TUNISIE OÙ VA LA RÉVOLUTION ?
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 51e année • N° 2627 • du 15 au 21 mai 2011
LE PLUS
de Jeune Afrique
À la poursuite du Gabon vert
SAHEL AQMI SANS BEN LADEN
jeuneafrique.com
MAROC DE SIDI MOUMEN À MARRAKECH
Spécial 30 pages
Abidjan, quartier du Plateau, fin avril.
Côte d’Ivoire année zéro Sécurité, justice, armée et police, économie, administration, médias… Tout est à reconstruire. Enquête sur un pays en chantier.
Cet exemplaire vous est offert et ne peut être vendu.
| Not for sale.
3
Ce que je crois BÉCHIR BEN YAHMED • bby@jeuneafrique.com
SAMEDI 14 MAI
Quelques bonnes nouvelles…
R
éalité ou simple impression ? Tout se passe en tout cas comme si nous vivions depuis près de six mois une « accélération de l’Histoire », dont la roue continue de tourner à vive allure. En décembre dernier a éclaté la crise postélectorale ivoirienne, qui devait durer plus de cent jours et conduire à un début de guerre civile : on en est aujourd’hui encore à dénombrer les morts, à évaluer les dégâts et les conséquences sur l’économie, non seulement du pays, mais de la région. Mais la crise est finie et, dès le mois prochain, débutera la convalescence. Au même moment, ou presque, un autre pays africain, la Tunisie, entrait en ébullition pour, en un mois, se libérer de son dictateur, amorcer une révolution et, par contagion, engendrer ce « printemps arabe » dont on n’a pas fini de parler : d’un océan, l’Atlantique, à un autre, l’Indien, une dizaine de pays afro-asiatiques sont passés successivement, voire simultanément, d’un immobilisme séculaire et désespérant à une agitation de type révolutionnaire ; secoués, leurs dictateurs en ont perdu le sommeil et parfois leur fauteuil. Comme pour ponctuer cette accélération de l’Histoire, est intervenu, il y a quinze jours, un événement qu’on n’attendait plus et dont les conséquences sont encore difficiles à mesurer : la localisation et le meurtre par les Américains d’Oussama Ben Laden, ce chef d’Al-Qaïda qui leur avait infligé l’humiliation du 11 septembre 2001. ■
Certains sont heureux de vivre ce tourbillon d’événements qui annoncent la fin d’une ère d’oppression et dont ils attendent un mieux ; d’autres s’inquiètent de voir disparaître des repères auxquels ils s’étaient habitués, une stabilité dont ils appréciaient les avantages. Mais nous sentons tous que « ça bouge » et qu’il nous faut, comme dans un avion qui traverse une zone de turbulences, « attacher nos ceintures ». Et nous nous interrogeons : sommes-nous dans la bonne direction et où allons-nous ? Ma réponse est sans équivoque : oui nous sommes JEUNE AFRIQUE
dans la bonne direction et nous allons vers un mieux. Même s’il ne fait aucun doute que le chemin est semé de difficultés et d’embûches. Je pense que c’est le prix à payer pour sortir du plus criant des sous-développements politiques et gravir les marches qui conduisent à un stade supérieur de la vie en société. ■
L’Afrique de l’Ouest. Chaque semaine qui passe depuis qu’on a mis un terme, début avril, à l’usurpation du pouvoir par Laurent Gbagbo montre que la victoire remportée ce jour-là par la démocratie inaugure, pour la Côte d’Ivoire et pour toute l’Afrique de l’Ouest, une ère d’apaisement politique et de reconstruction économique. C’est un nouveau chapitre de l’histoire de cette région qui s’écrit sous nos yeux, et, j’en suis persuadé, tous y gagneront, même ceux et celles qui croient aujourd’hui en être les victimes. L’Afrique du Nord. En 2010, ceux d’entre nous qui se préoccupaient de l’avenir de cette région voyaient, du Caire à Tunis, trois pays dotés de régimes politiques en place depuis vingt, trente ou quarante ans, donc en fin de course. Mais nous ne pouvions que nous interroger : quand cela va-t-il se terminer ? Comment vont-ils s’en sortir ? Bien que cruciales, ces deux questions n’étaient pas posées, et nul n’avait a fortiori la réponse. Elle est arrivée au début de cette année pour la Tunisie et l’Égypte, alors qu’on ne l’attendait pas et sous une forme que nul n’avait imaginée. Pour la Libye, elle est en route. Le régime de Kaddafi ne s’est pas effondré, mais sa résistance touche à son terme, et je ne pense pas me hasarder beaucoup en pronostiquant une issue rapide et tout à fait favorable aux insurgés. Pour ces trois pays, qui rassemblent 100 millions d’Africains, l’avenir était bouché. Il est aujourd’hui incertain, mais il appartient désormais à leurs peuples, N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
4
Ce que je crois débarrassés des oligarchies politiques qui accaparaient le pouvoir, de l’écrire. Chacun d’eux le fera à sa manière, selon son génie propre. ■
La mort de Ben Laden. Je pense que les historiens établiront qu’elle marque le début de la fin du terrorisme islamiste. Qui aura sévi pendant un quart de siècle et causé du tort, en premier lieu, à l’islam et aux musulmans. Mais il aura coûté cher – et pas seulement financièrement – à l’humanité tout entière : pour s’en prémunir, elle a dû modifier son mode de vie et ses lois, aller jusqu’à légitimer, légaliser et pratiquer la torture. Sans susciter la moindre protestation d’aucune des belles âmes de l’Occident, les anciens vice-président et secrétaire à la Défense de George W. Bush, Dick Cheney et Donald Rumsfeld, ont eu l’indécence, en ce mois de mai 2011, de réclamer publiquement au président Barack Obama de la réinstaurer. Les rues arabe et musulmane, elles, n’ont marqué aucune émotion à l’annonce de la mort d’Oussama Ben Laden. Laquelle n’a pas suscité de réaction populaire et, à l’exception d’un dirigeant du Hamas, aucune personnalité, aucun intellectuel arabe ou musulman n’a réprouvé son meurtre, ni célébré sa mémoire. Ce silence assourdissant confirme ce que nous pensions et ce que les meilleurs spécialistes occidentaux du djihadisme soutenaient : dans leur écrasante majorité,
les musulmans ont rejeté le benladénisme, en particulier son recours au terrorisme aveugle. Peut-on espérer meilleure nouvelle à même de nous éloigner de ce « choc des civilisations » appelé de leurs vœux par certains ? ■
En vérité, c’est un « dialogue des civilisations » qui va désormais se révéler possible. En prélude de celui-ci, deux réconciliations se sont déjà esquissées au sein du monde arabo-musulman : l’une entre le Fatah et le Hamas, l’autre entre l’Égypte et l’Iran. Viendra bientôt, plus tôt donc qu’on ne le pense, l’annonce que la guerre d’Afghanistan elle-même, déclenchée par George W. Bush il y a près de dix ans, s’achemine vers sa fin. Ce sera, je pense, l’effet conjugué le plus spectaculaire de la démocratisation du monde arabo-musulman et de la disparition du chef d’Al-Qaïda. Hamid Karzaï, installé par George W. Bush à la tête de l’Afghanistan et mal « réélu » l’an dernier, doit savoir que ses jours au pouvoir sont désormais comptés. Les États-Unis et l’OTAN, qui le tiennent à bout de bras financièrement et politiquement, ont désormais la porte de sortie qu’ils cherchaient. Nous apprendrons donc, dans les prochains mois, que le processus d’un retrait militaire et de l’installation d’un autre pouvoir à Kaboul a commencé. ●
Humour, saillies et sagesse Pour vous faire sourire, grincer des dents – ou réfléchir –, ici, chaque semaine, une sélection subjective, la mienne, de ce qui a été dit ou écrit au cours des siècles par des hommes et des femmes qui avaient des choses intéressantes ou drôles à nous dire. B.B.Y. Ð Ceux qui ne demandent rien ont tout. Lao-tseu Ð Toutes les femmes sont fatales ; on commence par leur devoir la vie, elles finissent par causer notre perte. Antoine Blondin Ð Sous le capitalisme, les gens ont davantage de voitures. Sous le communisme, ils ont davantage de parkings. Winston Churchill Ð Le gorille a beau être solide, il peut succomber à une piqûre de moustique. Proverbe africain Ð On est riche si et seulement si l’argent qu’on refuse semble plus agréable que celui qu’on accepte. Nassim Nicholas Taleb N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
Ð Le fait qu’on se confesse de plus en plus à la radio et de moins en moins dans les églises semble indiquer que la publicité est plus précieuse que le pardon. Philippe Bouvard Ð L’amour qui ne ravage pas n’est pas l’amour. Omar Khayyam Ð Les gants ça a la forme des mains, les chaussures ça a la forme des pieds, y a que le slip qui a la forme de rien. Les Nouvelles Brèves de comptoir Ð L’intelligence ne se mesure pas des pieds à la tête, mais de la tête au ciel. Napoléon Bonaparte Ð Comment je vois la vie ? Très courte. Jean Yanne
Ð On ne prend pas une nationalité comme on prend son parapluie. Françoise Giroud Ð – Est-ce que les histoires que vous racontez ne vous empêchent pas de dormir ? – Si, mais comme ce sont des histoires à dormir debout, je récupère ! Raymond Devos Ð Qu’est-ce qui se cache derrière l’éditorial, sinon le préjugé, la sottise, les ragots et les sornettes ? Oscar Wilde Ð On ne peut répondre de son courage quand on n’a jamais été dans le péril. La Rochefoucauld JEUNE AFRIQUE
Avec les onduleurs Back-UPS d’APC, votre vie numérique continue...
... même en cas de panne de courant. Protégez les données qui vous sont chères. Une protection fiable de l’alimentation électrique pour une disponibilité 24 h/24, 7 j/7 Que vous regardiez l’enregistrement de votre émission préférée ou mettiez à jour votre statut Facebook®, toutes vos activités quotidiennes impliquent l’utilisation de matériel électronique. C’est pourquoi APC by Schneider Electric™ a conçu des batteries de secours qui vous assurent la disponibilité et la connectivité permanentes dont vous avez besoin… et sur laquelle vous comptez.
Une protection à deux niveaux pour plus de sérénité Lorsqu’une panne de courant survient, nos célèbres onduleurs Back-UPS™ prennent le relais. Ils font immédiatement basculer vos équipements électroniques sur une alimentation d’urgence, ce qui vous permet de continuer à travailler pendant les coupures de courant de courte durée ou ce qui vous laisse le temps d’éteindre vos systèmes en toute sécurité, protégeant ainsi vos fichiers importants tels que vos photos numériques ou vos bibliothèques multimédias. Ils sont également équipés de prises parasurtenseurs qui préservent votre matériel électronique et vos données contre les dégâts que peuvent causer les perturbations de l’alimentation et les surtensions.
Protection maximale et économies d’énergie garanties Nos onduleurs Back-UPS protègent une large gamme d’appareils électroniques. En outre, comme nos modèles consomment peu et réduisent vos coûts d’électricité grâce à leurs prises éco-énergétiques, vous pouvez réaliser d’importantes économies. Les nouveaux onduleurs Back-UPS Green d’APC sont non seulement une solution économique, mais aussi la garantie d’une disponibilité permanente et d’une protection fiable de votre matériel contre un réseau électrique imprévisible et des perturbations énergivores.
Assurez la disponibilité de votre matériel et réduisez vos dépenses énergétiques ! Gamme Back-UPS ES
Bien que vendus à un prix abordable, nos modèles ES très populaires fournissent une autonomie suffisamment longue pour vous permettre de continuer à travailler pendant les coupures de courant de courte à moyenne durée. Certains modèles éco-énergétiques ont été spécialement conçus pour réduire de manière significative les dépenses en électricité.
Gamme Back-UPS ES: des modèles éco-énergétiques
Les onduleurs de la gamme Back-UPS ES sont équipés de prises novatrices à faible consommation d’énergie. Celles-ci coupent automatiquement l’alimentation des appareils non utilisés (équipements périphériques éteints ou en veille), éliminant ainsi le gaspillage énergétique.
Back-UPS ES Green 700 VA
• 8 prises • 405 Watts/700 VA • Jusqu’à 80 minutes d’autonomie • Protection des lignes téléphoniques/réseau
Back-UPS ES Green 550 VA
• 8 prises • 330 Watts/550 VA • Jusqu’à 55 minutes d’autonomie • Protection des lignes téléphoniques/réseau
Inscrivez-vous dès aujourd’hui et gagnez peut-être un PC touch screen Lenovo® all-in-one! Connectez-vous sur www.apc.com/promo et saisissez le code clé 88724t • Tél. (+213) 21 38 73 81/82/83 • Fax (+213) 21 38 76 79 ©2011 Schneider Electric. Tous droits réservés. Schneider Electric, APC, Back-UPS et Legendary Reliability sont la propriété de Schneider Electric Industries SAS ou de ses filiales. Toutes autres marques sont la propriété de leurs détenteurs respectifs. • 998-2542_FR • APC France SAS chez Schneider Electric, 2 bis, Route d’Ouled Fayet, Dely Ibrahim, Alger
6
Éditorial
Marwane Ben Yahmed
Tunisie: où sont passés les héros?
Q
UATRE MOIS JOUR POUR JOUR après la chute de Zine el-Abidine Ben Ali et l’union sacrée qui a permis de le chasser, la révolution tunisienne donne la détestable impression de s’enliser dans les sables mouvants de l’après-révolution. Comme l’Égypte, d’ailleurs, deuxième domino à être tombé, en attendant les régimes libyen, syrien ou yéménite…
10
FIFA CES SCANDALES QUI COLLENT AUX CRAMPONS À trois semaines de l’élection d’un nouveau président, une énième affaire de corruption ébranle l’instance mondiale du football.
En Tunisie, devenue le royaume de la rumeur et de la théorie permanente du complot, on ne sait plus à quel saint se vouer. La méfiance est généralisée, le rejet de l’autre et de ses opinions est érigé en mode de pensée, les scènes de violence – physique comme verbale – se multiplient. Les ministres des gouvernements provisoires successifs – je ne sais même plus combien sont passés sous les fourches caudines de la vindicte populaire – ne sont jamais assez bons : anciens, nouveaux, jeunes issus du secteur privé revenus au pays pour donner un coup de main, politiques ou technocrates sont constamment sur la sellette. La chasse aux sorcières est devenue un sport national. Seuls les extrêmes, la gauche surtout, ont le droit de s’exprimer sans encourir les foudres d’une population avide d’en découdre avec tout ce qui incarne à ses yeux, souvent à tort, l’ancien régime.
Last but not least, les partis politiques, dont tout le monde veut être, se livrent à une véritable foire d’empoigne, plus soucieux d’exister ou de prendre le pouvoir que de réfléchir à l’avenir du pays et à ses besoins. Les ego de la soixantaine de chefs de parti ne désenflent même pas sous le poids des tomates reçues lors de certains meetings… Qu’elle semble loin l’heure de gloire internationale de la Tunisie, quand le monde entier chantait les louanges de ce peuple fier et uni qui avait acquis sa liberté à force de courage et d’abnégation. Sans doute tout cela est-il normal, inhérent à ce saut dans l’inconnu qu’ont effectué les Tunisiens à partir de ce fameux 14 janvier. Mais au-delà de leur propre destin, ils ont une lourde responsabilité : en ouvrant la voie à leurs frères du monde arabe, voire d’Afrique, ils ont acquis le statut de héros et de modèles. Comment pourraient-ils les décevoir ? ● N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
PHOTOS DE COUVERTURES : AUDE OSNOWYCZ/WOSTOK PRESS ; NATIONAL GEOGRAPHIC ; AFP PHOTO/SIA KAMBOU
Ainsi siffle-t-on l’hymne national, qui n’a pourtant rien à voir avec Ben Ali. La police ? RCD. L’ordre ? RCD. L’argent ? RCD. Le travail ? RCD… Les mémoires, elles, se font sélectives : tout le monde a oublié que rares sont ceux qui n’ont pas eu à composer avec le régime, l’État, les entreprises, le parti et ses satellites. Personne ne veut croire qu’on ait pu être ambassadeur, universitaire, dirigeant ou salarié d’une entreprise publique sans forcément être un voyou ou un voleur. Dans ce véritable pandémonium, où l’on se pique de vénérer Bourguiba et de honnir Ben Ali, impossible de suggérer que le premier n’a pas toujours été un ange et que le second n’était pas qu’un démon.
32
SAHEL AQMI SANS BEN LADEN Les djihadistes du désert ont perdu leur leader charismatique. Pas affaiblis pour autant, ils entendent poursuivre leur combat et pourraient bien se radicaliser davantage.
03 08
Ce que je crois Par Béchir Ben Yahmed Confidentiel
10
L A SEM A IN E D E J EU N E A F RIQ U E
10 14 16 18 19 19 20 20 21 21 22 23
Fifa Ces scandales qui collent aux crampons Tour du monde Chine Parfum de révolte Gabon Mba Obame en sursis Cannes 2011 Dur, dur d’être un Afrikaner France Me Collard et la sirène Djibouti Gouvernement de combat Burundi Nduwayo à l’heure des comptes Libye Coup de pompe Humeur Pschitt à Tripoli Omar Raddad L’interminable attente Marie-Antoinette Singleton Au nom de ma mère
24
G RA N D A N G L E
24
Côte d’Ivoire Année zéro
32
A F RIQ U E SU BSA H A RIEN N E
32 35 36
Terrorisme Aqmi sans Ben Laden Cameroun Jack Bauer à Yaoundé Diagnostic Peau noire, masque éclaircissant JEUNE AFRIQUE
Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs Sécurité, justice, armée et police, économie, administration, médias… Tout est à reconstruire.
LE PLUS
de Jeune Afrique
PANORAMA Le pari de l’écologie BOIS La filière sort de l’ornière INVESTISSEMENT Liaisons dangereuses? INTERVIEWS, TRIBUNE Étienne Massard, Alexandre Barro Chambrier, Marc Ona Essangui
MICHAEL NICHOLS/NATIONAL GEOGRAPHIC STOCK
À la poursuite du Gabon vert
24 38
CÔTE D’IVOIRE Année zéro TUNISIE OÙ VA LA RÉVOLUTION? Inquiétude et désenchantement gagnent du terrain pendant que la soixantaine de partis politiques tente de s’organiser et d’exister… Enquête sur un malaise.
42
36 37 38
Tchad Kamougué s’en est allé Législatives béninoises Boni Yayi conforté Afrique-Inde Un autre modèle ?
42
MAGHREB & M OYE N - O R I E N T
42 48 49 50 52
Tunisie Il faut sauver la révolution Maroc De Sidi Moumen à Marrakech Égypte Les Frères musulmans entrent en politique Panarabisme Ils ont refait un rêve Liban Impasse du Cèdre
54
EUROPE, AMÉR I Q U E S, ASIE
54 57 58 59 60 61 62 62
Immigration L’Europe cadenassée? En vérité État de droit ou loi de la jungle ? Chine Les cols blancs broient du noir Singapour Petit dragon est devenu grand Parcours Vimbayi Kajese Haïti Que mijote Jean-Bertrand Aristide ? France Romarin Billong, du foot à la finance Indonésie L’autre Ben Laden
63
LE PLUS DE JEU N E A FR I Q U E
63
À la poursuite du Gabon vert
JEUNE AFRIQUE
À LA POURSUITE DU GABON VERT • Le pari de l’écologie • Bois : la filière sort de l’ornière • Investissement : liaisons dangereuses Spécial 30 pages
GRAND ANGLE
AFRIQUE-INDE UN AUTRE MODÈLE ? À la veille du deuxième sommet Afrique-Inde (20-25 mai, à Addis-Abeba), enquête sur un partenariat « équitable »… Mais non dénué d’intérêts.
112 112 116 118 120 121 122 124 125 126 126 128 129 130 132 134 143 143 146
63
126
CANNES LES NOUVELLES ÉTOILES DU CINÉMA FRANÇAIS Hafsia Herzi, Leïla Bekhti, Sabrina Ouazani… Pleins feux sur ces jeunes actrices d’origine maghrébine qui crèvent l’écran.
ÉC O N O M IE Mali 1 million d’hectares toujours en friche Chine-Afrique Pékin toujours gagnant Aérien Tunisair navigue à vue Malaisie Un Singapour bis sort de terre Analyse Le crash après le boom ? Interview Moïse Katumbi, gouverneur du Katanga Sénégal Sonatel aux petits soins pour ses actionnaires Baromètre C U LT U RE & M ÉD IA S Festival de Cannes Les nouvelles étoiles du cinéma français Portrait Leïla Kilani sur la Croisette Télévision Somalie : poison en eaux troubles Arts plastiques Pascale Marthine Tayou, de surprise en surprise En vue La semaine culturelle de J.A. Littérature Courir le monde VOUS & NOUS Le courrier des lecteurs Post-scriptum N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
7
8
AFRIQUE CENTRALE Parachutes dorés à la Cemac
VERNIER/JBV NEWS VERN
L
es membres de la Commission de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) sont-ils sur le départ ? La rumeur continue de courir au siège de l’institution, à Bangui. Le président Antoine Ntsimi (Cameroun), le vice-président Jean-Marie Maguena (Gabon) et les quatre commissaires – Jean Serges Wafio (Centrafrique), Bernard Zoba (Congo), Hassan Adoum Bakhit (Tchad) et Pedro Ondo Engo (Guinée équatoriale) – ignorent quand prendra fin leur mandat, mais les conditions de leur futur départ ont fait l’objet d’une décision de la Conférence des chefs d’État, dont nous nous sommes procuré copie. no Daté du 25 février 2011 et signé par le président en exercice de la Conférence, Denis Sassou Nguesso, l’acte additionnel a des allures de solde de tout compte. Il prévoit le versement à chaque membre de la Commission d’une indemnité pour services rendus d’un montant ANTOINE NTSIMI, équivalant à 30 mois du dernier le président de la Commission de la Cemac, et, ci-dessus, l’acte additionnel adopté salaire brut pour le président, par les chefs d’État. à 20 mois pour le vice-président et à 15 mois pour les commissaires. À cette somme s’ajoutent des gratifications annuelles calculées sur la base de 2 mois de salaires par an, une indemnité de préavis (6 mois de salaire) et une prime spéciale forfaitaire de 2 à 4 mois, « à l’appréciation du président de la Commission ». Et ce n’est pas tout ! En cas de « rupture avant le terme de leur mandat pour toutes raisons autres que la démission », une indemnité compensatrice d’un montant équivalant à 12 mois du dernier salaire sera également versée. Faites le compte : un simple commissaire devrait toucher l’équivalent de 37 mois de salaire. Et le président, de 52 mois ! Vous avez dit parachute doré ? ● N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
LUXE CHAMPAGNE POUR TOUT LE MONDE !
Lademandedechampagnene cesse d’augmenter en Afrique. Pour y répondre, le Brésilien Davide Marcovitch, patron de Moët Hennessy (filiale du groupe de luxe LVMH) pour l’Amérique latine, les Caraïbes, l’Afrique, le Moyen-Orient et le Canada, s’efforce d’étoffer ses équipes : il en existe déjà en Afrique du Sud et au Nigeria, d’autres vont être créées en Tanzanie et en Éthiopie, et d’autres encore le seront peutêtre au Kenya et au Sénégal. Cibles principales : les hôtels, les restaurants et les boîtes de nuit. On s’en doutait un peu. LE CHIFFRE QUI FAIT PENSER
25 %
C’est le pourcentage de lecteurs chinois – soit environ 220 millions de personnes – qui ont recours, fût-ce épisodiquement, au livre numérique, selon le quotidien The Irish Times. La plupart utilisent non une liseuse, mais, tout simplement, leur téléphone portable. ÉNERGIE L’UPM BOUGE ENCORE
La demande d’électricité augmentera de plus de 6 % par an d’ici à 2025 au sud et à l’est de la Méditerranée. C’est la raison pour laquelle, malgré les bouleversements politiques en Afrique du Nord, la France souhaite proposer à ses partenaires un pacte énergétique euro-méditerranéen. Le 20 mai à Barcelone, au siège du secrétariat général de l’Union pour la Méditerranée, celui-ci sera présenté par Éric Besson, le ministre de l’Industrie, de l’Énergie et de l’Économie numérique. L’objectif est d’accélérer les financements du JEUNE AFRIQUE
9
Politique, économie, culture & société
CANNES 2011 NOURI BOUZID DÉCORÉ Décoré de la Légion d’honneur par Frédéric Mitterrand, le ministre français de la Culture, au cours d’une cérémonie organisée dans le cadre du Festival de Cannes, le plus turbulent des réalisateurs tunisiens a prononcé un petit discours drôle et émouvant dans lequel il a feint de se montrer rassurant : non, il n’abandonnera pas le cinéma pour autant ! À preuve : il tournera avant la fin de l’année en Tunisie son prochain long-métrage, qui devrait s’intituler Millefeuilles. Le film mettra en scène deux employées d’une pâtisserie, l’une voilée et l’autre pas – d’où un certain nombre de problèmes…
DJIBOUTI-FRANCE QUAND EL-BÉCHIR FAIT DÉBAT
Laparticipationd’OmarHassan el-Béchir (contre lequel la Cour pénale internationale a lancé un mandat d’amener) à
la cérémonie d’investiture du présidentIsmaïlOmarGuelleh, le 8 mai à Djibouti, a créé la polémique à Paris. Les responsables français se défendent en affirmantnepasavoirétéinformésdelaprésenceduprésident soudanais.«Nousn’avonspasà remettre la liste de nos invités à l’ambassadedeFrance,réplique un membre du gouvernement djiboutien. S’ils n’avaient pas l’information, c’est que leurs diplomates font mal leur boulot. » En privé, Guelleh juge la participation d’El-Béchir « tout à fait normale ». Illustration de l’excellence des relations entre Djibouti et Khartoum: c’est un orchestresoudanaisquiaanimé la cérémonie d’investiture.
Burkina Les (bons) conseils de la France à Compaoré
GÉRARD ROUSSEL/PANORAMIC
Plan solaire méditerranéen, censé créer 20 gigawatts de capacités électriques nouvelles, et de favoriser l’achèvement de la boucle électrique en multipliant les connexions Nord-Sud et Sud-Sud.
DJIBRIL BASSOLÉ, le ministre burkinabè des Affaires étrangères, au Quai d’Orsay, le 9 mai.
MODIFIER L’ARTICLE 37 de la Constitution burkinabè pour permettre au président Blaise Compaoré de se représenter en 2015 ? « Ce ne serait pas raisonnable, même dans deux ou trois ans, estime un diplomate français de premier plan. Au Burkina, l’opinion assiste en temps réel à ce qui se passe en Afrique du Nord. Elle constate que les chefs d’État ne peuvent plus rester trente ans au pouvoir. Il faut que Blaise prépare sa succession. » Ce message, l’Élysée et le Quai d’Orsay l’ont transmis à Djibril Bassolé, le nouveau ministre burkinabè des Affaires étrangères, lors de sa visite à Paris (où il a notamment été reçu, le 9 mai, par Alain Juppé). Le 21 mai, lors de l’investiture d’Alassane Ouattara àYamoussoukro, Compaoré rencontrera Nicolas Sarkozy. ●
TUNISIE IMED TRABELSI, UN PETIT DÉLINQUANT ?
Pour les Tunisiens, Imed Trabelsi, neveu de l’ex-première dame, est le symbole des dérives du benalisme. Mais la justice a du mal à le condamner aussi lourdement que prévu : deux ans de réclusion pour consommation de cannabis, ça fait sourire ! D’autant que Trabelsi a fait appel de sa condamnation. D’autres charges ont certes été retenues contre lui (détention d’armes, trafic d’antiquités, ouverture de compte bancaire à l’étranger sans autorisation, infraction aux droits de douane), mais ce ne sont là que peccadilles. En revanche, l’instruction concernant ses affaires – notamment le
dossier Bricorama – n’avance guère. Même sa fortune personnelle n’aurait rien d’exceptionnel : environ 10 millions de dinars (5 millions d’euros), selon une source proche du dossier. Alors, Trabelsi victime d’acharnement judiciaire ? On a quelque mal à y croire.
LE LIVRE QUE « MAM » VA DÉTESTER
Nicolas Beau et les liaisons dangereuses Après Notre ami Ben Ali (1999) et La Régente de Carthage (2009), Nicolas Beau n’en a toujours pas fini avec la Tunisie. Fin mai, il publie aux éditions Jean-Claude Gawsewitch Tunis et Paris, les liaisons dangereuses, écrit en collaboration avec Arnaud Muller, un ancien de Canal+. Il s’agit d’une enquête consacrée aux « élites françaises qui ont vendu leur libre arbitre pour une place au soleil » pendant les vingt-trois ans du règne de Ben Ali. C’est Michèle Alliot-Marie qui va être contente ! JEUNE AFRIQUE
Tunis et Paris, les liaisons dangereuses par Nicolas Beau.
GRANDE DISTRIBUTION PARIS, VITRINE DU MOROCCO MALL
Aksal, promoteur du Morocco Mall, à Casablanca (le plus grand centre commercial du continent, hors Afrique du Sud), a convié les 12 et 13 mai une quinzaine de journalistes de mode à un séjour de découverte de l’univers des Galeries Lafayette, à Paris. L’enseigne française inaugurera prochainement à Casa, sur 10 000 m2, sa première franchise africaine. Trois millions de visiteurs par an sont attendus. Les trois cents marques présentées seront vendues « à des prix français ». Unevraieperformance,estime Aksal, compte tenu des barrières douanières. D’autres ouvertures marocaines sont déjà dans les cartons. N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
La semaine de Jeune Afrique
FIFA
Ces
scandales qui collent aux
À moins de trois semaines de l’élection d’un nouveau président, une énième affaire de corruption ébranle l’instance mondiale du football. Parmi les principaux accusés, Issa Hayatou et Jacques Anouma.
STÉPHANE BALLONG
S
ur la planète foot, une affaire en chasse une autre. Alors que celle des « quotas ethniques » dans les centres de formation français (voir J.A. no 2626), qui a ému les fans du ballon rond, s’oriente doucement vers un dénouement consensuel, voilà qu’un nouveau scandale éclate, au niveau mondial cette fois, ébranlant la puissante Fédération internationale de football association (Fifa). Cette nouvelle affaire fait peser de lourds soupçons de corruption sur plusieurs membres du comité exécutif de la Fifa, parmi lesquels deux Africains: le Camerounais Issa Hayatou, président de la Confédération africaine de football (CAF) depuis 1988, et l’Ivoirien Jacques Anouma, le patron de la Fédération ivoirienne. Tous deux sont soupçonnés d’avoir reçu 1,5 million de dollars (environ 1 million d’euros) en échange de leur soutien à la candidature du Qatar pour l’organisation de la Coupe du monde 2022. Si le Camerounais et son entourage ont souvent fait l’objet de ce type d’accusation, c’est la première fois que l’Ivoirien est visé.
TITRE DE NOBLESSE. Londres, le 10 mai. Auditionné dans le cadre d’une commission d’enquête parlementaire, un député conservateur, Damian Collins, affirme que le Sunday Times s’apprête à publier d’importantes révélations. L’hebdomadaire serait en mesure de prouver que Hayatou et Anouma ont monnayé leur vote en faveur du richissime émirat pétrolier. À l’évidence, les Britanniques n’ont toujours pas digéré l’échec de leur candidature à l’organisation du Mondial 2018. Ce nouveau scandale N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
JEFF MITCHELL/FIFA VIA WIREIMAGE
10
LE CAMEROUNAIS ISSA HAYATOU, président de la CAF, avec « Sepp » Blatter, le patron de la Fifa (au centre), et Michel Platini, lors du Mondial 2010 en Afrique du Sud.
dont ils sont à l’origine et qui éclate près de six mois après l’attribution des Coupes du monde 2018 (à la Russie) et 2022 (au Qatar) discrédite encore plus la Fifa. Car le même jour, devant cette même commission d’enquête chargée d’analyser les raisons du flop de Londres, David Triesman, l’ancien président du comité chargé de promouvoir la candidature de la ville, a également mis en cause JEUNE AFRIQUE
L’événement
crampons Les affaires précédentes Octobre 2010, des journalistes du SundayTimes, se faisant passer pour des lobbyistes, proposent de l’argent à certains membres de la Fifa en échange de leur soutien. Le Nigérian Amos Adamu, l’un des lieutenants de Hayatou, tombe dans le piège en acceptant 600 000 euros.
Novembre 2010, dans une enquête d’Andrew Jennings, diffusée par la BBC, Issa Hayatou est soupçonné d’avoir reçu en 1995 l’équivalent de 60 000 euros d’ISL, une société de marketing sportif.
quatre autres membres du comité exécutif de la Fifa qui auraient tenté d’obtenir des avantages en échange de leur voix. Il y a, d’abord, le Trinidadien Jack Warner, le très influent président de la Confédération de football d’Amérique du Nord, d’Amérique centrale et des Caraïbes (Concacaf ), qui aurait demandé aux Britanniques 2,8 millions d’euros pour construire JEUNE AFRIQUE
une école. En 2004 déjà, pour soutenir la candidature sud-africaine au Mondial 2010, il avait réclamé – et obtenu – une visite de Nelson Mandela dans son pays. Ensuite, le Paraguayen Nicolás Leoz, qui, lui, rêvait d’un titre de noblesse. Puis le Brésilien Ricardo Teixeira, qui, d’après Triesman, aurait répondu à ses sollicitations par un : « Que peux-tu faire pour moi ? » Enfin, le Thaïlandais Worawi Makudi, qui, lui, négociait des droits télé pour la retransmission d’un éventuel match amical entre l’Angleterre et « sa » sélection. En tout, ce sont six membres – soit le quart du comité exécutif de la Fifa – qui sont dans le viseur. Aujourd’hui, les Britanniques somment la fédération internationale de prendre les mesures qui s’imposent. Faute de quoi, menacent-ils, ils pourraient quitter l’organisation. Réagissant à ces accusations, Joseph « Sepp » Blatter, le président de la Fifa, n’a pas – c’est un euphémisme – joué collectif. Lui qui vient tout juste de lancer un plan décennal de lutte contre la corruption (pour un montant de 20 millions d’euros) n’entend pas qu’on lui gâche son programme. « Si c’est vrai, je me battrai contre cela, a-t-il déclaré benoîtement. Je me bats pour la Fifa. Je ne peux pas répondre de tous les membres de notre organisation. Je ne peux pas dire si ce sont des anges ou des démons. » Bien entendu, les présumés corrompus nient en bloc. Dans des communiqués séparés, Hayatou et Anouma se réservent le droit de saisir la justice. Quand ce dernier dénonce des « allégations aussi grossières que mensongères » (lire son interview p. 12), la CAF, au nom de son président, évoque sur son site « de pures inventions destinées une fois encore à jeter le discrédit sur [la] personne [de Hayatou] ». TRANSACTIONS INDIVIDUELLES ? Cette même
confédération reconnaît toutefois que, dans le cadre de la campagne des pays candidats à l’organisation des Coupes 2018 et 2022, le comité Qatar 2022 avait proposé de sponsoriser son assemblée générale à hauteur de 1,8 million de dollars pour avoir le droit d’y présenter sa candidature en exclusivité. Toujours selon la CAF, « cette opération a d’ailleurs été approuvée par [son] comité exécutif lors de sa réunion le 8 janvier 2010 à Luanda, en Angola, et concrétisée par la signature d’un contrat entre les deux parties ». Y aurait-il eu d’autres transactions, à titre individuel, entre les Qataris et les dirigeants africains du football ? À la fin de 2010, les médias britanniques avaient déjà épinglé des membres influents de la Fifa. En octobre, des journalistes du Sunday Times, qui s’étaient fait passer pour des lobbyistes, avaient diffusé une vidéo dans laquelle on voyait le Nigérian Amos Adamu, à l’époque membre du comité N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
11
La semaine de J.A. L’événement exécutif, monnayer sa voix en faveur des États-Unis pour près de 600000 euros. Également éclaboussés par cette affaire, le Tunisien Slim Aloulou, le Malien Amadou Diakité et le Français (de Tahiti) Reynald Temarii ont depuis été suspendus de toute activité liée au football pour des périodes allant de un an à trois ans. Quelques semaines après la diffusion de cette vidéo, c’était au tour de la BBC, la chaîne publique britannique, de sortir un document accusant Issa Hayatoud’avoirperçu,en1995,100000francssuisses (l’équivalent de 60000 euros) de la société de marketingInternationalSportsandLeisure(ISL).Laquelle, avant sa liquidation en 2001, avait signé avec la Fifa descontratsdemarketing,dontl’exclusivitédesdroits télé de plusieurs éditions du Mondial. UN AMI GUINÉEN. Toutcommecesdeuxaffairesqui
avaient été révélées à l’approche de l’attribution des deux Coupes du monde, la dernière en date éclate à environ trois semaines de l’élection du prochain président de la Fifa, le 1er juin. De là à y voir une guerre de succession souterraine, il n’y a qu’un
pas que beaucoup d’observateurs n’hésitent pas à franchir. D’autant que, toujours selon le Sunday Times,AmadouDiallo,unhommed’affairesguinéen qui aurait servi d’intermédiaire entre les Africains du comité exécutif de la Fifa et le comité Qatar 2022, est un proche de Mohamed Ibn Hammam. Or ce Qatari, président de la Confédération asiatique de football (AFC), sera, le 1er juin, l’adversaire du Suisse « Sepp » Blatter, Rancune britannique, qui, à la tête de la Fifa depuis 1998, ou guerre de succession brigue un quatrième mandat. Interrogé par J.A., un ancien souterraine à la Fifa ? président de fédération nationale affirme que Diallo, installé à Paris mais qui se trouvait au Caire (siège de la CAF) lorsque le scandale a éclaté, est « un peu l’homme de main d’Ibn Hammam en Afrique francophone, car ce dernier ne parle pas français ». Des liens d’amitié qu’Ibn Hammam lui-même reconnaît, tout en assurant que le Guinéen n’a joué aucun rôle compromettant dans l’élection du Qatar pour l’organisation du Mondial 2022. Mais sans doute n’est-on pas au bout de nos surprises… ●
QUESTIONS À | Jacques Anouma Président de la Fédération ivoirienne de football, Membre du comité exécutif de la Fifa
« À qui profite le crime? » Ð Soupçonné d’avoir monnayé son vote pour l’attribution de la Coupe du monde 2022 au Qatar, il répond aux accusations
JEUNEAFRIQUE: Comment réagissezvous aux accusations de corruption lancées par l’hebdomadaire britannique The Sunday Times ? JACQUES ANOUMA : Je me suis réveillé le lendemain de ces accusations avec une énorme migraine. J’ai bien sûr accusé le coup, mais je vais réagir. Car salir les gens de cette façon, sans preuves, c’est aberrant. Je ne suis pas abattu, juste en colère. Mais j’ai la conscience tranquille. Je ne suis pas concerné par cette affaire. Le Sunday Times parle de 1,5 million de dollars… Oui, mais moi, je n’ai rien touché ! Et puis, s’agit-il d’une somme globale pour Issa Hayatou et moi-même, ou aurions-nous touché 1,5 million chacun ? Je le répète, je suis tranquille. J’attends que cet hebdomadaire sorte ses fameuses preuves. Pourquoi ne les apporte-t-il pas tout de suite ? N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
Ce n’est pas la première fois que des affaires de corruption éclaboussent la Fifa et que des Africains sont concernés… Mais à qui profite le crime ? Car il y a forcément quelqu’un qui tire les ficelles. Je vais essayer de savoir de qui il s’agit, car porter de telles accusations, c’est extrêmement grave. J’ai la conviction que c’est toujours la même personne qui est derrière tout ça. Nous finirons par le savoir. Issa Hayatou a été souvent accusé, mais sans preuves. Là, c’est mon tour. Donc vous affirmez n’avoir pas touché un sou du Qatar ? Mais bien sûr ! Si cela avait été le cas, l’affaire serait sortie depuis longtemps. Depuis que la Coupe du monde 2022 a été attribuée au Qatar, il y a des polémiques, des suspicions, des accusations, des sous-entendus…
D.R.
12
Ces accusations surviennent alors que le congrès électif de la Fifa s’apprête à désigner un nouveau président, le 1er juin, à Zurich (Suisse). « Sepp » Blatter aura pour adversaire le Qatari Mohamed Ibn Hammam. Y a-t-il un lien, selon vous ? Sans doute. Depuis plusieurs mois, le climat est très tendu à la Fifa. C’est normal, les élections approchent. Et en 2013, on élira le président de la Confédération africaine de football (CAF). Deux échéances aussi importantes peuvent expliquer l’emploi de certaines méthodes… ● Propos recueillis par ALEXIS BILLEBAULT JEUNE AFRIQUE
TOGO, UN GISEMENT D’OPPORTUNITÉS Prenez en compte le présent... ✔ Marché régional de 270 millions d’habitants, ✔ Port en eau profonde desservant quatre pays (Togo, Mali, Niger, Burkina Faso), ✔ Place financière réputée, ✔ Zone franche industrielle attractive,
Difcom - cré@ : CC - Photo : phecsone - Dynamic World
✔ Gouvernement pleinement engagé dans le développement économique.
.... et investissez pour l’avenir.
✔ Infrastructures routières et ferroviaires,
✔ Nouvelles technologies de l’Information et de la Communication, ✔ Industries manufacturières, mines, coton, café, cacao, tourisme...
La semaine de J.A. Tour du monde CRISE
PAKISTAN
Au secours, la Grèce coule!
Vengeance sanglante
BRADLEY C. WATSON/AFP
14
SEULE FACE À LA POLICE… Manifestation contre l’austérité le 11 mai à Athènes.
U
ne aide européenne de 110 milliards d’euros et un plan d’austérité drastique n’ont pas suffi : la dette de la Grèce atteindra plus de 150 % de son PIB à la fin de l’année, et son rééchelonnement paraît inévitable. Des experts de l’UE et du FMI sont arrivés à Athènes le 10 mai pour inspecter les comptes, évaluer l’efficacité des mesures prises et, éventuellement, donner leur feu vert au versement de la prochaine tranche du plan de sauvetage (12 milliards d’euros). Dans le cas contraire, la Grèce serait incapable de faire face à ses échéances. Les ministres des Finances de la zone euro devaient se réunir le 16 mai pour envisager l’octroi d’une nouvelle aide de 50 milliards d’euros. Angela Merkel, la chancelière allemande a fait savoir que la Grèce devrait fournir de sérieuses garanties. Le gouvernement a déjà annoncé le lancement de nouvelles réformes (accélération des privatisations, etc.). Le 11 mai, les syndicats ont appelé à une grève générale et 20 000 personnes ont manifesté à Athènes. De durs affrontements avec la police ont eu lieu. ● NARCOTRAFIC
Manif monstre à Mexico PLUS DE 85 000 PERSONNES ont manifesté le 8 mai à Mexico pour dénoncer les violences liées au trafic de drogue – le principal fléau qui frappe ce pays. C’est la deuxième initiative de ce type lancée par le poète Javier Sicilia, dont le fils a été assassiné par un gang, en mars. Les manifestants ont, en des termes violents, mis en
N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
cause la corruption du pouvoir et, du même coup, son incapacité à lutter contre les narcotrafiquants. Depuis que le gouvernement de Felipe Calderón a fait intervenir l’armée contre les cartels, près de 40 000 personnes ont en effet été tuées. De nombreux Mexicains sont donc favorables à l’arrêt de l’offensive militaire. Mais alors, que faire ?
LE MOUVEMENT DES TALIBANS DU PAKISTAN (TTP) avait promis de venger la mort d’Oussama Ben Laden en frappant les intérêts américains et, surtout, le gouvernement et les forces de sécurité pakistanais, qu’il juge, à tort ou à raison, complices de cet assassinat. Il a commencé de tenir parole. Le 13 mai à Shabqadar, dans le nord-ouest du pays, au moins 80 personnes – pour la plupart des cadets d’une unité paramilitaire de la police – sont mortes dans l’explosion de deux bombes. En 2007, le TTP a fait allégeance à Al-Qaïda et, depuis, il multiplie les attentats, suicides ou pas mais toujours très meurtriers. Bilan : plus de 4 000 morts. LE MOT QUI FAIT MAL
CANCER
EN MARGE D’UNE AUDIENCE du procès Mills, dans lequel il répond actuellement de l’accusation de corruption de témoin, Silvio Berlusconi a, une nouvelle fois, fustigé la magistrature italienne, qu’il voit comme un « cancer de la démocratie ». Le chef du gouvernement s’estime victime de persécution et dénonce de la part des juges des « tentatives réitérées de subversion ». FRANCE
Hollande voit du pays AVANT MÊME LE DÉPÔT OFFICIEL des candidatures, fin juin, la campagne de la primaire pour l’élection présidentielle de 2012 fait rage au Parti socialiste français. Tôt lancé dans la bataille (la primaire n’aura lieu que les 9 et 16 octobre), François Hollande, l’ancien premier secrétaire, s’impose de sondage en sondage comme le principal challengeur JEUNE AFRIQUE
ARRÊT SUR IMAGE
Éric Gaillard • Reuters
CANNES 2011
Un, deux, trois, sommeil! TOUT LE MONDE A EN TÊTE BIEN DES PONCIFS concernant le Festival de Cannes, dont la 64e édition s’est ouverte le 11 mai : la montée des marches du Palais des festivals par des créatures plus ou moins dénudées, les starlettes torrides et les fêtes jusqu’au bout de la nuit. À en juger par cette projection organisée, le 12, sur la Croisette, on est loin du compte. Mais l’ambiance survoltée des maisons de retraite a aussi son charme.
de Dominique Strauss-Kahn et, parallèlement, cherche à se doter d’une stature internationale qui lui fait encore défaut. Après Alger, en décembre, Bruxelles et Berlin, début mai, il sera à Tunis dans les prochains jours avant de se rendre en France d’outre-mer, aux États-Unis et au Royaume-Uni, le mois prochain. Une manière aussi de partir à la rencontre des 1,5 million de Français de l’étranger. L’élection présidentielle aura lieu les 22 avril et 6 mai 2012. ITALIE
Vaste coup de filet antimafia OPÉRATION EXTRAORDINAIRE , a dit le ministre de l’Intérieur. La police italienne a, le 10 mai, saisi environ 900 propriétés, 23 sociétés, divers véhicules de luxe, 230 terrains JEUNE AFRIQUE
et chantiers, ainsi que 200 comptes bancaires appartenant aux Mallardo, un clan de la Camorra, la mafia napolitaine. Valeur totale des biens saisis : plus de 600 millions d’euros. Sept personnes ont en outre été interpellées, parmi lesquelles Feliciano Mallardo, il capo (« chef » présumé). Le clan était parvenu à mettre en coupe réglée des pans entiers de l’économie napolitaine : production et distribution de café, commerce de boissons en gros, immobilier, produits parapharmaceutiques, paris, etc. ÉTATS-UNIS
Scandaleux Mr Cheney IL FALLAIT S’Y ATTENDRE. Homme fort de l’administration Bush, Dick Cheney n’a pas tardé à
réagir à l’élimination d’Oussama Ben Laden par un commando des Navy Seals. On sait que c’est, en partie, grâce aux aveux de plusieurs djihadistes capturés – en particulier Khaled Cheikh Mohammed, le « cerveau » des attentats du 11 Septembre – que le chef d’Al-Qaïda a pu être localisé, puis assassiné. Or ces aveux ont été obtenus, à l’instigation de Cheney, Donald Rumsfeld et quelques autres, par des méthodes (simulation de noyade, notamment) qui s’apparentent à de la torture. Que l’ancien vice-président en profite pour s’attribuer une part du mérite de l’opération, soit, c’est de bonne guerre politicienne. Mais que, sur sa lancée, il réclame le rétablissement de ces pratiques, vite prohibées par Barack Obama après son accession au pouvoir, est simplement scandaleux. N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
15
SIM CHI YIN/THE NEW YORK TIMES-REDUX-REA
16
Chine Parfum de révolte
De peur que les révolutions arabes ne « contaminent » leur pays, les dirigeants chinois ont pris des mesures radicales contre un agent subversif : la fleur de jasmin !
S
a fragrance a beau être enivrante, le jasmin, pourtant ingrédient essentiel du thé, n’est plus en odeur de sainteté en Chine communiste. Depuis que les Tunisiens ont qualifié les événements ayant abouti au renversement de Ben Ali de « révolution du Jasmin », cette fleur à première vue inoffensive passe, aux yeux des dirigeants du Parti communiste chinois, pour un dangereux agent subversif. Dès février, lorsque des appels anonymes à une insurrection ont bourgeonné sur internet, le nom de « jasmin » a été bloqué par intermittence dans les messages textes des téléphones portables. Une vidéo du président Hu Jintao chantant une célèbre ode à la fleur, écrite sous la dynastie Qing, a été
retirée de la Toile. Annulé également, le Festival culturel international du jasmin, prévu cet été. Outre des démocrates, des blogueurs et des artistes emprisonnés, cette guerre horticole a fait d’autres victimes: les cultivateurs du district de Daxing, aux abords de la capitale. En mars, la police a interdit la vente de jasmin sur les marchés aux fleurs de Pékin ; depuis, son prix a été divisé par trois. De nombreux producteurs ont reçu la visite de la police. Certains ont dû s’engager par écrit à ne pas vendre cette fleur dissidente; d’autres racontent avoir reçu l’ordre de signaler tout client potentiel, et de noter sa plaque d’immatriculation. Selon les reporters du New York Times qui ont enquêté sur ce phénomène, la
Y AURAIT-IL DE « MAUVAISES GRAINES » sur les marchés aux fleurs chinois ?
plupart de ces producteurs n’ont reçu aucune information sur les raisons de cette prohibition, et ce n’est pas internet, sur lequel les appels à la révolte ont été largement censurés, qui aurait pu les éclairer. Bref, cette affaire est entourée de tant de mystère que beaucoup sont persuadés que « jasmin » est un nom de code utilisé par la secte clandestine Falun Gong pour renverser le Parti communiste! Au centre horticole de Jiuzhou, au sud de la capitale, le bruit court que la plante vient de la zone radioactive de Fukushima, au Japon… BUSINESS. Mais comme souvent en Chine, le commerce a vite pris le dessus. Des branches de jasmin en fleur ont réapparu sur les marchés au début du mois de mai, à des prix si bas que les acheteurs n’y ont pas résisté. Reste que la plupart des fleuristes refusent de parler à des étrangers ou leur conseillent d’acheter plutôt des roses ! ● CONSTANCE DESLOIRE
À SUIVRE LA SEMAINE PROCHAINE
25 MAI
Comme chaque année, la Journée de l’Afrique célèbre l’anniversaire de la création de l’OUA, l’ancêtre de l’UA. C’était à Addis-Abeba, en 1963.
N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
26-27 MAI
Au menu du sommet du G8 de Deauville (France) : la création d’un fonds mondial de lutte contre le trafic de drogue, et un plan d’aide à laTunisie et à l’Égypte.
28 MAI
Pour son 50e anniversaire, Amnesty International lance Bulletproof, un jeu destiné à sensibiliser les utilisateurs d’iPhone au combat de l’ONG contre la peine de mort. JEUNE AFRIQUE
La semaine de J.A. Décryptage
18
VINCENT FOURNIER/J.A.
les bureaux du Programme des nations unies pour le développement (Pnud) dans lesquels ils s’étaient réfugiés après la prestation de serment de leur champion, a échouéenrevancheàobteniruneamnistie pour AMO, qui reste dans le collimateur des radicaux du régime.
Gabon Mba Obame en sursis
La levée de son immunité parlementaire ouvre la voie à des poursuites judiciaires contre l’opposant qui s’était autoproclamé président.
«
U
n opposant comme lui, onlepréserveet,surtout, on n’en fait pas un martyr », ironise Ali Bongo Ondimbaàproposdesonrival,AndréMba Obame(alias«AMO»).Le5mai,peuaprès que les députés de la majorité ont levé – en l’absence de l’intéressé – l’immunité parlementaire de l’ancien candidat à la présidentielle,parailleursdéputéduHautKomo (Woleu Ntem), ce dernier a accusé le pouvoir de planifier son « élimination physique ». Ce que dément évidemment
l’entourage présidentiel. Il n’est pas non plus question, pour l’instant, d’ordonner l’arrestation de l’opposant, qui vit toujours dans sa résidence de Libreville. Pourtant, la machine judiciaire est en marche contre l’ancien ministre de l’Intérieur, qui s’est autoproclamé vainqueur de la dernière présidentielle plus d’un an après l’élection, a prêté serment comme chef de l’État en janvier et a nommé un gouvernement dans la foulée. La médiation de l’ONU, qui avait permis aux opposants d’évacuer sans dommages
« TROUBLE À L’ORDRE PUBLIC ». Le 4 mars, une requête du procureur général de Libreville demande la levée de l’immunité parlementaire du député, augurant une saisine prochaine de la justice. « Depuis le 25 janvier, on m’a accusé de hautetrahison,deporteratteinteàlaforme républicaine de l’État et, maintenant, de trouble à l’ordre public », énumère l’opposant. Désormais justiciable, le secrétaire exécutif de l’Union nationale (UN) – son parti dissous en janvier par les autorités – pourrait comparaître libre devant des juges de droit commun. En dépit de son rapprochement avec le pouvoir, l’ancienne opposition radicale incarnée par l’Union du peuple gabonais (UPG) de Pierre Mamboundou n’a pas assisté à la séance plénière du 5 mai, à l’instar des élus de l’UN. On le voit, le cas Mba Obame divise les Gabonais, habitués par Omar Bongo Ondimba à régler les litiges autour de l’arbre à palabres plutôt que devant des juges. Demandé par le chef de l’État avec l’accord de toute la classe politique, le probable report des législatives initialement prévues en fin d’année apportera peut-être répit et sérénité aux différents protagonistes. ● GEORGES DOUGUELI
LE DESSIN DE LA SEMAINE
Glez DÉMOCRATIE TONTON M’A DIT…
IL NE CROIT PAS SI BIEN DIRE, « tonton » Mitterrand, dont le trentième anniversaire de l’élection à la présidence française vient d’être célébré. Malin, il avait profité de la chute du mur de Berlin pour dire à ses pairs africains, en juin 1990 à La Baule : « Démocratisez vos pays, et vous aurez une prime. » Las ! vingt et un ans plus tard, la démocratie marque le pas. Une fois au pouvoir, les dirigeants perdent le nord. Feu « papa » Houphouët doit bien regretter l’époque où il se battait contre lui-même pour être élu et réélu avec plus de 90 % des suffrages ! N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
JEUNE AFRIQUE
ILS ONT DIT
« Dans vingt ans, l’Afrique aura la plus forte proportion de population active au monde, et elle deviendra l’atelier du monde à la place d’une Chine vieillissante. »
RENAUD DE ROCHEBRUNE, envoyé spécial (voir aussi pp.126-128)
France Me Collard et la sirène
RICHARD DAMORET/REA
ILS S’AVANCENT AVEC DES PUDEURS DE ROSIÈRE, mais tout le monde l’a compris : l’affaire est sérieuse. Après Robert Ménard, le fondateur de Reporters sans frontières (RSF), qui a déjà succombé aux sirènes lepénistes – pardon, « marinistes » – mais ne tient pas trop à ce que ça se sache, c’est au tour de Me Gilbert Collard, avocat de causes pas toujours défendables – dont celle de Laurent Gbagbo –, de ne point se montrer insensible au chant de la Circé de Saint-Cloud. « Je n’ai pas changé, c’est le Front national qui a changé », plaide-t-il dans une interview à l’hebdomadaire Valeurs actuelles. Ancien mitterrandiste rallié, un temps, au radicalisme valoisien, il n’envisage pas, dans l’immédiat, d’adhérer à la formation fondée par Jean-Marie Le Pen, qu’il affronta jadis dans un débat télévisé à couteaux tirés, et aujourd’hui présidée par Marine, son « amie de longue date ». Mais il n’exclut pas de porter ses couleurs lors des prochaines municipales à Marseille. ● JEAN-MICHEL AUBRIET JEUNE AFRIQUE
LIONEL ZINSOU Homme d’affaires franco-béninois
« François Mitterrand est aujourd’hui adulé, mais il a été l’homme le plus détesté de France, ce qui laisse pas mal d’espoir pour beaucoup d’entre nous. » LAURENT FABIUS Ancien Premier ministre français
« Nous avons affaire à un Tiananmen
arabe. C’est toute la famille Assad qui doit figurer sur la liste des sanctions. » GUY VERHOFSTADT Leader du groupe libéral au Parlement européen (à propos de la situation en Syrie)
« Je refuse beaucoup de films à Hollywood. Il y a des acteurs fabuleux là-bas. Mais que c’est difficile d’y travailler ! C’est un cauchemar à la Kafka. C’est le dernier pays communiste ! » GÉRARD DEPARDIEU Acteur français
«
La Tunisie est un volcan assoupi. Mais qui se réveille. D’ailleurs, je n’aime pas trop l’expression “révolution du Jasmin”. C’est trop fleuri, trop “office du tourisme”, et ça efface les souffrances… Je préférerais “la révolution des Figues de Barbarie”. C’est tunisien aussi et c’est plus piquant. » ALIA MABROUK Romancière tunisienne
HICHEM
homosexualité après avoir croisé le chemin de Christian, le fils d’un vieil ami. Et pourtant, ce film rude et âpre nous parle, autant métaphoriquement que réellement, d’un univers très particulier : celui des Afrikaners, devenus une minorité sans pouvoir dans l’Afrique du Sud post-apartheid. Pétri de valeurs conservatrices et élevé dans la méfiance des Noirs – la majorité des hommes de son pays –, François, héritier d’un passé brutal et injuste, ne peut que se sentir mal à l’aise, voire « coupable » envers les autres. Et désarmé quand il fait face à un désir irrépressible jusque-là refoulé. Un beau film, radical et désespéré. Comme la minorité afrikaner aujourd’hui ? ●
VINCENT FOURNIER/J.A.
Cannes 2011 Dur, dur d’être un Afrikaner LES ANNÉES SE SUIVENT et ne se ressemblent pas. Lors du dernier Festival de Cannes, la production africaine avait plutôt été mise en valeur ; ce n’est pas le cas pour cette édition 2011, où le seul film du sud du Sahara retenu en sélection officielle, dans la section « Un certain regard », peut même sembler usurper cet honneur. À première vue en effet, Skoonheid, le second long-métrage du Sud-Africain Oliver Hermanus – déjà remarqué en 2009 pour Shirley Adams, primé dans de nombreux festivals –, n’évoque guère l’Afrique. Ce film narre une histoire de Blancs qui pourrait se passer dans n’importe quelle région du monde. Il raconte la dérive de François, un père de famille sans histoires, qui découvre tout à coup son
19
N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
La semaine de J.A. Décryptage
Djibouti Gouvernement de combat VINCENT FOURNIER/J.A.
JEUNEAFRIQUE.COM
Retrouvez l’interview vidéo de Arnaud Montebourg: «Tous les présidents ont d’abord été des candidats outsiders. »
SONDAGE Obama refuse de publier les photos du cadavre de Ben Laden. Il a… 3
* SONDAGE RÉALISÉ AUPRÈS DES INTERNAUTES DE JEUNEAFRIQUE.COM ENTRE LE 5 ET LE 12 MAI 2011
1
2
1. Tort, c’est le seul moyen de mettre fin aux théories du complot 11 % 2. Raison, elles sont sans doute trop horribles et risquent de renforcer le statut de martyr de Ben Laden 46 % 3. Probablement des choses à cacher sur cette opération 43 % (457 votes)* La majorité d’entre vous ne conteste pas le choix de Barack Obama. Mais vous êtes nombreux à douter de ses motivations réelles. CETTE SEMAINE :
Comment jugezvous l’action d’Alassane Ouattara, un mois après son arrivée au pouvoir? À LIRE AUSSI : Un très discret parlement panafricain. N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
LE PRÉSIDENT Ismaïl Omar Guelleh, réélu le 8 avril pour un troisième et « ultime mandat » – selon sa formule – avait promis du changement. Le 12 mai, quatre jours après son investiture, il a rendu publique la composition de son nouveau gouvernement. Ceux qui spéculaient sur la fin de son binôme avec Dileita Mohamed Dileita en ont été pour leurs frais. Ce dernier, Premier ministre depuis mars 2001, est reconduit. Commentaire d’un familier du sérail : « Pas question de se priver d’un ticket gagnant. » Si Guelleh a gardé la tête de son exécutif, il en a changé de nombreux membres. Pas moins de onze ministres, pour la plupart des dinosaures en place depuis plus d’une décennie, sont remplacés par des quadras bardés de diplômes acquis dans de prestigieuses universités étrangères. Une équipe aux allures de gouvernement de combat en vue de concrétiser les priorités du président : l’eau et l’énergie, la lutte contre le chômage, l’industrialisation et la décentralisation. Conséquence : les deux premiers chantiers (hydraulique et énergie) ont été rassemblés dans le même portefeuille et confiés au Dr Fouad Ahmed Aye, un spécialiste de
IBRAHIM MOHAMED IBRAHIM
20
ISMAÏL OMAR GUELLEH prête serment, le 8 mai, un mois après son élection.
la géothermie. Le nouveau ministre de l’Économie et des Finances, Ilyas Moussa Dawaleh (qui fut directeur de campagne du candidat Guelleh), hérite également de l’Industrie. Parmi les ministres de premier plan non reconduits figurent Ali Abdi Farah (Communication), Osmane Ahmed Moussa (Affaires présidentielles et Investissements) et Abdallah Abdillahi Miguil (Santé, ex-Intérieur). Mais le départ le plus remarqué est celui du ministre de la Défense, Ougoureh Kifleh Ahmed, un ancien chef militaire de la rébellion du Front pour la restauration de l’unité et la démocratie (Frud), signataire des accords de paix en 1994. ● CHERIF OUAZANI, envoyé spécial
Burundi Nduwayo à l’heure des comptes GABRIEL NDUWAYO, ANCIEN FONCTIONNAIRE dans une société caféière, est arrivé à Bujumbura le 11 mai, escorté de policiers canadiens. Soupçonné d’avoir recruté et payé les assassins d’Ernest Manirumva, vice-président de l’Observatoire de lutte contre la corruption et les malversations économiques (Olucome), poignardé à son domicile en avril 2009, il s’était réfugié de l’autre côté de l’Atlantique. Le nom de Nduwayo – réputé proche des services secrets burundais et de la présidence de la République – avait été cité dans les conclusions d’une équipe du FBI américain, venue enquêter à la suite des pressions de la société civile qui se plaignait des lenteurs de la justice locale. À son arrivée à Bujumbura, Nduwayo a été entendu pendant trois heures par le substitut du procureur sans l’assistance d’un avocat. Le 12 mai, il a été transféré dans une prison du sud du pays. C’est là qu’il attendra son procès, prévu en juin. Beaucoup d’observateurs pensent que l’assassinat de Manirumva est bien un crime politique, car l’ancien responsable de l’Olucome travaillait sur des dossiers très sensibles concernant les plus hautes autorités du Burundi. Dossiers qui ont disparu après ce meurtre, que l’arrestation de Nduwayo permettra peut-être enfin d’élucider. ● TSHITENGE LUBABU M.K. JEUNE AFRIQUE
21
Libye Coup de pompe L’armée loyaliste et les insurgés se disputent âprement la moindre goutte d’essence. Résultat : le pays est au bord de la pénurie. Zouara
200 km
Mer Méditerranée
TRIPOLI
TUNISIE
Misrata
SOURCE : THE FINANCIAL TIMES
Az-Zawiya 120 000 barils/jour, opérationnelle à 60 %
Syrte
Tobrouk
El-Beïda
Benghazi As-Sidar
Zueitina ÉGYPTE
Ajdabiya
Ras Lanouf non opérationnelle
LIBYE ALG.
Marsa el-Brega non opérationnelle Champ pétrolier de Sarir
Contrôle des régions pétrolifères Kaddafi
S
Opposition
Contrôle des villes Kaddafi
i l’argent est le nerf de la guerre, le pétrole l’est tout autant. Après trois mois d’affrontements, la Libye, pourtant quatrième producteur du continent africain, pourrait être confrontée à une pénurie à brève échéance. Alors que la production nationale est pratiquement à l’arrêt et que les importations font l’objet d’un blocus de l’Otan, les insurgés comme l’armée fidèle à Mouammar Kaddafi ont de plus en plus de mal à se procurer du carburant.
Opposition
Pétrole Disputée
Raffinerie
Pipeline
d’approvisionnement. Les opposants au régime ont entamé des négociations avec des traders internationaux visant à faciliter l’importation de barils d’essence. PANNE SÈCHE. De la capacité à se
fournir du pétrole raffiné dépend l’issue de la guerre. Si le pays consommait 270 000 barils par jour avant les affrontements (dont la moitié d’essence et de gazole), la demande a fortement crû en raison des besoins militaires. Le régime ne redoute pas seulement de voir son armée tomber en panne sèche. Il craint la réaction de la population, exaspérée par la pénurie qu’ont engendrée les réquisitions. Dans un
BOMBARDEMENTS. Véritable enjeu stratégique, les cinq raffineries du pays sont au cœur d’une intense bataille : deux d’entre elles sont aujourd’hui aux mains des opposants à Kaddafi – lequel a, Véritable enjeu stratégique, de son côté, bombardé les cinq raffineries du pays sont le 7 mai les principaux au cœur d’une intense bataille. dépôts de carburant de Misrata, ville portuaire tenue par les rebelles. Quant à l’unique pays où l’essence coulait à flots et ne coûtait rien, des files interminables raffinerie en fonctionnement tenue par de véhicules se forment. La semaine le clan Kaddafi – Az-Zawiya, à 50 km de Tripoli –, elle ne fonctionne qu’à dernière, des soldats ont ainsi dû tirer des coups de semonce à l’ouest de 60 % de ses capacités. Reliée à des puits de pétrole dans le Sahara, dont Tripoli pour disperser des automobil’exploitation a été extrêmement failistes, contraints d’abandonner leurs ble depuis le début de la guerre, elle véhicules sur place. ● connaît déjà de sérieux problèmes MICHAEL PAURON JEUNE AFRIQUE
Opinionss & éditoriaux éditoriiaux HUMEUR
François Soudan
Pschitt à Tripoli
C
’
était il y a deux mois. Au détour d’une interview télévisée, un Mouammar Kaddafi encore sûr de lui et dominateur menaçait Nicolas Sarkozy de révélations explosives sur le financement de la campagne électorale de 2007. Le lendemain, son fils Seif elIslam, look branché et sourire carnassier de geek oriental, se voulait précis et – à la manière des dirigeants libyens – carrément insultant : « Ce Sarkozy est un clown. Il faut qu’il rende l’argent qu’il a accepté de la Libye. Nous lui avons accordé une aide afin qu’il œuvre pour le peuple libyen, mais il nous a déçus. Nous avons tous les détails, les comptes bancaires, les documents et les opérations de transfert. Nous révélerons tout très prochainement. » Huit semaines plus tard, on attend toujours ces fameuses preuves susceptibles de faire trembler l’Élysée : où sont-elles ? quand sortiront-elles ? Apparemment jamais, tant elles sont soit indicibles, soit – ce qui est de loin le plus vraisemblable – inexistantes. Ennui supplémentaire pour le parrain aux abois et son fils : trois des témoins clés de cette pseudo-affaire se sont fait la belle. Moussa Koussa, dont il apparaît de plus en plus clairement qu’il travaillait main dans la main avec les Français depuis plusieurs années, et Ahmed Kaddaf Eddam et Ali Abdelssalem Triki, qui ont manifestement décidé de ne plus rentrer à Tr i p o l i . C o m m e n t d i t - o n « pschitt » en arabe ? ● N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
La semaine de J.A. Les gens
ABDELHAK SENNA/AFP
22
UN LONG-MÉTRAGE relatant son histoire sortira le 22 juin.
