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SYRIE LA CHUTE DE LA MAISON ASSAD

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 51e année • N° 2628 • du 22 au 28 mai 2011

CAMEROUN TENSIONS PRÉÉLECTORALES

jeuneafrique.com

FRANCE

AUTO À QUAND DES USINES AFRICAINES ?

DSK, LE CRASH

Spécial 12 pages

ALPHA CONDÉ

« Ceux qui ont pillé la Guinée vont en payer le prix » Une interview exclusive du chef de l’État

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Ce que je crois BÉCHIR BEN YAHMED • bby@jeuneafrique.com

SAMEDI 21 MAI

« L’affaire DSK »

J

e ne sais pas si j’ai raison de consacrer cette livraison de Ce que je crois à une affaire aussi particulière, et pour tout dire scabreuse. Mais, depuis qu’elle a éclaté il y a une semaine, elle a été à la une des médias, au centre des conversations dans le monde entier et a fait l’effet d’un coup de tonnerre. À ce jour, on n’en connaît que des versions partielles et contradictoires et, tout l’indique, bien des rebondissements sont encore devant nous. J’ai donc pensé que je me devais de vous en dire, à mon tour et à ce stade, ce que j’en sais et ce que j’en pense. ■

On l’appelle « l’affaire Dominique Strauss-Kahn »ou, pour faire plus court, « l’affaire DSK ». Elle a pour protagoniste un homme et une femme. Lui a 62 ans. Il est riche, célèbre et comblé. Homme politique français de premier plan et l’une des personnalités les plus en vue du Parti socialiste, il a été choisi, en novembre 2007, pour être le directeur général du Fonds monétaire international (FMI). Cette haute fonction, il l’a exercée avec brio; la crise économique mondiale ayant donné au FMI un rôle crucial, son directeur général est devenu l’alter ego des plus grands dirigeants de la planète. C’est donc en pleine gloire que DSK s’apprêtait à quitter volontairement sa prestigieuse fonction internationale pour devenir, possiblement, voire probablement, dans un an, le président élu d’une grande puissance: la France… ■

Elle n’a que 32 ans. C’est une Guinéenne musulmane arrivée aux États-Unis en 1998 et qui travaille à l’hôtel Sofitel de New York depuis trois ans comme femme de chambre. Sonnomn’estsansdoutejamaisapparudansaucunjournal avant ce 14 mai où son destin a lui aussi basculé. Nafissatou Diallo, dite « Ophelia », a fait irruption dans l’actualité en osant accuser DSK, qu’elle ne connaissait pas auparavant, de l’avoir séquestrée dans la suite 2805/06 qu’il occupait, de l’avoir agressée sexuellement et même violée. Elle était entrée dans cette suite vers midi pour la nettoyer, la croyant libérée par son occupant. La police et la justice new-yorkaises l’ont crue et ont JEUNE AFRIQUE

arrêté DSK au milieu de l’après-midi dans l’avion où il avait pris place pour quitter les États-Unis et se rendre à Paris. Ils l’ont inculpé d’une série de chefs d’accusation graves et infamants, qui l’exposent à plusieurs dizaines d’années de prison, et l’ont traité, aux yeux du monde entier, comme si sa culpabilité était établie, lui refusant même, dans un premier temps, avant de l’accepter, la liberté provisoire, quelles que soient la caution et les garanties proposées par ses défenseurs. ■

Cesamedi 14maiauradonc étépourDominiqueStraussKahn une journée fatidique, celle de la chute la plus vertigineuse qu’on puisse imaginer: de l’étage sociopolitique le plus élevé au sous-sol. Directeur général du FMI, en route pour la présidence de la République française jusqu’au milieu de l’après-midi, arrêté par la police new-yorkaise vers 16h30, considéré par elle comme un criminel en fuite intercepté de justesse, il a été écroué et promis, le soir même, à l’incarcération à vie. Il a donc fini la journée en détenu. Conscients de l’avoir conduit au désespoir le plus noir, ses geôliers ont estimé qu’il pourrait songer à se suicider. Et ont pris toutes les dispositions pour l’en empêcher. ■

DSK a choisi de plaider non coupable et ses défenseurs ont tenté de convaincre la police et la justice new-yorkaises de la véracité de ses dires, lui recherchant ici un alibi (« il avait déjà quitté l’hôtel »), là un argument massue (« il n’y a ni agression ni viol puisqu’elle était consentante »). Le 18 mai, lorsqu’il a dû démissionner pour permettre au FMI de le remplacer, DSK a réitéré haut et fort, sur le conseil de ses avocats, qu’il était totalement innocent de ce dont on l’accusait: « Je réfute avec la plus extrême fermeté tout ce qui m’est reproché », a-t-il écrit. Mais son comportement depuis la minute où la police l’a extrait de l’avion n’est pas celui de la victime d’une méprise policière ou d’une erreur judiciaire. L’homme que les télévisions ont montré n’était ni révolté ou indigné par une injustice, ni combatif. Il était abattu et résigné. Ceux et celles qui le connaissent sans être aveuglés par N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011


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Ce que je crois l’amitié ou l’amour savent que sa brillanteintelligence cache mal un manque de volonté et une fragilité certaine. On l’a vu, au fil du temps, prendre beaucoup de kilos, en perdre pour en reprendre: il ne résiste pas à la bonne chère, est incapable de s’astreindre à un régime et de s’y tenir. Les dérapages sexuels? On lui en connaît beaucoup, qui ont été jusqu’ici contrôlés ou étouffés. On parle d’« addiction au sexe, de penchants pathologiques » nécessitant des soins médicaux et l’on en arrive, après cette affaire qui semble être une grave récidive, à se demander pourquoi ses proches ne l’ont pas persuadé qu’il devait impérativement se soigner. Laisse-t-on au volant d’une voiture puissante et rapide un conducteur imprudent qui représente un danger pour lui-même et pour les autres? ■

On a reproché, surtout en France, à la police et à la justice new-yorkaises leur sévérité excessive à l’égard de DSK: elles n’ont pas tenu compte de son titre et de sa personnalité, n’ont pas supposé qu’il pouvait être innocent. C’est exact mais, ce faisant, elles se sont montrées fidèles à leur réputation d’être plus sévères avec les riches et les puissants qu’avec les démunis et les plus faibles. Je trouve, pour ma part, que c’est très bien ainsi. Et me demande même si cette affaire aurait éclaté avec la même rapidité et la même intensité dans une autre ville ou un autre pays. N’aurait-elle pas risqué partout ailleurs, sauf

peut-être dans les pays scandinaves, d’être étouffée ou traitée en catimini? ■

Même à New York, il faut s’attendre à ce que, dans les prochains jours, la défense de DSK passe à l’offensive et obtienne des résultats. Elle a d’ores et déjà obtenu, le 19 mai, sa libération sous caution grâce aux garanties importantes qu’elle a proposées. Plus tard, contre monnaie sonnante et trébuchante, elle conclura une entente avec la pauvre Nafissatou Diallo, qui devra atténuer ce qu’elle a soutenu pour que la peine de DSK soit réduite. Mais d’ici là, il est inculpé: la justice a retenu contre lui tout ce dont Nafissatou l’accuse et que la police a vérifié. Les conditions humiliantes et coûteuses qu’il a dû accepter pour sortir de prison sont celles-là mêmes infligées à Bernard Madoff. Etildevra,danslesprochainessemaines,pouréviterleprocès, changer sa tactique de défense et plaider coupable. ■

Conclusion: à la fin des fins, il reste que, aux États-Unis plus qu’ailleurs, de bons avocats et beaucoup d’argent permettent d’obtenir des résultats spectaculaires. La carrière de DSK est très probablement terminée. Mais il ne sera pas jugé et, par conséquent, ne retournera pas en prison. Espérons, pour lui et pour nous, qu’il se résoudra ou qu’on l’obligera à se soigner. ●

Humour, saillies et sagesse Pour vous faire sourire, grincer des dents – ou réfléchir –, ici, chaque semaine, une sélection subjective, la mienne, de ce qui a été dit ou écrit au cours des siècles par des hommes et des femmes qui avaient des choses intéressantes ou drôles à nous dire. B.B.Y. Ð La volonté est aveugle, la douleur myope. Ernst Jünger Ð La colère est comme l’alcool : à petites doses et de temps en temps, cela peu rendre service. Robert Escarpit Ð Plus on avance dans l’exploration de l’homme, moins on lui trouve de raisons d’exister. André Frossard Ð Ce qu’on appelle philosophie, je l’appelle littérature ; ce qu’on appelle littérature, je l’appelle journalisme ; ce qu’on appelle journalisme, je l’appelle ragot ; et ce qu’on appelle ragot, je l’appelle, généreusement, voyeurisme. Nassim Nicholas Taleb

N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

Ð Le poisson ne devient méfiant que lorsqu’il est déjà pris dans le filet. Proverbe africain Ð Les économies, c’est très bien, surtout si vos parents les ont faites pour vous. Winston Churchill Ð Multiple est le mensonge, une est la vérité. Sagesse berbère Ð Une belle femme plaît aux yeux, une bonne femme plaît au cœur ; l’une est un bijou, l’autre un trésor. Napoléon Bonaparte Ð Si tu mélanges toutes les races, tu vas obtenir quoi ? Un Noir qui mange du couscous avec des baguettes en buvant du vin rouge ! Brèves de comptoir

Ð Mieux vaut étudier que jeûner tout un jour et veiller toute une nuit pour méditer. Confucius Ð Les alentours de la trentaine, c’est un âge critique pour un homme, celui où l’on fait les grosses bêtises, ou plutôt l’âge où les bêtises que l’on fait commencent à être irrémédiables. Jean Dutourd Ð Il n’est d’époux parfait que celui d’une veuve. Émile Augier Ð Que la douceur de l’amitié soit faite de rires et de plaisirs partagés. Khalil Gibran

JEUNE AFRIQUE


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Éditorial François Soudan

Dr Barack et Mr Dominique

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ARACK OBAMA ET OUSSAMA BEN LADEN se sont tous deux adressés, en ce jeudi 19 mai, au même public. Le premier in vivo et en direct depuis le département d’État à Washington, le second dans un message audio posthume enregistré deux semaines avant sa mort, mais diffusé le même jour par Al-Qaïda. Devinette: lequel des deux a dit, martial: « La répression échouera, les tyrans tomberont, la nuit doit finir »? Et lequel des deux, nettement plus poétique: « Les vents du changement vont souffler sur l’ensemble du monde musulman » ? La rhétorique usuelle voudrait que la première phrase émane du chef terroriste défunt et la seconde du 44e président des États-Unis. Erreur: c’est l’inverse. La comparaison s’arrête là bien sûr puisque, tout à sa volonté de replacer l’Amérique du bon côté de l’Histoire dans une région où ses intérêts ont toujours primé sur ses valeurs, Barack Obama ne cherchait évidemment pas à employer un vocabulaire que n’aurait pas renié le reclus d’Abbottabad. Outre cet anecdotique glissement sémantique, ce discours au monde arabe annoncé comme majeur est de la même trempe que ceux prononcés habituellement par son auteur, lequel déçoit rarement en la matière. Obama a certes plus de bonnes intentions que de dollars à dispenser, et l’exercice d’équilibrisme dans lequel il excelle quel que soit le sujet le rattrape à chaque paragraphe, mais l’essentiel est dit. Aux chefs d’État arabes: sachez que les réformes démocratiques sont (avec les approvisionnements en pétrole) la nouvelle priorité américaine de Rabat à Dubaï. À Benjamin Netanyahou: ne croyez pas que le soutien des États-Unis à Israël soit inconditionnel, donc indéfini. À tous: apprêtez-vous à changer, ou à être changés (lire pp. 10-12).

PS : si une telle affaire avait mis aux prises en Afrique un puissant et une femme de chambre, que se serait-il passé ? Poser la question c’est, hélas, y répondre… N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

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CAMEROUN LES NERFS À FLEUR DE PEAU À cinq mois de l’élection présidentielle, Paul Biya laisse planer le mystère sur sa candidature. En attendant, le pouvoir fait feu de tout bois pour juguler la grogne sociale.

PHOTOS DE COUVERTURES : SHANNON STAPLETON/REUTERS ; VINCENT FOURNIER/J.A. ; ABD RABBO/SIPA

Familier des références historiques, Barack Obama a comparé le « printemps arabe » à la révolution américaine et convoqué pour ce faire les mânes de son lointain prédécesseur, le très éclairé Thomas Jefferson. Celui-là même qui, si l’on en croit la cover story décapante du dernier numéro de Time (« Sexe, mensonge, arrogance: qu’est-ce qui pousse les hommes puissants à se comporter comme des porcs »), n’hésita pas à engrosser à six reprises l’une de ses esclaves noires en se passant, est-il besoin de le préciser, du consentement de la victime puisqu’elle était noire et esclave. Comme pour Ben Laden, il ne s’agit là évidemment que d’une pure coïncidence. Ni Obama ni personne n’auraient pu imaginer que ce discours allait cohabiter avec les miasmes de l’affaire Strauss-Kahn, de sa présumée victime noire et de leur extraordinaire exposition médiatique. L’ex-patron du FMI, candidat plus que probable à l’Élysée, redoutait que ses adversaires ne cherchent à l’attaquer sur trois fronts: la judaïté, les femmes et l’argent. Il n’avait pas tort en ce qui concerne les femmes et ce sentiment d’impunité érotisante que procurent le pouvoir et la richesse. Mais sans doute ignorait-il qu’il n’avait de pire adversaire que lui-même.

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DIPLOMATIE OBAMA FACE AU « PRINTEMPS ARABE » Deux ans après le discours du Caire, le président américain relance la politique des États-Unis au Moyen-Orient et au Maghreb.

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Ce que je crois Par Béchir Ben Yahmed Confidentiel

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L A SEM A IN E D E J EU N E A F RIQ U E

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Diplomatie Obama face au « printemps arabe » Tour du monde Libye Les mystères de Tripoli Centrafrique François la voix d’or Cannes 2011 Le port de l’angoisse Afrique du Sud L’ANC en pente douce UPM Et si c’était lui ? Nabil al-Arabi Quand la Ligue arabe s’éveillera Guinée-Bissau Lucinda a craqué

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G RA N D A N G L E

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Guinée La grande interview d’Alpha Condé

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A F RIQ U E SU BSA H A RIEN N E

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Cameroun Les nerfs à fleur de peau Coopération Un Letton en Afrique Éthiopie Zenawi, seul maître à bord Tribune Le Rwanda face à l’impossible présomption d’innocence JEUNE AFRIQUE


Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs

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ALPHA CONDÉ

« Pendant cinquante ans, je me suis battu pour la démocratie. Qui oserait me donner des leçons? » GRAND ANGLE Interview exclusive du chef de l’État

74 AUTOMOBILE À QUAND DES USINES AFRICAINES? • Location : franchise et concessions • Le marché tunisien s’émancipe • Occasion : la limite d’âge en question Spécial 12 pages

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SYRIE LA CHUTE DE LA MAISON ASSAD La répression sanglante de la contestation a attisé la colère d’un peuple déterminé à en finir avec un régime au pouvoir depuis plus de quarante ans. Enquête.

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DSK, LA DÉCHÉANCE EN QUELQUES MINUTES, Dominique Strauss-Kahn, l’ex-directeur général du FMI, a tout perdu. Pour une sordide histoire dans un hôtel new-yorkais.

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Niger La nouvelle vie de Tandja Confidences de Ngozi Okonjo-Iweala Togo L’adieu à Akitani

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MAGHREB & M OYE N - O R I E N T

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Syrie La chute de la maison Assad Tribune Tunisie : du faux départ à la contre-révolution Tunisie Kaddafi, Aqmi : la double menace Algérie Un binôme pour les réformes Égypte Amr Moussa en pole position

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EUROPE, AMÉR I Q U E S, ASIE

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France DSK, la déchéance Cuba Raúl, l’in-Fidel Singapour Les adieux du vieux lion Parcours Ben Marc Diendéré, l’efficacité payante Allemagne Revoilà les plombiers polonais !

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ÉCON OMIE

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Éthique Les multinationales ont-elles changé ? Zambie Glencore exploite le filon de l’évasion fiscale Hôtellerie Azalaï ajoute une étoile sur sa carte

JEUNE AFRIQUE

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INTERVIEW RAY LEMA À l’occasion de la sortie de son nouvel album, le pianiste revient sur sa musique, la France et la RD Congo, où il ne s’est pas rendu depuis plus de trente ans… Sans complaisance.

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Algérie Les télécoms souffrent en attendant l’internet mobile Électronique Samsung vise l’Afrique Télécoms Alcatel-Lucent renoue les fils du succès Analyse Embellie européenne Réseaux Reda El Mejjad connecte les entreprises Cameroun Olivier Leloustre, hyperactif du web Valeurs pétrolières Les juniors s’affirment Baromètre

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D O SSIER

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Automobile À quand des usines africaines ?

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C U LT U RE & M ÉD IA S

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Musique Les vérités de Ray Lema Médias Télésud : chronique d’une instabilité Portrait Dans la peau de Rachida Dati Cinéma La Croisette sur un air de révolution En vue La semaine culturelle de J.A.

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VOUS & NOUS Le courrier des lecteurs Post-scriptum N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

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ABOU/LE SOLEIL

RD CONGO LA CIMENTERIE NATIONALE À VENDRE

ALI ZEÏDAN (À G.) ET MANSOUR SAIF AL-NASR (À DR.) reçus par le président sénégalais Abdoulaye Wade, le 18 mai.

LIBYE Rebelles cherchent reconnaissances africaines

À

QUELQUES JOURS du sommet extraordinaire de l’Union africaine sur la crise libyenne (à Addis-Abeba, les 25 et 26 mai) et à un mois du sommet ordinaire de l’organisation, la France et le Qatar multiplient les initiatives sur le continent pour obtenir des reconnaissances officielles du Conseil national de transition (CNT), le mouvement rebelle de Moustapha Abdeljalil. Dans la délégation venue de Benghazi qui a été reçue, le 18 mai à Dakar, par le président Abdoulaye Wade – lequel l’a qualifiée d’« opposition historique et légitime » – figuraient Mansour Saif al-Nasr, le chargé des relations avec la France du CNT, ainsi que, un peu en retrait, le philosophe Bernard-Henri Lévy, très proche sur ce dossier de Nicolas Sarkozy et qui a été aperçu en compagnie de Karim Wade. Autres pays discrètement contactés en ce sens, par la diplomatie qatarie cette fois : la Gambie, la Centrafrique et le Rwanda ● RD CONGO LA BATAILLE FAIT RAGE AU MLC

Après avoir été évincé de son poste de secrétaire général du Mouvement de libération du Congo (MLC), le 18 avril à Kinshasa, François Muamba organise la riposte et dénonce le caractère illégal de cette décision. Objectif : retrouver N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

ses fonctions et son titre de président par intérim – du fait de « l’incapacité » de JeanPierre Bemba, toujours détenu à La Haye par la Cour pénale internationale (CPI) et en attente de son procès. Dans la foulée, Muamba souhaite que soit convoqué un congrès du parti. C’est la raison pour

laquelle il a déposé une plainte auprès du tribunal de grande instance de Kinshasa, qui devrait rendre son jugement le 25 mai. Son entourage ne le cache plus : « Il faut à présent faire sans Bemba et se mettre en ordre de marche pour la présidentielle du mois de novembre. »

Trois ans après l’échec des négociations avec le groupe français Lafarge en vue de la reprise de 31 % du capital de la Cimenterie nationale (dont le siège est à Kimpese), le gouvernement congolais renonce à son contrôle sur la société. Un appel d’offres lancé au début du mois propose aux investisseurs une prise de participation majoritaire. Lafarge, qui l’exigeait en 2008, devrait à nouveau concourir. Conseil pour l’opération, Standard Bank affirme avoir reçu « plusieurs offres, notamment africaines ».

LE CHIFFRE QUI FAIT BRONZER Le nombre d’agences de voyages – auquel il faut ajouter cinq cents journalistes – invitées depuis le début de l’année par l’Office national du tourisme tunisien afin de redorer l’image du pays.

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TCHAD ACCORD CNPC-EXXON ?

Propriété de la Chinese National Petroleum Corporation (CNPC), le gisement de Rônier, dans le sud-ouest du Tchad, devrait produire en 2012 davantage de pétrole brut que la raffinerie de Djermaya (au nord de N’Djamena) ne peut en traiter. « Les Chinois négocient avec le consortium Cotco, mené par Exxon, l’autorisation d’utiliser l’oléoduc Tchad-Cameroun pour exporter leur surplus », révèle un consultant. Ledit oléoduc est actuellement sous-utilisé en raison de la baisse de la production dans le bassin de Doba (225 0000 barils en 2008, moins de la moitié aujourd’hui). JEUNE AFRIQUE


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Politique, économie, culture & société lalonguelistedeslongs-métrages consacrés au « printemps arabe », il faudra bientôt ajouter R for Revolution, que s’apprête à tourner Amr Waked, le « Vincent Cassel égyptien », déjà remarqué comme acteur aucôtédeGeorgeClooneydans Syriana.

GUINÉE Marchés publics: la boîte de Pandore

BÉNIN MAROC TÉLÉCOM LOIN DU COMPTE

sud, par Gafsa. Ils venaient pour la plupart de la région de Boukhil, dans le Sahara algérien, base à partir de laquelle ils lançaient des opérations dans les Aurès et en Kabylie. « Ils sont extrêmement bien entraînés et bien équipés en armes, matériels de télécommunication et explosifs », confie un enquêteur (lire aussi pp. 46-47).

Nommé adjudicataire provisoire de Bénin Télécoms, Maroc Télécom voit sa proie lui échapper. Le gouvernement béninois vient en effet de déclarer infructueux l’appel d’offres de privatisation. Les 56 millions de dollars proposés par le groupe chérifien et les 30 millions de dollars offerts par un opérateur soudanais sont évidemment très éloignés des quelque 200 millions attendus, semble-t-il, de l’opération. Un nouveau cahier des charges est en cours d’élaboration pour permettre à d’autres opérateurs de participer aux enchères.

JEUNE AFRIQUE

La réalisatrice marocaine Leïla Kilani, dont le premier film de fiction, Sur la planche, vient de séduire le Festival de Cannes (voir J.A. no 2627), prépare simultanémentplusieursfilms: un documentaire à tourner dans l’urgence sur les événements récents dans le monde arabe, et deux films de fiction, l’un se déroulant à Rabat, l’autre (un polar) en France. À

TAHAR RAHIM DANS LE FILM de Jean-Jacques Annaud produit par Tarek Ben Ammar.

Or noir, le film de Jean-Jacques Annaud produit par Tarak Ben Ammar, fera l’ouverture du 3e Festival du film de Doha, du 25 au 29 octobre. Tourné en Tunisieavec la participation notamment de Tahar Rahim (césar 2010 du meilleur acteur poursonrôledansUnprophète, de Jacques Audiard), Freida Pinto (Slumdog Millionaire) et Antonio Banderas, le film est une grande fresque évoquant la découverte du pétrole dans la péninsule arabique, dans les années 1930.

ADO, WADE ET COMPAORÉ D’ACCORD

Koné Tiémoko Meyliet, un Ivoirien à la BCEAO

BIAN/SIPA

TUNISIE AQMI S’INFILTRE Premières conclusions d’une enquête menée par les services de sécurité tunisiens: plusieurs dizaines de djihadistes d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) se sont, ces dernières semaines, introduits dans le pays par le Djebel Chambi (Centre-Ouest) et, plus au

CINÉMA LE « PRINTEMPS ARABE » À TOUTES LES SAUCES

« OR NOIR » À DOHA

PROD

À LA DEMANDE du président Alpha Condé, la Cour des comptes de Conakry a passé au crible une partie des 617 marchés publics conclus en 2009 et 2010 pour l’équivalent de 1,5 milliard d’euros et approuvés par le ministère des Finances. Le résultat est dévastateur. Sur un échantillon de 82 marchés examinés, seuls trois ont fait l’objet d’un appel d’offres et tous sont truffés d’irrégularités : paiement via des « lettres de garantie », des « titres de paiement » ou des « régies d’avance » fictives ; avances dites « de démarrage » non suivies d’un début d’exécution ; chantiers en panne ; marchés successifs pour une même opération ; doubles paiements ; bâtiments en parpaings facturés comme étant en béton armé ; véhicules payés deux à trois fois le prix du modèle en catalogue, etc. Sous la présidence du capitaine Dadis Camara, puis du général Sékouba Konaté, l’armée guinéenne a été particulièrement bien servie. En témoignent le mégaprojet du « Centre de convention des banquets et commercial des FAG » (sic) de Matoto, qui n’a pas dépassé le stade des fondations ; les 112 appartements pour officiers des douanes facturés 180 000 euros pièce ; la commande de 50 000 médailles en une seule livraison ; ou encore 39 000 tenues militaires à 700 euros l’unité. Recommandation de la Cour des comptes : geler tous les marchés en attendant leur audit par un cabinet international. Ce n’est qu’à ce prix que le processus du réengagement en Guinée de la Banque mondiale et du FMI pourra se poursuivre. ●

L’IVOIRIEN KONÉ TIÉMOKO MEYLIET sera le prochain gouverneur de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Le 13 mai, à Dakar, le président Alassane Ouattara (ADO) a obtenu l’aval d’Abdoulaye Wade, son homologue sénégalais, puis, trois jours plus tard à Ouagadougou, celui du président burkinabè Blaise Compaoré. Actuel Conseiller spécial aux affaires économique et monétaire d’ADO, Tiémoko sera intronisé lors du sommet extraordinaire de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), à Lomé le 30 mai. Pour la succession de Soumaïla Cissé à la tête de la Commission de l’UEMOA, ADO et Wade ont préféré le Sénégalais El Hadji Abdou Sakho – qui partira favori – à ses compatriotes Aziz Sow et Hadjibou Soumaré. N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011


La semaine de Jeune Afrique

DIPLOMATIE

Obama

au « printemps

Soutien aux transitions démocratiques, promesses d’aide économique, appel à la reprise du processus de paix israélo-palestinien… Deux ans après le discours du Caire, le président américain relance la politique des États-Unis au Moyen-Orient et au Maghreb.

LAURENT DE SAINT PÉRIER

C

est avec une demi-heure de retard due, semble-t-il, à quelques hésitations de dernière minute, que Barack Obama a fait son apparition à midi, dans la salle de conférences du département d’État, à Washington, le 19 mai, pour prononcer son discours sur le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. Cinq mois après le début des révolutions arabes, deux semaines après l’élimination d’Oussama Ben Laden, et alors que se profile la perspective d’une déclaration unilatérale d’indépendance de la Palestine, la position du président américain sur tous ces sujets était très attendue. Avec le lyrisme dont, ancien avocat, il est coutumier, Obama a rendu un vibrant hommage aux révolutionnaires tunisiens et égyptiens, mis en garde les autocrates les plus intransigeants, promis un engagement économique important des ÉtatsUnis et appelé à la reprise des négociations de paix entre Israéliens et Palestiniens, dont il souhaite, de manière inédite, la reconnaissance d’un État dans les frontières de 1967. En juin 2009, avec son discours du Caire, Obama avait voulu donner « un nouveau départ » aux relations entre les États-Unis et les musulmans. Deux ans plus tard, son allocution de Washington ambitionne encore d’ouvrir « un nouveau chapitre de la diplomatie américaine ». Cette diplomatie, Obama la veut plus humble, plus à l’écoute des peuples et moins indulgente envers les régimes autocratiques. N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

JIM YOUNG/REUTERS

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BARACK OBAMA sortant de la salle de conférences du département d’État, à Washington, le 19 mai.

Critiqué pour sa timidité devant les premiers soubresauts des rues tunisienne et égyptienne, le président américain s’est placé clairement du côté des manifestants, contre « la tyrannie de ces gouvernements qui dénient toute dignité à leurs citoyens ». Mais le soutien aux aspirations démocratiques des peuples ne doit pas être assimilé à la volonté d’exporter le modèle américain : « Tous les pays ne suivront pas nécessairement notre JEUNE AFRIQUE


L’événement

face

arabe »

L’islamisme radical est, en revanche, fermement condamné, l’élimination de son héraut le plus célèbre coïncidant, estime-t-il, avec le déclin de cette mouvance: « Au moment où nous avons débusqué Ben Laden, une grande majorité des habitants de la région pensait que les idées d’Al-Qaïda menaient à une impasse, et les peuples du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord avaient déjà pris leur avenir en main. » Condamné également, le sectarisme confessionnel qui menace en Égypte, en Syrie et à Bahreïn : « Les chrétiens coptes doivent avoir le droit de pratiquer librement leur culte au Caire, tout comme les chiites ne doivent pas voir leurs mosquées détruites à Bahreïn. »

HYPOCRISIE IRANIENNE. Prenant en compte les éruptions révolutionnaires, mais aussi les tendances de fond du monde arabe, Obama définit les trois priorités qui guideront sa politique dans la région : démocratisation, développement et paix « Deux autocrates au Proche-Orient. ont été écartés. D’autres Il s’agit tout d’abord de propourraient suivre… » mouvoir les réformes et de soutenir les transitions démocratiques. Dès le début du discours, les autocrates sont mis en garde: « Deux dirigeants ont été écartés. D’autres pourraient suivre. » Premier en ligne de mire, Mouammar Kaddafi « quittera inévitablement le pouvoir ou y sera forcé ». Moins sévère à l’égard de Bachar el-Assad, Obama conseille au président syrien de « conduire la transition ou de se retirer », dénonçant au passage « l’hypocrisie du régime iranien, qui dit soutenir les droits des manifestants à l’étranger, alors qu’il brime ses compatriotes ». À Bahreïn, proche allié des États-Unis, où la contestation chiite est l’objet d’une violente répression, ● ● ●

POURQUOI ILS N’AIMENT PAS L’AMÉRIQUE

CRÉDIT PHOTO

forme particulière de démocratie représentative. » Semblant s’adresser, sans les nommer, aux partis islamistes qui gagnent du terrain sur les scènes politiques égyptienne et tunisienne, il précise : « Les États-Unis respectent le droit qu’ont tous les citoyens pacifiques et respectueux des lois de faire entendre leur voix. Nous sommes parfois en désaccord total avec eux. Mais nous sommes prêts à travailler avec tous ceux qui se rallient à une démocratie véritable et participative. » JEUNE AFRIQUE

Feeling Betrayed. The Roots of Muslim Anger at America, de Steven Kull, Brookings Institution, 275 pages.

« UN SENTIMENT DETRAHISON. Les racines de la colère des musulmans contre l’Amérique »: cet essai du Dr Steven Kull, de l’Université du Maryland, paru le 6 avril, est le fruit d’une vaste enquête menée entre 2006 et 2010 dans les pays musulmans. Celle-ci confirme et explique l’impopularité des États-Unis. La présence militaire américaine au MoyenOrient est perçue par les musulmans comme une menace immédiate qui vise l’accaparement des ressources pétrolières. Israël et les gouvernements autocratiques alliés à Washington apparaissent ainsi comme les instruments d’une forme de néocolonialisme qui mine toute velléité d’émancipation et menace l’identité islamique. Attirés par les valeurs démocratiques promues par les États-Unis, les musulmans se sentent trahis en constatant que la politique américaine dans leurs pays est à L.S.P. l’opposé du discours officiel. ● N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

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La semaine de J.A. L’événement ● ● ● « le gouvernement doit créer les conditions propices au dialogue et l’opposition participer à la création d’un avenir juste pour tous ». Au Yémen, autre pays allié, « la nuit doit finir », dit Obama à l’adresse du président Saleh.

ÉTERNEL CONFLIT. Le défi est également écono-

mique : la paix ne peut être assurée sans le développement. Très attendu sur ce point à quelques jours de la réunion du G8 de Deauville (France), à laquelle sont invitées l’Égypte et la Tunisie, le président américain annonce le versement d’une aide substantielle. Le Caire se voit ainsi remettre 1 milliard de dollars de dettes et garantir la même somme en emprunts pour promouvoir les infrastructures et l’emploi. En Tunisie et en Égypte, des fonds d’investissements seront dotés de 2 milliards de dollars, et la mise en œuvre d’une « grande

initiative de partenariat pour le commerce et l’investissement » est annoncée. Le dernier développement de ce discours est consacré au conflit qui s’éternise entre Israël et Palestine, sujet délicat à l’heure où le Fatah et le Hamas se réconcilient et à la veille d’une visite de Benyamin « À Bahreïn, le pouvoir Netanyahou,lePremierministre doit créer les conditions israélien, à la Maison Blanche. propices au dialogue. » Ce passage contient sans doute la déclaration la plus révolutionnaire de ce discours : pour la première fois, les États-Unis déclarent que « les frontières d’Israël et de la Palestine doivent se fonder sur les lignes de 1967 ». Enfin, plaidant pour l’existence d’un État palestinien souverain mais désarmé, Barack Obama s’attire d’ores et déjà les critiques d’une partie de l’opinion arabe. ●

« Une occasion historique s’offre à nous » Extraits du discours de Barack Obama, prononcé le 19 mai, à Washington.  AU MOMENT OÙ nous avons débusqué Ben Laden [le 2 mai au Pakistan, NDLR], la grande majorité des peuples du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord avait déjà pris son avenir en main. Ce mouvement vers l’autodétermination a commencé il y a cinq mois en Tunisie. Le 17 décembre 2010, un jeune marchand ambulant, Mohamed Bouazizi, a été bouleversé quand un agent de police lui a confisqué sa charrette. […] Ce genre d’humiliation se produit chaque jour dans de nombreuses régions du monde; il est la marque de ces gouvernements implacables et tyranniques qui dénient toute dignité à leurs citoyens. […] Mais, cette fois, il en est allé autrement. Ce jeune homme qui ne s’était jamais particulièrement intéressé à la politique s’est aspergé d’essence et s’est immolé par le feu. Il est des moments dans l’Histoire où l’acte d’un citoyen ordinaire suffit à lever un vent de révolte, parce qu’il répond à une aspiration à la N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

liberté qui couvait et allait grandissant. Songez, dans l’histoire des États-Unis, au geste de défi de ces patriotes de Boston qui refusèrent de payer des taxes au roi [George III d’Angleterre, en 1773 ; allusion à la célèbre « partie de thé de Boston »], ou à la dignitéde Rosa Parks [héroïne de la lutte contre la ségrégation raciale] quand elle refusa courageusement de céder sa place [à un passager blanc dans un autobus de Montgomery, en Alabama, en 1955]. Il s’est produit la même chose en Tunisie : le geste de désespoir d’un marchand ambulant a trouvé un écho dans tout le pays. Des centaines de manifestants sont descendus dans les rues, puis des milliers. Et, défiant les coups de matraques et même les balles, ils ont refusé de rentrer chez eux jusqu’à ce qu’un dictateur au pouvoir depuis plus de vingt ans l’eût enfin quitté. […] Une occasion historique s’offre à nous. Nous pouvons montrer que l’Amérique a plus de respect pour

la dignité d’un marchand de rue que pour la force brutale d’un dictateur[…].Aprèsavoiracceptépendant des dizaines d’années le monde tel qu’il est dans la région, nous avons aujourd’huil’occasiond’essayerdele construire tel qu’il devrait être. Évidemment, nous devons procéder avec humilité. Ce ne sont pas les États-Unis qui ont fait descendre les gens dans la rue à Tunis ou au Caire – ce sont les gens eux-mêmes qui ont lancé ces mouvements, et c’est à eux qu’il appartient de déterminer quelle en sera l’issue. Les États-Unis se fixeront pour premier objectif de promouvoir les réformes dans la région et de soutenir les transitions vers la démocratie. Pour commencer, en Égypte et en Tunisie, où les enjeux sont importants – parce que la Tunisie a été à l’avant-garde de cette vague démocratique et que l’Égypte est à la fois un partenaire de longue date et le plus grand pays du monde arabe. Ces deux nations peuvent montrer l’exemple en organisant des élections libres et transparentes; en s’appuyant sur une société civile dynamique et sur des institutions démocratiques efficaces ; enfin, en menant une politique régionale responsable. » ● JEUNE AFRIQUE


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ÉTATS-UNIS

Ý LETIZIA MORATTI,

LA MAIRE DE MILAN, et son mentor : rira-t-elle encore après le 2e tour ?

ITALIE

Mauvaise blague milanaise

M

ILAN, SA VILLE NATALE ET SON FIEF, est en passe de faire une très mauvaise blague à Silvio Berlusconi. Lors du 1er tour des élections municipales, le 15 mai, Letizia Moratti, du Peuple de la liberté (PDL), qui brigue sa propre succession à la mairie, y a été devancée de sept points par le candidat du centre gauche. Une humiliation pour le Cavaliere, qui n’avait pas ménagé sa peine pour convaincre les Milanais de lui renouveler leur confiance en votant pour sa protégée. Apparemment, les Italiens sont las d’un président du Conseil qui collectionne les casseroles judiciaires et tente d’occulter ses piètres résultats économiques par des attaques à boulets rouges sur les magistrats et l’opposition. Ses alliés de la Ligue du Nord ayant, eux aussi, obtenu un score décevant, la perte de la capitale lombarde, dans deux semaines, est une hypothèse à prendre au sérieux. La droite berlusconienne met pour sa part en avant la percée réalisée à Naples, mais la portée de ce scrutin est avant tout locale. La gauche au pouvoir s’y est en effet montrée incapable de résoudre la crise des ordures ménagères. Depuis des années, celles-ci s’amoncellent dans les rues de la ville sans être collectées. ● THAÏLANDE

Si ce n’est toi, c’est donc ta sœur Renversé par un coup d’État militaire, en 2006, puis condamné par contumace à deux ans de réclusion en 2008, l’ancien Premier ministre – et richissime homme d’affaires –, Thaksin Shinawatra, bien qu’en exil au Cambodge, continue de tirer les ficelles de la politique thaïlandaise. N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

L’an dernier, les affrontements entre ses partisans et ceux du Premier ministre, Abhisit Vejjajiva, ont fait près de cent morts et d’innombrables blessés. À l’approche des législatives du 3 juillet, le Puea Thai, son parti, vient de désigner Yingluck, sa sœur cadette, pour mener la bataille électorale.

ANTONIO CALANNI/SIPA

Oprah Winfrey Street NÉE TRÈS PAUVRE au temps de la ségrégation raciale, elle a bâti un empire de 2,7 milliards de dollars. Oprah Winfrey a désormais une rue à son nom, à Chicago. Inaugurée le 11 mai, devant une foule de fans, par le maire sortant, Richard Daley – dont c’était presque la dernière apparition publique (il a cédé son fauteuil à Rahm Emanuel le 16 mai) –, la rue fait face aux studios Harpo, où la reine du talk-show enregistre son célébrissime Oprah Winfrey Show (50 millions de téléspectateurs en moyenne hebdomadaire). Ou plutôt, enregistrait. Car, le 24 mai, le Show s’arrête, après vingt-cinq ans de triomphe, la pétulante animatrice ayant décidé de lancer sa propre chaîne câblée. BIÉLORUSSIE

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LE NOMBRE DES CANDIDATS À LA PRÉSIDENTIELLE biélorusse du 19 décembre inculpés de divers délits à l’initiative du vainqueur, Alexandre Loukachenko. Le premier de la liste, Andreï Sannikov, a été condamné le 15 mai à cinq ans de réclusion. LITTÉRATURE

Philip Roth « bookerisé » AUTEUR D’UNE TRENTAINE DE ROMANS, dont Pastorale américaine (prix Pulitzer 1998), La Tache, Le Complot contre l’Amérique et Exit le fantôme, l’écrivain américain Philip Roth, 78 ans, s’est vu décerner, le 18 mai, le prestigieux Man Booker International Prize, qui distingue tous les deux ans un auteur pour l’ensemble de son œuvre. « Son JEUNE AFRIQUE


ARRÊT SUR IMAGE

CHINA DAILY • Reuters

CHINE

À Changchun, les anges ne volent pas ON DIRAIT UN ANGE DANS UN TABLEAU DU GRECO. Ce n’est qu’une jeune femme très malheureuse. À Changchun, province de Jin, dans le centre de la Chine, l’affaire aurait pu très mal se terminer, ce 17 mai. Son fiancé ayant décidé de rompre après quatre ans de liaison, la belle a revêtu une robe de mariée et entrepris de se jeter du 7e étage. Par miracle, un certain Guo Zhongfan passait par là. Un ange lui aussi, mais gardien.

imagination a non seulement refondé notre idée de l’identité juive, mais a aussi renouvelé la fiction dans sa globalité, et pas simplement la fiction américaine », a déclaré le président du jury réuni à Sydney (Australie).

le propriétaire. Ne l’ayant pas trouvé, ils ont entrepris de massacrer ses salariés, puis de les décapiter. Bilan : une trentaine de morts. Plusieurs centaines de militaires et de policiers ont été déployés dans la région pour tenter de retrouver les tueurs.

GUATEMALA

Horreur à la mexicaine NON CONTENTS de terroriser leur propre pays, les cartels mexicains de la drogue étendent leurs tentacules en Amérique centrale, notamment au Guatemala, où, dans certaines zones, ils paradent avec armes de guerre et véhicules blindés. Dans la nuit du 14 au 15 mai, des membres du gang des Zetas ont ainsi fait irruption dans une ferme près de San Benito, dans le département septentrional du Petén. Apparemment, ils cherchaient JEUNE AFRIQUE

IRLANDE/ROYAUME-UNI

Visite historique

LA REINE D’ANGLETERRE rendant hommage aux indépendantistes irlandais tombés dans la lutte contre le colonisateur britannique (1916-1922) ? Cette scène surréaliste a bel et bien eu lieu, le 17 mai, lors de la première visite à Dublin d’un souverain britannique depuis celle de George V, en 1911. Il y a eu quelques échauffourées entre la police et une poignée de jusqu’auboutistes. Un engin explosif a été découvert à temps dans un autobus.

Peu importe. L’opinion irlandaise estime le moment venu de tourner la page d’un passé sanglant. INDE

Séisme (électoral) à Calcutta C’EST LE ALL INDIA TRINAMOOL CONGRESS, un parti populiste conduit par Mamata Banerjee, par ailleurs ministre des Chemins de fer de la fédération indienne, qui, le 13 mai, a remporté les élections régionales au Bengale-Occidental. Avec 218 sièges contre 67, il écrase le Parti communiste indien marxiste (CPI-M), au pouvoir à Calcutta depuis 1977. À l’évidence, ce dernier paie son incapacité à enrayer le déclin économique de la région. Pour ne rien arranger, il perd aussi le Kérala, un État du sud du pays traditionnellement à gauche. N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

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La semaine de J.A. Décryptage

CHRIS HELGREN/REUTERS

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Libye Les mystères de Tripoli L’épouse et la fille de Kaddafi ont-elles fui en Tunisie ? Non, selon les autorités tunisiennes et libyennes. Chokri Ghanem, un cacique du régime, a-t-il fait défection ? Possible, mais pas encore officiel.

C

hokri Ghanem, patron de la Compagnie nationale pétrolière libyenne (NOC) et ancien Premier ministre, a-t-il fait défection? Safia, l’épouse de Mouammar Kaddafi, et sa fille Aïcha se sont-elles réfugiées en Tunisie depuis l’intensification des frappes aériennes de l’Otan contre Bab el-Azizia, le QG du « Guide » à Tripoli, comme l’affirme la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton ? La réponse n’est pas évidente. Jusque-là, l’un des rares dirigeants à pouvoir voyager librement était Ghanem. Il est bien arrivé en Tunisie le 14 mai et a passé deux nuits sur l’île de Djerba,

dont l’aéroport est la seule porte de sortie depuis l’Ouest libyen. Mais rien ne confirme qu’il a démissionné. D’après nos sources, il s’est rendu de Djerba à Tunis, d’où il est reparti vers une destination inconnue. Ce pourrait être Vienne, où résident ses deux filles et où il se rend souvent pour participer aux réunions de l’Opep, auprès de laquelle il représente la Libye. Mais il n’a communiqué ni depuis la Tunisie ni depuis l’Autriche. « Nous ne prendrons au sérieux une éventuelle défection que si elle est publiquement annoncée à la télévision », souligne Mahmoud Chammam, responsable de l’information au sein du

Comité national de transition (CNT), siégeant à Benghazi. Pour ce qui est de l’épouse de Kaddafi et de sa fille, les sources gouvernementales à Tunis sont catégoriques : ni l’une ni l’autre ne se trouvent en Tunisie. « Tous Ý CHOKRI GHANEM, patron de la les membres de la Compagnie famille ou de l’ennationale tourage de Kaddafi pétrolière (NOC), dans son qui font l’objet d’un mandat internatiobureau de Tripoli, le 2 mars. nal s’exposeraient automatiquement à une arrestation », ajoute une source au ministère de l’Intérieur. La rumeur d’une fuite d’Aïcha à l’étranger avait circulé une première fois le 24 février, au lendemain du premier bombardement contre Bab el-Azizia. Aïcha était apparue aussitôt devant les caméras de télévision au milieu des ruines pour jurer que jamais elle ne quitterait son père et la Libye. « DÉSERTEURS ». Depuis la défection, à

la fin de mars, de Moussa Koussa, ancien ministre des Affaires étrangères et expatron des services de sécurité, aucune personnalité de premier plan ne s’est désolidarisée de Kaddafi. Les principales défections ont eu lieu au début de la révolte populaire du 17 février et des frappes de l’Otan. Parmi les « déserteurs », on compte cinq ministres (dont ceux de l’Intérieur, de la Justice et des Affaires étrangères), douze ambassadeurs (ONU, France, Grande-Bretagne, Chine, Inde, Indonésie, Pologne, Unesco), une vingtaine d’autres diplomates et une dizaine d’officiers de haut rang dans l’armée et la police. Au total, une cinquantaine de personnes, dont la plupart se trouvaient en Cyrénaïque libérée. Ceux qui restent sous la coupe de la police secrète et des brigades de Kaddafi n’ont d’autre choix que d’attendre leur heure. ● ABDELAZIZ BARROUHI, à Tunis

À SUIVRE LA SEMAINE PROCHAINE

Sommet extraordinaire des chefs d’État de l’UEMOA, à Lomé.Y seront désignés le nouveau gouverneur de la BCEAO et le président de la Commission de l’UEMOA. N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

31 MAI

Ouverture du procès du président du Conseil italien, Silvio Berlusconi, accusé d’avoir eu une relation tarifée avec Ruby, une prostituée mineure d’origine marocaine.

31 MAI-1ER JUIN

D.R.

30 MAI

Au 61e congrès de la Fifa, à Zurich, le Suisse « Sepp » Blatter briguera un qu quatrième mandat de pr président. Il a pour ad adversaire le Qatari Mo Mohamed Bin Hammam. JEUNE AFRIQUE


ILS ONT DIT

« J’ai vécu en Europe. Je sais ce qu’est la

CLARISSE JUOMPAN-YAKAM

Cannes 2011 Le port de l’angoisse QU’UN RÉALISATEUR EUROPÉEN évoque le sort des migrants africains qui veulent s’installer outre-Méditerranée n’a rien d’étonnant. Mais pourquoi un cinéaste finlandais habitué à tourner dans son pays a-t-il choisi la France, et le décor plutôt morne du port du Havre ? « Vous en connaissez beaucoup, vous, des Africains assez fous pour émigrer en Finlande ? » La réponse d’Aki Kaurismäki est bien dans la veine de son cinéma, inattendu et décalé, réaliste et au second degré. À première vue, Le Havre a les allures d’un beau récit humaniste : un écrivain d’extrême gauche, qui a décidé de devenir cireur de chaussures pour se rapprocher du peuple, se trouve par hasard en mesure de porter secours à un jeune Africain arrivé avec sa famille caché dans un conteneur et qui seul a réussi à échapper à la police. Mais grâce au talent narratif de Kaurismäki, ce film, auquel Cannes a fait un triomphe, ne ressemble à aucun autre sur ce thème et s’apparente à un conte de fées à la fois moderne et rétro. Penchant selon les moments vers Chaplin, Tati ou Carné pour évoquer une situation hélas tragique et bien contemporaine, il en fait plus, avec sa légèreté et son humour, que tous les pensums bien-pensants pour dénoncer la politique de rejet des immigrés. ● RENAUD DE ROCHEBRUNE, envoyé spécial (voir aussi pp. 92-93) JEUNE AFRIQUE

RAFAEL CORREA Président de l’Équateur

« Bachar al-Assad a pris du retard pour les réformes. J’espère qu’il va s’y mettre rapidement et s’unir avec son peuple, parce que toutes les fois que je me rends en Syrie, je suis témoin de l’affection populaire dont il jouit. » RECEP TAYYIP ERDOGAN Premier ministre turc

«

Je suis persuadée que si cette affaire [Strauss-Kahn] était arrivée en France, on n’en aurait rien su. »

SANDRINE CELLARD/JERRYCOM

troisième coup fil, à condition, bien évidemment, que M. le président dispose de coupons de recharge téléphonique. La proie est donc gentiment invitée à s’en préoccuper dans les meilleurs délais. Au moins une dizaine de personnes, dont un patron de presse, un préfet, un magistrat et d’autres hauts fonctionnaires, ont reconnu être tombées dans le piège. Sans doute flattés d’avoir pu ainsi rendre service à l’autorité suprême, certains sont allés jusqu’à transférer plus de 500 000 F CFA (760 euros) – alors que 50 000 F CFA (76 euros) auraient suffi. La présidence de la République, qui s’en est émue, a cru bon de rappeler que « le chef de l’État ne s’abaisserait jamais à demander à un tiers de lui transférer des crédits ». ●

presse. Mais vous devriez vivre ici pour comprendre ce qu’est la presse latinoaméricaine : ici, la liberté d’expression, c’est mentir ! »

GISÈLE HALIMI Avocate et écrivaine française

« J’ai énormément de fans dans le monde musulman. En Turquie, par exemple, il y a une véritable catmania ! Pareil en Indonésie. » YUSUF ISLAM (CAT STEVENS) Chanteur britannique

« Nous allons changer Haïti, reconstruire ce pays. Nous ne pouvons plus continuer à nous humilier avec cette politique de mendicité. » MICHEL MARTELLY Président haïtien (lors de son investiture, le 14 mai) N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

GARY FABIANO/SIPA

Centrafrique François la voix d’or LA VOIX DE FRANÇOIS BOZIZÉ vaudrait-elle de l’or ? D’audacieuses canailles s’en sont en tout cas servi pour se livrer à une arnaque d’un genre nouveau : imiter la voix du chef de l’État ou celle de son aide de camp afin d’exiger de plusieurs personnalités centrafricaines des transferts d’argent destinés à… créditer le téléphone portable du président ! Le scénario est grossier, mais efficace : un premier coup de fil du « président » ordonne à la victime potentielle de se rendre à Boali ou à Bossembélé, à une centaine de kilomètres au nord-ouest de Bangui, pour une audience ou pour se faire remettre un véhicule de fonction. Quelques instants plus tard, invoquant un empêchement de dernière minute, l’escroc rappelle pour promettre un

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La semaine de J.A. Décryptage

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Ý LE PRÉSIDENT JACOB ZUMA dans un bureau de vote de Nkandla, son bourg natal, le 18 mai.

