces investisseurs et faciliter l’accès aux terrains constructibles. Nous voulons que des étrangers puissent acheter un pied-à-terre, un appartement ou une villa, et qu’ils puissent disposer de leur carte de résident pour faciliter leur entrée et leur sortie du territoire. Nous souhaitons travailler aussi avec d’autres pays, par exemple la Turquie, la Chine ou l’Inde. Avec cette dernière, nous travaillerons sur le secteur de l’agriculture. Notre but est l’autosuffisance alimentaire. Nous n’avons aucun a-priori sur tel ou tel partenaire tant que les intérêts de Madagascar sont préservés.

D’aucuns dénoncent la persistance d’un vaste trafic de bois de rose, interdit, servant à financer la Transition…

YVES LALAND POUR J.A.

Depuis l’indépendance, « LES ÉLECTIONS doivent être organisées avant la fin Madagascar s’est refermée de l’année. » sur elle-même. Aujourd’hui, noussommesouvertsauxopérateurs ou aux pays qui veulent vraiment L’ouverture à ces nouveaux horizons ne investir. Actuellement, nous avons de risque-t-elle pas de heurter la France, grands projets immobiliers et touristiqui est votre partenaire commercial ques avec Emaar [société basée à Dubaï historique ? Il n’y a pas d’exclusivité pour le dévelopqui a construit la tour la plus haute du monde, Burj Khalifa, NDLR]. Nous allons pementde Madagascar.Noustravaillonset organiser une foire internationale ciblant travailleronstoujoursenparfaiteharmonie les investisseurs dans l’hôtellerie. Nous avec la France, qui comprend très bien que voulons faire de Madagascar la vitrine nous ayons besoin de nous diversifier. JEUNE AFRIQUE

La France ne m’a jamais demandé de ne pas me présenter. Elle connaît mieux que d’autres la situation politique et a fait preuve de compréhension. Les relations entre nos deux pays se sont d’ailleurs nettement améliorées pendant la transition. Je crois savoir que c’était plus compliqué avec mon prédécesseur… Des avions d’Air Madagascar ont été placés sur la liste noire de l’Union européenne. Comment avez-vous réagi ?

Encore un héritage du régime précédent et un très mauvais coup pour l’image de mon pays. Le contrat qui a été signé avec la société de leasing protégeait totalement le loueur. Le montant de la location a même été doublé lors du renouvellement du contrat ! La maintenance, elle, laissait franchement à désirer. L’île Maurice dispose de sa propre flotte, alors que Madagascar, depuis cinquante ans, n’a même pas un Boeing. L’ancien président Marc Ravalomanana a tout de même cru bon de s’acheter un avion présidentiel flambant neuf et hors de prix… Allez comprendre ! Nous allons tout mettre en œuvre pour qu’Air Madagascar soit remis sur pied et devienne une compagnie de référence.

C’est faux. Cette histoire date de 2004. L’ancien régime avait octroyé des permis pour l’exportation de bois de rose. Après notre arrivée au pouvoir, nous avons stoppé ces exportations, en juin 2010. Cela dit, il y a toujours des petits malins qui tentent de passer entre les mailles du filet. Aujourd’hui, plus de soixante personnes sont en prison. Nous essayons de faire le maximum pour éradiquer ce trafic. Mais ce n’est pas simple, je l’avoue. Nous nous heurtons à des intérêts importants, qui n’hésitent pas à recourir à la corruptionpourpréserverleurs juteuses affaires. Mais nous ne restons pas les bras croisés. Vous vous êtes mis en quête de nouveaux partenaires économiques. Vous avez cité la Chine. Quels sont les autres partenaires qui peuvent intéresser Madagascar ?

Quelle est la nature exacte de vos relations avec la France ? Elle vous a soutenu, mais a aussi exprimé certaines critiques et vous a demandé de ne pas vous présenter…

Affairisme, clientélisme et corruption n’ont pas disparu avec votre régime. Vous l’aviez publiquement reconnu en annonçant une série d’audits y compris au sein des ministères et de la présidence. Que s’est-il passé depuis ?

La corruption existe depuis longtemps. Il faut l’éradiquer. Nous avons mis en place un système de contrôle : toute dépense de plus de 100 000 dollars doit être validée par le président et le ministre des Finances. Nous avons ainsi réalisé 250 millions de dollars d’économie en 2010 par rapport à 2009. C’est un travail de longue haleine. Et, au risque de me répéter, la transition qui perdure ● ● ● N 0 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

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Afrique subsaharienne Madagascar

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galeuses. Mon prédécesseur a usé de tous ses moyens financiers pour nous déstabiliser. Sans succès. L’armée me respecte et je respecte l’armée. À 36 ans, vous êtes le plus jeune chef d’État africain. En quelques années, vous êtes passé de DJ célèbre à homme d’affaires prospère, maire de Tana puis chef de l’État. Comment avez-vous vécu cette ascension météorique ?

ALINE RANAIVOSON/AFP

J’aime les défis. Depuis ma plus tendre enfance, j’ai toujours été un meneur. Cela peut sembler un peu fanfaron, mais c’est la réalité… J’ai vécu des périodes très difficiles. Mais quand je me retourne pour mesurer ce parcours, je ne regrette rien. Et je crois que le bilan est plutôt positif.

Le 11 décembre 2010, AVEC SON ÉPOUSE, MIALY, lors de la promulgation de la Constitution adoptée par référendum.

n’arrange rien : il nous faut de la stabilité et un horizon dégagé pour pouvoir travailler efficacement sur la durée. ●●●

Vos détracteurs prétendent que certains membres de votre entourage profitent de la transition pour faire des affaires…

Nous sommes actuellement en train de changer notre staff au sein même de la présidence. Le directeur des affaires financières a été écarté. D’autres suivront. Nous voulons la transparence et le respect des lois. Tous ceux qui s’écarteront de ce chemin devront en assumer les conséquences. Avant de vous lancer en politique, vous veniez du secteur privé. Quelles relations entretenez-vous avec les chefs d’entreprise malgaches ?

Un rapport du département d’État américain sur les droits de l’homme n’est pas tendre N o 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

YVES LALAND POUR J.A.

Nous souhaitons développer le pays avec les opérateurs économiques locaux en premier lieu. Je suis bien placé pour connaître leurs difficultés et je mesure le rôle crucial qui est le leur. Lorsqu’il y a un problème, nous nous asseyons autour d’une table et nous essayons de le résoudre. Maiscertainsdoiventcomprendre qu’ils ont aussi des responsabilités et des devoirs.

avec votre régime: conditions de détention, arrestations arbitraires, censure… Qu’en avez-vous pensé ?

Qu’ils ont dû se tromper de pays ! En lisantcerapport,ondiraitqueMadagascar est un pays en guerre, une zone de nondroit. Nous voulons répondre point par point, et le ministre des Affaires étrangères va rencontrer l’ambassadeur des ÉtatsUnis à Madagascar en ce sens. Avez-vous confiance en l’armée malgache ?

Bien sûr que oui.

Elle est souvent intervenue dans l’histoire du pays. Elle vous a remis les clés du pouvoir en 2009, mais, depuis, vous avez eu à affronter une tentative de coup d’État…

L’armée malgache respecte la hiérarchie et le commandement. Cela dit, dans chaque institution, il y a des brebis

Votre épouse, Mialy, est très présente à vos côtés. Quel rôle joue-t-elle auprès de vous ?

Derrière un homme, il y a toujours une femme. Elle me soutient moralement et mène beaucoup d’actions sociales. Nous sommes très complémentaires. Mais elle ne supporte pas l’affrontement et la violence. Elle craint pour ma vie et, pour être franc, elle n’aime pas trop la politique… Vous êtes réputé pieux, mais vous plaidez pour la laïcité de l’État. Quelle place accordez-vous finalement à la religion ?

Je suis croyant, et sans l’aide de Dieu je n’en serais pas là aujourd’hui. Mais je considère qu’une des grandes erreurs qui ont été commises dans ce pays est d’avoir instrumentalisé la religion et mélangé les genres. La religion est une affaire personnelle et doit le rester.

Vous avez dû voir à la télévision les images de l’arrestation de Laurent Gbagbo et de son épouse, le 11 avril. Que vous ont-elles inspiré ?

Que ceux qui utilisent la force et les armes contre leur peuple doivent être jugés. Mais aussi que si nos institutions africaines avaient été plus efficaces, nous n’en serions peut-être pas arrivés à remettre nos destins entre les mains de la communauté internationale… ●

Ý LORS DE L’ENTRETIEN, le 2 mai. JEUNE AFRIQUE




CommuniquĂŠ


Maghreb & Moyen-Orient

LIBYE

Pendant ce temps, Après deux mois de bombardements de l’Otan et cent jours d’une insurrection armée désormais encadrée par des conseillers militaires occidentaux, Kaddafi est toujours là.

CHERIF OUAZANI

T

ripoli, 2 mai 2011, cimetière Hani. Quelque deux mille Libyens sont venus assister aux obsèques de Seif el-Arab, 28 ans, le fils le plus jeune du « Guide », tué dans la nuit du 30 avril au 1er mai, comme son épouse et trois de ses nièces et neveu (la fille d’Aïcha, celle de Hannibal et le fils de Mohamed), par un bombardement aérien de l’Otan. En tête de la foule en colère, la famille est presque au complet. Tradition musulmane oblige, Aïcha et sa mère, Safia, n’assistent pas aux funérailles. Mouammar Kaddafi n’est pas là – il viendra se recueillir sur la tombe de Seif el-Arab le surlendemain –, ni son fils Khamis, 35 ans, patron des troupes d’élite, accaparé par « le champ de bataille ». Hannibal et Saadi ont la mine défaite. Seif el-Islam, en tenue traditionnelle, semble le plus affecté. « Il est clair que l’opération visait à assassiner le dirigeant de ce pays », déclare Moussa Ibrahim, porte-parole du gouvernement, qui assure que le « Guide » et son épouse se trouvaient dans la maison bombardée. Khaled Kaïm, vice-ministre des Affaires étrangères, a assuré, le 4 mai, que « le leader va bien ». Une information confirmée par Leon Panetta, directeur de la CIA, sur la chaîne américaine PBS. « Nos cibles sont de nature militaire. Nous ne visons pas les individus », affirme, de son côté, le général canadien Charles Bouchard, commandant en chef de Protecteur unifié, nom de code de l’opération que mène l’Otan au nom de la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l’ONU. BAVURE. Le pilonnage quotidien du complexe militaire de Bab el-Aziziya, qui abrite, au cœur de Tripoli, la résidence de Kaddafi, vise, selon le général Bouchard, à « perturber et détruire la chaîne de commandement des forces qui continuent de s’en prendre aux populations civiles, et ce conformément au mandat de l’ONU ». La maison de Seif el-Arab abritait-elle un centre N o 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

LOUAFI LARBI / REUTERS

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de commandement militaire ? Rien n’est moins sûr. Le jeune homme résidait depuis cinq ans à Munich, où il était inscrit à l’université. Menant grand train – bien qu’on ne lui connaisse pas de frasques –, il n’était pas réputé proche des cercles du pouvoir. Il a quitté Munich le 24 février 2011, une semaine après le début de l’insurrection armée en Cyrénaïque, pour rallier Tripoli et rejoindre ses parents à Bab el-Aziziya. Sa mort et celle d’un de ses neveux et de deux de ses nièces seront probablement « instrumentalisées » par JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient

à Tripoli…

un Kaddafi plus coriace que prévu et qui, bien qu’ayant perdu aux yeux de la communauté internationale tout statut d’interlocuteur en vue d’une solution politique, peut encore compter sur quelques soutiens intérieurs et extérieurs. Le pays a beau être sous blocus naval et aérien (même les avions de la compagnie Afriqiyah sont cloués au sol, au grand dam des capitales africaines qu’elle dessert) et en proie à la guerre, le « Guide » tient encore le choc. Pour combien de temps ? POSTURE DE VICTIME. Après celles du sinistre

Moussa Koussa, ex-chef de la diplomatie, et de l’africaniste Ali Abdessalam Triki, les défections semblent s’être arrêtées. Quant à celle de son homme de confiance et cousin, Ahmed Gueddaf Eddam, elle est sujette à caution depuis que le Conseil national de transition (CNT, direction politique des insurgés basée à Benghazi) le soupçonne d’organiser, depuis son exil Ý SEIF EL-ISLAM cairote, le soutien logistique aux KADDAFI au troupes de Kaddafi. On peut imamilieu de giner que les défections se sont la foule raréfiées à la suite de pressions lors des sur les familles de responsables obsèques de son politiques et militaires du régime, jeune frère, mais il est indéniable que le facSeif el-Arab, teur tribal est plus favorable au le 2 mai, à « Guide » qu’on ne le prétend. Tripoli. Kaddafi n’a pas perdu l’appui des tribus, notamment en Tripolitaine et dans le Fezzan (lire p. 56). Au lendemain de la mort de son fils, la télévision nationale a diffusé des images montrant des chefs tribaux venus à Bab el-Aziziya présenter leurs condoléances au colonel. Selon Abdelkader Ghouqa, ancien ambassadeur à Beyrouth, aujourd’hui numéro deux et porte-parole du CNT, ce soutien s’explique par les nombreuses pertes parmi les soldats et officiers loyalistes issus de ces tribus. « Sans parler des victimes civiles, Forces loyalistes dégât collatéral des bombardements de l’Otan », ajoute Aïcha Kaddafi dans une lettre ouverte au miliciens peuple français rendue publique le 29 avril… la du Mouvement veille de la mort de sa fille. des comités révolutionnaires Le fait d’être une cible de l’Otan (« après son bureau, son fils », scandait la foule lors de l’enterrement de Seif el-Arab) confère à Kaddafi, hommes chargés de la sécurité du numéro un libyen et des sites stratégiques au sein de la aux yeux des chefs tribaux, le statut de victime brigade Khamis plutôt que celui de bourreau. L’intervention étrangère conforte la propagande du « Guide », qui combattants étrangers et mercenaires dénonce les visées coloniales de Paris, Londres et

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Maghreb Moyen-Orient Washington. Un discours qui rencontre un écho auprès des chefs de tribu, de plus en plus agacés par la multiplication des appels du CNT à l’Otan pour qu’elle intensifie ses bombardements. Officiellement, la Jamahiriya ne dispose pas d’une armée, mais d’une structure paramilitaire baptisée Chaab el-Moussalah (« le peuple en armes »). Mais il existe un corps d’élite chargé de la sécurité du « Guide » et des sites stratégiques, notamment les structures de stockage de carburant et de produits alimentaires : la brigade Khamis, du nom de son commandant, Khamis Kaddafi. Contrairement à une idée largement répandue, la brigade Khamis (autour de 15 000 hommes bien entraînés et équipés) n’est pas engagée directement dans les affrontements contre les insurgés, sans doute pour être préservée. Pour la guerre, Kaddafi a choisi de faire appel aux 300 000 miliciens du Mouvement des comités révolutionnaires (MCR), dirigé par le tristement célèbre Ahmed Ibrahim. S’agissant d’un conflit caractérisé par une guérilla urbaine et un front éclaté, le MCR est bien plus efficace qu’une armée régulière. Aux miliciens d’Ahmed Ibrahim s’ajoute un flot ininterrompu de mercenaires, évalué à 6 000 hommes. On compte parmi eux de nombreux « chiens de guerre » venus notamment d’Europe de l’Est, mais l’essentiel des « combattants étrangers de Kaddafi » est d’origine subsaharienne. Ils se sont engagés aux côtés du héraut des États-Unis d’Afrique plus par conviction que par veulerie. LA CARTE AFRICAINE. Autre moyen pour Kaddafi

d’entretenir le soutien des tribus : assurer les services dans les agglomérations sous contrôle des loyalistes. De l’aveu de Khaled Kaïm, le colonel passe plus de temps à vérifier l’efficacité de l’administration dans l’approvisionnement des grandes surfaces et des stations-service qu’à s’informer sur l’évolution de la situation militaire. Mais les stocks stratégiques baissant à vue d’œil, Kaddafi devra préparer son opinion aux pénuries à venir. À l’extérieur, le « Guide » compte, une nouvelle fois, sur le continent africain pour retrouver son statut d’incontournable « parrain ». Opposés à l’intervention étrangère, l’Union africaine (UA) et son Conseil de paix et de sécurité (CPS) préconisent l’arrêt des bombardements de l’Otan, un cessez-le-feu entre les belligérants et l’instauration de couloirs humanitaires. Un point de vue que défend le Jordanien Abdelilah Khalil, envoyé spécial de Ban Ki-moon en Libye. Le soutien des instances panafricaines est loin d’être négligeable. D’autant que, depuis le 1er mai, l’Afrique du Sud de Jacob Zuma, qui a eu des mots très durs après le bombardement de la maison de Seif el-Arab, a pris la présidence en exercice du CPS, succédant au Rwanda de Paul Kagamé, seul chef d’État africain à avoir cautionné l’intervention de l’Otan en Libye. ● N o 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

PETROS KARADJIAS/AP/SIPA

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ABDELATI OBEIDI, chef de la diplomatie loyaliste libyenne (veste grise).

Ils suivent le « Guide » Kaddafi peut encore compter sur ses anciens compagnons et sur ses enfants, avec une habile répartition des tâches. Mais aussi sur plusieurs tribus qui lui sont restées fidèles.

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ouammar Kaddafi ne Parmi les rares survivants des règne pas uniquement « officiers libres », terme désignant par la terreur. Il joue égales compagnons de Kaddafi lors lement sur la fibre tribale. Si la bridu putsch du 1er septembre 1969 gade Khamis recrute ses soldats contre le roi Idriss, on n’a enregisd’élite parmi les Gueddafa, dont est tré aucune défection. Le nom du issu le « Guide » et qui occupent la général Mustapha Kharroubi a été zone-région allant de Sebha (600 km évoqué pour remplacer Kaddafi au sud-est de Tripoli) au golfe de durant une période de transition, Syrte, les miliciens du Mouvement commel’asuggéréSeifel-Islamdans des comités révolutionnaires (MCR) sa proposition de sortie de crise. proviennent de toutes les tribus, y Le général-major Abou Bakr Jaber compris celles de Cyrénaïque, à Younès conserve son portefeuille l’avant-garde de l’insurrection. Une de la Défense, même s’il a complèmanière de les impliquer toutes sur tement disparu depuis le 17 février. le théâtre des opérations. Ainsi, pour Le colonel Abdessalam Jalloud a remplacer Moussa Koussa, ancien refait surface pour présenter ses patron du renseignement extérieur condoléancesàKaddafi,etlegénéral et ex-ministre des Affaires étrangères, qui a fait défecLes Megraha et une partie tion le 30 mars, Kaddafi a des Warfala ont renouvelé choisiAbdelatiObeidi,66ans, ancien vice-ministre des leur allégeance au colonel. Affaires européennes, pour sonentregentsurleVieuxContinent, Rifi, père de la défunte Légion verte mais aussi pour son appartenance (un corps composé de combattants à l’importante tribu des Obeidate, touaregs), aurait, selon une source géographiquement à cheval entre subsaharienne, repris du service à Bab el-Aziziya, centre névralgique la Tripolitaine et la Cyrénaïque. de la contre-insurrection. Kaddafi REVOILÀ JALLOUD. Autres tribus compte également sur sa progéà avoir renouvelé leur allégeance niture avec une habile répartition des tâches. Seif el-Islam et Saadi à Kaddafi, les Megraha et une partie des Warfala. Les soutiens dont multiplient les initiatives politiques, bénéficie le « Guide » émanent Moatassem et Khamis s’occupent essentiellement des affaires de principalement des tribus de la partie méridionale de la Jamahiriya, sécurité et des questions militaires. notamment dans le Fezzan, où les Quant à Aïcha, elle est chargée des Toubous apportent leur ardeur au relations publiques et des actions combat contre les insurgés. juridiques à l’international. ● CH.O. JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient CONFIDENCES DE | Nabil Rajab Président du Centre pour les droits de l’homme de Bahreïn, secrétaire général adjoint de la FIDH

« Le roi a déçu les Bahreïnis » Ð Les chiites ne veulent plus être traités comme des citoyens de seconde zone Ð L’Iran n’est pas une menace pour le royaume

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ONNU notamment pour la contestation qu’il anime sur Twitter (@NABEELRAJAB), Nabil Rajab est l’un des principaux opposants au régime bahreïni. Il a été récemment arrêté et molesté par les forces de police, mais sa stature internationale – il est secrétaire général adjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) – l’a protégé, jusqu’à présent. Une chance que n’ont pas eue Karim Fakhrawi, Ali Issa Ibrahim S a q e r, H a s s a n J a s s i m Mohammed Maki, Zakaria Rashid Hassan al-Asherri, morts en détention.

Quelle est aujourd’hui l’étendue de la discrimination vis-à-vis des chiites ? Bien qu’ils représentent plus de 70 % de la population, les chiites ont moins de 50 % des sièges du Parlement – qui, soit dit en passant, n’a pas de pouvoir, contrairement à la « Chambre haute » (la Choura), composée de membres nommés personnellement par le roi. Aujourd’hui, il n’y a quasiment pas de

L’économie repose pour une large part sur la population d’immigrés venus d’Asie. Mais ceux-ci composent également l’essentiel de la police et des forces armées. Cette situation explique pour une large part la haine qu’ils suscitent au sein d’une partie de la population. Bahreïn n’est-il pas également victime du face-à-face entre l’Arabie saoudite et l’Iran ? Contrairement à l’Arabie saoudite, l’Iran n’a jamais envahi Bahreïn ! En 1971, lorsqu’on nous a demandé si nous souhaitions être indépendants ou bien rattachés à l’Iran [après le départ des Britanniques, NDLR], notre réponse a été claire: nous souhaitions l’indépendance. Ce n’est pas pour être aujourd’hui envahis par l’un ou l’autre de ces pays! L’Iran aujourd’hui n’est pas une menace pour nous.

ADAM JAN/AFP

JEUNE AFRIQUE : Le régime ne s’est-il pas profondément réformé depuis l’accession au pouvoir de Hamad Ibn Issa Al Khalifa, en 1999 ? NABIL RAJAB : J’ai soutenu son programme de réformes, Quelle sortie de crise vous semcelui de la charte nationale de ble plausible ? 2001. Mais après une « lune L’Europe nous a beaucoup de miel » d’environ deux ans, déçus. Il y a bien « deux poids, il est apparu clairement qu’il deux mesures » : l’on n’est pas n’était pas sincère dans sa traité de la même manière selon volonté de réformer le pays. Il a commencé par nous impoque l’on est libyen ou bahreïni. « S’ils le décidaient, LES ÉTATS-UNIS pourraient ser une Constitution, laquelle Il faut qu’une médiation extéjouer un rôle majeur dans l’apaisement. » concentre entre ses mains rieure intervienne rapidement. chiites dans l’armée ou la police, très Les Koweïtiens se sont proposés, ainsi l’essentiel du pouvoir. Aujourd’hui, peu au sein de la haute fonction publique les Turcs… Malheureusement, le près de 60 % des membres du gouque. En 2005, les chiites ont réalisé royaume souhaite rester sous l’emprise vernement sont issus de la famille que leur situation ne s’améliorait pas, de Riyad. S’ils le décidaient, les Étatsroyale, tandis que la quasi-totalité des institutions financières est dirigée en dépit des promesses. Les manifesUnis pourraient jouer un rôle majeur par les Khalifa… La corruption s’est tations ont commencé en 2006, suivies dans l’apaisement. Il faut stopper cette étendue, tandis que la liberté de la de répression, puis de nouvelles manivague de répression, qui s’apparente presse a reculé. Quand le roi est entré festations… Les chiites sont traités à une vengeance du régime contre les en fonction, nous étions au 67e rang comme des citoyens de seconde chiites. Le prince héritier [Salman Ibn mondial, selon Reporters sans fronzone. Hamad Ibn Issa Al Khalifa, fils aîné du tières. Nous sommes aujourd’hui 144e. roi] peut jouer un rôle positif à cet Est-ce cela, la réforme ? On a fait égard. ● Pourquoi les travailleurs immigrés confiance au roi, mais il nous a Propos recueillis par JAN FALLSTRÖM, sont-ils victimes de violences de la déçus. envoyé spécial à Manama part de certains manifestants ? JEUNE AFRIQUE

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EN FAVEUR DE LA

du mouvement national, le 15 mars, à Ramallah.

RÉUNIFICATION

PALESTINE

Fatah-Hamas, l’union sacrée Scellée le 4 mai au Caire, la réconciliation entre le parti de Mahmoud Abbas et le mouvement islamiste rapproche un peu plus les Palestiniens d’une proclamation unilatérale de leur État. Mais elle condamne aussi les deux factions rivales à s’entendre durablement.