Omar Raddad L’interminable attente Libéré en 1998 à la faveur d’une grâce partielle accordée par le président Chirac, l’ex-jardinier marocain pourrait être définitivement innocenté du meurtre de son ancienne patronne.
S
es cheveux ont blanchi, mais son visage est resté le même, émacié et triste. Dans sa petite HLM de Toulon (sud-est de la France), Omar Raddad, 48 ans, vit dans l’attente : il pourrait être définitivement innocenté du meurtre de son ancienne patronne, Ghislaine Marchal, dont il était le jardinier. Écroué le 27 juin 1991, condamné pour homicide volontaire en 1994, il sera libéré en 1998 à la faveur d’une grâce partielle du président Jacques Chirac. Sur demande de son avocate, Me Sylvie Noachovitch, formulée en janvier 2010, la chancellerie vient d’autoriser de nouvelles analyses des traces génétiques retrouvées le jour du meurtre, le 23 juin 1991. Deux ADN masculins ont été prélevés sur la célèbre inscription en lettres de sang « Omar m’a tuer », que la riche héritière, à l’agonie dans la cave de sa villa
de Mougins (Alpes-Maritimes), aurait tracée sur une porte blanche. « Cela fait dix ans que je me bats, avec Omar Raddad et ses avocats, pour que ces empreintes soient exploitées », assure Roger-Marc Moreau, un détective privé qui travaille avec Me Noachovitch. À l’époque, toutes sortes d’hypothèses avaient été avancées : une contamination postérieure ou antérieure à l’inscription, ou un gendarme qui aurait éternué… Mais Moreau est catégorique : « Il est impossible que cela soit accidentel. Ces deux traces génétiques ont été découvertes en trois points différents, et elles sont bien mélangées au sang de la victime. » Pour tenter de se disculper, Raddad avait accepté, au début de 2001, de se soumettre à une analyse – il paie lui-même le déplacement jusqu’à Paris. Les résultats sont formels : son ADN ne correspond pas.
Cette fois, le parquet de Grasse (AlpesMaritimes) demande à un expert d’isoler les profils génétiques extraits des échantillons de sang. Ces données pourront alors être comparées avec celles du Fichier national automatisé des empreintes génétiques (Fnaeg). Les résultats devraient être connus d’ici à un mois. Encore faut-il que les deux ADN soient exploitables et que les profilsenregistrésauFnaegcorrespondent. « Il est possible aujourd’hui d’identifier le génome complet, assure Moreau. Pour preuve qu’il est exploitable, on a pu dire que l’ADN ne correspondait pas à celui d’Omar Raddad! » D’autant que le « privé » a déjà une petite idée sur l’identité des coupables… « Nous soupçonnons des personnes dans l’entourage de Mme Marchal, avance-t-il. L’une d’elles avait déjà été condamnée pour meurtre, et est d’ailleurs probablement inscrite au Fnaeg. » En outre, des témoins n’auraient jamais été entendus. La défense va-t-elle se pencher sur la piste d’un sosie ? L’hypothèse avait été avancée en septembre 2010 par Bernard Naranjo, un autre détective privé engagé par le père de Raddad, en 1993. «Celaestcomplètementinvraisemblable», lâche Moreau. DÉPRESSION. « C’est un immense espoir
pour la révision de son procès », s’est réjoui Me Noachovitch. De son côté, bien que très déterminé, Omar Raddad n’ose guère y croire. D’autant que deux requêtes en révision ont déjà été déposées, l’une en 2002, l’autre en 2008, en vain. Arrivé en France à l’âge de 23 ans, le Marocain vit aujourd’hui des minima sociaux, avec sa femme et ses deux enfants. Dépressif, il n’est pas autorisé par la médecine du travail à exercer un emploi. La journée, il se rend sur le tournage du film Omar m’a tuer, consacré à son histoire et réalisé par le comédien Roschdy Zem (sortie le 22 juin). Méticuleux, il fait rectifier quelques dialogues et s’assure de la fidélité de certaines scènes. De quoi rendre son attente un peu moins insoutenable. ● JUSTINE SPIEGEL
NOMINATIONS
❘
MEHDI QOTBI CULTURE Le peintre et écrivain marocain a été promu commandeur des Arts et des Lettres par le N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
ministre français de la Culture, Frédéric Mitterrand. C’est la plus haute distinction artistique française. La cérémonie aura lieu le 23 juin.
❘
IBRAHIM SY SAVANÉ CÔTE D’IVOIRE L’ex-ministre de la Communication du gouvernement de
réconciliation nationale a été nommé, le 7 mai, président de la Haute Autorité de la communication audiovisuelle. JEUNE AFRIQUE
EN HAUSSE
23
SHIMON PÉRÈS
Marie-Antoinette Singleton Au nom de ma mère
Le chef de l’État hébreu a estimé le 10 mai, dans une interview au journal israélien en ligne Ynetnews, que l’ouverture de négociations de paix avec les Palestiniens du Hamas était possible.
Installée aux États-Unis, la fille de Simone Gbagbo sort de l’ombre pour organiser la défense de ses parents.
NAOTO KAN Le Premier ministre japonais a annoncé, le 10 mai, qu’il renonçait à son salaire de chef du gouvernement (environ 14 000 euros), jusqu’à la résolution des problèmes de la centrale nucléaire de Fukushima.
I
nterviews dans les médias internationaux, lettre au président Sarkozy, appels téléphoniques répétés aux autorités d’Abidjan… Marie-Antoinette Singleton, fille de Simone Gbagbo et belle-fille de Laurent Gbagbo, se démène pour avoir des nouvelles de ses parents. Les images de l’arrestation de sa famille l’ont poussée à se rapprocher d’Alain Toussaint, organisateur de la «résistance» en France, pour mettre en place un collectif d’avocats chargé d’assurer leur défense. « Les forces pro-Ouattara exhibent ma mère aux badauds contre espèces sonnantes et trébuchantes, dénoncet-elle. Mais, au-delà de la famille, je mène un combat pour la Côte d’Ivoire et pour toute l’Afrique. Mes parents ont toujours lutté pour l’indépendance et la démocratie. »
ABDELKRIM BAHLOUL Après le prix du meilleur scénario au Fespaco et le tanit d’argent au festival de Carthage, le cinéaste algérien a remporté, le 8 mai, à Montréal, le prix du meilleur film au festival canadien Vues d’Afrique avec Le Voyage à Alger.
et Joseph Ehouman Dadji, gendarme de son état, MarieAntoinette Singleton, 37 ans, a passé son enfance à Bassam avec son père et sa sœur. Avant de rejoindre Laurent et Simone à la Riviera Golf, à Abidjan. C’est l’époque des réunions du Front populaire ivoirien (FPI). Elle découvre les figures historiques du parti comme Émile Boga Doudou, Aboudramane Sangaré et Marcel Gossio. « On leur servait le gnamankoudji [jus de gingembre, NDLR] », se rappellet-elle. Élève au lycée Sainte-Marie à Cocody, elle participe parfois aux manifestations. Et se souvient notamment des militaires arrêtant les militants, en février 1992. « Avec mes sœurs, on a appris à apprivoiser la peur », précise cette chrétienne évangélique. Après le bac, elle obtient une licence d’anglais à l’université deOuagadougou,auBurkina.Elledécrocheensuiteun master en administration publique à Atlanta, aux États-Unis, où elle s’installeetépouseunhomme d’affairesaméricain, également évangélique, avec qui elle a trois enfants. Très impliquée dans des associations caritatives et religieuses, elle était, jusqu’au début de l’année, conseillère à l’ambassade de Côte d’Ivoire à Washington, mais elle a quitté son poste pour dénoncer l’éviction de l’ambassadeur Charles YaoKoffi,remplacéparDaouda Diabaté. « Je ne me vois pas servir dans l’administration Ouattara », assène-telle.Uncaractèrebien trempé qui n’est pas sans rappeler celui de sa mère. ● PASCAL AIRAULT JEUNE AFRIQUE
EN BAISSE
YACEF SAADI L’ex-chef militaire de la guerre d’indépendance algérienne, 83 ans, a qualifié de menteuses les femmes qui prétendent avoir pris part aux combats, et les somme de « montrer les traces de balles sur leur corps ». AREZKI DAHMANI Le 12 mai, le professeur d’économie à l’université Paris-XIII a été exclu trois ans de « tout établissement d’enseignement supérieur » pour son implication dans des inscriptions frauduleuses d’étudiants chinois. BROULAYE KONÉ Le chef d’état-major de la garde nationale du Mali a été limogé le 11 mai, avec deux autres chefs de corps. Depuis le mois d’avril, le président ATT mène une opération de nettoyage à la tête des forces armées et de sécurité. N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
LUCAS JACKSON/ISSEI KATO/REUTERS/PASCAL LE SEGRETAIN/AFP/SAMIR SID/D.R.
D.R.
CHRÉTIENNE ÉVANGÉLIQUE. Née de l’union entre sa mère
24
Grand angle
CÔTE D’IVOIRE
N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
JEUNE AFRIQUE
Grand angle
Année zéro
Dévasté par une décennie de crise, le pays doit se reconstruire. Et les Ivoiriens, réapprendre à vivre ensemble. Un chantier titanesque…
PASCAL AIRAULT, MALIKA GROGA-BADA et PHILIPPE PERDRIX
«
C
ISSOUF SANOGO/AFP
’est le début d’une nouvelle ère de réconciliation et d’union entre toutes les filles, entre tous les fils de notre chère Côte d’Ivoire. » Nous sommes le 6 mai, à Abidjan. Le président Alassane Ouattara vient de prêter serment. Derrière le volontarisme affiché et l’emphase propre à ce genre de circonstance, ces quelques mots fixent les défis qui attendent le pays. En Côte d’Ivoire, c’est beaucoup plus qu’une reconstruction qu’il faut engager, c’est la refondation d’un destin commun et partagé par le plus grand nombre. Mais aussi nécessaire soit-elle, cette réconciliation de 21 millions d’Ivoiriens déchirés par plus d’une décennie de crise demandera courage et patience. Ý LES VESTIGES Cela commence, bien évidemD’UNE STATUE ment, par une purge au sein des D’ÉLÉPHANT forces issues du régime Gbagbo symbolisant le régime – ethnicisées et, dans certains Gbagbo, cas, transformées en milices. Cela dans le implique aussi une sévère mise au quartier pasdescombattantspro-Ouattara. du Plateau, Les charniers découverts dans le à Abidjan, le 27 avril. quartier populaire de Yopougon, à Abidjan, et les massacres de Duékoué, dans l’ouest du pays, sont autant de plaies béantes. La Commission pour le dialogue, la vérité et la réconciliationprésidéeparl’ancienPremierministre Charles Konan Banny doit conduire ce qui relève finalement d’une catharsis nationale. Mais quelle nation ? « La Côte d’Ivoire traverse une profonde crise de la citoyenneté. L’occultation de la question nationale durant le régime d’Houphouët-Boigny a produit en retour une puissante logorrhée nationaliste », explique le chercheur Richard Banegas, du Centre d’études des mondes africains (Cemaf) de
JEUNE AFRIQUE
N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
25
Grand angle Côte d’Ivoire Paris. Le funeste concept d’ivoirité a prospéré sur ce terreau et durablement fragilisé l’identité ivoirienne. Les fruits ont été amers. Très amers. À cela s’est ajoutée l’incapacité de la classe politique à régler la succession du « Vieux », décédé en 1993. Henri Konan Bédié a été mal élu en 1995, et Laurent Gbagbo en 2000 dans des conditions que luimême qualifiera de « calamiteuses ». Vainqueur par les urnes, Alassane Ouattara est installé au pouvoir par les armes. Entre-temps, les crispations communautaires se sont exacerbées dans un pays meurtri et balafré. Que pense aujourd’hui la moitié des électeurs qui ont voté Gbagbo le 28 novembre dernier ? Quant à l’autre moitié, sera-t-elle magnanime ou animée par un esprit de revanche ? « En Afrique, le pouvoir est encore trop centralisé, et tout le monde se bat pour y accéder. Conséquence : quand on perd, on met le feu au pays; quand on gagne, on ne s’intéresse qu’à conserver le pouvoir », regrette l’historien sénégalais Mamadou Diouf, enseignant à la Columbia University de New York. Avant de conclure: « Pour conjurer ce rapport de force belliqueux, Ouattara doitconstituerungouvernementd’unionnationaleavec l’ensemble des acteurs politiques. » Un gouvernement au pied du mur. Le chantier est gigantesque.
Rétablir la sécurité
REBECCA BLACKWELL/AP/SIPA
PRÈS DE 30 % DE LA POPULATION A MOINS DE 10 ANS. Des enfants qui n’ont connu qu’un pays en crise.
arbitraires… Les autorités devront remédier à ces problèmes au plus vite et renvoyer les anciens rebelles dans leurs casernes en attendant la constitution d’une nouvelle armée (lire p. 30).
Relancer l’économie
Sans sécurité des biens et des citoyens, pas de reprise Le patronat réalise actuellement un inventaire des des activités. Les Forces républicaines de Côte d’Ivoire dégâts. Peu de chiffres sont encore disponibles, mais (FRCI, militaires pro-Ouattara) ont réduit à néant les le coup a été rude. Tout porte à croire que le pays dernières poches de résistance dans la commune de connaîtra cette année une croissance quasi nulle. Yopougon, à Abidjan. Mais de En fait, depuis décembre, l’économie est à l’arrêt. nombreux miliciens et merLa Confédération générale des entreprises de Côte Vainqueur par les urnes, cenaires – libériens pour la d’Ivoire (CGECI) déplore une perte approximative de Ouattara est installé au plupart – ont réussi à prendre 30 milliards de F CFA (plus de 45,7 millions d’euros) la route de l’Ouest. Le long pouvoir par les armes. dans le seul secteur de la téléphonie. Bon nombre du littoral, ils ont commis des d’opérateurs économiques ont été pillés, particulièexactionsdansplusieurslocalités(Dabou,GrandLahou, rement dans les quartiers de Yopougon, d’Abobo et Sassandra et Soubré), faisant plus d’une centaine de du Plateau. « Pas une entreprise n’a été épargnée », morts. Et ils pourraient trouver des appuis auprès des déclarait la semaine dernière dans nos colonnes le milices pro-Gbagbo encore implantées dans l’Ouest. président la Chambre de commerce et d’industrie de À Abidjan, la police et la gendarmerie peinent à se Côte d’Ivoire, Jean-Louis Billon, qui demande à l’État redéployer. Les commissariats et les casernes ont subi des dédommagements et des abattements fiscaux, sur de lourds dégâts. Le maintien de l’ordre est essentiella TVA et l’impôt foncier notamment, pour favoriser lement effectué par les FRCI, les forces de l’Opération la reprise. des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci) et les miliTout n’est pas perdu. Les banCoup d’arrêt à la croissance économique (en %) ques et les ports sont à nouveau taires français de Licorne. « Nous nous répartissons les rôles et assurons aussi des opérations de sécurisation fonctionnels. La campagne agri4 mixtes, explique Hamadoun Touré, porte-parole de cole est excellente, et les cours des l’Onuci. C’est dissuasif pour les fauteurs de troubles. » matières premières, assez élevés 3 Les anciens « comzones » (commandants de zone – une chance ! Mais le port d’Abiddans le Nord et ex-rebelles aujourd’hui intégrés dans jan est engorgé. « En raison de l’emles FRCI) se sont réparti les différents quartiers où bargo, les entrepôts sont pleins 2 leurs hommes sont censés assurer la sécurité des à craquer, indique un opérateur populations et des entreprises. Censés, car le racket économique. Plus de 1 million 1 des anciens corps habillés des Forces de défense et de tonnes de produits agricoles antérieure nté Prévisions antérieures de sécurité (FDS) de Gbagbo a été remplacé par celui attendent d’être exportées. » Scénario probable des FRCI. Et toutes les exactions n’ont pas cessé. En attendant, il faut d’ores et déjà 0 2006 2007 2008 2009 2010 2011 Dénonciations, règlements de comptes, exécutions préparer la prochaine campagne SOURCE : FMI
26
N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
JEUNE AFRIQUE
agricole. Il y a urgence non seulement pour le cacao (lire ci-dessous), mais aussi pour le coton. Les producteurs ont besoin des engrais en juin, date des premières pluies. La récolte actuelle devra atteindre 170 000 tonnes, et les prévisions sont de 200 000 t pour l’année prochaine. La production d’anacarde (février-juillet) devrait, quant à elle, s’élever à 400000 t. Ces bonnes récoltes pourraient permettre au pays de ne pas tomber en récession, voire d’atteindre 1 % de croissance. Une mission conjointe du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale est attendue à Abidjan pour la fin de mai. « Nous pourrons dresser un état des lieux des finances publiques et étudierons les modalités de la reprise des programmes de coopération financière, explique Madani Tall, directeur des opérations de la Banque mondiale dans la sous-région. Nous discuterons aussi des grands projets de réforme dans les filières stratégiques comme le cacao et les hydrocarbures. L’objectif est d’arriver à plus de transparence et d’orthodoxie financière. »
LUC GNAGO/REUTERS
Année zéro
Réformer la filière cacao
Première ressource de l’État (40 % des recettes d’exportations et 20 % du produit intérieur brut), la filière café-cacao est vitale pour la Côte d’Ivoire. Heureusement, les exportations ont repris, le 8 mai, avec le chargement du premier navire depuis le début
AU PORT D’ABIDJAN, LE 8 MAI, les exportations de cacao ont repris après plus de trois mois d’interruption.
de la crise postélectorale. Environ 500 000 t attendent d’être évacuées. « Seul 1 % des fèves a été dégradé, et les autorités se sont engagées à nous dédommager, explique un trader. La campagne est excellente. On pourrait atteindre entre 1,4 et 1,6 million de tonnes. » Prochain chantier : la réforme de la filière. « Nous créerons une structure publique qui sera la seule à organiser la gestion de la filière, expliquait ● ● ●
QUE FAIRE DE LAURENT GBAGBO ?
SIA KAMBOU/AFP
Ý L’ancien chef de l’État à Korhogo, où il a été ENTENDU, LE 7 MAI, PAR LE PROCUREUR de la République.
EN RÉSIDENCE SURVEILLÉE à Korhogo depuis le 13 avril, Laurent Gbagbo a été entendu par le procureur de la République d’Abidjan, Simplice Kouadio Koffi, le 7 mai, dans le cadre de l’enquête préliminaire contre les époux Gbagbo et les principales figures de leur entourage. Les faits qui JEUNE AFRIQUE
pourraient lui être reprochés, selon le ministre de la Justice, Jeannot Kouadio Ahoussou: atteinte à la sûreté de l’État, achat illégal d’armes et détournement de fonds publics. Le président Ouattara souhaite faire la lumière sur les crimes politiques et économiques commis depuis l’auto-investiture de Gbagbo, le
4 décembre 2010. À l’issue des auditions, le procureur de la République devrait ouvrir une instruction et procéder à des mises en examen. « Nous avons exclu ce qui relève de la compétence de la Cour pénale internationale (CPI), comme les crimes contre l’humanité », précise le ministre ivoirien de la Justice. Les services du procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, ont prévu d’ouvrir une enquête sur « les massacres commis de façon systématique ou généralisée en Côte d’Ivoire ». Laurent et Simone Gbagbo – ainsi que certains de leurs proches – sont donc sous la menace d’un procès à Abidjan et à La Haye. Que risquentils? Des peines d’emprisonnement. En attendant, la justice ivoirienne a d’ores et déjà ordonné le gel des avoirs du couple Gbagbo ainsi que de P.A. 146 autres personnalités. ● N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
27
28
Grand angle Côte d’Ivoire Alassane Ouattara dans son programme électoral. Nous réinstaurerons un prix minimum d’achat [aux paysans, NDLR] garanti que tous les acheteurs seront tenus de respecter. Nous limiterons l’ensemble des prélèvements fiscaux revenant à l’État à 25 % du prix international. » Est également prévue la mise en place d’un prélèvement mutualisé permettant de financer la modernisation des outils de production et des infrastructures rurales (routes, pistes, centres de santé, écoles, eau potable…). Les cacaoyers préparent actuellement une grande rencontre avec le nouveau chef de l’État prévue après son investiture. Il restera enfin à régler la question des barons du cacao, dont le procès – qui doit faire la lumière sur toutes les dérives financières des dernières années – a été ajourné. ●●●
Réviser le foncier
Il faut rééquiper plusieurs ministères. Mais le gouvernement doit surtout redonner aux fonctionnaires le goût du travail. « Nous voulons mettre en œuvre une grande réforme administrative, explique Gnamien Konan, ministre de la Fonction publique et de l’Emploi. Nous voulons une administration qui repose sur l’excellence, la probité et le mérite. » Le ministre a mandaté un comité d’experts. Sont notamment prévus l’accélération de l’informatisation, la révision des concours d’entrée et un meilleur suivi des carrières. « On va également proposer la journée de travail continue (7 h 30-16 h 30) », précise Konan. Les autorités souhaitent ainsi faire baisser l’absentéisme, promouvoir la ponctualité et obtenir une meilleure efficacité au travail. À terme, elles se pencheront également sur la réduction des effectifs qui ont doublé sous l’ère Gbagbo pour atteindre 162 000 personnes. « 43 % de nos recettes fiscales servent à payer les fonctionnaires, indique Konan. Cela coûte à l’État près de 800 milliards de F CFA par an. » Enfin, le ministre souhaite rendre l’administration indépendante du pouvoir politique en recrutant les principaux cadres des ministères au sein d’un grand corps d’inspecteurs d’État. Les hommes du président Toutes ces réformes seront discutées avec les partenaires sociaux.
Le nouveau président va-t-il faire mieux que ses prédécesseurs ? « C’est un dossier sensible qui a exacerbé les tensions politiques au cours des dernières années, mais personne n’a pris le problème à bras-le-corps », regrette un consultant indépendant. Depuis une vingtaine d’années, les conflits fonciers entre populations autochtones, allochtones et allogènes ont fréquemment dégénéré en affrontements meurtriers dans le centre et l’ouest du pays. En cause, outre l’instrumentaL’argentier lisation politique: l’insuffisance de cadastres, CHARLES KOFFI DIBY la pression sur les surfaces cultivables et la Rallié dès le mois de décembre, le ministre de croissance démographique. l’Économie et des Finances a Pourtant, en 1998, la loi sur le foncier rural obtenu le retour des bailleurs était censée régler le problème. Elle reconde fonds. Il lui faut restaurer la naît aux autochtones leur droit sur la terre, confiance et remettre en route tout en accordant aux populations venues l’administration fiscale. d’ailleurs le droit de l’exploiter. Un programme Le réconciliateur national d’enregistrement a été mis sur pied. CHARLES KONAN BANNY Des fonctionnaires ont été déployés sur le Président de la Commission pour le dialogue, la vérité et terrain… la réconciliation, l’ex-Premier Mais le processus a été suspendu faute ministre a le sens du de moyens. Aujourd’hui, moins de 1 % des compromis nécessaire à surfaces exploitables a été cadastré, et la sa tâche : écouter toutes les plupart des propriétaires terriens ne sont pas parties et tourner la page de la violence. en possession de leurs titres fonciers. Cette ambiguïté dans la gestion de la terre Le bâtisseur entraîne une « double imposition » pour les PATRICK ACHI Ministre des Infrastructures exploitants, relève le président de la Chambre économiques, porte-parole du de commerce et d’industrie de Côte d’Ivoire, gouvernement, cet ingénieur Jean-Louis Billon. « Les exploitants agricoles doit piloter les grands chantiers doivent parfois payer des taxes à l’État et des comme le transfert de la taxes coutumières. Il n’y aura pas de dévelopcapitale àYamoussoukro, la réfection du réseau routier et pement du secteur agricole sans régler cette le développement portuaire. question une bonne fois pour toutes. »
Remettre en marche l’administration
Les administrations publiques ont été durement touchées par les combats, notamment dans le quartier du Plateau, à Abidjan.
N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
Le planificateur ALBERT MABRI TOIKEUSSE Originaire de Danané, l’allié de l’Ouest de Ouattara a hérité du portefeuille du Plan et du Développement. De quoi se mettre en valeur en dessinant la Côte d’Ivoire du futur.
Restaurer la police et la justice
C’est évidemment l’une des priorités. Les forces de police sont sous-équipées tandis que les tribunaux fonctionnent avec très peu de moyens. Avec de l’argent frais, ces difficultés peuvent être résorbées. Il sera, en revanche, plus ardu de rétablir la confiance entre les populations et l’appareil judiciaire, devenu une machine prédatrice. « Si vous ne voulez pas mouiller la barbe, inutile d’espérer que vos papiers soient prêts en temps et en heure », témoigne un Abidjanais. « Mouiller la barbe » : une expression courante pour désigner un bakchich. Comptez une à deux semaines pour un certificat de nationalité ou un extrait de casier judiciaire. Beaucoup plus si vous ignorez les coups d’œil appuyés du clerc de service. Pour ce qui est des procédures judiciaires, il faut s’armer de patience. Les délais sont longs et c’est compter sans les soupçons de corruption qui pèsent sur les magistrats, aussi bien du parquet que du siège. La police, ethnicisée, a été complètement discréditée par le racket quasi généralisé. « Le nouveau gouvernement devra améliorer le recrutement des agents de police et surtout mieux les former », commente un opérateur économique. Le 6 mai, l’Union JEUNE AFRIQUE
Année zéro
EMANUEL EKRA/AP/SIPA
29
européenne a débloqué une première tranche des fonds promis à la Côte d’Ivoire : 18 millions d’euros sont dévolus à la justice et à la police.
Rénover le paysage médiatique
Des riverains assistent, le 5 mai, à L’EXHUMATION D’UN CHARNIER DÉCOUVERT DANS LE
française Reporters sans frontières craint un développement de la « pensée unique » du fait de « l’absence de presse d’opposition ». Conseil supérieur de la publicité, fonds de soutien à la presse, organisations professionnelles… Les structures existent pour favoriser un développement plus harmonieux du paysage médiatique. Dans le domaine audiovisuel, de nouvelles radios et télévisions privées devraient faire leur apparition. Mais seul le décollage de l’économie – et du marché publicitaire – permettra l’émergence de groupes de presse indépendants. ●
QUARTIER DE Alassane Ouattara a nommé Pascal Brou Aka, aniYOPOUGON, mateur du débat historique qui l’a opposé à Laurent à Abidjan. Gbagbo, à la tête de la Radio Télévision ivoirienne (RTI) et Venance Konan, journaliste écrivain, à celle de Fraternité matin, le quotidien gouvernemental. Hamed Bakayoko, le ministre de l’Intérieur qui assure l’intérim L’AIDE INTERNATIONALE SE RÉORGANISE de celui de la Communication, a appelé les journalistes à plus de responsabilité. « Les médias de la EN ATTENDANT une prochaine réunion des bailleurs de fonds pour définir leurs haine, c’est fini ! » a-t-il expliqué. nouvelles priorités pour le pays, plus de 530 millions d’euros ont été promis à la Va-t-on vers une presse moins parCôte d’Ivoire. Une partie par l’Agence française de développement (AFD), qui a tisane ? « Il faut que les patrons de signé, fin avril, avec les nouvelles autorités un accord de prêt de 350 millions presse aient une approche moins d’euros (200 millions ont déjà été débloqués), et l’autre par l’Union européenne politique et même moins mes(UE), qui a affirmé, dès le 12 avril, mettre à la disposition du pays un don de sianique et qu’ils réfléchissent 180 millions d’euros. Sur ce montant, 44 millions d’euros viennent d’être décaissés davantage à l’économie de leur pour soutenir les filières coton, sucre et cultures vivrières (26 millions) et pour publication », explique Ibrahim aider à la réforme de la justice (18 millions). L’UE a aussi promis le redémarrage Sy Savané, ancien ministre de la immédiat des projets suspendus pendant la crise: une enveloppe de 70 millions Communication qui vient d’être d’euros, essentiellement destinée aux secteurs de l’électricité et de l’eau. Enfin, la nommé à la tête de la Haute Banque mondiale a annoncé l’apurement des arriérés de la Côte d’Ivoire, ce qui Autorité de la communication doit lui permettre d’atteindre le point d’achèvement de l’initiative en faveur des audiovisuelle (Haca). Beaucoup Pays pauvres très endettés (PPTE). Une mission des institutions de Bretton Woods STÉPHANE BALLONG plus réservée, l’organisation est attendue dans le pays entre fin mai et début juin. ●
JEUNE AFRIQUE
N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
Grand angle Côte d’Ivoire
Armée: effectifs à revoir
Le général Soumaïla Bakayoko, chef d’état-major des ex-Forces armées des Forces nouvelles (FAFN), tente de mettre en place, avec des officiers des ex-FDS, le nouveau commandement d’une armée nationale à refonder intégralement. Les considérations budgétaires entrent dans l’équation: l’entretien des ex-FDS, particulièrement choyées, coûtait 200 milliards de F CFA (305 millions d’euros) par an. En attendant, l’ordre public est assuré par les FRCI, peu professionnelles, décriées, et dont certains éléments relèvent avant tout de la « bande armée ». « C’est un défi immensepourleprésidentOuattara. Il nous faut dans un premier temps purger les effectifs », explique un proche du chef de l’État.
Entre ex-rebelles, militaires légitimistes et fidèles de Gbagbo en fuite, la confusion règne. La création d’un corps de défense unifié est un immense défi.
PHILIPPE DESMAZES/AFP
30
E
DES COMBATTANTS PRO-OUATTARA en patrouille à Abidjan, le 13 avril.
nprenantuneordonnance, le 17 mars, pour instituer les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), le président Alassane Ouattara signait l’arrêt de mort des Forces de défense et de sécurité (FDS). Si cette décision offrait également un nouveau « logo » aux ex-Forces nouvelles, elle visait aussi, dans l’immédiat, à faciliter le ralliement d’éléments pro-Gbagboavantledéclenchement de la grande offensive militaire sur Abidjan.Celaafonctionné.Enpartie seulement. Car un mois après la chute de Gbagbo et malgré l’allégeance des galonnés au nouveau chef de l’État devant les caméras de télévision, bon nombre de militaires restés fidèles au président sortant sont toujours aux abonnés absents. Disparus dans la nature avec armes et bagages, ils seraient près de 14 000 hommes – sur un effectif global de 60000 – à ruminer l’humiliante défaite militaire subie N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
grâce aux appuis des Français de Licorne et des Casques bleus des Nations unies. Les appels répétés desautoritésnesemblentpasporter leurs fruits. « Les ex-FDS ont besoin d’être rassurées pour regagner les casernes, et ce n’est toujours pas le cas », confie un officier. « BANDE ARMÉE ». Tous les sites
stratégiques(état-majordesarmées, ministère de la Défense, casernes…) sontactuellementoccupés–etsécu-
Les dix anciens « comzones » devraient remiser le treillis et faire valoir leurs droits à la retraite. risés – par des ex-rebelles. C’est ainsi quele«comzone»ChérifOusmane, devenucommandantdesFRCI,apris sesquartiersaucampGallieniets’est installé dans les bureaux du général Philippe Mangou, chef d’état-major théoriquement encore en service.
ÉTAT-MAJOR. La matrice de cette restructuration demeure l’accord de Ouagadougou de 2007: 5000 membres des ex-Forces nouvelles doivent rejoindre la nouvelle armée, et 4 000 autres la police et la gendarmerie. Quant aux dix anciens « comzones », ils devraient remiser le treillis, faire valoir leurs droits à la retraite avec le grade et les avantages acquis dans la rébellion. À la clé également, de fortes primes et éventuellement de prestigieuses affectations comme attachés de défense dans des ambassades – tout cela est en discussion. Une short-list du prochain étatmajor circule aussi. Le général Mathias Doué, patron de l’armée sous Gbagbo jusqu’en 2004, est revenu d’exil. L’autre « nominé » est le général Michel Gueu, un proche duPremierministreGuillaumeSoro. « Ouattara préférera nommer un hommedel’Ouestpourseréconcilier avec cette partie du pays qui a tant souffert»,croitsavoirunfinconnaisseur du dossier. La France aurait suggéré quelques noms d’officiers généraux, tous saint-cyriens. Mais aucun de ces noms n’a « fuité ». Quantàl’appellationdecettenouvelle armée: secret-défense. Seule certitude: ce ne sera ni FDS, ni FRCI. Pour chasser les mauvais fantômes. Et conjurer les « chiens de guerre » issus des deux camps. ● BAUDELAIRE MIEU, à Abidjan JEUNE AFRIQUE
Année zéro
La galaxie Ouattara attendue à l’investiture pourrait être la guest-star surprise. ADO a conservé aux États-Unis son réseau dans les milieux d’affaires. Il fréquente notamment des personnalités comme le financier George Soros. En Israël, il a d’excellentes relations avec Stanley Fischer, le gouverneur de la Banque centrale, rencontré lorsqu’il était au FMI. Côté africain, l’ouest du continent devrait être bien représenté. Le président nigérian Goodluck Jonathan, fraîchement élu, n’a pas ménagé ses efforts pour apporter le soutien de la CommunautééconomiquedesÉtats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), qu’il préside actuellement, à Alassane Ouattara. Tout comme le médiateur de la crise ivoirienne, le Burkinabè Blaise Compaoré, impliqué sur tous les fronts, de la diplomatie au soutien militaire. Le Togolais Faure Gnassingbé était, quant à lui, chargé de convaincre les pays asiatiques. Et le Sénégalais Abdoulaye Wade est monté au créneau pour demander la démission du gouverneur de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), Dacoury-Tabley.
Pour mener à bien les chantiers qui l’attendent, le nouveau président pourra compter sur ses nombreux soutiens à l’étranger. Chefs d’État, patrons et hommes d’influence, ils seront à Yamoussoukro le 21 mai.
U
Bolloré, soutien discret de Gbagbo durant la campagne, mais qui ne veut pas hypothéquer l’avenir de la concession portuaire d’Abidjan. En France, Ouattara a nombre d’autres amis, parmi lesquels Jean-Claude Trichet, le président de la Banque centrale européenne, les socialistes Jacques Attali, Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn, actuel patron du Fonds monétaire inter-
Sarkozy, Bouygues, Strauss-Kahn, Fabius, Attali, Trichet… Les amis français ne manquent pas. national (FMI), ainsi que ses prédécesseurs Michel Camdessus et Jacques de Larosière. GUEST-STAR. Une importante délé-
gation des États-Unis devrait aussi faire le voyage. Johnnie Carson, le Monsieur Afrique du département d’État, est annoncé, mais d’autres personnalitéssontattendues.Hamed Bakayoko, le ministre de l’Intérieur, a laissé entendre que même Obama
FÊTE. Plus neutres, Alpha Condé
LUC GNAGO/REUTERS
ne vingtaine de chefs d’État, des personnalités du monde politique, économique et culturel, une armada de journalistes… L’investiture d’Alassane Dramane Ouattara (ADO), le 21 mai à Yamoussoukro, devrait prendre des allures de grand-messe. Plus de un millier d’invitations ont été envoyées dans le monde entier. Marcel Amon Tanoh, directeur de cabinetduprésident,etPatrickAchi, ministre des Infrastructures, respectivement président etvice-président du comité d’organisation, sont à la manœuvre.Côtéévénementiel,c’est l’agence Public Système Hopscotch qui organise la cérémonie. NicolasSarkozydevraitemmener dans son avion de très nombreuses personnalités, à commencer par Martin Bouygues, ami de longue datedesOuattara,etPatrickBalkany, le maire de Levallois et émissaire officieux en Afrique. Anne Méaux, présidente d’Image 7 et nouvelle communicatrice d’ADO, est égalementattendue.ToutcommeVincent
IL A DÉJÀ PRÊTÉ SERMENT, le 6 mai, au palais présidentiel d’Abidjan. JEUNE AFRIQUE
(Guinée), Amadou Toumani Touré (Mali) et Ellen Jonhson-Sirleaf (Liberia) pourraient faire le déplacement. En Afrique centrale, Ali Bongo Ondimba (Gabon) a donné son accord. Denis Sassou Nguesso (Congo-Brazzaville) et Paul Biya (Cameroun), qui entretiennent de bonnes relations avec Ouattara, pourraient être de la fête. Dans le sud du continent, Rupiah Bwezani Banda (Zambie) fera le déplacement. Ouattara l’a connu au FMI, alors que Banda était ambassadeur à Washington. Ce dernier l’a beaucoup aidé à convaincre Jacob Zuma de reconnaître sa victoire. D’ailleurs, une semaine avant l’investiture, nul ne savait si le SudAfricain viendrait. Enfin, Abdou Diouf, secrétaire général de la Francophonie, Jean Ping, président de la Commission de l’Union africaine, et la famille Soglo, au Bénin, ont également été invités. ● P.A. N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
31
Afrique subsaharienne
Aqmi sans
TERRORISME Les djihadistes ont perdu leur chef charismatique. Si certains prédisent leur affaiblissement progressif, dans l’immédiat, ils pourraient se radicaliser davantage.
CHRISTOPHE BOISBOUVIER
L
a mort d’Oussama Ben Laden est-elle uncoupdurpourAl-QaïdaauMaghreb islamique (Aqmi)? Sans aucun doute. Enseptembre2006,lesdjihadistesalgériens ont fait allégeance à Ben Laden. Aujourd’hui, ils sont groggy et s’en cachent à peine. Le 8 mai, dans un communiqué diffusé sur internet, Aqmi lance : « Ne pleurez pas le cheikh [Ben Laden, NDLR]… Levez-vous plutôt et marchez sur ses pas… Levez-vous et contrecarrez l’agression américaine sioniste injuste avec toute votre puissance et votre énergie. » Danscecommuniqué,Aqmiseconsoleendisant: « Les événements qui secouent le monde arabe ne sont qu’un fruit parmi les fruits que le djihad a récoltés, et dans lequel le cheikh a joué un rôle de premier plan. » Sous-entendu : Ben Laden a lancé le printemps arabe. Il meurt au bon moment. En réalité, pour Aqmi, la mort de Ben Laden tombe très mal. Six mois plus tôt, le 27 octobre 2010, le chef d’Al-Qaïda faisait un geste important à l’égard du mouvement d’origine algérienne. Pour la première fois, il le citait dans l’une de ses déclarations. Mieux, il reprenait à son compte la dernière action terroriste d’Aqmi – l’enlèvement, le 16 septembre, de sept expatriés à Arlit, au Niger.
SUCCESSION. Ce jour d’octobre, l’émir algérien
d’Aqmi, Abdelmalek Droukdel, a dû crier victoire. Après sept années d’efforts, il obtenait enfin la reconnaissance personnelle de Ben Laden, le chef charismatique. Aujourd’hui, tout s’écroule. Comme l’explique le spécialiste du monde arabe Mathieu Guidère*, « la mort de Ben Laden, c’est la perte par Aqmi de la dimension politique et internationale de ses actions terroristes ». Bien sûr, Al-Qaïda va se donner un nouveau leader. Si c’est l’Égyptien Ayman al-Zawahiri, les liens avec Aqmi vont perdurer, car Zawahiri et Droukdel correspondent depuis plusieurs années. Si le Libyen Abu Yahya al-Libi prend du poids au sein du nouvel appareil d’Al-Qaïda, Droukdel ne N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
SIFAOUI MOHAMED/SIPA
32
LES HOMMES DE MOKHTAR BELMOKHTAR, L’UN DES CHEFS DE L’ORGANISATION, EXPOSANT LEUR ARSENAL, EN
NOVEMBRE 2010. Depuis, le groupe terroriste a profité du chaos libyen pour acquérir de nouvelles armes.
pourra que s’en réjouir. Al-Libi a suivi des études coraniques à Nouakchott et a épousé une Mauritanienne. Mais Ben Laden ne sera pas facile à remplacer. C’était un symbole. Et par son charisme, il fédérait. Quand il adoubait quelqu’un, il déléguait son autorité. Droukdel en a profité. Aujourd’hui, les vieilles divisions du temps du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) – l’ancêtre d’Aqmi – risquent de resurgir. Pronostic d’un ex-négociateur : « En fait, la mort de Ben Laden va affaiblir Aqmi progressivement. » Pour l’heure, Aqmi est sous le choc, mais n’est pas affaiblie, loin de là. Au contraire, à Bamako, le nouveau ministre des Affaires étrangères, Soumeylou Boubèye Maïga, redoute à présent une « fuite en JEUNE AFRIQUE
Afrique subsaharienne
Ben Laden SIFAOUI MOHAMED/SIPA
Rivalités entre émirs
SIFAOUI MOHAMED/SIPA
Abdelmalek Droukdel L’Algérien est l’artisan de l’allégeance à Al-Qaïda en 2006. La disparition du leader pourrait le fragiliser. D’autant que cet ancien du GSPC est retranché en Kabylie, loin des unités combattantes (katiba) du Sahara.
avant » et une « autoradicalisation » du groupe (Le Monde, 4 mai). À Paris, le chef de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), Bernard Squarcini, craint une « surenchère » des djihadistes et précise : « Aqmi est passée en deux ans de 150 à 400 hommes, avec un cercle logistique de 150 à 200 hommes » – sans doute parle-t-il de la branche saharienne du mouvement, celle que dirigent Abdelhamid Abou Zeid et Mokhtar Belmokhtar dans le nord du Mali. De fait, depuis huit mois, Aqmi multiple les coups d’éclat: sept expatriés capturés à Arlit en septembre – trois ont été libérés en février –, deux Français pris à Niamey en janvier – tous deux sont morts dans l’accrochage qui a suivi avec un commando JEUNE AFRIQUE
Abdelhamid Abou Zeid Algérien lui aussi, réputé pour sa violence, il dirige la principale katiba aux confins du Sahara malien. La prise d’otages est sa spécialité. Il détient encore quatre Français enlevés au Niger en septembre 2010.
français –, et une tentative d’attentats à la bombe à Nouakchott en février – les terroristes voulaient faire exploser 1,7 tonne d’explosifs près de la présidence et de l’ambassade de France! Le conseiller sécurité d’un président sahélien confie : « Après la mort de Ben Laden, les gens d’Aqmi vont certainement tenter quelque chose de spectaculaire. » Un nouveau raid terroriste sur une capitale africaine ? « Pas sûr qu’Aqmi puisse encore le faire, estime notre conseiller. Depuis que les avions français et les satellites américains observent tout ce qui bouge dans la zone, c’est plus compliqué pour eux. L’échec des attentats de février, c’est grâce à la main de Dieu – l’un des véhicules chargés d’explosifs s’est ensablé pendant deux heures à 15 km de Nouakchott –, mais c’est aussi grâce aux écoutes des conversations entre djihadistes. » MISSILES. Leplusgrandsujetd’inquiétude,àl’heure
actuelle, c’est l’arrivée éventuelle de missiles sol-air dans les stocks d’Aqmi. Le président tchadien est sûr « à 100 % » que les islamistes en ont déjà. « Ils ont profité du pillage des arsenaux libyens par les rebelles [de Benghazi] » (J.A. n° 2620). Le conseiller sécurité est moins catégorique: « Les missiles, je n’ai pas la preuve de leur présence chez Aqmi. Mais il est vrai que, depuis la guerre en Libye, les islamistes achètent des armes à tour de bras. Ils passent par des trafiquants toubous et touaregs qui se servent chez les rebelles anti-Kaddafi, mais aussi dans les arsenaux de Kaddafi lui-même, grâce à la complicité de mercenaires. » En janvier, lors de la tentative de libération des deux otages capturés à Niamey, un hélicoptère français a été touché, mais a réussi à se dégager. Demain, si les terroristes sont équipés de missiles… Autre source d’inquiétude: la mise en circulation d’un nouveau type d’explosif, beaucoup moins lourd que celui utilisé lors de l’opération ratée de Nouakchott, mais tout aussi puissant. D’après un spécialiste, « si les terroristes parviennent à s’en procurer, ils n’auront plus besoin de se déplacer en véhicules et seront plus difficiles à repérer ». Au total, la crise libyenne renforce les capacités opérationnelles d’Abou Zeid et de Mokhtar Belmokhtar. « Mais attention, tempère un haut diplomate français, à force de s’équiper et de se surarmer,lesislamistesdudésertmenacentl’Algérie. Et celle-ci va peut-être enfin se mobiliser contre eux. » Longtemps, la mésentente entre Alger et les pays sahéliens a profité aux djihadistes du nord du Mali.Cesderniersmois,Algeramêmereprochéàses voisins du Sud d’accueillir des militaires, des avions N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
33
Afrique subsaharienne et des hélicoptères français sur leur sol. Confidence d’un sécurocrate du Sahel: « Jusqu’à présent, les Algériens ont traîné des pieds parce qu’ils voulaient le leadership dans la sous-région, sans la moindre présence américaine ni française. Le problème, c’est qu’ils n’ont pas les mêmes capacités d’écoute et d’observation que les Occidentaux. J’espère qu’ils vont finir par ouvrir les yeux. » Il reste la question clé: le sort des quatre otages français, enlevés en septembre à Arlit, et de l’otage italienne, capturée en février dans le sud de l’Algérie. Après la mort d’Oussama Ben Laden, leurs proches sont partagés. D’un côté, ils craignent que leurs ravisseurs se vengent sur eux. De l’autre, ils espèrent que les négociations vont devenir plus faciles. Du vivant de Ben Laden, Aqmi réclamait le retrait des forces françaises d’Afghanistan. Aujourd’hui, les discussions pourraient prendre un tour moins
politique. Pour la libération des quatre Français, l’organisation réclamerait 100 millions d’euros… En février, leurs trois compagnons de captivité – deux Africains et une Française – ont été relâchés. Une première bonne nouvelle après des mois de guerre ouverte entre Aqmi et la France, « Aqmi a besoin d’argent. depuis l’assassinat de l’otage Michel Germaneau en juillet 2010 La “chance” des otages : jusqu’à l’accrochage meurtrier de leur valeur marchande. » janvier dernier. Surtout, ces trois UN SPÉCIALISTE DU SALAFISME libérationsprouventqu’uncontact a été établi avec les ravisseurs et quedesintermédiairespeuventagir.«Aqmiabesoin d’argent, affirme un spécialiste. La “chance” des otages, c’est qu’ils ont une valeur marchande. » ● * Mathieu Guidère, auteur du Choc des révolutions arabes, éd. Autrement, 2011.
Soumeylou Boubèye Maïga, un ministre en guerre La feuille de route du chef de la diplomatie malienne est claire : placer Bamako au cœur de la lutte contre le mouvement terroriste. NOGUES/JBV NEWS
34
la sécurité d’État (SE), puis, sept ans plus tard, le ministère de la Défense. En 2002 commence la traversée du désert. À la présidentielle de 2007, Boubèye se présente contre ATT. Il arrive sixième, avec 1,46 % des voix. Les deux hommes n’ont plus les mêmes amis mais, entre eux, la complicité demeure. Face à la montée en puissance d’Aqmi, l’ex-patron de la SE prône la plus grande fermeté, et se taille la réputation d’un homme d’ordre et de principes. Les services de renseignements algériens et français apprécient la clarté de ses analyses, et le consultent de plus en plus souvent. ATT aussi, qui le fait venir au palais de Koulouba comme conseiller occulte. RASSURER. Cette année, après les raids
Le nouveau ministre REÇU PAR SON HOMOLOGUE FRANÇAIS, Alain Juppé, le 12 mai.
P
our Soumeylou Boubèye Maïga, son retour aux affaires est une belle marque de reconnaissance de la part du président, Amadou Toumani Touré (ATT). Il faut dire que les deux hommes sont des amis de… trente ans. Entre ATT, le jeune officier, et Boubèye, le brillant journaliste formé au Centre d’enseignement des sciences et techniques de l’information de Dakar
N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
(Cesti), le courant passe tout de suite. En 1991, ils conspirent ensemble. « Lui et moi, on a fait des choses qu’on ne pourrait pas écrire dans nos Mémoires », confie l’un des deux. Une fois ATT au pouvoir, Boubèye devient son conseiller spécial et découvre le charme empoisonné des missions secrètes. En 1993, le président Alpha Oumar Konaré lui confie la direction de
des islamistes sur Arlit, Niamey et Nouakchott à partir de leur sanctuaire du nord du Mali, ATT prend conscience que l’image de son pays est très dégradée. Pour l’Algérie et les États occidentaux, le Mali est le « maillon faible » de la lutte contre Aqmi. Le 7 avril, le président malien nomme Soumeylou Boubèye Maïga aux Affaires étrangères. Sa mission: rassurer les partenaires, placer Bamako au centre du dispositif anti-Aqmi et convaincre les développeurs français de revenir dans le nord du Mali, livré à luimême. Boubèye, 57 ans, ne renonce néanmoins pas à jouer sa carte. Sera-t-il candidat à la présidentielle de 2012? « J’ai le temps de voir venir, mais je ne m’interdis rien. » ● C.B. JEUNE AFRIQUE
Afrique subsaharienne CAMEROUN
Jack Bauer à Yaoundé Gilbert Tsimi Evouna, le représentant du gouvernement dans la capitale, modernise la ville avec des méthodes parfois expéditives. Quitte à agacer les habitants. Ce dont il n’a cure.
Lorsqu’il a fallu procéder à des opérations de « déguerpissement » musclées de populations, il était toujours en première ligne. « Personne ne croyait qu’il oserait raser des habitations de quartiers aussi emblématiques que la Briqueterie, le mont Mbankolo ou encore la vallée du Ceper, mais il l’a fait », indique un habitant de Yaoundé, qui lui reproche de n’avoir pas prévu de plan de relogement. Père de quatre enfants (dont un est décédé), l’édile s’accommode volontiers de son surnom de « Jack Bauer », le héros de la série 24 Heures Chrono aux méthodes expéditives. Pour ses détracteurs, dont Augustin Fouda, fils de l’ancien délégué du gouvernement André Fouda, « tout cela n’est qu’agitation de la part d’un mégalomane qui, n’ayant pas les moyens de ses ambitions, est devenu belliqueux et arrogant ». Les habitants accusent ce militant du Rassemblement La rumeur veut que le délégué démocratique du peuple a toujours un cercueil à portée camerounais (RDPC, au pouvoir)deréduirel’aménade main. En cas de lynchage. gement urbain à un ensemble de jardins publics, sans logements les chances d’accéder à ce poste étaient considérées comme nulles du fait de son sociaux ni voies de contournement. appartenance au clan des Angoks, minoritaires dans la capitale. Mais Paul Biya a RÉALISATIONS. Grâce au contrat de ville déjoué tous les pronostics pour l’y ins2006-2011 par lequel l’État s’est engagé taller, un an après le décès en mars 2004 à financer plusieurs projets, Gilbert de son prédécesseur, Nicolas Amougou Tsimi Evouna a pourtant inscrit à son Noma, dont il avait été l’adjoint pendant actif quelques belles réalisations, dont dix-huit ans. la construction de grandes avenues ou le curage du canal du Mfoundi. Yaoundé SACERDOCE. Depuis, Gilbert Tsimi est devenu plus propre, avec un stationEvouna a fait de l’embellissement de sa nement urbain plus discipliné. Mais, ville un sacerdoce, qu’il accomplit avec selon son entourage, l’ouvrage dont il est raideur et brusquerie, sûr de son fait. le plus fier, c’est le bois Sainte-Anastasie,
NICOLAS EYIDI
I
l n’aime pas les journalistes et le leur fait savoir. Sa dernière saillie : nous recevoir dans son bureau et refuser de répondre à nos questions. « Parce que le président de la République est la seule personne à qui je dois des comptes », assène le super-maire de Yaoundé, la soixantaine plutôt élégante. Mais Gilbert Tsimi Evouna a tort : la population veut comprendre. Depuis sept ans, il intrigue, attendrit, inquiète et agace à la fois. Parmi les multiples chantiers visant à transformer sa ville, certains semblent avoir du plomb dans l’aile. Ainsi, le quartier Tsinga attend toujours les 250 logements de standing censés remplacer les habitations qu’il a détruites en 2008. « Yaoundé doit devenir une capitale moderne », aime à marteler cet ancien élève de l’École nationale d’administration et de magistrature (Enam), dont
Il a été NOMMÉ EN 2005 par le chef de l’État, Paul Biya.
un parc public qui a coûté à la communauté urbaine de Yaoundé (CUY) environ 1 milliard de F CFA (1,5 million d’euros). « C’était son bébé, confie un de ses collaborateurs. Il a suivi le chantier jour après jour, en a inspecté les coins et recoins, et a tenu secrète son intention de le baptiser du prénom de la mère du président. » Sa dernière réalisation, un centre commercial souterrain d’un coût de 310 millions de F CFA, devrait être inaugurée à la fin de ce mois. C’est peut-être parce qu’il cultive la discrétion à outrance que l’édile est aussi controversé. Quand on lui demande s’il est vrai qu’il circule toujours avec un cercueil dans sa voiture, prêt à se faire lyncher, il affiche un sourire énigmatique. Pas sûr cependant que ce cercueil entre dans la petite Lancer blanche qu’il conduit le week-end, sans garde du corps… ● CLARISSE JUOMPAN-YAKAM, envoyée spéciale
35
Afrique subsaharienne
DIAGNOSTIC
Opin nionss &é éditoriaux ditorriaux Professeur Edmond Bertrand*
* Doyen honoraire de la Faculté de médecine d’Abidjan
Peau noire, masque éclaircissant
E
n Afrique subsaharienne, un quart de la population urbaine utilise couramment des crèmes éclaircissantes – une majorité de femmes, mais aussi des hommes. Ces produits, qui inhibent la synthèse de la mélanine, contiennent des substances nocives (dérivés de la cortisone ou de l’hydroquinone, sels de mercure, trétinoïne). Les effets indésirables cutanés sont les plus évidents : hyperpigmentations ou dépigmentations non homogènes, en confettis ou en plaques… que les utilisateurs cherchent à masquer sous d’autres crèmes ! Plus graves sont les lésions de la peau et des capillaires, les infections cutanées ou les mycoses, responsables à Dakar de 10 % des hospitalisations en dermatologie. Pis encore: l’hydroquinone pourrait favoriser les cancers de la peau. Des réactions « allergiques » peuvent se produire. La cortisone modifie le fonctionnement de la glande surrénale et favorise l’apparition d’un diabète ou d’une hypertension. Le mercure est la cause de graves maladies des reins. Enfin, des risques de malformations fœtales existent lorsque la mère utilise des crèmes contenant de la trétinoïne, voire de l’hydroquinone et du mercure. Comment conclure, sinon en mettant en garde contre ces produits éclaircissants? D’autant que la peau noire résiste mieux que d’autres au vieillissement. Et qu’elle est appréciée sur le plan esthétique. ●
N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
BRAHIM ADJI/APA
36
EN 2008, son dernier portefeuille a été celui de la Défense. TCHAD
Kamougué s’en est allé Rival puis ministre d’Idriss Déby Itno, le leader de l’Union pour le renouveau et la démocratie (URD) est mort le 9 mai à l’âge de 71 ans.
É
cohabitation devient vite impossible. tonnante coïncidence : Wadel Les forces de Habré mettent en déroute Abdelkader Kamougué est l’armée régulière à N’Djamena. Le colodécédé quelques heures avant nel Kamougué prend alors la tête d’un la proclamation officielle des Comité permanent dans le sud du pays. résultats de la présidentielle du 25 avril, Le Tchad est pratiquement coupé en deux, qui donnent Idriss Déby Itno vainqueur dès le premier tour avec plus de 88 % des cependantKamouguésemontrefavorable voix. Candidat, Kamougué s’était désisté à un État unitaire décentralisé. in extremis, avant de prôner le boycott. Il est mort à Koumra, dans le sud du Tchad, CONSEILLER À LA PRÉSIDENCE. En où il soutenait les candidats de son parti 1979, lors de la réconciliation nationale, il à des législatives partielles. devient vice-président du Gouvernement Wadel Abdelkader Kamougué a vu le d’union nationale de transition (Gunt) jour en mai 1939 à Bitam, au Gabon, où dirigé par Oueddeï. Mais en 1982, le retour son père, militaire, avait été affecté. Plus de Habré pousse le général Kamougué à tard, il se forme à l’École des enfantsdetroupeàBrazzaville Populaire, il recueille plus et à l’académie militaire de de 30 % des voix au second tour Saint-Cyr, en France. Ce qui fait de lui l’un des premiers de la présidentielle de 1996. officiers formés de l’armée tchadienne. En avril 1975, il joue un rôle s’exiler au Cameroun. Il revient en 1987 important dans le coup d’État contre le et entre au gouvernement. Après la chute président Ngarta Tombalbaye. Membre de Habré en 1990, il sera plusieurs fois du Haut Conseil militaire, Kamougué ministre et même président de l’Assemblée nationale. Populaire, il recueille préfère s’effacer au profit du général Félix Malloum. Mais il prend le portefeuille des plus de 30 % des voix au second tour de Affaires étrangères, de 1975 à 1978. la présidentielle de 1996, face à Idriss Dans le Nord, la rébellion du Front de Déby Itno. En 2008, il devient ministre libérationnationaleduTchad(Frolinat)est de la Défense. Depuis décembre 2010, dirigée par Goukouni Oueddeï et Hissène Wadel Abdelkader Kamougué n’était plus Habré. Celui-ci quitte Oueddeï et rejoint que ministre conseiller à la Présidence. ● le gouvernement de Malloum. Mais la TSHITENGE LUBABU M.K. JEUNE AFRIQUE
Coulisses
Afrique subsaharienne
37
LÉGISLATIVES BÉNINOISES
Boni Yayi conforté La coalition présidentielle devient la première force à l’Assemblée nationale.
ABSTENTION. Moins de 50 % des électeurs
ont voté. « Le scrutin a eu lieu un samedi et cela change tout, fulmine-t-on dans l’opposition. Les gens ont des obligations familiales – mariages, funérailles, baptêmes – et ni les débits de boissons ni les commerces n’ont respecté les consignes de fermeture. » « Les gens se désintéressent des législatives, analyse plutôt un observateur. Pour eux, les députés se perdent en débats politiciens au lieu de régler leurs problèmes, c’est aussi trivial que ça. » Du côté du palais de la Marina, on s’active. Le programme de Boni Yayi prévoit l’instaurationd’unpostedePremierministre, ce qui suppose une modification de la Constitution. La loi n’est même pas en chantier que les tractations vont bon train. « Le ministre d’État Pascal lrénée Koupaki est en bonne position, mais le lobby en faveur de Marcel de Souza, beau-frère du président, est très actif », confie un habitué du Palais. ● MALIKA GROGA-BADA JEUNE AFRIQUE
JAMES AKENA/REUTERS
T
est réussi pour celui dont l’élection dès le premier tour de la présidentielle en mars (avec 53 % des voix) avait été contestée par l’opposition. L’alliance qui soutient le président Boni Yayi, les Forces cauris pour un Bénin émergent (FCBE), a remporté 41 sièges sur 83 aux législatives du 30 avril. Parmi les nouveaux députés, l’épouse du chef de l’État, Chantal de Souza Yayi, qui faisait son entrée en politique. Si la mouvance présidentielle n’a pas la majorité absolue, elle pourra compter sur onze députés « indépendants ». De son côté, avec 31 sièges, la coalition l’Union fait la nation (Un) devient la principale – et seule – force d’opposition. « Cette bipolarisation est une très bonne chose pour lutter contre la transhumance et clarifier le jeu démocratique », explique Léhady Soglo,maireadjointdeCotonouetnouveau député, qui peut à présent espérer devenir le leader de l’Un depuis la défaite d’Adrien Houngbédjiàlaprésidentielle–sondernier combat en raison de la limite d’âge.
MANIFESTANTS DE L’OPPOSITION aspergés par les forces de l’ordre, le 10 mai à Kampala.
OUGANDA BESIGYE PRIVÉ DE L’INVESTITURE PRÉSIDENTIELLE LE 12 MAI 2011, sur le Kololo Ceremonial Ground de Kampala, Yoweri Museveni s’est succédé à luimême comme président de l’Ouganda, poste qu’il occupe depuis 1986. Officiellement invité à la cérémonie, le chef de l’opposition Kizza Besigye (Forum for Democratic Change) a été bloqué pendant vingt-quatre heures à l’aéroport Jomo-Kenyatta de Nairobi. Le 11 mai, il s’est vu refuser l’accès au vol KQ 410 de la Kenya Airways à bord duquel se trouvait l’ancien président kényan Daniel arap Moi.
NIGER CHASSE AUX RIPOUX Le gouvernement nigérien va installer à la fin du mois une « ligne verte » destinée aux usagers de la justice. Le mécanisme est simple : un citoyen victime ou témoin d’une tentative de corruption composera un numéro gratuit ; au bout du fil, sa plainte sera reçue en toute confidentialité. Si les faits sont avérés, le dossier sera transmis au procureur. Les magistrats ripoux sont prévenus.
Il n’a pas pu prendre non plus le vol KQ 414, en fin d’après-midi. Et c’est sous haute surveillance qu’il a enfin pu regagner son pays, dans la matinée du 12. Après avoir été arrêté quatre fois et brutalisé par la police, Besigye venait de passer une semaine à l’hôpital de Nairobi. Les autorités ougandaises nient toute volonté de retarder son retour. Reste que ce retard les arrange bien: Besigye n’aura pas eu le temps de mobiliser ses troupes pour perturber le bon déroulement de la cérémonie d’investiture. ●
ÉNERGIE BIENTÔT UN OLÉODUC EST-AFRICAIN Le projet a été validé par la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC), le 10 mai à Arusha (Tanzanie). Il permettra de relier une raffinerie en projet à Kampala (Ouganda), à Kigali (Rwanda) et à Bujumbura (Burundi). Pour l’instant, ces trois pays sont approvisionnés en produits pétroliers par camions depuis les ports de Mombasa (Kenya) ou Dar es-Salaam (Tanzanie).
TOGO PARIS EFFACE L’ARDOISE La France a annulé, le 12 mai, la totalité de la dette contractée par leTogo, qui s’élève à 101,1 millions d’euros (plus de 66,3 milliards de F CFA). En décembre dernier, Lomé avait atteint le point d’achèvement de l’initiative en faveur des Pays pauvres très endettés (PPTE), et doit ainsi bénéficier d’une réduction de 82 % de sa dette extérieure, soit environ 900 milliards de F CFA. N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
38
Afrique subsaharienne
AFRIQUE-INDE
Un autre modèle? New Delhi renforce chaque jour un peu plus ses liens avec le continent. Le deuxième sommet Afrique-Inde, qui se tiendra du 20 au 25 mai à Addis-Abeba, sera une nouvelle occasion de le démontrer. Enquête sur un partenariat « équitable »… Mais non dénué d’intérêts.
Sud, une diaspora dense, forte de plus de 2 millions d’âmes. Lors du deuxième sommet Afrique-Inde, qui se tient du 20 au 25 mai à AddisAbeba, siège de l’UA (Éthiopie), il sera sans doute beaucoup question de ce riche passé, mais surtout des liens étroits et « mutuellement bénéfiques » que les entrepreneurs et commerçants de l’Inde moderne sont en train d’établir avec leurs homologues africains.
TIRTHANKAR CHANDA
C
«
’ est le partenariat préférédesresponsables africains », disait récemment le Gabonais Jean Ping, président de l’Union africaine (UA), évoquant les liens économiques que le continent est en train de nouer, ou plutôt de renouer, avec l’Inde. Car les relations indo-africaines remontent aux temps anciens, notamment à l’époque de la fameuse route de la soie ou lorsque les voiliers indiens traversaient régulièrement la mer d’Oman pour aller approvisionner en épices et en bijouteries diverses le puissant royaume d’Aksoum.
