JA 2635 DU 10 AU 16 JUILLET 2011

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CÔTE D’IVOIRE OUATTARA FACE À L’ARMÉE

HEBDOMADAIRE HEBD BDOM BD OMADAIRE OM ADAI AD AIRE AI RE INTERNATIONAL IINT NTER NT ERNATIONAL INDÉPENDANT • 51e année • N° 2635 • du 10 au 16 juillet 2011 ER

Spécial 8 pages

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CAMEROUN LE GRAND FOOTOIR AFFAIRE DSK SEXE, MENSONGES ET FIASCO (JUDICIAIRE)

KADDAFI

JUSQU’À QUAND? Tripoli, le 30 mai 2011.

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Ce que je crois BÉCHIR BEN YAHMED • bby@jeuneafrique.com

SAMEDI 9 JUILLET

Il faut finir la guerre

D

ans quelques jours, la crise libyenne entrera dans son sixième mois ; l’intervention militaire euro-américaine qu’elle a suscitée bouclera, elle, ses quatre premiers mois. Contrairement à la tunisienne et à l’égyptienne, qui l’ont rendue possible et se sont conclues en quelques semaines, cette crise traîne en longueur. En anglais, on appelle cela stalemate ; en français, on va commencer à parler de « pourrissement », car on constate que la sortie de crise ne paraît pas être en vue. ■

C’est dangereux, en particulier pour les voisins de la Libye et pour leur région. Mais également pour l’Afrique, que cette crise divise et démoralise, pour l’Europe et l’Amérique, qui y sont engagées militairement, financièrement et politiquement, pour le monde, dont l’approvisionnement en pétrole est affecté. J’ajoute que l’issue de ce conflit aura un retentissement, positif ou négatif, sur un « printemps arabe » qui rencontre des résistances et a grand besoin d’un succès. Il nous faut déboucher dans les semaines qui viennent – en juillet ou, au plus tard, en août – sur une bonne sortie de crise. Mais, pour moi, il n’y a pas de bonne sortie de crise – avec effet positif sur le « printemps arabe » – sans le départ du pouvoir de Kaddafi et de sa clique, en particulier ses deux plus proches complices, visés et recherchés, comme lui, par la Cour pénale internationale: Seif el-Islam Kaddafi et Abdallah Senoussi. ■

Souvenons-nous des révolutionnaires égyptiens de la place Al-Tahrir: ils ont fait du départ de Hosni Moubarak, objectif qui semblait alors presque inatteignable, leur mot d’ordre et l’ont érigé en but de guerre. Ils l’ont atteint parce qu’ils l’ont voulu très fortement et ont refusé de se contenter de moins. Il nous faut suivre leur bon exemple et refuser toute autre solution que le départ de Kaddafi et de ses affidés. Cette solution est d’ailleurs à portée de main, car l’essentiel du chemin a déjà été parcouru : les collaborateurs de Kaddafi le quittent l’un après l’autre. On ne le rejoint pas, on s’éloigne de lui. Il est sur la défensive, assiégé et, selon sa propre expression, « le dos au mur ». JEUNE AFRIQUE

Bientôt, il sera à court d’essence et de munitions. Le départ de Kaddafi est non seulement à portée de main, mais il est nécessaire au retour de la paix en Libye et de la sérénité dans la région. ■

C’est la seule bonne issue, mais il faut qu’elle soit acceptée et appuyée par les Arabes et les Africains : ceux d’entre eux qui ne le font pas apportent un soutien indirect à la dictature, réduisent les chances de la démocratisation de l’Afrique et du monde arabe, laissent passer une occasion historique. À mon avis, l’Union africaine a grand tort de rééditer aujourd’hui avec Kaddafi l’erreur commise au début de l’année avec Gbagbo: négocier la sortie de crise avec lui ou ses proches, au lieu de le sommer de quitter le pouvoir. Dans les deux cas, cette attitude conciliante et attentiste n’aboutit qu’à prolonger la crise, provoquant ainsi davantage de pertes humaines et de destructions. L’histoire des quarante dernières années nous enseigne que négocier avec Kaddafi est une perte de temps: il ne tient pas ses engagements, ne fait que ce qui l’arrange, ne prend pas en compte les réalités, se fiche de l’intérêt général. ■

Cela dit, je vous invite à regarder la liste des pays décidés à obtenir le départ de Kaddafi pour libérer la Libye et le monde de ses foucades et de ses méfaits. Et à méditer sur l’attitude des autres. Dans la première, on trouve « les Occidentaux », c’està-dire l’Australie, les principaux pays d’Europe, dont les puissances coloniales d’hier, les États-Unis et le Canada : ceux-là mêmes qui ont longtemps essayé d’amadouer Kaddafi et de collaborer avec lui. Ils ont fini par admettre qu’ils avaient eu tort et sont arrivés, au début de cette année, à la conclusion que cet homme et son système sont infréquentables. Ils se sont donc dit : « Il nous faut rompre avec ces “irrécupérables”, reconnaître et aider les Libyens qui veulent s’en libérer, favoriser la naissance d’une nouvelle Libye et en faire un partenaire. » ■

Cette liste, qui s’allonge chaque jour, comptait, au 9 juillet, les pays suivants : France, Italie, Royaume-Uni, Malte, Espagne, Allemagne, N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011


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Ce que je crois Autriche, Lettonie, Danemark, Bulgarie, Croatie, ÉtatsUnis, Canada, Australie. Un grand pays démocratique et musulman a choisi son heure et les a rejoints : la Turquie. Trois riches émirats arabes, le Qatar, le Koweït et les Émirats arabes unis, ainsi que la Jordanie, quatre pays sensibles aux demandes de l’Europe et des États-Unis, ont fait cause commune avec eux. Les autres membres de la Ligue arabe, y compris l’Algérie, la Tunisie et l’Égypte, voisins immédiats de la Libye, observent – et, jusqu’ici, se taisent. Lorsqu’ils interviennent, ils le font avec prudence et discrétion. La Chine, elle, s’est arrêtée à mi-chemin: elle reconnaît les insurgés, mais ne rompt pas avec Kaddafi. Le reste de l’Asie et les pays de l’Amérique latine ne se sont pas prononcés. ■

Les Africains? Seul le Sénégal s’est déclaré sans ambiguïté pour le départ de Kaddafi. Il fait figure de dissident, ce qui ne doit pas déplaire à son président, Abdoulaye Wade. Les autres, avec pour principal allié l’ambivalente Russie, ont une position qui se veut nuancée. Elle a été si laborieusement formulée lors du dernier sommet de l’Union africaine à Malabo qu’on a du mal à la comprendre et à la résumer. L’Union africaine, qui représente les Africains et parle en leur nom, dit : « Arrêtons la guerre et négocions ; il faut que les insurgés libyens modèrent leurs exigences et

cessent de faire du départ de Kaddafi la pierre angulaire de toute négociation. » ■

Je pense exactement le contraire et me permets de le réaffirmer: tout comme ceux de la place Al-Tahrir du Caire, les insurgés libyens de Benghazi ont raison, à mon avis, d’exiger que le départ du pouvoir de Kaddafi et de sa clique ne fasse pas partie de la négociation. Il doit être accepté dans son principe avant qu’elle ne s’engage, ce qui permettra de consacrer la négociation à la répartition des pouvoirs dans la Libye post-Kaddafi. ■

Les insurgés libyens doivent s’employer à rallier à cette position, qui n’est pas jusqu’au-boutiste mais raisonnable, un maximum de pays africains et arabes, en particulier et d’abord les voisins de la Libye, plus concernés que tous les autres par sa sortie de crise. Ils doivent convaincre la Chine, le reste de l’Asie et l’Amérique latine de se joindre aux pays qui ont reconnu l’insurrection et l’ont aidée à atteindre ses objectifs. Dans l’immédiat, il leur faut consacrer plus d’efforts encore à l’élimination de Kaddafi, avec l’aide de ceux qui adhèrent à cet objectif. Ils doivent faire en sorte que ce résultat soit atteint dans les prochaines semaines, car le pourrissement sert le camp Kaddafi. Du côté de l’ONU, on serait bien avisé de se préparer à envoyer en Libye une mission de maintien de la paix. La guerre finie, le pays en aura besoin. ●

Humour, saillies et sagesse Pour vous faire sourire, grincer des dents – ou réfléchir –, ici, chaque semaine, une sélection subjective, la mienne, de ce qui a été dit ou écrit au cours des siècles par des hommes et des femmes qui avaient des choses intéressantes ou drôles à nous dire. B.B.Y. Ð Au sommet de la puissance, on ne voit plus rien du tout. Louis Pauwels Ð Si un homme a beaucoup plus qu’il ne faut, c’est que d’autres manquent du nécessaire. Léon Tolstoï Ð La grippe, ça dure huit jours si on la soigne et une semaine si on ne fait rien. Raymond Devos Ð Au contraire de l’Européen classique, le Négro-Africain ne se distingue pas de l’objet, il ne le tient pas à distance, il ne le regarde pas, il ne l’analyse pas. Il le touche, il le palpe, il le sent. Léopold Sédar Senghor N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

Ð Pour une femme qui nous inspire quelque chose de bon, il y en a cent qui nous font faire des sottises. Napoléon Bonaparte Ð Le cheval gagne la course, mais c’est le cavalier qu’on congratule. Proverbe africain Ð Les révoltes qui se manifestent par les armes, on peut les mater. Celles qui naissent et se propagent par l’esprit sont insaisissables. Françoise Giroud Ð L’écriture est une aventure. Au début c’est un jeu, puis c’est une amante, ensuite c’est un maître et ça devient un tyran. Winston Churchill

Ð La plus juste comparaison que l’on puisse faire de l’amour, c’est celle de la fièvre. François de La Rochefoucauld Ð Le bonheur naît du malheur, le malheur est caché au sein du bonheur. Lao-tseu Ð Le cerveau, il est enfermé à bosser dans le crâne toute la journée, il passe sa vie au bureau. Les Nouvelles Brèves de comptoir Ð Penser aux morts, c’est assurer la survie des gens qu’on a aimés, en attendant que d’autres le fassent pour vous. François Mitterrand Ð Il n’y a plus que le vin pour me faire bander. Gérard Depardieu JEUNE AFRIQUE


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Éditorial

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François Soudan

Opération Thiof Au moment où ce numéro de J.A. allait sous presse, nous avons, tout comme vous, appris la décision choc d’Abdoulaye Wade d’extrader Hissène Habré vers le Tchad, son pays et le théâtre de ses crimes imprescriptibles. Nous y reviendrons, très largement, dans notre prochaine livraison.

FEMMES ELLES N’ONT PAS TOUS LES DROITS Afin de lutter contre les violences domestiques et les discriminations que les femmes subissent au quotidien, l’organisation onusienne qui œuvre en leur faveur préconise l’adoption d’une série de réformes juridiques.

T

EMPÊTE DANS LE BAC À SABLE du Jurassic Park françafricain : Karim Wade a-t-il, oui ou non, sollicité l’aide militaire de l’armée française au cœur de la nuit du 27 au 28 juin, nuit de braises et d’émeutes à Dakar ? Parole contre parole, affirmation contre démenti, preuves introuvables et témoins inexistants, on ne le saura jamais avec certitude – un peu comme le mystère de la suite 2806 du Sofitel de New York, avec un conseiller à temps partiel dans le rôle de Nafissatou et un fils de chef d’État dans celui de DSK. Sauf qu’il ne s’agit pas ici de sexe mais de souveraineté et d’indépendance dans un pays, le Sénégal, où le débat politique, ces temps-ci, frise l’hystérie. En imaginant que cette hypothétique requête, pour le moins risquée et critiquable, ait réellement été faite, ce que nous nous garderons de trancher (après tout, Karim Wade n’avait-il pas les moyens de joindre directement l’Élysée ?), il n’est pas exclu que son auteur ait eu en tête un précédent récent: si l’armée française a joué à Abidjan le rôle que l’on sait pour installer Alassane Ouattara dans ses droits et si elle bombarde à Tripoli les repaires d’un dictateur paranoïaque, pourquoi ne viendrait-elle pas défendre, à Dakar, un président octogénaire démocratiquement élu contre la fureur de la rue ?

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PHOTOS DE COUVERTURES : HO NEW/REUTERS ; AFP PHOTO/SIA KAMBO ; AP PHOTO/HUSSEIN MALLA

Mauvaise pioche – au cas où. Car, en dépit des apparences, la France, a rappelé Alain Juppé le 5 juillet, n’est pas le gendarme de son ex-pré carré. Du Sénégal à Djibouti, en passant par le Tchad et la Côte d’Ivoire, « une réflexion est en cours » sur la meilleure manière de ramener le drapeau. Fini les bases et leur folklore, place aux modules réduits et aux renégociations – toujours aussi opaques – d’accords de défense – dont on ne savait rien, ou presque. Qui s’en plaindra ? Après tout, les États africains ne sont plus des pavillons de complaisance à souveraineté limitée, et la Françafrique n’est que le zombie de ce qu’elle fut. Reste qu’il existe une bonne part de realpolitik, pour ne pas dire de cynisme, dans cette refonte de la présence militaire de la France en Afrique subsaharienne présentée comme une mesure de « rupture » démocratique et d’économie budgétaire. Car à quoi répondaient ces fameuses bases, si ce n’est à un souci de protéger les intérêts économiques de la France ? Au cours du demi-siècle écoulé, les militaires français ont, sur ordre, fait chuter deux chefs d’État (Bokassa, Gbagbo) ; ils sont intervenus en faveur d’une dizaine d’entre eux et ont directement contribué par leur seule présence à la stabilité de plusieurs régimes. Parmi les protégés et bénéficiaires, beaucoup plus d’autocrates que de démocrates. Bien souvent, cet archipel de magouilles qu’étaient les réseaux, vite devenus des égouts, a joué un rôle déterminant dans ces interventions aux noms de code zoologiques. Il y a eu Barracuda, Lamantin, Manta, Épervier, Licorne, mais il n’y aura pas d’opération Thiof au Sénégal. Qu’on se le dise: les temps ont changé, l’heure est au redéploiement. Objectif Tripoli. ●

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LIBYE

KADDAFI, JUSQU’À QUAND ? En optant pour une stratégie du pourrissement, le « Guide » tente désespérément de gagner du temps en pariant sur l’usure de ses adversaires. Lesquels ne désarment pas.

03 08

Ce que je crois Par Béchir Ben Yahmed Confidentiel

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L A SEM A IN E D E J EU N E A F RIQ U E

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Femmes Elles n’ont pas tous les droits

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Tour du monde

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Procès Déby Les 45 dernières minutes

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Cameroun-Togo Quatorze footballeuses lèvent le pied

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Paludisme Sur la piste de ses origines

18

Yémen Saleh fait grise mine

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Armement Alger prêt à dégainer

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Scrutins présidentiels Les diasporas ont-elles voix au chapitre ?

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Hussein Tantawi Gare à vous, maréchal !

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Ngozi Okonjo-Iweala Le retour de la dame de fer

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G RA N D A N G L E

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Côte d’Ivoire Quelle armée pour Ouattara ?

JEUNE AFRIQUE


Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs GRAND ANGLE

Quelle armée pour Ouattara?

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S’il veut rapidement rétablir la paix et la sécurité, le chef de l’État doit remettre de l’ordre dans les rangs. Et contraindre les ennemis d’hier à travailler ensemble.

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CAMEROUN

LE GRAND FOOTOIR Des joueurs égocentriques et surpayés, une fédération opaque, des ingérences… Les Lions indomptables sont à deux doigts de ne pas se qualifier pour la CAN 2012. Enquête sur un désastre national.

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CÔTE D’IVOIRE

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AFFAIRE STRAUSS-KAHN SEXE, MENSONGES ET FIASCO (JUDICIAIRE) En dépit des rebondissements liés aux révélations sur sa victime présumée, l’ex-directeur général du FMI n’est pas encore sorti d’affaire.

FORCING DES PATRONS FRANÇAIS Le 14 juillet, le Premier ministre français sera à Abidjan. Dans ses bagages : une centaine d’entreprises attirées par la reconstruction et la relance de l’économie du pays.

MUSIQUE LES NOUVELLES SOUL SISTERS Dans le sillage d’Ayo, de jeunes Africaines retournent aux sources de la soul et de la folk. Découverte.

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AFRIQUE SUBSAHARIENNE

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ÉCONOMIE

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Cameroun Le grand footoir

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Côte d’Ivoire Forcing des patrons français

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Guinée Port de Conakry : « Alpha Condé a eu raison »

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Développement L’industrie au point mort

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Interview Jalloul Ayed, ministre tunisien des Finances

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Mariage people Une sirène sur le Rocher

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Conso Débouché africain

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Sénégal Ministre, pas héritier

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Hadi Akoum Vice-président Afrique d’Airbus

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Commémoration Le Rwanda se souvient

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Burkina L’homme fort du coton

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Tunisie Baisse de régime pour Ennakl

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Baromètre

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MAGHREB & MOYEN-ORIENT

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Libye Kaddafi, jusqu’à quand ?

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Parlement L’exception koweïtienne

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CULTURE & MÉDIAS

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Procès Ben Ali Acte II

66

Musique Les nouvelles soul sisters

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Iran La grande discorde

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Télévision Rim Maguid, génération révolution

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Édition Mon livre, ma bataille

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La semaine culturelle de J.A.

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EUROPE, AMÉRIQUES, ASIE

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Affaire Strauss-Kahn Sexe, mensonges et fiasco (judiciaire)

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VOUS & NOUS

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Humeur Êtes-vous « crédible » ?

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Le courrier des lecteurs

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Post-scriptum

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Thaïlande Si ce n’est toi, c’est donc ta sœur

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Parcours Sylvère-Henry Cissé, tête de pont

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États-Unis Chaises musicales

JEUNE AFRIQUE

N 0 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

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LA FILLE DU « GUIDE » LIBYEN, le 11 avril àTripoli.

JOSEPH EID/AFP

ansenTunisie.AttijariFinances a déjà recruté une partie de ses équipes, qui se trouvent en stage de formation au siège du groupe. Ne reste plus qu’à trouver un patron. L’ouverture officielle devrait avoir lieu dans quelques mois. Objectif: s’imposer dans le conseil financier aux entreprises dans toute la zone franc CFA.

France-Libye Aïcha Kaddafi déboutée (pour l’instant)

L

A PLAINTE CONTRE X pour « assassinats et crimes de guerre » déposée à Paris par Aïcha Kaddafi à la suite de la mort de cinq personnes (dont l’un de ses frères, deux de ses neveux et sa propre fille) au cours d’un bombardement de l’Otan sur Tripoli, le 30 avril, a reçu une réponse négative du vice-procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris. Dans un courrier expédié le 5 juillet à Isabelle Coutant-Peyre, l’avocate de la fille du « Guide », Pierre Kahn justifie son refus d’engager des poursuites par l’article L.4123-12 du Code de la défense, qui stipule que « n’est pas pénalement responsable le militaire qui, dans le respect des règles du droit international et dans le cadre d’une opération militaire se déroulant à l’extérieur du territoire français […], fait usage de la force armée, ou en donne l’ordre lorsque cela est nécessaire à l’accomplissement de sa mission ». Aïcha Kaddafi et son conseil, pour qui les faits relèvent d’une violation du droit international, ont décidé de saisir un juge d’instruction, indépendant du parquet. ● FRANCE SAUF IMPRÉVU, SARKOZY NE RETOURNERA PAS EN AFRIQUE

Fini les voyages sur le continent. « Sauf imprévu, le président ne se rendra plus en Afrique avant la fin de son mandat [en mai 2012, NDLR], confie l’un de ses proches. Entre le G20 de novembre et la campagne électorale de 2012, il aura d’autres priorités. Mais s’il y a deuxième mandat, il N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

retournera en Côte d’Ivoire. » L’imprévu, ce pourrait être la Libye, bien sûr… Depuis 2007, Nicolas Sarkozy regrette de n’avoir jamais eu le temps d’aller au Ghana, qui est à ses yeux un modèle d’alternance et de croissance. Après sa visite en Côte d’Ivoire, le 14 juillet, c’est François Fillon, son Premier ministre, qui, justement, s’y rendra, avant de gagner le Gabon.

BANQUE ATTIJARI CHOISIT DAKAR

Solidement installé dans la banque de détail de la Guinée équatoriale jusqu’au Sénégal, Attijari a choisi Dakar pour implanter sa banque d’affaires, Attijari Finances Corp. Archidominant au Maroc (où, ces dernières années, il a conseillé la plupart des opérations de marché), le groupe est égalementprésentdepuisdeux

LE DÉJEUNER DE LA SEMAINE EN VISITE EN FRANCE, Mahamadou Issoufou a été reçu à déjeuner, le 6 juillet, par Nicolas Sarkozy. L’occasion pour le président nigérien de rappeler son attachement à une solution politique négociée en Libye, ainsi que son désaccord de principe avec un départ en exil de Mouammar Kaddafi – points de vue l’un et l’autre éloignés de ceux de son hôte. Issoufou n’a pas non plus caché sa préoccupation quant à la présence d’islamistes radicaux au sein du Conseil national de transition libyen.

BURKINA TIAO, JUPPÉ ET L’ALTERNANCE

« Tout va bien au Burkina, la crise est derrière nous. » C’est le message qu’a voulu faire passer Luc Adolphe Tiao lors de sa récente visite de travail à Paris (4-9 juillet). Le Premier ministre burkinabè a notamment rencontré Henri de Raincourt, le ministre de la Coopération, André Parant, le chef de la cellule africaine de l’Élysée, et, bien sûr, Alain Juppé, le chef de la diplomatie. « La France accorde son soutien à la démocratie et à l’alternance », lui a notamment déclaré ce dernier, lors de leur entretien. S’agissait-il JEUNE AFRIQUE


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Politique, économie, culture & société

Algérie Sanhadji tire sa révérence LE GÉNÉRAL-MAJOR AHMED SANHADJI, 68 ans, a fait valoir ses droits à la retraite, le 4 juillet. Il était l’un des plus brillants généraux de l’armée algérienne, au sein de laquelle il incarnait le courant moderniste (il était notamment partisan d’une coopération plus étroite avec l’Otan). Ancien attaché de défense à Paris, il était depuis une dizaine d’années secrétaire général du ministère de la Défense, fonction désormais assurée par le général-major Mohamed Zenakhri (jusqu’ici inspecteur général de l’armée). Au milieu des années 1990, Sanhadji fut membre de la Commission du dialogue national aux côtés du général MohamedTouati et d’Abdelkader Bensalah (aujourd’hui président du Sénat). ●

CÔTE D’IVOIRE COURSE CONTRE LA MONTRE

« Techniquement, c’est jouable, mais il va falloir aller très vite. » Au siège de l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci), on s’inquiète du retard pris dans la préparation des élections législatives, censées se tenir à la fin de l’année. Les causes en sont multiples. À Abidjan et dans l’Ouest, les bureaux régionaux de la Commission électorale indépendante (CEI) ont, par exemple, été endommagés (1,2 milliard de F CFA de dégâts, soit 1,8 million d’euros). Il faut aussi revoir la composition de cette même CEI – quelle place pour l’opposition ? – et intégrer sur les listes électorales entre 1,5 million et 2 millions de nouveaux électeurs qui ont atteint l’âge de la majorité depuis mars 2009. KONAN BANNY S’IMPATIENTE

Depuis la nomination, le 13 mai, de Charles Konan Banny à la présidence de la Commission pour le dialogue, JEUNE AFRIQUE

la vérité et la réconciliation, cette nouvelle institution reste en attente d’un texte réglementaire établissant son fonctionnement et son financement. Au sein de l’exécutif, certains plaident pour la promulgation d’un décret présidentiel réduisant sa marge de manœuvre. D’autres, pour une ordonnance assurant son autonomie financière et son indépendance statutaire. Les membres de la Commission, qui ont déjà commencé à travailler au cabinet privé de l’ancien Premier ministre, manifestent, on l’imagine, une nette préférence pour la

FRANCE-ALGÉRIE JUPPÉ ET LA SANTÉ DE BOUTEF Alain Juppé, le ministre français des Affaires étrangères, n’était pas très content de certains de ses collaborateurs au retour de sa visite en Algérie, à la mi-juin. Motif : on l’avait prévenu qu’il allait rencontrer un Abdelaziz Bouteflika affaibli, en mauvaise santé, absent et sans prise sur la réalité. Or, à l’issue de son long déjeuner avec le président algérien, le 16 juin au palais d’ElMouradia, il a confié à quel point ce dernier lui avait paru informé, responsable et ayant pleine autorité sur ses ministres. « De plus, il a bon appétit ! » a remarqué Juppé, plutôt remonté.

AFRIQUE DE L’OUEST BNP PARIBAS RESTRUCTURE SA COM’

Le groupe bancaire français vient d’achever la restructuration de son pôle de

communication en Afrique de l’Ouest. Un bureau de six personnes va être ouvert à Dakar. Il prendra en charge la communication du Burkina, de la Côte d’Ivoire, du Mali, du Sénégal et de la Guinée (auparavant, chaque pays était indépendant). C’est Malick Maguèye Diaw, jusqu’ici directeur pour le Sénégal, qui assurera la direction de la nouvelle cellule. BÉNIN CASSE-TÊTE POUR ORANGE

C’est à Paris que l’homme d’affaires Issa Salifou a négocié, début juillet, la reprise de sa compagnie, Bell Bénin, par le groupe France TélécomOrange. Si l’opération réussit, elle accompagnera la privatisation de l’opérateur historique, Bénin Télécoms, au profit du groupe français. Salifou en aurait accepté le principe – imaginé par l’État pour revaloriser le deal - afin d’apurer ses dettes. Longtemps très difficiles, ses relations avec l’entourage de Boni Yayi se sont en effet bien réchauffées… Pourtant, même en cas d’accord, d’anciens partenaires de Salifou, s’estimant floués, assurent avoir les moyens de faire capoter l’affaire. Sauf, bien sûr, s’ils venaient à être convenablement dédommagés.

LES DESSOUS D’UNE EXTRADITION

Pourquoi Wade a lâché Habré L’ANCIEN DICTATEUR TCHADIEN devait être extradé vers le Tchad par avion spécial au départ de Dakar, le 11 juillet. Pourquoi Abdoulaye Wade, le président sénégalais, a-t-il pris une telle décision ? Parce qu’il n’a pas accepté la résolution adoptée par l’Union africaine, à l’initiative de l’Afrique du Sud, lors du sommet de Malabo, fin juin. Ce texte lui enjoint d’organiser le procès de Hissène Habré dans les six mois. Wade s’est abstenu de participer au sommet, mais il a fait parvenir à Jean Ping, le président de la Commission, une lettre pour lui expliquer qu’il ne voulait plus entendre parler du dossier Habré. Il s’agit à la fois d’une réaction affective et d’un calcul politique : dans la période très difficile qu’il traverse, il n’est pas fâché de s’ôter du pied une sacrée épine. N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

ALIOU MBAYE/PANAPRESS/MAXPPP

d’une allusion à l’article 37 de la Constitution burkinabè, qui limite à deux le nombre des mandats présidentiels ?

deuxième solution. « Pour être légitimes et crédibles, nous devons sortir de la tutelle du pouvoir », explique une source interne.


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La semaine de Jeune Afrique

Elles n’ont pas tou FEMMES

Violences domestiques, discriminations en tout genre… Dans son premier rapport, l’ONU Femmes dresse un bilan alarmant de la condition féminine. Et préconise l’adoption d’une série de réformes juridiques pour inverser la tendance. ALAIN FAUJAS

O

n éprouve un réel découragement à la lecture du premier rapport sur « Le progrès des femmes dans le monde 20112012 »* qu’a publié la toute jeune organisation ONU Femmes, le 6 juillet. Un sentiment également perceptible sous la plume de Michelle Bachelet, directrice de cette entité des Nations unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, qui a rédigé la préface de cette étude de 168 pages. D’un côté, l’ancienne présidente du Chili se félicite des incontestables avancées obtenues dans ce domaine en une seule génération. Par exemple, 125 pays ont mis hors la loi les violences domestiques et 115 garantissent des droits de

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pays garantissent un congé maternité payé

propriété égaux quel que soit le sexe. De l’autre, elle « souligne le fait que, en dépit de ces larges garanties d’égalité, la justice demeure en réalité hors de portée pour des millions de femmes ». En 1911, deux pays seulement autorisaient le vote des femmes. Aujourd’hui, 186 États ont signé la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à leur égard (Cedaw, en anglais). Malheureusement, si le droit a évolué, son application demeure trop souvent virtuelle. L’accès à la justice ? « Les hommes nous battent et abusent de nous, témoigne une habitante de Kalangala (Ouganda), (Oug mais si nous voulons nous rendre au poste post de police pour dénoncer les faits, monde refuse de nous y conduire en voitout le mo mond bien à des prix dissuasifs. Alors, nous y ture, ou b renonçons et nous souffrons en silence. » renonç Le respect des droits ? « Les filles sont mariées dès l’âge de 16 ans qu’elles le veuillent ou non, dè dénonce une jeune femme de Shuneh (Jordanie). Mais les hommes, eux, reçoivent l’éducation qu’il faut et travaillent où ils veulent. »

Une timide représentation en politique Maghreb et Moyen-Orient 7 10

Amérique latine et Caraïbes

Pourcentage des femmes au sein des gouvernements

Asie du Sud 7 15

10,4/12,1

Pourcentage des femmes au sein des Parlements

Asie de l'Est et Pacifique 10 11

Europe centrale, Europe de l'Est et Asie centrale 10 17 Amérique latine et Caraïbes 19 20

Des inégalités dans l’accès à l’éducation

Afrique subsaharienne

Pourcentage des 17-22 ans ayant bénéficié de moins de quatre ans de scolarité

20 18 Pays développés 32 27 Monde

N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

Femmes es

Hommes H s

17 19 JEUNE AFRIQUE


L’événement

s les droits En plus sec, la litanie des statistiques dit la même chose : 2,6 milliards de femmes vivent dans des pays où le viol conjugal n’est pas explicitement considéré comme un crime ; 53 % des femmes (600 millions) qui travaillent occupent des emplois

139

Celles que feu Mao Zedong appelait « l’autre moitié du ciel » ne sont pas au paradis !

Constitutions garantissent l’égalité des sexes

précaires; cette proportion s’élève à 80 % en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud-Est. MARIAGES PRÉCOCES. Dans les pays en développement, un tiers des femmes ont été mariées avant l’âge de 18 ans. L’Organisation internationale du travail (OIT) a calculé que, dans 83 pays, les femmes sont moins payées que les hommes dans des proportions oscillant entre 10 % et 30 %. La partie la plus intéressante du rapport onusien recense les innovations qui ont permis des

Maghreb et Moyen-Orient

Europe centrale, Europe de l’Est et Asie centrale

11,5

2,3/1,5

Prévention contre le sida

Asie de l’Est et Pacifique

14,3/12,1 Afrique subsaharienne

42,8/32

Asie e du du Sud Sud

JEUNE AFRIQUE

avancées significatives pour casser les atteintes sempiternelles aux droits de celles que Mao Zedong appelait « l’autre moitié du ciel ». Elle débouche sur dix recommandations visant à rendre la justice plus juste. 1. Soutenir les organisations de défense des droits des femmes, afin d’adapter les systèmes juridiques aux problèmes que rencontrent ces dernières. Ces organisations épaulent les plaignantes dans leurs procédures, qu’il s’agisse de demander le divorce ou d’obtenir une terre à laquelle elles ont droit. Elles ont permis à Unity Dow de faire annuler une loi sur la citoyenneté du Botswana en 1992. Mariée à un étranger, Unity était obligée de demander chaque année un permis de séjour pour ses deux enfants. Considérés comme des non-citoyens, ceux-ci ne pouvaient ni bénéficier d’un enseignement gratuit ni voter. Cette jurisprudence a incité 19 pays africains à supprimer ce type de discrimination. 2. Créer des guichets uniques pour faciliter la réparation des torts et éviter que les victimes ne se découragent. En Afrique du Sud, les centres de soins Thuthuzela (TCC) prennent en ● ● ●

35,1/21,2

Pourcentage des femmes qui n’osent pas demander à leur partenaire sexuel de mettre un préservatif

Mali 78 Nigeria 64 26 Haïti Madagascar 21 N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

11


GIULIO DI STURCO/VII MENTOR PROGRAM

12

POLICIÈRES FÊTANT LA PROMOTION de l’une des leurs à Monrovia, au Liberia, en juillet 2010. Le pays est présidé par une femme, Ellen Johnson-Sirleaf. ● ● ● charge les femmes violées au plan médical et judiciaire grâce à des équipes où travaillent côte à côte des médecins, des assistants sociaux et des policiers. Dans la province de Gauteng, le taux des condamnations pour viols traitées par le TCC de Soweto a atteint 89 %, contre 7 % dans le reste du pays. 3. Renforcer les lois protectrices afin de donner aux femmes une base à leurs actions en justice. Dans 45 pays, les lois sur la violence domestique leur garantissent une aide judiciaire gratuite. 4. Augmenter le nombre de femmes parlementaires pour obtenir des lois améliorant la protection des droits des femmes, comme cela s’est vu au Rwanda, où 51 % des élus et la moitié des juges de la Cour suprême sont des femmes. Dès 1999, ce pays a instauré l’égalité des sexes en matière de succession et de propriété. 5. Associer les femmes au maintien de l’ordre. Par exemple, au Liberia, le déploiement d’une brigade de police indienne entièrement féminine a facilité les déclarations d’agressions sexuelles. 6. Former les juges. L’Association internationale des femmes juges et l’ONG indienne Sakshi ont conçu des programmes de formation à l’intention des juges, afin de combattre les mythes et les stéréotypes qui conduisent par exemple les deux tiers des magistrats à penser que les femmes habillées de façon provocante incitent au viol.

N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

125

pays considèrent que la violence conjugale est illégale

117

pays disposent de lois relatives à l’égalité de rémunération

7.Améliorerl’accèsdesfemmesauxtribunaux durant les guerres, car la violence sexuelle est une pratique systématique des combattants. Depuis l’affaire Akayesu, jugée par le Tribunal international pour le Rwanda en 1998, le viol constitue un acte de génocide et un crime contre l’humanité. 8. Garantir des réparations aux victimes. En Sierra Leone, un programme gouvernemental soutenu par l’ONU a pris en charge 650 victimes de violences sexuelles, afin de les aider à surmonter leur traumatisme.

Au Rwanda, 51 % des élus et la moitié des juges de la Cour suprême sont des femmes. 9. Investir dans une justice sensibilisée aux femmes. C’est l’argent qui manque le plus pour y parvenir, car sur les 4,2 milliards de dollars d’aide internationale destinée à l’amélioration de la justice en 2009, 206 millions seulement avaient pour objectif d’assurer l’égalité des sexes. 10. Placer l’égalité des sexes au cœur des Objectifs du millénaire (ODM), destinés à combattre la pauvreté. Autrement dit, il faut aussi bien faciliter l’accès des femmes pauvres à des accouchementsmédicalementassistésqu’aiderlesfillesàaller à l’école, à se marier plus tard et à faire entendre leur voix pour que les décisions de politique intérieure protègent leurs droits élémentaires. ● * « En quête de justice », disponible sur http://progress. unwomen.org JEUNE AFRIQUE


Destination

GUINÉE ÉQUATORIALE

investir au coeur du Golfe de Guinée Une situation unique en Afrique Centrale. Un potentiel pétrolier et gazier exceptionnel.

© Les Éditions du Jaguar - R. Vandermeeren

Les plus grands projets d’infrastructures de la sous-région. Des marchés en pleine croissance dans les secteurs de l’agro-industrie, de la construction, de l’immobilier, de la finance, des transports et du tourisme.

Destination GUINÉE ÉQUATORIALE


La semaine de J.A. Tour du monde Ð HUGO CHÁVEZ À CARACAS, LE 7 JUILLET : « Nous vivrons, nous vaincrons ! »

CHINE

Une marée noire, vous êtes sûr?

HO NEW/REUTERS

14

VENEZUELA

Succession ouverte?

H

UGO CHÁVEZ (56 ans) est rentré le 4 juillet de Cuba, où, selon la presse vénézuélienne, il a été opéré d’une tumeur cancéreuse à la prostate. À Caracas, il a été triomphalement accueilli par plusieurs milliers de sympathisants, qu’il a salués depuis le balcon de son palais de Miraflores. Très amaigri, le chef de l’État s’est néanmoins montré optimiste : « Je vous jure que nous remporterons ce combat (contre la maladie). Nous vivrons, nous vaincrons! » Air connu. Mais le lendemain, il n’a pas participé à la parade militaire organisée à l’occasion du bicentenaire de l’indépendance, ce qui n’est pas de bon augure. Du coup, même s’il a déjà annoncé sa candidature à la présidentielle de 2012 et ne fait pas mystère de son ambition de rester au pouvoir jusqu’en 2021, les supputations quant à sa succession vont bon train. Parmi les prétendants, le nom, ou plutôt le prénom, le plus fréquemment cité est celui d’Adán, son propre frère. Toujours le modèle castriste! ● FRANCE

Deux millions de millionnaires UN FRANÇAIS SUR TRENTE (soit 2,2 millions de personnes) possède au moins 1 million de dollars – record du monde ! C’est l’un des résultats choc du « Palmarès des 500 fortunes professionnelles françaises » que publie, pour la quinzième année d’affilée, le magazine Challenge. Moins surprenant : les mêmes familles monopolisent imperturbablement les premières places du classement – les N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

Arnault (LVMH, 21,2 milliards d’euros), Mulliez (Auchan, 21 milliards), Bettencourt (L’Oréal, 17,5 milliards), Bolloré, Dassault et consorts. Des valeurs sûres, quoi. Un détail, quand même : en 1996, il suffisait de 14 millions d’euros pour figurer parmi les 500 plus grosses fortunes. Il faut aujourd’hui au moins 60 millions. Dans le même temps, le salaire minimum n’a progressé que de 57 %.

DANS LE PORT de Dalian, en Chine du Nord, l’explosion accidentelle d’un oléoduc géré par la China National Offshore Oil Corporation (Cnooc) et le groupe américain ConocoPhillips a provoqué le rejet de 1 500 tonnes de pétrole brut dans le golfe du Bohai. La catastrophe aurait été moins grave si les dirigeants de Cnooc n’avaient attendu trois semaines avant de se résoudre à en confirmer l’existence, le 1er juillet. Et si les sauveteurs disposaient de moyens de nettoyage dignes de ce nom. LE CHIFFRE QUI DÉPRIME

22,9 millions

C’EST LE NOMBRE de Russes – soit 16,1 % de la population du pays – vivant sous le seuil de pauvreté. Par rapport au premier trimestre de 2010, l’augmentation est de 26,5 %. EX-YOUGOSLAVIE

La morgue de Mladic

ACCUSÉ DE GÉNOCIDE, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité pour son rôle dans le siège de Sarajevo (1992-1995) et le massacre de huit mille musulmans à Srebrenica, Ratko Mladic risque la réclusion à perpétuité. Mais l’ancien chef militaire des Serbes de Bosnie n’en a cure. Lors de sa première comparution devant le TPIY, à La Haye, il s’était passé le doigt sous la gorge en narguant les rescapés. Le 4 juillet, lors de la deuxième audience, il a multiplié les insolences et refusé de plaider coupable ou non coupable. Le juge a retenu cette dernière option et l’a aussitôt fait expulser de la salle. JEUNE AFRIQUE


ARRÊT SUR IMAGE

Ho New • Reuters

MEXIQUE

La fiancée, les cerbères et le contorsionniste MARÍA DEL MAR ARJONA RIVERO (19 ANS) est une petite maligne. Lasse de se morfondre tandis que son compagnon, un certain Juan Ramírez Tijerina, croupissait dans une prison mexicaine, elle a imaginé ce moyen ingénieux – et acrobatique – pour le faire évader : le glisser dans une valise pendant une visite au parloir, le 2 juillet. Las ! la vigilance des cerbères n’a point été trompée et María del Mar a été illico arrêtée.

INDE

Indiana Jones n’y est pour rien! BIJOUX, PIÈCES, pierres précieuses, statues en or massif… Un fabuleux trésor a été découvert par des scientifiques dans six chambres souterraines d’un temple consacré à Vishnou, dans le sud de l’Inde. Valeur estimée : 15 milliards d’euros, soit plus du double du PIB du Kerala. Les responsables religieux souhaitent que ce pactole serve à la restauration du temple. Les autorités estiment qu’il devra profiter d’abord à la population. DANEMARK

Bye-bye Schengen!