ROGAN WARD/REUTERS

villes, où elle parvient même à progresser dans certains townships déshérités. Focalisée sur les difficultés de l’ANC à assurer l’accès aux services de base (eau, électricité, sanitaires…) pour les plus pauvres, la campagne a révélé l’ampleur de leur déception, vingt ans après la fin de l’apartheid. « Nous avons cassé les barrières raciales, s’est réjoui Athol Trollip, le chef de file de l’opposition à l’Assemblée nationale. L’idée selon laquelle la DA est le parti des Blancs a volé en éclats. » TRAVAILLER DUR. L’attachement au parti

Afrique du Sud L’ANC en pente douce Bien que largement en tête aux municipales, le parti présidentiel voit ses positions s’éroder. Son incapacité à assurer l’accès aux services publics de base pour les plus pauvres lui a coûté des voix.

P

as de catastrophe pour le parti de Nelson Mandela et de l’actuel président Jacob Zuma, mais une petite alerte. Certes, l’African National Congress (ANC) confirme qu’il domine toujours la vie politique, en obtenant 63,7 % des voix lors des municipales du 18 mai (à l’heure où nous mettions sous presse). Il n’empêche: le parti présidentiel LE DESSIN DE LA SEMAINE

recueille trois points de moins que lors des dernières municipales, en 2006. Les résultats sont surtout encourageants pour l’Alliance démocratique (DA) de Helen Zille, la Première ministre (blanche) de la province du Cap-Occidental. Avec 21,9 %, la DA obtient l’un des meilleurs scores d’un parti d’opposition depuis 1994. Sa poussée est sensible dans les grandes

de la libération explique qu’il ait pu limiter la casse : il conserve les villes de Port Elizabeth (52 %) et Johannesburg (58 %) annoncées comme prenables par la DA. Services de bus pour ses électeurs, grand meeting dans le nouveau stade Soccer City à « Jo’burg »… L’ANC n’a pas lésiné sur les moyens. Le budget de campagne – que le parti a refusé de dévoiler – pourrait dépasser 1 milliard de rands (101 millions d’euros). « L’ANC doit travailler plus dur », a lâché Gwede Mantashe, son secrétaire général, en apprenant sa défaite à Midvaal, municipalité aux mains de la DA dans la région du Gauteng et priorité affichée de son parti. Ces résultats ne vont pas faciliter la tâche de Zuma, dont le maintien à la tête de l’ANC sera l’enjeu majeur de la prochaine conférence du parti, en 2012. ● PIERRE BOISSELET

Ronaldo • Vacaria • Brésil AL-QAÏDA LE BEN LADEN BLUES

CARTOONARTS INTERNATIONAL/THE NEW YORK TIMES SYNDICATION

EN ENFER selon toute vraisemblance, Oussama Ben Laden rumine sans doute ses faits d’armes dans le monde des vivants. Ici-bas, la franchise Al-Qaïda a conservé son logo mais perdu son super VRP. Pas sûr que l’Égyptien Saif al-Adel, son successeur désigné, parvienne à mobiliser autant de djihadistes de tout poil. De quoi donner le blues à celui qui avait lancé des avions contre lesTwin Towers de NewYork.

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JEUNE AFRIQUE


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UPM Et si c’était lui?

JEUNEAFRIQUE.COM

maîtrise parfaite des langues latines à côté de l’arabe, le goût du dialogue et de la confrontation pacifique des idées. Il en a aussi conservé la chaleur, la volubilité et le dynamisme – certains diraient l’insaisissabilité », expliquait Jean-François Thibault, l’ancien ambassadeur de France au Maroc, en lui remettant la Légion d’honneur en 2007.

Retrouvez l’interview vidéo de Ismaïl Omar Guelleh : « Les Égyptiens et lesTunisiens n’arrivent pas à diriger leur révolution. »

FUSEAUX HORAIRES. Toujours entre deux avions, trois conférences et quatre fuseaux horaires, Amrani a débuté sa carrière à l’âge de 25 ans. Diplômé d’une licence d’économie et d’un master en management de l’Université de Boston (États-Unis), il intègre le ministère marocain des Affaires étrangères comme attaché de cabinet. En 1984, il est directeur de département au Centre islamique pour le développement du commerce, puis revient au ministère en 1989 comme chef de cabinet au secrétariat d’État chargé de l’Union du Maghreb arabe. Il est ensuite nommé consul général à Barcelone, puis successivement ambassadeur en Colombie, au Chili et au Mexique. De retour à Rabat en 2003, il est promu directeur des relations bilatérales du MAE avant d’en devenir le secrétaire général en novembre 2008. Sauf surprise de dernière minute, il devrait prochainement poser ses valises au siège de l’UPM, à Barcelone. ●

SONDAGE Un mois après la chute de Laurent Gbagbo, comment jugez-vous l’action de son successeur, Alassane Ouattara? 1 2

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1. Il est trop tôt pour se prononcer 34 % 2. Négativement, la Côte d’Ivoire n’est toujours pas engagée sur le chemin de la réconciliation 24 % 3. Positivement, ses premières décisions sont encourageantes 42 % (588 votes)*

PASCAL AIRAULT

Les internautes de jeuneafrique.com ont un jugement majoritairement positif sur l’action d’Alassane Ouattara, même si nombre d’entre eux restent dans l’expectative. CETTE SEMAINE :

AIC PRESS

Que pensezvous de l’affaire Strauss-Kahn ?

DIPLOMATE CHEVRONNÉ ET POLYGLOTTE, Youssef Amrani est secrétaire général du ministère marocain des Affaires étrangères depuis 2008. JEUNE AFRIQUE

À LIRE AUSSI : Le dessinateur Damien Glez récompensé par ses pairs. N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

* SONDAGE RÉALISÉ AUPRÈS DES INTERNAUTES DE JEUNEAFRIQUE.COM ENTRE LE 12 ET LE 19 MAI 2011

L

es hauts fonctionnaires représentant les quarante-trois États membres de l’Union pour la Méditerranée (UPM) doivent se réunir le 25 mai à Barcelone (Espagne) pour examiner les éventuelles candidatures au poste de secrétaire général de l’organisation, vacant depuis la démission, en janvier, du Jordanien Ahmad Massa’deh. Seul candidat déclaré jusqu’ici, le Marocain Youssef Amrani a été présenté par son pays en marge de la réunion extraordinaire du Conseil de la Ligue arabe, le 15 mai au Caire. « C’est un diplomate chevronné, explique un ambassadeur d’un pays de la rive Sud. Il est très apprécié dans toute la région, même de ses pairs algériens avec qui les discussions ne sont pas toujours faciles en raison des divergences politiques. » Actuellement secrétaire général du ministère marocain des Affaires étrangères (MAE), cet homme de réseau, qui maîtrise parfaitement les dossiers (processus euroméditerranéen, coopération en Afrique du Nord, migrations, énergie…), passe pour un interlocuteur incontournable. « Qui ne connaît pas M. Amrani au Quai d’Orsay ? » confirme un diplomate français. Youssef Amrani est né à Tanger en 1953 et y a passé son enfance. « De cette ville chatoyante et trépidante, il a conservé certains traits : une culture raffinée, une

VINCENT FOURNIER/J.A.

Sauf surprise de dernière minute, le Marocain Youssef Amrani devrait être désigné secrétaire général de l’Union pour la Méditerranée.


La semaine de J.A. Les gens

Nabil al-Arabi Quand la Ligue arabe s’éveillera Populaire, audacieux, très attaché au droit international, le successeur d’Amr Moussa réussira-t-il à sortir l’institution de sa léthargie ?

« ÉTAT DE DROIT ». Diplômé en droit international de l’université de New York, Arabi, 76 ans, a été de toutes les grandes négociations internationales auxquelles a participé son pays. En 1978, à Camp David, il n’avait pas hésité à dire au président Anouar al-Sadate qu’il désapprouvait certains aspects du traité de paix en préparation avec Israël. C’est avec Tel-Aviv, encore, qu’il avait ensuite négocié, pied à pied, la restitution de la ville de Taba à l’Égypte. Arabi est aussi profondément légaliste. C’est ce qui l’a poussé à annoncer la levée prochaine du blocus de Gaza, illégal du point de vue du droit international, et à préparer l’adhésion de l’Égypte à la Cour pénale internationale (CPI). « Faire de l’Égypte un État de droit », telle est l’obsession de cet ancien juge à la Cour internationale de justice (2001-2006). Nommé à la tête des Affaires étrangères le 6 mars, il a secoué en dix petites semaines une diplomatie égyptienne déclinante et sous influence américaine.

prédécesseur, Amr Moussa, envoyé à la Ligue en 2001 pour ne plus faire d’ombre à Moubarak. Mais Moussa est aujourd’hui le candidat le mieux placé pour la présiPremière grande victoire : la signature, dentielle de septembre : tout n’est donc le 4 mai, d’un accord de réconciliation pas perdu pour Arabi sur le plan natioentre le Fatah et le Hamas palestiniens. nal. D’autant que celui-ci n’a pas posIl n’hésite pas ensuite à tendre la main tulé à la Ligue. C’est un candidat proche à Téhéran, avec qui Le Caire n’a plus de de Moubarak, Moustapha al-Fiqi, qui relations diplomatiques depuis 1980. Une était initialement présenté par l’Égypte. initiative audacieuse qui suscite l’inquiéMais, devant les réticences de plusieurs tude à Washington et à Tel-Aviv. pays et la candidature épouvantail du Qatari Abderrahmane alAttiya, Arabi a été appelé à la rescousse. Une solution qui permet à ceux qui l’ont convaincu (les militaires ? le gouvernement ? les États-Unis ?) de faire d’une pierre deux coups. Cette fois encore, le secrétaire général de la Ligue sera égyptien. Aujourd’hui, Arabi prend la tête d’une institution en crise : report à mars 2012 du sommet initialement prévu à Bagdad en mai 2011, cafouillage verbal après la décision de l’ONU de bombarder la Libye, blocage de la réforme de la charte de la Ligue censée mettre fin à la règle de l’unanimité pour chaque décision… Les chantiers du nouveau secrétaire général sont titanesques. Face à une institution Lors d’une RENCONTRE avec une délégation de l’Initiative israélienne pour la paix, le 19 mai, au Caire. sclérosée et divisée où se côtoient désormais jeunes Certains estiment alors qu’il va trop loin États « révolutionnaires », vieilles républiet trop vite. Selon Khaled Saad Zaghloul, ques crispées et monarchies pétrolières du quotidien Al-Ahram, « sa nomination fort peu démocratiques, Arabi va devoir à la Ligue arabe permet de l’éloigner. En redoubler d’audace et d’imagination pour période de reconstruction, on a préféré faire honneur à son nom. ● le mettre “au frigo” ». À l’instar de son CONSTANCE DESLOIRE MOHAMED ABD EL GHANY / REUTERS

L

a somnolente Ligue des États arabes, dont le siège se trouve au Caire, dispose, depuis le 15 mai, d’un nouveau secrétaire général: le bien nommé Nabil al-Arabi (« l’Arabe »). La désignation du ministre égyptien des Affaires étrangères a été acclamée par la foule à l’extérieur du bâtiment. Très populaire, il a fait partie, à la fin de janvier, du comité de trente sages choisi par les jeunes de la place Al-Tahrir pour dialoguer avec les autorités. Intègre, il avait rompu avec le régime Moubarak il y a dix ans: son esprit d’indépendance quand il représentait l’Égypte à l’ONU agaçait.

NOMINATIONS

HENRI LOPES SCIENCES L’écrivain et ambassadeur du Congo en France a été nommé membre

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associé de l’Académie des sciences d’outre-mer.

D.R.

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LAURA FLESSEL FRANCE La championne d’escrime

guadeloupéenne a été nommée présidente du Comité permanent de lutte contre les discriminations. JEUNE AFRIQUE


EN HAUSSE

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FRANÇOIS HOLLANDE

GANGRÈNE LE

a eu raison d’elle. PAYS

MOHAMMAD RASOULOF

Guinée-Bissau Lucinda a craqué

Le réalisateur iranien, dont le dernier film est présenté au Festival de Cannes, a vu provisoirement levée son interdiction de voyager pendant vingt ans, à laquelle il avait été condamné en 2010 pour « campagne hostile au régime ».

Menacée de mort par les narcotrafiquants, Lucinda Gomes Barbosa Ahukarlé, la directrice de la police judiciaire, jette l’éponge.

E

n 2008, un an après sa nomination à la tête de la police judiciaire, Lucinda Barbosa Ahukarié assurait que jamais elle ne céderait. « Je n’ai pas peur car je crois en Dieu. Je suis déterminée à aller jusqu’au bout du combat contre la drogue. » Lorsqu’elle a tenu ces propos, elle avait déjà reçu des menaces de mort. Mais il faut croire que les narcotrafiquants ont été plus forts que sa foi : le 13 mai, elle a annoncé sa démission. Trop de menaces personnelles, pas assez de moyens… « J’ai mis en place un système qui a commencé à porter ses fruits. C’est peut-être cela qui a dérangé ces réseaux et leurs complices locaux, explique-t-elle. Ils voulaient ma tête. » Le gouvernement assure, de son côté, qu’il ne s’agit pas d’une démission, mais d’une mutation programmée. Dans un pays qualifié par les diplomates américains de premier « narco-État » d’Afrique, considéré par l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) comme le maillon faible du continent en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants, cette femme menue d’une quarantaine d’années semblait au départ ne pas faire le poids, surtout que ses moyens étaient dérisoires. En 2008, la PJ comptait une soixantaine de policiers en civil… et deux véhicules. « Quand ils arrêtent quelqu’un, ils doivent le conduire au commissariat en taxi », expliquait récemment Sandra Valle, conseillère interrégionale au sein de l’ONUDC. SUCCÈS PLOMBÉS. Pendant quatre ans pourtant, cette

incorruptible donne du fil à retordre aux trafiquants. Avec le soutien de l’ONU, qui a installé un bureau à Bissau, et grâce à l’aide du Brésil, elle a étoffé et formé son équipe. Confrontée à l’armée et à l’administration – en décembre 2010, elle a fait arrêter dix-neuf agents du ministère de la Défense –, elle a aussi fait montre d’efficacité, mettant aux arrêts trafiquants colombiens et terroristes mauritaniens, et interceptant plusieurs avions chargés de cocaïne. Autant de succès plombés par la corruption qui gangrène le pays : les stocks de « blanche » mis sous scellés ont disparu, les hommes arrêtés ont été libérés… Selon l’ONUDC, le trafic de drogue a malgré tout reculé en Guinée-Bissau ces dernières années. C’était trop beau pour durer… ● RÉMI CARAYOL JEUNE AFRIQUE

BARA TALL Accusé d’escroquerie sur les chantiers de la ville deThiès, l’entrepreneur sénégalais, directeur général de la firme Jean Lefebvre, a été relaxé par le tribunal correctionnel de Dakar, le 20 mai, après quatre années de procédure. EN BAISSE

ABDELAZIZ ZIARI Le président de l’Assembée populaire algérienne se dit opposé aux réformes politiques réclamées par la population. « De quelles réformes parlentils ? Ils veulent qu’on quitte la scène pour qu’ils prennent nos postes ? », a-t-il déclaré. LARS VON TRIER Le réalisateur danois a été déclaré persona non grata au Festival de Cannes pour avoir déclaré, sur le ton de la plaisanterie : « Je comprends Hitler. Ce n’est pas vraiment un brave type, mais je compatis un peu avec lui. » ARNOLD SCHWARZENEGGER L’ancien gouverneur de Californie (2003-2011) a reconnu avoir eu un enfant illégitime avec une employée de maison il y a dix ans. C’est la raison pour laquelle son épouse, Maria Shriver, a récemment demandé le divorce. N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

MARIO ANZUONI/REUTERS ; JEAN-PAUL PELISSIER/REUTERS ; BILAL ZAHANI NEW PRESS

GEORGES GOBET/AFP

CORRUPTION QUI

REGIS DUVIGNAU/REUTERS ; VINCENT WEST/REUTERS ; ALIOU MBAYE/PANAPRESS/MAXPPP

DSK hors jeu, l’ex-premier secrétaire du Parti socialiste français arrive désormais nettement en tête des intentions de vote des sympathisants de gauche à la primaire du PS en vue de la présidentielle de 2012 avec 39 % des voix.

Ý Elle avait assuré que jamais elle ne céderait. Mais la


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Grand angle

Alpha Condé « Pendant cinquante ans, je me suis battu pour la démocratie. Qui oserait me donner des leçons? »

d’information impressionnants. Il fait tout, voit tout, se mêle de tout, concentre toutes les décisions et ne ménage guère son corps couturé de tant de batailles, de condamnations à mort et de séjours en prison. Dimanche 15 mai, le voici qui pose le pied sur le tarmac de l’aéroport, de retour d’une épuisante tournée de VRP en Afrique du Sud, en Turquie et dans le Golfe. Aussitôt: bain de foule, puis meeting dans une salle surchauffée du Palais du peuple au cours duquel il prononce un long discours en trois langues, français, soussou et malinké (il ne parle pas le peul), avant de tenir une séance de travail avec les chefs de l’armée puis avec son Premier ministre. « C’est vrai, je suis sur tous les fronts », confie le président élu le 7 novembre 2010 avec 52,5 % des voix et investi il y a à peine cinq mois, « mais tout ici est à reconstruire ». À l’image de Conakry, capitale en lambeaux de deux millions d’habitants menacée d’AVC par des embouteillages cauchemardesques, le pays entier peine à sortir d’un coma de cinquante ans. Il fait tout, voit tout, La démocratie, les droits se mêle de tout… de l’homme, la bonne Et ne se ménage guère. gouvernance y sont des notionsnouvellesderrière lesquelles affleurent toujoursles tensions ethniques, la violence et la corruption. C’est à cette tâche herculéenne qu’à sa manière – solitaire, déterminée, tranchante, militante, brouillonne en apparence mais dans le fond plutôt méthodique et évidemment sujette à critiques de la part d’une opposition mordantequ’ilaccusedésormaisdevouloirrecruter des mercenaires – le camarade Alpha s’est attaqué à corps perdu. Et peu importe si son sommeil est peuplé de sacs de farine, de conteneurs de riz, de barils d’huile et de kilomètres de rails…

Remise en ordre du pays, relance de l’économie, situation politique… Le nouveau chef de l’État guinéen parle sans détour pour sa première grande interview. Volontariste et énergique, « sur tous les fronts », il promet « la fin de l’anarchie ».

Propos recueillis à Conakry par

A

FRANÇOIS SOUDAN

lpha Condé, 73 ans, a pris son job de président comme il a embrassé, un demi-siècle durant, sa vie d’opposant : à bras-le-corps. Levé à 6 heures, couchépasséminuit,ilenchaîne les audiences au palais Sékoutoureya puis, le soir venu, dans sa villa de Kipé, mange peu, se fait occasionnellement masser le dos et ne se sépare jamais de ses trois téléphones portables avec lesquels il gère des affaires qui, ailleurs qu’en Guinée, pourraient paraître des détails. Les importations de riz asiatique par exemple : l’entendre négocier lui-même le prix de la prochaine cargaison attendue dans le port de Conakry – « Je veux tout sauf du riz de Birmanie : les généraux là-bas ne sont pas des gens sérieux » – est un grand moment. Mais aussi la distribution d’eau et d’électricité dans les quartiers, la marque des véhicules de fonction, les états d’âme de la Grande Muette, des imams et des petits changeurs de francs guinéens, les bagarres de féticheurs au fin fond de la Guinée forestière et, surtout, le travail de chacun de ses ministres. Pour ce faire, « le Professeur », ou « kôrô Alpha » (« grand frère Alpha ») dispose d’une capacité d’écoute et d’un réseau parallèle N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

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LE 16 MAI, AU PALAIS SÉKOUTOUREYA, où le président enchaîne les rendez-vous.

JEUNE AFRIQUE

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Grand angle Guinée JEUNE AFRIQUE : Vous attendiez-vous à trouver la Guinée dans un tel état ? ALPHA CONDÉ : Un peu, oui. Mais j’ai

tout de même été surpris par l’ampleur des dégâts. Exemple: la quasi-totalité des contrats passés par l’État en 2009-2010 a été surfacturée. Certains de 200 %. La Banque centrale de Guinée était au bord de la faillite, à cause de l’utilisation abusive des avances au Trésor. Plus grave : le gouverneur de cette même banque s’est permis d’émettre des billets non sécurisés, rendant impossible la détection de la fausse monnaie ! Toute notre économie est dans un état de déliquescence avancée. Un vrai désastre. Depuis cinq mois, qu’avez-vous fait pour tenter d’y remédier ?

Première chose : enrayer la corruption en créant l’unicité des caisses de l’État. Tous les comptes auparavant dispersés entre divers pôles autonomes – port, mines, fonds routier, etc. –, dont les titulaires usaient et abusaient à leur discrétion, ont été rapatriés au ministère des Finances. Deuxième mesure : la Banque centrale ne fait plus aucune avance au Trésor sans contrepartie des recettes correspondantes. Troisième acte de rupture avec le passé : la suppression de l’impôt de capitation, extrêmement impopulaire, et la gratuité des soins pour les femmes enceintes. La réduction drastique du déficit budgétaire aussi, ramené de 13 % du produit intérieur brut à 2 %. La révision des accords miniers, scandaleusement désavantageux pour la Guinée. La création de bureaux de change agréés et l’interdiction du change sauvage et clandestin. J’en passe. Ici, le bouleversement est quotidien. Vous avez renégocié, avec succès, plusieurs gros contrats conclus avec des géants miniers comme Vale et surtout Rio Tinto. Comment y êtes-vous parvenu ?

C’est très simple. Rio Tinto a revendu, en 2010, 47 % de ses actions aux Chinois de Chinalco sans en informer l’État guinéen, ce qui est en contradiction avec le code minier. Et cela d’autant que sa concession expirait en février 2010. Nous avons donc exigé et obtenu de Rio Tinto une indemnisation à hauteur de 700 millions de dollars, plus 15 % d’actions gratuites et 20 % d’actions payantes, soit 35 % au total. Je crois que c’est une première en Afrique. La négociation a été ardue dans la mesure où les groupes miniers avaient N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

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À Conakry, le 15 mai, UN DISCOURS EN TROIS LANGUES devant une salle surchauffée.

pris en Guinée de mauvaises habitudes – il leur suffisait de verser des dessous-detable pour arriver à leurs fins. Désormais, ce genre de pratiques n’a plus droit de cité. Un nouveau code minier est en préparation. Quand il sera achevé, d’ici à juillet, nous discuterons avec les autres sociétés, dont Rusal, pour qu’elles s’y conforment. Un article essentiel y figurera: toute société qui se rendra coupable de corruption se verra contrainte de payer une forte amende. Dans les cas les plus graves, le contrat sera tout simplement annulé. La Chine a octroyé des prêts très importants et à très bas taux à l’Angola et à la RD Congo en échange de concessions minières. Ce raccourci ne vous tente pas ?

Non. Nous dissocions les prêts des contrats. Le contraire n’est ni sain ni transparent.

Vous avez promis de faire des audits de la gestion passée et de poursuivre ceux qui ont détourné des biens publics. Où en êtes-vous ?

Pas de chasse aux sorcières, mais une volonté forte de clarifier les choses. Les présumés coupables seront convoqués devant la justice, ils se défendront, et les juges apprécieront. Des audits ont été effectués avant notre arrivée au pouvoir, d’autres sont en cours. Pour le reste, nous avons décidé de récupérer tous les biens – terrains, villas, immeubles – appartenant à l’État et indûment accaparés par d’anciens ministres. Idem pour les commerçants qui ont osé spéculer sur les dons étrangers : ils devront rembourser ou faire face aux rigueurs de la loi. Quand vous critiquez les commerçants véreux, la communauté peule a l’impression que vous la stigmatisez… JEUNE AFRIQUE


L’interview d’Alpha Condé À tort. Ce sont quelques commerçants ayant abusé de leur monopole d’importation de certaines denrées, le riz ou la farine par exemple, que nous visons. En aucun cas les Peuls dans leur ensemble. Il faut casser les monopoles. Je l’ai dit aux commerçants peuls et libanais, je l’ai dit aux paysans, aux artisans : dans la nouvelle Guinée, il n’y aura plus de privilèges indus. Si nous voulons produire ce que nous consommons et consommer ce que nous produisons, chacun doit être égal devant la loi. Pourquoi avoir rendu publique la liste des quarante-deux plus gros débiteurs de l’État ? N’est-ce pas les désigner à la vindicte ?

Non. Avant de publier cette liste, nous avons donné un mois à ces gens pour

été élu. Le copinage et l’ethnocentrisme ne font pas partie de mes méthodes. Ceux qui sont d’accord avec moi me suivent. Les autres… Je me suis engagé devant le peuple, pas devant les politiciens, fussentils de mes alliés. Pourtant, c’est bien d’ethnocentrisme qu’on vous a accusé entre les deux tours du scrutin présidentiel de 2010. Plus exactement, d’avoir joué la carte du « tout sauf un Peul au pouvoir »…

Écoutez. J’ai été longtemps président de la Fédération des étudiants d’Afrique noire en France [Feanf]. Je suis un militant de l’unité africaine. Ce n’est pas à mon âge que je vais commencer une carrière de tribaliste. Qui a mené une campagne ethnique ? Qui a dit « c’est notre tour », « c’est le tour des Peuls » ? Cellou Dalein

Ce n’est pas à mon âge que je vais commencer une carrière de tribaliste. qu’ils se mettent en règle, sous peine de voir leur nom étalé au grand jour. Certains l’ont fait et ont proposé à l’agent judiciaire des calendriers de remboursement. Nous en avons tenu compte et ils ne figurent pas sur la liste. Quant aux autres, ils ont pris leurs responsabilités. Ils ont pillé ce pays. Qu’ils assument. En tête de cette liste, on trouve l’homme d’affaires Mamadou Sylla, qui, pourtant, vous a soutenu lors de la présidentielle de 2010. Il a dû être surpris…

Diallo. Beaucoup de leaders de cette communauté m’ont rejoint et m’ont soutenu, ce qui leur a valu d’être intimidés et menacés par mon adversaire. Moi, je n’ai jamais menacé un Malinké ou un Soussou parce qu’il avait rallié Cellou ! Sékou Touré était un Malinké comme moi, je l’ai combattu. Lansana Conté était un

Soussou, je l’ai combattu. Mon combat n’est pas pour ou contre une tribu, il est pour la bonne gouvernance et contre ceux qui ont mis ce pays à genoux. S’il a accepté le résultat de la présidentielle, Cellou Dalein Diallo répète que l’élection n’a pas été juste, qu’il a sauvé la Guinée de la guerre civile et qu’il ne collaborera jamais avec vous. Cela vous pose problème ?

Non. Parce que le problème ce n’est pas lui, mais l’eau, l’électricité, la pauvreté, l’autosuffisance alimentaire, bref l’essentiel. Je ne réagis pas à ce que dit ce monsieur depuis Dakar, quitte à ce qu’on me le reproche.

Lors de son bref retour à Conakry, le 3 avril, il y a eu de sérieux affrontements entre ses partisans et les forces de l’ordre.

Ses gens ont refusé de changer l’itinéraire de leur manifestation comme cela leur avait été signifié. La Guinée est devenue un État de droit, chacun doit s’y conformer. Le temps de l’anarchie, de la pagaille, des pierres jetées sur les voitures, c’est fini ! Le général français qui est venu nous aider à mettre en place le service civique pour les jeunes a été agressé et blessé dans son véhicule. C’est inacceptable. Alors oui, nous avons arrêté les casseurs. Désormais, nul n’est audessus des lois en Guinée. ●●● Ý « JE NE RÉAGIS PAS À CE QUE DIT CE MONSIEUR

Je ne m’occupe pas de cela, mais de l’application du programme sur lequel j’ai JEUNE AFRIQUE

ISSOUF SANOGO/AFP

L’Alliance Arc-en-Ciel, qui vous a porté au pouvoir, semble battre de l’aile. Certaines personnalités comme Lansana Kouyaté, Kassory Fofana, Mamadou Sylla bien sûr, s’estiment plutôt mal récompensés. Cela vous ennuie ?

DAKAR, quitte à ce qu’on me le reproche », déclare-t-il à propos de Cellou Dalein Diallo, son adversaire à la présidentielle (ici en novembre, lors d’une rencontre avec le président de la transition, Sékouba Konaté).

DEPUIS

Ce n’est pas moi qui ai confectionné cette liste, mais le ministère en charge des Audits et du Contrôle économique et financier. J’ai simplement dit : publiez-la, quelle qu’elle soit. J’avais d’ailleurs été clair à ce sujet pendant ma campagne en annonçant que je ferais tous les audits nécessaires. Lorsqu’il s’agit des intérêts du peuple et du pays, je n’ai pas d’états d’âme : je ne protège personne sous prétexte qu’il m’a soutenu.

N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

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Grand angle Guinée Le 10 mai, c’est le domicile de Cellou Dalein Diallo qui aurait été perquisitionné en son absence par des militaires de la garde présidentielle. Pourquoi cet acharnement ?

●●●

Vous savez, le mensonge est chez certains Guinéens une seconde nature. Il n’y a jamais eu de perquisition, mais un problème interne à la garde personnelle de Cellou. L’argent qu’il distribue à ses hommes, dont certains sont des Bérets rouges, a été mal réparti, et l’un d’entre eux, mécontent, est venu exiger son dû les armes à la main. Tout ce qu’on a raconté dans les médias à ce sujet est faux. D’ailleurs, ce ne sont ni les agences de presse, ni les radios étrangères, ni les journaux, encore moins internet qui guident mes actions. Vous me connaissez suffisamment pour le savoir. Tout de même. Quand la rumeur se répand, lors de votre récent voyage en Afrique du Sud, que vous vous y êtes rendu pour vous faire opérer en urgence, vous réagissez…

Oui, mais avec le sourire. Je sais que cela aurait fait plaisir à certaines personnes, celles qui vont voir les marabouts pour que je tombe malade. Si cela les amuse de dépenser leur argent pour rien… Je suis allé en Afrique du Sud à l’invitation du président Zuma ; de là je me suis envolé pour la Turquie, Dubaï, puis Abou Dhabi afin de vendre la destination Guinée aux investisseurs, le tout en une semaine. À peine revenu à Conakry, vous m’avez vu tenir une réunion publique. Je crois que le malade se porte plutôt bien, non ?

Quand auront lieu les élections législatives ? Apparemment, vous n’êtes pas pressé de les organiser. Or, selon les accords de Ouagadougou de janvier 2010, elles auraient dû se tenir au maximum six mois après la présidentielle, un délai déjà dépassé. Pourquoi ce retard ?

Elles auront lieu vers la fin du mois de novembre 2011. Mais je veux qu’elles soient le plus irréprochables possible. Il faut donc procéder à un nouveau recensement électoral afin que les paysans, dont beaucoup refusaient de s’inscrire sur les listes afin d’échapper à l’impôt de capitation, puissent le faire. Prenons notre temps, pour permettre à tous les Guinéens de voter et pour réduire au minimum tous les risques de fraude. Les cartes d’électeur et les cartes d’identité seront distribuées conjointement pour N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

AVEC LES PRINCIPAUX GÉNÉRAUX, le 15 mai au palais présidentiel.

éviter les doubles inscriptions, le vote des mineurs et autres aberrations. Vous savez, les choses sont claires : je me suis battu pendant cinquante ans pour la démocratie dans ce pays et je n’ai aucune leçon à recevoir dans ce domaine de la part de ceux qui étaient de l’autre côté de la barrière. J’ai gagné la présidentielle face à des gens qui disposaient de soutiens financiers énormes. Aucun homme d’affaires ne m’a aidé. Je défie quiconque de prouver le contraire.

délocalisées à l’intérieur du pays, on ne la voit plus déambuler dans les bars en tenue ni tenir des barrages dans la capitale. Un programme de refonte est en cours qui prévoit notamment une réorientation du génie militaire vers les activités de développement. Le problème de l’armée guinéenne aujourd’hui, ce n’est plus son comportement mais sa composition : il y a plus de gradés que d’hommes de troupe, et certains militaires sont d’active depuis

Le peuple n’a plus peur de son armée. Elle est à nouveau considérée, respectée, aimée. Vous êtes à la fois le chef de l’État et le ministre de la Défense, car vous avez voulu conduire vous-même la réforme de l’armée. Pendant un quart de siècle, les militaires guinéens ont pris de très mauvaises habitudes. Comment les en guérir ?

Je suis fier de l’armée guinéenne. Elle ne sort plus dans les rues, elle a accepté que toutes ses armes lourdes soient

– tenez-vous bien – 1952 ! Des mises à la retraite accompagnées s’imposent donc. Elles concernent pour l’instant 4 200 hommes et entrent dans le cadre général de l’assainissement de la fonction publique. Sachez qu’en à peine un mois d’enquête sur le terrain, 8 800 fonctionnaires touchant un double salaire et 1 000 fonctionnaires décédés dont les émoluments étaient toujours versés – et JEUNE AFRIQUE


LORS DE LA CÉRÉMONIE D’INVESTITURE, le 21 décembre, avec le général Sékouba Konaté.

donc détournés – ont été détectés. Et sans doute n’est-ce là que la partie émergée de l’iceberg. Pour conclure sur l’armée guinéenne : le peuple n’en a plus peur. C’est un progrès décisif. Et elle se rend compte d’elle-même que la démocratie est la meilleure chose qui puisse lui arriver. Elle est à nouveau considérée, respectée, aimée. Quelles sont vos relations avec votre prédécesseur, le général Sékouba Konaté ?

Je n’ai aucun contentieux avec le général. J’ai toujours dit et je répète qu’on lui doit les élections en Guinée. Certes, la gestion du pays lorsqu’il était président n’a pas toujours été au-dessus de tout soupçon. Mais Sékouba Konaté n’était pas Premier ministre et il ne cessait de dire : « Je ne suis pas un économiste, je signe tous les contrats que vous me présentez, mais vous vous expliquerez avec celui qui me succédera. » Il ne connaissait rien à ces histoires financières ou minières. Je ne le considère donc pas comme responsable de ces contrats léonins que nous remettons en cause aujourd’hui. Les vrais

JEUNE AFRIQUE

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CELLOU DIALLO/AFP

VINCENT FOURNIER/J.A.

L’interview d’Alpha Condé

coupables, ceux qui ont guidé sa main, tentent de le dresser contre moi pour se protéger. Ils lui font croire que je le vise. À tort. Sékouba est sorti grandi de l’Histoire, je ne lui reproche rien et il le sait. Vous avez rencontré le capitaine Dadis Camara à plusieurs reprises – la dernière fois le 7 avril, à Ouagadougou. Apparemment, il veut rentrer en Guinée et cette perspective vous gêne. Pourquoi ?

Beaucoup de gens parlent à la place de Dadis. Il n’a émis aucune exigence de ce type et je n’ai aucun problème avec lui. Il y a peu, certaines personnes ont voulu créer un mouvement pour le retour de Dadis Camara en Guinée. Savez-vous ce qu’il m’a dit ? « Il faut les faire arrêter, ils ne me représentent pas ! »

Dadis Camara est dans le collimateur de la Cour pénale internationale (CPI) pour sa responsabilité dans le massacre du 28 septembre 2009 à Conakry. Pour vous, c’est un vrai casse-tête…

Ce que je dis à qui veut l’entendre à ce sujet, c’est qu’il faut faire preuve de

souplesse. La Guinée est fragile, elle sort de vingt-six ans de régime militaire, il faut être prudent, ne pas jeter des paroles en l’air. Nous allons organiser, le moment venu, une conférence « vérité et réconciliation », je m’y suis engagé. Mais nous devons auparavant nous assurer que les Guinéens soient capables d’entendre et de pardonner. Pour cela, des comités de sages et de religieux sont progressivement mis en place dans les préfectures afin de sensibiliser le peuple sur la nécessité de revisiter notre histoire et notre mémoire. Il n’y a pas eu que le 28 septembre, il y a eu Sékou Touré, le camp Boiro, les morts de la IIe République, etc. Tout cela incite à la circonspection, afin que l’exercice de réconciliation ne débouche pas sur son contraire : la haine et un surcroît de division. La CPI entend-elle ce raisonnement ?

La CPI n’intervient que par défaut, quand la justice nationale ne joue pas son rôle. Ce qui, je l’espère, ne sera pas ●●● le cas. N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011


Grand angle Guinée

YOURI LENQUETTE

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LE VAINQUEUR AVEC SA FEMME, MME CONDÉ DJÈNÈ KABA, à l’annonce des résultats de la présidentielle, le 15 novembre, à Conakry. ● ● ● Le franc guinéen ne repose plus sur grand-chose, et certains de vos pairs – Blaise Compaoré et Amadou Toumani Touré par exemple – vous recommandent d’intégrer la zone CFA. Comptez-vous suivre leur conseil ?

C’est un sujet délicat. Je ne me pose que les problèmes que je suis en mesure de résoudre. Pour l’instant, mon problème est de redresser l’économie et de rendre crédible notre monnaie.

Cependant vous n’écartez pas cette perspective…

Je vous dis que je m’attelle aux problèmes immédiats. Quand ils seront résolus, je réfléchirai au reste. Le franc guinéen, c’est un peu un bijou de famille. Mais le bijou est passablement terni.

La monnaie concerne tout le peuple, c’est vrai, et toute décision la concernant doit être prise collectivement. Il faudra donc un débat national et c’est le peuple qui tranchera. La polémique soulevée par la concession au groupe Bolloré du terminal à conteneurs du Port autonome de Conakry se poursuit. On vous reproche maintenant d’avoir accordé à Bolloré l’exclusivité sur l’ensemble des opérations portuaires, ce N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

qui en fait de facto un monopole privé. Qu’avez-vous à répondre ?

Que tout cela est faux. Le directeur général du port a cru bon de signer avec le groupe Bolloré une convention d’assistance concernant la gestion du port autonome conventionnel et ce sans en informer le ministre des Transports. Quand nous nous en sommes aperçus, nous avons immédiatement annulé cette convention. Bolloré ne gère que l’activité conteneurs, le chemin de fer et un port sec, c’est tout. Pour le reste, il n’est même pas demandeur.

été totalement abandonnée alors que la Guinée, comme l’avait bien perçu Roland Pré, est non seulement un scandale géologique mais aussi agricole. J’ai conclu un pacte avec les paysans : l’État va les aider et ils vont produire jusqu’à l’autosuffisance et au-delà, afin que nous devenions exportateurs. Les sociétés étrangères sont les bienvenues si elles encadrent et soutiennent nos paysans, mais nous ne vendrons pas nos terres comme à Madagascar. Il faut que ce soit clair. Comment relever un pays sans État ?

Vous vous êtes donné cinq ans pour sortir la Guinée de la grande pauvreté et assurer son autosuffisance alimentaire. N’est-ce pas ambitieux ?

Le meilleur plan de développement qui ait été conçu pour ce pays date de 1955.

C’est tout le défi. Mais l’État guinéen renaît, on le voit chaque jour. Regardez l’aéroport Gbessia de Conakry. C’était un haut lieu de trafics et de rackets en tout genre. Aujourd’hui, l’ordre y règne. Autre plaie: le trafic de drogue, qui était organisé

J’ai interdit à mon épouse de faire de la politique et des affaires. Sinon je divorce aussitôt. Il est l’œuvre du gouverneur français de l’époque, Roland Pré, qui, au sortir de la guerre d’Indochine, s’était juré de faire de la Guinée le grenier à riz de l’Union en remplacement du Tonkin. C’était donc possible. Par la suite, la paysannerie a

au plus haut niveau avec des hélicoptères venant de Guinée-Bissau. Désormais, avec l’aide technique des Américains et des Français, j’ai rattaché directement à la présidence la brigade antidrogue. Ils arrêtent jour et nuit des trafiquants et ne JEUNE AFRIQUE


L’interview d’Alpha Condé rendent compte qu’à moi. Sur un autre plan, nous sommes en train de payer tous nos arriérés auprès des organisations internationales et nous réglons les frais des ambassades, dont certains sont impayés depuis près d’un an. Je ne veux plus d’ambassadeurs guinéens clochards, à qui l’on coupe l’eau et l’électricité. C’est une question de dignité. Vous êtes sur tous les fronts, vous voulez tout faire vous-même. Ne risquez-vous pas de vous épuiser rapidement ?

Je n’ai pas, pour l’instant, d’autre choix. J’ai un Premier ministre et un gouvernement qui travaillent, mais les mauvaises habitudes prises sont telles que je dois tout surveiller et tout vérifier. Je ne tolère aucune velléité de corruption, j’ai donc l’œil sur tout. C’est vrai que cela me fatigue, mais qui d’autre que moi peut mener cette bataille des mentalités ? Je ne gère pas des Guinéens venus de la planète Mars, je gère les Guinéens tels qu’ils sont.

Je connais ce risque et je sais que la famille est le talon d’Achille de beaucoup de chefs d’État. Aussi ai-je décidé, tous les Guinéens l’ont remarqué, que mon épouse vive dans un autre domicile que le mien. Elle est de Kankan, fief de nombreux gros commerçants malinkés, qui, tout naturellement, viennent lui rendre visite. Je ne veux pas que l’on dise que j’ai remplacé les commerçants peuls par des commerçants malinkés que je recevrais en catimini. Comme cela, les choses sont claires. Chez moi, je ne reçois que sur rendez-vous et vous n’y verrez pas d’hommes d’affaires. Est-ce suffisant pour éviter les tentations, les influences ?

Vous voulez que je sois plus clair encore ? J’ai interdit à mon épouse de faire de la politique et des affaires. Le jour où elle m’apportera un dossier de faveur, je divorcerai sur-le-champ. Elle le sait et je l’ai dit assez fort pour que chacun le sache.

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mandat à personne pour me représenter. Le temps des ambassadeurs itinérants exhibant des mandats de la présidence guinéenne pour se remplir les poches ou des trafiquants colombiens munis de passeports diplomatiques est définitivement révolu. Je reçois moi-même les investisseurs et tous savent que je suis incorruptible. Dans cinq ans, à quoi ressemblera la Guinée ?

À ce qu’elle aurait dû être si nous avions réussi notre indépendance. Une Guinée avec des chemins de fer, des routes, des barrages, des logements sociaux. Une Guinée avec un nouveau Guinéen pour qui la valeur porteuse ne sera plus la magouille mais le travail. Une Guinée fière, débarrassée des mensonges, des jalousies et de l’autodépréciation. Avec l’aide de Dieu, le renouvellement des générations et le retour progressif de la diaspora, nous y parviendrons. Vous ne rêvez pas un peu ?

« Je suis pour des solutions africaines excluant le recours à la force », aviezvous dit à propos des crises ivoirienne et libyenne. Manifestement, vous n’avez pas été entendu…

Sur la Libye, ma position est celle de l’Union africaine : un cessez-le-feu suivi d’un débat national. Sur la Côte d’Ivoire, j’aurais préféré que la solution permettant au président élu Alassane Ouattara d’exercer son pouvoir soit purement africaine. Dans l’un et l’autre cas, notre incapacité à résoudre nous-mêmes nos problèmes est préoccupante.

Il n’empêche: votre fils Mohamed serait, selon la rumeur, impliqué dans certains dossiers économiques…

C’est faux. Mon fils n’est pas un homme d’affaires ni un entrepreneur en quoi que ce soit. Il a fait des études aux États-Unis, il a travaillé au Brésil puis à Londres et il est revenu m’aider ici après le décès de mon frère. Je parle mal l’anglais, lui est anglophone, aussi lui ai-je demandé de me servir de traducteur et de suivre pour moi les dossiers de coopération avec l’Afrique du Sud de mon ami Jacob Zuma. Pour le reste, je n’ai aucun homme d’affaires dans ma famille et je ne donne de

Ce sont les rêveurs qui font avancer le monde. Dernier livre lu ?

J’en ai lu un avant-hier dans l’avion de retour d’Abou Dhabi. Mais je ne vous dirai pas lequel. Pourquoi ?

Laissez-moi une part de secret.

Même off the record ?

On se connaît depuis suffisamment longtemps. Vous savez bien que je ne crois pas au off avec les journalistes. ●

Voir Laurent Gbagbo arrêté et filmé en maillot de corps, cela vous a choqué ?

Je préfère ne pas commenter cela.

« La Guinée est de retour », aimez-vous à dire. Mais la Côte d’Ivoire aussi. Comment exister à côté d’un tel voisin ?

Vous n’êtes pas, chacun le sait, un homme d’argent. Mais que faites-vous pour éviter que votre entourage familial s’enrichisse indûment ? JEUNE AFRIQUE

VINCENT FOURNIER/J.A.

Je ne me compare à personne. Je sais simplement qu’à la fin des années 1950 la Guinée était, de toutes les colonies françaises, celle qui paraissait promise au plus bel avenir. Nous n’avons pas su faire fructifier ce capital. Mais le capital est toujours là.

LORS DE L’ENTRETIEN, le 16 mai, au palais Sékoutoureya. N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011


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Afrique subsaharienne

CAMEROUN

Les nerfs à fleur de peau

À cinq mois de l’élection présidentielle, Paul Biya laisse planer le mystère sur sa candidature. En attendant, le pouvoir fait feu de tout bois pour juguler la grogne sociale.

GEORGES DOUGUELI

E

n d’autres temps, la note que la filiale camerounaise du pétrolier français Total a adressée le 11 mai aux distributeurs de carburant serait passée inaperçue: « Chers clients, nous vous informons que de fortes tensions sur les stocks de produits pétroliers à la Société camerounaise des dépôts pétroliers (SCDP) nous font craindre dans les tout prochains jours une rupture de carburants (gasoil, super, pétrole, jet…). » Divulguée par la presse, la missive a provoqué un mouvement de panique chez les consommateurs et des sueurs froides au sein du gouvernement, qui a promptement démenti tout risque de pénurie. « La Société nationale de raffinage (Sonara) fonctionne à plein régime et approvisionne normalement la SCDP. Un programme de ravitaillement continu du marché local est en cours d’exécution et les volumes de produits pétroliers programmés sont effectivement livrés », a martelé un communiqué à l’issue d’une réunion de crise tenue le 13 janvier autour du Premier ministre, Philémon Yang. MISES AU POINT ET DÉMENTIS. « Je n’ai jamais dit à qui que ce soit que la Sonara n’était plus en mesure d’approvisionner la SCDP en carburant », se défend Charles Metouck, le directeur général de la Sonara. « Tout est faux dans cette affaire », conclut-il, remonté. Il n’est pas loin d’y voir la main de ceux qui l’ont affublé d’une carte de membre du « G11 » (« Génération 2011 »), un supposé groupe de hautes personnalités préparant l’après-Biya. Vraies ou fausses, il faut dire que les rumeurs d’appartenance à ce club n’ont pas porté chance à l’ancien secrétaire général de la présidence, N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

Jean-Marie Atangana Mebara, ni aux anciens ministres de la Santé, Urbain Olanguena Awono, et de l’Économie, Polycarpe Abah Abah, qui croupissent en prison depuis leur arrestation en 2008. Les procès pour détournement de deniers publics qui leur sont intentés dans le cadre de l’opération anticorruption Épervier seraient en effet liés à leur appartenance à ce G11, communément admise en dépit de leurs dénégations. Entre coups bas et complots réels ou imaginaires, le soupçon s’est insinué au sein de la classe politique et de la haute administration. Dans les allées du pouvoir, la parole est suspecte, le silence est la règle. Commemodedecommunication,legouvernement privilégie la mise au point et le démenti. À cinq mois de la présidentielle, le Cameroun a les nerfs à fleur de peau. Aux yeux des autorités, même s’il reste théorique, le risque politique majeur est une agitation sociale d’une ampleur suffisante pour déstabiliser le pays. Déjà peu enclin au relâchement depuis les « émeutes de la vie chère », en 2008, qui se sont soldées par une centaine de morts, l’appareil sécuritaire applique la politique L’obsession de l’ordre de la « tolérance public explique l’extrême zéro ». « Qui sait d’où viendra l’étinfrilosité des autorités. cellesusceptiblede tout embraser? » s’interroge un cadre de la police. D’autant que le pouvoir sait que la communauté internationale ne lui pardonnera aucun dérapage dans la conduite du processus électoral. Au pouvoir depuis vingt-huit ans, Paul Biya, 78 ans, laisse ses partisans le presser de solliciter un nouveau septennat à travers des « motions de JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne

TALLA SOP RUBEN/REUTERS

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soutien », dont la dernière est signée par plusieurs centaines d’universitaires – quelques-uns se sont rétractés. Silencieux comme à son habitude, le chef de l’État entretient le mystère sur sa candidature, tandis que ses stratèges sondent l’opinion internationale et évaluent le soutien des pays amis. MODE NORD-AFRICAINE. Les opposants (lire enca-

dré p. 32) considèrent, peut-être un peu vite, que la présidentielle est jouée d’avance et que l’alternance est impossible par les urnes. Fin février, la nouvelle génération, qui s’agite en ordre dispersé, notamment au sein de la diaspora, a tenté une tactique de mobilisation à la mode nord-africaine : via les réseaux sociaux. Tactique attendue et rapidement déjouée par le pouvoir qui, en mars, a suspendu sur tout le territoire l’utilisation de Twitter, service proposé par MTN Cameroun. JEUNE AFRIQUE

EN 2008, LA HAUSSE DES PRIX DE L’ESSENCE avait déclenché une vague de protestation qui avait largement dépassé la question du pouvoir d’achat.