Plus tard, au XVIe siècle, quand les Portugais tentèrent d’introduire dans les régions côtières des perles de verre de fabrication européenne, ils manquèrent de justesse de se faire jeter à la mer tant les Africains s’étaient entichés des écrins de perle « made in India » vulgarisés par les marins venus de la côte de Malabar. Les échanges entre les deux régions se sont ensuite intensifiés, avec l’arrivée massive en Afrique des manœuvres, puis des boutiquiers indiens dont les petits- et arrière-petits-enfants constituent aujourd’hui, notamment au Kenya et en Afrique du
126,9
Montant des échanges commerciaux avec l’Afrique (en milliards de dollars, import-export) Chine Inde
51
10,6 3 2000
2010
LA FACE CACHÉE TOUT N’EST PAS ROSE dans l’univers de l’« Indafrique ». Corruption, détournement d’actifs et de trésoreries, respect des droits syndicaux, conditions de travail, spoliation de terres…Telles sont les critiques formulées à l’égard des businessmen indiens. C’est dans ce contexte qu’a éclaté en avril l’affaire des îles Agaléga (Maurice). The Hindu, le grand quotidien de l’Inde du Sud, a fait sa une sur ce dossier. L’article se fondait sur des câbles de diplomates américains révélés par WikiLeaks. En 2006, New Delhi souhaitait acquérir les 2 400 ha de terres de l’archipel pour y construire un village de vacances destiné aux touristes fortunés. Mais selon le mémo diplomatique, « l’agenda caché » de l’Inde consisterait à y installer une base militaire et un centre d’écoute. Il serait même question d’exploration pétrolière. L’affaire a ému les parlementaires de PortLouis, au point que le ministre mauricien des Affaires étrangères a dû monter au créneau pour démentir la rumeur concernant la cession de l’île. ● T.C. N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
SOLIDARITÉ SUD-SUD. En effet,
après avoir stagné pendant plusieurs décennies, les relations économiques indo-africaines sont de nouveau sur une pente ascendante. En témoigne la hausse phénoménale des échanges commerciaux bilatéraux, passés de 967 millions de dollars en 1991 à 51 milliards de dollars (38,5 milliards d’euros) en 2010. Parallèlement, les investissements indiens – entre 30 milliards et 50 milliards de dollars – se sont diversifiés, et ne se limitent plus aux pays anglophones de l’Afrique de l’Est et aux États riverains de l’océan Indien, partenaires traditionnels de New Delhi. Ils touchent aujourd’hui l’ensemble du continent, de Dakar, où le géant de l’agroalimentaire Iffco est entré au capital des Industries chimiques du Sénégal (ICS), à Abidjan, où les bus Tata ont fait leur apparition. Cette offensive se déploie dans le cadre d’une politique affichée de solidarité Sud-Sud, fondée sur le développement local et les transferts de technologies. UN IDÉAL GANDHIEN. Cette col-
laboration accrue puise en partie son inspiration dans les propos JEUNE AFRIQUE
PETTERIK WIGGERS/PANOS-REA
39
de Gandhi, père de la nation indienne, qui avait débuté sa carrière politique en Afrique du Sud avant de venir prendre la tête de la résistance populaire contre les occupants anglais: « Le commerce entre l’Inde et l’Afrique consistera à JEUNE AFRIQUE
échanger des idées et des services, et non des biens de consommation contre des matières premières, comme cela se passait avec les Occidentaux colonialistes. » « Coopération équitable », « renforcement des capacités »,
EXPLOITATION AGRICOLE EN
ÉTHIOPIE. La firme indienne qui gère ces terres destine sa production à l’exportation.
« développement durable »… Autant de formules que martèlent les héritiers de Gandhi pour se démarquer des Occidentaux mais aussi des Chinois – surtout soucieux de sécuriser leurs approvisionnements en matières N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
Afrique subsaharienne Afrique-Inde premières – qui les ont précédés en Afrique avec la vigueur que l’on sait. Les projets inscrits dans le Joint Action Plan établi par New Delhi dans la perspective du sommet d’Addis-Abeba font écho à cet idéal gandhien. Cepland’actionprévoitlacréation d’uneBoursed’affairespanafricaine et d’établissements d’enseignement supérieur. Financées par les Indiens, ces grandes écoles, dont certaines vont ouvrir leurs portes dès cette année au Burundi et en Ouganda, proposeront des enseignements de haut niveau dans des domaines aussi variés que le management, la planification de l’enseignement supérieur et les technologies de l’informatique. Des instituts professionnels formeront pour leur part les jeunes adultes à un métier, par exemple celui de joailler-diamantaire à l’India-Africa Diamond Institute qui s’établira au Botswana d’ici à deux ans – neuf autres suivront. L’Inde développe aussi depuis 2004 le Pan-African e-Network, qui sera étendu à terme à tous les pays africains. Ce réseau électronique, qui relie les grandes villes d’Afrique aux universités et aux hôpitaux ultraspécialisés du sous-continent indien, s’inscrit dans un projet de télémédecine et de télé-enseignement. Last but not least, des pourparlers sont en cours entre l’UA et le gouvernement indien pour la création d’une Silicon Valley africaine. Ce projet, dont la localisation n’a pas encore été déterminée, vise à promouvoir la recherche et la création dans le domaine des hautes technologies. MATIÈRES PREMIÈRES. Il serait
toutefois erroné de croire que ces initiatives, pour originales qu’elles soient, sont totalement désintéressées. Tout comme la Chine, l’Inde s’intéresse de près au marché africain des matières premières. « Il ne faut pas se leurrer, affirme Olivier Guillard, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris, à Paris). La priorité des Indiens, c’est d’abord l’approvisionnement en énergie et en ressources minérales, dont N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
le pays a besoin pour soutenir son industrialisation. » Avec tous les petits arrangements clientélistes et affairistes que ce genre de deals suppose. New Delhi a ainsi signé des accords de collaboration avec des pays producteurs pour l’importation de charbon, d’uranium et plus particulièrement de pétrole. Avecunecroissanceéconomique moyenne de 8 % sur la décennie écoulée, le pays a vu ses besoins en énergie monter en flèche. Obligé d’importer jusqu’à 80 % de son pétrole, il doit sécuriser ses sources d’approvisionnement en les diversifiant. Au cours des dix dernières années, New Delhi s’est donc tourné vers l’Afrique et l’Amérique latine afin de réduire sa dépendance à l’égard du MoyenOrient, qui demeure aujourd’hui encore sa principale source d’importations (66 %). Aussi n’est-ce pas un hasard si, en 2007, Abuja a reçu la première visite en Afrique d’un Premier ministre indien – Manmohan
Singh – depuis le déplacement de Nehru en 1962 : le Nigeria est le principal fournisseur africain en brut (11 %) de l’Inde. Juste derrière, le Soudan lui livre annuellement 3,2 millions de tonnes de brut, en échange d’une participation indienne (25 %) au capital de Greater Nile Petroleum Operating Company. New Delhi convoite également les gisements pétrolifères de l’Angola, de l’Ouganda et du Ghana. Pour financer les acquisitions de la
C’est au Nigeria, pays pétrolier, que le Premier ministre Manmohan Singh a effectué son premier voyage africain. société publique Oil and Natural Gas Company (ONGC) dans ces pays, le gouvernement indien vient de créer un fonds souverain qui lui permettra d’être à égalité avec ses concurrents. LE PRIVÉ À L’OFFENSIVE. L’argent
LES MESSIEURS AFRIQUE
FRANÇOIS LENOIR/REUTERS
40
ANAND SHARMA, ministre du Commerce et de l’Industrie.
EN 2009, le gouvernement indien comptait un spécialiste de l’Afrique en la personne charismatique de ShashiTharoor. Secrétaire d’État aux Affaires étrangères, cet ancien diplomate familier des couloirs de l’ONU connaissait sur le bout des doigts les négociations menées sous les lambris des palais africains. Depuis sa démission en avril, c’est Anand Sharma, le ministre du Commerce et de l’Industrie, qui a repris les dossiers. Ce n’est pas un novice en la matière : grand adepte de la collaboration Sud-Sud, il fut l’inspirateur et la cheville ouvrière du premier sommet Inde-Afrique, qui s’est tenu à New Delhi en 2008. ● T.C.
est en effet le nerf de la guerre qui oppose l’Inde à son principal concurrent sur le continent : la Chine. Fort de ses 2 400 milliards de dollars de réserves de change, Pékin rafle la mise. Les investissementschinoisenAfriques’élevaient à 60 milliards de dollars en 2008, soit le double de l’Inde la même année. Face à ce rouleau compresseur, l’atout du sous-continent est son secteur privé particulièrement dynamique, qui n’a pas attendu des initiatives gouvernementales pour se lancer. « La plus grande différence entre les politiques africaines de la Chine et de l’Inde réside dans la nature de leurs stratégies respectives en matière d’investissement. L’engagement de la Chine est une affaire d’État, tandis que c’est le secteur privé qui est à l’avant-garde dans le cas indien », explique le politologue indien Raja Mohan dans les colonnes du quotidien The Indian Express. Les entreprises indiennes ont pris d’assaut quasiment tous les grands secteurs de l’économie africaine, des matières premières à l’industrie automobile, en passant par les infrastructures, la JEUNE AFRIQUE
Un autre modèle ?
JEUNE AFRIQUE
Bharti Airtel, géant des télécoms à la peine
Un an après son arrivée fracassante, le groupe indien doit encore réduire ses charges pour imposer son modèle à bas coût.
SIMON AKAM/REUTERS
téléphonie, l’industrie pharmaceutique ou encore les produits de soins et de beauté. Certaines le font depuis très longtemps, comme le groupe Tata, qui s’est implanté dans les années 1960 : les investissements de ce conglomérat concernent onze pays, dont l’Afrique du Sud, où Tata Steel a construit une fonderie de ferrochrome ultramoderne, dotée d’une capacité de production annuelle de 130 000 t ; et en Ouganda, où tous les autobus sont de marque Tata, le nom du groupe a même fini par devenir synonyme du véhicule en question. Mahindra & Mahindra, l’autre grand du secteur des transports en Inde, commence lui aussi à se faire connaître du public africain grâce à ses véhicules utilitaires et ses tracteurs, qu’il fait fabriquer dans son entreprise sud-africaine flambant neuve. Le groupe ambitionne de vendre sur le marché africain 45000 véhicules d’ici à 2015. Enfin, dans le secteur pharmaceutique, Cipla, le géant du médicament générique, s’est fait une place de choix sur le continent, notamment auprès des personnes séropositives grâce à ses antirétroviraux vendus bien moins cher que ceux des compagnies occidentales. Le laboratoire a récemment ouvert une unité de production en Afrique du Sud. Le dynamisme des privés indiens s’est traduit, au cours des dernières années, par une frénésie d’acquisitions et de prises de participation en Afrique – 80 depuis 2005, pour un montant de 16 milliards de dollars, selon les chiffres de l’agence Bloomberg. Parmi les plus spectaculaires figure bien sûr le rachat des actifs subsahariens de l’opérateur mobile Zain par le géant indien Bharti Airtel (lire ci-contre). Pas de doute, l’Inde est à l’offensive sur le continent. Le premier sommet Inde-Afrique, en 2008, avait consacré cet état de fait. Une manière aussi d’étendre une diplomatie d’influence pour conquérir le Graal : un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU. Et rejoindre au sein de ce cénacle des grandes puissances le voisin chinois. ●
41
E
La marque est
présente dans en neuf mois pour atteindre n 2010, l’arrivée en 16 PAYS AFRICAINS un plancher record en Afrique Afrique de Bharti (ici à Freetown, (0,02 centime d’euros par Airtel avait suscité en Sierra Leone). minute)… sans parvenir à bien des interrogaremettre en cause la domitions de la part des analystes nation du concurrent Safaricom. du secteur des télécoms. L’opérateur, Une situation d’autant plus inconfornuméro un en Inde, pourrait-il reprotable que cette stratégie low cost réclame duire sur le continent son modèle à bas dans le même temps plusieurs milliards coût ? Et surtout, les filiales de Zain, en perte de vitesse mais achetées à prix d’or d’investissements pour mettre à niveau le (8 milliards d’euros), posséderaient-elles réseau de la compagnie. Et ce alors que les ressources nécessaires pour satisfaire la dette nette du groupe est passée en les ambitions du géant fondé par le milun an de 388 millions à plus de 9,3 milliardaire Sunil Mittal ? Un peu plus d’une liards d’euros. Toutefois, quelques indices année après l’annonce de la deuxième montrent que la réorganisation imposée plus grosse acquisition jamais réalisée par un groupe indien Les abonnés du continent hors de ses bases, les résultats n’apportent pas encore le de Bharti montrent que le pari relais de croissance escompté. est loin d’être gagné. S’ils représentent désormais 27,5 % de ses revenus, les abonnés afrià marche forcée aux filiales, notamment cains n’apportent pas encore le relais de l’externalisation de l’informatique auprès croissance escompté. Pis : le chiffre d’affaid’IBM et la délégation de la gestion des res mensuel par utilisateur, actuellement réseaux à Ericsson et Nokia Siemens, de 5 dollars, ne cesse de chuter (de 7 % porte ses premiers fruits. Au premier et 3 % sur les deux derniers trimestres) trimestre 2011, les pertes enregistrées en depuis que le groupe a décidé de casser Afrique (3,5 millions d’euros) ont diminué de 60 % par rapport aux trois mois les prix pour gagner des parts de marché. Au Kenya, les tarifs de communication précédents. ● ont par exemple plongé de plus de 80 % JULIEN CLÉMENÇOT N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
42
Maghreb & Moyen-Orient
TUNISIE
Il faut
sauver
la révolution Face à la dégradation brutale de la situation sécuritaire et à un possible report de l’élection de l’Assemblée constituante, le Premier ministre de la transition invite les citoyens à ne pas céder aux provocations. Et appelle les partis politiques à assumer leurs responsabilités. Mais ces derniers, en particulier les nouveaux venus, sont trop souvent guidés par l’opportunisme.
ABDELAZIZ BARROUHI,
R
à Tunis
évolution ou contre-révolution ? Vigilants, les jeunes continuent de descendre dans la rue pour exprimer pacifiquement leur impatience de voir les objectifs de « leur » révolution se concrétiser. La lame de fond contestataire est encore là. Mais les signes de la contre-révolution se multiplient aussi depuis quelques semaines. Dernier en date, ces mystérieux groupes organisés qui infiltrent les manifestations pour se livrer au vandalisme et à la provocation. Ils rappellent les « baltagia » égyptiens, ces hommes de main ultraviolents recrutés par les partisans de l’ex-raïs pour justifier l’intervention brutale de la police et détourner la révolution de son cours. Instabilité sécuritaire, méfiance grandissante vis-à-vis du gouvernement transitoire, accusé de laxisme face aux résidus de la « machine Ben Ali », telle est la situation quatre mois après la fuite de celui qui a régné sur le pays pendant vingttrois ans. D’autant que les pseudo-révélations de Farhat Rajhi, ministre de l’Intérieur du 27 janvier au 28 mars (lire p. 47), ont mis de l’huile sur le feu, ravivant les craintes d’une confiscation de la révolution. Il n’en fallait pas plus pour que les manifestations – et les violences – reprennent de plus belle. Dans la nuit du 9 au 10 mai, 197 casseurs et pilleurs ont été arrêtés. Mais ce que les citoyens veulent savoir, c’est l’identité de leurs commanditaires. Certains ont mis à l’index le N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
Parti ouvrier communiste tunisien (POCT) et le Mouvement des patriotes démocrates (MPD, Watad), deux mouvements d’extrême gauche, mais leurs dirigeants démentent catégoriquement toute implication des leurs et accusent des milices benalistes financées par des hommes d’affaires proches de l’ancien régime de semer la zizanie. Quels que soient les responsables de ces provocations, la situation est suffisamment grave pour que l’incertitude s’installe et que le désenchantement gagne du terrain. Dansuntelcontexte,l’électiondelaConstituante, prévue le 24 juillet, pourrait être différée. Le Premier ministre de la transition, Béji Caïd Essebsi, affirme qu’il s’en tient toujours à cette date, avant d’ajouter « sauf cas de force majeure ». De son côté, Yadh Ben Achour, président de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, laisse entendre que le scrutin pourrait avoir lieu en Les gens veulent octobre ou novembre. connaître l’identité Face à l’aggravation de la situamanipulateurs. tion et à l’hypothèse d’un report de l’élection, Caïd Essebsi s’est tourné vers les partis, les appelant à assumer leurs responsabilités. « Où sont les partis politiques ? Pourquoi ne nous aident-ils pas à ramener le calme dans la rue en encadrant les manifestants? » s’est-il exclamé à la télévision, le 8 mai. Au nombre de neuf sous Ben Ali (le Rassemblement constitutionnel démocratique
des
JEUNE AFRIQUE
Maghreb Moyen-Orient
AMINE LANDOULSI/WWW.IMAGESDETUNISIE.COM
43
[RCD], cinq partis dits « du décor » membres de l’ex-mouvance présidentielle et trois de l’opposition démocratique), le nombre de partis légalisés est passé à 63 (au 30 avril). Les premiers à avoir obtenu le précieux sésame sont le parti islamiste Ennahdha, le POCT et le Congrès pour la République (CPR), tous trois fondés il y a plusieurs années et longtemps frappés d’interdiction. Difficile de s’y retrouver dans une telle profusion, surtout parmi les nouveaux venus, qui puisent leur appellation dans un vocabulaire passe-partout. D’une façon générale, tous les courants de pensée existants dans le pays sont représentés, de l’extrême gauche aux libéraux en passant par les islamistes. Mais la question du nombre élevé de nouveaux partis se pose, d’autant que beaucoup ont été créés par opportunisme et ne drainent pas grand monde. « Le tamis sera l’électeur », rassure, cependant, Yadh Ben Achour. Aujourd’hui, six grands blocs politiques ont émergé. De leur capacité à accompagner la phase de la transition JEUNE AFRIQUE
UNE FOULE DE
face aux forces de police, le 7 mai, à Tunis.
MANIFESTANTS
avec responsabilité et vigilance dépendent l’avenir de la révolution et celui de la nouvelle Tunisie. Revue de détail.
Tiercé gagnant ?
Ils sont trois partis « légaux » à s’être battus contre la dictature de Ben Ali, contribuant ainsi, avec d’autres mouvements clandestins et la société civile, à l’explosion de la cocotte-minute. Depuis la révolution, les meetings du Parti démocratique et progressiste (PDP, de Néjib Chebbi et Maya Jribi), du Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL, de Mustapha Ben Jaafar) et d’Ettajdid (ex-Parti communiste, d’Ahmed Brahim), dont les adhérents se comptaient par centaines seulement sous Ben Ali et qui étaient fréquemment l’objet de harcèlement et d’intimidation, font enfin salle comble. Ces mouvements sont désormais aux premières loges et jouissent d’un plus grand crédit que la plupart des nouveaux partis, dont on attend qu’ils fassent leurs preuves. Chebbi ● ● ● N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
Maghreb Moyen-Orient
OLIVIER TOURON/FEDEPHOTO.
NICOLAS FAUQUÉ/WWW.IMAGESDETUNISIE.COM
MUSTAPHA BEN JAAFAR (FDTL, proche de l’UGTT).
MAYA JRIBI et NÉJIB CHEBBI (PDP, centre-gauche).
● ● ● et Brahim ont même fait partie des deux premiers gouvernements provisoires de Mohamed Ghannouchi après la déchéance de Ben Ali. On les a vus plus souvent sur les plateaux de télévision que sur le terrain, ce qui leur a permis de donner davantage de visibilité à leurs partis, même s’il a fallu qu’ils se départent de leurs discours contestataires d’antan. Ben Jaafar a, de son côté, préféré décliner un fauteuil ministériel pour rester solidaire de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), des avocats et de la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l’homme (LTDH), principaux soutiens des manifestants durant la révolte populaire, l’idée étant de rester mobilisés pour que les objectifs de la révolution soient mis en œuvre.
Les « ex » du RCD se rebiffent
Le RCD, dont Ben Ali était le président, ayant été dissous en mars sur une décision de justice, des notables qui lui étaient affiliés ont aussitôt créé pas moins de sept partis pour récupérer ses adhérents. Ils ont été immédiatement légalisés. Ahmed Friaa, dernier ministre de l’Intérieur de Ben Ali, a formé Al-Watan (La Patrie) avec le soutien de Mohamed Jegham, lui aussi ancien ministre. Kamel Morjane, l’ancien ministre des Affaires étrangères, a créé Al-Moubadara (L’Initiative). Sahbi Basli, ancien gouverneur et ex-ambassadeur, membre de la Chambre des conseillers (Sénat), a fondé Al-Mostakbal (L’Avenir).
QUESTIONS À | Sadok Belaïd Ancien doyen de la faculté de droit de Tunis
« Des victoires à la Pyrrhus » HICHEM
44
Ð La multiplication des partis est artificielle
C
onstitutionnaliste reconnu, Sadok Belaïd, 72 ans, avait alerté les médias sur la nécessité de mettre en œuvre l’article 57 relatif à la « vacance du Président de la République pour […] empêchement absolu » afin d’éviter définitivement le retour de Ben Ali, et non l’article 56 qui évoque seulement l’« empêchement provisoire » du président. Aujourd’hui, Belaïd décrit les actions menées depuis comme des « victoires à la Pyrrhus ». Et dénonce la prolifération artificielle des nouveaux partis. JEUNE AFRIQUE: Comment décririezvous le paysage politique actuel ?
N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
SADOK BELAÏD : Il est diversifié et largement inconsistant. Il y a beaucoup d’opportunisme. Les gens se sentent pousser des ailes et créent des partis. Je connais trois hommes d’affaires qui l’ont fait et qui envisagent de se présenter à la prochaine élection présidentielle. Il n’y a pas une réflexion approfondie pour présenter une alternative. Cela ne va pas apporter grandchose aux électeurs.
l’article 1 de la Constitution pour stipuler que l’islam est la religion de l’État. Grâce à des initiatives citoyennes, ils espèrent créer un front plus fort que celui d’Ennahdha. Une sorte de pacte républicain, dont l’armée serait le garant.
Y a-t-il des campagnes idéologiques? Il y a une polémique entre laïques et islamistes. Les premiers veulent devancer une arrivée au pouvoir d’Ennahdha, qu’ils soupçonnent de vouloir modifier
Existe-t-il des pays où une sorte de pacte est placé au-dessus de la Constitution ? Oui, un. L’Iran… ●
Êtes-vous favorable à un pacte républicain placé au-dessus de la Constitution ? Non. Et je le leur ai dit.
Propos recueillis par AZ.B. JEUNE AFRIQUE
Maghreb Moyen-Orient Ý KAMEL MORJANE, ancien ministre des Affaires étrangères (Al-Moubadara, centre).
nationalistes, pour le compte du pouvoir. Ils appelaient systématiquement à voter Ben Ali en échange de quelques sièges au Parlement. Au lendemain de la révolution, ils étaient parmi ceux qui se sont fermement opposés à la dissolution des deux Chambres. En vain. Leurs dirigeants ont eu à rendre des comptes et ont, pour la plupart, été écartés. Cas notable, le Mouvement des démocrates socialistes (MDS), leader de l’opposition démocratique dans les années 1970 et 1980 et dirigé alors par Ahmed Mestiri, avant d’être domestiqué par Ben Ali : au lendemain du 14 janvier, son secrétaire général, Ismaïl Boulehya, a dû céder la place à Ahmed Khaskhoussi. Quant à Mohamed Bouchiha, ancien « baron » du Parti de l’unité populaire (PUP) et proche parent de Leïla Trabelsi, il a quitté le parti sur la pointe des pieds et a été remplacé par Houcine Hammami. Le seul dirigeant à avoir échappé à l’éviction est Ahmed Inoubli, maintenu à la tête de l’Union démocratique unioniste (UDU, panarabe). ●●●
ONS ABID
Friaa, Jegham et Morjane devraient cependant figurer sur une liste en préparation classant comme inéligibles à la Constituante les anciens membres des gouvernements Ben Ali. Des vétérans ont fondé deux autres formations se réclamant du Parti socialiste destourien, ancêtre du RCD: le Parti libre destourien démocratique (PLDD), d’Abdelmajid Chaker, et le Parti réformateur destourien (PRD), dont Sami Charbak est le porte-parole. Dernier parti en date, l’Alliance nationale pour la paix et la prospérité, de Kamel Omrane, promu ministre des Affaires religieuses deux semaines avant la chute de Ben Ali, après avoir été le directeur de la radio religieuse Zitouna, fondée par Sakhr el-Materi, gendre de l’ex-chef de l’État. Béchir Fathallah, ancien conseiller présidentiel, a quant à lui créé le Parti républicain pour la liberté et la justice (PRLJ). Les cadres de l’ex-RCD ont collectivement repris du poil de la bête en manifestant publiquement en avril contre le projet visant à les déclarer inéligibles à la prochaine Constituante (uniquement). Les ex-adhérents du RCD conservent, eux, leurs droits civiques d’électeurs.
L’inconnue islamiste
Ennahdha, dont le président est Rached Ghannouchi et le secrétaire général Hamadi Jebali, apparaît comme la principale force organisée de la nouvelle mosaïque politique tunisienne. Légalisé en mars, le mouvement islamiste conduit actuellement son aggiornamento. La grande inconnue est son poids électoral. Mais le mode de scrutin pour l’élection de la Constituante – panaché de listes et de proportionnelle – empêche tout parti, notamment Ennahdha, de remporter à lui seul la majorité. D’une manière générale, le poids du courant islamiste est estimé à environ 20 % de l’électorat. On compte cinq autres nouveaux
DÉFICIT DE NOTORIÉTÉ Réalisée du 4 au 11 avril auprès de 1 828 personnes constituant un échantillon représentatif de l’ensemble de la population, l’enquête de l’Institut de sondage et de traitement de l’information statistique (Istis) apporte de précieuses indications en matière de taux de notoriété et d’appréciation. Des demandes de légalisation étant en cours, l’Istis rappelle qu’il est trop tôt pour mesurer le degré d’adhésion et de popularité.Toutefois, sur les 51 formations reconnues au moment du sondage, 36,5 % des personnes interrogées déclarent n’en connaître aucune et 60 % affirment n’en apprécier aucune.TroisTunisiens sur quatre disent ne se reconnaître dans aucun parti. ● AZ.B.
Ennahdha apparaît comme la principale force organisée du nouvel échiquier politique.
Top 10 des formations politiques Nom
partis de sensibilité islamiste qui se positionnent au centre. Les activistes salafistes du parti Al-Tahrir se sont vu quant à eux refuser la légalisation en raison de leurs objectifs politiques : instauration d’un califat, application de la charia, remise en question du code du statut personnel. Par les incidents qu’ils ont provoqués dans le centre-ville de Tunis et leurs discours dans les mosquées, jugés non conformes à la loi sur les partis, ils se sont de facto inscrits hors du champ démocratique. Pour les ex-partis dits « du décor », c’est la chute finale. Membres de l’ex-mouvance présidentielle, ils se faisaient passer pour des partis d’opposition pour occuper des créneaux idéologiques, surtout
JEUNE AFRIQUE
SOURCE : ISTIS
Partis dans le décor
Taux de Taux notoriété (%) d’appréciation (%)
Ennahdha
54,1
23,2
Ettajdid
34,8
8,3
Mouvement des démocrates socialistes (MDS)
22,6
5,8
Parti démocratique progressiste (PDP)
19,0
4,9
Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL)
14,6
4,8
Mouvement de l’unité populaire (MUP)
18,9
2,6
Congrès pour la République (CPR)
13,2
2,5
Parti des forces du 14 janvier 2011*
8,7
2,4
Union démocratique unioniste (UDU)
13,9
2,2
Parti communiste ouvrier tunisien (PCOT)
16,9
2,1
* Basé à Sfax, ce parti semble tirer sa notoriété du simple fait qu’il a adopté le label « 14 janvier » N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
45
Maghreb Moyen-Orient À gauche toute !
L’Union générale tunisienne du travail (UGTT, principale centrale syndicale), dont les cadres régionaux et fédéraux ont favorisé et encadré les révoltes populaires entre le 17 décembre 2010 et le 14 janvier dernier, joue un rôle majeur au sein de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution. Ali Romdhane, son charismatique secrétaire général adjoint, a fondé le Parti travailliste avec un groupe d’amis dont Abdeljelil Bedoui, l’expert économique de la centrale. Même s’il n’y a pas de lien direct entre le syndicat et le parti, l’étanchéité n’est pas totale. La centrale, bien que traversée par quatre grands courants de pensée, devrait donc avoir au moins un rôle dans les prochaines élections. Ahmed Ben Salah, l’ancien super-ministre de Habib Bourguiba pendant les années 1960, a réactivé le Mouvement de l’unité populaire (MUP, socialiste), qu’il avait fondé du temps de son exil en Europe. Au stade actuel, on compte par ailleurs pas moins d’une dizaine de partis nationalistes arabes, avec les diverses variantes baasistes et nassériennes. Quatre autres se déclarent socialistes et trois de gauche. Les partis d’extrême gauche sont au nombre de six, dont les plus connus sont le POCT (gauche radicale) de Hamma Hammami, le Parti socialiste de gauche (PSG) de Mohamed Kilani et le Mouvement des patriotes démocrates (MPD, Watad) de Chokri Belaïd, l’un des ténors de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution. Avec son physique d’intellectuel bolchévique, Hamma Hammami s’est imposé durant la révolte populaire comme une force avec laquelle il faut compter, malgré la défection, il y a quelques années, de son compagnon de route Mohamed Kilani, qui a fondé le PSG.
ONS ABID
●●●
HAMMA HAMMAMI (POCT, extrême gauche).
HICHEM
46
ALI ROMDHANE (Parti travailliste, émanation de l’UGTT).
NÉJIB CHEBBI EN EMBUSCADE DÈS LA CHUTE DE BEN ALI, le fondateur du PDP s’est fixé comme horizon l’élection présidentielle, qui devait, aux termes de la Constitution, avoir lieu en mars. Néjib Chebbi n’a pas hésité à participer aux deux gouvernements provisoires de Mohamed Ghannouchi, dans l’espoir de séduire l’électorat du parti benaliste. Les destouriens l’encouragent et laissent entendre qu’ils voteront pour lui. Mais le vent a tourné et l’échéance présidentielle de mars a été remplacée par l’élection d’une Constituante le 24 juillet. Chebbi accentue alors son positionnement au centre gauche et adopte un discours antiislamiste pour rallier les centristes. Sauf qu’il découvre que ces derniers ont eux aussi les dents longues, comme les ex-RCD. Machine arrière : pas de vagues avec Ennahdha, d’autant que le mot d’ordre de Rached Ghannouchi est de ne pas polémiquer avec le PDP. Si Ennahdha réussit son aggiornamento et devient fréquentable, cela aboutira, selon Chebbi, à une bipolarisation de la vie politique entre le parti islamiste et… le sien, lequel constituerait un front commun avec le FDTL, Ettajdid et AZ.B. quelques centristes. ● N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
Rentré d’exil, Moncef Marzouki, ancien président de la LTDH et leader du Congrès pour la République (CPR), tente de rattraper le retard pris dans l’implantation de son mouvement en se repositionnant au centre gauche. Du côté des courants panarabistes (nassériens et baasistes), les plus en vue sont le Mouvement du peuple unioniste et progressiste (MPUP), de Béchir Essid, ancien président de l’ordre des avocats, et le Front populaire unioniste (FPU), de Amor Mejri. On retrouve, enfin, Les Verts d’Abdelkader Zitouni, un parti écologiste proche d’Europe Écologie, qui a enfin obtenu la légalisation pour laquelle il se bat depuis plusieurs années.
Balle au centre
Phénomène nouveau dans le paysage politique tunisien, un grand nombre de partis se réclament du centre, du centre droit ou du centre gauche, sans doute pour chasser sur les terres de l’ex-RCD. Au total, on en dénombre une trentaine, dont les sept partis créés par les héritiers du RCD et sept autres qui se positionnent comme libéraux. Il est trop tôt pour mesurer le poids de ces deux courants. Parmi les figures centristes qui commencent à émerger, notamment grâce à une grande visibilité dans les médias, Abdelwahab Hani, du parti Al-Majd, qui résidait en Europe avant la révolution. Afek Tounes (libéral) se veut être le parti du monde des affaires, d’où sont issus la JEUNE AFRIQUE
Maghreb Moyen-Orient
ONS ABID
plupart de ses dirigeants, dont Mohamed Louzir, gérant d’un cabinet d’affaires travaillant pour les grandes entreprises. Le nouveau parti, qui s’est distingué par l’organisation d’un meeting qualifié de « show bling bling », dispose apparemment de grands moyens financiers et d’un réseau de soutien s’étendant de Sfax jusqu’en France. Il incombe à ces six blocs de favoriser la transition démocratique et de protéger la révolution de toutes les provocations. D’abord en laissant de côté les considérations politiciennes pour mieux coller aux réalités sociales et se mettre à l’écoute des citoyens, qui ne sont que 7 % à se reconnaître clairement dans un parti. Ensuite en se montrant constructifs au sein de la Haute Instance, dans laquelle siègent leurs représentants, aux côtés de personnalités dites indépendantes, dont la plupart ont été désignées par le gouvernement, et de membres de la société civile. Restequelespartissontpresqueunanimement opposés aux dérives sécuritaires d’où qu’elles viennent et attachés au droit de manifester. Ils exhortent en outre le gouvernement à être plus
Il a évoqué un « GOUVERNEMENT DE L’OMBRE » et un possible « COUP D’ÉTAT ».
Quelle mouche a piqué Farhat Rajhi?
« Monsieur Propre » pour les uns, incompétent pour les autres, l’ex-ministre de l’Intérieur a mis le feu aux poudres.
L
Un impératif : faire bloc à travers une forme de cohabitation consensuelle. transparent, d’autant que plusieurs d’entre eux estiment que le Premier ministre ménage les responsables de l’ex-RCD et s’accommode des dérapages des forces de police dont il dit qu’elles sont en « crise ». Béji Caïd Essebsi se doit de trouver une forme de cohabitation consensuelle avec les partis les plus représentatifs pour faire face à la contre-révolution et aux casseurs. Et a promis au pays dans son intervention télévisée du 8 mai qu’il ferait dorénavant preuve d’un maximum de transparence et rendrait compte de l’action gouvernementale sous une forme appropriée. ●
BRUNO LÉVY POUR J.A.
Æ ABDELWAHAB HANI (Al-Majd, centre).
JEUNE AFRIQUE
47
imogé deux mois après sa Lorsqu’onluiaproposéleministère nomination à la tête du minisde l’Intérieur vers la fin de janvier, il tère de l’Intérieur, Farhat en a été le premier surpris, parce qu’il Rajhi, magistrat de son état, n’y était pas préparé. Mais le persona affolé le pays avec ses « révélations » nage a séduit ses concitoyens par son fracassantes filmées par deux jeunes franc-parler et par certaines mesures journalistes qui en ont diffusé de radicales qu’aucun homme politique longs extraits sur Facebook le 5 mai. classique n’aurait prises, comme la Même tronqué, l’entretien a aussitôt mise à l’écart d’un grand nombre de relancé la contestation… et les viocadres du ministère. Des mesures lences. La plupart des réflexions de que d’autres ont jugées excessives Rajhi relèvent pourtant davantage ou, à tout le moins, prématurées. des propos de comptoirs – à propos Circonstances aggravantes : Rajhi d’un « gouvernement de l’ombre » décidait sans consulter ni même ou de l’activisme opaque de lobbies. informer le Premier ministre et le L’apprentissage de la liberté d’exprésident. D’où les accusations d’inpression peut parfois être source de compétence et son limogeage. légèreté et de dérapages verbaux. Selon Rajhi, « les gens du Suspicieuse, la population littoral [Sahéliens] ne sont pas a pris ses déclarations disposés à céder le pouvoir, et si les prochaines élections ne pour argent comptant. vont pas dans leur sens, il y aura un coup d’État », notamment si Inquiète et suspicieuse, une partie le parti Ennahdha arrive au pouvoir de la population a pris les déclarapar les urnes. tions de Rajhi pour argent comptant. Dans le contexte actuel, de telles Au point que l’on compte plus d’une accusations sont graves et dangedouzaine de pages qui lui sont consareuses, d’autant que l’armée, fondacrées sur Facebook sur le thème de mentalement républicaine, entend « Rajhi président ». Lui qui a légalisé se maintenir au-dessus de la mêlée plusieurs dizaines de nouveaux partis politique. Furieux, Béji Caïd Essebsi en tant que ministre, il en a désormais a qualifié Rajhi d’« affabulateur » et un, présidentiel de surcroît, et qui d’« irresponsable ». Le ministère de n’a pas besoin de visa de l’Intérieur. la Justice a ouvert une enquête et Il est virtuel et a pour seule adresse Facebook, un réseau planétaire qui pourrait lever l’immunité du magistrat, ce qui soulève les protestations peut faire des miracles, mais aussi de ses confrères. les défaire. ● AZ.B. N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
Maghreb Moyen-Orient salafiste », ont surtout transité par la Libye en 2007. Officiellement toujours, ils ont été « expulsés » de la Jamahiriya en 2008, avec un retour à la case Safi. UNE VIE DISCRÈTE. Dansleportphospha-
AP/SIPA/ABDELJALIL BOUNHAR
48
MAROC
RECONSTITUTION, le 11 mai sur la place Jemaa el-Fna, avec le principal suspect, Adil El Othmani.
De Sidi Moumen à Marrakech L’attentat du 28 avril rappelle celui de Casablanca en 2003. Mais cette fois-ci, les motivations des criminels sont plus obscures.
H
uit ans déjà. Une grande vie de chat pour digérer les conséquences des attentats commis le 16 mai 2003 à Casablanca (45 morts) par de jeunes kamikazes fanatisés, originaires du bidonville de Sidi Moumen. Ce macabre anniversaire est toujoursdiscrètementetdouloureusement célébré au Maroc. Cette année, il a un goût encore plus amer, car les enquêteurs marocains tentent actuellement de relever le défi terroriste lancé le 28 avril au café Argana de Marrakech (17 morts, parmi lesquels neuf Français, dont une fillette de 10 ans). Tout l’appareil sécuritaire du royaume est mobilisé pour faire la lumière sur le carnagedelaplaceJemaa el-Fna.Àladifférence du « 16 mai », le mode opératoire et, plus encore, les mobiles du crime suscitent la perplexité. À Casablanca, l’inspiration salafiste des jeunes kamikazes, décrite de façon troublante dans le très documenté et inspiré roman Les Étoiles de Sidi Moumen, deMahiBinebine(lireencadré),estadmise par les plus sceptiques des commentateurs. Partis des bidonvilles, biberonnés au mythe Ben Laden, les douze kamikazes croyaient que le sang versé dans la capitale économique serait leur carburant pour l’au-delà. Illettrés, désargentés, manipulés, les inconscients renégats d’Allah sont N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
presqueautantvictimesqueceuxqueleurs ceintures d’explosifs ont fauchés. Peu d’évidence en revanche sur les motivations de l’équipe qui a endeuillé Marrakech, sanctuaire économique du tourisme marocain. Pourtant, l’enquête progresse officiellement à grands pas. Moins d’une semaine après avoir déposé son colis piégé à la terrasse du café Argana, Adil El Othmani, 28 ans, a été arrêté à Safi, à 150 km au nord-ouest de Marrakech. Deux de ses complices aussi. Hakim Dah, 41 ans, qui pourrait être « le cerveau » de l’attentat, et Abdesslam Bitar, 28 ans. Les trois hommes, dont les autorités assurent qu’ils étaient « imprégnés d’idéologie
tier, expliquent ceux qui les ont connus, les trois hommes menaient une vie discrète. Hakim Dah, dépité de n’avoir pas obtenu un visa pour émigrer en Europe, « fumait beaucoup de haschich ». Son frère s’était associé avec Adil pour exploiter une petite boutique de « chaussures neuves et d’occasion ». Adil, surnommé « Moul Sebbat II » (le deuxième homme aux chaussures), a également fait un passage au port de Safi, où il « vendait des algues ». Abdesslam Bitar, lui, attendait d’être papa ; l’enfant est né le jour de l’attentat. Tout ce petit monde se retrouvait dans la forêt en bord de mer, à 14 km de Safi, pour se perfectionner dans le maniement des explosifs. Avant, donc, de passer à l’acte le 28 avril en envoyant Adil mettre la Ville rouge à feu et à sang. Selon les enquêteurs, Adil serait arrivé en train à Marrakech. « Déguisé en touriste », guitare à l’épaule, il portait un bob noir, une perruque, des lunettes noires et une veste de jogging. Quelques derniers réglages près du Technopark Maroc Télécom pour le futur déclenchement par GSM de sa bombe et Adil, le faux touriste, s’installe à la terrasse de l’Argana qui surplombe la place Jemaa el-Fna. Il reste le temps de consommer « un café et un jus d’orange », et d’être repéré par trois touristes. Il quitte la terrasse, actionne son téléphone portable pour la mise à feu de la bombe dissimulée dans un grand sac de sport qu’il a confié à la surveillance du garçon de café, prétextant une course urgente. La déflagration est entendue jusqu’à La Mamounia. Pour
NABIL AYOUCH, LES YEUX D’UN KAMIKAZE LE RÉALISATEUR MAROCAIN NABIL AYOUCH s’apprête à tourner une adaptation du roman de Mahi Binebine, Les Étoiles de Sidi Moumen (Flammarion), un livre qui retrace l’itinéraire de la dizaine de kamikazes originaires principalement du bidonville de Sidi Moumen, leur conversion à l’islam radical, en un mot leur manipulation, qui avait conduit à la série d’attentats suicides du 16 mai 2003. Ayouch va donc, au début de septembre, mettre ses jeunes acteurs dans la peau d’apprentis kamikazes. Et Casablanca, la Ville blanche, va servir de décor pour une fiction qui devrait réveiller le traumatisme national provoqué par les attentats. Chez les familles des victimes, mais aussi chez tous les habitants d’un quartier dont le simple nom les a voués pendant des années à l’ostracisme de leurs compatriotes. « Cela va être un tournage un peu spécial, admet Nabil Ayouch. Mais nous allons N.M. le faire sans tabou. L’État marocain nous soutient dans ce projet. » ● JEUNE AFRIQUE
Maghreb Moyen-Orient
BARRAGES. Vigipirate, en vigueur en France depuis 1995, n’existe pas dans le royaume, mais une certaine tension s’est installée. Les barrages à l’entrée des grandesagglomérationsentémoignent.Le processus de démocratisation du Maroc, accéléré par le « printemps arabe » et le mouvementderevendicationdu20février, se poursuit. L’apaisement de la grogne sociale est la priorité budgétaire absolue. Augmentation du Smig de 15 %, réouverture des guichets d’embauche dans la fonctionpublique,maintiendelapolitique
L’urgence sécuritaire, oui, mais sans les excès de la « guerre internationale contre le terrorisme ». de compensation du prix des matières premières et des hydrocarbures : le gouvernement marocain mène désormais une politique « à gauche toute ». Et les équilibres budgétaires, menacés, ne sont pas prioritaires, même si un nouveau plan de privatisations devrait financer cette nouvelle politique sociale. Le programme royal d’Initiative pour le développement humain (INDH) est également renforcé pour accompagner les précieuses activités associatives dans les quartiers difficiles, et la politique « d’éradication » des bidonvilles connaît un coup de turbo. Même si Adil El Othmani n’est pas originaire de Sidi Moumen. Même si ces chantiers sociaux avaient déjà connu un coup d’accélérateur au lendemain d’un certain 16 mai 2003. ● NICOLAS MARMIÉ, à Rabat JEUNE AFRIQUE
ÉGYPTE
Les Frères musulmans entrent en politique On connaissait l’influente confrérie, il faudra maintenant compter avec son émanation politique : le Parti de la liberté et de la justice.
AP/SIPA/KHALIL HAMRA
brouiller les pistes, il se débarrasse de son accoutrement en gare routière de Bab Doukkala et embarque dans un autocar pour Safi, où il rejoint ses complices et sa vieille mère. Son père, lui, vit à Lyon, en France, et, selon la police, travaillerait à la SNCF. Une reconstitution, photographiée et filmée par la presse internationale dans un souci de transparence, a été organisée le 10 mai place Jemaa el-Fnaa, où la circulation des touristes a été restreinte pour la première fois. Bref, l’enquête avance et les autorités, comme le tissu associatif, soulignent que, à la différence de 2003, l’urgence sécuritaire ne s’est pas accompagnéedesexcèscommisjusque-làauMaroc comme ailleurs au nom de la « guerre internationale contre le terrorisme ».
49
L
Après la
réunion e 30 avril, sur le perron de leurs des Égyptiens ont une du BUREAU nouveaux locaux, dans le quartier opinion favorable ou DE GUIDANCE, populairecairotedeMuqattam,les très favorable des le 30 avril Frères musulmans ont annoncé, à Frères. Lesquels ont au Caire. l’issue de la première réunion non clanencore joué la carte de destine de leur Bureau de guidance depuis la modération en renvoyant dos-à-dos les seize ans, la naissance de leur formation salafistes et les coptes impliqués dans les politique : le Parti de la liberté et de la affrontements confessionnels du 7 mai justice (PLJ). « Un parti civil aux fonde(quinze morts). Tout en les qualifiant de ments musulmans », puisque « les partis contre-révolutionnaires. religieux appartiennent au Moyen Âge », La décision du PLJ de ne pas présenter a affirmé son président, Mohamed Morsy, de candidat à la présidentielle de septemet qu’ils sont toujours interdits. bre accroît ses chances aux législatives. Il pourrait alors bénéficier des divisions Bien qu’historique, la création du parti qui traversent les partis laïcs historiques a immédiatement suscité des réserves au sein de ses propres rangs. Beaucoup craignent qu’il Le PLJ entend briguer 50 % ne soit pas assez indépendes sièges lors des prochaines dant de la confrérie. Presque 80 % de ses 8000 fondateurs élections législatives. sont des Frères, et c’est leur Bureau de guidance qui a choisi, parmi (comme le Wafd), naissants (le Parti des ses membres, le président, le vice-préÉgyptiens libres, de Naguib Sawiris), ou sident et le secrétaire général. Pourtant, ressuscités (le Nouveau Parti national, qui le trio était censé être élu. Le processus succède au PND de Moubarak). D’autant aurait pris des semaines, a-t-on répondu que le PLJ est ouvertement disposé à aux jeunes. nouer des alliances avec des laïcs comme Ces critiques risquent-elles d’affecavec des islamistes. Et qu’il entend briguer ter la popularité du mouvement ? Selon 50 % des sièges, au lieu des 30 % évoqués un sondage réalisé par le Pew Research en février. ● Center entre le 24 mars et le 7 avril, 75 % CONSTANCE DESLOIRE N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
Maghreb Moyen-Orient PANARABISME
Ils ont refait un rêve
Les révolutions en cours offrent aux Arabes une occasion historique de surmonter leurs différends pour enfin se regrouper dans une union politique. Sauront-ils la saisir ?
B
ien que l’avenir soit incertain et que le danger continue de rôder à chaque coin de rue, la société arabe est peut-être en train de vivre une exaltante période de renouveau. Dans une euphorie contagieuse, les soulèvements populaires se propagent de pays en pays et offrent aux Arabes une occasion historique, comme il ne s’en présente que toutes les trois ou quatre générations. Il ne faut pas la gâcher. Beaucoup de sang a été versé – en Tunisie, en Égypte, en Libye, au Yémen, à Bahreïn, en Syrie et ailleurs –, mais, dans le même temps, du sang neuf a été injecté dans un système politique sénile et déclinant. Les méthodes de répression et de coercition, qui ont condamné les Arabes à la stagnation et au retard durant des décennies, sont en passe d’être abolies. Dans un élan irrésistible, le « pouvoir du peuple » a desserré l’étau des États sécuritaires. Les Arabes ont brisé leurs chaînes. Dans toute la région, jeunes et moins jeunes sont unis par des aspirations longtemps réprimées. Partout, les mêmes exigences : liberté politique, perspectives économiques et, surtout, dignité. Par-delà les frontières, ils s’encouragent mutuellement, s’imitent. L’expérience des uns enhardit les autres. Les peuples arabes se font plus que jamais écho. La télévision par satellite et internet ont révélé des problèmes communs, rapproché le Maghreb et le Machrek, réveillant indéniablement
Le monde arabe en chiffres POPULATION
346,3
millions d’habitants N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
Par-delà les frontières, LES PEUPLES EN RÉVOLTE HASAN JAMALI/AP/SIPA
50
s’encouragent et se prennent en exemple mutuellement.
un sentiment d’appartenance commune. Les réseaux sociaux tels que Facebook, YouTube et Twitter ont également joué un rôlefédérateur.Sanscesinnovations,l’étincelle allumée en Tunisie par l’immolation d’un jeune marchand ambulant n’aurait peut-être pas mis le feu aux poudres en Égypte, laquelle, à son tour, a inspiré des révoltes en Libye, au Yémen, en Syrie et ailleurs. EXIT L’AUTOCRATIE. Mais quelque chose
de plus profond est à l’œuvre. Avec l’effondrement des autocraties, la région semble connaître un nouvel épisode panarabe. Plusauthentiquequeceluipromujadispar
desleaderscommeGamalAbdelNasserou ses rivaux du parti Baas, ce panarabisme naissant est une union des peuples, et non celle de dirigeants au service d’ambitions géopolitiques, qui fut un échec. Le panarabisme populaire aura-t-il plus de succès? La solidarité arabe sera-t-elle davantage qu’un slogan vide de sens? Dans les semaines et les mois à venir, les Arabes vont avoir l’occasion de retrouver une voix et une influence collectives, de surmonter leurs différends internes et de résoudre leurs conflits externes, de promouvoir leurs causes et de se débarrasser des prédateurs étrangers. L’occasion en somme de prendre en main leur propre
(22 États membres de la Ligue arabe. Sources : FMI-Pnud-OPAEP 2009)
PIB
1 713,62 milliards de dollars
EXPORTATIONS PÉTROLIÈRES
492
milliards de dollars
INDICE DE DÉVELOPPEMENT HUMAIN
31e (Koweït) 154e (Mauritanie)
PIB PAR TÊTE
59 989 dollars (Qatar) 976
dollars (Mauritanie) JEUNE AFRIQUE
destinée. Mais vont-ils la saisir? De nouveauxleadersvont-ilsémerger,inspiréspar la volonté de conduire leurs peuples vers de nouveaux horizons, loin des impasses du passé? La dernière fois qu’un tel épisode s’est produit, c’était il y a un siècle, quand l’Empire ottoman fut défait lors de la Première Guerre mondiale. Après quatre siècles de règne ottoman, les Arabes avaient vu dans l’effondrement de l’empire l’occasion d’un réveil national. Ils avaient alors revendiqué la liberté, l’autodétermination et l’unité. Mais ce nationalisme arabe naissant fut brutalement anéanti par les ambitions impérialistes de la Grande-Bretagne et de la France, par la volonté du mouvement sioniste de fonder un État, mais aussi par lesrivalitésinterarabes,quirestentàcejour un facteur de faiblesse et de paralysie. LE BIEN COMMUN. Lespèresetlesgrands-
partagé et l’énergie populaire mise au service de la poursuite du bien commun. Peut-être plus importante, la deuxième condition est un défi encore plus grand. Le sectarisme est la malédiction des sociétés arabes. Quelle importance cela peut-il avoir qu’un tel soit sunnite, chiite, alaouite, ismaélien, druze, chrétien ou musulman? Les autorités politiques et religieuses de la région doivent à tout prix reléguer aux oubliettes les différences et les conflits communautaires.Cequiimportevraiment, c’est que les Arabes – hommes et femmes, riches et pauvres, de quelque origine et croyance qu’ils soient – se considèrent et se comportent en citoyens arabes. Le temps est donc venu de lancer une union arabe fondée sur une citoyenneté commune, à l’instar de l’union que les Européens ont mis un demi-siècle à créer. La troisième condition est d’admettre que la manne pétrolière n’appartient pas à une minorité d’Arabes privilégiés, mais à tous. Elle doit profiter à l’ensemble de la région. La générosité n’est-elle pas la vertu arabe cardinale ? Les pays privés de pétrole, ou qui en ont peu, ont besoin de l’aide de leurs frères mieux lotis. Sans puissancedefrappefinancière,lasolidarité n’a aucun sens. De même que l’Europe de l’Ouest a injecté des milliards dans les régions les plus démunies d’Europe de l’Est après l’effondrement soviétique, les pays arabes qui se sont enrichis grâce au pétrole doivent de toute urgence venir en aide à leurs voisins les plus pauvres. Au moment où les cours du brut atteignent des niveaux records, il est scandaleux de
pères de la génération actuelle se sont battus pour arracher leur liberté aux puissances coloniales: contre les Britanniques en Égypte, en Irak et au Yémen du Sud; contre les Français en Syrie et en Afrique duNord;contrelesItaliensenLibye;contre les sionistes en Palestine. Mais la révolution actuelle vise surtout des « colons intérieurs ». La période postrévolutionnaire sera chaotique. Elle sera marquée par l’instabilité, par des querelles intestines féroces à l’heure où émergent de nouveaux partis et forces politiques, et par des tentatives de contre-révolution ici et là. Confrontés aux soulèvements populaires, les gouvernants enplacevontinévitablement chercher à se défendre. Mais Il faut en finir définitivement ils ne devraient pas négliger avec les différences et les conflits l’importance de cette nouvelle tendance. Plutôt que communautaires. de la combattre, ils devraient l’épouser. constater qu’une grande majorité d’Arabes En ce moment historique, trois condisedébatpourvivreavec2dollars[1,39euro, tions doivent être réunies pour garantir le NDLR] par jour, parfois même moins. succès de la révolution arabe. D’abord, les Problème numéro un du monde arabe, pays du Golfe, jusqu’ici épargnés, hormis le chômage des jeunes a été le vrai moteur Bahreïn, par les soulèvements populaires, de la révolution. Il faut créer une grande doivent lancer de profondes réformes et banque ou un fonds dédié à la création ouvrir leurs rangs aux citoyens ordinaires. d’emplois dans la région et qui serait aliDes institutions représentatives doivent mentéparles fonds souverains arabes. Des être créées. Les Conseils de la Choura pays comme l’Égypte, la Tunisie, le Yémen, (ou les Parlements) doivent jouir de préla Syrie et d’autres ont besoin d’une aide rogatives réelles. Il faut mettre l’accent sur massive, bien gérée et bien orientée pour éviter de voir le mouvement démocratique une gouvernance qui rende des comptes, juguler la corruption, mettre un terme aux s’effondreretsombrerdansladésillusionet arrestations arbitraires et aux brutalités le désespoir. Car si tel est le cas, personne policières. En un mot, le pouvoir doit être ne sera épargné. ● PATRICK SEALE JEUNE AFRIQUE
N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
Maghreb Moyen-Orient
BRYAN DENTON/THE NEW YORK TIMES-REDUX-REA
52
Ý Ancien député du camp prooccidental, NAJIB MIKATI a été élu grâce au soutien du Hezbollah. LIBAN
Impasse du Cèdre Cent jours après son élection par le Parlement, le nouveau Premier ministre n’est toujours pas parvenu à former un gouvernement. Un blocage récurrent lié à un confessionnalisme politique obsolète.
D
ans un pays sur lequel plane le spectre de la guerre civile (1975-1990) depuis vingt ans, le nouveau Premier ministre, Najib Mikati, élu par le Parlement le 25 janvier, n’est pas encore parvenu à former un gouvernement. Ancien député du camp pro-occidental, mais désormais soutenu par le Hezbollah, Mikati est à l’image du pays : sur le fil du rasoir. Toujours empoisonné par les ingérences étrangères, fragilisé par l’équation confessionnelle, secoué parles assassinats, le pays du Cèdre est en outre volontiers amnésique. Qu’attendent les autorités de Beyrouth pour exorciser les démons de la guerre civile – qui a fait 150 000 morts –, en mettant enfin en œuvre les accords de Taëf, ratifiés à la fin de 1989 pour configurer le nouveau Liban ? Priorité numéro un : l’abolition du confessionnalisme politique. Instauré en 1943, ce système, qui repose sur un savant équilibre entre les communautés à l’aune de la démographie, impose un président maronite, un Premier ministre sunnite et un président du Parlement chiite. Mais le dernier recensement date… de 1932. Or N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
les chrétiens, à l’époque majoritaires, disposent à ce jour de la moitié des sièges au Parlement, alors qu’ils ne représenteraient plus que 40 % de la population, contre 60 % pour les musulmans (dont 27 % de sunnites et 26 % de chiites). CLIENTÉLISME. Conséquence néfaste :
le clientélisme. Dans un petit pays où cohabitent dix-huit confessions, « les groupes qui se partagent le pouvoir n’ont pas intérêt à changer le système, estime
Karam Karam, chercheur à Common Space Initiative, à Beyrouth. Pour obtenir un emploi, un logement, ou une protection en temps troubles, les Libanais se tournent vers les leaders de leur communauté. » Selon une enquête de l’institut Information International menée en février 2010, 58 % des Libanais se disent favorables à l’abolition immédiate du confessionnalisme. En 2008, un spot de la télévision publique présentait un Sud-Africain annonçant « je suis sudafricain », par opposition aux Libanais, qui eux déclarent « je suis chiite » ou « je suis maronite ». Les mots « Quand allonsnous enfin être libanais ? » apparaissent alors à l’écran sur fond d’hymne national. « L’identité nationale est une marque vendeuse », estime le chercheur Assem
L’ÉQUILIBRISTE ORIGINAIRE DETRIPOLI, dans le Nord, Najib Mikati, 55 ans, père de trois enfants, est un homme d’affaires sunnite entré en politique sur le tard. Diplômé de l’Université américaine de Beyrouth et de Harvard, il a bâti sa fortune, estimée à 2,5 milliards de dollars (1,7 milliard d’euros), sur les télécoms, en coopération avec la Syrie. Ministre desTravaux publics en 1998, ce proche du président Bachar al-Assad est élu député en 2000. Entre avril et juillet 2005, Mikati dirige un gouvernement de transition. Il accorde des droits supplémentaires aux réfugiés palestiniens et maintient inchangée la proportion de parlementaires chrétiens et musulmans. Réélu député en 2009 sous la bannière du parti de Saad Hariri, il est aujourd’hui accusé de trahison pour avoir été désigné grâce aux voix des députés proches du Hezbollah. ● C.D. JEUNE AFRIQUE
Coulisses
AMNÉSIE. Troisième point des accords de Taëf passé à la trappe : l’histoire et la mémoire. Place des Martyrs, à Beyrouth, le Dôme, un bâtiment criblé d’impacts de balles, a accueilli, au printemps 2010, l’exposition « Dans une mer d’oubli »,
« Le mariage civil, pas la guerre civile ! » scandaient des jeunes, le 27 février, à Beyrouth. consacrée aux disparus de la guerre, dont l’État n’a jamais calculé le nombre (certains avancent le chiffre de 17 000). « Tant qu’il n’y a pas de monument aux morts, je considère que la guerre n’est pas finie », déclare Alfred Tarazi, responsable de l’exposition. À Al-Nabi Zaour, près de la frontière syrienne, une dalle d’asphalte recouvre un ancien centre d’interrogatoire syrien. Aucune plaque commémorative, mais l’anonyme balançoire d’une aire de jeux… Lacommissionchargée par Taëf d’élaborer un manuel d’histoire sur la guerre a interrompu ses travaux en 2000, alors qu’un tiers de la population a moins de 20 ans. Et pour mieux oublier, l’État a décrété une amnistie en 1993 pour les crimes commis en temps de guerre. Pas de justice, pas de pardon, pas de paix. ● CONSTANCE DESLOIRE JEUNE AFRIQUE
53
SYRIE SI CE N’EST LUI, C’EST DONC SON FRÈRE TIRAILLÉ ENTRE OUVERTURE ET FERMETÉ, le président Bachar al-Assad peut encore espérer l’indulgence populaire. Ce ne sera jamais le cas de son frère cadet, Maher, conspué par les manifestants et premier des treize responsables sanctionnés par l’Union européenne le 9 mai. Motif: « Chef de la 4e division de l’armée, membre du commandement central du Baas, homme fort de la garde républicaine, il est le principal maître d’œuvre de la répression contre les manifestants. » Militaire de MAHER (À G.) ET BACHAR AL-ASSAD aux obsèques formation, Maher avait été de leur père Hafez, le 13 juin 2000. jugé trop violent et versatile pour succéder à son père, Hafez. On lui avait alors préféré son aîné, le placide Bachar. Aujourd’hui, contre l’avis des conseillers du président qui préconisent l’ouverture, il est parvenu à imposer la manière forte, appliquée méthodiquement par ses troupes d’élite et la milice alaouite des Shabiha, qu’il dirige. C’est désormais lui qui tiendrait les rênes du pouvoir à Damas, rendant impossible toute solution négociée. À moins que cet apôtre de la violence ne soit renversé par un coup d’État de l’armée ou de son frère lui-même. ●
LIBYE IMAN EL-OBEIDI EXFILTRÉE
rébellion et se trouverait à Doha, au Qatar.
ÉGYPTE UN EX-MINISTRE CONDAMNÉ
Iman el-Obeidi avait fait irruption dans un hôtel de Tripoli le 26 mars et affirmé haut et fort devant les caméras de la presse internationale, en exhibant ses blessures, qu’une quinzaine de soldats fidèles à Mouammar Kaddafi l’avaient violée deux jours durant. Emmenée manu militari par des sbires du régime, elle sera libérée le 28 mars. Elle a finalement été exfiltrée de Libye grâce à l’aide de la
ISRAËL 20 % DE CITOYENS ARABES
Jugé coupable de dilapidation de fonds publics, l’ex-ministre égyptien duTourisme, Zoheïr Garranah, a été condamné, le 10 mai, à cinq ans de prison ferme. Il avait vendu à deux hommes d’affaires des terrains appartenant à l’État à un prix nettement inférieur à leur valeur. Les trois hommes devront verser une amende de 49,3 millions de dollars et restituer les terrains, situés dans la province de la Mer Rouge.
Selon le Bureau central israélien des statistiques, l’État hébreu compte aujourd’hui 7746000 habitants, dont 5837000 Juifs et 1587000 Arabes, soit respectivement 75,3 % et 20,5 % de la population totale, pour un taux de croissance démographique annuel de 2 %. Le nombre de migrants non comptabilisés comme juifs s’élève, quant à lui, à 322000.
BALKIS PRESS/ABACAPRESS
Nasr. Mais trompeuse : seul le mariage religieux est reconnu. « Le mariage civil, pas la guerre civile ! » scandaient les 3 000 jeunes qui ont défilé à Beyrouth le 27 février dernier. L’autre impératif pour garantir la stabilité est le rétablissement de la souveraineté du Liban. Les trois acteurs étrangers impliqués dans la guerre se sont retirés du pays : l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) en 1982, l’armée israélienne en 2000 et l’armée syrienne en 2005. Mais Damas conserve une grande influence, tandis que la guerre entre Israël et le Hezbollah à l’été 2006 (1 200 morts) a montré que la souveraineté de l’État est menacée à la fois de l’étranger et de l’intérieur. L’AK-47 qui coiffe le mot « Hezbollah » sur le drapeau jaune du mouvement chiite vient d’ailleurs rappeler que le parti dispose toujours d’une aile militaire, alors que toutes les autres milices ont désarmé entre 1990 et 1991. Mais le dialogue national sur « les armes de la résistance » est au point mort.
Maghreb & Moyen-Orient
N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
54
Europe, Amériques, Asie
IMMIGRATION
L’Europe
cadenassée?
Face à l’afflux de clandestins tunisiens et libyens, les gouvernements français et italien tentent de remettre en question la liberté de circulation au sein de l’espace Schengen. À Bruxelles, ils se heurtent à de sérieuses résistances. ALAIN FAUJAS
P
auvre Europe ! Elle avait déjà du mal à être assez solidaire pour porter secours à ses membres en difficulté, comme la Grèce. La voici en passe de revenir sur l’avancée majeure que représente la libre circulation des personnes à l’intérieur de ses frontières. Nicolas Sarkozy, le président français, et Silvio Berlusconi, le président du Conseil italien, entendent en effet poser un cadenas sur N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
cet espace Schengen qui favorise l’immigration clandestine, une de leurs obsessions. ACTE I. Depuis le mois de janvier, le printemps
arabe a eu pour effet de pousser de nouveau les harragas à risquer leur vie pour tenter de trouver un avenir au nord de la Méditerranée. On estime à 25 000 Tunisiens et à 8 000 Libyens le nombre de ceux qui, à bord d’embarcations de fortune, se sont échoués sur la petite île italienne de Lampedusa. Membre de la très xénophobe Ligue du Nord, Roberto Maroni, le ministre de l’Intérieur de Berlusconi, estime qu’il faut « vider la baignoire » et juge habile de se servir de la réglementation de Schengen. Depuis 1985, les vingt-cinq États qui adhèrent à cette dernière ont supprimé les contrôles à leurs frontières intérieures et les ont reportés à leurs frontières extérieures, qu’elles soient JEUNE AFRIQUE
Europe, Amériques, Asie subvenir à ses besoins (31 euros par jour s’il est logé, 62 euros s’il ne l’est pas) et s’il n’a jamais été condamné ni reconduit à la frontière. À la mi-avril, une compagnie de CRS est dépêchée à Vintimille, à la frontière italienne, pour effectuer des contrôles d’identité. Elle a reçu l’instruction de ne pas rester plus de six heures au même endroit, afin de ne pas être en infraction avec les textes européens. Le 17 avril, le trafic ferroviaire Vintimille-Menton est interrompu pour empêcher une trentaine de Tunisiens d’entrer en France avec l’appui de deux Ý AU LARGE DE cents manifestants français ZARZIS, DANS LE pour lesquels « aucun être SUD TUNISIEN, humain n’est illégal ». une barque de fortune Sarkozy et Claude Guéant, met le cap sur son ministre de l’Intérieur, parLampedusa. lent de « suspendre Schengen provisoirement », suscitant de vives critiques à gauche. Le responsable vert Daniel Cohn-Bendit les accuse par exemple de se livrer à une entreprise de « détricotage de l’intégration européenne ».