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ait majeur, l’unité palestinienne s’inscrit indéniablement dans l’air du temps, celle d’un monde arabeopiniâtreetdécomplexé,où l’improbable devient possible et bouscule tous les schémas géopolitiques. Annoncé au soir du 27 avril, l’accord entre le Fatah et le Hamas a pris le monde entier par surprise. Les deux frères ennemis ont officialisé leur réconciliation le 4 mai, au Caire, là où tant d’initiatives passées ont échoué, ce qui démontre au passage que l’Égypte post-Moubarak entend rester un acteur incontournable de la région. Historique, le compromis arraché entre les deux parties prévoit la mise en place d’un pouvoir de transition jusqu’à la tenue d’élections générales, prévues dans un délai de un an. Le futur gouvernement palestinien intégrera des « personnalités indépendantes », excluant par conséquent toute plateforme conjointe Fatah-Hamas. En ce sens, l’accord apparaît plus pragmatique que le document égyptien élaboré en 2009 et qui restera lettre morte. Menées dans le plus grand secret, ces ultimes tractations viennent clore quatre années de rivalité, voire de haine, entre les N o 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

publication par la chaîne d’information qatarie Al-Jazira des « Palestine Papers » – des documents selon lesquels les négociateurs palestiniens étaient secrètement prêts à des concessions majeures – est venue rappeler la profonde fracture entre le Fatah et le Hamas. À Ramallah, en Cisjordanie, siège de l’Autorité palestinienne, les membres des forces de sécurité seraient recrutés en fonction d’une « hostilité personnelle » à l’égard du mouvement islamiste. Profondément marqué par son éviction de Gaza, le Fatah n’accorde aucune confiance aux membres du Hamas, persuadé que ces derniers tenteraient de faire un putsch en Cisjordanie à la première occasion. Dans les deux camps, les cas d’arrestations arbitraires,

deux organisations. Leur rupture avait été provoquée par le coup de force du Hamas dans la bande de Gaza, furieux à l’époque de voir le président Mahmoud Abbas limoger Ismaïl Haniyeh – désigné Premier ministre après la victoire du Hamas aux élections–etimposerl’Étatd’urgencedans un territoire en proie à de violents affrontements armés. Depuis, le mouvement islamiste Pour être viable, l’accord contrôle sans partage et pourrait prendre la forme d’un sans grandes perspectives pacte de non-agression. une enclave soumise à un blocus israélien, tandis que l’Autorité palestinienne, dominée par le de harcèlements et de tortures sont réguFatah, gouverne une Cisjordanie morcelée lièrement rapportés par les ONG. Les deux mais en pleine expansion économique rivaux devront pourtant surmonter leurs grâce à la bienveillance des institutions antagonismes. Une fois entérinée la mise financières internationales. Elle réprime en place d’un haut comité Fatah-Hamas chargé de restructurer les différents grouaussi durement les partisans du Hamas, pes de sécurité, se posera la question de la dont la libération constituera, à n’en pas coopération antiterroriste avec Israël, que douter, l’une des étapes charnières du les islamistes apparentent à un « crime » processus de réconciliation. et refusent de cautionner. Elle fera l’obSOUS LA PRESSION DE LA RUE. À l’instar jet d’un nouveau round de négociations de l’épineux dossier des prisonniers politiau Caire, le 5 juillet. Pour être viable, la ques, le chemin à parcourir semble encore réconciliation pourrait alors prendre la semé d’embûches. En janvier dernier, la forme d’un pacte de non-agression. JEUNE AFRIQUE

AMMAR AWAD/REUTERS

Manifestation


EPA/ALI ALI

Maghreb Moyen-Orient

UN PARI OSÉ MAIS NÉCESSAIRE pour Abbas (à dr.), ici avec Ismaïl Haniyeh, en 2007.

Victime de ces luttes intestines et longtemps passive, la rue palestinienne n’est pastoutàfaitétrangèreaubouleversement politique en cours. Le 15 mars, inspirés par les révolutions tunisienne et égyptienne, de jeunes blogueurs avaient amorcé une timide mobilisation. À Ramallah et à Gaza notamment, ils sont parvenus à coordonner plusieurs rassemblements symboliques, appelant expressément leurs dirigeants à mettre fin aux divisions et à resserrer les rangs contre Israël. « C’est une victoire nationale pour cette jeunesse et une opportunité unique de parvenir à la paix », estime sur son site internet Mustafa Barghouti, chef du mouvement Al-Moubadara, qui prétend offrir une alternative démocratique au Fatah et au Hamas. Soulagés mais prudents, les Palestiniens sont à présent partagés sur la marche à suivre. Certains continuent d’observer avec envie les soulèvements dans les pays arabes voisins. Sur Facebook, la page appelant à une troisième Intifada, le 13 mai prochain, regroupait 160000 fans avant sa récente fermeture par les modérateurs du réseau social. DERNIÈRE CARTE. L’accord de réconcilia-

tion intervient dans un contexte régional extrêmement favorable aux Palestiniens. En Égypte, le général Omar Souleimane a été écarté des cercles du pouvoir. L’ancien chef des renseignements, honni par le Hamas, vient d’être remplacé par Mourad Mouafi à la tête des moukhabarat et surtout au poste de négociateur égyptien. À ses côtés, Nabil al-Arabi, promu ministre JEUNE AFRIQUE

des Affaires étrangères, se montre très critique à l’égard d’Israël et semble apprécié du mouvement islamiste. Il vient d’ailleurs d’ordonner la réouverture prochaine du point de passage de Rafah, à la frontière sud de Gaza, et promet la libre circulation des personnes et des marchandises. Assurément, la révolution égyptienne a permis l’émergence de nouveaux acteurs qui ont contribué à rassurer le Hamas, en attendant le possible avènement politique de son alter ego, les Frères musulmans. À l’inverse, le Fatah de Mahmoud Abbas ne se trouve plus en position de force depuis la chute de Hosni Moubarak, son plus fidèle allié. À Gaza, le Hamas semble aussi bénéficier de la situation d’instabilité en Syrie. Sa branche radicale, basée à Damas depuis 1999, a longtemps été un obstacle à l’unité palestinienne. Partisane d’une ligne dure à l’égard d’Israël, elle se trouve aujourd’hui affaiblie par les émeutes qui

secouent le régime de Bachar al-Assad et n’a d’autre choix que d’assouplir ses positions. Certaines rumeurs prêtent même à Khaled Mechaal, chef du bureau politique du Hamas, l’intention de s’exiler au Qatar. Une chute de la dictature syrienne pourrait le priver de sanctuaire et, à terme, de toute influence sur sa propre organisation. Les autres factions palestiniennes réfugiées à Damas font également profil bas et saluent laconiquement la réconciliation entre le Fatah et le Hamas. « Nous répondrons à l’invitation du leadership égyptien d’assister au Caire à la réunion entre toutes les organisations palestiniennes, pour finaliser l’unité palestinienne », a déclaré Maher al-Taher, figure du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP). Dans un climat lourd d’incertitudes, comment expliquer ce sursaut palestinien ? « On fait partie du mouvement qui balaielemondearabe,répondhabilement Nabil Chaath, membre du comité central du Fatah. Si nous n’en avions pas profité pour nous réunifier, il serait devenu très difficile d’obtenir notre indépendance. » À l’évidence, l’accord conclu entre le Fatah et le Hamas est un pari osé mais nécessaire pour le président Mahmoud Abbas. Le chef de l’Autorité palestinienne, que beaucoup pensaient résigné, abat crânement sa dernière carte. Avant de porter le dossier de l’État palestinien devant l’Assemblée générale des Nations unies, le vieux raïs se devait d’opérer un rapprochement stratégique avec Gaza, partie intégrante des frontières de 1967 qu’il veut faire reconnaître. Lassé du dialogue de sourds avec Israël, Abbas a donc changé son fusil d’épaule et ambitionne de proclamer l’indépendance de la Palestine en septembre prochain. Pour l’heure, cent dix pays – ceux d’Amérique latine en tête – ont adhéré à son projet unilatéral, soit plus de la moitié ● ● ●

MENACES ISRAÉLIENNES IL FAUT CHOISIR ENTRE FAIRE LA PAIX avec Israël ou avec le Hamas. C’est en substance le message d’avertissement qu’a transmis à l’Autorité palestinienne Benyamin Netanyahou, inquiet des conséquences d’une alliance entre le Fatah et le mouvement islamiste, ennemi juré de l’État hébreu. « La paix ne se fera qu’avec ceux qui veulent être à nos côtés, pas ceux qui souhaitent notre destruction », a déclaré le chef du gouvernement israélien, promettant une contre-attaque diplomatique. Dans la foulée, son ministre des Finances,Youval Steinitz, a gelé le transfert de 89 millions de dollars de taxes douanières à l’Autorité palestinienne. Plus menaçant, le ministre Moshe Kahlon s’est prononcé pour une annexion de la Cisjordanie en cas de déclaration d’indépendance unilatérale des Palestiniens en septembre. ● M.P. N o0 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

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Maghreb Moyen-Orient ● ● ● des membres de l’ONU. Encouragé par cette vague de soutiens, le président palestinien s’est rendu à Paris le 21 avril, où il semble avoir obtenu les faveurs de l’Élysée. « La reconnaissance de l’État de Palestine est une option à laquelle nous réfléchissons actuellement avec nos partenaires européens, dans l’optique de créer un horizon politique à même de relancer le processus de paix », précise Gérard Araud, ambassadeur de France aux Nations unies.

À DOUBLE TRANCHANT. Mais le destin

du peuple palestinien dépendra encore une fois du bon vouloir des États-Unis. En janvier dernier, l’administration américaine avait opposé son veto à la résolution condamnant la colonisation israélienne en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. Cette décision, qui épargne temporairement à Israël un douloureux processus de

sanctions, aurait été prise à contrecœur par le président Barack Obama. Le chef de la Maison Blanche digère mal l’échec du processus de paix israélo-palestinien, un dossier dont le règlement final figurait au cœur de sa politique étrangère et sur

capitales occidentales. « Nous soutenons la réconciliation palestinienne à partir du moment où elle encourage la paix », a rappelé le département d’État américain, qui ajoute qu’une alliance avec le mouvement islamiste – considéré à ce jour comme une organisation terroriste – inciterait à un réexamen de Désormais en position de force, sonprogrammed’aideàl’AutoObama pourrait être tenté de rité palestinienne. Du côté du Quartet (ONU, États-Unis, reconnaître l’État palestinien. Union européenne, Russie), lequel il a consenti d’innombrables efforts. le dialogue avec le Hamas continue d’être En position de force après l’élimination de conditionnéàlacessationdesviolences,au Ben Laden, Obama pourrait être tenté de respect des accords précédemment signés tourner le dos à l’influent lobby juif amérientre l’OLP et Israël et, bien entendu, à la cain et reconnaître l’État palestinien. reconnaissance de l’État hébreu. Seule certitude: en poussant de facto le mouvement Reste que le président Mahmoud Abbas islamiste dans ses retranchements idéorisque de se retrouver piégé. En ouvrant les portes du futur gouvernement palestinien logiques, le défi que s’impose Mahmoud au Hamas, il compromet son offensive Abbas apparaît plus que jamais à double diplomatique et éveille la suspicion des tranchant. ● MAXIME PEREZ, à Jérusalem

HUMEUR Fouad Laroui

Boulevard du Voleur

S

I VOUS PASSEZ EN VOITURE à proximité de la fameuse place L’Hdim, à Meknès, qu’indique le GPS ? Eh bien, il indique toujours boulevard Zineel-Abidine-Ben-Ali – eh oui, les dictateurs passent, les boulevards restent. On est bien peu de chose, finalement, à l’aune du trottoir. Le macadam, ça, c’est du solide. Quant aux despotes, ce sont des tigres de papier. Autant en emporte le vent… LesTunisiens ont changé d’époque, mais le GPS n’est pas au courant. Le GPS, à Meknès, ne fait pas de politique. En ce moment, au Maroc, il est bien le seul à ne pas faire de politique… En tout cas, il faudra, tôt ou tard, penser à débaptiser le boulevard Zine-el-Abidine-Ben-Ali. Qu’une des plus belles artères de la ville impériale porte le nom d’un kleptomane doublé d’un fuyard, ça fait désordre. Remarquez que ça pourrait devenir très tendance : donner le nom de délinquants ou de criminels aux rues et aux avenues. On aurait un boulevard Jack-l’Éventreur à Londres, un boulevard évidemment sombre et mal éclairé qui procurerait des frissons délicieux aux touristes. La place Clichy, à Paris, pourrait devenir place Landru, du nom de ce séducteur qui croquait les veuves fortunées il y a des lustres. On y ferait des barbecues en souvenir de la fameuse chaudière qui permettait à Landru de se

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débarrasser de ses épouses successives. Et bien sûr, Wall Street serait débaptisée pour porter le nom de Bernie Madoff, dont les malversations criminelles confinaient au génie. Sinon, si on ne veut pas garder le nom de brigands sur les plaques de nos rues, il faudra faire le ménage, le grand nettoyage du printemps – du printemps arabe, bien sûr. Il faudra débaptiser… Voilà qui va coûter de l’argent : déboulonner des plaques, repeindre, en mettre d’autres. Et puis qui va choisir les nouveaux noms ? Maintenant que les peuples sont au pouvoir, pas question de confier ça à un comité irresponsable. Alors quelle est la solution ? Eh bien, elle est simple : il faudrait donner des noms d’illustres inconnus aux avenues et aux boulevards. Une avenue Machin ou un boulevard Dupont, voilà qui ne poserait jamais de problème. Aucun besoin de rebaptiser ou de repeindre. Et puis ça ferait plaisir à tant de gens, tous les Machin et les Dupont de la terre… Ou alors, on pourrait donner aux rues des noms de héros de fiction. Les plus romantiques habiteraient impasse Madame-Bovary, les aventuriers auraient un piedà-terre boulevard Michel-Strogoff. Parfois il y aura des ronchonnements – mais, sérieusement, entre habiter avenue Zine-el-Abidine-Ben-Ali ou bien avenue Pinocchio, quel serait votre choix ? Attention, votre nez va s’allonger. ● JEUNE AFRIQUE


Coulisses

Maghreb & Moyen-Orient TOURS ARABES QUI A LA PLUS GRANDE ?

ATTENTAT DE MARRAKECH

La vie continue Pendant que les Marocains reprennent leurs marques, l’enquête criminelle progresse.

É

crasant soleil de printemps en ce 5 mai à Casablanca. Venu de Fès, le roi lance les travaux des deuxièmes assises de l’industrie. Tout le gotha euro-méditerranéen des affaires est également présent aux côtés du président de la Banque mondiale, Robert Zoellick. Un des buts de cette royale présence est de montrer aux investisseurs la sérénité du Maroc, une semaine après le drame de Marrakech (16 morts, dont 8 Français, le 28 avril). ARRESTATIONS. Dans la Ville rouge, la

vie a repris un cours quasi normal. Sur la place Jemaa el-Fna, les oranges sont pressées, les serpents dressés, les touristes sollicités et les sourires échangés. La présence policière est à peine plus visible qu’avant l’explosion de la terrasse du café Argana. Pendant que les Marocains, plus unisquejamais,reprennentleursmarques, l’enquête progresse. Au moins médiatiquement. Des fuites françaises – à moins qu’il ne s’agisse de rumeurs – évoquent une possible corrélation entre l’attentat et l’agression commise deux semaines plus tôt contre des clients du café Hafa, à Tanger (un Marocain tué à l’arme blanche et une Française blessée). « Le café Hafa est contigu à la villa de Bernard-Henri Lévy », fait remarquer un journaliste qui attend le roi. L’oreille tendue, un officiel marocain sourit. En attendant, sur la foi de précieux témoignages, d’interceptions téléphoniques et informatiques, de croisement de fichiers, les interpellations se poursuivent. La presse, qui en a presque occulté l’élimination d’Oussama Ben Laden, reprend les indiscrétions des médias français. Sans confirmation officielle. Une enquête criminelle ne se fait pas à « ciel ouvert », a rappelé le ministre de la Communication, Khalid Naciri. Avec cette certitude : la poursuite du processus de démocratisation est le meilleur antidote au cancer du terrorisme. ● NICOLAS MARMIÉ, à Rabat JEUNE AFRIQUE

Kingdom Tower 1 600 m Djeddah ARABIE SAOUDITE

1500

Al-Burj 1 050 m Dubaï E.A.U.

Mubarak Tower 1 001 m KOWEIT

1000

500

0 en projet

TUNISIE FOUILLES CHEZ LES MATERI Le 2 mai, trente-sept pièces archéologiques fraîchement enterrées ont été exhumées et saisies dans la demeure carthaginoise de Moncef el-Materi, père du gendre de Ben Ali. En janvier, la chaîne Al-Arabiya avait déjà diffusé des images d’antiquités, dont plusieurs proviendraient des réserves nationales, dans la villa de Sakhr el-Materi à Hammamet. Mi-avril, cinquante-sept pièces archéologiques retrouvées au palais de Ben Ali à Sidi Bou Saïd avaient été

Burj Khalifa 828 m Dubaï E.A.U.

INAUGURÉE À DUBAÏ EN 2010, Burj Khalifa va probablement perdre son statut de plus haute tour du monde (828 mètres). L’Arabie saoudite a validé, le 11 avril, l’érection, à Djeddah, de la Kingdom Tower, d’une hauteur de 1,6 km (1 mile). Les chiffres du projet sont tout aussi vertigineux : 12 millions de m3 de bureaux et d’appartements, une capacité d’accueil de 80 000 personnes, 275 étages, 12 minutes d’ascenseur pour parvenir au sommet et une ardoise de 30 milliards de dollars. Futée, la Kingdom Holding Company, première entreprise nationale saoudienne, a recruté le cabinet d’architectes américain et l’entreprise de construction émiratie qui avaient mis sur pied Burj Khalifa. Jaloux, le petit voisin qatari a lancé, quelques jours plus tard, le projet de « la tour la plus haute du monde » à Doha, sans plus d’informations. Mais qu’importe, ce qui compte, c’est l’effet d’annonce pour impressionner les copains. ●

remises au ministère de la Culture par la Commission nationale d’investigation sur la corruption et la malversation. LIBYE LE NERF DE LA GUERRE Réuni à Rome le 5 mai, le groupe de contact sur la Libye a annoncé la création d’un fonds de soutien aux insurgés qui « sera opérationnel, selon Alain Juppé, dans les prochaines semaines ». Le ministre français des Affaires étrangères a ajouté que « ce mécanisme transitoire de financement sera

approvisionné par toutes sortes de dons, prêts et gels des avoirs ». YÉMEN LES JUIFS AVEC SALEH La petite communauté juive du Yémen est allée manifester son soutien au président Ali Abdallah Saleh, le 3 mai, devant l’ambassade des États-Unis. Ils n’étaient que quelques dizaines, mais le Yémen ne comptant guère plus de quatre cents juifs, ce mouvement révèle l’inquiétude de la communauté face à la situation incertaine que traverse le pays. N 0 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

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Maghreb Moyen-Orient

DOCUMENT

Une soirée avec Ben Bella

Son parcours, ses anciens compagnons, le printemps arabe, Abdelaziz Bouteflika… Le premier président de l’Algérie indépendante nous livre ses vérités. Sans prendre de gants.

RENAUD DE ROCHEBRUNE , envoyé spécial à Alger

R

esté très proche d’Ahmed Ben Bella, Mohamed B e n e l h a d j, a n c i e n secrétaire général du Mouvement pour la démocratie en Algérie (MDA), le parti qu’avait créé l’ex-président algérien après sa libération, en 1980, nous avait prévenus : « Si je le lui demande, Si Ahmed vous recevra sûrement volontiers un soir pour évoquer à bâtons rompus tous les sujets que vous voudrez, mais pas sous la forme d’une interview formelle. » La promesse sera tenue in extremis, vingt-quatre heures avant notre départ, lors d’un petit séjour à Alger et dans ses environs dont l’objet était de réunir quelques derniers témoignages et de visualiser des « éléments de décor » pour un livre en chantier sur la guerre d’indépendance. Décidée le matin même, l’entrevue aura lieu juste après le dîner, vers 20 heures, dans la vaste etconfortablevillaEl-Menzel,située dans le quartier Paradou, à Hydra, sur les hauteurs d’Alger. C’est là que vittranquillement,encompagniede sa fille Mahdia – son épouse Zohra est morte il y a un an –, le premier leader de l’Algérie d’après 1962. Directementintéresséparlespropos de Ben Bella, puisqu’il envisage de mener à bien d’ici à deux ans une biographie de ce dernier, Benelhadj nous aidera à maintes occasions à faire parler notre interlocuteur. Pour traduire certains de ses propos – ou un mot – qui ne lui venaient à l’esprit N O 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

qu’enarabequandlafatigueetquelquefois une mémoire défaillante – « cela se brouille dans ma tête », dit-il alors – laissaient les questions sans réponse ou le conduisaient à s’éloigner trop longtemps du sujet abordé. Mais, avouant pour sa part 94 ans – certains pensent même qu’il est en réalité plus âgé –, l’ancien responsable le plus connu du FLN n’eut en général besoin d’aucune aide – et de moins en moins au fil de la discussion – pour affirmer avec conviction pendant une bonne heure et demie, souvent il est vrai à l’occasion d’apartés, ses vérités sur son parcours et sur l’état de la planète, à commencer, bien entendu, par celui de l’Algérie et du monde arabe. TOUT SOURIRE. Nous pensions le voir dans la pièce qui lui sert de bureau, où nous avons patienté devant un beau portrait en noir et blanc le représentant à l’époque où il était au pouvoir. Devant nous, une petite table transparente sur laquelle sont disposés deux superbes Corans et sous laquelle est exposé un sabre magnifique – une arme qui a appartenu, m’assurera-t-on, à l’émir Abdelkader et qui serait un cadeau d’Abdelaziz Bouteflika. Finalement, quittant ce lieu empli de souvenirs et de photos de famille ou en compagnie de personnalités – avec Che Guevara, des responsables américains… –, nous retrouverons un Ben Bella

très accueillant dans un salon à l’autre bout de la villa. Vêtu d’un pyjama aux rayures multicolores sur lequel il porte une djellaba blanche très légère, il nous invite à nous installer à ses côtés sur un divan – sans doute pour qu’il puisse nous entendre de sa meilleure oreille, car il n’aime pas mettre son appareil auditif. Ce qui nous place tous les deux face à un tableau figurant une belle femme volontaire au regard extraordinairement perçant – nous apprendrons qu’il s’agit de sa mère. Souriant et chaleureux, au point de poser parfois son bras sur notre épaule, s’exprimant de sa voix grave qui dérape souvent vers les aigus, il acceptera sans façon que ses propos soient enregistrés. Il ne craindra pas pour autant de parler crûment de nombreux sujets. Après lui avoir demandé s’il suivait toujours de près l’actualité – « bien sûr! » –, nous l’interrogeons pour recueillir les sentiments que lui inspire l’effervescence actuelle dans le monde arabe. Il parle d’une région « en ébullition » et trouve « naturel » qu’on s’agite pour « aller de l’avant ». D’autant qu’il y a de bonnes raisons de vouloir « dépoussiérer » – c’est le vocable très modéré qu’il emploie – les régimes en place.