FRUIT D’UN ACCORD entre la coalition de droite au pouvoir et le Parti populaire danois (extrême

JEUNE AFRIQUE

droite), le Parlement danois s’est prononcé pour l’établissement d’un contrôle douanier permanent aux frontières, ce qui constitue une violation des accords de Schengen dénoncée par la Commission européenne. Cinquante agents sont donc déployés depuis le 5 juillet aux frontières avec l’Allemagne et avec la Suède, mais les installations définitives n’entreront pas en service avant 2014. GRÈCE

Les points sur les «i»

PRÉSIDENT DE L’EUROGROUPE, le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker a le mérite de dire les choses sans détour. En échange de la nouvelle tranche d’aide (12 milliards d’euros) qu’elle s’apprête à recevoir, la Grèce va « perdre une grande partie de sa souveraineté », prévient-il dans

l’hebdomadaire allemand Focus (3 juillet). Ainsi, la mise en œuvre du programme de privatisations adopté récemment pour résorber la dette – il est vrai, stratosphérique – devra commencer « immédiatement ». JAPON

Bonne pioche

SELON LA REVUE Nature Geoscience, des ingénieurs de l’Université de Tokyo ont découvert dans les grands fonds de l’océan Pacifique d’énormes gisements de terres rares, ces métaux de plus en plus utilisés dans l’électronique grand public. La Chine, qui détient le quasimonopole (97 %) de la production et fixe les prix à sa guise, n’a aucune raison de s’en réjouir. Le reste de la planète, si. Mais l’extraction pose de sérieux problèmes sanitaires (pour la main-d’œuvre) et environnementaux. N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

15


La semaine de J.A. Décryptage

16

Procès Déby Les 45 dernières minutes Cinq hommes comparaissaient devant la cour d’assises de Nanterre pour le meurtre du fils du président tchadien.

S

MORT PAR ASPHYXIE. Le procès a duré

une semaine. Sept jours pour comprendre ce qui s’est passé le 2 juillet 2007. Pour reconstituer les quarante-cinq dernières minutes de la vie de Brahim Déby, 27 ans, adepte de soirées arrosées et de substances interdites. « Ils ont mis les meilleurs des meilleurs du 36, quai des Orfèvres [la direction de la police judiciaire, NDLR] sur le coup », confie une source proche du dossier. Le soleil se lève lorsque la Mercedes de Déby s’engage dans le parking souterrain de sa résidence, à Courbevoie, une banlieue tranquille de Paris. Le jeune homme,

BRAHIM DÉBY Ð le 2 juillet 2007 à Courbevoie, en banlieue parisienne. Il avait 27 ans.

A ÉTÉ ASSASSINÉ

ADJI/APANEWS

tupeur. Douleur. Colère, aussi. À l’annonce du verdict, le 7 juillet, la famille et les amis de Brahim Déby, réunis à la cour d’assises de Nanterre (région parisienne) ont du mal à cacher leur amertume. Et le hall du tribunal vibre d’une émotion mal contenue. « La justice française a des relents de républiquebananière»,entend-onclaquer. Les peines infligées aux bourreaux du fils d’Idriss Déby Itno, le président tchadien, sont bien en deçà de celles requises par l’avocat général, qui avait demandé entre dix ans et vingt ans pour les cinq prévenus. Les jurés en ont décidé autrement: cinq ans à treize ans pour quatre accusés, et un acquittement. Pour Me Jean-Bernard Padaré, l’un des avocats de la famille, « c’est une insulte à la mémoire de Brahim ».

en galante compagnie, rentre d’une boîte de nuit parisienne où il a ses habitudes. Quatre hommes cagoulés, portant des brassards de police, surgissent. Deux d’entre eux le plaquent au sol, tandis qu’un troisième tient sa compagne en joue. Brahim se débat, résiste. L’un de ses agresseurs lui envoie une décharge de Taser – un pistolet à impulsion électrique – avant de le traîner, avec son amie, dans la cage d’escalier. Là, il reçoit quelques coups avant d’être ligoté, dépouillé de 50 000 euros, puis aspergé de poudre d’extincteur – pour effacer les traces, apprend-on au cours de l’enquête. Son appartement est retourné en vain par deux des malfrats à la recherche de sa « mallette noire pleine de billets ». Ivre, drogué, le fils du président tchadien meurt étouffé peu après son agression. VOITURES DE LUXE. Au tribunal,

Marin Cioroianu, Dan Batoua, Jaime de Carvalho, Pierre-Claude Messi Ntsama

(dans le box des accusés) et Najèbe Oulmoudene (qui a comparu libre) ne font pas les fiers. Présumé cerveau de la bande, Batoua, 31 ans, loueur de voitures de luxe, et Carvalho, 29 ans, son mécanicien, ont reconnu les faits, s’excusant auprès de la famille pour ce « braquage qui a mal tourné ». Ils écopent respectivement de douze ans et neuf ans de prison. Cioroianu, qui nie en bloc, mais dont on a retrouvé la montre et l’ADN sur la scène du crime, est condamné à treize ans de réclusion. « L’ami » de Brahim Déby, Messi Ntsama, qui a servi d’informateur, se voit infliger cinq ans de prison ferme. Quant à Oulmoudene, il est acquitté, à la grande satisfaction de Me Dupond-Moretti, son avocat, pour qui la décision est « conforme au dossier de l’instruction, puisque rien ne l’incrimine formellement ». « C’est un camouflet pour l’avocat général et nous espérons qu’il fera appel », assène Me Padaré. ● MALIKA GROGA-BADA

ELMOND JIYANE/AP/SIPA

À SUIVRE LA SEMAINE PROCHAINE

16 AU 31 JUILLET Quatorzième édition du Championnat du monde de natation, à Shanghai. La Chine accueille pour la première fois cet événement bisannuel. N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

18 JUILLET Célébration du 93e anniversaire de l’ancien président Ne Nelson Mandela. En Afrique du Sud, le jour est férié.

22-23 JUILLET Le comité d’éthique de la Fifa examine le dossier de Mohamed Ibn Hammam. Le Qatari aurait acheté des voix pour se faire élire à la tête de l’instance du football mondial. JEUNE AFRIQUE


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Cameroun-Togo Quatorze footballeuses lèvent le pied

VINCENT FOURNIER/J.A.

JEUNEAFRIQUE.COM

Venues disputer un tournoi en marge de la Coupe du monde féminine, en Allemagne, plusieurs joueuses se sont mystérieusement volatilisées. ette affaire ne nous concerne pas, car aucune équipe nationale n’est en compétition à l’extérieur », déclare un responsable de la Fédération camerounaise de football (Fecafoot). Pas plus que les autorités allemandes, la fédération n’a d’information sur les onze footballeuses et une accompagnatricecamerounaisesquin’ont pas regagné leur pays à l’issue du tournoi Discover Football qui s’est tenu du 27 juin au 3 juillet dans le quartier berlinois de Kreuzberg. Pas de traces non plus de deux membres de l’équipe togolaise qui n’ont pas pris le vol retour à la fin du tournoi. Organisé en marge de la Coupe du monde de football féminin, qui se déroule en Allemagne du 26 juin au 17 juillet, Discover Football regroupait des équipes de femmes pour la plupart issues d’associations sélectionnées dans le monde entier par un jury. Huit équipes ont pris part à la compétition, dont l’équipe nationale d’Afghanistan, les Indiennes de Slum Soccer, qui œuvrent en faveur de la réinsertion des sans-abri, les Israéliennes de Mifalot Hinuch, mais aussi une association de femmes juristes togolaises et la New Layout East Women Association, venue du Cameroun.

Deleurcôté,lesorganisateursdelacompétition se refusent à tout commentaire. L’un d’eux se dit attristé que cet incident ait relégué le tournoi au second plan. Car, audelà du football, cette rencontre qui réunit des équipes venues de trois continents a une portée sociale et interculturelle. Son objectif est de faire se rencontrer, par le biais du sport, des femmes d’horizons différents, membres d’associations humanitaires ou parfois elles-mêmes en difficulté dans leur pays.

« My Lagos », par Femi Kuti

Retrouvez le premier volet de notre Série City (une ville, un chanteur)

SONDAGE Le mandat d’arrêt émis par la CPI contre Mouammar Kaddafi…

FUITES FRÉQUENTES. Les désertions de

sportifs en tournée ne sont pas rares. Le 5 juin dernier, neuf joueurs d’une équipe de football sénégalaise en tournée en Europe ont disparu au Havre. Arrivés le 30 mai en France, ils avaient notamment joué contre des jeunes de la ville. Une enquête policière est en cours. Pour endiguer la fuite quasi systématique de ses sportifs, le gouvernement érythréen a décidé en 2007 d’imposer à tous ceux qui voyagent à l’étranger le dépôt d’une caution de 100 000 nakfas (4 670 euros) et l’obligation de rester en compagnie de membres de l’encadrement tout au long de leur séjour. ●

1. Va accélérer sa chute. Un de ses proches pourrait le trahir pour échapper aux poursuites 15 %

1

2

3

2. Va freiner la sortie de crise en bloquant les négociations 18 % 3. Ne va rien changer. L’exemple du Soudanais Omar el-Béchir le prouve 67 % (236 votes*)

GEORGES DOUGUELI avec GWÉNAËLLE DEBOUTTE, à Berlin

DISCOVER FOOTBALL

CETTE SEMAINE :

LA NEW LAYOUT EAST WOMEN ASSOCIATION DU CAMEROUN dispute bénévolement des tournois à des fins caritatives (lutte contre le sida, aide aux orphelins…). JEUNE AFRIQUE

Au Sénégal, se dirige-t-on vers une contestation radicale du pouvoir par la rue, à l’instar des pays arabes ? À LIRE AUSSI : Débat : les élections en Afrique, faut-il s’en passer ? N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

* Sondage réalisé auprès des internautes de jeuneafrique.com entre le 30 juin et le 7 juillet 2011

C

«


La semaine de J.A. Décryptage

18

Paludisme Sur la piste de ses origines L’agent pathogène de la malaria a été retrouvé chez un petit singe d’Afrique. François Renaud, l’un des auteurs de cette découverte, explique en quoi elle ouvre de nouvelles perspectives à la recherche.

D

es chercheurs du CNRS et de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) de Montpellier, en France, et du Centre international de recherches médicales de Franceville (CIRMF), au Gabon, ont découvert une nouvelle souche du parasite chez un singe. François Renaud, du CNRS, revient sur les implications de cette découverte considérée comme majeure dans la lutte contre cette pandémie qui tue chaque année près de 1 million de personnes dans le monde, dont une grande partie en Afrique. JEUNE AFRIQUE : Quel est l’objet de votre découverte ? FRANÇOIS RENAUD: Nous avons long-

temps considéré que le Plasmodium falciparum [parasite responsable du paludisme ou malaria, NDLR] était

spécifique à l’homme, puis aux hominidés, après l’avoir découvert chez de grands singes, notamment les gorilles et les bonobos. Aujourd’hui, nous l’avons retrouvé chez un petit singe qui n’est pas un hominidé, le cercopithèque [qui vit dans les forêts au sud du Sahara, NDLR]. De plus, nous confirmons qu’il existe au moins deux lignées génétiques du parasite : l’une inféodée à l’homme, l’autre qui semble spécifique au singe.

170

Le nombre d’espèces de parasites du sang responsables des paludismes qui infectent les vertébrés

Qu’est-ce que cela change dans la lutte contre la pandémie ?

D’abord, cela remet en question l’origine du parasite. Nous pensons que la transmission de l’homme vers les singes est possible ; mais est-ewlle possible du singe vers l’homme ? Et a-t-elle déjà eu lieu ? Si oui, l’apparition de l’infection pourrait être antérieure à celle des hominidés. La découverte de deux lignées va permettre de les comparer, de mettre au jour des différences génétiques et de savoir comment le parasite a pu s’adapter à l’homme. Ceserait une étape considérable pour mieux connaître le Plasmodium falciparum, décrypter ses clés moléculaires et l’attaquer sur ses points faibles. De quand date cette découverte? Quelle est la prochaine étape ?

Nous avons fait cette découverte il y a trois ans, à la suite d’une campagne lancée, deux ans plus tôt, avec nos collègues gabonais du CIRMF. Après toutes les vérifications nécessaires, nous publions aujourd’hui les résultats. Nous devons désormais bio-informatiser le parasite et procéder à son séquençage génétique. Un travail de longue haleine, dont la durée ne peut être estimée à ce jour. ●

Propos recueillis par MICHAEL PAURON

Yémen Saleh, le raïs grillé

Ð Le président, AVANT ET APRÈS

AFP

l’attaque du palais, le 3 juin.

N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

VISAGE NOIRCI, TRAITS BOUFFIS, bras et mains bandés : pour sa première apparition télévisée depuis que l’explosion d’une bombe l’a grièvement brûlé, le 3 juin, dans la mosquée de son palais, Ali Abdallah Saleh n’a paru que l’ombre de lui-même. Une image contrastant avec celle du président qui, sourire carnassier, lunettes noires et costume sombre, fustigeait ses opposants et haranguait ses troupes il y a encore quelques semaines. Convalescent en Arabie saoudite après huit opérations, il ne semble pourtant pas résigné à quitter son poste : « Au défi, je répondrai par le défi », a-t-il mis en garde, tout en se disant prêt au dialogue et à un partage du pouvoir. Une ouverture qui n’a pas dû rassurer ses opposants, habitués aux brusques revirements du raïs, qui dirige le pays depuis trente-trois ans. ● JEUNE AFRIQUE


ILS ONT DIT

«

Armement Alger prêt à dégainer L’EMBELLIE FINANCIÈRE que connaît l’Algérie profite aussi aux vendeurs de canons. Après avoir dépensé près de 12 milliards d’euros en armements et en équipements militaires entre 2006 et 2010, le pays s’apprête à signer avec des groupes allemands un contrat d’achat d’une valeur de 10 milliards d’euros sur dix ans. Le 2 juillet, le Conseil de sécurité allemand a donné son feu vert à ce qui devrait être la plus importante transaction militaire d’Alger avec un pays occidental. Et, aussi, la plus innovante en matière de transfert de technologies. Des véhicules blindés de transport Fuchs seront fournis par le consortium MAN-Daimler-Rheinmetall, d’autres seront construits en Algérie, sur une plateforme industrielle de la région de

19

Les Frères musulmans ont toujours été à la remorque. L’oxygène de la révolution, l’air de la liberté les ont paradoxalement asphyxiés. Je crois qu’ils n’auront pas beaucoup de sièges au Parlement [en septembre]. »

Tiaret (Ouest), via un partenariat entre ce consortium et le ministère de la Défense. ThyssenKrupp a réussi à arracher le fameux marché des frégates au détriment des Fremm français et des Tigres russes. La transaction prévoit une formation en Allemagne pour les personnels navals algériens. Quant à l’européen EADS, il obtient, pour 600 millions d’euros, le marché de la surveillance électronique du territoire. Le système qui intéresse l’armée algérienne est similaire à celui acquis par l’Arabie saoudite et Israël. Cette transaction confirme une tendance lourde : depuis le début des années 2000, l’Algérie fait partie des dix plus gros acheteurs d’armes dans le monde. ●

ALAA EL-ASWANY Écrivain égyptien et cofondateur du mouvement démocratique Kifaya

« Le rôle d’une femme de président est de se tenir derrière lui… Pas devant ! » VLADIMIR POUTINE Premier ministre russe (agacé par l’influence de l’épouse de Dmitri Medvedev, Svetlana)

CHERIF OUAZANI

«

La prolifération des partis xénophobes en Europe a de quoi inquiéter. On ne peut pas arrêter le mouvement migratoire. L’homme n’est pas un arbre avec des racines : il a des pieds et il marche. »

Scrutins présidentiels Les diasporas ont-elles voix au chapitre?

JUAN GOYTISOLO Écrivain espagnol

LES CITOYENS CAMEROUNAIS de la diaspora (près de 4 millions de personnes selon des sources officieuses) pourront-ils bientôt participer aux consultations électorales organisées dans leur pays ? Réunis en session extraordinaire depuis le 6 juillet, les députés examinent un projet de loi visant à leur accorder ce droit, notamment en cas d’élection présidentielle (la prochaine doit se tenir en octobre). Qu’en est-il pour les ressortissants des autres États africains installés à l’étranger ? ● C.J.-Y.

Algérie, Bénin, Burundi, Centrafrique, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée-Conakry, Mali, Mauritanie, Sénégal,Tunisie

Ceux qui ne votent pas Cameroun, Congo-Brazzaville

Ceux qui ne peuvent voter par défaut d’organisation Burkina, Niger, RD Congo

JEUNE AFRIQUE

que ceux qui ont été colonisés veuillent à tout prix conserver la nationalité de leur colonisateur. » BRUNO LÉVY POUR J.A. ; STEPHANE LEMOUTON/ABACAPRESS.COM

Ceux qui votent

« On peut s’étonner

LIONNEL LUCA Député UMP français (hostile à la double nationalité)

« Je veux un ministère des Paysages ! Il y a tant de saccages, de zones industrielles immondes, il est temps de réfléchir à la hauteur de la beauté de la France. » ARIELLE DOMBASLE Actrice et chanteuse française N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011


La semaine de J.A. Les gens

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Hussein Tantawi Gare à vous, maréchal!

AMEL PAIN/REUTERS/POOL

Adulé en février par les Égyptiens pour avoir refusé de réprimer les manifestants, le chef du Conseil suprême des forces armées est aujourd’hui conspué par la rue. Et contesté par une partie de l’armée.

«

L

Recevant ROBERT

GATES, secrétaire e peuple exige la D’originenubienne,l’homme américain chute du maréest connu pour être « un musulà la Défense, chal Tantawi », man très conservateur » attaché le 24 mars. à « la paix confessionnelle » et à scandent les manifestants de la place Al-Tahrir depuis « la paix avec Israël ». La communication avec les journalistes, il laisse à d’autres plusieurs jours. L’union sacrée a laissé généraux le soin de s’en charger. Il ne place à la méfiance. Mohamed Hussein Tantawi, 75 ans, chef du Conseil suprême s’exprime qu’en de rares occasions, prindes forces armées, est en effet jugé rescipalement lors des cérémonies de remise ponsable d’une série d’abus : répression de diplômes de l’Académie militaire. Sous des protestataires, tests de virginité sur les applaudissements de son auditoire, il les manifestantes arrêtées, jugements de se contente généralement de renouveler civils par la justice militaire… sa promesse de transmettre le pouvoir aux « C’est le patron, le seul que les civils, avant de réaffirmer l’attachement gens connaissent », explique Tewfik de l’armée à la révolution. Aclimandos, chercheur au Collège de Tantawi fait partie de ces gens « qui faiFrance. Mais aussi le pilier du Conseil, saient tout pour être sous-estimés », prépuisqu’il est celui qui a le plus d’anciencise Aclimandos. Une discrétion qui lui a neté et le grade le plus élevé, et que « cerpermis de faire une brillante carrière sous tains membres lui doivent leur place », Moubarak. Il est ainsi un des rares généajoute le chercheur. raux à avoir obtenu le grade de maréchal

après avoir gravi les échelons au sein de l’armée de terre. Il a été attaché militaire au Pakistan, chef de la Garde républicaine et enfin commandant en chef des forces arméesetministredelaDéfense,postequ’il occupera près de vingt ans. Sa proximité avecl’ancienrégimeconduitaujourd’huiles manifestants à douter de sa bonne foi. Même au sein de l’armée, Tantawi est loin de faire l’unanimité. Une dizaine d’officiers ont été condamnés le 25 mai à dix ans de prison pour avoir manifesté en uniforme, le 8 avril. Des câbles diplomatiques révélés par WikiLeaks le disent préférer la loyauté aux compétences. « Tantawi a mauvaise réputation au sein de l’armée. S’il ne t’aime pas, il peut ruiner ta carrière avant même qu’elle ne commence », explique l’ancien capitaine Cherif Osman, fondateur de l’association des Officiers pour la révolution, condamné en 2005 à trois ans de prison par contumace pour avoir déserté aux États-Unis. INTENTIONS FLOUES. Mais Tantawi a eu son heure de gloire. Il a notamment fait partie des ministres qui ont ouvertement critiqué la politique de libéralisation économique et la manière dont le régime gérait le dossier de Gaza, rappelle Aclimandos. Et il y a de fortes chances qu’il ait été opposé au plan de succession héréditaire de Gamal Moubarak. Rim Maguid, présentatrice d’une célèbre émission de télévision, retient, elle, que la hiérarchie militaire a pris des risques en refusant de réprimer la révolution. À ce jour, les intentions du maréchal restent floues. « On ne sait toujours pas s’il veut la présidence ou non », explique Tewfik Aclimandos. Tantawi cédera-t-il aux appels de ceux qui, comme le célèbre journaliste et écrivain Mohamed Hassanein Heykal, l’invitent à prendre la tête de l’Égypte en cette difficile période de transition? Ou agira-t-il conformément à une position qu’il avait exprimée en 2009 au sujet du Pakistan : « Un pays où l’armée s’engage dans les affaires internes est condamné à avoir beaucoup de difficultés » ? ● TONY GAMAL GABRIEL

NOMINATIONS

ÉDOUARD BALLADUR RÉVOLUTIONS ARABES L’ex-Premier ministre français a été nommé, le 5 juillet, envoyé spécial du G8 pour le Partenariat de Deauville consacré au soutien aux pays arabes en transition. N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

ZINEDINE ZIDANE FOOTBALL L’ex-capitaine de l’équipe de France de football a été nommé directeur sportif du Real Madrid, son ancien club (2001-2006). JEUNE AFRIQUE


EN HAUSSE

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MOUSS DIOUF

Ngozi Okonjo-Iweala Le retour de la dame de fer Le président du Nigeria l’a choisie pour diriger le ministère des Finances. Un poste qu’elle avait brillamment occupé entre 2003 et 2006.

ALPHA BLONDY ET TIKEN JAH FAKOLY

O

Les deux stars ivoiriennes du reggae se sont réconciliées le 5 juillet, à Paris, par le biais du président Alassane Ouattara, et dirigeront ensemble la Caravane de la paix qui fera le tour de la Côte d’Ivoire.

investissements et la création d’emplois. Le niveau d’économies à faire est alarmant. » Il est vrai que le déficit public a dérapé,passantde763millions d’euros en 2009 à 1,52 milliard en 2011.

SALVA KIIR Officielle depuis le 9 juillet, l’indépendance du Sud-Soudan restera comme le jour de gloire du président du 54e État africain, qui peut se targuer d’avoir fait aboutir - en partie les accords de paix de 2005.

EXPLOIT. Ngozi Okonjo-Iweala

avait déjà occupé le poste de 2003 à 2006, après seize ans passés à la Banque mondiale. Nommée par Obasanjo, elle avait marqué les esprits en redressant les finances publiques et en restaurant la croissance, qui a triplé pour atteindre 6 % en moyenne durant ses trois ans à la tête des Finances. Mais son plus haut fait d’armes a été la renégociation habile de la dette, ramenée de 35 à 5 milliards de dollars, record de la plus forte annulation de dette obtenue par un pays africain. Un titre de gloire qui lui a valu d’être saluée par le Times en 2004 et d’être élue ministre africain des Finances de l’année 2005 par le Financial Times. Formée à Harvard et au MIT, la ministre issue de l’ethnie igbo réussira-t-elle à faire aussi bien ? D’autant qu’elle n’a pas que des amis au Nigeria. Entre 2003 et 2006, elle a lutté pour la transparence fiscale et contre la corruption. Des responsables sont allés en prison. Ils nesontpeut-êtrepas les seuls à ne pas voir d’un bon œil le retour de la dame de fer. ●

EN BAISSE

KHALED La veille de son concert du 5 juillet, à Oran, qui a commencé avec trois heures de retard, le chanteur algérien a qualifié de « pas méchant » la tentative d’avortement forcé que Cheb Mami a fait subir à sa compagne en 2005. GHULAM NABI AZAD Lors d’une conférence sur le sida, le 4 juillet, le ministre indien de la Santé a déclaré que l’homosexualité était une « maladie » venue de l’Occident qui « ne devrait pas exister », avant de se rétracter peu après. RUPERT MURDOCH Le magnat australo-américain des médias a annoncé, le 7 juillet, la fermeture du tabloïd britannique News of the World, éclaboussé par un scandale d’écoutes téléphoniques illégales.

JEAN-MICHEL MEYER JEUNE AFRIQUE

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M L ANTONELLI/REX FEA/REX/SIPA ; AP PHOTO/MANISH SWARUP, WITT/SIPA

ARBEN CELI/REUTERS

r, vert, marron, rouge car min, bleu… Les tenues traditionnelles aux couleurs bigarrées de la Nigériane Ngozi OkonjoIweala, 57 ans, n’illumineront plus les couloirs de la Banque mondiale, à Washington. De retour de mission en Algérie, la directrice générale de l’institution, chargée depuis 2007 de l’Afrique, de l’Europe, de l’Asie duSudetdel’Asiecentrale,aeu un tête-à-tête, le 8 juillet, avec le patron de la banque, Robert Zoellick, pour lui présenter sa démission. Et lui expliquer les raisons de son retour à Abuja. Tous deux s’apprécient et l’Américain sait qu’il perd une pièce maîtresse, une personnalité forte et reconnue sur la scène internationale. Élu le 16 avril dernier, le président de la République du Nigeria, Jonathan Goodluck, a choisi de confier les Finances à Ngozi Okonjo-Iweala. Le 6 juillet, devant les sénateurs, elle est allée droit au but: « Les dépenses courantes atteignent 74 % du budget de l’État. Ce qui pénalise les

CAPMAN/SIPA ; Y. LENQUETE, VINCENT FOURNIER/J.A. ; UN PHOTO/JENNY ROCKETT

Victime de deux attaques cérébrales en 2009, le comédien français d’origine sénégalaise, dont l’état de santé est encore fragile, est sorti de l’hôpital le 6 juillet après une longue rééducation.


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Grand angle

CÔTE D’IVOIRE

Quelle armée pour

Ouattara ? Le nouveau chef de l’État n’a pas le choix. S’il veut rapidement rétablir la paix et la sécurité, il lui faut remettre de l’ordre dans les rangs. Et contraindre les ennemis d’hier à travailler ensemble. PHILIPPE PERDRIX

C

ela sonnait comme un aveu. « Les deux premiers défis que nous devons relever sont, bien évidemment, la sécurité des biens et des personnes ainsi que la consolidation de la paix », a martelé le président ivoirien, Alassane Ouattara, en ouverture du séminaire gouvernemental, le 5 juillet à Abidjan. Le lendemain, le chef de l’État procédait à plusieurs nominations entérinant le rapport de force établi trois mois après la chute de Laurent Gbagbo. L’ancien « patron » des ex-rebelles des Forces nouvelles (FN), le général Soumaïla Bakayoko, avait déjà récupéré les bureaux, au camp Gallieni, du chef d’état-major « sortant », le général Philippe Mangou. À présent, il en a officiellement la fonction, avec comme adjoint le général Detoh Letoh, qui avait rallié, avec ses forces terrestres, Ouattara au début de la bataille d’Abidjan. C’est le premier acte d’une « remise au pas », urgente et impérative, des ●●● « corps habillés ».

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JEUNE AFRIQUE


Ý L’ex-chef rebelle CHÉRIF OUSMANE, alias Papa Guépard (au centre), a pris le contrôle du quartier du Plateau au nom des FRCI. JEUNE AFRIQUE

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EMANUEL EKRA/AP/SIPA

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Côte d’Ivoire

En cause, les hommes en armes paradant ●●● dans Abidjan et sillonnant l’ensemble du pays. D’où qu’ils viennent et quels qu’ils soient… Parmi eux, les militaires de carrière, républicains et disciplinés, ont perdu lamain. Seigneursde guerre, combattants recyclés en chefs de gangs, miliciens ou soldats proOuattara de la 25e heure, eux, règnent en maîtres. Sans les patrouilles de l’Onuci et de Licorne, le pire serait à craindre. Sidéré par une défaite militaire éclair, le gros de la troupe (50 000 hommes) des ex-Forces de défense et de sécurité (FDS) de Gbagbo a déserté. Beaucoup sont partis avec armes et bagages. Dans ces rangs à présent disséminés figurait également la soldatesque de Gbagbo, en partie tribalisée. Elle peut être considérée, aujourd’hui, comme une sorte de cellule dormante potentiellement dangereuse et difficilementrecyclable.Exilspourlesuns,poursuites judiciaires ou allégeances forcées pour les autres… La matrice de l’ancienne armée a, de fait, disparu. IMPUNITÉ. En face, les Forces républicaines de Côte

d’Ivoire (FRCI), créées par Alassane Ouattara avant l’assaut final sur Abidjan sur la base des ex-rebelles, sontincapables,pourl’instant,dejustifierleurappellation, rongées de l’intérieur par l’indiscipline et un défaut de commandement sur lesquels prospèrent les fameux comzones. Ils ont fait la loi dans le nord du pays depuis 2002. Ils dupliquent, sans vergogne et sans entrave, à Abidjan leurs méthodes qui n’ont rien à voir avec le bréviaire du parfait soldat. « Je voudrais souligner l’importance de la restauration rapide de l’état de droit », a déclaré, le 30 juin, lors d’une conférence de presse, le représentant spécial de l’ONU en Côte d’Ivoire, Choi Young-jin. Voilà pour la déclaration publique. « Pour Ouattara, c’est l’heure de vérité. On va voir s’il est vraiment capable de leadership », tranche un responsable de l’Onuci, qui vient d’installer huit nouvelles bases dans l’Ouest, particulièrement meurtri par les violences postélectorales. Le massacre de Duékoué a livré une bonne part de sa vérité. Mais le sentiment d’impunité demeure. « Les FRCI continuent de sous-traiter l’ordre public aux guerriers dozos, qui établissent des barrages et rackettent les populations », ajoute cet interlocuteur. « Tout le monde a des hommes en armes, mais personne n’a d’armée », résume un Ivoirien qui travaille à la mise en place de la Commission pour le dialogue, la vérité et la réconciliation. La seule ambition de ce fonctionnaire est de retrouver cette « terre d’espérance » et ce « pays de l’hospitalité » chantés dans l’hymne national. En attendant, il se souvient, tout tremblant, de l’arrivée dans son bureau de deux molosses venus capturer un collègue de travail. Ce dernier, victime d’un règlement de compte, n’a dû son salut qu’à l’intervention de hautes personnalités et à la magnanimité d’un comzone, dépêché sur place pour récupérer ses deux sbires. ● N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

Revue de troupe(s)

L’intégration des ex-FDS de Gbagbo au sein des FRCI de Ouattara est en préparation. Commandement, effectif, appellation, budget… Tout est à revoir. ANDRÉ SILVER KONAN

L

ejeudi17mars2011resteraplus tard, l’offensive sur Abidjan est lancée, et, le 11 avril, Laurent t-il une date clé dans l’histoire de l’armée ivoirienne? Gbagbo tombe. Maistrèsvitelasinistreréputation Ce jour-là, une ordonnance d’Alassane Ouattara, alors claquedes éléments pro-Gbagbo s’étend muré au Golf Hôtel, donne naisaux FRCI, en réalité composées à sance aux Forces républicaines 99 % d’ex-FAFN, malgré le ralliede Côte d’Ivoire (FRCI). Objectif : ment de plusieurs soldats et offifusionner les deux armées ennemies, Renvoyer dans les casernes les Forces armées des hommes habitués à faire des Forces nouvelles la loi dans la rue. (FAFN, ex-rebelles) et les transfuges des ciers des FDS. Violation des droits Forces de défense et de sécurité (FDS,pro-Gbagbo).Leprésidentélu de l’homme, exactions à caractère annonce que cette nouvelle entité ethnique, exécutions sommaires… sera « dirigée par un chef d’étatAutant de crimes dénoncés par major général, secondé par un chef Amnesty International, Human d’état-major général adjoint ». La Rights Watch ou la commission machine paraît bien huilée, la d’enquête de l’ONU. « Le problème stratégie est payante. Onze jours des FRCI est qu’elles fonctionnent JEUNE AFRIQUE


Quelle armée pour Ouattara ?

DING HAITAO/XINHUA/SIPA

Ý Camp de la Garde républicaine, le 24 mai. Des COMBATTANTS VOLONTAIRES sont formés pour intégrer la nouvelle armée.

sur le modèle des FAFN. À Abidjan comme à l’intérieur du pays, chaque commandant autoproclamé est le président de son secteur. Il n’obéit pas toujours aux ordres de la hiérarchie… quand ceux-ci lui parviennent », explique un officier supérieur des ex-FDS. RETOUR À L’ORTHODOXIE. Les nominations (voir p. 22) au sein de l’état-major, le 6 juillet, ne sont que les prémices d’une refonte de l’armée qui est loin d’être achevée. En juin, un séminaire réunissant tous les galonnés, à Grand-Bassam, a toutefois permis de fixer les grandes lignes de la chaîne de commandement au sein des forces de sécurité: la police doit être commandée par un directeur général, la gendarmerie par un commandant supérieur et l’armée par un chef d’état-major. Les trois corps doivent être autonomes. La police et la gendarmerie seront placées sous l’autorité d’un ministre chargé de la Sécurité, et l’armée sous celle du ministre de la Défense. « C’est le retour à l’orthodoxie », précise le capitaine Raoul Alla Kouakou, porte-parole militaire JEUNE AFRIQUE

du Premier ministre et ministre de la Défense, Guillaume Soro. Autre inconnue : le nom de la future armée. « De nombreux officiers sont favorables à l’appellation originelle, à savoir les Fanci [Forces armées nationales de Côte d’Ivoire,NDLR]»,indiqueunancien des FAFN. Quid des ressources ? Le montant inscrit au budget du ministère de la Défense s’élève à 152 milliards de F CFA (231,7 millions d’euros). La note est payée par l’État et par « des appuis extérieurs, notamment la Banque mondiale, danslecadred’unprogrammed’appui postconflit, les Nations unies et l’Union européenne », confie Paul Koffi Koffi, ministre délégué à la Défense. REDRESSEMENT DES GRADES.

donne un total de 24 000 hommes, ce qui n’est pas sans poser un problème de sureffectif au regard de la faiblesse des infrastructures, de nombreuses casernes militaires étant hors d’usage. Àl’inverse,lesquelque20000jeunes qui ont pris les armes, dans le Nord comme dans le Sud, doivent retourner à la vie civile. Le recensement de ceux-ci, sur toute l’étendue du territoire, est assuré par le Programme national de réinsertion et de réhabilitation communautaire (PNRRC). La question des grades –souventfantaisistes–devraitquant à elle être tranchée par le comité dit de redressement des grades, créé par Ouattara le 14 juin et à la tête duquel le président a placé les généraux Mangou, Bakayoko et Kassaraté Tiapé, assistés des généraux à la retraite Abdoulaye Coulibaly (homme de confiance de Ouattara), Mathias Doué (exchef d’état-major sous Gbagbo) et Joseph Ehueni Tanny (proche d’Henri Konan Bédié). Reste l’épineuse question de la cohabitation des éléments de deux forces auparavant ennemies. Un projet pilote est expérimenté au camp policier de la brigade antiémeute de Yopougon, transformé en camp militaire par le comzone Ousmane Coulibaly, dit Ben Laden. Les hommes de ce dernier, venus tout droit d’Odienné (Nord-Ouest), y vivent en bonne intelligence avec les ex-miliciens pro-Gbagbo.

L’effectif aussi est à définir. Les exComposition FDS comptaient 17000 gendarmes, de la future 13000 militaires et 19000 policiers, armée auxquels il convient d’ajouter les 10 000 supplétifs recrutés par le régime Gbagbo. Le quatrième accord complémentaire de hommes, Ouagadougou, signé le 22 décemsoit bre 2008 par Laurent Gbagbo et Guillaume Soro, prévoyait l’entrée dansl’arméede5000membresdes FAFN, et de 4 000 autres dans la gendarmerieetlapolice.Auterme du séminaire de Grand-Bassam, les chiffres ont été revus à la hausse : FRÈRES D’ARMES ? « Nous en plus des 13 000 militaires des sommes membres à part ex-FDS – systématiquement entière des FRCI. À ce titre, reversés dans la nouvelle nous avons combattu côte à ex-FDS armée –, 8 700 éléments côte avec nos frères d’armes issus de l’ex-rébellion, des ex-FAFN et des ex-FDS pour libérer Yopougon des ainsi que 2300 volontaires–comprenantaussi mercenaires », se réjouit Zolet bien des miliciens Assan, ex-chef des Forces d’inex-FAFN pro-Gbagbo raltervention rapide maritime et liés aux FRCI que terrestre (milice pro-Gbagbo de des combattants Yopougon) et actuel instructeur du « commando FRCI. De même, le « maréchal » invisible » ou du Eugène Djué, ancien chef de ● ● ● combattants « bataillon mystivolontaires que », pro-Ouattara – seront hommes intégrés aux retournent à la vie civile troupes. Cela

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Grand angle

Côte d’Ivoire

● ● ● l’Union des patriotes pour la libération totale de la Côte d’Ivoire, dont l’allégeance à Ouattara, quelques heures après la chute de Gbagbo, a été déterminante dans le ralliement des patriotes et des miliciens, est « l’officier de liaison » entre les nouvelles autorités et les ex-combattants pro-Gbagbo. Pourtant, le feu de l’inimitié couve.Enattestel’incidentrécentde Yopougon, qui a causé la mort par balle d’un civil. Le 22 juin, les FRCI du commissariat du 19e arrondissement de Yopougon-Toits rouges et les gendarmes de l’escadron du même quartier se sont expliqués à

l’armeautomatique.«Mêmesinous soutenons le président Ouattara, nous n’avons pas oublié que des gendarmes et des membres de leurs familles, tous désarmés, ont été tués à Bouaké au début de la rébellion », lâche un gendarme qui a été sur le front ouest pendant plusieurs années. Dans un contexte où l’impunité a été jusque-là la règle, les rancœurs ne s’effacent pas du jour au lendemain. L’intellectuel Bernard Zadi Zaourou, membre de l’Académie des sciences, des arts et des cultures d’Afriqueetdesdiasporasafricaines, prévient : « Depuis 1999, l’armée

ivoirienne est hors des casernes. Elle déborde l’État, commande au politique et traumatise le peuple. Ce péril, l’ancien régime n’a pu l’identifier ni en faire sa priorité des priorités. Il en est mort. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, disons-le tout net: le régime de l’actuel prince régnant risque de subir le même sort que celui auquel il a succédé s’il commet lamême erreur et ne prend pas la juste mesure de ce péril. » On l’a compris: Ouattara seranotammentjugésursacapacité à renvoyer dans les casernes des hommes en armes habitués à faire la loi dans la rue. ●

Les comzones, maîtres d’Abidjan Les ex-chefs rebelles se sont réparti la ville comme un butin de guerre. Racket, barrages, règlements de comptes… Autant de techniques éprouvées dans le Nord depuis huit ans. BAUDELAIRE MIEU,

L

à Abidjan

a lune de fiel a succédé très vite – en moins de trois mois – à la lune de miel dans les rapports entre la population et les chefs de guerre de l’ex-rébellion des Forces nouvelles (FN), aujourd’hui estampillés Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI). Il ne se passe plus un jour sans que la presse locale ne dénonce les méfaits et exactions commis par ces hommes armés qui règnent en maîtres dans le pays. La population est fatiguée. Ceux qui ont « libéré » Abidjan de l’entêtement de Laurent Gbagbo sont à présent des « prédateurs ». Profitant de l’affaiblissement des ex-Forces de défense et de sécurité (FDS, pro-Gbagbo), ils ont fait de la capitale économique leur butin de guerre. La ville a été « dépecée » en plusieurs zones autonomes ou encore en groupements dits tactiques. Issiaka Ouattara, alias Wattao, ex-chef d’état-major adjoint des FN, a mis sous sa coupe les très rentables quartiers sud – où sont situés le Port autonome d’Abidjan (PAA) ainsi que de nombreuses N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

d’abord installé à l’état-major des armées, au camp Gallieni, où il dormait sur un lit militaire, avant d’emménager chez l’ancien directeur du port, Marcel Gossio. Cinq autres comzones, Morou Ouattara, Koné Zakaria, Hervé Touré, Ousmane Coulibaly et Gaoussou Koné, se partagent les autres quartiers de la ville. « Après la chute de Gbagbo, dans le chaos et le désordre qui régnaient, il fallait diviser Abidjan

entreprises – et a élu domicile en Zone 4. Chérif Ousmane, alias Papa Guépard, commandant de zone à Bouaké (Centre), a quant à lui pris le contrôle des communes du Plateau et d’Adjamé. Il s’est

Partage de territoire ABOBO

Issiaka Ouattara, alias Wattao Chérif Ousmane, alias Papa Guépard ADJAMÉ

Morou Ouattara, alias commando Atchiengué

COCODY YOPOUGON

LE PLATEAU

Ousmane Coulibaly, alias Ben Laden

TREICHVILLE

PETIT-BASSAM

0

2

4 km

MARCORY

KOUMASSI

AX EA BID JA PORT-BOUËT N-N OÉ

Gaoussou Koné, alias Jah Gao Koné Zakaria, alias Zakis Hervé Touré, alias Vetcho

JEUNE AFRIQUE


Quelle armée pour Ouattara ?