JOBARD/SIPA
ACTE III. Sarkozy et Berlusconi sont embêtés : nombre de pays européens ne sont pas d’accord avec eux, tandis que le pape appelle à « la solidarité » avec « les réfugiés venus d’Afrique ». Mais l’un et l’autre doivent tenir compte d’une extrême droite en pleine forme, qui fait campagne pour l’adoption de mesures contre « l’immigré-quimange-le-pain-des-honnêtes-gens ». Le 26 avril, ils se réconcilient et tombent d’accord, à Rome, pour estimer que le traité de Schengen ne suffit plus. Certes, celui-ci prévoit des cas de « suspension provisoire », qui, depuis 1995, ont été invoqués à soixante et onze reprises, par l’un ou l’autre des États membres. Mais il n’en existe que deux où la libre circulation puisse être suspendue : en cas d’événement prévisible, telle la Coupe du monde de football (en 2006, l’Allemagne a stoppé les hooligans désireux de se rendre sur son territoire pour y faire des dégâts), et en cas de risque pour la sécurité publique. À l’évidence, l’arrivée des Tunisiens à Lampedusa ne relève ni de l’un ni de l’autre. Par lettre, Sarkozy et Berlusconi demandent alors à la Commission européenne de pouvoir rétablir temporairement un contrôle aux frontièCohn-Bendit accuse : Sarkozy res s’il apparaît qu’un et Guéant veulent « détricoter pays membre néglige l’intégration européenne ». son travail de vérification. Le Français pense évidemment à l’Italie. Et l’Italien, à la Grèce, où affluent Afghans, Syriens et Irakiens.
maritimes (42 672 km) ou terrestres (8 826 km). Autrement dit, tout citoyen, mais aussi tout étranger admis par l’un de ces États peut circuler à l’intérieur de l’Union européenne sans avoir à montrer la moindre pièce d’identité. Le ministre a donc délivré aux immigrés de Lampedusa des permis de séjour de six mois qui leur permettent de se rendre, sans aucune formalité, en France, où « 80 % d’entre eux veulent rejoindre leur famille », a déclaré Berlusconi. Traduction : bon débarras ! ACTE II. Le gouvernement français pique une
colère devant cet afflux d’immigrés qui commencent à camper dans certains squares parisiens. Selon lui, l’Italie n’a pas respecté les règles du jeu européen : un immigré ne peut bénéficier d’un permis de séjour que s’il est en mesure de
JEUNE AFRIQUE
ACTE IV (EN COURS). Le 4 mai, la Commission de Bruxelles accepte le principe de la requête francoitalienne en cas de pression migratoire « forte et inattendue ». Mais il faut encore que les ministres N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
55
56
Europe, Amériques, Asie ISLANDE
de l’Intérieur des Vingt-Sept discutent le texte que préparent Paris et Rome, puis le fassent approuver, en juin, par les chefs Pays membres FINLANDE de l’espace Schengen d’État et de gouvernement. NORVÈGE Gageons que tous les pays hostiles à Pays signataires sans application une remise en question de l’un des piliers SUÈDE EST. les plus symboliques de la construction Pays de l’UE LET. européennenelaisserontpasremettreen IRLANDE non membres DANEMARK LIT. causelalibrecirculationdespersonneset ROYAUMEUNI le démantèlement des postes-frontières. P.-BAS POLOGNE Le débat promet d’être vif. BEL. ALLEMAGNE LUX. Cecilia Malmström, la commissaire R. TCHÈQUE SLOVAQUIE FRANCE européenne aux Affaires intérieures, qui AUTRICHE SUISSE HONGRIE juge l’espace Schengen « fantastique », SLO. ROUMANIE devrait réussir à contrer en douceur PORTUGAL la France et l’Italie, même épaulées BULGARIE ITALIE par l’Allemagne et les Pays-Bas. Elle ESPAGNE reconnaît au système certaines « faiGRÈCE blesses », mais, plutôt que de multiplier les exceptions, préconise au contraire CHYPRE de renforcer les compétences commuL’EUROPE DE SCHENGEN nautaires pour réduire l’arbitraire des combats en Libye, la première garde ses frontières États en matière de contrôle. ouvertes pour les accueillir, malgré sa pauvreté. Sans attendre le résultat de ces affrontements, La seconde n’en finit pas de se rêver en forteresse, soulignons la différence de comportement entre l’Afrique et l’Europe. Confrontée à l’afflux de pluparce que quelques dizaines de milliers d’immigrés sieurs centaines de milliers de réfugiés fuyant les effraient les plus obtus de ses riches citoyens. ●
Scandale ou manip?
Le quotidien britannique The Guardian l’affirme : les navires de l’Otan au large de la Libye auraient laissé périr 61 clandestins sur le point de faire naufrage. Mais tout n’est pas clair dans cette affaire.
«
T
ous les matins, nous trouvions de nouveaux morts qu’il fallait jeter par-dessus bord. » Abu Kurke, 24 ans, prétend être un miraculé. S’il est véridique, son témoignage recueilli par le quotidien britannique The Guardian (8 mai) est accablant pour la marine française. Le jeune homme raconte avoir quitté Tripoli le 25 mars avec 71 autres migrants clandestins (Érythréens et Éthiopiens, essentiellement)àbordd’uneembarcation de fortune. Direction : Lampedusa. Leur barque menaçant de faire naufrage, les passagers, parmi lesquels des femmes, des enfants et des réfugiés politiques, auraient appelé le père Moses Zerai, qui dirige, à Rome, une organisation de défense des droits des réfugiés, afin qu’il prévienne les gardes-côtes italiens. Le prêtre affirme avoir prévenu l’Otan, ce que celle-ci dément. Le 26 mars, un hélicoptère de nationalité inconnue aurait N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
survolé l’embarcation, puis largué des bouteilles d’eau et des biscuits. « Les passagers m’ont certifié qu’on leur a parlé en anglais, mais ils n’ont pas vu l’uniforme du pilote », confie Judith Sunderland, de l’ONG Human Rights Watch. MINISTRE À BORD. L’embarcation aurait
dérivé à proximité d’un porte-avions. Le Charles-de-Gaulle, affirme le Guardian. « Selon les survivants, deux avions ont alors décollé et survolé le bateau, tandis que, sur le pont, les migrants tenaient à bout de bras des bébés affamés. Mais aucune aide n’est venue », écrit le quotidien. Le 10 avril, l’esquif se serait échoué sur une plage près de Misrata. Soixante et un migrants seraient morts de faim et de soif. Les onze survivants auraient été emprisonnés par les forces de Kaddafi (deux seraient morts en détention). « Les rescapés sont toujours à Tripoli et sans papiers, poursuit Sunderland. Ils essaient
d’obtenir des laissez-passer pour gagner la Tunisie. » Même s’il n’est pas rare que des chalutiers soient empêchés par les autorités, italiennes notamment, de porter secours à des clandestins en péril, la thèse selon laquelle l’équipage du Charles-de-Gaulle aurait délibérément laissé mourir les migrants en provenance de Libye, au mépris du droit maritime international, est peu crédible. Les 29 et 30 mars, Gérard Longuet, le ministre français de la Défense, se trouvait en effet à bord en compagnie de neuf journalistes ! Une source jointe par J.A. et présente sur le porte-avions le 29 mars confirme n’avoir ressenti chez les marins « aucun sentiment de malaise trahissant un manquement au devoir de solidarité ». D’autres zones d’ombres subsistent. Les allégations du Guardian ne reposent que sur le témoignage des neuf rescapés recueilli par le journaliste Jack Shenker. Or Kaddafi a fait des flux migratoires une arme politique… Que s’est-il passé pendant leur incarcération ? Ont-ils été convaincus par les Libyens d’inventer une histoire mettant en cause l’Otan ? L’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a demandé l’ouverture d’une enquête. ● JUSTINE SPIEGEL JEUNE AFRIQUE
Europe, Amériques, Asie
EN VÉRITÉ Patrick Seale
État de droit ou loi de la jungle?
L
’
EXÉCUTION D’OUSSAMA BEN LADEN, le 1er mai, par un commando des Navy Seals, adresse au monde un message brutal : l’élimination des ennemis de l’Amérique prime toute considération de morale ou de droit international. Pour avoir osé attaquer les États-Unis – un acte de lèse-majesté –, le fondateur d’Al-Qaïda devait être traqué et éliminé. À n’importe quel prix.
L’exemple donné par l’Amérique pourra être imité par d’autres gouvernements, par des acteurs non gouvernementaux, voire par de simples citoyens en colère. Après tout, les Américains ne sont pas les seuls à avoir des intérêts nationaux, des griefs légitimes et des ennemis dont ils souhaitent se débarrasser. Sous couvert d’autodéfense, d’autres pourraient à l’avenir se dispenser de toute contrainte légale ou éthique. Pourquoi, par exemple, des baasistes irakiens, désireux de venger la destruction délibérée de leur parti, de leur armée et de leur pays, n’entreprendraient-ils pas de traquer et d’éliminer GeorgeW. Bush,Tony Blair et Paul Wolfowitz ? Pourquoi un chef tribal pachtoune ne déciderait-il pas de faire payer au directeur
blessée aux jambes et une autre femme a été tuée. Le chef djihadiste ne s’est pas servi d’elles comme de boucliers humains et il n’était pas armé. Il peut naturellement être considéré comme un terroriste et, à ce titre, susciter la peur. Mais la façon dont il a été abattu « avec succès » n’est qu’un assassinat pur et simple. Les forces spéciales américaines n’auraient-elles pas pu encercler la maison où il se cachait et demander aux autorités pakistanaises de l’arrêter, puis de le déférer à la justice ? Cela aurait présenté l’énorme avantage de ne pas violer la souveraineté du Pakistan, de ne pas offenser l’armée, les services secrets et l’opinion de ce pays. La première a prévenu qu’une nouvelle opération de ce type affecterait ses relations avec les États-Unis. Il est probable que le Pakistan va désormais réduire sa coopération antiterroriste et chercher à renforcer ses liens avec la Chine. Il va aussi continuer de prendre sous son aile les groupes de djihadistes afghans, afin de s’assurer des alliés pour défendre sa cause contre l’Inde, après le retrait des troupes américaines. Barack Obama a revendiqué le mérite d’avoir ordonné à la CIA de trouver Ben Laden. On nous a ensuite expliqué qu’il avait « courageusement » décidé d’attaquer la maison où vivait ce dernier. Il a suivi le meurtre en temps réel et apprécié les vifs applaudissements lors de la réussite de l’opération. Il a visité Ground Zero, rendu hommage aux pompiers et décoré les Navy Seals. Sa popularité a explosé et ses chances d’être réélu sont en hausse. À mon avis – sans doute minoritaire –, Obama devrait à présent tenter de se racheter en annonçant un retrait rapide de ses troupes d’Afghanistan, en mettant fin aux attaques de drones au Pakistan et auYémen, et en invitant la Chine, la Russie, le Pakistan et l’Iran à créer un groupe de contact en vue de l’ouverture de négociations entre le gouvernement de Hamid Karzaï et les talibans. Et de la formation d’un gouvernement d’union nationale. Surtout, si les États-Unis veulent retrouver un peu de sympathie dans le monde arabo-musulman, Obama devra avoir le courage d’affirmer que l’Amérique usera de toute son influence et de tout son pouvoir pour aider à la naissance d’un État palestinien viable et indépendant au côté d’Israël. Il devra se servir de son capital politique accru pour en terminer avec un conflit qui a fait d’innombrables victimes et tourmente le monde depuis plus de soixante ans. Car c’est l’impuissance de l’Amérique qui a contribué à créer Ben Laden et ses semblables. ●
Et si les baasistes irakiens, pour venger la destruction délibérée de leur pays, décidaient d’éliminer George W. Bush ? de la CIA les centaines, sinon les milliers, de civils tués dans les zones tribales du Pakistan par des attaques de drones ? Serait-ce du terrorisme ou de la justice ? Est-ce que l’Amérique n’aurait pas dû faire respecter l’État de droit à Abbottabad, plutôt que d’y faire régner la loi de la jungle ? Aussi terrible et tragique qu’ait été le sort des trois mille victimes du 11 Septembre, les États-Unis ne sont pas les seuls à porter le deuil. Pour punir l’Al-Qaïda de Ben Laden de ses attaques sur le sol américain, ils ont fait la guerre en Afghanistan, en Irak et au Pakistan, faisant d’innombrables morts, blessés et déplacés. Depuis leurs tombes, les victimes pleurent ou crient vengeance, elles aussi. En torturant des combattants « illégaux » en Irak et ailleurs, l’Amérique a donné aux tyrans arabes un chèque en blanc pour torturer leurs propres citoyens. L’assassinat de l’ennemi numéro un de l’Amérique va inciter certains à recourir aux mêmes méthodes « illégales ». Ben Laden a semble-t-il été abattu devant sa famille. Sa fille de 12 ans a assisté à la scène. Son épouse a été JEUNE AFRIQUE
N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
57
Europe, Amériques, Asie
STRINGER SHANGHAI/REUTERS
58
CHINE
UNE « FOIRE DE L’EMPLOI » À ZHENGZHOU, dans le Henan.
Les cols blancs broient du noir La fin de l’année universitaire approche, et les futurs diplômés savent qu’ils auront le plus grand mal à trouver un travail. Alors que les usines manquent de bras.
À
deuxmoisdesgrandesvacances, les étudiants chinois se font du mouron. Cette année, ils seront 300 000 diplômés à sortir des universités du pays. Au total, près de 7 millions de jeunes sont ou seront en quête d’un emploi. « C’est de plus en plus difficile, concède Wang Che, étudiante en langues étrangères à Pékin. J’ai commencé à chercher du travail après le Nouvel An chinois, mais il y a de moins en moins de postes disponibles, et, surtout, les salaires proposés sont très bas. » Peu de postes à pourvoir plus faibles salaires… L’équation est banale en Europe, beaucoup moins en Chine, et, du coup, le gouvernement s’inquiète.
est resté largement à l’écart du développement. Quatre heures d’avion depuis Pékin pour rejoindre le Sichuan, au pied de l’Himalaya. Sur place, on trouve encore peu de grandes entreprises et des salaires franchement dérisoires. « Il y a un véritable fossé entre la Chine de l’Ouest et du Centre et celle des provinces côtières de l’Est, concède l’économiste Qu Xing. Il faut rééquilibrer cette situation potentiellement explosive. Et c’est pourquoi le gouvernement incite les grandes entreprises à s’installer dans ces provinces occidentales. » UN EURO DE L’HEURE. Alors que son
chiffre officiel est 4,1 %, le taux de chômage serait en réalité beaucoup plus élevé. Deux fois plus, dit-on, chez les jeunes, contraints d’accepter des petits boulots mal payés. Chez un célèbre glacier de Pékin, une jeune vendeuse avoue ainsi être payée 1 euro de l’heure. Elle est pourtant diplômée d’une université, mais ne trouve pas d’emploi. Un euro de l’heure, c’est deux fois moins qu’une femme de ménage… La semaine dernière, le gouvernement a annoncé la création de dix mille emplois pour les jeunes diplômés de l’ouest du pays, ainsi que la création de mille deux cents écoles professionnelles pour former les jeunes à des métiers plus en phase avec la réalité de « l’usine du monde ». Car la Chine reste un immense atelier. Et le premier exportateur mondial. Pourtant,
« Bien sûr, c’est une source de préoccupation, a concédé récemment Sun Xiaobing, un responsable du ministère de l’Éducation. Mais les jeunes devraient être « Les jeunes devraient être plus plus mobiles, accepter de mobiles, accepter de travailler se rendre dans des provinces éloignées et travailler dans des provinces éloignées. » pour des entreprises moins attractives. Ils ne peuvent tous rester avec l’augmentation du niveau de vie, les jeunes font de plus en plus d’études et ont dans les grandes villes. » tendance à délaisser les métiers manuels. Il manquerait actuellement 4 millions FOSSÉ. Car en Chine peut-être plus d’ouvriers dans les usines chinoises. Des qu’ailleurs, les jeunes préfèrent les grands centres urbains et les emplois ouvriers dont les salaires ont récemment doublé pour se rapprocher de ceux des de fonctionnaires. Sécurité de l’emploi et accès à des infrastructures modernes jeunes diplômés. ● STÉPHANE PAMBRUN, à Pékin obligent. Le Centre-Ouest, en revanche,
TOU T E S L E S CU LT U R E S D’A F R IQU E
100% CULTURE Anasthasie Tudieshe samedi 14h10 - 15h TU N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
et sur
www.africa1.com
JEUNE AFRIQUE
Europe, Amériques, Asie SINGAPOUR
Petit dragon est devenu grand Le Parti d’action populaire a remporté les élections législatives du 7 mai. Mais, pour la première fois depuis 1965, il va devoir compter avec l’opposition, preuve qu’une croissance économique à deux chiffres ne règle pas tous les problèmes.
en effet constituée d’une mosaïque de nationalités, sans que personne songe à organiser on ne sait quel débat sur l’identité culturelle. Les étrangers constituent 36 % de la population, contre 20 % il y a dix ans. Il est vrai que cette ouverture au monde s’explique aussi par le faible taux de natalité. DISNEYLAND, PLUS LA PEINE DE MORT.
Alors, les 5,1 millions de Singapouriens vivent-ils vraiment au paradis ? Pas vraiment. « Comment appelez-vous un pays qui retient un tiers de votre salaire la croissance. Cent seize mille nouveaux e sont les élections les plus disputées à Singapour depuis pour financer un fonds souverain d’inpostes ont été créés l’an dernier, et les l’indépendance du pays, en vestissement dirigé par la femme du salaires ont augmenté, en moyenne, de 1965. Le Parti d’action popu5,6 %. Une exception en ces temps de Premier ministre ? s’interroge le journavaches maigres. Cette année encore, les liste Muhammad Cohen. Un pays où les laire (PAP) du Premier ministre Lee Hsien Loong a certes remporté, le 7 mai, 81 entreprises contrôlées par le gouvernefonctionnaires les plus efficaces bénédes 87 sièges du Parlement, mais on ment assurent 60 % du produit intérieur ficieront d’une prime exceptionnelle est loin du raz-de-marée des scrutins brut? Un pays où 85 % des citoyens vivent équivalant à un mois et demi de salaire. précédents. Pour la première dans des habitations à loyer fois, le PAP obtient en effet modéré et ont de plus en plus moins de 60 % de suffrages. de mal à devenir propriétaires Un signal d’alarme pour lui. Un pays où les médias sont Et l’indice d’une sorte de crise étroitement surveillés et où d’adolescence pour ce jeune le même parti est aux affaires depuis près d’un demi-siècle? État engagé depuis quarante Beaucoup ne veulent voir de ans dans une folle course à la croissance économique. Singapour que sa réussite éco« Certains Singapouriens comnomique. Mais tout n’est pas mencent à reprocher au PAP si simple. » d’être déconnecté des réalités La montée en puissance et de se montrer de plus en de l’opposition prouve que plus arrogant », commente tout n’est pas rose dans Siew Kum Hong, un candidat cette forêt de gratte-ciel de de l’opposition. 700 km2. « Singapour, c’est Disneyland, plus la peine de mort, confirme un expatrié. Il COMME UNE ENTREPRISE. Naturellement, il n’y a pas n’y a aucune insécurité, tout encore péril en la demeure. est parfaitement organisé, proSingapour reste un modèle pre, aseptisé. » Si l’on rapporte de stabilité et de croissance. le nombre des exécutions « Le pays est géré comme une capitales à celui des habitants, entreprise, explique l’éconole pays se classe au premier miste Martin Watts. Le gouverrang mondial. Quiconque est nement s’efforce de toujours arrêté en possession de plus avoir une longueur d’avance de 15 g d’héroïne ou de 500 g et il anticipe très bien les cride cannabis est passible de la ▲ L’OPPOSANT YAW SHIN LEONG, du Parti des travailleurs de Singapour, après la proclamation des résultats. ses. Quand le ralentissement pendaison. de l’économie mondiale a Dans les rues, les panneaux commencé, il a baissé les taxes sur les Les ministres émargent ici à un million d’interdiction sont partout. On ne crache entreprises et investi dans les services d’euros par an ! Et les salaires du public pas, on ne mâche pas de chewing-gum, financiers et juridiques, son objectif étant sont alignés sur ceux du privé afin de on traverse sur les passages cloutés… Pas de réduire sa dépendance vis-à-vis des d’État providence, mais un État patron qui calmer les ardeurs de ceux qui seraient exportations. » gère le pays en bon père de famille. Ou en tentés de piocher dans la caisse. Bref, le petit dragon des années Autre particularité de Singapour : son père Fouettard qui déteste la critique, et 1970 est devenu grand, et fait jeu égal que de plus en plus de jeunes rêvent de multiculturalisme. Quatre langues offiaujourd’hui avec Hong Kong et Shanghai. cielles s’y côtoient: l’anglais, le mandarin, bousculer. Une crise d’adolescence, on La récompense : le partage des fruits de le malais et le tamoul. La cité-État est vous dit. ● STÉPHANE PAMBRUN TIM CHONG/REUTERS
C
JEUNE AFRIQUE
N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
59
PARCOURS | D’ici et d’ailleurs
CHRISTINA LIONNET
60
SI ELLE SE DIT « MADE IN AFRICA », la journaliste a su profiter des nouveaux ponts jetés entre la Chine et l’Afrique.
Vimbayi Kajese Bien présenter Du jamais vu : une Zimbabwéenne à la télévision chinoise ! Embauchée par la chaîne publique CCTV 9, la jeune femme a dû s’adapter au « chinoisement correct ».
À
la voir ainsi emmitouflée sous trois couches de vêtements par une matinée plutôt tempérée de Pékin, on se dit que la belle Zimbabwéenne a du mal à se faire au climat chinois. Pourtant, la raison de cet accoutrement soigné n’est pas celle que l’on croit. « Cela vous est déjà arrivé d’avoir une extinction de voix alors que vous passez en direct à la télé ? Ou bien de devoir vous moucher pendant un flash de pub et de vous retrouver avec un nez noir au milieu d’un visage poudré ? Moi, oui ! » Depuis un an, quatre fois par semaine, Vimbayi Kajese traverse Pékin avant l’aube pour venir présenter le premier journal de CCTV 9, la principale chaîne publique chinoise en anglais. Comme plusieurs étrangers avant elle, Vimbayi égrène des nouvelles très « chinoisement correctes ». À deux différences près: elle est la première femme chargée de la nouvelle tranche matinale et elle est africaine!
N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
« Certains m’ont dit que, la première fois qu’ils m’avaient vue à la télé, ils avaient pensé que le réglage des couleurs déraillait ! plaisante-t-elle. Pour les Chinois, un étranger, c’est blond aux yeux bleus. Mais ceux qui m’en parlent ont l’air de trouver ça très bien. C’est pour eux le symbole que leur pays s’ouvre. » Née à Harare en 1981, venue en 2006 suivre un master en relations internationales et diplomatie à l’Université des affaires étrangères de Pékin, Vimbayi Kajese a su profiter des nouveaux ponts jetés entre la Chine et le continent africain. Un parcours « logique » pour cette fille made in Africa et « élevée par le monde ». Issus d’une famille de diplomates, Vimbayi, sa sœur et ses deux frères ont partagé leur enfance entre l’Angleterre, le Malawi, la Belgique et les États-Unis. À l’Université du Kansas, elle fait des études en administration des affaires.
« J’adorais les États-Unis, mais je ne voulais pas y vivre. Au début, je voulais m’installer à Shanghai ou Hong Kong, mais j’ai été envoyée à Pékin. En fait, j’en suis ravie. C’est le nœud de tout, le cœur historique de la Chine, c’est là que toute la politique se joue. » La politique, comme les « news », Vimbayi en raffole, au point de s’endormir en écoutant la BBC. En 2009, profitant du buzz africain à la veille du sommet Chine-Afrique, elle commence à travailler pour une agence de presse internationale. C’est de là que lui vient l’envie de devenir présentatrice. Elle inonde les chaînes de CV : le 3 août 2009, elle présente son premier journal. Les premiers mois, elle a l’impression de marcher sur des œufs. « Je ne savais pas si je serais à la hauteur, alors je n’en ai pas parlé à mes amis. J’ai un copain qui fait du footing en salle tous les matins. La première fois que je suis passée aux news, il a été tellement surpris qu’il est tombé du tapis! » Au même moment, à Harare, d’autres fans étaient rivés à leur télé: ses parents. « Ils me regardent tous les jours. Du coup, ils apprennent de drôles de trucs, comme le classement des plus grands fleuves de Chine… » JEUNE AFRIQUE
Europe, Amériques, Asie
61
HAÏTI
Textes et photo CHRISTINA LIONNET JEUNE AFRIQUE
Qu’est-ce qu’il mijote?
Depuis sa réinstallation à Port-au-Prince, l’ancien président Aristide s’abstient d’apparaître en public et entretient le mystère sur ses intentions. Du coup, certains s’inquiètent…
RAMON ESPINOSA/AFP
À Pékin, Vimbayi Kajese s’amuse de voir son visage s’inscrire chaque jour un peu plus dans le paysage quotidien chinois. « Dans une échoppe, j’ai trouvé une veste qui me plaisait alors j’ai dit à la vendeuse: « Si tu me donnes un bon prix, je t’en prendrai beaucoup. » À ce moment, une autre vendeuse s’est écriée: « Je la reconnais, c’est la fille de la télé! Si elle te dit qu’elle va t’en acheter plein, ça veut dire vraiment plein! » Du coup, toutes les vendeuses ont accouru avec des centaines de vestes. C’était vraiment drôle! » Bien que fêtarde, Vimbayi Kajese accepte de bonne grâce les sacrifices d’une vie en décalé. « C’est une vraie fierté d’être la première à savoir et à raconter ce qui se passe dans le monde. » Même vu à travers le prisme du régime? « Ça ne me pose aucun problème de travailler pour la presse officielle. Mon rôle est de faire état des positions du gouvernement. Que je sois d’accord ou non n’a rien à voir avec ça. » Du côté des affaires africaines, Vimbayi a parfois un rôle de conseillère. Elle cultive le lien avec le continent en participant à des cercles de réflexion sur les relations sino-africaines, comme le Yaps, le club des jeunes entrepreneurs et étudiants africains de Pékin, dont elle est la conseillère « médias ». « À plus long terme, je veux me consacrer aux relations entre les deux continents, dans la diplomatie ou en créant une émission de télévision. » « De toute façon, affirme un ami congolais, le DJ Franck Baelongandi, Vimbayi va laisser une empreinte. Elle est de la trempe des femmes dont on parle dans les livres d’histoire. Quand je le lui dis, elle rigole, mais un jour, elle s’en rendra compte. » Coïncidence? Le jour de la naissance de Vimbayi, la clinique de Harare a troqué son nom, issu de la période coloniale, pour prendre celui de Mbuya Nehanda, une résistante à la domination britannique. « Elle a été pendue dans une rue pour avoir osé se rebeller. C’est une de mes héroïnes », souligne Vimbayi Kajese, qui ne cache pas son envie de ressembler un peu à sa « bonne étoile ». ●
S
ur la route de Tabarre, dans la banlieue nord de Port-auPrince, des ouvriers s’affairent autour de la résidence de JeanBertrand Aristide. Les branches des arbres sont taillées, et les murs fissurés par le dernier séisme, restaurés. « Il est ici, je le vois parfois faire le tour de sa propriété », raconte un voisin. Depuis son allocution télévisée du 18 mars, jour de son retour en Haïti après sept ans d’exil en Afrique du Sud, l’ancien président fait profil bas. Il reçoit régulièrement des amis, mais ne fait aucune apparition publique et s’abstient de mettre les pieds dans sa fondation, pourtant située… en face de chez lui, de même que dans son université, un peu plus loin. « Nous ne l’avons pas revu depuis 2004, confie un agent de sécurité, mais je crois qu’il est capable de se présenter à la prochaine présidentielle sous les couleurs de Fanmi Lavalas, son parti. » Officiellement, Aristide n’est plus qu’un citoyen comme les autres. Il se consacre à l’éducation (ouverture prochaine d’une filière médecine à l’université) et envisage d’apporter son aide aux sinistrés du séisme. S’il a respecté sa promesse de ne pas interférer dans le scrutin du 20 mars, il serait naïf de croire qu’il a définitivement
JEAN-BERTRAND ARISTIDE de retour après sept ans d’exil, le 18 mars.
renoncé à la politique. Depuis la fin du mois de mars, Fanmi Lavalas se reconstruit peu à peu, même s’il a dû faire face, le 29 mars, à la défection de l’ancien Premier ministre Yvon Neptune. « Le comité exécutif remet le parti en branle en vue du congrès national du mois de décembre, puis des élections communales et sénatoriales de l’an prochain, confirme un cadre. Pour le moment, Aristide ne souhaite pas se présenter à la présidentielle, mais nous allons tenter de le faire changer d’avis. » Même si les procédures judiciaires engagées contre lui (pour détournement de fonds et trafic de drogue) sont en panne, l’ex-« président des pauvres » va devoir compter avec de nouveaux acteurs sur la scène politique : les puissances étrangères, le nouveau président, Michel Martelly, son prédécesseur, René Préval. Certes, il conserve des partisans dans les quartiers populaires de Bel-Air et de CitéSoleil, mais il n’est plus aussi populaire qu’avant. Et s’il fait encore peur, c’est parce que personne ne sait ce qu’il a en tête. « Et s’il armait à nouveau les jeunes ? » s’inquiète un enseignant. ● JUSTINE SPIEGEL, envoyée spéciale N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
Europe, Amériques, Asie FRANCE
Romarin Billong, du foot à la finance L’ancien international camerounais s’est reconverti dans la gestion de fortunes.
G
râce son DESS de contrôle de gestion et son mastère de gestion de patrimoine, Romarin Billong (40 ans) a un cursus étonnant pour un ancien footballeur professionnel. L’ex-international camerounais (16 sélections), qui a joué à Lyon, SaintÉtienneetNancy,aentamésesétudesalors qu’il était au centre de formation de l’OL. Neuf ans après la fin de sa carrière, en 2002, il reste en contact avec son ancien milieu. «Ilfallaitquejetravaille,jen’avaispasassez d’argent pour vivre de mes rentes. » À la fin de ses études, deux solutions s’offrent à lui: gérant de portefeuilles ou gérant de fortunes. Il choisit la seconde et intègre un grand établissement bancaire. Son profil atypique séduit ses employeurs, désireux d’attirer des footballeurs fortunés.
MARTIN/PRESSESPORTS
SOUS LE MAILLOT DE L’AS NANCY-LORRAINE au cours de la saison 2000-2001.
«J’aitravailléaveccertainsd’entreeux,mais je suis avant tout généraliste », précise-t-il. Danscettegrandebanquefrançaise,qu’ila quittée récemment pour fonder avec deux associés sa propre structure (Financière Diocles), Billong avait imaginé un club d’entrepreneurs férus de sport. « L’idée était d’évoquer avec des joueurs en activité le thème de leur reconversion, en les
mettant en relation avec des décideurs, si possible après un match, dans un cadre convivial. » La plupart des footballeurs investissent dans l’immobilier et les assurances vie, mais certains souhaitent explorer d’autres pistes. C’est le cas du Malien Cédric Kanté (Panathinaïkos Athènes), qui envisage de consacrer quelques dizaines de milliers d’euros à la création d’entreprises dans les banlieues françaises. « Les footballeurs sont volontiers dépensiers, mais restent prudents,commenteBillong.Ilss’orientent donc vers des placements sûrs. Investir dans la création d’une entreprise, où les risques sont importants, où l’argent est immobilisé et où analyser le projet est complexe, très peu sont prêts à franchir le pas. » Avec la structure qu’il a créée, il souhaiteàprésentélargirsesactivités:«On va faire du family office, prendre complètement en charge nos clients, y compris dans leurs relations avec l’administration ou les avocats. » ● ALEXIS BILLEBAULT
INDONÉSIE
L’autre Ben Laden
Le chef de la Jemaah Islamiyah, un réseau islamiste lié à Al-Qaïda, comparaît devant un tribunal de Jakarta. Il risque la prison à vie.
A
ncien chef spirituel de la Jemaah Islamiyah, un réseau islamiste lié à Al-Qaïda (aujourd’hui dissous), l’imam indonésien Abu Bakar Ba’asyir (72 ans) a échappé à la peine de mort, le 9 mai. Faute de preuves suffisantes, la cour de justice du district sud de Jakarta a requis contre lui une peine de réclusion à perpétuité. L’accusé est arrivé à son procès – le troisième en huit ans – sous les acclamations d’une foule de partisans. « L’énorme dispositif de sécurité mis en place vise à me faire passer pour un terroriste, pour l’Oussama [Ben Laden] de l’Indonésie, s’est-il plaint. Par la volonté de Dieu, Oussama vit maintenant au paradis. » Ba’asyir doit répondre d’accusations de faux témoignage, d’obstruction au travail de la brigade antiterroriste, mais aussi d’avoir contribué au financement et au N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
Ð ABU BAKAR BA’ASYIR, alias « le Prof » : « Oussama est au paradis. »
recrutement de terroristes regroupés dans un camp à Jantho, dans la région d’Aceh, à Sumatra, afin de préparer des attentats du type de celui de Mumbai (Bombay), voire l’assassinat du président indonésien Susilo Bambang Yudhoyono. CLIMAT TENDU. Souvent surnommé
« le Prof », Ba’asyir nie toute implication dans les attentats de Bali, en 2002, ou de l’hôtel Marriott, à Jakarta, en 2009. Mais il les trouve parfaitement justifiés. Lors des premières audiences, il a par ailleurs démenti avoir apporté son soutien au Negara Islam Indonesia (NII), un
SUPRI SUPRI/REUTERS
62
mouvement illégal qui rêve d’instaurer un État islamique en Indonésie. Son procès, dont le verdict n’est pas attendu avant plusieurs semaines, intervient dans un climat extrêmement tendu depuis la découverte, début avril, d’une bombe déposée à proximité d’une église dans la banlieue de Jakarta. Après l’envoi de plusieurs colis piégés, dont l’un destiné à un théologien de l’islam modéré, et un attentat suicide dans la mosquée d’un poste de police de Cirebon, dans l’ouest de Java, le pays a été placé en état d’alerte maximale. ● JULIETTE MORILLOT JEUNE AFRIQUE
LE PLUS
de Jeune Afrique
PANORAMA Le pari de l’écologie BOIS La filière sort de l’ornière INVESTISSEMENT Liaisons dangereuses? INTERVIEWS, TRIBUNE Étienne Massard, Alexandre Barro Chambrier, Marc Ona Essangui
MICHAEL NICHOLS/NATIONAL GEOGRAPHIC STOCK
À la poursuite du Gabon vert
JEUNE AFRIQUE
N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
Le Plus de Jeune Afrique
LE PLUS
65
de Jeune Afrique
À la poursuite du Gabon vert
Prélude
Marwane Ben Yahmed
Une responsabilité et une opportunité
C
APE TOWN, Afrique du Sud, début mai. Le World Economic Forum organise une grande conférence sur l’avenir de l’Afrique réunissant chefs d’État, experts, opérateurs économiques et responsables politiques. Gouvernance et démocratie, compétitivité, relations avec les pays riches : la liste des thèmes abordés est longue. Ali Bongo Ondimba, lui, a fait le choix de participer à un débat sur… la croissance verte, aux côtés du président mozambicain Armando Guebuza, d’un homme d’affaires indien et d’un Américain à la tête d’une grosse entreprise d’agroalimentaire. Au cœur du débat : comment passer de la parole aux actes et mettre en pratique les aspirations au développement durable et à la protection de l’environnement dans des régions où les priorités peuvent sembler se trouver ailleurs. Vaste défi…
PANORAMA Le pari de l’écologie p. 66
multiples raisons. La première est qu’il est désormais impossible, pour ne pas dire suicidaire, en Afrique comme ailleurs, de déconnecter développement et environnement, donc ressources. L’exploitation rationnelle de ces dernières constitue un enjeu capital. Ensuite, parce que la protection de l’environnement, et donc de la planète, est un devoir et un combat global, qui doit être partagé, pour ne pas être vain, par toutes les nations qui la composent. Enfin, parce que le continent subit d’ores et déjà les conséquences du réchauffement climatique (désertification, érosion des côtes, etc.) et demeure extrêmement fragile face aux catastrophes auxquelles il peut être exposé. Mieux vaut prévenir que guérir… Au-delà du phénomène de mode qu’elle représente et des discours hypocrites tenus au Nord pour se donner bonne conscience tout en demandant au Sud de faire des sacrifices auxquels luimême ne consent pas, l’économie verte
L’économie verte, aujourd’hui sur toutes les lèvres, ressemble parfois à une lubie de dirigeants soucieux de renouveler leur offre Le continent doit-il donner la électorale et d’apparaître priorité au développement durable, comme des hommes politiques modernes, en phase cette marotte internationale ? Oui. avec leur temps. C’est pourtant, à n’en pas douter, après les révoluest aussi une aubaine pour l’Afrique. Son tions agricole et industrielle, la prochaine potentiel en la matière est immense. Et mutation économique d’envergure. À vrai là, nous quittons les rivages incertains et dire, cette révolution est déjà en marche, lointains du futur, guère motivants pour dans tous les secteurs. Énergie, agriculdes populations en proie à mille difficulture, construction, exploitation forestière, tés quotidiennes. L’économie verte, c’est transport, distribution, automobile… le présent, un moteur insoupçonné de Les voyants sont au vert, partout dans le croissance, la promesse d’importantes monde. L’Afrique, elle, reste pour l’instant créations d’emplois. Des pays comme à la traîne. Le continent, dont on peut le Gabon ou le Maroc, entre autres, l’ont penser qu’il a mille autres chats à fouetter, compris. Il est grand temps que cette doit-il donner la priorité à cette nouvelle « ruée » vers l’or vert concerne toute marotte internationale ? Oui, pour de l’Afrique. ● JEUNE AFRIQUE
N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
INTERVIEW Étienne Massard
p. 69
BOIS La filière sort de l’ornière p. 76 TRIBUNE Aux arbres citoyens ! Marc Ona Essangui p. 77 INVESTISSEMENT Liaisons dangereuses ? p. 80 SÉCURITÉ ALIMENTAIRE Un nouveau modèle agricole en germe p. 82 CONFIDENCES DE Alexandre Barro Chambrier
p. 87
INDUSTRIES EXTRACTIVES La pollution minière mise en accusation p. 88 ÉNERGIE L’émergence au fil de l’eau
p. 95
MINORITÉS Pygmées blues
p. 99
PORTRAIT Lee White, chercheur blanc, cœur vert p. 102 ÉCOTOURISME La Mecque de la nature en quête de pèlerins p. 106
Le Plus de Jeune Afrique
GABON
Le pari de
L’État compte bien gagner son statut de pays émergent grâce à sa fibre verte. Dès le début de son mandat, Ali Bongo Ondimba a intégré l’environnement à l’ensemble des politiques sectorielles. Beaucoup ont cru à un gadget. Dix-huit mois plus tard, dans tous les secteurs, on se met au diapason.
GEORGES DOUGUELI,
E
envoyé spécial
ntre les peuples du Gabon et la forêt, une histoire multimillénaire d’amour et de crainte s’est tissée. L’atmosphère mystérieuse de la jungle, peuplée de bons et de mauvais génies, a inspiré toutes sortes de légendes, rapportées par le conteur André Raponda-Walker. Sa nature luxuriante et extraordinairement variée a abrité, nourri et soigné les hommes. Son ombre a protégé le secret des sociétés initiatiques et des syncrétismes autochtones, entre le son des tam-tams et les incantations du Bwiti, les masques Osso et le culte des ancêtres. Fascinante mais oppressante, la forêt est repoussée, incendiée et pillée. Au nom du développement, les colonisateurs puis le Gabon indépendant ont prélevé et commercialisé ses essences. Pourtant, aussi prédatrices qu’elles paraissent, l’exploitation forestière et l’agriculture sur brûlis n’ont fait qu’égratigner la superficie boisée qui s’étend sur 220 000 km2, soit 82 % du territoire. L’émergence des grandes questions environnementales a changé le regard porté sur cet écosystème. La préservation de la forêt – seule capable, avec les océans, de capter le CO2 – est devenue un enjeu planétaire, et les pays du bassin forestier et hydrographique du Congo ont été propulsés aux avant-postes de la lutte. Le Gabon veut relever le défi, sans oublier d’en percevoir les bénéfices. Lors du Sommet de N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
l’
ATTILA KISBENEDEK/AFP PHOTO
66
la Terre de Johannesburg, en août 2002, Omar Bongo Ondimba annonce qu’il offre à l’humanité 11 % de la superficie du pays en créant 13 parcs nationaux et demande un retour financier pour ce geste en faveur de l’équilibre de la planète. Poursuivant ce virage écologiste, le Gabon ratifie en 2005 le protocole de Kyoto, qui prévoit le versement par les pays développés de JEUNE AFRIQUE
À la poursuite du Gabon vert
écologie
Le pays en bref… SUPERFICIE
267 667 km2 dont
220 000 km2
de forêt tropicale (82 % du territoire), qui représentent 11 % de la superficie boisée du bassin du Congo
29 400 km2
d’aires protégées au sein des 13 parcs nationaux (11 % du territoire)
10 000 km2
de plans d’eau, lacs ou lagunes
885 km de littoral POPULATION
1,55 million
d’habitants, dont plus de 80 % vivent en ville CROISSANCE DÉMOGRAPHIQUE
2% INDICE DE DÉVELOPPEMENT HUMAIN (IDH)
0,648
(93e rang sur 169 pays classés, 5e en Afrique) compensations pour leurs émissions de carbone. « Un marché de dupes, selon un cadre de l’administration, car les Occidentaux continuent de polluer chez eux et nous demandent de compenser en préservant la forêt, sans rien payer. » En effet, la rente que les dirigeants espéraient capter en laissant les arbres sur pied se fait attendre. Les conférences des Nations unies sur ● ● ● JEUNE AFRIQUE
Le président à la tribune de la CONFÉRENCE DES NATIONS UNIES SUR LE CHANGEMENT CLIMATIQUE,
à Copenhague, en décembre 2009.
INDICE DE PERFORMANCE ENVIRONNEMENTALE (IPE)
56,4
(95e rang sur 163 pays classés, 9e en Afrique)
N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
67
Le Plus de J.A. ● ● ● le changement climatique, à Bali en 2007, Copenhague en décembre 2009, puis Cancún en décembre 2010, ont abouti à une promesse de dons de 4 milliards de dollars (3 milliards d’euros d’alors) à distribuer sous forme d’aide publique au développement ou de crédit carbone aux pays parvenant à freiner la déforestation. Mais, pour l’instant, aucun paiement n’a été effectué. Pourtant, les autorités gabonaises gardent le cap, dans le sillage du chef de l’État, particulièrement impliqué. Ali Bongo Ondimba (ABO) préside lui-même le Conseil climat, créé en mai 2010, dont la mission est d’élaborer la politique du pays en matière de changement climatique. Parmi les décisions envisagées, l’obligation pour chaque projet, public ou privé, de mettre en perspective le coût financier, le nombre d’emplois créés, mais aussi l’empreinte carbone. Le code de l’environnement a en outre été toiletté par le cabinet français spécialisé Huglo Lepage et Associés, à l’œuvre sur ce texte depuis 2008. Achevé il y a quelques semaines, le document attend d’être validé par le Conseil d’État.
11 % du territoire sont « sanctuarisés » CAMEROUN
Parcs nationaux Zones protégées
À New York et Nagoya, ABO, investi champion régional, a parlé au nom de ses pairs. indispensable pour ceux qui la possèdent avant de l’être pour le reste de l’humanité », argumente Étienne Massard, conseiller du chef de l’État et président du comité de gestion de l’ANPN (lire interview ci-contre). Un équilibre à trouver. Ainsi, l’interdiction, depuis le 15 mai 2010, d’exporter le bois en grumes a conduit beaucoup d’entreprises à licencier et a généré un manque à gagner estimé à 137,1 milliards de F CFA (209 millions d’euros). Mais à moyen terme, le développement d’un tissu industriel de transformation va compenser ces pertes, faire naître de nouveaux métiers et créer des emplois. Reste à construire des routes N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
MINKÉBÉ
MONTS DE CRISTAL
AKANDA Libreville
Makokou
Port-Gentil
WongaWongué
Lambaréné
Ogooué
LOPÉ
WAKA Mouila
LOANGO
RabiNdogo
MWAGNA
IVINDO
PONGARA
Lastoursville
Koulamoutou
BIROUGOU
Franceville (Masuku)
MOUKALABADOUDOU Tchibanga
CONGO
PLATEAUX BATÉKÉ
Océan Atlantique 50 km
CARCAN. A priori, rien n’obligeait ce pays en
voie de développement à s’astreindre au respect des règles environnementales. Le Gabon est le quatrième producteur de pétrole d’Afrique subsaharienne. Les hydrocarbures, le bois et le manganèse représentent 95 % de ses exportations et contribuent pour moitié à son PIB. Or, personne n’en doute, l’or vert ne peut pas remplacer l’or noir. Gabon vert n’est-il pas un obstacle pour Gabon industriel, autre pilier du projet présidentiel d’ABO, élu en 2009 ? « Je ne crois pas qu’il existe une contradiction fondamentale entre la notion de croissance et celle de développement durable », soutient Léandre Ebobola, directeur de l’Environnement et de la Protection de la nature au ministère de l’Écologie. « Cette forêt est
Oyem GUINÉE ÉQUATORIALE
MAYUMBA
Principaux indicateurs économiques 2010 PIB
13,2
milliards de dollars (7,5 milliards hors pétrole) CROISSANCE
+ 5,4 %
(+ 5,8 % hors pétrole) PIB PAR SECTEUR
primaire : 55,5 % secondaire : 8 % tertiaire : 28,5 % services non marchands : 8 % PRODUCTION PÉTROLIÈRE
234 000 b/j
qui représentent 80 % des exportations du pays, 40 % du PIB et 60 % des recettes de l’État (37e producteur mondial)
et des infrastructures, notamment dans les parcs nationaux, encore mal desservis. Et à continuer de prendre des mesures plus ponctuelles mais tout aussi essentielles, comme l’interdiction, en juillet 2010, des sacs plastique au profit des emballages biodégradables. CHAMPION RÉGIONAL. Le pays veut se poser
en pionnier de l’économie verte, dans une Afrique centrale traditionnellement orientée vers l’exploitation pétrolière et minière. Lors de la première Conférence panafricaine sur la biodiversité, qui s’est tenue début septembre 2010 à Libreville, ABO a été investi champion régional. Mi-septembre, il représentait ses pairs à New York, à la 65 e Assemblée générale de l’ONU consacrée au climat et à la biodiversité, avant de se rendre, en octobre, à Nagoya, au Japon, défendre les positions communes adoptées par les chefs d’État du continent lors de la 10e Conférence des parties de la Convention sur la diversité biologique. Le Gabon tente, depuis, de favoriser une convergence de vues entre pays forestiers pour parler d’une seule voix dans les négociations internationales. Il va encore plaider cette cause lors du Sommet des trois bassins forestiers tropicaux, qui doit réunir, du 31 mai au 3 juin 2011, à Brazzaville, des chefs d’État et de gouvernement d’Afrique centrale, d’Amazonie et du Mékong. ● JEUNE AFRIQUE
SOURCES : INS, MINISTÈRE DE L’ÉCONOMIE ET DES FINANCES, FMI, PNUD, IPE YALE
68
À la poursuite du Gabon vert
69
Étienne Massard « Les Africains se sont fait avoir » Le conseiller spécial du président réaffirme l’engagement des autorités en faveur de la préservation de la nature, mais accuse les pays développés d’avoir fait de fausses promesses d’aide financière.
constat. Notre pays est déjà touché par les changements climatiques: il n’y a qu’à voir l’érosionquitouchelelittoral,lamontéedu niveau de la mer est réelle. C’est grave, car la quasi-totalité des activités économiques de notre pays sont localisées sur le littoral, entre Libreville et Port-Gentil. Les chercheurs du Centre national des données et de l’information océanographiques ont montré que le trait de côte dans la zone de Mandji, près de Port-Gentil, a reculé de plus de 200 mètres en cinquante ans, avec une nette accélération ces dernières années. De mon bureau [à la présidence, NDLR], vous pouvez voir que la route du bord de mer est déjà sous la pression de l’avancée des eaux. Réparer ou déménager va coûter très cher. Le président ne veut donc pas se faire surprendre et, face à ce constat, demande à notre pays de mettre en place une stratégie. C’est ce qui l’a poussé à créer le
POUR L’ANCIEN Ð DIRECTEUR DE
L’ENVIRONNEMENT,
l’idée de ne pas toucher à la forêt est une utopie.
pauvres ou est-ce parce que les gens sont pauvres que l’environnement s’est dégradé ? Faut-il commencer par lutter contre la pauvreté pour stopper la dégradation de l’environnement, ou le contraire ? Personne d’autre que nous, les Africains, n’apportera de solution à
Notre continent paie le plus lourd tribut dans ces changements climatiques. Conseil climat, qu’il préside, et auquel il a fixé des objectifs, dont celui d’intégrer l’empreinte carbone dans tout projet réalisé sur notre territoire. Peut-on se préoccuper de la pollution quand on ne mange pas à sa faim ?
Il y a un cercle vicieux entre la dégradation de l’environnement et la pauvreté. Est-ce parce que l’environnement s’est dégradé que les gens sont devenus JEUNE AFRIQUE
DESIREY MINKOH POUR J.A.
JEUNE AFRIQUE : Qu’est-ce qui justifie l’engagement gabonais pour les questions d’environnement et de climat ? ÉTIENNE MASSARD : Il se fonde sur un
ce problème. Au regard de tout cela, la crainte est aussi que ce développement, que nous voulons très rapide, ne nous conduise à utiliser nos ressources de manière irrationnelle. Gabon vert ne visait donc pas que les fonds de l’hypothétique marché du carbone (lire p. 103) ?
Aucune loi de finances de notre pays n’a été élaborée avec des prévisions de
recettes portant sur ce marché. Nous ne sommes pas allés jusqu’à ce point. Parce que les pays développés n’ont pas tenu leurs promesses ?
Non, et, très sincèrement, ce problème me désole. Les Africains se sont fait avoir. Je crois que ces promesses non tenues découlent d’une stratégie des pays développés à l’égard des nôtres. Ils voulaient simplement nous pousser à freiner la déforestation en nous faisant miroiter l’argent que l’on pourrait engranger en protégeant nos forêts et n’ont jamais voulu compenser le manque à gagner dû à l’arrêt de l’exploitation forestière. Voulez-vous dire que, dès le départ, il s’agissait d’un marché de dupes ?
La solution est-elle de dire : « Ne touchez pas à vos forêts et vous aurez de l’argent en échange », ou de dire: « La préservation des forêts est nécessaire, alors comment apporte-t-on des alternatives N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
70
Le Plus de J.A. aux activités qui menacent de les faire disparaître ? » Voilà la vraie question. C’est la même problématique qui se pose s’agissant de l’immigration : quand quelqu’un n’a plus rien à manger dans son pays, il le quitte et s’en va chercher fortune ailleurs. Aucun obstacle d’aucune sorte n’a jamais pu arrêter l’immigration. Alors, quel mur va-t-on construire autour des forêts pour empêcher que les gens viennent les exploiter, s’ils n’ont pas de quoi se nourrir en dehors de la forêt ?
La meilleure façon de préserver la forêt est d’améliorer l’efficacité des activités. Pour vous, le problème était donc mal posé…
L’idée de ne pas toucher à la forêt est une utopie. Comment a-t-on osé réduire les mystères, la vie qu’il y a dans la forêt, à une vulgaire question de carbone ? Cette hérésie a fait perdre la tête à plus d’une personne. Ces dysfonctionnements ont donc poussé le Gabon à réajuster sa politique ?
En effet. Dans le Plan climat national, il s’agira d’identifier les causes de la déforestation, de déterminer son ampleur et d’apporter des solutions alternatives. La meilleure façon de préserver la forêt n’est pas d’ériger des murs ni de donner de l’argent, mais d’améliorer l’efficacité des activités, notamment agricoles, pour qu’elles soient moins dévoreuses de terres et, donc, moins destructrices pour la forêt. Si avant on avait besoin de 10 ha de terre pour produire 100 kg d’ignames, il faut pouvoir produire à l’avenir la même quantité sur 1 ha et en économiser 9. La protection de l’environnement estelle une nouveauté en Afrique ?
Nos ancêtres savaient concilier leurs activités avec la préservation de la nature. C’était une question de survie. Quand ils sanctuarisaient des cours d’eau et des forêts, c’était tout simplement pour protéger la vie qui s’y écoulait. Les forêts devenaient sacrées parce qu’en dépeçant N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
le gibier qu’ils y avaient chassé, ils constataient qu’il s’agissait de femelles gestantes, tuées sur une zone de reproduction, et que le gibier était moins abondant l’année d’après. Donc on y mettait des fétiches pour rendre ces zones inviolables. Idem pour les cours d’eau. Je crois d’ailleurs qu’un pays africain a eu recours à ces lois traditionnelles pour protéger une mangrove et pallier l’inefficacité des lois modernes. Pourquoi, selon vous, la protection de l’environnement est-elle souvent considérée comme un luxe pour les pays pauvres ?
Nous avons ratifié le protocole de Kyoto et sommes conscients que notre pays possède un patrimoine important, qui nous oblige à avoir des devoirs à l’égard de la planète. Si aujourd’hui nos forêts permettent de contribuer à la diminution des gaz à effet de serre, nous allons les préserver. Mais avant de penser aux générations futures, il faut penser aux générations actuelles. Sans présent, nous n’avons pas de futur. Comment peut-on demander à des gens qui vivent dans la pauvreté de penser aux générations futures ? Par ailleurs, aujourd’hui, tout le monde croit que le développement économique, souvent porteur d’activités polluantes, n’est pas compatible avec la préservation de l’environnement. Ce n’est pas juste. L’un a besoin de l’autre. Les deux sont indispensables. Et ce n’est que parce que les générations actuelles auront satisfait à leurs besoins de façon raisonnable que l’on va pouvoir envisager sereinement la vie des générations futures. Au bout du compte, nous devons nécessairement intégrer la dimension environnementale dans les projets de développement.
Vu du ciel Le pays crée une agence d’études et d’observation spatiales, sous la direction d’Étienne Massard.
J
usqu’à présent, des agences similaires n’existaient qu’en Algérie, en Afrique du Sud et au Kenya. La première station de traitement d’images satellites d’Afrique subsaharienne francophone va s’implanter dans la Zone économique spéciale de Nkok (lire pp. 80-81), près de Libreville. « Question de commodités », selon Étienne Massard, qui va en être le patron. Créée en février 2010 avec la collaboration de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) français et de l’Institut de recherche spatiale brésilien (INPE), l’Agence gabonaise d’études et d’observation spatiales (Ageos) va couvrir un rayon de 2 800 km, soit une vingtaine de paysducontinent.L’idéededépart était de suivre le couvert forestier du bassin du Congo, « mais nous avons fini par décider d’aller audelà, explique Étienne Massard. On est en train de développer un projet de surveillance environnementale assisté par satellite. Nous scruterons non seulement les forêts, mais aussi les cours d’eau de tout le golfe de Guinée pour surveiller l’érosion côtière ». CARTOGRAPHIE. L’Ageos va éga-
Propos recueillis à Libreville par
lement s’intéresser au développement urbain, doter le Gabon (et les pays qui le souhaiteront) de nouvelles cartes géodésiques et mettre en place un outil de traitement informatique des données géographiques qui permettra de mieux maîtriser l’utilisation du territoire. D’autres applications permettront d’assurer la surveillance desmaladiesendémiques,comme le paludisme, car des études ont montré des corrélations entre des épisodes de paludisme et la survenance d’inondations. ●
GEORGES DOUGUELI
G.D.
Cette vision est-elle partagée par les autres pays africains ?
Notre continent paie le tribut le plus lourd dans ces changements climatiques. Non pas que les phénomènes extrêmes aient lieu en Afrique, mais parce que notre continent n’a pas les moyens de faire face aux catastrophes liées à ces bouleversements.Nousdevonsdoncnous accorder sur la manière de négocier avec nos partenaires, dont la responsabilité historique est reconnue dans les émissions des gaz à effet de serre. ●
JEUNE AFRIQUE
LE GABON VERT
PUBLI-INFORMATION
PILIER DU GABON ÉMERGENT
A
vecplusde20millionsd’hectaresdeterresarablesinexploitées et un climat adapté aux cultures, le Gabon a les moyens de développer et promouvoir une agriculture permettant à la fois de nourrir sa population et d’exporter. Un objectif que s’est fixé le Président Ali Bongo Ondimba comme condition de l’accession du Gabon au statut de pays émergent, et que le Ministère de l’Agriculture, de l’Élevage, de la Pêche et du Développement rural déploie.
PUBLI-INFORMATION
MINISTÈRE DE L’AGRICULTURE, DE L’ÉLEVAGE, DE LA PÊCHE ET DU DÉVELOPPEMENT RURAL
MINISTÈRE DE L’AGRICULTURE, DE L’ÉLEVAGE, DE LA PÊCHE ET DU DÉVELOPPEMENT RURAL
Les enjeux du secteur agricole
A
ctuellement le secteur agricole emploie environ 95 % de la population gabonaise, alors qu’il ne contribue qu’à 5 % du PIB. Plus de 20 millions d’hectares de terres arables restent inexploités. Il existe donc un potentiel majeur pour développer ce secteur et fournir aux populations une source à la fois
Au cœur du dispositif, la sécurité alimentaire
PUBLI-INFORMATION
L
e Président Ali Bongo Ondimba a choisi de réinstaurer l’agriculture au rang des priorités en attribuant 90,5 milliards de F CFA sur cinq ans au secteur. Il a élaboré un programme ambitieux pour favoriser l’essor de l’agriculture : le Programme agricole de sécurité alimentaire de croissance (PASAC). Destiné à conduire le Gabon à l’émergence, le PASAC nécessite de nouveaux objectifs, stratégies et outils. Raymond Ndong Sima, Ministre gabonais de l’Agriculture, de l’Élevage, de la Pêche et du Développement rural, s’est engagé dans l’instauration de cet ambitieux plan, qui s’inscrit dans un programme global de croissance de 8 % sous la contrainte de la sécurité alimentaire. Un défi à la hauteur de l’engagement du Ministre puisque qu’en 2009 près de 80 % des produits alimentaires étaient importés, représentant pour l’État une facture de 250 milliards de F CFA. Une situation à laquelle il convient de remédier sachant le potentiel du pays en terres arables et en ressources humaines investies dans le secteur.
Des objectifs déterminés… Le PASAC comprend trois objectifs majeurs : • Mettre en œuvre un programme national de sécurité alimentaire (PNSA), • Soutenir la réhabilitation des exportations agricoles en difficulté (PREA), • Initier et conduire un programme agricole de production intensive (PAPI).
… dotés d’axes de déploiement… Ces objectifs seront atteints grâce à la définition et à l’application concrète de six axes stratégiques : • Information et communication sur le PASAC, • Renforcement des capacités des acteurs et appui à la recherche agricole, •Largedisponibilitéetdiffusiondelamatière végétale, animale et halieutique, • Promotion de pôles de production intensive, • Soutien à l’organisation de la collecte et de la commercialisation des produits, • Appui à l’accès au financement des activités agricoles.
d’autosuffisance alimentaire et de rentabilité financière. L’objectif du gouvernement est de porter la contribution de l’agriculture à 20 % du PIB, pour attendre un taux de croissance de 8 %, synonyme d’accession au statut de pays émergent, un défi que les rentes pétrolières ne peuvent assumer seules.
…pour des résultats attendus À tout programme d’envergure, des résultats concrets doivent être déterminés en amont afin de tracer la voie à suivre. Pour le PASAC, le Ministre Raymond Ndong Sima, sous l’égide la Présidence de la République, en a déterminé six à atteindre : • Renforcement des structures et des capacités opérationnelles des services sur tout le territoire, • Augmentation des capacités de rendement des matières végétales et halieutiques, • Aménagement de 3 sites de production intensive, • Réhabilitation des cultures de rente et bassins piscicoles, • Intensification des cultures vivrières. Loin d’être une lettre d’intention, ce PASAC a bénéficié en 2010 d’un budget de 38,4 milliards de F CFA, dont les trois quarts étaient engagés pour l’investissement global.
PUBLI-INFORMATION
Mise en place du PASAC
D
epuis le 12 février dernier, le Ministre de l’Agriculture, de l’Élevage, de la Pêche et du Développement rural, Raymond Ndong Sima, a entrepris une tournée dans les neuf provinces du Gabon afin de procéder au lancement du PASAC. « Il n’est pas raisonnable que l’essentiel de ce que les Gabonais consomment vienne de l’extérieur », a-t-il estimé dès la première étape, à Lambaréné, dans la province du Moyen-Ogooué. Et de poursuivre : « Le pays doit prendre la responsabilité de produire les aliments de base dont il a besoin. » Selon le Ministre, un seul pilier, celui de l’industrie du pétrole, ne peut pas porter seul
les ambitions d’émergence du pays, d’autant qu’il « ne crée pas trop d’emplois. L’effort global suppose que toutes les composantes participent au développement. »
Informer les populations La quantité de nouvelles terres mises en culture ne sera pas déterminante. L’élément majeur restera la hausse des rendements ce qui implique une mécanisation de l’agriculture. Avec 95 % des Gabonais travaillant dans ce secteur, une agriculture moderne et rentable ne tardera pas à produire des résultats probants. Ces interventions de terrain conduites par le Ministre en personne sont indispensables pour faire prendre conscience aux Gabonais de l’importance que le Président Ali Bongo Ondimba et son gouvernement mettent dans l’accession à la sécurité alimentaire. Avec le concours de tous les citoyens, l’objectif de réduire de 5 % chaque année la quantité d’aliments de base importés que sont le manioc, le riz, la banane, la viande et les légumes, pourra être atteint en développant une agriculture entrepreunariale de type privé. Laquelle participera à mettre le Gabon sur la voie de l’émergence.
Résultats encourageants Les premiers résultats de la mise en œuvre du PASAC par le Ministre Raymond Ndong Sima, et plus globalement des trois piliers pour l’Emergence du Gabon, sont très concluants. Fin 2010, le cabinet de consulting Oxford Consulting group a publié son rapport annuel sur les performances économiques du pays. L’attention portée à tout ce qui ne touche pas au pétrole a porté ses fruits puisque le FMI a évalué la croissance du Gabonhors pétrole- à 5,4 % pour 2011, alors que l’on s’attendait à une croissance globale de 5 %.
MINISTÈRE DE L’AGRICULTURE, DE L’ÉLEVAGE, DE LA PÊCHE ET DU DÉVELOPPEMENT RURAL L’inventaire conduit par le Codex Alimentarius a permis de déterminer que le système national de contrôle de la sécurité sanitaire des aliments est inefficace. Le Comité a donc tenu un grand nombre de réunions pendant ses six mois d’activité en 2010 pour y remédier. Un atelier sur la réforme du système national de contrôle de la sécurité sanitaire des aliments a été organisé le 19 novembre 2010 avec l’appui de la FAO, aboutissant au choix d’un modèle d’organisation : l’agence unique. Pour 2011, les travaux porteront sur la participation à des réunions nationales et internationales ainsi que sur la poursuite des réformes et l’élaboration du texte sur la réorganisation du Comité National du Codex Alimentarius.
Premières initiatives concrètes
PUBLI-INFORMATION
Le Codex Alimentarius est essentiellement chargé de : > DE RÉVISER les textes et proposer une réforme, > D’INVENTORIER les textes nationaux et internationaux traitant des questions de sécurité sanitaire des aliments, > D’IDENTIFIER les acteurs su secteur, > D’ÉVALUER les besoins en formation et en équipement du système de contrôle de la qualité des denrées alimentaires, > DE FORMULER les réponses du pays aux propositions de la Commission, > DE DÉSIGNER les délégués pour représenter le pays, > DE CONSEILLER le gouvernement sur les meilleures décisions à prendre en ce qui concerne les normes, > DE PROPOSER des sous comités techniques selon les besoins.
P
our parvenir aux objectifs fixés par le Président de la République Ali Bongo Ondimba, le Ministre de l’Agriculture Raymond Ndong Sima a dû rapidement prendre des initiatives pour faciliter la sécurité alimentaire. Parmi les réalisations emblématiques d’ores et déjà décidées, on peut citer :
Six fermes agropastorales Six fermes agropastorales seront créées pour garantir la sécurité alimentaire et réduire la dépendance alimentaire du Gabon vis-à-vis de l’extérieur. Ce projet périurbain permettra une plus grande disponibilité des produits sur le marché et une baisse notable de leurs prix. En outre, elles promouvront des techniques modernes d’élevage et d’agriculture afin d’optimiser leur rendement. Pour ce faire, formation et encadrement adaptés seront offerts aux exploitants. Ces fermes représentent également l’occasion de construire des villages modernes, dotés de centres sociaux, d’écoles et de centres médicaux, pour un bénéfice global à toute la population environnante.
Le Projet de développement Agricole et Rural (PDAR) L’objectif du PDAR, réalisé en collabo-
ration avec la FIDA, est de réduire la pauvreté en milieu rural par la diversification et l’augmentation des revenus des populations, et l’amélioration de leurs conditions de vie. Le projet facilite l’accès des groupes cibles aux filières agricoles qui bénéficient de marchés porteurs dans la Province du Woleu Ntem, à savoir les racines et tubercules, les bananes et l’arachide. Ces filières ont de plus un fort potentiel d’impact sur les femmes et les jeunes. Dans le détail, les objectifs sont donc de : • Développer les filières porteuses prioritaires au bénéfice de groupes cibles du projet • Renforcer les capacités des acteurs des filières prioritaires et de leurs organisations • Renforcer les capacités institutionnelles en matière de services d’appui au monde rural. Pour les atteindre, le projet intervient à travers trois composantes : • Promotion des filières agricoles • Renforcement des capacités des acteurs • Coordination, suivi et évaluation du projet Ce projet est prévu pour durer 6 ans, depuis 2008 jusqu’en 2014.
DIFCOM/DF - PHOTOS : DR
CODEX ALIMENTARIUS
À la poursuite du Gabon vert
75
PATRIMOINE
Qui exploite la forêt? L’État a commencé à faire le ménage parmi les titulaires de permis forestiers. Pas simple.
L
or vert n’aime pas le bruit, et la filière gabonaise du bois ne déroge pas à la règle. Deuxième employeur du pays derrière la fonction publique, avec près de 30 000 emplois, elle représente 4 % du produit intérieur brut (PIB, 6 % hors pétrole), mais suscite souvent les critiques pour son manque de transparence. Ni le gouvernement ni les exploitants forestiers ne communiquent sur les activités de la filière. On sait néanmoins que la compagnie Bordamur, détenue par le groupe malais SUR 12 MILLIONS D’HECTARES (120 000 KM2) EXPLOITABLES, 9 millions, dont près de 1,9 million certifiés, sont placés sous aménagement durable. Rimbunan Hijau, est citée comme étant le plus grand concessionnaire du pays. Elle exploite plus de un million d’hectares, CEB (505 000 ha), SHM-Interwood des sociétés étrangères. En signant ces (300 000 ha) ou de l’italienne Basso situés principalement dans le nord-ouest contrats de « fermage » avec de grandes du pays. Comme d’autres compaTimber Industries (450 000 ha). compagnies, les détenteurs de permis perçoivent d’importants loyers et peuvent gnies malaises, telles que Fobo UNE RENTE. Conçue pour s’assurer une rente sans courir le risque et Bonus Harvest, elle est le le taux annuel porte-étendard d’une préattirer les investisseurs, la d’investir dans leurs concessions. de déboisement au sence asiatique de plus en législation a favorisé la préMême la Société nationale des bois du Gabon est inférieur à plus soutenue. Ces dernières pondérance des capitaux Gabon (SNBG) est détenue à 51 % par la moyenne des pays années se sont implantés le sinétrangers dans le secteur. l’État et à 49 % par des sociétés étrangètropicaux, selon la FAO gapourien Olam (lire pp. 80-81), Dans la plupart des cas, les res. Elle fixe notamment les quotas de les chinois Sunly, HTG, TBNI ou coupe de l’okoumé et de l’ozigo, deux des unités d’exploitation réservées encore Shengyang, qui a racheté le franaux Gabonais par le code forestier essences majeures de la filière. ● çais Gabon Export Bois pour 68 millions de décembre 2001 sont sous-traitées à GEORGES DOUGUELI d’euros en août 2010.