Il doute de la capacité des Tunisiens, jugés trop timorés, à réaliser une véritable révolution. Il ne pense d’ailleurs « pas du tout » qu’on puisse parler de révolution pour qualifier les changements en cours depuis plusieurs mois, en particulier en Tunisie. Quand on évoque les Tunisiens, il ne peut s’empêcher d’ailleurs – ce qui n’est peut-être pas sans rapport avec son scepticisme sur leur JEUNE AFRIQUE


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Décembre 1916

Naissance à Maghnia (Oranais) 1947

Rejoint l’Organisation spéciale, formation paramilitaire chargée de préparer la lutte armée 5 avril 1949

Dirige l’attaque de la poste d’Oran 23 octobre 1954

Création du Front de libération nationale (FLN) 1er novembre 1954

Déclenchement de la guerre d’indépendance 22 octobre 1956

Arrêté par la France avec Aït Ahmed, Bitat, Boudiaf, Khider, après le piratage de l’avion qui les conduisait de Rabat àTunis 26 septembre 1962

Forme le premier gouvernement de l’Algérie indépendante 15 septembre 1963

Élu président de la République 19 juin 1965 OMAR SEFOUANE

Renversé par Boumédiène et emprisonné 1980

Libéré

capacité à réaliser une véritable révolution – de les comparer immédiatement avec les Marocains, « qui, eux, sont de vrais combattants » et « pas des poules mouillées ». La figure qui lui vient à l’esprit pour illustrer son propos sur les Marocains est celle d’Abdelkrim, héros de la guerre du Rif contre les puissances coloniales espagnole et française, dans les années 1920. Ses réserves à l’égard des Tunisiens ne semblent pas étrangères à son rejet sans appel de la personne de Bourguiba. D’ailleurs, elles ne l’empêchent pas de reconnaître qu’on a pu voir ces derniers mois en Tunisie des hommes prêts à courir des risques pour provoquer le changement. Mais ne trouve-t-on JEUNE AFRIQUE

Dans la pièce qui lui tient lieu de bureau, sous UN PORTRAIT LE REPRÉSENTANT

à l’époque où il était au pouvoir.

pas « dans tous les pays » des gens « prêts à prendre les armes pour quelque chose » ? UN PAYS « PAS FACILE ». Et l’Al-

gérie ? Risque-t-elle aussi de voir son régime ébranlé par le « printemps arabe » ? « Je ne le voudrais pas », répond-il immédiatement, avant de signifier plus tard qu’il ne croit pas qu’un scénario de rupture serait bénéfique à son pays. « Nous avons quelqu’un qui est là, je préfère que cela reste comme cela », poursuit-il, en défendant la personne de Bouteflika. Parce que ce qui viendra après pourrait ne pas être à la hauteur des aspirations du peuple ? « C’est cela », acquiescet-il. Tout en affirmant qu’il n’est

pas d’accord avec Bouteflika sur beaucoup de points. Qu’il préférerait « autre chose ». Mais s’« il y a des moins et des plus chez lui, pour l’instant, c’est le moins mauvais, et je m’en contente ». Car, poursuit-il en expert, « l’Algérie, vous savez, c’est un pays pas facile ». Un jugement qu’il répétera plusieurs fois au cours de l’entretien, le plus souvent en disant que « diriger les Algériens, c’est vraiment pas facile ». Ce qu’il voit manifestement de plus évident à reprocher au président algérien actuel, c’est d’abord… qu’« un homme de son âge ne soit pas encore marié ». Mais, ajoute-t-il en souriant, « il n’est jamais trop tard pour bien faire ». Quoi qu’il en soit, « il est comme un petit frère pour N O 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011


Maghreb Moyen-Orient Document n’a pas pu être posée, car il était « impossible de faire cela avec Hassan II ». Il suffit effectivement de l’entendre parler de l’ancien roi du Maroc, son « ennemi », « un florentin », pour imaginer qu’il lui aurait été difficile de trouver un accord avec lui. Alors que son père, Mohammed V, était, lui, « un brave type », avec qui il aurait été possible de s’entendre. Et que pense-t-il de Mohammed VI ? Que du bien : « C’est un type sympathique. » Quand on lui demande de quoi il est le plus fier en regardant rétrospectivement son parcours, Ben Bella ne pense pas à sa présidence dans les années L’organisateur principal de 1960.Cequiluivientimmél’attaque de la poste diatement à l’esprit, c’est d’Oran, « jusqu’au moindre « la poste d’Oran », où « j’ai détail, c’est moi ! » volé de l’argent ». C’est en effet grâce à l’attaque de cet établissement, en avril 1949, par un en fait « un pays plein d’avenir ». En effet, « nous n’avons pas utilisé commando de l’Organisation spétous nos arguments, même si nous ciale (OS) – créée dans la clandestisommes le quatrième producteur nité en 1947 par le parti nationaliste de Messali Hadj, le PPA-MTLD –, mondial de gaz. Le Sahara, le plus grand désert du monde, regorge de que les indépendantistes algériens ressources ». purent financer un temps le groupe On n’en saura pas plus sur sa de militants chargé de préparer la vision actuelle du développement lutte armée contre le colonisateur du pays. Pense-t-il, cependant, que et qui sera plus tard le fer de lance l’avènement d’une véritable union du déclenchement de la guerre en du Maghreb constituerait un pas 1954. « C’est l’OS, rappelle-t-il avec important dans la bonne direcfierté, qui a servi à faire le 1er novemtion ? Il répond par l’affirmative, bre. » Quel rôle a-t-il joué dans cette avec un enthousiasme certain : attaque, le patron de l’OS à l’époque « Il faut faire le Maghreb. Les fronétant Hocine Aït Ahmed? Dans ses tières devraient être ouvertes. Et Mémoires, ce dernier affirme en c’est tout à fait possible. Comment avoir été le principal organisateur, pourrais-je penser autrement alors avec pour adjoint Ben Bella, lequel que, même si je suis né en Algérie, lui succédera à la tête de l’OS. Mais même si j’y ai vécu, même si j’ai été pour l’ex-président, « même si je le chef de la révolution algérienne, respecte Aït Ahmed », bien qu’il ait ma mère et mon père étaient tous été souvent « beaucoup plus kabyle qu’algérien », l’organisateur prindeux marocains. » D’ailleurs, « il n’y a rien, pas le moindre accident cipal du coup, « jusqu’au moindre géographique, qui sépare l’Algérie détail, c’est moi ». du Maroc. Dans la région d’Oujda, en particulier, on se ressemble FACILITATEUR. Tout comme, nous dira-t-il à plusieurs reprises, sans comme deux gouttes d’eau des fausse modestie, « le 1er novembre, deux côtés de la frontière, qui est restée ouverte pendant longtemps. c’est moi ». Que veut-il dire par là, Et puis je n’aime pas les frontières puisque, même s’il a été le dernier de toute façon. J’aimerais vivre dans chef de l’OS avant son démantèun monde sans frontières ». lement en 1950, il ne fut que l’un Mais pourquoi, alors, n’a-t-il pas des neuf chefs « historiques » qui agi dans ce sens quand il était au ont créé le FLN et lancé le combat pouvoir ? La question du Maghreb final pour la libération de l’Algérie N O 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

AFP

moi », et « je voudrais qu’il ne lui arrive rien de mal ». Considère-t-il que l’Algérie, presque cinquante ans après l’indépendance, a achevé sa libération et peut prétendre avoir réalisé un parcours satisfaisant? « Non », dit-il sans hésiter. D’abord parce que l’Algérie, qui fut un exemple pour les autres pays du Tiers Monde en matière de développement – entendre: pendant les premières années de l’indépendance –, ne l’est plus. Mais aussi et surtout parce qu’elle n’a pas encore véritablement exploité ses énormes potentialités économiques, ce qui

GEORGES BENDRIHEM

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Avec DES DÉLÉGUÉS DES TRIBUS INDIENNES

D’AMÉRIQUE

NORD, le 18 février 1982, à Paris. DU

en 1954 ? Il précise alors qu’il ne cherche pas à exagérer son rôle, mais simplement à dire qu’il ne fut pas facile avant le déclenchement de la lutte armée de faire travailler ensemble les divers responsables du soulèvement et que c’est lui qui a réussi à aplanir les difficultés, à parler à tous de façon telle que la plupart des obstacles ont pu être surmontés. Il pense en particulier à la coordination et à la cohésion du groupe des pionniers du FLN qui n’allaient pas de soi. D’autant que, « parmi eux, il y avait des Kabyles » – il pense bien sûr surtout à Krim Belkacem, avant tout un « type très courageux » à ses yeux. Évoquant au passage quelques-uns des dirigeants du FLN pendant la guerre, il ne fait pas mystère, en revanche, du peu de considération qu’il JEUNE AFRIQUE


Une soirée avec Ben Bella Ý Aux côtés de HOUARI BOUMÉDIÈNE ET CHE GUEVARA, le 6 juillet 1963, à Alger.

avait pour Abane Ramdane, la tête politique du FLN à Alger en 1955 et 1956, qui l’a empêché – cela ne fait pas de doute pour lui – d’aller assister au fameux congrès de La Soummam, en 1956. Et, à un moindre degré sans doute, pour Mohamed Boudiaf, qui n’était pas, selon lui, un véritable combattant, « zéro sur le plan militaire ». Quoi qu’il en soit, il n’approuve pas les éliminations physiques de dirigeants. Il n’a jamais approuvé en particulier celle d’Abane, en 1957, et s’est dit mécontent, assuret-il, dès qu’il l’a apprise. Quant à Messali Hadj, chef nationaliste qui n’a pas rejoint le FLN, il fut avant la guerre un homme courageux, mais « il faisait trop de cinéma, il jouait trop un personnage », avec sa barbe, sa tenue vestimentaire. La guerre aurait-elle pu être plus courte si d’autres décisions avaient été prises ? Peut-être. « Excusezmoi de parler ainsi », mais il est

certain que « nous avons fait énormément de conneries ». Même si « je suis peut-être celui qui s’est le moins trompé ». Cependant, la durée des combats, « ce n’est pas de notre faute », cela dépendait surtout des Français, si puissants en face de nous, qui « étions bien plus faibles ».L’arrivée au pouvoirde De Gaulle en France a-t-elle plutôt compliqué ou facilité la solution ? Il est clair pour lui que l’arrivée au pouvoir de cet homme, « qui est au-dessus de tous les autres », ne pouvaitêtrequ’unebonnenouvelle. La direction du FLN n’a-t-elle pas pourtant été dubitative pendant un bon moment ? Lui, en tout cas, n’a pas fait d’erreur de jugement sur de Gaulle. « J’ai pensé tout de suite que c’était une bonne chose, assure-t-il, et cela n’a aucun rapport avec le fait qu’il m’avait décoré lors de la Seconde Guerre mondiale à Monte Cassino. » VIVE L’AUTOGESTION! S’il n’a pas

de réels regrets quant à son action durant la guerre de libération, pense-t-il avoir pris la bonne voie en tant que président avec le choix du « socialisme arabe » ? « C’était un socialisme fondé sur l’autogestion », tient-il à préciser tout de suite, manifestement peu disposé à se livrer à une autocritique : « Et c’était ce qu’il fallait faire. » Il reste convaincu d’ailleurs que l’autogestion, qui n’est plus guère à la mode, est le meilleur système, car elle permet de ne pas imposer les décisions, « de discuter à la base, de permettre aux gens d’être engagés dans ce qu’ils font. […] Des gens qui décident à la place des autres, je suis contre, totalement ». Il n’est donc guère étonnant

qu’il se déclare ennemi des idées libérales en vogue depuis la fin du XXe siècle. Et qu’il soit très critique vis-à-vis des États-Unis. Il reconnaît, certes, leur puissance sans égale – « actuellement, Dieu, c’est le président américain » –, mais ajoute que ce sont « des tueurs ». Il ne leur pardonne surtout pas – et il insistera sur ce point en y revenant plusieurs fois – leur passé d’exterminateurs de « la race rouge ». Même si les Espagnols ont peut-être été encore plus expéditifs pour éliminer les Amérindiens, des peuples pour lesquels il avoue avoir toujours éprouvé une passion. Les Américainsd’aujourd’huidevraientils signifier une repentance à ce sujet? Lui qui ne se dit pas favorable à une telle déclaration de la part de la France à propos de la guerre d’Algérie le souhaiterait manifestement dans ce cas, pour réparer « une faute historique ». Mieux, dit-il en riant, « la terre appartient aux Indiens et il faudrait que les États-Unis déménagent, mais ça va être difficile ». Au moment de se séparer, qu’il n’a pas précipité, le premier président de l’Algérie indépendante ne se dit pas du tout pressé de quitter

Il est certain que durant la guerre de libération « nous avons fait énormément de conneries ». ce monde. Il se considère en pleine forme physique pour son âge. Ses visiteurs lui disent tous qu’il « n’a pas changé », qu’il a gardé son corps et son visage de toujours, et il pense que c’est vrai. Aucune raison de le contredire après avoir passé un long moment avec lui jusqu’à 22 heures. Et on peut le croire quand il dit, en réponse à notre dernière question, que, au fond, il se verrait bien centenaire. ●

TOU T E S L E S M U S IQU E S D’A F R IQU E

AFRICA SONG Robert Brazza 19h10 -21h TU et sur

www.africa1.com

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Économie

GABON

Bras de fer autour du gisement de Belinga

BANQUE D’AFFAIRES

Les

outsiders africains

marquent des points Introductions en Bourse, fusions-acquisitions, emprunts obligataires… Les banques d’investissement internationales sont incontournables pour les grandes opérations transfrontalières. Mais les acteurs spécialistes de l’Afrique commencent à compter sur ce marché très fermé. souffle: la réputation de Walmart en matière sociale et en termes de relations avec les fournisseurs est loin d’être bonne. Dans les coulisses : Deutsche Bank, Goldman Sachs,MorganStanley,JPMorganetRothschild.Pas toujours très connues du grand public, ces banques d’investissementsontlesartisans–leschefsd’orchestre, diraient d’autres – du capitalisme mondial. Sans elles, pas une grande opération transfrontalière, pas une levée de fonds boursière, pas un emprunt obligataire international ou un financement complexe d’infrastructures ne pourrait avoir lieu. Depuis de longsmois,peut-êtreunan,ellessontsurlepontpour organiser le rachat de Massmart par son grand frère

FRÉDÉRIC MAURY

T

out se jouera du 9 au 16 mai. Dans unface-à-facetenduentrepolitiques, syndicalistes et patrons, les autorités de la concurrence sud-africaines devront trancher, valider ou retoquer l’acquisition de Massmart par le numéro un mondial de la grande distribution, Walmart. Le groupe américain propose près de 2,5milliardsdedollars(moinsde1,7milliardd’euros) pour acquérir 51 % du capital de son confrère sudafricain.Quelque27000employésdans14pays,mais aussi toute la filière agroalimentaire, retiennent leur

Quelques belles opérations conseillées VALEUR

MISSION

( INTERNATIONAUX ) ( SPÉCIALISTES DE L ’A FRIQUE )

A CQUISITION DE 25 % DE TUNISIANA Q TEL ET UN CONSORTIUM TUNISIEN

1 200

Lazard Morgan Stanley

A CQUISITION DE 40 % DE M ÉDITEL PAR F RANCE TÉLÉCOM

837

Oddo CF, Leonardo Finance Rothschild & Cie

500

Barclays, FBN Capital

420

Rothschild & Cie AM Capital, BGFI

305

Cie Benjamin de Rothschild

159

Attijari Finances

CATÉGORIE Fusions-acquisitions Fusions-acquisitions Marché de la dette Fusions-acquisitions Infrastructures Marché actions N o 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

ÉTABLISSEMENTS

(en millions de dollars)

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OBLIGATAIRE INTERNATIONALE DU

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JEUNE AFRIQUE

SOURCE : JEUNE AFRIQUE

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SÉNÉGAL

INTERNATIONAL

Le riz thaïlandais au régime sec

INTERVIEW

Jean-Louis Billon

Président du groupe Sifca

BOURSES

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Les as de la cote africaine

LUCAS JACKSON/REUTERS

À qui profite la crise énergétique ?

d’outre-Atlantique, chiffrant, évaluant, comparant, conseillant, mettant en concurrence… À la clé, un joli pactole : plusieurs dizaines de millions d’euros de commissions à se partager. À un détail près: si le 16 mai, à l’issue des débats, l’opération est bloquée, ces étoiles du business repartiront sans un sou, ou presque. « Ce métier est ainsi, se lamente un banquier d’investissement. Si les opérations se concluent, nous gagnons des sommes très importantes. Sinon, rien. Et sur cinq ou six opérations conseillées, une seule ira au bout. » JACKPOT. Le banquier d’investissement, c’est un peu le fidèle accompagnateur de l’entrepreneur et du spéculateur. Avec eux, un coup il gagne, un coup il perd. Mais les bonnes années, c’est le jackpot. Star du secteur depuis l’effondrement de son confrère Lehman Brothers, l’américain Goldman Sachs a dégagé 20 milliards de dollars de profits à travers le monde depuis 2009. AusudduSahara,cesfinanciersquineprêtentpas mais ne font que conseiller se seraient partagé en 2010,selonThomsonReuters,environ300millionsde JEUNE AFRIQUE

Depuis un an, LES CHEFS D’ORCHESTRE DU CAPITALISME MONDIAL que sont Morgan Stanley et JP Morgan, entre autres, sont sur le pont pour organiser le rachat du sud-africain Massmart par l’américain Walmart.

300

millions de dollars

C’est le montant des commissions que se sont partagées les financiers au sud du Sahara en 2010.

dollars de commissions. La montée de places financièrestellesqueJohannesburg,CasablancaouLagos, l’accélérationdesopérationsdefusions-acquisitions transfrontalières,l’explosiondesbesoinsencapitaux et l’arrivée des États sur les marchés obligataires dopent le recours aux banquiers d’affaires. Cegâteau,lesbanquesd’investissementspécialistes de l’Afrique le convoitent désormais tout autant que les gros acteurs internationaux. Certes, les JP Morgan, Morgan Stanley, Goldman Sachs, Citibank, Crédit suisse, Rothschild coordonnent toutes les grandes opérations de dette internationale ou les mégafusions transfrontalières. Mais les spécialistes du continent gagnent des points. Renaissance Capital, qui a été le premier à titiller ce beau monde, comme il l’avait fait quinze ans plus tôt en Russie, fait désormais partie des grands, principalement en matière d’opérations pour les sociétés cotées. Le nigérian United Bank for Africa et le panafricain Ecobank ont structuré leurs propres activités ● ● ● N o 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011


TROIS PRÉCURSEURS

● ● ● d’investment banking, respectivement logées dans UBA Capital et Ecobank Capital, et développé une présence sur les grandes places financières, de Londres à Dubaï. Avec un certain succès. « Il y a eu sept émissions obligataires en monnaie locale au Nigeria en 2010, explique Wale Shonibare, directeur général d’UBA Capital. Nous sommes intervenus sur cinq d’entre

Au nord et au sud du continent, le boom des échanges boursiers profite à des acteurs locaux. elles. » De son côté, Ecobank Capital annonce avoir conseillé pour l’équivalent de 2 milliards de dollars d’émissiondedetteenmonnaielocaleauSénégal,en Côte d’Ivoire, au Bénin et au Togo, entre autres. « La concurrenceesttrèsforte»,souligneMoyoKamgaing, banquier senior chez BNP Paribas, une des banques internationales les plus actives sur le continent. Elle seconcrétisesurdeuxfronts: «lestalentsindividuels et les clients », ajoute Wale Shonibare. Pour ces challengeurs, le modèle se trouve aux deux extrémités du continent. En Afrique du Sud et enAfriqueduNord,lesbanquesd’affaireslocalesont N o 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

LE CHALLENGEUR DÉLÉ BABADÉ Directeur exécutif d’Ecobank Capital À 47 ans, dont vingt-trois passés dans le secteur, cet AngloNigérian a rejoint le groupe panafricain en décembre 2010 pour diriger Ecobank Capital, le pôle qui a notamment en charge l’investment banking. Son principal défi : faire du groupe, déjà leader sur les émissions obligataires des États en Afrique de l’Ouest, une référence dans le domaine du courtage, du conseil et de la levée de fonds. Il devra, pour cela, s’appuyer sur son expérience à la tête de la division Corporate Finance pour l’Afrique subsaharienne (33 pays) de Citibank. Avant de rejoindre Ecobank, Délé Babadé dirigeait AfriCapital LLC, un cabinet spécialisé dans le conseil en ingénierie financière qu’il a créé en 2007. ● VINCENT FOURNIER/J.A.

L’INCONTOURNABLE HABIB KARAOULI PDG de la Banque d’affaires de Tunisie Il a conseillé presque toutes les grandes privatisations de ces dernières années: Banque tuniso-koweïtienne, Banque du Sud, Magasin général,TunisieTélécom, Star… Et mené quelques introductions en Bourse. Quatorze ans après la création de la Banque d’affaires deTunisie (BAT), le rythme n’a pas faibli. Mais les dernières semaines ont été plus difficiles. L’introduction en Bourse deTunisieTélécom a été reportée sine die, et la privatisation de la Banque franco-tunisienne reste bloquée. Surtout, les grandes opérations de privatisation, dont celles conseillées par la BAT, sont désormais étudiées à la loupe par les autorités. Objectif: s’assurer qu’elles ont été menées dans les règles. ●

DR

LA RÉFÉRENCE SOUAD BENBACHIR Administratrice de CFG Group Au Maroc, Souad Benbachir est considérée comme une pionnière. Diplômée de l’Essec (Paris), elle prend dès 1997 la tête des activités de corporate finance (conseil financier) de CFG Group, la principale banque d’affaires indépendante du pays – avec déjà à son actif une belle expérience de deux ans chez Goldman Sachs. Elle participe au développement à marche forcée du groupe marocain, dont elle est aujourd’hui l’un des dirigeants. Sa spécialité : le tourisme. Elle a ainsi accompagné Rabat dans la mise en œuvre du plan Azur et sa « commercialisation » auprès d’investisseurs étrangers. Mais elle a aussi conseillé les groupes Accor, Lucien Barrière, Colony Capital, Kerzner,Thomas & Piron et Pierre & Vacances dans leurs implantations marocaines. ●

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profitéduboomdeslevéesdefondsetéchangesboursiers pour se faire une belle place. À Johannesburg, Standard Bank Corporate and Investment Banking domine l’activité. Au Caire, EFG-Hermes est incontournable. À Tunis, la Banque d’affaires de Tunisie a été de presque toutes les grandes privatisations de ces dernières années. Et Attijari Finances écrase le marché marocain: en 2010, il a conseillé les deux plus importantes introductions en Bourse, à Tunis et à Casablanca, celles du distributeur automobile Ennakl et de l’assureur CNIA Saada. « Les banques d’investissement internationales sont appelées surtout lorsqu’une expertise sectorielle est nécessaire, précise Salma Benaddou, responsable du corporate finance chez CFG Group, pionnier du métier au Maroc. Ou alors sur des opérations avec une dimension internationale. Mais même dans ce cas, elles s’associent souvent avec des acteurs locaux. » « DEAL PICKING ». Certes, la fusion entre les deux

holdingsroyauxmarocains,l’Omniumnord-africain (ONA)etlaSociéténationaled’investissement(SNI), a été pilotée par Lazard. Oui, l’arrivée de France Télécom au capital de Méditel a été organisée et JEUNE AFRIQUE


Entreprises marchés conseillée par trois banques d’affaires françaises. Mais derrière l’arbre se cache la forêt. « Les banques internationales font juste du deal picking », lâche un banquier. « Elles ne vont pas intervenir sur des opérations qui n’atteignent pas une certaine taille et un minimum de commissions », complète Khalil Chyat, qui dirige depuis deux ans le cabinet de conseilsénégalaisBlackpearl Finance.Enzonefranc CFA, les plus réputés des acteurs spécialistes de l’Afrique sont désormais appelés sur d’importantes opérations. Linkstone Capital est ainsi considéré comme une référence pour les privatisations dans le secteur des télécoms. Et AM Capital a été retenu par l’État gabonais pour le conseiller à l’occasion de sa montée au capital de la Compagnie minière de l’Ogooué (Comilog), la plus importante opération de fusion-acquisition en zone franc CFA en 2010. Debellesopérationsquiparticipentàfaireconnaître le métier. « La notion de banquier conseil était inconnue au Sénégal et dans la sous-région il y a quelquesannées,expliqueKhalilChyat.Aujourd’hui, nous sommes dans une période d’apprentissage. » Pour autant, « prendre un banquier d’affaires n’est pas encore un réflexe », pondère Malick Fall, exdirecteur chez Blackpearl Finance. Au Sud, l’objectif est de parvenir à faire comprendre au monde des

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Organisé par:

ECT

Soutenu par:

Union Européenne

affaires local qu’un banquier d’investissement n’est pas qu’un intermédiaire commissionné. Il doit surtout être un professionnel crédible, créatif, réactif et techniquement compétent. « Nos équipes sont composées d’anciens de JP Morgan, Goldman Sachs, etc. », explique le patron d’une banque d’affaires nigériane. « Notre politique est d’être aux standards internationaux », répètent en chœur des financiers locaux, las de la réputation sulfureuse de certains de leurs confrères…

Dans ce métier, le réseau et la réputation d’intégrité sont des éléments fondamentaux. Certes, dans ce métier, le réseau est un élément clé. Un bon banquier d’affaires doit être un technicien chevronné, mais aussi bénéficier de portes ouvertes un peu partout. C’est l’une des conditions du succès d’une mission. Mais « réseau » ne peut pas signifier « magouille » dans un milieu où la réputationd’intégritéestfondamentale.Ildoitrimer, surtout, avec « efficacité ». Ehouman Kassi, patron de la banque d’investissement chez Ecobank, en est certain: « Il faut prendre les mandats qu’on peut mener à leur terme. Sinon, c’est notre crédibilité qui est en jeu. » ●

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Entreprises marchés GABON

Bras de fer autour de Belinga Au point mort depuis 2008, la mine de fer serait encore plus vaste que prévu, selon des études réalisées après son attribution au chinois CMEC. Les autorités tentent de casser le contrat pour lancer un nouvel appel d’offres.