CAROLINE POIRON/FEDEPHOTO

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pour mieux le sécuriser », justifie le commandant Wattao. Sécuriser ? Cela reste à démonter. Rançonner les Abidjanais ? Certainement… De fait, devant certains commerces et administrations, les vigiles des sociétés privées de sécurité ont été remplacés par les hommes des comzones, qui perçoivent des taxes de passage. Plusieurs chefs ont mis en place des filières clandestines très organisées, qui ont permis de faire sortir du pays certains pontes de l’ex-pouvoir, ou d’assurer leur protection à Abidjan, en échange de fortes rémunérations qui oscillent entre 5 millions et 50 millions de F CFA (entre 7 600 et 76 000 euros). « Ils font la loi et la justice à leur manière. Un comzone ne s’est même pas gêné pour ordonner à un magistrat de prendre une décision en faveur de son protégé. Il faut que ça cesse », proteste un chef d’entreprise. « Chaque comzone est à son compte et dispose de JEUNE AFRIQUE

Dans les rues d’Abidjan, des hommes en armes font la CHASSE AUX PILLARDS, pour assurer la « sécurité » de la population.

ses hommes [environ 350, NDLR] pour vivre sur la bête », dénonce un fonctionnaire. Racket, barrages, saisies de véhicules et de maisons, règlements de comptes… Les techniques ont été éprouvées dans le Nord depuis 2002. À cela s’ajoutent les bagarres et luttes de territoire entre ces armées de pillards et les « mobilisés d’Abidjan », ces milliers de volontaires qui ont pris les armes, au plus fort de la crise, au sein de milices comme le « commando invisible ». RECYCLAGE. Interpellés régu-

lièrement, le président Alassane Ouattara et son Premier ministre Guillaume Soro, qui disposent d’une montagne de dossiers sur les agissements des comzones, promettent de régler le problème. Le chef du gouvernement n’a pas hésité à descendre sur le terrain

pour mettre de l’ordre. En vain. En juin, Ouattara a reçu individuellement chacun des chefs de guerre. Son objectif : démanteler en douceur le système, en recyclant les comzones dans l’administration, l’armée et la sécurité privée. Une solution préconisée par le conseiller militaire français, Marc Paitier, chargé de la

« Chaque comzone est à son compte et dispose de ses hommes pour vivre sur la bête. » UN FONCTIONNAIRE

restructuration de l’armée. Une exception : ceux qui seront « cités » dans l’enquête de la Cour pénale internationale ou dans celle menée par les autorités ivoiriennes sur les crimes de sang. La liste pourrait être longue. Le chef de l’Onuci, Choi Young-jin, s’apprête à remettre aux Nations unies un rapport accablant. ● N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011


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Ý Depuis le 14 avril, LE CHEF D’ÉTAT DÉCHU est détenu dans la résidence présidentielle, sur les hauteurs de la ville.

l’avenir du pays », promet-il, ponctuant ses phrases de « Inch’Allah » convaincus.

SIA KAMBOU/AFP

UN « INVITÉ » DE MARQUE.

À Korhogo, l’adieu aux armes Dans la ville du Nord, bastion de Ouattara et geôle de Gbagbo, l’heure est officiellement à la réconciliation. Reportage.

MALIKA GROGA-BADA,

U

envoyée spéciale

n ciel bleu qui s’étend à perte de vue. Une large piste en latérite, cahotanteàsouhait.Desagriculteurs sur le chemin du retour… Et, soudain, un check-point : deux piquets de bois plantés de part et d’autre de la voie, une cordelette tendue entre les deux. Quittant son abri de branchages, le soldat-dozo de faction s’approche du véhicule. Bardé de grigris, fusil de chasse en bandoulière, le chasseur traditionnel scrute attentivement chaque visage, avant de marmonner une phrase que l’on interprète comme un « vous pouvez y aller ». Bienvenue à Korhogo, capitale de la région des Savanes, base arrière des Forces nouvelles (FN), l’exrébellion armée. Six cent trentetrois kilomètres séparent la « cité du Poro » d’Abidjan. Autant dire tout un monde. Ici, les superstitions ont la dent dure, et on ne rigole pas avec ces chasseurs à qui l’on attribue de grands pouvoirs mystiques. Ils veillent sur Korhogo depuis le début de la rébellion, en 2002, et d’aucuns disent que leurs potions et bénédictions sont à la base de la victoire d’Alassane Ouattara (ADO). Korhogo est chargé d’une histoire faite d’actes de bravoure et de légendes. C’est aussi une ville N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

stratégique, porte de passage vers le Burkina et le Mali voisins. Comme tous les carrefours, elle est grouillante, colorée, bruyante, commerçante. Le carburant vient du Burkina, les deux-roues chinois qui ont envahi la ville transitent par le Togo, les boissons gazeuses sont importées du Mali, de même que le riz et bien d’autres céréales… avec une plus-value substantielle depuis que les douanes sont assurées par les FN.

Derrière les discours convenus, les rancœurs sont là, tenaces, ancrées. Cependant, pour rien au monde Chérif El Ouazani ne ferait marche arrière. Le restaurateur marocain et toute sa famille se sont installés à Korhogo en décembre 2002, alors que le « bruit des rafales résonnait encore ». « Mes amis d’Abidjan me prenaient pour un fou : m’installer dans une région où il y a des rebelles… », se souvient-il. Neuf ans plus tard, il est encore là, propriétaire de trois restaurants très fréquentés, dont le Bokadios où se côtoient cadres des FN et habitants lambda. « Il n’y a pas de doute : la Côte d’Ivoire va se relever et Korhogo sera très important pour

L’actualité récente s’est chargée de mettre la cité sénoufo en première ligne. C’est là, dans la résidence présidentielle située sur les hauteurs de la ville, qu’est détenu, depuis le 14 avril, Laurent Gbagbo. Des rondins de bois bloquent la circulation tout autour de la propriété, et ni les hauts murs ni la végétation luxuriante ne permettent de voir ce qui s’y passe. Passés les premiers jours d’excitation qui ont suivi l’arrivée de l’ex-chef d’État, les Korhogolais ont fini par se lasser du mystère, et plus personne ne se préoccupe de cet invité de marque. « Au mieux, il est l’objet de plaisanteries sur le sens de l’hospitalité du peuple sénoufo qu’il a tant détesté », lance Soro Kanigui Mamadou, délégué des FN de Korhogo, qui se refuse à communiquer toute information sur les conditions de détention de l’ancien président. Madame Rumeur fait moins de manières: elle a de nombreuses fois aperçu le président dans la voiture du commandant de zone Fofié Kouakou Martin, à la nuit tombée, ou dans une boîte de nuit de la ville, en charmante compagnie. ADO, LE FILS DE LA RÉGION. « La

politique nous a divisés, mais on se connaît tous, nous sommes de la même famille. On ne peut pas se déchirer indéfiniment », philosophe Éric Ouattara, directeur de campagne d’ADO chargé de la jeunesse lors de la présidentielle. En tant que président de l’Union de la jeunesse communale, il a aussi activement œuvré au retour des « LMPistes », les partisans de Gbagbo, témoigne l’un d’entre eux, Moussa Silué, qui a payé cher son soutien au parti au pouvoir de l’époque. Représentant de La Majorité présidentielle (LMP), soupçonné d’acheter des voix pour JEUNE AFRIQUE


Quelle armée pour Ouattara ? mais répond volontiers aux sollicitations de ses concitoyens. Lorsqu’il est question de lui, chaque Korhogolais se mue volontiers en griot. « Il a réparé les éclairages publics », « il nourrit de sa poche les jeunes démobilisés », « grâce à lui, nos rues sont plus sûres »… Même le préfet de région y va de son compliment : « Notre collaboration est des plus efficaces. »

chez un Sénoufo », martèle Kafana, derrière le comptoir de son kiosque à café. « Même quand tu es pauvre, il faut montrer un bon visage aux étrangers. » L’adage est profondé-

RÉINSERTION. Dans la contrée, les

SIA KAMBOU/AFP

le compte de son candidat, il a été roué de coups. « Grâce à Éric, je suis rentré sans problème, j’ai retrouvé mon travail et ma maison… Mais je sens bien que quelque chose est cassé », dit-il. Car derrière les discours convenus, les rancœurs sont là, tenaces, ancrées. Le jeune Ouattara, casquette vissée sur le crâne, regard pénétrant, ne se lasse pas de pourfendre l’ancien pouvoir et sa « haine envers les gens du Nord ». La « cité du Poro » attend beaucoup d’ADO, le fils de la région, qui y a fait des scores staliniens lors de la présidentielle. Tout est à faire ou à refaire. « Pendant la crise, à plusieurs reprises, le maire Amadou Gon Coulibaly a payé des dépenses de sa propre poche, raconte son adjoint Lanciné Koné. À présent, nous serons ravis de passer le relais à l’État. » Le réseau routier s’est tellement dégradé qu’il ne faut plus une heure mais deux pour relier Korhogo à Ferkessédougou (55 km). Les 2 millions d’habitants de la région des Savanes attendent toujours leur adduction au réseau hydraulique : l’Union européenne (UE) avait fait le plus dur, investissant 4 milliards de F CFA (6,1 millions d’euros) pour le raccordement au fleuve Bandama. La participation de 500 millions de F CFA promise par Laurent Gbagbo en 2009, elle, est toujours en attente. Quant au Centre hospitalier régional (CHR), il n’a tenu que par les largesses de l’UE et de la Croix-Rouge jusqu’en 2007. Depuis, les actes médicaux sont exécutés… moyennant finances. « 1 000 F CFA la consultation, 5000 F CFA l’accouchement,c’estbeaucoupdemander aux populations d’ici », reconnaît le docteur Jules Kra Yao, directeur du CHR. Malgré la misère, Korhogo reste digne. « C’est le plus important

Le comzone FOFIÉ KOUAKOU MARTIN jouit d’une bonne réputation, même si son enrichissement soudain laisse perplexe.

ment ancré. Du grand marché au quartier Gbon en passant par la rue des Banques, la ville est propre, les bâtiments publics entretenus. Ni impacts de balles sur les bâtiments ni bâtisses calcinées, en dehors de quelques domiciles vandalisés, à l’instar de celui de l’ex-ministre Lanciné Gon Coulibaly, descendant du fondateur de la cité et proche du président déchu. « Tout cela, c’est grâce au comzone, explique fièrement Kafana. C’est vraiment quelqu’un qui aime Korhogo et les Korhogolais. » Fofié Kouakou Martin est commandant de la Compagnie territoriale de Korhogo depuis 2005. Ce militaire taiseux fuit la presse,

sanctions onusiennes qui pèsent sur les comzones, accusés de violations des droits de l’homme, ont bien peu de portée. Et personne n’évoque à voix haute l’enrichissement de Fofié Kouakou Martin depuis sa prise de fonctions. Même si, dans le secret des chaumières, les supputations vont bon train à chaque fois qu’un immeuble surgit de terre ou qu’une affaire ouvre ses portes. « On ne regarde pas dans la bouche de celui qui grille des arachides », ironise-t-on en ville. Dans une Peugeot qui a connu des jours meilleurs, cinq hommes en armes patrouillent. Depuis la fin du conflit, l’avenir des combattants et des démobilisés revient régulièrement dans les conversations. Si les premiers, au nombre de 500, sont sûrs de trouver une place dans l’armée, les 1 000 autres attendent toujours d’être pris en charge par le Programme national de réinsertion et de réhabilitation communautaire (PNRRC). « Ils se débrouillent comme ils peuvent, certains sont retournés aux champs, d’autres ont monté de petites activités : menuiserie, taxis-motos… » explique Éric Ouattara. « C’est une question que les autorités doivent prendre au sérieux, analyse Mack Dakota, un correspondant de presse local. Le chômage des jeunes conduit à tous les extrêmes. » Encore plus quand ils savent tenir une arme. ●

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Afrique subsaharienne

CAMEROUN

Le grand

footoir Des joueurs égocentriques et surpayés, une fédération opaque, des ingérences politiques… Les Lions indomptables sont à deux doigts de ne pas se qualifier pour la Coupe d’Afrique des nations 2012. Enquête sur un désastre national.

GEORGES DOUGUELI

U

ne Coupe d’Afrique des nations (CAN) sans le Cameroun ? Impensable il y a encore quelques mois. Et pourtant : à deux journées de la fin des qualifications, la sélection nationale est plus proche de l’élimination que de se rendre au Gabon et en Guinée équatoriale, pays coorganisateurs de la compétition en janvier 2012. Avec seulement cinq points en quatre matchs, les Camerounais sont loin des Sénégalais, leaders du groupe E avec dix points. Dos au mur, le Cameroun doit impérativement remporter ses deux derniers matchs en septembre et octobre prochains, contre l’île Maurice et la RD Congo. Ailleurs, cette non-qualification serait traitée comme un banal déboire sportif. Pas au Cameroun, ce pays qui a osé affubler ses Lions (surnom de la sélection nationale) du qualificatif – très lourd à porter – d’« indomptables », comme pour s’interdire la défaite. Et la magie a opéré pendant quelques décennies : quatre fois vainqueur de la CAN, six fois qualifié pour la Coupe du monde, médaillé d’or aux Jeux olympiques de Sidney… Des victoires successives qui ont forgé, au fil des ans, un orgueil national exacerbé et une étonnante confiance en soi largement partagée. Ce pays-mosaïque de 250 ethnies, où cohabitent musulmans, animistes et chrétiens, de langue anglophone ou francophone, s’est retrouvé autour d’une passion commune pour le ballon rond. Voici les Lions érigés en symbole national, au point que personne n’oserait leur contester le statut de « meilleurs ambassadeurs du Cameroun » à N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

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millions d’euros

C’est la somme que la Fifa a versée à la Fecafoot en 2010 pour sa participation au Mondial

l’étranger. Le fighting spirit, la combativité camerounaise ? C’est l’ancien défenseur Rigobert Song qui l’incarne, lui qui détient encore le record du nombre de sélections en équipe nationale, bien plus que le virulent pamphlétaire Mongo Beti. Sauf que les Lions indomptables ne gagnent plus. En dépit de la présence dans leurs rangs de plusieurs joueurs de haut niveau. Les critiques pleuvent et n’épargnent ni les joueurs ni même les politiques. On reproche à l’État de ne pas avoir assez investi dans la construction des infrastructures : trente-neuf ans après avoir organisé l’unique CAN de son histoire, le pays ne possède que trois stades vétustes. Aucun club n’a remporté le moindre trophée africain depuis 1981 ! Le football des jeunes, les ligues féminines, l’arbitrage sont mal en point… AU-DESSUS DES LOIS. Les politiques, qui se

sont toujours servis de l’image de la sélection, ont dû revoir leurs stratégies en vue de l’élection JEUNE AFRIQUE


ALESSANDRO BIANCHI/REUTERS

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présidentielle d’octobre. Ils n’ont plus rien à gagner à associer leur image à celle d’une équipe qui perd. Comment séduire l’électeur qui se cache derrière le supporteur si les slogans qui exaltent le patriotisme sonnent creux ? Adieu au dérivatif le plus efficace de ces quarante dernières années… « Le football, comme la religion, est un exutoire à la misère d’une grande partie des gens, explique Jean-Lambert Nang, ancien patron du service des sports de la Cameroon Radio Television (CRTV). Les stades sont des cathédrales où l’on se rassemble pour exorciser les souffrances du quotidien et, aussi, pour tuer le temps. » En trois ans, cinq sélectionneurs se sont succédé sans opérer de miracle. L’implication du président Paul Biya dans le recrutement de Paul Le Guen (qui a démissionné en juillet 2010) n’a pas protégé le Français des intrigues et des immixtions du ministère de tutelle. Plusieurs replâtrages effectués dans la nomenclature administrative n’ont pas enrayé la chute. « Ce qui frustre plus encore JEUNE AFRIQUE

QUATRE SACRES CONTINENTAUX, UN TITRE OLYMPIQUE… Mais la sélection nationale (ici lors du Mondial 2010) ne gagne plus.

les Camerounais, c’est l’apparente impuissance des hautes instances à demander des comptes aux responsables ou à les déchoir de leur fonction, s’insurge un ancien cadre de la Fédération camerounaise de football, la Fecafoot. Comme si la fédération était au-dessus des lois et ses dirigeants protégés par une mystérieuse immunité. » « Ce n’est qu’une mauvaise passe », relativise Mohammed Iya, président de la Fecafoot depuis 1998. Selon ses détracteurs, ce baron peul originaire de Garoua (Nord) a placé ses proches aux postes clés, verrouillant l’association. Au sein de la Fecafoot, plusieurs responsables fédéraux ont des intérêts dans les clubs locaux. Dans ce panier de crabes, retraits de points arbitraires, rétrogradations controversées et sanctions financières contestées entretiennent de solides inimitiés. « Depuis 1990, l’État a investi près de 100 milliards de F CFA [environ 150 millions d’euros, NDLR] N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011


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Afrique subsaharienne dans les différentes campagnes internationales des Lions indomptables. Tous les quatre ans, la Fecafoot signe pour plus de 11 milliards de F CFA avec des sponsors, auxquels s’ajoutent les primes de participation à la Coupe du monde [5 millions d’euros ont été versés par la Fifa en 2010, NDLR]. Que fait-on de tout cet argent ? » s’interroge un ancien directeur général de la fédération. « Les comptes de la fédération font l’objet d’un contrôle annuel, et les commissaires aux comptes n’ont jamais hésité à les approuver », se défend Mohammed Iya. On lui reproche également de gérer l’association à mi-temps. Cumulard, il dirige la Société de développement du coton (Sodecoton), importante compagnie publique, qui a produit 161 900 tonnes de coton-graine entre 2010 et 2011. GUERRES DE VESTIAIRE. Mais, pour Mohammed

Iya, pas question de démissionner après les mauvais résultats du Mondial sud-africain (le Cameroun a été éliminé dès le premier tour, en juillet 2010). La catastrophe, dit-il, est à mettre sur le compte de « problèmes de vestiaire, d’humeur, d’incompatibilité entre les joueurs et parfois entre le staff technique et les joueurs ». Et il n’est pas le seul à décrire des footballeurs surpayés à l’ego surdimensionné. Il est vrai que cette compétition a révélé les travers du sport roi camerounais. Minée par des luttes de clans, la sélection nationale était loin de constituer une équipe. Les dieux des stades se détestaient cordialement : « Un conflit à peine feutré opposait les amis d’Alexandre et Rigobert Song à ceux de Samuel Eto’o, raconte un cadre administratif du groupe. Alexandre, neveu de l’ex-capitaine Rigobert, était en colère parce qu’il estimait que son oncle, bien que vieillissant et

Samuel Eto’o et Alexandre Song, figures centrales des DEUX PRINCIPAUX CLANS QUI DÉCHIRENT LA SÉLECTION.

ETO’O EN FAIT-IL TROP ? QUATRE FOIS BALLON D’OR AFRICAIN, trois fois vainqueur de la Ligue des champions européenne, meilleur buteur de la Liga espagnole… À 30 ans, l’attaquant de l’Inter Milan est le joueur le plus titré du continent. Avec des revenus d’environ 13 millions d’euros par an, Samuel Eto’o est aussi l’un des footballeurs les mieux payés au monde.Tantôt souriant, généreux, spontané, tantôt colérique, narcissique et susceptible, il est à la fois haï et adulé. En mai 2008, il donne un coup de tête à un journaliste camerounais qui lui a déplu. En mars dernier, il promet d’en faire licencier un autre. En 2009, à peine nommé capitaine des Lions indomptables, il offre à chacun de ses vingt-deux coéquipiers une montre modestement signée de sa marque, Eto’o World, d’une valeur de 33 000 euros. Manque de chance, cette générosité savamment orchestrée et médiatisée a produit l’effet inverse : certains lui tiennent tête dans le seul but de démentir toute allégeance ! Dernier coup d’éclat : en juin, à Yaoundé, sous les yeux de milliers de spectateurs médusés, il conteste le remplacement de l’un de ses coéquipiers, décidé par G.D. l’entraîneur Javier Clemente. Capricieux Samuel Eto’o ? ● N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

relégué sur le banc de touche, était poussé vers la sortie sans égard pour ses 137 sélections. » Comme Song, d’autres anti-Eto’o du banc de touche hurlaient au favoritisme, reprochant au sélectionneur d’être manipulé par l’attaquant de l’Inter Milan. LES « MÉTIS » FONT BANDE À PART. D’autres groupes se sont constitués par affinité ou communauté d’intérêts, à l’instar du clan des « métis », qui comptait Joël Matip, Éric Choupo-Moting, binationaux nés en Allemagne, le Franco-Camerounais Benoît Assou-Ekotto, mais aussi Sébastien Bassong,

En trois ans, cinq sélectionneurs se sont succédé sans opérer de miracle. considéré comme étranger parce que né en France. Ce groupe se disait marginalisé et a fait bande à part. « Ceux-là viennent d’ailleurs et ne comprennent pas la mentalité camerounaise », commente un journaliste. D’interminables réunions officielles succédaient aux conciliabules nocturnes dans les chambres des joueurs. Rien à faire, ceux-ci n’étaient plus concentrés sur leurs JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne

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CONFIDENCES DE | Joseph-Antoine Bell

« Le talent ne suffit pas, il faut de la discipline » Ð Ancien gardien de but à l’Olympique de Marseille et aux Girondins de Bordeaux

Ð Il a publié, mi-juin, une autobiographie intitulée

objectifs. « En d’autres temps, les footballeurs avaient le patriotisme chevillé au corps. L’esprit d’équipe était la règle d’or, estime Nang. En dépit de personnalités de la trempe de Thomas Nkono, Roger Milla ou Théophile Abega, ils n’ont jamais écrasé les autres par leur talent individuel ou leur réussite en club. » Un an après la Coupe du monde, les belligérants n’ont pas désarmé. Le 4 juin dernier, avant un match contre le Sénégal, Alexandre Song, qui n’a plus été sélectionné depuis le retour d’Afrique du Sud, refuse de serrer la main d’Eto’o. L’affaire s’est finie devant une commission de discipline, dont les sanctions – légères – n’ont pas ramené les deux footballeurs à de meilleurs sentiments. « Ils ont été rattrapés par les problèmes de la société », diagnostique l’ancien gardien de but Joseph-Antoine Bell. Le foot, explique-t-il, souffre lui aussi d’une absence de discipline, de rigueur, et de la corruption (voir interview ci-contre). Le gouvernement a engagé une réforme en organisant, en novembre 2010, des états généraux du football. Début juillet, le ministre des Sports, Michel Zoah, a soumis à l’examen de l’Assemblée nationale la nouvelle charte des sports, tandis que des textes organisant la Ligue nationale ont été adoptés. Selon Mohammed Iya, la mise sur pied du football professionnel est imminente. Mais la pente risque d’être dure à remonter. ● JEUNE AFRIQUE

JEUNE AFRIQUE : Pourquoi le Cameroun ne gagne-t-il plus ? JOSEPH-ANTOINE BELL : Je crains que la véritable raison de la crise actuelle ne se trouve dans l’incompétence des dirigeants du football. Ils n’ont probablement jamais su pourquoi la sélection gagnait et n’ont pas la volonté de comprendre pourquoi elle perd en ce moment. Cette incompétence, je la dénonce depuis plus de vingt ans et à chaque fois j’ai subi des attaques personnelles en représailles. Il y a pourtant plusieurs joueurs de haut niveau… Pour rester au sommet, il faut réfléchir, s’adapter. Les autres pays l’ont fait : ils ont travaillé, nous ont rattrapés et distancés. Regardez ce qu’a réussi à faire la Côte d’Ivoire…Tel qu’il se pratiquait avant, le football ne laissait pas une grande place à l’organisation. Il n’y avait que le talent des joueurs pour faire la différence. Aujourd’hui, cela ne suffit plus. Une équipe désorganisée, indisciplinée et peu rigoureuse finira toujours par se laisser distancer.

a mis de l’ordre après le scandale de Knysna [lors du Mondial en Afrique du Sud, NDLR], et ce en dépit des gesticulations de la Fifa. Chez nous, rien ne s’est passé, comme si l’État était complice de l’incompétence de la fédération camerounaise. On pointe aussi les caprices de footballeurs millionnaires en euros… Cela n’a rien à voir. L’argent n’a pas détruit les Espagnols qui sont champions du monde et qui sont très bien payés. Je le répète: l’argent n’est destructeur que s’il s’ajoute à des problèmes d’éducation et à une absence de discipline. Seriez-vous prêt à aider à réformer le football camerounais ? J’accepterais ce défi par devoir et parce que j’aime mon pays. ● Propos recueillis par G.D.

L’État a-t-il sa part de responsabilité ? Oui, parce qu’il a délégué la gestion quotidienne de ce sport à une fédération dont les dirigeants ont failli. On ne peut pas déléguer sans élaborer un cahier des charges, sans une surveillance rigoureuse… C’est l’État seul qui est propriétaire du label « Lions indomptables ». On l’a vu en France: l’État

ALAIN MOUNIC/PRESSESPORTS

PP/ICON SPORT

Vu de ma cage (Schabel)

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Afrique subsaharienne GUINÉE

Port de Conakry: « Alpha Condé a eu raison » Six mois de polémique et un nouveau témoignage: celui de Gamal Challoub, patron de Transco, société opérant en Guinée. Il explique pourquoi il s’est retourné contre le français Getma International.

L

inextricable bataille du port de Conakry, qui oppose depuis plus de six mois deux groupes français, Necotrans et Bolloré, le premier ayant été évincé au profit du second à la suite d’une décision prise par le président Alpha Condé dès son arrivée au pouvoir, n’en finit plus de rebondir. En attendant que la justice française, saisie de l’affaire, tranche, il nous a paru intéressant de verser au dossier le témoignage d’un acteur méconnu : Gamal Challoub, 51 ans, Guinéen d’origine libanaise et patron de Transco, une société opérant sur le port. C’est lui qui a introduit Getma International, filiale de Necotrans, dans la société d’exploitation du terminal à conteneurs de la capitale guinéenne. Aujourd’hui, il s’estime floué par ses anciens partenaires, qu’il accuse d’avoir

Ð DANS SON BUREAU, À CONAKRY, en mai. Challoub reconnaît avoir un contentieux avec la filiale de Necotrans.

réorganisation. Il y a eu une succession d’événements qui ont conduit le gouvernement guinéen et le chef de l’État à réorganiser la gestion du port de Conakry au nom des intérêts supérieurs du pays et surtout de sa population. Le port de Conakry est un centre névralgique de l’économie du pays. Sa bonne gestion est donc un enjeu économique très impor-

Il ne s’agit pas d’un coup de force des autorités guinéennes au profit de Bolloré. manqué à leurs engagements. Ses déclarations, qui vont à l’appui des autorités guinéennes et, par voie de conséquence, du groupe Bolloré, seront, on l’imagine, contestées par la partie adverse – même si M. Challoub a fait parvenir à J.A. les documents qui, selon lui, attestent de leur véracité. Le débat est donc plus que jamais ouvert, y compris dans nos colonnes. JEUNE AFRIQUE : Vous avez été l’associé de Getma International dans la Société du terminal à conteneurs de Conakry (STCC). Que pouvez-vous dire de l’éviction de cette société ? GAMAL CHALLOUB : Je n’emploierais

pas le terme d’éviction, mais celui de

N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

tant. Il y a eu des manquements répétés à toutes les prescriptions administratives, réglementaires, judiciaires, voire conventionnelles. Cela ressemble pourtant à un coup de force des autorités guinéennes au profit d’un ami, Vincent Bolloré…

Vos allégations sont graves. Vous reprenez à votre compte les récentes déclarations des dirigeants de Getma International et de leurs conseils qui, faute d’arguments, se présentent comme des victimes depuis qu’ils ont perdu la concession du port de Conakry. Je vous le répète, la réorganisation du port obéit à des intérêts objectifs, ceux de la Guinée

VINCENT FOURNIER/J.A.

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et de ses habitants. Dans ce contexte, le Groupe Bolloré est un partenaire qui a été jugé plus compétent et plus loyal que Getma International. Pourquoi mettez-vous en doute la loyauté de Getma International ?

C’est très simple. Après la signature de la convention de concession en 2008, je suis entré au capital de la STCC à hauteur de 30 % aux côtés de Getma International, qui détenait les 70 % restants. Mais, suite au décret levant la suspension de la convention, Getma International a tout mis en œuvre pour m’écarter, en augmentant le capital de notre société de 2 800 % alors qu’aucune contrainte commerciale, exigence technique ou circonstance née de l’exploitation ne le justifiait. Résultat : ma participation a été réduite à moins de 2 % et j’ai été évincé du poste de directeur de la STCC. J’ai saisi la justice guinéenne et j’ai obtenu gain de cause. De plus, j’ai dû introduire un recours hiérarchique auprès des autorités guinéennes, qui ont constaté de graves irrégularités dans l’avenant numéro un au marché de concession publique. Certains supports ayant servi de base à sa signature se sont révélés faux et d’autres ont été dissimulés ou omis. À titre d’exemple, cet avenant a été signé à Paris, mais le lieu JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne de signature figurant sur ce contrat est « Conakry ». D’autre part, Getma International y fait prendre acte par l’État guinéen de l’augmentation de capital, au mépris des décisions de justice l’interdisant.

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MARIAGE PEOPLE

Une sirène sur le Rocher Née en Rhodésie, élevée en Afrique du Sud, l’ex-nageuse Charlène Wittstock a épousé, le 1er juillet, Albert II de Monaco.

Parce que j’avais exigé le respect scrupuleux des engagements pris au profit de l’État, notamment le respect des délais d’exécution des travaux d’extension du terminal à conteneurs, mais surtout l’accélération de l’entrée de l’État guinéen et de l’État malien via le Conseil malien des chargeurs dans notre capital, pour conforter les activités portuaires. Malgré ses engagements, Getma International s’est montré réticent et a réduit ses investissements contractuels tout en cherchant à accroître ses seuls profits à mon détriment, mais surtout au détriment de l’État. De sorte que, à la date de la résiliation, ni l’État guinéen ni l’État malien n’étaient entrés dans la structure du capital. Les autorités guinéennes n’auraientelles pas dû lancer un nouvel appel d’offres ?

Il m’est difficile de commenter une décision des autorités guinéennes, je n’ai aucune légitimité pour le faire. Cependant, j’attire votre attention sur le fait que, compte tenu de la situation de blocage très préjudiciable provoquée par les comportements unilatéraux du groupe Getma International, il était devenu urgent de confier la gestion de cette concession publique stratégique à un opérateur très expérimenté comme le Groupe Bolloré, qui était deuxième lors du premier appel d’offres. Le président Alpha Condé a, il me semble, pris la décision qui privilégie au mieux les intérêts de l’État sur la base des éléments probants qui lui ont été fournis par l’autorité concédante. Êtes-vous en contact avec le groupe Bolloré pour un partenariat éventuel ?

Pas à ce jour, mais je reste impliqué et attentif à l’avenir des activités économiques portuaires de Conakry. Je suis un homme de dialogue. ● Propos recueillis par STÉPHANE BALLONG JEUNE AFRIQUE

DOMINIQUE CHARRIAU/WIREIMAGE

Pourquoi Getma aurait-il voulu vous écarter ?

C

À SON le bush. « Un vrai garinquante-cinq ans que les ARRIVÉE çon manqué », confiait Monégasques attendaient de devant revivrecesmomentsmagiques, son père, Michael, au l’église Saintedepuis le mariage du prince magazine Paris Match, Dévote, Rainier et de son étoile hollywoodienne, « une fille coriace », née le 2 juillet. Grace Kelly. Le 1er et le 2 juillet, ils se deux mois avant terme sont rassemblés aux abords du palais au cœur de l’été auspour assister, sur écrans géants, à l’union tral, le 25 janvier 1978, à Bulawayo. Au d’Albert II de Monaco et de sa fiancée sudtemps où le Zimbabwe s’appelait encore africaine, Charlène Wittstock, l’ex-chamla Rhodésie. pionne de natation dont il partage la vie Combattant de l’indépendance, dans depuis 2006. Parmi les invités présents, le la lignée du Premier ministre Ian Smith, roi Letsie III du Lesotho, la princesse Lalla Michael Wittstock est souvent absent. C’est Meryem, sœur du souverain du Maroc, son épouse, Lynette, ancienne plongeuse Marthinus Van Schalkwyk, le ministre professionnelle, qui apprend à sa fille les sud-africain du Tourisme, ou,représentantleprésident Parmi les invités, Letsie III Paul Biya, l’ambassadeur du Lesotho et la princesse Lalla du Cameroun en France, Lejeune Mbella Mbella. Meryem, sœur du roi du Maroc. Quelques touches sudrudiments de la natation. En 1990, les africaines ont émaillé les noces: des invités accueillisdansl’égliseparquelquesmotsen Wittstock quittent le Zimbabwe pour l’Afriafrikaner, la soprano Pumeza Matshikiza, que du Sud et s’installent à Benoni, à l’est qui a chanté lors de la messe, les drapeaux de Johannesburg. Là, la fillette peut enfin brandis par la foule, le chardonnay du Cap devenir la championne qu’elle rêve d’être. arrosant certains mets… De quoi faire Cinquièmeavecl’équipenationaleauxJeux patienterSonAltesselaprincesseCharlène olympiques de Sydney, elle remporte trois de Monaco jusqu’au 7 juillet, quand les médailles d’or en dos crawlé à la Coupe époux ont assisté, à Durban, à un dîner du monde 2002, puis doit raccrocher en donné pour les proches de la mariée qui 2007àlasuited’uneblessure.Peuimporte: n’ont pas pu se rendre en Europe. depuis 2006, elle a à son palmarès l’un La nouvelle princesse est à mille lieues des meilleurs partis d’Europe, le prince de la petite fille qui courait pieds nus dans Albert. ● MALIKA GROGA-BADA N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011


MOUSSA SOW/AFP

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LE 23 JUIN, À DAKAR. Manifestation contre le projet de double réforme constitutionnelle. SÉNÉGAL

Ministre, pas héritier

Karim Wade l’a écrit : il refuse toute transmission dynastique du pouvoir. Une mise au point nécessaire face à la colère de la rue. Pas sûr que cela suffise.

J

amais lettre ouverte n’a fait autant jaser à Dakar. Le 3 juillet, Karim Wade annonce par écrit : « Je combats toute idée de dévolution monarchique du pouvoir. Chez nous, il n’y a qu’un seul et unique chemin pour accéder au pouvoir : celui des urnes. » Aussitôt, tout le monde réagit. Mame Mactar Gueye, Cap 21, majorité: « Il nous enlève une épine du pied. » Alioune Tine, Rencontre africaine pour la défense des droitsdel’homme(Raddho),sociétécivile: « C’est une sortie tardive mais salutaire. » Ousmane Tanor Dieng, Parti socialiste, opposition: « C’est de la communication. Personne n’y croit. » Un diplomate français de haut rang: « Ce n’est pas mauvais qu’il dise non à la succession dynastique, mais ses lamentations sur les attaques qu’il essuie sont maladroites. » Pourquoi le fils du président sénégalais n’a-t-ilpasdonnédeconférencedepresse? « Peut-être parce qu’il n’est pas à l’aise en wolof », explique un conseiller de son père. De fait, le ministre d’État aux quatre portefeuilles parle peu en public, sauf sur les sujets techniques dont il a la charge. Mais à la fin juin, les événements se sont précipités. La volte-face politique de son père, les grondements de la rue… Karim Wade devait réagir. Il l’a fait. N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

français mais, le lendemain, j’ai transmis sa requête à Claude Guéant [le ministre de l’Intérieur, NDLR] », précise l’avocat à Jeune Afrique. Dès le 28, Karim Wade a réagi par communiqué : « Je démens avec la dernière énergie. C’est vraiment irrespectueux pour nos forces armées sénégalaises. C’est faux et archifaux. » Cette lettre ouverte est-elle le cri d’un homme blessé ? « Elle sort de ses tripes, lance un de ses conseillers. Pour lui, c’est même une délivrance. » L’a-t-il rédigée luimême ? « Bien sûr, c’est son langage. J’ai juste jeté un coup d’œil. » De fait, quand Karim Wade s’indigne de « la haine envers le modeste passant sur terre [qu’il est] »,

À l’origine de cette lettre, il y a évidemment les émeutes des 23 et 27 juin. La première visait son père et sa tentative de réformer la Constitution avant la présidentielle de février 2012. Beaucoup ont vu dans ce texte un tour de passe-passe pour assurer la succession entre le père, Abdoulaye, 85 ans, et le fils, Karim, 42 ans. La seconde visait la Senelec, la Sociéténationale d’électri« Il se ferme la porte aujourd’hui, cité, et ses délestages. Mais mais peut-être qu’il la rouvrira les manifestants s’en sont plus tard », analyse un proche. pris aussi au ministre de l’Énergie, qui n’est autre que Karim Wade. Le Mouvement du 23 juin en on sent que les mots viennent de lui. A-t-il amêmeprofitépourréclamerladémission tout écrit ? « Je m’étonne que cette lettre du « ministre du Ciel et de la Terre ». Karim alterne le “je” de la première personne, Wade était dans le viseur. et le “nous” de majesté », glisse un universitaire de Dakar. UN HOMME BLESSÉ ? Outre ces maniAu final, cette lettre, pour quoi faire ? festations, un article de presse a dû le « Quand on écrit de tels mots, ça veut dire toucher personnellement. Au lendemain qu’on n’est pas partant pour l’élection de des émeutes de l’électricité, le site internet l’an prochain et qu’on met de côté ses du journal français L’Express a affirmé ambitions », confie un proche du « superque, dans la nuit du 27 au 28, le ministre ministre », qui ajoute: « Il se ferme la porte d’État avait appelé son ami français Robert aujourd’hui,maispeut-êtrequ’illarouvrira Bourgi pour lui demander le soutien de plus tard. Cette lettre peut être un retrait l’armée française contre les manifestants. comme un nouveau départ. Wait and « Karim m’a appelé au milieu de la nuit. see… » En attendant, Karim Wade conserve Il semblait paniqué. Je lui ai dit que ce ses quatre ministères. C’est : « J’y suis, j’y n’était paspossible de faire sortir les soldats reste. » ● CHRISTOPHE BOISBOUVIER JEUNE AFRIQUE


Coulisses

Afrique subsaharienne

COMMÉMORATION

Le Rwanda se souvient Le président Kagamé a profité de la Journée de la libération, le 4 juillet, pour défendre son bilan.

L

e 4 juillet 1994, l’Armée patriotique du Rwanda (APR) entrait dans Kigali, mettant un point final au régime de Juvénal Habyarimana et au génocide. Depuis, chaque année, les Rwandais célèbrent à cette date la Journée de la libération. Un mot qui évoquait, à l’origine, la libération du joug des oppresseurs et des massacreurs, et qui englobe aujourd’hui les notions de libération économique, sociale et culturelle, pour rejoindre le concept de « renaissance africaine ». C’est ainsi que le thème choisi cette année pour les célébrations était : « Construisons nous-mêmes l’avenir qui nous convient. » Dans la capitale, le grand stade leur servait de cadre. Pour la 17e fois, le 4 juillet, le pays a rendu hommage à ses enfants morts pour la fin du cauchemar et la renaissance du Rwanda. C’était aussi, comme chaque année, une opportunité pour les Forces de défense du Rwanda (FDR) de montrer leurs muscles. Et pour le président, Paul Kagamé, d’adresser à la population un discours bien dans son style : concis – pas plus d’une dizaine de minutes – et mobilisateur. MOTIVÉ ET ENCADRÉ. Il suffit d’écouter

le chef de l’État, de considérer le public – aussi motivé qu’encadré – et d’observer le défilé militaire, impeccable et soigneusement mesuré, pour qu’un constat s’impose : le Rwanda bénéficie d’un vrai leadership.Lesrésultatsdupaysenmatière économique et sociale, a expliqué Paul Kagamé, parlent d’eux-mêmes: « Le travail que nous abattons est notre ambassadeur. Nous avons atteint un appréciable degré de valeur, que nous devons sauvegarder et renforcer. » Et d’ajouter : « Ceux qui nous salissent ne sont qu’un petit nombre. Nous avons été tellement maltraités dans le passé que nous n’avons plus peur de rien. Le degré de valeur que nous avons acquis, nous serons toujours prêts à nous battre pour le sauvegarder. » ● ALAIN GOUTTMAN, envoyé spécial JEUNE AFRIQUE

BURKINA RÉFORMES EXIGÉES L’Union européenne (UE) veut du changement et l’a fait savoir à Ouagadougou. Elle a annoncé, le 5 juillet, qu’elle verserait 8 millions d’euros au Burkina, en 2012, pour l’aider à réformer les secteurs de la justice, de la défense et de la sécurité. Des fonds qui seront les bienvenus alors que, depuis le 23 juin, un Conseil consultatif sur les réformes politiques (CCRP) planche sur les changements à opérer pour « l’enracinement de la démocratie » au Pays des hommes intègres.