L’obsession de l’ordre public explique l’extrême frilosité des préfets, qui refusent de manière quasi systématique d’accorder des autorisations de manifester sur la voie publique. Candidat déclaré à la succession de Paul Biya, l’opposant Louis Tobie Mbida a été brièvement interpellé pour avoir voulu tenir « une réunion qui avait pour objectif de présenter son programme politique ». Les événements culturels ne bénéficient pas d’un meilleurtraitement.Mi-avril,leFestivalinternational du film des droits de l’homme, financé par l’Union européenne, prévoyait de projeter gratuitement une dizaine de documentaires dans des quartiers populairesetd’organiserdesrencontres-débatsentre spectateurs et membres de la société civile. Moins de deux heures avant la première, prévue au Centre culturel français, la police s’est invitée sur les lieux pour interdire l’événement en brandissant un ● ● ● N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011


Afrique subsaharienne Scrutin du 11 octobre 1992

Scrutin du 12 octobre 1997

Scrutin du 11 octobre 2004

AFRICANELECTIONS.TRIPOD.COM

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Une domination sans partage (Candidats arrivés en tête lors des élections présidentielles)

arrêté signé du préfet, qui y voyait une menace d’atteinte à l’ordre public. Annoncée le même mois à la Fondation Muna, à Yaoundé, la projection privée d’un film sur les conditions de travail dans les bananeraies exploitées par l’entreprise PHP à Njombé (région du Littoral) sera censurée pour les mêmes raisons. L’écho des troubles sociaux qui secouent plusieurs pays du continent est parvenu à Yaoundé. Les dirigeants en ont conclu, à juste titre, que leur légitimité, issue du suffrage universel, repose aussi sur l’indice des prix à la consommation, le taux de chômage des jeunes ou l’approvisionnement en denrées alimentaires. Et sur ce plan, la tranquillité est loin d’être garantie. Depuis trois ans, le taux de croissance économique se traîne, à 2,5 % de moyenne (2,6 % en 2008, 2 % en 2009, 3 % en 2010, selon le FMI), tandis que l’inflation avoisine les 3 %. Les chocs extérieurs, dus notamment aux cours mondiaux du pétrole, n’ont pas épargné le Cameroun. En 2008, la hausse continue du prix de l’essence avait mis le feu aux poudres, provoquant une ●●●

PENDANT CE TEMPS, DANS L’OPPOSITION… JOHN FRU NDI DEVRA ENCORE ATTENDRE avant de recevoir l’investiture de son parti. Le congrès du Social Democratic Front (SDF) a été renvoyé à une date indéterminée. La formation réserve sa décision de participer à la présidentielle jusqu’à la prise en compte de ses exigences de transparence. Elections Cameroon (Elecam), l’instance chargée d’organiser le scrutin, a été modifiée par une loi votée début mars, mais ne trouve toujours pas grâce aux yeux du SDF. Elecam, qui passe de 12 à 18 membres, a désormais interdiction de publier les tendances du scrutin (il doit transmettre les chiffres au Conseil constitutionnel) : une nouveauté particulièrement décriée. L’autre probable candidat de l’opposition, Adamou Ndam Njoya, a été réélu fin avril à la tête de l’Union démocratique du Cameroun (UDC) et se prépare à entrer en campagne, tandis que Jean-Jacques Ekindi, qui entend tirer profit d’internet pour lancer des appels de fonds, profite de la promotion en Europe de son livre, Politiques du Cameroun et d’Afrique, les défis, G.D. (éd. Amalthée), pour se faire entendre. ● N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

grève des transporteurs et un mouvement de protestation dépassant largement la question du pouvoir d’achat. Hanté par les conséquences d’une éventuelle augmentation des prix d’autres produits, le ministre du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana, a dès lors consacré l’essentiel de son agenda à la lutte contre la spéculation qui déséquilibre les marchés dusucre,dupoissonetduriz,notamment.Enfévrier dernier, le pouvoir a jugé la situation suffisamment grave pour mettre sur pied une Agence de régulation des approvisionnements et des denrées de base ayant pour mission de contrôler les prix des produits alimentaires importés. Selon le ministre du Commerce, elle peut, le cas échéant, importer et stocker des denrées de première importance, qui seront vendues à prix conventionnel. LA CAROTTE ET LE BÂTON. L’autre menace pour la paix sociale est représentée par le chômage des jeunes. Sur ce terrain, Paul Biya a choisi la carotte plutôt que le bâton. Le 10 février dernier, il a promis 25000 recrutements dans la fonction publique. Sur une population active de plus 6 millions de personnes, l’impact paraît dérisoire; surtout au regard du taux de chômage des jeunes, qui se situe, selon le ministre de l’Emploi, Zacharie Perevet, citant des chiffres de 2005, autour de 13 % au plan national et de 22 % à Douala, la plus peuplée des villes du pays. L’annonce a néanmoins suscité l’engouement de jeunes en recherche d’emploi, attirés par la sécurité que garantit la fonction publique. L’avenir se joue également dans les nombreux « projets structurants » annoncés par le ministère de l’Économie. De quoi faire miroiter aux potentiels casseurs les emplois induits dans l’exploitation des mines, la construction de ports, de barrages ou de routes, le transport et les télécommunications. Ce sont les meilleurs arguments de campagne du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) au pouvoir. Reste à savoir ce qu’en pense son champion, Paul Biya, dont tous les Camerounais se demandent s’il va se représenter à la magistrature suprême. ● JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne

EUROPEAN UNION

Ý AVEC LE LEADER SUD-SOUDANAIS Salva Kiir, à Juba, le 13 mai.

COOPÉRATION

Un Letton en Afrique

Le commissaire européen Andris Piebalgs revient d’une minitournée régionale. L’enjeu : renouer avec des pays sortant de graves crises.

A

bidjan, Conakry, Khartoum et Juba: quatre capitales à peine sorties de périodes difficiles ont reçu, ce mois-ci, la visite d’Andris Piebalgs, commissaire européen chargé du Développement. Quatre capitales avec lesquelles la coopération européenne était au point mort. À chaque étape, le Letton – qui a notamment annoncé un don de 44 millions d’euros

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pour financer la relance de l’agriculture et la réforme de la justice en Côte d’Ivoire, et un autre de 200 millions d’euros pour aider à la construction du nouvel État du Sud-Soudan – portait un même message : l’Union européenne (UE) sera aux côtés de ces pays dans leur processus de développement. Un discours très politique. Surtout en ce qui concerne le Sud-Soudan, vis-à-vis

duquel le Vieux Continent veut se positionner comme partenaire privilégié. En février 2010, lorsqu’il a obtenu ce portefeuille, l’ancien diplomate avait une réputationdetechnocrate.«Enunan,indique-t-il, ma conception de l’aide a changé. Au début, je pensais qu’il fallait être plus mathématique, exiger un rendement de 4 millions d’euros lorsqu’on en investissait 2. » Mais l’homme dit avoir compris que cette équation, ainsi présentée, était difficile à résoudre. Car l’essentiel des appuis financiers de l’UE en Afrique va aux États sortant de crises politiques et en général très fragiles. Le continent imposerait-il ses réalités au Letton? « Quand je discute avec des industriels africains, affirme le commissaire européen, beaucoup me disent que leur pays aurait eu le même niveau de développement que Singapour, par exemple, si les partenaires internationaux ne leur avaient pas donné de mauvais conseils. » De fait, il déclarevouloirdésormaissuivredavantage les Africains dans leurs choix. ●

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Afrique subsaharienne ÉTHIOPIE

Zenawi, seul maître à bord

Le 28 mai, l’ancien rebelle célébrera ses vingt ans à la tête du pays. Vingt ans de réformes, de stabilité. Et de pouvoir sans partage.

«

M

on point de vue personnel, c’est que… j’en ai assez. » Ainsi s’exprimait le Premier ministre éthiopien Mélès Zenawi dans les colonnes du quotidien britannique Financial Times en 2009. Deux ans plus tard, ce court passage à vide a vraisemblablement été surmonté. Après avoir fêté ses 56 ans le 8 mai dernier, l’homme fort de l’Éthiopie célébrera ses vingt ans à la tête du pays le 28 mai. Quelques manifestations organisées via Facebook pourraient bien venir, ce jour-là, troubler la quiétude ensoleillée de Meskel Square, la place centrale d’Addis-Abeba, mais rares sont ceux qui craignent un vaste mouvement d’opposition. Zenawi, loué pour ses réussites économiques, tient le pays d’une main de maître. Les voix discordantes sont rares, faibles et étouffées. « L’opposition est complètement invisible, confie une jeune étudiante. Beaucoup n’ont plus d’espoir. » Pour le journaliste étranger qui cherche à en savoir plus, l’ambiance est souvent pesante, plombée par une paranoïa qui proscrit les discussions franches et les idées trop tranchées. Les généralités pleuvent, habiles esquives face à des questions gênantes : « De nombreuses personnes apprécient Mélès Zenawi et le respectent, même si elles ne sont pas d’accord avec lui. Beaucoup pensent que la situation serait pire s’il n’était pas là. » Les reporters éthiopiens, eux, restent sur leurs gardes : « Il faut être très prudent sur ce qu’on écrit… Mais cela fait sens, parfois, car certains racontent n’importe quoi. » En mai 2010, le parti de Zenawi a très largement remporté les élections législatives. Avec 99 % des suffrages recueillis, le Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (EPRDF) n’a concédé qu’un seul des 547 sièges parlementaires à un élu de l’opposition, Girma Seifu Maru. Le Premier ministre a donc les mains libres jusqu’en 2015. Après, il en aura peut-être « assez », mais, pour l’heure, il reste fidèle à un poste acquis de haute lutte. N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

Originaire du Tigré, Legesse Zenawi est né à Adoua, cette ville restée célèbre dans l’histoire éthiopienne parce qu’elle vit les soldats de l’empereur Ménélik II défaire l’armée italienne, en 1896. Issu d’une famille relativement aisée, il est élève de la General Wingate School d’Addis-Abeba avant d’entamer, en 1972, des études de médecine. NOM DE GUERRE. Mais le 12 septembre

gouvernement éthiopien. Peu connu en Europe, il est ainsi décrit dans un article du quotidien français Libération du 29 mai 1991 : « Mélès Zenawi avait montré qu’il pouvait être cassant et efficace. Il montra ensuite qu’il pratique avec facilité la langue de bois (credo: démocratie et unité, liberté de la presse, volonté du peuple et paix), qu’il ne se paie pas de mots, ne dédaigne pas les pointes d’humour et laisse au comité exécutif le soin d’officialiser sa position. » L’homme est là tout entier, avec les traits de caractère que le temps aiguise et les idées que le temps émousse. En 1993, les séparatistes érythréens remportent le référendum d’autodétermination et l’Éthiopie perd son accès à la mer. Abandonnant les oripeaux du marxisme pour revêtir le costume cravate des adeptes du libre-échange, Zenawi conduit le processus de transition qui, en 1995, permet la mise en œuvre d’une nouvelle Constitution s’appuyant sur le concept de fédéralisme ethnique. Cette même année, il obtient un MBA de l’Open University du Royaume-Uni.

1974, la junte militaire connue sous le nom de Derg renverse le gouvernement de l’empereur Haïlé Sélassié Ier et prend le pouvoir. Zenawi abandonne ses études pour rejoindre le Front de libération des peuples du Tigré (TPLF). Il fonde la Ligue marxiste-léniniste du Tigré et abandonne son prénom pour prendre un nom deguerre, celui d’un De plus en plus critiqué pour étudiant exécuté par le Derg, ses dérives autoritaires, il met Mélès Haïlé. Le TPLF n’est quel’undesnombreuxgrouen avant son bilan économique. pes armés qui luttent contre La période de paix et de stabilité qui le régime sanglant de celui que l’Occident surnomme « le Négus rouge », Mengistu s’annonce sera de courte durée : en Haïlé Mariam. Zenawi gravit les échelons 1998, l’Érythrée envahit l’Éthiopie. La du TPLF et prend la tête de l’EPRDF, coaguerre, coûteuse sur les plans financier lition de mouvements rebelles. Lesquels, et humain, dure deux ans – et se poursuit aujourd’hui sous la forme d’escarmoubien que marxistes, reçoivent une aide ches frontalières et d’escalades verbales appuyée de l’Occident. Mengistu tombe en 1991 et rejoint épisodiques. le Zimbabwe de Robert Mugabe, où Père de trois enfants, homme politique il vit toujours aujourd’hui. L’heure de habile, Zenawi se présente comme un Zenawi est arrivée. Il devient président du solide rempart face à l’Érythrée d’Issayas

DES HOMMES PROVIDENTIELS ? ALORS QUE LE PREMIER MINISTRE ÉTHIOPIEN fête ses vingt ans au pouvoir, le président ougandaisYoweri Museveni vient de prêter serment pour son quatrième mandat. Comme Mélès Zenawi,Yoweri Museveni a libéré son pays d’une dictature sanglante, celle de Milton Obote. Comme Zenawi, Museveni a le soutien des Occidentaux parce que son pays constitue un îlot de stabilité dans une région troublée. Comme Zenawi, Museveni a fait de la lutte contre le terrorisme un axe majeur de sa politique. Comme Zenawi, Museveni s’appuie sur un bilan économique respectable. Comme Zenawi, Museveni a réintroduit le multipartisme. Comme Zenawi, Museveni veut se construire une stature internationale en intervenant en Somalie. Comme Zenawi, aussi, Museveni s’accroche au pouvoir (il a cinq ans d’avance !), bâillonne la presse et envoie les forces de l’ordre dialoguer avec l’opposition. Où est donc passée la « renaissance africaine » ? ● N.M. JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne

SIMON MAINA/AFP

CRÉDIT PHOTO

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PARTISANS DU PREMIER MINISTRE à la veille des législatives de mai 2010, où son parti, l’EPRDF, a réuni 99 % des suffrages.

Afewerki, mais aussi face aux rebelles du Front national de libération de l’Ogaden et du Front de libération Oromo. Les attentats terroristes, au Kenya et en Tanzanie, puis sur le sol américain, vont accroître son pouvoir d’attraction auprès des Occidentaux. Il faut dire que l’Éthiopie jouxte une Somalie livrée au chaos et un Soudan aux penchants islamistes… APPRÉCIÉ. Intelligent, éloquent, fin,

structuré, Zenawi recueille quantité de qualificatifs laudateurs, en Éthiopie comme à l’étranger. Il fait partie de cette « nouvelle génération de dirigeants africains » louée par le président américain Bill Clinton. En 2004, il obtient un Master of Sciences en économie au sein de l’Erasmus University des Pays-Bas et le Premier ministre britannique fait de lui l’un des commissaires de sa Commission for Africa. En 2009, il sera le représentant du continent lors du sommet du G20 à Londres et le président de la délégation de l’Union africaine lors du sommet de Copenhague sur le changement climatique… Pourtant, quelque chose s’est brisé en 2005. Cette année-là, la coalition pour l’Unité et la démocratie a fait une large percée aux élections législatives (remportant 109 sièges sur 547, contre

JEUNE AFRIQUE

327 pour l’EPRDF), notamment dans les villes et en particulier à Addis-Abeba, où le Tigréen qu’est Zenawi n’a jamais vraiment été accepté. Les manifestations qui ont suivi le scrutin contesté ont coûté la vie à quelque 200 personnes. Les soldats avaient reçu un ordre : shoot to kill. Quant aux principaux dirigeants de l’opposition, ils ont été condamnés à la réclusion à perpétuité pour « complot contre la Constitution » et « incitation à une rébellion armée », avant d’être graciés deux ans plus tard. À l’exception de la présidente de l’Union pour la démocratie et la Justice, Birtukan Mideksa, qui, pour avoir osé remettre en cause les termes

imaginer un endroit sur terre où un gouvernement qui a permis une croissance à deux chiffres pendant sept ans puisse perdre une élection? Personne n’a jamais vu pareil événement. » DES ONG MUSELÉES. Quand une voix

s’élève, comme celle d’une organisation non gouvernementale (ONG), Zenawi a tôt fait de la faire taire. Par exemple avec cette loi de 2009 qui interdit aux ONG de travailler sur des thèmes en rapport avec les droits humains, la bonne gouvernance et la résolution des conflits si plus de 10 % de leur financement provient de l’étranger. L’aide, oui ! L’argent, oui ! La morale, non ! D’ailleurs, en réponse Ce politique habile se pose en à un rapport de l’Internarempart face à l’Érythrée voisine tional Crisis Group (ICG) et aux rebellions armées. de 2009 critiquant le fédéralisme ethnique et son de sa grâce, restera en prison jusqu’au instrumentalisation, Zenawi lâchait : 6 octobre 2010… jusqu’à ce qu’elle se « Certains ont des milliards de dollars à repente publiquement. Le soutien amédépenser et s’imaginent qu’ils tiennent ricain reste malgré tout sans faille. de Dieu le droit de dicter aux pays en De plus en plus critiqué pour ses déridéveloppement la manière de gérer leurs ves autoritaires, Mélès Zenawi s’appuie affaires. Nous n’éprouvons que mépris sur des chiffres de croissance remarquapour l’ICG ! » Le moins que l’on puisse bles pour faire valoir son bilan : 11,2 % en dire c’est que, finalement, la langue de 2008; 9,95 % en 2009; 8 % en 2010. Qui dit bois n’est pas son fort. ● mieux ? Lui s’en gargarise. « Pouvez-vous NICOLAS MICHEL N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011


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TRIBUNE Opin Op inio ions & éditor oria iaux ux

Le Rwanda face à l’impossible présomption d’innocence

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Faustin Kagamé Consultant en communication à la présidence de la République du Rwanda

an dernier, à l’approche de l’élection présidentielle rwandaise, un tir groupé d’accusations a plu tel un orage sur le président sortant. Grenades lancées sur la foule dans les gares routières, assassinat manqué contre un général en fuite, meurtre d’un journaliste et d’un membre d’un nouveau parti, interdiction de six mois pour deux journaux privés, arrestation d’une candidate à la présidence soupçonnée d’appartenance à une organisation terroriste… Le pouvoir du président Kagamé, pourtant crédité d’un bilan propre à lui assurer la victoire dans un fauteuil, semblait saisi d’une frénésie répressive au pire moment. Celui où, à la faveur de l’élection présidentielle, l’attention du monde entier se focalisait sur lui. Qu’en est-il aujourd’hui, la passion électorale passée ? Constatons d’abord que, sitôt le scrutin terminé, la liste des accusations relatives au climat d’insécurité que le gouvernement rwandais se serait lui-même infligé a été close, aucune nouvelle accusation n’étant venue grossir cette sorte de « kit électoral » du soupçon.

Vingt-sept des lanceurs de grenades ont été arrêtés. Leur comparution a permis de faire avancer l’information sur les réseaux en cause et de réduire la fréquence de ces actes de terrorisme aveugle attribués sans souci de vraisemblance aux services secrets du gouvernement. Ancien ténor de l’armée affecté à l’ambassade de New Delhi depuis sept ans, le général Kayumba fut interrogé à son retour à Kigali sur ses liens avec les lanceurs de grenades, avant de quitter nuitamment le Rwanda pour l’Afrique du Sud. Alors qu’il rentrait de courses à Johannesburg avec son épouse, il fut blessé par un tireur, qui prit la fuite après que son arme se fut enrayée. Un peu partout, le crime raté fut, lui aussi, attribué aux services spéciaux rwandais. La présomption d’innocence ne jouant jamais en faveur du Rwanda dans ces affaires, peu de gens se sont interrogés sur l’empressement suspect des « barbouzes » rwandais à éliminer le général sans même attendre la fin d’une période aussi sensible que celle des élections, ni sur leur maladresse insigne.Tout bon enquêteur n’aurait pourtant pas manqué d’examiner d’autres pistes, dont celles de l’une ou l’autre faction d’une opposition rwandaise notoirement

dispersée et antagoniste, encouragée de voir que le pouvoir était invariablement accusé. Les assassins du journaliste Léonard Rugambage ont été arrêtés, jugés et condamnés à la prison à vie. Ceux d’André Rwisereka, du minuscule Green Party, sont encore recherchés. Mais, là aussi, le meurtre d’un opposant quasi inconnu n’aurait pas valu au gouvernement de mise en cause automatique sans le contexte électoral et ses accusations opportunément convergentes. Condamnées pour avoir notamment publié, comme à leur habitude, des histoires de coucheries entre personnalités, les revues en langue rwandaise Umuseso et Umuvugizi ont été suspendues pendant six mois, avant d’être à nouveau autorisées. Entretemps, leurs rédacteurs avaient trouvé un asile confortable à l’étranger, grâce à la sollicitude de ceux qui les prennent pour des héros. Une lubie tragique pour qui sait lire le kinyarwanda. Quant à MmeVictoire Ingabire, arrivée des PaysBas quelques mois auparavant avec un discours aussi « habilement » imprégné de sectarisme ethnique que celui des populistes européens se voudrait « innocemment » raciste, c’est dans un rapport d’experts de l’ONU de novembre 2009 que ses accointances avec la milice des Forces démocratiques de libération du Rwanda, sévissant en

Deux journaux ont été suspendus et l’on prend leurs rédacteurs pour des héros. Sait-on au moins ce qu’ils ont écrit en kinyarwanda?

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RD Congo, ont été établies. Avant, donc, qu’elles ne lui valent un procès au Rwanda. Si l’on ajoute que Mme Ingabire s’est présentée à la présidentielle avec un adjoint condamné pour génocide, en cavale depuis des années et qui s’est excusé publiquement pour ses crimes avant d’exécuter sa peine, on se dit que les milieux occidentaux qui trouvent légitime sa candidature à la présidence du Rwanda sont bien tolérants à l’égard de ce qu’ils interdiraient chez eux. À savoir, une candidate au langage équivoque sur le génocide, dont le plus proche entourage comprend des personnes condamnées pour des faits gravissimes*. Est-ce bien raisonnable? ● * Même si Mme Ingabire, absente du Rwanda pendant le génocide, ne saurait être tenue pour responsable dans celui-ci, la condamnation à perpétuité de sa mère pour y avoir participé ne saurait être occultée. JEUNE AFRIQUE


TAGAZA DJIBO/AP/SIPA

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À sa sortie de prison, L’EX-CHEF DE L’ÉTAT (au centre) regagne son domicile, entouré de ses partisans. NIGER

La nouvelle vie de Tandja

Libéré le 10 mai, l’ancien président multiplie les audiences dans sa résidence de Niamey. Sans rien révéler de ses intentions.

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enversé et arrêté lors du coup d’État du 18 février 2010, l’ancien président nigérien Mamadou Tandja peut désormais aller où bon lui semble. Du moins, tant que la justice ne requalifiera pas les charges qui pesaient contre lui. La chambre d’accusation de la cour d’appel de Niamey a annulé toutes les poursuites engagées, les jugeant illégales. Accusé de complicité de détournement de fonds, de délit de favoritisme et de violation du serment coranique pour avoir convoqué un référendum anticonstitutionnel, Mamadou Tandja a passé les onze premiers mois de sa détention en isolement à la Villa verte, haut lieu du pouvoir durant les années Kountché, avant d’être transféré, en janvier dernier, à la prison civile de Kollo, à une trentaine de kilomètres au sud de Niamey. Le 10 mai, jour de sa libération, alors que Me Oumarou Souleye, son avocat, et ses amis du Mouvement national pour la société de développement (MNSD) l’attendaient depuis 10 heures du matin, l’ancien président, serein, a tenu à déjeuner et à faire une petite sieste avant de quitter les lieux, à 16 heures précises. Prélude au train de sénateur qui l’attend désormais ? Peut-être. En tout cas, depuis qu’il est libre, il consacre plusieurs heures par jour à la

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lecture du Coran et se repose dans sa résidence du quartier du Plateau, boulevard Mali-Déro, à Niamey. Mais il reçoit aussi sans discontinuer, entouré de ses deux épouses et de deux de ses sept enfants, arrivés de Dakar pour la circonstance. « FAIRE BARKA ». Parmi les premiers à

indifférent à la politique ». Pas sûr, toutefois, qu’il ait encore les moyens de revenir aux premières loges. Selon les observateurs, l’entretien d’une heure accordé le 12 mai par le président Mahamadou Issoufou au nouveau chef du MNSD, Seini Oumarou, marque la fin politique de Mamadou Tandja. Tout au plus pourrat-il tenir au sein de sa formation un rôle symbolique, comme celui de président d’honneur. On s’attend également à ce qu’il la soutienne financièrement. D’après son avocat, l’urgence, pour Tandja, c’est d’organiser les obsèques de sa mère, décédée mi-mars à l’âge de 110 ans, alors qu’il était en détention. Il avait alors rejeté la permission d’une semaine accordée par la Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), s’interdisant de sortir tant que sa situation n’était pas clarifiée.

s’être pressés à son domicile dès le lendemain de sa libération, le président du MNSD, Seini Oumarou, qui fut également son Premier ministre, ou encore d’anciens ministres comme Aïchatou Mindaoudou (Affaires étrangères) et Ali Lamine Zeine (Économie). Tous les députés de la nouvelle opposition ont également fait le déplacement Pourrait-il se contenter et, à l’intérieur du pays, de d’un rôle symbolique au sein nombreuses délégations d’hommes politiques attende sa formation politique ? dent d’être invitées à venir « faire barka », c’est-à-dire adresser leurs Autre obligation inscrite sur l’agenda félicitations. de l’ancien président, âgé de 73 ans : une Reste que Mamadou Tandja n’a offivisite chez le médecin. Si ceux qui l’ont approché le jugent plutôt bien portant, il ciellement rien révélé de ses éventueldevrait bientôt se rendre au Maroc ou en les ambitions politiques. Après quelque quinze mois passés en isolement, il estime Tunisie pour y subir quelques examens probablement qu’il est trop tôt pour les médicaux. Enfin, selon un responsable dévoiler ou préciser quel rôle il compte politique nigérien, une visite de Mamadou Tandja au Sénégal n’est pas exclue, le jouer au sein de son parti. Pour Me Oumarou Souleye, « le simple président Abdoulaye Wade ayant pesé de fait qu’il reçoive en priorité les membres tout son poids pour le faire libérer. ● du MNSD prouve bien qu’il n’est pas CLARISSE JUOMPAN-YAKAM N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011


Afrique subsaharienne CONFIDENCES DE | Ngozi Okonjo-Iweala Directrice générale de la Banque mondiale

« Madame Casse-Pieds » ne s’arrête jamais Ð Cette économiste aguerrie a été la première femme ministre des Finances du Nigeria Ð La sécurité alimentaire est actuellement l’une de ses principales préoccupations

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IPLÔMÉE DE HARVARD et titulaire d’un doctorat du Massachusetts Institute of Technology (MIT) en économie régionale et développement, l’économiste nigériane rejoint la Banque mondiale en 1982 et y gravit les échelons pendant vingt et un ans. De 2003 à 2006, en tant que ministre des Finances, puis des Affaires étrangères du Nigeria, elle s’efforce de lutter contre la corruption et d’améliorer la gouvernance. Directrice générale de la Banque mondiale depuis le 1er décembre 2007, Ngozi OkonjoIweala, 56 ans, mariée et mère de quatre enfants, vit à Washington. Ave z - vo u s e u u n e e n f a n c e heureuse ? NGOZI OKONJO-IWEALA : Oui et non. Jusqu’à l’âge de 9 ans, j’ai vécu avec ma grand-mère dans un village, pendant que mes parents étudiaient en Allemagne. J’étais une vraie fille de la campagne, faisant les travaux de la ferme. Puis mes parents sont rentrés au pays et sont devenus professeurs d’université. Durant la guerre du Biafra (de mes 12 ans à mes 15 ans), je ne suis pas allée à l’école, ma famille a perdu tout ce qu’elle possédait et nous avons dû apprendre à ne faire qu’un seul repas par jour. Mon père avait rejoint l’armée du Biafra et nous devions sans cesse fuir. J’ai même failli perdre la vie. Une personne qui se trouvait à côté de moi a pris une balle qui aurait pu m’atteindre.

Comment vous êtes-vous retrouvée à Harvard ? Je voulais voyager, mais mon père était très strict. Il ne voulait pas que je parte à l’aventure. Je devais gagner ma place dans une grande université, alors j’ai passé les examens d’entrée de Cambridge et de Harvard. J’ai été reçue aux deux, j’ai choisi Harvard. N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

De quel succès êtes-vous le plus fière ? Il me reste tant à faire! Je suis néanmoins très fière de deux choses. D’abord, et surtout, de mes enfants. Ensuite, de l’allègement de la dette du Nigeria : faire annuler 30 milliards de dollars [environ 25 milliards d’euros d’alors] de dettes, de sorte qu’il n’en restait plus que 5 milliards de dollars à l’époque, m’a pris une énergie considérable – j’y ai gagné des cheveux gris ! –, mais, des années plus tard, je prends encore à peine la mesure de l’exploit que ça a constitué.

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Elle doit faire ses preuves chaque jour ET « ADORE ÇA ».

Est-il vrai que, lorsque vous étiez ministre des Finances, on vous a surnommée « Okonjo-Wahala » (« Madame Casse-Pieds ») ? C’est un jeu de mot sur mon nom de famille, car je me battais avec beaucoup d’énergie [contre la corruption, NDLR]. Cela étant, soyons clairs : ce n’était pas le combat d’une seule personne, mais celui de toute une équipe et, à l’époque, nous avions un président très impliqué [Olusegun Obasanjo]. Aujourd’hui, quelles sont vos priorités ? Je travaille sur de nombreux projets : comment mobiliser plus de crédits pour le Fonds de sécurité alimentaire, réduire la volatilité des cours des produits alimentaires, aider les États affectés par des conflits, améliorer l’image de l’Afrique…

Avez-vous des points faibles ? Plein ! Vous n’avez qu’à demander à mes collaborateurs ! Je gagnerais certainement à être moins impatiente. Qu’est-ce qui vous empêche de dormir la nuit ? L’injustice. Je m’inquiète du nombre de pauvres qu’il y a dans le monde et je veux que ça change. Quel est votre livre de chevet ? Le Successeur, d’Ismail Kadaré. C’est un roman remarquable qui se passe à l’époque de la dictature en Albanie. Est-il plus difficile de parvenir au sommet quand on est une femme ? Honnêtement, oui. J’ai dû travailler plus dur, y passer beaucoup plus de temps que si j’avais été un homme, et être toujours au sommet de ma forme. Contrairement aux hommes, on ne peut jamais faire une pause. Ce n’est pas facile d’être une femme noire, les portes ne s’ouvrent pas devant vous. Vous devez faire vos preuves chaque jour, mais j’adore ça ! ● Propos recueillis par LIZ BOLSHAW © Financial Times et Jeune Afrique 2011. Tous droits réservés. JEUNE AFRIQUE


Coulisses

Afrique subsaharienne

TOGO

L’adieu à Akitani Le candidat unique de l’opposition à la présidentielle de 2005 est décédé le 16 mai, à l’âge de 80 ans.

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ropulsé sur le devant de la scène à la mort du général Gnassingbé Eyadéma pour porter les couleurs de l’opposition à la présidentielle du 24 avril 2005 – la candidature de Gilchrist Olympio, son beau-frère, ayant été rejetée –, Emmanuel Akakpovi Bob Akitani, qui avait déjà 74 ans et une santé fragile, ne s’est jamais vraiment remis des jours qui suivirent ce scrutin. Déclaré battu par Faure Gnassingbé, il avait dénoncé une fraude et s’était proclamé vainqueur le 26 avril : « Togolaises, Togolais! Votre président vous parle. Oui, votre président, car nous n’avons pas perdu cette élection. » Quelques jours plus tard, victime d’une attaque vasculaire cérébrale, il était évacué en France. Il était rentré au Togo à la fin de 2008, mais sa santé était précaire. « Quand il était malade, même les membres de son parti [l’Union des Forces de Changement, NDLR] ne sont pas venus lui rendre visite. La solitude a sans doute précipité sa mort », témoigne Carlos, l’un de ses fils. Il s’est éteint dans une clinique de Lomé, le 16 mai. ● JEAN-CLAUDE ABALO, à Lomé

CÔTE D’IVOIRE AMITIÉ AU SOMMET

BEN CURTIS/SIPA

Présent à l’investiture d’Alassane Ouattara, le 21 mai àYamoussoukro, le président français Nicolas Sarkozy a eu l’occasion de s’entretenir avec son nouvel homologue. Réconciliation nationale, reconstruction, relance de l’économie… Les sujets ne manquent

JEUNE AFRIQUE

pas. Pour mener à bien tous ces chantiers, le chef de l’État ivoirien pourra également compter sur de fidèles soutiens dans la région. Le 12 mai, il a rendu visite à Abdoulaye Wade, avant de se rendre quatre jours plus tard à Ouagadougou pour rencontrer Blaise Compaoré. Un futur « papa » Sarkozy et quelques pairs africains… Ouattara sait qu’il n’est pas seul. ●

NIGER PUTSCHISTES AMNISTIÉS

RD CONGO LA POLICE EN FORMATION

Une formalité. L’Assemblée nationale a voté, le 18 mai, à une écrasante majorité la loi d’amnistie des « auteurs, coauteurs et complices du coup d’État du 18 février 2010 ». Conduit par le commandant Salou Djibo, le putsch avait renversé Mamadou Tandja (lire aussi p. 37). Cette disposition était prévue dans la nouvelle Constitution adoptée par référendum en octobre.Tous les députés présents en séance ont voté le texte, même ceux du parti deTandja.

En vue des échéances électorales de novembre, 5 officiers formateurs et 38 officiers stagiaires de la police d’intervention rapide suivent, depuis le 18 mai, à Kinshasa, une formation menée par la France. Le but de ce stage est d’apprendre aux policiers congolais à assurer l’ordre public durant le processus électoral sans recourir aux armes. Le projet concerne 1000 policiers en tout. De son côté, la Monusco poursuit son programme de formation de la police nationale.

RWANDA TRENTE ANS POUR AUGUSTIN BIZIMUNGU Le général Augustin Bizimungu, chef d’état-major des Forces armées rwandaises en 1994 (il avait été nommé dix jours après le début du génocide), a été condamné, le 17 mai, à trente ans de prison par le Tribunal pénal international pour le Rwanda. Il a été reconnu coupable de crimes contre l’humanité, crimes de guerre et génocide. Arrêté en 2002 en Angola, il était accusé d’avoir ordonné le massacre deTutsis et distribué des armes à des civils hutus. N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

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Maghreb & Moyen-Orient

SYRIE

La répression sanglante de la contestation a attisé la colère du peuple et sa soif de vengeance. Débordé par l’aile dure du régime, le président Bachar voit sa légitimité s’éroder tous les jours un peu plus. Et ne dispose que de très peu de cartes pour renverser la situation.

La chute de

PATRICK SEALE

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outacommencéàDeraa,dansleSud, près de la frontière jordanienne, à la mi-mars, quand une quinzaine d’enfants ont été brutalement interpellés pour avoir recouvert un mur de graffitis hostiles au pouvoir. Indignés, leurs parents sont descendus dans la rue pour manifester leur colère, bientôt rejoints par d’autres citoyens. Le soulèvement était amorcé et s’étendra rapidement à tout le pays, inspiré, du moins en partie, par la démonstration de force du « pouvoir populaire » qui s’est répandue comme une traînée de poudre d’un pays à l’autre, ébranlant les fondations de l’autocratie arabe et bousculant l’ordre politique sclérosé du Moyen-Orient. En Syrie, les autorités ont alors commis une erreur fatale. Comme prises de panique, les forces de sécurité ont commencé à ouvrir le feu sur les manifestants – et continuent de le faire. À la fin d’avril, on déplorait plus de sept cents morts, davantage encore de blessés et des milliers d’arrestations. Mais les informations fiables en provenance de Syrie sont rares et il est impossible d’avoir des chiffres sûrs. Ville pauvre dans une région rurale négligée par le pouvoir et anémiée par une longue sécheresse, Deraa a été le théâtre d’un déchaînement de la violence d’État. Comme pour la punir d’avoir été le berceau du soulèvement, les chars y ont été envoyés pour écraser les manifestations dans ce qui s’apparente à un siège. L’eau et l’électricité ont été coupées et la nourriture est devenue rare. UNE « CAUSE » À DÉFENDRE. Les morts de

Deraa et d’ailleurs, les processions funéraires poignantes qui les ont suivies, ont attisé la colère du peuple et sa soif de vengeance. La légitimité du président Bachar al-Assad s’est érodée. Les N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

PHOTO DE FAMILLE DATÉE DE 1986. Assis, Hafez al-Assad et son épouse, Anissa. Debout, de g. à dr., leurs enfants, Maher, Bachar, Bassel, Majd et Bushra.

appels à la chute du régime se sont faits de plus en plus pressants. Aujourd’hui, le président se bat pour sa survie politique et celle du régime mis en place en 1970 par son père, feu le président Hafez al-Assad. Le règne des Assad père et fils dure depuis quarante et un ans, une longévité comparable à celle d’autres autocrates arabes qui semblent JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient

la maison Assad Repères 1963

Coup d’État militaire du Baas, instauration de l’état d’urgence 1967

Guerre des Six-Jours 1970

Coup d’État de Hafez al-Assad 1973

Guerre du Kippour 1982

Insurrection des Frères musulmans à Hama 1994

Disparition accidentelle de Bassel, fils aîné de Hafez et son successeur désigné 2000

Décès de Hafez al-Assad. Son fils Bachar lui succède

BALKIS PRESS/ABACAPRESS.COM

2003

partager la même détermination à être présidents à vie. Dans aucune autre région du monde on ne compte autant de dirigeants qui s’accrochent au pouvoir avec une telle obstination. Bachar semble avoir vraiment cru que l’idéologie nationaliste arabe dont il a hérité, son opposition à Israël et son soutien aux mouvements de résistance du Hamas à Gaza et du Hezbollah au Liban l’avaient JEUNE AFRIQUE

immunisé contre le mécontentement populaire. Dans un entretien au Wall Street Journal, le 31 janvier, il affirmait que la Syrie ne pouvait être comparée à l’Égypte : « Pourquoi la Syrie est-elle si stable, alors que nous nous trouvons dans une situation plus difficile ? L’Égypte bénéficie du soutien financier des Américains tandis que la Syrie est soumise à un embargo international. ● ● ●

Invasion de l’Irak par les États-Unis. Le Congrès vote des sanctions économiques contre Damas 2005

La Syrie retire ses troupes du Liban 2008

Visite de Bachar en France à l’occasion du sommet de l’Union pour la Méditerranée (UPM). Fin d’une période d’isolement diplomatique N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

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Maghreb Moyen-Orient Nous avons de la croissance, sans parvenir à couvrir tous les besoins de nos concitoyens. Pourtant, notre peuple ne s’est pas soulevé. Ce n’est pas une affaire de besoins ou de réformes, mais d’idéologie, de convictions et d’une cause à défendre. Il existe une grande différence entre la défense d’une cause et le vide idéologique. » Malheureusement pour Bachar, cette analyse s’est révélée erronée. Prononcé devant un Parlement totalement inféodé et régulièrement interrompu par des acclamations déplacées, son premier discours public, le 30 mars, a été une opération de relations publiques désastreuse. En aparté, il a semblé admettre que les crises extérieures l’avaient empêché de conduire les réformes envisagées lors de son accession Bachar peut-il encore au pouvoir. Le 16 avril, dans un second discours, à l’occasion réformer un système de la nomination d’un nouveau politique fossilisé ? gouvernement, il a annoncé la levée de l’état d’urgence, imposé depuis la prise du pouvoir par le parti Baas, en 1963, et l’abolition de la sinistre Cour de sûreté de l’État. Mais ces gestes sont apparus bien timides quand il s’est avéré que les manifestations restaient soumises à une autorisation du ministère de l’Intérieur. Bachar est désormais confronté à un défi aussi ardu que périlleux : restructurer en profondeur le système de gouvernance fossilisé hérité de son père, désormais obsolète et rejeté par la majorité de la population. À l’instar des autres Arabes, les Syriens réclament des libertés politiques effectives, l’élargissement des prisonniers d’opinion, une justice indépendante, la sanction des personnalités corrompues, une presse libre, une nouvelle loi sur les partis politiques ouvrant la voie à un véritable pluralisme (avec l’abrogation de l’article 8 de la Constitution, qui consacre le parti Baas comme « pilote de l’État et de la société ») et la fin, une fois pour toutes, des arrestations arbitraires, de la brutalité policière et de la torture. Bachar peut-il satisfaire à ces exigences ? A-t-il la volonté et la capacité de le faire ? Peut-il espérer l’emporter sur les intérêts vitaux de son clan, de ses services de renseignements, des chefs de ●●●

l’armée, des figures puissantes de la communauté alaouite et de la petite mais influente « nouvelle bourgeoisie », enrichie par la transition d’une économie contrôlée par l’État à une économie de marché qu’il a lui-même organisée pendant la dernière décennie ? Ces forces disparates refusent la fin d’un système qui leur a apporté privilèges et prébendes. Enfin, Bachar peut-il changer les méthodes brutales de sa police et des forces de sécurité ? Peut-on espérer modifier des habitudes de répression enracinées depuis plus d’un demisiècle, voire plus longtemps ? (Car l’autocratie n’est pas une invention assadienne.) DURCISSEMENT. Avant que n’éclate la crise, Bachar ne se comportait pas, tant s’en faut, comme le « traditionnel » dictateur arabe. À 45 ans, il affichait une étonnante jeunesse d’esprit, avait des manières modestes et n’était pas mû par cette arrogance qui caractérise ceux qui sont nés pour le pouvoir. Il était un jeune étudiant en ophtalmologie quand, en 1994, la mort accidentelle de son frère Bassel, successeur désigné de Hafez, le propulsa, à son corps défendant, sur le devant de la scène politique. À son arrivée au pouvoir, en 2000, il se retrouve à la tête d’un pays totalement décalé par rapport à un monde de plus en plus globalisé et technologiquement avancé. Ses premières réformes sont donc financières et commerciales. La téléphonie mobile et internet font leur apparition. Écoles et universités privées se multiplient. En 2004, les banques et les compagnies d’assurance privées sont pour la première fois autorisées. Cinq ans plus tard, en 2009, une place boursière voit le jour. Bachar noue une alliance politique et économique avec la Turquie – les deux pays suppriment les visas –, ce qui renforce le commerce entre les régions frontalières et profite beaucoup à Alep. La vieille ville de Damas connaît une seconde jeunesse. D’anciennes maisons arabes sont restaurées, restaurants et hôtels poussent comme des champignons pour accueillir un nombre grandissant de touristes. Avant la crise, la Syrie négociait son entrée dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et avait conclu un accord

Chronologie d’une révolte 18 mars 2011

Manifestation à Deraa pour demander la libération de 15 adolescents qui avaient tagué « Le peuple veut la chute du régime » sur les murs de la ville. Violente répression : au moins 4 morts et des centaines de blessés. N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

23 mars

Le limogeage du gouverneur de Deraa ne met pas un terme à la contestation. Les tirs des forces de l’ordre font une centaine de morts. 26-27 mars

Violences à Lattaquié. Damas incrimine les islamistes.

Libération de 260 prisonniers politiques. 29 mars

Démission du gouvernement. Une manifestation de soutien au régime rassemble des centaines de milliers de personnes à Damas. JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient

DÉFECTIONS. À l’heure où nous écrivons ces lignes, Bachar semble conserver une chance ténue d’assainir la situation et de bénéficier, peut-être, d’un sursis. À la condition sine qua non de faire cesser le massacre des manifestants et de prendre la tête du mouvement réformateur en opérant un coup d’État silencieux contre les partisans de la ligne dure. Mais il est peut-être déjà trop tard. Il se peut en effet que Bachar ait perdu toute autorité sur des hommes comme son frère, Maher, commandant de la garde républicaine, qui semble préconiser la répression musclée pour écraser la contestation. Tant que l’armée et les services de sécurité resteront loyaux, l’opposition aura du mal à désarçonner le régime. Mais des rumeurs de défections dans

30 mars

Premier discours de Bachar : la lutte contre la corruption et le chômage sont une priorité. La levée de l’état d’urgence n’est pas évoquée. 8 avril

Manifestations à Deraa : 26 morts. JEUNE AFRIQUE

14 avril

Désignation d’un nouveau Premier ministre chargé de mener des réformes. Les manifestations continuent. 16 avril

Second discours de Bachar, qui promet la fin de l’état d’urgence et l’abolition de la

AFP

d’association avec l’Union européenne. Mais il semble que les années de pouvoir aient endurci Bachar, qui devient plus autoritaire, développe un goût pour le contrôle des médias, de l’université, de l’économie – à travers les « copains », tels que son richissime cousin Rami Makhlouf (voir J.A. no 2625) –, et plus largement de la société. La liberté d’expression n’est pas autorisée. Les leviers politiques sont tenus par un petit cercle restreint qui gravite autour du président et des services de sécurité. Comme son père, Bachar n’aime pas être bousculé ni donner l’impression de céder à la pression. Pourtant, nombre de Syriens le soutiennent encore et continuent de voir en lui un dirigeant éduqué, moderne et laïc, mieux à même que beaucoup d’autres de mener à bien les réformes nécessaires.

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Jour de colère

à HAMA, l’armée circulent, et certains membres du Baas le 29 avril. ont démissionné. Il faut également souligner que le régime Assad a des ennemis déterminés, à l’intérieur comme à l’extérieur, qui conspirent contre lui depuis les pays voisins – Liban, Jordanie, Irak, Arabie saoudite et aussi Israël –, sans oublier les opposants exilés à Paris, à Londres et aux États-Unis. Ces ennemis ont senti l’odeur du sang. Surfant sur la vague tumultueuse de la dissiDéterminés, les ennemis dence populaire, ils ne vont pas du régime ne vont pas lâcher prise. Selon des télégramlâcher prise. mes diplomatiques révélés par WikiLeaks et publiés mi-avril dans le Washington Post, le département d’État américain a financé secrètement, entre 2005 et 2010, un réseau d’opposants syriens basé à Londres à hauteur de 12 millions de dollars [8,5 millions d’euros]. Il est légitime de considérer que l’action du fils s’inscrit dans le droit fil de celle du père. Hafez a non seulement désigné Bachar pour lui succéder, mais il lui a aussi transmis un système ● ● ●

Cour de sûreté de l’État. 17 avril

10 000 manifestants à Lattaquié. 18 avril

20 000 manifestants à Homs. 25-26 avril

L’armée encercle Deraa.

27 avril

Démission de plus de 230 membres du parti Baas. 2 mai

Les forces de sécurité donnent quinze jours aux auteurs d’« infractions » pour se rendre.