0,5 %
EUROPE CONTRE ASIE. L’entrée en force
des groupes orientaux dans cet espace occupé depuis le début de l’exploitation forestière, en 1899, par les compagnies européennes et majoritairement françaises, est une conséquence de l’augmentation de la demande asiatique. Il est loin le temps où la Société du Haut-Ogooué (SHO) exploitait les deux cinquièmes du territoire gabonais. Certes soumises à une rude concurrence, les compagnies européennes ou contrôlées par des capitaux européens détiennent encore des concessions importantes. C’est le cas des français Rougier (près de 690 000 ha), ThanryJEUNE AFRIQUE
LA CONTROVERSE DE L’IBOGA POUSSANT ABONDAMMENT dans la forêt gabonaise, le Tabernanthe iboga, arbuste de la famille des apocynacées, n’a pas encore livré tous ses secrets. Les vertus de sa racine sont connues depuis longtemps dans les ethnies Mitsogos (Centre) et Fangs (Nord) du pays et du sud du Cameroun, qui l’utilisent dans des rituels traditionnels. Depuis la fin des années 1990, l’industrie pharmaceutique et les chercheurs la considèrent avec un vif intérêt, tandis que les amateurs de chamanisme entretiennent des filières d’exportation clandestines. Psychostimulant et hallucinogène, l’iboga est classé comme stupéfiant et interdit à la consommation en France depuis 2007, alors que le Gabon l’a inscrit sur la liste du patrimoine national et des produits stratégiques. Selon un responsable du ministère gabonais de l’Environnement, le pays compte s’appuyer sur le protocole de Nagoya, signé le 29 octobre dernier, qui régit l’accès et le partage des avantages liés à l’utilisation des ressources génétiques, pour protéger l’iboga. ● G.D. N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
NYT/REA
’
Le Plus de J.A.
WITT/SIPA
Ý L’USINE DE DÉROULAGE ET CONTREPLAQUÉ de Rougier Gabon à Owendo, près de Libreville.
BOIS
La filière sort de l’ornière
Un an tout juste après l’entrée en vigueur de l’interdiction d’exporter les grumes, décidée pour favoriser la transformation locale, les forestiers et les industriels se sont réorganisés.
L’okoumé
RÉACTION RAPIDE. Rougier Gabon,
qui dispose d’une usine de contreplaqué à Owendo (près de Libreville) et de deux scieries, à Mbouma Oyali (sud-est du pays) et Mévang (Ouest), a dans le même temps accéléré l’évolution de son outil industriel. La capacité de l’usine de Mévang sera doublée à partir du deuxième semestre 2011, BIO
SP
H
N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
pour leurs exploitations gabonaises la certification de bonne gestion forestière Forest Stewardship Council (FSC), garantissant le respect des volets environnementaux et socioéconomiques.
O
R
epoussée du 1er janvier au 15 mai 2010 à la demande des opérateurs pris de court par son entrée en vigueur « brutale », l’interdiction d’exporter le bois en grumes porte ses premiers fruits. Le nombre d’unités de transformation a augmenté de 13,4 %, avec 93 usines fin 2010 contre 82 en 2009, représente 72 % les capacités indusdes exportations trielles passant de de bois, sur 1,6 million de m3 à 400 essences 3 1,625 million de m d’arbres (+ 1,5 %). répertoriées Du côté du frandans le pays çaisRougier,l’undes principaux opérateurs du secteur, « une batterie de solutions a rapidement été mise en œuvre, explique Paul-Emmanuel Huet, responsable environnemental et sociétal du groupe. À défaut de pouvoir les exporter, nous avons développé la vente de grumes d’okoumé au Gabon, l’essence étant désormais bien valorisée par les industriels locaux. Nous l’avons couplée à la valorisation de la certification, qui est un plus incontestable pour la vente des produits, notamment en Europe ». Avec 688 000 hectares labellisés, Rougier est l’une des trois entreprises ayant obtenu
OT
76
grâce à une deuxième ligne de production consacrée aux bois divers (hors okoumé), et une nouvelle scierie sera opérationnelle avant la fin de l’été 2011 à Ivindo (Nord-Est). « Ces évolutions de Rougier Gabon, dont les effectifs sont d’environ 1 500 personnes, devraient générer une centaine d’emplois supplémentaires », précise Paul-Emmanuel Huet. Autre acteur de poids, la Société nationale des bois du Gabon (SNBG), jusqu’à présent spécialisée dans la commercialisation des grumes, a également investi, en partenariat avec l’italien Cremona, dans la construction d’un complexe industriel d’une capacité de 250 000 m3/an. Établi à Owendo, il sera opérationnel avant la fin de l’année. REPRISE DE PLYSOROL. Quant à Leroy
Gabon et Pogab, les filiales de Plysorol, ils reviennent de loin. Après le verdict rendu par la cour de cassation de Libreville fin janvier, le groupe libanais John Bitar & Co. en a repris le contrôle au chinois Guohua Zhang. L’investissement prévu en 2011-2012 pour restructurer le fabriquant de contreplaqué et ses deux filiales gabonaises s’élève à 25 millions d’euros. Auparavant traités en France, les contreplaqués en okoumé seront désormais fabriqués directement au Gabon par Pogab, dont le groupe envisage de porter les effectifs de 275 à 1 000 employés – ce qui pourrait permettre la réintégration des salariés licenciés. Côté exploitation, Leroy Gabon, qui dispose d’un permis d’exploitation pour 600 000 ha d’okoumé, doit reconstruire des routes, des ponts et réorganiser sa logistique. L’entreprise prévoit de mettre en place un plan d’aménagement pour certifier le bois. ● CÉCILE MANCIAUX
PRIÈRE DE NE PAS LAISSER TRAÎNER FIN JANVIER, L’ÉTAT A PRIS LA DÉCISION de s’approprier au bout d’un délai de six mois « le bois coupé abandonné dans la nature ». Entendez par là tout tronc d’arbre abattu, ébranché, étêté, tronçonné ou scié, délaissé à la lisière des chantiers forestiers ou dans des parcs à bois. De quoi faire réfléchir certains exploitants indélicats dont la très mauvaise habitude est de laisser traîner des monceaux de grumes qui finissent par pourrir sous la pluie. Quand on y pense, le délai C.M. de six mois est, somme toute, généreux. ● JEUNE AFRIQUE
À la poursuite du Gabon vert
TRIBUNE
Aux arbres citoyens! VINCENT FOURNIER/J.A.
À Marc Ona Essangui Présidentfondateur de l’ONG Brainforest
L’INSTAR D’AUTRES PAYS DU BASSIN DU CONGO, le Gabon s’est engagé dans des négociations avec l’Union européenne (UE) afin d’aboutir à la signature d’un Accord de partenariat volontaire (APV) dans le cadre du processus Forest Law Enforcement, Governance andTrade (FLEGT), législation européenne visant à interdire les importations de bois brut ou transformé produit illégalement. Après deux ans de correspondance et plusieurs rencontres, en novembre 2009, le Premier ministre gabonais a officiellement demandé l’ouverture des négociations au commissaire européen en charge du Développement. Un Comité technique de coordination (CTC) a été créé, qui regroupe les représentants des trois collèges parties prenantes du débat sur la gouvernance forestière et le FLEGT au Gabon: l’administration (ensemble des ministères concernés par la gestion des forêts), la société civile et les opérateurs privés du secteur. Sous l’autorité de Sylvain Nze Nguema, directeur général adjoint des eaux et forêts et président du comité de négociation, le CTC est chargé de la préparation technique des sessions de négociation entre le délégué européen et le ministre des Eaux et Forêts, représentant la partie gabonaise. Il constitue le cadre des discussions techniques entre les trois collèges, la règle étant de recueillir les points de vue de chacun jusqu’à aboutir à des positions communes. Ce sont ces dernières, résultat d ’ u n e d é m a r ch e concertée du pays pour la définition de sa légalité forestière, qui font l’objet de négociations avec l’Union européenne. Pour nous aider à relever les défis d’une meilleure gouvernance du secteur forestier, satisfaire les attentes de la communauté internationale en matière de lutte contre l’exploitation illégale du bois et mobiliser les différents acteurs, des appuis ont été mis en place par d’autres partenaires tels que l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’ONG Fern, l’European Forest Institute (EFI) et l’Association interafricaine des industries forestières (Ifia).
sous la houlette de son chef de projet, Richelieu Zue Obame, de coordonner la participation des trente-six organisations de défense de l’environnement qui forment ce collège. Après deux années de travail intensif, les résultats sont concluants. Un programme d’analyse des textes réglementaires gabonais relatifs à la forêt et à l’environnement a été réalisé à son initiative, dont le rapport final est consultable en ligne sur le site de Brainforest (www.brain-forest.org). Le but était de permettre à l’ensemble des parties prenantes aux discussions sur l’amélioration de la gouvernance forestière d’avoir une connaissance aussi précise que possible des failles du système réglementaire, lesquelles constituent des poches d’inhibition à la progression du Gabon vers une gestion et une gouvernance améliorées de cette ressource naturelle stratégique. La connaissance des faiblesses du cadre réglementaire devait donc contribuer à orienter les discussions sur des points d’intérêts majeurs afin d’aboutir à des solutions concrètes. Dans le cadre de sa participation à l’amélioration de la gouvernance forestière, la société civile gabonaise a par ailleurs engagé depuis un an un programme de renforcement des capacités.
L’objectif est d’aboutir à une législation européenne qui interdise les importations de bois brut ou transformé produit illégalement.
Brainforest, tête de pont du collège de la société civile aux négociations de l’APV entre l’Union européenne et le Gabon, est chargé, JEUNE AFRIQUE
L’objectif est de faciliter chez les acteurs de la gestion forestière la compréhension des concepts et thématiques techniques liés au FLEGT et à l’APV, ainsi que les thématiques connexes de la gestion forestière que sont la Réduction des émissions de gaz à effet de serre liées à la déforestation et à la dégradation des forêts (REDD+) et les Mécanismes de développement propre (MDP). Enfin, en 2011 et pour les années à venir, l’action de la société civile va se concentrer sur la mise en place d’un mécanisme d’appui à l’administration forestière dans l’exercice de sa mission de suivi de la légalité sur le terrain. Ce processus devra se dérouler dans le cadre d’un observatoire indépendant des activités forestières animé par la société civile, en partenariat étroit avec l’administration et le secteur privé. ● N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
77
Banque Gabonaise de Développement
Du développement à l’émergence À 50 ans révolus, la Banque Gabonaise de Développement (BGD) entreprend une nouvelle phase de progrès et inscrit son action dans la politique nationale du Gabon.
Créée en 1960, la Banque Gabonaise de Développement (BGD) est aujourd’hui en Afrique subsaharienne l’une des dernières banques de développement qui respecte ses missions originelles : le financement du développement économique et de la lutte contre la pauvreté. Ses consœurs ont disparu ou sont devenues des banques commerciales. La BGD, pour sa part, a réussi à maintenir et accroître ses activités dans différents secteurs de l’économie et de prêts ciblés aux particuliers et aux entreprises. Le soutien de l’État, qui détient 69 % du capital, et ceux de ses autres actionnaires, parmi lesquels la Banque des États d’Afrique centrale (BEAC), l’Agence française de développement (AFD) ou encore son homologue allemande (DEG) ne lui ont jamais fait défaut.
Renforcement des actions auprès des collectivités locales et des PME Le réseau couvre l’ensemble
Forte de cette confiance, la BGD inscrit aujourd’hui son action dans le droit fil de
du pays.
Ci-contre, le siège social de la BGD, à Libreville. De haut en bas, les agences de Franceville, Lambaréné et Mouila.
Pour mener à bien ses nouvelles missions, la BGD peut compter sur le professionnalisme de ses équipes. Celles-ci disposent d’un réel savoirfaire en matière de financement des PME. Elles ont démontré leur capacité à les conseiller sur l’élaboration du dossier de prêt et à les accompagner quand le financement se met en place. Ces compétences seront renforcées, tout comme l’appui aux collectivités locales. La BGD, qui est déjà un interlocuteur apprécié par les institutions financières internationales, dont certaines sont ses actionnaires, est en position centrale pour élaborer, avec les municipalités ou les régions, des montages financiers innovants.
Une banque unique en son genre Publique, la BGD n’en est pas moins une banque au sens strict et moderne du terme. Comme ses homologues dans le pays,sa gestion et ses procédures observent la règlementation inter-
nationale, appliquée au plan régional par la Cobac (Commission bancaire d’Afrique centrale). Elle est même la seule banque gabonaise à s’être soumise à la notation de ses engagements par l’un des organismes internationaux les plus en vue, Fitch Rating, qui l’a qualifiée AB+ pour le long terme et AB pour le court terme.
DIFCOM/Creapub - © : DR
la politique du « Gabon émergent », lancée par le présidentAli Bongo Ondimba dès la campagne électorale qui l’a mené à la magistrature suprême, le 30 août 2009.Tout en maintenant ses activités historiques, la Banque Gabonaise de Développement accentue sa stratégie en faveur de deux types de clientèles : les collectivités locales et les entreprises. Pour les premières, il s’agit d’appuyer le montage financier de leurs projets structurants (routes, logements, équipements…). Quant aux secondes, qui représentent déjà un tiers de son portefeuille de prêts, la BGD entend étendre son dispositif afin d’intervenir auprès d’un nombre croissant de Petites et moyennes entreprises (PME), dont l’essor est souvent freiné par l’absence de considération de la part des circuits bancaires traditionnels. Afin d’appuyer son action auprès des PME, l’État gabonais a transmis à la BGD la gestion de deux fonds d’investissement publics : le Fonds d’expansion des PME (Fodex) et le Fonds de garantie et d’aide (Faga).
La BGD peut également s’appuyer sur une présence effective sur le territoire gabonais grâce à un réseau de 8 agences et 1 bureau qui couvrent les 9 provinces du pays, y compris deux d’entre elles où aucune autre banque n’est implantée. Ce maillage fait de la BGD l’interlocuteur de choix des PME et des collectivités locales dans l’ensemble du pays. Capitalisant sur son expérience et sa position originale dans le paysage bancaire, la Banque Gabonaise de Développement apporte une nouvelle fois, plus de 50 ans après sa création, sa contribution à l’avenir du Gabon.
Au cœur du développement... Banque Gabonaise de Développement BP 5 – rue Alfred Marche, Libreville, Gabon Tél. : (241) 76 24 29 Fax : (241) 74 26 99 www.bgd-gabon.com
Communiqué
Roger Owono Mba Administrateur Directeur Général Nommé début 2011 à la tête de la BGD, venant du ministère de l’Économie, où il était Directeur général de l’industrie et de la compétitivité. Il a notamment géré la réorganisation de la Chambre de commerce et d’industrie, désormais intégralement dirigée par le secteur privé, et la réforme de l’Agence de promotion des investissements privés (Apip). Roger Owono Mba était auparavant Directeur général adjoint de la première banque privée du Gabon.
Le Plus de J.A. INVESTISSEMENT ÉTRANGER
Liaisons dangereuses? Construction d’une zone d’activités, d’une usine d’engrais, plantation de palmiers à huile… En moins d’un an, le géant singapourien Olam est passé de l’approche tactique au grand jeu.
À
Nkok, une bourgade forestière située à 27 km de Libreville, sur la nationale 1, on n’entend plus chanter les oiseaux. Depuis juin 2010, les volatiles effarouchés sont allés chercher la tranquillité ailleurs, loin des 220 engins lourds de travaux publics et du millier d’ouvriers venus de tous les continents. Ces derniers s’activent à repousser la forêt, raboter les collines caillouteuses, construire les bureaux et infrastructures de la Zone économique spéciale (ZES) plurisectorielle que l’État gabonais a décidé d’y implanter. Ici, la langue de travail, c’est l’anglais, car le promoteur et partenaire technique du projet, Olam International, est anglophone. Sous la houlette de Gagan Gupta, le directeur général de Gabon Advance, sa filiale locale, le géant singapourien de l’agroalimentaire a conçu et financé la ZES et embauché neuf entreprises pour réaliser les travaux de cette enclave géographique destinée au développement des activités de traitement et de transformation du bois. RESPECT ! Si ses homologues européens
de la filière bois ont tendance à regarder de haut l’affable Gagan Gupta, ce dernier a su se faire apprécier des autorités locales. « Les Singapouriens sont différents ; ils n’ont pas l’arrogance des Occidentaux, explique un cadre gabonais de Gabon
Advance. Ce sont des partenaires dont le sens du respect de l’autre est plus proche du nôtre », ajoute-t-il, enthousiaste. Le site de Nkok a été choisi pour sa proximité avec les voies de communication. Il se situe à 12 km de la route nationale 1, à 14 km de la gare ferroviaire de Ntoum (Estuaire), il profitera aussi de la voie fluviale de l’Ikoy Komo, qui rejoint l’Océan atlantique au port d’Owendo. Autre avantage, le futur aéroport de Libreville sortira de terre à quelques encablures de la zone… Les travaux de la première phase du projet couvrent une superficie de 400 hectares sur les 1 126 ha prévus, pour un investissement de 200 millions de dollars (143 millions d’euros). Cette ZES doit permettre aux opérateurs économiques de la filière bois de créer, à terme, 6000 emplois directs et indirects. Logique, puisque la décision gouvernementale de la construire fait suite à l’interdiction d’exporter du bois en grumes (effective depuis le 15 mai 2010) de façon à favoriser l’émergence d’un tissu industriel local créateur d’emplois. « Les ouvrages sont calibrés pour accueillir soixante-deux sociétés », explique-t-on chez Olam. Les investisseurs bénéficieront de mesures fiscales incitatives, notamment d’une exonération totale de l’impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux pendant dix ans à compter de la première vente de
TROPISME AFRICAIN PRÉSENT DANS PLUS DE SOIXANTE PAYS, dont vingt sur le continent, le singapourien Olam International conforte sa position de leader dans l’agrobusiness africain, où il a réalisé un chiffre d’affaires de 900 millions d’euros en 2010. Grand importateur de denrées sur le continent, le groupe y cultive aussi, il y construit et acquiert des unités de transformation de cacao, d’huile de palme, des raffineries de sucre ou encore des minoteries (notamment avec le rachat, en 2010, du nigérian Crown Flour Mills et du ghanéen Wheat Mill). Depuis 2003, le groupe a engagé un plan d’investissements à long terme sur les marchés de bois certifiés. Il a notamment acquis des filiales au Ghana, en Côte d’Ivoire (où, depuis 2008, il est associé avec le groupe ivoirien Sifca, au sein de sa filiale Palmci, pour l’exploitation de palmeraies et la production d’huile de palme), ainsi qu’en C.M. RD Congo et, désormais, au Congo et au Gabon. ● N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
DESIREY MINKOH POUR J.A.
80
l’entreprise. Après cette période initiale d’exonération, les entreprises admises au régime de la ZES seront assujetties à cette taxe au taux de 10 % (au lieu de 35 %) pour cinq ans. Elles pourront librement rapatrier leurs profits et bénéficier d’une plus grande flexibilité pour recruter du personnel non gabonais. PLUS ET AFFINITÉS. L’histoire d’amour entre Singapouriens et Gabonais ne s’arrête pas là. Un nouveau chapitre s’est ouvert en novembre dernier quand, au cours de sa tournée asiatique, le président gabonais Ali Bongo Ondimba a signé avec Olam International un contrat de près de 1,54 milliard de dollars pour le développement de la culture du palmier à huile. L’accord prévoit que 30 % des palmeraies plantées soient détenues par des agriculteurs locaux, afin de garantir l’emploi d’une majorité de Gabonais au sein des structures internationales présentes sur le territoire. La première phase d’investissement du projet, piloté par Olam Palm Gabon, la nouvelle filiale du groupe, démarrera en octobre, avec la plantation de 50000 ha de palmeraies dans la région de Lambaréné (Moyen-Ogooué) et de 8 000 ha dans la région de Kango (Estuaire), à une centaine de kilomètres de Libreville. C’est à Kango que le groupe va établir sa première usine d’huile de palme dans le pays. Elle sera JEUNE AFRIQUE
81
CRÉDIT PHOTO
LE PARC INDUSTRIEL INTÉGRÉ DE NKOK sera principalement consacré aux opérateurs de la filière bois.
porte sur la plantation de 150000 ha dans le Sud, à Tchibanga, Mayumba (dans le Nyanga) et Mouila (Ngounié).
DESIREY MINKOH POUR J.A.
« CLIP » QUALITÉ. Si l’État lui a attribué
GAGAN GUPTA, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE Gabon Advance, filiale locale d’Olam.
opérationnelle dans trois ans et demi, en décembre 2014, le temps que les palmiers arrivent à maturité. L’investissement global de cette première phase est estimé à près de 630 millions d’euros, pour une production, à terme, de 1 million de tonnes d’huile de palme par an (280 000 t pour commencer) et, selon Shyam Ponnappa, directeur d’Olam Palm Gabon, la création de 700 à 800 emplois. La deuxième phase d’investissement, estimée à 450 millions d’euros, devrait être engagée en 2013. Elle JEUNE AFRIQUE
19 000 ha de forêt dans le département de Komo-Kango, Olam Palm Gabon a annoncé qu’il n’en utiliserait que 8 000 afin de limiter l’impact de ses activités sur la biodiversité du bloc forestier, riche en cours d’eau, zones de pêche artisanale et lieux de reproduction pour les oiseaux et les poissons. En attendant la saison des plantations, les dirigeants d’Olam Palm Gabon règlent les derniers détails de la concertation avec les populations riveraines sur les questions de propriété et de cogestion, afin de finaliser la procédure de Consentement libre informé préalable (Clip), qui fait partie de la démarche qualité d’Olam Palm Gabon et sans lequel aucun engin ne pourra entrer en forêt. Étant donné que la production de sa future usine sera entièrement destinée à l’export, Olam n’a de toute façon guère d’autre choix que de respecter les normes sociales et environnementales si elle veut obtenir la certification internationale RSPO (Roundtable on Substainable Palm Oil, Table ronde sur l’huile de palme durable), désormais indispensable pour exporter. La convention signée en novembre entre le gouvernement gabonais et Olam
comprend également la construction d’une usine d’engrais ammoniac-urée dans la toute nouvelle zone franche de l’île Mandji, un projet auquel s’est associée, mi-avril, la branche chimie du conglomérat indien Tata. La coentreprise, dotée de plus de 900 millions d’euros, est donc désormais détenue par Olam (62,9 %), Tata (25,1 %) et l’État gabonais (12 %). Le complexe de 120 ha, dont la construction démarre ce mois-ci, doit être livré dans le courant du premier semestre 2014. Il aura une capacité de production totale de 2 200 t d’ammoniac et 3 850 t d’urée par jour (soit une production totale de 1,3 million de tonnes d’urée par an). Le chantier de l’usine va employer 4 000 personnes et plus de 300 emplois directs seront créés lorsque l’unité sera opérationnelle. EN ALERTE. Cependant, les ONG et défen-
seurs de l’environnement sont en alerte. Les plantations de palmiers à huile étant très gourmandes en eau et en pesticides, les villages qui vivent à proximité ne vontils pas en souffrir? Quant à l’implantation d’une unité ammoniac-urée à quelques encablures de Port-Gentil, de l’île Mandji, de ses oiseaux et tortues luth… BienquenouveauvenuauGabon,Olam y a de grandes ambitions. Et ne perd pas de temps pour passer à l’acte. À la mi-janvier, le groupe a en effet acquis un permis d’exploitation sur 300 000 ha de forêt en rachetant TT Timber International, filiale
Des premiers pas de géant dont les militants écologistes ne vont pas manquer de suivre l’empreinte. du danois Dalhoff Larsen & Horneman (DLH), pour 29,6 millions d’euros. Une opération qui fait du bruit dans les milieux forestiers de la région puisqu’elle permet au Singapourien d’acquérir du même coup 1,3 million d’hectares de forêt tropicale dans le nord du Congo voisin, ainsi que le numéro un de son secteur forestier, la Congolaise industrielle du bois (CIB). Les premiers pas d’Olam dans le Bassin du Congo sont décidément des pas de géant… dont les militants écologistes ne vont pas manquer de suivre l’empreinte. ● GEORGES DOUGUELI et CÉCILE MANCIAUX N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
Le Plus de J.A. SÉCURITÉ ALIMENTAIRE
Un nouveau modèle agricole en germe L’État veut relancer les cultures vivrières. Objectif : augmenter les rendements à l’hectare pour produire plus… Et mobiliser moins de terres.
à Tchibanga (Nyanga) en lançant le Pasac. Ses trois volets principaux portent sur la sécurisation des approvisionnements – avec un programme quinquennal de sécurité alimentaire (PNSA 2010-2014) et la création de l’Agence gabonaise de sécurité alimentaire (Agasa) –, la réhabilitation des exploitations agricoles en difficulté et l’augmentation des capacités de rendement agricole et halieutique. Ce dernier point passe par le développement de pôles de production intensive concernant principalement des cultures vivrières, comme le riz, dont l’essentiel de ce qui est consommé est importé de Thaïlande ou du Vietnam. L’objectif étant de produire plus en utilisant le moins d’espace possible.
A
vecprèsde15millions d’hectares de terres agricoles non cultivées, et à la faveur du climat équatorial, le Gabon dispose d’un réel potentiel. Pourtant, le pays reste largement dépendant de l’extérieur pour ses besoins alimentaires : il importe plus de 85 % des denrées consommées par ses 1,5 million d’habitants, ce qui lui a coûté la bagatelle de 250 milliards de F CFA (plus de 380 millions d’euros) en 2010. Une facture en hausse constante, à l’insÀ LA MODE ISRAÉLIENNE. Fin tar du coût du panier de la avril, Raymond Ngong Sima a signé une convention avec la ménagère. société israélienne LR Group Pour y remédier, l’État a lancé un Programme agricole pour le développement, via sa SUR LES MARCHÉS DE LIBREVILLE, les fruits et légumes de base, en grande partie importés, restent trop chers. de sécurité alimentaire et de filiale Mori Investments, de six croissance (Pasac), auquel il fermes agropastorales. D’un alimentaires de base (manioc, riz, banaa affecté un budget de 38,4 milliards de coût global de près de 9,5 milliards de nes, viandes et légumes notamment). F CFA pour l’exercice 2010. Priorité est F CFA, entièrement pris en charge par donnée à la réorganisation et au déveUn fonds de garantie de 900 millions de l’État, le projet doit permettre de satisfaire loppement de l’agriculture et de la pêche, F CFA destiné aux exploitants agricoles a les besoins en volailles et en légumes avec secteur dont la part dans le PIB est passée également été créé en début d’année. des produits locaux, disponibles à des prix bien moins élevés que les denrées de 15 % dans les années 1960 à moins de « Il n’est pas raisonnable que l’essentiel 5 % aujourd’hui. L’objectif : porter cette de ce que les Gabonais consomment importées. contribution à 20 % du PIB en privilégiant vienne de l’extérieur », résumait le minisSans compter qu’il participera à la les cultures vivrières, de façon à réduire tre de l’Agriculture et du Développement formation de la nouvelle génération d’exde 5 % par an les importations de produits rural, Raymond Ndong Sima, le 15 février, ploitants, avec l’implantation de fermesécoles à proximité des six établissements. « Nous avons déjà réalisé ce genre de COUP DE POUCE AUX PME projet. Nous commençons aujourd’hui UN PROJET DE DÉVELOPPEMENT et d’investissement agricole avec six fermes ; après, nous allons contiau Gabon (Prodiag) vient d’être lancé par l’Institut gabonais d’appui nuer avec des villages modernes, comme au développement, chargé de l’encadrement technique des créateurs nous l’avons fait au Nigeria », a expliqué de PME agricoles. Disposant d’un budget de plus de 19 millions d’euros à la presse Victor Tiroch, le directeur du sur cinq ans (2011-2015), financé à hauteur de 79 % par un prêt de l’Agence développement commercial de Mori Investments, qui estimait à l’occasion de française de développement et de 21 % par l’État gabonais, le Prodiag va permettre de renforcer les capacités des acteurs privés et associatifs. Plus la signature du contrat que, « dans un an de la moitié des financements sont consacrés à l’appui aux producteurs, le maximum, le pays pourra stopper l’imreste se répartit entre l’aide à la structuration professionnelle, la formation, portation de légumes et de volailles ». ● TIPHAINE SAINT-CRIQ
82
la transformation agroalimentaire et la recherche de partenaires. ●
N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
C.M.
STÉPHANE BALLONG JEUNE AFRIQUE
Ministère de la Jeunesse et des Sports chargé des Loisirs
D
ans un peu moins de neuf mois, moiis, le 21 janvierr 2012, 2012, se jouera le match d’ouverture de la Coupe d’Afrique d’Afriq que des des Nations Nations de Football à Malabo. La finale aura lieu u un n m mois oiis plus tard à Libreville. Evénement E é sportif if majeur j d du continent, i lla CAN 2012 est co-organisée ié par le Gabon et la Guinée Équatoriale. Une première pour le Gabon, qui, avec la réception de cet événement et en relevant tous les défis inhérents, illustre là encore combien il est sur la Voie de l’Émergence. MESSAGE ● I / IV
Une première… Pour le Gabon, qui accueille la plus grande manifestation sportive africaine pour la première fois, il s’agit d’une source incontestable de motivation et d’énergie. Pour le Ministère de la Jeunesse et des Sports chargé des loisirs, une fierté de participer à l’organisation d’un tel événement. Il s’agit également d’une occasion d’entreprendre quelques grands travaux de réfection ou de construction des routes, des structures hôtelières, et, bien sûr, des stades. Source d’emplois et moteur de croissance, la CAN 2012 est en outre un formidable coup de projecteur sur le Gabon qui sera ainsi visible des millions de spectateurs et téléspectateurs africains et internationaux.
…qui sera un succès
GABON - CAN 2012
Ali Bongo Ondimba, Président de la République et l’ensemble du gouvernement unissent leurs efforts pour faire de cet événement un succès pour l’épreuve sportive et une fête pour tous les Gabonais, réunis derrière leur équipe nationale, Les Panthères. Les défis sont nombreux pour le Gabon : amener les infrastructures sportives au niveau requis par la Confédération Africaine de Football (CAF) , construire de nouvelles structures hôtelières et, bien sûr, donner aux Panthères les moyens et l’envie de se dépasser pour représenter fièrement leur nation, avec l’aide de Gernot Rohr, entraîneur du Onze gabonais depuis presque quatorze mois. MESSAGE ● II / IV
Le Haut Commissariat à l’organisation de la 28e Coupe d’Afrique des Nations de Football Devant la nécessité de garantir sans le moindre doute la réalisation de tous les chantiers nécessaires avant le début de la CAN 2012, le Conseil des Ministres en date du 2 février 2011 a décidé la création d’un Haut Commissariat à l’organisation de la CAN. Sous l’autorité du Président de la République, le Haut Commissariat est un service public chargé d’une mission temporaire. À sa tête, Jules Marius Ogouebandja, ancien Ministre délégué et ancien international de football lui-même, est épaulé par deux adjoints : • Henri Claude Oyima, Haut commissaire adjoint en charge des finances et Président directeur général de la BGFI Bank, • Christian Kerangall, Haut commissaire adjoint en charge de l’organisation.
Le Haut Commissariat coiffe le Cocan, le comité d’organisation de la Coupe d’Afrique des Nations Le Cocan a pour missions de définir et d’exécuter les budgets nécessaires à l’organisation de la prochaine CAN, ainsi que de définir et arrêter la liste des projets d’infrastructures à construire et à moderniser, tout en déterminant leur coût. Il doit élaborer un agenda DE MULTIPLES de réalisation des investissements et veiller au respect de MISSIONS À MENER À BIEN son exécution, tout en assumant l’harmonisation entre le Gabon et la Guinée Équatoriale, les deux pays coorganisateurs de la CAN 2012, dans le respect des statuts et du cahier des charges de la Confédération Africaine de Football (CAF). Le Cocan nouvelle version comprend un Comité Directeur, organe délibérant, et des Commissions : • La commission Communication et Marketing, aux compétences élargies avec le tourisme et les loisirs. Elle est chargée d’assurer la communication et le marketing de l’événement avant et pendant la compétition, ainsi que la bonne couverture médiatique nationale et internationale, de vendre le label CAN 2012 et de veiller à l’organisation des activités touristiques et des loisirs autour de la CAN. • La commission Transport est en charge de la partie logistique. Elle devra assurer déplacements et stationnements en optimisant les flux de transport, ainsi que, en collaboration avec les services de l’État, la sécurité des personnes transportées. Enfin, en collaboration avec toutes les autres commissions, elle assurera la couverture de tous les besoins logistiques.
© RainbowPress/Cameleon/ABACAPRESS.COM
L’Équipe Didier OVONO EBANG (Le Mans - France),
Selim HAROUN NZE
Anthony MEZUI (FC Metz - France)
(Valenciennes FC, D1 France),
tion de la CAN 2012 se sont vues insuffler une nouvelle dynamique produisant des résultats tout à fait à la hauteur des attentes de la CAF.
tout en respectant les normes sécuritaires. Les inspecteurs de la CAF ont souligné, lors de leur entretien avec le Ministre de la Jeunesse et des Sports chargé des loisirs, René Ndemezo’o Obiang, que si, quelques mois en amont, ils avaient « quelques doutes quant à l’organisation de la CAN dans le pays », ceux-ci avaient fait place à une « pleine certitude que tous les chantiers à tous les niveaux (stades de compétitions et autres infrastructures de Libreville, Franceville, Bongoville, Ngouoni et Moanda),évoluaient à un rythme tout à fait satisfaisant ». Ils sont reparti convaincus que les délais seraient tenus.
Le satisfecit de la CAF
Poursuivre les efforts
Moïse BROU APANGA (Brest - France),
Alain DJISSIKADIE (US Bitam),
Bruno ECUELE MANGA (Lorient),
Thierry ISSIEMOU (US Monastir - D1 Tunisie),
Jean Pierre BAMBA (FC 105),
Zita MBANANGOYE (Sivasspor - D1 Turquie),
Rodrigue MOUNDOUNGA
Stéphane NGUEMA (PSG - France),
(Esperence de Bedja - D1 Tunisie),
Fabrice DO MARCOLINO (Laval - France),
Yessi ACHY AMAN (AS Pélican),
Romaric ROGOMBE (Vita Club – RD Congo),
Emmanuel NDONG MBA (Sogéa FC),
Daniel COUSIN (Larissa - L1 Grèce),
Georges AMBOUROUET (Roumanie),
Willy AUBAMEYANG (Milan AC - D1 - Italie),
Alassane EDOU YEBE (Mangasport - Gabon)
Emerick AUBAMEYANG (Monaco)
Cédric BOUSSOUGOU (Mangasport - Gabon)
Roguy MEYE (Ankaragucu – D1 Turquie),
• Les commissions Hébergement et Restauration sont réunies en une. Elle est chargée d’évaluer les capacités d’accueil, de recenser le nombre exact de personnes accréditées, de procéder aux affectations, de produire un guide du logement et de la restauration, de s’assurer de la qualité nutritive offerte et d’assurer la restauration de tous les bénévoles du COCAN et de tous les invités pris en charge. • Le COCAN Gabon dans sa nouvelle formule s’est par-dessus tout vu doté d’une nouvelle commission « Infrastructures ». Cette dernière est notamment chargée de suivre l’avancement et la bonne exécution technique de tous les grands travaux de construction et de modernisation des infrastructures initiés pour la CAN 2012. Ainsi réorganisées, les structures en charge de l’organisa-
La dernière visite d’inspection de l’ensemble des chantiers de l’organisation de la CAN 2012 (stades de compétition, d’entraînement, structures sanitaires, hôtelières et communicationnelles) a remporté un satisfecit du chef de la délégation de la CAF, Almamy Kabélé Camara, qui a déclaré « repartir totalement satisfait au regard de l’avancée à pas de géant des travaux sur tous les chantiers ».
Prêt dans les temps
La CAF a notamment apprécié l’implication du gouvernement pour l’impulsion apportée dans la réalisation des travaux
La CAF a félicité le Gabon quant à la qualité de son plateau technique existant dans les différentes structures hospitalières de Libreville et Franceville. Le ministre de la Jeunesse et des Sports chargé des loisirs a souligné que « nous pensons surtout que la CAF nous invite à ne pas relâcher nos efforts pour que nous puissions tenir les délais. La CAN a lieu dans un an. Nous ne pouvons pas ralentir le rythme actuel des travaux, nous devons même l’accélérer. » Et d’ajouter que « les efforts doivent être poursuivis, notamment sur le plan de l’hébergement. » MESSAGE ● III / IV
Je suis arrivé à la tête de cette équipe il y a treize mois et demi. J’ai une bonne impression. Nos deux derniers matchs se sont soldés par des victoires sans encaisser le moindre but. Il y a du dynamisme et un bon état d’esprit. C’est une vraie équipe, avec une bonne base défensive. Il y a de nouveaux joueurs, jeunes, qui trouvent leur place. J’ai de bons gardiens, un bon défenseur central, et je viens d’identifier un milieu de terrain avec un profil très intéressant. Les Panthères disposent également d’attaquants rapides. L’équipe prend forme.
© Amandine Cuchietti / Icon Sport
Quel est votre objectif pour la CAN ?
« Je la sens bien cette équipe » Comment définiriez-vous l’état d’esprit du groupe ? J’ai voulu instaurer rigueur et discipline. Cela a porté ses fruits, les garçons sont à l’heure, habillés comme ils doivent l’être. Au sein du groupe, un lien existe. D’abord entre ceux qui évoluent en France, et entre les jeunes qui évoluent au Gabon. Mais comme ces jeunes jouent dans des clubs où jouaient auparavant les « anciens », cela crée un lien fort entre eux. Cela n’a pas été facile au début, notamment pour une question
La demi-finale. Ce qui signifie que nous devons sortir du groupe et passer encore un tour. Cela ne sera pas facile, cela n’est pas arrivé depuis 25 ans. Mais avec l’aide des supporters, nous pouvons le faire.
Le public aura un rôle important à jouer ? Les Gabonais sont de fervents supporters. Ils aiment le foot et leur équipe nationale. Mais ils ne voient pas assez les Panthères car nous jouons tout le temps à l’extérieur en raison d’infrastructures trop petites, jusqu’à maintenant. Nous mettrons un terme à ce phénomène le 3 juin prochain en jouant au Gabon, en province.
Qu’attendez-vous de la CAN ? Je fais pleinement confiance aux autorités. Je souhaite que cela soit la fête du football, dans un pays qui aime énormément le foot.
LES PANTHÈRES À LA RENCONTRE DU PUBLIC Le 3 juin prochain sera un jour de fête au Gabon. Pour la première fois depuis très longtemps et à 6 mois du coup d’envoi de la CAN, les Panthères se produiront au Gabon, à l’initiative du Ministre de la Jeunesse et des Sports chargé des loisirs qui a souhaité cet événement. Libérés de leurs championnats respectifs qui seront terminés, © Fotolia
les joueurs évoluant en Europe aborderont cette rencontre sans stress inutile. Les Panthères auront tout le loisir d’aller à la rencontre de leurs supporters, et les supporters à la rencontre de leur équipe, afin de créer une émulation forte en vue de la CAN.
Dans l’objectif que cet événement majeur se déroulant pour la première fois au Gabon soit une fête et l’expression du lien très fort qui unit les Panthères au public. Un public qui aidera, à n’en pas douter, le Onze national à aller le plus loin possible dans la compétition et à porter haut les couleurs du Gabon. MESSAGE ● IV/ IV
GABON - CAN 2012
Depuis votre arrivée à la tête des Panthères, quelles sont vos impressions ?
de niveau entre le championnat français et gabonais. Mais cela ne se voit plus. Cela se passe très bien.
DIFCOM / Illustration cover © Creapub
Interview de Gernot Rohr, entraîneur des Panthères du Gabon
À la poursuite du Gabon vert
87
CONFIDENCES DE | Alexandre Barro Chambrier Ministre des Mines, du Pétrole et des Hydrocarbures
« Un sujet suivi d’extrêmement près par les élus » Ð Les activités extractives ont forcément un impact environnemental Ð Certaines concessions sont sur le périmètre de zones protégées JEUNE AFRIQUE: Comment conciliezvous exploitation pétrolière et développement durable ? ALEXANDRE BARRO CHAMBRIER: La notion de développement durable est très importante dans le secteur. Nous sommes très vigilants quant à l’application des textes qui interdisent le torchage, une pratique qui nous a longtemps fait perdre une importante quantité d’énergie et a aussi été source de pollution. Nous mettons notamment un point d’honneur à appliquer le principe du « pollueur-payeur ». Un autre aspect concerne la protection des travailleurs, avec de rigoureux critères de sécurité et d’hygiène.
pour les générations à venir. Nous devons tout faire pour ne pas leur léguer n’importe quoi. Certains permis miniers chevauchent des aires protégées. Comment est-ce possible ? Lorsque c’est le cas, il est décidé que le périmètre du parc ou de la réserve soit étendu proportionnellement à celui de la zone d’exploitation. La loi donne aussi la possibilité de déclasser un parc, à condition de classer une autre zone dans les mêmes proportions.Toutes les administrations concernées travaillent en étroite collaboration et nous essayons d’éviter ces superpositions en amont. Au nord de Libreville, par exemple, une zone d’exploitation de carrières va bientôt être interdite car elle jouxte un parc national.
beaucoup d’autres s’intéressent à ce gisement, pour l’instant, c’est la China Machinery Engineering Corporation qui en est adjudicataire. Quant à l’impact environnemental, il y a eu un travail technique de recadrage et d’approfondissement, l’État a redimensionné le projet et les discussions se poursuivent avec nos partenaires chinois. Nous attendons une réévaluation du projet. Bientôt, les choses vont évoluer et les Gabonais seront agréablement surpris. ● Propos recueillis à Libreville par GEORGES DOUGUELI
Il faut tout faire pour ne pas léguer n’importe quoi aux générations à venir.
Ces normes ne sont-elles pas perçues comme un frein à l’activité ? Non. Pour l’exploitation pétrolière, comme pour l’exploitation forestière, le tout est d’accorder la nécessité d’exploitation rationnelle des ressources et celle de préservation de la biodi ver sité, en prenant soin de sauvegarder des réserves suffisantes JEUNE AFRIQUE
Sur le gisement de fer de Belinga, la China Machinery Engineering Corporation a pris beaucoup de retard: y aura-t-il un nouvel appel d’offres? Et va-t-on devoir déclasser une partie du parc voisin? Nous déciderons de la conduite à tenir lorsque viendra la phase d’exploitation. Elle était prévue pour le début de cette année, mais un projet structurant d’une telle envergure nécessite des capitaux, du savoirfaire et, sachant que les réserves de fer sont de près de un milliard de tonnes, il est évident qu’on essaie d’harmoniser les différents aspects ! Nous avons déjà un partenaire fiable et, même si
DESIREY MINKOH POUR J.A.
Avez-vous déjà sanctionné un opérateur pour non-respect des normes environnementales ? Bien sûr. Les pénalités prévues par les textes en vigueur s’appliquent souvent. En tant qu’ancien parlementaire, je tiens à préciser que ce sujet est suivi d’extrêmement près par les élus. De leur côté, les opérateurs évoluent.Total Gabon a obtenu la certification ISO 14001 pour son terminal de Cap Lopez en 2006 et pour toutes ses activités dans le pays en 2009. D’autres, comme Shell et Perenco, ont suivi le mouvement.
N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
Le Plus de J.A. terre noirâtre. Le minerai brut est chargé dans de non moins impressionnants camions, puis concassé Ý SUR LE et convoyé jusqu’à la PLATEAU DU laverie. Là, dans un BANGOMBÉ, d’énormes vacarme assourdisengins, sant, des jets d’eau à chargent, très haute pression éliconcassent minent les particules et charrient argileuses pour épurer le minerai hors du le minerai, avant son gisement à transport vers les aires ciel ouvert. de stockage ou le terminal ferroviaire minéralier.
BERNARD REGENT EYE UBIQUITOUS/HUTCHISON
88
C’EST DU PROPRE. Le problème est que,
depuis 1962, l’opérateur minier déverse allègrement les eaux usées de sa laverie dans le lit de la rivière Moulili. Conscient des dégâts causés par ses activités minières, Eramet décide en 2008 de stopper ces rejets et adopte un splan de réhabilitation de la rivière, qui prévoit de valoriser les sédiments qui y sont déposés. Mais, INDUSTRIES EXTRACTIVES en 2009, une partie du projet est gelée. Les travaux nécessaires pour mettre fin à l’évacuation des eaux usées dans le cours d’eau ont été terminés en 2010 : selon l’entreprise, la laverie fonctionne désormais « avec zéro rejet ». Les sédiÉlu et habitants de la région de Moanda demandent réparation ments, eux, devront attendre la relance à la Comilog pour l’impact environnemental de ses activités de du plan, prévue fin 2011… production de manganèse. La filiale d’Eramet affiche ses « réserves Dopée par la reprise de la demande mondiale, la Comilog a fait construire en sur le fondement » de cette plainte collective, la première du pays. 2001, pour près de 80 millions d’euros, au bord de la même rivière Moulili, le Avec son parcours de golf à dix-huit trange destin que celui de la ville Complexe industriel de Moanda (CIM), de Moanda. Celle qui somnolait trous, le quartier résidentiel cossu qui comprenant une nouvelle unité d’enà 700 km au sud-est de Libreville abrite ses cadres expatriés, sans oublier richissement de manganèse pauvre et n’était qu’une bourgade perl’avion privé de son directeur général, et une usine de production de manganèse aggloméré d’une capacité de due dans le paysage montagneux du Marcel Abéké, la Comilog rayonne de Haut-Ogooué a vu son destin basculer prospérité. La compagnie, qui a enregis600 000 t/an. Plusieurs décennies de au lendemain de la Seconde Guerre déversements industriels dans tré une production de 3,2 millions mondiale, quand le Bureau de recherches de tonnes de manganèse en les cours d’eaux et de dépôt de géologiques et minières (BRGM) a décou2010 (en hausse de 61 % par poussières chargées d’agents de tonnes produites en vert dans ses entrailles un important rapport à 2009), prévoit une chimiques ont contaminé 2010 par la compagnie, gisement à haute teneur en manganèse production de 3,6 millions l’environnement. qui fait d’Eramet le (45 % à 50 %), un minerai classé parmi de tonnes en 2011 et de e 2 producteur 4 millions en 2012. Elle fait REQUÊTE. L’affaire prend une les meilleurs du monde. mondial de Dès 1962, la Compagnie minière de d’Eramet l’heureux deuxième autre tournure quand des élus manganèse l’Ogooué (Comilog), filiale du groupe producteur mondial de ce métal locaux soupçonnent un lien de français Eramet, y exploite une mine à ciel de transition, principalement utilisé cause à effet entre l’exposition aux ouvert. Depuis, des milliers de travailleurs pour augmenter la résistance des alliages, agents chimiques issus de l’exploitation ont afflué vers Moanda, parmi lesquels notamment d’acier et de bronze. minière et la forte prévalence, au sein de d’anciens mineurs venus de la ville voisine la population de la région de Moanda de Mounana après l’arrêt des activités de – à commencer par les travailleurs de la PAYSAGE LUNAIRE. Sur le plateau la Compagnie des mines d’uranium de Bangombé, la mine a de faux airs de Comilog –, de maladies cardiovasculaires, Franceville (Comuf, lire p. 90) en 1999. En paysage lunaire balayé par des draglines, d’infections pulmonaires et de cancers. cinquante ans, la population de Moanda ces impressionnants engins qui pelCe que souligne un rapport relatif aux est passée de 500 à 40 000 âmes. lettent l’écorce des vastes étendues de impacts de l’exploitation minière sur les
La pollution minière mise en accusation
É
3,2 millions
N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
JEUNE AFRIQUE
À la poursuite du Gabon vert populations locales et l’environnement dans le Haut-Ogooué, publié en août dernier par l’ONG Brainforest de Marc Ona Essangui (lire p. 77). Soutenu par un collectif de 350 habitants et quatre ONG, dont Brainforest, le député Jean-Valentin Leyama a introduit une requête devant un juge de Libreville. Son objectif: faire condamner la Comilog à payer 490 milliards de F CFA (747 millions d’euros) au titre de dommages et intérêts, notamment pour dégradation de l’environnement et violation des droits de l’homme, en l’occurrence, des populations de Moanda et du plateau Bangombé.
PROFIL | Paulette Oyane Ondo Avocate au barreau du Gabon
Contre Goliath, David est une femme… Ð La députée et ex-ministre s’est forgé une réputation de forte tête Ð Elle représente les plaignants face au géant minier
C
DOMMAGES. Portée par l’avocate
gabonaise Paulette Oyane Ondo (lire ci-contre), la requête décrit dans les détails la pollution attribuée à l’entreprise minière. Par l’effet du ruissellement, c’est tout le réseau hydrographique local qui a été affecté. À cause des dépôts industriels, la rivière Massa s’est transformée en marécage. Selon des analyses effectuées par le laboratoire du ministère gabonais des Mines, elle présente une teneur en manganèse estimée à 0,16 milligramme
JEUNE AFRIQUE
TIPHAINE SAINT CRIQ POUR J.A.
GEORGES DOUGUELI
À seulement 45 ans, la parlementaire – et déjà ex-ministre déléguée auprès du ministre du Commerce, en 2006, et auprès du ministre de l’Agriculture, en 2007 – fait les gros titres des journaux pour avoir été, avec son collègue Christophe Owono Nguéma, la seule députée du Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir) à refuser de voter pour la révision constitutionnelle initiée par le parti d’Ali Bongo Ondimba en octobre 2010.Traduits en conseil de discipline par le parti présidentiel le 4 janvier dernier, les deux élus ont écopé d’une suspension que l’énergique juriste ne digère pas. Cette fille de pasteur au rigorisme protestant a engagé plusieurs actions en justice contre les procédures qu’elle estime abusives dans cette affaire. « Il n’est pas question d’accepter tous les archaïsmes sans broncher », jure-t-elle. Elle s’est même payé le luxe, fin avril, d’envoyer, par voie d’huissier, au président du groupe parlementaire du PDG une mise en demeure de lui verser 52,5 millions de F CFA (80 000 euros) au titre des fonds alloués chaque année aux députés de la formation, et qui ne lui ont pas été payés en 2009 et 2010.
Par l’effet du ruissellement, la totalité du réseau hydrographique serait désormais affectée. par litre, alors que la norme internationale définie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) est de 0,05 mg/l. Sa concentration en fer est aussi anormalement élevée. Les plaignants dénoncent en outre la contamination des sources d’eau potable au mercure, la formation de « nombreux lacs artificiels résultant du blocage des écoulements par les déblais miniers », la destruction de la faune et de la flore alentour, la fin de la pêche, etc. L’opérateur minier a émis des réserves sur « le fondement et le sérieux » d’une action en justice et souligné que, dans ses activités et ses investissements, les aspects de santé, de sécurité et d’environnement « sont pris en compte de manière responsable ». L’affaire, qui est la première class action gabonaise, sera examinée à partir du 26 juin au tribunal de première instance de Libreville. ●
ERTAINS PRÉDISENT que le combat est perdu d’avance. Pas elle, qui croit pouvoir tenir tête au géant Eramet. Avocate formée en France, à l’université de Paris-II, Paulette Oyane Ondo s’est forgé une réputation de forte tête.
Début avril, elle est par ailleurs montée au créneau, avec succès, pour défendre les habitants du bidonville librevillois de Sotega, obtenant pour eux un répit, alors qu’ils sont menacés d’expropriation par un projet immobilier soutenu par le gouvernement. Mais face au puissant groupe minier, qui emploie 15 000 personnes dans une vingtaine de pays avec, en 2010, un chiffre d’affaires de près de 3,6 milliards d’euros, la partie s’annonce ardue. ● G.D. N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
89
Le Plus de J.A. a réagi et trouvé un accord avec l’État gabonais et le Collectif des anciens travailleurs et miniers de Comuf-Mounana (Catram). Ce texte a notamment abouti à la création, en parÝ L’ACCÈS À tenariat avec les ONG L’ANCIENNE USINE Sherpa et Médecins DE LA COMUF du monde, d’obserest interdit vatoires de la santé depuis chargés d’assurer la l’annonce, fin 2009, de la surveillancemédicale découverte de des anciens mineurs « substances et de la population toxiques ». locale. Pour mettre en place le dispositif, Areva a fait établir un relevé de toutes les maladies soignées à l’hôpital de Mounana depuis les années 1950 : « Nous avons recensé les gens qui ont été accueillis, les traitements qui ont été prescrits et ce qu’il est advenu de ces patients », explique le docteur Alain Acker, directeur médical d’Areva. Par ailleurs, les équipes des observatoires ont répertorié tous les anciens mineurs encore en vie, soit plus de 1 000 personnes, en indiquant l’exposition à laquelle ils ont été soumis et leur habitat. « J’étais le 10 avril à Mounana et j’ai pu visiter le site de la Comuf, où d’importants travaux sont réalisés, constate Alexandre Barro Chambrier, le ministre gabonais des Mines, du Pétrole et des Hydrocarbures. On y construit des digues pour canaliser et traiter l’eau, on reconstitue les paysages, on a érigé des observatoires de la santé où l’on pratique une surveillance médicale de la population. » Et de conclure : « C’est
COUMBA SYLLA/AFP
90
L’APRÈS-URANIUM
Aux bons soins d’Areva
Plus de dix ans après l’arrêt de ses activités dans le sud-est du pays, la Comuf, filiale du leader mondial du secteur, prend ses responsabilités pour assurer le suivi médical de la population et tenter de réparer les torts causés à l’environnement.
À
Mounana, dans le HautOgooué (Sud-Est), la Compag nie des mines d’uranium de Franceville (Comuf ), filiale à 68,4 % du français Areva, a exploité des gisements d’uranium pendant près de quarante ans, jusqu’à la cessation de ses activités, en 1999. Abandonnant 3 000 ex-mineurs aux risques sanitaires liés à leur travail au contact du minerai, et laissant les habitants vivre dans l’angoisse des effets induits par les résidus radioactifs sur la santé et l’environnement. Il aura fallu dix ans et la ténacité d’associations locales, soutenues par diverses ONG, pour que les inquiétudes de cette population soient prises en compte. PSYCHOSE RADIOACTIVE. Non-respect
des zones de restriction correspondant aux différents sites de l’usine démantelée, taux de radiation relevés nettement supérieurs à la normale (de 2 à 50 fois) aussi bien en plein air que sur les bâtiments (supermarchés, logements), absence de prise en charge du suivi médical par N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
l’industriel ou par l’État… Après la publication de plusieurs rapports alarmants, la psychose s’est installée. Celui produit en décembre 2009 par la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (Criirad), une association française, révèle des mesu« C’est vrai, il aurait mieux valu res radiamétriques, effecprévoir pour éviter ces dégâts. » tuées en mai 2009, selon A. BARRO CHAMBRIER, ministre des Mines lesquelles certaines cités hébergeant les cadres et les ouvriers de la Comuf auraient été vrai qu’on intervient a posteriori et qu’il construites avec des matériaux radioacaurait mieux valu prévoir pour éviter ces tifs. Les auteurs du rapport estiment à dégâts. Mais l’État assume pleinement plus de 2 millions de tonnes la quantité de ses responsabilités. » résidus radioactifs directement déversés Reste à espérer que, dans le contexte dans la rivière. La conclusion souligne de relance des investissements miniers, que des résidus d’extraction de l’uranium il fera bon usage de cette expérience et ont contaminé les sols de la forêt environque, au-delà des études d’impact et des nante et que les déchets radioactifs sont cahiers des charges sur la réhabilitation toujours présents dans l’environnement des sites désormais imposés en amont accessible à la population. des projets, l’État exigera des compagnies candidates à l’exploitation de l’uranium ACCORD. Mis devant ses responsabisur son territoire qu’elles créent des lités et face à la menace de poursuites observatoires de ce type. ● judiciaires, en septembre dernier, Areva GEORGES DOUGUELI JEUNE AFRIQUE
À la poursuite du Gabon vert
95
ÉNERGIE
L’émergence au fil de l’eau
E
GRANDS PROJETS EN COURS. Selon le plan établi, l’hydroélectricité (le Gabon est doté d’un potentiel de 6 000 MW) devrait représenter 80 % des approvisionnements. Elle présente deux avantages majeurs: de faibles coûts d’exploitation et peu d’émissions de gaz à effet de serre. Les travaux de l’un des projets phares, le barrage de Mitzic (Woleu-Ntem), devraient commencer en juin prochain ; la livraison est prévue courant 2013. Il est le fruit d’un partenariat public-privé avec l’entreprise Coder. Il devrait augmenter la capacité de production de 42 MW, avec une puissance garantie de 36 MW. D’autres projets sont en phase de réalisation, comme le barrage Impératrice à Fougamou (Ngounié). Les travaux n’ont pas encore été lancés, mais ils ne devraient pas tarder puisque le gouvernement table JEUNE AFRIQUE
LE COMPLEXE HYDROÉLECTRIQUE DE
POUBARA, près de Franceville, sur le fleuve Ogooué.
sur une livraison courant 2013. Dans la région du Haut-Ogooué, la construction de l’ouvrage de Grand Poubara (dont le calendrier n’est pas encore déterminé) fournira 160 MW de puissance supplémentaire au réseau national. CONTEXTE DIFFICILE. Entre 1987 et 1997,
le gouvernement avait arrêté de construire des barrages. Ce retour aux « grands projets structurants » s’opère dans un contexte difficile. Excédé par des interruptions prolongées et répétées de la distribution d’électricité dans la capitale gabonaise
Urbains et peu nombreux, les Gabonais sont bien desservis (en % de la population ayant accès à l'électricité) Tchad 1 Niger
7
Mali
14
Burkina
17
Togo Togo
18 18
Bénin Béni Bé ninn ni
23 23
Congo
28
Sénégal
30
Cameroun Côte d'Iv. Gabon
46 60
SOURCE : DSRP ET IZF
stimé entre 70 % et 83 % selon les sources, le taux gabonais d’accès à l’électricité est l’un des plus élevés d’Afrique subsaharienne. Mais, en dépit d’une capacité de production de 374 MW, le pays souffre d’un déficit énergétique qui pourrait contrarier ses objectifs d’émergence. En effet, les mesures telles que l’interdiction d’exporter le bois en grumes devraient se traduire par une augmentation du nombre d’unités industrielles gourmandes en énergie électrique. Une hausse de la demande potentiellement problématique. « Le déficit d’électricité pourrait entraver la réalisation du projet Gabon industriel », craint le ministre de l’Énergie et des Ressources hydrauliques, Régis Immongault.Legouvernementestimeque la demande de pointe pourrait atteindre 1 039 MW en 2020. Mais pas question de résorber ce déséquilibre à n’importe quel prix. Le pays veut relever son offre d’électricité en tablant sur des sources d’énergies propres.
70 à 83
depuis février 2007, le gouvernement avait décidé, le 4 décembre 2009, de réviser les accords liant l’État à la Société d’énergie et d’eau du Gabon (Seeg), concessionnaire en situation de monopole depuis 1997 et dont le contrat court jusqu’en 2017. De cette décision avait découlé l’audit de la Seeg, lancé le 26 avril 2010. « Dès le départ, nous aurions dû garder un œil sur les choix de la Seeg en matière de sources énergétiques », déplore Immongault. La filiale de Veolia a massivement investi dans la construction ou la location de centrales thermiques au fioul, au gasoil ou au gaz, qui ont engendré un renchérissement du coût de l’électricité sans juguler la pénurie. « Aujourd’hui à Port-Gentil, la capitale économique, on est sur le fil du rasoir. Il faut investir », martèle le ministre. Privilégiant des sources d’énergie non polluantes, le gouvernement a commandité à une entreprise canadienne une évaluation du potentiel éolien du pays. « Il est malheureusement très faible », regrette Immongault. Quoi qu’il en soit, assure-t-il, les parcs nationaux seront essentiellement équipés de systèmes solaires ou éoliens. Une expérience sur la biomasse est également envisagée, à partir des déchets de l’industrie du bois. Dans les zones lagunaires de l’Ogooué-Maritime, de l’Ogooué-Ivindo et de la Nyanga, trop éloignées du réseau interconnecté, des systèmes photovoltaïques seront installés. ● GEORGES DOUGUELI N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
PH.GUIGNARD/AIR-IMAGES.NET
Le déficit en électricité entrave le développement. Pour augmenter sa capacité de production, le pays mise sur l’hydraulique.
Le Plus de J.A. CONFIDENCES DE | JIM DUTTON Responsable pays et directeur de programme de Bechtel Gabon
« Les grands travaux commencent à petite échelle » Ð Le chef de l’État a confié la gestion du plan directeur national d’infrastructures à des experts américains Ð Leur spécialité : les projets complexes et le développement durable
P
OUR ACCÉLÉRER l’aménagement du territoire, le chef de l’État a créé l’an dernier une Agence nationale des grands travaux (ANGT). L’originalité est qu’il a décidé d’en confier la gestion, dans un premier temps, à des experts internationaux « qui ont fait leurs preuves ». En l’occurrence ceux de Bechtel, l’un des leaders mondiaux en matière d’ingénierie, de construction et de gestion de projets.
JEUNE AFRIQUE : Quelles missions vous ont été confiées par l’accord d’assistance que vous avez signé en septembre avec le gouvernement ? JIM DUTTON : Le rôle qu’a souhaité nous donner le chef de l’État est de lui permettre de mener à bien sa vision du « Gabon émergent » en assurant l’élaboration et la conduite du plan directeur national d’infrastructures, de façon à ce que ces dernières se concrétisent et soient en cohérence avec l’engagement du pays pour le développement durable. Il s’agit d’identifier les priorités en termes d’investissements et de développement, et de programmer les projets, pour aujourd’hui et pour de très nombreuses années. L’autre objectif de notre mission concerne la structuration de l’ANGT, qui sera chargée de mettre en œuvre le plan national. Compte tenu de la nature de nos travaux et de l’implication de nos experts dans la conception et le suivi des projets, comme dans l’accompagnement des cadres gabonais qui prendront le relais, ce partenariat est appelé à durer.
Quels types de projets et « grands travaux » préparez-vous ? Dans un premier temps, nous scrutons, partout, en zone urbaine et périurbaine principalement, et dans toutes les régions, ce qui existe et ce dont le pays a besoin en termes de logements, de services de base, de routes, de transports publics, d’infrastructures portuaires, aéroportuaires,
long terme des habitants, de l’économie et de l’État. Avez-vous votre mot à dire sur les chantiers déjà engagés? C’est le cas des infrastructures sportives et d’accueil de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2012. Les chantiers sont avancés, mais nous y contribuons désormais, surtout concernant l’amélioration des dispositifs de sécurité dans les stades et l’utilisation qui sera faite des équipements une fois la CAN passée. Vos équipes développement durable et environnement sont sollicitées dans le monde entier. Quels sont les défis spécifiques à relever au Gabon ? Compte tenu de son patrimoine naturel et de son engagement en matière d’environnement – et sachant que c’est là notre cœur de métier –, il est évident que notre activité au Gabon mobilise et motive particulièrement nos collaborateurs. Quant à savoir si l’on peut aménager et développer un pays sans modifier l’environnement… Au Gabon comme ailleurs, lorsque l’on construit une route, cela implique forcément que, pendant un temps, il va y avoir des engins, du bruit, bref, du chantier. Et éventuellement que l’on va devoir déplacer et reloger des riverains. C’est en intégrant la concertation, le respect des impératifs de durabilité et les plus hautes exigences de qualité très en amont des projets que l’on parvient à sortir le meilleur projet pour les habitants, les élus locaux et l’État, en dérangeant le moins possible l’environnement. ● D.R.
96
Logements, routes, ports… pour le moment, nous scrutons tout ce qui existe.
N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
ferroviaires, etc., de façon à élaborer un plan intégré qui prenne en compte tous les paramètres du développement socioéconomique. Les plus grands projets commencent à petite échelle… Nous allons le plus vite possible mais consciencieusement, de façon à identifier l’endroit et le moment le plus opportun pour programmer tel ou tel projet, et faire en sorte qu’il réponde de manière pertinente aux besoins à court et à
Propos recueillis par CÉCILE MANCIAUX JEUNE AFRIQUE
À la poursuite du Gabon vert
TIPHAINE SAINT CRIQ POUR J.A.
mai qu’elle allait investir 20 milliards de F CFA (près de 30,5 millions d’euros) dans l’achat de six locomotives et de dix rames de voyageurs.
LE STADE DE L’AMITIÉ-SINO-GABONAISE, à Angondjé, près de Libreville. FOOTBALL
À pas comptés vers la CAN
À huit mois de la 28e Coupe d’Afrique des nations, le pays s’active pour livrer les chantiers dans les délais. Et faire place nette.