Composé de membres de la société civile, d’autorités coutumières et religieuses, et des partis politiques de la majorité présidentielle – l’opposition ayant décliné l’invitation –, le CCRP a été mis sur pied au lendemain de la plus grosse vague de contestation (de février à juin, avec notamment des mutineries à répétition) depuis la prise de pouvoir du président Blaise Compaoré. « Tous ces événements n’ont fait que précipiter des réflexions qui étaient déjà en cours », assureAlain ÉdouardTraoré, ministre de la Communication et porteparole du gouvernement, qui promet aussi la fin de l’impunité, y compris pour les mutins de ces derniers mois. ●

TANZANIE UN PAS EN AVANT, DEUX PAS EN ARRIÈRE

CENTRAFRIQUE BANGUI CHANGE DE MAIRE

SÃO TOMÉ E PRÍNCIPE AUX URNES

Le gouvernement tanzanien a renoncé, fin juin, à faire bitumer la route qui traverse le Serengeti. Projet controversé qui aurait porté un coup dur à la biodiversité du parc. Mais, quelques jours plus tard, les autorités annonçaient aussi qu’elles ne céderaient pas aux pressions et qu’elles allaient exploiter les gisements d’uranium du sous-sol du Selous, une réserve du sud de laTanzanie.

Officiellement, c’est à sa demande que Jean Barkès Ngombé Ketté, le maire de Bangui, a été déchargé de ses fonctions. Un décret présidentiel l’a remplacé, le 4 juillet, par Nazaire Guénéfé Yalanga, ex-directeur des services financiers de la mairie. Un mois plus tôt, le ministre de l’Administration du territoire avait vertement critiqué sa gestion – et l’intéressé s’était tout aussi vivement défendu.

Neuf candidats sont en lice pour la présidentielle du 17 juillet. Parmi eux, un ancien président, Manuel Pinto da Costa, au pouvoir entre 1975 et 1991, un ex-Premier ministre (Maria das Neves) et le président de l’Assemblée nationale (Evaristo de Carvalho).Tous promettent de mettre fin à l’instabilité politique qui prévaut dans l’archipel (vingt gouvernements en vingt ans). N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

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Maghreb & Moyen-Orient

LIBYE

Kaddafi,

jusqu’à quand?

En optant pour une stratégie du pourrissement, le « Guide » tente désespérément de gagner du temps en pariant sur l’usure de ses adversaires. Lesquels ne désarment pas. FRANÇOIS SOUDAN

V

endredi 1er juillet, au centième jour des bombardements de l’Otan sur ce qui reste de son réduit, Mouammar Kaddafi a prononcé à la télévision libyenne, depuis le fond d’un bunker, l’un des discours les plus hallucinants de son règne. D’une voix rauque, s’adressant

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« aux six continents de la terre », le dictateur traqué a tout d’abord exhorté ses ennemis à allumer leurs écrans : « À toi mon pauvre ami Berlusconi, à toi mon pauvre ami Sarkozy, à toi mon fils Obama, à toi l’Anglais dont j’ai oublié le nom : Camera ? ah oui, Cameron, à vous tous : regardez la télévision libyenne et regardez-moi, mais n’oubliez pas auparavant d’avaler une dose de tranquillisants, car vous allez être traumatisés. Vos maisons, vos bureaux, vos familles sont JEUNE AFRIQUE


BRUNO STEVENS/COSMOS POUR STERN

Maghreb Moyen-Orient

Le 23 juin, un millier de femmes de la « BOURGEOISIE KADDAFIENNE » ont apporté leur soutien au colonel, sur la place Verte, à Tripoli.

JEUNE AFRIQUE

désormais nos cibles légitimes, tout comme ceux que Seif appelle « les rats » et son père nos maisons, nos bureaux, nos familles sont les « les cafards » – en l’occurrence, les rebelles de vôtres depuis cent jours. Dent pour dent, œil Benghazi, du Djebel Nefoussa et les dirigeants pour œil, enfant pour enfant. Rentrez chez vous du Conseil national de transition (CNT), que ou nous irons chez vous, nous nous abattrons le « Guide » considère avec d’autant plus de sur l’Europe comme des criquets, comme des mépris que quelques-uns d’entre eux l’ont servi abeilles […]. Alors traitez, négociez, discutez avec avec zèle. le peuple libyen. Je dis bien avec le peuple et ses deux mille tribus, pas avec Kaddafi, car Kaddafi FIN DE RÈGNE. Tout en laissant à certains de ses a rendu tout le pouvoir en 1977 et depuis, il ne fidèles la latitude de prendre des contacts avec représente plus le peuple. Il est le symbole du les « traîtres », Kaddafi tente donc désespérépeuple. Ce peuple, vous l’insultez quand vous ment de se placer au-dessus de la mêlée, quitte amenez dans vos avions des agents, des traîtres à laisser croire qu’il pourrait envisager une sorte d’exil intérieur. N’a-t-il pas, à trois reprises dans de la cinquième colonne et que vous prétendez que ces mercenaires le représentent. Ces traîtres, le passé, déjà tout abandonné pour se réfugier ce sont les mercenaires de la France qui leur sous sa tente dans une palmeraie, avant de reveparachute des armes. Quand nous les combatnir « conformément au souhait du peuple » ? La première fois en 1971, pendant un mois. tons dans les montagnes de l’Ouest, c’est comme si nous combattions des soldats français. Nos Abdessalam Jalloud avait alors pris le pouvoir morts vont au paradis, leurs avant de le lui rendre avec morts vont en enfer. Regardez empressement. La deuxième C’est avec l’Otan que ce que les traîtres ont fait de fois en 1973, pendant deux ses affidés exigent de leurs femmes dans les camps mois. On l’avait cru mort. parler, pas avec « les de Tunisie. Elles travaillent Abou Bakr Younes Jaber était comme servantes pour des rats » et « les cafards ». aux affaires. Mais il s’était femmes tunisiennes, elles caché dans l’oasis de Houn mendient de l’argent, elles sont leurs esclaves chez les siens. Et puis il était réapparu. La troialors qu’hier les Tunisiennes travaillaient pour sième fois en 1986, après le raid américain sur les Libyennes ! Contre l’Otan, nous avons la Tripoli : quatre mois. Le temps de soigner une formidable “otas”, l’organisation du traité de sévère dépression nerveuse et d’observer Jalloud l’Atlantique Sud, l’“otas” des masses ! Alors, s’il se prendre au jeu de l’intérim – ce qui coûtera à vous reste un peu de raison, parlez, négociez avec celui-ci la suite de sa carrière. À chaque fois, des le peuple libyen. C’est lui qui a fait la Jamahiriya, purges sanglantes ont suivi ces retours. c’est lui qui peut la changer. Ce n’est pas Kaddafi. La perspective de voir Kaddafi se retirer à Nous sommes sur notre terre, sur la terre de Sebha étant pour l’instant exclue tant par l’Otan nos ancêtres. Nous n’en partirons jamais. Nous (et la Cour pénale internationale) que par le mourrons pour elle. Gloire à vous Libyens. Les CNT (après quelques flottements), chacun joue autres, partez, partez ! La lutte continue jusqu’à désormais sur le pourrissement. Kaddafi estime la victoire. » encore que les alliés occidentaux, dont la date Comme tous les discours de Kaddafi depuis limite pour « finir le travail » semble cette fois-ci quatre décennies, le dernier en date peut être fixée au 2 août, début du mois de ramadan analysé de deux façons. Littéralement : l’expres(Nicolas Sarkozy n’ose espérer que tout sera sion d’une sorte de folie incantatoire totalement terminé pour le 14 juillet), finiront par s’épuiser déconnectée de la réalité. Entre les lignes : une faute de moyens, de logistique, de cohésion et stratégie destinée à gagner du temps en pariant de volonté. À tort vraisemblablement, tant un sur l’usure de l’adversaire. Cette posture est la délitement de l’opération avant qu’elle n’atteigne même depuis le début des bombardements de son objectif à la fois maximal et minimal (le l’Otan et les entretiens accordés début juillet à départ de Kaddafi du pouvoir) serait synonyme plusieurs médias français par un Seif el-Islam de défaite, voire de désastre pour MM. Sarkozy, à qui la barbe donne des allures de gourou de Cameron, Berlusconi et, dans une moindre la Silicon Valley – il a juré de ne plus se raser mesure, Obama. Mais non sans une lueur d’esen signe de résistance – la confirment. Tout est poir toutefois : chaque jour qui passe au-delà négociable sauf Kaddafi, et d’ailleurs pourquoi du délai de trois à quatre semaines que s’était chercher à négocier avec un homme qui n’a fixé l’Otan pour que son régime s’effondre est plus le pouvoir ? Tout, c’est-à-dire les élections, une petite victoire pour lui, et certaines fissules partis, la Constitution, bref la démocratie. res sont apparues récemment au sein du CNT, Seulement, outre le fait que, comme le dit sa dont la cohésion et la cohérence ne sont pas fashion victim de fils, « mon père ne fait pas les points forts. partie des négociations », c’est avec l’Otan que Dans l’autre sens, Paris, Londres et Washington les reclus de Tripoli exigent de parler, pas avec veulent croire également que le temps joue ● ● ● N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

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Maghreb Moyen-Orient

CAROLINE PORON

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en leur faveur et que Tripoli ne va pas tarder à tomber comme un fruit mûr. Derrière l’apparence d’une capitale unie autour de son chef, l’atmosphère en effet est celle d’une fin de règne. L’essence se fait rare et se revend trente fois son prix au noir depuis que la raffinerie de Zawiya, qui alimente Tripoli, n’est plus approvisionnée. Sur les marchés, les prix ont quintuplé et le dinar a perdu 40 % de sa valeur chez les changeurs du souk Al-Mouchir, non loin de la place Verte. Lorsque le bruit des bombardements s’arrête, les habitants traumatisés sont réveillés par les rafales de kalachnikovs que tirent les policiers en civil. Les arrestations nocturnes, suivies de disparitions, sont fréquentes, particulièrement aux check-points des quartiers populaires. Un groupe d’opposition clandestin lié au CNT, le Mouvement des générations libres, organise des happenings furtifs au cours desquels les effigies de Kaddafi et de son fils Seif sont brûlées en pleine rue. La nuit, les chebab couvrent les murs de slogans ou s’amusent à peindre chiens et chats aux couleurs de la révolution – rouge, vert et noir –, ce qui rend fous les miliciens, obligés de faire la chasse aux animaux domestiques pour les abattre. Certes, le régime fait encore illusion. Il y a quelques jours, un millier de ●●●

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LES INSOUMIS DU DJEBEL NEFOUSSA LES BERBÈRES INFUSENS DU DJEBEL NEFOUSSA ont été parmi les premiers à se soulever contre Kaddafi il y a quatre mois, mais ce n’est que depuis la mi-juin que ces rebelles ont réellement ouvert un second front, à une centaine de kilomètres au sud deTripoli. Renforcés par les parachutages d’armes françaises, ils se sont emparés de la plupart des localités montagnardes, nouant au passage des alliances avec les tribus arabes. Composant moins de 5 % de la population libyenne, les Berbères du Nord-Ouest ont une longue tradition de résistance au pouvoir central: l’armée coloniale italienne avait ainsi mis plus de dix ans à « pacifier » la région. Marginalisés par le régime Kaddafi qui a toujours interdit l’enseignement du tamazight, les Infusens du Djebel Nefoussa se sont soulevés à deux reprises jusqu’au début des années 1980 – révoltes durement réprimées. Relativement autonomes par rapport au Conseil national de transition de Benghazi, ils contrôlent désormais les escarpements qui dominent la plaine, à portée de jumelles des faubourgs deTripoli. Mais ils n’ont pour l’instant F.S. pas les moyens de descendre sur la capitale. ●

femmes et d’enfants de la « bourgeoisie verte », celle qui a le plus profité de la rente kaddafienne, en hauts talons, lunettes Gucci et tenues de camouflage Armani, ont été rassemblés dans un parc pour y recevoir un lot d’armes que les autorités distribuent désormais à tour de bras. JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient Les pauvres, eux, n’y ont pas droit car on se méfie d’eux. L’assise de ce qui reste du pouvoir Kaddafi est en effet tribale – les Gueddafa – mais aussi sociale : les classes moyenne et supérieure de Tripolitaine.

Benghazi. Et tout sera fini. » Pour ceux qui en doutaient encore, cet homme est à la fois fou et apparemment prêt à mourir pour sa folie. Pour ceux qui ont juré sa perte, la tâche, on le voit, a quelque chose de vertigineux. « Kaddafi n’est pas suicidaire, tempère cependant un dirigeant rebelle du CNT, il n’a pas ce courage ; il finira par accepter l’exil. » Mais qui peut prétendre vraiment connaître Mouammar Kaddafi ? ●

CHAOS VERBAL. Jusqu’à quand Kaddafi et ses

« Ruez-vous sur les montagnes, ruez-vous sur Misrata, ruez-vous sur Benghazi. Et tout sera fini. » fils, ainsi que trois de ses petits-enfants, et il dort, dit-on, dans des écoles et des hôpitaux, sachant que ses ennemis se garderont – tout au moins pour l’instant – de frapper de telles cibles. Pourtant, le « Guide » sait qu’inexorablement l’étau se resserre. « Militairement, sur le papier, il n’a aucune chance de s’en sortir pour peu que l’Otan maintienne sa pression, explique un expert très proche du dossier, son armée est privée de renseignements, de moyens aériens, y compris d’hélicoptères, ses communications sont brouillées et elle peut très difficilement se battre sur deux fronts à la fois. En outre, le carburant vient à manquer. Mais il lui reste des troupes fidèles, des armes lourdes, des munitions à profusion, on estime à plusieurs dizaines de milliers les kalachnikovs prêts à être distribués aux miliciens et une aide clandestine iranienne n’est pas exclue. Il peut donc tenir encore des semaines. Dès lors, sauf assassinat ou coup d’État interne, la prise de Tripoli par les rebelles, à condition qu’ils y parviennent, risque d’être sanglante. Personne ne veut en arriver là. » Le 1er juillet, c’est sur un véritable chaos verbal que Mouammar Kaddafi a conclu son discours du « jour de la colère » : « Ce n’est pas une guerre régulière, c’est une guerre à l’intérieur des maisons, des familles ; des gangs arrivent et ils veulent faire de vous des boucliers humains, ils prennent vos enfants et en font des lits. Merci maman, je te vois, je te vois, oh je vois Mouammar l’unique ! […] Ils ont essayé pendant cent jours et ils ont échoué. Alors ruez-vous sur les montagnes, ruez-vous sur Misrata, ruez-vous sur JEUNE AFRIQUE

Où peut-il aller? Exil intérieur ou extérieur pour le colonel, plusieurs pistes ont été envisagées lors de réunions secrètes, en Europe, entre émissaires des deux camps.

L

avenir personnel de Kaddafi ? « Dès qu’on aborde ce sujet avec le ministre libyen des Affaires étrangères, celui-ci esquive », confie un diplomate français. Abdelati el-Obeidi ne veut pas que son patron apprenne un jour qu’il a envisagé l’après-Kaddafi. Le courroux du « Guide » serait

appris que le colonel Kaddafi était susceptible de se retirer en toute immunité quelque part en Libye, leur sang n’a fait qu’un tour. Le 3 juillet, plusieurs centaines d’entre eux ont manifesté. Aussitôt, le chef du Conseil national de transition (CNT), Moustapha Abdeljalil, a promis : « Il n’y a aucune chance, actuellement ou dans l’avenir, pour que Kaddafi reste en Libye. Il n’a qu’une issue : quitter le pouvoir et faire face à la justice. » RETRAITE PAISIBLE. Il reste donc

ARGYROPOULOS/SIPA

proches résisteront-ils ? Pour l’instant, les fonctions essentielles de son système et de ce qui lui tient lieu d’État ne se sont pas disloquées. À Bab el-Azizia, l’électricité, les bunkers souterrains et les portiques à rayons X placés aux entrées fonctionnent toujours. Les avions de l’Otan ont pulvérisé trois des résidences du colonel, réduit en miettes ses courts de tennis, mais il en a réchappé tout comme il était sorti vivant du bombardement américain du 15 avril 1986 qui avait dévasté la caserne ainsi que le quartier résidentiel de Ben Achour, tuant au passage sa fille adoptive. Cette fois, il a perdu l’un de ses

Quand on aborde l’avenir du « Guide » avec ABDELATI EL-OBEIDI, le ministre libyen des Affaires étrangères, il esquive.

terrible. Surtout, Obeidi sait que, le jour où Kaddafi acceptera de parler de son départ, les dernières tribus qui le soutiennent le lâcheront. Exil intérieur ou extérieur ? Pendant tout le mois de juin, la piste de l’oasis de Sebha, dans le Sud libyen, a été envisagée lors de réunions secrètes, en Europe, entre émissaires des deux camps. Mais à Benghazi, quand les gens ont

la piste du départ à l’étranger. Depuis que la justice internationale est à ses trousses, le numéro un libyen sait qu’il doit viser un pays d’accueil dont le régime est stable et assez fort pour résister aux pressions. Exit, donc, des pays amis comme le Venezuela et le Zimbabwe. La Malaisie ? Le pays est musulman et le régime hostile aux frappes de l’Otan. Mais si le Nigeria a cédé sur le cas Taylor… La Chine ? Il y a quelques années, le « Guide » a acheté une vieille demeure coloniale à Hong Kong. Mais rien ne dit que Pékin sera disposé à l’accueillir. La Russie ? À l’heure actuelle, c’est la piste la plus sérieuse. De bonne source, le 16 juin, lors d’une visite à Tripoli, un émissaire du Kremlin, l’arabophone Mikhaïl Marguelov, a proposé au colonel libyen une retraite paisible dans la cité balnéaire de Sotchi, sur les bords de la mer Noire. ● CHRISTOPHE BOISBOUVIER N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

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Maghreb Moyen-Orient

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YASSER AL-ZAYYAT/AFP

Ý Le Premier ministre, CHEIKH NASSER AL-MOHAMED AL-SABAH (À G.), interpellé par un député, le 31 mai.

PARLEMENT

L’exception koweïtienne

Puissant contre-pouvoir, le Majlis al-Umma est un cas unique dans la région. Mais, entre échauffourées et motions de défiance à la chaîne, les députés négligent leur travail législatif.

C

est avec leurs poings et leur iqaal, le cordon qui retient leur turban, que Hussein al-Qallaf, 53 ans, et Jamaan Harbash, 41 ans, se sont affrontés, le 18 mai, dans l’hémicycle du Parlement koweïtien. Plusieurs élus sunnites n’ont pas apprécié que Qallaf, un chiite, qualifie lesprisonnierskoweïtiensdeGuantánamo de « membres d’Al-Qaïda ». Bilan : plusieurs blessés. Que l’émir, Cheikh Sabah al-Ahmad al-Sabah, a dissuadés de porter plaintelesunscontrelesautres.«Jemesuis trompé, ironise le lendemain l’éditorialiste du Kuwait Times. Les députés ne sont pas bons à rien: dans le secteur du divertissement, ils rapportent de l’argent. » Cet épisode est exceptionnel, mais il en dit long sur le dynamisme du Parlement monocaméral du petit émirat. Même si elle a ravivé dans la presse le débat sur une institution en crise, cette échauffourée n’a pas affaibli la force du modèle koweïtien dans la région. Créé en 1963, deux ans après l’indépendance, le Majlis al-Umma (le « Conseil de la nation ») représente un contre-pouvoir unique et croissant à la famille Al-Sabah, qui règne depuis 1756. Les députés sont habilités à rejeter les lois émanant de l’émir ou à soumettre un ministre à un vote de confiance, ce qu’ils ont fait une trentaine de fois en presque cinquante ans. En février dernier, ils ont N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

ainsi obtenu la démission du ministre de l’Intérieur après la mort d’un citoyen torturé en prison. RÔLE PIONNIER. Depuis 1963, les émirs

successifs ont dissous le Majlis à cinq reprises. Mais le Parlement le leur a bien rendu : en 2006, après la mort de l’émir Jaber, il s’est opposé avec succès à l’intronisation du prince héritier, Saad, auquel il lui a préféré un autre prétendant, l’actuel émir. Enfin, les élus ne se privent pas d’interpeller le gouvernement sur sa politique étrangère, comme ils l’ont fait en 2011 à propos de la situation en Syrie ou de la participation de leur pays à la répression du soulèvement bahreïni. Le Majlis a aussi joué un rôle pionnier en octroyant aux femmes, en 2005, le droit de vote et d’éligibilité : quatre ont été élues pour la

première fois aux législatives de 2009. « Les femmes ont apporté de la discipline au Parlement », assure la députée Rola Dashti. Elle évoquait surtout l’assiduité aux travaux en commission… Mais le système parlementaire est en crise. Le Premier ministre, Cheikh Nasser al-Mohamed al-Sabah, nommé par l’émir, son oncle, a démissionné à six reprises depuis 2006 à l’approche d’un vote de confiance. Mais il a été à chaque fois réinstallé à son poste. Les partis n’existant pas au Koweït, les députés changent parfois d’allégeance. « Certains membres de l’Assemblée semblent incapables d’échapper aux manipulations du gouvernement, analyse Greg Power pour l’Arab Reform Bulletin. Elle a plus de pouvoirs, mais moins d’influence. » Les élus sont aussi la cible des hommes d’affaires, qui leur attribuent la stagnation économique du pays car ils ont refusé de renflouer des compagnies publiques et multiplié les entraves à l’investissement étranger. Au Koweït, le « printemps arabe » a pris la forme de manifestations de jeunes relayées, voire récupérées par les députés. Lesquels ont, naturellement, réclamé la démission de Cheikh Nasser al-Mohamed, et l’ont obtenue en mai. Cette troisième année de la treizième législature a été très chaude : le 23 juin, le Premier ministre, à peine réinstallé, a été soumis à un nouveau vote de confiance. Il y a « survécu », comme l’on dit au Koweït, par 25 voix contre 18. Au menu des débats, qui reprendront le 25 octobre : une audition du Premier ministre ! Il faudra donc patienter avant que les députés n’examinent des textes proposant d’octroyer une prime aux travailleurs étrangers ou d’interdire les tenues féminines indécentes à la plage. ● CONSTANCE DESLOIRE

Composition de l’Assemblée issue des législatives de 2009 élus réunis en groupes fluctuants, 50 membres les partis n’existant pas Bloc populaire Islamistes chiites Progressistes chiites et sunnites

7

6

3 21 13

Indépendants sunnites

16

ministres, nommés par l’émir, sont membres d’office, mais ne votent pas la confiance

Islamistes sunnites JEUNE AFRIQUE


Coulisses

Maghreb & Moyen-Orient

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PROCÈS BEN ALI

Les peines infligées par la justice tunisienne à l’ex-raïs vont s’additionnant.

D

ix ans pour détention de stupéfiants, cinq pour détention d’armes, six mois pour détention de pièces archéologiques et une amende de 54000 euros. Telles sont les peines infligées le 4 juillet par le juge Touhami Hafiane à l’ex-raïs, Zine el-Abidine Ben Ali, réfugié en Arabie saoudite. « Ce sera le feuilleton de l’année, il y a plus de 182 affaires en cours, mais la tête d’affiche est absente du box des accusés », regrette Hamza, un animateur de radio, tandis qu’Ahmed, diplômé chômeur venu de Regueb, bout de colère : « C’est une parodie de procès, des chefs d’accusation disparates dans une même affaire, c’est du 3 en 1, comme les produits d’hygiène, mais cela ne répond pas à nos attentes. Où en est l’extradition de Ben Ali ? » Moins mobilisée que lors du premier procès, le 20 juin, à l’issue duquel Ben Ali et son épouse ont été condamnés à trente-cinq ans de prison pour détournement de fonds, possession illégale de devises étrangères et de bijoux, l’opinion semble incrédule, d’autant que Hosni Beji et Bechir Mahfoudhi, avocats commis d’office de l’accusé, ont claqué la porte sous quelques huées, arguant que la défense ne bénéficiait pas de conditions équitables après qu’un report lui a été refusé. « Ils demandent du temps pour convaincre Ben Ali de comparaître. On croit rêver, s’étonne Meriem, assistante d’un huissier. S’il voulait être présent, il serait revenu depuis longtemps. Il se terre, il sait bien ce qui l’attend. » EXPÉDITIF ? Pour Akram Azoury, avocat

libanais de Ben Ali, « ce procès viole toutes les règles d’une justice équitable. Le seul but est de faire de Ben Ali un trafiquant d’argent, de drogue et d’armes ». « Il y a effectivement un côtéqui semble expéditif, maislacontumace,enTunisie,expliqueun avocat, veut que la peine soit prononcée dans la journée. Nous savons bien qu’une telle condamnation n’est pas définitive, il suffit que l’accusé s’y oppose pour aller à un nouveau procès. » ● FRIDA DAHMANI, à Tunis JEUNE AFRIQUE

TRADUIRE EN JUSTICE GeorgeW. Bush, Dick Cheney, Donald Rumsfeld et George Tenet ! Voilà ce que réclame u n ra p p o rt d e H u m a n Rights Watch qui paraît le 12 juillet. L’ONG américaine demande l’ouverture d’une enquête sur les cas d’abus contre des prisonniers de la « guerre contre le terrorisme » : anciens détenus de Guantánamo, du centre d’Abou Ghraib en Irak, des prisons secrètes de la CIA en Europe, en Égypte ou au Maroc. Sur 101 cas soumis à un procureur fédéral en 2009, UN SOLDAT AMÉRICAIN posant devant seuls deux font l’objet d’une le cadavre d’un détenu, à Abou Ghraib. enquête, sur laquelle aucune information n’a depuis été donnée. En cause, des pratiques vali- condamnées par l’administration dées à l’époque par les responsables Obama, dénonce Reed Brody, l’auteur américains : simulation de noyade du rapport. Nous déplorons le deux (waterboarding), utilisation de chiens, poids, deux mesures : il faut que la privation de sommeil… « Ces prati- même justice prévale en Afrique et ques ont été abandonnées mais pas aux États-Unis ! » ●

DIABÈTE BÉDOUINS DÉPISTÉS

volontaires – pour faire de la prévention contre le diabète.

330 millions de dollars, contre 973 millions promis.

La chercheuse émiratie Habiba Sayid al-Safar a établi un lien entre cinq gènes des populations bédouines des Émirats arabes unis et les diabètes de type 2. Le PRKD1, c’est le nom du gène principal, présent uniquement chez les Bédouins des Émirats, contribue à la production d’insuline. Soutenu par l’Emirates Foundation for Philanthropy, le projet compte établir une Banque arabe de bio-informations – qui a déjà recruté 23 064

PALESTINE ALGER, BON PAYEUR

ARABIE SAOUDITE DAAWA EN LIGNE

Des vingt-deux États de la Ligue arabe, seuls l’Algérie, les Émirats arabes unis et Oman se sont acquittés de leur contribution financière pour l’année 2011 au Fonds de soutien du budget de l’Autorité palestinienne. Avec le versement algérien – 26,4 millions de dollars (18,4 millions d’euros) –, en mai, le montant de la somme réunie à ce jour ne s’élève qu’à

À l’instar des militants démocrates arabes, les membres ultraconservateurs du clergé saoudien recourent de plus en plus aux réseaux sociaux pour relayer leurs prédications (daawa), d’autant que le roi Abdallah a fait bannir des médias les religieux qui ne font pas partie du très officiel Conseil supérieur des oulémas, seule instance autorisée à émettre des fatwas.

HO NEW/REUTERS

Acte II

ADMINISTRATION BUSH HRW DEMANDE UNE ENQUÊTE

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Maghreb Moyen-Orient

IRAN

La grande discorde

Sur fond de différend théologique, la lutte pour le pouvoir fait rage entre les ultraconservateurs et le président de la République, dont le maintien n’est dû qu’à la volonté du Guide suprême de préserver la stabilité du régime.

NAJMEH BOZORGMEHR

L

esIranienss’attendaientque Mahmoud Ahmadinejad, lors de son allocution télévisée du 15 mai, s’explique sur son absence de dix jours. Une absence qui a donné lieu à bien des spéculations sur l’avenir politique du président. Au lieu de quoi celui-ci a vanté les vertus d’une réduction des subventions sur la farine qui, si elle a entraîné une hausse du prix du pain, a permis la réouverture de boulangeries traditionnelles, et a justifié la récente augmentation de l’électricité et du gaz. De même a-t-il réitéré ses attaques habituelles contre les politiques américaine et israélienne, et réaffirmé sa volonté de poursuivre le programme nucléaire, présenté avec insistance comme pacifique, mais qui n’en inquiète pas moins les Occidentaux. Malgré la mention « en direct » sur l’écran, le discours d’Ahmadinejad avait été préenregistré afin de permettre au bureau du Guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, d’en contrôler le contenu. Ce procédé est révélateur de la manière dont sont répartis les pouvoirs en Iran. En apparence, le président et son allié de longue date entretiennent des rapports harmonieux. Ahmadinejad doit en effet son élection, en 2005, au soutien de l’élite religieuse. Et en 2009, N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

alors que le pays était secoué par un mouvement de protestation sans précédent qui se solda par la mort de dizaines de manifestants et l’arrestation de milliers d’autres, le Guide suprême avait choisi de soutenir la très controversée candidature de l’actuel président. UN FILS REBELLE. Dans son dis-

cours, Ahmadinejad a comparé sa relation avec Khamenei à celle d’un fils avec son père. Une manière de réaffirmer publiquement sa loyauté envers le Guide. Mais certains analystes y ont vu les prémices d’une bataille politique entre un président qui se sent de plus en plus relégué au rôle de fils obéissant et un Guide suprême qui s’attend que ses ordres soient exécutés sur-lechamp. « Il y a une véritable lutte pour le pouvoir qui est en train de se jouer. C’est aussi simple que cela », explique Amir Mohebbian, un commentateur proche des dirigeants fondamentalistes. Aprèsavoirprisunénormerisque politique en cautionnant l’élection controversée d’Ahmadinejad en 2009, le Guide, se sentant visiblement menacé, cherche aujourd’hui à mettre au pas son protégé. Ces derniers mois, l’antagonisme grandissant entre les deux hommes, qui partagent pourtant la même vision conservatrice de la religion,

Ð Le Guide suprême, ALI KHAMENEI (à g.), et le président, MAHMOUD AHMADINEJAD, le 3 août 2009, à Téhéran.

a davantage divisé le régime que ne l’avait fait l’affrontement avec l’opposition réformatrice, lorsque celle-ci avait accusé Ahmadinejad d’avoir volé l’élection. Le caractère public de la confrontation est sans précédent. Si le régime, mélange complexe de structures théocratiques et d’institutions séculières, tolère une certaine diversité en son sein, il aime à se présenter comme uni. Ces luttes intestines surviennent quelques mois avant les élections parlementaires de mars 2012, qui vont donner le ton de la présidentielle de 2013. Après huit ans passés au pouvoir, Ahmadinejad va devoir céder son poste. Mais tout l’enjeu de la bataille actuelle est de savoir s’il conservera ou non un rôle dans la future vie politique du pays, alors qu’une grande partie de l’élite et de la classe moyenne le juge illégitime. À ce jour, il semblerait que le président soit en passe de perdre JEUNE AFRIQUE


REUTERS

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la bataille. « Ahmadinejad est tellement affaibli que n’importe qui, même quelqu’un d’insignifiant, acquiert un surcroît de crédit en le critiquant », explique un professeur en sciences politiques. Les hostilités ont été ouvertes il y a près de trois mois, quand le président décide de « démissionner » le ministre des Renseignements, Heydar Moslehi, qu’il soupçonne d’abuser de sa position pour rechercher des informations compromettantes sur ses alliés. Mais, sous la pression du Guide, il est contraint de le réintégrer. En signe de protestation contre l’intervention de Khamenei, le président disparaît de la circulation pendant dix jours. De manière générale, ce dernier est accusé par ses adversaires de vouloir étendre son influence. Les fondamentalistes, en particulier, reprochent à Ahmadinejad et à ses partisans de ne pas croire en la sainteté et en l’infaillibilité de JEUNE AFRIQUE

l’ayatollah. Certains pensent que le numéro deux de l’État veut affaiblir le Guide, mais d’autres vont jusqu’à croire qu’il envisage de le renverser. C’est le cas de Hamid Reza Taraghi, un ancien allié fondamentaliste du président, qui affirme que l’entourage de ce dernier « a d’abord essayé de minimiser le rôle du Guide dans la direction des affaires du pays. Mais, s’ils échouent, ils pourraient opter pour son élimination, car

En signe de protestation contre un veto de Khamenei, Ahmadinejad disparaît dix jours. leur but ultime est d’accaparer le pouvoir et d’y rester ». La querelle qui oppose les deux camps a aussi une dimension théologique. D’après leurs détracteurs, le président et son entourage estiment ne pas avoir besoin d’un intermédiaire, à savoir le Guide

suprême, pour communiquer avec le Mahdi, le dernier imam caché des chiites. Or, en l’absence du Mahdi, le Guide suprême est, conformément à la théorie de la Velayat-e Faqih (« gouvernement du jurisconsulte »), la clé de voûte du régime. Remettre en question la légitimité du Guide revient donc à contester celle de la République islamique. À Téhéran, l’idéologie du président est de plus en plus dénoncée comme une hérésie, surnommée par certains « le courant déviant ». D’autres, comme Taraghi, assurent qu’Ahmadinejad et son entourage « ont emprunté des théories » à différents courants de pensée pour en arriver à favoriser « le libéralisme culturel, la substitution de la religion par la spiritualité et le mysticisme, et la conviction que les êtres humains peuvent occuper la place de Dieu ». Certains proches de Khamenei croient même voir N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011


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Maghreb Moyen-Orient dans l’entourage du président des hommes politiques superstitieux qui dirigent le pays en fonction des prédictions des exorcistes et des devins. Une pratique qui va à l’encontre des enseignements de l’islam. Mais ces critiques cachent des préoccupations politiques plus prosaïques. « Dès le début, Ahmadinejad aurait dû savoir qu’un président est censé se cantonner aux affaires politiques et économiques, explique un ancien responsable conservateur. Mais il veut contrôler les élections pour avoir une majorité au Parlement et à la prochaine présidentielle, ce qui est inacceptable pour le Guide suprême. » Rares, cependant, sont ceux qui voient dans cette épreuve une menace pour la pérennité du régime, qui jouit toujours d’une rente pétrolière confortable et dont l’appareil sécuritaire et les forces armées soutiennent le Guide. Mais les fissures dans l’ordre hiérarchique pourraient incontestablement réduire le cercle des hommes politiques en qui Khamenei a confiance. Deux ans de protestations populaires ont non seulement révélé certaines failles du système, mais aussi accru les risques d’un bouleversement de la donne, comme un changement de gouvernement. Si la réaction de Khamenei, inflexible face aux pressions du peuple, ne l’a pas rendu populaire, elle aura toutefois permis au

président « de se rendre compte qu’il peut être éliminé », explique Mohebbian. Mais, dans l’histoire de la République islamique, l’ayatollah a déjà vu son autorité remise en question – par le conservateur Akbar Hachemi Rafsandjani et par le réformateur Mohamed Khatami. Pourtant, Khamenei préférerait voir le fondamentaliste Ahmadinejad terminer son mandat dans le souci de préserver la stabilité du régime, à l’heure où l’opposition attend un prétexte pour redescendre dans la rue et au moment où les autres pays de la région font face à des mouvements de protestation. « Malgré quelques faiblesses, l’exécutif est en bonne santé aujourd’hui », a ainsi déclaré le Guide suprême. MISE EN GARDE. Un changement

de gouvernement pourrait cependant devenir une nécessité. Mais, « dans le cas où l’administration Ahmadinejad serait amenée à démissionner, la transition se ferait en douceur, explique un ancien responsable. Le Guide suivrait les dispositions de la Constitution et attendrait deux mois avant d’organiser une nouvelle présidentielle ». Khameneis’estrésoluànepascéder quand il a vu les partisans d’Ahmadinejad, issus des classes modestes et des volontaires des Gardiens de la révolution, ignorer ses appels à ne pas manifester, préférant descendre dans la rue pour exprimer leur soutien au président.

Élit Contrôle Nomme ou approuve Institution non élue Institution élue

Structure du pouvoir G U I D E S U P R Ê ME

Chef de l’État avec droit de regard sur la défense, l’intérieur, le renseignement, la diplomatie, le nucléaire, les médias d’État CONSE I L D E S GA R D I E NS

(Conseil constitutionnel) PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

GOUVERNEMENT

PARLEMENT

Élu tous les quatre ans pour deux mandats consécutifs maximum

Examine les actions du Guide suprême

ÉLECTORAT N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

ASSEMBLÉE DES EXPERTS

En définitive, la balle est dans le camp d’Ahmadinejad. Qui a le choix entre rester au pouvoir sous certaines conditions, ou essayer d’étendre un peu plus son influence, au risque d’être frappé d’une procédure de destitution par un Parlement dominé par des fondamentalistes qui rêvent de le voir partir. Le président de l’Assemblée, Ali Larijani, considéré comme présidentiable et qui est d’une fidélité sans faille à l’égard du Guide, a mis en garde le gouvernement, lui demandant de respecter la loi et la volonté du Parlement. Les députés peuvent en outre compter sur le soutien du pouvoir judiciaire, à la tête duquel se trouve un des frères cadets de Larijani. Les juges pourraient jouer un rôle encore plus direct dans une éventuelle mise au ban d’Ahmadinejad, notamment parce que certains de ses plus proches collaborateurs font l’objet d’accusations de corruption. Plusieurs rapports encore non confirmés et relayés par les médias pointent du doigt des abus de fonds publics au sein de l’Organisation nationale du tourisme et d’une association d’expatriés iraniens, ou encore la création de banques privées par des proches d’Esfandiar Rahim Mashaei, directeur de cabinet du président (lire p. 47). POSTURES. Ahmadinejad a bien

tenté de faire quelques concessions. Tout comme il a décidé de jouer la carte de l’unité, s’inclinant face aux pressions du Parlement et du pouvoir judiciaire en cédant la gestion du ministère du Pétrole. Mais les voix qui s’élèvent pour lui demander d’organiser une purge dans son entourage se font de plus en plus pressantes. Notamment concernant Mashaei, non seulement considéré comme l’un des meilleurs stratèges du gouvernement, mais aussi comme un candidat potentiel à la présidentielle. Sur la scène internationale, les tensions intérieures se traduisent par une politique jusqu’au-boutiste et un discours peu conciliant. Comme son allocution de mai l’a montré, Ahmadinejad n’a pas JEUNE AFRIQUE


La grande discorde abandonné sa rhétorique antiisraélienne, et continue d’évoquer l’enrichissement de l’uranium comme pour défier les puissances occidentales. Des postures pouvant être interprétées comme étant le moyen de se rendre une fois de plus indispensable au Guide suprême. DÉMISSION ? Certains observateurs n’excluent cependant pas la possibilité de le voir démissionner, et contrecarrer ainsi les plans du Guide en rejoignant l’opposition, plutôt que de poursuivre une alliance qui, au final, ne lui est d’aucun bénéfice. Mais durant les six années qu’il a passées au pouvoir, Ahmadinejad a prouvé qu’il était un homme politique chevronné, capable de surmonter n’importe quel obstacle et de transformer un danger en opportunité, notamment grâce à son accès à la

manne pétrolière. C’est pourquoi rares sont ceux qui s’aventurent à proclamer la fin de sa carrière politique. Lorsqu’on lui parle de l’éventuelle démission du président, Mojtaba Samareh-Hachemi, un de ses alliés les plus proches, répond : « C’est une question qui n’a pas lieu d’être. » Malgré la gravité du différend entre les deux hommes, les deux mandats d’Ahmadinejad n’auront pas été sans bénéfices pour

Chevronné, le président excelle dans l’art de transformer un danger en opportunité. Khamenei, qui, pour la première fois depuis son arrivée au pouvoir, en 1989, a vu ses recommandations effectivement mises en œuvre, tant sur le plan intérieur que dans le domaine extérieur.