10 mai

Sanctions de l’UE contre 13 responsables syriens. 11 mai

19 morts parmi les manifestants à Damas et à Homs. 16 mai

Découverte d’un charnier à Deraa. N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011


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Maghreb Moyen-Orient autocratique centralisé reposant sur une présidence toute-puissante. De même lui a-t-il légué des principes, des alliés et des ennemis qui ont largement déterminé la politique étrangère syrienne. Les contours du profil de Hafez et de Bachar ont été dessinés par le conflit avec Israël. La Syrie a dû se débattre dans un environnement hostile façonné par la victoire écrasante de l’État hébreu lors de la guerre de 1967, l’annexion de vastes territoires arabes – dont le plateau du Golan – et l’alliance étroite entre Tel-Aviv et Washington. Cette dernière a scellé une hégémonie régionale onale israélo-américaine dont Damas et ses alliés tentent, depuis, de s’affranchir. Déclenchée par la Syrie et l’Égypte pour récupérer leurs territoires et forcer Israël à négocier une paix globale, la guerre de 1973, malgré quelques succès initiaux, n’a pas atteint ses objectifs. Pis, Le Caire a signé, en 1979, une paix séparée avec Tel-Aviv et s’est retiré du front nt arabe. La région passe alors sous la domination sans partage d’Israël. Pour se défendre, la Syrie noue, en 1979, un partenariat avec la nouvelle République islamique d’Iran. En 1982, après l’invasion israélienne du Liban, qui visait à neutraliser l’influence syrienne, détruire l’OLP et « satelliser » le pays du Cèdre, Damas trouve des alliés locaux parmi les mouvements de résistance chiites du Sud-Liban, dont le Hezbollah deviendra le fer de lance. Engagé dans une guérilla, avec l’appui logistique et militaire de la Syrie et de l’Iran, le Hezbollah réussit, en 2000, à bouter Israël hors du Sud-Liban, après dix-huit ans d’occupation. Ainsi naquit l’axe Damas-TéhéranHezbollah qui, au fil des ans, devient le principal rival régional des États-Unis et d’Israël. ●●●

Composition confessionnelle de la population en %

77 3 10

10

DIALOGUE DE SOURDS. Trente ans plus tard,

SUNNITES ALAOUITES CHRÉTIENS DRUZES

POUR

22,19 millions

D’HABITANTS (2010)

PRESSIONS EXTÉRIEURES. Washington et TelAviv n’ont pas ménagé leurs efforts pour briser cet axe et l’empêcher d’acquérir une capacité de dissuasion. L’Iran a dû subir une constante diabolisation, des sanctions économiques et des menaces d’attaques militaires en raison de son programme nucléaire, tandis qu’Israël multipliait les tentatives de destruction du Hezbollah, comme lors Qu’importe la liberté si de la guerre de juillet-août 2006 la stabilité et la sécurité au Liban. La Syrie, de son côté, a essuyé des intimidations, des sont assurées ? Erreur ! sanctions américaines, et une attaque israélienne, en septembre 2007, contre un site censé abriter des installations nucléaires. Bachar a dû se débattre avec ses propres crises. Il a survécu à la « guerre mondiale contre le terrorisme » menée par George W. Bush après le 11-Septembre, puis il a dû affronter la grande épreuve de l’invasion et de la longue occupation de l’Irak par les États-Unis. Si l’entreprise américaine avait été couronnée de succès, la Syrie aurait été N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

la prochaine cible, comme les néoconservateurs – principaux architectes de la guerre d’Irak – le projetaient. Puis Damas a été confronté à la crise libanaise de 2005, déclenchée par l’assassinat du Premier ministre Rafic Hariri. Les forces syriennes se retirent du Liban, tandis que les pressions combinées de la France et des États-Unis font planer une menace sur le régime Assad. Commeunnuagenoirsurlesévénementsactuels plane le souvenir des massacres de Hama, en 1982, quand Hafez al-Assad réprima dans le sang un soulèvement armé des Frères musulmans. En soulèv 1977, ces derniers avaient lancé des attaques 19 terroristes contre le pouvoir, assassinant des proches du président avant de prendre le contrôle de Hama, où ils liquidèrent le Baas et les représentants du gouvernement. Le régime reprit le contrôle de la ville au prix d’un bain de sang : entre 10 000 et 20 000 morts. les islamistes rêvent de vengeance, tandis que les minorités redoutent de faire les frais d’une chute du régime. Sortant de leur clandestinité, les Frères musulmans ont appelé le peuple à rejoindre les manifestations. Le combat pour la liberté risque ainsi d’être noyé dans un conflit confessionnel. Tel a été l’apprentissage du président Bachar, qui a dû, comme son père, résoudre une série de crises potentiellement mortelles. Les deux hommes ont pu s’enorgueillir d’avoir assuré au pays une certaine forme de stabilité et de sécurité, notamment en regard des souffrances des Libanais et des Irakiens. Mais il a fallu en payer le prix. Pour survivre dans un environnement hostile, les autorités ont transféré d’importants pouvoirs aux services de sécurité, qui sont les gardiens du régime – aggravant d’autant la rancœur des Syriens. Il en a résulté un dialogue de sourds. Obsédés par les crises externes, les Assad en ont négligé la scène intérieure. Qu’importent les libertés politiques, devaient-ils certainement penser, si la sécurité et la stabilité sont assurées. « La forme de liberté la plus sublime, écrit, le 25 avril, le quotidien officiel Tishrin, est la sécurité de la patrie. » La récente explosion de rage populaire a incontestablement pris Bachar par surprise, comme comme ce fut le cas pour d’autres autocrates. Il a dû détourner son attention des périls extérieurs pour se concentrer sur des défis intérieurs plus urgents. La situation actuelle lui impose d’élaborer et de mettre en œuvre des réformes profondes. Il lui faudra changer radicalement d’approche. Cela ne sera pas chose aisée, et une issue favorable est loin d’être acquise. La menace intérieure à laquelle Bachar est confronté est au moins aussi périlleuse que les menaces extérieures que lui et son père ont affrontées avec succès. ● JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient

TRIBUNE Opin Op inio ions & éditor oria iaux ux

Tunisie: du faux départ à la contre-révolution

D.R.

« Ghazi Mabrouk Conseiller spécial de l’Observatoire européen du Maghreb

L

A RÉPUBLIQUE des copains et des coquins ! » Une terrible formule du Français Michel Poniatowski pour évoquer, il y a trente-cinq ans, l’État-UDR. La Tunisie a vécu la « République des coquins » durant vingt-trois ans. Elle connaîtrait maintenant la « République des copains », celle des clans et des « visiteurs du soir ». Certes, de telles accusations sont la conséquence directe de l’impression d’opacité que donnerait un pouvoir tenu par l’élite et par l’establishment, provoquant inévitablement la suspicion de la base populaire et augmentant les risques de contestation et de blocages. Certes, ceux qui ont immédiatement « succédé » au dictateur ont commis l’erreur de s’appuyer sur la Constitution de l’ancien régime : exit le Comité de salut public adossé à l’armée – qui est légitimiste – et la purge politique du système au nom des aspirations populaires. Certes, le peuple a l’impression que les autorités provisoires tergiversent, que la liberté et la justice ne sont pas au rendez-vous, que des personnalités emblématiques de l’ancien régime et leurs acolytes sont ménagés. Certes, pensent certains, le temps faisant son œuvre, le peuple se lassera et passera à autre chose. La grande révolution aura été que Ben Ali et sa mafia soient partis : maintenant, on peut aller se coucher. Circulez, il n’y a rien à voir ! Certes, les caciques de la politique comprennent difficilement que la donne a changé, et que le peuple risque de considérer que sa révolution est inachevée après ce faux départ et une contre-révolution rampante que les nervis du passé tentent d’alimenter par la politique de la terre brûlée et la violence. Certes, certes, certes, mais il va bien falloir avancer.

lors des élections législatives que l’avenir politique des partis « croupions » se jouera. C’est là que les alliances et les coalitions prendront toute leur importance, pour dégager une majorité de gouvernement. D’ici là, ces partis auront eu le temps de s’organiser. Une Constituante n’est pas une Assemblée nationale, sa gouvernance reste transitoire. La Constituante pourrait choisir la solution de facilité, celle d’un gouvernement d’union nationale transitoire, mais qui risquerait d’être paralysé. Elle pourrait aussi choisir l’apprentissage « grandeur nature » de la démocratie, avec un système de coalition post-électorale, une majorité gouvernementale et une opposition républicaine. Le Premier ministre transitoire serait alors issu de la coalition majoritaire de la Constituante, tandis que le président élu de la Constituante pourrait cumuler la fonction de président de la République transitoire, afin de ne pas la personnaliser, le temps d’élaborer une nouvelle Constitution et d’organiser des élections législatives et présidentielle. « De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace » pour que la magie tunisienne puisse opérer à nouveau. À défaut de donner à la dynamique de la révolution du 14 janvier « des gages »,

L’intérêt supérieur du pays commande de s’engager résolument dans la phase nouvelle, celle d’un processus électoral inédit.

L’intérêt supérieur de laTunisie commande de s’engager « haut les cœurs » dans la phase nouvelle qui se dessine: celle d’un processus électoral inédit. Une nouvelle République pourrait émerger de l’élection de l’Assemblée constituante. La plupart des partis légalisés ont les yeux tournés vers cette élection, qu’ils croient déterminante pour eux, car ils pourront enfin mesurer leur poids. Mais cela ne sera qu’indicatif: ce sera plutôt JEUNE AFRIQUE

c’est « Dégage ! » que les dirigeants entendront encore crier sous leurs fenêtres. Un gage politique d’ouverture serait l’introduction du concept de référendum populaire. Un autre gage en direction du développement régional serait l’adoption du principe de Conseils régionaux élus: ils bénéficieraient d’affectations budgétaires spécifiques décentralisées, autogérées par chaque région, sous le contrôle d’un Sénat constitué en Seconde Chambre des représentants des régions. Les métamorphoses audacieuses sont désormais requises : il ne faut pas hésiter à souffler sur la braise si l’on veut que les cendres s’éparpillent! C’est ce que la lutte pour l’indépendance nationale nous avait appris. L’esprit de Bourguiba n’a-t-il pas plané sur la Tunisie en ce 14 janvier, pour la seconde libération du pays ? ● N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

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Maghreb Moyen-Orient TUNISIE

Kaddafi, Aqmi : la double menace Tirs de roquettes et incursions de brigades loyalistes libyennes, infiltration de groupes terroristes via la frontière avec l’Algérie… La population et les forces de sécurité sont sur le qui-vive.

G

forces sont tombées dans les environs du éographiquement prise en village de Dehiba, à la suite d’une offensive tenaille entre la Libye et avortée pour reprendre le contrôle du l’Algérie, la Tunisie subit de poste-frontière de Wazzan, tenu par les plein fouet les contrecoups rebelles adossés à la fortification naturelle de la guerre entre les forces de Kaddafi du Djebel Nefoussa. Le gouvernement et ses rebelles. D’une part, les populatunisien hausse aussitôt le ton dans sa tions frontalières vivent, depuis le mois quatrième protestation en un mois et d’avril, au rythme des tirs d’obus libyens et des infiltrations des brigades de Kaddafi exprime sa « vive indignation » aux autoricherchant à prendre à revers les rebelles. tés libyennes. « Bien qu’il se soit engagé, à plusieurs reprises, à empêcher ses troupes D’autre part, les incursions de groupes armés – liés ou non à Al-Qaïda au Maghreb de tirer en direction du territoire tunisien, islamique (Aqmi) – à partir de l’Algérie se le gouvernement libyen n’a pas respecté multiplient. ses engagements », déclare Tunis, qui Sur le terrain, l’armée tunisienne et les avertit que la poursuite de ces « agresforces de sécurité intérieure sont en alerte sions » aura « des conséquences néfastes maximale, notamment dans le sud. Des et immédiates » sur les relations entre Tunisiens n’ont en tout cas plus confiance hélicoptères et des F-5 de l’armée de l’air les deux pays. Le gouvernement déclare en lui et s’attendent au pire. Ils n’oublient patrouillent tout le long de la frontière qu’au cas où ces violations ne cesseraient pas que Kaddafi avait pris position en et des véhicules tout-terrain sillonnent pas la Tunisie serait amenée à prendre faveur de Ben Ali dès le lendemain de sa le désert et les montagnes chute, un mois avant le déclenchement à la recherche de suspects. de la révolte en Libye. Il est vraisemblable Tunis a déjà adressé quatre Des brigades de Kaddafi ont que, s’il n’avait pas lui-même été accaparé protestations à Tripoli. Et pourrait à plusieurs reprises franchi par la répression de son peuple, il aurait la frontière. On rapporte le aidé le clan Ben Ali à mener des opérations porter l’affaire devant l’ONU. cas de 220 soldats, à bord de de déstabilisation de la révolution. Par ses 70 véhicules, qui ont été désarmés et renopérations militaires à la frontière, Kaddafi des « mesures fermes » pour défendre voyés illico presto chez eux, le 14 mai. l’inviolabilité de son territoire, y compris aura en tout cas amené le gouvernement en portant l’affaire devant l’ONU. tunisien à dépêcher le gros de l’armée et ÉQUILIBRISME. « Face à la guerre libyenne Entre-temps, c’est à un exercice d’équilide la garde nationale dans l’ouest et le sud qui est à nos frontières, a déclaré le Premier brisme que se livre le gouvernement tunipour empêcher les infiltrations tout le ministre du gouvernement provisoire, sien, dont le cœur penche pour les long de la frontière avec la Béji Caïd Essebsi, nous faisons preuve rebelles, et qui entretient de bons Tunis Libye (459 km) et l’Algérie de sagesse, de circonspection, et nous rapports avec les représentants (965 km). Un déploiement Siliana ne jetons pas d’huile sur le feu. » C’était le de leur gouvernement provisoire, prioritaire, mais qui dégarnit Rouhia d’autant les grandes villes, au 8 mai, au lendemain de la troisième probasé à Benghazi, sans toutefois testation diplomatique auprès de Kaddafi, moment où l’état d’urgence lui accorder, au stade actuel, la TUNISIE qui n’a cessé pourtant de promettre qu’il est toujours en vigueur et reconnaissance diplomatique. allait mettre fin aux tirs et aux infiltrations. l’insécurité persistante, du fait Un effort extraordinaire est Le gouvernement lui a lancé un nouvel des actes de violence sporaaccompli pour recueillir et avertissement, affirmant que la Tunisie soigner les blessés, et accueillir diques attribués aux forces prendrait « les dispositions nécessaires les réfugiés libyens de tous contre-révolutionnaires et Tataouine pour préserver l’intégrité de son territoire bords. Kaddafi, de son côté, s’il à la criminalité. Remada national et la sécurité des habitants et persiste dans cette voie, risque de Dehiba iba a des réfugiés… » Mais Kaddafi n’en a cure perdre en Tunisie le seul point de ACCROCHAGE MEURLIBYE TRIER. Les infiltrations et poursuit l’escalade militaire. Dernier passage qu’il lui reste pour les incident en date : le 17 mai, une vingtaine déplacements de ses hommes à ALGÉRIE de groupes armés via la 50 km de roquettes de type Grad tirées par ses l’étranger et le ravitaillement. Les frontière avec l’Algérie N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient

AUDE OSNOWYCZ

Ý À DEHIBA, non loin de la frontière tuniso-libyenne, la tension est palpable.

commencent, quant à elles, à devenir inquiétantes. Les forces de sécurité ont ainsi arrêté, en mai, deux groupes de deux hommes de nationalités algérienne et libyenne, vraisemblablement membres d’Aqmi (lire ci-dessous). Selon des sources sécuritaires, l’interrogatoire de ces

commandos accrédite la thèse selon laquelle Aqmi les a entraînés et envoyés en éclaireurs, avec pour mission de mettre en place des caches d’armes – dont certaines ont été découvertes. Les autorités ont appelé les populations dans l’ensemble du pays à leur signaler l’identité des étrangers

Un quatuor inquiétant Les deux minicommandos djihadistes arrêtés dans le sud auraient été chargés de préparer des attentats à l’explosif.

C

e n’est pas un seul groupe présumé membre d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) que les forces de sécurité tunisiennes ont arrêté dans le sud au mois de mai, mais deux. Le premier, c’était le 11 mai, à l’hôtel Médina de Tataouine. Il était composé de deux jeunes Libyens. Au départ, les autorités ont déclaré qu’ils avaient une « bombe artisanale », venaient d’Algérie et comptaient poursuivre leur route vers la Libye. C’était pour se donner le temps d’approfondir l’enquête. Le second groupe a été arrêté dans la nuit du 14 au 15 mai, dans la montagne JEUNE AFRIQUE

de Nekrif, à 25 km de Remada. C’est une unité saharienne de la garde nationale qui lui a donné l’assaut après avoir reçu des renseignements sur la présence d’étrangers. D’après des sources sécuritaires, le groupe est composé d’un Algérien surnommé « Abou Meslem », qui a rejoint Aqmi il y a une douzaine d’années, et d’un Libyen, dont le nom de guerre est « Abou Batin », qui a reçu, il y a cinq ans, une formation dans le camp d’entraînement d’Aqmi près de Bir el-Ater, à 87 km au sud de Tebessa, en Algérie. Tous deux faisaient partie d’une section d’Aqmi

qu’ils hébergent, que ce soit dans les hôtels ou chez l’habitant, ce qui a contribué à aider les unités chargées de pourchasser les suspects à opérer de nombreuses arrestations. Dans le centre-ouest du pays, deux hommes,détenteursdepasseportslibyens, venus d’Algérie et porteurs de ceintures bourrées d’explosifs, ont ainsi été abattus le 18 mai, près de Rouhia (gouvernorat de Siliana), alors qu’ils prenaient la fuite après avoir été repérés par la population. Pourchassés par des éléments de l’armée et de la garde nationale, ils ont ouvert le feu, tuant un colonel et blessant deux soldats. L’opération s’est poursuivie par un ratissage de la région avec le concours de l’aviation pour retrouver un troisième suspect et d’autres individus qui se seraient récemment infiltrés dans le pays. Entre les incursions d’éléments libyens et les infiltrations de groupes armés via l’Algérie, la tâche de la Tunisie s’annonce rude. « Nous avons presque la certitude que ce qui se passe en Libye peut avoir des conséquences fâcheuses dans la région, pas seulement en Algérie, mais également dans les pays voisins », déclarait, en avril, Mourad Medelci, ministre algérien des Affaires étrangères. Il ne croyait, hélas, pas si bien dire. ● ABDELAZIZ BARROUHI, à Tunis

qui aurait été chargée, au lendemain de la révolution du 14 janvier, de préparer des attentats à l’explosif en Tunisie. Ils s’y sont rendus séparément et à des dates différentes dans la deuxième quinzaine d’avril, via la frontière algéro-tunisienne, pour gagner ensuite les montagnes de Beni Khedache, à une cinquantaine de kilomètres de Tataouine. ARSENAL. Les autorités ont saisi trois

kalachnikovs, des munitions, des chargeurs et des explosifs TNT, ainsi qu’un GPS, deux téléphones portables, un faux passeport libyen, des euros et des dinars. Lors de l’interrogatoire, ils ont reconnu qu’il y avait d’autres groupes d’Aqmi qui se dirigeaient vers le nord du pays. Des aveux qui ont sans doute permis aux enquêteurs de remonter jusqu’au commando neutralisé à Rouhia, dans le centre-ouest, le 18 mai. ● AZ.B. N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

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ALGÉRIE

Un binôme pour les réformes Le président Bouteflika charge Abdelkader Bensalah et Mohamed Seghir Babès de conduire les consultations dans la perspective d’une « profonde » révision constitutionnelle.

L

e processus de réformes politiques, dont une « profonde révision de la Constitution », annoncé par Abdelaziz Bouteflika le 15 avril est officiellement lancé. Pour le conduire, le chef de l’État a choisi deux hommes, chargés notamment d’entamer les consultations, à Djenane el-Mithaq, une résidence d’État sur les hauteurs d’Alger, avec les partis, les personnalités politiques, les partenaires sociaux, ainsi que les organisations de la société civile. Si le choix du président s’est porté sur deux personnalités, c’est parce que les réformes envisagées comportent deux volets. Le premier, éminemment politique, concerne le projet de révision constitutionnelle, l’élaboration d’un nouveau code électoral, d’une nouvelle loi sur les partis, et d’une loi organique sur l’élargissement de la participation féminine dans les assemblées élues locales. Pour préparer cette batterie de mesures visant à consolider la pratique démocratique, Abdelaziz Bouteflika a décidé d’associer à son élaboration l’ensemble de la N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

classe politique, représentée ou non au Parlement. Conduire les consultations, recueillir les propositions et rédiger un rapport qui sera soumis, avant la prochaine rentrée sociale (septembre 2011), à la présidence de la République, telle est la mission confiée à Abdelkader Bensalah, 70 ans, président du Conseil de la nation (Sénat). CHOIX CONTROVERSÉ. Le second volet

des réformes porte sur le dialogue social, le développement local, le devenir de l’entreprise (privée ou publique) et la modernisation du mode de gouvernance aux plans local et national à travers une plus grande implication de la société civile. Le président en a confié la charge à Mohamed Seghir Babès, 68 ans, président du Conseil national économique et social (Cnes), brillant universitaire et africaniste reconnu. Si le choix de Babès n’a provoqué aucune controverse, celui de Bensalah a fait couler beaucoup d’encre. Né en novembre 1941 sur les hauteurs de Fellaoucène, dans la région de Tlemcen, Abdelkader Bensalah est

Ý ABDELKADER BENSALAH (à g.), président du Conseil de la nation (Sénat), et MOHAMED SEGHIR BABÈS, président du Conseil national économique et social (Cnes).

LOUIZA AMMI

CRÉDIT PHOTO

Maghreb Moyen-Orient

LOUIZA AMMI

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titulaire d’une licence en droit décrochée en 1966. Boudant les robes noires, il opte pour le journalisme et entame son parcours professionnel comme rédacteur au quotidien arabophone Ech-Chaab (« Le Peuple »), puis comme correspondant au Proche-Orient, basé à Beyrouth. En 1974, il retourne à Alger pour prendre la direction générale d’Ech-Chaab. Deux ans plus tard, l’Algérie se dote d’une Constitution qui prévoit l’instauration d’un Parlement. Bensalah décide alors d’entrer en politique. Élu député en 1977, il prend la tête de la Commission des affaires étrangères à l’Assemblée populaire nationale, un poste auquel il sera reconduit à deux reprises et qui lui ouvre les portes de la diplomatie. En 1989, il est nommé ambassadeur en Arabie saoudite, avant d’être rappelé à Alger pour devenir porteparole du ministère des Affaires étrangères, puis membre de la Commission du dialogue national, créée en 1993 pour trouver une issue à la crise institutionnelle qui menace les fondements de l’État. HOMME DE CONFIANCE. L’ancien journaliste devient une célébrité, le dialogue national l’ayant mis en contact avec l’ensemble de la classe politique, les généraux de l’armée – acteurs déterminants dans la vie publique –, ainsi que les personnalités d’envergure nationale. Il hérite, en 1994, de la présidence du JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient Conseil national de la transition (CNT), un parlement croupion dont les membres sont désignés par le pouvoir. En prévision des législatives de 1997, Bensalah fait partie des membres fondateurs du Rassemblement national démocratique (RND, d’Ahmed Ouyahia), « le parti de l’administration », comme le qualifient ses détracteurs. Le RND remporte l’élection et Bensalah se retrouve à la tête d’un Parlement élu. Sa proximité avec les hautes sphères du pouvoir lui vaut aujourd’hui d’être contesté dans son nouveau statut de « Monsieur Réformes » de Bouteflika. « Nous aurions préféré une personnalité indépendante », déplore Moussa Touati, chef du Front national algérien (FNA, opposition). Un argument balayé d’un revers de main par la présidence de la République. « Il y a apparemment un malentendu. Bensalah n’est pas chargé de mener la révision de la Constitution mais de recueillir des propositions et d’élaborer un rapport destiné au président de la République, assure un conseiller de

Bouteflika, et pour ce faire, il est normal que ce dernier choisisse un homme de confiance. » Toujours est-il que Bensalah a entamé, le 21 mai, ses rencontres avec les partis politiques, épaulé par deux conseillers de Bouteflika : le général à la retraite Mohamed Touati et Mohamed Ali Boughazi (lire ci-dessous). ÉTATS GÉNÉRAUX. Le choix de Babès est

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(Santé et population entre 1992 et 1994). En 1999, Bouteflika en fait son conseiller au sein du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad), dont il dirige le panel des éminentes personnalités chargées du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (Maep). En 2005, il est élu à la tête du Cnes. C’est à ce titre qu’il a été désigné pour organiser, les 14 et 15 juin, les états généraux de la société civile, ainsi que la concertation

moins controversé. À 68 ans, le président du Cnes jouit d’une excellente réputation. Bardé de Les propositions de leurs diplômes – Sciences-Po interlocuteurs seront remises au Alger (1967), Sciences-Po Paris, chercheur associé chef de l’État avant la rentrée. à l’Université Laval, au pour « définir les objectifs du dévelopQuébec –, Mohamed Seghir Babès a accompli toute sa carrière professionpement durable et les adapter aux attennelle au sein du service public. Ancien tes de la population », selon la formule directeur général de la Sécurité sociale, il de Bouteflika. Autre mission confiée à a dirigé le Fonds de participation (holding Babès : assurer le suivi du développegérant le portefeuille de l’État) dans le ment de l’économie hors hydrocarbures secteur des services. Il a mené de front et l’élaboration de recommandations activités pédagogiques et gestion, recherpour rendre plus efficiente l’entreprise che fondamentale et mission ministérielle algérienne. ● CHERIF OUAZANI

Le général, l’islamiste et la démocratie

P

our assister Abdelkader Bensalah dans sa mission de concertation avec la classe politique, Abdelaziz Bouteflika a désigné Mohamed Touati, général major à la retraite, et Mohamed Ali Boughazi, ancien élu d’Ennahdha (islamiste). Les deux hommes font partie du staff d’El-Mouradia. Le premier est conseiller pour les affaires sécuritaires, le second est devenu la voix de Bouteflika, puisqu’il est le principal lecteur des discours présidentiels, la santé déclinante du chef de l’État l’ayant contraint à réduire ses interventions publiques. Le choix n’est pas fortuit. On y décèle un souci d’équilibre autant régional que politique. Bensalah étant originaire de Tlemcen, dans l’Ouest algérien, Bouteflika a tenu à faire représenter le centre et l’est du pays. Natif de la région de Béjaïa, en Petite Kabylie, réputée proche de la mouvance des démocrates, le général Touati, 70 ans, est surnommé El-Mokh (« le cerveau ») JEUNE AFRIQUE

pour avoir longtemps été l’éminence grise de l’institution militaire. Le plus politique des généraux a fait partie, tout comme Bensalah, de la Commission du dialogue national, créée en 1993 pour sortir l’Algérie d’une crise institutionnelle. La retraite lui a plutôt bien réussi, puisqu’il occupe, depuis 2004, les fonctions de secrétaire permanent du Haut Conseil de sécurité. PONDÉRATION. Quant à Mohamed Ali Boughazi, docteur en mathématiques originaire de Skikda, pôle pétrochimique situé dans l’est du pays, il est considéré comme un islamiste modéré. Il a fait une brève carrière ministérielle dans le premier gouvernement d’Abdelaziz Bouteflika, entre 2000 et 2003, à la tête de l’Aménagement du territoire, puis en

SAMIR SID

Deux conseillers présidentiels participeront aux concertations avec la classe politique.

MOHAMED TOUATI, général major à la retraite, surnommé « le cerveau ».

tant que secrétaire d’État à la Recherche scientifique. La pondération de cet islamiste bon teint séduit le chef de l’État, qui en fait un sherpa, rédacteur et lecteur de discours. Un nationaliste, un islamiste et un militaire. Voilà le trio choisi par Bouteflika pour conduire le train des réformes dont la pierre angulaire est la révision « profonde » de la Constitution. ● CH.O. N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011


Maghreb Moyen-Orient

OLIVIER MORIN/AFP

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ÉGYPTE

Amr Moussa en pole position

Fort de sa popularité et de sa stature internationale, l’ex-secrétaire général de la Ligue arabe nourrit des ambitions présidentielles.

D

eux événements concomitants lui ont profité : l’expiration de son second mandat de secrétaire général de la Ligue arabe, en mars, et la vacance à la tête de l’État égyptien après la chute de Hosni Moubarak, le 11 février. En outre, sa rapide prise de position contre la répression des insurgés libyens par les forces de Kaddafi lui a valu d’engranger un important capital de sympathie dans son pays. Diplomate de carrière, ancien ministre des Affaires étrangères (1991-2001), Amr Moussa, 74 ans, avait annoncé, dès le 27 février, qu’il ne briguerait pas un troisième mandat à la tête de la Ligue arabe et qu’il envisageait d’être candidat à l’élection présidentielle, qui devrait se tenir à la fin de l’année. Une annonce intervenue le lendemain de la proposition du gouvernement militaire provisoire d’amender la Constitution pour autoriser un plus grand nombre de candidatures et limiter à deux le nombre de mandats présidentiels. Les modifications N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

proposées par la Commission de révision de la Constitution ont été approuvées par référendum le 19 mars. Désormais, tout Égyptien peut concourir pour la présidence. « Si Dieu le veut, je serai l’un d’eux », avait alors déclaré Moussa. Lequel, Quel est votre candidat favori pour la présidentielle ?

(en %)

Omar Om Souleimane Soulei Soul uleima mane ne 5

Wael Ghonim Ghon Gh onim im 2

Essam Charaf Char Ch araf af 7

Mohamed Mohame hamed el-Baradei el-B el -Bar aradei arad ad 2

Ahmed Zuweil 12

Ayman Ayma Ay man Nour 1

Hussein Hussei ssein Tantawi Ta 16

Amr Moussa 37

Sondage conduit par téléphone entre les 9 et 20 mars par l'Institut américain Charney Research, auprès de 615 personnes (marge d'erreur =+/–4%)

SUR LES RIVES DU LAC DE CÔME, en Italie, le 3 septembre 2010.

si l’on en croit les résultats d’un premier sondage, devance nettement Mohamed el-Baradei, ex-directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et Prix Nobel de la paix, qui avait pris la tête de plusieurs manifestations pour la démocratie durant la révolution. Amr Moussa est dans la diplomatie depuis le début de sa carrière. Membre de ladélégationégyptienneauxNationsunies en 1972, il dirige ensuite le département desorganisationsinternationalesauministère des Affaires étrangères, au Caire. En 1983, il est nommé ambassadeur en Inde, avant de devenir, en 1990, représentant permanent de l’Égypte à l’ONU. Durant ses années à la tête de la diplomatie, ses prises de position propalestiniennes le rendent extrêmement populaire parmi les siens. Beaucoup verront d’ailleurs dans sa nomination à la Ligue arabe un moyen pour Moubarak d’éloigner un concurrent politique. À l’époque, le quotidien nassérien Al-Arabi avait annoncé la nouvelle en titrant : « Le choc ! » Mais Amr Moussa profite de ses nouvelles fonctions pour renforcer sa stature sur les plans national et international, notamment en condamnant la politique JEUNE AFRIQUE


américaine dans la région. En juin 2010, il est le premier responsable arabe à visiter Gaza depuis la prise de pouvoir du Hamas, en 2006. « La position de la Ligue arabe est claire, avait-il dit. Ce blocus, auquel nous faisons tous face, ici, doit être levé. » Cette fermeté lui permet de consolider sa popularité, les Égyptiens désapprouvant la politique régionale du régime Moubarak, jugée pro-israélienne. Amr Moussa a promptement soutenu les manifestants de 2011 et s’est rendu place Al-Tahrir le 11 février – un déplacement largement interprété comme un test de popularité. Il a été acclamé aux cris de : « On te veut comme président, on te veut comme président ! » RÉFORMATEUR MODÉRÉ. Ce soutien

n’est pourtant pas unanime. Selon Ahmed Maher, l’un des leaders de la Coalition des jeunes de la révolution, « il ne s’est jamais réellement engagé contre le régime. Il a toujours attendu que d’autres balisent l’espace politique et ne s’est exprimé ouvertement qu’une seule fois, dès lors qu’il était sûr que le risque était minime ». Il n’en reste pas moins que, dès l’élection

Il se présente comme un lien entre la société et les forces conservatrices de l’ancien régime. présidentielle de 2005, un groupe avait lancé une pétition l’appelant à être candidat – une démarche souvent utilisée en Égypte pour sonder l’opinion. Amr Moussa semble aujourd’hui se positionner comme le lien entre l’ancien et le nouveau : un réformateur modéré à même de jeter un pont entre les forces conservatrices de l’ancien régime et une société égyptienne qui se modernise. Lorsqu’on lui a demandé si Hosni Moubarak devait être jugé (avant l’incarcération de ce dernier), il a répondu : « Pour quoi faire? Nous verrons s’il y a des éléments contre lui. Mais, pour l’instant, il s’est retiré et devrait être traité comme un ancien président, avec tout le respect qui lui est dû. » Une attitude qui a irrité les détracteurs de Moussa. « Le problème avec Amr Moussa, a commenté Bahey Eddin Hassan, le directeur de l’Institut du Caire pour l’étude des droits de l’homme, c’est que, malgré sa popularité, c’est un fils du régime. » ● PIETRO MUSILLI, au Caire JEUNE AFRIQUE

Maghreb & Moyen-Orient

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AFP

Coulisses

RAFIK HABIB, vice-président du Parti de la liberté et de la justice.

ÉGYPTE UN FRÈRE MUSULMAN… CHRÉTIEN LE NUMÉRO DEUX DU PARTI des Frères musulmans est chrétien ! Le Parti de la liberté et de la justice (PLJ), nouvel organe politique de la confrérie, qui a déposé sa demande d’accréditation le 18 mai, a recensé 93 coptes parmi ses 8 821 membres. Nommé vice-président du PLJ le 16 mai, Rafik Habib partage avec les Frères une vision très religieuse de la société. Né en 1959 en Haute-Égypte d’un père prêtre, il enseigne aujourd’hui la psychologie et prône, au nom de la défense de l’unité nationale, une alliance des chrétiens et des musulmans au sein d’un État islamique décentralisé protecteur des minorités. Lui-même très conservateur, il adhère depuis longtemps aux idées de la confrérie islamiste, au point de réclamer l’application de la charia. Il avait auparavant rejoint le parti Al-Wasat, proche des Frères. Depuis sa nomination, Rafik Habib est la cible de critiques virulentes de la part de sa communauté, en proie de son côté à une radicalisation. ●

ABOU DHABI RECRUTE MERCENAIRES

qui est en train d’examiner la légalité d’une telle « armée ».

Cheikh Mohamed Ibn Zayed Al Nahyane, prince héritier d’Abou Dhabi et vicecommandant suprême des forces armées émiraties, a chargé Erik Prince, fondateur de la société de sécurité privée américaine Blackwater (aujourd’hui Xe), de mettre sur pied une force contre-terroriste composée de 800 mercenaires étrangers. Reste à obtenir le feu vert du département d’État,

ARABIE SAOUDITE JE CONDUIS, DONC JE SUIS C’est au volant d’une BMW argentée que Najla al-Hariri a sillonné quatre jours durant, en toute illégalité, les rues de Djedda. « Il n’y a pas de loi interdisant aux femmes de conduire ! » a déclaré la militante trentenaire, mais seulement une fatwa datant de 1990 et une pratique coutumière. « À partir du 17 juin,

je conduis ! » promet-elle, sur internet, aux quelque 5 000 Saoudiennes qui ont pris date. AL-QAÏDA UN CHEF PAR INTÉRIM Le leader djihadiste égyptien Saif al-Adel aurait hérité de l’intérim d’Oussama Ben Laden à la tête d’Al-Qaïda en attendant que la direction de la nébuleuse désigne un successeur à l’exennemi numéro un des États-Unis. Une information accueillie avec prudence par les Occidentaux. N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011


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FRANCE

DSK

La déchéance Il était un grand directeur général du FMI. Et le favori pour l’élection présidentielle de 2012. Bref, l’un des hommes les plus influents de la planète. En quelques minutes, Dominique Strauss-Kahn a tout perdu. Pour une sordide histoire dans un hôtel new-yorkais.

ALAIN FAUJAS

N

afissatou Diallo est une très bonne employée de l’hôtel Sofitel de New York, notée 4,5 sur 5 par sa hiérarchie. Originaire de la région de Labé, en Guinée, cette Peule musulmane de 32 ans ne rechigne pas au travail ingrat qui consiste à faire les chambres de cet établissement de luxe. Divorcée, elle doit élever seule sa fille de 15 ans dans le quartier du Bronx (lire page suivante). Samedi 14 mai, à midi, la voici devant la porte de la suite 2806. Elle entre, tandis qu’un de ses collègues achève de débarrasser la table du petitdéjeuner avant de s’éclipser. Elle commence à faire le ménage. Soudain, sa vie bascule. Un homme nu, selon les dires de la police, sort de la salle de bains, ferme la porte d’entrée et, à deux reprises, veut la contraindre à une fellation. Il la traîne ensuite dans la salle de bains et tente, dit-elle, de la sodomiser. Elle se débat et parvient à s’échapper, totalement paniquée. Lundi 16 mai, Dominique Strauss-Kahn, directeur général du Fonds monétaire international (FMI), l’un des hommes les plus influents de la planète, devient l’accusé numéro 1225782 et prend le chemin de la prison de Rikers Island. Pour quelques jours seulement. Le 19 mai, le N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

juge Michael Obus lui accorde la liberté sous caution (1 million de dollars). Des examens ayant confirmé des traces de griffures sur le torse de DSK, il s’est vu signifier sept chefs d’accusation, dont une tentative de viol, un acte sexuel criminel (un viol sans pénétration) et une séquestration. Selon ses avocats, Mes Benjamin Brafman et William Taylor, il a choisi de récuser l’ensemble de ces accusations. « INFINIE TRISTESSE ». Conformément à la législation américaine, un grand jury de vingttrois personnes est mis en place. Il a confirmé, le 19 mai, l’inculpation de Dominique Strauss-Kahn. La veille, ce dernier avait adressé au FMI une lettre de démission dans laquelle il confiait son « infinie tristesse » et réfutait « avec la plus extrême fermeté » l’ensemble des faits qui lui sont « Nafi » entre dans la suite reprochés. et commence à faire le ménage. La descente Soudain, sa vie bascule. aux enfers de l’homme qui, depuis des mois, caracolait en tête des sondages pour l’élection présidentielle française de mai 2012 a sidéré le monde entier. Les premières réactions sont venues de sa garde rapprochée, notamment de Jean-Christophe Cambadélis ● ● ● JEUNE AFRIQUE


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SHANNON STAPLETON/REUTERS

PENDANT LA LECTURE DE L’ACTE D’ACCUSATION devant la cour criminelle de Manhattan, le 16 mai.

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Europe, Amériques, Asie PROFIL | Nafissatou Diallo

La victime sans visage Ð Qui est la femme de chambre qui a fait chuter DSK ? Ð Une Guinéenne pieuse et sans histoires, répond son entourage

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U CŒUR DU SCANDALE DSK, la victime présumée reste une énigme. À l’abri dans un endroit inconnu – elle n’est retournée ni à son domicile ni à son travail depuis le déclenchement de l’affaire –, la femme de ménage du Sofitel continue de se dérober à l’énorme pression médiatique.

Très peu d’éléments ont filtré, et certains sont contradictoires. Officiellement, on sait qu’il s’agit d’une femme de 32 ans de nationalité guinéenne, qui vit depuis sept ans aux ÉtatsUnis, où elle bénéficie de l’asile politique. Elle s ’appelle Nafissatou Diallo et appartient, semble-t-il, à l’ethnie peule, éléments non repris par la presse américaine. Selon son avocat, Me Jeffrey Shapiro, elle a quitté son pays « dans des circonstances diffi-

par son travail que par son comportement ». Selon l’un de ses voisins cité par le NewYork Post, un tabloïd qui n’a rien à voir avec la presse de caniveau britannique, elle serait une musulmane pieuse et mènerait une vie tranquille et laborieuse : « Jamais, dit-il, elle n’a causé de problème à quiconque ; elle est toujours aimable. » Même son de cloche du côté de Me Shapiro : « Son travail était tout pour elle. Elle n’aurait rien fait qui puisse l’en priver. C’est une femme simple, heureuse d’avoir un emploi qui lui permet de subvenir à ses besoins et à ceux de sa fille. » Il n’est pas exclu que l’on n’en sache jamais beaucoup plus sur la femme de chambre qui a fait chuter le tout-puissant directeur général du FMI. Le programme de protection des victimes dont elle bénéficie est en effet très efficace. Un procès presque aussi retentissant que l’affaire DSK est en cours devant la Cour suprême de l’État de NewYork. Il oppose une jeune femme à deux policiers qu’elle accuse de l’avoir violée, en décembre 2008. Les agissements les plus scabreux de l’un des policiers, dont la biographie a été passée au crible, sont étalés à satiété sur la place publique. En revanche, l’identité de la victime a été, à ce jour, scrupuleusement préservée. Un avant-goût de ce qui attend DSK ? ●

Il y a sept ans, elle a obtenu l’asile politique aux États-Unis. ciles ». Divorcée, elle vivrait seule avec sa fille de 15 ans dans le Bronx, au nord de New York, dans un quartier déshérité. Enfin, rien n’est sûr. Un certain Blake, qui se présente comme son frère mais serait en réalité son petit ami – il tient un restaurant à Harlem –, soutient que la fillette n’aurait que 9 ans. Quoi qu’il en soit, JorgeTito, le directeur du Sofitel de Manhattan, jure que Nafissatou est une employée modèle, « qui donne entière satisfaction tant N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

et de Jean-Marie Le Guen. Les deux députés socialistes de Paris font bloc et jugent que cette agression « ne ressemble pas à Dominique Strauss-Kahn ». Son épouse, l’ex-journaliste vedette Anne Sinclair, publie un communiqué pour dire qu’elle ne croit « pas une seule seconde aux accusations » portées contre lui. La droite française fait profil bas et respecte, dans un premier temps, la consigne de l’Élysée de ne pas en rajouter : le traumatisme infligé aux Français par la diffusion des images d’un DSK menotté au sortir du tribunal est amplement suffisant. Mais le fait-divers sordide tourne vite à la tragédie, tant il semble incompréhensible que l’homme politique le plus admiré de France se soit laissé aller à de telles monstruosités. On peut voir un effet ●●●

JEAN-ÉRIC BOULIN

Réaction à chaud : 57 % des Français pensent que l’affaire du Sofitel est un complot. de cette sidération dans le sondage CSA publié, le 18 mai, par BFM TV, RMC et 20 Minutes : 57 % des personnes interrogées s’y déclarent convaincues que l’affaire du Sofitel est un complot. Pour tenter d’expliquer l’inexplicable, les journaux battent le rappel de tous les psychanalystes et psychiatres de la place. L’un évoque l’hybris des Grecs, qui fait perdre aux hommes le sens commun. L’autre cite Tite-Live et sa maxime : « Jupiter rend fou ceux qu’il veut perdre. » Un troisième parle d’une conduite suicidaire destinée à éviter à l’intéressé le carcan et le stress élyséens. DE TRISTANE À PIROSKA. La presse s’est-elle montrée complaisante à l’excès envers un grand séducteur, dont la compulsion relèverait en fait de la pathologie ? Ressort alors l’histoire de Tristane Banon, cette jeune romancière et journaliste que DSK aurait tenté de contraindre à un rapport sexuel, en 2002, mais qui n’est pas allée plus loin qu’une dénonciation – cryptée – sur la chaîne Paris Première, en 2007. Refait également surface une autre passade qui, en 2008, faillit lui coûter sa place au FMI : sa liaison « d’un soir » avec une de ses subordonnées, Piroska Nagy. La défense s’organise. Le 16 mai, Me Brafman amorce un mouvement tactique en expliquant que « les preuves [de l’accusation] pourraient ne pas être compatibles avec un rapport [sexuel] forcé ». Le lendemain, le New York Post, citant une source proche de la défense, estime que les avocats du directeur général s’efforcent de démontrer que la victime était consentante. Le 18 mai, la contre-attaque est lancée. Blake, un prétendu proche de Nafissatou (lire ci-contre), déclare à qui veut l’entendre que la jeune femme l’a appelé de l’hôpital Saint Luke, où les policiers l’avaient conduite. En larmes, elle se serait confiée JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie

BEBETO MATTHEWS/AP/SIPA

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SHANNON STAPLETON/AFP

JEFFREY SHAPIRO, L’AVOCAT DE LA PLAIGNANTE : « Ma cliente est une femme simple. »

à lui : « Un homme a essayé de me faire quelque chose de très mal. » Il la décrit comme « en état de choc », ayant « tout le temps envie de pleurer ». Me Jeffrey Shapiro, l’avocat de la victime, souligne qu’il n’y a eu de sa part aucune relation consentie et que, dès qu’elle a pu se libérer, elle en a « référé à la sécurité de l’hôtel ». Les connaisseurs des procès pénaux aux ÉtatsUnis en sont convaincus : DSK n’est pas dans une JEUNE AFRIQUE

DANS LE VISEUR D’UNE CAMÉRA DE TÉLÉVISION

lors de sa première comparution devant la justice américaine, le 16 mai.

position très favorable. S’il persiste à rejeter toute incrimination, il devra prouver sa bonne foi – ou sa folie. Certains échafaudent un scénario selon lequel il aurait réservé les services d’une prostituée, qui aurait été devancée dans la suite de l’hôtel par Nafissatou. Resterait à expliquer pourquoi, quand la jeune femme lui a résisté, il ne s’est pas arrêté. D’autres prédisent qu’il finira par plaider coupable et que des millions de dollars seront mis sur la table par sa famille pour convaincre Nafissatou et ses avocats de retirer la plainte pour agression sexuelle. C’est ce que les Américains appellent un plea bargain. En attendant les prochains rebondissements de l’affaire, force est de constater les ravages qu’elle provoque, dans le monde entier. En France, le Parti socialiste est resté KO debout pendant plusieurs jours. La mise hors course de son champion pour la présidentielle, candidat encore officieux mais favori des commentateurs, est en effet un rude coup. Alors, il zigzague – un peu trop – entre défense de la présomption d’innocence de l’accusé et compassion pour sa victime. Le 17 mai, les larmes de Martine Aubry ont exprimél’émotiondessocialistesfaceàladéchéance du plus brillant d’entre eux. La première secrétaire a indiqué que le calendrier du parti restait inchangé: le dépôt des candidatures pour la primaire appelée à désigner le candidat à la présidentielle aura lieu, comme prévu, du 28 juin au 13 juillet. Mais les rapports de force traditionnels ont vite ressurgi. Le pacte conclu entre Aubry et DSK selon lequel N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011


Europe, Amériques, Asie le mieux placé dans les sondages verrait l’autre s’effacer à son profit est à l’évidence caduc. La patronne du PS se prépare donc à être candidate face à François Hollande, son prédécesseur. Une consolation, quand même: malgré le scandale qui nuit évidemment à la gauche, l’un et l’autre seraient, à en croire les sondages, qualifiés pour affronter Sarkozy au second tour du scrutin de 2012. Mais pas Ségolène Royal, la candidate battue en 2007. Mais le coup n’est pas moins rude pour l’Europe et l’euro. Initialement refusée par l’Union européenne et la Banque centrale européenne, la participation du FMI au sauvetage de la Grèce, que DSK avait fini par faire accepter, s’est révélée bénéfique. Le directeur général s’était opposé aux plans par trop drastiques imposés, dans un premier temps, à ce pays – de même qu’au Portugal – par des négociateurs européens qu’il qualifiait de « fous furieux » en raison de leur brutalité. Il avait obtenu d’allonger la durée des plans de redressement et refusait toute restructuration de la dette. Selon lui, il fallait donner du temps aux pays en difficulté pour leur permettre de réduire leur déficit et d’améliorer leur compétitivité. Dans une UE divisée et tentée par les sirènes de

La gouvernance mondiale, elle aussi, est en deuil. Car le désormais ex-directeur général du FMI avait été l’un des premiers à prendre la mesure de la gravité de la crise financière de 2007. Avec Olivier Blanchard, son économiste en chef, il avait préconisé une politique de relance Il s’oppose à la brutalité d’inspiration keynésienne des négociateurs européens, qui a évité au monde de sombrer dans une « Grande ces « fous furieux ». Dépression ». La Chine et les États-Unis, l’Allemagne et la France, le Japon et la Corée ne regrettent certainement pas d’avoir suivi ses prescriptions.

JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FEDEPHOTO

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l’égoïsme national, DSK s’était imposé comme un fédérateur capable de convaincre les parlementaires allemands, dont il parle la langue, de secourir la Grèce, malgré ses tricheries passées. Ami de Georges Papandréou, le Premier ministre grec, mais ayant l’oreille d’Angela Merkel, la chancelière allemande, il était celui qui finissait toujours par trouver les astuces techniques et politiques pour débloquer les discussions. Lui absent, les pays émergents et les États-Unis risquent de s’opposer à ce que le FMI apporte les dizaines de milliards de dollars de prêts nécessaires aux États européens en faillite. Car DSK était parvenu à convaincre un à un les membres de son conseil d’administration que cette aide coûterait moins cher à l’économie mondiale qu’un effondrement de la zone euro. N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

AVEC ANNE SINCLAIR, SON ÉPOUSE. Elle « ne croit pas une seule seconde » aux accusations portées contre lui.