C
’
est une course contre la montre que Libreville s’interdit de perdre. En dépit des inquiétudes liées au retard enregistré dans les préparatifs de la compétition, le Gabon devra être fin prêt en janvier 2012 pour accueillir la 28e édition de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) de football, qu’il coorganise avec la Guinée équatoriale. Si le défi est de livrer les infrastructures à temps, il s’agit aussi de les mettre en cohérence avec la politique de développement durable. Le cœur du pays bat à la cadence des chantiers. Les plus importants concernent le stade de l’Amitié-sino-gabonaise
Le goût du monde
d’Angondjé et le stade omnisports OmarBongo, à Libreville, qui devrait abriter la finale de la compétition. Deux hôtels pavillonnaires de cinquante chambres chacun sont également en cours de réalisation, ainsi que des échangeurs, qui permettront de décongestionner la circulation dans la capitale. Dans le Haut-Ogooué (Sud-Est), outre la construction du stade de la Rénovation à Franceville, du stade d’entraînement de Moanda et du village sportif de Bongoville, les autorités ont décidé d’accélérer l’implantation de transports en commun. De son côté, la Société d’exploitation du Transgabonais (Setrag) a annoncé début
SALUBRITÉ. L’objectif est aussi d’offrir un environnement salubre aux délégations étrangères qui fouleront le sol gabonais. Construite par l’électricien israélien Telemenia à Alénakiri, dans la commune d’Owendo, au sud de Libreville, une centrale thermique d’une capacité de 35 MW est prête à produire une « énergie propre » (générée par deux moteurs fonctionnant au gaz naturel) pour alimenter les nouveaux quartiers de la capitale et la future Zone économique spéciale de Nkok (lire pp. 80-81). Une seconde phase est d’ores et déjà envisagée, qui portera la puissance installée de la centrale à 70 MW. Et permettra d’attendre la construction de nouveaux complexes hydroélectriques. L’État a également consacré une enveloppe de 800 millions de F CFA au financement d’une opération d’assainissement urbain dans la capitale. Le curage des caniveaux a déjà commencé, de même que le nettoyage des drains et l’élimination des mauvaises herbes. La mairie de Libreville a reçu 94 millions de F CFA pour financer l’enlèvement des épaves de voitures, ainsi que la capture ou l’élimination des animaux errants. Sur les seize équipes qui participeront à la CAN 2012, huit seront accueillies par la Guinée équatoriale et huit par le Gabon. Ces dernières seront réparties dans les deux villes d’accueil du pays, Libreville et Franceville, tout comme les milliers de supporteurs : 80 000 personnes sont attendues. Un autre défi sera de limiter l’impact environnemental de cette affluence. ● GEORGES DOUGUELI
Le goût du monde pour Servair Gabon, c’est d’être respectueux des normes internationales et des spécificités locales. Le goût des métiers de la restauration et aussi de ceux des services aéroportuaires. Et bien sûr, le goût du service pour répondre aux attentes quotidiennes et événementielles de nos clients: Catering aérien, Catering spécialisé, Réceptions, Restauration collective, Restauration bases-vie, Assistance aéroportuaire, Services aérogares
dep.groupe@servair-gabon.com
97
Le Plus de J.A. DÉVELOPPEMENT LOCAL
Oyem, la capitale du Nord, s’assainit
Depuis son élection à la tête de la quatrième ville du pays, Rose Allogo Mengara a fait du développement des services de base sa priorité.
le continent échanger sur les nouvelles techniques de rendement et de délimitation des parcelles.
VINCENT FOURNIER/J.A.
98
MME LE MAIRE a besoin d’un budget de 1,5 million d’euros pour améliorer de façon notable la vie des Oyémois.
É
lue maire d’Oyem (WoleuNtem, nord du pays) en 2008, quatrième ville du Gabon par sa population (60000 habitants), cette professeure de lycée de 57 ans est, avecJeanneMbagou,àOwendo(Estuaire), et Chantal Myboto, à Mounana (HautOgooué), l’une des trois femmes maires du Gabon. « Nous avons l’un des systèmes d’assainissement les plus efficaces du pays », se félicite Rose Allogo Mengara, qui a placé le développement des infrastructures de base au cœur de ses priorités. SERVICES. Depuis 2006, Oyem, situé à la
jonction des frontières du Cameroun et de la Guinée équatoriale, est jumelée à la ville française de Clermont-Ferrand. Dans le cadre de cette coopération décentralisée, la commune auvergnate a offert quatre bennes de ramassage des ordures ménagères. Le plus difficile, à en croire Rose Allogo Mengara, « c’est de sensibiliser et
N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
PETITS MOYENS. Pourtant, Rose Allogo Mengara travaille avec des moyens très limités. À son arrivée, le budget annuel de la commune s’élevait à 225 millions de F CFA (343 000 euros). Trop peu pour relever le défi de l’aménagement d’un meilleur espace collectif dans sa ville. De nouvelles taxes ont été créées, même si « le recouvrement reste difficile », et, cette année, l’enveloppe a été portée à 352 millions de F CFA. « Ce qui reste insuffisant pour améliorer de façon notable les services de base et le quotidien de nos administrés, explique-t-elle. Il nous faudrait un budget d’au moins 1 milliard de F CFA. » Le budget d’Oyem n’a en effet rien à voir avec celui de Libreville (19 milliards de F CFA), de Port-Gentil (11 milliards) et d’Owendo (1,3 milliard). Malgré ce handicap qu’elle espère surmonter au cours de son mandat, Rose Allogo Mengara rêve à d’autres projets : créer une rocade pour contourner la ville et, surtout, profiter de la position géostratégique d’Oyem pour mettre en place une zone franche industrielle. RÉSOLUE. On peut lui faire confiance pour
parvenir à ses fins. Ancienne syndicaliste, éduquer les citoyens au respect des règles ex-députée suppléante et ex-conseillère d’hygiène ». Elle envisage désormais la technique du ministre de l’Agriculture, création d’une décharge loin du centre elle s’est présentée aux municipales sous urbain, qui soit aménagée de façon à évila bannière du Rassemblement pour le ter tout risque de pollution de la nappe Gabon (RPG) de Paul Mba Abessole, un phréatique. parti associé au Parti démocratique gaboGrâce à sa coopération avec Clermontnais (PDG, au pouvoir), et a dû batailler Ferrand, la commune a également pu construire des Pour ne pas voir une femme bornes-fontaines pour des aux commandes, son concurrent populations qui n’ont pas accès à l’eau courante. à la candidature a quitté le parti. Présidente de l’ONG Agir pour le développement, qui incite notamcontre les préjugés sexistes pour être la ment les populations à s’organiser en candidate du RPG à Oyem. coopératives pour investir dans l’agriculPlutôt que d’accepter de voir une femme ture, Mme le maire est aussi agricultrice. aux commandes, son concurrent a préféré Peu après son élection, en 2008, elle joue quitter le parti. Rose Allogo Mengara remde son carnet d’adresses et parvient à porte le scrutin, mais il est annulé par la Cour constitutionnelle. Elle gagnera haut inviter, pour un mois, des étudiants de l’École nationale d’ingénieurs des travaux la main lors des municipales partielles agricole de Clermont-Ferrand (Enitac), qui s’ensuivront, arrivant en tête dans très enthousiastes à l’idée de venir sur 27 bureaux sur 28. ● GEORGES DOUGUELI JEUNE AFRIQUE
MICHEL GUNTHER/BIOSPHOTO
99
MINORITÉS
Pygmées blues
Grâce à leur savoir et à leurs traditions séculaires, les peuples autochtones sont les mieux armés pour protéger les écosystèmes du bassin du Congo. Encore faut-il leur en donner l’opportunité.
A
u cœur des débats du Forum international sur les peuples autochtones d’Afrique centrale (Fipac) organisé en mars à Impfondo, au Congo-Brazzaville : la situation de ces communautés et leur rôle dans la protection de l’environnement, de plus en plus menacés. Les experts sont arrivés au même constat amer que les autochtones : ces derniers sont marginalisés, dans tous les pays où ils vivent. Qu’ils soient Babongos, Barimbas, Baghamas, Bakouyis, Akoas, Bakoyas, Bakas, les Pygmées sont présents sur l’ensemble du territoire gabonais. Selon l’Association pour le développement de la communauté pygmée du Gabon, ils seraient environ 18 000, alors qu’un recensement publié cette année à la demande du patron des parcs nationaux, Lee White (lire pp. 102-103), évoque 7 000 individus. D’après Paulin Kialo, directeur de l’Observatoire sur les dynamiques sociales à Libreville et chercheur à l’Institut de recherches en sciences humaines (IRSH), rattaché au Centre national de la recherche scientifique et technologique (Cenarest), « la situation des autochtones est préoccupante ». Absence de JEUNE AFRIQUE
documents d’état civil, manque d’accès aux centres de santé, à l’éducation… Certains Pygmées sédentarisés sont scolarisés, quelques-uns vont jusqu’en terminale, mais le taux d’échec scolaire demeure très élevé, constate Paulin Kialo. Très peu d’entre eux vivent en milieu urbain, et la plupart de ceux qui ont sauté le pas résident à Libreville, la seule ville où ils ne sont pas stigmatisés. Sur le plan économique, la situation des autochtones est loin d’être plus relui-
AUTOCHTONES BAKAS DANS LEUR CAMP D’ORPAILLAGE, dans le parc de Minkébé (nord-est du pays).
au quotidien, ils sont moqués, matraqués aussi bien physiquement que psychologiquement », explique Paulin Kialo. Beaucoup sombrent dans l’alcoolisme. Et on ne leur accorde pas plus de crédit ni de prérogatives en ce qui concerne la protection de la nature en général et de la forêt en particulier. MARGINALISÉS. Un paradoxe, car il s’agit
de leur habitat naturel, avec lequel ils sont réputés entretenir un rapport de respect et sur lequel ils possèdent un savoir incontesté. Mais en dépit des directives de la Banque mondiale, qui, depuis 2005, finance le Projet sectoriel forêt et environnement (PSFE), aucun rôle en la matière ne leur est reconnu officiellement, qu’il s’agisse de Étrangement, on ne leur confère l’exploitation forestière ou des ni rôle officiel ni prérogative en parcs nationaux. Paulin Kialo résume ainsi la matière de protection de la forêt. situation : « Les autochtones sante. Ils continuent de travailler pour des subissent deux sortes de marginalisation. Bantus (activités de chasse, de débrousCelle de l’État, à travers l’attribution des saillage, de portage), qui continuent de permis forestiers tous azimuts, et celle les payer en nature, avec des boissons des Bantus, qui ne leur reconnaissent alcoolisées de mauvaise qualité ou des pas de droits sur les terres. » Lorsque les vêtements usagés. exploitants forestiers les emploient, ils leur Les rapports entre les autochtones versent des salaires dérisoires. Le Gabon n’aeneffettoujourspassignélaconvention pygmées et les autres Gabonais sont ambivalents. « Ils sont valorisés quand 169 de l’Organisation internationale du on a besoin de leurs services, notamtravail (OIT) relative aux droits des peuples ment dans le domaine de la médecine tribaux, qui date pourtant de 1989. ● traditionnelle ou de l’occultisme, mais, TSHITENGE LUBABU M.K. N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
Le Gabon
Terre de possibilités.
modernisation de plus de 2.000 km de routes
installation d’un réseau national hydroélectrique de 1.200 Méga-Watts
construction de plus de 300 km de lignes ferroviaires nouvelles et la réhabilitation de près de 700 km de voies ferrées
Riche en ressources. Prêts à travailler.
Vous êtes investisseur, entrepreneur ou homme d’affaires : le Gabon et l’ANGT vous invitent à nous aider dans l’œuvre de construction et de réhabilitation de notre pays.
Qui sommes-nous ? L’ANGT - Agence Nationale des Grands Travaux - est une nouvelle agence gouvernementale qui fournit des services de gestion pour les grands travaux d’infrastructure. Nous mobilisons l’expérience et l’expertise internationale afin d’atteindre et de maintenir des normes de classe mondiale sur tous nos projets. Nous construisons et reconstruction le Gabon aux plus hautes normes de sécurité, de qualité et de durabilité. Contact : info@angtmedia.com.
ANGT-Gabon-et vous. Mieux travailler ensemble.
102
ROBERT J.ROSS
Æ Depuis qu’il y a posé ses bagages en 1989, il n’a plus quitté le pays. Il se définit comme « UN OKANGAIS, UN GABONAIS DE LA LOPÉ ».
D’ÉDIMBOURG À LA LOPÉ. En jan-
PORTRAIT
Lee White Chercheur blanc, cœur vert S’il garde son humour et son flegme tout britanniques, le secrétaire exécutif de l’Agence nationale des parcs nationaux a déjà passé la moitié de sa vie au service de la forêt tropicale.
D
e quel bois est donc fait Lee White ? Depuis qu’il a été nommé, en octobre 2009, à la tête de l’Agence nationale des parcs nationaux (ANPN), le chercheur associé de l’Institut de recherche en écologie tropicale (Iret) du Gabon est devenu la cible préférée d’une partie de l’establishment. Il n’en a cure, mais sait que les vilenies dont ses détracteurs l’accablent sont légion. On voit en lui le gourou qui a inoculé le virus de l’environnement à Bongo père et, plus tard, à son fils Ali. On lui reproche d’avoir fait de fausses promesses sur le marché du carbone et ses mécanismes compensatoires (lire N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
fait rire. Britannique depuis sa naissance, il y a 45 ans, il est aussi gabonais depuis sa naturalisation, en 2008. L’une des questions qui lui est le plus souvent poséeest: « Êtes-vous initié ? » (sous-entendu : aux rituels de la religion traditionnelle du Bwiti). Quand on l’interroge à ce sujet, il finit par mettre en avant, d’une pirouette, sa légitimité fondée sur vingt-cinq ans d’expérience: « Je suis initié à la forêt africaine. J’ai regardé le gorille à dos argenté dans les yeux, à 30 cm ; l’éléphant fâché à 1 m. J’ai des jumelles qui m’aident à voir de loin. Et, non, je ne suis pas initié au Bwiti. » Le regard plein de malice, il confirme être né à Manchester, dans le nord-ouest de l’Angleterre. Il n’y a vécu que pendant trois ans. Le temps pour son scientifique de père de s’envoler pour l’Ouganda d’Idi Amin Dada, où la famille s’installe pour plusieurs années. Retour au Royaume-Uni pour l’entrée au collège, puis, en 1984, à la fin de son premier cycle à l’Université de Londres, Lee White part pour la Sierra Leone, où il prend son premier poste d’assistant de recherche, en préparant sa maîtrise en zoologie. Quelques années plus tard, il s’engage en tant que conservateur au fin fond d’une réserve du sud-ouest du Nigeria, près de Benin City.
encadré).Onluiattribueuneguérillalarvée contre les ministères en charge des Forêts et de l’Écologie: « Il refuse de travailler sous la tutelle de l’un de ces deux ministères », déplore un ancien cadre de l’ANPN, soulignant que, pour l’heure, l’Agence dépend de la seule présidence de la République. Érigée en querelle d’ego par les uns, cette liaison directe avec le Palais du bord de mer ne tient pour d’autres qu’au tropisme écologiste du chef de l’État. INITIÉ? Certains reprochent à Lee White d’avoir été nommé à de hautes fonctions alors qu’« il n’est pas d’ici », la rumeur voulant aussi qu’il soit américain. Ce qui le
vier 1989, le jeune chercheur, qui prépare son doctorat, pose « par hasard » ses bagages au Gabon. C’est le tournant de sa vie. Jusqu’en août 1991, il étudie les effets de l’exploitation forestière sur la faune et la flore de la réserve de la LopéOkanga, avant de regagner l’université d’Édimbourg,oùilpassesathèse.Diplômé en 1992, il convainc l’ONG américaine Wildlife Conservation Society (WCS), qui avait financé ses travaux – et dont il sera le représentant local pendant seize ans –, de lui confier un poste de scientifique associé pour la conservation afin qu’il poursuive ses recherches à la Lopé. Cette aire protégée de quelque 5 000 km2, en plein cœur du pays, abrite une station de recherche qui suit les impacts des changements climatiques sur les écosystèmes, ainsi que la dynamique d’accumulation et de perte des stocks de carbone. LeeWhiteprenddoncsesquartiers,avec sa femme, pour cinq ans à la Lopé. Deux de ses trois enfants vont y naître. Il n’est pas peu fier d’avoir vécu sur un site témoin des changements climatiques: « C’était un rêve de gamin. J’avais le plus beau boulot JEUNE AFRIQUE
À la poursuite du Gabon vert du sommet de la Terre de Johannesburg en 2002, le gouvernement gabonais avait annulé des dizaines de permis d’exploitation forestière. Un effort qui a permis de stopper 10 % des émissions de gaz carbonique que la déforestation aurait fait subir à la planète chaque année, soit 1 million de tonnes de CO2. Depuis, aucune compensation financière n’est venue. DÉSILLUSIONS. « Les pays développés
D.R.
font des promesses de financement qu’ils ne tiennent pas. À Oslo, en mai 2010, ils ont annoncé qu’ils allaient porter à environ 4 milliards de dollars les aides pour la lutte contre la déforestation d’ici à 2012, soit 500 millions de dollars de plus que le montant promis à Copenhague. On a même parlé d’un fonds qui irait jusqu’à LE ZOOLOGISTE et l’un de ses trois enfants, « au bureau ». 100 millions de dollars par an… Mais rien du monde. Quant à mes enfants, je les vois d’ailleurs le WCS en 2008 afin, dit-il, de ne s’est passé. » Et le Gabon attend touencore courir derrière des éléphants dans pouvoir se focaliser sur ces questions. Il jours un retour pour son action en faveur cesitevieuxdeplusieursmillénaires,classé acquiert la nationalité gabonaise et rejoint de l’équilibre de la planète. « Je pense au Patrimoine mondial de l’Unesco… », le cabinet de Georgette Koko, vice-Premalheureusement que cela fait partie des se remémore-t-il, ému. mier ministre en charge de l’Environneillusions qu’on vend à nos dirigeants », En 1997, il est nommé à la direction ment, où il retrouve Étienne Massard (lire soupire Marc Ona Essangui, président générale de WCS Gabon et à la tête d’un pp. 69-70), alors directeur général de l’Ende l’ONG Brainforest (lire p. 77). Pour programme régional (Gabon, Congo, vironnement, promu depuis conseiller lui, le marché du carbone « n’est qu’un Cameroun, RD Congo, Guinée équaspécial d’Ali Bongo Ondimba pour le plan mécanisme expérimental dont aucun toriale, Nigeria) pour les inventaires climat et également président du conseil pays n’a encore reçu les dividendes ». et la formation. Sa principale charge : d’administration de l’ANPN. Le Dr White ne se décourage pas. S’il solliciter et gérer les financements des travaille désormais dans bailleurs internationaux. Mission accomles bureaux climatisés de « J’ai regardé le gorille à dos plie puisque sous sa direction, en dix l’ANPN et part moins souargenté dans les yeux à 30 cm ans, le Gabon est devenu le plus gros vent en forêt à travers les programme de WCS dans le monde, parcs, c’est pour mieux et l’éléphant fâché à 1 m. » avec 150 à 200 salariés et des dotations financer leur protection… annuelles d’environ 4 millions de dollars Tout n’est pas rose pour autant dans Avec un budget passé de 524 millions (2,7 millions d’euros). l’univers du Dr White, qui ne décolère de F CFA en 2009 à 4 milliards de F CFA Parallèlement, à partir de 2002, année pas de la tournure prise par le marché du en 2011 (de 800 000 euros à 6 millions de la création des parcs nationaux par carbone. Suivant le principe prévu par le d’euros), il jouit de la confiance du pouvoir et excelle toujours à mobiliser les Omar Bongo Ondimba, Lee White devient protocole de Kyoto (la possibilité offerte conseiller au cabinet de la présidence aux pays développés de compenser leurs concours de ses partenaires, en particulier de la République sur les questions liées émissions en finançant des réductions anglo-saxons. L’écogarde en chef White aux changements climatiques, aux parcs dans les pays en développement), avant veille au grain. ● nationaux et à l’écotourisme. Il quitte la création des parcs nationaux et la tenue GEORGES DOUGUELI
UNE BANQUE DE CO2 SANS DIVIDENDES ENTANT QUE SCIENTIFIQUE en chef pour les négociations menées par le Gabon dans le cadre de la Convention-Cadre des Nations unies sur le changement climatique, Lee White a accompagné Ali Bongo Ondimba au sommet de Copenhague de décembre 2009. Il a surtout participé aux négociations sur le mécanisme de Réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts (REDD+), qui vise à apporter une compensation aux pays en développement agissant en ce sens. Selon la cartographie des stocks de carbone JEUNE AFRIQUE
établie par l’Institut de recherche en écologie tropicale (Iret) de Libreville en partenariat avec des équipes britanniques et américaines, chaque hectare de la forêt gabonaise retient 2 tonnes de CO2 par an. Compte tenu de la proposition faite en 2010 de fixer le prix de la tonne de CO2 à 17 euros, ses 22 millions d’hectares de forêt pourraient donc rapporter au Gabon près de 750 millions d’euros. Soit environ le quart de son budget annuel. Est-ce réaliste, est-ce « soutenable » ? Pour le moment, aucun fonds ne s’est matérialisé. ● C.M. N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
103
En charge des activités portuaires du Gabon, qui représentent 90 % des échanges, l’Office des ports et rades du Gabon occupe une position stratégique dans la nouvelle politique économique du pays.
La vision stratégique de l’OPRAG
Afin de mieux répondre à la demande, le quai du port d’Owendo sera allongé de 300 mètres.
«N
otre infrastructure de transport doit être mise à niveau afin que le Gabon puisse se positionner comme un “hub” régional de référence. » L’objectif fixé par le président Ali BONGO ONDIMBA pour les routes, aéroports et voies ferrées s’applique évidemment à l’OPRAG (Office des ports et rades du Gabon), entité publique chargée du développement des grands ports commerciaux. Un enjeu de taille, compte tenu de l’importance des activités portuaires (90 % des échanges économiques du pays). L’équipe mise en place par Rigobert IKAMBOUAYAT NDEKA, Directeur général, est parfaitement consciente qu’elle inscrit son action dans la stratégie nationale de hisser le Gabon au rang des pays émergents.
OPRAG Office des ports et rades du Gabon B.P. 1051 – Libreville (Gabon) Tél. : +241 70 17 98 www.ports-gabon.com
L’extension des capacités de stockage est une priorité à Owendo et à Port-Gentil.
La vision stratégique de l’OPRAG
Sur la voie de l’émergence En charge, notamment, des ports d’Owendo, près de Libreville, et de Port-Gentil, capitale économique du pays, l’OPRAG a élaboré dès la fin de 2009 une vision stratégique en cinq axes : n renforcer le rôle de l’État en matière de gestion portuaire, n répondre aux exigences du commerce maritime international, n mettre à la disposition des opérateurs économiques des ports modernes,
compétitifs et en parfaite conformité avec les exigences environnementales,
n maintenir et développer les infrastructures en vue d’offrir aux usagers un
environnement propice au développement des affaires,
n développer un esprit d’équipe fondé sur la compétence, l’excellence, la
performance, la créativité et la responsabilité.
Des projets prioritaires Dès la mise en œuvre du plan stratégique, un vaste programme de travaux a été lancé. À moyen-terme, seront réalisés : n l’extension du port de Libreville-Owendo par la construction de nou-
veaux quais,
n la construction à Owendo d’une capitainerie moderne dotée d’informa-
tique moderne pour la gestion du trafic,
n l’accroissement de la capacité de stockage par la construction de han-
gars, de terre-pleins et de zones logistiques à Owendo et Port-Gentil,
n la modernisation et la construction d’un quai au port-môle de Port-Gentil.
L’allongement de 300 mètres des quais d’Owendo (450 mètres aujourd’hui), permettra au port d’être aux standards maritimes internationaux en 2013. Dès cette année, l’OPRAG a pris une mesure pour accélérer le chargement et le déchargement des navires : l’entrée en service de deux grues mobiles d’une capacité de levage de 100 tonnes chacune.
OPRAG Office des ports et rades du Gabon B.P. 1051 – Libreville (Gabon) Tél. : +241 70 17 98 www.ports-gabon.com
À plus long terme, sont prévus : n la construction de quais destinés au transport maritime urbain à Libreville, n l’aménagement d’une marina au port-môle de Libreville, n l’implantation et l’équipement d’un port à Mayumba, à l’extrémité sud
du pays,
n la construction d’une capitainerie moderne à Port-Gentil.
Partenariat international Pour être dans les meilleures conditions de réussir son pari, l’OPRAG a signé un accord de coopération avec son homologue singapourien Jurong Port, qui gère l’un des plus importants ports du monde avec ceux de Shanghai (Chine) et de Rotterdam (Pays Bas). Un partenariat fondamental pour l’OPRAG et pour sa stratégie de renforcement des capacités des ports du Gabon et de leur positionnement dans la sous-région et en Afrique.
Communiqué
Face à l’accroissement du trafic, deux grues mobiles entreront en service cette année.
Le Plus de J.A.
ROBERT J. ROSS/PETER ARNOLD/BIOSPHÈRE
106
Ý PROMENADE AU
COUCHER DU SOLEIL,
une heure propice à l’observation des animaux.
ÉCOTOURISME
La Mecque de la nature en quête de pèlerins Le pays veut devenir la destination phare des vacanciers soucieux de l’environnement. Pour que son trésor chlorophyllien et sa biodiversité fassent recette, encore faut-il que les opérateurs soient au rendez-vous.
P
chant des crapauds, à la faveur de quelartir en randonnée pour pister les chimpanzés (64 000 indiques plantes hallucinogènes et arbres à fièvre… La nature a été généreuse avec le vidus), les gorilles (35 000) et Gabon. Mais, pour le moment, l’or vert ne les éléphants de forêt (85 000). fait pas recette auprès des touristes. S’amuser des cercopithèques (petits Ici, pas question d’un Kenya bis, où singes) à la tête bariolée, des potamoles vacanciers déferlent à longueur chères (cochons sauvages) et des sitatungas (antilopes). Pêcher sportivement d’année. L’aventure reste réservée à le barracuda au large de la lagune d’Iguela. Taquiner la Chaque année, seulement 1 000 crevette dans la mangrove à 1 500 personnes viennent avec du parc de Pongara (NordOuest). Se lancer en pirogue l’unique but de visiter les parcs. à la découverte des tortues luth, compter les hippopotames, admirer moins de 1 500 éco-explorateurs par les sauts périlleux des dauphins à bosse an. Confidentialité volontaire ? Ou et la chorégraphie des baleines rorqual. contrainte ? En créant les treize parcs nationaux en S’extasier devant des arbres hauts de 70 mètres et dater les essences de la forêt 2002, sanctuarisant ainsi 11 % du territoire de 10 000 ans d’âge du parc de la Lopé national, Omar Bongo Ondimba déclarait (Ogooué-Ivindo), le tout bercé par le que le Gabon serait « La Mecque de la
N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
nature » et posait les jalons du tourisme durable.Dixansplustard,lesrésultatssont mitigés, mais, désormais, l’État compte mettre les moyens pour que l’écotourisme devienne rapidement un moteur de la stratégie de développement durable. FRILOSITÉ. Sur les 15 000 entrées de visi-
teurs enregistrées par an depuis 2007, moins de 10 % concernent l’écotourisme. « Nous n’accueillons chaque année que 1 000 à 1 500 personnes qui viennent avec pour seul but de visiter les parcs », regrette Lee White (lire pp. 102-103), patron de l’Agence nationale des parcs nationaux (ANPN). La faute à l’absence d’infrastructures d’accueil (lodges, camps, refuges) et au manque d’accessibilité (voies de communication peu fiables). Depuis l’annonce de leur création, en 2002, jusqu’à la formation de l’ANPN, en 2007, les parcs nationaux n’ont pas bénéficié des investissements nécessairesaudéveloppementdel’activité touristique, qu’ils soient publics ou privés. « Les investisseurs admirent le potentiel, mais hésitent à s’engager », constate un cadre du ministère du Tourisme. Une frilosité qui s’explique en partie par leur profil. La plupart de ces investisseurs sont anglo-saxons, originaires d’Afrique australe ou d’Afrique de l’Est ; ils sont habitués à travailler dans des JEUNE AFRIQUE
À la poursuite du Gabon vert
107
zones de savane et craignent les aléas de la forêt équatoriale, un écosystème qui leur est étranger. Pour les opérateurs, s’installer au Gabon impose de repenser leur modèle pour l’adapter, notamment, aux intempéries du bassin du Congo et à une nature plus hostile.
Les opérateurs anglo-saxons pointent plusieurs freins au développement de l’activité, dont les barrières linguistiques et culturelles – notamment la consommation de viande de brousse, qui choque les écotouristes –, le prix élevé des billets d’avion, la difficulté à obtenir des visas touristiques, l’accueil dans les aéroports et les hôtels du pays qui devrait être amélioré, le UNE AFFAIRE D’ÉTAT. L’ANPN, si elle manque d’accessibilité des sites… veut séduire les professionIls attendent par ailleurs des nels de l’écotourisme, doit autorités un assouplisseimpérativement maîtriser ment de la législation du ses parcs. « Comment les touristes par an investisseurs pourraienttravail, visant particulièreactuellement et un objectif de ils venir s’ils découvrent ment le fameux contrat à durée indéterminé (CDI), que nos écogardes font jugé peu incitatif. du stop pour se déplapar an D’autres obstacles, struccer ? » note Lee White. à l’horizon 2020. turels, entravent la progresLes gardes forestiers mansion de l’écotourisme, comme quent de moyens ; pourtant, le montre la cessation des activités leur tâche est ardue. En 2010, ils ont démantelé douze exploitations foresdu principal opérateur du pays dans ce tières clandestines et une trentaine de domaine (lire p. 108). braconniers professionnels ont été arrêtés et écroués… La création, en avril dernier, NOUVEAUX PARTENAIRES. Installé d’une unité militaire spéciale (lire p. 109) depuis dix ans dans le parc de Loango, va permettre de faire un grand pas en Africa’s Eden SA s’est retiré en septembre dernier à la suite d’un différend ● ● ● avant dans la sécurisation des parcs.
15000
DAVIDE SCAGLIOLA/ANA
150000
DAVIDE SCAGLIOLA/ANA
LE GORILLE D’AFRIQUE CENTRALE fait partie des espèces protégées « en danger critique d’extinction ».
Ð LA LAGUNE D’IGUELA, au nord de la réserve de Petit-Loango.
JEUNE AFRIQUE
N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
Le Plus de J.A.
Paradis perdu… À la suite d’un désaccord avec l’Agence nationale de l’aviation civile, Africa’s Eden, pionnier du tourisme durable et principal opérateur du parc de Loango, a mis la clef sous la porte.
A
PLAGE DU CAP ESTERIAS, près de Libreville. ● ● ● opposant sa filiale, SCD Aviation, aux autorités de l’aviation civile gabonaise. « Nous sommes sur le point de signer des accords avec trois investisseurs importants, dédramatise-t-on à l’ANPN. En juin prochain, au plus tard, va commencer la construction de dix lodges haut de gamme, qui vont nous aider à lancer la destination Gabon », chacun de ces hébergements étant appelé à générer entre 100 et 200 emplois, selon les prévisions. En janvier, la société sud-africaine Sustainable Forestry Management Africa (SFM Africa) s’est en effet associée au gouvernement gabonais pour la réalisation d’un projet de développement durable axé sur une meilleure gestion du patrimoine forestier et sur la création d’infrastructures touristiques, notamment dans la région de Mayumba (Sud). Le projet prévoit la construction de lodges de luxe dans plusieurs parcs nationaux, en coordination avec l’ANPN et les administrations gabonaises compétentes. ●
GEORGES DOUGUELI N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
frica’s Eden à Loango, c’est fini. Depuis septembre dernier, le principal opérateur du secteur au Gabon a abandonné ses activités au sein du plus emblématique des parcs du pays, à la suite de l’échec des négociations avec l’Agence nationale de l’aviation civile (Anac). Estimant que SCD Aviation, la filiale d’Africa’s Eden SA qui transportait les touristes de la capitale au parc, ne se conformait pas aux normes de sécurité, l’Anac a refusé de renouveler son certificat de transporteur aérien, rendant le parc quasiment inaccessible. « L’interdiction d’opérer nos avions a handicapé financièrement notre organisation, ne nous laissant d’autre choix que de prendre cette mesure drastique. Nous sommes profondément déçus », explique Robert Swanborn, le fondateur d’Africa’s Eden. Tout avait commencé en 2001 avec l’Opération Loango, un projet privé de conservationetdedéveloppementlancé par ce Néerlandais, fils d’un ancien dirigeant de Shell qui fit fortune en brevetant un procédé de séparation du brut. Robert Swanborn crée Africa’s Eden SA dans le but de mettre en pratique à Loango, un petit coin de paradis à quarante minutes de vol et 250 km au sud de Libreville, le concept selon lequel
« le tourisme paie pour la conservation du patrimoine naturel ». Dotée d’un lodge principal de grand luxe surplombant la lagune et de cinq camps satellites, au plus près des différents écosystèmes du parc (savane, forêt tropicale, prairie humide…), l’entreprise est devenue un modèle du genre. En neuf ans, elle a investi 15 millions d’euros dans la construction des infrastructures et plus de 3 millions d’euros dans la recherche, la conservation et l’éducation au sein du parc, qui accueille de nombreuses études scientifiques. Elle a notamment financé un projet pionnier de sanctuaire pour les gorilles. RECHERCHE. Pour le moment, les projets de conservation de la nature à Loango subsistent malgré le retrait de l’opérateur. Ils comprennent des travaux de recherche sur les baleines, les lamantins, les crocodiles et les tortues, conduits par la Wildlife Conservation Society (WCS) et le World Wildlife Fund (WWF), et, dans le nord du parc, des études sur les gorilles et les chimpanzés. Africa’s Eden s’en est allé, quant à lui, poursuivre ses activités écotouristiques dans l’archipel de São Tomé e Príncipe et dans la réserve de Dzanga-Sangha, en Centrafrique. ● CÉCILE MANCIAUX
GUENAY ULUTUNCOK/LAIF-REA
YANN DOELAN/HEMIS.FR
108
UN LODGE PRINCIPAL DE GRAND LUXE surplombant la lagune. JEUNE AFRIQUE
À la poursuite du Gabon vert
STÈPHAN BONNEAU/BIOSPHOTO
continue Mike Fay. La réserve étant en grande partie couverte de forêt, on ne peut pas savoir le nombre exact d’éléphants tués, mais nous sommes Ý PLUS DIFFICILES certains que ce niveau À ÉTUDIER de braconnage est sans ET À PROTÉGER précédent dans l’histoire que leurs cousins des du Gabon. » Des traces savanes, de carnages similaires ils ne sont ont été observées ces plus que derniers mois dans les quelques parcs de Minkébé, de dizaines de milliers. Mwagna et d’Ivindo. Dans la réserve de Minkébé, située à l’extrême nord-est du Gabon et frontalière avec le Cameroun, les deux pays ont d’ailleurs lancé, également en avril, un plan conjoint pour lutter contre la recrudescence du braconnage. Des missions transfrontalières de quinze jours vont SAUVEGARDE être désormais organisée chaque trimestre, alternativement dans les deux pays. Elles seront conduites par des patrouilles La bataille pour la survie des éléphants de forêt, braconnés à travers pédestres, fluviales et mobiles, afin de mettre un maximum de pression sur les tout le pays pour leur ivoire, a nécessité la mise en place d’une unité braconniers et les trafiquants. militaire de 240 hommes pour sécuriser les parcs.
Brigade d’élite pour la jungle
L
e Gabon avait pris, en mars, la décision de classer l’éléphant de forêt comme espèce « intégralement protégée » en raison d’un niveau de braconnage jamais atteint dans l’histoire du pays. Mi-avril, le président Ali Bongo Ondimba est monté lui-même au créneau pour déclarer la guerre aux trafiquants d’ivoire en annonçant la création d’une unité militaire de 240 hommes au sein de l’Agence nationale des parcs nationaux (ANPN), avec ordre de mise en place opérationnelle immédiate. Baptisée « brigade de la jungle », l’unité a pour mission de sécuriser les parcs du pays. MASSACRE. C’est la décou-
verte, début avril, d’une trentaine de carcasses de pachydermes lors d’un survol du parc national de Wonga Wongué, à 100 km au sud de Libreville, qui a mis le feu aux poudres. « Nous avons découvert un corps, puis un autre, et encore un autre. En quelques minutes, nous avons réalisé que quelque chose de grave s’était passé », raconte Mike Fay, le directeur technique de l’ANPN. Le biologiste américain a été un des acteurs clés de la création des parcs nationaux en JEUNE AFRIQUE
2002, après avoir acquis une renommée mondiale avec Megatransect, le récit de l’équipée pédestre qu’il a menée à travers la forêt équatoriale, du Congo au Gabon, avec Nick Nichols, reporter photographe au National Geographic. « En à peine une heure, nous avons compté 28 carcasses,
UN TRAFIC LUCRATIF
40
Acheté € aux braconniers dans les villages gabonais…
120
€ … le kilo est revendu par les trafiquants au Cameroun… … puis se négocie entre
1 500 3 000
et € sur les marchés asiatiques
AU KALACHNIKOV. Reconnu comme
une espèce biologique distincte de son cousin des savanes, l’éléphant de forêt se caractérise par une peau plus foncée, des oreilles plus petites et plus circulaires, des défenses plus minces et plus droites, dont l’ivoire, légèrement rosé, présente un grain de meilleure qualité que celui de l’éléphant des savanes… Une seule défense se négocie actuellement 30 000 euros au marché noir. Ce trafic de plus en plus lucratif est opéré par des réseaux criminels organisés qui n’hésitent plus à s’immiscer dans les forêts les plus reculées, armés de kalachnikovs, et à s’allier aux villageois. « La plupart des braconniers viennent de l’extérieur du Gabon et sont équipés de nombreuses armes. Nos gardes, eux, sont en sous-effectif et sous-armés », explique Lee White, le secrétaire exécutif de l’ANPN. Incapables de vivre hors de la jungle primaire, désorientés par les forestiers, pourchassés par les braconniers, les derniers éléphants de forêt se rapprochent de plus en plus des villages, inquiétant leurs habitants, alors que les parcs nationaux ont justement été créés pour les en éloigner et leur réserver des sanctuaires. Il était temps de les mettre sous bonne garde. ● CÉCILE MANCIAUX N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
109
TRANSPORT PUBLIC « Notre réseau ira bien au-delà de Libreville » Par tie de huit bus en 2009, la Sogatra en opère aujourd’hui une centaine et ambitionne d’étendre ses services à de nouvelles villes en dehors de la capitale du Gabon.
D.R.
D.R.
Aloïse Bekale Ntoutoume Directeur général de la Sogatra
Pierrette Djouassa Président du Conseil d’administration de la Sogatra
Comment a évolué la Sogatra en 2010 ? Aloïse Bekale Ntoutoume : La Sogatra a largement étendu son réseau et ses capacités de transport grâce au soutien des pouvoirs publics. Nous disposons désormais d’une centaine de bus. Nous exploitons régulièrement une trentaine de lignes à Libreville et nous étendons progressivement le réseau à l’extérieur de la capitale. Depuis juillet dernier, notamment, la Sogatra assure des liaisons quotidiennes, à horaires précis et au minimum deux fois par jour, avec Lambaréné. Les usagers peuvent faire l’aller-retour dans la journée dans de bonnes conditions de confort et de coût. Nous avons ouvert trois agences, dont deux situées sur le parcours, et créé des emplois.
D.R.
M
oins de deux ans auront suffi pour redresser la Sogatra, société gabonaise de transport créée en 1997. Après de nombreuses années de gestion hasardeuse, les bus ne roulaient plus et les employés ne bénéficiaient que d’une protection sociale minime. Devenue l’une des priorités du président Ali Bongo Ondimba dans le cadre du « Gabon émergent », la Sogatra a développé son parc et emploie aujourd’hui 450 personnes. L’amélioration des conditions de vie et de travail, comme celle du confort et de la régularité du transport sont un souci constant de Pierrette Djouassa, président du Conseil d’administration, et d’Aloïse Bekale Ntoutoume, Directeur général, qui dresse un premier bilan des progrès réalisés.
Combien d’employés aujourd’hui ? A.B.N. : La Sogatra emploie 450 personnes dont 70 % de personnel d’exploitation, pour le nettoyage et la maintenance des équipements ainsi que la vente de billets et la comptabilité quotidienne des recettes, qui sont un élément vital du redressement de la société. Un bus, c’est un peu comme un avion. L’avion rapporte de l’argent quand il vole. Quand il est cloué au sol, il ne sert à rien et représente un coût. Les équipes de la Sogatra doivent chaque jour mettre le maximum de bus à la disposition du réseau et des passagers. Quelle était la situation quand vous êtes arrivé ? A.B.N. : La société ne comptait que huit bus en état de fonctionnement, ce qui représentait, au mieux 500 000 F CFA de recettes d’exploitation par jour. J’ai fait réparer huit véhicules et nous en avons acheté dix à notre homologue en Côte d’Ivoire, la Sotra. Au début de l’année suivante, avec ces seize bus, les recettes avaient plus que doublé, à 1,2 million de F CFA par jour. À la fin de 2010, la Sogatra disposait de 80 bus et les recettes d’exploitation quotidiennes atteignaient 4,5 millions de F CFA à 5 millions de F CFA.
SOGATRA Société Gabonaise de Transport B.P. 8575 – Libreville (Gabon) Tél. : +241 76 20 09 www.sogatra.net
SOGATRA vernement : Port Gentil, Oyem, Mouila et Franceville. Les études sont achevées mais nous n’y parviendrons pas sans une augmentation des subventions. Si nous devons aller à l’intérieur du pays, en fonction du nombre de villes desservies, 200 à 400 nouveaux bus sont nécessaires.
Avec Lambaréné, vous desservez quatre villes de l’intérieur du pays. Y en aura-t-il d’autres ? A.B.N. : La Sogatra s’approprie progressivement le concept de voyage, en concurrence avec des transporteurs privés face auxquels, fidèle à sa mission de service public, elle pratique des tarifs environ 40 % moins élevés. Notre arrivée à Lambaréné a marqué les autorités au point qu’elles souhaitent que nous assurions aussi un service local. Nous avons également des demandes de la part d’autres provinces, qui revendiquent le droit d’être desservies par la Sogatra. Et même un reproche : pourquoi ouvrir des dessertes hors de Libreville alors que la demande à Libreville même n’est pas encore convenablement satisfaite.Tout est une question de moyens.
A.B.N. : Notre démarche est appuyée par notre président du Conseil d’administration, Madame Pierrette Djouassa. La Sogatra peine à faire face à ses charges d’exploitation et, heureusement, elle bénéficie pleinement du soutien de l’État pour poursuivre sa mission et son expansion. Dès sa campagne électorale, le chef de l’État a mis l’accent sur la nécessité pour le pays de disposer de transports publics performants et il a particulièrement fait de la Sogatra un cheval de bataille. Dès son accession à la Présidence de la République, il a tenu ses engagements. Toutes les dotations publiques que nous avons obtenues en 2010, ainsi que celles que nous avons reçues de la part des collectivités locales, résultent de la volonté du chef de l’État. Nous entendons bien ne pas le décevoir, notamment à l’occasion de la CAN. Le transport est un maillon essentiel du « Gabon des services » défini dans la politique nationale d’émergence.
D.R.
D.R.
Votre dossier est prioritaire...
Avez-vous le soutien de l’État ? A.B.N. : Si l’objectif est d’atteindre l’autonomie financière à terme, nous n’y sommes pas encore. L’accroissement des moyens doit permettre d’assurer deux priorités immédiates. D’abord les transpor ts lors de la Coupe d’Afrique des nations de football, la CAN, en 2012, et notre implantation dans quatre villes décidées par le gouCOMMUNIQUÉ
« Le transport est un maillon essentiel du Gabon des services »
112
Économie
CHINE-AFRIQUE
Pékin toujours gagnant
MALI
1 million d’hectares Faute d’investissements suffisants, moins de 10 % des terres gérées par l’Office du Niger, plus grand projet d’aménagement hydroagricole de toute l’Afrique de l’Ouest, sont exploités. Pour développer la zone, Bamako tente, tant bien que mal, de faire appel aux capitaux privés.
STÉPHANE BALLONG, envoyé spécial à Ségou
P
as moins de 40 °C à l’ombre. Dans la région de Ségou (centre du Mali), en ce mois d’avril, les champs qui s’étendent à perte de vue dans le delta du Niger sont presque déserts, saison sèche oblige. Seuls quelques uelques agriculteurs cultivant en contre-saison entretiennent leurs rizières. À défaut d’avoir une plus grande exploitation, ils recourent à cette tte Mema Nampala pratique pour compléter leur production n Lac Farimake annuelle. Amadou fait partie de ceux-là. Sa Debo famille n’a eu accès qu’à 0,5 ha de terres. Koreri Kareri Kalainf « Nous avons fait une demande pour avoir Magina une plus grande exploitation, mais nous n’avons pour l’heure pas reçu de réponse », Kala sup Fleuve MOPTI explique-t-il en bambara. Niger Plus de 1000 familles de la région seraient un peu p plus de 55 000 ha. En tout, ce sont Ké-Massina dans la même situation. Et pourtant, c’est ici ci donc quelque 98 000 ha, exploités par Barrage de Markala que l’Office du Niger, établissement publicc à 35 000 agriculteurs, qui sont irrigués… mais caractère industriel et commercial, gère une qui pein peinent à satisfaire les besoins des paysans immense zone dont le potentiel de terres irrigables igables locaux. Selon Selo Abdoulaye Daou, délégué général est estimé à plus de 1 million d’hectares. Soit le des producte producteurs de l’Office du Niger, « la pression tiers de la surface cultivable du pays. Créé en n 1932 foncière n’a jamais j été aussi forte, en raison d’une par la France coloniale, l’Office demeure le plus sans cesse croissante ». demande sa grand projet d’aménagement hydroagricole cole de toute l’Afrique de l’Ouest. Il visait, à sa création, PRIORITÉ POUR ATT. Le président Amadou éation, on, à UNE PRIOR fournir en matière première l’industrie textile ile de la l Touré (ATT), dont le dernier mandat Toumani To métropole, grâce à l’aménagement de 5100000 ha de arrive à terme en 2012, a placé l’Office du Niger et culture de coton, et à produire du riz sur 450000 000 ha le développe développement de cette zone parmi ses priorités, Terres gérées par pour les besoins alimentaires. avec pour ambition de faire du Mali le grenier de l’Office du Niger Quatre-vingts ans plus tard, à peine 10 % de la sous-région. Mais la situation n’a guère évolué. Zones aménagées ce projet a été réalisé. Avant son départ, le colon Mis à part pour le riz – l’Office couvre 60 % de la Extensions projetées français avait aménagé quelque 43000 ha de terres. consommation du pays –, l’institution affiche un Et le Mali, depuis son indépendance, a aménagé maigre bilan. La raison ? « L’aménagement de N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
JEUNE AFRIQUE
AÉRIEN
Tunisair navigue à vue
MALAISIE
Un Singapour bis sort de terre
toujours
INTERVIEW
Moïse Katumbi
SÉNÉGAL
Gouverneur du Katanga
Sonatel aux petits soins pour ses actionnaires
en friche
d’environ 1,5 milliard de F CFA liée aux fraudes et à la mauvaise gestion entre 2001 et 2007, sous la direction de l’ex-PDG Seydou Idrissa Traoré. Parmi les dysfonctionnements relevés par le « monsieur anticorruption », une confusion des responsabilités et des sorties Ý En 2010, d’argent non répertoriées. En 600 000 outre, au titre des manques à TONNES DE RIZ ont été gagner, le vérificateur général produites a constaté un trou de plus de dans 25 millions de F CFA de loyers la zone. non recouvrés. L’Union européenne, qui comme les autres bailleurs de fonds internationaux était réticente à investir dans cette zone du fait du manque de transparence, est tout de même revenue en 2010 pour financer, à hauteur de 30 millions d’euros (20 milliards de F CFA), l’aménagement de 2 500 ha qui seront confiés aux exploitants locaux.
EMMANUEL DAOU BAKARY POUR J.A.
LA DONNE A CHANGÉ. Depuis la crise alimentaire
1 ha de terre coûte jusqu’à 4 millions de F CFA [6 100 euros, NDLR] », explique-t-on à la direction de l’Office du Niger. Soit, en théorie, un investissement colossal de 6 milliards d’euros pour le million d’hectares disponibles ! Autrement dit, aménager suffisamment de terres pour satisfaire les besoins des cultivateurs et du pays représenterait pour l’État de lourdes dépenses qui siphonneraient son budget. Déjà que l’entretien du système d’irrigation s’élève, en moyenne, à 3 millions d’euros par an ! L’Office ne peut mobiliser des fonds de cette ampleur. Le budget que lui a alloué l’État en 2011 s’élève à 19 milliards de F CFA (29 millions d’euros). En outre, pendant de nombreuses années, l’organisme n’a pas particulièrement brillé par son mode de gouvernance. Dans son rapport publié fin 2007, Sidi Sosso Diarra, l’ancien vérificateur général du Mali, avait relevé une perte JEUNE AFRIQUE
de 2008, marquée par une hausse vertigineuse des cours des produits alimentaires de base, la donne a changé : la terre est devenue un investissement intéressant qui attire des fonds spéculatifs tels que celui du milliardaire américain George Soros, mais aussi des États soucieux de garantir leur sécurité alimentaire. Bamako, qui avait décidé en 1994 d’ouvrir l’Office du Niger aux privés, tente de surfer sur cette tendance. La Société libyenne et malienne de l’agriculture (Malibya Agriculture) constitue un des projets phares de cette nouvelle démarche. Financée par le fonds souverain Libya Africa Investment Portfolio, elle vient d’achever la construction de 40 km de canaux d’irrigation, pour 26 milliards de F CFA. La deuxième phase de ce projet, l’aménagement et l’exploitation de 100 000 ha, a été suspendue en raison de la guerre en Libye. « Le canal est prêt mais les Libyens n’ont pas encore exploité un seul hectare de terre », explique Kassoum Denon, PDG de l’Office du Niger (lire interview page suivante). Outre les Libyens, les Chinois ont investi 265 milliards de F CFA dans un complexe sucrier qui s’étend sur environ 14 000 ha. Le projet devrait s’achever dans les six prochains mois avec la construction d’une usine. Depuis 2008, plus de 300 milliards de F CFA d’investissements privés ont ainsi été annoncés pour des projets d’exploitation dans la zone de l’Office du N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
113
Entreprises marchés Niger. Les opérateurs économiques nationaux sont également engagés dans cette course, à l’instar du groupe Tomota, qui a obtenu le droit de produire, en test, des oléagineux (tournesol, arachide et coton) sur une superficie de 2 000 ha, avec la possibilité de l’étendre sur 140 000 ha. Aliou Tomota, son PDG, veut remonter la filière pour alimenter les usines de l’Huilerie cotonnière du Mali (Huicoma), qu’il a rachetées à l’État en 2005 et qu’il peine depuis à relancer, faute de matière EMMANUEL DAOU BAKARY première. Au total, l’industriel malien affirme Aliou Tomota, avoir injecté quelque 15 milliards de F CFA dans PDG du groupe Tomota, a obtenu le droit de produire l’achat de systèmes d’irrigations, de machines, de des oléagineux sur 2 000 ha. tracteurs… Autre homme d’affaires malien à invesIl a investi 15 milliards de tir dans la zone, Modibo Keita, patron du Grand F CFA d’équipements divers. distributeur céréalier du Mali (GDCM), exploite 7 400 ha de blé afin d’alimenter son moulin.
INTERVIEW
Si grâce à ces différents projets, quelques centaines de milliers d’hectares pourraient être aménagés d’ici à la fin du mandat d’ATT, la nature même des contrats signés fait l’objet de vives polémiques dans le pays. Oumar Mariko, le secrétaire général de Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance (Sadi, opposition), dénonce le flou et le manque de communication qui entoure la signature de baux emphytéotiques (cinquante ans renouvelables), une pratique qui selon lui « revient à brader les terres sans s’assurer que la production profite au pays ». Du côté de la direction de l’Office du Niger, on se défend en citant l’exemple de Malibya Agriculture: « Les infrastructures mises en place permettront d’aménager 300 000 autres hectares qui seront redistribués aux petits exploitants. » Mais le modèle reste bien fragile. ●
Kassoum Denon
PDG
DE L ’O FFICE DU
N IGER
« Nous n’avons jamais bradé des terres à qui que ce soit » L’ingénieur agronome, à la tête de l’organisme depuis 2010, estime que les investissements locaux, libyens et chinois contribueront à atteindre l’objectif de 200 000 ha aménagés en 2020.
JEUNE AFRIQUE : Que répondez-vous à ceux qui accusent l’Office du Niger de brader ses terres ? KASSOUM DENON : Que ce soit pour
Malibya Agriculture [société libomalienne, NDLR], pour Tomota [groupe malien] ou pour les Chinois, nous n’avons ni donné ni même vendu des terres à qui que ce soit. L’Office du Niger ne vend pas les terres. Nous signons des contrats qui peuvent être dénoncés à tout moment si les clauses ne sont pas respectées. Tous ces investisseurs ont reçu des accords de principe qui leur permettent d’effectuer des tests. Parce que quand vous voulez produire du tournesol ou une variété de riz par exemple, il faut accéder à la terre pour faire des tests.
À ce jour, vous n’avez donc signé aucun bail ?
Seul le Grand distributeur céréalier du Mali [GDCM] a signé un bail emphytéotique portant sur 7 400 ha. Le groupe avait demandé une superficie de 20000 ha, mais l’étude de son projet ne nous a pas permis N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
de lui attribuer cette surface. En fait, nous prenons nos décisions en nousréférant à la disponibilité de l’eau et du sol par rapport à la culture qui sera développée.
EMMANUEL DAOU BAKARY POUR J.A.
114
C’est en réalité le projet libyen qui a suscité beaucoup d’émoi. Vous assurezvous que la production profitera aussi au pays ?
Beaucoup de bruit a été fait autour de ce projet, sans que les gens en connaissent les vrais contours. La Libye a construit 40 km de canaux, dont un canal adducteur qui nous permet d’aménager 300000 ha pour les petits distributeurs. Les villageois qui ont été déplacés dans le cadre de ce projet ont été indemnisés à hauteur de 130 millions de F CFA. Le Mali n’aurait pu réaliser cet investissement en raison des contraintes budgétaires. Pour l’heure, la Libye n’a pas exploité un seul hectare. Avant que n’éclate la guerre dans ce pays, ce qui a suspendu tous les travaux, nous étions en train de négocier l’exploitation d’une première tranche de 6 000 ha, compte tenu de la disponibilité de l’eau.
Quels sont vos objectifs en termes d’aménagement et de production ?
Dans notre schéma directeur, nous visons 200000 ha aménagés en 2020. Mais si des investisseurs privés peuvent nous permettre d’aller plus vite, nous sommes ouverts à travailler avec eux, tant que cela se fait dans le respect de la loi. Aujourd’hui, 600 000 tonnes de riz proviennent de la zone de l’Office du Niger. Nous voulons atteindre, grâce aux nouveaux aménagements, 1 million de tonnes de riz paddy à l’horizon 2012-2013. ● Propos recueillis par S.B. JEUNE AFRIQUE
Moustapha Guirassy, Ministre de la Communication, des Télécommunications et des Technologies des l’Information & de la Communication Porte-Parole du Gouvernement, Sénégal
NEW
Tiemoko Coulibaly, Directeur Général pour les Marchés Francophones, Airtel Afrique
NEW
Bernard Ghillebaert, Responsable de l’Afrique de l’Ouest et de l’Asie, Orange Ahmad Farroukh, VP Afrique de l’Ouest et Centrale, MTN Group
8e Congrès Annuel
Saiful Alam, Directeur Commercial, Expresso Telecom Group
NEW
Stevan Hoyle, Directeur Asie et Afrique Afrique Sub-Saharienne, Vodafone Global Enterprise
NEW
Alain Kahasha, Directeur Général, Airtel Niger
NEW
Mohamed Sylla, Directeur des Etudes et du Développement, Sotelgui, Guinée
Evoluer les Réseaux et les Services pour Capturer le Potentiel de Croissance de la Région
nou uvelle e ffo oormule rm lee fo nou n no uvuelle orm mule
Ab bonnez-v ez vo ezous !
Ab bonnez bo ez-vo ez-v vous s!
Ab bonnez-v vous !
Ab bon onnez-v vous s!
nou uvelle e fo orm mule
Découvrez la nouvelle formule de Jeune Afrique q à partir artir de nou uvelle e formul mule e
39€ seulement
velle le fo for orrm mu ulle no ouvelle formuleuvel
*
nou ouvel v le ffo ormule e
Ab bonn bo onnezezz-vous !
AAb Ab bbon onnen eous zs-v vous ! onne z-vous z-v !
Abonn Abo onnez ezz-v vous ! vo
Abonnez-vous ! Ab bonnezz-vo vo ous ! Abo Ab bon onn nezez-vo vo ous !
www.comworldseries.com/wcafrica
✓ ❒ Oui, je souhaite m’abonner à Jeune Afrique JE CHOISIS MA FORMULE
Je coche l’abonnement de mon choix. Pour les offres 1 an et 2 ans, je recevrai chaque année les trois hors-série à paraître : L’état de l’Afrique, Les 200 premières banques africaines et Les 500 premières entreprises africaines.
3 mois
6 mois
1 an
Zone
(22 N° + 2 N° doubles)
(44 N° + 4 N° doubles + 3 hors-série)
2 ans
(11 N° + 1 N° double)
France métropolitaine* Europe Maghreb / CFA USA / Canada Reste du monde
❒ ❒ ❒ ❒ ❒
❒ ❒ ❒ ❒ ❒
❒ ❒ ❒ ❒ ❒
❒ ❒ ❒ ❒ ❒
Formule
Ab bonnez-v bo ez vo ezvous s!
Abonne Abo nnez-v vous !
Associate Sponsors:
BULLETIN D’ABONNEMENT
nou uvelle e ffo ormule
nou uvelle e ffo ormule
pour 2011
Host Operators: Programme Partner:
Inscrivez-vous citez le code prioritaire WC11JFQ:
nou uvelle e ffo ormule
NOUVEAU
Sponsors: Sponsor:
Produced By:
Key Operator Focus:
NOUVEAU pour 2011
Tushar Maheshwari, Directeur Commercial, Starcomms, Nigeria
Ab bonnez-v vous s!
Part of the:
pour les opérateurs
Le Méridien, Dakar, Sénégal
NEW
L’Afrique change, Jeune Afrique aussi. Ab bonnez-v vous vous s!
GRATUIT
15-16 Juin 2011
39 € 49 € 55 € 59 € 65 €
69 € 89 € 99 € 109 € 119 €
135 € 159 € 179 € 209 € 229 €
(88 N° + 8 N° doubles + 6 hors-série)
235 € 295 € 335 € 389 € 439 €
J’INDIQUE MES COORDONNÉES
JE JOINS MON RÈGLEMENT PAR
❒ Mme ❒ Mlle ❒ M.
❒ Chèque bancaire à l’ordre de SIFIJA
Nom
❒ Carte bancaire n°
Prénom
❒ Visa
❒ Mastercard
❒ Amex
Société
Date de validité
Adresse
Notez les 3 derniers chiffres au dos de votre carte, près de la signature
Code postal Pays
❒ Je souhaite recevoir une facture acquittée.
Ville Tél.
Email COM&COM - Groupe Jeune Afrique 20, Avenue Édouard-Herriot 92350 Le Plessis-Robinson - France
DNF 2011
NEW
Traduction Simultanée Anglais-Français
LE SEUL ÉVÉNEMENT DÉDIÉ AUX TÉLÉCOMS EN AFRIQUE DE L'OUEST ET CENTRALE
✂
Profitez de l’expertise d’opérateurs leaders de la région dont:
Date et signature :
+33 1 40 94 22 22 Indiquez le code DNF2011
jeuneafrique@cometcom.fr Indiquez le code DNF2011
* Tarif France métropolitaine. Offres valables jusqu’au 31/12/2011. Conformément à la loi informatique et liberté (art.34) vous disposez d’un droit d’accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant auprès du Groupe Jeune Afrique.
Entreprises marchés
116
Ý Les BIENS MANUFACTURÉS représentent près de la moitié des exportations chinoises vers l’Afrique (ici à Kampala).
SVEN TORFINN/PANOS-REA
la Chine ne sont pas idéals, mais ils ne le sont pas non plus avec les autres partenaires, comme l’Union européenne ou les ÉtatsUnis. Nos échanges contribuent quand même à hauteur de 20 % à la croissance africaine », a répondu Liu Guijin, représentant spécial du ministre des Affaires étrangères, lors du 21e Forum économique mondial sur l’Afrique, le 4 mai au Cap. SENTIMENT D’ÊTRE ENVAHI. Le
CHINE-AFRIQUE
Pékin toujours gagnant En une décennie, l’empire du Milieu a multiplié par dix ses échanges avec le continent, pour atteindre les 129 milliards de dollars l’année dernière. Un business systématiquement à l’avantage du géant asiatique.
G
uinée équatoriale, le 30 août 2010. Debout, droits comme des piquets et alignés en rang d’oignons au fond de l’amphithéâtre, ils sont discrets, mais bien là : une équipe de techniciens chinois gère la sonorisation du centre de conférence de Malabo – construit par la Chine – lors de la 60e session du comité régional de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour l’Afrique. La scène n’est pas si anecdotique qu’elle y paraît. Elle est, parmi tant d’autres, l’illustration d’une présence chinoise qui, du Caire à Durban, va bien au-delà de la construction de bâtiments et de l’extraction de matières premières. Services, biens manufacturés, nourriture, transports (routes et moyens), télécoms, agriculture… L’empire du Milieu a pénétré tous les secteurs d’activité africains en dix ans. Les échanges Chine-Afrique (importations et exportations) ont atteint quelque 129 milliards de dollars (89 milliards d’euros) en 2010, soit dix N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
fois plus qu’en 2000, et pourraient s’approcher des 400 milliards en 2015, selon le rapport de la banque d’investissement Renaissance Capital, « La Chine en Afrique », publié le 21 avril. Plus de la moitié de cette somme (220 milliards) résultera des importations en provenance du continent, dont la Chine est depuis 2010 le premier partenaire commercial. Taxé de néocolonialisme, accusé de piller les ressources du continent à l’aide de contrats léonins, Pékin donne le change : « Les échanges entre l’Afrique et
pétrole et les mines monopolisent 65 % des importations chinoises (Angola, Soudan et Libye principalement), contre 12 % pour les biens manufacturés. A contrario, ces derniers représentent près de la moitié des exportations chinoises vers l’Afrique : pour l’heure, le continent se sent envahi par les produits chinois, au détriment de sapropreindustrie.Emblématique, l’hémorragie du secteur textile, au Nigeria ou en Afrique du Sud, qui annonçait encore début mai la fermeture de six à huit usines. Une activité décimée par l’arrivée de vêtements meilleur marché. Petit à petit, comme à Dakar, boulevard du Général-de-Gaulle, les boutiques chinoises se sont durablement installées, avec une diaspora grandissante (lire encadré). Le deuxième poste des investissements directs étrangers (IDE) de la Chine en Afrique (9,33 milliards de dollars en 2009) concerne l’industrie manufacturière (22 %,
LES « CHINATOWN » POUSSENT COMME DES CHAMPIGNONS « L’UNE DES INQUIÉTUDES DE LA CHINE porte sur l’émigration de ses ressortissants vers l’Afrique », selon le Britannique Richard Dowden, de la Royal African Society. Si elle est difficilement quantifiable pour l’heure, la diaspora chinoise sur le continent croît depuis dix ans au rythme des grands projets d’infrastructures. En Afrique du Nord, l’Algérie est le pays qui accueille le plus de ressortissants chinois, avec plus de 35 000 personnes recensées. Afrique du Sud, Nigeria, Sénégal… partout des « Chinatown » se constituent. Nombreux sont les ouvriers à rester sur place une fois les chantiers achevés. Ils créent des boutiques de détail et de gros, et « on commence à voir des PME, autant M.P. d’opportunités manquées par les Africains », conclut Dowden. ● JEUNE AFRIQUE
Entreprises marchés après 30 % dans les mines), et le rapport de Renaissance Capital met en exergue une stratégie bien huilée. En créant des usines en Égypte, à Maurice ou au Nigeria, les entrepreneurs chinois, qui importent leurs matières premières depuis la Chine, profitent notamment des accords d’échanges des États-Unis avec l’Afrique, comme l’African Growth and Opportunity Act (Agoa), pour écouler ces marchandises sans acquitter de droits de douane américains. Idem avec l’Afrique du Nord, perçue comme une base pour le marché européen, à l’aide de produits « made in Tunisia » ou « made in Algeria ». Ce tissu industriel profite donc en premier lieu à la Chine, avant le continent. Et même lorsque Pékin impose un quota maximal de ses exportations
économique mondial. Car même si les importations chinoises augmentent et semblent se diversifier, « le pays s’assure que les revenus tirés par les Africains soient dépensés dans des biens chinois », relève Charles Robertson, économiste en chef chez Renaissance Capital.
UNE ZONE COMPÉTITIVE. Pékin tente de rassurer et se positionne déjà sur une nouvelle ligne. « Nous allons investir dans des zones industrielles et contribuer au développement de l’industrie manufacturière », a ainsi indiqué Liu Guijin. Une ambition surtout portée par une réalité chinoise : le coût de la main-d’œuvre progresse et le pays commence déjà à rechercher des zones plus compétitives. Le continent est dans son viseur. La Chine entend ainsi d’abord approvisionner son marché, puis profiter du milliard de consommateurs Une présence qui s’amplifie africains. et se diversifie, notamment Mêmes’ilcommence dans l’agriculture. à apparaître dans les discours, le transfert dans le cadre d’accords, comme de technologies n’est pas encore avec l’Afrique du Sud (un quart des d’actualité. « Les concertations IDE de la Chine en Afrique) pour entre l’Afrique et la Chine manle textile, le terrain est vite occupé quent de transparence, estime le par d’autres produits asiatiques, Britannique Richard Dowden, de vietnamiens ou malaisiens. la Royal African Society. J’attends « Il faut que l’Afrique bénéficie le jour où des ouvriers chinois davantage des échanges avec la seront dirigés par des Africains ! Chine, qui représentent un marché Il est de toute manière difficile de gigantesque pour nos produits », contrôler les exportations chinoia déclaré Jacob Zuma, le présises et de leur faire concurrence. » dent sud-africain, lors du Forum Pour Liu Guijin, « les matières
À l’horizon 2015, les échanges entre la Chine et l’Afrique pourraient atteindre
400
milliards de dollars
(dont 220 milliards de l’Afrique vers la Chine)
premières africaines sont une chance pour le continent, qui lui permettent d’engranger des revenus et de diversifier son économie. Et quand l’Afrique se développe, c’est la Chine qui se développe. » Et d’énumérer les trois priorités des investissements chinois : les infrastructures et l’agriculture, le partage de compétences et la promotion de l’industrialisation. Pour Rob Davies, ministre sudafricain du Commerce et de l’Industrie, « c’est à l’Afrique de poser les conditions de ses échanges ». « Où sont les institutions africaines dans les négociations ? », questionne-t-il. La présence chinoise va donc s’amplifier et se diversifier, notamment dans l’agriculture. Le changement des modes d’alimentation (plus de viande notamment) pousse Pékin à trouver de nouvelles terres et de nouveaux lieux d’élevage. Ce secteur ne représente aujourd’hui que 3 % des importations chinoises, mais il a crû de 25 % rien que sur l’année 2008, relève Renaissance Capital, et « des milliards de dollars doivent être investis dans ce secteur », conclut le cabinet. Le potentiel commercial des deux partenaires est estimé à quelque 2400 milliards de dollars, dont la moitié pour les matières premières… La question est désormais de savoir à qui profitera réellement cette manne. ● MICHAEL PAURON, envoyé spécial au Cap
Top 10 des investissements chinois sur le continent en 2010 ENTREPRISE
Nigeria
C HINA S TATE C ONSTRUCTION E NGINEERING
Égypte Sierra Leone
SOURCE : RENAISSANCE CAPITAL
SOMMES INVESTIES
PAYS
R ONGSHENG H OLDING S HANDONG I RON
ET
AND
(en millions de dollars)
SECTEUR
8 000
ÉNERGIE (pétrole)
S INOCHEM
2 000
ÉNERGIE (pétrole)
S TEEL
1 500
MÉTAUX (fer)
Guinée
C HINALCO
1 350
MÉTAUX (fer)
Ghana
B OSAI M INERALS
1 200
MÉTAUX (aluminium)
S INOHYDRO
800
ÉNERGIE (hydroélectricité)
800
ÉNERGIE (charbon)
Cameroun Mozambique
W UHAN I RON
AND
S TEEL
Soudan
C HINA N ATIONAL C HEMICAL E NGINEERING
500
AGRICULTURE
Nigeria
ZTE
400
TÉLÉCOMS
Sierra Leone
C HINA R AILWAY M ATERIALS C OMMERCIAL C ORP
232
MÉTAUX (fer)
JEUNE AFRIQUE
N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
117
Entreprises marchés
118
PHOTO12.COM/ALAMY
Ý Le transporteur devrait enregistrer de LOURDES PERTES au cours de cette année.