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Chasse aux sorciers Les alliés du Guide suprême accusent leurs adversaires de se livrer à des pratiques occultes et magiques.

JEUNE AFRIQUE

YALDA MOAYYERI/AP/SIPA

D

jinns (créatures surnaturelles), exorcistes, devins. Tels sont les alliés sur lesquels s’appuie l’administration Ahmadinejad pour diriger les affaires du pays. En tout cas, c’est ce que semblent croire plusieurs conservateurs opposés au président. Ces accusations, relayées par les médias, auraient pour but de discréditer le gouvernement, à l’heure où le président et le Guide se livrent une guerre sans merci. D’après un éminent professeur iranien de sciences politiques, qui a requis l’anonymat, « la question des djinns est une affaire très grave ». Les forces antigouvernementales affirment que le président a été envoûté par une partie de son entourage grâce à un djinn maléfique. Suspect numéro un : Esfandiar Rahim Mashaei, directeur de cabinet d’Ahmadinejad. Depuis plusieurs années déjà, les détracteurs de Mashaei répètent qu’il a des pouvoirs magiques. Il serait ainsi capable de prédire l’avenir, prophétisant des événements tels que l’élection

ESFANDIAR RAHIM MASHAEI, directeur de cabinet d’Ahmadinejad.

d’Ahmadinejad en 2005. L’homme ne nie pas ces accusations directement, mais, le mois dernier, il a mis au défi ses accusateurs de « conjurer le mauvais sort et de sauver Ahmadinejad ». D’après un

C’est Ahmadinejad qui a affaibli les chefs de l’opposition naissante au sein du clergé à Qom. C’est également lui qui a éliminé de la scène politique tous les opposants réformateurs. C’est enfin lui qui a fait revivre l’esprit égalitaire de la révolution de 1979, non seulement en jouant la carte de l’opposition à Israël et en accélérant le programme nucléaire, mais aussi en aidant les couches les plus défavorisées. À la grande satisfaction de Khamenei. Mais ce programme politique n’a pas besoin d’Ahmadinejad pour être appliqué. Comme le dit ce professeur d’université : « Le président a, volontairement ou non, aidé le Guide suprême à devenir imam. Ce qui est déjà suffisamment appréciable pour ce dernier. Il peut partir maintenant s’il y tient. » ●

ayatollah, la dernière prédiction en date de Mashaei serait le départ du Guide suprême d’ici à deux ans. UncertainAbbasGhaffariestégalement soupçonné d’aider Mashaei. Jusqu’ici très peu connu du grand public, il a été arrêté en mai, avec une vingtaine de ses collaborateurs, pour avoir usé de pratiques exorcistes et déclaré que le retour de l’Imam caché était imminent. Les inspecteurs qui l’ont interrogé affirment avoir été ensorcelés, et disent souffrir de maux de tête et de vomissements. Javanonline.ir, le nouveau site internet proche des Gardiens de la révolution, qui soutiennent le Guide suprême, a surnommé Ghaffari « l’exorciste du gouvernement d’Ahmadinejad ». Le site affirme qu’il a obtenu ses pouvoirs « en pratiquant des abstinences étranges et sacrilèges ». Mais selon des commentateurs iraniens, toutes ces accusations sont exagérées. De son côté, Ahmadinejad s’est refusé à tout commentaire. « Vous [les adversaires du gouvernement, NDLR] les avez arrêtés. Ne nous embêtez plus et laissez-nous travailler, maintenant », a-t-il déclaré aux journalistes avant d’ajouter, avec un sourire et une pointe de sarcasme : « Le satellite que nous avons envoyé dans l’espace, c’est leur œuvre aussi ? » ● N.B. © Financial Times et Jeune Afrique 2011. Tous droits réservés. N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

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Europe, Amériques, Asie

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AFFAIRE STRAUSS-KAHN

Sexe, mensonges et En dépit des libertés prises avec la vérité par sa victime présumée, l’ancien directeur général du FMI reste, pour l’instant, accusé de crimes sexuels. Mais le procureur, qui craint de compromettre sa réélection, est sous pression. JEAN-MICHEL AUBRIET

S

aura-t-on un jour ce qui s’est réellement passé dans la suite 2806 de l’hôtel Sofitel, à New York, le 14 mai 2011 ? Y a-t-il eu relation sexuelle librement consentie entre DominiqueStrauss-Kahn,ci-devant directeur général du Fonds monétaire international et favori de l’élection présidentielle française de 2012, et Nafissatou Diallo, une femme de chambre guinéenne établie aux États-Unis depuis 2002? Ou, au contraire, agression suivie d’un viol ? La seconde hypothèse a longtemps prévalu, les apparences – et le témoignage devant la justice américaine de la victime présumée – plaidant en ce sens. La détestable réputation de DSK, dragueur border line dont les frasques à répétition plongeaient dans les transes jusqu’à ses plus chauds partisans, aussi. Ajoutez au cocktail un zeste d’exaspération féministe et une pincée de populisme : vous avez tous les ingrédients d’une possible erreur judiciaire. Car le vraisemblable n’est pas le vrai. Et un harceleur compulsif usant de son pouvoir et de son fric pour parvenir à ses fins n’est pas forcément – Dieu merci ! – un violeur. « L’affaire DSK » s’est donc soudainement dégonflée, le 1er juillet. Les lourdes charges retenues contre l’ancien patron du FMI sont certes, pour l’instant,

14 mai

Arrestation de DSK 15 mai

Incarcération à la prison de Rikers Island 18 mai

Comparution de Nafissatou Diallo devant le grand jury. DSK démissionne du FMI 25 mai

Libéré sous caution, il est assigné à résidence 1er juillet

Levée de l’assignation à résidence

maintenues. Mais le procureur Cyrus Vance Jr est sous pression. D’abord, parce qu’après avoir hâtivement placé DSK en détention, il souhaite à présent faire

D’UNE AFFAIRE, L’AUTRE

JEAN-LIONEL DIAS/LE CARTON/P

AU MOMENT OÙ, ÀTORT OU À RAISON, l’affaire Nafissatou Diallo semble tourner court à NewYork, l’affaireTristane Banon rebondit, à Paris. Journaliste et écrivaine, la jeune femme (32 ans aujourd’hui) est la fille de l’homme d’affaires Gabriel Banon, juif « atypique » natif de Casablanca qui fut le conseiller deYasser Arafat, et d’une notable socialiste. En 2007, dans une émission de télévision, elle avait accusé DSK (dont le nom avait été bipé) d’avoir, trois ans auparavant, tenté de la violer au cours d’un entretien en vue de l’écriture d’un livre. À l’époque, elle avait été dissuadée de porter plainte par sa mère – laquelle affirme s’en mordre les doigts et suggère à DSK d’aller « se faire soigner ». Lasse, dit-elle, de passer pour une affabulatrice,Tristane Banon s’est résolue à franchir le pas, tout en refusant de témoigner dans la procédure new-yorkaise. Hélas pour elle, la qualification de viol paraît, en l’occurrence, moins appropriée que celle Ý La journaliste d’agression sexuelle. Problème: elle induit la prescription des faits au et écrivaine J.-M.A. bout de trois ans. Contre dix ans en cas de viol. ● TRISTANE BANON. N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie

fiasco judiciaire

SIEGEL/SIPA

de l’opinion, Vance n’a nulle intention de ruiner ses chances de réélection. Prenant acte d’une série de mensonges sous serment de la victime supposée, il s’est résolu à lever l’assignation à résidence (dorée) frappant DSK, à le délivrer du bracelet électronique censé prévenir toute velléité de fuite et à lui restituer la caution de 6 millions de dollars (4 millions d’euros) qu’il avait été contraint de verser. Car le fait est désormais avéré : Mlle Diallo entretient avec la vérité des rapports incertains. L’« employée modèle » pieuse et sans histoires complaisamment décrite n’était qu’un rôle de composition. Passe encore (moralement, sinon pénalement) qu’elle ait, en 2004, inventé de toutes pièceslescirconstancesjustifiantsademanded’asile politique aux États-Unis – est-elle la seule dans ce cas? –, qu’elle ait tenté de frauder le fisc américain et de minorer ses revenus pour conserver son logement social. Ce sont là expédients d’immigré peu regardant sur les moyens de s’en sortir. Ils n’ont d’ailleurs avec l’affaire Strauss-Kahn d’autre rapport que d’affecter négativement la crédibilité de la plaignante.

l’économie d’un procès qu’il n’a plus guère de chances de remporter. Cela ne signifie pas que le dirigeant socialiste soit à coup sûr innocent, mais que l’accusation n’a pas été en mesure d’établir sa culpabilité au-delà de tout « doute raisonnable ». Ce qui lui vaut dans la presse des attaques à boulets rouges. Ensuite, parce que Kenneth Thompson, l’avocat de la plaignante, accuse son cabinet de multiplier les fuites dans les médias en vue de discréditer la victime et de ne pas avoir communiqué à l’accusation certaines informations importantes. Il n’apprécie pas non plus le fait qu’un de ses collaborateurs soit l’épouse d’un des avocats de DSK. Thompson suggère donc froidement à Vance de se dessaisir du dossier. Ce dont l’intéressé ne veut naturellement pas entendre parler. Les procureurs étant, aux États-Unis, élus par le peuple, et donc soumis plus qu’ailleurs aux pressions et aux pulsions pas toujours rationnelles JEUNE AFRIQUE

DOMINIQUE STRAUSS-KAHN quittant sa résidence new-yorkaise en compagnie d’Anne Sinclair, son épouse, le 1er juillet.

« JE SAIS CE QUE JE FAIS ». Plus ennuyeuse, la publication par le New York Times d’un court extrait d’une conversation en peul avec un dealer incarcéré en Arizona et placé sur écoute. Il s’agit d’un ressortissant gambien que Nafissatou Diallo aurait épousé religieusement (mais non civilement). « Ne t’en fais pas, ce type [DSK] a beaucoup d’argent. Je sais ce que je fais », y déclare la jeune femme. On aimerait à présent prendre connaissance de l’intégralité de l’enregistrement. À cela s’ajoutent des mouvements inexpliqués sur son compte en banque et une incertitude persistante concernant son attitude dans les minutes qui ont suivi son viol hypothétique. Ses déclarations successives se contredisent et ne sont que partiellement corroborées par l’analyse – beaucoup trop tardive – de la clé magnétique qui lui donnait accès aux chambres. Sa maîtrise très approximative de l’anglais expliquet-elle ces divagations ? Possible. Kenneth Thompson regrette pour sa part les « erreurs » de sa cliente, mais jure qu’elles n’infirment en rien les accusations portées contre DSK. Il est dans son rôle. Le 1er juillet, sur une estrade dressée en pleine rue devant la cour criminelle de New York, il a donné du viol présumé une description d’une stupéfiante crudité : il s’agissait à l’évidence de choquer une opinion par nature ● ● ● N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

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Europe, Amériques, Asie

HUMEUR

Opin nion ns & édiito oria auxx Fouad Laroui

Êtes-vous « crédible »?

J

E CROIS QUE C’ESTVOLTAIRE QUI DISAIT : « Donnez-moi trois lignes de la main d’un homme et je le fais pendre. » Si l’on y met les moyens, on peut tout faire dire à un mot, à un message, à un détail… Personne n’est tout à fait innocent, notre passé nous accable, chacun traîne des casseroles qu’un bon enquêteur finira par débusquer. C’est ce que fait redouter cette affaire DSKND – les initiales s’emmêlent aussi intimement que sur la moquette d’une chambre d’hôtel. Au début, on ne savait pas grand-chose de cette ND, sinon qu’elle était une employée modèle, « sans histoires ». Puis l’enquête s’est emballée et les « histoires » se sont mises à pleuvoir. L’employée modèle est devenue prostituée-menteuse-trafiquante de drogue. Si l’enquête continue, on finira par découvrir que c’est elle, cette maudite Nafissatou, qui a assassiné Kennedy en 1963, qui a endommagé la navette spatiale et déclenché la crise financière de 2008. Cela ferait un beau slogan ou une belle une de journal: « Nafissatou, coupable de tout ! » Heureusement que nous ne sommes pas tous soumis à un examen aussi impitoyable de notre passé. La semaine dernière, après avoir fait mes courses et les avoir payées dans mon supermarché, je me suis rendu compte en sortant que je tenais à la main un petit sachet contenant trois nectarines, que j’avais oublié de présenter à la caisse et donc omis de payer. J’ai haussé les épaules et je suis rentré chez moi. Dans l’économie du cosmos infini, dans le grand plan divin, cet oubli n’a strictement aucune importance. Mais si, dans un mois ou dans un an, je me retrouvais face à des enquêteurs aussi opiniâtres que ceux d’outre-Atlantique, on peut être sûr que cet incident prendrait des proportions bibliques, que les caméras du supermarché montreraient un individu louche – moi – s’esquivant comme un rat visqueux du noble temple de la consommation, que je serais estampillé malfrat. Et surtout, horreur suprême, je ne serais plus « crédible ». Si un type m’assommait ou me cambriolait, mon témoignage n’aurait aucune valeur car l’avocat du type tonnerait: pas crédible, le monsieur, il a volé trois nectarines, il y a dix ans! Et la presse américaine, puritaine jusqu’au trognon, d’opiner gravement. Le nectarine-thief, ce naufrageur de la civilisation occidentale, ne mérite pas qu’on l’écoute! Alors, que faire ? Il me semble qu’on devrait inventer une sorte d’appareil plein de biiip et de tuuuuut, un appareil qui servirait à abolir le passé à date fixe, par exemple tous les 31 décembre. À chaque début d’année, nous serions tous aussi crédibles que l’agneau qui vient de naître. On appellerait cet appareil le « crédibilator » – je cours déposer le nom. C’est à ce prix qu’une immigrée africaine pourrait avoir le même poids qu’un éléphant du PS. ●

Va-t-on bientôt découvrir que « ND » a assassiné Kennedy ?

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● ● ● versatile, que la révélation des mensonges de la plaignante risquait de faire basculer dans le mauvais sens. Il a notamment évoqué, certificats médicaux à l’appui, les traumatismes (au vagin et à l’épaule) prétendument infligés à sa cliente. Problème : cette dernière avait, dans un premier temps, apparemment omis de faire état d’une blessure à l’épaule. Du coup, l’hypothèse d’une arnaque improvisée contre un riche « pigeon » par des « bras cassés » de banlieue prend quelque consistance. Après avoir agressé DSK en des termes d’une exceptionnelle outrance (« crapaud lubrique »), les tabloïds newyorkais se retournent aujourd’hui, dans le même style, contre son accusatrice. Pour le New York Post, par exemple, Nafissatou Diallo n’est qu’une « pute » qui mettait à profit son travail au Sofitel pour racoler et aurait poursuivi ses coupables activités après le déclenchement du scandale. À l’issue de sa « prestation », un différend quant au règlement l’aurait opposée au directeur général du FMI… Ce n’est pas exclu – rien ne l’est dans cette rocambolesque affaire. Encore faut-il en apporter la preuve, ce que le Post s’est abstenu de faire, raison pour laquelle, au nom de sa cliente, Thompson a déposé plainte pour diffamation.

IRRÉMÉDIABLE. Pour DSK, les dommages sont

d’ores et déjà irrémédiables. Il a été prié, de manière insistante et, sans doute, précipitée, de démissionner de la direction générale du FMI – mais ses collègues restaient traumatisés par le précédent de l’affaire Piroska Nagy, gentiment étouffée en 2008. Et l’on voit mal comment il pourrait reprendre rang parmi les candidats socialistes à la présidentielle de 2012. Il faudrait d’abord qu’il en ait envie. Après une telle épreuve, se lancer dans une campagne électorale à couteaux tirés relèverait de l’héroïsme. Ou de l’inconscience. D’autant que, selon un récent sondage BVA, une majorité de Français (54 %) ne le souhaitent pas. Et que la vieille garde strausskahnienne, longtemps soudée dans l’espoir de son retour, a fini par se disperser. Même s’il n’a pas violé Nafissatou Diallo, son image de présidentiable est en miettes. Coucher avec une femme de chambre, rétribuée ou pas, en fin de matinée à New York, déjeuner avec sa fille, puis prendre l’avion pour retrouver son épouse, « sainte » Anne Sinclair, à Paris… Est-ce vraiment la belle histoire dont rêvent les électrices (et nombre d’électeurs) ? Se repaître de pâtes aux truffes dans un restaurant people de Manhattan avec un couple d’amis (600 dollars à quatre, quand même) dès la levée de son assignation à résidence n’est assurément pas un crime. Mais est-ce le plus sûr moyen de mobiliser sous sa bannière des cohortes de salariés à 1 500 euros par mois ? DominiqueStrauss-Kahnjouaitaveclefeudepuis trop longtemps. Il a fini par se brûler, voilà tout. ● JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie THAÏLANDE

Si ce n’est toi, c’est donc ta sœur Yingluck Shinawatra a triomphalement remporté les législatives du 3 juillet. Mais c’est son frère Thaksin, exilé à Dubaï pour échapper à la justice, qui risque de tirer les ficelles en coulisses.

«

M

a priorité est de conduire le pays sur la voie de l’unité et de la réconciliation », a fait savoir Yingluck Shinawatra, la future Première ministre de Thaïlande, après l’écrasante victoire (265 sièges sur 500) de son parti, le Puea Thai, aux élections législatives du 3 juillet. Après les violences du printemps 2010 entre les Chemises rouges, partisans de Thaksin Shinawatra, et les forces gouvernementales, le scrutin était crucial pour permettre au royaume d’enfin tourner la page. Et de réduire le fossé entre les élites urbaines traditionnelles, soutenues par l’armée, et les masses populaires et rurales, exclues de tout temps du jeu politique. Face à ce raz-de-marée de l’opposition, Abhisit Vejjajiva, le Premier ministre sortant, a aussitôt démissionné. Responsable du coup d’État qui, en 2006, renversa Thaksin, l’armée s’est, de son côté, officiellement inclinée, dissipant pour l’instant la perspective d’un putsch militaire. Mais son chef d’état-major, le général Prayut Chan-Ocha, qui, en mai 2010, orchestra l’assaut sanglant contre les Chemises rouges, ne s’est toujours pas exprimé. Pendant la campagne électorale, il avait

clairement exhorté les électeurs, à condition bien sûr qu’ils « aient un cerveau », à « ne pas oublier qui a incendié Bangkok » l’an dernier et à voter « pour les bonnes personnes ». La menace était claire. « COMME UNE ENTREPRISE ».

capacités à gouverner le pays. Celle que Thaksin appelle son clone reconnaît d’ailleurs volontiers son manque d’expérience, même si elle affirme avoir « baigné dans la politique depuis sa petite enfance ». Et quand on lui demande qui, de son frère (en exil à Dubaï pour échapper à la prison pour malversations financières) ou d’elle, gouvernera vraiment, elle répond qu’elle sera « entourée de conseillers mais demeurera seule responsable de [ses] actions ». Mais comment croire que Thaksin, son mentor, constamment plébiscité depuis sa première victoire électorale en 2001 – c’est un vrai héros pour les paysans du Nord-Ouest et les banlieues défavorisées de Bangkok –, puisse prendre, comme il le prétend, sa retraite? D’autant que le Puea

« Rencontrer le général Prayut ChanOcha ne fait pas partie de mon agenda immédiat », a précisé Yingluck lors d’une interview à la BBC. Pour la jeune femme (elle vient d’avoir 44 ans), le plus urgent est de former un gouvernement de coalition avec Ses priorités : apaiser quatre autres partis. Grâce à le mécontentement populaire la confortable majorité dont elle dispose, elle envisage et relever le pouvoir d’achat. de « gérer le pays comme une entreprise » (son frère, lui, se disait le Thai a déjà annoncé une amnistie pour « PDG de la Thaïlande ») et de mettre en tous les hommes politiques condamnés, place une nouvelle politique économique dont, forcément, il bénéficiera. Son retour, destinée à calmer le mécontentement tout comme la succession incertaine du roi Bhumibol (83 ans), actuellement dans un populaire et à relever le pouvoir d’achat. Auprogramme,notamment,uneaugmenétat désespéré, pourrait bien déclencher tation des salaires de près de 40 %. de nouveaux troubles entre les Chemises Diplômée de l’Université du Kentucky, rouges de Thaksin et les Chemises jaunes aux États-Unis, Yingluck est une novice de l’élite. Mais ce seront sans doute les en politique. Dans un premier temps, chemises vertes de l’armée qui feront le il s’agira donc pour elle de rassurer les climat des mois à venir… ● Thaïlandais, sceptiques quant à ses JULIETTE MORILLOT

Dix ans de crise 2001

Thaksin Shinawatra Premier ministre 2004

Victoire du PueaThai, son parti, aux législatives 2006

DAMIR SAGOLJ/REUTERS

Accusé de malversations, Thaksin remporte les législatives, avant d’être renversé par un coup d’État 2008

Retour d’exil deThaksin, puis nouveau départ. En septembre, affrontements JEUNE AFRIQUE

entre Chemises jaunes et rouges. En décembre, dissolution du PueaThai, Abhisit Vejjajiva Premier ministre 2009

Manifestations massives des Chemises rouges 2010

De mars à mai, sanglantes manifestations des Chemises rouges à Bangkok 2011

Victoire deYingluck Shinawatra aux législatives N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

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PARCOURS | D’ici et d’ailleurs

Sylvère-Henry Cissé Tête de pont Après des débuts à la radio, ce grand Sénégalais de 1,98 m officie désormais à la télévision. Avec ses vingt-cinq années d’expérience journalistique, il fait figure de précurseur.

D

e ses bras gigantesques, il entoure les épaules de son fils, « un joli métis de 10 ans », qu’il conduit à grandes enjambées chez le pédiatre. Rythme habituel pour ce grand gaillard divorcé de 1,98 m qui se définit comme un sportif du dimanche ? Peut-être. Mais là, il accuse un retard d’une heure: volubile, il n’a pas vu le temps passer en racontant ses mille et une vies de journaliste touche-à-tout qui affiche plus de vingt-cinq années d’expérience au compteur. Aujourd’hui, à bientôt 50 ans, Sylvère-Henry Cissé présente Le Journal du sport depuis 2007 dans La Matinale, talk-show de la chaîne française Canal+, sa seconde famille. Ce n’était pas gagné pour ce Sénégalais d’origine, piqué par le virus de la radio à un moment où l’audiovisuel français s’apparentait à une citadelle imprenable pour les Africains. « J’ai vu des portes me claquer au nez, lu la surprise sur les visages lorsque je me présentais comme producteur. » De pigiste à producteur, d’animateur à rédacteur en chef, son parcours est fait d’errements maîtrisés entre amateurisme et professionnalisme, la passion du métier étant le seul pont qu’il s’autorise à jeter entre ces deux rives.

Dans un grand éclat de rire communicatif, il évoque son premier contact avec un micro, à l’éclosion des radios libres, dans les années 1980, grâce à un copain qui lui confie une chronique cinéma sur Micro média 90 et surTubes FM, à Saint-Quentin. Une révélation pour cet élève moyen qui s’ennuie sur les bancs de la fac. Respectueux de ses décisions mais dubitatif, son père, militaire de carrière, le voit tout plaquer pour se lancer à corps perdu dans la création de radios. La tête en arrière, SylvèreHenry Cissé savoure le souvenir de ses escapades italiennes, à la recherche N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

RASTOIN

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HYPERACTIF, OBAMANIAQUE, DÉFENSEUR DE LA DIVERSITÉ, le présentateur du Journal du sport a trouvé en Canal+ une seconde famille.

d’émetteurs pour des stations qui n’avaient pas d’existence légale. « C’était un grand n’importe quoi fort plaisant et qui a duré trois ans », se marre-t-il. Le temps de réaliser qu’il perdait beaucoup d’argent… Il tente de retourner à l’université, « mais en pure perte: la mayonnaise ne prenait pas ». Puis il envoie des maquettes tous azimuts. Son premier vrai job, c’est en 1984, à Lille, à Radio Temps libre, propriété du publicitaire Jacques Séguéla (600 francs mensuels de salaire : « Une fortune pour un

célibataire soucieux de faire la fête. »). Ce dernier l’encense, avant de le licencier pour lancer Hit FM, « une radio automatique, sans personnel ». Réfugié dans une pizzéria de Lille pour se lamenter sur son sort en compagnie d’un technicien (il a pourtant la réputation de ne jamais se laisser démonter), il est abordé par l’un des dissidents de NRJ Group, créateurs de Fun Radio, qui écoutait leur conversation. Embauché par Pierre Lattès, qui l’auditionne « en short et débardeur dans son appartement tout en rotonde, JEUNE AFRIQUE


Europe, Amériques, Asie

Le temps passe, il erre entre différentes stations locales de Radio France. « Les émissions de SylvèreHenry révèlent un esprit brillant, libre, éclectique et infatigable », s’enthousiasme la journaliste Anne-Marie Gustave. Longue distance, la tranche matinale de Radio France Internationale qu’il anime de 1993 à 1997, reste l’aventure radiophonique la plus aboutie de ce « métis culturel » admirateur de Barack Obama (il collectionne ses portraits, les ouvrages qui lui sont consacrés et enrage quand on le critique). « Ne pas tomber dans les clichés et les poncifs qui vous installent dans la négritude telle que certains l’imaginent »: c’est son combat politique. Il déteste les partis (même s’il admire François Hollande [PS] et Jean-François Copé [UMP]… et le modèle malien de transition). Membre actif du Club Averroes depuis cinq ans, il a fait de la diversité dans les médias un autre défi. « Hyperactif jamais avare d’engagement », selon sa collègue Élé Asu, il est fier qu’Averroes ait remporté la bataille du doublage, il y a deux ans. « Avant, un Blanc pouvait doubler n’importe quel rôle, tandis qu’un acteur noir doublait systématiquement un Noir ou un métis… » Mais n’allez par croire que la question noire soit une obsession… ● CLARISSE JUOMPAN-YAKAM JEUNE AFRIQUE

ÉTATS-UNIS

Chaises musicales Robert Gates prenant sa retraite, Leon Panetta lui succède au Pentagone. Et laisse sa place à David Petraeus à la tête de la CIA.

GARY FABIANO/SIPA

avec des plants de vigne partout et un perroquet au milieu », il devient, à 25 ans, en jean et santiags, directeur régional du groupe Fun Radio, en Isère. « Ma force, dit-il, c’est d’avoir d’emblée fait abstraction de mes origines. » Exercice a priori facile pour cet aîné d’une fratrie de sept, arrivé en France à 2 mois et dont les souvenirs se résument aux collines de pins et aux cerises du Luc-en-Provence, un univers clos protégé par l’uniforme paternel, où il est resté jusqu’à ses 16 ans: « Mes amis, c’était les gars du coin, avec un fort accent du Sud. Nous jouions au football et écoutions Claude François. » Il découvre le continent à travers son père et ses amis, qui allaient combler leur besoin d’Afrique à Fréjus, Toulon, Marseille ou Draguignan dans des bals africains. « J’ai compris plus tard qu’ils avaient besoin d’une terre de substitution. »

C

Ý OBAMA, PANETTA ET PETRAEUS (de g. à dr.). Entre armée et services de renseignements, une frontière de plus en plus ténue.

est à un jeu de chaises musid’Afghanistan, en passant par les relations cales sans le moindre couac avec Islamabad, qui pourraient bénéfique l’on vient d’assister au cier des liens qu’il est parvenu à nouer Pentagone et à la CIA. Fait avec Ahmed Shuja Pacha, le patron des rarissime – et joli succès pour le président services pakistanais. Mais sa marge de Obama –, les sénateurs ont approuvé à manœuvre est étroite en ces temps de l’unanimitélanominationdeLeonPanetta restrictions budgétaires pour le Pentagone au secrétariat à la Défense et, à une majo(400 milliards de dollars sur douze ans, rité écrasante, celle de David Petraeus à la soit 280 milliards d’euros). tête de l’agence de renseignements. Le choix de Panetta et celui du général Insubmersible patron de la défense David Petraeus (58 ans), qui lui succède à américaine – c’était un survivant de l’adla CIA, confirment que la frontière entre ministration de George W. Bush –, Robert arméeetservicesderenseignementsestde Gates a quant à lui pris sa retraite, non plus en plus ténue. Dans leurs précédentes fonctions, déjà, Panetta supervisait l’acsans tirer un ultime missile contre les tion des drones au Pakistan, tandis que le Européens, accusés de réduire l’Otan à « l’insignifiance » et de se trouver à court de commandant en chef des forces alliées en munitions dans le conflit libyen – quand ils Afghanistan confiait des missions secrètes n’y brillent pas par leur absence, à l’instar aux commandos des forces spéciales. Réputé pour son intelligence, le « roi de l’Allemagne ou de la Pologne. Assurément plus diplomate, Leon Panetta (73 ans), Le « roi David » aurait-il son successeur, quitte la CIA des ambitions présidentielles ? couvert de louanges après l’élimination récente d’OusChut ! Il jure qu’il n’en est rien. sama Ben Laden. D’abord républicain, ce fils d’immigrés italiens a David » s’est illustré en Irak, où il est changé de camp dans les années 1970, parvenu à rétablir une relative sécurité devenant secrétaire général de la Maison en appliquant sa théorie de la contreBlanche sous Bill Clinton (1994-1997). Élu insurrection. Son bilan en Afghanistan est à la Chambre des représentants, il vota bien plus mitigé. Il n’en supervisera pas contre la première guerre du Golfe (1991) ; moins la première phase du retrait des puis, en tant que membre de l’Iraq Study troupes américaines, avant de prendre Group, recommanda en 2006 de mettre ses nouvelles fonctions, en septembre. On fin rapidement à la guerre d’Irak. lui prête des ambitions présidentielles, Plusieursdossiersdélicatsl’attendent,de mais chut ! pour le moment, il jure qu’il l’opération en Libye au retrait des troupes n’en est rien. ● JOSÉPHINE DEDET N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

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Économie

ELODIE GREGOIRE/REA

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DÉVELOPPEMENT

L’industrie au point mort

INTERVIEW

Jalloul Ayed

Ministre tunisien des Finances

Forcing

CÔTE D’IVOIRE

des patrons français Le 14 juillet, François Fillon sera à Abidjan pour s’entretenir avec Alassane Ouattara. Dans les bagages du Premier ministre, une centaine d’entreprises attirées par la reconstruction et la relance de l’économie du pays.

BAUDELAIRE MIEU, à Abidjan

L

avenir est prometteur. « La France se portait bien en Côte d’Ivoire sous Gbagbo, avec Ouattara ce pourrait être l’extase pour les 200 filiales de groupes français exerçant à Abidjan, elles ne subiront plus de pressions. C’est une nouvelle ère qui s’ouvre », lance un industriel français du BTP, présent dans le pays depuis trente ans.

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La preuve de ce renouveau ? Apaisé, l’axe ParisAbidjan attire déjà de nouveaux venus. Depuis mai, Carrefour et Auchan prospectent le marché. La chaîne de restaurants Hippopotamus a ouvert sa première franchise le 16 juin (3 millions d’euros). Et sa maison mère, le groupe Flo, envisage l’ouverture prochaine d’une brasserie Flo, avec l’aide du promoteur franco-ivoirien Jihad Badreddine. Et ça n’est pas fini. Car, pour écrire les prochaines lignes de ces pages si alléchantes, le Premier ministre français en personne, François Fillon, s’envolera après le traditionnel défilé du 14 Juillet sur les Champs-Élysées, à Paris, pour une visite officielle de vingt-quatre heures à Abidjan. Avec lui, une délégation d’une centaine de chefs d’entreprise, conduits par Patrick Lucas, président du comité Afrique du Medef, la principale organisation patronale française. Outre la date, la logistique déployée par Paris témoigne de l’importance JEUNE AFRIQUE


CHAMPAGNE

Débouché africain

INTERVIEW

Hadi Akoum Vice-président d’Airbus

chargé des ventes pour l’Afrique et l’océan Indien

Ý ANNE MÉAUX (Image 7), MARC RENNARD (France Télécom), MICHEL ROUSSIN (EDF) et VINCENT BOLLORÉ (de g. à dr.) étaient présents, le 21 mai, à l’investiture du président, à Yamoussoukro.

stratégique de ce séjour. « Trois Airbus ont été mobilisés. Ce voyage coûtera plus de 200000 euros au gouvernement français », indique une source diplomatique française à Abidjan. Le Premier ministre focalisera sa visite sur le business et les relations d’affaires. À son agenda, une audience avec Alassane Dramane Ouattara (ADO). François Fillon n’arrive pas les mains vides. En plus du prêt de 400 millions d’euros accordé fin avril à Abidjan pour faire face aux besoins d’urgence (notamment le paiement des fonctionnaires), le Premier ministre annoncera la transformation de plus de 2 milliards d’euros de la dette bilatérale avec le pays en contrat de désendettement et de développement. Cette initiative permettra de convertir un tiers de la dette (environ 760 millions d’euros) pour financer des projets prioritaires de reconstruction. Un geste qui doit, cela va de soi, profiter en priorité aux entreprises françaises. IMPATIENCE. Ces dernières, grâce à ce rendez-

vous officiel, comptent bien se mettre en ordre de bataille en prévision du plan d’investissement de plus de 10 milliards d’euros que le gouvernement ivoirien doit lancer après les législatives, prévues avant la fin de l’année. Des investissements dans l’énergie, les infrastructures (routes, ponts, écoles, hôpitaux…) et le social (mise en place d’une assurance maladie) en sont les priorités. Très impatients, plusieurs patrons français ont déjà fait le voyage à Abidjan depuis la chute de Laurent Gbagbo, le 11 avril, pour débloquer des investissements en suspens. Olivier Bouygues, directeur général délégué du groupe Bouygues, déjà reçu deux fois par ADO (le 11 mai et le 23 juin), a annoncé la relance de l’exploitation du gaz par sa filiale Foxtrot. Le groupe s’active aussi pour démarrer les travaux de construction du troisième pont Marcory-Riviera à Abidjan. Le projet (255 millions d’euros) est en bonne voie, avec le décaissement de 45 millions d’euros par la Banque africaine de développement. Bloqué pour l’instant, le projet d’aéroport international de San Pedro est promis à Bouygues, Vinci et Fougerolle pour le gros œuvre, et à Aéroports de Paris pour l’exploitation – un investissement de 185 millions d’euros financé par… la Deutsche Bank. Vinci s’affaire aussi auprès de l’architecte Pierre Fakhoury pour qu’il participe aux chantiers de transfert de la capitale politique d’Abidjan à Yamoussoukro. JEUNE AFRIQUE

MARCHÉS FINANCIERS

Un partenaire commercial qui compte (parts des échanges globaux avec la Côte d’Ivoire)

EN 2009

Nigeria : 13 % France : 12 % Pays-Bas : 9 % États-Unis : 6 % Allemagne : 5 % EN 2010

Nigeria : 16,4 % France : 9,8 % Pays-Bas : 9,6 % Allemagne : 4 % Chine : 3,75 %

Baisse de régime pour Ennakl

À la mi-juin, l’homme d’affaires franco-ivoirien Roger Abinader a présenté aux autorités ivoiriennes Stéphane Charriau, directeur énergie pour l’Afrique du groupe Alstom. Celui-ci a été reçu par le ministre de l’Énergie, Adama Toungara, avant de s’entretenir au téléphone avec Philippe Serey-Eiffel (lire page suivante), conseiller spécial d’ADO chargé des questions économiques et des infrastructures. Objectif : relancer les projets d’extension des centrales thermiques d’Azito et de Ciprel 4, à Vridi. Alstom est bien placé aussi pour reprendre au chinois Sinohydro le projet de construction du barrage de Soubré (plus de 300 millions d’euros). « La priorité du président est de combler le déficit de la production d’énergie », confie un proche collaborateur du chef de l’État ivoirien. POIDS LOURDS. Les entreprises françaises se sentent (trop ?) en confiance. Le principe de compétition entre les sociétés étrangères, instauré par Laurent Gbagbo pour diversifier l’origine des investisseurs et réduire l’influence française dans le pays, s’est révélé peu efficace ; mais cette mesure a tout de même eu un impact psychologique, en créant un climat d’incertitude autour des entreprises hexagonales. Bien sûr, la percée de nouveaux investisseurs, notamment chinois, a fait reculer la part de marché de la France, passée de 12 % à 9,8 % entre 2009 et 2010. Toutefois, elle demeure le deuxième partenaire commercial du pays (voir infographie). Selon une note de la mission économique de l’ambassade de France à Abidjan, les échanges bilatéraux entre Paris et Abidjan ● ● ●

QUAND LA BATAILLE SE JOUE SANS EUX LES GROUPES FRANÇAIS NE SONT PAS PARTOUT. Les américains Cargill et Archer Daniels Midland (ADM) demeurent les principaux chargeurs du cacao ivoirien. Au 23 juin, ils ont déjà exporté près de 350000 tonnes de fèves, soit 40 % de la production de la campagne 2010-2011 qui s’achèvera le 30 septembre. Dans l’huile de palme, Olam (du groupe indo-pakistanais Kewalram Chanrai) et l’indonésien Wilmar ont acquis une position monopolistique grâce à un partenariat avec le groupe privé ivoirien Sifca. Dans les hydrocarbures, excepté Foxtrot (filiale de Bouygues), les opérateurs sont américain (Vanco Energy), russe (Lukoil), britannique (Tullow Oil), belgo-ivoirien (Yam’s Petroleum), nigérian (Oranto), canadien (CNR), italien (Edison) ou émirati (Al-Thani). Dans le fer, les indiens deTata Steel et deTaurian mènent le bal, avec un contrat estimé à plus de 3,5 milliards d’euros pour le premier. L’or est l’affaire du sud-africain Randgold Resources et du britannique Cluff Gold. Enfin, China National Geological & Mining Corporation est dans le manganèse. ● B.M. N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

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Entreprises marchés ont atteint 1,4 milliard d’euros en 2010. Un record. Durant les années fastes d’avant la crise, ils plafonnaient à 700 millions d’euros. À elles seules, les entreprises françaises (600 PME sont présentes à côté des grands groupes) génèrent plus de 50 % des recettes fiscales, estimées à plus de 2,3 milliards d’euros en 2011. ●●●

Les groupes hexagonaux ont les yeux rivés sur le vaste projet de privatisation voulu par Ouattara. D’autres poids lourds français attestent de cette forte présence. Société générale et BNP Paribas, qui se partagent 35 % du marché bancaire ivoirien, ont eu la confirmation qu’ils pourraient continuer à héberger les comptes des grandes entreprises publiques du pays ainsi que ceux d’environ 100 000 fonctionnaires, soit les deux tiers de la fonction publique. De même, Bolloré et Bouygues dominent le business sur les bords de la lagune Ébrié. La filiale ivoirienne de Bolloré Africa Logistics est le premier investisseur privé.

Sur le port d’Abidjan, elle prépare la relance de son plan de développement du terminal à conteneurs (75 millions d’euros) et prévoit 285 millions d’euros d’investissements sur vingt ans pour faire repartir sa filiale Sitarail (transport ferroviaire). Mais les Total, CFAO et autres Accor ont avant tout les yeux rivés sur le vaste projet de privatisation ou de redistribution des cartes dans le secteur public. Le chef de l’État a demandé l’audit de 43 entreprises publiques (Société ivoirienne de raffinage [SIR], Banque nationale d’investissement, Versus Bank…), et une partie d’entre elles pourraient être privatisées. Déjà, Sonangol est prié d’abandonner ses 22 % dans le capital de la SIR. Officiellement, le groupe angolais est évincé pour ne pas avoir tenu ses promesses d’investissement d’environ 140 millions d’euros – et non à cause du soutien de son pays à Laurent Gbagbo… Les opportunités s’annoncent très lucratives. À commencer pour les groupes français ? Pas si sûr. Des pressions encore amicales sont exercées sur le pouvoir ivoirien par les bailleurs de fonds internationaux, notamment la Banque mondiale, pour l’inciter à lancer des appels d’offres pour plus de transparence. Reste à voir où se situera la ligne jaune. ●

Philippe Serey-Eiffel, l’homme qui murmure à l’oreille d’ADO Ce Français de 58 ans a fait ses premières armes en Côte d’Ivoire en 1973. En mars, le président Ouattara l’a rappelé pour devenir son conseiller spécial. .