UN PEU PLUS À GAUCHE. DSK y a gagné une crédibilité qui lui permettait de démontrer aux grandes puissances la dangerosité pour leurs partenaires de certaines de leurs politiques économiques. Aucun directeur général avant lui n’avait eu la marge de manœuvre suffisante pour faire en sorte que le FMI soit un peu plus à gauche, un peu moins dogmatique et… à nouveau bénéficiaire. C’est lui, et lui seul, qui est parvenu à faire de l’organisation la cheville ouvrière du G20. Qui, désormais, saura alterner diplomatie et fermeté pour faire comprendre aux Chinois que l’entrée du yuan dans le panier des monnaies du FMI suppose qu’ils se plient aux lois du marché des changes? Qui répétera aux Américains, sans qu’ils se braquent, qu’ils doivent épargner et exporter plus, donc consommer moins ? Qui rappellera aux Brésiliens, sans qu’ils y voient une atteinte à leur souveraineté, que le contrôle qu’ils exercent sur les flux de capitaux peut devenir dangereux pour leur économie ? Quant au FMI, il porte le deuil d’un homme qui a su redorer son blason passablement terni. Grâce à lui, le Fonds n’est plus considéré comme un Père Fouettard à la solde des pays riches, mais, de plus en plus, comme un médecin qui sait adapter ses remèdes à la situation de chaque pays, suggérant, ici, d’augmenter les impôts des plus fortunés et de combattre la fraude fiscale (Grèce) ; là, de dépenser de l’argent pour éviter aux classes les plus défavorisés de sombrer dans la misère (Pakistan). DSK n’a pas peu contribué à ce que les Européens acceptent de perdre du poids, et du pouvoir, au sein du FMI au profit des pays émergents, qui, depuis longtemps, réclamaient des responsabilités plus importantes. Son remplacement va donner lieu à de sévères batailles. Il était convenu que le prochain directeur général ne serait plus automatiquement européen, comme il était d’usage depuis 1944. DSK lui-même avait déclaré qu’il serait le dernier directeur européen. Mais l’UE ne veut plus renoncer au poste dès lors que les États-Unis, qui détiennent un droit de veto, refusent d’abandonner la présidence de JEUNE AFRIQUE


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Ð PHOTO DE FAMILLE À

XINHUA/GAMMA

WASHINGTON, LE 15 AVRIL. Le directeur général du FMI prend la pose avec les ministres des Finances et les gouverneurs de banques centrales du G20.

SÉBASTIEN CALVET

Ý FRANÇOIS HOLLANDE, MARTINE AUBRY ET SÉGOLÈNE ROYAL. Après le retrait de DSK, l’investiture socialiste pour la présidentielle de 2012 se jouera entre ces trois-là.

la Banque mondiale, qu’ils détiennent eux aussi depuis 1944. Les émergents exigent que les promesses qui leur ont été faites concernant l’ouverture du processus de désignation soient tenues. Alors, qui va lui succéder ? Certains noms reviennent avec insistance. Ceux, par exemple, de Tharman Shanmugaratnam, le ministre singapourien des Finances, Duvvuri Subbarao, le gouverneur de la Banque centrale indienne, Christine Lagarde, la ministre française des Finances, Gordon Brown, l’ancien Premier ministre britannique, Trevor Manuel, le ministre sud-africain du Plan, Kemal Dervis, l’ancien ministre turc des Finances, JEUNE AFRIQUE

voire Stanley Fischer, le gouverneur de la Banque d’Israël. Plutôt que de choisir en fonction de l’origine géographique des postulants, ne serait-il pas préférable de retenir celui ou celle qui semblera le mieux à même de poursuivre dans la voie frayée par Dominique Strauss-Kahn? Une voie qui aurait dû déboucher sur une gouvernance économique mondiale un peu plus forte et efficace, si un démon ne s’était glissé dans la suite 2806 de l’hôtel Sofitel, à New York, le 14 mai 2011. Pour le malheur de Nafissatou, de la France, de l’Europe et du monde. ● N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011


Europe, Amériques, Asie dans les années 1980 jusqu’à ce qu’il choisisse l’exil, en 2002. C’est oublier surtout que le castrisme n’est pas le fruit du seul Fidel. À en croire Latell, sans Raúl, « le producteur », Fidel, « le metteur en scène », aurait été « incapable de se maintenir au pouvoir ». « Malgré leurs divergences passagères, les deux frères sont toujours restés soudés. Ils savent qu’une rupture entre eux ouvrirait une crise très grave », analyse Janette Habel, chercheuse à l’Institut des hautes études d’Amérique latine, à Paris.

CUBA

Raúl, l’in-Fidel

Le frère du Líder Máximo est désormais le seul maître à bord. Son ambition ? « Actualiser » le castrisme.

«

O

nnepeutpasremplacer un éléphant par cent lapins », aurait un jour déclaré Raúl Castro à des banquiers américains. Il faut croire que si. Depuis qu’en août 2006 le frère cadet de Fidel a pris les commandes de Cuba à la faveur des sérieux problèmes de santé auxquels le révolutionnaire en chef a été confronté, on peut même dire qu’un seul lapin suffit apparemment pour renverser les montagnes… auxquelles l’éléphant en question n’avait jamais songé à s’attaquer. À la mi-avril, lors du VIe Congrès, Raúl a été porté à la tête du Parti communiste cubain (PCC) – il n’en était jusqu’ici, au moins officiellement, que le numéro deux. Et il a aussitôt entrepris de faire évoluer le régime en faisant adopter par les délégués près de trois cents réformes. Les plus spectaculaires? La (relative) libéralisation de cent soixante-dix-huit activités professionnelles et la limitation de la durée des mandats politiques. « Son idée est de développer une version tropicale du N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

L’ICÔNE ET L’ARCHITECTE. Bref, le destin des deux frères est indissolublement lié. Raúl est né en juin 1931, cinq ans après Fidel, qu’il a longtemps idolâtré. Officiellement, ils ont le même père, un immigrant espagnol devenu riche propriétaire terrien (mais, selon la rumeur, Raúl serait en réalité un bâtard), et la même mère, une cuisinière créole. Ils sont Ý LES FRÈRES nés au même endroit, CASTRO lors de la dans le sud de l’île, et cérémonie ont fait leurs études de clôture chez les jésuites. Raúl du VIe s’y serait, dit-on, monCongrès du tré moins brillant que Parti communiste son aîné. Mais bien plus cubain, le précoce en matière de 19 avril à marxisme, auquel il se La Havane. convertit dès 1953, huit modèle chinois, celui de Deng Xiaoping », ans avant Fidel. Ensemble, les deux homexpliquait, en 2007, Brian Latell, un ancien mes ont tenté de prendre le pouvoir, en analyste de la CIA qui a écrit la première 1953. Ensemble, ils ont connu la prison et biographie de Raúl – « une énigme, selon l’exil, rencontré Ernesto « Che » Guevara, lui, plus complexe que Fidel ». Certes, le embarqué avec quatre-vingts guérilleros à cadet des Castro ne pouvait faire autrebord du Granma et fini par entrer triomment: de son propre aveu, l’île est au bord phalement à La Havane, en 1959. du précipice. Mais il n’a jamais caché ses Depuis, Fidel est l’icône de la révoambitions réformistes. lution, Raúl son architecte. Le premier envoûte les foules et joue les visionnaires RAILLERIES. Hors des Caraïbes, il a longà travers le monde. Le second sécurise et temps suscité la moquerie. Il était le petit organise, à l’intérieur. Lorsqu’ils abattent frère condamné à vivre dans l’ombre de le régime du général Fulgencio Batista, son aîné. Aujourd’hui encore, certains c’est Raúl qui dirige l’exécution sommaire médias occidentaux raillent cet homme de plusieurs dizaines de prisonniers, « sans charisme » appelé à remplacer une avant de prendre la tête du ministère de légende vivante. la Défense, qu’il ne quittera qu’en 2006. C’estoublierque,danssonîle,l’homme, En quarante-sept ans, il a bâti une armée en dépit de son sourire et de son appaefficace et un service de renseignements rente jovialité, fait peur. « Raúl n’a ni sans faille. « En imposant à l’institution l’envergure intellectuelle ni l’habileté militaire une discipline prussienne et en politique de Fidel, dont il finit toujours constituant une police politique d’une par accepter l’avis. Mais les responsables redoutable efficacité, il a découragé toute cubains le craignent, parce qu’il est dur, velléité de putsch », estime Latell. difficile », expliquait en 2006 Alcibiades Surnommé par ses compatriotes « le Hidalgo, qui fut son directeur de cabinet Petit Soldat » ou « le Terrible », il passait ENRIQUE DE LA OSA/REUTERS

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JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie chez les premiers révolutionnaires cubains pour un stalinien pur jus. Pourtant, il a toujours su se montrer pragmatique. Un exemple? Lors de la disparition de l’URSS, Cuba perd son principal soutien financier. S’ensuit une crise sans précédent (la « période spéciale »). Raúl est alors l’un des seuls à prôner le changement. « La principale menace qui pèse sur nous, ce ne sont pas les canons américains, ce sont les haricots. Ceux que les Cubains ne mangent pas », ose-t-il, en 1994. Au milieu des années 1990, c’est lui qui pose les bases de l’évolution actuelle en injectant une dose de libéralisme dans l’économie. Lui aussi qui pousse l’armée à investir dans les secteurs d’avenir pour assurer sa survie : le tourisme, l’immobilier, les banques et, bientôt, le pétrole.

SINGAPOUR

Les adieux du vieux lion Après un succès moins écrasant qu’à l’accoutumée aux dernières législatives, Lee Kuan Yew (87 ans) s’est résolu à quitter le gouvernement. Il restera comme le grand artisan de l’éclatante réussite économique de son pays.

F

RÉMI CARAYOL

JULIETTE MORILLOT

GORBATCHEV CUBAIN ? Lorsque

son frère tombe malade, Raúl, logiquement, le remplace. Le castrisme poursuit sa route, mais on pressent déjà la volonté du nouveau Líder de le faire évoluer. Au fil des années, ce dernier place ses pions. Les fidèles de Fidel sont remplacés par d’anciens officiers que Raúl prend grand soin d’écouter. Décrite par l’hebdomadaire britanniqueTheEconomistcomme«la pionnière du capitalisme cubain », l’armée accentue son emprise sur l’éco-

L’aîné envoûte les foules et joue les visionnaires. Le cadet organise et sécurise.

JEUNE AFRIQUE

DAVID LOH/REUTERS

nomie nationale, qu’elle contrôlerait aujourd’hui à 50 %, tandis que les journaux officiels ouvrent leurs pages aux « réformistes ». Fidel ne bronche pas et se contente, chaque semaine à la télévision, de livrer sa vérité sur les questions internationales. Raúl Castro sera-t-il le Mikhaïl Gorbatchev des Caraïbes ? Pas sûr. On ne l’a jamais entendu évoquer les libertés individuelles. En revanche, on sait qu’il aimait la Russie soviétique, pas celle de Boris Eltsine. En somme, on se dirige plutôt vers une perestroïka sans glasnost. Bref, vers une version « raúlisée » du castrisme. ●

ondateur de l’État singapourien, 81 sièges sur 87 aux élections législatives, tandis que l’opposition triplait le dont il fut le Premier ministre de 1959 à 1990, Lee Kuan Yew nombre de ses députés (voir J.A. n° 2627, (87 ans) a annoncé le 14 mai son 15-21 mai 2011). Avec une croissance retrait du gouvernement dirigé par Lee de 14,4 % et un PIB par habitant de Hsien Loong, son fils. Dans le même com48745 dollars en 2010, le plus élevé d’Asie muniqué, Goh Chok Tong (70 ans), qui après le Japon, le PAP avait pourtant a succédé à Lee Kuan Yew en 1990, a lui de sérieux arguments pour demander aussi annoncé son départ : « Le temps est venu qu’une En une génération, l’île pauvre nouvelle génération pousse et marécageuse est devenue en avant Singapour, dans un contexte plus complexe une nation industrialisée. et difficile. […] Après des élections législatives qui constituent aux Singapouriens de cautionner, une un tournant, nous avons décidé […] de nouvelle fois, sa politique. laisser une nouvelle équipe de ministres prendre contact et ouvrir le dialogue MARÉE DE CRITIQUES. Quelques mots avec cette jeune génération pour bâtir malheureux de Lee Kuan Yew visant les l’avenir de Singapour. » électeurs tentés de voter pour l’opposition Le 7 mai, en effet, le Parti d’action et une marée de critiques (cherté de la vie, populaire (PAP), qui exerce sans partage problèmes de logement) sur les réseaux le pouvoir depuis 1956, n’a remporté que sociaux auront finalement eu raison du vieux lion, architecte visionnaire de cette île marécageuse et couverte de jungle devenue sous sa houlette, en l’espace d’une génération, une nation industrialisée. « L’autoritarisme n’est plus toléré par une population jeune, éduquée et plus occidentalisée, déclarait récemment l’opposant Chee Soon Juan. On ne peut plus se satisfaire de la prospérité économique, au mépris des libertés. » Admirateur de Machiavel, Lee Kuan Yew occupait depuis 1990 la fonction, créée sur mesure pour lui, de « ministre mentor » de son propre fils. « Les temps ont changé, commentet-on dans les rues de Singapour. Mais il aurait dû se retirer plus tôt. Le décès de son épouse, en octobre 2010, a certainement davantage pesé dans sa décision qu’une hypothétique prise de conscience politique. Il abandonne, mais il a toujours dit que la retraite était le plus court chemin vers la mort. » Même si, soulignet-on aussitôt, Lee Kuan Yew n’est pas LORS D’UNE CONFÉRENCE À HONG KONG, encore tout à fait parti, puisqu’il a été en juin 1997 : « Il aurait dû se retirer réélu député. ● plus tôt », estiment nombre de ses compatriotes.

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PARCOURS | D’ici et d’ailleurs

Ben Marc Diendéré L’efficacité payante De la campagne burkinabè aux gratte-ciel de Montréal, une ascension fulgurante. Ce diplômé en marketing est aujourd’hui cadre dirigeant de l’un des plus grands groupes de communication canadiens.

«

J

e repense souvent au temps où je faisais mes devoirs sous un lampadaire. Je devais marcher des kilomètres pour aller à l’école et, en revenant, je profitais de l’éclairage public pour étudier. » Jonglant avec deux téléphones, le directeur principal des relations institutionnelles de Quebecor Media n’oublie pas d’où il vient. « Ma mère me rend visite une fois par an et il lui arrive d’avoir la larme à l’œil, confie fièrement Ben Marc Diendéré. De savoir d’où je suis parti, de voir que je suis maintenant dans cette tour, au quinzième étage, avec vue sur le SaintLaurent, Montréal à mes pieds… » Ses fonctions l’amènent à rencontrer des administrations, des institutions privées, des représentants du gouvernement auprès desquels il défend les intérêts de son entreprise, l’un des plus gros groupes de communication du pays avec 16000 employés et un chiffre d’affaires de 4 milliards de dollars canadiens (près de 3 milliards d’euros) en 2010. Mais le directeur garde un profil bas : « Dans ma fonction, moins je suis visible, mieux c’est. » Dans cet empire médiatique diversifié (télévision, internet, téléphonie, presse), « il faut veiller aux intérêts de tous, c’est un arbitrage au quotidien ». Sans oublier de maintenir le lien avec les organisations professionnelles et de déchiffrer les stratégies des concurrents, « amis et ennemis ». D’ailleurs, dans le large bureau de Ben Marc Diendéré, un kiosque expose non pas les quarante-huit magazines de Quebecor, mais leurs rivaux, qu’il examine attentivement. « Je dois regarder ce qui se passe ailleurs. Là où les gens voient de la pub dans un magazine, moi, je compte combien il y en a et combien ça a coûté à l’éditeur. »

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JEAN-F. LEBLANC/AGENCESTOCKPHOTO.COM

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ARRIVÉ AU QUÉBEC EN 1995 pour achever ses études, l’enfant de Bobo-Dioulasso n’est jamais reparti.

L’ascension du jeune dirigeant au sein de Quebecor semble fulgurante. Entré dans la compagnie en 2004 en tant que premier conseiller aux relations institutionnelles, il est devenu conseiller principal, puis directeur en 2005. Son arme secrète : « L’efficacité, je pense. Je me lève à 5 heures du matin, je gère mon temps en fonction des priorités, je m’informe de tout. J’ai la chance d’avoir un boulot passionnant. » Passionnant, mais

pas irremplaçable: « Je suis en phase avec moi-même, affirme cet homme confiant. Si les choses changent, je repartirai de zéro, tout simplement. Au Burkina Faso, j’ai vécu beaucoup de choses. » Né le 26 août 1971 à Bobo-Dioulasso, au Burkina Faso, Ben Marc Diendéré a grandi dans cette « petite ville », avec ses grands-parents agriculteurs. Sa mère, qui l’a eu très jeune, le pousse à faire des études, d’autant que son père est enseignant. « L’éducation était non négociable. » Après une scolarité secondaire sans accroc, il décide de partir pour la JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie

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« Plus j’étudiais, plus j’avais envie de rester. » Le Burkinabè entre alors à la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (Sodec), une des institutions publiques les plus influentes de la province. « Jamais on n’avait offert cette place à un Noir. »Au bout d’un an, il retourne en classe, à HEC Montréal, pour obtenir un diplôme de troisième cycle, avant de repartir dans la vie active. En tant que directeur des opérations et chargé des projets pour Partenariat International Inc., il gère la communication et le lobbying dans le monde de la francophonie, il est aussi très actif auprès des gouvernements du Québec et du Canada. Puis une occasion se présente. « En 2004, un ancien patron de la Sodec a accepté un poste de vice-président au sein de Quebecor. Il insistait pour que l’on retravaille ensemble. J’ai accepté. » Le challenge est de taille : le PDG, Pierre Karl Péladeau, qui est loin de faire l’unanimité dans le monde de la presse, veut s’entourer des meilleurs. « On a presque le même âge, mais il faut l’apprivoiser, avoue Ben Marc Diendéré. On a la même énergie et il me fait confiance. » « Rester accessible » est l’un des leitmotivs du jeune dirigeant. « Même dans la hiérarchie, je réalise qu’il y a des choses simples, des gens simples. Si mon téléphone sonne, je réponds moi-même. J’ai appris une chose au cours de ces dernières années: si on est face à un problème, il faut demander de l’aide. À tous les niveaux. » Une philosophie qu’il transmet bénévolement, en collaboration avec la Chambre de commerce de Montréal, lorsqu’il visite des écoles défavorisées de la ville pour sensibiliser, à son tour, les enfants sur l’importance des études et de la persévérance. ● ZORA AÏT EL MACHKOURI, à Montréal JEUNE AFRIQUE

RAINER UNKEL/REA

Ville Lumière, où il s’inscrit à l’université Paris-II.Très vite, il ne se voit pas rester: « La vie parisienne n’était pas facile. » Jeune titulaire d’un DEA en marketing et communication de l’Institut français de presse, il rencontre Jean-Louis Roy, secrétaire général de la Francophonie. « Il a vu le potentiel en moi. » Le jeune homme obtient une bourse pour finir ses études et choisit, en 1995, le Québec.

OUVRIERS AGRICOLES ROUMAINS en Rhénanie-Westphalie. ALLEMAGNE

Revoilà les plombiers polonais! Vieillissement de la population, pénurie de main-d’œuvre… Le marché du travail s’ouvre aux Européens de l’Est.

C

assuré. Entre 100000 et 200000 travailleurs est la fin d’une exception. supplémentaires (selon les sources) pourCinq ans après les autres payseuropéens,l’Allemagne raient franchir la frontière chaque année. (de concert avec l’Autriche) Et jusqu’à 800 000 d’ici à cinq ans, pour a, le 1er mai, ouvert son marché du trales plus optimistes. La majorité d’entre vail aux Tchèques, Slovaques, Polonais, eux serait polonaise ou tchèque. Mais le Slovènes, Hongrois, Estoniens, Lituaniens marché du travail allemand a perdu de et Lettons. Jusqu’à présent, les travailleurs son attrait. Désormais, le Royaume-Uni de ces huit pays d’Europe centrale et orienet la Scandinavie séduisent davantage les tale (qui ont rejoint l’Union européenne en Européens de l’Est. 2004) étaient dans l’obligation d’obtenir un permis de travail. Une restriction justifiée FUITES DES CERVEAUX ? En vérité, la à l’époque par la crise économique et la levée des restrictions permettra surtout à crainte d’un afflux massif d’immigrés. de nombreux étrangers de régulariser leur Depuis, tout a changé: l’économie allesituation. On estime en effet que 500 000 Polonais, légaux et illégaux, vivent et tramandeestenpleineembellieetlechômage régresse. Surtout, l’immigration apparaît désormais On s’attend à un déficit de quatre comme un remède à la cent mille travailleurs qualifiés pénurie de main-d’œuvre par an : médecins, ingénieurs, etc. quis’annonce.Conséquence du vieillissement de la population, on s’attend en effet, à brève vaillent déjà en Allemagne. Si elles écartent échéance, à un déficit annuel de 400 000 l’hypothèse d’une émigration massive, les travailleurs qualifiés – médecins, personassociations professionnelles des pays concernés restent vigilantes : elles crainels soignants et ingénieurs, en premier gnent une possible fuite des cerveaux, très lieu. De nombreux Allemands y voient dommageable à leurs fragiles économies. une forme de « dumping salarial ». Pour désamorcer ces critiques, les autorités ont Quant aux Roumains et aux Bulgares, ils annoncé un durcissement des contrôles devront attendre 2014 pour bénéficier de concernant le travail au noir et le respect la libre circulation des personnes sur le des salaires minimaux. Pourtant, le sucterritoire allemand. ● cès de cette ouverture tardive n’est pas GWÉNAËLLE DEBOUTTE, à Berlin N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011


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Économie

HÔTELLERIE

Azalaï ajoute une étoile sur sa carte

ÉTHIQUE

Les multinationales ont-elles

changé?

Les pratiques sociales et environnementales des géants miniers et pétroliers n’ont jamais été autant passées au crible. Les dérapages sont-ils pour autant terminés ?

de fer du Simandou. Conakry considérait qu’ils avaient été obtenus dans des conditions désavantageuses pour le pays. UNE MUE REVENDIQUÉE. Ces exemples défraient

CHRISTOPHE LE BEC

A

lors que les multinationales minières, pétrolières et forestières ne cessent de mettre en avant leur implication sur les questions sociales et environnementales, les actions menées contre elles en Afrique se multiplient ! Les ONG locales et internationales, les syndicats ou les élus africains, auteurs de nombreux rapports sur l’impact néfaste des géants du secteur privé sur les populations ou l’écosystème, n’hésitent plus à aller en justice. Dernier exemple retentissant: le 12 avril, cinq ONG (une zambienne et quatre occidentales) ont déposé une plainte auprès de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) contre Glencore et First Quantum, pour manipulations comptables dans le but de minimiser leurs taxes en Zambie (lire page 64). À Libreville, c’est l’association gabonaise Brainforest qui est passée à l’attaque : le 28 février, elle a porté plainte contre la Comilog (filiale d’Eramet), demandant 747 millions d’euros pour indemniser les populations du plateau Bangombe, affectées par la pollution des rivières et la violation desdroitsdel’hommeautourdelaminedeMoanda. Plus à l’ouest, les représentants des populations pygmées pourraient aussi demander réparation pour les dommages causés par l’installation de l’oléoduc Tchad-Cameroun par ExxonMobil. Dans le même temps, les États mettent aussi la pression sur les multinationales, à l’instar de la Guinée, qui vient d’obtenir de l’australien Rio Tinto le paiement de 494 millions d’euros pour la pérennisation de ses droits sur les gisements N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

LE MOT QUI LAVE PLUS VERT

GREENWASHING

Appelé aussi « écoblanchiment », c’est un procédé marketing visant à donner à l’opinion publique une image de responsabilité écologique. Il se traduit davantage par une hausse du montant investi en publicité « verte » que par des pratiques concrètes.

la chronique, mais la plupart des observateurs interrogés reconnaissent que les multinationales, plus exposées qu’avant au feu des projecteurs, ont dans l’ensemble plutôt amélioré leurs pratiques. Selon Rachel Kyte, vice-présidente de la Société financière internationale (SFI, filiale de la Banque mondiale), « le greenwashing, c’est-à-dire le décalage entre une communication bien huilée sur les questions environnementales et la pratique sur le terrain, est en régression au sein des grandes sociétés, qui ont compris où se situait leur intérêt à long terme : le coût d’un scandale médiatique ou, pis, d’un procès, est bien supérieur à celui d’une prise en compte des sujets en amont ». « Des groupes comme Areva ou même Total sont plus ouverts aujourd’hui, à l’inverse de sociétés plus petites ou non cotées », reconnaît même Marc Ona Essangui, président de Brainforest. Dans les entreprises, on revendique cette mue. Shell Nigeria, mis en cause par un rapport accablant d’Amnesty International en 2009, annonce des dépenses non obligatoires d’aide au développement local de 50 millions d’euros, en plus de ses contributions contractuelles aux autorités locales. Chez Areva, même son de cloche : « Notre groupe assume toutes ses responsabilités, y compris sur nos sites qui ont fermé, ce qui nous coûte environ 25 millions d’euros chaque année », revendique Didier Fohlen, responsable de ces sujets au sein du pôle minier du groupe français. « L’installation d’observatoires de santé sur nos sites gabonais et nigériens, assurant un niveau de protection maximal identique à ce que nous faisons en France, est une belle illustration de notre implication », indique-t-il. Cette opération a mis fin à des années de conflit avec les travailleurs africains d’Areva, qui jugeaient être moins protégés que leurs collègues français. JEUNE AFRIQUE


ALGÉRIE

INTERNATIONAL

PORTRAIT

Alcatel-Lucent renoue Reda El Mejjad les fils du succès PDG d’Afinis Communications

MARCHÉS FINANCIERS

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Spécial pétrole

AFOLABI SOTUNDE/REUTERS

Les télécoms souffrent en attendant la 3G

« Le vieil adage qui dit “pour vivre heureux vivons cachés” ne vaut plus », estime Stéphane Brabant, avocat associé chez Herbert Smith, qui accompagne des compagnies extractives en Afrique. Désormais, les entreprises savent que leurs mauvaises pratiques pèsent sur leur cours boursier, car les investisseurs sont devenus sensibles à ces questions. Le risque encouru est aussi judiciaire. « Les législations nationales sont devenues plus contraignantes, en raison de l’insertion dans la loi de principes environnementaux et sociaux tirés de conventions internationales. Et au niveau mondial, les grandes sociétés sont également exposées ; en témoigne la loi Dodd-Frank, qui oblige les groupes cotés aux États-Unis à donner des informations sur ce qu’ils font en dehors du territoire américain », détaille Stéphane Brabant. De même, à Bruxelles, une directive européenne instaurant la transparence dans les industries extractives et forestières devrait être adoptée avant la fin de l’année. L’adhésion volontaire de multinationales à l’élaboration de règles internationales avec les États et sociétés civiles témoigne aussi d’un progrès, même si elles n’ont pas force de loi. Une cinquantaine de grandes sociétés participent à l’Initiative pour la transparence des industries JEUNE AFRIQUE

DELTA DU NIGER (Nigeria). D’après l’ONG Les Amis de la Terre, la zone a subi PLUS DE 7 000 MARÉES NOIRES entre 1970 et 2000.

extractives (ITIE), et une centaine travaillent à la construction de la grille de critères sociaux et environnementaux des Nations unies, dite de John Ruggie, qui vise à établir les responsabilités des États et des sociétés en matière de protection des droits de l’homme. PRESSION DES BAILLEURS. Les bailleurs de fonds

internationaux, qui financent des partenariats public-privé, jouent aussi un rôle positif. « Pour l’élaboration d’un programme de réinstallation des populations vivant sur le site de notre mine mozambicaine, nous avons scrupuleusement suivi les recommandations de la SFI pour le secteur minier », indique Liesel Filgueiras, du brésilien Vale, qui précise que ces règles sont suivies sur tous les sites du groupe, y compris là où la SFI n’est pas un partenaire financier. Désormais, les entreprises savent Géraud Magrin, que leurs mauvaises pratiques chercheur au Centre de coopérapèsent sur leur cours boursier. tion internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), constate au Tchad un impact durable des standards de la Banque mondiale : « En imposant aux acteurs publics et privés de respecter un N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011


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Quelques sites épinglés par les ONG

Entreprises marchés

IMPACT :

nouveau cadre de régulation environnementale, elle a installé durablement de bonnes pratiques sur le premier projet d’extraction pétrolière tchadien piloté par Esso à Doba, même si elle s’en est retirée en 2008. Les personnes formées à Doba sur les questions environnementales ont par la suite été recrutées par le chinois CNPC, qui exploite le nouveau gisement de Rônier, et elles y perpétuent les mêmes méthodes. » Si les multinationales ont donc changé, il ne convient tout de même pas de leur signer un chèque en blanc: « Ce qu’il faut maintenant améliorer, c’est leur audit social et environnemental par des cabinets véritablement indépendants », affirme Rachel Kyte, qui précise que les « Big Four », les grands cabinets d’audit américains, planchent actuellement sur le sujet avec le concours de la SFI. Reste que, sans le renforcement de l’autorité des États et de la société civile, il est vain d’attendre une amélioration des comportements des multinationales de leur seul fait. La vigilance reste de mise. Surtout que des milliers d’entreprises plus petites passent toujours à travers les mailles du filet. ●

DELTA DU NIGER (Nigeria) Shell Nigeria Maintenance inadéquate des installations industrielles, inefficacité des opérations de nettoyage des fuites. Manque de transparence dans la politique de compensation des populations locales

environnemental humain

Gisement de BOKÉ (Guinée) CBK (Rusal-Glencore) Niveau des salaires et conditions de travail

Oléoduc TCHAD-CAMEROUN Cotco (ExxonMobil, Chevron, Petronas) Pollution. Destruction du milieu de vie traditionnel des Pygmées

Gisements d’ARLIT (Niger) et de MOUNANA (Gabon) Areva Anciens rejets de déchets dangereux. Conséquences sur la santé des travailleurs

Gisement de MOANDA (Gabon) Comilog

En Zambie, Glencore exploite le filon de l’évasion fiscale Le groupe suisse gère deux mines de cuivre dans le pays, avec plus ou moins de transparence. L’audit commandé par le fisc zambien – et dont Jeune Afrique s’est procuré le rapport – est accablant.

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n pleine année électorale, le mécontentement couve en Zambie. La population demande des comptes sur les bénéfices générés par les mines de la « ceinture de cuivre », dans le nord du pays (70 % des exportations nationales). Réalisé par les cabinets Grant Thornton et Econ Pöyry, un «audit-pilote»commandéparlefisc fournit des éléments de réponse au sujet de la société Mopani Copper Mines (MCM), qui exploite les sites de Mufulira et Nkana. Le constat dressé par ce rapport, que Jeune Afrique s’est procuré, est accablant pour cette compagnie détenue à 73,1 % par le suisse Glencore, à 16,9 % par l’australien First Quantum et à 10 % par ZCCM, un holding appartenant à l’État zambien. Les auditeurs ont relevé de nombreuses « incohérences » comptables entre 2005 et 2008, N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

qui rendent la structure des coûts « peu fiable ». Accroissement « inexplicable » des coûts opérationnels et de la main-d’œuvre, facturation de la totalité du fret à Rotterdam alors que de nombreux cargos accostent dans des ports « plus proches », « différentiels significatifs » entre production déclarée et effective… La liste est longue.

Les perdants? L’État, à qui échappe une grande partie des taxes. Et, finalement, la population… PRODUCTION BRADÉE. MCM

céderait aussi la totalité de sa production à Glencore, par le biais de contrats à long terme et à prix fixes calculés au plus bas du cycle du cuivre. Ce qui permet à « une compagnie qui voudrait sortir ses revenus taxables d’un pays de s’assurer

Pollution des rivières du plateau Bangombe

qu’elle enregistrera des pertes aussi bien lorsque les prix augmentent que quand ils baissent », indique le rapport. La production a parfois été bradée à un prix inférieur de 75 % aux cours mondiaux du cuivre. Selon l’audit, ces « incohérences » s’expliquent par la volonté de MCM de diminuer ses profits, donc sa charge fiscale. À l’inverse, en revendant cette production sur les marchés mondiaux depuis la Suisse, Glencore a pu réaliser de belles plus-values. Les perdants de ce jeu d’optimisation fiscale entre une filiale et sa maison mère ? L’État, d’une part, qui n’encaisse pas l’impôt sur les bénéfices et les royalties qui lui sont dues. Et finalement les Zambiens, d’autre part, qui n’entrevoient pas le développement que le FMI leur a fait miroiter en recommandant la privatisation des mines au tournant dumillénaire.Desoncôté,Glencore réfute les conclusions de l’audit et rappelle qu’il a investi 1 milliard de dollars dans le pays en dix ans et emploie 15000 personnes, soit deux fois plus qu’avant la privatisation. L’affaire est devant les instances de l’OCDE. ● MARC GUÉNIAT, à Lusaka JEUNE AFRIQUE


Entreprises marchés HÔTELLERIE

Azalaï ajoute une étoile sur sa carte

En s’implantant en Guinée, Azalaï prendra pied sur un marché presque vierge, où des années d’instabilité politique ont laissé un parc hôtelier délabré. Le groupe, qui se situe sur le moyen de gamme (trois et quatre étoiles), compte se positionner dans l’hôtellerie d’affaires. Un créneau qui, selon son président, « est stable dans nos pays ». Riche en ressources minières, la Guinée jouit à nouveau d’un contexte favorable pour attirer des investisseurs étrangers.

Le groupe malien, qui souhaite se positionner sur le créneau de l’hébergement d’affaires, est en passe de s’implanter au Sénégal. Prochaines étapes : le Niger et la Guinée.

A

700 CHAMBRES. Selon un obser-

VINCENT FOURNIER/J.A.

prèsleMali,leBurkina, la Guinée-Bissau et le Bénin, Azalaï Hôtels est sur le point de signer un contrat pour l’acquisition d’un hôtel à Dakar, dont le nom est pour l’instant gardé confidentiel. « Avec cette implantation, nous comptons créer une sorte de hub à Dakar, carrefour d’affaires dans la sous-région, pour commercialiser l’ensemble de nos unités », explique Mossadeck Bally, PDG de la chaîne hôtelière et fondateur, en 1993, du holding qui la détient, la Société malienne de promotion hôtelière (SMPH). Réalisant un chiffre d’affaires consolidé de 9 milliards de F CFA (13,7 millions d’euros) en 2010, le groupe Azalaï finance ses acquisitions sur fonds propres et avec des prêts de la Société financière internationale (SFI, filiale de la Banque mondiale). « Lorsque nous nous implantons dans un pays, nous créons une société que nous détenons à hauteur de 60 % à 70 %, puis le reste du capital est cédé aux investisseurs locaux », ajoute-t-on à la direction du groupe malien.

La chaîne négocie actuellement le rachat de l’hôtel Camayenne, à Conakry, où LE MARCHÉ EST PRESQUE VIERGE et le parc relativement délabré.

africaine, NDLR] d’ici à 20132014 », explique Mossadeck Bally. Parmi eux, le Niger : le groupe y a déjà réalisé des prospections et entamera des négociations une fois que le nouveau gouvernement aura pris ses marques.

CONTEXTE FAVORABLE. En attendant, Azalaï pourrait s’implanter en Guinée d’ici à fin août. Le groupe négocie le rachat des deux unités que l’État a récemment mises en vente, l’hôtel Kaloum La compagnie a déjà réalisé des et l’hôtel prospections à Niamey, mais les Camayenne. négociations n’ont pas commencé. Ce dernier établissement, À ce jour, Azalaï estime à plus fermé depuis cinq ans pour trade 100 millions d’euros le montant vaux, était considéré comme total investi pour se développer conforme aux standards internationaux. Mossadeck Bally serait prêt à dans cinq pays. « Notre objectif investir environ 15 millions d’euros est de nous implanter dans les dans l’acquisition et la rénovation huit pays de l’UEMOA [Union économique et monétaire ouestde ces établissements. JEUNE AFRIQUE

LES ÉTABLISSEMENTS DU GROUPE

À Bamako, l’hôtel Salam, le Grand Hôtel et l’hôtel Nord Sud À Cotonou, l’hôtel de la Plage À Ouagadougou, l’hôtel Indépendance À Bissau, l’hôtel 24 de Setembro

vateur, « le retrait des chaînes internationales dans la sousrégion, notamment pour des raisons sécuritaires, favorise une redistribution des cartes dans le secteur qui peut favoriser les groupes africains ». Parmi eux, Libyan African Investment Company (Laico), présent dans quatre pays d’Afrique de l’Ouest. Avant l’éclatement de la guerre en Libye, ce groupe qui se positionne dans le haut de gamme (cinq étoiles) était aussi à l’offensive et lorgnait le marché guinéen. Par ailleurs, Onomo International, une nouvelle chaîne créée en 2008 par des anciens cadres du groupe Accor et financée par des investisseurs fina privés africains et européens, tente également de se tailler une place. Basé sur un concept d’hôtellerie économique et écologique avec des chambres de standing international (trois étoiles), le groupe a ouvert son premier établissement (108 chambres) fin 2010, à Dakar. Et prévoit l’ouverture, cette année, d’un nouvel hôtel à Abidjan, puis en 2012 à Bamako. Mais d’ici là, Azalaï, qui dispose d’un parc de 700 chambres, aura entamé la deuxième phase de son développement : la conquête de l’Afrique centrale. ● STÉPHANE BALLONG, envoyé spécial à Bamako N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

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LOUIZA AMMI

Ý LE LEADER accuse une chute de 4,7 % de son chiffre d’affaires en 2010.

ALGÉRIE

Les télécoms souffrent en attendant l’internet mobile En 2010, le marché de la téléphonie mobile a glissé sous la barre des 33 millions d’utilisateurs. Dans ce contexte, les opérateurs espèrent que l’arrivée de la 3G apportera un regain de dynamisme.

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révu pour cette année, le lancement des licences 3G (ou 4G) se fait toujours attendre en Algérie. Et la Journée mondiale des nouvelles technologies,le17mai,auradenouveau déçu la profession, qui attendait à cette occasion une annonce des autorités. « Le pays a cinq ans de retard»,déploreKarimAbdelmoula, patron de la société de conseil OnMarket. Or l’absence d’internet mobilesetraduitparunmarchépeu dynamique. Entre 2009 et 2010, le nombre d’utilisateurs a légèrement baissé, pour passer sous la barre des 33 millions – soit un chiffre d’affaires global de 2,1 milliards d’euros, hors fixe et internet. « L’obligation de s’identifier pour acheter une puce téléphonique complique les démarchesdesAlgériensetlimitelaréserve d’abonnés encore disponibles », estime Karim Abdelmoula. Surcemarchéatone,Djezzy,propriété du russe Vimpelcom depuis avril, reste dominateur, malgré les obstacles dressés sur sa route par l’État depuis dix-huit mois. Interdit d’importation d’équipements et de N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

puces téléphoniques à la suite du contentieux fiscal qui l’oppose à Alger,boycottéentantqu’annonceur par les chaînes de télé publiques, il a accusé en 2010 un recul de 13 points desapartdemarché(46%).Mobilis, filiale d’Algérie Télécom, occupe la deuxième place (28,8 %), talonné par Nedjma (25,2 %), détenu à 80 % par le qatari Qtel.

Ces derniers mois ont surtout mis en évidencela montée en puissance de Nedjma, dont le chiffre d’affaires a augmenté de 25 % en 2010 (430 millions d’euros). La filiale de Qtel possédait d’ailleurs le plus gros budgetpublicitairel’andernier,avec 9,7 millions d’euros investis dans les médias nationaux. Soit 25 % de mieux que Mobilis et deux fois plus que Djezzy (4,8 millions d’euros). L’arrivée de grands comptescomme Danone(environ7000lignes)parmi ses clients et une politique agressive vis-à-vis des entreprises ont permis à Nedjma de hisser son revenu mensuel moyen par utilisateur de 4,2 euros fin 2009 à 5,1 euros au premier trimestre 2011. Une progression qui a fait passer la marge Ebitda de 33 % en 2009 à 38 % fin 2010. « Pour la première fois depuis son démarrage en 2004, l’opérateur est même devenu rentable », souligne Mohssen Toumi, du cabinet de consulting Booz & Co. Un profit net de 7,1 millions d’euros a succédé à une perte de 24 millions d’euros en 2009. LOURDEURS. Du côté de Mobilis,

qui a publié pour la première fois son chiffre d’affaires l’an dernier (465 millions d’euros), le climat est moins serein. L’opérateur a perdu 200000 clients en 2010. Des erreurs danslepositionnementdesoffres Mobilis RÉSISTANCE. Djezzy profite tarifaires et les lourdeurs régle28,8 % de l’absence de portabilité en mentaires expliqueraient ce Djezzy Nedjma Algérie, c’est-à-dire la posdéclin. « Pour tous les achats 46 % 25,2 % sibilité pour un abonné de supérieurs à 30 000 euros, garder son numéro s’il change Mobilis doit publier un appel de réseau. Et même si l’opérad’offres qui peut n’aboutir qu’au teur a réduit ses investissements bout de six mois, alors que Nedjma de 155 millions d’euros en 2009 ou Djezzy prennent la même décià 63 millions en 2010, il n’a pas sion en une semaine. Sans compter connu de départ massif de clients. qu’ainsisesconcurrentsconnaissent En fin d’année, son chiffre d’affaires à l’avance les orientations stratégiques de l’opérateur public », expliétait néanmoins en retrait de 4,7 % (1,25 milliard d’euros). Un recul que Abderrafiq Khenifsa, directeur lié à la baisse de 6,9 % du revenu de la publication d’ITMag. Le programme d’investissement (790 milmoyen par utilisateur (6,9 euros par mois), entraînant une chute de lions d’euros sur cinq ans) annoncé 7,2 % de la rentabilité calculée sur par Algérie Télécom pourra peutla base de l’Ebitda (revenus avant être relancer sa filiale. ● intérêts, impôts, taxes). JULIEN CLÉMENÇOT Parts de marché (en % du volume d’abonnés)

JEUNE AFRIQUE


Coulisses ÉLECTRONIQUE

Le groupe coréen veut faire du continent un marché équivalent à la Chine.

L

ecoréenSamsungaannoncé début mai sa volonté d’atteindre en Afrique un chiffre d’affaires de 7 milliards d’euros d’ici à 2015. Le continent deviendrait ainsi pour le groupe un marché d’une taille équivalente à la Chine.L’andernier,leleadermondial de l’électronique a déjà enregistré une croissance de ses revenus africainsde30%,à912millionsd’euros; il projette de doubler ce chiffre en 2011.EnAfrique,iloccuperaitdéjàla place de numéro un sur le segment de l’électronique grand public (téléviseurs, réfrigérateurs, etc.). APPAREILS ADAPTÉS. Samsung

entend se focaliser sur les dix plus grosses économies, notamment le Kenya, l’Afrique du Sud, le Nigeria et le Soudan, et augmenter le nombre d’appareils spécialement conçus pour les marchés locaux. « J’ai sous ma responsabilité 300 ingénieurs travaillant dans 49 pays afin de proposer des produits correspondant exactement aux besoins du marché africain », a déclaré Kwang Kee Park, responsable régional de Samsung. Les climatiseurs conçus pour l’Afrique peuvent par exemple faire face aux coupures de courant. Le développement de Samsung passe par l’ouverture d’usines de montagecommecellesdéjàimplantées au Soudan, en Afrique du Sud, auNigeria,enÉthiopieetauSénégal. Son effectif africain pourrait ainsi atteindre 5000 salariés d’ici à 2015. L’amélioration de la chaîne d’approvisionnement et de la distribution sont aussi des objectifs prioritaires. Legroupeaparexempleannoncéun partenariat avec la chaîne de magasins kényane Nakumatt. ● J.C. JEUNE AFRIQUE

marchés

couverture par des provisions (60 %) reste modeste, compte tenu du faible niveau de capitalisation des banques et des risques inhérents aux conditions d’opération dans ces pays ». Cette faiblesse est liée, d’après Standard & Poor’s, à la non-application de normes financières internationales. Si le reste du monde se prépare à passer aux règles de Bâle III, les banques des huit pays de l’UEMOA ne pratiquent pas encore celles de Bâle II. Pour baisser les risques dans la zone, l’agence préconise la poursuite des réformes entreprises depuis 2008 par la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest et la concentration accrue du secteur. Fin 2009, la capitalisation des 99 banques de l’UEMOA (59 en 1998) avait augmenté de 29 % sur un an, pour atteindre 997 milliards de F CFA (1,5 milliard d’euros). ● TOURE BEHAN/SIPA

Samsung vise l’Afrique

Entreprises

UEMOA UN SYSTÈME BANCAIRE TROP FRAGILE Les risques liés au système bancaire de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) demeurent élevés, selon une étude de l’agence de notation britannique Standard & Poor’s du 17 mai. Dans la zone, selon elle, « le taux de créances douteuses est important (17 %) et leur taux de

S

• BANQUE La BEI accorde un prêt de 10 M€ à Bank of Africa pour financer son développement dans l’UEMOA • LUXE Le fonds Qatar Luxury Group Fashion a repris le maroquinier français Le Tanneur • INDUSTRIE Après

S

des bâtiments) fermera son usine d’Alexandrie • INFORMATIQUE De retour

M

l’augmentation du prix du pétrole par Le Caire, le français Soprema (étanchéité sur le continent, IBM s’installe à Dakar pour couvrir le marché ouest-africain

COCA-COLA LE SOMALILAND EST SERVI LE SOMALIEN Ahmed Guelleh vient de récupérer la licence Coca-Cola, perdue pendant la guerre civile. La production de Somaliland Beverages Industry est destinée au Somaliland et à la région semi-autonome du Puntland. L’usine a coûté 7 millions d’euros et devrait générer 2,2 millions d’euros de chiffre d’affaires par an. La Corée du Nord et Cuba sont les deux derniers pays à ne pas vendre de Coca-Cola. ● MAROC LE FONDS ÉMERGENCE À FLOT OUTIL FINANCIER du plan Émergence pour le développement industriel du Maroc, Foncière Émergence a bouclé son premier closing à 92 millions d’euros. Dédié à l’immobilier

industriel, le fonds d’investissement étudie déjà trois projets d’implantation de groupes étrangers sur les plateformes industrielles deTanger et Kénitra, dont celui d’un fournisseur de RenaultTanger Med. ● AIR FRANCE-KLM RETOUR DES BÉNÉFICES LA COMPAGNIE franco-néerlandaise a annoncé le 19 mai un bénéfice net part du groupe de 613 millions d’euros au titre de son exercice 2010-2011, clos le 31 mars (contre une perte de 1,3 milliard lors du précédent bilan). Le chiffre d’affaires a atteint 23,6 milliards d’euros (+ 12,5 %). Le groupe entend poursuivre son plan de réduction des coûts (470 millions d’euros d’économies en 2011) et créer des coentreprises sur des marchés importants (Inde, Brésil). ● N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

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International

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Ý Le directeur général BEN VERWAAYEN, en février, lors de la présentation des résultats 2010.

MEIGNEUX/SIPA

aux attentes du marché –, ainsi qu’une perte réduite à 10 millions d’euros (515 millions d’euros au cours du premier trimestre 2010). Un bilan rassurant pour un groupe qui achève cette année un plan triennal de redressement. Déjà, en 2010, Alcatel-Lucent avait enregistré une progression de son chiffre d’affaires de 5,5 % (15,9 milliards d’euros) et une perte (159 millions d’euros) à son plus bas niveau depuis la crise mondiale. QUATRE ANNÉES NOIRES. « C’est

TÉLÉCOMS

Alcatel-Lucent renoue les fils du succès À la surprise des analystes financiers, le groupe franco-américain retrouve des résultats positifs après une lente descente aux enfers. Un renouveau qui a fait flamber le cours de l’action.