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«

cherchent une faille juridique pour dénoncer le contrat signé en 2008 avec China Machinery Engineering Corporation (CMEC) pour une concession de vingt-cinq ans. Une commission interministérielle, créée le 18 décembre 2009 avec pour mission d’identifier et d’analyser les points de réexamen, a invalidé l’évaluation du gisement et estimé que les infrastructures étaient mal calibrées – le cahier des charges initial prévoyait la construction d’un port en eau profonde, d’un barrage hydroélectrique et d’une ligne de chemin de fer de 560 km. Il a fallu commanditer de nouvelles études et, selon un cadre qui requiert l’anonymat, « les dernières recherches géomagnétiques pourraient révéler des réserves beaucoup plus importantes que ce que l’on croyait ». On parle maintenant d’une réserve de 1 milliard à 4 milliards de tonnes

e projet d’exploitation du gisement de fer de Belinga se fera avec la Chine », assurent invariablement les différents ministres gabonais des Mines qui se succèdent depuis 2007. Mais quand ? En théorie, la production doit démarrer en 2011. Mission impossible. Et pour l’actuel titulaire du poste, Alexandre Barro Chambrier, la prudence est davantage de rigueur: « Je confirme qu’il y a eu un travail technique de recadrage. L’État a redimensionné le projet, mais les discussions se poursuivent avec nos partenaires chinois. Nous attendons donc une réévaluation globale. Sur un projet structurant de cette importance, il est normal que l’on essaie d’harmoniser les différents aspects. Les réserves sont quand même de près de 1 milliard de tonnes. » Pourtant, des sources proches du dossier l’affirment: les autorités

de fer pour le gisement situé dans la région de l’Ogooué-Ivindo. TABLE RASE. Mais comment faire

table rase des accords signés, sans encourir les risques d’une procédure judiciaire ou arbitrale de la part de CMEC, et sans braquer le dragon chinois dont l’industrie vorace absorbe 55 % de la production mondiale de fer ? Le président Ali Bongo Ondimba, qui a séjourné en Chine, fin avril 2010, à l’occasion de l’Exposition universelle de Shanghai, a prévenu

Compétition avec la Guinée Belinga (nord-est du Gabon)

Simandou (sud-est de la Guinée)

GABON

2011 (en théorie, mais fortement nt compromis)

Début de la production

De 1 milliard à 4 milliards de tonnes

Réserves

64 %

Teneur en fer

2,4 milliards d’euros

Investissements

26 850 pour la construction, 3 000 emplois directs et 10 000 indirects pour l’exploitation

Emplois

Construction de deux bretelles de chemin de fer de 320 km devant relier Belinga au futur port de Santa Clara (au nord de Libreville)

Évacuation du minerai

Barrage hydroélectrique de Poubara (moins polluant et moins cher)

Énergie

Exonération de tous impôts, taxes et contributions

Incitations fiscales

N o 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

SOURCE : JEUNE AFRIQUE

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GUINÉE

2014 6 milliards de tonnes De 60 à 68 % 1,9 milliard d’euros pour Rio Tinto-Chinalco, 2,3 milliards d’euros pour BSGR-Vale 50 000 pour la construction, 13 000 pour l’exploitation Ligne de chemin de fer de 800 km, de la mine à Forécariah (au sud de Conakry). Alternative : le port sierra-léonais de Tagrin Point Centrales thermiques à fioul/gasoil de 180 mégawatts Exonération fiscale pendant huit ans à compter des premiers bénéfices. Taxe de 3,5 % sur le minerai extrait JEUNE AFRIQUE


DESIREY MINKOH

Entreprises marchés

Pékin en langage diplomatique. L’engagement du Gabon de poursuivre son partenariat avec la Chine dans ce dossier sera maintenu, a-t-il expliqué en substance, à condition que certains aspects du contrat soient revus et acceptés par les deux parties. Résultat ? Le « plus grand projet gabonais du siècle » est au point mort depuis trois ans. Et n’existe que sur le papier. La création, le 5 novembre 2007, de la Compagnie minière de Belinga (Comibel), dont l’actionnaire majoritaire est CMEC, est pour l’instant le seul fait majeur decepartenariat.Depuis,lesChinois n’ont fait parler d’eux que pour la restitution des études de faisabilité ou d’impact environnemental du gisement. Celles qui sont relatives à la construction d’un barrage ont pris du retard, à la suite de l’arrêt des travaux d’aménagement de la route permettant d’accéder aux chutes de Kongou. Pas de quoi satisfaire un pays qui se cherche une alternative aux ressources pétrolières… Mais il est vrai que l’exploitation minière n’est pas le métier de prédilection de CMEC, plutôt spécialisé

LES RECHERCHES GÉOMAGNÉTIQUES

pourraient révéler des réserves dépassant le milliard de tonnes.

dans l’ingénierie industrielle et le BTP ! L’extraction du minerai n’est d’ailleurs pas le point fort de la plupart des groupes chinois… qui ont massivement investi dans l’exploitation des ressources minérales africaines, avec un flux de plus de 7,4 milliards d’euros en 2010. Leur engagement se limite bien souvent à prendre des participations minoritaires dans des gisements de fer ou de cuivre qui sont au final exploités par les majors Rio Tinto, BHP Billiton ou Vale (70 % du marché à elles trois). Les investisseurs chinois sontgénéralementdessidérurgistes – comme Shandong Iron and Steel Group en Sierra Leone – désireux de sécuriser leur approvisionnement en fer pour fabriquer de l’acier chez eux, ou bien des sociétés de BTP – comme CMEC – qui réalisent les routes ou les voies ferrées pour la logistique minière. Pourtant, le temps presse. La normalisation de la situation politique en Guinée serait presque une mauvaise nouvelle pour le projet gabonais,désormaisencompétitionavec celui de Simandou (voir tableau), dont l’exploitation est annoncée pour 2014 et sur lequel Vale et Rio Tinto se sont positionnés. « Le lancement de l’exploitation de l’un

Les australiens BHP Billiton et Rio Tinto sont en embuscade, tout comme le brésilien Vale. retardera pour longtemps celui de l’autre », pronostique un ingénieur gabonais. Les inquiétudes portent aussi sur l’avancement des projets conjoints du « triangle du fer » (Cameroun-Congo-Gabon). Il s’agit des gisements voisins des monts Nabemba et Avina, au Congo, et de Mbalam, au Cameroun, qui seront exploités par la junior australienne Sundance Resources. Et dont la

production (100 millions de tonnes par an) sera évacuée à l’horizon 2014 par voie ferrée vers un terminal minéralier en construction au port camerounais de Kribi. PESANTEURS. Pour sortir de cette

impasse, les Gabonais n’excluent pas de lancer un nouvel appel d’offres restreint. BHP Billiton, dont une filiale exploite déjà du manganèse dans le sud-est du pays, est à l’affût; Marcus Randolph, l’un de ses dirigeants, a été reçu par le chef de l’État le 24 août 2010. Rio Tinto est aussi en embuscade. Mais des cadres gabonais ne cachent pas leur préférence pour Vale ; un accord avec le leader mondial du fer pourrait faciliter l’arrivée d’un autre groupe brésilien, Petrobras, champion du monde de l’offshore profond, dont la compétence pourrait être requise pour relever l’autre défi que s’est fixé Libreville : enrayer le déclin de sa production pétrolière. Reste que les pesanteurs de l’administration gabonaise expliquent aussi en grande partie les difficultés rencontrées par les Chinois pour exécuter leurs obligations contractuelles. Des problèmes de « management du projet » retardent la prise de décision. Les compétences sont éclatées ou se chevauchent entre le ministère des Mines, la commission interministérielle, la délégation générale du gouvernement et une cellule ad hoc créée à la présidence de la République, soit un département ministériel et trois structures virtuelles composées de technocrates et minées par des conflits d’intérêts. Ces défauts de gouvernance retardent un projet « structurant » susceptible de rapporter de confortables royalties aux caisses de l’État gabonais. Partie remise ? ● GEORGES DOUGUELI, envoyé spécial à Libreville

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Ý À Dakar, le marché DES GROUPES ÉLECTROGÈNES est en plein boom.

Y. POUR J.A.

puissants ou ont renouvelé leurs équipements, les anciens ayant trop tourné », explique Jehan-Mahé Roux de Chavanes, directeur d’Alios Finance Sénégal. Même constat au magasin Radi, au Plateau, où en février, mois d’importants délestages, les ventes de groupes électrogènes ont doublé. SYSTÈMES HYBRIDES. Autre

gagnant: le marché du solaire. « Au départ, nous travaillions beaucoup sur les sites isolés. Mais depuis l’été 2010 et la crise énergétique, le business s’est déplacé à Dakar où la demande est devenue plus forte », souligne Charly Nakache, gérant de SystèmesPV,unesociétéspécialisée En 2010, les délestages ont fait perdre 1,4 point de croissance dans l’énergie solaire. Idem pour les batteries électriques, moins polau pays. Face aux carences de la Senelec, les vendeurs d’équipements luantes et moins bruyantes que les alternatifs sont devenus incontournables pour les entreprises. groupes électrogènes. « Ce qui est désormais demandé, ce sont des palliatif des coupures de courant, systèmes hybrides batterie-groupe epuis le 20 avril, les qui ont fait perdre 1,4 point de croisélectrogène ou batterie-panneaux coupures d’électricité, sance au pays en 2010. Ainsi, pour solaires, ajoute Charly Nakache. de deux à treize heures Uniplast, fabricant d’objets en plasLes gens ne peuvent plus uniquepar jour selon les quartiers,ont reprisdeplus belle à Dakar. tique, chaque délestage engendre ment utiliser les groupes, à cause une perte de 50 % de sa production: d’une trop grosse facture de gasoil Dans les rues, les bana-bana proposent bougies et lampes à batteries la société a donc acheté un groupe et de l’épuisement des appareils. » aux passants et aux automobilistes. Problème : ces systèmes coûtent Au Plateau, le quartier d’affaires de cher et les taxes douanières élevées En se dotant de sa propre la capitale, les vendeurs de groupes surlesbatteriesetlesappareilssolaicentrale électrique, la cimenterie électrogènes écoulent leursréserves res freinent les investissements. plus rapidement que d’habitude, Enfin, les constructeurs de cenSococim est devenue autonome. rachetant même des appareils sur trales électriques bénéficient aussi le marché local, faute de stocks électrogène (40 millions de F CFA) des coupures à répétition. Grâce suffisants. et, pour l’alimenter, dépense chaà eux, plusieurs usines sont déjà que mois 9,5 millions de F CFA en autonomes en électricité, comme Accumulateurs, régulateurs, panneaux solaires… Le marché des gasoil. L’Envol Sénégal, une société la cimenterie Sococim et la société équipements alternatifs parallèle de production audiovisuelle, s’est minière Sabodala Gold Operate, au réseau électrique de la Senelec également doté d’un groupe payé pourvue depuis fin 2008 d’une cen(Société nationale d’électricité du 2,5 millions de F CFA; et les six salatrale de 30 MW qui lui aura coûté Sénégal) se porte bien. En 2010, 17 milliards de F CFA. En juillet, riés travaillent aussi la nuit, lorsque 76 % des entreprises ont dû acheter les coupures se font plus rares. le cigarettier Philip Morris sera à millions de un groupe électrogène pour faire Résultat ? De 2008 à 2010, les lampes à basse son tour indépendant en énergie, face aux délestages, selon une étude importations de groupes électrogè- consommation pour un coût de 400 millions de vont être de la Direction de la prévision et des nes ont augmenté de 40 %, passant F CFA. De telles démarches sont distribuées dans encouragées par le gouverneétudes économiques (DPEE) porde 9,3 milliards à 13 milliards de le cadre du plan F CFA. Chez Alios Finance, qui protant sur 125 sociétés. Et au final, le Takkal de relance ment. Le ministre de l’Industrie, du secteur coût moyen de ces investissements pose du crédit-bail et de la location Abdoulaye Baldé, a ainsi appelé de l’énergie. s’élève à 147,2 millions de F CFA longue durée pour de tels équipefin mars les grandes entreprises à (224 000 euros) par entreprise. ments, les contrats de leasing ont se doter de centrales électriques augmenté de 35 % depuis un an. pour participer à la résolution de Mais le jeu en vaut la chandelle… la crise énergétique. ● Car il est impossible de maintenir « Avec les délestages, les entreprises une activité digne de ce nom sans ont investi dans des groupes plus AURÉLIE FONTAINE, à Dakar SÉNÉGAL

À qui profite la crise énergétique?

D

3,5

N o 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

JEUNE AFRIQUE


Coulisses

Entreprises

MAROC

TMSA repris en main

T

aoufiq Ibrahimi n’aura pas tenu longtemps à la tête de l’Agence spéciale Tanger Méditerranée (TMSA). Dix mois après sa nomination, l’ancien armateur a été remplacé, le 20 avril, par Abdelmajid Guergachi, venu de l’Office chérifien des phosphates. Officiellement, ce changement fait suite à la filialisation de TMSA en deux pôles, Tanger Med Port Authority pour les activités portuaires et Tanger Free Zone pour les zones économiques. Mais ce remplacement surprise découle d’une volonté de l’actionnariat public d’installer un profil plus opérationnel aux manettes. Les talents de stratège de Taoufiq Ibrahimi ne sont pas mis en doute, pas plus que les bons résultats du port (un trafic en hausse de 106 % au premier trimestre 2011 par rapport à 2010). Mais la supervision des constructions était critiquée. « Nous avons dû refaire les études de TMSA pour les fondations du Centre tertiaire intermodal [CTI, le centre d’affaires de Tanger Med, NDLR], ce qui nous a retardés de plus de huit mois, entraînant des surcoûts de 7,8 millions d’euros pour un coût initial prévu de 22 millions d’euros»,regretteAbderrahimTalal, directeur de ce chantier attribué à la Société générale des travaux du Maroc, qui avoue « ne pas avoir vu une seule fois Taoufiq Ibrahimi, sur le terrain ». Autre dossier brûlant à trancher : la répartition des rôles entre l’Office national des chemins de fer et TMSA pour le chantier de la gare de fret. Abdelmajid Guergachi entend redresser la barre : le jour même de sa nomination, il effectuait une visite au CTI… ● CHRISTOPHE LE BEC JEUNE AFRIQUE

GILLES ROLLE/REA

L’État choisit un homme de terrain pour présider l’Agence spéciale Tanger Méditerranée.

AÉRIEN ZONE DE TURBULENCES LESTRANSPORTEURS AFRICAINS ont vu leur trafic passagers à l’international chuter de 7 % en mars par rapport au même mois en 2010, selon les derniers chiffres publiés par

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l’Association internationale des transporteurs aériens (Iata). On note cependant une amélioration par rapport à février, mois au cours duquel le trafic avait dégringolé de 9,7 % par rapport à l’année dernière. Il s’agit, selon l’Iata, de la conséquence des crises que traversent certains pays d’Afrique du Nord et du MoyenOrient. L’Égypte et laTunisie ont ainsi vu leur trafic chuter respectivement de 10 % et 25 % en mars.Tandis qu’en Libye, les opérations militaires de l’Otan ont suspendu toute activité d’aviation civile. Outre ce contexte de crise qui pénalise le secteur, l’Iata estime que la hausse des prix du carburant, répercutée sur le prix des billets, est une autre menace qui pourrait entraîner la réduction du nombre de vols. ●

• BANQUE La dépréciation des fonds propres de ses filiales libyenne et ivoirienne a coûté 41 M€ à BNP Paribas • TÉLÉCOMS Au 1 trimestre 2011, er

M•

S

marchés

Bharti a enregistré une perte totale de 69 M€ sur ses 16 marchés africains TOURISME Le Rwanda annonce pour 2011 des projets d’investissements

de plus de 550 M$ • AUTO L’activité distribution automobile de CFAO a augmenté de 23,5 % au 1er trimestre 2011, à 436,2 M€

ORANGE TUNISIE PLANET CHANGE DE BANNIÈRE LE 10 MAI, OrangeTunisie annoncera officiellement le passage sous ses couleurs du fournisseur d’accès internet Planet, avec le lancement de la Livebox. Pris dans la tourmente de l’après-révolution, avec la confiscation par l’État des 51 % du capital de l’actionnaire majoritaire Marwan Mabrouk, l’opérateur a vu son expansion freinée. Selon le régulateur tunisien, Orange n’a conquis que 733 000 abonnés à la fin du premier trimestre 2011. Un contexte difficile qui l’a incité à recentrer sa communication sur son offre produits. ● INVESTISSEMENTS 150 MILLIARDS POUR L’AFRIQUE DANS SON RAPPORT sur l’attractivité du continent publié le 3 mai, le cabinet de conseil Ernst &Young estime que l’Afrique attirera 150 milliards d’investissements en 2015, contre 84 milliards en 2010.

Sur les 562 décideurs interrogés, 42 % affirment étudier des projets d’investissement sur le continent dans les dix ans à venir. Seule l’Asie serait aujourd’hui plus convoitée. Parmi les secteurs les plus cités par les futurs investisseurs : la grande consommation, le BTP, les télécoms, les services financiers et les activités minières. ● MAUREL & PROM LA FILIALE NIGÉRIANE COTÉE CONSIDÉRANT que les performances de ses investissements au Nigeria, réalisés à travers la société Seplat, ne se reflétaient pas dans le cours de Bourse du groupe, le pétrolier français Maurel & Prom projette une cotation séparée sur la place de Paris de sa filiale qu’il détient à 100 %. Pour préparer cette introduction dans les meilleures conditions, le conseil d’administration a décidé de repousser au 29 juin l’assemblée générale des actionnaires, initialement prévue le 12 mai. ● N o 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

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International la région de Chiang Rai (Nord), qui se vend 37 % plus cher que le paddy traditionnel. Cettedécisiondevraitfairebaisser les exportations d’environ 20 % en 2011, ce qui inquiète importateurs et consommateurs de riz de qualité médiocre, notamment en Afrique (lire encadré) où les gouvernements se souviennent de l’impact de la haussedesprixdecettecéréaledans les émeutes de la faim en 2008. CHRIS STOWERS/PANOS-REA

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En 2011, le pays pourrait DIMINUER DE 20 % SES VENTES à l’international. AGRICULTURE

Le riz thaïlandais au régime sec

Le premier exportateur mondial va supprimer l’une de ses trois récoltes annuelles. Selon les spécialistes, les prix ne devraient pas flamber.

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uelerizsoitsauté,parfumé, gluant, préparé en gâteau ou en pâtes, les 67 millions de Thaïlandais ne peuvent s’en passer. En thaï, « manger » se dit littéralement « prendre un riz », signe de l’omniprésence de la céréale dans la culture nationale depuis des siècles. S’appuyant sur cette longue tradition, le pays est depuis 1965 le premier exportateur mondial de riz. En 2010, 18 millions de tonnes y ont été produites, soit 33 % de plus qu’il y a dix ans. La moitié de cette récolte a été vendue à l’étranger, ce qui représente 26 % du marché mondial, loin devant le Vietnam (15,5 %) et la Chine (12,9 %) – même si cette dernière reste le principal producteur mondial. Seulement voilà, après quarantesix ans de domination sans partage, l’ancien royaume du Siam entend faire une pause. Car rien ne va plus dans ses rizières: les petits producteurs souffrent des prix trop bas (inférieurs aux coûts de production pour les moins bonnes qualités), N o 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

d’une concurrence accrue des pays voisins (Vietnam et Birmanie), et, surtout, depuis plusieurs mois, d’une invasion d’insectes. Le gouvernement d’Abhisit Vejjajiv a donc annoncé en mars son intention de supprimer la troisième récolte annuelle pour éliminer l’espèce de punaise incriminée, incapable de survivre à l’absence de cultures pendant plusieurs semaines. Le ministère de l’Agriculture juge que cette mesure sera aussi l’occasion de reposer les sols et d’orienter la production vers des types de semence à plus forte valeur ajoutée, tel le riz japonais, cultivé dans

-4% C’est la chute enregistrée par le cours du riz en 2010.

Dans le même temps, les prix du blé et du maïs ont augmenté de 50 %.

DÉFICIT COMPENSÉ. Mais pour

Conception Calpe, économiste à l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), les effets de la mesure seront limités et ne devraient pas menacer la stabilité des prix du riz. « La Thaïlande a considérablement amélioré ses techniques agricoles ces dernières années. Il ne faut pas dramatiser l’impact de cette décision : la suppression de la troisième récolte sera, à moyen terme, compensée par une progression de la productivité sur les deux premières, souligne-t-elle. Et le Vietnam, dont la production a augmenté de 70 % en dix ans, la Birmanie et le Cambodge me paraissent en mesure de combler l’éventuel déficit que cette mesure pourrait causer à court terme. » Pour la Thaïlande, dont près de la moitié de la population travaille dans l’agriculture, la hausse des profits tirés du riz est un objectif majeur pour garantir la cohésion sociale. Le pays, qui n’a jamais laissé les multinationales mettre la main sur ses plantations, veut conserver un modèle moins productiviste que ses voisins, mais plus haut de gamme et respectueux de l’environnement... pour augmenter ses marges. ● CHRISTOPHE LE BEC

QUEL RIZ MANGE-T-ON EN AFRIQUE ? MÊME SI LE CONTINENT a relancé la riziculture depuis 2008, il importait encore en 2009 40 % de sa consommation, principalement des variétés de qualité médiocre. L’écart entre la consommation et la production en Afrique subsaharienne se chiffrait alors à 8 millions de tonnes (pour un marché mondial de 34 millions de tonnes). Le Nigeria, avec 1,5 million de tonnes achetées en 2009, est le premier importateur mondial. D’après la FAO, en Afrique de l’Est, c’est le riz pakistanais qui est le plus apprécié. Dans l’ouest du continent, les riz vietnamien et, dans une moindre mesure, chinois et thaïlandais, dominent. Ces dernières années, C.L.B. la production sud-américaine se fraye un chemin vers l’Afrique centrale. ● JEUNE AFRIQUE


International ROYAUME-UNI

ANALYSE

«Bad business» pour le duc d’York

Opinion ns &é éditoriaux dito oria auxx

Alain Faujas

EPA/FACUNDO ARRIZABALAGA

Le monde à l’envers

Le fils cadet de la reine Élisabeth II COMPTE DES RELATIONS D’AFFAIRES BIEN parmi lesquelles Seif el-Islam Kaddafi, Sakhr el-Materi…

EMBARRASSANTES,

LE PRINCE ANDREW S’EST FAIT UNE RAISON. Quatrième dans l’ordre de succession, il ne montera jamais sur le trône britannique. Alors,depuis2001,ilfaitdubusiness comme ambassadeur commercial duRoyaume-Uni.Grâceàsonentregent, le groupe Serco a ainsi gagné un contrat de 400 millions de livres (plus de 450 millions d’euros) pour opérer le métro de Dubaï. Mais aujourd’hui, voilà le fils cadet de la reine Elisabeth II victimecollatéraleduprintempsarabe, épingléparlapressepoursonamitié avec Seif el-Islam Kaddafi. Les deux

hommes se seraient vus plusieurs fois à Londres, où le fils du « Guide » libyen possède un appartement dans le quartier chic de Hampstead – acquis 11,3 millions d’euros –, et à Tripoli au cours de visites officielles. L’amitié du duc d’York avec l’ancien directeur adjoint de la Chambre de commerce anglo-tunisienne, Sakhr el-Materi, le gendre préféré de Ben Ali, fait aussi jaser. Des parlementaires ont demandé sa tête. Le Palais s’est fendu d’un communiqué: « Le prince Andrew a tout le soutien du gouvernement. » Jusqu’à quand? ● JEAN-MICHEL MEYER

TÉLÉCOMS

Le grand bond en avant de Huawei LE DEUXIÈME ÉQUIPEMENTIER mondial de télécommunication, avec 15 % du marché, se rapproche à grandes enjambées du leader, le suédois Ericsson. Selon l’audit du cabinet KPMG – le groupe n’est pas coté en Bourse –, le chinois Huawei a réalisé un chiffre d’affaires de 19,8 milliards d’euros en 2010 (en croissance de 24,2 %), contre 22,7 milliards d’euros (- 2 %) pour Ericsson. Tonalité identique pour les bénéfices de Huawei (2,54 milliards d’euros), en progression de 20 % l’an passé. L’activité est répartie entre les ventes d’équipements d’infrastructures (66 %), de téléphones (17 %) et les services (17 %). La croissance du groupe se nourrit à l’international (+ 33,8 % en 2010). L’export, avec l’Afrique en vue, représente près des deux tiers de l’activité. Pour poursuivre sa progression, le groupe chinois développe des services informatiques aux entreprises et envisage de lancer sa propre marque de téléphones. Mais Huawei, créé en 1987 par Ren Zhengfei, un ancien colonel de l’Armée populaire de libération, est souvent attaqué pour sa proximité avec les autorités. Le groupe, qui projette de s’introduire en Bourse pour s’attaquer au marché américain, devra faire preuve de plus de transparence. ● J.-M.M. JEUNE AFRIQUE

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UNDI 16 MAI, les États-Unis ne pourront plus emprunter un seul dollar. Sera alors atteint le plafond légal de leur dette publique – 14 290 milliards de dollars (9 645 milliards d’euros) – que seul le Congrès peut augmenter. Compte tenu de rentrées fiscales meilleures que prévu et avec quelques économies par-ci par-là, le ministère des Finances pense pouvoir tenir jusqu’au 2 août. Après, c’est la faillite, le non-remboursement des bons du Trésor, la suspension du paiement des fonctionnaires… si les démocrates – qui veulent augmenter les impôts – et les républicains – qui exigent de baisser les dépenses – ne s’accordent pas. C’est le monde à l’envers ! Souvenez-vous des années 1990 : l’Afrique croulait sous les déficits et les processus « d’ajustement » ; les capitaux fuyaient l’Asie; l’Argentine et la Russie étouffaient sous leur dette. Aujourd’hui, celle des États-Unis équivaut à 100 % de leur produit intérieur brut, alors que celle des pays africains tourne autour de 20 %, grâce aux annulations de dettes certes, mais aussi à leur sagesse budgétaire.

Pas de panique ! Le dollar ne va pas tout de suite s’écrouler et Wall Street non plus, mais les Américains, qui ont prétendu financer simultanément deux guerres et sauver leur économie naufragée par les folies de leurs banquiers, vont devoir se serrer la ceinture, comme tout le monde. Et ce ne sont pas les 38 milliards de dollars d’économies auxquels sont péniblement parvenus leurs parlementaires, il y a un mois, qui suffiront. Un résultat « ridicule », a même ronchonné le Fonds monétaire international (FMI), qui n’apprécie pas l’aggravation du déficit budgétaire étatsunien en 2011. Suggérons à Barack Obama de faire preuve de la même audace qu’avec Ben Laden et de liquider les exonérations d’impôts consenties par George W. Bush aux ménages gagnant plus de 250 000 dollars par an. La mesure rapporterait 700 milliards de dollars chaque année auTrésor et cet assaut fiscal aurait de la gueule, non ? ● N o 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

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Les décideurs INTERVIEW

Jean-Louis Billon

P RÉSIDENT

« Pas une entreprise n’a été épargnée par les pillages »

de fortes chances. Après la période électorale, durant laquelle elle fonctionnait déjà au ralenti, puis la crise politique et les sanctions internationales, l’économie est à plat. Il est impossible d’évaluer avec précision l’impact sur les chiffres d’affaires, car les situations sont disparates. Mais nous sommes tous en « mode survie ». Bon nombre de sociétés ne parviennentplusàverserlessalaires, et le taux de pauvreté a largement dépassé les 50 % de la population. Quantauchômage,lechiffrede22% habituellement retenu ne reflète plus du tout la réalité. Que faut-il faire en priorité?

La première urgence est de rétablir la sécurité des personnes et des biens. Pas une entreprise n’a été épargnéeparlespillages.Pourcela,il faut remettre au travail la police et la gendarmerie et relancer la machine administrative. Bref, renouer avec un État de droit. Ensuite, il faut rassurer les opérateurs économiques sur le long terme pour sécuriser les investissements en cours et permettre le lancement de nouveaux projets. Cela implique une réparation des dommages liés à la crise. Ce dossier avait déjà été mis sur la table par la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) en 2004. Le principe d’une indemnisation est, depuis, acquis. N o 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

S IFCA

Mais avec quel argent le pays peutil engager tous ces chantiers ?

Récession, arrêt des investissements, chômage… Le président de la Chambre de commerce et d’industrie de Côte d’Ivoire dresse un constat alarmant. Son exigence dans l’immédiat : le retour de la sécurité. Sa feuille de route ensuite : une réforme fiscale, la relance des filières structurantes et une révision du franc CFA.

L’aide internationale est pour l’heure insuffisante, mais si les autorités lancent un véritable plan de redressement et de reconstruction – axé notamment sur les grandes filières structurantes à haute intensité de main-d’œuvre comme le cacao, le caoutchouc, le palmier, le sucre, les transports… –, les bailleurs et les investisseurs internationaux suivront. La Société financière internationale (SFI) et Proparco ont déjà exprimé leur volonté de redémarrer leurs activités. Les banques privées de la place doivent aussi se montrer plus offensives en accordant des financements à long terme. Nous avons besoin d’investissements directs étrangers (IDE) car ils sont sources de compétitivité et de transferts de technologies. La paix et la stabilité sont conditionnées par un secteur privé en expansion, créateur d’emplois et de richesses. Cela passe par la présence de filiales de groupes étrangers et d’un tissu de PME. C’est cette articulation qu’il faut consolider et pérenniser.