D

iscret, très dis(cacao, café, sécurité…). Et cret. Forcément, comme l’ancien conseiller pour un homme de Nicolas Sarkozy, il n’héde dossiers. Et site pas à convoquer des éminemment secret aussi. ministres pour exiger des Philippe Serey-Eiffel fuit la éclaircissements. Homme de lumière. Rien à voir avec son confiance d’ADO, Philippe arrière-arrière-grand-père, Serey-Eiffel est l’un des prinGustave, le célèbre construccipaux artisans – avec Marcel À Abidjan, il est teur de la tour Eiffel. Mais Amon Tanoh, le directeur de chargé des AFFAIRES depuisl’accessiond’Alassane cabinet à la présidence – de ÉCONOMIQUES ET Dramane Ouattara (ADO) à la venue de François Fillon à DES INFRASTRUCTURES. la charge suprême, il lui est Abidjan, le 14 juillet, et de la deplusenplusdifficilederesteràl’écartdu défense des intérêts économiques français rayonnement et du tapage médiatiques. Et dans le pays. pour cause. Fidèle compagnon du chef de LIMOGÉ PAR BÉDIÉ. Né en juin 1953 à l’État ivoirien, il occupe, à 58 ans, un poste stratégique: conseiller du président de la Neuilly-sur-Seine, près de Paris, ingéRépublique chargé de gérer les affaires nieur des Ponts et Chaussées, il a fait économiques et les infrastructures. ses premières armes en Côte d’Ivoire en 1973, sous Houphouët-Boigny, recruté Sorte de Claude Guéant à la mode ivoipar le tout-puissant Antoine Cesareo, rienne, il a un droit de regard sur tous les dossiers économiques et financiers qui régnait sur la DCGTX (Direction et D.R.

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contrôle des grands travaux, aujourd’hui Bureau national d’études techniques et de développement). « C’est un jeune plutôt frêle mais au regard malicieux et plein d’intelligence », disait-il de lui. Philippe Serey-Eiffel gravit tous les échelons de l’institution et accède au poste de directeur général adjoint en 1989. Devenu Premier ministre, ADO le nomme à la tête de la DCGTX en 1990. Il s’occupe des travaux d’infrastructures et

Sorte de Claude Guéant à la mode ivoirienne, il a un droit de regard sur tous les dossiers financiers. des grands chantiers de privatisation, qui profitent beaucoup aux groupes français. Il est limogé en 1994 par Henri Konan Bédié. De retour en France, il s’occupe de son vignoble dans le Bordelais, de l’Association des descendants de Gustave Eiffel, qu’il préside, et travaille pour la société Scetauroute puis pour Réseau ferré de France. Mars 2011 : ADO le rappelle aux affaires ivoiriennes. ● B.M. JEUNE AFRIQUE


Entreprises marchés Ý USINE DE TEXTILE À TANGER (Maroc). L’industrialisation est un moyen efficace de réduire la pauvreté.

ABDELHAK SENNA/AFP

Robert Lebale. Autrement dit, il faut mieuxorienterlessoutiensaccordés aux entreprises (subventions, aménagements fiscaux…) et en évaluer en permanence l’efficacité. Autant depréconisationsquel’organisation présentera à partir de septembre aux États africains dans le cadre d’échanges bilatéraux. INFORMEL. Reste que de nombreux

DÉVELOPPEMENT

L’industrie au point mort Autrefois bannie en Afrique, l’élaboration de politiques tournées vers le secondaire revient au goût du jour chez les économistes. Il était temps, car la production manufacturière du continent fait grise mine.

T

aboue depuis les années 1980 et les politiques d’ajustement structurel, la nécessité pour les pays africains d’élaborer de véritables stratégies industrielles refait surface dans les institutions internationales. « La crise mondiale de 2008 a changé la vision du rôle de l’État. Et l’industrialisation est l’un des moyens les plus sûrs pour réduire la pauvreté, comme l’a prouvé l’expérience asiatique », explique Robert Lebale, économiste en chef de la division Afrique de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced). Un chantier où tout, ou presque, reste à faire, la situation tendant même à se détériorer. Entre 2000 et2008,lacontributiondel’industrie au PIB africain est passéede 12,8 % à 10,5 %, alors que la part des articles manufacturés dans les exportations du continent a chuté de 43 % à 39 %.

Au plan mondial, l’Afrique ne représente d’ailleurs que 1,1 % de la production industrielle. Bien sûr,lessituationssonthétérogènes. Si le Sénégal a vu sa valeur La part de l’Afrique dans ajoutée manufacturière par la production habitant baisser de 0,3 % par industrielle an entre 1990 et 2010, la Tunisie mondiale aaugmentélasiennede3,4%par an sur la même période. Dans son dernier rapport, intitulé « Promouvoir le développement industriel en Afrique dans le nouvel environnement mondial » et réalisé en partenariat avec l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (Onudi), la Cnuced trace le cadre de nouvelles politiques pour le secteur secondaire africain – tout en soulignant que celles-ci ne doivent pas se faire au détriment de l’agriculture. « Les États doivent intensifier le dialogue avec le secteur privé pour identifier leurs avantages compétitifs », insiste

1,1 %

obstacles – manque d’infrastructures, pénurie d’électricité, faiblesse du commerce intra-africain – hypothèquent les ambitions du continent dans le domaine industriel. Le secteur manufacturier demeure globalement dominé par de petites entreprises informelles, qui, même lorsqu’elles se développent, intègrent rarement le secteur formel. En outre, « le développement des sociétés est limité par le coût de l’accès au crédit, beaucoup plus élevé sur le continent qu’en Asie ou en Amérique du Sud », constate Robert Lebale. La qualité de la gouvernance des États demeure un critère important pour attirer les capitaux étrangers. Et le continent reste sur ce point à la traîne, bien que, comme l’assure Robert Lebale, « les ministres que nous rencontrons sont convaincus de l’importance de cette question ». Pourfinancerdegrandsprojets,l’Afrique se tourne de plus en plus vers desacteursduSud.«AveclaChine,il yapeud’investissementsproductifs, déplore Robert Lebale. Même si les chosesévoluent,parexempleavecle financement de raffineries au Tchad et au Nigeria. » L’économiste salue plusvolontierslapercéedesgroupes indiens, « plus ouverts au transfert de compétences ». ● JULIEN CLÉMENÇOT

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Entreprises marchés INTERVIEW

Jalloul Ayed

M INISTRE

TUNISIEN DES

F INANCES

« Les ingrédients de la réussite sont là » Le banquier a quitté les rangs du privé et regagné Tunis fin janvier pour entrer dans le gouvernement de transition. Sa délicate mission: relancer l’économie du pays et les investissements sans menacer l’équilibre budgétaire.

EN OFF

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LE SOIR DU 27 JANVIER 2011, Jalloul Ayed a la surprise d’apprendre sa nomination au ministère des Finances quelques instants à peine avant le reste de la Tunisie. À 19 h 30, il se trouve dans son bureau londonien quand il reçoit l’appel du Premier ministre Mohamed Ghannouchi : « Félicitations, vous êtes ministre des Finances et vous commencez demain matin ! » « J’étais très loin de m’y attendre, se souvient Jalloul Ayed. Mais c’était l’appel de la patrie, et je n’ai pas hésité une fraction de seconde ! »

À

60 ans, Jalloul Ayed connaît tous les arcanes de la finance internationale. Il a négocié la licence de Citibank en Tunisie dans les années 1980, dirigé sa filialecorporatepourlesÉmiratsarabesunisetOman puis Citibank Maghreb, créé la branche affaires de la Banque marocaine du commerce extérieur (BMCE) en 1998 et organisé en 2007 l’acquisition par la BMCE de Bank of Africa. Son expertise étendue – des assurances à la banque d’affaires – et son indépendance politique en ont fait l’homme de la situation dans le gouvernement de techniciens voulu par Mohamed Ghannouchi, après l’échec de son premier cabinet de transition. Le 27 janvier, Jalloul Ayed est ainsi devenu ministre des Finances de la Tunisie. Il a été maintenu dans ses fonctions au sein du gouvernement provisoire de Béji Caïd Essebsi. S’est-il pris au jeu? Entretien. JEUNE AFRIQUE: Vous avez longtemps travaillé à l’étranger; quels liens gardiez-vous avec la Tunisie? Comment avez-vous vécu la révolution? JALLOUL AYED : J’ai gardé les rapports d’un

Tunisien qui aime son pays et y rentre tous les ans pour voir sa famille. Je suivais de loin ce qui s’y passait, mais sans y être totalement investi. Les événements de janvier ont éveillé en moi un mélange de sentiments parfois contradictoires : beaucoup d’enthousiasme, mais aussi de l’anxiété. J’étais emballé à l’idée que le peuple tunisien, et en particulierlesjeunes,aiteulecouragedemenercette révolution, tout en appréhendant les difficultés de la transition. J’étais loin de pleinement réaliser les raisons fondamentales de cette révolution quand je vivais à l’étranger, mais je les ai beaucoup mieux saisies depuis que j’ai pris mes fonctions. Dans quel état avez-vous trouvé les finances?

Elles étaient dans un état très correct, pour deux raisons essentielles. L’orthodoxie dans la gestion des affaires publiques est une caractéristique du ministère des Finances et la grande compétence de nos cadres est une vraie force pour la maîtrise des finances publiques. Bien sûr, les conséquences N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

économiques de la révolution nous ont conduits à réviser le budget et nous avons présenté une loi de finances rectificative début juin. Mais je reste serein: la situation se stabilise et redevient presque normale. Surtout, les ingrédients de la réussite sont là: une population jeune et éduquée, une position géographique privilégiée, un climat des affaires positif… Et la phase politique dans laquelle nous nous engageons va beaucoup améliorer la gouvernance. Les Tunisiens auront bientôt tous les moyens de faire sortir le meilleur d’eux-mêmes. Les effets de la révolution s’estompent-ils?

Inévitablement, l’économie tunisienne va encore souffrir: la production a été touchée et nous attendons une diminution de plus de 50 % des recettes touristiques sur l’année. La situation en Libye a aussi un impact très négatif. Comment aider les sociétés mises en difficulté?

Évidemment, il faut que notre économie redémarre dans les meilleures conditions: nous avons donc élaboré une batterie de mesures fiscales et des schémas d’indemnisation pour les PME qui ont été touchées. Je vous renvoie également aux dix-sept mesures qui ont été prises par le gouvernement début avril et qui constituent la phase à court terme du plan de relance économique que nous mettons en place. Elles prévoient, par exemple, l’emploi de 20000 personnes dans la fonction publique, la restructuration du dispositif de financement des PME, des incitations aux investissements dans les zones de développement régional, la facilitation de l’accès aux microcrédits, etc. Quels sont vos chantiers prioritaires?

L’effort va porter sur nos deux grands problèmes structurels: le chômage et le développement régional. Il y a 750000 chômeurs en Tunisie, dont 160000 diplômés, et la priorité des priorités est de créer des emplois pour la jeunesse. La révolution a été menée par des jeunes, et ceux-ci comptent beaucoup sur les autorités pour leur donner une chance de trouver un travail et de construire leur avenir. Autre urgence: le développement des zones qui n’ont pas bénéficié des mêmes programmes que les autres régions, notamment côtières. Le projet que nous avons élaboré vise à mettre l’accent sur les investissements créateurs d’emplois dans ces régions, tous secteurs confondus. Pour cela, nous avons mis en place un programme économique et social axé sur la relance de l’investissement pour JEUNE AFRIQUE


ONS ABID POUR J.A.

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résorber le chômage. Il a été présenté au sommet du G8 de Deauville, fin mai, et nous l’affinons pour la réunion des 9 et 10 septembre prochain à Marseille [G7 Finances, NDLR]. Nous espérons y sécuriser l’appui financier du G8 et de nos partenaires. Et quel appui financier comptez-vous obtenir?

Nous avons besoin d’une enveloppe d’investissement globale estimée à 125 milliards de dollars [87 milliards d’euros, NDLR] pour les cinq ans à venir. L’épargne nationale sera la principale source (100 milliards de dollars), et nous espérons un apport extérieur de 25 milliards.

CET ANCIEN CADRE DIRIGEANT DE

CITIBANK ET DE LA BANQUE MAROCAINE DU COMMERCE

EXTÉRIEUR (BMCE) s’appuie sur une vaste expertise, des assurances à la banque d’affaires.

Où en sont les opérations de récupération des biens mal acquis par l’ex-clan au pouvoir?

En Tunisie, ces biens sont identifiés [ils sont évalués à 2,5 milliards d’euros, NDLR] et nous allons procéder en trois phases. La première, de confiscation,estentraind’êtrebouclée.Ladeuxième vise à gérer ces biens pour en assurer la préservation: une commission présidée par moi-même va entrer en fonction. La phase ultime, qui prévoit la récupération des produits de ventes et de cessions, viendra plus tard. Pour les biens à l’étranger, une commissionprésidéeparlegouverneurdelaBanque centrale a commencé ses travaux et le processus de récupération devrait bientôt commencer.

Comment allez-vous utiliser ces sommes?

Le Plan jasmin va créer deux structures d’investissement. D’abord une Caisse des dépôts et consignations, chargée de lancer les grands projets

L’effort va porter en priorité sur le chômage et le développement régional. d’infrastructures qui dépassent les capacités de financement du secteur privé. Et en parallèle, le Fonds générationnel – fonds d’investissements stratégiques pour les générations futures – associera l’État et les investisseurs privés pour financer des projets. Il doit favoriser l’émergence d’une nouvelle génération d’entrepreneurs. JEUNE AFRIQUE

Vous exercez une fonction d’intérim, souhaiteriezvous vous lancer en politique par la suite?

Je n’ai pas été nommé avec le soutien d’un parti politique ou de quelque entité que ce soit, mais parce que le Premier ministre a voulu faire appel à des technocrates, des gens spécialisés dans certains domaines. Je suis venu apporter ma pleine contribution aux initiatives critiques que doit prendre le pays pour, en un temps record, assurer l’avenir de la Tunisie et la réussite du prochain gouvernement. Maintenant, tout comme j’ai répondu à l’appel de ma patrie, si celle-ci souhaite que je continue à mener ma mission, j’y songerai le moment venu. Mais pour l’heure, je me concentre sur les tâches qui m’incombent au jour le jour et je n’ai, aujourd’hui, qu’un seul parti: la Tunisie. ● Propos recueillis à Tunis par LAURENT DE SAINT PÉRIER N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011


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GUY BUBB/GALLO IMAGES/GETTY

Ý Augmentation du pouvoir d’achat et bouteilles meilleur marché : LES BULLES FRANÇAISES SE DÉMOCRATISENT (ici au Cap).

CONSO

Débouché africain

Après une baisse due à la crise économique, les ventes de champagne repartent. Les marques voient le continent comme un relais de croissance pour compenser l’érosion de leur chiffre d’affaires dans les pays riches.

C

Taittinger, directeur adjoint des exportations du groupe Taittinger, assure de son côté avoir quadruplé ses ventes africaines en un an, après une quasi-absence de deux décennies. « Il y a une vraie proximité culturelle de l’Afrique avec tout ce qui touche à la fête et au luxe, et nous ne demandons qu’à investir plus », affirme-t-il. Exception faite des marques présentes de longue date (Moët, Laurent-Perrier…), la ruée des maisons champenoises vers l’Afrique est aussi conjoncturelle : confrontées à l’érosion de leurs ventes sur les marchés occidentaux à la suite de la crise mondiale, elles ont cherché des relais de croissance dans

élections dans de nombreux pays hampagne à volonté ! n’y ont rien changé : l’optimisme Pour fêter les 75 ans de reste de mise et les marques invesla ligne Paris-Dakar, tissent au pas de charge. Parmi le 31 mai dernier, Air Malgré les troubles, elles, Laurent-Perrier et Moët France a mis les petits plats dans l’optimisme reste de Hennessy (groupe LVMH, qui les grands : sur le tarmac de l’aémise et les marques roport Léopold-Sédar-Senghor, le possède aussi Moët & Chandon, Top 5 cocktail n’avait rien d’improvisé et, Dom Pérignon, Ruinart, Veuve ne cessent d’investir. des pays dans les coupes, le prestigieux vin à importateurs Clicquot…) disent afficher une bulles coulait à flots. Une scène de croissance supérieure à 10 % par les pays émergents. Et l’Afrique, en Afrique plus en plus banale à Dakar. Mais an sur le continent. traditionnellement friande du vin (nombre de le Sénégal, qui a importé plus de pétillant hexagonal, est leur noubouteilles en 56000 bouteilles en 2010 – soit une CŒUR DE CIBLE. « Avant une élecveau cœur de cible. Conséquences: 2010, et croissance de 7,9 % par rapport tion, la consommation baisse un une compétition accrue et l’arrivée évolution par rapport à 2009) à 2009 –, n’est pas un cas isolé : peu, mais elle reprend dès le lende bouteilles meilleur marché. demain », observe Jean-Sébastien la hausse de la consommation « Les maisons Trouillard ou Boileau, directeur Afrique et de champagne est une tendance Nicolas Feuillate proposent des continentale. Moyen-Orient de la marque produits moins chers, et il y a claiLaurent-Perrier, présente depuis En 2010, l’Afrique en a importé rement un potentiel commercial plus de 2,7 millions de bouteilles, un demi-siècle sur le continent. pour des vins d’entrée de gamme », « En Côte d’Ivoire, l’investiture contre un peu moins de 2,6 millions analyse Michel Moukarzel, direcun an plus tôt. Un niveau encore de Ouattara était teur des achats de l’entreprise en deçà de celui d’avant la crise de au champagne, et Prix Import, basée au Gabon, 2008 (3,1 millions), mais les ventes nous y avons repris l’un des pays phares avec près décollent à nouveau, pour atteindre nos activités marde 144 000 bouteilles écoulées en un chiffre d’affaires de 53,2 millions keting depuis trois 2010. Une situation qui n’inquiète Nigeria d’euros. Le Nigeria et l’Afrique du semaines déjà », pas Laurent-Perrier : « Ces marSud trustent les deux premières se réjouit-il. Clovis ques conquièrent de nouveaux places (voir infographie), suivis (+ 9 %) du Maroc, premier importateur Congoen Afrique du Nord. Brazzaville L’Afrique représente 2 % des Afrique Côte d’Ivoire Maroc importations mondiales de l’apdu Sud pellation française: c’est plus que (+ 0,8 %) la Chine, l’Inde et l’Amérique du (+ 8,4 %) (+ 2,3 %) Sud réunies (1,9 %) ! Et la crise (+ 3 %) postélectorale en Côte d’Ivoire, les révolutions arabes et les

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273000 161000 151000 SOURCE : CIVC

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consommateurs et ne nous concurrencent pas vraiment, assure JeanSébastien Boileau. Cela peut même nous être bénéfique à long terme avec l’augmentation du pouvoir d’achat. À nous d’être originaux dans notre stratégie marketing. » D’une part, les clients traditionnels (hôtels, restaurants, boîtes de nuit, États…) ne font pas défection; d’autre part, de nouveaux palais s’initient aux joies des bulles. Et alors que les hommes plébiscitent les alcools forts et la bière, « les femmes boivent de plus en plus et apprécient particulièrement le vin blanc et le champagne à l’apéritif », explique Rachid Tahiri, responsable de l’activité restauration à l’hôtel Méridien-Président de Dakar. Mariages, réunions de famille… Les fêtes traditionnelles pétillent de plus en plus. Mœurs et coutumes évoluent. GRANDES SURFACES. Autre

facteur : le « bonus démographique », comme le décrit Davide Marcovitch, président pour l’Amérique latine, l’Afrique, le Moyen-Orient et le Canada de Moët Hennessy. Avec le milliard d’Africains qui seront en âge de travailler en 2020, l’émergence d’une classe moyenne et le nombre croissant de grandes surfaces de distribution, le marché s’élargit. « Nous avons d’abord ressenti ce phénomène au Nigeria », précise le patron de Moët Hennessy, qui renforce ses équipes depuis quelques mois pour s’imposer au Kenya, en Tanzanie, en Éthiopie ou encore en Angola. « L’arrivée des groupes sud-africains dans la grande distribution change la donne », ajoute-t-il. Même constat du côté de Laurent-Perrier, qui voit de nouvelles zones d’expansion « en Angola et en Afrique de l’Est ». Internet et la téléphonie mobile sont en outre cités comme autant d’outils propices au renforcement de l’image des marques auprès de ces nouveaux consommateurs. Les bulles françaises pourraient bien s’imposer rapidement dans le panier de la ménagère africaine. ● MICHAEL PAURON JEUNE AFRIQUE

Entreprises

marchés

accueillants. Objectif : sauver une saison estivale déjà largement compromise. Les chiffres communiqués début juillet par l’ONTT sont en effet alarmants. Du 1er janvier au 20 juin, la fréquentation a baissé de 40 % et les recettes de 51 %. Le chiffre d’affaires des activités touristiques a atteint 614 millions de dinars (310 millions d’euros), contre 1,3 milliard de dinars l’an dernier. 2011 serait, selon Habib Ammar, directeur général de l’ONTT, « l’année la plus dure depuis le lancement du tourisme tunisien ». Le secteur (6,5 % du PIB) aurait également perdu 3 000 emplois ces derniers mois. Un chiffre qui paraît même sous-évalué au regard de l’importance du tourisme pour le pays, ce dernier représentant directement et indirectement environ un emploi sur cinq en Tunisie. ● TBWA

Coulisses

TUNISIE RECHERCHE TOURISTES DÉSESPÉRÉMENT Oubliées les références à la révolution, trop anxiogènes. L’Office national du tourisme tunisien (ONTT) change de discours pour sa dernière campagne de promotion, débutée en France il y a quelques jours. Le spot télévisé (photo) mis au point par l’agence TBWA montre une Tunisie aux paysages variés et aux habitants

• TEXTILE Le britannique Orbit finalise un investissement de 555 K€ à Béja

(Tunisie), qui créera 1 000 emplois dans les 3 ans • TÉLÉPHONIE Le marocain

S•

Data Plus doit lancer la 1re usine d’assemblage de mobiles à Casa en 2013

M

S

BANQUE Le sénégalais Banque Atlantique a octroyé un prêt de 52 M€

au Fonds de soutien à l’énergie, pour payer les dettes de la Senelec à la SAR et au trader Itoc • PÉTROLE 3 permis d’exploration offshore ont été attribués au tunisien Etap et à l’espagnol Repsol • AUTO Ford a investi 347 M€

pour produire en septembre des pickups Ranger dans son usine de Pretoria

PÉTROLE KOSMOS ENERGY AU MAROC Le groupe américain a signé la semaine dernière un agrément avec la compagnie nationale marocaine, l’Office national des hydrocarbures et des mines (Onhym). L’accord porte sur une participation de 37,5 % dans le bloc Foum Assaka, qui couvre 6500 m2 dans le bassin d’Agadir, à environ 43 km du port d’Agadir. Onhym et Pathfinder Hydrocarbon Ventures (basé à Jersey) auront respectivement 25 % et 37,5 %. ● PME-PMI LES ÉMIRATS FINANCENT LE CAIRE Une enveloppe de 3 milliards de dollars (2,1 milliards d’euros) a été débloquée par les Émirats arabes unis à destination de l’Égypte. Un fonds

de 1,5 milliard de dollars (le fonds Khalifa Ben Zayed) sera notamment mis en place pour financer les petites et moyennes entreprises égyptiennes. En outre, 750 millions de dollars seront consacrés à la construction de logements et d’infrastructures. ● CUIVRE PÉKIN INSISTE EN RD CONGO Après l’échec de l’offensive du chinois Minmetals sur Equinox, l’empire du Milieu n’a pas renoncé aux mines de la « ceinture du cuivre », entre la Zambie et la RD Congo. Le groupe Jinchuan, détenu lui aussi par Pékin, a fait une offre de 945 millions d’euros pour le rachat de Metorex, présent en RD Congo et coté à Johannesburg. C’est 21 % de plus que ce que propose le brésilien Vale, lui aussi intéressé. ● N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

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Décideurs INTERVIEW

Hadi Akoum

VICE-PRÉSIDENT D’AIRBUS CHARGÉ DES VENTES POUR L’AFRIQUE ET L’OCÉAN INDIEN

« Le continent achète 25 Airbus par an » Pour le « Monsieur Afrique » du constructeur européen, les compagnies locales, qui doivent renouveler leur flotte, sont appelées à acquérir de plus en plus d’appareils. Une aubaine pour le groupe, qui détient déjà 65 % du marché africain des avions de ligne neufs.

E

n Afrique, le constructeur européen est leader sur le marché des avions de ligne, mais cela ne représente que 3,5 % des 30 milliards d’euros de chiffre d’affaires du groupe en 2010. Et sur les ventes records engrangées par Airbus lors du dernier salon du Bourget (France), fin juin (730 commandes d’avions, pour 49,5 milliards d’euros), aucune ne venait d’Afrique. Mais le continent est une terre d’avenir pour le constructeur. Hadi Akoum, qui veille depuis six ans au développement des ventes en Afrique, nous explique pourquoi. JEUNE AFRIQUE : Que représente l’Afrique pour Airbus ? HADI AKOUM : Depuis cinq

ans, nous réalisons en moyenne un chiffre d’affaires annuel de 1,4 milliard d’euros sur le continent, soit environ 25 avions : 15 au sud du Sahara, 10 au nord. Il y a peu d’entreprises industrielles qui peuvent se targuer d’un tel volume d’affaires en Afrique. Au total, 180 appareils Airbus, achetés ou loués, sont opérés par des compagnies africaines. Nous détenons 65 % du marché des avions de ligne neufs : nos A319 et A320 [entre 120 et 150 passagers, NDLR], capables d’effectuer des liaisons vers l’Europe et le Moyen-Orient, séduisent notamment grâce à leur faible consommation, point essentiel pour les compagnies qui veulent baisser leurs coûts d’exploitation. N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

Tunisair, qui a commandé des A350 en 2008, sont également de bons clients, même si cette année aucun contrat n’a été signé en raison des bouleversements politiques. Mais en dehors de ceux achetés par ces grands groupes, les appareils africains sont d’abord des avions d’occasion et de location…

Qui sont vos meilleurs clients ?

South African Airways est un partenaire majeur. Le groupe a récemment acquis des A330 et se rééquipe en A320. Nous avons aussi tissé des liens commerciaux solides avec Kenya Airways, Ethiopian Airlines et Air Mauritius. Ces compagnies, bien gérées, ont pu se développer grâce à un appui finan-

C’est vrai, la plupart des compagnies n’ont pas suffisamment de liquiditéspouracheterdesappareils neufs. Mais nous travaillons avec les loueurs d’avions, qui sont aussi nos plus grands clients, pour que les transporteurs leur prennent des Airbus.Ainsi,quandilsserontfinancièrement plus solides, ils auront une préférence pour nous. Le fait que Sénégal Airlines, Cabo Verde Airlines, ou encore Air Nigeria et First Nation Airways, aient choisi de louer des Airbus en 2011 est donc une excellente nouvelle ! En ce qui concerne les appareils d’occasion, on compte aujourd’hui 350 avions de plus de 17 ans au sud du Sahara. Or exploiter un avion ancien coûte plus cher en carburant, dont le prix a beaucoup monté…Quand les compagnies auront réussi à stabiliser leur gestion, elles achèteront donc de nouveaux appareils. D’ici à cinq ou dix ans, le marché africain du neuf va croître considérablement !

D’ici à cinq ou dix ans, le marché du neuf va croître considérablement! cier de leurs États, conscients de l’importance du transport aérien pour développer le tourisme et les exportations. Elles ont su utiliser une position géographique idéale, à proximité du Moyen-Orient et de l’Europe ou de l’Afrique australe. En Afrique du Nord, terre de tourisme, des transporteurs comme

Profil

Craignez-vous la concurrence chinoise ? Les avions du constructeur Avic seront bientôt sur le marché…

• 47 ans • Français d’origine libanaise

Ses appareils ne seront pas disponibles avant 2014. Ensuite il faudra qu’il décroche ses premiers contrats et que les compagnies se forment à l’utilisation de ces avions. Cela prendra du temps, mais il faudra surveiller ce nouveau concurrent, c’est évident. ●

• Ancien chercheur en aéronautique au Centre national de la recherche scientifique (CNRS, France)

AIRBUS

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Propos recueillis par CHRISTOPHE LE BEC JEUNE AFRIQUE


Décideurs

D.R.

BP

ON EN PARLE

ANCIEN MINISTRE DE L’AGRICULTURE, il a été nommé le 8 juin à la tête de l’entreprise. BURKINA

L’homme fort du coton

GERARD DERBESY SY BP AFRIQUE AUSTRALE Le groupe anglo-néerlandais BP a annoncé la nomination de Gerard Derbesy comme nouveau PDG de sa filiale d’Afrique australe, BPSA. Diplômé d’un doctorat de chimie à l’Université de Montréal, Gerard Derbesy, qui prendra ses fonctions le 1er août, a passé quinze années dans la branche raffinerie et marketing du groupe.

JEUNE AFRIQUE

(6,7 millions d’euros) depuis 1984. Depuis1999,l’État(35%)etlasociété Dagris (34 %) partagent le capital avec l’Union nationale des producteurs de coton (30 %) et des privés burkinabè (1 %). Avec 3706 salariés (dont1184permanents),17sociétés et un chiffre d’affaires annuel de plus de 250 milliards de F CFA, la Sofitex domine le secteur industriel burkinabè. Elle demeure l’une des rares sociétés cotonnières africaines à avoir résisté aux crises répétées de la filière sur le continent.

JACQUES SCHINDEHUTTE UES S SC SCHI HIND NDEH EHUT UTTE TE TELKOM Ancien directeur financier d’Absa, la plus grande banque de détail sud-africaine, Jacques Schindehutte vient de rejoindre l’opérateur télécoms Telkom pour y exercer la même fonction. Telkom, qui est coté à la Bourse de Johannesburg tout en ayant l’État comme principal actionnaire, possède une part de marché de 17 % en Afrique du Sud.

TRANSGÉNIQUE. Colonne ver-

tébrale de l’économie du pays, le coton assure 60 % des recettes d’exportation de l’État. Avant 2004 et l’ouverture du marché, le Burkina en produisait 150 000 tonnes par an. Après l’introduction du coton transgénique chez les 200000 producteurs, la production a atteint les 600000 t, plaçant le Burkina à la tête des pays africains producteurs de coton. Depuis lors, la concurrence est rude avec le Mali, l’autre géant cotonnier du continent. Jean-Paul Sawadogosait ce qu’attendentde lui ses actionnaires: atteindre dès cet exercice l’objectif de 700000 t. ● ANDRÉ SILVER KONAN, à Abidjan

D.R.

À

56 ans, ce n’est pas un nouveau venu dans le milieu rural. De 1992 à 1996, JeanPaul Sawadogo a été ministre de l’Agriculture et des Ressources animales. Homme de confiance du président Blaise Compaoré, il a été son conseiller chargé des affaires agricoles jusqu’en 2001, après son départ du gouvernement. Un an plus tard, cet ingénieur agronome, père de quatre enfants, auteur de plusieurspublications–notamment sur le crédit agricole –, a été le coordonnateur du Programme national de gestion des terroirs. Sa nomination, le 8 juin, comme patron de la Société burkinabè des fibres textiles (Sofitex), coulait donc de source. Il a officiellement pris la tête du groupe le plus puissant du pays le 23 juin. Jean-Paul Sawadogo trouve une entreprise bien structurée par son prédécesseur, Célestin Tiendrébéogo,enpostedepuis1995, emporté par les grèves qui ont secoué la filière coton entre février et mai. Les paysans réclamaient un relèvement du prix d’achat du coton-graine au producteur. Créée en 1979, la Sofitex possède un capital de 4,4 milliards de F CFA

D.R

Jean-Paul Sawadogo doit conforter la Sofitex dans le groupe de tête des producteurs d’or blanc du continent.

SÉRIGNE E MBACKÉ MBAC MB ACKÉ AC KÉ DIENG DIE IENG NG MCCANN ERICKSON SÉNÉGAL Ancien directeur régional marketing de Coca-Cola puis de CeltelTchad, âgé de 42 ans, il a été nommé en juin directeur général de l’agence McCann Erickson Sénégal. Il remplace Emmanuelle Keinde, qui assure dorénavant les fonctions de présidente du conseil d’administration. Ce changement marque les 20 ans de la première agence de publicité de l’Afrique de l’Ouest. N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

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Marchés financiers Ý Entre 2006 et 2010, le chiffre d’affaires de l’ex-société de SAKHR EL-MATERI a crû de 41 % par an, notamment grâce aux avantages donnés par Ben Ali.

HICHEM

L’appréciation du marché ne devrait pas s’améliorer quand l’entreprise publiera ses résultats intermédiaires, au mois d’août. D’après nos informations, le chiffre d’affaires aurait accusé un recul de 65 % au premier trimestre 2011 par rapport à la même époque de 2010 (la chute « n’est que » de 48 % sur cette même période si l’on exclut l’activité véhicules industriels, cédée début 2010). Pour éviter toute nouvelle panique, la direction d’Ennakl a annoncé la couleur et affirmé vouloir limiter à 20 % la baisse de ses revenus pour 2011. Un objectif difficilement atteignable, selon Kais Kriaa, patron de la société d’analyse boursière Alpha Mena : lui prévoit une chute de 31,2 %. Toutefois, l’analyste financier estime que cette perspective ne doit pas effrayer outre mesure les investisseurs : « En achetant au plus bas, certains actionnaires ont déjà réalisé une plus-value virtuelle intéressante. Ennakl est, de mon point de vue, sous-évalué par rapport aux autres acteurs du secteur automobile maghrébin, comme Artes ou Auto Hall au Maroc. Son cours devrait retrouver dans les douze à dix-huit mois un niveau proche de celui d’avant la révolution. » Preuve du potentiel de la société, d’après Alpha Mena: ses bons chiffres de ventes aux mois de mai (1 200 véhicules) et de Fuite de juin (1375). « Volkswagen Ben Ali conser ve une excellente image auprès de la

TUNISIE

Baisse de régime pour Ennakl

En pleine expansion avant la révolution, le distributeur auto paie cher sa proximité avec l’ancien pouvoir. Les analystes sont désormais partagés sur l’intérêt du titre, coté à Tunis et à Casablanca.

F

leuron du groupe tunisien Princesse Holding, Ennakl, distributeur des marques Volkswagen, Audi, Porsche et Seat, a présenté le 30 juin, lors de son assemblée générale, ses résultats 2010. Soit l’une des dernières occasions pour sa direction d’évoquer un temps où l’entreprise caracolait en tête du secteur automobile du pays (21 % de part de marché) et où les affaires de son PDG d’alors, Sakhr el-Materi, prospéraient à l’aune de sa proximité avec le couple présidentiel. Fin 2010, Ennakl affichait un chiffre d’affaires en hausse de 29 % (205,4 millions d’euros) et une progression de sa marge brute comparable (+ 30,8 %). Une performance directement liée à la hausse importante des quotas d’importation accordés à la société par les autorités, passant d’environ 9000 à 12000 véhicules entre 2009 et 2010. Au cours du même exercice, début juillet 2010, Ennakl a également réussi son introduction en Bourse, devenant la première entreprise N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

à la fois cotée à Tunis (30 % du capital) et à Casablanca (10 %). Une opération d’abord souscrite par des petits porteurs. BILAN CATASTROPHIQUE. Mais

ces succès apparaissent désormais quelque peu décalés, au regard de la tournure prise par les événements après la fuite de Ben Ali. Dès le 14 janvier, la société a en effet payé cher ses liens avec l’ex-chef d’État. Valorisée à 11,70 dinars (5,90 euros) fin décembre sur la Place de Tunis, l’action Ennakl a entamé à partir de cette date une chute vertigineuse (voir infographie), pour atteindre son niveau le plus bas le 25 février (7,20 dinars). Et malgré une remontée du cours, encouragée par la confiscation par l’État des parts de Sakhr el-Materi (60 % du capital), le titre affiche un bilan aujourd’hui catastrophique, avec un repli de 23,7 % sur les douze derniers mois et de 55,8 % par rapport à sa cotation la plus haute. Même sanction à Casablanca, avec une baisse de 55,6 %.

14 janvier

14

Cours de l’action à la Bourse de Tunis

Novembre

12

(en dinars)

SOURCE : ALPHA MENA

64

10 8

Janvier

Mars

Mai

6 Juillet JEUNE AFRIQUE


Baromètre clientèle », explique Kais Kriaa, qui précise qu’Ennakl présente le profil d’une véritable cash machine (31,6 millions d’euros de trésorerie à la fin de 2010). LA FIN DES QUOTAS? Les analys-

tes chérifiens, eux, ne se rangent pas derrière cet optimisme. « Il me paraît difficile de comparer la valorisation d’Ennakl à celles des sociétés automobiles marocaines », estime un banquier. Et l’expert de pointer les incertitudes entourant la capacité d’Ennakl à rester parmi les meilleurs avec un quota limité à 7 000 véhicules,

Ennakl met en avant ses bonnes relations avec Volkswagen. comme annoncé pour 2011, voire à résister à la concurrence une fois les quotas abandonnés : « Si le secteur est libéralisé en Tunisie, comme le souhaitent les autorités, les acheteurs vont se tourner vers des modèles moins chers à l’achat et à l’entretien, comme Peugeot ou Dacia. Si Ennakl réalisait autant de ventes, c’est aussi parce que les autres concessionnaires se retrouvaient parfois sans voitures à vendre, une fois leurs quotas épuisés, et que certains marchés, comme celui des taxis, lui étaient quasiment réservés. » Une défiance à l’égard du titre également alimentée par les inconnues entourant la gestion des actifs confisqués par l’État. « Le pire serait qu’ils soient rachetés par une société proche du pouvoir », confie un analyste marocain. Face aux spéculations des marchés, Ennakl met en avant, outre l’extension de son réseau – avec l’ouverture de deux nouvelles agences –, ses bonnes relations avec Volkswagen. Loin de renier les années Ben Ali, le constructeur allemand lui apporte un soutien sans faille. Il vient notamment de lui accorder une remise de 832 000 euros. Une aide utile, alors qu’Ennakl subit depuis peu un contrôle fiscal approfondi. ●

Marchés financiers

Au Kenya, la Bourse recule VALEUR

SECTEUR

COURS au 6 juillet (en dollars)

ÉVOLUTION depuis le début de l'année (en %)

Barclays Bank of Kenya

BANQUE

0,19

+ 12,8

Kenya Commercial Bank Bamburi Cement East African Breweries Standard Chartered Bank Equity Bank Co-operative Bank of Kenya

BANQUE

0,27 2,05 2,24 2,71 0,29 0,18

+ 7,1 – 2,7 – 3,0 – 6,3 – 6,5 – 15,8

0,24 0,04 0,15

– 17,0 – 17,0 – 23,5

Kenya Power & Lighting Co. Safaricom KenGen

CIMENT BIÈRE BANQUE BANQUE BANQUE ÉNERGIE TÉLÉCOMS ÉNERGIE

LES ANNÉES SE SUIVENT et ne se ressemblent pas. Après un cru 2010 record, l’année 2011 est pour l’instant des plus mauvaises pour la Bourse de Nairobi, qui enregistre une baisse d’environ 11 % depuis le début de l’année. Les investisseurs sont notamment inquiets de l’explosion de l’inflation, qui a dépassé 15 % en juin, et de la dégringolade du shilling kényan. Du coup, sans surprise, huit des dix premières capitalisations

boursières du pays sont dans le rouge, les banques, mieux positionnées pour résister à l’inflation, étant les moins touchées. En revanche, Safaricom, numéro un du mobile, pâtit de la guerre des prix lancée par l’indien Bharti Airtel. La dégringolade de son cours, qui a perdu 32 % depuis le plus haut de septembre 2010, rend toutefois à nouveau la valeur abordable en termes de valorisation. ●

Valeur en vue EAST AFRICAN BREWERIES Période d’incertitudes BOURSE Nairobi • CA 2010-2011 (estimation) 463 millions de dollars (+ 7 %)

COURS 195 shillings kényans (6.7.2011) • OBJECTIF 194 shillings kényans

NOUS RENOUVELONS notre recommandation « à conserver » sur East African Breweries Ltd (EABL), principal brasseur d’Afrique de l’Est et de la région des Grands Lacs, en raison de l’incertitude que créent deux événements: d’une part, la cession de sa part de 20 % dans Tanzania Breweries, participation ayant contribué à hauteur de 9 % aux bénéfices avant impôts du groupe en 2010 ; d’autre part, l’acquisition des 20 % détenus par SAB Miller dans Kenya Breweries, filiale d’EABL. Nous estimons que l’effet combiné de ces deux actions sera positif Andy Gboka pour le groupe. Toutefois, l’incertitude sur le prix et Analyste la date du deal tanzanien devraient peser négativechez Exotix ment sur le cours, notamment en affectant la capacité de la société à maintenir son niveau de dividendes. La volonté de Nairobi de réguler la consommation d’alcool, ainsi qu’un environnement économique plus difficile au premier semestre 2011, ont par ailleurs freiné la performance d’EABL – dont l’exercice s’est achevé fin juin – au Kenya, son principal marché. ●

JULIEN CLÉMENÇOT JEUNE AFRIQUE

N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

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Culture & médias

MUSIQUE

Les nouvelles

sisters Dans le sillage d’Ayo, de jeunes Africaines retournent aux sources de la soul et de la folk. Découverte.