U

ne cause n’est jamais perdue. C’est ce qu’est en passe de démontrer l’équipementier télécoms. Lanterne rouge du classement des performances boursières du CAC 40 depuis plusieurs années, l’action du groupe franco-américain a perdu 88,5 % de sa valeur au cours de la dernière décennie. Mais, alors que plus rien ne paraissait pouvoir enrayer le déclin du groupe et de la valeur du titre, Alcatel-Lucent réalise un retour tonitruant en 2011. Depuis le 1er janvier, l’action s’est envolée de 94,4 % (voir infographie), pour s’établir à 4,239 euros le 16 mai. Plus forte hausse du CAC 40, elle devance l’action EADS, en hausse de 31 % depuis le début de l’année, et celle de Michelin (+ 22 %). Sur un an, la progression est encore plus saisissante. Le titre a explosé de 107,3 %, alors que le CAC 40 ne progressait, lui, que de 8,3 % pendant la même période. Un come-back qui n’est pas passé N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

inaperçu. Sur les douze derniers mois, Alcatel-Lucent est la valeur la plus performante de la place de Paris, devançant nettement ses deux poursuivants, les groupes Peugeot (+ 48,5 %) et EADS (+ 47,3 %). L’élément déclencheur d’un tel revirement ? Les résultats positifs d’un groupe à la dérive depuis plusieurs années, qui ont dépassé les prévisions des analystes. Le 6 mai, le directeur général Ben Verwaayen a annoncé un chiffre d’affaires en hausse de 15 % sur les trois premiers mois de 2011 (3,7 milliards d’euros), un résultat d’exploitation de 13 millions d’euros – supérieur 4,50 4,5 4,25 4,2 4 3,75 3,7 3,50 3,5 3,25 3,2 3 2,75 2,7 2,50 2,5 2,25 2,2

Cours de l'action à la Bourse de Paris en 2011 (en euros)

janvier

février

mars

avril

mai

un bon début d’année 2011 et une indication claire que nous sommes en bonne voie pour devenir une entreprise normale cette année », a déclaré Ben Verwaayen. La situation n’a en tout cas plus rien à voir avec les quatre dernières années noires. En décembre 2006, le rapprochement du français Alcatel et del’américainLucentTechnologies, deux groupes malades en quête de stratégie de relance, devait faire naître un géant des télécoms de 18,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires, présent dans 130 pays et fort de 79 000 salariés. Mais dès janvier 2007, puis en octobre, deux plans sociaux étaient arrêtés, supprimant respectivement 12500 puis 4000 emplois, avec à la clé des plans d’économies de 2 milliards d’euros. Arrivé en sauveur en 2008, le Néerlandais Ben Verwaayen, ancien directeur général du groupe de télécoms britannique BT, redresse la barre avec peine. Le rebond actuel repose d’abord sur la croissance des marchés des équipements mobiles et de la fibre optique, mais aussi sur les ventes aux États-Unis (+ 40 % au premier trimestre 2011) qui représentent 40 % du chiffre d’affaires de l’équipementier. Toutefois, il est encore prématuré de parler de rédemption. Le groupe conserve « un profil opérationnel extrêmement fragile et sa visibilité est faible », relève un analyste. ● JEAN-MICHEL MEYER JEUNE AFRIQUE


International AÉRIEN

ANALYSE

Surendetté, le Portugal cède sa compagnie EN CONTREPARTIE d’une aide financière de 78 milliards d’euros que l’Union européenne et le FMI viennent de lui accorder, le Portugal, plombé par ses dettes, s’apprête à lancer un sévère programme d’ajustements économiques. Celui-ci prévoit une série de privatisations, dont celle la compagnie aérienne nationale. TAP Portugal, pourtant bénéficiaire en 2010 avec un profit net record de 62,3 millions d’euros (+ 8,7 %) et un chiffre d’affaires de 2,2 milliards d’euros (+ 14,6 %), sera donc mis en vente entre juin et juillet. Les repreneurs potentiels se bousculent déjà. Parmi eux, le

Opinion ns &é éditoriaux dito oria auxx

Alain Faujas

brésilien TAM Linhas Aéreas, qui aurait sollicité l’appui de son gouvernement. Également intéressé, International Airlines Group, né de la fusion entre British Airways et Iberia, avance ses pions et aurait déjà pris contact avec les autorités portugaises. Mais l’allemand Lufthansa, qui a fondé avec TAP Portugal le réseau Star Alliance en 1997, entend profiter de son statut de partenaire pour remporter l’offre. D’ici à quelques semaines, d’autres compagnies pourraient encore entrer dans la course. Et peut-être des poids lourds du transport aérien africain… ●

Embellie européenne

E

NFIN UNE BONNE NOUVELLE dans ces temps chahutés où les dictateurs résistent, où les hommes célèbres émargent à la rubrique « faits divers » graveleux et où les produits alimentaires flambent dangereusement : les deux locomotives de la zone euro, l’Allemagne et la France, voient leur croissance accélérer de façon inattendue – 1,5 % au premier trimestre pour la première et 1 % pour la seconde. Considérés comme trop optimistes par les experts, des taux de croissance prévus en 2011 à 3 % pour l’Allemagne et à 2 % pour la France ne semblent plus hors de portée. Les causes de cette embellie sont évidentes. Pour l’Allemagne, il s’agit de l’excellente tenue de ses exportations. Les produits made in Germany continuent de faire fureur, et notamment les biens d’équipement, dont l’Asie a grand besoin pour améliorer sa productivité et la qualité de ses propres produits. Dans le cas de la France, le surcroît de dynamisme est venu de la consommation qui a continué à être soutenue par la prime à la casse automobile. Supprimée le 31 décembre 2010, celle-ci a fait sentir ses effets jusqu’au 31 mars.

STÉPHANE BALLONG

MODE

PLUS RIEN N’ARRÊTE LE QATAR depuis qu’il a décroché l’organisation de la Coupe du monde de football en 2022. C’est maintenant au tour de la marque de textile Burrda de défier les rois des stades Nike et Adidas. Après la Belgique, le Royaume-Uni et les Pays-Bas, elle débarque en France et s’installera en Italie, en Espagne et au Portugal d’ici à 2012. Lancée en 2006, Burrda appartient à la société suisse Pilatus Sports Management, détenue par le fonds Qatar Sports Investments (QSI), lui-même propriété de Cheikh Tamin Ibn Hamad Al Thani, président du Comité olympique du Qatar et héritier du trône. Dotéed’importantsmoyensfinanciers,lamarqueestactivedanslefootball (maillotsdessélections belge, koweïtienne et tunisienne), le handball (Égypte, GrandeBretagne, États-Unis) et le rugby (Toulon, Biarritz). Burrda, qui habille hommes, femmes et enfants, a annoncé un chiffre d’affaires de 80 millions d’euros en 2010 et vise les 150 millions en 2013.Dèsl’anprochain, Burrda s’attaquera aux tenues pour le tennis et le golf et commercialisera sa première paire de chaussures de Le club d’ELTON JOHN, Watford FC, a choisi sport. ● J.-M.M. le groupe qatari comme équipementier. JEUNE AFRIQUE

BURRDA

Burrda, du sable à la pelouse

Cette heureuse évolution permet au Vieux Continent d’apporter enfin sa contribution à la reprise mondiale. Première conséquence : l’Europe va adresser des commandes de produits semi-finis ou de sous-traitance aux pays du pourtour de la Méditerranée, qui en ont grand besoin pour résorber leur important volant de chômeurs et pour conforter des économies secouées par les révoltes. Elle confirmera son intérêt pour les matières premières de l’Afrique subsaharienne, sans lesquelles elle demeurerait inerte. Deuxième conséquence : alors que plus de 1 million de postes de travail n’ont pas trouvé preneurs au premier trimestre en Allemagne, selon l’Institut pour le marché du travail (Nuremberg), qu’attend donc l’Europe pour ouvrir un peu plus ses frontières à ceux qui peuvent lui fournir la force de travail dont elle a besoin? Ce serait de l’égoïsme bien compris et une aide au développement intelligente. ● N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

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Décideurs RÉSEAUX

Reda El Mejjad connecte les entreprises

Cable & Wireless, maison mère de Monaco Télécom. Coté à la Bourse de Londres, ce groupe de taille mondiale affiche des participations dans 69 systèmes de câbles sous-marins dans le monde, couvrant plus de 500 000 km. Idéal pour se différencier et permettre à Afinis d’accompagner ses clients hors du continent.

Il dirige Afinis, un opérateur télécoms spécialisé dans les services aux sociétés. Son objectif : accompagner la croissance des grands groupes du continent.

À

latêted’AfinisCommunications – une filiale de Monaco Télécom –, le Marocain Reda El Mejjad en est persuadé: l’arrivée des câbles sous-marins en fibre optique, reliant les côtes africaines au web mondial, va décupler l’utilisation du haut débit dans les entreprises, y compris en dehors des capitales. « Beaucoup de sociétés du secteur bancaire ou minier veulent déjà disposer des mêmes applications informatiques sur tous leurs sites, même les plus reculés », affirme ce diplômé de Télécom ParisTech, également titulaire d’un MBA obtenu à Madrid. Le marché des réseaux consacrés aux entreprises serait en fait sur le point d’exploser en Afrique, passant d’environ 2,5 milliards de dollars en 2010 (1,9 milliard d’euros) à 4 milliards d’ici à 2015, selon le cabinet d’intelligence économique Delta Partners. Notamment sous l’influence des multinationales. « En observant cette tendance, nous avons eu l’idée de créer un opérateur qui s’adresse aux 500 premières compagnies africaines, pour les accompagner dans leur développement », explique le jeune patron de 37 ans. LONGUE EXPÉRIENCE. Pour

arriver à ses fins, l’ancien viceprésident de Wana, cofondateur de Wanadoo Maroc au début des années 2000, a piloté la fusion des opérations africaines de Monaco Télécom, réunissant le fournisseur d’accès à internet Connecteo, présent dans six pays subsahariens, et Divona, spécialisé dans les N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

ÉQUIPES SPÉCIALISÉES. Lancée

AFINIS

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télécommunications par satellite en Algérie. C’est ainsi qu’est née une nouvelle filiale, Afinis Communications. Mise en place et gestion de liaisons satellitaires et de connexions internet, management de réseaux… Afinis espère se positionner en concurrent direct de mastodontes tels qu’Orange Business Services, la branche de France Télécom pour les entreprises. « Notre expérience du continent depuis près de dix ans sera un vrai plus pour nos clients, sans oublier nos huit bureaux au Maghreb, en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale », plaide Reda El Mejjad. En Afrique, Afinis devra néanmoins compter avec la concurrence de plus petits acteurs, comme l’ivoirien Alink Télécom, qui, outre la mise en place de liaisons satellitaires, commence à offrir des services d’hébergement. Mais Reda El Mejjad sait qu’il possède un atout de taille en pouvant adosser son réseau aux infrastructures du britannique

Le patron de 37 ans vise les 500 PREMIÈRES COMPAGNIES AFRICAINES.

officiellement en mars 2011, la société basée à Casablanca travaille, pour le moment, principalement avec des entreprises des secteurs minier, pétrolier, mais aussi avec des opérateurs télécoms comme MTN. « Le plus souvent, nous ne sommes pas concurrents. Ils font appel à nos services pour concevoir et parfois gérer les liaisons satellitaires permettant de relier des zones reculées au cœur de leurs réseaux », indique Reda El Mejjad. Les banques et les grandes institutions internationales figurent aussi parmi les cibles d’Afinis. « Chaque secteur d’activité est géré par des équipes spécialisées, afin de mieux répondre aux spécificités de chaque demande », plaide le PDG. Si la filiale de Monaco Télécom est historiquement bien implantée dans les pays francophones, son patron sait que la réussite du projet impose de faire de même dans la zone anglophone. Le Nigeria et

Afinis espère se positionner en concurrent direct de mastodontes tels qu’Orange Business Services. l’Afrique du Sud recèlent en effet bon nombre de champions continentaux, alors que ces entreprises sont encore rares en Afrique de l’Ouest. « Notre nouvelle stratégie est panafricaine, assure Reda El Mejjad. À preuve: le sud-africain MTN ou le nigérian United Bank for Africa font déjà partie de nos clients. » ● JULIEN CLÉMENÇOT JEUNE AFRIQUE


Décideurs

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marché»,expliquel’anciendirecteur commercial de CFAO Technologies Cameroun,installéàYaoundédepuis 2004.Soncredo:s’appuyersurinternet pour développer des services à plus forte valeur ajoutée.

SARAH TCHOUATCHA

VENTE D’ESPACES PUB. Cette

« La réussite de RINGO me permet de déployer ma vision du marché. » CAMEROUN

Olivier Leloustre, hyperactif du web Patron du leader local des fournisseurs d’accès à internet, il multiplie les initiatives pour développer des services à forte valeur ajoutée sur la Toile.

À

35ans,OlivierLeloustre, patron de Ringo, ne panique plus quand apparaît un nouveau concurrent au fournisseur d’accès à internet numéro un au Cameroun; et 4G-Africa, dont les services seront lancés cet été, ne fait pas exception. Ringo, 4,5 millions d’euros de chiffres d’affaires, 44 000 abonnés, soit 44 % du marché, n’a que trois ans

d’existence, mais son fondateur sait qu’il a le soutien de son actionnaire, le fonds d’investissement suisse Glenar, pour mener sereinement son plan de développement. Loin de se satisfaire d’être devenu la référence du web au Cameroun, Olivier Leloustre cherche à se diversifier pour garder une longueur d’avance. « La réussite de Ringo me permet de déployer ma vision du

année, il s’est associé à CharlesEmmanuel Berc, figure française des centres d’appels, pour commercialiseràpartirdeYaoundélesespacespublicitairesduguidetouristique Le Petit Futé. « Un service facturé de 20 % à 30 % moins cher qu’en Tunisie ou au Maroc », se félicite ce diplômé de l’École supérieure de commerce de Lille, qui, à la fin de l’année, prévoit d’employer l’équivalent de 200 temps plein et réaliser un chiffre d’affaires de 200000 euros dans cette activité. Il songe aussi à une web-agency, dont la première mission sera de commercialiser la publicité du site internet de Ringo, avant de créer un portail regroupant des contenus locaux. Olivier Leloustre ne délaisse pas pour autant Ringo. Outre des prestations d’hébergement, la société propose des systèmes de communication radio, notamment pour les groupes pétroliers et les sociétés logistiques. Des services aux professionnels qui représentent déjà 25 % de son chiffre d’affaires. En point de mire, le développement d’une offre télécoms via internet (IP). Avec, à la clé, une entrée fracassante sur le terrain d’Orange et MTN. ● J.C.

PIERRE KEMLIN ATLANTIQUE TÉLÉCOM Depuis le 23 mai, il est directeur marque & communication de la filiale africaine d’Etisalat (marque Moov). Passé par de grandes agences (Leo Burnett,TBWA), il a aussi œuvré au sein d’OrascomTelecom Algérie et de TunisieTélécom. JEUNE AFRIQUE

DIANA LAYFIELD STANDARD CHARTERED BANK À partir du 22 juin, elle sera la nouvelle directrice régionale pour l’Afrique du groupe. Depuis 2009, elle en dirigeait le département stratégie et développement. Diplômée d’Oxford et de Harvard, elle est entrée dans la banque en 2004.

AHMED ABOU DOMA ORASCOM TELECOM HOLDING Le nouveau PDG d’OTH est un pilier de la maison. Après un début de carrière chez IBM, il a intégré le groupe égyptien en 1998, au service marketing de la filiale Mobinil, avant d’en devenir le directeur marketing en 2008. N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

D.R. ; STANDARD CHARTERED ; ORASCOM

ON EN PARLE


Marchés financiers Ý Inauguration du champ Jubilee, en présence du président ghanéen, JOHN ATTA-MILLS (décembre 2010).

TULLOW

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VALEURS PÉTROLIÈRES

Tullow Oil en tête, les juniors s’affirment Résultats flatteurs et cours de Bourse qui s’envolent : le groupe britannique récolte les fruits de ses prises de risques sur le terrain. Des titres comme Afren et Kosmos Energy prennent le même chemin.

E

lles s’appellent Tullow Oil, Afren, Kosmos Energy… En quelques années, ces juniors pétrolières ont su se faire une place de choix dans le paysage africain. Illustration probante dans le golfe de Guinée avec le champ ghanéen Jubilee, mis au jour en juin 2007 par l’américain Kosmos Energy et le britannique Tullow Oil, sociétés quasi inconnues, sinon des experts, avant cet événement. Avec ses 1,8 milliard de barils de réserves et sa production de 120 000 barils par jour prévue dès juillet, cette découverte est considérée comme l’une des plus importantes du continent depuis dix ans, poussant même les majors (Total, ENI, ExxonMobil…) à réinvestir la zone. Les marchés financiers ne sont pas restés insensibles à l’effervescence suscitée par ces pionnières qui savent prendre des risques là où leurs grandes sœurs sont plus prudentes. Cotée sur le London Stock Exchange, la valeur Tullow s’est N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

envolée, doublant entre juin 2007 et juin 2008, pour finalement atteindre aujourd’hui trois fois son niveau d’avant la découverte de Jubilee. La société dirigée par Aidan Heavy, dont 70,3 % des activités se trouvent sur le continent, est même devenue la première position du « tracker » Lyxor Pan Africa, fonds indiciel spécialisé sur l’Afrique, devant Maroc Télécom. Selon une note de la banque d’investissement Renaissance Capital datée du 12 mai, la part de Tullow dans Jubilee (34,7 %) vaudrait quelque 10,2 milliards de dollars (7,2 milliards d’euros). UNE SANTÉ DE FER. Le groupe britannique a multiplié les bonnes nouvelles au cours des quatre dernières années, rassurant un peu plus les actionnaires sur son potentiel. En 2008, il a annoncé une découverte majeure en Afrique centrale, dans le lac Albert. D’abord estimées à 800 millions de barils,

les réserves probables ont vite été revues à la hausse, pour atteindre quelque 2,5 milliards de barils et une production prévisionnelle de 200 000 barils par jour (un tiers appartient à Tullow, soit un potentiel de revenu quotidien de 4 millions de dollars avec un baril à 60 dollars – hypothèse basse). Entre les deux découvertes, le cours du baril a percé les plafonds, frôlant les 150 dollars à l’été 2008, année de tous les records pour la société en termes de chiffre d’affaires. Alors que le cours de l’or noir n’est jamais redescendu en dessous de 60 dollars depuis et que la mise en production du champ Jubilee a commencé dans les délais, fin 2010 – une prouesse –, la capitalisation boursière de Tullow est aujourd’hui estimée à quelque 12,2 milliards d’euros. Une santé de fer, avec un bénéfice qui a progressé de 137 % en 2010, à 72,5 millions de dollars, pour un chiffre d’affaires de 1,1 milliard de dollars (+ 19 %). Mais les actionnaires devront rester patients. Leur dividende, payé le 20 mai, reste au même niveau que l’année précédente, à environ 6,8 centimes d’euro par action. MONTÉE EN PUISSANCE. La chute

Sur le London Stock Exchange, la valeur de Tullow Oil a triplé depuis la découverte du champ Jubilee (Ghana) en juin 2007

de 10 % du prix du baril sur le dernier mois a cependant montré la dépendance des juniors à la volatilité des cours: malmené, le modèle Tullow a-t-il montré ses limites? Selon Christopher Jost, analyste chez Goldman Sachs, c’est au contraire le moment de s’y intéresser: «Larécentesous-performance du cours offre une bonne opportunitéd’acheterdestitresd’unesociété de classe mondiale dont l’action est tirée par le prix du pétrole. » Angus McPhail, chez Investec, estime de son côté que « Tullow a de solides flux de trésorerie en raison de la montée en puissance de la production au Ghana et du démarrage imminent en Ouganda. Le nombre JEUNE AFRIQUE


Baromètre

Pendant ce temps, des majors comme le français Total voient leur valeur boursière chuter. annoncé en mars l’acquisition de 74 % du bloc Tanga en Tanzanie et un investissement de 40 millions de dollars pour les forages, a levé en mars sur le London Stock Exchange quelque 500 millions de dollars, contre 450 millions visés, illustrant un certain engouement des investisseurs. Non seulement ceux qui ont acheté des titres il y a un an ont empoché 53 % de gain, mais en outre la société bénéficie d’un atout de taille dans ses perspectives à moyen terme : le démarrage du champ nigérian Ebok (35000 barils par jour), qui lui donne la possibilité de tripler son chiffre d’affaires en 2011, à 1 milliard de dollars. Enfin, entrée à la Bourse de New York le 11 mai, l’action de l’américain Kosmos Energy peine encore à décoller, clôturant même le 17 mai en dessous de sa valeur d’introduction(18dollars),à17,90dollars.Mais les perspectives restent positives. « Le prix du pétrole va certainement continuer de grimper, ce qui améliore la valeur perçue de la société », indiqueHughJohnson,présidentde Hugh Johnson Advisors. En outre, alors que certaines majors, comme le français Total, ont connu une chute de leurs cours ces deux ou trois dernières années, ceux des juniors n’ont quasiment jamais cessé de progresser. ●

L’or noir comme refuge VALEURS

BOURSE

COURS au 17 mai (en dollars)

ÉVOLUTION depuis le début de l'année (en %)

BP Zambia

LUSAKA

0,19

+ 182,6

LAGOS

1,05 0,35 211,52 2 115,53 235,85 0,11

+ 23,1 + 8,5 + 4,6 + 3,9 – 1,4 – 1,6

0,23 0,13 1,26

–2 – 8,2 – 13,9

Mobil Nigeria Oando Afriquia Gaz Tullow Oil Afren KenolKobil Conoil African Petroleum Total Nigeria

LAGOS CASABLANCA LONDRES LONDRES NAIROBI LAGOS LAGOS LAGOS

SI LES MAJORS, hormisTotal, ont décidé de quitter les activités de raffinage et de distribution en Afrique, elles poursuivent avec succès leur développement dans l’exploration et la production et recèlent de belles pépites cotées. Comme BP Zambia et Mobil Nigeria, qui connaissent une croissance soutenue depuis le début de l’année. Si le mouvement de yoyo du pétrole depuis plusieurs mois (baril de brut léger américain

à 98,40 dollars le 18 mai) risque de plonger les investisseurs dans l’incertitude au plan mondial, ils pourront se rassurer en Afrique (Libye mise à part), comme le montrent les performances de l’actionTullow Oil (lire article ci-contre). L’introduction réussie de Kosmos Energy le 10 mai à la Bourse de NewYork et le projet de cotation par Maurel & Prom de sa filiale nigériane Seplat témoignent du grand dynamisme de ce secteur. ●

Valeur en vue OANDO Des initiatives gouvernementales favorables BOURSE Lagos • CA 2010 2,5 milliards de dollars (+ 12 %)

COURS 54,85 nairas (17.5.2011) • OBJECTIF 68 nairas

NOUS ABAISSONS NOTRE OBJECTIF de prix de 85 à 68 nairas en raison de la dilution consécutive à l’émission d’actions gratuites récemment approuvée, au cours de laquelle Oando a émis une action gratuite pour quatre actions détenues. Pourquoi acheter le titre ? Étant donné la récente élection présidentielle remportée par Goodluck Jonathan, nous estimons que trois initiatives majeures, le Petroleum Industry Bill, le Power Sector Reform Act et le Gas Revolution Plan, vont continuer comme prévu. Vu le caractère diversifié des activités d’Oando, nous Dragan Trajkov Analyste chez croyons que la société pourra potentiellement bénéRenaissance Capital ficier de chacune de ces trois initiatives. Dans le cadre de la cession de plusieurs puits par Shell, le fait qu’Oando n’ait pas été sélectionné pour le bloc OML 42 est décevant. Toutefois, cela prouve notamment qu’Oando, qui a su s’associer avec des partenaires solides dans l’aval, a fait preuve de discipline financière : nous n’aurions pas voulu la voir payer plus de 600 millions de dollars pour ce bloc. » ●

D.R.

important de perspectives d’exploration en Afrique et en Amérique du Sud offre un potentiel de hausse significative ». La montée en puissance de la junior Tullow n’est pas une exception. D’autres valeurs, telles que sa compatrioteAfrenousonpartenaire Kosmos Energy, sont aussi sous les feux des projecteurs. Moins communicants, ils n’en demeurent pas moins d’importants acteurs sur le terrain de l’exploration africaine. Afren (29 participations dans onze pays du continent), qui a

Marchés financiers – Spécial Pétrole

MICHAEL PAURON JEUNE AFRIQUE

N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

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Dossier

Automobile

PRODUCTION

À quand des

INTERVIEW

Edgar Lourençon

Président de General Motors Africa

usines

En Afrique du Sud, en Égypte et au Maroc, les constructeurs affûtent leurs plans pour augmenter leur capacité industrielle. Mais ailleurs, les petites unités d’assemblage sont jugées trop coûteuses, et l’importation domine. CHRISTOPHE LE BEC

A

lors que les usines sud-américainesdeGeneralMotors(GM), Renault et Toyota tournent à plein régime et que l’Europe centrale, la Turquie et même l’Iran sont devenus des plateformes industrielles automobiles, l’Afrique aimerait à sontouraccueillirdavantaged’unitésdeproduction. Cherchez l’erreur : 1,4 million de véhicules neufs sont vendus chaque année en Afrique… alors que seulement 591 109 y ont été fabriqués en 2010. De fait, mis à part en Afrique du Sud (voir infographie), l’industrie automobile africaine en est encore à ses balbutiements. En 2010, l’Égypte n’a produit que 69 000 véhicules, le Maroc 50 000. Ailleurs, c’est presque le désert industriel, même s’il existe un tissu étoffé de sous-traitants automobiles en Tunisie et quelques petites usines d’assemblage en Afrique de l’Ouest et en Afrique de l’Est. Pour la plupart des marques, le continent est une zone de commercialisation attirante, mais pas une terredeproduction.Conséquencespourlesconsommateurs africains: de longs délais d’acheminement, une gamme de choix étroite, des fluctuations de prix liées au change, et un coût plus élevé. Pourtant, des projets d’usines, tous localisés aux deux extrémités du continent, sont en gestation.

En 2010,

591109 véhicules ont été fabriqués et assemblés en Afrique

UN SECTEUR STRUCTURANT. Celui de Renault

Tanger Med est le plus imposant. D’un coût de 650 millions d’euros, l’usine marocaine – en construction – doit fabriquer 170000 voitures dès 2012, et 400 000 par an à partir de 2015. Elle sera le premier exemple d’usine intégrale au nord du Sahara: de l’emboutissage des pièces de carrosserie jusqu’au montage des équipements intérieurs. « Cette implantation s’explique par la conjonction de deux volontés : celle du Maroc de faire de l’automobile un secteur clé de son économie, car structurant pour son industrie; et celle de Renault d’installer une seconde plateforme industrielle N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

8 % au Maroc 80 % en Afrique du Sud 12 % en Égypte

SOURCE : OICA

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pour nos véhicules à bas coûts, afin de soulager notre usine roumaine de Pitesti », explique Jacques Chauvet, directeur de la région Euromed du groupe français.Cettedécision,priseen2004,estaussimotivée par les potentialités du marché marocain: « La Logan, que nous assemblions déjà à Casablanca, a fait un bon démarrage dans un pays sous-équipé, avec 65 véhicules pour 1 000 habitants, contre 450 pour 1 000 en Europe du Sud », précise le responsable de la marque au losange. L’Algérie, deuxième marché automobile du continent derrière l’Afrique du Sud, attire aussi les constructeurs de milieu de gamme, même si les négociations avec le gouvernement s’avèrent particulièrement âpres : « Les pourparlers autour d’une usine à Rouiba, qui devrait produire 75000véhiculesparandestinés aumarchéintérieur, portent principalement sur le niveau de composants locaux ainsi que sur les avantages fiscaux », indique Jacques Chauvet, qui espère finaliser un accord dans les prochaines semaines, alors que ce projet est en discussion depuis près de deux ans. JEUNE AFRIQUE


LOCATION

Franchise et concessions

CRÉDIT-BAIL

Une activité qui gagne du terrain

TUNISIE

Ben Ali parti, le marché s’émancipe

OCCASION

La limitation de l’âge en question

GILLES ROLLE/REA

africaines? Ý Chaîne d’assemblage de véhicules Logan, dans l’usine de la SOCIÉTÉ MAROCAINE DE CONSTRUCTION AUTOMOBILE

(Somaca, filiale du groupe Renault), à Casablanca.

Volkswagen lorgne aussi le pays: Christof Spathelf, vice-président du constructeur allemand, s’est rendu à Alger pour évoquer avec le gouvernement un projet industriel de 100 millions d’euros. L’Égypte, avec ses 83 millions d’habitants, attire aussi, même si les projets y sont plus modestes. Ainsi en 2012, 3000 4x4 Fortuner seront assemblés au pays des Volkswagen a évoqué avec Pharaons, où Toyota vend déjà Alger un projet industriel 15 000 véhicules chaque année. de 100 millions d’euros. Même stratégie pour GM, qui compte s’appuyer sur son usine égyptienne, d’une capacité de 50 000 véhicules par an, pour écouler des voitures en Tunisie et au Maroc grâce aux accords d’Agadir prévoyant des facilités douanières. Enfin, le chinois Chery, qui assemble 12 000 voitures par an au Caire, entend lui aussi étendre sa production. Maistoutlemondenesuitpaslamêmeroute.PSA (marques Peugeot et Citroën), qui détient 10 % des ventes sur le marché maghrébin (40000 véhicules par an, contre 5000 au sud du Sahara), ne voit pas JEUNE AFRIQUE

l’intérêt de produire sur place : « Construire une usinesedécideenfonctiondelacapacitéindustrielle existante. Nous avons préféré nous appuyer sur nos usines espagnole et turque pour répondre à la fois auxdemandesmaghrébineeteuropéenne»,indique David Rio, directeur du commerce international de Peugeot pour l’Afrique et le Moyen-Orient. Partout, la vogue est aux grandes usines capables de faire des séries exportées sur un, voire sur plusieurs continents. On ne s’y lance pas à la légère, les investissements en jeu se chiffrent en centaines de millions d’euros. « Avec la libéralisation, les petites usines d’assemblage partiel, qui s’étaient multipliées dans les années 1970 pour faire face aux réglementations anti-importations de grands pays comme le Nigeria, ne sont plus aussi intéressantes: les coûts d’emballage, de déballage et de montage sur place sont prohibitifs par rapport à l’importation de véhicules finis », analyse David Rio. POIDS DE L’HISTOIRE. Le poids de l’histoire indus-

trielle joue aussi. Une fois installé dans un pays du continent,unconstructeurnecherchepasàprendre pied chez les voisins, ce qui favorise notamment la nation Arc-en-Ciel. « Nous bâtissons notre stratégie industrielle pour le continent à partir de l’Afrique du Sud,oùnoussommesprésentsdepuis1947,indique Matt Gennrich, de Volkswagen South Africa. Nous préféronsyagrandirnosusinesplutôtqued’implanter de petites unités sur des marchés africains où nos fournisseurs ne sont pas présents. » Volkswagen fabrique à Port-Elisabeth 135000 Polo par an, dont un tiers pour le marché national. Toyota, leader du marché sud-africain depuis les années 1980, écoule déjà 50 % de sa production sud-africaine en Afrique australe, profitant des accords douaniers de la South African Custom Union. Et il compte encore augmenter ses volumes africains: en 2010, il a produit à Johannesburg 123752 pick-up Hilux, mais son usine est capable d’en fabriquer 220000 par an. En bref, si la capacité industrielle africaine est en pleine croissance, il y aura peu de pays élus par les constructeurs. Ceux-ci veulent de grandes usines intégrées au marché mondial et ne disperseront pas leurs investissements. En dehors de l’Afrique du Sud, du Maroc et de l’Égypte, qui combinent un environnement fiscal favorable à l’export, un tissu industriel et logistique suffisant et un marché national dynamique, il est donc peu probable que l’on voie émerger d’autres acteurs de premier rang. ● N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

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Dossier Automobile INTERVIEW

Edgar Lourençon

P RÉSIDENT

DE

G ENERAL M OTORS A FRICA

« Pour aller de l’avant, General Motors élabore des stratégies région par région » Le Brésilien préside depuis 2009 les filiales africaines du géant américain. Afin de doper ses ventes sur le continent – 160 000 véhicules en 2010 –, une nouvelle approche par sous-ensemble géographique a été adoptée en janvier. Explications.

KARL SCHOEMAKER

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« Aujourd’hui, nous écoulons PLUS DE

40 000 VOITURES au Maghreb et en Afrique de l’Ouest, contre 3 000 en 2004. »

JEUNE AFRIQUE : Pourquoi General Motors [GM] a-t-il changé son organisation en Afrique ?

EDGAR LOURENÇON : En 2010, nos ventes ont progressé de 15 % sur le continent par rapport à 2009, atteignant quelque 160 000 véhicules, soit environ 13 % du marché africain. Ce sont d’excellents résultats, mais ils sont principalement dus à nos bons positionnements en Afrique du Sud et en Égypte, pays qui représentent encore 70 % de nos ventes. Pour aller de l’avant, il nous fallait chercher de la croissance ailleurs sur le continent, et pour cela une organisation différente était nécessaire. C’est-à-dire ?

Jusqu’à présent, nous avions une approche globale, menée depuis l’Afrique du Sud. Seule l’Égypte, où nous comptons des unités industrielles, bénéficiait d’une stratégie à part. Nous ne pouvions plus nous permettre de fonctionner de cette manière si nous voulions profiter de N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

l’émergence africaine, à laquelle nous croyons : en 2004, GM ne vendait que 3 000 véhicules au Maghreb et en Afrique de l’Ouest. Aujourd’hui, nous en écoulons plus de 40 000. C’est une belle progression, mais qui reste insuffisante par rapport à nos ambitions. Nous travaillons donc à l’élaboration de stratégies adaptées par sous-ensembles régionaux, voire par pays, avec une direction régionale basée au Caire pour les marchés d’Afrique du Nord, et une autre en Afrique subsaharienne, avec un siège à Port Elizabeth et un relais à Nairobi pour l’Afrique de l’Est. En outre, nous sommes désormais rattachés, avec les filiales asiatiques et sud-américaines, au pôle GM International, basé à Shanghai, et non plus au siège américain ; cela favorise un approvisionnement moins onéreux et un meilleur partage d’expérience. Quels marchés africains visez-vous en particulier ?

Le marché nord-africain est extrêmement prometteur et, en dehors de l’Égypte, GM y était peu implanté. Nous souhaitons être davantage présents en Algérie, premier marché maghrébin. En Afrique subsaharienne, nos cinq cibles prioritaires sont, dans l’ordre, le Nigeria, l’Angola, le Kenya, le Ghana et le Sénégal, en raison de leur taille. En Afrique australe, nous voulons aussi, à partir de notre base sud-africaine et en profitant des accords commerciaux de la Communauté de développement de l’Afrique australe, investir davantage le marché zimbabwéen. Sur quelles marques comptez-vous vous appuyer ?

Chevrolet est sans aucun doute notre marque leader pour les véhicules particuliers, et Isuzu, dont nous détenons la licence en Afrique, pour les véhicules utilitaires. Cela dit, dans les pays où nous sommes peu présents, nous ne nous interdisons pas de commercialiser des véhicules Opel, si cette marque est plus connue. Depuis 2004, notre groupe a développé pas moins de JEUNE AFRIQUE


Dossier 38 nouveaux modèles. Nous pouvons donc nous permettre de piocher le meilleur produit en fonction du pays, et faire face aux petits 4x4 des coréens Hyundai et Kia, aux citadines des français Renault et Peugeot, ou bien aux pick-up des japonais Toyota et Nissan, pour ne citer que nos plus grands concurrents.

Nous allons lancer, en partenariat avec Isuzu, un pick-up spécialement destiné au continent. Allez-vous fabriquer davantage de véhicules sur le continent, afin de mieux pénétrer les marchés et d’adapter vos produits à la demande ?

Les marques distribuées par General Motors en Afrique.

CHEVROLET CADILLAC BUICK GMC OPEL ISUZU

Nous fabriquons déjà huit modèles en Afrique du Sud, mais ce sont essentiellement des véhicules avec une direction à droite, donc destinés à l’Afrique australe et à l’Afrique de l’Est. L’attribution par la direction internationale de la

production de la Chevrolet Spark à notre usine de Port Elizabeth devrait nous aider à passer la barre des 50 000 véhicules produits dans le pays [contre 26 000 actuellement, NDLR], ce qui nous permettra, conformément à la réglementation, de bénéficier de facilités à l’exportation vers l’Afrique australe, l’île Maurice mais aussi l’Asie-Pacifique. Enfin, nous avons décidé de nous lancer, avec notre partenaire japonais Isuzu, dans le développement d’une nouvelle version du pick-up KB destinée au continent et qui sera aussi fabriquée dans nos usines sud-africaines. Cela étant, nous ne pourrons certainement pas nous passer des importations, dont nous comptons toutefois diversifier l’approvisionnement : dans des pays comme l’Angola, nous profiterons des accords de libre-échange avec le Brésil, où nous disposons d’usines performantes. Quelle est votre priorité jusqu’à la fin de l’année 2011 ?

La construction d’un réseau solide de distributeurs dans nos pays cibles. Mais ne nous voilons pas la face, cela prendra plus d’une année ! ● Propos recueillis par CHRISTOPHE LE BEC

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Dossier Automobile

ERICK AHOUNOU/APA

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LE TYPE DE VÉHICULES DISPONIBLES dépend du pays (ici à Dakar). LOCATION

Franchise et concessions Afin de conjuguer image de marque et adaptation au terrain, les loueurs internationaux s’allient à des distributeurs locaux pour s’établir en Afrique.

P

remière chose que l’on voit en des cendant d’avion : l’alignement des comptoirs de location de voitures. « En Afrique, notre marché se répartit globalement à 50/50 entre clientèle internationale de courte durée, touristes et hommes d’affaires en déplacement, et clientèle de résidents, nationaux ou non, qui pratiquent la location de moyenne ou longue durée », explique Olivier Métairie, directeur Afrique et Moyen-Orient d’Europcar. Le marché est donc séparé en deux, entre une clientèle internationale qui s’adresse aux

grands groupes par commodité et par sécurité, et une clientèle nationale qui sollicite plus facilement des loueurs locaux. Thierry Domballe, directeur Afrique et océan Indien d’Avis, note de son côté « une part prépondérante d’entreprises parmi [ses] clients, à l’exception du Maroc et de la Tunisie, où la clientèle touristique est importante ». Ces sociétés préfèrent en général s’adresser à des compagnies internationales pour des questions de facturation, de visibilité et de possibilité de recours en cas de problèmes.

Conséquence: afin de conjuguer image de marque et adaptation au terrain, les loueurs ont tous choisi de s’allier avec des distributeurs de véhicules. Europcar travaille avec le français Tractafric et le belge Demimpex (en cours de fusion), ainsi qu’avec Imperial en Afrique du Sud. Avis est associé, en Afrique francophone, avec le français CFAO et, en Afrique australe, avec le sudafricain Barloworld. GAGNANT-GAGNANT. Le loueur,

franchiseur, apporte son savoirfaire, son modèle d’activité, sa réputation, sa visibilité et son système de réservation. Le concessionnaire, franchisé, fournit son parc automobile et sa connaissance du tissu économique local. « Sans ça, certains petits pays nous resteraient difficilement accessibles, alors que la demande existe partout », commente Thierry Domballe à propos de l’alliance Avis-CFAO. Le type de véhicules disponibles dépend du pays, comme l’indique le loueur Sixt, dont la flotte

Pour des questions de facturation, les entreprises clientes préfèrent s’adresser à de grands groupes. « est ajustée à l’état des routes et comprend de ce fait surtout des véhicules 4x4 ». En tout cas, les perspectives pour les loueurs sont bonnes: la croissance économique et les projets de chantier sont le gage d’une forte demande. ● ANTOINE LABEY

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Dossier CRÉDIT-BAIL

Une activité qui gagne du terrain Adoptée par les entreprises maghrébines, la location avec option d’achat se généralise peu à peu à tout le continent. Le groupe panafricain Alios Finance avance ses pions.

E

ntre la location longue durée et l’achat d’un véhicule, le leasing automobile – ou location avec option d’achat – séduit de plus en plus d’entreprises. Il leur évite d’immobiliser leur capital et les allège de la gestion et de l’entretien de leur parc automobile. En Afrique, la pratique est surtout répandue au Maghreb. Parmi les sociétés de créditbail les plus connues: MarocLeasing et Maghreb Leasing Algérie (filiale de Tunisie Leasing, du groupe Amen). Au sud du Sahara, où l’activité est restée, jusqu’à très récemment, embryonnaire, le numéro un du créditbail automobile s’appelle Alios Finance. Créé au Sénégal en 1956 sous le nom de Société africaine de crédit automobile (Safca), legroupepanafricain compte dans son capital des acteurs historiques de la distribution auto tels que CFAO et Optorg, mais aussi le fonds Africinvest et, encore une fois, Tunisie Leasing. UN MARCHÉ ÉTROIT. Si en Afrique franco-

phone le cadre fiscal est encourageant, ce n’est pas toujours le cas ailleurs. L’activité devient alors peu avantageuse pour le

client, et risquée pour les sociétés de leasing. Le marché est souvent considéré comme trop étroit pour envisager toute rentabilité. Christophe Dupras, d’ALD Automotive, filiale du groupe Société générale spécialisée dans la location longue durée et la gestion de parcs auto, estime que « le seuil minimum de rentabilité d’une activité de leasing se situe

à 2 000 véhicules, un volume difficile à atteindredanslaplupartdespaysd’Afrique subsaharienne. De plus, la maintenance des véhicules, qui est à la charge de la société de leasing, pose des problèmes dans pas mal de pays ».

Pourtant, les choses bougent. Sénégal, Cameroun, Gabon, Nigeria ou Zambie sont autant de pays devenus très attractifs pour Alios Finance. « Nous sommes aujourd’hui présents dans huit pays, explique Mahdi Ben Hamden, directeur d’exploitation. Notre plan de développement prévoit deux pays supplémentaires par an, déterminés en fonction du marché automobile local et du degré d’insertion de la location dans les habitudes culturelles. Nous venons d’ailleurs de lancer notre activité en Tanzanie, où nous sommes les pionniers, et les PME et PMI locales semblent parfaitement accepter le principe. » Depuis 2008, la Société financière internationale (SFI, filiale de la Banque mondiale) apporte son appui au développement du crédit-bail par le biais de l’Africa Leasing Facility (ALF). Dans le cadre de ce programme, elle mène des actions de sensibilisation et de formation, en collaboration avec l’African Leasing Association (Afrolease), qui regroupe les professionnels africains du secteur. ● ANTOINE LABEY et MICHAEL PAURON

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Dossier Automobile

NICOLAS FAUQUÉ/WWW.IMAGESDETUNISIE.COM

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VOLKSWAGEN a vu ses ventes chuter de 69 % en mars dans le pays. TUNISIE

Ben Ali parti, le marché s’émancipe Soumis à des quotas d’importation sous l’ancien régime, les concessionnaires demandent la libéralisation du secteur. Les autorités sont d’accord, mais la transition peine à se mettre en place.

L

e clan Ben Ali en avait fait sa chasse gardée. « 80 % du marché de l’automobile était capté par les proches du palais de Carthage », affirme Férid Abbas, le PDG de Setcar, distributeur de Volvo. Une domination assise sur la pratique des quotas. Chaque début d’année, tous les concessionnaires tunisiens étaient informés du volume d’importations qui leur était alloué, dans la plus grande opacité. « Pendant plus de dix ans, l’administration a refusé de nous donner la moindre autorisation, avant de nous accorder une centaine de voitures en 2007 [précisément 180 véhicules, NDLR]. Cette quantité ne suffisait N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

même pas à couvrir nos charges », témoigne Férid Abbas. Une méthode officiellement justifiée par l’avantage donné aux constructeurs faisant le plus appel aux équipements fabriqués par les industries locales. L’exemple le plus flagrant de népotisme fut sans doute le traitement de faveur réservé à Sakhr el-Materi, gendre de l’ex-président, qui, pour la marque Kia, avait obtenu dès sa première année d’exploitation, en 2009, près de 2 000 véhicules, puis 3 000 en 2010. Sans compter les volumes acquis hors quotas : 1300 lors du dernier exercice, selon nos informations. Soit en tout près de 10 % du marché.

Quatre mois après la chute du régime Ben Ali, plus aucun concessionnaire ne veut entendre parler du système des quotas. « Le secteur doit être libéralisé », clame Khaled Ben Jemaa, patron de la Société de l’automobile et du matériel (SAM, distributrice des microbus et des 4x4 de marque Mitsubishi) et représentant des patrons du secteur. Un message entendu par le ministre du

Un traitement de faveur était réservé à la marque Kia, vendue par le gendre de l’ex-président. Commerce, Mehdi Houas, qui juge même ce fonctionnement contraire aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). « Il n’y aura plus de problème d’équité, indique Naceur Oueslati, directeur général ● ● ● JEUNE AFRIQUE



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Dossier Automobile Difficile de croire en effet que l’État tous les concessionnaires affirne soit pas tenté de préserver la ment pouvoir attendre des jours santé financière de ces entreprises, meilleurs, même si le trou d’air dure qui, en outre, emploient près de plus d’une année. L’autre raison 3 000 personnes. de cet optimisme tient au fait que beaucoup de sociétés de distribuDans l’attente de l’ouverture Les marques totale à la concurrence, dès 2012 tion sont détenues par des groupes les plus vendues selon le ministère du Commerce, diversifiés comme Loukil (Citroën, en Tunisie le secteur reste dominé par les Mazda), Mzabi (Renault-Nissan) au premier trimestre 2011 ex-marques du clan Ben Ali. Au ou Setcar (Volvo), qui leur procuune bonne assise financière. premier trimestre 2011, Ford rd se rent u FORD D’ailleurs, aucun n’envisage offitaille toujours la part du lion, avec D’ailleu ,7 14 GEN PEUGEOT ci 951 véhicules vendus (14,7 % des VOLKSWA ciellement ciel elleme de réduire ses effectifs. ,4 14 11,85 « Nos No 150 salariés ont en moyenne volumes), suivi de Volkswagen wagen n vingt ving ngt an ans d’ancienneté. Nous orga(14,4 %), Peugeot (11,85 %) et Kia ia nisons le travail différemment, avec (8,9 %). À l’autre extrémité, Opel, (en % des volumes vendus) des journées plus courtes, mais il Dacia et Volvo représentent à eux de jo n’est pas question de mettre nos trois seulement 1,5 % d’un marché en très forte baisse. collaborateurs au chômage », réagit « Avec la révolution, l’éconoKhaled Ben Jemaa. mie est à l’arrêt, et nous aussi. Cette année, nous ne pourrons PÉRIODE DE CALME. En outre, pas écouler 45 000, mais au mieux cette période de calme est propice à 30000 véhicules », confirme Khaled l’élaborationdenouvellesstratégies. Ben Jemaa. Au mois de mars, les Pour les représentants de Toyota, ventes des concessionnaires étaient Nissan, Mitsubishi ou Mazda, la en recul de 44 %. Avec des chupriorité est d’élargir leur gamme. D’autres font le pari de nouveaux tes atteignant 82 % pour Renault, 69 % pour Volkswagen et 61 % pour constructeurs. « Le chinois SAIC Mercedes.Silacontre-performance de la marque française s’explique Malgré un trou d’air, aucun par une rupture de stock au pregroupe n’envisage officiellement INERTIE. Certaines voix parmi les mier trimestre, les constructeurs de réduire ses effectifs. concessionnaires s’élèvent pour allemands sont quant à eux égadénoncer l’inertie de l’administralement victimes de leur proximité tion. « Nous avons été spoliés penavec la famille Ben Ali. [Shanghai Automotive Industry dant des années, on ne voudrait pas La survie de certaines sociétés Corporation, NDLR] a repris la proque le gouvernement de transition est-elle menacée? Non, répondent duction des marques Rover et MG, continue d’accorder des privilèges les intéressés. Assurés de conserver mais à un prix inférieur de 30 % à à ces sociétés, sous prétexte qu’il le marché du service après-vente 40 %. Nous sommes très intéressés devra à terme les vendre pour son et de la pièce de rechange grâce par la Rover 75 et par un modèle proprecompte»,plaideundistribuà l’entretien du parc existant, soit proche de la Mini vendu par BMW. teur sous le couvert de l’anonymat. 20 % à 30 % de leur chiffre d’affaires, Ces trois dernières années, la Chine a beaucoup progressé », explique Khaled Ben Jemaa. LE TRANSPORT PUBLIC SE REBIFFE Distributeur historique de Rover ATTRIBUÉ EN 2009 à des concessionnaires appartenant à des proches de Ben et MG en Tunisie, l’homme d’affaiAli, le renouvellement des bus des sociétés publiques de transport tunisiennes res se verrait bien être le premier est la parfaite illustration des pratiques népotiques de l’ancien régime. Au total, à importer des véhicules chinois. l’affairisme du « clan » au pouvoir aurait induit un surcoût d’environ 14 millions Selon le ministère, aucun obstacle d’euros, sur un marché estimé à 150 millions d’euros pour l’achat de 1 000 bus. ne s’y oppose. Les seules conditions « Sur chaque exemplaire, notre prix était inférieur de 50 000 dinars à remplir par les concessionnaires [25 000 euros, NDLR], mais c’est quand même Ennakl, propriété de Sakhr après 2011 concerneront le respect el-Materi, qui a décroché le gros des commandes », confirme Férid Abbas, des normes de sécurité et la capadistributeur Volvo, retenu pour fournir des bus articulés. Ce temps est révolu : cité à entretenir le parc de véhicules plus question, pour les entreprises publiques de transport, d’assumer les vendus. De bonnes dispositions dérives de l’ancien régime. Certaines refusent même de payer les bus que devra confirmer le gouvernecommandés, mettant en difficulté les concessionnaires autrefois privilégiés et ment tunisien aux manettes après aujourd’hui confisqués… par l’État. Bref, un vrai casse-tête pour les autorités. ● la période de transition. ●

● ● ● du commerce extérieur au ministère. L’année 2011 sera une période de transition. Pour ne pas déséquilibrer la balance des paiements, nous avons décidé de stabiliser le nombre de véhicules importés à 45 000 unités, mais leur répartition entre les marques a été confiée aux concessionnaires. » Si le discours est bien rodé, le changement peine pourtant à se concrétiser. Transmis au ministère, l’accord trouvé par la majorité des distributeurs aurait été avalisé par l’État, mais serait à la fois l’objet de contestation de la part de certains concessionnaires et victime des lenteurs de l’administration pour sa mise en application. Il aboutit notamment à une baisse d’environ 25 % des volumes accordés à certaines entreprises ayant appartenu aux proches de Ben Ali et depuis confisquées par l’État, comme Ennakl (Volkswagen, Audi), Alpha International (Ford) ou City Car (Kia) ; d’autres, comme General Motors (Opel et Chevrolet), auraient obtenu au contraire une forte augmentation, jusqu’à 500 %.

J.C. N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

JULIEN CLÉMENÇOT JEUNE AFRIQUE


Dossier Automobile escompté. Face aux difficultés rencontrées par les ménages pour se procurer des véhicules plus récents, donc plus chers, de nombreuses astuces pour contourner la loi ont vu le jour : fabrication de faux papiers, importations de véhicules en pièces détachées destinés à être ensuite remontés, recours aux bakchichs auprès des douanes… Entre 2001 et 2005, les importations sénégalaises de pièces détachées ont par exemple presque doublé, passant de 4,6 milliards à 8,5 milliards de F CFA (de 7 millions à 13 millions d’euros), et neuf voitures sur dix importées seraient « sans papiers ». Autre effet pervers : la hausse des enchères sur les occasions existantes.