AÉRIEN
Tunisair navigue à vue Baisse du trafic, conflits sociaux, restructuration… La compagnie nationale tunisienne connaît un début d’année difficile. Certaines décisions pourraient même peser sur son avenir.
A
vec la révolution, Tunisair est entré dans une zone de fortes turbulences. Sur les quatre premiers mois de l’année, son activité a chuté de 20 %. Et si la compagnie affiche depuis peu de meilleures couleurs – le volume de passagers d’avril est quasiment identique à celui de la même période l’an passé –, l’horizon est loin d’être dégagé. Encause,letroud’airdutourisme tunisien au premier trimestre. Dans ce domaine, les prévisions ne sont guère encourageantes. Il y a un mois, les réservations des touristes pour la période estivale accusaient un repli de 80 % comparées à celles de 2010. « En fin d’année, le recul du nombre de passagers devrait être limité, entre 10 % et 15 % », tente de rassurer Nabil Chettaoui, PDG de la compagnie. Un optimisme mis à mal par le bilan financier de l’entreprise. « Pour nous relancer, nous avons offert beaucoup de réductions, ce qui a entraîné une chute de 30 % de notre chiffre d’affaires », confesse N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
Depuis la révolution… L’activité a baissé de
20 %
sur les quatre premiers mois de 2011 Le chiffre d’affaires a chuté de
30 %
Nabil Chettaoui. Des ristournes de 30 à 40 euros ont été ainsi concédées à des tour-opérateurs européens sur des vols dont le prix tourne en général autour de 160 euros. Pour 2011, l’entreprise table sur une baisse de ses revenus de 25 %, soit un manque à gagner de 250 millions de dinars (126 millions d’euros). La compagnie doit aussi faire face à la hausse du prix du pétrole, qui devrait entraîner un surcoût estimé cette année à 35 millions d’euros. Sans oublier les charges exceptionnelles, 50 millions d’euros, liées à la réception début mai d’un Airbus A320 commandé en 2008. Bénéficiaire l’an dernier, Tunisair se prépare à enregistrer de lourdes pertes fin décembre. « La compagnie est en situation difficile, pas en faillite. La situation devrait rester gérable », indique Yassine Brahim, ministre tunisien des Transports. UN BON PLACEMENT. « Les fondamentaux de la compagnie demeurent bons, estime également Kais Kriaa, PDG de la société
d’analyse boursière Alpha Mena. Son endettement est soutenable, et sa marge Ebitda [marge brute d’exploitation, NDLR], estimée à 13 % pour 2010 dans l’attente du chiffre officiel, est supérieure à la moyenne du secteur en Europe. » Selon lui, Tunisair, dont 20 % du capital est coté à la Bourse de Tunis, serait même au cours actuel (autour de 1,66 dinar, en baisse de 26 % depuis le 14 janvier) un excellent placement. Une perception positive confirmée par les spécialistes. « Tunisair fait partie des meilleures compagnies du continent. Ce n’est pas la seule à être pénalisée par le “printemps arabe”. Même Lufthansa a enregistré une perte d’exploitation au premier trimestre. Et elle me semble tout à fait capable de faire face, dans l’avenir, à l’ouverture du marché tunisien à la concurrence », explique Cheikh Tidiane Camara, du cabinet de consulting Ectar. Prévu pour 2011, l’accord « Open Sky », qui libéralisera pour les flottes européennes l’accès au ciel tunisien, a été remis à plus tard à la suite de la révolution. « Il verra le jour au plus tôt dans deux ans. Nous n’avons rien demandé mais cela tombe plutôt bien », admet Nabil Chettaoui. La compagnie devra en profiter pour renforcer sa stratégie de hub entre l’Afrique et le Moyen-Orient. Plusieurs lignes desservent déjà la zone subsaharienne (Dakar, Bamako, Abidjan), mais l’échec en 2010 de sa filiale Mauritania Airways limite les flux de voyageurs pouvant rejoindre l’Europe via Tunis. Un créneau sur lequel Tunisair devra en outre affronter la concurrence de Royal Air Maroc. « L’avenir passe aussi par l’intensification de nos liaisons avec l’Europe. Nous disposons déjà de cinquante lignes vers le Vieux Continent et nous allons lancer fin mai trois vols charters par semaine vers la Russie », détaille Nabil Chettaoui. Un point fort que l’entreprise entend mettre en avant JEUNE AFRIQUE
Coulisses quand la situation sera redressée et qu’un rapprochement avec un géant européen sera d’actualité. le climat social est peu propice à la performance. Nommé sous Ben Ali, le PDG est fragilisé. Il a jusque-là sauvé sa tête, mais l’accord sur la réduction des équipages – de six à cinq stewards ou hôtesses sur les A320 – qu’il avait imposé en 2009 a été remis en question. On lui reproche aussi d’avoir accepté que la compagnie charter Nouvelair, anciennement
La filialisation a généré beaucoup de ressentiment. présidée par Belhassen Trabelsi, le beau-frère de Ben Ali, profite de prix anormalement bas pour affréter des avions de Tunisair. « C’est faux, se défend Nabil Chettaoui. Ces contrats sont antérieurs à mon arrivée, et j’ai obtenu après ma prise de poste qu’ils soient revus à la hausse. » Mais c’est surtout la politique de filialisation entamée au début des années 2000 qui constitue le cœur du conflit. Mal conduite, elle a généré beaucoup de ressentiment, notamment en raison des écarts salariaux entre les différentes structures. Sous la pression sociale, l’entreprise prévoit de réintégrer plusieurs filiales comme la maintenance, l’assistance au sol ou la restauration. « Sans même demander l’accord du partenaire stratégique dans le cas de la société de catering », déplore Kais Kriaa. À terme, Tunisair pourrait voir son effectif atteindre 8 000 personnes, contre 3 000 fin 2010. « En intégrant tous les métiers, les compagnies nationales ont des coûts de production supérieurs de 20 % à 40 % aux concurrents low cost », prévient Didier Brechemier, du cabinet de conseil Roland Berger. « Les revendications des salariés sont compréhensibles, juge une source interne à Tunisair, mais nous allons droit dans le mur. » ● JULIEN CLÉMENÇOT JEUNE AFRIQUE
marchés
ont été écartés – une poignée seulement ont été sélectionnés pour la somme initialement prévue, dont les gestionnaires de fonds californien Pimco et new-yorkais BlackRock. Le pactole financera la troisième tranche de l’autoroute à péage (photo) jusqu’au nouvel aéroport Blaise-Diagne à Diass et permettra de boucler le budget du plan d’urgence consacré au secteur électrique (avec un apport de 120 millions de dollars sur les 560 millions programmés). Stabilité politique, croissance modeste par rapport à la zone mais constante (entre 4 % et 5 %, contre 7 % à 8 % au Nigeria ou au Ghana)… Autant de signes positifs qui ont séduit les investisseurs, malgré l’échéance électorale de 2012. ● DJIBRIL SY/PANAPRESS
TENSIONS. Reste qu’en interne
Entreprises
SÉNÉGAL SUCCÈS DE L’EMPRUNT OBLIGATAIRE APRÈS UNETOURNÉE DE DIX JOURS en Suisse, aux États-Unis et au Royaume-Uni pour lever 500 millions de dollars (348 millions d’euros), Dakar a obtenu 2,4 milliards de dollars d’intentions de souscription à son émission obligataire auprès de 51 investisseurs. Les fonds spéculatifs
S
• TOURISME Thomas Cook a perdu 189,7 millions € en six mois, notamment à cause des révolutions arabes • HÔTELLERIE L’espagnol Riu
M•
a repris deux hôtels au Maroc après un accord avec le groupe Tikida
S•
PHOSPHATES La mine tunisienne de Sra Ouertane doit bientôt rouvrir PÉTROLE L’indonésien Pertamina négocie avec ExxonMobil le rachat
des parts de ce dernier (25 %) dans l’offshore angolais, pour 3,5 milliards $
AÉROPORTS AHS ATTAQUE LE NIGER LE GROUPE PANAFRICAIN AHS et son partenaire international, Menzies Aviation, attaquent le Niger devant le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (Cirdi). Spécialiste de l’assistance aéroportuaire, présent dans plusieurs pays africains, AHS s’était vu retirer son agrément en décembre dernier par les autorités militaires alors à la tête du pays. ● BOURSE PARI GAGNÉ POUR TELNET PREMIÈRE INTRODUCTION en Bourse àTunis depuis la révolution, la SSII Telnet a réussi son coup. L’offre, représentant 18,75 % du capital
et s’étalant du 18 avril au 10 mai, aurait été sursouscrite environ trois fois. Une information officielle sur le bilan de l’opération est attendue cette semaine. Les acquéreurs seraient en majorité des institutionnels et des fonds communs de placement. ● RWANDA CONTOUR GLOBAL SE SÉCURISE LA SOCIÉTÉ AMÉRICAINE vient de recevoir une garantie d’investissement de l’Agence multilatérale de garantie des investissements (Miga) pour le projet KivuWatt. Ce dernier prévoit le développement d’infrastructures d’extraction de gaz dans le lac Kivu et la construction d’une centrale électrique de 25 MW. Coût total du projet : 142 millions de dollars. ● N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
119
International Ý ISKANDAR, PROJET GIGANTESQUE, devrait attirer à Johor Bahru plus de 350 000 nouveaux habitants.
marina et un front de mer de dix kilomètres à vocation touristique, des golfs, des hôtels, sont prévus. Le campus EduCity regroupera plus de 16 000 étudiants à Nusajaya. Dans le domaine médical, l’université de Newcastle dispensera un enseignement dès septembre 2011. De son côté, l’Institut de technologies maritimes des Pays-Bas sera opérationnel en 2012. « CYBERCITÉ ». À 30 km au nord
DR
120
MALAISIE
Un Singapour bis sort de terre
Dans le sud de la péninsule, l’État bâtit une mégapole financière, industrielle, portuaire, universitaire et touristique, qui doit concurrencer l’île voisine d’ici à 2025. Un investissement de près de 100 milliards d’euros.
F
N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
directrice générale d’Iskandar Investment, l’un des financiers du projet. Iskandar repose sur cinq zones de développement qui gravitent dans un rayon d’une trentaine de kilomètres autour de la ville du sud de la Malaisie, Johor Bahru. Peuplée de plus de 1 million d’habitants, c’est le principal point d’accès vers Singapour. PARC D’ATTRACTIONS. Avec la
volonté de défier la puissance financière et industrielle du voisin singapourien, l’État malaisien mise sur le développement d’un nombre impressionnant d’activités. À Johor Bahru battra le cœur du quartier des affaires et de la finance, notamment islamique. À l’ouest de la ville, à Nusajaya, où d’importants chantiers sont en cours, un centre administratif, des hôpitaux et des cliniques, un campus universitaire, un parc d’attractions Legoland qui ouvrira en 2012, des studios de cinéma, une
MALAISIE Mer de Chine
Kuala Lumpur Dét roit ISKANDAR de Johor Bahru ala cca M
olie des grandeurs ? Projet voué à l’échec ? Investissement caractéristique du dynamisme de l’Asie du Sud-Est ? Ce qui est sûr, c’est que les autorités malaisiennes n’ont pas peur de la démesure. Depuis les premiers coups de pioche, en 2006, et jusqu’à la fin des travaux, en 2025, une mégapole internationale trois fois plus importante que Singapour et deux fois plus vaste que Hong Kong doit sortir de terre à la pointe sud de la péninsule malaisienne. Son nom : Iskandar. Elle s’étendra sur une superficie de 2 217 km2. Porté par l’agence publique Iskandar Regional Development Authority (Irda), ce projet pharaonique prend forme en face de la citéÉtat de Singapour, séparé par une langue de mer d’un kilomètre de large, le détroit de Johor. « C’est un projet visionnaire à très long terme », a résumé au New York Times Arlida Ariff, ancienne
SUMATRA
SINGAPOUR
de Johor Bahru, la construction d’un aéroport international, d’une « cybercité » et d’autres campus universitaires est au programme. Et à l’est et au sud, la ville sera encadrée par deux ports et des zones industrielles (raffinerie, industrie chimique, agroalimentaire), logistiques et de high-tech (électronique notamment). D’ici à 2025, Iskandar doit contribuer à maintenir un taux de croissance du pays entre 5 % et 6 % par an. Le seul tourisme devrait créer 20 000 emplois. Et plus de 350 000 nouveaux habitants devraient venir s’installer à Johor Bahru. Pour financer tous ces chantiers, 16 milliards d’euros ont déjà été investis en 2010. Dont 10 % déboursés par le gouvernement malaisien. « Au total, explique Ismail Ibrahim, directeur général de l’Irda, Iskandar demandera 383 milliards de ringgits d’investissements. » Soit 88,7 milliards d’euros. Une exemption d’impôts et de taxes pendant dix ans, ainsi que la suppression des taxes sur les plus-values immobilières, sont là pour attirer les investisseurs et les promoteurs. Pour l’instant, l’espagnol Acerinox, qui a débloqué 960 millions d’euros pour construire une aciérie, est le plus gros investisseur étranger. Les Japonais (690 millions d’euros investis) et les Singapouriens (800 millions d’euros), pas rancuniers face à ce projet concurrent, sont parmi les plus actifs à Iskandar. ● JEAN-MICHEL MEYER JEUNE AFRIQUE
International MINES
ANALYSE
Cotation réussie pour Glencore
Opinion ns &é éditoriaux dito oria auxx
Alain Faujas
MARTIN RUETSCHI/KEYSTONE
Le crash après le boom?
LE GROUPE SUISSE, critiqué pour ses méthodes, a valorisé son capital à 42,5 milliards d’euros.
L’INTRODUCTION en Bourse de 20%ducapitaldeGlencore,le5mai, a été couronnée de succès. Malgré la dénonciation de ses rachats à prix bradés de gisements miniers, de ses techniques d’évasion fiscale et du dépôt d’une plainte à son encontre auprès de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) par cinq ONG début avril, les actions du géant du négoce et de l’extraction de matières premières se sont arrachées à Londres et à Hong Kong, lui permettant de valoriser son capital à 42,5 milliards d’euros.
Avec les 7,6 milliards d’euros récoltés, Glencore va monter dans le capital du producteur kazakh de zinc Kazzinc. Un rapprochement avec le groupe minier Xstrata, dont il est déjà le premier actionnaire, est aussi évoqué. Des opérations qui renforceraient le poids de Glencore, troisième producteur mondial d’alumine et cinquième de zinc, de cuivre et de charbon. Le discret groupe suisse devra aussi changer deméthodedecommunication,surtout en Asie centrale et en Afrique, où sa gestion peu transparente est critiquée. ● CHRISTOPHE LE BEC
BRÉSIL
Le real fort pénalise l’industrie EN DEUX ANS, la monnaie brésilienne s’est appréciée de 44 % par rapport au dollar (le 8 mai, 1 dollar était égal à 1,61 real). Une situation jugée insoutenable par les industriels présents dans le pays, qui avaient fait du Brésil une base pour exporter des biens manufacturés. Le 4 mai, le président de Siemens Brésil, Adilson Antonio Primo, appelait dans le Financial Times à un contrôle plus strict des capitaux pour empêcher une poursuite de la hausse du real pouvant entraîner selon lui une désindustrialisation du pays. « Un dollar à moins de 1,5 real serait un véritable désastre », s’inquiétait-il, alors que son entreprise, qui emploie 10000 salariés, n’exporte plus que 12 % de sa production, contre 20 % en 2006. Les métallurgistes brésiliens, qui ont beaucoup souffert en 2010 face à leurs concurrents chinois, espèrent aussi le retour à un real moins fort. Déjà confronté à une inflation galopante (38 % depuis 2008), l’État brésilien aura fort à faire pour enrayer l’appréciation de sa monnaie. Une limitation des investissements étrangers (dont l’afflux est responsable de la hausse du real) serait mal interprétée et risquerait de compromettre la poursuite de la croissance brésilienne (7,5 % en 2010). ● C.L.B. JEUNE AFRIQUE
À
PEINE AVAIT-ON CONSTATÉ, il y a deux semaines, une reprise de l’inflation, notamment en raison d’un boom des prix des matières premières, que les marchés envoient un signal contraire! L’indice Standard & Poor’s des produits de base avait crû de 38 % au cours des douze mois précédant le 11 avril; depuis cette date, il a reperdu plus de 10 %. Le crash affecte quasiment toutes les matières premières à l’exception de l’or. Les cours du cuivre, du pétrole, du blé, du maïs, du coton, du cacao, du plomb ou de l’argent ont plongé de 10 % à 30 % selon les cas, notamment à partir du 7 mai. Les spéculateurs ont vendu massivement, suivant les conseils de banques comme Goldman Sachs qui estime risqué d’investir dans les matières premières. Le dollar remonte; les gouvernements américain et européens préparent des économies budgétaires sévères qui ralentiront la croissance; la demande est freinée par les prix très élevés atteints, par exemple, par le pétrole ou le coton. Cette débandade promet de durer pour les minerais, les métaux et certains produits agricoles industriels, dont on aura moins besoin si, comme prévu, la conjoncture mondiale se tasse en 2011. Elle ne devrait pas durer pour les produits énergétiques, tant les pays du Sud ont besoin de pétrole, de gaz et d’électricité p o u r a c c o m p a g n e r l e u r r a tt r a p a g e économique. Pour les denrées alimentaires, tout dépendra de la pluie. S’il y en a trop, comme dans le nord des États-Unis, ou bien pas assez, comme en Europe ou en Chine, les bonnes récoltes de céréales africaines ne suffiront pas à maintenir des prix raisonnables, et la spéculation recommencera à jouer la nourriture au casino. Les gouvernements africains seraient donc bien inspirés de ne pas baisser la garde et de mener des politiques améliorant la productivité de leurs agricultures en la protégeant d’un réchauffement climatique qui réduira inévitablement les récoltes. ● N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
121
Les décideurs INTERVIEW
Moïse Katumbi
G OUVERNEUR
« Je gère le Katanga comme une entreprise » À moins d’un an de la fin de son mandat, il tire un premier bilan de son action à la tête du « poumon économique » de la RD Congo. Et jure vouloir désormais retourner à sa vie de businessman. notamment, du remboursement de la dette publique et des sacrifices que le pays a dû consentir à cause de la guerre. Mais aujourd’hui, avec l’atteinte du point d’achèvement de l’initiative en faveur des Pays pauvres très endettés [PPTE, approuvée mi-2010 par les bailleurs, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, NDLR] et l’annulation de la quasi-totalité de la dette publique, les provinces devraient retrouver leurs droits et percevoir ce qui leur revient. J’espère qu’en 2011 la population en tirera enfin profit, et que le gouvernement central fera un effort financier en faveur des provinces.
JEUNE AFRIQUE : Quel bilan tirez-vous de votre action, alors que votre mandat de gouverneur du Katanga s’achèvera en mars 2012 ? MOÏSE KATUMBI : Il est difficile
de faire soi-même un bilan, car on ne peut être à la fois juge et partie. C’est à la population katangaise de le faire.
Quels étaient vos chantiers prioritaires ?
À mon arrivée à la tête du Katanga, en mars 2007, j’ai trouvé une situation difficile. Les anciens gouverneurs avaient laissé beaucoup de problèmes, car ils avaient peu de moyens. Il fallait tout refaire, tout était prioritaire : l’éducation, la santé, les routes, l’eau, l’électricité… Or la population est très exigeante, et elle avait beaucoup augmenté, avec l’afflux de personnes venues d’autres provinces et le retour de la diaspora. Dès le début de mon mandat, nous avons élaboré un plan triennal, que nous avons présenté à l’Assemblée provinciale, et avons établi des priorités selon les spécificités et les problèmes de chaque district. Nous sommes cependant limités par les moyens… Faites-vous référence au fait que la province ne perçoive pas la totalité des recettes que Kinshasa doit lui rétrocéder ?
En effet. Le gouvernement central n’a pas libéré la totalité des 40 % de recettes budgétaires qui reviennent aux provinces – en raison, N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
● NÉ LE
28 DÉCEMBRE 1964 LUBUMBASHI, d’un père italien et d’une mère congolaise issue d’une famille royale bemba. ● RICHE HOMME D’AFFAIRES. Ses activités : pêche, agriculture, élevage, transport (Hakuna Matata), mines (Mining Company Katanga), immobilier et construction. ● PASSIONNÉ DE FOOTBALL, il préside le Tout-Puissant Mazembe, le meilleur club du pays. À
KATRINA MANSON/REUTERS
122
DE LA PROVINCE DU
K ATANGA
Quel est le montant des recettes annuelles propres du Katanga ?
Il est de l’ordre de 100 millions de dollars [environ 70 millions d’euros].
Et à combien s’élève le montant des recettes que l’État aurait dû vous rétrocéder ?
Cela représente environ 300 millions de dollars. Seulement 40 % de ce montant nous a été rétrocédé. Pour compenser le manque à gagner, j’ai créé des taxes. Mais il faut savoir que le Katanga a la superficie d’un pays comme la France, avec 2 500 km de voies ferrées et 12000 km de routes, et que rien que pour entretenir ces infrastructures, il faut un budget important. Concrètement, comment se finance le poumon économique de la RD Congo ?
Au cours des dernières années, les sociétés minières ont investi plus de 12 milliards de dollars dans notre province. Quand je suis arrivé à la tête du Katanga, les recettes douanières n’étaient que de 1,2 million de dollars, elles sont passées à 20 millions en 2010. L’agriculture, qui ne couvre pas les besoins du Katanga, est le maillon faible de votre action. Comment inverser la tendance ?
Nous l’avons déjà fait, notamment en encourageant les sociétés minières à investir dans l’agriculture et JEUNE AFRIQUE
Les décideurs
Dans la zone minière de Lubumbashi, des maraîchers se plaignent de la pollution des rivières. Sanctionnerez-vous les pollueurs ?
La pollution est un vrai problème. D’ailleurs, les miniers paient une taxe pour cela. Cependant, nous
toutes ses sociétéssous prétexteque j’étais devenu gouverneur ? On vous a aussi accusé de trafic d’influence. Qu’en est-il ?
Je peux vous assurer que ma famille n’a contracté aucun marché public, pas plus avec le gouvernement central qu’avec celui de la province. Nous avons toujours travaillé avec le privé. Et nous continuons de le faire. Pour ma part, j’ai renoncé à tous les avantages matériels, y compris aux frais de mission que m’accorde mon statut de gouverneur. Cet argent est géré par quelqu’un et reversé dans des projets sociaux en faveur de la population.
Avec le boom minier, j’ai raté beaucoup d’opportunités qui m’auraient permis d’être milliardaire. manquons de laboratoires d’analyses sur place. Je souhaiterais que l’Union européenne et les coopérations belge et française nous envoient des experts pour nous aider à identifier les problèmes. Quand on aura une idée plus claire de la situation, on fermera les sociétés qui polluent. Outre l’agriculture et les mines, sur quels secteurs misez-vous pour développer l’économie ?
Pour diversifier nos activités, nous mettons déjà l’accent sur la pêcheetletourisme.Lepotentielest là. Pour favoriser le tourisme, nous avons commencé par réhabiliter le réseau routier de la province. Nous réhabilitons également les parcs et d’autres sites touristiques. Vous êtes un homme d’affaires, à la tête de plusieurs sociétés : n’y a-t-il pas conflit d’intérêts entre vos activités d’entrepreneur et votre mandat de gouverneur ?
Je suis issu d’une famille d’entrepreneurs et j’étais moi-même un opérateur économique avant de devenir gouverneur. Quand j’ai été élu, j’ai cédé mes affaires à ma famille. Fallait-il que celle-ci ferme JEUNE AFRIQUE
ON EN PARLE
Êtes-vous tenté par un second mandat de gouverneur ?
Je ne veux pas me représenter, ce sera mon seul mandat. D’ailleurs, c’est le président Joseph Kabila qui m’a encouragé à me présenter en 2007. Je lui avais alors dit que si cela n’allait pas, je démissionnerais. Je ne savais pas où je mettais les pieds. Il m’a donné des conseils et m’a soutenu. Le monde des affaires m’a aidé également. Je gère la province comme une entreprise. J’ai tenu, j’ai apporté ma petite contribution, j’essaye d’aider la population, je travaille main dans la main avec les ministres provinciaux et l’Assemblée provinciale. Aujourd’hui, je veux reprendre mes affaires. Avec le boom minier, j’ai raté beaucoup d’opportunités qui m’auraient permis d’être milliardaire.
MANOJ JUNEJA FAO À partir du 1er juillet, il sera l’un des deux directeurs adjoints de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Cet Indien était depuis 2008 sous-directeur général de la FAO.
LASSAAD ZARROUK STAR Le conseil d’administration de la Société tunisienne d’assurances et de réassurances s’est entendu pour coopter l’ex-PDG de la Caisse nationale d’assurance maladie en tant que nouvel administrateur représentant l’État et nouveau PDG.
POUPAK BAHAMIN NORTON ROSE Le cabinet d’avocats d’affaires renforce son équipe africaine de deux nouveaux associés, Bayo Odubeko et Poupak Bahamin. La Canadienne s’occupera des secteurs mines, pétrole, gaz et environnement.
Êtes-vous déçu par la politique ?
Le monde politique est dur, il y a des hauts et des bas. La politique crée beaucoup de jaloux. Surtout parmi ceux qui n’ont pas réussi et qui ne supportent pas la réussite des autres. Il y a aussi beaucoup d’ingratitude et d’incompréhension. ● Propos recueillis à Lubumbashi par MURIEL DEVEY
SERGIO ROS ROSA OSA AIR BURKINA Il vient d’être nommé DG en remplacement de Mohamed Ghelala, qui fait valoir ses droits à la retraite. L’Italien était jusque-là directeur de la planification et du contrôle de gestion de Meridiana, une autre compagnie du fonds Aga Khan pour le développement économique (Akfed). N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
ROSA/AIR BURKINA HICHEM/NORTON ROSE GROUPE/FAO/GIULIO NAPOLITANO SERGIO
en relançant la pêche. À mon arrivée, la tonne de farine de maïs coûtait 2 200 dollars ; aujourd’hui, son prix est de 350 à 400 dollars, preuve que la production a augmenté. On importe beaucoup moins de maïs et de poisson, ce qui a permis d’économiser des devises. Mais je ne suis pas totalement satisfait, on doit effectivement aller plus loin.
123
Marchés financiers des marchés émergents », rappelle IvanKim,analystechezRenaissance Capital.Enavril,soncoursreprésentait seulement 9,8 fois ses bénéfices, contre14foispourMarocTélécomet 12 fois pour le sud-africain MTN.
ALIOU MBAYE/PANAPRESSS/MAXPPP
POSITION DE LEADER. Autrement
FRANCE TÉLÉCOM détient 42 % du capital du groupe, l’État 27 %. SÉNÉGAL
Sonatel aux petits soins pour ses actionnaires
Confrontée à une baisse de ses marges et à une vive concurrence sur son marché domestique, la société vient tout de même de verser près de 88 % de ses bénéfices 2010.
E
ncore une bonne année pour les actionnaires de Sonatel (Société nationale destélécommunications): cesheureuxépargnantsviennentde se partager la bagatelle de 213,5 millions d’euros au titre de l’exercice 2010, soit près de 88 % des bénéfices. Certes, France Télécom et l’État sénégalais en ont pris l’essentiel – ils possèdent69%ducapital–,maisles petits porteurs ont tout de même touchéunpeuplusde21eurospour chaque action détenue. Un joli pactole qui illustre parfaitement la généreuse politique de versementsdedividendespratiquée depuislongtempsparlasociété.«Les dividendes versés ont augmenté chaque année depuis 1998, sauf en 2001, explique Binta Drave, analyste chez Exotix. En 2010, le montant attribué a ainsi progressé de 3,7 % par rapport à 2009. » Au cours de la décennie, le dividende alloué à ses actionnaires par la société sénégalaise a été multiplié par plus de cinq.Etlephénomènedevraitdurer. « Nous prévoyons que Sonatel aura untauxdeversementdesdividendes N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
de85%aucoursdescinqprochaines années », ajoute Binta Drave. Certes, ce niveau n’est pas le plus élevé dans les télécoms africaines: Maroc Télécom a pour habitude de distribuer 100 % de ses bénéfices. Mais le cours du numéro un chérifien restant relativement élevé, son confrère sénégalais reste le plus intéressant des titres du secteur en matière de dividendes. Affichant ces derniers temps une valeur proche des 160000 F CFA (243 euros), «Sonatelcoteavecundiscountd’environ 25 % par rapport à ses pairs
213,5
millions d’euros
TÉLÉ TÉ LÉCO LÉ COMS CO MS : COM OMBI BIEN BI EN ÇA RA RAPP PPOR ORTE OR TE ? Valeur Val eur
France Fra nceTé nce Téléc Té lécom léc om Sonate Son atell ate Maroc Mar ocTél oc Téléco Tél écom éco m Safari Saf aricom ari com MTN Bharti Bha rti Ai Airte rtell rte
Bourse Bou rse
Divide Div idende ide nde par ac actio tionn tio (2010, (20 10, en eur euros) os)
Divide Div idend ide nd yield* yie ld* (en %)
Paris Par is
1,4
9
Abidja Abi djann dja
21,33 21,
8,5
Casabl Cas ablanc abl ancaa anc
0,966 0,9
6,8
Nairob Nai robii rob
0,002 0,0 02
3,7
Johann Joh annesb ann esburg esb urg
0,011 0,0
2,5
Bombay Bom bay
0,022 0,0
0,277 0,2
* Rapport entre le dividende versé et le prix de l’action
dit, outre ses promesses de dividendes, Sonatel offre aussi un espoir de progression du cours de Bourse à moyenterme.Enfonctiondesrésultats financiers annoncés pour 2010, le titre pourrait voir son cours progresser de 10 % à 15 % au cours des prochains mois. Principale société non ivoirienne cotée à Abidjan, elle devrait logiquement profiter de la reprise imminente des volumes sur la Bourse régionale. Il y a fort à parier en effet que les investisseurs se détournent des sociétés ivoiriennes impactées par la crise pour se positionner sur des titres moins exposés. Quant aux perspectives intrinsèques de Sonatel, elles restent correctes, même si, comme le soulignaient récemment les analystes de Renaissance Capital, « ses taux de croissance sont peu excitants ». AuSénégal,lasociétébénéficiedesa positiondeleader,maislamontéeen puissancedeSudatel,troisièmeopérateur après Sentel, laisse présager
Aux promesses de dividendes s’ajoute un espoir de progression du cours de Bourse.
Le montant des dividendes que se sont partagés les porteurs des actions de Sonatel
SOURCES : SOCIÉTÉS
124
unepressiondeplusenplusfortesur les marges bénéficiaires. De même, le taux de pénétration commençant à plafonner, le revenu mensuel par client, qui a déjà beaucoup baissé ces dernières années, devrait passer de 4 à 3 euros. Au Mali, deuxième marché du groupe, le schéma devrait être à peu près similaire. Les opérations en Guinée et en Guinée-Bissau, où la concurrence est moindre et les taux depénétrationplusfaibles,devraient en revanche alimenter la croissance de Sonatel et lui permettre de maintenir ses niveaux de rentabilité. Et donc de dividendes versés. ● FRÉDÉRIC MAURY JEUNE AFRIQUE
Baromètre
La bière comme refuge
BOURSES
Les Places arabes soufflent La confiance semble revenir, après un plongeon lié aux mouvements de contestation politique.
F
rappées de plein fouet par les révolutions tunisienne et égyptienne, la guerre civile en Libye et les mouvements de contestation qui se sont propagés à la vitesse d’une rumeur boursière dans toute la région, les places financières arabes remontent peu à peu la pente. L’indice Bloomberg Afrique et MoyenOrient, qui porte sur 200 valeurs, avait chuté de 12,35 % au cours du premier trimestre 2011. Signe d’un possible retour à la normale, il ne recule plus que de 1,3 % sur les cinq premiers mois de l’année. INTRODUCTION. Telnet illustre
ce regain de confiance. À la différence de ses compatriotes Tunisie Télécom,TunisianaetlaCompagnie tunisienne de navigation (CTN), la SSII n’a pas renoncé à son introduction en Bourse, qui s’est déroulée du 19 avril au 10 mai. L’offre a été sursouscrite trois fois. Toutefois, les différentes Places ont plus ou moins bien encaissé le printemps arabe. Fermé pendant plus d’un mois, le marché du Caire a perdu 25 % de sa valeur. À Tunis, la chute est de 17,5 %. Quant à Casa, malgré l’attentat de Marrakech, le recul n’est « que » de 6 % depuis janvier. Créée il y a un peu plus de deux ans, la Bourse de Damas a, elle, dévissé de 30 %. Les places du Golfe ont mieux résisté, avec une baisse inférieure à 5 %. Le poids lourd régional, Riyad, enregistre même de légers gains. Mais rien n’est assuré. Les mouvements qui agitent le monde arabe n’ont pas fini de faire des vagues. ●
Marchés financiers
VALEURS
BOURSE
COURS au 11 mai (en dollars)
ÉVOLUTION depuis le début de l'année (en %)
Delta Corporation
HARARE
0,82
+ 26,2
Zambian Breweries Nigerian Breweries SAB Miller Guinness Nigeria Brasseries du Maroc East African Breweries
LUSAKA
0,62 0,57 3 769,18 1,34 284,75 2,44
+ 16 + 13,5 + 12,9 + 7,6 +3 +2
1,21 7,91 387,03
+ 0,4 – 6,3 – 13,4
Namibia Breweries SFBT Solibra
LAGOS JOHANNESBURG LAGOS CASABLANCA NAIROBI WINDHOEK TUNIS ABIDJAN
SUR DES MARCHÉS AFRICAINS globalement en recul, les dix plus grands brasseurs du continent (par la capitalisation) ont plutôt bien joué leur rôle de valeur refuge. Si ces sociétés sont pour la plupart surévaluées, leurs cours ont pourtant globalement augmenté depuis le début de l’année. Il faut dire que la bière reste un produit consommé quelle que soit la situation économique. Sur un
continent où la classe moyenne grossit rapidement, les principaux acteurs internationaux sont définitivement à l’offensive. Heineken a ainsi décroché une privatisation en Éthiopie. Et sa filiale Nigerian Breweries vient de boucler de nouvelles acquisitions.Toujours au Nigeria, les ambitions de SAB Miller et de Diageo, propriétaire notamment de Guinness, sont également très grandes. ●
Valeur en vue BRASSERIES DU MAROC Une marge nette en repli BOURSE Casablanca • CA 2010 199 millions d’euros (+ 3,6 %) COURS 2 244 dirhams (11.5.2011)
• OBJECTIF 2 378 dirhams
EN DÉPIT DE LA BAISSE DE 12,5 % des volumes de ventes en hectolitres, suite notamment à la répercussion sur les prix de vente de l’augmentation de la taxe intérieure de consommation sur les boissons alcoolisées, la Société des brasseries du Maroc est parvenue à réaliser en 2010 un chiffre d’affaires consolidé en hausse de 3,6 %. En revanche, le résultat net part du groupe se replie de 20,2 %, à 250 millions de dirhams (22,6 millions d’euros), et la marge nette de 3,3 points, à 11,4 %. Leader du marché, la filiale marocaine du Groupe Castel devrait tenter Hajar Tahri en 2011 de limiter l’impact négatif sur sa santé finanAnalyste cière de la coïncidence des mois sacrés de chaabane chez BMCE Capital et de ramadan avec les mois de juillet et d’août, et des augmentations répétées des tarifs depuis le début de l’année 2010. Elle devrait chercher à mieux positionner la boisson à base de malt sur le marché pour l’ériger en véritable relais de croissance, et doper deux nouveaux produits: l’eau de source et l’huile d’olive. » ●
JEAN-MICHEL MEYER JEUNE AFRIQUE
N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
125
126
Culture & médias
FESTIVAL DE CANNES
Les nouvelles du cinéma
Les actrices de La Source des femmes, en compétition pour la Palme d’or, incarnent une nouvelle génération de comédiennes françaises. Fières de leurs origines maghrébines, elles refusent que cela devienne systématiquement le sujet de leurs films.
JUSTINE SPIEGEL
L
a nouvelle génération d’actrices françaises, c’est elles ! Quoi de plus révélateur qu’une montée des célébrissimes marches rouges du palais du Festival de Cannes ? Longs cheveux noir de jais, plutôt timides mais explosives à l’écran, Leïla Bekhti (27 ans), Hafsia Herzi (24 ans) et Sabrina Ouazani (22 ans) vont côtoyer jusqu’au 22 mai le gratin du cinéma mondial. Le réalisateur roumain Radu Mihaileanu les a réunies dans son dernier film, La Source des femmes, en compétition officielle pour la Palme d’or et projeté le 21 mai. Hafsia Herzi présentera également un autre film retenu dans la sélection officielle, L’Apollonide de Bertrand Bonello.
N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
Chronique du quotidien de villageoises contraintes d’aller puiser l’eau en haut d’une montagne sous un soleil cuisant, La Source des femmes se veut l’écho des révolutions arabes. Leïla (Leïla Bekhti), une jeune mariée, propose une grève de l’amour tant que les hommes n’accompliront pas eux-mêmes la corvée. Certes, ces jeunes actrices ne sont pas encore des habituées du Festival, mais l’exercice leur est déjà familier. On se souvient de Leïla Bekhti en petite robe ivoire, foulant le tapis rouge en 2009 au côté de Jacques Audiard (Un prophète). Elle a certainement croisé Hafsia Herzi, présente pour Le Roi de l’évaLa Source des femmes, sion (Alain Guiraudie), projeté pendant la Quinzaine des réaliun écho des révolutions sateurs. Enfin, la jeune Sabrina arabes. Ouazani a fait son baptême du feu en 2010 avec Des hommes et des dieux, de Xavier Beauvois. Si elles s’affirment aujourd’hui dans des registres différents, ces trois-là ont beaucoup en commun. JEUNE AFRIQUE
RODOLPHE ESCHER/JDD/ABACAPRESS.COM, LIONEL HAHN/ABACAPRESS.COM, FRANCK CASTEL/WOSTOK PRESS
127
De g. à dr. : LEÏLA BEKHTI, HAFSIA HERZI et SABRINA OUAZANI.
étoiles
français En lui offrant en 2007 le rôle de Rym dans La Graine et le Mulet, Abdellatif Kechiche a contribué à faire de Hafsia Herzi une comédienne de films d’auteur crédible. Sa danse du ventre dans la scène finale – elle avait pris 15 kg pour le rôle – est restée dans les mémoires. Trois ans plus tôt, en 2004, le réalisateur franco-tunisien avait lancé la carrière de Sabrina Ouazani en la faisant tourner dans L’Esquive, avant de la rappeler pour La Graine et le Mulet. L’annonce du casting avait été affichée dans une station de tramway de La Courneuve (Île-de-France) et la mère de Sabrina avait envoyé une photo de sa fille. CASTING. Leïla Bekhti a, quant à elle, décroché son premier rôle, dans Sheitan (de Kim Shapiron, avec Vincent Cassel), en répondant à une annonce parue dansun journal.Deparents originairesdeSidi Bel Abbès (ouest de l’Algérie), Leïla et Sabrina ont toutes les deux grandi dans une cité de la banlieue parisienne. Plusieurs fois par an, Leïla va d’ailleurs JEUNE AFRIQUE
passer quelques jours dans le village de sa famille (elle parle arabe couramment). Hafsia – sa mère est algérienne et son père, aujourd’hui décédé, était tunisien – a passé toute son adolescence à Marseille (sud de la France). Se disant fières de leurs origines, elles refusent néanmoins que cela devienne systématiquement le sujet de leurs films. DÉCLARATION D’AMOUR. Si Sabrina Ouazani
CÉSAR DU MEILLEUR ESPOIR FÉMININ 2005
Sabrina Ouazani, nominée (L’Esquive) 2008
Hafsia Herzi, récompensée (La Graine et le Mulet) 2011
Leïla Bekhti, récompensée (Tout ce qui brille)
avait été nominée pour le césar du meilleur espoir féminin en 2005 pour L’Esquive, Hafsia Herzi l’a remporté en 2008 pour La Graine et le Mulet. Leïla Bekhti a été récompensée cette année par le même prix, pour le rôle de Lila dans Tout ce qui brille (de sa désormais meilleure amie Géraldine Nakache). Lors de ses remerciements, retenant tant bien que mal sa robe bustier très décolletée, elle a fait une vibrante déclaration d’amour à son fiancé, Tahar Rahim. L’acteur d’origine algérienne, césarisé grâce au rôle de Malik dans Un prophète, incarne lui aussi la nouvelle génération d’acteurs issus de la « diversité » et plébiscités par les plus grands réalisateurs. Il sera d’ailleurs présent à Cannes, pour Les Hommes libres, d’Ismael Ferroukhi, qui sera projeté hors compétition. Jacques Audiard, le réalisateur de Un prophète, a également révélé Reda Kateb ou Adel Bencherif, qui s’est ensuite illustré dans Des hommes et des dieux dans le rôle de l’un des terroristes. Avant eux, Aïssa Maïga, connue du grand public grâce à Cédric Klapisch dans Les Poupées russes, leur avait ouvert la voie. Pour le plus grand bonheur de tous. ● N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
Culture médias PORTRAIT
Leïla Kilani sur la Croisette La Marocaine présentera Sur la planche, son premier film de fiction, à Cannes le 19 mai dans le cadre de la Quinzaine des réalisateurs.
S
urprise! La cinéaste marocaine Leïla Kilani venait de finir le montage de son premier film de fiction, et elle était en train de chercher les meilleures promotions sur les séjours autour de la mer Rouge pour pouvoir enfin décompresser après des mois de travail intense, quand la nouvelle est arrivée: Sur la planche venait d’être retenu pour la plus prestigieuse des sélections « off » du Festival de Cannes, la Quinzaine des réalisateurs. Elle s’y attendait si peu, assure-t-elle, qu’elle n’avait ni attaché de presse ni dossier prêt à envoyer à la critique internationale et aux distributeurs. Et devait effectuer encore des réglages visuels ou sonores…
D.R.
128
UNE FEMME D’INSTINCT qui aime les personnages « subversifs à souhait ».
de la Méditerranée à la recherche d’un aux actrices non professionnelles de Sur « ailleurs » fantasmé. Ce le fut tout autant la planche, « pour qu’elles comprennent avec Nos lieux interdits : elle décida alors ce que j’aime », il y avait en premier lieu de filmer des familles de victimes des le mythique Wanda, de Barbara Loden, RETOUR SUR LES « ANNÉES DE PLOMB ». « années de plomb » – et quelques rescaportrait d’une femme aussi attachante Travailler et réagir sans délai ? Habituel pés – au moment où était mise en place au qu’excessive et désespérée, mais aussi pour Leïla Kilani, qui, bien que née à Maroc l’Instance Équité et Réconciliation, Gare centrale, de Youssef Chahine, des créée par Mohammed VI pour Casablanca, a grandi à Tanger, cette ville « interlope, romantique et excessive » où faire la lumière sur les terribles « Nous devons fabriquer des le rapport au temps est très particulier années de répression sous le images qui seront les nôtres », et où l’on vit, dit-elle, « dans une tension règne de son père, Hassan II, et encourager une opération de permanente ». Elle ne peut envisager loin des clichés. d’ailleurs de réaliser des films autrement catharsis nationale. que pour satisfaire « une urgence cinémaHistorienne de formation, n’ayant longs-métrages de Martin Scorsese, des jamais fréquenté d’école de cinéma, tographique » et « en répondant à une frères Dardenne et de Mike Leigh, et même nécessité impérieuse de fabriquer des Leïla Kilani dit être « cinéphage depuis certains venus de Hong Kong. images qui seront les nôtres », loin des toujours », passionnée « d’images et de clichés. Ce fut vrai dès son premier docuson ». Rien d’étonnant si cette femme VITALITÉ ET CRÉATIVITÉ. Rien d’étonmentaire, Tanger, le rêve des brûleurs, d’instinct aime les réalisateurs qui filment nant non plus si elle se passionne pour tourné il y a dix ans pour raconter les « à l’estomac », avec une grande liberté, « les révolutions arabes » en cours, « qui errances tragiques de ces immigrés clandes personnages « subversifs à souhait ». ne se sont pas faites en un printemps », destins qui préparent la difficile traversée Parmilesnombreuxfilmsqu’elleamontrés car la génération qui les porte, la sienne, « refuse l’aliénation de l’individu telle qu’on la subit depuis quarante ans ». Et DANS LA LIGNÉE DES FRÈRES DARDENNE elle se sent à l’aise au sein du cinéma ÉCRIT EN COLLABORATION AVEC UN AUTEUR DE POLARS, Sur la planche marocain contemporain, car, grâce « au est un film noir, qui met en scène quatre jeunes filles deTanger qui volontarisme » des autorités, il « vit un travaillent le jour pour survivre et versent dans la délinquance la nuit pour temps stimulant, plein de vitalité et de tenter de rêver à une vie meilleure. Un film haletant, dans la lignée du créativité » où « sont en train d’éclore des Rosetta des frères Dardenne ou de Terre promise d’Amos Gitaï. écritures singulières et tellement libres ». Le spectateur, qui, depuis le générique, ne peut pas reprendre son souffle, Des écritures qui, comme la sienne, se reste hypnotisé par les images et les scènes d’une force peu commune qui soucient d’« articuler l’individuel et le se succèdent rapidement sur l’écran. Une grande réussite, assurément, pour collectif ». ● la première incursion de la réalisatrice dans le domaine de la fiction. ●
N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
R.R.
RENAUD DE ROCHEBRUNE JEUNE AFRIQUE
Culture médias
ARTE
fantôme. Ce second film replace le précédent dans un contexte plus large. Le journaliste met à l’honneur le quotidien de ceux qui survivent malgré tout, à l’image du maire de Mogadiscio, qui s’acharne à vouloir nettoyer les rues d’une ville assiégée. Ou de Nashad, 17 ans, menacée de mort et qui vit recluse, depuis six mois, dans les locaux de Radio Mogadiscio où elle est animatrice. Le téléspectateur découvre aussi une séquence inédite au Parlement somalien, et le témoignage d’hommes d’affaires. « Je lutte pour survivre, assène l’un d’entre eux. Je lutte pour être somalien, pour aider les gens. Je ne veux pas être un réfugié. » L’UN DES BARILS TOXIQUES abandonnés sur une plage. TÉLÉVISION
Somalie: poison en eaux troubles Déchets toxiques, piraterie, conflits armés… Deux documentaires reviennent sur les maux qui gangrènent la Corne de l’Afrique.
D
es combats. Des ruines, parfois belles. De la misère – et des sourires. Deux documentaires français tournés en 2010 donnent à voir un peu plus qu’une Somalie ballottée « d’un chaos à l’autre », à laquelle la chaîne franco-allemande Arte consacre une soirée thématique le 24 mai. Ces enquêtes exclusives, menées dans un pays où presque plus aucun étranger ne se rend, rapportent des faits peu connus et mettent des visages sur des Somaliens désincarnés par vingt années de conflits : un vieux milicien progouvernemental amoureux de son pays, une directrice d’hôpital désemparée, un pirate boiteux… Toxic Somalia : l’autre piraterie revient sur six mois d’investigation menée par Paul Moreira sur le trafic de déchets industriels polluants déversés le long des côtes somaliennes. Un littoral devenu la poubelle des Occidentaux. Sur les traces de deux journalistes italiens assassinés en 1994, ce film nous entraîne des hôpitaux somaliens, où naissent de plus en plus d’enfants malformés, aux bureaux italiens calfeutrés d’industriels véreux qui ont accepté de témoigner. « On va en Afrique, là où il y a de gros problèmes JEUNE AFRIQUE
et où la pauvreté est la pire, raconte un trafiquant repenti. C’est seulement une question de business. La vie humaine n’a aucune importance. »
« IRRESPONSABLE ». Paul Moreira et
Thomas Dandois ont tourné dans ce qui est probablement le pays le plus dangereux du monde. Quinze jours sur place maximum, une petite armée privée pour les escorter… Dandois, emprisonné un mois au Niger en décembre 2007 pour avoir enquêtésur larébellion touarègue, se souvient avec amertume que le président français l’avait qualifié d’« irresponsable ». « En Somalie, j’ai réévalué chaque jour les risques que je prenais, mais pour moi un journaliste qui ne va que là où on lui dit, il fait de la communication. » Même reproche de Moreira. « J’ai reçu un courrier du Quai d’Orsay me déconseillant vivement de me rendre en Somalie. Le fait d’être lâché à l’avance par mon propre gouvernement m’a énormément stressé. Je voyais déjà le porte-parole du ministère dire à la télévision: “Nous avions pourtant prévenu M. Moreira…” ».
NETTOYER LES RUES. Les conteneurs échoués qui changent la couleur de l’eau et tuent les poissons, tous les Somaliens en ont entendu parler. Ils ont conduit bien des pêcheurs à s’adonner à la pira« On va en Afrique [pour] le business. terie, seule source de La vie humaine n’a pas d’importance. » revenus. C’est sur l’un UN TRAFIQUANT REPENTI de ces barils toxiques, aussi mystérieux qu’effrayants, devant une mer turquoise, que Camicas, la société de production fons’ouvre le film. Mais en Europe, on ferme dée notamment par Thomas Dandois, compte offrir du matériel à des journales yeux. Après deux ans d’enquête, la justice italienne a rendu un non-lieu. « Il n’y listes somaliens pour qu’ils filment, un a même pas eu de procès, c’est choquant, an durant, des habitants de leur pays. confie le réalisateur. On entre là dans la « Un projet qui doit à la fois former des zone grise de la mondialisation. » Somaliens, et leur donner une voix », Ce qui reste de la capitale somalienne pour que des images continuent malgré défiledevantunecaméraembarquéedans tout à nous parvenir. ● une voiture. Des bâtiments effondrés, une CONSTANCE DESLOIRE végétation envahissante, des silhouettes furtives dans un paysage onirique. Toxic Somalia : l’autre piraterie, de Paul « Aujourd’hui, il reste plus d’armes que Moreira, et Mogadiscio, capitale fantôme, d’hommesenSomalie»,expliqueThomas de Thomas Dandois, le 24 mai à 20 h 40 et Dandois dans Mogadiscio, capitale 21 h 30 sur Arte. N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
129
Culture médias ARTS PLASTIQUES
Pascale Marthine Tayou, de surprise en surprise Jamais là où on l’attend, cet artiste camerounais hors norme se renouvelle sans cesse, construisant une œuvre foisonnante et originale.
P
TCUR
12500 12 2 500 euros euros
AR
osées sur de hauts billots de bois, Personnage en « état de mutation » qui des fétiches de cristal affublés mène un « travail de laboratoire », l’artiste d’éléments disparates – plumes, se cherche, mais ce n’est « ni pour être déchets, branchages, fleurs en le plus beau ni pour avoir la plus belle plastique – dévisagent le spectateur et lui voiture ». Né en 1966, fils d’un aide-boucher imposent, en dépit de leur transparence, et d’une ménagère, il aurait dû devenir un insondable mystère. Les Poupées un bon petit canard bien sage, formaté Pascale comptent parmi les œuvres les par l’école Sainte-Cécile et le collège plus saisissantes du Camerounais Pascale Saint-Thomas-d’Aquin de Bafoussam. Marthine Tayou, mais elles ne peuvent en aucun cas résumer un artiste toujours « On suit une éducation par mimétisme, en évolution, capable de se renouveler à soutient-il. Je suis allé à l’école pour devechaque exposition. nir quelqu’un d’intéressant ! » Porté vers Ce qui n’est pas une évi-« un une sorte de droiture de dence, puisqu’après avoir l’âme » dans un milieu l’ occupélagareSaint-Sauveur où l’art est presque blasde Lille en 2010 (« Traffic phématoire, le jeune ph Jam »), investi la ville de Tayou souhaite faire du Ta Lyon entre février et mai 2011 droit pour « défendre les droi humains ». Saine inclina(« Always All Ways »), il huma expose en ce moment à tion qui va vite prendre du Le montant de la brique, Magic Land, vendue le plomb dans l’aile : « Mon Paris, à la Maison Revue 28 mars au profit de éducation confessionnelle noire (jusqu’au 9 juillet), l’ONG Écoles du monde et au Moulin à Boissy-lem’a poussé à chercher En la personne de Gérard Battreau, qui pour un projet à Châtel (jusqu’au 2 octobre), la vérité, pour mettre les s’occupe de la programmation du centre Madagascar avant de débarquer au Louvre choses à l’endroit. Jusqu’au culturel français de Yaoundé, il trouve moment où je me suis rendu à la fin de l’année… Son galeriste, un passeur et, partant, « une méthode Lorenzo Fiaschi, se laisse chaque fois compte que le droit n’était pas droit et à [sa] pensée ». Sa première exposition surprendre avec ravissement : « Il est de que ceux qui nous l’enseignaient étaient s’intitule « Transgressions ». « Je vivais plus en plus étonnant. Je me demande maladroits. Ils affirmaient : “Faites ce dans un monde pessimiste et je cherchais toujours comment il fait ! J’aime le côté que je dis, pas ce que je fais !” » En guise des remèdes à mes maux avec tous les constructif de son travail, sa spontade réorientation, il décide « de façon éléments de rebut qui n’entraient pas néité, le fait qu’il ne se prenne pas au dans le rayon du peintre parfait », se sérieuse de ne rien faire », ce qui pour sérieux. » lui signifie en réalité « créer [ses] propres souvient-il. Le succès (d’estime) vient sentiers battus ». relativement vite avec, notamment, la HYBRIDATION VISUELLE. Décontracté et Ne souhaitant plus être le premier de la classe, il disert, Pascale Marthine Tayou reçoit dans « Mes œuvres n’entrent ni dans le le patio de la Maison Revue noire, juste oriente son ambition de catalogue des mécènes africains à côté de la pièce où il a transpercé des manière à « rester parfait ni dans leur folklore. » dizaines de livres avec des pals d’acier de en se vêtant de haillons » 2 m de haut (After Shave). Affirmer qu’il et devenir « le chef de file des zéros ». À la fin des années 1980, il couverture d’un numéro spécial de la ne se prend pas au sérieux semble pour le se tourne vers le détritus, le déchet, la Revue noire sur le Cameroun, en juin 1994. moins exagéré. Son discours n’est ni celui d’un dilettante ni celui d’un amateur. « Je poussière « pour en faire quelque chose ». À Paris, il rencontre d’autres passeurs, ne prétends pas être un artiste africain; je Maître des formules ciselées, il résume : comme son compatriote commissaire ne prétends même pas être un artiste, je « Je fouille dans tout ce que nous jetons d’exposition Simon Njami, et expose pour créer ma propre pyramide. Avec suis Pascale Marthine Tayou », dit-il. Une dans des lieux de plus en plus prestigieux, phrase un rien présomptueuse qui entend l’objectif de traduire une pensée abstraite jusqu’au couronnement que représente traduire son exigeante quête personnelle. en une forme visible. » la 51e Biennale de Venise, en 2005. IAL
N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
JACQUES TORREGANO POUR J.A.
130
JEUNE AFRIQUE
Culture médias
La critique note dans ses œuvres une volonté d’hybridation visuelle: il crée des sculptures monumentales avec des sacs en plastique colorés, réalise des tableaux avec des bâtonnets de craie disposés côte à côte, suspend comme autant d’épées de Damoclès des crayons de couleurs géants… Il reconnaît « chercher l’harmonie entre les matières qui se repoussent pour exprimer la rencontre avec l’autre monde » et « extraire les couleurs d’un cadre pour les placer dans un autre cadre ». Sa palette ? Les épices d’un étal, des parapluies, des sacs en plastique, des têtes d’épingle polychromes… Certaines installations happent littéralement le spectateur, qui peut entrer à l’intérieur. Tayou les voit comme des corps. « Je me révèle en circulant plusieurs fois dans ce que je propose », dit-il. Le mot « révélation » lui tient à cœur. Ainsi, ses Poupées Pascale en cristal sont nées d’une apparition, d’un accident optique : « J’ai vu une ombre sortir d’un magasin où j’avais cru apercevoir une sculpture africaine dans du verre de Murano. » Peut-être une JEUNE AFRIQUE
réminiscence de l’éducation religieuse reçue au Cameroun… AUTOFLAGELLATION. De son pays,
il parle volontiers. Il n’y vit pas, mais affirme ne l’avoir jamais quitté. Question politique, il a « senti dans sa chair une certaine violence » de la part des « sbires du président ». Pourtant, son engagement est différent : « Je suis quelqu’un de mentalement militant. Je ne suis pas dans l’optique du martyr ; je préfère la position du penseur. » Le regret perce
légèrement quand il s’agit d’évoquer d’éventuelles expositions africaines. « Mes œuvres n’entrent ni dans le catalogue des mécènes africains ni dans leur folklore », dit-il. Peut-être parce que, comme il le reconnaît, il faut avoir du courage pour les acheter. Même si son rapport au marché de l’art est « très sain », même s’il compte parmi ses Ý LE PLASTICIEN collectionneurs un cerCAMEROUNAIS tain… François Pinault. au milieu de Lorenzo Fiaschi, de la l’installation After Shave, Galler ia Continua, présentée à précise : « C’est un la Maison artiste très éclectique, Revue noire qui parvient à toucher (Paris), plusieurs publics. Ses jusqu’au 9 juillet. œuvres valent entre 10 000 et 300 000 euros. Son marché est lent, mais soutenu et complet. » Lorsqu’il s’agit de parler des créateurs contemporains qui l’inspirent, ou de ceux qu’il côtoie, Tayou se rebiffe et réaffirme sa non-appartenance au milieu artistique : « Je suis ailleurs. Je ne fais pas le même métier. Certains veulent être sur des couvertures glacées, je veux réussir par mon effacement. Je suis dans l’interrogation perpétuelle. » À cet instant revient le souvenir de l’une de ses œuvres: Shooting Star, ses propres photos d’identité, agrandies, sur lesquelles il a tiré à la carabine. L’autoflagellation fait donc partie de la panoplie de l’artiste, qui affirme en souriant: « Je n’ai pas de talent » ou « Mes travaux sont des successions d’erreurs, des accumulations d’échecs. Je ne suis qu’un borgne au milieu des aveugles ». S’il fallait puiser dans toutes ses formules celle qui le caractérise le mieux, sans doute opterait-on pour : « Chaque fois que je défais un nœud, il y en a un autre qui se forme. » Comme ses œuvres, elle parle au quotidien de chacun. ● NICOLAS MICHEL
BLASPHÈME CONTRE L’ART CONTEMPORAIN Dire du mal de l’art contemporain est un sport démagogique qui n’illustre rien d’autre que la fermeture d’esprit de ceux qui s’y adonnent. Malheureusement, c’est aussi un sport à la mode qui s’enracine dans le même terreau nauséabond que le racisme et la xénophobie et débouche sur la violence. Le 19 avril, une œuvre de Pascale MarthineTayou intitulée La Colonne Pascale – un empilement de casseroles de 7 m de haut – a été vandalisée dans l’église Saint-Bonaventure de Lyon. Le recteur Luc Forestier, reconnaissant que l’œuvre pouvait susciter débat, en a fermement condamné la destruction anonyme. Il est vrai que le débat, le dialogue et la N.M. confrontation des idées sont rarement le fort des intégristes. ● N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
131
132
Culture médias En vue POUR ENFANTS
■ ■ ■ Décevant
■ ■ ■ Pourquoi pas
■ ■ ■ Excellent
MUSIQUE
Festival de couleurs
Éloge de la légèreté
POURQUOI L’ÉLÉPHANT A UNE TROMPE ? Pourquoi les singes se balancent dans les arbres ? La réponse à ces questions existentielles se trouve dans les contes de Tinga Tinga, publiés chez Gallimard Jeunesse et diffusés en cinquante-deux épisodes de onze minutes sur la chaîne de télévision France 5 dans l’émission Ludo Zouzous. Espiègles et pleines d’humour, ces histoires à petit prix séduisent aussi parce qu’elles rendent un bel hommage au style populaire de peinture créé en Tanzanie dans les années 1960 par Edward Saidi Tingatinga (1932-1972). ●
UNE INFINIE DOUCEUR… C’est l’immédiate impression qui s’impose avec ce chanteur et guitariste camerounais, dont la voix et l’univers musical résonnent comme un éloge de la légèreté. À travers ce second album au charme entêtant, il fait un voyage du Cameroun au Brésil, via le Bénin, le Sénégal et le Cap-Vert. Des terres, des
NICOLAS MICHEL
Pourquoi l’éléphant a une trompe, de Claudia Llyod, Gallimard Jeunesse, 32 pages, 4,90 euros. ■■■
JEUNESSE
Sauver la planète UN ARBRE, « c’est un trésor d’ombre et d’humidité, de fruits et d’air pur, d’oiseaux et de vitalité, une cachette à insectes ou à poèmes,unbourgeondefutur»…Wangari Ma Maathai, la femme qui plante des qu millions d’arbres mi est un très beau es livre pour petits livr (et grands) qui (e raconte l’édira fiante histoire de la première femme africaine prix Nobel ca de la paix, en 2004. Véritable manifeste écologiste illustré avec talent par Aurélia Fronty, ce portrait dit l’essentiel du combat de l’activiste kényane pour une Afrique plus verte. Seul regret, un texte parfois difficile pour les enfants. ● N.M.
Wangari Maathai, la femme qui plante des millions d’arbres, de Franck Prévot et Aurélia Fronty, Rue du Monde, 48 pages, 17 euros. ■■■ N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
■ ■ ■ Réussi
cultures invitées à laisser leurs empreintes dans son monde, dansant souvent sur le rythme assiko, originaire du sud du pays. Celui du peuple bassa, auquel Blick Bassy se rattache par son père. Hormis un titre, tout l’album est chanté en langue bassa. Des partis pris qui en disent long sur l’attachement inaltérable du musicien à la terre des siens, au-delà de son penchant instinctif pour l’ouverture et la rencontre. ● PATRICK LABESSE
Hongo Calling, de Blick Bassy (World Connection) ■■■
SAGA
L’incroyable destin d’un esclave abyssin AU XVIE SIÈCLE, alors que Moghols et Turco-Afghans luttent pour imposer leur autorité à Delhi, les circonstances de la vie conduisent un jeune esclave abyssin sur les rives de l’Inde. Celui-ci y fera fortune et deviendra un homme d’État respecté et craint sous le nom de Malik Ambar. C’est cette saga méconnue d’une figure de proue de la diaspora africaine en Inde que raconte l’anthropologue française Éliane de Latour dans un document à peine romancé. Une traversée culturelle étonnante, sur fond de luttes pour le pouvoir, conquêtes territoriales et passions amoureuses. ●
Malik Ambar, d’Éliane de Latour, éditions Steinkis, 304 pages, 21 euros. ■ ■ ■
TIRTHANKAR CHANDA
EXPOSITION
Toguo sur terre battue POUR LA PREMIÈRE FOIS, l’affiche du tournoi de Roland-Garros a été réalisée par un artiste africain, le Camerounais Barthélémy Toguo. Son œuvre pleine d’espoir, intitulée L’Arbre universel du sport, est exposée au musée de la Fédération française de tennis. Ce vaste espace accueille deux séries de l’artiste. Des dessins, comme une cartographie des états d’esprit de notre temps, et dix-huit grands portraits à l’aquarelle exprimant une large palette de sentiments. L’exposition se tiendra jusqu’en décembre 2011, bien après la dernière balle de match. ● N.M.
Barthélémy Toguo, musée de la Fédération française deTennis, 2, avenue Gordon-Bennett, 75016 Paris, jusqu’au 31 décembre 2011. ■■■ JEUNE AFRIQUE
Culture médias BON À SAVOIR
ROMAN
Combats de femmes
ÉDITIONS ACTES SUD
Sefi Atta évoque le difficile quotidien des Nigérianes dans Avale, une fresque sombre parsemée d’un esprit de révolte salutaire.