PIERRE MORESTIN

J

ambesinterminables,tailleétrangléedans sa ceinture, foulard vintage savamment noué dans les cheveux, visage aux traits presque trop réguliers… Imany aurait du mal à cacher son passé de mannequin, qui l’a conduite pendant sept ans à New York.PuislaFrançaised’originecomoriennepromène le timbre grave de sa voix au grain légèrement brisé le long de l’entretien et l’on se dit que, oui, il y a derrière cettetravailleuseacharnéede31ans,fatiguéede«faire lecintre»pourlesgrandscouturiers,unechanteuseàla TracyChapmanquipourraits’accrocherdurablement aux ondes. Reste à ne pas la confondre avec d’autres perlesapparuessurles scèneseuropéennesetquifont de plus en plus parler d’elles: l’Allemande Mariama (née à Freetown, en Sierra Leone), la Camerounaise Irma,etInnaModja,néeauMalietinstalléeenFrance. Ces mousquetaires de la musique soul défendent chacune un univers singulier… mais partagent plus qu’il n’y paraît. Ilyad’abordungoûtévidentpourlasape.Painbénit pour les magazines féminins, elles impriment leurs courbes sur papier glacé entre les rubriques mode et culture. L’ancienne mannequin Inna Modja affublée N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

de son inimitable coupe afro, égérie d’une marque de soins pour cheveux crépus, a par exemple déjà fait la couverture de Vogue. La belle tient d’ailleurs un blog fashion (rocknlovedoll.wordpress.com). Sa musique métissée est peut-être le produit de sa jeunesse nomade. Après une enfance passée entre Bamako, Accra, Lagos, Lomé, New York et Paris (pour suivre les déplacements professionnels de son père), elle est repérée par Salif Keita et chante dans le Rail Band de Bamako à peine ses 15 premières bougies soufflées. Aujourd’hui signée sur un label de Warner, elle a déjà défendu un premier album, Everyday Is a New World, au style pop-folk requinquant, sorti en 2010, sorte de compromis commercial entre Ayo et Lily Allen. Dernière actualité en date, le single French Cancan (au texte creux ou léger, selon les goûts) extrait de son prochain opus à venir à l’automne 2011. COCKTAIL EFFICACE. Populaires en peu de temps, ces « soul sisters » ont« explosé » très rapidement. Trop peut-êtredanslecasd’Irma.NéeàDoualaetoriginaire de Bangangté, dans l’ouest du Cameroun, l’étudiante débarque à Paris en 2003, à l’âge de 15 ans, pour poursuivre ses études secondaires. Ce sont de simples vidéos « maison », postées en 2007 sur YouTube, dans lesquelles elle chante en s’accompagnant à la guitare, qui déclenchent un retentissant bouche à oreille et alertent My Major Company. Grâce aux dons des internautes, le label français réussit à rassembler en quarante-huit heures les 70000 euros nécessaires à un enregistrement à New York avec Henry Hirsch, JEUNE AFRIQUE


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Imany

Irma

Mariama

Inna Modja

JEUNE AFRIQUE

son pays d’origine depuis l’éclatement de la guerre civile au début des années 1990. « Ce qui me choque le plus, explique-t-elle, c’est le peu d’intérêt des médias occidentaux pour couvrir cet horrible conflit et pour l’ensemble des événements qui se déroulent dans les pays africains, considérés comme moins importants d’un point de vue eurocentré. » CŒUR BRISÉ. Pour Imany, les origines remontent

plus naturellement à la surface de la musique. Le nom même de son album, The Shape of a Broken Heart (ThinkZik!), renvoie à l’Afrique et à sa forme de cœur brisé. Fille d’un pompier de l’armée de l’air française qui s’est installé dans l’Hexagone au moment de l’indépendancedesComores,elleretournerégulièrement « au pays ». Elle dédicace d’ailleurs une chanson à sa grand-mère, mariée à l’âge de 9 ans, qui a perdu la plupart de ses enfants et est restée sur l’archipel. Repérée par le producteur d’origine sénégalaise Malick Ndiaye (celui-là même qui a découvert Ayo), elle a enregistré ses percussions au Sénégal. Sur le dernier morceau de l’album, l’ex-mannequin, qui chante habituellement en anglais, a choisi le comorien. Elle est accompagnée de ses sœurs, de ses nièces et de ses cousines. « Mes parentsmetannaientdepuistellementlongtempspour faire un titre dans leur langue d’origine…, reconnaîtelle. C’est mon père, érudit, qui m’a aidée à traduire. C’est une belle langue, qui se prête parfaitement à la chanson, et le résultat sonne plutôt bien. » Jusque dans ses costumesdescène, signésSakinaM’sa, créatricede mode comorienne, le continent filtre partout. ● N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

CLAIRE PRICE ; NICOLAS BRUNET ; PEDRO CABREIRA/AGENCE ANGELI ; SIMON DUBOIS/FASTIMAGE

producteur de Lenny Kravitz. Mais le produit fini est selon les propres termes de la chanteuse… « une grosse désillusion ». Manque de feeling, de prise de risque… Déçue par un opus trop lisse, Irma décide, culottée, de tout réenregistrer seule! Résultat, l’album Letter to the Lord (sorti en février), sur lequel plane l’ombre d’Eric Clapton. Sa musique dépouillée est un cocktail efficace alliant la voix soul de l’autodidacte, l’accompagnement guitare très folk, ainsi que des textes où point une inébranlable foi et des passages chorals évoquant l’univers du gospel. « Enfants, ces nouveaux talents ont été influencés par Michael Jackson, Prince, Marvin Gaye… », souligne Chet Samoy, directeur artistique chez Cinq 7, le label qui s’occupe de Mariama. À cette liste, la jeune chanteuse ajoute Ella Fitzgerald, Miriam Makeba, Bob Dylan ou, plus récemment, son compatriote allemand Patrice, né d’un père originaire comme elle de Sierra Leone. Mariama a grandi à Cologne (Allemagne). C’est là-bas que ses parents se sont rencontrés, se sont plu… mais n’ont pas pu s’y marier. « Les autorités publiques ont refusé, pensant qu’il s’agissait d’un mariage blanc », précise-t-elle. Le couple part donc en Sierra Leone avant de se rendre compte que la situation sur place n’est pas tenable et de retourner en Allemagne. Entre-temps, une petite fille s’est jointe à eux. Ses racines africaines sont peu flagrantes dans le CD 4 titres sorti en mars: émaillé de ballades rythmées et efficaces mixant soul, reggae et country, il n’est pas sans évoquer l’univers de Ben Harper. Pourtant, elle se tient activement informée de ce qui se passe dans


Culture médias

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TÉLÉVISION

Rim Maguid: génération révolution

VINCENT FOURNIER/J.A.

Depuis la chute de Moubarak, la présentatrice d’un talk-show politique égyptien fait parler d’elle. Portrait d’une journaliste engagée.

LA JOURNALISTE ENTEND PARTICIPER AU DÉVELOPPEMENT DE SON PAYS grâce à son émission.

D

ans la vie, elle est comme à la télé : naturelle. Un visage souriant, parsemé de taches de rousseurs. Des yeux pleins de vie. Un rire communicatif. En vraie méditerranéenne qui se respecte, elle parle avec les mains, avec force et conviction. Depuis 2009, Rim Maguid présente Baladna Bel Masry (« notre pays », en égyptien), où elle débat avec ses invités de l’actualité politique, économique et sociale du pays. Il y a quelques semaines, la présentatrice a suscité la polémique en critiquant la décision de la télévision publique de censurer les scènes de baisers des films. Quand on lui en parle, son visage s’assombrit. « Je ne veux pas que l’Égypte devienne l’Iran ou l’Afghanistan. Nous avons été élevés en regardant ce genre de films », martèle-t-elle. Certains lui reprochent également d’imposer son opinion au téléspectateur. N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

espoir : « J’avais l’impression que ce que je faisais était inutile. » Mais aujourd’hui, s’enthousiasme-t-elle, « nous devons faire tout notre possible pour participer au développement de l’Égypte ». C’est la tâche qu’elle s’est assignée avec Baladna Bel Masry. Cette fille d’ingénieur aurait pu suivre la voie de son père. Ou travailler dans les relations publiques. Mais elle a fini par découvrir sa vocation de journaliste à la faculté de communication et des médias du Caire. Et a intégré, en 1995, une chaîne de télévision publique où elle présentait les informations en français, avant de se lancer en 2007 dans la réalisation de documentaires pour Al-Jazira. En 2008, elle a rejoint la chaîne privée ONTV, dont le propriétaire n’est autre que l’homme d’affaires Naguib Sawiris. « Je suis très attachée à ONTV. Ils ont parié sur moi à une époque où je n’étais pas célèbre », explique-t-elle reconnaissante. ESPRIT D’ÉQUIPE. Modeste, Rim Maguid attribue la réussite de son émission à l’esprit d’équipe de tous ceux qui l’entourent et qui travaillent avec elle. Mais ce succès vient aussi du fait que Baladna Bel Masry n’a jamais hésité à franchir certaines lignes rouges. « Nous invitions aussi bien les intellectuels libéraux que les Frères musulmans à l’époque où les premiers n’arrivaient pas à se faire entendre et où les seconds étaient réprimés », rappelle-t-elle avec fierté. Ce qui différencie la journaliste des autres présentateurs de talk-shows, c’est surtout son discours, ponctué d’expressions et de dictons populaires typiquement égyptiens hérités de ses grands-mères. « Un jour, ma mère m’a appelée pour me demander si j’étais sûre que les gens me comprenaient », se souvient-elle en riant.

Une critique qu’elle assume totalement. Si elle reconnaît que « les médias ne doivent pas diriger l’opinion publique », elle reste persuadée que « les gens doivent avoir des avis tranchés. L’heure n’est pas à l’ambiguïté ». Des convictions qui font qu’elle a activement participé à la révolution. « J’ai vécu les dix-huit jours les plus beaux et les plus difficiles de ma vie, « Les gens doivent avoir confesse-t-elle rayonnante. des avis tranchés. L’heure Je n’ai pas les mots pour décrire ce que j’ai ressenti : n’est pas à l’ambiguïté. » de l’enthousiasme, de la peur, de la joie. » À 37 ans, Rim Maguid n’est peut-être Au début, Rim Maguid continue à prépas la plus grande star de la télé égypsenter son émission, car rares sont ceux tienne, mais elle est indéniablement une qui, dans les médias, contredisent le disétoile montante du petit écran. « Quand cours officiel. Mais, quelques jours avant j’étais petite, on me présentait en menla démission de l’ancien dictateur, elle tionnant le nom de mon père. Un jour, demande un congé. « J’ai senti que je ne il était avec un ami qui l’a présenté à son pouvais plus être objective », avoue-t-elle. petit-fils en lui disant : “C’est le papa de Avant le 25 janvier, elle avait perdu tout Reem !” » ● TONY GAMAL GABRIEL JEUNE AFRIQUE


BAUDOUIN MOUANDA

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À BRAZZAVILLE.

ÉDITION

Mon livre, ma bataille

Publier un livre au Congo n’est pas une mince affaire. C’est pour rendre ce rêve possible qu’a été créée la maison d’édition Hemar. Malgré les difficultés, son directeur a une foi inébranlable.

M

ukala Kadima-Nzuji est convaincu d’une chose : il n’y a pas de marché du livre, ni à Brazzaville ni à Kinshasa. D’aucuns expliquent cela par l’attachement à la tradition orale. D’autres mettent en avant la pauvreté et l’absence de politiques culturelles efficaces. « On a beau parler d’oralité pour expliquer le manque d’intérêt pour le livre, je n’y crois pas. Nous devons aller vers le livre, car c’est l’une des clés du développement », rétorque Mukala Kadima-Nzuji. À 64 ans, l’homme est un véritable passionné. Originaire du Congo-Kinshasa, il enseigne la littérature à l’université Marien-Ngouabi de Brazzaville depuis 1983. Il a également une expérience du monde de l’édition. Expérience acquise d’abord à Kinshasa et à Lubumbashi où, encore étudiant, il participe à la création, avec Valentin-Yves Mudimbe, des éditions du Mont Noir, qui publieront la plupart des jeunes écrivains de l’époque. Il y édite sa propre poésie. Ensuite à Paris, chez Présence africaine, où il sera, tour à tour, pendant près de dix ans, lecteur d’édition, secrétaire de rédaction de la revue éponyme, puis directeur littéraire. Chez cet éditeur, Mukala Kadima-Nzuji signera un essai sur l’œuvre du poète malgache Jacques Rabemananjara et un roman.

JEUNE AFRIQUE

Malgré toutes ces difficultés, certains livres du catalogue ont récolté un certain succès. Un de ses auteurs, Henri Djombo, est enseigné au Cameroun. Les écrivains maison ont trois types de contrats : le contrat à compte d’éditeur (Hemar engage ses propres fonds) ; le contrat de participation pour quelques livres « difficiles » (l’éditeur contribue à hauteur de 50 %); le contrat à compte d’auteur. Dans ce dernier cas, l’auteur reçoit 80 % du tirage, qu’il peut revendre lui-même au prix du catalogue ou un peu plus cher. « Quel que soit le type de contrat, nous ne sommes pas en mesure de payer les droits d’auteur faute de marché du livre », constate amèrement Mukala Kadima-Nzuji.

L’aventure des Éditions Hemar a commencé à Brazzaville, en 1989. « Nous étions quatre amis et nous nous sommes demandé s’il ne fallait pas créer une structure destinée à publier tous ces auteurs dont les manuscrits, adressés à des éditeurs européens, étaient systématiquement rejetés pour des raisons obscures », se souvient Kadima-Nzuji. Le premier titre paraît en avril 1990. Mais la situation politique et militaire du Congo à IMPRESSION. Attaché à la qualité de ses cette époque n’est pas propice à un travail produits, le directeur d’Hemar a décidé serein. Elle conduit à l’interruption de de faire imprimer les livres à Louvain-lal’activité, qui ne reprendra qu’en… 2000. Neuve (Belgique). « Il n’y a pas d’imprimeurs aguerris à Brazzaville et à Kinshasa. Lors de ce redémarrage, l’ambition est Un ouvrage imprimé en Belgique nous encore modeste : sortir trois titres par an. Onze ans plus tard, Hemar « Faute de marché, en est à un livre par mois. Tirage moyen : mille exemon n’est pas en mesure plaires, avec un maximum de payer les droits d’auteur. » de trois mille. Pourtant, les MUKALA KADIMA-NZUJI problèmes de diffusion et coûte moins cher, port compris, qu’à de distribution sont permanents, faute de librairies dignes de ce nom à Kinshasa Kinshasa et Brazzaville, c’est-à-dire et à Brazzaville, ainsi que de structures 4 000 euros. » Pour avoir une visibilité adéquates dans toute l’Afrique centrale. internationale, il est diffusé par Présence Pour continuer d’exister, Hemar a tout africaine et L’Harmattan, à Paris. Il a égaessayé: dépôts dans les quelques librairies lement signé un accord avec la Galerie « fréquentables », colportage… Face à ces Congo, toujours dans la capitale française. démarches hasardeuses, Kadima-Nzuji En attendant, Mukala Kadima-Nzuji garde projette d’ouvrir une librairie pour soutenir l’espoir. « L’avenir est prometteur », dit-il l’activité éditoriale. avec le sourire. ● TSHITENGE LUBABU M.K. N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011


Culture médias En vue

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■ ■ ■ Décevant

■ ■ ■ Pourquoi pas

■ ■ ■ Réussi

■ ■ ■ Excellent

JEUNESSE

D.R.

Amours métisses

EUZHAN PALCY AVEC AIMÉ CÉSAIRE, chez le poète à Fort-de-France, en 2004. DOCUMENTAIRE

Césaire, maître de la parole Le documentaire qu’Euzhan Palcy a consacré au chantre de la négritude est réédité dans un coffret de trois DVD. Passionnant.

E

n 1994, la réalisatrice Euzhan Palcy sortait un documentaire intitulé Aimé Césaire, une voix pour l’Histoire.Cetteséried’entretiens avec le poète martiniquais, complétéepardestémoignagesetdesimages d’archives, vient d’être rééditée dans un coffret de trois DVD. Les admirateurs d’Aimé Césaire, disparu en 2008, vont se régaler. Lire le poète est un moment unique. L’écouter parler de son parcours, de ses combats, avec le même verbe créateur, le même franc-parler, la même colère, la même foi, est tout simplement extraordinaire. Ce qui frappe, c’est sa fidélité. Fidélité à sa Martinique, terre de colère, d’exaspérés, part importante de l’aventure humaine où quelques déportés sauvés de la barbarie du commerce triangulaire ont pu semer une culture. Fidélité à l’Afrique également. C’estpassionnantd’entendrel’auteurdu Cahier d’un retour au pays natalévoquer sa rencontre avec le Sénégalais Léopold Sédar Senghor dans le Paris des années 1930,ceSenghorqui lui a, dit-il, apporté la clé de lui-même, c’est-à-direl’Afrique. Ou lorsqu’il parle de

l’influencedecesAméricainsnoirs,victimes du racisme officiel de leur pays, qui avaient choisi la France pour goûter au plaisirdevivreenhommeslibres.Césaire raconte toutes les étapes ayant conduit à la création du mouvement de la négritude. Pour cet éternel rebelle, le combat portait sur un choix: « assimiler [ce que propose l’Occident, NDLR] comme on assimile une nourriture », mais refuser de s’assimiler pour ne pas être dominé. Il passeenrevuelechoixdeladépartementalisation pour la Martinique, la rupture fracassante avec le Parti communiste français, son admiration pour Nelson Mandela,sadéceptionparleslendemains de la décolonisation. Quand il parle de son identité réconciliéeavecl’universel,quandildit:«Pluson est nègre, plus on est universel », Césaire ne cache pas son amertume face à ces Africains qui, face aux malheurs du continent, font de l’afropessimisme et de l’afrodénigrementuncredo,allantjusqu’à croire que « l’Afrique est la part maudite del’homme».Ceux-làontoubliéleCahier d’un retour au pays natal: il n’est point vraiquel’œuvredel’hommeestfinie,elle vient à peine de commencer. ● TSHITENGE LUBABU M.K.

Aimé Césaire, une voix pour l’Histoire, d’Euzhan Palcy, coproduction Saligna and So On-France 3-INA-RFORTS-JMJ Productions, 39,90 euros ■■■ N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

DÉBUT DU XIXE SIÈCLE. Youenn est un j e u n e B re t o n de 15 ans qui, pour avoir porté secours à sa sœur et tué le châtelain qui essayait de la violer, est contraint de fuir à bord d’une goélette appareillant pour la Martinique. C’est là que l’adolescent va découvrir la cruelle réalité de l’esclavage, mais aussi les trésors que recèle son cœur. Un texte ciselé « à lire dès 11 ans », des illustrations tout en finesse, Sœur blanche, sœur noire est un joli récit initiatique riche en rebondissements qui évite les facilités et l’angélisme. C’est signé Yves Pinguilly, avec des dessins de Bruno Pilorget. ● NICOLAS MICHEL

Sœur blanche, sœur noire, d’Yves Pinguilly et Bruno Pilorget, Rue du monde, 116 pages, 10,50 euros ■■■

BON À SAVOIR

« Pour un monde durable », ce sera le thème des 9es Rencontres de Bamako, biennale africaine de la photographie qui aura lieu du 1er novembre 2011 au 1er janvier 2012. A priori, il ne s’agira pas, pour les nombreux photographes invités par les commissaires Michket Krifa et Laura Serani, de traiter uniquement des questions d’environnement. Ou alors, dans une acception très large. « Un monde durable », c’est un monde débarrassé des pollueurs comme des dictateurs ! D’où la décision d’évoquer le « printemps arabe » au travers des œuvres d’artistes tunisiens ou égyptiens. À suivre. JEUNE AFRIQUE


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Vous & nous

Le courrier des lecteurs Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris.

mêmes n’a été bafoué à ce point. Aussi doit-on, face à cette France arrogante, mobiliser toutes les énergies pour organiser la résistance contre l’occupation et l’oppression. ● ALI HAMADI SAANDI, Moroni, Comores

Honteux esclavage africain Dans son édito paru sous le titre « Noir = mercenaire » (J.A. no 2634), François Soudan a le mérite de poser le problème de l’esclavage en Afrique, que nul n’ose aborder. Horreur des siècles passés et du siècle présent, cet RÉVOLUTIONS ARABES esclavage est L’exception multiple. algérienne Si le premier d’entre eux, l’esclavage J.A. N 2634, du européen, a 3 au 9 juillet 2011. été condamné et a fait objet d’une loi en France (loi Taubira, qui, malheureusement, passe sous silence bien d’autres abominations), l’esclavage intra-africain, perpétré par les Arabes contre les Subsahariens, est encore et toujours occulté. Est-ce donc un secret honteux pour l’Afrique ? D’autant que le racisme Nord-Sud, véritable poison de l’Afrique contemporaine, est toujours perceptible dans la zone allant de la Mauritanie au Soudan. Qui donc aura le courage de crever l’abcès ? ● SÉNÉGAL DOCTEUR KARIM ET MISTER WADE

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ÉDITION INTERNATIONALE ET MAGHREB & MOYEN-ORIENT

France 3,50 ! X >Z)L?%, F&G 8> X >ZZ,YH)W, +K*G ! X >9;?%E', +K*G ! X <,Z)%@9, -K*G ! X :HWHCH *K"* # :>P X 8HW,YH?! -* 8RR X 8OQ + ! 6=AH)W, + ! X 4;'%BA%, (* <%?? X 5%WZHWC, +K*G ! X V?1E, +K*G ! X S;HZ%, + ! X QH?BE D- 8T X QH9?%;HW%, F FGG Q3O X PB?71), +F PR X MHU=J<H= + !

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PATRICE CHEVY, Garches, France

Précision sur le Gabon Dans votre article intitulé « Gabon-Cameroun, stress et paillettes » (J.A. no 2632), vous situez le gisement de Minkébé dans la province gabonaise de l’Ogooué-Ivindo. C’est une erreur que je vous invite à corriger : il se trouve bien au Gabon, mais dans la province du Woleu-Ntem (nord du pays), et plus précisément dans le département du Haut-Ntem, dont Minvoul est le chef-lieu. ● ADZIDZON BEKALE, Montauban, France

Réponse Nous en prenons bonne note et vous remercions de votre vigilance. N o 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

Halte à l’occupation française Malgré les propositions pragmatiques de la partie comorienne pour un règlement acceptable de la question mahoraise, la France poursuit sa politique de destruction de la nation comorienne. Passant outre toutes les résolutions internationales et régionales qui entérinent l’appartenance de Mayotte à l’ensemble comorien, elle en a fait, à la faveur d’un référendum, son 101e département. Est-il acceptable que l’État-Sarkozy s’acharne à démanteler un État souverain, membre de l’Organisation des nations unies (ONU) ? N’est-ce pas là un exemple criard de violation des lois et des règles internationales ? Avec le maintien du visa Balladur, les autorités françaises privent le peuple comorien souverain d’un de ses droits les plus fondamentaux, celui de circuler. En cette période trouble dans les relations internationales, jamais le droit des peuples à disposer d’eux-

ATT trois fois dans l’Histoire Dans moins d’un an, le Mali aura un nouveau président, le troisième en vingt et un ans ! En s’éclipsant, Amadou Toumani Touré offre aux Africains une belle leçon d’alternance politique et signe sa troisième entrée dans l’Histoire du continent. La première est survenue quatorze mois après le coup d’État de 1991, lorsqu’il a remis, comme il s’y était engagé, le pouvoir au vainqueur du suffrage universel, Alpha Oumar Konaré. La deuxième est consécutive à son accession à la magistrature suprême, en 2002. Par ses actes, le général a réussi, au fil des années, à se forger une réputation d’homme de paix. Même le souvenir de l’arrestation musclée de Moussa Traoré s’est estompé. Aujourd’hui, le refus de modifier la Constitution pour briguer un nouveau mandat lui confère définitivement une stature particulière, dans un contexte où le « printemps arabe » tend à se

Pourquoi Lagarde au FMI ? FIDÈLE LECTEUR DE JEUNE AFRIQUE, je suis de ceux qui persistent à penser que le fauteuil de directeur général du Fonds monétaire international devrait être occupé par un ressortissant d’un pays en développement. Dans ce contexte, quelle lecture peut-on faire de l’élection de Mme Christine Lagarde, ancienne ministre des Finances de la France ? Par ailleurs, pourquoi le monde entier devrait-il être tributaire des affaires franco-françaises, Dominique Strauss-Kahn n’ayant pas achevé son mandat quand l’affaire Nafissatou Diallo a éclaté ? Merci de m’éclairer. ● PAUL FOUDA-ONAMBÉLÉ, Yaoundé, Cameroun

Réponse Vous avez raison : le fauteuil laissé vacant par M. Strauss-Kahn aurait dû revenir à un pays émergent, comme lui-même l’avait laissé entendre lors de sa désignation. Mais ces derniers ne se sont pas entendus sur un bon candidat : ni la Chine ni la Russie ne l’ont voulu. Les Européens, eux, se sont d’emblée rangés derrière un candidat. Et ont obtenu l’appui des États-Unis. Ce n’est donc pas une affaire franco-française : États-Unis, Chine et Russie avaient intérêt à ce que le FMI et son directeur général s’occupent en priorité de l’Europe. Mme Lagarde va donc le faire et tenter de sauver la Grèce, l’Irlande, le Portugal, l’Espagne et l’Italie de la cessation de paiements. ● BÉCHIR BEN YAHMED JEUNE AFRIQUE


Vous nous

Mon hebdo préféré a failli Quelques jours après le début de l’insurrection en Libye, en regardant à la télévision Seif el-Islam Kaddafi menacer le peuple libyen et dévoiler son vrai visage au monde entier, j’ai pensé à Jeune Afrique. Dans un passé pas si lointain, vous nous le présentiez comme le plus modéré du clan, celui-là même qui allait réformer le pays après le départ de son père. Heureusement, dans la semaine qui a suivi cette sortie surréaliste du dauphin, un de vos articles a rétabli la vérité. Dans un passé pas si lointain aussi, vous ne cessiez de nous

Rectificatif Dans votre parution no 2628 du 28 mai 2011, vous avez indiqué, à propos de l’ancien président nigérien Mamadou Tandja : « Il avait alors rejeté la permission d’une semaine accordée par la Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), s’interdisant de sortir tant que sa situation n’était pas clarifiée. » À ce propos, la Cour de justice de la Cedeao précise qu’elle n’a pas de

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compétence pénale et qu’elle n’a jamais eu à envisager de prendre la décision que votre article lui prête. ● FÉLICIEN HOUNKANRIN, chargé de l’information de la Cour de justice, Cedeao

Réponse de la rédaction Merci de votre utile précision. L’auteur de l’article entendait mettre en lumière le rôle de conciliateur joué par l’émissaire de la Cedeao auprès des autorités nigériennes, le général Aboubacar Salami.

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mainmise de la famille Trabelsi sur la vie politique et économique de ce beau pays. J’espère que ces deux exemples pousseront mon hebdomadaire préféré à plus de vigilance à l’avenir. ●

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servir (à raison) des pages spéciales sur le dynamisme de l’économie tunisienne, la liberté des Tunisiennes, la lutte efficace des autorités contre l’islamisme, la qualité du système éducatif… Mais vous passiez outre une réalité : la

généraliser. Et s’il devenait le second Malien à accéder aux fonctions de président de la commission de l’Union africaine ? ●

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HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL POLITIQUE, ÉCONOMIE, CULTURE

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Post-scriptum Tshitenge Lubabu M.K.

Fondé à Tunis le 17 oct. 1960 par Béchir Ben Yahmed (51e année) Édité par SIFIJA Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS Tél. : 01 44 30 19 60 ; Télécopieurs : rédaction 01 45 20 09 69 ; ventes : 01 45 20 09 67 ; Courriel : redaction@jeuneafrique.com DIRECTION Directeur de la publication : BÉCHIR BEN YAHMED (bby@jeuneafrique.com) Directeur général : Danielle Ben Yahmed Vice-présidents: Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed Actionnaire principal : Béchir Ben Yahmed

Crime de lèse-président

RÉDACTION Directeur de la rédaction : François Soudan (f.soudan@jeuneafrique.com) Directeurs exécutifs : Marwane Ben Yahmed (mby@jeuneafrique.com), Amir Ben Yahmed (aby@jeuneafrique.com)

C

OMME MOI, vous avez vu sur vos chaînes de télévision les images d’une scène inédite, le 30 juin dernier, à Brax, dans le sud-ouest de la France. Si cela vous a échappé, je vous rappelle les faits. Ce jour-là, le président français, Nicolas Sarkozy, prend un bain de foule. De sa démarche inimitable, un sourire de circonstance sur les lèvres, il serre des mains gourmandes. Chacun veut le toucher, des fois que cela porterait bonheur. Sarkozy est en train de goûter aux délices du pouvoir lorsque, soudain, un énergumène allonge le bras et l’agrippe à la veste. Stupeur. Sarkozy esquisse un mouvement vers l’arrière pour se libérer. Il n’a pas le temps de servir une de ces répliques dont il a le secret : « Casse-toi, pauv’ con ! », ou « Viens ici, si t’es un homme ! » L’agresseur est ensuite maîtrisé par des policiers en civil chargés de la sécurité présidentielle, avant d’être conduit à un poste de gendarmerie. Le 1er juillet, le tribunal condamne Hermann Fuster, c’est son nom, agent municipal de son état, à six mois de prison avec sursis.

De cet incident, je retiens quelques éléments : policiers, gendarmerie, procureur, jugement, condamnation. Et je me permets quelques comparaisons avec nos États africains. La protection du président français n’est pas assurée par tout un bataillon de l’armée composé de bérets rouges armés jusqu’aux dents (les dents peuvent servir, en cas de besoin), prêts à canarder le moindre suspect. Hermann Fuster n’a pas été enfermé dans un sordide cachot des services de renseignements. Il a plutôt été placé en garde à vue à la gendarmerie. Jugé en vertu de la loi, il a été condamné avec sursis, avant de sortir libre et vivant du tribunal. Revenons au XXe siècle. Imaginons cet incident dans l’Ouganda du maréchal Idi Amin Dada. L’ancien champion de boxe aurait foncé tel un rhinocéros sur l’importun, le transformant en bouillie sanguinolente. Sa garde aurait tiré sans discernement sur la foule, envoyant ad patres des innocents. Et si c’était sous le règne de Bokassa Ier, empereur de Centrafrique ? Il aurait utilisé sa canne pour corriger l’auteur de ce crime de lèse-majesté. Vous me direz : « Pourquoi parler de morts alors que les vivants ne brillent pas par leur respect des droits de leurs peuples ? » Vous avez raison. Mais ces deux-là ont symbolisé jusqu’à l’absurde la violence d’État. Pour revenir au présent, vous avez tous en mémoire ce qui s’est passé à Kinshasa en octobre 2010. Un jeune homme téméraire, Armand Tungulu, avait lancé quelques cailloux sur le convoi du président congolais, Joseph Kabila. Arrêté, il n’a pas été remis à un juge, mais aux services secrets, qui l’ont enfermé dans leurs geôles jusqu’à ce que le pouvoir annonce son suicide. Mêmes les ânes n’y ont pas cru. Question : le geste de ce monsieur méritait-il ce qui ressemble bien à une exécution extrajudiciaire ? Dans nos pays, hélas, les chefs d’État se sont arrogé le droit de vie et de mort sur les citoyens. Or la démocratie commence par le respect des droits de chacun, qu’il soit innocent ou coupable. Un État a des lois : c’est le contraire d’une jungle où le lion dévore qui il veut. ●

Rédactrice en chef déléguée : Élise Colette (e.colette@jeuneafrique.com) Rédacteur en chef technique : Laurent Giraud-Coudière Directeur artistique : Zigor Hernandorena Conseillers de la direction de la rédaction : Hamid Barrada, Abdelaziz Barrouhi (à Tunis), Aldo de Silva, Dominique Mataillet, Renaud de Rochebrune Secrétariat : Chantal Lossou, Joëlle Bouzignac Chefs de section : Joséphine Dedet (La semaine de J.A.), Philippe Perdrix (Grand angle), Anne Kappès-Grangé (Afrique subsaharienne), Tarek Moussa (Maghreb & Moyen-Orient), Jean-Michel Aubriet (Europe, Amériques, Asie), Cécile Manciaux (Le Plus de J.A.), Jean-Michel Meyer (Économie), Séverine Kodjo-Grandvaux (Culture & médias), Tshitenge Lubabu M.K. (Vous & nous) Rédaction: Pascal Airault, Stéphane Ballong, Tirthankar Chanda, Julien Clémençot, Constance Desloire, Georges Dougueli, Malika Groga-Bada, Clarisse Juompan-Yakam, Christophe Le Bec, Nicolas Michel, Fabien Mollon, Pierre-François Naudé, Ophélie Négros, Cherif Ouazani, Michael Pauron, Laurent de Saint Périer, Leïla Slimani, Justine Spiegel, Cécile Sow (à Dakar), Marie Villacèque; collaborateurs: Edmond Bertrand, Christophe Boisbouvier, Frida Dahmani, Muriel Devey, André Lewin, Patrick Seale; accords spéciaux: Financial Times RÉALISATION Maquette: Émeric Thérond (conception graphique, premier maquettiste), Christophe Chauvin, Stéphanie Creuzé, Valérie Olivier; révision: Nathalie Bedjoudjou (chef de service), Vladimir Pol; fabrication: Philippe Martin (chef de service), Christian Kasongo; service photo: Dan Torres (directrice photo), Nathalie Clavé, Vincent Fournier, Claire Vattebled; documentation: Anita Corthier (chef de service), Sylvie Fournier, Florence Turenne, Angéline Veyret JEUNEAFRIQUE.COM Responsable éditoriale : Élise Colette, avec Pierre-François Naudé ; responsable web : Jean-Marie Miny ; rédaction et studio : Cristina Bautista, Haikel Ben Hmida, Pierre Boisselet, Camille Dubruelh, Maxime Pierdet VENTES ET ABONNEMENTS Directeur marketing et diffusion : Philippe Saül ; marketing et communication : Patrick Ifonge ; ventes au numéro : Sandra Drouet, Caroline Rousseau ; abonnements : Vanessa Sumyuen avec: COM&COM, Groupe Jeune Afrique 18-20, avenue Édouard-Herriot, 92350 Le PlessisRobinson. Tél. : 33 1 40 94 22 22 ; Fax : 33 1 40 94 22 32. E-mail : jeuneafrique@cometcom.fr ●

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REPUBLIQUE TOGOLAISE Avis de pré-qualification international dans le cadre des privatisations de la BIA-Togo, de la BTCI, de la BTD et de l’UTB Le Gouvernement de la République togolaise (« Le Gouvernement »), représenté par la Commission de Privatisation, a décidé de procéder à la présélection d’investisseurs bancaires privés expérimentés pour les privatisations de la Banque Internationale pour l’Afrique au Togo (« BIA-Togo »), de la Banque Togolaise pour le Commerce et l’Industrie (« BTCI »), de la Banque Togolaise de Développement (« BTD ») et de l’Union Togolaise de Banque (« UTB ») dans le cadre de sa politique de désengagement du secteur bancaire. La BIA-Togo, la BTCI, la BTD et l’UTB, avec des totaux de bilan respectifs de 78 milliards de FCFA, de 126 milliards de FCFA, de 76 milliards de FCFA et de 150 milliards de FCFA au 31 décembre 2010, disposent de larges réseaux sur toute l’étendue du territoire. Elles proposent à leur clientèle respective (particuliers et entreprises) des produits et services performants, leur permettant d’être présentées comme des banques togolaises de référence. Le Gouvernement a l’intention de céder la majorité du capital dans ces quatre banques à des Investisseurs Stratégiques disposant d’une solide expérience bancaire et financière qui permettent à ces banques de réaliser leur plein potentiel et de continuer leur développement actuel. A cet effet le Gouvernement, par le présent avis, lance un appel à pré-qualification aux investisseurs privés pouvant être intéressés (les « Soumissionnaires ») par les processus de pré-qualification dans le cadre des privatisations de la BIATogo, de la BTCI, de la BTD et de l’UTB.

Les candidats pourront se procurer les dossiers de pré-qualification disponibles dès le 18 juillet 2011 auprès de : Monsieur Issifou Okoulou-Kantchati Président de la Commission de Privatisation Ministère de l’Économie et des Finances Immeuble CASEF BP 3521 Lomé Togo Tel : + 228 222 57 79 Fax : + 228 221 09 05

Pour la BTCI et la BTD Monsieur Stéphane de Vaucelles Associé-Gérant Compagnie Financière CADMOS Rond Point Schuman 11 1040 Bruxelles Belgique Tél. : + 32 2 256 75 57 Fax : + 32 2 256 75 03

Pour la BIA-Togo et l’UTB Monsieur Idelphonse Affogbolo Associé Africa Capital Les Cocotiers – Lot 654 L 04 BP 836 Cotonou Bénin Tél. : + 229 21 304 351 Fax : + 229 21 304 098

La demande devra être effectuée par courrier ou par télécopie et devra préciser qu’il s’agit d’une « Demande des Dossiers de Pré-qualification pour la BIA-Togo, et/ou pour la BTCI et/ou pour la BTD et/ou pour l’UTB ». Les dossiers seront expédiés sous pli spécial et l’organisme expéditeur ne sera en aucun cas tenu responsable des retards ou pertes subis dans son acheminement. Les demandes de pré-qualification, qui doivent être faites sous pli fermé, devront être déposées ou adressées au plus tard le 9 septembre 2011 à 9 h 00 TU au Président de la Commission de Privatisation, portant expressément la mention « Demande de Présélection pour la privatisation de la BIA-Togo, et/ou de la BTCI et/ou de la BTD et/ou de l’UTB ». Le Gouvernement se réserve le droit d’accepter ou de refuser toute demande reçue en dehors de la date limite de soumission indiquée préalablement. Les Soumissionnaires seront informés de la suite donnée à leur candidature dans les conditions et selon les modalités prévues par les dossiers de pré-qualification. JEUNE AFRIQUE

N° 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

Avis de pré-qualification

La sélection des Soumissionnaires s’effectuera en deux étapes par le biais d’un processus d’appel d’offres. Les Soumissionnaires sont donc invités, en premier lieu, à se pré-qualifier afin de participer aux processus d’appel d’offres finaux. Seuls les Soumissionnaires pré-qualifiés pourront participer à cette deuxième étape. La liste des critères de préqualifications, des déclarations requises et des documents nécessaires, est inclue dans les quatre dossiers de pré-qualification auquel cet avis est assujetti.