OCCASION

La limitation de l’âge en question

Plusieurs pays ont durci la législation sur l’ancienneté des véhicules importés. Mais les effets attendus ne sont pas au rendez-vous.

BONUS POUR LE NEUF. Reste que

NABIL ZORKOT

84

«

L

eSénégalrefused’être la poubelle des pays développés », plaide la ministre sénégalaise des Transports, Nafy Diouf Ngom, pour justifier la loi, adoptée en 2003, qui interdit l’importation dans le pays de véhicules d’occasion âgés de plus de 5 ans. Interpellée à la fin de l’année dernière par un député sur cette loi très controversée, la ministre a proposé comme alternative de « développer

les usines de montages de véhicules dans le pays pour avoir un parc moderne et des véhicules de qualité pour une bonne sécurité routière ». D’autres pays ont pris des mesures similaires: le Gabon a fixé la limite d’âge à 4 ans, le Nigeria à 10 ans et l’Algérie à 3 ans. Si l’objectif officiel de telles mesures est de limiter l’impact sur l’environnement et de réduire l’âge moyen du parc automobile, la réalité est encore loin de l’effet

DANS LE PORT D’ABIDJAN, des voitures en attente de déchargement.

les concessionnaires profitent aussi de cette législation, et les ventes de véhicules neufs ont bien augmenté. « Depuis la loi, nous avons remarqué une nette accélération », affirme Jérôme Collet, directeur commercial Toyota chez CFAO, à Dakar. Un constat corroboré par les chiffres du Mouvement des professionnels de l’automobile sénégalais: alors que 2748 véhicules neufs étaient vendus en 2003, quelque 6 425 l’ont été en 2010. Si l’émergence du marché des particuliers est une réalité, les concessionnaires pointent néanmoins du doigt des freins importants : des délais trop longs pour accéder aux prêts bancaires et des taux d’intérêt trop élevés. ● ANTOINE LABEY avec AURÉLIE FONTAINE, à Dakar

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Dossier

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RESSOURCES HUMAINES

De quoi faire chez les concessionnaires

VINCENT FOURNIER/J.A.

Le secteur de la vente et de la réparation, en plein développement, recherche de nombreux profils. Le point sur les postes et les formations.

JEUNE AFRIQUE

VINCENT FOURNIER/J.A.

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hef d’atelier, mécanicien, technico-commercial, ingénieur commercial, ingénieur mécanique… Présent dans 23 pays africains, le concessionnaire automobile Tractafric Motors recherche principalement des jeunes, de préférence avec une première expérience professionnelle. « L’activité des services étant particulièrement dynamique sur le continent, c’est surtout dans le secteur du commerce et de la réparation automobiles que la demande de main-d’œuvre est la plus forte », précise Fredrik Morsing, directeur général de Tractafric Cameroun. Même son de cloche chez CFAO Motors Sénégal, qui recrute en permanence des commerciaux spécialisés, des techniciens qualifiés service après-vente et des gestionnaires de pièces détachées. Véritable mouton à cinq pattes, le commercial spécialisé (à partir de bac+2), qui représente une grande marque dans une succursale ou une concession, est en contact avec la clientèle, qu’il conseille. Pour réussir dans son métier, il doit être à l’affût des nouveautés commerciales et des tendances du marché. La persévérance est indispensable, l’éloquence un atout précieux. Danslescentresautocommechez lesconcessionnaires,lesprofilsbac+5 sont également recherchés. Ils accèdent assez rapidement à des postes de direction, mais doivent d’abord acquérir une parfaite connaissance du produit. Ils débutent comme conseillers commerciaux, puis travaillent en binôme avec des chefs de vente, qu’ils seront éventuellement amenés à remplacer. Dans les concessions en particulier, les bac+5 sont adjoints au directeur de

site,responsablesdedépartement, directeurs commerciaux… Les distributeurs affirment avoir une politique de promotion des cadres africains. Des nationaux sont ainsi recherchés pour occuper des postes de chef d’agence, responsable des marques ou responsable location. Les directeurs de filiales sont également demandés, à condition de justifier d’une expérience minimale de dix ans dans la profession. SENS DE L’AUTONOMIE. En ter-

mes de formation, les BTS « management des unités commerciales » ou « négociation et relation client » sont prisés, notamment pour les postes de commercial spécialisé. Largement délivrés dans les lycées techniques du continent, ces cursus peuvent être complétés par une formation en interne. À bac+2 toujours, le BTS « maintenance et après-vente automobile » a également la cote. Il permet au jeune diplômé de débuter, par exemple, comme réceptionnaire aprèsvente, avec un statut d’agent de maîtrise. Grâce à une formation complémentaire, il peut être promu cadre, à condition de justifier des compétences comportementales nécessaires, comme le sens de l’autonomie.

Atelier d’apprentissage dans une société de câblage électrique automobile, à Tanger. LES SOUSTRAITANTS AUSSI

RECRUTENT.

Les perspectives d’évolution dépendent également du profil du salarié. Certains préfèrent la technique, d’autres apprécient le contact avec la clientèle. Les premiers pourront passer chefs d’atelier, les seconds deviendront adjoints au chef de vente puis chefs de vente. Les missions diffèrent en fonction de la taille des structures: dans une petite concession automobile, un chef d’atelier peut également s’occuper de la vente, alors que dans une concession plus grande, les rôles sont plus cloisonnés. Reste qu’il faudra un jour régler l’épineuse question des formations spécifiques à la gestion et au commerce automobiles sur le continent.

Les BTS des lycées techniques peuvent être complétés par une formation en interne. Les entreprises peinent à y recruter des profils qualifiés, en raison de la rareté des centres de formation spécialisés.Responsablescommerciaux et responsables services sont le plus souvent issus d’établissements français, comme l’École supérieure du commerce et des réseaux de l’automobile ou l’Institut supérieur du commerce automobile du Mans. ● CLARISSE JUOMPAN-YAKAM N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011


Dossier Automobile

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PANORAMA

Sept vedettes à Shanghai

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apis rouge : le Salon international de l’automobile de Shanghai (du 21 au 28 avril dernier) est l’un des rendez-vous incontournables du secteur automobile, avec celui de Pékin (en alternance une année sur deux). La mégalopole chinoise fait désormais partie du grand schelem pour les constructeurs, qui n’hésitent pas à y présenter leurs nouveaux modèles en première mondiale. Il faut dire que la Chine est devenue le plus gros marché automobile de la planète, avec plus de 18 millions de véhicules écoulés en 2010 et une croissance de 10 % par an prévue sur les prochaines années. Et si les constructeurs locaux se taillent la part du lion, avec plus de 45 % du marché, l’américain General Motors (GM) y est le premier constructeur étranger, avec 2,4 millions de véhicules vendus, devant l’allemand Volkswagen (1,9 million)… Ce n’est pas rien. ●

I

mpossible de passer à côté du constructeur chinois JAC, qui a présenté à Shanghai quelque quinze nouveaux modèles. Son SUV (sport utility vehicle) S1 – disponible en Afrique – offre une palette d’équipements de série, mais ses performances pourraient bien décevoir, car probablement en deçà de ce qu’on attend d’un modèle quasi tout-terrain présenté comme étant à l’aise aussi bien en ville qu’à la campagne. D’un poids de 2 tonnes, il plafonne à 170 km/h… Son prix « asiatique » sera sans doute la seule vraie performance du modèle.

AUDI Q3 BERLINE TOUT-TERRAIN

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e vous fiez pas à ses airs de berline. Le premier crossover de la marque aux anneaux, avec sa garde au sol de 17 cm, reste un SUV qui pourra s’adapter à un grand nombre de terrains. Fabriqué en Chine et en Espagne, le Q3 sera disponible en diesel (2 litres TDI 177 et 140 chevaux, boîte manuelle 6 rapports) et en essence (2 litres 170 et 211 chevaux, boîte robotisée 7 rapports).

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MICHAEL PAURON

JAC S1 DÉCEPTION ANNONCÉE

D.R.

Le Salon de l’automobile de la mégalopole chinoise est devenu la vitrine des constructeurs mondiaux. Revue de détail des modèles qui ont marqué l’édition 2011.

CHEVROLET MALIBU LANCEMENT EN RÉSEAU

J JESSICA RINALDI/REUTERS

usque dans son lancement, ce modèle innove : la nouvelle Chevrolet Malibu a été présentée, en même temps qu’à Shanghai, sur le réseau social Facebook. La berline, équipée de série d’un moteur Ecotec 4 cylindres de 2,4 litres et d’une boîte automatique 6 vitesses, est déjà un best-seller aux États-Unis. De quoi rassurer la maison mère de Chevrolet, GM, après une crise qui a laissé des stigmates.

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JEUNE AFRIQUE


Dossier

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BMW M5 PUISSANCE ÉCOLOGIQUE

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oîte automatique à 7 rapports, suspensions spécialement développées, 4,5 secondes pour atteindre les 100 km/h… La nouvelle sportive routière du constructeur allemand alliera performances moteur, avec un V8 biturbo plus puissant que le V10 de la M4, et prouesses écologiques, puisque le moteur consommera 25 % de moins, notamment grâce au système Start & Stop – un dispositif d’arrêt et de redémarrage automatiques très utile en cas de feu rouge.

LES « CONCEPT CARS » Ces modèles expérimentaux en disent long sur les ambitions des marques sur le marché du luxe, le plus dynamique de la planète.

VOLVO UNIVERSE UNE CONCURRENTE DE TAILLE

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st-ce l’influence du nouveau propriétaire de la marque suédoise, le chinois Geely? Toujours est-il que le modèle présenté en avril – après une habile campagne de publicité ne dévoilant que ses lignes – fait couler beaucoup d’encre. Climatisation, GPS et système audio seront accessibles, via un écran tactile. Longue d’au moins 5 mètres, racée, la berline de luxe est déjà annoncée comme une sérieuse concurrente des Mercedes Classe S, BMW Série 7 et Audi A8. Mais sa date de fabrication n’a toujours pas été annoncée.

PEUGEOT 508 EN PROGRÈS

e nouveau modèle familial de la marque au lion remplace la 407 et la 607. Disponible en berline ou en break, la 508 propose des motorisations HDI allant de 112 à 204 chevaux. Système Start & Stop et démarrage mains libres pour la finition haut de gamme, habitacle somptueux… La comparaison avec les modèles allemands de la même catégorie est flatteuse. Des progrès indéniables ont été faits par rapport à la 407.

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BUICK ENVISION CONTOURS ASIATIQUES

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e crossover surprend par son ouverture de porte en élytre, sur toute la longueur de l’habitacle. Sa motorisation hybride s’inscrit dans une tendance reprise par BMW et Mercedes, avec un moteur thermique 2 litres relié à une boîte 8 vitesses munie de deux moteurs électriques. Surtout, ce concept car a été entièrement dessiné en Asie par General Motors Shanghai et le Pan Asia Technical Automotive Center, centre de développement exploité en commun par GM et le constructeur chinois Shanghai Automotive.

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Culture & médias

MUSIQUE

Ray Lema « Les Congolais se sont repliés sur eux-mêmes »

À l’occasion de la sortie de son nouvel album, le pianiste revient sur sa musique, son pays d’adoption – la France –, mais aussi la République démocratique du Congo, où il ne s’est pas rendu depuis plus de trente ans… Sans complaisance.

Propos recueillis par

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TSHITENGE LUBABU M.K.

ans l’univers de la musique congolaise, Raymond Lema a Nsi, dit Ray Lema, est un cas à part. C’est le seul pianiste, et son art se nourrit de toutes les sèves du monde. En plus, il ne se prend pas pour une star, une vedette : il est tout simplement musicien. Établi en France depuis trois décennies, Ray Lema ne cesse de parcourir le monde et de multiplier les expériences avec ses frères en musique. Blues, jazz, classique, rock, rythmes congolais traditionnels ou modernes, rien ne lui est étranger. Pour lui, un instrumentiste doit faire la somme de nombreuses musiques en vue de connaître les arcanes d’un instrument. Il peut ainsi, en caressant les touches de son piano, trouver le son le plus pur, celui qui correspond à sa vision de l’art : la perfection. Dans son nouvel album, 99, Lema fait honneur à sa réputation de grand. Et son éclectisme, qui va des sons brésiliens au reggae, en passant par la rythmique congolaise ou le jazz, en sort renforcé. Et puis, en toute modestie, Ray Lema dévoile une autre facette: c’est un homme de convictions qui a horreur de la langue de bois. JEUNE AFRIQUE : Votre nouvel album a pour titre un nombre : 99. En France, ce nombre désigne les étrangers. Qu’y a-t-il derrière ce titre ? N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

RAY LEMA : Le nombre 99 ne s’applique pas uniquement aux étrangers qui sont établis en France. Il sert aussi à désigner les Français nés à l’étranger. J’ai choisi ce titre pour saluer ma famille 99 qui est vaste et diverse. Elle apporte beaucoup de richesses à la France, quoi qu’en pensent certains. Je dénonce un peu ce système français qui nous cause beaucoup de tracasseries. Nous avons acquis la nationalité française, nous travaillons dur, nous payons des impôts. Et nous contribuons à la richesse tant matérielle que culturelle de ce pays. Il est énervant de voir que le fait d’être 99 vous met à la merci de petits fonctionnaires qui abusent de leur pouvoir pour vous humilier sans état d’âme. D’où ce double sentiment : la fierté d’appartenir à la France et la frustration de constater qu’on n’est pas traité comme un Français à part entière.

VINCENT FOURNIER/J.A.

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DANS SON STUDIO, en région parisienne.

En suivant votre parcours, on note que vous êtes parti du Zaïre, à l’époque, pour les États-Unis, avant de vous retrouver en France. Pourquoi n’êtes-vous pas resté aux États-Unis ?

Les États-Unis sont une sorte d’État-continent. Quand on y vit, on a l’impression de n’avoir aucun regard sur le monde extérieur. C’est un pays très narcissique. Le fait pour les Américains de se considérer comme les premiers au monde a une conséquence : ils ne sont pas attentifs à ce qui se passe ailleurs. Tout compte fait, ils se retrouvent

99, de Ray Lema (One Drop/Rue Stendhal)

JEUNE AFRIQUE


non pas au centre du monde, mais plutôt à sa périphérie. Spirituellement, c’est une expérience que j’ai refusé de vivre. Pourtant, vos racines musicales, tout en étant congolaises, sont aussi américaines…

C’est vrai. Mais elles sont également en partie européennes, parce que j’ai beaucoup travaillé la musique classique dans ma vie, arabes et asiatiques. Je suis simplement et humblement un humain qui vit de façon libre sa culture universelle. Il ne me coûte aucun effort de passer d’un mode gnawa à un mode blues, d’une harmonie classique à une rythmique traditionnelle congolaise. Lorsque j’étais le directeur musical du Ballet national du Zaïre, j’ai eu la chance de voyager à travers le pays et de pouvoir me rendre compte de son immense richesse musicale. Dans 99, vous revenez à la musique traditionnelle du Kasaï. Qu’a-t-elle de particulier ?

L’ethnie luba du Kasaï est très importante pour moi, car elle est la seule à avoir les deux modes JEUNE AFRIQUE

musicaux traditionnels. Ils ont des balafons, des sanzas, et ce sont des grands vocalistes. Du coup, les harmonies modales sont clairement énoncées. Pour diriger le Ballet national et comprendre les modes traditionnels, je me suis beaucoup fondé sur l’étude des Lubas. J’ai une dette culturelle envers eux et je ne rate pas la moindre occasion de la payer à travers mon travail.

Mes racines musicales sont congolaises, américaines, européennes, arabes et asiatiques. Ouvert sur le monde, vous êtes pourtant méconnu du grand public congolais. Comment l’expliquer ?

Ce qu’on appelle la musique congolaise est le premier style musical à s’être exporté hors du pays. N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011


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Culture médias Les Congolais se sont repliés sur eux-mêmes, sur cette musique populaire, sans se rendre compte que le train du monde continue de rouler. Cela me dérange beaucoup. Moi qui ai travaillé avec une variété d’ethnies, qui connais leurs trésors musicaux, j’ai l’impression de n’avoir à faire qu’à une seule ethnie. La musique congolaise est basée sur trois accords. Dès que vous en ajoutez un quatrième, le chanteur est perdu parce que son oreille n’a pas été éduquée dans ce sens. C’est dommage !

DISCOGRAPHIE SÉLECTIVE

Certains prétendent que la musique congolaise est en déclin. Qu’en pensez-vous ?

Medecine (Celluloid)

1985

Quand on devient artiste, on a des rêves personnels. Selon ce que je sais, il y a au Congo des artistes dont le seul rêve est d’acquérir, à Paris, une veste griffée. Je regarde cela avec beaucoup de fascination parce qu’au moment où certains jeunes rêvent d’aller sur Mars, d’autres ne pensent qu’à des fringues de marque ! C’est juste un problème d’éducation.

Parmi les objets qu’on trouve dans votre studio, il y a une photo de Joseph Kabasele Tshamala, l’auteur d’Indépendance Cha Cha. Que représente-t-il pour vous ?

Ce monsieur fait partie de mes débuts en musique. J’ai pu l’approcher. Il m’a beaucoup impressionné car il ne vivait pas la musique comme les vedettes congolaises d’aujourd’hui. Il était instruit et pouvait discuter de n’importe quel sujet avec beaucoup de maturité. C’était un humain épanoui. J’allais souvent chez lui à Limete [l’une des communes de Kinshasa, NDLR] pour discuter. Il m’a appris un tas de choses. Il reste un modèle. Vous n’êtes plus rentré au Congo depuis trentedeux ans. Est-ce une rupture ?

1988

Bwana Zoulou Gang (Mad Minute Music/ Mélodie)

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Votre discours est très politique…

Ce n’est même pas de la politique. J’estime qu’à 65 ans j’ai assez vécu pour me sentir responsable. J’aimerais que nos dirigeants nous considèrent comme tels. Si vous refusez de vous prosterner devant eux, ils pensent que vous êtes un problème. En République démocratique du Congo, la Constitution a été modifiée pour que la présidentielle soit à un tour. Il y a un grand besoin de financements extérieurs. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

De l’énervement. Je pense que le jeune homme qui est au pouvoir n’est pas au courant de la marche du monde. Il n’a aucun rêve, aucune ambition pour son pays. Je n’ai pas l’impression qu’il ait compris que c’est un pays énorme, avec beaucoup de richesses, notamment culturelles. Il ne laissera pas un souvenir impérissable aux Congolais. Je rêve de devenir un meilleur humain.

1996

Green Light (Buda Musique)

Sur votre album, vous avez repris Ata ndele, une chanson d’Adou Elenga qui date de la colonisation, dans une version de Mayaula Mayoni. Ata ndele signifie « tôt ou tard, le monde changera ». C’est aussi votre message ?

Je voudrais que les Congolais se mettent cela dans la tête. Il y a une autre chanson où je dis que je n’ai jamais entendu parler d’une journée éternelle. Par conséquent, il n’y a pas de nuit éternelle. La vie est faite de cette dualité : la nuit n’est belle que par rapport au jour et vice versa. Il faut vivre au lieu de subir.

C’est-à-dire ?

Ce que vous refusez, c’est de devenir, comme

Le griot, donc, le chantre du patron. Chanter le chef, c’est presque dans notre culture. Nous ne pouvons pas, nous Africains, refuser de nous ouvrir à la culture internationale et rester confinés dans nos réalités, surtout au niveau de la conception du pouvoir. Souvent, nos chefs pensent qu’ils sont le choix de Dieu. Du coup, le peuple se confond en salamalecs. Ce qui nuit au bon fonctionnement des pays.

À 65 ans, avez-vous encore des rêves ?

Pas du tout. Je me sens toujours, sinon davantage, congolais. Mais j’aimerais pouvoir être utile au Congo sans prendre de risques inutiles. Les pouvoirs africains sont très énervés dès que vous leur posez des problèmes auxquels ils ne sont pas habitués. Ils ont alors l’impression que vous ne les aimez pas, que vous voulez les renverser… C’est là que mon côté français se manifeste. Ici, nous avons l’habitude de discuter, de poser des questions, sans haine. J’aime tourner le couteau dans la plaie sans avoir peur. En Afrique, les hommes au pouvoir sont encore très susceptibles. Ils pensent que leur tenir tête est un crime de lèse-majesté. À cause de cela, beaucoup de cerveaux africains, dans tous les domaines, préfèrent quitter le continent.

certains de vos confrères, un « griot » ?

2007

Paradox (Laborie Jazz/Naïve Distribution)

Quels sont vos projets ?

Mon prochain album, je le ferai avec un orchestre symphonique brésilien. Les Brésiliens m’ont mis dans la tête que ma manière de composer sied bien à un orchestre symphonique. À quand un concert à Kinshasa ?

Je ne cherche pas à m’imposer à qui que ce soit. Si les Congolais ont besoin de moi et qu’il y a un piano, j’irai jouer à Kinshasa. Ce sera un grand honneur et un grand plaisir. ● JEUNE AFRIQUE


Culture médias

VINCENT FOURNIER/J.A.

fin juillet, grâce aux économies que nous réalisons, la dette de près de 700000 euros que nous avons trouvée en arrivant sera entièrement remboursée ». Certaines sources soupçonnent Ý SUR LE le gérant de la chaîne PLATEAU DE d’être un proche du nouL’ÉMISSION vel actionnaire majoriTANTINE’S MATIN, avec taire. La configuration l’animatrice du tour de table de Nadine Télésud a en effet changé Patricia selon le procès verbal Mengue d’une assemblée géné(en juin 2010). rale extraordinaire des associés qui s’est tenue le 24 mars et dont J.A. s’est procuré une copie. Désormais, le capital social du holding de Télésud, Wireless and Internet Afromedia (Wiam), qui s’élève à 20 200 euros (202 parts de 100 euros), est détenu à plus de 80 % par unesociétéimmatriculéeauLuxembourg, MÉDIAS dénommée Artnelux. Déclarée au Journal officiel du Grand-Duché de Luxembourg du 8 mai 2007, Artnelux a pour objet la prise de participation dans toutes sociétés opérant sur le marché de l’art. Patrick Rochas, un administrateur de sociétés et Sept mois après l’arrivée d’une nouvelle direction, la chaîne doit Maurice Houssa, un économiste, basés faire face à une restructuration. Un tiers des emplois sont menacés. au Luxembourg, en sont les propriétaires. Éric Benquet, qui jusque-là était l’acepuisquelquessemaines,l’amleur a été remis. Dans un courrier daté tionnaire principal de la chaîne, détient biance à Télésud est délétère. du 15 avril, adressé à Bernard Volker et désormais moins de 20 % des parts. Arrivés aux affaires en octobre Si le personnel reconnaît aux nouveaux à Aurélien Delpeyroux, et dont Jeune dernier, Bernard Volker, direcAfrique s’est procuré une copie, les deux patrons des efforts ayant permis de réguteur général, et Aurélien Delpeyroux, délégués du personnel ont réclamé l’anlariser les salaires, il conteste cependant gérant de la chaîne généraliste consacrée nulation de la procédure. leur démarche qui consiste à licencier les auxpaysduSud,tententdefairepasserune petits salaires. « Nous ne comprenons pas, douloureuse restructuration. L’objectif ? écrivent-ils, les choix de la direction qui, DETTES À EFFACER. En attendant, les Redresser la chaîne parisienne empêtrée pendant qu’elle parle de réduction de nouveaux patrons de Télésud affirment dans des difficultés financières. que la chaîne vit au-dessus de ses moyens. coûts, achète au même moment des émisSur un effectif de trente salariés, près « Quand nous sommes arrivés, il y avait sions à 15 000 euros par mois. » Défense du tiers serait concerné par un plan de quatre mois d’arriérés de licenciement collectif pour des raisons salaires. La société, frapLa nouvelle direction de économiques. Deux séparations à l’amiapée par une interdiction la chaîne pourrait externaliser ble ont déjà été signées et au moins huit bancaire, n’était en règle autres salariés ont passé des entretiens ni avec le Conseil supéla production des programmes. de licenciement. Reste que, même si une rieur de l’audiovisuel [CSA, de la direction : pendant longtemps, les liste a été constituée, les tergiversations NDLR], ni avec l’inspection du travail… », de la direction sur les postes à supprimer se défend Bernard Volker. Bien qu’elle programmes de lachaîne ont ététellement font que « jusque-là, on ne sait vraiment ait été renflouée entre fin 2009 et début pauvres que l’audience en a souffert. À tel 2010 à hauteur de 2,5 millions d’euros pas qui reste et qui part », confie un jourpoint que « Canal Afrique, le principal naliste de la chaîne. par son actionnaire majoritaire, Éric diffuseur, menace de dénoncer le contrat Seule certitude, la direction est déterBenquet, un Franco-Gabonais considéré qui [les] lie », explique Bernard Volker. minée à réduire la masse salariale, qui par certains comme un prête-nom de De source interne, l’on prétend que représente plus de 60 % des charges fixes. Pascaline Bongo, Télésud n’est toujours la direction « préférerait avoir à payer Mais c’est compter sans le personnel qui des factures plutôt que de supporter des pas parvenue à effacer la totalité de ses dénonce déjà des vices de procédure : dettes. Début 2010, la chaîne était même charges salariales ». Autrement dit, elle contrairement à ce qu’impose la loi, les à deux doigts de l’écran noir. entend externaliser une bonne partie de délégués du personnel affirment ne pas la production… ● Aurélien Delpeyroux, le nouveau avoir été consultés. Aucun document ne STÉPHANE BALLONG gérant, assure cependant que « d’ici à la

Télésud: chronique d’une instabilité

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JEUNE AFRIQUE

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Culture médias Ð AMBITION, POUVOIR, BLING-BLING, la campagne de Nicolas Sarkozy racontée sur grand écran.

ÉMILIE DE LA HOSSERAYE

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PORTRAIT

Dans la peau de Rachida Dati

L’actrice d’origine marocaine Saïda Jawad incarne l’ancienne garde des Sceaux dans le film de Xavier Durringer, La Conquête.

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etite robe blanche et noire, chignon sage, sourire hésitant… Sur le tapis rouge qui conduit au Palais des festivals, à Cannes, Saïda Jawad a l’air de ceux qui préféreraient de loin être ailleurs. En haut des marches, il faut presque la forcer à passer au premier plan pour la photo de famille. Rien à voir avec la forte tête aux dents longues qu’elle incarne dans La Conquête, film tant attendu du réalisateur français Xavier Durringer. Dans ce long-métrage – qui raconte la campagne présidentielle de 2007 et la victoire de Nicolas Sarkozy – l’actriceincarneRachidaDati,porte-parole du candidat, puis première garde des Sceaux d’origine maghrébine. Sur le grand écran, Saïda Jawad a les cheveux courts, sa démarche est assurée, ses lèvres écarlates. Sa voix, ses expressions sont tellement calquées sur celles de l’original que, parfois, l’on ne fait plus la différence. « Troublant. Ça m’a rappelé de mauvais souvenirs… » ironise un journaliste à la sortie de la projection à Cannes, tant l’ex-ministre de la Justice a été controversée. Mais ça, ça ne compte pas pour Saïda Jawad. « Je ne fais pas de politique, cela ne m’intéresse pas. En revanche, j’ai trouvé sa nomination extraordinaire : une ministre jeune, jolie, intelligente et maghrébine… Une lueur d’espoir pour tous les enfants d’immigrés. » Les deux N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

femmes ont en commun des parents arrivés du Maroc, dans les années 1960 pour Rachida Dati et 1970 pour Saïda Jawad. Des Maghrébins avides de se fondre dans la France et de faire de leur progéniture de vrais petits Gaulois.

« Je détestais cela. C’est pour ça que je me suis inscrite au club de théâtre au collège. » L’occasion parfaite pour retrouver ses copines et faire la même chose que toutes les filles de son âge. Elle évoque également le début de sa carrière : « Très vite, je me suis rendu compte que ça devenait plus qu’un passe-temps. » Et après le bac, Saïda Jawad entre au conservatoire de Roubaix, avant de partir à Paris, son diplôme et une ambition affirmée en poche. Commence la période de vaches maigres où elle court les castings… Jusqu’à ce qu’un coup de fil vienne tout changer. « Le théâtre d’Amiens cherchait une Antigone et la directrice avait eu mon contact par un directeur artistique lillois. J’ai passé l’audition et j’ai été retenue. » Après deux ans de tournée en France, elle tente le cinéma et la télé. Sa première apparition remarquable dans un long-métrage, ce sera dans le drame du réalisateur Chad Chenouga, 17, rue Bleue, en 2001. Saïda Jawad enchaîne les longs-métrages et les téléfilms:Ali Baba et les 40 Voleurs (2007), Musée haut, musée bas (2008), Rose et Noir (2009), Aïcha, job à tout prix

DISCRÉTION. Mais, contrairement à la femme politique, dont la vie personnelle s’est souvent retrouvée à la une de la presse people, l’actrice se dit parfois « agacée » du nombre d’informations qui peut circuler sur sa vie privée. « Mon âge ? Pour quoi faire? »; « Mes parents vont bien, j’ai deux frères et une sœur… et je préfère les laisser hors de tout ça »; « Gérard [Jugnot, acteur français, son compagnon depuis 2004, NDLR] et moi, non, je ne préfère pas en parler. » La fille de Roubaix – elle y est née en « Mon père voulait que je sois une 1973 – cultive cette discrévraie Française, alors il m’a inscrite tion propre aux gens du Nord. « Pour me connaître, à des cours d’accordéon ! » il vaut mieux voir Monsieur Accordéon. » La première pièce de théâtre (2010)… À la rentrée, elle signera son premier scénario télé, Tout est bon dans qu’elle a écrite et qui l’a fait connaître du le cochon, pour France 3. En attendant, grand public en 2006. elle planche déjà sur un autre projet, Elle y raconte sa vie de petite fille songe « pourquoi pas » à passer derrière condamnée à faire ses gammes au lieu la caméra, sans pour autant abandonner de jouer dehors avec ses copines. « Mon père voulait que je sois une vraie Française, l’accordéon. Jadis tant détesté, aujourd’hui alors il m’a inscrite à des cours d’accortant assumé. ● déon », raconte-t-elle un rire dans la voix. MALIKA GROGA-BADA JEUNE AFRIQUE


Culture médias

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CINÉMA

La Croisette sur un air de révolution Du 11 au 21 mai, le Festival de Cannes a rendu hommage à la Tunisie et à l’Égypte.

SUR LE VIF. Trois longs-métrages célébrant explicitement le « printemps arabe » ont particulièrement retenu l’attention. Retenu in extremis en sélection officielle « en hommage à la Tunisie », le documentaire Plus jamais peur de Mourad Ben Cheikh entend restituer le déroulement de la révolution à Tunis à l’aide d’images saisies sur le vif dans les manifestations, ainsi qu’à travers des témoignages très

ONS ABID

L

e « printemps arabe » a hanté le Festival de Cannes, comme un film dans le film. Le 11 mai, lors de la soirée d’ouverture, déjà, ayant organisé une montée des célèbres marches du Palais des festivals pour une délégation de cinéastes tunisiens, le ministre français de la Culture Frédéric Mitterrand montrait la voie. Il récidivait le 13 mai – sans doute pour faire oublier des déclarations malheureuses des responsables français avant la chute de Ben Ali… – en attribuant la Légion d’honneur au plus connu des cinéastes tunisiens, Nouri Bouzid. Une distinction que ce turbulent réalisateur, qui a encore été l’objet d’une agression brutale de la part d’un intégriste en avril, a dit accepter avec fierté dans la mesure où « elle décore la révolution » et où, ajoutait-il non sans humour, elle ne l’empêchera en aucun cas de continuer à tourner comme auparavant des films dérangeants.

L’ACTRICE YOUSRA SALUANT LES FESTIVALIERS, lors de la « Journée de l’Égypte » le 18 mai.

parlants sur l’ancien régime. Bien que tourné dans la plus grande urgence, il s’agit là d’un vrai film, construit et rythmé, qui permet notamment de bien ressentir l’atmosphère qui a présidé au soulèvement et la joie immense qu’a provoqué son succès. D’une moindre ambition cinématographique, car il se veut avant tout militant, le documentaire de Nadia El Fani, présenté au Marché du film avec le soutien de la Société des réalisateurs de films, a d’autant plus frappé les esprits que son auteure a été menacée de mort par des islamistes après une projection en avant-première à Tunis fin avril. Son titre quelque peu provocateur, Ni Allah

FEMMES ARABES CAMÉRA AU POING COMMENCÉE EN DOUCEUR longtemps avant le printemps arabe, une autre révolution se dessine discrètement en permettant à un nombre grandissant de femmes arabes de s’emparer de la caméra. Deux longsmétrages réalisés par des femmes arabes étaient sélectionnés cette année à Cannes : aux côtés de la Marocaine Leïla Kilani (voir J.A. no 2627), qui a créé la surprise à la Quinzaine des réalisateurs avec Sur la planche, la Libanaise Nadine Labaki a présenté Et maintenant on va où ? dans la section Un certain regard. Dans un petit village où cohabitent musulmans et chrétiens, les femmes redoublent d’astuces pour empêcher les hommes de ranimer la guerre civile qui menace. Moins réussi que sa première œuvre à succès, Caramel, ce film confirme néanmoins que le point de vue féminin est désormais incontournable pour stimuler F.B. ET R.R. un renouveau du cinéma arabe. ● JEUNE AFRIQUE

ni maître, explicite bien son contenu : un plaidoyer radical pour la liberté de conscience et pour la laïcité en terre d’Islam, et plus particulièrement en Tunisie. INÉGAL. Quant au film collectif de dix cinéastes égyptiens – Dix-huit jours, soit le temps qu’il a fallu aux manifestants de la place Tahrir pour faire tomber Moubarak –, sa projection le 18 mai a marqué l’apogée de la « journée de l’Égypte ». Réalisé par des auteurs réunis derrière de grands noms comme Marwan Hamed (L’Immeuble Yacoubian) ouYousri Nasrallah (Femmes du Caire), il propose à la file une série de courts-métrages d’une qualité inégale. Mais qui ont tous le mérite de tenter d’inclure dans des scénarios de fiction plutôt originaux des acteurs et des aspects très différents de la révolution. Une façon d’illustrer les propos tenus le matin même par Nasrallah, lors d’une table ronde intitulée « Printemps des peuples et renouveau du cinéma », soulignant l’importance de préserver la source de l’estime de soi des artistes, autrement dit leur créativité, puisqu’elle est toujours la première cible des régimes dictatoriaux comme des islamistes. ● FÉRID BOUGHÉDIR et RENAUD DE ROCHEBRUNE, envoyés spéciaux N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011


Culture médias En vue NOUVELLES

De la Turquie à l’Allemagne « ALLEZ OUSTE DERRIÈRE LA PORTE ! Dans le hall réservé à cet effet ! Où allait la France avec tous ces contrevenants venus d’on ne sait où ? » lance-t-on à H.K., « fille mal élevée par des parents en mal de repères ». Fille de déracinés, autrement dit… Mêlant avec bonheur ironie et douleur, tragique et truculence, ces neuf nouvelles retrouvent une unité dans les exils des protagonistes : de la Turquie à l’Allemagne, de Marseille à Acapulco, la même franchise désespérée règne. Des récits d’amour et de famille écrits avec une grande justesse de ton. ●

■ ■ ■ Décevant

■ ■ ■ Pourquoi pas

■ ■ ■ Réussi

■ ■ ■ Excellent

ESSAIS

L’autre littérature sud-africaine POUR BEAUCOUP,lagrandetraditiondes lettres de la nation Arc-en-Ciel s’arrête aux Gordimer, Brink, Coetzee et à leur humanisme dissident. Le panorama que propose ce livre-cd invite à découvrir la littérature postapartheid dans toute sa diversité et sa richesse. Les articles qui

composent ce volume brossent le portrait d’un paysage littéraire de l’après-crise où des aspirations à la « redécouverte de l’ordinaire » (Njabulo Ndebele) s’entrecroisent avec le souci de fonder une nouvelle modernité dont les maîtres-mots sont « optimisme » et « imprévisible réel ». Cet ensemble d’essais de présentation est utilement complété par une anthologie de textes (prose et poésie) inédits en français. ● TIRTHANKAR CHANDA

Afrique du Sud, une traversée littéraire, de Denise Coussy, Denis Hirson et Joan Metelerkamp, Institut Français et Philippe Rey, 254 pages, 19 euros. ■■■

JOSÉPHINE DEDET

Comme un dimanche d’août à Burgaz, d’Esther Heboyan, éd. Empreinte, 152 pages, 15 euros. ■■■ MUSIQUE

Chants mystiques ACCOMPAGNÉE du percussionniste libanais Habib Yammine, la chanteuse marocaine Aïcha Redouane rend hommage à Râbi’a al-’Adawiyya (714-801), une sainte soufie originaire de Bassora (dans l’actuel Irak). Une voix d’or et de cristal pour un Maqâm album à la tonad’amour, lité spirituelle qui d’Aïcha revisite la musiRedouane (Le Chant que arabe classidu monde/ que et savante. ● SÉVERINE KODJOGRANDVAUX

Harmonia Mundi). ■ ■ ■

PHOTOGRAPHIE

Portraits d’un temps LE PHOTOGRAPHE SÉNÉGALAIS Oumar Ly a ouvert le Thioffy Studio il y a bientôt cinquante ans, en 1963, à Podor, sur la rive sud du fleuve Sénégal, alors qu’il avait à peu près 20 ans. De là, il a sillonné la région, son appareil Rolleiflex protégé dans une petite valise. Du 21 mai au 24 juin, Saint-Louis et Podor rendent hommage à son travail en exposant ses œuvres dans les rues des deux villes. Essentiellement des portraits de Sénégalais réalisés entre 1963 et 1978. Ceux qui n’auront pas l’occasion de profiter de ces « promenades photographiques » pourront se rabattre sur l’élégant album Oumar Ly, portraits de brousse, paru aux éditions Filigranes (172 pages, 25 euros). ● NICOLAS MICHEL

« Oumar Ly, promenade photographique dans les rues de Saint-Louis et de Podor », du 21 mai au 24 juin 2011. ■■■

LES MEILLEURES VENTES DE LIVRES À…

DOUALA

LIBRAIRIE MESSAPRESSE

1 • Kamerun ! Une guerre cachée aux origines de la Françafrique, Thomas Deltombe, Manuel Domergue et Jacob Tatsitsa, La Découverte, 744 pages, 21 000 F CFA 2 • Le Devoir d’être heureux, Omraan Mikhaël Aïvanhov, éd. Prosveta, 30 pages, 1 600 F CFA 3 • Vocabulaire juridique, Gérard Cornu, PUF, 1 024 pages, 12 000 F CFA 4 • Contrats d’affaires 2010-2011, François Xavier Testu, Dalloz, 715 pages, 36 500 F CFA 5 • Savoir rédiger, Larousse, 160 pages, 1 800 F CFA N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

Montée Saint-Michel

LES CAMEROUNAIS SE PASSIONNENT pour leur histoire et replongent au cœur d’une guerre secrète menée par la France dans leur pays, de 1948 à 1971. Comme pour oublier cette période, ils se ruent ensuite sur Le Devoir d’être heureux, et, pragmatiques, s’intéressent au Vocabulaire juridique ainsi qu’aux Contrats d’affaires, qu’il faut, bien évidemment, Savoir rédiger… JEUNE AFRIQUE

OUMAR LY

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Culture médias BON À SAVOIR

ARTE

Le Grand Palais et la ville de Marseille organisent une exposition consacrée à « L’Orientalisme en Europe. De Delacroix à Matisse ». À voir du 28 mai au 28 août au Centre de la Vieille-Charité de la cité phocéenne.

DOCUMENTAIRE

Le Congo de Conrad Arte invite à un voyage poétique liant les textes sur l’Afrique de l’écrivain britannique aux photographies des années 1890.

L

écrivain britannique d’origine polonaiseJosephConrad(18571924) a su comme personne saisir les affres de la condition humaine dans des textes d’une rare puissance d’évocation comme Lord Jim, La Folie Almayer ou Le Nègre du Narcisse. Plus que de simples « romans de mer », les livres de ce grand voyageur explorent les méandres de l’esprit humain jusque dans ses plus insondables tréfonds. Au cœur des ténèbres est sans doute son récit le plus connu des lecteurs africains, puisqu’il se déroule sur les berges du fleuve Congo. Le 1er juin à 0 h 50, la chaîne francoallemande Arte consacrera l’émission La Nuit, de Paul Ouazan, au « Carnet de voyage imaginaire de Joseph Conrad au Congo ». Un numéro entièrement réalisé à partir d’une collection de photographies réunies par l’antiquaire Arnaud Delas, toutes prises dans le Congo des années 1890. Paul Ouazan invite à un voyage poétique liant les textes de Conrad sur l’Afrique aux images sépia de l’époque. Les gros plans sont poussés jusqu’à l’abstraction, l’œil de la caméra erre sur les visages et les détails, fouille la végétation tropicale jusqu’à s’y noyer. L’ambiance est lourde et pesante, l’obscurité et la pourriture omniprésentes.

Paul Ouazan restitue avec beaucoup de finesse le sentiment qu’a Conrad de « n’y comprendre rien »… mais aussi cette perception aiguë d’un monde dominé par des Blancs cupides. « Le mot “ivoire” emplissait l’air », écrit-il. Ou bien encore : « Tout m’est antipathique ici, les hommes et les choses, et surtout les hommes. » Pour parvenir à cette terrible conclusion: « Nous vivons comme nous rêvons : seuls. » Installé à Londres, Arnaud Delas se dit « enthousiasmé » par « Conrad au Congo », qui correspond à ce qu’il aurait lui-même voulu faire à partir d’une collection qu’il a commencée il y a une dizaine d’années après avoir découvert les textes de Conrad, et qui comporte aujourd’hui quelque 200 clichés couvrant la période de 1874 à 1905 dans la région du Congo. Cette émission spéciale laisse planer le mystère sur les visages des blancs photographiés en Afrique à cette période. Conrad est-il l’un d’eux ? « J’ai longtemps cherché une photo de lui au Congo, dit Delas. Mais, pour l’heure, rien dans ses écrits ne laisse indiquer qu’il y ait été photographié comme il le fut à Libreville. » « Conrad au Congo » est plus qu’une invitation au voyage, c’est un voyage sensuel et déroutant qui dérange et bouscule. ● NICOLAS MICHEL

La Nuit : « Le carnet de voyage imaginaire de Joseph Conrad au Congo », de Paul Ouazan, le 1er juin à 0 h 50 sur Arte. ■■■ JEUNE AFRIQUE

Jusqu’au 3 juin, la Medina Art Gallery deTanger propose de découvrir les œuvres de la Casablancaise Yasmine Tahiri. Des photographies « pour transcrire le réel », et des toiles aux formes cubiques et aux teintes de cuivre, d’or, de terre et d’ocre « pour exprimer autre chose et aller ailleurs ». Après une escale à Lagos en avril, la comédie musicale Fela !, créée à Broadway et produite notamment par la star américaine Jay-Z, reviendra à Londres en juillet prochain. Le Sadler’s Wells résonnera au rythme de l’afrobeat du 20 juillet au 28 août. Prix de l’entrée : entre 15 et 50 £. La compagnie antillaise Difé Kako, dirigée par Chantal Loïal, rendra hommage à Sawtche, surnommée la « Vénus hottentote » au XIXe siècle, dans une pièce écrite par Marc Verhaverbeke et chorégraphiée par Paco Dècina & Philippe Lafeuille. On t’appelle Vénus est à voir du 31 mai au 3 juin, auTarmac de la Villette à Paris. Le Musée royal de l’Afrique centrale deTervuren (Belgique) exposera jusqu’au 4 septembre le travail du photographe Sammy Baloji et de l’écrivain Patrick Mudekereza. Le premier est parti sur les traces de l’expédition de Charles Lemaire, le second a écrit des textes en réponse aux traités de cession de terres signés par des chefs locaux et en réaction à une œuvre d’art. Les deux artistes ont travaillé à partir des collections du musée. N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

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Vous & nous

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Le courrier des lecteurs Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.

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Maghreb Moyen-Orient

DOCUMENT

Décembre 1916

Naissance à Maghnia (Oranais)

Une soirée avec Ben Bella RENAUD DE ROCHEBRUNE , envoyé spécial à Alger

R

esté très proche d’Ahmed Ben Bella, Mohamed B e n e l h a d j, a n c i e n secrétaire général du Mouvement pour la démocratie en Algérie (MDA), le parti qu’avait créé l’ex-président algérien après sa libération, en 1980, nous avait prévenus : « Si je le lui demande, Si Ahmed vous recevra sûrement volontiers un soir pour évoquer à bâtons rompus tous les sujets que vous voudrez, mais pas sous la forme d’une interview formelle. » La promesse sera tenue in extremis, vingt-quatre heures avant notre départ, lors d’un petit séjour à Alger et dans ses environs dont l’objet était de réunir quelques derniers témoignages et de visualiser des « éléments de décor » pour un livre en chantier sur la guerre d’indépendance. Décidée le matin même, l’entrevue aura lieu juste après le dîner, vers 20 heures, dans la vaste etconfortablevillaEl-Menzel,située dans le quartier Paradou, à Hydra, sur les hauteurs d’Alger. C’est là que vittranquillement,encompagniede sa fille Mahdia – son épouse Zohra est morte il y a un an –, le premier leader de l’Algérie d’après 1962. Directementintéresséparlespropos de Ben Bella, puisqu’il envisage

qu’enarabequandlafatigueetquelquefois une mémoire défaillante – « cela se brouille dans ma tête », dit-il alors – laissaient les questions sans réponse ou le conduisaient à s’éloigner trop longtemps du sujet abordé. Mais, avouant pour sa part 94 ans – certains pensent même qu’il est en réalité plus âgé –, l’ancien responsable le plus connu du FLN n’eut en général besoin d’aucune aide – et de moins en moins au fil de la discussion – pour affirmer avec conviction pendant une bonne heure et demie, souvent il est vrai à l’occasion d’apartés, ses vérités sur son parcours et sur l’état de la planète, à commencer, bien entendu, par celui de l’Algérie et du monde arabe. TOUT SOURIRE. Nous pensions le voir dans la pièce qui lui sert de bureau, où nous avons patienté devant un beau portrait en noir et blanc le représentant à l’époque où il était au pouvoir. Devant nous, une petite table transparente sur laquelle sont disposés deux superbes Corans et sous laquelle est exposé un sabre magnifique – une arme qui a appartenu, m’assurera-t-on, à l’émir Abdelkader et qui serait un cadeau d’Abdelaziz

très accueillant dans un salon à l’autre bout de la villa. Vêtu d’un pyjama aux rayures multicolores sur lequel il porte une djellaba blanche très légère, il nous invite à nous installer à ses côtés sur un divan – sans doute pour qu’il puisse nous entendre de sa meilleure oreille, car il n’aime pas mettre son appareil auditif. Ce qui nous place tous les deux face à un tableau figurant une belle femme volontaire au regard extraordinairement perçant – nous apprendrons qu’il s’agit de sa mère. Souriant et chaleureux, au point de poser parfois son bras sur notre épaule, s’exprimant de sa voix grave qui dérape souvent vers les aigus, il acceptera sansfaçon que ses propos soient enregistrés. Il ne craindra pas pour autant de parler crûment de nombreux sujets. Après lui avoir demandé s’il suivait toujours de près l’actualité – « bien sûr! » –, nous l’interrogeons pour recueillir les sentiments que lui inspire l’effervescence actuelle dans le monde arabe. Il parle d’une région « en ébullition » et trouve « naturel » qu’on s’agite pour « aller de l’avant ». D’autant qu’il y a de bonnesraisons de vouloir « dépoussiérer » – c’est le vocable très modéré qu’il emploie – les régimes en place.

Il doute de la capacité des Tunisiens, jugés trop timorés, à réaliser une véritable révolution. Il ne pense d’ailleurs « pas du tout » qu’on puisse parler de révolution pour qualifier les changements en

5 avril 1949

Dirige l’attaque de la poste d’Oran 23 octobre 1954

Création du Front de libération nationale (FLN) 1er novembre 1954

Déclenchement de la guerre d’indépendance 22 octobre 1956

Arrêté par la France avec Aït Ahmed, Bitat, Boudiaf, Khider, après le piratage de l’avion qui les conduisait de Rabat àTunis 26 septembre 1962

Forme le premier gouvernement de l’Algérie indépendante 15 septembre 1963

Élu président de la République 19 juin 1965

arrogant ni méprisant envers les Tunisiens. Il est simplement jaloux que la révolution tunisienne s’inscrive dans l’Histoire comme l’un des événements majeurs de ce début de siècle. ● M OEZ K HEDIRI , T UNIS,

Tunisie

Renversé par Boumédiène et emprisonné

OMAR SEFOUANE

Son parcours, ses anciens compagnons, le printemps arabe, Abdelaziz Bouteflika… Le premier président de l’Algérie indépendante nous livre ses vérités. Sans prendre de gants.