S
efi Atta n’a pas son pareil pour raconter le combat que les femmes nigérianes doivent mener au quotidien pour leur survie et leur dignité. Dans son premier roman, salué par la critique et récompensé par le prix Wole-Soyinka, elle dénonçait déjà une société oppressive et machiste. Paru en 2005 en anglais avant d’être traduit en français en 2009 chez Actes Sud, Le meilleur reste à venir est le récit initiatique de deux jeunes filles, Enitan, la chrétienne, et Shéri, la musulmane, dans un Nigeria à peine sorti de la guerre du Biafra, où se succèdent coups d’État militaires et régimes dictatoriaux. Second roman sur l’émancipation, la liberté et la responsabilité, Avale retrace le parcours de deux femmes, Rose et Tolani, pas encore 30 ans, qui doivent affronter les incivilités quotidiennes, le poids du tribalisme et des traditions dans les relations sociales,
l’influence des églises évangélistes, la corruption, le qu’en-dira-t-on… Pour se donner du courage, Tolani prend exemple sur sa mère, un modèle de bravoure qui a refusé un mariage forcé, n’a eu qu’un enfant, et surtout a été la première femme à oser enjamber une motocyclette! Tolani rêve de se marier avec Sanwo. Las, la tradition impose qu’il verse une dot à sa famille. Une tradition « injuste avec les hommes » et qui est devenue une véritable « technique d’extorsion » : « Les femmes de la famille de la mariée établissaient une liste qu’elles présentaient lors de la cérémonie de fiançailles. Parfois, les familles exigeaient une somme bien précise. À Lagos, les relations commençaient et s’achevaient toujours sur une question d’argent. » Mais il y a aussi le regard des hommes à affronter. Impitoyable avec ces derniers, Rose n’apprécie guère de se laisser dicter sa conduite. Mais par-dessus tout, elle a « honte d’être pauvre ». « Nous voulions un toit, deux repas par jour, et nous avions assez d’orgueil pour porter des vêtements qui n’étaient ni sales ni déchirés », explique Tolani, qui doit faire face à un chefaillon lubrique qui lui tourne autour. Alors, quand un jour la vie devint « encore plus dure, nous nous retrouvions fauchées, sans aucun moyen de nous en sortir, sans personne sur qui compter, et soudain quelqu’un nous proposait une porte de sortie ». Une issue de secours diabolique. Une année de salaire contre un voyage à Londres, de la drogue enfouie dans des préservatifs avalés malgré les hautle-cœur et dissimulés dans un estomac discipliné. En espérant que les capotes ne s’éventrent pas… Publiée au Nigeria en 2008 avant de l’être en 2010 aux États-Unis, où Sefi Atta s’est installée il y a plus de quinze ans, cette fresque sombre, parsemée d’un esprit de révolte et d’indépendance salutaire, vient d’être traduite en français chez Actes Sud. ● SÉVERINE KODJO-GRANDVAUX
Avale, de Sefi Atta, traduction de l’anglais (Nigeria) par Charlotte Woillez, Actes Sud, 288 pages, 21,80 euros. ■■■ JEUNE AFRIQUE
Shakira,Yusuf Islam (Cat Stevens), Joe Cocker, Lionel Richie, Quincy Jones, Kanye West… Sans oublier les grands noms de la musique africaine (Youssou Ndour, Salif Keita,Tiken Jah Fakoly, Femi Kuti, Staff Benda Bilili…) et les représentants de la nouvelle scène marocaine… se produiront entre le 20 et le 28 mai à Rabat, à l’occasion des dix ans du festival Mawazine. Du 19 au 29 mai, un collectif de douze photographes tunisiens, Dégage, présente à l’Institut du monde arabe (Paris) « Révolution tunisienne », une exposition de clichés inédits sur les événements de décembre et janvier derniers. Peter Kosminsky prépare Young Mandela, un film sur les années de jeunesse de Madiba. Ce long-métrage s’annonce polémique : une scène devrait monter Mandela enseignant à des militants comment faire exploser un immeuble tout en évitant les pertes humaines. Le réalisateur britannique a expliqué vouloir se pencher sur le passé « terroriste » du Prix Nobel de la paix, lorsqu’il dirigeait le bras armé du Congrès national africain (ANC). Le Zimbabwe et l’Afrique du Sud auront, pour la première fois, leur propre pavillon lors de la 54e biennale de Venise. Du 4 juin au 27 novembre, l’exposition « Seeing Ourselves » présentera des œuvres des Zimbabwéens Berry Bickle,Tapfuma Gusta, Calvin Dondo et Misheck Masamvu. Mary Sibande, Siemon Allen, Lyndi Sales interrogeront quant à eux la réalité et l’imaginaire sudafricains à travers l’exposition « Desire ». N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
133
Culture médias dit-il. Je voulais un pays d’Afrique que je ne connaisse pas. J’ai choisi l’Éthiopie et j’y suis allé pendant huit semaines, avec un petit carnet de notes. J’ai fait mon sac de la même façon que si j’étais allé sur la ligne de front en Ogaden. » À l’instar de son « double », le reporter de guerre Frédéric, Ý COUREUR personnage que l’on D’EXCEPTION, retrouve, après La Ligne Ayanleh Makeda est de flottaison, dans Où en accusé de est la nuit. dopage et Mieux que dans un se retrouve article de presse, l’Éthiosimple pie et les Éthiopiens que soldat sur le front d’une Hatzfeld restitue dans guerre en toute leur complexité Afrique. témoignent d’une grande empathie. « Je ne serai jamais un écrivain du for intérieur, dit-il. Il faut que je voyage et que je rencontre des gens. » Et d’ajouter : « Ce qui m’a d’abord frappé dans ce pays, LITTÉRATURE c’est que je m’y sentais très bien dès le début. C’est délicat à expliquer, mais les relations entre Blancs et Noirs n’y sont Belle et dense histoire d’un marathonien éthiopien, le dernier roman pas perverties. Elles n’ont pas été contaminées par la colonisation. En Éthiopie, de Jean Hatzfeld évoque l’incompréhension entre le Nord et le Sud. vous n’êtes que ce que vous êtes. » AFP / OLAF KRAAK
134
Courir le monde
I
à Madagascar en 1949 –, Jean Hatzfeld PHILOSOPHE RIVÉ À SA TERRE. Le l n’est plus nécessaire de présenter l’écrivain et journaliste français Jean s’est lancé dans l’écriture de ce roman nœud du roman se trouve justement là, Hatzfeld : ses livres parlent pour lui. dans la question de l’incompréhension avec deux idées en tête. « Je voulais Dans le nu de la vie, Une saison de qui règne, la plupart du temps, entre le raconter cette attraction que le Nord machettes, La Stratégie des antilopes, exerce sur le Sud, ce voyage qui se passe Nord et le Sud. Entre Frédéric le journaliste errant qui « a du mal à envisager autant de récits qui sont une référence sur toujours mal entre l’un et l’autre, explil’avenir » et Ayanleh le coureur déchu et la tragédie rwandaise. Moins que-t-il. Et puis je pensais connu pour ses romans (La philosophe finalement rivé à sa terre, il y à un personnage féminin, Guerre au bord du fleuve, La a un fossé que seul un mutuel et patient qui est devenu Tirunesh, Ligne de flottaison), il vient l’épouse du marathonien. » effort d’écoute permettra de combler. Un de récidiver dans le genre Le voyage d’Ayanleh vers le effort quasi impossible s’il ne s’appuie avec Où en est la nuit, belle Nord se passe et dense histoire consacrée plutôt bien, au « En Éthiopie, les relations Blancsà la carrière interrompue début. Coureur d’un marathonien éthiopien, d’exception, il Noirs ne sont pas perverties » Ayanleh Makeda. domine les JEAN HATZFELD Ne fouillez pas en vain les épreuves auxpas sur une volonté d’effacement ou, à méandres de votre mémoire: quelles il participe… jusqu’à Où en est la nuit, si Jean Hatzfeld a été un ce que tombe le couperet tout le moins, sur une grande modestie : de Jean Hatzfeld, temps chroniqueur sportif sous la forme d’une accusa« Les journalistes n’ont aucune raison Gallimard, 226 pages, pour le quotidien français tion de dopage. Puis le marad’être à la hauteur des personnages qu’ils 16,90 euros. Libération et si les foulées thonien porté aux nues par rencontrent ou des événements qu’ils légendaires d’Abebe Bikila, Kenenisa les médias sera oublié une fois redevenu racontent », soutient Hatzfeld. Apprendre, Bekele ou Tirunesh Dibaba rythment les simple soldat sur le front d’une guerre comprendre, transmettre, voilà ce qui deux cents pages du livre, Ayanleh est une africaine. semble guider sa démarche d’auteur. Pour pure invention – l’un de ces personnages longtemps encore, vraisemblablement : qui naissent d’une certaine discrétion et EN OGADEN. Pour bâtir le décor et don« Je n’ai toujours pas décidé d’arrêter d’une présence intense dans le cœur et ner vie aux personnages de son roman, d’être journaliste. Et puis j’ai une idée d’un les yeux de ceux qui les côtoient. Depuis autre roman, avec Frédéric aussi… » ● Jean Hatzfeld a travaillé à la manière longtemps familier de l’Afrique – il est né d’un journaliste. « J’ai fait des repérages, NICOLAS MICHEL N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
JEUNE AFRIQUE
GROUPE JEUNE AFRIQUE
www.groupeja.com
PRESSE • INTERNET • ÉDITION • CONSEIL
Groupe international de presse et d’édition (25 millions € C.A. – 130 collaborateurs) spécialisé sur l’Afrique et le Moyen-Orient recherche, dans le cadre de son développement :
Journalistes (H/F) spécialisés sur l’Afrique subsaharienne et/ou le Maghreb MISSIONS : Doté(e) d’une très bonne connaissance des acteurs et de l’environnement politique et social du continent (Afrique subsaharienne et/ou Maghreb), de sérieuses capacités d’enquêteur et de contacts sur la zone, vous viendrez enrichir notre équipe de journalistes, composée d’une quarantaine de personnes, avec comme missions premières : • Le suivi de l’actualité des pays dont vous aurez la responsabilité; • La proposition d’enquêtes et de reportages; • La rédaction d’articles pour nos différentes publications (papier et web). Une réelle maîtrise des enjeux et de l’actualité d’un ou plusieurs pays du continent est indispensable.
PROFIL : Idéalement issu(e) d’une école de journalisme, sciences politiques ou littéraire, vous avez au minimum 3 ans d’expérience dans la presse écrite quotidienne ou magazine. Dynamique, rigoureux(se) et méthodique, vous savez faire preuve de créativité, de disponibilité et d’esprit d’équipe. Vous possédez un réel sens d’investigation, une réactivité face à l’information et des qualités rédactionnelles et relationnelles. Un très bon niveau d’anglais est exigé, la connaissance de l’arabe serait Réf. : REDJA 0411 un plus.
Envoyer C.V., lettre de motivation et prétentions sous références REDJA 0110 à : Jeune Afrique – Service Ressources Humaines – 57 bis, rue d’Auteuil 75016 PARIS ou par email : recrutementja@jeuneafrique.com
GROUPE JEUNE AFRIQUE
www.groupeja.com
PRESSE • INTERNET • ÉDITION • CONSEIL
Groupe international de presse et d’édition (25 millions € C.A. – 130 collaborateurs) spécialisé sur l’Afrique et le Moyen-Orient recherche, dans le cadre de son développement :
Un chef de rubrique Maghreb et Moyen-Orient (H/F) MISSIONS :
Vous viendrez enrichir notre équipe composée d’une quarantaine de personnes en charge de notre hebdomadaire et de ses hors-séries. Doté(e) d’une très bonne connaissance des acteurs et de l’environnement politique et social du Maghreb et du Moyen-Orient, vous aurez – sous la direction de votre rédacteur en chef – la responsabilité de l’élaboration et de la réalisation du contenu de cette rubrique. Vous aurez en charge plus particulièrement : • Le suivi de l’actualité de l’ensemble des pays de ladite zone; • L’élaboration de sommaires d’enquêtes; • La recherche de collaborateurs (pigistes) et experts; • La rédaction d’articles; • L’animation des membres de la rédaction chargés de couvrir cette zone. Poste basé à Paris.
PROFIL :
Idéalement issu(e) d’une école de journalisme, sciences politiques ou littéraire, vous avez au minimum 3 ans d’expérience dans la presse écrite quotidienne ou magazine. Dynamique, rigoureux(se) et méthodique, vous savez faire preuve de créativité, de disponibilité et d’esprit d’équipe. Vous possédez un réel sens d’investigation, une réactivité face à l’information et des qualités rédactionnelles et relationnelles. Un très bon niveau d’anglais est exigé, la connaissance de l’arabe serait un plus. Réf. : REDCHEFMMO 0511
Envoyer C.V., lettre de motivation et prétentions sous références REDCHEFMMO 0110 à : Jeune Afrique – Service Ressources Humaines – 57 bis rue d’Auteuil 75016 PARIS ou par email : recrutementja@jeuneafrique.com
ANNONCES CLASSÉES
Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre -Tél. : 01 44 30 18 76 - Fax : 01 44 30 18 77 - Email. : f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique - 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris - France
REPUBLIQUE GABONAISE PRESIDENCE DE LA REPUBLIQUE CONSEIL NATIONAL CLIMAT
AVIS D’APPEL A MANIFESTATION D’INTERET Visa de conformité juridique Date de lancement : 16 mai 2011 Appel à manifestation d’intérêt : N° 01/PR/CNCT/CG/EMKM/2011 Nom du projet : Elaboration d’une stratégie nationale climat Source de financement : Agence Française de Développement 1. OBJET Par le présent appel à manifestation d’intérêt, le Conseil National Climat se propose d’arrêter une liste restreinte des bureaux d’études qualifiés qui seront appelés à soumissionner pour l’assister techniquement dans la deuxième phase de l’élaboration du plan national climat.
Manifestation d’intérêt
2. PARTICIPATION Le présent appel à manifestation d’intérêt s’adresse aux bureaux d’études nationaux ou internationaux qui ne sont pas concernés par les mesures d’exclusion de l’article 11 du décret n° 001140/PR/MEFBP du 18 décembre 2002 portant code des marchés publics à savoir : - Les personnes physiques ou morales en état de liquidation judiciaire et les personnes physiques dont la faillite personnelle a été prononcée ; - Toute personne physique ou morale condamnée pour infraction à une disposition du code pénal ou du code général des impôts prévoyant l’interdiction d’obtenir de telles commandes ; - Toute Entreprise qui à la suite de la soumission d’informations inexactes ou d’un manquement grave à ses obligations contractuelles, et après avoir été invitée au préalable à présenter ses observations par décision motivée de la Direction Générale des Marchés Publics ; - Les Entreprises dans lesquelles la personne responsable des marchés ou de la commission d’évaluation des offres possède des intérêts financiers personnels de quelque nature que ce soit ; - Les Entreprises affiliées aux consultants ayant contribués à préparer tout ou partie des dossiers d’appel d’offres ou de consultation. 3. COMPOSITION DU DOSSIER DE CANDIDATURE Les dossiers de manifestation d’intérêt doivent comprendre les éléments suivants : - une déclaration de manifestation d’intérêt signée du représentant du bureau d’études faisant apparaître son nom, sa qualité, son adresse, sa nationalité et les pouvoirs qui lui sont délégués; - les documents arrêtant la constitution ou le statut, le lieu d’enregistrement et le domicile légal du bureau d’études. Ces documents comprennent l’agrément de commerce ou registre de commerce; - une attestation de non faillite délivrée par le tribunal compétent du lieu du siège social du bureau d’études et datant de moins de trois (3) mois; - une attestation d’imposition prouvant que le bureau d’études est à jour de ses obligations fiscales au titre de l’année 2009 (uniquement pour les candidats nationaux) ; - une attestation CNSS du premier trimestre 2011 (uniquement pour les candidats nationaux) ; - un relevé d’identité bancaire (pour les candidats non nationaux) ; - La liste du personnel clé avec leurs fonctions respectives et leur CV signé; - Les références générales et spécifiques du bureau d’études dans le domaine concerné par l’appel à manifestation d’intérêt (joindre les fiches projets précisant la valeur en FCFA des prestations réalisées) ; - La liste des sous-traitants, le cas échéant. Les bureaux d’études peuvent s’associer et présenter une candidature unique. Pour cela, ils doivent présenter un accord de groupement entre bureaux. Cet accord doit préciser le statut juridique, le chef de file du groupe, le rôle et les titres de chaque membre. Chaque membre doit, par ailleurs, produire les pièces demandées ci-dessus. Le dossier de candidature ne doit comporter aucune proposition financière. 4. CRITERES DE PRE QUALIFICATION - le bureau d’études doit justifier d’une expérience de plus de cinq ans dans les prestations similaires; - le candidat doit justifier des moyens matériels, techniques adéquats et d’un personnel clé en adéquation avec la mission; - le candidat doit justifier d’une capacité financière lui permettant de démarrer l’exécution des prestations dès la notification du marché (joindre les documents attestant l’accès à des financements tels que des avoirs liquides, lignes de crédits, etc.). 5. DATES LIMITES DE DEPÔT, D’OUVERTURE ET DE CLÔTURE DE DOSSIERS ET LIEU DE DEPÔT DES CANDIDATURES Les dossiers d’appel à manifestation d’intérêt doivent être adressées à l’adresse ci-dessous, au plus tard le 16 juin 2011 à 9 heures. Les plis seront ouverts en présence des représentants des candidats qui le souhaitent à la même date à 10 heures. Présidence de la République - Conseil National Climat - Secrétariat Permanent B.P. 546 Libreville - (1er étage de l’Immeuble les Arcades) Tél : (00241) 06 03 67 21 - 06 83 12 10) - e-mail : nicolas_zekpa@yahoo.fr Le Directeur Général des Marchés Publics Commissaire Général, Jean Félix SOCKAT N° 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
Le Secrétaire Permanent du Conseil National Climat Nicolas MENSAH ZEKPA JEUNE AFRIQUE
République du Tchad Présidence de la République Primature Ministère de l’Education Nationale Secrétariat d’Etat à l’Education Nationale Secrétariat Général Direction Générale de la Planification et de l’Administration Direction des Projets Education Projet d’Appui à la Réforme du Secteur de l’Education au Tchad
REPUBLIQUE DU TCHAD
Unité – Travail - Progrès
Avis d’Appel d’Offres International Projet d’Appui à la Réforme du Secteur de l’Education au Tchad Appel d’offres international n° 12 CREDIT N°3739 - DON N° H 023 -0- CD Travaux de réalisation et d’équipement de 65 forages. 1. Le Gouvernement de la République du Tchad a obtenu un Don de l’Association Internationale de Développement (IDA), pour financer le coût du Projet d’Appui à la Reforme du secteur de l’Education au Tchad (PARSET). Il se propose d’utiliser une partie du montant de ce Don pour effectuer les paiements autorisés au titre du marché pour la réalisation des forages. 2. Le Ministère de l’Education Nationale, à travers la Coordination du PARSET, invite par le présent Avis d’Appel d’Offres International, les candidats remplissant les conditions requises à présenter leurs offres sous pli fermé, pour les travaux de réalisation et d’équipement de 65 forages dans les établissements scolaires repartis dans les régions (liste jointe dans le dossier) constitués en trois lots, et, un délai d’exécution de six (06) mois pour chaque lot à partir de la notification de l’approbation du ou des (s) marchés et de l’ordre de service de démarrage des travaux par l’Autorité compétente. Les candidats peuvent soumissionner pour l’ensemble des lots. Cependant il ne peut être attribué pas plus d’un lot à un soumissionnaire. Les attributions se feront par lot et par soumissionnaire. Les travaux comprennent : - Lot 1 : travaux de réalisation de 35 forages et de sondages géophysiques d’implantation (régions du nord et N’Djaména). - Lot 2 : travaux de réalisation de 30 forages et de sondage géophysiques d’implantation (régions du sud). - Lot 3 : travaux de construction de superstructures, fourniture et installation de 65 pompes à motricité humaine.
4. Les candidats remplissant les conditions requises peuvent obtenir un complément d’informations et examiner le Dossier d’Appel d’Offres à l’adresse indiquée ci-après : Coordination du PARSET/Direction des Projets Education, Ministère de l’Education Nationale, BP 1174 N’Djaména –Tchad Tél- 00 235 51 58 32 ou 00 235 51 60 51 ou 00 235 52 48 92. 5. Les candidats intéressés peuvent acheter un jeu complet du Dossier d’Appel d’Offres rédigé en français, moyennant paiement d’un montant non remboursable de soixante quinze mille (75 000) francs CFA à la Coordination du PARSET contre un reçu. 6. Les candidats n’ayant pas de représentants à N’Djaména peuvent payer en plus une somme de cinquante mille (50 000) francs CFA ou de sa contre valeur dans une monnaie convertible comme frais d’expédition afin que la Coordination du PARSET (Direction des Projets Education) leur fasse parvenir le dossier complet de l’Appel d’Offres à une adresse précise qu’ils voudront bien indiquer. Le dossier sera envoyé par courrier rapide. 7. Les offres doivent être envoyées à l’adresse indiquée ci-après au plus tard le 29/06/2011 à 9 heures précises (heure locale). Elles doivent être accompagnées d’une garantie d’offre d’un montant égal au moins à deux pour cent (2%) du montant de la soumission ou d’un montant équivalent en monnaie librement convertible. Les offres reçus après le délai fixé seront rejetées. Les plis seront ouverts en présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent assister à la séance d’ouverture le 29/06/2011 à 10 heures précises (heures locale) dans la salle de réunion de la Coordination du PARSET/Direction des Projets Education/Ministère de l’Education Nationale (sise derrière le bulding de Moursal). Coordination du PARSET Direction des Projets Education /Ministère de l’Education Nationale BP : 1174 N’Djaména – Tchad - Tél : 00 235 51 58 32 ou 235 252 48 92 Le Secrétaire Général du Ministère de l’Education Nationale Dr Dono Horngar J.Y. Neldita JEUNE AFRIQUE
N° 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
Appel d’offres
3. Le processus se déroulera conformément aux procédures d’Appel d’Offres International décrites dans « les Directives : passation des marchés financés par les prêts de la BIRD et les crédits de l’IDA » et ouvert à tous les soumissionnaires de pays éligibles tels définis dans les Directives.
138
Annonces classées Avis d’Appel d’Offres International République du Mali
Programme d’Appui au Développement Sanitaire et Social en Ve Région (PADSS)
Divers - Appel d’offres
AOI N° 13/DT/AGETIER/2011 1. Le Gouvernement de la République du Mali a reçu de l’Agence Française de Développement (AFD) et de l’Etat Belge : ci-après dénommée AFD/CTB, une subvention pour contribuer au financement du Programme d’Appui au Développement Sanitaire et Social en Vème Région (PADSS). Une partie de ce fonds est destinée à couvrir les paiements au titre du marché faisant l’objet du présent Avis d’Appel d’Offres. Le Ministère de la Santé par délégation, a désigné l’AGETIER-Mali comme Maître d’Ouvrage Délégué pour la construction et l’équipement de certaines infrastructures. 2. L’AGETIER-Mali invite les soumissionnaires intéressés à présenter leur soumission cachetée en vue de la FOURNITURE ET D’INSTALLATION D’EQUIPEMENTS BIOMEDICAUX ET GENERAUX POUR LE CENTRE DE SANTE DE REFERENCE (CSREF) DE YOUWAROU. Nombre de Lot : Un (01) Le délai maximum de livraison et d’installation est de quatre (04) mois. 3. Les soumissionnaires intéressés peuvent obtenir de plus amples renseignements et examiner le Dossier d’appel d’offres à l’adresse cidessous : AGETIER Mali ; BP 428 Tél. 21 32 18 09 / 21 32 12 24 Fax : 21 32 18 08 Email : agetier@agetiermali.com ; Rue 545, Porte 324, Quartier Résidentiel Ségou Mali à partir de 7 h 30 mn jusqu’à 16 h tous les jours ouvrables. 4. Les spécifications de qualification (entreprise seule ou en groupement) comprennent : - Être le fabricant ou le concessionnaire agrée du fabricant ; - justifier au moins deux (2) marchés similaires au cours des cinq (5) dernières années au Mali ou dans la sous région sub-saharienne avec le même type de matériels. Les pièces justificatives probantes (PV de réception, attestation de bonne fin, bordereaux de livraison) avec les adresses exactes des acheteurs doivent être fournies. ; - avoir au minimum un ingénieur et deux (02) techniciens permanent ; - Avoir réalisé sur les trois derniers exercices (2008 à 2010) un chiffre d’affaire annuel moyen qui soit supérieur ou égal à deux cent millions (200 000 000) F CFA ; Le calcul du CA moyen sera réalisé sur la base des bilans des trois exercices certifiés par un cabinet d’expert comptable. - Disposer au Mali ou dans la sous région, d’un service après vente effectif équipé d’un magasin de pièces de rechange et d’un atelier capable d’assurer l’entretien ainsi que les grosses réparations des équipements fournis. A défaut, il remettra dans son offre un engagement sur l’honneur à mettre en place un tel service après vente à la satisfaction de l’Acheteur à compter de la date d’attribution du marché. Le non respect de cet engagement sera un motif d’annulation de l’attribution et de saisie de la garantie d’offre. 5. Le Dossier d’appel d’offres complet en français peut être acheté par les soumissionnaires intéressés par demande écrite à l’adresse cidessous contre paiement d’un montant non remboursable de cinquante mille (50 000) FCFA. Le paiement sera effectué en espèce ou par virement automatique sur le compte bancaire N°60000011B00008/BNDA-Ségou. Le Dossier d’appel d’offre sera retiré à la Direction Administrative et financière de l’AGETIER Mali à Ségou à compter du 17 mai 2011. 6. Les Soumissions devront être déposées à l’adresse ci-dessous avant ou le 01 juillet 2011 à 10 h 00 GMT. Les dépôts électroniques ne seront pas admis. Les soumissions présentées hors délais seront rejetées. Les Soumissions seront ouvertes en présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent y assister à l’adresse ci-dessous le 01 juillet 2011 à 10 h 15 mn GMT. 7. Toutes les Soumissions doivent être accompagnées d’une Garantie de Soumission pour un montant d’au moins égal à cinq millions quatre cent mille (5 400 000) francs CFA. 8. L’adresse mentionnée ci-dessus est : Le Secrétariat de la Direction Technique de l’AGETIER–MALI – Porte 324, Rue 545, Quartier Résidentiel Ségou, BP 428 Tél : 21-32-18-09 et 21-32-12-24.
Retrouvez toutes nos annonces sur le site : www.jeuneafrique.com N° 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
30 ANS D’EXPÉRIENCE EN TÉLÉCOMMUNICATIONS RETROUVEZ TOUS NOS PRODUITS :
www.soicex.com 12,(&., )"5*7' %++ # 1,68-!/,& 0 *4.92$!/,&
Radio HF/BLU Transmission de données, SMS & localisation GPS Sur + de 3000 km
Radio Numérique VHF/UHF ! Système TRUNK • Communications cryptées • GPS intégré 0 '3' • 2 communications simultanées • Interconnexion IP Multisites
SOICEX Electronique BP 92 139 - 31521 Ramonville, France E-mail : info@soicex.com - Tél. : +33 561 733 072 - Fax : +33 561 756 040 JEUNE AFRIQUE
Annonces classées
Avis de vacance de poste
Avis de vacance de poste
(Recrutement International)
(Recrutement International)
Le Secrétariat Exécutif Permanent du Conseil National de Lutte contre le Sida (SEP/CNLS) du Congo, recherche un(e) candidat(e) pour occuper le poste de Consultant International chargé d’appuyer les Ministères des enseignements dans l’élaboration de la politique sectorielle commune en matière du VIH.
Le Secrétariat Exécutif Permanent du Conseil National de Lutte contre le Sida (SEP/CNLS) du Congo, recherche un(e) candidat(e) pour occuper le poste de Consultant International chargé d’appuyer les Ministères des enseignements dans la réalisation de l’étude d’impact du VIH/Sida sur l’éducation.
Le dossier de candidature comprenant les instructions, les qualifications requises et les responsabilités du candidat recherché, peuvent être directement consultés sur le site web du SEP/CNLS :
Le dossier de candidature comprenant les instructions, les qualifications requises et les responsabilités du candidat recherché, peuvent être directement consultés sur le site web du SEP/CNLS :
www.cnls-congobrazza.org.
www.cnls-congobrazza.org.
NB : la date limite du dépôt des candidatures est fixée au 5 juin 2011à 12h30.
Dr Marie Franck PURUEHNCE
NB : la date limite du dépôt des candidatures est fixée au 30 mai 2011 à 12h30.
Dr Marie Franck PURUEHNCE
Avis d’Appel d’Offres international – Cas sans pré qualification lancé pour les travaux de Construction de l’Autoroute « AIBD – MBOUR – THIES » - N° D/747/A3
Report de la date d’ouverture des plis Il est porté à la connaissance des entreprises ayant déjà acheté le dossier d’appel d’offre (DAO) relatif aux travaux cités ci – dessus, que la date limite de remise des soumissions, initialement prévue le Mardi 17 Mai 2011 à 10 heures 30 minutes précises, est reportée au Mardi 28 Juin 2011 à 10 heures 30mn précises (heure locale) à l’adresse ci- après : Agence des Travaux et de Gestion des Routes (AGEROUTE SENEGAL) sise à la Rue F x Rue David Diop – Fann Résidence Dakar – Sénégal - Tél : 221 33 869 07 51 A cet égard, les entreprises sont informées qu’une visite de site est prévue le lundi 16 Mai 2011 à 8 heures 30 mn. Le point de départ retenu est la station Oil Lybia de Diamniadio. Par ailleurs, les entreprises intéressées sont informées par le présent avis qu’elles peuvent toujours obtenir le DAO au niveau de la cellule de passation des marchés moyennant le paiement d’un montant non remboursable de Trois Cent mille (300 000) F CFA. Le Directeur Général Ibrahima Ndiaye N° 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
Recrutement - Appel d’offres
Ministère de la Coopération Internationale, des Transports Aériens des Infrastructures et de l’Energie
JEUNE AFRIQUE
139
140
Annonces classées
Vous êtes passionné(e) par le continent Africain Vous avez un fort tempérament commercial HR & Recruitment Services
Rejoignez nos équipes comme
CHARGÉ(E) DE MISSION PUBLICITÉ
Pour plus d’informations et pour postuler rendez vous sur le site Adexen :
Formation - Recrutement
LE GROUPE JEUNE AFRIQUE
http://www.adexen.com/fr/offer_ FRA0498_sales-representativejeune-afrique.html
Invites Applications for Scientist-Agroforestry and Tree domestication ICRISAT seeks applications for a Scientist-Agroforestry and Tree domestication, to be based at ICRISAT, Niamey, Niger. This is a joint appointment to work on a collaborative research between ICRISAT and ICRAF (International Center for Research on Agro Forestry), with Headquarters in Nairobi, Kenya. This is a Special Project Scientist position under the category of Scientific Managerial Group (SMG) with competitive salary and benefits. The appointment will be initially for a 3-year period and renewable depending on funds availability and performance of the incumbent. The Scientist will be a member of the multi-disciplinary research team of ICRISAT, to develop crop-tree-livestock based systems in collaboration with ILRI-ICRAF in West and Central Africa. Profile The candidate should have a PhD in the area of natural resource management agronomy, or related agriculture discipline with a minimum of 3-5 years of relevant experience. Proven computer skills and fluency in spoken and written English are essential, and knowledge of French will be highly desirable. For more details on the position and job opportunities at ICRISAT, please visit our website: http://www.icrisat.org/ Please send your application by email to: b.belemgoabga@icrisatne.ne latest by 10 June 2011. ICRISAT is an equal opportunity employer, and is especially interested in increasing the participation of women on its staff Only short listed candidates will be contacted.
w w w. s a i 2 0 0 0 . o r g COURS INTENSIFS D’ANGLAIS École Commerciale Privée fondée en 1955 THIS SCHOOL IS AUTHORIZED UNDER FEDERAL LAW TO ENROLL NONIMMIGRANT ALIEN STUDENTS
Comptabilité sur ordinateur Gestion de bureau sur ordinateur dBase Management ® Microsoft Office Suite - Windows Traitement de texte Microsoft ® Lotus Suite - (T1) Internet access • Membre accrédité du “ACICS” • Établissement reconnu par le Département d’Éducation de l’État de New York • Commence dès ce mois-ci • Cours offerts le matin, l’après-midi et le soir. Tél. (212) 840-7111 Fax (212) 719-5922 SKYPE Studentclub SPANISH-AMERICAN INSTITUTE 215 W 43 St. (Times Square) Manhattan, NY 10036-3913
info@sai2000.org N° 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
JEUNE AFRIQUE
Annonces classées
carrières Nations Unies
141
Chef de section (P-5), Bureau des services de contrôle interne de l’ONU
Vous ne vous contentez pas du statu quo et vous vous investissez dans le changement? Vous travaillez en collaboration avec vos collègues afin d’atteindre les objectifs fixés? Le Bureau des services de contrôle interne de l’Organisation des Nations Unies est à la recherche du Chef de la Section de l’audit de la Caisse commune des pensions du personnel des Nations Unies, à New York. Le Bureau souhaite recruter un chef de section qui ait le dynamisme et l’expérience nécessaires pour définir et réaliser les objectifs à court et long termes de la Section. Il sera chargé de planifier, d’organiser, de diriger et de coordonner les activités de multiples équipes et ressources ainsi que de définir dans les grandes lignes les objectifs et la portée de chaque audit ou contrôle. FORMATION: Diplôme universitaire du niveau de la maîtrise en vérification des comptes, finance, gestion d’entreprise, comptabilité ou dans une discipline apparentée. La certification d’un organisme professionnel dans le domaine de la comptabilité ou de la vérification des comptes est très souhaitable. EXPÉRIENCE PROFESSIONNELLE: Au moins 10 années d’expérience professionnelle, à des niveaux de responsabilité de plus en plus élevés, dans le domaine de la vérification des comptes, de la finance, de la gestion d’entreprises, de la comptabilité ou dans un domaine connexe. Une expérience de la gestion et de l’encadrement technique en matière de vérification des comptes est indispensable. Les candidatures de femmes sont particulièrement encouragées. On trouvera des informations plus détaillées sur ce poste à l’adresse
http://careers.un.org/jobopenings.
Directeur de la Division de la planification des programmes et du budget (D-2) de l’ONU
Avez-vous des qualités exceptionnelles de gestionnaire et de chef? Êtes-vous doté des capacités requises pour constituer et diriger des équipes, et créer un environnement de travail stimulant? Le Département de la gestion cherche un directeur dynamique et expérimenté pour diriger sa Division de la planification des programmes et du budget. Le/la titulaire sera chargé(e) d’élaborer et de présenter aux organes délibérants l’esquisse budgétaire de l’ONU, ainsi que les budgets-programmes biennaux et le cadre stratégique. Il/elle formulera aussi les politiques liées au contrôle budgétaire, ainsi que les mesures administratives visant à assurer l’application des principes d’efficacité et d’économie dans l’utilisation des ressources disponibles pour l’exécution des programmes; il/elle définira de surcroît les politiques et procédures de planification des programmes et de budgétisation axée sur les résultats. Formation: Maîtrise (ou équivalent) en sciences sociales, finance, hautes études commerciales ou gestion, ou autre domaine connexe. Expérience professionnelle: Au moins 15 années d’expérience à des niveaux de responsabilité croissants dans les domaines de la gestion financière, de la budgétisation, de l’administration ou du commerce dans les institutions multiculturelles, ainsi que dans celui de la planification et de l’analyse des programmes et budgets; expérience directe de l’environnement financier du secteur public. Vaste expérience des procédures et de l’appareil législatifs, ainsi que des politiques et pratiques budgétaires et des règlements financiers et règles de gestion financière. Les candidatures féminines sont fortement encouragées. Pour plus d’informations sur ce poste, rendez-vous sur http://careers.un.org/jobopenings. JEUNE AFRIQUE
N° 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
Recrutement
carrières Nations Unies
142
Annonces classées
Les offres de la semaine de Michael Page Africa Le spécialiste du recrutement sur l’Afrique Secteur Minier
Directeur(trice) des Ressources Humaines Afrique de l'Ouest ◆ H/F ◆ 140 K€ net Réf. : QIRO 581611
Grande Consommation
Directeur(trice) Général Lagos (Nigeria) ◆ H/F ◆ US$150K Réf. : QBKA 570038
Recrutement
Retrouvez les détails de ces postes et postulez en ligne sur www.michaelpageafrica.com
Président
Open Society Foundations, organisation mondiale à caractère non gouvernementale, opérant dans plus de 80 pays pour la valorisation du concept de Société Ouverte au travers l’avancement des droits de l’homme, de la justice, et de la société civile, recherche un leader visionnaire pour prendre sa direction. Open Society Foundations a été fondé par le philanthrope et financier George Soros. L’organisation est basée à New York, Londres et Budapest, et les fonds dégagés annuellement à travers le monde peuvent dépasser les $800 millions. La fondation souhaite recruter une personne énergique, innovatrice et indépendante, faisant preuve de largesse intellectuelle avec une expérience approfondie à l’international. Le candidat idéal devra fonctionner avec succès au sein de cultures et d’environnements variés et saura démontrer son engagement pour les valeurs du concept de Société Ouverte. Reportant au Conseil d’Administration et travaillant en étroite collaboration avec ce dernier et le fondateur de l’organisation, le Président est en charge de la mise en place des programmes et de la gestion des opérations de la fondation. Merci de nous faire parvenir toutes propositions de candidats ou une lettre de motivation et un curriculum vitae à: Search Committee / Open Society Foundations, c/o Mary Tydings, Russell Reynolds Associates, 1701 Pennsylvania Ave., Suite 400, Washington DC. 20006-5805 opensocietyfoundations@russellreynolds.com
N° 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
JEUNE AFRIQUE
Vous & nous
Le courrier des lecteurs Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.
De l’admiration à la déception Chaque fois que je lis les « Ce que je crois » de Béchir Ben Yahmed, je me demande toujours, admiratif, comment un cerveau humain peut être aussi lucide. Et cela depuis plus de cinquante ans ! Pourtant, hélas, ma toute première déception vient de votre analyse partisane de la crise ivoirienne. De sa genèse à son issue actuelle, je ne me suis jamais retrouvé dans vos analyses. La communauté internationale a réussi à désarmer l’armée nationale de Côte d’Ivoire en moins d’un mois, alors qu’elle n’a rien pu faire pendant neuf ans contre une rébellion issue d’un coup d’État. Est-il légal de contester une élection ? Est-il légal de recompter les bulletins de vote après la proclamation des résultats d’une élection ? Répondre objectivement à ces deux questions, c’est comprendre ceux qui défendent le combat de Gbagbo. J’ajoute que défendre n’est pas soutenir. Et je ne suis pas ivoirien. ● SALLY MBOUMBA MOUNZIEGOU, Port-Gentil, Gabon
Haro sur les zélateurs ! S’il y a une chose qui me navre et m’afflige particulièrement chez les zélateurs de Gbagbo, c’est leur
propension à s’arroger le droit de parler au nom des Ivoiriens, en se fondant sur des postulats complètement faux pour développer leurs pamphlets. Dans leur ardeur aveugle à défendre des thèses éculées telles que le « complot international contre la Côte d’Ivoire », l’« agression néocolonialiste », le « viol de la Constitution ivoirienne » et bien d’autres fadaises du même goût, ils oublient ou feignent d’ignorer quelques vérités simples. L’ONU ne s’est jamais invitée dans la crise ivoirienne ; c’est à la demande expresse des acteurs ivoiriens eux-mêmes, avec au premier chef Gbagbo, qu’elle a été chargée de la certification des élections. C’est grâce à un arrangement (anticonstitutionnel donc) de cette même ONU que Gbagbo, tout comme les députés, a conservé son mandat cinq ans au-delà de l’échéance normale, sans élection. Aucune des organisations nationales et internationales ayant observé les élections n’a évoqué dans son rapport des cas de fraudes massives et, a fortiori, de « viols de femmes » dans les bureaux de vote de la zone nord du pays. Le président du Conseil constitutionnel a perpétré un viol grossier et insensé du code électoral que l’ONU, en toute logique, n’a pas voulu entériner. À la lumière de ces
143
attendus, on voit aisément que toutes les jérémiades de pseudo-intellectuels panafricanistes ou souverainistes qui, depuis les bords de la Seine, jettent l’anathème sur ceux qui ont eu la générosité d’aider à mettre un coup d’arrêt aux massacres perpétrés par un dictateur sur son peuple ne peuvent être que dérisoires et pitoyables. ● YOUSSOUF KONÉ, Abidjan, Côte d’Ivoire
Une feuille de route pour Ouattara La Côte d’Ivoire a en priorité besoin d’un gouvernement efficace. Il est indéniable que Gbagbo ne pouvait pas tenir longtemps, car il avait affaire non pas à Ouattara, mais à la Françafrique. Le pot de terre contre le pot de fer. C’est le cas dans beaucoup de pays francophones d’Afrique. À preuve, la Françafrique, à travers l’ex-ministre française des Affaires étrangères Michèle AlliotMarie, a tenté d’envoyer un corps expéditionnaire pour maintenir Ben Ali au pouvoir en Tunisie. Ben Ali est tombé, et Ouattara est arrivé en Côte d’Ivoire. Une victoire au goût amer. À mon avis, il ne semble pas comprendre que la première priorité pour lui, c’est de redresser le pays. L’urgence pour lui et pour le peuple, ce n’est pas d’intenter un procès à Gbagbo et à son régime. Ce procès peut attendre parce que la véritable sanction contre Gbagbo ne peut provenir d’une « cour martiale ». Elle lui sera infligée par l’Histoire. ● GILBERT KOUASSI
COUP DE COLÈRE JE SUIS INDIGNÉE PAR le sort réservé aux immigrés tunisiens, et nous sommes nombreux dans ce cas. La plupart des Français ont applaudi à la révolution du Jasmin, et notre gouvernement, malgré un certain retard à l’allumage, l’a fait aussi. Ce qui implique logiquement la volonté d’encourager, d’aider laTunisie nouvelle. Il est évident qu’elle traverse une période difficile, que son économie souffre, et que le tourisme, sa première ressource, pâtit de la guerre en Libye. Si nous fermons brutalement nos frontières et expulsons ceux qui croient encore en la France comme terre d’asile, ne risque-t-on pas de susciter chez eux incompréhension, déception, voire vengeance ? L’humiliation est dangereuse. Notre pays a toujours assimilé des vagues successives JEUNE AFRIQUE
d’immigration : Russes, Arméniens, Polonais, Italiens… Alors, pourquoi cette frilosité soudaine ? D’autant que « la France compte parmi les pays européens où le pourcentage d’immigrés est le plus faible », selon Georges Lemaître, économiste, spécialiste des migrations à l’OCDE. Ce qui bat en brèche quelques idées reçues quant aux conséquences de l’immigration sur l’économie actuelle et future. Sur le simple plan humanitaire, il est désolant de voir des jeunes « parqués » et reconduits à la frontière, de façon brutale, bien qu’ils aient en main le sésame européen délivré par les autorités italiennes. Ce sont « les aléas de la politique », me direz-vous.Trop facile. ● MARIE-NOËLLE LONGERAY-NONIN N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
144
Vous nous
Tourner la page Près d’un mois après son arrestation, Gbagbo refuse d’appeler sincèrement et franchement ses derniers partisans à déposer les armes. Les Forces républicaines de Côte d’Ivoire viendront sans aucun doute à bout de cette résistance désespérée. Les miliciens et mercenaires libériens ont continué à semer la terreur dans certains quartiers de la commune de Yopougon, à Abidjan, alors que les Ivoiriens aspirent en ce moment à une vie paisible. Ces hommes doivent savoir et comprendre que dans toute chose il y a une fin. Leur champion a perdu l’élection et la guerre. Lors de son arrestation, il a supplié qu’on lui laisse la vie sauve. Aujourd’hui, il est détenu et respectueusement traité (il mange et dort bien, selon ses propres termes, tandis que des Ivoiriens meurent tous les jours par sa faute). Alors à quoi bon se faire tuer pour une cause à jamais perdue? Gbagbo ne reviendra pas au pouvoir. Je ne sais pas s’il le sait lui-même, mais toute tentative de déstabilisation du nouveau président et de son gouvernement entraînera de facto dans la seconde qui suit la « fin » de Gbagbo et de tous ses amis emprisonnés à travers le pays. Il faut que les anciens dirigeants comprennent qu’ils n’ont plus vraiment les cartes en main et que les temps ne sont plus aux petits calculs mesquins mais à la réconciliation de tous les Ivoiriens. Ils ont trop souffert. Notre pays veut s’en sortir, donnons-lui cette chance. ● SANOGO YANOURGA, Dugny, France
Attaques déplacées Cher Béchir Ben Yahmed, j’ai pris connaissance avec tristesse, en lisant le n° 2625 de J.A., des nouvelles attaques dont vous faites l’objet de la part du Canard enchaîné. Je le déplore d’autant plus que de telles affirmations n’ont pour seule finalité que de nuire à votre magazine et à son équipe qui, pourtant, fait un travail courageux et indispensable pour tous ceux qui s’intéressent à l’Afrique, à son avenir, et qui ont besoin d’informations sans complaisance sur le continent. De telles allégations sont d’autant N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
plus regrettables qu’elles ignorent ce que fut votre courage personnel visà-vis du gouvernement du président Bourguiba et celui du journal lorsque vous avez été injustement attaqué par la famille de celui-ci. Heureusement, la justice de la République avait reconnu votre bon droit. Je voudrais saluer, à cette occasion, l’indépendance d’esprit que vous manifestez par les brillants éditoriaux, les chroniques
et articles que vous publiez. Ils nous permettent, sans complaisance, de suivre l’évolution de l’Afrique. L’interview du président Kagamé, dans le même numéro, en constitue un excellent exemple. Vous avez bien fait de répondre à vos détracteurs comme ils le méritaient. Vos lecteurs vous encouragent et vous soutiennent. ● CLAUDE VAILLANT, AVOCAT À LA COUR, Paris, France
Tout sauf nègre ! LE 23 AVRIL DERNIER, Atsutsè Kokouvi Agbobli [AKA, historien, ancien collaborateur de J.A., NDLR) aurait fêté ses 70 ans. Cet anniversaire, nous l’avons célébré dans la résidence familiale de Lomé, fermée depuis l’assassinat de mon père. J’ai déposé mes bagages et mon cœur lourd dans ce lieu où la mort flirtait déjà avec la vie depuis le décès de ma mère, dix ans plus tôt. Leurs portraits m’ont accueillie, alors que des milliers de livres pleurent leur propriétaire. Dans la belle demeure, le temps s’est arrêté au 13 août 2008, jour à partir duquel mon père n’y a plus jamais remis les pieds, bouillonnant de grandes aspirations pour l’Afrique. Il y est revenu, certes, mais dans un cercueil, un mois plus tard, après qu’on l’eut fait taire à tout jamais. Et j’aurais dû y être préparée, me confiera une amie. « Tu es née d’un père brillant, un intellectuel visionnaire. Ce n’est pas le loto, tu n’avais pas une chance sur des millions d’être orpheline très tôt, mais une chance sur deux dans ces pays où les meilleurs sont lâchement éliminés. Tu ne penses pas ? » Mon silence marqua mon approbation. Je me remémorais mon enfance bohème, baignée de discussions à bâtons rompus sur l’Afrique, ses dirigeants qualifiés d’incompétents, le rôle des Occidentaux dans son déclin. De Paris à sa banlieue, de Libreville à Addis-Abeba, de Genève à Lomé, les logis de mes parents s’apparentaient à des tours de Babel où se tenaient des réunions politiques interminables. Alors, par réaction, je me suis orientée vers des études que je jugeais plus concrètes. Mon père se félicitait de ce choix jusqu’au jour où, après l’obtention de mon doctorat, il me conseilla de m’inscrire à Sciences Po. Ce que je ne fis pas, et qu’il regretta devant mon manque de culture générale. Je me félicitais d’avoir un père très instruit et informé, et l’admiration que lui portaient les autres égalait la fierté que j’avais qu’il fût mon père, ce qui m’offrait le luxe de ne pas chercher à me cultiver par moi-même mais de reprendre ses propos en soulignant avec orgueil qu’il en était l’auteur. Aujourd’hui, il manque à la scène politique panafricaine par ses analyses fines et précises, ses prises de position complexes et les controverses qui en découlent, au moment où des révolutions sortent le continent de sa torpeur. Mais à moi, il manque surtout en tant que père, comme ma mère me manque aussi en tant que mère attentionnée et affectueuse. Si tout était à refaire, même pour très peu de temps comme ce fut le cas, je donnerais tout l’or du monde pour avoir de nouveau les parents que la vie m’a offerts un soir de fin d’automne, saison préférée de ma mère où les amas de feuilles orangées réchauffent les trottoirs parisiens. Et même si, comme le souhaitait AKA devant le comportement de certains Noirs, ils ne renaissaient plus nègres, je les suivrais. Eh oui, il avait l’habitude de plaisanter en scandant qu’il aurait préféré renaître tout, tout, mais vraiment tout… sauf nègre ! ● DR AFI MURIEL AGBOBLI JEUNE AFRIQUE
Vous nous
ALDO AKPAKA, Cotonou, Bénin
Précision Une remarque sur l’encadré de la page 90 du J.A. no 26232624, intitulé « Sainte Afrique » : il y est dit que sœur Joséphine Bakhita « est entrée dans les ordres » ! Dans l’Église catholique, une femme entre dans la vie religieuse ou en religion, mais non dans les ordres, que sont le diaconat, le presbytérat et l’épiscopat (ordre des diacres, ordre des prêtres, ordre des évêques) ! Il suffisait de consulter un bon dictionnaire pour éviter cette erreur. PÈRE ÉLOI MESSI METOGO, OP, Institut catholique de Yaoundé, Cameroun
Réponse : Nous avons bien suivi votre suggestion et ouvert deux bons dictionnaires. Pour Le Nouveau Petit Robert 2010, entrer dans les ordres signifie « se faire moine, prêtre ou religieuse ». Il énumère quelques ordres : bénédictins, dominicains, jésuites et… carmélites. Le Petit Larousse illustré 2011 abonde dans le même sens : entrer dans les ordres, c’est « se faire prêtre, religieux ou religieuse ». TSHITENGE LUBABU M.K. JEUNE AFRIQUE
ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011
L’É TAT DE L’AF RIQU
A
FFRONTEMENTS À ABIDJAN, bombardements ts à Tripoli, mutinerie à Ouaga, attentat à Marrakech… … Rarement le bouclage de « L’État de l’Afrique » aura été té aussi acrobatique. Et jamais notre hors-série annuel el consacré au bilan politique, économique et social dess 53 pays du continent n’aura été nourri par une actualité aussi brûlante.
E 2011
LES (R)ÉVOLUTIONS D’UN CONTINENT POLITIQU E, ÉCON OMIE, SO CIAL Le classeme nt exclus if des 53 HEBDOM
ADAIRE
INTERNA TIONAL
e
L’ÉTAT L’AFRIQDE UE
2011
RIE N° 27
HOR S-SÉ
HS27p001INT ER.indd 1
pays afri cains
INDÉPEN DANT • CÔTE D’I 51 anné VOIRE e • HO RS-SÉR La réconc ALIMEN IE N° 27 iliation TATION jeuneafr est-elle MONDE ique.com possible? Des prix sous très hau RÉSEAU ARABE te tensio X n Le gra nd réveil SOCIAUX Contesta tion onl ine
Pour mieux couvrir ce déferlement d’informations Toutes et surtout pour en décrypter la portée, nous avons les clés les (r)év pour compren olutions dr du cont e choisi de remanier cette publication. Ainsi, pour inent l’édition 2011, les enquêtes réalisées par notre rédaction se répartissent en deux sections. La première, consacrée aux événements, revient sur JEUNE AFRIQUE l’actualité politique des mois écoulés et ouvre des HORS-SÉRIE N° 27, L’ÉTAT DE L’AFRIQUE 2011, perspectives pour les pays concernés, qu’il s’agisse 180 pages, 7, 90 euros. du réveil du monde arabe, de la difficile réconciliation de la Côte d’Ivoire avec elle-même ou de la scission du Soudan en deux États. La seconde, consacrée aux tendances économiques, sociales et culturelles qui touchent le continent, analyse les phénomènes de fond, de l’émergence des classes moyennes aux affrontements interreligieux, en passant par la hausse des prix des denrées alimentaires, la lutte contre le palu ou l’éclosion des télés privées au Maghreb. JEUN E AFR IQUE
L’Afrique post-Gbagbo En Afrique, les élections truquées et organisées de l’extérieur finissent par des contestations. Le perdant se plie à la décision d’une cour dont on sait la nature et la fonction. La partialité de l’UA dans le cas ivoirien, due à sa triste dépendance de l’Occident, coûtera cher aux Africains. Son siège en partie financé par les Allemands en est l’exemple honteux. Ce jeu se gagne grâce aux soutiens, notamment, des Occidentaux. Notre conception du pouvoir débouchera sur un chaos. Nous comprendrons encore mieux Gbagbo quand les soldats français et onusiens tireront sur des Gabonais, des Tchadiens, des Sénégalais… La dépendance est l’ennemi éternel de la raison, de la justice et du progrès. ●
145
Avec les
contribu
• Jean Ping
ÉDITION
tions de
• Mo Ibra him • Souhay r Belhass en • Cheikh Hamidou Kane • Jeffrey D. Sachs
INTE
:
• Thabo Mbeki • Stéphan e Hessel • Graça Machel • Mahama t-Sa
RNATIONA leh Har France 7,90€ • Dov Zera LE oun • Algérie Espagne 400DA • h 9€ • ÉtatsAllemagne Unis 13,90$ 9€ • Autric Pays-Bas US • he 9€ • 9 € • Portug Belgique al 9 € • Royau Éthiopie 110Bir 9€ • Canad r • Finlan me-Uni de 9€ • a 12,90$ 8,50£ • Grèce 9€ CAN • Danem Suisse 15FS • Italie 9€ ark 70DK • Tunisie • Maroc • DOM 9 8DT • Zone 50 DH • €• Mauritanie CFA 4800 F CFA • 2500MRO ISSN 0021 • 6089
Afin d’enrichir ces analyses et de donner aux lecteurs des clés supplémentaires pour alimenter leur réflexion, un certain nombre de personnalités réagissent aux grandes mutations en cours. À l’instar de l’écrivain marocain Fouad Laroui ou du milliardaire soudanais Mo Ibrahim, l’ancien diplomate français Stéphane Hessel nous a donné son sentiment sur le printemps arabe. Pour ce qui est des crises subsahariennes, l’ancien président sud-africain Thabo Mbeki signe une tribune sur la situation du Soudan, dont le Nord se séparera du Sud le 9 juillet prochain, dans laquelle il émet le souhait que la création du 54e État africain soit un exemple pour le continent. Quant à la Côte d’Ivoire, alors que le géographe Christian Bouquet stigmatise la duplicité du « boulanger » Laurent Gbagbo, laTunisienne Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH, souligne pour sa part le rôle majeur joué par la Cour pénale internationale en matière de la lutte contre l’impunité, et espère la voir intervenir dans le dossier ivoirien. Enfin, l’écrivain Cheikh Hamidou Kane réagit aux ravages provoqués par les discours de haine tenus par les politiciens contemporains, à la différence des Anciens. Il revient ainsi sur l’exemple de cet empereur qui, au XIIIe siècle, substitua l’unité à la division en codifiant et promulguant en lois les principes élaborés au long des siècles dans la société mandingue. Pour l’auteur de L’Aventure ambiguë, « Sundjata Keita a été un précurseur et un modèle dont devraient s’inspirer les dirigeants actuels de l’Afrique. » ● ZOÉ SUAREZ
MONDE ARABE LE GRAND RÉVEIL CÔTE D’IVOIRE APRÈS LE CHAOS TENDANCES PALMARÈS 2011 LES 53 PAYS AU CRIBLE CLASSEMENT EXCLUSIF N o 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL POLITIQUE, ÉCONOMIE, CULTURE
146
Post-scriptum Fouad Laroui
Fondé à Tunis le 17 oct. 1960 par Béchir Ben Yahmed (51e année) Édité par SIFIJA Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS Tél. : 01 44 30 19 60 ; Télécopieurs : rédaction 01 45 20 09 69 ; ventes : 01 45 20 09 67 ; Courriel : redaction@jeuneafrique.com DIRECTION Directeur de la publication : BÉCHIR BEN YAHMED (bby@jeuneafrique.com) Directeur général : Danielle Ben Yahmed Vice-présidents: Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed Actionnaire principal : Béchir Ben Yahmed
La vraie vérité, juré-craché
RÉDACTION Directeur de la rédaction : François Soudan (f.soudan@jeuneafrique.com) Directeurs exécutifs : Marwane Ben Yahmed (mby@jeuneafrique.com), Amir Ben Yahmed (aby@jeuneafrique.com)
I
L Y A DEUX SEMAINES, on aurait pu ouvrir un concours de la version la plus délirante de la mort de Ben Laden. Voici quelques perles relevées ici et là. Pour un quotidien yéménite, Ben Laden n’est pas mort, il est au secret dans une cellule aménagée dans les sous-sols de la CIA où on l’interroge sans relâche. Un site internet basé en Jordanie affirme que ces interrogatoires sont menés par des enquêtrices court vêtues pour mieux démoraliser mister terroriste numbère ouane. Pourquoi s’arrêter là ? Je lance ma propre version : Ben Laden est cuisiné par Shakira elle-même. Après tout, elle baragouine quelques mots d’arabe. Un site égyptien affirme que Ben Laden a été remis aux Russes. Poutine était agent du KGB à l’époque de l’invasion de l’Afghanistan par les Soviétiques et il y a encore deux ou trois choses qu’il tient à savoir sur l’implication de Ben Laden dans cette guerre. Élaborons : il le fera ensuite dévorer par des babouchkas dont les enfants ne sont pas revenus d’Afghanistan.
Un site koweïtien estime que Ben Laden n’a pas été enterré en mer – ou doit-on dire qu’il a été enmerri ? Ou peut-être enmerré ? Quoi qu’il en soit, Ben Laden n’a pas été volontairement ondoyé (c’est plus joli) par les Américains, non, il leur a glissé entre les mains, comme une savonnette, alors qu’il était suspendu au-dessus des flots par des marines juchés dans un hélicoptère. L’idée était de lui faire peur pour l’obliger à parler. Mais pfuiiii ! Oups ! L’a glissé, le monsieur ! Que voilà une fin peu glorieuse pour l’ennemi public numéro 1. Et maintenant (roulement de tambour) il est temps d’attribuer la Palme d’or de la théorie du complot la plus impudente, la plus confondante, etc. Ran-tan-plan ! Le dingo le plus dingo n’est pas un Arabe, ô surprise, il est français. Il s’agit de l’inénarrable Thierry Meyssan, auteur de L’Effroyable imposture, un livre qui était effectivement une effroyable imposture puisqu’il affirmait que le 11 septembre 2001 avait été monté de toutes pièces par « le complexe militaro-industriel » américain. Aujourd’hui Meyssan prétend que les Américains n’ont pas tué Ben Laden il y a deux semaines, mais dès 2001. Pourquoi annoncer sa mort maintenant ? Pour booster Obama dans les sondages et assurer son élection. En d’autres termes, un démocrate va récolter le fruit d’une conspiration de républicains. Nous sommes censés croire cela ? Eh bien oui, nous le croirons. Le monde arabe n’est pas qu’un gigantesque gisement de pétrole, c’est aussi un immense réservoir de crédulité… Vous voulez savoir la vérité sur la mort de Ben Laden ? Eh bien, c’est Thierry Meyssan lui-même qui l’a étranglé en 2003 dans un hammam de Marrakech. Je n’ai pas de preuve ? Et alors ? Vous avez déjà vu l’ombre du commencement d’une preuve chez un adepte de la théorie du complot ? ●
Rédactrice en chef déléguée : Élise Colette (e.colette@jeuneafrique.com) Rédacteur en chef technique : Laurent Giraud-Coudière Directeur artistique : Zigor Hernandorena Conseillers de la direction de la rédaction : Hamid Barrada, Abdelaziz Barrouhi (à Tunis), Aldo de Silva, Dominique Mataillet, Renaud de Rochebrune Secrétariat : Chantal Lossou, Joëlle Bouzignac Chefs de section : Joséphine Dedet (La semaine de J.A.), Philippe Perdrix (Grand angle), Anne Kappès-Grangé (Afrique subsaharienne), Tarek Moussa (Maghreb & Moyen-Orient), Jean-Michel Aubriet (Europe, Amériques, Asie), Cécile Manciaux (Le Plus de J.A.), Jean-Michel Meyer (Économie), Séverine Kodjo-Grandvaux (Culture & médias), Tshitenge Lubabu M.K. (Vous & nous) Rédaction: Pascal Airault, Stéphane Ballong, Tirthankar Chanda, Julien Clémençot, Constance Desloire, Georges Dougueli, Christophe Le Bec, Nicolas Marmié (à Rabat), Nicolas Michel, Fabien Mollon, Pierre-François Naudé, Ophélie Négros, Cherif Ouazani, Michael Pauron, Laurent de Saint Périer, Leïla Slimani, Justine Spiegel, Cécile Sow (à Dakar), Marie Villacèque, Fawzia Zouari; collaborateurs: Edmond Bertrand, Christophe Boisbouvier, Muriel Devey, André Lewin, Patrick Seale, Cheikh Yérim Seck; accords spéciaux: Financial Times RÉALISATION Maquette: Émeric Thérond (conception graphique, premier maquettiste), Christophe Chauvin, Stéphanie Creuzé, Valérie Olivier; révision: Nathalie Bedjoudjou (chef de service), Vladimir Pol; fabrication: Philippe Martin (chef de service), Christian Kasongo; service photo: Dan Torres (directrice photo), Nathalie Clavé, Vincent Fournier, Claire Vattebled; documentation: Anita Corthier (chef de service), Sylvie Fournier, Florence Turenne, Angéline Veyret JEUNEAFRIQUE.COM Responsable éditoriale : Élise Colette, avec Pierre-François Naudé ; responsable web : Jean-Marie Miny ; rédaction et studio : Cristina Bautista, Haikel Ben Hmida, Pierre Boisselet, Maxime Pierdet, Lauranne Provenzano VENTES ET ABONNEMENTS Directeur marketing et diffusion : Philippe Saül ; marketing et communication : Patrick Ifonge ; ventes au numéro : Sandra Drouet, Caroline Rousseau ; abonnements : Vanessa Sumyuen avec: COM&COM, Groupe Jeune Afrique 18-20, avenue Édouard-Herriot, 92350 Le PlessisRobinson. Tél. : 33 1 40 94 22 22 ; Fax : 33 1 40 94 22 32. E-mail : jeuneafrique@cometcom.fr ●
COMMUNICATION ET PUBLICITÉ
DIFCOM
AGENCE INTERNATIONALE POUR LA DIFFUSION DE LA COMMUNICATION
S.A. au capital de 3 millions d’euros – Régie publicitaire centrale de SIFIJA 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 Paris Tél. : 01 44 30 19 60 Fax : 01 45 20 08 23/01 44 30 19 86. Courriel : difcom@jeuneafrique.com
Président-directeur général : Danielle Ben Yahmed ; directeur général adjoint : Amir Ben Yahmed ; direction centrale : Christine Duclos ; secrétariat : Chantal Bouillet ; gestion et recouvrement : Pascaline Brémond ; service technique et administratif : Chrystel Carrière, Mohamed Diaf RÉGIES Directeur de publicité : Florian Serfaty avec Catherine Weliachew (directrice de clientèle), Sophie Arnould et Myriam Bouchet (chefs de publicité), assistés de Patricia Malhaire ; annonces classées : Fabienne Lefebvre, assistée de Sylvie Largillière COMMUNICATION ET RELATIONS EXTÉRIEURES Directeur général : Danielle Ben Yahmed ; directrice adjointe : Myriam Karbal ; chargés de mission : Balla Moussa Keita, Nisrine Batata REPRÉSENTATIONS EXTÉRIEURES MAROC SIFIJA, NABILA BERRADA. Centre commercial Paranfa, Aïn Diab, Casablanca. Tél. : (212) (5) 22 39 04 54 Fax : (212) (5) 22 39 07 16. TUNISIE SAPCOM, M. ABOUDI. 15-17, rue du 18-Janvier-1952, 1001 Tunis. Tél. : (216) 71 331 244 ; Fax : (216) 71 353 522. SOCIÉTÉ INTERNATIONALE DE FINANCEMENT ET D’INVESTISSEMENT
S.C.A. au capital de 15 000 000 euros Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS | RCS PARIS B 784 683 484 TVA : FR47 784 683 484 000 25
Gérant commandité: Béchir Ben Yahmed; vice-présidents: Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed Directeur général adjoint: Jean-Baptiste Aubriot; secrétariat: Dominique Rouillon;contrôle de gestion: Sandrine Razafindrazaka; finances, comptabilité: Monique Éverard et Fatiha Maloum-Abtouche; juridique, administration et ressources humaines: Sylvie Vogel, avec Karine Deniau (services généraux) et Delphine Eyraud (ressources humaines); Club des actionnaires: Dominique Rouillon IMPRIMEUR SIEP - FRANCE. COMMISSION PARITAIRE: 1011C80822. DÉPÔT LÉGAL: MAI 2011. ISSN 1950-1285.
N O 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011
JEUNE AFRIQUE
ISBN 978-2-86950-461-5 ISBN 978-2-86950-443-1
ISBN 978-2-86950-451-6
ISBN 978-2-86950-452-3
ISBN 978-2-86950-447-9
ISBN 978-2-86950-464-6
ISBN 978-2-86950-435-6
ISBN 978-2-8650-419-6
ISBN 978-2-86950-425-7
ISBN 978-2-86950-445-5
LA COLLECTION
AUJOURD’HUI
© PHOTO : R. VAN DER MEEREN / LES ÉDITIONS DU JAGUAR
ISBN 978-2-86950-415-8
Pour s’informer, découvrir et rêver…
ISBN 978-2-86950-433-2
ISBN 978-2-86950-408-0
ISBN 978-2-86950-423-3
ISBN 978-2-86950-424-0
PRIX DE L’OUVRAGE : 25 € 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris, France - Tél. +33 (0) 1 44 30 19 70 - Fax : +33 (0) 1 44 30 19 79 - E-mail : jaguar@jeuneafrique.com
Commandez en ligne : www.laboutiquejeuneafrique.com
DIFFUSEURS : EDITOUR (France) tél. +33 (0) 4 75 96 17 00 - LARC (Belgique) tél. +32 24 78 80 03 - OLF (Suisse) tél. + 41 26 467 51 11 - ULYSSE (Canada) tél. +1 514 843 9882 poste 2232.
Présent dans plus de pays africains qu’aucune autre banque, le groupe Ecobank offre à ses clients une connaissance inégalée du continent ainsi que l’expertise d’une banque de détail, commerciale et d’investissement, avec une prise en charge des opérations de change, de gestion de trésorerie et de financement.
Expert de l’Afrique Présent dans plus de pays africains qu’aucune autre banque au monde Bénin • Burkina Faso • Burundi • Cameroun • Cap-Vert • Congo (Brazzaville) • Congo (République Démocratique) Côte d’Ivoire • Gabon • Gambie • Ghana • Guinée • Guinée-Bissau • Kenya • Libéria • Malawi • Mali • Niger Nigéria • Ouganda • République Centrafricaine • Rwanda • São Tomé e Príncipe • Sénégal • Sierra Leone Tanzanie • Tchad • Togo • Zambie • Zimbabwé Présence internationale : Dubaï • Johannesburg • Paris
www.ecobank.com