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Annonces classées Société Nationale Industrielle et Minière AVIS D’APPEL D’OFFRES Projet de Réhabilitation de la Manutention de Rouessa bas 1. Objet La Société Nationale Industrielle et Minière (SNIM), lance un Appel d’offres Ouvert et International pour la réhabilitation de la manutention de Rouessa à Zouerate, composé de : • Lot 1 : Fourniture et montage de 2 Concasseurs • Lot 2 : Réhabilitation d’une Roue-pelle • Lot 3 : Réhabilitation d’un Stacker • Lot 4 : Fourniture et montage d’un système de trainage de wagons • Lot 5 : Réhabilitation et réparation d’une partie de la charpente des convoyeurs et des tours. Les soumissionnaires peuvent répondre à un seul lot ou plusieurs lots. 2. Financement : SNIM 3. Validité des offres : Les offres seront valables pendant une période de 180 jours à compter de la date limite de remise des offres. 4. Visite des lieux : Obligatoire et à la charge du Soumissionnaire. Elle se déroulera du 10/08/2011 au 25/08/2011. 5. Retrait du dossier d’appel d’offres : Le Dossier d’Appel d’Offres peut être obtenu les jours ouvrés du 10/07/2011 au 10/08/2011 auprès de la Direction des Achats et de la Logistique de la SNIM à l’adresse ci-dessous moyennant le versement (tous frais exclus) de 2000 euros ou de leurs contre valeurs en monnaie librement convertible ou encore de leurs équivalents en monnaie locale (Ouguiya) convertis au taux du jour de la Banque Centrale de Mauritanie,

dans l’un des comptes ci-dessous, prévus à cet effet, en indiquant “ DAO - Réhabilitation de la manutention Rouessa bas “ : - Société Générale de Paris (France) Banque Agence N° Compte Clé 30003 04980 00028013344 28 IBAN : FR76 3000 3049 8000 0280 1334 428 – SWIFT : SOGEFRPP - Banque Mauritanienne pour le Commerce International (Mauritanie) N° Compte : 158407150109 – SWIFT : BMCIMRMR Le retrait du dossier s’effectue en échange : 1. du reçu de versement comportant le nom du Soumissionnaire. 2. une fiche comportant l’adresse complète de l’entreprise et l’adresse de la personne à contacter. 3. une attestation comportant le nom de la personne autorisée à retirer le DAO. Pour toutes informations complémentaires : Contacter SNIM - DAL - BP 42 – Nouadhibou - Mauritanie - Tél. : +222 45 74 1204 ; M. Mohamed Vall Ould Ahmed Salem ; E-mail : mvasalem@snim.com 6. Date limite de remise des offres : La date limite de remise des offres est fixée au 31/10/2011 à 10 heures GMT à la Direction des Achats et de la Logistique de la SNIM Nouadhibou. L’enregistrement à la DAL fait foi.

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Appel d’offres

AVIS D’APPEL D’OFFRES Projet des installations de traitement d’eau saumâtre pour la ville de Zouerate République Islamique de Mauritanie

1. Objet La Société Nationale Industrielle et Minière (SNIM), lance un Appel d’offres Ouvert et International pour la réalisation clefs en main des installations de traitement d’eau saumâtre pour la ville de Zouerate. 2. Validité des offres : Les offres seront valables pendant une période de 180 jours à compter de la date limite de remise des offres. 3. Visite des lieux : Obligatoire et à la charge du Soumissionnaire. Elle se déroulera du 31/07/2011 au 15/08/2011 à Zouerate. 4. Retrait du dossier d’appel d’offres : Le Dossier d’Appel d’Offres peut être obtenu les jours ouvrés du 18/07/2011 au 15/08/2011 auprès de la Direction des Projets de la Société Nationale Industrielle et Minière (SNIM) BP 42 – Nouadhibou - République Islamique de Mauritanie - Tél : +222 45 74 13 01 – Fax : +222 45 74 16 62, moyennant le versement (tous frais exclus) de 1000 Euros ou de leurs contre-valeurs en monnaie librement convertible ou encore de leurs équivalents en monnaie locale (Ouguiya) convertis au taux du jour de la Banque Centrale de Mauritanie, dans l’un des comptes ci-dessous, prévus à cet effet, en indiquant « DAO-Installations de traitement d’eau saumâtre pour la ville Zouerate » : - Société Générale(France) Banque Agence N° Compte Clé 30003 04980 00028013344 28 IBAN : FR76 3000 3049 8000 0280 1334 428 – SWIFT : SOGEFRPP - Banque Mauritanienne pour le Commerce International (Mauritanie) N° Compte : 158407151/23 – SWIFT : BMCIMRMR Le retrait du dossier s’effectue en échange : 1. du reçu de versement comportant le nom du Soumissionnaire. 2. d’une attestation comportant le nom de la personne autorisée à retirer le DAO, l’adresse complète de l’entreprise et l’adresse de la personne à contacter. Pour toutes information complémentaires : Contacter SNIM - DPS - BP 42 – Nouadhibou - République Islamique de Mauritanie - Tél. : +222 45 74 10 52 ; M. Mohamed El Moctar Dit Ayoub Ould Hasni ; Email : ayoub.hasni@snim.com Ou M. Moloud Ould Mohamed ; Tel. :+222 45 74 10 14 ; Email : moloud@snim.com 5. Date limite de remise des offres : La date limite de remise des offres est fixée au 20/9/2011 à 10 heures GMT à la Direction des Projets – SNIM - Nouadhibou. L’enregistrement à la DPS fait foi.

N° 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

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Annonces classées

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REPUBLIQUE DU BURUNDI

PROJET DE DEVELOPPEMENT DES SECTEURS FINANCIER ET PRIVÉ

Avis d’appel d’offres - Première étape FOURNITURE D’UN SYSTEME D’INFORMATION BANCAIRE Date : 24 juin 2011 - Don : IDAH5360 - AAO N° PSD/005/F/11

JEUNE AFRIQUE

N° 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

Appel d’offres

Le présent marché est un marché de fourniture de biens et services à la Banque de la République du Burundi (BRB), à exécuter en un seul lot, la finalité devant être la mise en place d’un système bancaire automatisé. 1. Le présent Avis d’appel d’offres (AAO) fait suite à l’Avis général de passation de marché du projet indiqué ci-dessus publié dans le journal Development Business, le 08 juillet 2010. 2. Le Gouvernement de la République du Burundi a obtenu un Don de l’Association Internationale de Développement (IDA) pour financer le Projet de Développement des Secteurs Financier et Privé (PDSFP) et a l’intention d’utiliser une partie du montant de ce Don pour effectuer les paiements au titre de l’accord ou des accords résultant du présent AAO : “ Mise en place d’un système bancaire automatisé (PSD/005/F/11) “. 3. Le Projet de Développement des Secteurs Financier et Privé (PDSFP) est l’agence d’exécution pour le Marché et invite, par le présent Avis d’appel d’offres, les candidats remplissant les conditions requises à présenter une offre sous pli cacheté pour la fourniture de biens et services à la Banque de la République du Burundi, à exécuter en un seul lot, la finalité devant être la mise en place d’un système bancaire automatisé. 4. Le processus se déroulera conformément aux procédures d’appel d’offres international (AOI) décrites dans les Directives : Passation des marchés financés par les prêts de la BIRD et les crédits de l’IDA de la Banque mondiale édition Mai 2004, révisées en Octobre 2006 et Mai 2010 ; sont admis à soumissionner tous les candidats des pays satisfaisant aux critères de provenance énoncés dans les Directives et répondant aux critères de qualification minimums suivants : • Les 3 derniers rapports annuels et comptes annuels certifiés par des commissaires aux comptes et/ou par des auditeurs externes (bilan et comptes de résultats) ; • Une liste de 2 références de prestations similaires exécutées durant les 10 dernières années auprès de clients dont au moins une banque centrale ; attestations de bonne fin de ces missions exécutées, démontrant la capacité du soumissionnaire à maîtriser l’ensemble des diverses technologies et services nécessaires pour la mise en œuvre de solutions de type ERP ; • La certification du partenariat entre la firme soumissionnaire et la firme éditrice du logiciel au cas où ces deux maisons seraient différentes ; • La preuve que les consultants alignés par le soumissionnaire sont certifiés par l’éditeur du logiciel selon leurs domaines de compétence métiers et techniques respectifs ; • La compatibilité du logiciel avec l’infrastructure de la Banque de la République du Burundi (BRB) • Les aspects de sécurité, de droit d’accès et d’audit du logiciel 5. Les candidats intéressés remplissant les conditions requises peuvent obtenir un complément d’information auprès du Projet de Développement des Secteurs Financier et Privé (PDSFP) et peuvent examiner le Dossier d’appel d’offres de 8H00 à 17H30 (heure locale) à l’adresse indiquée ciaprès : Mr Léonce Sinzinkayo - Le Projet de Développement des Secteurs Financier et Privé (PDSFP) Immeuble SOCAR, jonction Bd de l’Indépendance et Avenue d’Italie B.P. 1590 Bujumbura, BURUNDI Tél : (257) 22 24 9595, Fax : (257) 22 24 9592 - E.mail : page@page.bi - Site web : www.page.bi 6. Les candidats intéressés peuvent acheter un jeu complet de documents d’appel d’offres rédigés en Français sur demande écrite à l’adresse indiquée ci-après moyennant paiement d’un montant non remboursable de 150 000 BIF ou de 125 USD. 7. Le paiement devra être effectué par versement au compte n° IBB 701-2553001-81 ouvert à INTERBANK BURUNDI, CODE SWIFT : IBBUBIBI, IBAN : BI38701255300181 au nom du Projet de Développement des Secteurs Financier et Privé (PDSFP). 8. Une réunion préparatoire à la soumission des offres à laquelle pourront assister les soumissionnaires intéressés aura lieu le 25 juillet 2011 à 14h30. 9. Un processus d’appel d’offres en deux étapes sera utilisé. Il se déroulera de la manière suivante : a) L’offre de la première étape ne doit inclure qu’une proposition technique sans mention de prix ; elle doit toutefois dresser la liste de toutes les divergences par rapport aux conditions techniques et commerciales énoncées dans le dossier d’appel d’offres et/ou ajouter toute solution technique variante que le Soumissionnaire souhaite proposer accompagnée d’une justification, toujours sous réserve que ces divergences ou ces variantes ne modifient pas les principales spécifications énoncées dans les documents d’appel d’offres. A la suite de l’évaluation des offres de la première étape, la BRB demandera au Soumissionnaire ayant satisfait aux critères de qualification minimum acceptables et ayant soumis une offre suffisamment conforme sur le plan technique une démonstration basée sur les études de cas qui lui seront communiquées par la Banque. Tous les changements jugés nécessaires, ajouts, suppressions et autres ajustements spécifiques à l’offre seront notés et consignés dans un mémorandum ou, si les amendements sont d’une nature générale, publiés dans un additif au dossier d’appel d’offres. Les Soumissionnaires dont l’offre de la première étape contient des divergences majeures par rapport aux conditions énoncées dans le dossier d’appel d’offres, dont le nombre et/ou la nature sont tels que la préparation d’une offre complètement conforme ne peut raisonnablement pas être effectuée, ne seront pas invités à soumettre une offre à la deuxième étape. Tous les autres Soumissionnaires dûment qualifiés et admissibles seront invités à soumettre une offre à la deuxième étape. b) L’offre de la deuxième étape doit inclure : i) l’offre technique actualisée incorporant tous les changements requis tels que consignés dans le mémorandum spécifique au Soumissionnaire et/ou tels que nécessaires pour tenir compte de tout additif au Dossier d’appel d’offres émis à la suite de la première étape de l’appel d’offres ; et ii) l’offre financière. 10. Les offres de la première étape doivent être envoyées à l’adresse indiquée ci-après au plus tard le 31 Août 2011 à 10 heures (heure locale). Les offres reçues après le délai fixé seront rejetées. Les plis de la première étape seront ouverts en présence des représentants des Soumissionnaires qui décident d’assister à la séance d’ouverture à l’adresse ci-haut indiquée le 31 août 2011 à 10h15 min (heure locale). Mr Léonce Sinzinkayo - Projet de Développement des Secteurs Financier et Privé (PDSFP) Immeuble SOCAR, jonction Bd de l’Indépendance - et Avenue d’Italie B.P. 1590 Bujumbura, BURUNDI Tél : (257) 22 24 9595, Fax : (257) 22 24 9592 - E.mail : page@page.bi - Site web : www.page.bi


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Annonces classées

AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL La Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO ou Banque Centrale) lance un appel d’offres en vue de la sélection d'un Cabinet de renommée internationale, chargé de réaliser un Audit indépendant en vue d'évaluer les préjudices causés à la Banque Centrale durant la période post-électorale en Côte d'Ivoire. La BCEAO est un établissement public international constitué entre les huit (8) États membres de l'Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA) qui sont le Bénin, le Burkina Faso, la Côte-d'Ivoire, la Guinée Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo. Son Siège est établi à Dakar, en République du Sénégal. Le dossier d’appel d’offres peut être retiré contre le paiement d’une somme non remboursable de 150.000 francs CFA ou sa contrevaleur en euros, au niveau des huit (08) Agences Principales de la BCEAO installées dans les États membres de l'UMOA et de la Représentation de la BCEAO auprès des Institutions Européennes de Coopération, sise au 29 rue du Colisée, 75008 Paris - France. Les offres devront être déposées le jeudi 28 juillet 2011, à 15 heures 30 minutes (Temps Universel) au plus tard, au Siège de la BCEAO, au Secrétariat Général, bureau n° 1611 de l'immeuble de la Tour, avenue Abdoulaye FADIGA, BP 3108 – Dakar (Sénégal).

Manifestation d’intérêt - Appel d’offres

Pour tout renseignement complémentaire, les soumissionnaires pourront s'adresser au Secrétaire Général de la Banque Centrale, au Siège de la BCEAO à Dakar (Fax : 00 221 33 839 05 66 ; email : courrier.ZSG@bceao.int). Le Gouverneur

AFRICAN UNION

UNION AFRICAINE UNIÃO AFRICANA

EXPRESSION OF INTEREST CONSULTANCY SERVICES FOR TECHNICAL STUDY ON THE ESTABLISHMENT OF A PAN AFRICAN STOCK EXCHANGE Background The African Union, established as a unique Pan African continental body, is charged with spearheading Africa’s rapid integration and sustainable development by promoting unity, solidarity, cohesion and cooperation among the peoples of Africa and African States as well as developing a new partnership worldwide. Its headquarters are located in Addis Ababa, capital city of Ethiopia. The 12th Summit of the African Union Heads of State and Government decided that a technical Study on the establishment of a Pan African Stock Exchange be carried out to further elaborate the concept of a continental stock exchange based on gradual integration of African Stock Exchanges. Objective of the Study The aim of the study is to gradually integrate African stock markets, with the goal of ultimately establishing a Pan African Stock Exchange To this end, the African Union Commission now invites Expression of Interest (EOI) from eligible consultancy firms or consortium to undertake services above. Interested firms or consortium should submit the following documents along with signed and sealed letter of Expression of Interest: i. Detailed Company Profile ii. List of verifiable previous experiences of similar study within the last three years, iii. Copies of registration certificates and business licenses, iv. Audited Financial Statement for the past three years. N° 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

Communication and Enquiry: Additional information could be obtained from Ms. Charumbira Ndinaye Sekwi - Policy Officer - Economic Policies African Union Commission, Addis Ababa, Ethiopia E-mail: CharumbiraN@africa-union.org or Mr. Hussain Usman, Procurement Unit, African Union Commission E-mail: hussainu@africa-union.org Submission of Expression of Interest One original and three copies of EOIs (in either English or French Language) must be received in one sealed clearly labelled envelope not later than Friday, 5 August 2011 at 1500hours local time. Late bid would be rejected and return unopened. The address for submission is: The Chairperson of Tender Board; African Union Commission; Roosevelt Street, 3rd Floor Building C, P. O. Box 3243, Addis Ababa, Ethiopia Tel: +251 11-551-7700; Fax: +251 11-551-0430 All EOIs received would be evaluated base on the firms’ profile, previous experience in similar assignment, valid registration document and annual turnover of not less than USD 1,000,000. Bidding Document, including detail Terms of Reference (TOR) would be sent to short listed firms that met our technical requirements for the final stage of the selection process. JEUNE AFRIQUE


Annonces classées MINISTERE DE LA SANTE PUBLIQUE, DE LA POPULATION ET DE LA LUTTE CONTRE LE SIDA - DIRECTION DE CABINET N°010/MSPPLS/DIRCAB.

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REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE Unité – Dignité – Travail

AVIS DE SOLLICITATION A MANIFESTATION D’INTÉRÊT POUR LE RECRUTEMENT D’UNE AGENCE FIDUCIAIRE POUR APPUYER LE PROGRAMME DE RENFORCEMENT DE LA STRATÉGIE HALTE A LA TUBERCULOSE FINANCÉ PAR LE FONDS MONDIAL

JEUNE AFRIQUE

BAD, Union Européenne, etc.) serait un avantage 7. Démontrer la disponibilité de ses experts/consultants en charge de la mission 8. Prouver les compétences des experts (expérience d’au moins 3 années) dans les domaines : a. de gestion des projets financés par les bailleurs internationaux, particulièrement le Fonds Mondial b. de renforcement de capacités en gestion comptable, Financière et en passation de marchés 9. Ne pas être en faillite, 10. Avoir une capacité de préfinancement de la mission V- MODALITES DE REPONSE 1. Les Consultants devront adresser une proposition technique et financière contenant : a) Une proposition méthodologique pour la réalisation de cette mission ; b) Un budget d’intervention détaillant les coûts unitaires HT en FCFA et en Euros des Honoraires, per diem, transport, etc. ; c) Un détail sur le profil et les compétences du cabinet/Agence Fiduciaire/consultant dans le domaine concerné ; d) Un CV détaillé des personnes qui seront proposées pour l’intervention ; e) Les dossiers comprenant toutes les informations notées doivent parvenir au plus tard 21 jours après le début de la publication, à l'adresse électronique suivante : rca.prsht@yahoo.com, ou par courrier à l’attention du Programme de Renforcement de la Stratégie Halte à la Tuberculose, BP : 3164 Bangui RCA. f) Une copie des TDR détaillés est à retirer auprès du secrétariat du PRSHT sis au Ministère de la Santé Publique, de la Population et de la Lutte contre le Sida. 2. Les résultats de l’étude des offres seront publiés trois semaines ouvrables au plus tard après la clôture du dépôt des offres et l’obtention de l’avis de non objection du Fonds Mondial pour le lancement de l’avis d’appel à candidature. VI- DOCUMENTS A PRODUIRE A. Pour L’offre Technique (3 exemplaires) 1. Documents administratifs du Cabinet comprenant : • Le certificat d’enregistrement au registre du commerce • la situation géographique ou la localisation du Cabinet • le quitus fiscal • une lettre de soumission • l’attestation de non faillite • la lettre d’engagement de chaque Consultant membre de la mission à se rendre disponible durant la durée de la mission • le relevé bancaire des trois derniers mois précédents l’avis d’appel à candidature. 2. Autres documents : • la présentation du cabinet, • la liste du personnel permanent du cabinet • les références du cabinet (travaux exécutés), • les CV des personnels proposés pour la mission 3. Démarche méthodologique : • faire une présentation sommaire de la Méthodologie à adopter pour l’exécution de la prestation avec le PR et les SR ; • présenter de manière détaillée l’intervention tout en indiquant les synergies entre les membres de l’équipe de l’AGF et ceux du PR ; • présenter de manière détaillée dans un chronogramme les tâches à exécuter par chacun des Consultants de l’Agence Fiduciaire tant au niveau du PR que des SR ; • élaborer un chronogramme de toute la durée de la mission tel que stipulé dans l’avis d’appel à candidature. Le chronogramme devra ressortir les séquences des tâches à accomplir par l’AGF, ses Consultants et leur période d’intervention ; • présenter un plan de formation et de transfert de compétences au personnel du PRSHT chargé de gérer la subvention R9. B. Pour L’offre Financière (3 exemplaires) • une lettre de soumission financière ressortant le montant global du marché • l’offre financière fera ressortir le détail du budget présenté par rubrique • l’offre financière sera libellée en FCFA et en Euros • l’offre financière comprendra le récapitulatif et les détails de tous les coûts relatifs aux honoraires, frais de transport, per diem et frais accessoires Pour tout contact, s’adresser au Programme de Renforcement de la Stratégie Halte à la Tuberculose BP : 3164, Bangui RCA. Tél : (+236) 75723111 ou 75056312, adresse électronique : rca.prsht@yahoo.com

N° 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

Manifestation d’intérêt

I- CONTEXTE ET JUSTIFICATION La République Centrafricaine demeure confrontée aux problèmes posés par l’ampleur et les conséquences socio-économiques de la tuberculose. L’ampleur de la tuberculose est aggravée par la prévalence élevée du VIH au niveau national (6,2% chez les 15 à 49 ans). La prévalence du VIH chez les tuberculeux est de 33% selon les données collectées en routine dans les Centres de Diagnostic et de Traitement (CDT) de la tuberculose. Cette proportion est de 39,1% selon une étude menée par le Service de Lutte contre la Tuberculose en 2010 dans 10 CDT de Bangui. Dans un contexte marqué par l’insuffisance des ressources propres du pays pour la lutte contre la tuberculose, le CCM-RCA a obtenu une subvention de la série 9 du Fonds Mondial de lutte contre le Sida, la Tuberculose et le Paludisme relative au financement du « Programme de Renforcement de la Stratégie Halte à la Tuberculose » (PRSHT). Le CCM-RCA a sélectionné le Ministère de la Santé à travers le Service de Lutte contre la Tuberculose, comme Bénéficiaire Principal de cette subvention. En tant que Bénéficiaire Principal, le Service de Lutte contre la Tuberculose est responsable de la coordination de la mise en œuvre, de la gestion administrative, financière et comptable, du suivi-évaluation du programme. En raison des difficultés rencontrées dans la gestion administrative, comptable et financière pour la mise en œuvre des subventions R4 Tuberculose et R7 VIH dans lesquelles la Direction Générale de la Population et de Lutte contre les IST le Sida, et la Tuberculose joue le rôle de Sous bénéficiaire, le PRSHT, Bénéficiaire Principal voudrait recruter une Agence de Gestion Fiduciaire, chargée de la gestion administrative, comptable et financière du programme et de l’appui à la passation des marchés. Tenant compte des insuffisances constatées et pour mettre en place un environnement favorable à la gestion de cette subvention, le PRSHT bénéficie depuis le 27 Juin 2011, de l’appui technique de Grant Management Solution (GMS) pour recruter une AGF. Au terme de cet appui, GMS sera remplacé par l’AGF recruté pour une période de 12 mois. C’est à cet effet qu’est publié le présent avis de recrutement. II- OBJECTIF Appuyer le bénéficiaire principal qui est le PRSHT et ses Sous Bénéficiaires dans la gestion administrative, comptable et financière des programmes financés par le Fonds Mondial III- MISSION DE L’AGENCE DE GESTION FIDUCIAIRE Recrutée pour une durée de douze mois, l’AGF aura pour mission de renforcer le PRSHT, bénéficiaire principal de la Subvention R9 Tuberculose financé par le Fonds mondial, afin qu’il puisse maîtriser de manière pérenne les outils et les procédures de gestion des subventions du Fonds Mondial. Sous la supervision du PRSHT, Bénéficiaire Principal du programme Tuberculose Round 9 l’AGF aura pour missions spécifiques (i) d’assurer sans limitation , la gestion administrative, comptable et financière du programme et la passation des marchés, (ii) d’assurer le renforcement des capacités de gestion administrative, comptable et financière du BP et des Sous Bénéficiaires et (iii) mise en place et paramétrage du logiciel comptable intégré (comptabilité, budget, trésorerie, et gestions des immobilisations) en charges des informations financières. Le Manuel de Procédures Administratives, Comptables et Financières du PRSHT servira de cadre d’intervention de l’Agence Fiduciaire. L’AGF assurera en collaboration avec le PRSHT la bonne application du manuel et relèvera dans le cas échéant, tous les points de discordance dans la mise en œuvre du programme et relatifs à la Gestion administrative, comptable et financière, Gestion des ressources humaines, des immobilisations, des sous bénéficiaires et des conflits d’intérêts. Elle assurera en outre, ses fonctions en qualité de prestataire pour le compte du PRSHT. IV- QUALIFICATIONS REQUISES 1. Etre un Cabinet d’audit et d’expertise comptable et de Gestion de renommée nationale ou Internationale ; 2. Maîtriser les normes internationales de gestion comptable et financière des programmes financés par les bailleurs internationaux (Fonds mondial, Banque mondial, Union Européenne, BAD, etc.) ; 3. Avoir une bonne connaissance des Directives et procédures du Fonds Mondial en matière de gestion financière et de passation de marchés serait un atout ; 4. Posséder une bonne connaissance de l’organisation administrative et des organisations des ONG est absolument nécessaire. 5. Posséder des capacités professionnelles et une expérience avérée d’au moins 10 ans dans le domaine d’expertise comptable et de l’audit ; 6. Démontrer une expérience pertinente dans des missions similaires de gestion fiduciaire de projets financés par les bailleurs de fonds internationaux (Fonds Mondial, Banque Mondiale,


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Annonces classées REPUBLIQUE GABONAISE MINISTERE DE L’ECONOMIE DU COMMERCE, DE L’INDUSTRIE ET DU TOURISME

GROUPE D’INTERET SUR L’INITIATIVE DE TRANSPARENCE DANS LES INDUSTRIES EXTRACTIVES (EITI)

SOLLICITATION DE MANIFESTATION D’INTERET Sélection d’un Cabinet international d’audit

Divers - Manifestation d’intérêt

Le 14 mai 2004, le Gouvernement de la République Gabonaise a adhéré librement et volontairement à l’Initiative de transparence dans les industries extractives (en abrégé EITI dans son sigle en anglais). L’Initiative vise l’amélioration et le renfoncement de la transparence des paiements faits aux Gouvernements par les compagnies pétrolières et minières. Dans le cadre de la mise en œuvre effective de l’Initiative. Le Gouvernement a mis en place un Groupe d’Intérêt multipartite comprenant aussi bien des hauts fonctionnaires représentant les administrations concernées par les questions pétrolières, minière et de gouvernance, que des membres de la société civile et ceux des secteurs pétrolier et minier. Le Groupe d’Intérêt est chargé de la collecte et de la réconciliation des flux financiers entre les sociétés du secteur extractif et les collectivités publiques. A ce jour, la République Gabonaise a déjà publié les rapports 2004, 2005, 2006. Ceux des années 2007 et 2008 sont achevés et seront publiés très prochainement. Elle se propose alors d’élaborer les rapports ITIE pour les exercices 2009 et 2010. Pour ce faire, la République Gabonaise, à travers le Groupe d’Intérêt ITIE, envisage de s’attacher les services d’un Cabinet d’audit de réputation internationale, ayant une parfaite connaissance de l’industrie pétrolière et minière ainsi que de l’initiative ITIE. Dans l’optique de cette mission, le cabinet retenu devra : Réconcilier les données chiffrées relatives aux revenus reçus par la république Gabonaise avec celles communiquées par les opérateurs pétroliers et miniers, conformément au formulaire standard de reporting défini par le Groupe d’Intérêt ; - Analyser et commenter lesdites données ; - Elaborer un rapport à l’issue de son travail. Les cabinets d’audit intéressés doivent fournir les informations justifiant de leur expertise et les qualifications nécessaires à l’exécution des missions visées ci-dessus. Plus précisément, il leur est demandé de fournir : • Une lettre de motivation ; • La dénomination ou la raison sociale ; • Les moyens humains et financiers du cabinet tout en précisant ceux qui seront mis en œuvre pour la présente mission ; • Les références de travaux (en distinguant l’expérience du cabinet de celle de chaque membre de l’équipe proposée ; • La méthodologie proposée ; • Le coût financier de la mission (préciser le coût homme/mois et le coût total ; • Et toute information pertinente permettant de mieux connaître sa structure. La sélection du cabinet d’audit se fera dans le strict respect des procédures définies par le code des marchés publics applicable en République Gabonaise. La rémunération du cabinet sera à la charge du budget de l’Etat. Les soumissions en trois exemplaires originaux, rédigées en langue française, doivent être déposées sous pli fermé, portant la mention ‘‘ appel à candidature pour EITI’’, au plus tard le 29 Juillet 2011 à 12 heures locales, à l’adresse suivante : GROUPE D’INTERÊT EITI BP 165 – Libreville – Gabon A l’Attention de Monsieur LE PRESIDENT Immeuble Panoramique (Centre Ville) 7e étage, Appartement C 282 Avenue Marquis de Compiègne / Tél (241) 04 216 521/07 13 70 91 E-mail : gieitigabon@yahoo.fr

Retrouvez toutes nos annonces sur le site : www.jeuneafrique.com N° 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

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Vice-Président: Développement Durable AngloGold Ashanti (AGA), leader international en exploitation aurifère, appelle les candidats à se présenter pour pourvoir le poste de ‘Vice-Président: Développement durable’ pour gérer la planification de la stratégie de développement durable, la mettre en œuvre et présenter des rapports tout au long du cycle de vie du projet. Le titulaire sera responsable de la mise en œuvre de la stratégie de développement durable de la société, notamment de ses composantes sur le développement communautaire et l’environnement dans l’une des unités opérationnelles régionales de AGA en Afrique continentale. Cela implique la gestion de l’unité opérationnelle et le soutien des équipes de développement durable basées sur le terrain, ainsi que le retour d’expérience et le partage des pratiques exemplaires avec les autres unités, conformément à notre vision: « être une société minière de premier rang grâce à l’innovation en matière de développement durable, l’intégration et l’excellence ».

Pour plus de détails sur ce poste supérieur, veuillez vous rendre sur notre site www.anglogoldashanti.com/ careers. Les candidats intéressés peuvent envoyer un CV complet, avec copies certifiées conformes de leurs diplômes et en utilisant le numéro de référence 77790, à l’attention de Adcorp Talent Resourcing, par courriel rhone@adcorp.co.za ou par fax au 0866 100 300. Attention" !94 2* ;L$/9M3 F369 69;$'G4 9M AM'!A$4C Date de clôture: !9 :> K1$!!93 <@>>

VOTRE MISSION Rattaché à la direction générale du groupe, votre objectif prioritaire sera d’assurer le management au quotidien de votre équipe et le développement de l’activité commerciale dans le cadre des missions et de la vision définies par la Banque. En particulier, vous devrez : ■

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Développer la stratégie locale en respectant les contraintes budgétaires, Être responsable du chiffre d’affaires, de la rentabilité et de la croissance de l’activité dans le pays dont vous avez la charge, Définir et appliquer la stratégie commerciale du groupe dans ce pays, Gérer et motiver les collaborateurs dans ce pays, Garantir l’adhésion de votre équipe aux objectifs commerciaux et de rentabilité du groupe et à leur mise en œuvre, Assurer la visibilité du groupe et sa croissance, Garantir le strict respect des normes de la profession et des règles de bonne gouvernance appliquées dans toutes les entités du groupe.

VOTRE PROFIL Après des études supérieures couronnées par un diplôme, vous avez au minimum quinze ans d’expérience professionnelle dont au moins dix années à un poste de direction. Une formation professionnelle complémentaire de type MBA constitue un plus. En outre, vous êtes en mesure de démontrer et de justifier : ■ ■ ■

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Vos aptitudes professionnelles dans le domaine financier, Votre connaissance des stratégies et de l’activité bancaires, Vos méthodes de gestion des personnes et des ressources et de délégation, Votre capacité à initier et manager le changement, Votre habilité à synthétiser l’information, résoudre des problèmes et prendre des décisions. Maîtrise de la langue anglaise et française.

Créativité et innovation, bonne présentation et pouvoir de conviction sont également des qualités indispensables pour entreprendre et réussir les missions qui vous seront confiées. Si vous êtes passionné par le développement d’activités économiques en Afrique, vous aimez relever les défis et vous remplissez les critères définis ci-dessus, transmettez votre CV et une lettre de motivation à : ceoroleafrica@aol.com Date limite de candidature : 31 Juillet 2011 Nous ne donnerons suite qu'aux candidatures retenues.

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N° 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

Recrutement

Exigences: N 0$8!)O9 M$/9A1 IA4396E L1 G71$/A!9M3E ;AM4 1M ;LOA$M9 3L1=&AM3 !9 ;G/9!L889O9M3 ;16A?!9 39! 719 !P9M/$6LMM9O9M3E !9 ;G/9!L889O9M3 $M396MA3$LMA!E !94 4=$9M=94 &1OA$M94 L1 !PG=LMLO$9 616A!9 N IA$36$49 8A6(A$39 ;1 (6AM%A$4 L1 ;9 !PAM'!A$4 93 =A8A=$3G H =LOO1M$7196 L6A!9O9M3 A/9= !PA1369 !AM'19 N +M O$M$O1O ;9 >@ AMMG94 ;P9.8G6$9M=9 86L(944$LMM9!!9 ;AM4 !9 ;G/9!L889O9M3 =LOO1MA13A$69 93BL1 !A '943$LM ;9 !P9M/$6LMM9O9M3 ;AM4 ;94 8A-4 9M /L$9 ;9 ;G/9!L889O9M3E ML3AOO9M3 9M 5(6$719 N +M9 9.8G6$9M=9 ;9 3966A$M 4$'M$($=A3$/9 93 ;94 =A8A=$3G4 A/G6G94 ;AM4 !PAMA!-49 436A3G'$719E !A =LM=983$LME !A 8!AM$($=A3$LME !A '943$LM 93 !PG/A!1A3$LM ;9 86L'6AOO94B 86L#934 71$ LM3 69=L164 H ;94 A886L=&94 $M3G'6G94E 8A63$=$8A3$/94 93 $M39649=3L6$9!!94 N 094 =A8A=$3G4 A/G6G94 8L16 !9 ;G/9!L889O9M3 93 !P13$!$4A3$LM ;PL13$!4 93 ;9 4-43,O94 ;PAMA!-49 4L=$A!9 L1 9M/$6LMM9O9M3A!9 93 8L16 !A '943$LM ;9 86L'6AOO94B86L#934 N +M9 9.8G6$9M=9 =963A$M9 ;AM4 !A '943$LM 9(($=A=9 ;94 9O8!L-G4 !L=A1. 93 !9 ;G/9!L889O9M3 ;94 =A8A=$3G4 ;94 9O8!L-G4 93 ;94 8A639MA$694 !L=A1. N JA =A8A=$3G H $M=$396 !A =LM($AM=9 ;94 8A63$94 $M3G6944G94 !L=A!94 93 MA3$LMA!94 93 H G=&AM'96 A$4GO9M3 A/9= =9!!94D=$E H ;G/9!L8896 ;94 69!A3$LM4 436A3G'$7194 8L16 MG'L=$96 !94 6944L16=94 93 =LL6;LMM96 !94 A=3$/$3G4 A/9= !94 8A639MA$694 $M396M94 93 9.396M94E ML3AOO9M3 !94 'L1/96M9O9M34E !94 ;LMA39164 93 !9 49=3916 86$/G N +M9 9.=9!!9M39 A83$31;9 H =LOO1M$7196 L6A!9O9M3 93 8A6 G=6$3 /G6$($G9 8A6 !A =LO8$!A3$LM ;9 86L8L4$3$LM4 ;9 86L#934E ;9 81?!$=A3$LM4E ;9 6A88L634 L1 A1369 4188L63 8963$M9M3C

Dans le cadre de l’expansion de son activité et de ses implantations en Afrique, une institution financière panafricaine leader dans son domaine recrute plusieurs directeurs pays.


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carrières Nations Unies

Sous-Secrétaire général, Contrôleur, aux Nations Unies

Avez-vous d’excellentes aptitudes dans le domaine de la gestion et de la direction ? Avez-vous la capacité d’établir un consensus parmi diverses parties ? Les Nations Unies acceptent des candidatures pour le poste de Contrôleur, au grade de SousSecrétaire général, dans le Bureau de la planification des programmes, du budget et de la comptabilité. Le Contrôleur est sous la responsabilité du Secrétaire général adjoint pour la gestion et supervise cinq bureaux : ° Division de la planification des programmes et du budget ° Bureau de la trésorerie ° Division de la comptabilité ° Division du financement des opérations de maintien de la paix ° Service de l’informatique financière Le Contrôleur établit les politiques, procédures et lignes directrices de comptabilité et du budget pour l’Organisation et conseille le Secrétaire général sur les questions de politiques liées aux finances de l’Organisation. Il/elle représente le Secrétaire général dans les forums internationaux de haut niveau portant sur les questions financières et budgétaires, y compris dans les comités de l’Assemblée générale lors de la présentation du Cadre stratégique, de l’aperçu de budget-programme, du budget des tribunaux pénaux; du budget du plan-cadre d’équipement, des budgets du maintien de la paix et des rapports sur l’exécution du budget. Une expérience dans le domaine de la finance, une aptitude prouvée dans le domaine de la gestion et de la direction ainsi qu’une capacité à établir un consensus parmi diverses parties sont exigées. De bons antécédents professionnels tant au niveau régional, national ou international sont requis. Les candidatures doivent être déposées au plus tard le 22 juillet 2011 par email ou par fax (courriel : ousg-dm@un.org; fax : +1.212.963.8424). Les femmes sont fortement encouragées à se porter candidates.

carrières

Recrutement

Nations Unies

Chef du Service de la recherche sur les politiques de développement (D-1)

Savez-vous créer et animer des équipes de travail et instaurer des conditions de travail favorables ? La Division de l’analyse des politiques de développement du Département des affaires économiques et sociales, qui a ses bureaux à New York, recherche un chef dynamique et expérimenté pour son Service de la recherche sur les politiques de développement. Le chef du Service de la recherche sur les politiques dirige la réalisation de l’étude intitulée « La situation économique et sociale dans le monde » et encadre des travaux de recherche sur des questions relatives au développement à long terme, en particulier les stratégies favorables à la croissance durable, au développement humain et à la réduction de la pauvreté, dans le cadre de la préservation de l’environnement et compte tenu de l’équité au sein d’une même génération et entre les générations. Formation : Titulaire d’un diplôme universitaire, de préférence du niveau du doctorat, spécialisé dans le domaine du développement ou de l’économie internationale, et auteur d’articles dans plusieurs publications internationales. Expérience professionnelle : Au moins 15 années d’expérience professionnelle, à des niveaux de responsabilité de plus en plus élevés, comprenant notamment : a) l’analyse de problèmes structurels concernant le développement économique et social durable; et b) des activités de recherche sur les politiques de développement et/ou l’élaboration de telles politiques. D’excellentes aptitudes à rédiger sont exigées. Les femmes sont fortement encouragées à se porter candidates. Pour tout complément d’information, veuillez consulter http://careers.un.org/postesapourvoir N° 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

JEUNE AFRIQUE


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‘Building World Class Tax Departments’

Based in Conakry, Guinea

Attractive remuneration package - expatriate terms available

Senior Tax Executive - Fluent in French & English Major multinational mining group Our client is a major multinational mining group with operations across the globe. Working as a senior member of the global tax team, a highly experienced international tax professional is now required to help shape the company’s tax presence in the country; engage & negotiate, at the highest level, with senior government & tax authority officials; build the local tax team; manage all tax-related matters; and make key decisions to ensure completion of a major mining and infrastructure project. You will need to have proven experience of dealing with cultural & political sensitivities; have an international perspective; and have the confidence & ability to effectively represent the group’s interests. This is a rare opportunity for someone to be directly involved in a high profile project, of great importance to the company & the country. You are likely to have operated at a senior level within the tax department of a major accountancy firm or multinational corporation, and have ideally successfully completed overseas assignments. Technically, you will need to have extensive experience of French and, or Francophone African tax matters, ideally with experience in managing tax for major projects in West Africa. To find out more, please call Barrie Pallen on +44 20 7432 4533(office hours), +44 20 8645 9580 (evenings / weekends), +44 7947 037506 (mobile) or e-mail: barrie@bpasearch.co.uk

www.bpasearch.co.uk

Séminaires Internationaux de CODEV Formation à Tunis - Lieu : Hotel 5* « Le Développement par le Renforcement des Capacités » Développement Afrique2011

COURS INTENSIFS D’ANGLAIS École Commerciale Privée fondée en 1955 THIS SCHOOL IS AUTHORIZED UNDER FEDERAL LAW TO ENROLL NONIMMIGRANT ALIEN STUDENTS

Comptabilité sur ordinateur Gestion de bureau sur ordinateur dBase Management ® Microsoft Office Suite - Windows Traitement de texte Microsoft ® Lotus Suite - (T1) Internet access

BE RESOURCED

www.codevformation.com

(Projets de développement, Collectivités locales, Administrations publiques, ONG, Entreprises…) E-mail : contact@codevformation.com / codev@planet.tn / tocka@codevformation.com Tél. : +216 71 894 742 - Fax. : +216 71 894 685

• Membre accrédité du “ACICS” • Établissement reconnu par le Département d’Éducation de l’État de New York • Commence dès ce mois-ci • Cours offerts le matin, l’après-midi et le soir. Tél. (212) 840-7111 Fax (212) 719-5922 SKYPE Studentclub SPANISH-AMERICAN INSTITUTE 215 W 43 St. (Times Square) Manhattan, NY 10036-3913

info@sai2000.org JEUNE AFRIQUE

NB : Un PC portable avec supports de cours est offert à chaque participant à nos séminaires et cycles de formation. L’hébergement est pris en charge en chambres individuelles équipées de toutes commodités. N° 2635 • DU 10 AU 16 JUILLET 2011

Recrutement - Formation

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