Il convient de lancer sa phase active en envisageant, par exemple, des aménagements fiscaux. L’autre priorité est la réforme fiscale.

JEUNE AFRIQUE: Au vu de la situation actuelle, y a-t-il un risque de récession économique en Côte d’Ivoire en 2011? JEAN-LOUIS BILLON : Oui. Il y a

DU GROUPE

politique budgétaire sans que notre fiscalité ait permis de construire des routes, des écoles…

Quelle réforme?

Notre fiscalité est inadaptée. Celle de notre voisin, le Ghana, est beaucoup plus attractive avec une taxationà10%desbénéfices,contre25% en Côte d’Ivoire. Pendant trop longtemps, nous n’avons pas eu de politique économique, seulement une Æ Le patron du PREMIER GROUPE PRIVÉ DU PAYS

demande la mise en place effective d’un mécanisme de réparation des dommages liés à la crise politique.

Comptez-vous sur la France, le premier partenaire économique de la Côte d’Ivoire ?

VINCENT FOURNIER/J.A.

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Si la France est notre partenaire traditionnel, nous avons intérêt à diversifier nos interlocuteurs. Pour trois raisons: le centre de gravité de l’économie mondiale s’est déplacé en Asie, nous n’avons aucun intérêt à traiter avec les mêmes baroudeurs qui tournent sur le continent, et il faut lutter contre les monopoles. Ils sont interdits en Europe. Pourquoi devrait-on les accepter ici ? Le franc CFA à parité fixe et indexé sur l’euro est-il un handicap ?

Le franc CFA est un euro qui ne dit pas son nom. Il doit être réformé JEUNE AFRIQUE


Les décideurs

De ce point de vue, l’économiste Ouattara peut être un allié…

En effet, nous avons à présent un économiste au pouvoir. Et qui plus est, il a les connexions requises avec les institutions internationales. Et sur le plan intérieur, Alassane Ouattara est-il en mesure de conjurer la tentation de revanche d’un camp sur l’autre ?

Le projet est de construire un État de droit de plein exercice. Il ne faudraitpasremplacerunepolitique tribale par une autre. Il faut réunir tous les Ivoiriens : que l’armée et le gouvernementreflètentlamosaïque ivoirienne. Cela passe notamment par un gouvernement de très large ouverture. ● Propos recueillis par PASCAL AIRAULT et PHILIPPE PERDRIX

TOURISME

Slim Chaker secoue l’image de la Tunisie

Le secrétaire d’État cherche à rassurer les visiteurs potentiels pour sauver une saison hôtelière qui s’annonce mal.

T

out le monde en est convaincu : 2011 devrait être une année noire pourleshôtelsdupays.Aupremier trimestre, le secteur a enregistré un recul de 55 % de la fréquentation, entraînant une baisse des recettes de 150 millions de dinars (75 millions d’euros) par rapport à 2010. Et les perspectives pour l’été (qui représente 60 % du chiffre d’affaires annuel) ne sont pas bonnes. Avant même l’attentat de Marrakech, qui pourrait dissuader certains Européens de se rendre en Afrique du Nord, les réservations avaient chuté de 80 % par rapport à l’an dernier. Mais le secrétaire d’État au Tourisme, Slim Chaker, 49 ans, grand connaisseur des rouages de l’État, ancien directeur, entre autres, du Fonds d’accès aux marchés extérieurs (Famex), refuse de baisser les bras. « Le sauvetage de la saison passe par la communication pour rassurer les touristes et faire connaître la diversité du patrimoine tunisien », affirme-t-il. Petit-fils du martyr de l’indépendance Hédi Chaker, il dirige d’ailleurs une task force dédiée à ce chantier au sein du ministère.

DR

car il pénalise notre compétitivité internationale. On peut très bien envisager un franc CFA indexé sur un panier de monnaies. Il n’est pas normal, par exemple, que la transformation du cacao en Côte d’Ivoire soit deux fois plus chère qu’ailleurs. Ce surcoût repose sur une combinaison de facteurs, dont le coût de l’argent. La France aurait tout intérêt à favoriser des économies dynamiques en zone CFA. Mais ce sujet doit être pris en charge par nos chefs d’État. Ce n’est pas le cas actuellement. Ils sont trop éloignés du monde de l’entreprise.

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Le petit-fils de Hédi Chaker veut combattre les IDÉES REÇUES SUR LA SITUATION SÉCURITAIRE.

Le secrétaire d’État est l’instigateur d’une série d’opérations de promotion dont le budget avoisine 30 millions d’euros. Après « I love Tunisia », organisée sur internet à l’occasion de la Saint-Valentin, une seconde campagne, beaucoup plus importante, débute le 9 mai, notamment en France. L’objectif est de battre en brèche sur un ton humoristique les idées reçues sur la situationsécuritairetunisienne,avecunseul conseil : allez voir par vous-même. ● JULIEN CLÉMENÇOT

SAMIRA GHRIBI STB L’ex-DG de la Banque centrale deTunisie prend les rênes de la Société tunisienne de banque, dont elle devra restaurer la rentabilité (produit net bancaire en baisse de 3,3 % au premier trimestre 2011). JEUNE AFRIQUE

ANDREW BROWN ECP Cet ancien d’Amundi Private Equity (ex-SGAM) rejoint Emerging Capital Partners en tant que directeur des investissements, un poste nouvellement créé pour superviser les six fonds actifs d’ECP.

HASSAN BERTAL ATTIJARIWAFA BANK À partir du 15 mai, il occupera le poste de directeur des opérations internationales du groupe marocain. Il cède son fauteuil à la tête d’Attijari BankTunisie à Hicham Seffa.

FARID BENNIS LAPROPHAN Le PDG du laboratoire pharmaceutique marocain créé en 1949 a annoncé qu’il quittait ses fonctions. Il aurait jeté l’éponge à la suite d’un différend entre les actionnaires, selon le site InfoMédiaire. N o 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

HICHEM, DR

ON EN PARLE


Marchés financiers

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NICOLAS FAUQUÉ/WWW.IMAGESDETUNISIE.COM

Ý LES BONNES PERFORMANCES de la Star s’expliquent notamment par l’entrée de Groupama dans son capital.

BOURSES

Les as de la cote

Un assureur, un agro-industriel et un minier : voici les trois titres dont le cours a le plus monté en cinq ans sur les places francophones. Mais seul le premier parvient à entrer dans le quinté de tête continental.

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Top 5 des valeurs africaines Progression depuis cinq ans* (en %)

SCOA Nigeria + 1 286 % Lagos

+ 1 420 %

SOURCE : CAPITAL IQ

Chellarams Lagos

+ 3 297 % + 2 095 %

+ 1 677 % Morison Industries Lagos

À Tunis, la Star assure Qui se serait attendu à trouver la Société tunisienne d’assurances et de réassurances (Star), vénérable

institution tunisienne, au premier rang des performances de la place depuis cinq ans ? Et même, mieux encore, au deuxième rang africain? Sans doute pas grand monde, tant l’entreprise, leader historique du secteur (elle a été créée juste après l’indépendance de la Tunisie), a longtemps fait figure de « vieille dame » un peu assoupie, dominante dans l’assurance dommages mais assez lente à s’adapter à la nouvelle donne concurrentielle ou

Société tunisienne d’assurances et de réassurances Tunis

1

Standard Chartered Bank Zambia Lusaka

B

ienheureux celui qui, il y a cinq ans, aurait détecté notre top 5 des valeurs les plus performantes d’Afrique. S’il avait investi, à parts égales, 10 000 euros dans ces cinq titres (voir graphique), il aurait pu, en les soldant fin avril 2011, empocher 153 094 euros. Quelles leçons en tirer ? Malheureusement aucune, ou presque, tant l’art de la prévision boursière reste largement impénétrable. Si ces valeurs ont progressé, cela est dû à la fois à un environnement porteur, à une activité en plein développement, à un management de qualité, mais aussi, parfois, à des événements beaucoup moins prévisibles, comme la flambée du prix de telle ou telle matière première ou l’entrée d’un investisseur stratégique… Dans ce top 5 de rêve, un seul titre est coté sur une Bourse francophone. Voici néanmoins le podium des valeurs les plus performantes depuis cinq ans à Tunis, Abidjan et Casablanca.

* EN MONNAIE LOCALE, AU 28.4.2011

aux activités porteuses comme l’assurance-vie. Pourtant, avec 2095 % de progression entre fin avril 2006 et fin avril 2011, la Star porte bien son nom. « Cette hausse vertigineuse s’explique principalement par l’entrée dans le capital de la société d’un partenaire stratégique [Groupama, en octobre 2008, NDLR], l’amélioration de sa structure financière, mais aussi par un effet de spéculation », explique Ibrahim Chérif, analyste senior chez MAC SA. L’actualitérécenteestenrevanche moinsencourageante.L’assureurest en première ligne dans le remboursement des dégâts liés à la révolution du 14 janvier, il est en proie à une crise de management (les actionnaires n’arrivent pas à s’entendre pour remplacer Abdelkarim Merdassi, le PDG limogé pour sa proximitéavecl’ancienrégime),etle processus de privatisation qui avait mené à l’entrée de Groupama est actuellement étudié à la loupe par les autorités tunisiennes. Depuis le début de l’année, le titre a d’ailleurs perdu 17,5 % de sa valeur.

2

À Abidjan, palme à la SAPH Comme un grand nombre de filiales du groupe Sifca, leader ivoiriendel’agro-industrie(horscacao), la Société africaine de plantations d’hévéas (SAPH) est une pépite. Et son envolée boursière (+ 357 % en cinq ans), bien que nettement plus modeste que celle de la Star, la place tout de même au 25e rang africain. Surtout, elle dépasse d’une bonne tête la société sénégalaise de télécoms Sonatel, filiale du français Orange et valeur chérie des investisseurs à la Bourse régionale des valeurs mobilières, à Abidjan. En regardant dans le rétroviseur, c’est tout sauf une surprise, car cette société a cumulé plusieurs qualités indispensables: un environnement économique porteur (l’envolée des cours du caoutchouc), un management de qualité, un actionnariat réaliste qui a su s’associer et JEUNE AFRIQUE


Baromètre faire entrer à son capital le français Michelin. Et à la différence de sa petite sœur du groupe Sifca spécialisée dans l’huile de palme, Palmci, qui reste maltraitée en Bourse, elle aura su séduire les investisseurs en leur versant régulièrement des dividendes. Son avenir ? La valeur ne semble pas avoir trop souffert du chaos politique et économique en Côte d’Ivoire, même si le détail des dégâts n’est pas encore connu. Mais la société, qui exporte toute sa production, a pâti du blocus et de la fermeture des ports ivoiriens.

3

À Casablanca, la SMI brille Ce n’est sans doute pas la plus connue des valeurs africaines. Et pourtant, la Société métallurgique d’Imiter (SMI), filiale à 74 % du marocain Managem (groupe SNI),estleplusperformantdestitres cotés sur la place de Casablanca depuis cinq ans (+ 228 %) et pointe au62e rangafricain.Spécialiséedans l’exploitation de la mine d’argent d’Imiter, la SMI a en réalité vu son cours s’effriter jusqu’en 2009, avant de s’envoler – surtout à partir d’octobre 2010. Preuve de la frénésie qui s’est emparée de la valeur: au cours du mois d’avril, elle a pris plus de 40 %. La cause? L’évolution du cours de l’argent qui, depuis fin août 2010, a progressé de 150 %, pour dépasser, fin avril 2011, les 45 dollars l’once à New York. La SMI a su en profiter et dépasser de loin les prévisions les plus optimistes: en 2010, son chiffre d’affaires a progressé de 59 %, et son résultat d’exploitation, de 261 %! Faut-il y investir aujourd’hui ? Pas si sûr: parmi les risques, BMCE Capital Bourse citait récemment « la complexification des conditions d’exploitation, la baisse des teneurs, la mauvaise visibilité sur l’évolution des conditions de marché, l’expositionaurisquedechangeetl’appartenance à un secteur à grands risques sociaux ». Et la valeur est désormais plutôt chère: elle se traitait début mai à 33 fois ses bénéfices. Mais si l’argent poursuit son envolée, alors, même au cours actuel, conserver le titreauraétéjudicieux.Rendez-vous dans un an… ●

Marchés financiers

Bilan en demi-teinte pour les banques LES VALEURS

NedBank Zenith Bank FirstRand First Bank Absa Attijariwafa Bank Standard Bank BCP-Banque populaire BMCE CIB

BOURSE

COURS au 4 mai (en dollars)

ÉVOLUTION depuis le début de l'année (en %)

JOHANNESBURG

2 154,9

+ 11,5

LAGOS

JOHANNESBURG

0,1 297,9 0,1 2 033,3 51,2 1 514,2

+ 8,4 + 2,9 + 0,2 – 2,1 – 3,7 – 4,6

CASABLANCA

52,3

– 4,7

CASABLANCA

28,8 4,7

– 15,7 – 41,6

JOHANNESBURG LAGOS JOHANNESBURG CASABLANCA

LE CAIRE

LES RÉSULTATS ANNUELS du secteur sont inégaux. Du côté des déceptions, citons United Bank for Africa et Standard Bank, dont les performances ont été inférieures à celles de leurs consœurs. En revanche, la plupart des banques nigérianes et les principales institutions marocaines ont fini 2010 sur une note positive, avec des indicateurs financiers en hausse.

À Lagos, une période de consolidation s’est ouverte avec la fusion d’Intercontinental Bank et d’Access Bank. EnTunisie, la santé des institutions financières est incertaine. Et les difficultés économiques en Égypte ont pesé sur Commercial International Bank (CIB) qui, après deux ans de hausse, a perdu près de la moitié de sa valeur depuis le début de l’année. ●

Valeur en vue UNITED BANK FOR AFRICA Une année 2010 à oublier BOURSE Lagos • CA 2010 687 millions d’euros (– 7,7 %) COURS 6,14 nairas (4.5.2011) • OBJECTIF 8,5 nairas

POUR CEUX QUI ONT INVESTI DANS UBA, 2010 est à oublier vite. Les mauvaises nouvelles se sont accumulées. Si le produit brut bancaire a été conforme aux prévisions, le bénéfice par action s’est élevé à 0,02 naira au lieu de 0,51 prévu en moyenne par les analystes. La rentabilité des capitaux propres a été désastreuse, à 0,4 %. La vente d’une première tranche de prêts non performants à la structure de défaisance Amcon a causé une perte de 5,7 milliards de nairas [environ 25 millions d’euros, NDLR]. Depuis longtemps, notre analyse était que la croissance des bénéfices Godfrey Mwanza nets d’UBA serait au-dessus de la moyenne en raison Analyste chez African Alliance de l’augmentation des revenus liés à l’octroi de crédits. L’année 2010 et le premier trimestre 2011 montrent peu de signes que cela soit en train de se passer, la croissance étant surtout alimentée par les commissions bancaires. Globalement, UBA affiche, hors éléments exceptionnels, des performances inférieures à celles de ses consœurs. Nous abaissons donc notre objectif de cours de 12,24 nairas à 8,5 nairas. ●

FRÉDÉRIC MAURY JEUNE AFRIQUE

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Culture & médias

30 ans déjà…

Il aurait eu 66 ans le 6 février… Musicien surdoué, promoteur du mouvement rasta créé par Leonard Percival Howell, ce rebelle qui portait l’Afrique en lui continue de faire des émules partout dans le monde. Avec un message qui parle aux exclus de la Babylone contemporaine.

TSHITENGE LUBABU M.K.

D

écédé le 11 mai 1981, il y a trente ans, Bob Marley était un chanteur populaire dont la renommée avait dépassé les frontières de sa petite île natale, la Jamaïque, pour s’étendre au reste du monde. Son message, universel, parlait à tous les opprimés, les sans-droits, les laissés-pour-compte, du Bronx à Soweto. À l’instar de beaucoup de Caribéens et

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d’Africains-Américains, la question identitaire, la quête des racines, l’émancipation étaient au cœur de ses préoccupations, exacerbées par l’histoire violente de la Jamaïque. Cette île des Caraïbes, où Robert Nesta Marley est né d’un père blanc et d’une mère noire, existe parce que des esclaves, importés d’Afrique, l’ont fertilisée de leur sueur et de leur sang. Pour l’essentiel issus du peuple ashanti, dans l’actuel Ghana, ils étaient durs à dompter et n’éprouvaient aucune peur lorsque le maître les marquait au fer rouge. JEUNE AFRIQUE


Culture médias Leur volonté de rentrer un jour au pays de leurs ancêtres n’a jamais disparu, le marronnage n’étant qu’un moyen de recouvrer la liberté avant le grand retour. Un rêve que l’abolition de l’esclavage n’a pas estompé. En grandissant, Bob Marley entend parler de cette histoire. Il entend aussi parler de son compatriote Marcus Garvey, fondateur de l’Universal Negro Improvement Association (UNIA) en 1914. Mort en 1940, Garvey prônait le retour des Noirs en Afrique, convaincu qu’« aucune sécurité, aucun succès ne viendra à l’homme noir tant qu’il sera une minorité dans la communauté particulière où il pourrait devenir industriellement et commercialement fort. » Garvey mourut sans avoir mis le pied sur le continent, mais il n’en demeure pas moins l’un des précurseurs du panafricanisme et de la conscience noire. Dans l’esprit du jeune Marley, les choses sont claires : l’Afrique représente Sion, la terre promise, alors que le monde occidental oppresseur n’est autre que la Babylone biblique.

DAVID CORIO/REDFERNS

ÉTHIOPIE. Également nourri de la ferveur des

LE CHANTEUR JAMAÏCAIN est décédé en pleine gloire, le 11 mai 1981.

Chronologie sélective

1940

10 JUIN 1940

6 FÉVRIER 1945

Mort du Jamaïcain Marcus Garvey, Ý précurseur du panafricanisme, considéré comme un prophète par les adeptes du mouvement rasta. D.R.

Fondation de la première communauté rasta, Pinnacle, par le Jamaïcain Leonard Percival Howell.

Églises qui pullulent en Jamaïque et se qualifient d’éthiopiennes pour affirmer leur africanité, Bob Marley trouve son Dieu en ras Tafari Makonnen, devenu Haïlé Sélassié Ier, empereur d’Éthiopie, et adhère au rastafarisme. Sensible au discours sur le retour en Afrique, le négus a accordé des terres aux Noirs du monde afin qu’ils participent à la reconstruction de son pays. Ce sera à Shashemene, à 250 km au sud d’Addis-Abeba. Les premiers arrivants sont des Jamaïcains. Bob Marley n’a pas la chance de voir son idole quand le négus visite la Jamaïque en 1966 : il est alors aux États-Unis. Il ne le rencontrera jamais. Reste qu’en 1968, il enregistre son premier disque de l’ère rastafarienne : Selassie Is the Chapel. Dans les années 1970, l’engagement du chanteur pour l’Afrique s’amplifie. À peine une décennie après les indépendances, les coups d’État se sont multipliés sur le continent, les libertés individuelles ont reculé et les partis uniques triomphent. Marley est-il au courant ? Sans doute. En 1974, il ne fait pas partie des artistes venus des Amériques pour se produire à Kinshasa en marge du combat de boxe Ali-Foreman. Et quand le négus est déposé à Addis-Abeba, puis meurt en 1975, Marley compose

JEUNE AFRIQUE

« Jah Live » pour honorer sa mémoire. On retrouve ce thème du retour en Afrique dans « Rastaman Chant » et dans l’album Exodus. L’année 1978 est importante à plus d’un titre. Elle est marquée par la sortie d’« Africa Unite », chanson avec laquelle Marley exprime sa volonté de voir le continent s’unir et affirme son soutien aux combattants de la liberté. Il précise aussi que, si sa musique s’adresse à toute l’humanité, son cœur bat pour l’Afrique. Au siège de l’ONU, à New York, il reçoit la médaille de la paix « attribuée par 500 millions d’Africains ». Dans la chanson « War », il interprète même le texte d’un discours prononcé par Haïlé Sélassié Ier à l’ONU, en 1963. Mais le plus émouvant demeure sans doute son premier voyage en Afrique. Au mois de novembre 1978, il se rend en Éthiopie, à Shashemene. Même s’il n’y passe que quatre jours, il découvre la terre africaine et retrouve les Jamaïcains qui s’y étaient installés. Il n’y donne aucun concert, mais c’est là qu’il écrit l’une de ses chansons les plus célèbres, « Zimbabwe », dédiée aux guérilleros en lutte contre le régime raciste de Ian Smith, en Rhodésie du Sud. En octobre 1979, Marley participe à un concert à Harvard dont les recettes, 250000 dollars, sont versées à l’organisation Amandla pour le financement des combattants de la liberté en Afrique. Deux ans plus tard, il est invité à Libreville par Pascaline Bongo, la fille du président du Gabon, à l’occasion de l’anniversaire de son père. Le concert qu’il donne est réservé aux dignitaires… Mais en avril 1980, Marley est à Harare, au Zimbabwe, où les nationalistes africains s’apprêtent à proclamer l’indépendance. À ses frais, il y donne, les 18 et 19 avril, ses deux uniques concerts publics en Afrique. Si le premier jour les choses se passent mal au stade Rufaro à cause de l’exclusion du peuple, le lendemain, des dizaines de milliers de Zimbabwéens viennent vibrer avec celui dont la chanson « Zimbabwe » est devenue l’hymne de leur armée de libération. En novembre 1980, quelques mois avant sa mort, Bob Marley se fait baptiser à l’Église orthodoxe éthiopienne de New York sous le nom de Berthane Sélassié. Ultime hommage et fidélité à l’Afrique. Ce n’est pas par hasard que, le 6 février 2005, 300 000 personnes ont assisté sur Meskel Square, la plus grande place d’Addis-Abeba, à un mégaconcert à l’occasion du soixantième anniversaire de sa naissance. ●

Naissance de Robert Marley à Rhoden Hall (nord de la Jamaïque).

1962

Enregistrement de sa première chanson, « Judge Not », pour le producteur Leslie Kong du label Beverley’s.

1963

À Kingston, Bob Marley fonde The Wailing Wailers avec ses amis Bunny Wailer et Peter Tosh.

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Culture médias

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Leonard Howell porté au pinacle Si les chansons de Marley ont contribué à populariser le mouvement rasta, l’initiateur de ce mode de vie est moins connu. La journaliste française Hélène Lee se bat pour faire revivre sa mémoire.

10 FÉVRIER 1966

Mariage avec Ð Rita Anderson.

D.R.

21 AVRIL 1966

Visite de l’empereur d’Éthiopie Haïlé N o 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

la biographie et les idées de Howell est forcément coupable. « Howell est un pauvre qui parle aux pauvres. Si, toute sa vie, il a été emprisonné, poursuivi, jeté en hôpital psychiatrique, c’est parce que sa pensée est rebelle, révolutionnaire. » Le film s’ouvre sur ce pesant silence et l’idée que la Jamaïque a enterré non seulement l’homme, mais aussi sa mémoire. Puis Hélène Lee raconte. À 17 ans, le jeune Howell est témoin d’un meurtre. L’accusé

SÉDITION. Dans la Jamaïque de 1934,

D.R.