1947

Rejoint l’Organisation spéciale, formation paramilitaire chargée de préparer la lutte armée

1980

Libéré

capacité à réaliser une véritable révolution – de les comparer immédiatement avec les Marocains,«qui, eux, sont de vrais combattants » et « pas des poules mouillées ». La figure qui lui vient à l’esprit pour illustrer son propos sur les Marocains est celle d’Abdelkrim, héros de la guerre du Rif contre les puissances coloniales espagnole et française, dans les années 1920. Ses réserves à l’égard des Tunisiens ne semblent pas étrangères à son rejet sans appel de la personne

p Dans la pièce qui lui tient lieu de bureau, sous UN PORTRAIT LE REPRÉSENTANT

à l’époque où il était au pouvoir.

pas « dans tous les pays » des gens « prêts à prendre les armes pour quelque chose » ? UN PAYS « PAS FACILE ». Et l’Algérie ? Risque-t-elle aussi de voir son régime ébranlé par le « printemps arabe » ? « Je ne le voudrais pas », répond-il immédiatement, avant de signifier plus tard qu’il ne croit pas qu’un scénario de rupture serait bénéfique à son pays. « Nous avons quelqu’un qui est là, je préfère que cela reste comme

pas d’accord avec Bouteflika sur beaucoup de points. Qu’il préfé rerait « autre chose ». Mais s’« des moins et des plus chez lui, pour l’instant, c’est le moins mauvais, et je m’en contente ». Car, pour suit-il en expert, « l’Algérie, vous savez, c’est un pays pas facile jugement qu’il répétera plusieurs fois au cours de l’entretien, le plus souvent en disant que « Algériens, c’est vraiment pas facile Ce qu’il voit manifestement de plus évident à reprocher au président

J.A. n° 2626 du 8 au 14 mai.

Ben Bella et la Tunisie Je trouve personnellement très étonnante l’attitude de M. Ben Bella vis-à-vis de la révolution tunisienne et des Tunisiens [voir J.A. no 2626 du 8 au 14 mai, NDLR]. En doutant des capacités combatives des Tunisiens, est-il sincère ? Ne se souvient-il pas, lui qui a participé à la Seconde Guerre mondiale, que ses frères d’armes de l’époque du régiment des tirailleurs tunisiens ont été les seuls à être cités et salués nommément par le général de Gaulle dans ses Mémoires ? Cela pour avoir accompli un des plus hauts faits d’armes de cette guerre, lors de la célèbre bataille de Monte Cassino ? En fait, M. Ben Bella n’est ni

Le pacifisme tunisien Jeune lycéen à Sfax lors de l’indépendance de l’Algérie, qui est aussi ma terre – mon père y est enterré près d’Annaba –, j’étais fasciné par le zaïm Ben Bella pour son courage et ses sacrifices pour la liberté du peuple algérien frère. J’ai même eu la chance et le bonheur de l’approcher et de l’applaudir à Bizerte, avec Bourguiba, Nasser et Hassan II, lors de la première fête de l’évacuation en 1963. Tout le monde connaît et respecte la révolution du peuple algérien et ses deux millions de morts. Nous connaissons aussi les autres révolutions: française, russe, etc. Que mon illustre aîné me permette de lui rappeler que le peuple tunisien, quoique pacifique, s’est déjà révolté il y a mille ans. Et, plus proche de nous, il y a cent cinquante

ans tout de même, la révolte d’Ali Ben Ghdahoum a traversé le pays de Thala à Tunis. Je rappelle également à Si Ahmed que des « poules mouillées » ont réussi à démanteler pacifiquement une dictature de plusieurs décades. À chacun sa méthode, nous autres Tunisiens sommes pacifiques. Que notre révolution n’en soit pas une, peu nous importe! Ce qui compte c’est que les changements voulus par notre jeunesse et notre peuple dans son ensemble aboutissent: liberté des femmes et des hommes = démocratie. Je souhaite deux choses: que cette démocratie devienne une réalité en Tunisie, et que Si Ahmed Ben Bella, qui en doute tant, vive longtemps pour le constater. ● D R B ELGACEM S AADAOUI ,

Paris, France

La bonne gouvernance Je vous propose de créer une nouvelle rubrique pour publier les idées des experts sur la bonne gouvernance et la démocratie. Le but est d’aider les Africains et les Arabes à en savoir davantage sur ces deux notions. Il faut beaucoup insister là-dessus et sur les droits de l’homme. Ainsi, J.A. sera reconnu comme une référence dans la lutte pour la bonne gouvernance. J’aimerais connaître l’avis d’autres lecteurs sur ma proposition. ● AWALE O SMAN E LABEH ,

Djibouti

À PROPOS D’ASTÉRIX JE VOUDRAIS RÉAGIR au « Post-scriptum » de Tshitenge Lubabu M.K. pour dire que la stigmatisation de l’autre, surtout s’il est différent de nous par sa couleur, ses mœurs, est malheureusement une donnée difficile à gommer de l’histoire humaine. Certes, en France, on est au pays de Voltaire, de Hugo. C’est même à ce titre qu’on a tenté d’exporter notre idéologie à d’autres peuples, pour le meilleur ou pour le pire, comme on dit. Aux premiers instants de Sarkozy au pouvoir, parmi un bric-à-brac idéologique allant du tout à son contraire (la complexité d’Edgar Morin sur le mot racaille), il faut avouer que des idées racistes, simplistes, puisées à l’extrême droite avaient déjà pignon sur rue. On pouvait espérer que la crise économique donnerait à réfléchir aux Français, qu’ils se diraient que, peut-être, l’Arabe, le Noir, le Rom, le érémiste… n’étaient que pour très peu de chose dans leur situation. Enfin, c’est un peu comme si une souris cachait un éléphant à notre vue. Eh bien, ils

N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

voient toujours et encore la souris. Où en chercher la cause ? Des médias défaillants, une culture plus centrée sur l’entreprise que sur la connaissance ? Je n’en sais rien.Toujours est-il qu’il est devenu plus que courant d’entendre des abominations, souvent plus bêtes que méchantes. Mais encore, si ce n’était que la France. Après tout, la France est un petit pays, le reste du monde peut très bien se passer d’elle. En lisant la presse étrangère, on se rend compte qu’ailleurs ce genre d’idées est aussi vivace. Peut-être faudrait-il souhaiter que d’horribles Martiens viennent nous terroriser pour que nous comprenions que, même si nous n’avons pas tous le même habit, à l’intérieur de l’autre vit un esprit identique au nôtre. La planète va très certainement vivre des moments très « pénibles » et nos vues beaucoup trop courtes risquent de nous handicaper lourdement. Monsieur Tshitenge, inutile de déprimer pour la France. Elle ne le YVON HENRY mérite pas en ce moment. ●

JEUNE AFRIQUE


Vous nous

La route dégagée pour Kabila ? Dans le texte intitulé « RD Congo : la route est dégagée pour Kabila » [voir J.A. no 2626], vous notez, en guise de sous-titre, que « le chef de l’État sortant fait figure de favori ». C’est bien dommage que vous n’ayez pas étayé cette affirmation. « En Afrique, aucun chef d’État n’organise les élections pour les perdre », dit-on. Il reste que Joseph Kabila ne pourrait en aucun cas sortir vainqueur en cas d’élection libre, transparente et démocratique. L’homme est impopulaire dans au moins 9 provinces sur 11 faute d’un bilan digne de ce nom, en dehors de quelques routes réhabilitées. Durant les dix années passées à la tête de l’État, Kabila a « liquidé » le tissu économique. Le social n’a jamais suscité son intérêt. Beaucoup de promesses n’ont pas été tenues. Kabila n’avait-il pas promis de transformer le Congo en « Chine en 2011 » ? La population peine à satisfaire à ses besoins essentiels. Sur le plan sécuritaire, l’échec est tout simplement brillant : l’État paraît impuissant face aux groupes armés qui sèment la mort. La situation de Kabila en 2011 ressemble fort à celle du président Mobutu en 1991. Le « Grand Léopard » était candidat à sa propre succession. Mais l’État n’avait pas de ressources pour organiser les élections. Les bailleurs, eux, étaient prêts à délier les cordons de la bourse de peur que le président sortant demeure calife à la place du calife. D’où la longue « transition » et les pressions exercées sur Mobutu afin d’ouvrir son gouvernement aux forces de l’opposition dans le cadre d’une transition. La RD Congo semble s’acheminer lentement mais sûrement vers la logique du « partage équitable et équilibré du pouvoir ». Un jeu qu’affectionne le personnel politique congolais, lequel considère le pouvoir comme un ascenseur… social. ● B AUDOUIN A MBA W ETSHI , JOURNALISTE INDÉPENDANT , Bruxelles, Belgique

Où faut-il juger Habré ? Parlant de l’affaire Hissène Habré dans vos colonnes [J.A. JEUNE AFRIQUE

« IB » : retour sur une exécution C’EST AVEC EFFAREMENT que j’ai appris, le 28 avril, l’exécution d’Ibrahim Coulibaly, le chef du « commando invisible » d’Abobo, et de six de ses compagnons. De toute évidence, il cherchait à se positionner sur l’échiquier politique ivoirien. Il réclamait avec raison son dû. Et c’était son droit, comme pour n’importe quel autre Ivoirien, d’aspirer au pouvoir. Même ceux qui ont perdu toute humanité à un moment, une fois que la justice se sera prononcée. « IB » menaçait-il le nouveau régime au point d’être abattu ? Cette action abjecte est le prolongement macabre du cycle infernal qui accable la Côte d’Ivoire depuis la mort d’Houphouët-Boigny. Il n’y a que les acteurs qui changent. L’élimination physique d’opposants et de rivaux demeure. Quelle stabilité réelle peut-on espérer dans un tel contexte ? ● A MINATA S IETA KONÉ

no 2620], le pr président Idriss Dé Déby Itno a dit qu’il ne qu comprenait pas pourquoi l’on O ITN Y DÉB IDRISS s’obstine à ne pas « Kaddafim, oi» le Tchad et remettre Hissène Habré à la justice tchadienne. En J.A. n° 2625 homme averti, il er du 1 au 7 mai. ne devrait pas se poser pareille question. Il est bien placé pour comprendre qu’aucune institution crédible ne peut livrer Habré à la justice tchadienne, puisque celle-ci est soumise au pouvoir politique. Juger Habré au Tchad n’est pas envisageable. D’ailleurs, que peut-on reprocher à l’ex-président que l’on ne puisse reprocher à son successeur ? ●

HEBDOMADAIR

E INTERN

ATIONAL

INDÉPENDANT

• e • 51 ANNÉE

N° 2620•du

27 mars au

2 avril 2011

www.jeuneafrique

.com

GUERREE EN LIBY

pages Spécial 12

BÉNIN BONI YAYI PAR K.O.

RD CONGO L’HOMME AIT QUI MURMUR À L’OREILLE DE KABILA

dent tchadien avril, le prési voisin libyen ssion le 24 son sa propre succe ire déclenchée contre Candidat à iew exclusive. l’offensive milita région. Interv redoute que à déstabiliser toute la n’en vienne

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ÉDITION

Z OUBEMLE K ASAZOUNGOU , Kinshasa, RD Congo

Encore bravo ! C’est toujours agréable de vous lire. Je le fais depuis mon adolescence et je me suis abonné à partir d’un petit kiosque de Rome, il y a au moins dix ans. J’aime la plupart des changements qu’apportent Béchir Ben Yahmed et son équipe au journal. Votre nouvelle formule est magnifique, en termes de pagination et de graphisme, en particulier les couvertures. Cette nouvelle formule fait plaisir, elle est légère, très facile à feuilleter et à lire. C’est pour moi l’occasion de fêter avec vous les cinquante ans de votre journal. Et votre travail méticuleux, indispensable aux lecteurs en termes

de savoir et de culture. J’ai vécu de beaux moments en vous lisant. Et je continuerai à vous lire dans la mesure du possible, même si je ne partage pas toujours vos idées sur certains sujets. Mes encouragements à Béchir Ben Yahmed, qui a toujours su utiliser sa belle plume pour écrire, décrire et informer. Longue vie à lui-même et à son « Ce que je crois ». Bravo aussi à toute la rédaction ! ● M OHAMED B Â ,

Rome, Italie

Non à la Françafrique J’ai été étonnée par la réaction d’un lecteur publiée dans J.A. n° 2625 du 1er au 7 mai, intitulée « Les vertus de la Françafrique ». Ce n’est pas le contenu qui m’a choquée, même quand il dit : « Vive la Françafrique […] nous encourageons les Français à imposer la démocratie dans ce continent plein d’espoir… » Ce qui m’a choquée c’est le fait que vous ayez publié ce texte. Donner la parole à tous, c’est bien. Mais pourquoi une chose et son contraire ? Page 53, dans le même numéro, il y a un extrait du no 893, où il est question, s’agissant de J.A., d’« élaborer un nouvel ordre », de « devenir la grande entreprise de presse dont l’Afrique et le Tiers Monde ont besoin pour être présents ». Preuve que nous sommes capables, nous Africains, de faire quelque chose de positif pour nous et par nous-mêmes. Volonté largement partagée par les Africains. Ils n’ont pas besoin d’un système qui, à la base, a été mis en place pour perpétuer l’impérialisme occidental en Afrique. ● M UKEMBE N SIANGANI ,

Paris, France

N o 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

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HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL POLITIQUE, ÉCONOMIE, CULTURE

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Post-scriptum Fawzia Zouari

Fondé à Tunis le 17 oct. 1960 par Béchir Ben Yahmed (51e année) Édité par SIFIJA Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS Tél. : 01 44 30 19 60 ; Télécopieurs : rédaction 01 45 20 09 69 ; ventes : 01 45 20 09 67 ; Courriel : redaction@jeuneafrique.com DIRECTION Directeur de la publication : BÉCHIR BEN YAHMED (bby@jeuneafrique.com) Directeur général : Danielle Ben Yahmed Vice-présidents: Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed Actionnaire principal : Béchir Ben Yahmed

Internet halal

RÉDACTION

J

USQUE-LÀ, il y avait la viande halal, le mariage halal, le maillot de bain halal, les voitures halal avec tapis de prière et boussole intégrés. Et voici qu’on nous annonce le nouveau venu des produits islamiquement consommables : internet halal. C’est la dernière invention enregistrée en terre d’Islam, si importante et si vitale pour le genre humain que les Iraniens, ses initiateurs, s’empressent de la lancer sans attendre, avant même le nucléaire (halal ?). La version islamique du produit phare de la technologie occidentale, cette toile de fibre qui sera à internet ce que le hidjab en tissu est au corps des femmes, a été annoncée le 15 avril dernier à l’Agence de presse de la République islamique (Irna) par Ali Aghamohammadi, adjoint aux affaires économiques du premier conseiller du président (halal) Ahmadinejad. Le mollah de l’informatique persane a justifié cette décision par le fait que les sites d’info et les réseaux étrangers sont infectés de vices et suintent la débauche. Il n’a pas ajouté qu’y circulent également des bactéries qui déclenchent des révolutions, extrêmement périlleuses pour les amateurs de dictatures. Il a répété que le réseau local « sera débarrassé des sites obscènes », ne dérogeant pas à la conception du halal telle que définie par le dictionnaire : « halal = viande vidée de son sang afin de minimiser les bactéries » (sic).

Quel sera le contenu de la nouvelle Toile de Téhéran ? De quoi s’éclater : elle proposera des services administratifs, commerciaux et bancaires. Elle parlera de foi et de vertu. Elle fournira les adresses des meilleures boutiques de tchadors et des prospectus pour s’acquitter de ses devoirs religieux afin d’emporter le titre de lauréat des croyants… Baptisé iraniannet et annoncé pour être fonctionnel dans dix-huit mois et connecter dix millions d’utilisateurs dans le pays, le réseau compte s’étendre à d’autres cieux mahométans. Les marchands occidentaux, qui fournissaient jusque-là la République islamique iranienne en techniques efficaces pour bloquer l’accès à des sites appartenant à divers réseaux internationaux et traquer les cybernautes réfractaires, sont prêts à vendre aux mollahs leur savoir-faire et planchent déjà sur l’iraniannet. Normal pour eux : halal ou pas, tant que cela rapporte, c’est recommandé pour la santé financière et consommable sans mea-culpa. Maintenant, on peut suggérer, nous aussi, des idées aux responsables iraniens, leur proposer des intitulés de sites, et gratuitement en plus. J’ai déjà fait le tour des fidèles pour cette aide de première nécessité et j’en suis revenue avec des suggestions d’adresses telles que : « les meilleures techniques de rasage au poil près.ir », « comment s’y prendre pour aller au paradis sans se perdre en route.com », « www.la meilleure façon de lapider une femme sans éveiller l’attention des mécréants », « iran-book, le réseau des antiémeutiers et contre-révolutionnaires », et cette dernière suggestion, mais elle est payante : « la conneriehalal@c’est pour com ? » ●

Directeur de la rédaction : François Soudan (f.soudan@jeuneafrique.com) Directeurs exécutifs : Marwane Ben Yahmed (mby@jeuneafrique.com), Amir Ben Yahmed (aby@jeuneafrique.com) Rédactrice en chef déléguée : Élise Colette (e.colette@jeuneafrique.com) Rédacteur en chef technique : Laurent Giraud-Coudière Directeur artistique : Zigor Hernandorena Conseillers de la direction de la rédaction : Hamid Barrada, Abdelaziz Barrouhi (à Tunis), Aldo de Silva, Dominique Mataillet, Renaud de Rochebrune Secrétariat : Chantal Lossou, Joëlle Bouzignac Chefs de section : Joséphine Dedet (La semaine de J.A.), Philippe Perdrix (Grand angle), Anne Kappès-Grangé (Afrique subsaharienne), Tarek Moussa (Maghreb & Moyen-Orient), Jean-Michel Aubriet (Europe, Amériques, Asie), Cécile Manciaux (Le Plus de J.A.), Jean-Michel Meyer (Économie), Séverine Kodjo-Grandvaux (Culture & médias), Tshitenge Lubabu M.K. (Vous & nous) Rédaction: Pascal Airault, Stéphane Ballong, Tirthankar Chanda, Julien Clémençot, Constance Desloire, Georges Dougueli, Christophe Le Bec, Nicolas Marmié (à Rabat), Nicolas Michel, Fabien Mollon, Pierre-François Naudé, Ophélie Négros, Cherif Ouazani, Michael Pauron, Laurent de Saint Périer, Leïla Slimani, Justine Spiegel, Cécile Sow (à Dakar), Marie Villacèque, Fawzia Zouari; collaborateurs: Edmond Bertrand, Christophe Boisbouvier, Muriel Devey, André Lewin, Patrick Seale, Cheikh Yérim Seck; accords spéciaux: Financial Times RÉALISATION Maquette: Émeric Thérond (conception graphique, premier maquettiste), Christophe Chauvin, Stéphanie Creuzé, Valérie Olivier; révision: Nathalie Bedjoudjou (chef de service), Vladimir Pol; fabrication: Philippe Martin (chef de service), Christian Kasongo; service photo: Dan Torres (directrice photo), Nathalie Clavé, Vincent Fournier, Claire Vattebled; documentation: Anita Corthier (chef de service), Sylvie Fournier, Florence Turenne, Angéline Veyret JEUNEAFRIQUE.COM Responsable éditoriale : Élise Colette, avec Pierre-François Naudé ; responsable web : Jean-Marie Miny ; rédaction et studio : Cristina Bautista, Haikel Ben Hmida, Pierre Boisselet, Maxime Pierdet, Lauranne Provenzano VENTES ET ABONNEMENTS Directeur marketing et diffusion : Philippe Saül ; marketing et communication : Patrick Ifonge ; ventes au numéro : Sandra Drouet, Caroline Rousseau ; abonnements : Vanessa Sumyuen avec: COM&COM, Groupe Jeune Afrique 18-20, avenue Édouard-Herriot, 92350 Le PlessisRobinson. Tél. : 33 1 40 94 22 22 ; Fax : 33 1 40 94 22 32. E-mail : jeuneafrique@cometcom.fr ●

COMMUNICATION ET PUBLICITÉ

DIFCOM

AGENCE INTERNATIONALE POUR LA DIFFUSION DE LA COMMUNICATION

S.A. au capital de 3 millions d’euros – Régie publicitaire centrale de SIFIJA 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 Paris Tél. : 01 44 30 19 60 Fax : 01 45 20 08 23/01 44 30 19 86. Courriel : difcom@jeuneafrique.com

Président-directeur général : Danielle Ben Yahmed ; directeur général adjoint : Amir Ben Yahmed ; direction centrale : Christine Duclos ; secrétariat : Chantal Bouillet ; gestion et recouvrement : Pascaline Brémond ; service technique et administratif : Chrystel Carrière, Mohamed Diaf RÉGIES Directeur de publicité : Florian Serfaty avec Catherine Weliachew (directrice de clientèle), Sophie Arnould et Myriam Bouchet (chefs de publicité), assistés de Patricia Malhaire ; annonces classées : Fabienne Lefebvre, assistée de Sylvie Largillière COMMUNICATION ET RELATIONS EXTÉRIEURES Directeur général : Danielle Ben Yahmed ; directrice adjointe : Myriam Karbal ; chargés de mission : Balla Moussa Keita, Nisrine Batata REPRÉSENTATIONS EXTÉRIEURES MAROC SIFIJA, NABILA BERRADA. Centre commercial Paranfa, Aïn Diab, Casablanca. Tél. : (212) (5) 22 39 04 54 Fax : (212) (5) 22 39 07 16. TUNISIE SAPCOM, M. ABOUDI. 15-17, rue du 18-Janvier-1952, 1001 Tunis. Tél. : (216) 71 331 244 ; Fax : (216) 71 353 522. SOCIÉTÉ INTERNATIONALE DE FINANCEMENT ET D’INVESTISSEMENT

S.C.A. au capital de 15 000 000 euros Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS | RCS PARIS B 784 683 484 TVA : FR47 784 683 484 000 25

Gérant commandité: Béchir Ben Yahmed; vice-présidents: Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed Directeur général adjoint: Jean-Baptiste Aubriot; secrétariat: Dominique Rouillon;contrôle de gestion: Sandrine Razafindrazaka; finances, comptabilité: Monique Éverard et Fatiha Maloum-Abtouche; juridique, administration et ressources humaines: Sylvie Vogel, avec Karine Deniau (services généraux) et Delphine Eyraud (ressources humaines); Club des actionnaires: Dominique Rouillon IMPRIMEUR SIEP - FRANCE. COMMISSION PARITAIRE: 1011C80822. DÉPÔT LÉGAL: MAI 2011. ISSN 1950-1285.

N O 2627 • DU 15 AU 21 MAI 2011

JEUNE AFRIQUE

Ce numéro s’accompagne d’un encart abonnement sur une partie de la diffusion.


Moins de consommation. Plus de plaisir.


ANNONCES CLASSÉES

Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre -Tél. : 01 44 30 18 76 - Fax : 01 44 30 18 77 - Email. : f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique - 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris - France

République du SENEGAL Un Peuple – Un But – Une Foi La SOCIETE ANONYME A PARTICIPATION PUBLIQUE MAJORITAIRE APIX s.a

PLAN « TAKKAL »

AVIS D’APPEL D’OFFRES N° AOO/APIX/BOAD/01/11

Fourniture, installation et exploitation d’une centrale de 70 MW FO en groupes conteneurisés à Tobène 1. Dans le cadre du plan « TAKKAL », la Société APIX s.a, agissant pour le compte du gouvernement du Sénégal et sur financement du Budget consolidé d’investissements (BCI) 2011 et de la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD) et a l’intention d’utiliser une partie de ce financement pour effectuer des paiements au titre du Marché de fourniture et exploitation de 70 MW FO en groupes conteneurisés sur le site de Tobène. 2. Apix s.a sollicite des offres sous plis fermés de la part de candidats éligibles et répondant aux qualifications requises pour réaliser les services suivants : la fourniture, l’installation et l’exploitation pendant une période de deux ans renouvelable, d’une centrale composée d’unités conteneurisées de puissance unitaire de 1 à 3 MW, pour une puissance de 70 MW FO, comprenant une tranche ferme de 40 MW et une tranche conditionnelle de 30 MW, destinée à un fonctionnement en base sur le site de Tobène. Les services couvrent : - la mise en place de la centrale ; - l’exploitation et la maintenance pour une période de deux ans renouvelable à partir de la date de début des prestations ; - l’aménagement du site ; - la construction des cuves de stockage de combustibles; - la mise en place d’un système de traitement du combustible ; - la mise en place du système de dépotage des combustibles ; - la gestion des effluents ; - l’étude, le transport, le montage et le raccordement des unités et de leurs accessoires et auxiliaires aux points de connexion désignés par Senelec ; - l’extension du poste 90 kV pour permettre le raccordement de la centrale ; - le raccordement de la centrale au réseau à travers deux (2) transformateurs de puissance de 65 MVA MT/90 kV ; - la prise en charge du raccordement en eau de la centrale. 3. La passation du Marché sera conduite par Appel d‘offres International ouvert tel que défini dans le Code des Marchés publics, et ouvert à tous les candidats éligibles.

5. Les exigences en matière de qualifications sont : • Justifier, durant les cinq dernières années de : i) une référence au moins en tant que fabricant principal dans la fourniture d’équipements similaires (comprenant au moins cent groupes conteneurisés fonctionnant au fioul lourd) ; ii) une référence au moins en tant qu’opérateur principal dans l’exploitation et la maintenance d’équipements similaires pour au moins 40 MW sur une période minimale de six mois. • Avoir réalisé un chiffre d’affaire annuel moyen en réalisation et exploitation d’équipements similaires correspondant au moins à 2 fois le montant de l’offre ; • Disposer d’un montant minimum de liquidités et/ou de facilités de crédit net d’autres engagements contractuels de 5 000 000 euros au moins ; • Fournir les états financiers certifiés des années 2008, 2009, et 2010. 6. Les candidats intéressés peuvent obtenir un dossier d’Appel d’offres complet en formulant une demande écrite à l’adresse mentionnée ci-après : Direction Administrative et Financière, au 52-54 Rue Mohamed V à Dakar/SENEGAL contre un paiement non remboursable de deux cent mille (200 000) francs CFA. La méthode de paiement sera par chèque adressé à APIX S.A ou virement bancaire. Le document d’Appel d’offres peut être retiré sur place à partir du 23 mai 2011 et pourra également être concomitamment transmis sur demande par courrier électronique (mail), seule la version en papier faisant foi. 7. Quinze (15) jours après la publication de l’Avis d’appel d’offres, une visite du site sera organisée à l’intention des Candidats ayant retiré le DAO. 8. Les offres devront être soumises à l’adresse ci-après : Accueil d’APIX s.a, 52-54 rue Mohamed V, rez de Chaussée, à Dakar/SENEGAL, au plus tard le 07 juillet 2011 à 11 heures. Les offres remises en retard ne seront pas acceptées. Les offres seront ouvertes en présence des représentants des candidats présents à la salle de conférence Madjiguène Guèye de l’APIX à l’adresse ci-dessus le 07 juillet 2011 à 11 heures. Les offres doivent comprendre une garantie de soumission, d’un montant de huit cents (800) millions de francs CFA valable pour une durée de 28 jours après la date d’expiration du délai de validité des offres. Les offres devront demeurer valides pendant une durée de 90 jours à compter de la date limite de soumission. Le Directeur Général

JEUNE AFRIQUE

N° 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

Appel d’offres

4. Les candidats intéressés peuvent obtenir des informations auprès de la Cellule de Passation de Marché de APIX S.A à l’adresse électronique apix@apix.sn et prendre connaissance des documents d’appel d’offre au secrétariat de la Direction Administrative et Financière, au 52-54 Rue Mohamed V à Dakar/SENEGAL.


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Annonces classées MINISTERE DE L’INDUSTRIE, DU COMMERCE ET DE L’ARTISANAT

BURKINA FASO

Unité - Progrès - Justice

SOCIETE NATIONALE BURKINABE D’HYDROCARBURES (SONABHY)

Manifestation d’intérêt - Appel d’offres

Avis d’Appel d’offres n° : 2011-09/MICA/SONABHY.

Financement : Budget SONABHY / Gestion 2011 Objet : Entretien décennale des réservoirs aériens de stockage d’hydrocarbures liquides du dépôt de Bobo-Dioulasso 1. Le président de la commission d’attribution des marchés de la Société Nationale d’Hydrocarbures du Burkina (SONABHY) lance un appel d’offres international pour la réalisation des travaux d’entretien décennal des installations du dépôt pétrolier de Bobo - Dioulasso. 2. La participation à la concurrence est ouverte à toutes les personnes physiques ou morales ou groupements desdites personnes agréés pour autant qu’elles ne soient pas sous le coup d’interdiction ou de suspension et en règle vis-à-vis de l’Administration de leur pays d’établissement ou de base fixe. Les travaux se décomposent en quatre (04) lots répartis comme suit : Lot 1 : Travaux préparatoires et traitement des boues et déchets Lot 2 : Contrôle visuel et magnétoscopique, barèmage Lot 3 : Peinture générale des réservoirs des tuyauteries Lot 4 : Fourniture et pose des vannes et équipements et réparations éventuelles des points de corrosion. Le lot 4 fera l’objet d’un marché à ordre de commande. Les soumissionnaires ont la possibilité de soumissionner pour un, plusieurs ou l’ensemble des lots. Dans le cas où ils soumissionnent pour plusieurs ou l’ensemble des lots, ils devront présenter une soumission séparée pour chaque lot. 3. Le délai d’exécution ne devrait pas excéder : douze (12) mois. 4. Les soumissionnaires éligibles, intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires et consulter gratuitement le dossier d’Appel d’offres dans les bureaux de la Direction du Département de l’Administration et des Finances auprès de la Personne Responsable des Marchés. 5. Tout soumissionnaire éligible, intéressé par le présent avis, doit retirer un jeu complet du dossier d’appel d’offres au secrétariat de la Direction Générale de la

SONABHY sis à Ouagadougou 01 BP 4394 Ouagadougou 01 moyennant paiement d’un montant non remboursable à la caisse de la SONABHY de : Lot 1 : cent cinquante mille (150.000) francs CFA Lot 2 : Soixante quinze mille (75.000) francs CFA Lot 3 : cent cinquante mille (150.000) francs CFA Lot 4 : cent mille (100.000) francs CFA 6. Les offres présentées en un original et trois (03) copies, conformément aux Instructions aux soumissionnaires, et accompagnées d’une garantie de soumission d’un montant de : Lot 1 : dix millions (10.000.000) francs CFA Lot 2 : un million cinq cent mille (1.500.000) francs CFA Lot 3 : sept millions cinq cent mille (7.500.000) francs CFA Lot 4 : cinq million (5.000.000) francs CFA devront parvenir ou être remises au secrétariat de la Direction Générale avant le mercredi 06 juillet 2011 à 09 heures à l’adresse ci-après : SOCIETE NATIONALE BURKINABE D’HYDROCARBURES (SONABHY) Direction Générale sise secteur 17 quartier Pissy Route Nationale N°1 01 BP 4394 – Ouagadougou - Burkina Faso Téléphone : +(226) 50 43 00 01/ 50 43 00 34 Télécopie : +(226) 50 43 01 74 Courriel : sonabhy@sonabhy.bf L’ouverture des plis sera faite immédiatement en présence des soumissionnaires qui souhaitent y assister. En cas d’envoi par la poste ou autre mode de courrier, la SONABHY ne peut être responsable de la non réception de l’offre transmise par le soumissionnaire. 7. Les soumissionnaires resteront engagés par leurs offres pour un délai maximum de cent vingt (120) jours, à compter de la date de remise des offres. T. Jean Hubert YAMEOGO Officier de l’Ordre National

REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO - MINISTERE DES FINANCES

Sources de financement : N° Avis à manifestation d’intérêt : Poste :

AVIS À MANIFESTATION D’INTÉRÊT

Fonds propres du Gouvernement de la République Démocratique du Congo AMI n° 279/INTERVENTION–GOUVERNEMENT/BCECO-MINFIN/DG/DPM/PM/2011/SC Services de Consultant (Firme) chargé de l’audit des assiettes fiscales déclarées par les entreprises de télécommunications opérant en RD Congo Date de publication : 13/05/2011 - Date de clôture : 08/06/2011

1.Contexte général Le secteur des télécommunications en RD Congo comporte trois (3) segments. Il s’agit de : la téléphonie fixe, la téléphonie mobile et le service Internet. Dans l’ensemble, trente-cinq (35) opérateurs interviennent officiellement sur le marché des télécommunications. Ces sociétés sont pour l’essentiel des privées et/ou des filiales des grands groupes internationaux évoluant dans le secteur. Elles sont donc soumises au paiement des droits et taxes conformément à la législation fiscale du pays dont l’architecture se dessine sur trois branches, chacune ayant des impôts et taxes spécifiques à prélever sur les opérateurs de télécommunications. Ce système fiscal étant déclaratif, les régies financières procèdent généralement à des vérifications des bases de l’imposition et de taxation. Cependant, compte tenu de la spécificité du secteur de télécommunications, ces régies font face à un manque de moyens leur permettant de vérifier les flux de trafics ainsi déclarés par les opérateurs afin de s’assurer de la sincérité des états présentés. Pour ce motif, le Gouvernement de la RD Congo se propose d’utiliser une partie de son financement d’urgence intitulé « INTERVENTION DU GOUVERNEMENT » pour effectuer des paiements autorisés pour les services de Consultants (firme) chargé d’auditer les assiettes fiscales déclarées par les prestataires de télécommunications opérant en RD Congo.. Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo, par délégation de maîtrise d’ouvrage, a chargé le Bureau Central de Coordination, en sigle BCECO, de la mise en œuvre du processus de sélection dudit Consultant. Dans ce contexte, le Bureau Central de Coordination (BCECO) sollicite maintenant des manifestations d’intérêt en vue de la fourniture des Services de Consultants (firme) pour auditer les assiettes fiscales déclarées par les prestataires de télécommunications opérant en RD Congo. Le Consultant doit être un cabinet d’audit indépendant d’expertise international ayant déjà réalisé seul ou en association des audits technique et financier des entreprises de télécommunications. En raison des aspects techniques très pointus de la mission, le Consultant peut soumettre sa candidature seul ou en association. Le personnel-clé devra compter les expertises suivantes : un associé signataire du rapport ayant la qualification d’expert comptable diplômé d’une institution de comptabilité et d’audit reconnue par l’IFAC ou CEMAC, IRC et FIDEF disposant d’une expérience minimum de 10 (dix) ans ; un directeur de mission devra avoir un diplôme en audit et comptabilité de niveau BAC+ 5 au moins et ayant une expérience professionnelle d’au moins 10 ans et ayant déjà réalisé au moins 5 missions d’audit des entreprises de téléN° 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

communications ; deux(2) réviseurs comptables (chargés de mission ou auditeurs assistants) confirmés de niveau minimum ou équivalent Bac + 5 ayant exécuté au moins cinq(5)missions d’audit au cours des cinq (5) dernières années dont au moins deux (2) audits des entreprises de télécommunications ; Un fiscaliste rompu dans la fiscalité des entreprises de communications ou similaires ; Deux ingénieurs en télécommunications ayant une expérience professionnelle d’au moins cinq (5) ans dans les entreprises de télécommunications; Un Informaticien analyste concepteur expert en informatique ( base de données, logiciels de comptabilité et autres) ayant une expérience professionnelle d’au moins cinq (5) ans dans une direction financière. Le Consultant devra également proposer des compétences ou toutes autres exigences indispensables à la maximisation de l’atteinte des objectifs de la mission. La durée de la mission susmentionnée est estimée à 10 semaines calendaires. Le Bureau Central de Coordination (BCECO) invite les candidats admissibles à manifester leur intérêt à fournir les services décrits ci-dessus. Ceux-ci doivent fournir les informations indiquant leurs capacités techniques à exécuter lesdits services, notamment : brochures et références concernant l’exécution des contrats analogues, expériences antérieures pertinentes dans des conditions semblables, disponibilité des ressources humaines qualifiées, etc. Un Consultant sera sélectionné en accord avec les procédures définies dans le code des marchés publics de la République Démocratique du Congo. Les manifestations d’intérêt rédigées en langue française doivent parvenir, par courrier ou par E-mail, à l’adresse ci-dessous au plus tard le mercredi 08 juin 2011 et porter clairement la mention « AMI N° 279/INTERVENTION GOUVERNEMENT/BCECO-MINFIN/DG/DPM/OM/2011/SC – Recrutement d’un Consultant (Firme) chargé de l’audit des assiettes fiscales déclarées par les entreprises de télécommunications opérant en RD Congo. BUREAU CENTRAL DE COORDINATION (BCECO) Pour le compte de la Direction Générale des Impôts (DGI) A l’attention de Monsieur MATONDO MBUNGU, Directeur Général a.i Avenue Colonel Mondjiba, n°372 - Concession UTEXAFRICA KINSHASA / NGALIEMA - REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO TEL. (+243) 99 85 84 560 – (+243) 99 81 76 480 Email : bceco@bceco.cd avec copie à dpm@bceco.cd; bcecobceco@yahoo.fr ; dpmbceco@yahoo.fr JEUNE AFRIQUE


Annonces classées

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COMPAGNIE ENERGIE ELECTRIQUE DU TOGO

Siège social : 426, avenue MAMA Fousséni BP 42 - LOME Standard : 221 27 44 / Dépannage : 220 82 20 / Fax : 221 64 98 / COE : 061207 H UTB N° 32 0497844 004 000 - BTCI N° 9030 059273 001 25 - BTD N° 402 100 276 T

APPEL A MANIFESTATION D'INTERET POUR LA SELECTION D’UNE ENTREPRISE DANS LE CADRE DU RECENSEMENT DES POTEAUX BT DÉFECTUEUX DANS LA VILLE DE LOMÉ ET SES ENVIRONS l. Dans le cadre de la maintenance du réseau électrique Basse Tension (BT) dans la ville de Lome et ses environs, la Compagnie Energie Electrique du Togo (CEET) souhaite recenser les poteaux BT défectueux en vue de leur remplacement. A cet effet, la CEET lance le présent appel à manifestation d'intérêt en vue de constituer une liste d’entreprises susceptibles de soumettre des propositions de services. Une consultation restreinte sera faite pour les entreprises retenues sur la base des critères de compétences.

4. Toutes les informations complémentaires seront obtenues a l’adresse suivante : COMPAGNIE ENERGIE ELECTRIQUE DU TOGO (CEET) DIRECTION GENERALE . 426, avenue Mama Fousséni BP : 42 Lomé — TOGO Tel : + 228 221 07 74 / 221 27 43 / 221 27 44 ; Fax : + 228 221 64 98 E-mail : ceet@ceet.tg 5. Les dossiers de manifestation d'intérêt, rédigés en langue française et portant la mention “ Appel à manifestation d'intérêt pour la sélection d’une entreprise dans le cadre du recensement des poteaux BT défectueux dans la ville de Lomé et ses environs “ doivent parvenir au secrétariat du Département Approvisionnement et Gestion des Stocks (DAGS) à la Direction Générale de la CEET, à l’adresse ci-dessus au plus tard le 28 juin 2011 à 10 heures TU.

Retrouvez toutes nos annonces sur le site : www.jeuneafrique.com

JEUNE AFRIQUE

N° 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

Manifestation d’intérêt - Recrutement

2. Les entreprises intéressées doivent être expérimentées dans la construction, la gestion et la maintenance des ouvrages électriques de distribution. Elles doivent capitaliser une solide expérience dans ce domaine et démontrer des compétences avérées dans la création d’une base de données. Une maîtrise du logiciel Excel par le personnel clé est fortement souhaitée. Les entreprises intéressées doivent être dotées d’un personnel ayant des compétences, expérience dans la connaissance et la construction du réseau BT. Les entreprises intéressées doivent fournir tous les documents et informations indiquant qu’elles sont qualifiées pour exécuter la mission envisagée : - La fiche de présentation de l’entreprise, - La liste, les compétences et les attributions du personnel clé à affecter à ces travaux accompagnées de leur CV prouvant que ce personnel à l'expérience dans la connaissance et la construction du réseau BT et la maitrise du logiciel Excel et est capable de créer une base de données, - Une liste de deux (2) références au moins accompagnées par des procès verbaux de bonne fin d’exécution de projets de nature et de complexité similaires.

3. Les travaux de l’entreprise consistent a recenser tous les poteaux BT défectueux dans la ville de Lomé et ses environs. Pour cela l’entreprise devra : - Organiser les visites de terrain, - Recenser les poteaux BT a remplacer, - Localiser les poteaux défectueux par leurs coordonnées GPS (les géoréférencer), - Mentionner les travaux a réaliser sur les poteaux défectueux recensés (le nombre de branchements à reprendre, les réfections de réseau à faire, autres tâches accessoires), - Créer une base de données Excel contenant tous les éléments recensés.


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Annonces classées

Ouverture du poste de Secrétaire exécutif (ve) de l’Observatoire du Sahara et du sahel (n°240)

Date limite: 15 Septembre 2011 L’OSS, organisation internationale basée à Tunis, a pour mission de promouvoir la synergie des efforts de lutte contre la désertification et d’atténuation des effets de la sécheresse dans une perspective de développement durable et de lutte contre la pauvreté dans le circum Sahara d’Afrique et ce en attachant une attention particulière aux questions liées à l’eau et à la dégradation des terres à travers des programmes régionaux d’intérêt commun. Le Conseil d’administration de cette Organisation, autorité décisionnelle veillant à son bon fonctionnement, compte recruter un(e) nouveau(velle) Secrétaire exécutif(ve), ressortissant d’un pays membre, et ce conformément à ses textes statutaires. Le dossier de candidature doit comporter : • Une lettre de motivation au nom du Président de l’OSS ; • Un formulaire de candidature dûment rempli ; • Une note de réflexion présentant la vision du (de la) candidat (e) de l’OSS et la manière dont il (elle) conçoit le développement et la gestion de son secrétariat exécutif ; • Un CV permettant d’apprécier les compétences personnelles du (de la) candidat(e) au poste à pourvoir, notamment l’expérience acquise en matière de management et de gestion d’entreprise ou de grands programmes internationaux. Le profil du poste (termes de référence) et le formulaire de candidature ainsi que toutes les informations utiles sur l’OSS sont disponibles dans son Site Web (www.oss-online.org) Les candidatures doivent parvenir impérativement au secrétariat exécutif de l’OSS, sous pli fermé portant la mention «NE PAS OUVRIR- Appel à candidature poste SE – n°240 » au plus tard le 15 septembre 2011 (la date du cachet de la poste faisant foi) à l’adresse suivante : Monsieur le Secrétaire exécutif de l’Observatoire du Sahara et du Sahel, Boulevard du Leader Yasser Arafat BP 31- 1080 Tunis, Tunisie. Aucune candidature ne peut être reçue par voie électronique.

Recrutement

GROUPE JEUNE AFRIQUE

www.groupeja.com

PRESSE • INTERNET • ÉDITION • CONSEIL

Groupe international de presse et d’édition (30 millions € C.A. – 120 collaborateurs) spécialisé sur l’Afrique et le Moyen-Orient recherche, dans le cadre de son développement :

Un chef de rubrique Maghreb et Moyen-Orient (H/F) MISSIONS :

Vous viendrez enrichir notre équipe composée d’une quarantaine de personnes en charge de notre hebdomadaire et de ses hors-séries. Doté(e) d’une très bonne connaissance des acteurs et de l’environnement politique et social du Maghreb et du Moyen-Orient, vous aurez – sous la direction de votre rédacteur en chef – la responsabilité de l’élaboration et de la réalisation du contenu de cette rubrique. Vous aurez en charge plus particulièrement : • Le suivi de l’actualité de l’ensemble des pays de ladite zone; • L’élaboration de sommaires d’enquêtes; • La recherche de collaborateurs (pigistes) et experts; • La rédaction d’articles; • L’animation des membres de la rédaction chargés de couvrir cette zone. Poste basé à Paris.

PROFIL :

Idéalement issu(e) d’une école de journalisme, sciences politiques ou littéraire, vous avez au minimum 3 ans d’expérience dans la presse écrite quotidienne ou magazine. Dynamique, rigoureux(se) et méthodique, vous savez faire preuve de créativité, de disponibilité et d’esprit d’équipe. Vous possédez un réel sens d’investigation, une réactivité face à l’information et des qualités rédactionnelles et relationnelles. Un très bon niveau d’anglais est exigé, la connaissance de l’arabe serait un plus. Réf. : REDCHEFMMO 0511

Envoyer C.V., lettre de motivation et prétentions sous références REDCHEFMMO 0110 à : Jeune Afrique – Service Ressources Humaines – 57 bis rue d’Auteuil 75016 PARIS ou par email : recrutementja@jeuneafrique.com N° 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

JEUNE AFRIQUE


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PRESIDENCE DE LA REPUBLIQUE Agence Nationale des Infrastructures Numériques et des Fréquences (ANINF) BP : 798 Libreville Gabon - Tél : (+241) 79 52 77

Avis de recrutement La vision du Gabon Emergent s’articule autour du développement de pôles économiques dynamiques reliés entre eux par une infrastructure moderne. Dans ce contexte, le Gabon numérique dont la mise en œuvre a été confiée à l’Agence Nationale des Infrastructures Numériques et des Fréquences (ANINF), doit jouer un rôle décisif dans la mise en cohérence de l’ensemble des axes stratégiques du Gabon Emergent avec pour orientations majeures : • Un environnement facilitant la confiance à l’usage du numérique par tous les acteurs ; • Une administration moderne orientée services aux citoyens et aux entreprises ; • Un accès universel à l’information sur l’ensemble du territoire national ; • Une promotion continue du capital humain grâce à l’accès facile à la connaissance ; • Une valorisation des initiatives et innovations en faveur de la production de contenus locaux ; • Une priorité accordée aux services destinés aux secteurs sociaux pour l’atteinte des OMD. L’ANINF a pour mission d’installer et de gérer les infrastructures et ressources nationales partagées dans les domaines des télécommunications, de l’audiovisuel, de l’Informatique et des Fréquences, ainsi que de valider tous les projets de l’économie numérique afin de garantir la cohérence globale des systèmes mis en place. Pour réussir ce challenge, l’Agence Nationale des Infrastructures Numériques et des Fréquences souhaite recruter des compétences national et international pointus et engagés.

POSTES DE SERVICES GENERAUX • Ressources Humaines • Relations Extérieures & Communication • Courrier, Archives & Documentation • Patrimoine, Moyens Généraux & Approvisionnement • Gestion, Finances, Audit et Comptabilité • Secrétariat de direction • Agents de services Pour postuler aux postes de services généraux et techniques, envoyez vos dossiers de candidature (lettre de motivation et curriculum vitae) à l’adresse CVhq@africsearch.com. Le message devra obligatoirement comporter en objet une référence à l’ANINF et au poste (ex. Recrutement ANINF - Secrétariat de direction) POSTES TECHNIQUES • Ingénieurs système d’information • Ingénieurs télécoms • Ingénieurs informatique et réseaux • Ingénieurs radiocommunication et fréquences • Techniciens télécoms • Techniciens informatique et réseaux • Techniciens radiocommunication et fréquences Pour postuler aux postes de services généraux et techniques, envoyez vos dossiers de candidature (lettre de motivation et curriculum vitae) à l’adresse CVhq@africsearch.com. Le message devra obligatoirement comporter en objet une référence à l’ANINF et au poste (ex. Recrutement ANINF- Technicien informatique et réseaux) Toutes les candidatures devront être reçues au plus tard le lundi 30 mai 2011. Premier Cabinet de Recrutement pour l'Afrique www.africsearch.com JEUNE AFRIQUE

N° 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

Recrutement

POSTES D’ENCADREMENT • Directeur Général Adjoint • Directeur des Affaires Générales • Directeur Administratif et Financier • Directeur des Fréquences • Directeur de l’Ingénierie et des Applications • Responsable de division Infrastructures et Services Télécoms • Cadre Juriste • Cadre Audit • Cadre Organisation, Qualité et Stratégie • Juristes (débutants et confirmés) Pour postuler aux postes d’encadrement ci-dessus, envoyez vos dossiers de candidature (lettre de motivation et curriculum vitae) à l’adresse info@africsearch.com. Le message devra obligatoirement comporter en objet une référence à l’ANINF et au poste (ex. Recrutement ANINF-Directeur des Fréquences)


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www.sai2000.org COURS INTENSIFS D’ANGLAIS École Commerciale Privée fondée en 1955 THIS SCHOOL IS AUTHORIZED UNDER FEDERAL LAW TO ENROLL NONIMMIGRANT ALIEN STUDENTS

Comptabilité sur ordinateur Gestion de bureau sur ordinateur dBase Management® Microsoft Office Suite - Windows Traitement de texte Microsoft® Lotus Suite - (T1) Internet access • Membre accrédité du “ACICS” • Établissement reconnu par le Département d’Éducation de l’État de New York • Commence dès ce mois-ci • Cours offerts le matin, l’après-midi et le soir. Tél. (212) 840-7111 Fax (212) 719-5922 SKYPE : StudentClub SPANISH-AMERICAN INSTITUTE 215 W 43 St. (Times Square) Manhattan, NY 10036-3913

info@sai2000.org

Divers - Recrutement

Bâtiments industriels

Tél : +32 3 353 33 99

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ETUDIER AUX USA

Partez d’un REVE Evaluez vos options pour en faire un DEFI

Grâce à un suivi, transformez le en une REALITE Site web : http://www.ostructure.com/ N° 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011

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Recherche agents dans secteurs disponibles Tel : (+33) 3 26 53 32 10. E-mail : communication@legras.fr

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Rue de l’Environnement 22 4100 Seraing - Belgium

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JEUNE AFRIQUE

N° 2628 • DU 22 AU 28 MAI 2011


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