D

ans le monde du reggae, le Tuff Gong Studio de Kingston est une référence mythique. Créé par Bob Marley dans l’idée d’y enregistrer ses albums en toute liberté, il a vu depuis passer nombre de musiciens. Les aficionados savent qu’il doit son nom au surnom de Bob Marley, « Tuff Gong », mais rares sont ceux qui savent que « le Gong » était le sobriquet désignant Leonard Percival Howell – l’un des tous premiers prêcheurs rastas ! Leonard Percival Howell est né en 1898 et mort en 1981, deux mois avant Bob Marley. Ce personnage serait resté ignoré s’il n’avait suscité la curiosité d’une ancienne journaliste du quotidien français Libération, spécialiste des musiques noires, Hélène Lee. Auteure en 1999 d’un livre intitulé Le Premier Rasta (Flammarion), elle vient de réaliser un film éponyme qui fait la part belle aux témoignages de rastas jamaïcains ayant croisé le chemin chaotique d’Howell. « Quand j’écrivais sur le reggae, j’ai rencontré beaucoup de gens qui voulaient comprendre qui étaient les rastas et d’où venait le mouvement, explique Lee. Je suis donc allée chercher des réponses. Ce travail m’a pris quinze ans et personne ne nous a jamais aidés, ni pour le livre ni pour le film. » Qu’existait-il sur Howell lorsque Hélène Lee a commencé sa quête? Quelques photos, des images de son enterrement, une compilation de textes(The Promised Key)signéesouslepseudonyme de Gong Guru Maragh et un long article publié en 1983 par un universitaire californien, Robert Hill, dans le Jamaica Journal. « J’aime farfouiller là où les gens n’aiment pas mettre leur nez », confie la réalisatrice, pour qui le silence entourant

capitalisme sauvage et le monde sur lequel il règne, plus tard qualifié de « Babylone ». Après avoir été aide-cuisinier sur un navire de l’US Army, Howell débarque à New York au début des années 1920. Ou plutôt, à Harlem, « Mecque du nouveau nègre ». Il vibre aux discours de son compatriote Marcus Garvey, qui prêche pour l’union des Noirs du monde entier et leur retour en Afrique. En 1929, les temps sont durs. Arrêtépourrecel,Howellpassedouzemois dans la prison de Sing Sing. De retour en Jamaïque, il commence à prêcher après le sacre du ras Tafari Makonnen devenu, en novembre 1930, l’empereur Haïlé Sélassié Ier « roi des rois d’Éthiopie, seigneur des seigneurs, lion conquérant de la tribu de Juda, lumière du monde, élu de Dieu ». Howell y voit la réalisation d’une prédiction attribuée au révérend James Morris Webb, qui écrivait en 1924: « Regardez vers l’Afrique, où un roi noir sera couronné, car le jour de la délivrance est proche. »

LE JAMAÏCAIN HOWELL fait du négus éthiopien son Dieu.

est son oncle. Il refuse de collaborer avec la justice coloniale et fuit en 1916 vers Panamá, où le canal a ouvert deux ans plus tôt. Il y fréquente le monde des marins, avant d’embarquer à bord d’un navire de la United Fruit Company, entreprise spécialisée dans les fruits exotiques et qui est à l’origine de l’expression « république bananière ». Hélène Lee, qui cherche à démontrer que la pensée rasta est « la première pensée altermondialiste », décrit par le menu les contacts d’Howell avec le

Sélassié en Jamaïque. Bob Marley devient rasta. 1968

Premier morceau rasta de Bob :

« Selassie Is the Chapel ». 1969

Bob demande à son ami Lee « Scratch » Perry de produire le trio vocal Bob

reconnaître l’autorité d’un empereur, c’est refuser celle de Georges V, le roi d’Angleterre. Le procès pour sédition auquel doit faire face Howell marque l’acte de naissance du mouvement rasta en favorisant une large médiatisation de ses idées. Lesquelles empruntent beaucoup à l’hindouisme, très présent sur l’île. « La pensée occidentale, basée sur le calcul, la division, l’analyse, fragmente le monde. La pensée indienne, en revanche, fonctionne par cycles et n’oppose pas le divin et l’humain », explique Hélène Lee. La ganja n’est que l’emprunt le plus visible du mouvement rasta à la religion indienne. Militant de la cause noire, inspiré par Gandhi, Howell se détache des idées de Marcus Garvey. Alors que ce dernier ne s’attaquepasàlaBabylonefinancièremondiale et souhaite que les Noirs acquièrent aussi le pouvoir économique, « Howell

Marley &The Wailers. Ils collaboreront jusqu’en 1978. 1970

Aston « Family Man » Barrett (à la

basse) et son frère Carlton (à la batterie) rejoignent les Wailers. 1974

Bob entame une carrière solo après JEUNE AFRIQUE


Il y a trente ans… Bob Marley remet en cause le système lui-même, qui ne rend pas justice aux travailleurs », dit Hélène Lee. Allié à des fortunes du pays, maissanscessepourchassé,leGongcréela communautérastadePinnacle,en1940,où l’on vit en accord avec la nature… et grâce au commerce de la marijuana. Le pouvoir en place – même si nombre de partis se financent grâce à l’herbe – ne peut tolérer l’outrecuidance d’une société qui n’obéit qu’à ses règles. Comme le dit un proverbe jamaïcain,«Quandlechevalapasséleportail, on ne peut plus le rattraper »… Soumis

Haïlé Sélassié Ier, messie malgré lui Les rastas ont fait de l’empereur éthiopien un dieu vivant. Conciliant avec le mouvement, longtemps reconnu pour ses réformes, l’homme conserve une aura puissante en dépit d’une fin de règne en demi-teinte.

à la violence des raids policiers, Pinnacle, où vivront jusqu’à 3000 personnes, sera démantelé au début des années 1950. Les rastas essaimeront ailleurs, dans les coins les plus reculés du monde. Leader sans dogme, qui ne cherche pas des adeptes obéissants et propose plus un mode de vie qu’un prêt-à-penser, Leonard Percival Howell vivra encore longtemps, craint et haï par les politiciens locaux, jusqu’à ses derniers jours passés à l’hôtel Sheraton de Kingston. Si Hélène Lee fait en partie l’impasse sur la période historique qui court de 1960 aux années 1980, et si elle n’approfondit guère les notions religieuses défendues par Howell, Le Premier Rasta a l’incontestable mérite de mettre en avant une pensée non conformiste. Une pensée qui, selon Lee, est encore aujourd’hui mise sous le boisseau: « L’idée qu’un autre monde est possible, et que l’on peut refuser un système nocif dans lequel on n’arrivera à rien, voilà une pensée dangereuse. C’est pour cela qu’on l’a cachée aux gens, c’est pour cela que ce film déplaît! ». Don’t give up the fight ! ● NICOLAS MICHEL Le Premier Rasta, de Hélène Lee, sorti à Paris le 27 avril.

le départ du groupe de Bunny et Peter.

JEUNE AFRIQUE

L’EMPEREUR D’ÉTHIOPIE descendrait du roi Salomon et de la reine de Saba.

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n avril 1966, l’empereur d’Éthiopie Haïlé Sélassié Ier débarque en Jamaïque. Le gouvernement d’alors espère que ce chrétien orthodoxe pratiquant désavouera les milliers de rastas qui le considèrent comme un dieu vivant et contestent l’ordre établi. Accueilli par une foule immense, guidé par le rasta Mortimer « Kumi » Planno, le « lion conquérant de la tribu de Juda » se contente de défendre la libération du peuple jamaï« War », de Bob Marley, est cain, alors plus importante directement inspiré d’un que le retour vers l’Afrique. Même si, dès 1948, il avait discours de l’empereur à l’ONU. accordé aux membres du mouvement quelque 2 km2 de ses terSi nombre de rastas voient en Haïlé res à Shashemene, non loin d’Awassa, Sélassié Ier la réincarnation de Jésusdans le sud du pays. Quand, en 1976, la Christ, lui-même ne s’est jamais élevé chanson « War » de Bob Marley, direcen faux contre cette idée. N’est-il pas tement inspirée par un discours de un descendant du roi Salomon et de l’empereur aux Nations unies sortira la reine de Saba ? ● sur l’album Rastaman Vibration, Haïlé N.M.

18JUILLET1975

25 OCTOBRE 1974

Premier album solo Natty Dread.

ALBERT HARLINGUE/ROGER-VIOLLET

Dans la communauté rasta qu’il a fondée, on vit du commerce de la ganja et en accord avec la nature.

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Sélassié n’aura pas le loisir de l’écouter. Renversé lors du coup d’État mené par les militaires du Derg, il est mort le 27 août 1975. Le fils du ras Makonnen – grand artisan de la victoire d’Adoua, en 1896, contre les troupes italiennes – était né en 1892 sous le nom de Tafari Makonnen à Ejersa Goro, dans le Harar. Confié à l’âge de 14 ans, à la mort de son père, aux soins de l’empereur Ménélik II, il est couronné en novembre 1930 sous le nom de Haïlé Sélassié Ier. Poursuivant l’œuvre de modernisation de son pays, il est surtout connu en Occident pour son intervention à la Société des nations au moment de l’invasion italienne. Exilé au Royaume-Uni en 1936, il retrouve son trône en 1941. En 1963, Addis-Abeba accueille le siège de l’Organisation de l’unité africaine (OUA). Les années passant, sa politique se fait de plus en plus conservatrice. Admiré à l’étranger, il est contesté dans son pays où la famine sévit entre 1972 et 1974. Le choc pétrolier aggrave la crise sociale et l’opposition se radicalise, notamment parmi les militaires qui finissent par le renverser.

Enregistrement à Londres de Live ! avec son premier succès international « No Woman No Cry ».

27 AOÛT 1975

30 AVRIL 1976

Haïlé Sélassié I meurt dans des conditions suspectes. Dans « Jah Live », Bob proclame que Dieu ne peut mourir. er

Sortie de Rastaman Vibration, disque le plus vendu de son vivant et premier succès américain.

DÉCEMBRE 1976

À Kingston, avant un concert, Bob échappe à une fusillade menée par des hommes du parti de droite proaméricain, le JLP. N o 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

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Culture médias

« African vibration »

« Pour nous qui aimions lereggae, Alpha Blondy a été une vraie révélation, se souvient l’Ivoirien Tiken Jah Fakoly. Nous Inventé sur une terre d’esclavage et porteur d’un message de paix avions un nouveau prophète, quelqu’un et de liberté, le reggae ne pouvait qu’essaimer en Afrique. qui nous montrait que le reggae pouBien qu’influencé et transformé par les rythmes locaux, il reste vait se chanter dans nos langues à nous. Et pour moi qui composais en dioula le véhicule d’une pensée rebelle. sans oser le montrer, ça a été le déclic. » De fait, en 1982, lorsque le jeune Alpha idéologie placera une race au-dessus de Blondy sort son album Jah Glory (1982) one 4C, dans le sud d’Abidjan. l’autre, ce sera la guerre partout » (« War », – sur lequel figure « Brigadier sabari » Alors que la ville se remet difficilement des affrontements des 1976). Dans ce dernier titre, le reggae(« Pitié brigadier », en dioula) –, le reggae man reprend une partie du discours de francophone est encore balbutiant. Pour derniers jours, le Parker Place, l’empereur Haïlé Sélassié Ier à la tribune la première fois, les mélomanes découle temple du reggae, a rouvert ses portes. Dans cet antre sombre, où plane un épais de l’Organisation des Nations unies, en vrent que cette musique en provenance nuage de fumée, l’air conditionné peine à 1963. Le monarque éthiopien est un dieu de Jamaïque peut prendre une couleur vivant pour les rastas, et son pays, la terre locale. Sur cet album où la plupart des rafraîchir l’atmosphère. Étudiants, ouvriers ou cadres d’entreprises, portant des chepromise, n’a qu’à peine été foulé par les chansons sont en dioula, parlé aussi bien en Côte d’Ivoire, au Mali qu’au Burkina, mises de marque comme des tee-shirts pieds impurs des Babyloniens. le succès est immédiat. Et si son premier ornés de feuilles de cannabis, viennent album donne à Alpha Blondy un statut communier tous les soirs au rythme du BABYLONE. En ce milieu des années de précurseur, le troisième, Apartheid Is reggae. 1970, la fièvre des indépendances est passée. La jeunesse des anciennes coloNazism (1985) le positionne comme un Parfois le poing levé, souvent les yeux nies françaises d’Afrique occidentale fait véritable leader d’opinion. À l’instar de son mi-clos, cette foule hétéroclite reprend l’amère expérience de la pensée unique idole, Bob Marley, le reggaeman ivoirien avec ferveur les refrains des chansons. Jusqu’au bout de la nuit, le groupe qui offiet perd ses illusions sur la liberté prodénonce les « crimes » de Babylone et de cie, les Wisemen, interprète les morceaux mise par ses nouveaux dirigeants. Le l’oppresseur blanc. Le Sud-Africain Lucky les plus célèbres des grands du reggae. Dube (assassiné en 2007) est Bien sûr le légendaire Bob Marley, U-Roy, déjà censuré dans son pays Ce mélange de ska, de calypso et IJahman… mais aussi Alpha Blondy et lorsque sort son deuxième de soul s’est adapté au désir de Lucky Dube, deux précurseurs africains album reggae, Slave (1987), du genre inventé dans les Caraïbes. qui le fera connaître hors de liberté des peuples du continent. S’il a mis du temps à se faire une place son pays. Une renommée en Afrique francophone, ce mélange de transfert est vite fait : dans les esprits, le que la barrière de la langue n’empêche ska, de calypso et de soul, né en Jamaïque, capitalisme se substitue à Babylone et le pas. « Up with Hope », « Different Colors », s’est très vite adapté au désir de liberté des pouvoir devient synonyme d’oppression. « Prisoner »… chacun de ses titres dénonce peuples du continent. Bob Marley, icône « Qu’ils soient africains ou jamaïcains, les l’apartheid et fait de lui une icône de la mondiale de cette musique, personnage jeunes aspiraient à vivre en paix et dans lutte contre le régime. charismatique disparu dans l’élan de la dignité sur un continent prospère », Depuis, le reggae africain s’est enrichi du la jeunesse, prônait dans ses chansons explique Hélène Lee, spécialiste du reggae son de la cora, du balafon ou de la sanza. l’unité africaine, le retour aux sources et et auteure de plusieurs ouvrages sur la Il s’exprime dans toutes les langues: wolof, à la terre d’origine, l’Afrique. « Unis-toi question. Des artistes comme l’Ivoirien mooré, swahili, arabe… « Aujourd’hui ce Alpha Blondy et le Sud-Africain Lucky Afrique, car nous quittons Babylone, nous reggae est écouté en Chine, aux États-Unis, retournons à la terre de nos ancêtres » Dube incarnent cette génération de « jeupartout dans le monde, s’enthousiasme (« Africa Unite », 1978); « Chaque homme nes » en révolte. Ils se sont emparés du Tiken Jah Fakoly. Ce qui montre que l’esa le droit de décider de sa destinée, main reggae et y ont insufflé leur propre culture, sentiel, c’est avant tout le message: paix et dans la main nous vaincrons les obstaleur identité, pour lui donner une vraie unité. » Un discours tellement universel saveur africaine. qu’il a fait des émules jusque dans des cles » (« Zimbabwe », 1979); « Tant qu’une

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JANVIER 1977

Exil à Londres. Son album Exodus Ý sur le rapatriement des AfricainsAméricains en Afrique est un MAI 1977 succès. Après un accident lors d’un match de N o 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

football, on lui repère une tumeur au pied. Bob refuse l’amputation, le mouvement rasta interdisant ces pratiques.

22 AVRIL 1978

Bob Marley et son groupe rentrent en Jamaïque pour le One Love Peace Concert où Marley réunit sur scène les opposants politiques Seaga et Manley.

1978

Enregistrement de l’album en public Babylon by Bus au Pavillon de Paris, porte de Pantin.

NOVEMBRE 1978

Bob Marley se rend en Éthiopie, où il passe quatre jours dans une communauté rasta, à Shashemene.

JEUNE AFRIQUE


Il y a trente ans… Bob Marley

SVEN TORFINN/PANOS-REA

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ADDIS-ABEBA. 300 000 personnes célèbrent le 60e anniversaire de la naissance de Bob Marley, le 6 février 2005.

pays où la culture est aux antipodes de celles des anciens esclaves africains de Jamaïque. Au Japon, Han-Kun donne dans le reggae/ragga. Le Marocain Momo Cat, installé en Finlande, se laisse aller à des envolées vocales arabisantes. Jah Division, en Russie, donne dans le reggae roots, tout comme le groupe chinois Long Shen Dao… Signe de sa richesse et de son ouverture, le reggae a évolué en une multitude de styles et de genres. En Afrique aussi, où la relève, talentueuse, créative, enthousiaste, ne cesse d’innover. Une nouvelle génération de reggaemen doués émerge peu à peu. Élie Kamano et Abdoul Jaabar en Guinée, Dread Maxim, Black African Positive au Sénégal, Kajeem et Fadal Dey en Côte d’Ivoire, Jah Verity au Burkina, Ras Dumisani en Afrique du Sud… Comme

JEUNE AFRIQUE

CONTRE-POUVOIRS. Dénonciation et rythmes enlevés, le cocktail finit par payer. Le Bénino-Burkinabé Jah Verity a animé les premières parties de Tiken Jah Fakoly lors de sa dernière tournée. Pour son dernier album, Rasta Government (sortie le 13 mai), le Guinéen Takana Zion s’est offert le luxe d’un enregistrement à Kingston,

Bob Marley chante au stade de Harare sa chanson Ð « Zimbabwe ».

JANVIER 1980

Bob Marley accomplit son rêve de jouer en Afrique, il est officiellement invité au Gabon, à Libreville, pour un concert privé.

leurs précurseurs, ils dénoncent les inégalités du système, la corruption, la privation des libertés. « C’est comme si les choses n’avaient pas changé d’un pouce, que Marley avait déjà tout vu et tout dit il y a trente ans, analyse le reggaeman guinéen Abdoul Jaabar. Et notre rôle, c’est de dénoncer tous ces travers jusqu’à ce que les choses changent. » Ne pas abandonner le combat contre Babylone, en quelque sorte.

en Jamaïque, accueillant sur son album un invité de marque, le roi du dance hall Capleton. Les artistes se veulent contre-pouvoirs et souhaitent participer aux progrès de leur pays. En revanche, si le succès est au rendez-vous, difficile pour eux de vivre de leur art. « Malheureusement pour ces jeunes, ils émergent au moment où l’industrie musicaleconnaîtunecrisesévèreaggravée par le développement de la piraterie, se désole Tiken Jah Fakoly. Pour vivre, ils sont parfois obligés de combiner boulot et petits concerts. » Ce qui ne semble pas toujours leur poser de problème. « Je ne m’en plains pas, déclare Jah Verity. Jusqu’à présent, j’arrive à boucler mes fins de mois. Et grâce à Dieu, je fais la chose que j’aime le plus au monde : du reggae. » ● MALIKA GROGA-BADA

Park. Sa tumeur s’est étendue. Il décide de ne rien dire à sa famille.

en France, qui rassemble plus de 50 000 personnes.

3 JUILLET 1980

Bob Marley meurt à Miami d’un cancer généralisé.

11 MAI 1981 17 AVRIL 1980

Cérémonie d’indépendance du Zimbabwe.

1980

Bob Marley s’écroule lors d’un jogging à Central

Concert au Bourget en Seine-Saint-Denis,

1982

L’Ivoirien Alpha Blondy, figure incontournable du reggae africain et mondial, sort son premier album, Jah Glory.

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Culture médias En vue BEST OF

■ ■ ■ Décevant

■ ■ ■ Pourquoi pas

PRESSE

À défaut d’originaux

Interview exclusive

LES AFICIONADOS préféreront, évidemment, les albums originaux. Mais les autres découvriront que le volume 1 du best of avait oublié « Natural Mystic », « Iron Lion Zion », « War », « Africa Unite » ou encore « Roots, Rock, Reggae »… Autant de titres qui s’écoutent toujours avec le même plaisir et donnent envie d’aller plus loin. Et de partir à la découverte des pépites enfermées dans des albums comme Natty Dread, Rastaman Vibration, Kaya… ● SÉVERINE KODJO-GRANDVAUX

« Bob Marley », Vibrations Collector (France: 7,90 euros. Suisse: 14 francs suisses. Belgique/ Luxembourg: 8,90 euros). ■■■

■ ■ ■ Réussi

■ ■ ■ Excellent

VIVIENGOLDMANacommencésacarrière professionnelle comme attachée de presse chez Island Records. C’est là qu’elle a rencontré Bob Marley. Dans le numéro spécial que le magazine suisse Vibrations consacre au Jamaïcain, elle livre une interview exclusive recueillie à la fin des années 1970 et dans laquelle le chanteur revient sur sa musique, son pays, son voyage en Afrique, son militantisme, le mouvement rasta, la violence… La journaliste britannique signe également un reportage réalisé entre Munich, Londres et Kingston, en 1977, aux côtés de Bob Marley. À découvrir également, cent photographies rares, voire inédites, et des textes qui reviennent sur les débuts de Nesta, ses rapports à la politique, l’attentat de 1976… et ses funérailles, auxquelles Vivien Goldman a assisté. ● S.K.-G.

TÉLÉVISION

Naissance d’un mythe Natural Mystic, The Best of Bob Marley and The Wailers, vol. 2 ■■■ (Island Records).

COMPILATION

Tubes en stock « IS THIS LOVE », « No Woman No Cry », « Could You Be Loved », « Buffalo Soldier », « Get Up Stand Up », « I Shot the Sherif », « Jamming », « Exodus »… sans oublier la sublime « Redemption Song ». Tous les grands tubes qui ont fait la légende Bob Marley sont réunis dans cette compilation éditée trois ans après sa mort, en 1984, par Island Records. Vendu à plus de 25 millions d’exemplaires dans le monde, ce best of est également disponible en version vinyle ou « de luxe », enrichie et accompagnée d’un album de remix. Pour ceux qui n’ont encore aucun album de Bob Marley dans leur discothèque. ● S.K.-G.

Legend, The Best of Bob Marley and The Wailers, vol. 1 (Island Records). ■■■ N 0 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

CE DOCUMENTAIRE permet de découvrir comment le phénomène Bob Marley s’est construit à force de discipline et de détermination. Le fondateur d’Island Records, Chris Blackwell, mais aussi Bunny Wailer et d’autres témoins de cette époque racontent comment est né, en 1972, le premier album de Bob Marley & The Wailers, Catch a Fire. Blackwell revient notamment sur la manière dont il a arrangé la musique du pape du reggae, avec son accord, pour conquérir le marché américain… et le monde. Des détails qui passionneront davantage les fans de musique que le grand public, lequel retiendra plutôt le combat d’une famille pour diffuser un message révolutionnaire et défendre les droits d’un peuple bafoué. ● NICOLAS MICHEL

PHOTO

Gros plans TUFF GONG SEUL ET SOURIANT, face à l’objectif, dans une salle de concert vide, un gobelet en plastique à la main. Et son pied entouré d’un bandage. Le cancer viendra de là, de cette tumeur non soignée. Rasta Rebel est un

Catch a Fire, de Jeremy Marre, 52 minutes, le 11 mai, à 20 h 35, ■■■ sur France Ô.

« portrait intime » de Bob Marley signé du photojournaliste David Burnett, qui l’a photographié en 1976 et 1977 pour le compte du magazine Time. Un livre pour les fans, qui, au-delà des passages obligés – ah les photos de concert et les volutes de fumée ! –, recèle quelques pépites, comme une belle partie de foot à trois… ● N.M.

Rasta Rebel, un portrait intime, de David Burnett, Fetjaine, 144 pages, 24,90 euros. ■■■ JEUNE AFRIQUE


Il y a trente ans… Bob Marley LES INDISPENSABLES

BORIS HEGER/REPORT DIGITAL-REA

Burnin’ (19 octobre 1973) Le dernier album avant sa carrière solo. En 2003, il a été classé au 319e rang dans la liste des 500 meilleurs albums par le magazine Rolling Stone.

LIVRE

Shashemene, le carrefour des rastas L’historienne Giulia Bonacci raconte le retour des rastafariens venus du monde entier dans cette ville d’Éthiopie, « leur maison ».

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uiconque visite l’Éthiopie est obligé, s’il est curieux, de se rendre à Shashemene, à quelque 250 km au sud de la capitale, Addis-Abeba.C’estlàquesesontinstallées, depuis 1950, des vagues successives de rastafariens adeptes, jusqu’au bout, du retour en Afrique, cheval de bataille des pères fondateurs africains-américains et caribéensdupanafricanisme.Lespremiers à répondre à l’appel furent les Jamaïcains. Aujourd’hui, la provenance géographique a beaucoup évolué. Aux Jamaïcains se sont ajoutés d’autres groupes venus de toute la Caraïbe (Trinité-et-Tobago, SaintKitts, Barbade, Montserrat, Dominique, Bermudes, Martinique, Guadeloupe…), maiségalementdesÉtats-Unis,deGrandeBretagne, du Canada, du Congo, de Côte d’Ivoire… C’est l’histoire de ce retour des rastafariensenÉthiopieque GiuliaBonacci,historienne, spécialiste de l’Afrique et des diasporas africaines, chargée de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), raconte dans ce livre. Elle remonte aux sources de ce besoin de retour, aborde les JEUNE AFRIQUE

différentes manifestations du nationalisme noir et du panafricanisme à travers leurs principaux animateurs, ainsi que les relations entre Haïlé Sélassié et les Jamaïcains. Elle montre aussi les différentes étapes de l’évolution de Shashemene depuis les années 1950. Dans cet ouvrage passionnant, on apprend que ceux qui sont revenus sur le sol éthiopien, donc africain, considèrent leur geste comme un simple « rapatriement », un juste retour à la maison après une absence involontaire. L’auteure a accompli un travail de documentation et de collecte d’informations remarquable, mené en Europe, aux ÉtatsUnis, en Jamaïque, en Afrique… Au bout du compte, il y a là une grande maîtrise du sujet et l’envie de partager une expérience magnifique. ● TSHITENGE LUBABU M.K.

Exodus ! L’histoire du retour des rastafariens en Éthiopie, Giulia Bonacci, préface d’Elikia M’Bokolo. L’Harmattan, Paris, 2011, 540 pages. 32 euros. ■■■

Natty Dread (25 octobre 1974) Premier album et premier succès de Bob Marley en solo, incluant la célèbre chanson « No Woman No Cry ». Rastaman Vibration (30 avril 1976) Le plus vendu de son vivant, qui propulse Bob Marley & The Wailers dans le Top 10 américain durant quatre semaines. Exodus (3 juin 1977) Le plus connu, avec 700000 exemplaires vendus à travers le monde. En 1999, il est classé meilleur album du XXe siècle par le magazine Time. Babylon by Bus (10 novembre 1978) Album live enregistré au Pavillon de Paris, porte de Pantin. Survival (2 octobre 1979) Le plus engagé de Bob Marley, contenant la célèbre chanson « Zimbabwe ». Uprising (10 juin 1980) Album qui fit d’excellentes ventes grâce au succès du single « Could You Be Loved ». Legend (8 mai 1984) Compilation de Bob Marley & The Wailers, c’est le disque de reggae le plus vendu de tous les temps, avec 25 millions d’exemplaires aux États-Unis et 2,8 millions au Royaume-Uni. N 0 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

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ANNONCES CLASSÉES

Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre -Tél. : 01 44 30 18 76 - Fax : 01 44 30 18 77 - Email. : f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique - 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris - France

REPUBLIQUE DU SENEGAL PROGRAMME ECONOMIQUE REGIONAL DE L’UEMOA

PROGRAMME D’HYDRAULIQUE VILLAGEOISE DU SENEGAL Financement : Union Economique Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) Date : 30 avril 2011 - N° de l’AO : 042/11 1. Le Gouvernement de la République du SENEGAL a obtenu une subvention de la Commission de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) en différentes monnaies, pour financer le coût du programme ECONOMIQUE REGIONAL DE L’UEMOA (PER). Il est prévu qu’une partie des sommes accordées au titre de cette subvention sera utilisée pour effectuer les paiements prévus au titre du marché pour l’exécution des travaux de protection côtière de Thiawlène. 2. L’Agence d’Exécution des Travaux d’Intérêt Public (AGETIP) agissant en tant que maître d’ouvrage délégué de l’Union Economique Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) et au bénéfice du Ministère de l’Environnement et de la Protection de la Nature, pour la mise en oeuvre de ce projet (Convention UEMOA), invite, par le présent Appel d’Offres, les soumissionnaires intéressés à présenter leurs offres sous pli fermé, pour la Construction d’une digue frontale pour la protection côtière de Thiawlène, la stabilisation des berges avec la réalisation de la promenade et de la réalisation de l’exutoire du canal de Thiawlène (Canal New Team). Les travaux sont constitués d’un lot unique et indivisible. Le nom et l’identification du Contrat sont : Travaux de construction d’une digue frontale pour la protection côtière de Thiawlène à Rufisque. Le délai contractuel pour l’exécution à compter de la date prescrite par l’ordre de service de démarrage des travaux, est de 300 jours calendaires.

Appel d’offres

3. L’Appel d’offres est ouvert à égalité de conditions à toutes les entreprises originaires des pays membres de l’UEMOA. Le marché qui sera passé à la suite de l’appel d’offres est un marché public à financement extérieur. C’est un marché de prestations à prix unitaires hors taxes (HT) appliqués aux quantités réellement exécutées et mesurées conformément aux indications contenues dans le devis estimatif et au mode d’évaluation des travaux. 4. Les soumissionnaires intéressés et éligibles à concourir peuvent obtenir des informations supplémentaires et examiner les Dossiers d’Appel d’offres dans les bureaux de l’AGETIP : AGETIP – SENEGAL Boulevard Djily Mbaye x Bérenger Ferraud BP : 143 – Dakar (SENEGAL) Tél : (221) 33 839 02 02 Fax : (221) 33 821 04 78 - E-mail : agetip@agetip.sn Heures d’ouverture : 8 heures à 17 heures. Le dossier d’appel d’offres est aussi disponible sur le site internet de l’AGETIP (www.agetip.sn). Mais votre offre ne sera prise en compte que lorsque vous aurez effectivement retiré le dossier d’appel d’offres contre versement de la somme non remboursable représentant le droit de soumission d’une offre. 5. Le Dossier d’Appel d’offres complet en français peut être acheté et retiré par les candidats, sur demande écrite au service mentionné ci-dessus et moyennant le paiement d’un montant non remboursable de F CFA 200 000 à partir du lundi 2 mai 2011. Le paiement sera effectué en espèces ou par chèque certifié au nom de AGETIP. 6. Toutes les offres doivent être déposées à l’AGETIP – SENEGAL Boulevard Djily Mbaye x Bérenger Ferraud BP : 143 – Dakar (SENEGAL) Tél : (221) 33 839 02 02 Fax : (221) 33 821 04 78 au plus tard le mercredi 15 juin 2011 à 15 heures locales et être accompagnées d’une garantie de soumission d’un montant au moins égal à F CFA 32 000 000. Les dépôts électroniques ne seront pas admis. Les soumissions présentées hors délais seront rejetées. 7. Les plis seront ouverts physiquement en présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent être présents à l’ouverture, le mercredi 15 juin 2011 à 15 heures, dans la salle de réunion de l’AGETIP – SENEGAL Boulevard Djily Mbaye x Bérenger Ferraud BP : 143 – Dakar (SENEGAL) Tél: (221) 33 839 02 02 Fax : (221) 33 821 04 78. 8. Les critères minima de qualification auxquels les soumissionnaires doivent satisfaire sont donnés ci-après, étant entendu que ces critères sont détaillés dans les Données Particulières de l’Appel d’Offres. Ces critères sont : • justifier d’un chiffre d’affaires moyen annuel au cours des années 2008, 2009 et 2010 au moins égal à une fois et demie (1,5) le montant de son offre plus le montant des travaux en cours ; • avoir une expérience d’entrepreneur principal de travaux correspondant à au moins deux travaux de nature et de complexité similaire à ceux spécifiés dans le présent appel d’offres ; • disposer d’un lot minimum de matériels tel que défini dans les spécifications du présent dossier d’appel d’offres ; • proposer un personnel clé minimum tel que défini dans les spécifications du présent dossier d’appel d’offres ; • disposer d’un montant minimum de liquidités et/ou de facilités de crédit net d’autres engagements contractuels d’au moins F CFA 700 000 000. Le Directeur Général

N° 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

JEUNE AFRIQUE


Société Nationale Industrielle et Minière AVIS D’APPEL D’OFFRES Etude géotechnique du Projet : nouvelles installations de traitement de minerais - TO14 à Zouerate République Islamique de Mauritanie

1. Objet La Société Nationale Industrielle et Minière (SNIM) lance un appel d’offres ouvert et international en vue de réaliser des études géotechniques destinées à identifier et à caractériser physiquement et mécaniquement les sols qui supporteront les différents ouvrages de génie des nouvelles installations de traitement de minerais à TO14. La zone de l’étude est située à environ 14 km au Sud-est de la ville de Zouerate. L’intervention du bureau est une mission géotechnique de type G0 telle que définie par la norme NFP 94-500 de juin 2000. Elle pourrait être suivie d’une mission géotechnique d’exécution de type G3 de la même norme. La mission de reconnaissance géotechnique doit permettre de : • connaître avec précision la nature des sols rencontrés pour les types de sondages. • reconstituer la formation lithologique des sols et leurs épaisseurs en dessous des installations et équipements du projet. • déterminer les caractéristiques mécaniques de ces sols pour tous les types de sondages. 2. Financement : SNIM. 3. Validité des offres : Les offres seront valables pendant une période de 180 jours à compter de la date limite de remise des offres. 4. Visite des lieux : Facultative. 5. Retrait du dossier d’appel d’offres : Le Dossier d’Appel d’Offres peut être retiré (gratuitement) les jours ouvrés du 08/05/2011 au 08/06/2011 auprès de la Direction des Projets de la Société Nationale Industrielle et Minière (SNIM) BP 42 – Nouadhibou - République Islamique de Mauritanie - Tél : +222 4574 16 60 ; +222 4574 10 52 – Fax : +222 4574 16 62. Pour toutes informations complémentaires : Contacter SNIM - DPS - BP 42 – Nouadhibou - République Islamique de Mauritanie - Tél. : +222 4574 10 52 ; +222 4574 13 01 – M. Mohamed El Moctar Dit Ayoub Ould Hasni ; email : ayoub.hasni@snim.com. Ou M. Diallo Mohamed Habib ; email : dmhabib@snim.com. Tel. +222 4574 16 67. 6. Date limite de remise des offres : La date limite de remise des offres est fixée au 22/06/2011 à 10 heures GMT à la Direction des Projets – SNIM - Nouadhibou.

UNITE - TRAVAIL - PROGRES

AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL N° 21/MIT/SE/SG/DGBC/DBAL/2011 1. Le Gouvernement de la République de Tchad a prévu au Budget Général de l’Etat (Revenus Pétroliers) pour l’exercice 2011 et les années suivantes, un crédit pour financier le coût des travaux de construction des infrastructures des Ministères. Il se propose d’utiliser les montants de ce crédit pour effectuer les paiements autorisés au titre du marché issu du présent appel d’offres. 2. Le Ministère des Infrastructures et des Transports, représenté par la Direction Générale des Bâtiments Civils, invite par le présent avis d’appel d’offres, les candidats remplissant les conditions requises à présenter une offre sous pli cacheté pour l’exécution des travaux de construction des sièges de Minstères en cinq (05) lots ci-après : - Lot 1 : Ministère de l’Economie et du Plan ; - Lot 2 : Ministère de Commerce et de l’Industrie ; - Lot 3 : Ministère de la Fonction Publique et du Travail ; - Lot 4 : Ministère de la Culture, de la Jeunesse et des Sports ; - Lot 5 : Ministère de l’Environnement et des Ressources Halieutiques ; 3. Le processus se déroulera conformément aux procédures d’appel d’offres décrites dans le Décret n° 503/PR/PM/SGG/2003, portant Code des Marchés Publics dans la République du Tchad. Tous les candidats satisfaisant aux critères d’égibilité énoncés dans les dispositions dudit Code des Marchés Publics sont admis à soumissionner. 4. Les candidats intéressés remplissant les conditions requises peuvent obtenir un complément d’information auprès de la Direction Générale des Bâtiments Civils, BP 984 Tél. : 252 48 71 Ministère des Infrastures et des Transports Route de Farcha et peuvent examiner le dossier d’appel d’offres à l’adresse ci-dessus indiquée tous les jours ouvrables de lundi au jeudi de 7 h 00 à 15 h 30 et les vendredis de 7 h 00 à 12 h 00. 5. Les candidats intéressés peuvent acheter un jeu complet du dossier d’appel d’offres à la Direction des Affaires Administratives, Financières et du Matériel du Ministère des Infrastructures et des Transports, moyennant paiement d’un montant non remboursable de trois cent cinquante mille francs CFA (350 000 FCFA) par lot contre une quittance à la vue de laquelle le dossier pourra, au choix du candidat, être retiré directement à l’adresse ci-dessus ou les demandes d’envoi des dossiers par courrier express doivent être accompagnée d’une somme non remboursable de Quatre cent cinquante mille francs CFA (450 000 FCFA). L’Administration ne peut en aucun cas être tenue responsable de la non réception des dossiers expédiés quel que soit le mode d’expédition. 6. Les offres doivent parvenir à l’adresse indiquée ci-après : Direction Générale des Bâtiments Civils BP 984 Tél. : 252 48 71 du Ministère des Infrastructures et des Transports au plus tard le 12 juin 2011 à 9 heures précises. Elles doivent être accompagnées d’une garantie d’offre d’un montant de deux pour cent (2 %) du montant de la soumission. Les offres reçues après le délai fixé seront rejetéees. Le soumissionnaire s’engage à maintenir la validité de son offre pendant une période de 90 jours à partir de la date limite de dépôt des offres. 7. Les plis seront ouverts en présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent assister à la séance d’ouverture le 12 juillet 2011 à 10 heures, dans la salle des réunions de la COJO sise au rez-de-chaussée de l’immeuble de CSCP du Ministère des Infrastructures BP 436 Route de Farcha. N’Djaména, le 15 avril 2011 Le Ministre des Infrastrutures et des Transports ADOUM YOUNOUSMI JEUNE AFRIQUE

N° 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

Appel d’offres

REPUBLIQUE DU TCHAD MINISTERE DES INFRASTRUCTURES ET DES TRANSPORTS SECRETARIAT D’ETAT - SECRETARIAT GENERAL DIRECTION GENERALE DES BATIMENTS CIVILS DIRECTION DES BATIMENTS ADMINISTRATIFS ET DES LOGEMENTS


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Annonces classées Coopération Cameroun – Union Européenne

PROGRAMME D’APPUI AU SECTEUR DE LA JUSTICE

DEMANDE DE MANIFESTATION D’INTERÊT Dans le cadre de la mise en œuvre de son volet Formation, le Programme Européen d’Appui au Secteur de la Justice (PAJ) est à la recherche d’experts internationaux qualifiés en droit commercial (OHADA) et en droit administratif. Ceux-ci seront chargés d’animer de concert avec les experts nationaux déjà recrutés, des ateliers de formation continue au profit des magistrats et autres professionnels de la justice au Cameroun. Le PAJ invite par le présent avis à manifestation d’intérêt, toute structure intéressée et possédant les compétences requises à se manifester. Les dossiers de manifestation d’intérêt doivent contenir les documents suivants : - La preuve de l’existence légale de la structure ; - 5 CV d’experts qualifiés dans chaque domaine (OHADA et Droit Administratif). Les avis à manifestation d’intérêt doivent parvenir au PAJ au plus tard le 06 juin 2011 à l’adresse suivante :

Appel d’offres - Manifestation d’intérêt

PROGRAMME D’APPUI AU SECTEUR DE LA JUSTICE Unité de Gestion du Projet BP : 847 YAOUNDE – CAMEROUN Tél. : 00 (237) 22 20 48 61 Email : projetjustice_ue@yahoo.fr Le Chef de Projet François A. Boko

AFRICAN UNION

UNION AFRICAINE UNIÃO AFRICANA

INVITATION FOR BIDS Procurement Number: 19/MSD/11 SUPPLY AND DELIVERY OF DRUGS, AND OTHER MEDICAL SUPPLIES FOR THE AFRICAN UNION COMMISSION (AUC) MEDICAL CENTRE UNDER FRAMEWORK CONTRACT:

Refer to http://www.au.int/en/bids for details.

Retrouvez toutes nos annonces sur le site : www.jeuneafrique.com N° 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

Conseil Ouest et Centre Africain pour la Recherche et le Développement Agricoles

West and Central African Council for Agricultural Research and Development

Avis d’Appel d’Offres International - Date: le 08 mal 2011 FOURNITURE D’EQUIPEMENTS, De produits chimiques et CONSOMMABLES, verrerie DE LABORATOIRE D’ANALYSE AOI N° 01F/CW/USAID/2011 Le Conseil Ouest et Centre Africain pour la Recherche et le Développement Agricoles (CORAF/WECARD) a obtenu une subvention de l’USAID, pour financer les coûts du Projet d’utilisation des méthodes in vitro pour préserver multiplier et de distribuer des boutures de manioc ACMV en AOC « CassavaTissue Culture ». Il se propose d’utiliser une partie du montant de ce crédit pour effectuer les paiements autorisés au titre du marché de précité N° 01F/CW/USAID/2011 Le Secrétaire Exécutif invite, par le présent, les candidats remplissant les conditions requises à présenter leurs offres sous pli cacheté en trois lots distincts : - Lot 1 : Produits Chimiques - Lot 2 : Equipements de Laboratoire d’analyse - Lot 3 : Verrerie de laboratoire Le processus se déroulera conformément aux procédures d’appel d’offres décrites dans les Directives: Passation des marchés financés par les prêts de la BIRD et les crédits de l’IDA, de mai 2004 ; tous les candidats des pays satisfaisant aux critères de provenance énoncés dans les Directives sont admis à soumissionner. Les candidats intéressés remplissant les conditions requises peuvent obtenir un complément d’information auprès du Secrétariat Exécutif du CORAF/WECARD sis au 7, Avenue Bourguiba B.P.: 48 Dakar - RP - Tel : 33 869 96 18 - Fax : 33 869 96 31 Email : secoraf@coraf.org, bousso.diop@coraf.org, ou visiter le site web : www.coraf.org Les candidats intéressés peuvent acheter le dossier d’appel d’offres, sur demande écrite à l’adresse € 100) ou indiquée ci-après, moyennant paiement d’un montant non remboursable de Cent EURO (€ l’équivalent en monnaie librement convertible soit Cent Mille francs (F CFA 100 000). Les candidats peuvent aussi obtenir le Dossier d’Appel d’Offres sur simple demande écrite, mais ne seront pas autorisés à soumissionner sans paiement au préalable des frais de dossier ci- dessus mentionnés Les offres doivent être envoyées à l’adresse indiquée ci-après, au plus tard le 15 juin 2011 à 10 heures précises. Elles doivent être accompagnées d’une garantie d’offre d’un montant de : € 2300) - Lot 1 ; Deux Mille Trois Cent EURO (€ € 4300) - Lot 2 : Quatre Mille Trois Cent EURO (€ € 1500) - Lot 3 : Mille Cinq Cent EURO (€ Les plis seront ouverts en présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent assister à la séance d’ouverture le 15 juin 2011 à 10 heures 15 mn TU, à l’adresse indiquée ci-après : 07, Avenue Bourguiba B.P.: 48 Dakar Sénégal Tel : 33 869 96 18 - Fax : 33 869 96 31 Le Directeur Exécutif Email : secoraf@coraf.org - Web : www.coraf.org JEUNE AFRIQUE


Annonces classées

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New publication for the change of the deadline to receive the candidatures

Publication of vacancies for the CDE Regional office of West Africa Operations Officer The Regional representation of an International Institution based in Dakar, Sénégal, wishes to have the position of Operations Officer filled by a citizen of one of the Region’s countries (Benin, Burkina Faso, Cap Vert, Cote d'Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée Bissau, Liberia, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria, Sénégal, Sierra Leone et Togo). Key responsibilities Under the supervision of the Manager of the Regional Field Office, the Operations Officer will be responsible for: - Identifying, preparing and handling the projects and programs in line with the Institution’s regulations. - Collecting pertinent information on other stakeholders active in the same field of activities in the region. - Providing assistance in the preparation of programmes and other development initiatives. - Executing other related duties as assigned by the Manager of the Regional Office. Qualification and Experience Mature and self-driven person of high integrity with: - University Degree: Masters in Banking, Economics, Finance, Business Administration or allied degrees. - Minimum 5 years of relevant experience acquired in the Private sector (enterprise or consultancy firm) or International institution. - Proven experience with banking, project financing and/or enterprise development; in particular experience with SME. - Skills and experience in design, monitoring, evaluating and/or auditing of technical assistance projects; - Good IT skills (Internet, Word, Excel, PowerPoint); - Fluency in English (oral and written) is a requirement; - Good knowledge of French (oral and written) would be an advantage; - Good knowledge of the EC procedures of procurement would be an advantage. Package: An attractive remuneration package will be offered to the successful candidate. Please send your application to: Mr. Jean Gaston BAGANZICAHA Head of Regional Field Office of CDE, Lot 90 Sotrac Mermoz – BP. 16 160 Dakar Senegal Closure of application: at the latest Tuesday, June 15 Th, 2011 (date as postmark) JEUNE AFRIQUE

N° 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

Recrutement

VACANCY ANNOUNCEMENT


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Annonces classées VACANCE DE POSTE

Publication d’une vacance de poste pour le Bureau Régional du CDE en Afrique Centrale

RECRUTEMENT D’UN CHARGE D’OPERATIONS Le Centre pour le Développement des Entreprise (CDE) est une institution conjointe de l’Union Européenne (UE) et du Groupe des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) établie dans le cadre de l’Accord de Cotonou. Son objectif est d’assurer le développement des entreprises des pays par des services non financiers. Le CDE gère aussi le programme Pro€Invest, programme sous la supervision de la Commission Européenne. Le Centre renforce actuellement ses capacités opérationnelles dans les pays ACP au travers de six bureaux régionaux. A cette fin, le Bureau Régional du CDE pour l’Afrique Centrale, basé à Yaoundé au Cameroun, souhaite recruter un chargé d’opérations, citoyen d’un des pays suivants : Burundi, Cameroun, Congo, Gabon, RCA, RDC, Sao Tomé et Principe, Tchad ou tout citoyen de l’Union Européenne basé dans un de ces pays. Responsabilités clés : Sous la supervision du Chef du Bureau Régional, le chargé d’opérations sera responsable de : l’identification, la préparation et le suivi des projets et programmes selon les procédures en vigueur au CDE. - La collecte des informations pertinentes sur les institutions actives dans les mêmes domaines d’activités dans la région. - L’assistance à la préparation de projets, de programmes et d’autres initiatives de développement. - L’exécution de toutes autres tâches demandées par le Chef du Bureau Régional. Qualifications et Expérience : Personne mature, travaillant de manière indépendante et intègre : - Diplôme universitaire : Master en Finance, Economie, Gestion, Business Administration, Engineering ou tout autre diplôme équivalent. - Minimum 5 ans d’expérience pratique dans le secteur privé (en entreprise ou au sein d’un bureau d’études) ou dans une organisation internationale. - Expérience reconnue dans le système bancaire (corporate credit), le financement de projets et/ou dans le développement d’entreprises et en particulier avec les PME/PMI. - Qualification et expérience dans la formulation, le monitoring, l’évaluation et/ou l’audit de projets d’assistance technique. - Une bonne pratique des technologies de l’information (Internet, Word, Excel, PowerPoint). - Une parfaite maîtrise du français (oral et écrit) est requise. - Une bonne connaissance de l’anglais (oral et écrit) est un avantage. Package : une rémunération attractive sera offerte au candidat sélectionné. Date limite de soumission des candidatures 15 Juin 2011. Les réponses doivent être adressées à l’adresse e-mail du CDE: jobs@cde.int avec la référence : CAF/RFO/OO/O1.

Recrutement

GROUPE JEUNE AFRIQUE

www.groupeja.com

PRESSE • INTERNET • ÉDITION • CONSEIL

Groupe international de presse et d’édition (30 millions € C.A. – 120 collaborateurs) spécialisé sur l’Afrique et le Moyen-Orient recherche, dans le cadre de son développement :

Un chef de rubrique Maghreb et Moyen-Orient (H/F) MISSIONS :

Vous viendrez enrichir notre équipe composée d’une quarantaine de personnes en charge de notre hebdomadaire et de ses hors-séries. Doté(e) d’une très bonne connaissance des acteurs et de l’environnement politique et social du Maghreb et du Moyen-Orient, vous aurez – sous la direction de votre rédacteur en chef – la responsabilité de l’élaboration et de la réalisation du contenu de cette rubrique. Vous aurez en charge plus particulièrement : • Le suivi de l’actualité de l’ensemble des pays de ladite zone; • L’élaboration de sommaires d’enquêtes; • La recherche de collaborateurs (pigistes) et experts; • La rédaction d’articles; • L’animation des membres de la rédaction chargés de couvrir cette zone. Poste basé à Paris.

PROFIL :

Idéalement issu(e) d’une école de journalisme, sciences politiques ou littéraire, vous avez au minimum 3 ans d’expérience dans la presse écrite quotidienne ou magazine. Dynamique, rigoureux(se) et méthodique, vous savez faire preuve de créativité, de disponibilité et d’esprit d’équipe. Vous possédez un réel sens d’investigation, une réactivité face à l’information et des qualités rédactionnelles et relationnelles. Un très bon niveau d’anglais est exigé, la connaissance de l’arabe serait un plus. Réf. : REDCHEFMMO 0511

Envoyer C.V., lettre de motivation et prétentions sous références REDCHEFMMO 0110 à : Jeune Afrique – Service Ressources Humaines – 57 bis rue d’Auteuil 75016 PARIS ou par email : recrutementja@jeuneafrique.com N° 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

JEUNE AFRIQUE


Annonces classées

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REPUBLIQUE GABONAISE UNION-TRAVAIL-JUSTICE

AVIS DE VACANCES DE POSTES Née de la volonté de traduire de manière opérationnelle l’ambition de l’Etat gabonais de mettre en œuvre le « Gabon Numérique », l’ANINF a pour mission d’installer et de gérer les infrastructures et ressources nationales partagées dans les domaines des télécommunications, de l’audiovisuel et de l’Informatique, ainsi que de valider tous les projets de l’économie numérique afin de garantir la cohérence globale des systèmes mis en place. L’ANINF a identifié une série de postes à pourvoir répartis ainsi : POSTES D’ENCADREMENT • Directeur Général Adjoint • Directeur des Affaires Générales • Directeur des Fréquences • Directeur de l’Ingénierie et des Applications • Responsable de division Infrastructures et Services Télécoms (avec rang de directeur) • Cadre Juriste • Cadre Audit & Organisations • Cadre Ressources Humaines • Ingénieur SI • Cadre Relations Extérieures & Communication • Cadre Courrier, Archives & Documentation • Cadre Patrimoine, Moyens Généraux & Approvisionnement

Recrutement

POSTES DE SERVICES GENERAUX • Trois juristes (débutants et confirmés) • Trois auditeurs confirmés • Trois agents financiers • Trois agents des Ressources Humaines • Trois techniciens informaticiens • Trois agents Relations Extérieures & Communication • Trois agents Courrier, Archives & Documentation • Trois agents Patrimoine, Moyens Généraux & Approvisionnement • Sept secrétaires de direction • Treize agents de services et chauffeurs POSTES TECHNIQUES • Sept ingénieurs télécoms • Onze ingénieurs informatique et réseaux • Cinq techniciens télécoms • Treize techniciens informatique et réseaux • Vingt-deux ingénieurs informaticiens • Seize techniciens informaticiens Un dossier de candidature comportant un Curriculum vitae ainsi qu’une lettre de motivation ne faisant pas plus d’une page devra être transmis à l’adresse info@africsearch.com Le message devra comporter en objet une référence à l’ANINF et au poste (ex. Recrutement ANINF-Juriste confirmé). Toutes les candidatures devront être reçues au plus tard le lundi 30 mai 2011. Libreville, le 04 mai 2011 JEUNE AFRIQUE

N° 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011


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Annonces classées Séminaires Internationaux de CODEV Formation Tunis 2011 (Projets de développement, Entreprises, Communes et Structures Etatiques) www.codevformation.com

« Le Développement par le Renforcement des Capacités » Tél. : +216 71 894 742 - Fax. : +216 71 894 685

E-mail : contact@codevformation.com tocka@codevformation.com

Finances locales et Gestion communale : du 02 au 13 mai 2011 Passation des marchés : (Procédures IDA, BAD, FIDA, BID…) du 06 au 25 juin 2011 Gestion Administrative Comptable et Financière des Projets de Développement, du 12 au 23 septembre 2011

Petro Management : (Aspects juridiques, comptables, fiscaux, audit, inspection, contrôle…des contrats de partage pétroliers et gaziers) du 16 au 27 mai 2011 Suivi & évaluation des projets de développement : du 04 au 15 juillet 2011 Gestion Axée sur les Résultats, du 10 au 21 octobre 2011

Recrutement - Formation

N.b : Un ordinateur portable offert à tous les participants à nos séminaires

Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) est le réseau mondial de développement dont dispose le système des Nations Unies. Il permet de mobiliser la communauté internationale pour aider les pays à réaliser la croissance, l’équité et la durabilité. En tant que partenaire de longue date des gouvernements et des groupes de la société civile, il propose ses services à 166 pays, y compris les plus pauvres de la planète. Le PNUD s’est fermement engagé à respecter les principes d’ouverture, de transparence et de responsabilité. Dans le cadre de cet engagement, le PNUD adoptera les Normes Internationales de Comptabilité du secteur public (IPSAS) à partir de janvier 2012. À cet effet, le PNUD a mis en place un Centre mondial de services partagés (GSSC) destiné à fournir des services de traitement transactionnel conformes à IPSAS en matière de revenus, de dépenses et d’immobilisations ainsi que des services de conseil et d’appui aux bureaux du PNUD à travers le monde. Placé sous l’autorité du CFO, au sein du Bureau des finances et de l’administration basé à New York, un bureau dynamique et adepte de la gestion axée sur les résultats, le Centre mondial de services partagés sera localisé dans les environs de Kuala Lumpur, en Malaisie. Le PNUD recherche des candidats exceptionnels pour les postes de direction au sein du Centre mondial de services partagés comme suit : Directeur du Centre mondial de services partagés (P-5) http://jobs.undp.org/cj_view_job.cfm?job_id=22403 Directeur adjoint du Centre mondial de services partagés (P-4) http://jobs.undp.org/cj_view_job.cfm?job_id=22586 Responsable de services régional (P-3) – 3 postes http://jobs.undp.org/cj_view_job.cfm?job_id=22616 http://jobs.undp.org/cj_view_job.cfm?job_id=22617 Analyste de comptes financiers (P-2) – 2 postes http://jobs.undp.org/cj_view_job.cfm?job_id=22620 En outre, les deux nouveaux postes suivants seront à pourvoir au sein du Bureau des finances et de l’administration : Spécialiste en revenus, Division de la trésorerie (P-4) http://jobs.undp.org/cj_view_job.cfm?job_id=22624 Spécialiste des comptes, Reporting financier, Contrôle des modules et des interfaces (P-3) http://jobs.undp.org/cj_view_job.cfm?job_id=22623 Le PNUD offre une enveloppe de rémunération concurrentielle conforme au régime commun des Nations Unies en matière de traitements, d’indemnités et autres avantages. Les indemnités et traitements incluent les congés annuels, les indemnités pour frais d'études, le régime de pension, l’assurance médicale et dentaire subventionnée, etc. Les candidats retenus seront appellés à prendre fonction en octobre 2011. Les candidats doivent être des comptables qualifiés, ayant une excellente maîtrise de l’anglais et du français ou de l’espagnol. Les femmes et les candidats originaires des pays en développement sont particulièrement encouragés à soumettre leur candidature. N° 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

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Annonces classées

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Bâtiments industriels

www.frisomat.com/africa - T: +32 3 353 33 99

Divers

JEUNE AFRIQUE

N° 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011


Vous & nous

Le courrier des lecteurs Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.

L’immobilisme de l’Union africaine Incapable, pas sûre d’elle, craintive. Telle m’est apparue l’Union africaine (UA) lors de la crise postélectorale en Côte d’Ivoire. Pourquoi n’a-t-elle pas été capable de faire respecter les règles de la démocratie après une élection libre et transparente approuvée par la quasitotalité de la communauté internationale ? Pourquoi a-t-il fallu attendre que l’initiative de la bonne solution vienne des pays non africains ? Pendant que l’UA montrait son incapacité, Laurent Gbagbo a eu le temps de s’organiser, de planifier le massacre de beaucoup de civils innocents. Il avait pourtant prévenu : « S’il [Alassane Ouattara] veut le pouvoir, il devra me passer sur le corps. » Au début de la crise, l’UA avait préconisé des frappes militaires pour déloger Laurent Gbagbo. Mais cette décision a vite été renvoyée aux calendes grecques. L’UA doit rendre des comptes. ●

attaquant. Car, de tout temps, J.A. a reconnu élaborer, à la demande, des dossiers sur tel ou tel pays qui n’engagent que les donneurs d’ordres sans obligatoirement les cautionner. Pour la Tunisie, le ton était plutôt amical mais non inféodé. Que ce soit du temps de Bourguiba ou de Ben Ali. La lecture de J.A. m’a permis de rester en contact avec nos contrées et d’apprécier le sérieux des données fournies. Le Canard enchaîné, lui, m’a

aidé à développer et à entretenir ce désir de démocratie que j’enviais aux Français. Chaque journal a une place particulière et la brosse à reluire a toujours été absente dans les deux médias. Par contre, votre réaction m’a pris au dépourvu. Car, sans réfuter les allégations du Canard, vous avez essayé d’expliciter une situation juridicofinancière en la faisant correspondre à l’évolution de l’état de gouvernance de Ben Ali. Le lecteur lambda que je suis, et qui est facilement perdu dans les arcanes des montages financiers, n’en demandait pas tant. Il aurait suffi que J.A. décide de porter plainte pour diffamation ou autre motif. Et de laisser la justice faire son travail. ● DR KHALED GUIGA

Trop, c’est trop ! MALGRÉ L’ARROGANCE et le ton vindicatif de ses juges, Saddam Hussein ne s’était jamais, même face à la mort, départi de sa dignité de chef d’État, à la différence du « Guide » de Tripoli qui était apparu sur les écrans, hors de lui après avoir été bravé par son peuple. Même un Ben Ali eut la présence d’esprit de faire publiquement son mea culpa, à l’inverse du matamore libyen, dont l’orgueil et l’appel au meurtre montrent une absence de rigueur morale et de tout scrupule. Cette hargne, cette hystérie et cette démesure dans le langage lorsqu’ils s’adressent aux leurs semblent curieusement être la caractéristique d’un bon nombre de responsables arabes, empêtrés dans un conservatisme dépassé et englués dans des modèles très éloignés des exigences et des aspirations des nouvelles générations. Il est grand temps qu’ils fassent leur mue avec une bonne dose de démocratie et de générosité. Le spectre de l’islamisme ne fait plus recette. La complaisance des Occidentaux est désormais caduque. À moins qu’ils ne craignent pas de voir leurs nuits se peupler de Bouazizi et n’appréhendent pas de perdre toute légitimité en bombardant leur propre peuple comme le fait Kaddafi. ●

AMBORO KAMARA, Champigny-sur-Marne, France

Laisser dire Je n’ai pas été très surpris quand j’ai trouvé, dans Le Canard enchaîné, un article concernant notre journal. Je dis bien concernant et non

BRAHIM ROUDANI, Rabat, Maroc

Le mensuel anglophone de référence sur l’Afrique 500

TOP

96

AFRICAN COMPANIES

SOUTHERN SUDAN Now for the hard part

TAX HAVENS Draining Africa’s dollars

KENYA FOCUS Nation faces up to constitution

FOOTBALL Yes we Gyan

SIERRA LEONE

U A R Y 2 011 N° 27 • FEBR

THE AFRICA

W W W.T H E A F

R I C A R E P O R T.C

KOROMA & COUNTRY

OM

UGANDA Big win for the big man

NIGERIA What the people want

US-AFRICA JOHNNIE CARSONAfrica in Obama’s man

W W W.T H E A F

UGANDA Big win for the big man

SIERRA LEONE

I L 2 011 N° 29 • APR

THE AFRICA

REPORT

! Nowthly mon

KOROMA & COUNTRY

T. C O M R I C A R E P O R T.C

NORTH AFRICA Revolutionary roadblock

US-AFRICA JOHNNIE CARSONAfrica in Obama’s man

THE AFRICA

REPORT

R I C A R E P O R T.C

POLITICS

R I C A R E P O R T.C

OM

REPORT

2011

AFRIQUE GROUPE JEUNE

2011

The people’s manifesto

E | ECONOMY

| MINING

HISHAM MATAR Our dream of freedom

democracy err to de over ov handove The handov ts ospects pros pr er prospec hter ht ight brighter brings brig

change

2011

N°30 • MAY

4.90 € 75 Birr • France DK • Ethiopia (The) 4.90 € Denmark 60 6.95 CAN$ • 600 naira • Netherlands 6,500 shillings 4.90 € • Canada 50 DH • Nigeria FS • Tanzania € • Belgium $LD 300 • Morocco 4.90 € • Switzerland 9.90 NIGERIA EDITION • Austria 4.90 F CFA shillings • Liberia 600 Kwanza (tax incl.) • Spain € • Kenya 350 DA • Angola Countries 3,500 Africa 39.95 rand Algeria 550 GH¢ • Italy 4.90 US$ 4 • CFA € • Ghana 5 LE 6,000 • South • Zimbabwe Germany 4.90 € • Sierra Leone States US$ 6.95 • Portugal 4.90 £ 4.50 • United Norway 60 NK shillings • UK • Uganda 9,000 Tunisia 8 DT

MONTHLY •

N°29 • APRIL

A roadmap for

Seini Oumarou S Mahamadou

u Issoufou

a supplement OUTLOOK is

AFRIQUE GROUPE JEUNE

2011

POWER GAME

4.90 € 75 Birr • France DK • Ethiopia (The) 4.90 € Denmark 60 6.95 CAN$ • 600 naira • Netherlands 6,500 shillings 4.90 € • Canada 50 DH • Nigeria INTERNATIONAL 9.90 FS • Tanzania 4.90 € • Belgium Liberia $LD 300 • Morocco 4.90 € • Switzerland 3,500 F CFA Kwanza • Austria shillings • • Angola 600 (tax incl.) • Spain • Kenya 350 Countries • Italy 4.90 € Algeria 550 DA Africa 39.95 rand US$ 4 • CFA € • Ghana 5 GH¢ • Zimbabwe LE 6,000 • South Germany 4.90 € • Sierra Leone States US$ 6.95 • Portugal 4.90 £ 4.50 • United Norway 60 NK shillings • UK • Uganda 9,000 Tunisia 8 DT

Not to be sold

separately

■ C’est aujourd’hui l’outil essentiel pour anticiper les évolutions politiques et économiques des marchés africains.

T N°30 REPORT to THE AFRICA

K GOODLUCN JONATHA

MUHAMMADU BUHARI

EDITION

www.theafricareport.com

| MILITARY

NIGERIA

n their demands s, Africans sharpe As revolution spread MONTHLY •

N°29 • APRIL

What nex t 4.90 € 75 Birr • France DK • Ethiopia (The) 4.90 € Denmark 60 6.95 CAN$ • 600 naira • Netherlands 6,500 shillings 4.90 € • Canada 50 DH • Nigeria EDITION FS • Tanzania € • Belgium $LD 300 • Morocco 4.90 € • Switzerland 9.90 INTERNATIONAL • Austria 4.90 F CFA shillings • Liberia 600 Kwanza (tax incl.) • Spain € • Kenya 350 DA • Angola Countries 3,500 Africa 39.95 rand Algeria 550 GH¢ • Italy 4.90 US$ 4 • CFA € • Ghana 5 LE 6,000 • South • Zimbabwe Germany 4.90 € • Sierra Leone States US$ 6.95 • Portugal 4.90 £ 4.50 • United Norway 60 NK shillings • UK • Uganda 9,000 Tunisia 8 DT

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LIBYA

s The high stake behind the elect ion in Nigeria

THE AFRICA

AFRIQUE GROUPE JEUNE MONTHLY •

N°27 • FEBRUARY

4.90 € 75 Birr • France DK • Ethiopia (The) 4.90 € Denmark 60 6.95 CAN$ • 600 naira • Netherlands 6,500 shillings 4.90 € • Canada 50 DH • Nigeria EDITION 9.90 FS • Tanzania 4.90 € • Belgium Liberia $LD 300 • Morocco INTERNATIONAL 4.90 € • Switzerland 3,500 F CFA Kwanza • Austria shillings • • Angola 600 (tax incl.) • Spain • Kenya 350 Countries • Italy 4.90 € Algeria 550 DA Africa 39.95 rand US$ 4 • CFA € • Ghana 5 GH¢ • Zimbabwe LE 6,000 • South Germany 4.90 € • Sierra Leone States US$ 6.95 • Portugal 4.90 £ 4.50 • United Norway 60 NK shillings • UK • Uganda 9,000 Tunisia 8 DT

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TR ANSITION

2 0 11 N ° 3 0 • M AY

REPORT

MONTHLY •

is Nkrumah’s cry more urgent than ever if Africa wants to seize the economic moment

How to heal a shattered nation

Banda’s copper kingdom

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W W W.T H E A F

AFRICA MUST UNITE !

COTE D’IVOIRE

ZAMBIA

I L 2 011 N° 29 • APR

W W W.T H E A F

■ Publié par le Groupe Jeune Afrique depuis 2005, The Africa Report s’est imposé comme le magazine anglophone de référence dédié au continent.

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AFRIQUE GROUPE JEUNE

■ Afin de toujours mieux répondre aux attentes de ses lecteurs, le leader de la presse panafricaine anglophone est désormais mensuel.


Vous nous

VICTOR MOKE-NGALA

Oui à l’ingérence Quand on est à genoux, il faut demander et accepter, sans complexe ni honte, d’être aidé même par son pire ennemi. Surtout lorsque l’enjeu est une question de vie, de mort ou de survie d’êtres humains. Il existe des organismes qui œuvrent pour la protection de certaines espèces animales en voie de disparition. Pourquoi n’y en aurait-il pas pour des populations en danger, à travers un ou deux pays puissants militairement, de concert avec l’ONU ? Mille mercis aux décideurs français, à l’Onuci et à d’autres pays plus discrets (mais dont l’aide est tout aussi importante) d’avoir contribué à juguler la saignée de la Côte d’Ivoire et à rétablir le respect du droit. Grâce à l’ingérence, Benghazi, en Libye, a échappé de justesse au carnage annoncé par le clan Kaddafi. Aux dernières nouvelles, des fonds français permettront de payer deux mois de salaires aux fonctionnaires JEUNE AFRIQUE

LA REVUE

LES PROMESSES DU SOLAIRE

F

2011

UKUSHIMA A REMIS, CRÛMENT, une question fondamentale au cœur de toutes les préoccupations. Le nucléaire civil présente-t-il un ratio avantages/risques acceptable ? Le danger, même minime, d’un accident vaut-il d’être couru au regard de la quantité d’énergie produite ? Depuis le séisme japonais, il semble qu’une grande partie de la population mondiale refuse désormais de courir le risque, comme en témoigne le nombre de pays ayant annoncé un gel, voire un abandon pur et simple, de leur programme nucléaire. MADO Mais pour le remplacer par quoi? Dans son dossier er FF CONFIDE NC SARKO EN PRISO ES N IL A ENFIN ZY de ce mois, La revue se penche sur les possibilitéss COMPRIS L’AFRIQU E qu’offrent les énergies renouvelables. Notamment nt le solaire, qui, bien exploité, peut théoriquement fournir à lui seul 100 % de l’énergie nécessaire à la planète. Et pourrait bouleverser l’ordre géopolitique mondial, grâce au potentiel de l’Afrique en la matière. On peut No 12

N o 12 - Mai

La faute des autres ? Je suis sûr que la France et l’ONU ont pris les bonnes résolutions pour mettre fin à cette chienlit en Côte d’Ivoire. Très souvent, je me demande si les Africains savent réellement ce qu’ils veulent. Qu’est-ce qui serait arrivé si Laurent Gbagbo n’avait pas été mis hors d’état de nuire ? Beaucoup d’Africains auraient alors rejeté la faute sur l’ONU. Pour eux, c’est toujours la faute des autres. Arrêtons donc de pleurnicher et reconnaissons que Ban Ki-moon et Sarkozy ont bien agi, au bon moment. Il faut maintenant aider Ouattara à réussir. J’ai lu et entendu dire que les Africains se sont sentis humiliés par les images de l’arrestation de Gbagbo. De quels Africains s’agit-il ? Je ne suis pas sûr que les Européens se sont sentis humiliés à cause du couple Ceausescu, arrêté puis jugé de façon expéditive avant d’être exécuté. Encore moins les SudAméricains lorsque Manuel Noriega, l’ancien dictateur panaméen, avait été capturé et emprisonné par les Américains, dont il fut pourtant très longtemps un fidèle collaborateur. ●

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LE PREM IE

R MENS U

MAI 20 11

EL G É N ÉR

4€

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se pass er du nuclé aire!

LE SOL AIRE

La géopolitique, il en est aussi question dans la section politique de ce numéro. Disséquant les Espoir d e la pla récentes initiatives élyséennes sur la scène internète nationale, Christophe Boisbouvier arrive à cette conclusion: après avoir multiplié les erreurs, les Le no 12 de La revue, contresens et les déclarations maladroites, Nicolas mai 2011, 148 pages. Sarkozy semble, enfin, avoir compris l’Afrique! 4 euros. Jean-Louis Buchet, correspondant en Amérique du Sud, explique pourquoi, depuis quelques mois, la plupart des pays du continent ont décidé de reconnaître l’existence d’un État palestinien. DEMAIN , IL PRO DUIRA 10 0

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Algérie Finlande 450 DA • Allemag 4,50 € • Italie 4,50 ne 4,50 € • Belgiqu € • Maroc 40 DH • e 4,50 € • Canada Portugal 6,95 $ CAN 4,50 € • Royaume-Uni • DOM 4,50 £ • 4,20 € • États-U OK.indd Suisse 7,50 nis 6,95 1 FS • Tunisie $ US 9 DT • Zone• Espagn e 4,50 € CFA 3000 F CFA

En Égypte, c’est désormais un maréchal, Mohamed HusseinTantawi, qui préside aux destinées du pays en attendant la tenue d’élections démocratiques. L’historien Alain Gouttman évoque ce qui, dans la plupart des armées du monde, n’est pas un grade mais une distinction. Pour les mélomanes ou les amateurs de mystère, enfin, Juliette Morillot lève le voile sur le secret des violons les plus célèbres du monde : ceux du luthier Antonio Stradivarius. ● OLIVIER MARBOT

ivoiriens. J’ai pu réaliser à quel point je demeure attachée à ma Côte d’Ivoire natale, belle, une et indivisible, diverse et variée. ● AMINATA SIETA KONÉ

Ferveur révolutionnaire Fidèle lecteur depuis le début des années 1970, j’ai renoué assidûment avec vous depuis la belle révolution tunisienne. Je me suis rendu compte que la couverture par J.A. de ce qui s’est passé dans mon pays a été vraiment à la hauteur de l’événement.

Je tenais également à vous dire que j’aime tout particulièrement ce qu’écrit votre collaboratrice Fawzia Zouari. Elle parle en écrivaine et poète, elle qui est fortement enracinée dans cette terre tunisienne qu’elle évoque avec tendresse et attachement. J’ai à cœur d’exprimer toute ma solidarité au fondateur de J.A., Béchir Ben Yahmed, dont je n’oublie pas qu’il fut, à moins de 30 ans, ministre de l’Information dans l’un des tout premiers gouvernements de notre pays, juste après son indépendance. ● MAMOUN SLAMA N 0 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011


HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL POLITIQUE, ÉCONOMIE, CULTURE

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Post-scriptum Tshitenge Lubabu M.K.

Fondé à Tunis le 17 oct. 1960 par Béchir Ben Yahmed (51e année) Édité par SIFIJA Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS Tél. : 01 44 30 19 60 ; Télécopieurs : rédaction 01 45 20 09 69 ; ventes : 01 45 20 09 67 ; Courriel : redaction@jeuneafrique.com DIRECTION

Astérix, ou comment l’assimiler

U

N SOIR, APRÈS UNE JOURNÉE DE TRAVAIL particulièrement épuisante, alors que je regagne mes pénates, je me dis: « Gars, détends-toi! » Une idée lumineuse me traverse alors l’esprit: internet. J’allume l’ordinateur, direction mon compte Facebook. Rassurez-vous, je ne suis qu’un très nouvel adepte. Un double-clic, me voici sur heu… ma page, heu… mon mur. Je ne sais plus, mais je vois bien ma photo. Et un lien qu’une camarade a eu la gentillesse de m’envoyer. Re-double-clic. C’est un débat, ou plutôt une empoignade oratoire entre deux journalistes dans l’une de ces émissions où le public rit et applaudit sur commande. J’abhorre! Que vois-je? Un perroquet ou un roquet, peu importe, débite telle une rafale un discours sur la République. Française, je souligne. Il dit que, pour mériter de la République, toute personne étrangère ou même d’ascendance étrangère née en France doit faire un deuil de son passé. C’est-à-dire hiérarchiser les civilisations, reconnaître que celle des origines est inférieure à celle de la France. Pour mériter de la République, l’étranger doit faire allégeance à Voltaire, à Hugo (pas Boss!), au siècle des Lumières. Sinon, c’est l’identité française qui est menacée. Le perroquet ou le roquet, peu importe, se frotte les mains, l’œil pétillant, fier de son numéro. Et moi qui avais foi en la diversité, qui croyais à la fraternité, à l’égalité! Qu’arrivera-t-il si les Français qui veulent s’installer au Sénégal doivent d’abord connaître par cœur « Mamadou et Bineta apprennent à lire et à écrire »; « Mamadou et Bineta sont devenus grands »; « Les Aventures de Leuk le lièvre » et toute la poésie de Senghor, en apprenant en même temps à danser le mbalax comme des as ? Que se passera-t-il si les Maliens exigent de leurs hôtes européens la connaissance des œuvres d’Amadou Hampâté Bâ et des enseignements de son maître Tierno Bokar Saalif Tall ? Brazzaville pourrait imposer Sony Labou Tansi ou Tchicaya U Tam’si. Kinshasa Mudimbe, Lomami Tshibamba et la maîtrise du ndombolo. Quant aux Tunisiens, si prestement expulsés ces temps-ci de la forteresse Schengen, je leur conseille de rendre obligatoire pour tout résident français la lecture – en arabe – de la célébrissime Muqqadima d’Ibn Khaldun. Œil pour œil, dent pour dent ! Un autre soir, je regarde la télévision. Les résultats d’un sondage m’assomment: 76 % des Français sont convaincus que les immigrés ne font aucun effort pour s’intégrer ! S’intégrer ou se désintégrer ? Bizarre. Pourtant, les étrangers montrent tous les jours qu’ils sont intégrés. Ils conjuguent des verbes à l’imparfait du subjonctif. Ils boivent du vin, mangent de la choucroute, des cuisses de grenouille, du camembert. Ils adorent la baguette et ne reçoivent leurs amis que sur rendez-vous. À Noël, ils s’empiffrent avec de la dinde aux marrons, du foie gras du Sud-Ouest, et offrent des cadeaux à leurs proches. Pour devenir belles, leurs femmes changent de couleur, défrisent leurs cheveux quand elles ne les remplacent pas par des postiches blonds qui leur tombent sur les épaules. Avec tout cela les étrangers ne sont pas intégrés ? Ces Gaulois, ces descendants d’Astérix, c’est quelque chose, dé ! ●

Directeur de la publication : BÉCHIR BEN YAHMED (bby@jeuneafrique.com) Directeur général : Danielle Ben Yahmed Vice-présidents: Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed Actionnaire principal : Béchir Ben Yahmed RÉDACTION Directeur de la rédaction : François Soudan (f.soudan@jeuneafrique.com) Directeurs exécutifs : Marwane Ben Yahmed (mby@jeuneafrique.com), Amir Ben Yahmed (aby@jeuneafrique.com) Rédactrice en chef déléguée : Élise Colette (e.colette@jeuneafrique.com) Rédacteur en chef technique : Laurent Giraud-Coudière Directeur artistique : Zigor Hernandorena Conseillers de la direction de la rédaction : Hamid Barrada, Abdelaziz Barrouhi (à Tunis), Aldo de Silva, Dominique Mataillet, Renaud de Rochebrune Secrétariat : Chantal Lossou, Joëlle Bouzignac Chefs de section : Joséphine Dedet (La semaine de J.A.), Philippe Perdrix (Grand angle), Anne Kappès-Grangé (Afrique subsaharienne), Tarek Moussa (Maghreb & Moyen-Orient), Jean-Michel Aubriet (Europe, Amériques, Asie), Cécile Manciaux (Le Plus de J.A.), Jean-Michel Meyer (Économie), Séverine Kodjo-Grandvaux (Culture & médias), Tshitenge Lubabu M.K. (Vous & nous) Rédaction: Pascal Airault, Stéphane Ballong, Tirthankar Chanda, Julien Clémençot, Constance Desloire, Georges Dougueli, Christophe Le Bec, Nicolas Marmié (à Rabat), Nicolas Michel, Fabien Mollon, Pierre-François Naudé, Ophélie Négros, Cherif Ouazani, Michael Pauron, Laurent de Saint Périer, Leïla Slimani, Justine Spiegel, Cécile Sow (à Dakar), Marie Villacèque, Fawzia Zouari; collaborateurs: Edmond Bertrand, Christophe Boisbouvier, Muriel Devey, André Lewin, Patrick Seale, Cheikh Yérim Seck; accords spéciaux: Financial Times RÉALISATION Maquette: Émeric Thérond (conception graphique, premier maquettiste), Christophe Chauvin, Stéphanie Creuzé, Valérie Olivier; révision: Nathalie Bedjoudjou (chef de service), Vladimir Pol; fabrication: Philippe Martin (chef de service), Christian Kasongo; service photo: Dan Torres (directrice photo), Nathalie Clavé, Vincent Fournier, Claire Vattebled; documentation: Anita Corthier (chef de service), Sylvie Fournier, Florence Turenne, Angéline Veyret JEUNEAFRIQUE.COM Responsable éditoriale : Élise Colette, avec Pierre-François Naudé ; responsable web : Jean-Marie Miny ; rédaction et studio : Cristina Bautista, Haikel Ben Hmida, Pierre Boisselet, Maxime Pierdet, Lauranne Provenzano VENTES ET ABONNEMENTS Directeur marketing et diffusion : Philippe Saül ; marketing et communication : Patrick Ifonge ; ventes au numéro : Sandra Drouet, Caroline Rousseau ; abonnements : Vanessa Sumuyen avec: COM&COM, Groupe Jeune Afrique 18-20, avenue Édouard-Herriot, 92350 Le PlessisRobinson. Tél. : 33 1 40 94 22 22 ; Fax : 33 1 40 94 22 32. E-mail : jeuneafrique@cometcom.fr ●

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N O 2626 • DU 8 AU 14 MAI 2011

JEUNE AFRIQUE

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